w. G. FARLOW ±L £&» uM ^arfaarb Umberéttp FARLOW REFERENCE LIBRARY OF CRYPTOGAMIC BOTANY ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR SCEAUX. IMPRIMERIE CH AR AI R E. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (JOURNAL DE MICROBIOLOGIE) FONDÉES SOUS LE PATRONAGE DE M. PASTEUR PAR E. DUCLAUX COMITÉ DE REDACTION : MM. Dr CALMETTE (A.), directeur de l’Institut Pasteur de Lille; CHAMBERLAND. sous-directeur de l’Institut Pasteur ; Dr CHANTEMESSE, professeur à la Faculté de médecine. Dr LAVER AN, membre de l’Institut de France ; METCHNIKOFF, sous-directeur de l’Institut Pasteur ; Dr ROUX, directeur de l’Institut Pasteur ; Dr VAILLARD. membre de l’Académie de médecine. TOME VINGT ET UNIÈME 1907 AVEC VINGT-DEUX PLANCHES PARIS MASSON ET C*e, EDITEURS LIBRAIRES DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN (6e) r \ Digitized by the Internet Archive in 2017 with funding from BHL-SIL-FEDLINK https://archive.org/details/annalesdelinstit21inst 21 rae ANNÉE JANVIER 1907 N° 1 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR RECHERCHES SUR LE TRAITEMENT DES Infections expérimentales à Trypanosema ynblise Par F. MESNIL, Maurice NICOLLE et P. AUBERT Ce mémoire constitue la suite naturelle des recherches entreprises par deux d’entre nous pour découvrir, en meme temps, la meilleure couleur de henzidine et le meilleur arsenical applicables au traitement des diverses trypanosomiases 1 . Nous avons déjà fait connaître nos résultats pour ce qui concerne 3 trypanosomiases animales, Nagana, Mal de caderas et Surra, et le 1)' Wenyon, travaillant à l lnstitut Pasteur, a étendu ces recherches aux infections produites par le Trypan. dimorphon .2 Ayant abordé, plus tardivement, les infections à Trypan. cjambiense (agent de la trypanosomiase humaine), nous n’avons pu, dans notre premier mémoire, que donner une classification incomplète de nos « bonnes couleurs » suivant leur degré d'acti- vité vis-à-vis de ces infections. Depuis cette époque, nous avons surtout consacré nos efforts à trouver des procédés thérapeutiques raisonnés et efficaces. Les difficultés que comportait un tel problème nous ont fait différer jusqu’à maintenant la publication de nos expériences. Sans revenir sur l’historique général du traitement des trypanosomiases, que nous avons présenté dans notre second 1. Ces Annales, t. XX, juin et juillet 1906. 2 .In Nicolle et Mesnil, British med. Assoc., Congrès de Toronto, août 1906. Voir BriHsh med. Journ., 22 déc. 1906, p. 1777. I 2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR mémoire, nous préciserons ce qui est relatif au tryp. humain. Dès la découverte de cet organisme, comme agent de la maladie du sommeil, il a été indiqué de traiter les individus atteints par les préparations arsenicales courantes, par exemple la liqueur de Fowler. C’est ce qu’ont fait divers auteurs, avec des résultats plus ou moins encourageants. Laveran, le premier ', a reconnu l’action de l’acide arsé- nieux sur les infections expérimentales à T. gambiense; mais, devant Tinsuflisance de ce médicament, il a eu l’idée d'asso- cier l’As (sous forme d’arsénite de Na) au trypanroth et il 2 a donné des détails très circonstanciés sur la méthode employée et les résultats obtenus chez deux rats (un 3e rat, témoin, a péri en 97 jours d’infection intense), 2 chiens et 2 Macacus sinicus. Ces animaux, pris au début de la maladie, ont subi, chacun, 3 ou 4 traitements, à 8 jours environ d’intervalle, sans attendre les rechutes. Chaque traitement comprenait une injec- tion, à dose convenable, d’acide arsénieux et, 2-3 jours après, une injection de trypanroth. Dans ces conditions, les trypan. disparaissaient, à l’examen microscopique, dès la lre injection arsenicale, ne reparaissaient généralement pas (en particu- lier chez les singesj et, au moment des publications de l’auteur (2 mois à 2 mois 1/2 après la cessation de tout traite- ment, 3 mois environ après le dernier examen positif), les animaux, en bonne santé, paraissaient guéris. Une telle issue favorable n’entraîne pas l’immunité, car Laveran3 cite le cas d’un rat qui, guéri depuis un an, a été infecté lors d’une nou- velle inoculation. En expérimentant sur les singes, Brumpt et Wurtz4 non seulement n’ont pu obtenir les bons résultats indiqués par Laveran. mais n’ont généralement pas observé la disparition des trypan. Ils attribuent ces différences capitales à la grande virulence de la race inoculée. Cette explication n’est pas admise par Laveran. Elle ne saurait convenir pour les recherches de de Magalhaes 5 sur des rats, recherches entreprises avec un 1 C. R. Acad. Sciences, t. CXXXVIII, 22 fév. 1904-, p. 450. 2. Ibid , t. CXL, 30 janv. 1905, p. 287, et 17 avril 1905, p. 1081. 3. Ibid., t. «.XLI, 10 juill. 1905. p. 91. 4. Brumpt et Wurtz , C. R. Soc. Biologie , t. LIX, 1er juillet 1905, p. 61. — Discussion : Laveran, Ibid., 8 juillet, p 76; Brumpt, 21 octobre, p. 316 ; Laveran, p. • 18. 5. De Magalhaes, Arch. Inst, de Bact. Camara Pestana, t. I, mai 1906, p. 171 . INFECTIONS A TRYPANOSOMA GAMBTENSE 3 virus qui ne tuait ces Rongeurs qu’en 83 jours en moyenne. Les résultats ont été négatifs dans trois séries d'expériences. Dans une quatrième, 3 rats sur 3 semblent bien avoir bénéficié du traitement. Les tryp. ont, en effet, disparu dès le début de la médication, pour ne se montrer à nouveau qu’après plus de 100 ou 130 jours; les animaux ont succombé après 4, 3 et 7 mois (au lieu de 67 jours). A Thomas *, de l’École tropicale de Liverpool, revient le mérite d’avoir introduit l’atoxyl dans la thérapeutique des trypanosomiases, et de la T. humaine en particulier. Après avoir formulé les règles de la médication chez les animaux infectés, il affirme, en ternies généraux, les bons résultats obtenus dans le traitement des maladies expérimentales dues à diverses races de T. gambicn s<% dont l'une très virulente. Mais il faut convenir que, pas plus ces indications générales que les quelques expériences dont Thomas donne le détail, ne suffisent adonner une idée précise de la valeur de l’atoxyi. Les résul- tats, déclare Todd 1 2, a icere far front conclusive , but they were distinctly encouragi»g. » Pour ce qui concerne l’associationatoxyl-trypanroth, Thomas se contente de dire, sans fournir des faits à l’appui, qu’elle est supérieure à l’emploi exclusif de l’un ou l’autre des deux médicaments. Il fait très justement remarquer avec quelle prudence il faut parler de guérison en matière de trypanosomiases, surtout quand on a affaire au T. gambiense. Comme le travail expérimental de Thomas est le seul qui ait été publié sur l’atoxyl, il nous a semblé indispensable de soumettre ce médicament — dont nous connaissions les bons effets, déjà avant la première publication de Thomas — à une étude très minutieuse. Depuis le début de nos recherches, Kopke3, au Congrès de Lisbonne, a donné le résultat du traitement de dix noirs par l’atoxyl. Broden et Rodhain 4 viennent de publier les observa- 1. Thomas British med. Joura., 27 mai 1905. p. 1140; Proc. Roy. Soc., sér. B., t. LXXVI, 1905, p. 590, Ihomas et Breinl, Liverpnol Sch.of trop. M»d mém. XVI. p. 49-64 et 65. 2. J.-L. Todd, British med. Journ., 5 mai 1906, p. 1037. 3. Koi»ke, XVe uongrès intern. de médecine, Lisbonne, 1906, 29 p. 4. Arch. f. Schiff's u. Trop. Hyg., t. X, nov. 1906, p. 693. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR lions, encore en cours, de 3 blancs soumis à la meme thérapeu- tique. De son côté, H. Koch 1 a fait connaître récemment les pre- miers résultats de son intervention chez de nombreux noirs du lac Victoria. Tous ces auteurs sont d’accord pour constater les bons effets de l’atoxyl, mais aucun d eux n’est encore arrivé à des résultats définitifs. Nous avons pu nous rendre compte, personnellement, de ces bons effets, chez t rois Européens traités à l’Hôpital Pasteur par le l)r Louis Martin, deux d’entre eux depuis neuf mois envi- ron. Enfin, nous devons signaler que le Dr van Campenhout, à la villa coloniale de Watermael, en Belgique, complète, pour les malades à la 2e période, le traitement à l’atoxyl en donnant la strychnine à l’intérieur. Le virus dont nous nous sommes servis provenait, comme nous l’avons déjà dit, du liquide céphalo-rachidien du malade de Louis Martinet Girard, soigné à l'Hôpital Pasteur. Ce virus a été entretenu au moyen de passages par rats et par macaques ( sp . varice ) et nos expériences ont porté sur ces deux espèces ani- males \ Les macaques, témoins de nos diverses séries d’expériences, sont morts après un temps variable : 20 à 51 jours, en moyenne 32 jours. (Les inoculations étaient toujours faites sous la peau.) Les rats témoins ont succombé1 en 40 à 134 jours (moyenne 00); parmi eux. 5 sujets, de moins de 100 grammes, ont péri en 40 à 85 jours (moyenne 00); 2 autres, de 150 grammes environ (témoins de notre série de rats adultes), ont résisté 84 el 134 jours. Dans les séries où nous gardions 2 témoins, l’un d'eux étail représenté par le plus résistant de toute la série à l’infection. (Les inoculations étaient toujours fajtes dans le péri- toine.) Macaques et jeunes rats, depuis le moment où le trypano- some apparaît dans le sang, le montrent presque régulièrement à l'examen microscopique. Ils constituent donc des réactifs excellents, pour déceler le temps durant lequel une substance expérimentée peut faire disparaître les parasites de la cir- culation périphérique. 1. Deutsche media. Woch., n° 51. 20 déc., 1000. Sonderbeilage . 2. La plupart des macaques, qui nous ont été aimablement donnés parM. Met- clmikofr, avaient déjà servi à des expériences sur la syphilis. INFECTIONS A TRYP ANOSOMA GAMBIENSE Il nous a semble que le passage par macaque empêche le trypanosome de baisser de virulence pour le rat. En tous cas, les trypanosomes des singes se sont toujours révélés très actifs vis-à-vis des rats. L’inoculation du sang des singes, présumés guéris, à des rats constitue, par conséquent, une excellente pierre de touche de la guérison. Disons, une fois pour toutes, que le sang de tous les ani- maux dont il va être question (même de ceux que nous conser- vons depuis 8 à 10 mois) a été régulièrement et soigneuse- ment examiné 3 fois par semaine, plus souvent quand il étail utile. Notre travail comprend 2 parties : 1° Recherche des meilleurs médicaments ; 2° Mode d’emploi de ces médicaments , une fois trouvés. I RECHERCHE DES MEILLEURS MÉDICAMENTS Nous avons, d’abord, expérimenté avec celles de nos cou- leurs qui s’étaient montrées les plus efficaces vis-à-vis des trypanosomiases animales — et, parallèlement, avec l'atoxyl. [Jn premier examen nous ayant révélé la supériorité de la cou- leur Ph sur ses congénères, nous avons étudié quelques autres dérivés, plus ou moins voisins de cette substance, et qui ne figurent pas dans notre premier mémoire. Avec l’atoxyl, on peut obtenir des guérisons d’emblée, rares chez les singes, peut-être moins chez les rats. Avec les couleurs, on observe constamment des rechutes et, pour apprécier la valeur relative des composés employés, il faut tenir compte du temps qui s’écoule entre la lre interven- tion et la rechute. Les chiffres, mesurant ce temps, comportent une valeur assez grande, car ils sont à peu près constants, pour un même médicament, entre la Ie rechute (traitée à nou- veau, bien entendu) et la seconde — et, d’autre part, ils se montrent comparables du singe au rat (il n’est question, ici, que des rats de moins de 100 grammes). Cette dernière cir- constance nous a même permis, à un moment donné de nos recherches, de ne plus employer que des rats. Voici les résultats de nos expériences, résumés sous forme ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR fi de tableau. Nous devons faire remarquer, immédiatement, que tous nos animaux ont été traités au début de leur infection. SINGES RATS MÉDICAMENTS Dose thér. par kilo. O) Rechutes après — jours. Dose thér. par 100 gr. Rechutes après — Jours. REMARQUES Atoxyl. [Atj 5 cgr. 12, 17, 19, 19, 81, oo (1 fois). 2r*r,5 12. 14. 22, 26, 115, oo 12 lois) Les 2 rats mar- qués oc ont suc- combé 121 et 171 j. ap. l’intervention. P. diamidodiphé- nylurée 4- ac. H. [Ph] 8 à 10 cgr. 14, 23, 27, 28 3r*r,a il 5 cgr. 14. 22, 25, 40 A ajouter 1 ratqui n’avait encore rien 35 j. ap.l’intervent. P. diamidndiphé- nylthiourée -f ac.H. • » — 17 » P. diamidophényl- glycoléther -{-ac.H. 8 cgr. 14 — 14, 22, 26 * Benzidine Glycine ac.H » » — 20 ' • Dichlorobenzidine + ac. H [Cl]. 8 à 10 cgr. 14. 15, 21(?) — 9,18,24 » Trypanroth [Tr] 5 cgr. 10 2 cgr. 5, 20 Disparition des trvpan. en 48 h. seulement. Tolidine -f- ac. H {ac. aie.) [A'] » » 5 cgr. 10 » Benzidine 4- naph- tylène-diaminp disulfo 2. 7. 3. 6 [a]. 7 cgr. 8 3cgr,5 5 Disparition des trypan. en 48 h. seulement. Tolidine -{- ac. K. » » 4 cgr. 8 » P. diamidodiphé- nylamine 4- ac. H. » » 4 cgr. 5 environ. * Benzidine 4- a naphthylainine disulfo 1. 5. 7. » » lc«r,8 5 • As^O» (sous forme d’arsénitedeNa). )) » 0œ5r,5 7,8 » Parmi les couleurs étudiées, aucune évidemment n’est supérieure à Ph. Quelques-unes, d’après les chiffres obtenus, lui paraissent égales. Telles sont les 3 qui suivent sur le tableau 1. Les couleurs ont été données en solution à 1 °/° dans l’eau distillée, l’atoxyl en solution à 2 l’arsénite de Na en solution à, 1 p. 500. INFECTIONS A TRYPANOSOMA GAMBIËNSE 7 et, un peu en arrière, Cl. Cette dernière jouit de propriétés irri- tantes; le singe, inoculé dans le muscle, offre une tendance à réagir par un abcès; on ne saurait donc songer à employer un tel médicament chez l’homme. Quant aux trois autres, elles sont certainement susceptibles de donner de bons résultats, comme on le verra dans la seconde partie de ce travail; mais, ne leur ayant reconnu aucune supériorité sur Ph, il nous a paru inu- tile de compliquer, parleur étude, nos recherches sur les singes, recherches déjà assez avancées au moment où nous avons été fixés sur la valeur de ces composés. D’ailleurs, un essai fait avec p. diamidophénylglycoléther + ac. H (v. singe 9) ne nous aurait point engagé à continuer. Avec les autres couleurs, l’intervalle entre les rechutes est en général trop faible pour qu’un traitement puisse être tenté avec succès. En effet, lors d’une nouvelle intervention, ou bien on tue l’animal par intoxication (cas de notre singe traité par Tr), ou bien on n’évite pas une seconde rechute, devant laquelle on est désarmé en raison de l’état de cachexie de l’animal (tel a été, par ex., le cas d’un rat traité par Tr ; et pourtant cetanimal n’avait eu une rechuté que 20 jours après la lre intervention). Les rats, traités par l'arsénite de Na, méritent une men- tion spéciale. Bien que l’intervalle entre 2 rechutes ne soit que d’une semaine environ, les animaux supportent un grand nombre d’injections médicamenteuses successives et leur vie peut ainsi être prolongée pendant un temps très long (2 à 3 fois celle du témoin). Mais, comme pour les rats naganés (Laveran et Mesnil), F intervention a une limite et les sujets succombent sans qu’on ait pu les débarrasser des trvpan. L’arsénite de Na demeure donc très inférieur à l’atoxyl, comme dans les autres trypanosomiases, étudiées par nous au point de vue du traitement arsenical. Inutile d’y insister. Reve- nons, au contraire, en quelques mots, sur les médicaments colorés, pour corroborer et étendre les conclusions données dans notre premier mémoire. Nous voyons que, vis-à-vis des infections expérimentales à T. gambiense , comme vis-à-vis du Nagana, du Mal de caderas et du Surra,la meilleure chaîne latérale est toujours l’acide H ; mais, tandis que pour les 3 dernières maladies le meilleur diazo est représenté par la dichlorobenzidine, il l’est, ici, par la s ANNALES DE I /INSTITUT PASTEUR p. diamidodiphénylurée (dont la p. diamidodipliénylthiourée et le p. diamidophénylglycoléther atteignent peut-être r activité) ; la dichlorobenzidine ne vient qu à une certaine distance. La p. diainidodiphénylanriine ne vaut pas mieux que dans le Nagana. La glycine de l’ac. H (avec la benzidine) 1 emporte sur Tac. K (avec la tolidine). Enfin, le Tr se montre supérieur à a et à la couleur « a naphtylamine disulfo 1.5.7 -j- benzidine ». La trypanosomiase humaine appartient donc, comme les 3 trypanosomiases animales déjà étudiées par nous, aux affections justiciables des couleurs bleues, tandis que la trypanoso- miase à dimorphon, comme l’a démontré Wenyon, est au contraire justiciable des couleurs rouges. L’ensemble de nos recherches etde celles de Wenyon permet d’espérer (ainsi que nous le disions au Congrès de Toronto) que les divers trypanosomes pathogènes pourront être un jour différenciés expérimentalement par le critérium chromothéra- pique. Il MODE D EMPLOI BES MEILLEURS MÉDICAMENTS (PH ET l’aTOXYl) La supériorité de la couleur Pli et de l’atoxyl sur les autres médicaments ayant été ainsi établie par des recherches d’orien- tation, nous avons concentré nos efforts sur ces 2 produits, pour arriver à un traitement rationnel des infections expérimentales chez les rats et les singes. Aa rec Ph, on n’observe jamais, nous l’avons vu, de dispa- rition définitive des trypan. après une seule injection; avec Patoxyl, ces disparitions sont rares. On ne peut donc songer pratiquement à débarrasser l’organisme en une seule séance. La question se posait alors de savoir s’il était préférable d’attendre les rechutes (caractérisées par un examen microsco- pique positif ) et de tenter de réussir en les traitant successi- vement, ou bien, s'il ne valait pas mieux injecter à plusieurs reprises le médicament, sans attendre les rechutes .Les 2 méthodes pouvaient a priori se défendre, la première ayant pour elle de ne pas surcharger, inutilement peut-être, l'organisme de pro- duits toxiques ; la seconde permettant de prévenir de nouveaux troubles, source toujours possible de contagion. Chacune des méthodes a été appliquée avec l'un ou l’autre INFECTIONS A TRYPANOSOMA G AM B! K NSE 9 des 2 médicaments; et, aussi, en les faisant alterner chez un meme animal, ce qui offrait l’avantage de ne pas amener l’orga- nisme à l’état d’intolérance pour Pli ou pour Fatoxyl. Le moment de la première intervention thérapeutique a été égale- ment varié dans nos diverses expériences. Disons, de suite, que nous avons obtenu des résultats satis- faisants avec chaque procédé, chez les rats et chez les singes ; et, chez ces derniers, surtout quand le médicament employé était l’atoxyl ou bien quand on administrait Pli et Fatoxyl en alternant . Pour beaucoup de nos animaux, la méthode a été mixte, en ce sens que : ou bien nous avons attendu la première rechute avant de faire le traitement préventif , ou bien d’autres rechutes sont venues nous surprendre. Nous allons exposer successivement les résultats observés chez les rats et chez les singes. Rats. Un rat, qui avait reçu, 4 fois, des injections de Ph, à chaque appa- rition des trypan. a résisté 143 jours (témoin, 47). — Un deuxième, infecté du 27 mars 1900, et traité depuis le 4 avril, a reçu 7 injections de Ph (dont 5 à la suite de l’apparition des parasites dans le sang); il vit encore (témoin mort en 57 jours) et n’a pas montré de trypan. depuis la dernière adminis- tration de Ph (15 septembre). Un autre rat, traité une première fois par Fatoxyl, a rechuté au bout de 22 jours; une nouvelle injection n’avait pas été suivie de rechute, 147 j. plus tard, au moment de la mort de l’animal. Un 4e rat, traité aussi par l’atoxyl, n’a rechuté qu’au bout de 115 jours, mais la 2e injection a été suivie d’une rechute 21 jours après. Rappelons (v. le tableau, p. 6), que 2 rats (de moins de 100 grammes), qui n’avaient reçu qu’une seule injection d’atoxyl, n’ont plus montré de trypan. jusqu’au moment de leur mort (121 et 171 jours plus tard). Les résultats obtenus en s’adressant à la 2e méthode (trai- tement préventif des rechutes) ont été meilleurs, surtout avec Ph. Ainsi, avec cette méthode, les 2 rats de notre 3e série (témoins morts en 40 et 71 jours) paraissent avoir été débarrassés définitivement de leurs trypan. L’un n’a jamais eu de rechute et n’avait reçu que deux injections de Ph (la 2e, 35 jours après la pe). L’autre a eu une rechute 40 jours après la lre intervention; deux nouvelles injections de Ph, à 18 jours d’intervalle, n’ont pas été suivies de réapparition des parasites. Les 2 rats n’ont rien 10 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR montré depuis mai-juin 1906 et sont en excellent état. L’un d eux (femelle) a eu 3 portées de petits qu’elle a élevés. Les résultats ont été différents, avec 2 rats de notre 4e série (témoins morts en 84 et 134 jours). Chacun d’eux, avait reçu 3 injections successives de Ph, sans attendre les rechutes. Le premier n'en a pas moins montré des trypan. au bout de 106 jours (75 jours après la dernière intervention), le 2e au bout de 66 jours. Nous avons pu avoir raison de ces rechutes par de nouvelles injections de Ph, pratiquées à deux reprises. Le 1er rat n’a pas eu de rechute, mais chez le 2e, une nouvelle est survenue après plus de 4 mois. Des rats, traités de la même façon par « p. diamidophénylglycoléther -f ac. H », « p. diamidodiphénylthiourée + ac. II » et « benzidine + glycine ac. H », ont présenté des répits analogues et même plus longs (117 jours avec la dernière couleur, près de 6 mois avec la seconde). L’atoxyl nous a donné des résultats analogues à Ph. Citons un rat de la 3e série, qui a eu une rechute 119 jours après une intervention; un autre (4e série), qui a reçu 3 injections successives (la 2e à la suite d'une rechute, la troisième sans attendre) et n’a rien montré depuis le 16 juin 1906. En résumé, les rats traités avec Pli ou Tatoxyl, par l une ou l’autre méthode, peuvent être gardés vivants très longtemps (nous en conservons depuis 8 et 9 mois). Certains de nos ani- maux ne montrent plus de Trypanosomes depuis plusieurs mois (jusqu’à 7); d’autres ont eu des rechutes, l’un après 6 mois d’absence des Trypan. dans le sang périphérique. Ces derniers faits nous ont beaucoup surpris, et nous avons d’abord pensé à des réinfections, au contact d’autres rats, lors des manipula- tions nécessitées par la prise trihebdomadaire de sang. Force a été, par la suite, après isolement absolu des rats, d’abandonner cette explication. Deux rats neufs, vivant avec des rats infectés et soumis aux mêmes manipulations, ne se sont d’ailleurs jamais contaminés. De plus, le singe 43 (v. tableau/ p. 16), qui a montré, à nouveau, des trypan. après 98 jours de répit, a été dans l’impossibilité de se réinfecter. Les rechutes très tardives sont, à notre avis, d un haut intérêt. Elles montrent la transformation d’une maladie subaiguë en maladie chronique sous l’influence du traitement, et elles indiquent avec quelle prudence il faut parler de guérisons en matière de trypanosomiase humaine. Nous sommes persuadés que des résultats, meilleurs encore, pourront être obtenus, avec les rats, par un nombre plus grand d’interventions et que, prévenu désormais, on réussira à empêcher les rechutes tardives. INFECTIONS A TRYPANOSOMA GAMB1ENSE 11 Singes . Les observations de nos singes sont données en détail, sous forme de tableaux, dans l’appendice qui termine ce mémoire. Nous chercherons simplement ici à en dégager les résultats principaux. Dans notre lre série, nous avons toujours attendu les rechutes avant de traiter à nouveau. Les résultats ont été des plus satisfaisants. Le singe 54, traité par l’atoxyl à 7 reprises, n’a plus montré de trypan. à l’examen microscopique depuis le 13 juillet 1906. Le singe 12, soumis à l’aternance Ph-atoxyl (la Re injection avait été faite avec Cl), n’a rien montré depuis le 30 mai. Le singe 43 a reçu 5 injections de Ph; il a pu être gardé 8 mois 1/2, n’ayant montré que 5 fois des tryp., dans cet intervalle. Il est mort de pseudo-tuberculose, encore infecté. Nous sommes convaincus que nous aurions réussi à le guérir si son état général lui avait permis de supporter des doses plus fortes de couleur. A noter qu’entre la dernière (4e) et l’avant- dernière rechutes, il s’est écoulé 98 jours. Quand on attend le retour des parasites, on est obligé à un nombre illimité d’interventions et, partant, dans la pratique, à une surveillance incessante des sujets. Ce sont ces inconvé- nients qui nous ont amenés, tout naturellement (comme pour les rats), au traitement préventif des rechutes. — En outre, nous avons tenté des interventions initiales de plus en plus tardives. Atoxyl. — 6 singes (7 en comptant le singe 54 : v. ci-dessus) ont été traités uniquement par l’atoxyl. Pour 3 singes, l’intervention a été précoce. L’un d’eux (13) a été débar- rassé de ses trypan. par une seule intervention. Le 41 et le 51 ont eu des rechutes 31 jours et 19 jours après la Re intervention; ils ont subi, alors, le 1er 4, l’autre 3 nouvelles injections sans attendre les rechutes; ils n’ont rien montré, le 1er depuis le 22 mai 1906, le second depuis le 5 juin. Pour 2 singes, la Re intervention a été plus tardive (infection depuis 12- 15 jours, symptomatologie variée). Le singe 36 a eu une rechute au bout de 17 jours; il a reçu, alors, 3 nouvelles injections sans attendre les rechutes; il n’a rien montré depuis le 20 juin 1906. Le singe 16 a reçu, à partir du 29 octobre 1906, 3 injections successives sans attendre les rechutes: il n’a rien montré depuis. Enfin, le singe 3, traité à une époque contemporaine de la mort de ses témoins, a bien été débarrassé de ses trypanosomes, mais il a succombé 4 jours plus tard. 12 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUH Ph. — Nous avons essayé «le guérir 3 singes (en plus de l’animal 43), par l’emploi exclusif de Pli. L’observation détail- le de ces macaques (61, 14 et 46) montre (jue. malgré des interventions répétées, nous n’avons pu les débarrasser défini- tivement de leurs trypanosomes. L’un des sujets (46), jeune bonnet-chinois peu résistant, a succombé. Les 2 autres sont encore vivants. Ils ont très bien supporté une dizaine d’injec- tions successives de Pli. Mais, bien que nous n’attendions pas les rechutes pour réitérer le traitement, les trypanosomes reparaissaient tous les mois environ. Nous sommes persuadés que nous aurions pu conserver ainsi nos animaux très longtemps, en continuant à recourir uniquement à Ph. Mais nous avons préféré, à un moment donné, faire intervenir l’atoxyl. L’un des macaques (14) a reçu, après sa dernière rechute (26 octobre), 4 injection d’atoxyl, suivie de 2 injections de Ph; il n’a rien montré depuis 2 mois. L’autre (61) a reçu, dans les mêmes conditions, 1 injection d’atoxyl (le 29 octobre), puis une de Ph et une 3e d’atoxyl : rien également depuis 2 mois. Ces expériences démontrent la grande innocuité des injec- tions massives et répétées ANNALES 1)E L’INSTITUT PASTEUH Première série INFECTIONS A TRYPANOSOMA GAMBIENSE 47 D (fl Q & & TJ » g®_g I 1-4 co hc co oo G (D G **~i 3 C f- S 1? .S c- r s Mil lllll Mil •= * EpSS'fl IBA33â8 ôi -1 ■g s (U J Di c _ o Cl CD c : - - _r d 1111111 X 00 o N O Ci < « 3 T3 » 5 S G CO 2 juin). 8 cgr. Ph, le 22 juin. — — 14 — (6 juillet). „ 8 ~ ,Pîl’le.6 onillef' Meurt Ie 13 noût amaigri sans avoir montré de TrypanJ 6 cgr. 5, Ph, le 20 juillet depuis le 6 juillet. 5 CBT- “to*yl. le ^ mai. - • • Rechute au bout de 19 Jours (4 juin). 6 cgr. at. les 5 juin. 20 Juin, 7 cgr. atoxyl. le 4 juillet. Plus de Tryp. depuis le 5 iuin. Vit encore Poids 940 or 1 ! il * :-si 41 °=î us ta- - = £ CM ' 1 tn 0 •"f fi i ks ç 2 5 S ■ m s:i. 111! s»=l S^S •à -3H I l-is - sï’ÿ s «-ri 1 -f!i ? |T 1 I *l.ii i à a = • S L° i Aa® 1 1|«5 “ "îiî 1 «s - £ = = a; . ® » " _rü ï - >, . 3 fi. x — i .31 i»£“ | interventions i 15 cgr. Glyc. Ether le 16 mai... 16 cgr. Ph. le 30 mal (P = 2,050). 9 cgr. at., le 15 juin (P := 1 790). Etat de l’infection avant 1 intervention. 3 is s s t s g* ■3 0 | « c 00 :s« s - ~ 4) 0 _ — c I !lïj - 0 ^ ^ . îo *2 o* « co 00 sf-f «oc 0 •3 fl _ 0 S* » 2 O î*. H «2“ ** * g % 0 1 s 2, SS I d H 0 £ 1 g H ai ■g ■§ S ! s ï °!§ >» 1 1 1 h '■ oo Meurt le 2 novembre; pas d’autres lésions que celles de la J Témoin. Trypanosomiase. A survécu 23 jours. Tryp. nr le 7 novembre, jour de la mort. Avait, beaucoup Témoin. maigri. Commencement de stomatite. A survécu 28 jours. 8 cgr. atoxyl, le 29 octobre. 14 cgr. Ph, le 15 novembre. 9 cgr. atoxyl, le 28 novembre. Touj. 0 Tryp. depuis 1 ^ 29 ociob. Vit. encore. Poids 1,720. 10 cgr. Ph, le 5 novembre. (Dose évidem. insuffisante donnée par erreur.) Vu 1 Tryp. les 7 et 8 novembre. 0 les 9, 12 et 14, rares le 15. 16 cgr. atoxyl, le 15 novemlre. (P= 3,150). Les Tryp. dispar. mais le singe meurt le 21. 1 ratinoc. le l5nov. avec 1/4 c. c.sang s’infecte vite; — 2 rats inoe. ehac. avec 2 c. c. le 21 nov. ne sont pas enc. infectés. 18 cgr. Ph, le 29 octobre. 17 cgr. Ph, le 9 novembre... Rechute le 16 novembre. 18 cgr Ph, le 16 novembre.. . Les Tryp. ne disparaissent pas; sont nombreux le 21. 10 cgr. atoxyl, le 21 novembre 0 Tryp. le 23; meurt le 25. — Lésions de l'œil. 16 cgr. Ph, le 29 octobre. 9 cgr. atoxyl, le 9 novembre. 16 cgr. Ph, le 21 novembre.. . Tryp. rares le 30 novembre. 10 cgr. atoxyl, le 30 novembre. 15 cgr. Ph, le 15 décembre.. . Rechute le 26 décembre. 10 cgr. atoxyl, le 26 décembre. Vit encore. Poids 1,810. > 1 1 ? LJ ! Il V 1 1 . 1 s 1 i 1 y i cm 1 § i i 1 5 1=11 r S 1 1 ~ 1 1 1 CO 1 1 l i 1 •- 1 o i i 1 g 1 1 ] S 1 S i § 1 fe 1 ~ i 1 1 § i i C S K / CC \ CM 1 V. i 1 - 1 o i ë 1 ë i ? 2? C § S ! <=» § i ; i L i ë 1 ® 1 ? 5- 1 h ' 1 o o 1 O 1 o 1 o 1 <=> 1 * K Çâ s i 5 o 1 o 1 o 1 s 1 *■ l °. O 1 r 1 ~ c i s 1 O i ë i ë 1 o S- 1 t 1906. i 1906. i 1906. 1 1 O lOoct. i o i o lOoct. ' lOoct. lOoct. lOoct. 3)' ^ lô i 3 à &*& i* i 4 £4 111 CM CM . CO, 2.010 i S O X g s. g CM CC CO CO CM § S.& ■OO 3C 30 | i 3 > si sJ ce SJ -i CM S •M* *2 CM 2 Gb g Si £ o; a; (35 £ ? 1 • 6 9 ■ Quatrième série. Abréviations. — Tryp tr, r, nr, nr. an, n ~ Trypanosomes très rares, rares, assez rares, non rares, assez nombreux, nombreux — P • poids Les chiffres des Injections de m dicaments expriment des centigrammes. — Pour les abréviations des divers médicaments, voir le tableau page 6. ACTION DE U BILE SUR LE PNEUMOCOQUE ET DIVERSES AUTRES BACTERIES Par MM. Maurice NICOLLE et ADIL-BEY (Nous avions entrepris jadis, Adil-bey et moi, une série de recherches sur la bactériolyse. Ces recherches se sont trouvées interrompues par mon départ de Constantinople, puis par la maladie et la mort de mon regretté collabo- rateur. Je me propose de publier, successivement, ce qui peut se rencontrer d'intéressant, soit dans notre travail commun, soit dans les études que j’ai faites ultérieurement à ce sujet. — M. N.) ACTION DE LA BILE SLR LE PNEUMOCOQUE Jusqu'aux recherches de Neufeld, on était assez mal fixé sur le pouvoir bactéricide de la hile. On savait, il est vrai, qu’à l’état normal elle détruit le virus rabique et que, recueillie chez les animaux morts de peste bovine, elle possède souvent des propriétés vaccinantes. Pour le reste, les opinions demeuraient partagées; il paraissait toutefois certain que, dans les autopsies humaines, le contenu de la vésicule se montre fréquemment fertile (Létienne, E. Frankel et Krause...). Neufeld n’a trouvé la bile réellement active que vis-à-vis du pneumocoque : mais, par contre, cette activité va jusqu’à pro- voquer la dissolution complète des germes et le liquide clair, ainsi obtenu, jouit d’un pouvoir immunisant facile à démontrer. Voici, en raccourci, Y expérience type du savant allemand. On ajoute, à 2 c. c. de culture pneumococcique en bouillon (24 heures à 37°), 0 c. c., 1 à 0 c. c.,2 de bile^de lapin. La cul- ture s’éclaircit rapidement et, au bout d’un certain temps, l’exa- men histologique, l'ensemencement et l’inoculation révèlent l’absence de tout germe visible, vivant, virulent. Les animaux, auxquels on injecte, sous la peau, ces 2 c. c. de solution micro- bienne, résistent, dix jours après, à KL1 c. c. d’une culture très active. Neufeld signale encore divers faits, dont nous rappellerons, en quelques mots, les plus intéressants. Les biles d’homme, de 1. Ce travail a été entièrement fait et rédigé, à Constantinople, en 1900-1901. ACTION DE LA BILE SUR LE PNEUMOCOQUE 21 chien, de chat et de chèvre sont moins hactériolytiques que celle de lapin. La température de l’étuve n’accélère point la fonte des germes, mais le froid la retarde. Les phénomènes se déroulent d’autant plus lentement que la quantité de bile ajoutée a été moins grande. Enfin, les microbes, stérilisés par la cha- leur, sont devenus insolubles; certaines races de pneumocoque le seraient déjà à l’état vivant. Nos études sur la peste bovine nous avaient amenés, de notre côté, à faire agir systématiquement la hile sur les divers micro- bes et virus, mais n’avions encore pratiqué aucune expérience avec le pneumocoque lorsque parut le travail de Neufeld. Après nous être rendu compte de la parfaite exactitude des observa- tions qu’il contient, nous avons entrepris quelques recherches com- plémentaires, in vivo et in vitro , en partant d’un pneumocoque très virulent pour le lapin (10"Gc. c., etpeut-être moins, suffîsaientpour amener rapidement la mort). Ce pneumocoque, sauf indication spéciale, était ensemencé dans le bouillon-Martin stérilisé par tiltration et l’on s’adressait à des cultures de 24 heures (37°). Recherches in vitro. Nous avons, tout d’abord, expérimenté avec la hile de bœuf. Inférieure à celle du lapin, elle éclaircit toutefois rapidement 10 volumes de culture et son pouvoir bactériolytique ne fléchit pas après stérilisation à 113°. Puis, nous nous sommes adressés à un produit impur, mais d'un usage fort commode, le « eholéate de soude » de la Phar- macopée Germanique. Ce produit, aisément soluble, ajouté aux cultures dans la proportion de 10'3, les dissout aussi bien que la hile de bœuf, ajoutée dans celle de un pour dix. Les solutions de eholéate' sont un peu acides; l’alcalinisation n’augmente point leur puissance bactériolytique. Au titre de KL3 M p. de eholéate sec pour I03 de culture), l’éclaircissement demande une heure; au titre de 1/200, il demeure incomplet, à moins de faire intervenir un sel alcalino-terreux, par exemple le sulfate de magnésie (2 0/0). Nolf, dans ses recherches sur l’hémolyse par la bile, avait déjà démontré cette action favorisante des sels alcalino-terreux. \. Nous avons toujours employé des solutions concentrées (10 0/0), afin d’éviter une dilution marquée des cultures sur lesquelles on voulait agir. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nous avons voulu, ensuite, comparer le pouvoir bactériolyti- que du cboléate et celui de divers sels biliaires, employés, l’un comme les autres, au titre de 1(1 3. La dissolution a été rapide et complète avec les sels (sodiques) suivants, que nous énu- mérons par ordre d’activité décroissante : chénocliolate (Grübler). « cboléate » (Merck), taurocholate (Grübler), glycocholate (pré- paré par nous, en suivant une technique un peu spéciale) — elle a été, au contraire, lente et incomplète avec I byocbolate (Grübler), Les résultats rappellent, à peu près, ceux que Rywosch a obtenus, en étudiant le pouvoir hémolytique des sels biliaires (R. classe ainsi les sels biliaires, par ordre décroissant : cheno-tauro-hyo- glyco-cholates). Le pneumocoque partage donc, au regard de la bile, la fragilité des hématies. Les cultures en bouillon-Martin-ascite (1 /3 de liquide d'ascite) se montrent moins « solubles » que les cultures en bouillon- Martin; avec 10'3 de cboléate sec on n'obtient, en elfet, qu’une bactériolyse incomplète. On pouvait d'ailleurs s’attendre h ce rôle protecteur de la sérosité péritonéale. Les cultures en bouillon sucré (bouillon ordinaire, peptonisé à 2 0 0 et glucosé à 0,o 0 0) précipitent le cboléate, à cause de leur forte acidité. Si on les alcalinise, elles se montrent absolument réfractaires à la dissolution, ce qui tient à la présence de substances empê- chantes. 11 est facile de le prouver, en lavant de telles cultures (alcalinisées ou non auparavant) à l’eau physiologique, par cen- trifugage. L’émulsion de pneumocoques en eau physiologique, ramenée au volume initial du bouillon sucré, est très facilement dissoute par le cboléate. Lorsque l’on éclaircit (à l'aide de la bile de lapin, de la bile, de bœuf, du cboléate ou des sels biliaires) les cultures en bouillon-Martin (stérilisé par filtration) ou en bouillon-Martin- ascite, on voit succéder à l'éclaircissement un trouble assez marqué, formé de fins flocons. Le phénomène ne se produit pas avec le bouillon-Martin stérilisé à l’autoclave, ni avec le bouillon ordinaire. 11 est assez dilicile d’expliquer cette formation de pré- cipités, mais on peut affirmer qu’elle se trouve liée à la pré- sence de matières albuminoïdes coagulables par la chaleur. Nous avons expérimenté sur un certain nombre de pneu- mocoques de provenances variées et tous se sont montrés également solubles (ou à peu près — nous n'avons point fait de action de la bile sur le pneumocoque 2:1 mesures exactes), par addition de biles (lapin, bœuf), de choléate ou de sels biliaires. Aussi sommes-nous portés à considérer cette solubilité comme constituant le caractère le plus saillant du pneu- mocoque. Elle permet de le diagnostiquer sans plus et instanta- nément et d’en débarrasser aisément et très vite les cultures mixtes où il se trouve mélangé à un ou plusieurs autres germes (nous verrons, en effet, plus loin que ces derniers sont, ou réfractaires, ou infiniment moins sensibles que le pneumocoque à l’action bactériolytique de la bile). Recherches in vivo. Rien de plus simple que de répéter l’expérience de Neufeld. En la répétant, nous avons noté que, si Y on injecte aux animaux des quantités un peu insuffisantes de «solution pneumococcique », ils succombent à l’épreuve avec un retard marqué sur les témoins et avec une stérilité complète du sang et des organes. Un lapin de 1,250 grammes reçoit, sous la peau, 2 c. c. de culture de pneumocoque, éclaircie par 2/10 de c. c. de bile de lapin (contact de 24 heures, en tube scellé et fréquemment agité). 10 jours après, on lui inocule, sous la peau, ÎO3 c. c. de culture (un témoin meurt en 1 jour 1/2) : aucun effet. Un lapin de 1,200 grammes reçoit, sous la peau, 1 c. c. de culture, traitée comme ci-dessus. 10 jours après, on l’éprouve (IO-3 c. c. ) : mort en.5 jours 1/2, avec stérilité du sang et des organes. Mêmes phénomènes, si l’on emploie le cboléate de soude, au lieu de la bile de lapin. Un lapin de 1,820 grammes reçoit, sous la peau, 2 c. c. culture, éclaircie par 2 milligrammes de choléate sec (contact de 24 heures, etc.). 10 jours après, on l’éprouve (10*3 c. c. sous la peau — un témoin meurt en 2 jours) : aucun effet. Un lapin de 1,700 grammes reçoit, sous la peau, 1 c. c. de culture, traitée comme ci-dessus. 10 jours après, on l’éprouve (10-3 c. c.) : mort en 11 jours, avec stérilité du sang et des organes. Les cultures, éclaircies par le choléate, conservent leur pou- voir vaccinant après filtration sur Berkefeld, mais il faut forcer les doses, car la bougie retient une partie des substances actives ‘. Dans nos expériences, o c. c. de filtrat représentaient I. Il nous a semblé que les précipités, dont nous avons parlé plus liant, pou- vaient en entraîner aussi un peu. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 24 le volume limite, comme le prouvent les exemples suivants. Un lapin do 1,800 grammes reçoit 5 c. c. de liltrat (contenant 5 milli- grammes de choléate) sous la peau. 40 jours après, on l’éprouve (40-3 c. c. — un témoin meurt en 22 heures) : aucun résultat. Un lapin de 2,040 grammes reçoit 5 c. c. de liltrat (contenant 2m&r,5 de choléate et 100 milligrammes de sulfate de magnésie) sous la peau. 10 jours après, on l’éprouve (10-3 c. c.) : aucun effet. Un lapin de 1,700 grammes reçoit 5 c. c. de filtrat (contenant 5 milli- grammes de choléate) sous la peau. 10 jours après, on l’éprouve (10-3 c. c.) : mort en 15 jours 1/2, avec stérilité du sang et des organes. Les cultures, éclaircies par le choléate, peuvent aussi être précipitées par l’alcool (dans lequel les sels biliaires sont solu- bles). On sèche rapidement le précipité et on le redissout dans le volume initial d’eau physiologique. On passe sur Bcrkefeld et on obtient un liquide qui immunise, lui aussi, à la dose de 5 c. c. Exemple : 100 c. c. de culture sont éclaircis par 0^,5 de choléate. Après 3 heures, on précipite par 400 c. c. d’alcool absolu; le précipité est redissous dans 100 c. c. d’eau physiologique et la solution filtrée sur Bcrkefeld. 5,10 et 45 c. c. sont injectés, à des lapins, lesquels supportent impunément l’inoculation d’épreuve 10 jours après (40-3 c. c. — le témoin meurt en 1 jour 4/2). Lorsque Ton se propose de précipiter, par l’alcool, les cultures éclaircies, on peut employer, pour l’éclaircissement, une assez forte proportion de choléate, ce qui permet d’aller plus vite. L’expérience précédente a été répétée deux fois (avec quelques variantes sans importance), afinde rechercher les rapports qui existent entre la dose de vaccin injectée, d’une part — le moment d’apparition de l’état réfractaire et son intensité, d’autre part. Nous nous sommes convaincus que l’immunité, conférée par l’administration de 10 c. c. de liquide vaccinant, n’est pas encore complète au bout de 6 jours (les animaux succombent h l’épreuve, mais avec un retard marqué sur les témoins); elle l’est devenue après 8 jours. Si l’on augmente la quantité de liquide actif (40 c. c), les lapins peuvent supporter l’inoculation virulente après h jours. Ils ne la supportent jamais, après 3 jours, même en abaissant la dose d’épreuve jusqu’à 10'r> c. c; ils ne la supportent plus, même après 8 à 10 jours, quand on l’élève à 40 2c.c. [Dans les deux expériences (ou, plutôt, séries d’expériences) dont nous venons de rapporter les résultats, les témoins ont succombé, en 1 jour à I jour 1/2, après inoculation de lO^c. c.] ACTION DE LA BILE SUR LE PNEUMOCOQUE 25 Nous avons injecté, sous la peau d un cheval, à 6 reprises différentes (les : 15. 1. 01. — 18. 4. 01. — 21. 1. 01. — 24. 1. 01. — 26. 1. 01.), un litre de culture pneumococcique éclaircie par le choléate. Le sérum de cet animal (saigné les 4. 2. 01. — et 9. 2. 01.) n’a manifesté aucune activité, à la dose de 5 c. c., vis-à-vis de 10"3 c. c. de culture, inoculé au lapin, en même temps, mais dans un point différent du tissu cellulaire sous- cutané. ACTION DE LA BILE SLR DIVERSES AUTRES BACTÉRIES Elle peut être résumée en quelques mots. Le coccobacille du choléra des poules et les bacilles morveux et pesteux se mon- trent bien moins sensibles que le pneumocoque à l’action de la bile ; les sels alcalino-terreux (p. ex. le sulfate de magnésie) favorisent nettement leur dissolution. Le vibrion cholérique, b. typhique, le colibacille, la bactéridie charbonneuse, le b. pyo- cyanique et le b. de Friedlander sont beaucoup plus résistants encore que les trois bactéries précédentes; le sulfate de magnésie diminue sensiblement cette résistance. Le strepto- coque et le staphylocoque demeurent absolument réfractaires, même en présence des sels alcalino-terreux. [Nota. — D’après Girard (communication orale), le pseudopyieumocoque de la « maladie du nez » des cobayes (voir nos Études sur la morve expé- rimentale du cobaye) se montre très soluble dans la bile, ce qui contribue encore à le rapprocher du pneumocoque vrai, dont il partage la plupart des caractères.] Séro-immunité vis-à-vis du “ Ghoiéate de soude P a h Maurice NICOLLE. Kist et Ribadcau-Dumas ont montré, en 1903, que le sérum du lapin, traité par le taurocholate de soude, possédait, à un plus haut degré que le sérum du lapin normal, le pouvoir d’em- pêcher l’hémolyse (des globules de lapin) par le taurocholate. La même année, Binaghi a constaté que le sérum du chien, traité par la hile de bœuf, immunisait le lapin contre les effets toxiques de celle-ci. Scandaliato, en 1004, a conlirrné les résultats de Binaghi, en remplaçant toutefois le lapin par le cobaye; d a vu, également, que le sérum du lapin, traité par la hile de bœuf, jouissait de la faculté d’immuniser le lapin . Sans connaître les recherches de Rist et Ribadeau-Dumas ni celles de Binaghi — et parti d’un point de vue très diffé- rent de celui de ces auteurs — nous avons fait, en 1903, les deux expériences suivantes : (1) Un lapin de 2,090 grammes reçoit, quotidiennement, 1 centigramme puis 2 centigrammes de choléate sec, par la voie abdominale (le choléate a été constamment employé, dans nos recherches, sous forme de solution à 10 0/0). Lorsque l’animal a reçu 63 centigrammes, on attend 7 jours et on le saigne. Le sérum obtenu ne précipite point les solutions de choléate, même par mélange à parties égales. Mais il immunise le cobaye, comme on va le voir. Un cobaye reçoit, dans le péritoine, 7‘'<\5 de sérum spécifique ; le len- demain, on injecte, dans le péritoine également, 10 centigrammes de cho- léate sec : l'animal résiste. Un second eob. reçoit, dans le périt., 7‘'<',5 de sérum normal de lapin : le lend., on injecte, dans le périt., 10 centigrammes de chol. sec : mort en 8 jours. Un troisième cob. reçoit, dans le périt., 10 centigrammes de chol : mort en 2 jours 1/2 . (2) Unlapin de2,200 grammes reçoit, quotidiennement, 2 cen- tigrammes de choléate sec dans le péritoine. Lorsqu’il a reçu 134 centigrammes, on attend 7 jours et on le saigne. Le sérum n’est point précipitant, mais il immunise le cobaye, ainsique le prouve ce qui suit. CHOLÉATE DE SOUDE 27 Un cob. reçoil, sous la peau, 3 c. c. de 5. spécifique ; le lend., on injecte, dans le périt., 10 centigrammes de chol. : l’animal résiste . Un 2e cob. reçoit, s. la p., 3 c. c. de s. spécifique chauffé (1/2 heure à 55o) ; le lend.. on injecte, dans le périt., 10 centigrammes de chol. : Vanimal résiste. Un 3e cob. reçoit, s. lap., 3 c. c. de s. normal; le lend., on injecte, dans le périt., 10 centigrammes de chol. : mort en 1 jour 1/2. Un 4e cob. reçoit, s. la p., 3 c. c. de s. normal chauffé ; le lend., on injecte, dans le périt., 10 centigrammes de chol. : mort en 3 jours. Un5ecob. reçoit, dansle périt., 10 centigrammes de chol. : mort en 1 jour. f Nota . — Chez 2 cobayes , atteints de pseudo-tuberculose, le sérum spécifique n’a pas empêché la mort par le choléate, mais les animaux ont succombé avec un retard marqué.] Les expériences que nous venons de relater semblent bien démontrer Y existence dune séro-immunité vis-à-vis du choléate de soude, c’est-à-dire des sels biliaires. Cinquième campagne en Algérie — 1906 (‘ j. Pau les I)« Edmond SERGENT et Étienne SERGENT. PARTIE GÉNÉRALE Nous suivrons dans notre exposition le plan de nos rap- ports de 1904 et de 1905*. En Tabsence de toute statistique sérieuse, nous dirons d’une façon générale qu’en 1906, en Algérie, l’épidémie de paludisme a été fort grave, surtout dans les deux départe- ments de l’Est, plus grave qu’en 1905 sauf en Oranie, moins grave qu’en 1904, du moins en ce qui concerne le paludisme des hauteurs, bien plus grave qu’en 1902 et 1903. ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES 1° Réservoir de virus. Nous avons fait connaître, depuis 1902, que les indigènes de race blanche de Berbérie jouaient le même rôle, pour la conservation du virus paludéen, que les indigènes de race noire des régions tropicales pour lesquels le fait a été démontré par R. Koch, Stephens et Ghristophers, etc. Leurs infections latentes sont marquées presque toujours par la présence du Plasmodium dans le sang périphérique, sans accompagnement d’aucun symptôme morbide. Sous ce rapport, les indigènes de Berbérie, d’origine plutôt japhétique que sémitique, se rappro- chent des noirs qui peuplent le reste de l’Afrique, et s’éloi- gnent des Européens. Ceux-ci ne présentent pas, en général, le Plasmodium dans le sang périphérique sans qu’une réaction fébrile plus ou moins violente n’en résulte. A cet égard, on 1. Campagne dirigée pour le compte du gouvernement général de l’Algérie. 2. Ann. Inst. Past., t. XIX, mars 1905; t. XX, avril cl mai 1900. ÉTUDES DU PALUDISME 2D peut constater chez les Algériens à la 3e ou 4e génération une tendance à l’acclimatement au parasitisme paludéen et à l’atté- nuation des symptômes fébriles, sans que pour cela les lésions viscérales, et en particulier la splénomégalie et la mélanémie, soient diminuées. Le réservoir de virus constitué par les Européens est donc surtout infectant aux moments des accès, tandis que le réser- voir de virus constitué par les naturels de Berbérie, de race blanche, fournit aux Anophélines, d’une façon permanente, des Plasmodium. Le danger d’infection présenté par une loca- lité algérienne est donc en relation avec le nombre d’indigènes infectés qu’elle contient. Nous avons montré, dans notre précédent rapport, que l’on peut calculer avec rapidité et facilité ce nombre d’infectés en établissant le pourcentage des grosses rates. Celles-ci tra- hissent le plus souvent la cachexie paludéenne, et, dans la pra- tique, cet index endémique est proportionnel à celui que I on obtient par l’examen microscopique du sang, qui demande beaucoup plus de temps. Technique de la palpation des rates. Notre technique, appuyée sur cinq ans d’expérimentation, (en 4900. de mars en novembre, palpation de plus de 6,700 rates,) préfère la palpation du sujet debout et penché en avant, comme nous l’avons indiqué dans noire rapport de 4905. Des raies non sen- ties chez un sujet dans le décubitus dorsal sont souvent perçues chez le sujet debout. La position qu’on lui fait prendre fait pour ainsi dire tomber la rate, si elle est tant soit peu hypertrophiée, dans la main du médecin. Les tableaux suivants résument nos recherches d'index endémiques par les rates , en 1906, d'une part avant les chaleurs , d’autre part pendant et après les chaleurs. INDEX DU DÉBUT DES CHALEURS NOMBRE de sujets examinés NOMBRE de grosses rates Pourcentage De 0 à 5 ans 752 177 23,5 De 5 à 40 ans 1246 413 33,1 De 10 à 45 an.s 859 360 41,9 Total de 0 à 15 ans 2857 950 33,2 Total au-dessus de 15 ans... 1089 319 29,2 Total 3946 1269 32,1 30 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Ces rates ont été palpées, du Ier mars au Ier août, dans les localités suivantes : Département d* Alger : Montebello. Marengo, Bourkika, Ameur-el-aïn, El-Affroun, Mouzaïaville, La Cliiffa, Attatba, Oued el-Alleug, Berbessa, Coléa, Boufarik, Blida, Beni-Méred, Birtouta, Sourna, Aïn-Goutbnia, Brazza. Département de Constantine : Biskra (Bab-darb. Bab-falb. Bas-el-Gueria), Mondovi, Gambetta, Lamy, Aïn-Abid, Azel- Sakrania . Département d Oran : Tour ville (faubourg d’Arzew), Aïn- Tedeles (douars Ouled-Hadri, Bou-Aza, Si-Djelloul), domaine de THabra. INDEX RELEVÉS PENDANT ET APRÈS LES CHALEURS NOMBRE de sujets examinés' NOMBRE de grosses raies. Pourcentage. De 0 à o ans 6GI 1 63 24,9 De 5 à 10 ans 827 50C 37.0 De 10 à 15 ans G10 41,8 Total de 0 à 15 ans 2098 726 IH.6 Total au-dessus de 15 ans 675 245 36.2 Total général 2773 971 35,0 Ces rates ont été palpées, à partir du 1er août jusqu’au 7 décembre, dans les localités suivantes : Département d'Alger : Montebello, Marengo. Bourkika, Ameur-el-aïn, Mouzaïaville, El-Affroun. La ^ Cliiffa, Attatba, Oued-el-Alleug, Berbessa, Coléa, Boufarik, Blida, Beni- Mered, Birtouta, Souma, Yictor-Hugo, Liéberf, Aïn-el-beïda. Département de Constantine : Biskra (Bal-darb, Bab-fatb, Ras-el-guéria), Mondovi. Département d'Oran : douars d’Aïn-Tcdeles (Ouled-Ameur, Bou-lvhouça), domaine de THabra, village de Sainte-Léonie. Le nombre total des sujets dont la rate a été palpée en 1906 est de 6719 (2773+3946). 1. — Les examens microscopiques de sauf/ que nous avons pratiqués en ETUDES DU PALUDISME 31 1000 ont été motivés le plus souvent par la nécessité de vérifier le diagnostic de paludisme. Nous les avons opérés, en particulier, toutes les fois qu’il s’agissait de splénomégalie accompagnée d’anémie profonde, et de grande maigreur, de façon à dépister les cas possibles de Ivala-Azar (une cinquan- taine de cas). Nous avons toujours trouvé, dans ces cas, le parasite de la tierce maligne. Nous n’en signalerons qu’un, dont le parasite présentait un aspect particulier : Enfant indigène, de 13 ans environ, originaire de Rogbari. Maigreur extrême, physionomie souffreteuse, gencives excoriées, rate à l’om- bilic. Dans le sang périphérique, en dehors de gamètessemi-lunaires, on trouve des petites formes annulaires endoglobulaires. remarquables par la grosseur de Kig. 1. — Aspect particulier des pe tites formes de la chez un enfant indigène. 8 tierce maligne; leur noyau, coloré en rouge opaque, et le peu d'abondance du protoplasma. Ce noyau présentait une grande variété de forme. Rarement rond, le plus souvent allongé, les deux extrémités étant renflées, inégalement. Souvent aussi, séparé en deux portions inégales fort éloignées l’une de l’autre. Le plus souvent, le protoplasma n’est pas coloré (sur des préparations bien réus- sies, comme en témoigne l’examen de la coloration des leucocytes, et en par- ticulier du protoplasma des grands mononucléaires). 11 en résulte que les deux portions du noyau sont isolées dans une vacuole claire, et rappellent le Piroplasma donovani. Plusieurs jours de suite, le sang de cet enfant montra ces mêmes formes annulaires, en même temps que des gamètes semi-lunaires, mais jamais de plus grosses formes. La prise de 1 gr. 20 de biclilorhydrate de quinine, en 6 jours (20 centigrammes pro die) firent dis- paraître ces jeunes formes. 2. — Les corps en pessaires et ceux en demi-lune ont été encore souvent rencontrés dans le sang des cas de cachexie. 3. — Action de la quinine sur le Plasmodium. Nous avons toujours vu régulièrement l’injection sous-cutanée de quinine détruire les petites formes annulaires endoglobulaires. Le protoplasma entre très vite en lysis, le noyau résiste plus longleuips, et encore après huit heures apparaît comme un grain 3 2 WNALES DK L INSTIT! T PASTEUR rouge puncti forme. Les gros schizontes endoglobulaires et les gamètes semi- lunaires n’étaient pas modifiés par l’inject ion de quinine, dans les cas que nous avons observés. 4. — Hémoglobinurie. Les foyers principaux que nous connaissons à l'heure actuelle sont : Aïn-Touta (Mac-Mahon), vallée de la Seybousc [(envi- rons de Guelma, Mondovi (observations du I)r Marbot)], plaine de la Macta (d’Arzew à Aïn-Tedeles). Le nombre de cas est proportionnel chaque année à la gravité de l’épidémie. Le Dr Lemaire nous a montré à Alger un cas fort grave chez un matelot qui n’a jamais quitté les ports du littoral Est, et n’a jamais pris de quinine. Nous avons vu nous-mêmes, il y a plusieurs années, un cas chez un enfant de Guyotville, localité très peu fiévreuse à l’ouest d’Alger, sur le bord de la mer. 5. — Nous signalons des macule s cutanées rougeâtres-violacées, observées sur deux enfants paludéens porteurs de grosses rates [un enfant espagnol de Tourville(Oran) et une liilette indigène de Bourkika (Alger)]. Ces macules, non saillantes, de 4 à3 millimètres de diamètre, ne s’effaçant pas sous la pression du doigt, apparaissent et disparaissent sans régularité, sans que nous ayons encore pu établir leurs rapports avec les accès de fièvre. Elles se montrent sur tout le corps (chez la fillette, surtout au cou). (5. — Importance de V arrivée des fiévreux:. A Montebello, le réservoir de virus sédentaire est soigneusement quininisé depuis le printemps : il se trouve accru tout d’un coup en septembre par l’arrivée de 36 vendangeurs kabyles dont 5 porteurs de grosses rates, qui dorment en plein air, près des maisons de colons, durant plusieurs semaines. Le Dr Babilée, de Douéra. nous signale qu’en 1904 dans une ferme V., du Sahel algérois/des maçons infectés dans la plaine viennent faire leurs rechutes : une quinzaine de jours plus tard, le fermier jusque-là indenme contracte le paludisme. 7. — Importance du voisinage des indigènes. A Crescia (Sahel algérois), le Dr Babilée a remarqué que les indigènes vivent agglomérés sur un plateau, loin des fermes européennes qui sont bâties au creux des vallées, près des gîtes : pas de paludisme. Bou Boumi, hameau proche d’EI Affroun (Mitidja), les Quatre-Chemins, hameau de la commune de Boufarik, sont entourés de gîtes, mais ne possèdent pas d’indigènes : pas de paludisme. 2° Gîtes à Anophélines. 1. — Pour V influence de la température et des pluies sur les gîtes des Anophélines et la marche du paludisme, voir plus loin l’expérience de Mon- tebello. Les chaleurs ayant été tardives dans toute l’Algérie, l’épidémie sai- sonnière n’a éclaté qu’à partir «le la deuxième semaine d’aoùt. L’épidémie a été en général plus forte que celle de 1905, sauf dans l’Oranie, elle ne s’est pas étendue aux hauteurs comme celle de 1904, et a subi une recrudescence automnale, à la suite des chaleurs exceptionnelles d’octobre. 2. — Paludisme des hauteurs. Nous proposons, pour expliquer la vio- lente épidémie, de paludisme qui a sévi en 1904. sur des montagnes élevées qu’épargne d’ordinaire le fléau, l’hypothèse suivante : le refroidissement noc- turne de l’air sur les hauteurs doit y compromettre d’habitude l’évolution du ÉTUDES DU PALUDISME 33 Plasmodium dans le corps des Moustiques. On sait, depuis les travaux de Grassi, Schoo, Jancso, qu’un certain minimum de température doit être dépassé pour que cette évolution soit possible (16° environ). En temps nor- mal, seuls les Anophélines qui se sont réfugiés dans des demeures humaines, où nous créons un climat artificiel, selon l’expression de R. Koch, peuvent être infectés jusqu’à la formation de sporozoïtes, dans les hautes régions où le thermomètre descend quelques heures de nuit au-dessous de 16°. Si l’on suppose maintenant que souffle un de ces sirocos de 9 jours bien connus en Algérie, ou on ne les voit pas revenir tous les ans, on peut dire que pendant 9 jours, sur tout le pays balayé par le vent chaud, la température reste élevée sans oscillation bien marquée. Cette période de temps est suffisante pour que l’évolution du parasite s’achève chez le Moustique, et si l’année à siroco a été en môme temps une année pluvieuse qui a gonflé les sources, les oueds, tous les gîtes à Anophélines, il se trouve qu’un nombre de Mous- tiques plus grand que le nombre normal est exposé à être infecté d’une façon exceptionnelle. Or l’eté 1904 a succédé à un hiver très pluvieux et a été traversé par plu- sieurs coups de siroco. 3. — Gîtes printaniers. Nous insistons sur l’importance des gîtes printa- niers, que nous avons signalée déjà dans nos rapports antérieurs. En une foule de localités de la vallée du Chéliff, de la plaine de la Macta, du Sahel algérois, à Aïn-Mokra (près du lac Fezzara), des gîtes éphémères, séchés par les premières chaleurs, donnent naissance durant quelques semaines de printemps, aux multitudes d’Anophélines qui infestent le pays jusqu’au prin- temps suivant. Ces observations, qui se multiplient chaque année, démontrent la grande importance des mesures antilarvaires précoces, sur lesquelles nous reviendrons. 4. — Gîtes peu étendus, mais proches. On a souvent tendance à accuser les grandes collections d’eau, imposantes par leur masse, de donner le palu- disme, dans les pays malsains. Ainsi les habitants de Tourville-Arzew incri- minent le barrage de l’oued Magoun comme principal facteur de leur paludisme. En réalité, ce barrage, situé à 3 kilomètres de l’agglomération, n’a aucune influence sur les fièvres qui y sévissent. Comme Ta montré le succès des mesures antilarvaires de 1906, les Anophélines qui propagent le paludisme à Tourville sortent de l’oued peu important qui traverse ce fau- bourg. Une grande rivière n’est un gîte que près de ses rives, sur une lar- geur qui ne dépasse pas celle d’un ruisseau. Des quantités de Moustiques sortent à Mondovi de quelques ornières, à Gambetta des « trous de sabot » imprimés par les bestiaux, près d’une source envahie par les herbes. 3. — Paludisme variant dans une même région suivant V importance des gîtes. Dans le département de Constantine, Aïn-Abid jouit de la réputa- tion d’être salubre, au milieu d’une région malsaine. Pourtant le pourcentage des grosses rates chez les indigènes atteint 12, 5 0/0 (sur 48 sujets). Si Ton compare ce village à son voisin Aïn-Regada, où les Européens sont très éprouvés par les fièvres, on relève comme différence qu’ Aïn-Abid n’a comme gîtes que quelques fossés mal entretenus, abreuvoirs ou puits abandonnés, 3 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 34 tandis qu’Aïn-Uegada est situé près d'un oued, dont les gîtes sont plus con- sidérables et plus constants. 6. — Forêts en plaine. Nous avons eu adonner notre avis sur l’influence possible sur le paludisme du défrichement de forêts situées en plaine, dans la région de Coléa. En l’état actuel, ces forêts cachent sous leur feuillage une grande étendue de gîtes, mis ainsi à l’abri de l’évaporation par la chaleur solaire et par les vents. Les débris végétaux qui s’entassent feutrent le sol et le rendent imperméable ; les gîtes qui ne seraient que printaniers ou seraient bus aussitôt que formés, en pays découvert, se perpétuent ici. Les Insectes adultes sont de même protégés par les frondaisons contre le soleil, le vent et la pluie. Les forêts des plaines sont donc très favorables à la formation et à l’entretien des gîtes; leur transformation en terrains de culture ou même en pâturages serait un bienfait, d’autant plus que le sol défriché, ayant acquis une valeur plus considérable, des sacrifices pourront être consentis pour le sillonner de fossés de dessèchement, que le peu de rapport d’une forêt ne permet pas de creuser. On peut noter ici que la crainte des fièvres, qui s’associe d’habitude à l’idée de défrichement, de remuement de terre vierge, s’explique par ce fait que si l’on introduitsans précaution au milieude cette forêt, gîte monstrueux d’Anophélines, un certain nombre d’ouvriers dont les uns seront des anciens infectés (réservoir de virus) et les autres des indemnes (sujets d’expérience), on verra, les 3 facteurs du paludisme étant réunis, une épidémie éclater. Il est bien entendu que les forêts des hauteurs, outre quelles ne cachent pas autant de gîtes, sur un terrain accidenté, ont l’immense avantage, au point de vue du paludisme, de régulariser le régime des eaux dans les bas- sins de réception. 7 . — La mise en culture du sol fait reculer le paludisme. Ce fait est explicable par la raison que toute culture, à part de très rares exceptions (riz, cresson), n’est possible qu’en l’absence de stagnation de l’eau. D’autre part, le défoncement du sol le rend plus perméable. Un exemple remarquable de recul du paludisme à la suite de défrichement et de plantations de vignes, toutes autres conditions restant égales d’ailleurs, nous a été signalé, par le Dr Babilée, dans le Sahel d’Alger (entre Crescia et Saoula). 8. — Écuries, abris préférés des adultes. Au moins dans le Tell et sur les Hauts-Plateaux. 9. — Longueur du vol et transport. Nous avons pu. nous convaincre une fois de plus qu’à Montebello, dans un pays peu peuplé, les adultes ne dépassent pas 1,500 mètres. A Tourville-Arzew, pays très peuplé, une ferme distante de la zone protégée de 350 mètres à vol d’oiseau est elle-même à environ 200 mètres du gîte non pétrolé : elle a été, tout l’été, remplie d’Anophélines qui n’ont jamais franchi les 350 mètres les séparant des mai- sons de la zone protégée. Nous avons vu un Anopheles maculipennis faire 320 kilomètres entre Alger et Oran, sur la vitre d’un wagon. Ces transports doivent expliquer un certain nombre de cas contractés en localités saines, en particulier dans les ports. 10. — Dates d’apparition et de disparition des larves. Dans la Mitidja ÉTUDES DU PALUDISME 35 {Tell), les premières larves d’Anophélines ont été pêchées dans les premiers jours de mars, et les dernières, dans la première quinzaine de novembre. Dans l’intervalle, elles ont toujours été trouvées en quantités égales. 11. — Rapport entre les dates de V apparition des adultes et de V éclo- sion des cas de première invasion. Nous avons relevé un intervalle de 15 jours au minimum entre ces deux dates : Ferme Mahé près de Montebello. ferme B. près de Tourville, cenlre de Brazza, ferme de Tekteka (Mitidja). 12. — Ennemis des Moustiques Les Poissons maintiennent indemne de larves la partie centrale, découverte, des mares laissées dans les lits d’oueds. Les larves ne peuvent alors subsister qu’au milieu des herbes, ou sur les bords peu profonds, où les Poissons ne peuvent les poursuivre. On voit souvent au crépuscule des Libellules fondre sur les essaims d’Anophélines mâles qui oscillent et dansent près des cours d’eau aux heures du soir. Elles doivent en détruire un grand nombre ; cependant, bien qu’elles soient très nombreuses au-dessus des canaux du lac Halloula, les larves de Moustiques y foisonnent tout l’été. 13. — Observations sur les Anophélines d'Algérie. Nous avons pu, en 1905 et en 1906, élever des œufs d’.l. maculipennis pondus en cage, jusqu’au stade imago. Nous sommes arrivés à ce résultat en renouvelant l’eau des aquariums à travers la couche de terre^du fond, comme par des sources â débit insensible. Pyretophorus myzomyi faciès. Anophéline prédominant dans les vallées de l’Atlas, n’existe pas dans les plaines qui s’étendent au pied de cette chaîne. Cependant nous avons retrouvé cette espèce, émigrée le long de l’oued Chiffa qui descend de ces montagnes. Elle a ainsi traversé la plaine sur une longueur de 15 kdomètres, sans s’écarter du lit de l'oued. P. myzomyifacies est peu domestique, et l’on a souvent les plus gran les peines à retrouver, le jour, les adultes qui assaillent les habitations la nuit. Anopheles algeriensis est apparu au lac Halloula au printemps, avant A. maculipennis , puis a disparu. Anopheles maculipennis. Le pourcentage des infectés en pays paludéen a été de 4 0/0 en 1906. ETUDES PROPHYLACTIQUES Difficultés de la prophylaxie du paludisme. En dehors de celles que nous avons signalées dans nos pré- cédents rapports, nous devons insister sur la profusion et la ténacité des préjugés qui s’opposent à l’application des prin- cipes rationnels de l'hygiène antipaludique. C’est ainsi qu’il est d’opinion courante que la quinine fait grossir la rate : nous avons étonné bien des colons en leur faisant palper, chez les indigènes qui les entouraient, des rates beaucoup plus volumineuses que les leurs propres : et pourtant ces indigènes n’avaient, jamais pris de quinine ! 30 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La quinine ferait avorter : à la gare de Saf-Saf, trois jeunes femmes enceintes refusaient obstinément le médicament, malgré leurs violents accès. L’idée du traitement préventif n’a pas encore acquis droit de cité dans l’opinion publique, et l’on ne peut encore admettre, comme chose courante, de se médicamenter avant d’être malade plutôt qu’après. Nous citerons, à titre d’exception et d’exemple, le cas de l’ancien inaire d’Oued-el-Alleug, qui a atteint un âge avancé, dans une région extrêmement malsaine (près des forêts de Coléa dont il a été question plus haut). Ce colon était connu dans le pays pour son habitude originale d’absorber tous les jours un peu de quinine. Un certain nombre de personnes refusent la quinine, dans les localités où l’on institue une quininisation régulière générale, simplement pour affir- mer leur indépendance. Enfin nous tenons d’un surveillant de travaux qu'il sera très difficile de donner l’habitude aux entrepreneurs de quininiser régulièrement leurs ouvriers : la seule annonce de la distribution gratuite de quinine discrédite un chantier. La première objection que font les colons à l’énoncé du rôle des Anophé- lines dans la propagation du paludisme est celle-ci : chez eux ils ne sentent pas de piqûres de Moustiques, et en réalité ils sont vaccinés contre la substance irritante inoculée par les piqûres des Moustiques, d’autant plus que la morsure des Anophélines est très souvent indolore. Ces mêmes colons, dans leurs rares voyages aux centres urbains, passent souvent des nuits blanches à l’hôtel : il y sont en effet harcelés par des Culicines, et, sur le littoral, surtout par le Stegomyia faseiata , contre les piqûres desquels ils ne sont pas vaccinés et qui font d’ailleurs des piqûres très cuisantes. Ils concluent qu’à la ville, non paludéenne, il y a plus de Moustiques qu’à la campagne. C’est pourquoi il faut bien insister sur l’attribution de la propa- gation du paludisme aux Anophélines, et mettre hors de cause les autres Moustiques, plus désagréables pourtant, en général, que ces Anophélines. Procédés de la prophylaxie. 1° Éloignement du réservoir de virus , et des gîtes. Nous avons signalé dans nos précédents rapports la possibi- lité, dans certains cas, de la prophylaxie par déplacement des habitations estivales, et leur transport hors du rayon d’action des gîtes. C’est d’ailleurs là une très vieille mesure hygiénique, qui commande l’exode annuel des Corses de la cote orientale, des nomades algériens des oasis de l’Oued-Ghir et de Toug- gourt, et qui a toujours conseillé le choix des lieux élevés pour ks maisons en pays paludéen. Le D1 Guérard a signalé qu’à LaCalle, quelques familles indigènes qui, en été, élèvent leurs gourbis sur des collines assez hautes, pour échapper au ÉTUDE DU PALUDISME 37 paludisme des bas-fonds, sont obligées de redescendre dans la vallée mal- saine, par le service forestier qui applique les règlements interdisant l’habitat trop proche des terrains boisés. Nous avons attiré l’attention de M. le Gou- verneur général sur l’intérêt qu’il y aurait à concilier la rigueur administra- tive avec les exigences de l’hygiène, dont ces indigènes s’étaient si bien rendu compte. A part de tels faits, qui restent exceptionnels, il est impos- sible de préconiser l'éloignement des gîtes comme mesure sou- vent applicable, pour la population indigène. En effet le terri- toire laissé au plus grand nombre des tribus est trop restreint, en raison surtout de l'accroissement continuel de leur popula- tion, pour que les douars puissent y évoluer. Le rachat des propriétés européennes par les indigènes, qui s'effectue de plus en plus, n’est pas un palliatif de cet état de choses, car elle morcelle le territoire et force les propriétaires à un séjour encore bien plus stable que sur les étendues indivises. Les sédentaires construisent leur gourbi près des terrains de cul- ture, qui sont toujours dans les bas-fonds et près des sources, qui sont en même temps des gîtes. Les nomades pratiquent déjà, comme nous l’avons signalé en 1905, l’éloignement des gîtes, ils sont d’ailleurs beaucoup moins éprouvés par les fièvres que les sédentaires. L’éloignement du réservoir de virus (indigènes) est égale- ment difficile à obtenir en général. Les colons ont besoin d’avoir leurs domestiques et leurs ouvriers sous la main, dans l’intérêt du travail et dans un but de sécurité. Près des maisonnettes isolées de la Ci0 du Bône-Guelma sont toujours placés, en Tunisie, des gourbis de gardiens indigènes. 2° Quininisation. Dans les centres où nous avons procédé à la quininisation régulière de la population indigène, nous avons employé en 1906 des quininisateurs européens, recrutés sur place, parmi lesquels plusieurs nous ont rendu de bons services : un garde champêtre, la femme d’un secrétaire de mairie, le mari d une institutrice, un adjoint spécial (laitier). Il est à noter que la qui- ninisation par une femme, très bien accueillie dans les gourbis par les femmes et les enfants, a très bien réussi. La quininisation par un Européen représente le meilleur procédé pour amender un réservoire de virus. Mais elle coûte fort ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 38 cher (450 à 500 francs pour la saison) et devra être réservée aux localités très paludéennes. Nous avons employé uniquement des dragées de bichlor- Fig. 2. — Quininisation des enfants indigènes (réservoir de virus). hydrate de quinine de 0,20 centigrammes, du genre des dragées de l’Etat italien. Ces dragées ont été admirablement acceptées. Le quininisateur femme d’Attatba, Mrae Y., est arrivée à les faire prendre à des enfants de 15 mois. Après cette mise à l’essai datant de deux ans. l’unanimité a été tellement complète en faveur des dragées, que nous avons demandé à M. le Gouverneur général de faire acheter en dra- gées de bichlorhydrate les 9/10 de la quinine que l’État fournit aux communes de l’Algérie. Pour les enfants qui ne peuvent pas avaler les dragées, la mise en suspension de la poudre de quinine dans l’huile d’olives, que nous avons préconisée, a été très bien acceptée à Marengo et à Attatba. Nous avions déjà publié notre procédé de mise en suspension de la ÉTUDES üü PALUDISME 39 quinine dans l’huile (ces Annales avril 1906) lorsque nous avons eu con- naissance d’un procédé analogue recommandé par le D>‘ Bordes (de Bor- deaux). [Semaine médicale, 1903, p. 76, et 1906, p. 318.] Notre mode de préparation se distingue de celui du D1' Bordes en ce que nous nous gardons de mêler au mortier la quinine à l’huile : c’est perdre là un des principaux avantages de l’incorporation dans l’huile, qu’il faut faire avec précaution, entre deux couches d’huile, sans aucun mélange ni trituration et au moment même de l'emploi, pour masquer d’une façon absolue le goût de la quinine. Le procédé, courant en Algérie, de P administration de la poudre de quinine dans du papier à cigarettes, a Davantage, pour les adultes, de pouvoir être pratiqué partout, et de rem- placer à peu de frais les cachets si fragiles. Le fait de l’indiges- tibilité du papier à cigarettes n’a pas plus d’importance que celle d’une feuille de salade par exemple. Nous avons donné, en Oranie, en 1906, 20 centigrammes par jour pour un adulte ou un enfant; dans la Mitidja, 20 cen- tigrammes un jour, 40 le lendemain, etc. Les résullats ont été pratiquement analogues. L’efficacité de ces doses, à titre curatif, chez les indigènes, ressort de la lecture de la 2e partie de ce rapport, le contrôle étant très facile par la palpation des rates, opérée par la même personne, et par comparaison avec des témoins. Nous cite- rons en particulier l’effet remarquable de minimes doses chez des indigènes qui n’avaient jamais pris de quinine. On assiste a de véritables transformations à la suite d ingestion de quel- ques dragées quotidiennes. Une femme de Tourville dont la rate atteignait au printemps le pubis, suivant très régulièrement la cure quinique quotidienne, vit sa rate redevenir normale en un été. Nous devons rapporter un cas d’inefficacité de la cure pré- ventive journalière à petite doses, chez un agent des chemins de fer du Bône-Guelma, arrivant à Duvivier. de Corse, se disant indemne, et assurant avoir suivi le traitement prophy- lactique indiqué : il contracta cependant le paludisme. Le jeûne du Ramadan (qui a commencé à la mi-octobre) n’a pas empêché la quininisation, que l’on a pu faire dans les cafés maures après la tombée de la nuit. D’ailleurs ont été qui- ninisés surtout les enfants, qui n’observent pas le jeûne. Le tableau qui suit montre que chez les traités par la cure -40 ANNALES 1)L L’INSTITUT PASTEUR quotidienne (439 sujets examinés avant et après la campagne, sur environ 2.000 personnes quininisées), le nombre de rates améliorées (27,3 O/O diminuées. 11,5 O/O gué- ries) est bien supérieur à celui des rates augmentées (8 2 O/O). L’inverse a lieu chez les témoins (307 sujets) : 3.5 O, O di- minuées 2.7 O/O guéries, contre 32.6 O/O augmentées. .4. Traités ( cure quotidienne). DU PRINTEMPS A i/AUTOMNE 1906, LES RATES SONT .* HYPERTROPHIÉES D’hypertroph. redevenues normales. Restées normales. Diminuées. Restées de même grosseur. Augmentées Tour ville 20 67 22 5 O Ain Tecteles (Ouled-Hadri, Bou-Aza, Si-Djelloul) 15 23 64 21 8 Montebello 9 38 13 16 20 Marengo (quart, de l'abattoir) 3 ! 25 1 9 O Attatba (quartier ouest) 2 19 1 12 6 3 Chiffa (b riquetterie Quirici) 2 9 8 " 1 1 Total = 439 sujets 51 (11,5 0/0) 181(41, 20/0) 120 (27,3 0/0) 51 (11,5 0/0) 36 (8, 2 0/0) 4 personnes traitées (0.9 0/0) sont mortes à Attatba (pas de diagnostic médical). ÉTUDES DU PALUDISME 41 B. Témoins (pas de cure quotidienne). DU PRINTEMPS A l’aUTOMNE 1906, LES RATES SONT : Dhyperthr. HYPERTROPHIÉES redevenu es normales. normales. Diminuées. Restées de même grosseur. Augmentées. Sainte-Léonie. * 18 2 L 22 Ferme - Blanche. 3 32 1 2 13 La Planète. » 3 » 2 9 Aïn-Tedeles (Bou-Khouça, Ouled Ameur). 1 2 3 13 13 Marengo (Quart, nord., ouest et sud). 2 33 2 3 16 Attatba (Quartier est). 2 16 » 1 6 Bourkika. » 20 1 2 5 Ameur-el-Aïn. » 23 » 3 2 El-Affroun. 3 48 1 2 5 Mouzaïaville. 1 51 ' )) * 2 Ghiffa. » 12 » 5 12 Mondovi. 2 10 3 14 23 Biskra(Bab- darb et Bab-fath . » 9 7 6 48 Biskra (Ras-el- Gueria). » 12 1 7 25 Total : 567 sujets. 16 (2,7 0/0) 289 (49,4 0/0) 21 (3,5 0/0) 68 (13,3 0/0) 191 (32,6 0/0) Parmi les témoins, 14 personnes (2,4 0/0) sont mortes (pas de diagnostic médical) à Biskra. 42 ANNALES DE L’INSTITUT PASTUElt 3° Mesures antilarvaires. Les grandes mesures antilarvaires sont parfois totalement inefficaces si elles ne sont pas complétées partie petites mesures. Nous avons constaté en 1906 que les grands fossés de dessè- chement creusés récemment dans la région d’Aïn-Tedelës n’ont absolument rien changé aux principaux gîtes à Anophé- lines de la région, et que ces grosses dépenses n’ont rendu aucun service à l’assainissement. 1. — Les petites mesures doivent être très précoces, en raison de 1 importance prédominante des gîtes printaniers. En 1906. les premiers faucardements et pétrolages ont eu lieu a Monte- hello en lin avril, et cette hâte a été très favorable à l’heu- reuse issue de la campagne. 2. — Les faucardements et désherbages, sans lesquels les pétrolages seraient impossibles, ne suffisent pas seuls cepen- dant, mais demandent toujours à être suivis de pétrolages. 3. — Ceux-ci ne doivent être pratiqués, sur les eaux pois- sonneuses, que près des bords, et dans les parties herbeuses, les Poissons suffisent à détruire les larves dans les parties découvertes. 4. — Les pétrolages doivent parfois être répétés tous les 8 jours : quand par exemple les eaux peuvent amener d’amont des larves déjà âgées ou des nymphes : tel est le cas des canaux de la gare de Fortassa. 5. — Les irrigations bien faites sont très utiles à l’antipalu- disme : elles enlèvent de l’eau aux gîtes, qui diminuent, par suite, d’importance, et, si elles sont bien conduites, elles font boire toute cette eau à la terre de culture sans en laisser stagner : cas des champs de pastèques de Montebello en 1906. 6. — Nous citerons, comme un exemple de ce que nous appelons petite mesure antilarvaire, c’est-à-dire coûtant peu de travail, et très efficace : un petit barrage de terre, de quelques mètres de longueur, pour empêcher le reflux de l’eau, d’un canal à berges accores, sur un plan incliné où elle aurait formé une queue de marais dangereuse. Ceci imaginé et exécuté en quelques minutes par le chef de chantier Tardy, à Monte- bello. 7. — La municipalité de la ville de Bône aurait employé ETUDES DU PALUDISME 43 Fig. 3. — Oued avant les petites mesures antilarvaires. Fig. 4. — Le même oued après les petites mesures antilarvaires (régularisation du lit). ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 44 avec succès un mélange de pétrole (1 partie) et d’huile lourde (4 parties). Nous avons expérimenté au laboratoire ce mélange, par comparaison avec le pétrole ordinaire pur. 0 cmc. 2 de ce mélange, projeté et étalé par agitation à la surface dun bocal (163 cmq.). 3 larves de Culeæ et 3 larves d’Anopheles vivant dans ce bocal sont encore vivantes après 24 heures. Contrôle : La même quantité de pétrole ordinaire, projeté à la surface d’un bocal semblable contenant un pareil nombre de larves de mêmes espèces et de mêmes dimensions, tue toutes ces larves en une i/2 heure au plus. L’huile lourde tombe au fond de l’eau ou reste en goutte- lettes à la surface. Les larves peuvent respirer entre ces gout- telettes. 8. — M. le médecin aide-major Baclion avait bien voulu nous signaler l’effet nocif pour les larves de graines du Ricin tombées dans l’eau des gîtes. Nous avons voulu expérimenter au laboratoire cet effet des graines de Ricin . Mais des graines de Ricinus communis , d’autres rie Ricinus sanguineus intactes, ou décortiquées, ou même écrasées, bien qu’alors elles donnassent un peu de liquide huileux, ne se montrèrent jamais dange- reuses pour des larves d’Anophélines et de Culicines, laissées en observation plusieurs jours dans les bocaux. 3° bis. Mesures contre les adultes. Nous avons employé cette année, à Montebello, pour la destruction des adultes dont les abris diurnes préférés sont les coins sombres des écuries, la projection de pétrole avec une pompe de jardin, suivie immédiatement de la projection d’une quantité double d’eau. Durant l’hiver 1905-06, du soufre a été brûlé dans les caves des gares et maisonnettes du réseau de l’Etat, pour détruire les femelles hivernantes. 4° Défense mécanique. L’avantage du confort réalisé par les mesures de défense mécanique assure le succès de ce mode de prophylaxie dans l’opinion publique. Bien des chefs de gare se félicitent d’être à l’abri des Moustiques et des Mouches. Nous citerons l’exemple ÉTUDES DU PALUDISME 45 des gares de Kabylie, par où se fait un grand commerce de figues. Celles-ci attirent dans les gares où elles sont entreposées des nuées de Mouches qui noircissent les murs. Un nombre tou- jours croissant de particuliers adopte les grillages aux fenêtres et aux portes. M. le chef de district Gautard, chargé spécialement de la défense antipaludique sur le réseau de l’Etat, a imaginé, pour le grillage des cheminées, de munir leur extrémité supérieure d’un chapeau semi- sphérique ou rectangulaire de toile métallique : l’augmentation de la surface compense la diminution causée par l’épaisseur du fil de fer, et le tirage s’effectue normalement. M. Gautard a expérimenté aussi des cadres grillagés horizon- taux se fixant à l’ouverture inférieure des hottes des cheminées de cuisine, si difficiles à défendre. La moustiquaire personnelle portative nous donne toujours, pour notre usage personnel, les mêmes satisfactions, à tous les points de vue. Ces différents procédés prophylactiques sont combinables dans des proportions variables, suivant : leur possibilité maté- rielle, l’importance du groupement à défendre, l’importance du réservoir de virus, la virulence du paludisme (dose de quinine variable suivant les lieux), l’importance relative du réservoir de virus et des gîtes à Anophélines. Nous nous plaçons d’abord au point de vue de la défense des Européens, et des intérêts du peuplement français, mais un cer- tain nombre d’expériences sont consacrées uniquement à la pro- phylaxie antipaludique des indigènes. Si nous proposons, comme mesure de défense des groupements européens, l’éloignement du réservoir de virus indigène, c’est que nous considérons que cette mesure n’est ni impolitique ni inhumaine. Elle tient sim- plement compte des réactions différentes opposées par les indigènes ou les Européens à l infection par le Plasmodium , et loin de se désintéresser de la cure des naturels, première con- dition de l’assainissement définitif, elle conseille de mettre à l’abri de la contagion indirecte les sujets sensibles, jusqu’au moment où la quininisation et la prospérité matérielle auront réduit le réservoir de virus indigène. 40 ANNALES J)K L’INSTITUT PASTEUR Modes dévaluation des résultats de la prophylaxie. L'appréciai ion du nombre des Anophélines, larves ou adultes, donne toujours des résultats très nets : à Tekteka (Mitidja), à Mondovi, il nous a été facile de voir et de montrer (jue les mesures antilarvaires avaient été insuffisantes. L’absence de larves et d’adultes à Montebello était d’autant plus frap- pante que larves et adultes pullulaient, à quelques kilomètres, dans les localités témoins. Le pourcentage des grosses rates, relevé plusieurs fois au cours de l’été en un même lieu, nous a montré une coïncidence frappante entre la régression ou l’augmentation de ces grosses rates et les quininisations bien faites (Attatba, Tourville-Arzew. Aïn-Tedeles) ou les mal faites (Biskra). (A suivre.) Par Y. MORAX Les complications oculaires, au cours des infections natu- relles ou expérimentales à trypanosomes sont si fréquentes qu’il n’est pas un observateur qui* ne les ait signalées. Bruce notait déjà la fréquence de la cécité chez les animaux atteints du nagana. Les lésions palpébrales ou cornéennes sont signa- lées plus tard chez les animaux atteints de surra, de mal de Caderas, de dourine. On a même relaté, dans quelques rares cas de trypanosomiase humaine, des lésions intraoculaires sur la nature desquelles il convient cependant de faire les plus grandes réserves. La nature et la pathogénie des lésions oculaires dans les trypanosomiases animales n’ont, le plus souvent, pas fixé l'at- tention. On s’est contenté de signaler les altérations de la cor- née, sans indiquer leur caractère anatomique. Parfois cependant, on a cru pouvoir rattacher le trouble de la cornée à des lésions superficielles compliquant i’inflamma- tion de la conjonctive et du bord des paupières. Quelques expérimentateurs néanmoins, MM. Elmassian et Migone entre autres, ont reconnu très nettement le siège des altérations cornéennes et l’existence de lésions inflammatoires au niveau de l’iris . Ils rattachent les opacités cornéennes surve- nant chez les animaux atteints du mal de Caderas à une kéra- tite interstitielle, ce qui revient à dire qu’ils en font une inflam- mation des lames de la cornée indépendante de toute lésion épithéliale superficielle. Il est possible, en effet, de répartir les infections de la cor- née en deux groupes pathogéniques principaux : un premier groupe comprend les infections exogènes dans lesquelles le parasite pénètre le tissu propre de la cornée après effraction de la barrière épithéliale. Le second groupe est constitué par des infections endogènes dont les parasites gagnent les espaces interlamellaires de la cornée par l’intermédiaire de la circula- tion générale et en passant des vaisseaux dans les espaces lym- phatiques. C’est à ce second groupe que l’on réserve la dési- 48 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR gnation de kératite interstitielle. La cornée atteinte de kératite interstitielle perd sa transparence, tout en conservant le plus souvent tout au moins, le reflet brillant de sa surface. Elle prend, en s’opacifiant, une teinte grisâtre ou blanchâtre qui lui donne l’apparence de verre dépoli ou de porcelaine. L’opacifi- cation peut être étendue à toute la cornée ou plus accusée en certains points. Il est fréquent de voir de fins vaisseaux péné- trer dans les régions opacifiées de la cornée. Après une durée variable, ces différents symptômes s’atténuent et peuvent meme disparaître sans laisser de traces. En d’autres termes, la cor- née peut reprendre une transparence normale. Les kératites interstitielles s’accompagnent fréquemment de lésions inflam- matoires de l’iris et de la région ciliaire. Chez l’homme, trois formes d’infection peuvent réaliser ces lésions de kératite interstitielle : la lèpre, la tuberculose et la syphilis. C’est même à cette dernière infection qu’est dû le plus grand nombre des cas de kératite interstitielle. Nous devons faire remarquer qu’on en discute encore la relation directe ou indirecte avec l’infec- tion syphilitique, et que, malgré les analogies qui existent entre la kératite interstitielle de Hutchinson et les kératites lépreuse et tuberculeuse, le plus grand nombre des médecins se refusent encore à voir en elle des lésions inflammatoires liées à la pré- sence du parasite de la syphilis. Jusqu’à présent, ces lésions de kératite interstitielle par infection endogène, n’avaient pas été observées chez les ani- maux et n’avaient pu être réalisées expérimentalement. Il nous a paru intéressant de rechercher, par l’étude histologique, la pathogénie des lésions de kératite interstitielle si fréquentes chez les animaux atteints de dourine ou de nagana expérimen- tal. M. Mesnil a mis à ma disposition un certain nombre de chiens dourinés présentant ces lésions à différents stades de développement 1 . Nous avons pu suivre également l’évolution des lésions oculaires chez des chèvres de M. Mesnil, infectées de dourine ou de nagana. M. Laveran a eu l’obligeance de nous confier les globes oculaires d’un chien inoculé de mbori par M. Cazalbou; il nous a permis aussi de suivre l’évolution des lésions chez une chèvre inoculée de Souma. 1. Voir Mesnil et Rouget. Annales^Inst . Pasteur, t. XX, sept. 1006. MANIFESTATION S DES TRYPANOSOMIASES 49 SYMPTOMES OCULAIRES L’évolution clinique des lésions oculaires au cours de la dourine ou du nagana expérimental n’offre pas des caractères absolument constants. Tous les animaux que nous avons obser- vés avaient été inoculés par injection de sang dans la cavité péritonéale. Il s’écoula 1 ou 2 mois entre l’inoculation et l’apparition des symptômes oculaires. Dourine : Ce fut le plus souvent le développement d’une opa- lescence diffuse de la cornée qui fixa l’attention. Dans un cas néanmoins, les lésions cornéennes furent précédées de la pro- duction d’un trouble grisâtre siégeant à la face postérieure du cristallin et indiquant l’atteinte initiale de la région ciliaire. L’opa- lescence cornéenne s’étend très rapidement à toute la membrane et se transforme en peu de jours en une opacité complète. La cornée prend alors un aspect porcelané qui empêche de suivre l’évolution des lésions intraoculaires. Cette kératite interstitielle s’accompagne d’une légère vascularisation conjonctivale, d’un certain degré de sensibilité à la lumière et de larmoiement. Dans aucun des cas observés par nous, chez le chien ou la chèvre, cette kératite n’avait été précédée ou accompagnée de symptômes de blépharite ou de conjonctivite. La surface épithéliale de la cornée restait intacte, tout au moins au début. En examinant à la loupe les lésions cornéennes, on constatait toujours, alors même que les lésions ne dataient que d’un petit nombre de jours, l’existence de fins vaisseaux siégant dans les différentes couches du parenchyme cornéen. Chez certains animaux, le développement des néo-vaisseaux dans quelques parties de la ornée était tel qu’il communiquait au tissu une coloration d’un rouge sombre. Chez les chiens, ces lésions de kératite interstitielle persis- tèrent jusqu’à la mort de l’animal qui survint de 1 à 2 mois après l’apparition des troubles oculaires. Chez l’un d’eux, nous vîmes une des cornées s’ulcérer à son centre et se perforer. Chez un autre chien, les globes oculaires avaient subi une diminution de volume résultant d’un processus d’atrophie du globe, lié aux lésions de la région ciliaire. Chez la chèvre, les lésions cornéennes ont évolué d’une manière particulièrement intéressante. C’est la chèvre I dont 50 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’observation a été relatée dans le travail de MM. Mesnil et Rouget (1. c., page 689). la kératite interstitielle bilatérale n’apparut que 18 mois environ après l’inoculation. C’est vers le milieu de juin 1906 que la cornée s’épaissit, s’opacifie et se vascularisé : la surface non ulcérée est irrégulière. La chèvre est à ce moment complètement aveugle. Les lésions persistent au même degré jusqu’au milieu de juillet, époque à laquelle notre observation est interrompue. A partir de ce moment, le trouble de la cornée s’atténue progressivement et lorsque, au commencement de septembre, nous revîmes la chèvre, les cornées présentaient une transparence presque parfaite. 11 ne persistait que de légères opalescences en certains points : l’animal avait recouvré la vision. Cette observation de guérison complète d'une kératite interstitielle au cours de l'infection à trypanosomes n’est pas spéciale à la dourine. Bruce relate l'ob- servation d’une chèvre qui fut inoculée de nagana le 1er et le 25 septembre 1896. Le 9 décembre de la même année, la cornée gauche est laiteuse ; le 12 décembre, les 2 cornées sont opaques; le 18 décembre, les opacités de la cornée droite ont complètement disparu et la cornée gauche est beaucoup moins opaque. Elmassian et Migone signalent aussi la guérison de ces lésions de kératite interstitielle chez les chevaux atteints du mal de Caderas. « Toujours fugaces, toujours bénignes, ces altérations disparaissent sans laisser de trace de leur appari- tion... On reste étonné de voir ce cortège important de troubles oculaires apparaître et disparaître en si peu de temps (quel- ques jours) et présenter une bénignité si remarquable. » Nagana. Nous avons observé une chèvre inoculée de nagana le 16 juillet 1906 et qui présenta dans les premiers jours d’octobre 1906, une kératite interstitielle de l’œil droit. Le trouble de la cornée occupait presque toute l’étendue de la membrane et lui communiquait une teinte laiteuse. Vers le 20 octobre, le trouble commença à s'atténuer et le 31 octobre i4l ne persistait qu'une très légère opalescence qui disparut com- plètement dans la suite. LÉSIONS HISTOLOGIQUES L’étude histologique des lésions oculaires a été faite sur les globes oculaires de chiens dourinés. M. Laveran a bien voulu MANIFESTATIONS DES TRYPANOSOMIASES 51 nous confier les globes oculaires d’un chien inoculé par M. Cazalbou avec le trypanosome du dromadaire (mbori). Les globes oculaires ont été prélevés aussitôt après la mort spon- anée, pendant la vie. ou après la mort provoquée. La fixation était faite dans le formol, dans le formol picrique, ou dans le liquide deFlemming. Après durcissement dans l'alcool, les globes furent inclus dans la celloïdine. Nous nous sommes arrêté à la technique suivante pour la coloration des tissus et des parasites dans les coupes. Celles-ci sont immergées pendant une demi-heure dans une solution aqueuse d’éosine orange. Après lavage à l'eau, on les colore avec une solution aqueuse de bleu de toluidine. Les coupes séjournent 1/4 d’heure dans ce bain, puis on différencie rapide- ment avec de l’alcool à 90° auquel on a ajouté quelques gouttes du mélange glycérine éther de Unna. La déshydratation est faite avec l’alcool absolu et la demi-dessication. On passe au xvlol et l’on monte dans le baume. Sur les préparations traitées de cette manière, les trypanosomes se détachent avec la plus grande netteté sur les tissus qui les entourent. On n’obtient néanmoins jamais d’images aussi parfaites que celles qui sont fournies par la coloration des parasites dans le sang. Les résultats sont cependant des plus suffisants pour juger la répar- tition des parasites dans les tissus. Les préparations ne con- servent pas très longtemps la coloration ; après quelques semaines, les parasites ont perdu une grande partie de leur couleur. L’examen histologique a toujours porté sur la totalité du globe oculaire. Nous envisagerons successivement les lésions de la cornée, de l'iris et de la région ciliaire, puis des mem- branes profondes. Nous ferons remarquer de suite que dans tous les cas examinés, il existait des lésions simultanées de ces différents tissus avec une prédominance marquée et constante des lésions du segment antérieur, de la cornée et de l’iris en particulier. Un autre fait assez constant est l’âge variable des lésions dans les différentes régions enflammées du globe. D'une manière générale, la caractéristique des altérations constatées réside dans une infiltration très marquée par des leucocytes ANNALES DE L’ INSTITUT PASTEUR 52 mononucléaires et dans la production d’exsudats de même nature à la surface de l’iris ou de la région ciliaire. Cette infiltration a pour effet d’augmenter fortement l’épais- seur des tissus. La cornée présente toujours une modification très marquée de sa structure, mais les altérations ne sont pas uniformément distribuées. En schématisant un peu, il est possible de retrouver trois types de lésions dans la cornée : d’une part, les lésions d’œdème au niveau desquelles les faisceaux conjonctifs qui constituent les lames de la cornée sont dissociés par un exsudât séreux ; l'infiltration cellulaire y est en général nulle ou peu marquée. Disons de suite que c’est au niveau de ce type de lésions que l’on rencontre le plus grand nombre de trypano- somes. Les parasites se colorent d’une manière très parfaite. Le second type de lésions qu’on observe au voisinage immédiat du premier est caractérisé par une infiltration très marquée de leucocytes mononucléaires. Le parenchyme cornéen est profondément dissocié. On ne retrouve qu'exceptionnellement et en petit nombre des trypanosomes nettement colorés. On constate par contre la présence en très grande quantité des formes dégénératives du parasite : ce sont surtout de petites sphères qui ont pris fortement la couleur et sont entourées d'une petite zone de protoplasma incolore ou faiblement colorée. Ces corpuscules siègent dans les interstices cellulaires, mais on en retrouve aussi d’assez nombreux inclus dans le protoplasma des leucocytes mononucléaires. 11 nous reste à décrire le troisième type de lésions qui diffère du précédent par l’absence presque complète de toute forme parasitaire et par la présence de nombreux vaisseaux dont la plupart sont dirigés parallèlement aux lames de la cornée. Nous n’avons pu retrouver de parasites dans la lumière des vaisseaux sectionnés. 11 s’agit, nous le répétons, d’une description un peu sché- matique. Ces trois types de lésions qui nous paraissent corres- pondre à 3 stades de l’évolution du processus inflammatoire n’étaient pas toujours aussi nettement tranchés dans tous les faits que nous avons observés. Il est intéressant de voir la prolifération extrême des trypa- nosomes dans les mailles d’un tissu privé complètement de MANIFESTATIONS DES TRYPANOSOMIASES 53 vaisseaux comme l’est la cornée. La néoformation vasculaire était toujours postérieure aux lésions d'œdème et d’infiltra- tion produite par l’invasion parasitaire. On ne saurait rattacher les lésions cornéennes, ainsi qu’on a voulu le faire pour cer- tains types de kératites interstitielles chez l’homme, à une lésion primitive de la membrane de Descemet. Celle-ci a tou- jours présenté une continuité parfaite : son endothélium offrait parfois des modifications résultant des lésions iriennes. Il était fréquemment recouvert d’un exsudât formé par des leucocytes mononucléaires avec ou sans parasite, mais ces différentes lésions n’étaient nullement constantes. Nous passerons très rapidement sur les lésions de l’iris, de la région ciliaire et de la choroïde, car il s’agit là de tissus très fortement vascularisés, dont les lésions ne diffèrent pas essentiellement de celles que l’on a décrites dans les ganglions, la rate, la moelle osseuse. Nous avons vu, dans plusieurs cas, la chambre antérieure occupée par un exsudât fibrineux. La surface de l’iris était alors recouverte par une couche de trypanosomes au-dessous de laquelle le tissu irien se montrait infiltré de cellules mono- nucléaires. Dans d’autres cas, la prolifération du parasite s’était faite dans le tissu même de l'iris, dans l’épaisseur des procès ciliaires ou dans les espaces compris entre les procès ciliaires et le cristallin. Dans presque tous les cas, on retrouvait une infiltration cellulaire d’intensité variable dans les couches anté- rieures du corps vitré. A partir de l’équateur jusqu’au nerf optique, les lésions de la choroïde ou de la rétine sont, d’une manière générale, très modérées. Nous avons trouvé la rétine décollée dans quelques faits. Le plus souvent, les lésions se bornaient à l’existence de petits foyers d’infiltration siégeant dans la choroïde ou encore d’un léger exsudât cellulaire à la surface de la rétine. Dans ces différents foyers choroïdiens et rétiniens, on retrouve soit des parasites très parfaitement colo- rés, soit des corpuscules correspondant aux formes dégénéra- tives, soit enfin l’absence de tout élément parasitaire. CONCLUSIONS Les manifestations oculaires au cours des trypanosomiases offrent un très grand intérêt en raison de leur fréquence et de leur caractère particulier. L’apparition d’une kératite intersti- ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 54 tielle non ulcérée, chez un animal, pourra, dans bien des cas, faire soupçonner une infection à trypanosomes. Cette kératite interstitielle est provoquée par la prolifé- ration des trypanosomes dans les espaces interlamellaires de la cornée. La prolifération du parasite entraîne une infiltration leucocytaire, puis un développement de vaisseaux. Ces lésions peuvent amener la désorganisation complète de la cornée. Elles sont susceptibles de disparaître en ne laissant, après elles, que des traces légères. Cette évolution s’observe en particulier chez les animaux qui présentent une résistance assez marquée à l’infection à trypanosomes. Ce fut le cas chez la chèvre atteinte de dourine ou de nagana. Chez les chiens, au contraire, la mort se produisit alors que l'animal présentait encore l’opa- cité complète des cornées. Nous relaterons, à titre d’exemple, l’observation de quelques- uns de nos animaux. Chien café au lait. — Inoculé le 12 avril 1906 avec 25 c. c. de sang de chèvre dourinée. Les trypanosomes sont vus pour la première fois le 29 avril 1906. Le 9 mai 1906 on constate à droite un léger trouble cristallinien. Derrière le cristallin, on voit une masse blanchâtre semblable à un exsudât rétro- capsulaire. A gauche, l’œil est normal. Des deux côtés les cornées sont saines. Dans le cours du mois de juin, le trouble vitréen augmente adroite et il se produit des troubles de la cornée des deux côtés. Les deux cornées, sont absolument opaques, porcelanées. Le chien meurt le 3 juillet 1906. L’examen direct sur frottis du liquide obtenu par raclage de la cornée gauche est négatif. Exam°n microscopique. — Les coupes antéro-postérieures de l’œil mon- trent l’existence très nettes d’altérations au niveau du segment antérieur du globe, consistant essentiellement en lésions du corps ciliaire, de l’iris et de la cornée. Ces altérations contrastent avec le faible degré de celles que l’on observe dans le segment postérieur, en particulier à partir de l’ora serrata. Nous décrirons successivement les lésions delà cornée, de l’iris, puis du corps ciliaire. La cornée est très manifestement augmentée d’épaisseur, mais cet épais- sissement n’est pas régulier ni continu. La couche épithéliale subit quelques légères variations d’épaisseur. Elle forme une surface continue, mais n’est en aucun point le siège d’ulcérations. La membrane de Bowman est nor- male, même dans les points correspondant aux zones infiltrées. L’épaissis- sement de la cornée est dii essentiellement aux modifications du tissu propre. MANIFESTATIONS DES TRYPANOSOMIASES 55 Elles consistent en lésions d’œdème et d’infiltration cellulaire. Les coupes montrent en outre, dans la zone périphérique de la cornée, un développement de vaisseaux à direction radiaire. Les zones d’infiltration cornéenne n’offrent aucune systématisation ; c’est ainsi que du côté tempo- ral elles intéressent autant les couches profondes que les couches super- ficielles du parenchyme cornéen. En d’autres points, elles occupent des régions moyennes de la cornée. Ailleurs, elles se limitent aux couches super ficielles. On rencontre enfin des zones dont la structure paraît absolument normale : les lames cornéennes affectent une disposition parallèle et le nombre des cellules nucléées n’étant pas supérieur à ce que l’on a l’habitude de constater dans une cornée saine. Les caractères des cellules qui infiltrent la cornée varient suivant les points que Ton envisage. Dans la zone péri- phérique, où les modifications du parenchyme cornéen sont les plus accusées, on rencontre surtout des cellules de forme allongée ou ovoïde à noyau uniformément coloré et occupant presque toute l'étendue de la cellule. Le nombre des polynucléaires par rapport à ces mononucléaires est relative- ment très faible. Les cellules fixes de la cornée ont augmenté de volume. La recherche des trypanosomes dans ces zones d’infiltration donne des résultats négatifs. L’examen d’une autre zone d’infiltration correspondant à une modification moins grave du parenchyme cornéen montre des aspects un peu différents. Ici encore, les leucocytes mononucléaires constituent la majorité. Un assez grand nombre des cellules infiltrées offre un aspect très particulier: leur noyau a pris plus faiblement la couleur ; on en circonscrit pourtant nettement le contour; le protoplasma a acquis, par contre, un volume consi- dérable et renferme des masses sphériques, de volume variable, et qui ont pris fortement la coloration bleue. Au niveau de ces zones d’infiltration moyenne, on reconnaît ici et là, en dehors du protoplasma cellulaire, de petites masses arrondies et ayant pris fortement la couleur. Le diamètre de ces sphères est assez constant. On constate parfois, autour de ce noyau, une petite zone protoplasmique mal différenciée. Le noyau présente un volume un peu supérieur à celui que l’on observe dans les trypanosomes typiques. Il nous semble certain qu’il s’agit là de parasites en voie de destruction. A la limite des zones d’infiltration moyenne, et en des points où les lésions du parenchyme cornéen restent au minimum, on constate par contre des amas plus ou moins considérables de parasites nettement définis. Les lames cornéennes paraissent légèrement dissociées, les cellules fixes montrent une légère hypertrophie de leur noyau et de leur corps protoplasmique, et l’on constate, entre ces éléments cellulaires, des trypanosomes diversement con- tournés et dont le corps cellulaire a pris une coloration violacée pâle, tandis que le noyau se détache en bleu sombre. La membrane de Descemet présente une continuité parfaite. Son revête- ment endothélial par contre ne paraît pas continu. On trouve, en certains points, des cellules tuméfiées présentant des vacuoles. On constate également un certain nombre de noyaux de trypanosomes semblables à ceux que nous avons signalés dans l’épaisseur de la cornée. Les couches profondes de la cor- née voisines de la membrane de Descemetsont par points, surtout à la périphé- ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 56 rie. assez infiltrées: nous n'y avons pas décelé la présence de trypanosomes. L’iris est fortement épaissi au point d’avoir quintuplé d’épaisseur, sur- tout au niveau de sa base. A un faible grossissement, on est déjà frappé par l’irrégularité de la pigmentation et par l’abondance des cellules mononu- cléaires qui infiltrent les mailles de l ’iris. Ici encore, l’infiltration polynu- cléaire est insignifiante. On rencontre, en très grand nombre, les cellules renfermant des inclusions sphériques fortement colorées. Sur la coupe des vaisseaux et des capillaires, on trouve toujours de nombreux mono- nucléaires. En aucun point de l’iris, on ne réussit à mettre en évidence des parasites. A la face postérieure de l’iris, on trouve un exsudât d’aspect fibri- neux qui renferme un nombre relativement faible d’éléments cellulaires chargés de pigment uvéal. Toute la région ciliaire, en particulier les procès ciliaires, la chorio-rétine jusqu’au niveau de l’ora serrata, sont le siège de la même infiltration lymphocytaire. Dans les espaces situés entre les franges des procès ciliaires, on trouve des amas de cadavres de trypanosomes. Ce sont des amas de petites sphères violettes séparées par une masse à eontours mal définis et colorée en mauve très pale. Ces amas sont entourés par un cercle de mononucléaires. A partir de l’ora serrata, les lésions ten- dent à s’atténuer. On constate bien encore, au niveau de la rétine, quelques mononucléaires et quelques- cellules pigmentées jusque dans la couche des fibres nerveuses, mais à mesure que l’on se rapproche du pôle postérieur, cette infiltration elle-même s’atténue. On ne peut pas cependant trouver un point où rétine ou choroïde aient leur structure absolument normale. Le corps vitré est le siège d’une infiltration leucocytaire légère qui devient un peu plus marquée au voisinage de la rétine. Un fait des plus frappants consiste dans la rareté extrême des trypanosomes sur les coupes des nom- breux vaisseaux intra ou extra oculaires. En différents points de l’espace situé entre la choroïde et la rétine, on trouve des cadavres de trypanosomes ; en aucun point nous n’en rencontrons qui présentent l’intégrité de ceux que nous avons observés dans la cornée. Nous ajouterons à cela que la sclérotique ne présente pas de lésions, à l’exception d’une infiltration marquée au voisinage de la région du canal de Schlem et par conséquent de sa continuation avec la cornée. Le nerf optiqueest normal. Il en est de même des muscles et de la graisse périoculaire. L’œil gauche présente des altérations à peu près identiques. En résumé, les globes oculaires de notre animal semblent présenter des lésions à différents stades d’évolution. L’absence de parasites nettement colorés ou la présence de formes dégénératives dans les parties postérieures du globe, au niveau de l’iris et dans une partie 1 1 1 0 à 15 ans « 2 S 4 4 2 Plus de 15 ans » ÿ> . • Total 5 30 i 4 2 Sainte- Lc'onie. Témoins. 0 à 5 ans » 6 i 2 7 i 5 à 10 ans » «> 1 2 10 10 à 15 ans : . . . »* - » 3 0 à 15 ans >* 13 2 4 20 Plus de 15 ans » » « 3 2 Total « 18 i 7 22 ÉTUDES DU PALUDISME 95 III. — Douars d’Ain-Tedeles . Pour les conditions du paludisme, voir t. XX, p. 379. Gîtes à Anophélines. — Les principaux gîtes à Anophélines n’ont été aucunement influencés par le creusement des canaux de dessèchement qui traversent leur région. Ils contiennent toujours autant d’eau, nous y avons trouvé des larves d’Anophélines, ils sont par suite toujours aussi dangereux. Quininisation. — A été la seule mesure prise : elle a été étendue en 1900 à un second douar (Ouled Hadri et Bou-Aza). Confiée à M. L’Huilier. Doses : Une dragée de 20 centigr. de bichlorhydrate chaque jour pour un adulte ou un enfant. 240 personnes furent traitées: du début de juin à fin octobre. Les témoins sont fournis par les deux douars Bou Khouçaet Ouled Ameur, situés à plusieurs kilomètres. Dépenses. — Achat de la quinine : 302 fr. 40. Frais de quininisa- teur : 500 francs. Résultats . — Sont fournis par la comparaison des tableaux d’index endémiques suivants, relevés avant, pendant et après la saison fiévreuse, chez les traités et chez les témoins. A noter que le douar Bou Khouça, témoin, demande instam- ment à être quininisé l’an prochain. Les rates, palpées au printemps et en automne, sont : HYPERTROPHIÉES Douar9 traités 0. Hadri, O. Bouaza, Si Djelloul. D’hypertrop. redevenues normales. Restées normales. Diminuées. Restées de môme grosseur. Augmentées. 0 à 5 ans 3 h 8 3 1 5 à 10 ans 7 2 17 3 », 10 à 15 ans * « 19 4 4 0 à 15 ans 10 6 44 10 5 Plus de 15 ans 5 17 20 11 O Total 15 23 64 21 8 96 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Douars témoins Bou Khouça, O. Ameur. » 1 » » )) )> 0 à 5 ans 1 » 1 2 5 â 10 ans » » . 3 3 10 à' 15 ans » » 1 4 4 0 à 15 ans 1 » 3 11 9 Plus de 15 ans » 2 » 2 4 Total 1 2 3 13 13 3° Extension de l’antipaludisme. lre section de la Mitidja . Cette extension n’a, bien entendu, pas pour but d’appliquer du premier coup des mesures antipaludiques parfaites sur cette vaste zone, ce qui serait impraticable, mais de les amorcer sur les points les plus fiévreux. Réservoir de virus. — Le quadrilatère de la lre section de la Mitidja comprend les villages de la Chiffa, Mouzaïaville, El Affroun (avec le centre de Bou-Roumi), Ameur-el-Aïn, Bourkika, Marengo, Meurad, Montebello, Attatba. Le réservoir de virus y est évalué au printemps et en automne 1906, grâce aux index endémiques qui donnent les chiffres suivants : - :■ ÉTUDES DU PALUDISME 97 7 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR y8 ! Plaine de laMitidja, et Sahel d'Alger, ÉTUDES DU PALUDISME 99 Nous ne nous sommes pas occupés en 1906 des villages : El Affroun, Bou-Roumi, Bourkika, Ameur-el-Aïn, Meurad, Mou- zaïaville, où l’index est inférieur à 15 0 0. Le maire de la Chiffa s’oppose à la quininisation des indigènes de son village où l’index est pourtant élevé. La défense ne porte donc que sur les villages de Marengo et Attatba, Montebello étant déjà notre champ de démonstration. Gîtes à Anophélims . — Il y a deux Mitidja, que séparerait une ligne fictive tracée suivant Taxe de la plaine, et qui passerait par Boufarik, Oucd-el-Alleug, Marengo. Au sud de- cette ligne, la plaine se relève jusqu’au pied de l’Atlas, pas de sources, sol aride, disette d’eau. Au nord, au contraire, les eaux sourdent de partout, souvent artésiennes, se répandant en marécages. Au sud, les gîtes ne se sont constitués que là où l’irrigation est mal faite (sauf près des oueds). Au nord, les gîtes sont inin terrompus. Si l’on jette les yeux sur la carte, on constate un parallélisme frappant entre cette distribution des gîtes et la répartition des index endémiques graves ou bénins. Village de Montebello. — Déjà étudié comme champ de démonstration. Voir plus haut. Bourg de Marengo. — La partie centrale du bourg est indemne de fièvres. Le quartier de V abattoir , le plus malsain, est seul défendu. I. — Les mesures antilaroaires consistent dans l’entretien des fossés de dessèchement d’une portion marécageuse du ravin de l’abattoir et dans le pétrolage bimensuel des eaux stagnantes. II. — La quininisation journalière fut confiée à un Européen, 20 centi- grammes le premier jour (une dragée), 40 centigrammes le lendemain, du début de juin à fin octobre. 120 indigènes au minimum furent traités. Dépenses : Achats de la quinine, 226 fr. 80; frais de quininisateur, 500 francs. Main-d’œuvre, 273 fr. 50. Pétrole, 105 fr. 30. Total, 378 fr. 80. Résultats. — I. Les larves d’Anophélines furent toujours absentes de la zone protégée. IL Nous connaissons un seul cas de lre invasion sur dix nouveau-nés indigènes. Les tableaux suivants donnent les index endémiques chez les traités et chez les témoins, avant et 400 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR après la campagne. Ces témoins sont constitués par les indigènes des autres quartiers du village, moins fiévreux. Du printemps à l'automne, les ratés sont : HYPERTROPHIÉES MARENGO Abattoir Traités. D’hypertrop. redevenues normales. Restées normales. Diminuées Restées de même grosseur. Augmentées. 0 à 5 ans 1 10 1 » » 5 à 10 ans » 4 )) » 1 10 à 15 ans » » )) » 1 0 à 15 ans 1 I 14 1 » 2 Plus de 15 ans 2 i » » 2 » Total 3 25 1 2 2 MARENGO quartiers O . N . S . » » )> » » Témoins . i 0 à 5 ans » 8 )) )) 3 5 à 10 ans 1 11 1 » 4 10 à 15 ans 1 2 1 1 1 0 à 15 ans 2 21 2 1 8 Plus de 15 ans » 12 » 2 8 Total J 2 33 1 2 3 16 Village d’Attatba. — Pour les conditions du paludisme, voir t. XIX, p. 131. Quininisation régulière, quotidienne (20 centigrammes le 1er jour, 40cen- ÉTUDES DU PALUDISME 101 tigrammes le 2e jour) (le tous les indigènes du quartier ouest (le plus infecté) et des porteurs de grosses rates et des fébricitants du quartier est : 100 per- sonnes au minimum, par Mme Verrières, femme du secrétaire de la mairie. Dépenses : Achat de la quinine, 189 francs ; frais de quininisateur, 450 francs. Les tableaux suivants donnent les index endémiques chez les traités et les témoins, avant et après la campagne. Les rates, du printemps à l’automne, sont : HYPERTROPHIÉES Attatba ouest. Traités D’hypertrop. redevenues normales . Restées normales. Diminuées. Restées de même grosseur. Augmentées. 0 à 5 ans 1 3 4 1 5 à 10 ans 1 3 3 3 » H) à 15 ans >> 2 1 1 » 0 à 15 ans 2 8 8 4 1 Plus de 15 ans » 11 4 2 2 Totat 2 19 12 6 O O Attatba est. Témoins. | » •> » » 0 à 5 ans ; 1 3 * » » 5 à 10 ans 1 1 )) 1 1 10 à 15 ans » 1 )) » » 0 à 15 ans 2 5 » 1 1 Plus de 15 an » 11 )) )) 5 1 Total — 16 » 1 6 102 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR A Attatba, la quininisation du réservoir de virus ne paraît pas avoir encore eu de l’influence sur la santé des Européens du village. Sur 5 personnes nouvelles venues, 3 ont été infectées (réinfection chez une sensible, première infection chez deux indemnes). Les deux autres personnes nouvelles venues, qui se quininisaient, n’ont rien eu. Les autres Européens ne se sont pas quininisés et n’ont pris aucune précaution hygiénique. Fonctionnaires et employés de l'État. Montebello. — Ont été grillagés : Je receveur des postes et l’institutrice, qui, de plus, ont profité des mesures antilarvaires générales (0 cas). Barrage de Meurad. — La maison du barragiste est grillagée (réparations trop tardives). Tous anciens infectés. Index endémiques : au printemps, 9 sur 17. El Ajfroun. — Maison cantonnière en dehors du village, sur les bords de l'oued Djer, gîte dangereux. Tous anciens infectés. Défense mécanique incomplète. Attatba. — Ont été grillagés : le facteur-receveur des postes (sa femme et lui sont indemnes, le sont restés en 1906); lefacteur (ancien infecté), a quelques rechutes; sa femme, infectée, n’en a pas en 1906. L’institutrice, dont l’habitation a été grillagée tar- divement, a présenté un cas douteux, qui aurait été contracté avant la défense mécanique. Camp Halloula. — Chantier des ponts et chaussées. Pour les conditions du paludisme, voir t. XX, p. 377. Défense m écanique seule ( quelques défectuosités) dontnepro- fitent qu’une douzaine d’ouvriers. Au moins une première inva- sion et 2 rechutes graves. Vingt à trente ouvriers couchèrent sans défense mécanique au camp, ou sous des tentes, près du canal : chez eux, au moins 4 cas de première invasion, constatés par des médecins, dont 3 vérifiés par notre examen microscopique. Pour les autres cas, renseignements impossibles à obtenir, les malades ayant été évacués sans recourir aux médecins. Le très mauvais état sanitaire de ce chantier met en lumière le bon effet obtenu en 1905 par les mesures antilarvaires prises sur le même point. Nous n’avons pas proposé, en 1906, de con- ÉTUDES DU PALUDISME 103 tinuer l’execution de ces mesures, n’ayant pu obtenir, malgré nos demandes réitérées, d’être mis à même d’en contrôler les effets par la comparaison avec des chantiers témoins. Particuliers. La Chijfa. — Le propriétaire d’une briqueterie tout a fait isolée, située aux bords mêmes de l’oued Chiffa. quininise lui- même ses ouvriers, tous anciens infectés; le seul sujet indemne, nouveau-né de 1906, présente trois légers accès sans grosse rate ni rechute depuis 5 mois (paludisme douteux), tandis que les 2 enfants nés les années précédentes avaient contracté dès leur première année un paludisme grave. Le nouveau-né n’avait pas été quininisé lui-même. Aucun des Anophélines capturés dans 1 habitation ne fut trouvé infecté. Les index endémiques des indigènes quininisés, relevés avant et après la saison fiévreuse, montrent les rates : D’hypertrop. HYPERTROPHIÉES Ferme Quirici. Traités. sont redevenu es normales. Sont restées I normales Ont diminué. Sont.restées de même grosseur. Ont augmenté. 0 à 5 ans )) 1 2 )) 5 à 10 ans 1 1 4 V » 10 à 15 ans 1 1 )) 0 à 15 ans. . . . 1 3 - )) Plus de 15 ans. . . 1 6 1 1 ‘ Total 2 9 8 1 1 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 101 VillagedelaChilïa. Témoins. j 1 0 à 5 ans. » » » 1 5 à 40 ans )) » )) » 1 10 à 15 ans » » » » 1 0 à 15 ans )) 2 » » 3 Plus de 15 ans. . . » | 40 » 5 9 Total » 12 » 5 " Tekteka. — Pour les conditions du paludisme, voir t. XX, p. 370. Mesures antilarvaires pratiquées aux frais du propriétaire delà ferme, irrégulières et insuffisantes, malgré les instructions données tous les 13 jours et la surveillance exercée avec la collaboration du Dr Danvin, de Coléa. Anopliélines nombreux du début à la fin de l’été. Au moins trois cas de première invasion. * * * Un certain nombre de particuliers de la lre section de la Mitidjaont grillagé leurs fermes depuis le début des campagnes antipaludiques. Région témoin. — La région témoin de fa première section de la Mitidja est représentée, en 1906, par la deuxième section de cette plaine, que limitent au nord le Sahel algérois et à l’est la voie ferrée du P.-L.-M. La recherche des index endémiques dans cette partie de la plaine, au printemps et en automne, donne les chiffres suivants qui montrent une augmentation du nombre des grosses rates durant l’été. Le tableau des index endémiques de la première section, qui figure plus haut, montre au contraire une diminua tion de ce nombre. ÉTUDES DU PALUDISME 105 106 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 4u Autres localités fiévreuses. En dehors cle la zone sur laquelle nous avons porté notre principale attention, pour en faire le point de départ d’où l’anti- paludisme gagnera chaque année des territoires voisins, nous nous sommes occupés de diverses localités fiévreuses éparses en Algérie et qui nous étaient signalées tantôt par l’administra- tion, tantôt par des particuliers. Nous avons pu relever ainsi soit des observations épidémiologiques et prophylactiques, soit des observations épidémiologiques seules. Parmi les agglomérations européennes, nous distinguons les anciens centres et les centres de nouvelle création. Ceux-ci sont très intéressants, car ils reçoivent des Français de la métropole, proie désignée pour le paludisme. Le devoir très net de l’admi- nistration est de protéger ces immigrants. Nous sommes heureux de rendre hommage ici àM. Leygues, ingénieur en chef du ser- vice spécial de la colonisation, pour toute l’aide qu’il ne cesse de nous donner dans nos recherches sur le mode de prophy- laxie à adopter. Malgré le dévouement et le zèle de ses colla- borateurs, parmi lesquels nous sommes heureux de citer M. Tailhandier, conducteur du service spécial à Constantine, il reste encore à créer une organisation. Les ouvriers antilarvaires improvisés à Mondovi, Gambetta, Brazza (voir plus loin) ne possèdent pas encore leur métier tout spécial, et MM. les Con- ducteurs, surchargés de besogne, ne peuvent pas revenir tous les 15 jours dans les mêmes localités. Parmi les enquêtes que l’on nous a demandées, la plupart sont restées sans aucun effet (Rochambeau, voir t. XX, p. 386) [voir plus loin Foum-el-Gueiss]. La cause en est encore à cette absence d’une organisation antipaludique spéciale aux nouveaux centres, qui devrait s’appliquer automatiquement dans toute création nouvelle. Il ne sert de rien, en effet, d’enquêter avant le peuplement. Sauf les cas exceptionnels de villages récents où l’eau est très rare (voir t. XX, p. 387, Bourlier et Burdeau dans le Sersou), on peut dire que dans tout centre de colonisation sont réunis les trois facteurs d’une épidémie de paludisme : le réservoir de virus, ce seront les indigènes qui viendront se louer comme domestiques, ouvriers agricoles, khammès, petits com- merçants ; les gîtes à Anophélines, en dehors des gîtes naturels, ÉTUDES DU PALUDISME 107 les colons, surtout les immigrants inexpérimentés, créent des gîtes avec leurs irrigations ; enfin les sujets sensibles , qui sont les immigrants. Bien entendu, l'épidémie n’éclatera que lors de la réunion de ces trois facteurs, c’est-à-dire au moment du peu- plement : ainsi s’expliquent ces épidémies qui ont désolé Rochàmbeau, Borély-la-Sapie, Voltaire, Liébert, au moment du peuplement. On a incriminé longtemps le remuement de terre : à Bourlier et à Burdeau (Sersou) on a défoncé en 1904 et en 1905 un sol vierge pour y faire une route, y construire deux villages ; il n’y eut pas de paludisme, car les gîtes man- quaient : l’eau ne vient que de quelques puits où elle est tou- jours agitée, car ces puits sont continuellement en service. La conclusion principale des pages qui suivent sera donc, en ce qui regarde les centres de colonisation, la nécessité de l’em- ploi et du dressage d’ouvriers antilarvaires. I. — OBSERVATIONS ÉPIDÉMIOLOGIQUES ET PROPHYLACTIQUES 1° Communes et État. VILLAGE DE MONDOV1 Pour les conditions du paludisme, voir t. XX, p. 382. Mesures antilarvaires seules, insuffisamment exécutées. Larves présentes dans les gîtes tout l’été. Les dépenses consenties (1,000 francs) ont donc été, en 1906, comme en 1905, à peu près inutiles. Plusieurs cas d hémoglo- binurie nous ont été signalés par M. le Dr Marbot, ainsi que plusieurs cas de première invasion (cliez des nouveau-nés). Les tableaux suivants donnent les index endémiques avant et après la campagne. Du printemps à l’automne, les rates sont : HYPERTROPHIÉES Dhypertrop. redevenues normales. Restées normales. Di minuées Restées de même grosseur. Augmentées. 2 10 3 14 | 23 108 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR VILLAGES INDIGÈNES DE BISKRA Pour les conditions du paludisme, voir t. XIX, p. 133, et t. XX, p. 381. La quininisation seule a été essayée, dans une partie des villages de Bab-Darb et de Bab-Fath. Confiée à un chaouch indigène, elle a été déplorablement opérée. Les résul- tats sont nuis. Les dépenses consenties (près de 1,000 francs) ont donc été inutiles. Les tableaux suivants donnent les index endémiques avant et après la campagne. Il y a eu en été 1900, dans ces villages, 14 morts (sans diagnostic médical). Du printemps à l’automne, les rates sont : D’hypertrop. redevenues normales. HYPERTROPHIEES Restées normales. Diminuées Restées de même grosseur Augmentées. Bab-darb et Bab- fath (prétendus quininisés). 0 9 7 6 48 Ras-cl-guéria (Témoins.) 0 12 1 7 25 2° Fonctionnaires. DÉFENSE MÉCANIQUE DES LOGEMENTS DES INSTITUTEURS Sur l’invitation de M. Boulogne, président de la Commission du paludisme, nous avons fourni les documents nécessaires à la mise en défense contre le paludisme des logements d’insti- teurs ou d’institutrices, qui seront dorénavant édifiés. Ces docu- ments ont été publiés dans une Instruction spéciale concernant la construction , le mobilier et le matériel d’enseignement des écoles primaires élémentaires et des écoles maternelles de l’Algérie , due à M. A. Ballu, inspecteur général du service d’architecture. DÉFENSE MÉCANIQUE PERSONNELLE DES GARDES FORESTIERS M. P. de PeyerimhofL inspecteur-adjoint des forêts, procède à un essai de protection de gardes forestiers parcourant un pays ÉTUDES DU PALUDISME 109 très fiévreux, en les munissant de moustiquaires de lit porta- tives. Trois gardes neufs , c'est-à-dire venant de France et n’ayant jamais eu les fièvres, d’après leurs dires, ont chacun leur mous- tiquaire (maison forestière du lac de Mouzaïa, les 2 maisons forestières de Tablai). L’état de santé de ces gardes est resté bon pendant l’été 1906; les résultats ne seront de quelque intérêt, bien entendu, qu’au bout de plusieurs années. L’effica- cité de la moustiquaire de lit est ici moins en cause que l’exac- titude des préposés à observer la consigne. BARRAGISTE DU HAMIZ Gîtes : Mares à mousses vertes de l’O. Hamiz en aval du barrage. Réservoir de virus très important : sur 13 indigènes adultes, 8 ont une grosse rate. Défense mécanique incomplète. Le barragiste et ses deux fils, anciens infectés, sont atteints de cachexie paludéenne très grave . Le barragiste, qui a dû passer plusieurs fois la nuit hors de son habitation, s’est sans doute réinfecté. Sa femme et sa fillette sont restées indemnes. 3° Particuliers. DOMAINE DE L’HABRA Pour l’exposé des conditions du paludisme, voir ces Annales , t. XX, p. 370. Les grillages ont été placés aux logements d’une quinzaine de familles d’ouvriers dépendant directement du domaine (Ferme-Blanche, le Paddock, Fornaka, la Touffe). Les mesures antilarvaires ont consisté en pétrolages des fossés des routes, des deux mares printanières près de Ferme-Blanche. Un marais situé à environ 1 kilomètre de cette agglomération n’a été l’objet d’aucune mesure, malgré les indications données, de même qu’un autre marais plus proche, situé en dehors du domaine. La quininisation de tous les habitants, pour laquelle des instructions et le matériel ont été envoyés par l’Administra- tion centrale du Crédit Foncier, n’a pas été régulière, ni bien faite. La mauvaise application de l’antipaludisme, tant de la défense mécanique que des mesures antilarvaires et de la qui- ninisation, par les personnes chargées de ce soin, a amené les mauvais résultats indiqués par les index endémiques suivants. Nous connaissons deux cas de première invasion dont l’un a MO ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nécessité le séjour du malade à l’hôpital de Saïda et l’a Taiss; profondément anémié. Les index endémiques relevés au printemps et en automne nous montrent des rates : D'hypertoph. redevenues normales. HYPERTROPHIÉES Traités, mais mal. Restées normales. Diminuées. Restées de même gross eur. Augmentées 0 ;i 5 ans » 21 )) » 6 5 à 10 ans 3 6 1 2 7 10 à 15 ans » 4 » » 0 à 13 ans 3 31 1 ' 2 13 Plus do 15 ans. . )) 1 )) » » Total 3 32 1 2 13 Planète. Témoins. • 0 à 5 ans )) » » » 1 5 à 10 ans » 2 *. ' 2 6 10 à la ans » 1 )) » 2 0 à 15 ans » 3 )) 2 9 Plus do 15 ans.. » » » » » Total * 3 » 2 9 ETUDES DU PALUDISME 111 II. — OBSERVATIONS ÉPIDÉMIOLOGIQUES. Département d’Oran. TÉNIRA RÉSERVOIR DE VIRUS. GITES A ANOPHÉLINES. Voir tome XX, mai 1006, page 24. Le paludisme, très violent en 1904, a été très faible en 1905. De grands travaux de des- sèchement ont assaini, en partie, la région, mais des gîtes très étendus, au moins printaniers, existaient en- core au printemps 1906. La partie de la plaine, signalée en juin 1905 comme insuffi- samment drainée, l’est en- core. Département d’Alger. LIÉBERT RÉSERVOIR DE VIRUS GITES A ANOPHÉLINES Contreforts sud de l’Ouarsenis. Centre peuplé en 19o6, ravagé aussitôt par une épidémie de paludisme : le Dr Aucaigne, méde- cin de colonisation, a eu à soigner pour paludisme tous les habitants sans excep- tion. Chez 10 enfants indigènes, 7 grosses rates. Chez 1 7 enfants européens, 8 grosses rates. Gîtes restreints : Petit es dépressions au tour du village, recevant l’eau d’écoulement du lavoir et de l’abreuvoir. En contre-bas du lavoir, marais résultant du mauvais entretien des fossés destinés à assécher le terrain. BOURLIER — BL’RDEAU Pour les conditions du paludisme, voir ces Annales , t. XX, p. 387 ( pas de gîtes). Le Dr Aucaigne, médecin de colonisation, veut bien nous écrire: « L’état sanitaire de ces 2 villages est excellent et l’a été pendant tout l’été. Je n’ai rencontré, pour ma part, aucun cas de fièvres paludéennes de De invasion dans ces localiteSy les seuls cas de paludisme réellement observés par moi l’ont été chez d’anciens paludéens, comme le garde champêtre de Burdeau et sa famille. J’ai observé également des fièvres paludéennes chez des colons fréquentant les marchés, et couchant ainsi dans dés localités infectées. « ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 112 M. de Saulieu, qui dirige une exploitation agricole à Bouclier, a bien voulu nous faire les mêmes déclarations. L 'immunité de ces deux villages, qui ne possèdent pas , pour le moment, des gîtes à Anophélines, est intéressante à constater, à l’appui de la doctrine anophélienne. Le village de Liébert (voir plus haut), situé dans la même région, mais qui possède des gîtes , a été très éprouvé par le paludisme, et peut leur ser- vir de témoin. HARDY (aÏN-EL-BEÏDA) « RÉSERVOIR DE VIRUS GITES A ANOPHÉLINES Centre projeté, pour 1 lequel on hésite entre 2 emplacements : 1er Emplacement, dangereux par l’éten- due des gîtes voisins: | Chez 17 indigènes exami- nés, 8 grosses rates. i 1° Gîtes considérables : Oueds Nahr-Ouacel, Taz- ! maïa, eaux d’écoulement de i l’Aïn-el-Beïda. 2e Emplacement.) moins dangereux, à, 45 mètres plus haut! en altitude. 1 2° Aïn-el-Beïda,à 1,000 mè- tres environ, et dépressions voisines, si elles sont rem- plies d’eau par des irriga- tions mal faites. VICTOR-HUGO. RÉSERVOIR DE VIRUS GITES A ANOPHÉLINES Centre en création sur le plateau du Sersou . Si l’emplacement avait été choisi à 1,500 mètres seule- ment plus loin de la dépression de Zilène, il aurait pré- senté de bien meil- leures conditions de salubrité. 6 grosses rates chez 7 en- fants indigènes. A 1,200 mètres, dépression dite de Zilène, contenant encore des larves d’Anophé- lines, le 15 novembre. Les eaux d’écoulement du lavoir et de l’abreuvoir créeront en 1907 de nou- veaux gîtes, si des mesures ne sont pas prises. i 1 KEDDARA RÉSERVOIR DE VIRUS GITES A ANOPHÉLINES Lot de ferme con- cédé près du village nouvellement créé à Keddara (sur les con- treforts de l’Atlas, flanc mitidjéen). Est à une altitude un peu supérieure à celle d’un village in- digène voisin. h Index de 2 grosses rates sur 20 enfants examinés. Près de remplacement de la future habitation et à 80 mètres plus bas, coule un oued. Quelques sources et quel- ! ques trous d’eau encore j cachés dans la brousse. Département de Constantine. EL KSEUR . RÉSERVOIR DE VIRUS. GITES A ANOPHÉLINES. Centre ancienne- ment peuplé au pied des montagnes de Kabylie. Pourcentage des grosses rates :30,9°/o (sur 84 enfants indigènes examinés). Par ordre d’importance: 1° Marai s formé par l’eau d’écoulement d’un abreu- voir : 2° Mares du lit caillouteux de l’oued El-Kseur, à envi- ron 400 mètres ; 3o Certains fossés d’écou- lement des eaux des fontai- nes du village ; 4°Ungîte possible et tran- sitoire est formé par les mares du lit de l'oued Mé- liana, voisin. AÏN-MOKRA RÉSERVOIR DE VIRUS GITES A ANOPHÉLINES Centre ancienne- ment peuplé, situé près d’un grand lac jamais à sec; la ré- ; gion est réputée, à juste titre, très mal- saine. Indigènes infectés (très nombreux), Européens an- ciens infectés. Le gite le plus important est le lac Fetzara, dont les bords, au printemps (mo- ! ment de la plus grande pul- j lulation des larves), ne sont pas éloignés du village de plus de 1500 mètres. Une carrière abandonnée, dans le village même, laisse des trous remplis d’eau au 1 printemps, gîtes printaniers accessoires, mais très dange- reux. Dans le village même, les abords des sources peu- ; vent devenir des gîtes à Anophélines. Les grands trous d'eau, abords taillés à pic, sans végétation, de la 1 mine du Mokla, ne parais- sent pas dangereux. 1 8 114 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR AÏN-ABID 1 RÉSERVOIR DE VIRUS GITES A ANOPHÉ LINES Centre ancienne- ment peuplé, jouit d’une réputation de salubrité exception- nelle,au milieu d’une région fiévreuse. Altitude élevée. Les indigènes du village seuls souffrent du palu- disme. Pourcentage des grosses rates 12°, 5°/° (sur 48 enfants examinés). Héma- tozoaires dans le sang de i'un d’eux. Petits gîtes : fossés d’écou- lement d’abreuvoirs, puits abandonné. Pas d’oued aux environs, fait qui explique la situation relativement bonne de cette localité, par rapport aux localités voisines. AZEL-SAKRAlM.V RÉSERVOIR DE VIRUS GITES A ANOPHÉLINES Lots projetés do fermes au voisinage d’une localité répu- tée salubre ( Aïn- Abid). Altitude éie\ ;e. 8 grosses rates chez 16 in- digènes habitant sur l’em- ; placement même des futurs lots. Petit oued à courant très faible. Abords de sources et quelques suintements. Les Anophélines adultes sont très nombreux dans les habitations existantes. Les mesures à prendre contre les gîtes seraient faciles et indispensables, car un paludisme violent déci- merait certainement les pre- miers habitants. Le service spécial de la colonisation a abandonné le projet de création de fermes à Azel-Sakrania, à la suite de notre rapport à ce sujet. AÏN-GOUTHNIA. RÉSERVOIR DE VIRUS GITES A ANOPHÉLINES Centre projeté dei colonisation dans le.-! vallons des Mat mat a. Les enfants indigènes ha- bitant dans le voisinage immédiat ont fourni un in- |(lex de 16, 3 °/0 (sur 83 exa- minés). L’oued Cheurfa qui coule au pied même du futur village, les sources voisines et leurs abords, les suinte- ments des petits ravins qui encadrentl’emplacement du futur village sont des « gîtes » faciles à régulari- ser ou à détruire. ETUDES DU PALUDISME 115 GAMBETTA (EL-GUETTAR) RÉSERVOIR DE VIRUS GITES A ANOPHÉLINES Centre en création dans le massif mon- tagneux au sud de Souk-Ahras. Empla- cement d’une ancien- ne smala de spahis. Sur 14 enfants indigènes habitant les abords du futur village, 4 grosses rates. Sur 50 ouvriers travaillant on août sur l’emplacement du futur village, 6 grosses rates.. 1° Les deux sources et leurs abords en contre-bas de l’emplacement de Gam- betta : 2° Oued provenant de ces sources et formant un vrai marécage en contre-bas ; 3° Un autre gîte bien moins important est constitué par un petit oued, à 900 mètres. LAMY (BOU-HADJAR) RÉSERVOIR DE VIRUS GITES A ANOPHÉLINES Centre déjà peuplé, près de la frontière tunisienne, au fond d’une vallée encais- sée. Enfants indigènes: 43,2 °/0 de grosses rates (sur 37 exa- minés). Ce sont : l’oued Bou-Guer- ma, à mares estivales, un autre oued, à mares prin- tanières. les abords de l’a- breuvoir et une source. FOUM-EL-GUEISS. i RÉSERVOIR DE VIRUS GITES A ANOPHÉLINES Au débouché dans* la plaine d’une vallée du flanc nord de l’Aurès. Peu d’indigènes actuelle- ment aux environs. Sur 10 enfants, 2 grosses rates. A quelques dizaines de mètres du village projeté, séguias d’irrigation et Oued Gueiss. Propagande antipaludique. Ont été publiées : 10,00!) recommandations pour se défendre contre le paludisme (4 pages de texte, 4 pages de figures). 20,000 petites affiches résumant en quelques lignes des conseils contre le paludisme, en français et en arabe (placées dans tous les wagons de chemins de fer d’Algérie, dans les gares, les mairies, les sièges de commune mixte, les justices de paix, les bureaux de poste). 116 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Notices en arabe sur le même sujet, distribuées aux fonc- tionnaires et notables indigènes. 5.000 conférences distribuées aux instituteurs, aux officiers chargés des conférences dans les régiments, aux maires, aux présidents des différentes sociétés agricoles, etc. (Des clichés pouvant servir à illustrer cette conférence sont tenus à la dispo- sition des personnes qui en font la demande.) 2.000 planches murales : contre le paludisme, en couleurs. Elles sont affichées dans toutes les écoles algériennes, dans les mairies, dans certaines gares. 10.000 cartes postales illustrées vulgarisant la connaissance du rôle des Moustiques et des nouvelles méthodes prophylactiques. De l'anaphylaxie et de l anti-anaphylaxie VIS-A-VIS DU SÉRUM DE CHEVAL Par A. BESREDKA ET Edna STEINHARDT (Travail du laboratoire de M. Metchnikofî. ) DE L’ANAPHYLAXIE Le cobaye devient extrêmement sensible a l'injection de sérum normal de cheval, lorsque, 12 jours auparavant, il a reçu sous la peau un mélange de toxine et d’antitoxine diphté- rique 1 2 . Cette hypersensibilité du cobaye, qui est à rapprocher de l’anaphylaxie, bien connue surtout depuis les travaux de Richet et d’Arthus, fut récemment étudiée avec beaucoup de soin par Rosenau et Anderson - h Washington, et indépendamment d’eux, par Otto 3 à Francfort. Comme ces auteurs, nous observâmes aussi que les cobayes qui ont servi au dosage de sérum antidiphtérique présentent assez souvent des symptômes graves, lorsque, 12-15 jours après, on leur injecte dans le péritoine 5 c. c. de sérum normal de cheval. Ces injections intrapéritonéales, qui passent tout à fait inaperçues chez le cobaye normal, sont suivies, dans certains cas. d’issue mortelle chez les cobayes « sensibilisés »4. 1. Ce phénomène, connu dans les laboratoires américains, a été appelé par Otto (v. Leuthold-Gedenkschrift. l.vol. 1906) « phénomène de Theobald Smith ». 2. A study of the cause ot‘ sudden death following the injection of horse sérum. Hvgienic Laboratory. — Bulletin n° 29. Avril 1906. Washington. 3. Loc. cit. Voir l’analyse de ces deux mémoires in Bulletin de l'Institut Pas- teur, t. IV, p. 813, p. 626. 4. Nous désignerons dorénavant ainsi les cobayes qui avaient servi anté- rieurement au dosage de sérum antidiphtérique, et avaient donc reçu à un moment donné un mélange de toxine et de sérum antidiphtérique (1/200-1/300 c. c. de sérum). ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 418 * * *• Dans nos expériences, nous n’avons jamais eu de mortalité bien élevée. Sans prétendre à une grande exactitude, nous croyons ne pas nous tromper beaucoup en disant que chez nos cobayes sensibilisés, le sérum (5 c. c.) ne déterminait la mort que dans 23 0 0 de cas environ. Le sérum rendait les cobayes sensibilisés plus ou moins malades dans presque autant de cas (23 0 0); enfin, dans 30 0/0 de cas, les cobayes, bien que sensi- bilisés depuis plus de 12 jours, ne réagissaient d’aucune façon à l'injection de sérum dans le péritoine. Dans les expériences d -Otto, la proportion de cobayes, réagis- sant au sérum était notablement supérieure : ainsi, il a eu une mortalité dans 30 0/0 de cas; chez les autres 30 0/0, l’injection de sérum déterminait toujours des symptômes plus ou moins gr ives, mais sans issue mortelle. Quant aux expériences de Rosenau et Anderson , elles furent encore beaucoup plus meurtrières : sauf quelques rares excep- tions où l’injection du sérum était suivie de troubles très graves, mais non mortels, la généralité des cobayes succom- bait invariablement en un temps très court. La différence que nous venons d’indiquer dans le taux delà mortalité doit résider soit dans la résistance inégale des cobayes, soit dans la toxicité inégale des sérums. Quoi qu’il en soit, il est un fait bien certain que les troubles d’anaphylaxie sont plus bénins à Paris qu’à Francfort et surtout beaucoup plus bénins qu’à Washington. Mais si peu élevée que soit la mortalité des cobayes pari- siens, on ne peut pas s’empêcher de considérer ce phénomène comme extrêmement troublant. Rosenau et Anderson . ainsi que Otto , ont bien cherché à en pénétrer le mécanisme, sans grand succès d’ailleurs. Ils sont parvenus cependant à déblayer le terrain, en précisant un cer- tain nombre de détails se rattachant au déterminisme du phé- nomène en question. Voici, en résumé, ce qui est établi aujourd’hui, grâce aux recherches de ces savants. # * % 11 est établi que l'injection préalable d’une faible dose (1/230-1/1.000.000 c. c.) de sérum normal de cheval, seul, suffit ANAPHYLAXIE ET ANTI-ANAPHYLAXIE 119 pour créer chez le cobaye un état de « sensibilisation », mais que l’addition de toxine diphtérique à du sérum, sans être indispensable, rend l’anaphylaxie plus saisissante ; que celle-ci ne s’établit que dans les cas où il s’est écoulé au moins 10-12 jours entre l’injection « sensibilisante » (toxine + antitoxine diphté- rique) et l’injection de sérum de cheval (3 c. c.) dans le péri- toine. Il a été enfin établi que, lorsque l’intervalle entre ces deux injections est plus court et que le sérum de cheval est injecté dans le péritoine avant l’expiration du délai de 12 jours, l’animal ne réagit que très peu ou pas du tout, et, chose curieuse, il ne va plus réagir du tout à une autre injection de sérum, celle-ci fût-elle même faite au delà de la période de 12 jours , en d’autres termes, le cobaye devient vacciné contre l’anaphylaxie. Les expériences de Rosenau et Anderson ont, de plus, montré que cette immunité est strictement active et que le sérum des cobayes vaccinés, pas plus que leurs organe*-;. ne possède aucun pouvoir spécifique. Avant de passer à l’exposé de nos propres recherches, hâtons-nous de remarquer que nous n’avons pas été plus heureux que nos prédécesseurs dans nos tentatives d’élu ider la cause intime de l'hypersensibilité des cobayes vis-à-vis du sérum de cheval. Nous avons eu néanmoins l’occasion d’observer, au cours de nos expériences, des faits très curieux, qui méri- tent d’autant plus d’être relevés qu’ils sortent tout fait du cadre des phénomènes jusqu’ici connus. Au moment de nous engager dans l’étude de l’anaphylaxie, nous fîmes une hypothèse qui nous servit de fil conducteur dans toutes nos recherches. Nous nous sommes dit ceci : le cobaye sensibilisé qui paraît jouir d’une bonne santé, peut-être en réalité présente-t-il, malgré sa belle apparence, quelque lésion latente du cerveau ; une deuxième injection faite dans le péri- toine 12 jours plus tard, vient, peut-être, réveiller cette lésion nerveuse, ce qui a pour résultat de déclancher des troubles graves et même la mort. En partant de cette hypothèse, nous décidâmes de porter le sérum, lors de la deuxième injection, non dans le péritoine, mais directement dans le cerveau; en venant frapper ainsi directe- 120 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ment la cellule sensible, nous comptions provoquer des symp- tômes anaphylactiques avec des doses beaucoup plus faibles de sérum, et surtout avec une constance plus grande que l’on n’en observe lors des injections intrapéritonéales. C’est ce qui arriva, en effet. Lorsqu’un injecte sous la dure-mère d’un cobaye sensibilisé 1/4 ou même 1/10 c. c. de sérum de cheval, on voit au bout de quelques minutes l’animal présenter les mêmes symptômes qu'il aurait eus après l’injection de 5 c. c. de sérum dans le péri- toine. 11 va sans dire que l’injection intracérébrale doit être faite, tout comme l’injection intrapéritonéale, au plus tôt 10-12 jours après la sensibilisation. Mais, et c’est là un fait d’une grande importance, tandis que, à la suite des injections intrapéritonéales, la mort ne sur- vient que dans 25 0/0 des cas environ, chez les cobayes injectés dans le cerveau, la mort est la règle ; de temps en temps on rencontre des cobayes qui échappent à la mort, mais jamais sans avoir présenté des symptômes de gravité exceptionnelle, tels que convulsions et collapsus faisant redouter la mort à brève échéance. Ainsi, sur 30 cobayes ayant été sensibilisés à différentes époques, puis éprouvés dans le cerveau avec 1/4 — 1/10 c. c. de sérum normal de cheval, nous n’en avons eu qu’un seul qui n’a pas réagi à l’injection intracérébrale (ce cas remonte au début de nos expériences, quand nous n’étions pas encore bien familiarisés avec la technique). 5 cobayes ont présenté des symptômes d’anaphylaxie des plus graves 'durant 15 minutes, à tel point que nous les considérions comme perdus; ils se rétablirent ensuite. Enfin, 24 cobayes moururent dans l’espace de 1 à 7 minutes après l’injection. Trois cobayes injectés avec 1/4 c. c. de sérum dans le cer- veau, 8 jours après la sensibilisation, c’est-à-dire avant le délai nécessaire, ne présentèrent que des troubles de peu d'importance. ANAPHYLAXIE ET ANTI-ANAPHYLAXIE 121 COBAYES SENSIBILISÉS d’aBORD, PUIS ÉPROUVÉS AVEC 1/4 C. C. DE SÉRUM DE CHEVAL DANS LE CERVEAU .* ntervalle entre les Nombre de deux injections. coba\ e -. Résultats. 8 jours 40 — . 11 - . 13 — . 15 — . 16 — . 18 — 20 — , 20 — . 22 — 27 — 31 — 3 Légers symptômes. 2 Mort en 2-3 minutes. 1 Mort en 7 minutes. 1 Mort en 3-7 minutes. 1 Mort en 3 minutes 0 7 morts: 2 gravement malades. 1 (1/20 c. r.) Collapsus ; très malade 30 minutes. 1 » » 15 minutes. 1 Pas de symptômes (?) 5 4 morts; 1 gravement malade. I Mort en 3 minutes. 4 Mort en 2-5 minutes. Les cobayes neufs ou les cobayes ayant reçu de la toxine diphtérique seule1, résistent très bien à l’injection de 1/4 c. c. de sérum de cheval dans le cerveau; dans aucun de nombreux cas, il ne nous fut donné d’observer des troubles tant soit peu appréciables. Il en est de même des cobayes sensibilisés auxquels on injecte dans le cerveau 1/4 c. c. de liquide indifférent, tel que bouillon de bœuf ou eau physiologique. Les phénomènes d’anaphylaxie ne s’observent pas lorsque le délai de 12 jours n’est pas expiré entre l'injection sensibilisante et l’injection intracérébrale. Ils ne s’observent pas non plus, même après le délai néces- saire, lorsque la sensibilisation a été obtenue non avec un mélange de toxine et d’antitoxine diphtérique, mais avec la toxine et l’antitoxine tétanique. Ainsi, sur 9 cobayes ayant servi à diffé- rentes époques au dosage de sérum antitétanique, aucun ne fut malade, lorsque 12-15 jours après on leur injecta 1/4 c. c. de sérum de cheval dans le cerveau. Ce résultat négatif est évidemment dû moins à la nature de la toxine mélangée avec du sérum, qu’à la très faible quantité de sérum (1/10,000- 1/ 100.000 c. c.) dont on se sert dans ces dosages. 1. Nous avons éprouvé six cobayes 13 jours après leur avoir injecté s jus la prau 1/4-1/8 c. c. (1e toxine chauffée 2 heures à 65°. 422 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR II DE l/aNTI- ANAPHYLAXIE L’épreuve des cobayes sensibilisés par le cerveau offre non seulement un intérêt théorique, en montrant que, dans l’anaphy- laxie sérique, on a réellement affaire à une intoxication d’ordre nerveux, mais elle présente encore un grand avantage pratique; elle permet notamment d’approfondir le problème au point de vue de l’immunité. Yu la régularité avec laquelle les cobayes sensi- bilisés succombent à l’épreuve cérébrale, chaque fois que, à la suite d’un traitement préalable, on n’observe ni mort, ni même collapsus, on peut être sûr que I on a affaire à un cas d’immunité artificielle. Cette certitude, on est loin de l’avoir en faisant l’épreuve par la voie péritonéale, vu la grande proportion de cobayes qui se montrent, au moins a Paris, déjà naturellement réfrac- taires à la deuxième injection de sérum de cheval. Au commencement de cette note, îïous avons fait remarquer que Rosenau et Anderson réussirent à vacciner les cobayes contre les accidents d’anaphylaxie en leur injectant dans le péritoine des doses massives et répétées de sérum. Cette immunité, vis-à-vis des effets anaphylactiques provoqués par une injection intrapéritonéale de sérum, est un phénomène auquel on pouvait s’attendre par analogie avec d’autres faits de même ordre: mais, où ce phénomène nous a paru sous un jour tout à fait inattendu, c’est lorsque nous constatâmes le fait sur- prenant que voici : les cobayes, sensibilisés d’abord (toxine -f- antitoxine diphtérique), puis immunisés avec du sérum de cheval par la voie péritonéale , se montrèrent' réfractaires à V in- jection intracérébrale (1/4 c. c.) de sérum de cheval. Cette immunité cérébrale a été observée d’abord par nous chez des cobayes qui avaient reçu à plusieurs reprises du sérum de cheval dans le péritoine. En voici quelques exemples : 1. Un cobaye sensibilisé reçoit : 10 jours après la sensibilisation 5 c. c. de sérum dans le péritoine. lo — — — 5 c. c. » » ANAPHYLAXIE ET ANTI-ANAPHYLAXIE 123 36 jours après la sensibilisation 5 c. c. de sérum dans le péritoine. 39 — — — 5 c. c. » » » 45 — — — on lui injecte 1/4 c. c. de sérum de cheval dans le cerveau. Il ne manifeste aucune réaction, alors que le témoin meurt en deux minutes. 2. Un cobaye sensibilisé ayant reçu dans des conditions analogues quatre foisdu sérum dans le péritoine, estéprouvé 16 jours après la dernière injection avec 1/4 c. c. de sérum dans le cerveau. Après quelques minutes de malaise, il est complètement rétabli. 3. Un cobaye sensibilisé a reçu à trois reprises, à 8 jours d’intervalle, en tout 15 c. c. de sérum de cheval dans le péritoine. Eprouve deux jours après la dernière injection, il ne présenta aucun symptôme. Plus tard, nous essayâmes de vacciner les cobayes sensibilisés avec une seule injection de 5 c. c. de sérum dans le péritoine. Citons au hasard plusieurs de ces expériences. 1. 17 jours après avoir servi à l’essai de sérum antidiphtérique, 1 cobaye reçoit 5 c. c. de sérum de cheval (anti-typhique) dans le péritoine; il pré- sente à la suite de cette injection de légers symptômes. 8 jours ptus tard , soit 25 jours après l’injection sensibilisante, on lui injecte dans le cerveau 4/4 c. c. de sérum de cheval. Pas de symptômes. 2. Deux cobayes reçoivent, 8 jours après avoir servi à l’essai de sérum antidiphtérique, dans le péritoine, chacun 5 c. c. de sérum de cheval ; aucun d’eux n’est malade. Un de ces cobayes est injecté ensuite avec 1/4 c. c. de sérum dans le cerveau 10 jours plus tard et l'autre 1 i jours plus tard , c’est- à-dire au 18« et au 22e jour après la sensibilisation, en plein état d’ana- phylaxie. Aussitôt après l’injection, les cobayes sont visiblement incommodés, mais ils se rétablissent très vite. Le témoin qui fut sensibilisé le même jour, mais ne fut pas vacciné dans la suite, mourut en 5 minutes. * * Ayant ainsi constaté, comme il ressort de ces quelques exem- ples, que l’immunité contre les accidents d'anaphylaxie peut être obtenue avec une seule injection, et cela après 14, 10 et 8 jours après l’injection de o c. c. de sérum dans le péritoine, nous nous sommes demandés s’il ne serait pas possible de rap- procher davantage l’intervalle entre l’injection immunisante et l’épreuve par le cerveau. 1. 4 cobayes ayant servi au dosage de sérum antidiphtérique, ont reçu chacun, 10 jours après, 5 c. c. de sérum de cheval dans le péritoine; 2 jours plus tard, nous leur injectâmes à tous 1/4 c. c. de sérum dans le cerveau; aucun d’eux ne présenta de symptômes tant soit peu appréciables. 2. 1 cobaye, sensibilisé depuis 11 jours, reçoit dans le péritoine 5 c. c. de 124 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sérum de cheval : le lendemain déjà il résiste à l’injection intracérébrale de 1/4 c. c. de sérum, et cela sans présenter d’autres troubles qu’un peu de malaise dù à l’opération. 3. 1 cobaye sensibilisé il y a 10 jours, reçoit 5 c. c. de sérum dans le péri- toine; le lendemain on lui injecte dans le cerveau 1/20 c. c. de sérum; il ne présente aucun symptôme, alors que son témoin, sensibilisé à la même épo- que, mais non immunisé, présente du collapsus, puis se rétablit. 4. i cobaye sensibilisé depuis 17 jours, reçoit dans le péritoine 5 c. c. de sérum. Il est malade, puis se rétablit; le lendemain on lui injecte, en même temps qu’aux deux précédents, i/20 c. c. de sérum dans le cerveau ; il ne pré- sente pas le moindre symptôme. Il résulte donc nettement de ces expériences que l’immunité conférée au cerveau par l’injection préalable du sérum dans le péritoine, s'établit très vite : elle est déjà complète le lende- main. * * * Enhardis par ces résultats, nous avons cherché à immuniser, puis à inoculer l’animal le même jour. 1. 3 cobayes ayant servi au dosage de sérum antidiphtérique ont reçu 23 jours après, c’est-à-dire en plein état d’hypersensibilité, chacun 4 c. c. de sérum de cheval (anti-streptococcique) dans le péritoine. Pendant une demi- heure ils étaient visiblement malades, sans avoir cependant présenté de sym- tômes graves d’anaphylaxie. 2 heures plus tard, on leur injecta à chacun I /4 c. c. de même sérum dans le cerveau; on en fit autant à deux témoins, sensibilisés à la même époque; ces deux témoins moururent en 2 et en 7 minutes. Quant aux autres, ils ont eu, aussitôt après l'injection, un moment de stupeur, mais en sont bien vite revenus, sans présenter aucun trouble tant soit peu notable. Le lendemain., deux de ces cobayes ont reçu une nouvelle injection de 1/4 c. c. dans le cer- veau, à la suite de quoi ils ne présentèrent d’autres symptômes qu'un peu d’incoordination dans les mouvements, qui a du reste disparu au bout de quel- ques minutes. 2. 1 cobaye ayant servi au dosage de sérum antidiphtérique reçut, 12 jours après, dans le péritoine, 5 c. c. de sérum de cheval (antityphique). 1 heure et demie plus tard , nous lui injectâmes 1/4 c. c. de sérum de che- val dans le cerveau; à notre étonnement, il ne fut pas malade du tout. # * Pour nous résumer : dans 4 cas, les cobayes, en puissance d’anaphylaxie, sont devenus réfractaires à l’injection intra-céré- brale, après avoir reçu du sérum dans le péritoine 2 jours aupa- ravant; dans 3 cas, il a suffi d’injecter à des cobayes sensibilisés du sérum dans le péritoine pour qu’ils fussent réfractaires déjà le lendemain; enfin, dans 3 cas, à la suite d’une injection de ANAPHYLAXIE ET ANTI-ANAPIIYLAXIE 125 4-5 c. c. de sérum dans le péritoine, les cobayes supportèrent 2 heures plus tard, et dans un cas — déjà 1 heure 1/2 plus tard, la dose de 1 4 c. c. de sérum dans le cerveau, mortelle en quel- ques minutes pour le cobaye simplement sensibilisé. Il s’ensuit donc que V immunité cérébrale s’établit 'presque immé- diatement apres l’injection intrapéritonéale. C’est là un fait dont on ne connaît guère d’exemple dans la science. Nous connaissons un poison qui présente quelques analogies, assez éloignées, il est vrai, avec celui contenu dans le sérum de cheval : nous avons en vue la toxine tétanique qui tue le cobaye en injection sous-cutanée, et aussi en injection intra- cérébrale, Or, le cobaye a beau être immunisé aussi solidement que possible contre la toxine tétanique, il suffit de lui injecter sous la dure-mère une dose simplement mortelle de toxine, pour le voir mourir dans le même délai qu’un cobaye neuf. En d’autres termes, le cerveau d’un cobaye immunisé contre le tétanos ne bénéficie aucunement de l’immunité que possède l'organisme entier de l’animal. C’estle contraire qui paraît avoir lieu avec le sérum de cheval; car, dans ce cas, du fait de l’in- jection intrapéritonéale, le cerveau devient réfractaire à l'effet anaphylactique du sérum. Ce qui n’est pas moins surprenant, c’est la rapidité avec laquelle cette anti-anaphylaxie s’installe chez le cobaye préalablement anaphylactisé. * * ...... Du reste, lorsqu’on pousse l’étude de ce phénomène plus à fond, on ne tarde pas à s’apercevoir que le péritoine n’inter- vient pas d’une façon active dans la production de l’anti-anaphy- laxie. Nous avons pu, en effet, conférer V immunité à des cobaye; sensibilisés, en dehors de la voie péritonéale, en s’adressant directement à la voie cérébrale. En voici quelques exemples : 1. I cobaye, sensibilisé depuis 8 jours, reçoit dans le cerveau 1/4 c. c. de sérum de cheval (antityphique); 14 jours après, c’est-à-dire au moment où il aurait dû être en pleine anaphylaxie, il reçoit .une nouvelle injection de 1/4 c. c. de sérum dans le cerveau; il est malade,, il est vrai, mais se rétablit. 2. 3 cobayes sont injectés dans le cerveau (1/4 c. c. de sérum), 10 jours après avoir été sensibilisés; un de ces cobayes (no 1) est malade à la suite de cette injection; les deux autres ne présentent aucun symptôme morbide. 126 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 2 jours plus tard, on leur injecte à tous 4/4 c. c. de sérum dans le cerveau. Cette injection n'est suivie d’aucun trouble sérieux; 2 jours après un (le... n° 1) de ces cobayes est mort. 3. 3 cobayes, sensibilisés depuis 7 jours, reçoivent : 2 — 1/10 c. c. dans le cerveau, le 3® — 1/4 c. c. Un mois plus tard, tous les 3 résistèrent à une injec- tion intracérébrale de 1/4 c. c. de sérum, et cela sans avoir été malades. Nous devons toutefois remarquer que la vaccination est un peu plus sûre lorsqu'on s’adresse à la voie péritonéale ; cela est dû probablement à ce que le cobaye ne supporte pas impuné- ment le traumatisme occasionné par des injections répétées dans le cerveau. Le cerveau des cobayes, rendus réfractaires est-il capable de conférer l’immunité passive à un cobaye sensibilisé? En d’autres termes, la substance cérébrale, retirée chez un cobaye immunisé, est-elle capable, mélangée avec du sérum de cheval, d’enlever à ce dernier son pouvoir toxique pour un cobaye en puissance d’anaphylaxie ? Pour le savoir, nous avons broyé le cerveau des cobayes devenus réfractaires, avec du sérum normal de cheval; puis, après un contact de 1 heure et après une centrifugation, le liquide surnageant était injecté à la dose de 1/4 c. c. sous la dure-mère de cobayes sensibilisés. Deux cobayes ont survécu à cette injection, mais chez tous les autres — et nous en avons fait un grand nombre — le sérum surnageant se mon- tra aussi meurtrier après le contact avec du cerveau, qu’avant : le cerveau ne fut donc pas capable de neutraliser in vitro la sub- stance toxique du sérum de cheval. Dans une autre série d’expériences, l’émulsion cérébrale, provenant d’un cobaye réfractaire fut injectée à titre préventif sous la peau de cobayes sensibilisés; ces cobayes n’en réagirent pas moins le lendemain à l’injection intra-cérébrale de 1/4 c. c. de sérum, tout comme des cobayes sensibilisés témoins. Ce que nous venons de dire au sujet du cerveau s’applique également à l'émulsion de la rate, du foie et au sérum dea cobayes réfractaires : aucune de ces substances ne manifeste in vitro la moindre propriété spécifique. L’état anti-anaphylactique des cobayes préparés est donc un phénomène purement local. Dans un prochain mémoire, noua ANAPHYLAXIE ET ANTI-ANAPHYLAXIE 127 essayerons de pénétrer davantage le mécanisme de cette immu- nité si particulière. % Conclusions Les cobayes, ayant servi au dosage de sérum antidiphté- rique, deviennent extrêmement sensibles à l'injection intra-céré- brale de sérum normal de cheval, si cette dernière est faite au moins 10-12 jours après la première. Cette hypersensibilité, ou anaphylaxie, se traduit, en géné- ral, par des phénomènes très graves se terminant le plus sou vent par la mort. Une injection de sérum de cheval dans le péritoine ou dans le cerveau, faite avant l’expiration du délai de 12 jours, est inof- fensive; elle est, déplus, vaccinante : le cobaye, quoique sensi- bilisé, non seulement ne succombe plus à l’injection intra-céré- brale de sérum, mais ne présente même aucun trouble sérieux. Cet état d’anti-anaphylaxie peut être obtenu par une seule injection de sérum dans le péritoine ; il peut être aussi obtenu par une seule injection de sérum dans le cerveau. L’apparition do cet état anti-anaphylactique suit de très près l’injection intrapéritonéale de sérum. Le cerveau, la rate, le foie et Je sérum de cobayes rendus anti-anaphylactiques, ne possèdent aucune propriété spécifique. Contribution à l’étude du “ phénomène d’Aithus” Par Maurice NICOLLE Dans un travail paru, ici même, l’an dernier ( Etudes sur la morve expérimentale du cobaye ), nous écrivions les lignes sui- vantes, à propos de la question, si complexe, de Hypersensi- bilité : Lorsque Arthus eut fait connaître ses remarquables expériences sur l’anaphylaxie des lapins traités parle sérum équin, nous avions déjà’nos idées actuelles touchant la cause réelle de l’hypers.; aussi avons-nous répété immédiatement ces expériences, avec l’espoir de trouver ici la substance présidant à l’hypersensibilité, vainement cherchée ailleurs. Nos études ont été rendues très difficiles, par suite d’épidémies incessantes de « maladie du nez » chez les lapins anaphylactisés. Nous les avons recommencées à plu- sieurs reprises et nous avons fini par les abandonner «provisoirement », en attendant de meilleures conditions de travail. Pendant ce « provisoire » (de 1903 à 1906), l’idée d’un anticorps causal est venue à l’esprit de v. Pirquet et Schick, mais ces auteurs n’ont pu asseoir leur hypothèse sur des faits matériels. Or, s’il nous a fallu arrêter nos expériences avant d’avoir poussé bien loin l’étude des lois qui régissent le phénomène iV Arthus, certaines de ces expé- riences n’en ont pas moins démontré très nettement que l' anaphylaxie cons- titue une propriété transmissible par le sérum, c’est-à-dire liée à l’existence d'une substance spécifique. Puis, nous donnions, à titre d’exemple, le résumé de deux observations caractéristiques d’bypersensibilité « passive ». Nous nous proposons, aujourd’hui, de rapporter, avec quelques détails, les recherches que nous avons entreprises il y a quatre ans. Il eût été intéressant de les poursuivre ; on vient de voir pourquoi nous ne l avons point fait. LE 64 PHÉNOMÈNE D’ARTHUS ’’ On peut le schématiser, comme il suit, d’après celui qui l’a découvert. Quand on injecte, tous les 6 jours, sous la peau d’un lapin , o c. c. de sérum équin (frais ou chauffé à 56°), la résorption du liquide devient de plus en plus lente à partir de la oe injection PHÉNOMÈNE D’ARTIIUS 12!) — lors de la 6 e, il se forme, localement, un exsudât épais, blanchâtre et aseptique, qui persiste pendant des semaines — et, à la 7e, on se trouve en face d’un processus d’eschariü- cation typique. (Rappelons, avec Arthus,que les chiffres 4,6,7 n’offrent, naturellement, rien d’absolu.) L’hypersensibilité se manifeste de la même façon quand les premières injections ont été pratiquées par la voie abdomi- nale et que l’on « éprouve » ensuite l’animal par la voie sous- cutanée. L’épreuve intraveineuse, succédant à un traitement sous- cutané ou intrapéritonéal, peut entraîner la mort, soit très rapide- ment (en quelques minutes — avec polypnée et convulsions), soit à la longue (malaise transitoire; puis guérison apparente, sui- vie de cachexie). Enfin, l’administration quotidienne de 1 c. c. (et moins) de sérum suffit pour provoquer l'anaphylaxie. Nous avons repris l’histoire du « phénomène d’Arthus », d’abord en espaçant les injections sériques (comme le faisait Arthus lui-même), puis en les renouvelant quotidiennement. Avant d’entrer dans le détail de ces deux ordres de recher- ches, il convient de rappeler que, parmi les lapins employés par nous, ont éclaté, à maintes reprises, des épidémies de « maladie du nez ». On sait que cette affection reconnaît pour agent pathogène une pasteurella , étudiée par Yourewitch et Haaland et Bridré, bactérie qui persiste incontestablement, dans les épidémies, entre les voies digestives et respiratoires d’un certain nombre d’animaux, toujours prête à envahir leui organisme dès que celui-ci devient hypersensible au sérum équin. Nous rappellerons aussi que les cobayes, sur lesquels nous pratiquions diverses sortes d’expériences, à la même époque, étaient souvent décimés (et ont continué à letre) par une autre « maladie du nez», due au pseudo-pneumocoque de Girard. Le pseudo-pneumocoque n’infecte pour ainsi dire jamais les lapins sains, mais il peut s’attaquer aux sujets malades, voire à ceux déjà atteints de pasteurellose. 9 130 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR INJECTIONS SÉRIQUES ESPACÉES Nous avons administré, par les voies sous-cutanée, intrapé- ritonéale ou intraveineuse, 5 c.c. de sérum équin chauffé (1/2 heure à 55°), chez des lapins de 2,000 à 2,500 grammes. INJECTIONS SOUS-CUTANÉES (SOUS LA PEAU DE l’aBDOMEn) Les résultats obtenus n’affectent point la régularité que semblait impliquer la description d’Arthus. On ne saurait s’en étonner, car tout auteur, ayant découvert un fait nouveau et important, se trouve amené, malgré lui, à le présenter d’une façon quelque peu schématique. Certains de nos lapins n’ont offert que des œdèmes « moyens » , quel que fût le nombre des injections (jusqu’à 16). Un second groupe a montré des différences réactionnelles très marquées d’une injection à l’autre ; tandis que, chez le reste des sujets, l’hypersensibilité s’est accrue progressivement. Nous distinguerons, pour la clarté de la description, 3 types de réaction locale : X œdème moyen , Vœdème inflammatoire et la nécrose. Le premier se développe en une douzaine d’heures, sans modifications des téguments ; il demeure assez limité, acquiert peu de consistance et disparaît au bout de 2-3 jours. Le second atteint son maximum en 3-4 heures ; plus étendu que le premier, il s’accompagne de chaleur et d’une teinte rosée ou rose vif du côté de la peau ; sa consistance devient vite rénitente et sa durée oscille habituellement entre 4 et 5 jours. Quant à ce qui concerne le troisième type, bien décrit par Artlms, il convient de ne pas le confondre avec certaines nécroses' précoces (survenant dès la 2t; ou la 3e injection), dont i’histoire est pleine d’intérêt. Voici comment elles évoluent. L’œdème local, toujours marqué, durcit rapidement tandis qu un second œdème, déclive, apparaît et s’étend jusqu’au pubis. A l'induration locale, de plus en plus consistante, correspond, anatomiquement , un exsudât fibrineux épais, jaune sale, dont les couches*- orientées parallèlement, sont séparés par une sérosité trouble et quelquefois roussâtre. L’examen microscopique et les cultures révèlent, au sein des lésions, la présence deAa pas- teurella (de Z. Fl. et Br ), ordinairement seule, quelquefois associée au pseudo-pneumocoque — rarement celle du pseudo- PHÉNOMÈNE D’ARTHUS 131 pneumocoque seul. Ces infections — dont Y origine hématogène ne sauraitfaire de doute — aboutissent communément à la nécrose cutanée, moins souvent à la formation d’un abcès. Dans l’un et l’autre cas, la santé s’altère bientôt et la mort survient plus ou moins vite, avec ou sans apparition de la rhinite spéci- fique, lors de pasteurellose. Les injections de sérum équin provoquent souvent une débilitation notable de l’organisme. Cette réaction générale n’offre aucun rapport forcé, soit direct soit inverse, avec la réaction locale, dont nous venons de décrire les trois types principaux. Elle peut conduire, d’elle-même, à une cachexie fatale, mais, le plus ordinairement, la mort se trouve hâtée par l’apparition de la « maladie du nez ». Comme nous avons éliminé systématiquement de notre travail foutes les observations des animaux qui ont succombé à la contagion, lors des épidémies de pasteurellose — comme, d’autre part, le pseudo-pneumocoque ne s’attaque pour ainsi dire jamais aux lapins sains — nous sommes autorisé à conclure que l'hypersensibilité sérique des lapins, de même que l’hypersensibilité des cobayes traités par les bacilles morveux morts « peut se traduire par deux phénomènes pn- maires , d’ordre exclusivement toxique : la réaction locale et la réaction générale — et par un phénomène secondaire , d’ordre infectieux : le réveil ou le développement d’une maladie étrangère (le développement se manifestant, selon les cas, localement ou à distance). » [Etudes sur la morve expérimentale du cobaye .] Ceux de nos sujets, chez lesquels l’anaphylaxie « s’est traduite par des phénomènes secondaires d’ordre infec- tieux », se trouvaient donc, au moment où leur hypersensibi- lité avait acquis un degré marqué, en état d ’ infection latente ou d’infection virtuelle. [Voir loc. cit ., pour le sens que nous atta- chons à ces mots.] INJECTIONS INTRAPÉRITONÉALES Elles sont presque toujours bien tolérées, quel qu’en soit le nombre (jusqu’à 17), car nous n’avons perdu qu’un seul animal (1 j. 1/2 après la 10e injection — à l'autopsie : sang et m ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR organes stériles). Aussi semblera-t-il naturel d’apprendre qu’elles prédisposent rarement, par elles-mêmes , l’organisme «T l'envahissement microbien (un seul de nos lapins a été atteint de pasteurcllose, après la 6e injection, en dehors de toute épidémie). Par contre, elles sensibilisent les sujets vis-à-vis de l’injection sous-cutanée ou intraveineuse de sérum équin (Arthus) et ainsi, médialement , vis-à-vis des infections dont nous avons parlé. Indiquons, brièvement, le résultat des « épreuves » sous- cutanée et intraveineuse, pratiquées v6 jours après la dernière injection) chez les animaux préalablement soumis au traitement intrapéritonéal. Épreuve sous-cutanée. — La réaction varie d’intensité selon les cas, mais offre toujours, localement, un type anormal. D’autre part, lorsque Ton éprouve les lapins à plusieurs reprises — en remplaçant, aux jours marqués, l’injection intra-abdominale par 1 injection sous-cutanée — les résultats varient également d’une séance à l’autre. Chez certains sujets, l’hypersensibilité suit une marche incontestablement décroissante. Exemple : Lapin A. — 8 injections intrapéritonéales. A la 9?, sous-cutanée, œdème inllaimnatoire. 6 nouvelles injections intrapéritonéales. A la 7e ( IU^), sous- catanée, œdème moyen. Chez d'autres animaux , au contraire, elle fait des progrès évidents et Ton peut voir survenir des infections locales ou à distance, comme dans les deux observations que voici : Lapin B. — 7 injections intrapéritonéales. A la 8e. sous-cutanée, œdème inflammatoire. 8 nouvelles injections intrapéritonéales. A la 9e (17e). $ous- cutanée, nécrose locale avec pseudo-pneumocoque. Lapin C. — 12 injections intrapéritonéales. A la 43e, sous-cutanée, œdème inflammatoire. 4 nouvelles injections intrapéritonéales. A la 3e (18e), sous- culanéc, œdème inflammatoire très marqué, puis « maladie du nez » (en dehors de toute épidémie). Epreuve intraveineuse. — Elle rend, parfois, les lapins malades, mais nous ne les avons jamais vus succomber. 1 NJ ECTI ON S I NTR AV FIN EL’ SES Elles ne sont pas toujours bien supportées et doivent alors être abandonnées, à cause du mauvais état général des ani- maux. Elles sensibilisent les sujets pour l’épreuve sous-cutanée. PHÉNOMÈNE D’ARTHUS 133 PROPRIÉTÉ ANAPHYLACTISANTE DU SÉRUM DES ANIMAUX TRAITÉS PAR LES INJECTIONS ESPACÉES Le sérum de 5 lapins, qui avaient reçu (sous la peau, dans le péritoine ou par les deux voies) 5 injections au moins et 9 au plus (nous n’avons point Fait de recherches à des périodes antérieures ou ultérieures) — sérum prélevé une semaine après la dernière injection — s’est montré anaphylactisant pour les sujets neufs. Voici comment nous avons pu établir l’existence de cette curieuse propriété. On introduisait, dans le péritoine d’un animal neuf (1.500 à 2,000 grammes), 50 à G0 c. c. de sérum chauffé (1/2 heure à 55°) d’un lapin hypersensible et, parallèle- ment, dans le péritoine d’un autre animal neuf, 50 à GO c. c. de sérum (chauffé) d’un lapin normal. Le lendemain, ces deux animaux, ainsi qu'un 3e « tout à fait neuf », étaient éprouvés, sous la peau, avec 1-2 c. c. de sérum équin chauffé. Le 3e animal offrait, inconstamment, un œdème insignifiant, mou et fugace — l’animal traité par le sérum normal réagissait rarement davantage, ne présentant jamais le degré d’exsudation locale que nous avons appelé « œdème moyen » — l’animal traité par le sérum anaphylactisant montrait, au contraire, le plus souvent (3 fois sur 5) un œdème moyen, moins souvent (2 fois sur 5) un « œdème inllammatoire ». Le sérum d’un lapin, ayant reçu 5 injections sous-cutanées, mais atteint de la « maladie du nez » au moment de la saignée, ne possédait aucun pouvoir hypersensibilisant. Nous ne dirons rien ici des propriétés précipitantes du sérum , observées chez les lapins traités par la méthode d’Arthus, car il est démontré que ces propriétés n'interviennent nullement dans la production de l’anaphylaxie (v. Pirquet et Schick, Arthus). INJECTIONS SÉRIQUES QUOTIDIENNES Nous avons administré, tous les jours, une quantité variable de sérum équin chauffé, par les 3 voies déjà employées précé- demment (1,2 10 c. c. dans le péritoine, 1 ou 2 c. c. dans les veines, 1 c. c. sous la peau [un seul animal]), chez des lapins de 2,000 à 2,500 grammes. L’expérience a été continuée plus ou moins longtemps selon les cas (maximum : 51 jours). Un m ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR grand nombre d’animaux avaient été mis en expérience, afin d’étudier, systématiquement, l’influence des doses, des voies et du temps. Malheureusement (comme lors de nos recherches avec les injections espacées), des épidémies successives ont enlevé la majorité de nos sujets; d'où le caractère « dépareillé » des documents que nous résumons ici. Les injections intrapéritonéales quotidiennes no sont pas tou- jours bien supportées (même quand on n’administre que 1 c. c.); il en va pareillement pour les injections intraveineuses. Chez le seul lapin, traité par les injections sous-cutanées {Y c. c.). l’œdème est devenu persistant à partir du 6e jour et volumineux à partir du 12e: l’expérience a duré 27 jours, sans qu'on ait vu appa- raître de nécrose locale. En ce qui concerne la voie intrapéri- tonéale tout au moins, on peut affirmer qu’à doses très voisines et pour un temps à peu près égal les injections quotidiennes l’emportent, comme sévérité, sur les injections espacées. Nous allons étudier, maintenant, la façon dont nos animaux se sont comportés lors des « épreuves » et la propriété anaphy- Jactisante qu’ont montrée leurs sérums. Inutile d’insister sur les les accidents infectieux , observés (en dehors des épidémies) tant à la suite de l’hypersensibilisation qu’après les épreuves. ÉPREUVES Elles ont été pratiquées par les voies sous-cutanée, intracé- rébrale et intraveineuse. Épreuve sous-cutanée. — On introduisait, dans le tissu cellu- laire, 1 c. c. de sérum, le lendemain de la dernière injection (intrap. ou intrav.). Sujets hypers, par la voie intrapérit. — Nous avons observé une réaction anormale chez les lapins qui avaient reçu : 16, 26. 27, 29, 35 injections de 1 c. c. ; 13 injections de 2 c. c. ; 8 injections de 2 c. c. ; 22 injections de 5 c. c. ; 8 injections de 10 c. c. Un animal, qui avait reçu 4 injections de 10 c. c., a réagi normalement. Sujets hypers, par la voie intrav. — Nous avons observé une réaction anormale chez un lapin qui avait reçu 17 injections de 1 c. c. et chez un autre qui avait reçu 10 injections de 2 c. c. Quelle que soit la dose de sérum préalablement administrée, les animaux ne réagissent donc qu’après un certain temps. Épreuve intracérébrale. — On introduisait 1 c. c. dans l’un des hémisphères {le lendemain de la dernière injection). PHÉNOMÈNE D ARTIIUS |35 Sujets hypers, par la voie intrapèrit. — Nous n’avons observé- aucun acci- dent chez les lapins qui avaient reçu : 20 injections de 1 c. c., 19 injections •de 2 c. c., 11 injections de 4 c. c. Par contre, un animal qui avait reçu 16 injections de 10 c. c. a offert une émaciation notable et prolongée; un autre, qui avait reçu 10 injections de 5 c. c., est mort cachectique en 30 jours; un troisième, qui avait reçu 51 injections de 1 c. c., c$t devenu très vite paraplégique et n'a pas tardé à succomber. Sujet hypers, par la voie intrav. — Aucun accident, chez un lapin qui avait reçu 20 injections de 1 c. c. Les observations qui précèdent démontrent que, l’encéphale réagit moins fortement que le tissu cellulaire lorsque le traite- ment préalable des animaux a été sensiblement identique dans les deux cas et que la dose d’épreuve est demeurée la même. Aussi faut-il prolonger davantage l’hypersensibilisation, lors- qu’on se propose d’éprouver les lapins, avec succès, par la voie intracérébrale. Épreuve intraveineuse. — Les accidents, consécutifs h cette épreuve, ont été rarement notés et nous n’avons jamais observé la mort des sujets. Ici encore, par conséquent, réaction moins marquée que lors de l’épreuve sous-cutanée. PROPRIÉTÉ ANAPHYLACTISANTE DU SÉRUM DES ANIMAUX TRAITÉS PAR LES INJECTIONS QUOTIDIENNES Le sérum (chauffé) de 3 lapins, traités respectivement comme il suit : 29 injections de 4 c. c. dans le péritoine; 51 injections de 1 c. c. dans le péritoine; 25 injections de 1 c. c. dans les veines, — sérum prélevé de lendemain de la dernière injection — s’est montré anaphylactisant pour les sujets neufs, aux doses de 20-40 c. c. (introduits dans le péritoine), contrairement au sérum (chauffé) de lapin normal, administré en égale quantité. L’épreuve, pratiquée le lendemain par la voie sous-cutanée (1 c. c. de sérum équin chauffé), a engendré des œdèmes inflam- matoires chez les deux derniers animaux et un œdème moyen chez le premier. Le sérum (chauffé) d’un lapin, qui avait reçu 27 injections de 2 c. c. (dans le péritoine), est demeuré inactif (à la dose de 40 c. c.). Le sérum (chauffé) d’un lapin (animal D), qui avait reçu 27 injections de 1 c. c. (dans le péritoine), a pu hypersensibi- ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 136 User un sujet neuf vis-à-vis de l’épreuve intracérébrale. Voici4 en résumé, cette observation intéressante : On injecte 1/2 c. c. de. sérum équin (chauffé) dans chacun des hémis- phères d’un lapin (1,800 grammes) qui avait reçu, la veille, par la voie abdominale, 36 c. c. de sérum du lapin D. L’animal ne tarde point à pré- senter des phénomènes nerveux réactionnels et meurt pendant la nuit, sans lésions encéphaliques. Un premier témoin (1,810 grammes), qui avait reçu, la veille, dans le péritoine, 36 c. c. de sérum normal de lapin, et un second témoin (1,830 grammes), tout à fait neuf, ont supporté impunément la même épreuve intracérébrale. (Les injections dans l’encéphale ont été prati- quées par notre collègue le Dr Delezenne, qui suivait de près nos expériences d’anaphylaxie passive). Nous laisserons de côté, ici encore, la question des précipi- tines et, réunissant tous les cas d'hypersensibilité transmise contenus dans notre travail, nous conclurons que le phénomène d’Arthus est fonction d'un anticorps spécial et spécifique (ou de plu- sieurs anticorps — ce point sera discuté autre part). Si la mise en évidence de l’anticorps n’est pas toujours possible (ce qui tient à l'imperfection de nos méthodes), elle constitue cependant la règle. On s’étonnera, peut-être, que nous ayons administré d'aussi fortes quantités de sérum spécifique pour réaliser l’anaphylaxie passive. A la vérité, nous n’avons point fait d’essais avec des doses inférieures, car nous savions, par expérience, quelles difficultés insurmontables on rencontre pour mettre en évidence les substances hypersensibilisantes et cette donnée nous avait naturellement suggéré l’idée que de telles substances se trou- vent toujours dans un état de très faible concentration au sein des humeurs. L’événement a prouvé que nous avions raison d’opérer larga manu puisque, deux fois, les résultats sont demeurés négatifs (l’un de ces résultats, il est vrai, pourrait probablement s’expliquer par l'infection du lapin fournisseur de sérum). En dehors des injections espacées (du type Arthus) et des injections quotidiennes, nous avons eu recours, également, àd’autres modes d'hypersensibilisation. Malheureusement, les séries cor- respondantes d’animaux ont été tellement décimées, lors des épidémies de pasteurellose, que nous ne saurions les utiliser dans ce travail. Bornons-nous à mentionner les injections uniques , lesquelles peuvent déterminer l'anaphylaxie, après une incuba- PHÉNOMÈNE D’ARTHUS 137 lion de 8 jours, comme l’ont vu, de leur coté, v. Pirquet et Schick. L ANAPHYLAXIE CHEZ LES COBAYES Selon Arthus, les cobayes seraient susceptibles de présenter de l’hypersensibilité, quand on les soumet aux injections espacées de sérum équin. Nos recherches (très nombreuses) contirment cette opinion, mais nous devons ajouter, immédiatement, que l’anaphylaxie, obtenue d'après le procédé d’Arthus, demeure toujours modérée. Si l'on introduit, tous les jours, 2 c. c. de sérum de cheval (chauffé) dans leur péritoine, les sujets supportent habituelle- ment bien ce traitement. (Quelques-uns, cependant, sont enlevés [en dehors des épidémies] par le pseudo-pneumocoque : péritonite ou « maladie du nez »). Éprouvés, à un moment donné, par Y injection sous -cutanée de I -2 c. c. de sérum équin, ils offrent, sans exception, un œdème plus marqué que celui des animaux neufs témoins ; éprouvés par Y injection intracardiaque (1-2 c. c.), ils présentent, inconstamment, une émaciation plus ou moins notable. Lorsque l’on renouvelle l'épreuve à diffé- rentes reprises (en substituant, aux jours marqués, une injec- tion sous-cutanée ou intracardiaque à l’injection intrapérito- néale), la réaction vis-à-vis de l’épreuve sous-cutanée conserve presque toujours son caractère anormal (même à la 18e ou à la 19e injection) et la réaction vis-à-vis de l’épreuve intracar- diaque son inconstance. Somme toute, anaphylaxie de moyenne intensité, mais, le plus souvent, durable. La méthode d’Arthus, et aussi celle des injections quoti- diennes (comme le prouve un certain nombre d expériences, que nous croyons inutile de rapporter en détail), se montrent donc impropres à déterminer, chez le cobaye, ce haut degré d’hypersensibilité que nous ont révélé les recherches de Otto et de Rosenau et Anderson. Pour réaliser ce que le premier de ces auteurs a appelé le « phénomène de Th. Smith », il ne faut pratiquer qu'une seule injection de sérum — et à dose minime. Nous avons laissé systématiquement de côté, d'un bout à 1 autre de ce travail, toute espèce de considération théorique : on trouvera exposée, ailleurs et plus tard, la façon dont nous concevons le phénomène d’Arthus et ses analogues. LES“ANTICORP$ SYPHILITIQUES'’ dans le liquide céphalo-rachidien des paralytiques généraux ET DES TABÉTIQUES Par MM. A. MARIE (de Villejuif) et C. LEVADITI (Travail du laboratoire de psychologie pathologique de l’Asile de Villejuif et du laboratoire de M. Metchnikoff, à lTnstitut Pasteur.) Wassermann, A. Neisser et Bruck 1 ont eu l’idée d’appliquer, à la recherche des anticorps et des antigènes syphilitiques, la méthode de Bordet et Gengou 2, basée sur l’absorption de la cytase hémolytique par le composé qui se forme lorsqu’on met en présence ces anticorps et ces antigènes. Cette méthode s’est montrée d’une grande précision contre les mains de ses inven- teurs, de Moreschi % de Wassermann et Bruck 4, de M. Neisser et Sachs7, de Millier et Oppenheim r’ qui s’en sont servi pour dépister les anticorps et les antigènes de plusieurs espèces microbiennes, en particulier du h. tuberculeux et du gonocoque, ainsi que des traces de sang humain indécelables par le procédé des précipitines (M. Neisser et Sachs). A l’aide de cette méthode, W assermann et ses collaborateurs ont reconnu l’existence d’antigènes syphilitiques (produits dérivés du Treponema palli- dum) dans le sang et les extraits d’organes provenant d’hommes (nouveau-nés et adultes) et de singes syphilisés, de même que la présence d anticorps anti-syphilitiques dans le sérum des simiens ayant reçu plusieurs inoculations de virus spécifique. La vérification à laquelle Bab 7 a soumis cette méthode a montré que, pour ce qui a trait à la syphilis, elle fournit des indications conformes aux données microbiologiques;, en effet, dans six cas d’hérédo-syphilis examinés par l’auteur, la présence du Trepo- 1. Wassermann, A. Neisser et Bruck., Deutsche med. Woch., vol. XXXII, n° 19, p. 745. 2. Bordet et Gengou, Annales de l'Institut Pasteur, vol. XV, 1901, n° 3, p. 290. 3. Moreschi, Berl. klin. Woch., y ol. XLII, 1905, n° 27, p. 1181. 4. Wassermann et BrucIî, Deutsche med. Woch., vol. XXXII, 1906, n# 12, p. 450. 5. Neisser et Sachs, Berl. kl. Woch. 1905, n° 44. 1906, n° 3. 6. Muller rt Oppenheim, Wiener klin. Woch., XIX, 1906, n° 29, p. 894. 7. Bab, Deutsche med. Woch, vol. 32, n° 49, 1906, p. 1,985. ANTICORPS S YPHIL1T IQ TES 1 39 nema pallidum dans les viscères, décelé à l'aide de la méthode à l’argent, fut en rapport avec les résultats obtenus par Wasser- mann au moyen de la réaction de Bordet et Gengou. Etant donné l’intérêt capital qui se rattache à la question tant discutée des relations entre la paralysie générale, le tabès et l’infection syphilitique, Wassermann et Plaut1 d’une part, Neisser, Bruck et Schucht2 d’autre part, ont entrepris des recherches dans le but de préciser ces relations à l’aide de la méthode dont il vient d’être question. Ils ont examiné dans ce but le liquide céphalo-rachidien des paralytiques et des tabé- tiques et y ont recherché soit des antigènes, soit et surtout des anticorps syphilitiques. Les résultats qu’ils ont fait connaître sont des plus intéressants et viennent confirmer la thèse soute- nue par la clinique et vérifiée par la statistique, à savoir la fré- quence exceptionnelle des antécédents spécifiques chez les indi- vidus atteints de paralysie générale progressive, ou de tabes dorsalis. Ainsi, Wassermann et Bruck trouvent des anticorps syphi- litiques dans le liquide cérébro-spinal de 36 paralytiques, parmi les 41 examinés, ce qui donne un pourcentage de 88 0 0. Examinéàce point de vue, parallèlement avec le sérum sanguin, le liquide céphalo-rachidien des paralytiques s’est montré plus riche en anticorps que le sérum. Ceci amène Wassermann et Bruck à admettre que la présence d’un excès d’anticorps dans ce liquide, doit être attribuée à une production de principes défensifs par le système nerveux central, lequel a été, ou est encore le siège d’un processus syphilitique plus ou moins accusé. D’un autre côté, A. Neisser, Bruck et Schucht découvrent des anticorps spécifiques dans le liquide cérébro-spinal de quatre paralytiques généraux et de deux tabétiques, cependant qu’ils ne décèlent qu’exceptionellement des antigènes (produits dérivés du Treponema pallidum ) dans ce liquide. Ces observa- teurs affirment que ce genre de recherches permet de dépister l’infection syphilitique là où l’enquête clinique ne fournit aucune indication précise à ce propos3. 1. Wassermann et Plaut, Deutsche med. Woch, vol. XXXII, n° 44, 4906, p. 1769. 12. Neisser, Bruck et Schucht, Deutsche med. Woch., vol. XXXII, n° 48, p. 1937. 3. Dans un travail publié tout récemment (Berl. klin. Woch., vol. XXXIV, n° 5, février 1907), Schutze confirme la présence d’anticorps, dans le liquide céphalo-rachidien des tabétiques. i 40 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Rappelons, pour clore cet aperçu historique, que ni Wasser- mann et Plaut. ni Neisser et ses collaborateurs n ont réussi à mettre en évidence des anticorps ou des antigènes syphilitiques dans le liquide céphalo-rachidien provenant d'individus non paralytiques et non syphilitiques, pris comme témoins U Peu après la publication du travail de Wassermann et Plaut, nous avons eu l’occasion d'appliquer la méthode proposée par ces observateurs, à l’étude du liquide céphalo-rachidien d’un certain nombre de paralytiques généraux et de tabétiques atteints de troubles mentaux, dans le service de l’un de nous, k l'Asile de Villejuif. Nos premiers résultats, conformes k ceux de Wassermann et Plaut, ont été déjà consignés dans une note présentée k la Société médicale des Hôpitaux1. Dans le présent mémoire nous apportons, en plus de ces résultats, toute une série de recherches complémentaires, dont le nombre est actuellement suffisamment élevé, pour permettre de juger la valeur de la séro-réaction du liquide céphalo-rachidien au point de vue du diagnostic de la paralysie générale et de formuler une opinion au sujet de la signification de cette réaction. II La méthode que nous avons suivie dans nos recherches a été, k peu de choses près, celle de Wassermann et Plaut. En voici le principe : Toute combinaison hémolysante comporte la mise en jeu de trois facteurs : la cytasc ou le complément, un sérum hémolytique spécifique (ambocepteur) préparé en injectant k une espèce animale «des hématies provenant de l'espèce étrangère b 3, et les globules rouges de l’espèce b. Lorsque ces trois principes se trouvent mélangés a une température de 3hf>, on observe la dissolution des hématies et la mise en liberté de l’hémoglobine. Or, si avant de soumettre ces hématies k l’influence de l'ambocepteur hémolytique, on introduit dans la réaction un mélange d'antigène et dé anticorps (p. ex. des vibrions cholériques et du sérum anti-cholérique, ou du h. typhique et le sérum 1. Parmi ceux-ci, certains étaient atteints de lésions méningées (méningite, cérébro-spinale épidémique). 2. Marie et Levaditi. Société médicale des hôpitaux, séance du 21 décembre 1906. 3. Ce sérum est préalablement chauffé à 56° pour détruire sa propre cvlase. ANTICORPS SYPHILITIQUES 1 41 correspondant), on constate que la dissolution des érythrocytes est plus ou moins complètement entravée et qu’une partie ou la totalité des hématies continuent à garder leur hémoglobine. Les recherches de Bordet et Gengou ont prouvé que cet empê- chement de l'hémolyse est provoqué par l’absorption delà cytase par la combinaison formée entre i’antigène et l’anticorps. Il résulte donc que cette réaction peut servir à déceler la pré- sence soit des antigènes, soit dés anticorps dans certains liquides organiques, qui, par eux-mêmes, sont incapables d’entraver la dissolution des globules rouges. Puisque dans le cas de la paralysie générale ou du tabes, il s’agit de la recherche d’anticorps syphilitiques dans le liquide céphalo-rachidien, il va de soi que l’expérience ne pourra être menée à bonne fin, qu’à la condition de préparer d’avance une combinaison hémolysante (cytase, ambocepteur et hématies) et l’antigène syphilitique. Pour ce qui a trait au système hé un, - tique, nous nous sommes servis : 1° De cytase de cobaye (sérum frais) ; 2° D’un ambocepteur contenu dans le sérum de lapins ayant reçu plu- sieurs injections de sang de mouton (ce sérum a été préalablement porté à 56° pendant un quart d’heure ’) ; 3» D’hématies de mouton (solution de sang défibriné dans de l’eau salee, à la dose de 5 0/0). Nous avons préparé notre antigène avec du foie et de la rate provenant d’un nouveau né hérédo-syphilitique dont les organes ont été mis obligeam- ment à notre disposition par M. le professeur Pinard. Ce foie et cette rate contenaient un très grand nombre de Treponema pallidum. comme nous avons pu nous en assurer en pratiquant l’examen de ces tissus à l'aide du procédé à l’argent. Après trituration dans l’appareil de Borrel, les tissus ont été suspendus dans de l’eau salée isotonique, à raison de 20 grammes d’organe pour 100 de liquide, et additionnés de 0,5 0 0 d’acide phéniqne. Au début de nos expériences, nous avons employé comme antigène l’extrait de foie et de rate obtenu après centrifugation de l’émulsion préparée comme il vient d’être indiqué. Mais, par crainte de modifications spontanées dans la constitution de cet extrait, nous avons abandonné ce procédé et nous nous sommes servis de liquides obtenus avec du foie préalablement desséché. Pour ce faire, nous avons soumis à la dessiccation dans le vide et sur de l’acide sulfurique, la bouillie d’organes syphilitiques et nous avons trituré dans un mortier d’agathe la poudre ainsi obtenue. Nous avons ensuite a jouté à cette poudre de l’eau salée en raison de 30 c. c. par gramme et, après un séjour de 20 heures à la glacière, nous avons centrifugé l’émulsion. Le liquide clair surnageant nous a servi comme antigène 2. 1. Au début de nos recherches, nous avons employé du sérum de lapin pré- paré avec des hématies de bœuf. 2. Ajoutons que le foie desséché conserve indéfiniment ses propriétés, ce | i n'est pas le cas de l'extrait liquide (cf. Wassermann et Plaüt). ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR U2 Le liquide céphalo-rachidien, retiré par ponction lombaire, a été, avant l’emploi, dilué au cinquième avec de l'eau salée. Nous avons remarqué, au cours de nos recherches, qu’il est inutile de chauffer préalablement ce liquide à la température de 56», comme le recommandent Wassermann et Plaut. Nos liquides, introduits dans la réaction après un séjour de un ou deux jours à la glacière, se sont montrés, en effet, dépourvus de cytase. Le tableau I montre le dispositif expérimental qui nous a servi au cours- de nos recherches : T ABLEAU I h Liquide céph. rach. au 5me Extrait de foie syph. Cytase de cobaye i/2. Ambo- cepteur hémo- lytique. SANG 5% EAU salée. RÉSULTAT après 30r de séjour à 36°. 1 2 3 4 3 6 7 1 c. c. 1 — 1 — 1 — 1 — 1 — 1 — 0.025 0,05 0,1 0,2 0.4 0,6 1,0 0,1 0,1 0.1 0.1 o.l 0,1 ,1 0.1 0.1 o,t 0,1 0.1 0,1 0,1 1 c.c, ,= 1 — 1 — 1 — 0.8 0.75 0,7 0,6 0,4 0,2 Trace d’empêchement. Empêchement manifeste. Empêchement presque complet. — complet. — complet. — complet. — complet. i 8 0,025 0,1 1 0,1 1 c.c. 1,8 9 0,05 0,1 0,1 1 — 1,75 J | 10 0,1 0,1 0,1 1 - 1,7 M 0,2 0,1 0,1 1 — 1.6 Hémolyse complète. 12 0,4 0.1 0,1 1 — 1,4 l 13 0,6 0.1 0.1 1 — 1.2 \ I ' ' 14 — 1.0 0.1 0.1 1 — 1,0 15 1 c. c. 0.1 0,1 1 c. c. 0,8 i Hémolyse complète. 16 0.1 0,1 1 — 1.8 Hémolyse complète. 17 — — 1 — 2.0 ! Pas d’hémolyse. II III IV V VI I La quantité de cytase employée a varié suivant le pouvoir sensibilisateur de l’ambocepteur hémolytique et la force réactivante de cette cytase qui, chez les divers cobayes neufs, oscille dans des limites assez étroites. Nous avons utilisé, en général, le double de la quantité de cytase qui suffirait pour réactiver 0,1 d’ambocepteur. Nous avons disposé l’expérience de la façon suivante : On mélangeait tout d’abord l'eau salée (I) au liquide céphalo-rachidien (II), à l’extrait d’organes syphilitiques (III » et à la cytase (IV). Puis, on maintenait le tube contenant ce mélange à 36» pendant deux heures. On ajoutait alors successivement l’amboeepteur (V) et les hématies (VI) et on soumettait à nou- veau les tubes à 36». On examinait le résultat de l’expérience une demi-heure ou une heure après. ANTICORPS SYPHILITIQUES 143 L'examen du tableau I montre qu’aux doses employées par nous, ni le liquide céphalo-rachidien ni l’extrait d’organes syphilitiques n’empêchaient l'hémolyse. Par contre, les mélanges de ce liquide et de cet extrait engen- draient un empêchement manifeste et le plus souvent complet de la dissolu- lution des hématies, à la condition que le liquide cérébro-spinal provienne de paralytiques généraux ou de tabo-paralytiques. La force empêchante de l'extrait de foie syphilitique mélangé au liquide céphalo-rachidien était assez considérable, puisque cet extrait agissait à la dose de 0,1 c. c. et même de 0,03 c. c. III Nous avons applique la réaction de Wassermann et Plaut à l’étude du liquide céphalo-rachidien chez 67 malades de notre service, et nous avons fait un nombre de réactions supérieur à ce chiffre. En effet, dans plus d’un cas, nous avons examiné la teneur de ce liquide en anticorps, à plusieurs reprises chez un même malade. Voici les résultats fournis par nos recherches : 1° PARALYSIE GÉNÉRALE Le nombre total des paralytiques generaux a été de 39. Nous nous sommes efforcés de soumettre à notre examen les cas les plus variés comme forme de la maladie, comme gravité des symptômes, comme allure d évolution, etc., et si, dans la grande majorité de nos recherches, nous nous sommes adressés à des paralytiques généraux types, nous avons eu soin également d’examiner des individus dont le diagnostic de P. G. était douteux, les symptômes étant relativement peu accusés. Ceci était nécessaire, vu que nous désirions nous faire une opinion de la valeur de la méthode au point de vue des services qu elle pourrait rendre au diagnostic précoce de l’affection para- lytique. Parmi ces 39 cas. 29 ont donné une réaction positive , ce qui fournit un pourcentage de 73 p. 100. Ce pourcentage est inférieur à celui de Wassermann et Plaut (88 0/0). D’après nous, cette différence s’explique par le fait que nous avons soumis à notre examen les types les plus variés de paralysie générale, des formes légères comme des formes très avancées. Or, si dans ces formes avancées la réaction est presque constamment positive, elle est le plus souvent négative chez les paralytiques pris au début de l'évolution de l’affection (v. plus loin). ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 144 Le tableau n° II résume les données concernant nos recher- ches sur la paralysie générale. Nous avons eu soin d’indiquer dans ce tableau les caractères les plus saillants de la maladie et de classer nos observations en trois catégories. Voici quels ont été les critériums ayant servi à cette classification : Presque tous nos malades présentaient la triade de symp- tômes caractéristiques de la paralysie générale, à savoir l’iné- galité pupillaire, l’embarras de la parole et la démence amné- sique. Ont été rangés dans la première catégorie : a) Des cas atypiques, passibles du diagnostic de pseudo- para] gsie générale: b) Des paralytiques généraux avérés, mais dont la maladie évoluait lentement, présentant des rémissions suivies de rechutes (forme en cascade). Plusieurs de ces malades avaient quitté l’Asile, pour y revenir quelque temps après; De la seconde catégorie font partie des paralytiques généraux avérés, plus avancés que ceux de la première, mais qui étaient capables de travailler, ayant conservé une partie de leurs facultés. Enfin, appartiennent à la troisième catégorie les paralytiques généraux très avancés, pour la plupart gâteux et alités. Cer- tains de ces malades ont d’ailleurs succombé depuis le com- mencement de nos recherches, lesquelles remontent déjà à plusieurs mois. ANTICORPS SYPHILITIQUES Tableau II. — P ara] y sie générale. 1 45 O /C NOM du MALADE u < Diagnostic. Période de la maladie Date d’entrée. Indications, sur la syphilis. Résultat de la réaction. OBSERVATIONS 1 Rab .... 33 P. g. I. Juil. 06 A cr i d. vé- nériens ü y a 8 ans. Zéro. Etat stationnaire. 2 Rouss. .. 38 P- g- I. Sept. 06 Nie la syphilis. + 4 + 3 Ab 33 P- g; I. Avril 06 Nie la syphilis. Zéro. Forme à. évol. lente (2 entrées, la lrc en 1902). 4 Duels.... 49 P. g. I. Janv.03 Nie la syphilis. Zéro. Forme à’ évol. i lente. 5 Cra....'. 28 P- g- i.-ir. Nov. 02 en 1892. Zéro. Le liquide d'une seconde ponc- j lion faite. 23 j. plus tard, a ! donné une réaet. positive. 6 Bar 40 Escudo P. g. Déc. 05 Nie la syphilis. Zéro •+ Alcoolique. A une j seconde ponc- tion faim 34 j. après réaet. po- sitive faible. 7 Am 41 P- g- î. O 73 O l Nie la syphilis. Z h o. Forme à rechutes. 8 He ... 33 P- g- ï. Zéro. Pas d'antécédents connus. 9 Beau 39 P. g- i. Oct. 03 — Zéro. Pas d’antécédents connus. Forme lente. 10 R >b. . . . 32 P. g i. Oct. 06 Syph. eh 1893. Zéro. Forme à rémission. il To 43 P. g- il Août 05 Syph. en 1898. +' Sa femme à ne- ! tuellcment des arc. syph. 12 Er 45 P. g. *i. Juin. 05 Syph. il y a + +++ Evolue de la lrc à la 2e pé- riode 20 ans. 13 Dau .... 3T P- g- ii. J an v. 06 ? ++++ Î4 Go 38 P- g- ii. Janv.06 ? +++4 Demi -rémission. 1 j Dr 33 P. g. h. Oct. 1900 Nie la syphilis. Zéro. Stati< nnaire. 16 Del 40 P. g- h. Juil. 06 Syph . il y a 18 ans. + 17 Dup 46 P- g- il Sept. 06 Syph. douteuse. + 44-4 18 B1 5Î P. g- ii.-ni Juin 05 9 Zéro. 19 Ver 48 P. g- ii. Août 04 Pas d’indic. +++ • ' ' i lu ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 14(> Tableau IL — Paralysie générale (Suite.) O Z NOM du MALADE u O < Diagnostic. Période de la maladie Date d’entrée. Indication sur la syphilis. Résultat de la réaction. Observations. 20 Bar 46 P- g- III. Jan. 06 Syph. il) / a 20 ans. +++4 21 Lef *7 P. g. III. Juil. 06 Syph. douteuse. + 22 Jan 66 P. g. III. Nov. 05 Syphilis ancienne ++ 23 Ser 45 P- g- III. Août 03 Syphilis ancienne + 4 24 Qui. . . . 36 p rr III. Sept.( 6 + Pas d’antécédents. 25 Ler 35 P. g. III. Mai 04 Syphilis ancienne + + 26 Lagn . . . 33 P- g- III. Juil. 05 Syph. il y a 16 ans. + Forme dépressive. 27 Sa 34 P. g. III. Nov. 06 Syph il t, a 16 ans. + + Décédé depuis. 28 Rou .... 38 P. g. III. Avril 06 Syph. il y a 23 ans -J— j- 29 Cor 39 P. g. III. Nov. 06 Syph. il y a 21 ans. +++4 Commence à en- trer dans la 3e période. 30 Phi 34 P- g* II. -III Déc. 06 + + 4- Pas d’indications sur la syphilis. 31 Dor 50 P- g- III. Mai 06 9 +++4 8a femme lui au- rait communi- qué aff. véné- rienne. Décédé depuis. 32 Laur . . . 38 P- g- III. Jan. 06 Syph.il y a 20 ans ++++ 33 Cal 39 P* g- III. Jan. 06 Syph. probable. ++++ Décédé depuis. pï Barn . . . 44 P- g- III. Oct. 05 ++ + Pas d’iudic. sur la syphilis. 35 Guéd ... 27 P* g* III. Oct. 06 Maladie vén. au régiment Zéro. Démence parai. • type. Décédé déplus. 36 Her 41 P- g- 111. Jan. 06 +T++ Pas d'indication sur la syphilis. Décédé depuis. 37 Pon .... 55 P. g. u* Déc. 06 Nie la syph. + 4+4 38 Beau . . . 37 P- g- II. III Jan. 07 Syph.il y a 15 ans. 4-4+4- 39 Delph . . 42 P- g- III. Août 06 Nie la syph. ++++ ANTICORPS SYPHILITIQUES 147 L’analyse des données résumées dans le tableau il permet quelques réflexions, dont voici les principales : a) Si l’on fait le pourcentage des cas ayant donné une réaction positive, dans chacune des trois catégories qui vien- nent d’étre définies, prise à part, on obtient les chiffres suivants : lre catégorie : 10 cas. dont un positif = 10 p. 100. 2e catégorie , 9 cas dont sept positifs = 77 p. 100. 3e catégorie , 20 cas dont dix-neuf positifs = 95 p. 100 Ces chiffres sont des plus expressifs. Ils prouvent l'existence d’une relation intime entre la fréquence des résultats positifs fournis par la réaction de Bordet et Gengou et l’état avancé de la paralysie générale. Or, comme dans le dispositif expérimental imaginé par Wassermann et Plaut, cette réaction est un indice de la pré- sence d’anticorps syphilitiques dans le liquide céphalo-rachidien, cela revient à dire que ces anticorps s accumulent dans le liquide cérébro-spinal au fur et à mesure que le processus morbide de la para- lysie générale avance et que s’aggravent les altérations encéphàlo- méningées qui forment le substratum matériel de ce processus . La preuve de l’existence d’un lien de causalité entre les deux fac- teurs qui viennent d’être cités, réside dans le fait que, dans plus d’un cas, Pexamen du liquide céphalo-rachidien, fait à deux reprises et à un intervalle de quelques semaines chez le même individu, nous a montré l’existence d’un accroissement dans la richesse de ce liquide en principes actifs. Or, l’observation clinique montrait une aggravation parallèle du syndrome para- lytique chez ces individus; b) L’examen du même tableau permet de préciser jusqu’à quel point la présence dans le liquide céphalo-rachidien, de substances capables d’empêcher l’hémolyse, est en rapport avec les antécédents syphilitiques des paralytiques généraux. Dès l’abord , il faut reconnaître que l’enquête clinique est assez souvent impuissante à nous renseigner d’une façon exacte sur ces anté- cédents, étant donné l’état mental des paralytiques généraux. Aussi avons-nous eu soin de ne consacrer dans le tableau S! que les données qui méritaient quelque confiance, étant corro- borée d’une part par des renseignements précis fournis par le malade lui-même, d’autre part par les témoignages de sa famille. Parmi les 39 paralytiques examinés par nous, vingt étaient 148 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sûrement ou très probablement syphilitiques, leur svphillis remon- tait à 8,15 et même 23 ans en arrière. Si I on calcule le pour- centage des réactions positives chez ces vingt paralytiques géné- raux syphilitiques, on le trouve égal à 80 0 0. Cela montre de la façon la plus nette que la syphilis doit être considérée au moins comme une, des causes qui provoquent , chez les paralytiques géné- raux, V apparition de substances empêchantes dans le liquide cérébro- spinal. Cette conclusion est d’autant plus justifiée que, si on fait le pourcentage des cas ayant donné une réaction positive chez les paralytiques généraux qui nient avoir eu une affection vénérienne quelconque , on le trouve égal à 36 '0/0, c’est-à-dire sensiblement inférieur à celui fourni par les malades ayant des antécédents spécifiques. D'ailleurs, le fait que, dans quelques observations (n° 2, 37 et 39), la recherche des anticorps dans le liquide céphalo-rachidien adonné des résultats positifs, quoique les malades aient formellement nié la syphilis, ne saurait être invoqué comme un argument contre ce que nous venons de dire. En effet, cette syphilis niée peut n être qu’une syphilis ignorée, ou oubliée par des malades atteints d’amnésie démen- tielle. c) Parallèlement à la recherche de la réaction de Bordet et Gengou, nous avons examiné le liquide eéphalo-rachidien de certains de nos malades au point de vue de sa richesse en élé- ments figurés et de sa teneur en matière protéique1 ( albumo-dia - gnostic). Le cyto-diagnostic nous a montré l’absence de tout rapport constant entre la présence de lymphocytes dans ce liquide et sa richesse en principes capables d’empêcher 1 hémo- lyse. Il a été fréquent de rencontrer des liquides donnant une forte séro-réaetion et qui cependant ne contenaient que peu d’éléments cellulaires. Par contre, et quoique le nombre de nos observations soit encore restreint, nous pouvons affirmer l'existence d’un parallélisme frappant entre les données fournies par la séro-réaction et celles de V albumo-diagnostic 4. On pratique lalbumo-diagnostic de la façon suivante : on mélange, à volumes égaux, du liquide céphalo-rachidien préalablement filtré ou centrifugé, et une solution saturée de sulfate de soude. La réaction est positive, lorsque l’ébullition provoque l’apparition d’un trouble apparent. Dans cinq cas de paralysie générale et dans trois cas de P. G. -tabès, la méningo- encéphalite type a été constatée à la nécropsie. ’ ^ ANTICORPS SYPHILITIQUES Ü9 2° TABÈS ET TABO-PARALYSIE Le nombre des tabétiques, non paralytiques généraux, observés par nous, a été restreint (4) et il en fut presque de même de celui des malades atteints à la fois de tabès et de para- lysie générale (3). Nous résumons dans le tableau HI le résultat de 1 examen du liquide céphalo-rachidien dans ces neuf cas de tabès pur ou associé. Tableau 111. — Tabès et tabo-par alysie. O Nom du malade . fcC < Diagnostic. Date de l'entrée Indications sur la syphilis. Résultat de la réaction. OBSERVATIONS 1 Bi 48 Tabo-par. Oct. 06. Sypb. dou- TTTT Décède depuis. _ teuse. 2 Imb.... 46 Tabo-par. No. 06. — TT H — L Pas d’indic. sur la syphilis. . , ! •> Tabo-par. I m; Nie ta sypb. Déc dé depuis. O V dLI _ LM . Ul). 4 Depl. . . . 47 Tabo-par. J nil .06. • — Zéro. Pas d’indic. sur la syphilis. P. £. à dé- but tabétique. 0 Goif 70 Tabo-par. Oct. 06. Nie la sypb. TTT P. g.àdébut tabétique. Décédé depuis. ~~6 Guer . . 13 Tabès. Dé. 05. — TTt. Tabès avec aflaibliss. intellectuel. 7 Gauch. . io Tabès. Ao. 06. Syph. anc. Zéro. Tabès avec aflaibliss. intellectuel . 8 Fo Tabès • Juil.06. Sypb. il y Zéro. ( H-d Tab. démentiel. Rèact. légèrement positive à une 1 1° ponction. a 18 ans". 9 Liar. . . . 62 Tabès . Jun. 06. — Zéro. Tabès avec aflaibliss. intellectuel. Ce tableau montre que le pourcentage des réactions positives dans le tabès pur ou associé est inférieur à celui de la paralysie géné- rale, puisqu'il n atteint que le chiffre de 66 0/0 au lieu de 73 0 0. Il semble être plus petit encore, si l’on s’adresse exclusive- ment. aux cas de tabès non combiné à la paralysie générale (30 0/0 au lieu de 80 0 0). Mais le nombre de nos observations est trop insuffisant, pour permettre de formuler une conclusion définitive au sujet de la fréquence des anticorps spécifiques dans le liquide céphalo-rachidien des tabétiques. Tout ce que l’on peut dire, c’est que ces anticorps existent réellement et que cela fournit un argument de plus en faveur du lien intime qui relie le tabès à la maladie de Bayle. 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Tableau n° IV. — Cas témoins. K» Nom du malade. Diagnostic. Indications sur la syphilis. Résultat de la réaction; 1 Rom Mélancolie. — Zéro . 2 R h Démence épi- leptique. — — 3 Ga Epileptique. — — . | 4 Mar Mal. de Little. — — 5 G or Dém. traumat. — — . G Loin Idiotie. — — 7 Üup Saturnin. Hémiplégiq. — — 8 Saubl Saturnin. alcoolique. — — (, 01 Persécuté. Syphilitique, en 1901. — 10 Math Dém. préc. Syphilitique, en 1897. — 11 B1 Imbécile. — — 12 Fran Dem. précoce. — — ! 13 West Idiotie. — — j 14 lîouch Epilepsie. — — 13 Fur Dém. préc. — — IG Liz Dém. préc. — — 17 Char b Dém. traum. — — ANTICORPS SYPHILITIQUES 3° CAS TÉMOINS 151 Nos cas témoins ont été choisis parmi les mélancoliques, les épileptiques, les idiots, les déments alcooliques ou traumatiques de notre service. Ils sont au nombre de 17, et se trouvent résumés dans le tableau IV. Ce tableau nous dispense de tout commentaire. La séro- réaction du liquide céphalo-rachidien provenant de ces 17 cas témoins nous a constamment fourni un résultat négatif. IV Les constatations que nous venons de résumer dans ce qui précède, nous permettent de synthétiser de la façon suivante les indications fournies par l'étude du liquide céphalo-rachidien des paralytiques généraux et des tabétiques, à l'aide de la méthode proposée par Wassermann et Plaut : Il faut tout d’abord reconnaître que, du moins, pour ce qui con- cerne la paralysie générale, la proportion des réactions positi- ves est suffisamment élevée pour pouvoir considérer l’apparition de substances spéciliques dans le liquide céphalo-rachidien comme un phénomène presque constant. La question est de savoirsi laméthode appliquée par Wasser- mann et Plaut peut servir à faciliter le diagnostic de paralysie générale, dans le cas où la clinique n’a pas à sa disposition des données suffisantes pour affirmer ce diagnostic avec certitude. Notre étude nous autorise à répondre négativement à cette question. En effet, nous venons de voir que précisément, lorsque le clinicien se trouve embarrassé pour formuler un diagnostic sur, la méthode des anticorps donne des résultats négatifs ou peu certains, et ce n’est que dans la paralysie générale, confirmée et même avancée, que ces résultats deviennent franchement affirmatifs. D'ailleurs, quand même la recherche des anticorps dans le liquide cérébro-spinal donnerait des indications pouvant guider le clinicien dans des circonstances embarassantes, elle ne saurait encore servir couramment dans la pratique journa- lière. Le maniement de la méthode est des plus délicats et exige un certain nombre de dosages préliminaires assez minu- tieux. Bien entendu, cela n'enlève nullement aux constatations de Wassermann et Plaut leur intérêt théorique. 152 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Ainsi, un des problèmes qui se posent à l’esprit est celui des conditions qui président à l’apparition des principes spéci- fiques découverts par les observateurs allemands, dans le liquide céphalo-rachidien. Ce que nous venons d’énoncer dans le cha- pitre II nous autorise à accorder, avec Wassermann et Plaut, un rôle prépondérant à l’infection par le Treponema pallidum dans la genèse de ces principes spécifiques. Mais la syphilis suffit-elle à elle seule pour provoquer la pénétration des anticorps spécifiques dans le liquide céphalo-rachidien ? Nous ne le pensons pas et voici pourquoi : Parmi nos malades pris comme témoins, qui n avaient aucun signe de paralysie générale, il s’en trouve deux (noS 9 et 10) qui sont sûrement des anciens syphiliques; or, le liquide céphalo- rachidien de ces malades atteints, l’un de manie de persécution et l’autre de démence précoce, s’est montré totalement dépou- vu d'anticorps. Cela démontre de la façon la plus nette que la syphilis seule est impuissante ci faire apparaître , dans le liquide céphalo-rachidien, les substances spécifiques de Wassermann et Plaul L Devant cette constatation, on est porté à faire intervenir, dans le processus dont il est question, d’autres facteurs en pins de l’infection syphilitique, en particulier l’existence d’une lésion syphilitique ou para-syphilitique des centres nerveux. Nos recherches nous ont montré que si la présence d'une telle lésion est effectivement nécessaire pour faire apparaître les anticorps dans le liquide cérébro-spinal, ses qualités et surtout son siège sont d une importance de premier ordre à ce point de vue. Ainsi, chose surprenante au premier abord, il nous a été impos- sible de déceler des substances empêchantes dans le liquide céphalo-rachidien provenant de deux individus syphilitiques porteurs de lésions cérébrales en foyer. Voici d’ailleurs en quelques mots les observations auxquelles nous faisons allusion : Mor..,, 39 ans. Syphilis il y a 9 ans. Alcoolisme aigu, hallucinations, agita- tion. Contraction pupillaire, hémiplégie gauche avec exagération des rellexes remontant à 5 ans. Réformé pour syphilis cérébrale. Réaction négative. 1. Il serait intéressant de rechercher ces anticorps dans le liquide céphalo- rachidien des syphilitiques en pleine période secondaire. ANTICORPS SYPHILITIQUES 153 Lelaid, 32 ans. Syphilis il y a 12 ans. Hémiplégie droite avec aphasie; inégalité pupillaire, affaiblissement intellectuel. Réaction négative. Ceci prouve l’insuffisance du facteur syphilis et du facteur lésion cérébrale dans la production des substances spécifiques contenues dans le liquide céphalo-rachidien. Cette production est dominée par l'existence de lésions intéressant à ta fois le cortex et les méninges et surtout par l'état avancé de ces lésions. Nous avons vu, en effet, que le plus grand nombre de réactions positives a été fourni par les malades atteints de méningo-encéphalite chronique diffuse et que, parmi ces malades, ceux qui étaient le plus éprouvés par ces lésions ont donné les liquides céphalo- rachidiens les plus actifs. Devant ces faits, nous sommes enclins à admettre que la production des principes spécifiques contenus dans le liquide cérébro- spinal des paralytiques généraux doit être assurée par les éléments cellulaires qui prennent part à V inflammation cortico-méningée qui caractérise la maladie de Bnyle. C'est un acte de sécrétion dont il s’agit, et en cela, nous nous rapprochons de l’opinion déjà émise à ce propos par Wassermann et Plaut. Néanmoins, il y a une nuance qui nous sépare de ces savants et cette nuance réside en ce que, pour nous, ce sont les leucocytes, en particulier les lymphocytes, qui assurent cette sécrétion, cependant que pour Wassermann et Plaut ce soni les centres nerveux eux- mêmes qui ont cette charge. En résumé, l'apparition des anticorps dans le liquide cérébro- spinal est, d’après nous, conditionnée par l'existence d’une syphilis plus ou moins ancienne et par la localisation cortico-méningée d'un processus inflammatoire syplilitique ou para-syphilitique intense et prolongé. Y 11 nous reste à examiner un dernier point. C’est la question de savoir si les principes découverts par Wassermann et Plaut, dans le liquide céphalo-rachidien des paralytiques généraux, sont ou non des anticorps dans le sens propre du mot. On sait que sous le nom d’anticorps on désigne des substances spéci- fiques obtenues par voie d’immunisation active (injection de microbes ou de produits microbiens) et qui agissent d’une façon élective sur les éléments microbiens ou autres qui ont servi à 454 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR la préparation de ces anticorps. De par cette définition, et dans le cas particulier de la syphilis, ces anticorps ne devraient donc porter leur action que sur le Treponema pallidiûn ou les extraits préparés à l’aide d’organes contenant ce tréponème. Les substances contenues dans le liquide céphalo-rachidien rem- plissent-t-elles ces conditions? Nous avons soumis la question à une analyse détaillée, et nous avons recherché si le liquide céphalo-rachidien des para- lytiques généraux qui, comme on l’a vu, entrave l'hémolyse à des doses pour ainsi dire infinitésimales, lorsqu’il est mis en présence de Y extrait de foie syphilitique , en fait de même quand on remplace cet extrait par un extrait de foie normal. Nous nous gommes servi, pour préparer ce dernier extrait, d’un foie pro- venant d'un nouveau-né mort à la suite d’un accident survenu pendant l’accouchement et qui, issu à terme d'une primipare, ne montrait aucune trace de syphilis et n’avait aucun antécédent spécifique. Ce foie s’est montré d’ailleurs dépourvu de trépo- nèmes. Nos expériences, plusieurs fois répétées, nous ont montré que l'extrait dv foie normal, inactif lorsqu'il est employé scttl, empêche l'hémolyse en présence du liquide céphalo-rachidien des paralytiques généraux , mais à des doses sensiblement supérieures aux doses empêchantes de l’extrait de foie syphilitique (0,8 à 4,0 au lieu de 0,05 à 0,1, soit dix fois plus). Quelles conclusions doit-on déduire de ces constatations, qui, soit dit en passant, sont en partie conformes à celles publiées antérieurement par Wassermann et Plaut? Si l’on ignorait que le foie normal employé par nous était sûrement dépourvu de tréponèmes, on concluerait, sans hésitation aucune* que la quantité d’antigènes syphilitiques (dérivés des trépo- nèmes) contenue dans ce foie est tout simplement inférieure à celle du foie spécifique et qu’entre les deux extraits il n’y a que des différences quantitatives et non qualitatives. Prenons un exemple plus concret. Admettons, pour faciliter la compré- hension de notre façon de voir, que, dans l’extrait de foie, ce qui agit en présence du liquide céphalo-rachidien des para- lytiques généraux pour empêcher la production de l’hémolyse, ce n’est pas l’antigène syphilitique, mais le glycogène. Or il est fort possible que le foie syphilitique soit plus riche en glyco- gène que le foie normal, d’où la différence quantitative con- ANTICORPS SYPHILITIQUES m statée dans les expériences parallèles énoncées plus haut. Et ceci enlèverait le caractère d’anticorps syphilitique au principe actif contenu dans le liquide céphalo-rachidien des paralytiques généraux, bien entendu sans diminuer pour cela l’importance de la réaction de Wassermann et Plaut, en tant que réaction particulière à la paralysie générale et au tabès. Mais, contre cette objection, plaident plusieurs constatations recueillies au cours de nos recherches. Tout d’abord, il y a le fait que les substances empêchantes du liquide céphalo-rachi- dien perdent leur activité après un chauffage prolongé pendant 10 minutes à 70°-80°, c’est-à-dire dans des conditions qui assu- rent également l’anéantissement des anticorps bactériens (agglutinines et ambocepteurs). En outre, nous pourrions invoquer, en faveur de la parenté entre ces substances et les anticorps syphilitiques, l’existence d’une relation intime enlre les antécédents spécifiques de nos paralytiques généraux avancés et la présence d une réaction positive obtenue avec le liquide céphalo-rachidien chez ces malades. Quoi qu’il en soif, nous pensons que d’autres critériums sont nécessaires pour pouvoir affirmer, avec toute la certitude désirée, que les sub- stances actives découvertes par Wassermann et Plaut sont véritablement des anticorps syphilitiques. Il faudra surtout s’assurer si ces principes agissent d’une façon spécifique sur les tréponèmes de Schaudinn et Hoffmann pour en amoindrir ou annihiler la virulence, cela à l’aide d’expériences faites sur des singes sensibles à l’infection syphilitique. C’est ce que nous nous proposons de faire comme suite aux recherches résumées dans le présent mémoire. Sur le traitement de la rage par le radium, Par le D' A. CALABRESE (Laboratoire de la deuxième clinique médicale de l’Université de Naples.) RÉPONSE A M. LE PROFESSEUR TIZZON1 Ou sait que les émissions du radium sont de nature diffé- rente; il y en a qui sont incapables de passer à travers le verre et le mica; on les considère comme des courants gazeux et on les appelle émanations ; d'autres, au contraire, passent facilement h travers le verre et le mica, on les appelle radiations. Dans quatre notes successives parues du mois d avril au mois de décembre 1905, MM. Tizzoni et Bongiovanni affir- maient que le virus rabique est détruit soit in vitro . soit chez les animaux expérimentalement infectés, par l'application du radium. Dans la plupart de leurs expériences, l’activité des échantillons de radium variait de 10,000 à 100,000 U. 1\. Le radium était appliqué soit renfermé dans un tube en verre fermé à la lampe, soit avec l’appareil d’Armet de Lisle qui est fermé antérieurement par une lamelle de mica : on éliminait donc dans les deux cas les émanations. Les résultats positifs obtenus étaient dus par conséquent aux radiations, comme les auteurs eux-mêmes le déclarèrent de la façon la plus affirmative dans leur 3me note {(Jazz, dcgli Osped , n° 127, 1903, p. 1.333) où ils disent textuellement: « Les émana- tions étant éliminées dans nos expériences, on ne pourrait pas leur attribuer l’action curative du radium. Ce qui détruit entiè- rement l’affirmation faite par Reims dans une publicationrécente (mars 1903,) à savoir que la destruction in vitro du virus rabique au moyen du radium est due exclusivement 'aux émanations et non aux radiations ». * * MM. Tizzoni et Bongiovanni, dans quatre communications, affirmaient que les applications du radium n’avaient jamais pro- voqué de lésions ni sur les paupières ni dans les différentes par- TRAITEMENT DE LA RAGE PAR LE RADIUM 157 ties de l’œil et ils se déclarèrent prêts à appliquer la méthode au traitement de la rage avec des échantillons de radium beau- coup plus actifs. Dans la troisième communication, ils se disaient heureux de pouvoir annoncer que, grâce au ministre de l’Instruction publi- que, ils avaient obtenu du gouvernement les fonds nécessaires pour acheter un échantillon de radium de 5 millions de U. R., c’est-à-dire 10.000 francs. Etant donné la nouveauté et la grande importance du sujet, j’ai voulu, après ces premières communications répéter les expériences qui étaient indiquées, et j’ai communiqué mes premiers résultats au congrès de Gênes (octobre 1905), et ensuite dans la Riforma medicci (n° 2, 1900). En employant des échantillons de radium de 10,000 et 100,000 U. R. en tube en verre soudé à la lampe, c’est-à dire en employant seulement les radiations, j’obtins toujours des résultats négatifs soit in vitro, soit chez des animaux infectés de rage En appliquant le petit tube de radium de 100,000 U. R., directement sur l’œil des lapins, j’obtins la chute des cils, l’ulcé- ration envahissante de la paupière, une conjonctivite niuco- purulente, sans ulcération de la cornée. Les recherches de Novi de Pologne et de Danysz et A iala à l’Institut Pasteur de Paris, confirmèrent mes résultats, c’est-à-dire l’inefficacité absolue du radium sur le virus rabique et la production de lésions plus ou moins graves des tissus par l’application directe du radium. Dans un récent article ( Gazette d'Ospedali. , n° 03, 1906, et Annales de V Institut Pasteur , n° 8, 25 août 1900), Tizzonni et Bongiovanni essayent de donner l’explication de la différence entre les résultats positifs de leurs recherches et les résultats négatifs de mes recherches, de celles de Danysz et A iala et de celles de Novi. Quant à l’action du radium sur le virus rabique in vitro , MM. Tizzoni et Bongiovanni attribuent nos insuccès à l’élimination, dans les expériences, des émanations ; eux-mêmes déclarent en effet que, contrairement à ce qu’ils croyaient avant, c’est-à-dire que les effets du radium étaient dus seulement aux radiations, depuis leurs dernières expé- riences ils s’étaient convaincus que les radiations n’exerçaient aucune influence. De cette façon, ils confirment ce que j ai déjà 153 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dit depuis le mois d’octobre 1905 et ce qu’avaient dit Reims, Novi et Danysz, c’est-à-dire que les radiations du radium n'ont aucune action sur le virus rabique ou in vitro. Cequ’iJ y a d’étonnant, c’est que MM. Tizzoni etBongiovanni aient pu obtenir des résultats positifs dans les expériences qui forment l’objet de leurs trois premières communications, lorsqu’eux aussi se servaient des radiations comme nous venons de le dire. En outre, ces auteurs confirment à présent l’effi- cacité des émanations reconnues par Reims il y a un an et qu’ils avaient niée dans leur troisième communication octobre 1905). En vérité, j’ai dû déclarer que pour des raisons indépen- dantes de ma volonté je n’avais pu encore faire des expériences sur l’action des émanations du radium ; et c’est pourquoi je ne puis à ce sujet rien affirmer ou nier. On ne pourrait d’ailleurs pas appliquer les émanations au traitement de la rage chez l’homme, à cause de leur puissante action destructive sur les tissus. Sur l’action curative du radium chez les animaux inoculés, Tizzoni et Bongiovanni maintiennent leur interprétation que, dans ce cas, le radium agit parles radiations, c’est-à-dire d’une façon différente qu'm vitro ; et ils expliquent les résultats négatifs que j’ai obtenus, par la différence de la méthode employée. En vérité, je crois avoir employé à peu près la même méthode que la leur. En effet, dans leur troisième communication, ils disent : 1° Avoir appliqué le petit tube sur l’œil au moyen d’un petit godet en plomb, au fond duquel il était fixé de façon à se trouver à 1/2 centimètre de distance de la cornée; ou bien 2° d’avoir appliqué l’appareil d’Armet de Lisle au moyen d’un capuchon percé d'un trou, dans lequel il était fixé avec quelques points et presque au -on tact de l’œil dont il restait seulement séparé par les paupières. Sfc tJc- Les deux méthodes que j’ai employées sont les suivantes : 1° L’échantillon de radium était fixé au moyen d’un soutien en face de l’œil du lapin, de façon que la distance ne dépassait pas 1 2 centimètre. Dans ce cas, l’insuccès ne peut être attribué TRAITEMENT DE LA RAGE PAR LE RADIUM 459 au fait delà dispersion des radiations, car le radium aurait pu agir plus faiblement dans ce cas, mais il aurait toujours déter- miné quelque chose ; en outre, dans quelques expériences, j’ai employé un petit entonnoir en plomb que j’ai fait construire exprès et dans le centre duquel j’ai fixé le petit tube, en face l’œil du lapin. Même dans ce cas, le résultat fut négatif. 2° Le petit tube de radium était fixé à une gouttière de caoutchouc cousue à ses extrémités (bien entendu avec de la soie aseptique), à la peau (dans des points lointains de la pau- pière), de façon à ce que le petit tube ne fût séparé* du bulbe oculaire que par les paupières que l’animal gardait fermées par action rellexe. Dans ce second cas, MM. Tizzoni et Bongio- vanni disent que les paupières tombaient rapidement en nécrose et que la cornée devenait fortement opaque. Or, dans mon travail, j’ai fait remarquer que les lésions produites par le radium sur les tissus ne se manifestent jamais vite avec un échantillon de 100,000 U. R, mais seulement 8 à 10 jours après, que la radio-darmite provoquée par les rayons Roîntgen ne se manifeste pas de suite, mais 1-2 semaines après. Les lésions que j’ai rencontrées, c’est-à-dire chute des cils, ulcérations envahissantes des paupières, mais sans ulcération de la cornée, étaient certainement dues au radium et se manifes- taient, chez les lapins, seulement 8-10 jours plus tard ; je n’ai pu les observer (parce qu’elles n’eurent pas le temps de se produire) chez les lapins trépanés, qui moururent en 0-7 jours, bien que soumis au traitement par le radium et que l’injection du virus ait été faite secundum artem sous la dure- mère et non dans la substance cérébrale. On comprend donc que ces lésions ne pouvaient avoir aucune influence sur l’efficacité du radium qui, d’après les expériences des auteurs, détruit le virus après une application de huit heures à peine. Et, d’autre part, ces lésions indiquent bien que le radium agissait sur les parties avec lesquelles il était en contact. Enfin, pour ce qui concerne l’innocuité du radium, Tizzoni et Bongiovanni affirment à présent que son application sur l’œil n’est pas toujours inoffensive ; eux-mêmes ont obtenu les mêmes lésions observées par moi et par les autres auteurs ! seule- ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 160 ment avec des échantillons de radium supérieur à 100,000 U. IL Par conséquent, les mêmes auteurs se sont convaincus qu'on ne pouvait appliquer, au traitement de la rage chez l’homme, des échantillons de radium d'une activité supérieure et encore moins l’échantillon de o millions de U. R. * . . . Cela étant donné, je pense en vérité que le traitement de la rage chez l’homme, par l’application Ou radium sur l’œil, n’a que peu de chances de succès. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire. 21 me ANNEE MARS 1907 N« 3 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR MALADIE DU SOMMEIL ■ - — Cinq nouveaux cas de trypanosomiase chez les blancs. ESSAIS DE TRAITEMENT Par M. Louis MARTIN Dans l’espace d’une année, nous avons eu l’occasion d’étu- dier, à l’hôpital Pasteur, cinq nouveaux cas de maladie du sommeil chez des hlancs. Nous avons déjà montré dans un premier travail, publié en collaboration avec M. J. Girard ‘, que cette maladie était loin d’être rare chez.les hlancs, comme on l’avait cru si longtemps. Depuis cette publication, à Paris même, M. Sicard2 a pu observer un nouveau cas et M. Nattan-Larier 3 en a étudié deux; ce qui fait, avec nos cinq malades, huit nouvelles observations. En Belgique et en Angleterre, d’autres malades ont été observés et traités. L’on pourrait, actuellement, réunir facilement plus de trente observations chez les blancs, étudiées dans ces der- nières années. Des cinq malades entrés à l’hôpital Pasteur, un seul est mort. Les autres sont encore en traitement et ont été très améliorés; mais comme les cas sont assez dissemblables, nous allons les étudier d’abord séparément. 1. Bulletin médical , 29 avril 1905. 2. Société médicale des hôpitaux, 1905. 3. Société médicale des hôpitaux, 1906. 11 162 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ll'e Observation. — Paul Jean-Marie Y., âgé de 28 ans, sous- lieutenant d’infanterie coloniale, a été envoyé à l’hôpital Pasteur par M. le Dl Mathis, médecin des troupes coloniales. Parti aux colonies comme sous-officier le 1er juin 1903, le lieu- tenant Y. y demeura jusqu’à la fin novembre 1904, soit 18 mois. Il séjourna à Fort-Lamy et voyagea dans les vallées du Chari et de l’Oubanghi. Le 19 septembre 1906, il entre à l’hôpital Pasteur. Il est tel- lement malade qu’il est impossible de reconstituer son histoire; sa famille nous donne les quelques renseignements que voici : A son retour des colonies, il se prépare à l'École Saint- Maixent, où il est reçu le 1er avril 1905. Il peut suivre l’école, mais avec difficulté; car il lui est impossible de travailler d’une façon régulière et suivie. Le 1er avril 1906, il est nommé sous-lieutenant au 6e colonial à Brest où, après quelques mois de séjour, il est admis à l’hôpital et finalement renvoyé dans sa famille. Depuis son retour des colonies, il reste deux ans et demi en France, et personne jusqu’à la fin n’a pensé à la maladie du sommeil; son frère, sergent dans l’infanterie coloniale, explique le cas au Dr Mathis qui soupçonne la vérité et l’envoie à l’hôpital Pasteur le 19 septembre 1906. Cette histoire a dû être celle de bien des coloniaux qui ont été catalogués « anémie » et chez lesquels on ne pouvait porter un autre diagnostic; car pour caractériser la maladie du som- meil, il fallait connaître le trypanosome, savoir le chercher et le trouver, ce qui. même aujourd’hui, n’est pas toujours facile. Un autre point intéressant est le suivant : Y. reste deux ans en France avant de présenter des symptômes qui l’obligent à s’arrêter et ce n’est que deux ans et demi après son retour qu’il meurt de maladie du sommeil. Cette longue période d’incuba- tion doit être signalée. Toutefois ce n’est pas un fait nouveau, car Guérin *, dans sa thèse en 1869, a indiqué que les nègres venus à la Martinique succombaient longtemps après leur départ de l’Afrique : il en cite plusieurs qui sont morts cinq ans après de maladie du sommeil authentique. L’observation de la malade qui a succombé sept ans après son départ de l’Afrique n’est pas 1. Thèse de doctorat. Paris, 1869. MALADIE DU SOMMEIL 163 aussi nette que les précédentes; il n'est pas absolument prouvé, par les symptômes et parla marche delà maladie, qu'elle a bien succombé à la maladie du sommeil. Le malade, à son arrivée, est aussitôt examiné; le sang cen- trifugé ne contient pas de trypanosomes, mais il en existe dans le liquide céphalo-rachidien. A l'examen clinique : On trouve le malade somnolent, presque comateux; il est très amaigri et présente deux escarres sacrées de chaque côté de la ligne médiane. La peau ne présente pas d’éruption, mais le malade a de fortes démangeaisons; de plus, il a par moments des sueurs très abondantes. Quand il peut répondre, il accuse une forte douleur dans les pieds qui sont œdématiés. Les ganglions de l’aisselle et de l’aine sont augmentés de volume et durs des deux côtés. Pendant 4 jours, il reste à l’hôpital presque toujours somno- lent, couché sur l’un ou l’autre côté, la bouche ouverte laissant couler continuellement de la salive. L’avant-dernier jour, il a pendant la nuit une crise épilepti- forme, de la contracture des mâchoires, des vomissements bilieux. Le dernier jour, il est dans le coma; ses extrémités sont cyanosées, ses yeux injectés, les muscles des lèvres et des sterno-cléido-mastoïdiens ont des tremblements convulsifs ; tout le corps est recouvert de sueurs abondantes, il a des selles involontaires. La respiration, régulière jusqu’à midi, s’accélère, devient très rapide, et le malade meurt le 25 septembre 1906 à 9 heures du soir. Pendant son séjour, la température a évolué d’abord entre 37° et 38°, tandis que le pouls était à 120; les derniers jours, la température s'élève aux environs de 39° et le pouls monte à 140. Ce malade a donc présenté le symptôme, si fréquent dans cette affection, d’un pouls beaucoup plus rapide que ne le com- porte la température. Les urines du malade contenaient des traces d albumine. Le liquide céphalo-rachidien chauffé est devenu à peine louche. 164 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Malgré la gravité du cas, nous avons injecté sous la peau du malade, dès le surlendemain de son entrée, 50 centigrammes d’atoxyl : il n’y a eu ni accident ni amélioration. A l’autopsie, M. Salimbeni a noté : une légère lepto-ménin- gite chronique, de Fhyperhémie de la pie-mère, une légère augmentation du liquide céphalo-rachidien dans les ventricules latéraux et dans les espaces sous-arachnoïdiens et un peu d’œdème cérébral. Il y a en plus de la broncho-pneumonie au lobe supérieur à droite; à droite et à gauche, il y a à la hase de l’engoiïment hypostatique. La rate est tuméfiée ; le myocarde est dégénéré ; les reins sont atteints de néphrite parenchymateuse ; le foie a de la dégé- nérescence graisseuse ; la muqueuse vésicale est parsemée d’hémorragies punctiformes; les ganglions de l’aine et de l’aisselle des deux côtés sont engorgés. Le sang et le liquide céphalo-rachidien ensemencés en bouil- lon ne donnent pas de culture. A l’examen direct du liquide céphalo-rachidien, on trouve sous le microscope deux trypanosomes à peine mobiles. Dans le sang on ne trouve rien. Le sang et le liquide céphalo-rachidien inoculés dans le péri- toine de rats et de cobayes n’ont pas infecté les animaux, soit parce que l’autopsie fut faite 24 heures après la mort, soit par suite de l’influence de l’atoxyl L -* * * 2e Observation. — A lois J., 31 ans. Missionnaire du Saint- Esprit, envoyé par le D1' Coffin de Paris. Ce malade a séjourné dix ans aux colonies, les cinq der- nières années au Congo français, dans la vallée de l’Alima; il a eu du paludisme et deux bilieuses hématuriques, la dernière au mois de mars 1905; c’est à partir de cette bilieuse que tous les symptômes se sont établis et accentués. 11 souffre depuis une année environ, les premiers malaises ont été : fatigue générale, douleurs dans les jambes et les pieds, essoufflements et palpitations de cœur. Il est en France depuis 5 mois. Durant ce temps, il a eu .L 'examen histologique sera publié ultérieurement. MALADIE DU SOMMEIL 165 2 accès de fièvre; le dernier s’est terminé par une suppuration de l’oreille. Le Dr Coffin, avant de porter un diagnostic, voulut s'assurer que le malade n’avait pas de trypanosomes et nous l’envoya. A son arrivée, le 25 avril 1906, le malade est très anémié; il a la fig'ure pâle et bouffie ; il marche difficilement et tout mou- vement vif amène de l’essoufflement ; il a l’aspect d’un cardiaque à une période avancée de la maladie. Lorsqu’on l’interroge, il hésite à répondre comme s’il entendait mal ou comme s’il ne comprenait pas. Lorsqu’on l’examine, ce qui frappe surtout, c’estl’œdème des jambes et la bouffissure de la face; en plus tous les tissus parais- sent infiltrés; il n’existe cependant pas d’ascite. Le foie et la rate sont augmentés de volume. Le cœur est volumineux; pas de bruits anormaux aux orifices, les bruits sont sourds, le premier temps est parfois dédoublé, bruit de galop par moments. A l'orifice aortique, le second temps est claqué. Rien du coté de la peau : ni rougeur ni démangeaisons. Tous les ganglions sont augmentés de volume, mais surtout les ganglions des aines et des aisselles. La température est voisine de 37° et le pouls bat cependant 1 10 fois par minute. Enfin ce qui attire surtout l’attention, c’est une suppuration de l’oreille qui est très abondante et persiste ainsi jusqu’à la fin de mai. Les urines sont claires et assez abondantes; il y a eu parfois des traces d’albumine. En résumé le malade a une hypertrophie cardiaque, mais cette hypertrophie est-elle causée par une trypanosomiase ? Nul ne pourrait le dire; car les seuls symptômes de cette maladie qu’on trouve chez ce malade sont : l’engorgement ganglion- naire, la dissociation du pouls et de la température, l’œdème douloureux des pieds. Cependant, à l’examen du sang centrifugé, on trouve des trypanosomes et de filaires, et on en trouve aussi dans le liquide céphalo-rachidien ; ce liquide se trouble manifestement à la chaleur. Le sang est ensemmencé : le bouillon reste stérile. 160 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Aloïs J. — 2e Observation. MALADIE DU SOMMEIL 167 Le 5 mai 1906, le malade reçoit une première injection de 0"r,50 d’atoxyl, qui paraît bien supportée : il n’y a pas de diarrhée, pas de vomissements. Mais 3 jours après l’injection, le pouls, qui depuis l’entrée du malade était petit, rapide, battant 100 à 110 fois, tombe à 60, avec irrégularité, battant 2 blanches, 2 noires, 3 blanches, 2 noires, 2 blanches, 3 noires; le pouls devient petit, à peine perceptible, et on est obligé de donner de la caféine et de la spartéine. Cet état dure trois jours 1 . Onze jours après la première injection, on donne 0,50 d’a- toxy). Le malade s’améliore assez rapidement. La température reste au voisinage de 37°, mais le pouls esta 100-110. Les ganglions diminuent de volume. L’œdème des jambes persiste, mais diminue. 11 n’a plus été possible de trouver de trypanosomes dans le sang centrifugé. Le malade retourne à la maison-mère de la communauté et il continue des injections d’atoxyl, 0,50 tous les 15 jours. Atteint de broncho-pneumonie il est soigné par le D‘ Coflin, qui suspend l’atoxyl pendant sa maladie ; il est très malade, mais revient à la santé et entre pour la deuxième fois à l’hô- pital Pasteur, le 16 août 1906. La dernière injection d’atoxyl remontait au 7 juillet, soit à 6 semaines, et cependant le sang, examiné par plusieurs personnes après centrifugation, ne laisse voir qu’un seul trypa- nosome; le liquide céphalo-rachidien ne contient pas de trypa- nosomes, et, à la chaleur, ce liquide se trouble très peu. Le malade quitte encore l’ hôpital pour revenir le 10 octobre, assez fatigué et très oppressé. Tout en continuant à lui injecter tous les 10 jours 0,50 da- toxyl, on le traite comme un cardiaque, en alternant la théo- bromine, la digitale, la spartéine, en usant du régime déchlo- ruré ou du régime lacté. Le malade baisse de poids ; de 1. On a vu, par l’autopsie du malade 1, que le muscle cardiaque est dégénéré. Or, M. Vaquez, à la Société Médicale des Hôpitaux, janvier 1907, a montré que des malades atteints de myocardite ont des pouls lents et irréguliers; nous pensons que chez notre malade, c’est surtout la myocardite qu’il iaut incriminer. 168 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 66k?,500, il descend à 58 kilos et se maintient finalement à 60 kilos. Il est très amélioré et pendant les mois de janvier et février 1907. sa température ne dépasse pas 37 et son pouls reste entre 80 et 90. Jusqu’à ce jour (4 mars) son état demeure satisfaisant. Ce qui est intéressant dans cette observation, c’est que, malgré un très mauvais état général, malgré que l’atoxyl ait été administré à faible dose, 0,50, et à intervalles espacés (tous les 15 jours), ce malade s’est amélioré et les trypanosomes ont disparu du sang et du liquide céphalo-rachidien. Ces doses étaient toutefois trop faibles, car les œdèmes persistaient et l’état général ne s'améliorait pas ; aussi, lors de son troisième séjour, nous avons rapproché les injections d’atoxyl, sans augmenter la dose : nous avons donné tous les 10 jours 0,50 d’atoxyl et l’état du malade s’est amélioré très rapidement. Ce malade a eu des suppurations de l’oreille; sont-elles dues au trypanosome? Nous ne le pensons pas et croyons qu’il est préférable de penser aux fîlaires ou plus simplement à un otite par infection, quoique dans les antécédents du malade, rien ne nous autorise à émettre cette dernière hypothèse. Peut-on mettre les complications cardiaques sur le compte de la trvpanosomiase? Etant donnée la grande amélioration du malade à la suite du traitement, nous inclinons fort à accuser les trypanosomes; ce qui paraît certain, c’est que ce malade est actuellement porteur d’une lésion myocardique bien établie et qu’il n’est plus possible de le rétablir complètement; malgré qu’il soit dans toute la force de l’àge (32 ans), il est difficile de songer à le renvoyer aux colonies, tandis qu’en France, avec des soins, il pourra encore vivre et être utile. * 1 3e Observation. — Joseph B., 33 ans. Missionnaire des Pères du Saint-Esprit. Malade envoyé par le Dr Coffîrr de Paris. Parti de Bordeaux le 10 septembre 1898, il arrivait à Brazza- ville le 13 octobre, et, quinze jours après, gagnait la mission de Saint-Paul-des-Rapidês, à Bangui. Pendant les trois premières années, il fut très éprouvé par- les fièvres qui revenaient à périodes fixes, d’abord tous les 15 jours et ensuite toutes les trois semaines, puis tous les mois. MALADIE DU SOMMEIL 169 Au bout de la deuxième année il eut une « bilieuse bématurique » qui le rendit très malade. A partir de ce moment, les fièvres devinrent plus rares; toutefois il ne passa jamais 3 mois sans quelques jours de fièvre. La troisième année, nouvelle bilieuse qui l’oblige à garder le lit dix jours. Puis sa santé va en s’améliorant. Il est mieux acclimaté. Il a encore de temps en temps des fièvres, mais pas très fortes. Au bout de la 7e année, fin juillet 1903, les fièvres repa- raissent et deviennent fréquentes; au commencement d’août, d entreprend dans l’intérieur un voyage qu’il doit interrompre; il est obligé par la fièvre de rentrer à Bangui. Une nouvelle bilieuse (la 3e) se déclare et dure 3 semaines. La fièvre est plus tenace que de coutume. A partir de cette époque, la fièvre fait son apparition presque tous les soirs, vers les 4 heures. En même temps se produit une poussée furonculeuse qui ne se termine qu’au mois de février 190G. Vers le mois d’octobre 1903, le malade sent des fourmille- ments dans les pieds; il croit toujours avoir des cailloux dans les souliers, il lui est impossible de rester longtemps debout. A partir de ce moment, ses forces diminuent, les ganglions du cou enflent, sans le faire souffrir cependant. Il en est ainsi jusqu’au mois de décembre, les fièvres ne cessent pas et le mal des pieds augmente ; cet état est attribué à l’anémie. Après Noël, le malade descend au poste de Libenghé (poste belge). A peine a-t-il débarqué que le D1' Rodhain remarque ses ganglions du cou et se demande s’il n’aurait pas la maladie du sommeil. Dès le lendemain de son arrivée, il lui prend du sang au doigt. H découvre 3 trypanosomes. Pendant 4 jours, il recommence, l’examen et chaque fois il trouve des trypano- somes. Le diagnostic était dès lors établi. Immédiatement le D1 Rodhain décidait le malade à rentrer en France et, en atten- dant, ordonnait de la liqueur de Fowler, le seul remède qu’on avait alors en Afrique. Réellement très malade depuis le mois d’août 1905, le mis- sionnaire quittait Brazzaville le 15 janvier, et arrivait en France le 18 mars, après avoir fait naufrage et avoir été débarqué d’un paquebot comme suspect de maladie contagieuse. 170 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le 21 mars 1906, quand Joseph B. se présente à l’hôpital Pasteur, il est très fatigué, marche difficilement, le corps plié en deux, et ne peut monter quelques marches sans être sou- tenu. Ce qui frappe, c’est sa pâleur et son amaigrissement; sous sa peau trop lâche, en arrière, à la nuque, de chaque côté de la ligne médiane, deux ganglions font saillie : celui de gauche est le plus développé et de la grosseur d’une noisette ; à l’examen, on trouve tous les autres ganglions volumineux. On retrouve chez lui l’existence des principaux symptômes classiques : fatigue générale, douleurs dans les pieds, œdème des jamhes, transpirations abondantes ; il n’y a pas de rougeurs, pas de démangeaisons. Il se plaint d’accès de fièvre survenant tous les jours, et quand la température tombe, le pouls reste à 110-120. Le malade a depuis quelque temps des épistaxis qui se sont renouvelées presque chaque jour dans les premiers temps de son séjour à l’hôpital. A l’examen, on trouve un gros foie, une grosse rate. 11 n’y a pas d’albumine dans les urines. L’examen du sang, pratiqué par M. Besredka, donne : Globules rouges 4.060.000 Globules blancs 12.700 dont Polynucléaires 51 0/0 Mononucléaires 40 0/0 Dans les polynucléaires, il y a 12 0/0 d’éosinophiles. Comme le docteur Rodhain, nous trouvons des trypano- somes dans les ganglions, dans le sang et dans le liquide céphalo- rachidien. Sur les indications de M. Laveran, ce malade est soumis au traitement mixte: arsenic et trypanroth . Du 25 mars au 28 mai 1906, il reçoit sous la peau, en dif- férentes injections, 34 c. c. de solution arsenicale représentant 155 milligrammes d’acide arsénieux et de 2^r,60 de trypan- roth . Ces injections sont bien supportées et le naïade devient après 5 jours uniformément rouge. Le malade, tout en restant très faible, s’améliore cependant MALADIE DU SOMMEIL 171 et les ganglions diminuent de volume, les accès de fièvre s’espacent mais persistent, enfin les épistaxis reviennent presque chaque jour. Du reste le malade se plaint fréquemment d’une douleur dans le nez et dans le front. Le 19 avril, il a un zona thoracique. Le 30 avril, il accuse une violente douleur dans le nez et les sinus, puis le lendemain une très forte douleur dans la gorge, le tout accompagné d’une grande fièvre: la température oscille entre 38° et 40°. Le malade est vu par le Dr Collinet, qui cons- tate une ulcération sur les cornets, pense à une sinusite et ordonne des lavages du nez. A partir du 1er mai, le malade a manifestement un érysipèle de la face qu’on ne peut diagnostiquer que par le bourrelet qui circonscrit la tuméfaction de la plaque érysipélateuse; car le malade étant tout rouge par le fait du trypanroth, il est impos- sible de se baser .sur la rougeur de la peau pour faire le dia- gnostic. Nous avons insisté sur l'évolution de cette rhino-sinusite avec érysipèle consécutif, car nous pensons que cette lésion était ancienne et causait pour une grande part la .fièvre du malade. Ce qi i est bien certain, c’est qu’après la guérison de son érysipèle et de sa rhinite, sous l'influence des lavages pres- crits parle Dr Collinet, on n’a plus revu d’épistaxis et les accès de fièvre ont été moins importants et moins fréquents. Faut-il attribuer cette lésion à la trypanosomiase ? C’est possible; mais il ne faut pas oublier que le malade est aussi porteur de filaires, et la filaire peut donner de pareilles lésions. A voir la courbe thermique de notre malade, on devait porter un pronostic des plus graves *, si vraiment la fièvre avait été la conséquence de l’infection trypanosomique. Si la fièvre, au contraire, était liée à l'état local de la muqueuse nasale, on pouvait espérer une amélioration. Nous pensons que la lésion locale était la cause principale de la fièvre et que par suite notre observation, tout en présentant un très réel intérêt, ne peut pas nous fixer d’une façon absolue sur l’action des médi- cations dans les cas graves. 1. Le Dr Broden, qui a vu notre courbe, a jugé que, d’après les autres cas qu’il a étudiés, ce malade aurait dû mourir en trois mois. 172 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Joseph B... — 3e observation. MALADIE DU SOMMEIL 173 Joseph B... — 3' observation. 174 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Quoi qu’il en soit, le malade guérit de sa lésion locale et aussitôt son état général s’améliora, mais les trypanosomes ne disparurent pas du sang. On cessa le trypanroth, car le malade pendant son érysipèle présenta de l’albuminurie, et l’albumine persista quinze jours encore ; or on sait qu’il ne faut pas employer le trypanroth quand le malade a de l’albuminurie. Toutefois comme les trypanosomes persistaient dans le sang, tandis qu’ils avaient disparu rapidement chez Aloïs J. auquel on avait injecté de Tatoxyl, on remplaça l’acide arsénieux par l’atoxyl, le 5 juin 1906. Les trypanosomes disparurent aussitôt et le malade partit à la campagne le 22 juin. Pendant son absence qui dura jusqu’au 4 septembre, le malade reçut tous les lo jours 0,50 d’atoxyl. La dose était insuffisante, car. à son retour, il avait de nouveau des trypanosomes dans le sang, et malgré de nouvelles doses d’atoxyl, les trypanosomes ont persisté dans le sang, pen- dant les mois d’octobre et de novembre; on a rapproché et augmenté les doses d’atoxyl et le malade a quitté l’hôpital le 19 décembre, bien portant et n’ayant plus de trypanosomes dans le sang. Fait curieux : tandis que les trypanosomes persistaient dans le sang, en n’en trouvait plus dans le liquide céphalo-rachidien à partir du mois d’octobre. D’après toutes les observations de Kopke, c’est le contraire qui se passe d’habitude: les trypano- somes disparaissent du sang et persistent dans le liquide céphalo- rachidien. Remarquons toutefois que ce liquide, lors de l’entrée du malade, contenait des trypanosomes et une assez grande quantité d’albumine ; aux dernières ponctions, alors que le trypanosome avait disparu, il n’y avait plus d’albumine dans le liquide céphalo-rachidien. Au mois de février, Joseph B. est revenu ù l’hôpital Pasteur en très bonne santé ; pendant son absence il a pu faire plusieurs conférences et des marches de 12 kilomètres. Son état est à ce jour (4 mars^ très satisfaisant. 4e Observation. — Pierre G., âgé de 28 ans, missionnaire du Saint-Esprit. MALADIE DU SOMMEIL 175 Ce malade a été envoyé h l’Institut Pasteur par le docteur Allain, chef du service de santé à Brazzaville, La lettre annonçant le malade contenait en même temps ['observation suivante : UN CAS DE TRYPANOSOMIASE CHEZ UN EUROPÉEN MISSION DU HAUT-LOGONE. TRYPANOSOMIASE HUMAINE (EUROPÉEN). Observation prise à Rrazzaville le 25 septembre 1906, par les docteurs J. Kérandel et Heckenroth. Pierre C., né à Brest, âgé de 28 ans, est au Congo depuis vingt-cinq mois. C’est son premier séjour aux colonies. 11 a été envoyé directement de France à la mission Saint-François (Boundji), sur l’Alima, en passant par Uraladi et Brazzaville, où il a séjourné trois semaines. Le trajet de cette dernière localité à la mission Saint-François s’est effectué par la voie fluviale du Congo et de l’Alima. Sur une partie de ce parcours, Basse-Alima-Congo, la Glossinia palpalis et les taons sont très nombreux, comme nous avons pu le constater nous- mêmes. La mission Saint-François est installée sur les bords sablonneux de l’Alima à vingt mètres de la rive. L’arrière-plan du terrain est constitué par des plaines herbeuses et des forêts. Il existerait dans la région un grand nombre de moustiques, de taons et de mouches piquantes analogues à des (dossines que nous avons montrées au malade et qu’il a parfaitement reconnues. Ces mouches se retrouveraient jusqu’à un kilomètre et demi du fleuve. La région serait malsaine et les pères auraient des accès de fièvre assez fréquents ; toutefois leur état général est satisfaisant. Les enfants indigènes de la mission se portent bien : un décès s’est récemment produit par suite de maladie du sommeil. Le frère, exerçant la profession de menuisier, travaillait le plus souvent dehors, dans le courant de la journée, soit en forêt pour abattre des arbres, soit près de la mission pour le montage des cases et l’entretien des jardins. Son alimentation se composait de gibier (bœuf sauvage, anti lopes, etc.), de poisson, de quelques légumes frais, de manioc et de conserves, L’eau de boisson était prise directement au fleuve et n’était pas filtrée • elle était souvent sale et mauvaise au goût. Antécédents héréditaires. — Rien à signaler. Antécédents 'personnels. — Ostéo-myélite dans le jeune Age, cicatrices à la jambe gauche. Histoire de la maladie. — Dès son débarquement à Uratadi, en iuillet 1904, Pierre C. aurait eu de la fièvre pendant trois jours. Puis il s’est bien porté pendant vingt et un mois. Il prenait quelquefois de la quinine, environ 0gr;25 à 0?r,30 tous les huit jours. Le début de la maladie actuelle semble remonter à quatre mois. A cette époque, le frère aurait d’abord ressenti une sorte de gonflement 476 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR épigastrique, accompagné d’oppression, puis de tuméfactions douloureuses et passagères localisées soit aux jambes, soit aux avant-bras. En même temps survient de la fièvre apparaissant chaque soir pendant une semaine, mais pas de céphalalgie, de courbature ni de vertiges. Le malade se sent mieux pendant la journée. Il éprouve toutefois de la lassitude. La fièvre a paru céder à la quinine ; mais les autres phénomènes ont persisté. Le sommeil est plus profond et plus prolongé la nuit, et le besoin de la sieste se fait sentir plus impérieux. Depuis trois mois que le malade est à Brazzaville, la température monterait assez souvent le soir à 38o, 38o,5. État actuel. — Aujourd’hui le frère a les traits tirés, le faciès terreux et un état anémique très accusé par la décoloration des téguments et la pâleur des conjonctives et des muqueuses. Il répond assez bien aux questions qù’on lui pose, mais seulement après un moment de réflexion ; la paresse intellectuelle est évidente. Il est courbé et traîne légèrement en marchant. D’après les pères de la mission de Brazzaville, notre malade a toujours été d’un naturel apathique quoique bon travailleur. Deux symptômes nous frappent : des taches rouges et des œdèmes disséminés sur les diverses parties du corps. Les paupières paraissent tuméfiées; mais un examen plus attentif nous montre que l’œdème n’intéresse que le rebord orbitaire, formant ainsi un bourrelet circulaire très net autour de la cavité de l’orbite. A la face, la tuméfaction s’étend aux pommettes et à la lèvre supérieure. Aux pieds et aux jambes, l’œdème est très marqué et dur à la. pression avec une teinte générale violacée. Aux bras existent d’autres placards d’œdèmes analogues aux « tumeurs de Lalabar ». Les taches rouges sont disposées en arcs de cercle, formant des bandes larges de un à cinq centimètres, et dans les intervalles la peau est normale. Par cette disposition, le tronc du malade présente un aspect léopardé. Au niveau des taches, les veinules cutanées sont très dilatées, variqueuses, rouges violacées et s’aperçoivent très nettement disposées en rayons dans les arcs de cercle auxquelles elles appartiennént. Le derme est épaissi, induré et très légèrement douloureux à la pression. Ces indurations cutanées se déplacent fréquemment dans les diverses parties du corps. Les taches rouges sont plus foncées, légèrement violacées, et parti- culièrement apparentes au niveau du thorax, tandis qu’à l’abdomen la rougeur est beaucoup moins accusée. La différence des teintes est nette- ment limitée par le rebord des fausses côtes. A la région dorsale, aux cuisses et aux bras, les taches sont moins nombreuses et moins colorées. Appareil lymphatique. — Malgré la palpation la plus minutieuse, nous ne trouvons aucun ganglion engorgé dans les diverses groupes cervicaux. Dans les creux auxiliaires existe à droite et à gauche un ganglion gros comme une petite noisette. Aux aines se trouvent : à gauche, quatre ganglions de la grosseur d’une amande, et, à droite, quatre ganglions un peu moins gros. Les ganglions cruraux et épitrochléens ne sont pas hypertrophiés. MALADIE DU SOMMEIL 177 Appareil respiratoire. — Rien d’anormal. Appareil digestif. — L’appélit est conservé : nous n'avons constaté rien d’anormal du côté du tube digestif. Le foie n’est pas douloureux à la pression et ne dépasse pas le rebord des fausses côtes. Les urines ne contiennent pas d’albumine. Les mictions ne sont pas plus fréquentes que d’habitude. Appareil circulatoire. — Le pouls et les bruits du cœur paraissent normaux. Pas d’ ypertrophie cardiaque. La rate n’est pas augmentée Je volume. Sgstème nerveux. — La sensibilité au chaud, au froid et à la piqûre est normale sur les placards d’induration et sur les parties saines. Le réflexe rotulien est diminué à droite et exagéré à gauche. Des réflexes abdominaux, celui du tendon d’Achille et celui du poignet sont normaux. Les pupilles réagissent normalement à la lumière et à l’accommodation. Elles sont égales. Le signe de Romberg n’existe pas. Il n’y a pas de tremblement inlentionel, pas de tremblement de la langue, ni des doigts étendus. La trépidation épileptoïde du pied n’a pu être provoquée. L'acuité auditive est notablement diminuée à gauche : l’oreille interne paraît atteinte. L’odorat est normal à droite et à gauche. La vue est conservée des deux côtés. Examen microscopique du sang. — Trois trypanosomes ont été découverts dans une même préparation de sang frais après un examen rapide. Six trypanosomes ont été trouvés dans une préparation colon e de petite étendue ; ils rappellent par leur forme le Trypanosoma gambiense. D'autres préparations en contiennent également. Traitement. — Le malade a suivi, pendant deux mois environ, un traite- ment au cacodylate de soude en injections sous-cutanées, à la dose de deux centigrammes par séance. Quand le malade est arrivé à l'hôpital Pasteur, il avait encore les rougeurs du thorax, mais sans prurit. Les ganglions des aisselles et des aines étaient engorgés, ceux du cou ne l’étaient pas, ni les épitrochléens. Le malade a la marche traînante, le corps esl légèrement courbé en avant. Il a de l’oedème des jambes et delà face, surtout marqué à la lèvre supérieure, et il accuse de la douleur dans les jambes et dans les pieds. Lorsqu’on l’interroge, il ne répond pas immédiatement ; s'il 12 178 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Pierre C... MALADIE DU SOMMEIL 179 n’est pas somnolent, il a évidemment de la paresse intel- lectuelle. Le diagnostic a été chez lui très facile à établir. En exami- nant le sang’ directement entre lame et lamelle, on trouve des trypanosomes. Après centrifugation, on en voit des quantités. Le sang est auto-agglutinable rapidement et nettement. Par ponction lombaire, on retire tüc. c. de liquide céphalo- rachidien qui s'écoule en jet rapide. Il contient des trypano- somes. Ce liquide devient légèrement louche après ébullition; il est un peu plus trouble que le liquide céphalo-rachidien normal. Ce malade a été aussitôt mis au traitement par l’atoxyl seul. Entré le 12 novembre, il reçoit, le 14, 0gr,30 d’atoxyl ; le 19, 1 gramme; et le 24, I ^oO ; il a supporté sans inconvénients ces doses fortes et répétées. Les effets du traitement sont rapidement favorables. Le poids du malade, qui était de 57 kilos le jour de son arrivée, est tombé, huit jours après, à 52 k. 900 par suite de la disparition de l’œdème, pour augmenter ensuite progressi- vement avec l’amélioration de son état, et atteindre 59 kilos. Au dynamomètre , on note, à l’arrivée du malade : main droite 75, main gauche 65. Un mois après : main droite 85, main gauche 75. Deux mois après : main droite 90, main gauche 85. A partir de la lra injection d’atoxyl, les taches rouges onl diminué progressivement pour disparaître après 2 mois. Les ganglions ont diminué de volume. L’œdème des jambes n’a pas apparu quand le malade s’est levé. L’œdème de la face a persisté longtemps tout en dimi- nuant. Les trypanosomes ont disparu du sang. 11 n’y a plus de trypanosomes dans le liquide céphalo-rachi dicn, le lPr février 1907. Température et pouls. Chez ce malade, la température a rare- ment dépassé 38° et 15 jours après le début du traitement elle n’a nas dépassé 37°. 180 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Par contre le pouls battait 100 et 120 et ce n'est qu'un mois après le traitement qu'il a baissé à 80. Deux faits méritent d’être retenus. Les premières injections d’atoxyl ont donné des élévations thermiques : la lro de trois degrés, la suivante de un degré; puis, tant que les injections ont été fréquemment répétées, il ré y a pas eu d'élévation de température. (Voir la courbe.) Trouvant le malade amélioré, nous avons cessé les injections d’atoxyl pendant 12 jours; or, le 12e jour, le malade a eu de la fièvre; on a aussitôt donné de l'atoxyl qui a encore augmenté la température. Depuis cet accident, nous avons donné tous les huit jours 1 gramme d’atoxyl et le malade continue à s’améliorer. Aujourd’hui, 4 mars 1907. il est en très bon état ; de tous nos malades, c’est celui qui a été le plus rapidement amélioré, il faut remarquer que c’est aussi celui qui a reçu les plus fortes doses d’atoxyl. üe Observation. — Henri William V. D. AL, 30 ans. Ce malade a été envoyé à l’Institut Pasteur par les docteurs Allain et Lebœuf avec le résumé suivant : ObseiTCition prise à Brazzaville par le D1' Lebœuf, médecin aide-major des troupes coloniales , membre de la mission du sommeil au Congo. Van der M..., né en Hollande (octobre 1876). A fait deux séjours au Congo. Pendant son premier séjour qui a duré quatre ans, il est toujours resté à Brazzaville, sauf pendant un court voyage qu’il lit dans la Sangha à la fin de ce séjour. A son retour en Europe, on constata, paraît-il, qu’il était atteint de filariose. Deuxième séjour : a passé deux ans dans la Haute-Sangha (à Carnot et ai nord de ce poste). Vient de retourner à Brazzaville. Le sujet se dit malade depuis huit mois environ : l’affection aurait débuté par une grande sensation de faiblesse, laquelle n’aurait fait depuis que s’accentuer; c’est actuellement à peu près la seule chose dont se plaigne le malade. Rien que l’appétit soit conservé, l’amaigrissement est très prononcé. Ganglions. — Deux groupes cervicaux, l'un à gauche, en arrière de l’angle de la mâchoire; l’autre à droite, en arrière du sterno-cléïdo-mastoï dien. Ce dernier est ponctionné ; résultats : nombreux leucocytes, pas de trypanosomes. MALADIE DU SOMMEIL LSI Eruptions cutanées. — Papules inflammatoires : aucun caractère circiné. Du sang de scarification examiné ne révèle pas de trypanosomes. Examen direct du sang . — F. perstans = très rares. Trvpanosome == 0 Formule liémolmcocylai re. Polynucléaires = 44,21 0/0 Lymphocytes = 45,26 » Grands mononucléaires » =• 4,21 » Eosinophiles = 4,92 » Formes de transition = 4,40 » 109,09 Ponction lombaire. — Pression élevée : le liquide céphalo-rachidien, d’apparence limpide, s'élance en jet. 8 c. c. sont centrifugés : résultats : très nombreux leucocytes (surtout lymphocytes), très nombreux trypano- somes. Traitement. — 25 centigrammes atoxyl le 45 décembre. 50 — — le 49 — Parti pour l’Europe par le courrier belge du 20 décembre. Températures : 6s 45 décembre == 37" 6 m 46 = 56o,4 Os 46 — ~ 37 o 9 * “ Om 47 = 36o.8 Os 47 — = 36", ,9 6m 18 =r 36o.9 Os 48 — = 37-, Om 19 =K 36o,3 Os 49 — = 37". ,3 Voici les renseignements complémentaires que le malade a pu nous fournir. En mai 11)06, il a souffert d’une bilieuse liéina- turique qui a été le point de départ de ses accidents. Depuis lors, s’est senti fatigué par moments, mais il a pu continuer son travail et ses tournées d’inspection ; toutefois en avait noté un changement dans son caractère : de doux qu’il était, il était devenu assez irritable. Depuis le mois de juillet, il a eu des rougeurs sur le corps ei des démangeaisons, puis des pustules (craw-craw) dont il porte encore 6 cicatrices pigmentées sur le thorax. Au mois d’octobre, étant à cheval dans l’après-midi, il est pris de somnolence et tombe; les jours suivants, la matinée se passe bien, mais l’après-midi il a des somnolences invincibles : un médecin consulté le fait descendre à Brazzaville où il a été examiné par MM. Allain et Lebœuf. ■ Le 17 janvier 1907. il entre à l’hôpital Pasteur, et ce qui 482 ANNALES DE L’INSTITUT PÀSTEUU caractérise son état, c’est une somnolence persistante malgré un état général assez bon. Sitôt qu’on l’abandonne à lui-même, il s’endort, mais dès qu’on pénètre dans sa chambre, il s’éveille, cause et répond aux questions après avoir réfléchi quelques instants. Quand il dort, il gratte sa peau avec ses ongles ; quand il est éveillé, malgré lui. il en fait autant, tellement les déman- geaisons sont vives. La peau est légèrement rosée, mais il n'y a pas d’éruption bien nette. Les ganglions du cou sont très peu engorgés, ceux des aisselles et des aines sont plus volumineux que d’habitude, jnais ils sont vraiment très peu tuméfiés. La rate est assez grosse (10 cm. dans son grand diamètre) et le foie déborde les fausses côtes de deux travers de doigt. 11 n’a pas de fièvre et le pouls n’est pas très rapide. La température évolue aux environs de 37° ; le pouls bat de 80 à 90. Les urines ne contiennent pas d’albumine. Au dynamomètre : main droite 70, la gauche 60. A l’examen du sang, on ne trouve pas de trypanosomes après centrifugation, mais M. Mesnil trouve un embryon de filaire sans gaine (F. perstans). Le liquide céphalo-rachidien contient très peu de trypano- somes, puisque, sur 2 examens pratiqués, M. Vassal seul trouve deux trypanosomes. Le sang et le liquide céphalo-rachidien sont inoculés dans le péritoine de deux cobayes; le cobaye inoculé avec le sang meurt le 4 mars, son sang contient de très nombreux trypa- nosomes. Le sang s’auto-agglutine très rapidement et en gros îlots ; il est examiné par le Dr Darré qui trouve 2,830,000 globules rouges et 3,300 globules blancs. Ce malade est aussitôt traité et il reçoit le 20 janvier 0,50 d’atoxyl. 11 reste somnolent quelques jours. Le 22, le malade reçoit sous la peau 1 gramme d’atoxyl. Le 23, il vomit ses aliments, mais il n’a pas de diarrhée. Craignant des accidents arsenicaux, on attend 3 jours avant de MALADIE DU SOMMEIL 183 renouveler la même dose, et tous les 5 jours il reçoit 1 gramme d’atoxyl pendant la fin de janvier et le mois de février. En même temps nous donnons 0,50 d’extrait de quinquina et de 1 à 6 milligrammes de strychnine, qui ici est indiquée, étant donné l’état d’affaissement général. Le samedi 26, le malade est un peu plus éveillé et le dimanche 27, il peut se lever pendant une heure. Son état s’améliore; cela durera-t-il? La suite le dira et l’observation de ce malade sera des plus intéressantes, car, contrairement aux observations 11, 111 et IV, c'était bien un dormeur, et presque uniquement un dormeur 1 . A ce jour, 4 mars 1907, le malade est sensiblement dans le même état; parfois il a encore des somnolences, mais il passe des journées entières sans dormir et il commence même à s’inquiéter de ses intérêts et de ses voisins; nous sommes loin d’avoir eu l'amélioration rapide constatée dans l'observation IV; remarquons toutefois qu.e les malades II et 111 ne se sont biep rétablis qu’après trois mois de traitement. CONSIDÉRATIONS GENERALES De nos observations, un premier fait se dégage avec- évidence : la maladie du sommeil chez les blancs évolue diffé- remment suivant les sujets. S’il existe des cas où le symptôme dominant et caractéris- tique est la somnolence comme dans notre Ve observation, il en est d’autres où la maladie évolue de toute autre façon. - L’observation II est celle d’un cardiaque, et les premiers symptômes ont été l’essoufflement et les palpitations. Le cas n° III est caractérisé par l’engorgement ganglion- naire généralisé, par la fièvre, l’asthénie, l’œdème des jambes et les douleurs vives dans les pieds. Le malade de l’observation IV a eu des œdèmes et des éruptions cutanées, de l’œdème et de la douleur des jambes et un peu de paresse intellectuelle sans véritable sommeil. Après avoir signalé ce qui différencie nos observations, étudions les symptômes communs. Début. — 3 malades, II, 111 et V, font remonter les premiers 1. Los observations 1, 4 et 5 ont été prises par les Drs Louis Martin et Darré. 184 ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR symptômes de leur mal à une attaque de bilieuse liématurique. Nous ne pensons pas que la bilieuse ait été le point de départ de leur infection ; ces malades étaient probablement infectés depuis longtemps, mais ils résistaient à la généralisation des trypanosomes et il est fort possible que la bilieuse intercur- rente, en les privant momentanément de leurs moyens de défense, ait permis aux trypanosomes de se généraliser. Chez tous les malades, les symptômes asthéniques • ont été précoces, mais ils ont été surtout accentués pour les malades II, III et IV. Dès le début, les malades II et III ont accusé une douleur vive dans les pieds et cette douleur persiste encore chez tous les deux, malgré la disparition des trypanosomes, malgré l'amélio- ration de l’état général. Cette douleur, qui a été assez vive pour gêner la marche, a cependant considérablement diminué. Les malades IV et V ont eu dès le début des troubles cutanés , sans prurit chez le IV, avec prurit intense chez le V. On sait que tous les auteurs insistent sur ces troubles cutanés et les regardent comme très fréquents. Tous nos malades ont eu de Y engorgement des ganglions, mais à des degrés différents et avec des localisations un peu diflé- rentes. Seul le n° III a eu une hypertrophie très marquée des ganglions du cou, les nos II et Y ont eu une légère hyper- trophie de ces ganglions, le n° IV n’avait rien aux ganglions du cou; comme plusieurs auteurs regardent Tengorgement des ganglions du cou comme pathognomonique, il est bon de savoir qu’il peut ne pas exister. Par contre tous nos malades avaient de Tengorgement des ganglions des aines et des aisselles. On a même une sensation assez caractéristique lorsqu'on recherche les ganglions de l’aisselle, on trouve en général un ou plusieurs ganglions augmentés de volume ; ils sont aplatis et semblent plus augmentés en surface qu’en épaisseur ; ils ne roulent pas sous les doigts, mais à la palpation, on les sent assez durs et on peut délimiter leurs contours; il n’v a pas d'inflammation périganglionnairc. Troubles cardiaques. — Un seul de nos malades, le 11, a eu des troubles cardiaques accentués qui se sont traduits par une hypertrophie du cœur. Chez trois autres, nous avons trouvé une accélération des battements du cœur, signe si fréquent et MALADIE DU SOMMEIL 485 si bien décrit par tous les auteurs ; mais encore ici nous avons une exception ; le n° V, qui est si franchement somnolent, n'a pas de véritable tachycardie quoique le pouls soit plus fréquent qu’à l’état normal. Fièvre. — Tous nos malades ont eu des poussées fébriles s'accompagnant de malaises généraux et d’élévation de tempé- rature ; rien n’est régulier dans la succession de ces accès, la température monte souvent de plusieurs degrés. Pour le n° V, l’élévation est à peine de 1°; il n’y a pas ordinaire- ment de frisson initial. Des transpirations abondantes sont signalées chez 2 malades: le III et le Y ; ces sueurs ne sont pas en rapport avec les accès fébriles. Les sueurs accompagnent la fièvre, mais elles peuvent exister sans elle. Filaires. — Chez 3 malades, nous avons trouvé des embryons de filaires : deux étaient probablement des filaires diurna , la 3e des (ilaires perstans. Nous devons signaler que ces embryons étaient très rares, et quand on a l'habitude d'examiner du sang contenant des embryons de filaires nocturnes, on est surpris de trouver aussi peu d’embryons pour les diurna et les perstans. Nous avons déjà indiqué dans les observations quels symp- tômes pouvaient être attribués aux filaires et comment l’obser- vation III avait pu être complètement modifiée par ces compli- cations. Diagnostic. — Quel que soit le mode de début de la trypano- somiase, le point important est d’établir sûrement un dia- gnostic. Les symptômes cliniques, lorsqu'ils sont groupés, lorsqu’ils se présentent avec netteté, permettent au médecin, dès le début , de suspecter la maladie du sommeil. Lorsque la somnolence survient et qu’elle a été précédée de fièvres irrégulières ne cédant pas à la quinine avec pouls dissocié, d'engorgement ganglionnaire, de troubles cutanés, œdèmes, démangeaisons, éruptions, alors le diagnostic s'impose, mais il est souvent trop tard pour intervenir efficacement. Aussi a-t-on cherché à suppléer à l'insuffisance des symp- tômes du début par la recherche du parasite. Examen du sang. — Le trypanosome se trouve dès le début 186 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dans le sang et même il paraît plus abondant au début qu'à une période avancée de la maladie. Ainsi T examen direct du sang pris au doigt a montré des trypanosomes au Dl Rodhain pour le n° III ; et aux Drs Ivérau- del et Heckenroth pour le n° IV. Mais bien souvent les trypanosomes sont trop rares dans le sang pour qu'il soit facile de les voir à un examen direct. On est obligé alors de recevoir le sang dans de l’eau citratée et de centrifuger le mélange ; les trypanosomes s’accumulent avec les globules blancs, à la surface du dépôt. On peut ainsi les déceler alors qu’on ne les avait pas vus à l’examen direct ; c’est ce qui est arrivé pour le n° 11. Mais pour les nos I et V, même avec ce procédé, il a été impossible de découvrir le moindre trypanosome dans le sang. De l’avis de tous les auteurs, les trypanosomes peuvent devenir très rares dans le sang à la fin de la maladie ; c’était le cas du n° I. Ils sont également assez rares lorsque le malade n’a pas de lièvre, et au moment de l’accès fébrile ils deviennent plus nombreux. C’est un fait qu il importe de connaître, car si, chez un malade suspect de trypanosomiase, on ne trouve pas de trypanosomes en temps ordinaire, il faut se hâter de faire un nouvel examen si la fièvre survient. Auto-agglutination. — 11 arrive que l’examen du sang, ne montrant pas de trypanosomes, fournit cependant un ren- seignement précieux. Le sang écrasé entre lame et lamelle s'étale et reste généralement uniformément étalé; après un certain temps, les globules se réunissent en piles, mais ne s’agglutinent pas. Au contraire, chez les malades ou animaux infectés par le trypanosome humain, très rapidement les glo- bules s’agglutinent et s’accumulent de telle façon qu'à l’œil nu on voit de petites taches séparées par du sérum. Tantôt les taches sont volumineuses, tantôt elles sont plus petites. Les amas volumineux se rencontrent surtout chez les malades très infectés, puis à la suite du traitement, les amas deviennent moins gros, et lorsque la guérison survient, l’auto- agglutination disparaît. Ce phénomène a été trouvé par Christy ; les savants de l’école de Liverpool, qui l’ont recherché chez les animaux, lui attribuent une grande valeur diagnostique. MALADIE DU SOMMEIL 187 Même en l’absence (le trypanosomes, tout sang’ qui auto -agglutine est suspect d’infection ; la disparition de cette auto-agglutinabilité est un critérium de guérison L Chez tous nos malades, même chez ceux qui ne contenaient pas de trypanosomes dans le sang: nous avons trouvé de l'auto-agglutination et, malgré la grande amélioration de nos malades, l’auto-agglutination, quoique très réduite, n’a pas entièrement disparu. Examen de la lymphe des ganglions engorgés. — Lorsqu’on veut confirmer le diagnostic clinique en recherchant le trypa- nosome, Greig et Gray, Dutton et Todd conseillent de ponc- tionner les ganglions avec une grosse aiguille, de retirer de la lymphe, et tous les auteurs s’accordent à reconnaître que lé plus souvent on trouve les trypanosomes dans la lymphe. Nous avons recherché les trypanosomes dans la lymphe une fois et le savons facilement rencontrés. Chez les autres malades, nous avons pratiqué la ponction lombaire et, comme chez tous, nous avons trouvé des trypanosomes dans le liquide céphalo- rachidien, nous avons regardé comme inutile de les rechercher dans les ganglions qui, il faut bien le dire, n’étaient pas. chez nos malades I, II, 1 \ et V, facilement ponetionnables. Examen dn liquide céphalo-rachidien. — Tous nos malades avaient des trypanosomes dans le liquide céphalo-rachidien, mais le n° Y en avait très peu : pour tous les autres le diagnos- tic a été facile à établir : après centrifugation, décantation et examen du culot du tube, on trouvait plusieurs trypanosomes par préparation. Chez deux malades, le 11 et le 111, le liquide contenait une assez notable quantité d’albumine; chez les autres, il y en avait des traces. C’est M. Nicolle qui a attiré notre attention sur cette recherche. Etudiant la peste bovine à Constantinople, il avait remarqué que tous les animaux infectés par des piroplasmes avaient de l’albumine dans le liquide céphalo-rachidien ; il pen- sait que les trypanosomes envahissant le liquide céphalo- rachidien, il devait y avoir de l’albumine témoignant de leur présence et des lésions qu’ils occasionnent. Dans deux cas, le fait a été très net; chez les trois autres malades, il y avait bien de l’albumine, mais en petite quantité. J. Thomas, — Mesnil, Nicolle et Aubert. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR m Cette recherche est importante à un autre point de vue : Lorsqu'il y a de l’albumine, les méningés laisseront peut-être passer les médicaments ; lorsqu’il n'y en a pas, la physio- logie nous apprend qu’elles sont imperméables. Nous ver- rons au moment du traitement toute l’importance de ce fait. Inoculation expérimentale. — Lorsqu'un malade est suspect de trypanosomiase et que les examens du sang, de la lymphe, du liquide céphalo-rachidien ne montrent pas de trypanosomes, il faut toujours, avant de porter un diagnostic, inoculer à des animaux les liquides suspects. Les cobayes, les rats, les souris et les singes peuvent servir pourees diagnostics ; il faut bien s’assurer auparavant que les souris ou les rats ne contiennent pas de parasites avant l'ino- culation. Souvent un sang qui ne montre pas de trypanosomes à l’examen infecte cependant l’animal ; les premiers trypano- somes apparaissent vers le 15e ou le 20e jour. 11 faut examiner souvent les animaux, car l'infection est parfois légère et sa marche très irrégulière. Autre fait qui nous a frappé : nous avons inoculé fréquemment des liquides contenant des trypanosomes à des cobayes alors que les malades étaient en traitement. Très souvent les cobayes n’ont rien eu. Est-ce l’effet du traitement? Ce fait, qui est inté- ressant, est une des raisons qui nous obligent à être très réservé dans l’affirmation de la disparition absolue des trypanosomes et par suite de la guérison. Après tout ce qui précède, il est bien permis d’affirmer que, si le diagnostic de trypanosomiase est définitivement établi lorsqu’on rencontre des trypanosomes, il faut bien savoir que cette recherche très simple, très facile parfois, peut être dans d’autres cas entourée de difficultés qui ne seront surmontées que par la patience et la constance dans les recherches. ESSAIS DE TRAITEMENT Sur les indications de M. Laveran. nous avons essayé d’abord l’association du traitement arsenical avec le trvpanroth pour l’observation II. MALADIE DI SOMMEIL 189 Puis, avant le Congrès de Lisbonne, MM. Mesnil et Nicolle 1 nous ont fait connaître les bons effets qu’ils obtenaient chez les animaux avec l’atoxyl, et nous ont donné les indications des doses à injecter. D’autre part, à son retour du Congrès de Lisbonne, M. Laveran nous a fait part des travaux publics par Kopke 2 et des résultats tirés de ses observations chez les nègres. Pour nos derniers malades, nous avons également profité des renseignements fournis par h* I)1 Van Campenhout sur l’asso- ciation de l'atoxyl et de la strychnine. Sur 4 malades encore vivants. 3 ont été très améliorés ; le 4e malade est encore au début du traitement et nous ne pouvons pas tirer des conclusions d'un cas aussi récent. 11 sera cepem dant très intéressant de suivre l'évolution du mal, car le malade en était à la période de somnolence bien caractérisée, et s’il s’améliore à une période* aussi avancée, cela permet de grands espoirs. TRAITEMENT MIXTE : ACIDE ARSÉNIEUX ET TRYPANROTU L’acide arsénieux, comme le trypanroth, a été injecté sous la peau. Acide arsénieux . — Nous nous sommes servi de la formule donnée par M. Laveran, dont 1 e. c. représente 4 milligrammes d’acide arsénieux 3. Trypanroth. — Le trypanroth est, comme on sait, une cou- leur delà série de la benzidine, qui a été étudiée par Ehrlich et Shiga \ qui ont démontré son action dans le traitement d’une trypanosomiase, le Caderas, chez la souris. Le trypanroth est soluble dans l'eau distillée et dans l’eau physiologique à 1/100 et même à 1 50. 1. Mesnil, Nicolle, Aubert, Annales de l’Institut Pasteur, janvier 1907. 2. On sait que c’est Thomas de Liverpool qui. le premier, a pub.ié un travail sur les trypanosomiases expérimentales traitées par l’atoxyl. Britishmed. journal , 27 mai 1905. Les auteurs qui ont appliqué ce traitement à l’homme sont • Kopke, Van Campenhout, Broden et Rodhain, le professeur R. Koch, Thiroux et d’Anfrevillc. 3. Eau distillée 2o0 c.c. Chlorure de sodium chimiquement pur 1,70. Arsénitc de soude chimiquement pur 1,63. On ajoute une goutte de solution de soude pour rendre la liqueur franchement alcaline et l’on stérilise à l’autoclave. ( Comptes rendus de T Académie des Sciences , 30 janvier 1905. ) 4. Berlin kl in. Wochenschr., 28 mars et 4 avril 1901. 190 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nous avons injecté tantôt 0^.40 dissous dans 40 c. c. d’eau, tantôt 0gl‘,50 dissous dans la même quantité d'eau. Les injections sont un peu douloureuses, surtout si Ton se sert d’eau distillée comme dissolvant ; elles sont supportables avec l’eau physiologique. Nous avons employé les doses suivantes : Acide arsénieux. Trypanroth 22 mars 12 milligrammes. 28 mars .16 - mars.. . . . . 0,40 1er avril . . . . 16 — avril. . . . 5 avril . 20 — avril . . 0,50. et la suite, comme on le voit sur la courbe de température : en tout le malade a reçu, du 22 mars au 20 mai, 1 bd milligrammes d’acide arsénieux et 2 gr. 00 de trypanroth. L’acide arsénieux n’a pas donné d’accidents aux doses indiquées. Le trypanroth a été un peu douloureux au début ; voici en (juelques mots ce qu’on observe à la suite de l’injection de trypanroth. Au point d’injection la peau devient rouge et, les heures suivantes, on voit sur la peau de grandes taches tout autour du point d’inoculation; les plus près sont les plus rouges. Ce n’est que 3 et 4 jours après que la peau prend d’abord une teinte rosée, puis de plus en plus uniformément foncée. Les urines ne se colorent que deux et trois jours après l’in- jection ; l’élimination est très lente et elles restent colorées très longtemps après, de même pour le sérum du sang. Si bien que le malade, qui a reçu le 26 avril la dernière injection de trypanroth, avait le sérum encore teinté en décembre : soit 8 mois après. Il n’y a pas eu d’accidents généraux avec-ie trypanroth ; il est vrai que nous avons suspendu les injections une première fois au moment d’un zona, une seconde fois après un érysipèle qui a provoqué de l’albuminurie. 11 n’y a pas eu d’accidents cutanés à proprement parler; nous avons noté cependant une desquamation des jambes et des pieds, coïncidant avec une exacerbation de la douleur des MALADIE DU SOMMEIL 191 Comme ces complications ont suivi l’érysipèle, il est diffi- cile de les attribuer au trypanroth plutôt qu’à l’érysipèle. Les résultats du traitement mixte ont été bons; au point de vue général le malade s’esi amélioré ; les ganglions ont diminué considérablement de volume, les accès de fièvre se sont espacés, mais lentement; par contre, les trypanosomes ont persisté dans le sang. Cela peut tenir à ce que nos doses de try- panroth étaient trop faibles; M. Laveran. pour guérir ses chiens de 10 kilogrammes, a employé 40 centigrammes; nous aurions du employer 2 et 3 grammes de trvpanrotb. Cela peut tenir aussi à la gravité du cas, car ce malade traité par l’atoxyl a eu une rechute qui a été très tenace et n’a cédé qu’à des doses élevées et répétées d’atoxyl. Aloxyl. — L’atoxyl est un anilide méta-arsénique. L’eau froide en dissout 17 0/0; sa richesse en acide arsé- nique s’élève à 37,69 0/0. Tout en étant 40 fois moins toxique que la liqueur de Fowler, il permet d’introduire dans l’orga- nisme une quantité d’arsenic 10 fois plus considérable qu’avec l’acide arsénieux. Sa faible toxicité semble due à sa lente décomposition dans l’organisme. Nous nous sommes servi pour nos essais d'une solution au dixième, qui peut se stériliser à l’autoclave. Chaque centimètre cube contient donc 10 centigrammes du médicament. Nous avons d’abord essayé d’injecter 0,50 tous les 15 jours ; puis nous avons pu donner facilement 1 gramme tous les 8 jours ; dans un cas, pour aller vite, nous avons donné sans inconvénient : le pre- mier jour 0,50, cinq jours après 1 gramme, cinq jours après lsi,50 et ensuite tous les huit jours 1 gramme. La dose de l"l‘,50 est certainement voisine de celle qu il ne faut pas dépasser ; notre malade n° IV a très bien supporté 1,50, tandis que pour le n° V, qui paraissait plus sensible, nous sommes resté à 1 gramme. Les effets du médicament sont très nets chez l’homme; dès le lendemain de l’injection, les trypanosomes disparaissent du sang, mais ils reparaissent les jours suivants, si l’on ne renou- velle pas les doses assez vite ; au début du traitement, nous pensons qu’il faut donner le médicament de cinq en cinq jours, puis de huit en huit jours. 192 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nous avons note un point intéressant : très souvent, au début du traitement, les malades ont de la fièvre à la suite de l'injection d’atoxyl, puis à Tinjection suivante la fièvre est moins vive et, à la troisième injection, elle est à peu près nulle. On pourrait croire d’abord que cela tient au médicament et qu’il faut que l’organisme s’habitue à Latoxyl; cela ne doit pas être, car on voit parfois de la fièvre, alors que le malade est habitué au médicament. Cette élévation de température parait plutôt liée à la pré- sence du trypanosome dans les organes et résulter d'une réac- tion de l’organisme pour se libérer du parasite. Prenons, par exemple, l’observation IV. Il y a très forte élévation de tempé- rature (40°) après la première injection, puis une moins forte après la deuxième, et les suivantes n'en ont pas; maison reste 12 jours sans donner de l atoxyl. la température remonte avant l’injection à 37°, 6, on fait à 2 heures l'injection d’atoxyl et à 8 heures du soir le malade a près de 30°; pour les injec- tions suivantes, le malade n’a plus rien. L atoxyl peut, dans certains cas au moins, agir sur les try- panosomes contenus dans le liquide céphalo-rachidien. Trois de nos malades n’ont plus de trypanosomes dans le liquide céphalo-rachidien. Ceci est en contradiction avec les observations de Kopke mais il faut dire que lvopke a étudié des nègres, et il faut dire aussi que les méninges de nos malades étaient perméables, puisqu’il y avait de l’albumine en assez notable quantité dans ce liquide dans deux cas, II et III, et des traces pour le IV. Kopke, trouvant que les trypanosomes ne disparaissaient pas du liquide céphalo-rachidien, cherche maintenant à compléter sa thérapeutique en injectant dans le canal rachidien des cou- leurs et de Latoxyl. Ganglions et peau. — Très rapidement l'engorgement gan- glionnaire disparait, les rougeurs et les œdèmes diminuent, puis disparaissent, mais après 3 mois notre n° IV' a encore de l’œdème de la face, surtout marqué à la lèvre supérieure. Les démangeaisons se calment assez vite. Poids. — Le premier effet de Latoxyl est de diminuer le poids des malades. Cela s’explique assez facilement : tous nos malades ont été mis au lit dans les premiers jours de leur MALADIE DU SOMMEIL 193 traitement; de ce fait, leurs œdèmes ont diminué; mais en plus, sous l'influence de l’atoxyl, les œdèmes diminuent rapidement; aussi avons-nous noté une perte de 3 kilogrammes en moyenne dans les huit premiers jours. Dans la suite, les malades augmentent de poids progressi- vement : environ de 1 à 2 kilos par mois. Douleurs des pieds. — Gomme nous l’avons déjà indiqué, chez deux malades, le II et le III, ces douleurs ont été assez intenses pour gêner la marche et plus de 6 mois après le début du trai- tement elles persistent, mais ne sont plus une cause de gêne fonctionnelle. Association de Vaioxyl et de la strychnine. — Deux malades n’ont jamais eu que de l’atoxyl, le n° Il et le n° IV. Pendant 1 mois nous avons donné de 1 à 6 milligrammes de strychnine au n° 111. qui paraît s’en être bien trouvé. Au n° V, qui était somnolent et apathique, dès le début du traitement, nous avons donné de la strychnine, car le cas était grave, et nous désirions faire profiter le malade de toutes les ressources thérapeutiques. Comme nous l’avons déjà dit, chez ce malade l'amélioration n’est pas frappante comme chez le n° IV qui n’a reçu que de l’atoxyl; il est vrai que la gravité du cas nous oblige à être très réservé dans l’appréciation de ce mode de traitement. iîksumk En résumé, l'atoxyl a une action très manifeste sur les try- panosomes, qui disparaissent du sang comme, dans la malaria, disparaissent les hématozoaires sous l’influence de la quinine. On nous permettra de poursuivre la comparaison entre ces deux maladies. De même que dans la malaria, cette disparition ne signifie pas guérison et les rechutes sont fréquentes ; ainsi, dans la trypanosomiase, nous avons eu des rechutes, et quand nous suspendrons le traitement, nous en aurons vraisembla- blement. Nous connaissons pour la malaria les rechutes à longue échéance. Nous ne pouvons pas encore dire ce qui se passera pour les trypanosomiases; mais, avant de parler de guérison complète, il faut savoir attendre et observer de longues années. DE UR IWADRDIETOXIQÜE PROVOQUÉE PAR L’iNJECTION INTRASTOMACALE DE BACILLES MORVEUX TUÉS Par le Dl J, CAMACUZÈNE et P. R IEG LE R I On sait depuis longtemps que la paroi intestinale est, à l'état normal, perméable pour les bactéries des voies diges- tives. C’est dans ce phénomène qu’il faut chercher l'ori- gine d'un grand nombre de cas d’immunité naturelle ou d’in- toxications chroniques dont on ignore l’étiologie : notion importante imposée dans la science par E. Metchnikoff. D’autre part, les travaux récents de Y. Behring et de Galmette ont mis en évidence la fréquence de ce processus, ainsi que son importance dans la genèse de diverses infections, entre autres de la tuberculose. Enfin, dès maintenant, le trac?tus digestif nous apparaît comme pouvant servir de voie d’introduction pour un certain nombre de vaccins. Il nous a donc semblé intéressant d’analyser les phéno- mènes qui accompagnent l’ingestion, par l’estomac, de bacté- ries toxiques tuées et de déterminer les voies de pénétration qu’elles suivent pour parvenir dans la circulation générale; nous avons, dans ce but, choisi le bacille morveux; une étude de ce genre constitue en effet le préliminaire indispensable à toute tentative faite en vue. de vacciner les cobayes contre la morve par voie intestinale. Dès 1851, E. Renault1 signalait la pénétration du contage morveux parles voies digestives; dans une série de communi- cations faites de 1894-1897, Nocard - démontre que l’ingestion de virus morveux (culture, jetage ou pus) détermine chez les chevaux, ânes et mulets des lésions intestinales (cæcum) rapi- dement suivies de localisations pulmonaires. Un certain 1. Recueil de médecine vétérinaire, 1851. p. 873. 2. Bull. Soc. centr. méd. véter., 1894, p. 225, Ibid., 1894, p. 367. Ibid., 1897, p. 78J. BACILLES MORVEUX TUÉS 195 nombre de travaux, entre autres ceux de Cadéac et Mallet 1 et de Scliütz2, ont, depuis lors, confirmé les vues du professeur d’Alfort. Les expérimentateurs cités plus haut employaient des cul- tures vivantes; nous nous sommes servis de cultures tuées3; ce sont les résultats de nos observations que nous consignons ici. II TECHNIQUE EMPLOYÉE Nous avons employé le cobaye adulte comme animal d’ex- périence; les microbes provenaient du service de la malléine de l’école vétérinaire de Bucarest : ils avaient fait par le cobaye de nombreux passages. Nos cultures, faites en boîtes de Roux sur gélose glycérinée, étaient laissées 3 jours à l’étuve à 37°. — Pour nos expériences nous avons employé des bacilles tués tantôt par la chaleur à 60", tantôt par l’alcool absolu (24 I). de contact), puis centrifugés et desséchés dans le vide. Afin de n’avoir plus à y revenir, nous allons indiquer la toxicité des diverses doses de cette poudre bactérienne : à) Bacilles tués par l’alcool : en injection intrapéritonéale , 10 milligrammes tuent en 1 ou 2 jours un cobaye de 500 gram- mes; 25 milligrammes déterminent une cachexie lente et la mort au bout de 2-3 semaines; 5-10 milligrammes font légère- ment maigrir l’animal, qui guérit néanmoins. En inoculation directe par la voie stomacale (au moyen de la sonde œsopha- gienne), il faut des doses beaucoup plus élevées pour produire des effets semblables : 150 milligrammes sont nécessaires pour amener la mort rapide ; 50 milligrammmes suffisent sou- vent, mais pas toujours, pour déterminer la mort lente par cachexie. Enfin l’inoculation de doses plus faibles est suivie de guérison après une courte maladie; b) Bacilles tués par la chaleur à 60° : Leur toxicité est double environ de celle des be cilles tués par l’alcool : en injection intrapéritonéale , 20 milligrammes suffisent pour tuer rapidement l’animal; 10-15 milligrammes amènent la mort par cachexie 1. Bull. Soc. centr. med. vélér., 1894, p. 535. 2. Cité par Nocard et Leclaixche dans leur Traité de Maladies microbiennes des animaux. 3. C. R. Soc. biol., 1906, p. 231. 196 ANNALES DE L1NST1TUT PASTEUR, tente. Cette différence de toxicité devient moins évidente dans le cas d'injection intrastomacale . Les chiffres établis par nous diffèrent peu de ceux que donne M. Nicolle dans son récent mémoire et le rapport (1/2) des deux toxicités est le même dans ses expériences comme dans les nôtres. Les bacilles morveux tués ne se colorent pas aisément dans les coupes ; nous nous sommes bien trouvés de l’emploi du mélange de Giemsa : tes coupes sont laissées 20 minutes en contact avec ce colorant non étendu d'eau; on lave rapidement à Peau avant de déshydrater à l’alcool. Les bacilles morveux libres contenus dans les espaces lymphatiques se colorent en bleu pale; en rose dans l’intérieur des leucocytes polynu- cléaires. Nos pièces étaient toujours fixées par le formol à 10 0/0. Nous ferons précéder l’étude de l’intoxication par voie intestinale de quelques observations relatives aux phénomènes qui accompagnent l’injection des bacilles tués dans 1e péri- toine; la comparaison de ces deux séries d’expériences nous permettra de relever certains faits intéressants. PHÉNOMÈNES TOXIQUES CONSÉCUTIFS A l/lNOCULATION INTRAPÉRITONÉALE DES BACILLES MORVEUX TUÉS. 1. Une dose- rapidement mortelle de bacilles tués, injectée dans le péritoine, provoque 2-3 heures après l inoculation une chute de la température rectale qui tombe à 35°-34°. Cette hypothermie est d’autant moins forte que la survie est plus longue et, dans ce cas, elle est suivie d'une élévation de tempé- rature qui se maintient plusieurs jours k 39°, 5-40°. 5. L’hypo- thermie manque et la fièvre apparait d’emblée après l’emploi de doses faibles ne donnant qu’une maladie passagère (amai- grissement) suivie de guérison. 2. L'inoculation intrapéritonéale provoque toujours un amaigrissement marqué et les animaux perdent 60-120 gram- mes en 3 semaines. Cet amaigrissement est plus rapide et plus accentué avec les bacilles tués par la chaleur k 60° qu’avec ceux tués par l’alcool. 1. Ann. Inst. Pasteur ; 1000, p. 625. BACILLES MOB VEUX TUÉS 197 3. A 1 autopsie d’un cobaye mort d intoxication aiguë (20- 48 heures), on trouve dans la cavité péritonéale un exsudât abondant, sanguinolent, louche ; la plèvre et le péricarde con- tiennent un liquide sanguinolent et clair. Il y a une congestion viscérale intense : les capsules surrénales, les testicules, les centres nerveux surtoutsont violemment hyperhémies. On cons- tate des suffusions sanguines dans la paroi intestinale, dans le cæcum, au niveau de l’épiploon. La rate est grosse sans être diffluente; les poumons hyperhémiés présentent de nombreux petits foyers hémorragiques sous-pleuraux. Des dépôts fibrineui jaunâtres existent à la surface de l’épiploon et des différents mésos. Quand la vie se prolonge, les exsudats fibrineux diffus se résorbent; le long du bord libre de l’épiploon se forment de petits abcès caséeux qui diminuent de volume, se transforment, en nodules fibreux et finalement disparaissent au bout de 4-5 semaines, le bord de l’épiploon restant considérablement épaissi. Quelques adhérences fibreuses s’établissent et persistent entre l’épiploon et les organes voisins; la rate reste souvent enfouie dans une épaisse gangue fibreuse. Au bout de 4-5 jours, les reins sont devenus mous, énormes, blanchâtres, avec un épaississement de la couche corticale; cette néphrite épithéliale guérit souvent sans laisser de traces; souvent aussi l'organe, au bout d’un mois, présente de la réduction dans l’épaisseur de la couche glomérulaire; il se forme des adhérences sous-capsulaires. Quant à la rate, elle atteint au bout d’une semaine des dimensions parfois colossales; elle est large, épaisse, dure, bosselée par suite de l’hyperplasie des follicules Malpighiens; puis, après un mois, elle a repris l’aspect normal. Cette hyper- trophie transitoire s’observe aussi au niveau des ganglions mésentériques et trachéo-bronchiques. 4. Etude microscopique des exsudats. — Le fait qui frappe d’abord, c’est la rapidité avec laquelle disparaissent les bacilles morts. Sur les frottis de l’épiploon et des amas fibrineux colorés par le bleu ou la thionine, on ne met en évidence, après 20 heures, que de très rares bâtonnets. Cette disparition se cons- tate dès la 10e heure quand la dose injectée n’a pas été trop forte. Disons dé suite que cette apparence est due, en partie. 198 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR à la perte extraordinairement rapide de la basophilie chez les B. morveux tués englobés parles leucocytes. Les préparations colorées à l’éosine nous font voir, à un moment où les colorants basiques ne décèlent plus de microbes, de nombreux bâtonnets, entiers ou réduits en granulations, à l’intérieur des leucocytes poly ou mononucléaires. Cette cause d’erreur dans l’observation signalée, étudions le processus inflammatoire. Dans les cas d’intoxication aiguë suivie de mort en 7-20 heures , l'afflux leucocytaire est assez faible. Les bacilles sont rapide- ment déposés à la surface de l’épiploon où on les retrouve dans les amas fibrineux. Les leucocytes s’en chargent, mais sont bientôt frappés de nécrose avec fonte complète du noyau; à leur intérieur les microorganismes se transforment en gra- nules éosinophiles; cette transformation est particulièrement rapide dans le protoplasme des mononucléaires, qui semblent mieux résister que les polynucléaires à l’action nécrosante des poisons. L’exsudât contient toujours un nombre considérable de cel- lules endotluiliales gonflées, vacuolisées, en voie de désagréga- tion ; à leur contact, sur les préparations, il n’est pas rare de trouver des amas bactériens, à peine colorables, parfois réduits en granulations basophiles. Etant donnée la facilité incroyable avec laquelle les bacilles morveux morts se désagrègent dans l’intérieur des leucocytes, de l’autre la véritable fonte leuco- cytaire et endothéliale qui accompagne l’intoxication aiguë, on doit se demander si bon nombre de bacilles morts ne se dis- solvent pas en dehors des leucocytes et au contact des produits exsudés par ces derniers ? D’où la rapidité de la mort. Cette possibilité semble confirmée par le fait que, dans certains cas suraigus, il existe une frappante disproportion entre le grand nombre de bacilles disparus et la pénurie relative de leucocytes immigrés. Dès les premières heures de la maladie, des bacilles nom breux sont transportés dans la rate; 4-5 heures après l’inocu- lation, les frottis de cet organe nous les montrent en partie libres et colorés en bleu, en partie englobés par les leucocytes et déjà transformés en granules éosinophiles. Les frottis du poumon y font voir, dès la 7e heure, quelques BACILLES MORVEUX TUÉS 199 bacilles morveux libres parmi de nombreux leucocytes nécrosés. Quand la survie se prolonge, le tableau diffère. La leucocytose au niveau de l’épiploon est énorme et, 'en très peu d’heures, la tota- lité des bacilles sont englobés et transformés, en même temps qu’une partie des phagocytes subissent cette nécrose avec fonte nucléaire si caractéristique de l’intoxication morveuse. Dans le protoplasma d’un grand nombre de polynucléaires ayant résisté à l’action nécrosante, s’observe une modification intéressante : ce protoplasma se charge d’une substance amorphe, grumeleuse, occupant la cellule partiellement ou en totalité, et qui, après coloration par la thionine, se colore métachromatiquement en vert émeraude. L’éosine ne la colore pas; le mélange de Giemsa la teinte en gris violacé. Elle existe dans 1/3 des polynucléaires environ, aussi bien à la surface de l’épiploon que dans les sinus de la rate. Cet aspect ne se pro- duit pas dans les cas d’intoxication aiguë, mais seulement dans ceux où l’organisme se défend avec quelque succès. 11 s’agit peut-être là de quelque produit microbien soluble, englobé et élaboré par le protoplasma leucocytaire. Le phénomène rappelle celui que l’un de nous 1 a décrit dans l’intoxication par les bacilles tuberculeux dégraissés : seulement, dans ce dernier cas, la thionine colore en rouge vineux la substance amorphe intraleucocy taire. Du 1er au 3e jour qui suit l’inoculation, les macrophages des sinus spléniques détruisent des quantités formidables de polynu- cléaires et montrent, pendant quelque temps après la dissolution de ces derniers, de grandes vacuoles à contenu uniformément éosinophile. Nous avons vu plus haut que les niasses caséeuses de l'épi- ploon ne se résorbaient que fort lentement. Or, sur les frottis de ces masses, faites 2-3 jours après l'inoculation, il est impos- sible de retrouver trace de corps microbiens, quels que soient les réactifs colorants employés. Il faut donc bien admettre que si les bacilles morveux morts sont rapidement détruits au point de vue morphologique, leurs déchets toxiques persistent néan- moins très longtemps, sans être éliminés, au sein des cellules qui constituent la masse des nodules ou des abcès morveux. Signalons, pour terminer, ce fait que la nécrose leuco 4. Ann. Inst. Pasteur, 1905, p. 699, ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 200 cytaire semble provenir de l'action directe des microbes englobés et non pas de l’action des poisons en solution dans le milieu ambiant. En effet cette nécrose, si intense au niveau des points où s’opère la phagocytose (épiploon, amas fibrineux, sinus de la rate), manque absolument chez les leucocytes qui flottent dans le liquide péritonéal, et dont un grand nombre, par contre, contiennent la substance métachromatique signalée plus haut. Or, Ton sait que ce liquide ne contient guère de microbes morts, en suspension, ces particules étant rapidement déposées sur les surfaces péritonéales. 5. Au point de vue hématologique. — L’intoxication morveuse est caractérisée, au début, par la lymphocytose (grands et petits lymphocytes) du sang. Cette lymphocytose persiste long- temps ; il n’est pas rare de retrouver, 8 semaines après l'inocu- lation, une proportion de 65 0/0 de lymphocytes. Pendant les premiers jours qui suivent l’inoculation, il y a un accroissement notable (15-20 0/0) du nombre des éosino- philes vrais. Plus les doses de poison inoculé ont été faibles, plus la lymphocytose tend à faire place à une franche mono- nucléose. Au début de la maladie il n’est pas rare de trouver, dans le sang, des mononucléaires à vacuoles chargées de débris filamenteux, dans lesquels il est facile de reconnaître des restes de polynucléaires digérés. Ces quelques observations relatives à l’intoxication produite par voie péritonéale faciliteront l’intelligence des phénomènes que I on constate à la suite de l’introduction directe, dans les voies digestives, des bacilles morveux tués. IV PHÉNOMÈNES TOXIQUES CONSÉCUTIFS A l’iNOCULATION INTRASTOMACàLE DE BACILLES MORVEUX TUÉS a) Étude de quelques symptômes. — Dans les cas de mort rapide (en moins de 24 heures), les symptômes ne diffèrent guère de ce que Ton observe dans la péritonite toxique : l’animal fris- sonne, se hérisse, cesse de manger; 5 heures après l’inocula- tion, la température tombe à 34-35° et ne se relève plus jus- qu’à la mort. L’hypothermie est plus tardive ici que dans la péritonite. A l'autopsie on trouve l’intestin rempli de liquide, violem- BACILLES MORVEUX TUÉS 201 ment congestionné; des hémorragies existent souvent dans la paroi du cæcum; les follicules clos sont turgescents, énormes, beaucoup plus visibles qu’à l’état normal. Les ganglions mé- sentériques sont volumineux et hyperhémiés; la rate, le foie également ; les capsules surrénales sont d’un rouge sombre ; il existe une très légère hyperhémie testiculaire et une violente congestion des centres nerveux. Les poumons sont parsemés de petits foyers de bronchopneumonie ; il n’existe aucun épan- chement péritonéal; la plèvre et le péricarde contiennent un liquide clair. Les frottis des ganglions mésentériques, de la rate, des poumons montrent des bacilles morveux assez peu nombreux, libres, colorés en bleu pâle par le mélange de Giemsa. La rate est le siège d’une polynucléose intense; aucun de ces leuco- cytes ne contient la substance métachromatique décrite dans le chapitre précédent. Dans les cas d'intoxication chronique Y hypothermie manque; la température s’élève rapidement et atteint en 1-2 jours 40°- 40°o. L’amaigrissement est considérable, beaucoup plus consi- dérable que dans la péritonite toxique; l’animal meurt ayant souvent perdu la moitié de son poids initial. Ici l’intoxication spécifique se complique évidemment de troubles digestifs graves; car au moment de leur mort les animaux, qui cepen- dant dans l’intervalle s’étaient remis à manger, ont toujours l’estomac et l’intestin vides. L'étude du sang , au cours de cette intoxication, nous révèle dès le début une baisse considérable dans le taux des polynu- cléaires et une augmentation énorme de celui des lymphocytes, qui s’élèvent rapidement à 60 0/0. A mesure que la vie se pro- longe, la lymphocytose fait place à la mononucléose vraie, qui au bout de peu de semaines atteint 50 0/0; l’éosinophilie, assez marquée les premiers jours (12 0/0) disparaît bientôt. Quand la cachexie est avancée, on voit apparaître quelques hématies nucléées. Si nous suivons, dans cet intervalle qui va de l’inoculation à la mort par cachexie, révolution des lésions macroscopiques révélées par l’autopsie, nous constatons ce qui suit : les deux lésions prédominantes sont l'hypertrophie de la rate et la néphrite épithéliale. Dès la 24e heure la rate est grosse, dure, 202 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR peu hyperhémique, avec hypertrophie folliculaire visible; elle atteint vers le 5e jour le maximum de ces dimensions; elle est ënorme à ce moment et nous en avons vu qui mesuraient jus- qu’à 5 centimètres de longueur. Puis elle décroît de volume et reprend vers la 3e semaine ses dimensions normales. Les reins, très congestionnés au début, sont devenus au bout de quelques jours gros, blancs, flasques; un peu plus tard leur surface se marbre de larges placards jaunâtres; quand la mort survient, au bout d’un mois, il y a un commencement d’atropliie. Les capsules surrénales et les centres nerveux restent longtemps vio- lemment hyperhémiés; les testicules conservent leur aspect normal. Il y a toujours hypertrophie considérable des plaques de Peyer, des ganglions mésentériques et trachéo-bronchiques. Le foie, gros au début, reprend vite sa physionomie habi- tuelle. Dès le lendemain de l’injection, les poumons sont parse- més d’une infinité de petits foyers broncho-pneumoniques, qui en 3-4 jours se transforment en foyers pneumoniques plus étendus. Au bout de 12 jours ces organes sont redevenus normaux. Le cœur, au moment de la mort, est gros et très flasque. Enfin toute atmosphère graisseuse a disparu autour des viscères abdominaux. On ne constate aucune réaction inflammatoire du côté de la cavité péritonéale; aucune trace d’adhérence ne s’établit entre les viscères de cette région. Les frottis de ganglions mésentériques faits de 7-24 heures après l’inoculation montrent des bacilles morveux, toujours libres, formant ça et là de petits amas, et se colorant en bleu pâle. Cette persistance de bacilles bien visibles dans les voies lumphatiques est remarquable lorsqu'on la compare avec la rapi- dité de la disparition de ces mêmes microorganismes dans Je péri- toine. Selon nous le phénomène n’est explicable que par le manque de contact, dans le système lymphatique, entre ces bacilles et les leucocytes polynucléaires ou leurs produits de désagrégation. En effet, les frottis de la rate examinés au même moment ne laissent plus voir de bacilles libres ou colorés en bleu, tandis que les polynucléaires amoncelés dans les sinus spléniques renferment de nombreux bâtonnets ou granulations colorés en rose par l’éosine. La substance métacbromatique verte (après action de la BACILLES MORVEUX TUES 203 thionine) décrite dans le chapitre précédent, existe dans la moitié environ des polynucléaires de la rate ou des poumons. Somme toute, les phénomènes généraux ne diffèrent ici que très peu de ceux que Fou observe dans la péritonite toxique, sauf en ce qui concerne la longue persistance des bacilles dans les voies lymphatiques. Cette étude nous démontre que les bacilles morveux tués, introduits1 dans l'intestin, passent dans la circulation générale et arrivent jusqu’au poumon. Nous allons maintenant tacher de déterminer le mécanisme de cette diffusion. b) Mode de pénétration des bacilles morveux tués à travers la paroi intestinale ; leur diffusion dans la circulation générale F — Lorsque l’on examine des coupes de l'intestin grêle chez un cobaye, 7 heures après l’inoculation pan voie stomacale, on est frappé d’abord du nombre de leucocytes (polynucléaires et lymphocytes) qui infiltrent la muqueuse; ces éléments sont accumulés dans les lymphatiques centraux des villosités, dans les capillaires sanguins, à la base de 1? épithélium ; ils s insi- nuent activement entre les cellules épithéliales. D’autre part, dans l’ampoule terminale des chylifères centraux, d’énormes macrophages mononucléaires, fort nombreux en ce point, sont bourrés de débris de leucocytes polynucléaires en voie de digestion intracellulaire. A la base de l’épithélium s’est déve- loppé un œdème abondant qui distend les mailles conjonctives; cet œdème, lui aussi, est infiltré de cellules migratrices. Si I on examine l’épithélium au niveau du sommet des villo- sités, on s’aperçoit que la diapédèse ne s’y effectue pas égale- ment sur tous les points ; par endroits les cellules épithéliales sont écartées, laissant entre elles de véritables canaux, mesu- rant plusieurs |x de largeur en certains points ; ces canaux régnent tantôt sur une partie de la hauteur des cellules épithéliales adjacentes, tantôt sur leur hauteur entière, établis- sant ainsi une communication béante entre la cavité intesti- nale et le tissu conjonctif basal. L’orifice de ces espaces, vers l’intestin, est coiffé partielle- ment par les lambeaux du plateau strié déchiqueté. Dans ces passages interépithéliaux des files de cellules migratrices (sur- tout des lymphocytes) s’engagent et sortent vers la cavité intes- 1. C. R. Soc. biol., 1906. Séance du 16 décembre. 204 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR tinale. Quelle est l’origine de ces trajets canaliculaires? Le docteur Weinberg 1 croit depuis longtemps pouvoir affirmer 1 existence, à l’état normal, de stomates interépithéliaux met- tant en communication l’intestin et le système lymphatique sous-jacent. Peut-être s’agit-il ici de couloirs artificiellement creusés par le passage constant des leucocytes en diapédèse? Dans ce dernier cas, nous aurions affaire à une forme exagérée et béante des espaces que Renaut (de Lyon) a décrit sous le nom de thèques interépithéliales. Quoi qu il en soit, c’est par ces espaces interépithéliaux que se fait la pénétration des bacilles morveux morts; on trouve des bacilles morveux isolés, souvent mélangés à d'autres bac- téries intestinales, à tous les niveaux des espaces interépithé- liaux; ils y pénètrent librement, sans l’intervention des leuco- cytes et dès lors, il faut bien admettre que c’est en vertu de quelque courant de diffusion du liquide ambiant, se propageant de l’intestin vers la sous-muqueuse; on en trouve également à l’abouchement de ces canaux avec les espaces conjonctifs sous- jacents; on les trouve enfin, irrégulièrement distribués, dans l’œdème sous-épithélial où ils se colorent en bleu pâle par le mélange de Giemsa. A ce niveau commence leur englobement par les leucocytes polynucléaires; à l’intérieur du protoplasma de ces derniers, leur colorabilité se perd très vite et il n’est pas rare de les y rencontrer colorés en rose pâle. Dans les chylifères centraux il est tout à fait exceptionnel d’observer des bacilles morveux libres; ici, le phénomène dominant est la destruction en masse des polynucléaires par les macrophages. Vers la pro- fondeur, au contraire, on retrouve çà et là, dans les espaces lymphatiques distendus de la sous-muqueuse, de petits groupes de bacilles libres, colorés en bleu pâle. Notons, dans ces espaces, lymphatiques, l’absence de leucocytes autres que quelques rares lymphocytes, ainsi que l’absence totale de baetéries intestinales (PL III, fig. 1). Sur les coupes passant au niveau des plaques de Peyer on observe les mêmes phénomènes, mais plus évidents encore : nombreux canaux interépithéliaux, diapédèse très abondante, pénétration de bacilles libres dans ces espaces. Sur toute la hauteur de l’amas lymphoïde, de sa surface épithéliale à la sous-muqueuse, on trouve des chapelets de grands espaces 1. Inédit. Communication orale. BACILLES MORVEUX TUES 205 lymphatiques, très dilatés et obstrués en partie par d’énormes macrophages à l’intérieur desquels s’opère une active des- truction de leucocytes polynucléaires. Dans les portions de ces lymphatiques non obstruées par le réticulum protoplasmique on trouve, h tous les niveaux, jusque dans le voisinage im- médiat de la sous-muqueuse, des bacilles morveux libres. Enfin, à l'intérieur des espaces lymphatiques de la sous-muqueuse, on retrouve ces mêmes microorganismes, bien visibles malgré la faible intensité avec laquelle ils fixent le bleu (PL III, fig. I bis et 2). Au niveau du cæcum la pénétration s’effectue également, mais à un moindre degré; ici, les bactéries habituelles de la cavité intestinale qui pénètrent sous l’épithélium sont très nombreuses ; mais elles sont arrêtées à l’intérieur des grands phagocytes mononucluéaires qui abondent a ce niveau. Dans les lymphatiques de la sous-muqueuse on ne retrouve que des bacilles morveux libres. 11 .est aisé, d’après cela, de reconstituer la marche des phénomènes : les bacilles morveux, mélangés à d’autres bac- léries, traversent l’épithélium en s’engageant dans les espaces interépithéliaux largement ouverts. Les leucocytes ne semblent pas intervenir dans cette pénétration qui est toute passive. L’épithélium franchi, les microorganismes se heurtent à un premier réseau défensif (polynucléaires et macrophages). Un grand nombre sont englobés, et les polynucléaires, plus ou moins malades à la suite de cet englohement, sont rapidement détruits par les macrophages (chylifères centraux, espaces lymphatiques des plaques de Peyer). Mais bon nombre passent et, entraînés par le courant lymphatique, s’accumulent dans les espaces sous-muqueux. Deux faits intéressants sont à retenir ici: 1° les bacilles mor- veux seuls arrivent à la sous-muqueuse ; les bactéries intestinales associées restent emprisonnées dans le filtre phagocytaire. Il g a là une sorte dé immunisation locale contre les hôtes habituels de Vîntes - tin ; 2° les bacilles morveux , qui perdent si rapidement leur colora- bilité dans l'intérieur des phagocytes , restent facilement visibles et ne sont pas dissous dans la lymphe privée de cellules. Chez un animal sacrifié 24 heures après l’inoculation, on con- state, sur les coupes de l’intestin grêle, une infiltration leucocy- taire très abondante de la muqueuse, une destruction de polvnu- 206 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cléaires par les macrophages, plus abondante que dans le cas précédent : mais on ne trouve plus, à ce niveau, de bacilles morveux libres. Au contraire les lymphatiques profonds (réseau sous-péri- tonéal) présentent à ce moment un aspect très particulier. Ils sont extraordinairement dilatés et forment une vaste nappe, avec, çà et là des étranglements, gorgée de liquides et disposée en manchon autour de l’intestin. Leur endothélium est gonllé, mais, sauf de rares lymphocytes, ils ne contiennent pas de cellules migratrices. Les bacilles morveux y sont, au contraire, assez nombreux par endroits, toujours libres, toujours entiers, et toujours colorés en bleu pâle. Dans ces lacs lymphatiques s'opère donc une sorte de stagnation des particules entraînées, et cette absence d’action dissolvante de la lymphe est très remarquable quand on songe à la rapidité avec laquelle ces mêmes bacilles morveux dispa- raissent dans le péritoine au contact des leucocytes immigrés. (PL III, fîg. 3). Ces mêmes phén omènes de stagnation s'observent dans V épi- ploon; ici, en certains points, surtout au voisinage des gan- glions mésentériques, on trouve des espaces lymphatiques, lit- téralement remplis de bacilles morveux libres, que le courant de la lymphe entraîne vers les ganglions. Dans les ganglions mésentériques examinés 24 heures après l’inoculation, on trouve çà et là, dans les sinus, des bacilles morveux libres et isolés, mais, somme toute, peu abondants; la polynucléose y est à peu près nulle et la destruction des poly nucléaires par les macrophages ne semble pas très supérieure à ce qu’elle est en temps normal. Il est certain que le rôle d’arrêt de ces organes est ici tout à fait minime, et bien con- forme à ce que Calmette a constaté relativement à la tuber- culose d’origine intestinale chez l’adulte. Cette étude sur le mécanisme du passage des B. morveux tués, à travers la paroi intestinale, concorde en bien des points avec les observations de Yansteenberghe et Sonneville 1 relati- vement au transport des poussières minérales ; dans le cas des B. morveux, les leucocytes jouent un rôle beaucoup moins grand que dans celui étudié par les auteurs précédents. Les bacilles 1. Presse médicale , 4906., p. 509. BACILLES MGH VEUX TUES 207 morveux phagocytés sont détruits sur place : quant à ceux que Ton retrouve dans les lacs lymphatiques sous-péritonéaux, leur colorabilité si précise ne permet point de supposer qu’ils ont passé par le protoplasma leucocytaire. Etudions maintenant les phénomènes qui se passent dans la rate. Dès la 7e heure on trouve des bacilles morveux dans cet organe, mais jamais libres. Toujours ils sont situés à l’intérieur des leucocytes polynucléaires et, pour la plupart, transformés en bâtonnets ou granulations éosinophiles. Le nombre de leucocytes polynucléaires accumulés à ce moment dans les sinus est formidable ; il concorde avec l’hypo- polynucléose du sang. Une notable quantité de ces leucocytes, chargés ou non de produits microbiens visibles, sont déjà inclus dans les macrophages. La rate de 24 heures est des plus caractéristiques; on y assiste à une double destruction, en masse, de globules rouges et de polynucléaires par les macrophages. Cette destruction de polynucléaires est en très grande partie achevée au bout de 48 heures ; à ce moment les macrophages contiennent de grandes vacuoles, à contenu éosinophile, où s’achève la digestion des macrophages. Quant aux bacilles morveux, on n’en retrouve plus trace. Les bacilles morveux, passés dans la circulation générale, s’arrêtent en partie dans les poumons et y déterminent les petits foyers inflammaloires signalés plus haut. Notons d’abord que dans les poumons de 7 heures, on n’observe aucun processus alvéolaire. A ce moment existe une hyperhémie intense des capillaires alvéolaires ; cà et là, à l’inté- rieur des petites artérioles situées à l’intersection de plusieurs alvéoles, on trouve de petites embolies de polynucléaires et, à l’intérieur de ces (déments, des bacilles morveux éosinophiles, d’ailleurs assez rarçs. Les espaces lymphatiques des parois alvéolaires présentent un aspect fort curieux; ils sont distendus, régulièrement arrondis ; leur lumière est, le plus souvent, obstruée par un réseau protoplasmique disposé radiairement autour d’un noyau excentrique et qui semble appartenir à l’endothélium propre du lymphatique. Cette éponge protoplasmique ne contient pas de 206 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR débris cellulaires ou microbiens; peut-être faut-il y voir l’expression d’une réaction des cellules endothéliales vis-à-vis des poisons circulants. (PL IIT, fig. 4.) Dans les poumons -de 24 heures, le phénomène le plus caractéristique est la constitution, à l’intérieur des petits vais- seaux sanguins, de plasmodia à mononucléaires à l'intérieur desquels se détruisent les embolies signalées plus haut et qui contiennent également quelques microbes colorables par l’éosine, entiers ou granuleux. (Pl. III, fig. 5.) A ce stade l’on constate des épanchements sanguins dans certaines alvéoles, avec un début de processus pneumonique. c) Modifications ultérieures des organes lymphoïdes. — L'in- toxication chronique par les bacilles morveux tués introduits dans l’intestin détermine une énorme surproduction cellulaire dans les organes lymphoïdes (rate, moelle des os, ganglions). L’étude de la rate est ici particulièrement intéressante. Au début il y a, dans les lacunes spléniques, accumulation des leucocytes polynucléaires du sang, englobement par ces éléments des bacilles morveux, transformation rapide en grains éosinophiles de ces bacilles dans le protoplasma leucocytaire, enfin destruction en masse de ces polynucléaires par les grands macrophages des lacunes. Dans les vacuoles digestives des macrophages les cellules englobées se dissolvent rapidement et les vacuoles restent remplies d’un liquide assez homogène d’aspect, à réaction éosinophile. Notons le fait de la persistance très prolongée de ces vacuoles; on les retrouve encore 2 semaines après l inocula- tion, alors que la destruction des polynucléaires a cessé depuis longtemps. Elles semblent renfermer quelque substance indigeste, peut-être d’origine microbienne, que le protoplasma ne parvient point à élaborer. Dès le 2e jour commence, au niveau des follicules de Mal- pighi, une formidable surproduction de mononucléaires; les éléments adultes remplissent les sinus lymphatiques périglo- mérulaires. envahissent et distendent les lacunes, tandis que dans les follicules la multiplication des éléments jeunes s'opère rapidement. De la sorte, dès le 5e jour, toute ligne de démar- cation entre les follicules, les cordons et les sinus a disparu; BACILLES MORVEUX TUÉS 209 on ne voit plus qu'une nappe cellulaire continue, composée de mononucléaires de tout âge qui sont évidemment déversés, au fur et à mesure, dans le sang. En même temps, apparaissent des éléments à gros noyau bourgeonnant, identiques aux mégakaryocytes de la moelle osseuse, ainsi que des normo- blastes qui deviennent de plus en plus nombreux et atteignent vers le 20e jour le maximum de leur production. Pendant tout ce temps les macrophages adultes sont le siège d'une perpétuelle et abondante destruction de globules rouges. A la mort de l’animal, vers la 7e semaine, les mégakaryo- cytes ont disparu; la surproduction de mononucléaires a diminué, mais les amas lymphoïdes n ont pas repris leur individualité. L’intoxication morveuse provoque donc dans la rate, à côté de la surproduction de mononucléaires, une transformation myéloïde de l’organe, incomplète d ailleurs, car la production de polynucléaires semble y faire totalement défaut. Cette surproduction de polynucléaires neutrophiles s’accom- plit pendant ce temps dans la moelle osseuse ; dès le .'ie jour les aréoles s’effacent presque complètement ; les espaces nodaux prennent un développement considérable et se remplissent de rnégakaryocytes et de myélocytes neutrophiles. Quand à la pro- duction de normoblastes. si abondante à ce moment dans la rate, elle ne semble pas être, dans la moelle osseuse, supérieure à la normale. Enfin les ganglions lymphatiques sont le siège d une active surproduction de macrophages qui viennent remplir, au point de les effacer, les grandes lacunes du tissu caverneux. Y CONCLUSIONS 1° Les bacilles morveux tués sonl toxiques et provoquent, chez le cobaye, une maladie plus ou moins rapidement mortelle dont les symptômes généraux sont les mêmes, que 1 inocula- tion ait eu lieu parla voie péritonéale ou parla voie intestinale. Ces symptômes sont l’hypothermie initiale, l’amaigrissement, la dégénérescence de l’épithélium rénal et delà libre cardiaque, la nécrose aiguë des leucocytes polynucléaires ayant englobe 14 210 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR des bacilles, la production dans le protoplasma des polynu- cléaires plus résistants d’une substance amorphe qui se colore en vert vif par la thionine, la caséification des nodules mor- veux, l’hypertrophie des organes lymphoïdes avec transforma- tion myéloïde de la rate, la mononucléose du sang; 2 0 La destruction des bacilles morveux morts est extrême- ment rapide. Contrairement à ce qui se passe avec les bacilles tuberculeux dégraissés, le protoplasma des phagocytes leur fait perdre en très peu d’heures la propriété de fixer les couleurs basiques d’aniline: ils persistent quelque temps sous forme de granulations éosinophiles, mais deviennent complètement invi- sibles au bout de 1-2 jours. Quant à leurs produits de désagré- gation, ils ne sont détruits que fort lentement dans le proto- plasma des macrophages (nodules caséeux de l’épiploon, vacuoles intracellulaires persistantes des sinus spléniques). La lymphe privée de cellules migratrices ne les altère point : 3° La pénétration des bacilles morveux morts, à travers la paroi intestinale, se fait surtout au niveau de l’iléon et du cæcum. Us s’insinuent entre les cellules épithéliales écartées, sans que les leucocytes semblent intervenir dans ce phénomène ; ceux qui échappent au filtre phagocytaire sous-épithélial parviennent dans la lymphe qui les entraîne intacts, jusque dans la circula- tion sanguine ; là ils sont arrêtés dans la rate et les petits vais- seaux du poumon où leur destruction s’achève finalement à l’intérieur des macrophages. les trypanosomiases animales au Sénégal •i Par M. THIROUX et M. TEPPAZ Médecin-m 3jor de lre classe ■ les troupes coloniales, direc- teur du laboratoire de bacté- riologie de St-Louis. Vétérinaire en second hors cadres au service »le l’agrl culture. (Avec la planche IV.) (Travail du Laboratoire de Bactériologie de St-Louis (Sénégal). Les trypanosomiases animales dans l’Ouest Africain ont été, jusqu’à ce jour, surtout étudiées en Gambie anglaise par Dutton et Todd, au Soudan par Gazalbou et Pécaud et tout dernièrement en Guinée par Martin Bien qu’il fût pourvu d’un laboratoire depuis plus de dix ans, le Sénégal restait le moins bien renseigné au milieu de ces colonies. Quoique peu nombreux, les points infectés de son territoire n’en étaient pas moins intéressants à connaître. Aussi avons-nous entrepris cette étude au laboratoire de Saint-Louis. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE GAMBIE Cette affection, étudiée en 1902 dans la Gambie anglaise par Dutton et Todd qui l’ont retrouvée au Sénégal sur la fron- tière de Gambie, à Maka-Colibentam, n’avait pas encore été signalée au nord de cette localité, tandis qu'au contraire les travaux de Martin prouvent qu’elle s’étend au sud, dans toute la Guinée, et probablement au delà. Les mouches tsétsé remontant cependanl au Sénégal jusqu’à la latitude de Rufisque, il n’y avait rien d’étonnant à ce qu’on put rencontrer dans ces régions les trypanosomiases à tsétsé, tandis qu’au nord, avec les tabanides,on devait retrouver le Surra et les trypanosomiases du Sud- Algérien. Nianing, où nous avons observé la trypanosomiase des chevaux de Gambie, et Rufisque, où nous avons recueilli quelques Glossina palpai is, se trouvent entre 14°o et lo° de latitude nord. Nous pensons que la trypanosomiase des chevaux de Gambie peut remonter au-dessus de Dakar dans les régions 1. Martin. Trypanosomiases de la Guinée française. Paris, Maloine, I00G. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ' Toi fa ACHAN Tl TU V PÀNOSOM [AS ES ANIMALES AU SÉNÉGAL 213 marécageuses (jui bordent la cote et qui portent le nom de Niayes jusque vers lo°o, à rnoitié chemin de Dakar et de Saint-Louis, mais ce serait son extrême limite et c’est un point à vérifier. Nous verrons plus loin que dans l’intérieur des terres la limite des tsétsé et de Tnjpanosoma dimorphon remonte un peu moins haut vers le nord, cette limite décrivant, en quelque sorte, une courbe à convexité dirigée vers l’équateur. TRYPANOSOMIASE DES CHEVAUX DE GAMBIE DANS LA RÉGION DE NÏANING Nianing est une petite localité située sur ce qu’on appelle la petite cote, partie du littoral s’étendant, au sud de Dakar, entre le cap Vert et la rivière Saloum. L’affection y sévit 214 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR plutôt sous forme enzootique que sous forme épizootique et est localisée dans une région bien déterminée de la petite côte, ainsi que l’indique la carte. Cette région est délimitée par une demi-circonférence ayant Nianing pour centre, comprenant les villagesMe M’bour et Amboline, et laissant en dehors et parfai- tement indemnes les villages de N’Gazobil, Salé, Popon-Guine. Joal, N'Gaparou, Khabane, Sarem, etc. Dans ces dernières régions les animaux vivent bien; les chevaux infectés à Nianing, que Ton transporte à Joal, ne bénéficient d’aucune améliora- tion, ils meurent aussi rapidement, mais ne transmettent jamais la maladie aux chevaux de Joal. Ainsi que cela a déjà été constaté en maint endroit, la maladie du sommeil se rencontre chez l’homme dans la même région ; elle y a exercé, il y a quelques années, de terribles ravages; elle y semble actuellement en décroissance, quoiqu'on en observe encore quelques cas. La maladie des chevaux passe pour avoir existé de tout temps, disent les uns, depuis plus de 20 ans, disent les autres, mais il est impossible de savoir à quelle époque elle a apparu dans le pays. On en retrouve cependant la trace dans le passage suivant d’un vieil ouvrage sur le Sénégal datant de 18531. Il s’agit non plus de Nianing, mais d’une localité très voisine, située un peu au sud, et il est possible que l’affection se soit déplacée avec les fîy-belts. « Je m’arrêtai devant Fadiouth pour en prendre la vue. G’çst un grand village entouré d’arbres touffus... A l’est du village, au milieu des bois, est encore un canari (lieu habité par les génies) très redouté. Le génie invisible, qui y préside, fait mourir subitement les chevaux qui y passent. On est même obligé de quitter ses souliers et de passer en silence. Par crainte de ce terrible génie, les thiedosou , soldats du demel et du tègne , n’attaquent jamais ce village, l’un des plus riches et des plus heureux du royaume du Sine. » La maladie du sommeil aurait, d’après quelques-uns. été importée en 1873 par les Sossès, qui ont émigré dans le pays ; mais il est beaucoup plus probable qu’elle y existait bien avant cette date et que son apparition est contemporaine de celle 1. Esquisses sénégalaises , par l’abbé P.-H. Boilot (Paris, Bertrand. 1853, p. 176. 177). TRYPANOSOMIASES ANIMALES AU SÉNÉGAL 215 des tsétsé et de la trypanosomiase des chevaux de Gambie. La région infectée par Tr. dimor piton est très boisée et très humide pendant l’hivernage ou saison des pluies ; quelques marigots renferment encore de l’eau au mois de mars. On y remarque beaucoup de mouches, qui tourmentent les animaux, surtout quand ceux-ci sont sous les arbres. Les mouches piquantes sont beaucoup plus nombreuses en hivernage et on a même pu, ainsi que cela avait été déjà signalé par différents auteurs, récolter des tsétsé et des tabanides jusque dans les habitations et en particulier dans la résidence. Les nombreux échantillons que nous avons pu récolter et que M. Laveran et M. Surcouf ont bien voulu déterminer appartiennent aux espèces suivantes : Glossina palpalis. — G. longipalpis. — Lyperosia longipalpis. — L. Thirouxi (Roubaud). — Stomoxys calcitrans. Tabanus biguttatus (Fab). — T. Sufis. — T. ditœnmtus (Macq). Deux espèces d’ Hœmatopota ( sp . ?). Et de nombreuses variétés d’hippobosques. Les animaux atteints par la trypanosomiase des chevaux de Gambie, chevaux, ânes, mulets, présentent des symptômes constants. Au début de la maladie, on observe une certaine mollesse, les animaux sont paresseux, insensibles au fouet et indifférents aux piqûres des insectes; le rein ne fléchit presque pas au pincement, l’appétit est conservé et la respiration normale. Dans la seconde période, les forces décroissent rapidement, l’amaigrissement est très marqué, bien que l’appétit soit con- servé, les muqueuses apparentes sont pâles et exsangues. Les larmes s’écoulent abondamment des paupières et quelques sujets présentent de la cataracte mono ou bi-oculaire. Le rein est tantôt insensible, tantôt très sensible. Les bourses sont relâchées, peu ou pas œdémaciées, insensibles auxpiqûres d’épingle. Le pénis est à demi pendant. Les membres sont sou- vent engorgés, mais ce symptôme n’est constant que pendant les 3 ou 4 derniers jours de la maladie. On constate du vacillement de l’arrière-main et quelquefois une boiterie de la hanche. Dans la dernière période, les animaux sont efflanqués et d’une maigreur excessive (fig. ci-jointe). L’appétit est un peu 216 ANNALES DE L1NST1TUT PASTEUR diminué, T arrière-main est de plus en plus faible; les animaux chancellent sous la poussée de la main et tombent fréquemment. La paralysie postérieure progresse et l’animal meurt dans le coma . Les ganglions de laine sont quelquefois hypertrophiés et. dans un cas, nous avons pu constater la présence de Trypanosoma dimorphon dans la lvinphe retirée de ces ganglions. La durée de la maladie, de l'apparition des premiers symp- tômes à la mort, est très variable : 4, 8, 30 jours et quelque- fois 1 mois, exceptionnellement 3 mois. L’évolution semble plus rapide chez l’àne que chez le cheval. Les espèces animales sensibles sont, par ordre de fréquence décroissante: les chevaux, les ânes, les mulets, les chiens, lin y a pas de bœufs ni de moutons dans la région infectée. Les chèvres paraissent réfractaires à l’infection naturelle, elles vivent1 très bien à Nianing. L’autopsie d’un cheval, mort à la résidence, pratiquée immé- diatement après la mort, permet de constater l’anémie profonde du sujet : les organes de la cavité thoracique et de l’abdomen sont exsangues. Le sang qui reste dans le cœur, arrêté en dias- tole, est rouge vineux, liquide, légèrement poisseux et coagule TRYPANOSOMIASES ANIMALES AU SÉNÉGAL 217 très lentement à Pair, sans changer de couleur. On ne constate aucune lésion notable des organes respiratoires, digestifs et urinaires, non plus que du foie ou de la rate. Nous ne nous attarderons pas à décrire très minutieusement Tr. dimorphon que de nombreux travaux antérieurs ont suffi- samment fait connaître. Nous signalerons cependant que nos observations ayant porté sur un parasite n’ayant pas fait de nom- breux passages dans les laboratoires, nous avons pu retrouver les 3 formes décrites par Dutton et Todd 1 . On sait en effet que ces formes se réduisent rapidement à deux dans les virus entre- tenus dans les laboratoires. Nous avons donc observé la grande forme longue et effilée, avec flagelle libre, décrite par les auteurs anglais. La partie libre du flagelle peut être plus ou moins déve- loppée et le parasite plus ou moins étroit (PI. IV, fig. 1 . 2,1). Nous avons de plus observé une forme effilée aux deux extrémités, présentant une largeur absolument inusitée 3 'a o, membrane ondulante comprise (fig. 3). Cette forme est très rare dans les préparations. Nous avons également observé des trypanosomes réduits à leur centrosome et à leur flagelle (fig. 7.) Ce sont là, sans doute, des résidus de parasites. Les formes les plus com- munes sont les formes moyennes à extrémité postérieure arron- die, mais on se tromperait étrangement en limitant à 2 ou à 3 types bien tranchés les figures qui représentent le parasite. On trouve en effet tous les degrés de transition entre les grandes formes et les petites dans le sens de la longueur, ainsi qu’entre les formes étroites, les formes larges et les formes en têtard. Tr. dimorphon est un parasite essentiellement polymorphe. Nous avons réuni dans la planche IV quelques-uns des types que l’on peut rencontrer dans une préparation. La multiplication se fait par division longitudinale en deux, plus rarement en 3; elle débute soit parle noyau (fig. 9, 10), soit parle centrosome et le flagelle. Contrairement à ce qui a été avancé par différents auteurs 2, nous avons, comme Dutton et Todd 3, très souvent observé des granulations protoplasmiques dans les parasites de Nianing et nous ne pensons pas que l’absence de ces granulations puisse 1. Dutton et Todd, Trypanosomiasiseæped.to Senegambia,l$Ù2. Livorpool. 190.3., 2. Layeban et Mesnil, Trypanosomes et Trypanosomiases, Paris (1901). 3. Dutton et Todd, Loc. cit . p. 37. 218 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR demeurer un caractère distinctif de Tr. dimorphon , qui d’ailleurs est bien caractérisée par la variété de ses formes 1 . Il est très fréquent d’observer l’agglutination des parasites dans le sang des animaux infectés (fig. 11, 12, 13). Nous avons trouvé, dans une préparation, de petits corps réni- formes, de 5 y. de long sur 1 g 5 de large, pourvus d’un noyau et groupés en amas (fig. 14). Le cheval chez lequel ces éléments ont été trouvés est mort de la trypanosomiase des chevaux de Gambie, sans que nous ayons pu éclaircir la question, et ces corps n'ont jamais été retrouvés dans le sang des chiens et des rats ino- culés expérimentalement. Nous avons enfin souvent retrouvé, chez les chevaux atteints, des formes endoglohulaires ressemblant à celles qui ont été décrites pas Nissle 2 chez les rats naganés et traités par des cul- tures de Bacillus prodigiosus, et par Wendelstadtet Fellner 3 chez les animaux inoculés de Nagana et traités par le vert brillant et l’arsenic. Ces derniers auteurs les comparent aux corps de Leishman-Donovan. On voit en effet, dans certains mononu- cléaires, de petits corps pourvus d’un noyau, et quelquefois d’un centrosome (fig. 15 et 16), mais ce ne sont que des para- sites, dont la digestion par les macrophages est commencée; la preuve nous en a été fournie par l’examen d’un mononucléaire, qui ne contient plus qu’une partie d’un flagelle avec un centro- some (fig. 17). La digestion terminée, le leucocyte se montre rempli de granulations protoplasmiques (fig. 18). Nous ne nous étendrons pas plus longuement sur la morpho- logie de Tr. dimorphon qui a déjà été décrite à plusieurs repri- ses, nous avons cru simplement devoir signaler ce qui nous avait paru un peu original dans nos observations. Inoculations expérimentales. — Tr. dimorphon a pu être inoculé positivement au chien et au rat. On observe chez ce parasite des races de virulence plus ou moins grande. C’est ainsique la race isolée à Nianing tue régulièrement le chien en 15 jours, tandis que la race isolée à Bakel le tue très irrégulièrement et que cette 1. Ce travail était déjà en voie d’impression quand M. Laveran a décrit, sous le nom de Tr. Pecaudi, un trypanosome voisin de Tr. dimorphon (Acad, des Sc., 4 fév. 1907). 2. Nissle, Zür Kenntniss der Nagana und Rattenlrypanosomen. Hyg. Runds- chau., t. XIV, 1« nov. 1904, p. 1039-1041. 3. Wendelstadt et Fellner, Ueber die Tierwirkong von Brillântgrün auf Naganatrypanosomen. Zéitsclir. f. Hyg.,t. LVI, fév. 1906, p. 263-281. TRYPANOSOMIASES ANIMALES AU SENEGAL 219 race a fini par être perdue après quelques passages, à cause de sa faible virulence. TRYPANOSOMA DIMORPHON DANS LA RÉGION DE BAR.EL Au mois de septembre 1906, M. Teppaz a été appelé à déter- miner à Bakel la nature d une affection sévissant sur un cer- tain nombre de chevaux du poste et présentant les caractères d'une trypanosomiase. L’examen, fait sur place, du sang d’un cheval malade et les préparations obtenues des chiens inoculés, qu’il a ramenés au laboratoire, permet de se rendre compte que l’on a affaire à lu trypanosomiase des chevaux de Gambie. Cependant une enquête très sérieuse, faite à Bakel et au cours d’une tournée dans le cercle, a appris à M. Teppaz que la mala- die n'existait pas dans la vallée du Sénégal et qu’elle ne se décla- rait à Bakel que chez les chevaux qui avaient été envoyés en tournée dans les postes de Badon et deKédougou, situés sur la haute Gambie, au sud de Bakel, entre le 13e et le 14° degré de latitude nord. Le fait est tellement net, que l'administrateur de Bakel avait déjà renoncé de lui-même à envoyer ses chevaux dans les postes de la haute Gambie. U avait commencé à en louer dans le pays, mais les indigènes n’ont pas tardé à leur tour à refuser d’envoyer leurs chevaux dans la zone dange- reuse. La région infectée comprend tout le bassin supérieur de la Gambie française, qui fait partie du cercle de Bakel. Ses limites sont peu précises. Tous les terrains boisés, bas et humides sont suspects et dangereux. Cette région est limitée au nord par une zone désertique de petite brousse, large d’en- viron 50 kilomètres, s'étendant de Niomedina àBalegni. Cette zone, qui ne renferme pas d’animaux, sépare assez nettement les régions indemnes des régions infectées. Toute la partie nord, jusqu’au Sénégal, est indemne; on n’y a jamais constaté de cas de trypanosomiase. La carte ci- jointe donne une idée générale de la zone infectée. Nous pensons que les cas de trypanosomiase, dus à Tr. dimorphon , qui ont été signalés dans la vallée du bas Sénégal ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR i>0 TRYPANOSOMIASES ANIMALES AU SÉNÉGAL 221 et au-dessous de Rayes, sont des cas importes et n’ayant pas formé foyer, par suite de l’absence en ces régions des mouches tsétsé. Par contre les tabanides, Lyperosia Thirouxi et longipal - pis, les stomoxys et les hippobosques y abondent, ce qui donne à penser que seules les Glossina peuvent convoyer Tr. (timor- phon : Les animaux venant du bassin du bas Sénégal et pénétrant en Guinée n’y importent donc pas Tr. dimorphon . a moins qu’ils ne contractent la maladie en route en passant par les vallées de la Gambie et de laCasamance. qui sont les véritables réservoirs de l’affection et dans lesquelles les chevaux ne peuvent pas vivre. Le cheval que Martin v a reconnu infecté à Konakry, venant de Matam (sur le Sénégal et au nord de Bakel), où il avait vécu 2 ans. « avait marché tout un mois jusqu'à Bandioulou (Gambie) où il avait été embarqué pour Konakry ». Ou peut donc admettre que, dans la vallée du bas Sénégal, la trypanosomiase des chevaux de Gambie n’existe pas à l’état endémique et que les cas qui y sont observés sont importés du sud. La ligne qui limite la zone de distribution de cette affection semble partir de Nianing (14°5), et peut-être d’un peu plus au nord, sur la cote, pour s’infléchir jusque au -dessous de J 3° dans l’intérieur, au niveau de Badon et de Kédougou. et dans la haute vallée du Bani et de la Volt a. 11 ne faudrait pas croire, cependant, que l'endémie règne dans tout le territoire situé au-dessous de cette ligne. Alors qu elle semble couvrir à peu près tout le pays en Guinée, en Casamance et en Gambie, au sud du fleuve Sénégal, pays beaucoup plus sec, pays de sables, et dans les régions limites de son aire, elle ne se retrouve que dans les points marécageux, humides et boisés, y formant alors de véritables fly-befts , quel- quefois très éloignés les uns des autres. • LE SURRA OU m’bORI OBSERVÉ SUR LES DROMADAIRES DE LA RIVE DROITE DU SÉNÉGAL Profitant de son séjour à Bakel. M. Teppaz est allé visiter, en face de cette résidence,- le poste de Selibaby. où on lui avait signalé que des dromadaires étaient malades. 11 a observ é, dans le sang de ces animaux, un trypanosome fin et délié, 1. Martin, loc. cit., p. 14-15. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 222 absolument semblable à celui décrit par Cazalbou dans la M’Bori et identifié par La écran 1 avec Tr. Evansi. Les chiens inoculés, ramenés au laboratoire, nous ont permis d'obtenir des préparations colorées d’après lesquelles M. le professeur Laveran a bien voulu confirmer notre diagnostic. Cazalbou a rencontré la M’Bori dans la région située au nord de Tombouctou, elle existe dans tout le Sahel. Nous la retrouvons sur la rive droite du Sénégal et nous pensons que c'est cette affection qui décime les dromadaires en Mauritanie. Le cours des fleuves, et celui du Sénégal tout particulière- ment, serait funeste aux dromadaires. Les animaux viennent dans le bas Sénégal pendant la bonne saison, au moment de la traite des arachides. Ils transportent les graines oléagineuses jusqu’aux gares du chemin de fer les plus proches. Ils retour- nent en Mauritanie avant les premières pluies, et s'éloignent du cours du fleuve, pour se réfugier pendant la saison chaude et pluvieuse sur les plateaux du Tagant. Ce sont, on le voit, les mêmes mesures qui ont été prises par les indigènes dans le Sud-Algérien contre le Debab. Bien plus, les dromadaires, (jui ont séjourné un certain temps dans le bas Sénégal prennent, dit-on, une certaine immunité : on les nomme chameaux ouoloff's et ils acquièrent une grande valeur, comme en Egypte les dro- madaires qui passent pour avoir l’immunité contre le Debab et qu’on appelle beatiq-el-debeh (préservés de la mouche). Comme le Debab, la M’Bori ne s’observe à Selibaby que sur les droma- daires. Les bœufs, les chevaux, les moutons, les chèvres n’en sont pas atteints. Avec les frères Sergent 2, nous pensons que ces deux affections sont très voisines sinon identiques, et que, sur la côte occidentale d'Afrique, la limite entre le Surra, trypanosomiase du nord à Tabanides ou à Stomoxys, et les trypanosomiases du sud à tsétsé, est formée par le fleuve Sénégal. Il ne séjourne jamais pendant toute l’année de chameaux sur la rive gauche du fleuve, ce qui fait qu’en dehors des animaux qui meurent au moment de la traite des arachides, on n'observe pas la M’Bori dans la colonie, mais il y a tout lieu de penser, puisque le 1. Laveran, De l’identité du Surra et de la Mbori. C. R. A. des Sciences , 26 décembre 4905. 2. Edmond et Etienne Sergent, El-Debab. Trypanosomiase des dromadair es de l’Afrique du nord. Ann. de l’Institut Pasteur, janvier 1905, p. i7. TRYPANOSOMIASES ANIMALES AU SÉNÉGAL 223 voisinage du tleuve est reconnu pour être dangereux, que la limite de la zone d’endémicité de la M’Bori pourrait se prolon- ger au sud du fleuve jusqu’au 14e ou 15e degré de latitude nord, limite des tsétsé et des trypanosomiases à glossines. Nous n’avons récolté à Selibaby que 2 espèces de tabanides : Tabanus Ueniola , T. ditœniatus et des hippobosques. LÉGENDE DE LA PLANCHE IV Trypanosoma dimorphon . Fig. J et 2. — Formes longues et effilées avec flagelle libre plus ou moins long. Fig. 3. — Forme très large effilée aux deux extrémités. Fig. 4-5-0. — Formes tronquées à la partie postérieure ou en têtard de tailles très diverses. Fig. 7. — Un parasite réduit à son centrosome et à son flagelle. Fig. 8-0-10. — - Formes de division. Fig. il -12-13. — Agglutination. Fig. 14. — Corps réniformes de nature inconnue. Fig. 15-16. — Parasites englobés dans des mononucléaires. Fig. 17. — Un centrosome et une partie d’un flagelle dans un mononu- cléaire. Fig. 18. — Un mononucléaire après digestion d’un parasite, ne renfermant plus que des granulations protoplasmiques. Sur un Hémocytozoaire d’un Cheiroptère. Pau le D1 J. J. VASSAL MÉDECIN-MAJOR DES TROUPES COLONIALES^ (Avec la planche Y ) J’ai pu examiner à Nhatrang (Annam), en 1904 et 1905. divers lots de chauves-souris, capturées dans les environs. Elles appartenaient à quatre espèces différentes : Cynopterus margimtus , Scotophilus kuhli , Kerivoula picta , Vesperugo abra- tnus1 . Ces deux dernières n’étaient représentées que par un spécimen unique, tandis que les autres en comptaient un grand nombre. Chez un Vesperugo , espèce voisine de V. abramus , qui pro- venait d’une pagode bouddhique de la ville même de Nhatrang, l’analyse histologique du sang m’a permis de relever les parti- cularités suivantes : A l’état frais, entre lame et lamelle, on distingue, parmi les globules du sang, des éléments extraglobulaires, sphériques, réfringents, de 8 g, 5 a 9 de diamètre, renfermant des grains de pigment mélanique très mobiles. Quand ils sont pressés par les hématies, ils peuvent prendre une forme ovoïde, mais cela ne constitue qu’une déformation accidentelle. La répartition du pigment est tantôt régulière dans le cytoplasme, tantôt en amas. Les grains sont gros et très noirs. Nous n'avons pas vu se produire de flagelles (microgamètes) dans nos prépa- rations. Les hématies n’étaient point parasitées, pas plus que les leucocytes. Une coloration au Uomanowsky ( suivant la formule de l’École de Liverpool) ne laisse aucun doute sur la nature de ces élé- ments. 11 s’agit bien de gamètes mâles et femelles. Les ga- mètes femelles ont un protoplasme très chromophile, qui se colore en bleu violacé. Le noyau est arrondi ou peu irrégu- lier, petit, compact, généralement périphérique; il se teint en rouge rubis. Le pigment est disséminé avec une certaine régularité; il est composé de fins bâtonnets (PI. Y, fig. 5). Les gamètes mâles apparaissent d’une teinte générale rose violacé sur le fond bleu gris des globules rouges. Le noyau, 1. Je dois ces déterminations à M. O. Thomas, du British Muséum , de Londres. HEMATOZOAIRE D’UN CHEIROPTÈRE l>25 toujours volumineux, à contours mal délimités, est de la même couleur, mais d’un ton plus sombre, d’un lilas plus intense. 11 occupe une position variable, rarement centrale, plutôt trans- versale, ou en calotte (fig. 6). La zone protoplasmique qui entoure immédiatement le noyau est particulièrement chromophile; on y distingue même de très fins granules chromatiques, qui ont peut-être la valeur de chromidies. Dans cette zone, une boule chromatique tranche par ses contours nettement arrondis et sa forte chromaticité. 11 n’existe rien de semblable chez les femelles. Elle mesure 1 u. environ et se colore en rose violacé, comme la chromatine nucléaire (fig. 6). Il est difficile d’assigner à ce corpuscule son rôle exact, dans cette étude préliminaire, où nous n’avons eu affaire qu’à des formes sexuées, au même stade de dévelop- pement. Néanmoins il était important d’en signaler la présence. Les grains du pigment se placent sans aucune symétrie dans le protoplasme; ils forment le plus communément un amas aux tendances excentriques. Nous n’avons pas distingué de vacuoles, pas plus chez les macrogamètes que chez les microgamétocytes. On comptait un gamète par 6-8 champs de microscope. La proportion des gamètes femelles aux gamètes mâles était de 1 à 3 environ. Notre chauve-souris fut examinée pour la première fois le 2 8 mars 1905, c’est-à-dire au cours de la saison sèche, proba- blement en période de sommeil hivernal. Elle vécut en captivité 3 jours, pendant lesquels on renouvela les examens liématolo- giques. Ce furent les mêmes hématozoaires sexués qui se pré- sentèrent avec la même fréquence. L’autopsie n’apprit rien de particulier. Pas plus dans le sang que dans la moelle des os ou dans la rate, on ne trouva de formes sexuées différentes. Les schizontes firent complètement défaut. Nous n’avons pu mettre en évidence ni grains de Schüffner ni grains ana- logues. Le sang offrait d’ailleurs des particularités qui ont déjà arrêté certains observateurs, au cours de l’étude des héma- tozoaires des chauves-souris. Des hématies, sans présenter de déformations spéciales ni de dimensions inaccoutumées, se teignaient plus fortement que les autres par la méthode de Romanowsky- de telle sorte qu elles tranchaient sur l’ensemble 15 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 226 bleu grisâtre. Leur ton était bleu plus ou moins effacé. Tantôt leur cytoplasme semblait d’une composition homogène et d’une plasticité uniforme, tantôt il contenait des portions pâles ou meme d’aspect vacuolaire. Elles devenaient polychromatophiles. Dionisi (6) a constaté, dans le sang de ses cbauves-souris. une altération qui, correspondant « à la dégénérescence anémique d’Ehrlich », était très marquée dans les espèces atteintes du « type estivo-automnal » sans pigment. Quelques érythrocytes con- tenant A chromaticus vesperuginis, sont regardés comme spécimens dégénérés. Il semble cependant que ce soient là des érythrocytes au stade primitif, porteurs de restes nucléaires plutôt que de vé- ritables hématozoaires. L’erreur était particulièrement aisée à commettre, puisque A. vespemginis se réduit parfois à un point de chromatine. Parmi les érythrocytes qui se montraient plus basophiles ou polychromatophiles, j’en ai étudié un assez grand nombre qui avaient de la chromatine dans leur intérieur. Pour la plupart, c’était seulement un amas sphérique unique, soit au milieu du cytoplasma, soit à la périphérie* de* 0,3 à 0,5 y. de diamètre, el dont la coloration vive, saillante, sans linéament intermédiaire, évoquait plutôt l’idée d’une spore que d’un noyau véritable (fig- !)• En second lieu, ce meme élément s’entourait d’un très mince liseré rose (fig. 2). Ce liseré pouvait prendre un développe- ment tel qu’il était difficile de ne pas songera une forme com- mune d’hématozoaire endoglobulaire. D’autres fois, à la limite des portions pâles ou pseudo-vacuolaires des hématies, on obser- vait des amas de 2, 3 ou plusieurs karyosomes (fig. 3, 4). Par conséquent nous avions dans nos préparations des séries d’érythrocytes à stades nucléaires, témoignant d'un sang patho- logique, tels qu’on en rencontre dans de nombreuses anémies ou cachexies. Au surplus, nous savons qu’ils ne sont pas rares dans les affections de l’homme et des animaux, où le sang est envahi par un protozoaire, piroplasmoses, trypanosomiases. Smith et Kilborne (20) les avaient des premiers signalés dans la Texas fever. Récemment Nissle (17) a de nouveau appelé l’attention sur ces formes anormales des hématies chez des animaux naganés. Il décrit des globules rouges qui s’incurvent en croissants, ou HÉMATOZOAIRE D’UN CHË1ROPTÈRE 227 qui se distinguent seulement par une teinte plus foncée, ou par de la métachromasie. D’autres renferment dans leur intérieur des restes nucléolaires. On voit aussi parfois des masses de chromatine par 2 ou plusieurs, que Nissle appelle des centro- somes, entourées d'une auréole claire ou disposées dans des ligures de division en 8 de chiffre. Par les travaux de Hayern (10), Ehrlich (9), Jolly (11), Bloch (5), etc., nous connaissons la genèse des érythrocytes, nucléées et des globules rouges polyohromatophiles. Leur interprétation n’est pas toujours aisée. A une époque où les méthodes de coloration étaient encore imparfaites, les erreurs devaient être difficilement évitables. G. Schmauch (21) a décrit dans le sang des chats jeunes et adultes des hématies ren- fermant des corpuscules qui seraient des restes nucléaires. Mais les « corpuscules de Schmauch » traduiraient une altération banale, et ne devraient pas être rattachés à une origine nucléaire, d’après Jolly et Vallée (12). Les « corps primitifs » de Plehn (19) ne sont plus aujour- d’hui regardés par personne comme des formes initiales de paludisme. A plusieurs reprises, Laveran (1 i) a mis en garde contre les « pseudo-hématozoaires », qui sont généralement des hématies nucléées, granuleuses ou mal fixées. Chez les Ghéloniens et chez les Poissons, les globules rouges sont munis de granulations qui donnent souvent le change. Laveran cite comme exemples de confusions, dans ces dernières années, les pseudo-piroplasmes deLefas (lo) et l’agent de la « Spotted lever » de Wilson et Chowning (26). Un grand nombre de moustiques, comprenant des Myzomyia Rossii et des Culex pipiens , furent placés dans la cage de notre chauve-souris. Ceux qui avaient piqué furent mis de côté.Onles sacrifia à des périodes comprises entre I et 10 jours, on dissé- qua leur estomac et leurs glandes salivaires. L’examen fui négatif. Parmi les ectoparasites de notre chauve-souris, il fut possi- ble de relever des Nycteribia océanien Bigot et des Rhincholophns sp. ? Nous trouvâmes les Diptères chez la plupart de nos Chéirop- tères; les Acariens furent rares ou manquèrent chez un grand 22 8 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nombre. Chez aucun d’eux il n’y eut de lésions permettant de croire à un commencement d’infection. La pathologie du sang est v raiment des plus variées chez les Chéiroptères. Les trypanosomes, les spirilles, les liémamibes ou plasmodies y ont été retrouvés toui* à tour par maint auteur. C'est au moment où les recherches sur la malaria étaient pour- suivies en Italie avec le plus d’ardeur que Dionisi (6) fit paraî- tre son mémoire sur les parasites du sang des chauves-souris. Le fait qui suscita le plus d'intérêt et que Dionisi s’attacha à mettre le plus en lumière, ce fut la parenté des formes nouvelles avec celles de l’homme. 11 lui sembla impossible de les dis- tinguer. « La structure du parasite, ajouta-t-il, ne se montre -en rien différente de celle du parasite des fièvres estivo- automnales. Cette « malaria des chauves-souris » était réprésentée par trois espèces : Polychromophilus mûrirais. Polychromophilus melanipherus , Achromaticus vesperuginis , les deux premières pigmentées et « ressemblant aux formes quartes » et l'autre, « pioche des formes estivo-automnales, sans pigment ». Les chauves-souris infectées étaient : Vespcrtiliomurinus . Miniopterus schreibersii, Ves- perugo noctula. Cependant, malgré la multiplicité des ligures, qui remplis- sent plusieurs planches, l’ensemble manque de précision. L’au- teur ne se prononce pas franchement sur les formes sexuées. La voie frayée par Dionisi ne manqua pas d'être suivie. Nous possédons aujourd'hui toute une bibliographie sur la pathologie du sang des Chéiroptères. Nous ne parlerons pas de la spirillose de Nicolle et Comte (16), ni des trypanosomiases diverses : G rassi (6). Dionisi (6), Testi (6), Sambon, Donovan, E. et E. Sergent (28), Kisskalt (13), G. Bowhill (4), Petrie(18), Bettencourt et Françar(3), Battaglia (1); mais nous passerons rapidement en revue les hématozoaires endoglobulaires des chauves-souris, afin d’essayer une compa- raison avec les formes nouvelles rencontrées chez V. abramus. Après Dionisi, nous avons à citer Bowhill (4), Kisskalt (13), Gonder (8), Dutton-Todd-Tobey (7) et Schingareff (22). Le parasite de Bowhill a été découvert dans une espèce de chauve-souris ;lu Sud-Afrique, Vespertilio cciperisis. Il est endo- HEMATOZOAIRE D’UN CliEIROPTÈRE 229 globulaire et pigmenté. Nous avons sans doute alfaire à un<* espèce voisine des Polychromophilus de Dionisi, comme le veut l’auteur, mais sans preuves convaincantes, c'ar la description et les photographies sont trop incomplètes. Richard Gonder (8) a retrouvé chez Vesperugo kuhli VA. vesperiiginis de Dionisi. Les faits originaux qu’il signale renou- vellent nos connaissances sur cet hématozoaire. Il distingue des formes petites, effilées, falciformes, ou allongées en poire, avec un seul noyau; d’autres plus grandes, amiboïdes, avec un noyau périphérique simple ou envoie de division. Les stades adultes les plus différenciés possédant un karyosome à 4 éléments, dont chacun reproduit un nouveau parasite, véritable piroplasme. Avant de subir cette transformation, les karyosomes ont passé par une phase chromidiale, donnant l’impression d’une forme sexuée. Quoiqu’il en soit, malgré la perfection des figures tirées en couleurs, on ne peut affirmerque l’on se trouve bien en pré- sence de gamètes. Karl Kisskalt (13) a vu dans le sang d’un grand nombre de Vesperugo pipistrellus un parasite endoglobulaire. Plusieurs individus du même lot montraient une trypanosomiase spéciale, et l’un d’eux hébergeait les deux parasites. Les formes amiboïdes en anneau dominaient, de 1/6 à 1/3 d’hématie, avec l à 8-10 grains de chromatine. Il n’y avait point de pigment. Kiss- kalt les rapproche des formes (Y Achromaticus vesperiiginis. Il ne mentionne point de gamètes. Berestneff (2) cité par SchingarefF (22) et Galli Valerio (24) ont retrouvé A. vesperuginis chez V. noctula. Dutton, Todd et Tobey (7) ont examiné, en Gambie et au Congo, le sang de chauves-souris appartenant à cinq espèces différentes. Chez trois individus seulement, ils ont trouvé un parasite endoglobulaire, qu’ils rapprochent de Polychromophilus melanipherus. Ces savants signalent des gamètes, mais leur description, d’ailleurs courte, ne s’accompagne pas de figures. Au cours de la publication de ces notes, il a paru un * mémoire de A. J. SchingarefF (22) sur deux hémocytozoaires des chauves-souris, Vesperlilio daühentoni et Miniopterus sehrei- bersii . Chez la première de ces cspècos, on trouve les para- sites dans le sang et dans les frottis de foie et de rate. Les gamètes sont prédominants et très nets. Des formes sporu- 230 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK lées et intraleucocytaires très remarquables ne se trouvent que clans le foie et la rate. L’autre espèce ne possède point de formes spondées, mais les microgamétocytes comptent « l,plus rarement 2 et plus de grains de chromatine, rappelant beaucoup des centrosomes ». A. Schingareff rapproche ses hémocytozoaires des Polychro- matophrlus de Dionisi, tout en insistant sur des points de parenté avec les parasites de la tierce. En définitive, les hématozaires des chauves-souris décrits jusqu’ici rentrent dans les trois types primordiaux créés par Dionisi, tels que le résume le tableau suivant : 1° Pohjchromophilus mûri nus. Vespertilio murinus Dionisi. — capensis Bowhill. — daubentoni J. -A. Schingareff. 2° Polychromophilus melanipherus. Miniopterus schreibersii Dionisi. — — J. -A. Schingareff. — — Dutton, Todd et Tobey. 3 Achronuiticus vesperuginis. Vespcrugo noctula Dionisi. Berestnetf. — — Galli-Yalerio. — k'uhli Richard Gonder. — pipistrellus Karl Kisskalt. Chacun de ces types comprend des formes sexuées. A. vespe- ruginis, qui semblait d'abord en manquer, doit à R. Gonder d’avoir comblé cette lacune. Si l’on considère les caractères tirés du pigment, nous voyons que les hématozoaires des Chéiroptères se partagent naturellement en deux groupes. Le premier, représenté par A. vesperuginis , manque de pigment ; le second, pourvu de pig- ment, comprend les Pohjchromophilus. C’est dans ce dernier groupe que nous devons placer l’espèce que nous avons décrite chez Yesperugo ctbramus. Par conséquent HÉMATOZOAIRE D’UN CHEIROPTERE 231 nous éliminerons de suite Y Achromaticus vesperugims de Dionisi et de Gonder pour nous arrêter aux formes pigmentées. Les gamètes, pour Dionisi, sont « des formes de léthargie, parce que, pendant une longue période d’observation, on ne voit pas autre chose ». C’est plutôt à l’aide des ligures qu’on peut faire le diagnostic entre les macrogamètes et les microga- métocytes qu’il décrit. Le grain de chromatine extranucléaire, que nous avons trouvé chez nos gamètes mâles, n'est point mentionné par Dionisi. Mais si l’on regarde de plus près les figures, notam- ment 32 et 44 de la planche VI, on ne peut manquer de discer- ner quelque chose de comparable. Les Hématozoaires de Schingareff se rapprochent des espèces à pigment que Dionisi a nommées Polychromophilus. L’un d’eux se fait remarquer par la présence, chez les micro- gamétocytes, de grains chromatiques extranucléaires, que l’auteur interprète comme des centrosomes. Le plus souvent uniques, ils peuvent aussi être au nombre de deux et davan- tage. Le parasite de Vespertilio daubentoni n’a pas de centro- somes, mais il offre une particularité nouvelle des corps spo- rulés. J. A. Schingareff a été frappé de la prédominance des gamètes sur les schizontes. C’est à juste titre que ce savant fait rentrer dans le cadre tracé par Dionisi les hémosporidies dont il a transformé la description. Retrouvant un parasite du sang dans une espèce déjà incri- minée par Dionisi ( Miniopterus schreibersii) , il était naturellement porté à confirmer le type plutôt qu’à en créer un nouveau. Mais, d’un autre côté, il est plausible d’admettre que des hématozoaires différents puissent se voir ensemble dans le sang d’une chauve-souris. Quant à Richard Gonder, les constatations originales qu’il a faites l’ont également rapproché de Dionisi. Remarquons en passant que les formes sexuées de l'héma- tozoaire de V. abramus rappellent les formes analogues que ‘nous avons décrites chez le Sciurus griseimanus d’Annam (25). Mais, si elles se colorent toutes les deux au Rom anowsky d’une manière presque identique, celles des Chéiroptères offrent des dimensions supérieures, et leur pigment est plus noir et plus aros. La différence principale consiste jusqu’ici, dans l’absence 232 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de corpuscule de chromatine extranucléaire chez les éléments analogues du parasite de l’écureuil . Pour définir ce corpuscule chromatique et lui donner son interprétation véritable, il faudrait le suivre à travers les modi- fications ultérieures des microgamétocytes. Mais nous n’avons pu fixer que des phases très voisines du phénomène. Nos figures représentaient un grand nombre de formes sexuées males, superposables à peu de chose près. Une hypothèse ne peut, dans ces conditions, être formulée qu’avec beaucoup de réserve. Le corpuscule de chromatine, dont nous avons fourni les caractères plus haut, est toujours unique dans nos observa- tions. On pourrait alors penser à un centrosome. Et c’est l'opi- nion de J. A. Schingareff, qui a vu des productions plus ou moins analogues dans le cytoplasme du parasite de Miniopterus schreibersii. Toutefois, dans le cas de Schingareff, on rencontre parfois plus de deux corpuscules ou masses de chromatine. De même, dans les figures de Dionisi correspondant au Polychromatophiliis melanipherus , ces masses sont en nombre variable. Cette multiplicité ne s’accorde guère avec l’idée de centrosome. Peut-être s’agit-il d’un stade préparatoire à la maturation et à la formation des microgamètes? Quoi qu'il en soit, dans le but de mettre plus de précision dans un sujet déjà complexe, nous proposons de désigner sous le nom de Plasmodium (ou Hœmamœba) melanipherum , variété monosoma. l’hémocytozoaire de notre chauve-souris. 11 répond à la description de Polychromophilus melanipherus de Dionisi et sur- tout de Schingareff, avec cette particularité que les microga- métocytes portent un seul corpuscule chromatique extranucléaire, tel que nous l’avons décrit. Nous exprimons toute notre gratitude -à MM. Laveran et Mesnil pour leurs conseils très précieux au cours «le ce travail. 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On changes in the red blood corpuscules in the perni- cions anœmia of Texas cattle Fever. 21. — G. Schmauch. Ueber endoglobulâre Kôrperchen in den Ery- tbrocyten der Katze. Virchous Archiv. 1899. Bd 156, p. 201-244, 1 pl. 22. — A. -J. Schingareff. Des Hémosporidies des chauves-souris, Archives des Sciences biologieiues , publ. par l’Institut Impérial de médecine expérimen- tale à Saint-Pétersbourg, tome XII, no 3, Saint-Pétersbourg, 1906. Edit, franc. 23. — Sergent Ed. et Et. Sur des trypanosomes des chauves-souris, C. R Soc. Biol. Paris, t. LVIII, no 2, p. 53-55. 24. — Galli Yalerio. Notes de parasitologie et de technique parasitolo- giques, Centralblatt f. Bakt ., /, Originale , t. XXXIX, p. 230, 1905. 25. — J. -J, Vassal. Sur un hématozoaire endoglobulaire pigmenté d’un écureuil de l’Annam. C. R. Soc. Biologie , n» 8, 3 mars 1905, p. 350-351. — Sur un hématozoaire endoglobulaire nouveau d'un Mammifère. Annales de ’ Institut Pasteur , tome XIX, avril 1905, p. 224-232. 1 pl. encoul 26. — L. B. Wilson et W. M. Chowning. Spotted ftver des Montagnes Bocheuses, Rept. of the Montana State , p. 25-91, 3 pl., nov. 1902. LÉGENDE DE LA PLANCHE V Fig. I. — Erythrocytes polycluomatophiles, ou non, «avec point chromatique unique, avec ou sans liséré. Fig. 2. — Érythrocytes polychromatophiles avec point chromatique unique entouré d’une zone. Fig. 3. — Érythrocytes avec pseudo-hématozoaires. Fig. 4. — Érythrocytes à portions pâles ou pseudo-vacuolaires renfermant des amas de karyosomes. Fig. 5. — Gamètes femelles. Fig. G. — Gamètes mâles. PROCÉDÉ SIMPLE ET RAPIDE DE Préparation des milieux géloses et gélatinés. Par M. BISSÉIUé PHARMACIEN-MAJOR DE 1™ CLASSE Tous ceux qui oui eu à employer des milieux géloses con- naissent les difficultés de préparation de ces milieux, difficultés provenant surtout du long temps que demande leur filtration, laquelle nécessite d’ailleurs des appareils spéciaux. Le procédé suivant permet de préparer rapidement ces milieux parfaitement limpides à l aide du seul autoclave: Le milieu gélosé (ou gélatiné, ou tout autre) est préparé au bain-marie dans un vase cylindrique en verre de Bohême A ; dès que la gélose est ramollie, on introduit dans ce premier récipient un vase conique (ou ballon) B, le goulot en bas, tou- chant le fond du premier récipient. Ce vase conique a préalable- ment été préparé de la façon suivante : Une toile fine (batiste) est bien tendue et solidement ficelée sur le goulot; par-dessus cette membrane on applique un mor- ceau de papier à filtrer Chardin et par-dessus ce dernier une nouvelle membrane de toile, ces deux dernières étant ficelées ensemble sur la première. Le tout est introduit dans l'autoclave que Ton chauffe, d’abord à 100° robinet ouvert, puis, quand tout 1 air est chassé, à 120° robinet fermé; l’air du vase conique est complètement chassé et remplacé par de la vapeur d’eau. Après quelques minutes à 120°, on laisse refroidir l’autoclave, et lors- que 1 aiguille du manomètre est revenue à zéro, on ouvre très 236 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIl lentement le robinet pour laisser pénétrer l’air peu à peu; par suite du refroidissement, la pression atmosphérique fait péné- trer la totalité du liquide chaud dans le vase conique B, à tra- vers la triple membrane filtrante ; ce récipient contient alors un liquide très limpide qui, ayant été filtré après stérilisa- tion à 120°, ne risque plus de se troubler lorsqu’on le portera de nouveau à cette température après l’avoir distribué dans d’au- tres récipients, s’il y a lieu. Une demi-heure suffit pour la préparation, filtration et stéri- lisation du milieu, et l’on n’a aucune perte de ce dernier. Recommandations pratiques. 1° Ne fermer le robinet que lorsque l’air est complètement chassé de l’autoclave ; 2° N’ouvrir le robinet que peu à peu, très lentement, pour que la rentrée de l’air ne soit pas trop brusque, ce qui ferait mar- cher la filtration trop vite et risquerait de crever le filtre; 3° Dès que tout le liquide est passé dans le vase conique B, retourner celui-ci, le col en haut; 4° Afin d’éviter que la vapeur et l’eau de l’autoclave ne pénètrent dans le liquide à stériliser, on peut fermer le vase À par un couvercle quelconque (cristallisoir ou capsule) simplement posé sur ce récipient. Sur le traitement de la rage par le radium Par MM. G. TIZZONI et BONGIOVANM RÉPONSE A M. LE D' A CALABRESE Après notre réponse au mémoire du D' Danysz ( Annules de ] Institut Pasteur. N° 8, 1906) nous ne devrions faire aucune remarque au sujet du récent travail du D1 Calabrese; nous ne pouvons cependant nous empêcher de relever les multiples erreurs de concept et de méthode qu’il renferme. En effet, le I)r Calabrese, en affirmant « que les radiations sont les émissions du radium qui passent facilement à travers le mica et le verre », montre ne pas savoir que quelques-unes d’entre elles, les rayons X par exemple, sont complètement arrêtées par les milieux susmentionnés; en insistant sur les expériences pratiquées au moyen de radium renfermé dans un tube de verre maintenu devant l’œil à une distance d un 1/2 cen- timètre, il fait l’effet de n’avoir absolument pas compris que dans ce cas-là, les radiations qui se perdent sont plus nom- breuses que celles qui sont utilisées; en invoquant les émana- tions comme cause déterminante de la lésion locale, il montre qu’il ignore que celle-ci est donnée exclusivement par les radiations; enfin, en attribuant au radium des altérations aussi graves et aussi étendues que le décollement de la peau intéres- sant la moitié de la face, par exemple [Riforma Medica, N°2. 1906), il prouve qu’il ne sait pas que le radium détermine des lésions limitées exclusivement au point de son application (chute des cils et des poils voisins, blépharite ulcéreuse, etc...) et que par conséquent les autres lésions doivent reconnaître une cause différente. Au reste, ce n’est pas de la bonne logique que celle qui consiste à combattre les faits en relevant l’apparente con- tradiction à laquelle donne lieu leur interprétation. Les faits sont et resteront tels que nous les avons annoncés ; plus de 80 animaux qui ont survécu à nos expériences (et parmi ceux- ci un grand nombre purent être maintenus en vie pendant plus d’un an) sont là pour le démontrer; ce qui nous le prouve 238 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR encore, ce sont les nombreuses expériences de contrôle que nous avons répétées devant les étudiants et en présence de collègues des plus compétents. Pour ce qui regarde leur interprétation, il est naturel que celle-ci puisse varier suivant le progrès de nos connaissances. Les expériences entreprises au moyen d’échantillons ren- fermés dans les boites anglaises ordinaires nous avaient conduits tout d’abord à nier toute participation des émanations dans la décomposition in vitro du virus rabique; cela, parce que, à ce moment, personne ne soupçonnait que, même à travers la fermeture de l’appareil, les émanations pussent facilement se répandre ; des expériences successives nous ont obligés à modifier notre opinion à ce sujet, en nous prouvant que l’éli- mination complète de telles émanations, obtenue par les moyens rigoureux mis en usage par nous, annule l’action décomposante du radium sur le virus rabique qui en vient ainsi à conserver intégralement son pouvoir pathogène. Ce n’est pas tout encore; si les recherches précédentes nous démontraient la nécessité de la présence des émanations pour annuler in vitro l’action du virus rabique, d’autres recherches, que nous publierons sous peu, nous disent que ces émanations, bien que nécessaires, ne suffisent pas, elles seules, sans le concours des radiations, à déterminer les effets signalés. M. Calahrese voit donc que, même sur ce point, il ne peut se flatter de trouver dans nos travaux confirmation de ses recherches postérieures , et bien moins encore de ses résultats négatifs . Pour ce qui est de la lésion des paupières, nous maintenons intégralement ce que nous avons annoncé : à savoir qu’un échan- tillon de 2 centigrammes de bromure de radium à 100,000 U. R. par centigramme ne donne lieu à aucune lésion de la partie, même si l’application se prolonge pendant plusieurs heures; la lésion s’observe, au contraire, quand on fait usage d’échantillons plus forts (1 décigramme à 500.000 U. R. par centigramme) du genre de celui que nous avons acquis plus tard; nous ne voyons pas non plus quels rapports cela peut avoir avec la possibilité de la guérison de la rage, pour l’obtention de laquelle on pourrait laisser de côté la chute des cils, la blépharite ulcéreuse et même davantage, à condition de sauver Ja vie. TRAITEMENT DE LA RAGE PAR LE RADIUM 239 Pour ce qui est de l'application à l'homme, c’est l'expérience seule et non M. Calabrese qui pourra nous dire si elle est possible; de toute façon, qu'elle réussisseou non, elle ne pourra modifier en rien le principe scientifique que le radium, dans des conditions déterminées , est capable de détruire in vitro le virus rabique et de guérir la rage chez l'animal. 240 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ERRATA M. Nicolle et Adil-Bey. Action de la bile, etc. ( Ces Annales, janvier 4907.) Page 21, ligne 32. Au lieu de : 4/200, Jiiv : 1/2000. Page 25, ligne 15. Au lieu de : b. typhique, lire : le b. typhique. M. Nicolle. Sero-inununité. etc. (même fascicule). Page 26, ligne 19. Au lieu de 63 cgr., lire : 64 cgr. Le Gérant : G. Masson. Sceaux, — Imprimerie Charaire. 21 me ANNÉE AVRIL 1907 N° 4 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La Sérothérapie dans le traitement de la dysenterie bacillaire Par MM. VAILLARD et Ch. DOPTER Médeciu inspecteur de l’armée. Médecin major de 2° classe. Professeur agrégé du Val-de-Grâce. Nous avons déjà fait connaître dans ces Annales 1 les pro- priétés acquises par le sérum des chevaux immunisés contre le bacille dysentérique, son pouvoir antimicrobien et antitoxique, son action préventive et curative dans la dysenterie expéri- mentale des animaux, enfin ses applications pratiques k la méde- cine humaine basées sur le traitement de 96 malades ; il a paru ressortir de l’ensemble des faits expérimentaux et cliniques que ce sérum constituait réellement l'agent spécifique pour le traitement de la dysenterie bacillaire. Les résultats obtenus depuis lors par l’emploi de la sérothérapie dans la dysenterie de l’homme confirment ces premières données ; la présente note a pour but de l’établir. Au cours de Pété 1906, il a été traité 243 cas de dysenterie se répartissant en deux groupes qui seront envisagés séparé- ment. a) 200 dysentériques, dont 10 enfants, observés dans les hôpitaux de Paris (49), Lyon (73), Bordeaux (17), Toulon (20), Toul (7), ou parmi des malades non hospitalisés; de ces der- niers 19 appartiennent k une épidémie de Bretagne; b) 43 dysentériques des asiles d’aliénés de Maréville (Meurthe- et-Moselle) et de Quatre-Mares (Seine-Inférieure). Tous ces malades n’ont pas été traités par nos soins ; nous exprimons notre gratitude aux médecins qui, après avoir utilisé 1. Vaillard et Dopter, Le sérum antidysentérique, Annales de l'Institut Pasteur , mai J 906. 16 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 242 le sérum, ont bien voulu nous communiquer les résultats obtenus avec leur appréciation personnelle. 1 Les 200 dysenteries du premier groupe étaient d’inégale gravité. En se basant sur l’acuité des troubles intestinaux (coliques, fréquence quotidienne des selles, caractères des déjections), et sur les symptômes d'intoxication (vomissements, adynamie, faiblesse du pouls, hypothermie, état syncopal, etc.) on peut les diviser de la manière suivante : Cas d’intensité moyenne 101 Cas graves 55 Cas extrêmement graves 19 Cas considérés comme mortels 25 200 Ce chiffre de malades dans lequel la proportion des cas graves ou mortels (99) entre pour moitié, adonné 10 décès, en y comprenant ceux qui sont survenus chez des sujets déjà en imminence de mort au moment où le sérum a été injecté; soit une mortalité brute de 5 0 0. Mais la plupart de ces décès, sinon tous, ne sauraient être valablement retenus au passif de la sérothérapie, comme il ressortira des commentaires suivants sur les circonstances où ils se sont produits : 1° Deux décès concernent des marins de Toulon, très gra- vement atteints depuis plusieurs jours et conduits à l’hôpital Saint-Mandrier en état de collapsus : leur situation était déses- pérée au moment où le sérum a été injecté. (Note du D' Planté); 2° Deux décès ont trait à des malades de Bretagne qui étaient déjà mourants ou presque mourants lorsque le sérum a été employé : Lun a succombé le jour même de l’injection, l’autre le lendemain. (Note du Dr Marchais, de Carhaix) ; 3° Adulte malade depuis 8 jours. La fréquence des selles est modérée (17 à 2l) par 24 heures), mais des symptômes signi fî- catifs traduisent une profonde intoxication : prostration, ady- namie, algidité, aphonie, pouls misérable, faciès cholérique. Deux injections de 100 c. c sont pratiquées, mais le sujet s’éteint dans une syncope 36 heures après le début du traitement. — Les lésions intestinales étaient limitées, réduites à trois pla- TRAITEMENT DE LA DYSENTERIE BACILLAIRE ). tous les Culeæ survivants sont disséqués : Traités préventivement : t — 30 zygotes presque mûrs. 1 — 31 — dont quelques-uns mûrs (spo- rozoïtes libres). 1 — 40 — dont le 4/3 est mûr (spor. libres). 1 — 56 — dont la plupart mûrs (spor. libres, mais aucun dans les glandes salivaires) . Chez A Culex 157 zygotes. (Moyenne de 39 par Culex). Traités curativement : 1 — 92 zygotes (spor. libres). 1 — 1 — non mûr. 1 — 60 — au minimum, la 1/2 mûrs. 1 — 27 — 1 seul mûr. 4 — 32 — au minimum, presque mûrs. 1 — 51 — 4/3 mûrs (spor. libres). 1 — 30 — la plupart mûrs (spor. nom- breux dans les glandes sali- vaires.) Chez 7 Culex 293 zygotes (Moyenne de 41 par Culex). Témoins : 4 — 33 zygotes presque mûrs. 4 — 1 — non mûr. 1 — 4 — 4 — 0 4 — 0 Chez 5 Culex 38 zygotes (Moyenne de 7 par Culex). IL — Dans une expérience plus sévère, les Culex étaient mis, dès leur naissance, au régime exclusif d’un sirop préparé avec une solution saturée d’acide citrique. La plupart des Culex succombèrent à la suite de l’ingestion d’une solution aussi forte. Cependant 7 Culex traités ainsi préventivement piquèrent le 24 septembre un Canari infecté. Il en mourut 5 les jours suivants (même régime, température de 21o à 26°); des d ux survivants, l’un fut disséqué le 8 octobre : assez nombreux petits zygotes, et le second le 9 octobre : zygotes clairs contenant encore du pigment, nombreux surtout dans la dernière portion de l’estomac. Ils mesurent 12 fx de diamètre en moyenne. HÉMATOZOAIRES D’OISEAl X 255 Ainsi donc, des doses d'acide citrique capables même de tuer les. Moustiques n'empêchenl pas Révolution du Plasmodium dans leur corps. Il faut donc chercher une autre explication que R acidité des fruits à la non-infection des cas de Schoo. b) Une première atteinte ne confère pas V immunité aux Moustiques. Deux C. pipiens , restant du lot qui avait piqué un Moineau infecté, avaient infecté ensuite un premier Canari neuf, puis un deuxième Canari neuf; ils piquent le 24 septembre un Canari infecté. L*un d’entre eux est disséqué le 1 1 octobre, son estomac porte 4 zygotes de 36 [x, sans trace de sporoblastes, plus 5 débris de zygotes. Le deuxième, disséqué le 12 octobre, contient au minimun 60 zygotes de 35 à 40 (x. Les Moustiques n’acquièrent donc pas l’immunité à la suite d'une première atteinte, dans les conditions ordinaires. Il s’agira à présent de varier ces conditions, pour voir dans quels cas pourrait se réaliser l’hypothèse de A. Celli, de l’immunité acquise des Moustiques vis-à vis du Plasmodium pour expliquer les cas d’ anophélisme sans paludisme. IV infection de « Slegonujia fasciata » par « Plasmodium relictum ». Un certain nombre seulement d’espèces d'Anophélincs sont sensibles au Plasmodium humain. D’autre part, les expériences faites avec le Plasmodium relictum n'ont porté jusqu’ici que sur quelques espèces du genre Culex. Nous avons recherché si le pouvoir infectant de Plasmodium relictum était limité au genre Culex et ne s’étendait pas, par exemple, aux Stegomyia fasciata trouvés dans les mêmes gîtes que les Culex de nos expériences précédentes. Sur 2 Stegomyia fasciata ayant piqué le 21 septembre un Canari fortement parasité, et disséqués le 29 septembre, un n’est pas parasité, mais l’autre porte un zygote bien formé, non encore mur. Les Ciller disséqués en même temps figurent sur les tableaux précédents. Quelques-uns de çes Culex n’ont pas plus d’un zygote, et certains ne sont pas infectés. PI. relictum peut donc parasiter des Moustiques d’un autre genre que les Culex. Le fait est intéressant si l’on songe que les entomologistes ont tendance à éloigner beaucoup le genre Stegomyia du genre Culex. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR B. HÉMATOZOAIRES DES RAPACES NOCTURNES Le grand intérêt qui s’attache aux mémorables travaux de F. Schaudinn 1 sur les générations alternantes, dans le corps de Culex pipiens , de deux Hémosporidies des Rapaces nocturnes, Haemoproteus noctuae , et Leucocytozoon ziemanni , nous a fait entreprendre, en 1904, des recherches de vérification de ces faits nouveaux. Nos premiers résultats ont été communiqués à la Société de Biologie et au 17e Congrès international de zoologie de Berne (1904) 2 . Nous apportons ici la suite de ces travaux. Pour nous mettre à l’abri, autant que possible, des causes d’erreur, nous nous sommes placés sur le terrain expérimental. Les expériences suivantes ont été faites à Alger, à une température oscillant entre 24° et 30°. Les Chouettes ont été gardées, dès le jour de leur arrivée, dans des cages grillagées. Les sujets d’expérience n’étaient considérés comme indemnes qu après deux mois au minimum d’examen à résultat négatif. Les C. pipiens servant à nos expériences sont tous nés au laboratoire, de larves provenant des mêmes gîtes qui nous fournissent des Moustiques depuis 1900. * ‘ * Nous avons examiné en 1906 le sang des Rapaces nocturnes suivants : Plasmodium relictum. Haemoproteus noctuae. Leucocytozoon ziemanni. Filaire. 3 Strix flammen . . . 1 3 » )) 2 Syvnium aluco. . . 2 v> - 1 » 9 Athene noctua ç> . 8 O 2 14 au total 5 13 4 2 t. Generations-und Wirtswechscl bei Trypanosoma und Spirochaete. Arb. a. d. kaiserl. Gesundheitsamte, t. XX, f. 3, 1904, p. 387. 2. C. R. Soc, de Biol, t. LVII, p. 164, 23 juillet 1904, et : Evolution des Héma- tozoaires de YAthene noclua, d’après F. Schaudinn, C. R. du VIe Congrès intern. zool. Berne , 1904, p. 384. HÉMATOZOAIRES D’OISEAUX De plus 17 très jeunes Athene noctua, élevées depuis le moment où elles ont encore du duvet, ne montrèrent aucun parasite. A noter que, commè les années précédentes, nous n'avons pas trouvé Leucocytozoon ziemanni chez Strix flammea , mais seulement chez Athene noctua et Syrnium ahico. LEUCOCYTOZOON ZIEMANNI 1 ESSAI D INFECTION PAR PIQURE DE C. pipieilS NOURRIS SUR CHEVÊCHE INFECTÉE. RÉSULTAT NÉGATIF a) En 1005. Trois Chevêches {Athene noctua ), conservées indemnes, depuis plus de deux mois, sous moustiquaire, sont piquées par des C. pipiens (10 à 12 chaque fois) qui, après avoir sucé du sang de Chevêche à L. ziemanni , ont été nourris trois fois sur des Canaris neufs. Ces Chevêches restent indemnes. ' b ) En 1906. Des C. pipiens nourris sur une Chevêche à L. ziemanni le 14 juillet, puis sur des Canaris normaux le 25 juillet, le 4 août, piquent le 16 août une Chevêche jeune, conservée indemne depuis 32 jours en cage grillagée. Elle reste indemne plusieurs mois. II ESSAI D’INFECTION PAR DES C. pipidlS ISSUS DE MOUSTIQUES NOURRIS SUR CHEVÊCHE INFECTÉE. RÉSULTAT NÉGATIF Une Chevêche, indemne pendant plus de deux mois sous moustiquaire, est piquée ensuite par des Culex nés d’œufs pondus par des Culex nourris sur une Chevêche à L. ziemanni : elle reste indemne jusqu’à sa mort (24 jours après l’inoculation). III ESSAI D’iNFECTION PAR INOCULATION DU TUBE DIGESTIF DE C. pipi 6 US NOURRIS SUR CHEVÊCHE INFECTÉE. RÉSULTAT NÉGATIF a) Inoculation de filtrats des organes broyés de Culex (en raison de Thypothèse de Schaudinn, émise p. 432 de son mémoire, sur le passage au filtre des petites formes). 17 C. pipiens nourris sur une Chevêche à L. ziemanni sont disséqués le 6 septembre 1906, leurs organes abdominaux et thoraciques mis en 17 258 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR suspension dans l’eau citratée, qui est filtrée à travers une bougie Cham- berland F. sous la pression donnée par une poire en caoutchouc. Le filtrat est inoculé sous la peau d’une Chevêche neuve, conservée indemne depuis 1 mois 1/2, le reliquat sous la peau d’une autre Chevêche dans les mêmes conditions. Aucun résultat. b) Témoins. Douze C. pipiens nourris sur une Chevêche à L. zieinanni sont disséqués, à la lin de la digestion, le 8 septembre, et tous leurs organes inoculés à la seringue, sous la peau d’une Chouette conservée indemne depuis 1 mois et demi. Aucun résultat. IV Essai d'infection par inoculation sous-cutanée de spirochètes de C. pipiens. résultat négatif En 1905. Sur 74 C. pipiens ayant sucé du sang de Chevêche à L. ziemanni, on en Fig. I. — Glande de Malpighi de Cale.r pipiens , avec Spirochètes* HEMATOZOAIRES D’OISEAUX trouvé il, à la fin de la digestion, qui ont les glandes de MalpighL bourrées de Spirochètes, (voir fig. I). — Sur US C. pipions et i Stegomyia fasciata ayant sucé du sang de Che- vêche à L. ziemanni , puis du sang de Canari normal, on n’en trouve aucun avec des Spirochètes à la fin de la digestion. — Sur 27 C.pipiens du même élevage, n’ayant sucé que du sang normal de Canari, aucun ne présentait de Spirochètes à la fin de la digestion. — Une Chevêche, indemne pendant un mois sous moustiquaire, reçoit par l’inoculation sous-cutanée à la seringue le contenu des glandes de Mal- pighi infectées de Spirochètes de cinq des G. pipions signalés plus haut. Elle reste indemne jusqu’à sa mort (21 jours après la dernière inoculation). En 1 906. A. Sur 40 C.pipiens nourris sur un Stjrnium aluco, chez lequel on n'a jamais vu, durant sa captivité (3 mois 4/2) de L. ziemanni (un autre S. alueo en a toujours montré), on en trouve trois qui, le 6 septembre, à la fin de la digestion, ont leurs glandes de Malpighi bourrées de Spirochètes en tout semblables à ceux de la fig. 1 et à ceux vus par nous en 100-4 et 4905. Les glandes de Malpighi de ces trois Culex sont inoculées à la seringue sous la peau d’une Chevêche neuve, conservée indemne depuis 1 mois 4/2. Aucun résultat. B. Sur 18 Culex nourris le 22 septembre sur une Chevêche à L. ziemanni rares et H. noctuae nombreux, un seul présente, à la fin de la digestion, en même temps que les fins Trypanosomes dont il sera question plus loin, des Spirochètes. L’inoculation à une Chevêche neuve, conservée indemne depuis 2 mois, ne donne aucun résultat. C. Sur 8 C. pipiens, nourris Je 24 septembre sur une Chevêche qui durant 3 mois 4/2 n’a montré que des Haemoproteus noctuae et des Plasmodium relictum , et jamais des L. ziemanni, un Culex présente, à la fin de la diges- tion, des Spirochètes. L’inoculation à une Chevêche neuve, conservée indemne depuis plus de deux mois, ne produit aucun effet. L'inoculation, à une autre Chevêche indemne, du contenu digestif des Culex ne présentant rien, ne produit pas non plus de résultat. I). Un C. pipiens, nourri sur une Chevêche à H. noctuae , puis sur un Pinson à Haemoproteus , présente à la fin de cette dernière digestion, le 26 sep- tembre, dans son intestin, de nombreux Spirochètes à 2 ou 3 tours de spire lâches (donc bien différents des Spirochètes de la fig. 1). Ces Spirochètes sont inoculés à la seringue sous la peau d’une Chevêche neuve, conservée indemne depuis 2 mois. Aucun résultat. Au point de vue expérimental, les recherches que nous poursuivons depuis trois ans pour la vérification des découvertes de Schaudinn sur les générations alternantes n'ont apporté 260 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR aucun fait venant à l’appui de son opinion sur le rôle de Culex pipiens comme second hôte de Leucocytozoon ziemanni. Au point de vue morphologique, on peut considérer dans la description de Schaudinn : 1° L’évolution del’ookinète jusqu’au stade Spirochète. Nous n’avons pas revu cette évolution; 2° L'évolution des Spirochètes. Ici encore, il faut distinguer, ce que n’avait pas encore pu faire Schaudinn dans sa Note préliminaire: a), les petits Trvpanosomesà forme spirochétienne, qui sont ceux qu’il décrit : b ), les Spirochètes vrais, bactériens. a) Nous n’avons vu qu’une seule fois, chez un Culex nourri sur Chevêche à L . ziemanni en 1905, des corps ressemblant à ceux figurés par Schaudinn. p. 431. fig. 17. sous les lettres d, y et h. Ces corps doivent être considérés sans doute comme des Trypanosomes très fins. b) Les Spirochètes que nous avons observés nous ont tou- jours paru être des Spirochètes vrais, spiralés et mobiles, et les préparations colorées par les modifications de la méthode de Romanowsky ne nous ont jamais révélé chez eux de struc- ture rappelant celle d’un Trypanosome. Ce sont des formes spiralées de 3 à 8 tours de spire assez serrés, de 25 à 30 ^ de long sur 1 jx de large. On les a trouvées très mobiles dans l’intestin moyen de Culex finissant de digé- rer du sang de Chouette infectée, ou de Culex finissant de digé- rer du sang d’Oiseaux neufs, mais nourris auparavant sur une Chouette infectée. On les trouve aussi, immobiles, réunis en énormes quantités dans les tubes deMalpighi de ces Culex. Lors- qu’on écrase ces tubes entre lame et lamelle, dans l’eau citratée, les Spirochètes libérés dans le liquide deviennent mobiles (fig- 2)- Nous avons remarqué que sur 92 Culex nourris sur des Chevêches à L. ziemanni . 12 (soit 13 0/0), montrèrent des Spi- rochètes. Les centaines de Culex (provenant des mêmes gîtes), que nous avons disséqués depuis 1902, ne nous ont pas montré ces Spirochètes. Toutefois, en 1906, se sont présentés les deux cas douteux suivants (voir plus haut) : HÉMATOZOAIRES D’OISEAUX 261 1. Un Syrnium aluco, n’ayant jamais présenté de L. ziemanni à F examen microscopique, est piqué par 10 Culex : 3 ont des Spirochètes. 2. Une Alhene noctua. n’ayant jamais présenté de L. ziemanni , est piquée par 8 Culex : 1 a des Spirochètes. Mais il convient de rappeler que les Syrnium aluco et les Fig. 2. — Spirochètes des glandes de Malpighi de C. ju'piens (photographie). Alhene noctua sont sensibles à l’infection par L. ziemanni et que, d’autre part, le résultat négatif d’examens microscopiques du sang périphérique ne comporte pas, comme conclusion, l'affir- mation de l’immunité de l’animal. Enfin, chez un Culex nourri sur une Chouette à Haemoproteus noctuae et sur un Pinson à Haemoproteus (voir plus haut), nous avons trouvé un autre Spirochète bactérien (à 2 ou 3 tours de spire lâches). Nous avions déjà vu, en 1901, des Spirochètes différents (1,5 à 4 tours de spire lâches, mesurant 8 p., 5 à 17u. de longueur, en moyenne 13p,5)dansle tube digestif d’une larve à’Anopheles maculipennis 1 . 1. C. It . Soc. Biol., t. LX, 10 fév. 1906, p. 291. 262 ANNALES 1)E L’INSTITUT PASTEUR Nous venons de trouver (mars 1907) dans lintestin de larves et de nymphes de Culex pipiens et de larves de Theobaldia spathipalpis , provenant des memes gîtes qui nous fournissent nos Culieides à Alger, de nombreux Spirochètes mesurant de 15 à 25 y- de longueur, et de 5 à 10 tours de spire, ceux-ci parfois déroules. La longueur de l'ondulation mesure 1 g, 7 en moyenne, et son épaisseur 0 g, 8 à lu, 3. Nous rappelons que L. Léger a vu des Spirochètes de 15 à 20 u de longueur et de 4 à 5 courbures, dans l’intestin de larves de Chironomus (C. R. Ac. Sc .y 2 juin 1902), HÆMOPROTEUS NOCTUÆ 1 Essai d’infection par des trypanosomes de C. pipiens ayant piqué DES CHOUETTES A f{. ïlOCtUCie. U N RÉSULTAT DOUTEUX. Sur 28 Culex nourris sur des Chevêches à 11. noctuae , au mois de septembre, et disséqués à la fin de la digestion. 2 pré- sentent dans la dernière portion de leur intestin moyen des Trypanosomes, soit mobiles, soit en boule à l’état de repos, en tout semblables à ceux que nous avons décrits dans des expé- riences analogues citées plus haut, et que nous avons rappor- tés aux formes décrites par F. Scliaudinn. Longueur du corps sans le flagelle : 12 à 13 p., largeur 2 g, 5 à 3g. Dans nos très nombreuses dissections de Moustiques , nous n'avons pas plus retrouvé cette année que les années précédentes, les mêmes Trypanosomes, chez des Culex n ayant pas piqué des Chevêches à H. noctuae. Le contenu intestinal de chacun de ces deux Culex est inoculé àlaseringue sous la peau de deux Chevêches conservées indemnes depuis plus de deux mois. Le sang de l’une de ces deux Chevêches nous montra, 5 jours après l’inoculation, une seule jeune forme endoglobulaire probable d'Haemoproteus : puis nous ne vîmes plus rien. L’autre Chevêche ne montra rien. Témoins : L’inoculation sous-cutanée à trois Chevêches, indemnes, du corps broyé de 26 Culex n’ayant pas de Trypanosomes, ne produisit aucun résultat. 11 Essai d'infection par l’inoculation de corps de Culex ayant piqué des chevxches a H. noctuae (Corps broyés, filtrés ou non fil- trés). Résultat négatif. A. Une dizaine de Culex ayant piqué, le 30aoi'd, une Chevêche à U. noc- HÉMATOZOAIRES D’OISEAUX -t>3 tuae nombreux, sont disséqués à la fin de la digestion, les organes broyés mis en suspension dans l’eau eitratée. qui es! filtrée à travers une bougie Chamberland F. Le filtrat est inoculé à une Chevêche neuve, le reliquat à une autre. Aucun résultat. IL Une vingtaine de Gu le; t, ayant piqué, le 6 septembre, une Chevêche à H. noctuae , sont disséqués, et leurs organes broyés, passés à travers une bougie Chamberland. Le filtrat est inoculé à une Chevêche indemne, qu’il n’infecte pas. La Chevêche inoculée avec le reliquat meurt accidentellement. ISSUE DES GAMÈTES DES HÉMATIES Los H. noctuae adultes entourent complètement le noyau de l’hématie. Nous avons assisté à l’issue des hématies, entre lame et lamelle, de ces formes recourbées sur elles-mêmes jusqu’à fermer l’anneau. On voit les extrémités du gamète, qui se touchent, s’éloigner l’une de l’autre brusquement, le corps se rétracter très vite, en quelques secondes, autour du point central du parasite qui, devenant très gros, luxe en quelque sorte le noyau do l’hématie qu’il accole à l’autre bord de 1 hé- matie, comme le ferait un Plasmodium reUclum. L’hématie éclate alors, le gamète se trouve libre, sphérique, et reste encore souvent accolé au noyau de l’hématie. Le processus entier ne dure que quelques secondes. Pour ce qui concerne Haemoproteus noctuae , nous avions apporté au Congrès de Zoologie de 1904 ce qui nous semblait la preuve cruciale du rôle des Culex dans la propagation de ce parasite. L’étude que nous avons faite de Y Haemoproteus * des Pi geons (voir plus loin), nous ayant montré que des infections à Haemoproteus peuvent avoir chez l’Oiseau une incubation supé- 2G4 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR rieure à un mois, fait ignoré jusqu’à présent, nous sommes obligés de réserver l’interprétation des résultats de nos expé- riences. Cette année nous n’avons pas eu de résultats positifs après l'inoculation aux Chouettes de Trypanosomes (sauf peut- être un cas d’infection légère). Nous ferons cependant remarquer jue dans les très nom- breuses dissections que nous opérons depuis G ans (1900) de Moustiques provenant des mêmes gîtes, nous n’avons trouvé des Trypanosomes semblables à ceux décrits par F. Schaudinn que chez des C. pipiens ayant piqué auparavant des Chevêches, des Effraies ou des Petits-ducs à H. noctuae 1 . Si les Trypanosomes du Culex n’ont pas de rapport avec les H. noctuae , on peut supposer que ceux-ci prennent, dans le corps de l'Insecte, une forme très petite, invisible aux micros- copes ordinaires. Les expériences relatées plus haut n’apportent aucun fait h l’appui de cette idée d’un virus passant au filtre. C. HÆMOPROTEUS CÜLUMBÆ kruse 1892 (= Halteridium = Haemamœba danilewskyi , p. p.) Le second hôte des Hémosporidies du genre Haemoproteus est resté inconnu jusqu’au moment où F. Schaudinn montra révolution, par générations alternantes, de YH. nocluae dans le corps de Culex pipiens. Nous confirmâmes expérimentalement cette découverte en 1904. Mais, nous étant occupés de V Haemoproteus du Pigeon algé- rien, qui est extrêmement fréquent, nous ne pûmes jamais constater son évolution dans le corps des Moustiques algériens qui peuvent piquer le plus souvent les Oiseaux. De semblables résultats négatifs avaient été constatés par nos prédécesseurs, en Italie, et aux Indes (James) 2. transmission par le hynehia maura. Nous eûmes alors l’idée de poursuivre nos expériences, non avec des Moustiques, mais avec des Hippoboscides. communs sur les Pigeons algériens, et que M. le Dr P. Speiser a bien 1. Pour la description de cos Trypanosomes, voir notre précédent travail : VIe Congrès intern. de Zool., Berne, 1904, p. 386. 2. Malaria in India. Sc. memoirs bg tlie off. of the med. and. saint, departm. of the Gooernm. of India, n. s., n° 2, 1902. HÉMATOZOAIRES D’OISEAUX 265 voulu nous déterminer comme Lynchia inaura , Bigot 1885 1 . (Voir : planche VI.) Bigot avait décrit cette espèce sous le nom de Olfersia maura 2 : Antennis castaneis , flavido setosis ; ep (stomate et vertice testaceis, f route fusca , ntrinque nitida : thorace fusco uigro, vix nitente, humer is scutelloque sordide fulvis : abdomine obscure infuscato , segmento 2° apice fulvomargi- nato : ptdibus testaceis , femoribus superne parum infuscatis , wô/ro parce setosis , posticis , externe , /mea tenui, fuseau a, notatis; alis fere hyalinis , mi/s, costali , longitudinal! b us i-4»s, omnitio, 5a, ad transversam lara nigram, uigro tinclis. Les Lynchia maura parasitent surtout les jeunes Pigeons de 15 à 20 jours dont les plumes commencent à pousser. On les trouve fréquemment au nombre de 50 à 60 sur un Pigeon- neau. Ils sont par contre rares sur les Pigeons adultes. Les éleveurs savent que leur grand nombre rend ma- lades et fait maigrir les Pigeons. En particulier les couveuses, agacées par la présence des Mouches, font de brusques mouvements qui cassent leurs œufs. Les Lynchia sont toujours cachés dans le plumage, leur corps aplati leur permet de se glisser sous les plumes. Ils y sont à une température voisine de 42°. Ils s’envolent si les Oiseaux s’ébrouent fortement, ou sont pris à la main. Ils changent d’hôtes facilement. Leur vol est très rapide et rectiligne. Les Lynchia maura paraissent ne pas pouvoir vivre sur d’autres Oiseaux que les Pigeons (voir plus loin l’expérience faite sur des Canaris). Ils meu- rent le plus souvent au bout de 48 heures de captivité loin des Pigeons. La copulation des Lynchia a lieu au repos ou pendant le vol et dure fort longtemps, la femelle écarte les ailes pour permettre l’accès du mâle. La pupe, ovoïde, est pondue blanche, avec une tache noire en forme d’étoile à 6 branches à un pôle. Elle devient complètement noire en une heure. Elle mesure 3 millimètres sur2 millimètres etdemi environ. (Fig. 4.) Elle est pondue dans la poussière sèche des pigeonniers, jamais dans la colombine humide. En cage, les Lynchia recherchent pour pondre les endroits secs, et nous avons trouvé une fois une quinzaine de pupes entassées sur une petite corniche accidentelle d’un des montants de la cage. Dans la criblure de grains dont nous nourrissions nos Pigeons en Algérie, nous avons observé des graines végétales ressemblant à l’œil nu d’une façon frappante à des pupes de Lynchia. La distinction ne pouvait se faire qu’au micros- cope : la surface des pupes est marquée d’un très fin réseau à mailles hexa- gonales qui lui donne l’aspect d’un maroquin écrasé, tandis que la surface des graines est uniformément lisse. (Fig. 5.) 4. Nous devons à l’obligeance de plusieurs propriétaires algériens d’avoir pu nous procurer un grand nombre de ces Hippoboscides. Nous les remercions vive- ment, ici, et en particulier M. Ricci, minotier à l'Agba, et son contremaître M. Verdu, qui a mis le plus affable empressement à nous faciliter nos expériences. 2. Ann. Soc. entomol. de Fr ., f>e série, t. Y., 4885, p. 237. Fig. 4. — Pupe de Lynchia maura fraî- chement pondue. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 2<>G La pupe éclot au bout de 23 à 28 jours, lorsqu’elle est gardée à la tem- pérature du laboratoire (24o à 30°). Des pupes gardées à la température de 42<\ (pii est celle que Ton constate sous le plumage des Pigeons, n'ont pas éclos, dans plusieurs expériences. Les Lynchia maurci sont très souvent parasités par les œufs, les larves et les adultes femelles d’un Sarcoptide nouveau, appelé Myialges anchora par le P»’ Trouessart J. Ce Sarcoptide est plus voisin de ceux qui parasitent les Fig. 5. — Réseau Mammifères que de ceux qui parasitent les Oiseaux, dessiné à la sur- face de la pupe de *** Lynchia maura. Les Pigeons dont nous nous sommes servis proviennent tous du marché de Paris : depuis de longues an- nées, tous les Pigeons achetés par les laboratoires de l'Institut Pasteur se sont montrés indemnes d ’Haemoproleus. Nos Pigeons étaient tenus, de plus, en observation pendant quelque temps, pour que nous puissions nous assurer de leur non-infection. La même cage n’a jamais servi à deux expériences. Toutes les_ cages étaient grillagées. I. Le 20 aoiit 1905, est instituée à Alger l’expérience suivante, avec 3 Pigeons parisiens tenus en observation depuis le 1er février 1905: Dans une première cage grillagée sont placés: un Pigeon parisien indemne, un Pigeon algérien fortement parasité, une quinzaine de Lynchia ; Dans une seconde cage grillagée : un Pigeon parisien indemne, un Pigeon algérien fortement parasité, sans Hippoboseides ; Dans une troisième cage semblable : un Pigeon parisien indemne, témoin. Le 8 octobre, le Pigeon parisien de la première cage montre dans son sang de jeunes Haëmoproteus (de quelques p de diamètre et sans pigment). Les jours suivants, les parasites grossissent et contiennent du pigment à partir du 12 octobre. L'infection continue normale. Les Pigeons parisiens des deux autres cages restèrent indemnes". IL Dans la cage grillagée d’un Pigeon parisien, isolé depuis le 25 octobre 1905, et conservé à Paris dans une étuve à 24», sont lâchés, le 15 novembre, un Lynchia , le 24 novembre, 2 autres Lynchia, ces trois Diptères ayant été prélevés à Alger sur des Pigeons infectés. Le 6 février apparaissent quelques Hasmoprotens dans le sang du Pigeon (infection restée faible). III. Un Pigeon parisien indemne fait le voyage d’Alger à Paris, le 14 novembre 1905, dans une cage grillagée avec deux Pigeons voyageurs infectés et couverts de Lynchia , dont il n’est séparé que par une cloison non étanche. Les Pigeons voyageurs morts pendant le voyage sont quittés par les Lynchia. Le Pigeon parisien montre des Haemoproteus dans son sang, le 23 janvier 1908 (infection faible). L La description de Myialges anchora a paru dans les C. R. de la Soc. de Biologie, t. LXII, p. 443, 16 mars 1907. HÉMATOZOAIRES D’OISEAUX 267 IV. Trois Pigeons parisiens indemnes, isolés depuis le 7 février 1906, dans une cage grillagée, y reçoivent le 13 mai 3 Ly ne Ida et le 14 mai 8 'Lynchia capturés sur des Pigeons algériens infectés [tour la plupart. Les 3 Pigeons parisiens sont reconnus infectés respectivement le 14 juin, le 25 juin et le 9 juillet. V. Le 14 juin 1906, deux Lyncliia pris sur un Pigeon infecté sont mis dans la cage grillagée de deux Pigeons parisiens indemnes : l’un de ces pigeons se montre infecté le 5 août, l’autre le 17 août. VL Le 14 juin, trois Lynchia de la meme origine sont mis dans la cage grillagée de trois Pigeons parisiens indemnes : deux de ces Pigeons se mon- trèrent infectés le 5 août, le troisième ne fut jamais infecté. A noter que les 3 Mouches étaient mortes vers le début de juillet. Peut-être n’ont-elles pas piqué le troisième Pigeon ? Ces dix résultats positifs permettent donc df affirmer le rôle des 44 Lynchia inaura” dans la propagation de ï “ Hæmoproteus ” du Pigeon 1 . Ayant été frappés de la longue incubation (c'est-à-dire du long intervalle entre la piqûre îles Lynchia et l’apparition des gamètes dans le sang périphérique), de tous les cas relatés ci- dessus, nous avons voulu obtenir un chiffre exact. Dans ce but nous avons procédé à l’expérience suivante : VIL Le 14 août, 4 Mouches prélevées sur un Pigeon infecté sont mises dans la cage grillagée d’un premier Pigeon parisien indemne. Le 17 août trois jours après), ces 4 Mouches sont retirées et mises dans la cage d’un deuxième Pigeon parisien indemne, dont elles sont retirées de nouveau 24 heures plus tard. Le premier Pigeon montre dans le sang périphérique les premiers très jeunes Haemoproteus le 20 septembre, et le deuxième, le 24 septembre. L’incubation de l'infection par les Lynchia a donc été chez un Pigeon , de 34 à 37 jours, et chez un autre de 38 jours. Ou peut tirer un autre enseignement de cette expérience. Il est certain que les quatre premières Mouches ont toutes piqué le premier Pigeon indemne, car nous savons qu’un Lynchia vit rarement plus de 24 heures quand il est séparé du Pigeon. Or les Lynchia sont restés 3 jours dans la première cage. On peut donc conclure que des Lynchia qui ont infecté un premier Pigeon , portent encore assez de virus pour en infecter un second . 4 jours après avoir quitté un Pigeon infecté. 11 est vrai que chez le second Pigeon l’incubation a été un 1. Il faut ajouter à ces dix cas positifs ceux qui sont, rapportés ci-dessous. De plus, nous avons encore infecté plusieurs Pigeons, à Paris, durant l’hiver 1906- 1907, avec des Lynchia maura envoyés d’Alger. 268 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR peu plus longue. On peut rapprocher ce durable pouvoir infec- tant de celui dont nous avons montré l’existence, dans ce même mémoire, chez les Culex pipiens infectés par le Plasmodium reïic- tum. * * * Pas de transmission héréditaire de l’infection chez les Lynchia. Nous nous sommes demandé si l’infection est héréditaire chez les Lynchia. \ III. Dix sept Lynchia, éclos de pupes pondues par des femelles sûre- ment infectées au laboratoire, sont mis du 7 juillet au 2 octobre dans la cage de deux Pigeons parisiens indemnes. Ni l'un ni l'autre de ces Pigeons ne fut infecté. Il est donc fort douteux que l’infection des Lynchia passe à leur descendance. * Non-infection des Pigeons par ingestion des Lynchia. Ayant remarqué que les Pigeons infestés de Lynchia les pourchassent à coups de bec, nous nous sommes demandé s’ils pouvaient s’infecter par ingestion de Mouches. IX. Du 20 juillet au 9 août, nous fîmes avaler 33 Lynchia vivants, pro- venant de Pigeons infectés, à un Pigeon parisien indemne, qui ne devint jamais infecté. Ce mode d'infection n'est donc pas probable. * évolution o H aemoprot eus Columbae chez Lynchia maura . On voit assez facilement les ookinètes dans la dernière por- tion de l’intestin moyen de la Mouche, où le sang est en partie digéré, et le noyau des hématies seul encore reconnaissable. L’ookinète mesure de 20 à 23 p. de langueur sur 2 p. 5 à 3 p. de largeur. Le pigment est ramassé dans le tiers postérieur. Le noyau n’est pas tout à fait au milieu, mais un peu en arrière (son épaisseur — 2 p. o, sa distance de l’extrémité antérieure — 10 p., de l’extrémité postérieure = 8 p.). Le mouvement se fait dans le sens de la longueur, la partie pigmentée, comme on Tient de le dire, étant postérieure. Cette ookinète est le plus souvent recourbée : l’aspect te plus fréquent est celui d’une crosse. (Voir Planche VN, fig. 6 et- 7). HÉMATC )Z0 AIRES D’OISEAUX 269 * * Nous n’avons pas réussi à suivre l’évolution ultérieure du parasite chez le Lynchia. Pour nous assurer que les préparations, dans lesquelles le microscope ne nous faisait rien reconnaître, contenait le virus, nous avons institué les expériences suivantes : X. Un Lynchia prélevé sur un Pigeon très infecté est disséqué le 27 juillet, les organes abdominaux et thoraciques sont mis en suspension dans de l’eau citratée (vérification au microscope) et inoculés à la seringue dans la vaine d’un Pigeon parisien neuf. Les premiers très jeunes Haemoproteas se mon- trent dans son sang périphérique le 25 août 1906. Une inoculation intra-veineuse analogue est faite le 5 novembre à 5 Pigeons. Ils sont tous infectés le 3 décembre, et le 22 novembre à un autre Pigeon, qui montre des gamètes le 20 décembre. XI. Le 5 novembre, en même temps que des Pigeons sont inoculés dans les veines avec le brôyage de corps de Lynchia infectés, un autre Pigeon est inoculé sous la peau avec le même broyage. L’infection suit chez lui le même cours que chez les premiers, après une incubation de durée équivalente. Les préparations dans lesquelles nous ne reconnaissions pas une évolution ultérieure des ookinètes contenaient donc un virus inocu- lable au Pigeon . De plus , nous voyons que V incubation de l’infection donnée par le virus inoculé dans les veines ou sous la peau est de 28 ou 29 jours , chez ces 8 Pigeons. On verra plus loin (expériences XII , XIII et XIV r), trois autres cas d’incubation de 28 jours. (Nous devons noter 2 autres cas, en automne 1906, où l’in- cubation a été de 4o jours.) Pour faire suite à l'expérience ci-dessus, nous avons recher- ché si ce virus n’entrait pas dans la catégorie des virus dits invisibles, passant aux filtres : XII. Quatorze Lynchia pris sur un Pigeon fortement parasité sont disséqués le 9 août, leurs organes écrasés et mis en suspension dans l’eau citratée, qui est filtrée û travers une bougie Chamberland F par pression à l’aide d’une poire en caoutchouc. Le filtrat est inoculé dans les veines à un premier Pigeon parisien neuf, le reliquat à. un second et à un troisième Pigeons parisiens neufs. Ce troisième seul se montra infecté le 6 septembre (28 jours d’incubation). XIII. Deux Mouches prélevées sur un Pigeon très infecté sont disséquées le 26 août, leurs organes écrasés mis en suspension dans de l’eau citratée qui est filtrée comme ci-dessus à travers une bougie Chamberland F. Le filtrat est inoculé dans les veines d’un premier Pigeon parisien neuf, le reliquat dans les veines d’un second Pigeon parisien neuf. Ce second Pigeon seul 270 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR montre les premiersjeunes Haemoproteus le 23 septembre (28 jours d’incuba- tion). Jl est donc probable que le virus ne petit pas traverser la bougie Chamberland F (2 filtrats ne sont pas infectants, 2 reliquats sur 3 sont infectants). XIV. Trois essais de filtration à travers des bougies Chamberland spéciales, à débit plus fort que celui des précédentes, furent ensuite faits : le filtrat des corps broyés de 3 Lynchia infectés à travers une bougie spéciale F no 475, fut inoculé à 2 Pigeons. Le filtrat obtenu à travers une bougie spéciale H n° 450 fut inoculé à un autre Pigeon. Enfin une goutte du liquide obtenu par le broyage fut inoculé à un Pigeon témoin. Celui-ci montra au bout de 28 jours de nombreux gamètes dans son sang périphérique. Les trois premiers Pigeons, surtout les deux premiers, montrèrent, au bout de quelques semaines, de petits granules dans leurs hématies, ressemblant à de très jeunes Haemoproteus , mais jamais de gamètes bien caractérisés. Nous avons refait les mêmes expériences avec des bougies Berkefeld. XV. Le 7 septembre, dix Lynchia pris sur un Pigeon infecté sont dissé- qués, leurs organes écrasés mis en suspension dans l’eau citratée qui est filtrée à travers une bougie Berkefeld. Le filtrat est inoculé dans les veines d’un premier Pigeon parisien neuf, le reliquat dans les veines d’un deuxième Pigeon parisien neuf. Le 13 octobre (36 jours d’incubation) de très jeunes formes d 'Haemoproteus, rares, apparaissent dans le sang périphérique du premier Pigeon. (Planche VIL fig. 1). Elles augmentent de volume les jours suivants, en restant rares, puis aucune forme parasitaire n’est vue. On verra plus loin ce que l’on peut penser de ce phénomène L 1. Pendant les quelques jours où nous avons vu de très jeunes Haemopro- teus chez ce Pigeon, nous avons aussi trouvé, dans les mêmes préparations de sang, d’assez nombreux Hevpetomonas (figurés dans la Planche VII fig. 9 et 10). Leur corps, étroit et effilé, est coloré en rose pâle par le Romanowsky et mesure de 17 p à “22 p de longueur, sur 1 p 5 environ de largeur. Le flagelle, également rose pâle, et sans membrane ondulante, mesure de 19 p à 35 p de lon- gueur. Le noyau, allongé, n’occupant pas toute la largeur du corps, mesure de a à 7 p de longueur et est situé à G à 7 p de l’extrémité postérieure du corps. Le centrosome, gros, sphérique, et plus fortement coloré que le noyau, est situé à 3 p. 5 en avant du noyau. Ces Berpotomonas n’ont pas été retrouvés depuis cette époque dans le sang de ce Pigeon ( mars 1907). En raison de leur aspect général, nous nous sommes demandé si ces Herpe- tomonas n’étaient pas des spermatozoïdes, ayant passé dans le sang du Pigeon sous l’in fluence d’une cause inconnue. Nous avons donc coloré par la même méthode des spermatozoïdes de Pigeon, en ayant soin de mettre les spermatozoï- des en contact avec du sang de Pigeon, avant la coloration. Celle-ci laisse les queues des spermatozoïdes incolores, tandis qu’elle colore les flagelles des Hevpe- tomonas. La tète du spermatozoïde mesure en moyenne 17 p. (formes géantes = 27 p.), est colorée d’une façon uniforme par les colorants nucléaires, et, comme on le sait, ne présente pas de pièce moyenne. La queue du spermatozoïde mesure 85 p, tandis que le flagelle de Y Hevpetomonas ne dépasse pas 35 p. HÉMATOZOAIRES D’OISEAUX 271 Le second Pigeon reste indemne. D’autres filtrats obtenus à travers une bougie Berkefeld furent encore inoculés: le 25 octobre à un Pigeon, le 5 novembre à deux autres Pigeons. Au bout d’un mois environ, les hématies présentèrent de petits granules, pendant quelques jours, mais jusqu’en février 1907, les gamètes ne sont pas apparus. En résumé , le virus a passé, une seule fois sur quatre essais , par filtration à travers une bougie Berkefeld. Cet unique résultat positif ne permet de tirer aucune conclusion pour le moment. À noter l’apparition passagère de granules intraglobulaires res- semblant à de très jeunes Haemoproteus , chez les Pigeons inoculés avec des filtrats du virus. *** évolution d’ Haemoproteus Colunibae chez le pigeon. GUÉRISON SPONTANÉE. En raison de la longue incubation de l'infection chez le Pigeon : 28 à 29 jours par inoculation sous-cutanée ou intra- veineuse, 34 à 38 jours par infection par piqûre du Lynchia, nous avons pensé qu'il y aurait lieu de chercher si le virus n’évoluait pas sous une forme particulière dans les organes internes du Pigeon. Cette idée était corroborée par ce fait que Ton ne connaît que des formes sexuées dans le sang périphérique des Pigeons. Nous n’avons encore rien vu dans nos examens miroscopiques, et les expériences suivantes ne nous ont donné aucun renseigne- ment : XVI. — Le 1er septembre, du sang périphérique d’un Pigeon Irès infecté est injécté tel quel dans les veines d’un Pigeon parisien neuf. Le sang du même Pigeon, dilué dans plusieurs fois son volume d’eau citratée, filtré à travers une bougie Chamberland F, est injecté dans les veines d’un second Pigeon parisien neuf : aucun résultat. XVII. — Le même Pigeon infecté étant sacrifié, on inocule la moitié de sa rate dans le péritoine d’un premier Pigeon parisien neuf; l’autre moitié, mise en suspension, filtrée à travers une bougie Chamberland F, est inoculée dans le péritoine d’un second Pigeon neuf : aucun résultat. Les très jeunes Haemoproteus qui apparaissent à l’intérieur des hématies de Pigeons après une si longue incubation ne mesurent pas plus de là2 p. de diamètre. Ils sont de forme Les spermatozoïdes des Lynchia maura ont une tête ressemblant à celle des spermatozoïdes de Pigeon, et une queue beaucoup plus étroite et plusieurs fois plus longue. Il semble donc bien que ces Herpelomonas sont des parasites du Pigeon. Celui-ci a toujours vécu en cage grillagée. 272 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR triangulaire, quadrilatérale ou ronde, et situés en un point quelconque du protoplasma. Trois ou quatre jours après leur apparition, ils ont grandi et mesurent 8 \j. environ dans leur plus grande longueur. Ils commencent alors à contenir du pigment. Leur forme est à ce moment très irrégulière, les bords déchiquetés rappellent parfois l’aspect classique d ’ Haemoproleus noctuae. Ils coiffent parfois une des extrémités de l’ellipse du noyau, au lieu d’être allongés suivant la plus grande dimen- sion de l’hématie, comme les gamètes adultes. Très souvent, plusieurs jeunes formes sont dans une même hématie. Elles pren- nent faiblement la couleur. Les très jeunes formes, colorées, ressemblent beaucoup aux petites formes annulaires du Plas- modium de l’homme : bague bleue à chaton rouge. Les formes moyennes ont le protoplasma coloré par bandes bleues et incolore par places. On trouve tous les intermédiaires jusqu’à l’aspect bien connu des gamètes adultes. Voir Planche VII, fig. 1, 2, 3, 4, 5. fait constant et remarquable : Au fur et à mesure que les jeunes formes grandissent , elles deviennent plus rares dans le sang périphé- rique. C’est à ce phénomène que nous faisions allusion à propos de l’expérience xv. Nous avions vu les jeunes formes assez nombreuses seulement pendant 3 jours, puis ayant dû suspen- dre l’examen pour des raisons indépendantes de notre volonté, nous ne les avons plus retrouvées huit jours plus tard, alors que les formes auraient dû devenir adultes. Dans tous nos autres cas (inoculation de virus non filtré ou piqûre de Lgnchia) les jeunes formes étaient au début très nombreuses ou extrêmement nombreuses, souvent plusieurs dans une hématie, toujours plu- sieurs par champ d’immersion ; dans les huit jours qui suivaient, les formes adultes n’apparaissaient plus quje peu nombreuses ou rares. Dans les mois suivants, les Pigeons étant tenus toujours à l’abri des réinfections, les gamètes devenaient parfois très rares . Il y a ainsi souvent guérison spontanée, le plus bel exemple est le suivant : XVIII. — Un Pigeon inoculé dans les veines le 26 août 1906 avec lè broyage d’un Lgnchia infecté montre les prefniers très jeunes Hacmoproteus HÉMATOZOAIRES D’OISEAUX 273 dans son sang le 23 septembre. Le 23 septembre les gamètes sont presque adultes. Le 5 octobre ils sont adultes, mais peu nombreux, le 23 octobre ils ne sont plus que rares. A partir du 1er novembre jusqu’à notre dernier examen (février 1907) on ne les trouve plus. D’autre part : le degré d'infection d'un Pigeon est généralement en rapport arec le nombre de Mouches qui l'ont piqué ou qu'on lui a inoculées. % SIC- ACTION DE LA QUININE L’observation de la guérison spontanée nous a donné l'idée d’expérimenter l’action de la quinine sur Haemoproteus columbae , dans le but de guérir plus vite les Pigeons. Nous nous sommes servis d’une solution de bichlorbydrate de quinine à 6 pour 1000 dans l’eau distillée (1 c.c. contenant 6 milligrammes de sel), et nous avons voulu connaître d’abord la dose minima mortelle. XIX. — Le 10 août, un Pigeon adulte à Haemoproteus non rares reçoit sous la peau 48 milligrammes de quinine. Le 11, il va bien, les Haemoproteus sont encore « non rares ». li reçoit sous la peau 128 milligrammes. Il meurt en quelques minutes, dans des convulsions. A l’autopsie : organes congestionnés. Avant la mort, l’examen du sang avait montré que le pigment des gamètes était plus dispersé que normalement, leur colorabilité était diminuée. XX. — Un Pigeon adulte, à Haemop. nombreux, reçoit sous la peau les 13, 14, 15, 17 août, 48, 48, 66, 90 milligrammes. Il meurt 20 minutes après cette dernière injection, dans des convulsions. Durant ces 4 jours les Haemoproteus n’avaient pas été influencés par la médication (comparaison avec un Pigeon témoin). Nous avons donc résolu de nous en tenir à la dose de 00 milligrammes, comme étant proche de la dose mortelle. XXL — Un Pigeon reconnu infecté le 5 août a de nombreux Haemoproteus jusqu'au 5 septembre. A cette date, il reçoit sous la peau 60 milligrammes de quinine. Le 10 septembre les parasites sont encore nombreux : 2e injec- tion de 69 milligrammes. A partir du 22 septembre les parasites ne sont plus que rares ou non rares, 3e injection le 22 septembre, 4e le 25 octobre. Les Haemop. subsistant toujours non rares (dernière observation : février 1907). XXII. — Un Pigeon reconnu infecté le 17 août n’a jamais eu que de rares gamètes jusqu’au 10 septembre. A cette date il reçoit pour la première fois 60 milligrammes de quinine sous la peau, à partir du 22 septembre on ne trouve plus de parasites dans son sang. 11 reçoit une 2e et une 3e injection les 22 septembre et 25 octobre. Réinoculé dans les veines avec le broyage du corps d’un Li/nchia le 5 novembre, il montre à partir du 5 décembre une faible quantité de gamètes dans son sang périphérique, et n’en montre plus à partir de fin janvier. 18 274 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR XXIII, — Un Pigeon reconnu infecté le 25 juin 1907 a de nombreux gamètes dans le sang périphérique jusque vers le milieu d’aoùt, ils deviennent alors « rares » « ou « non raresy>. Il reçoit une injection de quinine le 22 sep- tembre (GO milligrammes) une 2e le 25 octobre, le nombre de gamètes ne change pas (février 1907). Son témoin, reconnu infecté le 9 juillet a des gamètes assez nombreux jusque vers le milieu'd’août. Ils deviennent rares à partir de ce moment. A partir du 25 octobre, ils redeviennent assez nombreux- . L’action de la quinine se montre nulle dans les expériences XXI et XXIII. La résistance du Pigeon dans l'expérience XXII peut être attribuée à une propriété individuelle autant qu’à la quinine car nous avons noté plus haut qu’un certain nombre de Pigeons guérissent sans traitement de leur infection. (Voir observations XVIII.) L'expérience XXII nous montre déplus qu’un Pigeon parais- sant guéri de son infection n'a pas résisté à une nouvelle inocu- lation, mais a guéri rapidement de cette deuxième infection . * * & EXPÉRIMENTATION AVEC D AUTHES OISEAUX Nous avons essayé d'infecter des Canaris par la piqûre de Lijnchia ma ura. XXIV. — Deux Li/nchia maura pris sur un Pigeon très infecté sont mis dans la cage grillagée de deux Canaris le 13 août à 5 heures du soir; on les observe à fréquentes reprises. A aucun moment, ils ne se jettent siu* les Canaris; le lendemain une Mouche meurt. Au bout de 24 heures on enlève l'autre Mouche qui ne s’est jamais posée sur les Canaris. Nous pensons que cet exclusivisme des Lyncliia maura impose la conception de la diversité des espèces d’ Haemoproteus qui infectent les différents Oiseaux, si du moins les autres Hippoboscides d'Oiseaux sont aussi exclusifs. En tout cas , il est nécessaire de faire une espèce particulière de H. columbcie. A défaut de la piqûre du Lijnchia , nous avons inoculé à la seringue, sous la peau, un Canari, avec comme témoin un Pigeon : résultat négatif. Dans une autre expérience, une Poule fut inoculée dans les veines: résultat négatif. XXV. — Le 2G septembre deux Mouches prélevées sur un Pigeon très infecté sont disséquées, le broyage est mis en suspension, inoculé sous lapeau d'un Canari neuf. Celui-ci n’est pas infecté. XXVI. - U ne Poule inoculée dans les veines le 5 novembre avec le broyage de L'jnchia infectés n’est pas infectée. Les Pigeons témoins, ino- culés de même, sont tous infectés. HEMATOZOAIRES D’OISEAUX ->■ 75 HAEMOPRO T E US DU MOINEAU PÈLERIN D’ALGERIE Presque tous les Moineaux des campagnes algériennes que nous avons examinés étaient infectés par un Haemoproteus, dont les gamètes sont en général fréquents dans le sang péri- phérique ; la plupart sont infectés aussi par des Plasmodium relictum ( Proteosoma ) et des Pilaires. Nous ne nous occuperons, dans ce qui suit, que do Y Haemoproteus. Les caractères morphologiques de ses gamètes rappellent ceux d ’ Haemoproteus noctuae par la dentelure et l’irrégularité de leurs hords. Nous avons recherché si le second hôte de cet Haemoproteus est le Moustique qui pique Je plus souvent les Oiseaux : Culex pipiens. Quelques expériences ont eu lieu aussi avec le Theobaldia spathipalpis , dont quelques-uns ont piqué une première fois nos Oiseaux, mais jamais une seconde fois. On pouvait chercher si l’évolution hypothétique de Y Haemo- proteus du Moineau chez le Culex suivait l’un des deux modes connus pour d’autres Hémosporidies. A. Comme Plasmodium relictum , les sporozoïtes passant dans les glandes salivaires de l’Insecte environ une semaine après la piqûre (à 22-25°). B. Comme Haemoproteus noctuae , d’après Schaudinn, l’évo- lution de la générat ion alternante n’étant terminée chez l’Insecte qu’après plusieurs « nourritures ». A. Canaris sujets piqués par des Moustiques ayant piqué plus de 8 jours auparavant un Moineau. Résultat négatif . I. — Un Canari neuf est piqué le 22 mai par 58 Culex pipiens ayant piqué le 9 mai (Tl jours avant), un Moineau très infecté, 0 résultat. II. — Un Serin neuf est piqué le 30 mai par 18 C. pipiens ayant piqué le 22 mai (8 jours avant) un Moineau très infecté, 0 résultat. III . — Un Canari est piqué le 7 juin par 22 C. pipiens ayant piqué le 22 mai (16 jours avant) un Moineau très infecté, 0 résultat. IV. — Un Serin est piqué le 25 juillet par 40 C. pipiens ayant piqué le 19 juin (36 jours avant) un Moineau très infecté, 0 résultat. B. Canaris sujets piqués par des Moustiques ayant piqué aupa- ravant : 1° un Moineau infecté , puis 2° un Canari neuf. Résultat négatif. V. — Un Canari neuf est piqué le 7 juin par 36 C. pipiens déjà nourris : 276 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 1° sur un Moineau infecté: 2m sur un Canari neuf (huit jours d’intervalle entre chaque piqûre représentent la durée normale de la digestion). 0 résultat. VI. — Un Canari neuf est piqué le 21 juin par 12 C. pipiens dans ces conditions. 0 résultat. VII. — Un Canari neuf est piqué le 25 juillet par 15 C. pipiens dans ces conditions. 0 résultat. VIII. — Un Canari neuf est piqué le tx sur 5 tx. I) autre part, les caractères culturaux des Trypanosomes des Oiseaux qui ont été cultivés jusqu’ici sont différents de ceux du Trypanosome de l’Hirondelle* : T. avium (Danilewsky, N. etMac-N. emend.) revêt en culture des formes spirochétiennes tout à fait spéciales. T. mcsnili (N. et Mac N.), qui mesure dans le sang 50 ;x sur H [x (dimensions doubles de celles de T. de l’Hirondelle) forme en cultures de très grandes rosaces: le corps entier des Herpe- tomonas est granuleux. T. laver ani (N. et MacN.) a une culture a évolution très lente, le corps entier est granuleux et contient un bâtonnet terminal à l’extrémité postérieure, le centrosome est en avant du noyau. Le type (4) de N. et Mac N. ne contient en culture que de très lines granulations; sa longueur n'est que de 15 a sur 3 (x de largeur. Le type (4 a) des mêmes auteurs ne montre en culture que très rarement des rosaces, son centrosome est très gros (1 tx à 1 [x 3) et le noyau peu volumineux (2 [x). T. paddae (Laveran et Mesnil) montre en culture, d’après Thiroux, des rosaces où les flagelles sont dirigés vers la péri- phérie. Le centrosome est entre le noyau et l’extrémité antérieure. Le Trypanosome de l’Hirondelle se caractérise surtout, dans ses cultures, par les grosses granulations n’occupant en général que la moitié postérieure du corps, le centrosome très rapproché de la partie antérieure du noyau auquel il est souvent accolé, la longueur du flagelle libre, la fréquence des rosaces constituées par un petit nombre d’éléments, et enfin la rapidité de la culture. Ces caractères nous paraissent suffisants pour distinguer le T. de l’Hirondelle des autres T. d’Oiseaux et en faire une espèce nouvelle, pour laquelle nous proposons le nom de Tnjpanosomci mathisi , en l’honneur du I)1’ Mathis, qui a apporté une très pratique modification au milieu de Novy et Mac Xeal pour la culture des Trypanosomes3. 1. Vassal. Sur un nouveau Trypanosome aviaire. C. R. Soc. Biol., t. LA III, 17 juin 05, p. 1014. 2. Voir F. G. Novy et W. J. Mac-Neal : On the Trypanosomes of Birds, Journ. of infect. diseases, I. Il, n° 2, 1er mars 1905, ('I. Thiroux, loc. cit. 3. C. R. Soc. Biol., t. LXI, 8 déc. 1900, p. 530. 280 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Inoculation. La vie des Hirondelles en captivité étant très précaire, nous avons inoculé toute l’eau de condensation d’un tube de culture contenant de très nombreux Herpetomonas , le 23 juin 1906. sous la peau de deux Serins, sans aucun résultat. EXPLICATION DES PLANCHES VI ET VII PL VI. — Lynch ta maur a. Second hôte â’IIaemopr oteu s mlumbae. PL VII. — 1. — Très jeune Haemoproteus columbae , dans le sang du Pigeon. Expérience d’infection par un liltrat. — 2-3- 4-5. — Haemoproteus columbae d’àges croissants. fi-7. — Ookinète de VH. columbae , dans l’estomac du lynchia maur a. — 8. — Globule rouge normal, pour montrer les dimensions de Pookinète. — 9-10. Herpetomonas du sang du Pigeon. Toutes les figures ci-dessus ont été dessinées à la même échelle. 1 1-12. — Trypanosoma mathisi de l’Hirondelle, en culture- Forme ronde et forme effilée. ÉTUDES SUR LA (COMPLÉMENTS) Les expériences que nous allons rapporter datent de diffé- rentes époques; toutefois, la majorité est postérieure à la rédac- tion de notre précédent travail. Depuis ce moment, l’activité du virus G a légèrement fléchi, par suite de réensemencements trop fréquents sur gélose à la pomme de terre; aussi, nous a-t- il fallu forcer les doses inoculées, lorsque nous nous proposions d’éprouver des animaux supposés immuns. IMMUNITE, VIS-A-VIS DU VIRUS C, CONFÉRÉE PAR INO- CULATION UNIQUE DES VIRUS M OU C Nous en avons déjà cité quelques exemples, à propos, notamment, de la morve expérimentale des jeunes cobayes. Voici — avec la fin des observations L\ V et X — le résumé de plusieurs cas nouveaux. 11 s’agit, comme on va le voir, tantôt de jeunes mâles, guéris de l’inoculation intrapéritonéale, tantôt de femelles ayant supporté, sans aucun inconvénient, le même mode d’in- fection ; ailleurs, de sujets chez lesquels le virus, introduit sous la peau, n'a déterminé qu une réaction négligeable ou, tout au plus, très bénigne; dans un dernier cas, enfin, du seul cobaye que nous ayons vu résister à l’injection intrapleurale de 1 centigramme (virus M). On remarquera que les animaux V, X, AD, AG, AH, ont été éprouvés avec succès (AG à deux reprises), alors qu’ils s’étaient montrés hypersensibles aux germes morts. On notera également que, sous l’influence d’une première administration de ces germes morls, pratiquée chez le sujet AE. le virus, latent, s’est « réveillé » — sans grand dommage, du reste. Et ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 282 nous ferons observer, en terminant, qu’ après guérison de l’ino- culation d’épreuve, les cobayes AD et AJ ont réagi constam- ment aux injections sous-cutanées de Mae, jusqu'au moment où Ton a cru inutile de répéter plus longtemps ces injections. IMMUNISATION, PAR LE VIRUS M, CONTRE LE VIRUS C. (U. Suite.) Après 39 jours, 840 grammes ( + 50); on inocule 101 (virus C) sous la peau : abcès local, qui guérit; adénopathie axillaire bilalérale qui disparait, après avoir suppuré à droite (un témoin meurt en 37 jours). (A. B). Un cob. mâle (230 gr.) reçoit, dans le péritoine, 10_1 (virus M) : à droite, forme ectopique, type régressif' — à gauche, f. ectopique, type inguinal, suivie de suppuration et de guérison — très peu d’émaciation (maximum = — 30 gr.). Après 87 jours, le poids ayant atteint 540 grammes (4- 310), on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : réaction normale. Après 22 jours, 560 (+ 20); on inocule 10-2 sous la peau (virus C) : abcès, qui guérit facilement; périostite du tibia droit, qui se résorbe vite; émacia- tion (-400), puis retour à la normale (un témoin meurt en 82 jours : abcès local, qui guérit, adénopathie inguinale correspondante, « orchite métasta- tique » droite, ulcérations scrotales). Après 67 jours, on injecte 1 centi- gnmme Mae sous la peau : réaction normale. (A. C.) Un cob. mâle (230 gr.) reçoit, dans le péritoine, 10'1 (virus M) : à droite, forme éphémère — à gauche, forme ectopique, type inguinal, suivie de suppuration et de guérison — périostite du pied droit, qui se résorbe vite — eschares et pustules scrotales transitoires — pas d’émaciation. Après 200 jours, le poids étant monté à 590 grammes (+ 360), on injecte 1 centigramme Mas sous la peau : réaction moyenne, pas d’émaciation. Après 31 jours, on recommence : memes résultats. Après 39 jours, 640 (+ 50); troisième injection de l centigramme Mas : réaction normale, mais émaciation ( — 100). Après 21 jours, 630 ( — 10), on inocule 10-1 (virus C) sous la peau : nodule local, qui se résorbe (un témoin meurt en 22 jours : abcès local, périostites multiples, double « orchite métastatique »). (A. D.) Un cob. femelle (670 gr.) reçoit, dans la plèvre droite, 1 centi- gramme (virus M) : nodule thoracique allongé, parallèle aux côtes, qui se résorbe lentement. Puis, quelques pustules sur les grandes lèvres. Emaciation moyenne ( — 80). Après 61 jours, le poids étant de 650 ( — 20), on injecte, sous la peau, 1 centigramme M as : réaction violente, pas d’émaciation. Après 34 jours, 800 (+ 150); on recommence : réaction prolongée. Après 66 jours, 880 (+ 80); on inocule 10-2 (virus C) sous la peau (un témoin meurt en 71 jours 1/2) : abcès local, qui guérit; émaciation (—110). Après 77 jours 880 (± 0) : on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : réaction violente, émaciation ( — 120). Après 33 jours, 920 (+ 40); on recommence : réact. viol., émaciation (—160). Après 38 jours. 830 (—90): 3e injection de Mae : réact. viol., émaciation ( — 70). Après81 jours, 730( — 100); nouvelle injection : réact. viol., pas d’émaciation. Après 33 jours, 870 (4- 140); 5e injection de Mae : réact. viol., pas d’émaciation. On juge inutile de continuer et l’observation est arrêtée définitivement. MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE IMMUNISATION, PAR LE VIRUS C, CONTRE LE VIRUS C. 283 (Y. Suite.) Après 60 jours, 4-40 grammes (4- 150); on injecte 1 centi- gramme Mae sous la peau : réaction moyenne. Après 28 jours, 460 (4- 20); on inocule, sous la peau, 10*1 (virus C) : petit nodule, vite résorbé. Après 21 jours, 540(4- 80) ; on injecte, sous la peau. 1 centigramme Mae ; réaction normale. . (X. Suite.) Après 43 jours, 440 (4- 110); on injecte, sous la peau, 1 centi- gramme Mae ; réaction violente. Après 38 jours, 480 (4- 70); on inocule, sous la peau, 10-1 (virus C) : petit nodule qui guérit, après avoir suppuré partiellement; pas d’émaciation (un témoin meurt en 52 jours). (A. E.) Un cob. femelle (210 gr.) reçoit, sous la peau, 105 (virus C) ; petit nodule suppuré, qui guérit rapidement — périostites des deux tibias et dé la main droite, vite résorbées — pas d’émaciation. Après 97 jours, le poids étant monté à 370 grammes (4- 160), on injecte 1 centigramme Mas sous la peau : réaction violente, suivie d’une énorme ulcération qui guérit; périostite du tibia droit, rapidement terminée sans suppuration: pas d’éma- ciation. Après 53 jours, 530 (4- 160); on recommence : réaction normale. Après 19jours, 520 ( — 10); on inocule 102 (virus C) sous la peau : aucun effet local, émaciation modérée (maximum —50). Après 32 jours, 620 (4- 100) ; on injecte, sous la peau, 1 centigramme (virus C) : nodule local, qui s’indure, puis se ramollit et, finalement, se résorbe (un témoin meurt en 18 jours). (A. F.) Un cob. femelle (230 gr.) reçoit, sous la peau, 10-5 (virus C) : petit nodule, qui se résorbe rapidement. Après 87 jours, le poids ayant atteint 420 grammes (+ 180), on injecte I centigramme Mae sous la peau : réaction violente. Après 34 jours, 470 (4- 30) ; on recommence : réaction normale. Après 16 jours, 590 (+ 120); on inocule, sous la peau, 10 1 (virus C) : nodule local, qui se résorbe: adénopathie inguinale correspondante, qui disparait peu à peu (un témoin meurt en 46 jours 1/2). Après 69 jours, 670 (+ 80); on injecte, sous la peau, 1 centigramme Mae : réaction moyenne. Après 29 jours, 670 (=±: 0) ; on recommence : réaction normale. (A. G.) Un cob. femelle (165 gr.) reçoit, sous la peau, 10~3 (virus C); nodule local, qui se résorbe. Après 64 jours, le poids étant monté à 430 grammes (4- 265), on injecte, sous la peau, 1 centigramme Mae : réac- tion violente, pas d’émaciation. Après 25 jours, on inocule, sous la peau, 10~2 (virus C) : nodule local, vite résorbé: peu d’émaciation ( — 40). Après 37 jours, 540 (4- 90): on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : réaction violente. Après 28 jours, 510 (—30): on inocule, sous la peau, 101 (virus C) * petit nodule, vite résorbé (un témoin meurt en 39 jours 1/2). Après 21 jours, 650 (+ 140); on injecte, sous la peau, 1 centigramme Mae : réaction normale. (A. 11.). Un cob. femelle (540 gr.) reçoit, sous la peau, 10-3 (virus C) ; petit nodule, qui se résorbe rapidement — mise bas (2 petits en bon état, qui grandissent ensuite normalement). Après 69 jours, le poids étant monté à 630 grammes (4- 90), on injecte 1 centigramme Mas sous la peau : réac- tion normale. Après 29 jours. 700 (4- 70): on inocule 101 (virus U) sous la peau : nodule qui se résorbe (un témoin meurt en 46 jours 1/2). Après 284 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 38 jours, 730 ( + 30): on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : réaction moyenne. Après 17 jours, 740 ( t- 10); on inocule 1 centigramme (virus C) sous la peau : petit nodule, qui suppure et guérit; pas d’émaciation (un témoin meurt en 13 jours). Après 46 jours, on injecte 1 centigramme Mae sous la peau : réaction normale. (A. I.). Un cob. male (180 gr.) reçoit, dans le péritoine, MH (virus C) : adroite, forme ectopique, suivie de f. scrotale secondaire, avec ouverture et guérison : à gauche, f. ectopique, type régressif — périostite du pied droit, qui se résorbe rapidement. Après 41 jours, 410 grammes (+ 230); on injecte, sous la peau, 1 centigramme Mae : réaction modérée et augmentation de poids. Après 41 jours, 520 (+ 110); on recommence : réaction normale. Après 11 jours, 560 ( + 150) ; on inocule KH (virus C) sous la peau : abcès, qui guérit sans difficulté. Après 34 jours, 570 ( + 10); on injecte, sous la peau, 1 centigramme Mae : réaction normale. Après 26 jours, 580 (+ 10); on inocule, dans le péritoine, 1(H (virus G) : aucun effet (un témoin meurt en 17 jours). (A. J.). Un cobaye mâle (160 gr.) reçoit, sous la peau. 10-3 (virus C) : deux petits nodules (du volume, d’un pois), qui suppurent et guérissent rapi- dement— adénopathie inguinale correspondante, transitoire. Après 44 jours, le poids ayant atteint 280 grammes (+ 120), on injecte, sous la peau- 1 centigramme Mas : réaction violente, sans émaciation. Après 31 jours, 350 {+ 70); on recommence : réaction normale. Après 28 jours, 450 (+ 100); on inocule KH (virus C) dans le péritoine (un témoin meurt en 40 jours) : forme ectopique bilatérale; le testicule droit reprend sa mobilité, le testicule gauche demeure fixé dans l’abdomen; pas d’émaciation. Après 65 jours, 590 (+ 140): on injecte, sous la peau, 1 centigramme Mas : réaction vio- lente et émaciation marquée. Après 126 jours, retour au poids antérieur (590) ; on recommence : réaction violente et émaciation faible. Après 33 jours, 670 (+ 80); 3« injection de Mas : réaction violente et émaciation faible. On juge inutile de continuer et l’observation est arrêtée défini- vement. INOCULATIONS INTRACARDIAQUES DE VIRUS MORVEUX ÉTUDE DE L’ÉCHANTILLON M Toutes nos expériences ont été faites sur des cobayes adultes mâles. Avec la dose 10~2, on n’observe qu’une émaciation légère et transitoire. Avec 10"1, la moitié environ des sujets maigrissent plus ou moins, puis reviennent à la santé. Cette guérison peut n’ôlre qu’apparente et l'injection sous-cutanée de Mae « fai t sortir » alors le virus, cantonné principalement (sinon exclu- sivement) dans le squelette; les cobayes succombent, en effet, après avoir montré des osteo périostites multiples. Il va sans dire que si Ton attendait très longtemps, pour pratiquer l’épreuve par les germes morts, la guérison se révélerait sans doute MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 285 aussi complète que chez le reste des animaux, où elle se double presque toujours d’une immunité facile à mettre en évidence (lorsqu’on inocule, par exemple, 10"1 du virus G sous la peau, les cobayes traités n'offrent qu’un abcès bénin, tandis que les témoins périssent). — L 'autre moitié des sujets contractent la morve généralisée type; la plupart sont enlevés en 11-147 jours (chiffres extrêmes observés), quelques-uns résistent. ÉTUDE DE L 'ÉCHANTILLON C Cobayes mâles adultes. Avec 10'4 et I0"3, on n’obtient qu'un amaigrissement modéré et passager. Avec 10'2, la majorité des animaux ne subit qu’une perte de poids momentanée et acquiert, dans la règle, l’état réfractaire (l’injection sous-cutanée de 10"1 du virus G, par exemple, ne leur donne qu’une suppuration sans importance, alors qu elle tue les cobayes neufs). — La minorité des animaux prend la morve généralisée , sans lésions génitales et guérit le plus souvent; quand la mort survient, elle n’a lieu qu’à la longue et par cachexie, tout signe morbide ayant disparu depuis des semaines. Les sujets guéris sont habituellement immuns. Quand on leur inocule, par exemple, 10 1 (virus C) dans le péritoine, voici ce que l’on observe : les testicules « frottent » et se fixent au sein du scrotum, sans réaction inflammatoire du côté des téguments ; puis, la guérison survient peu à peu et les glandes mâles, mollasses et atrophiées, reprennent leur entière mobi- lité. Les témoins meurent, naturellement, de la façon habi- tuelle. Avec 1 01 , tous les animaux succombent à la morve généralisée type , en 4 1/2 à 45 jours (c. e.), d’ordinaire rapidement. Cobayes femelles adultes. Avec 101, la morve généralisée est également constante, mais la moitié, environ, des sujets guérit ; l'autre moitié périt en 11 1 2 à 95 jours (c. e.). La moindre gravité des inocula- tions intracardiaques chez la femelle ne peut être rapportée qu’à l’absence de lésions génitales, c’est-à-dire à la présence, dans l’onranisme atteint, d'une moindre « masse infectée ». Jeunes cobayes mâles. Nous avons expérimenté, sur des animaux de 150 et 286 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 250 grammes, avec la dose 10 '. Les premiers ont tous suc- combé à la morve généralisée ; mais, dans la moitié des cas environ, celle-ci s’était compliquée de pseudo-tuberculose. Parmi les seconds , la moitié environ a péri de morve généralisée pure et le quart environ de pseudotuberculose associée ; les derniers ont résisté à la généralisation morveuse. On ne sau- rait donc, d’après ces résultats, affirmer que les jeunes sujets soient plus sensibles que les adultes aux inoculations intracar- diaques. Chez tous ces jeunes sujets, nous avons noté l’abon- dance excessive des ostéopériostites , avec localisation constante au niveau du museau ; il se forme là un abcès, souvent volu- mineux, qui rend l’apparence de l’animal tout à fait ridicule. Ajoutons que si les lésions génitales ont constamment fait défaut, elles manquaient aussi, chez les adultes, après inocula- tion de 10-2. SIGNES ET LÉSIONS DE LA MORVE GÉNÉRALISÉE Elle s’annonce, dès le 3e jour, par une éruption pustuleuse , qui prédomine aux oreilles, au scrotum et à la vulve, pour y devenir bientôt nlus ou moins conlluente. Puis, chez le mâle qui a reçu 10"1 des virus M ou C, on note, si la mort n’est pas trop rapide (comme cela peut arriver avec le virus G), la pré- sence d’une induration uni ou bilatérale de Vépididyme. Cette induration peut s’étendre au testicule et la glande mâle contracte, ou non, des adhérences ultérieures avec les bourses. Dans les cas aigus , les animaux maigrissent très vite et ne tardent point à succomber. Dans les cas lents, les poussées pustuleuses conti- nuent à se produire et Ton assiste alors à l’apparition à’ostéopé- riostites multiples, susceptibles d’atteindre tous les points du squelette. Ces ostéopériostites suppurent parfois, mais la réso- lution demeure la règle. Les cobayes, atteints de morve géné- ralisée, guérissent complètement, avons-nous dit, dans un cer- tain nombre de cas, alors même qu’il s’agit de mâles porteurs de lésions génitales ; ailleurs, ils meurent, comme on l’a vu, soit au cours des accidents que nous venons de mentionner, soit après leur disparition (cachexie). A l'autopsie des cas aigus , on observe de la congestion géné- ralisée des viscères et de la dégénérescence graisseuse du foie. De plus, chez les mâles, l’épididyme et parfois le testicule MORVE EXPERIMENTALE DU COBAYE 287 offrent déjà de petits abcès miliaires, superficiels et interstitiels; le musculus testis participe, ou non, à ces altérations. Si la mort n’est pas très précoce, le foie et surtout la rate sont semés de fines granulations. Dans tous les cas aigus , le sang donne des cultures positives. Les types lents se traduisent post morteni , chez le mâle, par une transformation caséeuse ou caséopurulente plus ou moins complète de l’épididyme et, assez souvent aussi, du testicule, avec ou sans lésions du musculus testis. Ils peuvent également se traduire, dans les deux sexes, par des tubercules spléniques et hépatiques, lorsque les sujets ne périssent pas trop tardive- ment. Nous savons que les mâles, qui ont reçu 10'2 du virus C, n’olfrent jamais de localisations génitales. Nous savons aussi que, chez certains mâles, inoculés avec 10"1 du virus M, les localisations génitales guérissent cliniquement; l’autopsie de ces animaux, sacrifiés après leur complet rétablissement, montre que la guérison (‘tait réellement complète. Il est donc établi, par nos expériences, que Y inoculation intracardiaque des virus M et C , à dose suffisante, détermine Y appa- rition d’une épididymite et d’une orchite vraies , lésions que nous n’avons jamais obtenues quand nous injections le bacille mor- veux d’une autre façon. En effet, les « orchites métastatiques ». observées à la suite de l’infection sous-cutanée (peau de l’abdo- men), intramusculaire (muscles de la fesse) ou intrapleurale, ont constamment revêtu les types décrits à propos de T infec- tion intraabdominale. 11 faut donc admettre que ces « orchites métastatiques » devaient leur origine à une migration des germes par voie lymphatique. Nous sommes loin de vouloir contester la possi- bilité d’une migration par voie sanguine, mais nous répétons n’avoir jamais rencontré, ni cliniquement ni à l’autopsie, les altérations qu’un tel mode de transport devrait forcément engen- drer. 11 ressort également de nos recherches que Y inoculation intracardiaque unique de 1 0 2 du virus C constitue un moyen de vac- cination fort efficace , le meilleur peut-être de tous ceux que nous con- naissons; malheureusement, ce procédé d’immunisation n’est pas toujours inoffensif (L’inoculation de 10_1 du virus JVI comporte encore plus de danger). 288 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEïJIl Remarque. — On se demandera, sans doute, pourquoi les animaux mâles, considérés comme réfractaires, ont été éprouvés tantôt par injection sous- cutanée, tantôt par injection intrapéritonéale (de KH — virus C). Ce dernier mode d’infection, très-sévère, a été préféré par noQs dans le groupe de cas où nous estimions que la résistance avait du atteindre son maximum : l’évé- nement nous a donné raison. REMARQUES SUR LA TECHNIQUE DES INOCULATIONS INTRACARDIAQUES. Ensuivant la méthode indiquée par Ch. Nicolle, pas un seul des animaux inoculés n’a succombé durant l'injection. Par contre, il est arrivé, au début de nos recherches, qu’un peu de virus pénétrait dans le parenchyme du poumon gauche, lorsque Ton introduisait l’aiguille — ou dans la cavité du péri- carde, lorsqu’onla retirait. Cet accident ne s’est d'ailleurs produit que o fois en tout. Nous avons été averti, cliniquement, de l’erreur commise par le développement rapide d’une dyspnée intense et les cobayes ont succombé en 2 jours 1/2 à 8 jours (c.e.). A l’autopsie, on pouvait observer, à coté des lésions caractéristiques décrites plus haut, de la splénisa- tion du poumon gauche, avec ou sans pleurésie et péri- cardite concomitantes (3 fois); de la splénisation des deux pou- mons, avec pleurésie (1 fois): ou delà péricardite < 1 fois). Il est curieux de voir que l'injection intracardiaque, mal réussie, d’une quantité donnée de germes, l'emporte d’ordinaire, comme sévérité, à la fois sur l’injection intracardiaque et sur l'injection intrathoracique de la même dose. EXPÉRIENCES D’INFECTION PAR LES MUQUEUSES Si l'on introduit, dans Y estomac de cobayes adultes , à jeun depuis 24 heures, des doses de virus (C) allant de 1 à 2 centigram- mes, les animaux demeurent en bonne santé. Mais, éprouvés après une quinzaine, par injection sous-cutanée de Mae, ils présentent une réaction anormale (habituellement du type violent j et , dans la moitié des cas environ, ceux des germes qui avaient pénétré au sein de l'organisme et qui se trouvaient encore vivants prolifè- rent et manifestent leur développement par des lésions variées, toujours bénignes (périostites et adénites principalement). Si l'on introduit, dans la bouche de cobayes jeunes (130 à MORVE EXPERIMENTALE DU COBAYE 289 250 grammes) ou adultes, non à jeun, 1 -2 centigrammes de virus C, même absence de tout phénomène morbide. Lors de l’épreuve (15 jours après — Mas), les adultes offrent une réaction normale ou prolongée et rien de plus — les jeunes une réaction violente, qui peut être suivie de périostites sans gravité. Ces jeunes animaux, éprouvés ensuite à deux reprises avec les germes morts, se mon- trent d’ordinaire encore hypersensibles la première fois, moins souvent la seconde. Les voies digestives sont donc plus perméa- bles aux bacilles spécifiques chez les jeunes sujets que chez les adultes. Si l’on introduit, dans chacune des narines de cobayes adul- tes, 1/2 centigramme de virus (M ou C), les animaux restent bien portants. Eprouvés au bout d’une quinzaine (Mae), ils offrent une réaction anormale (constante, pour toutes nos observations), mais pas de lésions morveuses. L’infection par les muqueuses équivaut, en somme, à l’in- troduction, dans l’organisme, d’un nombre restreint de germes ; d’où sa bénignité; d’où, également, son inaptitude à créer l’état réfractaire (aucun des animaux, cités plus haut, n’avait acquis l’immunité vis-à-vis des microbes vivants) — Il n’est question, ici, que de V infection non répétée par les muqueuses, la seule que nous ayons étudiée. SÉRUMS NORMAUX ET INFECTION MORVEUSE • (virus c COB. adultes) Tantôt, les sérums ont été mélangés au virus et le tout intro- duit, immédiatement, soit sous la peau, soit dans le péritoine; tantôt, l’injection (intra-abdominale) des sérums a précédé de 24 heures celle (sous-cutanée ou intra-péritonéale) des microbes. Disons, de suite, que les sérums chauffes (1/2 heure à55°)sesont comportés, d’ordinaire, comme les sérums frais; ils leur ont même paru supérieurs lors de l’inoculation sous-cutanée des mélanges S -|- V. SERUM ET VIRUS MÉLANGÉS. Injection sous-cutanée. Nous avons étudié les sérums de cheval, de bœuf, de cobaye, de lapin et de chien. Nos expériences peuvent se résu- mer de la façon suivante. 19 290 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Injection 1-2 c. c. de S -I- KH U. — Les animaux ont toujours résisté1 avec les S. de cobaye et de lapin; pas toujours avec les S. de nœuf et de cheval. Injection de 2 c. c. de S -f- KH U. — Les animaux ont toujours résisté avec le S. de lapin ; pas toujours avec les S. de bœuf et de cobaye; ils ont régu- lièrement succombé avec ceux de chevalet de chien. Injection de 3 c.c. de S + KH V. — Les animaux ont toujours résisté avec les S. de chien et de cobaye ; pas toujours avec le S. de lapin; ils ont cons- t miment péri avec ceux de cheval et de bœuf. On ne saurait formuler, d’une façon satisfaisante, les résul- tats qui précèdent. La résistance individuelle des animaux d’une part et, d’autre part, l’intervention de maladies associées ont rendu, en effet, très difficile l’appréciation exacte de la valeur des sérums employés. Nous aurions pu, il est vrai, multiplier encore davantage nos recherches, pourtant assez nombreuses; il nous a paru que le sujet n’en valait point la peine. Contentons- nous donc de conclure que, d'une façon générale , le sérum de lapin se montre le plus actif de tous; que le sérum de cobaye vient après, suivi (selon les circonstances) de celui de bœuf ou de celui de chien; et que le sérum de cheval est, sans contredit, le moins bon de tous. Ajoutons que Y ovalbumine peut manifester une efficacité indéniable, mais nous avons fait trop peu de recherches avec elle pour pouvoir la comparer étroitement aux sérums . Mentionnons enfin que . parmi les animaux qui ont clinique- ment résisté à l’injection des mélanges S -|- V, les uns n’étaient guéris qu’en apparence, au moment de l’épreuve parles fhicrobes morts, car les germes latents n’ont pas tardé à révéler leur pré- sence sous l’influence de ceux-ci. Un certain nombre des autres sujets, réellement guéris, étaient devenus immuns, comme l’a prouvé la façon dont ils ont supporté l’inoculation sous-cutanée de 1 centigramme du virus C ou l'inoculation intra-abdominale de lu1 du même virus. Inj ection i n t râpé rit on éa le . Les cobayes, auxquels nous avons administré, par la voie* intra-abdominale, 3 c.c. de S (cheval, bœuf, lapin) -f- 10"1 de V, ont toujours péri avant les témoins. 1. Nous appelons, « en bloc », résistance : l’absence totale d’infection: l’appa- rition d'un nodule transitoire, terminé par résorption; et celle d’un petit abcès, aisément curable. 291 MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE SÉRUM, PUIS VIRUS. Nous avons injecte 5 c.c. de S. dans le péritoine et, le len- demain, 10~l de Y soit sous la peau, soit dans l abdomen. Infection sous-cutanée. Elle n’a jamais paru modifiée quanta son intensité (les expé- riences ont été faites presque uniquement avec le S. de lapin). Infecti on inti a péri ton éale. Qu’il s’agît de cobayes mâles ou femelles, et quel que fût le S. employé (cheval, lapin, cobaye), les animaux ainsi traités ont régulièrement succombé avant les témoins. O CONCLUSIONS. Les expériences qui viennent d’être rapportées et celles que nous avons fait connaître dans notre premier travail nous auto- risent à formuler les propositions que voici. L'inoculation sous- cutanée du mélange d'un S. normal et d'une forte dose de virus très actif (10 1 à 10'2 de virus C) est souvent suivie de résistance; T inoculation intrapéritonéale du même mélange se montre au con- traire plus sévère, dans tous les cas, que celle du virus seul. — L’injection intrapéritonéale d’un S. normal, suivie de l’injection intrapéritonéale d une faible dose de virus très actif (10'G de virus C, par exemple), aboutit à la résistance dans un certain nombre de cas (cette résistance peut se voir également avec 10~2 de virus M, peu actif); suivie de l’inoculation intrapérito- néale d’une forte dose de virus très actif (10 1 de virus G), elle conduit, au contraire, à une infection plus grave que celle qu'en- gendre le virus seul. — Enfin, l’injection intrapéritonéale d’un S. normal, suivie de l’inoculation sous-cutanée d’une forte dose de virus très actif (101 de virus G), ne modifie en rien le cours des accidents. Nous savons déjà que, chez le cobaye rnàle, l’injection intra- péritonéale de S. de cheval favorise la production des lésions génitales, dues aux microbes morveux morts. Le cas est abso- lument comparable à celui ou l'on opère avec de fortes doses de microbes vivants et très actifs. Ces fortes doses demeurent, il est vrai, notablement inférieures aux quantités de germes morts employés dans les expériences dont nous parlons; mais il ne faut pas oublier que les germes vivants jouissent, d’une 292 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR part, de leur toxicité maxima et ne tardent pas, d’autre part, à se multiplier loco lœso. L’analogie est donc absolue entre les deux groupes de faits. EXPÉRIENCES DIVERSES, AVEC LES MICROBES MORTS INJECTIONS INTRAPÉRITONÉALES, CHEZ LES JEUNES COB. MALES [Expériences faites avec les bacilles chloroformés .] Nous avons établi, précédemment, qu’il est aisé de reproduire les localisations génitales de la morve en introduisant, dans la cavité abdominale du cobaye mâle adulte, 2 à 3 centigrammes de germes tués (poids sec). Le même résultat s’obtient encore chez les sujets de 230 à 300 grammes, mais il fait régulièrement défaut chez les animaux plus jeunes. Les lésions génitales, dues aux microbes morts, ne peuvent donc être réalisées qu’à partir du 2° mois, époque où nous savons que les cobayes jeunes commencent à se comporter également, vis-à-vis des microbes vivants, comme les sujets adultes. La faible sensibilité de la « vaginale musculaire » dans le jeune âge, que nous avons jadis mise en évidence par des expériences avec le virus vivant, ressort donc, d’une façon encore plus schématique, de ce qui précède. INJECTIONS SOUS-CUTANÉES RÉPÉTÉES (COB. ADULTES) Il nous a paru intéressant de rapporter, brièvement, l’histoire de deux cobayes soumis, depuis le début de juin 1903, à des injections sous-cutanées, réitérées, de Mae (1 centigr.) L’un de ces animaux a reçu, en tout, 11 injections (intervalles : 16-92 jours); la réaction s’est révélée normale à la suite des 5 premières, puis violente après chacune des 4 suivantes, enfin normale derechef lors des 10e et 11e; mais, comme la 11e avait déterminé une émaciation forte et prolongée, l’observation a été arrêtée définitivement, le 3 novembre 1906, au moment où le cobaye avait recouvré la santé. — L’autre sujet, encore en observation et très bien portant, a reçu 13 injections (intervalles : 10-102 jours); réaction normale après les 6 premières; puis, modérée lors des 7e et 8e; enfin, constamment moyenne par la suite. Le premier animal s’est donc montré hypersensible, à la 6e injection, et l est demeuré, localement , jusqu’à la 10e; MORVE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 293 l'influence, exercée par la 11e sur l’état général, prouve que le sujet avait conservé jusqu’à la fin un haut degré d intolérance vis-à-vis de Mae. — Le second cobaye s'est montré hypersensible, à la 7e injection, et l’est encore aujourd’hui; son état général n’a jamais cessé d’être excellent. Les deux observations qui précèdent tendraient à faire croire qu’il existe un rapport inverse entre la réaction locale et la réaction générale. Nous avons dit ailleurs, nous basant sur de nombreuses expériences, qu’un tel rapport n’offre rien de constant. INJECTIONS INTRAVEINEUSES, INTRACARDIAQUES, INTRACÉRÉBRALES Injections intraveineuses (cob. adultes). [ Microbes chauffés (humides).] 3 centigrammes déterminent une mort rapide, avec hémopéritoine fréquent ; 2 centigrammes tuent, en quelques jours, sans lésions spéciales; 1 centigramme est habituellement bien supporté (émaciation transitoire). Injections intracardiaques {cob. adultes). [. Microbes chauffés (humides).] 3 centigrammes tuent très vite, avec hémopéricarde ; 2 centigrammes amènent généralement la mort en moins de 2 heures, avec hémopéritoine fréquent et quel- quefois hemothorar; 1 centigramme peut faire périr les animaux en 1 à plusieurs jours. [Microbes traités par V alcool- éther (secs).] Mêmes résultats, à dose, naturellement, 5 fois moindre. Les injections intracardiaques sont donc incontestablement plus sévères que les injections intraveineuses, sans parler de rhémopéricarde, qui accélère la terminaison mortelle dans le cas d’introduction de doses massives. Injections intracérébrales {cob. adultes et jeunes). [. Microbes traités par V alcool-éther (secs).] 1-2 milligrammes tuent les animaux adultes dans la nuit; 2 milligrammes tuent les jeunes sujets en quelques heures. INGESTION Cantacuzène et Riegler ont observé que si l'on porte direc- tement, dans l’estomac du cobaye, des bacilles morveux tués 291 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR par l’alcool absolu, on provoque, selon la dose administrée, soit la mort rapide ou lente des sujets, soit leur hypersensibi- lité vis-à-vis d'une nouvelle ingestion trop précoce. Nous avions fait antérieurement, de notre côté, les expériences qui suivent, avec des germes exposés aux vapeurs de chloroforme, germes dont la toxicité (rapportée au poids des microbes humides) se montre absolument équivalente à celle des bacilles traités par l’alcool, lors des injections sous-cutanées, intramusculaires et intrapéritonéales. Or, ces germes peuvent ctre introduits, sans aucun inconvénient immédiat ou consécutif, dans l’estomac de cobayes adultes à jeun depuis 24 heures — et cela, non seule- ment une fois, mais encore 2 et 3 fois au moins (à 7 jours d’in- tervalle) — sous la masse de 50 centigrammes (poids humide). On peut également administrer, sans aucun danger, 4 fois de suite au moins (à 2 jours d’intervalle 50 centigrammes des mêmes bacilles ( humides) chez les cobayes adultes et 25 chez les jeunes sujets (150 à 250 gr.), en déposant les microbes morts sur la base de la langue. Les animaux, éprouvés quinze jours après, par injection sous-cutanée de Mas, se comportent d’une façon différente suivant leur âge. Tandis que les adultes offrent les réactions normale ou prolongée, les jeunes présentent les réactions violente ou moyenne. Que le virus morveux administré soit vivant ou non, la muqueuse digestive se montre donc plus perméable à son endroit dans le jeune âge que dans l’àge adulte. Paris, janvier 1907. RECHERCHES SUR (Avec les pl. VIII et IX.) Par MM. LEVAD1TI et MANOUÉLIAN (Travail (lu laboratoire de M, le professeur Metchnikoff ) Dans notre mémoire concernant l’histologie pathologique de la spirillose des poules, paru dans ces Annales 1 , nous annon- cions des recherches déjà en cours se rapportant à l’étude de la septicémie que provoque chez le singe, la souris et le rat, le spirille de la Tick-fever. Nous apportons aujourd’hui les résultats fournis par ces recherches, en particulier ceux qui ont trait à l'histologie pathologique de cette septicémie, à 1 1 morphologie de ce spirille et au mécanisme de la crise qui marque la fin de l’infection 2. ■Sfr Le virus dont nous nous sommes servis a été mis obligeam- ment à notre disposition par MM. les professeurs Koch et Wassermann de Berlin ; il avait été recueilli dans l’Est afri- cain par M. Koch 4 chez des malades atteints de la fièvre récurrente, rencontrée dans ces régions par Brückner et par Werner La conservation de ce virus a été réalisée soit à l’aide des tiques qui transmettent la maladie ( Ornithodoros rnou- bata)> soit par des passages successifs pratiqués chez la souris. La première des semences que nous avons eues à notre dispo- sition, injectée sous la peau ou dans le péritoine des souris, des rats et des singes (Macacus ctjnomolgus) , ne provoquait jamais la mort de ces animaux. L’inoculation était suivie d’une abondante pullulation des parasites dans la circulation générale, et la maladie qui, chez le singe, s’accompagnait d’une élévation de température, se terminait par une disparition critique des 1. Levaditi et Manoüélian, ccs Annales , juillet 1900, p. 093. 2. Nos principales constatations ont été déjà publiées autre part. (C. R. de lu Société de Biologie, S décembre 1900.) 3. Nous prions ccs messieurs de recevoir ici le témoignage de notre vive gratitude. i. R. Koch, Deutsche mei. Woch, 25 novembre 1905. 5. Werner, Arch. fur Schiffs-u. Tropen-Hggiene , vol. X, I90G. ANNALES L)E L’INSTITUT PASTEUR 296 spirilles de cette circulation 1 . La crise survenait habituellement le 3e ou le 4 e jour après l’inoculation du virus. Un second virus, reçu plus tard, s’est montre sensiblement plus actif que le précédent. La souris envoyée de Berlin présentant une infection mixte provoquée par le spirille de la Tick-fever et par un trypanosome (espèce non déterminée), nous avons commencé par nous débarrasser de ce trypanosome, ce qui nous a été possible grâce aux précieux conseils de M. Mesnil. En injectant aux souris 1/2 c. c. par 20 grammes d’une solution à 1 0/0 d’atoxyl, nous avons fait disparaître les trvpanosomes du sang, et comme malgré ce traitement, les spirilles ont persisté et ont continué à se multiplier dans la circulation générale', nous avons ainsi purifié notre virus. En réalisant à l’aide de ce virus des passages fréquents chez la souris, nous avons constaté, au bout d’une dizaine d'inoculations, une exagération manifeste de son activité. Cette exagération s’est traduite par une prolifération plus active des parasites, par une prolongation de la durée de la maladie et, le plus souvent, par la mort des souris infectées. Si l’on a soin de se servir de petits animaux et d’inoculer dans la cavité péritonéale quelques gouttes d’un sang très riche en spirilles, on constate que les souris, dont le sang montre des parasites dès le lendemain de l’injection, succombent le 4e, le 5e et même le 6e jour : la crise est totalement absente dans ces conditions. Des expériences souvent répétées nous ont montré que l’issue mortelle de la septicémie à spirilles dépend en grande partie de la quantité du virus inoculé. Ainsi, la maladie nous a semblé être moins grave lorsque les animaux étaient infectés avec du sang pris chez des souris injectées depuis peu et dont la richesse en spirilles n’était pas trop considérable. Ajoutons que chez le rat, la septicémie spirillienne évolue plus rapidement que chez la souris, et qu’elle ne provoque jamais la mort de l’animal. * Sfr îfc La méthode dont nous nous sommes servis au cours de ces recherches est la suivante : Les animaux, souris, rats ou singes, étaient infectés par voie sous- 1. Nos animaux étant sacrifiés sitôt la crise finie, nous n’avons pu étendre notre étude aux rechutes signalées par M. Koch (toc. cit.). SPIRILLE DE LA TICK-FEVER 297 cutanée ou intra-péritonéale et sacrifiés à divers moments de l’infection, ainsi qu’à des intervalles variables après la disparition critique des spirilles du sang. Les organes étaient fixés par le formol (10 0/0) ou par le sublimé à alcool acétique de Gilson. Nous avons utilisé, pour la mise en évidence des spirilles sur coupes, la méthode à l’argent-pyridine que nous avons recom- mandée pour l’étude du Treponema palluhim dans les tissus syphilitiques1. Cette méthode est excellente si l’on désire préciser la distribution des para- sites dans les divers organes ; mais, lorsqu’on veut rechercher les détails des spirilles de la Tick-fever inclus dans les phagocytes, on s’aperçoit de l'insuffisance des résultats qu’elle permet d'obtenir. Aussi avons-nous modifié ce procédé en traitant nos pièces de la façon suivante : 1° Des petits fragments d’organes (environ 1 millimètre d’épaisseur), préalablement fixés au formol et durcis pendant une heure à l’alcool à 95«, sont lavés à l’eau distillée, jusqu’à ce qu’ils tombent au fond du récipient; 2° On plonge ces fragments dans une solution de tanin à 1 0 0 additionnée d’une quantité suffisante de pyridine pour que le mélange, d’abord trouble, devienne complètement transparent. Les pièces sont maintenues dans ce bain de tanin-pyridine pendant un quart d’heure à 50 degrés ; 3° Lavages répétés à l’eau distillée; 4° Les fragments sont ensuite introduits dans un llacon contenant une solution de nitrate d’argent à 1 0/0. additionnée de 10 0/0 de pyridine et maintenus à 50° pendant une heure ; 5° On lave à l’eau distillée et on réduit à l’aide d'une solution d'acide pyrogallique à 4 0/0 à laquelle on ajoute une quantité suffisante de pyridine pour que le mélange devienne complètement clair. La réduction s’effectue au bout de quelques minutes déjà ; 0° Lavage à l’eau distillée, alcool, xylol, paraffine et coupes. Coloration double au rouge neutre combiné au bleu de méthyle. Grâce à ce procédé dont la nouveauté consiste dans le mordançage préalable des pièces au tanin, nous avons pu mettre en évidence avec une extrême aisance les spirilles inclus dans les phagocytes, et nous avons précisé certains détails morpho- logiques sur lesquels nous insisterons au cours de ce mémoire. * L’examen microscopique des organes prélevés sur des ani- maux sacrifiés en pleine évolution de la spirillose, montre que le spirille de la Tick-fever a une préférence marquée pour le système vasculaire, à l’intérieur duquel il se développe active- ment. Ce spirille se comporte donc, à ce point de vue, comme le Spirillum obermeyeri et le Spirillum gallinarum découvert au 1. Levaditi et Manouéliax, C. R. de la Société de Biologie, vol. XL, page 134. 298 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Brésil par Marchoux et Salimbem 1 . Malgré le soin particulier que nous avons mis à l’étude de nos coupes, il nous a été im- possible de découvrir des rapports intimes entre le spirille de la Tick-fever et des éléments cellulaires autres que les phagocy- tes. A aucun moment de l’évolution delà maladie, ce parasite ne s’attaque aux cellules glandulaires, ne pénètre dans le proto- plasma de ces cellules. Quoique l’abondance des microorga- nismes spirillés contenus dans le foie devient par certains moments considérable, ces microorganismes restent cantonnés dans le réseau des capillaires sanguins et ne font qu’effleurer les épithéliums hépatiques. Le fait que le spirille de la Tick-fever ne pénètre pas dans le protoplasma des éléments nobles chez les animaux d’expé- rience est intéressant, si on le rapproche des constatations publiées par Bertarelli 2 se rapportant à la topographie du Spirillum obermeperi dans les tissus des individus ayant suc- combé au cours de la fièvre récurrente. Ce savant, se servant de la méthode à l’argent, aflirme avoir décelé dans le proto- plasma de cellules spléniques et des épithélums hépatiques, des spirilles facilement reconnaissables, mais dont la forme était plus ou moins modifiée. Rappelant les constatations analogues faites par l’un de nous3 dans le foie, les capsules surrénales, les glandes sudoripares et le poumon des nouveau-nés hérédo- syphilitiques, où l’on remarque la présence du Trepone)na pallidum dans le protoplasma cellulaire, Bertarelli insiste sur le rapprochement qu’il y aurait à faire entre le spirille de la fièvre récurrente et ce tréponème. Néanmoins, tenant compte des restrictions que nous avons formulées à propos de l’existence intra-cellulaire du microbe de la syphilis, Bertarelli se demande si le phénomène dont il est question, n’est pas une manifes- tation préagonique, et si l’invasion des (déments anatomiques par les spirilles d’Obermeyer n’est pas due à la faible vitalité de cellules s’acheminant vers la mort. Nos recherches entreprises avec un spirille très rapproché, sinon identique au parasite de la récurrente, ayant été faites 1. Voir notre mémoire déjà cité. 2. Bertarelli, Rivista d'Iqiene, vol. XVII. Cbt. fur Bakterioloqie, vol. XLT, 1906, fasc. 4. 3. Levaditi, ces Annales , vol. XX, 1906, p. 4. SPIRILLE DE LA TICK-FEVER 290 sur (les animaux sacrifiés en pleine infection > permettent de trancher définitivement cette question. Il est hors de doute pour nous, que le spirille de la Tick-fever est un microorganisme qui pullule exclusivement dans le torrent circulatoire et qui n’en- vahit à aucun moment le protoplasma cellulaire. Il ne saurait donc être question d'un stade intra-cellulaire dans V évolution de ce spirille chez les animaux infectés. Si l’existence de spirilles inclus dans les cellules chez les hommes morts de fièvre récurrente est sûrement un phéno- mène prémortel, il n’en est pas de même de la pénétration du Treponema pallidum dans le protoplasma des divers élé- ments glandulaires. En effet, il résulte des recherches entre- prises par l’un de nous (Levaditi) en collaboration avec Sau- vage 1 , que cette pénétration peut être mise en évidence sur des préparations fixées à un moment où les tréponèmes sont encore vivants et très mobiles, et où les cellules paraissent avoir gardé toute leur vitalité. Ainsi, chez un enfant dont on a pu prélever des fragments d’organes très peu de temps après la mort, il a été possible de déceler un grand nombre de tréponè- mes dans le protoplasma des cellules du foie et de rares para- sites inclus dans les ovocytes. C’est surtout la disposition des tréponèmes dans les ovules provenant de ce nouveau-né hérédo- syphilitique qui nous a convaincus du caractère vital de cette pénétration des parasites de Schaudinn et Hoffmann dans le corps cellulaire. Ainsi, si l’on examine de près les ovocytes renfermant des tréponèmes, on remarque que le plus souvent ces tréponèmes sont emprisonnés dans des vacuoles protoplasmi- ques, très probablement remplies de liquide Ceci prouve que les microorganismes spirilles, après avoir envahi le protoplasme ovulaire, ont provoqué une réaction de la part de la cellule, réaction dont l’existence serait difficile à expliquer, si l’on admettait que la cellule était morte ou qu’elle s’acheminait vers la mort lors de la pénétration des tréponèmes. D’ailleurs le Treponema pallidum n’est pas le seul représentant de la famille des spirilles qui soit capable de pénétrer dans le corps des cellules glandulaires. Le Spirillum gallinarum . qui d’après nos recherches, vit exclusivement en dehors des élé- !• Levaditi et Sauvage, C. R. de l'Académie des Sciences, séance «lu 15 octobre 1906. 300 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ments cellulaires chez les poules adultes et chez les poussins, s’insinue dans le protoplasma des cellules hépatiques chez les embryons de poulet infectés par inoculation du virus dans l'œuf (Levaditi *). Il résulte de là que L’envahissement du protoplasma des éléments cellulaires nobles par les microorganismes spirillés est un fait réel, mais qui ne se rencontre pas chez toutes les espèces de spirilles étudiées jusqu’à présent. Le phénomène doit dépendre d’une infinité de circonstances, parmi lesquelles les plus importantes nous semblent être les dimensions du parasite et sa mobilité d’une part, le degré de la résistance opposée par les cellules d’autre part1 2. L’énorme abondance de spirilles contenus dans le système vasculaire, ainsi que la facilité avec laquelle ces spirilles se laissent imprégner par l’argent, nous a permis de préciser sur coupes, le mécanisme de la division des parasites, de même que l’état où ils se trouvent dans le plasma circulant. Pour ce qui concerne le premier point, malgré l’examen attentif de nos préparations, il nous a été impossible dé décou- vrir des formes pouvant plaider en faveur d’une segmentation longitudinale des spirilles de la Tick-fever. La disposition en V rencontrée assez rarement d’ailleurs, ne saurait être considérée comme un indice de segmentation longitudinale ; elle est due au fait que deux spirilles se sont réunis par l’une de leurs extrémité, par suite de l’agglutination de leurs cils terminaux, cils dont l’existence a été mise hors de doute par les recherches entre- prises par Zettnow 3 à la suite de celles de Borrel4. Par contre, plus d’une fois nous avons décélé dans les vaisseaux des spirilles disposés longitudinalement et réunis par un très mince filament prêt à se rompre. Cette particularité, déjà rencontrée chez le Spirillum gallinarum, plaide plutôt en faveur de la division de nos spirilles par voie de segmentation transversale. Le qui nous le fait croire, c’est en outre de cette disposition spéciale, la nature bactérienne des spirilles de la Tick-fever , rendue très probable 1. Levaditt, ces Annales, vol. XX, novembre 1906, p. 924. 2. Nous attirons l’attention sur le fait que c’est exclusivement chez le nouveau-né et les embryons que l’on a révélé la présence intra-cellulaire des parasites spi- rillés. Gela doit dépendre de ce que chez les êtres incomplètement développés, les cellules sont moins résistantes que chez les adultes. 3. Zettnow, Deutsche medic. Woch , 8 mars 1906, p. 376. 4. Boiikel, C. R. de la Société de Biologie , vol. LX. p. 138, 1906. SPIRILLE DE LA TICK-FEVER :m par la découverte de nombreux cils disposés le long de ces spirilles. Pour ce qui a trait à la disposition des spirilles dans la lumière des vaisseaux, nos recherches nous ont conduits à admettre que si, dans les cas d’infection légère, ces parisites se meuvent librement dans le plasma, par contre, lorsqu’il s’agit d’animaux dont le sang est extrêmement riche en microorga- nismes spirillés, ceux-ci sont pour la plupart accolés les uns aux autres, pour constituer des amas plus ou moins considérables. Cette constatation nous semble intéressante. L’agglutinaton des spirilles de la septicémie des poules est un fait constant, si l’on a soin d’examiner le sang à des moments proches de la crise, et cependant l’étude histologique nous a montré que in vivo , la plupart des parasites circulent librement dans le plasma ou ne sont que très légèrement accolés les uns aux autres. Comme d’autre part, l’un de nous *, en suivant longtemps sous le micros- cope le sort des a nas qui abondent dans les préparations fraîches de sang provenant de poules atteintes de spirillose, avait cons- taté que ces amas disparaissaient au bout de quelques minutes et que les spirilles devenaient libres, nous avons conclu que l’ag- glutination du Spirillum gallium- uni est un phénomène qui appa- raît in vitro et seulement in vitro. Or, les choses ne se passent pas de la même manière avec le spirille de la Tick-fever. Ici, nous avons révélé un parallélisme presque absolu entre l’agglu- tinabilité des parasites dans les préparations fraîches et celle des spirilles contenus dans les vaisseaux (PL VIII. fîg. 4;, de sorte que, à ce point de vue, il y a lieu de faire une séparation bien marquée entre la septicémie causée par le spirille de Mar- choux et Salimbeni et celle qui est provoquée par l’agent patho- gène de la Tick-fever. L’étude histo-pathologique de la septicémie spirillique des poules nous a montré que le Spirillum gallinat um est incapable de provoquer des lésions grossières des organes chez les animaux adultes; ce n’est que chez les embryons de poulet infectés par injection du virus dans l’œuf, que ce spirille engendre des alté- rations visibles à l’œil nu, en particulier des nécroses du foie2. Il n’en est pas de même du spirille de la Tick-fever , lorqu’il 1. Levaditi, ces Annales, mars 1904. 2. Levaditi, ces Annales, vol. XX, novembre 1906, p. 924. 302 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR évolue chez un animal très sensible, tel que la souris, par exemple. En effet, injecté à des doses massives et dans la cavité péritonéale de cet animal, ce spirille est parfois capable d engendrer des altérations hépatiques étendues, se traduisant macroscopiquement par des taches jaune grisâtre, répandues sur toute la surface du foie et, microscopiquement, par des nécroses insulaires du tissu glandulaire, riches en leucocytes polynucléaires altérés. Voici d’ailleurs les données expérimen- tales et microscopiques se rapportant à cette question : Au début de nos recherches, malgré l’infection des souris par une assez grande quantité de virus, il nous a été impossible de découvrir des lésions manifestes des organes, sauf peut-être dans quelques cas. une infiltration mononucléaire disposée autour des vaisseaux hépatiques. Ce n’est que plus t ard, lorsque nous avions déjà réalisé un grand nombre de passages de notre virus par l'organisme de la souris, que nous avons observé les altérations hépatiques dont il vient d’être question. Ces altérations font leur apparition le ou le 4e jour après le début de l’expérience et sont loin d'être constantes. Sur un lot fie 5 animaux, par exemple, inoculés au même moment avec la même dose de sang riche en spirilles, deux seulement peuvent offrir des lésions hépatiques, et cette proportion varie d’une expérience à i’autre. Somme tonte, il nous à semblé que la genèse de ces lésions est sous la dépendance de la quantité de virus inoculé et que sa fréquence est propor- tionnelle à la durée de l’infection. En tout cas, ce n’est que chez les souris injectées dans le péritoine que nous avons vu se produire ces modifications dans la structure du foie. Les coupes de foie, examinées à un faible grossissement (coloration au Giemsa ou au bleu de Unna (PI. IX, fig. 1). montrent des foyers circonscrits, sans orientation précise, se détachant en clair sur le fond bien coloré du tissu. Autour de ces foyers, on remarque des vaisseaux gorgés de sang et qui sont, par place, obstrués par des thrombus leucocytaires. X un fort grossissement, on remarque que, au niveau de ces zones incolores, les éléments glandulaires sont totalement nécrosés, leur protoplasma coagulé et comme vitreux, leurs noyaux réduits à l’état de fragments. Sur des prépara- tions imprégnées à l’argent et colorées en vert lumière et au rouge neutre. (PI. IX, fig. 2) on retrouve la même nécrose en foyer du tissu hépatique (n) et en plus, on décèle une accumulation des spirilles autour des zones nécrosées (s). Malgré la destruction des cellules du foie, ces spirilles ont gardé intacte leur propriété de retenir l’argent. Ils sont logés dans les capillaires qui sillonnent ces zones nécrosées, et sont répendus parmi les nombreux leucocytes polynucléaires qui remplissent ces capillaires. Intéressant est le fait que les vaisseaux sanguins qui sont autour et au centre des foyers nécrotiques sont très distendus et thrombosés, l’obstacle qui obstrue la lumière de ces vaisseaux étant constitué par un réseau de fibrine SPIRILLE DE LA TICK-FEVËR 303 emprisonnant dans sesmailles des leucocytes et de vrais paquets de spirilles. Ajoutons à cela que sur certaines coupes, les cellules hépatiques sises au voisinage immédiat des zones nécrotiques, montrent une prolifération de leurs noyaux (amitose) aboutissant à la formation de cellules géantes PL IX, fig. 2, cg). En présence de ces constatations, il y a lieu de se demander si les altérations hépatiques qui viennent d’être décrites sont dues à une action directe exercée par les spirilles de la Tick- fever sur les éléments glandulaires, ou Lien ces altérations sont- elles secondaires et détei minées par l'obstruction de certains vaisseaux du foie? Sans nier la possibilité dune influence nécrotisante due à l’intervention de certains produits solubles sécrétés par les spirilles, nous pendions plutôt à admettre la seconde de ces interprétations. A la suite de la thrombose provoquée par P accumulation de paquets de spirilles et de leucocytes en certaines régions du réseau vasculaire, il se produit une do^Sruction nécrobiotique des éléments hépatiques, cependant que les spirilles s’accumulent et prolifèrent autour de ces foyers nécrosés. Quoi qu’il en soit, il nous a semblé intéressant d’insister sur ces modifications histologiques causées par le spirille de la Tick-fever, modifications dont la ressemblance avec certaines lésions apparaissant au cours de la fièvre récurrente est frappante. * La destruction, par voie de phagocytose, des spirilles de la fièvre récurrente au cours de la crise qui met fin à l’accès fébrile, a été mise en évidence par Metchnikoff *, dès 1807. Malgré les travaux de Gabritchewsky 1 2, tendant à reléguer au second plan Tinter vention des phagocytes dans l’épuration microbienne de l'organisme et à attribuer aux qualités spirillicides des humeurs le rôle principal dans le mécanisme de la destruction des spirilles, la plupart des auteurs (Bardach 3, Cantacuzène 4 5, Levaditi et Manouélian qui ont étudié cette question en se servant d’autres spirilles que ceux de la fièvre récurrente, se montrent partisans de la façon de voir de Metchnikoff. 1. Metchnikoff, Virchow-s Ai'chiv, vol. 100, 1 807. 2. Gabritchewsky, ces Annales . vol. X, n° 11 : vol. XI. n° 3. Cbt fur Bakterio- logie vol. XXIII, nos 9-18; vol, XXVI, r.0ii 40, IG et 17 ; vol. XXVII, . n° 2. 3. Bardach, ces Annales, vol. XIII, 189!». ]>. 364. 4. Cantacuzène, ces Annales, vol. XIII, 1899, p. 529. 5. Levaditi, ces Annales, vol. XVI11, mars 1904, p. 129. Levaditi etManouk lian, déjà cités. 304 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Pour ce qui concerne la Tick-fever , Robert Koch grâce à la méthode de frottis, a révélé l'existence d’un englobement des spirilles de la part des phagocytes, dans la rate des singes infectés avec le spirille africain. Nous avons examiné de plus près cette question en nous servant du procédé à l’argent, lequel appliqué pas nous à d’autres microorganismes spirillés ( Treponema pallidum 2, Spir ilium gallinarum 3), s’est montré capable de mettre facilement en évidence les spirilles inclus dans les leucocytes. D’ailleurs, une méthode basée sur le même principe et utilisée par Bertarelli 4 pour l’étude histologique de la fièvre récurrente de l’homme, a déjà donné ses preuves, en laissant voir des spirilles inclus dans le proloplasma des leuco- cytes de la rate. Nos études nous ont montré que si, chez le singe ( Macacus cynomolgus ), Fenglobement des spirilles au voisinage de la crise s’opère grâce à T intervention des polynucléaires accumulés dans la rate, conformément à ce qui a été vu par Metchnikoff dans la fièvre récurrente de l’homme, par contre, chez la sou- ris, c’est le foie qui est le siège principal de l’anéantissement phagocytaire de ces spirilles. Chez les souris sacrifiées en pleine infection ou au voisinage de la crise, la glande hépatique montre de très nombreux macrophages renfermant des microorga- nismes spirillés dont la forme est plus ou moins modifiée. Ces macrophages, cellules mononucléées pourvues d’un protoplasma abondant, rappellent par leur aspect et leur disposition les cellules de Kupffer. Sises à l’intérieur des capillaires du foie (Pl. VIII, fîg. 1 , 2, 3 et 6) et accolées à.la paroi de ces capillaires, ces cellules contiennent un nombre variable de spirilles. Ceux-ci ont rarement gardé leur aspect habituel; pour la plupart du temps ils sont enroulés sur eux-mêmes 3, forment des boucles et montrent toute une série d’altérations tendant vers la destruc- tion complète des parasites phagocytés. Ces altérations se tra- duisent par des irrégularités dans la disposition des tours de spire, ainsi que par l’aspect monili forme et la fragmentation du spirille. 1. R. Koch, déjà cité. 2 Levaditi, ces Annales, vol. XX, 1906, p. 41 . Levaditi ét Manouélian, déjà cités. 4. Bertarelli, déjà cité. 5. On trouvera plus loin des détails concernant la signification qu’il y a lieu d’attribuer à cette disposition des spirilles en boucle. SPIRILLE DE LA TICK-FEVER 303 Cette phogocytase des spirilles de la Tick-fever débute déjà pendant F infection et s'accentue au fur et à mesure que l'on se rapproche delà crise. Une fois cette crise effectuée, il devient impossible de déceler dans le foie des parasites libres ou inclus dans le protoplasma des cellules de Kupffer, ni même des débris spirillaires contenus dans les phagocytes. La digestion intracellulaire des spirilles s’achève donc en même temps ou très peu après la Fin de la cri$e. Si l’englohement des microorganismes spirillés parles mono- nucléaires du foie apparaît d’une façon aussi claire que possible dans nos préparations, par contre, rien, au cours de nos recherches, n’est venu consolider l’hypothèse de la dissolution des spirilles de la Tick-fever en dehors des cellules, sous l’in- fluence des principes bactéricides. Étant donné que ces spirilles sont assez volumineux et que, vers la lin de l’infection, ils sont disposés en de très gros amas, il nous semble impossible qu’une dissolution de ces spirilles puisse s’effectuer, sans qu’on n’en décèle les traces à un moment donné de la maladie. Or, quel que fut le soin que nous avons mis pour dépister des modifi- cations de forme ou de colorabilité pouvant être invoquées en faveur de l’existence d’une telle destruction extra cellulaire des parasites, nos recherches sont toujours restées infruc- tueuses. Tant qu’il est encore possible de découvrir dans l’intimité des organes des spirilles libres colorables par l’argent, on ne décèle que des microorganismes intacts, offrant l’habituelle régularité de leurs tours de spire et une parfaite conservation de leurs caractères morphologiques et tinctoriaux. Nulle trace de spirilles moniliformes ou d’indices de transformation granulaire. Tous ces faits nous amènent donc à conclure que , pareillement à ce qui se passe dans les autres spirilloses déjà étudiées expérimen- talement ( spirillose des oies , spirillose des poules , fièvre récurrente ), la destruction critique des spirilles dans la Tick-fever est un phéno- mène essentiellement phagocytaire et nullement sous la dépendance de V intervention directe des principes bactéricides. On ne nous objec- tera pas que l’absence des signes visibles d’une dissolution extra-cellulaire des spirilles pourrait être due à la destruction exceptionnellement rapide de ces parasites, ou à la non-colo- rabilité des formes dégénérées destinées à se fondre dans le 20 306 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR plasma circulant. Ces objections seraient mal fondées, pour les motifs suivants : On ne connaît pas d'exemple de destruction humorale des bactéries s’opérant d'une façon aussi rapide et aussi intense que la transformation granulaire du vibrion cholérique (phéno- mène de Pfeiffer). Or, même dans le cas de cette transformation en granule du vibrion de Koch, il est possible de saisir sur coupes les diverses phases que traverse le processus, si l’on a soin de sacrifier les animaux peu de temps après le début du phénomène de Pfeiffer. Ainsi, l'un de nous *, en injectant dans les veines des cobayes activement vaccinés contre le Yibrio Cassino , une émulsion épaisse de vibrions, a pu retrouver, sur des coupes de poumon, des amas vibrionniens entourés de leu- cocytes et formés par des •virgules en voie de transformation granulaire. D’un autre côté, nos recherches nous autorisent à affirmer que lorsque les spirilles subissent des changements morpho- logiques, indices de leur dégénérescence avancée (aspect rnoni- liforme, formation de granules), ils continuent néanmoins à offrir une affinité marquée pour l’argent et peuvent être faci- lement décelés au microscope. C'est le cas par exemple des parasites inclus dans les phagocytes et soumis à l’influence des ferments endo-cellulaires. On ne saurait donc considérer comme bien fondées les objections que nous venons de formuler il y a un instant. Nous avons d’ailleurs enregistré, au cours de nos expériences, un fait qui plaide directement contre la dissolution humorale des spirilles de la Tich-fever chez les souris en train d’effectuer leur crise. Le voici : Une souris blanche est sacrifiée 5 jours après l’inocula- tion intra-péritonéale du virus, à un moment où l’examen microscopique du sang ne révélait plus la présence de spirilles libres. L’étude de nombreuses coupes de foie et de rate donna un résultat négatif, en ce sens que ni les vaisseaux, ni les cellules ne contenaient des microorganismes spirillés. Pourtant, dans le poumon, au niveau d'un foyer inflammatoire et hémor- ragique, nous avons découvert un très grand nombre de ces microorganismes ayant conservé leur forme caractéristique et 1. Levaditi, ces Annales, vol. XV, 1901, p. 94. SPIRILLE DE LA TIGIv-FEVER 307 ne montrant aucun signe de transformation granulaire ou de dissolution (PL VIII, fig. 7). Cette constatation prouve que la dis- parition des spirilles du foie, de la rate et des autres organes n’a pu êtie le résultat d’une action dissolvante exercée par des principes bactéricides existant à l’état de liberté dans le plasma circulant. En effet, si ces principes circulaient réellement dans ce plasma, ils devraient atteindre, au même titre que les spirilles renfermés dans le foie et la rate, les parasites logés dans le poumon, et dans ce cas ceux-ci auraient dû montrer des signes de soulfrance, ce qui n’a pas été le cas dans l'expérience que nous venons de citer. Force est donc de se rallier à l’opinion que nous avons annoncée dans un de nos précédents mémoires 4, à savoir que les substances spi rillicides sont, par suite du manque de cytase libre, incapables d’agir in vivo et que leur rôle doit se borner à faciliter et à exagérer la phagocytose des spirilles s, laquelle représente le seul moyen efficace que l’orga- nisme emploie pour se défendre contre les septicémies spiril- liennes. * # * Nous avons observé, au cours de ces recherches, un phéno- mène particulier sur lequel nous désirons insister : c’est la disposition en boucle ou en peloton des spirilles inclus dans les macrophages du foie. Cette disposition est visible dans le foie des souris sacrifiées en pleine infection spirillienne et est repré- sentée dans les figures 1,2, 3 et fi de la planche VIII. Ce n'est pas dans la Tick-fever que l’on a rencontré pour la première fois cet enroulement des spirilles sur eux-mêmes. 11 a été déjà vu par Cantacuzène 3 sur des frottis de rate provenant d’oies inoculées avec le Spirillum anserina Sacharolf, frottis qui montrent des macrophages pourvus de vacuoles, à l’intérieur desquelles on distingue des spirilles disposés en peloton. L’un de nous S au cours de ses recherches ayant trait à la spirillose des poules (Marchoux et Salimbeni 5), a également constaté, dans la rate des 1. Levaditi, ces Annales, vol. XVIII, mars 1904, page 143. 2. L’influence favorisante exercée par les anticorps spirillicides sur l’englo- blement des spirilles par les phagocytes, a été démontré par Sawtchenko (ces Annales , vol. XVI, n° 2). Elle doit être rangée dans la catégorie des phénomènes d’ organisation sur lesquels Wrhigt et ses élèves, Neufeld et Rimpau, Lohlein, etc., ont insisté dernièrement. 3. Cantacuzène, déjà cité. 4. Levaditi, déjà cité. 5. Marchoux et Salimbeni, ces Annales, vol. XVII, 1903, p. 509 308 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR oiseaux infectés, une multitude de spirilles entortillés, dont la plupart étaient inclus dans de gros phagocytes mononucléaires, et cette constatation fut récemment confirmée par Manouélian et Le- vaditi 1 et par Prowazek -. Rappelons enfin que suivant le regretté Schaudinn, le Treponema pallidum serait capable, dans certaines •conditions, de présenter la même disposition enchevêtrée. Quelle signification faut-il accorder à cet enroulement parti- culier qui semble commun à la plupart des espèces de spirilles bien étudiés jusqu’à présent ? Suivant Prowazek qui partage une opinion déjà formulée par Schaudinn, la disposition des microorganismes spirillés en boucle représenterait un stade de repos dans l’évolution de ces parasites, analogues à ceux qu’on a souvent rencontrés dans le cycle évolutif des proto- zoaires. On sait d’ailleurs que, d’après ces savants, les spirilles doivent être classés parmi les protozoaires et non parmi les bactériacées, comme le soutiennent R. Koch, Metchnikoff, Borrel et comme nous le pensons nous-mêmes. Nos constatations nous ont amenés à des conclusions autres que celles auxquelles souscrivent Schaudinn et Prowazek. Loin de considérer ces formes enchevêtrées comme un stade de repos dans l'évolution des spirilles , nous sommes enclins à voir dans V enchevêtrement de ces spirilles un état de souffrance , précédant f apparition des siçjnes de dégénérescence et la désintégration plus ou moins complète de ces parasites. Voici les faits que nous invoquons en faveur de notre manière de voir : Tout d abord il apparaît d’une façon non douteuse que l'enroulement des microorganismes spirillés s'opère le plus fré- quemment à l'intérieur des phagocytes et qu’il intéresse des parasites destinés à se détruire sous l'influence des ferments endo-cellulaires. On suit d’ailleurs pas à pas la marche de cette destruction, qui débute par l'enchevêtrement des spirilles et qui finit par la transformation granulaire de ces microbes. 11 est vrai que parfois nous avons décelé de ces formes enchevêtrées en dehors des phagocytes. Mais l’examen de nos coupes nous a montré que ces formes existaient précisément au niveau de Loyers hémorragiques ( foie de souris, fîg. 8 de la planche Ylll), 1. Levaditi et Manoüéliax, déjà cités 2. Prowazek, Arb. aus dem Kaiserl. Gesundheitsamte, vol. XXIII, fasc. 2, 4906, page 554. 3. Levaditi, déjà cité. SPIRILLE DE LA TICK-FEVER 309 c’est-à-dire dans un milieu où, par suite de la phagolyse, il s’est opéré une mise en liberté des bactériolysines leucocytaires. Mais ce qui, d’après nous, prouve le plus la justesse de notre façon de voir est le fait suivant, rencontré au cours de» recherches concernant la spirillose des embryons de poulet infectés par l’injection du virus de Marchoux et Salimbeni dan» l’œuf fécondé. Si l’on examine le sort du Spirïllurn gallinariwi introduit dans le blanc ou le jaune d’œuf et placé à 38°, on ne constate nulle trace de multiplication de ce spirille sur place. Les parasites s’immobilisent, deviennent moniliformes etlinissent par disparaître complètement. Ils ne prolifèrent que dans le sang et les tissus de l’embryon, pour engendrer la septicémie étudiée de près par Borrel et par Levaditi, leur développement étant intimement lié à la vitalité des tissus qui les hébergent. Or, si dans ces conditions, on a soin de suivre les diverse» phases de la destruction des parasites à l’endroit même où 1 on a déposé le virus, on est surpris par l'abondance des forme» enchevêtrées, entortillées, ce qui prouve que ces formes repré- sentent en réalité le stade initial du processus de la désinté- gration spirillaire. D’ailleurs, si ces formes indiquaient, commode veut Prowazek, l’existence d’une phase de repos dans l’évolution des spirilles, phase qui expliquerait la conservation prolongée du virus pendant les périodes qui séparent les accès de la lièvre à rechute, on devrait continuer à les rencontrer soit libres, soit incluses dans les cellules, une fois la crise effectuée. Or, après la fin de cette crise, comme nous venons déjà de le dire, toute trace de parasites en spirales ou de spirilles entortillés dis- paraît dans le foie et la rate de la souris, du rat et même du singe. # V- LTn mot encore à propos des rapports qui existent entre les parasites de la Tick-fever et les globules rouges. Comme on peut s’assurer en examinant les figures 1 et 2 de la planche VIII, il n’est pas rare de rencontrer, soit à l’intérieur des macrophage» du foie, soit même en dehors de ces cellules, des spirilles dis- posés autour des hématies chez la souris, et parfois chez le singe (rate). Les phagocytes englobent donc non seulement des microorganismes spirillés libres, mais aussi des spirilles accolés 310 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR aux globules rouges, et font subir simultanément à ces éléments des modifications régressives. Le fait est intéressant et à été déjà rencontré dans la septicémie brésilienne de Marchoux et Salimbeni. Il résulte d’une communication orale de Borrel, que cet auteur a décelé, il y a déjà longtemps, le Spirillum gallina- tum à l’intérieur des hématies de poule (in vitro et sur des frot- tis de moelle osseuse). Cette constatation, restée inédite, a été récemment confirmée par Prowazek, lequel s’est convaincu de la pénétration du spirille de Marchoux et Salimbeni dans les globules rouges. Cet auteur va même plus loin et admet ({ue cette disposition représente un stade endo-cellulaire dans le cycle évolutif de ce spirille. Nous ne pouvons rien affimer de précis quant à l'existence .de spirilles endo-globulaires chez les poules infectées par le Spirillum gallinarum , n’ayant pas étudié cette question de près. Mais, pour ce qui concerne le spirille de la Tick-fever , il nous semble difficile d’admettre que le rapport étroit que l’on relève parfois entre ce spirille et les hématies, indique réellement la pénétration des parasites dans ces hématies. En effet, nous avons toujours constaté que les microorganismes spirillés faisaient comme une sorte de cercle autour du globule rouge et qu'ils n’offraient pas la moindre tendance à s’insinuer dans le protoplasma de ce globule. Il ne saurait donc être question de T existence d'un stade etulo- globulaire du spirille de la Tick-fever1. ]. Nous avons recherché si à l'exemple du Spirillum gallinarum, le spirille de la Tick-fever envahit l'ovule des animaux infectés. Malgré l’examen d’un grand nombre de coupes, nous n’avons rencontré qu’une seule lois des spirilles typiques dans le follicule de Gralï, chez le rat. Décembre 1900. LEGENDES DES PLANCHES VI 1 1 ET IX PI. VIII. — Fig. i. — Coupe de foie d’une souris sacrifiée vers la fin de l'infection, m, macrophage contenant des spirilles entortillés autour des globules rouges (g). Fig. 2. — Même coupe, m, macrophage renfermant des spirilles ondulés, des hématies et des spirilles entourant les globules rouges (g). Fig. 3. — Coupe de foie d'une souris sacrifiée en pleine infection, n, cellule hépatique; m, macrophage renfermant des spirilles ondulés ou entortillés (s). Fig. 4. — Coupe de foie d'une souris sacrifiée en pltine septicémie, r, SPIRILLE DE LA TICK-FEVER 311 vaisseau hépatique; p , leucocyte polynucléaire ; s, spirilles agglutines. Les débris colorés en noir que l’on voit au voisinage des amas de spirilles ne sont pas des parasites dégénérés, mais des fragments de spirilles coupés obliquement. Fig. 5. — Coupe de rate d'une siJuris infectée, c. cellule splénique: m, mégacaryocyte contenant un spirille s. Fig. 0. — Coupe de foie d’une souris sacrifiée en pleine infection, m, macrophage contenant un spirille ondulé et un spirille disposé en boucle (s). Fig. 7. — Coupe de poumon d'une souris sacrifiée après la crise, a, alvéoles pulmonaires contenant un grand nombre d’hématies; s , spirilles. Fig. 8. — Coupe de foie d’une souris sacrifiée vers la fin de l'infection, n , cellule hépatique; h , foyer hémorragique; s, spirilles entortillés. PL IX. — Fig. 1. — Coupe de foie d’une souris sacrifiée en. pleine infec- tion. n, foyer de nécrose; p, leucocytes polynucléaires. (Coloration par l’éosine et le bleu de tolluidine.) Fig. 2. — Même coupe à un fort grossissement (imprégnation à l’argent). ch, cellules hépatiques; n, zone de nécrose; p, débris de leucocytes polynu- cléaires: cg , cellules à noj^aux multiples; s, spirilles. ACTION DU VIN SUR LE BACILLE D’EBERTH Par MM. J. SABKAZÈS et A. MAKCAXDIER (de Bordeaux) La fièvre typhoïde se propage surtout, si on s’en rapporte à la doctrine classique, par l'eau de boisson, encore que la part de la contagion directe soit loin d'être négligeable. Le rôle de l’eau dans la transmission de la maladie a suscité d’innombra- bles recherches cliniques et expérimentales. Parmi les questions que se pose le médecin, quand il envi- sage ce problème, les suivantes viennent naturellement à l’es- prit : lorsque le bacille d’Eberth se trouve dans l’eau de con- sommation, y reste-t-il vivant et susceptible de nuire, quand on ajoute cette eau à du vin. ainsi qu'il est d’usage pendant les repas? Des vins mouillés, avant leur mise en bouteille, avec une eau bacillifère conservent-ils longtemps vivants les germes de dothienentérie? On qualifie souvent le vin d’excellent antiseptique ayant immédiatement raison des impuretés microbiennes de l’eau. A" a-t-il quelque lueur de vérité dans cette opinion courante? En ce qui concerne le vin, on ne s'est guère préoccupé de répondre à ces questions. D’autres boissons fermentées, le cidre, la bière ont donné lieu à des travaux dans ce sens. Le vin n’a été étudié à cet égard que par Aloïs Pick. Dans une première note 1 très succincte, il indique le pouvoir bactéricide, vis-à-vis du bacille d’Eberth, des vins purs blancs et rouges; l’adjonction de parties égales d’eau exigerait un contact de 24 heures pour que le mélange vînt à bout de ces germes. Dans une seconde note 2 cet auteur précise un peu plus. Le bacille typhique résisterait plus d’une demi-heure dans des vins de table blancs et rouges, une heure dans un vin étiqueté Ssegszarder. 5-10-30 minutes dans du Mailberger, 15 minutes dans du Yoslauer. Coupés d’eau par moitié, tous ces vins, même les plus bactéricides, n’arrivaient pas à tuer le bacille d’Eberth au bout d’une demi-heure. 1. Alois Pick, Ueber der Einfluss des Weines au/' die Entwickelung der Typhus • und Cholera-BaciUen. Centralbl . fur Bakter, 1892 p. 293-294. 2. Alois Pick, Ueber die Einwirkuny von IVein und Bier, sovvie von einigen nrganischen Saüren ouf die Cholera-und Typhus-Bacterien. Archiv. fiïr Hygiene 1893, p. 51-61. ACTION DU A IN SUR LE BACILLE D EBERTH 313 Nos premiers essais ont porte sur un vin rouge ordinaire de Carignan, provenant de la Gironde, mis en bouteille le jour même de l’examen. L’analyse donnait les résultats suivants : alcool 11 °2; acidité en S04H2 5,14; extrait sec 24,8; sulfate de potasse 1 gramme par litre; chlorures 0,40. Ce vin ensemencé dans du bouillon (12 décembre 1900). à raison d’une goutte par tube de 10 c. c. a fourni à 37° des cultures d’un streptobacille prenant le gram, et de rares levures. Ce même microbe a seul cultivé à 37°, 24 heures après incorporation de bacille d’Eberth (deux gouttes d’un bouillon de 3 jours dans 10 c. c. de ce vin); même résultat, ce vin étant dédoublé avec de l’eau stérile. Un vin rouge analogue au précédent (alcool 9°1, acidité 4^,90, extrait 17, sulfate de potasse moins de 1 gramme, chlo- rures 1,053) est filtré à la bougie Chamberland. Le 12 décembre on prépare 8 tubes : 3 contiennent 10 c. c. de vin pur; 2 lOc.c. d’un mélange à parties égales d’eau de fontaine stérilisée et de vin; 2 autres 10 c. c. d’un mélange avec un tiers d’eau. On ajoute à chacun 2 gouttes de culture d'Eberth et on les laisse à 15°. On fait trois ensemencements successifs à une demi-heure d’intervalle chacun, en agitant préalablement les tubes. Les rétrocultures étaient encore positives au bout d’une heure et demie ; mais dix heures après le début de l’expérience aucun ensemencement n’était fertile. Le 14 décembre 1906, on prépare une série de mélanges semblables et on procède toutes les demi-heures à des trans- ports en bouillon ; les conditions expérimentales et les résultats sont consignés dans le tableau suivant (le signe -|- indique les rétrocultures positives , le signe — . les négatives) : DILUTION GOUTTES cle OUI, TORE TEMPS ÉCOULÉ DE! DANS I. >UIS L’INTRODUCTION DU MICROBE E VIN ET TEMPÉRATURES 40 ni. 18» ih.i/2 19° 2 h. 19» 3 k. 18» 4 h. 17°5 5 h. 17» 6 h. 17°2 7 h. 18» 1 8 h. 17»2 9 h. 17»5 10 h. 17» 10 c. c. vin pur. 2 -h + 4 — — — — — — — — diluél/2 2 + + 4 + — id 3 + + -j- 4 — 4 4- 4 — — — 2/3 5 + 4- 4- 4 — -4 4- 4 — — 314 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le bacille d’Eberth a donc vécu deux heures dans ce vin ordinaire, tel qu'il est livré à la consommation, et quatre heures dans ce vin coupé d’eau par moitié. Quand la dose de culture incorporée au vin est de cinq gouttes au lieu de deux, la survie est de près de neuf heures. Le 16 décembre 1906, un vin blanc sec de Gérons (1890), en bouteille depuis plus de dix ans, ayant les caractères suivants : alcool 10°, 7, acidité 5, extrait 22,8, sulfate de potasse plus de 1 gramme, est filtré à la bougie; on en répartit aseptiquement 10 c. c. dans des flacons qu'on additionne les uns de deux gouttes, les autres de cinq gouttes de culture d’Eberth et qu on laisse à la température de 17°-18°, Des rétrocultures faites toutes les heures sont restées négatives. Le bacille d’Eberth est donc tué en moins d’une heure dans ce vin. Le 17 décembre, on refait l’expérience en transportant toutes les cinq minutes une anse de platine des mélanges dans le bouillon . Résultats : le bacille d’Eberth ne vit que vingt minutes dans ce vin de Cérons. Le 18 décembre 1906, nous opérons, dans les mêmes condi- tions de température sur un vin de champagne sec, ayant plu- sieurs années de bouteille, provenant d’Epernay (alcool 9°, 7, acidité 5,78. sulfate de potasse moins de 1 gramme), et sur un vin rouge de Bordeaux — Saint-Estèphe, cos d'Estournel 1888 (alcool 8°, 5 acidité 4, 16, extrait 10,1, sulfate de potasse moins -de 1 gr. chlorures 0,35), — l’un et l’autre stériles au débou- chage (ensemencements en bouillon et sur gélose) et que, par suite, nous ne filtrons pas à la bougie. On fait, dans les mêmes proportions que ci-dessus, des mélanges de vin pur et de cultures et, toutes les cinq minutes, on transporte une anse de platine des mélanges dans des tubes de bouillon. Dans le champagne, le bacille ch’Eberth est tué en moins de dix minutes. Dans le bordeaux, la culture est encore positive après 30 minutes. Dédoublons ce champagne avec de l’eau de la ville, bouillie et refroidie : le bacille d’Eberth n’y succombe dès lors qu’au bout de 1 heure 1 2. Le vin rouge de Bordeaux (cos d’Estournel 1888), addi- tionné de deux gouttes de culture d’Ebertb par 3 c. c. et laissé 2 heures à 15° n'a pas cultivé: additionné de 5 gouttes, la tem- ACTION DU VIN SUR LE BACILLE D’EBERTH 315 pérature étant la même, il a fourni une culture positive, dans le même laps de temps, tandis que, toutes choses étant égales, sauf la température portée à 37°, le bacille a été tué. Le 26 décembre 1906, nos expériences portent sur trois vins : 1° LTn vin blanc jeune du commerce, très ordinaire mais non fraudé, originaire de Sadirac (Gironde), marqué 1903, mis en bouteille depuis 8 jours (alcool 8°, 2, acidité 3,3, extrait 26,3, sulfate de potasse moins de 1 gramme, acide sulfureux libre 123 milligrammes par litre) ; 2° Un vin de grenache-Roussillon 1900 — : alcool 13° 3, aci- dité 4,06, sulfate de potasse moins de 1 gramme; 3° Un vin rouge de Bourgogne (Beaune 1898 ) : alcool 10° 3, aci- dité 4, 41, extrait 18,4, sulfate de potasse moins de 1 gramme. Ces trois vins n’ont pas cultivé au débouchage (ensemence- ments aérobies et anaérobies dans du bouillon, négatifs). On ajoute à ces vins 2 gouttes normales par 10 c. c. de bacille d’Eberth en bouillon datant de 3 jours. Voici les résultats : Le vin blanc pur de Sadirac stérilise les germes typhiques en moins de 13 minutes. Le bourgogne et le grenache tuent le bacille d’Eberth en moins de 30 minutes. Le vin blanc de Sadirac. de consommation courante, dilué 1/2 et à 1/3, amène encore la mort de ce germe en un quart d’heure. Par contre, ce même vin blanc pur, non dilué, mais exactement neutralisé, cultive encore au bout de 6 heu- res 1/2, neutralisé et dilué à 1 2, au bout de 4 jours. Une fois saturé, ce vin se conserve du reste très mal : il se transforme en vinaigre. Par contre, à l’état pur, sa conservation est parfaite. Telles sont les expériences réalisées par nous jusqu’àprésent. Au cours de ces recherches nous avons fait quelques remar- ques dignes d’être mentionnées : 3 gouttes des vins examinés, ajoutées à 10 c. c. de bouil- lon, n’infertilisent pas le milieu ; le bacille d’Eberth s’y déve- loppe normalement. Or toutes nos rétrocultures énumérées ci- dessus se faisaient à l’anse de platine; la gouttelette de vin ainsi introduite dans le bouillon ne pouvait en rien gêner le développement du microbe. A 1/30 les vins employés n’agglutinent presque pas le ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 316 bacille d’Eberth qui ne tarde pas à devenir moins mobile* Après 24 heures de contact, des agglutinats de bacilles morts, reconnaissables morphologiquement, décolorés par le gram sont trouvés au fond des tubes. Les vins rouges riches en tan- nin, tels que le cos d’Estournel, se clarifient, pâlissent cl laissent déposer, dans ces conditions, beaucoup de très fins grumeaux pulvérulents. Quand on pratique des ensemencements en série des divers vins additionnés de bacilles d’Eberth, au fur et à mesure que le contact se prolonge, les colonies de rétroculture, dans les semis en surface sur milieux solides, vont peu à peu se raré- fiant : le bacille ne se multiplie pas dans le vin, il s’y détruit progressivement. Dans les transports successifs en bouillon, de gouttelettes de mélanges Eberth-vin, les formes filamenteuses du bacille nous ont paru augmenter de nombre. Nous avons opéré parallèlement sur deux bacilles d Eberth, l’un servant depuis longtemps au laboratoire pour la séro-reac- tion, l’autre extrait récemment d une rate typhique : les résul- tats n’ont varié que dans de faibles limites. Des passages sur milieux d’épreuve — bouillon-lactose, pomme de terre, gélose fuchsinée, gélose de Conradi-Dri- galski, etc. — nous donnaient la preuve, à chaque série d expé- riences, de la pureté des cultures. Il résulte de nos constatations quelles vins conservés depuis longtemps en bouteille sont stériles quand on les sème dans du bouillon de viande et sur gélose, tandis que les vins rouges puisés quotidiennement au tonneau contiennent des bactéries et des levures qui cultivent très bien dans ces conditions. Les vins purs exercent une puissante action bactéricide sur le bacille d’Eberth, mais cette action varie d’intensité avec la nature et la qualité des vins. Les vins blancs se sont révélés plus actifs que les rouges. Le tableau suivant rend compte de l'échelle décroissante des propriétés bactéricides, en regard des diverses particularités analytiques que nous devons, pour la plupart, à l’obligeante collaboration de M. A. Auché, professeur de pharmacie et de chimie à l’Ecole de santé navale de Bordeaux et à celle de M. R. Dupouy, professeur de matière médicale à la Faculté : ACTION DU VIN SUR LE BACILLE D’EBERTH 31" NATURE DES VINS Années Alcoul Acidité en so4h2 Extrait sec SULFATE de potasse. Chlorures V CI DE sulfureux libre. MORT DU BACILLE D'EBERTH Champagne sec. . Plus. 9°,7 3,78 — de ls>- Moins de 10 min. Sadirac blanc 1903 8® 2 3,3 26,3 — 0,123 15 — Cérons blanc 1890 10», 7 5 22,8 + de lsr 20 minutes. Grenache 1892 15°, 3 4,06 Moins de 30 min. Beaune rouge 1898 10°, o 4,43 18.4 — de lsr 30 — Cos d’Estournel r. 1888 o 4,10 10,1 - 0,35 Moins de 2 heures. Rouge carignan. . Jeune. 9®,1 4,90 17 - 1,053 — 3 — Sadirac blanc neu- Survie au delà de tralisé 1903 8», 2 0 26,3 6 heures 1/2. L’acidité joue sans doute un rôle prépondérant. En effet, un vin neutralisé, comme le Sadirac, qui, avant la saturation tuait le bacille d’Eberth en moins d’un quart d’heure, le laisse vivant, après neutralisation, plus de 6 .heures I 2, et plusieurs jours quand on le dilue à moitié. L’action bactéricide des acides sur le bacille d’Eberth a du reste été très bien étudiée par S. Kitasato1. L’acide sulfurique tue ce microbe en 4 à o heures, à une concentration de 0,8 0/0; puis viennent, classés par activité décroissante, les acides chlorhydrique (0,2 0 0), azotique (0,2), sulfurique (0,28), acétique (0,3), phénique (0,34), formique (0,356), oxalique (0,366), lactique (0,4), tartrique, citrique, malique (0,476), tannique (1,66), borique (2,7). Aloïs Pick arrive à peu près aux mêmes résultats pour les acides formique, acétique, tartrique, citrique. Parmi ces acides, plusieurs se retrouvent, à doses très variables, suivant l’ancienneté, la nature, le cru, etc., dans les vins; tels les acides tartrique, malique, tannique, acétique, citrique à côté des acides succinique, propionique, butyrique et valérique. Ils sont en partie à l’état libre, en partie combi- nés, en partie éthérifiés. Tous ces acides concourent respectivement, chacun pour une part difficile à évaluer, à rendre le vin bactéricide. !.. S. Kitasato, Ueber das Verhalten der Typhus-und Cholerabacillen zu saura oder alkalihaltigen Nàbrboden, Zeitschrift fur Hygiene, 1888, drittcs Bd, S. 404- 426. 318 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR L’hyperacidité des vins blancs, qui figurent dans notre tableau, explique leur supériorité à cet égard. Leur teneur relativement élevée en acide sulfureux doit contribuer aussi à leur conférer un pouvoir bactéricide plus élevé. L’introduction du gaz sulfureux dans le vin, et surtout dans le vin blanc, est une véritable nécessité. Ce gaz provient des méchages successifs que subit le vin blanc pendant les trois ou quatre ans de conser- vation en barrique qui précèdent la mise en bouteille. « On peut affirmer que l’acide sulfureux est indispensable au développe- ment et au maintien des qualités des vins blancs, de quelque nature qu’ils soient 1 . » En général 2 les vins de France renfer- ment moins de 200 milligrammes d’acide sulfureux par litre; cependant quelques grands crus de Bourgogne et la plupart des vins de la région de Cérons, Freignac, Sauternes (Gironde) peuvent contenir jusqu’à 400 milligrammes. La plus grande partie de l’acide sulfureux se combine dans les vins avec les matières organiques, surtout avec les aldéhydes et les sucres ; l’acide sulfureux combiné est très peu antiseptique. Une autre partie s’oxyde, forme des sulfates et enrichit le vin en sulfate de potasse qui n’est lui-même que bien faiblement microbicide. Enfin une notable quantité d’acide sulfureux reste libre dans le vin et influe considérablement sur sa conservation. Schmitt, Schaffer et Bertschinger ont montré que le « pouvoir anti- septique de l’acide sulfureux libre, pour certains organismes du vin, était au moins dix fois plus grand que celui de l’aldéhyde sulfureux 3 ». De même la nocivité pour l’homme de l’acide libre et de l’acide combiné présente des différences très, tranchées : le premier est beaucoup plus toxique que le second 4. Le taux de l’acide sulfureux libre oscille dans les vins blancs de 10 à 50 milligrammes par litre et atteint exceptionnelle- 1. J. Laborde, Les vins blancs et l'acide sulfureux. Extrait de la Revue de viticulture 1905. 2. P. Carles, L’acide sulfureux en œnologie et en œnotechnie avec rapport au Comité technique et réponse de la douane américaine. Editeurs : Feret (Bordeaux), Mulo et Cie (Paris), 1905. 3. J. Laborde, Loc. cit. 4. M.-L. Mathieu, Rapport sur la limitation des doses d’acide sulfureux dans les vins. Minist. de l’Agricult. ; oflice des renseignements agricoles. Extrait du Bulletin mensuel, juin, juillet et août 1902. Ch. Blarez et J. Gautrelet, Action physiol. et toxique des solutions d’acide sulfureux en injections sous-cutanées; des solutions d’aldéhyde ordinaire ou éthanal; des combinaisons d'acide sulfureux et d’éthanal. Soc. de Biologie, tome 2e, 1905, pages 154-158. ACTION DU VIN SUR LE BACILLE D’EBERTH 319 ment 100 à 130 milligrammes. Dans le vin blanc de Sadirac, qui a servi à nos expériences, cette valeur atteignait 123 milligrammes ; c’était un vin jeune, n'ayant que quelques jours de bouteille : dans les vins plus âgés cette valeur décroît avec le temps. Nous pensons que les vins blancs empruntent à la présence d’acide sulfureux libre un certain appoint bactéricide, les données suivantes de P. Miquel 1 plaident dans ce sens : les solutions aqueuses d’acide sulfureux à 1 1500 s'opposent à la multiplication du bacille d’Eberth et le tuent à 1/1000. Ajoutons qu’aux concentrations les plus élevées d’acide sulfureux libre signalés ci-dessus, les vins blancs sont inoffen- sifs, comme l’ont, démontré les expériences classiques de Leucb, surtout les vins de luxe, comme les Sauternes, dont on ne boit que de minimes quantités à la fois. Le degré alcoolique (8° à 15° dans nos échantillons) n'influe guère sur le pouvoir bactéricide. A 25° l'alcool éthylique épargne, pendant 24 heures, des microbes tels que le colibacille et le staphylocoque doré 2 d’une sensibilité aux antiseptiques très voisine de celle du bacille d'Eberth. D'autres substances renforcent sans doute les propriétés mierobicides du vin — glycérine, éthers, alcool amylique, aldéhydes très oxygé- nées constituant, d’après Berthelot, la véritable essence du bou- quet3, etc. ; mais nous ne possédons aucune certitude à cet égard. La dilution atténue considérablement l’action antiseptique du vin ; c’est ainsi qu’un vin rouge ordinaire, additionné d’eau à 1/2 ou à 2/3, n’est plus actif qu’au bout de 4 heures au lieu de 2; le champagne dédoublé, au bout d'une heure 1/2 au lieu de 10 minutes. Toutefois nous avons vu un vin blanc de table très acide et riche en acide sulfureux libre (Sadirac 1903) supporter des dilutions à 1/2 et à 1/3 sans perdre ses capacités germicides qui se manifestaient en 15 minutes. La quantité des germes introduits dans la boisson influe considérablement sur le temps de stérilisation : un vin rouge commun souillé de deux gouttes de culture en triomphe 1. P. Miquel. De la désinfection des poussières sèches des appartements. Action de l’acide sulfureux sur les bouillons de peptones ensemencés avec les bacilles du charbon, d’Eberth et le spirille de Koch, Annales de micrographie 1894, pages 329-330. 2. Rafael Minecoini. Ueber die baktericide Wirkung des Alkohols. Zeitschrift fur Hygiène und Infections krankheiten, Bd 29. S. 417-148. 3. A. Gautier. L’alimentation et les régimes, Paris 4904, page 209. 320 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dans un laps de temps de deux heures ; mais cinq gouttes exigent neuf heures ; il est vrai que dans ce dernier cas il faut tenir compte de modifications de l’acidité et de la dilution imprimées au vin par l’apport d’un bouillon qui peut ne pas être rigoureusement neutre. La température a aussi son importance : à 37° le vin vieux de Saint-Estèphe est plus antiseptique qu’à lo°. Ainsi, laissé en bouteille, le vin se débarrasse au bout de quelque temps, des germes que pouvait contenir l’eau ayant servi à le mouiller ; parmi ces germes le bacille d’Ebertb est très vulnérable; dans un laps de temps assez court, au contact des vins purs, il est stérilisé. Le vin additionné par moitié, au moment du repas, d’une eau bacillifère et ingéré séance tenante, perdra beaucoup de son pouvoir bactéricide, en supposant même que ce pouvoir continue à s’exercer le long du tube digestif, d’où la possibilité d’une contamination éberthienne dans ces conditions. En faisant le mélange à parties égales d’eau suspecte et de vin, six heures avant le repas pour le vin blanc, douze heures avant sa consommation pour le rouge, tout danger pourra être écarté; ce serait même là, à défaut d’ébullition, de filtre et de tout autre agent purificateur, un moyen de corriger les souillures d’une eau. Cette pratique de la dilution ante cibuin depuis longtemps en vigueur dans les collectivités — « l'abondance » des pen- sionnats — se trouve donc pleinement justifiée. Les propriétés bactéricides des vins conservés en bouteille se- raient susceptibles d’être utilisées, à défaut d’autre antiseptique, par les chirurgiens ou les accoucheurs dans des cas pressants. ERRATA 1° Mémoire J. Cantacuzène et P. Riegler, mars 1907. PL III. Au lieu de 2 lire 1 bis. - — 4 — 2 — 5 — 3 — — 1 bis — 4 - 3 — 5 2o Mémoire Tizzoni et Bongiovanni (même numéro, page 237, ligne 9, au lieu de : les rayons X, lire les rayons a). Le Gérant : G. Masson. Sceaux, — Imprimerie Cliaraire. 21 me ANNÉE MAI 1907 No 5 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR SUR LES TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER Par M. A. LAYERAN MEMBRE DE L’INSTITUT ET DE ^ACADÉMIE DE MÉDECINE En 1903, M. Cazalbou, vétérinaire militaire, adressait à l’Académie de médecine une Note sur un trypanosome du Soudan français. Dans ce travail, M. Cazalbou appelait l’attention sur une maladie enzootique des dromadaires, appelée Mbori ou maladie de la mouche par les Maures et les Arabes de la région de Tombouctou. L'auteur donnait les principaux caractères de la maladie el démontrait qu’il s’agissait d’une trypanosomiase1. En 1904, M. Cazalbou adressait à l’Académie de médecine deux nouvelles notes ayant pour titres : 1° Mbori eæpérimen la 2° Note sur la Soumaya 2. v Dans la première de ces notes, M. Cazalbou complétait l’étude de la Mbori en donnant les résultats des inoculations faites à différents animaux (rats, souris, chien, chat, mouton, chèvre, cheval) avec le virus provenant des dromadaires de Tombouctou. La deuxième note était consacrée à la description d’une trypanosomiase connue chez les Bambaras sous le nom de Soumaya ou Souma. Cette épizootie paraît avoir commencé en 1903 sur les bœufs à bosse (zébus) du Macina, arrivés malades à Ségou; sur 4694 Bovidés, il y eut 676 morts. En 1904, M. Cazalbou signalait, en dehors de la Mbori et de 1. A.Laveran, Rapport sur la note de M. Cazalbou, Académie de médecine. 30 juin 1903. 2. A. Laveran, Rapport à l'Académie de médecine, 26 avril 1904. 21 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 3 la Souma, des trypanosomiases observées par lui sur des che- vaux provenant de la région du Bani (affluent du Niger) et sur des Bovidés du cercle de Koury (Haute- Volta) \ Fig. I. — Carte des bassins du Sénégal, du Niger et de la Volta. Malgré l’étude excellente faite par M. Cazalbou, de laMbori, il était difficile de conclure. S’agissait-il d’une trypanosomiase nouvelle ou d’une variété d’une maladie déjà connue? Ni la clinique ni l’élude morphologique du trypanosome ne permet- taient de trancher cette question. Le problème de la nature des autres trypanosomiases du Soudan français' était encore plus obscur que celui de la Mbori. M. Cazalbou m’adressa, au commencement de 1904, un chien soudanais qui avait été inoculé à Ségou avec le virus provenant d’un dromadaire de Tombouctou infecté de Mbori, ce qui me permit d’étudier le trypanosome de cette épizootie et de démontrer par des expériences poursuivies soit à l’Institut 1. L. Cazalbou, Les trypanosomiases au Soudan français, Rec. de méd. vétér., 15 octobre 1904. TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER 323 Pasteur, soit à l’École d’Alfort avec la collaboration de MM. Vallée et Panisset, que la Mbori était une variété du Surra, variété un peu moins virulente que le Surra de Pile Maurice1 2. En 1903, M. Cazalbou résume dans une note adressée à la Société de Biologie9- les résultats d’une mission au Macina. Les chevaux desbords du marigot de Diaka sont, dit-il, presque tous atteints de la maladie qui est connue dans cette région sous le nom de Soumaya. Les bœufs à bosse (zébus), qui constituent la majeure partie des troupeaux, sont atteints du même mal dans la proportion d’un bon tiers. M. Cazalbou signale, en 1903, l’existence de TV. dimorphon chez des chevaux observés par lui à Ségou, mais qui paraissent s’être infectés au cours d'un voyage en Guinée3. Cette dernière note de M. Cazalbou est trop succincte pour qu’il soit possible d’affirmer qu’il s’agissait bien de la trypanosomiase des che- vaux de Gambie, d’autant qu’il existe au Soudan français, comme on le verra plus loin, une trypanosomiase qui, au point de vue de la morphologie des trypanosomes, présente une grande ressemblance avec la trypanosomiase de Gambie. En 1906, M. Pécaud, qui se trouvait alors à Kati, signalait l’existence d’une épizootie de Souma dans la région de Bammako et de Kati. Comme dans l’épizootie observée à Ségou par M. Cazalbou, les troupeaux infectés provenaient du Macina4. Le fait que, dans le Haut-Niger, l’impôt se paie d’ordinaire en nature, et que les troupeaux d’impôt affluent de tous côtés vers les agglomérations (Ségou, Bammako-Kati), favorise la dissé- mination des trypanosomiases 5 * * * et augmente les difficultés du 1. Vallée et Panisset, Sur les rapports du Surra et de la Mbori, et A. Laye- ran, Observations au sujet de cette note,^lcarf. des Sciences, 11 novembre 1904. — A. Laveran, Sur l’identité du Surra et de la Mbori, Acad, des Sciences, 26 décembre 1905. 2. L. Cazalbou, Le Macina, foyer permanent de trypanosomiase, Soc. de Biologie, 1er avril 1905. 3. L. Cazalbou, Sur l’existence de Tr. dimorphon en Guinée française, Soc. de Biologie, 4 mars 1905. 4. Pécaud, La Soumaya, trypanosomiase du Moyen-Niger, Soç. de Biologie , 13 janvier 1906. 5. « Il est désirable, écrit M. Pierre, que l’impôt en nature disparaisse aussitôt que les circonstances économiques le permettront, car il est une des causes les plus puissantes qui détruisent le bétail de la colonie. » C. Pierre, L*élevage dans V Afrique occidentale française, Paris, 1906, p. 242. 324 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR diagnostic delà nature des épizooties qui régnent annuellement sur les Bovidés et les Équidés dans ces régions. MM. Cazalbou et Pécaud se sont dûnc trouvés aux prises avec un problème des plus difficiles et il n’y a pas lieu de s'étonner s’ils n’ont pas réussi à le résoudre complètement. Au mois d’avril 1906, M. Cazalbou rentrait en France ; il ramenait des animaux (chiens, moutons) inoculés à Ségou sur des Équidés, des Bovidés ou des Camélidés atteints de trypa- nosomiases; c’est sur l’étude des trypanosomes trouvés chez plusieurs de ces animaux qu’est basé le présent travail. Chez un mouton inoculé à Ségou, sur un cheval provenant de la région du Bani, j’ai trouvé un trypanosome qui me paraît être celui de la Souma; je l’ai décrit sous le nom de Tr. Gazai- boui n. sp.1. Chez un autre mouton inoculé à Ségou, sur une ânesse, j’ai trouvé un trypanosome que j’ai cru pouvoir d’abord rapporter à Tr. dimorphon ; une étude approfondie du parasite n/a montré qu’il s’agissait vraisemblablement d’une espèce nouvelle que j’ai décrite sous le nom de Tr. Pecaudi n. sp.2. Enfin chez un chien inoculé à Ségou, sur un dromadaire, j’ai trouvé un trypanosome qui m’a paru d’abord se rapporter à Tr. Evansi , mais qui en réalité se rapproche davantage du trypanosome de ElDebab et du Mal de la Zousfana. Je donnerai à ce dernier trypanosome le nom de Tr. soudanense. En 1906, M. Cazalbou a publié sur le Surra et sur la Souma deux articles très intéressants3 que j’aurai souvent l’occasion de citer dans la suite de ce travail. En somme, les trypanosomiases animales qui régnent dans le Haut-Niger sont au nombre de 4 au moins. 1° Mbori, variété du Surra; 2° Souma, dont l’agent est Tr. Cazalboui ; 3° Baleri, dont l’agent est Tr. Pecaudi', 4° Une trypanosomiase dont l’agent est Tr. soudanense. On observe probablement aussi des infections dues à Tr. 1. A. Laveran, Trypanosomiases du Haut-Niger; un nouveau trypanosome pathogène, Acad . des Sciences, 9 juillet 1900. 2. A. Laveran, Nouvelle contrib. à l’étude des trypanosomiases du Haut-Niger, Acad, des Sciences, 4 février 1907. 3. L. Cazalbou, La Souma, Revue gèn. de mèd. vétérinaire, 1er et 15 sep- tembre 1906. — Du même, Le Surra en Afrique, même recueil, 15 octobre 1900. TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER 323 dimqrphon , infections qui existent dans des régions voisines. La trypanosomiase humaine est rare ; les régions à tsétsé sont d’ailleurs assez limitées, comme on le verra plus loin. Sur les bords du Bani, où l’existence des Glossina palpalis a été cons- tatée, la trypanosomiase humaine est rare, mais il y a, d’après Lazalbou, un foyer endémique de cette maladie dans la région voisine de Koutiala1. Je ne m’arrêterai pas à l’étude de la Mbori, j’aurais peu de chose à ajouter aux travaux déjà publiés sur cette trypanoso- miase, simple variété du Surra. I SOUMA. Agent pathogène : Trypanosoma Cazalboui. Le principal foyer de la Souma est le Macina, c’est-à-dire la région de la vallée inondée du Niger située entre les 14e et 16e degrés de latitude N. C’est de là que le bétail transporte la maladie dans les régions voisines ; les troupeaux d'impôt con- tribuent, pour une large part, à ce transport 2. A Bammako, Pécaud a observé la Souma sur des troupeaux provenant du Macina 3 ; la maladie peut d’ailleurs être propagée en dehors de son foyer principal Le Dr G. Martin a observé la Souma dans la Guinée française et le Dr Bouet à la Côte d’ivoire sur des Bovidés provenant de la région du Bani 5. Cette épizootie atteint principalement les Équidés (chevaux, mulets, ânes) et les Bovidés. Les petits ruminants : chèvres, moutons, antilopes, s’infectent facilement, mais, contrairement à ce qui arrive pour la plupart des trypanosomiases voisines, le chien, le singe, le lapin, le cobaye, le rat et la souris sont réfrac- 4. L. Cazalbou, Acad, des Sciences, 17 septembre 1906. 2. L. Cazalbou, op. cit., Iiev. gén. de mèd. vêtèr. , septembre 1900. 3. Pécaud, op. cit., Soc. de Biologie, 13 janvier 1906. 4. G. Bouffard, Sur l’étiologie delà Souma trypanosomiase du Soudan fran- çais, Soc. de Biologie, 19 janvier 1907. 5. G. Martin. Les trypanosomiases de la Guinée française, Paris, 1906. — Bouet, travail inédit. — G. Memmo, F. Martoglio et C. Anani ont signalé l’exis- tence chez les animaux domestiques, en Erythrée, d’une trypanosomiase à laquelle les cobayes, les lapins, les chiens et les singes semblent réfractaires. Peut-être s’agit-il de la Souma. ( Annali d’Igiene sperim . , 1905, t. XV, p. 25.) ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 326 taires, ce qui constitue un des principaux caractères de Tr . Cci- zalboui. « Chez plusieurs chiens d’àges différents, de fortes doses de sang d’animaux infectés de Souma, injectées sous la peau ou dans la veine, n’ont produit, écrit Pécaud, qu’un peu d’amai- grissement 1 . » Le sang des chiens n’a montré de trypanosomes à aucun moment et n’est pas devenu infectant pour le mouton. J’ai inoculé, sans résultat, les animaux qui suivent sur de& moutons ou sur des chèvres infectés de Souma ; 1 Macacus rhésus , 2 chiens, 10 cobayes, 6 rats, 9 souris. A Alfort, 1 chien et 3 cobayes ont été inoculés, sans résultat, sur une vache infectée de Souma. Symptômes chez les Bovidés , les Équidés, les Ovinéset les Caprins. — Chez les Bovidés, le début de la maladie est d’ordinaire insidieux. Vers le 2e mois, on constate de l’amaigrissement, de& poussées fébriles, du larmoiement intermittent. Chez le zébu, il existe souvent de l’œdème à la partie inférieure du fanon et au niveau de la paroi inférieure du thorax; ce symptôme est rare chez les Bovidés appartenant à d’autres races. L’amaigrissement et l’anémie se prononcent de plus en plus. Les animaux qui ont de la fièvre hectique et souvent de la diarrhée s’affaiblissent, leur allure devient lente et traî- nante. L’examen histologique du sang permet rarement de consta- ter l’existence des trypanosomes. Chez une vache inoculée à Alfort, la présence des trypanosomes a été notée cependant à plusieurs reprises au moment des poussées fébriles. Chez le zébu, la maladie dure de 7 à 8 mois ; la durée est plus longue chez les Bovidés africains appartenant aux races sans bosse. Cazalbou estime à 40 0/0 la mortalité due à la Souma dans les troupeaux d’impôt; d’après Pécaud, la mortalité sur les Bovidés serait de 20 0/0 environ. Chez le cheval, la maladie est caractérisée, au début sur- tout, par des poussées fébriles. Vers le deuxième mois, l’amai- grissement est sensible. Larmoiement, pétéchies sur les con- jonctives. On note souvent du relâchement et de l’engorgement 1. Pécaud, op. cit., Soc. de Biologie, 13 janvier 1906. TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER 327 des enveloppes testiculaires, des œdèmes du fourreau et de la partie inférieure des membres. On observe parfois des érup- tions cutanées ressemblant à de l’urticaire (Pécaud). L’anémie va en augmentant, les muqueuses se décolorent ; à la dernière période, la parésie de l’arrière-main est de règle. L’incoordination des mouvements domine dans certains cas. La maladie se termine presque toujours par la mort. D’après Pécaud, la durée moyenne de la Souma chez le cheval serait de 50 jours. Cazalbou a vu la maladie se prolonger pendant 6 mois et même pendant une année. Chez le mulet, la maladie affecte une forme plus lente que chez le cheval et elle se termine parfois par guérison (Pé- caud). La chèvre et le mouton s’infectent facilement, l’incubation a une durée de 10 à 15 jours. Lesf principaux symptômes chez ces animaux, sont : la fièvre, l’amaigrissement, l'anémie, l’affaiblissement, la kérato- conjonctivite. La fièvre se manifeste par des poussées qui durent 8 a 10 jours ou même davantage. Une seule fois la température de il0, 3 a été atteinte (Übs. II); le plus souvent, la température s’élève peu au-dessus de 40°. Chez deux chèvres, la mort est survenue en hyperthermie, chez la troisième (Obs. IV) elle a été précédée d’une chute rapide de la température qui de 40°, 5 est tombée en 5 jours à 34°, 2. L’amaigrissement est le symptôme le plus constant; il est parfois très prononcé; le poids d'une des chèvres mortes de Souma est tombé de 42 à 30 kilogrammes; celui d’une autre chèvre, de 21 à 15 kilogrammes. L’anémie est, en général, très prononcée à la période ter- minale de la maladie, les muqueuses sont décolorées; je n’ai jamais noté d’œdèmes. Chez 3 chèvres sur 3 inoculées par moi, les observations font mention de kérato-conjonctivites précoces qui, sans traite- ment, se sont terminées par guérison, bien que ces trois ani- maux aient succombé à la trypanosomiase. A la dernière période, on observe un affaiblissement qui est marqué surtout dans le train postérieur; les animaux marchent en écartant les membres postérieurs qui fléchissent sous le ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 328 poids du corps ; ils tombent enfin sur- un côté et ne tardent pas à succomber. L’examen histologique du sang révèle assez souvent l’exis- tence de trypanosomes rares ou même non rares. La multi- plication des trypanosomes semble se faire par poussées, tous les quinze jours environ ; dans l’intervalle de ces poussées, l’examen histologique du sang est le plus souvent négatif. A l’autopsie, on ne trouve pas d’œdèmes, pas d’épanche- ments dans les séreuses. Les organes sont anémiés. La rate est peu hypertrophiée. Les ganglions lymphatiques sont souvent augmentés de volume. Les trois chèvres inoculées par moi ont succombé ; la durée de la maladie a été respectivement de 58, 45 et 96 jours. Une chèvre inoculée à l’école vétérinaire d’Alfort, sur une vache, (Übs. VII) paraît guérie. Le bélier inoculé à Ségou et ramené en France est mort en 62 jours. Deux moutons inoculés, les 20 août et 15 octobre 1906, sont encore vivants au bout de 238 et de 182 jours. L’un de ces moutons est en très bon état, très vigoureux et depuis 2 mois 1/2 on n’a pas vu de trypanosomes dans son sang ; il paraît en bonne voie de guérison : l’autre est anémié et l’existence des Irvpanosomes a été constatée récemment encore. Je résume les observations des moutons, des chèvres et d'une vache inoculés de Souma. La vache a été inoculée à l’école vétérinaire d’Alfort. dans le service de M. le professeur Vallée. Je remercie MM. Vallée et Rennes de leur précieuse collaboration. Observation I. — Un bélier est inoculé le 20 mars 1900 à Ségou avec le sang d’un cheval qui s’est infecté au mois de juillet 1905 dans la région du lîani. M. Cazalbou a constaté, à plusieurs reprises, l’existence de trypano- somes chez ce cheval. Un mouton inoculé à Ségou sur le cheval est mort le 29e jour apres l’inoculation, un autre mouton inoculé sur le premier a succombé 13 jours après l’inoculation. Le bélier ramené en France, au mois d’avril 1906, par M. Cazalbou arrive le 3 mai à l’Institut Pasteur. L’examen du sang du bélier fait le 4 mai est négatif. Le 9 mai, on inocule deux cobayes et deux souris; les cobayes reçoivent chacun, dans le péritoine, 3 c. c. du sang du bélier ; les souris reçoivent chacune 0 c. c., 25 du même sang. Ces animaux ne se sont pas infectés à la date du 8 juillet. Le 17 mai, l’examen du sang du bélier révèle l’existence detrypanosopies TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER 329 rares. J’inocule un chien qui reçoit, dans le péritoine, 5 c. c. du sang du bélier, et une chèvre qui a acquis l’immunité pour le Surra de Maurice et le Surra de Nha-Trang (voir infra). A la date du 8 juillet, le chien ne s’est pas infecté. 19 mai. Le bélier est très malade, couché sur le flanc. 20 mai. Le bélier s’affaiblit de plus en plus. Amaigrissement, anémie. J’inocule deux rats qui, à la date du 8 juillet, ne se sont pas infectés. Le bélier est trouvé mort le 21 mai. Il pèse 11 kilogrammes. Autopsie. — Les poumons sont hépatisés à la partie antérieure; il y a de petits foyers de suppuration. La pneumonie a dû contribuer beaucoup à amener la mort. Un peu de sérosité dans le péricarde, taches laiteuses sur le péricarde viscéral. La rate pèse 30 gr. Pas d’œdèmes. Les ganglions cervicaux et inguinaux sont notablement augmentés de volume. Observation IL — Une chèvre, qui a acquis une immunité solide pour le Surrade Maurice et pour le Surra de Nha-Trang1, est inoculée, le 17 mai 1906, sur le bélier venant de Ségou ; on injecte sous la peau du cou 3 c. c. du sang du bélier. 1er et 4 juin. L’examen histologique du sang de la chèvre est négatif. 9 juin. La chèvre est malade, elle mange peu et maigrit. Le poids qui était de 42kg, 300 le 31 mai, est tombé le 9 juin à 38kg,300. La tempéra- ture se maintient entre 39°, 2 et 39», 8 (voir le tracé no 1 ; température normale :39o). Kérato-conjonctivite double avec pannus. L’examen du sang révèle l'existence de trypanosomes rares. 10 juin. On inocule sur la chèvre: un chien (10 c. c. de sang dans le péritoine), deux cobayes (3 c. c. de sang à chaque cobaye dansle péritoine), deux rats (1 c. c. de sang à chaque rat). A la date du 8 juillet, aucun de ces animaux ne s’est infecté. 12 et 13 juin. Trypanosomes rares dans le sang de la chèvre. 19 juin. Poussée fébrile. Le 17, la température est montée à 41o,3; le 18, à 41 °,1 ; le 19, elle monte à 40o,7. L’amaigrissement continue; poids : 36 kilogrammes. Du 20 au 25 juin, la fièvre persiste, la température se maintient entre 40°, 2 et 41°, 1. La chèvre est très maigre et très faible, la tête tremble et les pattes de derrière fléchissent pendant la marche. Bien que l’état général se soit aggravé, les yeux sont dans un état beaucoup meilleur, les kératites ont disparu presque complètement. Trypanosomes non rares dans le sang. 27 juin. Un peu de mieux, fièvre moins vive, la température se maintient entre 39°, 6 et 40°, 1 . Les examens du sang faits les 27 juin, 1er et 5 juillet sont négatifs. Le 2 juillet, la chèvre pèse 36 kg,500. 5 et 8 juillet. Pas de trypanosomes à l’examen du sang. La température se maintient aux environs de 40°. Le 8, elle monte à *40°, 8. 12 juillet. La chèvre est très amaigrie. Poids : 30 kg. Faiblesse générale. La chèvre vacille sur ses pattes quand on la force à se lever et à marcher. 1. Laveran et Mesnil, Acad, des Sciences. 25 juin 1906, chèvre S de cette Note. 330 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tracé n° 2. — Chèvre inoculée de tjouma le 21 juin 1906, morte le 6 août. TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER 331 Anémie très marquée, muqueuses décolorées; trypanosomes très rares à l’examen du sang; température : 39°, 6. 13 juillet. La chèvre est couchée sur le flanc et ne peut plus se relever. Température : 39^,8. La chèvre meurt le 14 juillet. Autopsie. — Elle est faite le 14 juillet. Pas d’œdèmes. Les ganglions lymphatiques ne sont pas hypertrophiés. Pas de sérosité dans le péritoine. La rate pèse 195 grammes. Les reins sont très pâles. Un peu de sérosité jaunâtre dans le péricarde. Cœur et poumons sains. Observation III. — Chèvre achetée sur le marché de Paris. Le 21 juin 1906, on injecte sous la peau du cou 5 c. c. du sang de la chèvre IL Du 21 au 25 juin, la température de la chèvre est normale. A partir du 26 juin, la température s’élève ; elle atteint 40», 4 le 29 et 40°, 6 le 30 (voir le tracé no 2). Le 29 juin, on constate l’existence d’une kérato-conjonctivite double avec pannus. L’examen du sang ne révèle pas la présence de trypanosomes. 6 juillet. La température se maintient entre 40o et 40», 6. La chèvre maigrit. Le 29 juin, elle pesait 30kg, 500; le 6 juillet, elle pèse 29 kilo- grammes. La kérato-conjonctivite double s’est aggravée. Les examens du sang faits les 1er, 3 et 5 juillet sont négatifs; le 9 juillet, je note des trypa- nosomes rares. 9 juillet. On inocule, sur la chèvre, les animaux qui suivent : un chien (10 c. c. de sang dans le péritoine); 2 cobayes (3 c.c. de sang à chaque dans le péritoine); 4 souris *. Aucun de ces animaux qui ont été suivis pendant plus de deux mois ne s’est infecté. 12 juillet. La chèvre maigrit. Poids : 28 kilogrammes. 19 juillet. Depuis le 9 juillet, la température se maintient entre 39° et 39<>,7. La chèvre s’affaiblit, elle marche en écartant les pattes de derrière. Les kérato-conjonctivites ont disparu presque complètement. 1er août. L’amaigrissement fait des progrès; poids : 26 kg, 800. Depuis le 19 juillet, la température s’est maintenue entre 39 et 39«,7. L’examen du sang fait le 1er août révèle des trypanosomes très rares. 4 août. Anémie très marquée, muqueuses décolorées. Faiblesse générale, apparente surtout pendant la marche. Les pattes postérieures sont mainte- nues écartées et elles vacillent. Température 39o,4. Les yeux sont en bon état. L’examen du sang révèle l’existence de rares trypanosomes. 5 août. Température : 39<>,6. La chèvre s’affaiblit rapidement. La chèvre est trouvée morte le 6 août au matin, la chaleur est très forte et le cadavre a subi, au moment de l’autopsie, un commencement de putré- faction. On ne note rien d’anormal en dehors des altérations dues à la putréfaction. Observation IV. — Une chèvre achetée à Paris reçoit le 15 juillet 1906, 1. Toutes les souris d’épreuve dont il est question dans ce travail ont été ino- culées, dans le péritoine, avec 0 c. c. 25 de sang. 332 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tracé n° 3. — Chèvre inoculée de Souma le 15 juillet 1906, morte le 19 octobre 190G. TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER 333 sous la peau du cou, 10 c. c. du sang de la chèvre qui fait l’objet de l'obser- vation III. Du 15 au 49, la température se maintient entre 38°, 4 et 38°, 9. Le poids de la chèvre est de 21 kilogrammes. Le 20 juillet, on note une légère élévation de la température (39°, 4). Du 24 au 30 juillet, poussée fébrile bien marquée; la température monte à 40° et 40°, 2 (voir le tracé no 3). L’examen du sang fait le 25 juillet révèle l’existence de trypanosomes rares. On note ce même jour une conjonctivite double. Les yeux étaientsains avant l’inoculation. 31 juillet. La conjonctivite s’est compliquée de kératite à gauche. 1er août. La chèvre maigrit; poids : 19 kilogrammes. Des examens du sang faits les 28 juillet et 1er août sont négatifs. Du 1er au 3 août, la tempé- rature de la chèvre se maintient aux environs de 40°. A partir de ce moment, la température s’abaisse un peu : pendant tout le mois d’aout et pendant les premiers jours de septembre, elle se maintient aux environs de 39o,5. 4 août. Trypanosomes non rares dans le sang de la chèvre. 2 cobayes sont inoculés, ils reçoivent chacun, dans le péritoine, 3 c. c. du sang delà chèvre. L’un des cobayes meurt rapidement par accident, l’autre ne s’était pas infecté à la date du 20 septembre. 16 août. Faiblesse générale marquée surtout dans les extrémités posté- rieures que la chèvre écarte pendant la marche. Anémie, muqueuses décolo- rées. Les kérato-conjonctivites ont disparu. Examen du sang négatif. Poids : 19 kilogrammes. 3 septembre. La chèvre va un peu mieux, la faiblesse est moins grande. Yeux normaux. Examen du sang négatif. Du 6 au 9 septembre, poussée fébrile ; le 9, la température s’élève à 40°, 5. La chèvre s’affaiblit de nouveau, elle mange peu et maigrit. Poids le 10 sep- tembre : 17 kilogrammes. Du 10 septembre au 11 octobre, la température se maintient entre 39°3, et 39o,8. Le 10 septembre, trypanosomes rares à l’examen du sang. 15 septembre, poids : 16 kg,500. Des examens du sang faits les 20 et 26 septembre et 1er octobre sont négatifs. 6 octobre. La chèvre s’affaiblit; elle est le plus souvent couchée. Anémie profonde, sang pale. Trypanosomes non rares. Poids : 15 kg,500. 14 octobre. Poussée fébrile, la température monte à 40°, 5; les jours suivants, la température s’abaisse rapidement (voir le tracé n° 3). 17 octobre. Trypanosomes non rares. 18 octobre. La chèvre, couchée sur le flanc, ne peut plus se relever Hypothermie : 38°, 3 le matin, 37°, 2 le soir. 19 octobre. Trypanosomes non rares. Hypothermie très marquée : 35°, 6 le matin, 34°, 2 le soir. La chèvre meurt le 19 au soir. Autopsie . — Elle est faite le 20 octobre au matin. La chèvre pèse 15kg,500. Pas d’œdèmes. Les ganglions inguinaux sont augmentés de volume. 334 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Tous les tissus et les viscères sont profondément anémiés. Pas d’épan- chements dans les séreuses. La rate pèse 70 grammes. Poumons, cœur, rien d’anormal. Observation V. — Le 20 août 1906, on injecte à un mouton, sous la peau du cou, 10 c. c. du sang de la chèvre qui fait l’objet de l’observation IV. Le poids du mouton est de 30 kilogrammes. Le 28 août, le mouton a une légère poussée fébrile. La température qui. du 20 au 27 août, s’était maintenue à 39<>, s’élève le 28 à 39°, 3 et le 29 à 39«7 ; du 30 août au 28 septembre, la température s’élève souvent à 39»,5; elle atteint une fois 39°8; c’est le maximum observé. Le 3 septembre, l’examen du sang du mouton révèle l’existence de try- panosomes rares. Les 6 et 10 septembre, les examens du sang sont négatifs. Le 7 septembre, un cobaye et deux rats sont inoculés sur le mouton. Le cobaye reçoit 3 c. c. de sang, et les rats 1 c. c. de sang chacun. Ces animaux ne s'infectent pas. Le 13 septembre, le mouton pèse 30 kilogrammes. Des examens du sang faits les 13 et 20 septembre révèlent l’existence de trypanosomes rares. Les examens faits les 26 septembre et 1er octobre sont négatifs. Le 1er octobre, le mouton pèse 28ks,300. 6 octobre. Trypanosomes rares dans le sang du mouton. Des examens du sang faits les 17, 21 et 28 octobre sont négatifs. Le 3 novembre, le mouton pèse 26 kilos, il a donc sensiblement maigri. Pas d’autres symptômes. La température se maintient aux environs de 39<>, 2. Yeux normaux. Le 3 novembre, l’examen du sang révèle l’existence de trypanosomes rares. Les examens faits les 10, 14, 21, 23 novembre, 1er et 6 décembre sont négatifs. Le 13 novembre, le mouton pèse 24kg, 300 et le 1er décembre 23 kilo- grammes. Anémie marquée, muqueuses décolorées. 11 décembre. Trypanosomes non rares dans le sang du mouton. Les examens faits les 13, 19 et 22 décembre sont négatifs. Le 13 décembre, le mouton pèse 23 kilogrammes et le 31 décembre 22 kilogrammes. 26 décembre. Trypanosomes non rares. Les examens du sang faits le 31 décembre 1906 et le 5 janvier 1907 sont négatifs. 9 janvier 1907. Trypanosomes rares. Les examens faits les 13, 21 et 26 janvier sont négatifs. Le 13 janvier, le mouton pèse 19 kilos et le 1er février 18kg,200. 1er février. Trypanosomes non rares; le 7 février, l’examen du sang est négatif; le 12, je note de nouveau l’existence de trypanosomes non rares. Le poids du mouton remonte brusquement, il est de 28 kilogrammes le 17 février, et de 30 kilogrammes le 4 mars. Les examens du sang faits les 17 et 24 février, 3, 8, 14, 16 et 18 mars TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER 333 sont négatifs. Le 23 mars, trypanosomes très rares. Les examens faits les 3, 8 et 42 avril sont négatifs. Le 2 avril, le mouton pèse 30 kilogrammes, et le 43, 32 kilogrammes. Observation VI. — Un bélier qui a été inoculé le 5 mars 4906 à Ségou. sur un taureau dont l’infection par les trypanosomes était douteuse, est ramené en France par M. Cazalbou. Il pèse, le 34 mai, 22 kilogrammes. Aucun signe d’infection, l’examen du sang est négatif. L’animal augmente rapi- dement de poids. Le 5 septembre, il pèse 36 kilogrammes. Le 4 septembre, on injecte à un chien, dans le péritoine, 20 c. c. du sang du bélier. Le chien ne s’est pas infecté le 43 octobre. 43 octobre. Le bélier pèse 40 kilogrammes; je lui inocule, sous la peau d'une oreille, 3 c. c. du sang de la chèvre qui fait l’objet de l’observation IV. 23 et 30 octobre. L’examen du sang du bélier est négatif. 5 novembre. L’examen du sang révèle l’existence de trypanosomes non rares. On inocule 2 cobayes (chacun d’eux reçoit 5 c. c. de sang dans le péri- toine) et 3 souris. Aucun de ces animaux ne s’est infecté. 40 novembre. Trypanosomes très rares dans le sang du bélier. Les 14, 24 et 23 novembre, les examens du sang sont négatifs. Le 43 no- vembre, le bélier pèse 39 kilogrammes. 4er et 6 décembre, trypanosomes très rares. 44 et 43 décembre, examens du sang négatifs. Le 46 décembre, le bélier pèse 39 kilogrammes. 49 décembre, trypanosomes rares. 22, 26 et 34 décembre, examens du sang négatifs. Le 34 décembre, le bélier pèse 39 kilogrammes. 3 janvier 4907. Examen du sang négatif. Aucun signe morbide. Il n’y a même pas d’amaigrissement sensible. Rien aux yeux. 9 janvier. Trypanosomes rares. Les 24 et 26 janvier et 4er février, les examens du sang sont négatifs. Le 4pr février, le bélier pèse 40 kilogrammes. 7 février. Trypanosomes rares. Le 8 février, j’inocule à un singe (Macacus rhésus) 3 c. c. du sang du bélier. Le poids du singe est de 2*%480. A la date du 23 mars, le singe ne s’est pas infecté. Il va très bien; poids, 2ks,370. Les 47 et 24 février, 3, 8 et 44 mars, les examens du sang sont négatifs. Le 4 mars, le bélier pèse 43 kilogrammes et le 48 mars, 44 kilogrammes. Le 43 mars, un examen du sang (après centrifugation) est négatif. Des examens du sang faits les 18, 23, 27 mars et 3, 8, 42, 47 avril sont négatifs. Observation VII. — Le 26 juillet 4906, M. Vallée inocule aune vache bretonne 20 c. c. du sang de la chèvre qui fait l’objet de l’observation IV; le sang a été mélangé à de l’eau physiologique citratée; il est injecté sous la peau. Le 4 août, la vache a une poussée fébrile qui dure quatre îours; la tem- ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pérature atteint 40<>,8 (voir le tracé no 4). Pendant cette poussée fébrile, les trypanosomes sont notés comme non rares dans le sang de la vache. Du 18 au 21 août, la vache a une nouvelle poussée moins forte que la première. Le 18 août, les trypanosomes sont non rares; on inocule avec le sang de la vache : une chèvre, un chien et trois cobayes. A partir du 10 octobre, la température de la vache est normale ; l’examen du sang fait à plusieurs reprises est toujours négatif. La chèvre inoculée le 18 août sur la vache (10 c. c. de sang sous la peau) a eu, le 27 août, une poussée fébrile (40o7) et l’examen du sang, fait à ce moment, a permis de constater l’existence de nombreux trypanosomes. Jus- qu’à la fin d’octobre, on a constaté de petites poussées fébriles avec multi- plication des trypanosomes dans le sang au moment de ces poussées. Depuis le 1er novembre 1906, la température est normale et on ne trouve plus de trypanosomes dans le sang (note remise le 14 avril 1907 par M. Vallée). Le chien qui avait reçu le 18 août 10 c. c.. du sang de la vache sous la peau et 10 c. c. dans le péritoine ne s’est pas infecté. Les 3 cobayes inoculés le 18 août 1906, chacun avec 4 c. c. de sang dans le péritoine, sont encore vivants à la date du 14 avril 1907, et n’ont jamais rien présenté d’anormal. Agent pathogène. — J’ai décrit le trypanosome de la Souma, comme une espèce nouvelle, sous le nom de Tr . Cazalhou \ . 1. A. Lweran, Acad, des Sciences, 9 juillet 1906. TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER 337 Tr. Cazalboui présente la structure typique des Flagellés du genre Trypanosoma ; sa longueur (flagelle compris) est de 21p., sa largeur de ip.,5. Le noyau est ovalaire, situé vers la partie moyenne. Le centrosome, arrondi, bien visible, est situé très près de l’extrémité postérieure qui est arrondie, non effilée. Dans le protoplasme on distingue, sur les préparations colorées, de fines granulations. La membrane ondulante est très peu développée et peu piissée comme chez Tr. Lewisi ; elle est bordée par le flagelle qui a une portion libre. La division, qui se fait par bipartition, commence d’ordinaire par le centro- some. La figure II représente différents aspects de Tr. Cazalboui dans un frottis de sang de chèvre, desséché et coloré. Fig. ii. — Tr. Cazalboui. 1, 2, 3. formes ordinaires du trypanosome; l’extré- mité postérieure est plus ou moins arrondie. — i, un trypanosome en voie de bipartition. Gr. 1800 D. environ. Dans le sang frais, le trypanosome a des mouvements très vifs ; il se meut tantôt sur place, tantôt en flèche et, dans ce cas, il sort rapidement du champ du microscope. Au point de vue morphologique, Tr. Cazalboui se distingue bien de Tr. Evansi ; il est plus petit que ce dernier, sa mem- brane ondulante est moins développée, enfin son extrémité postérieure est rarement effilée comme chez Tr. Evansi • L’expérience faite sur la chèvre qui est l’objet de l’obser- vation II montre bien que le trypanosome de la Souma ne ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 338 peut pas être considéré comme une variété du trypanosome de la Mbori. La chèvre qui avait une immunité solide pour le Surra de Maurice et, par conséquent, pour la Mbori, a eu une infection mortelle à la suite de l’inoculation du virus de la Souma. On verra plus loin que Tr. Pecaudi se distingue nettement de Tr. Cazalboui par ses caractères morphologiques. Le fait que le singe, le chien, le cobaye, le rat et la souris se montrent réfractaires à Tr. Cazalboui permet d’ailleurs de distinguer facilement ce trypanosome des espèces qui s’en rapprochent au point de vue morphologique, mais qui sont pathogènes pour ces animaux. 11 BALERI Agent pathogène : Tr. Pecaudi. J’ai décrit, sous le nom de Tr. Pecaudi , un trypanosome que j’ai trouvé dans le sang d'un mouton inoculé sur une ânesse infectée de trypanosomiase à Garo 1 . Ce trypanosome avait été vu déjà par MM. Cazalbou et Pécaud mais l’interprétation des faits était restée douteuse. Dans un travail publié en 1904, Cazalbou note que, chez un cheval infecté dans la région du Bani, il a trouvé deux sortes de trypanosomes, dont l’une plus courte et plus large que l'autre ; Cazalbou pense qu’il s’agit d’une infection double . Dans plusieurs lettres datées de Kati, 1906, M. Pécaud me parle d’infections des Équidés, de la région de la Yolta, carac- térisées par l’existence, dans le sang, d’un long trypanosome avec un tlagelle libre, et d’un autre trypanosome court et large. Ces deux formes sont très visibles dans des préparations que M. Pécaud a bien voulu m’envoyer de Kati. Pécaud incline à croire qu’il s’agit d’une infection double, mais il constate qu'il n’a jamais réussi à séparer les deux trypanosomes. A. Balfour paraît avoir observé cette trypanosomiase au Soudan anglo-égyptien 3. 1. A. Laveran, Acad, des Sciences, 4 février 1907. 2. L. Cazalbou, Rec. de méd. vétér., 15 octobre 1904. 3. A. Balfour, Second report of the Wellcome research laboratoires , 1906. TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER 339 D’après les renseignements oraux qui m’ont été fournis par M. le Dr Thiroux, il est probable que la trypanosomiase due à Tr. Pecaudi s’observe à Nianing (Sénégal) l. Dans une lettre datée du 20 février 1907, M. Cazalbou m’écrit au sujet de Tr. Pecaudi que je venais de décrire : « 11 s’agit sans conteste du trypanosome qui provoque la maladie appelée Baleri parles indigènes de la Haute-Yolta ».; j’emploierai donc le nom de Baleri pour désigner cette trypanosomiase. En dehors des Equidés et des Bovidés, chez lesquels l’infec- tion naturelle par Tr. Pecaudi est commune, dans certaines régions du Soudan, la plupart des Mammifères sont sensibles à ce virus. Symptômes chez les Équidés , les Bovidés , les Ovines et les Caprins. — Nous sommes incomplètement renseignés sur la symptomatologie du Baleri chez les Équidés et les Bovidés. L’infection* latente au début, paraît se traduire surtout, à une période avancée, par l’amaigrissement et la perte des forces. Chez la chèvre et chez le mouton, l'infection est en général légère. Sur 2 chèvres et 2 moutons* dont on trouvera les obser- vations ci-dessous, la maladie s’est terminée trois fois par guérison. Je n’ai observé, chez ces animaux, ni poussées fébriles bien marquées, ni œdèmes, ni ophtalmies. Le seul symptôme a été l’amaigrissement qui était très marqué chez la chèvre dont l’infection a été mortelle. Cette chèvre a succombé en 48 jours après avoir présenté des mouvements convulsifs. (Ohs. I) ; l’autre chèvre (Ohs. IV) paraît guérie au bout de 5 mois. Des 2 moutons, l’un a guéri au bout de 4 à h mois (Ohs. III); l’autre est guéri ou en bonne voie de guérison au bout de 7 mois fObs. II). Chez ces animaux, l'existence des trypanosomes n’a jamais pu être constatée directement dans le sang, ce qui montre que les parasites y sont toujours en très petit nombre, contraire- ment à ce qui arrive dans l’infection produite par Tr. Cazalboui. 1. MM. Thiroux et Teppaz dans leur travail sur les Trypanosomiases au Sénégal {A nn. de l’inst. Pasteur, 25 mars 1907) ont identifié la trypanosomiase de Nianing à la maladie des chevaux de Gambie due à Tr. dimorphon ; on verra plus loin que 77*. Pecaudi se rapproche beaucoup en effet de 77*. dimorphon . 340 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Observation I. — Une chèvre neuve est inoculée le 25 mai 4906 avec 77*. Pecaudi. A cet effet on injecte sous la peau, à la base d’une des oreilles, du sang d’une souris fortement infectée de Tr. Pecaudi, mélangé à de l’eau physiologique citratéé. Le 31 mai, la chèvre pèse 28 kilogrammes. L’examen histologique du sang de la chèvre fait à plusieurs reprises pendant les mois de juin et de juillet est toujours négatif. Le 9 juin, on inocule 4 souris, qui s’infectent en 5 à 7 jours et meurent en 10, 17, 48 et 23 jours. Lê 49 juin, la -chèvre pèse 25 kilogrammes, elle a donc maigri. On n'observe pas d'autres symptômes morbides. Les yeux sont à l’état sain. Le 40 juillet, on inocule 3 souris qui s’infectent en 6, 8 et 10 j.ours et meurent en 48. 28 et 34 jours. Le 12 juillet, le garçon de service me signale que la chèvre a eu des espèces d’attaques avec mouvements convulsifs. La chèvre est trouvée morte le 13 juillet. Autopsie. — Elle est faite le 43 juillet. La chèvre pèse 23k?,500. Pas d’œdèmes sous-cutanés. Un peu de sérosité citrine dans le péritoine et dans le péricarde. La rate pèse 70 grammes; le parenchyme est ramolli. Les ganglions lymphatiques sont augmentés de volume surtout aux aines. Reins congestionnés. Poumons congestionnés. Cœur normal. Le crâne n’a pas été ouvert. Observation IL — Un mouton qui a été inoculé à Ségou au mois de mars 4906 sur un cheval, mais qui ne s’est pas infecté, est en très bon état le 1er septembre 1906. L’examen du sang a toujours été négatif ; aucun des animaux (souris, rat, chien, cobaye) inoculés sur le mouton ne s'est infecté. Le mouton a augmenté de poids : il pèse actuellement 39 kilogrammes; il ne pesait à l’arrivée que 27 kilogrammes. Le 3 septembre 1906, le mouton est inoculé avec Tr. Pecaudi. A cet effet j’injecte sous la peau, à la base d’une des oreilles, du sang d’un cobaye fortement infecté de Tr. Pecaudi, mélangé à un peu d’eau physiologique citratéé . 18 septembre. L’examen du sang du mouton est négatif. On inocule 2 rats (1 c. c. de sang à chaque). Les rats s’infectent en 4 jours et meurent en 42 et 43 jours. 1er octobre. Le mouton pèse 37 kilogrammes: il a donc un peu maigri: on ne constate aucun autre symptôme morbide. 48 octobre. On inocule 3 souris qui s’infectent en 5 et 7 jours et meurent en 15 et 24 jours. Le 3 novembre, le mouton pèse 40 kilogrammes. Aucun symptôme morbide. Le 48 novembre, on inocule 2 souris qui s’infectent en 8 jours et meurent toutes deux en 13 jours. TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER 341 1er décembre. Le mouton pèse 38k',500. Le 18 décembre, on inocule 3 souris qui ne s'infectent pas. Le 7 janvier 1907, un chien reçoit, dans le péritoine, 25 c. c. du sang du mouton. Le chien s’infecte en 24 jours et meurt en 32 jours. Le 15 janvier, le mouton pèse 37kg,500. Le 7 février, un chien reçoit, dans le péritoine, 30 c. c. du sang du mou- ton, il s’infecte en 15 jours. Le 17 février, le mouton pèse 45 kilogrammes, et le 4 mars 44 kilo- grammes. Le 9 mars, un chien reçoit, dans le péritoine, 30 c. c. du sang du mouton ; il ne s’est pas infecté à la date du 19 avril. ( Action pathogène sur différents animaux. — Trois chiens sont morts en 14, 16 et 32 jours. Deux de ces chiens avaient des trypanosomes nombreux dans le sang au moment de la mort; chez le troisième, les parasites étaient rares. Le poids de la rate était fortement augmenté, surtout chez le chien qui a vécu le plus longtemps. 1er chien, mort en 14 jours. Poids du corps : 4k",950; poids de la rate : 20 grammes. 2e chien, mort en 16 jours. Poids du corps : 12ks,o00; poids de la rate : 60 grammes. 3e chien, mort en 32 jours. Poids du corps : 8k",500; poids de la rate : 100 grammes. Chez ce dernier, il y avait, au moment de la mort, de l’oedème de la paroi abdominale et des épanchements de sérosité dans le péricarde et dans les plèvres. Les reins étaient congestionnés. Chez les cobayes, au nombre de 25, la durée moyenne de la maladie a été de 40 jours. Minimums : 18 et 23 jours. Maximums : 97 et 91 jours. Chez 18 cobayes, du poids moyen de 342 grammes, le poids moyen de la rate a été de l*r,50. Maximums : 5 grammes et 3 grammes. Chez les rats, au nombre de 6, la durée moyenne de la maladie a été de 19 jours. Minimum : 12 jours. Maximum : 39 jours. Pour un poids moyen du corps de 118 grammes, le poids moyen de la rate a été de 2"r,38. Maximums : 6 grammes chez un rat de 275 grammes et 3 grammes chez un rat de 76 grammes. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK 342 Chez les souris, au nombre de 29, la durée moyenne de let maladie a été de 17 jours. Maximum : 34 jours. Le poids moyen du corps a été de 10 grammes, et le poids moyen de la rate de 0gr,G3. Maximum : lgr,10. Je n'ai pas noté chez les souris d’infections à marche très lente, avec hypertrophie énorme de la rate, comme on en observe souvent dans les infections produites par Tr. dimorphon. Chez les chiens, les cobayes, les rats et les souris, la maladie s’est toujours terminée parla mort. Les trypanosomes étaient nombreux ou très nombreux, chez ces animaux, à la dernière période de la maladie. Agent pathogène. — Dans le sang frais, les mouvements du trypanosome sont très vifs, ce qui ne permet pas de constater qu'il se présente sous deux formes bien distinctes. Dans les frottis de sang desséché, fixé et coloré par les procédés ordinaires (procédé de Giemsa ou mon procédé), on distingue, comme cela est représenté dans la figure 111, des formes longues et minces et des formes courtes et larges. Fig. III. — .Sang de rat infecté avec Tr. Pecaudi. 1, grande forme mince du parasite. 2, 3, petites formes larges. 4, grande forme en voie de division. Gr. 1800 D. environ. 1° Formes longues et minces. — Ces trypanosomes mesurent de 2og à 35{i. de long sur lu., 5 environ de large. L’extrémité postérieure est plus ou moins effilée, parfois comme épointée. La membrane ondulante est étroite. Le flagelle a une partie libre assez longue. Vers la partie moyenne du corps, on distingue le noyau qui est allongé dans le sens de l’axe du corps. Le TRYPANOSOMIASES DU HAUT-NIGER 343 centrosome, bien visible, est situé en général assez loin de l’extrémité postérieure. Le protoplasme est homogène. Les formes en voie de division ne sont pas rares. La bipar- tition qui commence par le centrosome se poursuit par le flagelle, parle noyau et enfin par le protoplasme. 2° Formes courtes et larges. — Ces trypanosomes mesurent de 14 à 20g de long, sur 3g et parfois 4g de large. L'extrémité postérieure forme un cône très court. La membrane ondulante, très large, est peu plissée (3 à 4 plis); le flagelle n/a pas de partie libre, le protoplasme se prolongeant jusqu’à l’extrémité antérieure. Vers la partie moyenne du corps, on trouve un noyau arrondi; le centrosome est situé près de l’extrémité postérieure (distance un peu variable). Le protoplasme est homogène ou bien il montre des granulations chromatiques. Les formes de division par bipartition sont plus rares que pour les grands trypanosomes. Le rapport existant entre le nombre des grandes formes et celui des petites est très variable; tantôt les grandes formes dominent de beaucoup, tantôt ce sont les petites formes qui sont les plus nombreuses. Chez un même animal, on peut observer à cet égard de grandes modifications. Un rat dont Je sang a été examiné à différentes reprises avait, au début, de grandes formes minces en nombre bien supérieur à celui des petites formes larges; pendant le cours de l’infection, j’ai noté %■ xlÉÉr* 1 N TO . 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VV^-Ca^ yfÿx: ^ * * ^ ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 362 comme disent les indigènes, les poils rugueux tombant et lais- sant souvent de larges plaques dénudées, l’animal, qui présente l'aspect classique de la trypanosomiase, a la démarche lente, raide et difficile. Il butte. Chancelant, il peut même flageoler sur les jambes et tomber sur le côté en marchant. Il a de la paralysie du train postérieur et traîne à terre les jambes de derrière. A la moindre pression sur la région lombaire, il s'effondre. Nous avons noté chez les chevaux de la flexion des boulets, de l'usure du rebord antérieur des sabots et de la fai- blesse des reins. Ils supportent mal le poids du cavalier qui sent sa monture s’affaisser sous lui. Atteint de constipation ou de diarrhée, l'animal trypanosomé offre très souvent des tares ophtalmiques, de l'opacité des cornées, de l'amaurose, parfois du larmoiement et de l’écoule- ment du nez, et l'œdème du ventre et des testicules. Véritable épouvantail, couvert de plaies, la crinière et la queue dénudées, réduit à l'état de squelette ambulant, il peut présenter un aspect repoussant. Il est difficile de déterminer exactement la période d’incu- bation et, dans les troupeaux de bœufs ou de moutons, on trouve le trypanosome chez des animaux que rien ne -permettait de soupçonner. Leur appétit étant conservé jusqu’au dernier moment, aucun symptôme ne vient avertir l'observateur qui pourrait noter tout au plus, avec un peu d’attention, un commen- cement d’amaigrissement. Il existe une période latente variable non seulement avec la résistance des bêtes, mais aussi avec les mode d’infection qui doivent être plus ou moins sévères. L'hy- perthermie est presque de règle à l’approche de la mort qui peut survenir très brusquement, alors que, la veille, l’animal paraissait plein de vie et de gaîté. Celui-ci tombe tout-à-coup sur le flanc, la respiration haletante, le corps agité de soubresauts et de tremblements. Il meurt en quelques heures, en un jour, souvent en hypothermie. Les trypanosomes peuvent disparaître au cours de la maladie et, de l’absence de parasites la veille du décès, il ne faut pas rejeter l'idée de trypanosomiase. La maladie est presque toujours mortelle. Cependant nous avons très souvent constaté de sérieuses améliorations chez des animaux suivis pendant dix mois et les indigènes en plusieurs TRYPANOSOMIASES DE LA GUINÉE FRANÇAISE régions nous ont rapporté des cas de guérisons. Personnelle ment, nous pouvons citer les deux observations suivantes : 1° Une chienne, née sur les bords du Niger à Trikiri le 23 décembre 1904, examinée par nous en novembre 1903, se trouve, en décembre 1900, en parfaite santé. Elle a superbe allure et son maître, un Européen, nous a adressé à plusieurs reprises des plaques de sang dans lesquelles nous n’avons jamais rien remarqué. Or, quand nous avons eu l’occasion de voir la chienne à Kouroussa, elle était très amaigrie et ne pou- vait faire plus d’une dizaine de pas sans tomber. Elle se relevait pour tomber un peu plus loin. La faiblesse du train postérieur était grande. Les poils s’arrachaient facilement. Les trypano- somes étaient assez rares dans le sang. L’animal a repris ensuite sa démarche ordinaire et petit à petit a recouvré ses forces et sa vigueur. Elle a supporté assez difficilement à l’aller le voyage de 330 kilomètres de Kouroussa à Bevla, plus facile- ment au retour; 2° Un cheval de Kollangui, venant de Ségou, trouvé très infecté en juillet 1903, nous est signalé en fin de 1900 comme parfaitement guéri, alerte et vigoureux. La colonne vertébrale n’est plus saillante, l’œdème des jambes a disparu. La bête supporte bien le poids de son cavalier. Ces animaux paraissant guéris ne sont pas à l’abri d’une rechute. Us n’ont pas acquis l’immunité. Nous avions ramené avec nous, de Guinée, un bouc, trypa- nosomé naturellement. 11 était guéri, puisqu’une chienne ne s’est pas infectée après avoir reçu 20 e. c. de sang du bouc (23 avril), puis, un mois après. 13 c. c. (26 mai). Or, ce bouc, inoculé le 20 mai 1900 avec 1 c. c. de sang d’un cobaye infecté de notre trypanosome du chien de Guinée (selon toute vraisem- blance, identique à celui du bouc), contracte une nouvelle infection (parasites présents dans le sang, à l’examen microsco- pique, durant quelques jours, en juin; souris infectée avec 1/4 de c. c. de ce sang) qui dure au moins 3 mois. M. Mesnil, à qui nous confions notre animal en quittant Paris, le considère de nouveau comme guéri à la fin de 1900 (plusieurs inoculations négatives aux cobayes) et il le réinocule le 17 janvier 1907 avec du sang d’une souris infectée avec notre trypanosome du porc de Guinée (identique morphologiquement ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 36-4 à ceux du bouc et du chien). Le bouc s'infecte encore : les examens microscopiques ont été négatifs, mais une souris, sur deux inoculées le 29 janvier avec 14 c. c. du sang du bouc, s’infecte; deux souris, faites le 9 mars, chacune avec 1/4 c. c., s'infectent également. Une chèvre , témoin du bouc, inoculée à l'Institut Pasteur le 26 mai 1906, avec le même virus que le bouc, s’infecte comme lui (trypanosomes présents à plusieurs reprises, à l'examen microscopique, en juin ; souris infectées avec 1/4 c. c. du sang en juin, juillet et août). A la fin de 1906, M. 3Iesnil, ayant fait plusieurs inoculations négatives aux cobayes, considère la chèvre comme guérie; il l’inocule, le 17 janvier 1907, dans les mêmes conditions que le bouc. La chèvre contracte une infection subaigüe. Deux souris inoculées le 29 janvier avec 1/4 c. c. s'infectent; le 11 février, la chèvre est malade, l’examen de son sang est négatif; le 12 elle est mourante, son sang renferme de nombreux trypano- somes du type dimorphon ; elle meurt dans la nuit du 12 au 13 février avec les lésions ordinaires des trypanosomiases. Nous reviendrons sur ces faits dans le chapitre suivant en traitant la comparaison de notre trypanosome avec le dimorphon. Rappelons simplement que Thomas et Breinl, à Liverpool, ont observé des faits semblables avec le dimorphon. Un mouton paraissant guéri, a contracté une nouvelle infection et y a succombé. Les indigènes, en Guinée, nous ont souvent raconté que des animaux malades, puis guéris, pouvaient très bien périr lors d'une seconde atteinte de la maladie. Dans ces cas, les trvpanosomes reparaissent sous l’influence d'une nouvelle infection. Peut-êtr e dans certains cas, existent - ls à l'état plus ou moins latent et acquièrent-ils chez des animaux surmenés, mal nourris, une exaltation de virulence. L’observation suivante rentre dans le même ordre d’idées. Nous avions ramené de Guinée un mouton trypanosomé et paraissant guéri, lorsqu’une atteinte de clavelée, venant réveiller son infection, a fait réapparaître dans son sang des parasites en nombre assez considérable. Ce mouton, infecté expérimentalement de « trypanosome du mouton ». très probablement de T. dimorphon , avait montré en 363 TRYPANOSOMIASES DE LA GUINÉE FRANÇAISE février 1906, pendant notre séjour à Conakry, (les parasites assez nombreux. 30 janvier 4, 7 février 14 15, 16, 17 13, 20 21, 22 Inoculation O tryp. Rares Rares Assez nombreux Assez nombreux A Paris il est examiné très régulièrement en mars, avril, mai, tous les deux ou trois jours. On ne voit rien dans le sang. L’animal était toujours infecté puisqu’un cobaye, inoculé avec 5 c. c. de son sang le 29 mars, montre 21 jours après (19 avril ) des trypanosomes d’abord très rares, puis assez nombreux les 23 et 30 avril. Le cobaye meurt du 3 au 4 mai en 35 jours. Cependant un second cobaye auquel fut injecté, un mois après, le sang de ce même mouton, ne s'infecta pas. Or, le mouton, le 9 juin, est atteint de clavelée. Les symp- tômes sont très nets. 11 reçoit 100 c. c. de sérum anticlaveleux. Le 11 juin, quelques trypanosomes rares sont vus dans le sang : Le 12 juin, ils sont assez nombreux : 14, 15, 16, 19, ils sont nombreux : 23, 25, assez nombreux : 27, 29, ils ont disparu ; 3, 5 juillet, ils sont assez nombreux : 7, très rares ; 9, 11 juillet, ils ont disparu. Le mouton meurt le 12 juillet (rate hypertrophiée). Très probablement l'infection trypanosomiasique aura joué un rôle important, car deux autres moutons en expérience, non trypa- nosomes, qui sont atteints de clavelée, résistent à la maladie. Les observations de MM. Nicolle et Adil-Bev 1 dans ce même ordre de faits sont bien connues. Quand on inocule du virus pes- tique pur à des animaux des steppes, ceux-ci peuvent résistera la peste bovine et montrer des parasites de la fièvre de Texas (piroplasmose bovine). Ce résultat, paradoxal en apparence, prouve que le virus pestique joue vis-à-vis du virus piroplas- mique le rôle d’un véritable agent révélateur. Les divers savants qui ont étudié la peste bovine dans l’Afrique australe ont signalé comme fréquente la présence du 1. Nicolle et Adil-Bey, Ann. Inst. Past., avril 1809. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 366 Piroplasma bigcminum clans le sang des animaux atteints de typhus contagieux naturel ou expérimental. Memmo, Martoglio, Adani 1 ont été aussi amenés dans leurs études sur la peste bovine en Erythrée à étudier des infections du bétail souvent latentes et que font apparaître des attaques de peste bovine ou des inoculations de vaccin pestique. L'existence d’une trypanosomiase bovine a été ainsi reconnue. Holmes, dans l’Inde2, a observé, après inoculation de virus pestique, le réveil de cas latents, non seulement de piroplasmose, mais aussi de trypanosomiase, chez des bovidés de plaine ou de montagne alors que ces infections étaient tout à fait inconnues chez les bovidés des mêmes régions. Theiler3 mentionne, en dehors du Piroplasma big. et du Tryp. theiler i , comme pouvant sans doute entraîner des mécomptes dans la préparation du sérum antipestique et dans son emploi, le trypanosome du Nagana. Marchoux 4, au Sénégal, a fait reparaître des Piroplasma canis dans la circulation périphérique des chiens, en état d’infec- tion latente, en provoquant la lièvre par un moyen quelconque. III Etude expérimentale des trypanosomiases de Guinée. LEUR DIFFÉRENCIATION. Il existe sans doute plusieurs trypanosomiases en Guinée, mais il nous paraît ressortir de nos diverses observations chez les animaux infectés spontanément et de l’étude des virus des races différentes chez des animaux de passage dont nous exposons les tableaux généalogiques, que nous avons surtout rencontré le T. dimorphon. En effet, le parasite apparaît à l’état frais sous des formes de dimensions parfois fort inégales, tantôt agiles et vives, le 1. Ann. Ig. sperim. 1004 analysé in Bulletin Inst. Pasteur 1905 p.78. Ann. d’Ig. sperim, 1905 analysé in Bulletin Inst. Pasteur 1905, p. 396. 2. Holmes, Journal o f comp. Pat h. a Therap t. XVII, déc. 1901, analysé in Bulletin Pasteur, 1905, p.119. 3. Theiler, Monatshefte fur prakt. Tierheilkunde , t. XVI, 190L analysé in Bulletin , 1905, p. 168. 4. Marchoux, G. R. Soc. Biologie , 27 janvier 1900. 367 TRYPANOSOMIASES DE LA GUINÉE FRANÇAISE plus souvent très peu mobiles, ne sortant pas du champ du microscope ou se déplaçant en se tortillant sur elles-mêmes, s’arrêtant brusquement et repartant de la même façon caracté- ristique. La membrane ondulante est peu apparente* Certaines formes allongées ont l’extrémité post-centrosomique terminée en pointe, d’autres l'ont arrondie comme toutes les formes courtes. La tendance à s’agglutiner, dès que le sang d’un rat ou d’une souris qui en renferme beaucoup est mis entre lame et lamelle, est manifeste. Sur nos préparations colorées, on rencontre un grand nombre de trypanosomes associés par deux, mais les parties postérieures, au lieu de venir s’affronter par leur extrémité, comme c’est le cas des Trypanosoma brticei et leicisi, s’accolent latéralement et il y a contact sur une certaine longueur. Les centrosomes se trouvent souvent en re- gard. Les parasites ont les uns de 13 à lu g, les autres 20 à 23 ;x, quelques-uns 27 à 28 :x. Sur les préparations colorées de sang d’animal inoculé avec les trypanosomes d’origines différentes, nous n'avons pas vu, d’accord avec Laveran et Mesnil 1 , Thomas et Breinl -, le long llagelle libre décrit par Dutton et Todd 3. Le proto- plasme du corps se continue le long du flagelle (v. fig. 6, p. 373). Aussi bien pour la forme allongée que pour la forme courte, la partie véritablement libre du flagelle est nulle ou rudimentaire et notre parasite est tout à fait comparable au climnrphon, type des laboratoires de l'École tropicale de Liverpool et de l lnstitut Pasteur. Cependant dans le sang d’animaux infectés sponta- nément (mouton de Kandiaï, fig. 4), nous avons pu voir des para- sites avec un long flagelle libre. Nous les avons même suivis pendant un certain temps chez des animaux d’expérience (fig. 3) 1 . 1. Trypanosomes et Trypanosomiases , Paris. Masson, 1904. 2. Liherpool School of Trop. Med., mem. XVI, 1905. 3. Liverpool School ofTrop. Med., mem. XI, 1903. 4. Dans es dernier cas, ne pourrait-il pas s’agir du Tr. pecaudi, récepament décrit par Laveran? Fig. 4. — Infect, naturelle ryp. du mouton (Kandiaï). ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 3G8 Ces faits corroborent ceux de Dutton et Todd et montrent que ces formes à flagelle libre peuvent exister quelque temps, puis disparaître. Martini a observé des changements morphologiques de meme ordre pour ses deux virus Nagana du Togo. Fig. 5. — Trypanosome du mouton. (Passage chez le cobaye.) Nous devons dire néanmoins que, dans la majorité des cas. notre trypanosome n’a présenté que des formes relativement courtes sans flagelle libre. Le fait est indubitable en particulier pour les mulets et bœufs observés en novembre 1900, au moment où notre attention était bien attirée sur ces particula- rités morphologiques (v. fîg. 1 et 2, p. 359). De même, le try- panosome des bovidés du Dahomey, que nous rapportons aussi au dimorphon , n’a pas de formes à flagelle libre (v. fig. 10, p. 382). Les chiens, lc*,s Ruminants, les Rongeurs sont sensibles à tous ces virus à formes petites, sans flagelle libre. Les Cynocé- phales et les Cercopithecus ruber ont paru être réfractaires. Les rats ont succombé, en une période' variant de 11 à 32 jours, à l’infection produite par le Trypanosome rencontré chez le cheval. Les souris ont résisté 13 jours en moyenne. L’une d'elles a vécu 48 jours. Un chat est mort en 5 mois, un chien en 6 mois, un mouton en 4 mois, un lapin en 37 jours, un Cercopithecus callitrichus en 83 jours U 1. Nota. Les tableaux généalogiques « qui vont suivie résument les passages effectués par nos divers virus à partir de la souche initiale. A côté du nom de l’espèce animale de passage, se trouvent généralement 3 chiffres : le 1er indique la durée de l’incubation, le 2e celui de l'infection sanguine, le 3e (enfermé dans un rond) est le total des deux; il représente donc le temps qui s’écoule depuis le moment de l’inoculation jusqu’à la mort de l’animal. TRYPANOSOMIASES DE LA GUINÉE FRANÇAISE 36 9 TABLEAU 1. Lapin: 9+28 (37 Ane ( K india h ) i Chien : la ♦ 169 - (i79) (6 ma es) t liai 9 nui cercoptlfrecus ull d: {0*75 = dial 9 * UZ= Mouton io+mAi35 Cheval f Toubouquebou ) rS™ (7) Mulet ( KlnjoUahj j l\al : 7 + 4-= (^) TABLEAU 2. Ch cv 0 Souris © Souris ■ ■© Souris: SoiuiS: 3 i I’Taiz Souris © .,© .Souris (^0^ Souris: 4+ 6 = (lO Souris (7i) Jauris(7%^ SmrisÇT^ Souris 4 j Souris Souris Souris © Souris ® 24 370 ANNALES DE L’ÏNSTITUT PASTEUR Au Trypanosome de Bovidés , les rats ont résisté 16, 22 et 30 jours; un chat 19 jours, un cobaye 57. jours, une génisse 54 jours, un chien plus de trois mois. TABLEAU 3 . Vache (JCadi) t Chien; U + 83 =• (f?) ChévreiiS*3=^Zé\ ■< — ^ Cercopithecus callitricus : 9 + é = 1- A? % 33; 31 janvier, sensibilisés (toxine + 1/200 c. c. sérum); 15 février, injection de 1/80 c. c. sérum antiscarlatineux de Moscou dans le cerveau; ils résistent (1/40 c. c. de ce même sérum a tué dans les mêmes conditions) ; 29 mars, résensibilises (toxine + 1/175 c. c. sérum); 18 avril, épreuve intracérébrale; symptômes caractéristiques d’anaphylaxie et mort en 5 et 7 minutes. Cobaye no 41: 31 janvier, sensibilise (toxine + 1/200 c. c. sérum); 14 février, injection dans le cerveau de 1/8 c. c. sérum dans le cerveau: malade, puis se rétablit; 29 mars, résensibilisé (toxine -f- 1/175 c . c. sérum; 4. Loc . cit. MÉCANISME DE L’ANTl-ANAPHYLAXIE 389 17 avril, épreuve intracérébrale (1/4 c.c.) ; l’animal présente des symptômes très graves d’anaphylaxie, puis se rétablit peu à peu. Cobaye no 15; 24 février, sensibilisé (toxine + 1/170 c. c. sérum); 9 mars, injection d’abord de 1/400 c. c. sérum dans le cerveau, puis I 1/2 heure après, injection de 1/4 c. c. sérum dans le cerveau; le cobaye est malade, mais ne présente aucun symptôme anaphylactique ; se rétablit très vite; 29 mars, résensibilisé (toxine + 1/175 c. c. sérum); 18 avril, épreuve intracérébrale (14 c. c.); mort en 5 minutes au milieu des symptômes caractéristiques. Cobaye no 42; 15 janvier, sensibilisé à Garches; 24 janvier, injection dans le péritoine de 4 c. c. sérum antistreptococcique ; 7 février, résensibilisé (toxine + 1/175 c. c. sérum); 21 février, injection dans le cerveau de 1 /4 c. c. sérum; l’animal présente dés symptômes très graves; collapsus, etc., mais finit par se rétablir ; 29 mars, nouvelle résensibilisation (toxine + 1/175 c. c. sérum); 18 avril, épreuve intracérébrale (1/4 c. c.); symptômes anaphylac- tiques très graves, puis mort après 30 minutes. * * * Avant déterminer, nous voudrions signaler quelques faits relatifs à la sensibilisation. Après avoir démontré qu'il est facile de vacciner contre les accidents d’anaphylaxie par la voie cérébrale, nous nous sommes demandés s’il ne serait pas possible de sensibiliser par la même voie. Trois cobayes neufs ont reçu dans le cerveau chacun 1/4000 c.c. de sérum normal, trois autres en ont reçu 1/40,000 c. c. Éprouvés 19 jours après, dans le cerveau (1/4 c. c.),ces cobayes n’ont pas réagi; l’expérience a été répétée deux fois avec le même résultat. 11 s’ensuit donc que, au moins, dans les conditions indiquées, on n’arrive pas à sensibiliser les cobayes par la voie cérébrale. II semble que pour donner lieu à l’anaphylaxie, il faille l’inter- vention des cellules actives autres que celles du cerveau, des cellules capables d’engendrer un corps nouveau. Le période de 10-12 jours que le cobaye met pour devenir anaphylactique ne plaide t-elle pas aussi en faveur d’un anti- corps sensibilisant, ou sensibilisine? Du reste, dans ses études sur le phénomène d’Arthus, si voisin de celui que nous étudions, M. Nicolle a pu mettre en évidence la présence de cet anticorps dans le sérum de ses lapins sensibilisés. Fait très curieux, l’élaboration de la sensibilisine n’est pas ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 390 du tout paralysée par l'injection d une dose massive de sérum faite h 24 heures d’intervalle. On sait, en effet, que si l’on réussit à sensibiliser facilement des cobayes avec de très petites doses de sérum, on échoue par contre, à peu près sûrement, dès que l’on injecte d’emblée des doses élevées de sérum. Or, nous avons constaté que, si à un cobaye sensibilisé dans de bonnes conditions, on injecte 24 heures après, dans le péri- toine, 2-4 c. c. de sérum, on n’empêche pas la sensibilisation de se poursuivre: mis a l’épreuve cérébrale (1/4 c. c.) 10-12 jours après, ce cobaye va réagir comme un cobaye témoin qui n’a été ]ue purement sensibilisé. La dose massive de sérum injectée à 21 heures d'intervalle après la dose sensibilisante, agit donc différemment d une dose massive injectée seule : elle n’empêche pas la sensibilisation; de plus, elle ne vaccine pas comme l'aurait fait cette même dose de sérum, injectée à cinq jours d’intervalle, et cela pour cette simple raison que, après 24 heures, le cobaye n’est pas encore prêt à être désensibilisé. * * CONCLUSIONS L’immunité conférée au cobaye sensibilisé par l’injection de doses massives de sérum dans le péritoine, dure au moins trois mois. Elle dure également longtemps à la suite de la vaccination intracérébrale. Celle-ci peut être réalisée non seulement au cours de la période qui précède l’anaphylaxie, mais encore après que celle-ci est déjà établie : il suffit d’injecter dans le ceîreau de très faibles doses de sérum pour rendre le cobaye d’emblée anti-anaphylac- tique. La vaccination anti-anaphylactique qu’elle soit obtenue par la voie péritonéale ou cérébrale, est très vraisemblablement un phénomène du même ordre que la désintoxication in vitro du cerveau tétanique par le sérum antitétanique. La vaccination se réduirait donc à une désensibilisation et aurait pour effet de faire revenir le cobaye à son état primitif ; l’immunité anti-anaphvlactique ne serait donc que l’immunité MÉCANISME DE L’ANTI- ANAPHYLAXIE 391 naturelle que tout cobaye normal possède vis-à-vis de l’injection intracérébrale de sérum. La sensibilisation, facile à obtenir par l'injection sous-cutanée de sérum, ne s'opère pas par la voie cérébrale; elle exige évidemment Fintervent ion des cellules capables de produire des anticorps. L’injection d’une dose massive de sérum dans le péritoine, faite 24 heures après la sensibilisation, n’empêche pas celle-ci j ce fait montre en même temps que l’injection précoce de sérum dans le péritoine ne vaccine pas contre l’anaphylaxie. D’une manière générale, la plupart des faits rapportés dans le présent mémoire, ainsi que dans le mémoire précédent, semblent indiquer que les phénomènes d’anaphylaxie et d’anti- anaphylaxie se réduisent aux actions de précipitation et d’adsorption qui régissent les rapports des colloïdes entre eux. La "Thim'ni", myiase humaine d’Algérie causée par “ Œstrus om L. Par les Drs Edmond SERGENT et Etienne SERGENT, SOMMAIRE Étude de la maladie dans une vallée de Kabylie. Étude de la Mouche. Exception à la règle du non-parasitisme de l’Homme par GEstrus ovis. Distribution géographique comparée de la Mouche et de la myiase. Conclusions. ETUDE DE LA MALADIE DANS UNE VALLÉE DE KABYLIE. Il y a plusieurs années, M. B. Villiard, instituteur à Ifri, petit village kabyle de la commune mixte d’Akbou, attirait notre attention sur une affection des cavités de la face, fréquente chez les bergers des hautes montagnes kabyles. Nous avons pu étudier cette affection dans la vallée d’Ifri (tribu des Ouzella- gen), grâce à la complaisance de M. B. Villiard qtæ nous sommes heureux de pouvoir remercier ici, car c’est à lui que nous devons d’avoir pu faire ces recherches. Nous tenons aussi à remercier M. Batouche Mohamed, élève à l’École normale de Bouzaréa, qui s’est livré pour nous à de nombreuses chasses entomolo- giques. Ce que nous avons observé dans la vallée d'Ifri, en premier lieu, est vrai pour tout le pays kabyle, nous allons donc le rap- porter brièvement. La vallée élève rapidement ses pentes peu fertiles, mais admirablement cultivées et garnies de nombreux villages très peuplés, jusqu’à une altitude de 1,000 mètres environ. Ici, les maigres cultures d’Orge, les jardins fruitiers et les Hêtres s’ar- rêtent, et jusqu’aux crêtes (1,200 à 2,000 mètres) ne s’étendent que des prairies à l’herbe rase, aux eaux abondantes et fraîches. Les villages surpeuplés de la vallée envoient pendant Pété leurs troupeaux de Moutons, toujours peu nombreux, dans ces prai- ries où les bêtes couchent dans des enclos de pierres sèches (azib). 393 LA THIM’NI (MYIASE HUMAINE) Les jeunes gens, qui gardent les Moutons à tour de rôle, montent des villages se remplacer très fréquemment. Ce sont ces bergers qui sont très souvent atteints d une inflammation des cavités de la face, causée par les larves d’un Œstre qui suit les Moutons, et qu’ils appellent Thim’ni. Le nom de la 3Iouche est appliqué aussi à la myiase. Cet OEstre hante les pâturages des crêtes, et ne descend jamais jusqu’aux villages. Il pond au vol, rapidement, sans se poser, ses larves sur les yeux, les narines, les lèvres des ber- gers, surtout de ceux qui ont mangé du fromage frais de Bre- bis ou de Chèvre. L’Œstre pond également dans les cavités de la face des Chiens, qui se nourrissent aussi de fromage. A la suite de la ponte dans l’œil, on ressent aussitôt une vive cuisson, la vision est impossible, les conjonctives sont tuméfiées, et à leur surface s’agitent des petits Vers, blancs et très mobiles. C’est quand la ponte a eu lieu dans les cavités nasales que la duuleur est le plus intense : douleur frontale insupportable, sommeil impossible, sensation de démangeaison dans le sinus, écoulement séreux continuel par les narines. Si l’Insecte a pondu sur les lèvres, l'inflammation intéresse la gorge ; déglutition rendue très difficile et douloureuse, toux continuelle. Vomissements, qui rendent parfois des petits Vers. La gorge est rouge et tuméfiée. Chez les Chiens, les symptômes sont identiques. La durée oscille entre 3 et 10 jours, l’inflammation du nez est plus longue que celle des autres cavités. La guérison sur- vient toujours. Le traitement efficace d’après les indigènes consiste : pour les yeux, à enlever les larves avec un morceau de linge; pour le nez, à fumer ou à priser du tabac; pour la gorge, à avaler de la macération de tabac dans l’eau, ou de l’oignon, de l’ail, du piment. ÉTUDE DE LA MOUCHE La capture de l’Œstre est très difficile : on ne le voit qu’au moment des chaleurs, durant tout l’été, mais seulement les jours où il fait très chaud (au moins 30 degrés), du soleil et pas 394 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de vent. 11 vole au-dessus des Moutons, surtout quand ceux-ci sont tous rassemblés, pendant la grande chaleur du jour. Nous devons quelques exemplaires de cet Œstre à l’habileté de M. Batouche Mohamed. Grâce à ces exemplaires, nous avons pu nous convaincre que la Thiirini des Kabyles est YOEstrus ovis Linné, dont voici les caractères (d’après Brauer) : Aspect général. — Mouche de 12 mm. de longueur, assez trapue, teinte générale sombre. Tête globuleuse jaune claire, avec petits jeux noirs. 3 ocelles. Sur la nuque et le thorax, tubercules noirs d’où sort un poil. AbdornenjYmw!? d’or brillant , avec des dessins noirs très découpés. Détermination. — Troisième article des antennes plus long que le second, et porteur d’un stjle nu. Pièces buccales très imparfaitement développées : rudiment de trompe et les 2 palpes seuls visibles, petits et globuleux 0ESTR1DÉS. La face, au-dessous des fossettes des antennes, légèrement sillonnée. Nervure transversale apicale distincte. Front saillant . Tête globuleuse. Pattes lieu longues et fragiles. Femelle larvipare. sans oviscapte. Cuillerons grands. Larves adultes dans le sinus ou le pharynx cavicoles. . Première cellule postérieure fermée, J4« nervure longitudinale (cubitus) sans appendice, et s’éloignant du bord postérieur, à partir du niveau de la transversale postérieure. Corps à peu près nu, rugueux. Face assez plate, étroite. Nervures transversales apicales et postérieures obliques, à peu près parallèles au bord postérieur. 4 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE (Infection et essais de vaccination par la voie digestive) Par A. CALMETTE, C. GUÉRIN et M BRETON. Institut Pasteur de Lille. De tous les mammifères susceptibles cTêtre infectes expéri- mentalement avec les virus tuberculeux d’origine bovine ou humaine, le cobaye est le plus sensible : aussi Temploie-t-on presque exclusivement dans les laboratoires pour le diagnostic des produits qui sont supposés contenir des bacilles de Koch. Pourtant cet animal présente cette particularité curieuse qu’il ne devient presque jamais spontanément tuberculeux dans les élevages, tandis qu’il contracte avec une extrême facilité la tuberculose lorsqu'on introduit dans son organisme quelques bacilles, soit par inoculation sous-cutanée, soit par inoculation intrapéritonéale. Les études que nous poursuivons depuis plusieurs années à l'Institut Pasteur de Lille, sur la pathogénie de l’infection tuber- culeuse chez les bovidés et chez les chèvres, nous ont conduits à tenter de réaliser chez le cobaye l’infection et la vaccination par les voies digestives, en utilisant les mêmes méthodes que nous avons déjà employées, avec des résultats fort, encourageants, chez les grands mammifères. Le présent travail résume les nombreuses observations que nous avons pu faire dans cet ordre d’idées. 2(3 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR m i TECHNIQUE EMPLOYÉE Lorsqu’on fait ingérer à des cobayes, en mélange avec leurs aliments, soit des fragments broyés d'organes provenant d’animaux tuberculeux, soit des cultures sur pomme de terre, soit du lait additionné de cultures, il arrive très fréquemment qu’ils ne contractent pas la tuberculose. Même lorsque ces inges- tions sont répétées plusieurs fois, un grand nombre de cobayes restent indemnes. Seul le lait, artificiellement infecté et quoti- diennement absorbé pendant plusieurs jours, finit par conta- miner tous les animaux. C’est ainsi que E. G. Schroeder et TU. E. Cotton 1 ont vu que les cobayes, nourris pendant 30 jours avec du lait contenant une petite quantité de bacilles finement émulsionnés, contractaient la tuberculose dans la proportion de 100 p . 100, alors que ceux qui recevaient la même ration pendant 13 jours n’étaient contaminés que dans la proportion de 33 p. 100. Pour rendre l’infection plus constante, nous avons préféré adopter une technique dont l’efficacité a fait ses preuves entre nos mains vis-à-vis du lapin, de la chèvre et du bœuf. Cette technique consiste à porter directement dans l’estomac, à l’aide d’une sonde œsophagienne (l’animal étant à jeun depuis 24 heures), les bacilles fraîchement obtenus de cultures sur pomme de terre âgées d’environ 30 jours et très finement émulsionnés. L’émulsion, pour être assez fine, doit être effectuée d'abord au mortier d’agate, dans quelques gouttes d’une solution de carbonate de soude au 2/000. On y ajoute ensuite peu à peu une quantité suffisante de décoction mucilagineuse de graine de lin, décoction préparée en faisant bouillir pendant 15 minutes 15 grammes de graines de lin dans 1 litre d’eau. Les graines sont séparées par simple décantation. La consis- tance de ce liquide est sensiblement égale à celle de la salive. Elle a pour but de tenir les bacilles bien divisés en état de suspension parfaite jusqu'à leur arrivée dans l’intestin. Pour immobiliser l’animal, nous introduisons verticalement les 2/3 postérieurs de son corps dans une boîte en carton cylin- 1. U. S., departement of Agriculture, Bureau of animal industry, Bull. no 86, 1906. TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 405 drique, de 7 à 8 centimètres de diamètre et de 14 à 15 centi- mètres de profondeur. L’ouverture des mâchoires est assurée à l’aide de deux galons de fil dont l’un enserre la mâchoire supé- rieure tandis que l’autre, passé sur les incisives inférieures, maintient l’écartement. Un seul aide, de ses deux mains, immo- bilise le tout. Les sondes œsophagiennes que nous employons pour le cobaye sont de simples sondes uréthrales en gomme (n° 7 de la filière de Charrière), sur le pavillon desquelles est lié un ajutage destiné à recevoir le bec d’une seringue à injection. L’extrémité libre de la sonde étant préalablement mouillée d’eau, l’opérateur lui fait suivre le milieu de la voûte palatine; elle arrive dans le pharynx et s’engage sans effort dans l’œsophage. On 1 enfonce d’environ 8 centimètres. La seringue, préalablement chargée du liquide infectant, est alors greffée sur l’ajutage. On pousse doucement le piston et, lorsque toute la dose à injecter est passée dans la sonde, on remplace la seringue vide par une autre qui consent une égale quantité d’eau que l’on propulse à l’intérieur de la sonde, en même temps qu'on retire celle-ci de quelques centimètres et qu’elle s’essuie sur les parois de l’œsophage. Finalement, la sonde est extraite d’un mouvement rapide et il est facile de s'assurer, en faisant cette opération à blanc avec des liquides colorés, qu’aucune trace de matière virulente ne peut refluer dans les premières voies respiratoires. Toute la manœuvre s’effectue en moins d'une minute. & % Dans une de nos séries d’expériences, nous avons fait absorber, comme il vient d’être dit, à quarante cobayes adtiltes pesant de 500 5 800 grammes, un centigramme de bacilles tuber- culeux d’origine bovine, pesés à l’état frais et simplement essorés entre deux doubles de papier buvard stérile. Quatre d’entre eux sont morts dans les 12 premiers jours après cet unique repas infectant : ils étaient porteurs de lésions de pleuro-pneumonie dues à une Pasteurella. Les ganglions mésentériques de 2 d’entre eux, triturés et inoculés, détermi- nèrent une pasteurellose septicémique mortelle en 48 heures. Les ganglions mésentériques des 2 autres, morts le ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR -404 10e jour, donnèrent la tuberculose aux 2 animaux inocules. Ges ganglions étaient donc déjà infectés. A partir du loe jour, les 36 cobayes restants commencèrent à maigrir, 13 succombèrent du loe au 30e jour. Tous les autres moururent successivement, pour la plupart au milieu du 2e mois, 45 à 50 jours après l’infection. Le dernier succomba le 71e jour. * * * Avant de décrire les lésions que nous avons observées, rappelons brièvement les dispositions essentielles du système ganglionnaire chez le cobaye. Les principaux collecteurs de la lymphe sont : les troncs jugulaires qui, situés à côté des veines jugulaires droite et gauche, ramènent la lymphe de la tête et du cou, et le canal thoracique qui collecte la lymphe des viscères, des parois de l’abdomen, des membres postérieurs et le chyle de l’intestin. Ge dernier, impair , prend naissance au niveau de la région sous- lombaire; il est formé par la réunion des troncs lombaires (citerne de Pecquet). Il se dirige en avant, en suivant l’aorte abdominale, franchit le diaphragme et va se jeter dans la veine sous-clavière gauche. Les principaux ganglions lymphatiques sont : les ganglions massétériques , petits nodules symétriques, de la grosseur d’un grain de chêne vis, accolés et noyés dans le tissu conjonctif, vers le point de réunion des deux branches du maxillaire inférieur. Les ganglions cervicaux dont les uns, superficiels, sont à côté de la veine jugulaire externe, au niveau du premier anneau cartila- gineux de la trachée; les autres, cervicaux profonds, au nombre de deux, de la grosseur d’un grain de blé, sont situés sous le muscle sterno-mastoïdien, en dehors du pneumogastrique et des carotides externe et interne; ils paraissent correspondre aux rétro-pharyngiens des grandes espèces. Les ganglions axillaires sont situés dans le creux de l'aisselle, sous la veine axillaire; les ganglions bronchiques à la bifurcation de la trachée. Enfin, sur le plancher du sternum, tout à fait en avant, au niveau de la première côte, se trouve un petit nodule gros comme un grain de millet, qui filtre la lymphe du diaphragme et des parois costales inférieures. Dans la cavité abdominale on trouve deux groupes de gan- TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 405 glions : les mésentériques supérieurs , les plus importants, qui atteignent le volume d’une grosse lentille, et les mésentériques inférieurs , beaucoup plus petits, avoisinant l’artère et la veine mésentériques au niveau du colon descendant. Enfin, desservant immédiatement les membres postérieurs, on trouve les ganglions inguinaux supérieur et inférieur dont l’un est au pli de l’aine et l’autre à la naissance de la cuisse. Les lésions tuberculeuses constatées à l’autopsie de nos animaux étaient d’autant plus étendues que la mort avait été plus tardive. Tous les cobayes qui ont succombé du 15e au 30e jour pré- sentaient une adénopathie très accusée des ganglions mésenté- riques supérieurs et inférieurs. Les supérieurs, qui desservent 1 intestin grêle, de beaucoup les plus atteints, étaient triplés de volume. Ils se présentaient tantôt sous forme d'une masse aplatie, cir- culaire ou ellipsoïde, de 10 à 15 millimètres dans leur plus grande largeur, tantôt sous forme de deux ou plusieurs corps arrondis, reliés entre eux par du tissu conjontif très dense. Sur la coupe, ils n'ont montré aucune trace de caséification. Les mésentériques inférieurs qui ne desservent que le gros intestin et le colon flottant ne participent pas toujours, à cette période, à l’infection : quelquefois cependant ils sont déjà malades. L'examen le plus minutieux de l’intestin, ainsi que des organes annexes du tube digestif, ne permet pas de déceler la moindre trace de lésion. Lorsque la mort survient du 40e au 50e jour, les deux groupes ganglionnaires sont volumineux et ils présentent constamment des foyers de caséification plus ou moins avancée, parfois même du ramollissement total. La masse ganglionnaire est alors transformée en une véritable poche purulente grosse comme une noisette. Même dans ces conditions, nous avons toujours trouvé l’intestin, le foie et la rate indemnes de toute lésion tubercu- leuse. Parmi les sujets morts dans les 30 premiers jours, deux seulement portaient des lésions thoraciques. Celles-ci étaient au ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 406 contraire constantes chez les cobayes qui ont succombé plus tardivement. Tantôt pulmonaires, elles consistaient en tubercules généra- lement de la grosseur d’une petite tête d’épingle, siégeant en nombre variable, mais presque toujours assez restreint, sur les lobes antérieurs d’un ou deux poumons. Dans quatre cas seule- ment quelques tubercules avaient leur siège à la partie anté- rieure des lobes postérieurs. Ces tubercules, souvent isolés, étaient parfois réunis et constituaient un foyer de pneumonie grise occupant une partie ou même la totalité d’un lobe. Chez plusieurs cobayes nous avons trouve ces foyers pneu- moniques soudés à la paroi costale par quelques faisceaux pseudo-membraneux minces et fragiles, avec ou sans épanche- ment pleurétique concomitant. Les lésions du poumon, quelle que soit leur forme, étaient généralement caséeuses. Dans de rares cas pourtant nous avons trouvé un ou plusieurs petits tubercules pulmonaires récents, isolés. Toutes les fois que le poumon était atteint, les ganglions trachéo-bronchiques correspondants l’étaient aussi. Placés à la bifurcation de la trachée, ces ganglions sont le i plus souvent au nombre de deux et nettement distincts à droite et à gauche. Leur grosseur normale est celle d'un grain de cbènevis. Quelquefois il en existe un plus grand nombre, quatre ou cinq, entourant la base de la trachée, et, lorsqu’ils sont le siège de lésions tuberculeuses, ils forment un collier enserrant cette dernière. Lorsque ces ganglions sont au nombre de deux et distincts, il est fréquent qu’un seul participe à l’infection et atteigne le volume d’un gros pois tandis que l’autre conserve son aspect normal. C’est qu’alors le poumon du côté desservi par le gan- glion sain est indemne. Nous avons toujours vu que ces lésions des ganglions tra- chéo-bronchiques, chez le cobaye, évoluent plus rapidement vers la caséification que les lésions pulmonaires. Elles paraissent avoir déterminé la mort de tous ceux de nos animaux qui ont survécu plus de 30 jours. Le petit ganglion sous-sternal ne semble pas participer à l’intection tuberculeuse lorsque celle-ci dérive du tube digestif. TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE DU COBAYE 107 On sait au contraire qu'il est fréquemment intéressé à la suite Medecine, 1994, p. 217. ROLE DES HELMINTHES 431 dans l’étiologie de la fièvre typhoïde? On sait que déjà Davaine avait été très surpris de la fréquence extrême de ces nématodes dans l’intestin des typhiques. Il a même affirmé qu’on les y trouve en plus grand nombre que dans toutes les autres maladies. Plus récemment Guiart1, en qui l’origine vermineuse des maladies infectieuses a trouvé un fervent partisan, a attiré de nouveau l’attention du monde médical sur cette question. D’autres savants ont trouvé également des trichocéphales dans les selles typhiques. Cependant, nous ne possédons pas encore de données rigoureusement scientifiques qui nous permettent de nous prononcer d’une façon définitive. Nous avons essayé 1 de reproduire expérimentalement la fièvre typhoïde chez les singes porteurs de trichocéphales. Un de ces singes s’est infecté, mais nous croyons que les trichocé- phales ont été tout à fait étrangers à la maladie. Nous repar- lerons de cette observation plus loin, à propos des cestodes. Ascaride ; Physaloptère. — 11 existe fort peu de données sur le mode de fixation de l ascaride sur la muqueuse intestinale. Guiart a trouvé, dans l’estomac d un dauphin, de nombreux Ascaris conocephalus Krabbe. « Plusieurs de ces parasites étaient fixés sur la muqueuse même de l’estomac et le bouton céphalique, profondément incrusté dans cette muqueuse, s’y était taillé une sorte de cupule assez profonde, présentant des aspérités suffisantes pour permettre à l’animal de s’y fixer solidement avec les dents. » Nous avons pu également constater la fixation d’un ascaride sur la muqueuse duodénale d’un singe, immédiatement au dessous du pylore (fîg. 3. a). Ce parasite était légèrement fixé; nous l’avons facilement détaché par une légère traction. L'exa- men histologique a montré à ce niveau une ulcération hémor- ragique. D’autres ulcérations hémorragiques se trouvaient au niveau du duodénum où nous avons constaté la présence d’un autre ascaride, libre celui-là, dans la cavité intestinale. On ne trouve pas, dans la littérature médicale, d’observation de lombricose avec fixation de ce nématode sur l’intestin. A ce 1. Fièvre typhoïde expérimentale chez un singe porteur de vers intestinaux. G. R. de La Soc. de Biologie , 190G, p. 648. 432 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR point de vue, la note que nous a adressée notre ami le docteur Fontovnot, professeur à l’école de Médecine de Tananarive, présente un grand intérêt. Fig. 3. Estomac et portion initiale du duodénum (Macacus cynomolgus) ; a, petite ulcération hémorragique sous-pylorique sur l’une desquelles était fixé l'ascaris qu'on voit à ce niveau ; b, polype pédiculé de l’estomac. Voici sa note : « Les ascarides sont d’une fréquence extrême à Tananarive; ROLE DES HELMINTHES 43:i aussi la lombricose doit-elle y être considérée comme la cause de quantité d’accidents très variés, les uns bénins, les autres graves. Parmi les accidents graves, on peut signaler les convul- sions des enfants, l'obstruction intestinale, et des phénomènes appendiculaires : je dis phénomènes appendiculaires, car je n'ai jamais vu chez un Malgache (sauf une fois) les accidents graves si fréquents en Europe. Dans ce cas (le seul que j’aie opéré), il ne m’a pas été possible de savoir si le malade avait rendu, avant ou après l’opération, des lombrics. Néan- moins, chaque fois que j’ai vu un indigène présenter du météorisme abdominal, de la péritonite légère, ou mieux du péritonisme avec localisation manifeste4 de la douleur au point de Mac Burney et empâtement dans la fosse iliaque droite, la san- tonine prise à la dose de 0gr,15 a toujours fait évacuer un plus ou moins grand nombre d'ascarides et, par ce fait, a toujours amené la cessation de tous les phénomènes appendi- culaires. « Aux autopsies, on rencontre pour ainsi dire toujours des lombrics dans la cavité intestinale. Deux fois, il m’est arrivé d’en voir un assez fortement iixé sur la muqueuse pour qu il fût nécessaire d’exercer une légère traction lorsque je voulus l'en détacher. » Ainsi, il est possible de trouver des ascarides fixés sur la muqueuse intestinale, non seulement chez les animaux, mais aussi chez l’homme. Cependant, malgré l’observation de Guiart, malgré le cas observé par nous-môme, malgré les constatations de Contoynot, il n’a pas encore été fourni une preuve péremptoire que l’ascaride est capable de se fixer sur la muqueuse saine. Les observations de Guiart et de Fontoynot manquent de contrôle bistol’ogique; dans notre cas, nous avons trouvé une ulcération déjà formée. On peut donc objecter que cette fois comme les autres l’ascaride a profité d'une petite porte d'entrée préexistante pour se faufiler dans l’épaisseur de la paroi intes- tinale. D’autre part, il y a un fait qui parle contre la possibilité de la fixation de ces nématodes sur la muqueuse intestinale saine. On sait que le cheval présente très souvent dans son intestin grêle un nombre considérable d’ascarides. \ J Ascaris megolcice- 28 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 43 4 phala du cheval atteint souvent des dimensions énormes et son bouton céphalique est armé de trois grosses lèvres. Malgré cela, il n’a pas encore été possible de trouver chez le cheval un ascaride fixé sur l’intestin. C’est Faure et Marotel 1 qui ont attiré l’attention sur ce fait. Un fragment d’intestin grêle examiné par eux contenait 230 ascarides, dont aucun n'était fixé à la paroi intestinale. D'autre part, on ne trouvait aucune trace de morsure sur la face interne de l’intestin à ce niveau. Nous avons examiné un grand nombre d'intestins grêles de chevaux, immédiatement après leur abatage et nous pouvons confirmer l'opinion de ces auteurs. Voici deux faits des plus caractéristiques. Un cheval tué devant nous contenait dans son intestin grêle un grand nombre d’ascarides. Le propriétaire du cheval, assistant à l’abatage, voulut bien nous céder tout l'intestin. Nous ouvrîmes avec précaution T in- testin grêle, tout chaud encore, c’est-à-dire un quart d’heure environ après son extraction de l’abdomen, et nous y comptâmes 334 ascarides. La muqueuse intestinale était absolument intacte. Dans un seul endroit nous trouvâmes une petite tâche hémor- ragique saillante rappelant une morsure d’helminthe. Une autre fois, nous avons étudié dans les mêmes condi- tions un intestin grêle de cheval, dans lequel nous avons trouvé 732 ascarides. Ici encore, la muqueuse intestinale était absolument intacte. Tous ces faits parlent contre la fixation des ascarides sur la muqueuse intestinale saine. Cependant, ce nématode doit jouer dans certains cas un rôle effectif dans l’étiologie des lésions intestinales. Les observations où la présence de ces nématodes coïncident avec les lésions du tractus intestinal sont déjà très nombreuses. Il y a des observations d'appendicites à l’origine desquelles l'ascaride n'a certainement pas été étranger. Ainsi, Aldo Castellani a trouvé, à l’autopsie d’une jeune fille de 14 ans (faite peu d'heures après la mort), un appendice eongestionné, couvert par places d’exsudat fibrineux, dur au 1. Sur un mécanisme de l’action pathogène chez quelques Helminthes. Société des Sciences vétérinaires de Lyon. Séance du 23 mai 1902, p. 142-148. ROLE DES HELMINTHES 543 toucher, et semblant contenir un corps cylindrique. L’appen- dice ouvert a montre un ascaride ayant pénétré à moitié dans sa cavité. Ce ver était si fortement serré dans la cavité appendi- culaire qu'on n'arrivait pas à le retirer par des tractions. En comprimant l’appendice vers la base, on lit sortir un peu de liquide purulent entre la paroi de l’appendice et le ver. Ce pus contenait seulement du coli. Un autre cas semblable est publié par Kelly et Hurdon dans leur traité sur l’appendice 1 . Cette fois, l’ascaride a été trouvé dans un appendice enlevé chirurgicalement. Nous avons également observé la présence d’un gros asca- ride dans l'appendice d’un chimpanzé. Cet appendice présentait des lésions subaiguës très nettes2. Si l’ascaride joue un rôle quelconque à l’origine de certaines lésions intestinales, comment expliquer son mode d’intervention ? L’ascaride ne se fixe pas sur la muqueuse saine, parce qu’il ne se nourrit pas du sang de son hôte. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à étudier systématiquement le contenu intestinal de ce nématode. Tandis que l’intestin du sclérostome contient presque toujours des globules rouges désagrégés, on trouve tout à fait exceptionnellement ces derniers dans le tube digestif de l’asca- ride du cheval. Ceci montre que ce parasite se nourrit des aliments qu’il trouve dans le canal intestinal lui-même. Mais, dans des conditions exceptionnelles qu’il faudra établir, il mord la muqueuse en y provoquant une congestion locale assez intense. Cette morsure peut être le point de départ d’un foyer inflammatoire d’où peut résulter une ulcération. Profitant d’une ulcération, l’ascaride dont la force est grande peut s’y enfoncer avec sa tête et agrandir ainsi cette ulcération. L’ascaride profite, en effet, de la moindre solution de conti- nuité pour se frayer un chemin à travers la paroi intestinale. A ce point de vue, l’observation publiée dernièrement par Rabetz3 est très curieuse. 11 s’agit d’un enfant de 4 ans auquel on avait été obligé de suturer une anse de l’intestin grêle. 1. A. Kelly and E. Hurdon, The vermiform appenclix and itsdiseases. 1905. i 2. Appendicils »it Vers intestinaux chez le Chimoanzé. C. R. S. de Biologie . 1900, p. 661. 3. Sortie des lombrics à travers la paroi de l’intestin grêle et la paroi abdomi- Rousskg Wralch, 1906, n. 24, p. 732-33. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 430 La paroi intestinale n’avait pas été complètement fermée. Lors du premier pansement, on a trouvé une cuillerée de pus au niveau de la plaie. Au second pansement, on a été surpris de constater, sous le tampon, la présence d’un ascaride de 4 centimètres environ. Du 24 avril au 19 mai, on a trouvé sous différents panse- ments sept gros ascarides. Cette observation montre que l’ascaride est capable de forcer les deux lèvres d’une suture et de passer ainsi à travers la paroj intestinale. C'est comme cela aussi qu’il faut probablement expliquer l'origine de toutes les perforations de l’intestin attribuées aux ascarides. Ce sont surtout les vétérinaires qui ont décrit ces cas (Ginieis *, Uesoubry2, Barthélémy3.) M. Bucquoy, de l’Académie de médecine de Paris, nous a également dit que lorsque, jeune médecin des hôpitaux, il remplaçait Grisolle à l' Hôtel-Dieu, il a trouvé dans une autopsie un ascaride ayant traversé à moitié la paroi de l’intestin grêle au voisinage du cæcum. A l’œil nu, la muqueuse paraissait saine autour du ver en question. Malheureusement, les coupes histologiques n’ont pas été faites au niveau de la perforation intestinale. Il arrive parfois que les ascarides sont si nombreux qu’ils forment un peloton qui distend fortement, en un point, la paroi intestinale. Dans ce cas, la paroi de 1 intestin grêle présente toujours des lésions très intenses et peut même être le siège de nombreuses perforations, comme dans l’observation suivante que nous devons à M. le Dr Broquet, médecin-major des troupes coloniales : « Cas de mort suspecte et autopsie du cadavre d’un enfant de 4 ans. pratiquée sur réquisition de l’autorité judiciaire de l’ile de la Réunion 24 heures après la mort (janvier 1905). « Au dire des parents, l’enfant jusque-là bien portant, aurait été pris assez brusquement de nausées, puis de vomissements d’abord alimentaires, puis verdâtres, de douleurs abdominales 1. Bulletin de la Société centrale de méd. vétérinaire , Paris, 1903, p. 158-164. 2. Recueil de médecine vétérinaire , 1905, p. 164-165. 3. Bulletin de la Loc. centrale de méd. vétér. 1905, p. 278-281 ROLE DES HELMIMTHES 437 assez vives, n'aurait pas eu de lièvre, pas de diarrhée, et serai! mort « comme empoisonné ». Avant sa mort, pendant l'agonie, il aurait rendu des vers intestinaux. « Examen ducadavre. — Présence d’écume et de liquide séro- sanguinolent h l’orifice des narines et aux commissures labiales. Ventre peu ballonné. Aucun autre signe particulier. « Examen extérieur des viscères. — Rien d’anormal. « Ouverture du tube digestif. — On note dans l’estomac la pré- sence d’un lombric. Dans l'intestin grêle (jéjunum), on trouve une pelote constituée par 11 lombrics enchevêtrés intimement. Ce bouchon obture l’intestin qui présente, au-dessus du barrage , une certaine dilatation. Dans cette portion dilatée, on constate quelques ecchymoses et 2 perforations. Dans chaque perforation est engagé 1 lombric sur une longueur de 3 à 4 centimètres « En retirant ces lombrics, on constate que ces perforations ont exactement le diamètre du corps du ver. «Au-dessous du barrage. les 2 parois intestinales sont accolées l’une à l'autre, et ni l’intestin grêle ni le gros intestin ne ren- ferment de matières fécales. « Le long de l’intestin grêle on rencontre, échelonnés à des distances variables, une dizaine de lombrics. «Les autres viscères ne présentent aucune lésion. «En conséquence, le rapport médico-légal conclut à la mort par occlusion intestinale d’origine vermiculaire. » Nous voulons joindre à ce chapitre quelques lignes à propos des observations que nous avons faites sur les lésions provoquées par un autre nématode, le Pliysaloptère. Nous avons maintes fois constaté la présence de ce néma- tode dans l’intestin du chimpanzé et dans celui des cercopi- thèques. La ligure 4 montre l estomac d’un macaque dans lequel on trouve de nombreuses taches hémorragiques et, en un point, un pliysaloptère solidement fixé sur la muqueuse gastrique. Nous avons pratiqué des coupes de l’estomac à l’endroit même où le parasite a lixé sa tête sur la muqueuse; ces coupes sont très nettes et permettent de constater que le parasite a pénétré obliquement et profondément dans la muqueuse en la dilacérant. La tête touche en un point à la muscularis mucosœ. 438 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les glandes du voisinage, comprimées par la tête du pliysa loptère, sont tassées ‘et ne montrent plus leur lumière. On ne Fig. 4. Estomac de macacus cynomolgus. — En a se trouve un nématode (genre Physaloptère) fixé sur la muqueuse gastrique. b, un polype sessile. c, c', taches hémorragiques. voit pas d’infiltration leucocytaire ni de microbes à ce niveau. Cela montre que le parasite a pénétré dans une muqueuse absolument saine et que dans ce cas il n’a pas introduit avec lui de microbes pathogènes. ROLE DES HELMINTHES 4T9 On peut voir ces détails sur la figure a- qui représente une coupe histologique passant au point de fixation de la tète du parasite sur la muqueuse gastrique. Ce nématode peut se fixer sur la muqueuse parfaitement saine. Dans un autre cas, nous avons trouvé, dans l’estomac d’un macaque javanais, plusieurs physaloptères dont un fixé sur la muqueuse gastrique. Cette fois, nous avons constaté au niveau de son insertion la prolifération adénomateuse des glandes gastriques. Coupe histologique de la muqueuse gastrique de Macacus cynomolgus (le même que dans la figure précédente), — passant au niveau de la fixation de la tète du Physaloptère, qu'on voit en a. b. lèvre trilobée caractéristique ; on voit que la tête du parasite a pénétré profondément dans la muqueuse et qu’elle touche en un point la muscularis mucosae. Les glandes qui se trouvent sur chaque côté de la tête du parasite sont tassées, comprimées. Enfin, nous avons pu étudier un cas très curieux d’appen- dicite chez le chimpanzé, où deux jeunes physaloptères étaient fixés sur deux ulcérations hémorragiques de la muqueuse appendiculaire. 11 est bien probable que ces nématodes, en se fixant sur la muqueuse de l’appendice, ont inoculé le microbe qui amena les lésions appendiculaires. & Spiroptère. — On sait que les spiroptères mégastomes pénè- trent souvent, en nombre considérable, dans la sous-muqueuse de l’estomac du cheval et y provoquent la formation de tumeurs inflammatoires dont les dimensions peuvent atteindre et même 440 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dépasser celles d’un œuf de poule. Une de ces tumeurs observée par nous avait le volume d’une mandarine. Les tumeurs à spiroptères siègent dans le sac droit de l’estomac du cheval. Elles sont creusées d’un grand nombre de cavités anfrac- tueuses qui communiquent entre elles et sont souvent, par l'intermédiaire d’une ou plusieurs petites listules, en communica- tion avec la cavité de l’estomac. Considérées autrefois comme de véritables cancers, ces tumeurs sont classées par les auteurs modernes parmi les for- mations inflammatoires. On croit généralement qu’elles sont le produit de l’irritation du tissu conjonctif sous-muqueux par la présence des vers1. Nous ne pensons pas que les vers seuls soient capables d'amener autour d’eux une prolifération aussi considérable du tissu conjonctif. En effet, ayant étudié les lésions que provoquent, dans les différents tissus, les larves de quelques nématodes (sclérostome, œsophagostome) dont les dimensions sont beaucoup plus consi- dérables que celles des spiroptères, nous n’avons jamais constaté autour d’elles une prolifération aussi abondante du tissu conjonctif. En outre, ces tumeurs sont toujours suppurées. Comme elles sont en communication avec l’estomac par des fistules, on pourrait croire que cette suppuration est secondaire et n’a rien à voir avec la formation propre de la tumeur. Pour nous rendre compte exactement de l’étiologie de cette suppuration, nous avons cherché à suivre l’évolution de ces tumeurs. Ayant examiné à l’abattoir aux chevaux de Yaugirard un nombre considérable d’estomacs frais (deux mille environ), nous avons trouvé, dans 4 cas, de très petites tumeurs à spirop- tères qui présentaient cette particularité intéressante qu’elles étaient encore recouvertes par la muqueuse gastrique absolu- ment saine. Les coupes en série ont montré qu’en aucun point ces tumeurs n’étaient en communication avec la cavité stomacale. Ces tumeurs sont formées de deux ou trois petits nodules 1. L. Neumann, Traité des maladies parasitaires, p. 337. ROLE DES HELMINTHES 441 inflammatoires juxtaposés et identiques quant à leur structure histologique. Chaque nodule présente deux zones distinctes. La zone centrale n’est qu’un foyer de suppuration dans lequel, outre des spiroptères et des leucocytes, on trouve de nombreux microbes tantôt libres, tantôt situés dans l’intérieur des phagocytes. Lazone périphérique, très épaisse, est constituée par le tissu conjonctif de nouvelle formation, infiltré de leucocytes, mais ne renfermant presque pas de microbes. La muqueuse qui recouvre ces petites tumeurs est saine et ne présente pas au microscope d infiltration inflammatoire. L’examen microscopique des foyers inflammatoires en question montre, très nettement, que leur suppuration est primitive et n’est nullement consécutive aux lésions de la muqueuse adjacente. Comme les spiroptères mégastomes pénètrent la cavité de l’estomac dans la sous-muqueuse, il est évident que la suppu- ration des tumeurs dont ils provoquent la formation ne peut être due qu’à des microbes introduits par ces petits nématodes. Ainsi, les tumeurs gastriques à spiroptères représentent certainement un des exemples les plus convaincants du trans- port des microbes dans les tissus de l’organisme par les helminthes. On arrive également à cette conclusion même lorsqu’on examine des tumeurs à spiroptères d’un volume plus consi- dérable. Une de ces tumeurs est représentée sur la figure 8. La coupe sagittale, mesurant 4 centimètres 1/2 de long sur 3 de large, montre 12 cavités suppurées contenant dans leur intérieur un grand nombre de spiroptères. Quelques-unes de ces cavités communiquent entre elles. Le pus examiné sur frottis montre un grand nombre de streptocoques. La muqueuse gastrique qui recouvre cette tumeur parait saine. Cependant, à l’examen attentif à la loupe, on aperçoit par endroits des orifices punctiformes à travers lesquels on fait sourdre par une pression énergique une goutte de pus. L’examen histologique pratiqué à ce niveau montre qu’il s’agit de fistules filiformes par lesquels les abcès à spiroptères sont ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR U2 en communication avec la cavité gastrique, dont la muqueuse est atteinte sur une surface très petite. L’examen des coupes en série ne permet pas une autre expli- cation que celle de la propagation de l'inflammation delà tumeur à la muqueuse. Les spiroptères microstomes se trouvent en général sur la surface de la muqueuse gastrique, mais ne provoquent pas en général la formation de tumeurs inflammatoires sous-muqueuses. Cependant, ils se fixent sur la muqueuse gastrique et peuvent même occasionner des ulcérations, comme M. Railliet l'a observé quelquefois chez l’àne 1 . i. A. Railliet, Traité de zoologie médicale et agricole . p. 535. (A suirre.) Action de la pipbridlne et de quelques auties amines sur les bactéries et, en particulier, sui le bacille de la morve, M. NICOLLE Par MM. et A. FROUIN Au cours d’études sur la digestion des albuminoïdes, l’un de nous (Frouin), sans connaître les recherches antécédentes de Spiro, observa, en 1905, que la pipéridine jouit du pouvoir de dissoudre aisément l'ovalbumine coagulée. Il fit part de cette curieuse propriété à son collaborateur d'au- jourd’hui, que les actions protéolytiques intéressaient depuis longtemps (au point de vue de la baetériolyse) et qui s’occupait alors de la morve expéri- mentale du cobaye. D’où le désir commun de soumettre, à l’influence de la pipéridine et de quelques autres amines, plusieurs types de bactéries, notamment le bacille morveux. — Les expériences qui suivent ont été faites en 1905 et au début de 1900. pouvoir dissolvant comparé de diverses amines et de l’ammoniaôuf) VIS-A-VIS Dl B. MORVEUX PRIS COMME TYPE Technique suivie. — 10 centigrammes de h. morveux vivants, provenant de cultures sur gélose à la pomme de terre (Voir : M. Nicolle, Études sur la morve exp. du cobaye. Ces Annales. 1906 1, étaient émulsionnés dans 1 c. c. d'eau distillée. Puis, on fai- sait agir en quantités équivalentes — pendant 24 heures à 37° — l'ammoniaque ou les amines sur celte émulsion, telle quelle ou bouillie (10 minutes'. On notait les résultats obtenus, après quoi on soumettait l’émulsion, en tube scellé, à la température de 100° (5 minutes*. Résultats obtenus. — Les microbes chauffés sont bien moins attaqués par les amines actives que les microbes vivants. Les uns et les autres se dissolvent bien plus complètement après quelques minutes à 100° qu après 24 heures à 37°. La différence entre ces deux modes de traitement atteint son maximum dans le cas des germes préalablement chauffés. Par contre, ceux-ci, additionnés d’amines actives et portés de nouveau à 100°, se comportent presque absolument comme les bacilles vivants. La pipéridine possède un pouvoir solubilisant très éner- ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 444 gique (elle clarifie à peu près complètement les émulsions mor- veuses): la dipthylamine ne se montre guère inférieure — la diméthylamine vient ensuite — Péthylamine et la méthylamine éclaircissent beaucoup moins — la triméthylamine inliniment moins encore — enfin, la faculté dissolvante de la pipérazine demeure médiocre et l’ammoniaque, ainsi que la pyridine, apparaissent totalement inactives. Dans un travail classique, Bredig fait connaître, par les chiffres suivants, le pourcentage de molécules dissociées, à 25°, au sein de solutions contenant 1 mol. gr. des bases étu- diées par nous, pour 256 litres d’eau. Pipéridine Diéthvlamine Diméthvlamine Ethvlamine.. 45.90 42,70 34,80 30,70 Méthylamine 29.10 Triméthylamine 12,90 Pipérazine 11,80 Ammoniaque 7,54 Pyridine . . environ 10-11 fois moins que dans le cas de la pi pé.'idiue. Au moment où nos recherches ont été entreprises, nous n’avions pas encore lu, dans le texte, le travail de Bredig. La concordance parfaite entre la classification du savant allemand et la nôtre n’en offre que plus d’intérêt. SOLUBILITÉ COMPARÉE DK DIVERSES BACTÉRIES DANS LA PIPÉRIDINE ET LA DIÉTHY LAMINE Pipéridine. — Nous avons employé les mêmes proportions respectives de microbes et d’amine (1:3) que dans les expé- riences précédentes, mais la quantité d’eau distillée a été réduite à 2 parties. Les germes (toujours cultivés sur la gélose à la pomme de terre) étaient émulsionnés vivants avec l’eau; puis, on versait la pipéridine, on scellait, on mélangeait et on suspendait les tubes dans l’eau bouillante, pendant 10 minutes, en agitant à plusieurs reprises. Nous avons pu nous convaincre que les bacilles morveux et pesteux se montrent presque intégralement solubles, le b. pyocyanique de même — tandis que le b. typhique et le b. PIPÉRIDINE ET BACILLE DE LA MORVE coli laissent un certain résidu, le b. charbonneux davantage, le staphylocoque encore plus. [Le b. tuberculeux frais peut être dissous, en proportion notable, par la pipéridine. Avec les microbes secs et dégrais- sés, la solubilité s’accroît, naturellement]. Diéthylamine. — Elle fournit à peu près les mêmes résultats que la pipéridine. EXPÉRIENCES DIVERSES, AVEC LES B. MORVEUX TRAITÉS PAR LA PIPÉRIDINE Les germes (1 partie), émulsionnés dans l’eau distillée (2 p.) et additionnés de pipéridine (3 p.), ont été chauffés 10 minutes à 100°, comme tout à l’lieure (nous désignerons ces solutions sous le nom de « solutions à 100° ») — ou bien 1/4 d’heure à 113° ( « sol. à 113° ») — ou, enfin, 1 heure à 120° ( « sol. à 120° »). Puis, dans les trois cas, les liquides clairs ont été précipités par 10 volumes d’alcool-éther (âà) et le tout jeté sur filtre et lavé avec 20 volumes d’alcool-éther, afin d’éliminer aussi com- plètement que possible la pipéridine (dont il est inutile de rappeler la haute toxicité). Finalement, les dépôts obtenus étaient redissous dans l’eau distillée et les solutions stérilisées un quart d’heure à 110°. Nota. — Les précipités, fournis par les « solutions à 120° », se sont montrés moins abondants mais bien plus foncés que les autres, et, en outre, gommeux et adhérents au papier filtre (au lieu d’offrir une consistance ferme et de se détacher aisément). Expériences faites avec les « sol. à 100° ». — Un volume du liquide final, répondant à 1 gramme de germes, injecté dans les muscles ou dans le péritoine des cobayes neufs , n’a jamais déter- miné le moindre accident, mais n’a pu immuniser ces animaux contre la morve. Toutefois, leur sérum agglutinait les bacilles morts (au 30e) et précipitait les extraits microbiens (au 23e) et la malléine (au 10e) 1 . Le même volume, injecté dans le péritoine des cobayes mor- veux (par exemple des sujets qui avaient reçu, 10 à 20 jours auparavant, 10~2 cgr. de virus Mdans l’abdomen *), les a toujours tués rapidement, d’ordinaire en moins de 24 heures. ' 4. Voir : M. Nicolle, Etudes sur la morve e.rp. du cob. 446 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le virus vivant hypersensibilise donc les animaux vis-à-vis des germes dissous par la pipéridine. Ces derniers germes jouissent aussi du pouvoir d'hypersensibiliscr les cobayes vis-à- vis d’eux-mêmes, car la mort survient, dans la règle, à la 2e ou à la 3e injection (intraperitoneale ou intramusculaire1). Il nous a semblé1, par contre, que les microbes dissous par la pipéri- dine n’bypersensibilisaient pas les animaux vis-à-vis des mi- crobes tués par Palcool-étber. Expériences faites avec les « sol. à 113° ». — Mêmes résultats. Résultats analogues, en remplaçant la pipéridine par la diéthylamine. Expériences faites arec les « sol. à 120° ». — Un volume de liquide, répondant à 2 grammes de germes, injecté dans les muscles ou dans le péritoine des cobayes neufs , ne les a pas vaccinés; le sérum de ces animaux est devenu agglutinant, mais non précipitant (il ne coagulait pas, en particulier, la solution d’antigène). Un cobaye (A), gui avait reçu 2 injections intrapéritonéales d'un volume de liquide répondant à 2 grammes de microbes, a résisté à Y inoculation du virus vivant. Un second cobaye (B), traité de même , est mort , en quelques heures, lors d’une 3e injection , mani- Jestant ainsi une hypersensibilité vraiment schématique. Voici les observations, résumées, de ces deux animaux. Col). A., male, 740 grammes. Reçoit, dans le péritoine, la valeur de 2 grammes de microbes : émaciation faible. Après 14 jours, le poids ayant atteint à nouveau 740, on recommence : émaciation modérée. Après 29 jours, 750 (+ 10); 10-2 cgr. de virus C, sous la peau (un témoin meurt en 31 jours) : abcès local, qui guérit aisément; tuméfaction des ganglions inguinaux et axillaires correspondants, terminée par résorption. Après 78 jours, 770 (4- 20); on injecte, sous la peau. 1 cgr. de microbes tués par l’alcool-éther : réaction normale. Après 28 jours, 810 (+ 40) : 10-2 cgr. de virus C, dans le péritoine (un témoin meurt en 15 jours) : aucun effet. Après 25 jours, 800 (-10); on injecte, sous la peau, 1 cgr. de microbes tués par l’alcool-éther : réaction normale. Cob. B., male; 900 grammes. Reçoit, dans le péritoine, la valeur de 2 grammes de microbes : émaciation marquée. Après 24 jours, 910 (+ 10); on recommence : émaciation marquée. Après 19 jours 910 (±0); on recom- mence : malade presque immédiatement ; meurt en 5 heures, avec météorisme. A l’autopsie : pas d’épanchement : plaques fibreuses sur les muscles testicu- laires. 1. Les animaux périssent habituellement très vite lors des réinjections intra- péritonéales et toujours plus lentement lors des réinjections intramusculaires. PI PÉRI DINE ET BACILLE DE LA MORVE 417 La substance, à laquelle le b. morveux doit son électivité pour le péritoine qui revêt le musculus testis du cobaye mâle, résiste donc à 120°, pendant une heure, en présence de la pipé- ridine. De même, pour la substance agglutinogène (la subst. pré- cipitogène semble avoir disparu dans ces conditions) — pour la subst. immunisante — et pour celle qui engendre et révèle les phénomènes d’hypersensibilité observés par nous. Nous ne nous occuperons pas ici des rapports qui peuvent unir ces diverses substances. Un volume de liquide, répondant à 2 grammes de germes, injecté dans le péritoine des cobayes morveux , les a toujours tués rapidement. Le bacille de la morve, traité par la pipéridine, ne conserve donc sa toxicité que vis-à-vis des sujets devenus hypersensibles et encore faut-il leur administrer de fortes doses de « solutions microbiennes » pour mettre en évidence celle propriété nocive. Telles sont les principales expériences, entreprises par nous sur le pouvoir dissolvant des amines vis-à-vis des bactéries. Obligés de les abandonner depuis un an, pour reprendre, chacun de notre côté, d’autres recherches momentanément suspendues, nous n'avons pas cru devoir différer plus long- temps la publication de ce travail qui, malgré sa brièveté et son caractère incomplet, fait connaître, en 1* « illustrant » d’exemples démonstratifs, une technique susceptible de rendre des services dans les études biologiques. Sur la cytologie comparée des Spirochètes et des Spirilles (avec les PL XI et XII). Par N. H. SWELLENGREBEL. (Travail de l'Institut zoologique de l’ Université d’Amsterdam.) I Introduction Dès que I on a commencé à faire une place systématique des Bactériacées, on a réservé pour les Spirochètes une place plus ou moins particulière. Migula (16), dans son système, dit que « peut-être » les spirochètes se meuvent au moyen d’une mem- brane ondulante. On voit par cette remarque que ce savant, quoique croyant encore à la nature bactérienne des Spirochètes, se faisait une image bien remarquable de ces organismes inté- ressants. Schaudinn (21), dans son fameux mémoire sur Trypa- nosoma noctuae et ziemanni , a fait revivre la question de la place systématique des Spirochètes. D’abord ilacrupouvoiraffirmerque les Spirochètes ne sont pas des bacilles, mais des Trypanosomes. Cependant, dans un mémoire ultérieur, il a révoqué cette opi- nion, se basant sur les résultats de l’étude de Spirochaeta plica- tilis. D’après ces recherches, les Spirochètes ont un périplaste spiralé, qui semble envelopper l’entoplasme. Il n’existe pas de véritable noyau, mais il y a un Filament chromatique, sur lequel sont disposées des granules. Les formes de développement de Trypanosoma ziemanni ne sont, d’après Schaudinn, autre chose Ûgr,822 0gr,810 Proportion de Pj 05 dans la matière minérale, 42 0/0 48 9 0/0 49 7 0/0 57 2 0/0 64 5 0/0 65 2 0/0 Leur examen montre d’abord que si l’acide phosphorique est un élément très important du résidu minéral, la diminution progressive des 2 quantités mesurées devient de plus en plus faible. Il est visible que le traitement devient pratiquement inefficace sur l’amidon purifié au 4e degré. On peut remarquer que le phosphore, en même temps qu’il constitue l’élément le plus important, est aussi celui qui est le plus permanent. Il en résulte que la cendre se concentre en acide phosphorique, si bien qu’en suivant les 2 séries décroissantes des poids de cen- dres et d’anhydride phosphorique, on les voit converger vers une limite commune, inaccessible à l’expérience et qui repré- senterait de l’anhydride phosphorique pur. II Ces résultats soulèvent alors une question : L’acide plios- phorir/ue résiduel, témoin de la présence du phosphore dans l’amidon naturel, y est-il contenu à l’état minéral? Ou bien la persistance de cet élément engagerait-elle à l’y rechercher à l’état combiné, dans une molécule organique sur laquelle l’acide chlorhydrique très étendu n’aurait aucune prise? La réponse à ces questions est fournie par les expériences suivantes : Si l’on met en solution un quelconque des h amidons précédents, dont la fixité de composition, à l’état solide au contact de l’eau distillée, a été nettement réalisée, on constate que la solution, fluide, colloïdale, est douée d’une réaction acide relativement aux indicateurs colorés : la destruction de la structure granulaire a donc libéré dans le liquide une certaine acidité, qui était fixée énergiquement sur le granule. 478 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La mesure de ces acidités, sur des solutions à 5 0/0 de chaque amidon a été effectuée d’une part par rapport au méthy- lorange, de l’autre, par rapport à la phtaléine du phénol, indi- cateurs marquant pour l’acide phosphorique les passages à l'état de phosphates primaire et secondaire. J’ai obtenu les nombres suivants : ACIDITÉS TOTALES ÉVALUÉES EN GRAMMES d’aCIDE PHOSPHORIQUE P04H3 PAR KILOGRAMME d’aMIDON à la phénolphlaléine. au méthylorange, N° 1 2,120 1,620 N0 2 J ,98ft 1,380 N° 3 1,870 0,480 N» 4 1,750 0,115 N° 5 1.720 0,100 D’abord, l’existence même de 2 séries d’acidités distinctes établit sans conteste l’influence d’un acide polybasique : c’est l’acide phosphorique. Or, si l’on veut admettre que les traitements acides répétés tendent vers l’élimination complète du phosphore minéral, comme l’indiquerait la décroissance, à peine visible dans les dernières préparations, des doses pondérales du phosphore, le dernier amidon, au maximum de pureté, ne devrait sensible- ment contenir que le phosphore organique, inaltéré par le trai- tement et dénué de toute réaction acide. Mais cet amidon a une acidité : même celle-ci est double. Si elle ne provient pas d’acide phosphorique, faut-il l’attribuer à un autre acide, chlorhydrique, sulfurique, par exemple? Mais ceux-ci agissent de même sur les deux indicateurs ; alors il faudrait que les 2 acidités fussent à peu près égales : bien au contraire, elles présentent le maximum de divergence. Il reste l’hypothèse d’un acide polybasique, autre que l’acide phosphorique, doué comme lui de 2 acidités différentes vis-à- vis des 2 indicateurs. Mais quel serait cet acide? C’est l’affirma- tion même de l’état unique du phosphore sous la forme de phosphates, dans l’amidon naturel, donnant naissance à ces 2 acidités de plus en plus distinctes, à cause de la ténacité relative de cet élément minéral, par rapport aux autres impu- retés, qui s’éliminent presque totalement. Il y lieu de remarquer que les nombres d’acidité phospho- rique relatifs à la phénolphtaléine, sont tous légèrement supé- PROPRIÉTÉS COLLOÏDALES DE L’AMIDON 479 rieurs à ceux obtenus par dosage pondéral, en transformant les poids précédents de Pi> O5 en poids d’acide PO4 H3 : Ainsi dans le dernier amidon, le plus pur, à une acidité phosphorique de lsr,720 correspond une dose pondérale de l^r, 1 17 d’acide phosphorique; il y a donc un excédent d’aci- dité évalué en acide phosphorique, qui peut représenter un faible poids d’autres acides résiduels, tels que la silice, peut- être même de l’acide chlorhydrique, provenant du traitement, fixé par teinture artificielle, comme l’est naturellement l’acide phosphorique. III Si l’on considère que les phosphates constituent un élément constant du milieu salin où se forme l’amidon, il résulte des expériences précédentes que celui-ci possède la propriété de se charger de certains principes minéraux, en particulier de l’acide phosphorique sous forme de phosphates acides extraits du suc cellulaire dans l’œuvre de synthèse protoplasmique. Ce serait là un phénomène d’adhésion moléculaire, selon M. Duclaux, appartenant au domaine dans lequel il a fait entrer l’étude de la coagulation. Dans le cas présent, la fixation de l’acide phosphorique serait-elle donc une circonstance banale, fortuite de l’évolution de l’amidon? Ou bien, au contraire, serait-elle un fait néces- saire, un rouage dans le mécanisme delà migration de l’aliment de réserve dans l’être végétal? C’est ce dernier point de vue que sembleraient préciser les observations suivantes : En examinant les pseudo- solutions fraîchement préparées des 5 amidons précédents, on constate que, malgré la grande fluidité du liquide, un léger trouble subsiste, séparable par une simple filtration (sur papier en cellulose pure). Le liquide qui passe a immédiatement une limpidité parfaite; mais il présente, par rapport à la solution initiale, une différence plus importante. Si on mesure son acidité on trouve un nombre inférieur à celui obtenu pour la solution initiale, comme l’indique le tableau suivant représentant, en milligrammes d’acide phosphorique, l’acidité de 100 c. c. des solutions à 10 0/0 de chaque amidon préparé précédemment. 480 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Amidons solubles. Acidité de la solution trouble initiale. Acidité de la solution filtrée limpide Acidité de la solution trouble initiale. Acidité de la solution filtrée limpide à la phénoiphtaléine. au inéthylorange. No 1 21,2 18,2 16.2 0 N» 2 19,8 16,7 13,8 0 N° 3 ' 18,7 15,9 4,8 0 N° 4 17,5 15,3 1,2 0 N» 5 17,2 15,3 1,0 0 Si l’on remarque que le trouble léger, séparé par la filtra tion, ne représente que quelques milligrammes d’amidon sur 10 grammes employés pour faire la solution, il faut conclure que cette faible quantité d’amidon, soluble en milieu alcalin, est en même temps chargée d’une acidité relativement grande par rapport à celle de la masse totale en dissolution. L’insolubilité de cette minime quantité d’amidon, le carac- tère d’acidité relativement grande de cette portion insoluble sont-ils deux faits corrélatifs? Cette question se précise en obser- vant les solutions colloïdales filtrées, conservées aseptiquement, à différentes époques ; si elles sont d’une limpidité parfaite au moment de la préparation, on les voit avec Je temps se troubler d’une façon homogène, puis se prendre en gelée parfaitement blanche, et enfin, se résoudre en une matière granuleuse ten- dant à se séparer d’un liquide absolument limpide. Ce sont les phases successives d’une coagulation spontanée; c’est aussi une formation lente d’un amidon, insoluble dans l’eau dans l’état actuel, se dissolvant dans un alcali, c’est une rétrogradation, favorisée, comme dans les expériences démonstratives de M. Maquenne sur l’amidon, par une basse température, retardée et même empêchée par l’action constante d’une température plus élevée. Cet ensemble de faits précise la question posée au sujet de l’insolubilité, si on la considère justement comme le terme d’une coagulation progressive. Le phénomème de coagulation observé dans ces solutions colloïdales d’amidon résulterait-il d’une fixation d'acide sur la particule d’amidon? Le granule d’amvlose coagulé serait alors un granule d’amidon à l’état colloïdal, ayant acquis une cer- taine charge d’acide, constituant une teinture et provoquant la contraction de l’élément vers l’état insoluble. Il suffit, pour vérifier cette déduction, d’essayer la coagula- tion des mêmes amidons en présence d’un excès d’acide quel- PROPRIÉTÉS COLLOÏDALES DE L’AMIDON 481 conque. Si Ton suit, en effet, la coagulation du même amidon soluble en tubes à essai, à la même température, avec addition franche d’acide chloryhdrique, d’acide sulfurique, d’acide phos- phorique, comparativement à un essai témoin sur l’amidon pur, on voit les coagulums acides dépasser rapidement ce der- nier. Donc la vitesse de coagulation est bien augmentée par un excès d’acide étranger à la solution colloïdale d’amidon. On conçoit alors l’action antagoniste d’un excès d’alcali, par rapport à la coagulation ; tous les coagulums formés le sont par contact d’un acide, si faible que soit cette acidité; or, ils se dissolvent dans la potasse, et la solution, à température ordi- naire, est permanente en présence d’un excès d’alcali. Celui-ci a donc modifié la teinture acide du granule d’amylose coagulé, déterminant sa solubilisation. Mais on peut encore aller plus loin dans cette voie : L’accroissement d’acidité, cause de coagulation, présente un seul caractère commun, indépendant de la nature de l’acide, c’est l’accroissement de la proportion des ions hydrogène; cette modification peut être provoquée autrement que par une addi- tion d’acide libre. Ainsi, l’apport dans un amidon colloïdal d’un sel à réaction acide aux indicateurs qui, par suite du phénomène d’hydrolyse, libère en solution aqueuse des ions hydrogène, réaliserait cette condition. Par opposition, l’apport d’un sel à réaction neutre ne modifierait pas le milieu en ions H . D’après ces prévisions, les premiers sels seraient des accélérateurs de la coagulation de l’amidon, ceux de la 2e catégorie n’auraient $ucun effet, NT’ai essayé ainsi l’action des sels de zinc (chlorure, sulfate), dont les solutions sont notoirement acides, comparativement à la solution d’amidon pur colloïdal, et à celles modifiées par des sels à réaction neutre, tels que du chlorure de sodium, de l’azotate de potasse; j’ai parfaitement constaté que les sels de zinc accéléraient la coagulation, tandis que les sels neutres ne la modifiaient nullement. Une extension entièrement analogue peut être faite dans le sens de l’action des alcalis libres ; les sels provenant d’un acide faible et d’une base forte, donnant en milieu aqueux une hydro- lyse alcaline, c’est-à-dire libérant dans la solution des ions OH-, 31 482 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR devront produire un effet de même ordre qu’un excès de potasse ou de soude. C’est ce que j’ai très bien vérifié pour le phosphate trisodi- que, le carbonate de potasse, l’acétate de sodium, ajoutés dans un coagulum déjà produit spontanément sur un amidon pur : aulieu d’observer la continuation du procès de coagulation, c’est l’inverse qui se produit : un retour lent, progressif, vers la solubilisation, d’autant plus marqué que la dose de sel indique une réaction alcaline plus grande; ainsi, dans mes essais, c’est le phosphate trisodique qui a été le solubilisateur le plus actif. A cet ensemble d’observations viennent s’ajouter les remar- ques suivantes déterminant une nouvelle propriété de l’amidon colloïdal : Tout coagulum d’amidon, formé en milieu acide, est entraîné vers la solubilisation, soit par une élévation de température, soit par un excès d’ions OH~. Reversiblement, toute solution d’un amidon colloïdal peut retourner vers l’état de coagulum, soit par un abaissement de température, soit par un excès d’ions hydrogène. Ces 2 passages peuvent s’effectuer alternativement un nom- bre de fois théoriquement quelconque : pratiquement, ils ont été observés avec une régularité parfaite plusieurs fois succes- sivement, soit par des apports alternés d’acide ou de base, soit par des élévations et abaissements alternés de la température du milieu. Cet amidon colloïdal est donc le premier colloïde organique d’une pureté définie présentant nettement la propriété de réversibilité . En résumé, une solution colloïdale d’amidon , contenant une proportion fixée d’ions hydrogène à une température donnée , se trouve dans un état d’équilibre réversible , modifiable dans un sens ou dans l’autre par une variation très faible vers llacidité ou l’ alcalinité. Ce serait là toute l’explication du mécansime des transfor- mations de l’amidon, dans le sens physique d’une solubilisation ou d’une coagulation : Si le sulfate de zinc, par exemple, accé- lère une coagulation d’amidon au même titre que de l’acide chlorhydrique, ce ne peut être en vertu d’une action chimique commune, car ces deux corps sont absolument dissemblables. Si d’autre part l’acide phosphorique accélère la coagulation de l’amidon tandis que le phosphate trisodique solubilise le PROPRIÉTÉS COLLOÏDALES DE L’AMIDON 483 coagulum d’amidon formé, on ne peut attribuer au radical phos- phorique une action chimique déterminée. Il faut donc abandonner les explications d’un caractère pure^ ment chimique dans ces phénomènes de coagulation réversi- ble de l’amidon colloïdal : les expériences précédentes tendent vers une théorie physico-chimique basée, d’abord sur la démons- tration de l’adhérence énergique, de la teinture du granule d’a- midon par sa « gangue minérale », ensuite sur celle de l’uni- que caractère, commun à tous ces éléments minéraux sensibles, l’antagonisme des ions H et OH~, venant modifier la charge- électrique du granule, soumis alors dans sa masse à des forces de cohésion et à des forces électriques variables qui tendent soit à sa contraction, c’est-à-dire à la forme solide, soit à son <( relâchement », c’est-à-dire à la forme soluble. IV L’acide phosphorique, à l’état de phosphates plus ou moins acides, en raison de sa très grande capacité d’absortion basique, et aussi des grandes différences que présentent ses 3 fonctions acides, jouerait bien ce rôle de sensibilisateur ou de mordant dans le mécanisme profond de la vie cellulaire, lors de la for- mation colloïdale de l’amidon dans le protoplasma. En effet, la présence simultanée d’amidon en formation dans le leucite et des phosphates apportés par le suc cellulaire, dans un milieu à réaction acide représentent les conditions nécessai- res d’une adhésion des molécules de phosphate acide, par l’in- termédiaire de leurs ions H , aux granules d’amidon; par suite une formation colloïdale peut se produire, correspondant à un certain état d’équilibre. Si l’acidité augmente, à l’apparition d’un acide organique, par exemple, l’équilibre précédent est rompu dans le sens d’un accroissement des ions II , constituant des phosphates plus acides, augmentant les forces de cohésion, et par suite la tendance à la solidification, conformément aux expériences faites sur l’action des acides. Si, à un autre état du milieu correspond une réaction acide décroissante ou même alcaline, les effets inverses se pro- duisent, la gaine de phosphates emmagasine des ions Oïl- , d’où solubilisation et tendance de l’amidon vers sa forme migratrice. 484 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les phospliatesjoueraientde plus, dans ce mécanisme, le rôle de régulateurs de la réaction du milieu dans les leucites où s'accomplit la synthèse amylacée. Une méthode de contrôle de cette interprétation physique, par des observations de physiologie végétale, nécessiterait la connaissance des variations continues que présentent la réaction des leucites et des milieux dont ils sont tributaires, d’abord le protoplasme, ensuite le suc cellulaire : d’où la nécessité de mesures d’alcalinités, d’acidités de ces différentes parties delà cellule, soit au moment de la synthèse de l’amidon, soit aux époques de régression de ce corps vers la forme soluble. Peut-être, par cette voie directe, le problème présente-t-il des difficultés insurmontables. Ce que la Botanique possède, en tous cas, et qui constitue actuellement une connaissance de valeur purement qualitative, c’est que le protoplasma présente ordinairement une réaction neutre ou légèrement alcaline, tandis que le suc cellulaire est en général légèrement acide 1 . D’autre part, on sait que le pro- toplasma, à certaines époques, acquiert une réaction acide 3 trop faible d’ailleurs pour pouvoir, à elle seule, attaquer les grains d’amidon dans le sens d’une saccharification. Il résulte donc bien de ces données encore imprécises, fournies par la phvisiologie végétale, que la réaction du milieu dans lequel s’élabore l’amidon est un facteur variable de la vie cellulaire et par suite peut-être une cause de variation des états physiques de cet hydrate de carbone, obéissant aux nécessités de son évolution. Je tiens à remercier vivement M M. Fernbach et Wolff pour leurs renseignements gracieusement donnés sur les préparations d’amidon soluble, et je désire exprimer ici toute ma gratitude à M. Etard qui, en suivant ces expériences, js’est intéressé à mes idées, en les soutenant de ses conseils techniques dans l’exécu- tion de ce travail. 1 et 2. Van Tieghem, Traité de botanique, pages 528 et 515. Les Vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur EN 1906 Par M. Jules YIALA Préparateur au service antirabique I Pendant l’année 1900, 773 personnes ont subi le traitement antirabique à l'Institut Pasteur: 2 sont mortes de rage. Mais, ebez une d’entre elles, la rage s'est déclarée moins de 15 jours après la fin du traitement, elle doit être défalquée pour le cal cul de la mortalité. La statistique s’établit donc ainsi : Personnes traitées 772 Mort 1 Mortalité 0/0 0,13 Le nombre des personnes traitées se rapproche de celui de l'année dernière (727). Il Années. Personnes traitées. Morts. Mortalité. 1886... 2.671 25 0,94 0/0 1887... 1.770 14 0,79 — 1888... 9 0,55 — 1889.. . 7 0,38 — 1890. . . 1.540 5 0,32 — 1891 . . . 1.559 4 0,25 — 1892... 4 0,22 — 1893... . .... 1.648 6 0,36 — 1894... 1.387 7 0,50 — 1895. . . 1.520 5 0,33 — 1896... 4 0,30 — 1897... 6 0,39 — 1898. . . 1.465 3 0,20 — 1899... 4 0,25 — 1900... 1.420 4 0,28 — 1901.. . 1.321 5 0,38 — 1902... 1.105 2 0.18 — 1903.. . 628 2 0,32 — 1904. . 3 0,39 — 1905... 3 0,41 — 1906... 772 1 0,13 — ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 480 111 Les personnes traitées à l’Institut Pasteur sont divisées on trois catégories correspondant aux tableaux suivants. Tableau A. — La rage de l’animal mordeur a été expéri- mentalement constatée par le développement de la maladie chez des animaux mordus par lui ou inoculés avec son bulbe. Tableau B. — Personnes pour lesquelles la rage de l’animal mordeur est constatée par examen vétérinaire. Tableau G. — Personnes mordues par des animaux suspects de rage. Nous donnons ci-après la répartition, entre ces caté- gories, des personnes traitées en 1906. ANNÉE 1906 MORSURES à la T ÈTE MORSURES aux J1AINS MORSURES aux MEMBRES TOTAUX 'l Traités. i Morts. j 1 Mortalité 0/0. ;> ■> Traités. ^ W O S Mortalité 0/0. / Traités. ^ m o | Mortalité 0/0. Traités. i w O 2 i Mortalité 0/ 0. Tableau A 20 1 5 93 0 0 60 0 0 173 1 0,57 Tableau B. 40 0 0 227 0 0 129 0 0 396 0 0 Tableau C 6 0 0 106 0 0 91 0 0 203 0 0 06 1 1,5 426 0 0 280 0 0 772- 0 0,13 IV Au point de vue de leur nationalité, les 772 personnes trai- tées se répartissent de la façon suivante i Angleterre 1 Hollande 22 Russie 1 Grèce 1 Soit 747 Français et 25 étrangers. Il ne faut pas oublier, dans la comparaison avec les tableaux antérieurs, que cinq Instituts antirabiques fonctionnent aujour- d'hui qui n’existaient pas autrefois: Marseille, Lille, Montpel- VACCINATIONS ANTIRABIQUES EN 490<> 487 lier, Lyon et Bordeaux drainent les mordus dans la région envi- ronnante. V RÉPARTITIONS PAR DÉPARTEMENTS DES 747 FRANÇAIS TRAITÉS Aisne 3 Allier 3 Aveyron 4 Cantal 19 Calvados 21 Maine-et-Loire 13 Manche 16 Marne (Haute-) 9 Meurthe-et-Moselle 10 Morbihan 12 Charente . S Nièvre S Côte-d’Or 3 Orne 12 Pny-rlp.-Dômp 6 Corrèze 6 Creuse... 9 Doubs 21 Rhin (Haut-) 9 Saône (Haute-) 37 Sarthe 6 Eure-et-Loir 11 Sèvres (Deux-) 4 Finistère 50 Garonne 8 Ille-et-Vilaine 24 Seine 208 Seine-et-Marne 4 Seine-Inférieure 5 Indre 13 Jura . ... 10 Loire-Inférieure 7 Seine-et-Oise 24 Somme 7 Vaucluse 2 Loiret 10 Loir-et-Cher 12 Lot 27 Vendée 22 Vienne 8 Vienne (Haute-) 6 Lot-et-Garonne 4 Vosges 9 VI PERSONNE TRAITÉE MORTE DE RAGE APRÈS LE TRAITEMENT. Lair, Auguste, 39 ans, cultivateur, demeurant à Donjean (Manche). Mordu le 3 août, au nez. Une morsure profonde nécessitant 3 points de sutures. Au front, 3 morsures péné- trantes. Ces morsures n’ont pas été cautérisées. Lair a été traité à l’Institut Pasteur du o au 2(> août. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés le 9 octobre, Il meurt de rage le 12 octobre. Mordu par un chien reconnu enragé par M. Esmieu, vété- rinaire à Torigny-sur-Yire. Les animaux inoculés le 4 août, avec le bulbe de ce chien, ont été pris de rage le 21 août. 488 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR VII PERSONNE TRAITÉE, MORTE DE LA RAGE MOINS DE 15 joURS APRÈS LA FIN DU TRAITEMENT Chanard, Lucien, 5 ans, demeurant chez ses parents, à Saint- Julien-le-Châtel (Creuse). Mordu le 12 janvier, au front, côté gauche. Une plaie pénétrante, longue de 6 centimètres, réunie par 4 points de sutures. La plaie a saigné et a été lavée à la liqueur de Van Swie- ten de suite ; Chanard avait été mordu par un chien reconnu enragé par M. le docteur Bonnet, de Gouzon. Traité à l’Institut Pasteur du 15 janvierau h février, il est mort le 16 février. Le même chien a mordu au nez une autre personne, qui subi le traitement antirabique et qui se porte bien. Sur le traitement de la lage par le radium. Par le Dr A. CALABRESE Professeur chargé de la Ihérapie clinique à l’Université royale. Laboratoire de la deuxième clinique médicale de Naples. Seconde réponse à MM. le professeur Tizzoni et D»’ Bongiovanni. Les Annales de l’Institut Pasteur ont donné dans le numéro du 25 février 1907, un article de moi « sur le traitement de la rage parle radium ». Cetarticle avait été envoyé àlarédactiondes An- nales dès le mois de septembre 1906 et reproduisaitdes faits déjà publiés dans le n° 78 de Gazzelta degli Ospedali (1er juillet 1906). Le professeur Tizzoni et le docteur Bongiovanni répondirent dans les Annales de Y Institut du 25 mars 1907, en m'accusant « d’erreur dans la méthode et dans les idées ». Sur l’erreur de méthode, MM. Tizzoni et Bongiovanni s’expri- ment en ces termes : « En insistant sur les expériences pratiquées au moyen de radium renfermé dans un tube de verre maintenu devant l’œil à une distance d’un 1/2 centimètre, il fait l’effet de n’avoir pas compris que, dans ce cas-là, les radiations qui se perdent sont plus nombreuses que celles qui sont utilisées. » Eh bien, je ne puis à ce propos que répéter ce que j'ai déjà dit1, c’est-à-dire que dans quelques expériences j’ai maintenu le tube contenant le radium à la distance d’un 1/2 centimètre de l’œil, parce que les mêmes MM. Tizzoni et Bongiovanni ont écrit, dans leur 3e communication (Gazetta degli Ospedali , n° 127, 1905. page 1333) : « Dans ce cas le radium restait toujours à une dis- tance d’un 1 2 centimètre de la surface de la cornée. » Dans ces conditions ils affirment que dans toutes leurs expé- riences ils ont obtenu des résultats positifs : il était donc tout naturel de procéder aux expériences comme ils l’avaient fait eux- mêmes. i . Gazzelta tlerjli Ospedali , n° 78, 1006; Annales de l'Institut Pasteur, nu 2, 1907. 490 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Quant à la dispersion des rayons, si les auteurs croient l’avoh' évitée en fixant le tube avec le radium au fond d’une petite écuelle de plomb , moi, de mon côté, dans quelques expériences, j’en ai fait autant, en me servant à’ un petit entonnoir enplomb que fai fait construire exprès, ainsi que je Fai déclaré dans ma publication précédente ( Gazzetta deqli Ospedali , n° 78, 1906, page 810); mais même dans ces expériences je n’ai obtenu que des résultats négatifs. Jé n’ai donc commis aucune erreur de méthode. Arrivons maintenant aux erreurs d’idée : 1° Les auteurs disent : a Le Dr Calabrese , en affirmant que les radiations sont les émissions du radium qui passent facile- ment à travers le mica et le verre, montre ne pas savoir que quelques-unes d’entre elles, les rayons X, par exemple, sont complètement arrêtées par les milieux susmentionnés. » Eli bien, avant tout, je n’ai point du tout donné cette défi- nition des radiations; mais j’ai seulement distingué les éma- nations, courants gazeux, qui ne passent pas à travers le verre et le mica, des radiations qui traversent1 ces substances. Cette distinction est acceptée par tout le monde et ne préjuge point du pouvoir de pénétration des diverses espèces de rayons, c’est- à-dire des rayons a, 6 et y, ces derniers seuls étant reconnus identiques aux rayons X. Mais les auteurs n’ont pu faire allusion aces derniers rayons, qui loin d’être arrêtés par le verre, sont au contraire les plus pénétrants . 1 1 s’agit certainement d’une faute d’impression : ils ont sans doute voulu parler des rayons a, qui ont une très faible puissance de pénétration, puissance qui n’est pourtant pas com- plètement nulle, comme ils l’affirment. Dans tous les cas, l’erreur que les auteurs ont voulu m’at- tribuer. c’est eux-mêmes qui Font commise,' puisque, dansleur 3e communication {Gazetta Ospedali , N° 127, 1905, page 1333), ils cherchent de résoudre la question de savoir à laquelle des trois espèces des rayons est due Faction du radium et ils se préoc- cupent d’exclure les rayons a au moyen d'un abri d’aluminium de 1/10 d’épaisseur, ou bien en les déviant par un aimant, en même temps que les rayons 6. 1. Il est à noter que le mot facilement a été ajouté par le Traducteur, et qu’il ne se trouve pas dans l’original italien. (Gazz. Osp. N° 78, 1906.) TRAITEMENT 1)E LA RAGE PAR LE RADIUM 491 Les auteurs croyaient donc que les rayons a passaient à tra- vers le verre et le mica. Voilà pourquoi cette erreur d’idée a été commise par eux et non par moi; 2° MM. Tizzoni et Bongiovanni ajoutent : «En invoquant les émanations comme cause déterminante de la lésion locale, il montre qu’il ignore que celle-ci est causée exclusivement par les radiations. » Cette accusation est d’autant plus étrange que c’est justement les auteurs qui, dans diverses publications, ont déclaré que c’étaient précisément les émanations qui produisaient les alté- rations des tissus. En effet, dans leur 3e communication ( Gazzetta Ospedali , n° 127, octobre 1903, page 1333, colonne 2e. alinéa2°) ils disent : «Etant données ces conditions, par lesquelles les émanations du radium étaient exclues dans nos expériences, on doit penser que c’est à elles que l’on doit attribuer les alté- rations qu’il produit sur la partie. » Et plus bas ( ibidem , alinéa 3°): « Ce que nous pouvons affir- mer... c’est qu’avec le radium renfermé dans un tube de verre soudé à la lampe, les altérations susmentionnées manquent abso- lument : il est donc certain (continuent les auteurs) que, les émanations une fois excluses, même après une longue appli- cation sur l’œil, d’une durée de 12 heures, le radium ne déter- mine jamais aucune lésion. » Et dans un article plusrécent (Gazzetta Ospedali , 12 août 1906, page 1002, dernier alinéa) : « Ces lésions sont en rapport direct avec la force de l’échantillon que l’on emploie, respectivement avec la quantité d ’ émanations qui s’échappent de l’appareil. » D’autre part, comment pouvais-je ignorer que les lésions locales étaient produites par les radiations, si elles se produi sirent dans mes expériences, dans lesquelles j’ai toujours employé le radium enfermé dans des tubes de verre soudés à la lampe, sachant bien que les émanations étaient exclues? Mais ces émanations sont-elles vraiment inoffensives et complètement inoffensives? Point du tout, du moment qu’elles sont par elles-mêmes une source abondante de radiations, ainsi qu’on le sait fort bien; et l’eau, chargée d’émanations, injectée dans les tumeurs, les dissout par son action histolitique. Je n’ignorais pas que les lésions produites par le radium sur l’œil des lapins étaient dues aux radiations. Et, d’autre part. 492 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR même les émanations ne sontpas tout à fait dépourvues d'action locale ; 3° Enfin, les auteurs disent : « En attribuant au radium des altérations aussi graves et aussi étendues que Je décollement de la peau intéressant la moitié de la face, il prouve qu’il ne sait pas que le radium détermine des lésions limitées exclusivement au point de son application. » Eli bien, en rapportant mes expériences, j’ai parlé non pas seulement de décollement des parties molles, mais j’ai dit que chez les lapins qui ont survécu plus de deux ou de trois semaines, l’application du tube de radium directement sur l’œil produisait : la chute des cils , un processus ulcératif des paupières sans ulcération de la cornée , processus ulcératif qui s'étendait aux parties molles co?itiguës jusqu’à produire leur décollement sur la moitié de la face. En autres termes, les paupières et les parties molles de la moitié de la face qui se trouvaient être sous l’influence directe des radiations présentaient des ulcérations. Or, pourquoi chercher une autre cause à ces lésions, qui sont justement celles que tous les auteurs ont obtenues avec le radium? Ici finissent les accusations portées contre moi par MM. Tiz- zoni et Bongiovanni. Et maintenant je puis, à mon tour relever des contradictions dans plusieurs articles de MM. Tizzoni et Bongiovanni. Par exemple ils déclarent que les expériences sur le virus in vitro n’étaient jamais pratiquées au moyen de seuls échantillons de radium enfermés dans des tubes soudés à la lampe (Gazelta Ospedali , n° 96, 12 août 1906, page 1001.) Mais ils oublient ce qu’ils ont écrit dans leur 3e communication, où nous lisons : n inoffensive, comme celle du sérum artificiel ou de l’eau distillée, déter- mine dans l’organisme une réaction — (Est -ce une action sur les globules ?) — qui modifie la marche de l’anaphylaxie et l’empêche de se produire. Il est possible que l’injection d’une substance quelconque, voire même d’eau distillée, ait une action anti-anaphylactique. Aussi, pour avoir des expériences rigoureusement compa- rables, ne peut-on prendre que des chiens n’ayant pas encore subi d’injection intraveineuse, même à six mois de date. Je compte d’ailleurs étudier méthodiquement l’effet de ces injec- tions aqueuses simples, faites dans le système veineux, sur la marche de l’intoxication. y EFFETS PRODUITS ifl VÜTO PAR DES INJECTIONS DU SÉRUM DES CHIENS ANAPHYLACTISÉS Une de ces expériences a été remarquable, et tellement nette qu’elle établit en toute certitude que le sérum des chiens anaphylactisés contient une substance qui produit V anaphylaxie. Je crois devoir la donner ici avec détail. Le 23 février, Phidias reçoit 2.2 de mytilo-congestine. Il n’est pas très malade; pourtant il rend par le rectum du sang mélangé aux matières fécales. Le 14 mars il est encore très amaigri. Alors on lui retire de l’artère fémorale du sang (175 c. c.) et 4 heures après, quand 516 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR le sérum s’est à peu près complètement séparé du caillot, on injecte ce sérum, mélangé à quelques globules, à Diogène. (85 c. c. de sérum de Phidias.) Le 16 mars on injecte divers chiens avec de la mytilo-con- gestine ( Pénélope , Aristophane , Pelée , Protée, Socrate , Calchas , Ajax , Phidias , Achille et Diogène). Pénélope 5.6 chien neuf. Calchas 5.5 chien neuf. Ajax . . 55 ayant reçu eau distillée. Achille 5.5 ayant reçu sérum artificiel. Socrate 5.5 ayant reçu déjà 2 injections antérieures. Pélée 5.5 mélange avec le sérum d’Aristophane. Protée 5.5 mélange avec le sérum de Socrate. Diogène 4.7 Aristophane... 1.0 ayant reçu une injection depuis 36 jours. Phidias 0.7 ayant reçu une injection depuis 18 jours. Tous ces chiens ont survécu, sauf Diogène. Phidias a été extrêmement malade, presque mourant; mais il a survécu. Diogène , quoique ayant reçu seulement 4.7, dose absolument insuffisante pour déterminer la mort chez un chien Dormal, est tout de suite extrêmement malade, dès le début de l’injection. Il vomit à 1 . A 4, il est sur le flanc, respire mal, a de la dyspnée, ne peut plus se tenir sur ses pattes. 11 meurt le surlendemain ma- tin (40 heures de survie). En somme, cette dose de 4.7 a été plus toxique que n’eût été une dose double, comme en témoigne l’histoire des chiens Hippias , Timon , Aristide , qui, ayant reçu 9, 9.6 et 9.3, ont survécu plus longtemps que Diogène. Ainsi cette expérience à elle seule suffit pour prouver que le sérum des chiens anaphylactisés (sérum de Phidias) contient des substances qui produisent les phénomènes anaphylactiques. Malheureusement d’autres expériences n’ont pas été confir- matives de celle-ci. Phociona Jours d’intervalle. .. - 2 Dose. 7.5 Sort. Survit. Miltiade 4 5.0 — Protée 4 5.5 — Gléon 5 ' 5.0 — Marsyas. .... 5 4.5 — Gratès 19 5.3 — Orphée 13 5.5 — Pélée 14 5.6 Ghloé 15 5.0 — Thraséas. . . . 17 5.0 — Polybe 17 5.0 — ANAPHYLAXIE EN GÉNÉRAL 517 On peut expliquer ces échecs pour diverses raisons faciles à comprendre. Phociona a reçu du sérum de Marsyas. Or Marsyas avait été lui-même, avant de recevoir de la mytilo-congestine, injecté avec du sérum de Pausanias , de sorte que les conditions ne sont pas les mêmes. Miltiade a reçu du sang d’Ajax, protégé par une injection antérieure d’eau. Proté.e a reçu du sang de Socrate , protégé par 3 injections successives de myliline. Cléon a reçu du sang de Chrysippe , lequel avait reçu de la mytiline mélangée à du sérum normal. Quant aux autres chiens, Cratcs , Orphée , etc., l’injection de mytilo-congestine leur a été faite trop longtemps après l’injec- tion de sérum anaphylactique pour qu’on en puisse rien conclure; car il est vraisemblable que les substances anaphylactisantes du sérum anaphylaclique disparaissent vite, et qu’au bout de 10 à 15 jours l’organisme les a éliminées. Aussi l’expérience faite sur Diogène demeure-t-elle dans toute sa force, établissant nettement que le sérum des chiens anaphylactisés contient, sinon toujours, au moins quelquefois, les substances anaphylactisantes. C’est là un fait dont l’impor- tance au point de vue de la théorie de l’anaphylaxie est consi- dérable. VI EFFETS DU MÉLANGE DE MYTILO-CONGESTINE ill VÎtrO AVEC LE SÉRUM ANAPHYLACTIQUE Puisque l’injection de sérum anaphylactique est efficace pour produire l’anaphylaxie, on pouvait se demander si le mé- lange in vitro de sérum anaphylactisé avec la mytilo-congestine n’aurait pas des effets analogues. J’ai fait cette expérience sur trois chiens, et, quoique le résultat ne soit pas décisif, il me paraît que la toxicité de la mytilo-congestine a été accrue par le mélange avec le sérum anaphylactique. Solon reçoit le 2 mars 5.3 ; le 26 mars on injecte un mélange de 50 c. c. de son sérum (2 heures après la prise de sang) avec 50 c. c. d’une solution de mytilo-congestine (à 6^r,6 par litre) 548 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR à Nicias , soit 4.7 de mytilo-congestine parkil. Nicias n’est pas très malade immédiatement; toutefois il vomit à 0.7. Une demi- heure après l’injection, les phénomènes s’aggravent : il est très abattu, avec diarrhée, ténesme rectal et sang dans les fèces. 11 survit. Son poids a baissé du 26 mars au 9 avril de 7k,6 à 7k,2. Achille reçoit le 16 mars 5.6. Le 28 mars on injecte 58 c. c. de son sérum à Apelle , en le mélangeant avec la mytilo-conges- tine. Apelle est tout de suite assez malade, vomit à 0.6. A 2, il est très abattu, dans un état presque comateux. Quand Apelle a reçu 4.5, de mytilo-congestine, on le détache pour l’observer. Il est très malade, titube, peut à peine se tenir sur ses pattes, a de la diarrhée, de la défécation, une respiration difficile. Le contraste est saisissant entre son état grave, et l’état d ’ Antisthène, qui reçoit le même jour 6.5 de mytilo-congestine mélangée à du sérum normal ot n’est presque pas malade. Néanmoins Apelle survit, et son poids ne baisse pas beaucoup. Du 28 mars au 23 avril, de 10k,4 à 10k,3. Pclt'e reçoit le 16 mars 5.6. Le 2 avril on mélange son sérum à la mytilo-congestine, et on l’injecte à Diomeda , à la dose de 5. Diomeda n’est pas malade, ne vomit pas et survit. Ainsi, il semble bien que ce mélange in vitro du sérum des chiens anaphylactisés avec la mytilo-congestine accroît l’activité toxique de cette substance. Mais le fait exigerait confirmation. VII EFFETS DE LA SECONDE INJECTION SLR LES CHIENS AYANT REÇU DU SÉRUM, OU UN MÉLANGE DE SÉRUM ET DE MYTILO-CONGESTINE Sur plusieurs de ces différents chiens une seconde injection a été faite, et elle a donné les résultats suivants ; Jours ire dose. 2« dose. Sort de lr® -}- 2® d’intervalle. l’animal. doses. Niciâs 14 4.7 4.5 MortenlOh. 9.2 Protée. ...... . 19 5.5 8.0 — 13.5 Achille.. 17 5.0 3.3 Survit. 8.9 Ajax 49 5.5 3.8 - . 9.3 Philippe...... 21 7.1 5.5 Mort en 2 h. 12.0 Miltiade 22 5.0 3.4 — 20 h. 8.4 Pétée. 30 5.6 3.0 Survit. 8.6 {, Apelle 43 4.5 4.0 — 8.5 Ulysse 43 7.0 5.0 — 12.0 ANAPHYLAXIE EN GÉNÉRAL 519 Antisthène... 43 6.5 4.0 — 10.5 Diomeda 43 7.0 5.5 — 12.5 Gratès 45 5.3 4.0 — .3 Chrysippe.. . . 50 4.6 5.0 — 9.6 Il semble bien résulter de ces faits, ainsi que les expériences indiquées plus haut, relatives à l’injection de mytilo-congestine en solution aqueuse, pouvaient le faire prévoir, que vers le qua- rantième jour l’anaphylaxie a à peu près disparu. Il est assez intéressant de constater aussi que la seconde injection, si elle ne détermine pas immédiatement la mort, ne paraît pas affecter gravement la santé de l’animal, au moins si l’on en juge par la marche des poids. Nous pouvions pré- voir le fait d’après les expériences sur Socrate , Aristophane et Lysimaque , mentionnées plus haut. Mais ici les résultats sont très nets. Jours Le poids étant 100 au moment Dose de d’intervalle de a seconde injection mytiline. entre la lre et a été ' la 2e injection. au 10e jour au 20 jour : Achille 3.3 17 100 Ajax 3.8 i9 83 Aristophane 1.4 26 99 100 Pélée 30 104 103 Pausanias 2.5 32 80 96 Lysimaque.... 6.2 36 100 100 Antisthène . . 4.0 43 102 107 Apelle 43 102 102 Diomeda t 5.5 43 103 — . Ulysse 5.0 43 100 — Gratès 4.0 45 98 Ghrvsippe . . . 5.0 50 100 — Socrate . . 11.4 58 99 104 Si l’on fait la moyenne de ces poids, on voit que sur 13 chiens, la moyenne au 10e jour est de 99 et au 20e jour^ de 99. h, ce qui signifie en réalité qu’il n’y a pas eu de change- ment de poids. Ainsi, quand un chien reçoit pour la première fois de la mytilo-congestine, son poids baisse énormément, tandis que, s’il en reçoit une seconde fois, de deux choses l’une : ou il meurt en quelques heures, ou, après quelques heures de maladie, il se remet et ne paraît pas être affecté dans sa nutrition et sa santé. VIII CONCLUSIONS De tous ces faits résultent quelques conclusions générales 520 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR que je n’ai pu développer dans l’exposé des expériences; car la complexité est vraiment trop grande, et il y a trop d’enchevê- trement des phénomènes, pour qu’une théorie puisse être pré- sentée avant que toutes les expériences aient été décrites. 1° Il y a pour les êtres vivants deux sortes de poisons : les uns tuent immédiatement, ou très rapidement, comme le chloroforme en paralysant le cœur, la strychnine en convulsant les muscles respiratoires, le curare en paralysant les terminaisons muscu- laires, le mercure en abolissant l’activité des cellules nerveuses, l’oxyde de carbone en minéralisantles hématies. Les autres poi- sons tuent à longue distance, en plusieurs jours, parfois en plu- sieurs semaines, par un mécanisme qui semble différent, encore que toutes les transitions s’observent. Immédiatement ils ne sont pas toxiques; mais ils provoquent dans l’organisme la formation de substances toxiques, de sorte qu’après l’injection du poison, une véritable maladie évolue. Ou plutôt la maladie, c’est-à-dire l’ensemble des phénomènes morbides qui résulte d’une infection microbienne, est une intoxi- cation lente, doublement lente , d’abord parce que le poison produit par le microbe est lentement et progressivement secrété, au fur et à mesure que le microbe prolifère, et ensuite parce que ce poison lui même agit lentement. De sorte que par l’injection de ces substances d’origine microbienne, comme le premier exemple en a été donné pour le poison de la diphtérie, l’intoxi- cation offre tous les symptômes d’une maladie microbienne qui évolue. Donc, en étudiant la marche de l’intoxication par ces sortes de substances, on étudie en somme l’évolution des maladies, c’est-à-dire la réaction de l’organisme à des poisons lents. Or, j’ai pu trouver ces poisons lents dans des organismes normaux. En effet, j’ai pu extraire des actinies d’abord, puis des subérites, puis des moules, des substances chimiques qui ont ce caractère de pouvoir développer un état morbide spécial, et d’évoluer comme une maladie. Si on les injecte dans le système veineux d’un chien ou d’un lapin, elles tuent en quatre ou cinq jours, à dose forte ; à dose même cinq fois plus faible elles déter- minent une affection chronique, qui dure vingt ou trente jours au moins. Le contraste est saisissant entre ces poisons chroni- q ues et les autres poisons cristalloïdes ; car, si nous prenons la ANAPHYLAXIE EN GÉNÉRAL 5-21 strychnine par exemple, une dose de strychnine, qui est le cin- quième de la dose mortelle, ne détermine que des effets à peine appréciables, et nulle maladie consécutive. Au contraire le cin- quième d’une dose toxique de mytilo-congestine détermine une maladie assez grave, d’une trentaine de jours; 2° Cette maladie consécutive développe un état de sensibi- lité de l’organisme, que j’ai le premier décrit, et que j’ai appelé anaphylaxie , tel que, pendant un certain temps, l’organisme est plus sensible à l’action du poison qu'il n’était primitivement. Avec la mytilo-congestine, la sensibilité est dans la plupart des cas rendue cinq fois plus grande; dans quelques cas rares, la sensibilité est vingt-cinq fois plus grande. J’ai pensé que cette anaphylaxie pouvait être due à la pré- sence d’une substance toxogénique, non toxique par elle-même, mais donnant un poison par réaction sur la mytilo-congestine, et l’expérience a confirmé cette hypothèse. Même in vitro le mélange de mytilo-congestine avec le sérum des animaux ana- phylactisés est plus toxique que la mytilo-congestine en solution aqueuse; et les accidents se développent immédiatement. Le sérum d’un chien anaphylactisé, injecté à un chien normal, a produit chez ce dernier l’anaphylaxie. Donc, l’anaphylaxie est due à la présence d’une substance (toxogénine) qui par réaction avec la mytilo-congestine développe un poison qui agit immédia- tement. En effet, le caractère de l’état anaphylactique est que tout de suite l’animal injecté devient malade. Il y a vomissement immédiat et violent, alors que, chez les chiens normaux, souvent il n’y a pas vomissement, ou vomis- sement à de très fortes doses. Titubation, paresthésie, état coma- teux, les accidents nerveux apparaissent tout dè suite, tandis que chez les chiens normaux, immédiatement après l’injection d’une énorme dose, qui sera mortelle, l’animal paraît à peine malade au premier, et parfois au deuxième jour \ Ainsi il est nécessaire d’admettre qu’une première injection de poison a provoqué l’organisme à former non une toxine, ni une antitoxine, mais une toxogénine , et que cette toxogénine 1. On serait parfois tenté de penser que ces poisons sont en eux-mémes inno- cents, et qu’ils agissent seulement en provoquant la formation de .substances toxiques, délétères, dans l’organisme. L’anaphylaxie aurait pour effet de rendre cette production toxique très rapide. 522 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR circule dans le sang (encore que peut-être, comme certaines expériences inachevées me le font présumer, cette toxogénine se trouve surtout localisée dans le système nerveux). Quoi qu’il en soit, elle existe dans le sérum, et c’est à la présence de cette toxogénine que sont dus les rapides accidents consécutifs immé- diatement à l’injection d’une seconde dose de mytilo-conges- tine. Cette toxogénine ne se forme pas immédiatement. J’ai constaté en effet que pendant les cinq ou six premiers jours l’anaphylaxie ne s’est pas encore établie. Elle disparaît au bout d’une quarantaine de jours, de sorte que l’anaphylaxie après le 40e jour n’existe plus; 3° Non seulement l’anaphylaxie n’existe plus, mais il y a un état de prophylaxie. Passé le 40e ou le 50e jour, les animaux sont devenus (relati- vement) immunes. On peut leur injecter de fortes doses sans les rendre malades. Ils ne vomissent plus ou ne vomissent qu’à des doses fortes; ils sont, en un mot, devenus plus résistants que des chiens normaux. On peut même constater ce fait paradoxal et d’apparence contradictoire, que, même pendant la période anaphylactique, il a y un certain degré d’immunité. Aussi bien faut-il distinguer les effets immédiats et les effets lointains. Il y a anaphylaxie écla- tante pour les effets immédiats ; alors qu’il y a déjà un com- mencement de prophylaxie pour les effets lointains. Si l’animal après l’injection de la seconde dose échappe aux effets immé- diats, il n’est plus malade les jours suivants. Quelle que soit l’hypothèse qu’on adopte pour expliquer l’immunité ainsi acquise par une première injection, si l’on reste sur le terrain des faits, on est forcé de dire que Y anaphy- laxie est la première étape de la prophylaxie . Je proposerais volontiers le graphique suivant, très schéma- tique, bien entendu : Soit la dose toxique minimale 1 représentée par la droite AN; les jours sont indiqués à la ligne des abscisses, et les doses à la ligne des ordonnées. Chez l’animal normal, la dose toxique sera toujours égale à 1 ; mais, chez l’animal anaphylaclisé, cette dose minimale sera beaucoup plus faible au 10e, ou 20e jour. Vers le 30e elle commence à se relever, et enfin la dose mini- ANAPHYLAXIE EN GENERAL 523 male au 50e et au 60e jour sera beaucoup plus forte. Il y aura prophylaxie, et cette prophylaxie aura été précédée par une période d’anaphylaxie ; Schéma des périodes d’anaphylaxie et de prophylaxie (mytilo-congestine). 4° On peut formuler en deux propositions simples ces don- nées un peu compliquées 1 . a. A l’injection d’une substance toxique de l’ordre des toxal- bumines, l’animal réagit en fabriquant des sensibilisatrices ou toxogénines , ce qui crée l’état d’anaphylaxie. . En même temps que cette toxogénine, mais avec une grande lenteur, l’organisme fabrique une antitoxine. Or, comme la toxogénine disparaît en cinq ou six semaines, tandis que l’antitoxine persiste, la période d’anaphylaxie précède la période de prophylaxie. Au point de vue téléologique, qui doit toujours servir de fil conducteur dans toute doctrine biologique, on voit quelle adaptation admirable existe, dans les organismes vivants, contre 1. Evidemment je ne prétends pas que ces lois soient générales. Mais il me paraît probable, étant données toutes les expériences faites sur les divers sérums, qu’elles comportent une assez grande généralité. 524 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR les toxalbumines secrétées par les microbes. L’anaphylaxie hâte la réaction de V organisme contre les poisons microbiens. En effet, comme l’organisme devient de plus en plus sensible aux actions microbiennes, il s’ensuit que la formation des subs- tances antitoxiques est de plus en plus active. L'anaphylaxie nous paraît donc, en dernière analyse, être un procédé de défense rapide , et surtout de défense contre les faibles doses. Elle permet aux êtres vivants de réagir vigoureu- sement à de faibles doses du poison sécrété par les microbes, et par conséquent de se défendre avec énergie, alors que l’attaque n’est pas énergique encore. C’est l’éveil donné aux cellules organiques par de petites quantités de poison, quan- tités qui, sans l’anaphylaxie, eussent été insuffisantes pour provoquer l’immunité. Autrement dit encore : Y immunité a pu s'établir , parce qu'il y a eu anaphylaxie . CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE LA Vaccination des Bovidés confie la tuberculose PAR LES VOIES DIGESTIVES Par A. GALMETTE et C. GUÉRIN (Institut Pasteur de Lille.) Dans notre troisième mémoire sur l’origine intestinale de la tuberculose pulmonaire et sur le mécanisme de l’infection tubercu- leuse ‘, nous avons indiqué que, lorsqu’on fait ingérer une seule fois à de jeunes bovins, à l’aide de la sonde œsophagienne, une petite quantité de bacilles tuberculeux virulents très fine- ment divisés, la plupart de ces animaux réagissent à la tubër- culine pendant 1 à 2 mois, quelquefois davantage, puis cessent de réagir et paraissent dès lors non seulement guéris , mais vaccinés. Nous avons montré, par contre, que lorsqu’on soumet d’autres jeunes bovins, non plus à une seule , mais à plusieurs réinfections successives , répétées à courts intervalles , les lésions s’aggravent, évoluent rapidement vers la caséification et ne gué- rissent jamais. La constatation de ces faits nous a déterminés à entre- prendre, sur d’autres bovidés jeunes et adultes, de nouvelles expériences en vue de rechercher : 1° Au bout de combien de temps, après une infection artifi- cielle et unique , par les voies digestives, l’immunité se mani- feste; 2° S’il est possible de conférer l’immunité par les voies digestives en faisant absorber aux bovins jeunes ou adultes, en un seul ou en deux repas convenablement espacés, des bacilles tuberculeux atténués par la chaleur ou par diverses substances chimiques (iode, hypochlorite de soude), ou bien des bacilles tuberculeux adaptés à d’autres espèces animales que le bœuf; 1. Ces Annales , août 1906, p. 623. 526 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 3° Pendant combien de temps les animaux vaccinés par ces diverses méthodes gardent leur immunité; 4° Enfin, si ces animaux vaccinés résistent à l’épreuve d’infec- tion par cohabitation prolongée avec des animaux tuberculeux, et s’ils résistent à l’épreuve d’infection par voie intraveineuse. Nous nous proposons d’exposer surtout dans le présent mémoire les résultats de celles de ces expériences qui se rapportent à la vaccination par ingestion de bacilles vivants , parce que ce sont les seules qui remontent à une époque assez lointaine pour que nous puissions en tirer quelques conclusions. * * * Le 26 avril 1906, 8 jeunes bovins âgés de 7 à 10 mois, dont 6 de race flamande et 2 de race hollandaise, tous préalable- ment éprouvés à la tuberculine et reconnus indemnes, sont divisés en 2 lots : 2, formant le premier lot, ingèrent à la sonde œsophagienne, de cinq en cinq jours, quatre doses successives, de 0gr,05 cha- cune, de bacilles virulents d’origine bovine, provenant d’une même culture sur pomme de terre glycérinée âgée de 5 à 7 semaines. Les 6 autres (2e lot) reçoivent une seule fois la même dose (0^l',0o) de la même culture. Tous sont maintenus à l’étable, isolés et à l’abri de toute contamination. 16 jours après le quatrième repas infectant, les 2 veaux du premier lot réagissent à la tuberculine (1°,3, 1°,8). Eprouvés un mois, trois mois et cinq mois plus tard, ils réagissent tou- jours (1°,3, 1°,4 à la fin du cinquième mois). On décide de les abattre à la fin du sixième mois. Leur autopsie montre des lésions tuberculeuses disséminées dans toute la chaîne des ganglions mésentériques. Ceux-çi sont considérablement augmentés de volume. Les tubercules à centre caséeux sont accumulés surtout dans la zone corticale. Quelques ganglions portent des tubercules durs paraissant en voie de calcification. Des 6 veaux du second lot, isolés comme les précédents, un seul a réagi (1°,5) à la tuberculine, à la première épreuve, 30 jours après l’unique ingestion virulente de 0®r,05. Au bout du deuxième et du troisième mois, la réaction fut négative pour tous. • VACCINATION DES BOVIDÉS CONTRE LA TUBERCULOSE 527 On pouvait supposer que les 5 animaux de ce second lot qui, du premier au troisième mois, sont restés indemnes, n’avaient pas été infectés. Pour nous en assurer, nous déci- dâmes de leur faire ingérer de nouveau, à la sonde, le 10 juil- let 1906, soit 75 jours après leur premier repas, une dose double de bacilles bovins virulents (0gr,10), en même temps qu’à un troisième lot de 9 autres jeunes bovins du même âge qui devaient servir de témoins. Ces derniers comprenaient 6 veaux de race flamande et 3 de race bretonne. Un mois plus tard, le 9 août, 5 témoins réagissaient (1°,2 à 2°, 2), dont 4 flamands et 1 breton. Aucun des 6 anciens n’a présenté de réaction. A la fin du 2e mois, 4 témoins seulement réagissaient encore (1 flamand et I breton de 1°,8, 1 flamand de 2°,1 et 1 flamand qui, à la première épreuve, avait réagi de 1°,8, n’a fourni qu’une réaction douteuse de 1°). Les 6 anciens restaient toujours indemnes. Après trois mois (11 octobre 1906), l’épreuve à la tubercu- line resta négative pour les 15 bovins. On peut donc conclure de cette expérience qu’une seule infection de 0gI',05 de bacilles virulents, finement émulsionnés, ntroduits à la sonde œsophagienne dans le tube digestif des jeunes bovins, suffit à leur conférer une immunité assez solide pour leur permettre de supporter, 75 jours après, l’ingestion d’une dose double de virus (0gr,10). Depuis le 11 octobre 1906 jusqu’au 1er juillet 1907 (8 mois 1/2), 12 de ces bovins (5 du 2e lot et 7 du 3e) sont soumis à l’épreuve d’infection par cohabitation libre avec 10 témoins et 6 malades atteints de lésions ouvertes. Aucun de ces 12 bovins ne réagit encore à la tuberculine, tandis que 5 des témoins réagissaient déjà le 10 mai 1907. Bien que 5 veaux sur les 9 du 3ft lot aient été nettement tuberculisés pendant deux mois, à la suite de l’unique repas infectant de 0gr,10 de bacilles bovins, ces 5 animaux ont donc guéri et se comportent encore à l’heure actuelle (après 1 1 mois) comme s'ils étaient vaccinés. * ■5^ Sfr Dans une nouvelle série d’expériences, nous avons fait ingérer à la sonde, à la date du 31 octobre 1906, 0gr,25 de 528 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR bacilles virulents, finement émulsionnés, à trois animaux réservés et supposés vaccinés, Lun du 2e lot, les deux autres du 3e lot précédents, en même temps qu’à 4 témoins neufs (de race bretonne). 30 jours plus tard, deux de ces derniers réagissaient (2° et 1°,8) à la tuberculine. Après 60 jours, les deux autres témoins réagissaient à leur tour (1°,6 et 1°,5); mais Lun de ceux qui avaient réagi au trentième jour de 2°, ne réagissait plus. Le quatrième donnait 1°,5. A la fin du troisième mois, un seul témoin, le quatrième, avait, à l’épreuve, une température maxima de 1°,1. Les trois autres cessaient de réagir. A aucun moment les trois animaux supposés vaccinés n'ont présenté de réaction. Ils n’en présentent toujours pas à l’heure actuelle, après 8 mois, et avec des doses doubles de tuberculine; les 4 témoins restent également indemnes; on doit donc les considérer, eux aussi, comme guéris et vaccinés. Nous les con- servons pour les éprouver plus tard soit par cohabitation, soit par injection intraveineuse. Tous ces résultats montrent que, quelle que soit la dose de virus ingérée en un seul repas infectant de 0gr,05 à 0gr,25, les jeunes bovins âgés de 7 à 10 mois guérissent toujours, dans le délai maximum de trois mois , des lésions tuberculeuses qu’ils ont pu contracter à la suite d'une seule infection artificielle par les voies digestives. Lorsque leurs lésions sont guéries et qu’ils ne réagissent plus à la tuberculine, ils sont vaccinés et conservent l’immunité pendant au moins 8 moia, peut-être davantage. * * * Parallèlement aux essais qui précèdent, il nous a paru nécessaire de rechercher comment se comportent les bovins adultes à l’égard de l’infection tuberculeuse par les voies diges- tives et s’il est possible de les vacciner par cette même voie, soit avec des bacilles virulents, soit avec des bacilles diverse- ment modifiés. Une série de 7 vaches, toutes âgées de plus de 3 ans”, nous a servi pour ces expériences que nous résumons ci-après : N° 1. Flamande. — Ingère, le 26 décembre 1905, à la sonde. VACCINATION DES BOVIDÉS CONTRE LA TUBEHCULOSK 529 0gr, 10 de bacilles bovins chauffés b minutes à 100°. Le 12 février 1905. nouvelle ingestion de 0gi', 50 de bacilles bovins chauffés 5 minutes h 100°. Le 10 juin 190b, n’ayant jamais réagi à la tuberculine, cette vache ingère, toujours à la sonde, 0gr,25 de tuberculose viru- lente finement émulsionnée dans 1 litre de décoction de graine de lin à 15 p. 1,000. Le 8 août, elle réagit de 2°, 1 ; le 10 septembre elle ne réagit plus. Le 6 novembre, on lui fait absorber, suivant la même tech- nique, 1 gramme de bacilles bovins virulents. Le 6 décembre et le 7 janvier 1907, pas de réaction à la tuberculine. Tuberculinée tous les trois mois depuis lors, elle reste indemne. N° 2. Flamande. — Ingère, le 20 décembre 1905, à la sonde, 0gr, 10 de bacilles bovins chauffés 10 minutes à 70°. Le 12 février 1900, nouvelle ingestion de 0gr, 50 de bacilles bovins chauffés 10 minutes à 70°. Le 10 juin 1900, n’avant jamais réagi à la tuberculine, cette vache ingère, toujours à la sonde, 0gl‘,25 de tuberculose viru- lente émulsionnée dans un litre de décoction de graine de lin. Eprouvée le 9 juillet, le 8 août et le 10 septembre à la tuber- culine, elle ne réagit pas. Le 6 novembre on lui fait absorber, suivant la même techni- que, 1 gramme de bacilles bovins virulents. Eprouvée le 0 décembre, le 7 janvier 1907, puis tous les trois mois depuis lors, elle ne présente aucune réaction. N° 3. Flamande. — Ingère une première fois, le 27 mars 1900, 0 gr, 10 de culture fraîche de tuberculose d ’ origine équine, fournie par le Dl Borrel , puis une seconde fois, le 11 mai, 0gr, 50 de la même culture fraîche, non chauffée. Le 10 juillet, n’ayant pas réagi à la tuberculine, on lui fait absorber 0 gl‘,25 de tuberculose bovine virulente. Éprouvée les 8 août et 10 septembre, elle n’accuse aucune réaction. Le 6 novembre, elle absorbe 1 gramme de bacilles bovins virulents. Tuberculinée les 6 décembre, 7 janvier 1907 et tous les trois mois depuis lors, elle reste indemne. 34 530 ANNALES 1)E L’INSTITUT PASTEUR N° 4. Normande. — Ingère, le 20 mars 1906, 0^r, 25 de bacilles bovins virulents, non chauffés. Réagit de 1°, 1 le 2 juin, puis cesse de réagir. Ingère, le 6 novembre, 1 gramme de bacilles bovins viru- lents. Eprouvée les 6 décembre, 7 janvier 1907 et tous les trois mois par la suite, elle ne réagit jamais. N° 5. Flamande. — Ingère, le 29 mars 1906, 0"r, 25 de bacil- les bovins virulents, non chauffés. Réagit de 1° le 30 avril, puis cesse de réagir. Ingère, le 6 novembre, 1 gramme de bacilles bovins virulents. Eprouvée les 6 décembre, 7 janvier 1907 et tous les trois mois par la suite, elle ne réagit jamais. N° 6. Flamande. — Ingère, le 29 mars 1906, 0 25 de bacilles bovins virulents, non chauffés. Réagit de 1°,8 le 2 juin, puis cesse de réagir. Ingère, le 6 novembre, 1 gramme de bacilles bovins viru- lents. Eprouvée les 6 décembre, 7 janvier 1907 et tous les trois mois depuis lors, elle n’a jamais fourni de réaction. N° 7. Flamande. — A ingéré, le 15 mars 1906, une première dose de 0,10 de bacilles bovins virulents, non chauffés, puis, n’ayant pas réagi à la tuberculine, une seconde dose de 0 -% 20 des mêmes bacilles virulents le 10 mai. Ne réagissant toujours pas, on lui fait absorber 0 §r, 50 de bacilles virulents le 30 juin et encore 1 gramme des mêmes bacilles le 6 novembre. Eprouvée le 6 décembre, elle ne fournit aucun réaction. Désireux de savoir si cette vache a pu se débarrasser aussi rapidement des bacilles tuberculeux qu’elle a absorbés à la dose énorme de 1 gl\ 80 en 8 mois, et dont un bon nombre ont dû être retenus par ses ganglions mésentériques, nous décidons de l’abaltre le 12 décembre, soit 36 jours après le repas infectant de 1 gramme, quilaisseindemne toutes ses compagnesvaccinées. Voici les résultats de son autopsie : Aucune lésion tuberculeuse des viscères de la cavité abdo- minale. Ganglions mésentériques d’aspect et de volume nor- maux. Poumons et autres organes thoraciques sains. On ne trouve aucune trace de tubercules anciens ou réeenls. VACCINATION DES BOVIDÉS CONTRE LA TUBERCULOSE 531 Des fragments de ganglions mésentériques, des ganglions du foie, de la rate, du médiastin postérieur, des ganglions bronchi- ques et rétropharyngiens, sont excisés avec des instruments stériles, triturés séparément et inoculés chacun sous la peau de la cuisse à 4 cobayes. b2 jours après ces inoculations, un seul de ces 28 cobayes, inoculé avec le triturât des ganglions mésentériques, présente une adénite inguinale. Sacrifié le 7fie jour, il est trouvé porteur de tubercules du foie et de la rate. L’examen microscopique de ces organes et celui du ganglion suppuré confirment le dia- gnostic. D’autre part, des fragments de ganglions mésentériques ont été inclus dans la paraffine aux fins d’examen histologique. Sur les coupes il n’a pas été possible de déceler des bacilles colo- rables. Par contre, on observe, principalement dans la couche corticale, des petits amas de tissu fibreux dense qui paraissent manifestement être les reliquats d’anciennes cicatrices de tuber- cules. 11 ressort nettement de ces expériences que les bovins adultes, comme les bovins jeunes, sont susceptibles de guérir en quelques mois d’une infection tuberculeuse artificielle restée unique , et qu’ainsi guéris ils acquièrent vis-à-vis d’une ou plu- sieurs autres infections, même massives, une réelle immunité. Elles montrent, en outre, que, ainsi que nous l’avions déjà indiqué pour les veaux % l'ingestion de bacilles tuberculeux chauffés à 70° ou celle de bacilles vivants d’origine équine, répé- tée deux fois à 45 jours d’intervalle environ, confère aux bovidés adultes une résistance telle qu’ils ne réagissent plus à la tuber- culine après qu’on leur a fait absorber des doses de bacilles virulents sûrement capables de provoquer cette réaction, chez les témoins, dans le délai d’un à deux mois. * Plusieurs conclusions d’ordre pratique nous paraissent dès à présent pouvoir se dégager des faits qui précèdent : Chez les bovidés , jeunes ou adultes , — (et il en est probable- ment ainsi dans l’espèce humaine) — la gravité des infections 1. C. r. Acad, des sciences, 11 juin 1906. 532 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK tuberculeuses dépend du nombre des microbes absorbés , de Y adap- tation de ceux-ci à l’organisme infecté (autrement dit de leur virulence) et de la fréquence des contaminations ; Une seule infection , même relativement massive, peut quérir ; la guérison définitive est manifestée par l’absence de réaction à la tuberculine ; et toute infection guérie confère à l'organisme une résistance marquée à l’égard de nouvelles infections. Il est impossible de fixer actuellement la durée de cette immunité. Nous pouvons seulement dire qu’elle persiste chez les jeunes bovins éprouvés depuis huit mois. La cohabitation libre et continue des animaux vaccinés avec des animaux porteurs de lésions tuberculeuses ouvertes pourra seule nous fournir à ce sujet des données précises. Nous poursuivons nos expériences dans cette voie. DU ROLE DES HELMINTHES, DES LARVES D'HELMINTHES Et des larves d’insectes dans la transmission des microbes pathogènes Par M. WEINBERG (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) (Suite et fin.) Sclérostome du cheval. — Parmi les animaux d’abattoir, le che- val est un des plus favorables pour l’étude de la transmission des microbes parles helminthes, et cela pour deux raisons : l°son intestin renferme presque toujours beaucoup de vers intesti- naux; 2° cet intestin ne présentant pas de valeur comestible, les bouchers ne font en général aucune difficulté pour vous laisser étudier et même emporter toutes les pièces que vous jugez inté- ressantes pour vos recherches. Parmi les nématodes qu’on trouve le plus souvent chez cet animal, il faut surtout citer le sclérostome, l’ascaride et le ténia. Le sclérostome est d’une telle fréquence qu’on peut dire sans exagération que presque tous les chevaux en sont infestés. Lorsqu’on examine avec soin le cæcum et le colon replié, on trouve presque toujours un ou plusieurs exemplaires de ce néma- tode, et cela aussi bien en I» i ver qu en été. La figure 6 montre la disposition la plus fréquente de ces parasites sur la muqueuse cæcale. Comme à l’abattoir on peut étudier l’intestin immédiatement après l’abattage du cheval, il est facile de constater que la plupart de ces parasites sont fixés. Quelquefois, on trouve ces nématodes accouplés et fixés en même temps sur la muqueuse cæcale (c, c\ c\ c"). Le sclérostome se fixe solidement sur la muqueuse intesti- nale, perfore le capillaire sanguin et suce le sang. Lorsqu’on examine les parasites qui viennent de se détacher, on les trouve colorés en rouge noir, tellement leur canal intestinal est gorgé (le sang. Fig. G. Portion du cæcum du cheval (montrant un nombre considérable de scléros- tomes fixés sur la muqueuse. a, sclérostome libre. b, b', b", sclérostomes fixés. c, sclérostomes accouplés dont le mâle est fixé sur la muqueuse. c', c", c'", sclérostomes accouplés; dans chaque couple, la femelle est fixée. c slérostomes accouplés; tous les deux sont fixés sur la muqueuse cœcale. d, d' , petites ulcérations hémorragiques que laissent les sclérostomes déta- chés de la muqueuse. ROLE DES HELMINTHES La muqueuse du cæcum et celle du colon replié sont parsemées de petites ulcérations rougeâtres; ce sont les morsures des sclé- rostomes détachés. On peut trouver au niveau de ces morsures de gros caillots sanguins, mais le fait est rare. La cicatrisation de la morsure dépend de la virulence des microbes inoculés par le sclérostome. Lorsque ces microbes sont inoffensifs, la plaie se referme rapidement et on ne trouve plus trace de la piqûre des helminthes. Lorsque ces microbes sont pathogènes, il se forme à la place de la morsure une petite ulcération au niveau de laquelle on peut trouver différentes bactéries. Cette constatation a déjà été faite par Faure et Marotel l. Ces auteurs ont trouvé une destruction parfois totale de l’épithélium dans la région où le parasite était fixé. Ce fait est exact, nous avons pu maintes fois le confirmer. Nous avons été à même d’étudier toutes les variétés des lésions provoquées par le sclérostome. Les petites ulcérations peuvent s'étendre et former finale- ment des ulcérations que nous avons vu atteindre jusqu'à 23 millimètres sur 8. Quelquefois ces ulcérations sont tout à fait rondes, à bords très indurés ; la région centrale déprimée est couverte de sang ou d’un magma grisâtre. En général, on y trouve fixés plusieurs parasites. Les coupes histologiques montrent que la muqueuse et souvent la couche superfi- cielle de la sous-muqueuse sont complètement détruites à ce niveau. La zone profonde de la sous-muqueuse présente une infiltration leucocytaire, dans laquelle on trouve de nombreux microbes. Lorsque la sclérostomose est intense, on peut trouver, dans l'intervalle des ulcérations, un grand nombre de larv es du para- site saillant sous la muqueuse cæcale. Quelquefois, les lésions produites par le sclérostome pren- nent une forme toute spéciale : Au lieu d’une petite piqûre hémoragique ou d'une ulcéra- tion on trouve, au point de fixation de l’helminthe, une petite tuméfaction œdémateuse dont les dimensions, en général, ne dépassent guère 13 millimètres de diamètre. Ces petites tumeurs montrent une infiltration œdémateuse 1. Société des sciences vétérinaires de Lyon. Séance du 25 mai 1902, p. 142-148. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUll 4536 •considérable de la muqueuse et de la sous-muqueuse. On y trouve rarement des microbes et l'infiltration leucocytaire est ordinairement insignifiante. Nous avons tout lieu de croire qu’il s’agit dans ce cas d’une infection par microbes anaérobies très toxiques. Le fait que nous avons trouvé surtout ces cas chez les che- vaux excessivement maigres, en déperdition considérable, est en faveur de cette hypothèse. Dans quelques-unes de nos obser- vations, cette tuméfaction œdémateuse de la paroi cæcale au point de fixation des sclérostomes a pris des proportions consi- dérables. Une de ces lésions mesurait 83 millimètres de long sur 33 de large. Les parasites en question se fixent en général à une petite distance les uns des autres. Dans des cas exceptionnels, ils se groupent en amas et se fixent si près les uns des autres qu'ils forment, par leur réunion, une véritable colonie. Un de ces cas est représenté sur la figure 7. Pour nous ren- dre compte si la muqueuse au niveau de la fixation de cette colonie vermineuse était très atteinte, nous avons détaché une partie de ces parasites. Nous avons pu ainsi constater qu’à ce niveau la plus grande partie de la muqueuse était complète- ment et profondément ulcérée. D’autre part, les vers étaient pour ainsi dire agglutinés par une masse d’un gris noir, dans laquelle on retrouvait des débris de matières alimentaires. On voit que cette agglomération de parasites constitue une cause adjuvante à l’infection de la muqueuse intestinale au niveau de leur point de fixation. Les parasites, en même temps que les particules de matières fécales, retiennent entr’eux une riche flore microbienne dans laquelle peuvent se trouver des microbes pathogènes. Les sclérostomes inoculant des microbes dans la paroi intestinale, il est possible que, dans certains cas, ils provoquent ainsi une septicémie mortelle du cheval. Nous nous sommes demandé si le canal intestinal du sclé- rostome contenait une flore microbienne. En effet, si ces para- sites contenaient des microbes dans leur tube digestif,- ces der- niers pourraient passer dans la paroi intestinale pendant la durée parfois très longue de la fixation du nématode. Nous avons fait ces recherches en collaboration avec Mlle I. DOLE DES HELMINTHES 537 Saeves. Voici comment nous avons procédé et les résultats que nous avons obtenus. On choisit les plus gros sclérostomes qu’on trouve dans le cæcum et le 08 — 1er juin, nombreux. — 2 juin, rares. — 3 juin, très rares. — Le 4 juin, l’examen du sang est négatif. — 5 juin, trypanosomes très rares. — 6 juin, nombreux. — 7 et 8 juin, très nombreux. — 9 juin, assez nombreux. — 10 el Tl, très nombreux. Dans une préparation de sang du 10 mai, on trouve deux inclusions de trypanosomes dans des leucocytes au cours d’un examen de 13 minutes* Mort le 11 juin à 5 heures du soir. Autopsie faite aussitôt après la mort. La plaie abdominale est bien cicatrisée. Pas de péritonite. La rate a été complètement enlevée. Ganglions inguinaux un peu augmentés de volume. La moelle osseuse est rouge et paraît congestionnée. Dans les frottis de moelle osseuse il y a beaucoup d’hématies; les trypanosomes sontnombreux et en bon état, ils se colorent assez bien. IL Un cobaye témoin, du poids de 423 grammes, est inoculé le 21 mai sous la peau avec le même virus que le cobaye dératé; les deux cobayes reçoivent la même quantité de virus. Figure V. — Les tracés de la figure V donnent, pour le cobaye dératé et pour le témoin, les variations observées dans b* nombre des trypanosomes. La crise Irypanoly tique s'est faite chez le cobaye dératé comme chez le témoin. 27 et 28 mai, trypanosomes assez nombreux dans le sang du cobaye. — 29 mai, trypanosomes rares. — 30 mai, très rares. — 31 mai, l’examen du sang est négatif. — 1er et 2 juin, trypanosomes rares. — Du 3 au 7 juin, trypanosomes assez nombreux. — 8 juin, trypanosomes très nombreux. Dans une préparation de sang du 8 juin, on trouve quatre inclusions de trypanosomes dans des mononucléaires au cours d’un examen qui dure 15 minutes. Le cobaye meurt le 8 juin. SUR LE RÔLE DE LA RATE DANS LES TRYPANOSOMIASES 600 Autopsie faite aussitôt après la mort. La rate pèse 2gr,50. Les ganglions inguinaux sont légèrement augmentés de volume. La moelle osseuse est rouge hyperémiée. Expérience IY. — A. Un rat, du poids de 120 grammes, est dératé le 10 mai 4907. Le 21 mai, le rat, qui est guéri de l’opération, est inoculé de Surra sous la peau. Le 24 et le 25 mai, l’examen du sang du rat est négatif. — 26 mai, trypanosomes non rares. — 27 mai, nombreux. — 28 mai, très nombreux. Mort dans la journée du 28 mai. Figure VI. Autopsie. La plaie abdominale est bien cicatrisée, pas de péritonite ; la rate a été complètement enlevée. Les ganglions axillaires sont notablement augmentés de volume, l’hypertrophie des ganglions inguinaux est moins marquée que celle des ganglions axillaires. B. Un rat, du poids de 108 grammes, est inoculé le 21 mai de Surra sous la peau; il reçoit la même quantité de virus que le rat dératé auquel il sert de témoin. Le 24 mai, l’examen du sang du rat est négatif. — 25 mai, trypanosomes très rares. — 26 mai, trypanosomes nombreux. — 27 mai, très nombreux. Trouvé mort le 28 mai, au matin . La rate pèse lgr, 30. Les tracés de la figure VI montrent que l’infection a eu a très peu près la même évolution chez le rat dératé et chez le témoin. Expérience V. — A. Un rat du poids de 100 grammes, est dératé le 10 mai 1907. Le 21 mai, le fat, qui est guéri de PopéEatîon, est inoculé de Surra sous la peau. . ' ' 39 610 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les 24 et 25 mai, l’examen du sang du rat est négatif. — 26 mai, trypa- nosomes non rares. — 27 mai, trypanosomes nombreux; à 11 heures du matin, le rat pousse quelques cris, il a des mouvements convulsifs et meurt brusquement; les accidents ont duré une minute au plus. Deux préparations de sang du 27 mai dans lesquelles les parasites sont très nombreux sont examinées longuement, après coloration, sans qu’on y découvre des inclusions de trypanosomes dans des leucocytes. Autopsie faite immédiatement après la mort. La plaie abdominale est bien cicatrisée; il n’y a pas de péritonite; la rate a été complètement enlevée. Les frottis de moelle osseuse contiennent peu d’hématies et peu de trypa- nosomes, souvent réduits au noyau; inclusions assez nombreuses. Figure VII. B. Un rat, du poids de 100 grammes, est inoculé le 21 mai de Surra sous la peau; il reçoit la même quantité de virus que le rat dératé auquel il sert de témoin. Le] 24 mai, l’examen du sang du rat est négatif. — 25 mai, trypanosomes rares. — 26 mai, trypanosomes nombreux. — 27 mai, très nombreux. Dans des frottis de sang colorés, on cherche vainement des inclusions de trypano- somes'dans des leucocytes. Le rat est trouvé mort le 28 mai au matin (il est moi’t dans la nuit du 2/ au 28). La rate pèse l&r,50. Les tracés de la figure Vil montrent que l’infection a eu à très peu près la même évolution chez le rat dératé et chez le témoin. La durée moyenne de la maladie chez les cobayes dératés a été de 17 jours; chez les témoins, elle a été de 23 jours; mais SUR LE RÔLE DE LA RATE DANS LES TRYPANOSOMIASES 611 cette différence dans la durée est due à ce qu’un des témoins a survécu 47 jours à linoculation, ce qui est un fait exceptionnel avec le virus que nous avons employé 1 ; dans les expériences I, Il et III, des cobayes dératés ont survécu 21 et 22 jours à l’inocu- lation, alors que les témoins mouraient en 18 jours; un des témoins est même mort en 9 jours. Chez les deux rats dératés, la durée de la maladie a été de 6 et de 7 jours, alors qu elle était de 7 jours chez les témoins. Chez les cobayes dératés, la crise trypanolytique s’est produite comme chez les cobayes normaux (fig. 111, IV, V) et souvent mieux que chez les témoins. Les inclusions de trypanosomes dans des leucocytes n’on pas été observées plus souvent dans le sang des cobayes dératés que dans le sang des cobayes normaux. L’aspect de la moelle osseuse chez les animaux dératés n’a pas paru différer de celui de la moelle des animaux normaux; les inclusions ont été notées quelquefois comme plus nom- breuses. Les infections produites par des trypanosomes s’accom- pagnent en général d’hypersplénie et parfois cette hypersplénie atteint des proportions énormes. Pour une même trypanoso- miase, le Surra par exemple, on observe d’ailleurs de grandes différences suivant les espèces animales ; l’hypersplénie très marquée chez le chien, le cobaye, le rat et la souris est légère chez le lapin, chez les ovinés et les caprins. C’est chez les animaux qui ont le plus grand nombre de parasites dans le sang que l’hypersplénie atteint ses plus fortes proportions. Il semble que le rapport devrait être inverse si la rate avait la propriété de détruire les trypanosomes. L’hypertrophie des ganglions lymphatiques, si commune dans la trypanosomiase humaine, est en rapport avec la pullu- lation des parasites dans ces glandes et c’est en ponctionnant les ganglions hypertrophiés que l’on constate le plus facilement l’existence des trypanosomes. Nous croyons pouvoir tirer de nos recherches les conclu- sions suivantes : 1. Ce virus, à la suite de nombreux passages par cobayes, est devenu plus virulent pour ces animaux qu’il n’était au début de mes recherches, il y a quatre ans. A. Laveran. 612 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 1° Quand on se place dans de bonnes conditions d’observa- tion, on constate que les trypanosomes pris dans la rate pendant la vie ou aussitôt après la mort ont le même aspect que ceux qui ont été recueillis dans le sang de la grande circulation ; 2° L’extrait de rate n’a pas de propriétés trypanolytiques in vitro ; 3° Chez les animaux dératés, Dévolution des trypanoso- miases n’est pas sensiblement modifiée ; 4° Dans les trypanosomiases, comme dans le paludisme, la rate contribue sans doute à débarrasser la circulation des débris des hématozoaires, à la suite des crises trypanolytiques, comme à la suite des accès palustres, mais à cela paraît se borner son rôle 1 . 1. Ce travail était déjà imprimé quand une nouvelle note de MM. Rodet et Vallet a été communiquée à l’Académie des Sciences (séance du 22 juillet 1907) ; nous croyons avoir montré (Acad, des Sciences, 29 juillet 1907) que les nouveaux arguments invoqués par MM. Rodet et Vallet en faveur du pouvoir destructeur de la rate sur les trypanosomes ne sont pas convaincants. Action du “ Baciilus subtilis” sur diverses bactéries Par MAURICE NICOLLE Nous avons fait — à différentes époques et nous plaçant à des points de vue variés — un grand nombre d’expériences concernant Faction du B. subtilis sur d’autres bactéries. Il nous a paru indiqué de réunir aujourd’hui, sous une forme aussi concise que possible, les résultats de la majorité de ces expé- riences. Mais le sujet n’est point épuisé; loin de là, et nous aurons l’occasion d’y revenir. CARACTÈRES PRINCIPAUX DU B. SUBTILIS EMPLOYÉ DANS NOS EXPÉRIENCES 11 s’agit d’un B. subtilis type, isolé jadis de l’air, à Constan- tinople. II liquéfie la gélatine, le sérum coagulé et l’ovalbumine coagulée (à condition, toutefois, que l’on additionne celle-ci, avant coagulation, d’un quart de bouillon ordinaire, sans quoi le développement n’a point lieu). Il « éclaircit » le lait. Ses cultures filtrées jouissent de pro- priétés intéressantes et notamment d’un pouvoir bactériolytique élevé, ainsi qu’on le verra plus loin. Les meilleurs filtrats sont obtenus en cultivant, à 37°, notre subtilis dans le bouillon peptonisé (2 0/0), réparti en boîtes de Roux, à raison de 100 c. c. de milieu par boîte. Les bouillons peptonisés à 1 0/0, 3 0/0 et 4 0/0 — l’eau peptonisée à 2 0/0, gélatinisée ou non — le bouillon peptonisé (2 0/0) et glu- cosé (0,5 0/0) — se montrent moins bons. Les filtrats de cultures en lait demeurent très médiocres ; ceux de cultures en liquide Frankel, quasi-inefficaces. Le meilleur moment, pour procéder à la filtration, est le 4e jour (3 jours pleins); avant ou après, on risque d’avoir des résultats moins satisfaisants. Nos fdtrats sont inactifs sur le sérum coagulé, l’ovalbumine coagulée et le lait; ils liquéfient la gélatine, hémolysent les globules . rouges (lapin) et se montrent fortement kinasiques 614 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (Delezenne *); enfin, ils offrent une parfaite innocuité : un lapin a pu recevoir, impunément. 300 c. c. en 73 jours, dans le péri- toine. Du reste, le subtilis , lui-même, apparaît bien peu toxique; nous avons fait voir, ailleurs (Études sur la morve expéri- mentale), que les masses microbiennes provenant de cultures sur milieu solide, exposées aux vapeurs chloroformiques (qui ne tuent point les spores, même après 190 jours à 37°) étaient supportées à dose énorme par les cobayes. Ces animaux ne succombent jamais lorsqu’on leur injecte 0^r,50 dans l’abdo- men; avec 1 gramme, la résistance s’observe le plus souvent’ il faut aller jusqu’à 2 grammes pour tuer régulièrement (lors d’une terminaison rapide, on rencontre un épanchement péri- tonéal, qui donne des cultures positives; lors d’une terminaison lente, le cadavre ne présente aucune lésion et demeure stérile). Nous avons fait quelques expériences, avec plusieurs orga- nismes voisins du subtilis tels que : les tyrothrix distortus , geniculatus , tenuis... de Duclaux — deux échantillons de mesen- tericus — et un bacille isolé par notre collègue Mazé. Ces organismes se comportent, d’une façon générale, comme le subtilis , mais leurs propriétés bactériolytiques demeurent habi- tuellement moins accentuées. L’influence du subtilis sur les autres microbes a été étudiée, disions-nous, à des points de vue variés. Nous envisagerons, successivement, dans ce travail : le développement simul- tané du subtilis et d’une autre bactérie ( cultures symbiotiques) — le développement du subtilis aux dépens de différents germes — et le pouvoir bactériolytique des filtrats de subtilis vis-à-vis d'un certain nombre d'organismes (et, en particulier, du pneumocoque). CULTURES SYMBIOTIQUES Le Dr Roux a démontré, il y a des années, que les anaérobies stricts se développent aisément dans les liquides exposés au contact de l’air, lorsqu’on ensemence, en même temps, le bacillus subtilis. La culture, en voile, de cet aérobie strict absorbe, durant sa formation, l’oxygène dissous parle milieu et empêche, une fois formée, toute aération ultérieure; d’où la croissance facile de l’anaérobie associé. 1. Les kinases microbiennes. Leur action sur le pouvoir digestif du suc pancréatique vis-à-vis de l’albumine ( C . B. Soc. de Biologie , 1902, p. 998). BACILLUS SUBTILIS SUR DIVERSES BACTÉRIES 615 Plus tard, Debrand appliqua ces données, avec succès, à la production de la toxine tétanique. Nous avons fait, de notre côté, des expériences analogues, portant sur plusieurs anaéro- bies. En voici le résumé. Bacille tétanique . — Dans ce cas et dans les suivants, nous employions, comme vases de culture, des flacons ordinaires de pharmacie (125 c. c.), contenant 100 c. c. de milieu En bouillon peptonisé classique (1 0/0 de peptone), le B. tétanique dont nous nous servions à Constantinople, ensemencé avec le B. subtilis , fournissait, vers le 5e jour (optimum d’activité), une toxine susceptible de tuer rapidement le cobaye adulte sous le volume de 1/2 0000e de c. c. Cette toxine nous a permis d’obtenir, par injections répétées au cheval, un excellent sérum antitétanique. Nos recherches confirment donc pleinement celles de. Debran i. Vibrion septique . — Nous avons étudié, parallèlement, trois échantillons différents de pouvoir toxigène très variable (cultures en bouillon-Martin). Le maximum d’activité des filtrats (Berkefeld) s’est manifesté, ici encore, vers le 5e jour; le 10e jour, 5 c. c. des « bons » filtrats (et, a fortiori, des « mau- vais »), injectés dans les veines du lapin, n’ont jamais déter- miné d’accidents. Les expériences suivantes prouvent que, tout au moins pour le vibrion B, le bacille de Mazé donne de meilleurs résultats que le subtilis. Filtrats du 5e jour. / Vib. A. . + subtilis : mort en 1 à 2 heures (3 exp.). Injection de 5 c. c. \yb B J + subtilis : émaciation moyenne (3 exp.). dans les veines s 1 *1 b. Mazé : mort en 10 à 17 minutes (3 exp.). du lapin adulte/ l + subtilis : aucun effet (3 expériences). (2,000 à 2,50ü gr.)( 1 * * j -)-b. Mazé : aucun effet (3 expériences). Bacterium Chauvoei. — Nous avons étudié, parallèlement (cultures en bouillon-Martin), deux échantillons, dont l’un s’est montré atoxigène. Les filtrats du second, actifs le 5e jour, ne l’étaient plus le 10e. Avec le B. Chauvoei B, le B. de Mazé l’emportait encore sur le subtilis , comme on va le voir. Filtrats du 5e jour. / Bac. A.. + subtilis : aucun effet (3 expériences). Inj. de 5 c. c. dans les j R „ ( + subtilis : mort en 1 jour à 1 j. 1/2 (3 exp.). v. du lapin adulte. ( Bac* { -f- b. Mazé : mort en 1-2 heures (3 expér.). Bacillus perfringeris. — Les filtrats, obtenus par culture à l’abri de l’air, sont inactifs (Yeillon — communication orale); la symbiose ne nous a pas donné de meilleurs résultats. 616 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Bacillus putrificus coli. — Les filtrats des cultures anaérobies ne jouissent d’aucun pouvoir toxique (Bienstock) ; de même, dans nos expériences avec le subtilis. En somme, la méthode Roux-Debrand, d’une application si simple, est appelée certainement à rendre de grands services ; nous la considérons même, pour notre part, comme la méthode d’élection, quand on tient à éviter les surprises dans la prépara- tion des toxines des anaérobies. 11 nous a toujours semblé, en effet, lors de nos expériences comparatives, qu’elle fournissait, bien plus régulièrement que le procédé classique, des poisons très actifs, vers le 5e jour de culture. Par contre, il est indé- niable que l’efficacité de ces poisons ne tarde point à fléchir*, L’explication de tels faits n’offre aucune difficulté: d’une part; le subtilis (ou le B. de Mazé) ajoute son action hétérolysante à l’action autolysante de l’anaérobie associé, d’où une mise en liberté plus hâtive de la toxine; — d’autre part, il détruit éner- giquement cette toxine, au fur et à mesure de sa libération; aussi arrive-t-il bientôt un moment à partir duquel la perte 1’emportera de plus en plus sur le gain. 11 faut donc s’arranger pour utiliser les cultures vers le 5e jour, ou bien les précipiter alors, par le sulfate d’ammoniaque, afin de conserver les poi- sons h leur état de toxicité maxima. Nous avons fait quelques expériences de symbiose, avec le subtilis et divers anaérobies facultatifs. Encore que peu nombreux, les résultats paraissent intéressants et nous nous proposons de ne point abandonner cette voie nouvelle. DÉVELOPPEMENT DU SUBTILIS AUX DÉPENS DE DIFFÉRENTS GERMES Si Ton émulsionne, en eau physiologique (et, éventuellement, en liquide Frankel), diverses bactéries cultivées sur milieu solide, de façon à obtenir une suspension épaisse, et que Ton ensemence le subtilis dans ce milieu inhabituel, on observe un développement, d’ordinaire très riche, aux dépens des germes nourriciers. Corrélativement, la suspension « s’éclaircit » plus ou moins complètement et cet éclaircissement varie, bien entendu, suivant l’organisme en jeu. De tous les microbes étudiés par nous, le pneumocoque se montre le plus sensible à l’action bactériolysante du subtilis; BACILLUS SUBTILIS SUR. DIVERSES BACTÉRIES G17 puis, viennent le B. de la morve, le B. typhique, le B. char- bonneux (mais non la spore), le B. de Shiga...; le staphylo- coque est moins touché, le B. suipestifer fort peu. (Nota. — L’injection des cultures morveuses, « éclaircies» parle subtilis % n’a jamais permis de vacciner le cobaye contre le virus vivant.) On peut également ensemencer le subtilis dans les cultures bactériennes liquides déjà développées; les résultats sont de même ordre que tout à l’heure et les phénomènes rappellent beau- coup ceux dont nous avons parlé au chapitre des associations symbiotiques. L’action hactériolysante du subtilis étant bien établie, il était indiqué de s’adresser de préférence aux filtrats de ce microbe; c’est ce que nous avons fait. POUVOIR BACTÉRIOL VTIQUE DES FILTRATS DE SUBTILIS VIS-A-VIS D’UN CERTAIN NOMBRE D ORGANISMES Si l’on émulsionne, dans ces filtrats, les bactéries qui ont été mentionnées plus haut, cultivées sur milieu solide (à raison de 1/2 centigramme de microbes pour 2 c. c. de filtrat), et si l’on porte à l’étuve pendant 24 heures, on constate, ici encore, un a éclaircissement » plus ou moins complet, parfois suivi d’un développement des germes demeurés saufs. Il est aisé d’entra- ver ce développement à l’aide d’une trace de chloroforme, mais il faut savoir que l’on ajoute alors l’action autolysante de l’organisme à l’action hétérolysante du filtrat; d’où la nécessité de faire entrer en ligne de compte ce second facteur dans l’appréciation des résultats obtenus. Le pneumocoque se dissout facilement; puis, viennent : le B. de la morve, le B. typhique, le B. colt , le vibrion cholé- rique... comme avec le subtilis vivant. On peut varier l’expérience en mêlant (à parties égales) les filtrats bactériolytiques et les cultures liquides des germes étudiés. Et l’on observé toujours les mêmes apparences : le pneumocoque tient la tête; le B. de la morve, le B. pesteux, le B. typhique, le B. charbonneux, le B. suiseplicus , le vibrion cholérique... le suivent, à une distance plus ou moins grande; le B. suipestifer ne semble pas attaqué. (Nota. — La a solution » de B. charbonneux [préalablement filtrée — les 618 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR spores résistant à l’action bactériolysante] est très bien supportée par les animaux [on peut en injecter jusqu’à 20 c. c. à la fois dans le péritoine du cobaye et 40, dans celui du lapin], mais ne les immunise point [un cobaye qui avait reçu, du 6 décembre 1902 au 26 février 1903, 150 c. c. dans le péri- toine, et un lapin qui avait reçu, du 15 octobre 1902 au 7 mars 1903760c. c. par la même voie n’ont manifesté aucune augmentation de résistance]. Par contre, la « solution » de B. suisepticus semble jouir de propriétés vaccinantes [lapin].) En résumé, les résultats qui précèdent rappellent très exac- tement, au point de vue de la « solubilité » respective des diverses bactéries, ceux que nous avons obtenus, avec Adil-bey, lors de nos recherches sur l’action bactériolysante de la bile (ces Annales, janvier 1907). Ils sont également comparables, sous ce rapport, à ceux que fournissent les expériences d’autolyse — ainsi que nous le démontrerons dans un autre travail. ACTION DES FILTRATS DE SUBTILIS SUR LE PNEUMOCOQUE Le .pouvoir bactériolytique que ces filtrats manifestent vis- à-vis du microbe de Talamon-Frankel — tout comme celui qu’exerce la bile — permet d’aborder le problème de la vacci- nation antipneumococcique par un côté nouveau. Aussi nous étendrons-nous un peu sur le sujet. Technique. — On mélange, à parties égales, les filtrats de subtilis et les cultures de pneumocoque (ces dernières, faites en eau peptonisée [2 0/0], salée [0, 5 0/0] et glucosée [0, 5 0/0] et datant de 24 heures). On scelle le tube ou le ballon qui con- tiennent le mélange, on agite et on place à 40°. Les cultures, très riches, s’éclaircissent généralement en quelques heures et se montrent presque toujours stériles, le lendemain, lorsqu’on les injecte aux animaux sous le volume de 20-40 c. c. Exception- nellement, des unités microbiennes peuvent avoir échappé à la bactériolyse et les lapins périront plus ou moins vite (d’ordi- naire, après plusieurs jours seulement). Afin d’éviter ce contre- temps, nous conseillons de filtrer les « solutions pneumococ- ciques, ou, mieux encore, d’ajouter, dès le début de l’expérience, 1 goutte de chloroforme par 10 c. c. de mélange; dans ce dernier cas, l’autolyse joindra forcément ses effets à ceux de l’hétérolyse, mais, pratiquement, la chose est sans importance aucune. BACILLUS SUBTILIS SUR DIVERSES BACTÉRIES 019 (, Remarques . — Pour faire pousser le pneumocoque en eau peptonisée sucrée, nous nous servons, comme semence, d’une culture de 24 heures en bouillon-Martin-ascite. Il ne faut pas employer plus d’une goutte de celle-ci -pour 10 c. c. d’eau peptonisée sucrée, sans quoi l’excès de sérosité périto- néale gène la dissolution du pneumocoque. Corrélativement, la culture- mère ne doit point avoir plus de 24 heures, car une goutte de semence plus âgée ne suffit pas à fertiliser 10 c. c. du milieu glucosé. Le pneumocoque, cultivé en eau peptonisée sucrée, puis lavé à l’eau physiologique [par centrifugage] et émulsionné avec l’eau physiologique, se montre bien plus soluble que la culture originelle dans les filtrats de subtilis, ce qui tient, évidemment, à l’élimination de substances empêchantes. [Nous avons observé le même phénomène, avec Adil-bey, lors de nos études sur la biie, citées plus haut.] Résultats expérimentaux. — Les « solutions pneumococci- ques » vaccinent aisément les lapins (2,000 à 2,500 gram- mes) contre l’injection sous-cutanée de 10 c. c. d’une culture en bouillon-ascite (1 jour), dose mortelle dans les 24 heures (notre pneumocoque faisait encore périr les animaux à 10 * c.c.; nous n’avons point étudié les dilutions plus étendues). La voie, employée de préférence pour l’immunisation, a été la voie abdominale. 20 c. c. de mélange clair suffisent, à de très rares exceptions près; mais, si l’on veut réussir constamment, il vaut mieux aller jusqu’à 40 c. c., d’autant que le vaccin se montre d’une parfaite innocuité. Aucun degré de résistance n’a pu être obtenu avant le 4e jour (3 jours pleins), que les mélanges fussent restés 1, 2, 3... ou 10 jours dans l’étuve, ou qu’on eût mis en œuvre divers artifices (inutiles à rapporter ici), avec l’espoir de rendre l’immunité plus précoce. Après 3 jours pleins, on n’observe, en général, qu’un retard sur les témoins, mais ce Têtard est habituellement marqué. Après 4 jours, et, a fortiori , après 5, 6... 10 jours, l’animal résiste; il maigrit souvent, mais ne tarde pas à reprendre son poids initial. Au lieu de la voie abdominale, on peut s’adresser aux voies intra-veineuse ou intr a- musculaire ; le résultat est le même : point de résistance avant 3 jours pleins. Les filtrats de subtilis étant très alcalins, le mélange le demeure encore notablement, malgré l’acidité des cultures pneumococciques; c’est là un véritable inconvénient, lorsque l’on se propose de vacciner les lapins par la voie sous-cutanée. Il suffira de neutraliser les 620 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR « solutions )) microbiennes avec l’acide acétique dilué, pour éviter une trop vive réaction locale; nous conseillons égale- ment d’injecter le liquide neutre en 4 points différents du tissu cellulaire. Ces précautions prises, on verra l’immunité appa- raître comme d’habitude. — Cette immunité semble, dans tous les cas, commencer à fléchir vers le 3e mois. Parallèlement à la méthode précédente, il était indiqué d’étudier l’immunisation par des doses égales de cultures chauffées (1/2 heure à 58°). Nous avons fait l’expérience, et elle nous a montré que, dans ces conditions, l’état réfractaire ne commence qu’après 6 jours pleins (retard sur les témoins) et n’est solidement établi qu’après 8. De plus, les cultures chaulées sont toxiques , car bien des animaux maigrissent nota- blement et ne peuvent être éprouvés qu’au bout d’un temps assez long. Par conséquent, les « solutions de pneumocoque » offrent, vis-à-vis des cultures chauffées, le double avantage d’être absolument inoffensives et de vacciner plus vite; et nous con- sidérons, pour notre part, le second de ces avantages comme une conséquence logique du premier. Les filtrats de subtilis sont donc antitoxiques; insistons un peu sur ce point. En 1897, M. Metchnikoff a prouvé que certains organismes, du groupe du subtilis , jouissent du pouvoir de détruire diverses toxines. Nos expériences, sur les cultures symbiotiques, confirment déjà cette manière de voir. D’autre part, des recherches direc- tes, dans lesquelles nous avons soumis, à l’influence des filtrats de subtilis, les poisons tétanique, diphtérique et septique, ne sauraient laisser persister le moindre doute quant au pouvoir antitoxique de ces filtrats. (Nota. — Les lapins, auxquels on injecte, dans le péritoine, de fortes doses d’un mélange de poison tétanique et de filtrat de subtilis, peuvent avoir, vers le 10e jour, un sérum modérément, mais très nettement anti- toxique; et cependant, après un mois, ils succombent, comme les témoins, àC l’épreuve par la quantité strictement mortelle de tétanine. — Expériences faites, sur notre demande, par notre collègue Morax.) Le sérum des lapins qui ont reçu, dans le péritoine, des doses énormes de « solutions pneumococciques » (par exemple 760 c. c., du29 septembre 1902 au9 janvier 1903) ne manifeste, in vivo , aucune efficacité à l’endroit des germes vivants. BACILLUS SUBTILIS SUR DIVERSES BACTÉRIES 621 En terminant, nous devons nous poser les deux questions suivantes : par quel moyen le subtilis détermine-t-il la bacté-r riolyse? — quel est l’élément « dissolvant » de ses filtrats? Le subtilis produit, au moins, 2 enzymes protéolytiques, une trypsine et une gélatinase ; il peut donc agir sur les autres microbes soit par ces ferments, soit par des diastases ana- logues. Les filtrats ne contiennent point de trypsine, mais recèlent de la gélatinase ; ils peuvent donc agir sur les micro- organismes soit par celle-ci, soit par un principe voisin, ther- molabile comme elle (les filtrats chauffés à 100° perdent, en effet, leur faculté « dissolvante » vis-à-vis des germes et vis-à-vis de la gélatine). L’existence d’un enzyme bactérioly tique (ou, peut- être, d’un groupe d’enzymes bactériolytiques) propre semble ressortir de l’expérience suivante : si l’on classe, par ordre d’activité croissante (ou décroissante) sur la gélatine et sur divers microbes, les filtrats que fournissent le subtilis et plu- sieurs organismes voisins, on s’aperçoit que cet ordre n’est pas du tout le même dans les deux cas. Des recherches, faites jadis à Constantinople avec Adil- bey, nous ont montré qu’au regard de la pancréatine Defresne et des macérations de pancréas , le pneumocoque et un certain nombre d’autres bactéries offrent, d’une façon générale, les mêmes différences de « solubilité » qu’au regard de la bile et des fil- trats de subtilis . Quelques expériences, entreprises depuis avec notre collègue Delezenne, en employant le suc pancréatique actif , ont fourni des résultats analogues. (Nota. — 1 gramme de microbes du choléra des poules très virulents, ayant été complètement « éclairci » par 1 litre de macération pancréatique, 5 à 20 c. c. de la « solution », injectés dans le péritoine des pigeons, ne les ont pas vaccinés contre des dilutions très étendues de culture en bouillon- Martin-ascite.) ROLE DES BACTÉRIES dans le développement de certains Myxomycètes Par Ernest PINOY (Avec les planches XIII, XIV, XV et XVI.) INTRODUCTION Les Myxomycètes constituent un matériel de choix pour le biologiste qui veut étudier la chimie et la physiologie cellulaire. Les masses protoplasmiques parfois considérables que forment certains d’entre eux, comme Æthalhm septicurn , Spumaria alba , etc., ont permis à Pfeffer, Stahl, Metchnikoff, d’élucider bien des points intéressants pour la biologie générale. Les travaux de de Bary, Brefeld, Van Tieghem, Lister, Stras- burger, Woronin, Jahn, Olive nous ont fait connaître le cycle évolutif et la morphologie de ces êtres. Cependant, s’il reste beaucoup à faire sur ce sujet pour les chercheurs, cela vient de la difficulté d’obtenir le matériel en état au moment voulu, cela vient de ce que les conditions de développement des Myxomycètes sont imparfaitement connues. La méthode pasteurienne, qui a donné de si beaux résultats dans le domaine de la cryptogamie, n’a pour ainsi dire pas été appliquée à l’étude des Myxomycètes; quelques auteurs, toutefois, ont fait des cultures pour étudier leur développement; mais ce sont des cultures où le plus souvient pullulaient des Amibes, des Flagellâtes, les Bactéries les plus variées et qui, par suite, n’offraient aucune des garanties de la technique rigou- reuse établie par Pasteur et ses élèves. Dans le présent travail, en me servant de cette technique, j’étudierai d’abord les conditions de culture et de développement du Dictyostelium mucoroides , l’in- fluence des Bactéries et du milieu de culture sur son développe- mentetsur sa morphologie, la diastase intracellulaire que sécrè- tent ses myxamibes dans leurs vacuoles digestives. Puis j’exami- nerai si les faits observés chez cette Acrasiée ont une portée plus générale et je ferai l’exposé de mes recherches comparatives sur deux autres Acrasiées, le Dictyostelium purpureum Olive et BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 623 le Polysphondylium violaceum Brefeld, sur quelques Myxomy- cètes endosporés et plus particulièrement sur Didymium di/forme Duby, Didymium effusum Link, enfin sur un Myxomycète para- site, le P/asmodiophora bratsicœ Woronin. Ce travail a été commence au laboratoire de M. le professeur Bonnier et termine à TJnstitut Pasteur, au laboratoire de M. le Dr Borrel. Soit à la Sorbonne, soit à l’Institut Pasteur, mes maîtres ne m’ont ménagé ni leurs conseils, ni leurs encouragements. Aussi est-ce pour moi un devoir agréable à remplir que de leur adresser ici mes sincères remerciements. Que M. le professeur Bonnier, MM. les D1S Roux et Metchnikoff, MM. Matruchot et le Dr Borrel veuillent bien recevoir l’hommage de ma profonde reconnaissance. MM. Mesnil, le Dr Nicolle, Delezenne m ont souvent donné d’utiles renseignements; M. Boudier, M. le professeur Mangin, M. le professeur Thaxter, MM. lesDrs Binot et Delacroix m’ont aimablement fourni des matériaux d’études, je leur exprime toute ma gratitude. 1 RECHERCHES SUR DICTYOSTELIUM MUCOROIDES Les Myxomycètes acrasiés vivent sur les crottins de divers animaux, sur les Champignons pourris, plus rarement sur le bois mort. Ils se laissent assez facilement cultiver sur les milieux artificiels. Aussi a-t-on pu suivre leur développement, soit engouttes pendantes, soit dans des tubes de culture. Les auteurs qui les ont tout d’abord étudiés. Brefeld (3), Yan Tieghem (33), ne se sont pas préoccupés d’avoir des cultures pures. Nadson (21), le premier, a attiré l’attention sur le rôle que pouvaient jouer les Bactéries dans ces cultures. Il cultive Dictyostelium mucoroides avec Bacillus fluorescens var liquefaciens. Pour ce savant, il y a symbiose entre le Dictyostelium mucoroides et la Bactérie, la Bactérie n’agissant que par l’alcalinisation du milieu. Pourtant il est possible, d’après lui, d’avoir quelques appareils de fructi- fication, étiques, il est vrai, maispurs, sans Bactéries. Potts (26), conclut que le Dictyostelium mucoroides ne peut vivre qu’associé aune Bactérie. Vuillemin(34) aurait vu toutefois des myxamibes se développer sans Bactéries et constate en outre qu’il y a des ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (î24 Bactéries dans les vacuoles et qu’elles y sont digérées. Ce dernier résultat est en opposition absolue avec les observations de Potts. Potts n’a jamais constaté de Bactéries dans les vacuoles des myxamibes du D. mucoroides ; il croit pouvoir démontrer en outre que les Bactéries sont solubilisées par une diastase extracellulaire. Des corps de Bactéries, notamment de Bcic- terium fimbriatum , tuées par le chloroforme, suffiraient pour la culture de D. mucoroides. En résumé, les questions pendantes sont les suivantes : 1° Peut-on obtenir un léger développement du D. mucoroides sans Bactéries ? 2° Les Bactéries ne servent-elles qu’en préparant des aliments solubles pour le D. mucoroides ? Y a-t-il une diastase extracellu- laire ou une diastase intracellulaire ? Dans les recherches que je vais exposer, je tâcherai de répondre à ces divers points. Obtention de la culture pure .mixte de Dictyostelium mucoroides. Le Dictyostelium mucoroides qui fait l'objet de cette étude a été rencontré sur une Pezize pourrie dans la forêt de Carnelles. La tête sporifère et le pied étaient blancs dans les jeunes exemplaires ; ils devenaient jaunâtres chez les échantillons plus âgés. Les spores elliptiques mesuraient en moyenne 2 u, 5 sur 4 a. Quelques spores étaient de dimensions plus grandes pouvant aller de 3 u. à a’ g. Le pied de l’appareil sporifère était long et flexueux. Sa longueur dépassait 1 centimètre. Pourtant il y avait quelques appareils dont le pied ne mesurait pas plus de 2 millimètres. La petite gouttelette d'une tète sporifère, constituée par des spores plongées dans du mucus, fut prélevée à l'aide d’une spatule flambée. On prenait soin de ne pas emporter le pied en même temps. L’ensemencement fut fait tout d'abord sur des tranches de carottes stérilisées contenues dans des tubes de Roux. La . première culture obtenue sur ce milieu s’est développée en 3 jours à la température de 22°. Cette culture n’était pas pure et renfermaitdes Bactéries. A l’examen micros- copique, il paraissait n’y avoir qu 'une seule espèce bactérienne : on voyait en effet, des Bacilles mobiles, de même dimension*, ne prenant pas Je ;Gram. . t BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 625 Cependant, d’une part, pour avoir la certitude qu’il n’y avait qu’une seule espèce bactérienne, d’autre part pour pouvoir étudier cette Bactérie, il était nécessaire de faire Une séparation. Dans ce but, j’ai encore prélevé aussi purement que pos- sible une petite gouttelette sporifère dans un des tubes de culture que je venais d’examiner, puis je l’ai diluée dans du bouillon et à l’aide de ce bouillon j’ai fait, suivant la technique usuelle, la séparation en boîtes de Pétri sur gélatine ordinaire. Les colonies bactériennes séparées se sont montrées exclusive- ment formées par une Bactérie fluorescente liquéfiante. Quoi- que les colonies, macroscopiquement et microscopiquement, aient paru pures, pour éviter la possibilité d’un germe étranger, à l’aide d’une colonie diluée de même dans le bouillon, j’ai fait une nouvelle séparation sur gélatine. C’est en partant d’une colonie ainsi obtenue que j’ai poursuivi l’étude de la Bactérie isolée, par l’ensemencement sur les milieux dont on se sert couramment en bactériologie. Cette Bactérie, comme nous l’avons vu plus haut, est un Bacille mobile, ne prenant pas le Gram. Elle est de petites dimensions de 1 à 2 (j. de longueur, la largeur atteint h peine 0 p 5. Sur plaques de gélatine, les colonies bien visibles au bout de 2 jours sont rondes, grisâtres. Elles ne tardent pas à montrer tout autour une zone de liquéfaction qui se teint en vert clair, fluorescent. Le bouillon se trouble rapidement; il se forme un voile à la surface, puis un dépôt muqueux se fait au fond du tube de culture. Le bouillon a une belle fluorescence vert jaunâtre. Sur pomme de terre, l’enSemencement donne une strie jaune brunâtre luisante. Sur gélose, les colonies sont grises et fluorescentes. Le pigment fluorescent diffuse dans le milieu. Sur le milieu d’épreuve de Gessard, il n’y a pas production de pyocyanine. Cette Bactérie n’a pas de spores ; elle ne se déve- loppe pas à une température supérieure à 35°. Mise en tubes capillaires en milieu liquide, elle est tuée à 56° en 2'. L’ensemble des, 'caractères de cette bactérie nous permet de la rapprocher du Bacilhis flunrescens vaf. liquefaciens (Flügge) . Ainsi, comme l’avait fait Nadson, j’ai obtenu une culture mixte du Dictyostelium mucoroides avec le Bacillus fluorescens v ar liquefa- ciens. ! . ; ; . 40 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 626 Etait-il possible d’obtenir une culture pure? Les milieux de culture solides et transparents qui ont été utilisés par les auteurs sont très divers; ceux qui donnent les meilleures résultats sont l’agar peptonée et glucosée, l’agar au bouillon de maïs. La gélatine au bouillon de maïs a pu servir à Potts parce que la Bactérie qui était associée dans ses cultures et qu’il décrit comme nouvelle sous le nom de Bacterium fimbriatum ne liquéfiait pas la gélatine. Après des essais comparatifs, le milieu de culture qui m’a donné le plus grand rendement, ce que l’on juge facilement au nombre de fructifications produites dans la culture, est la gélose à la graine de lin. Ce milieu donne d’ailleurs également de très bons résultats pour la culture des Amibes et des Infu- soires. Voici sa composition : Pour un litre d’eau, 20 grammes de gélose, 50 grammes de graines de lin. Chauffer à 117°. Répartir dans les vases de culture et stériliser à 115° pendant 1/4 d’heure. Ce milieu ne peut se filtrer ; si on veut l’obtenir clair, il faut, après le premier chauffage, verser la gélose dans un large entonnoir dont l’extrémité est bouchée, mettre à l’étuve à 37° de manière à ce que la gélose se refroidisse moins vite et reste plus longtemps liquide. Dans ces conditions, toutes les impu- retés tombent au fond de l’entonnoir. Quand la gélose a fait prise, on détache le bloc de l’entonnoir, on coupe la calotte inférieure, le sommet du cône, qui contient les impuretés, on met le reste à fondre, puis on distribue et on stérilise. Ceci établi, prenons des spores de D. ynucoroides dans la culture pure mixte, diluons dans l’eau ordinaire stérilisée et avec un tampon de coton stérile imbibé de celte dilution, suivant la technique que Metchnikoff a employée pour la séparation du vibrion cholérique, frottons successivement la surface de la gélose à la graine de lin contenue dans 3 boîtes de Pétri. Ayant opéré ainsi, si nous examinons au bout de 3 jours nos plaques placées à la température de 22°, nous verrons que seulement là où il y a une colonie bactérienne, les spores ont germé, des myxamibes se sont formées qui ont édifié des appareils de fructification. Dans les autres points, où il n’y a pas eu de développement BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 627 bactérien, les spores sont parfaitement conservées, n'ayant pas germé. Devons-nous, comme l’ont fait Nadson, Potts, Vuille- min, considérer ces spores comme pures? Nullement. En effet, si nous ensemençons ces spores dans du bouillon, nous voyons au bout d’un temps plus ou moins long, généralement 6 à 8 jours, le bouillon se troubler et devenir fluorescent. Nadson, Potts, Vuillemin, n’ont pas tenu compte des germes qui pouvaient se rajeunir : ceci explique, comme nous allons le voir, certaines de leurs observations. Je devais chercher à obtenir des spores pures. Pour cela, comme le Bacille fluorescent ne possède pas de spores, on peut employer divers procédés. On peut soumettre les spores de D. mucoroides à l’action des vapeurs d’éther ou de chloroforme. J’ai mis à profit le fait que le Bacille fluorescent associé était tué en milieu humide à une température de 50° prolongée pendant une heure. Dans les mêmes conditions, 80 0/0 des spores de D. mucoroides sont encore capables de germer. Il est possible aussi de purifier les spores de D. mucoroides par un chauffage de 2' à 56°. On les met en suspension dans l’eau ordinaire et on enferme le tout dans des tubes capillaires. Les spores un peu âgées, d’au moins huit jours, sont les plus résistantes. Des spores ainsi purifiées peuvent être mises sur tous les milieux de culture et ne germent jamais. Elles ne germent que si on leur adjoint une Bactérie convenable. On vérifie ainsi d’une manière absolue que les spores de D. mucoroides ne germent qu’en présence d’une Bactérie. Les cultures pures de Nadson, le début de développement sans Bactéries observé par Vuillemin s’expliquent par une légère culture bactérienne arrêtée par l’action nocive des produits excrétés par le Myxomycète, notamment du mucus, et aussif comme nous le verrons, par sa bactériophagie. L’expérience suivante que j’ai faite avec le Dr Dujardin- Beaumetz est particulièrement démonstrative. Des spores pures de D. mucoroides furent ensemencées sur carotte avec une grande quantité de Bacilles de la peste provenant d’une culture jeune, sur gélose. La quantité de Bacilles déposés sur la carotté était visible à l’oeil nu. Dans ces conditions, 628 ANNALES DE MNST1TUT PASTEUk au bout de 5 jours, la carotte était recouverte d’abondàntes fructifications de D. mucoroiJes. On saii la fragilité du Bacille de la peste; un ensemen- cement pratiqué dans du bouillon avec le contenu de la carotte demeura stérile L’examen terminal nous donnait donc une culture pure, pans aucun doute, analogue à celles de Nadson. Les cultures de Nadson étaient étiques parce qu’il n’y avait eu qu’un faible développement de Bactéries; ici les cultures étaient luxuriantes, parce que nous avions mis une grande quantité de Bacilles de la peste. Ce qui d’ailleurs aurait dû mettre en garde les auteurs , qui ont cru obtenir une culture pure, c’est que de telles cultures ne sont pas repiquables. Or, les spores sont parfaitement normales ; il suffit d’ensemencer en même temps une Bactérie convenable pour avoir d’autres cultures. Ainsi les spores du D. mucoroides se comportent comme les kystes des Amibes. En effet, Froscli (10), puis Zaubilzer (36), qui ont réussi à purifier des kysAes d Amibes par l’action de la soude caustique à 20 0/0, n’ont pu obtenir de cultures d’Amibes qu’en ajoutant aux kystes, sur les milieux où ils les ensemen- çaient, des Bactéries vivantes. Les résultats de Tsujitani (32), qui serait parvenu à cultiver des Amibes avec des Bactéries tuées à une température peu élevée, n’ont pas été confirmés. Tsujitani, pour purifier ses kystes, employait le vieillissement et la dessiccation. Ses cultures n’étaient dues vraisemblable- ment qu’à un rajeunissement des germes. Potts dit aussi qu’il a réussi à cultiver D. mucoroides avec des corps de Bacterium fiinbriatum tués par le chloroforme, mais la pureté des spores qu’il ensemençait était illusoire. L’ensemen- cement sur milieux solides ne peut servir de vérification. Je suis parvenu à avoir un léger début de culture des spores pures de D. mucoroides en opérant de la façon suivante : Un flacon de 250 grammes de capacité environ, à large ouverture, est rempli à moitié avec un milieu nutritif liquide, (milieu minéral deGessard, milieu à la dextrine). On y fait plonger un sac de collodion porté à l’extrémité d’un tube. Ce tube est fermé par un bouchon de coton et est maintenu dans le goulot du flacon à l’aide d’un fort tampon d’ouate. Le tout est stérilisé à 110° à l’autoclave. On ensemence BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCETES 629 alors le liquide extérieur avec du Bacillus fluorescens et l’on sème des spores pures de D. mucoroides à l’intérieur du sac. Dans ces conditions, on observe le germination des spores de D.mnco - roides , mais les amibes formées ne tardent pas à s’arrondir ; leur protoplasme devient clair et vitreux; elles se détruisent. J’ai ajouté dans le sac des corps de Bacillus fluorescens tués de diverses manières (à 56° en 2', avec de l’éther, avec du chlo- roforme, etc.) sans résultat. Les myxamibes n’ont jamais évolué. En résumé, le D. mucoroides ne peut vivre qu’en association avec une Bactérie vivante. Toutes les Bactéries ne conviennent pas également; on conçoit qu’à ce point de vue la compo- sition du milieu de culture ait une grande importance. Suivant le substratum employé, les diverses Bactéries peuvent donner des produits différents. Il y a donc lieu d’étudier maintenant l’action réciproque du milieu de culture et de la Bactérie associée sur le développe* ment de D. mucoroides . INFLUENCE DU MILIEU DE CULTURE ET DE LA BACTÉRIE SUR le développement de Inclyostelium mucoroides. Nous verrons immédiatement l’inlluence du milieu de cul- ture, si nous ensemençons la culture pure mixte de D. mucoroides sur la pomme de terre. Sur ce milieu, quelle que soit la Bactérie associée, on n’observe aucune culture de l’Acrasiée. Avec la plupart des Bactéries, il en est de même sur la gélose au bouillon de viande, sur gélose peptonée, si on n’y ajoute pas de sucres (lactose, maltose, glucose). Toutefois B . mégathérium permet le développement à condition d’être associé avec une autre Bactérie, B. fluorescens par exemple. Au début de mes expériences, j’avais cru que c’était le déve* loppement exagéré des Bactéries qui nuisait à celui du Myxo+ mycète< En effet, les observations de Ghrzaszcz (5), sur une myxamibe de Physarum leucophœutn (Physarum nutans Fers), qui se nour- rit de levures, avaient montré que dans ses cultures, très impures d’ailleurs, quand l’un des deux organismes devenait florissant, l’autre était étouffé. 630 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Cétte conception du phénomène n’est que relativement exacte. Chrzaszcz ne s’est pas occupé dans ses recherches des germes étrangers et de la variation de composition du milieu de culture. Si une Bactérie ou une Levure sur un substratum donné produisent quelques substances nuisibles au Myxomy- cète, il est évident que plus leur végétation sera luxuriante, moins ce dernier pourra vivre. Au contraire, constituons un milieu tel que la Baçtérie ou la Levure s’y développent très abondamment sans donner de produits nocifs, le rendement de la culture du Myxomycète sera proportionnel à celui de la culture de la Bactérie ou de la Levure. Les myxamibes, qui sont mobiles, évitent en effet très bien l’étouffement en montant à la surface des colonies micro- biennes. Ces conditions favorables sont réalisées dans la culture pure mixte du D. mucoroides avec B. fluorescens sur la gélose à la graine de lin. Sur ce milieu, la Bactérie donne une riche culture et le rendement de la récolte de D. mucoroides est maximum. Maintenant, constituons un milieu de la manière suivante : 1° Gélose à l’eau à 3 0/0. Répartir dans les vases de culture et stériliser; 2° Ajouter dans chaque vase de culture, parties égales de la solution suivante stérilisée : Dextrine 15 grammes, azotate de calcium 2 grammes, phos- phate monobasique de potasse 0, 50, azotate de potasse 0, 50, sulfate de magnésie 0,50. Eau 300. Sur ce milieu, la culture du B. fluorescens est tout aussi riche, mais celle de D. mucoroides est beaucoup moindre et elle est d’autant moindre que le B fluorescens s’est plus développé. On apprécie nettement ce fait dans les cultures successives. Dans les premières cultures, la Bactérie non acclimatée au milieu pousse moins bien et le Myxomycète donne une végé- tation satisfaisante. Dans les cultures filles, les Bactéries acclima- tées se multiplient davantage, les fructifications de/), mucoroides mettent un temps beaucoup plus long à se former et sont rares, souvent même la fructification avorte. On note parfois une sorte de transformation de D. mucoroides en Guttuline : le pied ayant complètement avorté, il se forme seulement à la surface du substratum une petite gouttelette de mucus contenant les «pores; à la base existent de grandes amibes vacuolaires, plus BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 631 ou moins arrondies, qui ont une ébauche de paroi cellulosique, secolorant en bleupar l’action de l’acide iodhydrique fumant iodé. Sur la gélose à la graine de lin, ainsi que sur d’autres milieux (carotte, gélose peptonée et sucrée), j’ai pu réaliser par l’ensemencement des spores pures de D. mucoroides avec diverses espèces de Bactéries, des cultures pures mixtes. On peut obtenir de telles cultures avec Bacillus coli , Bacillus friedlænderi , Bacillus kieli , Bacillus prodigiosus , Bacillus violaceus , Vibrio choltrœ , Vibrio metchnikooi , et en général avec la plupart des Bactéries qui ne prennent pas le Gram, à l’exception de Bacillus pgocganeus. Cependant la variété noire de ce dernier Bacille, variété étu- diée par Gessard, permet la culture. Elle ne donne pas de tyro- sinase en association. Les Bactéries qui prennent le Gram, comme Bacillus subtilis , Bacillus mégathérium, Bacillus anlhracis , ne conviennent pas; s’il y a culture, c’est qu’il y aassociation avec une Bactérie étrangère L’association de deux Bactéries peut même permettre la végétation de D. mucoroides sur des milieux où il ne vit pas en culture pure mixte. C’est ainsi que Bacillus mégathérium permet la culture D. mucoroides avec B. fluorescens sur la gélose de viande. Lorsque, dans une culture pure mixte de D. mucoroides avec B. fluorescens , on ajoute B. subtilis , on observe généralement que les pieds des appareils sporifères sont plus longs et qu’il y a fréquemment des formes ramifiées. Il est certain qu’il n’est pas indifférent, pour la morphologie de l’Acrasiée, que le Myxomycèle soit associé avec telle ou telle Bactérie; nous en verrons des exemples en étudiant l’action des pigments des Bactéries cliromogènes sur le D. mucoroides ; mais auparavant nous devons nous demander quels sont les rapports réciproques de la Bactérie et de l’Acrasiée dans une culture pure mixte. Y a-t-il commensalisme, symbiose ou parasitisme? parasitisme du Dictyostelium mucoroides sur les colonies bacté- riennes. — DIGESTION DES BACTÉRIES A L’INTÉRIEUR DES VACUOLES DE SES MYXAMIBES. Prenons, comme milieu de culture, le liquide de condensa- 632 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR tion d’un tube de gélose à la graine de lin et examinons, in vivo , en gouttes pendantes, dans une cellule de Yan Tieghem, le développement d’une culture mixte de D. mucoroides avec B. fluorescens. Aussitôt après la germination, la jeune myxamibe con- serve encore quelque temps adhérente la membrane déchirée de la spore. Puis elle s’arrondit et présente une ou deux vacuoles, rarement davantage. S’il n’y a qu’une seule vacuole, elle est plus grande. L’observation de ces vacuoles montre qu’à certains moments elles peuvent se contracter; mais cetté contraction n’est qu’occasionnelle et n’a pas la régularité dé celle delà vacuole pulsatile des Amibes. Lorsque les myxamibes sortent de leur quiescence, leur protoplasme se différencie en un endoplasme granuleux plus ou moins vacuolaire et en un éctoplasme hyalin qui émet des pseudopodes. Les pseudopodes peuvent être très fins ou au contraire en forme de doigt de gant. Diaphragmons l’éclairage du microscope et examinons à un fort grossissement, à l'immersion, nous verrons que les Bacté- ries s’agglutinent autour des myxamibes, se disposant perpen- diculairement à leur ectoplasme, ou bien formant tout à l’en- tour de petits paquets étoilés. Il s’agit là d’un phénomène assez analogue à celui que Mou- ton (20) a observé autour de la vacuole pulsatile d’une Amibe. Mouton a vu en effet que chez une Amibe en culture pure mixte avec B. coliy les Bacilles s’agglutinaient au voisinage de la vacuole pulsatile. A l’intérieur des vacuoles, nous distinguerons des granula- tions plus ou moins réfringentes et des Bactéries en plus ou moins grand nombre. Parfois il n’y a qu’une seule Bactérie dans une vacuole. Les myxamibes grossissent; puis elles se divisent en deux individus égaux. Ceüx-ci ne tardent pas à devenir très vacuo- laires, rampent vivement à la surface du substratum, émettent des pseudopodes parfois très longs ; c’est alors qu’il est le plus facile de voir les Bactéries incluses dans les vacuoles. Ce stade de vie active survient dans les cultures de la 30e à la 40e heure. En employant des technigues de coloration appropriées, il BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 633 est aisé de suivre alors toutes les phases de la digestion des Bac- téries à l’intérieur des vacuoles des myxamibes de D. mucoroides. On peut faire cet examen soit in vivo , soit sur des prépara- tions fixées. Le Neutralroth, déjà employé par Metchnikoff pour teindre les inclusions des vacuoles digestives chez les Turbellariées et les Actinies, par Mouton chez les Amibes, est certainement le colorant de choix pour la coloration in vivo. En effet, non seu- lement il colore les Bactéries en voie de digestion, mais aussi par la propriété qu’il possède de virer en jaune dans les milieux très alcalins et au contraire du rouge cerise au rouge pourpre dans les milieux acides, il renseigne sur la réaction alcaline ou acide du liquide des vacuoles. Ce réactif ne colore que les éléments morts; aussi ne colore-t-il dans les myxamibes, en rouge foncé, que les Bacté-> ries en voie de digestion et les granulations qui proviennent de leur destruction. La coloration rouge foncé nous indique que le liquide des vacuoles est plus acide que le milieu extérieur. S’il y a un excès de colorant, les myxamibes seront tuées et finiront par se colorer. La vésuvine permet aussi de bonnes colorations in vivo des Bactéries incluses dans les vacuoles des myxamibes. Les préparations fixées et colorées nous donnent le moyen d’étudier ce que deviennent les Bactéries en voie de digestion dans les vacuoles digestives, à condition que la méthode de coloration employée donne le maximum de différenciation. Comme pour les Amibes, la méthode qui donne les meilleurs résultats est celle de Laveran. Un peu d’une culture sur graine de lin datant de 36 heures est dilué dans une goutte d’eau ordinaire sur un porte-objet. Cette goutte est étalée. On laisse sécher, puis on fixe à l’alcool absolu 10 minutes. Ensuite on colore par le mélange de Laveran : 4 c. c. à 1 0/00 d’éosine à l’eau (de la fabrique de Hochst); 6 c. c. d’eau distillée. 1 c. c. de bleu Borrel. Le bleu Borrel sera commodément préparé en mettant pour 100 grammes d’eau distillée: 1 gramme d’oxyde d’argent et 634 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR i gramme de bleu de méthylène médicinal de Hôchst. 11 est bon de conserver dans un flacon jaune pour éviter la réduction du sel d’argent par la lumière. On laissera trois semaines en contact, en ayant soin d’agiter de temps à autre. Puis on fil- trera. Le bleu peut être prêt beaucoup plus tôt, si on met le flacon à l’étuve à 37°. Cela dépend d’ailleurs beaucoup aussi de la qualité du bleu de méthylène. Une fois la coloration effectuée, elle demande de 15 à 20 minutes, on différencie par le tannin en solution à 5 0/0. Sur des préparations ainsi faites, l’endoplasme prend une couleur bleu violacé, l’ectoplasme se colore en bleu et les microbes en violet foncé. Le noyau, dont pour l’instant je lais- serai de côté la morphologie, prend une coloration pourpre. Les Bactéries incluses dans les vacuoles sont bien mises en évidence. Tandis que celles qui sont à l’extérieur des cellules prennent la couleur d’une manière intense, la plupart des Bac- téries englobées sont gonflées et prennent une couleur très pâle. Parfois, prenant davantage l’éosine, e'ies sont plus rouges et on peut observer tous les passages entre des Bacté- ries d’un rouge violacé et les granulations qui se colorent en rouge, puis entre des Bactéries très pâles et des granulations qui prennent à peine la couleur. (PL II, fig. 26-30). Si nous examinons de la même manière une culture mixte avec le vibrion cholérique, nous n’observerons pas la mise en boule des vibrions à l'intérieur des vacuoles des myxamibes, comme on l’observe à l'intérieur des leucocytes dans le phéno- mène de Pfeiffer. Les faits que je viens d’exposer concordent sensiblement avec les observations d’Olive (23), de Yuillemin, mais sont complètement en désaccord avec celles de Grimm et de Potts. Ce dernier auteur n’a pas vu les Bactéries à l’intérieur des vacuoles de D. mucoroides parce que sa technique de fixation et de coloration était insuffisante. La Bactérie associée dans ses cultures, le Baclerium fimbria- tum Potts, dont il donne d’ailleurs une description morpholo- gique assez incomplète, serait bien spéciale. Elle se colorerait seulement par le violet de gentiane et ne colorerait pas par le bleu de méthylène, le vert de méthyle, même la fuchsine. Potts colore ses préparations de myxamibes par le violet de BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 635 gentiane après fixation à l’alcool. Dans cés conditions, il colore les Bactéries extérieures, tandis qu’il ne colore pas les corpuscules contenus dans les amibes. Ce résultat s’explique très bien par un défaut de fixation. Dans une préparation mal fixée en effet, le violet de gentiane, qui est un colorant éner- gique, colorera les Bactéries extracellulaires tandis qu’il ne colorera rien de ce qui est dans l’amibe; nous avons vu d’ail- leurs que les Bactéries incluses sur des préparations bien fixées ne prennent souvent qu’une couleur très pale parce qu’elles sont en voie de digestion. Potts, n’ayant pas vu l’englobement des Bactéries par les amibes de D. mucoroides , admet l’existence d’une diastase extra- cellulaire. Pour cela Potts se fonde sur ce que : 1° dans des cultures faites avec B. mégathérium on observe des formes d’involution et de destruction de cette Bactérie dans les colo- nies où se développe l’Acrasiée; 2° les colonies du B. fimbriatum sur lesquels vit D. mucoroides deviennent plus claires; 3° si on numère le nombre des colonies obtenues d’une part en partant d’une colonie de B . fimbriatum normale, d’autre part en partant d une colonie identique sur laquelle I). mucoroides a fructifié, on obtient dans le premier cas 836 millions de Bactéries et dans le second seulement 19 millions. 11 constate en outre, dans une culture de D. mucoroides avec B. fluorescens var liquefaciens , que la Bactérie ne donne pas son pigment caractéristique dans les colonies ou végète D . mucoroides. Devons-nous considérer ces faits comme la preuve que D. mucoroides se nourrit à l’aide d’une diastase extracellulaire? Potts a négligé la modification du milieu, la sécrétion de mucine par les myxamibes de D. mucoroides , les phénomènes d’autolyse des Bactéries. Ce sont ces facteurs qui expliquent les formes d’involution des Bactéries et l’éclaircissement des colonies. ÉTUDE DE LA. DIASTASE INTRACELLULAIRE DE Dictyostelium UlUCOWideS . Nous venons de voir que les myxamibes de D . mucoroides se nourrissent par digestion dans leurs vacuoles de Bactéries englobées : à ce point de vue, contrairement à ce qu’ont cru certains auteurs, le Dictyostelium mucoroides ne diffère pas des autres Myxomycètes. Comme eux, il possède une diastase intra- 636 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cellulaire. Depuis les travaux de de Bary (1), Ceîakowsky (4^ Lister (14), Metchnikoff (18), nous savons que chez les Myxo- mycètes endospôrés, les zoospores, les myxamibes et les plasmodes sont capables d’ingérer et de digérer dans les vacuoles de leur protoplasme des Bactéries, des Algues, etc. Lister a bien décrit le processus. Par exemple, il a vu une zoospore de Chondrioderma ( Didymium ) difforme digérer com- plètement deux grands Bacilles dans l’espace d’une heure et demie. Ces Bacilles avaient été saisis par les pseudopodes de la zoospore, entraînés dans l’intérieur de leur protoplasme et là, logés dans les vacuoles. Lister les a vus devenir de moins en moins visibles et s’y dissoudre. Metchnikoff en faisant ingérer des grains de tournesol finement pulvérisés à des plasmodes de Myxomycètes a démontré que le liquide des vacuoles est acide. Nous avons vu, en prenant comme réactif le rouge neutre, qu’il en est de même pour les vacuoles de D. mucoroides. Devons-nous conclure avec Kruken- berg que la diastase protéolytique qu’elles renferment est une pepsine? A l’exception du travail primordial deKrukenberg (13) et de celui plus récent de Schrœder (29), faits tous deux en prenant comme matériel d’études Æthalium septicum , aucune étude n’a été faite de la diastase intracellulaire des Myxomycètes. Or les travaux de ces deux auteurs ont à leur base une cause d’erreur qui ii’est pas négligeable, comme j’aurai l’occasion de Je démontrer : c’est la quantité énorme d’impuretés que renferment les plasmodes des Myxomycètes. J’ai profité de ce que je pouvais associer au Dictyosteiium mucoroides une Bactérie très peu protéolytiquè, qui ne liquéfie pas la gélatine, qui ne s’autolyse pas, comme le Bacillus co/L pour cherchera extraire la diastase intracellulaire de l’Acrasiée. Dans ce but, j’ai, ainsi que l’avait fait Mouton pour la diastase intracellulaire des Amibes, ensemencé de grandes boîtes contenant de la gélose à la graine de lin, avec le D. muco- roides associé avec le B. coli. Comme il. est nécessaire, pour avoir une riche récolte de D. mucoroides , que la gélose soit humide et en couche épaisse^ j'ai employé des boîtes analogues à celles de Roux- mais dont l’une des faces porte une excavation pour loger la couche de gélose. BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES mi Pour plus de commodité dans l’opération de la récolte, ces boîtes, construites en collaboration avec M. Bridré, ont été faites en forme de triangle équilatéral. Cette forme përmet de racler toute la surface de la boîte. Les boîtes sont mises à l’étuve à 22° et la récolte est effectuée au moment où l’on voit le plus nettement chez les myxamibes l’englobement des Bactéries et leur digestion dans les vacuoles, c’est-à-dire vers la 40e heure. Les myxamibes produisant du mucus adhèrent très forte- ment à la gélose et il est très difficile, sinon impossible, de les mettre en suspension dans l’eau. Le mieux est de les récolter à sec avec une petite raclette spécialement construite pour ne pas entamer la gélose. La pâte formée par les amibes et les Bactéries est traitée par l’alcool absolu et rapidement évaporée dans le vide. Il faut dix boîtes environ pour recueillir Ügr,00o sec. La substance sèche est pulvérisée dans un mortier et les 0gr,005 sont mis dans 5 c. c. d’eau. Le liquide obtenu est neutre outrés légèrement acide. On filtre sur papier, on centrifuge; le liquide décanté dans le tube de centrifugation est encore un peu louche, mais il ne tarde pas à s’éclaircir. J’ examinerai l’action dè ce liquide diastasique succcessivement sur la gélatine, sur là fibrine, sur les corps de Bactéries, sur l’albumine. Action sur la gélatine. Mes recherches ont été faites avec de la gélatine à 20 0/0 que je ramenais à 10 0/0 par l’addition de liquide diasta- sique. Les expériences étaient faites dans de petits tubes à essais. Gomme antiseptiques, ceux qui donnent le meilleur résultat sont le fluorure de sodium à 1 0/0, le chloroforme. Dans mespremières expériences, j’avais employé le xylol ; mais je me suis aperçu que le xylol n’offre aucune garantie et que le Staphylocoque peut végéter dans de la gélatine sous une couche de xylol. Dans un tube mettons quantités égales de liquide diasta- sique et de gélatine lluorée amenée à être neutre à la phénol- phtaléine. Dans un autre tube mettons quantités égales de la même gélatine avec du même liquide diastasique porté5' à 100°. 638 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les deux sont mis à l’étuve à 37°. On les examine au bout de 20 heures en les plongeant dans la glace. Tandis que le tube qui contient le liquide diastasique non chauffé reste indéfiniment liquide, l’autre fait prise presque immédiatement. On peut conclure de là que la diastase intracellulaire du Dictyostelium mucoroides — nous la désignerons sous le nom d’ « acrasidiastase, » — liquéfie la gélatine, puisque le B. coli est sans action sur celle-ci. Il est indispensable de savoir quelle réaction du milieu est Ja plus favorable pour la digestion de la gélatine par cette diastase. En effet, il est intéressant de connaître à quel type de diastase nous avons affaire. On sait que les animaux supérieurs possèdent deux types de diastases protéolytiques, Tune la pepsine qui digère en milieu nettement acide, formant aux dépens des matières albu- minoïdes des peptones, l’autre la trypsine qui agit plutôt en milieu alcalin et qui transforme les matières albuminoïdes en peptones et en produits plus simples, tels que la leucine et la tyrosine. L’ acrasidiastase est-elle une pepsine ou une trypsine? Si, ainsi que Ta fait Mesnil (17) pour l’étude de l’actinodiastase, nous constituons avec de la gélatine une gamme de milieux dont la réaction va de l’alcalinité à la phtaléine du phénol jusqu’à l’acidité au méthylorange, nous verrons que Tacrasidiastase n’agit que dans les milieux alcalins, neutres ou faiblement acides. A l’acidité au méthylorange, il n’y a plus du tout d’action. A ce point de vue, l’acrasidiastase se rapproche donc de la trypsine. L’acrasidiastase est très sensible à l’action de la tempé- rature; elle est détruite à partir de 55°. En effet, quand elle à été chauffée à cette température, la gélatine à laquelle elle a été ajoutée fait prise presque immédiatement, après une digestion de 20 heures à 37°. L’acrasidiastase agit à des températures peu élevées. Mais son action est alors très lente; il faut plusieurs jours de diges- tion à la température du laboratoire pour avoir une iiquéfactiop appréciable de la gélatine. .... Son maximum d’action est vers 38°. BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 639 La digestion de la gélatine n’est pas poussée très loin et il n’y a pas formation de peptone. Action sur la fibrine. La fibrine que j’ai employée est de la fibrine de porc qui a a été conservée dans la glycérine et que j’ai chauffée pendant 2 heures à 58° dans la solution physiologique de chlorure de sodium. On sait que cette dernière précaution est absolument néces- saire parce que la fibrine, lors de la coagulation du sang, fixe sur elle une diastase protéolytique capable de la digérer. La fibrine ainsi préparée est mise dans de petits tubes à essais contenant parties égales de solution physiologique et de liquide diastasique. Dans les tubes mis à l’étuve, la fibrine devient grise, très friable, mais je ne l’ai jamais vue se dissoudre. On peut dire que l’action sur la fibrine est presque nulle. Sur l’albumine coagulée je n’ai obtenu aucune action. Action sur les Bactéries . L’acrasidiastase n’agit pas sur les Bactéries tuées par la chaleur. En revanche, si nous les tuons par féther ou le chloroforme, elles sont parfaitement dissoutes par le liquide diastasique. La meilleure manière d’opérer est de faire ce qu’a fait Mouton pour l’étude de l’action de l’amibodiastase sur les corps de Bactéries. Le meilleur test bactérien à prendre est encore le Bacillus coh qui ne s’autolyse pas ; une émulsion de B. coli chloroformée reste trouble. Prenons une telle émulsion et ajoutons-en quelques gouttes à deux tubes : l’un contenant le liquide diastasique normal; l’autre une meme quantité de ce liquide bouilli. Bs sont mis à Eétuve à 38°. Or, de ces deux tubes, qui présentaient une égale opacité, fun, le témoin, après quelques heures d’étuve, est toujours trouble, l’autre est devenu presque complètement transparent. t>40 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Il ne s’agit pas là d’un phénomène d’agglutination, car si l’on agite le tube clair, on voit qu’il n’y a aucun dépôt. Si au lieu de B. coli, on prend B. fluorescens , l’éclaircissement est beaucoup plus rapide; seulement ici le témoin lui-même finira par s’éclaircir, parce que B. fluorescens s’autolyse. En résumé, l’acrasidiastase se rapproche beaucoup de l’amibodiastase étudiée par Mouton. Comme elle, elle digère la gélatine en milieu alcalin, neutre ou faiblement acide; elle ne paraît pas donner de peptones aux dépens delà gélatine ; elle n’attaque pas l’albumine coagulée; comme elle, elle ne dissout pas les corps de Bactéries tuées par la chaleur, et au contraire, elle les dissout très bien quand elles sont tuées par le chloroforme. Elle semble en différer par son action sur là fibrine qui est presque nulle. La quantité de dias- tase contenue dans notre liquide était peut-être trop faible. Il est vrai que l'action de l’amibodiastase sur la fibrine n’est pas non plus très énergique et n’est pas comparable à celle de trypsine. Ainsi le Dictyostelium mucoroides ne peut se développer qu’avec des Bactéries ; il est parasite des colonies bactériennes; ses myxamibes ingèrent les Bactéries et les digèrent dans leurs vacuoles à l’aide d’une diastase dont l’action est assez sem- blable à celle de l’amibodiastase. Ces faits biologiques, que nous venons de constater chez le D. mucoroides , ont-ils une portée plus générale? Observe-t-on les mêmes faits chez d’autres Myxomycètes ? Etudions d’abord ce qui se passe pour deux espèces de la même famille, le Dictyostelium purpureum Olive et le Polysphondylium violaceum Brefeld. Il RECHERCHES SUR DEUX AUTRES ACRASIÉES cultures pures mixtes de Dictyostelium purpureum Cette espèce m’a été aimablement envoyée par M. le pro- fesseur Thaxter à l’état de spores sur des crottes de souris. J’ai pu réussir directement une culture par l’ensemence- ment de parcelles de ces crottes à la surface de gélose à la graine de lin. BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 641 En opérant de la même manière qu’avec le I). mucor aides, en prélevant avec soin et aseptique nient la gouttelette d’une tète sporifère, j'ai réussi d’autres cultures soit sur la gélose à la graine de lin, soit sur d’autres milieux (carottes, milieu à la dextrine), où le Dwtyostelium purpureum n’était associé qu’avec une seule Bactérie. Je m’en suis rendu compte par l'ensemen- cement en bouillon et la séparation par la méthode des plaques. Je n’ai pu faire l’isolement en chauffant les spores et en les ensemençant ensuite avec la Bactérie, parce que les spores du Bictyostelium purpureum sont plus fragiles que celles du Dictyo- stelium mucoroides et ne supportent pas en milieu humide une température supérieure à 49°. J’ai dû pour avoir des spores pures employer l’action de l’éther ou du chloroforme. La Bactérie qui est associée dans les cultures est une Bactérie mobile. Elle a la forme de bâtonnet à bouts arrondis d’une dimension de I y., à 2 ;x, 5 de largeur. La longeur est d’environ 0 y., 4. Elle ne prend pas h' Gram. Elle ne se déve- loppe pas au-dessus de 35°. Sur plaques de gélatine, les colonies visibles au bout de 2 jours sont rondes, blanches, légèrement surélevées. La gélatine n’est pas liquéfiée. Le bouillon se trouble rapidement ; il se forme un voile à la surface et un léger dépôt muqueux au fond du tube de culture. Le bouillon reste inco- lore. Sur pomme de terre l’ensemencement donne une strie jaunâtre. Sur gélose, la strie est blanche, grisâtre, avec reflets métalliques. Il était difficile de savoir à quelle espèce de Bactérie j'avais affaire. Toutefois, d’après sa morphologie, d’après quelques caractères de la culture en bouillon, d’après le caractère de la culture sur pomme de terre, je pensais qu’elle devait être voisine de Bacillus /luorescens . Aussi, suivant la méthode de Gessard, je fis l’ensemencement sur albumine d’œuf coagulée. L’albumine prit au bout de 3 jours, T la tempé- rature de 22°, une magnifique fluorescence verte. Sur le milieu d’épreuve de Gessard, elle ne donnait pas de pyoevanine. Il s’agissait donc d’une variété non liquéfiante de Bacillus /luorescens dont la propriété de donner la fluorescence dans les milieux usuels avait disparu. J’ai constaté depuis que le Bacilles /luorescens var. liquefaaens, cultivé en association avec le Diclyostelium mucoroides depuis plus de 3 ans, ne donne plus de fluorescence ni dans le bouillon 41 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 64 1 . ni sur Ja gélose. Son pouvoir liquéfiant a également diminué. Par piqûre en gélatine, au lieu d une liquéfaction assez rapide, on n’a plus qu’une légère collerette de gélatine liquéfiée au bout de 15 jours. Un exemplaire de Bacillns fluor escens,var. Uquefaciens recueilli par M. le D1 Binot au mont Blanc et conservé dans la collection de l'Institut Pasteur, ne liquéfie plus la gélatine actuel- lement l. Il est très probable que toutes les espèces fluorescentes qui ont été créées dans ces derniers temps ne sont que des variétés d’une seule et même espèce, Bacillns fluorescens. Dans mes cultures, le Dictyostelium purpureum présente bien les caractères assignés par la diagnose d’Olive. La tête et le pied sont pourpres ou violets: à maturité ils deviennent presque noirs. Sa coloration est certainement beaucoup plus intense que celle du Polysphondylium violaceum. Je n’ai jamais rencontré de formes ramifiées. Le pied peut être très long et dépasse souvent 1 c. c. de hauteur . La tête est en général beaucoup plus grosse que celle du Dictyostelium mucoroidcs , quoique de dimensions variables. Les spores sont ordinairement ovales, mesurant 3u.-5u sur 5^-8u. On peut constater, comme nous l avons fait pour le /). mucoroides, que les spores pures de Dictyostelium purpureum ne germent que si on leur adjoint une Bactérie convenable. Comme pour le U. mucoroides , toutes les Bactéries ne convien- nent pas également et ce sont les B. coli , B. fluorescens qui donnent les cultures les plus abondantes. D. purpureum pousse mieux sur les milieux peptonés et sur le milieu à la dextrine que D. mucoroides. Le Dictyostelium purpureum comme le/), mucoroides est para- site sur les colonies bactériennes. Répétons en effet la même expérience qu’avec D. mucoroides. Prenons des spores d’une culture pure mixte de D. purpu- reum et une fois mises en suspension dans l’eau stérilisée, répartissons-les en employant la même technique que précé- demment sur la surface de trois boîtes Pétri contenant de la gélose à la graine de lin. Sur les plaques placées à l’étuve 1. Une autre culture fournie également par le M. D1 Binot et ensemencée, non plus en gélatine par piqûre, mais sur gélatine dans des boîtes de Pétri, de manière à avoir des colonies isolées, donne des colonies qui deviennent incrus- tantes seulement au bout d’un temps assez long, huit jours environ, sans qu'il y ait jamais liquéfaction totale. BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 643 à 22 °, nous verrons, ordinairement au bout de 4 à 5 jours, qui J n’y a eu de développement et formation d’appareils sporifères que là où il y a des colonies bactériennes. Dans les vacuoles des myxamibes de Dietyostelium pur pu- re uni, comme dans celles de D. mucoroides. on voit des Bactéries en voie de digestion, soit que Ton examine in vivo avec le neutralroth ou la vésuvine, soit que Ton examine des prépa- rations fixées et colorées. (PI. XV, fig. 1-3.) Pour étudier la diastase protéolytique contenue dans les vacuoles de D. purpureum, j’ai suivi la même méthode que pour étudier l’acrasidiastase de D. mucoroides. Avant d’exposer le résultat de ces recherches, je désire attirer l’attention sur un fait intéressant, fait que Ton ne ren- contre pas chez ]). mucoroides. D. mucoroides associé à des Bactéries qui ne liquéfient pas la gélatine comme B. coli , B. fluor escens var non liquefaciens, B. fimbriatum (d’après Potts), en culture pure mixte sur gélatine à la graine de lin (le milieu est préparé comme la gélose; on met 15 0/0 de gélatine), n’a aucune action sur ce milieu; au contraire les colonies de D. purpureum avec B. fluorescens var non liquefaciens ou avec B. coli ne tardent pas sur ce milieu à s’entourer d’une collerette de liquéfaction. Ce fait est à rappro- cher d’une observation de Beyerinck sur Amœba zymophïla. Cette espèce d’Amibe rencontrée en association avec des Levures avait été isolée de raisins attaqués par des guêpes et en voie de fermentation spontanée. En employant comme milieu de culture l’extrait de malt gélatiné, l’auteur parvint à obtenir cet Amibe en culture pure mixte soit avec une levure, soit avec un ferment acétique. Or, tandis que ni la levure ni le ferment ne liquéfient la gé- latine, la liquéfaction seproduit très rapidement avec les Amibes. Ici, comme Amœba zymophila ne possède pas de vacuole pulsatile, la diastase ne peut provenir d’un liquide rejeté par l’amibe; elle doit donc sortir de l’amibe soit par osmose, soit par expulsion avec des résidus de digestion. Les myxamibes de D. purpureum ont la même structure que celles de D. mucoroides. Peut-être le mucus excrété fixe-t-il de la diastase dans un cas et n’en fixe pas dans l'autre, à cause d’une légère différence de composition? ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR €44 Si l’on ensemence D. purpureum avec le B. fluorescens non liquéfiant, dans le lait, il y a végétation de l’Acrasiée et en même temps acidification et coagulation du lait. Or la variété non liquéfiante de B. fluorescens ne coagule pas le lait, et le lait de culture est alcalin. On doit donc voir encore là le fait d’une diastase de B. purpureum. Si nous préparons un extrait diastasique de D. purpureum , nous verrons que cette nouvelle acrasidiastase se comporte de la même façon que celle de I). mucoroides. Son maximum d’action est vers 38° ; elle digère la gélatine en milieu alcalin, neutre ou légèrement acide. Elle a peu d’action sur la fibrine. Elle ne digère pas l’albumine coagulée par la chaleur, les corps de Bactéries tuées par la chaleur. Elle dissout les Bactéries tuées par l'éther ou le chloroforme. cultures pures mixtes de Polysphondylium violaceum. J’ai pu étudier cette espèce, grâce à une culture faite par Olive, qui m’a été obligeamment transmise par M. le professeur Thaxter. Cette culture n’étant pas une culture pure mixte, il y avait diverses Bactéries associées. En opérant comme je l’ai fait pour les deux autres Acrasiées, j’ai eu la culture pure mixte de P. violaceum avec la variété non liquéfiante de B. fluorescens , semblable à celle qui se trouvait avec B. purpureum. P. violaceum croit bien sur divers milieux, sur gélose à la graine de lin, sur agar peptoné et sucré; mais le milieu sur lequel il donne une culture vraiment luxuriante est le milieu à la dextrine. Les tubes sont remplis d’un véritable lacis de fruc- tifications. On peut avoir des cultures pures mixtes de P. violaceum avec diverses Bactéries. 11 ne diffère pas à ce point de vue des deux autres Acrasiées. Sa culture pure mixte avec B. fluorescens non liquéfiant, sur gélatine à la graine de lin, se comporte comme celle de D. purpureum ; il y a liquéfaction. De même la culture faite dans le lait le coagule. Les mêmes observations peuvent se faire sur la digestion des Bactéries dans les vacuoles des inyxamibes en employant les mêmes techniques de coloration que pour les deux autres espèces. (PI. III, fig. 4-7.) BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES B 45 JT agglutination des Bactéries autour des myxamibes de P. violaceum est beaucoup plus intense qu autour de celles de D. mucoroides et de J), purpureum. Presque toujours un grand nombre de Bactéries agglutinées accompagnent les myxamibes lors de la formation de l’appareil sporifère. Ces Bactéries plongées dans la gaine muqueuse qui entoure le pied se placent perpendiculairement aux cellules du pied, si bien qu’à un examen superficiel on pourrait croire le pied hérissée de cristaux. Souvent aussi les Bactéries forment de véritables amas au niveau des ramifications. L’extrait diastasique préparé à partir des myxamibes de P. violaceum est identique à l’acrasidiastase isolée précédem- ment : même action sur la gélatine, sur les corps de Bactéries tuées par le chloroforme ; action presque nulle sur la fibrine : action nulle sur l’albumine coagulée par la chaleur. ACTION DE QUELQUES CONDITIONS EXTÉRIEURES : OXYGÈNE, HUMIDITÉ, LUMIÈRE. T^es espèces d’Acrasiées que nous venons d’étudier 3 ont strictement aérobies. En anaérobiose, avec des Bactéries anaérobies, on n'observe aucun développement. 11 suffit d’ailleurs de fermer à la lampe un tube où se déve- loppe une culture pure mixte pour arrêter le développement. L’humidité est nécessaire pour l'obtention des cultures. Elle influe beaucoup sur la morphologie de l'appareil sporifère. En milieu peu humide, les pieds sont courts, les têtes petites. Au contraire, en milieu humide, les pieds sont plus longs et les têtes beaucoup plus grosses. Lorsque le milieu est très humide, ce qui se produit dans les cultures sur carottes en tubes de Roux, quand il y a beau- coup de liquide dans le fond, les têtes sporifères peuvent devenir plus de deux fois plus grosses. Dans ce cas, le mucus qui entoure les spores est dilué ; il se dépose au bas de la gouttelette et la tête offre une partie supérieure transparente et une partie inférieure opaque. A l'obscurité, les appareils sporifères sont toujours perpen- diculaires au substratum. Ce fait est dû vraisemblablement, comme le pense Olive, aune hydrotaxie négative. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 646 A la lumière, il y a phototaxie positive et si, par exemple, une culture est disposée de manière à avoir une portion obscure et une portion éclairée, les pieds s’allongeront vers la partie éclairée. On peut obtenir ainsi un allongement assez considérable des fructifications, comme le montre la photogra- phie ci-jointe d'une culture de D. purpureum. La flèche indique le sens de la lumière. (PI. XIII, fig. 1.) La température qui convient le mieux pour la culture de ces Acrasiées est comprise entre 22° et 25°. A partir de 28°, il n’y a plus de développement. Au con- traire les températures même basses jusqu’à 8° peuvent convenir ; seulement la durée du développement est beaucoup plus grande, demandant, vers 8°, plusieurs semaines. Certaines conditions extérieures influent aussi sur la varia- tion des caractères spécifiques d’une Acrasiée. Par suite de la chaleur de l’été de 1906 et d'un accident survenu à l’étuve, mes cultures de D. mucoroides se sont trouvées pendant plusieurs semaines à une température de plus de 40°. xllors, sur 20 tubes ensemencés, quoique j’y aie ajouté B. fluorescens , deux tubes seulement ont donné une culture. Dans ces cultures, au lieu du pied long et fïexueux des fructifications produites dans les cultures pures mixtes de D. mucoroides avec B. fluorescens sur graine de lin, les pieds sont extrêmement petits, n’ayant souvent même pas 1 millimètre de hauteur. La tête est plus grosse. Les spores ont de 3 à 4 g sur 4 à o g. Les cultures repiquées depuis septembre 1906 ont conservé ces caractères qui sont très voisins de ceux du Dictyostelium brevicaule Olive. ÉTUDE DE l’action DES PIGMENTS BACTÉRIENS Matrucliot (15) a montré que les pigments bactériens peuvent être employés pour la coloration d’organismes à l’état vivant. En faisant végéter simultanément sur un même milieu une Bactérie chromogène et un Champignon filamenteux, on obtient une imprégnation du protoplasme du Champignon par le pigment sécrété hors de la Bactérie. Cette action de la matière colorante BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 647 est élective, le pigment ne se fixe que sur une partie du protoplasme. Les pigments fongiques, à condition qu’ils soient excrétés en dehors du Champignon chromogène, se comportent delà même manière que les pigments bactériens. Je résumerai brièvement ici les résultats obtenus par Matruchot (15) de manière à mettre en parallèle ceux que donne la même méthode pour l’étude du Dictyostelium mucoroides. En cultivant Mortierella reticulatcc avec Bacillus violaceus ou avec Fusarium polymorphum , Matruchot vit que le pigment de la Bactérie ou du Champignon se fixe sur le protoplasme et que cette coloration permet de déceler une structure particulière du protoplasme de Mortierella reticulata. En effet, tandis que la partie jeune des filaments, à T extrémité en voie de crois- sance par exemple, ne présente aucune structure différenciée du protoplasme (on y voit seulement de très fins granules), les parties moyennement âgées du mycélium offrent une structure intéressante. Dès que le protoplasme n’est plus très jeune et cesse d’être homogène, il se fait une séparation de deux protoplasmes différents : 1° un protoplasme parfaitement hyalin, indifférent au réactif colorant, constituant une sorte de hyaloplasme ; 2° un protoplasme légèrement granuleux fixant la matière colorante et au milieu duquel se forment des gouttelettes huileuses de plus en plus abondantes, qui, plus fortement encore que le proto- plasme, fixent le réactif colorant. Ce protoplasme granuleux correspond à l’enchylema de certains auteurs. Enfin, dans l’enchylema, le pigment vert du Fusarium et surtout la viola- céine de B. violaceus coloraient de petits corps que l’auteur assimile sous réserve à des noyaux. Car même lorsque la colo- ration est nettement accusée, ce pseudo-noyau se montre constitué uniquement par un granule eolorable de dimensions variables (0 5 de diamètre en moyenne) et, quel que soit le grossissement employé, on ne peut y distinguer la structure caractéristique : membrane enveloppante, zone claire périphé- rique nucléole central. En résumé les pigments bactériens et fongiques permettent de colorer chez Mortierella reticulata les cordons d’enchylema, les gouttelettes d’huile et sans doute aussi le nucléole central des noyaux. Voyons ce qui se produira si nous associons par exemple ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 648 DiclifOsleUum mucoroides avec une bactérie chromogène comme Ba cillas kieli. Il y a lieu de distinguer deux cas : ou bien le milieu de culture est très favorable au développement delà Bactérie et à son pigment ; ou bien le milieu, tout en permettant le déve- loppement de la Bactérie, ne convient pas très bien à la produc- tion du pigment et dans ce cas la production du pigment est lente. Dans le 1er cas, comme cela a lieu pour le milieu à la dextrine, la production du pigment est rapide. Les spores sont pénétrées par le pigment avant leur germination. Leur mem- brane reste incolore : mais leur protoplasme se colore en rouge intense : souvent même la masse nucléaire est colorée; on n'y distingue pas le karvosome. Dans ces conditions, elles sont tuées par le colorant et ne germent pas. Si certaines d'entre elles ont le temps de germer avant d’être atteintes par le pigment, l'amibe formée s’arrondit et son protoplasme se résout en granules fortement colorés au milieu desquels on peut parfois distinguer le noyau. Le développement ne va pas plus loin. Dans le 2e cas au contraire, sur la graine de lin par exemple, les colonies du Bacillus kieli sont d’abord blanches et ne deviennent rouges que tardivement, après 40 heures envi- ron. Alors les spores germent. Les jeunes myxamibes ne se colorent pas; on distingue seulement quelques granulations rouges dans les vacuoles. Dans une culture plus âgée, à côté d’éléments presque incolores, renfermant seulement dans leurs vacuoles des granulations rouges et des Bacilles colorés, il y a des éléments imprégnés qui montrent une différenciation très nette de l’endoplasme et de l’ectoplasme. L’endoplasme seul est coloré. Un peut voir sur les individus colorés ainsi k l’état vivant (ils émettent des pseudopodes) que l’endoplasmc qui incolore paraît granuleux, n’est pas constitué par des granulations, mais par un réticulum très visible enfermant dans ses mailles un protoplasme incolore hyalin. Avec le pigment du Bacillus kieli , on voit très rarement le noyau coloré; s’il est coloré, c’est d’une façon massive; karyosomc et zone périphérique sont confondus. Ensuite vient le rassemblement des amibes, puis la forma- BACTERIES DANS CERTAINS MYXOMYCETES 641) (ion de l’appareil sporifère. Les grosses cellules vacuolaires que l'on rencontre presque toujours a la base du pied de l’appareil sporifère sont généralement colorées d’une manière intense, si la fructification s’est formée sur une colonie pigmentée. Quant à la fructification elle-même, elle peut être colorée ou inco- lore4. La coloration de la fructification est due à la coloration du mucus qui l’entoure tout entière. En effet, la membrane des cellules du pied n’est pas imprégnée, mais on voit très bien les limites des cellules noyées dans un mucus coloré. Il en est, de même pour la tète sporifère; on a une fausse coloration delà membrane des spores. Il se condense, en effet, du mucus très coloré à leur surface. Parfois le protoplasme lui-même des spores est coloré ; dans ce dernier cas, comme nous l’avons vu plus liaut, elles sont tuées; elles sont incapables de germer. Lorsque la culture est faite sur carottes lavées et stérilisées, la plupart des fructifications sont colorées en rose. Ici les spores sont généralement incolores, montrant seulement un liséré rose de mucus déposé à la surface de leur membrane. Il on est de même pour les cellules du pied. Au lieu du Bacillus kicli , mettons en association le Bacillus violaceus sur le milieu à la dextrine qui est très favorable à la production de la violacéinè. Nous ferons de nouveau la remarque que si la Bactérie donne immédiatement un pigment abondant, le développement peut être nul. Cependant la viola- céine parait moins nocive pour I). mucoroidcs que le pigment du Bacillus kicli; il y a le plus souvent simplement un retard dans la germination et au bout de 3 à 4 jours, on observe sur le milieu de culture d abondantes mvxamibes. Un grand nombre de ces mvxamibes sont colorées. La coloration par la violacéinè est plus délicate que celle obtenue avec le rouge de Kiel. Le réticulum de l’endoplasme se voit, nettement, le contour des vacuoles est plus accusé. En même temps, souvent le noyau est coloré et alors b4 colorant se fixe exclusivement sur le karyosome central. Si le noyau est en voie de division, les chromosomes seuls sont colorés. D’après cela, il paraît évident que les corpuscules colorés vus par Matruchot dans les cordons d’enchylema de Morticrclla reticulata sont bien les nucléoles des novaux. ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR (550 Les fructifications sont incolores ou colorées, comme nous l’avons vu précédemment avec B. kieli. Si les fructifications sont colorées, les membranes des cel- lulles du pied et des spores restent incolores. Seulement, elles sont entourées de mucus fortement violet. Les novaux des cel- lules du pied sont presque toujours colorés. Si nous faisons des cultures semblables avec Dictyostelium purpureum et Polysphondylium violaceum , nous observerons aussi des phénomènes de coloration de leurs myxamibes, mais tandis que /). purpureum se comporte comme D. mncoroides , il en est tout autrement de P. violaceum. Lorsque l’on associe Polysphondylium violaceum avec B. vio- l accus , il donne une culture très luxuriante. Les appareils sporifères formés sont incolores. (J’aurai l'occasion de revenir sur l'importance de cette constatation.) En outre, dans les cul- lures,cc son! seulement les jeunes myxamibes qui se colorent. En résumé, le pigment des Bactéries chromogènes permet de révéler in vivo la structure des myxamibes des Acrasiées. La violacéine surtout constitue un colorant vital d'une extrême délicatesse. Non seulement elle nous montre la structure réti- culée de l’endoplasme, mais elle colore aussi le karvosome à l’état de repos ou à l’état de division. Nous allons voir maintenant que la coloration de l'appareil de fructification par le pigment des Bactéries n’est pas indiffé- rente au point de vue taxinomique et que certaines espèces d’Acrasiées, décrites comme distinctes h cause de leur couleur, devront sans doute être considérées comme appartenant à une même espèce associée à des Bactéries chromogènes différentes. IMPORTANCE TAXINOMIQUE DES PIGMENTS BACTÉRIENS CHEZ LES ACRASIÉES Mon attention a été attirée sur l'importance que pouvaient présenter les pigments bactériens dans la systématique des Myxomycètes par les changements de couleur que l'on observe dans les appareils de D. mncoroides suivant le milieu de culture et suivant la Bactérie associée. Tous les auteurs qui ont étudié cette Acrasiée notent ce fait que sa fructification incolore, lors- qu’elle est jeune, devient jaunâtre en vieillissant. Cultivons I). mucoroides avec B. /luorescens dans un milieu BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 65 1 liquide où B. fluorescent donne son pigment. Le milieu minéral de Gessard convient particulièrement; les tètes des jeunes- fructifications de D. mucoroides nous montreront alors une belle fluorescence. Il en est de même si nous faisons la culture pure mixte sur carottes lavées à l’eau ammoniacale avant la stérili- sation. On sait que le pigment fluorescent ne se montre que dans- les milieux alcalins. Soumettons aux vapeurs d’ammoniaque des têtes de jeunes fructifications I). mucoroides avec B. fluorescens qui sont incolores : très fréquemment, nous les verrons prendre une magnifique fluorescence. Or. le pigment fluorescent se transforme en pigment couleur jaune feuille morte. C’est précisément ce qui a lieu dans les vieilles fructifications- de 1 ). mucoroides et ce qui leur donne leur couleur. Mettons en culture pure mixte I). mucoroides avec Bacillus coli : les fructifications resteront toujours d’un blanc parfaite- ment pur. Aussi y a-t-il lieu de se demander si Dictyostelium lacteum Yan Tieghem n’est pas une association de D. mucoroides» avec une Bactérie sans pigment. Dans les milieux de culture qui conviennent peu, il arrive souvent, en effet, que. comme chez 1). lacteum, on a des fructifications de I). mucoroides dont le pied est formé d’une seule rangée de cellules et dont les spores plus petites sont presque sphériques, mesurant de 5 à 5 y. de dia- mètre. 11 est permis aussi de faire des réserves pour le Dictijosle Hum roscum Yan Tieghem qui, à part sa couleur, ne se différencie- pas beaucoup de 1). mucoroides , pour Dictyostelium aureum Olive, surtout pour Guttulinci rosea Cienkowski, dont Gienkowski a noté la coloration des mvxamibes. 11 n’y a certainement aucun, doute pour Guttulinopsis rulyaris Olive; voici en effet ce qu’en dit l’auteur : a La couleur de la tête sporifère peut varier avec la séche- resse et la composition du substratum. Quand elle pousse sur du crottin, par exemple, les têtes sont ordinairement blanches; puis, plus tard, en séchant, elles deviennent uniformément jaunâtres ; au contraire, sur tubes de gélose les tètes sporifères sont uniformément blanches. Il est possible que la couleur jau- nâtre soit due à de petites particules, provenant du substratum, qui sont transportées dans l’ascension de la colonie et dont la couleur se voit davantage par suite de la dessiccation. » ANNALES DE L'INSTITUT PASTEÜli <652 Ici, il s’agit évidemment d une association de LAcrasiée avec une Bactérie fluorescente comme pour D. mucoroides. Peut-être pourrait-on en dire autant de Guttulina aurea Van Tieghem, dont Van Tieghem dit qu’elle ne diffère de Guttulina rosea que par sa couleur. Les deux Ac-rasiées à pigment violet que j’ai étudiées, Dictyostelium purpureum et Polysphondylium violaceum ont un pigment propre. En effet, elles conservent ce pigment sur les milieux de culture divers que j’ai essayés; en outre, quelle que soit l’espèce de Bactérie fluorescente ou de Bactérie non chro- mogène associée, s’il y a quelques différences dans la longueur du pied, la grosseur de la tête sporifère, dans l’abondance des ramifications, au contraire les caractères essentiels, la couleur, les dimensions des spores, restent constants. Associé avec une Bactérie chromogène, B. violaceus, D. pur- pureum donne des fructifications colorées mais très petites. Au lieu d’une tète sporifère ayant souvent plus de 300 g, la tête ne mesure pas plus de 60 à 80 u. Le pied n’a pas plus de 2 à -o m.m. de hauteur, au lieu de souvent plus d’un centimètre. Avec la même association bactérienne, la transformation de Polysphondylium violaceum est encore plus grande. Les fructifications très abondantes, souvent très ramifiées, portent des têtes sporifères très petites, certaines peuvent être inférieures à 50 g-. Enfin elles sont complètement incolores. Les caractères se conservent dans les cultures successives à condi- tion que la Bactérie donne son pigment. Dans de telles cultures, les caractères de LAcrasiée sont très voisins de ceux de Polysphondylium pallidum Olive. Comment expliquer ce phénomène de décoloration? •Tout d’abord établissons ceci : c’est que le pigment de la Bactérie et celui du Champignon sont différents. En effet les réactions aux bases et aux acides sont différentes. Le pigment de la Bactérie est soluble dans l’alcool en donnant une solution d’un beau violet. L’ammoniaque, la potasse font virer la couleur en vert. L acideacétique rend la teinteplus bleue. Le pigment de LAcrasiée paraît être énergiquement fixé. Il n’est soluble ni dans l’eau, ni dans l’alcool > ni dans l’éther, ni dans le chloroforme. Sous l’action des alcalis, il devient plus bleu: au contraire il vire au rouge avec l’acide acétique. BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES t>5:> Le pigment bactérien, d’après Bourquelot, serait dû à Faction d’un ferment oxydant sur un phénol. Devons-nous admettre qu’il en est de même pour l’Acrasiée et que dans le cas de Pohjsphondylium violaceum qui est toujours moins coloré que I). purpureim, la production d’oxydase est plus fugitive et que cette oxydase est fixée parle pigment bactérien ? OBSERVATIONS SUR LA CYTOLOGIE DES MYX AMIBES ET LA FORMATION DE l’appareil SPORIFÈRE Comme, assez fréquemment, on observe, chez les myxa- mibes des Acrasiées que j’ai étudiées, des vacuoles qui ne contiennent qu’une seule Bactérie, certains auteurs ont pris souvent les Bactéries incluses dans les vacuoles pour des corps chromatiques. Olive qui a fait un travail consciencieux sur le sujet trouve qu’il est souvent difficile de se prononcer. Si Ton veut étudier la cytologie de ces organismes, il est nécessaire de faire, aux mêmes stades de développement, d’une part des préparations colorées par la thiomne par exemple, permettant de bien voir les Bactéries, et d’autre part des prépa- rations faites avec les méthodes de coloration spéciales pour mettre en évidence les corps chromatiques. La méthode de coloration de Laveran, déjà indiquée, donne sur les préparations réussies tous les détails de la structure cellulaire des myxamibes. J'ai cependant contrôlé ces résultats par deux autres mé- thodes : 1° coloration à l’hématoxyline au fer d’Heidenhain après fixation au sublimé; 2° méthode de Borrel : coloration au rouge de Magenta, différenciation par le picro-indigo-carmin. alcool, essence de girofle, sur des préparations fixées avec le liquide suivant : Eau 300 grammes. Acide acétique 20 — Acide osmique 2 — Chlorure de platine 2 — Acide chromique 3 — Pour la période qui comprend la vie végétative des myxa- mibes on peut se contenter de préparations sur lames ; mais pour la période de fructification, il est préférable de fixer, puis ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR T)54 d’inclure dans la paraffine la culture elle-même avec son substra- tum. La gélose s’inclut très bien dans la paraffine à condition de ne pas la laisser plus d’une heure dans le xvlol et de ne pas inclure à une température supérieure à 49°. Dans la spore, lorsqu’elle est prête à germer, on peut colorer un corpuscule chromatique central entouré d’une zone périphérique claire. La membrane enveloppante est plus ou moins apparente. (PL XIV, fig. 1, 2, 3, 18, 11.) Généralement si la culture est faite en gouttes pendantes, en milieu liquide par conséquent, lorsque la spore a germé, alors que la membrane est même encore adhérente à l’amibe qui con- serve la forme de la spore, le noyau n’est plus colorable, et il semble, comme l'a vu Olive, qu’il se soit réduit en corpuscules chromatiques qui sont disséminés dans le protoplasme. (PI. XIV, fig. 3, 4.) Ces corpuscules se disposent parfois de manière à constituer une spirale. (PI. XIV, fig. o.) Ensuite tous ces corpuscules se rassemblent au centre de 1 amibe quiescente, formant une sorte de plaque équatoriale. (PL XIV, fig. 6.) Puis l’amibe prend une forme plus ou moins irrégulière et en même temps la masse chromatique équatoriale se divise en deux petites masses qui s’éloignent l’une de l’autre, séparées par une zone claire. (PL XIV, fig. 7, 8.) La forme de ces masses est celle d’un bâtonnet un peu trapu. La vacuole devient alors plus nette; lesdeux bâtonnets, que nous pouvons assimileràdeux chromosomes, vont s’éloigner de plus en plus Lun de l’autre jusqu’à venir se coller aux deux extrémités de la vacuole qui pendant ce temps s’est allongée. (PL XIV, fig. 16, 17.) Les deux chromosomes s’incurvent en forme de toit. (PL XIV, fig. 18, 19.) L’amibe elle-même prend une forme plus longue; elle se scinde par étirement (PL XIV, fig. 20, 24, 25), chacune des parties emportant la moitié de la vacuole qui s’est divisée. Chaque amibe fille contient alors une vacuole avec 2 chromosomes, les chromosomes s’étant coupés au niveau du sommet du toit. Sur les milieux solides on observe rarement le stade de fragmentation du noyau et le stade de la plaque équatoriale, lors de la germination de la spore. L’amibe qui sort de la spore prend presque immédiatement BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 653 une forme irrégulière. (PL XIV, fig. 14. 15, 21, 22. 23.) Le karyosome central se divise en deux chromosomes qui se placent parallèlement l’im à l’autre et tout se passe comme plus haul. Ceci se voit nettement sur des préparations à Thématoxvline au fer. (PL XIII, fig. 2 et 3.) Les amibes vont grossir, devenir plus ou moins vacuolaires et se diviseront de nouveau un plus ou moins grand nombre de fois, le mode de division étant toujours le même. Il s’agit en somme d’une division indirecte très simplifiée. 11 n’y a ni centrosomes ni filaments de linine. Dans les cultures, vers la 40e heure, au moment où la vie des myxamibes est la plus active, on observe souvent une division directe du noyau. (PL XIV, fig. 28, 29, 30, 31.) Le noyau se divise alors par étirement. (PL XV, fig. 4, 5, 0, 7.) A ce stade on rencontrera parfois des myxamibes possédant deux noyaux. Si l’on étudie la formation de l’appareil sporifère sur des coupes, on voit que la différenciation des cellules du pied se fait à l'intérieur de la masse formée par les myxamibes agrégées, réunies entre elles par du mucus. Elle procède du centre vers la périphérie et de la base au sommet. Ceci est très net sur des coupes faites les unes parallèlement, les autres perpendiculai- rement à l'axe de la masse fructifiante. Dans la planche XVI, fig. I, sur une coupe sagittale d’un appareil sporifère tout à fait au début de sa formation, on voit que les cellules les premières différenciées pour former le pied sont les myxamibes centrales (C) ; ces cellules, par suite du glissement des myxamibes sous- jacentes, formeront la base du pied qui continuera à s’accroître en hauteur et en largeur, par différenciation des myxamibes occupant le centre de la masse. (PL XVI, fig. 2 et 4.) Avec le réactif de Mangin, acide iodhydrique fumant iodé, on distingue de très bonne heure sur coupes les cellules diffé- renciées pour former le pied; elles sont en effet entourées d’un liséré bleu violet qui va en augmentant , indiquant une membrane cellulosique. Le même réactif colore en bleu violet la membrane des spores, sur de semblables coupes. On se rend compte aussi que la masse en fructification s’élève à chaque fois d'une hauteur égale à la longueur de pied construite. Or si nous considérons que les cellules qui forment le pied 656 ANNALES DE L’INSTITUT PAS1EÜR deviennent vacuolaires, se gorgent d’un liquide hyalin et que par suite leur volume augmente, nous conclurons à l'existence d’une pression à l’intérieur de la masse. Le glissement des myxamibes se trouve donc aidé par un soulèvement. Le pied, en se formant, fait l'office de piston. Gela nous permet de com- prendre la rapidité avec laquelle s'édifie parfois un appareil sporifère. L’existence de cette pression explique aussi la forme spirale que présentent les jeunes appareils sporifères en s’élevant. La tension oblige le pied (’P) à se courber et sa courbure entraîne celle de la masse des myxamibes, comme le montre bien la photographie d’une coupe sagittale d'un appareil sporifère en voie de formation. (PL XVL fig. 3.) La pression qui résulte de la formation du pied peut aussi nous expliquer les formes rami- fiées que l'on observe quelquefois chez les Dicïyostelium et tou- jours chez les Polysphondylium . En effet . si la cohésion de la masse formée parles amibes est moindre ou si la pression inté- rieure est plus forte, il y aura fragmentation de la masse. Les petites masses étagées ensuite par suite de l’accroissement inter- calaire du pied se comportent comme autant de colonies distinctes . Les ramifications ainsi formées sont presque perpendiculaires sur Taxe principal parce que, comme nous l'avons vu, les appa- reils sporifères se forment toujours perpendiculairement au substrat u m. (A suicre.) Sur un Piroplasme du Gervus aristotelis de i’Annam Par le D‘ DENIER Médecin de la Marine. (Institut Pasteur de Nha-Trang-, An nam ) Avec partie supérieure de la pl. XVII. Deux jeunes biches de l’espèce Cervus aristotelis , commune en Indo-Chine, que je conservais en captivité à Nha-Trang et qui provenaient de Suoi Giao, ayant succombé inopinément, je pra- tiquai l’autopsie et, en examinant le sang, coloré auGiemsa, j’y observai des inclusions endoglobulaires dont la nature piro- plasmique me parut probable. M. Mesnil, à qui j’ai envoyé les préparations, a bien voulu les étudier à son tour et faire exécuter par M. Roussel, sur ses indications, les aquarelles reproduites sur la planche. Les parasites étaient plus fréquents chez la biche 1 (presque un par champ) que chez la biche 2. Ils ont partout les mêmes formes; la plus commune est un corps ovoïde de 2 b de long (fig. 6, 7, 13, 14), portant à un des pôles une calotte de chromatine en croissant qui tranche nettement, par sa teinte violet foncé, sur le rose lilas plus ou moins pâle du globule et sur le bleu pâle du cytoplasme du parasite ; ce bleu n’est bien net qu’au pour- tour de l’ovoïde ; au centre, on a une sorte de vacuole. A côté de ces formes, on en observe d’autres plus petites, un peu différentes (voir fig. 1, 4, 8, 11, 12). Il y en a de nettement amiboïdes : tantôt, c’est le protoplasme qui envoie des prolon- gements (fig. 5); tantôt, c’est le noyau (fig. 3). On trouve enfin des formes de multiplication par 4 (fig. 10, 16-18) ; elles étaientles plus nombreuses chez la biche 2, pourtant la moins parasitée. Les 4 éléments sont disposés en croix (ou en carré) avant de se séparer (fig. 16, 17). Au premier ahord, on distingue 4 boules violet foncé de 0 [a 5 de diamètre; en y regardant de plus près, on voit que chaque boule est surmontée d’un petit cône très surbaissé de protoplasme bleuâtre. En dehors de ces cas de multiplication, il est très rare de trouver plus d’un parasite par hématie; la figure 9 en montre 2 qui paraissent intermédiaires entre les produits d’une multi- plication et les formes ovoïdes dont nous avons parlé au début. 42 658 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nous n’avons pas vu un seul parasite nettement bacilli- forme; la figure 2 est ce qui s’en rapproche le plus. An moment où nous faisions l’observation de ce piroplasme du cerf, paraissait le travail de Bettencourt, França et Borges sur un cas de piroplasmose bacilliforme chez le daim 1 . La res- semblance de la plupart de leurs figures avec les nôtres est telle que, provisoirement, nous classerons notre piroplasme dans la même espèce que le leur : Piroplasma (ou Theileria) cervi. Nous devons néanmoins remarquer que les savants de Lisbonne ont observé de nombreux éléments bacilliformes que nous n’avons pas vus. Les conditions d’apparition des diverses formes des piroplasmes sont d’ailleurs encore très mal connues. Koch 2 regarde la division en 4 éléments disposés en croix comme caractérisant un groupe spécial de piroplasmes: ce mode de multiplication se retrouve chez tous les piroplasmes du type du Piroplasma parvum de Theiler 3; Bettencourt, França et Borges le donnent comme une des caractéristiques de leur second groupe, celui des piroplasmoses bacilliformes, pour lequel ils proposent de créer le genre Theileria. L’association de formes en bâtonnet et de division en 4 élé- ments disposés en croix mérite de nouvelles études. En dehors du cas de notre cerf, il faut encore signaler, croyons-nous, celui du Piroplasma equi chez lequel Laveran 4 a décrit, dès 1901, le mode de division dont nous parlons et où il ne paraît pas exister d’éléments bacilliformes. Nha-Trang, 7 février 1907. EXPLICATION DE LA PLANCHE XVII (PARTIE SUPÉRIEURE) Les figures 1 à 10 proviennent de la biche n° 1 : les figures 11-18 de la biche n° 2. Elles ont été faites à la chambre claire (Leitz oc. 4, obj. I. H. 1/12, chambre claire Dumaige), puis uniformément agrandies de façon à ce que le grossissement soit de 2,000 diamètres environ. — Pour les détails, voir le texte. 1. Archivos do R . Inst, bacter. Camara Pestana, t. II, 1907, p. 341. 2. Deutsche medic. Woch., 23 nov. 1905. 3. Journ. of. comp. path. a. ther ., t. XIX, déc. 1906. 4. C. R. Soc. Biologie, 1901, p, 385. HÉMATOZOAIRES DES BOVIDÉS EN INDO-CHINE Par H. SCHEIN Vétérinaire de l’Institut Pasteur de Nha-Trang (Annam (Avec partie inférieure de la PI. XVII. 1 Piroplasmes. Il existe, chez presque tous les Bovidés que j’ai examinés, un piroplasme qui présente des formes tout à fait analogues à celles que M. Denier vient de décrire chez le cerf. Je les ai trouvées plus abondantes chez les jeunes que chez les adultes, sur les sujets malades de peste bovine que sur les sujets sains. Les formes que l’on observe sont assez variées. Ainsi, le bœuf 589, animal de passage de peste bovine, assez fortement parasité, dont un grand nombre de nos dessins (fig. 19-31) sont extraits, a montré des formes en poire typiques et des formes en bâtonnet (dont une moitié se colore en lilas, l’autre en bleu); les petites formes ovoïdes typiques manquaient ou étaient très rares. Chez le bœuf 569 (voir fig. 32-35), autre animal de passage de peste bovine, peu parasité, nous avons trouvé des petites formes ovoïdes et des bâtonnets. Le P. s. g. noir, jeune veau de 20 mois, né dans les étables de l’Institut à Suoi-Giao, en bonne santé, a aussi de rares formes ovoïdes et bacillaires (fig. 39-40). Il en est de même du bœuf jaune, animal adulte, de travail, non malade (voir fig. 36-38); ici les bâtonnets, généralement fins, dominent. On trouve aussi des formes libres (fig. 31); ces formes étaient surtout abondantes (voir fig. 50) dans certains points de la préparation d’un bœuf trypanosomé (voir infra) qui renfermait d’ailleurs des formes endoglobulaires non rares. Chez aucun de ces animaux, nous n’avons vu de division ne 4, regardée comme caractéristique des piroplasmoses du type bacilliforme. Il n’y a généralement qu’un parasite par hématie, sauf ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 060 les formes en poire généralement associées par 2. On observe d’ailleurs un grand nombre de stades de la division en 2 des éléments piriformes (fîg. 22). Chez un même animal, le type de parasite peut varier; ainsi, nous avons vu un veau, qui ne portait que la forme bacil- laire, présenter, quelques jours après, de très belles formes en poire, nombreuses. Cette observation n’est pas sans analogie avec celles publiées par Miyajima et Shibayama. L’examen des figures 19 à 40 de la planche nous dispensera d’une plus longue description. Les sujets ne paraissent pas souffrir de la présence des piroplasmes. L’infection généralisée à toute la province de Nha-Trang rend l’expérimentation impossible. Les boeufs sont couverts de tiques dès leur naissance. Au point de vue morphologique, les formes que nous avons observées rappellent à la fois le Piroplasma bigeminum type et le Piroplasma parvum. Dans ses travaux récents, Theiler regarde pareille association de formes comme relevant de deux espèces distinctes associées : Pir. bigeminum et une espèce nouvelle, Pir. mulans , qui ne diffère pas morphologiquement du Pir. parvum de la a fièvre de la côte orientale d’Afrique. » Pareille association existe, d’après Theiler, dans l’Afrique australe et à Madagascar. Elle paraît bien exister aussi à Madras, d’après Christophers2,au Japon, d’après Miyajima et Shibayama3, aux Indes néerlandaises. Nos observations contribuent à montrer la grande géné- ralité de cette association et c’est une donnée dont il faudra tenir compte dans la discussion des conclusions de Theiler. Nha-Trang, 18 février 1907. Il Trypanosomes En recherchant des piroplasmes sur le veau H. 610, animal de passage de peste bovine, nous avons trouvé un trypanosome très différent du T. evansi , voisin de celui décrit par P.-D.-E. Holmes4 chez les bovidés de l’Inde, et qui nous semble offrir les 1. Journ. comp. Path. a. Ther., t. XIX, déc. 1906 et t. XX, 1907. Voir Bull. Inst. Pasteur y t. V, p. 253 et 387. 2. Stephens et Christophers, The practical study of the malaria, 2e édition. 3. Zeitschr. f. Hyg., t. LIV, 1906. 4. Analyses in Bull. Inst. Pasteur , 1904, p. 1027 et 1905, p. H9. 661 HÉMATOZOAIRES DES BOVIDÉS EN INDO-CHINE plus grandes analogies avec le T. theilerih&v . , tel qu’il est décrit par MM. Laveran et Mesnil, dans leur ouvrage bien connu. Morphologie. — Dans les préparations fraîches, le trypa- nosome se montre très mobile, au moins autant que le T. evansi. Il ne nous a pas paru posséder le mouvement « en flèche » du T. lewisi , mais il quitte souvent le champ du microscope. On ne peut bien voir sa forme que sur des préparations faites depuis plusieurs heures, ses mouvements sont alors ralentis. Ce n’est que sur les lames fixées et colorées que l’on peut voir les détails d’organisation. Nous n’avons malheureusement pu employer la méthode de Laveran, le tannin s’altérant très vite dans la colonie. Mais la méthode de Giemsa nou$ a donné des préparations très lisibles. Le parasite (voir lesfig.41 à 49 de la planche)est grand, large, le flagelle bien développé. La membrane ondulante est souvent bien développée et offre alors de belles plicatures. Elle se ter- mine à un centrosome bien visible, dont la situation par rap- port au noyau est loin d’être constante. Nous l’avons même vu au voisinage, ce qui assimilerait le flagellé montrant cette anomalie au T. transvaaliense. On sait que Theiler affirme l’identité de ce dernier avec le T. theileri. La co-existence en Indo-Chine de ces deux formes semble venir à l’appui de cette manière de voir. L’extrémité postérieure est très allongée, très effilée. Le parasite est d’ailleurs très polymorphe, comme le montrera le tableau ci-dessous (les chiffres indiquent des jx). A. Distance de l’extrémité posté- rieure au centrosome 17,7 11,2 8,0 8,0 6,5 22,5 B. Distance du centrosome au noyau •7,2 2,4 8,0 8,0 6,5 9 C. Longueur de noyau 2,3 3, 6 3,2 3,2 9 3,2 2,7 D. Distance du bord antérieur du noyau à l’extrémité du corps . . 11, 3 . 11,6 13 14, 5 12,9 17,7 E. Longueur du flagelle 17.7 16,2 17,7 19,3 16 14,5 F. Largeur totale 3,6 4.4 3,22 3.22 3,22 6,4 Longueur totale 56,2 45,0 50.0 53,14 45,1 66,2 On voit que ces dimensions se rapprochent beaucoup [de celles indiquées par Theiler et par Holmes et Lingard. 662 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les formes cTinvolution sont fréquentes. On voit des formes en têtard qui semblent un mode particulier de multiplication (fig. 49). D'ailleurs, on voit aussi des formes de multiplication par scission longitudinale (fig. 44). On rencontre fréquemment des formes avec 2 noyaux (fig. 42, 45) qui ne paraissent pas se préparer autrement à la division. On trouve de plus des parasites à tous les stades de dégénérescence : depuis la forme, encore nette, où le pro- toplasma pâle, peu coloré, contient un noyau globuleux, jus- qu’au parasite réduit à un centrosome et flagelle. Certaines formes sont fortement granuleuses ; aux environs du noyau, une zone reste plus claire, offrant moins de granu- lations basophiles . On voit parfois des vacuoles, à siège variable, dont la réfrin- gence tranche nettement sur les grains fortement colorés du reste du corps. Action sur l’hote. — Le trypanosome ne nous a pas paru modifier d’une façon appréciable le cours de la peste bovine chez H. 610, qui était aussi porteur de piroplasmes. Inoculé de peste le 3 avril, cet animal a présenté l’habituelle réaction le 4e jour. Le 7e jour (10 avril), il subit le lavage péritonéal selon le procédé Nicolle. Ce n’est que le 16 avril que nous avons constaté la présence des Trypanosomes. Il en a toujours présenté 5-6 par champ (oc. 4, obj. 6), jusqu’au moment de la mort, le 22, dans la nuit. Les parasites avaient disparu. Le relevé de températures ne montre aucune différence avec celui d’un autre animal de passage (voir ci-dessous). HÉMATOZOAIRES DES BOVIDES EN INDO CHINE 663 A l’autopsie, en outre des lésions accoutumées de la peste, nous avons noté une congestion intense des poumons, des pétéchies sur le péricarde» l’augmentation de volume de la rate. Il n’y avait pas d’anémie notable. Inoculations. — Des inoculations faites à deux rats, deux cobayes, deux lapins, un chien sont demeurées sans résultat, malgré la forte dose de sang injectée (5 c. c. au chien, 3 aux lapins, 2 aux cobayes, 1 aux rats). Un veau, 232 bis, reçut dans la jugulaire 100 c. c. de sang de H. 610. Pour éviter l’infection de Peste, on lui injecta 100 c. c. de sérum antipestique sous la peau de l’encolure. L’examen de son sang, pratiqué journellement pendant un mois (jusqu’au 15 mai), ne nous a jamais révélé de Trypano- somes. Mais, le 10 avril, 5 jours avant d’avoir découvert les Trypanosomes chez H. 610, deux veaux neufs, H. 612 et H. 613, avaient reçu chacun 1 c. c. de sang du premier pour effectuer la culture in vivo de notre virus pestique. H. 612 succomba très rapidement du typhus (le 22 avril, en même temps que H. 610) sans avoir présenté de parasites. L’examen du sang de IL 613, pratiqué quotidiennement à partir du 18, resta infructueux jusqu’au 22. Ce jour, nous avons trouvé un parasite pour 40 champs environ; le lendemain, 1 pour 30, et ainsi jusqu’au 26, où les parasites ont été plus rares, ainsi que le 27. Le 28, ils ont disparu définitivement. H. 613, quoique ayant eu une forme sévère de Peste, s’est remis peu à peu. Le 17 avril, avant d’avoir constaté la présence des parasites chez H. 613, il fut saigné pour les passages de peste et le veau H. 615 reçut 1 c. c. de sang sous la peau. Nous ne pûmes examiner H. 615, dont le sang fut, 7 jours après, inoculé à la même dose sur H. 616 et H. 617. H. 616 montra des parasites, non rares (1 pour 10 champs). Chez H. 617, l’examen fut infructueux; mais son sang, injecté à H. 619 le 1er mai, devait contenir des parasites : dès le 10, H. 619 nous en montra de rares. Jamais ces veaux n’eurent de symptômes particuliers attri- buables à la présence du Trypanosome, mais ces symptômes pouvaient être masqués par l’évolution du virus pestique. Nous n’avons pas trouvé le parasite chez les animaux 664 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR guéris de peste, qui avaient servi aux passages antérieurs à H. 610. Ces animaux, réinoculés avec le sang parasité de H. 613, n’ont pas laissé apparaître de parasites. Il est possible qu’ils aient été infectés par une atteinte antérieure, au moment des passages hebdomadaires de peste, et que cette atteinte leur ait conféré l’immunité. Le tableau suivant résume nos inoculations. II. 610 (+) L H. 612 (?) H.613( + ) ( 232 bis (- Veaux antérieurs à H. 610 ( — ). H. 616 (+). H. 617 (-) t V € |h. 615 (?) -> j — > H. 619(4-)- Les signes entre parenthèses indiquent le résultat des examens microscopiques. En résumé : 1° Il existe dans le sang des veaux d’Annam un Trypano- some, de grande taille, à l’extrémité postérieure allongée et effilée, présentant des formes d’involution. On voit des formes analogues à T . transvaaliense ; 2° Ce trypanosome n’est pas inoculable à d’autres animaux que les Bovidés; 3° Il peut être très rare, non décelable même à l’examen microscopique journalier, mais présent dans le sang des ani- maux inoculés, car ce sang est infectieux; 4° Il paraît conférer l’immunité contre une nouvelle atteinte ; 5° Tous ces caractères le rapprochent beaucoup de T. theileri 1 même ils n’identifient pas les deux parasites; 6° Son action pathogène n’est pas nette. Il est possible que, en saison sèche, sur des animaux débilités par le manque de nourriture, il puisse devenir dangereux ; 7° Au point de vue pratique, la présence de ce Trypano- some présente quelque intérêt en raison de la confusion qu’elle peut apporter dans la recherche des cas latents de Surra chez les Bovidés. A moins d’avoir acquis l’habitude de reconnaître le parasite, les vétérinaires des épizooties ne devront se pronon- cer qu’après inoculation au rat et au chien. Nhatrang, le 13 mai 1907. 1. Les Trypan. du type de T. theileri paraissent très cosmopolites : on en a trouvé en divers points de l’Afrique, en Transcaucasie (Lühe, Luhs), dans l’Inde anglaise (Durrant et Holmes, Lingard), tout récemment enfin à Singapour (Falshaw et Lingard). HÉMATOZOAIRES DES BOVIDÉS EN INDO-CHINE 665 FIG. 19 A 50 DE LA PLANCHE XVII Les figures 19 à 40 concernent les hématozoaires endoglobul aires des bœufs de Nha-Trang. Lesfig. 19 à 31 proviennent du bœuf 589; les fig. 32-35 du bœuf 569; les fig. 36-38 du bœuf « jaune » ; enfin les fig. 39-40 du veau P. s. g. Un certain nombre ont été exécutées d’après les dessins de Fauteur; les autres ont été faites par M. Roussel, sur les indications de M. Mesnil, à la chambre claire (Leitz, oc. 4, obj. I. H. 1/12, ch. claire Dumaige) ; toutes ont été uniformément agrandies de façon à ce que le grossissement soit de 2,000 diamètres environ comme pour les Piroplasmes du cerf de M. Denier (fig. 1 à 18). Les fig. 41 à 49 concernent les Trypanosomes. Les aquarelles ont toutes été faites d’après des dessins à la chambre claire de Dumaige (Leitz, oc. 4, obj . I. H. 1/12) sans agrandissements. Le grossissement est d’environ 1,100 dia- mètres. La fig. 50 — piroplasme extraglobulaire de la même préparation — est représentée au même grossissement. STOMOXYIDES NOUVEAUX DU CONGO Par E. ROUBAUD Agrégé des sciences naturelles, Membre de la mission française de la maladie du sommeil. Les représentants du groupe des Stomoxyides, encore si mal connu, ne sont point à dédaigner au Congo français. Les Stomoxes en particulier sont excessivement nombreux et harcèlent aussi bien les indigènes que les bestiaux. A Brazza- ville même, on en peut capturer des quantités sur le corps des malades du sommeil. Il n'est pas rare, surtout chez les sujets profondément affaiblis et en somnolence continuelle, de voir perler le sang en gouttes nombreuses au niveau des piqûres qui parsèment les pieds et les jambes de ces malheureux, dont l’inertie même facilite l’attaque des mouches piqueuses. Outre l’espèce ubiquiste Stomoxys calcitrans , qui est particu- lièrement abondante, nous avons pu retrouver plusieurs des formes récemment décrites par Grünberg 1 pour le Cameroun : St. glauca Grünberg est très répandue, presque aussi com- mune que la précédente; St. inornata Grünberg, remarquable par sa trompe longue et grêle, est beaucoup plus rare. Nous en avons capturé trois exemplaires femelles, à plusieurs semaines d’intervalle, dans une des chambres de l’hôpital européen qui nous servit de laboratoire pendant plusieurs mois, au début de notre installation. St. stellata et St. brunnipes Grünberg n’ont point encore été rencontrés. Mais il existe une forme nettement voisine de ces espèces par la couleur générale de ses pattes et par sa taille, espèce qui, pour l’ensemble de ses caractères, se rapprocherait plutôt de St. glauca. Il y a lieu, nous semble-t-il, d’y voir une forme spécifique distincte pour laquelle nous proposons le quali- ficatif de St. intermedia. * * * STOMOXYS INTERMEDIA fl. Sp. Gris erne, à légère pubescence jaunâtre. Espace interoculaire (9) égalant le 1/3 de la largeur de la tête . 1. Zool. Anzeiger, t. XXX, 3 avril 4906. ST0M0XY1DES NOUVEAUX DU CONGO 667 Front gris argenté, à forte bande médiane noire. Face gris clair. Antennes noires à 3e article fortement pubescent. Chète testacé pâle à extrémité noire; palpes clairs atteignant le bord de l’épistome. Thorax grisâtre à bande médiane plus claire. De chaque côté deux bandes longitudinales brun noirâtre, peu marquées, sépa- rées dans toute leur longueur, n’atteignant pas l’écusson qui est uniformément gris jaunâtre. Les épaules et les flancs sont plus clairs que la face dorsale du thorax. Abdomen gris jaunâtre marqué de bandes marginales brun noirâtre aux trois premiers segments, comme chez St. glaaca. La bande médiane longitudinale est peu accusée. Dernier segment orné de deux taches punctiformes d’un gris plus foncé. Face ventrale d’un gris noirâtre. Fémurs noirs. Tous les tibias et les tarses entièrement testacés, ces derniers à peine plus foncés. Ailes très légèrement obscurcies à la base.Guillerons blancs. Balanciers jaunâtres. La femelle seule connue. Longueur 7 mm. Brazzaville. * * *■ Enfin nous avons capturé sur un bœuf porteur du Chari, appartenant au troupeau du gouvernement à Brazzaville et atteint de trypanosomiase, de nombreux exemplaires d’une belle espèce également inédite, rare d’ailleurs en raison de son habitat qui paraît fort spécialisé. Les mâles, très alertes, diffi- ciles à prendre, diffèrent des femelles et se reconnaissent d’emblée à leur face jaune d’or et à leurs ailes fortement enfu- mées. Il en existe également une variété claire dont les ailes sont totalement incolores comme celles des femelles. 11 y a là un dimorphisme intéressant à signaler chez les Stomoxes. STOMOXYS BOUVIERI Tl. Sp. à . — Gris clair à pubescence plus sombre, soyeuse et veloutée. Espace interoculaire égal au cinquième de la largeur de la tête. Face et front d’un beau jaune d’or ou au moins gris doré, ce dernier pourvu d’une large bande médiane d’un noir de velours. Yeux d’un beau rouge â l’état frais. Antennes noires, le troi- sième article gris pubescent. Chète noirâtre, palpes testacé clair, atteignant le bord de l’épistome. 668 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Thorax offrant une large bande médiane gris d’argent comme les épaules, et de chaque côté deux larges bandes lon- gitudinales noir velouté, confluentes en arrière de la suture et n’atteignant pas l’écusson. Au-dessus de la base de l’aile, une bande de même couleur. Sur l’ensemble, une pubescence gris noirâtre spéciale donnant un aspect soyeux. Flancs gris terne. Ecusson brun, à bordure grise. Abdomen gris, dos marqué de noir comme St. glauca , en bandes marginales aux trois premiers segments. Bande médiane longitudinale très étroite. Le dernier segment présente des taches gris foncé plus ou moins distinctes. Sur tous les segments, éga- lement, pubescence brun noirâtre, obscurcissant toutes les teintes. Pattes entièrement noires, l’extrémité des fémurs et la base des tibias brun clair. Ailes entièrement et très fortement teintées de brun. Balanciers et cuillerons également enfumés. Long. 6 mm. 5 à 7 mm. 9. — Ressemble h St. glauca Gr., mais plus grand : les chètes antennaires entièrement noirs, les bandes noires longitudinales du thorax plus larges, l’écusson fortement marqué de noir au centre. A l’abdomen, la bande noire longitudinale médiane est plus large que chez le mâle et que chez St. glauca. Ailes, cuille- rons et balanciers entièrement incolores. Long. 6 à 7 millimètres. ST. BOUVJER1. mr. CLARA Les mâles caractérisant cette variété ont les ailes, les balanciers et les cuillerons entièrement incolores, comme les femelles. La pubescence brun noirâtre de l’abdomen est égale- ment moins accentuée ; au thorax elle est nettement gris fer. Long. 6 à 7 millimètres. Les individus assez nombreux que nous possédons de cette espèce et de sa variété ont pour la plupart été capturés isolé- ment, à plusieurs mois d’intervalle, sur le même bœuf trypa- nosomé, dans la haute brousse boisée qui s’étend derrière le laboratoire. Il nous a été impossible, jusqu’à présent, de la retrouver en d’autres endroits du plateau de Brazzaville, et notamment au parc à bœufs qui n’est distant du laboratoire, à STOMOXYIDES NOUVEAUX DU CONGO 669 vol d’oiseau, que de quelques eentaines de mètres, mais qui est installé sur un versant déboisé complètement. Deux mâles types ont été trouvés à l’île de M’Bamou, dans le Stanley-Pool, en compagnie de Glossines, dans un sentier frayé par les hippopo- tames à travers la haute futaie. L'un deux était gorgé de sang, et s’était vraisemblablement repu quelques heures avant sur ces gros mammifères dont les traces étaient encore toutes fraîches. 11 nous semble donc qu’il s’agit bien ici d’une espèce vivant surtout aux dépens du gros gibier, dans la brousse, en dehors des habitations. Nous sommes heureux de dédier cette intéres- sante forme à notre maître, M. le professeur Bouvier. * # * Les Stomoxyides du genre lyperosia — sont aussi repré- sentés au Congo français. A Brazzaville, nous avons pu pren- dre, également sur un bœuf trypanosomé du gouvernement, un couple d’une petite espèce voisine de L. Thirouxi. E.Roub., du Sénégal. Elle se distingue cependant par la forme des palpes, plus allongés et à base beaucoup plus grêle, et la couleur claire des pattes qui suffit tout de suite également à la diffé- rencier de L. irritans L. Bien que très rares et n’ayant encore été rencontrés qu’à Brazzaville, ces petites diptères sont intéres- sants à signaler, car il y a lieu de redouter pour l’Afrique, avec les progrès de la civilisation, une extension ultérieure du genre, comme cela s’est produit pour l’Amérique. LYPEROSIA PALLID1PES ïl. SJ). D’un gris noirâtre, à pattes jaune clair. Antennes en entier brun clair ; le chète antennaire à 6 ou 7 soies dorsales, entièrement noir. Palpes très pâles, d’un blanc jaunâtre, en massue, un peu plus longs et plus grêles que chez L. Thirouxi. Trompe rougeâtre, noire à l’extrémité. Hanches, fémurs, tibias, entièrement pâles. Les tarses un peu plus foncés aux derniers articles. Tout le reste comme chez L. Thirouxi , 9 9. Long, 2 à 3 millimètres. Note biologique sur un type adapté de Simulium reptans du Congo équatorial. Par E. ROUBAUÜ. En parcourant les grandes plaines du pays M’Bochi et du pays Batéké, en bordure de l’Alima, dans le Congo équatorial, nous avons observé en de nombreux points l’existence d’une petite espèce de Simulies dont nous ne soupçonnions pas encore la présence en Afrique centrale. Jusqu’alors la seule forme connue. S., damnosum Theob., était une espèce exclusivement africaine, présentant une extension géographique énorme à travers toute l’Afrique équatoriale et tropicale ; et l’existence d’un appareil respiratoire larvaire, tout à fait spécial, développé sous la forme de branchies cloacales exsertiles en rapport avec les trachées, expliquait d’une façon intéressante la localisa- tion exclusive de cette espèce dans les contrées très chaudes de l’Afrique. La nouvelle forme dont il s’agit appartient au contraire à l’espèce européenne, d’ailleurs largement ubiquiste, S. rep- tans L. Cette espèce est de taille plus petite (2 millimètres), de teintes plus uniformes et moins vives ; mais la constitution morpholo- gique de ses griffes et de ses tarses, la forme de l’abdomen, bref tous les caractères spécifiques essentiels autorisent à la consi- dérer comme une forme représentative de la plus commune des Simulies d’Europe. Cette petite espèce est exclusivement et rès largement répandue dans tout l’Alima, depuis Tsambitnou (Sainte-Rade- gonde) jusqu’à Lékéti. On peut donc l’envisager comme carac- téristique des plaines accidentées du pays équatorial. Or, en examinant ses larves, nous les avons trouvées pourvues des mêmes branchies trachéennes que celles antérieurement signa- chez les larves de S. damnosum Theob. Alors que les larves européennes ne présentent que trois courts cæcums rétractiles n’ayant pour assurer l’hématose qu’une valeur insuffisante, les TYPE ADAPTÉ DE SIMULIUM REPTANS 671 larves adaptées aux contrées chaudes présentent trois larges branchies pennées rétractiles à l’extérieur du cloaque, et en rap- ports intimes avec le système clos des canaux trachéens. La forme de ces appendices respiratoires d’adaptation est exactement la même que celle offerte par les larves de l’espèce strictement africaine ; le nombre des digitations disposées en gouttière, de part et d’autre de l’axe des trois branchies, varie avec l’âge des larves, mais paraît être sensiblement le même pour des larves de même âge chez les deux espèces. Il y a donc là un fait d’adaptation identique, particulièrement digne d’intérêt chez l’espèce ubiquiste qui est surtout fréquente dans les contrées froides ou tempérées. Ces Simulies étaient particulièrement répandues, à l’époque de notre passage, dans la moyenne Alima. A Okoyo et à Lékéti (Haute-Alima), elles étaient sensiblement plus rares, mais, d’après les renseignements recueillis dans les diverses localités, commençaient seulement à faire leur apparition pour pulluler plus tard en saison sèche. A Bounji (Saint-François), leur abondance était extrême et singulièrement importune. Les adultes fréquentent surtout les plaines semées de hautes termitières, qui regorgent de gros gibier. Dissimulées dans les hautes herbes, surtout au voisinage des marigots où viennent s’abreuver les antilopes, les bœufs sauvages et les éléphants, elles attendent le passage de leurs hôtes pour se gorger de leur sang. On les rencontre ainsi très loin des ruisselets superficiels, d’eau très courante, où les larves se développent. Au point de vue pratique, l’incendie des herbes de la brousse, surtout facile en saison sèche, est donc tout indiqué pour se débarrasser en partie de ce véritable fléau. Les piqûres de ces minuscules petites mouches sont en effet très douloureuses et provoquent une enflure locale assez persis- tante. Enfin, nous avons observé, dans les marais du Stanley-Pool et dans les montagnes du « Couloir », à l’embouchure du Kassaï, quelques rares exemplaires d’une forme voisine de S . aureum Fries, de l’Europe septentrionale, mais de taille réduite. 11 est vraisemblable qu’il s’agit encore ici d’une forme représentative, adaptée de même manière que la précédente à la vie dans les ruisselets des contrées chaudes. Le Gérant : G. Masson. Sceaux, — Imprimerie Charaire. 21 me ANNÉE SEPTEMBRE 1907. No 9 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Recherche sur l'influence paralysante exercée par certains acides sur la laccase Par M. GABRIEL BERTRAND. Les expériences que j'ai publiées en 1897 sur le rôle du manganèse dans les phénomènes d’oxydation provoqués par la laccase 1 conduisent à envisager ce ferment soluble comme une combinaison métallique facilement hydrolysable, une sorte de sel se dédoublant par l’action de l’eau, d’une part, en un corps organique comparable à un acide faible, de l’autre, en oxyde ou plutôt en hydroxyde manganeux : R" Mn -f II20 = R" H2 -f MnO ou R" Mn + 2 H2 O == R" H2 -f Mn (OH)2 Cette conception laisse prévoir que les acides doivent, en général, intervenir d’une manière défavorable sur le proces- sus oxydant de la laccase. Il est clair, en effet, qu’un corps électro-négatif d’énergie supérieure au complexe R H2 doit déplacer celui-ci et donner, en s’emparant du manganèse, un système moins facilement hydrolysable, moins apte par conséquent à entrer en jeu dans la série catalytique de réac- tions dont mes expériences ont établi la probabilité. Bien plus, comme l’activité du complexe R 11* est sans doute très faible, la sensibilité de la laccase aux acides doit être très grande. L’expérience montre qu'il en est réellement ainsi, qu'une quantité extraordinairement petite de certains acides suffit pour entraver et meme annuler complètement l’action de la laccase. \, Compt. rend. 4c Sc„ t. CXXIY, p. 1032 et p* 13o5 (1897). 43 674 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Je me suis servi, comme réaction d'épreuve, de la trans- formation du gavacol en tétragayaeoquinone1. A 5 c. c. de solution aqueuse de gavacol à 2 0/0, on ajoutait des quantités connues d’acide et de laccase et on com- plétait avec de l’eau le volume de 10 c. c. Les tubes étaient ensuite abandonnés à eux-mêmes, à la température ordinaire (-f- 22 à -|- 23°). Quand il y avait oxydation diastasique, on vovait les mélanges, incolores et limpides comme de l'eau, se colorer successivement en rose, puis en rouge grenadine, com- mencer à se troubler en passant au rouge pourpre et laisser déposer une poudre microcristalline de même couleur. La laccase provenait du latex de l’arbre à laque du Tonkin (Iilms succedanea Linné fils). Elle était très active car 1 230000e, c’est-à-dire 0 gr., 00004 dans 10 c. c., donnait en 24 heures une coloration rose très nette à la solution de gavacol au cen- tième. Avec une dose de 1/4000, la coloration apparaissait dans un intervalle de 5 à 10 minutes et la tétragayaeoquinone commençait à se déposer après 1 heure 1/2 environ. J’ai effectué un grand nombre d'expériences avec divers acides. Je donnerai d’abord les résultats que j'ai obtenus avec l’acide sulfurique. Une quantité de cet acide correspondant à la dilution d’une demi-molécule -gramme dans 1000 litres d’eau (1/1000 nor- male ou N 1000) 3 arrête l’action oxydante de la laccase au 1/2000 ; il ne se fait pas de tétragayaeoquinone et, malgré une attente de 24 heures, le mélange reste incolore et lim- pide. Si on prend une plus petite proportion 'de laccase, l’arrêt de l'oxydation se produit avec moins d’acide. 11 suffit d’une dilution 1 2000 normale (N/2000) pour arrêter l’action de la laccase au 1/4000; D’une dilution 1/10000 normale si la laccase est au 1/20.000 ; D’une dilution 1/20000 normale si la laccase est au 1 10,000; 1. G. Bertrand, Compt. rend. Ac. Sc., t. CXXXVII, p. 1269 (1903), et Ann. Inst. Pasteur, t. XVIII, p. 116 (1904). 2. SO4 H2 bibasique ayant pour poids moléculaire 98, on obtient une solu- tion normale, N/l, en diluant 98 ; 2 = 49 gr. dans 1 litre d’eau. INFLUENCE DES ACIDES SUR LA LACCASE 07;") D'une dilution 1/00000 normale si la laccase est au 1/200,000 Les quantités d’acide sulfurique qui, sans arrêter aussi complètement Faction dation entre lui etle cancer de l’homme. Sa biologie au contraire a été peu étudiée et cependant c’est son étude biologique qui seule pourra permettre de trouver le moyen de le combattre avec efficacité. Car ce parasite occa- sionne des pertes considérables et une fois qu’il a envahi une culture de Choux, il n’y a pas d’autres remèdes que d’aban- donner cette culture. Les recherches que j’ai précédemment exposées sur les Myxomycètes endosporés et acrasiés, m’ont amené à rechercher si les Bactéries ne jouaient pas un rôle dans le développement de ce parasite. En souillant avec des spores de Plasmodiophom brassiccr la terre contenue dans des pots où j'avais ensemencé des graines de B rassica oleracea , j’ai reproduit l’infection expérimentale. Les petites tumeurs produites sur les racines des jeunes plants furent fixées dans le liquide de Flemming-Borrel, dont la composition a été indiquée plus haut, et incluses dans la paraffine. Les coupes ont été colorées de la manière suivante d’après une méthode de Borrel : Mordançage au tannin à 1 0/0 pendant t/2 heure; surcotoration à la thionine, puis différenciation par la même solution de tannin. Cette méthode (Planche XV, fig. 8) colore très bien le para- site et ses noyaux sont bien visibles, formés d’un karyosome(K) central entouré d’une zone claire limitée par une membrane et ÈACtÉRtES .DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES plongés au milieu d’un protoplasme granuleux contenant de nombreuses gouttelettes d’huile colorées en noir par l’acide osmique. En outre dans les cellules envahies par le parasite et dont le noyau (N) présente toujours une hypertrophie du nucléole (w), on distingue au milieu des granulations protoplas- miques et de leucites, de petits amas (B) morphologiquement semblables à des amas de Bactéries. Ils sont très fortement colorés et sont constitués par des formes soit coccus soit bacille, isolées ou bien associées par deux. L’observation microscopique ne pouvait donner qu’une indication et on ne pouvait conclure avec certitude que les zoospores du parasite en pénétrant dans les racines de la plante y avaient introduit des Bactéries. 11 était nécessaire de le démontrer par la méthode des cultures. Mes premières recherches furent faites avec les petites tumeurs que j’avais à ma disposition. Je fis des prélèvements aseptiques dans un grand nombre d’entre elles en brûlant la surface avec un fer rougi et puisant dans l'intérieur avec une pipette stérile. L’ensemencement du contenu de la pipette dans du bouillon donna toujours lieu à une culture bactérienne. Mais étant donné le peu de volume des tumeurs, je ne pou- vais brûler très profondément; il pouvait y avoir là une cause d'erreur. J’ai eu alors un matériel de choix dans des tumeurs, grosses comme le poing, formées sur Brassica sinensis l. Ces tumeurs ne présentent aucune trace de pourriture; sur la coupe, elles sont d’une blancheur magnifique. La surface d’une de ces tumeurs est, comme précédemment, brûlée profondément en un point avec un fer rouge et des pré- lèvements aseptiques sont opérés au moyen de pipettes flambées. Les prises ainsi faites contiennent un grand nombre de spores du parasite. Ensemencées en bouillon, sur gélatine, sur gélose, elles donnent lieu à un abondant développement de Bactéries. Dans les cultures bactériennes ainsi obtenues, on rencontre presque toujours des Bactéries fluorescentes. Ainsi en s’introduisant dans la racine du Chou, le parasite y introduit des Bactéries. Quel rôle jouent-elles? 1. Ces tumeurs m’avaient été obligeamment fournies par M. le professeur Mangin. 694 ANNALES DE LiN STIT U T^PAST E U R Pour étudier ce point particulier, il était nécessaire de faire des cultures du parasite, de pouvoir suivre en tube le dévelop- pement de Plasmodiophora brassicœ. J’ai pu réussir à obtenir le développement expérimental du Plasmodiophora brassicœ , en employant la même technique dont Matruchot et Molliard(J6) s’étaient servis pour la culture du Phytophthora infestons. Ces auteurs ont en effet cultivé le Cham- pignon de la maladie de la Pomme de terre en P ensemençant sur des fragments prélevés aseptiquement dans l'intérieur d’une pomme de terre à l’aide d’un emporte-pièce stérile. De même, je me suis servi de l’emporte-pièce que Borrel a fait construire pour prélever aseptiquement des morceaux de tissu cancéreux; l'instrument était stérilisé au four à flamber, la surface de jeunes navets était profondément brûlée au brûle -peau. On pou- vait ainsi prélever aseptiquement des fragments que l’on mettait dans des tubes flambés. Ces tubes étaient ensemencés avec des spores prélevées elles-mêmes aseptiquement, comme plus haut, à l’intérieur des tumeurs. Ils étaient fermés à la lampe et placés à l’étuve à 22°. lise produit dès les premiers jours une culture discrète de Bactéries aérobies, culture bientôt arrêtée par suite de l'épuise- ment de l’oxygène. Cinq jours déjà après l’ensemencement, on trouve à l’ intérieur des cellules du fragment de navet, le Plas- modiophora à divers stades, plusieurs cellules sont même bour- rées de spores. Répétons la même expérience en tubes ouverts, en tubes simplement bouchés au coton : les Bactéries aérobies qui accom- pagnent les spores pullulent et amènent la pourriture du navet. J’ai avantageusement modifié la technique que je viens d’exposer par l’emploi de l’huile de vaseline. En effet, il arrive souvent que les spores sont souillées, non seulement de Bacté- ries aérobies, mais aussi de Bactéries anaérobies: dans ce cas, les gaz produits par la' fermentation arrêtent l’ évolution du Myxomycète et en même temps le tube est transformé en une bombe dangereuse. On évite de fermer le tube, en mettant de l'huile de vaseline stérilisée dans les tubes, de manière à recouvrir complètement les fragments de navets. BACTÉRIES DANS CERTAINS MYXOMYCÈTES 69o Ainsi, de même que, d’après les recherches de Matruchot et Molliard, la pourriture dans la maladie de la Pomme de terre est causée par les Bactéries introduites par le Champignon (dans les cultures pures du Phytophthora infestans sur la Pomme de terre, on ne constate en effet jamais de pourriture), de même la pourriture de la hernie du Chou est due aux Bactéries introduites dans la racine par le parasite. Ces Bactéries se mettent à pulluler quand les conditions extérieures sont favorables et on sait que c,es conditions sont un terrain humide, la pluie. Tout le tissu des racines se détruit et il n’en reste absolument que la partie libreuse. On peut voir ici une véritable symbiose entre le Myxomycète et les Bactéries. Le Myxomycète entraîne les Bactéries avec lui, et les amène dans un milieu qui leur deviendra extrêmement favorable; de leur côté les Bactéries en détruisant la racine du Cbou mettront en liberté les spores du parasite qui sont incluses dans les cellules. En outre il semble que les Bactéries soient nécessaires à la vie extracellulaire du parasite. En effet, des spores ayant été ensemencées sur un grand nombre de tubes de gélose à l’eau, la plupart de ces tubes contenant des Bactéries ont donné lieu à un début de dévelop- pement : j’ai pu y observer la formation de zoospores, puis d’amibes extrêmement petites qui s’arrondissent et ont alors un diamètre de 3 à 4 Ces amibes périssent le plus souvent, mais, parfois, elles s’entourent d’une membrane qui ne présente pas la réaction de la cellulose et qui se colore en jaune par l’iode. Avec ces petits kystes, j’ai reproduit l'infection expéri- mentale et les cultures. Je n’ai pas constaté l'évolution des spores dans les tubes où il n'y avait pas de culture bactérienne. CONCLUSIONS 1° Par l’étude de trois espèces d’Acrasiées, de deux Myxo- mycètes endosporés et enfin d’une espèce parasite, je crois avoir établi la grande importance que peut prendre l’association des Bactéries dans le groupe des Myxomycètes. Que certains (>96 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Myxomycètes puissent vivre avec d’autres microbes ou même se nourrir uniquement par osmose, c’est à démontrer; 2° Dans la nature, les spores de Myxomycètes ne sont jamais pures, qu elles soient contenues dans du mucus comme chez les Acrasiées, dans un sporange comme chez les Endos- porées, dans une cellule de la racine d’un végétal comme chez une espèce parasite, Plasmodiophora brassicæ. Jusqu'ici on ne connaît pas de Mvxomycète capable de vivre en culture pure. Mais il est possible d’avoir des cultures dites cultures pures mixtes , où le My xomycète est en association avec une seule Bactérie; 3° J’ai réalisé la culture pure mixte de trois Acrasiées, Dictyostelium mucoroides , Diciyostelium purpureum , et Polysphon- dylium violctceum avec diverses Bactéries : 4° Ces Myxomycètes sont parasites des colonies bacté- r’ennes. Leurs myxamibes ingèrent les Bactéries et les digèrem dans leurs vacuoles à l’aide d une diastase voisine de l’amibo- diastase; 5° J’ai montré l’importance taxinomique que peuvent prendre les pigments des Bactéries chromogènes associées. J’ai fait en même temps quelques recherches sur la coloration vitale des myxamibes par les pigments bactériens ; 6° J ai ajouté des observations sur la cytologie et le dévelop- pement de l’appareil sporifère des Acrasiées étudiées; 7° J’ai réalisé la culture pure mixte avec Bacillus luteus Fliigge de Didymium effusum et de Didymium difforme , deux Myxomycètes endosporés; j’ai donné des remarques sur ces cultures; 8° Enfin, en étudiant le développement d’un Myxomycète parasite des racines des Crucifères, le Plasmodiophora brassicæ , à l’aide de cultures faites in vivo et in vitro , j’ai mis en évidence le rôle que jouent les Bactéries introduites dans ies racines par le Myxomycète. Ce sont elles qui amènent la pourriture lorsque les conditions extérieures deviennent favorables à leur pullulation. Ici, j’ai pu montrer qu il s’agissait d’une vraie symbiose. Bactéries dans certains Myxomycètes 697 BIBLIOGRAPHIE 1. — De Dary A. Die Mycetozoen (Schleimpilze), Leipzig, 1864. 2. — Beyerinck. 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PLANCHE XIII Fig. 1. — Photographie d’une culture de Dictyostelium purpureum. On voit que les appareils sporifères partent tous des colonies bactériennes et se dirigent vers le fond de la boîte, vers la lumière dontla direction est indiquée par la flèche. Fig. 2. — «, myxamibe de Dictyostelium mucoroides : on voit son noyau. — Photographie d’une préparation colorée à riiématoxylinc au fer. Fig. 3. — a , myxamibe de D. mucoroides dont le noyau s’est divisé. b, myxamibe de D. mucoroides provenant d’une division ; les deux chromo- somes ne se sont pas encore séparés. Grossissement : 1200. PLANCHE XIV Fig. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11. — Germination de la spore de D. mucoroides. Les grains chromatiques sont colorés en rouge. Coloration à la méthode Laveran Fig. 12. — Jeune myxamibe dont le noyau est en voie de division. Fig. 13. — Jeune myxamibe se divisant. Fig 14. — Jeune myxamibe émettant des pseudopodes lobulés. Fig. 15. — Jeune myxamibe à l’état de repos. Fig. 10, 17. — Myxamibe dont le noyau s’est divisé. Fig. 18. — Myxamibe dont les chromosomes se divisent. Fig. 19. — Myxamibe après la division. Les deux chromosomes sont encore réunis. 20. — Myxamibes encore réunies. Fig. 21, 22, 23. — Diverses formes de myxamibes. Fig. 24, 25. — Formes de division. Les figures 12 à 25 proviennent de préparations de D. mucoroides colorées à l’hématoxyline au fer. Fig. 26, 27, 28, 29, 30. — Myxamibes d'une culture de 40 heures d’après des préparations colorées par la méthode Laveran. — On peut voir un grand nombre de Bactéries en voie de digestion à l’intérieur des vacuoles. N, noyau, B, Bactéries. Tous les dessins sont faits au grossissement de 900. PLANCHE XV Fig. 1 et 2. — Myxamibes de Dictyostelium purpureum d’une culture de 40 heures. Coloration méthode Borrel : rouge de Magenta, picro indigo carmin. On voit de nombreuses Bactéries dans les vacuoles. N. noyau, B. Bactéries. Fig. 3. — Myxamibe de Dictyostelium purpureum . Coloration par la thionine. Le noyau N n’est pas distinct. Les Bactéries se voient bien dans les vacuoles. Fig. 4, 5, 6, 7. — Myxamibes de Polysphondylium violaceum, culture de 40 heures. Coloration par la méthode Laveran. Fig. 8. — Coupe d’une tumeur de racine de chou due au Plasmodiophora brassicœ. N. noyau des cellules du parenchyme, n, nucléole, g, grains d’amidon, 70Û ANNALES DE L’INSTlTüT PASTEUR K noyaux du parasite. Los points noirs sont des granulations de graisse noircies par l’acide osmique. C, cellule envahie dont le noyau est en karyokinèse. 13, Bactéries. Tous les dessins sont laits au grossissement de 1000. PLANCHE XVI Fig. 1 . — Coupe sagittale d'un amas de myxamibes. Début de formation de l’appareil sporifère. C, masse d’amibes devenant claires et vacuolaires ;* ébauche de la formation du pied. Grossissement : 75. Fig. 2. — Coupe transversale d’une masse un peu plus âgée, le pied P s'est différencié. Grossissement : 150. Fig. 3. — Coupe sagittale d'une masse de même âge montrant la torsion de la masse en même temps que celle du pied P. Grossissement : 50. Fig. 4. — Coupe sagittale montrant le pied P formé au début de l'élévation de la masse sporilere. Grossissement : 50. ACTION ANTISEPTIQUE DU METHANAL SEC aux différentes températures sur les germes microbiens et en particulier sur les spores du “ Bacillus subtilis ” . Par L. PERDRIX Dans un précédent mémoire1, j’ai montré la rapidité de l’action destructive exercée par le métlianal sec sur les spores du bacillus subtilis, h la température de 100°. Pour ces expé- riences, j'employais un appareil dont j’ai donné la description, qui permet de maintenir, à volonté, les objets dans une atmo- sphère saturée d’aldéhyde formique. Le meme appareil m’aservi à effectuer des essais entre 15° et 100°; et ce sont les résultats de ces expériences qui font l’objet du présent mémoire. I ACTION DU METHANAL SEC SUR LES SPORES DU (( BACILLUS SUBTILIS». Avant de passer àl’exposé des résultats, je préciserai d’abord aussi nettement que possible les conditions expérimentales dans lesquelles je me suis placé. Le microbe sur lequel j’opère est un subtilis vivace, donnant en 24 heures à 38° un voile abondant, gras et épais. On le cultive dans du bouillon de bœuf alcalin léger, placé sans précaution spéciale dans une cuvette en porcelaine. Le lendemain, il s’est formé un beau voile. La culture est additionnée de son volume d’eau, puis violemment secouée dans un tlacon, afin de dissocier le voile autant que possible. Des morceaux de flanelle sont trempés dans ce liquide, égouttés, puis desséchés h la tempé- rature ordinaire. Telle est la substance qui m’a servi dans toutes mes expériences. — Cette flanelle est ainsi recouverte de germes de subtilis, mais sans couche glaireuse ou albumineuse : bien que très chargée de spores, elle parait peu différente, à l’œil et au toucher, du même tissu non contaminé. On la découpe en I. Perdrix, Transformation réversible du trioxyméthyléne en métlianal. Application à l’étude de la stérilisation par le métlianal sec aux températures élevées. Annales de l'Institut Pasteur, t. XX, 1906, page 881. action antiseptique du methanal sec 703 morceaux de 2 c 2 environ de superficie ; puis ceux-ci sont pliés en quatre dans de petits carrés de papier à filtre. Ces derniers sont ensuite empilés régulièrement 10 par 10 dans un autre morceau de ce même papier, qui est fermé et ficelé en croix de façon à former un paquet unique. Ces paquets d'expérience sont introduits dans l’appareil à methanal, pendant un temps déterminé et à la température choisie. On les abandonne ensuite 24 heures dans le laboratoire pour leur permettre de perdre par diffusion le gaz antiseptique dont ils sont imprégnés; puis on les ouvre aseptiquement par l’une des extrémités. Chacun des petits paquets partiels est suc- cessivement extrait avec une pince flambée, puis introduit direc- tement dans le tube à culture, où il s’ouvre de lui-même, mettant la flanelle au contact du bouillon stérilisé. Les tubes d essais, maintenus à 38°, sont examinéschaquejourpendant six semaines. J’ai indiqué dans mon premier mémoire ( loc . cit.) que, la tem- pérature de l’appareil d’exposition étant fixée, la tension du gaz méthanal est elle-même exactement déterminée. A 70°, par exemple, la tension maxima de l’aldéhyde est de 210 111 tn. Les résultats que je vais exposer ont toujours été obtenus en plaçant les spores en atmosphères ainsi saturées de méthanal. La contamination certaine de la flanelle par un subtilis très résistant était manifestée par l’expérience suivante : des paquets furent chauffés à sec daus une étuve à 100°, sans méthanal , respectivement pendant 2, 5 et 10 heures. Après refroidissement, les petits morceaux de flanelle furent introduits aseptiquement dans du bouillon stérilisé. Tous les tubes renfermant des spores chauffées 2 heures à 100° étaient altérés le lendemain et présentaient un voile très marqué. Après 5 heures de chauffe, tous furent encore contaminés, mais avec un léger retard : sur 10 tubes, 3 seulement étaient altérés le lendemain, 2 le surlendemain, et les 3 derniers le troi- sième jour. Après 10 heures de chauffe à 100°, les retards à la culture furent plus marqués; mais tous les tubes subirent encore une altération au bout de quelques jours. Ces expériences témoins montrent que les spores de subtilis sur lesquelles j’opérais résistaient plus de 10 heures à 100° en étuve sèche : il n’y avait donc aucun doute sur leur vitalité. Ce point étant acquis, il était possible d’opérer en toute sécurité et 704 ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR par comparaison, en présence de métlianal saturé, aux différentes températures. Les résultats sont consignés dans la série des tableaux suivants : 1. — Température : 1 0U°. DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE r En expérience. )ES TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 2 minutes 10 10 100 0/0 3 — 10 9 i;o — 4 — 10 O 30 — 5 — 10 0 » G — 10 0 » II. — Température : 90°. DURÉE DU SÉJOUR NOMBRE DES TUBES PROPORTION dans le métfcanal saturé. En expérience. Altérés. v des tubes altérés. 4 mi nu tes 10 10 100 0/0 G5 — 38 2o 6 — 10 6 G0 — 10 1 10 — 8 — 10 0 » 10 — 30 0 15 — 20 0 9Q — 20 0 ACTION ANTISEPTIQUE DU METIIANAU SEC 1 05 III. — Température : 80". DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE I En expérience. )ES TUBES Altérés « PROPORTION des tubes altérés 3 minutes . . 10 10 100 0/0 G — 10 - 70 — 8 — 10 10 100 — 9 — 10 3 30 — 10 — 26 10 38 — 12 — 20 10 50 — 15 — 20 1 5 — 20 — 37 7 19 — 22 10 0 » 25 — 20 0 » 30 — 10 0 » IV. — Température : 70°. DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE En expérience. DE TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 4 minutes.. 10 10 100 0 0 8 — 10 10 100 — 12 — 10 10 100 — 15 - 30 19 63 — 20 — 20 3 ' 15 — 25 — 30 8 26 — 30 — 30 5 16 — 45 — 10 0 » 1 heure 30 0 » 1 h. 15' 20 0 » 1 h. 30' 10 0 » 45 706 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Y. — Température : 60° DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE En expérience. DE TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 30 minutes 20 19 95 0 0 35 — 10 10 100 — 40 — 30 27 90 — 1 heure 20 9 45 — 1 h. 20' 20 11 55 — 1 h. 30' 10 4 40 — • 1 h. 40' 20 0 » 2 heures 20 0 » 2 h. 30' 20 0 » 3 heures 10 0 » VI. — Température : 50°. DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé NOMBRE I En expérience. )ES TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 30 minutes 10 10 100 0/0 35 — 10 10 100 — 40 — 20 18 90 — 45 — 10 6 60 — 1 heure 30 13 40 — 1 h. 30' 10 9 90 — 2 heures 10 8 80 — 3 h. 30' 10 2 20 — 4 heures 20 0 » 5 — 40 0 » 6 — 20 0 » 7 — 10 0 » ACTION ANTISEPTIQUE DU MÉTHANAL SEC *07 VII. — Température : 40". DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE DES TUBES En expérience. J Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 1 jour 20 2 10 0/0 2 jours 10 0 » 3 — 10 0 » 4 — 10 0 » 5 — 10 0 )) 6 — 10 0 )) VIII. — Température : 30°. DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE E En expérience. )ES TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 1 jour 10 10 100 0 0 2 jours 10 4 40 — 3 — 20 1 - 4 — 20 0 » 5 — 20 0 » G — 10 0 » IX. — Température : 20°. DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE E En expérience IES TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés 1 jour 10 10 100 0 0 2 jours 10 s 50 — 3 — 10 3 30 — 4 — 10 1 10 — 5 — 10 0 » 6 — 10 0 )) 708 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR X. — Température : 18°. DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE I En expérience. )ES TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 2 jours 40 10 ICO 0/0 3 — 10 10 100 — 4 — 10 10 100 — 5 — 10 8 80 — 6 — 10 9 90 — XI. — Température : 15°. DURÉE DU SÉJOUR dans le métbanal saturé. NOMBRE I En expérience. )ES TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 2 jours 10 10 100 0/0 3 — 10 10 100 — 4 — 10 10 v 100 — 5 — 10 1 70 — 6 — 10 i 70 — / 10 l 70 — 9 — 10 O 30 — Les tableaux précédents indiquent nettement la marche de la stérilisation aux différentes températures; mais il convient, d’en rassembler les principaux résultats dans une vue d’ensemble et c’est le but du tableau général suivant (colonnes 3 et 4). ACTION ANTISEPTIQUE DU MÉTHANAL SEC 709 Tableau général représentant les durées nécessaires à la destruction des germes de subtilis aux diverses températures. g DURÉES DE STÉRILISATION LIMITE — 1 Calculées d’après la formule théorique. Observées expérimentalement. des cultures expérimentales. 1 2 3 4 100» 5 minutes. 5 minutes. 4 minutes. uo° 10 — 8 — 7 — 80" 90 _ 92 20 — 70° 53 — 45 — 30 — G0° 2 h. 35'. 1 h. 40'. 1 h. 30'. 50° 8 h. 20'. 4 heures. 3 h. 30'. 40° 25 heures. 25 — 24 heures. 30° 3 jours 5 heures. Plus de 3 jours. 3 jours. 26° 5 jours 9 heures. 5 jours. 4 — 18» 15 jours. Plus de 6 jours. 90 0/0 ù G jours. 15° 24 — Plus de 9 jours. 30 0/0 à 9 — Il est possible, jusqu’à un certain point, de coordonner tous ces résultats, en les rassemblant dans une formule empirique, qui serait la suivante : I) exprimant la durée de la stérilisation en minutes, t\ a tem- pérature de l'action et T latension de transformation du trioxy- méthylène à cette température t. La colonne 2 du précédent tableau indique les durées calculées d’après cette formule. Il serait illusoire d’ajouter à cette relation algébrique plus d’importance qu’il ne convient; il est évident qu’elle ne peut représenter intégralement les faits, l’action n’étant pas, a priori, absolument nulle à0°. lln’enestpas moins vrai qu elle rassemble convenablement, entre 15° et 100°, les résultats expérimentaux. Ce qui ressort de la façon la plus frappante de l’examen du tableau d’ensemble, c’est l’augmentation considérable de la durée nécessaire pour la stérilisation, au fur et à mesure que la tem- pérature s’abaisse. S’il suffit de 5 minutes à 100° pour détruire 710 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR complètement les germes du subtilis, c’est par heures qu’il convient de compter à 60°, et par journées à 20°. Aies expé- riences ne laissent pas le moindre doute sur ce point : elles ont été effectuées en double, par deux séries complètes, à plusieurs mois d’intervalle, sur deux subtilis analogues, mais non iden- tiques; et les conclusions ont été absolument semblables. II ACTION DU MÉTHANAL SATURÉ SEC, AUX DIFFÉRENTES TEMPÉRATURES, SUR LES GERMES CONTENUS DANS l’eAU d’ÉGOUTS L’eau d’égouts qui m’a servi dans les expériences que je vais relater ici a été prise, comme l’année dernière *, à l'Usine élévatoire du quai de Rive-Neuve, n° 23. Mais, s’il est un liquide de composition variable, c’est bien celui dont il s’agit : tandis que l’eau d’égouts de février 1906 ne contenait que quelques rares germes de subtilis, celle d’octobre en renfermait des proportions beaucoup plus considérables. Des bandes de llanelle furent trempées dans cette eau d’égouts fraîche, égouttées et séchées : ce fut la matière employée dans les expériences. Comme pour le subtilis, les germes furent essayés k sec, k 100°, sans méthanal (expérience témoin) : 3 paquets renfermant chacun 10 morceaux de llanelle conta- minée furent chauffés k 100°, respectivement pendant 2, 5 et 10 heures. — Mis en tubes à la façon ordinaire, ils fournirent les résultats suivants : Tous les paquets maintenus k 100° pendant une durée égale ou inférieure k 2 heures ne parurent nullement affectés par ce chauffage et donnèrent lieu k des cultures abondantes dès le lendemain. — Pour ceux qui avaient été portés 5 heures k 100°, 11 y avait déjà une action, manifestée par un retard très appré- ciable dans l’apparition des cultures : sur 10 tubes de contrôle, l’un commença à s’altérer le 11e jour seulement, et les autres, sans exception, suivirent du 16° au20ejour. — Après 10 heures de chauffe k 100°, le premier tube de contrôle ne présenta un commencement d’altération que le 17° jour; les autres firent tous de meme entre le 18e et le 25e jour. Dans tous les cas, les 1. Ann. de P Institut Pasteur, loc. rit. — N° V. 1906. Page 888. ACTION ANTISEPTIQUE DU METHANAL SEC 711 germes qui présentaient ainsi des résistances considérables à l’action de la chaleur seule étaient des subtilis. Quoi qu’il en soit, les paquets directement infectés par l’eau d’égouts furent soumis aux mêmes essais que ceux qui étaienteffec- tués avec les cultures de subtilis et dont les résultats sont exposés dans la première partie de ce mémoire. Les deux opérations étaient toujours faites en même temps et dans des conditions complètement identiques; elles étaient donc bien comparables. Comme ces expériences sont moins fondamentales que celles de la première partie, je ne donnerai les résultats détaillés qu'à 100°, 26° et 15°. Pour les autres températures, j’indiquerai simplement le résumé général. 1. — Température : 100°. DU RÉC DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE I En expérience. )ES TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 20 secondes J0 10 100 0/0 40 — 10 10 100 — 1 minute 10 10 (subt.) 100 - ! 1 m. 20" 10 3 [subt. ) 30 — 1 — 40" 10 2 (subt. ) 20 — 2 minutes 20 0 » 2 m. 30" 10 0 » 3 minutes 10 0 » II. — Température : 26°. DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE I En expérience. )ES TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 1 jour 10 7 (subt.) 70 0/0 2 jours 10 3 (subt.) 30 3 — 10 0 » 4 — 10 0 » 5 — 10 0 » 6 — 10 0 » 712 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR III. — Tempérai arc : 15°. DURÉE DU SÉJOUR d ms le méthanal saturé. NOMBRE E En expérience. (ES TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 2 jours 10 10 100 0/0 3 — . . 10 10 100 — 4 — 10 4 ( subi .). 40 — 5 - 10 0 » 0 — . 10 0 » 7 — 10 0 » 9 — . . 10 0 » Tableau général récapitulatif représentant , par comparaison , les durées nécessaires à la destruction des spores de subtilis et des germes de l’eau d'égouts. SUBTILIS GERMES DE L’EAU D ÉGOÛTS Durée de la stérili? ation. Dernière culture. Durée de la stérilisation. Dernière culture. 100» 5 minutes. 4 minutes. 2 minutes. 1 min. 40". 9> 8 — 7 — 4 - 3 minutes. 80° ç>2 29 — 10 — 8 — 70° 45 — 30 — 30 — 25 - 00° 1 h. 4/. 1 h. 39'. „ 50 — 40 — 50° 4 heures. 3 lu 39'. 3 heures. 2 h. 30'. 40° 25 24 heures. 24 heures. Rien à 24 h. 25» 5 jours. , • ' 4 jours. 3 jours. 2 jours. 4 5° j Pins de 9 jours. 30 0/0 il 9 jours. 5 — 4 jours. Ces résultats peuvent être résumés de la façon suivante : les spores de subtilis présentent au méthanal sec une résistance incomparablement plus marquée que les autres germes, et cela à toute température. — A 100°. après 40 ou 60 secondes d’expo- ACTION ANTISEPTIQUE DU MÉTHANAL SEC 713 sition seulement, il y a déjà dans les cultures un retard très accentué: celles-ci ne débutent que le 3° ou le 4e jour. — De plus, tous les germes qui échappent à la stérilisation à partir de 1 minute environ d’exposition au méthanal sec saturé à 100° sont uniquement des spores de sublilis. — Un examen attentif des tableaux ci-dessus et de la marche des cultures montre que les observations précédentes peuvent être généralisées pour toutes les températures. 111 PUISSANCE DE PÉNÉTRATION DU MÉTHANAL SATURÉ AUX TEMPÉRATURES ÉLEVÉES. — APPLICATION A LA DÉSINFECTION, A SEC, DES OBJETS SOLIDES. Les conclusions du présent mémoire et de celui qui Ta pré- cédé justifient l’emploi du méthanal pour la désinfection et même la stérilisation, à sec, des objets solides à haute tem- pérature. Il restait cependant, au pointde vue pratique, àétudierd’un peu plus près la question de la pénétration de l’aldéhyde. J’ai déjà exposé 1 que le pouvoir pénétrant de ce gaz, à haute tem- pérature, est considérable. Cependant, si les objets sont enfermés, s’ils sont plus ou moins serrés ou compacts, il est évident a priori que le méthanal ne peut se disséminer instantanément en tous leurs points et qu'il doit en résulter un retard à l’action. Ce fait est d’ailleurs nettement manifesté par les expériences que j’ai décrites pour la température de 100°. Des livrets contaminés, de la llanelle et du drap infectés par du subtilis, soumis à l’action directe du méthanal seca 100°, ainsi que je l’ai indiqué dans mon premier mémoire (pages 880- 890) , ont été stérilisés en moins de o minutes ; avec la même llanelle en paquets de 10 morceaux enfermés, superposés et serrés, lalimite de stérilisationest légèrement retardée : 5 minutes au lieu de 4 [voir ci-dessus]. J’ai cherché à préciser un peu plus cette question. Pour cela, il convenait de réaliser des conditions où la pénétration fût par- ticulièrement difficile, et voici comment j’y suis arrivé: lre série d’expériences. — Un œuf est broyé tout entier, jaune et blanc, dans un mortier, et bien délayé avec 100e environ de 1. Ann. de V Institut Pasteur, loc. cit. — 1906. N° V. Pages 890 et suivantes 714 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR bouillon. Le liquide, placé dans une cuvette plate, est additionné d’une cullure de subtilis impure. Dans ce bouillon, j’introduis, dès l'origine, un large morceau de flanelle qui y baigne tout entier. Le tout est placé à l’étuve à 38°. — Dès le lendemain, il s’est formé un voile très abon- dant. Le surlendemain, la culture devient visqueuse et présente une odeur intense d’albumine putréfiée; le quatrième jour, elle est complètement sèche. — La flanelle est ainsi extrêmement contaminée: elle a une couleur jaune sale, une odeur forte et désagréable, un aspect rugueux et raccorni; elle a perdu toute souplesse et se tient comme un carton léger. — On la découpe alors en morceaux de 3 à 4 centimètres de longueur sur un centi- mètre de largeur. Chaque morceau est plié en quatre et enfermé dans du papier à filtre. — 10 de ces petits paquets élémentaires, de forme rectangulaire, sont assemblés comme toujours, par superposition, daus un grand morceau de papier à filtre, for- tement tassés, et le tout est fermé et ficelé en croix. Dans de telles conditions, la pénétration des gaz devait cer- tainement être très difficile, d’abord à cause de la superposition des étoffes, mais surtout à cause de la couche glairo-albumineuse déposée sur la flanelle et dans ses pores, et de la quadruple appli- cation de cette couche dans chacun des petits paquets partiels. Expérience. — 7 paquets d’ensemble sont mis au stérilisateur à 100° pendant des durées variant de 5 à 2o minutes. — On les abandonne ensuite 24 heures dans le laboratoire et on introduit les petits paquets partiels dans des tubes de bouillon stérilisé. A ce moment, leur odeur est fétide et encore très marquée : il ne semble pas que le méthanal saturé a 100° ait beaucoup agi comme désodorisant. Voici les résultats obtenus : ACTION ANTISEPTIQUE DU MÉTHANAL SEC 715 DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE E En expérience. )ES TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 5 minutes 10 10 100 0/0 7 — 10 10 100 — 9 — 10 7 7° — : 12 — 10 5 50 — 45 — 10 4 40 — 20 — 10 1 10 — 25 — 10 0 » La pénétration du méthanal a donc été plus lente et plus pénible; elle était cependant complète en 25 minutes. Le nombre des spores restées vivaces au bout de 20 minutes devait être très restreint, si l’on en juge par la faible proportion des tubes altérés (un seul) et le long retard à la culture (22 jours). Aux températures un peu supérieures à 100°, l’action est encore beaucoup plus rapide : ces mêmes paquets, si difficiles à stériliser, ne résistent pas 5 minutes au méthanal sec saturé à 120°, ainsi que le montre l’expérience suivante : Température : 120°. DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé. NOMBRE E En expérience. )E3 TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 5 minutes 10 0 » • 7 — 10 0 )) 9 — 10 0 )) 12 — 10 0 » 15 — 10 0 » 20 — 10 0 « 25 — 10 0 » Aux températures inférieures à 100°, la pénétration devient rapidement très difficile et même illusoire. Ainsi, h 90°, ces 746 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR mêmes paquets n’ont pu être stérilises qu’en une heure au minimum. — A 80°, 3 heures étaient à peine suffisantes pour arriver au même résultat. — A partir de 70°, c’est par journées qu'il faut compter. — A 60°, 3 jours étaient insuffisants pour une stérilisation complète, et au-dessous de cette température, il m’a été impossible de fixer une limite, même approximative. La diffusion du gaz antiseptique devient donc de plus en plus difficile au fur et à mesure que la température s'abaisse ; ce qui se comprend, le méthanal se rapprochant alors de son point de liquéfaction. 2e Série d’expériences. — Essais de pénétration à travers la laine h matelas. Un paquet de 10 petits morceaux de flanelle imprégnée de subtilis (chapitre I) a été entouré de laine à matelas, que Y on enroule et que l’on tasse avec soin autour de lui, de manière à bien le laisser au centre. On enferme complètement toute cette laine dans un papier à filtre et l’on ficelle en croix. Une série de paquets semblables est soumise à l’action du méthanal saturé, à 100°, pendant des durées variant de 4 à 30 minutes. On les abandonne ensuite 24 heures dans le laboratoire et l’on met en tubes de bouillon stérilisé les petits paquets partiels correspondants. Voici les résultats obtenus : DURÉE DU SÉJOUR dans le méthanal saturé NOMBRE E En expérience. lES TUBES Altérés. PROPORTION des tubes altérés. 4 minutes 10 10 100 0/0 G — . . . 10 9 * 20 — 8 — 10 b 30 — 10 — 10 0 » 15 — 10 0 » 20 — 10 0 » 25 10 0 » 30 — 10 0 » On voit que, dans ce cas, 10 minutes ont suffi pour la stérilisation. — Y 120°, cette dernière était complète en moins de 3 minutes. ACTION ANTISEPTIQUE DU MÉTHANAL SEC ni Les mêmes expériences ont été effectuées avec du kapock, substance qui est très employée depuis quelque temps, à cause de son prix, pour la confection des matelas et surlout des tra- versins. Les résultats ont été identiques, et les voici : DURÉE DU SÉJOUR NOMBRE DES TUBES PROPORTION dans le méthanal saturé. En expérience. Altérés des tubes altérés. 4 minutes 10 G 60 0/0 G — 10 0 0 8 •— 10 2 20 0/0 10 — 10 0 » 10 0 » 20 — 10 0 25 — 10 0 » 30 — 10 0 A 120°, o minutes suffisent encore pour produire une stéri- lisation complète. IV RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Les résultats exposés dans le présent mémoire et dans celui qui l’a précédé fixent nettement la question de la stérilisation des germes microbiens, et du Bacillus subtilis en particulier, par le méthanal sec, aux différentes températures. Les durées nécessaires pour arrivera une stérilisation complète augmentent rapidement et régulièrement au fur et à mesure que la tem- pérature s’abaisse. Cette régularité est même assez marquée pour que, malgré des écarts considérables allant de quelques minutes à plus de 10 jours, on puisse les représenter assez exactement par une formule algébrique. D’autre part, cette étude fournit une idée nette des condi- tions dans lesquelles il convient de se placer pour l’emploi du métbanal comme antiseptique. 718 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Aux températures ordinaires, s’il s'agit par exemple d'une désinfection d’appartement, il est illusoire de songer à obtenir une stérilisation absolue. La destruction intégrale des germes ne sera jamais réalisée; car il y aura nécessairement insuffi- sance. soit dans la saturation de l’atmosphère par le méthanal, soit dans la durée d'exposition, soit surtout dans la pénétration du gaz antiseptique dans les parties profondes des objets. Au point de vue pratique cependant, il conviendra de se placer dans les conditions les plus favorables à la destruction des microbes et, dans ce but, de tenir grand compte de la diffé- rence de rapidité d’action avec la température. Les expériences relatées ci-dessus montrent que, pour une stérilisation complète, s’il suffit de 25 heures à 40°, il faut 3 jours à 30° et plus de 10 jours à 15°. Si, par une généralisation logique, nous éten- dons à tous les germes et, en particulier, à ceux des microbes pathogènes les conclusions fournies par mes expériences, nous pouvons penser que, pour produire le même effet bactéricide, 11 faut beaucoup plus de temps à 15-18° qu'à 26-30°. D'où la conclusion suivante que l'hygiéniste devra toujours avoir présente à l’esprit : la désinfection d’un appartement par l’aldéhyde formique sera d’autant plus rapide que la tempé- rature sera plus élevée : et, pratiquement, des différences rela- tivement petites dans le degré se répercuteront d’une façon considérable sur le résultat. Le meilleur appareil à désinfection sera celui qui permettra d’élever le plus facilement la tempé- rature et de fournir le plus sûrement l’aldéhyde, dans l’appar- tement, à une pression égale à la tension de transformation. S’il s’agit d’objets solides susceptibles dr’être portés sans détérioration aux températures élevées, tels que papiers, livres, instruments, tentures, étoffes, matelas, etc. , la stérilisation et par suite la désinfection seront rapidement et facilement obtenues. A ces températures, et à condition d’opérer en atmosphère saturée de méthanal, la pénétration de l'aldéhyde est facile et par suite l'action très efficace. J'ai déjà réalisé, sur ces principes, un' appareil employé à la désinfection rapide des livrets de caisse d’épargne au moment des dépôts. Grâce à l’initiative de son président, M. Eugène Rostand, la Caisse d’épargne des Bouches-du-Rhône utilise dans ce but, depuis le commencement de février, des 719 ACTION ANTISEPTIQUE DU MÉTHANAL SËC stérilisateurs construits d’après mes indications. Ces appareils présentent une forme analogue à celle que j’ai décrite antérieu- rement ; ils n’en diffèrent que par la disposition du cylindre mobile formant chambre cl’ exposition des objets. Ce dernier, de 14 centimètres de diamètre, présente, ainsi que le tube fixe qui lui sert de support, des fentes longitudinales disposées de telle sorte que, en le manœuvrant de l’extérieur de droite à gauche ou de gauche à droite, autour de l’axe commun des deux cylindres, on puisse, à volonté et sans ouvrir, établir ou supprimer la communication entre la chambre centrale, où se produit le gaz antiseptique, et la chambre d’exposition. Une porte ferme cette dernière à l’avant et permet l’introduction et l’extraction des objets. Au moment des dépôts, les livrets, au nombre de cinq à sept, sont placés séparément dans un panier cylindrique en toile métallique de dimensions convenables. On ouvre la porte, on introduit le panier et l’on ferme. Par un brusque mouvement de droite à gauche, on établit la communication entre les deux chambres. Deux minutes après environ, on fait la manœuvre inverse : on ouvre et l’on remplace le panier par un autre. L’opération totale dure ou maximum trois minutes : on désinfecte ainsi 140 livrets à l’heure. L’encre, le papier ne sont nullement altérés ; l’odeur de méthanal n’incommode pas : aucune personne (employé ou déposant) n’a fait d’observation à ce sujet . En dehors des heures des dépôts, le même appareil est encore utilisé à la Caisse d’épargne des Bouches-du-Rhône pour la désinfection des bons de pain destinés aux indigents. Des étuves de plus grandes dimensions et de formes diffé- rentes, fondées sur les mêmes principes, sont actuellement en construction ; elles réaliseront le but que je me suis proposé depuis l’origine de mes recherches : la stérilisation et, par suite, la désinfection rapide et à sec des objets solides. Note complémentaire sur le microbe de la coqueluche Par les IP* J. BORDE T ET O. (JENGOl*. (Institut Pasteur de Bruxelles.) Afin de faciliter la tâche aux bactériologistes qu'intéresse- raient la culture et l’étude du microbe de la coqueluche, il ne sera pas inutile que nous complétions quelque peu les rensei- gnements fournis dans notre premier article1. Les recherches que nous avons poursuivies depuis l'année dernière ont, pleinement confirmé la conviction que nous avions cru pouvoir exprimer quant à l’authenticité du microbe décrit comme agent causal de la coqueluche. Nous ne revien- drons pas sur les arguments cités dans notre mémoire antérieur; bornons-nous à ajouter que le pouvoir sensibilisateur du sérum d’enfants convalescents de coqueluche s’est constamment mani- festé, dans tous les cas soumis a l’épreuve, avec une remar- quable énergie. Le milieu de culture dont nous avons indiqué la préparation (mélange de sang de lapin et de gélose contenant un peu d’ex- trait glycériné de pommes de terre) nous parait encore le mieux approprié2 à l’isolement du microbe. Mais pour cette opération, le fait le plus important à connaître, c’est que le microbe de la coqueluche se développe, au moins dans la première culture, avecune certaine lenteur; les colonies exigent près de deux jours à l’étuve pour apparaître ; aussi peuvent-elles rester très petites si le milieu n’est pas soigneusement préparé, ou bien s’il sedessè- che, ou s’il se développe dans le tube des colonies assez nom- breuses de microbes banaux qui s’accroissent rapidement et épuisent tout autour d’elles les principes nutritifs. En l’absence de ces circonstances défavorables, on peut, même dans la pre- mière culture, obtenir des colonies qui, si elles ne sont pas trop rapprochées, deviennent très prospères à l’étuve vers le troi- 1. Ces Annales, septembre 1900. 2. Une recommandation qui a son intérêt pour la réussite des cultures est la suivante : Lorsque, pour préparer le milieu de culture, on ajoute le sang- défi- briné au culot de gélose fondue, il convient d’agiter le mélange très soigneuse- ment. En effet, le sang possède une densité notablement supérieure à celle de la gélose; si le mélange n’est pas bien intime, la partie supérieure peut être cons- tituée de gélose mal imprégnée de sang, et former ainsi, lors de l’inclinaison ultérieure du tube qu’on laisse se refroidir, une surface médiocrement nutritive. MICROBE DE LA COQUELUCHE sième jour, et se distinguent en ce qu’elles sont blanches, saillantes, à bords très nettement circonscrits. Certaines expectorations, particulièrement favorables, con- venablement diluées et ensemencées sur le milieu nutritif, nous ont ainsi fourni des cultures presque pures, renfermant par exemple 100 ou 200 fois plus de colonies coqueluclieuses que de colonies de microbes étrangers. Nous avons, après nombre d’auteurs, signalé la fréquence dans l’expectoration coquelucheuse de microbes semblables à celui que Pfeiffer a décrit comme provoquant l’inlluenza1, et mentionné ce fait que la présence de ces microbes constitue très souvent un sérieux obstacle à l’isolement du véritable para- site de la coqueluche. En effet, ils forment des colonies géné- ralement très nombreuses, à développement rapide. Ces microbes ne s’agglutinent nullement sous l’influence du sérum de cheval immunisé contre le microbe coquelucheux, qui agglutine très énergiquement ce dernier; l’emploi de ce sérum permet une différenciation aisée et infaillible. Au micros- cope, ils sont souvent assez difficiles à distinguer du microbe coquelucheux lui meme2. Mais il suffit de quelques cultures successives sur le milieu du sang pour distinguer sûrement les deux microorganismes. Lorsqu’on ensemence en strie assez étroite le microbe coquelucheux sur la surface gélose-sang, on 1. En réalité, au lieu de dire semblables, il nous paraît qu’on devrait plutôt dire identiques. En effet, nous avons cultive parallèlement, pendant un temps assez long, les microbes de cette espèce provenant de cas de coqueluche, et le microbe typique de l’inlluenza, mis obligeamment à notre disposition par M. le IJr Cohen, qui lui-même l’avait obtenu du laboratoire de M. Pfeiffer. Or ces cultures compa- ratives ne nous ont révélé aucune différence perceptible entre les microbes considérés. 2. C’est vrai surtout pour les premières cultures obtenues. Toutefois, certains signes sont utiles à connaître. Quand on les délaie dans l’eau, en vue d’obtenir une préparation, les microbes-influenza donnent une émulsion ayant tendance à une légère agglutination spontanée, de sorte qu’en séchant sur la lame ils se groupent souvent en petits bouquets (voir par exemple la figure 1 planche IX de Jochmann et Krause, Zeitschrift fûr Hygiene, 1901); dans les préparations de coqueluche, les microbes restent mieux disséminés. Au bout de quelques cultures sur notre milieu (parfois même plus tôt), le microbe-inlluenza revêt souvent des formes grandes (parfois gonflées et contournées) ; la taille moyenne s'accroissant ainsi dépasse alors fréquemment celle de la coqueluche. Les bleus phéniqués colorent l’inlluenza d’une manière visiblement plus intense que la coqueluche. Rappelons que le repiquage sur gélose-ascite distingue bien les deux microbes; la coqueluche y forme (assez lentement) une traînée blanche épaisse; la culture du microbe-inlluenza, sans y être à vrai dire tout à fait nulle, reste beaucoup plus mince. 40 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 1-2-2 voit la couche microbienne s’épaissir et faire ainsi, au bout de 2 ou 3 jours, une assez forte saillie. Mais si elle gagne beaucoup en épaisseur, elle ne progresse guère en largeur, de telle sorte que les bords en sont fortement inclinés, presque à pic. Ense- mencé de la même manière, le microbe de Pinfluenza donne une couche très notablement moins épaisse, qui s élargit en formant des bords souvent festonnés, doucement inclinés, luisants et humi- des. D'autre part, la culture coquelucheuse est plus blanche, ne noircit jamais le milieu sanguin sous-jacent, tandis que l'iniluenza1 modifie fréquemment le sang en lui donnant une teinte sombre. Lorsqu’on regarde par transparence la culture de coqueluche, on constate que la traînée de microbes apparaît comme une ligne plus claire que les parties contiguës du milieu nutritif qui n’ont pas été touchées par l'ensemencement. Cet éclaircissement du milieu tient à ce que les microbes ont hémo- lysé les globules sous-jacents et diminué ainsi l’opacité du substratum nutrilif. Nous avons insisté sur ce fait que les formes anormales, très fréquentes chez le microbe de l’iniluenza (qui souvent produit des bâtonnets ou filaments de grande taille, ayant ten- dance au gonflement, à l’irrégularité d’aspect et à la faible colo- rabilité) sont rares chez le microbe de la coqueluche, qui garde avecconstance son aspectde petitcoccobacille dontlesdimensions toutefois, surtout dans les cultures un peu âgées, peuvent être très réduites. 11 s’agit ici bien eîitendu des cultures sur le milieu solide; les cultures en milieu liquide, dont nous allons dire quelques mots, présentent un pléomorphisme plus accusé ; les dimensions sont plus variables, la colorabilité ^plus inégale, sou- vent plus forte, la forme moins ovoïde. Les cultures liquides réussissent facilement, à condition que l’on tienne compte des exigences remarquables que manifeste le microbe de la coqueluche au point de vue du contact avec l'atmosphère. Ce microorganisme ne prospère en effet que dans 1. Les microbes dont il s’agit (identiques où très semblables à l’iniluenza) proviennent de cas de coqueluche, et concordent absolument, par tous leurs caractères, avec les microbes décrits par plusieurs de nos prédécesseurs, notamment Jochmann et Krause. Rappelons que pendant longtemps, au cours de nos recherches, notre attention (comme celle d’autres savants) a été vivement attiri'c vers ces microbes, que l’expectoration coquelucheuse fournissait presque constamment. MICROBE DE LA COQUELUCHE 72:t de très bonnes conditions d’aérobiose. Si l'on ensemence un tube à réactif contenant, un liquide nutritif approprié s’élevant à quelques centimètres de hauteur, et si on le maintient à l’étuve en position verticale, le développement microbien ne se fait qu’avec lenteur et péniblement. Mais si on le couche en position presque horizontale, un trouble intense s’observe bien- tôt dans la partie du tube où le liquide est étalé en couche la plu« mince. Aussi faut-il faire les cultures liquides en vase à fond large et plat, et y verser la quantité de liquide voulue pour que le niveau ne s’élève pas à plus d’un centimètre. On consti- tue un excellent milieu en mélangeant du bouillon peptonisé à 1 0/0, glycériné à 1 0 0, avec partie égale de sérum de cheval (de préférence chauffé au préalable 3/4 d'heure à 57°). Dans ces conditions, le microbe pousse sans guère troubler le liquide: au bout de 4 à 5 jours (le développement est assez lent) le fond du vase est tapissé d’un dépôt blanchâtre un peu visqueux et assez épais. Le liquide se trouble davantage et le dépôt est moins cohérent lorsqu’au lieu de sérum de cheval (qui mani- feste sur le microbe un certain pouvoir agglutinant) on emploie du sérum de lapin. Lorsque au lieu d’employer, pour constituer le milieu de cul- ture, du sérum de cheval normal (chauffé à 57°) on fait inter- venir du sérum de cheval (également chauffé à 37°) immunisé contre le microbe, le développement se fait encore très bien. Mais les microbes s’agglutinent davantage et revêtent une morphologie plus anormale ; ils poussent en streptobacilles ou même peuvent ressembler à des streptocoques en longues chaînettes, leur aspect est donc tout à fait aberrant et ne rappelle en rien celui si régulier qu’affecte le microbe sur le milieu solide. On peut obtenir, par immunisation du cheval, un sérum extrêmement agglutinant1. Si l’on émulsionne dans 2 h 3 c. c. de solution physiologique la couche microbienne développée au bout de 2 jours sur un tube de gélose-sang de dimension moyenne, on obtient (si l’on a soin de délayer les mhrobes d’abord dans très peu de solution, afin de les dissocier conve- 1. Le cheval a reçu, en une quinzaine d'injections successives pratiquées, la plupart sous la peau, quelques-unes dans les veines, une quantité totale d’environ 2 litres et demi de culture liquide bien riche (bouillon glycériné et sérum de cheval neufp ANNALES DE L’INSTLTIJT PASTEUR 72 4 nablement) une suspension bien trouble, d'aspect très homo- gène, presque colloïdal. Or cette émulsion s’agglutine sous l’influence de traces de sérum actif; par exemple, on observe encore lephénomène, si l’on n'ajoute que 1/5000 de c. c. de sérum à 1 c. c. d’émulsion. Un excès trop considérable d'agglutinine nuit à l'intensité du phénomène; à cet égard, le microbe coque- lucheux pourrait servir d’exemple pour l'étude du pouvoir empêchant. déjàsignalé dans d'autres cas par divers observateurs, qu’exercent les doses trop fortes des immunsérums. Les différentes souches de microbes coquelucheux qu’on peut se procurer aux dépens d’expectorations d’enfants atteints de la maladie ne sont pas également agglutinables. Ainsi, le sérum de notre cheval agglutine moins énergiquement le microbe qui a été employé à son immunisation, qu’un autre échantillon pro- venant d’un cas différent de coqueluche. Nous avions espéré pouvoir pratiquer le sérodiagnostic de la coqueluche en recourant à la méthode si simple et si pratiqu.e de l’agglutination. Malheureusementle sérum des enfants atteints ou convalescents de coqueluche se montre très inconstant au point de vue de cette propriété. Elle existe souvent d’une manière manifeste, sans être pourtant d'une intensité bien remarquable; parfois même elle peut manquer presque tota- lement. On se trouve alors en présence de sérums qui, sans être nettement agglutinants, sont très fortement sensibilisateurs. Gomme nous l’avons dit, la méthode de la fixation de l’alexine donne toujours des résultats positifs très accentués. Il y a donc dissociation des deux propriétés. Rappelons à ce propos que le sérum du convalescent de fièvre typhoïde avec lequel nous avons pour la première fois pratiqué l’essai de la fixation de l’alexine (1901) s’est montré fortement sensibilisateur sans être agglu- tinant, et ce fait a été assez souvent observé dans la suite. Au surplus, il y a longtemps que divers observateurs ont noté le manque de parallélisme nécessaire entre l’agglutination et le pouvoir bactéricide. Nous avons signalé les accidents très visibles (irritation excessive, opacification de la cornée, etc.) qui surviennent lorsqu’on injecte dans la chambre antérieure de l’œil, chez le lapin, une trace d’expectoration contenant le microbe à l’état de pureté, ou bien encore un peu de culture sur milieu solide du MICROBE DE LA COQUELUCHE 725 virus coquelucheux. On peut observer aussi des phénomènes remarquables en injectant le microbe dans le péritoine du cobaye1. A vrai dire, il convient d'employer à cet effet non des cultures liquides (qui sont très peu actives) mais une émulsion dans la solution physiologique de culture solide sur gélose-sang, âgée de 2 — 3 jours. — Un poids faible de microbes (il suffit de 1 1/2 à 2 milligrammes, lesmicrobes étant pesés à Uétat humide) provoque la mort, le lendemain ou le surlendemain de l’injection. Chose remarquable, il ne s’agit pas d’infection, les microbes ne se reproduisant pour ainsi dire pas dans le péritoine; à l’au- topsie, c’est à peine si on en découvre quelques-uns dans le liquide d’exsudat; parfois même tous ont été englobés par les phagocytes qui ont afflué en grand nombre. Mais on constate des phénomènes d'intoxication très accentués se traduisant par la production de pétéchies mouchetant de taches rouges les parois de la cavité, par une congestion des organes abdominaux, par de vastes épanchements (souvent teintés de rouge) de la cavité pleurale, parfois aussi de la cavité péricardique, par une con- gestion excessive des vaisseaux cardiaques. On constate aussi de la dégénérescence graisseuse du foie. Avant la mort, le symptôme le plus apparent que l’animal manifeste consiste en une très forte dyspnée, allant jusqu’au tirage, d’apparition assez précoce et qu'explique notamment l’exsudation pleurale. L’in- jection sous-cutanée donne de l’œdème. Les émulsions de cultures solides dans la solution physio- logique, tuées par le toluol ou le chauffage à 56° pendant une demi-heure, et injectées dans le péritoine des cobayes, amènent aussi la mort, en produisant les phénomènes d’intoxication, notamment l’intense épanchement pleural; cependant elles ne donnent guère lieu à des pétéchies. D’autre part, il en faut des doses plus fortes que lorsqu’il s’agit de microbes vivants. Le sérum de cheval immunisé, qui est si énergiquement agglu- tinant, ne possède qu’une vertu antitoxique médiocre; il faut en ajouter des doses assez fortes à l’émulsion microbienne pour que celle-ci puisse être injectée dans le péritoine sans amener la mort. Il convient de dire que nous ne possédons qu’un seul cheval immunisé, et que par conséquent nous devons garder une 1. L’injection dans le péritoine du lapin produit, à dose un peu plus forte, des effets identiques. 72G ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR certaine réserve dans l’exposé des propriétés de l’immunsérum, l’efficacité éventuelle de celui ci pouvant être variable suivant l’animal qui l’a fourni. — - Néanmoins, il est fort probable que le sérum de chevaux immunisés contre le microbe de la coque- i uche se range dans la même catégorie que le sérum antityphique et. d’autres encore, lesquels, tout en manifestant d’une manière très prononcée certaines propriétés, telles que le pouvoir agglu- tinant. ne sont pas suffisamment antitoxiques. On devra évi- demment tenter d’exalter cette dernière propriété; en effet, des essais assez nombreux pratiqués sur des enfants coquelu- cheux, avec le sérum dont il a été question, ont donné des résul- tats | L : I 1.6 2,8 3,2 2 2,1 b 5,8 6, 4 o,8 i 6,0 5 8,0 5.6 6 2 5.7 o. 3,0 2,5 2.3 3 2,5 1 ,5 3,2 2,4 2.4 3,2 d 9,5 9,2 7,5 8 7 3 6 6,4 8.1 7,3 8,6 e 7,4 8 10 10 9,7 5 8,8 9 8,8 9,5 f 2,7 O 2.4 O i n £2 5 ï 2 2,5 1,5 & a £ 2,5 3,2 3,2 1 3,0 Observations Les formes j runes prèdo- minent. Formes jeunes nom- breuses ÉTUDE DU SURRA D’IISDO-CHINE 743 La virulence pour les animaux de laboratoire était à peu près semblable, mettant à part celles de Ban Tour, dont l’étude a été interrompue, et celle de Hué, dont nous n’avons eu que des préparations dues à l’obligeance de M. Bauclie. Tableau montrant les délais de mort (en jours) des animaux inoculés. VIRUS COBAYES LAPINS RATS CHIEN Nhatrang lt‘05 03-57-27 12 9-11 28 36-17-13 Hanoï 1905 25-57 6 j- 8-10-13 25 17-37 (Montrait des T.) Dan-Don 40-25-17-19 22-11 0-10-13 11-14 17-12-6 Nguyen-Duoc 19-15-46 22-10-6-23 T 22 L’animal de passage était le cobaye, dans tous les cas ci-dessus, sauf pour Nguyen Duoc, où nous nous sommes servi du lapin. Il semble que le trypanosome acquière plus de virulence, par des passages répétés, pour l’animal choisi. Les chiffres ci-dessus étant donnés par ordre d’inoculations successives, sem- blent bien le prouver. -*• Jamais, au cours des différentes épizooties de Surra, nous n’avons pu trouver d’autres malades que des chevaux. Nous avons pourtant pu constater, en même, temps, deux cas spon- tanés de Surra chez le chien de race indigène. Mais c’était à Nhatrang même, et les animaux avaient pu pénétrer dans la salle d’autopsie et se repaître de cadavres d’animaux morts, probablement de lapins. L un d’eux, qui nous appartenait, a succombé 20 jours après ANNALES DE L’INSTITUT PASTEl ll le début des accidents, dont nous avons immédiatement reconnu la nature. Un traitement au trvpanroth et à Farse- nite de soude n’a pas eu d’elfet appréciable. L’animal a pré- senté, sur la lin, de la conjonctivite et de la kératite, alors qu’aucun de nos nombreux chiens d’expérience n’a montré d’accidents oculaires. L’autre chien, appartenant à un indigène, n'a pu être suivi de près ; il a présenté des parasites, et a succombé une vin g taine de jours après. Nous incriminons les cadavres de lapins pour ces deux con- taminations accidentelles. Comme tous les expérimentateurs nous avons constaté que le sang du cheval, après la moi* naturelle de Surra,' se montre assez rarement virulent, ainsi que celui du cobaye. Le sang d’un rat ayant succombé1 montre, le plus souvent, de très nombreux trypanosomes, à tous les slades de dégénérescence, et transmet infidèlement la maladie avec de longs retards d’incubation. Au contraire, le sang de lapins, pris dans les mêmes conditions, montre d’ordinaire des trypanosomes, peu nombreux, mais vivants, bien mobiles et communique le Surra dans les délais normaux. IL — Trypanosomiase chez le boeuf. Le 31 août 190b, en dehors de toute épizootie de Surra, deux bœufs mouraient chez un nommé Nguyen Duoc, au village de Phu-An, à 8 kilomètres de Nhatrang. C’est dans les maisons avoisinant celle de Nguyen Duoc que sévit l’épi- zootie de Surra de 1904. Au moment de la mort de ces bœufs, il y avait eu plusieurs cas de charbon chez le cheval et chez le bœuf, aux environs immédiats de Nhatrang. M. Bauclie, inspecteur des épizooties, se rendit à Phu-An, pratiqua l’aulopsie des animaux sans trouver de lésions nettes, et rapporta au laboratoire préparations et pipettes de sang. L'autopsie ayant été tardive, un trouva des bactéries banales (septique-staphylocoque, bactéries ovoïdes); on ne rencontra pas de trypanosomes. On inocula, avec le sang de chaque bœuf, deux cobayes et ETUDE DU SUR H A RINDÜ-CIIINE 745 un lapin. Dos le lendemain. les quatre cobayes moururent d’infection septique, les lapins survécurent. Mais, le 22 sep tembre (22 jours après l'inoculation) un dos lapins mourut, présentant des trypanosomes ; l'autre lapin n’eut jamais rien. Au moins l’un des deux bœufs de Nguyen Duoc était donc infecté de trypanosomiase. On lit avec ce premier lapin une série de passages et d'inoculations ; la virulence était en tout comparable à celle des épizooties de Nhatrang J(.)l)4 et 4905. Les dimensions étaient aussi analogues, i N oir les tableaux ci-dessus.) 11 fallait savoir si les autres bovidés habitant les environs de cet ancien foyer hébergeaient dos hématozoaires. Avec 2 c. c. de sang de chaque Ruminant habitant les étables situées dans un rayon d’environ 500 mètres autour de l’étable de Nguyen Duoc, nous inoculâmes deux rats. Ce fut en vain, nous n’avons pu mettre aucun parasite en évidence. Le cas du bœuf de Nguyen Duoc devait être isolé, le dernier d’une série de contaminations sans accidents visibles se poursuivant en silence chez les Ruminants depuis l'épizootie 1904. III. — Trypanosomiase du buffle. M. V assal a montré que le buffle d'Jndo-Chine, pou sensible à la trypanosomiase, présentait longtemps dans son sang les parasites inoculés. Le bufflon dont il relate l’histoire a porté des Trypanosomes pendant cinq mois, du 7 janvier au 24 juin 1905. Le 5 octobre, le sang de cet animal se montrait avirulent. C’est à ce moment que M. Vassal termine l’intéres- sante observation de ce sujet. Le 26 mars 1906, nous inoculâmes 20 c. c. de son sang à un chien, qui resta indemne. Les parasites n'avaient pas reparu. Le 11 septembre, le bufflon reçut 5 c. c. de sang, riche < n Flagellés, venant d’un chien porteur de notre virus de Ban Don. Les 18-19-20, l’animal oui une bvperlhermie passagère, ce fut tout. Son poids, de 169 kilogs à la fin de l’expérience de M. Vassal, était de 191 au début de la nôtre: il a passé par un maximum de 198. cl il est retombé h 197 le 2 janvier. L'appéti ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 746 a toujours été bon: F examen direct du sang, fait tous les deux jours, n’a jamais montré de parasites. Mais, en revanche, ce sang s’est constamment montré infectant pour le rat du 19 septembre au 29 décembre ; les rats inoculés à partir du 21 janvier 1907 n’ont plus été contaminés. Un des rats inoculés le 29 décembre — rat B. 14 — est mort Rois jours après, sans montrer de parasites, mais son congénère (B. 13) a présenté pour la première fois des Trypanosomes le 6 janvier (après huit jours d’incu- bation); on en trouvait un pour huit champs, puis le 7 même fréquence, plus rares le 10 ( 1 pour trente champ), augmentant le 12 (1 pour 15), nombreux le 14 (2 par champ), plus encore le 16 (4 par champ), ont diminué le 17 (2 par champs) et ont disparu le 19. — Après ce jour, on n’a plus revu de parasites. Il s’agissait bien de T. Evansi, préparations fraîches et colorées étaient univoques. B. 13 n’a succombé que le 2 février (trente-cinq jours après l'inocula- tion). On n’a pas retrouvé de parasites sur le cadavre. Les rats, on le sait, supportent fort mal la captivité. Il n’est pas rare de voir des rats, non inoculés, succomber vingt jours après leur capture. Le tableau suivant montrera que, dans l’ensemble, le trypanosome tuait le rat de moins en moins vite, au fur et à mesure qu’il vieillissait sur le buffïon. ÉTUDE DU SURRA D’INDO-CHINE 747 Épreuve des rats par le sang du buf/lon. Nos DES RATS DATE D1NOCULATION DATE DE MORT DELAI ) observations 1 19 septembre. 25 septembre. G jours. 9 » 25 septembre. 6 — B. 1 29 septembre. 2 octobre. 3 Mort accidentelle. (Pas vu T.). B. V * 8 octobre. 9 — 15. 3 6 octobre. 19 octobre. 13 — 15. 4 » 20 octobre. 14 — B. 5 25 octobre. 13 novembre. 18 — p. G I 1 » 7 novembre. 12 — 15. 7! 13 novembre. 23 novembre. 10 — B. s ; » 23 novembre. 10 — B. 9 23 novembre. 7 décembre. 14 — B. 10 r 3 décembre. 10 — B. 11 12 décembre. 27 décembre. 15 — B. 12 » 2G décembre. 14 — B. 13 29 décembre. 2 février 35 — B. 14 » 1er janvier. 3 — Mort accidentelle. B. 15 21 janvier. 4 février. 14 — Jamais vu de T B. 16 » 9 février. 19 — — — B. 17 ■ 9 février. 25 février. 16 — — — B. 18 )) 26 février. 17 — - — Rapprochant ces faits de l’histoire des trypanosomes de Ban Tour, nous sommes naturellement conduit à penser, avec M. Mesnil *, que les différences observées tiennent à la « généalogie » des trypanosomes, et à ne pas attribuer trop d importance à la virulence des Trypanosomes pour leur classification. Le buffle n est pas immunisé par une première atteinte de Surra. Un parasite de virulence plus grande, ou d’origine 1. Bull. Inst. Pasteur, t. II, p. 917, et t. IV, p. 454, Analyses des travaux de A. Schilling et de Theiler, par F. Mesnil. 748 ANNALES DE l/INSTITUT PASTKIJIt différente. peut encore le contaminer à nouveau c( faire « I < * lui, pou r de longs mois, un redoutable réservoir de virus, ce qui augmente considérablement le danger qu’offre cet animal dans la transmission du Surra. Notre ami. M. Bauche, vient de remarquer, dans l’épizootie de Hué, que les seuls chevaux atteints étaient les poulinières et les poulains (pi on laissait librement pâturer le jour, alors que leurs congénères, chevaux d’attelage, restant toute la jour- née à l’écurie ou n’en sortant que pour le travail, n étaient pas atteints. Pourtant, en lndo-Chine, les écuries sont large- ment ouvertes, et les bêtes reproductrices partageaient, la nuit, le logement des animaux indemnes. Mais l’écurie des bestiaux était éloignée. Cette constatation nous a frappé; nous avons retrouvé, dans nos notes, que dans l’épizootie de Surra qui a sévi dans les écuries de l’Institut (Suoi-Giao, en 1905). aucun des huit chevaux d’attelage, restant à Décurie, n’a été atteint, alors que sur 87 chevaux allant pâturer, 18 avaient succombé (20 0 0). Là aussi, l’étable des buffles était éloignée. Les pâturages ne sont ni très étendus ni très plantureux, en lndo-Chine; buffles, bœufs, chevaux, voisinent sans cesse. Les diptères sanguicoles, voletant des uns aux autres, peuvent aisément communiquer la maladie. Au sujet de l’épizootie qui a sévi dans la province de Ninli- Binh (octobre 1905) notre distingué confrère, M. Bodin écrivait1: « Les bœufs et les buffles de l’exploitation, en contact constant avec les chevaux, n’ont pas été éprouvés, et ont été piqués, sans aucun doute, par des mouches ou taons infectés, il semblerait que ces animaux se soient montrés réfractaires à la maladie... » Ces lignes, écrites avant la publication du travail de M. Vas- sal. donnent, par antithèse, la clef de la contamination des chevaux. Toujours, dans toutes les épizooties que nous avons vues ou qui ont été relatées, il y avait eu ce contact des équidés malades et des grands Ruminants domestiques. Ainsi que le pense Pease2, pour l’Hindoustan. le buffle joue « un rùle \ . Bulletin économique lndo-Chine. Octobre 1 90 V . p. 40. 2. Journ. of. trop. ret. sc., 1900, p. 70-01-127-121). ÉTUDE DU SU HH A I) INDU CHINE 7-49 important dans là propagation du Surra.». Tous les faits exposes nous permettent de généraliser et de dire que les grands Ruminants jouent un rôle considérable. La prophylaxie du Surra nous en semble précisée et simplifiée. IV. Exi’KHIËNCKS diykksks. Albuminurie. — Les juments 14- 16-21 de Suoi-Giao, atteintes, en 1905, •le trypanosomiase spontanée, présentent de nombreux parasites. Leur urine, éprouvée par la chaleur et l'acide nitrique, contenait une forte propor- tion d’albumine, sans sucre ni pigments biliaires. Elles ont succombé après- cette poussée. La jument 28 a présenté quelques poussées de trypanosomiase. L<- 17 décembre 1905, les trypanosomes sont rares (I pour 5 champs). On ne trouve pas d’albumine dans l’urine. Le 20 décembre : examen du sang négatif; pas d’albumine. Le 23 : trypanosomes nombreux (2 par champ) l'urine coagule par la chaleur et l’acide azotique. On ne trouve ni sucre ni pigments biliaires. Le 25 décembre : le nombre des trypanosomes décroit; on ne trouve pas d’albu nine. Le 28 : la jument meurt à 5 heures du matin. Les parasites ont disparu. L’urine n’est plus albumineuse. Cette albuminurie doit être en rapport avec les lésions de néphrite parenchymateuse subaiguë signalées par A. Mas- saglia1. Mais elle semble aussi liée avec les « crises » traversées par l'organisme, au moment des pullulations de l'hématozoaire. Salive. — La jument 31 présente de nombreux trypanosomes le 16 novembre 1905. On lui injecte 0 gr. 05 de nitrate de pilocarpine. Cinq minutes après, on recueille un demi-verre de salive. Très sale, celle-ci est filtrée sur papier filtre très mince. Elle passe rapidement, encore trouble, mais débarrassée des plus gros débris végétaux qui l’encombraient. On inocule deux cobayes, S. 1 et S. 2. avec 2 c. c. de ce filtrat. Avec 1/4 de c. c. de sang, on inocule un cobaye témoin. Le témoin présente des parasites six jours, et meurt vingt-tiois jours après la contamination. S. 1 et S. 2 n’ont rien présenté, sauf de l’œdème aux points d’inoculation, dû aux impuretés du liquide. S. 1, réinoculé le 11 décembre avec 1 2 c. c. de la jument 28 parasitée, laisse voir des parasites le 16 décembre (5 jours après l’inoculation) et meurt le 5 janvier (25 jours). S. 2, inoculé le 20 octobre 1906, avec 3 gouttes du sang du lapinn» IV 1. Bulletin, Inst. Pasteur , IV, p. 6G8. 750 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (virus bœuï Nguyen Duoc), présente des parasites le Rr novembre (après t l jours d’incubation) et meurt le 4 décembre (en 46 jours). La salive n’avait ni contaminé ni immunisé les cobayes S. 1 et S. 2. Action de la chaleur et de la lumière solaire. — Ayant pu cons- tater le peu de sensibilité des cobayes sains à l’action du soleil tropical, nous avons voulu voir l'action que pourraient avoir la lumière et la chaleur sur des animaux surrés. Le 20 octobre, trois cobayes, C. 1 et C. 2, et C\ 1. reçoivent chacun 2 c. c. de sang d’un chien présentant à ce moment de nombreux parasites. Les animaux G furent mis dans une cage grillagée sur les quatre faces, recouverte d’un toit ne déb œdant pas, exposée au soleil devant un mur blanc. Les animaux recevaient les rayons directs de l’astre, de 6 heures du matin à 10 heures,' et de 2 à 5 heures du soir. Le cobaye C'. 1 fut laissé à l’ombre, dans un bâtiment où ne pénétrait que la lumière diffuse. Il montra des parasites trois jours, et mourut treize ours après l’inoculation. Ceux exposés au soleil eurent dès Je début une très forte hyperthermie (40°, 40° 5). Ils montrèrent des parasites après quatre et six jours d’incu- batio i et moururent 24 et 32 jours après le début de l’expérience. Ce sont là de trop légères différences pour que l’on puisse conclure à une action. Des cobayes inoculés dans les condi- tions ordinaires peuvent en montrer de plus fortes. Trypanosomes et Septicémie microbienne. — Massaglia1 dit qu’ « une septicémie microbienne intercurrente (par exemple à streptocoques) fait disparaître les trypanosomes du sang, h Nous avons pu vérifier le fait pour la bactéridie charbon- neuse. Le 30 août l‘J0G, une chienne annamite de 2 ans reçoit 5 gouttes de sang du cobaye no 2 (virus de Ban Don) contenant un trypanosome pour 6 champs. Le 4 septembre : on voit les trypanosomes pour la première fois. Le 10 : parasites très nombreux (5-6 par champ). Le 14 : trypanosomes peu nombreux (1 pour trois champs). La chienne meurt le 16, à huit heures du soir. Les trypanosomes ne sont plus trouvés dans Je sang, où pullulent des bactéridies. Quelques jours auparavant, un de nos bœufs de voiture était mort spontanément de charbon. Quelques animaux d’expérience avaient été ino- culés et avaient succombé. L'indigène chargé de nourrir la chienne avait manié ces cadavres. 1. Loc. cit. ÉTUDE DU SURRA D’INDO CHINE 751 Le chien anamite offre au charbon la même résistance que les animaux de race européenne. L’infection de Surra avait aholi celte résistance. Conclusions a. — Il semble que les épizooties à trypanosomes de J Indo- chine soient causées parle meme parasite. b. — Les parasites provenant des différents foyers de Surra peuvent présenter de notables variations d’activité. Ces varations soni attribuables à la « généalogie » des parasites. c. — Le buffle n'est pas vacciné par une première atteinte de Surra, et peut, au moins à deux reprises, être porteur de parasites virulents sans paraître malade. On trouve des bœufs infectés en dehors de toute épizootie. Le rôle des bovins et bubalins apparaît primordial dans la propagation du Surra. Là prophylaxie de celte affection peut donc se résumer ainsi : 1° Lutte contre les agents de transmission : drainages, déboisement, faucardement des cours d’eau, protection méca- nique des écuries. Choix des terrains de pâture; 2° Eloignement des équidés du réservoir de virus, — buffles et bœufs, — et dans les écuries et au pâturage; 3° En attendant un agent curateur efficace, abatage des malades. Dépister les cas latents par la concentration en lieu choisi (à l’abri des taons) des animaux exposés à la contagion, par des prises de température, des examens de sang, des ino- culations au rat. d. — L’albuminurie semble constante au moment des « crises ». c. — La salive des chevaux malades ne paraîl pas viru- lente quand elle n'est pas souillée de sang. /'. — La chaleur et la lumière solaire ne semblent pas avoir 752 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR d action modilicatricc nette, en aucun sens, sur révolution du Surra. g. — Les septicémies microbiennes (fièvre charbonneuse) font disparaître les trypanosomes. Nlialrang, mars 1907. Le Gérant : G. Masson. Sceaux, — Imprimerie Charairè. 2dme ANNÉE OCTOBRE 1907. N° 10 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR SUR LA PROPHYLAXIE DE LA SYPHILIS Rapport fait au XIIe Congrès international d’hygiène de Berlin. Par Élie METCHNIKOFF Invité par l’estimé président de notre section à vous faire un rapport sur la syphilis, j’ai l’honneur de vous entretenir des recherches que nous avons faites avec M. le Dr Roux, en collaboration avec M. le Dr Salmon. Depuis le rapport que nous avons présenté au Congrès de Bruxelles en 1903, nos études expérimentales ont été dirigées principalement vers la découverte de quelque moyen pratique pour empêcher l’éclosion de la syphilis après l’infection par le virus. Les tentatives pour préparer soit un sérum antisyphilitique efficace, soit un vaccin ne contenant pas de virus vivant ayant échoué, nous avons étudié, M. Roux et moi, l’action prophylactique des pommades à base de mercure. Les résultats positifs que nous avons obtenus ayant déjà été communiqués au Congrès de Dermatologie à Berne, en 1906, et publiés dans les Annales de V Institut Pasteur, en 1905 et 1906, nous nous bornerons à les résumer en quelques mots. Nous avons établi que, parmi les pommades à base de mercure que nous avons expérimentées sur les singes, ce sont les pommades qui contiennent 25 à 33 0/0 de calomel pour 75 0/0 ou 67 0/0 de lanoline qui nous ont donné les meilleurs résultats. Aux faits que nous avons exposés dans les mémoires mentionnés, nous pouvons ajouter toute une série de nouvelles expériences qui confirment pleinement le rôle préventif de la pommade au calomel convenablement préparée. On nous a fait observer que les pommades qui contiennent une si grande quantité de lanoline manquent d’onctuosité, surtout en hiver lorsqu’elles sont exposées au froid. Dans le but de les rendre plus molles, nous avons modifié leur composition en ajoutant soit de la vaseline, soit de l'huile de pied de veau. Pour diminuer la quantité de préparation mercurielle, nous avons essayé de remplacer le calomel par des doses moindres de préci- pité blanc. Sans entrer dans le détail de ces expériences, nous nous contenterons d’en 48 754 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR communiquer le résultat. L'addition d’un dixième de vaseline à la pommade au calomel, dont nous avons donné la formule, n’empêche d’aucune façon son action préventive, tandis que toutes les autres modifications que nous avons tentées lui ont fait perdre son efficacité. Nous n’avons pas eu plus de succès avec une pommade au nitrate d’argent, que nous avons essayée dans l’espoir d’empêcher en même temps la syphilis et la blennorrhagie. Nous insistons sur l’emploi de la pommade contenant 33 grammes de calomel, 67 grammes de lanoline pure et 10 grammes de vaseline. Cette pommade est plus onctueuse que nos pommades originelles, bien qu’elle ne soit pas encore aussi molle qu'il le faudrait. Seulement, en présence des essais infructueux faits avec d’autres préparations, nous pensons que l’incon- vénient de sa consistance trop grande ne doit point s’opposer à l’emploi préventif de la pommade dont nous venons de donner la formule. En plein hiver il n’y a qu’à la maintenir à l’abri du froid afin qu’elle garde suffisam- ment de souplesse pour être employée avantageusement. Après le grand nombre de résultats favorables sur des singes, auxquels est venu s’ajouter une expérience concluante faite surM. le Dr Maisonneuve qui a échappé à la syphilis grâce à l’emploi de la pommade au calomel appli- quée une heure après une inoculation massive de virus, on aurait pu croire que la prophylaxie de la syphilis pénétrerait facilement dans la pratique courante. En réalité, elle a rencontré de vives objections de la part de plu- sieurs syphiligraphes. D'abord on lui a opposé les recherches expérimentales de M. le professeur Neisser et de ses collaborateurs de Batavia d’après les- quelles l’emploi de la pommade au calomel aurait donné autant d’insuccès que de succès. Mais, ainsi qu’il résulte de la communication de M. Neisser, faite au Congrès de Berne en septembre 1906, ses résultats négatifs se rap- portent aux expériences dans lesquelles il avait employé des pommades « Kalomel-Ivochsalzsalbe » et « Kalomel-Wassersalbe » qui ne contenaient que 10 0/0 de calomel. Ces résultats, au lieu de contredire les nôtres, se trouvent en parfaite harmonie avec eux et démontrent une fois de plus que les pommades qui contiennent moins de 25 0/0 de calomel sont ineffi- caces. Malgré ces faits et malgré que M. Neisser recommande lui-même l’emploi préventif d’une pommade à 30 0/0 de calomel, quelques syphiligraphes con- tinuent à le citer comme adversaire de notre méthode. D’autres insistent sur l’insuffisance de nos expériences et sur les résultats négatifs de quelques observations sur l’homme. Aux deux cas insuffisamment étudiés par MM. Gaucher et Lévy Bing, dont nous avons fait la critique dans le cinquième mémoire sur la syphilis que nous avons publié, M. Roux et moi, il est venu s’en ajouter un troisième. Nous en avons eu connaissance par les Annales des^maladies vénériennes où nous avons trouvé un article intitulé : « Sur un nouveau cas de syphilis malgré l’emploi de la pommade au calomel ». Il s’agit « d’un Péruvien de passage à Paris, qui, confiant dans l’efficacité de la pom- made~au calomel, avait cru pouvoir, sans danger, profiter largement de son séjour dans la capitale. Malgré ce moyen prophylactique, il fut contaminé. » Nous n’avons trouvé aucun renseignement sur la composition de cette « pommade au calomel » restée sans effet. SUR LA PROPHYLAXIE DE LA SYPHILIS 755. Persuadés que, pour être efficace, la pommade doit correspondre à notre formule et désireux de nous rendre compte des pommades que le client peut trouver chez les pharmaciens, nous avons prié un de nos amis de nous pro- curer quelques-unes de ces préparations provenant de plusieurs pharmacies de Paris. Nous en avons ainsi reçu toute une collection que nous avons soumise à l’épreuve. La personne de confiance demandait aux pharmaciens de la pommade préventive contre la syphilis. Quelques-uns renvoyaient le client, affirmant qu’une telle pommade n’existait pas; d’autres fournissaient la pommade du Codex dont le simple aspect était tout différent de la vraie pommade préventive et qui contenait 10 0/0 de calomel et 90 0/0 de vaseline. Un pharmacien donna à notre envoyé une pommade étiquetée « Pommade de Metchnikoff » qui ne contenait que 9 0 0 de calomel, d’après l’analyse faite par M. Villa, préparateur à l’Institut Pasteur. Plusieurs pharmaciens ont lancé des spécialités, sous différents titres, préconisant leur effet pré- ventif contre la syphilis et citant abusivement nos noms ou celui de l’Institut Pasteur. Quelques-unes de ces préparations correspondaient à notre formule, andis que d’autres lui étaient absolument étrangères. Il n’est guère étonnant que, dans ces conditions, des personnes qui usent de ces pommades au calomel Inefficaces soient atteintes de syphilis. Seule- ment, au lieu de démontrer l’inutilité de la méthode, ces exemples ne font que démontrer la défectuosité de sa mise en pratique. Puisque la prophylaxie de la syphilis par la pommade au calomel repose sur des faits expérimentaux rigoureusement établis, il n’y a aucune possibi- lité de la mettre sérieusement en doute. Seulement, cette méthode n’ayant d’efficacité que si elle est employée dans les quelques heures qui suivent le contact infectieux, elle peut rester impuissante dans certains cas. Il nous est arrivé de recevoir les doléances de personnes venant de constater qu’elles avaient été en contact avec des individus syphilitiques plusieurs jours aupa- ravant. A leur question : dans ces conditions, la pommade au calomel peut- elle encore être utile? nous répondions naturellement par la négative. Mais, persuadés que des exemples pareils sont loin d’être rares dans la vie cou- rante, nous avons cherché quelque moyen préventif, capable d’empêcher l’éclosion de la syphilis à un moment où la pommade au calomel n’a plus d’action. Après que M. Uhlenhutheut démontré l’efficacité de la préparation arsé- nicale, connue sous le nom d’Atoxyl, dans les infections spiriliennes des animaux, et que M. le Dr Salmon eut fait connaître les premiers succès obtenus avec ce médicament dans le traitement des accidents syphilitiques, il était tout naturel de se demander si l’Atoxyl n’avait pas la propriété d’en - pêcher la syphilis plus ou moins longtemps après l’infection. Profitant de l’expérience de M. Salmon dans le maniement de l’atoxyl, nous nous sommes associés avec lui pour exécuter plusieurs séries d’expé- riences sur le rôle prophylactique de cette préparation. Indépendamment de nous, cette question a été étudiée par MM. Uhlenhuth, Hoffmann et Rosclier qui ont soumis des singes, aussitôt après les avoir inoculés avec du virus syphilitique, aux injections répétées d’atoxyl. Huit animaux traités de cette façon restèrent indemnes. Mais, comme quelques-uns des témoins, qui 75G ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR n’avaient pas reçu d’atoxyl, ne manifestèrent pas non plus d’accidents syphi- litiques, les savants nommés se sont gardés de tirer de leur expérience une conclusion définitive. Dans son rapport sur l’étiologie de la syphilis, présenté à ce congrès, M. Hoffmann considère comme « encourageants » les résultats obtenus sur la prophylaxie à l’aide de l’atoxyl. Dans notre première expérience, deux macaques javanais ont subi le traitement par des doses répétées d’atoxyl après l’inoculation du virus syphi- litique, faite aux arcades sourcilières. Le premier de ces singes a reçu la première dose de 15 centigrammes le jour même de l’inoculation. Il en reçut encore 5 autres dans l’espace de 17 jours, ce qui a fait au total une quantité de 90 centigrammes. Pour un animal qui ne pesait pas 51ivres(2. 360 grammes) elle était trop forte car. déjà après la deuxième injection, il manifesta une paralysie passagère des pattes postérieures. Par contre, le second macaque ne reçut en tout que 30 centigrammes en 4 injections, dont la première n’était pratiquée que le huitième jour après l’inoculation. Les deux singes, étant restés définitivement indemnes de tous accidents syphilitiques, cette expérience nous démontre la possiblilité de prévenir ceux-ci par l’atoxyl. Cinq autres macaques (3 javanais et 2 rhésus), inoculés avec les mêmes virus, ont ac msé des chancres typiques aux endroits inoculés. Deux de ces témoins n’avaient subi aucun traitement, tandis que 3 autres avaient été traités avec des pommades autres que celle que nous recomman- dons pour la prophylaxie de la syphilis. Malgré ce traitement, les 3 macaques ont été pris de chancres des plus typiques. Afin d’établir si l’éclosion de la syphilis pouvait être empêchée par des doses plus faibles d’atoxyl, un macaque bonnet chinois ne reçut en tout que 20 centigrammes, répartis en 4 injections, faites pendant les premiers jours après l’inoculation du virus. Cette fois encore le résultat a été positif, c’est- à-dire que le singe resta indemne, tandis que ses 3 témoins contractèrent le chancre syphilitique. Cette expérience ayant démontré que des doses relativement faibles d’atoxyl suffisaient déjà pour empêcher la syphilis, nous en avons fait une autre dans laquelle nous nous sommes contentés d’une seule injection d’ato- xyl. Un macaque rhésus de 3 kilos, inoculé avec du virus aux arcades sour- cilières, resta indemne àla suite d’une injection de 15 centigrammes d’atoxyl faite le huitième jour après l’inoculation. Trois témoins, dont un rhésus, un papion et un javanais, contractèrent la maladie. Comme le rhésus est, parmi bs macaques, le moins sensible à la syphilis, on pouvait supposer que l’immunité, dnns notre expérience, était due non pas à l’action de l’atoxyl, mais simplement à un certain degré de résistance naturelle ; aussi, dans une autre expérience, nous avons pris 4 bonnets chinois dont 3 furent soumis au traitement et un seul gardé comme témoin. Le premier de ces animaux avait reçu 15 centigrammes d’atoxyl le lendemain, le second reçut la même dose le quinzième jour après l’inoculation du virus. Le troisième, un gros macaque de 3 kilos, ne fut injecté qu’avec 10 centi- grammes et ceci 15 jours après l’inoculation des produits syphilitiques. Seul le témoin accusa un chancre induré, 34jours après le début de l’expérience. Dans le but d’établir la dose minima d’atoxyl capable d’empêcher la SUR LA PROPHYLAXIE DE LA SYPHILIS 757 syphilis, un rhésus ne reçut que 25 miligrammes. Cette fois le résultat a été négatif, car le singe contracta l’accident primaire. Après avoir établi qu’introduit sous la peau l’atoxyl empêche l’éclosion du chancre, même lorsqu’il n'a été injecté qu’une seule fois 2 semaines après l’inoculation, à la dose relativement faible de 33 milligrammes par kilo l’animal, il a fallu rechercher la limite pendantjjlaquelle s’exerce encore son action préventive. Dans cette intention, un bonnet chinois reçut une injec- tion de 10 centigrammes tout à fait au début de son accident primaire. Le chancre a été arrêté pendant un moment, mais ne tarda pas à présenter une récidive. Pour compléter l’étude de la prophylaxie par l’atoxyl, 2 macaques, ayant été auparavant traités à titre préventif avec succès, furent soumis à une nouvelle infection, non suivie de traitement. Un de ces animaux, inoculé 77 jours, etun autre, inoculé 91 jours après la première inoculation, contrac- tèrent tous les deux l’accident primaire caractéristique. Cette expérience démontre qu'à la suite de la première inoculation il n’y a eu ni généralisa- tion du virus, ni immunité consécutive. Dans la prophylaxie des maladies infectieuses, plus une méthode. estsimple. plus elle a de chances d’être appliquée : nous avons donc recherche si l’ab- sorption de l’atoxyl par la bouche suffirait pour empêcher l’éclosion de la syphilis. Nos multiples tentatives n’ont donné que des résultats trop impar- faits pour qu’il soit nécessaire d’en parler longuement. Autant les injections sous-cutanées d’atoxyl sont efficaces et inoffensives, à moins d’employer des doses trop fortes, autant l’ingestion de l’atoxyl est sujette à caution. Le but principal de nos expériences sur les singes était de savoir si l’emploi de l’atoxyl pouvait être de quelque utilité pour la prévention de la syphilis à une période où les pommades au calomel n’ont plus d’action. Le fait qu’une seule injection, pratiquée jusqu’à 15 jours après l’inoculation du virus, empêche l’infection, présente déjà une grande importance. Mais surgit la question de la toxicité de l’atoxyl, qui a tant attiré l’attention de la part des médecins qui manient ce médicament. Si cette préparation arsénicale menace sérieusement la vue. on comprend qu’on hésite à l’em- ployer, surtout dans un but prophylactique. Si les doses suffisantes pour les singes doivent servir de base pour calculer la quantité d’atoxyl que l’on doit injecter à un homme, il en faudrait environ 2 grammes pour une personne de 00 kilos. Seulement, comme des quantités moins fortes suffisent déjà pour guérir les accidents syphilitiques déclarés, il faut croire que la pro- phylaxie pourrait être obtenue avec des doses encore plus faibles. M. Hallo- peau, qui a la plus grande expérience dans le traitement de la syphilis par l’atoxyl, recommande une injection de 75 centigrammes, suivie d’une seconde injection de 60 centigrammes et d’une troisième de 50, ce qui fait en tout 185 centigrammes. Dans aucun cas d'un pareil traitement il n’a observé de phénomènes d’intolérance et d’intoxication. Dans une de nos expériences, un macaque rhésus n’avait reçu que[5 centi- grammes d’atoxyl, le onzième jour après l’inoculation du virus. Il mourut 46 jours après sans aucune manifestation syphilitique. Bien que ce délai 758 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ne soit pas encore absolument définitif, car nous avons vu des incubations de plus de 50 jours, il reste néanmoins très probable qu’une dose de 5 centi- grammes pour un singe de plus de 2 kilos suffit pour empêcher l’éclosion de la syphilis. Avant d’avoir pu répéter cette expérience, nous avons été mis dans la nécessité d’en faire une application chez l’homme. Un homme de haute culture intellectuelle s’est présenté chez nous très inquiet à la suite d’un contact suspect ayant eu lieu 5 jours auparavant. A notre question : Pour- quoi ne vous êtes pas servi de la pommade au calomel? il nous a répondu que ce moyen préventif lui était absolument inconnu et qu’en général le public l’ignore. Dans son état de grande anxiété il nous priait instamment de le soumettre à un traitement préventif par l’atoxyl. Bien qu’il ne fut pas possible d’établir d’une façon précise si le contact suspect faisait courir au patient un danger réel, M. le Dr Salmon, se basant sur les expériences avec les singes, se décida tout de même à faire au personnage en question 2 injections sous-cutanées d’atoxyl, de 50 centigrammes chacune, à 2 jours d’intervalle. Ce traitement a relevé l’état moral du patient qui est resté indemne de tout accident syphilitique et qui ne manifesta non plus aucun symptôme d’intoxication. Dans le second cas, M. Salmon a eu affaire à. un neurasthénique qui ne dormait plus et désirait à tout prix être traité préventivement dans iacrainte d’avoir été infecté par 1» syphilis. Il reçut 2 injections de 50 centigrammes d’atoxyl sans la moindre intolérance. Nous ne voulons, bien entendu, tirer ■aucune conclusion de ces deux observations. Il y a lieu d’espérer que, «lans l’avenir, lorsqu’on sera en possession de préparations arsénicales moins toxiques que l'atoxyl et cependant efficaces contre la syphilis, on pourra prévenir celle-ci, pendant la période d’incu- bation, longtemps après que la pommade au calomel n’a plus d’action. Les expériences qui peuvent mènera ce résultat sont en train. Mais pour le moment, tant qu’elles ne sont encore qu’à la période d'essai, c’est la préven- tion par la pommade au calomel, dès les premières heures après le contact infectieux, qui doit être placée au premier plan. L’efficacité si remarquable de cette pommade, ainsi que celle des injections sous-cutanées d’atoxyl sur les singes, indique que le virus syphilitique, pendant une grande partie de sa longue incubation, ne s’adapte que diffici- lement à l’organisme. Nous avons examiné la sérosité extraite des endroits de l’inoculation chez un chimpanzé et chez deux macaques, pendant la période d’incubation au moyen de l’ultmcondensateur de Reicherl, qui permet de distinguer très facilement les spirilles syptdlitiques sur un fond noir et fournit le meilleur moyen pour révéler la présence de ces microbes même en quantité minime. Eh bien, malgré ces conditions si favorables, nous n’avons pas pu décéler la présence des spirilles de Schaudinn pendant les 15 jours qui ont suivi l'inoculation du virus. Ce fait montre que les spirilles mettent un temps très long avant de se reproduire en quantité appréciable. Et c’est pour cette raison que la prophylaxie de la syphilis est relativement simple -et facile. Ce qui est plus difficile, c'est d’en convaincre le public et cela pour •des raisons dont quelques-unes ont été signalées plus haut. Cet exemple du SUR LA PROPHYLAXIE DE LA SYPHILIS 759 traitement préventif de la syphilis montre une fois de plus l’utilité de la différenciation de l’hygiène des autres branches de la médecine, notam~ ment de la thérapeutique. Les progrès de l’hygiène rationnelle imposent aux médecins le devoir d’apprendre aux gens bien portants les moyens de conserver intacte leur santé. Nulle part, mieux que dans les maladies vénériennes, ce but prophy- lactique peut être atteint. Recherches sur le cancer expérimental des souris Par J. BR1DRÉ (Travail du laboratoire de M. Borrel.) Les expériences que nous avons entreprises depuis deux ans ont eu pour principal but l’immunisation des souris contre l’inoculation d’une tumeur facilement transplantable. Si nous nous servons, dans l’exposé de ces* recherches, des termes d’immunité, de virulence, d’inoculation, de vaccination, nous ne voulons nullement préjuger ici de la nature étiologique des tumeurs cancéreuses et donner à ces expressions le sens précis qu’elles ont en bactériologie. Le mot immunité pourrait être remplacé — comme le désirent Bashford, Murray et Cramer 1 — par celui de résistance. La virulence d'une tumeur indique seule- ment la faculté que cette tumeur possède de se développer dans l’organisme des animaux auxquels on l'inocule; pour les parti- sans de la théorie cellulaire, elle marquerait plutôt le degré de vitalité des cellules du tissu inoculé, h1 inoculation d’un cancer est, en réalité, une greffe ou une bouture. Enfin, si nous parlons de souris vaccinées , il s’agira de souris ayant subi une prépara- tion devant leur procurer une certaine résistance vis-à-vis de l'inoculation d’une tumeur virulente. Des expériences d’inoculation ont été possibles à partir du moment où l’on a eu une tumeur facilement inoculable et avec un fort pourcentage de succès. C’est le cas de la tumeur B. INOCULATIONS EN SÉRIES DE LA TUMEUR B . La tumeur B est un adéno-carcinôme qui se distingue des tumeurs du même genre connues jusqu’à présent, par la forme 1. B., M., et Cr., The natural and induced Résistance of mice to the growth of cancer , Proceed. Roy. soc. T. LXXIX, 1907. CANCER EXPÉRIMENTAL DES SOURIS 761 cylindrique de ses cellules. Les figures 1 et 2 montrent, mieux que ne pourrait le faire toute description, la constitution de cette tumeur. Fig. 1. — Tumeur II à un faible grossisscmient. Type glandulaire très net. Manuel opératoire des inoculations. — Toutes les inoculations ont été pratiquées au moyen d’aiguilles creuses d’un diamètre de Fig. 2. — La même tumeur à un fort grossissement, l’épithélium est à cellules cylindriques. 762 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 2 mm. avec mandrin formant piston, sortes de trocarts dont la canule est taillée en biseau et la tige mousse. Les aiguilles sont stérilisées avant chaque inoculation. Un petit fragment de tissu cancéreux étant introduit dans l’aiguille par aspiration, l’aiguille est glissée sous la peau de la sou- ris, depuis l’aîne jusqu’à l’aisselle ; à l’aide du mandrin, on pousse le fragment de cancer, puis on retire l’aiguille. A cause de l’élasti- cité du tissu conjonctif sous-cutané, le fragment de tumeur, qui paraissait avoir été chassé sous l’aisselle, se trouve alors sur le côté du thorax, en arrière de l’épaule. Dans le long trajet qu’elle parcourt, l’aiguille se débarrasse des souillures qu elle a pu con- tracter en traversant le poil et la peau, et le fragment inoculé reste aseptique. Nous avons adopté cette façon d’opérer parce qu’elle nous a donné le plus grand nombre de succès. Pour qu’une inoculation soit positive, il faut — outre la virulence de la tumeur et la réceptivité de l’animal inoculé, conditions essentielles, — que les fragments de cancer soient assez volumineux. Des cellules isolées, même entières et vivantes en suspension dans l’eau, ne donnent pas de résultats positifs. Développement de la tumeur inoculée. — La tumeur d’inocula- tion se développe généralement vite; elle atteint souvent, en 8 jours, la grosseur d’un pois, et, en 15 jours, le volume d’une noisette; des tumeurs de trois semaines peuvent peser 8 gram- mes et plus. Lorsqu’une certaine dimension est atteinte (grosse amande verte), il se forme des kystes, la tumeur adhère à la peau et s’ulcère : la souris meurt d’infections secondaires. Il est rare de voir des tumeurs se développer, passé le délai de 3 semaines que nous avons adopté pour les pourcentages. Nous avons observé, toutefois, un cas de croissance tardive qui mérite d’être signalé : une souris inoculée en mai 1905, sur le côté droit du thorax, avait été mise à part, en compagnie d’autres souris « n’ayant pas pris » à la même inoculation; le 14 février 1906. huit mois plus tard, on constate, chez cette souris, une petite tumeur de la grosseur d’une lentille au point d’inoculation. Après biopsie pratiquée le 23 février, l’examen histologique montre que la tumeur appartenait bien au type B. fil ne s’agissait pas d’une tumeur spontanée.) Les métastases, si fréquentes dans les inoculations de tumeur CANCER EXPÉRIMENTAL DES SOURIS 763 Jensen sur les souris parisiennes 1 et dans les inoculations de tumeur du type R (tumeur de Paris 2), n’ont jamais pu être observées ici avec la tumeur B, malgré le nombre considérable de souris cancéreuses autopsiées. Choix des souris. — Nous employons, comme sujets d’expé- riences, des souris adultes de 20 grammes environ, et, de pré- férence, des mâles, la faible proportion (V inoculations positives four- nie par les femelles pleines pouvant être une cause d’erreur dans les résultats. 23 Août 06 O y N. Séné des pa. N. fumeur B du 23 tumeur B du 23 août / 906 Pourcentage des inoculations positives; variations de la viru- lence. — La proportion des inoculations positives est établie trois semaines après 'inoculation. 1 A. Rorrel et Haaland, Tumeurs de la souris, Soc. de biologie, 1905. 2. M. Haaland, Les tumeurs de la souris, Ces Annales, mars 1905, t. XXI. p. 136. 764 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les premières inoculations de la tumeur B donnèrent 30 à 40 0 0 de succès, proportion énorme si on la compare à celle qui avait été obtenue avec les tumeurs étudiées jus- qu'alors. Les passages successifs augmentèrent la proportion d’inocu- lations positives, qui atteignit 80 et même 100 0/0; puis, au 8e passage, elle tomba à 30 0/0. De semblables variations de virulence sont très fréquentes : l’arbre de descendance (page 763) d’une tumeur de 8e passage montre quelques-unes de ces varia- tions et permet de faire les remarques suivantes : 1° Destumeurs de même passage (10e, 12e) peuvent fournir, à l’inoculation, des proportions très différentes de cas positifs: 2° L’àge et le volume des tumeurs ne paraissent pas avoir d influence précise sur les résultats des inoculations. (Inocula- tions du 27 décembre, du 22 janvier, etc.) Nous devons dire, cependant, que le plus grand nombre de succès a été fourni par des tumeurs âgées de 20 jours au moins, et présentant une tendance à former des kystes. Il paraît indif- férent d’inoculer telle ou telle partie delà tumeur; 3° Enfin, la race des souris a une grande importance : les souris grises donnent une proportion de succès très inférieure à celle qui est fournie par les souris blanches; et le passage chez les souris grises atténue la virulence de la tumeur pour les souris blan- ches. En résumé, chaque tumeur expérimentale possède un viru- lence propre, individuelle, vis-à-vis des souris de même race, et appréciable uniquement par l’inoculation. RECHERCHES SUR L’IMMUNITÉ ANTI-CANCÉREUSE 1° VACCINATION PAR TISSU CANCÉREUX FRAIS a) Souris ayant résisté à une première inoculation. — Pour Ehrlich1, des souris qui ont subi sans succès l’inoculation d’une tumeur virulente ne prennent qu’exceptionnellement une tumeur à une deuxième inoculation : elles sont vaccinées par la première épreuve. Nos expériences nous ont donné des résultats notablement différents de ceux d’Ehrlich : ils se rapprochent plutôt de ceux qu’a obtenus Michaelis. 1. P. Ehrlich, Experimentelle Karzinomstudien an Maüsen. Zeitschrift fur àrtzliche Fortbildunrj. Troisième année, 1906, n° 7. CANCER EXPÉRIMENTAL DES SOURIS 765 Exemples : do Sur 14 souris inoculées sans succès, en octobre 1905, avec une tumeur qui avait donné 50 0/0 de cas positifs, et réinoculées le 9 février 1906, 7 ont pris des tumeurs, soit 50 0/0. Souris neuves témoins : 80 0/0 de tumeurs ; 2o Sur 10 souris inoculées sansrésultat, le 4 janvier 1906, avec une tumeur donnant 600/0 de succès, 3 prennent des tumeurs à l’inoculation du 9 février, soit 33 0/0. Témoins : 80 0/0; 3°Sur63 souris inoculées sans succèsle 27 novembre 1906, avec une tumeur ayant fourni 55 0 0 de cas positifs, 2 prennent des tumeurs à une inoculation pratiquée le 27 décembre; soit 3 0/0. Témoins : 8 0/0. A quoi tiennent de telles différences dans les résultats obte- nus par les divers expérimentateurs? On pourrait objecter, en ce qui concerne les résultats d’Ehrlich, que des souris, qui ont résisté à l’inoculation d’une tumeur très virulente donnant 80 à 90 0/0 de succès, ont manifesté une résistance naturelle considérable, et qu’il n’y a rien de surprenant à ce qu’elles résistent de même à une deuxième inoculation; cette dernière épreuve négative ne prouverait pas qu’il y a eu vaccination; il pourrait y avoir eu simplement une sélection établie parmi les souris. Dans cette hypothèse, les expériences 1 et 2, relatées ci- dessus, seraient explicables ; on comprendrait que des souris qui ont résisté à l’inoculation d'une tumeur de virulence moyenne puissent prendre une tumeur beaucoup plus virulente. Mais l’ex- périence 3 vient en opposition avec ce raisonnement : des souris, qui ont résisté à l’inoculation d'une tumeur ayant donné 55 0/0 de succès, prennent une tumeur qui ne fournit que 8 0 0 de cas positifs sur les souris neuves ! Les résultats différents sont probablement dus à un mode d’inoculation différent : Ehrlieh inocule, à la pipette, un broyage grossier et épais de tissu cancéreux; la quantité de tissu injecté représente un nombre considérable de petits fragments analogues à ceux que nous introduisons sous la peau des souris : il y a ainsi résorption d’une assez forte proportion de tissu et on comprend qu’ily ait, dans ces conditions, formation d'un anticorps en quan- tité suffisante pour empêcher le succès d'une seconde inocula- tion. L’inoculation d’un petit fragment, au trocart, n’est nul- lement comparable. Nous verrons , par la suite, que cette explication est appuyée par des expériences précises. 766 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR D’autre part, Ehrlich prétend que l’inoculation négative d une tumeur, même avirulente, peut conférer aux souris l’immunité contre l’inoculation d’une tumeur virulente de type dilférent : l’inoculation négative d’un carcinome hémorrha- gique — doué d’une virulence insignifiante — produirait l’immunité, non seulement contre un carcinome très virulent, mais aussi contre le sarcome; réciproquement, le sarcome vacci- nerait contre le carcinome (immunité croisée) et ces deux types de tumeurs vaccineraient contre le chondrome. Les expériences ci-dessous montrent que la quantité de tissu injecté doit jouer le principal rôle dans de tels résultats, l’inoculation d’un petit fragment au trocart ne produisant qu’une immunité très faible : Exp. 1 : 13 souris inoculées sans succès, le 31 décembre 1903, avec une tumeur M (adéno-carcinôme qui n’a pu donner aucun passage) sont inoculées le 13 mars 1906 avec la tumeur B : Résultat : sur 13 souris inoculées 10 tumeurs. 71 0/0. — 62 — témoins 51 — 82 0/0. Exp. 2 : 13 souris inoculées sans succès, le 31 décembre 1903, avec la tumeur M, sont inoculées, le 15 mars suivant, avec la tum. Jensen. Résultat : Sur 13 souris réinoculées, 3 tumeurs. 23 0/0. — 62 — témoins 19 — 32 0/0. Exp. 3 : 4 souris, inoculées sans succès, le 28 mars 1906, avec la tum. Jensen, sont inoculées, le 16 mai, avec la tum. B. Résultat : 4 souris réinoculées 1 tumeur 25 0/0. 2 — témoins 19 — 95 0/0. b) Souris ayant résisté à plusieurs inoculations successives. Les souris qui ont reçu, à deux reprises, un fragment de can- cer sous la peau sans présenter de tumeur à la suite de ces ino- culations, peuvent être impunément inoculées une troisième fois. C’est du moins la conclusion que nous pouvons tirer de nos expériences. (Michaelis1 a observé des cas d’inoculations posi- tives sur des souris ayant subi déjà trois inoculations infruc- tueuses. mais il n’indique pas le mode d’inoculation employé.) Les inoculations successives, pratiquées sur une souris, ren- forcent l’immunité naturelle que cette souris a manifestée en résistant à une première inoculation ; l’immunité devient alors assez forte pour permettre à l’animal de supporter impunément l’inoculationd’une tumeur très virulente, donnant jusqu’à 100 0/0 de succès chez les témoins. 1. Michaelis, Soc. méd. int . Berlin, avril 1907. CANCER EXPÉRIMENTAL DES SOURIS 767 c) Souris ayant reçu , une ou plusieurs fois , des injections sous- cutanées de tissu cancéreux broyé. — Le tissu étant broyé, le plus finement possible, dans une petite quantité d’eau physiolo- gique, on injecte, à la seringue ou à la pipette, sous la peau des souris, une quantité de broyage représentant, en tissu frais, au moins 5 à 6 fois le volume du fragment qui sert aux inocula- tion ordinaires. Il peut arriver que des tumeurs se développent à la suite de la lre injection ; c’est exceptionnel quand le broyage est bien fait. Les gouris ainsi traitées sont fortement vaccinées, et il est remarquable qu’une seule injection suffise à les immuniser : Un 1er lot de 6 souris est traité 1 fois. Un 2e — — — 2 — — 3e — — — 3 - Toutes les souris traitées sont inoculées sans succès le 27 novembre 1906, alors que 20 souris témoins donnent 11 tumeurs, soit 55 0/0. Ces résultats viennent à l’appui de ce que nous disions plus haut sur le rôle de la quantité de tissu injecté dans la produc- tion de l’immunité, rôle dont l’importance a déjà été signalée par Bashford; ils expliquent parfaitement l’immunité presque absolue constatée par Ehrlich sur les souris qui ont résisté à une lre inoculation pratiquée à la pipette. d) Souris ayant subi une ou plusieurs injections sous-cutanées de macération de tumeur fraîche. — La macération est obtenue de la façon suivante : la tumeur est broyée finement, comme dans les expériences précédentes, mais avec une quantité d’eau physiologique un peu plus grande : 5 grammes de tissu cancé- reux dans 25 à 30 c. c. d’eau physiologique. On laisse déposer quelques minutes. Le liquide trouble qui surnage est injecté à la dose de 2 c. c. sous la peau des souris. De pareilles injec- tions ne donnent jamais de tumeurs. Exp. 4 : Un lot de 12 souris reçoit de la macération les 10 février,. 1er mars et 20 avril 1906; 11 souris restantes sont inoculées le 16 mai, en même temps que 20 souris neuves, témoins : Résultat : 11 traitées, 1 tumeur soit : 9 0/0. 20 témoins, 19 — — 95 0/0. Exp. 2 : 7 souris sont traitées une seule fois, le 11 juin, par une injec- tion de macération, et inoculées le 20 juin, en même temps que 4 témoins ; Résultat : 7 traitées, 0 tumeur. 0 0/0. 4 témoins, 2 — 50 0/0. 768 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les injections de macération procurent donc aux souris une grande résistance à l’inoculation d’épreuve ; l’immunité n’est pas absolue, et, comme le montre l’expérience 1, l’inoculation d’une tumeur très virulente peut vaincre cette résistance sur une petite proportion de souris. c) Souris traitées par la macération filtrée et centrifugée. — Si on soumet à la filtration sur papier et à la centrifugation la macération préparée comme ci-dessus, et qu’on injecte à des souris le liquide clair obtenu, on ne donnera jamais de tumeurs, et les souris n’acquerront pas d’immunité marquée contre l’inoculation d’épreuve. Traitées^ 40 0/0 de tumeurs: témoins, 50 0/0. Ceci montre que les éléments cellulaires sont indispensables pour produire l’immunité. 2° VACCINATION PAR TISSU CANCÉREUX DESSÉCHÉ. Souris traitées par du broyage de tissu cancéreux desséché. — La dessiccation est opérée dans le vide, en présence de l’acide sulfurique, et le tissu sec conservé en tubes scellés, à la glacière. Si, au bout d’un temps plus ou moins long, un mois ou deux, par exemple, on broie finement le tissu dans de l’eau physiologique et si on l’injecte sous la peau des souris, celles-ci ne prennent pas de tumeurs, mais ne présentent à l’inoculation d’épreuve qu’une immunité relative. Voici le résultat d’ensemble des expériences faites avec le tissu desséché : 20 souris traitées inoculées : 5 tumeurs, soit 25 0/0. 24 — témoins — 13 - — ■ — 54 0/0. 3° VACCINATION PAR TISSU CANCÉREUX CHAUFFÉ. a) Souris ayant reçu des fragments de tumeur chauffés. — De petits fragments, semblables à ceux qui servent aux inoculations ordinaires, sont plongés dans de l’eau physiologique et chauffés — au bain-marie et en tubes clos — à diverses températures, à partir de 50°. L’inoculation de ces fragments n est jamais suivie de succès et elle ne procure aux souris qu’une résistance peu appréciable : Ainsi, 10 souris reçoivent, le 2 mai 1906. des fragments chauffés ; elles sont inoculées le 28, en même temps que 8 témoins. CANCER EXPERIMENTAL DES SOURIS 769 Résultat: 10 traitées, 4 tumeurs. 40 0 0. 8 témoins, 5 — 62 0/0. La quantité de tissu injecté joue encore ici un rôle impor- tant : les expériences ci-dessous vont en fournir la preuve. b) Souris traitées par du broyage chauffé. — Le broyage fin, peu dilué, est chauffé pendant 25 à 55°. On injecte, à la serin- gue ou à la pipette, une quantité de broyage chauffé équivalente à celle qui a été employée dans les expériences de vaccination à Laide de broyage frais. Aucune tumeur n’apparaît à la suite de ces injections et Y immunité obtenue se montre absolue : 5 souris sont traitées, 1 fois : le 24 octobre 1906. 4 — — 2 — 26— 3 novembre. 5 — . — 3 — 26 — 3 nov., 12 novembre. Toutes ces souris sont inoculées sans succès le 27 novembre. Sur 20 souris témoins, 11 tumeurs ; soit 55 0/0. c) Souris traitées par la macération chauffée. — La macération, préparée comme il a été indiqué plus haut, est chauffée à des températures variant entre 40° et 60° et pendant des temps variables : 14 souris traitées par une seule injection donnent, à l'inoculation d’épreuve, 2 tumeurs, soit 14 0/0. Témoins 50 0/0. Si nous comparons les différents résultats obtenus : d’une part, avec les injections de tissu cancéreux frais; d’autre part, avec les injections de tissu cancéreux chauffé, nous consta- tons : 1° Que la vaccination la plus parfaite résulte de l’emploi du tissu frais ; 2° Que les deux séries d expériences sont superposables en ce sens que l’immunité acquise est d’autant plus forte que la quantité de tissu injecté est plus considérable. La meilleure vaccination, dans chaque série, est obtenue avec le broyage; elle est moins assurée par l’emploi de la macération et elle est très imparfaite par l’inoculation négative d’un fragment. 4° VACCINATION PAR INJECTIONS DE TISSUS NORMAUX DE SOURIS Nous nous sommes servi, pour ces injections, de sang frais et d’organes broyés : foie, rate, testicule.. a) Sang frais. — Le sang, prélevé sur une souris neuve* est injecté immédiatement sous la peau d’une autre souris; 49 770 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR la quantité de sang ne dépasse guère 1/4 c. c. Les souris trai tées à deux reprises n ont présenté qu’une faible immunité à Pinoculation d’épreuve : 40 0/0 de tumeurs, au lieu de 55 0/0 chez les témoins. (Bashford avait obtenu une résistance plus marquée contre la tumeur Jensen : 20 0/0 de tumeurs chez les traitées, 68 0 0 chez les témoins). b) Foies broyés. — Les foies sont broyés aseptiquement et légèrement dilués dans l’eau physiologique; les injections sont pratiquées immédiatement après le broyage et répétées 3 fois, à 12 jours d’intervalle. Sur 8 souris traitées : 1 tumeur, soit 12 0/0 — 20 — témoins : 11 — — 55 0/0 11 y a donc une immunité certaine. Schone. Bashford ont obtenu des résultats analogues. c) Rates broyées. — Même façon d’opérer qu’avec les foies : Sur 8 souris traitées : 0 tumeur, soit 0 0/0 — 20 — témoins : 11 — — 55.0/0 L’immunité est absolue. d) Testicules broyés * — Les injections de broyage testiculaire n’ont donné aux souris aucune résistance vis-à-vis de 1 inocu lation de la tumeur B : Sur 6 souris traitées : 3 tumeurs, soit 50 0/0 — 20 — témoins : 11 — — 55 0/0 Il est indiscutable que les injections de certains tissus nor- maux de souris ne soient capables de conférer aux souris une immunité plus ou moins grande, vis-à-vis de l’inoculation can- céreuse. Cette constatation nous amène à conclure que l'immu- nité manifestée par les souris traitées n’est pas spécifique, qu’elle n’est pas une immunité anticancéreuse véritable, mais plutôt, comme le disent R., M. et C/’., « une iso-immunité vis- à-vis de tissu de l’espèce souris ». Inoculations simultanées, chez la même souris, de deux tumeurs DE TYPES DIFFÉRENTS Les tumeurs inoculées sont : la tumeur Jensen etla tumeur B. Des souris inoculées simultanément avec ces deux tumeurs, en des points différents, prennent ces tumeurs avec les mêmes CANCER EXPÉRIMENTAL DES SOURIS 771 proportions de succès que si on avait inocule ces tumeurs individuellement. Ainsi, sur 50 souris inoculées : à gauche, avec la tumeur Jensen ; à droite, avec la tumeur B, 40 présentent des tumeurs B, et 15 des tumeurs Jensen : ces dern:ères souris portent deux tumeurs. Aucune des souris indemnes de tûmeiir B n'a pris la tumeur Jensen : tandis que 25 souris ont pris la tumeur B sans prendre la tumeur Jensen. Cette constatation est intéressante; les souris utilisées dans ces expériences étaient de race parisienne et donnaient à l’ino- culation de la tum. Jensen seule une proportion de 2() 0/0 de succès, proportion obtenue ici, malgré l’inoculation simultanée et positive de la tum. B. La sensibilité individuelle de chaque souris s’est donc manifestée vis-à-vis des deux tumeurs, comme si chacune d’elles lui avait été uniquement inoculée. D’autre part, chaque tumeur se développe comme si elle était seule; elle n’est nullement inlluencée par la croissance de la tumeur voisine. RÉINOCULATIONS CHEZ DES SOURIS PORTANT DES TUMEURS EXPÉRIMENTALES D’après les expériences rapportées par Ehrlich1, les souris portant une tumeur ne pourraient èlre réinoculées avec succès: les réinoculations positives seraient tout à fait exceptionnelles et cette sorte de résistance vis-à-vis d’une deuxième inoculation serait due à l’absence de la substance X indispensable au déve- loppement de la tumeur; toute la substance X aurait été utilisée par la première tumeur. L’absence de cette substance constitue « 1 ’ immunité atlirepsique ». Cette immunité serait d’autant plus forte que la première tumeur serait plus virulente. Bashford, au contraire % réinocule avec succès à une souris, sa propre tumeur, alors que les inoculations à des souris neuves ne donnent que des insuccès ou une proportion infime de résultats positifs. Un tel résultat n’est pas absolument opposé à l'hypo- thèse d’Ehrlich, puisque la tumeur se montre avirulente pour les souris neuves et que l’immunité, d’après Ehrlich, est propor- tionnelle à la virulence de la tumeur existante ; ces cas dè réinoculations positives pourraient constituer les exceptions admises par Ehrlich. 1. Ehrlich, Experimentelle karcinomstudien an Maüsen, Arb. a. d. k. Inst, f. exp. Thérapie zuFrankfurt a. M., /'. 1, 190G. 2. E. F. Bashford, IV th. annual report of the Impérial cancer, Research Fund. 1906. 772 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Nos résultats sont bien différents : des souris portant déjà une tumeur expérimentale peuvent prendre une seconde tumeur de même type ou de type différent. Ainsi, des souris portant des tumeurs Jensen ont pu être inoculées avec succès avec la tumeur B. D’autre part, des souris portant des tumeurs B ont pu reprendre cette même tumeur et la proportion de cas positifs a été, dans certaines expériences, de 100 0/0, alors que des souris neuves ne fournissaient que 80 0/0 de tumeurs. Exp. 1:10 souris portant des tumeurs li à marche très lente, datant de plus de 3 mois, sont inoculées avec un fragment de tumeur B, du côté opposé à la première tumeur : Résultat : 10 nouvelles tumeurs sur 10 souris. 8 — — — 10 témoins. Exp. 2 : 4 souris, portant des tumeurs de 36 jours, sont inoculées en même temps que les deux lots ci-dessus : les 4 souris prennent de nouvelles tumeurs. Ces résultats tiennent-ils à la faible virulence de la première tumeur? Non. car dans l’expérience 2, par exemple, les 4 souris portaient des tumeurs d’une inoculation pratiquée le 4 jan- vier 1906, qui avait fourni 70 0/0 de cas positifs. La proportion de succès dans ces réinoculations n’est pas toujours aussi élevée, mais de l’ensemble de nos expériences, on peut conclure que les souris portant déjà une tumeur sont au moins aussi sensibles que les souris neuves à une inoculation nouvelle. Voici, d’ailleurs, le résultat d’ensemble des expériences de réinoculation de tumeur du même type B : 42 souris réinoculées donnent 24 nouvelles tumeurs, soit 57 0/0 88 — inoculées comme témoins 41 tumeurs,' — 47 0 0 Il faut signaler à part une expérience où la tumeur réino- culée s’est montrée particulièrement peu virulente chez les souris neuves : 4 souris portant des tumeurs de 65 jours, et 6 souris portant des tumeurs de 30 jours, sont réinoculées le 27 décembre 1906, en même temps que 13 témoins. Résultat : sur les 4 souris du 1er lot, 2 nouvelles tumeurs 50 0 0 _ 6— 2e— 3 — — 50 0 0 — 13 ^ — témoins 1 tumeur 8 0/0 Toutes les expériences de cette série sont en contradiction avec conception d’Ehrlich, et de telles divergences entre ses GANSER EXPÉRIMENTAL DES SOURIS 773 résultats et les nôtres ne semblent pouvoir être expliquées que par le mode différent de linoculation. Ce que nous avons déjà dit sur le rôle de la quantité de tissu injecté s'applique ici : Nous employons un simple fragment qui, introduit sous la peau d’une souris, s’organise, sans qu’il y ait résorption d’une quantité appréciable de tissu ; par conséquent, pas d’anticorps; Ehrlich injecte du tissu broyé, représentant plusieurs fois le fragment inoculé au trocart; supposons le broyage constitué par un nombre plus ou moins grand de petits morceaux de tissu, de groupes cellulaires, nous pouvons admettre que la tumeur qui se développera n’aura pour point de départ qu’un seul ou qu’un petit nombre de ces groupes; tous les autres seront résorbés et pourront donner naissance, au bout de quelques jours, à un anticorps cytolytique; cet anticorps sera impuissant vis-à-vis de la tumeur déjà formée, mais s’opposera au dévelop- pement d’une nouvelle tumeur, en cas de réinoculation. Nous pouvons ainsi résumer les conséquences de l'inocula- tion par l’une et l’autre méthodes : 1° Linoculation est négative : petite , ..... . . . r \ Immunité quantité de tissu résorbé: taible , . .. T , V .. i peu appréciable. Inoculation ] lormation d anticorps. ( 1 d’un fragment, j 2° L’inoculation est positive : pas de l Pas f tissu résorbé; pas de formation \ d’immunité. d’anticorps. I Inoculation ^ L’inoculation est négative ou \ Tissu résorbé : anticorps : de broyage. ( positive. I immunité. L’âge de la lre tumeur a-t-il une influence sur le succès de la réinoculation comme Sticker 1 l’a constaté avec le sarcome du chien? Nous ne le pensons pas, en ce qui concerne le cancer des souris ; des souris portant des tumeurs de différents âges ont marqué vis-à-vis d'une même réinoculation une sensibilité égale. DURÉE DE i/lMMUNITÉ Pour juger de la durée de l’immunité conférée par les diffé- rents moyens de vaccination décrits ci-dessus, ou simplement par des inoculations négatives antérieures, nous avons inoculé à nouveau, le 10 avril 1907 : 1° Des souris vaccinées par les différentes méthodes (tissu L Sticker, Soc. med . int., Berlin, avril 1907. 774 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cancéreux frais, desséché ou chauffé, tissus normaux) en octobre et novembre 1906; 2° Des souris inoculées sans succès, à différentes époques; 3° Des souris neuves, comme témoins. Résultat : 1er lot : 3 souris vaccinées par le tissu cancéreux sec : 0 tumeur. 3 — — — broyage de tumeur fraîche : 1 — 5 — — — — de tumeur chauffé : 0 — Soit 1 tumeur sur 11 souris vaccinées depuis plus de cinq mois, au moyen d’injections de tissu cancéreux: 9 0/0. 8 souris vaccinées par des tissus normaux (rate et foie) donnent 3 tumeurs : 37,3 0 0. Ces tumeurs évoluent très lentement et n’atteignent, au bout de trois mois, que le volume d'une noisette. 2e lot : 43 souris n’ayant pas pris de tumeurs à des inoculations pratiquées en octobre, novembre ou décembre 1903, donnent 13 tumeurs : 29 0/0. (La proportion est sensiblement la même chez les souris inoculées en décembre que chez celles qui ont été inoculées en octobre ou novembre.) 3e lot : 8 souris neuves donnent 7 tumeurs, soit 87,3 0/0. On peut conclure de cette expérience que l’immunité acquise peut durer cinq mois et plus. ESSATS DE SÉROTHÉRAPIE Les essais ont été faits : 1° avec le sérum d’un mouton ayant subi des injections de tissu cancéreux frais; 2° avec du sérum de poule préparé de la même façon ; 3° avec les sérums normaux de ces deux espèces. Sérothérapie préventive. — Sérum de mouton. — Le mouton a reçu, au moment des premières expériences (mai 1906), 60 gram- mes environ de tissu cancéreux frais, en 7 injections sous- cutanées espacées de 3 à 4 semaines ; la saignée a été pratiquée lo jours après la dernière injection. Deux lots de souris furent traités : l’un par 2 c. c. de sérum préparé, l’autre par 2 c. c. de sérum normal, en injections sous la peau du dos. Toutes les souris traitées et un lot de souris neuves furent inoculées le len- demain, avec la tumeur B. P. Résultats: Souris traitées par sérum spécifique : 8 tumeurs sur 8 souris — 100 0 0. Souris traitées par sérum normal : 8 tumeurs sur 9 souris — 89 0/0. Souris neuves témoins : 16 tumeurs sur 20 souris — 80 0/0. Une deuxième expérience, faite en décembre 1906, ne donne pas de meilleurs résultats, quoique le mouton ait reçu, à cette époque, plus de 100 grammes de tissu cancéreux en 13 injections ; CANCER EXPÉRIMENTAL DES SOURIS Souris traitées par sérum spécifique : 83 0/0 de tumeur. — — sérum normal : 60 0/0 — 60 0/0 46 0/0 témoins Sérum de poule. — La poule qui a fourni le sérum spécilique a reçu IL grammes de tissu cancéreux en 3 injections; elle a été saignée 15 jours après la dernière. Le 14 mars 1007, 5 souris reçoivent, sous la peau du dos, 1/4 c. c. de sérum spécifique ; 5 souris reçoivent la meme dose de sérum normal. Le 16, les 10 souris sont inoculées avec la tumeur B, en même temps que 10 souris témoins. Résultat : sur 5 souris traitées par le sérum spécifique ; 4 tumeurs : 80 0/0. Sur 5 souris traitées par le, sérum normal 5 tumeurs : 100 0/0. Sur 9 souris témoins, 9 tumeurs : 100 0/0. Ces résultats ne sont pas encourageants; il est même remarquable que les animaux traités par le sérum spécilique de mouton aient donné une plus forte proportion de tumeurs que les témoins. Nons ne chercherons pas à expliquer ce fait, mais nous pensons qu’il y aurait avantage, dans de telles expériences, à n’employer qu’une quantité faible de sérum et à pratiquer l’injection préventive deux jours au moins avant 1 ino- culation d’épreuve. Il est possible enfin que l’injection d’une quantité plus grande de tissu cancéreux aux animaux fournis- seurs de sérum donne de meilleurs résultats et que le choix de ces animaux joue un certain rôle. Sérothérapie curative. — Au point de vue curatif, les sérums spécifiques n’ont pas donné de résultats appréciables; mais il faut reconnaître que l’évolution des tumeurs expérimentales est si rapide, qu'il faudrait un sérum particulièrement actif pour être capable de l'enrayer ou de la retarder. La sérothérapie curative ne peut être étudiée qu’avec des tumeurs à marche suffisamment lente. In vitro, nous n’avons constaté aucune action cytolytique de ces sérums. En terminant cet exposé, nous devons mentionner des expériences de traitement curatif au moyen d’injections de ma- cération de tumeur fraîche : Chaque souris recevait, à des intervalles de 10 à 15 jours, 1/2 c. c. de macération épaisse. 770 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Un certain nombre de souris sont mortes dans les jours qui suivirent la première injection; d’autres ont supporté jusqu’à quatre injections. Les résultats obtenus n’ont pas été concluants; cependant, une souris traitée par trois injections a résorbé sa tumeur qui était, au début du traitement, de la grosseur d’un pois. Ce fait peut être signalé, les cas de résorption d'une tumeur du type B étant excessivement rares. CONCLUSIONS 1° L’immunité contre le cancer expérimental des souris n’est pas une immunité anticancéreuse proprement dite ; elle n’est pas spécifique : elle peut être conférée par des injections de tissu cancéreux ou par injections de certains tissus normaux de souris; 2° A proportions égales, les injections de tissu cancéreux donnent une immunité plus active que les injections de tissus normaux (rate exceptée) ; 3° L’immunité obtenue est proportionnelle à la quantité de tissu injecté. TOXICITÉ DES SÉBUMS THÉRAPEUTIQUES SA VARIABILITÉ ET SON DOSAGE 1 Par le BESREDKA Travail du laboratoire de M. Metchnikoff. Un sérum peut posséder de grandes qualités thérapeutiques, être préparé dans les meilleures conditions possibles; cela n'empêche que, dans certains cas, son emploi puisse donner naissance à des troubles sérieux et même inquiétants. Ces troubles, qui n’ont rien à voir avec la présence de l’anticorps spécifique et qui relèvent uniquement des matières contenues dans tout sérum de cheval, offrent chez l’homme un ensemble très caractéristique. Chez les animaux, on ne sait pas encore reproduire les mêmes symptômes, surtout au moyen d’une seule injection; en revanche, on peut préparer les animaux, notam- ment des cobayes, de façon à déterminer chez eux des troubles beaucoup plus graves et la mort en quelques minutes. Malgré cette différence, tout porte à croire que dans les deux cas, chez l’homme et le cobaye, les accidents sériques sont régis par le même mécanisme. Il importe donc d’en tenir compte et d’instituer pour tout sérum employé à titre thérapeutique, à côté du dosage du pouvoir antitoxique, aussi celui de son pou- voir toxique. Comment faire ce dosage? Dans un travail 2 fait en collaboration avec E. Steinhardt, nous avons constaté le fait suivant : les cobayes qui avaient servi au dosage du sérum antidiphtérique ou qui avaient reçu sous la peau une fraction ( 1 /1 00- 1 200 c. c.) de sérum de cheval quelconque, réagissent d’une manière extrêmement vive à toute nouvelle injection de sérum, lorsque celui-ci est porté, 12 jours plus tard, directement dans le cerveau. Ce sont précisément ces cobayes « sensibilisés » qui constituent un réactif de la plus haute sensibilité lorsqu’il s’agit d’évaluer la toxicité d’un sérum. L’expérience nous a montré, en effet, que ces cobayes, quoi- que sensibilisés dans des conditions égales, se montrent inéga- 1. Voir la note préliminaire dans les Compt. rend. Soc. Biol., 10 mars 1907 2. Annales de l’Imtitut Pasteur, 25 févr. 1907, p. 117-127. 778 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR lement susceptibles vis-à-vis de sérums de différentes origines et que, pour le même sérum, l'intensité de la réaction est en raison directe de la dose injectée dans le cerveau. Pour nous faire une idée des différences de toxicité que peu- vent présenter des sérums, nous en avons fait venir un grand nombre, tant normaux que thérapeutiques, de Russie (Saint- Pétersbourg, Odessa, Kharkoff, Ivicff), d’Allemagne, d’Angle- terre, de Belgique, de Suisse, d’Autriche, d'Amérique du Nord et du Sud, de Roumanie et de Turquie. Les doses de sérum injecté variaient de d/4 à 1/1 GO c. c. ; quel que fut la quantité de sérum, nous faisions la dilution de telle sorte que la totalité de liquide injecté dans le cerveau fût tou- jours égale à 1/4 c. c. Le nombre d’échantillons examinés a été de près de 60. Nous ferons grâce aux lecteurs des chiffres, sauf de quelques-uns qui seront rapportés plus bas; nous essayerons surtout d'en dégager des conclusions générales. # Tant que nous nous bornions à injecter sous la dure-mère de chaque sérum J /4c. c., il nous fut impossible dénoter aucune diffé- rence d'un sérum â l’autre. Sauf de très rares exceptions, à cette dose de 1 /4 c. c., tous les échantillons, quels qu’en fussent le pays d’origine, la nature et l’âge, tuaient le cobaye en 2-3 minutes, et s ils ne tuaient pas, ils ne manquaient jamais de provoquer des troubles anaphylactiques des plus graves. Ce n'est que lorsque nous avons diminué progressivement les doses, que nous avons pu faire ressortir les différences indivi- duelles entre divers échantillons de sérum; nous avons pu nous assurer alors que rien n’était plus facile que de constituer pour chaque sérum, d’une façon très précise, sa fiche de toxicité. En compulsant ces fiches, dont nous avons dressé plusieurs pour chaque sérum, nous sommes arrivés à conclure que si d’un sérum à l’autre il y a parfois des différences de toxicité consi- dérables, cela tient au moins à deux facteurs : d’une part, il y a lieu de tenir compte de l'âge du sérum et, d’autre part, des propriétés individuelles qui relèvent probablement de la race des chevaux, de leur nourriture et de la manière de récolter le sérum. Nous avons vu que l’addition de li quides conservateurs, tels TOXICITÉ DES SÉRUMS THÉRAPEUTIQUES 779 que acide phénique, tricrésyl, chloroforme, n’exerce aucune influence sur la toxicité du sérum. Il n’en est pas de même du chauffage que, dans certains Instituts, on fait subir aux sérums; nous en reparlerons longue- ment ailleurs; ici disons seulement que les sérums chauffés sont sensiblement moins toxiques que les non chauffés. Mais ce qui nous intéresse en ce moment, c’est la toxicité propre des sérums avant qu’ils n'aient subi aucune modification. # * Des deux facteurs de toxicité que nous venons de signaler, celui qui relève de l’âge du sérum n’est important que tant que le sérum est relativement jeune. Après un mois et demi ou deux mois, au maximum, ce facteur devient négligeable et c’est la toxicité individuelle seule qui entre enjeu. Or, si l’on éprouve des sérums à ce moment-là, c’est-à-dire après deux mois de séjour in vitro , on constate que, à la dose de 1/20 c. c. et même de I 16 c. c.. la plupart d’entre eux sont bien supportés par des cobayes sensibilisés. Nous avons eu cependant entre les mains un assez grand nombre de sérums qui tuaient à la dose de 1/16 c. c., puis d’autres encore — peu nombreux, il est vrai — qui se montraient meurtriers à des doses de 1 32 el I 64 c. c. : ces derniers don- naient encore lieu à des troubles anaphylactiques dans des dilu- tions plus grandes (jusqu’à 1/160 c. c.). Les causes de cette toxicité nous échappent; ce qu’il faut savoir c’est qu’elle existe; il est utile d’en être prévenu pour chercher à y porter remède. L’autre facteur de toxicité, celui qui est fonction de l’âge du sérum peut, par contre, être analysé de très près. Nous l’avons étudié sur les chevaux de l’Institut Pasteur chez lesquels nous avons pu éliminer, autant que possible, toutes les influences étrangères. Ainsi, les chevaux choisis pour ces expériences étaient tous dans les mêmes conditions : tous de même origine, soumis au même régime alimentaire, puis vaccinés et saignés toujours de la même façon et en même temps. Malgré cette égalité des conditions, on a pu surprendre de temps à autre des différences de toxicité d’un cheval à l’autre; 780 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ces écarts individuels s’observaient cependant rarement; de plus, ils se traduisaient par des chiffres qui variaient, tout au plus, du simple au double, lors de fortes dilutions des sérums. Quelques chiffres tirés des cahiers d’expériences pourront nous indiquer la toxicité des sérums jeunes, ainsi que les carac- tères de décroissance de la toxicité, ' suivant le temps qui s’est écoulé depuis la saignée. Après 10 heures (depuis la saignée) : Exp. 1. — 1 /G 4 c. c. : troubles légers. 1/32 c. c. : symptômes d’anaphylaxie; mort. Exp. 2. — r 1/64 c. c. : malaise. ! /32 c. c. : mort. Exp. 3. — 1 64 c. c. : malaise. 1/32 c. c. : symptômes d’anaphylaxie; se rétablit à la longue. Après 1 1 jours : Esp. 1. — 1 '32 c. c. : symptômes d’anaphylaxie graves. 1/16 c. c. : mort. Exp. 2. — 1/32 c. c. : symptômes graves. 1/16 c. c. : mort. Exp. 3. — 1/32 c. c. : symptômes d’anaphylaxie. 1/16 c. c. : Idem. Exp. 4. — 1/32 c. c. : mort. 1 16 c. c. : Id. Après 43 jours : Exp. 1. — 1/16 c. c. : symptômes d’anaphylaxie graves. Exp. 2. — 1 16 c. c : symptômes d’anaphylaxie 1res graves; agonie durant 2 heures; mort. Après 113 jours Exp. 1. — 1 10 c. c. : symptômes d’anaphylaxie. I 8 c. c. : mort. Exp. 2. — 1 16 c . c. : pas de symptômes appréciables. 18 c. c. : mort. Exp. 3. — 1/12 c. c. : symptômes d’anaphylaxie graves : longue agonie; finit par se rétablir. Après 13 mois 12: Exp. 1. — 1/16 c. : symptômes d’anaphylaxie. 1 8 c. c. : symptômes très graves; finit par se remettre. Exp. 2. — 1 16 c. c. : symptômes d’anaphylaxie. 1/8 c. c. : Idem. TOXICITÉ DES SÉRUMS THÉRAPEUTIQUES 781 1/4 c. c. symptômes très violents; agonie pendant 1 h. 1/2; se rétablit. Après 13 ans : Exp. 1. — 1/8 c. c. : symptômes d'anaphylaxie. 1/4 c. c. : mort. Ces chiffres montrent que, malgré quelques écarts indi- viduels, faibles d’ailleurs, la toxicité des sérums, à peu près égale au départ, décroît d’une façon assez régulière. Très toxique le jour de la saignée (dose mortelle — 1/3 2 c. c.), le sérum perd rapidement de toxicité dans les dix premiers jours (jui la suivent; ainsi, vers le onzième jour, elle est déjà dimi- nuée de deux fois (dose mortelle == J/l(> c. c.). Puis, elle continue à décroître pendant un mois ou un mois et demi, mais cette fois-ci lentement, de sorte que, 45 jours après la saignée, le sérum détermine encore à la même dose ( 1 / 1 G c. c.) des troubles anaphylactiques Irès graves, sans amener cependant nécessairement la mort. Passé le délaide deux mois, la toxicité du sérum se maintient pendant des mois au même niveau (dose mortelle = 1/8 c.c.); elle s’atténue probablement encore avec le temps, mais d’une façon à peine appréciable : tous nos sérums âgés de plus de deux mois présentaient la même toxicité (1/8 c. c.); ce qui est certain, c’est que la toxicité ne disparaît jamais complètement, car dans un échantillon de sérum antidiphtérique qui a été conservé par M. Roux pendant 13 ans, nous avons trouvé la dose mortelle égale à 1 4 c. c. Ajoutons que la substance qui fait déclancher les troubles anaphylactiques chez un cobaye sensibilisé, se trouve unique- ment dans le sérum : le sang de cheval, défibriné et lavé, puis dissous dans l’eau distillée, ne détermine aucun trouble. * * $ Sans que l’on soit encore autorisé à considérer comme équi- valentes la toxicité d’un sérum pour un cobaye sensibilisé et celle pour l’homme, il n’en est pas moins vrai que l’usage des sérums toxiques est à éviter dans la thérapeutique humaine. Les expériences qui précèdent montrent qu'en n’employant que des sérums âgés d’au moins deux mois, on sera sur d’avoir 782 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR éliminé un des principaux facteurs de la toxicité. Les aulres facteurs nous sont encore inconnus, mais ce que nous pouvons, c’est dire chaque fois si un sérum est toxique ou non, et quel est le degré de cette toxicité. D’après les règlements élaborés à l’Institut sérothérapique de Francfort, tout sérum thérapeutique doit satisfaire aux quatre conditions suivantes 1 : 1° il doit être limpide et ne pas contenir de gros dépôt; 2° il ne doit pas contenir de microbes; 3° il ne doit pas contenir plus de 0,5 0 0 de phénol; 4° il ne doit pas contenir de toxine libre, notamment de toxine tétanique. Attendu qu’il est facile maintenant de doser la toxicité des sérums, nous croyons qu’il serait utile d’ajouter aux quatre conditions précédentes une cinquième, ainsi conçue : 5° un sérum tliérapeutliiqpe ne doit pas dépasser la toxicité moyenne propre à la majorité des sérums; nous sommes d’avis qu’un sérum capable de tuer un cobaye sensibilisé ou de provoquer chez lui des troubles très graves à la dose de 1 20 ou même 1/16 c. c. et, à plus forte raison, au-dessous de 1/20 c. e., est à considérer comme avant une toxicité au-dessus de la moyenne et comme tel ne doit pas être admis à l'usage. Quant à la technique de ce dosage, elle est d’une très grande simplicité; l’injection intracérébrale demande tout au plus une minute; de plus, ce dosage n’enlraine aucune dépense, les ani- maux ayant servi au dosage de sérum antidiphtérique pouvant très bien convenir à cet effet. CONCLUSIONS La toxicité des sérums thérapeutiques peut être dosée au moyen d’injections intracérébrales à des cobayes sensibilisés. Les dosages montrent qu’il existe toute une gamme de toxicité pour des sérums (b* provenance différente, la dose mortelle pouvant varier de 1/4 c. c. à 1/128 c. c. Cette toxicité est propre au sérum et non aux éléments figurés du sang. Les sérums des chevaux, vivant dans des conditions sem- blables, sont de toxicité sensiblement la même; les écarts indi- viduels sont rares et de peu d'importance. La toxicité variable des sérums paraît liée, en premier lieu, au lieu d’origine et, en deuxième lieu, à leur âge. 1. Otto, Die staatliclie Prüfung der Heilsera , Iena, 1906. TOXICITE DES SÉRUMS THÉRAPEUTIQUES 783 Hypertoxique le jour cle. la saignée, les sérums perdent peu à peu de leur toxicité; cette baisse, rapide au début, se ralentit h partir du dixième jour. Tout sérum thérapeutique, pris tel quel, doit être considéré comme toxique pendant deux mois à partir du jour de la saignée. D’une manière générale, tout sérum qui provoque des phé- nomènes anaphylactiques graves à la dose de 1/16-1/20 c. c. et a fortiori au-dessous de cette dose, doit être considéré comme toxique. La technique du dosage par la voie intracérébrale est simple, rapide et pas coûteuse. Contribution à l’étude de la culture de “ Treponema pallidum” Par MM. C. LEVADITI et J. JIc 1NTOSII (de Aberdeen). Avec les PI. XIX et XX. (Travail du laboratoire de M. le professeur Metchnikoff.) Les nombreuses tentatives faites pour cultiver les diverses espèces de spirochètes pathogènes ou saprophytes sont restées, pour la plupart, totalement infructueuses. On considérait la culture de ces micro-organismes comme extrêmement difficile sinon impossible, lorsque, en 1006. l’un de nous eut ridée a employer le procédé des sacs en collodion qui avait rendu de si grands services en bactériologie. Grâce à ce procédé, Levaditi 1 réussit à cultiver non seulement le Spirochaeta galli- narum , mais aussi le Sp. Ihittoni et le Sp. refringens de Schau- dinn et Hoffmann. Il montra que ces parasites peuvent se multiplier pour ainsi dire à l'infini, sans montrer d'autres formes que celles en spirale; de plus, on constata qu’après un très grand nombre de passages la virulence de ces microbes s’atténue sensiblement. Peu après la publication de ces recherches, Mühlens et Hartmann2 annoncèrent qu’il était possible d’obtenir des cultures pures du Spirochaeta dentium , saprophite fréquent de la cavité buccale, en se servant de la technique recommandée par Ellermann3 pour la culture in vitro du bacille fusiforme de Vincent (mélange de gélose et de sérum de cheval, méthode de Veillon). Enfin, tout récemment, \ovy et Knapp 4 confirmèrent les constatations de Levaditi et obtinrent des cultures pures du Sp. Obermeyeri en sacs de col- lodion placés dans la cavité péritonéale du rat. Ces données montrent que, quoique entourée de certaines difficultés techniques, la culture des spirochètes n’est cepen- dant pas impossible. 11 était donc tout indiqué d’appliquer les mêmes procédés, à la culture du Treponema pallidum , agent pathogène de la syphilis. Au cours des deux dernières années, 1. Levaditi. C. R. de V Acad, des Sciences, 14 mai 1906. 2. Mühlens et Hartmann, Zeitschr. f. Hyg., vol. LV, 1906, p. 81. 3. Ellermann, Centralbl. fur Bakt. Orig ., vol. XXXY1I. 4. Xovy et Knapp, Journ. of tlie Americ. Med. Assoc., 1906, p. 2152. CULTURE DE TREPONEMA PALLIDUM 785 l’un de nous a fait de nombreuses tentatives dans cette voie, mais aucune n’a été suivie de résultats encourageants. Xi dans le tube à essai, ni dans les sacs en collodion placés dans le péritoine des lapins , les tréponèmes des lésions de la syphilis acquise ou héréditaire n’ont montré la moindre tendance à se multiplier. La question était au même point où l’avaient laissée les essais infructueux de Bertarelli et Yolpino 1 et de Souza2, lorsque, en mai 1907, nous eûmes l’idée de pla- cer les sacs en collodion ensemencés avec des tréponèmes vivants, non plus dans la cavité péritonéale du lapin, mais dans le péritoine du singe. Grâce à cette modification de technique, il nous a été possible d’obtenir des cultures abondantes, quoique impures, d’un spirochète ayant la plus grande ressem- blance avec le Treponema pallidum, et dont il ne diffère que par l’absence de pouvoir pathogène. Voici les détails de nos consta- tations : Le 11 mai 1907, on sacrifie un Macacus Rhésus n° 37, porteur de syplii- lomes primaires aux deux arcades sourcilières. L’animal avait été inoculé le 20 mars avec du suc d’un chancre humain datant de 15 jours, riche en tréponèmes; les premiers signes locaux apparurent après une incubation de 17 jours. Actuellement, il présente de petites papules peu ulcérées, couvertes de croûtes grisâtres et légèrement confluentes. Les tréponèmes, assez rares sur frottis, se montrent de beaucoup plus nombreux sur coupes traitées à l’argent. Ces coupes offrent d’ailleurs les altérations caractéristiques du chancre syphilitique. Après avoir lavé les lésions sourcilières avec de l’eau salée isotonique stérile, on enlève les croûtes et on racle légèrement la surlace de ces lésions. On laisse s’écouler quelques gouttes de suc mélangé à du sang, et on recueille la lymphe qui suinte bientôt après. Cette lymphe ainsi que le suc des ganglions lymphatiques sous-maxillaires sont ensemencés dans deux sacs en collodion contenant du sérum humain préalablement chauffé à 60 degrés. Les tubes de verre sur lesquels les sacs sont ajustés sont fermés à la flamme et placés dans le péritoine d’un Macacus cynomolgus3 ; l’animal est en même temps inoculé par scarification aux deux arcades sourci- lières, avec du suc du chancre du Rhésus 37. 1. Bertarelli et Volpino, Centralbl. für Bakter, Orig.f vol. XL, l'asc. 1, 1905, p. 56. 2. Souza et Pereira, Bevl. klin. Woch., 1900, n° 44. 3. La technique opératoire est des plus simples. Après chloroformisation et asepsie, on pratique une boutonnière sur la ligne médiane de l’abdomen, au niveau de l’ombilic, et on incise les muscles et le péritoine. On place les saos dans les parties latérales de la cavité et on pratique la suture en deux plans. Nous tenons à remercier chaleureusement M. le Dr Pozerski qui a bien voulu se charger de cette opération. 50 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 78(> Le macaque opéré n’a montré aucun trouble général ni local jusqu’au 3 juin 1907. À ce moment, c’est-à-dire 23 jours après l’inoculation du virus, l’animal présenta deux lésions syphilitiques commençantes au niveau des arcades sourcilières, dans le suc desquelles on décela de rares tréponèmes. Partant de l’idée que le développement des spirochètes dans les sacs placés dans le péritoine doit exiger un temps égal à celui de la pullullation de ces parasites au niveau de la peau, on jugea opportun de sacrifier l’animal au moment même où l’accident cutané était devenu nettement apparent. C’est ce qui fut fait le 3 juin. A l’ouverture du péritoine, on constate que les deux sacs sont empri- sonnés dans une poche formée par l’épiploon en partie adhérent à la paroi abdominale. Cette poche contient du pus consistant, ayant une odeur de putréfaction. Un des sacs, mieux conservé que l’autre, renferme environ 1 c. c. d’un liquide trouble, légèrement grisâtre, riche en éléments micro- biens. L’examen microscopique de ce liquide révèle la présence d’un très grand nombre de spirochètes qui, observés à l'état vivant ou après colora- tion au Giemsa ou au violet de gentiane, offrent la plus grande ressem- blance avec le Treponema pallidiim. Aussi, il nous a été possible de réaliser une première cul- ture du tréponème en puisant le matériel d’ensemencement dans un accident primaire du Rhésus et en plaçant nos sacs en collodion dans le péritoine d’un Macacus cynomolgas. Dans la suite, nous eûmes soin de faire des passages successifs de cette première culture, d’étudier les caractères morphologiques et biologiques de notre microbe, ainsi que sa virulence, et de le purifier autant que possible. Nous avons constaté tout d’abord qu’il est extrêmement facile de réaliser de nombreux passages en plaçant les sacs dans la cavité péritonéale du lapin. La seule difficulté provient de ce que ces sacs, sous la pression des gaz qui se développent à la suite de la pullulation des anaérobies, se perforent1. 11 s’ensuit une péritonite aiguë qui emporte les animaux avant que le tréponème réussisse à se multiplier. On peut d’ailleurs éviter cet écueil en ayant soin de se servir de sacs épais et très résistants. Mais, si rien ne vient compliquer l’expérience, on obtient des cultures extrêmement abondantes en tréponèmes dans des sacs ayant séjourné de 4 à 5 jours dans le péritoine du lapin. A l’ouverture de ces sacs, on se trouve en présence d’un liquide épais, crémeux, ayant la consistance des crachats et dont la couleur est légèrement grisâtre. Ce liquide, dont l’odeur 1. Nous avons constaté que les tréponèmes peuvent pulluler dans la poche purulente qui se forme autour des sacs perforés. CULTURE DE TREPONEMA PALLIDUM 787 rappelle celle des matières protéiques en putréfaction, est très riche en tréponèmes vivants et mobiles, et de plus contient une flore microbienne assez variée. En procédant de la façon qui vient d’être indiquée, nous avons pu réaliser jusqu’à présent 12 passages et nous avons ense- mencé avec succès 59 sacs dans un intervalle de 74 jours. Malgré la dilution progressive du matériel virulent, les dernières cultures se sont montrées plus riches en tréponèmes que les premières; cela tient au fait que les parasites se sont acclimatés de plus en plus à l’organisme du lapin1. Nous continuons actuellement à pratiquer des ensemencements à des intervalles plus espacés qu’au début de nos recherches (de 10 en 10 jours) et tout porte à croire que la culture pourra ainsi être prolongée à l'infini. Le microbe de Schaudinn est accompagné dans nos sacs par plusieurs espèces de bactéries dont quelques-unes ont pu être isolées. Parmi ces bactéries, une seule espèce se développe en milieu aérobie (gélose inclinée et bouillon). C’est un strep- tocoque identique au Str. pyogenes. Les autres microbes sont strictement anaérobies et ne pullulent que dans la gélose sucrée, en tubes de Veillon ; ce sont un coccus très fin, producteur de gaz, et deux espèces de bacilles dont une seule est douée de mobilité. Ces bactéries ne paraissent pas s’opposer au développement du tréponème. Au contraire, leur présence semble favoriser ce développement, les microbes étran- gers étant capables de modifier la constitution chimique du milieu, qu’ils rendent plus assimilable. Tous nos essais d’isole- ment sont en effet restés infructueux2. Chaque fois que nous avons dilué préalablement le matériel d’ensemencement, afin de diminuer le nombre des bactéries étrangères et d’isoler le tréponème, nous n’avons obtenu aucun développement de ce dernier. L’introduction d’un grand nombre de microbes anaé- robies, en assurant leur multiplication rapide et une modifi- cation profonde du milieu, Aest une des conditions qui favorise le mieux la culture du tréponème en sac de collodion. Ajoutons que nous nous sommes heurtés à des difficultés insurmontables lorsque nous avons essayé d’obtenir des \. On peut employer comme milieu de culture le sérum humain ou le sérum de lapin et de cheval, chauffés à 60°. 2. Ayant essayé d’isoler le tréponème par filttation à travers des bougies Berkefeld amincies, nous avons constaté que le microbe ne traverse pas ces filtres. 788 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cultures in vitro. Si dans les premiers tubes de sérum ensemencés et conservés à la température de la chambre ou à 38°, on cons- tate une multiplication certaine des tréponèmes, par contre, dans les cultures ultérieures, on n’obtient que la pullulation des parasites étrangers. Les échanges, qui, dans la cavité péritonéale, s’opèrent entre le contenu du sac et le milieu ambiant, paraissent être une conditio sine qua non du développement du tréponème. * * * Voici les caractères morphologiques et biologiques des spi- rochètes cultivés par nous : Examen à Vétat frais. — Nos recherches ont été faites avec le microscope ordinaire et à Laide de l’ultra-microscope de Reichert. Examiné à l’état frais, le spirochète apparaît comme un filament spiralé extrêmement mince et peu réfringent. A l'ultra-micros- cope, ses ondulations sont très régulières, profondes, et il est impossible de différencier notre microbe d’un tréponème typique puisé directement dans des manifestations syphilitiques. Les mouvements sont les mêmes que ceux du parasite de Schaudinn et Hoffmann. Notre tréponème montre en effet des mouvements lents de rotation autour de Taxe longitudinal; il se déplace en avant ou en arrière avec une certaine vivacité et offre en plus des mouvements pendulaires ou ondulatoires. Ce sont là les caractères de la mobilité des formes typiques de notre tréponème (formes pourvues de 8 à 1 2 spires serrées et régulières) . Mais en plus, nous avons rencontré des spirochètes d’habitude plus longs, offrant des mouvements d’une vivacité inacoutumée et dont les tours de spires paraissaient au premier abord plus larges et moins réguliers que ceux des tréponèmes delasyphilis. Un examen approfondi montrait cependant que ces parasites ne différaient en rien des tréponèmes, sitôt qu’ils étaient en état de repos. Nous avons constaté, en effet, que des spirochètes doués de mouvements lents et de spires serrées et égales pou- vaient, à un moment donné, montrer une mobilité plus accentuée, à caractères ondulatoires ; cette mobilité s’accompagnait alors de la formation d’ondes espacées, simulant des tours de spires larges et irréguliers. Les spirochètes reprenaient d’ailleurs leur aspect habituel dès que cette mobilité vive était remplacée par des mouvements plus lents. Tout comme le Treponema pallidum , notre parasite ne perd CULTURE DE TREPONEMA PALLIDUM 789 pas sa forme spirallée lorsqu’il cesse de se mouvoir. On sait, depuis les recherches de Scliaudinn et Hoffmann et de Prowazek, que c’est là un des caractères principaux de ce tréponème; seul le Spirochaeta dentium offre cette particularité, les autres spiro- chètes ayant une tendance manifeste à devenir rectilignes dès qu’ils sont au repos. Quant à la durée de la mobilité de notre tréponème in vitro , elle varie suivant que le parasite est conservé à la température delà chambre ou à 38° degrés. Gardé à l’étuve anaérohiquement, dans des tubes scellés à la flamme, le parasite cesse de se mou- voir déjà au bout de deux jours. Par contre, à la température du laboratoire et dans les mêmes conditions de conservation, notre microbe montre encore quelques mouvements à peine ébauchés, pendant 6 à 7 jours. Il se rapproche donc, à ce point de vue, du Treponema pallidum dont la mobilité est, d’après les nouvelles recherches de Landsteiner et Mucha1, d’assez courte durée. Ces auteurs ont montré que contrairement aux affirmations de Hoffmann et de Beer2, le microbe de la syphilis, gardé entre lame et lamelle, s’immobilise déjà au bout dedeux jours, et que la température du thermostat suspend rapidement sa motilité. Ajoutons que, d’après nos constatations, les conditions de vie anaérobie semblent influencer favorablement la vitalité de notre tréponème, ce qui est conforme aux données publiées par Hoffmann et Beer. Les réactions colorantes de notre spirochète peuventse résumer ainsi : Par le procédé de Giemsa ou par celui de Marino, le trépo- nème des cultures se colore en violet rougeâtre, tout comme le spirochète de la syphilis. Son affinité pour les matières colo- rantes est tout aussi peu accentuée que celle de ce spirochète. En effet, il ne fixe l’azur qu’après un contact de plusieurs heures avec la solution faible de Giemsa et ne se colore par le violet de gentiane que si on chauffe légèrement les préparations. Le meilleur procédé rapide pour teindrele parasite est celui deLoffler (col. des cils), recommandé d’ailleurs par Borrel et Burnet3 1. Landsteiner et Mucha, Gentralbl. fur Bakt. Orig, vol. XXXIX, 1907, n° 17/19. 2. Beer, Deutsche med. Woch., 1906, n° 30, p. 1192. 3. Borrel et Burnet, G. R. de la Société de Biolog., 1906, séance du 27 janvier, page 212. 790 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pour la coloration du tréponème des lésions syphilitiques. On obtient de très belles préparations si on a soin de diluer préala- blement la culture avec de l’eau distillée, de fixer à l’acool ou à la flamme et de mordancer deux fois. Les tréponèmes appa- raissent alors colorés en rouge brillant sur un fond clair (v. PI. XX. fig. 2 a 11.) Ajoutons que l’emploi des procédés à l’argent pur ou com- biné à la pyridine nous a permis de colorer notre spirochète sur coupes1. Les dimensions du spirille des cultures se rapprochent sensi- blement de celles du Treponema pallidum. Son épaisseur, difficile à mesurer, varie entre 1/3 et 1/2 jx; sa longueur est de minimum 3,5 a et de maximum 15,5 p., en moyenne 9 [x. Quant à sa forme, elle ne saurait être distinguée de celle des tréponèmes typiques. Notre spirochète, extrêmement mince, montre des ondulations serrées, régulières et assez profondes. Le nombre des tours de spires est variable. A parties tréponèmes exceptionnellement courts, à 2 ou 3 ondulations, et des parasites démesurément longs ayant plus de 20 spirales, la plupart de nos spirochètes possèdent de 8 à 10 tours de spires. La profon- deur des ondulations, quoique légèrement moins accentuée que celle du pallida, s’en rapproche beaucoup. La disposition en tire-bouchon est des plus apparentes. Quant aux caractères des extrémités , ils varient suivant le procédé de coloration. Sur les préparations traitées au Giemsa ou au Marino, ces extrémités se terminent enpointeet sont effilées, comme celles du tréponème de Schaudinn(v. PL XX, fig. 20et21). Par contre, sur les frottis colorés au Loffler, il est fréquent de déceler des parasites terminés d’une façon abrupte. Cette dispo- sition se rencontre d’ailleurs assez souvent chez les tréponèmes typiques colorés par la méthode à l’encre de fuchsine. Nous avons recherché si notre spirochète possède des cils terminaux ou péritriches, et nous nous sommes adressés pour cela au procédé de Loffler et à celui de Yan Ermengen. Grâce à l’emploi du premier de ces procédés, nous avons réussi à mettre en évidence l’existence d’un seul prolongement filiforme situé à l’une des extrémités du parasite (v. Pl. XIX, fig. 2; Pl. XX, 1. Pour ce faire, nous avons injecté dans le foie des rats quelques gouttes de la culture et nous avons fixé les pièces sitôt après l’injection. CULTURE DE TREPONEMA PALLIDUM 791 fig. 14, 16). Ce prolongement ressemble aux formations analogues décrites par Borrel 1 chez le tréponème de Schau- dinn. Il s’agit de filaments très fins et pâles, implantés au milieu ou sur les cotés de l’extrémité du parasite, et dessinant 3 ou 4 ondulations dont l’amplitude correspond à celle des ondula- tions du spirochète. Jamais nous n’avons rencontré des trépo- nèmes pourvus de deux cils à une seule extrémité, comme cela a été vu et figuré par Schaudinn2. Il est difficile de préciser la nature et la signification de ces prolongements ciliformes. Etant donné que nos cultures en sacs sont impures, rien ne nous assure que tous les parasites spiralés qui s’y rencontrent, appartiennent à une seule et même espèce et qu’ils doivent être identifiés sans exception avec le Treponema pallidum. Aussi sommes-nous dans l’impossibilité d’affirmer que les spirochètes possédant un seul cil terminal sont réellement des pallida. Le tréponème des cultures se multiplie par division transver- sale. S’il nous a été impossible de découvrir des formes pouvant plaider en faveur d’une segmentation longitudinale, par contre nous avons fréquemment rencontré deux spirochètes attachés par une de leurs extrémités et réunis par une partie plus mince et légèrement effilée (v. PI. XIX, fig. 4; PI. XX, fig. 23, 24). Cette disposition ressemble à celle qu’on a souvent constatée chez le Sp. gallinarum et le Sp. Duttoni. Avant de clore la description de notre tréponème, nous désirons attirer l’attention sur certaines formes particulières rencontrées dans nos cultures. Il s’agit de spirochètes enroulés sur eux-mêmes , disposés en boucles et qui existent fré- quemment dans les sacs ayant séjourné longtemps dans le péritoine du lapin. Cette disposition a été constatée chez le tréponème de la syphilis et a été décrite tout dernièrement encore par Prowazek3, qui la considère comme un stade de dépression dans le cycle évolutif de ce tréponème. Pour nous, ces formes représentent tout simplement un état d’involution ou de dégénérescence précédant la mort du parasite. L’un de nous en 1. Borrel, C. R. de la Société de Biologie, vol. XL, 1906, p. 138. 2. Shaudinn, Deutsche med. Woch 1905, n° 42. 3. Prowazek, Arb. aus dem Kaiserl. Gesundheitsamte, vol. XXVI, fase. 1. 1907 p. 29. 79:2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK collaboration avec Manouélian 1 , a déjà exposé autre part dans ces Annales, les arguments qui plaident en faveur de cette inter- prétation. De plus, nous avons décelé particulièrement dans les cultures conservées un certain temps in vitro , la présence de parasites spirillés pourvus d'ondulations de beaucoup plus larges que celles des tréponèmes typiques et contenant une ou plu- sieurs vacuoles claires limitées par le double contour du péri- plaste (v. pl. XX, p. 25-26). Les rapports qui existent entre ces formes et le tréponème de Schaudinn n’ont pas été précisés jusqu'à présent. * * * Ces constatations montrent l’existence d une étroite ressem- blance entre le spirochète cultivé par nous et le Treponema pal- lidiim. Les exemplaires les plus typiques sont impossibles à différencier de ce tréponème, tant au point de vue de leur forme, de leurs dimensions et de la disposition de leurs tours de spire, qu’au point de vue des affinités colorantes. Les individus moins caractéristiques s'écartent sensiblement des pallida typiques. Mais on sait que même parmi les tréponèmes des lésions syphi- litiques, on rencontre des exemplaires dont les ondulations sont moins régulières et qui sont sensiblement plus courts ou plus longs que les formes considérées comme caractéristiques. Si cette variabilité paraît plus accentuée chez nos parasites, cela s’explique par le fait qu’il s’agit de cultures, par consé- quent de microorganismes soumis à des conditions de vie diffé- rentes de celles que le tréponème rencontre dans l'organisme de l’homme ou du singe. A ne considérer que les caractères morphologiques et les affinités colorantes, on doit donc rapprocher le spirochète cul- tivé par nous du Treponema pallidum. En effet, le seul spirille qui montre certaines affinités avec notre parasite est le Spi- rochaeta dentium 2 cultivé par Mühlens et Hartmann (loc. cit.) et étudié par Hoffmann et Prowazek 3. Or, si l’on se rapporte aux descriptions de ce microbe saprophite de la cavité buccale, et 1. Levaditi et Manouélian, ces Annales, 1907, vol. XXI, p. 29o. 2. Nous éliminons 1 eSp. pallidula du pmw,dontil ne saurait être question ici. 3. Hoffmann et ProwazeI*, Centralbl. fur Bakt., vol. XLI, 1906, fasc. 7, page 74. CULTURE DE TREPONEMA PALLIDUM 793 si Ton tient compte de nos propres constatations, on doit le séparer nettement du tréponème des cultures. En effet, le Sp. dentium est non seulement plus épais, plus irrégulièrement ondulé et moins flexible que ce tréponème, mais, de plus, il se colore plus facilement et dTine façon sensiblement différente de ce dernier. D’ailleurs, on ne saisit pas comment ce microbe saprophite de la bouche aurait pu infecter des sacs placés dans la cavité péritonéale du singe, le Sp. dentium n’ayant jamais été constaté, à notre connaissance, dans les lésions syphilitiques cutanées des cathariniens, lésions qui ont servi de point de départ à nos cultures. Ajoutons qu’il nous a été impossible de cultiver en sacs de collodion le Sp. dentium de la salive du M. cynomolgus. Afin de serrer de plus près la question de la parenté entre notre tréponème et celui de la syphilis, nous avons examiné le pouvoir pathogène de nos cultures et les réactions agglutinantes . Pour ce qui concerne le premier point, nous avons constaté que l’inoculation de notre microbe, par scarification cutanée, pra- tiquée à deux Macacus cynomolgus et à un chimpanzé, n’a été suivie d’aucune manifestation syphilitique locale. Les animaux ayant été soumis à l’observation pendant un temps très long (71 et 88 jours pour les macaques et 42 jours pour le chim- panzé), on peut conclure que le tréponème des cultures est com- plètement dépourvu de virulence *. Ajoutons que l’inoculation de ce tréponème dans la cornée du lapin est également restée sans effet 2. Pour ce qui a trait à l’agglutination, nous avons constaté tout d’abord que le sérum des lapins ayant reçu, en injection sous- cutanée, des cultures riches en tréponèmes et préalablement chauffées à 60°, agglutinait assez bien ces tréponèmes (dilution au 1 / 10e, 15 minutes de contact à 37°). Cependant, le même sérum s’est montré incapable de provoquer l’agglutination des spirochètes de Shaudinn contenus dans une émulsion de foie d’un hérédo-syphilitique, dont la nécropsie fut pratiquée vingt- quatre heures après la mort. 1. Dans deux expériences faites sur le cynomolgus, l’inoculation (par scarifi- cation) de nos cultures n’a conféré aucune immunité aux animaux vis-à-vis d’une infection ultérieure avec du matériel syphilitique d’origine humaine. 2. Les animaux ont souvent présenté une kératite et une panophtalmie banales, dues à l’infection par les microbes secondaires. 794 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Ces constatations semblent, au premier abord, être en con- tradiction avec l'hypothèse de l’identité entre notre tréponème et celui de la syphilis. Leur juste interprétation montre pour- tant que cette contradiction n’est que superficielle. En effet, on s’explique fort bien l’atténuation des tréponèmes de Schau- dinn cultivés en sacs, si l’on pense qu’il s’agit d’un microbe dont la fragilité est extrême et si l’on tient compte du fait que nos cultures ont eu comme point de départ un chancre de singe, c’est-à-dire une lésion dont les spirochètes étaient très probablement en voie d’atténuation (Metchnikoff et Roux). De plus, les recherches de Levaditi ont montré que même pour ce qui concerne le Sp. gallinarum , microorganisme dont la virulence est de beaucoup plus constante que celle du pallida, la culture en sac entraîne une atténuation appréciable de l’ac- tivité pathogène du virus. Enfin, la perte de ce pouvoir patho- gène peut également s’expliquer par ce que notre tréponème se développe en association avec des anaérobies saprophites, anaérobies qui, tout en facilitant sa pullulation, peuvent amoin- drir ou même annihiler sa virulence. Quant à l’impossibilité d’agglutiner les spirochètes de l’hérédo-syphilis par un sérum actif vis-à-vis de notre trépo- nème, c’est là un phénomène qui n’étonne nullement, si l’on tient compte des considérations suivantes : tout d’abord l’ag- glutination a été pratiquée avec des spirochètes recueillis sur le cadavre, complètement immobiles et même altérés dans leur forme; la sensibilité de ces spirochètes vis-à-vis des principes agglutinants a pu donc être, de par ce fait, annulée. Ensuite, on sait actuellement, depuis les recherches de Landsteiner et Mucha ( loc . cit.) que le Treponema pallidum ne se laisse aggluti- ner ni par le sérum des malades atteints d’une syphilis plus ou moins ancienne, ni par celui des lapins ayant reçu sous la peau des produits syphilitiques. Enfin, comme nous l’a suggéré M. le professeur Flexner, auquel nous avons exposé nos recher- ches, il se peut que les tréponèmes puisés directement dans l’organisme de l’homme ou du singe soient devenus inagglu- tinables, contrairement aux tréponèmes des cultures. Ce serait là un fait ayant des analogies avec l’inagglutinabilité des bacilles typhiques recueillis directement dans le péritoine du cobaye, révélée par Bail et d’autres auteurs. CULTURE DE TREPONEMA PALLIDUM 795 En somme, et tout en tenant compte des restrictions impo- sées par Pimpossibilité de pousser plus loin l’analyse des carac- tères vitaux du microbe cultivé par nous, nous pensons qu’au point de vue morphologique, tinctorial et même biologique, notre tréponème doit être rapproché du Treponema pallidum. Le spirochète obtenu en cultures sériées constitue une variété aviru- lente du parasite de la syphilis , la perte de son activité pathogène étant duc aux nouvelles conditions de vie de ce microorganisme et à V impureté des cultures. 1er septembre 1907. 796 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR LÉGENDE DES PLANCHES PLANCHE XIX Microphotogrammes. Fig. 1. — Frottis de l'oie d’enfant hérédo-syphilitique.. Coloration par le procédé de Lôffler. Deux tréponèmes pâles. Fig. 2. — Spir. de culture. Col. au Lôffler. Forme courte, pourvue d’un cil terminal. Fig. 3. — Même culture , même coloration. Au centre un amas de trépo- nèmes. A comparer le spirochète situé vers le bord gauche de la prépara- tion avec le tréponème représenté dans la ligure 1. Fig. 4. — Même culture, même coloration. Stade de division transversale du tréponème. PLANCHE XX Dessins à la chambre claire, objectif apochromatique à immersion de Zeis ; occulaire compensateur 12; longueur du tube, 16. Fig. 1. — Treponema pallidum (frottis de foie hérédo-syphilitique), forme relativement courte, coloration faible au Lôffler. Fig. 2. — Treponema pallidum (frottis de foie hérédo-syphilitique), forme longue, coloration par le procédé de Lôffler. Fig. 3. — Tréponème de culture, forme longue (à comparer avec la ligure 2). Fig. 4 et 6. — Tréponème de culture, à extrémités effiléés. Fig. 5. — Tréponème de culture: une seule extrémité est effilée. Fig. 7. — Tréponème de culture à extrémités arrondies. Fig. 8. — Tréponème de culture ayant 12 ondulations et des extrémi- tés arrondies. Fig . 9. — Tréponème de culture, forme courte à 2 ondulations. Fig. 10. — Idem, à 3 ondulations. Fig. 11. — Tréponème de culture, à ondulations larges, ayant un pro- longement ciliaire à une extrémité. Fig. 12. — Tréponème de culture, ayant 9 ondulations régulières et serrées, et les extrémités pointues. Fig. 13. — Forme plus courte, à extrémités effilées. CULTURE DE TREPONEMA PALLIDUM 797 Fig. 14. — Spirochète de culture, ayant un cil allongé à une extrémité, l’autre étant arrondie. Fig. 15. — •> Spirochète de culture, à 23 ondulations très serrées et pourvu d’un long cil. Fig. 16-19. — Cils du spirochète des cultures. Fig. 20. — Tréponème de culture, coloré au Giemsa. Fig. 21. — Idem , coloré au Marino. Fig. 22. — ldrm, coloré au violet de gentiane. Fig. 23-24. — Division transversale du tréponème des cultures. Fig. 25-26. — Formes à larges ondulations et à vacuoles. Fig. 27. — Forme type de la même préparation. Fig. 28. — Agglutination spontanée des tréponèmes de culture. Fig. 29. — Culture de 9 jours, col. au Lofïler. Action de l’extrait de sclérostomes sur le sang de cheval Par M. WEINBERG (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff. ) Nous avons récemment communiqué àla Société de Biologie 1 le résultat d’une partie de nos recherches sur une hématoxine que nous avons trouvée dans l’extrait de sclérostomes. Ces recherches ont été complétées par un grand nombre d’expérien- ces qui nous ont permis de confirmer les premiers faits et de découvrir d’autres propriétés de l’extrait des helminthes en ques- tion. Les nombreux rapports qui nous semblent exister entre la sclérostomiase du cheval et l’ankylostomiase de l’homme augmentent l’intérêt des ces expériences, car nous avons la persuasion que l’étude de la première de ces affections sera d’un précieux secours pour l’étude de l’ankylostomiase humaine. Voici résumés brièvement les résultats de nos expériences. I. — Propriétés liématoxiques de l’extrait de sclérostomes. L’extrait de sclérostomes dissout les globules rouges de che- val. Pour constater ce fait, il faut suivre la technique suivante. On recueille immédiatement, après l’abatage du cheval, des sclérostomes vivants, fixés encore sur la muqueuse du cæcum. Au début de nos recherches, nous prenions toutes les espè- ces de sclérostomes que nous rencontrions dans le gros intes- tin du cheval. Actuellement, nous nous servons surtout des gros spécimens du Scier ostomum equinum. Lesvers sont lavés plusieurs fois dans l’eau salée à 7,5/1000 et triturés dans un mortier avec une quantité d’eau physiolo- gique égale à leur poids. La bouillie ainsi obtenue est jetée sur un filtre ordinaire. Le liquide filtré est d’un gris sale légèrement rougeâtre. Il vaut encore mieux centrifuger cette bouillie pendant 40 minutes environ. On obtient de cette façon beaucoup plus d’extrait. 1. Sur une hématoxine d’origine vermineuse, C. Ii. de la Société de Biologie, séance du 6 juillet 1907. EXTRAIT DE SCLEROSTOMES SUR LE SANG DE CHEVAL 799 On ajoute I, 3 ou 5 gouttes (le cet extrait à 10 gouttes de sang de cheval dilué dans de l’eau salée (dans la proportion de 1/20). Ce sang est au préalable défibriné et lavé, par centrifu- gation, deux ou trois fois dans l’eau salée. Les tubes contenant le mélange de sang de cheval et d’extrait de sclérostomes sont placés à l’étuve à 37 degrés et sont secoués, pendant quelques secondes, toutes les demi-heures. Au bout de deux heures, on constate déjà souvent, dans le mélange contenant 5 gouttes d’extrait, une hémolyse complète des globules rouges. Les tubes sont placés pour la nuit à la glacière. Le lende- main matin, tous les tubes, meme ceux qui ne contiennent qu’une seule goutte d’extrait, montrent une hémolyse sinon com- plète, du moins très marquée. La présence de l’hématoxinedans l’extrait des clérostomes est donc indiscutable (nous avons répété cette expérience 32 fois) ; elle varie d’intensité, mais elle existe toujours. Pour nous convaincre que cette substance vient de l’helminthe et non des microbes qu’on trouve en nombre considérable sur son corps, nous avons fait des recherches parallèles avec le contenu filtré du gros intestin du cheval. Nous n’avons jamais obtenu d’hémolyse avec ce produit. D’autre part, le contenu intestinal des sclérostomes, prélevé directement au moyen d’une pipette effilée, présente les mêmes propriétés hémolysantes que l’extrait de vers. Cette hématoxine est thermostabile ; chauffée pendant une demi-heure et plus à 56-60 degrés, elle conserve ses propriétés. Celles-ci ne sont pas complètement détruites à 100 degrés, à 115 et même à 120 degrés; l’action hémolytique est alors seulement affaiblie et ralentie. Passé à travers le filtre Chamberland, l’extrait perd ses pro- priétés ; il les conserve parfois après filtration sur bougie Ber- kefeld. Nous avons également recherché si cette hématoxine est spé- cifique. Elle ne l’est pas ; elle dissout également les hématies du lapin, du cobaye, du bœuf et du mouton. Elle détruit à peine les globules rouges de l’homme. Nous avons préparé la poudre avec les sclérostomes desséchés dans le vide. Cette poudre est d’un gris clair et d’une odeur 800 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR caractéristique très prononcée. Une petite quantité de cette pou- dre (15 à 20 centigr.), ajoutée à 10-20 gouttes de sang lavé, dis- sout les globules rouges très rapidement, parfois en moins d’une heure. L’extrait éthéréde la poudre de sclérostomes possède égale- ment cette propriété de dissoudre les globules rouges. Pour obtenir l’extrait éthéré, on agite 10 à 15 minutes le mélange de 25 centigrammes de poudre des clérostomes et lOc.c. d’éther sulfurique. On laisse ce mélange toute une nuit; le len- demain on l'agite quelques minutes, on filtre et le liquide obtenu est évaporé au bain-marie. A la suite de cette opération, il reste au fond du tube une petite masse jaunâtre collée au verre. On laisse ces tubes pour quelques heures à l’étuve de façon à ce que toute trace d’éther ait disparu. On verse 10 à 20 gouttes de sang de cheval lavé dans ce tube, on décolle avec une pipette l’extrait fixé au verre et on agite quelques instants le mélange. Le sang est en général hémo> lysé après 1-2 heures, même à la température de la chambre. Parfois l’hémolyse s’opère beaucoup plus rapidement. Nous avons également pratiqué deux expériences avec l’extrait alcoolique. Ce dernier n’a pas dissous les globules rouges de cheval. 11. — Action comparée des extraits de di/lérenies parties de sclérostomes. Pour étudier l’action comparée des différentes parties du sclérostome, il faut procéder de la façon suivante. On choisit les plus gros spécimens du Sclerostomum equimim , on sépare la tête et on coupe la partie terminale de l’extrémité caudale. Dans ces conditions, il n’est pas difficile de retirer du corps de ce parasite son intestin qui se présente sous forme d’un tube d’un rouge noir. Cette expérience est très minutieuse; nous l’avons répétée trois fois. Nous avons fait séparément des extraits de têtes, d’in- testins et d’enveloppes du parasite avec ou sans organes génitaux. EXTRAIT DE SCLÉROSTOMES SUR LE SANG DE CHEVAL 801 Dans la première expérience 71 têtes de sclérostomes ont été triturées avec 3 c. c. d’eau physiologique; les intestins et les corps correspondants ont été triturés dans la même quan- tité d’eau . Dans la deuxième et troisième expériences, nous avons trituré 100 têtes dans 4 c. c. d’eau physiologique. 11 en fut de même pour les autres parties de parasites. Ces expériences ont montré que l’extrait de têtes hémolyse le sang beaucoup plus rapidement que celui d’intestins. Dans la première expérience, nous avons obtenu une légère hémo- lyse avec l’extrait de corps. Ce résultat a tenu à ce que nous n’avons pas bien débarrassé l’enveloppe de vers du tube digestif. Dans les expériences suivantes, où nous n’avons employé que les enveloppes d’helminthesc omplètement débarrassées de leurs tubes digestifs, nous n’avons pas constaté d’hémolyse. Ces expériences montrent que c’est surtout la partie céphalique du ver qui contient la substance toxique. L’intestin en sécrète aussi, mais moins. D’autre part, ayant appris que l’extrait de têtes a les mêmes propriétés que celui de parasites entiers, nous avons remplacé, dans nos expériences ultérieures, le deuxième liquide par le premier, et cela avec un grand avantage, car l’extrait de tête est clair et donne très peu de dépôt lors- qu’il est chauffé. III. — L'extrait de sclérostomes empêche la coagulation du sang de cheval. On sait que l’extrait de sangsues empêche la coagulation du sang. D’autre part, Loeb et Smith1 ont montré que l’ex- trait d’ankylostomes du chien exerce une certaine action empêchante sur la coagulation du sang de cet animal. Nous avons fait une série d’expériences, pour rechercher si' 1. Léo Loeb et A. -J. Smith, Ueber eine die Blutgerinnung hernrnende Substanz in Anchylostoma caninurn, Centralblatt f. Bakt., Parasilenkunde, etc: Originale, 1904, p. 93-98. Léo Loeb, Ein weiterer Versuch iiber die Blutgerinnung hemmende Substanz in Ankylolostoma caninum, Centralblatt f. Bakt. und Pai'as. Originale, 1906, p. 740-41. 802 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’extrait de scle'rostomes possède les mêmes propriétés vis-à- vis du sang de cheval. lre Expérience. — On recueille dans 5 tubes à essai, conte- nant chacun 1 c. c. d’extrait de sclérostomes, d c. c. de sang de cheval. Cette expérience est faite au moment de l’abctage du cheval : le sang est recueilli à la jugulaire, lorsque le jet se ralentit. Le sang témoin coagule en 3 minutes. Le sang mélangé à de l’extrait reste incoagulé. 2e Expérience. — Cinq tubes contenant 2 c. c. d’extrait reçoivent chacun 6 c. c. de sang. Le sang témoin coagule en 12 minutes; le sang traité avec l’extrait reste incoagulé. 3e Expérience. — On recueille 1 c. c. de sang de cheval dans chacun des 3 tubes contenant 1 c. c. d’extrait de têtes de sclérostomes. Dans deux autres tubes contenant également 1 c. c. du même extrait, on ajoute 1 c. c. de sang. Le sang témoin coagule en 17 minutes, le sang traité reste incoagulé. 4e Expérience. — 5 tubes contenant 1 c. c., 1/2 c. c., 3/10 de 1 c. c., 2 10 de 1 c. c., 1/10 de 1 c. c. d’extrait de têtes reçoivent chacun l c. c. de sang. Le sang témoin coagule en 17 minutes, les mélanges de sang et d’extrait restent incoagulés. 3e Expérience. — Dans un tube contenant 1 c. c. d’extrait de têtes de sclérostomes, on recueille 4 c. c. de sang : dans un autre contenant 1 seule goutte du même extrait, on recueille 1 c. c. 1/2 de sang. Le sang témoin coagule en 15 minutes ; les mélanges restent incoagulables. 0e Expérience. — On recueille 2 c. c. de sang dans un tube contenant 1 c. c. d’extrait de larves de sclérostomes. Le sang témoin coagule en 13 minutes; le mélange de sang et d’extrait reste incoagulé. Tous les tubes contenant le mélange de sang et d’extrait ont été placés au bout d’une heure à la glacière. Tous ces mélanges sont restés incoagulés, même après 4 jours. Les résultats de ces expériences sont très nets : elles montrent que les sclérostomes sécrètent une substance EXTRAIT DE SCLEROSTOMES SUR LE SANG DE CHEVAL 803 toxique ayant la propriété d’empêcher la coagulation du sang de cheval. Cette substance est très active, puisque dans une de nos expériences 1 seule goutte d’extrait de tête a rendu incoagulable 1 c. c. 1 /2 de sang. Il est à noter que l’extrait de larves du même parasite possède également cette propriété. IV. — Propriétés cle V extrait. Nous avons fait deux séries d’expériences pour rechercher si l’extrait de sclérostomes a une action quelconque vis-à-vis du sérum de cheval. Le sérum de cheval auquel on a ajouté 1 à 5 gouttes d’extrait devient trouble et laisse, le lendemain, un dépôt assez marqué. 11 était difficile de tirer une conclusion de ces expériences. Ayant trouvé que l’extrait de têtes a les mêmes propriétés que l’extrait d’individus entiers, nous avons répété nos expé- riences avec le premier liquide. Les expériences pratiquées avec l’extrait de têtes ont donné des résultats très nets. Le sérum de 9 différents chevaux traité par cet extrait (2, fi, 10 gouttes pour 20 gouttes de sérum) a donné le lende- main un précipité très caractéristique. L’extrait dont nous nous sommes servi dans cette expé- rience était très légèrement alcalin. Une alcalinisation forte de cet extrait n’a pas donné lieu à la formation d’un dépôt quelconque. Cet extrait précipite également le sérum de lapin; il a une action beaucoup moins marquée pour le sérum de cobaye. V. — Action de l’extrait de larves de sclérostomes. Les larves de sclérostomes pénètrent dans le courant circula- toire, se fixent sur le paroi de l’aorte et des grosses artères, ou bien vont se loger sous le péritoine abdominal ou sous la plèvre. 11 était donc important de connaître si les larves, elles aussi, sont capables de sécréter des produits toxiques. En effet, si les larves sécrètent des toxines, celles-ci son absorbées par l’organisme du cheval, et, comme ces parasites 804 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR larvaires sont parfois en nombre considérable, elles peuvent amener des troubles très sérieux. Les larves sont recueillies dans les nodules sous-périto- néaux, lavées deux ou trois fois dans l’eau salée et triturées avec une quantité d’eau physiologique égale à leur poids. 3 séries d’expériences ont été instituées avec l’extrait simple ; nous avons toujours obtenu une légère hémolyse dans les mélanges de 5 gouttes d’extrait pour 10 gouttes de sang. Une quatrième série d’expériences a été faite avec l'extrait de tôtesde larves. 73 têtes de larves ontété triturées dans 3 c. c. d’eau physiologique. L’extrait ainsi obtenu a donné une légère hémolyse comme l’extrait de larves entières. Nous avons vu plus haut que l’extrait de larves a aussi une action empêchante sur la coagulation du sang. YI. — Action empêchante du sérum de cheval. Nous avons recherché si le sérum de cheval empêche l’action de l’extrait de sclérostomes sur les globules rouges. Dans ce but, nous avons pratiqué de nombreuses expériences avec 2 échantillons de sérum. Le sérum de cheval n’empêche pas l’hémolyse des globules rouges par l’extrait simple ni par l’extrait chauffé à 56°. Par contre, il a une action très nette sur l’extrait bouilli ou stérilisé à Mo0. Dans ces expériences, nous avons ajouté aux globules rouges autant de gouttes d’extrait (1> 3, o gouttes) que de sérum. Le sérum chauffé (à 56° pendant 1/2 heure) possède une action empêchante un peu plus prononcée ; son action se manifeste déjà vis-à-vis de l’extrait chauffé à 36°. Les globules rouges soumis à l’action combinée de l’extrait et du sérum chauffé à 56° montrent une ^hémolyse moins marquée que lorsqu’on les traite par le mélange d’extrait non chauffé et de sérum chauffé. Le sérum de lapin chauffé empêche également l’action de l’extrait de sclérostomes bouilli ou stérilisé, mais d’une façon beaucoup moins marquée que le sérum de cheval. Il en est de même pour le sérum de cobaye. EXTRAIT DE SCLÉROSTOMES SUR LE SANG DE CIIEVAL 805 VIL — Étude des extraits d'autres vers instesünaux. Il était intéressant d’établir si les extraits d’autres helminthes qu’on trouve souvent dans l’intestin du cheval possèdent les mêmes propriétés. Nous avons porté nos recherchés sur l’oxyure, l’ascaride et les ténias. a) Oxyuris equi. Expérience 1. — 2 grammes d’oxyures sont triturés avec 2 c. c. d’eau physiologique. On verse 1, 3, 5 gouttes d’extrait dans les tubes contenant chacun 10 gouttes de sang lavé. Le sang n’est pas hémolysé même au bout d’une nuit passée à la glacière. Expérience 2. — 12 grammes d’oxyures sont triturés avec 12 c. c. d’eau physiologique. On prépare 5 séries de 4 tubes avec du sang lavé; on ajoute 1, 3, 5 et 10 gouttes d’extrait. Pas d’hémolyse. Expérience 3. — Le même résultat négatif a été obtenu dans la troisième série d’expériences où nous avons ajouté au sang lavé 1,3, 5 gouttes d’extrait ; b) Ascaris megalocephala. — Nous avons pratiqué 7 expé- riences avec l’extrait d’ascarides provenant de l’intestin grêle de différents chevaux. Dans les 3 premières expériences nous avons obtenu une légère hémolyse dans les tubes où 10 gouttes de sang ont été mélangées à 10 gouttes d’extrait. Nous avons répété ces expériences après avoir débarrassé les parasites en question du contenu intestinal du cheval, en les soumettant aux 3 lavages successifs dans l’eau physio- logique. Les quatre nouvelles séries d’expériences ont donné des résultats négatifs. Comme l’intestin d’ascaride contient en général une certaine quantité de liquide, nous avons broyé ces parasites sans y ajouter d’eau physiologique. La bouillie obtenue était centri- fugée tantôt immédiatement, tantôt après quelques heures de séjour à la glacière; c) Tamia perfoliata. — Les ténias de cette espèce, qu’on trouve souvent en grand nombre dans le cæcum du cheval, ont 806 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR été soigneusement lavés dans l’eau physiologique et triturés avec la quantité d’eau égale à leur poids. Nous avons pratiqué 4 séries d’expériences. Les parasites qui nous ont servi à chaque expérience provenaient d’un cheval di fièrent. Les résultats de toutes nos expériences ont été négatifs. L’extrait de ces ténias n’hémolyse pas les globules rouges de cheval, même dans la proportion de 10 gouttes d’extrait pour 10 gouttes de sang ; d) Tamia plicata. — Ce parasite habite l’intestin grêle du cheval. Il est assez rare. Nous en avons trouvé dernièrement un seul exemplaire qui pesait 2?r,50. Ce ver a été trituré dans 5 c.c. d’eau physiologique. 11 a été versé 2, 0, 10 gouttes de l’extrait ainsi obtenu dans 3 tubes contenant chacun 10 gouttes de sang. Les globules rouges sont restés intacts. CONCLUSIONS 1. L extrait de sclérostomes du élieval possède la pro- priété de dissoudre les globules rouges de cet animal. 2. Cette hématoxine est sécrétée sûrtout par la partie céphalique du parasite, mais aussi par son tube digestif. 3. Cette hématoxine est thermostabile. Elle n’est pas complètement détruite, même chauffée k 1 13-120 degrés pendant 15 à 20 minutes. 4. Elle n’est pas spécilique, elle dissout en même temps les globules rouges d’autres animaux (cobaye, lapin, bœuf, mouton). 5. Les sclérostomes sécrètent également une substance ayant les propriétés de- précipitines à l’égard du sérum de cheval. Cette toxine n’est pas spécifique; elle précipite aussi le sérum de lapin. 6. L’extrait de larves de sclérostomes possède les mêmes propriétés que celui d’individus adultes, mais son action est moins marquée. 7. Le sérum de cheval empêche l’action de l’extrait bouilli ou stérilisé sur les globules rouges de cheval. Le sérum de cheval chauffé (à 56° pendant 1/2 heure) est plus actif et son EXTRAIT DE SCLÉROSTOMES SUR LE SANG DE CIIEVAL 807 action se manifeste même vis-à-vis de l’extrait chauffé à 56". 8. Les autres helminthes qu’on trouve dans l’intestin du cheval ( Oxijuris cqui , Ascaris megalocephala , Tœnia perfolatia , Tœnia plicata) ne sécrètent pas une hématoxine pour les globules rouges de cet équidé. Il semble découler des expériences que nous avons relatées dans ce travail que, des divers parasites intestinaux du cheval, le seul capable de sécréter une hématoxine est aussi Je seul qui se nourrit du sang de l’animal dont il est l’hote. Nous avons commencé des expériences en vue d’étudier l’action de ces substances sur l’organisme animal. Ces expé- riences seront publiées ultérieurement. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE SUR l’association du Spirille de la Tick-fever et de divers Trypanosomes Par le R. TRAUTMANN MÉDECIN DES TROUPES COLONIALES (Travail du laboratoire de M. Mesnil.) Les recherches faites ces dernières années ont établi que les différents trypanosomes, sauf le . Trypan. lewisi, sont assez facilement influencés par diverses substances chimiques : arse- nicaux, couleurs de benzidine, etc. D’autre part, il semble résulter des travaux de quelques auteurs (Nissle, Thomas et Breinl, Massaglia, Rodet et Val- let, etc.), que certaines bactéries ont une action générale (cas de septicémie microbienne) ou locale (cas d’abcès) sur les infections à trypanosomes, mais aucune étude méthodique n'en a été faite. 11 est malheureusement difficile de régler l'action de ces bactéries, et surtout d’arriver à obtenir une action pro- longée des microbes vivant côte à côte dans le sang avec les trypanosomes. L’idée nous est venue de rechercher si les spirilles — dont l’évolution, chez l’organisme vivant, rappelle à tant d’égards celle des trypanosomes pathogènes — n’exerceraient pas une action analogue. Nous nous sommes servi du spirille de la Tick-fever, qui a l’avantage de provoquer chez les animaux, et en particulier chez la souris, des affections à récurrence. Toutes nos expériences ont été faites sous la direction de M. Mesnil, à l’Institut Pasteur. Les premières recherches portèrent sur l’association du spirille et du Trypan. gambiense ; les résultats ne purent en être appréciés avec certitude, l’affection à gambiense étant souvent longue et très irrégulière chez la souris. Nous avons employé ensuite le trypan. delà Dourine, ceux du Surra et du Nagana. Le Nagana (virus de passage par souris, de l'Institut Pas- teur) présente l’avantage de fournir une infection rapide et ASSOCIATION DE SPIRILLES ET DE TRYPANOSOMES 809 sûre; il tue régulièrement la souris, par inoculation sous la peau, en 4 jours 1/2, 5 jours, 6 jours au maximum. D'autre part, depuis le moment de leur apparition dans le sang, lés trypan. y augmentent d’une façon continue, sans qu'on constate jamais la moindre régression. Tick-fever et Nagana Les résultats ont sensiblement différé, suivant le mode d’administration des deux virus ; aussi avons-nous fait trois séries d’expériences, donnant les spirilles avant les trypan., après, ou en même temps qu’eux. Expérience A Le même jour et à la même heure : Nagana sous la peau du dos ) . „ «Spirilles dans le péritoine j a S0U11S' Nagana sous la peau du dos à 1 souris témoin. DATES SOURIS I SOURIS II SOURIS III TÉMOIN Trypan Spirilles Trypan. Spirilles Trypan. Spirilles Trypan. I (> h. soir Ier jour 0 R 0 R 0 0 0 2e 0 N R 0 R 0 R 0 3e — 0 N 2 N 1 N 0 4c — 3 NR TR TR TR T N NR 5e — 4 0 1 0 H N 0e — TR 0 0 0 + (5®-6e) / e — 0 1 2 0 8* — 0 TR 1 9* — TR NR TR 0 10e — H h N R 0 12° — 4 I signifie inoculation Note. — Pour toutes nos expériences, les abréviations employées indiquent le nombre de ont la valeur su O parasites vus dans une ivante : aucun parasite. vu toutes les 5 minutes vus en 2 minutes, pour 3 à 4 champs, par champ, environ par champ, EN : plus outte de sang examiné à l’état frais, et TR un R 3 - 4 A R 1 — NR 1-2 AN N 10 moitié moins TN autant L’indication -f- indique la mort survenue dans la journée; celle + (oe-6c) par exemple, indique que la mort est survenue dans la nuit du 5e au 6e jour. 810 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le tableau ci-dessus indique la marche de la maladie chez les quatre animaux. Le témoin est tué en 5 j. I 2 (évolution normale du Nagana). La mort de la souris III, survenue le 4e jour, peut, vraisemblablement, être attribuée aux spirilles, une proportion assez forte d’animaux succom- bant lorsque ces parasites sont très nombreux dans la circulation. Les souris I et II ont survécu 4 j. 1/2 et 6 j . 4/2 au témoin: on constate, le 7e jour pour la souris I, le 5e pour la souris II, une diminution dans le nombre des trypan. Or, ce phénomène ne s’observe jamais quand le Nagana est inoculé seul. D’autre part, la mort de ces deux souris est survenue sans que les trypan. se soient montrés en quantité suffisante pour que leur présence seule la justifie. Nous verrons, en effet, par la suite, que ni l’association de trypan. plus ou moins rares et de spirilles non rares, ni l'existence de trypan. non rares seuls, ne constituent, en règle générale, une cause de mort; celle-ci n’arrive normalement qu'au moment où les trypan. sont très nombreux dans le sang. Expérience B. Le même jour et à la même heure : Nagana et spirilles, en mélange, dans le péritoine à 3 souris. Témoins î ^aoana dans le péritoine à 1 souris. \ Spirilles dans le péritoine à 1 souris. DATES TÉMOIN à Spiriilts. Spirilles. TÉMOIN à Nagana . Trypan. SOURIS I SOURIS II SOURIS III Tryp. Spir. Tryp. Spir. Tryp. Spir. I 11 h. malin. 1er jour. N R AN N R AR 0 N R Oc N TN +(2h) T N AN AN A R AN NR 3e — AN + (2-3*) TN + N (ih) TR N 4e _ N 0 0 5« — TR 2 0 6e — 0 0 0 ~ c NR 0 0 8e — N TR 0 9e — AN 0 0 19e — TR 1 0 il* — 0 1 0 1 2e — 0 R 0 14e — N - N TN 15® — N + (14-15*) 16e __ 0 etc. ASSOCIATION I)E SPIRILLES ET DE TRYPANOSOMES 811 Le témoin à Nagana meurt en 52 heures exactement. Le témoin à spirilles présente une évolution normale de la maladie, avec deux crises. Chez la souris I, où l’évolution du Nagana semble cependant plus rapide que chez le témoin, la mort arrive seulement dans la nuit du 2e au 3e jour. Chez la souris IL on constate un retard plus marqué, puisqu’elle ne suc- combe qu’au bout de 74 heures. Enfin, la souris III résiste et présente le phénomène de régression des trypan., déjà signalé chez les souris I et II de l’expérience A. Nous nous étendrons plus loin sur l’évolution anormale des spirilles chez cette souris. Elle meurt dans la nuit du 14e au 15e jour, soit un retard de 42 j. 1/2 sur la mort du témoin. Expérience C. Le même jour et à la même heure : Nagana et spirilles, en mélange sous la peau à 2 souris (I et II.) Nagana sous la peau et spirilles dans le péritoine à 2 souris (III et I V.) rp l Nagana sous la peau à 1 souris. l Spirilles dans le péritoine a 1 souris. SOURIS I SOURIS II SOURIS III SOURIS IV Témoin à Témoin à DATES Trypan. Spirilles Tryp. Spir. Tryp. Spir. Tryp Spir. Tryp. Spir. Trypan. Spirilles 111 h. 1/2 mal. lor jour. 1 TR TR A R TR AR TR AR TR NR TR AN NR T N N R TN AR N N R T N 3e — N R T N AN T N AN TN A R N N T N 4 e — AN TN + (3 ®-4®) N TN TR 0 T N AN 5® — N 0 (4< >-5*) 0 0 + (lh.) 0 G® — TR 0 0 0 + R TR 7e — TR R 0 0 8® — NR AN N R 0 9® — AN N N 0 11® — N . R + (2h.) •J 2e NR NR ■13® — + (: 2 h.) La mort du témoin à Nagana arrive en 97 heures 1/2. Celle des souris II et III semble devoir être rattachée surtout à la pré- sence de très nombreux spirilles dans le sang; celle du témoin à spirilles, à une affection banale n’ayant aucun rapport avec la spirillose. 812 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les souris I et IV voient leur maladie évoluer, à peu de chose près, comme celle des souris résistantes des expériences A et B. Nous remarquerons simplement ici, pour y insister plus tard, que la souris I, présentant une évolution normale de spirilles, semble réagir moins bien aux trypan. que la souris IV, chez laquelle l’infection à spirilles se fait d'une façon anormale. Cependant, la mort de celle-ci se produit la première, au 12e jour, soit 7 jours plus tard que celle du témoin. La souris I meurt le 13e jour à 2 heures, sans présenter dans le sang une grande quantité de parasites, soit 8 j. 1/2 après le témoin. Expérience D Nagana sous la peau à 5 souris. Le lendemain spirilles dans le péritoine à 4 d’entre elles. DATES SOURIS I SOURIS II SOURIS III Tryp. Spir. SOURIS IV TÉMOIN Trypan. Tryp Spir. Tryp. | Spir. Tryp. 1 Spir. Inoc. Nagana 1er jour Inoc. Spirilles 0 0 0 0 0 2e jour 1 TR 0 AN 2 A R 0 R 0 3e — 4 N R TR AN TR AN 1 AN 2 ~b (3 c . 4e, 4e — A R AN 1 AN NR N TR TN N 5e — NR U AN AN N R T N + (L-5C) 6e — 1 i 0 TR 0 + (4 5e) 7 e 0 0 1 0 8e — 0 0 1 2 9e — 3 0 A R 0 10e — 3 2 AN A R Me _ I 4 A R N R 13e — 4 0 0 0 14e — 1 0 A R 0 15e — 1 0 N R 0 16e — TR AR AN 0 17e — 0 A R TR N R 18e — 0 TR 0 0 20e — 0 0 0 0 2ie . 0 0 »> 0 22e 0 0 R 0 2 Je R 0 AN 0 25e — AN 0 AN 0 26e — AN 0 AN 0 27e N 0 N R 0 28 e N R R 0 2;c A R 0 TR 0 « 2(ie — N R 0 NK 0 27e — -f (Midi) AN 0 28e AN 0 29® — N 0 3Ue — + (1 1 h.) Cette expérience est en partie la répétition et la confirmation de la pré- cédente. L’inoculation a été cette fois plus massive. Le témoin meurt en Il jours 1/2: la souris III en 4 jours avec des Trypan. très nombreux, malgré l’inoculation de spirilles. Nous n’insisterons pas sur l’évolution des deux parasites, qui a eu lieu, à peu de chose près, comme dans l’expérience I). La souris II a été inoculée à trois reprises de spirilles dans le péritoine (8e, 9e et 14e jours) et nous n’avons constaté, à la suite des réinjections, aucune modification dans la marche de la maladie. La souris I est morte le 27e jour, la souris II le 30e jour. ASSOCIATION DE SPIRILLES ET DE TRYPANOSOMES 813 Expérience F Spirilles dans le péritoine à 2 souris. Le lendemain Nagana sous la peau à ces deux et à un témoin. DATES INOCULATIONS SOI’ RIS I SOURIS II TÉMOIN Tryp. Spir. Tryp. Spir. Tryp. i h. 1 /2 soir. Spirilles péritoine â souris I et II. Lendemain oh. 1/2 soir. Nagana sous la peau aux 3 souris. 1er jour. . . . 0 T N 0 TN 0 2e Ü EN 0 EN 0 «Ie .... 0 EN 0 TN 0 4e — .... + (3 c-4f.) TH N N R — .... H ü N 6c — .... AN 0 + (5*6*.) 7 e — .... TN ü 8e — .. . . 1 + G l> . soir.) Le témoin meurt dans la nuit du 5e au Ge jour après l’inoculation de Nagana. L’abondance extrême de spirilles cause la mort de la souris 1 (les Trypan. n’ont pas eu le temps d’apparaître). La souris II ne dépasse pas le 8e jour et le tableau rend compte qu'il n’y a pas eu régression des Trypanosomes. Expérience G. Spirilles dans le péritoine à 2 souris. Le lendemain, Nagana dans le péritoine à ces deux et à un témoin. 810 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR SOURIS I SOURIS II TÉMOIN DATES INOCULATIONS Tryp. Spir. Tryp. Spir. Tryp. 4 h. 1/2 soir. Spirilles dans le péri- toine à souris I et IL Lendemain 5 h. soir. Nagana dans le péri- toine aux trois. 1er jour. . . . 0 TN 0 TN 0 9c 0 EN I EN AR 3e — .... TR EN TR EN N 4e — A R TN AR TN + (3e-4e) 3e — AN 0 AN ü 6« — . . . TN 0 N 0 7e - .... EN 0 TN 0 8e — .... + (7*-8°) EN 0 9« — .... + (8e-9e) Comme dans l’expérience précédente, il est à remarquer que l’infection à Trypan. a suivi une marche régulièrement progressive, mais ralentie, jusqu’à la mort des deux animaux. Il paraît donc évident, d’après les expériences précédentes, que, dans la majorité des cas, l’action des spirilles n’est pas douteuse et gêne le développement des Trypan. Quelle peut être la raison de cette action empêchante? L’immunité acquise par les souris contre les spirilles influence-t-elle les Trypan.? Pour élucider cette question, nous avons fait l’expérience. Expérience H. Le môme jour et à la même heure : De 3 souris ayant acquis l’immunité pour les spirilles, l’une est inoculée de spirilles dans le péritoine (souris I); l’autre de spirilles dans le péritoine et de Nagana sous la peau (souris II) : la 3e de Nagana sous la peau (souris III). De 3 souris neuves, l’une est inoculée de spirilles dans le péritoine (sou- ris IV); l’autre de Nagana sous la peau (souris V); la 3e de spirilles dans le péritoine et de Nagana sous la peau (souris VI). ASSOCIATION DE SPIRILLES ET DE TRYPANOSOMES 817 SOHItlS I SOURIS II SOURIS III SOURIS IY SOURIS Y SOURIS VI m Spir Tryp. Spir. Tryp. Spir. Trypan. Tryp. Spir. 5 h.t/4soir Nagana sous la peau à sou- ris II, III, V et VI. Spirilles dans le péritoine à souris I, ÏI, IV et VI. 1er jour 0 0 0 0 AN 0 0 NR 2e — 0 0 0 0 N 0 0 N + 0 2-3*) 3* — 0 0 0 0 N 0 4e — 0 AR 0 I TR A R 5e — 0 N 0 AR 0 N 6e — 0 TN 0 N 0 T N + 2«) -f-(œidi) 7e . — 0 TN 0 etc. +(1“) 8e — NR î)« — AR 10* — 0 H. — 0 12e — 0 13, — 0 l4e — R 15e — 0 etc. Comme il fallait svy attendre, les souris I et If n’ont pas réagi à la nouvelle inoculation de spirilles. La souris IV a fait une spirillose normale. La souris VI succombe en 2 jours 1/2, sans présenter de Trypan. Les souris V et II meurent en 5 jours 1/2; la souris III en 6 jours 1/2 i. L’immunité de la souris contre les spirilles n’empêche donc pas le Nagana d’évoluer normalement chez elle. L’expérience précédente nous montre que l’immunité des animaux contre les spirilles est insuffisante pour expliquer la disparition des Trypan. à certains moments. Il est donc permis de penser qu’il peut y avoir une action toxique des spirilles pour les Trypan. Voyons-le dans l’expérience suivante. Expérience 1. Nagana dans le péritoine à 3 souris. Le lendemain, iaoculation d’un culot de spirilles morts dans le péritoine des deux premières. i. — Toutes les inoculations laites à la même époque dans le laboratoire de M. Mesnil, avec le Nagana, amenèrent la mort des souris en un temps variant de 5 jours à 6 jours 1/2, c’est-à-dire avec un retard de 24 heures environ sur le temps normal. 8 J 8 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le culot de spirilles a été fourni par un gros rat saigné à blanc 4 jours après une inoculation de spirilles dans le péritoine, et présentant, au moment où il a été tué, des parasites nombreux dans la circulation. Le sang prélevé a été défibriné, puis centrifugé pendant d heure. Le culot obtenu, placé dans 1 c. c. d’eau physiologique, a été inoculé après un chauffage de 10 minutes à 56°. L’action des spirilles morts a été nulle : le témoin est mort dans la nuit du 3e au 4e jour comme l’une des souris; l’autre avait succombé le 3e jour à 4 heures. Les 3 animaux présentaient des Trypan. très nombreux. & ^ Telles ont été les principales expériences faites. Il s’en dégage, comme fait saillant, que, dans la majorité des cas, la présence de spirilles rivants, chez une souris naganée, retarde la mort de celle-ci. La survie des animaux nous paraît relever d’une double action exercée par les spirilles sur les Trypanosomes ; 1° Une gêne apportée au développement de ces derniers; 2° Une diminution de leur virulence vis-à vis de l’animal en expérience. La gêne apportée au développement des Trypan. est visible dans presque toutes nos expériences : nos témoins montrent, en effet, que le Nagana étant inoculé seul, les parasites met- tent un temps très court pour passer de très rares à nombreux ou très nombreux. Quand, au contraire, des spirilles ont été inoculés, soit en même temps que les Trypan., soit avant ou après eux, il faut, en règle générale, un laps de temps beaucoup plus considérable pour observer dans la circulation une grande quantité de Trypan.; quelquefois même, la souris meurt sans que ceux-ci dépassent 1 à 2 par champ. (Exp. A, C, E.) D’autre part, chez les témoins, dès que les Trypan. devien- nent très nombreux, la souris meurt brusquement, et il est rare de voir un animal résister plus d’un jour, lorsqu’il présente dans son sang une grande quantité de parasites. Or, dans plusieurs de nos expériences, des souris sont morles après avoir présenté pendant plus de 2 jours des Trypan. très nombreux ou même excessivement nombreux. Cette cons- tatation fait songer à une diminution de virulence de Trypan., mais il n’y a pas atténuation durable, comme nous le verrons plus loin. ' 4 ASSOCIATION DE SPIRILLES ET DE TRYPANOSOMES 819 Le manque de temps nous a empêché de poursuivre E expli- cation du phénomène. Les deux seules expériences que nous avons faites à ce sujet (Exp. H et I) nous montrent qu’il ne faut la chercher ni dans l'immunité des animaux contre les spirilles ni dans Faction toxique des spirilles morts sur les Trypan. Nous restons toujours en présence du même fait inexpliqué, mais qui n’en est pas moins intéressant, c’est qu'une affection agit nettement sur l’autre. Chaque nouvelle poussée de spirilles, chez nos souris à longue survie, semble coïncider avec une régression du Trypan. C’est sans doute à cette régression périodique qu’il faut attribuer le retard survenu dans la mort, peut-être parce que, à chaque nouvelle reprise, la souris se trouve dans des condi- tions de défense équivalentes à celle où elle se trouvait au moment de la première infection. En tout cas, ce n’est pas à une atténuation vraie de viru- lence du Trypan. qu’il faut l’attribuer : les expériences suivantes le prouvent. Une souris neuve est inoculée avec du Nagana provenant de la souris III de l’expérience D ; elle meurt en 4 jours 1/2. La veille de sa mort, il lui est fait un prise de sang qui est inoculé à une souris neuve; celle-ci succombe également en 4 jours 1/2. Avec cette dernière souris, au 4e jour de l’infection, un troisième animal inoculé meurt aussi en 4 jours 1/2. Dans ces trois cas, l’évolution du Nagana a été absolument normale. Nous croyons pouvoir en conclure que le virus n’a subi aucune atténuation durable par le contact prolongé a^ ec les spirilles. Ces trypan. qui ne sont pas atténués et qui ont vécu ainsi en contact avec les spirilles, comment se comportent-ils en association avec de nouveaux spirilles chez des animaux neufs? Pour nous en rendre compte, nous avons établi les expé- riences suivantes ; 1. — Avec du sang provenant de la souris III, Exp. D, au 31e jour de l’infection, nous avons inoculé 3 souris, sous la peau, et, pour réaliser les mêmes conditions que dans ladite expérience D, le lendemain nous avons injecté des Spirilles dans le péritoine. Les souris réagissent toutes ainsi ; 820 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 2« jour Trypanosomes TR Spirilles NR 3e « NR N 4« « N TN 5e « N NV Mort dans la nuit du 5« au 6® jour. Les Trypan. semblent donc vaccinés contre les spirilles. Cependant nous allons voir que. dans l’expérience suivante, une souris fait exception. 2'. — Une souris neuve reçoit du sang de la même souris III, Exp, D, au 31e jour ; le 4e jour de l’infection, elle sert à inoculer sous la peau 4 souris dont trois reçoivent, le lendemain, du Spirille dans le péritoine. Le tableau suivant résume la marche de l’infection. DATES SOURIS I SOURIS II SOURIS III TÉMOIN Trypan. Trypan. Spirilles Trypan. Spirilles Trypan. Spirilles I tryp.5h. %soir j ISp.ierj.6h. 2» _ TR R R TR TR TR R 3 e — N N N N AN TR N 4e _ TN TN TN TN TN N TN 5c _ -H* :e-5e) EN 0 EN 0 + (4*-5e) + d h.) 6e — N 0 7e — 0 TR 8e -- 0 AN 9». — 0 TR 10* — TR TR 11c L_ NR NR A cette date, traitée par Atoxyl. 3. — Avec le témoin de l’expérience précédente, 3 souris sont inoculées sous la peau et deux d’entre elles reçoivent, le lendemain, des spirilles dans le péritoine. Le témoin meurt en 3 jours 1/2 avec des Trypan. nombreux. L’une des souris succombe en 2 jours avec des Trypan. très nombreux et des spirilles rares; l’autre en 4 jours 1/2, avec des Trypan. très nom- breux et des spirilles assez nombreux. En résumé, de ces 8 souris, une seule a résisté quelque temps; chez les sept autres, les spirilles n’ont eu aucune action. De$ expériences précédentes, il découle que si les Trypan. ASSOCIATION DE SPIRILLES ET DE TRYPANOSOMES 821 ont acquis, contre les produits solubles par lesquels les spirilles sont capables de les inlluencer, une vaccination qui persiste à travers plusieurs passages par souris, cette vaccination n'est pas constante. Nous nous sommes jusqu'ici efforcé de montrer l'action des spirilles sur les Trypan., mais il n'est pas douteux que ces der- niers exercent également une action sur les spirilles. Ainsi, nous avons vu des animaux présenter trois récidives de spirilles, la dernière 29 jours après l’infection (souris I et III, de l'Exp. D), fait jusqu'alors inconnu dans l’infection pure à spirilles. Nous avons aussi signalé, et nous y insistons ici, que les animaux les plus résistants de nos expériences ont générale- ment présenté une évolution anormale de la spirillose. En observant attentivement tous les cas, il nous a paru que Trypan. et spirilles exercent une action réciproque les uns sur les autres, qu’ils se gênent mutuellement, qu’ils se font une sorte de concurrence vitale. Ce n’est d’ailleurs là, nous ne le dissimulons pas, qu'une constatation de fait, et non une expli- cation du phénomène. La manière dont les inoculations sont faites paraît avoir une grande importance ; la série de nos expériences nous montre, en effet, que : 1. — Chez les souris guéries de spirillose, le Nagana évolue sans modifications ; 2. — Chez les souris inoculées d'abord de spirilles, puis de Trypan., on ne constate pas de régression des Trypan.; il y a seulement un léger retard dans la mort des animaux; 3. — Chez les souris inoculées en même temps de spirilles et de Trypan., la survie est plus longue que dans le cas précédent, et les Trypan. subissent une régression ; 4. — Chez les souris inoculées d’abord de Nagana sous la peau, puis le lendemain de spirilles dans le péritoine, la survie a été la plus longue. Tick-fever et Surra. Nous n'avons fait, sur cette association, qu'un très petit 822 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nombre d’expériences : les animaux se sont comportés comme ceux inoculés de Spirilles et Nagana, avec cette seule différence que la mort survenait à des époques plus éloignées, du fait de la moindre virulence du Surra (virus de 1 île Maurice du Dr Lafont) pour la souris. Tick-fever et Dourine. L’évolution de la Dourine (virus Rouget 1904) chez la souris n’a pas la précision ni la rapidité de celle duNagana; nous nous bornerons donc ici à résumer brièvement les observations faites au cours de nos expériences. L’inoculation de Spirilles, pratiquée quatre jours après celle du Trypan., a donné des survies variant de 9 à 29 jours (dans une expérience actuellement en cours ; deux souris, inoculées depuis un mois et demi, ne présentent qu une petite quantité de Trypan.). L’inoculation de Trypan., faite pendant l'infection à Spirilles, n’a donné aucun résultat : la Dourine a évolué normalement. Des inoculations, faites en mélange dans le péritoine à 4 souris, ont permis de conserver 3 des animaux plus de 2 mois; ils sont encore vivants et, seul, l'un d’eux a présenté, le 11e jour, quelques rares Trypan. Le 4e est mort le 24e jour, avec des Trypan. nombreux. Nous avons constaté plusieurs fois, dans l'infection mixte, une troisième récidive de Spirilles, environ 1 mois après l'inoculation. Chez une souris inoculée de Spirilles depuis 20 jours, et semblant guérie, il est fait une inoculation de Dourine : le 29e jour, les Spirilles réapparaissent pendant 3 jours. Tick-fever et Trypan. gambiense. Nous avons expérimenté chez la souris, le rat blanc et le cobaye. Nous transcrivons simplement les* observations sui- vantes, forcément non concluantes, car l’affection à gambiense est longue, irrégulière chez ces animaux. Chez la souris, l'inoculation de Spirilles 15 jours après celle de Trypan. fait rapidement tomber les Trypan. à 0, alors que les témoins en présentent une quantité notable. 3 mois 1/2 après le début de l’infection, les Trypan. sont nombreux ou non ASSOCIATION DE SPIRILLES ET DE TRYPANOSOMES 823 rares chez les témoins; les souris ayant reçu des Spirilles n'en présentent plus. Cependant elles ne sont pas guéries, car l’ino- culation d'une grande quantité de leur sang à un animal neuf lui donne une infection sûre. Chez une souris spirillée, l’inoculation de Trypan. donne une évolution, qui paraît normale, de la maladie à gambiense. Chez les rats blancs , il est difficile de se rendre compte de l’action des Spirilles, l’infection à Trypan. subissant normale- ment des régressions nombreuses et variées. Quatre cobayes ont été infectés de Trypan. Au bout de 2 mois, des Spirilles sont inoculés à deux d’entre eux : les Trypan. tombent à 0 presque immédiatement, bien que l’infection à Spirilles ait été très légère. Les témoins ont toujours présenté des parasites. Les animaux, non guéris, sont encore actuellement vivants. Tick-fever et Trypan. lewisi. A plusieurs rats présentant une infection intense à Trypan. lewisi , M. Mesnil a inoculé dans le péritoine le Spirille de la tick-fever. Dans aucun cas, malgré le résultat positif de l’ino- culation spirillaire, il n’y a eu action sur les Trypan. qui ont persisté encore longtemps en grand nombre comme chez les témoins. Ce fait est à rapprocher de l’action nulle des divers médica- ments, actifs vis-à-vis des Trypan. pathogènes des mammifères, sur le Trypan. lewisi. MM. Laveran et Mesnil1 l’ont établi pour le sérum humain, l’arsénite de soude et le trypanrotb. M. Mesnil (recherches inédites) n’a pu non plus obtenir d’action avec les meilleures des couleurs de benzidine étudiées par M. Nicolle et lui-même, pas plus qu’avec l’atoxyl ou son dérivé acétylé. Conclusions. 1° L’infection mixte à Spirilles et Trypan. modifie la marche des deux infections simples; 2° En général, chaque fois que reparaissent les Spirilles, les Trypan. régressent, chez les animaux résistants; 3° Cette régression périodique des Trypan. entraîne une survie notable des animaux infectés; 1. Laveran et Mesnil, Trypanosomes et Trypanosomiases, Paris, Masson, p. 95. 824 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 4° L’infection mixte amène l’apparition, à des dates particu- lièrement éloignées, de nouvelles infections à Spirilles; 5° L’explication de la survie ne peut' être cherchée dans une atténuation de virulence du Trypan. ; 6° L’action des produits solubles émanant des Spirilles vivants pourrait peut-être expliquer en partie le retard de la mort par Trypan., car ces Trypan. montrent un certain état de vaccination contre de nouveaux Spirilles ; 7° Les produits solubles des Spirilles morts n'ont aucune action sur les Trypan.; 8° Là manière dont les deux inoculations sont pratiquées importe beaucoup. C’est l’inoculation de Spirilles dans le péri- toine faite un jour après celle des Trypan. sous la peau, qui parait donner les meilleurs résultats pour le Nagana. Institut Pasteur, 14 juillet 1907. Sur des régions paludéennes prétendues indemnes d’Anophélines en Algérie Par les Dls Edmond SERGENT et Étienne SERGENT Au cours (le l’hiver dernier, M. le Pf Kelsch s'est élevé contre le soi-disant absolutisme de la doctrine anophélienne dans trois intéressantes communications à l’Académie de Médecine *. Sur deux points, l’éminent savant obtiendra d’unanimes suffrages : En premier lieu, lorsqu’il demande que la prophylaxie du paludisme basée sur les découvertes récentes ne fasse pas oublier les anciennes pratiques qui ont, en somme, pour but le renforcement de la résistance des organismes infectés, par l’amélioration des conditions hygiéniques générales. En second lieu, il est évident que la connaissance de l’étio- logie anophélienne n’implique pas la négation de la possibilité d’une autre étiologie. Celle-ci ne peut être ni affirmée ni infirmée. On sait que la doctrine anophélienne dit la vérité ; mais on peut, on doit se demander si elle la dit tout entière. Toutefois, l’existence d’un mode de propagation autre que la piqûre de Moustiques infectés, jusqu’à ce qu’elle soit prouvée par des faits bien établis, doit rester l’objet d’un doute provisoire. M. le P1' Kelsch apporte de nombreux documents bibliogra- phiques pour démontrer l’insuffisance de la doctrine anophé- lienne. Parmi tous ces arguments, nous n’en avons trouvé qu’un nouveau, original et inédit, qui fût de nature à faire supposer l’intervention d’un facteur jnconnu. Il a trait à l’absence d’Anophélines de régions paludéennes. M. le Pr Kelsch écrit 2 : « J’extrais d’une lettre, — elle me vient de l’inspecteur général, directeur du service de santé de l’Algérie et de la Tunisie, — le passage suivant : « Nous avons « eu récemment une recrudescence très accusée du paludisme à 1. Bull. Ac. méd.t 3e s., t. LVI, 1906, p. 206 (2 octobre), p. 343 (30 octobre), p. 615 (26 décembre). Réponses de M. Làveran : p. 270 (16 octobre) et p. Il (4 décembre). 2. Bull. Ac. méd., 3» s., t. LVI, 1986, p. 350. 826 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR « Batna et à Lambèse, et on n’a pu trouver un seul Anophèle a parmi les moustiques capturés au cours de la saison. » Il me paraît difficile de récuser ce témoignage émanant de médecins instruits, attentifs, consciencieux et pénétrés de la haute impor- tance attachée à la solution de la question en litige. » Nous avons effectué, dès que la saison l’a permis, durant la seconde quinzaine de juillet 1907 (période préépidémique à cette altitude de 1,000 mètres) une enquête sur cette recrudes cence du paludisme à Lambèse et à Batna en 1906. Deux questions préalables se posaient : 1° L’épidémie de 1906 était-elle bien due au paludisme? 2° Les cas étaient-ils contractés dans ces deux localités, ou y étaient-ils importés? Les témoignages de nos distingués confrères M. Bruncher, médecin de la Maison centrale. MM. Jeandidier et Massenet, médecins-majors aux zouaves, permettent d’affirmer qu’il s’agissait bien de paludisme autochtone. Ce point établi, nous avons procédé à notre enquête suivant notre méthode habituelle : par la recherche du réservoir de virus et des gîtes à Anophélines. Réservoir de virus. — Le procédé d’évaluation de l’importance du Réservoir de virus que nous préconisons consiste à établir le pourcentage des grosses rates paludéennes chez les indigènes (sur- tout les enfants). Ce pourcentage constitue l’index endémique. A Lambèse, l’index endémique printanier est le suivant : 1° Indigènes du village : f de 0 à 5 ans 8 grosses rates sur 31 examinés , Enfants ] 6 à 10 — 10 — 30 — [22 sur 84 ( 11 à 15 — 4 — 23 — ' Adultes 4 — 8 La forte proportion des grosses rates chez les enfants *: 26,1 0/0, montre bien que le paludisme est endémique à Lam- bèse, ce qui confirme les observations de M. le Dr Bruncher; 2° Détenus de la Maison centrale : Parmi eux un grand nombre reviennent de chantiers mal- sains. Tous adultes. 19 porteurs de grosses rates sur 320 examinés. RÉGIONS PALUDÉENNES INDEMNES D’ANOPIIÉLINES? 827 Le sang' d’un indigène des douars voisins, examine en plein accès, nous a montré le parasite de la tierce maligne. Gîtes à Anophélines . — A Lambèse, dans la Maison centrale même, nous avons trouvé des Anopheles maculipennis , femelles hiverneuses1. Depuis notre passage, M. Nérat, directeur de la Maison centrale, qui a appris à les reconnaître, en capture facilement dans son appartement, à quelques mètres du caser- nement des zouaves. Les gîtes à larves principaux sont actuellement : 1° l’oued Taguescrit, en amont du village, et, surtout, 2° l’oued Boukha- bouza, de 700 à 1,000 mètres de la Maison centrale. Ce dernier oued est sec tout l'été en temps normal. Mais l’abondance des pluies et de la neige durant les hivers 1905-00 et 1900-07 l’ont fait couler durant tout l’été en 1900 et le feront couler en été 1907 (observations de M. Giner, adjoint au maire et pro- priétaire le long de cet oued). Il y a une coïncidence remar- quable entre l’apparition anormale de l'eau dans cet oued et la recrudescence de l’épidémie de 1900. Par contre, il n’y a aucune coïncidence entre cette épidémie et les fouilles archéologiques dans les ruines de Lambèse, que l’on avait incriminées en 1900 et même fait suspendre. En effet, M. le directeur de la Maison centrale constate, dans un rapport officiel, que les fouilles ont lieu tous les ans au même endroit, depuis dix ans, et c’est seulement en 1900 qu’a sévi fortement le paludisme. A Batna, les gîtes à Anophélines sont constitués par l’oued Batna lui-même. De jeunes larves d ’ Anopheles maculipennis, pro- venant de la première ponte des femelles hiverneuses, ont été trouvées dans cet oued au sud et au sud-ouest de la ville, à 700 mètres environ du camp. Des Anophèles adultes ont été trouvés en pleine ville (en face de l’église). La question est donc résolue : ni à Batna ni à Lambèse on 1. Le fait de rencontrer des femelles hiverneuses démontre bien l’existence, en 1906, d’Anophélines dans la môme localité. 828 ANNALES DE L'INSTITUT PÀSTEUR ne constate une exception à la loi de Grassi : pas de paludisme sans anophélisme. Nous nous permettrons une observation en terminant : M. le Pr Kelsch rend hommage au savoir et à la conscience des médecins qui ont opéré la première enquête, à résultats négatifs. Personne, en effet, n’ignore ce que la science et la nosographie algérienne en particulier doivent au glorieux corps des méde- cins de l’armée d’Afrique, dont M. le P1 Kelsch est un des plus vénérés représentants; mais, en l’espèce, la recherche des Anophélines, dont les mæurs diffèrent de celles des autres Moustiques, n’est pas œuvre de médecin, mais œuvre d’ento- mologue spécialiste. Analyse de quelques mélanges d’acides gras volatils Par M. A. LASSERRE. Plusieurs procédés ont été employés pour la séparation et le dosage des mélanges d’acides gras volatils. Basés, les uns sur la distillation fractionnée (Liebig et Duclaux), les autres sur la transformation en sels de solubilités ou de formes cristallines différentes (sels de calcium, de baryum ou de guanidine), ces procédés ont paru longs et incertains, appliqués à des mélanges de plus de deux acides. I)e tels mélanges se rencontrant parfois dans les produits de fermentations, j’ai pensé qu’il serait utile d’apporter une con- tribution à leur analyse. Dans ce but, j’ai étudié quelques mélanges de trois ou quatre des acides gras volatils les plus simples, au moyen d’une méthode basée sur ce fait que : les acides formique et acétique ne sont pas enlevés de leurs solutions aqueuses étendues par agitation répétée avec le benzène ou le toluène ; tandis que les acides butyriques (normal et iso) et valériques (normal et iso) passent, au contraire, en totalité dans le carbure. Les mélanges de trois ou de quatre de ces acides peuvent ainsi, par agitation répétée avec le benzène, être séparés en deux solutions : a) une solution aqueuse renfermant les acides formique et acétique; b) une solution benzénique renfermant les acides butyriques et valériques. Une partie de la solution aqueuse a) est traitée ensuite par la méthode de distillation fractionnée de Duclaux, afin de connaî- tre la nature de l’acide ou des acides qu’elle renferme. Une autre partie de la même solution sert à leur dosage après transforma- tion en sels de baryum. On enlève au benzène les acides qu’il a dissous en l’agitant avec un léger excès d’eau de baryte. Après séparation, la solu- tion alcaline acidifiée par l’acide phosphorique est soumise à la distillation, ce qui permet de recueillir les acides volatils en solution aqueuse. Cette dernière solution est enfin traitée comme la première (distillation fractionnée et transformation en sels de baryum). Ce procédé est applicable aux mélanges renfermant les 830 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR acides isobutyrique et valérique normal, puisque, ainsi que je l’ai montré antérieusement1, ils peuvent se différencier des autres acides gras volatils, au moyen de la méthode de Duclaux. Au contraire, il est inapplicable à ceux renfermant de l’acide propionique, celui-ci étant presque également soluble dans l’eau, le benzène ou le toluène. Je me suis assuré que les divers traitements indiqués n’al- tèrent en rien les acides étudiés, et que les nombres fournis par la distillation fractionnée suivant la méthode Duclaux sont bien ceux qui les caractérisent. La transformation des acides en sels de baryum permet d’effectuer leur dosage de la façon suivante : Un volume connu de la solution acide est, après neutralisa- tion par l’eau de baryte, évaporé, desséché et pesé. Soit P ce poids. On transforme ensuite ce résidu en sulfate, qui par calcina- tion donne le poids de baryum contenu dans le volume employé. Soit P' ce poids. Si xet y sont les poids des deux sels de baryum obtenus, la Ie pesée donne : x + y — P. Si M et M' sont les poids moléculaires de ces deux sels, la 2e pesée donne : ^ , j/ _jr M M' “137' Ces deux équations donneront les valeurs de x et y , qui permettront de passer à celles des deux acides correspondants. En effet si jx et j x sont les poids moléculaires de ces acides, leurs valeurs seront données par les expressions suivantes : |_137 (M'— M)J M — M y = P-Ü!L-fT VM ! M'— M L*37 (M'— M)J On voit que les valeurs de x et de y seront obtenues avec . Annales de l'Insttut P&steur , t. XXI, janvier 1907. ANALYSE DE MÉLANGES D’ACIDES GRAS VOLATILS 831 d’autant plus d’approximation que les poids moléculaires des sels de baryum correspondants seront différents. Voici quelques exemples de dosages obtenus par ce pro- cédé : MÉLANGES TENEUR PAR LITRE Mis. Trouvé. Différence. Acide acétique 3 gr. 225 3 gr. 160 0 gr. 06 — butyrique 4 gr. 440 3 gr. 760 0 gr. 60 — isovalérique 5 gr. 630 5 gr. 200 0 gr. 43 Acide formique 4 gr. 174 3 gr. 463 0 gr. 71 — acétique 4 gr. 836 4 gr. 122 0 gr. 71 — butyrique 3 gr. 960 4 gr. 230 0 gr. 27 — isovalérique 6 gr. 487 7 gr. 016 0 gr. 52 Acide formique 2 gr. 834 2 gr. 793 0 gr. 04 — acétique 1 gr. 624 1 gr. 853 0 gr. 22 — isobutyrique 6 gr. 776 6 gr. 160 0 gr. 61 — valérique normal .... 5 gr. 691 5 gr. 370 0 gr. 32 Sceaux. — Imprimerie Charaire. Le Gérant : G. Masson 21 m® ANNÉE NOVEMBRE 1907. N° il ANNALES L’INSTITUT PASTEUR Recherches sur le mode de coloration du pain bis Par MM. GABRIEL BERTRAND et W. MUTERMILCH Le pain bis étant préparé avec la farine sur la verticale). Fig. G. Fii Figure 6. — Dans les mêmes conditions, avec de la gélatine molle, on constate en plus l’effet du tassement. Figure 7. — Enfin, si des précautions sont prises pour que l’étirement et le tassement soient réduits au minimum, on constate que la plus grande partie de la culture du B. Z. n’est sollicitée par aucun tropisme; ' II Des constatations analogues peuvent être obtenues avec des cultures en stries sur de la gélatine couvrant le grand côté des boites de Roux. BACTER1UM ZOPFII KURTII 847 Soit, figure 8, une de ces cultures verticales normales, où la strie a été tracée au milieu de la surface. Fig. 8. Figure 9. — Une culture ensemencée de la même façon est maintenue inclinée (la flèche indiquant la verticale). On voit que le tassement de la gélatine vers le bas a déplacé la strie d’ensemencement, et que les filaments du B. Z. ont cheminé seulement sur la surface étirée. La figure 40 montre qu’un corps étranger (tube de verre), immergé dans la gélatine, provoque un étirement de cette gélatine parce qu’elle adhère à lui, et modifie ainsi la direction des filaments (voir la lre note). 848 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR NI Le phénomène de la tension de la surface de la gélatine, peu facile à observer directement sur des tubes de petit diamètre, peut être mis en évidence par Inexpérience suivante : Fig. 9. Si l’on verse de la gélatine à 8 0/0 dans une cuvette un peu grande, on s'aperçoit qu’au bout d’un certain temps la dessiccation a amené à sa surface la formation d’une véritable membrane adhérant fortement sur les bords aux côtés de la cuvette. Cette membrane, de consistance cornée, devient imperméable, et la masse sous-jacente reste demi-fluide, étant soustraite à l’action de la dessiccation. Si la cuvette est relevée verticalement, la masse gélatineuse peu consistante se tasse à la partie inférieure, où la membrane est fortement pressée, tandis que pour la même raison sa partie supérieure est étirée (fîg. 11). BACTERIUM ZOPFII KURTH 849 La figure 3 montre un aspect fréquent de la membrane étirée : elle pré- sente de petites rides perpendiculaires à la direction de la force de tension. L’examen au microscope montre (fig. 12) les filaments qui cheminent dans Je sens de cette force et coupent à angle droit les rides. IV Conclusions. Mes expériences confirment donc l’existence chez le Back- rium zopfii d’une sensibilité particulière à la propriété d’élas- ticité possédée par la gélatine. Quand la gélatine est étirée, les filaments suivent la direction de la force de tension. U 850 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK Quand elle est comprimée, les filaments suivent une direction perpendiculaire à la force de pression (fig. 4), ou même la cul- ture est nulle (fig. 9). Il convient de remarquer que, dans les conditions habituelles, l’élasticité de la gélatine réagit surtout contre la force de la pesanteur. Comme exception, on peut citer la dessiccation des bords des masses de gélatine, qui est suivie d’un étirement de celle-ci, due à son élasticité. Mais la pesanteur étant la cause la plus ordinaire de mise en jeu de l’élasticité de la gélatine, on peut dire que souvent le tropisme du B. Z. se trouve agir comme un géotropisme. NOUVELLE CONTRIBUTION A L’ETUDE DE l’hématozoaire de l’Écureuil ( Hæmamœba vassali Lav.) Par le D1 J.- J. VASSAL. Nous apportons quelques faits nouveaux concernant un hématozoaire endoglobulaire pigmenté d'un écureuil de PAnnam (Sciurus griseimanus) que nous avons décrit il y a 2 ans 1 et que M. Laveran a nommé Hæmamœba Vassali 2 . Depuis la publication de notre premier mémoire, nous avons examiné 96 écureuils de provenance suivante : Province de Nha-Trang (Annam), 88; province de Phanrang (d°), 6; France, 2. Ceux de France appartenaient à l’espèce Sciurus vulgaris. Ceux d’Annam comprenaient 3 espèces différentes : Sciurus griseimanus M. Edw., Sciurus vittatus Rolfes, Sciurus sp.. Le tableau suivant résume les résultats de mes examens de sang* Sciurus griseimanus : 24 sains contre 40 infectés = 62,5 0/0 d’infectes; Sciurus vittatus : 25 sains contre 3 infectés = 10,7 0/0 ; Sciuj'us sp.? : 1 sain contre- 2 infectés; Sciurus vulgaris : 2 sains: pas d’infecte. L’espèce semble jouer un grand rôle. Il est évident que, dans le Sud-Annam, le Sciurus griseimanus est beaucoup plus sensible que le S. vittatus par exemple. Mais on ne saurait encore se prononcer définitivement, car il y a en Annam de très nombreuses espèces d’écureuils. Je ne connais, à ce jour, que le sang de 3 espèces annamites. Des chasseurs indigènes ont été expédiés à différentes reprises dans les forêts de l'intérieur. Ils m’ont rapporté quelques dépouilles intéressantes que M. O. Thomas, du British Muséum, a bien voulu étudier et déterminer ; mais, point de lames de sang pou- vant être utilisées. La maladie caractérisée par la présence dans lu* sang de Y Hæmamœba {Plasmodium) vassali, peut être appelée Plasmodiose , 1. J. -J. Vassal, Ann. Inst . Pasteur, t. XXI, avril 1905, pp. 224-234. Note pré- limin. in C. r. Soc. biologie, 25 févr. 1905, p. 350. 2. Laveran. Bull. Inst. Pasteur, oct. 1905. 852 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR de même que les affections à piroplasmes s’appellent Piroplas- moses . La plasmodiose des écureuils sera dite P . sciurine. Une telle infection sanguine peut être considérable. Il n’est pas rare de prendre du sang chez un écureuil et d’assister très rapidement à une formation très riche de microgamètes. La masse sanguine est agitée de mouvements qu’on ne saurait mieux comparer qu’à ceux des préparations analogues où les trypanosomes ou les spirilles foisonnent. Dans ces cas extrêmes, ou bien le taux parasitaire du sang diminue peu à peu et l’animal prend une forme chronique de plasmodiose, ou bien le taux se maintient et l’animal ne tarde pas à succomber. 11 y aurait donc des accès mortels et des accès qui guéris- sent. Comme je n’ai vu d’accès fatals que chez des écureuils capturés depuis quelques jours, je ne suis pas en état de dire s’il y a une forme aiguë de la maladie. Ce pouvait aussi bien être la terminaison d’une affection lente. En tout cas, mes sujets mouraient en cage sans qu’il y ait une modification quelconque dans le nombre et la forme des hématozoaires habituels. Les températures des écureuils des espèces observées sont généralement comprises entre 39° et 40°. 11 n’y a pas de différences appréciables entre les courbes des animaux sains et celles des animaux malades. Les maxima ont été de 40°, 2, 40°,5, 40°, 6 et 40°, 7; les minima 38°, 37°, 8 et 37°. Cette dernière observation a été faite sur un S. griseimanus (S. 220) au moment de la mort. Dans ce cas, la plasmodiose avait été particulièrement sévère. La courbe accusa une chute en lysis qui fut très régulière et dura trois jours. Les poids ne subissent pas de variations. L’aspect est le même, que l’animal soit atteint ou non de plasmodiose. Les écureuils supportent d’abord très mal la captivité; mais quand ils se sont une fois départis de leur allure craintive, ils vivent fort bien en cage. A Nha-Trang, un certain nombre mou- raient dans les premières semaines, soit parce que les pièges les avaient plus ou moins blessés, soit parce qu’ils ne pouvaient s’accoutumer à leur nouveau genre dé vie. J’en ai rapporté quelques exemplaires d’Annam à l’Institut Pasteur de Paris. HÉMATOZOAIRE DE L’ÉCUREUIL 853 Trois sont encore vivants après 9 mois de séjour en France. A l’attitude et aux signes extérieurs, il n’est pas possible de faire la distiru tion entre les parasités et ceux qui ne le sont point. Chez des sujets dont l’examen peut être poursuivi pendant des mois, on remarque que, lorsque la plasmodiose a été recon- nue, on n’a pas de peine à la retrouver à chaque nouvelle prise de sang. Elle se maintient avec des variantes insignifiantes. La disparition des parasites de la circulation périphérique se pro- duit parfois et le phénomène peut durer plusieurs semaines ; mais c’est plutôt une exception. Les formes sexuées sont beaucoup plus fréquentes que les formes asexuées. Chez un grand nombre d’écureuils, je n’ai jamais observé de schizontes ; du moins quand l’observation n’a pas pu être prolongée. Les écureuils de Nha-Trang ont continué à montrer à Paris les mêmes hématozoaires. Après 9 mois, on ne constate guère de changement : il v a des schizontes, des microgamétocytes et des macrogamètes. On ne saurait donc nier qu’il se fait des réinfections. Elles ne paraissent pas résulter d'une inoculation surajoutée de sporozo'ites par des ectoparasites ou des moustiques, mouches, etc., car alors les voisins indemnes s’infecteraient à leur tour. Il faut chercher l’explication dans une auto-infection qui est particulièrement active dans la plasmodiose sciurine. Le Dr Wenyon, protozoologiste à l’École de médecine tro- picale de Londres, qui a examiné plusieurs fois le sang de mes écureuils, durant son séjour k l'Institut Pasteur, a découvert ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 854 dans une préparation, colorée d’une façon réussie au G ionisa, qu’il a bien voulu nous donner, une sorte de barillet que nous représentons très exactement, d’après un dessin fait à la chambre claire :on distingue 7 éléments fusiformes (les 2 de droite se recouvrent partiellement) qui sont colorés en violet foncé, sauf vers le milieu du corps où existe un espace plus clair; l’un des éléments de droite possède en plus une grande vacuole (voir üg A). On croit distinguer à droite du barillet les restes d’une hématie. La ressemblance avec un barillet de Coccidie est frap- pante (on peut supposer o autres éléments cachés par les premiers,). Nous signalons cette découverte avec les plus expresses réserves quant à l’interprétation; elle est unique; nous n’avons jamais rien vu de semblable dans nos examens d’Annam. J’ai eu l’occasion d’observer 4 sujets très jeunes de Sciurus griseimanus et 2 de S. vittatiis. Ils avaient été pris au nid. Tous étaient indemnes. Laplasmodiose sciurine est donc pour les écureuils une maladie chronique. Il y a bien d’autres exemples, sans sortir des plasmodioses, où les parasites ne causent que des troubles inappréciables. Les Oiseaux et les Chéiroptères supportent très bien leurs hématozoaires. Il y a un contraste frappant avec l’aspect de santé de ces animaux et la formule histologique de leur sang. 6 7 fl 9 Fig. B. — Grossissement : 2,000 diam. ^environ. Les lésions relevées à l’autopsie sont presque insignifiantes. La rate n’est jamais hypertrophiée. Multiplication de l’hématozoaire. — Je n’ai observé jusqu’ici que la multiplication schizogonique. Elle a lieu par division amitotique. Chez un écureuil, Sciurus griseimanus , largement contaminé, les hémocytozoaires se sont HÉMATOZOAIRE DE L’ÉCUREUIL 855 montrés avec une grande abondance* La schizogonie s'est, poursuivie deux jours consécutifs. Les figures de division se répétaient si fréquemment et avec une telle netteté qu'il a été facile de se rendre compte des transformations successives. Tout d'abord le noyau, qui est en général compact et glo- buleux, s'étire et s’allonge suivant le contour extérieur du parasite (fi g. B-l). L'ectoplasme ne manifeste d'abord aucun changement et la forme générale annulaire est conservée. Plus tard, la masse nucléaire se sépare transversalement et l’on distingue deux karyosomes (fig. B-3). Il se manifeste alors dans l'ectoplasme une activité particulière qui aboutit à la production d'une cloison (fig. B-4), partageant en deux portions à peu près égales le parasite. La séparation commence par le pôle opposé au noyau (fig. B-5). Les karyosomes ne s'éloignent pas beaucoup l'un de l’autre; ils se regardent de près et se font face. On a en définitive (fig. B-fi) deux parasites nouveaux qui vont évoluer chacun d’une manière indépendante. Il faut remarquer que, pendant toute la période de repro- duction asexuée, les écureuils ne manifestent aucun symptôme extraordinaire et conservent leur température normale. Il existe aussi une arnitose qui donne lieu dans le même globule rouge à la formation de 3 et 4 schizontes nouveaux. Peut-être les ligures 7,8,9, y conduisent-elles? Mais la division par 2 est de beaucoup la plus commune. Hôte intermédiaire. — Les recherches entreprises pour la découverte de la sporogonie n’ont pas abouti. Nous avons d’abord examiné les ectoparasites des écureuils. En captivité, les plus habituels sont des poux, des puces et des tiques du genre Rhipicephalus. Mais il peut très bien se faire que les para- sites soient différents en liberté. Nous avons ensuite; expérimenté avec les insectes suceurs de sang que l’on prend le plus souvent dans les milieux où vivent les écureuils. Ce furent des Anophelinœ ( Myzomyia rossii , Myzorhynchus barbirostris ), un grand nombre de Culicinœ , des Tabanidœ (Hœmatopota cilipes , II. meteorica , Chrysops dispar , etc.,) des Hippoboscidœ ( Hippobosca equinà). Nous ne sommes pas arrivé jusqu’ici à un résultat satisfaisant. Essais de transmission par inoculations. — Gerhardta montré, en 1880, qu’on donne la fièvre à un homme sain en lui inocu- ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 856 lant du sang d’un paludéen. Les expériences de Gerhardt ont été complétées depuis par celles de Mariotti et Ciarrochi, de Marchiafava et Celli. On transmet l’infection aussi bien par voie sous-cutanée que par voie intraveineuse. Nous avons institué diverses séries d’expériences pour porter la maladie. 1° de l’écureuil à l’homme; 2° de l’homme à l’écureuil ; 5° de l’écureuil à l’écureuil; 4° d’écureuil à d'autres Rongeurs et à d’autres animaux. Disons tout de suite que les résultats ont été négatifs. Toutefois, il ne nous paraît pas inutile d’entrer dans quelques détails. Au début de nos recherches, la parenté des hématozoaires endoglobulaires de l’écureuil avec les formes analogues de l’homme nous avait paru suffisante pour tenter une inoculation à l’homme. Le détail en a été rapporté dans notre premier mémoire (/. e., p. 228). Suivant les indications de M. Laveran, nous avons essayé de contaminer des Sciurus avec l’hématozoaire humain. Nous avons choisi 2 sujets annamites qui étaient atteints, l’un de fièvre tierce bénigne, l’autre de tropicale maligne. Le sang du premier, retiré de la rate, a été inoculé, à la dose de 0 c. c. 25 sous la peau d’un Sciurus griseimanus et d’un S. vittatus qui ont été suivis pendant 3 mois et 1 mois. Le sang veineux du second malade a été inoculé, à la dose de 0 c. c. 50 sous la peau de 2 S. griseimanus qui ont été suivis l’un pendant 4 mois, l’autre pendant 21 jours. Les résultats négatifs de ces expériences doivent plaider en faveur de l’individualité des plasmodies de l’écureuil et de leur innocuité vis-à-vis de l'organisme humain. Déjà nous avions établi que les Macacus rhésus , les lapins, les cobayes, les pigeons ne pouvaient pas être infectés; nous avons reconnu depuis qu’il en est de même des rats, des souris, d’un insectivore du genre Tupaia. A l’Institut Pasteur de Paris, le Dr Matins a tenté vainement d’infecter des Sciurus vulgaris par inoculations intraveineuse et sous-cutanée de sang de Sciurus griseimanus. Dans le laboratoire, aussi bien en Extrême-Orient qu’en HÉMATOZOAIRE DE L’ÉCUREUIL 857 France, je n’ai jamais observé de cas de contagion naturelle d’écureuil à écureuil. A Nha-Trang’, j’en ai abandonné un certain nombre aux piqûres accidentelles des insectes et des parasites qui se trouvent naturellement dans les parcs et écuries. Ceux qui avaient été reconnus indemnes le sont toujours restés. On ne pourra réellement savoir s’il y a, chez ces derniers animaux, une immunité quelconque que lorsqu’on saura repro- duire artificiellement la plasrnodiose sciurine. Toujours est-il qu ’in vitro le sérum d’un animal indemne est inactif vis-à-vis de la plasmodie. Éludes sur les cellules pigmentaires des vertébrés Par E. GOLOVINE (avec la pl. XXI) Dans sa première étude biologique sur la vieillesse, consa- crée au mécanisme du blanchiment des cheveux et des poils, M. le professeur Metchnikoff a démontré que ce processus, comme beaucoup d’autres d’atrophie sénile, est provoqué par la phagocytose *. D’après les observations de l’auteur, quelques-uns des élé- ments de la couche médulaire des poils et des cheveux, au début de leur décoloration, commencent à s’immobiliser et à passer dans la couche corticale, alors que les autres, prenant une forme arrondie, s’insinuent dans les cellules avoisinantes qui ont conservé leur forme fusiforme primitive. Simultanément, dans les parties périphériques de ces poils en voie de décoloration, apparaissent de nombreuses cellules pigmentées de forme extrêmement variées : rondes, ovales, allongées et souvent même ramifiées, présentant alors des éléments d’un aspect parfois tout à fait bizarre. L’auteur a remarqué que, avec l’apparition de ces cellules ramifiées, coïncide la disparition de grains de pigment dans le reste du poil. Enfin l’auteur a rencontré* aussi des amas de ces cellules pigmentées dans le bulbe des poils décolorés et même dans les tissus conjonctifs environnants. Toutes ces données ont amené* AI. Metchnikoff à conclure que, dans de certaines conditions, qui ne sont pas du tout défi- nies encore, peut-être sous 1 influence de certaines substances toxiques, une partie des cellules pigmentaires se met en mou- vement, commence «à dévorer les grains de pigment des cellules voisines et aies transporter en dehors des poijs en se transfor- ment ainsi en éléments cellulaires qui présentent une forme tout à fait nouvelle de phagocytose : ce sont, selon l’auteur, de vérita- bles pigmentophages, car ils ont acquis la propriété de dévorer exclusivement les grains de pigment sans altérer toutes les autres parties des cellules pigmentaires. 1. Metchnikoff (E.), Études biologiques suc la vieillesse. I. Sur le blanchi- ment des cheveux et des poils, Ann.de VInstitut Pasteur, 1901. CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTÉBRÉS 85!) Selon tout apparence, cette propriété de transformation en pigmentophages n’est pas seulement propre aux cellules de la couche médulaire, mais aussi aux éléments de la couche corti- cale. Bien que la transformation de ces derniers n’ait pas été constatée parM. Metchnikoff, il la considère cependant comme possible, car on observe également le blanchiment dans les poils privés de couche médulaire. Ces données de l’auteur, tout à fait nouvelles et inattendues, incitent à l’étude de toute une série de questions intimement liées it la fonction des cellules pigmentaires chez divers animaux. Et, naturellement , il était tout d’abord intéressant d’étudier l’ac- tion des diverses toxines sur les cellules pigmentaires des diffé- rents vertébrés. Grâce à l’obligeance de M. le professeur Metchnikoff, nous avons pu entreprendre l’étude de cette question, pendant l’été de 1904, dans son laboratoire à l’Institut Pasteur. Nous y avons étudié l’influence des toxines sur les cellules pigmentaires des amphibies et des reptiles. Ensuite nous avons poursuivi ces observations dans noire laboratoire de Kazan sur des poissons et des mammifères. Au cours de ces recherches, nous avons été obligés de nous occuper ainsi de certaines questions sur la structure des cellu- les pigmentaires et sur leurs rapports avec les différents tissus. Dans l’article actuel, qui présente la première partie de notre travail, nous nous bornerons seulement à y exposer les résultats obtenus pendant l’étude des cellules pigmentaires des poissons, des amphibies et des reptiles, notamment d’un seul groupe de ces cellules, les mélanophores. Ce sont justement ces cellules, et elles seules, que M. Metchnikoff a constamment eu vue quand il parle des grains de pigment et des cellules pig- mentaires. I MÉLANOPHORES DES POISSONS, DES AMPHIBIES ET DES REPTILES. 1 . — Structure des mélanophores. On sait que les mélanophores des vertébrés inferieurs sont munis de nombreuses expansions et ont, en général, une forme 860 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR étoilée. Bien que leur structure ait été étudiée plus d’une fois, reste à résoudre néanmoins l’importante question suivante : les mélanophores sont-ils capables ou non de changer leur forme extérieure; leur forme étoilée est-elle fixe, ou peuvent-ils, comme les amibes, étendre et rentrer leurs expansions ? Les premières recherches faites sur ces éléments ont répondu affirmativement à la question. On a comparé les mouvements des mélanophores à ceux des amibes. Mais après les observa- tions de Brücke 1 sur le changement de la couleur des camé léons, cette opinion a été presque abandonnée. La majorité des auteurs : Virchow - , llarless % Lister 1 et autres partageaient 1 opinion de Brücke en ce sens que les mélanophores ne changent pas leur forme extérieure, ne rentrent pas leurs expansions et ne font que manifester le mouvement des grains de pigment dans l'intérieur des cellules. En conséquence de divers facteurs, le pigment tantôt s’accumule au centre de la cellule en forme de houle, tantôt s’étend en elle et en ses expansions. Néanmoins plusieurs auteurs, comme Axmann 5, par exemple, continuaient à sou- tenir l’opinion ancienne, qui fut surtout défendue par Leydig, dans ses travaux de 1853. 1876 et 1889 °. Parmi les nouveaux auteurs, les uns, comme Biedermann 7, à qui nous devons les recherches les plus approfondies sur la fonction des cellules pigmentaires, laissent cette question ouverte, tandis que les autres, comme Ballovitz 8, continuent à défendre énergiquement la vieille opinion de Brücke. Ainsi la question doit être considérée comme à résoudre. 1. Brücke (K.), Untersuchungen liber don Farbenwescksel des africanischen Chamâleons, Deutxc.hr, d k. Ak. d. Wissensnhaften su Wien. Math.-natur . kl.. Bd. IV, 1852. 2. Virchow (R.), Ghromatopboron beim Froch, Virchow’ s Arch. f. pathol . Anal. Bd. VI. 1854. 3. Harless (E), liber die Çhromatopboren des Froches. Zeitchr. f. Wissen. Zool. Bd. V. 1854. 4. Lister (J.), On the cutaneous pigmcntary System of the frog, (commun. byDr. Sharpey), Philosoph Tansaction of the royal. Soc of. London. Vol. 148. For the year. 1858. London, 1859. 5. Axmann, Beitrage znr mikroscopischen Anatomie und Physiologie des Gàngliennerens vstems , 1853. G. Leydig (F.), Anat.-histolog. Untersuchungen iiber Fischen und Reptilien, Berlin, 1853. — Uber die allgemeine Bedeckungen der Amphibien. Arch. f. mikz. Anat. Bd. XII, <876. — Pigmente der Hautdecke und der Iris, Verch. d. physik. med. Ges. g. Würzburg, Bd. XXII, 1889. 7. Biedermann (W.), Uber d’en Farbenwechsel der Frosche, Pflüqer's Archiv Bd. V, 1892. 8. Ballowitz (E.|. Die Nervendigungen der Pigmentenzellen. Ein Beitrag zur Kentniss des Zusammchanges, etc., Zeitschr fur Wissensch. Zool., bd. LVI, 1893. CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTEBRES £61 En mettant en regard toutes les objections dirigées contre les observations qui démontrent la faculté des mélanophores de se contracter, il est facile de se convaincre que, sauf les considérations théoriques dont nous parlerons plus bas, toutes les objections sont fondées sur les données suivantes : 1° chez les mélanophores qui ont ramassé leur pigment au centre, on voit des expansions libres de grains de pigment ; 2° l'étude de ces expansions présente une difficulté très grande à cause de leur transparence, car elles peuvent alors facilement échapper à l'observation. En effet, si l’on étudie les cellules pigmentaires à l’état vivant, ou à l’aide des méthodes qui ont servi aux auteurs cités ci-dessus, il est presque impossible de distinguer le proto- plasma de leurs expansions de celui des tissus avoisinants, même quand ils contiennent de petites quantités de grains de pigment. Le plasma des expansions est tellement transparent et, finement granulé, que les grains de mélanine qui s’y trouvent paraissent être en dehors de la cellule pigmentaire. Cependantles méthodes de coloration de la technique micros- copique actuelle, nous donnent le moyen de faire ressortir, avec la netteté voulue, n’importe quelle partie de cytoplasma et de résoudre ainsi cette question sans grande difficulté. Dans ce but nous avons étudié les mélanophores de la perche, du brochet, de la truite, du gardon ; des Hyla arborea , Rana esculenta , Rana temporaria ; du Triton crislatus ; du Cameleo vulgaris. Dans ces recherches, nous nous sommes servi des prépa- rations de fragments de peau et des coupes transversales. Les premières sont surtout favorables à l’étude des mélanophores des poissons, tandis que les secondes conviennent à l’étude des mélanophores des grenouilles, des tritons et des caméléons. Pour la Hyla arborea , les deux méthodes sont également bonnes. Pour faire ressortir les expansions protoplasmiques des mélanophores, ce sont les colorations combinées ainsi que les colorations suivies de lavage qui nous ont donné les meilleurs résultats. L’essai de nombreux procédés nous a toujours donné le même résultat : quand les mélanophores ont une forme étoilée, le protoplasma des expansions, dans les parties ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 8f>2 dénuées de pigment, ressort très nettement. Dans les cas où le pigment des mélanophores se ramasse en boule et que la cellule à l’état vivant prend une forme arrondie, les mêmes méthodes de coloration démontrent parfaitement bien qu'il n’y a pas une seule expansion libre de pigment autour des mélano- p b or es. Par conséquent, à l’excitation, non seulement les grains de pigment s’accumulent au centre de la cellule, mais encore toute la cellule se contracte en faisant rentrer ses expansions absolument comme le font les amibes avec leurs pseudopodes. Soûs ce rapport, ce sont les coupes transversales de la peau du caméléon qui sont surtout convaincantes. Les mélano- phores de ce dernier présentent, comme on le sait, non une forme étoilée aplatie, mais une forme en buisson, parce que le corps de la cellule gît profondément dans le corium, toutes les expansions se dirigent exclusivement vers la péri- phérie. Quand les expansions sont étendues, alors, comme on le voit sur la figure 3, PI. XXL ils se rapprochent vers l’épiderme, à travers des fissures intercellulaires spéciales. Dans ce cas, étant donnée une coloration appropriée, leur protoplasma, même dans les parties pauvres en grains de pigment, peut s'observer très nettement. Si nous provoquons une contraction des mélanophores et si, immédiatement après, nous traitons par un fixage rapide la partie correspondante de la peau, on peut voir alors sur les coupes que les mêmes espaces intercellulaires ne contiennent aucune trace de protoplasma (fig. 5). L examen des mélanophores à l’état vivant, chez des animaux comme les caméléons, Rana esculenta , Rana tempora- ria, Triton cristatus, etc., est extrêmement difficile à cause de l’épaisseur de leur peau. Mais, par contre, ils sont faciles à observer chez la Hyla arboreci , dans les parties de la peau où se termine la région d’extension de ces cellules, par exemple dans les parties latérales du tronc et des extrémités posté- rieures; de même chez les poissons, dans les fragments de la peau prise dans la région frontale ou operculaire. A ce genre d’observation, conviennent également très bien les embryons de certains poissons, par exemple la perche, le brochet ou la truite. Chez les embryons du brochet, 3 ou 4 jours après leur éclosion, toute la surface de la vésicule vitéline est recouverte CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTÉBRÉS 863 de gros mélanopliores. En mettant un pareil embryon dans un tube en verre de diamètre approprié et y laissant passer de 1 eau, on peut alors observer, pendant des heures entières, les mouvements des métanopbores. Dans ces conditions, on les voit très distinctement faisant les uns rentrer, les autres sortir leurs expansions, et en même temps s’étendre eux- mêmes dans diverses directions et changer ainsi constamment leur forme extérieure. Pendant ces mouvements, souvent leurs expansions se soudent entre elles; d'un autre côté, se soudent aussi entre elles les expansions des cellules voisines, formant ainsi un syncytium de 2, 3 et même 4 cellules (fig. 2, 4, 6). Dans certains cas, cette liaison est si intime que les cellules soudées, peuvent être prises, à première vue, pour un mélano- phore géant. Dans les mêmes conditions d observation, on peut voir que les expansions d’un mélanophore complètement dilaté sont relativement très courtes et que le pigment s’étale très régu- lièrement dans le corps de la cellule. En fixant le mélanophore dans cet état et en le colorant, il est facile de se convaincre que le corps de la cellule est formé d’un protoplasma continu. Ballovitz a observé des orifices dans le corps des mélanopliores. Vu le grand intérêt que présente cette observation, nous avons étudié, de notre côté, une grande quantité de mélano- phores à cet état d’extension, mais nous n’avons jamais pu observer de perforation. 11 est vrai qu’on peut souvent remar- quer, comme on le voit sur la figure 2. des orifices (o) dans le corps des mélanopliores très ramifiés, mais ces orifices n’ont naturellement aucun rapport avec leur structure. En suivant la formation des pseudopodes des mélanopliores, il est facile de se convaincre que là contraction et la dilatation du protoplasma se produit constamment dans toutes ses par- ties. Simultanément, se produisent la rétraction et l’expansion du pigment. Ainsi, par exemple, dans un pseudopode très dilaté et, par conséquent, devenu presque transparent, son extrémité seule peut se contracter, et alors il prend une forme arrondie en devenant complètement noir. En même temps la partie médiane de l’expansion peut se dilater à un tel point que son extrémité paraît être séparée du corps de la cellule. Dans d’autres cas, c’est seulement la partie médiane de l’expansion qui coin- 864 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR mence à sc contracter, ou rien que les parties périphériques. On voit souvent les expansions rester à demi translucides et c’est alors le corps seul de la cellule qui se contracte, en pre- nant dans ce cas une coloration tout à fait noire; ou bien ce n’est qu’une partie delà cellule qui se contracte en faisant simul- tanément rentrer aussi ses expansions, etc . Ces variations peuvent aller à l’infini. Cependant, durant tous ces changements nous n’avons jamais pu observer le mouvement des grains de pigment dans les parties intérieures de cytoplasma, mouvement mentionné par Brücke et d’autres auteurs. Du reste, aucun d’eux n’a donné de description détaillée de ce phénomène, et il est bien probable que ce sont les divers déplacements de ce pigment , déterminés dans les méla- nopbores par les contractions variées indiquées plus haut des différentes parties de leur cytoplasma, qu’on a pris pour le mou- vement du pigment. 2. — Rapport des mélanophores au système nerveux. C’est à Leydig1 que nous devons la première tentative de détermination des relations anatomiques entre les mélanopho- res et le système nerveux, dont l’existence paraissait être éta- blie indiscutablement par les observations physiologiques de Brücke, v. Wittich, Virchow, Lotar Meyer, Lister, Pouchet, P. Bertj Jvrukenberg, Leydig et d’autres, et récemment par Biedermann. Sur les fragments de peau fortement macérée de Lacerta agilis , Leydig a réussi à dégager la couche pigmentaire sous la forme de fine pellicule et cà y observer « un magni- fique réseau nerveux formant des mailles polygonales ». Des points d’intersection de ce réseau partaient des fibres ner- veuses, dont une partie se dirigeait vers la périphérie tandis que l’autre s'unissait aux mélanophores. Ce même passage immédiat des fibres nerveuses dans le plasma des cellules pig- mentaires a été* aussi observé par Leydig chez les serpents. 1. Leydig F., Die in Dcutsch. land lebenden Alton der Saurien, Tubingcn, 1872. — Über diè allgémeinen Bedeckungen der Amphibien, Arch. /*. Micr. Ànat. Bd. XII, 1876. — Über die âusseren Bedeckungen der Beptilien u. Amphibien Neue Beitriige, .ArÇJb:.ft Micr. Anat. Bd. IX, 1873. CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTÉBRÉS 865 Ehrmann1 2 *, puis Lode4, employant une méthode d’investiga- tion plus perfectionnée, à savoir la méthode au sel d’or, essayaient, de leur côté, de prouver que ce meme passage immé- diat de la substance des fibres nerveuses au plasma de la cel- lule pigmentaire a lieu aussi chez les grenouilles et les pois- sons. Lode a même vu la pigmention dans les terminaisons des libres nerveuses , ce qui, d’après son opinion, apparaît comme « une preuve certaine de la transition graduelle de la substance contractile dans la fibre nerveuse ». Enfin, de nos jours, Ballowitz, en traitant des fragments de la peau de divers poissons — brochet, perche, hareng, dorsch, anguille, gardon, etc., par la méthode de Golgi, modifiée par Ramon y Çajal a vu également l’innervation des mélanophores. Cette mé- thode apermis àPauteur d’observer comment, vers chaque mélano- phore, s’approchent une, plusieurs ou parfois même un très grand nombre de fibres nerveuses, tantôt fines, tantôt assez grosses. Aux environs de la cellule pigmentaire, chacune de ces branches se bifurque enune immense quantité de minces fibrilles qui, avec une imprégnation bien réussie, forme un tel « écheveau » que, d’après lauteur lui-même, on ne peut rien y distinguer. Sur les prépara- tions insuffisamment colorées, et par suite plus distinctes, 1 au- teur a remarqué comment une partie de ces fibrilles s’approchent du mélanophore et se ramifient en des filaments variqueux aussi bien sur sa surface supérieure que sur l’inférieure. Mais la majo- rité des fibres nerveuses se dirige vers la périphérie et forme, là aussi, un réseau dont les terminaisons nerveuses ou bien attei- gnent les papilles cutanées, ou se terminent entre les éléments épithéliaux. Là où les mélanophores sont rapprochés les uns des autres, comme, par exemple, dans la peau des régions buc- cales de la perché, les fibres nerveuses se dirigent vers l'épi- derme, partant directement de la masse des fibrilles nerveuses qui entourent la cellule pigmentaire. Ainsi, d’après les observations de Ballowitz, il se forme autour du mélanophore, pour ainsi dire, deux plaques de termi- naisons nerveuses. Cependant ces plaques ne sont pas séparées 1 . Lhkmann (S.), Uber die Nervendigungen in den Pigmentzellen der Froschhaut. Sitz.d. Akad. d. Wissenschaft. zu Wien. M.= N. Kl. Bd 84, Ht A ht. 1881. 2. Lode (A.), Beitrâge zur Anat. und Physiol. des FarbenwecliseL dcrFisc’he, Sitz.d . Akad. d. Wiss. zu Wien. Bd. LXXXXÎX, 1800. 866 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Lune de l’autre, elles sont unies par des ramifications mul - tiples perforant le corps du mélanophore. Si, sans colorer les nerfs, on fixe simplement les mélanophores par la liqueur de Elemming, alors, même sur de pareilles préparations, on peut voir, dans le corps des mélanophores, de petits orifices nettement découpés. Il y en a parfois plusieurs dans une même cellule. « Il n’y a pas de doute, dit l’auteur, que ces orifices soient causés par le passage des nerfs. » En se basant sur ces données, l’auteur conclut que les méla- nophores sont probablement innervés par des fibres spéciales, libres motrices , selon lui, qui s’approchent des mélanophores avec les nerfs sensitifs de la peau . Les recherches de Ballowitz, si différentes de tout ce qui avait été découvert dans ce sens par les auteurs précédents, qui, comme le remarque très justement Ballowitz, n’ont même pas vu de terminaisons nerveuses autour des mélanophores, — - ces recherches ont été confirmées ensuite par Ebert et Bunge Les résultats obtenus presque en même temps par ces derniers étaient, en somme, analogues. Ces auteurs se sont servi également de la méthode d’imprégnation et ont aussi remarqué que, sur la surface des mélanophores, les terminai- sons nerveuses se répandent sous forme de filaments variqueux, mais ils n’ont jamais vu les libres nerveuses traverser le corps du mélanophore. De plus, ces auteurs ont trouvé que, outre les filaments variqueux distribués sur la surface des mélano- phores, des mêmes ramifications part toute une série de fila- ments variqueux pareils, se disposant entre les mélanophores et n’ayant avec ces derniers aucun rapport. Vu l’extrême importance des observations de Ballowitz et de Eberth et Bunge, dans toute une série de questions ayant trait à celle de l'innervation des mélanophores, nous nous sommes efforcés de vérifier avec le plus grand soin les obser- vations de ces auteurs. Pour éliminer les terminaisons nerveuses, nous nous sommes servis : 1° de la méthode au sel d’or et de celle de Ranvier (au jus de citron); 2° des méthodes d’imprégnation qui ont été 1. EBEaiH uad Bunge, Die Ncrven der chromatophoren, Arch. f. Micros*. Anai . t. XXXVI S. 370, \m. CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTÉBRÉS 867 employées par les auteurs mentionnés ci-dessus ; 3° de la coloration vitale au bleu de méthylène. C'est cette dernière méthode qui nous a donné les meilleurs résultats, tant au point de vue de la totalité de la coloration des terminaisons nerveuses que de la clarté de l’image. Mais nous avons aussi beaucoup employé les deux autres procédés pour obtenir, en vue du contrôle et de la comparaison, les mêmes images qui avaient été obtenues par les auteurs précé- dents. Parmi les poissons que nous avons examinés, c’est la perche qui s’est trouvée la plus appropriée à cette étude, surtout pour les colorations vitales au bleu de méthylène. Comme jusqu’à présent cette coloration n’àvait pas encore, été appliquée à P élimination des terminaisons nerveuses des* mélanopbores, nous croyons utile de donner ici quelques indications techni- ques sur l’application de cette méthode. Après de nombreuses expériences, nous avons trouvé qu’on peut obtenir une coloration complète des ixerfs de la peau en employant des injections sous-cutanées. Ni les injections des vaisseaux, ni la coloration des fragments de la peau par les solutions faibles de bleu de méthylène ne nous ont donné de résultats satisfaisants. Pouf les injections sous-cutanées, il est préférable de prendre la peau de l’appareil operculaire. Pour obtenir une bonne coloration, il est indispensable d’injecter exactement la quantité nécessaire de colorant. Comme cette quantité varie avec chaque objet, nous avons, comme règle générale, suivi la marche que voici : nous nous servons toujours d’une solu- tion saturée de bleu de méthylène dans l’eau distillée et nous injectons le colorant en introduisant l’aiguille (N° 16-18) de la seringue dans la partie inférieure de la joue de la perche (en la dirigeant vers le côté dorsal), évitant l’apparition du colorant dans la région inférieure de l’œil et que ce dernier ne fasse saillie bien distinctement. On met ensuite le poisson injecté dans . l’aquarium à eau courante (8°-i0°) et on l’.y garde pendant 1 h. 40 — 2 heures. Si l’on introduit une quantité de colorant moindre à celle indiquée plus haut, ou qu’on tienne dans l’aquarium la perche injectée un laps de temps plus court, ce ne sont alors que les ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 868 gros rameaux qui se coloreront, et, autour des mélanophores, les nerfs ou ne se coloreront pas du tout, ou seuls les épaissis- sements variqueux se teinteront. En introduisant sous la peau une quantité de colorant plus grande que celle indiquée ci-dessus, ce sont alors les tissus environnants qui se colorent presque en même temps que les nerfs. Enfin si Ton augmente le temps de coloration, une partie des nerfs commence à se décolorer. Pour les autres poissons, les conditions de coloration sont autres. Ainsi, avec le brochet par exemple, il faut moins de temps pour obtenir la coloration de ses terminaisons nerveuses. Avec ce poisson nous avons aussi obtenu plusieurs fois une coloration complète des nerfs en introduisant le bleu de méthylène sous la peau de la région frontale ; mais malheu- sement, faute de quantité suffisante de matériel, nous n’avons pu élucider les conditions de coloration complète avec la même exactitude qu’avec la perche. Il est indispensable enfin d’ajouter qu’à une température plus élevée, la coloration devient très irrégulière. Ainsi, à la température de 15° — 18°, nous ne sommes déjà plus arrivés à éliminer entièrement les réseaux nerveux. On peut fixer la coloration au bleu de méthylène ou par le picrate d’ammoniaque, selon le procédé de M. Smirnoff 1 et monter la préparation à la glycérine, ou la fixer par le sublimé, avec le molybdate d’ammoniaque comme nous l’avons indiqué pour les cellules phagocytaires des nématodes 2. Comme, dans le cas donné, on est obligé d’étudier exclusivement des fragments de la peau et non pas les coupes, c’est le premier procédé de fixage qui est préférable, comme étant le plus simple et le plus rapide. De plus, les préparations à la glycérine sont beaucoup plus transparentes que celle au baume de Canada, et en même temps elles sont plus commodes, en ce sens qu’on peut les tourner et les examiner des deux côtés, ce qui est très important dans beaucoup de cas. En traitant la peau par la méthode de Rarnon y Cajal, nous n’avons jamais pu obtenir une coloration aussi complète des réseaux nerveux qu’en employant le bleu de méthylène. En 1. Smirnoff (A.), Matériaux pour Vhistoloyie du système périphérique des batraciens, Kazan, 1891 (en russe). 2. Golovine (E.), Recherches sur les nématodes , I. Organes phagocytai rés, Kazan, 1901 (en russe). CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTÉBRÉS 869 outre, les préparations obtenues par cette méthode sont très grossières. 11 est intéressant à noter qu’en l’employant ce sont tout d’abord les épaississements variqueux qui s’éliminent et ensuite seulement les parties des fibrilles nerveuses qui les unissent. 11 arrive très souvent alors que les varicosités seules se colorent. On voit souvent aussi s’éliminer rien que des parties de fibrille. Nous avons également essayé la méthode au sel d’or, non seulement sur les poissons, mais encore sur le H y la arborea et sur les caméléons, elle ne nous a pas donné de résultats satisfaisants :les fines ramifications ne se dégageaient presque pas. Bien que les préparations au bleu de méthylène, contrai- rement à ce qui s’obtient avec l’imprégnation, donnent des images parfaitement nettes et distinctes, néanmoins, vu la grande quantité des fibrilles nerveuses entourant les mélanophores, leur étude présente un travail assez compliqué et minutieux. Nous avons examiné une assez grande quantité de semblables préparations et nos recherches relatives à la partie la plus essentielle de la question, c’est-à-dire celle de la distribution des terminaisons nerveuses sur les mélanophores, nous ont conduit à des conclusions tout à fait opposées à celles de Ballovitz et de Eberth et Bunge. Sur les préparations à colora- tion complète, nous n’avons jamais pu remarquer que les terminaisons nerveuses se répandissent sur les mélanophores. Nous n’avons également jamais vu leur cytoplasme perforé par les fibrilles nerveuses. Comme nous le démontre la figure i sur laquelle nous avons représenté toutes les fibres nerveuses entourant le mélanophore donné, aucune d’elle ne se termine ni sur le mélanophore lui- même, ni près de lui. Si nous suivons la marche d’une de ces fibrilles, on peut presque toujours se convaincre qu’elle se dirige vers la périphérie et se termine dans l’épiderme, comme l’ont indiqué fort exactement Ballowitz et Eberth et Bunge pour la plupart des fibrilles entourant les mélanophores. La coloration étant incomplète, ce ne sont que des régions séparées de la fibrille qui se colorent et tout d’abord leur vari- cosité. Ç’est pourquoi la fibrille incomplètement colorée s’arrête toujours à l’épaississement variqueux. 870 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Le même phénomène 'se remarque dans les préparations faites par la méthode de Golgi. Là aussi ce sont les épaississe- ments variqueux qui s’éliminent les premiers, puis les parties qui les unissent. En appliquant cette deinière méthode, nous n’avons jamais pu éliminer les fibrilles nerveuses aussi nette- ment qu’avec le bleu de méthylène, et nous n’avons jamais pu dégager le réseau des filaments variqueux par la méthode au sel d’or. C’est dans cette propriété des épaississements variqueux de se colorer avant les autres parties des fibres nerveuses que réside, à notre avis, la cause des dissemblances entre nos résul- tats et ceux de Ballowitz et de Eberth et Bunge. Il est tout à fait évident que les terminaisons nerveuses que ces auteurs ont vues et dessinées d’après les préparations insuf- fisamment colorées ne présentent que des fibrilles variqueuses insuffisamment teintées. Les appareils terminaux qu’ils ont présentés dans leurs figures sont des épaississements variqueux en partie déformés par le précipité d’argent. Eberth et Bunge ont avec raison considéré comme suspectes ces terminaisons nerveuses, et fort justement les ont indiquées dans leurs figures avec un point d’interrogation (/oc. c., fig. 4, t. XVIII). Il n’y a pas le moindre doute que toutes les fibrilles nerveuses éliminées auprès des mélanophores par Ballowitz (Eberth), et Bunge, et nous, à l’aide de différentes méthodes, présentent les mêmes nerfs sensitifs cutanés que les nerfs qui se trouvent entre les cellules pigmentaires. De cette façon, les mélanophores n’ont aucun lien anatomique avec les terminaisons nerveuses, et par conséquent sont des formations tout à fait indépendantes du système nerveux. Cependant le système nerveux, comme le démontrent sans le moindre doute, les observations physiologiques, influe sur les mélanophores. Nous verrons plus loin qu’on peut donner à ce phénomène une explication t out à fait différente de celle des auteurs précédents. 3. — Action des toxines sur les mélanophores . Dans la série des expériences que nous allons exposer, rela- tivement à l’action des toxines sur les mélanophores, nous nous sommes servi exclusivement de celles qui proviennent de CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTÉBRÉS 871 cult ures bactériennes pures. Nous avons eu principalement en vue d’éclaircir leur action directe et immédiate sur les cellules pigmentaires. C’est pourquoi, dans cette série, ne sont groupées que les expériences dans lesquelles nous nous sommes servi des toxines non diluées, filtrées ou non et que nous avons intro- duites exclusivement sous la peau. Toxine diphtérique. — Lorsqu on introduit sous la peau d’un caméléon gris foncé 1/2 c. c. de toxine diphtérique filtrée, quelques secondes après, la partie de la peau qui couvre la pus- tule formée commence peu à peu à s’éclaircir et, une- minute après, la tache formée autour de la piqûre prend la coloration blanc jaunâtre que la peau de l’animal revêt après la mort. La partie de la peau devenue blanche est nettement délimitée par la surface de la pustule. Pendant les premières 8-10 heures, elle n’éprouve aucune modification. Environ 17 heures après, la pustule s’agrandit un peu à cause de la résorption de toxine; la peau qui la recouvre continue à conserver sa coloration blanche. 23 heures plus tard, la tache devient plus foncée et à l’aide d’une forte loupe on peut voir apparaître des points noirs, dans les tubercules isolés delà peau. Pendant les heures sui- vantes, le nombre de ces tubercules augmente, les points noirs commencent à apparaître aussi entre eux. Environ deux jours après le commencement de l’expérience, la partie injectée de la peau reprend la coloration normale. L’expérience avec les toxines diphtériques fut faite sur 3 sujets en présence d’un quatrième de contrôle. À ce dernier, ainsi qu'à l’un de ceux injectés par la toxine, nous avons introduit sous la peau, du côté opposé, 1/2 c. c. de bouillon pur. Une minute plus tard on pouvait remarquer chez ces deux animaux un faible blan- chiment de quelques tubercules isolées autour delà piqûre. Au bout de dix minutes, plusieurs des tubercules commencèrent à foncer, et, 1 h. 20après, lapartie delà peau injectée avait repris sa coloration antérieure. Si l’on expose un caméléon inoculé par la toxine diphté- rique à la lumière directe, après que la tache formée autour de la piqûre est nettement ressortie, alors sa peau, comme celle du caméléon de contrôle commence à blanchir 1 h.-t 1/2 après, et la tache disparaît. Portés ensuite à l’ombre, les 2 caméléons 872 annales de l institut pasteur deviennent, peu après, de nouveau foncés et chez F exemplaire injecté la tache réapparaît. Si on renouvelle la même expérience quand la tache pro- duit e par la toxine diphtérique a disparu, durant les quelques premières heures la partie injectée de la peau réagit très lentement et n’atteint jamais un blanchiment complet. Beaucoup de tuber- cules sur sa surface restent foncés, et chez les caméléons blan- chis, ils apparaissent sous forme de tache grise. Le 3e jour, la partie de la peau injectée se remet complètement et commence à changer de coloration comme le reste de la peau. Sur les coupes de peau soumises à Faction de la toxine, dans le courant des 3 premières heures, on peut voir que les mélanophores se sont contractés et ont fait rentrer presque toutes leurs expansions: celles qui restent sont devenues beau- coup plus courtes, et aucune d'elles n’envoie ses expansions vers l’épiderme. En somme, c’est le même tableau que celui que présentent les mélanophores sur les coupes de la peau d’un caméléon mort. Les coupes de la peau prises dans la partie injectée. 24 heures après l’injection, quand des tubercules séparés ont commencé à y foncer, démontrent que quelques mélanophores sont restés à l’état de contraction, tandis que chez d’autres ont apparu des expansions ramifiées et dans quelques tubercules ces expansions atteignent l’épiderme. Chez les amphibies, la toxine diphtérique provoque le même effet que sur le caméléon, mais d’une façon moins nette. Son action cependant, se manisfeste chez ces animaux aussitôt après l’injection. Si l’on introduit sous la peau de la Hyla arborea d’une coloration brune, 1/2 c. c. de cette toxine, on voit, autour de la piqûre, la peau commencer aussitôt à prendre une coloration verte, et dans la plupart de nos expériences, cette coloration devenait d’un vert vif, quelques minutes après. Plusieurs de ces Hyla colorées en vert gardaient ensuite cette coloration pendant très longtemps: les autres prenaient leur coloration ancienne, d’un brun foncé, 40-50 minutes après le commencement de l’expérience. Chez la Hyla à la peau verte, la toxine diphtérique ne produisait aucun changement dans la couleur, même si l’on introduisait sous la peau des CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTÉBRÉS 87,1 quantités relativement très grandes de toxine, 1 1/2 à 2 c. c. Contrairement à ce qui s’observe chez les caméléons, cette toxine ne provoque pas, chez les animaux mentionnés plus haut, cette coloration d’un jaune pâle, que l’on remarque chez eux après la mort, c’est-à-dire que, comme le démontrent aussi les coupes transversales de la peau, cela ne provoque pas, chez les mélanophores, une rétraction complète de leurs expan- sions, quoique les cellules pigmentaires isolées prennent une forme arrondie. Chez la Ranci esculenta et la Rana temporaria , la toxine diphtérique ne produit pas de changement aussi fort dans la coloration que celui qu’on observe chez les caméléons et la Hyla , mais cela s’explique par l’extrême accumulation des mélanophores. Là où ils sont plus rares, par exemple sur la peau des régions latérales, on peut voir très clairement que les mélanophores commencent à rétracter leurs expansions aussitôt après l’injection de la toxine, et quelques-uns d’entre eux, 40 à 50 minutes après, prennent déjà une forme arrondie, bien que la plupart des mélanophores continuent à garder de courtes expansions. Chez le Triton cristatus, même avec des injections nom- breuses, cette toxine n’agissait pas d’une façon apparente sur les mélanophores. Chez la perche et le brochet, la toxine diphtérique provoque une contraction presque momentanée des mélanophores (fig. 9), qui, cependant, 24 heures après, prennent leur aspect normal. La perche supporte très bien les injections répétées de grandes quantités de toxine diphtérique. Quelques exemplaires auxquels nous injections journellement de cette toxine sous la peau de la joue, par 1/2 c. c. — quantité qui provoque un elfet immédiat — ont survécu dans notre aquarium plus de deux mois (du milieu d’octobre presque au milieu de décembre); mais ch.ez ces exemplaires, comme chez ceux que nous primes dans cet intervalle pour les préparations, les mélanophores n’ont manifesté aucun changement, excepté ceux désignés plus haut. Toxine tétanique. — Nous avons étudié l’action de cette toxine sur des caméléons et des Hyla. Pour les injections sous-cutanées nous avons employé aussi bien la toxine filtrée 874 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR que la culture et, dans les deux cas, nous avons obtenu des résultats tout à fait analogues. Les mélanophores des caméléons se contractaient presque instantanément après Lintroduction de la toxine (1/2 c. c.) et la tache formée avait tout k fait le même aspect qu'avec la toxine diphtérique. Dix minutes après, la tache s’étendait fortement, et, si la piqûre était produite sur l'un des côtés du caméléon, alors, après le délai indiqué, toute la partie correspondante du corps de 1 animal prenait une coloration d’un jaune pâle. Après vingt-quatre heures, la tache commençait à disparaître et alors, comme dans les cas précédents, sur le côté blanchi de l’animal, quelques tubercules isolées de la peau se fonçaient; ensuite les autres parties prenaient une coloration foncée. Deux jours après, disparaissaient les dernières traces de la tache et débu- tait la contracture de la partie injectée. Sur les coupes trans- versales de la peau, prise dans la tache blanche qui s'était formée, et aussi après qu’elle eût commencé à foncer, les mélanophores apparurent exactement dans le même état qu’après l’injection de la toxine diphtérique. Chez la Hyla arborea , la toxine tétanique provoque une contraction relativement faible des mélanophores. Une minute après linjection à des exemplaires d’un gris foncé de 1/2 c. c. de toxine ou de culture, on peut observer une faible coloration verte, qui disparaît totalement 70 a 80 minutes plus tard. Ce qui est intéressant, c’est qu’après la disparition de la colora- tion verte, la Hyla prenait une coloration encore plus foncée qu’auparavant. Si l’on injecte cette toxine (1/2 c. c.) sous la peau des Hyla vertes, dans les premières minutes après l’intro- duction de la toxine on n’observe aucun effet, mais peu à peu, sur la surface de la pustule, commencent k apparaître des taches d’un brun clair. Deux ou trois heures plus tard, ces taches deviennent brun foncé. Les Hylas gardaient cette colo- ration durant deux journées, puis commençaient k changer de couleur de la même manière que les exemplaires de contrôle. Vibrio Metchnikovi. — Pour l injection nous avons employé, dans les expériences suivantes, exclusivement des cultures sur bouillon. Le maximum de l’effet s’obtenait déjà dès l’intro- duction sous la peau d’un 1/4 c. c. et, par la rapidité de l’action sur les mélanophores. la toxine de cette culture, parmi celles CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTÉBRÉS 875 que nous avons étudiées, se trouva, avec la culture tétanique, être la plus violente. Les caméléons, étant donnée la quantité de culture indiquée plus haut et même avec une quantité moindre, (1/8 c. c.) périssaient dans 24 à 27 heures. Comme dans les expériences indiquées plus haut , dans ce cas également, autour de la place injectée, se formait une tache d’un blanc jaune, qui restait telle durant 18 à 20 heures, puis une partie des tubercules de sa surface commençait à foncer. Après la mort, ces tubercules noircis devenaient de nouveau aussi clairs que le reste de la peau. Sur les coupes transversales de la partie tachée de la peau on pouvait voir que, parmi les mélanophores, quelques-uns seulement avaient gardé leurs expansions, et ceux-là même sont devenus épais et courts en perdant toutes leurs ramifications périphériques. Chez la Hyla , cette culture provoque aussi un effet brusque et immédiat. Déjà, en injectant sous la peau des Ifylas brunes 3 degrés de la seringue, la peau commence aussitôt à verdir autour de la piqûre. Les Hyla se trouvent être encore plus sensibles à cette culture que les caméléons. Elles périssent en 1 h. t/2-2 heures, non seulement après l’injection de la quantité indiquée plus haut, mais même à l’introduction sous la peau de 1/4 c. c. de cette culture diluée à 1 : 4 d’eau distillée. Nous essayâmes aussi cette culture sur des tritons, mais elle ne produisit aucun changement dans la coloration. Nous en avons introduit sous la peau d’un des exemplaires 1 c. c., journellement durant une semaine, mais nous n’avons obtenu aucun effet. Microbacterium tuberculosia. — Nous n’avons étudié l’effet de la toxine tuberculeuse que sur les mélanophores des camé- léons. Pour l’injection nous avons employé le bouillon de cul- ture mélangé de bacilles. Avec 1-1 1/2 c. c. de cette toxine introduite sous la peau, la contraction des mélanophores commence à se manifester quelques minutes après l’injection, et, 4-5 minutes plus tard, la tache produite atteint le maximum de blanchiment. La journée suivante, la tache prend une coloration presque noire et apparaît bien plus foncée que tout le reste de la peau. Le troisième jour, chez tous les caméléons à l’épreuve, la tache redevint blanche, mais non plus au même degré que dans ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 876 les premières heures après l'injection : quelques tubercules de la peau restaient foncés. Les taches gardèrent cette coloration toute la journée suivante, ensuite elles devinrent de nouveau foncées et durant 5 jours conservèrent cette coloration. Un jour après, deux exemplaires périrent et le troisième s'affaiblit tellement que nous résolûmes de le sacrifier pour des prépara- tions. Un de ces exemplaires, pendant les premières heures après l’injection, se trouvait dans une position verticale et immobile. Pendant tout ce temps la pustule qui s’était produite pendant l’injection descendait lentement vers la queue, et, avec elle, la tache blanche changeait aussi simultanément de place. Cette expérience démontre ainsi d'une façon péremptoire que la toxine de cette culture provoque les contractions des mélano- phores en n’agissant guère sur eux qu’en quantité considérable. Dès que son action commence à cesser les mélanophores s’étendent rapidement. Streptococcus. — La culture de ce microbe nous a été gra- cieusement fournie par M. le docteur Besredka. Nous avons eu la possibilité d’expérimenter son action sur les mélanophores de la Hyla arborea et de la Rcma esculenta. Chez les premières, colorées en brun, cette culture, après l’introduction sous la peau de 1-1/2 c. c., faisait apparaître dans les premières mi- nutes après l’injection un fin pointillé vert. 20 à 25 minutes après, la peau prenait une teinte d’un gris rosé avec un reflet métallique qui, vingt-quatre heures plus tard, se changeait en une coloration olive foncée. Quand cette culture était injectée à des Hyla vertes, tout d’abord la peau prenait également une coloration d’un vert foncé, qui dans vingt-quatre heures se changeait de nouveau en vert vif, mais autour de la piqûre restaient de petites taches d’une couleur cendrée qui disparais- saient les journées suivantes. Outre les toxines désignées ci-dessus, nous avons également essayé l’action du Vibrio cholerœ Koch (Choiera as iatica), du Bacil- lus anthracis , du B. coli commune , du venin de serpent et de l’alcool. La culture de Choiera asiatica , même à des doses très grandes, 1 1/2-2 c. c., ne provoquait guère, chez les camé- léons et les Hyla , qu’une faible contraction des mélanophores. tout à fait la même qu’avec le bouillon pur. Une contraction un CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTÉBRÉS 877 peu plus forte, niais de peu de durée, était causée parle charbon, le B. coli et le venin de serpent. L’alcool k 50 0/0 provoqua une réaction tout à fait opposée a celle que donnaient les toxines : iiitroduitsouslapeau des caméléons à laquantité de 1/2-1 1/4 c. c., il provoquait la formation, à l’endroit de l’injection, d'une tache foncée, qui ne variait et ne réagissait pas à l’excitation par la lumière durant à peu près vingt-quatre heures. Après ce laps de temps la tache prenait une coloration grise, et vers la lin de la seconde journée les traces de l’injection disparaissaient presque. Ainsi toutes les toxines, qui ont manifesté une action sur les mélanophores, produisent, comme le démontrent les expériences exposées ci-dessus, un seul et meme effet : elles agissent en qualité d’excitants qui provoquent la contraction des mélano- phores. Leur action est purement locale et l’effet ne s’observe que lorsque la toxine se trouve directement en contact avec les cellules pigmentaires. Dès que la toxine employée commence à être absorbée, les mélanophores se remettent k fonctionner d’une façon normale, mais, pendant qu’elle se trouve en contact avec eux, ils perdent toute faculté de répondre à n’importe quels excitants. Tous les excitants chimiques des mélanophores étudiés jusqu’à présent peuvent être divisés en deux groupes. A l’un se rapporteront ceux qui, comme quelques toxines exami- nées par nous, provoquent la contraction de ces cellules; à l’autre, ceux qui, comme l’alcool, par exemple, forcent au contraire les mélanophores h se dilater. Au nombre des excitants chimiques du premier groupe doivent être rapportées aussi ces substances, encore indéter- minées, qui amènent le blanchiment post mortem de la peau des poissons, des amphibies et des reptiles. Leur action sur les mélanophores est apparemment très semblable à celle des toxines. Rien que nos observations dans ce sens ne soient pas encore terminées, nous nous permettrons de citer l’expérience sui- vante : plusieurs morceaux de peau furent pris chez une perche devenue blanche après la mort et rapidement broyés k la poudre de verre. Ensuite la pâte obtenue fut diluée avec une petite quantité de solution physiologique. Près de 1/2 c. c. du liquide filtré fut introduit sous la peau de la joue d’une perche. 878 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Quelques minutes après l'injection, tous les mélanophores de la région injectée se contractèrent . La perche fut ensuite mise dans Paquarium et laissée jusqu’au lendemain. Le jour suivant il se trouva que tous les mélanophores avaient repris leur aspect antérieur. Il n’est pas rare de voir que les poissons et les amphibies morts d’asphyxie ne changent pas leur colora- tion pendant un laps de temps relativement long. Ainsi, par exemple, d’après les expériences de Lister (/. c.), on voit que des Rana fnsea , asphyxiées dans l’atmosphère d’hy- drogène ou d’acide carbonique, gardent leur coloration anté- rieure, et non seulement des exemplaires entiers, mais même des extrémités coupées. Quand on les ramenait à l’air (après 2 à 0 heures de passage dans l’acide carbonique), ils blanchissaient quelque temps après. Ces expériences furent ensuite confirmées par Biedermann. A première vue, elles semblent contredire ce fait que les mélano- phores se contractent après la mort de l’animal par suite de l’intoxication post mortem. Nous aussi nous avons observé que des perches asphyxiées dans de l’eau privée d’oxygène ne changent pas leur coloration pendant un temps relativement assez long. Cependant ces perches, 3 à 4 et même 6 heures après un séjour dans de l’eau privée d’oxygène, ramenées à l’air, ne manifestaient aucun blanchiment pendant un laps de temps assez prolongé. L’étude des mélanophores de ces perches a démontré que ces cellules étaient encore vivantes, et, bien que faiblement, répondaient à l’excitation électrique : ils faisaient, bien que très lentement*, rentrer leur expansions. Biedermann, de son côté, a observé que des grenouilles, mortes d’asphyxie dans un bocal contenant de l’acide carbonique, blanchissaient après y avoir passé 24 heures. Il en a conclu très justement que l’acide carbonique provoque l’expansion des mélanophores en les amenant à un état d’affaiblissement. A notre avis c’est précisément par ce fait que peut s’expliquer lé retard de l’effet de l’intoxication post mortem dans ces cas. Ces phénomènes d’autointoxication peuvent avoir lieu non seulement après la mort de l’animal, mais aussi de son vivant. De nombreuses expériences sur l’influence de la circulation sur les mélanophores le prouvent, selon nous, d'une façon tout à fait convaincante» CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTÉBRÉS 879 Déjà Lister (/. c.) présentait de nombreuses preuves en faveur de la grande influence qu’a la circulation sur le change- ment de la coloration de la peau et démontrait que la cause du blanchiment post mortem n’est autre que l’arrêt de la circula- tion. Ensuite Hering et Hoyer (/. c.) tâchaient-de démontrer que le système nerveux influe sur les mélanophores par l’inter- médiaire du système vasculaire. Enfin, dans ces derniers temps, Biedermann (/. c.) a de nouveau analysé en détail cette ques- tion et a mis hors de doute la grande influence du système vasculaire sur les mélanophores. De toutes ces nombreuses observations on peut tirer la déduction suivante : là où, par suite de quelque cause que ce soit, survient un arrêt dans la circulation, on observe toujours aussi la contraction des mélanophores. Ainsi, par exemple, si chez une grenouille on serre complètement l’artère principale d’une des extrémités postérieures et qu’on y pratique une incision circulaire de la peau, alors, déjà 15-30 minutes après, les mélanophores manifestent leur maximum de contraction. Ou bien, si l’oncoupe chez une Hana fusca foncée (dans la saison froide) toutes les parties molles de l’extrémité postérieure, à l’exception de l’artère et de la veine principales, les changements dans la colo- ration de la peau ne s’observent pas, aussi longtemps que la circulation du sang se produit régulièrement. Mais il suffit de pincer l’artère ou la veine pour que les mélanophores se mettent aussitôt à rentrer leurs expansions, et dans le premier cas, c’est-à-dire pendantl’anémie, l’effet est plusnet etse produit plus vite. Si l’on rétablit ensuite la circulation, les mélanophore s reviennent à leur état primitif. Biedermann (/. c.) a démontré, sur des grenouilles opérées de cette façon, que, même tous les nerfs coupés, le système nerveux continue à manifester son influence sur les mélanophores. Ce fait a amené Biedermann à supposer que les mélanophores doivent s’innerver par voie tout à fait différente de celle que désigne toute une série d’expériences physiologiques , et de recherches histologiques, à savoir : par les nerfs, qui passent avec les nerfs vasomoteurs. Cependant, personne jusqu’à pré- sent n’a réussi a découvrir ces nerfs et à démontrer leur liaison avec les mélanophores. Toutes les observations concernant l’influence directe du 880 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR système nerveux sur les mélanophores — observations parfois peu claires et contradictoires — obligent, au contraire, a penser que, en tenant compte des autres données, le système nerveux agit sur les cellules pigmentaires exclusivement par l'intermé- diaire du système vasculaire. En provoquant, dans une région donnée de la peau, des changements dans la circulation, il amène par ce fait une intoxication locale, et, comme consé- quence, la contraction des mélanophores. 11 est indispensable de remarquer ici qu’avec le changement dans la circulation, pen- dant son arrêt, par exemple, ce ne sont pas seulement les méla- nophores de la peau, mais aussi ceux qui recouvrent les parois des vaisseaux qui se contractent. Tout l’ensemble des faits relatifs au changement dans la coloration des poissons, des amphibies et des reptiles démontre que c’est l'indépendance très développée des mélanophores qui est le principal, et que, dans la majorité des cas, c’est grâce à elle que surviennent les différentes variations dans la coloration de la peau. Comme cas particuliers, nous devons considérer les changements produits dans les mélanophores par le système nerveux. Cela ne doit pas paraître étrange, si l’on tient compte de ce que, dans la coloration de la peau, ce sont les mélanophores qui jouent le rôle principal. Il suffit d’une insignifiante con- traction de leurs expansions, d’un très léger raccourcissemenl de ces dernières, en somme, d’un changement minime dans la configuration de ces cellules pigmentaires, pour que la peau prenne déjà une autre coloration. Dans la partie suivante de notre travail nous présenterons encore quelques faits confirmant le point de vue énoncé ci-dessus. EXPLICATION DE LA PLANCHE XXI Fig. 1. — Mélanophore d’une perche avec les fibrilles variqueux. Coloralion vitale par le bleu de méthylène; fixage par le picrate d’ammoniaque: v, épais- sissement variqueux; t, fibrilles nerveuses insuffisamment colorées, s’arrêtant à l’épaississenient variqueux. Fig. 2. — Mélanophore de la vésicule vitelline d’un embryon du brochet, trois jours après l’éclosion; o, orifices formés par la soudure des expansions voisines. Fig. 3. — Coupe transversale d’un tubercule de la peau du caméléon : fixage CELLULES PIGMENTAIRES DES VERTÉBRÉS 881 par le sublimé et l’acid ■ acétique; coloration par le carmin, suivie d’un lavage prolongé par une faible solution de l’acide picrique; /', fissures intracellulaires, par lesquelles les mélanophores envoient leurs expansions vers la périphérie; ep, épiderme; mr, terminaison des expansions des mélanophores; M, mélano- phore. Fig. 4. — Trois mélanophores (I, Il et III) de la vésicule vitelline d’un embryon du brochet, deux jours après l’éclosion. Fig. 5. — Coupe transversale d’un tubercule de la peau du caméléon; fixage par le sublimé et l’acide acétique après un traitement, pendant une demi-heure par la toxine tétanique ; ep, épiderme; /’, fissures par lesquelles les mélanophores envoient leurs expansions vers la périphérie; M, mélanophore. Fig. 6. — Quatre mélanophores de la vésicule vitelline d’un embryon du qrochet, deux jours après l’éclosion. Fig. 7. — 'Coupe transversale de la Hylo, arboveci d’une coloration vert vif, ce qui correspond au maximum de contraction des mélanophores M; ep, épiderme; xl, xantholeucophores. Fig. 8. — Mélanophores M et xantholeucophores xl de la perche, état d'expansion. Fig. 0. — Id. après l'inoculation de la même région de peau par la toxine diphtérique; tous les mélanophores et xantholeucophores sont contractés. Fig. 10. — Deux mélanophores I et II de la vésicule vitelline d’un embryon du brochet, trois jours après l’éclosion ; N, noyau. Fig. 11. — Coupe transversale de la peau de la Hyla arborea ; traitement par le Vibrio Metchnikovi; fixage par le sublimé et l’acide acétique; ep, épiderme; xl, xantholeucophores ; M, mélanophores contractés (comparez M de la lig. 7). Pouvoir préventif et pouvoir curatif du séium humain dans l’infection due au Trypanosome du Nagana. PAR LE Dr Oswald GOEBEL (Travail du laboratoire d:hygiène et de bactériologie de l’Université de Gand.) On doit à MM. Laveran et Mesnil1 la découverte d’une action bien intéressante que possède le sérum humain chez les animaux inoculés avec des Trypanosomes de Bruce. Chez les souris, ils ont reconnu à ce sérum un pouvoir préventif certain, quand on injecte les parasites en mélange avec le sérum, et une action curative dont l'efficacité est incomplète, les Trypanosomes disparaissant rarement d une manière définitive du sang. En outre, ces auteurs ont observé que le sérum chauffé à 62° est rendu inactif et qu il perd peu à peu ses propriétés en vieillissant. Ils admettent qu'il renferme une substance nocive pour les Trypanosomes, agissant à la façon de l'acide arsé- nieux. Nous avons repris l’étude du sérum humain au point de vue de ses propriétés protectrices et curatives en cherchant surtout à interpréter son mode d’action. A. Pouvoir préventif L’inoculation à la souris d’un mélange composé de 2 c. c. de sérum humain et d’une goutte de sang nagané n’est jamais sui- vie d’infection; nos expériences, à ce point de vue, ne peuvent que confirmer celles de MM. Laveran et Mesnil. En opérant de la même façon chez le cobaye, nous avons, au contraire, provoqué à coup sûr l’infection de l’animal; pour protéger le cobaye nous avons dû réunir des conditions assez spéciales que nous allons exposer. Tout d’abord l’infection n’a été évitée qu’au moyen de Try- panosomes ayant été en contact pendant plusieurs heures à 37° avec le sérum, comme on le constate dans l’expérience suivante : 1. A. Laveran, C. R. Acad. Sciences , 1er avril 1902; Laveran et Mesnil, Traite- tement et prévention du Nagana, Ann. Inst. Pasteur, 25 novembre 1902, — Try- panosomes et Trypanosomiases , page 167. TRYPANOSOME DU NAGANA 883 \ cobayes reçoivent sous la peau 0,3 c. c, de sang de cobaye nagané additionné de 8 c. c. de sérum fœtal ; les inoculations sont pratiquées immédiatement après la préparation des mélanges et après un séjour de durée variable à la température ordinaire ouà37o. Un5e cobaye témoin reçoit à 0,3 c. c. de sang nagané mélangé avec 8 c. c. de sérum humain inactivé par chauffage, mélange qui a été mis préalablement pendant 2 heures à l’étuve. 0,3 c. c. de sang nagané ajouté à Moment de l’injection. Durée de l’incuba- tion C Cobaye 1. 8 c. c. sérum fœtal. Immédiate. G jours. Mort après 25 jours. 1 2. 8 c. c. — Après 2 h. à 18°. 6 — — — 47 — — 3! 8 c. c. — — 8 h. à 18». 11 — _ — 60 — — 4. 8 c. c. — — 2 h. à 37°. Survit. — 5. — 6. 8 c. c. liq. physiol. 8 c. c. sér. humain — 24 h. à 18». 5 — Mort après 24 jours. à 64° 2 h. à 37°. 8 — — — 23 — 1. Nous désignons ainsi, comme le font MM. Laveran et Mesnil, le temps qui s’écoule entre' l’inoculation et l apparition des parasites dans le sang. Dans cette expérience les inoculations étaient faites sous la peau. Comme le démontrent les essais suivants, la région où l’inoculation est pratiquée a aussi de l’importance, de même que la façon dont on injecte le sérum et les Trypanosomes, le pouvoir préventif ne se manifestant que lorsqu’on les introduit réunis dans l’organisme. 1 c,c. de sang nagané -j- 4 c c. sérum. Cobaye 7. — 8. — 9. Trypanosomes sous la peau, sérum dans péritoine Mort après 12 jours. Survit. Mort après 14 jours. Trypanosomes -j- sérum sous la peau. — -j- sérum dans péritoine. (Nous avons employé dans cette expérience un mélange de sérum fœtal et de sérum d’adulte.) Nous devons cependant reconnaître que, même en opérant dans les conditions indiquées (séjour du mélange 2 heures à 37°, injection sous la peau), il nous est parfois arrivé d’éprou- ver des échecs résultant, sans doute, de ce que nous avons dû nous servir de sérums dont l’activité n’était nullement équiva- lente. Dans beaucoup de nos essais, nous avons eu recours à des sérums de fœtus, recueillis au moment de la délivrance. Or, ' 884 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR MM. Laveran et Mesnil ont constaté que le sérum foetal est bien moins actif que le sérum d’adulte. Nous avons fait, dès le début, quelques expériences qui confirment leurs observations. Gomme nous ne connaissions pas à ce moment les conditions dans lesquelles on peut sûrement obtenir la survie des animaux, les injections des mélanges de Trypanosomes et de sérum de fœtus ou d’adulte ont été pratiquées sans séjour préalable à 37°. Inoculation sous-cutanée de 1 c. c. dépôt de Trypanosomes avec : Incubation. Cobaye 1 0. 0.1 c. c. sérum fœtal. 4 jours. Mort après 15 jours. — 11. l.Oc.c. — 7 ' — — — 21 — — 12. 2.0 c. c. — 9 — — — 17 — — 13. 0.1 c. c. sérum d’adulte. 7 - _ 38 — — 14. 1.0 c. c. — 9 — — — 24 — — 15. 2.0 c. c. — 15 — _ _ 30 _ On voit qu’après les injections de sérum d’adulte, la durée de l’infection est plus longue. On est naturellement tenté d'attribuer l’activité plus grande du sérum, qui a été en contact avec les parasites à 37° pendant plusieurs heures, à une action nocive directe du sérum sur les Trypanosomes. Mais cette action est encore à démontrer, comme nous l’établirons plus loin. Il nous semble qu’après avoir séjourné pendant 2 heures à 37° dans le sérum, un grand nombre de Trypanosomes sont morts spontanément ; le sérum humain n’aurait donc à exercer son action que dans un orga- nisme où peu de parasites ont été introduits. Cette hypothèse se trouve confirmée par l’expérience suivante : On laisse pendant 3 heures à 37°, les mélanges : A. 6 c. c. sérum fœtal frais + 1.0 c. c. de sang à Trypanosomes; B. 6 c. c. sérum fœtal inactivé par un chauffage à 64« pendant une demi- heure + 1,0 c. c. de sang à Trypanosomes; C. 6. 0 c. c. sérum fœtal inactivé de la même manière + 1. 0 c. c. de sang à Trypanosomes. Ensuite, on ajoute au mélange A 6c. c. de sérum fœtal inactivé ; à B 6 c. c. de sérum fœtal frais et à G 6 c. c. de liquide physiologique. Les 3 nouveaux mélanges sont inoculés immédiatement sous la peau de 3 cobayes. Le cobaye qui a reçu le mélange G s’infecte après 6 jours ; ceux qui ont reçu les mélanges A et B restent indemnes. TRYPANOSOME DU NAGANA 885 L'injection, pour être efficace, doit se faire sous la peau parce qu'en cet endroit la résorption du sérum se fait lentement et qu’ainsi les Trypanosomes restent longtemps en contact avec du sérum peu dilué. Il en est autrement quand le mélange est introduit dans le péritoine. Chez la souris, on peut inoculer de grandes quantités de Trypanosomes et protéger l’animal avec de faibles doses de sérum (2 c. c.) parce que la masse du liquide préventif est très considérable par rapport à la masse du corps. En d’autres termes, on pourrait dire que le sérum humain n’agit préventivement qu’a la condition de se trouver dans l’or- ganisme pendant un temps assez long et à une concentration relativement forte. Comme on le verra par la suite, le sérum humain est doué d’une activité bien plus grande chez l’animal infecté. En effet, des doses peu élevées font disparaître rapidement du sang des parasites extrêmement nombreux; sans doute, à l’action du sérum sur les parasites eux-mêmes s’ajoute alors celle de l'or- ganisme luttant contre l’infection. 1. — Le sérum humain exerce-t-il une action in vitro sur les Trypanosomes ? L’examen de préparations fraîches ne permet pas d’affirmer que le sérum nuit à la vitalité de ces parasites. S’il possède une action toxique sur eux, elle semble bien lente et peu mar- quée. En tout cas, elle ne se manifeste par aucune modification extérieure apparente des micro-organismes. Nous avons, par des numérations, déterminé le nombre des Trypanosomes encore mobiles dans deux mélanges, l’un de Try- panosomes et de sérum humain frais, l’autre de Trypanosomes et de sérum humain rendu inactif par chauffage. Après 2 heures, le nombre des parasites mobiles était tombé de 65,265 par m. m. c. à 3,125 dans les deux mélanges. Le séjour en dehors de l’orga- nisme vivant, surtout à une température de 37°, a donc pour conséquence à lui seul de diminuer considérablement le nom- bre des parasites vivants. On ne peut guère songer à apprécier in vitro l’action des deux sérums, chauffé et non chauffe, pendant plus longtemps, 886 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR car, après 3 heures, la plupart des parasites y sont devenus immobiles et paraissent détruits. Et cependant, bien que les Trypanosomes se montrent également altérés dans les deux mélanges, on constate, en les inoculant au cobaye, que seul le mélange chauffé est encore infectieux. Nous ne pouvons donc conclure à Faction trypanocide du sérum humain qu’en opérant in vivo ; or, dans l’organisme, la destruction des parasites pourrait résulter d’une action indirecte du sérum. Dans l’hypothèse où le sérum humain aurait sur eux une action nocive, on doit se demander si les Trypanosomes ne Fixent pas une partie plus ou moins notable d’une substance à laquelle serait dû son pouvoir préventif. Nous avons tenté de répondre à cette question par l’expérience suivante : Les Trypanosomes de 10 c. c. de sang d’un cobaye fortement infecté sont centrifugés, lavés au liquide physiologique et mis à digérer avec du sérum humain. Après contact plus ou moins prolongé, on éloigne les para- sites et l’on ajoute au sérum quelques gouttes de sang d’un cobaye nagané ; ce mélange sert aux inoculations. Des cobayes témoins reçoivent des Try- panosomes, additionnés de sérum humain n’ayant pas été en contact avec des parasites, à des doses correspondantes avec celles injectées aux animaux précédents. Une difficulté sérieuse dans cette expérience résultait de l’incertitude où nous nous trouvions relativement à la dose justement préventive du sérum; si ce sérum était ajouté en excès, les Trypanosomes pouvaient n’être pas assez abondants pour enlever complètement la substance protectrice ; s’il était injecté en trop faible quantité, au contraire, les témoins risquaient de n’être pas protégés. Les résultats de ces essais n’ont pas tous été aussi nets que nous l’avions espéré. En se basant sur la durée plus ou moins longue du temps écoulé entre l’apparition des Trypanosomes dans le sang et le moment de l’inocu- lation, on peut néanmoins tirer parti de ces expériences. 11 est d'observation constante que, chez les animaux inoculés avec des quantités égales du sang d’un même animal nagané, la durée de l’incubation diffère fort peu. TRYPANOSOME DU NAGANA 887 1 c. c. dépôt de trypanoso- mes + 3 c. c. sérum 1 c. c. dépôt de trypanoso- mes -f- 0.5 c. c. sérum. 0.8 c. e. dépôt de Trypano- s o m e s -f- 1 c. c. sé- rum 0.8 c. c. dépôt de Trypano- somes -|- 1.0 é . c. sé- rum 0.9 c. c. dépôt de Trypano- somes -f- 4 c. c. sé- rum . . Durée du contact. 3 gouttes de sang nagané plus : 2h. à 37°. 2 h. à 37°. 24 h. à 22°. 4 h. à 37°. 20. sérum non digéré : coh. 23 sérum digéré : cob. 24. sérum non digéré : cob. 25. cob. 26. sérum non digéré : coh. 2" sérum digéré : cob. 28. sérum non digéré : cob. 29. Incubation. O - - Survit. 12 jours. Mort apr. 26 j . 10 — 15 — — 17 j. - 20 j. 10 — 11 — - 16 j. - o j. 12 — 10 — 1 1 05 Comme on le voit sur ce tableau, il n’y a aucune différence notable à constater entre le pouvoir préventif du sérum ordi- naire et celui du sérum qui a été en contact pendant 2 heures ii 37° avec des Trypanosomes abondants. L'essai avec 0, 5 c. c* de sérum non digéré et digéré semblerait même indiquer que le con- tact du sérum avec les parasites ne fait que le rendre plus actif. Ce fait paradoxal se retrouve dans l'expérience suivante où nous avons opéré en même temps sur des souris et des cobayes avec les mélanges : A. Trypanosomes et globules contenus dans 4 c. c. de sang nagané, centrifugés et lavés au liquide physiologique, -f 9 e. c. sérum fœtal. 11. 4. c. c. de sang de cobaye normal 4- 9 c. c. sérum humain fœtal. Les deux mélanges sont laissés à 37<> pendant 2 heures, puis centri- fugés et les liquides A et B séparés des dépôts sont ensuite additionnés chacun de 1 , 0 c. c. de sang nagané. Les souris sont inoculées immédiatement avec une partie de ces mélanges ; le reste demeure 2 heures à 37° puis est inoculé à des cobayes. 888 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Inoculation. Incubation. Souris A. Souris B. ( Souris G. \ Souris D. Souris E. Souris F. | Souris G. i Souris H. Cobaye 30. Cobaye 31 . Cobaye 3 “2. Cobaye 33. 1 c. c. mélange A. i ^ 1 c. c. mélange U. / | 2 c. c. mélange A. j 2 c. c. mélange B. 1 12 jours. 12 — Survit . Mort après 20 jours. — 25 jours. Le sérum humain, qui a été en contact avec des Trypanoso- mes, loin d’être privé de son action préventive, se montre éga- lement dans cette série d’expériences doué d’un pouvoir pro- tecteur plus accusé, chez les cobayes, que le sérum ordinaire. En tout cas, il apparaît clairement que les Trypanosomes n’en- lèvent pas au sérum une quantité appréciable de substance préventive. En guise de contre-épreuve, les Trypanosomes, après séjour dans du sérum humain pendant 2 heures à 37°. ont été recueil- lis par centrifugation et mis en suspension dans du liquide physiologique; inoculés à des cobayes, ils ont toujours infecté les animaux en expérience. Néanmoins nous pensons que certaines réserves s’imposent; peut-être les Trypanosomes fixent-ils très lentement la substance protectrice ou n’en enlèvent-ils qu’une quantité trop minime pour que le pouvoir préventif s’en ressente. Des difficultés techniques ne nous ont pas encore permis d’élucider cette question. II. — Dans quelle catégorie de matières albuminoïdes faut-il ranger la substance à laquelle est liée faction protectrice du sérum humain ? Après avoir saturé 50 c. c. de sérum avec du sulfate de magnésie en substance et recueilli le précipité de globulines, nous avons lavé celui-ci avec une solution saturée de Mg SOL puis nous avons redissous par addition d’eau distillée. Le liquide à peu près clair, obtenu de cette façon, est soumis à la dialyse dans un sac de collodion; d’autre part les albumines recueillies TRYPANOSOME DU N AG AN A 889 par filtration sont également dialysées. La dialyse n'a pas été poussée jusqu'à la disparition complète des sels, les Trypano- somes étant assez sensibles aux solutions hypotoniques U Nous avons ensuite préparé les mélanges suivants : 2c. e. albumine + 5 gouttes de sang nagané, Injection â souris a : appa- rition des Trypanosomes après 4 jours. \ c. c. albumine + 5 gouttes de sang nagané. Injection à souris b : appa- rition des Trypanosomes après 4 jours. 2c.c. globulines 4- 5 gouttes de sang nagané. Injection à souris c. Pas d’inf. 2— — +5— — — — — y. — 1 - - +5 — — - - — f. — La substance préventive, d’après ces essais, paraît appartenir au groupe des globulines. En outre, elle est assez résistante puisque la précipitation par une solution saturée de sel magné- sien lui laisse son activité. Nous n’avons pu poursuivre plus loin l’étude des propriétés chimiques de cette substance. Aussi bien, son principal intérêt réside dans ses propriétés biologiques que nous avons essayé de déterminer. III. — La substance protectrice agit-elle comme T une ou l'autre des substances connues que contiennent les sérums préventifs ? Ce pourrait être une substance agissant directement sur la vitalité des Trypanosomes, comme celle que contient le sérum de rat blanc et qui tue les bacilles du charbon in vitro , ou celle du sérum d’anguille qui détruit les globules rouges de certains Vertébrés. On peut aussi a priori se la représenter comme une opsonine ou une cytotropine modifiant les Trypanosomes de manière aies rendre phagocytables. Enfin, la substance en question a peut-être une constitution analogue à celle des sensibilisatrices auxquelles les sérums bactéricides, hémolytiques, etc., doivent leurs propriétés carac- téristiques et qui sont actives seulement avec l’aide d’une alexine. Mais, comme on l’a vu plus haut, le sérum qui a été en contact avec les parasites, conserve tout son pouvoir préventif et les parasites eux-mêmes, après ce contact, sont aussi infectieux qu’auparavant; il semble dès lors bien probable que le sérum U Cf. Goebel. Ann. Soc. de médecine de Gand , 1906. t. LXXXVI. p. 2. 890 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR humain no contient pas un principe actif comparable à celui des sérums bactéricides ou des sérums bactériotropiques. Ces sérums, en effet, sont inactivés absolument quand on les met en présence des microorganismes pour lesquels ils sont spéci- fiques. Les expériences suivantes fournissent aussi quelques indi- cations qui montrent que l’action préventive du sérum humain dans le nagana ne dépend pas de la présence d’une sensibilisa- trice spéciale. 1. Action de la température. — MM. Laveran et Mesnil ont constaté que le sérum humain conserve environ la moitié de son activité après avoir été chauffé pendant 1 heure à 56°; or, on sait que si, à cette température, les sensibilisatrices sont pro- bablement toutes inaltérées, la plupart des alexines, par contre, sont détruites. A 62°, ces mêmes auteurs ont constaté que le sérum a perdu la plus grande partie de son activité. Nos expériences sur les cobayes ont donné les résultats suivants : 1 c. c. dépôt de Trypanosomes ajouté à Incubation. Cobaye 34. Cobaye 35. Cobaye 36. 3 c. c. sérum humain frais. 3 c. c. sérum humain chauffé à 57° 3 c. c. sérum humain chauffé à 64° 5 jours. Pas d’infection. Mort après 6 jours. Les Trypanosomes avaient été en contact pendant 2 heures à 37° avec le sérum avant l’injection et il s’agissait d’un sérum d’adulte très actif. L’action sur les souris du sérum chauffé a été mise à l’épreuve dans une autre expé- rience. Du sérum humain fœtal est tenu respectivement à 59°, 61°, 63° et 65° pendant 33 minutes. A \. c. c. de chacun de ces sérums nous ajoutons 0. 2 c. c. d’un dépôt de Trypanosomes, puis 1 c. c. de liquide physiologique. Souris A. Sérum tel quel. Survit. Souris B. — à 59° Apparition des Trypanosomes apr. 5 j. Mort apr. 8 j. Souris C. — à 64° - - - 4 j. — — 7J- Souris D. — à 63° — — 4 j. Souris E. — à 65° - - 2 j: — — 5 j. On remarque que la dose de sérum et la masse des Trypa- nosomes restant les mêmes, la durée de l’infection est en rap- TRYPANOSOME 1)U NAGANA 894 port avec la température à laquelle le sérum a été porté. 11 ne s’agit donc pas d’une substance qui se détruit complètement à une température déterminée. Peut-être y a-t-il une série de substances albuminoïdes partielles dont chacune a uDe tempé- rature de coagulation ou de mise en inactivité différente. Cette expérience montre en outre que clans certains cas le sérum peut être déjà rendu inactif à 59°. Pour se rendre exactement compte de l’inlluence du degré de température, il faut évidemment envisager, dans ces expé- riences, bien des facteurs; voir s'il s’agit d’un sérum fœtal ou d’un sérum d’adulte, d’un sérum très actif ou peu actif, si les Trypanosomes sont très nombreux ou rares, très virulents ou peu virulents. Aussi, toutes ces circonstances, dont quelques unes même ne peuvent être vériliées qu’après coup, nous inter- disent d’opposer les résultats de nos expériences à ceux obte nus par MM. Laveran et Mesnil. Puisqu’il est acquis en tout cas que le sérum chauffé à 64° est dépouillé complètement de son activité, n’est-il pas possi- ble de lui rendre son pouvoir préventif en l’additionnant d’un sérum purement alexiqüe? Le sérum fœtal étant notablement moins actif que le sérum d’adulte, ce fait pourrait être dû à sa très faible teneur en sen- sibilisatrice. On sait, en effet, entre autre par les travaux de Sachs 1 , que le sérum de bœuf adulte est actif vis-à-vis des glo- bules de cobaye alors que le sérum de fœtus bovin ne possède aucun pouvoir hémolytique. On a démontré, d'autre part, que ce défaut d’activité est bien dû à une absence de sensibilisatrice puisque la quantité de complément y est sensiblement la même que dans le sérum d’adulte. Il était indiqué, dès lors, de recher- cher si le sérum d’adulte chauffé peut être réactivé par l’addi- tion d’une dose de sérum fœtal humain insuffisante par elle- même pour qu’on puisse lui attribuer une action préventive. Nous avons préparé dans ce but les mélanges suivants ; A. 2 c. c. sérum d’adulte chaulïï* à 64° [+ 1, 0 c. c. sérum fœtal frais; B. 2c. c. sérum d’adulte non chauffé -f 1. Oc. c. liquide physiologique. Le liquide A est inoculé nu cobaye 94 : Infection après S jours. Le liquide B est inoculé au cobaye 94 a : Pas d’infection . A moins qu elle ne soit détruite à 64°, le sérum humain ne 4. H. Sachs, Munchener med. Wochenschrift, 1904. 892 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR contient donc pas une sensibilisatrice pour les Trypanosomes qui se laisse compléter par l’alexine du sérum fœtal humain. Nous avons essayé de réactiver le sérum d'adulte par du sérum d’autres espèces animales, notamment par du sérum de poule et par du sérum de porc. Ces essais, faits chez la souris, nous ont toujours donné des résultats négatifs. 2. Absorption par des levures. — Yon Dungern1 a constaté que des levures émulsionnées dans un sérum hémolytique lui enlè- vent la propriété de dissoudre des globules rouges. Cette action est due à une fixation de l’alexine. Nous avons recherché si du sérum humain, digéré avec des levures, n’était pas dépouillé de ses propriétés protectrices. 4 c. c. de sérum humain fœtal récent sont tenus en contact pendant 2 heures à 37° avec 15 grosses anses de levures lavées à plusieurs reprises avec du liquide physiologique ; l’émulsion épaisse est ensuite centrifugée et le liquide de centrifugation additionné de 0,5 c. c. de sang à Trypanosomes. Un témoin est constitué par un mélange de 4 c. c. de sérum humain 4- 0,5 c. c. de sang à Trypanosomes. Les deux tubes sont laissés 2 heures à 37°, puis leur contenu inoculé sous la peau à deux cobayes : Cob. 95 (sérum humain digéré avec levures); pas d'infection . Cob. 96 (sérum humain non digéré) : pas d'infection. Cette expérience montre aussi que le mode d’action du sérum humain n’est pas comparable au mécanisme que les sérums bac- téricides ou hémolytiques mettent en jeu, puisqu’il n’y a pas intervention d’une alexine. Il est à remarquer en outre que le tube qui renfermait le sérum et les levures et qui avait été additionné de Trypanosomes mélangés avec des hématies de cobaye, ne présentait aucune trace d’hémolyse après 2 heures de séjour à l’étuve, tandis que l’hémolyse était complète dans le tube renfermant le mélange de Trypanosomes, de globules de cobaye et de sérum humain. Puis- que dans les deux cas les liquides se sont montrés protecteurs, on est amené à croire que la substance active'du sérum est bien différente de celle qui provoque l’hémolyse, contrairement à la manière de voir de Nissle2. Cet auteur soutient, en effet, que les substances qui altèrentles Trypanosomes sont identiques à celles qui modifient les globules rouges et il admet pour le sérum 1. Von Dungern', Münchener med. Wochenschr., 1900. 2. Nissle. Archio f. Hygiene, 1905 t. LUI. TRYPANOSOME DI NAGANA 893 humain une action nuisible sur les Trypanosomes, adéquate à son action hémolytique. 3. Action des alcalis. — Dans leurs expériences sur la multi- plicité des alexines, Ehrlich et Sachs ont montré que ‘certaines d entre elles sont détruites par un contact plus ou moins pro- longé avec un alcali. Nous avons essayé de mettre cette consta- tation à profit en opérant comme suit : te. c. de sérum fœtal sont additionnés de 1. c. c. de solution normale d’hydrate de soude; après 10 minutes on neutralise par la solution'normale d’acide chlorhydrique et on ajoute 0.5 c. c. de sang à Trypanosomes. Le mélange après 2 heures de séjour à 37° est injecté sous la peau d’un cobaye ; un cobaye témoin reçoit la même dose de Trypanosomes en mélange avec du sérum auquel on a ajouté 2 c. c. de solution neutre (1 c. c. de solution normale de sonde + l c. c. de solution normale d’acide chlorhydrique). Un 3e mélange est constitué par 4 c. c. de sérum (humain frais + 0,5 c. c. de sang à Trypanosomes. Cob. 97 (sérum soumis à l’action de la soude, puis neutralisé) ; infection après 9 jours. Cob. 98. (sérum additionné de liquide neutralisé) ; pas d'infection. Cob. 99 : (sérum humain frais) ; pas d'infection. Le contact avec la soucie fait donc perdre au sérum ses pro- priétés protectrices. Mais cette expérience ne permet pas d'af- firmer que ces propriétés sont sous la dépendance d’une alexine. Il est probable que la substance sui ejeneris , à laquelle il doit son activité, est détruite par le traitement à la soude. 4. Formation d’un anticorps. — La substance active en question est-elle capable de donner lieu à la formation d’un anticorps actif in vitro comme in vivo ? Nos premiers essais ont été faits en mélangeant du sérum d’un lapin, traité par du sérum humain, à du sérum humain normal, mélange additionné de sang riche en Trypanosomes. Dans une première expérience, les mélanges ont été injectés dansle péritoine quelques minutes après addition des parasites. Expérience II. Cob. 100 : 1 c. c. de sang à Trypanosomes + 3 c. c. sérum humain fœtal ( témoin ) : Trypanosome après 16 jours, mort après 60 jours. Cob. 101 : 1 c. c. sang à Trypanosomes -h 3 c. c. sérum humain + 1 c. e. sérum antihumain : Trypanosomes après 4 jours, mort après 6 jours. Cob. 102 : 1 c. c. sang à Trypanosomes -f 3c. c. sérum humain + 2 c. c. sérum antihumain : Trypanosomes après 2 jours, moi't après 5 jours. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 891 Cob. 103 : 1 c. c. sang à Trypanosomes + 3 c. c. sérum humain + 3 c .c. sérum antihumain : Trypanosomes après 3 jours, mort après 6 jours. Dans cette expérience, l’action préventive du sérurn a été insuffisante, l’injection avait été faite dans le péritoine, etc. On constate néanmoins que la période d’incubation et la durée totale delà maladie sont beaucoup plus longues chez le témoin que chez les animaux ayant reçu, en même temps que du sérum humain, une certaine dose de sérum anti humain. Pour d’autres expériences, l'injection a été faite sous la peau à des cobayes. Expérience II. Cob. 104 : 1 c, c. sang à Trypanosomes 4- 4 c. c. sérum humain : Pas d'in- fection. Cob. 105 : 1 c, c. sang à Trypanosomes 4- 4 c. c. sérum humain 4- 1 c. c. sérum antihumain : Trypanosome après 9 jours, mort après 25 jours. Expérience III. Cob. 106 : 0.5 c. c. sang à Trypanosomes 4-4 c. c. sérum humain fœtal. Pas d'infection. Cob. 107 : 0,5 c'. e. sang à Trypanosomes 4- 4 c. c. sérum humain fœtal 4- 2 c. c. sérum antihumain : Trypanosomes après 12 jours . mort après 30 jours. Dans l’expérience suivante, nous avons mis en parallèle 1 injection immédiate des mélanges et leur injection après 2 heures de séjour à 37° : Cob. 110 : 0,3 c. c. sang à Trypanosomes + 8 c. c. sérum humain (2 heures à 37°) : Pas d’infection. Cob. 108: 0.3 c. c. sang à Trypanosomes 8 c. c. sérum humain (injection immédiate) : Trypanosomes après 6 jours , mort après 25 jours. Cob. 109 : 0,3 c. c. sang à Trypanosomes + 8 c. c. sérum humain + 3 c. c, sérum antihumain (injection immédiate) : Trypanosomes après 8 jours , mort après 30 jours. Coh. 111 : 0.3 c. c. sang à Trypanosomes + 8 c. c. sérum humain + 3 c. c. sérum antihumain (2 heures à 37°) : Trypano- somes après 8 jours , mort après 23 jours. Des essais du même genre, faits chez la souris, ont donné des résultats qui concordent avec les précédents. Nous sommes donc en droit d’affirmer que Je sérum de lapin , immunisé contre le sérum humain , enlève à celui-ci son .pouvoir pro- tecteur lorsque les deux sérums ont été mélangés in vitro. TRYPANOSOME DU NAGANA 895 Restait à rechercher si les animaux, soumis à des injections répétées de sérum humain,, s’infectent lorsqu’on leur inocule un mélange de sérum humain et de Trypanosomes, qui est inof- fensif pour un animal non préparé. 2 cobayes reçoivent en 3 fois 10 c. c. de sérum humain sous la peau; quelques jours après la dernière injection on leur inocule, en même temps qu’à 2 témoins, un mélange constitué par 2.7 c. c. de sérum humain et 0,5 c. c. de dépôt de Trypanosomes. (Le sérum de ces cobayes ne donnait avec le sérum humain aucun précipité appréciable ; le sérum de cobaye est, comme on le sait d’ailleurs, peu riche en précipitines). 2.7 c.c. sérum humain 5 c.c. sang à Trypanosomes. Incubation. Cobaye 1 1 ï . Immunisé contre san# humain. 11 jours. Mort apres 20 jours. — 113. — — — — 8 ' — — — 17 — 1 1 Non immunisé. 11 — Survit. Mort après 20 jours. La même expérience a été faite chez des souris qui avaient reçu au préalable 4 c. c. de sérum humain en 2 fois. 2 c c. sérum humain -j-0.5 c. c. sang à Trypanosomes, Incubation. Souris 1. — 2 ! - 3.' | I Immunisées | contre sérum humain. 8 jours. 7 jours. Morte après 10 jours. Survit. Morte après 9 jours. Survit. — 3. j 1 — Survit. — 6. — 8.’ 1 Non immunisées. ) 1 8 jours. Morte après 10 jours. Survit. Pour ces expériences, nous avons employé une dose pro- tectrice assez faible de sorte que plusieurs animaux non immu- nisés ont succombé. Néanmoins, on constate une mortalité un peu plus considérable chez les animaux immunisés contre le sérum humain. Il semble bien qu’une certaine neutralisation du principe actif du sérum se produise dans l’organisme vivant chez les animaux immunisés, comme elle se produit in vitro. Le sérum antihumain rend-il le sérum humain inactif par suite d’une réaction spécifique qu’on pourrait comparer à celle d'une toxine réagissant avec son antitoxine ? Suffit-il, pour lui 806 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR enlever son pouvoir protecteur, d’ajouter la dose préventive de sérum humain à un mélange de deux sérums précipitants quel- conques, ou même, tout simplement, à une certaine quantité d’un sérum hétérologue? A première vue, il semble qu’on doit avoir affaire à un phé- nomène spécifique ressemblant à la neutralisation du sérum d’an- guille par son antisérum par exemple. Dans les deux cas ce sont des éléments cellulaires assez comparables, Trypanosomes ou glo- bules rouges, qui sont protégés contre l’action propre d’un sérum . Nous avons essayé d’élucider cette question de la façon suivante : A une dose protectrice de sérum humain, on ajoute du sérum de cheval et du sérum de lapin immunisé contre le sérum de cheval et l’on injecte le mélange avec le précipité qui s’y est produit. Un témoin reçoit la même dose de sérum humain additionnée de sérum antihumain, un autre témoin cette dose de sérum humain additionnée de sérum de lapin normal. A tous ces liquides on ajoute 0.25 c. c. de sang nagané. Expérience 1. Cobaye Mélanges injectés : 0.25 c. c. de sang nagané ajouté à : Incubation. Mort après Contrôles 116. 3 c. c. sérum humain -f- 3 c. c. sérum antihumain 21 jours. 117. 3 c. c. sérum humain -(- 3 c. c. sérum antihumain o — 22 — 118. 3 c. c. sérum humain +3 c. c. sérum lapin normal 7 — 28 — — . 119. 3 c. c. sérum humain -f 3 c. c. sérum lapin normal 8 — 26 — — 120. 1 c. c. sérum cheval -}— 3 c . c. sérum anticheval 5 — ^ 24 — — 121. l <*. c. sérum cheval -f- 3 c. c. sérum anticheval o — 12 — — 122. 3 c. c. sérum humain -f- 2 c. c. sérum anticheval -f 3 c. c. sérum cheval 7 — 36 — 123. 3 c. c. sérum humain + 2 c. c. sérum anticheval + 3 c. c. sérum cheval 18 — Malheureusement la dose préventive de sérum paraît avoir été insuffisante dans cette expérience; nous ne pouvons donc utiliser ces résultats qu'en comparant la durée de la période d’incubation chez les animaux contrôles et chez les animaux soumis à l’action des mélanges précipitants de sérum cheval et anticheval. On constate que l’apparition des parasites dans le sang TRYPANOSOME DU NAGANA 897 n'est pas plus précoce chez ces animaux (122 et 123). Le pou- voir protecteur du sérum humain ne paraît donc pas diminué par le fait que ce sérum a été mélangé à un sérum d’une espèce différente et qui a donné un abondant précipité avec son antisérum. Nous avons repris cette expérience et préparé 3 mélanges dans les conditions suivantes : Mélange A. 8 c. c. sérum humain foetal + 4 c, c, sérum lapin normal: — B. 8 c. c. — — 4 c. c. — antihumain ; — C. 8 c. c. — — -f 4 c- c. — cheval -f 4 c. c. sérum anticheval. A chacun de ces mélanges a été ajouté 0,5 c. c. de sang à Trypanosomes. Expérience II. Incubation Cobaye 424. — 125. 4 c. c. mélange A. 9 jours. 9 — — 126. 4 c. c. mélange B. 6 jours. — 127. — 6 — — 128. — 129. 4 c. c. mélange C. 8 jours. 8 ' — La dose protectrice dans l'expérience 11 étant encore insuf- fisante. nous avons fait de nouveaux essais avec un sérum anti- cheval particulièrement actif. Mélange A : 8 c. c. sérum humain 4- 1.0 c. c. sérum lapin normal -f 2 c. c. liquide physiologique (contrôle). Mélange B : 8 c. c. sérum humain -f 2 c. c. sérum antihumain -fie. c. liquide physiologique (contrôle). Mélange C : 8 c. c. sérum humain + 2 c. c. sérum cheval -f 1 c. c. sérum anticheval. 898 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Expérience III. 0,5 c. c. sang nagané plus : Incubation » Cobaye 130. 5 c. c. mélange A. .•> ! ) Survie. — 131 . 5 c. c. — — — 132. 5 c. c. mélange B. 10 jours. Mort — 133. 5 c. c. — 10 — — — 134. 5 c. c. mélange C. 8 — — 135. 5 c. c. — 10 — — — 136. 5 c. c. — 6 — . • — . - 137. 5 c. c. — 8 — Expérience IV. 0,5 c. c. de sang nagané plus : Incubation Mort après Souris 56. 0,5 c.c. sérum humain+0, 5 sérum antihumain. 5 jours. 9 jours. — 57. 0,5 e.c. sérum humainq-0, 5 sérum lapin normal. 7 — 10 — - 58. 0,5 c.c. sérum humain-f-0,5 sérum antichcval-f- 0,5 sérum cheval 7 " — 10 — — 59. 0,5 c.c. sérum anticlieval-1-0,5 sérum cheval.. . 3 — O La dernière expérience, faite avec les mélanges ci-dessus, a été surtout démonstrative : A, Sérum cheval 1,0 c. c. + sérum anticheval 2,0 c. c. + sérum humain 4 c. c. 11, Sérum cheval 1,0 c. c. + sérum lapin normal 2,0 + sérum humain 4 c. c. G — Liquide physiologique 1,0 c. c. + sérum anti-humain 2,0 c. c. + sérum humain 4 c. c. A tous ces mélanges nous ajoutons 0, 5 c. c. de sang à Trypanosomes. Expérience Y. Incubation. Souris 60. 1 c. c. de mélange A (S. cheval + anticheval). 7 jours. Mort après 9 jours. — 61. 1 c. c. — A — 8 — —11 — — 62. 1 c. c. — A — 7 — — — 10 — — 63. 1 c. c. B (contrôle). Survit. — 64. 1 c. c. — B — — — 65. 1 c. c. — B — — — 66. 1 c. c. G (S. humain et antihumain.) 6 jours . Mort après 10 jours. — 67. 1 e. c. “ G — 6 — — 10 — TRYPANOSOME DIJ NAGANA 899 Nous ne croyons pas pouvoir tirer des conclusions fermes de ces quelques expériences. 11 en ressort toutefois quele sérum humain peut perdre son pouvoir préventif dans un mélange de sérums précipitants quelconques (cheval et anticheval) et qu’il n’est pas nécessaire, pour neutraliser ce pouvoir, de recourir à un antisérum spécifique. Il semble même que l’addition de sérum de lapin normal au sérum humain diminue son action protec- trice. 5. — Recherche des opsonines et des cytotropines . — Les travaux récents sur ces substances nous ont engagé à rechercher direc- tement leur existence dans le sérum humain, en suivant à peu près la technique indiquée par Neufeld et Hüne *. Les leucocytes d’un exsudât péritonéal, obtenu chez le cobaye par ino- culation de bouillon additionné d’aleuronate, sont lavés et émulsionnés dans du liquide physiologique ; de cette émultion épaisse, on inet 3 gouttes dans de petits tubes avec 3 gouttes de Trypanosomes centrifugés du sang et 2 gouttes de sérum humain frais ou chauffé au préalable à 64°. Après 1 à 2 heures de séjour à l’étuve, le liquide en excès est enlevé et le dépôt réparti en frottis sur lames que l’on colore ensuite par le Giemsa. D’autre part, voulant chercher si une action cytotropique ne se pro- duirait pas par une combinaison de sérum humain et de sérum d’une autre espèce animale, nous avons mis la même quantité de leucocytes dans des tubes renfermant 2 gouttes de sérum humain frais, additionnées respective- ment de 2 gouttes de sérum de lapin, de sérum de poule, de sérum de souris, de sérum de cobaye sain, de sérum de cobaye nagané; chaque tube recevait en outre 3 gouttes de suspension de Trypanosomes. — Enfin, dans une autre série de tubes, nous plaçons 3 gouttes d’émulsion de Trypa- nosomes + 3 gouttes d’émulsion de leucocytes et 2 gouttes de sérum de lapin, de poule, de souris, de cobaye sain ou de cobaye nagané. Sur toutes les préparations, faites au moyen des mélanges qui sont restés 1 heure à 37», on retrouve un certain nombre de parasites ayant conservé leurs formes et leurs affinités pour les matières colorantes; mais la très grande majorité des Trypanosomes sont détruits; il n’en persiste plus que leurs restes plasmolysés, flagelle et noyau, celui-ci se présentant sous l’as- pect d’une petite masse arrondie colorée en rouge. Le noyau a une forme assez caractéristique qui permet de le reconnaître dans le protoplasme des polynucléaires. Les restes des Trypanosomes sont seuls phagocytés et cette phagocytose s’observe avec la môme intensité dans tous les mélanges; on peut la considérer comme un phénomène d’ordre banal. Jamais nous n’avons observé la phagocytose de Trypanosomes ayant leurs formes normales. Après 3 heures de séjour à 37o, l’aspect des préparations est encore sen- siblement le même, sauf que le nombre des parasites intacts est encore 1. Neufeld et Hune. Arb. a. d. Kaiserl. Gesundheitsamte. 1907, t. XXV, f. 2. ANNALES DK L’INSTITUT PASTEUR 900 moindre; il semble aussi que les restes de noyaux sont beaucoup moins abondants. Le sérum humain , seul ou additionné de sérum d’autres espèces animales , paraît donc dépourvu vis-à-vis des Trypanosomes de tout pouvoir opsonique ou cytotropique, comparable à celui qui a été reconnu à divers sérums pour des Bactéries variées et même pour des éléments cellulaires de dimensions relativement grandes tels que des hématies . Il resterait à examiner si le sérum humain ne manifeste aucun pouvoir cytotropique clans les conditions expérimentales où Ton s’est placé, parce que les microphones du sang sont iînpuissants contre les Trypanosomes vivants. Le rôle des pha- gocytes ne pourrait-il pas être joué exclusivement par les macro- phages de la rate, de la moelle osseuse, etc.? Des recherches ultérieures sur le phagocytisme au sein des organes parenchy- mateux élucideront cette question. Il y a lieu, en tout cas, de rapprocher cette impuissance des leucocytes vis-à-vis des Trypanosomes du Nagana de leur pou- voir phagocytaire très considérable pour le Trypanosoma lewisi , constaté par MM. Laveran et Mesnil chez les rats immu- nisés activement ou passivement contre ce dernier parasite. B. Pouvoir curatif. Gomme nous l’avons rappelé plus haut, MM. Laveran et Mes- nil ont reconnu que le pouvoir curatif du sérum humain n’est pas absolu, en ce sens que presque toujours les Trypanosomes reparaissent dans le sang après un temps plus ou moins long; pourtant, dans deux cas. ils ont observé une guérison radicale des souris. Nous avons étudié à notre tour cette action curative chez les souris et les cobayes. Chez la souris, conformément aux observations des auteurs précités, l’injection de 2 c. c. de sérum humain fait disparaître les parasites du sang. Leur réapparition est d’autant plus tardive que le moment de l’injection est moins éloigné du début de Linfection, comme Je démontre l’expérience suivante : TRYPANOSOME DU NAGANA 901 . Inoculation des Trypanosomes Injection de sérum après : Réapparition des Trypanosomes Souris a. Souris b. Souris c. Souris (1. Le 14 juillet. L jour, 1 5 juillet . 2 jours, 16 juillet . :> jours, 17 juillet. 4 jours, 18 juillet. 9 jours après ^injection. 8 jours — 6 jours — 5 jours — 1 ‘ , ; ; . * . ' ' Par une injection de sérum humain, on peut obtenir la dis- parition complète des parasites, même chez des souris fortement infectées; mais, cette action exigeant un certain temps pour se manifester, les animaux arrivés à la dernière période de là maladie meurent généralement sans que le nombre des Try- panosomes ait diminué d’une façon appréciable. Les souris, dont le sang est débarrassé de ses innombrables parasites grâce au sérum, ne présentent aucun symptôme spé- cial ; il ne semble pas exister chez elles de lésions; organiques plus ou moins graves. Cependant, si l’on tue l’animal à ce moment, on constate que la rate est fortement hypertrophiée. Il était intéressant de rechercher si les parasites; ne se retrouvent pas dans cet organe et dans d’autres, comme on l’ob- serve chez le cobaye après leur disparition spontanée ap cours de l’infection. On sait que les Trypanosomes, presque cjompiè- tcment absents du sang à une certaine période, existent aloirs en grand nombre dans les testicules, les ganglions, etc. Ç Nous avons examiné à ce point ée vue quelques souris, chez lesquelles les parasites avaient disparu après une injection de sérum. Les Trypanosomes ayant reparu après quelques jours, on pratique une nouvelle injection et les parasites deviennent très rares dans le sang (1-2 par préparation fraîche). On extirpe alors les ganglions inguinaux dont on fait des frottis; ceux-ci, colorés par le Giemsa, ne montrent pas de parasites. ht. Chez le cobaye, les choses se passent autrement. Comme on le verra plus loin, on peut aussi chez cet animai faire! disparaî- tre les parasites du sang, mais si, 24-48 heures après l’injection, on enlève les ganglions inguinaux, on y trouve des Trypanoso- mes assez nombreux, La persistance des parasites dans les ganglions du cobaye 1. Cf. Van Durme. Archives de parasitologie, t. X, n° 2, 1906, et Gokpel et Demoor, Annales de la Société de médecine de Gand , 1906. 902 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR traités par le sérum humain est à rapprocher de leur persis- tance dans ces organes lors des rémissions spontanées. Pour ce qui concerne l’action curative du sérum humain chez le cobaye, il y a lieu d’être réservé dans l’interprétation des faits afin de m’être point victime de simples coïncidences, une période de rémission du nombre des parasites étant de règle au cours de l’infection naganée chez le cobaye. Mais, après l'injection de sérum, la disparition des parasites est plus rapide et surtout plus complète; pendant plusieurs jours, on ne trouve plus un seul Trypanosome dans le sang, tandis que dans le cas de rémis- sion spontanée, on en trouve encore toujours quelques unités. Nous avons déterminé le nombre des Trypanosomes par mmc. au moyen du compte-globules de Thoma-Zeiss. En général la chute du nombre des Trypanosomes est assez régulière comme le montre le tracé ci-dessous chez un cobaye ayant reçu 5 c. c. de sérum humain. S b 3 Z i o Globule \ !_ rouges L i \ \ X Trypo. rzosomcs J O VL’ 'S i 5 3 A s heures 6 i% io is éu v* at N. B. Dans ce tracé et dans les suivants, chacune des grandes divisions correspond à 4,000,000 de globules rouges, à 400, 0Q0 Trypasonomes et à 40,000 globules blancs. Il arrive parfois, pendant les premières heures qui suivent l’injection, que le nombre des Trypanosomes, loin de diminuer, continue à augmenter. Un exemple de ce fait est fourni par le cobaye 1125 chez lequel nous avons pratiqué à diverses repri- ses la numération des Trypanosomes, des globules rouges et des TRYPANOSOME DU NÂGANA 903 904 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR globules blancs. La première numération est faite 1/2 heure avant l’injection de 5 c. c. de sérum humain. Parasites. Globules rouges Globules blancs. Avant injection. Après 7 heures. Après 24 — Après 32 — Après 46 — Après 56 — 384.375 par mmc. 418.750 — 156.250 — 7.500 — 9.375 — 0 — 7.200.000 par mmc. 7.100.000 — 6.700.000 — 6.564.000 — 6.500.000 — 6.600.000 — 7.500 par mmc. 3.437 — 1.250 3.125 5.625 — 4.062 En établissant plusieurs tracés, on constate qu’ils présen- tent en général la même allure; toujours on voit une chute du nombre des parasites 24 heures après l’injection du sérum humain. Quand le nombre des parasites dans le sang n’est pas trop considérable, on peut même observer leur disparition com- plète 24 heures après. La rapidité de leur disparition est donc en rapport avec leur nombre initial. De même que chezla souris, il arrive quele sérum soit sans action lorsqu’on intervient pendant les dernières périodes de la maladie. Lorsqu’il y a une tendance à la rémission spontanée dans le nombre des parasites, l’action du sérum est accélérée et il agit à doses moindres. Au début de l’affection, les forces réactionnel- les de l’organisme sont plus actives et se combinent sans doute avec l’action du sérum. Vers la fin de la maladie, par contre, l’organisme est probablement déjà fort affaibli; la phagocytose des parasites se fait probablement mal; en outre, le sang est dépouillé d’un élément important, l’alexine1 qui joue peut-être un rôle important dans la défense contre l’infection naganée. La dose de sérum influe évidemment sur la rapidité avec laquelle s’accomplit la disparition des Trypanosomes, mais cette influence n’est ni constante, ni régulière; parcontre, presque toujours, la durée de la période de disparition et la durée totale de l'infec- tion sont sous la dépendance de la quantité de sérum. Les courbes, page 903, montrent bien les variations dans le nombre des parasites et des globules rouges. Elles ont été dres- 1 Cf. Gqebel, A nnales de la Soc. de Mèd. de Gand , 1906 . — Nous avons mon- tré dans ce travail que chez le cobaye immunisé contre les globules de lapin et infecté en même temps de nagana, il y a disparition de la plus grande partie de l’alexine et diminution de la quantité de sensibilisatrice hémolytique. TRYPANOSOME DU NAGANA 905 sées pour 3 cobayes (45, 48, 47^ inoculés simultanément. 7 jours après, leur sang renfermait sensiblement le même nombre de parasites; on leur inocule alors dans le péritoine des doses décroissantes de sérum, soit: 6 c. c. au cobaye 48, 3 c. c. au cobaye 45 et i c. c. au cobaye 47. L’injection de sérum ne paraît pas avoir d’infïuence bien notable sur le nombre des globules rouges ; la destruction des Trypanosomes est bien indépendante de toute action hémoly- tique. Le nombre des globules blancs aussi ne subit aucune variation notable. On ne constate pas de leucocytose marquée ; tout au plus y a-t-il, I ou 2 jours après, une légère hausse dans le nombre des globules blancs. Enfin il semble bien que la pha- gocytose des parasites fait défaut dans le sang circulant. La numération des parasites nous a encore rendu service pour l’étude de l’action exercée par divers facteurs sur le pou- voir curatif du sérum humain. 1. Action de kl température. A 3 cobayes, chez lesquels le nom- bre des parasites était considérable, on injecte du sérum humain dans le péritoine : Le cobaye 70 reçoit 7 c. c. de sérum fœtal frais, le cobaye 77, 7 c. c. de sérum fœtal chauffé 1/2 heure à 58°, elle cobaye 75, 7 c. e. de sérum fœtal chauffé 1/2 heure à 64°. Chez le cobaye 75, le sang était beaucoup moins riche en parasites dès le début; l’essai n’en est que plus probant si ces parasites peu nombreux ne disparaissent point par l’injection de sérum chauffé à 64°. Des numérations répétées onl donné les résultats suivants : Nombre 8 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Cobaye 91 (sérum digéré avec Trypanosomes,». Cobaye 92 (sérum non digéré) Avant l’injection. 90.62a 90.625 Après 17 heures. 0 0 — 2 jours. 0 0 — 4 ' — 0 0 Les animaux sont restés indemnes de Trypanosomes pendant 5 jours; ils sont morts à cette date. 4. Nous avons également fait quelques essais en vue de rechercher si le sérum de\lapin immunisé contre le sérum humain est capable de neutraliser V action curative de ce dernier lorsqu'on injecte les deux sérums mélangés. MM. Laveran et Mesnil1 rapportent les résultats d'une expé- rience instituée en vue de répondre à cette question. Ayant injecté à plusieurs reprises du sérum humain à un animal atteint de nagana, ils n’ont pu constater que ces injections donnaient lieu à la production d’un anticorps neutralisant à la longue le prin- cipe actif du sérum. En présence des résultats assez constants obtenus avec des mélanges analogues éprouvés au point de vue de leur pouvoir préventif, nous pouvions nous attendre h les trouver inactifs également au point de vue de leur action curative appréciée par rabaissement du nombre des Trypanosomes dans le sang. Or. dans la plupart des essais, la chute du nombre des para- sites a été aussi rapide quand on injectait les deux sérums chez un animal nagané que dans le cas où l'on traitait P animal par du sérum humain seul. 2 cobayes (25 et 27), fortement infectés, reçoivent en même temps dans le péritoine, 5 c. c. de sérum humain ; chez un 3e cobaye (26), le sérum humain est additionné au préalable de 1 c. c. de sérum antihumain. Nombre Sérum humain -f- sérum antihumain. (Cob. 26.) Sérum humain. des parasites. 1 Cob 27. Cob. 26. Avant Tinjeetion. Après a heures. 584.375 518.750 • 384.375 400.000 484.375 418.750 — 24 — 325.000 234.375 156.250 — 30 — 109.375 125.000 .7,5.300 — 45 — 48.875 18.750 9.375 — 54 — 25.000 6.250 0 — 3 jours. 50.000 6.250 0 — 4 — 212.500 48.750 3.125 — a — 350.000 38.500 9.375 1. Laveran et Mesnil, Ann. Inst, Pasteur , t. XVI, 1902, p. 803. TRYPANOSOME DU NAGAINA 900 Comme on le voit, une diminution du nombre de Trypano- somes s’est produite rapidement après injection du mélange de sérum humain et de sérum antihumain; néanmoins, en poursui- vant les numérations pendant plusieurs jours, on constate que les parasites redeviennent nombreux et en bien moins de temps chez ce cobaye que chez les deux autres. Il semble donc que l’activité de la substance curative, impar- faitement neutralisée, s’est épuisée plus rapidement chez lui que chez les deux autres animaux. Plusieurs expériences du même genre ont donné des résul- tats analogues. Nous rapportons dans le tableau ci-dessous les numérations faites chez deux autres cobayes. L’un (113) avait reçu 6 c. c. de sérum foetal -f- 4 c. c. de sérum antihu- main, l’autre (114) 6 c. c. de sérum fœtal + 4 c. c. de liquide physiologique en injection intrapéritonéale: Sérum humain + sérum antihumain (Cob. 113.) Sérum humain (Cob 114.) Examen en préparât iraîches. Avant l’injection. 115.625 78.125 Après 12 heures. 1G8.750 12.500 — 24 — 37.000 0 — 34 — 0 0 — 2 jours. 0 0 Dans cet essai, la dose de sérum antihumain a été plus forte que dans l'essai précédent (4 c. c ); la chute du nombre des Trypanosomes est moins rapide que chez le témoin, mais, néanmoins, après 34 heures, les parasites ont presque tous disparu . Ces expériences montrent donc qu’un mélange de sérum humain et de sérum antihumain, qui paraît bien neutre et qui est inactif quand on examine son pouvoir préventif, contient néanmoins une quantité encore appréciable de substance active puisque ce mélange est manifestement curatif. CONCLUSIONS I . Le sérum humain, comme l ont reconnu les premiers MM. Laveran et Mesnil, possède une action [préventive cer- taine et une action curative limitée contre l’infection de la souris par le Trypanosome de Bruce. Il exerce la même action préventive contre l’infection du cobaye par ce parasite, mais, pour que cette action se manifeste chez cet animal, il faut se 910 ANNALES DE Lr’INSTITUT PASTEUR placer dans certaines conditions, telles que le contact prolongé des parasites avec le sérum à la température de 1’étuve, T injec- tion du mélange sous la peau, etc. 2. Le sérum humain, digéré à 37° avec des Trypanosomes, ne perd pas ses propriétés préventives et curatives ; les para- sites qui y ont séjourné ont conservé toute leur infectiosité. 3. Le sérum est sans activité au point de vue préventif quand il a été chauffé aune température voisine de 64° et quand il a été traité par un alcali. 11 garde ses propriétés après avoir été en contact avec des levures. 4. Un mélange de sérum humain et de sérum antihumain est dépourvu de toute action protectrice. L'action curative de ce mélange n’est pas supprimée; elle est seulement diminuée. 5. D'autre partdes sérums d’espèces animales diverses, addi- tionnés ou non de leur antisérum, sont aussi capables de dépouiller le sérum humain de son pouvoir préventif. h. La substance préventive se comporte comme une globu- line; elle est précipitée par le sulfate de magnésie à saturation. 7. Le sérum humain n’agit ni préventivement ni curative - ment par un mécanisme analogue à celui des sérums hémolyti- ques, avec le concours d une alexine et d'une sensibilisatrice. La perte de ses propriétés parle chauffage, par le vieillissement (Laveran et Mesnil), par l’action des alcalis peut s’expliquer autrement que par une destruction de l’alexine. L’absence de toute fixation in vitro par les Trypanosomes d’une substance à laquelle le sérum devrait son activité, de meme que l’action négative des levures à ce point de vue, et l’impossibilité de réactiver le sérum chauffé au moyen de sérum humain fœtal ou de sérums d’autres espèces animales, plaident encore en faveur de l’hypothèse d’une substance agissant sans l’intermédiaire d’une alexine. 8. Le sérum humain ne manifeste aucune propriété opsoni- que ou cytotropique vis-à-vis des Trypanosomes. En tout cas, il ne modifie pas les parasites de manière à en faire une proie facile pour les leucocytes. Contribution à l’étude des Trypanosomiases de l’Afrique occidentale. QUELQUES MODIFICATIONS DE VIRULENCE Par M. CAZALBOU Vétérinaire en 1er au 10” régiment d'artillerie. Les recherches poursuivies pendant ces dernières années, en Afrique occidentale, ainsi que les travaux effectués par M. Laveran 1 à l’Institut Pasteur, ont démontré que les Trypa- nosomiases devaient être placées au premier plan du cadre nosologique de cette vaste contrée. C’est ainsi qu’on connaît actuellement : 1° La Mbori ( Trypanosoma Evansi var.) qui frappe les Camé- lidés et les Equidés du Sahara et du Sahel ; 2° Le Taliaga (7>. soudanense) qui, d’après les recherches de M. Laveran, doit être assimilé aux trypanosomiases algériennes connues sous les noms de El Dehab et de Mal de la Zousfana ; 3° La Souma (TV. Cazalbouï) des Equidés et des Bovidés du Soudan ; 4° Le Baléri (TV. Pecaudi ) des Equidés et probablement aussi des Bovidés soudanais ; 5° La Trypanosomiase des chevaux de Gambie (Tr^dimor- plion ), signalée en divers points de la Guinée, de la Gambie et du Sénégal ; 6° La Trypanosomiase humaine (77*. Gambiense ), assez rare dans l’ensemble de la contrée étudiée. On sait que, pour une espèce pathogène donnée, la virulence est variable : 1° avec l’espèce animale inoculée ; 2° avec l’origine du Trypanosome étudié ; 3° enfin, quoiqu’il un degré assez faible, avec les passages par espèces animales déterminées 2. Si ces deux premières influences sont bien connues, des résultats multiples et diffus ont été publiés sur le compte du troisième facteur signalé. Aussi croyons-nous devoir faire connaître certaines modi- 1. A. Laveran, Sur les Trypanosomiases du Haut-Niger, ces Annales , mai 1907, et Acad, des Sciences, 29 juillet 1907. 2. A Laveran et F. Mesnil, Trypanosomes et Trypanosomiases, Paris, 1904. 912 ANNALES DE ‘ L’INSTITUT PASTEUR (i cations de virulence constatées au cours d’expériences assez nombreuses effectuées en Afrique occidentale. Ces modifications ont été notées à l’occasion d’assez grands déplacements dans la colonie, qui ont mis dans nos mains des animaux d’origines diverses. Les travaux ont porté sur les Trypanosoma dimorphon, sou- danense et Evansi (var. Mbori) ; des résultats parfaitement com- parables ont été obtenus. I. Trypanosoma dimorphon. Le 6 décembre 1903 1 „ 16 chevaux du 2e escadron de spahis sénégalais partent en mission de Ségou à Friguiagbé, point terminus du railway de la Guinée française, par les hautes vallées du Niger et du Tankisso. Ils sont de retour à Ségou le 29 mars 1904. Sur cet effectif, deux chevaux rentrent atteints de la Trypanosomiase des chevaux de Gambie; l’un d’eux (A) meurt, le 5 novembre 1904; l’autre, paraissant en voie de gué- rison, est réformé et vendu le 27 mars 1905. A. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE SUR LE CHIEN l\o 1. Le virus est inoculé à une chienne de 4 mois, en parfait état, originaire de Ségou. A cet effet, on injecte dans le tissu conjonctif du pli du liane 10 c. c. de sang du cheval A. Incubation de 8 jours; les premiers para- sites apparaissent avec une température de 39», 5; on note- ensuite une fièvre rémittente ne dépassant pas 40° : la mort survient le 85e jour, à 37®, 5. Les Trypanosomes, assez fréquemment visibles, sont plus nombreux dans les der- niers jours. Symptômes : amaigrissement visible dès le 15e jour, bientôt suivi de la saillie des côtes et d’un développement anormal de l’abdomen. Puis, faiblesse accusée, décoloration progressive des muqueuses: dilatation continue de l’abdomen due à l’hypertrophie de la rate et à une légère ascite. L’appétit, n’a pas subi d’altérations sensibles; de temps en temps, apparaît de la diarrhée noirâtre. Dans la dernière semaine, on assiste à l’apparition de désordres nerveux inattendus. Il y a dysphagie; au moment où le bol ali mentaire va traverser le pharynx, la malade est secouée de violents mouve- ments de vomissement , pendant ces efforts, elle marche automatiquement en gémissant, pour aboutir aurejet de matièresliquides verdâtres. Elle recom- mence le repas interrompu et les mêmes phénomènes se reproduisent. Les jours suivants, le tableau s'aggrave et des crises épileptiformes apparaissent. En décubitus latéral, la malade éprouve de violentes contractions cloniques généralisées; les mâchoires battent l’une contre l’autre et blessent la langue, 1. L. Cazalbou, Sur l’existence de Trypanosoma dimorphon en Guinée française. Biologie , 4 mars, 1905. — Du même, Étude expérimentale de Trypanosoma dimor- phon chez le chien, Soc. Cent., de Méd. Vêt., 30 juillet 1906, rapport Vallée. TRYPANOSOMIASES DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE 913 Ja salive est abondante, les yeux sont fixes ; les membres, rigides, se meuvent d’abord violemment et en tous sens, puis, quand l’attaque s’atténue, ils reproduisent l’allure du trot. Peu à peu, l’excitation disparaît et tout rentre dans l’ordre; au bout de quelques instants, la malade se laisse choir tout à coup, la queue se relève doucement et les convulsions se répètent, avec les mêmes plaintes; bientôt arrive l’agonie. Sous les efforts des contractions musculaires généralisées, se produit une expulsion de matières diarrhéiques noirâtres et la mort ne tarde pas à clôturer la scène. Lésions : la rate présente un développement énorme. Elle pèse 135 grammes pour un animal de 7k,100. Elle est régulièrement hyper- trophiée et mesure 27 centimètres de long sur 9 centimètres dans sa plus grande largeur. Le foie est légèrement grossi; la vésicule biliaire est dis- tendue par de la bile noirâtre ; le gros intestin et le rectum renferment une certaine quantité de matières colorées en noir verdâtre et diffluentes; dans la cavité abdominale, 20 c. c. de liquide épanché, jaune citrin, limpide; lésions de péritonite chronique sur la séreuse du plancher abdominal. Le système lymphatique ganglionnaire est envahi en entier : ganglions cervicaux, sous-glossiens, pré-scapulaires, poplités, grossis; sur la coupe, la section est rougeâtre ou grisâtre foncé. No 2. — Chien, 2 mois et demi, originaire de Ségou ; reçoit 0,75 c. c., de sang du chien précédent, prélevé dans la jugulaire tout de suite après la mort. Les Trypanosomes apparaissent le lie jour et offrent ensuite une évolu- tion sub continue ; ils sont plus nombreux dans les derniers jours. Tempéra- ture maxima 39o,5 avec une poussée à 40«, la veille de la mort. L’animal succombe le 29e jour. Symptômes : en dehors de l’amaigrissement, déjà sensible au 15e jour, on constate, vers le 20e jour, des efforts de vomissements accompagnés de diarrhée verte ou noire, de la distension des parois abdominales. Le dernier jour, on note de la chorée diaphragmatique, bientôt suivie de con- tractions musculaires généralisées; pendant l’agonie, abondante diarrhée noirâtre. Lésions : développement considérable de la rate (18 centimètres de long) et hypertrophie ganglionnaire générale. Au moment de la mort (4 février 1905), nous avions quitté Ségou pour effectuer une mission d’études dans le Moyen-Niger. Pour conserver TV. dimorplion, venu fortuitement de la Guinée au Soudan, nous l’avons entretenu sur des chiens achetés dans toute la vallée du fleuve entre Ségou et Niamey. Les divers degrés de résistance offerts par ces animaux, d’origines diverses, constituent précisément l’un des points intéressants de ce travail. No 3. — Chien, 8 mois, originaire de Nou, près de Diafarabé, en bon état. Inoculé dans le tissu conjonctif du pli du flanc le 4 février 1905, avec un tiers de c. c. de sang du no 2, prélevé dans la jugulaire deux heures après la mort. Incubation de 7 jours ; Trypanosomes abondants, surtout les 14e et 15e jours, ainsi que dans la dernière période ; pas d’hyperthermies accusées; température maxima : 39o,5. Vers le 15e jour, on remarque de la distension abdominale; sur la fin, convulsions et plaintes analogues à celles déjà signalées. Les contractions 58 914 ANNALES 1)E LMNST1TUT PASTEUR provoquent l’expulsion d’une urine fortement colorée et de matières diar- rhéiques abondantes et verdâtres; mort le 23e jour. Lésions : rate considérable (30 centimètres de long sur 12 centimètres dans sa plus grande largeur). La plupart des ganglions lymphatiques sont hypertrophiés. No 4. — Chien âgé de 5 mois, en assez mauvais état, originaire de Farabongo (sur le marigot méridional de Goundam). Reçoit, le 26 février 1905, 2 c. c. de sang du n° 3, prélevé dans la jugulaire au moment de la mort. On assiste ici au développement d’un type aigu de l’alfection. Les héma- tozoaires apparaissent le 5e jour et présentent une évolution continue ; la température se meut entre 38° et 39o. Peu de symptômes marqués, en dehors d’une certaine tristesse ; la mort survient le 10e jour, après une agonie de 3 heures, au cours de laquelle se produisent les désordres nerveux déjà signalés, accompagnés de diarrhée et de plaintes. Rate hypertrophiée; ganglions inguinaux, poplités, pré-scapulaires grossis. No 5. — Chien âgé de 5 mois, en mauvais état, originaire de Râlé (en aval de Bambo). Inoculé le 7 mars 1905 dans le pli du liane, avec 4 c. c. de sang du chien précédent prélevé dans la jugulaire au moment de la mort. Les parasites apparaissent le 4e jour et sont assez nombreux jusqu’aux der- niers moments; mort le lie jour ; ici encore nous constatons un type aigu. La température est ascensionnelle de l’invasion à la mort, où elle atteint 40o.3. La fin est précédée de contractions épileptiformes et d’évacuations diarrhéiques noirâtres. Hypersplénie accusée; la rate mesure 20 centimètres sur 6; les ganglions lymphatiques sont légèrement grossis. No 6. — Chien âgé de 4 mois, originaire de Bourem, en bon état d’en- tretien. Inoculé le 19 mars 1905 avec 5 c. c. de sang du no 5, puisé à la mort dans la jugulaire. Incubation de 4 jours: Trypanosomes surtout nom- breux aux derniers moments; la mort survient le lie jour; les symptômes terminaux sont toujours les mêmes : convulsions, plaintes, battement des mâchoires, diarrhée noirâtre. Rate de 10 centimètres sur 0; hypertrophie des ganglions lymphatiques. Nos 7 à 17. — 11 chiens ont été encore inoculés dans les mêmes conditions, c’est-à-dire avec du virus prélevé à la mort des malades : chez tous, on a pu constater une évolution parasitaire sub-continue avec des hématozoaires plus nombreux dans les derniers jours, des symptômes ner- veux semblables et des lésions spléniques et ganglionnaires accusées. Nous résumons l’ensemble de Inexpérience dans le tableau suivant. Quant ité de sang Durée de Durée de N05 d’ordre. Age (mois) Origine. inoculée i incubation de la maladie (c.c.). (jours) (jours). Chien n° 1 4 Ségou. 10 8 84 — 2 2 12 Ségou. 0,75 11 20 — 3 8 Nou. 1/3 7 23 — 4 5 Farabongo. 2 5 10 TRYPANOSOMIASES DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE 915 Chien n° 5. . . 5 Râlé. 4 4 41 — G.. . . 4 Bourem. 5 4 11 — 7 8 Dountzou. 1/2 4 11 — s.. . . G Nyamey. 10 9 18 — U Nyamey. 1 5 8 — 40. . . . 3 Korioumé. Üuelques goutfes. 4 10 — IL... 7 Niafounké. 1/2 13 .69 — 12.. .. 5 Dountzou. 1/2 G 10 1/2 — 13.... Eguedèehe. 1 G 9 — 14.... 10 Dountzou. 1/4 6 12 — 15.. . . U) Ségou. 1 14 88 — IG... . 14 Gao. 1/3 8 19 — 17.. . . » 1 ,2 Ségou . 1 16 34 Rappelo ns d’abord qu’au moment de la mort les Trypano- somes sont généralement nombreux dans le sang. La quantité de sang inoculée est donc, de ce fait, un bon élément d’appré- ciation de la richesse virulente du liquide. L’examen du tableau permet les remarques suivantes : 1° La quantité de virus inoculée dans le tissu conjonctif sous-cutané ne paraît pas avoir d’influence sur le type clinique de l’affection. C’est ainsi qu’une injection de 10 c. c. entraîne une affection subaiguë (n° 8-18 jours) et que quelques gouttes seulement de sang virulent provoquent le développement d’un type aigu (n° 10-10 jours); 2° L’àge n’apporte pas (^influence appréciable sur la durée de la maladie, tout au moins sur des animaux de 2 h 14 mois, puisqu’une chienne de 8 mois meurt en I I jours (n° 7) et un chien de 4 mois, en 84 jours (n° 1); 3° La dernière période est marquée par des désordres ner- veux, se traduisant par des plaintes, des convulsions, des éva- cuations diarrhéiques bilieuses; ces phénomènes sont plus bruyants dans les formes chroniques ; 4° On trouve constamment de l’hypersplénie et de l’hyper- trophie ganglionnaire ; ces lésions sont d’autant plus accusées que l’affection présente une plus longue durée; 5° Sur les 17 animaux morts de Trypanosomiase, il s’est produit 9 cas du type aigu (mort survenue du 8° au 11e jour), nos 4,5,9,7,9,10,12,13,14; on a observé 4 cas du type subaigu (de 18 à 29 jours), nos 2,3,8,16, et enfin 4 cas du type chronique (de 34 à 88 jours), n°* 1,11,15,17; 6° Tous les types aigus se sont manifestés sur des animaux d’origine saharienne (vallée aval de Tombouctou). Tous les types chroniques ont été constatés sur des chiens achetés entre Ségou et Tombouctou. 916 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Des résultats semblables ayant été obtenus avec Trypano- soma soudanense et Tr. Evansi (Mbori), nous verrons, au cours de cette étude, comment ces faits peuvent être interprétés. B. Étude expérimentale sur le cheval. Un cheval âgé de 6 ans, en bon état, originaire de Bandagara, reçoit, le 10 octobre 1905, dans la jugulaire, 0 c. c. 5 de sang du chien n» 15, assez pauvre en parasites; l’animal s’infecte. Les Trypanosomes apparaissent le 12e jour et, à plusieurs reprises, pen- dant les deux premiers mois de l’infection ; ils deviennent ensuite plus rares. On note de la fièvre intermittente avec une température maxima de 40°, et quelques minimums à 36°-35°,3. La symptomatologie est très discrète. On note, à de rares intervalles, de légers relâchements des testicules et un larmoiement à peine sensible. A notre départ de Ségou, 5 mois et demi après l’infection, le malade était toujours infecté et n’avait pas sensiblement maigri. Depuis cette époque et jusqu’au 1er août 1905, on a constaté, à des intervalles assez longs, des accès de fièvre allant à 39^,5, semblant indiquer que l’infection subsistait. C. Étude expérimentale sur le rat cris. Un rat gris reçoit, dans le tissu conjonctif hypodermique, un quart de c. c. de sang du chien no 1, prélevé le 84e jour de la maladie; les parasites apparaissent le 9e jour, augmentent de nombre les jours suivants jusqu’à la mort qui se produit le 19e jour. — Hypersplénie très marquée. Deux rats gris inoculés sur le chien no 17, au 21e jour de la maladie, présentent une incubation respective de 7 et 9 jours; ils succombent les 29e et 30e jours. Rate hypertrophiée. Étude du parasite. — Pas plus que Laveran, nous n’avons trouvé les formes signalées d’abord par Dutton et Todd. Nous avons constaté dans de nombreuses préparations une petite forme de 12 à 13g environ de long sur la, 5 de large et une forme longue de 25g en moyenne sur lg,5. Le protoplasme se remarque par son affinité pour le bleu ; des amas de matière cyanophile existent assez souvent dans les formes chroniques. Il n’a jamais été vu de flagelle libre, ni dans la grande ni dans la petite forme ; la membrane ondu- lante est toujours peu marquée. La forme courte s’est montrée plus abondante dans le type aigu et la forme longue, plus fré- quente dans le type chronique. Enfin, un dernier caractère propre à Tr. dimorphon a été noté : la progression spéciale du parasite dans le .sang frais rappelant assez exactement les mouvements du têtard. TRYPANOSOMIASES DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE 9 1 7 La description récente de Tr. Pecaucli 1 permet de penser que Dutton et Todd, Martin 2, Thiroux et Teppaz 3 ont eu affaire, pour une partie, à Tr. Pecaudi. IL T njpanosoma soudanaise *. Première série. En 1905, à notre passage à Gargouna, centre d'élevage, à 50 kilomètres environ en aval de Gao, on nous apprend que H juments poulinières sont mortes depuis un an. Parmi celles qui restent, la plupart ont déjà avorté. Quelques poulains pré- sentés sont en mauvais état et plusieurs paraissent avoir leurs jours comptés. Sur l'un de ces derniers, âgé de 2 ans, en état de maigreur accusée, on remarque une légère parésie de l’arrière-main; la conjonctive est blanc porcelaine; l’examen du sang permet d’apercevoir quelques rares Trypanosomes. L’affection est désignée par les Songoï de la l égion sous le nom de Tahaga. A. Etude expérimentale sur le chien. No 1. — Une chienne de 8 mois, originaire de Gao, reçoit, le 17 avril 1905* dans le tissu conjonctif du pli du liane; 5 c. c. de sang du poulain signalé plus haut. Le 8e jour, la température s’élève à 40°, 3, mais on ne peut aper- cevoir de parasites; ceux-ci ne se laissent surprendre, en petit nombre, que le 18e jour. A partir de ce moment, on constate leur présence par périodes assez rapprochées; ils deviennent assez nombreux à la mort. La tempé- rature se maintient entre 39o et 40° et elle est de 37°, 5 à la mort. Dès les premiers accès, on note de la tristesse et de l’inappétence; diar- rhée verdâtre le 28e jour; yeux chassieux. Au début du troisième mois, se montre, à gauche, une kératite qui se développe insensiblement; 15 jours plus tard, la cornée droite est prise à son tour. En fin juillet, les kératites sont totales. Le 17 août, on note une large plaque œdémateuse sur le dos et le rein, qui persiste pendant quelques jours. Dans les derniers jours, l’animal, très triste, est constamment couché; la mort se produit le 135e jour (29 août 1905). No 2. — Le l«r août 1905, on inocule un chien âgé de 7 mois, originaire de Ségou, en bon état d’entretien, avec 1 c. c. de sang prélevé sur le n« 1, alors arrivé au 100e jour de sa maladie. 1. A. Laveran. Académie des Sciences, 4 lévrier 1007, et Annales de l'I ns lit lit Pasteur, mai 1007. 2. G. Martin, Les Trypanosomiases de la Guinée française . Paris, 1 900. 3. Thiroux et Teppaz. Les Trypanosomiases au Sénégal, ces Annales, mars 1907, 4. A. Laveran, Sur les Trypanosomiases du llaul-Niger, ces Annales, mai 1007. et Acad, des Sciences, 29 juillet 1907, ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 918 Les premiers Trypanosomes, rares, apparaissent le 16e jour, on les constate ensuite assez fréquemment: dans les derniers jours ils sont nom- breux. Fièvre intermittente assez peu accusée, avec quelques maximums à 40° ; le malade meurt le 75e jour, à 34° 2. On a noté une infiltration de la conjonctive le 18 août et un amaigrisse- ment rapide. Foie et rate légèrement grossis. N» 3. — Le même jour (1er août 1905) on inocule une chienne de 8 mois, originaire de la zone endémique (Gao) avec 1 c. c. de sang du chien nf( 1. Les parasites apparaissent le 15e jour, à 40° 8. Évolution sub-continue, mais Tryp. peu nombreux, plus abondants aux derniers jours. La tempéra- ture s’élève plusieurs fois à 40° — 40°4, pour baisser sur la fin. La mort survient le 120e jour (28 novembre 1905) à 34". On a noté des vomissements bilieux assez pénibles, au moment de l'invasion, un amaigrissement rapide, de la diarrhée. Rate de 70 grammes pour un animal de 8 k. 750. No 4. _ Une chienne de dix mois, en bon uétat, originaire de Korienza, est inoculée le 29 août 1905 avec 4 c. c. de sang du chien n° 1, puisés à la mort, dans la jugulaire. Incubation de 6 jours; évolution parasitaire semblable à celle du chien précédent; plusieurs accès fébriles avec une température de 40° -40°, 4. Dans les derniers moments, la température baisse et tombe à 34°. 6, à la mort, survenue le 91e jour (27 novembre 1905). On a noté une légère kératite à gauche, le 11 novembre, qui est totale le 24 novembre. Amaigrissement rapide. Hâte de 120 grammes : poids de l’animal : 6 k. 400. N° 5. — Un chien de 7 mois, originaire de Ségou, reçoit, a la mort du n<> 4, 2 c. c. de sang de ce dernier. Incubation de 5 jours; Trypano- somes nombreux à l’invasion, avec 39°.5; à la mort, survenue le 7e jour, la température est de 35o, 3. Hâte : 20 grammes : poids de l’animal : 9 k. 100. Remarques. — On peut faire ici des remarques semblables à celles qui ont été fournies par l’étude de Tr. dimorphon. Si le chien n° 1, originaire delà zone endémique, inoculé sur le poulain de Gargouna, a succombé le 135e jour, le n° 4, originaire de Korienza. et inoculé à la mort du n° 1, est mort le 91e jour; — le n° o. originaire de Ségou et inoculé sur le précédent à la fin de sa maladie, a disparu le 7e jour. Or, il est fort probable que la région de Ségou estindemme de Tr. soudanense ; quant à la zone intermédiaire de Korienza, elle est peut-être en partie infectée. Les nos 2 et 3. inoculés sur le n° 1, au 10be jour de sa maladie, succombent, l’un de Ségou, au 75e jour, l’autre de la zone d’endémicité, au 120e jour seulement. TRYPANOSOMIASES DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE 919 B. Etude expérimentale sur le cheval. Un cheval de 3 ans, originaire de la région de Ségou, est inoculé, le 10 octobre 1905, dans la jugulaire, avec 4,5 c. c. du sang de la chienne no 4. Tahaga expérimental du cheval. — Premier mois de la maladie. L’incubation est de 10 jours ; les parasites apparaissent assez nombreux, puis, on les constate au moment des hyperthermies (39°, 5 — 40). Comme symptômes, on a noté un lé^er larmoiement intermittent, quelques pétéchies en décembre. Le 27 du même mois, on remarque une éruption papuleuse légère, siégeant en diverses régions du corps et rappelant de très près celle que nous avons décrite dans la Mbori !. L’amaigrissement sensible en décembre, se poursuit régulièrement jusqu’à la mort, arrivée le 240e jour (8 juin 1906). Comme on le voit, le tableau symptomatique a été discret et, au point de vue clinique, il donne l'idée d’une Mbori atténuée. Un jeune chien, inoculé à notre départ de Ségou (mars 1900) sur ce cheval, est arrivé guéri à l’Institut Pasteur. Il est probable que la quantité de sang employée (3 c. c.) a été insuffisante à provoquer l’infection. C. Étude expérimentale sur le rat cris. Chez le rat, l’évolution parasitaire du Tahaga expérimental, rappelle celle de la Mbori : dès l’invasion, les parasites sont nombreux et leur nombre augmente jusqu’à la mort. Deux rats, inoculés dans le pli du liane, présentent une incubation de 5 et 7 jours; ils succombent les 13e et 21e jours. Un rat, n° 3, inoculé dans la même région, aune incubation de 8 jours et meurt le 19e jour; mais le no 4, inoculé sur le précédent à la mort, succombe le 7e jour. 1. L. Cazalbou, Le Surra en Afrique, Revue g'a de mèd. vétér., 15 oct. 1906. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 1)20 6 autres rats meurent les 12e, 18e, l7e? 19e, 15e, 16e jours après l’in- jection du virus, et après une incubation variant de 6 à 8 jours* Tous ont été inoculés sur le cheval cité plus haut (sauf le n« 4), dans le même mois. 2. — Trypanosoma soudanense. Deuxième série . A notre passage à Gao (19 avril 1905). sur 5 dromadaires existant dans les troupeaux de ce poste (2 âgés et 3 jeunes), l’un des jeunes venait de mourir. Les quatre qui restent sont très amaigris : ils sont couverts de stomoxes, ainsi d’ailleurs que les bœufs et les chevaux de la région ; les cinq dromadaires sont présents à Gao depuis au moins un an et demi. Chez ces malades, en dehors de l'amaigrissement progressif, on n’a constaté qu’un peu de larmoiement intermittent. A. Étude expérimentale sur le chien. No 1. — Du sang prélevé à la veine de l’éperon d’un jeune dromadaire est inoculé, le 19 avril 1905, dans le pli du flanc, à une chienne de 8 mois originaire de Gao et sœur de la chienne n« 1 de la série précédente. L’incubation est de 16 jours; l’invasion se révèle le 4 juin suivant par la présence d’assez nombreux parasites, à 39», 5. La température s’élève à plusieurs reprises à 40° en août, à 40°, 5 en septembre. Elle s’abaisse brusquement dans les derniers jours, et, au moment de la mort, elle est à 34°, 5. La fin se produit le 6 octobre 1905, au 171e jour. L’évolution parasitaire, sub-continue dans les premières périodes, devient ensuite permanente. On a noté comme symptômes : des vomissements et des plaintes, du larmoiement, le 9 juin; une ophtalmie externe avec kératite, le 8 juillet; une plaque œdémateuse sur le rein et un œdème de la paupière droite, le 10 août; un œdème de la vulve, les jours suivants. On a également remarqué une arthrite du carpe droit, du 23 août au 10 septembre, un œdème marqué de la croupe et de la base de la queue (10 septembre) des kératites généralisées, le 15 septembre; en octobre, du larmoiement bila- téral prononcé. Affaiblissement marqué, plaintes fréquentes, légère incon- science, légère hyperesthésie cutanée. La malade est abattue, in extremis , le 6 octobre 1905. Rate triple du volume normal. N» 2. — Le 1er août 1905, on inocule un chien âgé de 8 mois, originaire de Dountzou, avec 1 c. c. de sang du chien n« 1, arrivé alors au 188e jour de sa maladie. Les parasites n’apparaissent que le 20e jour, en petit nombre et à une température de 39«,5. D’abord assez peu nombreux, TRYPANOSOMIASES DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE 921 ils sont ensuite fréquemment visibles. Quelques hyperthermies à 40°. Sur la fin la température s’ebaisse et la mort survient le 8 mai 1906, au 209e jour en hypothermie (34«). On a noté une myosite des fléchisseurs de l’avant-bras, du 20 au 28 août. L’amaigrissement, progressif jusqu’en février, paraît s’arrêter pendant quelques semaines à cette époque et le malade reprend un peu d’embon- point, mais cette amélioration est assez éphémère. No 3. — Un chien âgé de 7 mois, originaire de Niafounké, en bon état, est inoculé, le 1er août 1905, avec I c. c. de sang du no 1. Même évolution parasitaire et thermique. Le malade meurt le 138e jour, à 35°, 4; la veille, on a noté 33e, 7. Rate : 102 grammes pour un poids de 7 kilogr. No 4. — Chien de 5 mois, originaire de Ségou, en bon état, inoculé le 6 octobre avec 5 c. c. de sang du chien no 1 prélevé à la mort, dans la jugulaire. Incubation de 10 jours; deux accès fébriles à 40°; mort le 29e jour, à 35°. Rate normale. No 5. — Chien de 3 mois, originaire de Ségou, en bon état. Reçoit, le 3 novembre 1905, 10 c. c. de sang du précédent, puisé à la mort, dans la v jugulaire. Le lendemain, la température s’élève à 40°, 5 et tombe le deuxième jour, dans la soirée, à 34°. La mort se produit ici au bout de deux jours et demi. No 6. — Un chien de même âge que le précédent, né à Ségou, reçoit 10 c. c. de sang du no 5, à la mort de ce dernier. Dans les premiers jours, on marque deux accès de fièvre à 40°, puis la température baisse régulière- ment, atteint 34oé Le malade succombe à 36® le 16e jour, avec des parasites nombreux. 922 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR B. Etude expérimentale sur le cheval Un cheval de 3 ans, acheté à Ségou, en hon état, est inoculé dans la jugulaire, le 10 octobre avec un tiers de c. c. du chien n<> 2. Il ne se produit pas d’infection. Le 13 décembre, on injecte à nouveau, dans le même lieu, 4 c. c. de sang de même origine, assez riche en Trypanosomes. Les parasites apparaissent le dixième jour, en assez grand nombre et puis aux hyperthermies, en quantité variable. On a constaté, de temps à autre, la présence de pétéchies ; vers la fin janvier, une éruption papuleuse discrète, sur les régions supérieures du corps et à l’encolure. Amaigrissement progressif. Le malade succombe au 154e jour, à la date du 15 mai 1906. Un chien originaire de Ségou est inoculé sur le cheval le 10 mars et arrive infecté à l’Institut Pasteur le 3 mai suivant: il meurt le 85e jour (1). C. Etude expérimentale sur le rat gris Un rat n° 1, inoculé dans le tissu conjonctif avec quelques gouttes du sang du cheval, succombe le 14e jour, avec des Trypanosomes nombreux: incuba- tion de 6 jours. Un rat n° 2 meurt le 25e jour, avec une incubation de 9 jours. Un rat no 3, meurt le 12e jour, un rat n° 4 est sacrifié in extremis le 16e jour, mais son sang, inoculé à ce moment à un rat n» 5, provoque la mort au 9e jour. Nous voyons ici encore que l’inoculation pratiquée avec du virus prélevé au moment de la mort donne une augmentation de virulence. Comparaison entre ces deux séries expérimentales. L’étude des deux séries expérimentales effectuées avec le Trypanosome des chevaux de Gargouna, d’une part, et avec le Trypanosome des dromadaires de Gao, d’autre part, autorise à penser qu’il s’agit d’une même espèce parasitaire. Au point de vue morphologique, on ne peut distinguer ces deux parasites Lun de l’autre. Au point de vue clinique, il n'existe pas de différence appréciable dans les manifestations offertes, soit chez le cheval, soit chez le chien ou le rat gris du Soudan. Dans ces deux séries, parfaitement comparables et synthé- tisées dans le tableau ci-dessous, on peut, de plus, remarquer: 1° Que les chiens de la zone d endémicité (vallée saharienne du Niger) présentent une évolution très longue de la maladie ; 2° Que les chiens originaires des régions soudanaises offrent une résistance bien moins accusée, surtout quand les inocula- tions sont faites avec du sang prélevé au moment de la mort des malades, lre série. n° 5 — 2e série, nos 4, 5, 5; LA. Laveran, Sur les Trypanosomiases du Haut-Niger, ces Annales , mai 1907. TRYPANOSOMIASES DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE 923 3° Que sur les chiens inoculés avec du virus prélevé au cours de la maladie, on ne constate, pas d’augmentation de virulence, quelle que soit l’origine des chiens mis en expérience, lre série, nos 2 et 3, 2e série, nos 2 et 3. lre SÉRIE 2e SÉRIE Tahaga du cheval de G irgouna. Tahaga < lu dromadaire de Gao. 1 Chien n° 1 Chien n° 1 -e le 13î>‘; joui1. 1 -f le 171e jour. 1 ien n° 2 Chien n° 3 ^ 1 Chien n° 4 Chien 1 n° 2 ‘ 1 - Chien n° 3 i Chien nrt 4 - le 75e j. + le 120e j. + le 91e j. i + le 2 79e j. -T- le 1 38e j . + le 29e j . i 1 1 — ^ | Cheval 1 Chien n° 5 1 Chien n° 5 Cheval d-le 1 54e j. + le 3e j. +le7e j. +le240ej. 1 Chien n» 6 + le 16e j. On voit donc que , d'une manière géne :rale, les ch iens sou- danais succombent à une évolution plus rapide que les chiens sahariens. 3° Trypanosome de la Mbori. (Tr. E van si var.) A. Etude expérimentale sur le rat cris En 1903, à Ségou. trois chevaux sont inoculés de la Mbori du dromadaire de Tombouctou ‘ . Ce sont : Caraïbe Incubation de 5 j. Mort le 130 e jour. Pompon — lu — 307e — Condor — 10 — 471* — Au cours du développement morbide, on pratique, chez le rat gris du Soudan, une série d’inoculations hypodermiques dont les résultats sont consignés dans le tableau suivant. Origine Age de lt maladie Quantité Date \0s d’ordre. du auquel le sang de sang de virus. est prélevé. inoculée. la mort Rat n° 1 Caraïbe. . .... 10e jour. 8e jour. 2 10e — 8e — — 3 Pompon 10-’ — 8e — — 4 — 10e de J 8e — — 5 Condor 10° — 1 8e _ — • (> — ’ 10e quelques ! ' 8e — — 7 Caraïbe. . 12« 8e jour 1 i\ — 8. . . Condor. . 15e — gouttes. ( «c . - — 9 Caraïbe. . 47e — ! 9e jour. — 10...... Pompon 89e — à un c. c. s- - — 11 — 115e — 1 22e — 12 Condor. . 135e — 19e — — 13 — 155e — 48e _ 1. L. Gazalbou, 15 octobre 1906. Le Surra en Afrique, Revue générale de médecine vétêrinair 924 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Ce tableau nous montre que le pouvoir virulent de laMbori, pour le rat gris, s’atténue à mesure que se déroule l’alfection chez le cheval producteur du virus. En partant du rat n° 13, il a été possible de ramener la virulence à sa gravité première, par des passages en série dans cette même espèce, en ayant soin d’inoculer à la mort. ’at n° 13 meurt 1 c 48e jour. — n° 14 — 31e — — n° lo — 20e — — n° 16 — 12° — — n° 17 — 8« — Rappelons qu’une augmentation sensible de virulence a été déjà obtenue avec le Trypanosoma soudanense , lre série, n° 4, 2e série n° 5. B. Etude expérimentale sur le chien No 1. — Chien âgé de 2 ans, en bon état, originaire de Tombouctou. Ino- culé le 26 avril 1903 dans le tissu conjonctif hypodermique, avec 5 c. c. de sang largement parasité, prélevé sur un dromadaire atteint de Mbori. Du 28 au 30 avril, engorgement œdémateux marqué de Pauge et de la gorge; parasites nombreux. A partir de ce moment, évolution intermittente des hématozoaires, visibles en grand nombre au moment des hyperther- mies qui peuvent aller à 40o,7. L’engorgement de l’auge et de la gorge se reproduit les 12, 13 mai, les 23, 24 mai. Du 2 juin à la mort, en même temps qu’un œdème de la gorge, apparaît un volumineux engorgement du dos et des membres posté- rieurs. Pendant les vingt derniers jours, le malade est somnolent et cons- tamment couché. Il succombe le 56e jour en hyperthermie et dans un état de maigreur très avancée. On trouve à l’autopsie une infiltration séreuse du tissu conjonctif au niveau. des régions engorgées: les ganglions sous-glossiens, pharyngiens, pré-scapulaires, sous-lombaires, sont nettement grossis. Le foie et la rate paraissent normaux No 2. — Chienne âgée de 8 mois, en bon état. Inoculée le 26 avril 1903 à Tombouctou avec 1 c. c. de sang riche en parasites provenant du même dromadaire que pour le numéro précédent. Le 28 avril, apparaît un œdème de la gorge et, le 30 avril, les Trypanoso- mes deviennent visibles. L’œdème de la gorge se montre à nouveau du 9 au 12 mai, les 22 et 23 mai, du 3 au 5 juin, du 13 au 17 juin, du 25 au 28 juin et enfin le 30 juin. Evolution parasitaire, marche de la température semblables à celles du chien précédent. Une ascite se développe le 50e jour. La mort survient le 65e jour. A l’autopsie, on note un piqueté hémorragique sur le péritoine pariétal et viscéral, 300 c. c. de liquide épanché dans la cavité abdominale, légère- TRYPANOSOMIASES DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE 925 ment trouble et grisâtre. Le foie et la rate paraissent normaux. Atrophie musculaire marquée, ganglions de l’auge fortement grossis. N« 3. — Chienne de 8 mois, originaire de Ségou, atteinte de maladie du jeune âge, à la période de début. Inoculée le 8 juillet 1903 avec 10 c. c. de sang provenant d’une antilope atteinte de Mbori expérimentale (voir infra). Ces Trypanosomes apparaissent le 11 juillet; on assiste à une évolution parasitaire continue et intense jus- la mort, survenue le 30e jour. Amaigrissement rapide. Lésions de pleuro pneumonie et d’hépatite pas- teurelliques : rate hypertrophiée et, par places, bosselée. No 4. — Chien âgé de 15 mois, originaire de Ségou, en excellent état. Inoculé le 10 août avec 5 c. c. de sang du cheval Caraïbe, dans le tissu con- jonctif sous-cutané. Du 14 au 10 août, volumineux œdème de la gorge; appa- rition des parasites le 10 août; ensuite évolution abondante et sub-continue. Amaigrissement considérable. Lésions; 50 c. c. de liquide rougeâtre dans la plèvre; sérosité dans le tissu conjonctif de la gorge et péri-trachéal : ganglions pharyngiens gros- sis; hypersplérie. No V. — Un chien, inoculé sur le rat n° 13, apporte le virus de la Mbori à Paris. Ce chien, originaire de Ségou, succombe le 05e jour. Nos A et B. — Deux chiens français, inoculés à Paris sur le chien no 5, meurent en 12 et 17 jours L En 1900, M. le D* Jouvenceau, attaché à l'hôpital colonial de Tombouc- tou, que nous remercions ici de sa grande obligeance, voulut bien, sur notre demande, inoculer à des chiens du sang de dromadaires amaigris de Tombouctou. Six chiens de cette ville furent inoculés le 1er janvier et expé- diés â Ségou où ils arrivèrent le 20. L’un d'entre eux s’étant échappé quelques jours après et trois autres ayant succombé prématurément à la dysenterie contractée pendant, le voyage en saison froide sur le Niger, nous ne parlerons ici que des deux cas restants. NoMUetT . — A leur arrivée au laboratoire de Ségou, on note des parasites nombreux ; leur évolution est ensuite sub-continue et abondante, avec accès fébriles allant souvent à 40»; on remarque des kératites doubles et complètes ; sur le n« G, existe une iritis avec épanchement sanguin dans la chambre antérieure. Pas d’œdèmes : amaigrissement rapide. Le no 6 meurt le 69e jour, le no 7 le 76e jour, avec une rate de 165 gram- mes pour un poids de 14 kilogs. N° 8. — Un chien de 6 mois, de Ségou, est inoculé, le 9 mars 1906, sur le chien no 6. 11 succombe le 2 mai, au 55e jour, en cours de transport de Marseille à Paris, ce qui n’a pas permis l’étude de ce virus en France. Cependant, d’après les caractères morphologiques du Trypanosome et son action pathogène sur le chien, nous le considérons comme très voisin du parasite de la Mbori de 1903. 1. A. Laveran èt F. Mesnil. Trypanosomes et Trypanosomiases, p. 195. ANNALES DE J/INSTITUT PASTEUR 926 Le tableau ci-dessous résume ces expériences : Nos d’ordre. Origine. Durée de la Observations. maladie. tien n° — n° J. 2. Tombouctou . . . . 56 jours. 73 — | Inoculés sur le dromadaire (1903) — n° — n° 6. 7. — 69 — 76 — | Inoculés sur le dromadaire (1906) — n° 8. Ségou . 5o — Inoculés sur le chien n° 6. a. h. Paris. 12 - 17 — | Inoculés sur le chien n° o. Les résultats indiqués dans ce tableau nous montrent encore l’influence incontestable du pays d’origine sur le degré de la virulence. Si le virus passe par espèces différentes, le degré de virulence subit des modifications qu’il paraît difficile actuel- lement de classer. Ainsi, un chien n° 3, de Ségou-, meurt le 30e jour. Passages par antilope, cheval, chien, dromadaire; Un chien n° 4, de Ségou, meurt le 48’’ jour. Passages par cheval, chien et dromadaire ; Un chien n° 5, de Ségou, meurt le 05e jour. Passages par rat n° 13, cheval, chien, dromadaire. Conclusions. De l’ensemble de ces expériences effectuées avec trois espè- ces de trypanosomes, on peut tirer les conclusions suivantes : 1° Les chiens originaires de la zone d’endémicité présen- tent une évolution chronique. Cette évolution revêt au contraire une forme aiguë chez les animaux de la même espèce apparte- nant à des régions probablement indemnes quand on inocule du virus prélevé au moment de la mort. Ainsi Trypanosoma dimorphon qui existe en Gambie et en Guinée pourrait être rencontré dans toute la haute vallée du Niger, peut-être jusqu’aux portes de Tombouctou; mais il serait actuellement très rare dans la vallée saharienne de ce lleuve. D’une manière générale il existerait surtout, à l’état enzootique, dans les régions à tsétsé. Trypanosoma Evansi (variété Mbori) et Trypanosoma souda- naise seraient, pour les mêmes raisons, spéciaux aux régions sahélienne et saharienne. On peut tenter d’expliquer ces faits en observant que les chiens, par l’ingestion des toxines incluses dans les débris cadavériques des animaux domestiques (dromadaire, cheval), TRYPANOSOMIASES DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE 927 marchent vers l’état d'immunité dans la zone endémique, et que, dans les régions indemnes, ils conservent toute leur sensibilité pour le virus ; 2° La virulence se renforce par les passages en série dans une meme espèce (rat, gris) et de même origine (chien), à la condition que les inoculations soient pratiquées avrecdu sang prélevé au moment de la mort; 3° Un animal atteint de Trypanosomiase, étant donné (cheval, chien) le degre de virulence pour une autre espèce, s’at- ténue avec l’évolution morbide; 4° Ln sériés désordonnées, la virulence semble subir des variations désordonnées. Sceaux. — Imprimerie Charaire. Le Gérant : G. Masson. 21 me ANNÉE DÉCEMBRE 1907. N« 12 ANNALES L’INSTITUT PASTEUR Relations entre le venin de cobraetson antitoxine Par A. CALMETTE et L. MASSOL (Institut Pasteur de Lille.) Malgré les importants travaux publiés au cours de ces der- nières années sur les relations entre les toxines et leurs anti- toxines, nous ignorons encore si, dans les mélanges de ces subs- tances, il se produit une combinaison chimique aboutissant à la formation d’un corps nouveau possédant des propriétés toutes dilférentes de celles de ses composants, ou si les deux subs- tances, simplement juxtaposées, gardent leurs caractères parti- culiers. De toutes les matières albuminoïdes toxiques susceptibles de former des anticorps , les venins sont les plus propres à nous fournir des données précises pour la solution de ce problème physiologique. Outre qu’il est facile d’en obtenir des quantités relativement considérables qu’on peut conserver pendant des années à l’état sec sans que leur toxicité subisse des variations sensibles, ils offrent le précieux avantage d’être très résistants à la chaleur, et de ne pas être modifiés par certains réactifs tels que les acides faibles, l’alcool, auxquels les autres toxines sont particulièrement sensibles. Déjà en 1895, l’un de nous 1 avait montré que, si l’on mélange in vitro , en proportions déterminées, du venin et du sérum antivenimeux et qu’on chauffe ce mélange à 68° pendant une demi-heure, l’injection du mélange chauffé tue les animaux comme si l’on inoculait le venin seul, quoique avec un retard notable. On devait en conclure que le sérum antitoxique ne détruit pas la toxine à laquelle il est mélangé. On était, dès 1. Galmbtte, Annales de l'Institut Pasteur, 1895, n° 4. 59 930 ANNALES DE L’iNSTITUT PASTEUR lors, conduit à admettre qu’il ne se forme aucune combinaison- chimique entre les deux substances et que le sérum se borne à exercer parallèlement une action opposée en empêchant les effets nocifs du venin, ou tout au moins que, s’il se forme une combinaison, elle est dissociable. C.-J. Martin et Cherry \ en répétant ces expériences, trouvè- rent qu elles étaient bien exactes lorsqu’on chauffait le mélange venin -f- antitoxine moins de 10 minutes après qu’il avait été effec- tué, mais que, si l’on chauffait seulement 20 ou 30 minutes plus- tard, la toxicité du venin ne reparaissait plus. Récemment J. Morgenroth 2 a jeté sur la question une vive- lumière en indiquant que lorqu’on ajoute une petite quantilé d’acide chlorhydrique au composé atoxique venin + antitoxine , le venin récupère la propriété d’entrer en combinaison avec la lécithine pour former un lécithide hémolysant (P. Kyes ), tandis qu’en présence du sérum antitoxique seul, sans addition d’acide, la combinaison lécithine -|- venin = lécithide, ne peut pas s’effectuer . Dans un autre mémoire % J. Morgenroth a démontré que le- composé atoxique venin -f- antitoxine , chauffé à 100 degrés, pen- dant 30 minutes, en présence d’une faible acidité chlorhydrique,, pouvait restituer la moitié de sa neurotoxine. 11 nous a paru nécessaire de reprendre l’étude de ces phéno- mènes et aussi celle des différentes propriétés du composé atoxi- que sérum + venin. Comme il est vraisemblable que les autres toxines, microbiennes, végétales ou animales, ne se comportent pas autrement que les venins à l’égard de leurs antitoxines spé- cifiques, on peut espérer qu’une connaissance plus approfondie des combinaisons formées par l’une d’entre elles permettra d’a border plus facilement la recherche des lois qui président à leurs relations. Toutes les expériences que nous relatons ci-après ont été faites avec le même échantillon de venin de cobra et avec le sérum antivenimeux provenant d’une même soignée. Le sérum a été conservé à la glacière et nous avons constaté que son pou- voir antitoxique n’a pas varié du commencement à la fin de nos essais : 0 c. c. 35 neutralisent exactement in vitro 0 mgr.500 de venin. 1. Proceedings of the Royal, soc. 1898, vol. 63. 2. Berlin . Klin Wochenschrift 1903, n° 50. 3. Sonderabdruck avs ; Arbeiten aus dem Pathologischen Institut zu Berlin ^ 1906. VENIN DE COBRA ET SON ANTITOXINE 934 Les solutions titrées de venin étaient préparées tous les quatre jours et tenues également à la glacière. La dose minima mortelle pour la souris blanche étant sensiblement de 0 mgr . 003 , nous avons expérimenté avec des doses de 0 mgr. 500 0 mgr. 250, de telle sorte que les erreurs de nos résultats ne pou- vaient pas être supérieures à 1 ou 2 0/0. Nous donnons, ci-après, sous forme de graphique, les varia- tions du temps de mort pour des doses variables de venin : les résultats indiqués sont, en général, les moyennes de quatre déterminations. I Propriétés de la combinaison atoxique sérum + venin et de ses composants. À. Solubilité du venin dans l’alcool. — Si nous versons i c. c. d’une solution à 5 0/00 de venin, soit 5 milligrammes, dans une série de vases contenant 9 c. c. d'alcool à titre variable,, de telle sorte qu’on obtienne 10 c. c. marquant respectivement 47, 63, 69, 77, 86 degrés à l’alcoomètre de Gay-Lussac, on obtient, dans tousles cas, un léger précipité. Séparons celui-ci par filtration. Le liquide alcoolique, évaporé dans le vide à la tem- 932 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pérature de 50-55 degrés centigrades, laisse un résidu dont la toxicité est égale à celle du venin primitif. Le précipité resté sur le filtre, lavé à l’alcool, puis repris par 5 c. c. d’eau salée physiologique après dessiccation, se montre complètement inoffensif. Laissons pendant 24 heures 10 milligrammes de venin en contact avec 45 c. c. d’alcool à 50 0/0. Evaporons l’alcool, reprenons par l’eau et complétons à 50 c. c. La toxicité de cette solution pour la souris est la même que celle d’une solu- tion témoin. Donc, dans les conditions qui précèdent, Yalcool peut dis- soudre le principe toxique du venin et la solution de ce principe toxique dans l’alcool à 50 0/0 est stable. * B. Insolubilité de V antitoxine dans l’alcool. — Par contre, la substance antitoxique du sérum antivenimeux est insoluble dans l’alcool à 50 0/0. Elle passe tout entière dans le précipité et y est très rapidement détruite, comme le prouve l’expérience suivante : On traite 4 c. c. de sérum par un volume d’alcool suffisant pour obtenir 40 c. c. titrant 50 0/0. Après 18 heures de con- tact on évapore l’alcool. La dissolution du précipité ne se fait plus. On le met en suspension fine dans un volume d’eau cor- respondant au volume initial de sérum et on en mélange les quantités suivantes avec la dose uniforme de 0m»r,025 de venin. Souris. Dose de venin. Sérum. Temps de mort. 1 2 3 4 0 mgr. 025 id. id. id. 0 c. c. 05 0 c. c. 06 0 c. c. 08 0 c. c. 1 + 2h. 40. + 1 h. 20. + 2 h. + 1 h. 45. Les mélanges se comportent comme s’il n’y avait pas trace d’antitoxine. Celle-ci est donc détruite , ou bien Yalcool lui a fait perdre toute affinité pour le venin. Dans l’expérience qui va suivre, nous avons recherché le temps de contact de l’alcool à 50 0/0 avec l’antitoxine, nécessaire pour détruire le pouvoir antitoxique du sérum. Quatre vases reçoivent chacun 4 c. c. de sérum et une quantité d’alcool telle qu’on obtienne un volume de 25 c. c. à 50 0/0 de richesse VENIN DE COBRA ET SON ANTITOXINE 933 alcoolique. Aux divers temps de contact mentionnés dans le tableau ci-dessous on ajoute 1 c. c. d’une solution de venin à 5 0/00, soit 5 milligrammes. Après un séjour de 40 heures à la température du laboratoire, pour donner à la réaction le temps de s’accomplir, on évapore l’alcool dans le vide à 50-55 degrés et on reprend par l’eau de façon à obtenir Souris. TEMPS de contact de l’alcool avec l’antitoxine. TEMPS de mort des souris. 0 Survie. 2 5' Survie. 3 20' + 2 h. 15-12 h. 4 45' + 50' 10 c. c. Chaque souris reçoit ensuite 0,5 c. c., soit 0mgr,250 de venin. Il suffit donc d’un temps de contact très court avec l’alcool pour affaiblir l’antitoxine, puisque la toxicité apparaît déjà pour un contact de 20 minutes du sérum avec l’alcool dilué à 50 0/0. # * C. Action de la chaleur sur le venin et sur V antitoxine. — Rappe- lons que le venin de cobra possède, comme l’ont montré déjà les recherches antérieures de l’un de nous, une grande résis- tance à la chaleur1. Il peut être chauffé pendant quelques instants au voisinage de 100 degrés sans que sa toxicité soit sensiblement atténuée. Toutefois 2 et 5 doses mortelles, por- tées pendant 30 minutes au bain-marie à 100 degrés deviennent inoffensives. Si l’on coagule une solution de venin par la chaleur (à 76-80 degrés), le coagulum après lavage ne contient pas le principe toxique : celui-ci reste en solution dans le liquide. Les albu- mines du venin} coagulables par la chaleur , ne sont donc pas toxi- ques. Par contre, l’antitoxine est facilement détruite par le chauffage : Portons pendant 10 minutes, aux températures suivantes : i. J. Morgenroth a prouvé que cette thermostabilité des solutions de venin peut être considérablement augmentée par des traces d’acide chlorhydrique. 934 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 65, 68°, 70°, 72°, 1,8 c. c. de sérum -f- 2,7 c. c. d’eau salée physiologique et, après refroidissement, ajoutons 0,5 c. c. de venin à 5 0/00. Laissons 15 minutes en contact et injectons 0,5 c. c. du mélange (soit 0ra°r,250 de venin) à des souris : Température. Temps de mort. 65° Survie. 68» -f 24 h. 70» + 0 h. 45 72» , + 1 h- 43 Nous voyons qu’à partir de 68 degrés l’antitoxine est par- tiellement détruite. Elle l’est complètement à 70 degrés. * * D. Solubilité du composé atoxique sérum -|- venin dans ï alcool à 50 et 64 0/0. — 8 c. c. de sérum + 2 c. c. de venin à 5 0/00 sont traités par l’alcool de manière à obtenir un volume de 50 c. c., titrant 50 0/0. On filtre et, après évaporation de l'alcool, on reprend séparément le précipité et le liquide par l’eau en com- plétant à 10 c. c. On injecte 0,5 c. c. de chaque portion (0m°r,500 de venin), précipité et liquide, à deux souris qui sur- vivent. Il n’y a donc pas de venin libre. Pour mettre en évi- dence le composé atoxique sérum -f- venin , on se sert de la méthode décrite par J. Morgenroth : on porte les liquides à 100 degrés pendant 30 minutes en présence d’une légère aci- dité chlorhydrique (0,05 c. c. à 0,1 c. c. d’acide chlorhydrique normal par c. c. de sérum employé suffisent). On injecte à des souris 0,5 c. c. des dilutions indiquées de la partie soluble et de la partie insoluble, SOURIS DILUTIONS PARTIE Soluble dans l’alcool. Insoluble dans Lalcool. 1 1/5 -f 2 h. -f 1 h. 35 2 1/6 Survie. + 1 h. 3 1/12 Id. -K 2 h. 4 1/15 Id. -f 72 h. 5 1/30 Id. Survie. Le composé atoxique sérum -f- venin se trouve donc prin- cipalement dans la partie insoluble dans l’alcool à 50 0/0. Cette VENIN DE COBRA ET SON ANTITOXINE 933 expérience répétée, en variant jusqu’à 48 heures la durée de contact de la combinaison atoxique sérum + venin avec l’alcool, donne le même résultat. Avec une concentration plus élevée en alcool (64 0/0), et après un traitement analogue, on a les résultats suivants : SOURIS DILUTIONS PARTIE Soluble. Insoluble. 1 1/5 Survie. + 1 h. 40 — 3 h. 10 2 1/10 Id. + Id. 3 1/15 Id. + Id. 4 1/25 Id. + 8 h . — 21 h. 5 1/50 Id. -f- Id. L’insolubilité du composé sérum -f- venin est donc presque totale dans l’alcool à 64 0/0 et beaucoup plus grande que dans l’alcool à 30 0 0; tandis qu’au contraire, le venin seul est encore soluble dans l’alcool à 86 0/0. Dans tous les cas, on constate qu’alors que l’antitoxine seule est complètement insoluble dans l’alcool à 50 0/0 et ren- due inapte à neutraliser le venin, son mélange préalable avec le venin lui permet de garder toute son activité antitoxique. Nous nous sommes demandé si cette stabilité de l’antitoxine vis-à-vis de l'alcool, en présence du venin, était acquise immé- diatement. 5 milligrammes de venin (1 c. c. d’une solution à 5 0/00) sont mélangés avec 15 c. c. d’alcool à 50 0/0 -f 5 c. c. à 95 0/0. On verse ensuite ce liquide sur 4 c. c. de sérum et on fibre aussitôt. En évaporant l’alcool à 50-55 degrés dans le vide et reprenant par l’eau, on constate que les deux par- ties, liquide et précipité, sont atoxiques pour les souris qui reçoivent un volume de liquide correspondant à 0m"r,500 de ■venin. Le phénomène est exactement le même si on préci- •cipite le sérum par l’alcool et si on ajoute aussitôt le venin. La vitesse de réaction est donc grande : la toxine et l’anti- toxine se partagent entre le précipité et le liquide de manière à se trouver, de part et d’autre; dans le même rapport caracté- 936 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR risé par l’atoxicité vis-à-vis de la souris ; ce n’est donc pas un simple phénomène d’entraînement. On peut, de plus, s’assurer de la présence du composé atoxique sérum + venin dans les deux parties (soluble et insoluble) en mettant le venin en évi- dence par la méthode habituelle. L’antitoxine devient donc stable en présence d ’ alcool éthyli- que, dès l’instant où elle rencontre du venin. D’autres essais nous ont prouvé qu’il en est de même avec Y alcool méthylique , Y alcool propylique , Y éther acétique , Y acétone. Les sulfates d’ammoniaque et de magnésie précipitent aussi la com- binaison sérum -f venin sans la dissocier. * * * E. Action de la chaleur sur le composé atoxique sérum + venin. 1° Influence de différentes températures pendant 10 minutes. — Quatre vases reçoivent chacun 1,8 c. c. de sérum + 2,5 c. c. de venin à 5 0/00 +2,7 c. c. d’eau salée physiologique. Après 2 heures de contact on porte respectivement chaque vase pendant 10 minutes aux températures de 70, 72, 75 et 80 degrés. On injecte 0,5 c. c. (soit 0mgr,250 de venin) à des souris. Voici les résultats obtenus : Souris. Températures de chauffage. Temps de mort. 1 70° Survie. 2 72» Survie. 3 75° -\- 24 h. 4 80» t 1 h. 30. En présence du venin, l’antitoxine acquiert donc une résis- tance marquée au chauffage, puisque la température qui la détruit dans ce cas est supérieure de 7 degrés à celle qui la détruit lorsqu’elle est seule. Mais à partir de 75 degrés la disso- ciation a lieu ; l’antitoxine est alors détruite et le mélange devient toxique. D’autres expériences avec divers échantillons de sérum anti- venimeux nous ont montré que cette dissociation des composé^ atoxiques sérum + venin se produit tantôt à des températures légèrement plus basses, tantôt au contraire à des températures plus élevées ; que pour deux sérums différents, toutes autres conditions égales d’ailleurs, le poids de venin libéré était diffé- rent. Les variations sont du reste minimes. Pour le sérum VENIN DE COBRA ET SON ANTITOXINE 937 employé dans ce travail, le temps de contact avant chauffage ne joue aucun rôle. 2° Influence du temps de chauffage à 72 degrés . — 8 c. c. de sérum -f-2 c. c. de venin à 5 0/00 sontlaissés en contact pendant 2 heures. On ajoute 15 c. c. d’eau salée physiologique pour empêcher la prise en masse sous l’action de la chaleur. Après les temps de chauffage de 10, 20, 30, 40, 60 minutes et 3 heures, on injecte 0,5 c. c. (0ragr,200 de venin) aux souris qui résistent toutes. La stabilité du composé atoxique est donc très nette à 72 degrés ; il n’y a pas 2,5 0/0 de dissociation car les souris devraient accuser une dose mortelle (0mgr,005 de venin). 3° Influence de la concentration en sérum -f- venin pour un chauf- fage de 10 minutes à 80 degrés . — 10 c. c. de sérum 4- 2,5 c. c. de venin à 5 0/00 sont laissés en contact pendant 20 minutes (ce qui est sans importance pour ce sérum). On porte 10 minutes à 80 degrés, sous 5 c. c. de volume, les quantités de sérum -f- venin correspondant aux poids de venin du tableau et on injecte à des souris 0,5 c. c., soit le dixième des poids de venin indi- qués. D’après l’expérience, la dissociation n’est donc apprécia- ble que pour une certaine concentration en sérum -f- venin; elle augmente légèrement avec cette dernière sans toutefois lui'être proportionnelle. Ainsi les souris numéros 5, 6, 7, 8, pour les- quelles la concentration varie dans le rapport de 1 à 4 accusent, d’après leurs temps de mort, un poids de venin compris entre 0mgr,0065 et 0,ngr,0085. La chaleur seule ne fait donc apparaître qu’une faible proportion de venin et, lorsque la concentration du liquide en venin atteint une certaine valeur, la décomposition s'arrête. 938 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR SOURIS S-f V TEMPS DE MORT Venin sous 5 c. c. 1 0 mg Survie. 2 0 mgr. 100 Id. 3 0 mgr. 450 Id. 4 0 mgr. 200 Id. 5 0 mgr. 500 4- 3 h. 25 6 1 mgr. -j- 3 h. 45 7 4 mgr. 5 + 3 h. 8 2 mgr. -f 2 h. 55 9 2 mgr. 5 + 2 h. 10 Témoin non chauffé. 5 mgr. Survie. Dans la suite nous constaterons en effet qu’une partie du •venin reste lié à l’antitoxine. 4° Coagulation du composé atoxique sérum + venin par la cha- leur. — Chauffons pendant 10 minutes à 80 degrés le mélange atoxique 8 c. c. de sérum -f- 2 c. c. de venin à 5 0/00 -f- 10 c. c. d’eau salée physiologique pour empêcher la coagulation avec prise en masse. Ajoutons ensuite 20 c. c. d’eau salée physio- logique pour permettre la dissolution du venin libéré et laissons en contact pendant 3 heures en agitant fréquemment. On cen- trifuge et on lave quatre fois le précipité. Après avoir complété les deux parties (soluble et insoluble) à 60 c. c., on injecte une série de souris avec 0,5 c. c. des dilutions indiquées de ces liquides et une autre série avec 0,5 c. c. des mêmes liquides traités à chaud en présence d’une légère acidité chlorhydrique (méthode précédemment décrite). On obtient les résultats sui- vants : VENIN DE COBRA ET SON ANTITOXINE 939 DILUTIONS TEMPS DE MORT sans HCI. TEMPS DE MORT avec HCI. 1 / 1 1/1 Très malade. ï + 2 h. ) Survie. \ 2 1/2 id. > Survie. Liquide [ 3 1/3 Survie. Id. \ 4 • 1 1/4 Id. Id. 1 1 1/1 Survie. + 1 li. 30 — 12 h. \ 2 1/2 Id. + 13. Précipité.. , /* 1/3 Id. + Id. % 1 1/4 Id. + Id. Un chauffage pendant 10 minutes à 80 degrés est donc inca- pable de scinder totalement la combinaison, puisqu'un nouveau traitement à chaud, en présence d’acide chlorhydrique, permet d’obtenir une toxicité beaucoup plus grande. En outre, le pré- cipité primitif, qui était complètement atoxique, devient toxique après le traitement à l’acide. La combinaison sérum 4- venin a donc été insolubilisée en majeure partie sans être décomposée. Par suite, le venin qui, alors qu'il est seul . n’est pas in solubilisé par la chaleur , devient coagulable dès qu'il se trouve en présence d’anti- toxine, et une partie de cette dernière résiste, grâce au venin, à un chauffage de 10 minutes à 80 degrés. II RÉGÉNÉRATION DU VENIN ET DE L ANTITOXINE J. Morgenroth a démontré que, dans un composé atoxique sérum -|- venin , on peut, en chauffant à 100 degrés en présence d'une faible acidité chlorhydrique, mettre le venin en évidence. Par cette méthode il n'est pas prouvé que l’acide scinde la combinaison : il donne surtout de la thermostabilité au venin. En effet, d’après nos essais, il suffit d’un simple chauffage de 10 minutes à une température comprise entre 75 et 80 degrés pour faire apparaître le venin et, en outre, si nous chauffons du venin seul ou le composé atoxique sérum -| -venin à 100 de- grés pendant 30 minutes, les souris n’accusent plus de toxicité 940 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR pour 2 et 5 doses mortelles comme le démontrent les expé- riences suivantes : Expérience I. TEMPS DE MORT SOURIS POIDS DE VENIN Venin non chauffé Venin chauffé . Sérum -j- Venin chauffé. 1 0 mgr. 025 + 1 h. 48 Survie. Survie. 2 0 mgr. 010 + 2 h 30 id id Le venin est donc détruit. Par le même temps de chauffage en présence d’acide chlorhydrique (0,05 c. c. à 0,1 c. c. de la solution normale par c. c.) on obtient les résultats ci-dessous : Expérience II. TEMPS DE MORT SOURIS POIDS DE VENIN Venin. Sérum -)- Venin. 1 0 mgr. 025 + 2 h. 45 + 3 h. 30 2 0 mgr. 010 -f + 2 h. 45 Survie. L’acide rend seulement le venin thermostabile. Toutefois par cette méthode, J. Morgenroth n’obtient guère que la moitié1 du venin présent, bien qu’une solution du venin témoin chauffée avec la même quantité d’acide, conserve sensiblement toute sa toxicité. Au contraire, dans la méthode que nous allons décrire, l’action de l’acide chlorhydrique sur la combinaison va ressortir très nettement. Chauffons 30 minutes à 72 degrés 4 c. c. de sérum -f 1 c. c. d’une solution de venin à 5 0/00 -1- 0,6 c. c. d’acide chlorhydrique normal ; après refroidissement, complé- tons à 100 c. c., et injectons à des souris 0,5 c. c. des dilutions indiquées ci-après : Expérience III SOURIS DILUTIONS VENIN TEMPS DE MORT BOUS 0,5 c c. 1 1/1 0 mgr. 025 + 1 h. 26 2 2/8 0 mgr. 010 + 2 h. 2 VENIN DE COBRA ET SON ANTITOXINE 941 Les deux animaux d’expérience meurent en 1 h. 26 et 2 h. 2, ftemps comparables à ceux des souris témoins dans l’expérience I venin non chauffé) ; la restitution du venin serait donc totale. On peut aussi constater qu’on récupère plus de venin qu'à 100 de- grés, puisque la souris n° 2 (expérience III) est morte alors que la souris n° 2 (S -f- V exp. II) a survécu. En outre, on sait que le même composé atoxique sérum + venin peut être porté à 72 degrés pendant 3 heures sans se dissocier ; l’acide chlorhy- drique rendrait donc sa thermolabilité à l’antiloxine et cela sans doute en faisant cesser sa liaison avec le venin. Enfin la restitution incomplète du venin par la méthode de Morgenroth n’est pas due à l’action de l’antitoxine sur le venin. Chauffons en effet pendant 30 minutes à 100 degrés les mélanges suivants : 1° 2,o c. c. de sérum -f- 0,5 c. c. de venin à 5 0/00 + 0,3 c. c. d’acide chlorhydrique normal ; 2° Les cendres de 2,5 c. c. de sérum + 0,5 c. c. de venin à 5 0/00 + 0,3 c. c. d’acide chlorhydrique + 2,5 c. c. d’eau phy- siologique ; 3° 0,5 c. c. de venin à 5 0/00 4- 0,3 c. c. d’acide chlorhydri- que -f- 2,5 c. c. d’eau physiologique. Après refroidissement, complétons chaque essai à 50 c. c. et injectons à des souris 0, c. c. 5 des dilutions indiquées. Expérience IV DILUTIONS TEL 4/10 Venin. 0 mgr. 025 0 mgr. 010 1 -f- 3 h. 45 Survie. 2 -f 4 h. 1 o Id. 3 + °2 h. — 3 h. 15 + 3 h. 15 La restitution incomplète du venin ne dépend donc pas de l’antitoxine (on a pu le constater aussi en ajoutant le venin au sérum chauffé à 100 degrés), la toxicité de celui-là reste la même, mais de l’action des substances minérales du sérum en présence de l’acide chlorhydrique et de l’influence nocive de ce dernier à 100 degrés sur le venin, comme il ressort de la comparaison des temps de mort des souris nos 1 et 2 (exp. I venin non chauffé) avec ceux des deux souris n° 3 de l’expérience IV. 942 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR * * * A. Influence de divers acides. — Il nous a paru intéressant’ d’étudier, outre l’influence de l’acide chlorhydrique libre, déjà signalée par J. Morgenroth , celle d’autres acides minéraux et organiques sur le composé atoxique sérum -f- venin. Voici, briève- ment résumés, les résultats de nos essais : Le sérum et le venin sont laissés en contact pendant 1 heure. On introduit 2 c. c. du composé atoxique (soit 2 mgr. de venin) dans une série de tubes à essais et, après addition de chaque acide, on complète à 10 c. c. On porte 10 minutes à + 72 degrés et on injecte 0,5 c. c. (soit 0mgr,I00 de venin initial) à des souris. A exprime la dose d’acide ajouté correspondant à 5mgr,43 d’acide chlorhydrique. B exprime la dose d’acide correspondant à 10mg,‘,86 d’acide- chlorhydrique. NATURE DES ACIDES A B 1. Acide sulfurique 44' » 2 — chlorhydrique... + 38' )) 3. — formique Survie. -b 1 h. 20 4. — oxalique Survie. + 3 h. 15 5. — acétique + 3 h. 15 Très malade. G. — butyrique Survie. Survie. 7 . — succinique » Survie. 8. — tartrique )) + 1 h. 30 9. — citrique ï)+ + 1 h. 34 10. — malique » + 1 h. 50 11. — lactique » + 1 h. 12. — borique - » Survie. 13. Témoin (sans acide). . . . » Survie. Des témoins faits avec les mêmes mélanges, sans le venin r ont tous survécu. En résumé, tous les acides expérimentés, sauf les acides borique, succinique et butyrique, sontçapables de faire réapparaître VENIN DE COBRA ET SON ANTITOXINE 943 le venin par un chauffage de 10 minutes à 72 degrés. On peut donc dire quen milieu acide , la combinaison sérum + renia acquiert une plus grande thermolabilité. D’autres expériences dont nous ne croyons pas utile de rapporter ici les détails, nous ont montré : 1° Que l’acide chlohrydrique aux doses employées (0,1 c. c~ de la solution normale par cent, cube de sérum) ne diminue pas l’antitoxité du sérum), même après un contact de 24 h. à la température du laboratoire ; 2° Qu’un poids déterminé d’acide ne libère qu’une quantité fixe de venin, quelle que soit la concentration du mélange; 3° Enfin que la toxicité du mélange chauffé à 72 degrés augmente avec le poids d’acide ajouté, de telle sorte quon peut récupérer la presque totalité du venin initial. * * * H. Influence de l’alcool en milieu acide. — Nous avons vu précédemment que l’alcool à 50 0/0 (il en est de même pour l’alcool à 90-95 0/0) ne détruit pas la combinaison sérum -f - venin. Par contre, si l’on ajoute 0,1 c. c. d’acide chlorydrique normal par cent, cube de sérum, on constate que le venin libéré passe immédiatement en solution dans l’alcool et que, après un certain temps de contact avec l’alcool, l’antitoxine précipitée devient inactive. B ailleurs tous les acides étudiés à propos de l’action de la chaleur peuvent aussi mettre le venin en liberté dès que le milieu est acide.' Nous avons pu constater, en outre, que la toxicité des mélanges, c’est-à-dire le venin libéré, augmente avec le poids d’acide. Nous nous sommes alors demandé si l’alcool, grâce à sa propriété de dissoudre le venin et de précipiter l’antitoxine, ne nous permettrait pas, en opérant en milieu acide, de dissocier tout d’abord la combinaison sérum -f- venin et de la reconstituer ensuite. Nos essais dans ce sens ont été rendus très difficiles par ce fait que, lorsqu’on précipite la combinaison atoxique sérum + venin par l’alcool en présence d’acide chlorhydrique, dès que le milieu devient acide on n’obtient qu’un précipité mucilagineux. Il faut centrifuger celui-ci rapidement, 15 à 30 minutes au plus (puisque l’antitoxine commence déjà à être partiellement détruite' 944 ANNALES DE L;iNSTITUT PASTEUR par un contact de 20 minutes avec l’alcool à 50 0/0), avec une quantité d’alcool telle que le titre soit de 70 à 75 0/0, pour le séparer. On reprend ensuite le coagulum par un grand volume d’eau, on le neutralise partiellement en laissant une légère acidité libre pour éviter la formation de grumeaux, et on évapore dans le vide à la température de 50 à 55 degrés. On s’assure, d’autre part, que le liquide alcoolique ne précipite plus par l’alcool en excès; on neutralise partiellemment et on évapore de même après avoir dilué par un assez grand volume d’eau. Voici l’une de nos expériences : A 10 c. c. de sérum -|- venin, correspondant à 10 milligrammes de venin, nous ajoutons 1, 5 c. c. de la solution normale d’acide chlorhydrique et une quantité d’alcool telle que le volume total, porté à 100c. c., titre 72 0/0. On centrifuge et on lave une seule fois le précipité à l'alcool à 50 0/0. Durée du contact avec l’alcool : 15 minutes. On reprend séparément le précipité et le liquide par 400 c. c. d’eau; on neutralise partiellement, en évapore et on ramène à 25 c. c. chacune des deux parties. On injecte à des souris : 1° 0, 5 c. c. du liquide = 0 mgr, 200 de venin; mort en 1 heure ; 2° 0, 5 c. c. du liquide +0, 5 c. c. du précipité = 0 rasr, 200 de venin; mort en 48 heures; 3° 0 c. c. 5 du liquide +0, 5 c. c. du précipité bouilli à 100 degrés = 0 mgr. 200 de venin; mort en 1 heure. La reconstitution du composé atoxique sérum -j- venin est donc ici presque complète et l’antitoxine régénérée garde sa thermolabilité initiale. D’autres essais semblables nous ont fourni les mêmes résultats. Nous pouvons donc affirmer qu’il est possible de dissocier la combinaison sérum + venin et de la reconstituer , qu moins partielle- ment. CONCLUSIONS. Les faits que nous avons établis nous permettent de tirer les conclusions suivantes : 1° La combinaison sérum + venin atoxique a des propriétés nettement différenciées de celles de ses composants; VENIN DE COBRA ET SON ANTITOXINE 945 2 ° La substance toxique du venin de cobra est soluble dans les liquides titrant de 50 à 80 0/0 d’alcool. Au contraire, en pré- sence d’ antitoxine , le venin commence à devenir insoluble dans l’alcool à 50 0/0, l’insolubilité étant presque totale pour un titre de 64 0 0. L antitoxine seule est insoluble dans l’alcool et, après un faible temps de contact, elle est détruite par ce réactif ; 3° L’ antitoxine, en présence du venin , cesse d’être détruite par l’alcool éthylique même à 80 0/0, et reste active en présence de ce réactif. 11 en est de même avec d’autres précipitants tels que l’alcool rnéthylique, l’alcool propylique, l’éther acétique, l’acétone. Les sulfates d’ammoniaque et de magnésie précipitent aussi la combinaison sérum venin sans la dissocier ; 4° La substance toxique du venin de cobra n’est pas coagulée par le chauffage à 76-80 degrés ; 5° L’antitoxine est détruite par le chauffage à + 68 degrés. Mélangée au venin, elle devient thermostabile jusqu’à 75 degrés. A cette température, du moins pour le sérum que nous avons étudié, le composé atoxique sérum -|- venin est dissocié partiel- lement, et le venin correspondant, libéré, passe en solution. Celui qui reste combiné est insolubilisé. Il en est de même à 80 degrés ; 6° En présence de la plupart des acides minéraux ou orga- niques libres et sous l’inlluence de la chaleur à -f- 72 degrés, l’antitoxine des composés atoxiques sérum -f- venin redevient tliermolabile et le venin est libéré. Celui-ci n'est pas détruit par l’antitoxine et on peut le récupérer presque complètement; 7° En présence de l’alcool éthylique à 50 0/0 et des acides minéraux ou organiques libres, le composé atoxique sérum -f- venin peut être dissocié à la température du laboratoire : l’anti- toxine, après 10 à 15 minutes, est assez peu modifiée pour qu’il soit possible de reconstituer, au moins partiellement, le composé atoxique primitif ; le venin n’est pas détruit par l’antitoxine et on peut le récupérer presque quantitativement. Donc le composé atoxique sérum + venin possède des propriétés nettement différentes de celles de ses composants: il faut alors admettre l’hypothèse d’une combinaison dissociable entre la toxine et Vanlitoxine. 60 TRAITEMENT DES INFECTIONS EXPÉRIMENTALES A TRYPÂNOSOM GAMBIENSE Résultats tardifs. Par F. MESNIL et M. NICOLLE En donnant, il y a bientôt un an *, les résultats de nos recher- ches sur le traitement des infections expérimentales à Trypano- soma gambiense , nous exprimions des réserves quant au caractère définitif des guérisons obtenues ; ces réserves étaient surtout indiquées pour les rats, chez lesquels nous avions observé des rechutes, même après fi mois de guérison apparente. L'incerti- tude de nos résultats nous obligeait à suivre encore les animaux, naturellement sans aucune nouvelle intervention thérapeutique. C'est ce que nous avons fait; pendant plusieurs mois, nous avons continué des examens bihebdomadaires du sang, puis nous les avons espacés. Nous pouvons donc aujourd’hui apporter des documents qui s’étendent sur une période de 1 à 2 ans et qui, de ce chef, possèdent, croyons-nous, une valeur particulière. Nous passerons rapidement sur ce qui concerne les rats, pour insister sur les résultats obtenus chez les singes. Rats. — Au 1er janvier 1907, il nous restait 5 rats ; tous ont succombé dans le courant de l’année sans avoir présenté la moin- dre rechute: le 1er a été sacrifié (très malade) le 9 mars, un autre est mort le 28 juin, . les 3 derniers en août ou septembre. Pour le rat sacrifié le 9 mars, le sang a été injecté à un rat; l’émulsion, en eau physiologique, du cerveau, de la rate, ue quelques ganglions et de la moelle d’un fémur, à un autre rat. 4 mois après, les 2 animaux étaient encore indemnes. Des 5 rats, 4 ont été traités uniquement par des injections de la couleur de benzidine « Pli » (« afridol violet » delà Maison Bayer). Le sujet sacrifié le 9 mars en avait reçu 7 ; au moment de la mort, il s’était écoulé 6 mois depuis la dernière apparition des Trypan. et la dernière ^intervention théra- peutique. — 2 des autres rats avaient reçu 2-3 injections de Ph; il n’ont rien montré pendant plus d’une année. — Le 4e avait eu une rechute après un triple traitement par Ph ; nous en avons eu raison définitivement avec une double intervention, puisqu’un an après la rechute, quand le rat a succombé, les Trypan. n’avaient pas reparu. 1. Mesnil, Nicolle et Aubert, ces Annales, 25 janvier 1907, p. 1. Dans ce mémoire, nos expériences étaient arrêtées à la date du 31 décembre 1906. INFECTIONS A TRYPANOSOMÀ GAMBIENSE 947 Notre 5e rat, qui n’avait reçu que 2 injections d’atoxyl *, a succombé plus d un an après la dernière apparition des Trypanosomes. La guérison de tous ces rats ne fait, pour nous, aucun doute. Rappelons que les témoins des mêmes séries ont suc- combe à la Trypanosomiase en 40 a 134 jours (moyenne: 74). Singes. — Les résultats sont encore plus frappants avec lés singes. Il nous restait, au 1er janvier 1907, 11 singes vivants: 8 appartenaient aux séries I-Illde mars, avril et mai 1906, 3 à la série I\ d octobre 1906 . Ces 11 singes peuvent, d'après le traitement reçu, être divisés en 3 catégories: A. Singes qui ri ont reçu que de Vatoxyl. Macacus cynomolgus 54 (série I) : atoxyl à 7 reprises (on attend les rechutes). N’a plus rien montré du 13 juillet 1906 au 12 novembre 1907 (date de sa mort), c’est-à-dire en 16 mois. A présenté, en juin 1907, du pro- lapsus rectal ; s’est cachectisé depuis et a succombé sans que rien pût faire suspecter une trypanosomiase. Macacus sinicus 41 (série II) : atoxyl à 5 reprises, les 3 dernières fois sans attendre les rechutes. N’a plus jamais montré de Trypan. depuis le 20 mai 1906 jusqu’au 29 novembre 1907 (date de la mort), c’est-à-dire pen- dant plus de 18 mois. Macacus sinicus 36 (série III) : atoxyl à 4 reprises, les 2 dernières fois sans attendre les rechutes. N’a plus montré de Trypan. depuis le 20 juin 1906 ( = 17 mois). Vit encore, en excellent état (le poids est passé de 3.280 grammes à 4.330). De 2 rats, inoculés, le 24 octobre 1906, chacun avec 4 c. c. de son sang, l’un est mort le 5-6 janvier 1907, sans avoir présenté de Trypan. ; l’autre n’avait encore rien offert le 1er mars; il a été inoculé de Trypan. à cette date et s’est montré très sensible. Macacus cynomolgus 51 (série III) : atoxyl à 4 reprises, les 2 dernières fois sans attendre les rechutes. N’a plus offert de Trypan. depuis le 4 juin 1906 (= 18 mois). Vit encore. Macacus rhésus 16 (série IV) : atoxyl à 3 reprises, sans attendre les rechutes. N’a plus montré de Trypan. depuis le 29 octobre 1906 ( = 13 mois). Vit encore, en excellent état (le poids est passé de 3.500 gram- mes à 4.750). A cette liste, il convient d’ajouter le singe 13 de notre série II (v. le tableau, page 17) qui, traité le 20 avril 1906, par uneinjection unique d’atoxyl, n’a jamais présenté depuis de Trypanosomes jusqu’au 19 octobre 1906, date à laquelle il est sacrifié. Tout son sang (60 c. c. ) et l’émulsion: de la rate, des ganglions de Faîne, d’un ganglion de la région pancréatique et de la 1. Nos solutions d’atoxyl, à 1 ou 2 0/0, ont toujours été stérilisées par le chauffage de quelques minutes à 100°. 2 Pour les détails, voir les tableaux de notre mémoire (l. c., p. 16-19). 948 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR moitié de l’encéphale, sont inoculés dans le péritoine d’un chien qui, suivi avec soin pendant 4 mois 4/2, n’a rien montré d’anormal. Parmi ces singes, le 36 et le 16 ont été traités assez tardive- ment, alors que l’infection était parvenue à la moitié environ de sa durée normale. Nous croyons pouvoir affirmer aujourd'hui que ces 6 singes ont été guéris de leur infection à Trypan. gambiense. B . Singes que nous avions cherché à guérir par la couleur Ph , employée seule. Il ne nous restait, au 1er janvier 190”, que 2 singes : le Macacus cyno- molgus 61 (sér. II) et le M. rhésus 14 (sér. III), le 1er mis en traitement le 20 avril 1906, l’autre le 23 mai. Malgré les injections répétées et relativement massives (très bien supportées d’ailleurs) de Ph, les Trypan. n’arrivaient pas à disparaître définitivement. Le 1er sujet a reçu alors, les 29 octobre et 21 novembre, de l’atoxyl et, dans l’intervalle, encore une fois du Ph. Le 2e a eu une injection unique d’atoxyl le 26 octobre, suivie, dans le courant du mois, de 2 injections de Ph. Depuis la De injection d’atoxyl (29-26 octobre 1906), les 2 singes n’ont plus montré de Trypan. L’autoagglutination des hématies, que nous avons vue diminuer assez vite, a mis cependant plusieurs mois avant de disparaître complètement. Le singe 61 vit encore. Le 14 a été enlevé brusquement, par une pleuro- pneumonie, le 14 novembre 1907. La guérison de ces singes, chez lesquels les Trypan. avaient disparu depuis plus d’un an, ne fait, croyons-nous, aucun doute. C. Singes traités par V alternance Ph-Atoxyl. Macacus rhésus 12 (sér. I) : De injection, couleur « Cl » (= afridol bleu ) ; puis, alternance Ph-atoxyl (en tout, 2 injections de Ph et 2 d’atoxyl; on attend chaque fois la rechute.) N’a plus montré de Trypan. depuis le 30 mai 1906 (= 19 mois). Vit encore. Macacus sinicus 37 (sér. II) : d’abord, 3 injections de Ph ; puis, atoxyl, Ph, atoxyl, sans attendre les rechutes. N’a plus montré de Trypan. du 5 juin 1906 jusqu’au moment de la mort (26 juin 1907), laquelle n’a pu être attribuée à la Trypanosomiase. Macacus rhésus 22 (sér. IV) : 2 injections d’atoxyl séparées par 1 de Ph (sans attendre les rechutes). N’a rien montré depuis, le 29 octobre 1906 (= 13 mois). Vit encore. L’autoagglutinationdes hématies avait complètement cessé au bout de 2 mois. Macacus cynomolgus 95 (sér. IV) : 3 injections de Ph, alternant avec 3 d’atoxyl . Succombe, le 2 janvier 1907, de pyémie d’origine tégumentaire ; le sang du cœur donne, en culture, des microbes pyogènes et du colibacille. Bien que le sang, prélevé au moment de la mort, n’ait pas infecté un rat, nous ne voulons pas conclure à la guérison du porteur parce qu’il avait reçu, quelques jours auparavant, une injection d’atoxyl. Mais nous pouvons INFECTIONS A TRYPANOSOMA GAMBIFNSE 1)49 affirmer que l’animal n’a pas succombé à la Trypanosomiase. Son obser- vation, ainsi que celle de quelques autres singes portés sur les listes de notre précédent mémoire, et qui avaient aussi succombé au cours du trai- tement par l'atoxyl ou l’afridol violet, ne saurait donc être invoquée ni pour ni contre la méthode. Aux 3 singes 12, 37 et 22, que nous considérons comme ayant été guéris de leur infection à T. gambiense , il faut ajouter le Macacus cynotnolgus (17 de notre série III. Traité (intervention relativement tardive) par 2 injections d’atoxyl, alternant avec 2 de la couleur violette, ce singe n’a rien montré du 5 juin 1906 au 11 novembre suivant, date à laquelle il a succombé à une congestion pulmonaire. Des rats, inoculés le 24 octobre, chacun avec 3 c. c. de son sang, ont été suivis 2 mois et demi et 3 mois et demi sans offrir de Tryp. dans leur sang. En somme, cette nouvelle attente de il mois, que nous nous sommes imposée, nous permet de lever les doutes que nous émettions prudemment au sujet du résultat final de nos traitements. Aujourd’hui, nous croyons pouvoir parler hardiment de guérisons définitives et affirmer que douze singes macaques , soumis à une infection sévère par le T. gambiense (rappelons que les témoins de nos diverses séries ont succombé en 20 à 51 jours : moyenne 32), ont été guéris : 1° 6 par l'atoxyl seul ; 2° 4 par l’alternance atoxyl-Ph; 3° 2 par Pli, d’abord employé seul, puis associé (pour finir le traitement) soit à une injection unique, soit à 2 injections d’atoxyl. Tous ces singes guéris ne paraissent avoir gardé aucune lésion particulière du fait de l’infection ou de la médication. Ils se sont comportés, depuis la disparition de leurs parasites, exactement comme leurs compagnons de captivité; les plus robustes ont fortement augmenté de poids et leur mortalité est demeurée relativement faible 1 . Quant à ce qui concerne les indications que l’on serait tenté de tirer de nos expériences au point de vue delà thérapeutique humaine, elles demeurent toujours telles que nous les avons formulées dans notre précédent mémoire. Paris, 2 décembre 1907. 1. Ainsi, dans le mois de novembre 1907, durant lequel nous avons perdu 3 sujets, une mortalité exceptionnelle a sévi sur tous les singes de l’Institut Pasteur, même sur les non-inoculés. Gomment peut-on combattre l'anaphylaxie? Par le D* BESREDKA Travail du laboratoire de M. Metchnikofï. Dans leur premier mémoire2, Rosenau et Anderson disent avoir cherché longuement, et inutilement d’ailleurs, à dépouil 1er le sérum de ses propriétés toxiques. Dans le second mémoire3, ils ont eu beau multiplier les expériences, le sérum n'est pas moins resté aussi toxique après le traitement qu’avant. Tant d’efforts montrent que ces savants n’ont pas méconnu l’importance du problème. Et en effet, n’est-on pas en droit d’es- pérer que le jour où Ton aura réussi à rendre le sérum inoffen- sif pour le cobaye sensibilisé, on n’aura plus à redouter les accidents anaphylactiques aussi chez l’homme? Dans l’espoir de détruire le principe toxique du sérum, les auteurs américains firent intervenir un grand nombre d’agents chimiques et physiques. Ils ont essayé tour à tour l’acide buty- rique, le permanganate de potasse, le citrate de soude, l’alcool, le peroxyde de l’acide succinique, l’eau oxygénée, le sulfate d’ammoniaque, le chloroforme, le tricrésol, les rayons X, la filtration sur porcelaine. Rien n’y a fait. Plus récemment, dans le même ordre d’idées, ils ont fait agir sur le sérum différents ferments, alcaloïdes et sels : la taka-diastase, la pancréatine, la mvrosine, l’invertine, l’émul- sine, la pepsine en solution acide ou alcaline et encore d’autres- ferments, mais sans succès. Ils n’ont pas été plus heureux avec l’atropine, la strychnine, la morphine, la caféine, le chlorure de calcium, le sulfate de magnésium, la hile de bœuf, l’aldéhyde formique, etc. ; il en fut de même de la congélation de sérum, suivie de dégel. De vieux sérums datant de huit ans ne se montrèrent guère moins toxiques que des sérums frais. Le chauffage à 60° pen- dant six heures consécutives demeura, d’après Rosenau et 1. Voir la note préliminaire dans les Compt. rend. Soc. Biol. 8 juin 1907. 2. A study ofthe cause of suddent death, etc., 1906. 8. Studies upon hypersusceptibility and immunity, 1907. COMMENT PEUT-ON COMBATTRE L’ANAPHYLAXIE 93! Anderson, sans effet sur la toxicité, et il ne fallait pas moins de 100° (15) pour faire disparaître le principe toxique de sérum. Voilà ce qui a été fait jusqu’à présent. Voici maintenant ce que nous avons essayé de faire. .y ^ Nous avons cherché à notre tour à empêcher les troubles anaphylactiques et cela de deux façons : soit en visant le sérum directement, en lui enlevant sa substance dite toxique, soit en agissant sur l’animal sensibilisé, en le rendant réfractaire à cette substance. Disons de suite que toutes nos tentatives pour toucher le sérum dans sa toxicité, au moyen de produits chimiques, ont complètement échoué. Ni le liquide de Gram, ni la précipitation par l’eau distillée, ni l’extraction par l’éther, ni le contact pro- longé (deux jours) avec du charbon animal, n’ont empêché le sérum de se montrer meurtrier pour le cobaye sensibilisé. Nous nous adressâmes alors à des agents physiques et bio- logiques. Nos expériences antérieures sur la toxicité des sérums1 ont montré combien cette propriété pouvait varier suivant les sérums ; nous avons vu, en effet, qu’à côté de sérums hyper- toxiques, on pouvait en rencontrer qui étaient de toxicité minime. Ainsi, pour neciter que nos sérums français, l’éclosion des trou- bles anaphylactiques ne s’opère que lorsqu'on en injecte des doses comparativement élevées (1/10-1/8 c. c). Or, en cherchant la cause de cette toxicité si faible, nous sommes arrivés à conclure que le principe toxique des sérums ne doit pas être indifférent à la température. Nous y étions amené d'autant plus que, parles expériences faites précédem- ment2, nous avons acquis la conviction que nos sérums fran çais, employés tels que, à des intervalles assez rapprochés de la saignée, ne cédaient en rien, au point de vue de la toxicité, aux sérums des autres pays. Force nous est donc d’admettre quele peu de toxicité de nos sérums est liée au chauffage à 55°-56° qu’ils subissent avant d’être livrés à la circulation. Pour mettre la question au clair, nous résolûmes d’étudier, 1. Ces Annules, octobre 1907. 2. Loc. cit. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIt 952 d’une façon suivie, la toxicité des sérums à différentes tempéra- tures, à commencer par celle de 100 degrés. # # * La disparition de la propriété toxique du sérum à la tempé- rature d’ébullition a déjà été indiquée par Rosenau et Ander- son; ces auteurs se sont bornés à signaler simplement le fait sans préciser s’ils avaient opéré sur du sérum coagulé ou non; c’est ■cependant un détail qui a son importance. Nous avons eu toujours affaire à des sérums non coagulés quelle que fût latempérature à laquelle on les portait. Pour empêcher la coagulation, nous ajoutons à 1 partie de sérum 3 parties d’eau distillée (4 c. c. de sérum -f- 1- c- c- d’eau distillée). Dès que le mélange est fait, on voit se produire un précipité, plus ou moins abondant suivant l’échantillon; ce précipité ne trouble en rien le phénomène et ne reparaît d’ail- leurs pas après le chauffage. Le sérum ainsi dilué est porté pendant 20 minutes à 100 degrés. Le liquide devenu opalescent est mis sous cloche dans le vide et ramené à son volume primitif (4 c. c.)1. L’opalescence du sérum ainsi réduit s’accentue, mais sa consistance reste par- faitement liquide. Injecté dans le cerveau des cobayes sensibilisés, à la dose maxirna de 1/4 c. c., ce sérum chauffé à 100° se montre à peu près inoffensif : les animaux éprouvent un certain malaise, il est vrai, à la suite de l’injection, mais ils ne présentent jamais le moindre symptôme d’anaplivlaxie. Les cobayes témoins, sensibilisés dans les mêmes conditions que les précédents, reçoivent dans le cerveau le même échan- tillon de sérum, lequel a été dilué de trois volumes d'eau dis- tillée, puis ramené à son volume initial, sans avoir été préala- blement chauffé; tous ces cobayes sont pris de troubles ana- phylactiques les mieux caractérisés. 11 s’ensuit donc que le chauffage du sérum à 100°, non accom- pagné de coagulation, suffit à lui seul pour rendre l’épreuve intracérébrale inoffensive. Que devient donc à cette température la substance dite toxique du sérum, comme c’est l’usage de l’appeler ? Est-elle 1 . Un sérum que l'on évapore à siecité après l’avoir dilué d'eau et chauffé à 100°, ne se redissout plus bien dans l'eau distillée. GOMMENT PEUT-ON COMBATTUE L’ANAPllYLAXIE 950 simplement atténuée et remplacée par une variété atoxique, ou bien est-elle détruite au point de ne laisser subsister aucune trace dans le sérum porté à 100°? * * * Pour répondre à cette question, nous n’avons qu’à interro- ger les faits. Prenons un cobaye sensibilisé auquel on avait injecté la veille du sérum cbaulfé à 100°, dans le cerveau. Soumettons ce cobaye, dont l’aspect extérieur ne trahit aucun trouble, à une nouvelle épreuve intracérébrale, cette fois avec du sérum de cheval, non chauffé. Nous ne tarderons pas à constater que ce cobaye a conservé à peu près intégralement son hypersensibi- lité : au bout de 1-2 minutes il va succomber au milieu des phénomènes classiques. Donc, l’injection du sérum chauffé à 100°, faite 24 heures auparavant, ne l’a pas préservé contre les accidents anaphylac- tiques; en d’autres termes, les choses se passent, à peu de choses près, comme si, au lieu de sérum, on avait injecté un liquide indifférent tel que l’eau salée ou le bouillon. Nous disons que les choses se passent à peu de choses près comme, etc., car en regardant mourir les cobayes en question on a l’impression que chez eux les troubles anaphylactiques évoluent avec moins de brutalité et durent plus longtemps que chez les cobayes témoins. Cette impression s'affirme davantage lorsque du sérum chauffé (100°) est injecté non dans le cerveau, mais dans le péritoine (4-o c. c.). Dans ce cas, les cobayes qui avaient été d’abord sensibilisés, puis injectés avec 4-5 c. c. de sérum chauffé (100o), supportent mieux l’épreuve cérébrale que les témoins; cela neles empêche pas, du reste, de mourir 5-10 minutes plus tard d’anaphylaxie, dans la plupart des cas. Cela est vrai lorsque l’intervalle entre l’injection intrapérito- néale de sérum chauffé, d’une part, et l’épreuve intracérébrale (J 4 c. c.), d’autre part, ne dépasse pas 24 heures. Mais, chose curieuse, si cet intervalle est plus long et si l’on attend, avant d’éprouver le cobaye, 4-5-6 jours, le phéno- mène se présente sous un aspect tout autre : l'épreuve cérébrale provoque, dans ces conditions, tout au plus une toux anaphylac- tique et des phénomènes d’excitai ion, et c’est tout ; jamais on ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 9.? 4 n’observe ni les grands phénomènes d’anaphylaxie, ni la mort qui en est l’aboutissant ordinaire. Ce qui veut dire que le sérum, bien que chauffé à 100°, finit au bout de 5-6 jours par conférer une certaine immunité au cobaye. Tout n’est donc pas détruit dans un pareil sérum. Ce qui ressort surtout de cette expérience, c’est que le pou- voir réactionnel d’un sérum chauffé à 100° est tellement amoin- dri que, pour le mettre en évidence, il ne faut pas moins de plusieurs jours. Si donc la température de 100° amène des modifications aussi profondes dans le mode d’actions du principe toxique du sérum, il y a lieu d’escompter une atténuation, du moins très appréciable au-dessous de 100°. C’est en effet ce que l’expérience a montré. * % Trois portions d’un sérum de toxicité connue sont chauffées pendant 20 minutes respectivement à 76°, 5, à 89° et à 95°; de chaque échantillon il est injecté 1/4 c. c. dans le cerveau de deux cobayes sensibilisés. De plus, deux cobayes sensibilisés reçoivent 1/4 et 1/10 c. c. de ce même sérum, non chauffé. Le premier de ces cobayes meurt en quelques instants avec les symptômes connus: le. deuxième est très éprouvé, mais se remet une demi-heure après. Quant aux autres cobayes, voici quel en fut le sort : Un des cobayes, qui a reçu du sérum chauffé à 75°, 5, a présenté des troubles anaphylactiques assez sérieux ; l’autre n’a presque pas été malade. Les quatre autres cobayes, injec- tés avec des sérums chauffés à 89° et 95°, ont eu soit des trou- bles légers, ou n’ont présenté aucun symptôme. Il est donc certain que la substance toxique du sérum est fortement entamée, même au-dessous de 100 degrés. Nous avons établi antérieurement que le sérum de cheval est susceptible de vacciner, dans certaines conditions, les cobayes sensibilisés contre les accidents d’anaphylaxie. Or, les expériences avec les sérums chauffés montrent que plus le sérum est chauffé plus, par conséquent, il est touché dans sa toxicité, et moins il est vaccinant. En effet, lorsque deux jours après la première injection COMMENT PEUT-ON COMBATTUE L’ANAPHYLAXIE 955 intracérébrale, nous éprouvâmes tous les cobayes survivants, avec du sérum non chauffé, dans le cerveau, nous avons observé ceci: tous étaient vaccinés, il est vrai, mais d'une façon très inégale. Le témoin qui a résisté Uavant-veille à 1/10 c. c. de sérum non chauffé, se montra complètement réfractaire : quant aux autres, ils ont été tous plus ou moins malades; aucun d'eux n’est mort ; mais, les cobayes les plus éprouvés lors de la deuxième injection étaient précisément ceux qui avaient reçu l’avant- veille du sérum le plus chauffé (95°). D’une manière générale, les animaux ont réagi d’autant plus fortement a la seconde injection qu'ils avaient moins réagi à la première. Le pouvoir vaccinant du sérum suit donc la même courbe que le pouvoir toxique. % % * Pour être applicable aux sérums thérapeutiques, le chauffage doit pouvoir s’effectuer à des températures notablement infé- rieures à celles indiquées plus haut; il faut trouver des conditions de chauffage telles qu’elles permettent de réaliser le maximum d’atténuation des propriétés toxiques avec le minimum de perte des propriétés curatives. Nous avons donc cherché à ne pas dépasser 59-60°, tempé- rature à laquelle les anticorps restent généralement intacts. La durée du chauffage variait de 1 heure à 7 heures. Toutes les expériences étaient faites avec le même sérum ; celui-ci fut choisi très toxique, de façon à permettre de suivre de très près la diminution progressive de la toxicité, suivant la durée du chauffage. Ce sérum non chauffé était de toxicité telle que, a la dose de 1/40 c. c. injecté dans le cerveau, iltuait le cobaye sensibilisé ou provoquait des troubles anaphylactiques très graves. Après chauffage à 60° pendant 1 heure, trois jours de suite, la toxicité du sérum était la suivante : 1/4 c. c.. Mort certaine. 1 10 c. c Symptômes très graves, non suivis de mort. 1/20 c. c Pas de symptômes. Après chauffage à 60° pendant 1 heure, cinq jours de suite : 956 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 14 c. c Mort certaine. 1/8 c. c. . Symptômes sérieux, mais passagers. 1/16 c. c Presque pas de symptômes. Après chauffage à 60° pendant I heure, sept jours de suite, les résultats étaient les mêmes que plus haut. On voit donc que le chauffage même modéré, mais prolongé, peut diminuer la toxicité d’un sérum de 4-5 fois. Même à la température de 56°, la toxicité du sérum se trouve sensiblement atténuée. Un cheval est saigné le 10 septembre. Le sérum est retiré le 12 septembre et divisé en deux portions. Une portions A est laissée à la glacière. Une portion B est chauffée une heure à 5°6 — le 12 septembre — — — — — le 13 septembre — — — — — le 14 septembre — — deux heures — — le 15 septembre Le 16 septembre, on injecte dans le cerveau à plusieurs cobayes sensibi- lisés du sérum A et B. Sérum A non chauffé. Sérum B chauffé. 1 16 c . c. Syptômes anaphylac- tiques graves, état ago- nisant, sc remet très lentement. 1/16 c c. Pas de symptômes. 1 12 c . c. Symptômes très vio- t/12 c. c. Toux ; aucun autre lents; morten 2 minutes. symptôme. 18 c . c. Symptômes très vio- 1/8 c. c. Toux, convulsions. lents; mort en l-2minut. collapsus; se rétablit au bout de 3 minutes. 1 4 , •. c. Symptômes très vio- 1 fl c. c. Symptômes très vio- lents: mort en 2 minutes. lents : mort en 1-2 mi- nutes. 11 ressort nettement de cette expérience que le sérum qui a été chauffé trois jours de suite à 56°, une heure par jour et, la quatrième fois, deux heures, est trois fois moins toxique que le même sérum non chauffé. Pour en finir avec l’action de la température, disons qu’aux environs de 40° la toxicité n’est presque pas touchée. Ainsi, nous avons laissé un sérum à l’étuve à 37° pendant ojours consécutifs, sans observer de changement setisible dans sa toxicité. * * * Vu le caractère thermolabile de la substance toxique du sérum, il était tout naturel de se demander si cette substance n’est pas susceptible de donner un anticorps. COMMENT PEUT-ON COMBATTRE L’ ANAPHYLAXIE 937 A cet effet nous avons immunisé des cobayes avec du sérum de cheval ; a priori on pouvait admettre que le sérum de ces cobayes, mélangé avec celui de cheval, fut en état d’enrayer les troubles anaphylactiques, lors de l’épreuve intra- cérébrale. L’expérience a montré qu’il n’en est rien; même ajouté à volume égal (1/8 c. c. sérum de cheval + 1/8 c. c. sérum de cobaye préparé), le sérum de ce dernier se montra dépourvu de toute action antitoxique. # %■ 11 n'existe donc pas jusqu’à présent de moyens directs, excepté le chauffage, permettant de toucher la substance spé- cifique du sérum. Et cependant rien n’est plus facile que d’empêcher les accidents d’anaphylaxie, lorsqu’on s’adresse à la voie indirecte, c’est-à-dire, à l’animal lui même. Nous avons déjà décrit ailleurs1, plusieurs procédés de vac- cination contre l’anaphylaxie; tous ces procédés sont basés sur l’emploi du sérum de cheval, soit pendantla période préanaphy- lactique, soit même en pleine période d’anaphylaxie (doses mini- mes dans le cerveau). Mais à côté de cette vaccination d’ordre spécifique, on peut obtenir l’immunité par un mécanisme tout différent. Sur le conseil de M. Roux, nous essayâmes d’arrêter les phénomènes d’anaphylaxie au moyen de narcotiques. Des cobayes sensibilisés, tout prêts à l'éclosion de troubles anaphylactiques, sont endormis à l'éther. Aussitôt que les mus- cles entrent en résolution, on leur injecte rapidement, dans le cerveau, 1/4 c. c. de sérum de cheval. Pour gagner du temps et ne pas troubler le sommeil des animaux, nous pratiquons le trou, avant de soumettre l’animal à la narcose Une fois que le cobaye est endormi, il ne reste qu’à passer la canule de la seringue à travers le trou et à injecter 1/4 c. c de sérum. Si la narcose est bien conduite, le cobaye continue à dormir après linjection, et au bout d’une demi-heure environ il se réveille sans présenter le moindre symptôme d’anaphylaxie. Lorsque, le lendemain, on injecte à ce cobaye une nouvelle dose (1/4 c. c.) de sérum, il ne réagit plus : il est vacciné. Le sérum delà veille, bien que n’ayant provoqué aucun trou- 1. Ces Annules, février et mai 1907. 958 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Lie apparent, avait néanmoins conféré l’immunité à l’animal. * * Les résultats de l’expérience sont tout autres lorsqu’on se sert de chlorhydrate de morphine. Pour obtenir la narcose, on est amené à en injecter des doses énormes (14 à 18 centigram- mes pour des cobayes de 320-350 grammes), et encore neréus- sit-on pas à provoquer une vraie narcose. L’animal offre un état d’hébétude accompagnée de raideur musculaire des plus marquées et, à l’épreuve cérébrale, il est pris de troubles carac- téristiques et meurt comme un simple cobaye sensibilisé. Pour avoir une vraie narcose avec résolution complète des muscles, il faut se servir d’extrait d’opium. Un cobaye de 300-350 grammes, auquel on injecte dans le péritoine 1 c. c. d’extrait d’opium au 1/10, s’endort déjà au bout de 2-3 minutes d’un sommeil profond et reste indifférent à toute excitation extérieure. Mais il suffit d’injecter à un tel cobaye, dans le cerveau, 1/4 c. c. de sérum pour le voir, une minute après, pris de sou- bresauts convulsifs; la respiration s’accélère, puis, les inspira- tions se font de plus en plus profondes, et l'issue devient fatale. Le tableau d’anaphylaxie est au complet, sauf la phase d’excitation qui manque ; au lieu de se livrer à une course affolée avant de tomber en collapsus, le cobaye endormi à l’opium fait son anaphylaxie sur place, tout en dormant. Le témoin, sensibilisé et narcotisé de la même façon, mais non soumis à l’épreuve intracérébrale, reste longtemps endormi, puis revient peu à peu à l’état normal. L'extrait d’opium, à l’encontre de l’éther, laisse donc l’hy- persensibilité des cobayes complètement intacte. * , CONCLUSIONS La substance du sérum dite toxique, celle qui tue le coÊaye sensibilisé, peut être attaquée par des moyens directs ou indi- rects. De tous les moyens directs qui sont d’ordre chimique, phy- sique ou biologique, seul l’emploi de températures élevées per- met d’atténuer ou de faire disparaître à peu près complètement l’effet toxique du sérum. COMMENT PEUT-ON COMBATTRE L’ANAPHYLAXIE 959 Cet effet toxique décroît d’une manière progressive avec la température; très amoindri à 70°, il devient nul à 100°. Cette échelle de toxicité est aussi celle du pouvoir vaccinant ; ces deux propriétés marchent de pair et dans le même sens: encore très marqué dans le sérum chauffé à 76°, 5, le pouvoir vaccinant s’affaiblit avec la température : il est réduit au minimun dans le sérum chauffé a 100°. Le chauffage répété de sérum à 60°peut diminuer sa toxicité de quatre ou cinq fois. Le chauffage à 56°, répété quatre jours de suite, pendant une heure, est même susceptible de diminuer la toxicité du sérum de trois fois. Les moyens indirects consistent dans l’emploi du sérum à titre préventif, soit pendant la période préanaphylactique, soit en pleine période d’hypersensibilité. Les accidents anaphylactiques peuvent être enrayés par la narcose à l’éther : l’animal se réveille vacciné. Par contre, ni le chlorhydrate de morphine, ni l’extrait d’opium ne niellent le cobaye sensibilise à l’abri des accidents anaphylactiques. Lésions de l'intestin grêle du porc produites par t'Echinorynque géant. Nouvelle contribution à l’étude du rôle des Helminthes dans l’étiologie des maladies infectieuses. Pau MM. WEINBERG et ROMANOVITClt (avec la planche XXII) (Travail du laboratoire de M. Metchnikofif.) Dans un mémoire précédent, l’un de nous 1 a exposé une série défaits, observés par lui chez l’homme et les animaux, montrant que les Helminthes peuvent jouer un rôle important dans Pétio- logie des maladies infectieuses, soit en inoculant des agents pathogènes, soit, en favorisant leur pénétration dans la paroi intestinale de leur hôte. Bien que les observations relatées dans ce travail nous paraissent de nature à entraîner la conviction du lecteur, nous ne croyons pas inutile de publier d’autres faits précis montrant le bien fondé des idées qui y sont défendues et qui ont été inspirées à l’un de nous par notre maître M. Metchnikoff. Lors d’un séjour que nous fîmes cette année à Tunis, nous avons eu l’occasion, grâce à l’obligeance de M. Ducloux, directeur du service de l’élevage, et à celle de MM. les vétérinaires Thuilier et Henry, d’examiner un grand nombre d’animaux à l'abattoir de cette ville. Nous avons pu ainsi récolter un certain nombre de docu- ments intéressants en ce qui concerne les lésions produites par les Helminthes qu’on rencontre dans ce pays. Nous voulons consigner dans cette note quelques obser- vations recueillies par nous, à l’abatage des porcs, et qui apportent un argument précieux en faveur de la thèse de l'ino- culation des microbes par les vers intestinaux. Il s’agit des lésions causées par l’Echinorynque géant. (Gigantorhynchus gigas Gœze). « Ce dernier se présente sous forme d’un corps blanc laiteux, parfois nuancé de bleu ou de brun, cylindroïde. souvent renflé en divers points de sa longueur, montrant après la mort des rides transversales irrégulières » (Railliet). 1. M. Weinberg, Du rôle des Helminthes, des larves d’Helminthes et de s larves d’insectes dans la transmission des microbes pathogènes, Annales de l’ Institut Pasteur, juin et juillet 1907. LÉSIONS DE L’INTESTIN PAR L’ÉClllNORYNQUE GÉANT 961 Il possède une trompe rétractile munie de 5 ou 6 rangées de crochets recourbés en arrière. On peut parfaitement s’en rendre compte en passant la pulpe du doigt sur la trompe des individus de grande dimension. On sent alors très bien le picotement d’une surface hérissée d’épines. On distingue très facilement le mâle de la femelle, qui est' beaucoup plus longue et peut atteindre jusqu a 30-35 centimètres, le mâle ne dépassant guère 10 centimètres. On comprend aisément qu’un parasite intestinal de cette taille et possédant un nombre aussi considérable de crochets* puissants, doiventoccasionner des lésions importantes de laparoi intestinale sur laquelle il se fixe, parfois si solidement, qu’il faut exercer une traction énergique pour l’en détacher. On a écrit fort peu de choses sur les lésions déterminées par ce parasite. On trouve cependant quelques indications dans les articles de Kocoureck, Hurtrel d’Arboval, etc. Ces auteurs ont bien remarqué que l’Ecbinorynque géant est capable de perforer la paroi intestinale du porc et de passer dans la cavité abdomi- nale. On a constaté aussi quelquefois des lésions péritonéales el des adhérences intestinales; mais on n’a encore étudié ni l’étio- logie ni la filiation des lésions observées. L’examen des pièces rapportées par nous de l’abattoir de Tunis nous permet de combler en partie cette lacune. Nos recherches portent sur l’intestin de cinq porcs, chez lesquels nous avons trouvé un nombre considérable d’Echino- rynques géants. Ces parasites étaient fixés presque tous sur la paroi de la première portion de l’intestin grêle. Les 4 figures que nous joignons à notre note permettront au lecteur de se rendre compte de la façon dont se fixe ce parasite et de l’aspect de quelques-unes des lésions causées par lui. La figure 1 montre que les Ecbinorynques peuvent se fixer parfois si rapprochés et en si grand nombre qu’ils arrivent, par leur masse, à rétrécir considérablement le canal intestinal. Au point de fixation de leur rostre, la muqueuse forme un petit bour- relet saillant. On voit en b l’ulcération profonde produite par la fixation de cet animal. Quelquefois ce rebord est rouge, congestionné. Lorsqu’on examine la surface péritonéale de l’intestin grêle de ces porcs, on est frappé du grand nombre de petites nodosités. 61 962 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Fig . 1 (grandeur demi-nature). Eehinorynques géants fixés sur la paroi de l’intestin grêle du porc. Leur nombre était, dans ce cas, si grand que par leur J^asse ils rétrécissaient considérablement le canal intestinal. ^ ’On voit en a, a', des ulcérations profondes que laissent les parasites détachés. Ces ulcérations présentent un bourrelet saillant. Fig . 2 (grandeur nature), a, femelle d’Echinorynque ; b , b mâles. LÉSIONS DE L'INTESTIN PAR L’ÉCIIINORYNQUE GÉANT 963 saillantes dans la cavité pé- ritonéale, blanchâtres, bril- lantes et, ainsi que l’avait re- marqué Kocoureck, assez semblables à des perles. Tous ces nodules corres- pondent bien aux points de fixation des Helminthes sur la paroi intestinale. La plupart d'entre eux sont situés du côté du bord de l’intestin; quelques-uns cependant font saillie contre le bourrelet graisseux du mé- sentère. D’autres se trouvent même dans son épaisseur. Nous n’avons pas eu l’occa- sion de constater de perfora- tion intestinale due à l’in- tervention de l’Echinorynque. L’étude histologique de nos pièces montre que l’E- chinorynque ne produit pas toujours de véritables lésions inflammatoires au point de sa fixation sur la paroi intes- tinale. Nous voyons en effet que, dans l’observation se rappor- tant à la figure 4, on constate une perte de substance due uniquement à l’action méca- nique du parasite. Ce dernier, en enfonçant sa trompe dans la paroi de l’intestin grêle, détruit d’abord la muqueuse et pénètre en- suite dans la sous-muqueuse qu’il lèse en général dans Fig. 3 (grandeur nature). Surface périto- néale d’une portion de l’intestin grêle su lesquels sont fixés des Echinorynque géants. En a, a', nodosités perlées corres pondant aux points de fixation des parasites. b, un noduie faisant saillie à travers le bourrelet graisseux du mésentère. 964 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR toute son épaisseur. Il entame parfois la couche musculaire interne. Dans quelques-unes de nos préparations on peut même voir que ce parasite est capable de détruire la couche musculaire interne dans toute son épaisseur, exclusivement parla pression qu’il exerce et l’action de ses crochets, sans produire autour de lui la moindre infiltration inflammatoire. Lorsqu’on examine à un plus fort grossissement les coupes comprenant à la fois la tête du parasite et la paroi intestinale, on constate que la sous-muqueuse est tassée au voisinage de l’Echi- norvnque. Il en est de même pour les cellules musculaires, lorsque la couche musculaire interne est comprimée par le parasite. On trouve parfois dans ces coupes, de chaque côté de la tête du ver, une légère agglomération cellulaire qu’on pourrait prendre pour une infiltration. Cette infiltration n’est qu’appa- rente et ne représente que les vestiges de la muqueuse refoulée et comprimée par la partie latérale du rostre. Ce dernier, en s’enfonçant dans l’épaisseur de la paroi intestinale, refoule latéralement la muqueuse et la sous-muqueuse qui se plissent et forment le bourrelet dont nous avons constaté la présence à l’examen microscopique. La muqueuse de l’intestin grêle présente au voisinage de l'Echinorynque une infiltration régulière, dans laquelle on reconnaît surtout des cellules éosinophiles. Cette infiltration par les cellules éosinophiles se retrouve dans toutes nos coupes, que la fixation de l’Helminthe s’accompagne ou non de lésions inflammatoires. Tantôt elle est nettement limitée à la muqueuse, sans qu’on puisse trouver ailleurs des cellules éosinophiles; tantôt on peut voir un certain nombre de ces cellules dans d’autres couches et surtout dans la couche sous-péritonéale. Les constatations que nous venons de faire nous permettent d’affirmer que l’Echinorynque géant peut se fixer sur la muqueuse intestinale du porc sans faire d’autres lésions que celles pro- duites par un simple traumatisme aseptique. Il n’en est pas toujours ainsi. Nous avons, en effet, pratiqué une série d’examens bactériologiques du contenu des nodules trouvés aux points de filtration des Echinorynques. Pour cela, nous avons fait des ensemencements après avoir LÉSIONS DE L’INTESTIN PAR L’ÉCHINORYNQUE GÉANT 965 cautérisé au fer rouge la surface péritonéale du nodule, dont nous puisions le contenu dans une pipette effilée. L’ensemen- cement a été fait en milieux glycosés pour aérobies et anaé- robies. Dans beaucoup de cas nous avons ainsi obtenu des cultures, «oit d’une seule espèce, soit de plusieurs espèces microbiennes. De plus, nous avons constaté plusieurs fois, sur des coupes histologiques, une infiltration inflammatoire intense au point de fixation de l’Echinorynque. Cette inflammation doit être mise sur le compte des microbes qu’on trouve dans ces endroits et qui ont été, nous semble-t-il, inoculés par les parasites. En effet, les coupes en série montrent bien que l’Echino- rynque ne s’est pas fixé sur une ulcération préalable de la muqueuse. Parmi les lésions produites par l’Echinorynque, il y en a une qui nous a surtout frappés et sur la description de laquelle nous allons nous arrêter un instant. Il s’agit des lésions d’entérite nécrosante infectieuse aiguë que nous avons trouvées au niveau des nodules inflammatoires saillants à la surface péritonéale, tels qu’ils sont représentés sur la figure 3. La planche jointe à ce travail représente exactement ces lésions. Lorsqu’on examine des coupes histologiques de la paroi intestinale passant au niveau de ces nodules, on constate que le rostre du parasite, enfoncé profondément dans la sous-mu- queuse, est entouré de toutes parts par une masse d’un rose brillant qui représente les tissus nécrosés. Le placard nécro- tique s’étend en s’élargissant vers la couche sous-péritonéale. Ainsi toute l’épaisseur de la paroi de l’intestin grêle est atteinte par le processus nécrosant à ce niveau. Cependant la région nécrosée présente à proximité de la tête de l’Echinorynque une teinte d’un rouge plus foncé que près de la région sous-périto- néale. Cette différence tient à l’action plus ou nioins intense du processus nécrosant dans ces deux régions. La partie du placard nécrosé qui se trouve au voisinage immédiat du parasite ne montre pas un seul élément permet- tant de reconnaître la sous-muqueuse ou les couches muscu- laires atteintes par cette lésion. On ne trouve à leur place, à un 966 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR fort grossissement, que de brillantes et fines granulations. Au contraire, vers la région sous-péritonéale et dans le mésentère, les cellules nécrosées ont encore conservé en partie leur aspect morphologique . Fig. 4. Cette figure montre une trompe d’Echinorynque fixée sur la paroi de l'intestin grêle du porc. Grossissement : 32 diamètres. On voit que le parasite, en enfonçant sa trompe, a détruit sur son passage la muqueuse et la sous-muqueuse et qu’il enfonce ses crochets antérieurs dans la couche musculaire interne. On ne voit pas d’infiltration inflammatoire autour de la trompe de l’Echinorynque. Cependant, la plupart d’entre elles ne montrent plus de noyau. La couche nécrosée est entourée, de chaque côté, par un vaste placard d’infiltration inflammatoire qui s’étend de la muqueuse vers la couche sous-péritonéale et vient se confondre avec l’infiltration du mésentère. Même à un faible grossisse- LÉSIONS DE L’INTESTIN PAR L’ÉCllINORYNQUE GÉANT 967 ment, on constate, à la périphérie de la zone inflammatoire, des traînées de cellules éosinophiles. On retrouve également ces cellules dans les couches musculaires du voisinage, A un fort grossissement, on y voit surtout des cellules mono- nucléaires mêlées à des cellules éosinophiles, dont le nombre croît à mesure qu’on s’éloigne du placard nécrosé. La plupart des capillaires que l’on trouve à ce niveau montrent les cellules endothéliales très tuméfiées. Il en est de même pour les vaisseaux lymphatiques. Sur les coupes colorées par la thionine, on constate la pré- sence d’un nombre considérable de microbes au niveau du pla- card nécrosé. Ces microbes se présentent sous forme de bâton- nets qui ne se colorent pas par la méthode de Gram. On retrouve les mêmes microbes sur la paroi du rostre de l’Echinorynque, ainsi que dans la zone d’infiltration péri- nécrotique où ils sont moins nombreux. Il nous paraît évident que l’entérite nécrosante que nous avons décrite est due à un bacille inoculé dans la paroi intesti- nale par la tête du parasite. On comprend alors le mécanisme de la perforation qui se produit dans les cas semblables. La paroi nécrosée cède à la poussée de l’Echinorynque qui enfonce toujours en avant sa partie rostrale. Il se fait une perforation à travers laquelle le parasite passe dans la cavité péritonéale. Dans les cas que nous avons étudiés, la perforation ne s’est pas produite parce que le placard nécrosé a été protégé par le mésentère qui n’a été atteint par le processus nécrosant que dans sa portion la plus interne. Ce fait a été constaté maintes fois par l’un de nous au cours de ses recherches sur l’appen- dicite nécrosante. Lorsque ce processus aigu détruit la paroi appendiculaire, le malade peut échapper à la perforation intes- tinale, quand la lésion en question siège du coté du méso- appendice. CONCLUSIONS 1. En se fixant sur la paroi intestinale du porc, PEchino- rynque géant peut détruire, par des moyens purement méca- nique, la muqueuse, la sous-muqueuse, et même la couche mus- laire interne, sans produire autour de lui la moindre lésion inflammatoire. 968 ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR La présence des cellules éosinophiles, qu’on trouve dissé- minées dans le chorion de la muqueuse au voisinage des Echi- . norynques fixés sur la paroi de l’intestin grêle, est tout à fait indépendante de la nature des lésions provoquées par les Hel- minthes en question. 2. Dans certains cas, ce parasite inocule, par son rostre, dans la paroi intestinale, des agents pathogènes qui déterminent soit une entérite infectieuse banale, soit une entérite nécrosante aiguë pouvant amener une perforation intestinale. 3. L’étude des lésions causées par l’Echinorynque géant apporte un nouveau et sérieux argument en faveur du rôle des Helminthes dans l’étiologie de certaines lésions infectieuses. Explication de la planche XXII. Fig. 1. Coupe histologique d’un nodule inflammatoire trouvé au point de fixation de l’Echinorynque géant sur l’intestin grêle du porc. Coloration par ITiématéine-éosine. Grossissement; 10 diamètres. a) Partie céphalique du parasite dont la trompe a traversé la muqueuse, la sous-muqueuse et les couches musculaires. Il s’est formé autour de la trompe un vaste placard de tissus nécrosés (b) qui s’étend jusque dans le mésentère. c) Zone d’infiltration inflammatoire autour du placard de nécrose. d) Un foyer nécrotique dans la partie profonde du mésentère. Fig. 2. Coupe histologique du même nodule coloré par, la thionine. à) représente la paroi de la trompe de l'Echinorynque géant tapissée par un nombre considérable de bacilles colorés en bleu par la thionine. b) Région nécrosée qui se trouve au voisinage immédiat du parasite. Cette région montre également beaucoup de mêmes microbes. c) Zone d’infiltration cellulaire péri-néerotique dans laquelle, au milieu des cellules mononucléaires, on trouve des microbes et des granulations nucléaires résultant de la désagrégation d’un certain nombre de leucocytes. les Trypanosomiases de la Haute-Côte d'ivoire, Note préliminaire. Par le G. BOUET M lecm-major des troupes coloniales, chargé de mission scientifique par le Gouvernement général de l’Afrique occidentale française. Dans une note precedente1, nous avons signalé l’existence •en Basse-Cote d’ivoire d’au moins une trypanosomiase animale, due à Trypanosoma dimorphon. Le virus provenant d’une vache infectée, envoyé en France, y a été reconnu comme ne diffé- rant pas du T. dimorphon type, tel qui existe actuellement dans des laboratoires *. Nous signalions également l’existence enzootique de T. Cazal- boui , trouvé chez un jeune veau qui n’avait pu avoir de contact avec des bœufs importés, d’origine soudanaise ou sénégalaise, bœufs fréquemments atteints de T. Cazalboui. Enfin nous avions constaté, chez le chien en Basse-Côte d’ivoire, l’existence d’un trypanosome qui se rapproche plus du type Togo-Nagana de Schilling que du type Pecaudi , que vient de décrire LaveranL Poursuivant nos recherches depuis cette époque, nous avons •successivement visité le Baoulé, région de savanes, se rappro- chant, botaniquement, sinon ethnographiquement, beaucoup de la zone soudanaise et qui, actuellement, est le trait d’union, par sa route principale, entrela Haute-Côte d’ivoire etla Basse-Côte ; puis la région de Kong, actuellement rattachée administrative- ment à la Côte d’ivoire, ce dernier territoire en réalité fait par- tie de l’ancien Soudan aujourd’hui démembré, et dont la colo- nie du Haut-Sénégal-Niger n’a conservé qu’une partie, abandon- 1. Ces Annales , juin 1907. 2. Morphologiquement et d'après son action pathogène pour la souris, ce virus du Dr Bouet nous a paru identique au dimorphon type (voir Laveran et Mesnil, Trypanosomes et Trypanosomiases, p. 209-212’). Toutes les formes manquaient de flagelle libre. Nous sommes persuadé que cette absence est un caractère constant du T. dimorphon sensu stricto. Il est de plus en plus probable que Dutton et To »n, en Gambie, ont observé chez le cheval plusieurs Trypan. distincts : ils n’ont sans doute ramené à Liverpool que l’espèce sans flagelle libre. — F. Mesnil. 3. Ces Annales , mai 1907. 970 ANNALES UE L-’INSTITUT PASTEUR nant certaines régions à la Guinée (Haute-Guinée) et à la Cote* d’ivoire. Il était donc naturel de penser qu’on y rencontrerait les- trypanosomiases qui régnent en Haute-Guinée comme celles du Haut-Sénégal-Niger. Dans l’état actuel de nos connaissances, il nous paraît impossible de dire si les trypanosomiases dues à T. dimorphon, T. Pecaudi et T. Cazalboui , trouvées dans la Haute-Cote d’ivoire, y sont enzootiques depuis longtemps ou si elles sont d’imporla- tion récente. Pour celle due à T. Cazalboui , nous pencherions pour cette dernière hypothèse. Pour les autres trypanosomiases, le problème nous semble loin d’ètre résolu. Quoi qu’il en soit, nous allons indiquer à grands traits les routes commerciales qui aboutissent à ces régions et servent à un très important et incessant trafic d’animaux domestiques. Nous avons dit dans notre première note quelles étaient les voies d’accès de la Haute-Côte d’ivoire à la Basse-Côte. Actuel- lement il n’y en a que deux: celle de Baoulé par Bouaké et Toumodi vers Tiassalé-Lahou ; puis celle de Bouna, Bon- doukou vers Aboisso -Assinie. Une troisième se formera avec le chemin de fer. Pour la Haute-Côte, le nombre des routes est de beaucoup plus considérable; les plus importantes sont parallèles aux méri- diens et viennent du nord; il y en a 5 ou 6. Quelques-unes viennent de la Guinée par l’ouest. Il n’en est aucune venant de l’est. Ce sont, au contraire, nos caravanes qui approvisionnent en- viande de boucherie et en chevaux la colonie anglaise voisine de Ja Gold-Coast par Bondoukou. Dans l’étude qu il a publiée sur les trypanosomiases de la Guinée française, le Dr G. Martin a montré que la Guinée, elle aussi, était tributaire des régions de la boucle du Niger en même temps que du fleuve Sénégal. En Haute-Côte d’ivoire, c’est surtout la boucle du Niger qui approvisionne le marché ; mais quelques animaux, surtout' des bœufs et des ânes, viennent parfois des régions gui- néennes (Foula-Djallon) , et surtout de la Haute-Guinée (Kankan, Siguiri). Egalement, des Maures de la région du Sahel apportent des. TRYPANOSOMIASES Dt LA HAUTE-COTE D’IVOIRE 971 bœufs, des moutons et des ânes jusqu’aux contins de la forètde la Côte d’ivoire. Un important commerce de noix de kola per- met, en effet, à ces traitants de remonter, chargés du précieux produit, dans les pays soudanais. Laveran, dans le travail que nous avons cité, faisait remarquer, d’après le vétérinaire Pierre, que la tr anshumance «lu bétail Soudan iis, due à la perception de l’impôt en nature, était une cause de dispersion des maladies à trypanosomes. Le libre trafic et la demande continuelle des régions pres- que dépourvues de bétail autochtone, comme la Basse-Côte d'ivoire ou jadis dépeuplées de leur cheptel par Samorv, comme la zone de Kong à Odienné et Touba, sont également des lac- teurs dont l’importance n’échappera pas et qu il semble difficile de supprimer ou même simplement d’atténuer. La prospérité de ces pays est faite, pour beaucoup, de ces échanges avec le Sou- dan : bœufs et chevaux à l’importation; noix de kola à l’ex- portation. De tout ce que nous venons d’exposer, il résulte que I on rencontre en Haute-Côte d’ivoire des animaux domestiques, — bœufs à bosse pour la boucherie ou le transport, bœufs sans bosse pour la reconstitution du cheptel, chevaux, ânes, moutons, — provenant des régions soudanaises, qui se mélangent aux troupeaux autochtones récemment reconstitués dans certaines parties par des apports semblables, plus anciennement dans d’autres. Rares encore actuellement sont les centres où l'on trouve des bœufs adultes nés sur place. Quant au Baoulé, qui a des troupeaux autochtones (bœufs, moutons, chèvres), nous avons déjà signalé le danger de l’im- portation du bétail soudanais dans cette région. Adoptant le plan que nous avons suivi dans notre précé- dente note, nous passerons successivement en revue les divers animaux domestiques que nous avons rencontrés. Cheval. — Jusqu’à Toumoudi (Baoulé), nous n’avions pas rencontré de chevaux. Le premier qu’il nous fut donné de voir venait des environs de Ségou (Haut-Niger) et se trouva être atteint de T. Pecaudi dont il mourut, du reste. A partir de ce point, il n’est pas une agglomération un peu importante qui ne possède quelques échantillons de la race chevaline. Nous avons examiné jusqu’ici 125 chevaux sur lesquels 35 ont présenté, à ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 972 l'examen pratiqué en général une seule fois, des trypanosomes. L’observation continue d’un cheval atteint de trypanosomiase nous a démontré que l’animal n’a pas chaque jour régulière- ment des hématozoaires dans le sang périphérique. Nous basant sur un symptôme constant, que nous considérons comme pres- que infaillible : l’autoagglutination des globules rouges et le plaquage du sang, nous sommes convaincu que 100 animaux sur 125 devaient être atteints de trypanosomes. Ce symptôme de Tautoagglutination est constant chez le cheval et l’àne. Nous pensons même que le type de l’agglutination diffère selon le try- panosome auquel on a affaire. C’est ainsi que, avec T. dimor- phon, la maladie, toujours d’assez longue durée, produit surtout le plaquage du sang; les globules sont tous agglutinés par îlots et presque impossibles à distinguer les uns des autres. Avec T. Pecaudi et surtout T. Cazalboui , qui sont avec le dimorphon, les trois trypanosomiases qu’il nous a été donné de rencontrer chez le cheval, l’agglutination est nette, les globu- les facilement distincts les uns des autres, toujours réunis par 6 ou 7 au plus, et le sang n’est en général pas plaqué. Toutes les fois qu’il nous a été donné de constater ce plaquage ou cette agglutination, sans trouver une première fois des trypanosomes dans le sang et qu’en même temps nous avons pu suivre l’ani- mal et pratiquer des examens répétés de son sang, nous avons toujours fini par déceler une trypanosomiase. Quelle est la proportion de chacune des trypanosomiases observées par nous chez le cheval? Le problème, pour être résolu, eut nécessité l’examen de lames colorées de tous les animaux contaminés, sans préjudice des inoculations à des animaux sensibles. Nous pensons qu’avec un peu d’habitude, les trois trypanosomes sont relativement faciles à distinguer sur des préparations colorées. Pour T. Cazalboui et T. Pecaudi , Laveran a indiqué les différences morphologiques très nettes qui les séparent. Entre T. Pecaudi et T. dimorphon , quand ce dernier se présente sous les formes en têtard, petites et trapues, sans flagelles libres, le diagnostic est facile. Quand, à côté de ses formes, on en trouve d’autres, à flagelle libre, comme Dutton et Todd en ont signalé en Gambie, il est probable qu’il y a double infection, et la différenciation devient plus délicate; ces cas sont d’ailleurs très rares. Probablement même parmi TRYPANOSOMIASES DE LA HAUTE-CÔTE D’IVOIRE 973 les trypanosomes vus jadis par Dutton et Todd, il y avait du T. Pecaudi. Sur nos 35 chevaux contaminés, nous avons coloré les hématozoaires de 12 d'entre eux : 3 avaient T. dimorphon (petites formes seules), 3 T. Cazalboui et 6 T. Pecaudi. Tous les che- vaux atteints de T. Pecaudi que nous avons pu suivre sont morts. Pour les autres trypanosomes, nos observations sont incomplètes ou inachevées. Nous croyons que, de toutes les trypanosomiases sévissant sur le cheval en Haute-Côte d’ivoire, c’est celle due à T. Pecaudi qui est la plus grave, celle dont la durée est la plus courte et dont la guérison est la plus rare, si même elle se produit. Une autre question se pose. Est-il cliniquement possible de distinguer les 3 trypanosomiases du cheval les unes des autres? La chose nous semble difficile surtout entre T. Cazalboui et T. dimorphon. Pour T. Pecaudi , la rapidité des accidents (qui sont, même pour un clinicien, identiques à celles des autres trypanosomiases) permet peut-être d’assurer un diagnostic cli- nique. En tous cas, les lésions à l’autopsie nous ont paru les mêmes qu’avec les deux autres trypanosomes : anémie généra- lisée et, partant, œdème; hypertrophie de la rate, souvent du foie, hypertrophie ganglionnaire généralisée, congestion ou anémie du rein, sérosité dans les cavités closes (plèvre, péri- toine, péricarde). D’ailleurs nous ne faisons ici qu’indiquer ce point particu- lier qui aura une importance considérable le jour ou l’on pourra traiter l’une ou l’autre de ces trypanosomiases. Avant d’en terminer avec le cheval, nous ajouterons que dans une même localité nous avons pu trouver les trois trypa- nosomiases chez des animaux habitant depuis plus de trois ans le lieu d’observation. Quant aux animaux nés et élevés dans le pays (il y en a. fort peu), ils ne nous ont pas paru plus réfractaires aux divers trypanosomes que ceux d’importation. Ane. — Le trafic incessant des régions soudanaises du nord avec les pays qui constituent la Haute-Côte d’ivoire et les régions limitrophes de la forêt où pousse le kolatier, amène 974 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR chaque année des milliers d’ànes. Peu ou pas d’élevage de ce solipède est pratiqué dans les pays que nous venons de traver- ser. Les voyages de plusieurs mois consécutifs qu’accomplissent ces animaux, et partant la possibilité d’infection par les glossi- nes à tous les passages des rivières ou des marigots, expliquent le fort déchet par trypanosomiases que subit l’àne en pays sou- danais. 11 est donc plus que tout autre le « réservoir à virus » pour les mouches sur les routes des caravanes. La proportion d animaux infectés est vraiment extraordinaire. Tous les ânes que nous avons rencontrés ont été examinés. Il n’y a donc pas eu recherche systématique des animaux paraissant malades. 160 ânes ont été vus depuis Toumodi, 86 étaient contaminés, plus de 1 sur 2. Les remarques faites à propos du cheval sont vraies pour l’âne. Les trois trypanosomes T. dimorphnn , T. Pecaudi et T. Cazalboui se rencontrent chez lui. Sur 15 ânes dont nous avons étudié le virus, 2 étaient porteurs de T. dimor- phon , associé chez l’un à T. Cazalboui, chez l’autre à T. Pecaudi , 6 de T. Pecaudi , 7 de T. Cazalboui. Rarement, pensons-nous, ces animaux résistent à leurs trypanosomiases. Des ânes appartenant à des Européens ont succombé malgré les soins dont ils étaient entourés. La même observation, du reste, s’applique aux chevaux. On se fait diffi- cilement une idée du nombre formidable de bêtes de somme qui meurent en ces pays. En deux ans, un caravanier nous a dit avoir perdu, les uns après les autres, 7 ânes sur 7. Boeufs. — Dans notre étude précédente, nous avons montré que c’était surtout T. dimorphon qui se rencontrait chez les bœufs autochtones de la Basse-Côte d’ivoire. Les animaux que nous avons depuis rencontrés, en dehors de la race Baoulé, qui est identique à celle de la forêt, venaient de la région du Haut-Niger ou de la Haute-Guinée, soit originellement, ou bien étaient nés, dans le pays, de bœufs jadis importés des mêmes régions. Tout d’abord il y a lieu de distinguer les bœufs dits à bosse, originaires soit du Macina, du Mossi ou encore de la région du Sahel (Maures). Cette race, à puissante ossature, est excessivement sensible au virus du T. Cazalboui. Est-ce parce que son principal pays TRYPANOSOMIASES DE LA HAUTE-CÔTE DTVOIKE 975 dUorigine, le Macina, est très contaminé ? Problème non encore résolu, mais il est bon de faire remarquer, de plus, que les >voyages en gros troupeaux auxquels on soumet ces animaux sont vraiment extraordinaires. Il y aplus de 1,000 kilomètres de Bandiagara (Macina) à Tiassalé (Baoulé) ; trois mois sont néces- saires pour effectuer le trajet, soit une moyenne de 15 kilomè- tres par jour. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de s’étonner de trouver un pourcentage élevé d’animaux contaminés. Entre Tiassalé et Bouaké, en deux mois et demi d’observa- tion, nous avons vu 115 bœufs à bosse du Macina, du Minianka (San) ou du Mossi : 49, à peu près la moitié, étaient contaminés œt porteurs de T. Cazalboui. Quelques exemplaires de bœufs de même race, mais venant de la région du Sahel, vus par nous •dans la suite de notre voyage et servant comme bœufs porteurs à des marchands de kola, étaient également atteints de T . Cazalboui et quelques-uns présentaient conjointement un piroplasme ayant les caractères morphologiques de Piroplastmà m titans (Theiler). Une autre race, rencontrée au cours de notre voyage dans pays baoulé, appartenait au type autochtone de la Basse-Côte •et nous la désignerons sous le nom de bœuf baoulé, simple variété de la race de la forêt. On en peut évaluer le nombre à plus de 6,000 individus. Ce sont des animaux très sauvages, d’aspect très beau, bien râblés, que les indigènes disent ne jamais être malades. Les quelques exemplaires (une vingtaine) qu’il nous fut donné de voir n’étaient pas porteurs de trypanosomes. Cepen- dant la race est sensible à T. Cazalboui expérimental, car une génisse que nous avons inoculée, est morte en 43 jours. Enfin l’arrière-pays, c’est-à-dire la Haute-Côte, renferme surtout des bœufs sans bosse, à longues cornes, au pelage fauve, répandus depuis leFouta-Djallon, qui est peut-être leur berceau d’origine, la Haute-Guinée, la région Bamako-Ségou. C’est le type que nous appellerons guinéen. Dans la boucle du Niger et de la Yolta, le pays Lobi, il existe une ou plusieurs variétés à cornes moins longues, à pelage varié, également sans bosse, plus petite que le type guinéen, mais comme ce dernier plus résistante aux divers trypanosomes. 976 ANNALES DE -L’INSTITUT PASTEUR Répandues dans la Haute-Côte d’ivoire, ces deux ou trois^ variétés sont celles qu’on trouve dans tous les villages, où les- indigènes ne sacrifient guère que ceux qui sont malades. Ce sont ces races qui sont en train de reconstituer le cheptel du pays, il est hors de conteste qu’elles paient un tribut bien moins élevé aux trypanosomiases que les bœufs à bosse. Sans entrer ici dans le détail, nous dirons seulement que le nombre total d’animaux de ces variétés sans bosse, vus par nous, dépasse actuellement 250. L’examen du sang de ces bœufs nous a permis de déceler 20 fois des trypanosomes. Quelques lames colorées et quelques inoculations à des ani- maux de laboratoire nous ont montré qu’on avait surtout à faire à T. Cazalboui , plus rarement à T. dimorphon et plus rare- ment encore à T. Pecaudi. Ajoutons que bon nombre de ces bovidés doivent guérir. Les indications tirées du phénomène d’auto-agglutination,. si précieuses chez le cheval et l’âne, ne nous paraissent pas avoir chez le bœuf, le mouton et la chèvre, la haute valeur que nous leur accordons chez les Equidés. L’auto-agglutination existe à peine. Le plaquage du sang se présente parfois et seulement à la période ultime de la maladie. Moutons. — En Haute-Côte comme en Basse-Côte, ces ani- maux sont rarement contaminés ou du moins l'examen de leur sang révèle rarement l’existence de trypanosomes. Les races rencontrées viennent originairement du Soudan, à l’exception de la race autochtone du Baoulé qui est la même que celle de la Basse-Côte. Cependant, déjà des moutons de race à grandes pattes du Soudan ont fait leur apparition sur les marchés baoulés de Tiassalé-Toumodi. A Bouaké, l’importation des diverses races est active, ainsi du reste que dans toute la Haute-Côte. Le mouton de race maure des bords du Sénégal ou du Sahel se rencontre parfois, en- particulier sur les marchés à kolas. La race baoulé nous a donné, sur 53 examens, 2 cas de- contagion. La race d’origine soudanaise, de petite taille, née sur place ou importée, nous a fourni, pour un total de 163 examens^ 7 cas dus à T. Cazalboui. TRYPANOSOMIASES DE LA HAUTE-COTE D’IVOIRE 97T La race maure à grandes pattes, provenant du Sahel en général, examinée un ou deux jours après son arrivée, nous a fourni, sur 52 animaux, 5 cas imputables à T . dirnorphon (petites formes seules). Jusqu’ici nous n'avons pas rencontré T. Pecaudi chez le mouton. Chèvres. — Déjà rares chez le mouton, les trypanosomiases se présentent plus rarement encore chez la chèvre. En Basse- Côte, nous n’avions trouvé qu’une seule fois T. dirnorphon chez cet animal. En Haute-Côte, sur 123 chèvres soumises à notre examen, une seule fois nous avons pu déceler la présence d’un trypanosome, T. Cazaïhoui , vérifié du reste expérimentalement. Porcs. — En pays musulman comme la Haute-Côte, il n’y a pas de porcs, sauf dans les centres où ils sont une ressource pour les Européens qui les y ont d’ailleurs importés. Nous avons déjà signalé l’existence de T. dirnorphon (petites formes seules) chez le porc de la Basse-Côte d’ivoire. A Bouaké, les nombreux porcs qu’on y trouve viennent originairement de la Basse-Côte. Ceux que nous avons examinés étaient nés sur place et n’avaient jamais quitté cette localité. Sur 20, 4 avaient des trypanosomes. Le seul d’entre eux, un jeune porcelet, que nous ayons suivi expérimentalement, renfermait* T. Pecaudi, affection dont il a guéri du reste. Un porc neuf inoculé avec 10 c. c. de son sang ne s’est pas infecté. Nous n’avons pu nous rendre compte si le porcelet avait l’immunité, car il est mort accidentellement au moment où nous pensions l’inoculer à nouveau avec T. Pecaudi . Quoi qu’il en soit, les porcs sont excessivement résistants et ils ne meurent pas, sauf accidentellement. Nous sommes même amené à penser qu’ils jouent, vis-à-vis des animaux domestiques, le rôle de « réservoir à virus », dévolu surtout au: gros gibier dans l’Afrique du Sud. Le porc n’est pas sensible à T. Cazaïhoui. 10 c.c. de sangy renfermant de très nombreux trypanosomes, ne l’infectent pas*. Nons avons renouvelé plusieurs fois cette expérience. Chiens. — Depuis Toumodi (Baoulé), le nombre de chiens examinés dans tous les centres et villages importants s’élève à plus de 100 parmi lesquels 6 ont été trouvés porteurs de try- 62 978 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR panosomes. Autant le chien sédentaire de l’indigène nous a paru assez peu fréquemment atteint, autant le chien d’origine indi- gène et surtout ceux qui sont métissés, appartenant à des Euro- péens qui se déplacent fréquemment, sont sensibles au virus. Les trypanosomes dont étaient porteurs 5 des chiens suivis expérimentalement appartenaient à deux types différents, peut-être à trois : T. dimorphon (à petites formes seules) et T . Pecaudi. Neus avons mentionné en Basse-Côte un trypano- some se rapprochant du type Togo-Nagana. Nous l’avons peut- être retrouvé à nouveau depuis. T. Pecaudi cause rapi- dement la mort de l’animal qui en est atteint. Chez un jeune chien, nous l’avons vu évoluer en moins de 10 jours. Malgré le nombre très élevé de mammifères sauvages de toutes sortes qu’il nous a été donné d’examiner, nous n’avons pas rencontré de trypanosomes à l’examen du sang, sauf chez un Muridé : Arvicanthus barbarus pulchellus , espèce très voisine de A. pumilio , chez laquelle Dutton et Todd ont signalé T. Lewisi. Notre rongeur était porteur du même Lewisi ou d’une espèce voisine. Recherches expérimentales. Transmissions de T. Cazalboui par Glossina palpalis Le cadre de cette note ne nous permet pas de rapporter ici les diverses recherches expérimentales auxquelles nous nous sommes livré avec nos trois trypanosomiases. Elles ne font du reste que corroborer les résultats magistralement exposés par Laveran ( op . cit.). Nous signalerons quelques points seulement qui nous paraissent devoir être mis en lumière actuellement. T. Cazalroui. — Dans l’inoculation expérimentale de cette maladie, nous avons toujours constaté, chez le rat tout au moins, que l’inoculation de 4 à 5 c. c. et même moins d’un sang renfermant de nombreux trypanosomes, produisait, après une incubation variant de 5 à 8 jours, l’apparition de très rares trypanosomes dans le sang du rongeur ; que cfcs trypanosomes se montraient deux ou trois jours pour disparaître ensuite d’une façon définitive. Une réinoculation de 3 à 4 c. c. de sang virulent ne reproduisait pas l'apparition de trypanosomes. Ces faits ne se sont jamais produits avec l’inoculation du virus au singe, au chien, au porc, que nous avons souvent pratiquée pour établir le diagnostic différentiel de cette maladie. TRYPANOSOMIASES DE LA HAUTE-COTE D’IVOIRE 979 D’ prèsLaveran, l’examen histologique du sang des bovidés, «ovidés ou caprins, atteints de T . Cazalboui , est toujours négatif. Nos expériences, par contre, nous ont montré que les trypano- somes chez la chèvre et le mouton se montraient par poussées de 2 à 4 jours pour disparaître pendant 5 à 6 jours, affectant une sorte de périodicité. La durée de la maladie chez la chèvre, toujours mortelle, a été de 2 mois à 2 mois et demi et l'incuba- tion de 8 à 10 jours, quelquefois plus. Il était intéressant de rechercher si les stomoxes seuls étaient susceptibles de convoyer T . Cazalboui. L’expérience de Bouffard, irrécusable au point de vue expérimental, laisse cependant un point dans l’ombre. Il ne nous dit pas s’il y a multiplication des flagellés dans le tube digestif des stomoxes, puis inoculation de ces flagellés de culture 12 ou 24 heures après la piqûre initiale. Les stomoxes sont peut-être seulement des transmetteurs directs. Quoi qu’il en soit et n’ayant pas poussé nos investi- gations de ce côté, nous avons pensé à renouveler avec T. Cazal- bôui nos expériences faites avec T. dimorphon. Comme, dans les pays que nous avons traversés, les tsétsés sont excesivement communes, comme les stomoxes du reste, il était naturel d’expérimenteravec les glossines, malgré l’opinion de Cazalbou que les tsétsés devaient être mises hors de cause dans la propagation Je T. Cazalboui. Deux expériences sur deux ont pleinement réussi. En voici le résumé : EXPÉRIENCE I. Un cabri est inoculé avec le sang d’une chèvre à infection à T. Cazalboui {contrôlé par inoculation aux singe, chien et porc) et contracte la maladie. Trois mouches (Glossina palpalis), provenant d’un lot de 10 (les 7 restantes, examinées, n’avaient pas de trypanosomes « sauvages » ), sont mises à piquer le cabri malade et dont le sang renferme des trypanosomes. Elles ne sont ensuite portées qu’après intervalles de 24 heures ou plus sur un très jeune cabri, neuf, âgé de 8 à 40 jours et dont le sang ne renferme pas de trypa- nosomes, pas plus que le sang de sa mère du reste (examiné pendant les 8 à 10 jours qui précèdent l’opération). D’après nos notes, les trypanosomes du cabri malade ont été assez nombreux ou non rares au moment de la piqûre des mouches. Le 29 juillet, 3 mouches piquent le cabri contaminé. Le 30, 1 mouche est morte ; elle est examinée, mais tardivement et ne présente pas de trypanosomes dans la trompe et le tube digestif; les 2 autres piquent le cabri neuf. (24 heures se sont écoulées depuis les piqûres de la veille.) 980 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK Le 31 juillet, les 2 mouches sontremises sur le cabri contaminé et piquent. Le 1er août, les 2 mouches piquent le cabri neuf (24 h.). Le 2 août, les 2 mouches piquent le cabri contaminé. Le 3 août, les mouches piquent le cabri neuf (24 h.). Les 4 et 5 août, les mouches ne sont pas mises à piquer. Le 6 août, les 2 mouches piquent le cabri contaminé. Le 7 août, les mouches ne sont pas mises à piquer. Le 8 août, les 2 mouches piquent le cabri contaminé. Le 9 août, les 2 mouches piquent le cabri neuf (21 h.). Les 10, 11 et 12 août, les mouches ne piquent pas. Le 13, les deux mouches piquent le cabri contaminé. Le 14 août, les 2 mouches piquent le cabri neuf (24 h.). Les 13, 16, 17, 18 août, les mouches ne piquent pas; elles meurent sans sans être examinées. Le 19 août, le cabri, qui a été examiné tous les jours, renferme des trypa- nosomes dans son sang, soit 19 jours après la première piqûre. L’examen en lames colorées montre qu’on a affaire à T. Cazalboui, morphologique- ment facile à reconnaître. Le cabri, suivi chaque jour, présente des trypanosomes presque tous les jours jusqu’au 30 août, date de sa mort. Pendant toute la durée de l’expérience, le cabri a été tenu dans une cage grillagée. EXPÉRIENCE II. Les mêmes précautions pour le cabri neuf sont prises. — Le virus provient de 2 sources : le cabri inoculé de l’expérience précédente et le jeune cabrr qui a contracté la maladie par des piqûres de mouches. — Les mouches sont mises tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre, suivant le nombre des trypanosomes du sang virulent. Les trypanosomes, dans le sang des animaux contaminés, ont été très nombreux, nombreux ou rares au moment de la piqûre des mouches. Les mouches ont été nourries pendant 3 jours sur un cynocéphale sphinx, avant le début de l’expérience. Le 49 août, 4 mouches piquent les chèvres malades. Le 20 août, 2 des mouches piquent le cabri neuf (intervalle 42 h.). Le 21 août, 2 mouches piquent les chèvres contaminées. Le 22 août, 2 mouches piquent le cabri neuf (42 h.). Le 23 août, 3 mouches piquent les chèvres contaminées. Le 24 août, 1 mouche pique le cabri neuf (24 h.), 1 (28 h.). Le 23 août, 4 mouche pique les chèvres contaminées. Le 26 août, 4 mouche (la précédente) pique le cabri neuf (28 h.). Le 26 août, également 4 mouche (ancienne) et 4 neuve (depuis 40 jours nourrie sur Cynocephalus sphinx ) piquent un cabri contaminé. Le 27 août, les 2 mouches, mises sur le cabri contaminé la veille, piquent le cabri neuf (30 h.). Le 28 août, 2 mouches piquent un cabri contaminé. TRYPANOSOMIASES DE LA HAUTE-COTE D’IVOIRE 981 Le 29 août, les 2 mouches piquent le cabri neuf (24 h.). Le 30 août, 3 mouches piquent un cabri contaminé. Le 31 août, 2 des mouches piquent le cabri neuf (24 h.), la troisième mouche (38 h.). Le 1er septembre, l’une des mouches est morte. Son intestin renferme d’assez nombreux trypanosomes très vivants, à flagelle très net, à corps épaissi, ramassé, à mouvements encore rapides; l’étude sera faite ultérieure- ment. — Les autres mouches ne sont pas mises à piquer. Le 2 septembre, 2 mouches piquent un cabri contaminé. Le 3 septembre, elles piquent le cabri neuf (24 h.). Le 4 septembre, les 2 mouches piquent le cabri contaminé. Le 5 septembre, elles piquent le cabri neuf (24 h.). Le 6 septembre, apparition des trypanosomes dans le sang du cabri neuf. Ce sont des T. Cazalboui. 18 jours se sont écoulés depuis la première piqûre. Actuellement le cabri est encore vivant et montre des trypanosomes dans son sang. Nous ne parlerons pas de T . Pecaudi. Nos études en cours ne sont pas achevées sur ce trypanosome. Quant au T. dimorphon , nous poursuivons également quel- ques recherches sur ce trypanosome qui feront l’objet d’une note ultérieure. Quelques mots sur nos essais de thérapeutique Nous avons essayé systématiquement sur T. dimorphon , natu- rel ou expérimental, les couleurs bleues Cl et Ph de Mesnil- Nicolle et le trypanroth d’Ehrlich (marque Grübler), puis l’atoxyl. Sauf le trypanroth dans l’infection naturelle chez le cheval et chez le chien, les autres couleurs n’ont même pas fait dispa- raître les trypanosomes le jour de l’injection, de même l’atoxyl à la dose de 0,30 centigrammes (les doses étaient probablement trop faibles). Avec le trypanroth, voici nos expériences : Un cheval (le nôtre) s’infecte naturellement, et du 16 juin au 2 juillet montre des trypanosomes assez rares qui, inoculés au rat, l’infectent. Le 2 juillet, on injecte au cheval 50 centigrammes de trypanroth dans 50 c. c. d’eau. Le 3 on ne trouve pas de trypanosomes, le 5, le 8, pas de trypano- somes, le sang est toujours plaqué et l’agglutination très marquée; le 13, l’agglutination a diminué, plus de plaquage; le 22, elle est de moins en moins marquée et toujours pas de trypanosomes. Le 29. il n’y a plus d’agglutination, les globules sont bien ronds et non déformés. I/animal est en bel état, il 1. Ce qui est conforme aux résultats de Wenyon sur l’infection à dimorphon 'des souris. Nous nous proposons d’expérimenter avec la couleur a de Mesnil-Nicolle •que Wenyon a reconnue être la meilleure pour cette infection des souris. 982 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR est plus vif et ne baisse pas la tète. Il n’a plus de fièvre. Depuis cette époque, des examens fréquents ne nous ont pas montré de trypanosomes. Un chien a été traité dans les mêmes conditions. Le premier jour, nous lui injectons 20 centigrammes d’atoxyl qui ne font pas disparaître les try- panosomes vus le lendemain à l’examen. Nous injectons alors 30 centi- grammes de trypanroth (solution à 1/40). La température, qui le matin était à 38, tombe à 37<\7, et le lendemain à 37°. Il n’y a plus de trypanosomes ni de fièvre jusqu’au 9 au soir où nous apercevons un parasite. dans toute la lame microscopique. Malheureusement depuis le début de sa maladie, le chien a refusé toute nourriture et nos essais pour le nourrir artificiellement sont vains. L’animal, d’origine européenne, succombe. Mouches piquantes. Maladie du sommeil Pour terminer, nous dirons quelques mots des mouches piquantes rencontrées depuis Toumodi jusqu’à Kong. Nous avons signalé déjà la présence à Toumodi de Glossina mor si- tans. On y trouve aussi G. palpalis et G. fusca. A Bouaké : G. palpalis et fusca. Aux environs de Mankono, le long d’un affluent du Bandama, le Béré, nous avons rencontré pour la première fois G. tachinoides. Les centres Séguéla, Touba, Odienné, Koroko, Tombougou, présentent G. palpalis , morsitans , tachi- noides. Nous n’avons pas revu G. pallicera. Nos Stomoxes et nos Tabanides sont à l’étude. Ces derniers sont moins fréquents qu’en Basse-Côte; mais les Hœmatopota sont communs en hivernage. Après des recherches nombreuses, facilitées grandement par l’Administration, nous avons fini par trouver des cas de mala- die du sommeil dans le haut Baoulé à Bouaké (inoculation posi- tive au singe). Puis successivement un cas (peut-être deux) à Marabadiassa; à Touba, deux cas; à Koro, un et peut-être deux cas; à Odienné, un cas (trypanosomes à l’examen du sang). A Koroko, 7 à 8 indigènes sont actuellement l’objet de nos recher- ches. Nous y reviendrons dans une étude d’ensemble. Il nous paraissait nécessaire de signaler ici l’existence de la trypano- somiase humaine en Haute-Côte dTvoire. Koroko, le 20 septembre 1907. Contribution à l'étude des Opsonines Par J. -G. SLEESWIJK (LEYDE). (Travail du laboratoire de M. Metchnikofï.) Les recherches de Metchnikofï et de son école ont mis en évidence l’importance de la phagocytose dans l’immunité naturelle et acquise. Or, la phagocytose, étudiée comme phé- nomène général dans la pathologie comparée, est un processus très compliqué. Son analyse, comme celle de tous les phéno- mènes biologiques, soulève beaucoup de difficultés, parce qu’on a affaire ici à trois facteurs variables dans leurs qualités : le phagocyte, la bactérie (resp. un autre corps étranger) et le milieu, qui réagissent l’un sur l’autre. Depuis que Wright c. s. a démontré que le sérum frais prépare les bactéries à être phagocytées, grâce à des substances spécifiques auxquelles il a donné le nom d’ « opsonines », les phénomènes de la phagocytose semblent être étudiés d’une façon encore plus précise qu’auparavant. Je sais qu’il y a des bactériologistes qui doutent de l’exis- tence réelle des opsonines. Ceux-ci pensent qu’il n’est pas nécessaire d’attribuer Je pouvoir dit opsonique à des substances nouvelles et inconnues jusqu’ici, mais que les prétendues opsonines sont identiques aux sensibilisatrices, ou au moins qu’elles représentent une qualité spéciale de ces substances. Je ne veux pas ici faire de théorie, mais me borner à publier quelques faits; je veux seulement montrer qu’on peut très bien travailler avei: la conception du pouvoir opsonique, que l’introduction des opsonines dans l’étude de l’immunité a donné jusqu’ici de bons résultats, et éclairci nos conceptions sur le processus de la phagocytose. C’est pourquoi, dans les lignes suivantes, j’emploierai le terme d’opsonines. Etant donnée l’avidité des phagocytes de la grenouille pour les bacilles du charbon, je me suis posé la question suivante : y a-t-il une substance intervenant dans l’action des globules blancs sur les bactéridies, et, dans ce cas, cette substance est- elle contenue dans le sérum? Tout d’abord je remarquai qu’on peut priver les leucocytes 984 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIt de grenouille de leur pouvoir phagocytaire par le lavage par centrifugation, soit avec l’eau physiologique ordinaire, soit avec l’humeur aqueuse de bœuf. Les expériences sont faites in vitro , au moyen de gouttes pendantes. J’ai rencontré assez de difficultés pour avoir une quantité de globules blancs suffisante pour ces expériences. Dans la méthode de Wright, on opère sur des globules blancs contenus dans le sang. Je me suis servi d’exsudats de façon à éviter la présence des globules rouges et à me procurer un grand nombre de globules blancs. Le suc du sac lymphatique ne renfermant pas assez de leucocytes, j’ai obtenu un exsudât riche et ne coagulant pas trop vite, en injectant, dans la cavité péritonéale de mes grenouilles, quelques centimètres cubes d’un mélange de parties égales de bouillon et d’eau physiologique. Après trois ou quatre heures, on retire l’exsudât au moyen d’une pipette à pointe très fine, qui ne fait presque pas de plaie à la paroi abdominale 1 , et on transporte le liquide dans un tube. Après séparation du caillot, l’exsudât est centrifugé, le liquide est retiré ; on ajoute de l’eau physiologique au dépôt, on mélange et on centrifuge à nouveau. On peut répéter plusieurs fois de suite les mêmes opérations. Un tel lavage, pratiqué deux fois pendant cinq minutes dans la centrifuge électrique, prive les leucocytes de grenouille de leur pouvoir phagocytaire envers les bactéries du charbon. La goutte pendante était composée d’une anse d’une émulsion de bactéridies dans du bouillon ou dans de l’eau physiologique, et d’une goutte d’une émulsion de leucocytes, avec ou sans addition d’une petite goutte de sérum. Dans toutes les expériences, j’ai préparé, pour le contrôle, une goutte pendante avec les bactéries et les mêmes leucocytes non lavés. Pour me rendre compte de l’influence du lavage sur les leucocytes d’un autre animal, je me suis servi des globules blancs contenus dans l’exsudât abdominal provoqué chez les cobayes par l’injection de certains produits stérilisés. Confor- mément aux résultats de M. Lohlein 2, j’ai trouvé que le lavage même cinq fois répété ne diminue pas sensiblement la voracité 4. Ainsi il n’est pas nécessaire de tuer la grenouille, et on peut se servir plu- sieurs fois des mêmes animaux, après un intervalle de quelques jours. 2. Ces Annales, 1905, n° 10, page 647. ÉTUDES DES OPSONINES 985 des phagocytes envers les bactéries charbonneuses. Je reviendrai plus loin sur cette différence et cette contradiction apparente entre les qualités des leucocytes lavés de grenouille et de cobaye. Quand on ajoute au mélange indifférent (leucocytes de gre- nouille lavés, bactéries, eau physiologique) une petite quantité de sérum de grenouille frais, les phagocytes sont réactivés, et •commencent tout de suite à englober les bactéries. Ces der- nières, uniformément répandues dans les préparations avec l’eau physiologique, sont agglutinées aussitôt par le sérum frais. A côté des phagocytes isolés en train d’englober des bactéries ou des filaments charbonneux, on voit des amas de bacilles au milieu desquels se trouvent des globules blancs en train d’englober des microbes. Ces préparations sont tout à fait semblables à celles qu’on obtient avec les leucocytes non lavés. L’addition du sérum frais au mélange indifférent provoque donc deux réactions distinctes : la phagocvtose et l’agglutina- tion. En langue bactériologique, ceci veut dire qu’il y a dans le sérum frais de grenouille une opsonine et une agglutinine pour les bactéries du charbon. Il reste maintenant à prouver expérimentalement que ces deux substances sont vraiment differentes l’une de l’autre, et à chercher si cette opsonine peut se fixer sur les bactéries, c’est-à-dire peut vraiment préparer les bactéries à être englobées et former ainsi le trait d’union entre les microbes et les pha- gocytes. Me guidant sur nos connaissances actuelles sur la thermola- bilité de ce genre de substances, j’ai chauffé à 55°-fi0° G., environ pendant une demi-heure, le sérum frais, et j’ai trouvé qu’il était alors privé de son pouvoir opsonique. En effet, l’ad- dition d’un tel sérum chauffé au mélange indifférent ne pro- voque pas la phagocytose ou détermine tout au plus une phago- cytose très faible. Ceci dépend du mode de chauffage : un court chauffage à une haute température a le même effet qu’un chauffage plus prolongé à une température plus basse, ce qui prouve qu’on a affaire à une destruction quantitative de la substance en question. Le chauffage à 55o-G0° ne prive pas le sérum de son pouvoir 986 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK agglutinât if : on trouve dans les gouttes pendantes les amas de bactéridies, mais les phagocytes y restent immobiles ou émet- tent tout au plus quelques pseudopodes, sans pourtant s’em- parer d’un seul microbe. L'agglutinine à son tour n’est détruite qu’à la température de 70°. Un sérum chauffé pendant une demi-heure à 70° est tout à fait indifférent et pour les microbes et pour les leuco- cytes ; quant à son action biologique, il se comporte comme de l’eau physiologique. En observant le rôle du sérum dans la phagocytose, et en attribuant ce rôle à une substance spéciale qui établit une rela tion entre le phagocyte et le microbe, on doit se demander si cette opsonine porte son action sur tous les deux également, ou bien si elle a une affinité spéciale pour un des deux. Pré- pare-t-elle le microbe ou bien stimule-t-elle le phagocyte? Pour étudier cette question, il est nécessaire de contrôler l’ac- tion du sérum sur chacun des facteurs séparément. 11 va sans- dire qu’en traitant les leucocytes, après le lavage, avec du sérum frais, on leur restitue justement ce que le lavage leur a ôté. Bien que, dans le phénomène de la phagocytose, le pha- gocyte joue à nos yeux le rôle actif, il est évident que le corps étranger par sa présence, c’est-à-dire par ses qualités phy- siques ou chimiques, doit attirer le phagocyte : il est le pri- mum movens de tout le processus. 11 était donc à prévoir qu’on pourrait, par le traitement au sérum frais, préparer le microbe pour l'englobement, tandis que, sans ce traitement, il reste indifférent pour le phagocyte lavé. Pour cela, j ’ai bien mélangé et puis centrifugé une émulsion de bactéridies avec du sérum frais; après cela, j’ai retiré le liquide à l’aide d’une pipette, puis ajouté au dépôt de l’eau physiologique, mélangé et centrifugé à nouveau. Après l’enlè- vement du liquide, les microbes, portés dans de l’eau physiolo- gique avec des leucocytes bien lavés, devenaient une proie* facile pour les phagocytes. Donc, par ce procédé, la fixation de l’opsonine sur le microbe est démontrée. J’ai fait des expériences comparatives, dans lesquelles j’ai remplacé les bacilles virulents du charbon par des bacilles du premier vaccin, des bacilles morts (une culture en bouillon portée à 100°) et par des grains de carmin. Ces trois sortes de- ÉTUDE DES OPSONINES 987 corpuscules sont englobés plus ou moins vite par les phago- cytes non lavés, mais la fixation de l’opsonine se fait sur le premier vaccin et même sur les bacilles morts, mais non sur la poudre de carmin. Je donne ici un extrait des protocoles de mes expériences, que M. le docteur Levaditi a bien voulu contrôler et vérifier : I. Leucocytes non lavés. Sérum. Bactéridies. 11. Leucocytes deux fois lavés. Bactéridies. Eau physiologique! III. Leucocytes deux fois lavés. Bactéridies. Sérum frais. IV. Leucocytes deux fois lavés. Bactéridies. Sérum chauffé à 58<> C. V. Leucocytes deux fois lavés. Bactéridies. Sérum chauffé à 70°. ! Agglutination. Phagocytose forte. \ Bactéries uniformément répandues, ( pas d’agglutination, phagocytose f nulle, leucocytes sans prolonge- ) ments protoplasmiques. ! Agglutination forte. Tous les leucocytes présents dans la préparation ont englobé des bac- téries. ) Agglutination. Leucocytes ronds, pas de phagocy- tose. Pas d’agglutination. Phagocytose nulle. La séparation de l’agglutinine et de l’opsonine par la tempé- ture est frappante (IV et V). VI. Leucocytes deux fois lavés. Bactéridies. Sérum frais, mélangé et centri- fugé d’avance avec des bacté- ridies. VII. Leucocytes deux fois lavés. Bactéridies mélangées et centri- i Gros amas de bactéridies, fugées d’avance avec le sérum f Agglutination forte, frais de VI, et lavées après cela Dans ces amas des leucocytes avec une fois avec de l’eau physio- i des prolongements amoéboïdes, logique. \ phagocytose manifeste. Eau physiologique. J Agglutination. Phagocytose assez forte. Des expériences VI et VII, il résulte que l’agglutinine aussi bien que l’opsonine se sont fixées sur les bactéries, et que la fixation a été partielle. La fixation étant quantitative, la quan- tité de bactéries n’était pas suffisante pour fixer toute la 988 ANNALES UE L’INSTITUT PaSTEUR substance du sérum de VI, de sorte qu’il en restait assez pour qu'il se produisît aussi dans VI agglutination et phagocytose. La différence entre II et VII est frappante. On pourrait encore faire l’objection que le leucocyte perd sa vitalité par des lésions produites par les lavages répétés, et que c’est pour cela qu’il ne peut pas englober les bactéries (II). La réponse se trouve dans III, où les leucoGytes ont subi le même traitement et sont ranimés par l’opsonine du sérum frais dont le lavage les avait privés, et deviennent aussi vifs que les leucocytes frais. Quant au pouvoir opsonique d’autres humeurs du corps, j’ai étudié encore la lymphe du sac lymphatique et l’exsudât péritonéal. Je les ai privés des globules blancs et d’autres cor- puscules parla centrifugation, et j’ai vu qu’ils peuvent ranimer les leucocytes lavés tout comme le sérum frais. Il est intéres- sant de constater que ces trois humeurs, le sérum, la lymphe et l’exsudât péritonéal, qui contiennent des globules blancs, présentent un pouvoir opsonique plus ou moins fort. Néanmoins, ce fait, à mon avis, ne nous donne pas encore le droit d’en con- clure que ce sont toujours les leucocytes seuls qui produisent l'opsonine. Car les leucocytes de grenouille, lavés et mis dans un milieu indifférent (eau physiologique) ne semblent pas pos- séder le pouvoir de produire d’eux-mêmes l’opsonine, car on peut attendre autant qu’on veut : malgré la présence de bacté- ries, la phagocytose ne se produit pas. Je veux revenir ici sur cette contradiction apparente que les leucocytes de cobaye, — animal très sensible au charbon, — après cinq lavages successifs et plus, englobent facilement les bactéridies, même à la température de la chambre, tandis que les leucocytes de grenouille — animal réfractaire au char- bon — n’englobent pas les bactéridies après un lavage deux fois répété. J’ai démontré déjà que chez les leucocytes de gre- nouille il n’y a pas d’affaiblissement par le lavage ; de l’autre côté, on a le droit de supposer qu’après lavage répété cinq fois et plus, les leucocytes de cobaye sont bien privés de l’opso- nine qui pourrait être attachée à leur surface. Si on voulait attribuei aux leucocytes le pouvoir de produire l'opsonine, on pourrait dire que les leucocytes lavés de cobaye produisent cette substance d’eux-mêmes (« phagocytose spontanée »), tandis ÉTUDE DES OPSONINES 989 que dans les préparations de leucocytes lavés de grenouille, le sérum ajouté exerce sur les leucocytes l’excitation nécessaire pour produire l’opsonine, ou bien que cette substance (d’une provenance inconnue) est contenue dans le sérum ajouté. J’ai trouvé d’ailleurs que le sérum de grenouille est toxique pour les globules blancs du cobaye et que le sérum du cobaye arrête les mouvements des leucocytes de la grenouille. Quand on veut se représenter la constitution et le mode d’action de l’opsonine en général, il me semble — aussi d’après mes propres recherches — qu’on peut très bien se servir du langage figuré de Ebrlich, et dire : L’opsonine est une substance à deux groupes ; l’un, le groupe bactériophile , doué d’une affi- nité spécifique, se fixe sur le microbe, et, par cette fixation même, l’autre, le groupe phagocytophile , est mis en action : le phagocyte est attiré et peut faire son œuvre. En dehors de toute théorie, les résultats de mes expériences me donnent le droit de formuler les conclusions suivantes : 1® Il y a dans le sérum de grenouille : a) Une substance qui prépare les bactéries du charbon pour la phagocytose par les phagocytes de grenouille; b ) Une substance qui fait agglutiner les bactéries du char- bon ; 2° La substance a (l’opsonine) est détruite par le chauffage à 5ti°. L’agglutinine b ne se détruit qu’à 70°; 3® L’opsonine agit sur les bactéries. Elle se fixe également sur les bacilles virulents, sur les bacilles du premier vaccin et les bacilles morts, mais pas sur un corps indifférent comme la poudre de carmin ; 4° La lymphe du sac lymphatique et l’exsudât péritonéal ont un pouvoir opsonique comme le sérum; b° On peut priver les phagocytes de grenouille de leur pou- voir phagocytaire en les lavant deux fois pendant cinq minutes, soit avec de l’eau physiologique ordinaire, soit avec l’humeur aqueuse de bœuf. Ils peuvent être ranimés par le sérum frais de grenouille, tandis que le sérum chauffé les laisse indifférents, Nota. De nouvelles recherches entreprises par moi au laboratoire de M. Bordet confirment les constatations de MM. Levaditi et Inmann et Neufeld et Hüne,. concernant l’identité de l’opsonine normale et du complément. 990 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR En terminant, j’ai le devoir bien agréable d’exprimer ma vive reconnaissance à M. le professeur Metchnikoff pour l’intérêt qu’il a porté à ce travail, et à M. le docteur Levaditijpour ses conseils techniques fort appréciés. INFLUENCE DU FERMENT LACTIQUE SUR LA FLORE DES EXCRÉMENTS DES SOURIS Par J. BELONOVSKY I Les bactéries qui ont servi à notre étude ont été obtenues pour la première fois par MM. Cohendy et Micbelson, au labo- ratoire de M. Metchnikoff, et M. Grigoroff, au laboratoire de M. Massol à Genève; elles ont été extraites d’une sorte spéciale de lait caillé en usage en Bulgarie et en Roumanie et connue sous le nom de « Yougourt » *. Ce qui les distingue des autres bactéries lactiques, c’est la grande quantité d'acide lactique qu’elles préparent aux dépens du sucre de lait : tandis que les microbes ordinaires ne four- nissent pas plus de 1 0/0 d’acide, les bactéries bulgares en donnent jusqu’à 3,23 0/0 % ce qui rend très aigre le lait coagulé sous leur action. De plus, ces bactéries ont peu d’action sur la -caséine et les matières grasses du lait et produisent une pro- portion insignifiante de substances secondaires (acide succrique, acide acétique, etc.) \ Par leurs caractères extérieurs et par leur distribution dans les cultures, ces bactéries rappellent de près le vibrion septique de Pasteur : mêmes bâtonnets minces et nettement coupés, se réunissant en filament de longueur moyenne. Sous leur action, le lait se coagule d’une façon régulière, sans exsudation de sérum. Si l’on ajoute au lait un peu de teinture de tournesol, ces bactéries le rendent d’abord uniformément rosé ; puis, lorsque la coagulation est achevée, sa couche supérieure, d’un demi- centimètre d’épaisseur à peu près, devient d’un rose éclatant , le reste de la masse étant d’un blanc jaunâtre. Avec le temps, la couche rose s’étend de plus en plus vers le bas; au bout de 1 mois 1/2 à 2 mois, le lait tout entier prend cette teinte. Si 1. La culture dont nous nous sommes servis nous était fournie directement par le Dr Gohendy. 2. M. Cohenoy, Description d’un ferment laetique, etc..., Comptes rendus de la Société de Biologie. 3. MM. Bertrand et Weisweiller, Ann. Inst. Pasteur, 1906, n° 11. 992 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR on l’expose à une lumière très vive, il blanchit de nouveau, de- bas en haut. Les milieux dépourvus de sucre ne permettent pas le déve- loppement de ces bactéries. Un bouillon de sucre à 2 0/0 ne peut donner lieu qu’à un développement très faible; le bouillon reste liquide et c’est seulement au fond de l’éprouvette qu’on voit se former un léger précipité. Les bactéries développées en bouillon sont un peu plus volumineuses, légèrement gonflées et moins nettement délimitées que dans le lait. Semées sur de l’agar sucré, elles se développent très mal : les colonies appa- raissent les 4e et 5e jour et ne mesurent pas plus d’un millimètre de diamètre; elles présentent un aspect très caractéristique ; des lignes sinueuses, serpentiformes rayonnant autour d’un centre. Ces bactéries se colorent très facilement par toutes les cou- leurs d’aniline, ainsi qu’en se servant de la méthode de Gram; quelques individus, probablement morts, restent incolores. Le lait dans lequel on a semé une culture se coagule, à la tempé- rature de 35 à 37°, au bout de 16 à 18 heures. Cette différence dans le temps de coagulation tient à deux causes : à l’état plus ou moins frais de la culture qui a servi à l’ensemencement et à la répétition plus ou moins fréquente des transplantations. Une culture vieille ou ayant été trop rarement transplantée coagule plus lentement. Si l’on a soin de transplanter les cultures tous les 3-4 jours, la coagulation complète a lieu au bout de 24 heures. La multiplication des bactéries s’arrête bientôt; après la coagulation, elles perdent peu à peu leur vitalité; ensemencées à nouveau elles ne peuvent plus provoquer la coagulation que- dans un délai plus long. Nos observations ont montré qu’à la température du laboratoire elles périssent complètement au bout de 19 jours. Le 18e jour il leur faut 6 jours pour faire coaguler le lait. Les bactéries chauffées à 55° pendant 2 heures ne coagulent le lait que très lentement; elles sont tuées par un chauffage de 4 heures à la même température. II Le professeur Metchnikoff nous a proposé d’étudier l’in- fluence de ces bactéries sur la flore intestinale des animaux en nous conseillant de prendre des souris comme objet de nos FERMENT LACTIQUE SUR LES EXCRÉMENTS DES SOURIS 993 observations, ces animaux devenant adultes, se reproduisant jeunes souris allaitées par leur mère; elles sont même plus nettes et se manifestent plutôt. Les bactéries du ferment qui se trouvent dans l'intestin de ces souris proviennent probablement de la cavité buccale ou des mamelles de la mère 1 ; peut-être aussi le lait de la mère subit-il quelques modifications. Jusqu’au 4e jour après la naissance, aucune différence n’existe entre la tlore des excréments des petits dont les mères ont absorbé le ferment et les petits animaux de contrôle. Mais à partir de ce moment, où, dans les conditions normales, le nombre- Une observation dans ce sens a été faite par le Dr Obrastzoff. Contribution à la question de Uextension des bactéries açidophiles. Thèse, St-Pétersbourg 1904, p. 131 .) ANNALES UE L'INSTITUT PASTEUK de bactéries commence à augmenter, une différence très nette s’établit : chez les petits des animaux à ferment ce nombre, au lieu d’augmenter, diminue au contraire; il reste peu considéra- ble jusqu’au moment où les jeunes souris commencent à se nourrir de graines, après quoi il augmente brusquement, avec prédominance de formes bacillaires prenant la coloration de Gram. Chez les souris âgées, toutes ces modifications dans la flore sont moins nettes et s’établissent beaucoup plus lentement. Avant d’aborder l’étude détaillée de ces modifications dans la flore des excréments, décrivons en quelques mots sa compo- sition normale, autant que nous avons pu l’établir à l’aide de cultures aérobies et anaérobies. La plupart des colonies développées dans les conditions décrites plus haut appartiennent aux bacilles intestinaux typi- ques ( B . colï) ; puis vient un bacille aérobie que nous avons isolé, et qui fournit, dans les cultures, des colonies grises deve- nant ensuite jaune pâle. C'est une bactérie qui liquéfie la géla- tine, ne coagule pas le lait et ne se colore pas par la méthode de Gram. Vient ensuite le Bac. Jadis aerogenes , quelques coccus et cocco-bacilles, puis des bactéries anaérobies facultatives. Ces dernières correspondent probablement aux bactéries acidophiles de Moro et au B. bifidus de Tissier. En tout, nous avons isolé dans les excréments des souris normales 15 espèces différentes de bactéries. Nous n’avons pu isoler ni les longues et grosses bac- téries, ni les bactéries sporifères, ni celles à extrémités poin- tues. Dans les excréments des souris ayant absorbé le ferment pendant un temps plus ou moins long, deux microbes prédo- minent : 1° un bacille, qui, après un séjour de 3 à 4 jours dans le thermostat, se révèle comme un anaérobie facultatif et forme de petites colonies (de 1 à 2 millimètres de diamètre) tantôt finement granulées, tantôt en forme de lentilles entourées d’une auréole de petites granulations. Ces bactéries se colorent par la méthode de Gram ; lorsqu’on les sème par piqûre, elles poussent d’abord comme anaérobies, ensuitë arrivent à la surface; dans un bouillon de sucre elles se développent faiblement, sous forme d’un léger trouble au fond de l’éprouvette ; elles ne coagulent pas le lait, mais modifient sa réaction. Elles sont acido-résis- FERMENT LACTIQUE SUR LES EXCRÉMENTS DES SOURIS 997 tantes; 2° un microbe qui, 24 heures après Fensemencement, forme des colonies punctiformes, amorphes par son aspect extérieur, il rappelle le B. colt, ne prend pas la coloration de Gram et ne provoque par de dégagement de gaz dans les milieux sucrés. On rencontre également le B. coli, mais il est peu nombreux; dans certaines cultures il nous a même été impossible de le trouver. Eu tout, les excréments des souris à ferment nous ont permis d’isoler 9 espèces différentes de microbes. Quant aux bactéries que nous n’avons pas réussi à isoler, on constate, sous le microscope, que, sans disparaître complète- ment, elles deviennent cependant moins nombreuses.. Les bac- téries sporifères et les spirochètes disparaissent. Il faut également noter une certaine augmentation de cel- lules ovales des levures se colorant par la méthode de Gram et fortement acido-résistantes. Ainsi , nous avons pu constater , dans la flore intestinale des souris ayant absorbe' du ferment, des modifications très considérables . Y Quelles étaient, maintenant, les modifications subies par la flore intestinale des souris pour lesquelles on mélangeait, aux graines qui leur servaient de nourriture, diverses autres subs- tances? Chez les souris ayant reçu pendant 7 mois une nourriture stérile (graines et eau), on n’a pu constater aucun changement notable ni dans la composition de la flore excrémentitielle, ni dans le nombre de ses microbes. De même, aucune modification n’est survenue chez les souris auxquelles on donnait du lait sté- rilisé. Nos recherches contredisent sous ce rapport celles de Zuckdorff1 et confirment pleinement celles de HammerP et de Ballner 3. La flore des souris ayant absorbé, avec leur nourriture, des Bac. prodigiosus n’a subi non plus aucune modification. Chez celles ayant reçu du Bac. pyocyaneus , on a constaté, pendant 5, fi semaines, une augmentation du nombre de microbes, sur- tout de ceux provoquant des dégagements de gaz; dans la suite, 1. Arch. /. Hygiene, 1886. 2. Zeitschr f. Biol., 1897, Bd. 17 (35), p. 355. 3. Ibid., 1904, Bd. 45, p. 399. 998 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cet effet s’effaçait et le retour à l'état normal s’effectuait. La llore des souris ayant absorbé du lait coagulé par l’acide lacti- que pris en quantité notée plus haut, ne montrait non plus aucune différence essentielle : au dixième mois de ce régime, on n’a pu constater qu’une légère diminution dans le nombre des bactéries donnant naissance à des dégagements gazeux. Une différence très nette, au contraire, cédant à peine à celle qu’on a pu voir chez les souris à ferment, était constatée dans la flore des souris ayant reçu des cultures de la bactérie bulgare, chauffées, pendant 4 heures, à o6°. Même disparition rapide de dégagements de gaz, même diminution du nombre total des microbes, même augmentation de celui des bactéries se colorant par la méthode de Gram. Le tableau suivant montre la diminution du nombre de bac- téries sous l’influence de ces divers régimes; c’est le résultat des calculs du nombre de microbes, faits lors d’une des expé- riences. Le calcul était fait en comptant le nombre des colo- nies dans les cultures anaérobies sur agar agar. TABLEAU I NOMBRE DE COLONIES DANS 1 MILLIGRAMME d’eXCRÉMENTS I. il ni IV V VI VII | VIII IX Souris de contrôle. Souris ayant absorbé du fer- ment bul- gare. Vieilles souris ayant absorbé du fer- ment bul- gare. Souris ayant absorbé de l’ac'de lactique. Souris ayant absorbé du fer- ment chauffé à56». Souris ayant reçu une nourri- ture stéri- lisée. Souris ayant reçu du lait stéri- lisé. Souris ayant reçu des B. pyo- cyaneus. Souris ayant absorbé du B. pro- digiosus. 1.631.000 318.000 829.000 1. TOT. 000 803.500 1.630.000 1.590.000 1 1.820.000 1.624.000 A l’effet de déterminer le degré de virulence'des excréments des souris soumises à ces divers régimes, nous avons injecté 1/2 c. c. d’une émulsion de ces excréments sur bouillon dans la cavité intrapéritonéale de toute une série de souris normales. Voici les résultats que nous avons obtenus : les souris qui ont reçu les excréments des animaux de contrôle ont succombé, l’une au bout de moins de 14 heures, l’autre au bout de 18 heu- FERMENT LACTIQUE SUR LES EXCRÉMENTS DES SOURIS 999 res; celles à qui l’on a injecté les excréments des groupes VI et VII (voir table I) semblaient avoir été très malades, mais se sont rétablies ; les autres n’ont manifesté aucun symptôme de maladie. Dans la deuxième série d’expériences nous avons comparé la faculté des différents excréments de provoquer la putréfac- tion de la viande. Nous avons, dans ce but, découpé, de la façon la plus aseptique possible, des fragments de muscles chez un lapin fraîchement tué, et les avons transportés dans les éprouvettes; dans chacune de ces éprouvettes on a ajouté 1/4 » 151/4 » -o — 100 — 14 19 18 16 15 § 12 151/6 18 1 — 120 — 14 19 18 17 » ’Ë » 16 18 — 150 — 15 20 18 » » ex » 15 18 ca ex — 240 — 16 23 1 /2 * 15 16 O as » 18 18 "3 O 1 as 11 en résulte que les souris ayant absorbé du ferment sont celles qui se sont le mieux développées. VI La comparaison de la flore des souris ayant absorbé du fer- ment, avec celle des souris ayant reçu de l’acide lactique, mon- tre clairement que l’action des cultures du microbe bulgare sur la désinfection de l’intestin tient non seulement à l’acide lacti- que, mais encore à un autre facteur, dépendant probablement de la présence des bactéries elles-mêmes et de leurs produits. Pour trancher cette question, nous avons institué in vitro deux séries d’expériences : 1° détermination de l’action du microbe bulgare vivant en symbiose avec d’autres microbes intestinaux, et 2° détermination de l’influence de ses produits sur les autres microbes. Dans la première série, les excréments et les microbes iso- lés qui entrent dans leur composition (principalement Bac . coli) étaient semés en même temps que le microbe bulgare dans du bouillon sucré et dans du lait; pendant 15 jours on a observé constamment leurs rapports réciproques. Dans l’ensemencement sur bouillon sucré, le microbe du ferment ne manifestait, les 3 ou 4 premiers jours, qu’une vita- lité faible; il n’apparaissait qu’en petit nombre au milieu des autres et n’était par conséquent pas toujours visible dans le champ du microscope. A partir du 5e et 6e jour le nombre de& bactéries du ferment augmente un peu et, bien qu’il soit loirs de prédominer sur les autres, ne diminue plus. FERMENT LACTIQUE SUR LES EXCRÉMENTS DES SOURIS 1004 Dans l’ensemencement d’un mélange de microbes sur du lait, on voit, dès le 3e ou le 4e jour, le microbe du ferment prédominer sur les autres; à la fin de la première semaine la plupartde ces derniers périssent; seules restent, généralement, les bacilles acido-résistants. On peut expliquer une telle prédominance en supposant que le lait offre à la multiplication des bactéries du ferment un milieu plus favorable que le bouillon sucré. Pour étudier l’influence des produits de ce microbe, on ajou- tait dans les éprouvettes ensemencées soit avec excréments, soit avec des microbes isolés, 1° de l’acide lactique du ferment filtré et 2° le même acide filtré et stérilisé, dans lequel les produits bactériens probablement anihilés, et 3° de l’acide lactique en solution équivalente. Ces expériences ont montré que toutes ces substances pos- sèdent des propriétés bactéricides bien marquées. En en ajou- tant, depuis 4 c. c. à 10 c. c. de culture, on voit nettement que I action bactéricide du ferment filtré et non stérilisé est beau- coup plus forte que celle de la solution équivalente de l'acide lactique et aussi que celle du ferment stérilisé. Peut-être est-ce à l’aide de cette action (qui rappelle celle d’autotoxines de Conradi et de Kurpjuweit 4) qu’on peut expli- quer pourquoi la désinfection de l’intestin est plus considérable chez les souris ayant reçu le ferment — vivant ou privé de la possibilité de se reproduire — que chez celles ayant absorbé une quantité équivalente d’acide lactique. VII Au bout de combien de temps les microbes du ferment s’ac- climatent-ils dans l’intestin? Lorsqu’on examine les excréments sous le microscope, on ne constate aucune prédominance du ferment sur les autres bac- téries. Mais même dans les cas où on ne le distingue pas du tout,, on peut facilement révéler sa présence en faisant des ensemen- cements d’excréments sur du lait. Les expériences citées plus» haut nous ont montré qu’en mélangeant le microbe du ferment. L Münch. med. Woch 1905. N°‘ 37, 45, 46. 1002 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIl aux excréments semés sur du lait, on le voit prendre le dessus sur les autres microbes. Le meme résultat est obtenu si Ton ensemence sur du lait des excréments qui le contiennent. La moindre addition de ce microbe change en môme temps l’as- pect microscopique de la coagulation, en le rapprochant de ce qui s’observe quand le lait se coagule sous l'action de la cul- ture pure du ferment, c’est-à-dire la formation d’un coagulum plus régulier, avec la couche rosée caractéristique au-dessus de la masse blanche. Nous avons ainsi pu constater la présence du ferment chez les jeunes souris dès le 4e jour après la naissance. Chez les souris adultes, le ferment s’acclimate plus lente- ment, pas avant le 10e jour. Lorsque on nourrit pendant 4 mois les souris avec ce ferment, on constate sa présence pendant quatre semaines encore après le passage au régime ordinaire; après un mois et demi, pendant quinze jours. Et même après que le ferment a complètement disparu de l’intestin, nous avons constaté pendant deux mois encore des traces de son action : diminution générale du nombre des bactéries et affaiblissement de l’odeur dégagée par des cultures ensemencées avec des excréments. Les résultats de l’étude, menée de front avec les précédentes, de l’apparition dans la flore excrémentitielle du B. pyocyaneus et de B. prodigiosus, ont été bien différents. Le premier apparaît le I Ie jour après le commencement du régime et, administré pendant 4 mois, disparaît le 5e jour après avoir été absorbé pour la dernière fois. Le second n’a pu s’acclimater qu’un mois après qu’on eut commencé à l’administrer aux animaux et disparut 9 jours après la cessation du régime. Pour terminer nos recherches, nous avons essayé d’étudier l’influence du microbe bulgare sur les maladies intestinales des souris, provoquées par la bactérie de Danysz1: On sait que cette maladie a pour symptôme une forte diarrhée suivie de septicé- mie et entraînant une issue fatale. Comme base de nos expériences, nous avons pris certaines indications relatives aux succès thérapeutiques de la lactobacil- 1. Ann. Institut Pasteur , 1900, p. 193 FERMENT LACTIQUE SUR LES EXCRÉMENTS DES SOURIS 1003 line dans les affections intestinales. Voir les communications de «Cohendy *, Brochet 2 et Martinet 3). La première expérience était celle-ci : On dispose 4 réci- pients en verre contenant chacun 4 souris. Le premier groupe recevait, avec la nourriture, une culture d’un jour du microbe de la maladie de Danysz; pour les autres groupes on mélangeait à cette culture : 1° notre ferment, 2° le même ferment chauffé à 56°, et 3° du lait coagulé au moyen d’une quantité équiva- lente d’acide lactique. Les résultats obtenus ont été les sui- vants : les 4 premières souris ont succombé, 3 au bout de 24 heures, la quatrième au bout de 3 jours ; les autres ont survécu. Dans les expériences suivantes le ferment était administré après que les souris eurent absorbé des cultures pures et se trou- vaient déjà malades. Dans ces cas également, nous avons pu constater l’action bienfaisante du ferment, à moins que les souris ne fussent trop gravement atteintes. Cependant l’ad- ministration de l'acide lactique donnait les mêmes résultats. 11 est probable que ce qui agissait dans ces cas, c’était l’acide lac- tique, tandis que le ferment lui-même ne jouait, comme tel, aucun rôle particulier. Résumé . Le ferment bulgare exerce une influence marquéesur la flore •excrémentitielle des souris. Les modifications qu’il provoque sont: la diminution du nombre de bactéries, la transformation générale de la flore, la diminution de la faculté de provoquer la putréfaction, la virulence moindre des excréments. L’action du ferment ne peut pas être exclusivement attribuée à la production de l’action lactique : les produits sécrétés par ses bactéries y jouent également un rôle considérable. Le ferment s’acclimate dans l’intestin après un certain délai (10 jours pour les souris adultes). Après qu’on eut cessé de 1. Essai de traitement de l’entérite rnuco-membraneuse aiguë, etc. C. R. Société Biol. 1906, n°18. 2. Cité par Tarkhanofï dans « L’importance du lait caillé du professeur Metchnikoff pour la santé » (en russe). Le Médecin russe (Rouski Vratch ), 1906, n° H. 3. Administration du lait caillé dans le néoplasme stomacopancréatique, La Presse Médicale , 1906, p. 40 \ 004 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’administrer, il reste dans l’intestin pendant un temps plus oir moins considérable encore. Les cultures faites dans du lait exercent une action bienfai- sante sur les souris contaminées par les bactéries de Danysz. Mais ici l’action est due exclusivement à l’acide lactique. Je me permettrai de terminer cette étude en exprimant ma sincère gratitude a M. le professeur E. Metchnikoff pour le sujet si intéressant qu’il m’a indiqué et pour ses précieux conseils, ainsi que pour la cordialité qu’il m’a témoignée pen- dant mon séjour au laboratoire. J’exprime également toute ma reconnaissance à M. le doc teur Besredka et à M. le docteur Weinberg. METHODE POUR ISOLER LES ANAÉROBIES Par F. MARINO (Travail du laboratoire de M. Metehnikofï.) "^Depuis quelque temps nous étudions la flore intestinale de l’homme et d’autres mammifères, ainsi que celle des oiseaux et des poissons. En présence de l’insuffisance ou de T incommodité des méthodes usuelles pour l’isolement des anaérobies stricts, nous avons senti combien serait avantageux un procédé assurant, avec le minimum de manipulations, un prélèvement facile des -colonies isolées. En conséquence, nous avons imaginé la méthode suivante, basée sur l’emploi de deux substances : la glucose, recommandée par Liborius 1 comme réducteur, et le sérum, préconisé par Duenschmann 2 comme matière animale. Voici les détails de notre procédé : A la gélose ordinaire on ajoute 0,3 à 0,5 0/0 de glucose, puis on répartit le milieu nutritif dans de gros tubes à essai, de façon que chaque tube en contienne de 30 à 35 c. c. 1. Liborius, Zeitschrift f. Hyg., Bd. I, 1886, pages 12 2 et 165. Au sujet de la proportion de glucose qu’il faut ajouter au milieu nutritif, nous devons faire remarquer qu’on ne doit jamais dépasser 0,5 0/0. Liborius, en Alle- magne, et d’autres savants, en France, croyaient que l’adjonction de 2 0/û de glucose hâtait le développement des anaérobies. Mais plus tard on a constaté, — et c’est Th. Smith qui a attiré avec insistance l’attention sur ce point — que la pro- portion de 2 0/0 de glucose, dans beaucoup de cas, endommage la culture et en empêche le développement. D’après Th. Smith le glucose est indispensable pour le développement des anaérobies stricts, mais il ne doit pas être en excès. (Voir Th. Smith, Central/j. f. Bakter. Abth. Bd. XVIII, 1895, page 7 ; /6., Bd. XXII, 1897, page 49.) 2. Duenschmann H., Etude expérimentale sur le charbon symptomatique et ses relations avec l'oedème malin. Annales de l’Institut Pasteur, 1895, p. 492. A propos de ce travail nous devons faire remarquer que plusieurs savants italiens et allemands, ignorant les recherches de Duenschmann faites dans le laboratoire de M. Roux, ont donné comme très nouveau l’emploi du sérum et des tissus animaux et végétaux dans les cultures des anaérobies. On a l’habitude, à Y Institut Pasteur, d’ajouter du sérum au milieu de culture des microbes anaérobies à l’effet d’obtenir un rendement de toxine plus élevé. Dès 1894, dans le même but, Duenschmann a essayé des milieux de plus en plus riches en matières abuminoïdes , (macération de viande, sérum de bœuf) M. Roux, lui-même (cité par Duenschmann, p. 402), avant les recherches de Duenschmann, avait employé le sérum de bœuf pour cultiver le vibrion septique . Dans notre pro- cédé d’isolement le sérum est aussi très utile et hâte le développement de tous les anaérobies 4006 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK Pour l’emploi, on liquéfie le milieu dans l’eau bouillante et ensuite on met les tubes au thermostat à 42°. Lorsque les tubes- ont pris cette température, on verse dans chacun d’eux 1 c. c. de sérum de lapin ou de cheval, préalablement chauffé à 5o° pendant 20 minutes, puis on ensemence la matière à examiner. Du premier tube on ensemence le deuxième, de celui- ci le troisième et quelquefois de ce dernier un quatrième, pour avoir des colonies suffisamment isolées. Après avoir fait tous les ensemencements, on verse la gélose de chaque tube dans la moitié la plus large d’une boîte de Pétri et on la recouvre de la seconde moitié, en tournant en haut l’ouverture de celle-ci; ainsi le milieu est compris et pressé entre deux surfaces de verre parfaitement stériles. Nous recommandons, pour plus de commodité, de stériliser les boîtes de Pétri en déposant les deux moitiés dans le rapport où elles doivent se trouver après l’introduction de la gélose milieu de culiwe entre elles. On n’a ainsi qu’à soulever la partie supérieure et on évite toute souillure des faces qui doivent rentrer en contact avec le milieu de culture. Pour éviter toute contamination par l’air extérieur, on recouvre le tout par une plaque plus grande qui est stérilisée en même temps que les plaques sous-jacentes^ On laisse 3 à 4 jours les boîtes à l’étuve pour permettre à tous les anaérobies de se développer et pour faire disparaître l’eau de condensation que pourrait contaminer les colonies pures. 11 va sans dire que le développement d’un certain nombre d’anaérobies, qu’on voit commencer après 18 à 24 heures, peut être observé à l’œil nu ou au microscope. Pour le prélèvement des colonies, on détache doucement les deux surfaces de verre Tune de l’autre, de façon que la lame de- gélose reste adhérente à Tune ou l’autre d’entre elles, et on pêche les colonies avec une pipette de verre effilée à son extrémité. Au fur et à mesure qu’on isole les colonies pour les mettre MÉTHODE POUR. ISOLER LES ANAÉROBIES 1007 dans des milieux liquides ou autres, on préserve la boîte de Pétri de toute contamination en la mettant sous une cloche stérile où on peut la laisser plusieurs jours. Dans notre méthode, comme dans celle de MM. Veillon et Zuber, la pipette est presque indispensable. Nous faisons observer qu’on se trouve quelquefois en présence d’anaérobies très exigeants (certaines espèces de l’intestin), qui se développent très lentement. Les causes de ce phénomène nous sont inconnues, mais en ce cas nous conseillons de faire des cultures anaérobies en gélose fraîche et chauffée, à laquelle on ajoute, avec le sérum, 3 0/0 de glucose et 3 0/0 de lactose. Quand les microbes se sont développés, on peut les isoler et les cultiver fort bien en milieu liquide (tubes de Roux l, d’Achalme). Jusqu’à présent, pour toute espèce d'isolement d’anaérobies, nous nous sommes servi de la méthode de MM. Veillon et Zuber 2 qui est très commode pour cultiver les anaérobies à l'état de cultures pures, mais qui ne se prête pas bien à l'isolement des germes contenus dans un mélange microbien quelconque. (Impossibilité d’observer les colonies au microscope, difficulté de les prélever, etc.) En dehors de la méthode de M. Veillon, il y a celle, insuf- fisante à notre avis, de Koch 3. Cet auteur pensait qu’on pouvait cultiver les anaérobies en tenant à l’abri de l’air des cultures faites en boîtes. Dans ce but, il mettait sur la gélatine, gélose ou autre milieu, une mince lame de mica stérilisée à la flamme. Cette méthode ne donne pas de bons résultats, car on sait que la pression, seule, est impuissante à chasser complètement l’oxygène du milieu de culture. Une méthode qui n’assure pas cette expulsion parfaite est toujours défectueuse, car, d’après les études très intéressantes de Beijerinck 4, nous savons qu’il existe deux espèces d’anaérobies : 1. Roux E., Sur la culture des microbes anaérobies, Annales de l'Institut Pasteur, 1887, page 49. 2. Veillon et Zuber, Recherches sur quelques microbes strictement anaérobies et leur rôle en pathologie, Archives de médecine expérimentale, 1898, page 517. 3. Koch R.. Deutsche med. Wochenschr . , 1884, p. 502. 4. Beijerink, Die Butylalcoholgahrung t Amsterdam, 1893, p. 27. 1008 ANNALES DE L;iNSTITUT PASTEÜH Une qui peut absorber toute trace d’oxygène libre contenu dans les milieux nutritifs ; Une autre qui ne possède pas cette propriété et qui exige, pour son développement, une absence absolue d’oxygène libre. Donc, pour cette dernière espèce, la méthode de Koch, critiquée aussi par Liborius *, serait inapplicable. Nous ne prétendons pas d’ailleurs que notre méthode soit à l’abri de toute critique, mais, telle qu’elle est, elle peut rendre d’utiles services. Les bons résultats que nous en avons obtenus, nous ont déterminé à la faire connaître. .1 . Liborius, l. c„ TABLE DES MATIÈRES Recherches sur le traitement des infections expérimen- tales à trypanosoma gambiense, par F. Mesnil, Maurice Nicolle et P. Aubert 1 Action de la bile sur le pneumocoque et diverses autres bactéries, par Maurice Nicolle et Adil-Bey 20 Séro-immunité vis-à-vis du « choléate de soude ». par Maurice Nicolle 26 Études épidémiologiques et prophylactiques du paludisme. Cinquième campagne en Algérie, 1906, par les D,s Edmond Sergent et Etienne Sergent 28 Manifestations oculaires au cours des trypanosomiases, par Y. Morax 47 Recherches sur les microbes anaérobies des eaux. Contri- bution à l’étude bactériologique des eaux potables, 2e mémoire, par H. Vincent 62 Application de la méthode de distillation fractionnée de Duclaux, à la recherche et au dosage des acides isobu- tyrique et valérique normal, par A. Lasserre 76 Études épidémiologiques et prophylactiques du paludisme, cinquième campagne en Algérie, 1906 (suite et fin), parles Drs Edmond Sergent et Etienne Sergent 81 De l’anaphylaxie et de l’anti-anaplivlaxie vis-à-vis du sérum de cheval, par A. Besredka et Edna Steinhardt. 117 Contribution à l’étude du « phénomène d’Arthus ». par Maurice Nicolle 128 Les « anticorps syphilitiques », dans le liquide céphalora- chidien des paralytiques généraux et des tabétiques, par A. Marie (de Villejuif) et C. Levaditi 138 Sur le traitement de la rage par le radium, par le l)r A. Calabrese. Réponse à M. le professeur Tizzoni 156 Maladie du sommeil. Cinq nouveaux cas de trypanoso- miase ( liez les blancs. Essais de traitement, par Louis Martin 161 De la maladie toxique provoquée par I injection intrasto- macale de bacilles morveux tués, par le I)1' ,). Canta- 64 104 0 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR cuzène et P. Riegler 194 Les trypanosomiases animales au Sénégal, par Thiroux et Teppaz 211 Sur un Ilémocytozoaire d’un Clieiroptère, par le Dr J. -J. Vassal 224 Procédé simple et rapide de préparation des milieux gélosés et gélatinés, par Bissérié 235 Sur le traitement de la rage par le radium, par G. Tizzoni et Bongiovanni. Réponse à M. le Dl A. Galabrese 239 La sérothérapie dans le traitement de la dysenterie bacil- laire, par Vaillard et Ch, Dopter 241 Etudes sur les Hématozoaires d'oiseaux. ( Plasmodium relictum , Leucocytozoon ziemanni et Haemoproteus noctuæ , Haemoproteus columbœ , Trypanosome de l’hirondelle, Algérie, 1906), par les Drs Edmond Sergent et Etienne Sergent 251 Etudes sur la morve expérimentale du cobaye, par Mau- rice Nicolle 281 Recherches sur l’infection provoquée par le spirille de la Tick-fever, par Levaditi et Manouélian 295 Action du vin sur le bacille d’Eberth, par J. Sabrazès et A. Marcandier 312 Sur les trypanosomiases du haut Niger, par A. Laveran. . 321 Les trypanosomiases animales de la Guinée française, par le Dr Gustave Martin 357 Du mécanisme de F anti-anaphylaxie, par A. Besredka et Edna Steinhardt 384 La « Thim’ni », myiase humaine d’Algérie causée par Æstrus ovis L., par les Drs Edmond Sergent et Etienne Sergent 392 Contribution à l’étude de la tuberculose expérimentale du cobaye. (Infection et essais de vaccination par la voie digestive), par A. Calmette, C. Guérin et M Breton. . . 401 Du rôle des helminthes, des larves d’helminlhes et des larves d’insectes dans la transmission des microbes pathogènes, par Weinberg 417 Action de la pipéridine et de quelques autres amines sur les bactéries et, en particulier, sur le bacille de la morve, par M. Nicolle et A. Frouin 443 TABLE DES MATIÈRES 1041 Sur la cytologie comparée des spirochètes et spirilles, par M. H. SwELLENGREBEL 448 Tr ansmission de Trypanosoma diinorphon par Glossina palpalis R. desv. . par E. Roubaud 466 Les trypanosomiases animales de la Basse-Cote d Ivoire, par le Dr G. Bouet 468 Recherches sur les propriétés colloïdales de l’amidon et sur un mécanisme de migration de l’amidon dans les végétaux, par E. Focard 475 Les vacc inations antirabiques à l'Institut Pasteur, en 1906, par Jules Via la 485 Sur le traitement de la rage par le radium, par le l)r A. Calabrese. Seconde réponse à MM. Tizzoni et Bon- giovanni 489 Le radium et la rage, dernière réponse au IL Calabrese, par le professeur Guido Tizzoni et le 1)r Alessandro Bongioyanni 494 Sur le traitement de la rage par le radium, par le Dr A. Calabrese. Dernière ' réponse à MM. Tizzoni et Bon- giovanni 496 De l’anaphylaxie eu général et de l’anaphylaxie par la mytilo-congestine en particulier, par Charles Richet. . 497 Contribution à l’étude de la vaccination des bovidés contre la tuberculose par les voies digestives, par A. Calmette et C. Guérin 525 Du rôle des helminthes, des larves d’helminthes, dans la transmission des microbes pathogènes, par M. Wein- berg 53 3 Sur la cytologie comparée des spirochètes et des spirilles, par N. H. SWELLENGREBEI 562 La Souma. Trypanosomiase du Soudan français, par le D1’ Bouffard (G.) 587 Sur le rôle de la rate dans les trypanosomiases, par A. Laveran et A. Thiroux 593 Action du Bacillus subtilis sur diverses bactéries, par .Maurice Nicolle 613 Rôle des bactéries dans le développement de certains myxomycètes, par Ernest Pinot 622 Sur un piroplasme du Cervus aristotelis de l’Annam, par 401 2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR le D1 Denier 657 Hématozoaires des bovidés en Indo-Chine, par H. Sghein. (159 Stomoxyides nouveaux du Congo, par E. Koubaud 666 Note biologique sur un type adapté de Simulhim reptans du Congo équatorial, par E. Roubaud 670 Recherches sur l'influence paralysante exercée par cer- tains acides sur la laccase, par Gabriel Bertrand 673 Rôle des bactéries dans le développement de certains myxomycètes (suite et fin), par Ernest Pinot 686 Action antiseptique du méthanal sec aux différentes tem- pérât uies, sur les germes microbiens et en particulier sur les spores du Bacillus subtilis , par L. Perdrix. . . . 701 Note complémentaire sur le microbe de la coqueluche. par les Drs 3. Bordet et O. Gengou 720 Le microbe de la coqueluche (Remarques sur le travail de MM. Bordet et Gengou), par le U1 Reyher de Berlin. . 727 Le microbe de la coqueluche. Réponse à l’article de M. Reyher, parles l)rs 3. Bordet et O. Gengou 733 Contribution à l’étude du surra dlndo-Chine, par H. Schein 739 Sur la prophylaxie de la syphilis, par Elie Metchnikoff. . . 753 Recherches sur le cancer expérimental des souris, par 3. Bridré 760 Toxicité des sérums thérapeutiques, sa variabilité et son dosage, parle Dr Besredka 777 Contribution à l'étude de la culture du Treponema palli- dum , par MM. C. Levaditi et J. Mc I.vrosn 784 Action de l'extrait de sclérostomes sur le sang de cheval, par M. Weinberg . . . , 798 Etude expérimentale sur l’association du spirille de la Tick-fever et de diverses Trypanosomes, par le D1 R. Trautmann 808 Sur des régions paludéennes prétendues indeinnes d’ano- phélines en Algérie, par les D,s Edmond Sergent et Etienne Sergent 825 Analyse de quelques mélanges d’acides gras volatils, par A. Lasserre 829 Recherches sur le mode de coloration du pain bis. par MM. Gabriel Bertrand et W.'Mutermilch 833 TABLE DES MATIÈRES 101» Des tropismes du bacterium zopfti kurth, 2' note, par le l)r Edmond Sergent 842 Nouvelle contribution à l’étude de Ihématozoaire de l Ecu- reuil (Haunamœba vassali Lav.), par le Dr J.-J. Vassal. 851. Etudes sur les cellules pigmentaires des vertébrés, par E. G olovine (avec la pl. XXI) 858 Pouvoir préventif et pouvoir curatif du sérum humain dans l’infection due au Trypanosome du Xagana. par le I)1 O s wa ld Goebel 882. Contribution à l’étude des Trypanosomiases de T Afrique occidentale; quelques modiiications de virulence, par AI. Cazalbol 911 Relations entre le venin de cobra et son antitoxine, par A. Calmette et L. Massol. 929 Traitement des infections expérimentales a Trypanosoma gambiense. Résultats tardifs, par E. Mesnil et Al. Ni- colle 946 Comment peut-on combattre T anaphylaxie, par le I)1 Bes- REDK A 950 Lésions d(‘ l’intestin grêle du porc produites par l Echi- norynque géanl. par MAI. Weinberg et Romano- vitch 960 Les Trypanosomiases de la llaute-Cùte d’ivoire (Note préliminaire), par le I)1 G. Bolet 969 Contribution à l’étude des opsonines, par J. G. Sleeswijk. 98.T Influence du ferment lactique sur la llore des excréments des souris, par J. Belonoysky 991 Afethode pour isoler les anaérobies par F. Mari.no 1005 TABLE ALPHABÉTIQUE PAH NOMS D'AUTEUHS Adil-Bey Aubert (P.) Belonovsky (J.) Bertrand (G.) — et M'utermilgu (VV.) Besredka (A.). . . . — et Steinhardt (K.). . Bissérié ©ONGIOVANXI (A.) Bordet (J.) et Gengou (O.). IBouet (G.) Boüffard (G.). Breton (M.). . . Bridré (J.) -Calabreze (A.) Calmette (A.) et Guérin. . . — et Breton (M.) Voir Nicolle (M.) 20 Voir Mesnil (F.) 400 Influence du ferment lactique sur la flore des excréments des souris 901 Recherches sur l’influence paralysante exercée par certains acides sur la laccase 073 Recherches sur le mode de coloration du pain bis 830 Toxicité des sérums thérapeutiques, sa variabilité et son dosage 777 Comment peut-on combattre l’anaphylaxie 950 De l’anaphylaxie et de l’anti-anaphylaxie vis-à-vis du sérum de cheval 117 Du mécanisme de l’anti-anaphylaxie 384 Procédé simple et rapide de préparation des milieux gélosés et gélatinés 235 Voir Tizzoni 237 — 494 Note complémentaire sur le microbe de la coqueluche.. 720 Le microbe de la coqueluche. Réponse à 3’article de M. Reyher 733 Les Trypanosomiases animales de la Basse-Côte d’ivoire 468 Les Trypanosomiases de la Haute-Côte d’ivoire (note préliminaire) 969 La Souma. Tripanosomiase du Soudan français 587 Voir Calmette 401 Recherches sur le cancer expérimental des souris 760 Sur le traitement de la rage par le radium. — Réponse à MM- Tizzoni et Bongio- VANNI 456 sur le trailement de la rage parle radium 2e Réponse à MM. Tizzoni et Bongiovanni 489 Sur le traitement de la rage par le radium. Dernière réponse à MM. Tizzoni et Bon- giovanni 496 Contribution à l’élude de la vaccination des bovidés contre la tuberculose, par les voies digestives 525 Contribution à l’étude de la tuberculose TABLE DES MATIERES 1015 expérimentale du cobaye. (Infection et essais de vaccination par la voie diges- tive.) Calmette et Massol (L.) Relation entre le venin de cobra et son antitoxine ■Cantaçuzène (J.) et Rie- De la maladie toxique provoquée par l’in- gler (P.) jection intrastomacale de bacilles mor- veux tués Cazalbou (M.) Contribution à l’étude des Tripanoso- miases de l’Afrique occidentale ; quel- ques modifications de virulence Denier Sur un piroplasme du cervus aristotelis de l’Annam Dopter (Ch.) Voir Vaillard Foüard (E.) Recherches sur les propriétés colloïdales de l’amidon et sur un mécanisme de de migration de l’amidon dans les végé- taux F roüix (A.) Voi r Nicolle (M . ) Gengou (O.) Voir Bordet Goebel (O J Golovine (E.) Guérin (C.) Ixtosh (J. -Mc.) Lasserre (A.) Lasserre (A.) La ver an (A.) — et Thiroux Levaditi (C.) — et Manouélian — et Ixtosch (J. -Mc.) Marcandier (A.) Manouélian Marie (A.) et Levaditi. . . Pouvoir préventif et pouvoir curatif du sérum humain dans l’infection due au Trypanosome du Nagana Etudes sur les cellules pigmentaires des vertébrés (Avec la PI. XXI) Voir Calmette 401 Voir Levaditi Application de la méthode de distillation fractionnée de Duclaux à la recherche et au dosage des acides isobutyrique et valérique normal Analyse de quelques mélanges d’acides gros volatiles Sur les Tripanosomiases du Haut-Niger. Sur le rôle de la rate dans les Trypanoso- miases Voir Marie (A.) Recherches sur l’infection provoquée par le spirille de la Tick-fever (avec les PL VIII et IX) Contribution à l’étude de la culture de Treponema pallidum Voir Sabrazès Voir Levaditi Des anticorps syphilitiques dans le liquide céphalo-rachidien des paralytiques géné- 401 929 194 911 657 241 475 443 720 733 882 858 525 784 76 829 321 595 138 205 784 312 295 1010 ANNALES DE L’INSTITUT l’ASTEUR Marino (F.) Martin (G.) Martin (L.) Màssol (L.). Mesnil (F.) et Nicolle (M.) Mesnil (F.), Nicolle (M.; et Aubert (P ) Metchnikoff (E.) Morax (V.) Mutermilch (W.) Nicolle (M.) et Adil-Bey et Frouin (A. Perdrix (L.) PlNOY (E.) Beyher Kichet (Charles) Riegler (P) Romanowitch (M.) Roubaud (E.). . . . raux et îles tabétiques 138 Méthode pour isoler les anaérobies 1005 Les Trypanosomiases animales de la Guinée française ;. . . 357 Maladie du sommeil. Cinq nouveaux cas de Trypanosomiase chez les blancs. Essais de traitement 161 Voir Calmettk 929 Traitement des infections expérimentales à Trypanosomia gambiense. Résultats tar tifs 946 Recherches sur le traitement des infections expérimentales à Trypanosomia gam- biense. ... 1 Sur la prophylaxie de la syphilis 753 Manifestai ions oculaires au cours des Trypa- nosomiases (avec les PI. I et II) 47 Voir Bertrand 833 Noir Mesnii 1 Séro-immunité vis-à-vis du choléate de soude 26 Contribution à l'étude du phénomène d’Arthus 128 Etudes sur la morve expérimentale du cobaye. (Compléments) 281 Action du baril lus subtilis sur diverses bactéries 613 Voir Mesnil 946 Action de la bile sur le pneumocoque et diverses autres bactéries 20 Action de la pipéndine et de quelques autres amines sur les bactéries et en particulier sur le bacille de la morve. . . 443 Action antiseptique du méthanal sec, aux différentes températures, sur les germes microbiens et en particulier sur les spores du bacillus subtilis 701 Rôle des bactéries dans le développement de certains myxomycètes 622 et 686 Le microbe de la coqueluche. (Remarques sur le travail de MM. Bordet etGengou). 727 De l’anaphylaxie en général et de l’ana- phylaxie par le mytilo-congestine en particulier 497 Voir Cantacuzène 194 Voir Weinberg . 960 Transmission de Trypanosomadimorp/ion, TABLE DES MATIÈRES 1017 Roubaud (E.) Sabrazès (J.) et Marcan- DIER (A. ) SCHEIN (H.) Sergent (Edmond) Sergent (Edmond) el Ser- gent (Etienne) Ser gent (Eti en n e) Sleeswijk (J. -G.) Steinhardt (Edna) Swellengrebel (N. -H.) Te p paz Thiroux (A.) — et Teppaz. . . . Tizzoni (G.) et Boxgio- VANNI (A.) Trautmann (R.) Vaillard et Dopter Vassal Weinberg par Glossina palpalis R. desv 466 Stomoxyides nouveaux du Congo 666 Note biologique sur un type adapté de simulium reptans du Congo équatorial. 670 Action du vin sur le bacille d’Ebertb 312 Hématozoaires des bovidés en Indo-Chine. 659 Contribution à l’étude du Surra d’Indo- Cliine 739 Des tropismes du bacterium zopfii Kurth , 2e note 842 Etudes épidémiologiques et prophylactiques du paludisme. 5« campagne en Algérie. 1906 28-81 Etudes sur les Hématozoaires d’oiseaux (Algérie. 1906), PI. VI et VII) 251 La Thim’ni, myiase humaine d’Algérie, causée par OEstrus ovis L 392 Sur des régions paludéennes prétendues indemnes d’anophélines en Algérie .... 825 Voir Sergent (Ed.) 28, 81, 251, 392 825 Contribution à l’étude des opsonines 983 Voir Besredka ... 117- 384 Sur la cytologie comparée des spirochètes et spirilles 448- 562 Voir Thiroux 211 Voir Layeran 595 Les trypanosomiases animales au Sénégal (avec la pi. IV) 211 Sur le traitement de la rage par le radium. Réponse à M. le Dr Calabrese. 239 Le radium et la rage. Dernière réponse au Dr Calabrese 494 Etude expérimentale sur l’association du spirille de la Tick-fever et de divers Trypanosomes... 808 La sérothérapie dans le traitement de la dysenterie bacillaire 241 Sur un Hématocytozoaire d’un Chéiroptère (avec la pl. V). .* 224 Nouvelle contribution à l’étude de l'Héma- tozoaire de l’Ecureuil ( Hæmamœba vas- sali(Lav.) 851 Du rôle des Helminthes, des larves d’Hel- minthes et des larves d’insectes dans la transmission des microbes patho- 1018 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR gènes 417 et 533 Weinberg Action de l’extrait de sclérostomes sur le sang de cheval 798 Weinberg et Romako- Lésions de l'intestin grêle du porc pro- vitch (M.) duites par l’Echinorynque géant 900 Via la (Jules > Les vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur en 1900 48.> Vincent (H.) Recherches sur les microbes anaérobies des eaux. Contribution à l’étude bacté- riologique des eaux potables. 2e mé- moire 62: TABLE DES PLANCHES Pl. I et 11 Mémoire de V. Morax... 47 Pl. III MM. J. Gantacuzène et Riegler. 194 Pl. ÏV MM. Thiroux et Teppaz. 411 Pl. V M. Vassal. . 444 Pl. VI et Vil — MM. Edmond et Etienne Sergent. 451 Pl. VIII et IX — MM. Levaditi et Manoüklian. . . . 495 Pl. X — M. Veinberg 417 Pl. XI et XII — M. SwELLENGREBEL 448 Pl. XIII, XIV, XV, XVI. — M. E. PlNOY <>44 Pl. XVII (partie sup.). — M. Denier 657 Pl. XVII (partie inf.). — M. Schein 659 Pl. XVIII M. Reyher . . 747 Pl. XiX et XX — M. Levaditi. . 784 Pl. XXI M. Golovine 858 Pl. — MM. Weinberg et Romaxovitch. . 960 Sceaux. — Imprimerie Gharaire. Le Gérant : G. Masson. Annales de l’Institut Pasteur. Vol.mPl.l. { Y.Morax. ) 120 1 Y xiouss eJ del. frlith lmp. I. Z a fontaine, Pans I Annales de l’ Institut Pasteur. Vol. XXI. P1.1I. ( Y. MoraxJ 8QQ 1 V. Roussel del. &]ith. 800 lmp L. Lafontaine Pans. Annales de l’Institut Pasteur Vol. XXI. PI. III. ( Mém . J. C antacuxene &P. Ri è dlsrj J. Ca.nta.cuz ene del- V. Roussel litk. Imp. L. Lafontaine Pan s US» Annales de T Institut Pasteur . Vol.XXI.PLIV. < MéraThiro'ux&.TeppazJ 900 1 lmp. Z.IafovtaijrietParié. DT Thiroux. del. V. Roussel lith.. Annales de l’Institut Pasteur. Vol.XXI.Pl.V. ( Mém .Vassal.') 0 1 # i % t 2 ! * 3 4 • / 5 fmp. I.Z^ntaxyTze^Fccrzs DF Vassal del. V. Roussel hbh. Annales de T Institut Pasteur. Vol.XXI.PlVL { Mem. Ed.et Et. Serôent) Annales de l’Institut Pasteur. VoLXXI P1Y1L (Mèm.Ed.etEt .Servent ) DT S erg ent del. Imp . Z. Lafontaine , Paris . V. Roussel hth. Annales de l’Institut Pasteur. Ch. Constantin, del. lmp. L. La fontaine, Pan s. Annales de T Institut Pasteur mm. pi .ix. ( Mem.Levaditi et Manouelian ) Ch. Constantin deJ. tklith. Imp L. La fontaine , Paris Annales de l'Institut Pasteur . Vol.XXÏ.Pl.X. 1 Mém.Weinberd.) V. Roussel lith. A Karmans* lmp. Z Lafontaine, Paris VOL. XXX . PL XI ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR (Mém. SWELLENGRLBEL) iS. H, Swelleu^rebel del imp Houcliet, Cnsset. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR VOL. XXI. — FL. XIÎ (Mém. SWELLENGREBEL) N, U. Swollengrebel del lmn Bouchet, Cussel. . * ' ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR FL XIII VOL. XXI. — (Mém. E. PlNOY) Annales de l’ Institut Pasteur Yol.XXI.Pl.XIV. ÇMé-m.E. Pi.noj.) L'Pmoy del. V. Roussel lia. lmp . L. Lafontaine, Paris Annales de l’Institut Pasteur. Vol.XXLPl.XV. < M èm. E . P inoy ) 1 2 3 4- l Pinoy de l . lmp L.La.{bntaine,Fans. V. Bous se 7 liih. PL. XVI VOL. XXT. — ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUI ' (Mém. E. Pinoy) Jeaatel, phot. lmp. Boucbçl, Cusself Annales de l'Institut Pasteur. Vol.XXI.Pl.XVII ( Mém. Denier) J- I 5 6 • • ! 10 12 • • • • » • • 13 14 15 16 17 18 t Mém. Sch-em ) • t ) 27 28 29 30 31 32 I 33 35 36 38 0 39 40 lmp . 1. 1 a fontaine , Paris V. Roussel del. 8chth. e»l,. xvnr ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR VOL. XXI — (Mém. Reyher) lmp. Bouchet, Cusseï Annales de l’Institut Pasteur. Vol. XXI. PI. XIX. (Mém. Lavaditi) FIG. I • ■ \ FIG. 4 4 FIG. 3 FIG. 2 lmp. L. Lafontaine, Par Annales de l’Institut Pasteur. Vol. XXL PI. XX ( Mèm. Levacütil 15 C ■ Constantin del. & liih . ' ' Annales de l'Institut Pasteur YoIXXIPLXXL (Mém. Golovine ) Golovine Jel, Imj> L Ia&nl*Be.P