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TOME VINGT-QUATRIÈME 1910 AVEC DIX-SEPT PLANCHES PARIS MASSON ET Ci, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN (6e) 24me ANNEE JANVIER 1910. No 1 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR SERODIAGNOSTIC MYCOSIQUE Applications au diagnostic de la Sporotrichose et de l'Actinomycose. — Les coagglutinations et cofixations mycosiques. Par MM. F. WIDAL, P. ABRAMI, E. JOLTRAIN, ET. BRISSAUD ET À. WEILL. L’étude de plusieurs malades, atteints de diverses mycoses en évolution, a permis à deux d’entre nous (1) d'établir qu’au cours de ces affections, le sérum sanguin acquiert des propriétés analogues à celles que déterminent les infections bactériennes. Nous avons montré que ces propriétés pouvaient servir de base à un sérodiagnostic des maladies à champignons. I. Sporotrichose. Nos recherches ont porté tout d’abord sur le sérum d’un homme atteint de sporotrichose gommeuse disséminée, dont l'observation a été rapportée en détails à la société médicale des hôpitaux (2). Nous avons pu, dans le sérum de ce malade, déceler un pou- voir agglutinant et un pouvoir anticomplémentaire très énergiques (4) F. Wipaz et P. ABramr, Sérodiagnostic de la sporotrichose par la sporo- agglutination. La coagglutination mycosique et son application au diagnostic de lac- tinomycose. La réaction de fixation. (Bull. Soc. méd. hôp., 19 juin 1908, p. 947.) (2) F. Wipaz et A. Werzx, Sporotrichose gommeuse disséminée à noyaux très confluents. (Bull. Soc. méd. hôp., 19 juin 1908, p. 944.) 2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR à l'égard du sporotrichum Beurmanni. Mèmes constatations ont été faites ensuite par divers auteurs et par nous-mêmes sur de nombreux sujets atteints de cette mycose, dont les tra- vaux de MM. de Beurmann et Gougerot ont montré la fré- quence. SPOROAGGLUTINATION On sait que le phénomène de l’agglutination n’est pas spécial aux infections microbiennes et qu’on le retrouve chez les ani- maux vaccinés contre certains champignons. M. Roger (1) a montré, il y a longtemps déjà, que le sérum des animaux vacci- nés contre l’oidium albicans acquiert la propriété d’agglutiner d’une façon spéciale ce parasite. Les recherches sont restées limitées au sérum des animaux vaccinés et jusqu'ici on n’a pas, à notre connaissance, donné de procédés techniques permettant de reconnaître avec certitude des propriétés spéciales au sérum de l’homme atteint de mycose en évolution, ni cherché à édifier sur leur étude une méthode de diagnostic. Technique. — La recherche de la réaction agglutinante sporotrichosique nécessite lemploi d’une technique un peu spéciale. Un champignon n’a pas, en effet, la simplicité morpho- logique d’une bactérie. Le sporotrichum, en particulier, présente, aux différents stades de son évolution, et suivant la composi- tion du milieu de culture, des aspects fort divers. Tantôt il se montre surtout constitué par des filaments mycéliens, plus ou moins allongés, fragmentés ou enchevêtrés; tantôt, à ce mycé- lium s’ajoutent des spores en grande abondance. Or, en étu- diant l’action exercée, in vitro, par le sérum de notre malade sur les divers éléments du parasite, nous avons pu nous convaincre que cette action ne se manifeste pas sur tous également. Dans une émulsion renfermant à la fois du mycélium et des spores, et additionnée du sérum du malade, le microscope montre en effet que ni les fragments, ni les réseaux mycéliens ne sont influen- cés. Par contre, entre les mailles de ces réseaux, les spores, d’abord libres, semblent chercher à se réunir, se groupent, et finalement constituent des amas plus ou moins volumineux. Les spores représentent donc les éléments agglutinables du para- site. Aussi, pour observer cette « sporoagglutination » en toute (1) Rocer, Modifications du sérum chez les animaux vaccinés contre l’oïdium albicans. Soc. de Biol., 4 juillet 1896. SÉRODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 3 sécurité, et pour mesurer le degré du pouvoir agglutinatif, dont la connaissance est indispensable à létablissement du séro- diagnostic, est-il de toute nécessité d’isoler les spores du mycé- lium. Voici, à cet effet, la technique que nous avons indiquée. Après avoir prélevé, à l’aide de la spatule de platine, les cul- tures qui doivent servir au sérodiagnostic, on les broie au mor- tier, puis on les additionne de quelques centimètres cubes d’eau chlorurée à 8 0/00. Dans l’émulsion très trouble ainsi obtenue, le microscope montre la présence de nombreuses spores, plus ou moins mélangées à des réseaux mycéliens. Le liquide peut conte- nir presque uniquement des spores; mais, pour obtenir ces élé- ments parfaitement isolés, il est indispensable de passer l’émul- sion au travers d’un filtre en papier Chardin, préalablement mouillé. Le liquide qui passe présente alors un aspect complète- ment homogène; il ne renferme plus que des spores entièrement libres; le mycélium a été retenu sur le filtre. Pour servir utilement au sérodiagnostic, cette émulsion doit être suffisamment concentrée : trop clairsemées, les spores ne s’agglutinent en effet que très lentement et forment des amas minimes; trop nombreuses, elles ont tendance à se jJuxtaposer, et donnent ainsi lieu à de fausses agglutinations. Les émulsions qui renferment de 130 à 150 spores par champ microscopique (ocul. 4, obj. 8 Stiassnie) conviennent le mieux à cette recherche. A l’aide de telles émulsions, nous avons pu étudier avec grande précision l’action agglutinante du sérum des sporotri- chosiques, suivant le procédé de mensuration que l’un de nous a proposé avec M. Sicard pour chiffrer le taux agglutinatif dans la fièvre typhoïde. Une goutte du sérum à éprouver est mélangée, dans une série de verres de montre, à 9, 19, 29, 49, etc., gouttes de l’émulsion de spores, et ces dilutions successives sont exa- minées au microscope, pendant les deux heures qui suivent le début de l'expérience (1). Alors que lémulsion témoin, dépourvue de sérum, se con- serve homogène pendant toute la durée de l'expérience, et que les spores qu’elle renferme restent libres, sans montrer aucune tendance à fusionner en amas, voici au contraire ce qu’on observe sur les préparations où le sérum du sporotrichosique a été (1) Il est utile de conserver, à cet effet, les préparations à la chambre humide, afin d'éviter l’évaporation qui les dessèche et rend très difficile la lecture des résultats. 4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mélangé à l’émulsion. Déjà, après quelques minutes, les spores s’immobilisent; puis elles se rapprochent les unes des autres, et très rapidement s’agglutment. Le champ de la préparation est alors typique : il est parsemé d’amas volumineux, faits de l’agglo- mération en grappes de spores nombreuses, et entre lesquels ne persistent que de très rares éléments isolés. Lorsque des courants se produisent dans la préparation, on voit les amas se mobiliser tout d’un bloc, sans se dissocier. L’agglutination se produit en un mot, avec autant de netteté que celle du bacille d’'Eberth impressionné par un sérum typhique. Variabilié d’agglutination du sporotrichum nécessité d’une culture de choix. — Pour donner de cette réaction une mesure précise, permettant de comparer exactement entre eux les taux agglutinatifs obtenus avec les différents sérums éprouvés, il était nécessaire de rechercher si l’âge de la culture employée, si le milieu utilisé pour son développement, si l’ori- cine du parasite n’exerçaient pas une influence sur le degré de la réaction. Or, dès nos premières recherches, la mensuration du pouvoir agglutinant du sérum de notre malade nous a fourni des résul- tats très variables, suivant la culture employée. Ainsi, avec des spores provenant d’une culture vieille d’un mois, l’agglu- tination s’est montrée positive à 1/800; avec deux cultures âgées d’un mois et demi et d’origine différente, l’agglutination limite s’effectuait à 1 /300; avec une culture, d’une autre origine encore, et datant de plus d’un an, elle s’arrêtait à 1/200; enfin, avec une culture vieille de 17 jours, et fournie par le pus de notre malade, elle ne dépassait pas 1/80. Afin de préciser l’influence attribuable, dans ces variations du taux agglutinatif, soit à l’âge, soit à l’origine, soit enfin à la composition du milieu de culture, nous avons depuis effectué une série de recherches comparatives à l’aide de 10 échantillons de sporotrichum, de provenances diverses. Ces échantillons, ense- mencés le même jour en série, sur différents milieux, étaient par la suite éprouvés aux différents âges de leur développement. Nous avons pu tout d’abord nous assurer, de la sorte, que la provenance de l'échantillon de sporotrichum ne joue pratiquement aucun rôle dans le degré de l’agglutination. Au même âge de leur développement sur un milieu déterminé, les dix échantillons SÉRODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 5 éprouvés ont été agglutinés à des taux sensiblement identiques par les sérums de sporotrichosiques que nous avons étudiés. Aïnsi, avec une culture de son propre échantillon, développé depuis six semaines sur gélose maltosée à 4 0 /0, le sérum de notre malade produit une sporoagglutination à 1 /400; parmi les neuf autres échantillons, éprouvés dans les mêmes conditions, cinq ont été agglutinés à ce même taux de 1/400; trois, à 1 /300; un à 1 /500. La même recherche, effectuée avec les cultures déve- loppées sur d’autres milieux (gélose glucosée, gélose simple peptonée, pomme de terre, bouillon glucosé), a fourni, pour chacun de ces milieux, des résultats identiques. On peut donc considérer comme sensiblement nulle l'influence qu’exeree l’ori- gine du parasite sur le taux de la réaction agglutinante. Ce résultat, analogue à celui que l’un de nous a établi en ce qui con- cerne l’agglutinabilité des différentes races de bacille d’Eberth, est intéressant à signaler pour une espèce comme le sporotri- chum Beurmanni, dont les différents échantillons présentent, au premier abord, un pléomorphisme très remarquable. Si l’origine de la culture ne joue aucun rôle dans les variations du taux agglutinatif, il n’en est pas de même de l’âge de cette culture, non plus que du milieu sur lequel elle s’est développée. Les recherches très nombreuses que nous avons effectuées nous ont montré qu'à cet égard les spores sporotrichosiques sont loin de présenter dans leur aptitude à l’agglutination, la même fixité que le bacille d’Eberth. Quel que soit le milieu employé, les cultures Jeunes, de moins d’un mois, ne fournissent habituellement que des agglutinations minimes. Souvent même, la réaction est alors nulle. Le sérum du premier malade que nous avons observé va servir de type à notre description. Pendant les quatre mois que nous l’avons étudié, ce sérum n’a cessé de manifester une action aggluti- nante très énergique à l'égard des cultures plus âgées et n’a Jamais fourni, avec les spores développées depuis moins de trois semaines, que des réactions minimes, au 4 /10, au 1 /30, au 1 /50: une fois seulement, l’agglutination s’est effectuée à 1/80. Ce n’est que passé ce délai que les cultures fournissent des spores nettement agglutinables. A cet égard, les différents rnilieux utilisés ne se montrent pas tous également aptes à de fortes agglutinations. Les cultures 6 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR développées sur milieux liquides sont en général moins aggluti- nables que celles effectuées sur milieux solides. C’est ainsi que le 6 août, le sérum de notre malade fournit avec différents échantil- lons de sporotrichum, cultivés en bouillon glucosé, une réaction à 1 /200, alors qu’il impressionne à 1 /400 et 1 /500 les mêmes échan- tillons, développés sur gélose glucosée et sur gélose maltosée. L'influence exercée ainsi par le milieu de culture sur le degré de l’agglutination du parasite est parfois si intense que des échan- tillons de même provenance et de même âge, développés depuis des temps égaux sur des géloses glucosées ou maltosées, peuvent être agglutinées à des taux très différents, si la composition des géloses où ils ont poussé n’est pas identique. Il y a donc une variabilité certaine de l’agglutinabilité des spores sporotrichosiques; aussi faut-il savoir les moissonner au bon moment. Dans la pratique de la sporoagglutination spo- rotrichosique, il est nécessaire de faire choix d’une culture éta- jon, fournissant des résultats comparables, suivant les diffé- rents sérums éprouvés. Les cultures développées sur gélose glycosée à 4/100, à la température de 300, et vxeilles de 6 semaines à 3 mois, répondent le mieux à ces conditions. Il est d’ailleurs facile de conserver ces cultures de choix par le formolage. Nous nous sommes rendu compte, en effet, que la stérilisation des cultures par les vapeurs de formol ne modifiait en rien leur agglutimabilité. Ce procédé permet donc d’avoir toujours à sa disposition, au laboratoire, une émulsion de spores utilisable pour la”recherche du sérodiagnostic. C’est avec de telles cultures que nous avons décelé, chez notre sporotrichosique, les réactions agglutinantes les plus fortes. Durant toute l’évolution de son affection, la recherche de la sporoagglutination s’est constamment montrée positive, et avec les cultures de choix, s’est toujours effectuée à des taux élevés, oscillant entre 1/200 et 1/800 et le plus généralement autour de 17/500. La sporoagoelutination, ainsi mise en évidence chez notre malade, à été recherchée ensuite chez un grand nombre de sujets atteints de la même affection. Elle a été retrouvée avec une constance presque absolue : dans un cas seulement, observé par MM. Achard et Ramond (1), et concernant une (1) ACHARD ET RAMOND, Soc. méd. hôp., 23 avril 1909, p. 738. SERODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 7 infection mixte, tuberculo-sporotrichosique, la réaction aggluti- nante à fait défaut. Dans tous les autres cas, elle s’est montrée fortement positive. C’est ainsi que deux malades de MM. de Beurmann, Ramond, Gougerot et Vaucher (1) fournissent une réaction à 1/500 et à 1/200; un malade de MM. Achard et Ramond (2) agglutine à 1/500; celui de MM. Gaucher et Fouquet (3) à 1/300; celui de MM. Gaucher, Louste, Abrami et Giroux (4) à 1/1500; celui de MM. Widal et Joltrain (5) à 1/300; ceux de M. Josset-Moure (6) à 1/300, 1/300 et 17/400; celui de MM. Pautrier et Lutemba- cher (7) à 1/200; celui de MM. Gaucher et Joltrain (8) à 1 /300:; celui de MM. Burnier et Weïll (9) à 1/100. Le malade de MM. Sicard et Descomps (10), celui de MM. Brodier et Fage (11), malgré la disparition presque complète de leurs lésions, aggluti- nent encore, le premier à 1/600, le second à 1/500. Dans le cas récemment rapporté par M. Landouzy (12) la réaction est positive à 1/300. Le malade de Bruno Bloch (13) fournit une réaction à 1/800 ; celui de MM. Lebar et Saint-Girons (14) à 1 /100 ; celui de MM. de Beurmann, Gougerot et Verne (15) à 1/200; celui de MM. de Beurmann, Gougerot et Verdun (16) à 1/400; celui de M. Robert Stein (17) à 1/600 ; celui de MM. Pierre Marie et Gougerot (18) à 1 /400; celui de MM. Tré- molières et du Castel (19:, à 1 /400. (4) DE BEURMANN, RAMOND, GOUGEROT ET VAUCHER. (Soc. méd. hôp., 10 juillet 1908, p. 75.) (2) ACHARD ET RAMOND. (Soc. méd. hôp., 31 juillet 1908, p. 234.) 3) GAUCHER Er Fouquer. Bull. Soc. de Dermatologie, 1908. :) GAUCHER, LOUSTE, ABRAMI ET Giroux. (Bull. Soc. Dermatologie, 1908.) 5) WIDAL ET JOLTRAIN. (Soc. méd. hôp., 27 novembre 1908, p. 647). 6) Josser MOURE. (Soc. méd. hôp., 4 décembre 1908, p. 738 ; sbid., 29 janvier 1909; 33 ; cbid., 31 décembre 1909, p. 948. 7) PAUTRIER ET LUTEMBACHER. (Soc. méd. hôp., 1909.) 8) GAUCHER ET JoLrrAIN. (Bull. Soc. Dermatologie, 1909.) 9) BURNIER ET Weiri. (Gazette hôpitaux, 21 septembre 1909, p. 1339.) 0) SicarD ET DEscomps. (Soc. méd. hôp., 26 juin 1908, p. 1021.) 1) BRODIER ET FAGE. (Soc. méd. hôp., 3 juillet 1908, p. 2.) 2) Lanpouzy. (Presse médicale, novembre 1909.) 3) BruNo BLocx. (Beihafte sur medisinischen Klinck, 1909, p. 179.) (14) LEBAR ET SAINT-GrRoNSs. (Bull. Soc. méd. hôp., 16 juillet 1909, p. 168.) (15) DE BEURMANN, GOUGEROr ET VERNE. (Bull. Soc. méd. hôp., 4 juin 1909, PA44123*) (16) DE BEURMANN, GOUGEROT ET VERDUN. (/bid., p. 1128, en note.) (17) RoBert STEIN. (Bull. Soc. méd. hop., 18 juin 1909, p. 1271.) (18) P. Marre Er GouGEror. (Bull. Soc. méd. hôp., 21 mai 1809, p. 996.) (19) TRÉMOTIÈRES ET DU Casrez. (Bull. Soc. méd. hôp., 23 avril 1909, p. 735. hr hk ) ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR RÉACTION DE FIXATION La séroagglutination n’est pas la seule propriété que nous ayons pu mettre en évidence dans le sérum de notre malade spo- rotrichosique. En utilisant la méthode de fixation de Bordet et Gengou, dont l’un de nous a montré avec M. Le Sourd tout le parti qu'on pouvait tirer non seulement pendant la con- valescence, mais pendant l’évolution de la fièvre typhoïde, nous avons constaté dans le sérum de notre malade l’existence d’une sensibilatrice très nette, à l'égard du sporotrichum Beurmanni. Dans cette recherche de la sensibilisatrice, il n’est pas néces- saire de se servir, comme pour la séroagglutination, d’une émul- sion ne renfermant que des spores; les émulsions obtenues en délayant dans de l’eau salée à 8/00 les cultures totales, conte- nant à la fois spores et mycélium, fournissent d’aussi bons résul- tats. De même l’âge et la nature du milieu de culture sont ici indifférents. La technique que nous avons suivie, n’est qu'une modification de celle de MM. Bordet et Gengou. Un centimètre cube de sérum à éprouver, préalablement chauffé à 569, pendant 30 minutes, est mélangé à un demi centimètre cube de l’émulsion de sporotrichum (1); puis on ajoute à ce mélangeO c. c. 2 de sérum frais de cobaye dilué de moitié à l’aide d’eau chlorurée à 8 /000, et enfin un demi centimètre cube d’eau chlorurée à 8/000. Le tube contenant ces différentes substances, est agité, puis porté à l’étuve à 370, pendant 4 heures. Au bout de ce temps, on y ajoute O €. c. 3 de sérum de lapin anti-mouton, chauffé à 56° pendant 30 minutes, et 0 c. c. 1 d’hématies lavées de mou- ton, diluées dans 0 c. c. 5 d’eau chlorurée à 6/00. On sait que, dans de pareilles conditions, si le sérum éprouvé renferme une sensibilisatrice, celle-ci, absorbée par la culture mise en sa pré- sence, détermine la fixation du complément du cobaye, pendant la première partie de l’expérience. Ce complément ayant ainsi disparu du mélange, les hématies sensibilisées qu’on y ajoute ne subissent pas d’hémolyse, et se conservent intactes. Au con- traire, si l’hémolyse se produit, c’est que le complèment n’a pas disparu du mélange, et par conséquent que le sérum éprouvé ne contenait pas de sensibilatrice. (1) L’émulsion employée pour cette recherche doit être dense, opaque: elle ne doit pas, toutefois, renfermer de grumeaux. SÉRODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 9 L'expérience, effectuée dans ces conditions avec le sérum. de notre sporotrichosique, s’est constamment montrée positive, durant les quatre mois que ce malade est resté soumis à notre observation. Il en a été de même pour les autres malades atteints de spo- rotrichose, chez lesquels la réaction de fixation a été recherchée. Les malades de MM. de Beurmann, Ramond,Gougerot et Vaucher; de MM. Sicard et Descomps, Brodier et Fage, Gaucher et Fou- quet, Gaucher, Louste, Abrami et Giroux, Gaucher et Joltrain, Widal et Joltrain, Josset-Moure, Laudouzy, fournissent ainsi une réaction de fixation manifeste. Cette réaction existait également chez le malade de MM. Achard et Ramond, dont le sérum n’agelutinait pourtant pas le sporotrichum Beurmanni. La réaction de fixation, de même que la sporo-agglutination, semblent donc exister de façon pour ainsi dire constante chez tous les sporotrichosiques de types divers. RECHERCHES DE CONTROLE, A L'AIDE DES SÉRUMS NON MYCOSIQUES. Il était, bien entendu, nécessaire, pour établir la valeur dia- gnostique de la sporoagglutination et de la réaction de fixation ainsi constatées chez les sporotrichosiques, de rechercher si le sérum des sujets sains ou atteints d’affections diverses non mycosiques, ne fournissait pas également ces réactions. En ce qui concerne la recherche de la sporoagglutination, aux 25 sérums que nous avions primitivement examinés, nous pouvons en ajouter aujourd’hui 138, ce qui porte à 163, le nom- bre total de sérums-témoins éprouvés. Ces sérums proviennent de 13 sujets normaux, de 30 syphilitiques, de 31 tubereuleux pul- monaires, de 10 cancéreux, de 10 typhiques, de 10 ictériques, de 8 pneumoniques, de 8 brightiques, de 2 rhumatisants, de 8 lé- preux, de 4 hémiplégiques, de 6 cirrhotiques, de 2 méningitiques, de 2 leucémiques, de 2 galeux, de 2 bronchitiques chroniques, de { psoriasique, de 3 sujets atteints d’appendicite, de 4 atteints d’angine, de 3 atteints de suppurations tuberculeuses prolongées, 2 d’ulcérations linguales tuberculeuses. Parmi ces 163 sérums éprouvés à l’aide de cultures de choix, 11 seulement ont fourni 10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR une réaction positive. Mais cette réaction s’est toujours effectuée à un taux bien inférieur à celui que l’on observe au cours de la sporotrichose : chez 4 tuberculeux pulmonaires, elle ne dépas- sait pas 1/20; chez un psoriasique elle s’effectuait à 1/10. Deux cancéreux ont agglutiné l’un à 1/30, l’autre à 1/20; un lépreux à 1/30; enfin chez un pneumonique, la réaction allait jusqu’à 1/80, et chez un ictérique, à 1 /60. D'ailleurs, la recherche de la réaction de fixation, effectuée parallèlement, vient démontrer que les agglutinations ainsi observées ne sont que des réactions fortuites. Nous avons constaté parfois, chez certains malades, l'existence, à certains jours, d’une réaction de fixation positive. Mais, chez ces mêmes malades, le résultat, recherché le lendemain ou le surlendemain, se montrait négatif. Ces variations, d’ailleurs absolument excep- tionnelles, s'expliquent aisément par la complexité des facteurs qui interviennent dans la réaction de fixation. Mais chez aucun des sujets précédents que nous avons examinés, même chez ceux qui avaient présenté une réaction agglutinante positive, nous n’avons observé à plusieurs reprises la réaction de fixation. Nous n’avons constaté qu'une exception à la règle précé- dente : il s’agit d’un malade de M. Ravaut, atteint de sarcome mélanique, et chez lequel la sporoagglutination s’est montrée nettement positive à 1/100, et la réaction de fixation, plusieurs fois effectuée, fut trouvée également positive. L'examen soma- tique de ce malade ne permit &e découvrir aucune lésion myco- sique, en activité ou guérie. La présence des deux réactions témoignait peut-être cependant de l’existence d’une mycose restés inaccessible à nos moyens d'investigation clinique. En résumé, il résulte des recherches précédentes que le sérum des sujets sains, de même que celui des malades atteints d’affec- tions non mycosiques de toute nature, est dénué de pouvoir agglutinant et de pouvoir anti-complémentaire à l'égard du spo- rotrichum Beurmanni. Si, de façon tout à fait exceptionnelle, on peut avec certains sérums, obtenir soit une réaction d’agglu- tination,soit une réaction de fixations positives, ces réactions ne présentent ni constance ni intensité suffisantes; et surtout, elles se montrent dissociées, indépendantes l’une de l’autre. Parmi les 163 sujetsnon mycosiques que nous avons examinés, nousn’avons en effet constaté qu’une fois l’existence simultanée de la réaction SÉRODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 1l agglutinante et de la réaction de fixation. Ces résultats prouvent suffisamment toute l’importance qui doit s'attacher à la recherche des deux réactions : elles se complètent et se contrôlent l’une l’autre. ACTION DES SÉRUMS SPOROTRICHOSIQUES EXPÉRIMENTAUX Il était dès lors intéressant de rechercher si ces deux proprié- tés humorales, ainsi constatées au cours des sporotrichoses humaines, se retrouveraient également chez les animaux expé- rimentalement infectés par le sporotrichum Beurmanni. A cet effet, nous avons tenté de développer l'infection sporo- trichosique chez des chiens et des lapins. Le sérum de ces animaux, examiné avant toute inoculation, était par la suite éprouvé, aux différentes époques de la maladie expérimentale. Deux chiens adultes ont reçu, tous les cinq jours, pendant un mois, une inoculation intrapéritonéale de 10 c. c. d’une émul- sion dense de sporotrichum Beurmanni. Chez tous deux, linfec- tion s’est réalisée avec une grande intensité. Au bout de trois semaines, nous avons vu apparaître, en effet, une éruption de sommes cutanées, rapidement ulcérées et suintantes, en nombre tel que le corps des animaux en était littéralement couvert. Les tumeurs, examinées directement au microscope, contenaient en abondance le parasite, parfaitement reconnaissable; ensemen- cées sur gélose glucosée, elles fournirent au bout de deux se- maines des cultures typiques de sporotrichum. Nous avons pu, chez les deux chiens ainsi infectés, étudier en détail le pouvoir agglutinant et le pouvoir anti-complémen- taire du sérum. Avant toute inoculation, le sérum du chien 1 et celui du chien 2 fournirent une sporoagglutination très légère, variant suivant l'échantillon employé, de 1/10 à 1/30. Dès les premières inoculations, nous avons vu, chez l’un et l’autre animal, appa- raître une réaction agglutinante manifeste. Le chien 1, cinq jours déjà après la première injection, fournit ainsi une sporo- agglutination positive à 1 /200; au bout de 15 jours, il agglutinait à 1/300; la veille de sa mort, survenue au bout d’un mois, il agglutinait à 1 /100. Le chien 2,cinq jours après la première inoculation, agglutina de même à 1/200; depuis cette époque, c’est-à-dire après trois 42 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mois, la réaction se maintenait chez lui au même taux, oscillant entre 1/150 et 1/300; la maladie expérimentale continuait son évolution, et si certaines gommes étaient en voie de régres- sion, d’autres, par contre, faisaient encore leur apparition. Chez ces deux chiens, la réaction de fixation se montra égale- ment positive, avec une grande intensité. Préalablement à toute inoeulation, le sérum de ces animaux ne renfermait aucune sen- sibilisatrice à l’égard du sporotrichum Beurmanni, avec le déve- loppement de la maladie, cette sensibilisatrice fit rapidement son apparition, et suivit une évolution parallèle à celle de la réaction agglutinante. On peut donc conclure de ces recherches que le chien se com- porte au point de vue sporoagglutination et réaction de fixation, absolument comme l’homme, au cours de la sporotrichose. 20 Chez les lapins, les résultats sont beaucoup moins nets, et ce fait tient en grande partie à la résistance parfois considé- rable que présentent ces animaux à l’infection sporotricho- sique. Quatre lapins adultes ont été inoculés avec une émulsion dense de différents échantillons de sporotrichum PBeurmanni. L’infection était pratiquée dans la veine marginale de l'oreille, à la dose de 5 c. c. : elle fut effectuée d’abord tous les 5 jours, puis, au bout d’un mois, tous les 15 jours seulement. Des expériences de contrôle, effectuées chez des lapins sains, nous ayant montré que fréquemment le sérum de ces animaux agglutine le sporotrichum Beurmanni à des [taux parfois élevés (jusqu’à 1 /200), nous n’avons choisi, pour être soumis à l’infec- tion sporotrichosique expérimentale, que des animaux dont le sérum ne fournissait au préalable qu’une réaction agglutinante minime : les lapins 3 et 4 agglutinaient seulement à 1/10, les la- pins 1 et 2 à 1/30. Malgré les doses massives de cultures inoculées, et malgré la répétition des injections, aucun des lapins en expérience ne pré- senta la moindre lésion sporotrichosique. Les lapins 4 et 2 suc- combèrent, le premier au bout de 26 jours; le second au bout de 68 jours; aucune altération d'organes n’était visible à l’autopsie. La culture du sang, de la bile vésiculaire et du foie du lapin 1 fournit des colonies de sporotrichum; chez le lapin 2, elle resta stérile. Quant aux lapins 3 et 4, inoculés pour la première fois SÉRODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 13 le 24 août, ils ne présentaient rien d’anormal 4 mois après, époque à laquelle l'expérience a pris fin. Parmi les 4 lapins en expérience, 2 seulement, le lapin { et le lapin 4, présentèrent une ascension progressive et régulière de leur taux agglutinatif, à la suite des inoculations. Chez le lapin 1, le pouvoir agglutinant, qui était de 1/30 avant la première injec- tion, s’éleva 13 jours après à 1 /50; au vingt-troisième jour il était de 1/500; ce même taux de 1 /500 fut constaté égalememt 3 jours plus tard (26€ jour), date de la mort. Chez le lapin 4, le taux de la sporoagglutination s’éleva de même de 17/10, avant l'injection à 1/50 (13° jour), puis à 1/150 (17€ jour), à 1/300 (30€ jour). Au bout de 2 mois, le sérum de ce lapin fournit une réaction extré- mement intense, qui s’éleva jusqu’à 1/3000. Chez les deux animaux précédents, les inoculations succes- sives de sporotrichum ont done développé manifestement dans le sérum un pouvoir agglutinant très énergique. Il ne semble pas que le fait soit en rapport avec la création de lésions sporotri- chosiques, chez ces animaux : aucun d’eux n’a présenté en effet la moindre formation pathologique; à l’autopsie du lapin 1, mort vraisemblablement d’une maladie épidémique qui sévissait à ce moment sur les animaux du laboratoire, nous n’avons cons- taté aucune altération organique; quant au lapin 4, il était encore bien portant trois mois après le début de lexpérience. Chez les 2 autres lapins, nous avons vu apparaître, à la suite des inoculations, une réaction agglutinante nette; mais elle n’a présenté ni l'intensité, ni la durée de celle observée chez les ani- maux précédents. Le sérum du lapin 2, qui avant l'injection agglutinait le sporo- trichum à 1/30, l’agglutinait à 1 /100, 13 jours après. La réaction s’éleva à 1 /200 le 23€ jour, à 1 /300 le 25€ jour; à partir de cette époque, jusqu'au 68€ jour, date de la mort, le taux agglutinatif oscilla constamment entre 1/10 et 1/50. Il en fut de même pour le lapin 3. Avant l’expérience, son sérum agglutinait à 1/10; 17 jours plus tard, il agglutinait à 1 /100 ; ce même taux fut retrouvé le 30€ et le 40€ jour; puis la réaction redevint négative. Il semble donc que, chez ces deux derniers animaux, l’inocu- lation de sporotrichum n'ait fait apparaître qu'un pouvoir agglu- tinant passager. , 14 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR La réaction de fixation, que nous avons parallèlement recher- chée chez les quatre lapins inoculés, ne nous a donné que des résultats disparates. La séroréaction, dans cette espèce, est donc loin de présenter la fixité et la constance qu’elle offre chez le chien, et plus encore chez l’homme sporotrichosique. VALEUR DIAGNOSTIQUE DE LA SÉRORÉACTION SPOROTRICHOSIQUE La recherche de la sporoagglutination et celle de la réaction de fixation, dans le sérum des sujets atteints de sporotrichose, ne présentent pas seulement un intérêt d'ordre biologique, en éta- blissant la similitude des réactions humorales engendrées par les infections bactériennes et par les infections mycosiques. En matière de sporotrichose humaine, l'intérêt qui s’attache à l’étude de ces propriétés est avant tout d'ordre pratique : leur recherche peut permettre au médecin de porter un diagnostic immédiat; elles lui donnent la possibilité d’être renseigné par le simple envoi de quelques gouttes de sang dans un laboratoire. Sans doute, le diagnostic de la sporotrichose est presque toujours facilement assuré non seulement grâce à la constatation des caractères cliniques si particuliers que MM. de Beurmann et Gougerot nous ont appris à connaître, mais aussi grâce aux cul- tures, dont ces auteurs ont fixé la technique avec tant de pré- cision. Il n’est toutefois pas sans intérêt d’avoir en main un procédé de recherche, qui grâce à la constatation d’une sporoagglutination et d’une réaction de fixation positives, permet de porter avec cer- titude un diagnostic immédiat. Les observations récemment rap- portées par M. Josset-Mourre, par MM. Gaucher et Fouquet, et dans lesquelles l’origine sporotrichosique de lésions absolument atypiques d'aspect a pu être démontrée facilement par le séro- diagnostic, montrant suffisamment l'intérêt pratique qui peut s’attacher à cette méthode. Le sérodiagnostic n’est pas seulement important pour établir la nature sporotrichosique de lésions en activité. La recherche de la sporoagglutination et de la réaction de fixation chez des sujets dont les gommes sont cicatrisées, peut, comme nous en SERODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 15 avions émis l'hypothèse dès le début de nos recherches (1), servir de base à un diagnostic rétrospectif; en outre, elle est susceptible de renseigner sur l’évolution ultérieure de la maladie. Chez plusieurs malades guéris de sporotrichose, MM. de Beur- mann, Ramond, Gougerot et Vaucher ont retrouvé une réaction agglutinante manifeste : le pouvoir agglutinant survit donc à l'infection sporotrichosique, et sa constatation peut permettre, dans certains cas, de porter un diagnostic rétrospectif. C’est ainsi que chez un jeune enfant que nous avons observé, et dont les lésions, depuis un an, n’avaient laissé sur les téguments que quel- ques cicatrices sans caractères spécifiques, la constatation d’une sporoagglutination positive à 1/50, et coexistant avec une réac- tion de fixation également positive, nous a permis d’affirmer rétrospectivement la nature sporotrichosique de la maladie Une parente de ce jeune malade est d’ailleurs atteinte, elle aussi, de sporotrichose, comme l’ont établi le sérodiagnostic, de même que la culture des gommes en activité. MM. Brissaud, Gougerot et Gy ont rapporté de même l'observation d’un homme, dont la sporotrichose entièrement guérie, a pu être dépistée par la cons- tatation d’une sporoagglutination positive à 1/50, et d’une réaction de fixation également positive. Le sporotrichum a pu être retrouvé, par la culture du mucus pharyngé, chez ce malade. De même MM. Lebar et Barré ont pu, grâce à la constatation d’une agglutination positive à 1/100 et d’une réaction de fixa- tion manifeste, dépister chez un homme la nature sporotrichosique de lésions cicatrisées. Cette persistance des réactions humorales chez les anciens sporotrichosiques, est, d'autre part, intéressante à un autre point de vue. Lorsque la maladie est définitivement guérie depuis un certain temps, la réaction agglutinante et la réaction de fixation semblent disparaître, ou ne s’effectuent plus que très faiblement. Un des malades de MM. de Beurmann, Ramond, Gougerot et Vaucher, guéri depuis depuis 5 ans, ne donne plus d’agglutination, même à 4 /10, et son sérum est de même complètement dépourvu de sensibilisatrice; deux autres, guéris depuis un an environ, n’agglutinent plus, l’un qu’à 1/80, et l’autre qu’à 1/60; chez aucun d’eux, la réaction de fixation n’est positive; une autre malade, dont nous avons pu examiner le sérum grâce à lobli- (1) WIiDAL ET ABRAMI. (Loc. cit., p. 932.) 16 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR geance de M. Louste, guérie depuis un an, ne donne également d’agglutination qu’à 1/30. La persistance, après la guérison définitive apparente, d’une sporoagglutination s’effectuant à un taux élevé, en même temps que la persistance d’une réaction de fixation intense, pourra donc peut-être indiquer que la guérison n’est pas réelle, et faire craindre un retour offensif de la maladie. Ces retours ne sont pas impossibles. Chez le malade que nous sui- vons depuis plusieurs mois, nous avons assisté, sous l’influence de l'absorption quotidienne de 8 grammes d’iodure de potassium, à la régression remarquablement rapide des gommes qui recou- vraient le corps en très grand nombre. Or, après un mois, et bien que ce malade n’ait pas cessé pendant un seul Jour ce traitement intensif, trois nouvelles gommes apparurent sur la région thora- cique. Pendant la phase de guérison apparente, le sérum sanguin de ce malade, éprouvé à plusieurs reprises, a constamment fourni une sporoaggiutination très intense, dont le taux oscillait autour de 1 /500, Pareille évolution a été observée chez le malade de MM. Gaucher, Louste, Abrami et Giroux; ici encore, malgré l'administration continue du traitement ioduré, une première poussée de gommes sporotrichosiques fut suivie, après deux mois de guérison apparente, d’une poussée, nouvelle, confluente. Dans l'intervalle de deux atteintes, on n’avait constaté aucun fléchisse- ment dans la courbe de lagglutination (1/1500); la réaction de fixation, de même, fut toujours très intense. Enfin MM. Gaucher et Fouquet ont rapporté l'observation d’un malade qui, atteint il y a deux ans de sporotrichose disséminée et guéri de cette poussée en quelques mois, a présenté, depuis, deux nouvelles atteintes de la maladie. La persistance du sporotrichum Beur- manni dans certains organes, et notamment dans le pharynx, où MM. de Beurmann et Gougerot l'ont décelé après la guérison apparente des lésions tégumentaires, rend compte de ces reprises de la maladie. Il sera donc intéressant de poursuivre méthodi- quement l'étude de l’agglutination et de la réaction de fixation chez les sporotrichosiques guéris en apparence. La constatation, : longtemps après la disparition des lésions, d’une sporoaggluti- nation et d’une réaction de fixation énergiques sera peut-être un important élément de pronostic. SERODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 17 IT Les coagglutinations et cofixations mycosiques, application au diagnostic de l'actinomycose. Les résultats si précis obtenus chez les sporotrichosiques par l'étude de la réaction agglutinante et celle de la sensibilisatrice nous ont naturellement amenés à effectuer les mêmes recherches chez les sujets atteints d’autres mycoses que la sporotrichose. Il était intéressant en particulier de se demander si le sérum de ces malades n’exerçait pas une action coagglutinante ou cofixa- trice sur le Sporotrichum Beurmanni, de la même façon que le sérum des sujets atteints d'infections paratyphoïdes peut coagglu- tiner ou cofixer le bacille d’Eberth, et inversement, Les recherches nombreuses que nous avons effectuées à ce sujet ont abouti à cette conclusion que tandis que dans tout un groupe de mycoses humaines, le sérum des individus infectés est dénué de toute action sur le sporotrichum, au contraire, on observe constamment, au cours de certaines autres, des phéno- mènes de coagglutination et de cofixation. Nous verrons l'inté- rêt capital qui s’attache à l’étude de ces phénomènes. 19 MYCOSES AU COURS DESQUELLES LE SÉRUM RESTE INACTIF A L'ÉGARD DU SPOROTRICHUM Au cours des teignes de diverses origines, des fricophyties cutanées, du pityriaris versicolor, au cours de lérythrasma, du Favus, au cours de l’aspergillose animale, le sérum sanguin se montre inactif à l’égard du sporotrichum Beurmanni, tant au point de vue de la sporoagglutination qu’au point de vue de la réaction de fixation. Onze malades atteints de teignes, à petites ou à grosses spores, et de tricophytie cutanée, ont été examinés : chez 9 d’entre eux, la sporoagglutination sporotrichosique fut négative, même à 1/10; chez un teigneux, de même que chez un homme atteint de tricophytie du fourreau de la verge, nous avons constaté une réaction très légère, à 1 /30. La réaction de fixation, recherchée parallèlement avec le sporotrichum Beurmanni, s’est montrée négative chez tous ces malades. 18 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Mêmes résultats négatifs ont été obtenus avec le sérum de trois malades atteints de pityriasis versicolor confluent, avec celui d’un sujet affecté d’érythrasma, avec celui de trois faviques. Les sujets atteints de ces différentes maladies se comportent, à l’égard du sporotrichum Beurmanni, absolument comme les individus sains ou non mycosiques. 11 semble qu'il en soit égale- ment de même dans l’aspergillose. Nous n’avons pu examiner aucun homme infecté par cette mycose; mais chez plusieurs pigeons aspergillaires, la recherche de la sporoagglutination sporotrichosique et celle de la réaction de fixation sont toujours restées négatives. Inversement, nous avons étudié l’action des sérums de sporo- trichosiques sur les différents parasites des mycoses précédentes. En ce qui concerne la séroagglutination, il nous a été possible, en employant une technique identique à celle qui nous a servi à isoler les spores du sporotrichum, d'obtenir des émulsions homogènes de spores de différents microspora et tricophytons, de même que d’aspergillus niger et fumigatus. Les sérums de cinq sporotrichosiques n’ont déterminé lagglutination d’aucun de ces parasites. D’autre part, la réaction de fixation, recherchée en faisant agir ces sérums sporotrichosiques sur des émulsions de Trichophytons, de Microspora, de Favus, d’Aspergillus, s’est également montrée négative. De ces recherches, il est donc légitime de conclure que le sérum des sujets infectés par les mycoses sus-nommées est dé- pourvu de toute action sur le sporotrichum Beurmanni, et, qu'à l'inverse, le sérum des sporotrichosiques est inactif à l'égard des différents agents de ces mycoses. Ces résultats sont d’autant plus significatifs qu’au cours de certaines au moins de ces maladies à champignons, il nous a été possible de mettre en évidence, dans le sérum des individus qui en étaient atteints, des propriétés humorales spécifiques, s’exerçant sur l'agent même de la maladie. C’est ainsi que si le sérum des teigneux est dépourvu d’action sur le sporotrichum Beurmanni, il détermine par contre, le plus souvent, avec des cultures de teignes, des phénomènes d’agglutination et de fixa- tion. Parmi les huit teigneux que nous avons examinés à ce point de vue, cinq ont agglutiné des émulsions de teignes à grosses spores à des taux variant entre 1/50 et 1/200: sur onze SÉRODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 19 sérums, avec lesquels nous avons effectué la réaction de fixation à l'égard des mêmes parasites, sept fois la réaction fut positive et quatre fois légère. Le sérum des faviques semble, de même, acquérir des pro- priétés spécifiques à l'égard du parasite correspondant. En raison de l’extrême difficulté que l’on éprouve à isoler les spores du champignon, nous avons recherché seulement dans ces cas la réaction de fixation : elle a été nettement positive chez les deux faviques que nous avons pu examiner. Ainsi l’inactivité complète du sérum constatée à l’égard du sporotrichum Beurmanni, chez les sujets atteints des différentes mycoses que nous venons d'examiner, ne tient pas à l’absence de toute agglutinine et de toute sensibilisatrice dans ce sérum. Elle semble prouver que les parasites en cause sont biologique- ment très différents du sporotrichum. B. MYCOSES FOURNISSANT DES CORÉACTIONS Il en est tout autrement pour deux autres mycoses, l’actino- mycose et le muguet. 19 ACTINOMYCOSE Dès notre première communication, nous avons montré que le sérum des actinomycosiques donnait, au contact du sporotri- chum Beurmannt des phénomènes très nets de coagglutination et de cofixation. Ainsi, les sérums de deux malades atteints d’acti- nomycose en évolution, que nous avions pu étudier grâce à lobligeance de M. Schwartz et de M. Bresset, agglutinaient l’un et l’autre les spores du sporotrichum à 1 /150. Ces mêmes spores étaient agglutinées à 1/50 par le sérum d’une personne guérie depuis 9 ans d’une grave actinomycose abdominale, et par le sérum d’une jeune femme qui, après une cure iodurée intensive, semblait depuis six semaines complètement guérie d’une actino- mycose cervicale. Le sérum de cette dernière malade nous avait été obligeamment fourni par M. Boïdin. Nous avons pu, depuis, étudier quatre nouveaux cas d’actino- mycose. Chez l’un de ces malades, dont l’actinomycose cervicale est en pleine évolution, la sporoagglutination est positive, au taux de 1 /100; chez le second, dont les lésions sont guéries depuis 20 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 4 ans, la réaction, plusieurs fois recherchée, est restée négative, Dans un troisième cas, que nous devons à l’obligeance de M. Queyrat, et qui concerne une actinomycose faciale au début, l’agglutination est positive à 1/150; elle s’effectuait de même à 1/100, chez un malade de M. Rüieffel, atteint d’actinomycose de la région parotidienne. Enfin, tout récemment, MM. Chauf- fard et Troisier (1) ont observé au cours d’une antinomycose cervicorachidiennne, une sporoagglutination positive à 1 /100 ; la réaction de fixation était également très nette. Grâce à ce, deux réactions, MM. Chauffard et Troisier ont pu affirmer chez leur malade l’existence d’un véritable mal de Pott cervical d’origine actinom ycosique ; ils ont observé de plus le phénomène de coopsonisation. «Là où la clinique disait actinomycose probable, la biologie a ajouté, disent-ils, mycose certaine. » La recherche de la réaction de fixation, effectuée parallèlement chez ces malades, à l’aide d’émulsions de sporotrichum Beur- manni nous à fourni des résultats comparables. Chez nos sept sujets atteints d’actinomycose de types et d’âges très divers, nous avons pu déceler une réaction de cofixation des plus nettes. Ceux dont les lésions sont en pleine évolution fournissent une réaction très intense; chez ceux dont lactinomycose est guérie, la même réaction persiste, quoique à un moindre degré. Il est intéressant de constater que chez un de ces sujets, guéri de ses lésions depuis 4 ans, et dont le sérum ne fournit plus de réaction coagglutinante avec le sporotrichum, on observe cependant une réaction de cofixation des plus nettes. Il y à là un fait analogue à celui que lon observe chez certains typhiques, dont le sérum, après la guérison de la maladie, peut avoir perdu tout pouvoir agelutinant sur le bacille d'Eberth, mais continuer cependant à renfermer une sensibilisatrice spécifique à l'égard de cette bac- térie. L'existence si nette des phénomènes de coagglutination et de cofixation constatés dans le sérum des actimomycosiques en pré- sence du sporotrichum, nous a conduits à rechercher si les sérums des sSporotrichosiques ne fournissaient pas les mêmes réactions au contact des cultures d’actinomycoses. L’agglutination de l’actinomyces est impossible à rechercher (1) CHAUFFARD ET TROISIER. Actinomycose cervicorachidiene. Evolution clini- que et biologique. Guérison. Æ#evue de médecine, 10 novembre 1909. SERODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 21 à cause de la morphologie particulière du parasite. Quel que soit le milieu de culture employé, il nous a été impossible, en effet, d'obtenir les spores de l’actinomyces à l’état isolé; le produit de filtration des émulsions renferme presque uniquement des frag- ments mycéliens, sur lesquels le sérum reste inactif, comme l’un de nous l’avait autrefois constaté avec M. Boiïdin chez un actino- mycosique. C’est là un fait intéressant à noter, car on pouvait supposer que le phénomène de l’agglutination se produirait au contraire aisément avec ces fragments mycéliens courts et ténus, d'apparence bacillaire. Au contraire, la réaction de fixation, recherchée en mettant au contact le sérum des sporotrichosiques ou des actinomycosiques et des émulsions de cultures d’actinomyces, a été constamment positive. Chez sept sporotrichosiques et cinq actinomicosiques que nous avons examinés à ce point de vue, la réaction s’est toujours effectuée en présence de l’actinomyces avec autant d'intensité qu’en présence du sporotrichum. Les recherches précédentes nous permettent de conclure que, de même que le sérum des actinomycosiques fournit avec le spo- rotrichum, des phénomènes de coagglutination et de cofixation, de même et inversement, le sérum des sporotrichosiques cofixe en présence de l’actinomyces. Cette similitude de réactions, ainsi constatée au cours de ces deux mycoses, est corroborée encore par ce fait que les sérums des sujets atteints de mycoses comme les teignes, les tri- chophyties, les favus, l’érythrasma, avee lesquels on n’observe pas, comme nous l’avons vu, de coagglutination,n1 de cofixation avec le sporotrichum, sont également inactifs sur l’actinomyces. Enfin, il est une dernière série de constatations, propres à établir la parenté des réactions humorales observées dans la spo- rotrichose et dans l’actinomycose : elles sont tirées de l'étude des malades atteints de muguet. 2° MUGUET Dès le début de nos recherches, nous avons constaté que le sérum des sujets porteurs de muguet fournit avec le sporotrichum PBeurmanni une sporoagglutination positive. Chez deux tubercu- leux, atteints de muguet bucco-pharyngé, nous avions observé 99 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR en effet une réaction agglutinante des plus nettes, à 1 /50 dans un cas, à 1 /100 dans l’autre. Depuis, nous avons eu l’occasion d’exa- miner trois nouveaux cas de muguet : la coagglutination, avec les spores du sporotrichum, a été recherchée à maintes reprises; elle s’est effectuée chez deux de nos malades, à 1/150; chez le troisième à 4 /100. Ce phénomène de coagglutination, déterminé au contact du sporotrichum par les sérums des malades atteints de muguet est d'autant plus remarquable, que ces sérums n’exercent sur les éléments du muguet qu'une action agglutinante minime. On sait avec quelle facilité s’obtiennent des émulsions homogènes des spores de ce parasite; en filtrant sur papier Chardin, le pro- duit du délayage, dans l’eau chlorurée à 8/1000, d’une petite quantité de culture de muguet développée sur carotte, on obtient un liquide renfermant une très grande abondance de spores isolées. La recherche de l’agglutination, effectuée à l’aide de ces émulsions chez nos malades porteurs de muguet, ne nous a jamais fourni que des résultats très faiblement positifs, variant de 1 /10 à 1/50. Au contraire, ces mêmes sérums coagglutinaient, nous l’avons vu, les spores du sporotrichum aux taux de 1/50, 1 /100, 1 /150. Dans le muguet, comme dans lactinomycose, cette réaction de coagglutination est doublée par une réaction de cofixation. Le sérum des cinq malades atteints de muguet, que nous avons étudiés, fournit en effet constamment, en présence du sporotri- chum, une réaction de fixation très intense. L'étude de la coagglutination et de la cofixation sporotri- chosique, chez les malades porteurs de muguet nous a permis de constater toute la précision de ces réactions humorales. Chez plusieurs sujets, traités dans notre service pour des affections diverses, non mycosiques, la constatation d’une sporoagglutina- tion et d’une réaction de fixation positives nous a permis en effet de dépister lapparition du muguet. Dans un cas, le séro- diagnostic a précédé de vingt-quatre heures la constatation de la stomatite crémeuse, fournissant ainsi la preuve de la précocité des réactions humorales que peut engendrer même une infection de surface, comme le muguet. Une jeune femme, atteinte de fièvre typhoïde, n’avait durant son infection, jamais fourni d’agglutination ni de fixation avec le SERODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 23 sporotrichum. Au bout de quelque temps, cette malade fit une angine crémeuse, et dès le lendemain apparaissaient dans son sérum les propriétés agglutinante et sensibilisatrice. La sporo- agglutination était positive à 1/50; la réaction de fixation était également positive, au contact du sporotrichum et de l’oidium. De même, chez deux tuberculeux cavitaires, la constatation d’une sporoagglutination positive nous a fait examiner la gorge, et l’existence d’un muguet pharyngé nous a donné l'explication de cette réaction. Enfin, chez une malade atteinte de fièvre typhoide légi- time, et dont le sérum, examiné à plusieurs reprises, s'était mon- tré inactif à l’égard du sporotrichum, nous avons vu à certain moment apparaître une sporoagglutination positive à 1/150, L'examen de la gorge, à ce moment, ne montrait aucune lésion de muguet. Mais l’ensemencement du mucus pharyngien four- nissait, au bout de quelques heures, de nombreuses colonies d’oïdium et, dès le lendemain, le muguet buccal devenait évident. La mort étant survenue quelques jours plus tard, l’autopsie montra la présence d’un muguet très confluent de l’œsophage et de tout le tube digestif. Il est possible que la sporo- agglutination constatée chez cette malade ait été en rapport avec ces lésions du tube digestif ayant précédé peut-être le muguet buccal; la séroréaction fut en tout cas antérieure à toute manifestation oïdienne cliniquement appréciable. Nous avons recherché également de quelle façon se compor- tait le sérum des sporotrichosiques, au contact des spores du muguet. Chez huit sujets atteints de sporotrichoses de types divers, nous avons obtenu des réactions de fixation manifestes, en employant, comme antigène, des émulsions d’oidium albicans de différentes provenances. Il existe donc, entre le muguet et la sporotrichose, la même parenté de réactions humorales qu'entre la sporotrichose et l’actimomycose. Pour achever d’établir cette parenté il restait à étudier l’action croisée exercée par les sérums d’actinomyco- siques et les sérums d’oidiomycosiques sur l’oidium et l’actino- myces. Cette action se montra évidente. Tous les sérums d’acti- nomycosiques que nous avons pu examiner, fournissaient une réaction de fixation positive, non seulement avec l’actinomyces et le sporotrichum, mais avec le muguet. À l'inverse, les sérums 24 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de nos cinq malades atteints de muguet ont donné une réaction de fixation aussi énergique avec l’actinomyces qu'avec le sporo- trichum et l’oiïdium. Il résulte des constatations précédentes qu’au point de vue des réactions qu’elles font apparaître dans les humeurs des infectés, ces trois mycoses : sporotichose, actinomycose et muguet présentent entre elles une très grande parenté. Les phénomènes si nets de coagglutinations et de cofixations croisées que l’on constate chez les sujets atteints de l’une ou l’autre de ces maladies, en témoignent. Ces trois mycoses forment, à ce point de vue, un groupe nosologique bien distinct de celui d’autres affections à champignons, comme les teignes, les trichophyties, les microsporoses, laspergillose, le favus, au cours desquelles les réactions de coagglutination et cofixation à l’égard des parasites du premier groupe font complètement défaut. VALEUR DIAGNOSTIQUE DES COAGGLUTINATIONS ET COFIX ATIONS SÉRODIAGNOSTIC DE L'ACTINOMYCOSE L'existence des phénomènes de co-agglutination et de co- fixation, déterminés au contact de la spore sporotrichosique par le sérum des malades atteints d’actinomycose et de muguet, comporte au point de vue pratique, une importance de premier ordre. On sait combien peut être, en clinique, difficile à porter le diagnostic d’actinomycose. Il faut compter avec l’absence fré- quente des « grains jaunes » dans les lésions ouvertes, à certains moments de l’observation, et avec l’extrême difficulté d’obtenir des cultures du parasite. D'autre part, il est le plus souvent impossible de reconnaître la nature des manifestations profondes, viscérales, de la maladie. La connaissance des réactions humorales développées dans le sérum des actinomycosiques pourra désormais être d’une très grande utilité pour le clinicien. Nous avons vu que la morpho- logie particulière de l’actinomyces, l'impossibilité d’obtenir des émulsions de ses spores, rendent impraticable la recherche de l'agglutiaation directe de lactinomyces par le sérum de l’actinon.ycosique. De même, la réaction de fixation, étudiée SÉRODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 25 sur des émulsions d’actinomyces, demande un outillage spécial et nécessite l'entretien permanent, dans les laboratoires, de cul- tures de ce champignon, dont la vitalité est souvent précaire. Ces conditions rendent peu pratique la recherche directe de la réac- tion de fixation chez les actinomycosiques. Au contraire, les phénomènes de sporoagglutination et co- fixation observés chez ces sujets, dont Le sérum est mis au contact du sporotrichum Beurmanni, peuvent être exploités très utilement pour le sérodiagnostic de la maladie. La spore du sporotrichum, en raison de l’extrême facilité de sa culture et de sa dissociation, est une spore de choix pour ces recherches. La coagglutination pro- duite à son contact par le sérum des actinomycosiques, loin de gêner, devient un élément très important de diagnostic. En présence d’une affection dont on soupçonne la nature actinomycosique, la constatation d’une agglutination positive pour le sporotrichum Beurmanni ne permet évidemment pas, à elle seule, de porter un diagnostic spécifique, mais elle indique qu’il s’agit d’une mycose appartenant à un groupe dont l’actinomycose fait précei- sément partie. La signification de cette sporoagglutimation sera rendue plus évidente encore, par la coexistence d’une réac- tion de cofixation également positive, réaction qui, Jusqu'ici, n’a jamais fait défaut chez les actynomycosiques que nous avons observés. Le diagnostic une fois restreint, de la sorte, à un groupe par- ticulier de mycoses, l'examen clinique du malade, les caractères et l’évolution même de ses lésions achèveront, dans la plupart des cas, d'établir qu’il est atteint d’actinomycose. Par cette recherche de la coagglutination, doublée par celle de la cofixation, nous avons pu reconnaître, chez deux malades de notre service, la nature actinomycosique de lésions dont le diagnostic, jusque-là, était impossible à porter. La culture, dans un cas, la guérison très rapide par le traitement ioduré, dans l’autre, sont venus confirmer les données de la séroréaction. Il en a été de même pour deux autres malades, dont nous avons pu examiner le sérum grâce à l’obligeance de M. Rieffel et de M. Queyrat. Chez le premier, porteur depuis un mois d’une tumeur fistulisée de la région parotidienne, la sporo- agglutination se montrait positive à 1/100; la réaction de cofixation était également positive. Cependant l’examen direct 26 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR du pus des fistules, et sa culture étaient restés négatifs. L’abla- tion d’une partie de la tumeur montra qu’il s'agissait d’une lésion inflammatoire folliculaire, ne renfermant aucun bacille de Koch. Le traitement ioduré fut institué, et le malade guérit très rapidement. Dans le second cas, il s’agissait d’une tumeur développée depuis six semaines à la face interne de la joue, et qui présentait l’aspect d’une gomme ulcérée. L’absence de tout antécédent syphilitique, de même que résultat négatif de la réaction de Wassermann, firent penser à l’actinomycose. La sporoagglutina- tion, recherchée alors, se montra positive à 1 /150; la réaction de fixation fut également positive. Le malade fut donc soumis au traitement ioduré, et en 10 jours, la guérison était complète. Aïnsi, dans les cas que nous venons de relater, la recherche de la séroréaction, seule, permit de reconnaître la nature actinomycosique de lésions dont il était impossible d’établir le diagnostic par la clinique. IL eût été intéressant de pouvoir appliquer les mêmes recherches aux bovidés, qui sont si souvent infectés par l’actino- myces. Les observations que nous avons effectuées sur ces ani- maux nous ont montré que pareille méthode de diagnostic leur est inapplicable. D’une part en effet, le sérum de bœuîfs normaux, reconnus à l’autopsie indemnes de toute lésion actmomycosique, fournit très fréquemment, au contact des spores du sporotri- chum, une coagglutination très intense, s’effectuant à 1/400, 1 /500 et même plus. D'autre part, le sérum des bœufs actinomy- cosiques peut ne pas agglutiner les mêmes spores avec plus d’in- tensité. Dans l’un et l’autre cas, d’ailleurs, la réaction peut, chez le même animal, se montrer paradoxale, existant à certains jours, pour disparaître à d’autres. Il en est également ainsi de la réaction de fixation. Recherchée à l’aide d’émulsions de Sporo- trichum de muguet et d’actinomyces, elle a été tout aussi irrégu- lière, positive chez des animaux normaux et négative chez des actimomycosiques. I n’y a là rien de comparable aux réactions si précises et si constantes que nous avons observées au cours de l’actimomycose humaine. SÉRODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 27 DÉDUCTIONS BOTANIQUES Les phénomènes de coagglutination et de cofixation mycosiques que nous venons d'étudier ne sont pas seulement importants à connaître pour le médecin. On sait combien sont délicates, en matière de mycologie, les questions de classifi- cation des espèces. Il n’est peut-être pas sans intérêt d'exploiter, à ce point de vue, les résultats fournis par le sérodiagnostic mycosique. Les faits que nous avons relatés Jusqu'ici montrent, en effet, que des espèces morphologiquement très éloignées, comme le sporotrichum Beurmannt, l'actinomyces, le muguet, sont réunies dans une même classe par la communauté des réactions sériques qu’elles provoquent dans lorganisme, alors que d’autres espèces, comme les Trichophytons, les Kérions, les Aspergillées, le Favus s’en séparent complètement à ce point de vue. Nous avons pu, grâce à l’obligeance de M. Binot, expérimen- ter sur un grand nombre d’espèces mycosiques. De cette étude, nécessairement très longue et délicate, un certain nombre de faits se dégagent dès maintenant. Tout d’abord, la constatation des phénomènes de cofixa- tion obtenus à l’égard de l’actinomyces avec les sérums des sporo- trichosiques et des sujets atteints de muguet, nous a conduits à rechercher les mêmes phénomènes à l’aide de cultures d’autres oospora, telles que : O0. Madurae, O. Eppinger, O. Gabritchewsky, O. Affanasiew, O. Deci (1). Botaniquement, ces espèces sont, on le sait, très voisines de l’actinomyces. Nous avons done recherché si les sérums de sporotrichosiques, d’actinomycosiques, d’oïdio- mycosiques, qui, tous fournissent une réaction de fixation positive avec les cultures d’actinomyces, la fourniraient égale- ment avec les cultures de ces oosporées. En ce qui concerne l'O. Madurae, variété pathogène qui engendre l’affection connue sous le nom de « Pied de Madura », les résultats de nos recherches ont été très nettement positifs : sur sept sérums de sporotrichosiques éprouvés, six ont donné avec cette espèce une réaction de fixation complète; le septième a donné une réaction positive, mais légère. Trois sérums d’acti- (1) Nos premiers résultats à ce sujet ont été consignés dans une communication à la Société médicale des Hôpitaux, le 27 novembre 1908. 28 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR nomycosiques ont fourni de même une réaction complète. Enfin, avec quatre sérums de malades atteints de muguet, trois fois la réaction fut positive et une fois seulement néga- tive. Parmi les 15 sérums, témoins expérimentés, un seul celui d’un urémique à sérum lactescent fournit un résultat positif; avec tous les autres, la réaction fut complétement négative. Nous avons obtenu, avec les autres variétés d’oospora des résultats identiques. Les Oospora Madurae, Eppinger, Deci, Affanasiew, Gabrit- chensky, qui botaniquement se rangent tout à côté de l’actino- myces, se comportent, en un mot, absolument comme cette espèce, dans l’épreuve de la cofixation. Groupement botanique et groupement biologique sont ici parfaitement superpo- sables. Il est une autre classe de parasites qu’il était intéressant d’étudier encore à ce point de vue : les saccharomycètes, dont la parenté avec le muguet a été défendue par certains savants. Nous avons pu expérimenter à l’aide de plusieurs espèces de levures, dont certaines pathogènes : les levures Curtis, Plimmer, Blanchard, l’oidium luteum, le S. granulatus, le S. caprae, le S. lithogenes. Bien que les résultats obtenus avec ce nouveau groupe de parasites ne présentent pas la même constance que ceux fournis par l’étude des oosporées, on peut voir cependant, par la lecture du tableau ci-contre, qu’ils autorisent, dans l’ensemble, la conclu- sion suivante : les sérums de sporotrichosiques, d’actinomy- cosiques, de malades atteints de muguet, fournissent avec les levures précitées une réaction de fixation positive, beaucoup plus souvent que les sérums témoins. Les phénomènes de cofixation conduisent ainsi à rapprocher dans un même groupement biologique, à côté du sporotrichum Beurmanni et du muguet : l’actynomices et les oospora d’une part, les levures, ou tout au moins certaines d’entre elles, d’autre part. Nous avons vu, au contraire, que d’autres espèces, les tri— chophytons, le Favus, les Aspergillées, s’écartent entièrement du groupe précédent, en ce sens qu’elles ne fournissent pas, avec les sérums des sporotrichosiques, des actinomycosiques, des sujets atteints de muguet, les mêmes phénomènes de cofixation. Il SERODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 29 faut ajouter aux espèces de ce second groupe deux autres classes de parasites : les Pénicillées et les Mucorinées. En faisant agir sur des émulsions de Pénicillum glaucum, de P. digitatum, de P. Candidum le sérum de nos malades infectés par le Sporotri- chum, l'actinomyces ou le muguet, nous n'avons Jamais observé SÉRUMS DE MYCOSIQUES SR Du qe à SÉRUMS-TÉMOINS LEVURES Sporotrichosiques | Actinomycosiques RO A OL — D. 0 R. pos. | R. nég. | R. pos. : ; è 5 . née. | R. pos. | R. nég. D Cas. ARCS. Blanchard ....|9 3 Plimmer 5 2 O. luteum.... 5. granulatus. . lithogenes. de réaction de fixation positive. [Il en a été de même pour les cultures de Mucor Regnieri, de M. Trucheri, de Rhizomucor ; de même aussi pour celles de Rhizopus nigricans. L'ensemble des résultats qui précèdent montre l'intérêt qui peut s’attacher, pour le botaniste, à la recherche des réactions humorales au cours des mycoses. L'étude, poursuivie paral- lèlement, de ces propriétés biologiques et des propriétés morpho- logiques des parasites végétaux, pourra sans doute fournir de nouveaux arguments, en faveur du rapprochement ou au con- traire de la séparation de ces espèces. Conclusions. Nous avons eu, avant tout, pour but dans ce mémoire, de faire ressortir l'intérêt que peut présenter, pour le médecin, la connaissance des propriétés humorales développées dans le sérum des malades atteints de mycoses. Il nous paraît utile de résumer à ce point de vue les conclusions qui se dégagent de l’ensemble de nos recherches. 30 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR I. Le sérum des sujets atteints de Sporotrichose possède deux propriétés fondamentales, qu’il est très facile de mettre en évi- dence, et dont l’étude permet un sérodiagnostic immédiat de cette maladie : la propriété agglutinante et le pouvoir anticom- plémentaire, à légard du Sporotrichum Beurmanni. Ces deux propriétés existent presque toujours simultanément : elles se complètent par conséquent et se contrôlent l’une l’autre. a) La recherche de la réaction agglutinante nécessite une technique un peu particulière, en raison de ce fait que seules les spores du sporotrichum représentent l'élément agglutinable du parasite; d’où le nom de sporoagglutination que nous avons proposé. Il est très facile d'obtenir ces spores à l’état isolé, en filtrant sur papier Chardin une émulsion de culture totale dans l’eau chlorurée physiologique : les spores seules traversent ce filtre. D'autre part, toute culture de sporotrichum ne peut servir indifféremment pour la recherche de la sporoagglutination. Les spores du parasite présentent en effet une grande variabilité dans leur aptitude à l’agglutination, suivant leur âge et le milieu de culture. Ce sont les cultures développées à la température du laboratoire, sur gélose glycosée de Sabouraud, et vieilles de 6 semaines à 3 mois, qui fournissent les spores les plus aggluti- nables. La stérilisation par le formol n’altérant en rien leur agglu- tinabilité, il est aisé de conserver des cultures préalablement éprouvées, pour la recherche de la sporoagglutination. A l’aide des émulsions de spores ainsi obtenues, on peut, par la méthode des dilutions successives, mesurer le pouvoir aggluti- nant des sérums, aussi exactement qu’on chiffre le taux agglu- tinatif dans la fièvre typhoiïde. Alors que le sérum des sujets sains ou atteints d’affections non mycosiques, ne fournit que des sporoagglutinations nulles ou positives seulement à 1/10, 1/30, avec le sérum des sporotri- chosiques au contraire, on obtient des réactions très intenses, et qui ont oscillé, chez la plupart des malades observés jusqu'ici, autour de 1 /200, 1 /300, 1 /400. b) Cette réaction agglutinante est doublée par la réaction de fixation, qui permet de déceler, dans le sérum des sporotri- chosiques, une sensibilisatrice à l’égard du sporotrichum Beur- manni. Cette réaction de fixation, recherchée par une technique SÉRODIAGNOSTIC MYCOSIQUE 31 semblable à celle de Bordet-Gengou, peut être effectuée à l’aide d’une culture quelconque de sporotrichum : point n’est besoin, comme pour la sporoagglutination, de séparer les spores du mycélium; de même, âge et le milieu de la culture sont indiffé- rents. Alors que chez les sujets normaux, ou atteints d’affections non mycosiques, la réaction de fixation est négative, elle s’est montrée au contraire positive, avec une très grande intensité chez tous les sporotrichosiques examinés Jusqu'ici. Sa recherche vient donc contrôler en quelque sorte, celle de la sporoaggluti- nation; la constatation, chez un malade, et à un taux élevé, des deux réactions, permet un sérodiagnostic immédiat de spo- rotrichose. Réaction agglutinante et réaction de fixation suivent le plus souvent, au cours de l’évolution de la sporotrichose, une marche parallèle. Non seulement elles persistent pendant toute la phase active de la maladie, mais elles survivent à sa guérison, pendant un temps plus ou moins long. Aussi, leur recherche peut-elle être exploitée pour faire le diagnostic rétrospectif de cette mycose. IT. La spore du sporotrichum Beurmanni n’est pas agglutinée seulement par le sérum des sporotrichosiques, et ce sérum n’est pas non plus le seul à produire au contact du sporotrichum une réaction de fixation positive. On observe, en effet, avec le sérum des sujets atteints de certaines autres mycoses, des phénomènes de coagglutination et de cofixation très importants. Loin de gêner, ces phénomènes peuvent au contraire être utilisés pour un séro-diagnostic de ces mycoses. a) Tout d’abord, en effet, le nombre des mycoses au cours desquelles s’observent ces phénomènes de coagglutination et de cofixation sporotrichosiques est très restreint. Le sérum des malades atteints de érichophyties, de teignes, de favus, d’éry- thrasma, de pytiriais versicolor, celui des animaux infectés par l’aspergillus, sont dénués de toute action coagglutinante ou co- fixatrice sur le sporotrichum; et mversement. Au contraire, il est deux mycoses, dans lesquelles ces réac- tions s’observent constamment : le muguet et l’actinomycose. b) Le sérum des sujets atteints de muguet coagglutine les spores du sporotrichum à des taux variant entre 1/50 et 1/150; 32 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cette coagglutination, ainsi observée dans une mycose dont les lésions sont pourtant si superficielles, apparaît très précocement : nous l’avons vue, dans un cas, précéder de 24 heures les mani- festations cliniques du muguet. Ici encore, la réaction coagglutinante est doublée par une réaction de cofixation et inversement, le sérum des sporotri- chosiques fournit une réaction de fixation positive, avec les cul- tures du muguet. c) Il en est de même pour lactinomycose. Le sérum de tous les actinomycosiques examinés jusqu'ici nous a fourni au con- tact des spores du sporotrichum Beurmanni des coagglutinations manifestes, s’effectuant à des taux variant entre 1/50 et 17/150. Ces taux, pourtant déjà très élevés, sont bien différents de ceux de 1 /400, 1 /500, qui sont communément observés chez les spo- rotrichosiques. La réaction de coagglutination, chez les actinomycosiques, est accompagnée, comme pour le muguet, d’une réaction de co- fixation, et, à l'inverse, le sérum des sporotrichosiques cofixe en présence des cultures de l’actinomyces. d) Les phénomènes de coagglutination et de cofixation, ainsi observés chez les malades atteints d’actinomycose, com- portent au point de vue pratique, une importance de premier ordre : ils permettent en effet d'orienter vers un sérodiagnostic immédiat de cette affection, dont les manifestations profondes, viscérales, ont jusqu'ici échappé à l’investigation clinique. Le sérodiagnostic direct de l’actinomycose ne peut être effectué en pratique : la recherche de la réaction agglutinante est rendue impossible par ce fait que le sérum des actinomyco- siques est dénué d’action sur le mycélium de l’actinomyces; la recherche de la réaction de fixation, qui pourtant se montre posi- tive, nécessite l’emploi de cultures d’actinomyces, toujours très difficiles à obtenir et à entretenir dans un laboratoire. Au contraire, les réactions de coagglutination et de cofixa- tion déterminées au contact du sporotrichum par les sérums actinomycosiques rendent possible un sérodiagnostic indirect de l’actinomycose. En raison de l’extrême facilité de sa culture et de sa dissocia- tion, la spore du sporotrichüm est une spore de choix pour ces recherches. Lorsque le problème se pose, au lit du malade, de SÉRODIAGNOSTIC. MYCOSIQUE 33 savoir s’il ne s’agit pas d’une manifestation de l’actinomycose la consta tation d’une sporoagglutination et d’une réaction de fixation positives pour le sporotrichum Beurmanni indique que l’on est en présence d’une mycose appartenant à un groupe dont l’actinomycose fait précisément partie. En orientant ainsi le diagnostic, cette séroréaction indirecte peut aider à trancher le problème posé par la clinique. Elle nous a permis, dans plusieurs cas, de reconnaître la nature actinomycosique de lésions dont le diagnostic, jusque-là, était impossible à établir. 3 LE CHOLÉRA A SAINT-PÉTERSBOURG Quelques essais de sérothérapie anticholérique. Par LE D' A.-T. SALIMBENI Lors de l'épidémie de choléra qui a sévi en Russie pendant l’au- tomne 1908, nous avons pour la première fois expérimenté, sur un certain nombre de malades mis à notre disposition par le pro- fesseur Levin, dans son service à l'hôpital Pierre et Paul de Saint- Pétersbourg, la valeur curative du sérum anticholérique préparé à l’Institut Pasteur de Paris, d’après la méthode préconisée par Roux, Metchnikoff et Salimbeni (1). Ces premiers essais, bien qu'ayant porté dans une très large proportion sur des cas graves et très graves, donnèrent des résultats très encourageants, et si nous avons attendu jusqu’à aujourd’hui, avant d’en faire connaître le résultat, c’est que nous avions compté pouvoir, pendant l’année courante, reprendre ail- leurs nos expériences, et réunir un nombre d’observations suffi- santes pour préciser dans quelles conditions et jusqu’à quel point le sérum anticholérique pourra être efficacement employé dans le traitement du choléra humain. Suffisamment éclairés par la première série d'essais, nous aurions tâché, dans une deuxième, de procéder de façon à ce que les résultats obtenus chez les malades traités par le sérum fussent corroborés par les observations d’un nombre égal de malades témoins, traïtés par des doses comparables de sérum normal de cheval, ou, dans le cas où celui-ci aurait manifesté une action quel- conque nuisible, par les différents moyens thérapeutiques non spécifiques préconisés. L’occasion de reprendre nos expériences ne tardera probablement pas à se présenter; mais en attendant, comme la sérothérapie anticholérique est en ce moment à l’ordre du jour, nous nous sommes décidé à faire connaître les résultats de nos premières observations qui, bien que peu nombreuses, pourront, nous lespérons, fournir des indications utiles à tous ceux qui s'intéressent à cette importante question. Mais avant tout et pour bien préciser le milieu épidémique dans (1) Annales de l'Institut Pasteur. Mai 1896, LE CHOLÉRA A SAINT-PÉTERSBOURG 35 lequel nous avons opéré, quelques mots sur le choléra à Saint- Pétersbourg et ses caractères de gravité au moment de nos essais. Le choléra à Saint-Pétersbourg. C’est en 1906 que le choléra, de ses foyers de l’Inde, après avoir avoir franchi la Perse (1903-1904-1905), fit son apparition à Bakou et Tiflis dans la Transcaucasie d’abord et bientôt sur le territoire de la Russie d'Europe. Depuis, tous les ans, surtout au retour de la bonne saison, des cas plus ou moins nombreux de choléra étaient signalés à As- trakan, Tsaritzine, Samara, Samarkand, Saratoff et dans d’autres localités sur le parcours du Volga et du Don. En 1908 les premiers cas furent constatés, vers la moitié du mois de juillet, à Astrakan, mais bientôt la maladie, gagnant de proche en proche en remontant le Volga, fit des victimes nom- breuses dans un grand nombre de villes des différents gouverne- ments qui se trouvent sur le parcours de ce fleuve; on comptait déjà à la fin du mois d'août 3,141 cas et 1,505 décès. A Saint-Pétersbourg on avait remarqué, depuis le mois de mai, que le nombre des décès causés par les maladies gastro-intestinales était au-dessus de la moyenne des autres années et que les adultes, surtout pendant le mois d’août, figuraient en grand nombre parmi les décès. Cene fut cependant que le 26 août, que le premier vibrion fut isolé par le professeur Th. Tchistovich du contenu intestinal d’un individu ayant succombé à une forme très grave d’entérite aiguë, et, presque en même temps, un deuxième cas était bactériolo- giquement diagnostiqué à l’Institut de Médecine expérimentale. Comme on n’a pas pu, d’une façon précise, déterminer comment le choléra est arrivé à Saint Pétersbourg, nous ne savons pas, même approximativement, à quel moment a commencé l'épidémie, et tout porte à croire que les premiers cas passèrent inaperçus. Une fois l'alarme donnée, nous voyons en effet que des cas de choléra de plus en plus nombreux sont signalés dans presque tous les quartiers de la ville : on comptait déjà 314 cas pendant la première semaine; 2,046 pendant la deuxième; 2,437 pendant la troisième et 1,403 pendant la quatrième. Puis, très rapidement,le nombre des cas diminue : cinquième semaine 730; sixième semaine 390; sep- tième 234; huitième 124; neuvième 94. Dès le début, l'analyse bactériologique avait révélé la présence 36 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR du vibrion cholérique dans les eaux de la Néva, des différents canaux qui parcourent la ville et dans la canalisation de l’eau pota- ble alimentée par les eaux de la Néva passées à travers des filtres à sable. Les mesures prises par les pouvoirs publics en vue de prévenir et combattre le choléra étaient à Saint-Pétersbourg tout à fait insuffisantes. Faute d’un hôpital d'isolement, les cholériques furent hospitalisés dans tous les hôpitaux de la ville, dont un cer- tain nombre de pavillons furent vite aménagés pour les recevoir. On avait prévu un maximum de 500 lits et déjà, dans la deuxième semaine, il fallait caser plus de deux mille malades. Ne parlons pas du transport des malades à l’hôpital qui était fait, la plupart du temps, dans les voitures de place, avec un très grand retard, sans aucune précaution et dans des conditions vraiment déplora- bles. Rien n'avait été prévu pour la désinfection du linge, literie, des matières fécales et de l’eau des bains que l’on donnaït en grand nombre aux malades. Saint-Pétersbourg n’a pas d’égouts; les déjections, les eaux de lavage du linge et de la literie, l’eau des bains, tout était déversé directement dans les canaux qui parcourent la ville à ciel ouvert. Il est vraiment surprenant que, dans des conditions pareilles, l'épidémie, qui avait débuté d’une façon si violente et qui s’était en très peu de temps répandue dans toute la ville, n’ait pas fait plus de ravages. Nous voyons en effet, qu'à partir de la quatrième semaine, le nombre des malades diminue rapidement, et que pendant la neuvième semaine on ne compte plus que 94 malades, chiffre absolument insignifiant pour une ville de l'importance de Saint-Pétersbourg. Ni les mesures tardivement prises, ni l'hiver précoce sur les bords de la Néva ne peuvent donner l'explication de l’arrêt brusque dans la marche du fléau. Tout le mérite revient, à notre avis, aux habitants de Saint-Pétershbourg qui, prévenus du danger, surent, par une prophylaxie individuelle bien comprise, sauvegarder leur existence, et combattre ainsi efficacement lépidémie. Dès Fapparition du choléra, de grandes affiches :exhortant la popula- tion à neboire que de l’eau bouillie, furent placardées dans toutes les maisons. En même temps de nombreuses buvettes où lon distribuait gratuitement du thé à tout venant, furent ouvertes. Ce sont là sans doute, les seules mesures qui expli- quent les résultats obtenus, et dont l’enseignement est vérita- LE CHOLÉRA A SAINT-PÉTERSBOURG 37 blement précieux, car cela montre une fois de plus, qu'il est vrai- ment facile, avec des précautions très simples et à la portée de tout le monde, d'éviter le choléra. Pendant toute l’année courante et à l'heure actuelle on enre- gistre encore des cas de choléra à Saint-Pétersbourg, et, très vrai- semblablement, on en signalera d’autres pendant un temps plus ou moins long, impossible à déterminer. Mais leur nombre est vrai- ment par trop limité pour qu'on puisse parler d’épidémie. Le cho- léra fait actuellement à Saint-Pétersbourg moins de victimes que les autres maladies infectieuses en général. Par son allure spéciale et d’après le pourcentage de la mortalité, l'épidémie de Saint-Pétersbourg doit être considérée comme une épidémie de gravité moyenne. Pendant ies 5 premières semaines qui comprennent la période d’invasion, la période d’état et le com- mencement de la décroissance de l'épidémie, la moyenne de la mortalité ne dépassa guère 45 0 /0. Plus tard le pourcentage de la mortalité fut un peu plus élevé; ce fut à partir du moment où la maladie ne sévissait guère que parmi les classes les plus pauvres, en s’attaquant de préférence aux alcooliques, aux individus tarés et en proie à la misère physiologique la plus complète. Pendant notre séjour à Saint-Pétersbourg, les deux tiers à peu près des individus attaqués présentaient des formes graves, très graves et foudroyantes; et un tiers des formes moyennes et légères. D'une façon générale, l'épidémie de 1908 fut plus grave que celle de 1866-68 (16,212 cas — 3,345 décès : mortalité 20, 5 0 /0) : et à peu près comparable à celle de 1870-73 (12,440 cas — 5,506 décès : mortalité 44,4 0 /0). Le Nous n'avons pas l'intention de faire ici l'étude clinique et anatomo-pathologique du choléra. Le sujet serait à vrai dire bien tentant car, il faut bien le reconnaître, depuis la découverte du vibrion de Koch, l'étude de la maladie cholérique en elle-même a été plutôt négligée. Seulement ce qui reste à faire sur la patho- génie, c’est-à-dire sur le mécanisme biologique des phénomènes cholériques, est d’un abord très délicat, très difficile, et nécessite- rait de longues et patientes recherches. Ily à cependant un point de la question que nous ne pouvons passer sous silence, car il vise directement la nature du poison cholérique et par là même la sérothérapie antitoxique. 38 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR On considère à l'heure actuelle le choléra comme une intoxica- tion aiguë provoquée par un poison violent que le vibrion, qui pullule en grande quantité dans l'intestin des cholériques, lance dans l’économie. Produit de sécrétion pour les uns, produit résul- tant de la destruction des vibrions pour les autres, nous sommes tous d’accord pour admettre lorigine vibrionienne du poison cholérique. Or tout dernièrement, Emmerich, en reprenant une hypothèse qu’il avait déjà avancée en 1893, est revenu sur la question et croit pouvoir apporter la preuve de la nature tout à fait différente de ce poison. Pour Emmerich, le vibrion, en pullulant dans lintestin de l'homme, transforme les nitrates contenus dans les aliments en nitrites et ceux-ci par l’action de l’acide lactique, obtenu de la même manière, produisent de l'acide nitreux libre. Dans ses recher- ches à l’hôpital de Botkin à Saint-Pétersbourg, il affirme avoir décelé, par l’analyse chimique et spectroscopique, des produits de l’acide nitreux dans le sang des cholériques. Ces produits, au con- tact de l’acide lactique qu’on rencontre dans les muscles, se décom- posent, mettent en liberté de l'acide nitreux, et c’est l'acide ni- treux qui détermine les crampes. Au contact de la muqueuse intestinale l'acide nitreux provoque la nécrose, la desquamation épithéliale et le flux diarrhéique; les vomissements, l’algidité, la cyanose, bref tous les symptômes les plus graves qui accompagnent les formes les plus violentes du choléra seraient déterminés par les nitrites et l’acide nitreux. Nous nous garderons bien d’engager avec Emmerich une dis- cussion dans le domaine de la chimie; mais déjà, dans le domaine de la biologie, nous trouvons des faits qui ne corroborent certes pas sa théorie. Les expériences de Metchnikoff ont démontré que sil’on fait avaler quelques gouttes d’une culture de vibrions cho- lériques à de jeunes lapins encore nourris par la mère, ceux-ci prennent très facilement le vrai choléra intestinal, tandis que les mêmes animaux peuvent impunément avaler de grandes quantités de vibrions à partir du moment où ils com- mencent à manger les végétaux qui représentent leur nour- riture ordinaire. Or le lait ne renferme pas de nitrates, alors que les végétaux en sont toujours plus ou moins riches. Le même auteur, dans une expérience personnelle, après LE CHOLÉRA A SAINT-PÉTERSBOURG 39 avoir avalé une demi-culture d’un vibrion cholérique isolé à Hambourg, put continuer à manger toute sorte de végé- taux (radis, concombres, salades, fraises) sans éprouver le moindre malaise. On sait, d'autre part, que la propriété de transformer les nitrates en nitrites n’est pas exclusive au vibrion cholérique et que, parmi les germes qui constituent la flore intestinale de l’homme sain il en est qui possèdent cette propriété au plus haut degré. Or, comme lé régime ordinaire comporte l’usage d'aliments renfermant des nitrates, la transformation de ceux-ci doit se faire d’une façon continue dans l'intestin et on ne comprend pas pourquoi, seulement dans le cas spécial du choléra, les nitrites et l’acide nitreux agissent d’une façon aussi violente et déterminent des lésions si graves. Mais admettons avec Emmerich qu’en présence de l’acidé lactique, les nitrites résultant de la transformation des nitrates opérée par le vibrion cholérique, mettent en liberté de l'acide nitreux et que celui-ci nécrose et détermine la chute de l’é- pithélium intestinal. Comment se fait-il, demandons-nous, que ce même acide nitreux respecte intégralement les vibrions, cependant si sensibles à la moindre trace d’acide, et que ceux-ci continuent à pulluler en si grande abondance dans l'intestin des cholériques ? Mais il y a plus. Les vibrions tués par un chauffage à 60°, leur produit d’autolyse ou la toxine cholérique, telle que nous lPobte- nons dans nos milieux artificiels, injectés à dose suffisante, dé- terminent chez les animaux le tableau le plus caractéristique de l’intoxication cholérique jusqu’à la mort. En accoutumant peu à peu les animaux à l’action de ces poisons, nous voyons bientôt ap- paraître dans leur sérum d’abord les anticorps spécifiques tels que les agglutinines, les précipitines et les sensibilisatrices, puis enfin l’antitoxine. Or ces mêmes anticorps, l’antitoxine exceptée, apparaissent en quantité plus ou moins grande dans le sérum des cholériques guéris, Ce qui prouve qu'à un moment donné, de l'intestin où ils sont élaborés, les produits vibrioniens passent dans la circulation générale (1). Et si ces produits vibrioniens sont à eux seuls capa- (1) Le passage du vibrion cholérique dans la circulation générale n'est signalé dans la littérature que d’une façon exceptionnelle et dans des cas extrêmement rares. Nous nous sommes demandé avec le Prof. Tchistovitch si cela ne tenait pas à ce que la quantité de sang ensemencée pour cette recherche était insuffi- 40 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR bles de déterminer chez les animaux le tableau caractéristique de l’empoisonnement cholérique, pourquoi ne pas admettre qu’ils agissent de même chez l’homme? Nous ne savons pas si, et dans quelle proportion, les nitrites jouent un rôle quelconque dans la pathogénie des phénomènes cholériques; mais jusqu’à plus ample informé, c’est aux produits vibrioniens eux-mêmes que l’intoxication cholérique reste rede- vable. Quelques essais de sérothérapie. Le sérum que nous avons employé pour nos essais provenait de trois chevaux fortement immunisés vis-à-vis de latoxine cholérique soluble. Nous avons résumé, il n’y a pas longtemps, tous les dé- tails concernant la préparation de latoxine, limmunisation des ani- maux et le dosage du sérum (1). Aucune modification n’ayant été introduite depuis dans notre technique, nous croyons inutile d'y revenir. Il nous suffira de dire que le sérum dont nous nous sommes servi, à la dose de 0 c. c. 025, neutralisait après 10 minutes de contact in vitro deux doses mortelles d’une toxime dont 1 c. c. représente la dose léthale minima pour le cobaye de 250 grammes environ. Il était en même temps agglutimant à la dilution de 17/5000 et préventif vis-à-vis de la péritonite vibrionienne à la dose de 1 /1000 de c. c. Dès le début de nos essais, nous avons senti le besoin de clas- ser nos malades d’après la gravité de leur état au moment de l'intervention. La gravité varie suivant les formes individuelles de la maladie, mais tous ceux qui connaissent le choléra savent combien il est difficile de porter un pronostic sur les cholériques. On voit très souvent à l’état en apparence le plus grave, le plus désespéré, succéder une amélioration inattendue, une sorte de résurrection, tandis que d’autres fois, les symptômes quelque légers qu'ils paraissent d’abord, peuvent s’aggraver rapidement avec toute l'intensité que comporte la marche du choléra et con- duire à la mort. à | Et) sante et si en ensemençant plus de sang on ne le retrouverait pas plus souvent. En nous adressant à des individus ayant succombé à des formes très graves de choléra; nous l'avons recherché par l’ensemencement dans l’eau peptonisée et gélatinisée de 30 — 50 c. c. de sang puisé directement dans le cœur, Sur les douze cas examinés, une seule fois nous avons rencontré le vibrion dans le sang. Par ses caractères morphologiques et biologiques ce vibrion devait être classé parmi les cholériques les plus typiques. (1) dun. /nst. Past. Février 1908. LE CHOLÉRA A SAINT-PÉTERSBOURG M1 Cependant, tous les cliniciens sont d'accord à reconnaitre que l’état du pouls fournit en général la meilleure mesure de la gravité du mal. Un pouls qui ne donnepas plus de 100 à 115 à la minute, quels que soient d’ailleurs sa faiblesse et le degré de cyanose et d’algidité du malade, est en général d’un pronostic favorable; tandis qu'un pouls très fréquent dépassant 135 et 140, et à plus forte raison l’absence du pouls, même avec une cyanose et une algidité relativement modérées, est toujours d'un mauvais pronostic. Avec le professeur Zabolotny, qui suivit de très près nos expé- riences et dont la collaboration, grâce à ses connaissances sur la maladie cholérique nous fut extrêmement précieuse, nous étions convenus d'appeler très graves les malades dont le pouls, au moment de l'intervention, avait disparu ou était à peine per- ceptible, filiforme, impossible à compter. Nous appelions graves les malades dont le pouls étant encore comptable, donnait entre 120 et 130 pulsations à la minute; moyens, lorsque le pouls était au-dessous de 120 et légers les cas avec diarrhée, vomisse- ‘ments, crampes, mais sans cyanose généralisée, celle-ci étant limitée aux extrémités, sans l’algidité bien marquée, et dans les- “quels la sécrétion urinaire, bien que très réduite, n’était pas complètement supprimée. Les quatre pavillons de l'hôpital Pierre et Paul, affectés aux cholériques, étaient pour ainsi dire au complet au moment où nous commencions nos essais. La quantité relativement limitée de sérum dont nous disposions ne nous permettant pas de traiter un grand nombre de malades, dans le but d’être vite renseignés sur son efficacité, nous priâmes les médecins traitants de nous indiquer les malades considérés comme graves et très graves au fur et à mesure de leur entrée à l'hôpital. C’est ainsi que dans les quatre pavillons, suivant le hasard des entrées, dix malades convenablement choisis furent soumis au traitement sérothéra- pique. Nous ne pouvons mieux faire que de résumer brièvement l’histoire de ces dix premiers cas. Obs. n° 1. — Cas très grave. Sap... Entré à l'hôpital le 26 septembre à 11 heures du matin. Impos- sible de l’interroger. On ne connaît pas san âge ; il peut avoir une cinquan- taine d'années. Il est bien bâti, mais en très mauvais état de nutrition. A son entrée, vomissements, diarrhée, cyanose complète, algidité (350,1), 42 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pas de pouls. La peau froide, violacée, a complètement perdu son élasticité. On lui injecte 100 c. c. de sérum mélangé à 500 c. c. d’eau physiolo- gique sous la peau. à A midi 4/2, aucun changement : le liquide injecté n’est presque pas résorbé. Nouvelle injection de 50 c. c. de sérum mélangé à 150 c. c. d’eau physiologique dans la veine. Quatre heures après l’état est toujours très grave. Il meurt à 6 h. 1/2 du soir. Obs. n° 2. — Cas très grave. Sav.., 39 ans, homme de peine. 26 septembre. — Malade depuis hier soir, entré à l'hôpital à midi. A son entrée, crampes, diarrhée, vomissements, cyanose très prononcée, algidité (350,4), angoisse respiratoire, céphalée. Voix et facies cholériques. Pouls filiforme, impossible à compter. Anurie. On lui injecte 100 c. c. de sérum mélangés à 400 c. c. d’eau physiolo- gique. Le liquide injecté est assez bien résorbé en 2 heures environ. 8 h. 1/2 du soir. — Légère amélioration. Pouls 122, faible. Les extré- mités sont chaudes, la cyanose a beaucoup diminué, les crampes ont dis- paru, les vomissements sont très rares, la diarrhée continue ainsi que la céphalée. Pas d’urine. Température : 360,2. 27 septembre. — Beaucoup mieux. Pas de vomissement; une seule selle liquide caractéristique dans la matinée; la céphalée a cessé; on ne sait pas s’il'a uriné. L’œil est vif, les joues sont légèrement colorées, les extrémités sont chaudés bien que légèrement cyanosées, ainsi que les lèvres, le nez et les oreilles. Il se sent mieux. & Pouls, 92. Respiration, 20. Température, 360,9. 28 septembre. — Une selle liquide et colorée. État général satisfaisant. Cyanose complètement disparue; il a uriné. Pouls, 69. Respiration, 22. Température, 370,1. 29 septembre. — Il entre en convalescence et demande à manger. Obs. n° 5. — Cas grave. Tanch..., 40 ans. 26 septembre. — Malade depuis ce matin, entré à l'hôpital à 3 heures après-midi. A son entrée, diarrhée, vomissements, crampes, Cyanose assez prononcée, algidité. Voix et facies cholériques. Pouls filiforme, vide très difficile à compter (1307). Respiration, 22. Température, 35°. Anurie. On lui injecte 80 c. c. de sérum mélangés à 500 c. c. d’eau physiologique sous la peau. Le liquide est assez bien absorbé. 8 h. 1/2 du soir. — Toujours grave. Les crampes ont cependant disparu. Toujours vomissements et diarrhée. Le pouls est un peu meilleur ; on compte facilement 120 pulsations. Respiration, 24. Température, 360. Céphalée. 27 septembre. — Amélioration. Dans la nuit et la matinée, 5 selles liquides caractéristiques. Pas de vomissement, plus de céphalée, cyanose légère limitée aux extrémités. Pas d’urine. Pouls plein, régulier, 99. Respi- ration, 22. Température, 360,6. LE CHOLÉRA A SAINT-PÉTERSBOURG 43 28 septembre. — L'amélioration continue. 2 selles liquides légèrement colorées dans les 24 heures. Il a uriné dans la matinée. Œil vif, joues légè- rement colorées, extrémités chaudes. Soif, Pouls 84, plein, régulier. Tem- pérature, 369,9. 29 septembre. — 3 selles liquides. Urines. Langue sèche, légèrement saburrale. Il a toujours soif et demande à manger. Pouls, 80. Température, 3 70,2. 30 septembre. — Il entre en convalescence et on commence à l’ali- menter. Obs. n° 4. — Cas très grave. Bek..., 47 ans. Malade depuis? A son entrée, diarrhée, vomissements, crampes, cyanose, algidité, perte de l’élasticité de la peau, surtout au niveau des extrémités. Voix et facies cholériques. Anurie. Pouls filiforme à peine saisissable. Température, 359,2. Respira- tion, 26. On lui injecte 80 c. c. de sérum mélangés à 500 c. c. d’eau physiologique sous la peau. 9 heures du soir. — Légère amélioration. Pouls, 100. Température, 360. Une heure après, le liquide est complètement résorbé. Crampes disparues. 27 séptembre. — Vomissements rares; diarrhé® diminuée, mais toujours selles caractéristiques; extrémités chaudes, bien que légèrement cyanosées . Borborygmes. Pouls 98, plein, régulier. Respiration, 20. Température, 360,6 On ne sait pas s’il a uriné. 28 septembre. — Beaucoup mieux. Cyanose complètement disparue; joues légèrement colorées; plus de vomissements; 3 selles liquides et légère- ment colorées : plus de borborygmes, urines. Soif. Pouls plein, régulier, 98. Température, 360,8. 29 septembre. — L’amélioration continue. 4 selles liquides et jaunâtres dans les 24 heures. Urines. La soif continue et il demande à manger. Pouls, 80. Température, 369,9. 30 septembre. — Il entre en convalescence, et on commence à lalimenter Obs. n° 5. — Cas moyen. _ Vasil..., 27 ans. 27 septembre. —- Malade depuis hier au soir. Dans la nuit, vomissements et diarrhée; ce matin, crampes et cyanose légère des extrémités Anurie. Pouls, 110. Température, 36°. On lui injecte 100 c. c. du sérum mélangés à 400 c. c. d’eau physiolo- gique sous la peau. 28 septembre. — Crampes et vomissements ont cessé. Les extrémités sont chaudes, la cyanose a disparu; trois selles caractéristiques; il a uriné. Pouls, 96. Température, 370,4. Amélioration évidente, 29 septembre. — Tous les symptômes cholériques ont disparu. Urines. La langue est un peu sèche et empâtée, maisle malade demande à manger et surtout à boire. Pouls, 90. Température, 370,4. 30 septembre. — Le malade reste assis sur son lit et tout semble rentré 44 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dans l’ordre. Le pouls est bon et bien frappé, 78. Température, 370. Urines abondantes. 4er octobre. — En pleine convalescence, commence à s’alimenter. Obs. n° 6. — Cas très grave. MN; Ivan? 55tans: 27 septembre. — Entré à l'hôpital dans la matinée. Il est tombé malade à trois heures du matin avec diarrhée et crampes; plus tard, vomissements. A son entrée, cyanose très avancée, algidité, voix et facies cholériques, perte partielle de l’élasticité de la peau; anurie, absence complète du pouls. Température, 350,6. On lui injecte 100 c. c. de sérum mélangés à 500 c. €. d’eau physiolo- gique sous la peau à 8 heures du matin. A midi, toujours crampes, diarrhée, vomissements; mais la cyanose n’a pas augmenté, la température est montée à 360,3 et le pouls perceptible donne 125 pulsations à la minute. Anurie. Dans la soirée, les crampes ont cessé, les vomissements sont tçès rares, la diarrhée caractéristique est toujours abondante. La cyanose tend à dimi- nuer, les extrémités se réchauffent un peu, le pouls donne 98 pulsations à la minute, le thermomètre marque 369,8. L’anurie persiste. 28 septembre. — Malgré une nuit sans sommeil, il va beaucoup mieux. Les vomissements ont complètement cessé; dans la matinée, une selle liquide très abondante et caractéristique. La cyanose a presque complè- tement disparu, la peau est chaude et l'œil vif, mais l’anurie persiste. Pouls, 78, plein, régulier. Température, 379,5. 29 septembre. — Pas de selle depuis hier, il a par contre vomi une fois. Les joues sont légèrement colorées, la peau est moite, l’œil vif, la langue blanchâtre, rouge sur les bords. Il n’a pas encore uriné. Pouls, 80. Tempé- rature, 370,6. 30 septembre. — Il a uriné pendant la nuit. Tous les symptômes cholé- riques ont disparu. Soif. Pouls, 86. Température, 360,8. 4er octobre. — L'amélioration continue. Il est assis sur son lit. Toujours soif et demande à manger. Pouls, 80. Température, 370. 2 octobre. — Convalescence régulière. Obs. n° 7. — Cas irès grave. À. Radz..…, 56 ans. 27 septembre. — Malade depuis une semaine avec diarrhée. Depuis deux jours, vomissements. Entre à l'hôpital dans la nuit du 26 au 27. A son entrée, état très grave. Crampes, vomissements, diarrhée sanguinolente, cyanose très avancée, anurie complète. La peau violacée, froide et visqueuse a complètement perdu son élasticité. Température, 360,8. À 9 heures du matin reçoit sous la peau 100 c. c. de sérum mélangés à 500 c. c. d’eau physiologique. Deux heures après le liquide n’est pas du tout résorbé et forme un gros empâtement à l'endroit de l'injection. Aucune amélioration; pas de pouls, état toujours très grave. Nouvelle injection de LE CHOLÉRA A SAINT-PÉTERSBOURG 45 50 c. c. de sérum mélangés à 150 c. c. d’eau physiologique dans la veine. A la suite de l'injection intraveineuse, le pouls devient perceptible, mais extrêmement rapide, vide, filiforme, impossible à compter. Dans la soirée, les vomissements cessent, la diarrhée se fait plus rare, mais elle est toujours sanglante; les crampes, l’anurie et la cyanose per- sistent. Le pouls donne encore une sensation très confuse au doigt qui l’ex- plore. Température, 360,2. 28 septembre. —:Il est entré dans le coma dans la nuit, et il est mort à 3 heures de l'après-midi. Obs. n° 8. — Cas très grave. M. Anton... 18 ans. 27 septembre. — La diarrhée s’est manifestée il y a36 heures: les vo - missements depuis hier au soir. Il entre à lhôpital à 10 heures du matin. À son entrée, vomissements très fréquents, diarrhée modérée, crampes, cyanose assez avancée, pouls filiforme, vide, impossible à compter, anurie. Température, 370. On lui injecte 100 c. c. de sérum mélangés à 400 €. c. d’eau physiolo- gique sous la peau. Une demi-heure après, le liquide est complètement résorbé. Les crampes disparaissent dans la soirée; la diarrhée et les vomisse- ments sont toujours aussi fréquents. Pouls filiforme et vide (120?:. Tempé - rature, 360,8. Anurie et cyanose. 28 septembre. — Il a vomi une seule fois depuis minuit. Dernière selle à 4 heures du matin. Toujours un peu de cyanose. Pouls, 100. Température, 369,5. IL urine pour la première fois dans l’après-midi. 29 septembre. — Ni diarrhée, ni vomissement depuis hier. La cyanose a presque complètement disparu, même aux extrémités. Pouls, 100, faible et vide. Température, 369,9. Urine rare. Soif. 30 septembre. — Etat général satisfaisant. Une selle liquide légèrement colorée dans la matinée. Urines. Soif, Pouls 98, faible. Température, 360,9. 1er octobre. — Toujours mieux. Pouls 98, meilleur. Température 369,5, 2 octobre. — Convalescence régulière. Obs An EN CASUreSterape: N. Proc... Impossible de savoir son âge et depuis combien de temps il est malade; il porte 40-45 ans environ. 28 septembre. — Il entre dans la nuit sans pouls et dans un état extré- mement grave. Le médecin de service lui injecte 150 c. c. de sérum mélan- gés à 500 c. c. d’eau physiologique. Il paraît que le liquide s’est résorbé assez bien. À notre arrivée à l'hôpital dans la matinée, son état était toujours des plus graves; crampes, diarrhée, vomissements, cyanose très avancée; im- possible de prendre la température, car le thermomètre ne marque pas au-dessous de 350. Nous lui faisons une nouvelle injection de 100 c. c. de sérum mélangés 46 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR à 100 c. c. d’eau physiologique sous la peau, et comme le liquide se résorbe très mal et que deux heures après un gros empâtement existe encore à l’en- droit de l’injection, nous lui injectons encore, dans la veine cette fois, 50 c. c. de sérum mélangés à 150 c. c. d’eau physiologique. Tout de suite après l'injection, le pouls se relève un peu; on compte 128 pulsations à la minute. Dans la soirée, état toujours très grave. Le pouls est de nouveau incomp- table; les extrémités sont froides, la cyanose est toujours aussi avancée. Les crampes semblent moins violentes, les selles sont un peu plus rares; vomissements toujours fréquents. 29 septembre. — Dans la nuit, le médecin de service lui a injecté encore 50 c. c. de sérum sous la peau. Ce matin le malade va mieux. La peau est rouge, sauf aux extrémités où la cyanose persiste encore un peu, bien qu’elles soient chaudes. Ni diarrhée, ni vomissement, ni crampe depuis 4 heures du matin. Anurie. 30 septembre. — De très bonne heure ce matin, il a eu deux accès de vomissements. Dans la nuit, une selle, et deux autres dans la matinée, liquides et légèrement colorées. La cyanose a complètement disparu. Le ma- lade se sent mieux; les urines apparaissent dans la soirée en très petite quan- tité. Soil intense. Pouls, 104. Température, 369,5. 4er octobre. — Deux selles liquides colorées. État général Se Pouls, 88, plein, régulier. Température, 360,5. Pas uriné. 2 octobre. — Tous les symptômes cholériques ont disparu. Le teint est bon; l’œil vif; la langue sèche, empâtée. Soif intense. Pas d’appétit. Urines. Pouls, 82. Température, 360,4. 3 octobre. —Toujours mieux. Anorexie complète; soif. Pouls, 86, faible et vide. Température, 360,6. & octobre. — On peut le considérer en convalescence. Toujours peu d’appétit, mais il se force cependant à prendre quelque nourriture. 5 octobre. — La convalescence suit son cours et le malade commence à se lever le 9 octobre. Obs. n° 10. — Cas grave. Vrinck..., 834 ans. 28 septembre. — Malade depuis hier au soir, il entre à l'hôpital à 11 heures du matin. À son entrée diarrhée, vomissements, crampes, cyanose, anurie, facies et voix cholériques, perte partielle de l’élasticité de la peau. Pouls très faible, 126. Température, 360,6. On lui injecte 100 c.c. de sérum mélangés avec 400 c. c. d’eau physiologique sous la peau. Le liquide est tellement bien résorbé qu’à la fin de l'injection il n’y a à ce niveau qu’une petite boule d’œdème. Dans la soirée, les crampes ont disparu, les vomissements sont très rares, la diarrhée est toujours très abondante, la cyanose persiste. Pouls meilleur, 120. Température, 369,5. 29 septembre. — Les vomissements ont repris modérément de très bonne heure dans la matinée. La diarrhée toujours très caractéristique LE CHOLÉRA A SAINT-PÉTERSBOURG 47 diminue un peu. Dans l’après-midi, un peu d'urine. Pouls assez bon, 108. Température, 369,5, 30 septembre. — Pas de vomissement nide diarrhée. Urines. Soif. Tem- pérature, 36,98. Pouls 92, pleir, régulier. 4er octobre. — Il est assis sur son lit et va assez bien, tout en accusant une grande faiblesse et manquant totalement d’appétit. Pouls, 82. Tempé- rature, 360,4. 2 octobre. — En pleine convalescence, commence à se lever le 4 octobre. Ces dix premières observations nous donnèrent des indica- tions très utiles : elles parlent d’ailleurs suffisamment à l'esprit pour que nous n’ayons pas besoin de trop y insister. Elles nous montraient en effet 19 Que le sérum paraissait agir d’une façon efficace sur l’évolution de la maladie cholérique, et que, surtout dans les formes les plus graves, son action était d'autant plus bienfaisante que l'intervention sérothérapique était instituée le plus tôt possible après le début de la maladie (Cas n°2, n° 5, n° 6, n° 10); 20 Que dans tous les cas le sérum anticholérique est tout à fait inoffensif, et que, par conséquent chez les malades grave- ment atteints, des doses massives peuvent sans inconvénient être injectées sous la peau et dans les veines (Cas n° 9); 30 Que chez les malades tardivement traités (Cas n° 7 et peut- être cas n° 1), l’action du sérum était nulle. Devant ces résultats qui dépassaient à vrai dire notre attente, nous sentimes le besoin de continuer les essais en nous plaçant dans les conditions les meilleures pour que nos conclusions défi- nitives fussent à l'abri de toute critique. Il fallait pour cela et avant tout résoudre la question des témoins, car toute expé- rience qui n’a pas de témoin à l’appui est toujours sujette à cau- tion. La méthode alternante, qui laisse au hasard des entrées le choix des malades à traiter et des témoins, n’était pas applicable pour des raisons faciles à comprendre; les voici. L’épidémie bat- tait à ce moment son plein (nous étions au 16-29 septembre) et le nombre des malades qui entraient chaque jour à l'hôpital était considérable; en deux ou trois jours notre faible provision de sérum aurait été épuisée, et, d'autre part, ayant trop de ma- lades à la fois, nous n’aurions pu en faire Fétude suivie et constante indispensable pour apprécier à sa juste valeur leff- cacité du traitement. Nous n»roposâmes alors de traiter indistinctement par le 48 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sérum tous les malades graves, moyens et légers qui entraient dans l’un des pavillons, et de laisser comme témoins les malades des autres pavillons traités par les moyens thérapeutiques ordi- naires. Cette proposition, bien qu'acceptée par le chef de ser- vice, fut dans la pratique impossible à réaliser. En notre absence et surtout pendant la nuït, les cas légers et de gravité moyenne qui entraient dans le pavillon des traités ne recevaient pas de sérum, tandis qu'un certain nombre de cas très graves étaient traités dans les pavillons affectés: aux témoins. Il s’agissait de simples malentendus, nous le voulons bien, mais ces malentendus compromirent le résultat de nos recherches, car au lieu d’avoir des témoins soignés dans le même hôpital et surtout provenant des mêmes quartiers, nous avons été obligés de comparer le pourcentage de la mortalité parmi nos traités avec la mortalité générale donnée par le bulletin officiel. Le 25 septembre (8 octobre), épidémie étant en pleine décrois- sance, on désaffecta deux des pavillons destinés aux cholériques. Le pavillon dans lequel nous faisions nos essais fut l’un des deux. On nous proposa bien de continuer dans un autre pavillon, mais les conditions dans lesquelles nous étions forcés d'opérer nous décidèrent à décliner cette offre et nous arrêtâmes là notre pre- mière série d'essais. Nous avons traité en tout (y compris les 10 cas dont nous avons donné les observations) 42 malades dont : 19 très graves, 10 graves, 7 moyens et 6 légers. Nous en avons perdu 10, ce qui donne une mortalité globale de 23,80 0 /0 (1). Le pourcentage de la mortalité moyenne que nous empruntons au Bulletin officiel, était à la même époque de 45,6 0 /0. D’après ces chiffres, 23 0 /0 des malades traités devraient leur guérison au sérum. (1) I est entendu que nous ne parlons ici que des cas que nous avons per- sonnellement traités et suivis. Le rapport d'une commission présidée par Bertenson et nommée en vue de faire une enquête sur l'efficacité des différents sérums expérimentés, nous à appris dernièrement les résultats plus que médiocres obtenus par les médecins russes avec le sérum laissé par nous à Saint- Pétersbourg. (Messager de l'Hygiène et de la Médecine judiciaire et pratique. Juillet 1909.) Manquant de tous renseignements précis, il nous est impossible de discuter ces résultats. Nous ferons cependant remarquer qu'une partie des médecins reconnaissent eux-mêmes n'avoir traité que des cas considérés comme désespérés; et que quatre fois seulement ils ont eu recours à l'injection intra- veineuse, Enfin, plus de 110 cholériques furent traités avec les #4 à 5 litres de sérum laissés par nous, qui auraient à peine pu suffire pour 40 à 50 malades, au grand maximum. LE CHOLÉRA A SAINT-PÉTERSBOURG 49 D’après la classification par ordre de gravité, la mortalité se répartit de la façon suivante : Cas très graves 19 Décédés 9 Guéris 10 Mortalité 47,3 0 /0 Cas graves.... 10 — 1 — 9 = 10 07/0 Cas moyens... 7 — 0 — 7 = OT 0) CAS MEsers. +. 2.6 — 0 — 6 — ONU La mortalité parmi les cas très graves est de 2 0/0 environ plus élevée que la mortalité générale moyenne à ce moment de l’épidémie. Elle descend à 10 0 /0 pour les cas très graves et elle est de O0 pour les cas moyens et légers. Or, en se basant sur les statistiques recueillies depuis l'apparition du choléra en Europe, les différents auteurs reconnaissent que la mortalité parmi les cas très graves est de 75 0/0 en moyenne et qu’elle descend à 15 0/0 pour les cas légers. Dans nos essais sur le mode d'emploi du sérum, nous avons tâché de procéder avec autant de méthode que cela nous a été possible. Le sérum a toujours été injecté mélangé à des quantités plus ou moin grandes d’eau physiologique, en vue de réparer la perte d’eau considérable que l’organisme subit dans le cho- léra. Les injections d’eau physiologique étaient d’ailleurs pra- tiquées chez tous les maldes traïtés et non traités par le sérum. Elles ne figurent pas dans nos observations, car, pratiquées sys- tématiquement par le personnel de service suivant les besoins, elles n'étaient pas marquées sur les feuilles d'observations. Tout en reconnaissant que dans le choléra il n’y a pas de temps à perdre, que toute intervention doit être rapide sielle veut être efficace, et que, par conséquent, l'introduction du sérum dans les veines pouvait être le procédé de choix, nous avons voulu nous renseigner tout d’abord sur lefficacité des doses massives, 100-150 c. c. injectés sous la peau. Nous n’avons pas eu à le regretter dans la suite, car, en procédant ainsi, nous avons, dès nos premières observations, fait une constatation dont l'intérêt nous parait appréciable. | Lorsqu'on injecte sous la peau d’un cholérique une quantité de liquide, sérum et eau physiologique, variable de 500 à 600 c. c. de trois choses l’une : ou le liquide est très rapidement résorbé de façon que déjà à la fin de l'opération, qui demande en moyenne 15 à 20”, il ne reste plus qu’une petite boule d’æœdème à l’endroit 4 90 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de l'injection; ou le liquide se résorbe mal, et deux heures après il y a un œdème local encore appréciable, ou bien enfin le liquide n’est pas du tout résorbé. Nous n'avons pas perdu un seul des malades chez lesquels le liquide avait été rapidement résorbé; rarement nous avons dû intervenir une deuxième fois sous la peau, jamais dans les veines. Lorsque le liquide était mal résorbé nous avons pu sauver un certain nombre de malades en leur fai- sant, À ou 2 heures après la première, une nouvelle injection de sérum et eau physiologique dans les veines. L’action des injec- tions intraveineuses a été par contre absolument nulle, toutes les fois que les capillaires de la peau du malade ayant perdu tout pouvoir absorbant, le liquide injecté restait localisé à lendroit de l'injection en déterminant peu à peu par son passage, dans les mailles du tissu sous-cutané, une infiltration plus ou moins étendue et persistante jusqu’à la mort. Mais, dans de pareilles conditions, l’issue fatale des malades ne pouvait pas nous sur- prendre; qu’on en Juge : Obs. n° 13. — Cas très grave. Schest..., 34 ans. 29 septembre. — Entre à l'hôpital à 4 heure après-midi. Premiers sym- tômes cholériques hier au soir. À son entrée, pas de vomissement, peu de diarrhée, cyanose et algidité complètes, pouls disparu. 4 h. 45. — On lui injecte 100 c. c. de sérum mélangés à 500 c. c. d’eau physiologique sous la peau. 3 heures. — Le liquide ne se résorbe pas. Nouvelle injection de 100 c. c. de sérum mélangés à 150 c. c. d’eau physiologique dans les veines. Aucune amélioration. Il meurt à 8 heures du soir. Obs. n° 14. — Cas très grave. Savel.., âge ? 30 septembre. — Aucun renseignement, car il est impossible de linterroger; il a lair de comprendre, maisil ne peut pas répondre. Diarrhée spontanée, crampes violentes, pas de pouls, cyanose, algidité, angoisse respiratoire, anurie. Il reçoit à 4 heures 100 c. c. de sérum mélangés à 500 c. c. d’eau physio- logique sous la peau, car il nous a été impossible de l’injecter dans les veines. Aucune amélioration et il meurt dans la nuit. Obs. n° 16. — Cas très grave. André..., 44 ans. 30 septembre. — Entre dans la nuit. Collapsus complet, Le [médecin de service lui injecte sous la peau 50 c. c. de sérum mélangés à 500 c. c. d’eau physiologique. LE CHOLERA A SAINT-PÉTERSBOURG 51 À 3 heures du matin, ilurine du sang et il meurt à 5 heures. Nous ne l'avons pas vu. Obs. n° 17. — Cas très grave. Barbe M55 ans. 30 septembre. — Entre dans la nuit dans un état tellement grave qu’il est absolument impossible d’avoir le moindre renseignement. Le médecin de service lui injecte 100 c. c. de sérum mélangés à 500 c. c. d’eau physiologique. Dans la matinée, nous trouvons encore à l'endroit de l'injection une légère infiltration. Une’partie du liquide semble avoir été absorbée. L'état grave continue : la peau est violacée, visqueuse, froide, peu de diarrhée, pas de vomissement, mais un hoquet persistant, angoisse respiratoire, anurie. Le pouls n’est pas sensible à la radiale. A 11 heures du matin, il reçoit une injection intraveineuse de 80 c. €. de sérum mélangés à 150 c. c. d’eau physiologique. Aucune amélioration appréciable, à part le pouls qui, à la suite de l’in- jection intraveineuse, devient perceptible à la radiale. Mais à 3 heures, il a de nouveau disparu: le malade entre dans le coma et meurt dans la soirée. Obs. n° 21. — Cas très grave. Orl..., 30 ans. 1tT octobre. — Entre à lhôpital dans la nuit dans un état de collapsus complet. Le médecin de service lui injecte sous la peau 50 c. c. de sérum mélangés à 500 c. c. d’eau physiologique. Dans la matinée, toujours dans le même état, il est impossible d’avoir le moindre renseignement. 10 h. 1/2. — Nouvelle injection intraveineuse de 100 c. c. de sérum mélangés à 150 c. c. d’eau physiologique. Pas la moindre amélioration. Il meurt à 4 heures de l’après-midi. Obs. n° 28. — Cas très grave. Andr..., 29 ans. 3 octobre. — Entre à l'hôpital dans la matinée dans le collapsus complet. Vomissements rares, flux diarrhéique presque continu mais pas très abondant; crampes, cyanose, pas de pouls; température, 359,4. A midi, 100 c. c. de sérum et 500 c. c. d’eau physiologique sous la peau. A 3 heures, même état; le liquide n’est pas encore complètement résorbé. Nous essayons sans succès de faire une injection intraveineuse. Nous pratiquons alors une nouvelle injection de 100 c. c. ‘desérum et 500 €. c. d’eau physiologique sous la peau. Aucune amélioration, et le malade meurt dans la soirée. Obs. n° 32. — Cas très grave. K..., 62 ans. 4 octobre. — Entre à l'hôpital dans la nuit avec tous les symptômes cholériques les plus graves et dans un état de collapsus. Aucun renseignement. Le médecin lui injecte 50 c. c. de sérum sous la peau. Il meurt dans la matinée avant notre arrivée, de façon que nous ne l’a- vons pas vu. D2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Obs. n° 42. — Cas grave. Vas..…., 2 ans.7 octobre. — Tombée malade dans la nuit. Entre à l’hô- pital à 2 heures de l'après-midi. Crampes, cyanose, algidité (350,3), pas de vomissements très peu de diarrhée, angoisse respiratoire, anurie. Pouls, 126, vide. On lui injecte 100 c. c. de sérum et 500 c. c. d’eau physiologique sous la peau, et une heur: après, le liquide étant mal résorbé, on fait une nouvelle injection de 100 c. c. de sérum et 150 c. c. d’eau physiologique dans les veines. Tout de suite après l'injection intraveineuse le pouls s2 relève un peu; on compte 120 pulsations. Puis, dans la soirée, vomissements. 8 octobre. — Nuit très mauvaise. Ce matin, les crampes ont disparu. Vomissemen ts rares, diarrhée moins abondante, mais teintée en rouge. Pas de pouls. Nous essayons sans succès de faire une injection intraveineuse. Nous lui donnons ‘alors 100 c. c. de sérum sous la peau. Le résultat est nul et la malade meurt dans la soirée. Ces observations se passent de tout commentaire. Pour les cas n®% 13, 14, 16, 17, 21, 28 et 32 au moins, tout médecin reconnaitra facilement qu’il ne peut pas y avoir dere- mède efficace contre une affection aussi intense et aussi avancée. De toute façon, en nous basant sur l’ensemble de nos obser- vations, nous pouvons conelure, pour ce qui concerne le mode d’emploi du sérum, que dans tous les cas graves, moyens et légers, il y aura avantage à donner une dose massive de 100 €. €. et plus de sérum mélangé à de l’eau physiologique sous la peau. Dans les cas graves et très graves, et surtout lorsque le liquide injecté est mal résorbé, on pratiquera une nouvelle injection de sérum (50 à 100 c. c.) dans les veines. Ces doses sont en général suffisantes et il est rare qu’on soit obligé de pratiquer d’autres injections. Cela ne nous est arrivé que 6 fois sur les 42 cas que nous avons traités. Comme dose maxima et dans un seul cas qui s’est terminé par la guérison, nous avons donné en 26 heures 350 c. ce. de sérum. Dans les cas favorables, l’action bienfaisante du sérum se manifeste plus ou moins rapidement, suivant la gravité de lat- taque et la prédominance de certains phénomènes. Lorsque le pouls manque, il n’est que tardivement (dans les 2 à 8 heures qui suivent) influencé par l'injection sous-cutanée, tandis qu'il apparaît très rapidement après l'injection intraveineuse, ce qui arrive d’ailleurs d’une façon plus ou moins fugace, après toute injection de liquide physiologique dans les veines. Une nouvelle disparition du pouls, à n’importe quel moment, LE CIIOLÉRA A SAINT-PÉTERSBOURG 53 constitue toujours un très mauvais signe; sa persistance au con- traire est un signe très favorable. Sous l'influence du sérum, les crampes s’améliorent, parfois même dans les cas qui se terminent par la mort. Elles cessent en général plus vite, 2 à 6 heures après, lorsque le sérum est introduit directement dans les veines. Les vomissements s’espacent, deviennent moins violents et cessent complètement dans les 6 à 18 heures qui suivent le début du traitement. L’angoisse respiratoire diminue, et le malade accuse une grande sensation de calme et de bien-être. La diarrhée n’est pas sensiblement modifiée pendant les premières 24 heures. Elle diminue ensuite très rapidement et les selles se colorent. La cyanose disparait plus ou moins vite suivant la gravité de l’attaque ; en même temps la peau se ré- chauffe et se recouvre d’une sueur parfois très abondante. Les urines, surtout dans les cas graves, ne réapparaissent que tar- divement, 24, 36 et même 48 heures après le début du traite- ment : rares au commencement et plus ou moins albumineuses, elles augmentent dans la suite au moment où le flux diarrhéique cesse et la muqueuse intestinale reprend sa fonction absorbante. Une soif intense tourmente en ce moment le malade qui entre dans la période de réaction. Celle-ci, chez tous les traités, a été apyrétique et elle a évolué de la façon la plus régulière. C’est là une constatation fort intéressante, qui dépose sans doute en faveur de lefficacité du sérum, car on sait avec quelle fréquence dans les cas graves, la période de réaction est troublée par des accidents locaux et généraux (état typhique et urémie au pre- mier chef) qui se terminent le plus souvent par la mort.” *k * * Sans rien préjuger et tout en restant dans la réserve que le nombre évidemment limité de nos essais nous impose, nous croyons cependant pouvoir conelure de l’ensemble de nos obser- vations, que le sérum anticholérique peut être d’ores et déjà Const- déré comme un auxiliaire précieux dans le traitement du choléra humain. Son emploi est loin d’être facile et nécessite un personnel médical nombreux et prêt à tous les dévouements. On ne peut pas injecter du sérum à un cholérique et revenir le lendemain pour constater le résultat. Il faut le surveiller de très près, D4 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR vivre avec lui, ne pas se laisser décourager, et répéter les injections autant que cela parait nécessaire. Il faudrait surtout pouvoir intervenir à temps, ce qui est absolument impossible dans la pratique hospitalière où les malades arrivent plusieurs heures et parfois un, deux jours et plus après le début de la maladie. Nous sommes absolument convaincus que le sérum anti- cholérique ne donnera la véritable mesure de son efficacité que le jour où, par une organisation rationnelle, facile d’ailleurs à réaliser, il pourra être convenablement appliqué. Il faudrait pour cela que emploi du sérum fut confié aux médecins destinés à aller reconnaître les malades à domicile. Tout cas grave, moyen, léger et même seulement suspect constaté, devrait recevoir immédiatement à domicile une injection sous-cutanée de sérum, dont la quantité varierait, suivant la gravité, de 50 à 100 c. c. Cela lui permettrait d'attendre son transport à l'hôpital, où le traitement serait continué dans des conditions sans doute meil- leures. On n’arrivera certainement pas à arracher à la mort tous les cholériques; il suffit d’avoir vu de ces cas foudroyants, mortels en quelques heures, pour être sûr d'avance qu’ils ne peuvent être Jjusticiables d'aucun traitement. , Les alcooliques, les individus tarés de toute sorte continue- ront sans doute à fournir des victimes au choléra, comme aux autres maladies infectieuses d’ailleurs; mais nous ne doutons pas qu'organisée comme nous venons de le dire, la sérothérapie anticholérique pourra rendre de grands services, et épargner pas mal d’existences. Elle donnera dans tous les cas la vraie mesure de son efficacité, et comme rien qu'à ce point de vue les- sai nous parait intéressant, nous n’hésitons pas à le proposer. "x : Il nous est particulièrement agréable, en terminant, d’a- dresser l’expression de notre plus vive et affectueuse reconnais- sance au Prof. N. Tchistovitch pour la large et cordiale hospi- talité qu’il nous accorda dans son laboratoire et aux Professeurs Th. Tchistovitch et Zabolotny dont la collaboration directe au lit du malade et à la table d’autopsie nous fut extrêmement précieuse. Nous devons aussi des remerciements au Prof. Levin qui nous autorisa à faire ces quelques essais dans son service. Etudes épidémiologiques et prophylactiques Qu paludisme, SEPTIÈME CAMPAGNE EN ALGÉRIE — 1908 (1) Par Les DrS Enmoxn SERGENT gr ÉTIENNE SERGENT AVEC LA COLLABORATION DE MM. Les DrS AUcAIGNE, BortESs, CAMBILLET, CLAUDE, CORNEBOIS, CREUTZ, Cugry, Danvix, M. Ezuiker, D'S Focey, HyYBRAM, ISNARD, JAUBERT, M. LaBrousse, DrS LamoTtTe, LécuYé, Lévy, MaRBor, PAGÈSs, PLANTIER, Por, M. RipertT. D' Susinr, MM. Scaz. TAILHANDIER, TREUVELOT, D'S VIDAL, YVERNAULT. Comme dans nos précédents rapports (2), nous réunirons dans une partie générale, en outre du résultat global de la cam- pagne antipaludique algérienne de 1908, les nombreux petits faits épidémiologiques et prophylactiques observés cette année. Ces notes, si peu importantes qu’elles soient isolément, peuvent ajouter aux observations de même ordre accumulées chaque année 1C1 même, et fixer peu à peu les aspects et les conditions du paludisme et de l’antipaludisme en Algérie. Nous n’ajouterons ici que le Sommaire de la Partie spéciale, où est exposé le détail de la lutte antipaludique par localités (3). PARTIE GÉNÉRALE SOMMAIRE 1° L'étude épidémiologique comprend celle des : A. Gites à Anophélines ; B. Réservoir de virus; C. Sujets exposés ; 20 L'étude prophylactique s'occupe des : Difficultés de la prophylaxie ; Procédés de la prophylaxie, qui sont : I. Eloignement des gîtes à Anophélines et du réservoir de viris; IT. Mesures antilarvaires ; IT Bis. Mesures contre les Moustiques adultes; 1. Campagne dirigée pour le compte du Gouvernement général de l'Algérie, par ordre de M. le Gouverneur général Jonnart. 2. Voir Annales de l'Institut Pasteur depuis 1902, et Atfi d. Soc. pergli Studii della Malaria. Rome. à 3. Les lecteurs qui désireraient posséder cette Partie spéciale in extenso sont invités à la demander à M. le Secrétaire de la Commission du paludisme, Gouver- nement général, Alger. Ÿa Lac A Tonga (L à ® Ta Che | CONSTANT. Fe AT PT Fois Fuel Adekre 6 Ax:-F Pgo 0: 5 'Almérog | © Gérnbelta / Sel e eZrazxa 2 Zerket -«l-Häad ! ET-Magjen art Palrnaf Lanpfezc w Casès de Aislra CARTE or L'ALGÉRIE localités dont | ndiquant les à les noms figurent dans le rapport ( - Fu |. Ce T7 > Berri Ounif (Oasis) ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DU PALUDISME 07 III. Quininisation ; IV. Défense mécanique; Modes d'évaluation des résultats de la prophylaxie; Propagande antipaludique. ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES En l’absence de toute statistique sérieuse, l'impression géné- rale est que l'épidémie de 1908 à eu à peu près la même virulence que celle de 1907. Comparativement à l’année 1904, où le paludisme a été pandémique en Algérie, l’année 1908 a présenté une épidémie peu grave. En différents points, des peuplements européens récents ont été fortement éprouvés (vallée de la Tafna). Dans la vallée de la Seybouse, les chaleurs exceptionnellement tardives de 1907 ont prolongé la saison paludique jusqu’en janvier 1908. l GITES A ANOPHÉLINES 1. — Pluies. L'hiver 1907-1908 a été presque partout relativement très sec, mais, par contre, les pluies ont été abondantes au printemps. 2. — Durée de la pie aquatique des Anophélines en hiver, sur le littoral. Des Anopheles maculipennis recueillis à Aïn-Mokra sont transportés à Alger où ils pondent en février. Les premiers adultes n’éclosent que 43 jours plus tard (température oscillant entre 90 et 200): 6 jours à l’état d’œuf, 34 jours de vie larvaire, 3 jours de vie nymphale. 3. — Suintements. Nous signalons une fois de plus la grande importance des eaux de suintement comme gîtes à Anophélines : Peau provenant d’une fuite d’un barrage construit dans le lit de Poued Chiffa avait formé en juil- let une série de petites marelles : une de ces marelles, grande comme deux pièces de 5 francs, contenait soixante-dix larves de Pyretophorus myzomytfa- cies de tout âge. 4. — Plantes d’eau favorisantes. Dans certains oueds du haut pays cons- tantinois et oranais, le Potamogeton densus, plante submergée à petites feuil- les d’un vert sombre,très serrées les unes contre les autres, forme une sorte de feutrage végétal épais favorable à la pullulation des larves d’Anophé- lines, même lorsque le courant d’eau est vif (oued Batna à Batna, oueds Boukhabouza et Taguescrit à Lambèse, oued Mina à Tiaret). 5. — Elévation de la nappe souterraine. Ge phénomène s’est manifesté en 1907 dans le haut pays constantinois (région de Saint-Arnaud); des marais se sont constitués dans des dépressions de terrain; certains de ces marais de petite étendue, après avoir causé une épidémie en 1907,dans le village de Navarin, se sont desséchés complètement au début de l’été 1908, après l'hiver sec de 1907-1908. Un autre, de très grande étendue, au lieu dit El- Madjen, a persisté : en Juin 1908, il s’étendoit, immense gîte à Anophélines, sur une longueur de plusieurs kilomètres. DS ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Par contre, dans l’Oranie, l'élévation de la nappe souterraine, qui en 1906 avait favorisé la formation d’un marais aux abords du village de Noisy- les-Bains, ne s’est plu reproduite les deux années suivantes : ce marais est cec dès le début de l’été 1908, et les mesures qui avaient été étudiées en vue d’obtenir son assèchement ne sont plus justifiées. 6. — Larves d’'Anophélines dans l’eau d'écoulement d’une source sulfu- reuse. L’eau d'écoulement de la source sulfureuse de Noisy-les-Bains con - tient, à quelques dizaines de mètres du griffon, des larves d’Anophles macu- lipennis, comme les mares voisines d’origine pluviale. 7. — Gites à eau salée. I n’a point été trouvé de larves d’ Anophélines, durant l’été 1908, dans l’eau des chotts de la région de Saint-Arnaud (obser- vation du Dr Isnard). Par contre, Pyretophorus chaudoyei vit dans l’eau for- tement salée à Beni-Ounif de Figuig (Drs. Foley et Yvernault). 8. — Gites artificiels. Les tonneaux, baquets,'servant aux besoins de la lessive dans les campagnes, sont d'ordinaire des gîtes à Culex pipiens et Stegomyta : dans certains cas, les larves d’Anophélines (Anopheles maculi- pennis Seulement) peuvent s’y développer (gares du tramway de Bône à la Calle; et gares de l’Est-Algérien, observation de Mr. Labrousse). 9. — Daies d'apparition des larves. À Mondovi, les larves d’Anophélines ont fait leur apparition fin Mars; sur les bords des lacs Fezzara 5t Tonga qui sont dans la même région et ont’un paludisme au moins égal, les larves sont encore absentes en fin Avril. 10. — Hauteur du vol des Anophélines. Les Anophéline: sont montés à une hauteur de 112 mètres,des bords de l’oued Tafna jusqu’au sommet d’une colline où étaient campés des ouvriers. 11. — Longueur du vol. À Montebello, une zone de défense de 1,500 mè- tres de rayon a suffi; à Tourville et à Penthièvre, la zone suffisante a été inférieure à un kilomètre; à Mondovi, elle a atteint deux kilomètres. A Mon- dovi, en automne, quelques Anophélin2s ont fait irruption; ils provenaient de Line situés à une distance supérieure à 2 kilomètres; de même à Pen- thièvre, en automne, apparurent de nombreux Anophélines venant de gîtes distants de plus d’un kilomètre. 12.— Le vol d’un Anopheles maculipennis où d’un Anopheles algeriensis différe de celui d’un Culex ou d’un Stegomyta. 1? Anopheles qui attaque, vole pär saccades, tandis que le Culex a un vol plus lourd, ainsi que le montre le graphique. Ces observations ont étéjfaites à Mondovi, Penthièvre, Aïn- Mokra, Oued Zied, Ain-Dalia, et sur le littoral algérois. 13. — Transport des A nophélines adultes. À Mondovi, pendant les autom- nes 1907 et 1908, des Anophélines adultes ont été introduits par des voitu- res, qui, venant de Bône, traversaient la plaine. 14. — Cheminement par étapes. À Mondovi, les Anophélines ont traversé la zone défendue (de 2 kilomètres) par étapes successives. Sur les bords de la Tafna, les Anophélines ont atteint en automne les baraquements d’ou- vriers installés au sommet d’une colline; au pied de la colline l'épidémie de paludisme a commencé dès le début de l'été; sur le sommet de la colline, au contraire, elle n’éclata qu’en automne. Il est probable que les Anophélines ne se sont élevés le long de la colline que par étapes successives. ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DU PALUDISME D9 Dans les prairies qui entourent le lac des Oiseaux (Dt. de Constantine), les Anophélines pullulent au printemps. La fenaison chasse en juillet ces Moustiques qui vont infester les maisonnettes forestières bâties sur les col- lines voisines. 15. — Effet du vent. La croyance populaire que le vent transporte les Ne Schema du vol d'un À nophéline . F16.2.— Schéma du vo! d'un Culex pipiens Moustiques peut être expliquée par ce fait que,durant les journées d’orage qui accompagnent les coups de vent, les Moustiques sont plus tourmentants qu’à l'ordinaire. 16. — Refuges des adultes. Lors de l'invasion d’Anophélines en hiver 1907 à Mondovi, il suffisait au Directeur de l’école d’ouvrir quelques instants sa bibliothèque pour voir s’y introduire aussitôt des À nopheles. 47. — Piqure indolore des Anophélines. Chaque année, nous constatons en de nouvelles localités que les habitants ne s’aperçoivent pas de la piqûre des Anophélines qui existent dans la région : nous recueillons parfois dans leur propre chambre des Anophélines gorgés de sang. (Le Tarf, Toustain). FiG. 3. — Aspect caractéristique de la larve de Pyretophorus myzomyifacies : Tête noire, corps clair. Cet aspect suffit pour le différencier, à l'œil nu, de la larve d’'Anopheles maculipennis et de la larve d’An. algeriensis. La piqûre du Pyretophorus myzomyifacies peut ne provoquer absolument aucune démangeaison (expérience personnelle). 18. — Observations sur les Anophélines d Algérie. Nous signalons la faci- lité avec laquelle on peut reconnaître, à l’œil nu, les larves de Pyretophorus 60 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR myzomyifacies, grâce au caractère suivant : tête notre et corps brun clair : cette coloration n’est visible qu’à l’état frais. (Voir fig. 3). Les oueds de la Mitidja sont habités dans leur haute vallée montagneuse Frc. 4. — Frottis montrant tout le contenu des glandes sali- vaires, facile à observer complètement. de l'Atlas par des Pyretophorus myzomytifacies et des Anopheles maculipen- nis et dans la partie basse de la plaine seulement par des Anopheles macu- lipennis. 3 ; 49. — Détail de technique : Recherche des sporozoïtes dans les glandes sali- vatres des Anophélines. Arra- cher brusquement la tête du Culicide avec une pince fine. | \ Saisir le thorax avec cette pince: à la pression, une gou- telette formée de liquide et de tissus thoraciques broyés fait hernie du côté du cou. Faire un frottis figurant une ligne quelconque (en forme d'S ou de Z, par exemple) pour permettre d'explorer facilement toute la préparation avec l’objec-- üf à immersion, ce que l’on n’obtiendrait pas si le frottis formait une tache. 20.— L'examen du thorax et des glandes salivaires des Anopheles maculipennis, cap- turés dans des localités où le réservoir de virus était quininisé, a donné le résul- tat suivant: 0 infecté par des sporozoïtes sur 25 exa- minés (Mondovi, Penthièvre, Montebello, Birtouta, Tour- ville) toutes localités dé- lfendues. Dans les localités non défendues, la proportion des Moustiques infectés est de 4 0/0. Fi. 5. — Technique de la palpation de le rate. ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DU PALUDISME 61 21. — Comme les années précédentes, nous avons demandé à M. le Dr Au- caigne, médecin de colonisation à Vialar, de nous donner des renseignements sur les villages de Bourlier et Burdeau (Sersou) où les gîtes à Anophélines manquent. Il nous a répondu encore cette année : « Je n’ai constaté aucun cas de paludisme à Bourlier et à Burdeau. Je n’ai relevé aucun gîte à Ano- phélines dans ces localités. » II RÉSERVOIR DE VIRUS Notre méthode d'appréciation de lPintensité du paludisme en un lieu par l’index endémique des grosses rates nous donne toujours satisfaction, dans l’Algérie proprement dite (au Sahara se présente un cas particulier qui fera l’objet d’un travail spécial). Notre technique a été adoptée spontanément par plu- sieurs médecins algériens. Les tableaux suivants résument nos recherches d’index endémiques par les rates, en 1908, d’une part avant les chaleurs, d’autre part pendant et après les chaleurs. Index du début des chaleurs PROPORTION DES GROSSÉS RATES POURCENTAGE demo ANS ARE 247 sur 1087 Enfants, 4 de 6 à 10 — ...... %#4#sur 1465 > 1009 sur 5524 28,6 de 41 à 15 — ...... slS8sur 972 Adultes.. (au-dessus de 15 ans})............. 464 sur 2 #49 18,9 TO TARA EE LS AR 1473 sur 5973 | FRIC Ces rates ont été palpées du 12° février 1908 au 31 août 1908, dans les localités suivantes Département d'Alger : Montebello, Marengo, El-Affroun, La Chiffa, Attatba, Oued-el-Alleug, Koléa, Boufarik, Blida, Bouinan, Birtouta, Gué- de-Constantine, Mahelma, Chebli, Arba, Sidi-Moussa, Chéragas, Rouib a- Fort-de-l Eau, Rivet, Rovigo, Ain-Taya, Réghaia, Alma,Corso, Saint-Pierre- Saint-Paul, Fondouk, Mouzaiaville, Brazza, Liébert, Hanoteau, Trois Palmiers. Département de Constantine : Mondovi, Penthièvre, Nechmeya, Barral, Gambetta, Toustain, Aïn-Mokra, El-Madjen, Aïn-Tagrout, Navarin, El- Madher. Département d'Oran : Tourville, Sainte-Léonie, Kléber, Habra, Arlal, Pont-de-l'Isser. 62 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Index des chaleurs et de la fin des chaleurs. PROPORTION DES GROSSES RATES POUREENTAGE MACON PAS EEE 267 sur 1316 | Enfants. € de 6 à 10 —....... 326 sur 1360 » 865 sur 3609 23,9 CAMES Re 272 sur 933 Adultes.. (au-dessus de 15 ans)............… 722 sur 2174 33,2 Motaus ae RARE 1597 sur 5780. 27.6 Ces rates ont été palpées, du 31 août au 31 décembre 1908, dans les localités suivantes : Département d’Alger : Montebello, Marengo, El-Affroun, La Chiffa, Attatba, Oued-el-Alleug, Koléa, Boufarik, Blida, Bouinan, Birtouta, Gué- de-Constantine, Mahelma, Chebli, Arba, Sidi-Moussa, Chéragas, Rouiba, Fort-de-l Eau, Rivet, Rovigo, Aïin-Taya, Réghaia, Alma, Corso, Saint- Pierre- Saint-Paul, Fondouk, Mouzaiaville, Brazza, Liébert, Hanoteau, Trois- Palmiers. Département de Constantine: Mondovi, Penthièvre, Nechmeya, Barral, Gambetta, Toustain. Département d'Oran : Tourville, Sainte-Léonie, Kléber, Sidi- Medjahed vallées de la Zousfana, de la Saoura et du Guir (Sahara). Arlal, Pont-de- l'Isser. 4.—_Tableau des résultats des examens microscopiques du sang de sujets habitant des localités paludéennes (jusqu’au 31 décembre 1908). PARASITÉS PAR L'HÉMATOZOAIRE Corps | Corps Avec NOMBRE D'EXAMINÉS = — en demi- en grosse Tierce Tierce Ofarte: lune. pessaire. 1a'e. maligne. | bénigne. DOTÉ DrICItANtS EEE 3 3 2 | À 19 312 non fébricitants.. 32 32 12 6 39 205 Totaue eee. 35 1e 14 7 36 299 S#4 à hématozoaire du paludisme, 2. — Détail de technique. Mode de repérage des préparations. Nous avons simplifié notre procédé de repérage des préparations de la façon suivante : le cercle de repérage est découpé dans le papier gommé percé de petits trous, ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DU PALUDISME 63 . qui unit les timbres-poste ou les étiquettes. Ce procédé très simple nous permet de retrouver en quelques secondes un point intéressant d’une pré- paration. 3. — Epidémie palustre grave, presque uniquement due au parasite de la tierce maligne. Dans les chantiers de construction de Sidi-Medjahed (la | Rés E1G. 6. — Mechta Tonga — Près du lac Tonga. Aspect débile et vieillot d'un indigène paludéen cachectique, de 18 ans, taille { m.50 environ. ligne de chemin de fer de Turenne à Marnia), au moins 10 cas de mort par paludisme. 7 examens de sang chez 7 survivants : 6 fois se révèle le parasite de la tierce maligne, 1 fois celui de la tierce bénigne. 4. — M.le Dr Salvan signale en mars 1908, à Morris, un cas mortel de bilieuse hémoglobinurique. 5. — Nous avons retrouvé dans les examens de sang pratiqués cette année, les corps en pessaire et les corps en demi-lune que nous avions déjà 64 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR signalés. Nous avons vu 36 fois les corps en pessaireet 7 foisles corps en demi- lune sur 341 examens de personnes habitant des localités paludéennes 6. — L'importance du voisinage des indigènes est mise en évidence par les faits suivants : deux groupes de chantiers (groupe A et groupe B) ont été établis cet été, pendant le même espace de temps, à 5 kilomètres l’un de l’autre, dans la même région (Sidi-Medjahed),à une altitude sensiblement la même (400 à 500 mètres), tous deux à moins de 1.500 mètres de distance | CHANTIERS oe CONSTALCTION DE LA VOIE FERRÉE DE 2 TEL nel 7 à ienne A MSRNIZ : SES _ mor \ 5 $ te }'ouee Camp B NE es N ( Abords de !a : Jafrra j / Hat à En At | ile garde | | 2 af D de ot S Ne ï Carzp ie ï us’ /aliens À 1 \ Un ta \ de 1 Pie £ + | NN Ve « St | Sa / Re D \ : > > n du \ , ee Sa re , KI , S-+#6n1 au- de Te 1 dessrs ce loucd) HAE PC \ a Me hesan ae fer. Sn Ce de —\ "Future gare de D Sid Medjahea Cap” î = >» m0 7% Te = Vo, y {HZ m ax-dessus del Pan) LE HA IE STE d’oueds coulant toute l’année au fond de vallées encaissées, gîtes à Anopheles maculipennis. (Voir fig. 7.) Le chantier A subit une épidémie de paludisme d’une gravité exception- nelle : le chantier B reste indemne. Or, le chantier A est uniquement composé d’Européens, et est établi dans une région déserte, absolument inhabitée à plusieurs kilomètres à la ronde; dans le chantier B se trouvent de nom- breux Marocains, et le camp est établi à proximité d’une agglomération indigène importante, la smala de Sidi-Medjahed. Les familles indigènes com- posant cette smala souffraient des fièvres les années précédentes, avant ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DU PALUDISME 65 Pétablissement des chantiers. En automne 1908, l'index endémique est de 67,1 0/0. D'un côté pas de virus local, de l’autre, réservoir de virus abondant alors que les gîtes à Anophélines sont identiques de part et d'autre. 7. — Remuement de terres, cause présumée de paludisme. Dans le cas de l'épidémie de Sidi-Medjahed, citée plus haut, on a pu observer que: 4° le chantier A, qui est resté indemne, avait remué 100.000 mètres cubes de terre; 20 le chantier B, désorganisé par l’épidémie de paludisme, en avait remué 10 fois moins (10,000 mètres cubes). Par ce fait d'observation, on peut, une fois de plus, faire justice de l’ancienne théorie, si ancrée encore dans l’esprit des colons algériens, théorie qui veut que les « remuements de terre » provoquent des épidémies de paludisme. 8. — Danger colporté par les émigrants kabyles. Nous signalons à nouveau le réservoir de virus ambulant constitué par les milliers de moissonneurs, vendangeurs et mineurs kabyles ou marocains qui parcourent l’ Algérie pendant la saison chaude. III SUJETS EXPOSÉS Durant l’épidémie de Sidi-Medjahed, on a remarqué que les ouvriers italiens (maçons, carriers, tailleurs de pierre), qui se nourrissaient mieux que les ouvriers espagnols (en général simples manœuvres ou terrassiers), étaient moins gravement atteints par le paludisme. æ. ÉTUDES PROPHYLACTIQUES DIFFICULTÉS DE LA PROPHYLAXIE Nous sommes heureux de constater que dans les localités où les campagnes antipaludiques sont instituées depuis plusieurs années, la population s'intéresse aux mesures prises, et en pro- clame les bons résultats, soit par la voie de la presse locale (Mondovi, Penthièvre), soit par lPaccueil empreint de reconnais- sance réservé à Ceux qui ont institué la campagne (Tourville, Sainte-Léonie, Beni-Messous). PROCÉDÉS DE PROPHYLAXIE [. — ÉLOIGNEMENT DU RÉSERVOIR DE VIRUS ET DES GÎTES Cette mesure antipaludique a été prise inconsciemment pendant la cons- truction de la ligne de chemin de fer de Turenne à Marnia (voir plus haut). Le chantier À, ne comprenant que des Européens et établi dans une région déserte, n’a pas souffert du paludisme. Cette mesure préventive (éloignement des indigènes) pourrait peut-être être appliquée en Oranie, où la main-d’œu- vre espagnole ne manque pas. Par un fâcheux hasard, tous les nouveaux venus-européens au centre de ns J (6. CAN ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Brazza, en 1908, ont été des anciens paludéens porteurs de grosses rates. Les mesures contre les gîtes à Anophélines ont heureusement combattu le dan ger de ce nouvel apport de virus. (Observation du Dr Susini.) Il. — MESURES ANTILARVAIRES Nous avons, dans les trois départements algériens, trois agents antilarvaires éduqués spécialement, qui dirigent les mesu- res antilarvaires à Mondovi, Penthièvre, Gambetta, Montebello, Tourville, Sainte-Léonie: M. Pellegrin, inspecteur du service anti- paludique à Bône, M. Landes, sous-inspecteur à Alger, M. Salles, chef cantonnier des Ponts et Chaussées, à Arzew. Ces agents, dont deux (MM. Pellegrin et Landes) sont sous nos ordres immédiats, éduquent, au cours des campagnes, des ouvriers anti- larvaires que, d’année en année, on établit à poste fixe dans une localité à défendre, exemple : M. Marchal à Mondovi, Areski à Gambetta. 1° Comme nous l’avons déjà exposé, les agents du service antipaludique ne s’occupent que des petites mesures antilar- eaires; faucardement, pétrolage, drainage, comblement ou vidange des marelles et trous d’eau, régularisation des rigoles et petits canaux d'irrigation. Nous appelons grandes mesures anti- lareaires les gros travaux d’assainissement, relevant de l’art de l'ingénieur : grands canaux de dessèchement et autres entreprises d'hydraulique agricole. Nous répétons encore cette année cette constatation, faite aussi par nos collègues d’Italie, que les soi- disants grands travaux d’assainissement laissent un pays aussi insalubre qu'ils l'ont trouvé ; leur avantage est de permettre la mise en culture, qui comporte ce que nous définissons les petites mesures antilarvaires. Le propre de celles-e1 est d’être simples, peu coûteuses et de représenter toujours, en même temps qu’une amélioration hygiénique, une bonification agricole. Nous en donnons ci-dessous quelques exemples, relevés ce tte année : A. Les abords marécageux de l’Aïn-Sidi-Rached, à Montebello, étaient drainés, les années précédentes, au moyen de petits fossés à ciel ouvert, que les bestiaux détruisaient rapidement, ce qui nécessitait une réfection bi-mensuelle. Cette année, ces drainsont été comblés au moyen de gros caïl- loux roulés, sans terre, puis recouverts de gravier. Depuis le début de l’été 1908, ce drainage en pierres sèches a suffi pour permettre l’infiltration sou- terraine des eaux et n’a plus exigé d’entretien. B. À Cambetta, on creuse, pour l’eau d’écoulement d’un abreuvoir, ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DU PALUDISME 67 deux rigoles parallèles, qui fonctionnent à tour de rôle pendant une semaine : ainsi les larves n’ont pas le temps d'évoluer, et les deux rigoles permettent une irrigation plus parfaite. FiG. 8. — Grandes mesures antilarvaires à lOued-Djer. Etat avant les travaux 30 mars 1908. 20 De concert avec le D' Trabut nous essayons, pour le des- sèchement des bas-fonds inondés, plusieurs milliers de Taxodium distichum, ou Cyprès chauve d'Amérique, que l’on plante dans l’eau, et dont les racines jouissent d’un fort pouvoir absorbant; 3° Sur l’indication du D' Trabut, nous mettons en expérience, dans des gites naturels, des petits Poissons très voraces, indi- gènes en Berbérie : Tellia apoda et Cyprinodon tberus ; 49 Un bon exemple des travaux d’assainissement qui répon- dent à notre conception des grandes mesures antilarvaires est fourni par les travaux exécutés par le Service spécial de la Colo- nisation dans le lit abandonné de lOued-Djer (Mitidja). Ce lit graveleux, fortement encaissé, contenait, sur 1.500 mètres envi- ron, une série de cavités pleines d’eau, puis, sur une section de 3 kilomètres, une nappe continue d’eau, ces cavités et cette nappe étant de redoutables gîtes à Anophélines. Cette région , très riche et toute proche d'Alger, était mhabitable par suite du paludisme 68 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR On n’a pas, suivant la vieille routine, remblayécomplètement ce lit par les méthodes usuelles. Mais par des Innovations heureuses et très pratiques, et grâce à l’aide d’un syndicat local, créé à cet F1G. 9. — Etat pendant les travaux 8 juillet 1908. effet, on a décapé ia crête des berges pour combler seulement la partie mouillée de loued, où un mince chenal subsiste seul. Des plantations de 30.000 arbres ont été réparties dans le bas- Fi. 40. — Etat après les travaux 26 décembre 1908. fond. Ces terrassements terminés en automne 1908 n'ont pas encore pu donner de résultats et auront sans doute besoin d’être surveillés et complétés. Mais ils ont déjà transformé, et pour ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DU PALUDISME 69 une dépense peu élevée, un vaste et inaccessible marais en un mince fossé, facile à maintenir exempt de larves. II bis. — MESURES CONTRE LES ADULTES. Nous obtenons de meilleurs résultats en projetant la poudre de pyrèthre dans les appartements, qu’en la faisant brûler. M. Pellegrin a imaginé de détruire les Anophélines réfugiés dans les caves, à Mondovi et à Penthièvre, en obturant l’orifice des soupiraux par une-vitre dont la face dirigée vers l'intérieur est enduite de glu. Les Moustiques viennent s’engluer en essayant de sortir des caves. Les caves jouent le rôle de « trous-pièges » naturels. III. — QUININISATION Pour favoriser l’extension de la quininisation préventive et curative en Algérie, nous avons pris l'initiative de deux sortes de mesures : 19 Élaboration, dès 1906, d’une entente avec les pharmaciens pour assurer l’approvisionnement de tous les centres en bonne quinine, vendue sous une forme agréable, toute dosée, à prix fixes et connus ; | 20 Expérimentation de la quininisation tous les trois jours, avec soixante centigrammes, comparativement avec la quinini- sation journalière, avec vingt centigrammes. Il serait en effet plus simple et moins coûteux de déranger un quininisateur tous les trois jours que tous les jours ; 19 Entente avec les pharmaciens. — La quininisation préven- tive des personnes indemnes, la quininisation curative des anciens infectés (en particulier des indigènes, principal réservoir de virus) constituent une des bases les plus importantes de l’anti- paludisme en Algérie. Pour que cette quininisation se fasse dans de bonnes condi- tions, il faudrait : 19 Que le public puisse se procurer facilement , en abondance, la quinine; 20 A des prix stables et connus; 3° Sous une forme agréable, toute dosée, par exemple en dragées de bichlorhydrate, à l’imitation de ce que le professeur A. CELLI a fait faire par l’État italien. Dans le but de réaliser ce postulat, nous nous sommes mis en rapport, durant l’hiver 1906-1907, avec M. le Prof. CAZENEUVE, qui venait d’être rapporteur à la Chambre du Budget de l'Algérie, et nous avons rédigé, de concert avec lui, un projet appelé depuis, 70 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dans les journaux de pharmacie, projet SERGENT-CAZENEUVE. I nous a paru possible qu’une entente intervint entre le Gou- vernement Général de l’Algérie et les Pharmaciens algériens, pour que l’expansion de la quininisation fût facilitée, sans porter atteinte au privilège des Pharmaciens. Nous avons saisi à la fois de notre projet le Gouvernement général de l'Algérie et le Président du Syndicat des Pharma- ciens d'Alger, M. RAMIGEON, qui est en même temps Vice-Pré- sident de la Fédération des Sociétés de Pharmacie du Sud-Est. M. RamiGEoN a, durant l’année 1907, fait une enquête auprès des autres Syndicats algériens et des Pharmaciens indépendants. Le 14 décembre 1907, M. JonNART, Gouverneur Général de l'Algérie, instituait, par arrêté, une Commission destinée à étu- dier les mesures propres à faciliter, en Algérie, la vente de la quinine. Cette Commission, présidée par M. Lucrantr, Directeur des Affaires indigènes, comprenait M. RAMIGEoON, Président du Syndicat des Pharmaciens d'Alger; M. le Prof. TRABUT, qui avait déjà fait prendre, 1l y a plus de 15 ans, des mesures pour la diffusion de la quinine; le D' SERGENT; M. MEUNIER, inspec- teur général des Services d’Assistance; le Dr Massoxer, délé- gué des Médecins de colonisation d’Alger. Cette Commission réunie le 17 mars 1908, a adopté à l’unanimité le texte suivant, qui est celui du projet SERGENT-CAZENEUVE, avec quelques modi- fications de détail : La vente de la quinine au public est réglementée de la façon suivante : 40 Localités situées dans une zone mesurant 8 kilomètres de rayon autour d’une pharmacie : Les sels de quinine déterminés par Administration seront vendus d’après un tarif arrêté par le Gouverneur Général, après avis d’une Commis- sion au sein de laquelle sera appelé un délégué du corps pharmaceutique algérien. En cas de variation importante dans les cours, ce tarif pourra être revisé dans les mêmes formes, soit sur la demande du délégué des pharma- ciens, soit sur l'initiative de l'Administration. Les pharmaciens devront posséder : I. Un approvisionnement de bichlorhydrate de quinine pur, en dragées de 20 centigrammes de sel pour 30 centigrammes de sucre; IT. Un sel insoluble de quinine sous une forme à déterminer. 20 Localités situées hors de la zone de 8 kilomètres de rayon autour d’une pharmacie : a. S'il y existe un médecin de colonisation ou communal, ce médecin sera tenu d’assurer la vente de la quinine exactement comme un pharmacien dans le cas ci-dessus. ETUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DU PALUDISME 11 b. Dans les localités très éloignées des centres où sont établis des phar- maciens ou des médecins autorisés à débiter des produits pharmaceutiques, seront installés des dépôts de quinine confiés à des agents des services publics. L’approvisionnement de ces dépôts sera fait par les pharmaciens les plus rapprochés ou, dans les circonscriptions qui en sont dépourvus, par l’Assis- tance publique. Les personnes chargées de ces dépôts devront livrer ces produits au prix marqué à l'extérieur en français et en arabe. Elles bénéficieront d’une remise sur le prix de vente. La Commission de tarification désignera les maisons qui seront admises par l'Administration à fournir de la quinine. Elle déterminera aussi la forme sous laquelle la quinine sera vendue au public. M. le Gouverneur général, ayant approuvé ces conclusions, institua une Commission permanente de tarification, compre- nant à peu près les mêmes membres, et dont les travaux, déjà commencés, sont en bonne voie. Dans quelques mois, l’appro- visionnement nécessaire étant réalisé, l’organisation nouvelle fonctionnera, et est appelée à réussir si les Pharmaciens l’accep- tent partout. D'ailleurs, une opposition injustifiée de leur part pourrait faire songer au Gouvernement à proposer des mesures législatives restreignant, sur ce point spécial, les dispositions de la loi du 12 Germinal an XI. Quoi qu'il advienne, nous devons être reconnaissants à M. le Gouverneur Général JonnarrT de l’appui constant que sa haute autorité prête à la cause de l’hy- giène en Algérie, et des progrés réalisés sous son administration. 2° Essai de différents modes de quininisation. — La quini- nisation a été journalière (20 centigrammes pro die) à Chéragas, Attatba, Tourville, Sainte-Léonie, Mondovi, Penthièvre. La quininisation a eu lieu tous les trois jours (60 centigrammes chaque fois, pour les adultes; doses proportionnées pour les en- fants : 30 et 20 centigrammes), à Montebello, Birtouta. La quinmisation a eu lieu tous les 6 jours (60 centigrammes chaque fois, pour les adultes; doses proportionnées pour les enfants), dans la région de l’ancien lit de l’oued Djer (Mitidja). Nous avons essayé de donner un gramme de quinine tous les & jours (indigènes de la Mitidja) suivant la méthode de Plehn. Nous nous sommes heurtés, malgré tous nos efforts, à un refus absolu d’accepter une dose aussi forte. Les troubles de quinisme étaient marqués chez beaucoup de sujets. Nous avons dû aban- donner cet essai. >1 Lo ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nous avons obtenu sensiblement le même résultat dans le traitement curatif des anciens infectés par la quininisation avec 60 centigrammes tous les trois jours que par la quininisation journalière avec 20 centigrammes. Un bon résultat analogue obtenu avec la quininisation avec 60 centigrammes tous les 6 jours nous indique l'intérêt de nou- veaux essais dans cet ordre d’idées : La palpation des rates nous donne les résultats suivants : AMÉLIORATION|PAS DE MODIFICATION|AGGRAVATION A — ——— A — — Re. ER. e mn Lo] mn Le] 5 d me E 2RE E ÿ À “RH MORE ©. ME FE Be |*SS| le “4 : - RE 2 PE Re £ = ou Attatba, Beni- Quininisa- Messous,Mon- {on QUo-|Govi, Penthië-| 7 29 431 27 15 12 LEE 0re *|vre,Tourville, 20centigr.|Sainte-Léonie 6,3 C/0 87,9 0/0 5,1 0/0 Tous Montebello, les3 jours: Goujili, 1 11 119 9 3 3 60centigr.| Birtouta, 8,2 0/0 87,6 0/0 4,1 0/0 Tous Région de les 6jours:|l'ancien lit de 0 6 40 A1 1 3 60centigr.| l’oued Djer. 9,8 0/0 83,6 0/0 6,5 0/0 Le nombre total des personnes quininisées régulièrement par des quininisateurs, est de 2,750. Le nombre des personnes quininisées irrégulièrement, non par des quininisateurs, est de 400. Dans ces chiffres n’entrent pas les personnes quininisées par les différents médecins collaborateurs. (Voir la partie spéciale.) Pour les résultats de la quininisation bien surveillée, dans les champs de démonstration, voirplusloinles tableaux, pages 75 et 76. Les dragées de bichiorhydrate de quinine à 20 centigrammes ont été employées presque uniquement, et très appréciées. Des comprimés d’éthylcarbonate de quinine (euquinine), à 15 cen- tigrammes, ont été donnés aux enfants trop jeunes pour avaler les dragées. ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DU PALUDISME 73 La quininisation a été confiée, dans les champs de démons- tration et dans les localités à réservoir de virus abondant, à des Européens. En 1908, furent employés 11 quininisateurs euro- péens (8 hommes, 3 femmes), qui en général nous ont donné satisfaction. Nous n’avons qu’à nous louer du concours très précieux des institutrices qui, au nombre de 11, et des instituteurs, qui, au nombre de 5, ont quininisé les enfants des écoles au printemps et à l'automne. Chaque année, nous voyons les excellents résul- tats de la quininisation à l'école. Les marabouts, auxquels nous avons demandé de nous aider dans notre propagande en faveur de la quininisation, sont restés indifférents aux campagnes hygiéniques organisées chez leurs coreligionnaires. L'éducation des indigènes, en pays paludéen, pour ce qui concerne la quininisation journalière préventive, est absolument illusoire : même chez les indigènes de Chéragas (tribu des Beni-Messous) qui font preuve d’un assez bon esprit, s'impose la nécessité d’un quininisateur procédant chaque jour à une distribution régulière individuelle. Les D'5 Lamotte, Pagès, ont procédé eux-mêmes à la quininisation des localités où ils dirigeaient la campagne antipaludique. # La quininisation, commencée fin mars, a dû être continuée jusqu’à la fin de décembre à Mondovi. En général, elle dure6 mois. + En conclusion, la quininisation avec 60 centigrammes tous les 3 jours ou tous les 6 jours ayant donné sensiblement les mêmes résultats que la quininisation journalière avec 20 centigrammes, nous étendrons des essais de sa mise en pratique, car elle simplifie l’organisation et réduit les frais d’indemnités aux quininisateurs. Le tableau page 74 montre que, chez les traités, l'index endé- mique est descendu, du printemps à l'automne, de 26,9 0 /0 à 22,3 0/0 tandis qu’il est monté chez les témoins, pendant le même laps de temps, de 32,8 0/0 à 36,5 0 /0. IV. — DÉFENSE MÉCANIQUE La défense mécanique des logements est appréciée des gens soigneux, chez qui elle donne de bons résultats. Elle se généralise peu à peu, surtout chez les fonctionnaires. Comme nous l’avons déjà dit, c’est un procédé de luxe, applicable seulement dans certaines catégories de la population. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR En | LL Fonctionnaires ou agents des services publics. Liste des fonctionnaires grillagés Département Département Département d'Alger. de Constantine. d'Oran. Hôpital CREER rence 1 Pavillon. Instituteurs et institutrices 8 9 Ponts et chaussées 3 — 5 baraquements Halloula. Recev. des Postes et Télégraphes. 14 Administrat. de Commune mixte. Médecins de colonisation Gendarmerie (toute la brigade)... Expert du service phylloxérique. Gardes Mores tiers ee ere ..... | Quelques-uns dans chaque département. = > 09 O9 O2 U9 MODES D’ÉVALUATION DES RÉSULTATS DE LA PROPHYLAXIE Comme les années précédentes, nous avons choisi une loca- lité témoin, où nulle prophylaxie n’était tentée, dans le voisinage de chaque localité soumise à la prophylaxie antipaludique. Les recherches de contrôle ont été basées sur la comparaison du nombre des Anophélines, larves et adultes, ainsi que sur la comparaison du pourcentage des grosses rates au printemps et à lantomne, d’une part dans la localité défendue, d’autre part dans la localité témoin. PROPAGANDE On continue à assurer le placement dans chaque wagon des chemins de fer d'Algérie, dans les bureaux de poste, mairies, etc., de petites affiches « contre le paludisme ». Chaque école est munie d’une planche murale coloriée. Des brochures, conférences sur le paludisme, recommandations pour se défendre contre le palu- disme (illustrées), sont distribuées parmilliers chaque année par les soins du Gouvernement Général. Des conférences sur le palu- disme sont faites par certains médecins et des instituteurs, à l’aide de clichés à projection fournis par le Gouvernement Général. Nous signalons l'intérêt des leçons de choses de certains institu- teurs, qui apprennent à leurs écoliers à reconnaitre les Anophélines dans les mares, oueds, et leur enseignent la façon de les détruire. PARTIE SPÉCIALE Nous ne donneronsici qu’un court résumé dela Partie Spéciale de ce Rapport, que le lecteur pourra se procurer in extenso en s’adres- sant au Gouvernement Général de l'Algérie (lutte antipaludique). ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DU PALUDISME rh) Comme les années précédentes, nous avons appliqué notre activité à la poursuite de 3 buts principaux : I. Dans les CHAMPS DE DÉMONSTRATION, expérimenter par nous-mêmes, ou par nos agents du Service antipaludique, les différentes méthodes connues ou à vérifier, de façon à donner des leçons de chose à la population. II. ÉTENDRE PROGRESSIVEMENT chaque année la mise en défense sur le territoire découpé en sections, en commençant par les environs d’Alger (plaine de la Mitidja et Sahel algérois). III. Faire organiser des campagnes antipaludiques en DIFFÉ- RENTES LOCALITÉS FIÉVREUSES par les médecins,les ingénieursetc., qui s’y prêtent. Faire ou faire faire des études épidémiologiques là où les intéressés se plaignent d’un paludisme violent. I. CHAMPS DE DÉMONSTRATION Dt d'Alger : Montebello. Dt d'Oran : Tourville, Sainte-Léonie. Dt de Constantine : Mondovi, Penthièvre. Du printemps à l'automne, les rates sont (AMÉLIORATION)! (ÉTAT STATIONNAIRE) (AGGRA VATION) He TUE au D. 2 — TT ES £ g £ Restées Restées de £ & = 2 € 5 même £ = © |Augmentées. e- £ = normales. rte 2 = = Montebello..... me 2 32 1 1 n Mondoyi:e- 2". 6 13 95 17 8 8 D | —— EE — —_—— > Penthièvre ...... 5 49 2 à 1 ANR IREM EEE ER EMÉTourvilIe eee ce 2 117 1 1 1 Sainte-Léonie ... 4 58 2) 1 12 20 3D1 33 13 Il D On . “S +, I 32 (7,17 0/0) 390 (87,4 0/0) 24 (5,3 0/0) n | Karaoui-Serhane. 30 3 ER] | CR Rs ee CP 0 = Barral-Guébar... il 7 11 6 A ——— PR AE 2 RER | £ Nechmeya....... | 25 > 3 7 EE —<————— —" — — ——— CAEKTéher se tee il DD 4 CAR —————_— 2 4 117 13 7 9 ——— ©" | 3 (2.00/0) 130 (87,2 0/0) 16 (10,7 0/0) Mb dE 10 O8 RM Men 0 0/0 8'&g "ep juequouusne enbruppua Tapuy 9L8/ VOI 148 /68 D en aet/gr |or/v|601/er|#s/07| $8/c oot/8 | ar/c | 88/9 |ge/0| eg/9 nn ne uonensuomep EEE TE et ET NIENRS EPr ; op co/ge lez/orlor/erler/el 08/8 | 8 / | ez/o8 | 96/9 | oy/rx [6/7] 8/8 | 6/8 | couor crauqsn oo 29/29 Le/ug | 2 /1 | 9e/9e [1/11] s9/89 co/sa lors |l08 188 65/08) à ou acqono tensea sap ——— — SNIONZL e/8 |#1/8[ 21/6 June non) rene ee re 00/00/00 M6 0 CPE 8971129017 RL A 0/0£'88 p CRC RER 0/0 6‘98 sosseseresesesssesteeseee 9 JINPOI 2NDIWIPUA TOPU] T92/OLE O£6/1S8 84/OT eu /ovlos/s| o5/e ler/cl tut/9oe | 1/8 |ooï/g8r| v6/8 | 85/9 [25/5 |""""""'emos-curs : — — | — | —— ‘uOrETJSUOMEP 8Pr/g gr1/c| 08/8 | es/s |ge/v eot/6 | 15/5 | ovr/s |og/0 | eo/g [88/0 SSD A8/ge |s6/c|68/ec | 08/çl1e/#r| 8/% | vet/24v | 65/6 | 61/86 | a1/9|c/ga [97/1 | ‘ *'OAQFqIUed ep gev/o9ovlecr/erlses/solsr/ovrlcar/cel6c/crrzv/gvricer/selece/zor|e6/cl9sr/golez/08| SOON sdmey) ep/re |9s/aerl 27/6 | y | 9/s | 8/8 | eg/# |se/er! 08/vr |07/6| 9/e | 5/7 |" """""""'onauox See ce cv 2 St | ls a a pe seed ce) 59 as seslsen srl sglsr VLOL 2E FRS BE 2? © 1VLOL Ê E Be ES EC PES a mt ù SE — SYLTATY SINVANA S4LTAOY SINVANYAH a © TT "7 ‘SANI]DY9 Sa) Saudy * SAN9]DYO Sd] JUDAD aNbIWIPUI LopU] : SAN]0Y9 Sa) Sal 19 juan onbnuypua raopu *(SHLOHANT SNHIONV) SAUIA 4Q HIOAUASAU 41 UNS NOILLVSINININO VI 44 LEA ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DU PALUDISME 77 EFFETS DE LA CAMPAGNE SUR LES SUJETS EXPOSÉS MonNTEBELLO (52 CAMPAGNE). — Æuropéens indemnes ou sensibles : 54, dont 2 nouveau-nés. 0 cas de première invasion. Européens anciens infectés : 20. Rechutes : 4. TÉMOINS : Ferme M. — Européens indemnes ou sensibles : 5. Cas de première invasion : 1. Camp Halloula. — 19 ouvriers : 60 jours d’indisponibilité pendant 3 mois d'automne. {1 entrée à l'hôpital. Marengo et Desair. — 10 cas de première invasion chez des Européens, constatés par des médecins. TouRVILLE (3 CAMPAGNE). — Européens : 1.000 habitants. Al nouveau-nés : O cas de première invasion. SAINTE-LÉONIE (2° CAMPAGNE). — Quininisation mal faite. Européens : 300 habitants : 17 nouveau-nés de décembre 1907 à décembre 1908 : 2 cas de première invasion. TÉMOIN : Ferme C. — Européen indemne : 1 personne : 1 cas de première invasion. Monpovi (2® CAMPAGNE). — Européens : 800 : 52 nou- veau-nés de décembre 1907 à décembre 1908 : 2 cas de pre- mière invasion chez des nouveau-nés. Rechutes : bien moins nombreuses qu’en 1907. : PENTHIÈVRE (2€ CAMPAGNE). — Européens : 200 : 2 nou- veau-nés, de décembre 1907 à décembre 1908 : 1 cas douteux de première invasion chez un nouveau-né. TÉMOINS : Barral. Nechmeya. Guébar.— D’après les D'S Marbot et Lévy : cas nombreux de paludisme. Rechutes fréquentes et graves. IT. EXTENSION DE L’ANTIPALUDISME. Plaine de la Mitidja Le tableau suivant donne les index endémiques de la plaine de la Mitidja avant et après les chaleurs. Les heureux résultats de la quininisation sont montrés dans les tableaux, pages 76 et 79. Mais les bons effets du traitement curatif du réservoir de virus sont cachés, dans le tableau suivant, pour quelques localités, comme Montebello et Birtouta, parce qu'il y à eu apport de virus étranger dans ces localités, entre le prmtemps et l’automne. L’index endémique d’automne, qui est le pourcentage de toutes les grosses rates présentes à ce moment-là, comprend donc des grosses rates importées d’ailleurs et non soumises au traitement. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 78 73S$104'A XUUIDY NP ab? {IDF u017995 : WD2,} 9p 1/04 CRD “067 euuoyne uo elpuin er op oured er op sonbrmopue xopur è DIDIFI0] 22 7] É ug11998 ;] DLATAN 2p AB. Df impelnaury ty er \ 7 OYINOT +. Lee UVEINOT 6 DT mere, DOKTHAS CE - tu Ve es en ee 0 > (UVLROG RE EE DYD01Y24 ae 7 4 SON 2P NL) e DÉDIPY) SPLM/D SN0SSINE 1UXTg INDEX ENDÉMIQUE INDEX ENDÉMIQUE AVANT LES CHALEURS APRÈS LES CHALEURS ; ENFANTS \ ENFANTS LOCALITES | | de11à15ans. / de11à15ans. | de 0 à 15 ans. ADULTES TOTAL de plus de 15 ans. de plus de 15 ans TOTAL de 6 à 10 ans. deO0à15ans. , de 0 à 5 ans. de 6 à 10 ans. 170 SECTION 13/37| 5/26 9/61 | 31/150]|| 2/: P 13/84 | 8/65 Montebello 4 | 5/6 |: 13/38 | 24/58 5/6 9/17 |12/26 Fermes vois. Montebello 20120/29 9 24/66 | 65/1384 /27 ; 3/3 5/14 | 14/32 5 Région Oued-Dijer..... 50/44/60 /28/: 51/168/166/326 Marengo 2/15| 4/8 | 5 11/31 Ouled Hamidan 35| 8/35/13/4 7/99 | 28/2143 Karaoui Serhane J9 | 0/6 2/12 2/34 Chiffa (village) 2 7/13| 2/! 5/23 | 16/53 Chiffa (particulier)....| : 4/17 | 3 3/20 | 13/40 El- Affroun 15| 2/47 15/108 Mouzaïaville 23| 1/22 26 4/74 Ameur-el-Aïn......... 25| 7/43 12/79 Bourkika 7/19 3/1: 10/45 5/19 43/126 SN eo ë Q9 V2 OUT Le 09 OT OO O0 À UT =] La Dow 0 D © OO = 1 © © & ee! _ 13/85 3/14 9/23 TS 4/14 > À 18/31/21/35| 68/118/59/85 [127/2031l29/52/18/51191/35l68/118/59/85 [127/203 2 33/93 1 6| 5/41 | 3/79 8/120 Oued-el-Alleug. ...... c 7/23 9 c 2 | 3/7 7 r STE 52118/57|10/37| 35/146/° 60/315|| 3/39| 5/42| 5/33l13/124/20/152| 33/256 peine 11/43 : 4/10 | 179 | 5/19 DRE 7/85 11/33 [10/31 | 21/64 Birtouta (abords gare).| 5/19/13/: 0/5 30/135 27/53 [15/50 | 42/103, 32 SECTION Gué-de-Constantine.... 2 ç 23/108 Birtouta 2 22| 9/: 3| 49/189 Sidi-Moussa ê 19/201 Eucalyptus - 5/27 Boufarik 1 26/177 2/44 31ME 5/61 Bouinan 2 2/50 Chebli +52 3/29 42 SECTION Fort-de-l Eau 18/67 || 4/39 ) 17/12) 35/2565! 8/55] 5/43| 5/33l18/131/22/134 9/33 | 22/63 || 3/12 26 [12/42 87/72 |l12/15 43/211|| 7/38 Beni-Messous......... /24|18/72|11/29| 36/125/16/73 8/24117/26|10/22|35, 1716 | 45/148 Zouaoua . 9 ; / ; / Éads Cheragas 0/22| 0/10| 1/56 | 0/38 14/94 ||2/31| 1/16 4/114 80 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR III. AUTRES LOCALITÉS FIÉVREUSES COMMUNES ET ÉTAT Etudes épidémiologiques : Dt d'Oran : Turenne, Noisy-les-Bains, Vallées de l’oued Zous- fana, de l’oued Guir, de l’oued Saoura, Sidi-Medjahed. Dtde Constantine : Ain-Tagrout, El-Madjen, Condé-Smendou, EI Madher, lac Fezzara, lac Tonga. Etudes épidémiologiques et prophylactiques : Dt d'Alger : Ancien lit de l’Oued-Djer. Brazza (DT Susini). Adelia (DT Lécuyé). Vauban (D' Bartoli). Hanoteau (Dr Cam- billet). Liébert (D' Aucaigne). Bourlier-Burdeau (D' Aucaigne). Sidi-Aissa (D' Dartigues). Dt d'Oran : Montagnac (D' Cubry). Pont de lIsser (Dr Vidal). Arlal (DT Creutz). Beni-Ounif de Figuig (D'S Foley et Yvernault). Dt de Constantine : Herbillon (DT Graziani). Taher (Dr Pagès). Périgotville (D' Bertrand). Toustain (D' Hybram). Qçar-Sbahi (M. Taïlhandier). Aïn-Babouch (id.). Navarin (Dr Isnard). Gambetta. PARTICULIERS appliquant la prophylaxie : Chemins de fer : de l'État (en Oranie et Est-Algérien), Ouest- Algérien, P.-L.-M., Bône-Guelma; CFRA, Bône-Ain-Mokra- Saimnt-Charles, Bône à ia Calle. EE 0 ONE RU SP LRO | à ee ee TT Le Gérant : G. Masson. oo Sceaux. — Imprimerie Charaire. 24m ANNEE FÉVRIER 1910. No 2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nouvelle Contribution à l'étude de Trypanosoma congolense Broden Par A. LAVERAN En 1908, j'ai publié dans ces Annales, un travail sur Trypa- nosoma congolense (1); depuis lors, J'ai continué l'étude de ce trypanosome et je suis en mesure de compléter, sur bon nombre de points, les renseignements contenus dans mon premier tra- vail. Je reviendrai le moins possible sur les faits précédemment. exposés. Je rappelle que l'infection produite par Tr. congolense a été observée d’abord dans l'Etat indépendant du Congo, chez difté- rents animaux domestiques (ânes, moutons, bovidés, droma- daires), par A. Broden, Rodhain, Dutton, Todd et Kinghorn et Meuleman, et ensuite, au Congo français, par G. Martin, Lebœuf et Roubaud. D’après ces derniers observateurs, Tr. congolense est le trypanosome qui cause le plus grand nombre d’infections parmi les animaux domestiques, dans les régions du Bas et du Moyen Congo (2). E. Montgomery et A. Kinghorn ont observé des infections par Tr. congolense chez des bovidés, dans le nord-est de la Rho- desia (3). Dans d’autres régions de l’Afrique on a signalé l’existence, chez des animaux domestiques, de petits trypanosomes, évidem- ment très voisins de Tr. congolense, mais dont l'identification à (1) A. L'AVERAN, Annales de l'Institut Pasteur, novembre 1908. (2) G. MARTIN, LEBŒUF et RouBaup. La maladie du sommeil au Congo français, Paris, 1909, p. 680. (3) E. MONTGOMERY et A. KINGHORN, Annals of trop. med. a. parasitol., 20 octobre 19091 TT p.279; 82 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cette espèce n’a pas pu encore être faite de façon certaine (1). I. MORPHOLOGIE DE Tr. congolense. CULTURE. — J'ai peu de chose à ajouter à la description que J'ai donnée de Tr. congo- lense. Hühnel dit avoir vu, dans les préparations colorées du sang d’un rat infecté par Tr. congolense, au 20€ jour de l'infection, des hématies qui contenaient des trypanosomes; les parasites étaient inclus en entier ou partiellement dans les hématies. Dans une pré- paration fraîche du sang du rat, le même auteur aurait vu une fois un trypanosome qui avait réussi à pénétrer dans une hématie ; le parasite imprimait des mouvements de repliement à la péri- phérie de lhématie (2). Les figures données par Hühnel à l’appui de son opinion, ne me paraissent nullement probantes, il peut très bien se faire qu'il s'agisse simplement de trypanosomes accolés à des hématies. Pour ce qui concerne l'observation faite une fois à l’état frais, en admettant que l’interprétation soit exacte, elle ne prouve pas que, dans les conditions normales, les trypanosomes pénètrent dans les hématies. Pour ma part, j'ai essayé souvent de contrôler les observations de Hühnel en examinant du sang frais ou du sang désséché et coloré, et je n’ai Jamais observé la pénétration des Tr. congolense dans les hématies. J'ai fait avec M. le Dr A. Pettit, plusieurs tentatives pour obtenir des cultures de Tr. congolense sur milieu de Novy; ces tentatives ont toujours échoué. IT. ACTION PATHOGÈNE DE Tr. congolense CHEZ DIFFÉRENTS MAMMIFÈRES. — Je compléterai les renseignements que j'ai donnés précédemment au sujet de l’action pathogène de Tr. con- golense sur la souris, le cobaye et le chien, et je résumerai des observations nouvelles faites sur Le lapin et sur le chat (3). A. Souris. — Ainsi que je l’ai fait remarquer déjà, la durée de Pinfection chez les souris est très irrégulière. Pour 40 souris blanches, la durée moyenne a été de 105 jours; mais, à côté de maxima de 277, 299, 306 et 331 jours, il y a des minima de 18 et 20 jours, sans qu’on puisse s'expliquer pourquoi des inoculations (1) Voyez notamment : D. BRUCE, A.-E. HAMERTON et H.-R. BATEMAN, A Try- panosome from Zanzibar, Proceed. of the R. Soc., 1909, B. t. LXXXI,et THEILER, Sur un nouveau trypanosome de l'Afrique du Sud, Soc. de pathologie exotique, 21 juil. 1909. (2) F. HoxNez, Uber Trypanosoma congolense, Arch. f. Schiffs u. Tropen Hyg., 1908, Beiheft, 3. (3) A. LAVERAN, Soc. de pathologie exotique, 10 novembre 1909. TRYPANOSOMA CONGOLENSE 83 faites dans les mêmes conditions, chez des animaux semblables et avec le même virus, inoculé de la même manière et aux mêmes doses, donnent lieu, tantôt à des infections à marche aiguë, tantôt à des infections à marche lente. Nons verrons qu’au contraire, chez le cobaye, la durée de la maladie ne varie que dans d’étroites limites. Sauf dans les cas à marche très aiguë, la trypanosomiase des souris évolue par poussées successives, séparées par des crises trypanolytiques. La notation de l'examen du sang est souvent la suivante, à partir du moment où les trypanosomes apparaissent dans le sang : trypanosomes très rares, — rares, — non rares, — nombreux, — rares, — très rares, — examen négatif, — très rares, —rares, — non rares, etc... Les trypanosomes ne sont pas toujours nombreux dans le sang au moment de la mort, surtout dans les infections à marche lente. La maladie se termine presque toujours par la mort; sur 40 souris, une seule a résisté à une première infection, sans acqué- rir l’immunité; réinoculée avec Tr. congolense, elle a succombé rapidement. L’hypersplénie est constante et elle atteint souvent des pro- portions énormes. La rate, facile à palper, se développe trans- versalement par rapport à l’axe longitudinal du corps, et ül n’est pas rare qu’elle occupe toute la largeur de la moitié supé- rieure de l’abdomen, la peau de la paroi abdominale est disten- due et le poil tombe. L’hypersplénie, après avoir été très forte au cours de la maladie, peut diminuer à la dernière période. Pour 37 souris, d’un poids moyen de 21 gr. 90, le poids moyen de la rate a été de 1 gr. 43. Il n’est pas rare de trouver des rates pesant de 1 gr. 50 à 2 grammes. Chez une souris de 25 grammes, la rate pesait 3 gr. 70; chez une autre de même poids : 5 grammes, soit le cinquième du poids total! L’'hypersplénie s'explique par lhyperplasie des éléments propres de la rate et par la congestion très forte dont ce viscère est le siège. Dans les formes à marche lente, le foie présente aussi des altérations; il est augmenté de volume, la surface est granuleuse, comme celle d’un foie cirrhotique, sans que la consistance aug- mente; enfin on distingue, à la surface et sur les coupes, de petits ilots blanchâtres, mal limités, en plus ou moins grand nombre. 84 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Sur les coupes histologiques, on note, dans ces cas, une néofor- mation des cellules du tissu conjonctif, les jeunes éléments sont nombreux, surtout autour des vaisseaux, ils pénètrent çà et là dans la partie périphérique des lobules et altèrent plus ou moins les cellules hépatiques. Les capillaires sanguins sont dis- tendus par le sang. Chez deux souris, l’autopsie a révélé des hémorragies intra- péritonéales abondantes. Dans un des cas, la rate qui pesait 1 gr. 50, présentait une petite déchirure de 5 à 6 mm. de long à son bord antérieur; nous verrons plus loin que ces déchirures de la rate sont communes chez les cobayes infectés avec Tr. con- golense. Dans l’autre cas, le sang épanché dans le péritoine, sem- blait provenir d’une hémorragie périrénale; la capsule de la rate ne présentait aucune déchirure (Observation 3). Chez les souris qui meurent de la forme lente de la trypano- somiase, l’anémie est extrêmement marquée à la période ter- minale de la maladie. 19 Une souris est inoculée avec Tr. congolense le 19 juillet 1908.—28 juil- let, trypan. non rares. — 4 sept., assez nombreux. — 11, examen du sang négatif. — 18, trypan. rares. — 25, examen négatif. — 2 octobre, trypan. très rares. — 11, rares. — 19, 28 octobre et 4 novembre, examens négatifs. — 411 novembre, rares. — 19, très rares. — 26, rares. — 3 décembre, examen négatif. — 10, rares. — 18, très rares. — 26, non rares. — 2, 11 et 21 janvier 1909, trypanosomes très rares. — 31, rares. — 11 février, examen négatif. — 91 et 28, rares. — 7 et 14 mars, non rares. — 21, rares. — 28, examen négatif. — 4 et 11 avril, très rares. — 18, nombreux. La souris meurt le 22 avril 1909; elle pèse 28 grammes. La rate, très volumineuse, pèse 1 gr. 70. Le foie est augmenté de volume; il pèse 3 gr. 40 et présente des altérations évidentes même à l'examen macroscopique : la surface est inégale, granuleuse; à la surface et sur les coupes, on distingue de petits îlots blanchâtres. 20 Une souris est inoculée avec Tr. congolense le 31 décembre 1908. — 5 et 8 janvier 1909, trypan. non rares. — 11, rares. — 15 et 20, non rares. — 25, nombreux. — 30, rares. — 4 et 11 février, examens négatifs. — 18, non rares. — 25, nombreux. — 2 mars, rares. — 9, non rares. — 14, 21, 28, 29, nombreux. — 4 avril, non rares. — 11, 18, 25, assez nombreux. — 2, 9 et 16 mai, non rares; la rate est très grosse, elle occupe toute la largeur de l’abdomen. — 23 mai, trypan. rares. — 30 mai, 6, 13 et 20 juin, non rares. — 27, examen négatif. — 4 juillet, trypan. très rares. La souris meurt le 8 juillet 1909; elle pèse 24 grammes; la rate pèse 4 gr. 50. Le foie est volumineux, la surface est inégale; on distingue à la surface et sur les coupes, de petits îlots blanchâtres. 30 Une souris inoculée avec Tr. congolense le 14 mars 1909 a, le 3 avril, TRYPANOSOMA CONGOLENSE 85 des trypanosomes assez nombreux. — 6, 10, 45, 20 avril, trypan. non rares. — 25, très rares. — 30, nombreux. — 5 mai, rares. — 10, non rares. — 17, nombreux. — 24, examen négatif. — 30 mai et 6 juin, non rares. — 13, rares. — 20, nombreux; rate très grosse. — 27, examen négatif. — 4 juil- let, trypan. non rares. — 11, assez nombreux. La souris meurt le 15 juillet; elle pèse 27 grammes. La rate, volu- mineuse, pèse 1 gr. 30. Epanchement sanguin intrapéritonéal assez abon- dant. Le tissu conjonctif qui entoure le rein gauche est infiltré de sang. Il n’y a pas de déchirure de la rate. Le foie est augmenté de volume; la surface est granuleuse; on distingue à la surface et sur la coupe, des îlots blanchâtres. 40 Une souris inoculée le 31 mars 1909 avec Tr. congolense à, le 11 avril, des trypanosomes non rares. —15, trypan. rares. — 20, non rares. — 26, très nombreux. — 17 et 7 mai, non rares. — 13, nombreux; hypersplénie très marquée. — 20, très nombreux. — 27, non rares. — 3 juin, examen du sang négatif. — 10, trypan. rares. — 17, très rares. — 24, non rares. — 1er juillot, assez nombreux. — 8, la rate qui est très grosse distend la peau de l'abdomen, elle forme une tumeur qui occupe toute la largeur de l'abdomen dans sa moitié supérieure. Trypan. nombreux. — 15 juillet, rares. — 22, 29 juillet, 5 et 12 août, non rares. — 15 août, très rares. La souris meurt le 11 septembre, elle pèse 27 grammes; la rate pèse 2 grammes. Le foie volumineux présente, comme chez les souris 1, 2 et Si les signes caractéristiques de l'hépatite interstitielle. B. Cobayes. — C’est au moyen de passages par cobayes que je garde le Tr. congolense depuis 1906, j'ai dû, par conséquent, ino- culer un grand nombre de ces animaux. L’inoculation de cobaye à cobaye, dans le tissu conjonctif sous-cutané réussit toujours, Il n’en est pas de même quand les cobayes sont inoculés avec le virus provenant de passages par souris; dans ces conditions, les insuccès ne sont pas rares. L’incubation est de 7 à 8 jours. Contrairement à ce qui arrive pour les souris, la durée de l'infection varie très peu chez les cobayes; ainsi que je lai fait remarquer déjà, les passages multipliés par cobayes n’ont pas modifié sensiblement la virulence de Tr. congolense (1). Du 1er au 5° passage, la durée de la maladie a été de 15 jours; du 36° au 40€, elle a été de 14 jours. Chez les 25 premiers cobayes, inoculés par moi en 1906, la durée moyenne de la maladie a été de 15 jours; chez les 25 der- niers, inoculés en 1909, cette durée a été de 14 jours, 7. L’infection du cobaye se termine toujours par la mort. L’hypersplénie est constante; pour des cobayes de 1) A. LAVERAN, Soc. de pathologie exotique, 8 avril 1908. 86 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 500 grammes, infectés avec Tr. congolense, le poids moyen de la rate est de 4 gr. 50; dans certains cas, le poids de la rate atteint 6, 8,10, 12 grammes; dans un cas dont j'ai donné précédem- ment l'observation, la rate d’un cobaye de 480 grammes pesait 19 grammes! J’ai signalé, en 1908, la fréquence des épanchements sanguins intrapéritonéaux et des déchirures de la rate chez les cobayes infectés par Tr. congolense (1). Depuis lors, j’ai recueilli bon nom- bre de faits qui confirment la fréquence de ces accidents. Sur 121 cobayes qui ne figurent pas dans ma première sta- tistique, j'ai noté : Hémorragie intrapéritonéale produite par une déchirure de la rate, 20 fois. Hémorragie intrapéritonéale produite par une déchirure du foie, 2 fois. Hémorragie inirapéritonéale dont l’origine n’a pas pu être constatée, 1 fois. Foyer hémorragique sous-capsulaire de la rate, 1 fois. Ainsi que je l’ai signalé déjà, les déchirures de la rate sont la cause ordinaire des hémorragies intrapéritonéales; il s’agit tantôt de déchirures proprement dites, plus ou moins étendues en largeur et en profondeur (Observations 2 et 6), tantôt d’hé- morragies qui décollent et déchirent la capsule de la rate. (Obser- vations 3, 4, et 5). L'observation 1 est intéressante au point de vue de l'étude de ce dernier mode de déchirure de la rate. Le foyer hémorragique sous-capsulaire ne s’était pas rompu dans le péritoine du cobaye qui fait l’objet de cette observation, mais la rupture était imminente. Les déchirures du foie sont beaucoup plus rares que celles de la rate, je n’en ai recueilli que deux cas (Observations 7 et 8). Le foie est souvent altéré chez les cobayes, comme chez les souris, mais à un moindre degré, probablement en raison de la marche plus rapide de la maladie. D’après les observations faites par M. le Dr PerriT, on voit, au voisinage des vaisseaux, des amas de cellules de nouvelle formation et les cellules hépatiques sont en dégénérescence granuleuse ou graisseuse, ce qui permet de comprendre que le parenchyme hépatique, devenu plus friable qu’à l’état normal, puisse être le siège de déchirures. (1) A. LAVERAN, Soc. de pathologie exotique, 1902, Bulletin, t. I, p. 39%. TRYPANOSOMA CONGOLENSE 87 Il est fréquent d'observer, chez les cobayes infectés avec Tr. congolense, des œdèmes et des hémorragies dans le tissu conjonctif des parois abdominale et thoracique. 19 Un cobaye, inoculé avec Tr. congolense le 13 mai 1908, s’infecte et meurt le 10 juin. Le cobaye pèse 300 grammes, sa rate pèse 5 grammes. À la partie inférieure de la rate, on constate l'existence d’une poche sanguine superficielle, du volume d’une noix. Le sang liquide contenu dans cette poche n’est retenu que par la capsule de la rate qui est distendue et amincie. La rupture de la capsule aurait entraîné la formation d’un épan- chement sanguin intrapéritonéal. Le parenchyme splénique est ramolli. 20 Un cobaye, inoculé avec Tr. congolense le 23 mai 1908, a le 42 juin des trypanosomes assez nombreux, il meurt le 16 juin. Le cobaye pèse 500 grammes. Il existe un épanchement sanguin intra- péritonéal abondant. La rate, très volumineuse, présente à la partie moyenne de sa face externe une déchirure transversale qui mesure 1 c. 1 /2 de long. Le parenchyme splénique est ramolli, il n’y a pas d’hémorragie in- trasplénique, pas de décollement de la capsule. La rate pèse 10 grammes. 39 Un cobaye, inoculé avec Tr. congolense le 8 mai 1909, a le 21 mai des trypanosomes non rares, et meurt le 25 mai. Le cobaye pèse 540 grammes. Epanchement sanguin ‘intrapéritonéal abondant. Rate volumineuse. La capsule de la rate est décollée dans toute la moitié inférieure de la face externe et présente une large déchirure. Le parenchyme splénique est ramolli. La rate pèse 5 grammes. 40 Un cobaye, inoculé le 12 juin 1909 avec Tr. congolense, a le 22 juillet des trypanosomes nombreux, il meurt ce même jour. Le cobaye pèse 490 grammes. Hémorragie intrapéritonéale abondante. La rate volumineuse est dépouillée de sa capsule dans toute l'étendue de sa surface interne, des lambeaux du parenchyme splénique sont restés adhé- rents à la capsule qui présente une large déchirure. La rate pèse 5 grammes. ll paraît évident qu'une hémorragie sous-capsulaire a décollé la capsule de la rate dans un grande étendue et que la poche s’est ensuite rompue dans le péritoine. 99 Un cobaye, inoculé le 29 juin 1909 avec Tr. congolense, a le 7 juillet des trypanosomes non rares et meurt le 13 juillet. Le cobaye pèse 500 grammes. Epanchement sanguin intrapéritonéal abondant. La rata est volumineuse, elle pèse 6 grammes. La capsule d2 la rate est détachée dans toute la moitié supérieure de la face externe et il existe une déchirure au bord interne. 69 Un cobaye inoculé avec Tr. congolense le 28 juillet 1909, s’infecte et meurt le 9 août. Le cobaye pèse 500 grammes. Epanchement sanguin intra- péritonéal abondant. La rate est volumineuse, elle pèse 6 grammes. Large déchirure qui occupe presque toute la longueur de la face externe de la rate; les bords de la déchirure sont décollés; le parenchyme splénique est ramolli. 79 Un cobaye, inoculé le 22 juin 1909 avec Tr. congolense, a le 29 juin des trypanosomes assez nombreux, et meurt le 5 juillet. 88 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le cobaye pèse 470 grammes. Epanchement sanguin intrapéritonéal abondant. La rate est volumineuse; elle pèse 5 gr. 50; examinée avec le plus grand soin, elle ne présente aucune déchirure. A la face supérieure du foie, dans la région externe, on constate une petite déchirure linéaire qui mesure 1 c. 1/2 de long. Aucun traumatisme n’explique cette déchirure. 80 Un cobaye, inoculé le 20 juillet 1909 avec Tr. congolense, s’infecte et meurt le 8 août. Le cobaye pèse 460 grammes. Epanchement sanguin intra- péritonéal abondant. La rate est volumineuse, elle pèse 6 grammes; examinée avec le plus grand soin, elle ne présente aucune déchirure. Deux petites érosions de la face supérieure du foie, paraissent avoir été le point de départ de l’hémorragie. C. Lapins. — Deux lapins inoculés le 18 mars 1909 sur un cobaye se sont infectés. L’un d’eux a succombé 33 jours après l’inoculation à une péritonite se rattachant probablement à une orchite; les trypanosomes ont toujours été rares ou très rares dans le sang. Le poids du corps était de 2250 grammes, le poids de la rate de 8 gr. 50. L'autre lapin, dont on trouvera l’observation ci-dessous, a présenté une infection assez sévère, d’une durée de deux mois environ, qui s’est terminée par guérison. Le lapin réinoculé à deux reprises avec Tr. congolense ne s’est pas infecté, il avait donc acquis l’immunité pour ce virus. Il sera intéressant de rechercher si cette terminaison par gué- rison est commune chez les lapins inoculés avec Tr. congolense. Un lapin”du poids de 2330’grammes est inoculé le 18 mars 1909 avec Tr. congolense Sur un cobaye. — 25 mars, trypan. rares. — 29, examen du sang négatif au point de vue de l’existence des trypanosomes; leucocytose marquée. — 1° avril, trypan. très rares. — 4, examen négatif. — 8, 13, et 17, trypan. très rares. Anémie très marquée. Poids : 2490 grammes. — 20 et 24 avril, examens négatifs. — 28, trypan. très rares. — 2 et 8 mai, examens négatifs. Poids : 2570 grammes. — 14% mai, trypan. rares. Le lapin ne présente aucun signe d'infection, il augmentede poids; il pèse le 14mai: 2870 grammes. Du 19 mai au 15 septembre, tous les examens du sang sont négatifs. Les hématies qui s’agglutinaient au cours de linfection, ne s’agglutinent plus. Le lapin va très bien, il pèse le 24 mai, 2980 grammes; le 28 juin, 3500 grammes; le 26 juillet, 3685 grammes; le 145 septembre 4330 grammes. Le 15 septembre, le lapin qui paraît guéri est réinoculé avec Tr. congo- lense sur cobaye. — 22, 27 septembre et 1er octobre, examens du sang néga- tifs, les hématies ne s’agglutinent pas, —3 octobre, le lapin est réinoculé plus largement que la première fois sur un cobaye ayant des trypanosomes nom- breux.— 8, 12 et 18 octobre, examens ñnégatifs.— 13 octobre, on inocule deux rats blancs, chacun d’eux reçoit, dans le péritoine, un demi-centimètre cube du sang du lapin. A la date du 20 novembre, les rats ne se sont pas infectés. TRYPANOSOMA CONGOLENSE 89 Le 20 novembre, le lapin qui pèse 4450 grammes, est inoculé avec Tr. dimorphon sur souris. — 3 décembre. Le lapin a maigri, il ne pèse plus -que 4190 grammes. Anémie très marquée; les hématies s’agglomèrent; on trouve dans le.sang, des trypanosomes très rares. De deux lapins inoculés le 25 octobre 1909 avec Tr. congolense l’un paraît être en bonne voie de guérison, à la date du 30 jan- vier 1910, l’autre est mort le 3 janvier 1910 avec des trypano- somes nombreux et une rate volumineuse. Un lapin inoculé le 19 décembre 1909 est mort le 15 Jan- vier 1910 avec des trypanosomes nombreux et une rate volu- mineuse comme le précédent. L'évolution de l'infection produite par Tr. congolense est donc très variable chez le lapin. D. Chiens. — Les observations nouvelles que j'ai recueillies sur des chiens confirment la description que j'ai donnée précé- demment de l’évolution, chez ces animaux, de l'infection produite par Tr. congolense. Cinq chiens inoculés avec le sang de chèvres ou de moutons infectés de Tr. congolense, sont morts respective- ment en 21, 27, 28, 46 et 52 jours. Aucun de ces animaux n’a présenté de troubles oculaires. Au moment de la mort, les try- panosomes étaient nombreux ou assez nombreux dans le sang. A lautopsie, la rate a toujours été trouvée hypertrophiée. Chez un chien du poids de 18 kilogrammes, la rate très ramollie, mamelonnée à la surface, pesait 227 grammes. L'examen histologique du foie fait dans deux cas par M. le docteur A. Pettit a révélé l'existence d’une hépatite bien caracté- risée : congestion vasculaire, amas volumineux de cellules de nouvelle formation au voisinage des vaisseaux, atrophie des cellules hépatiques, léger degré de sclérose. E. Chats. — Six jeunes chats inoculés avec Tr. congolense se sont infectés. La période d’incubation a été de 11 à 25 Jours; avant l’apparition des trypanosomes, l’agglutination des hématies annonçait que les animaux s'étaient infectés. La durée totale de la maladie, qui s’est toujours terminée par la mort, a été de 78 jours (durée minima, 68 jours; maxima, 85 Jours). Les trypanosomes sont, en général, rares ou très rares dans le sang; chose curieuse, à la dernière période de la maladie, les parasites sont souvent en si petit nombre dans le sang, que l’exa- men histologique, pratiqué par le procédé ordinaire, ne révèle plus leur présence. 90 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR L’infection ne se traduit, et seulement à la dernière période. que par de l’affaiblissement; chez aucun des six chats je n’ai noté de troubles oculaires pouvant se rattacher à la trypanosomiase.. A l’autopsie, la rate est peu hypertrophiée; chez deux des. animaux, du poids de 4 kilogramme, la rate pesait 5 grammes ;. dans les autres cas, elle était notablement plus petite: 3 grammes, 2 grammes, et même une fois, 0 gr. 60. Le foie a été noté souvent comme gros et congestionné. 3 chats, âgés de 6 semaines environ, sont inoculés le 29 mai avec Tr. congolense sur cobaye. [’inoculation a lieu dans le tissu conjonctif sous- cutané. 4er chat. 5 juin, l'examen du sang est négatif, mais les hématies s’agglu- tinent. — 8, trypanosomes rares. — 12, examen négatif. — 16, non rares- — 90, très rares. — 25 et 26, non rares. — 1er et 6 juillet, assez nombreux. Le chat ne présente aucun symptôme morbide. Pas de troubles oculaires.— 10 juillet, trypan. non rares. — 3 août, rares; anémie, leucocytose marquée; le chat s’affaiblit, ses mouvements sont moins vifs. Pas de troubles oculaires. — 11 août, l'examen du sang est négatif. Le chat va s’affaiblissant, il meurt le 18 août. Poids du corps : 700 grammes. Poids de la rate : 2 grammes. Le foie est gros, congestionné. Pas d’autres altérations. 2e chat. Les examens du sang, faits les 5, 8,et 12 juin sont négatifs, mais les hématies s’agglutinent. — 16 juin, trypan. non rares. — 20, très rares; Pagglutination des hématies est très belle. — 25, trypan. non rares. — 1€ juillet, très rares. — 6, non rares. — 10, très rares. — 16, 22, 28 juillet, 3 et 11 août, l'examen du sang ne révèle pas l’existence des trypanosomes, mais l’'agglutination des hématies’est toujours très nette. Le chat va s’affaibhissant, sans autres symptômes; pas de troubles oculaires. Mort le 13 août. Poids du corps : 1 kilogramme. Poids de la rate : 5 grammes. Foie gros, congestionné. Moelle osseuse rouge,fluide. Pas d’autres altérations. 3e chat. 5, 8 et 12 juin, examens du sang négatifs; les hématies s’agglu. tinent. — 16 juin, trypan. rares. — 20 et 25, très rares. — 1°r juillet, non rares. — 6, rares. — 10, nombreux; anémie marquée. — 16, trypan. non rares. — 22, très rares. — 28 juillet, 3, 14 et 14 août, examens du sang négatifs au point de vue de la présence des trypanosomes; l’agglutination des hématies a été constatée dans tous les examens. Pas d'autre symptôme que de l’affaiblissement et de la perte d’appétit dans les derniers jours. Pas de troubles oculaires. Mort le 14 août. Poids du corps : 1070 grammes. Poids de la rate : 5 grammes. Foie gros, congestionné. Pas d’autres altérations. IIT. TRAITEMENT DES INFECTIONS PRODUITES PAR 77. congo- lense. — L’atoxyl et son dérivé acétylé, qui exercent une action si TRYPANOSOMA CONGOLENSE, 9€ efficace dans la plupart des trypanosomiases, sont tout à fait inactifs dans les infections produites par Tr. congolense; au con- traire, l’'émétique de sodium et lémétique d’aniline font dispa- raître rapidement les trypanosomes du sang, c’est donc à ces derniers médicaments, à l'exclusion de l’atoxyl et de son dérivé acétylé, qu'il faudrait avoir recours, si l’on se proposait de traiter des animaux domestiques infectés par Tr. congolense. Les observations qui suivent, montrent d’une part, l’ineffi- cacité de l’atoxyl et de son dérivé acétylé (Observations 1, 2,3), d’autre part, l'efficacité de l’émétique d’aniline et de l’émétique de sodium (Observations 4, 5, 6, 7, 8). 19 Un cobaye du poids de 500 grammes inoculé avec Tr. congolense le 7 juillet 1909 a, le 16 juillet, des trypanosomes nonïrares. Il reçoit 3 centigr. du dérivé acétylé de l’atoxyl, qui ne font pas disparaître les trypanosomes du sang. 4 autres doses du ‘même médicament (3 à 4 centigr.) restent sans effet; il en est de même de 4 doses d’atoxyl, de 4 centigr. 50 à 2 centigr. qui sont données ensuite; le cobaye meurt le 12 août, avec des trypanosomes très nombreux; il ne pèse plus que 300 grammes. La rate est volumineuse, comme chez les cobayes non traités; elle pèse 5 grammes. 20 Un cobaye du poids de 400 grammes, infecté de 77. congolense et traité par le dérivé acétylé de l’atoxyl (2 doses de 3 centigr. à 3 jours d’in- tervalle) meurt avec des trypanosomes très nombreux. Poids: 345 grammes ;- poids de la rate : 4 grammes. 39 Un cobaye du poids de 450 grammes, inoculé de Tr. congolense et traité par l’atoxvl (3 doses de 1 centigr. 50 à 2 centigrammes}, meurt avec des trypanosomes très nombreux. Poids : 450 grammes; poids de la rate : 4 gr. 80. 49 Un cobaye du poids de 560 grammes inoculé avec Tr. congolense le 143 septembre 1909 a, le 22 septembre, des trypanosomes non rares; il reçoit 2 centigr. 3 d’émétique d’aniline. Le 23 septembre, les trypanosomes ont entièrement disparu du sang. Le 4 octobre, le cobaye meurt acciden- tellement; les trypanosomes n’ont pas reparu. Poids : 320 grammes; la rate ne pèse que 0 gr. 50. 5° Un cobaye inoculé avec Tr. congolense le 22 septembre 1909 a, le 6 octobre, des trypanosomes très nombreux; il pèse 630 grammes. Le 6 octobre à 2 heures du soir, le cobaye reçoit, en injection hypodermique, 1 centigr. 50 d’émétique de sodium. Le 7 octobre à 9 heures du matin, les trypanosomes ont disparu complètement du sang. Les 10, 14,18 et 22 octobre on fait de nouvelles injections d’émétique de sodium (1 centigr. 50 à 2 centi-- grammes), bien que les trypanosomes n'aient pas reparu. Le 22 octobre le cobaye pèse 650 grammes; le 4er décembre 710 grammes; le 15 décembre, 730 grammes. Le 1er février 1910, les trypanosomes n’ont pas reparu. 69 Un cobaye inoculé avec Tr. congolense le 30 octobre 1909 a, le 10 no— 92 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR vembre, des trypanosomes non rares, il pèse 390 grammes. Le cobaye reçoit les 10, 14, 18, 22 et 27 novembre, des injections d’émétique d’aniline de 1 centigr. 50 chaque. Les trypanosomes ont disparu du sang 24 heures après la première injection, et n’ont pas reparu à la date du 1er février 1910. Le 27 novembre, le cobaye pèse 425 grammes; le 8 décembre, 445 grammes; le 15 décembre, 500 grammes et le 1er février 1910, 570 grammes. 79 Un cobaye inoculé le 10 novembre 1909 avec Tr. congolense a, le 22 novembre, des trypanosomes nombreux, il pèse 520 grammes. Le cobaye reçoit les 22, 26, 30 novembre, 4 et 8 décembre, de l’émétique d’aniline à ja dose de 1 centigramme à 1 centigr. 50. Le 1er février 1910, les trypano- somes n’ont pas reparu, le cobaye pèse 800 grammes (femelle pleine). 80 Un cobaye a, le 22 novembre, des trypanosomes non rares, il pèse 520 grammes. Le cobaye reçoit les 22, 26 et 30 novembre, 4 et 9 décembre: de l’émétique d’aniline à la dose de 1 centigramme à 1 centigr. 50. Le 4er février 1910, les trypanosomes n’ont pas reparu, le cobaye pèse 540 grammes. IV. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL. — Par ses dimensions, Tr. congolense se distingue nettement des trypanosomes du type Tr. Evansi(Tr.PBrucei, Tr. gambiense, Tr.vivax, Tr. soudanense). Tr. Cazalboui présente ce caractère important qu'il n’est inoculable ni au singe, ni au chien, ni au cobaye, ni au rat, ni à la souris. Tr. Pecaudi, avec ses deux formes, dont l’une, mesurant 25 à 35 4 de long, et l’autre courte, mais remarquable par sa largeur, se différencie facilement aussi de 77. congolense. Le diagnostic différentiel de 77. congolense et de Tr. dimorphon présente plus de difficultés, et il n’est pas douteux que ces trypa- nosomes aient été confondus plus d’une fois. Tr. dimorphon présente, dans les cas typiques, un mélange de petites formes (10 à 15 & de long) et de grandes formes (22 & de long en moyenne) qui est caractéristique, mais les grandes formes sont parfois très rares et alors la ressemblance morphologique avec Tr. congolense devient très grande. Il était donc nécessaire de rechercher s’il n'existait pas entre Tr. congolense et Tr. di- morphon d’autres caractères différentiels. L'évolution des infections produites par ces deux trypa- nosomes présente, au moins chez certaines espèces animales, des différences notables. Chez la souris, les infections par Tr. congolense ont une marche plus lente que celles produites par Tr. dimorphon ; on à vu plus haut que, pour 40 souris inoculées avec Tr. congolense, la durée TRYPANOSOMA CONGOLENSE 93 moyenne de la maladie avait été de 105 jours; pour 28 souris inoculées avec Tr. dimorphon, la durée moyenne de la maladie a été de 12 jours. Chez le lapin, l'infection par Tr. congolense parait moins grave que celle produite par 77. dimorphon ; j'ai cité plus haut l’observation d’un lapin qui a guéri d’une infection par Tr. congolense, et qui avait acquis limmunité pour ce virus; je doute que les infections par Tr. dimorphon puissent se terminer ainsi chez le lapin. Les infections par Tr. congolense se terminent plus souvent par guérison, chez la chèvre et chez le mouton, que les infections dues à Tr. dimorphon, et les premières confèrent plus sûrement Pimmunité (après guérison naturelle) que les secondes. Il est probable qu’une étude plus approfondie de évolution des deux infections chez les animaux, révélera encore d’autres différences. L’atoxyl et son dérivé acétylé qui sont sans action sur le 77. congolense, agissent, faiblement il est vrai, sur Tr. dimorphon. Chez des cobayes infectés de Tr. dimorphon, J'ai réussi à faire disparaître passagèrement les trypanosomes du sang, en leur donnant de fortes doses d’atoxyl ou de son dérivé acétylé, ré- sultat que je n’ai jamais obtenu chez les cobayes infectés par Tr. congolense. L'observation suivante montre que, dans lPinfection par Tr. dimorphon, le dérivé acétylé de latoxyl, a une action passa- gère sur les trypanosomes: l’émétique de sodium et lémétique d’aniline agissent bien sur Tr. dimorphon, comme sur Tr. congo- lense. Un cobaye inoculé le 8 octobre 1909 avec Tr. dimorphon a,le18 octobre, des trypanosomes nombreux: il pèse 600 grammes. Le cobaye reçoit, le 18 octobre, 3 centigrammes du dérivé acétylé de l’atoxyl, — 19 octobre, trypanosomes non rares, peu mobiles. — 20, trypan. non rares; dérivé acétylé de l’atoxyl, 3 centigrammes. — Les 23, 25 et 28 octobre, l'examen du sang est négatif; le poids est tombé le 23 à 540 grammes. — Les 25 et 28, le cobaye reçoit encore 2 centigrammes du dérivé acétylé. — 31 octobre, trypan. non rares; atoxyl 2 centigrammes. — 1€T novembre, trypan. rares, peu mobiles. — 2, trypan. rares; atoxyl, 2 centigrammes. — 3, trypan. non rares. — 4, trypan. non rares; émétique sodique 1 centig. 50; le cobaye pèse 930 grammes. — 5, les trypanosomes ont disparu. — Les 7, 10, 15 et 20 novembre, le cobaye prend encore 4 doses d’émétique sodique. — Le 1er “904 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR décembre, le cobaye pèse 580 grammes. — Les trypanosomes n’ont pas reparu à la date du 1er février 1910. Le cobaye pèse 595 grammes. Trois autres cobayes infectés avec Tr. dimorphon et traités d'emblée par l’émétique d’aniline, paraissent être en bonne voie de guérison. Les faits suivants, que j'ai rapportés dans des travaux anté- rieurs (1) me paraissent démontrer que Tr. congolense et Tr. .dimorphon appartiennent à deux espèces distinctes. ; Une chèvre ayant acquis une immunité solide pour Tr. congo- _Jense, s’est infectée par Tr. dimorphon et a succombé à la maladie produite par ce virus. Un bouc ayant acquis une immunité solide pour Tr. congo- .lense, s’est infecté par Tr. dimorphon. Cette infection à été de longue durée; inoculé avec Tr. dimorphon le 23 juin 1908, le bouc était encore infecté le 5 avril 1909. A la date du 20 mai 1909, le bouc est guéri. Un mouton ayant acquis l’immunité pour 77. Pecaudi d’abord et ensuite pour Tr. dimorphon, inoculé avec Tr. congolense, à présenté une infection bien caractérisée et de longue durée; l'inoculation avec Tr. congolense remonte au 16 décembre 1908 et à la date du 14 septembre 1909, le mouton était encore infecté. On a vu plus haut qu'un lapin, qui était guéri d’une infection par Tr. congolense, et qui avait acquis l’immunité pour ce virus s’est infecté par Tr. dimorphon. D. Bruce a fait remarquer que Tr. dimorphon se cultivait plus facilement sur milieu de Novy que Tr. congolense (2). J'ai vérifié récemment avec M. le docteur Pettit ce caractère différentiel des deux trypanosomes. Avec Tr. dimorphon on obtient facilement les premières cultures; dès le 3€ jour de l’ense- -mencement, on a parfois de belles formes en rosaces; les repiquages réussissent moins bien; avec Tr. congolense les résultats des ‘ensemencements sont négatifs ou bien, on ne trouve que de rares ‘flagellés. 3 Trypanosoma nanum Laveran a, au point de vue morpholo- gique, la plus grande ressemblance avec Tr. congolense, mais d’après les recherches d’A. Balfour, il est spécial aux Bovidés; il n’est inoculable ni aux cercopithèques, ni au chien, ni au (1) A. LAVERAN, Ann. Inst. Pasteur, novembre 1908, et Acad. des Sciences, =29 mars 1909. (2) D. BruCE, À trypanosome of Zanzibar, Proceed. of the R. Soc., 1909. TRYPANOSOMA CONGOLENSE 95 lapin (1). L'étude de ce trypanosome est d’ailleurs encore in- complète. Montgomery et Kinghorn, ont observé, chez une vache de la Rhodesia, un trypanosome qui paraît appartenir à une espèce nouvelle à laquelle j’ai proposé de donner le nom de Tr. Mont- gomeryi (2). Les petites formes de ce trypanosome, qui mesurent 10 à 124 de long, sont remarquables par leur largeur qui atteint parfois 4 4 à 4 kb, 50 et par ce fait que l'extrémité postcrieure est large et arrondie. La membrane ondulante se prolonge jusqu’à l'extrémité du flagelle. Le parasite est inoculable, non seulement aux bovidés, à la chèvre et au mouton, mais aussi au cobaye et au chien, contraire- ment à ce qui a leu pour Tr. nanum. Le trypanosome provenant d’un cheval infecté au Zanzibar, qui a été décrit par D. Bruce en 1908 (3), paraît devoir être iden- tifié à 77. dimorphon; c’est la conviction à laquelle je suis arrivé après avoir étudié une préparation de ce trypanosome que le docteur D. Bruce avait bien voulu m'adresser. Quant au trypanosome décrit en 1909 par Theiler comme nouveau (4), il y a lieu de faire des réserves. Ce trypanosome a tous les caractères de Tr. congolense, à cela près que les cobayes inoculés par Theiler ne se sont pas infectés. Aïnsi que je l'ai fait remarquer (5), il arrive que Tr. congolense ou Tr. dimorphon perdent en partie leur virulence pour le cobaye après avoir séjourné Jongtemps sur d’autres espèces animales. J’ai eu de la peine, en 1909, à infecter des cobayes avec un Tr. dimorphon qui, primiti- vement, s'était montré très virulent pour les cobayes, mais qui depuis longtemps avait été conservé par passages sur souris. J’ai réussi finalement à rendre à ce trypanosome, sa virulence première pour les cobayes. Le trypanosome décrit comme nou- veau par Theiler, doit être identifié probablement, soit à Tr. congolense, soit à Tr. dimorphon. (1) A. LAVERAN, Société de Biologie, 18 février 1905. — A. BALFOUR, Trypanoso- miasis in the anglo-egyptian Soudan, Edinburgh med. Journal, septembre 1905. — A. Bazrour et C.-M. WENYON, Third Report of the Wellcome research laboratories, Khartoum, 1908. (2) R.-E. MonTGOMERY et A. KINGHORN, Annals of trop. med. a. parasitology, 20 octobre 1909, t. III, p. 354. (3) D. BRUCE, Proceed. of the R. Soc., 26 novembre 1908. (4) THEILER, Soc. de pathologie exotique, 21 juillet 1909. (5) A. LAVERAN, Soc. de pathologie exotique, 13 octobre 1909, t. IT, p. 456. La Sérothérapie Antiméningococcique Par M. Cu. DOPTER Médecin-Major de 2e classe, Professeur agrégé libre du Val-de-Grâce. Dès le jour où il fut établi que la méningite cérébro-spinale,. dite épidémique, était une affection spécifique, déterminée exclu- sivement par le méningocoque de Weïichselbaum, plusieurs au- teurs s’efforcèrent de préparer un sérum capable de lutter contre cette maladie. HISTORIQUE Les premiers travaux dans ce sens sont à peu près contem- porains. S. Flexner (1) et Jobling, aux États-Unis, Kolle et Was- sermann (2), Jochmann (3), Ruppel (4) en Allemagne, Markl (5). en Autriche, firent connaître presque simultanément les résultats. qu'ils obtinrent sur l’animal, puis sur l’homme. Les applications à la thérapeutique humaine étaient encoura- geantes, et, dès la fin de 1907, sur les conseils de M. Roux, j'ai commencé à vacciner des chevaux contre le méningocoque. En fin 1908 et au cours de l’année 1909, le sérum obtenu fut utilisé durant l’épidémie qui sévissait en France; le nombre des. cas traités est suffisant pour qu’on puisse aujourd’hui juger de son efficacité. Après quelques renseignements préliminaires sur la prépara- tion du sérum antiméningococcique, j’envisagerai ses propriétés biologiques, sa valeur dans le traitement de la méningite ménin- gococcique, ses modes d'action et d'emploi. (1) FLEXNER, Journal of. Americ. Association, 1906, t. XLVII. FLEXNER et JOBLING, Journal of. Exp. medicine, 1907, t. IX. FLEXNER et JOBLING, Journal of. Exp. medicine, juillet 1908. (2) Kozze et WASSERMANN, Deutsche med. Wochenschrift, 19 avril 1906 [et sept. 1907, n° 39.1 (3) JOCHMANN, Congrès de Munich, 23-26 avril 14906. (4) RuPper, Deutsche med. Woch., 23 août 1906. (5) MARKI, Centrabl. f. Bacteriologie, 1906, t. XLIII. LE SÉRUM ANTIMÉNINGOCOCCIQUE 97 PRÉPARATION DU SÉRUM Les procédés d’immunisation des chevaux présentent quel- ques différences suivant les auteurs. Au début, Flexner injectait d’abord sous la peau des cultures mortes, puis vivantes, de méningocoques, obtenues sur agar ordi- naire. Puis il substituait les injections intraveineuses aux injec- tions sous-cutanées. En même temps il moculait à dose progres- sive les extraits autolytiques des cultures. Plus tard, en raison des nombreux accidents observés chez les animaux, ilréduisit puis abandonna les inoculations intraveineuses. Actuellement, il n’emploie donc plus que la voie hypodermique. Kolle et Wassermann immunisent trois chevaux : le 1€T reçoit sous la peau d’abord, dans les veines ensuite ,des cultures mortes, puis vivantes d’un seul méningocoque bien authentique; le 2€ reçoit dans les mêmes conditions des cultures de plusieurs échantillons de méningocoques; enfin un 3° cheval est vacciné sous la peau, puis dans les veines à l’aide de l’extrait d’un seul méningocoque. Le mélange, à parties égales, du sérum de ces trois chevaux constitue le sérum antiméningococcique, employé en thérapeutique humaine. En ce qui me concerne, J’ai commencé la vaccination par le procédé de Kolle et Wassermann, cherchant à obtenir ainsi un sérum antimicrobien et antitoxique. Plus tard, l’expérience m'ayant montré qu'un sérum exclusivement antimicrobien est aussi antiendotoxique que le sérum antitoxique lui-même, j'abandonnai complètement les injections de liquide d’autolyse. Technique. — La technique que j'utilise actuellement est la suivante: On injecte sous la peau d’abord lémulsion micro- bienne vivante, provenant de un puis deux tubes d’agar. Les injections sont ensuite pratiquées dans les veines : on inocule lémulsion de 1, 2, 3 tubes d’agar, puis 1/4, 1/3, 1/2, 3/4 de boite de Roux, 1 boîte entière, etc. Ces vaccinations à dose progressive sont effectuées tous les 7 jours. Quand les chevaux les supportent bien, on peut leur injecter 1 boite 17/2, voire même 2 boîtes. Pour obtenir un sérum polyvalent, j'emploie des méningocoques authentiques, et des méningocoques différents des premiers par leur agglutinabilité et l’intensité du pouvoir fer- {| 98 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mentatif sur les sucres. Chaque cheval est vacciné au moyen d’une trentaine d'échantillons de méningocoques. Réactions des chevaux. — Les injections sous-cutanées (4 à 2 tubes d’agar) sont suivies d’un œdème assez intense qui rétrocède rapidement; la fièvre est habituellement peu élevée (389,390 au plus), et ne se prolonge que quelques jours. Quand les inoculations sont plus abondantes (1 /4, 1 /2 boîte, etc.) l’œdème est considérable, s’étend fort au loin : parfois des abcès stériles se forment; la fièvre dure environ une semaine. Chaque injection intraveineuse est suivie d’une élévation de température (399, 400, 419) qui disparaît le lendemain, ou, au plus tard, après 48 heures. On observe en même temps de l’inappé- tence, et une diarrhée parfois assez abondante. Certains chevaux supportent bien cette vaccination jusqu’au moment où ils peuvent fournir un sérum efficace (en 4 mois environ). Chez d’autres, au contraire, limmunisation est fertile en incidents divers qui la rendent difficile à poursuivre : En général, après 3 mois de tolérance, ou plus tôt encore, certains chevaux paraissent sensibilisés à l’action des cultures vaccinantes. Alors, immédiatement après l’injection, ils présen- tent du vertige, marchent d’une manière hésitante, fléchissent sur le train postérieur, mais se rétablissent presque aussitôt. Ces troubles sont souvent beaucoup plus marqués. Après quelques contractures, l’animal s’affaisse brusquement sur le train postérieur et tombe; il présente une dyspnée violente: les nasaux battent vivement, les globes oculaires sont congestion- nés; une angoisse, une anxiété violente se manifeste. Après quelques minutes, ces phénomènes s’atténuent pour disparaitre complètement : le cheval se relève, sa marche, hésitante encore, ne tarde pas à redevenir normale; la dyspnée dure habituelle- ment 1 /2 heure à 1 heure. Enfin, les troubles peuvent être plus graves encore : aux phénomènes précédents s'ajoute du collapsus, et la mort survient 20 à 40 minutes après l’inoculation. En certains cas elle est fou- droyante. L’autopsie ne révèle aucune lésion appréciable. Ces accidents ne peuvent que traduire l’anaphylaxie micro- bienne, LE SÉRUM ANTIMÉNINGOCOCCIQUE 99 PROPRIETÉS BIOLOGIQUES Comme tous les sérums thérapeutiques, le sérum anti-ménin- sococcique possède des propriétés biologiques spécifiques. Il contient : 1° des agglutinines spécifiques pour le méningo- coque et aussi des co-agglutinines pour les pseudo-méningocoques, le gonocoque, etc., ainsi que le prouve la saturation des aggluti- nines ; 20 Des précipitines qui se décèlent lorsqu'on mélange le sérum en proportion minime avec un extrait méningococcique; le mélange, laissé à la température du laboratoire, se trouble d’abord, puis donne lieu à un précipité qui se collecte au fond du tube d'expérience. Le même précipité se produit avec des extraits de pseudo-méningocoques, diplococcus crassus, gonocoque, etc. L'épreuve de la saturation des précipitines montre qu'il s’agit en ce cas de co-précipitations, ou précipitations de groupe. Le sérum chauffé à 55° à plusieurs reprises perd en grande partie son pouvoir précipitant. | 3° Des ambocepteurs spécifiques, dont l'existence est prouvée par la recherche de la déviation du complément, en utilisant soit le procédé primitif de Bordet-Gengou, soit la réaction que Wassermann et Bruck ont employée pour la séro-diagnostie de la syphilis. La déviation du complément se produit également bien avec une émulsion microbienne et l’autolysat. Elle ne s'effectue qu'avec le méningocoque; les germes similaires (pseudo-méningocoques) ou voisins (gonocoque, dipl. Crassus) donnent toujours des résultats négatifs. Les auteurs américains, Flexner entre autres, ont étudié le pouvoir opsonisant du sérum anti-méningococcique : ils l’ont trouvé très élevé comparativement au sérum de cheval normal. Flexner et Jobling utilisent cette propriété pour apprécier sa valeur thérapeutique. D’après les recherches de Neufeld, Kraus, le sérum possède des propriétés bactériotropiques. Neufeld estime même qu’elles peuvent servir à déterminer son pouvoir curatif. Par contre, il ne présenterait aucun pouvoir bactéricide. Les propriétés antitoxiques peuvent être mises en évidence en injectant dans le péritoine de jeunes cobayes de 150 grammes un mélange in vitro de sérum et d’extrait microbien (Kolle et Was- sermann, Kraus). 100 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR En général, 1 c. c. de sérum peut neutraliser dans ces condi- tions 5 doses mortelles d’endotoxime méningococcique. Ces résultats s’observent à l’aide du sérum obtenu par injections progressives de toxine; on les observe également avec un sérum provenant de chevaux immunisés par voie vei- neuse avec des cultures vivantes seules (Dopter). Enfin, les expériences de Flexner montrent l’action préven- live et curative du sérum sur la méningite cérébro-spinale expérimentale du singe. Les résultats, toutefois, ne paraissent pas constants, la dose mortelle de microbes introduits dans la cavité rachidienne pouvant varier avec chaque animal. EFFETS DU SÉRUM ANTI-MÉNINGOCOCCIQUE DANS LE TRAITEMENT DE LA MÉNINGITE CÉRÉBRO-SPINALE L'expérience acquise atteste la haute valeur curative du sérum antiméningococcique dans le traitement de la méningite cérébro-spinale et des manifestations extra-méningées de la mé- ningococcie. Son action est nulle dans les méningites de toute autre nature (tuberculeuse, pneumococcique, streptococ- cique, etc.). L'efficacité du sérum dans le traitement de la méningite repose sur les faits suivants : 19 La diminution de la mortalité due à cette affection ; 20 Ses effets directs sur les divers symptômes observés dans chaque cas particulier; 3° La réduction de la durée de la maladie, et la rareté des séquelles. Ï. — DIMINUTION DE LA MORTALITÉ. La méningite cérébro-sipnale est une infection grave; si en certains épisodes sa léthalité atteint à peine 30 0 /0, en d’autres, on la voit fréquemment s'élever à 70, 80 et même 100 0/0. D'une façon générale on estime que la mortalité moyenne, quand la méningite sévit à l’état épidémique, oscille entre 60 et 80 0/0. Chez les enfants de moins d’un an, elle est plus sévère encore, car elle approche de 100 0 /0. Un des effets les plus remarquables de la sérothérapie anti- LE SÉRUM ANTIMÉNINGOCOCCIQUE 101 méningococcique est la diminution considérable de cette mor- talité. Plusieurs statistiques importantes l’affirment de la façon la plus nette : Flexner, réunissant tous les cas traités par son sérum, comp- tait 442 cas (1) ayant donné 147 décès, soit une mortalité globale de 33 0 /0. De ce chiffre, il défalque 49 cas où le sérum a été injecté pour des atteintes foudroyantes, ou sur des moribonds et en des cas où la mort est survenue à la suite d’une infection intercur- rente. Dans ces conditions, il reste 393 cas avec 98 décès, soit 25,4 0/0. Donc, mortalité globale : 33 0 /0. Mortalité rectifiée : 25,4 0 /0. Or, pendant les années précédentes, et durant la période où ces essais ont été tentés, les atteintesnon traitées par le sérum ont donné une mortalité incomparablement plus élevée, oscillant entre 70 et 80 0/0 (G. Robb : 72,3 0/0; Ker : 80,5 0/0; Dünn : 70 0 /0). Entre les mains de Krohne, Lévy, Hohn, Tobben, Em. Crocco, le sérum de Kolle et Wassermann a fourni les résultats suivants (2) KRONNE AS AR CE TA TEEN LR HE 22 cas. 6 décès. PÉVNRRRS ccutes diese à 4 — 5 — FO NE ARR ET LE Pa NN M OO ARS te a 2) CT RENE ESS SA Un Ur RO TEE R Res HACTOCCO RE MA TARN 10 — 2 — 7158 cas, 29 déces, soit 18.35 0e. Avec le sérum de Jochmann, Schone à pu abaisser la mortalité de 53 à 27 0/0 (Raczinski cependant n'aurait observé aucun effet favorable). Jehle (1), utilisant le sérum de Markl, la voit diminuer de 80 0 /0 à 45 0 /O. (1) Dans ces 442 atteintes sont compris les cas déjà publiés par : G. RoBB, The British med. Journal, 31 oct. 1908. G.B. KER, Edimburgh med. Journal, 30 oct. 1908. CH. H. DUNN, Boston med. a. sury. Journal, 18 mars 1908. H. Koprix, Medical Record, 3 oct. 1908. L. Eumerr Hozr, The British med. Journal, 31 oct 1908. S. CHURCHILI, Arch. of Pediatries, oct. 1908. FRANK FULTON, Boston med. a. sury. Journal, 5 nov. 1908. SLADEN, Journal of American ffied. Association, 1908, n° 16. (2) Nous omettons sciemment, dans ce relevé, les cas où les malades ont été traités par injections sous-cutanées, dont l’inefficacité est actuellement démontrée. 102 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR En France, au cours de l’épidémie qui a sévi en 1909, de nom- breux cas ont été traités par le sérum de l’Institut Pasteur. Pour juger de son efficacité, j'ai réuni toutes les observations publiées ou inédites, où seul il a été utilisé. J’ai eu connaissance de 402 atteintes survenues en diverses régions de France. En certaines localités, la sérothérapie a été employée systématiquement chez tous les malades : en d’autres, les praticiens n’y ont eu recours que dans les cas graves et déses- pérés. Or, ces 402 cas ont fourni 66 décès, soit une mortalité globale de 16,440 /0. De ces atteintes on peut légitimement défalquer les Cas OÙ : 19° Le sérum a été injecté &n extremis, et où le malade a suc- combé quelques heures après l’injection (17 cas); 29 Les malades ont succombé par suite d’affections étrangères à la méningite, les phénomènes méningés re complètement rétrocédé (2 cas). Soit : 19 cas qu’on peut éliminer de la statistique. Restent donc 383 cas dont 47 se sont terminés par la mort. Donc, Mortalité globale : 16,44 0 /0. Mortalité rectifiée : 12,27 0 /0. La comparaison de ce pourcentage avec celui des atteintes non traitées par le sérum (65 0/0 approximativement) à la même époque, est assez éloquente pour qu’on puisse, sans hési- tation, croire à l’efficacité du sérum. Divers facteurs influent sur le taux de léthalité : Celle-ci varie suivant l’époque de la maladie à laquelle le sérum a été injecté : elle est d'autant moins élevée que le traite- ment a été institué de meilleure heure après le début des premiers symptômes. Le tableau suivant renseigne à cet égard. FLEXNER NETTIR DOPTER Avant ie 5° jour 4,9 © 8,20 °/° Du %° au 7e jour Après la {re semaine. (1) JeHLE, Socrété império-royale des médecins de Vienne, 23 avril 1909. LE SÉRUM ANTIMÉNINGOCOCCIQUE 103 L'âge des sujets traités constitue encore un facteur impor- tant : | FLEXNER NETTER DOPTER | | ——————— A —— — Malades de moins d'un an... 0. 0} SITE 48,6 °c = DIS ne uen | 424 ej, 0 (6 cas) 20,1 6, = DRNOL EN Rae E 23,5 0/0 16,6 o/, 9,3 0 | = DAMOD ANSE | 115% 0/6 A0 8,5-0/, | = DA 20 ans eur. | 92380. 0 (8cas) | 40,2 °/, — plus de 20 ans..... | 26,4 0/0 0 (S cas) 14.1 0/0 : } _ De ces statistiques, il résulte donc que la mortalité atteint son maximum chez les nourrissons : elle diminue progressive- ment dans les années suivantes pour atteindre son minimum vers l’âge de dix ans. IT. — ATTÉNUATION DES SYMPTOMES. Les injections intrarachidiennes de sérum anti-méningo- coccique amènent en général après 24 ou 48 heures une sédation marquée de tous les symptômes. Les phénomènes comateux, la céphalée, le délire, l’insomnie s’amendent en premier lieu : en même temps, la température s’abaisse pour revenir à la normale: la défervescence peut être brusque et se produire dès le lendemain de l'injection, ou bien elle s’effectue en lysis, demandant 3 à 4 jours pour descendre à 37° et s’y maintenir. [Il n’est pas rare d'observer d’abord une légère exacerbation de la fièvre, bientôt suivie de la déferves- cence (tracés 1 et 2). La raideur de la nuque, le signe de Kernig ne tardent pas à s’atténuer, mais persistent néanmoins assez longtemps et sur- vivent à la disparition des autres symptômes. Les troubles oculaires, auditifs, paralytiques, subissent le même amendement. L'état général s'améliore parallèlement, la pâleur de la face, la déchéance organique profonde qu’on observe si fréquemment, les signes de toxémie disparaissent progressivement. Enfin, l'amélioration peut s’apprécier d’une façon assez pré- 10% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cise par l'examen du liquide céphalo-rachidien qui permet de suivre journellement l’état anatomique des méninges, et la rétrocession des lésions : Les cellules conjonctives disparaissent; les polyruceléaires dégénérés diminuent de nombre, et sont remplacés par des poly- nucléaires d'apparence normale; en même temps, les ménin- gocoques deviennent plus rares; ceux qui persistent subissent une désintégration bactériolytique, se manifestant par le gonfle- ment du protoplasma et son défaut de colorabilité; pratiquée à cette époque, une culture reste stérile. Finalement, les méningo- coques disparaissent totalement. Puis les polynucléaires devien- nent moins abondants, des mononucléaires s’y mêlent et bientôt s’installe une formule lymphocytique annonçant la guérison prochaine. Les recherches chimiques accusent encore le retour à l’état normal (1) : la teneur en albumine, glucose, etc. diminuent pro- gressivement. Les produits de désintégration microbienne dis- paraissent, ainsi que le prouve la réaction négative des préci- pitines. L'atténuation habituellement rapide des symptômes cli- niques et la régression des altérations méningées (réactions bio- logiques et chimiques du liquide céphalo-rachidien) sont les témoins visibles de l'efficacité du sérum dans chaque cas parti- culier. La preuve en est plus saisissante encore dans les formes où des rechutes successives se produisent dès que les injections sont suspendues : à chaque nouvelle intervention on voit les phé- (1) MusrTREZzAT et H. ROGER, Soc. de Biologie, ju'llet 1909 LE SÉRUM ANTIMENINGOCOCCIQUE 105 nomènes méningés rétrocéder. Le tracé n° 3 est à cet égard très démonstratif. D Telle est, d’une façon générale, la marche de l’amélioration qui se produit; mais les symptômes ne rétrocèdent pas toujours d'une manière aussi régulière; leur atténuation subit parfois une véritable dissociation: la température s’abaisse alors que les phénomènes nerveux persistent; ou bien les troubles méningés cessent, l’état général restant précaire (1); ces éventualités peu- vent aider le thérapeute pour lui dicter ou lui faire différer une nouvelle intervention. En fin, il faut reconnaitre que, malgré un traitement sérothé- rapique rationnellement conduit, certaines atteintes de ménin- gite méningococcique semblent peu bénéficier de Ia médication spécifique : l’action du sérum est alors lente et paresseuse: chez certains malades même, il ne paraît avoir aucune action bienfai- sante. Ce sont des cas où : (1) On peut, avec Lévy, distinguer 3 types suivant lesquels l’action du sérum se fait sentir : 1er type. La chute de température commence après l'injection de sérum: elle s’effectue en crise ou en Ivsis. En même temps. l’état général s’améliore, la céphalée cesse; la contracture de la nuque, le kernig s’atténuent, puis disparaissent plusieurs jours après. 2e type. La fièvre peut rester élevée et même s'élever pendant les jours qui suivent l'injection. Cependant l’état général s'améliore: la céphalée et les symptômes cardi- naux rétrocèdent. 3° type. Moins typique pour prouver l'efficacité du sérum : on ne note d’abord aucun changement brusque dans le caractère de la maladie ; quelques jours plus tard. seulement. se dessine lentement l’amélioration de la fièvre, de l’état général, et des divers symptômes. 06 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 19 L’affection revêt une forme foudroyante: 20 Le sérum est injecté trop tardivement; 30 Il s’agit de formes septicémiques ou hypertoxiques, habi- tuellement très graves, se révélant par l'existence de pétéchies très abondantes, se compliquant de localisations méningo- cocciques extra-méningées (broncho-pneumonie, péricardite, néphrite, ete.) ; 49 Les phénomènes cérébraux sont très marqués, et corres- pondent à des lésions siégeant surtout à la convexité, et parais- sent peu accessibles à l’action du sérum ; 5° Dans une autre catégorie de malades, le sérum a amené dès les premiers jours, une détente accusée : bientôt les phéno- mènes méningés réapparaissent à plusieurs reprises, cédant chaque fois, mais partiellement, à une ou plusieurs injections de sérum. Puis, au bout d’un certain temps, les phénomènes sem- blent passer à l’état chronique et le méningocoque ne disparait pas du liquide céphalo-rachidien ; en un mot, le sérum est impuis- sant à Juguler les accidents. On ignore la raison de pareils faits: en attendant mieux on peut supposer qu’il s’agit de complica- tions sous-corticales, d’encéphalite non suppurée, ou de petits abcès secondaires logés à la surface ou dans la profondeur du cerveau (1), et qui échappent à l’action directe du sérum. Ou bien, le sérum, diffusant incomplètement ne peut se rendre aux ventricules ou vers les plexus choroïdes où le méningocoque se cantonne fréquemment. TITI. — RÉDUCTION DE LA DURÉE DE LA MALADIE ET DIMINUTION DES SÉQUELLES. D'une façon générale, la méningite cérébro-spinale traitée par le sérum antiméningococcique dure incomparablement moins longtemps qu'avec les traitements usuels. Certes, il est encore des atteintes rebelles qui se prolongent 2, 3, 4 semaines : mais on peut estimer qu’en moyenne sa durée n’excède pas huit à douze Jours. | La convalescence est plus courte et moins pénible : l’état général, si atteint d'ordinaire, se remet plus rapidement de épreuve qu’il vient de subir; le malade ne présente d’ailleurs plus cette figure sans vie, ce regard terne, indifférent, ces traits tirés, immobiles qui constituaient le masque spécial des ménin- (1) Plusieurs examens nécropsiques en font foi. LE SÉRUM ANTIMÉNINGOCOCCIQUE 107 vitiques guéris par les movens dont on disposait autrefois (Salebert) (1). La rareté des séquelles de la méningite cérébro-spinale traitée par le sérum est uneconséquence de cette réduction de la maladie. L'application du sérum ne leur laisse pas, en général, le temps de se développer : Avant le traitement sérothérapique, Netter observait 23 0 /0 de séquelles: en maints épisodes épidémiques, nombre d'auteurs ont observé jusqu’à 70 et 80 0/0 de ces complications (surdité, cécité, paralysies diverses) entraînant le plus souvent des infir- mités définitives et incurables. Avec la sérothérapie, Flexner ne relève que 2,56 0/0 de séquelles, Netter, 7,5 0 /0. Les 402 at- teintes traitées par le sérum de l’Institut Pasteur n’en ont fourni que 6,20 0/0 : les plus nombreuses sont des lésions de l'oreille interne. Elles ne s’observent guère que chez les sujets présentant déjà une complication avant les premières injections de sérum. MODE D'ACTION DU SÉRUM ANTI-MÉNINGOCOCCIQUE Introduit par la voie rachidienne, le sérum antiméningo- coccique agit : 1° directement sur les lésions méningées: 20 à dis- tance sur l’organisme en général. [. — ACTION DIRECTE SUR LES LÉSIONS MÉNINGÉES. L'action locale du sérum sur les méninges peut s’apprécier par les modifications du liquide céphalo-rachidien : disparition des globules pyoïdes, exode de polynucléaires neufs, enfin et surtout désintégration et disparition du germe spécifique. La plupart des auteurs insistent sur les changements mor- phologiques que subissent le méningocoque, et les attribuent à l'action bactériolytique du sérum. Ce dernier présenterait ercore un pouvoir neutralisant sur lendotoxine mise en liberté dans le Hiquide céphalo-rachidien (2). Maïs on peut tout aussi bien supposer que le sérum agit en excitant la phagocytose : l’appel de polynucléaires intacts en est la preuve. Les figures de bactériolyse microbienne peuvent s'expliquer par la digestion intracellulaire des méningocoques (1) SALEBERT, Société médicale des hôpitaux, 21 mai 1909. (2) Les résultats négatifs de la précipito-réaction après l’injection de sérum plai- dent en faveur de cette hypothèse. 108 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR phagocytés. Enfin, on peut admettre que l’endotoxine libre est absorbée et détruite par le même mécanisme. II. — ACTION SUR L'ORGANISME EN GÉNÉRAL. Le sérum antiméningococcique n’agit pas seulement par action directe sur la méninge : grâce à la perméabilité connue de la séreuse de dedans en dehors, il passe dans la circulation, et peut agir secondairement sur toutes les cellules de l'organisme, à la façon des autres sérums, introduits sous la peau. Sa diffusion dans la circulation générale est prouvée par les constatations de Netter et Debré (1); à l’aide de la réaction de H. Lemaire, ils ont décelé la présence du sérum de cheval dans le sang des sujets traités par la voie rachidienne: d’après eux, l'absorption est aussi rapide qu'après linjection sous-cutanée. D'ailleurs, les accidents sériques surviennent comme après les injections hypodermiques (Netter et Debré). Enfin, un fait récemment observé par Netter (2) confirme ces notions :ils’agit d’une méningoccocémie sans méningite, traitée avec succès par le sérum introduit par la voie rachidienne: le sérum a donc franchi la barrière méningée pour envahir la cir- culation et lutter efficacement contre la septicémie. D'ailleurs, un certain nombre d'observations montrent que les phénomènes toxi-infectieux qui accompagnent la méningite, sont favorable- ment influencés par l'injection intrarachidienne de sérum l'amélioration parfois rapide de l’état général, le disparition des éruptions pétéchiales, de l’albuminurie, ete. en constituent des preuves manifestes. Par conséquent, l'efficacité du sérum se fait sentir non seu- lement sur la lésion locale, mais encore sur les troubles extra- méningés dus à la dissémination du méningocoque dans lorga- nisme. Cette action du sérum anti-méningococcique présente un caractère de spécificité non douteux ; dans les cas de méningite en effet, où l'agent infectant est non le vrai méningocoque, mais un des pseudo-méningocoques connus, l'efficacité du sérum est alors nulle. Quelques auteurs cependant ont pensé que d’autres sérums, (1) NETTER et DEBRÉ, Société de Biologie, 28 mai 1909 et 10 juillet 1909. (2) NETTER, Académie de Médecine, 27 juillet 1909. LE SÉRUM ANTIMÉNINGOUOCCIQUE 109 notamment le sérum antidiphtérique, étaient douésde propriétés thérapeutiques équivalentes à celles du sérum antiméningo- coccique. Netter, avec Juste raison, a réfuté cette opinion en citant les faits relevés par Peadoby et Jacobi, Wolff, Draper, Kinnicut, Leszinski, Loomis, Van Santwoord, Emmet Holt, Graner, Rotsch, Park. Entre leurs mains, l'emploi du sérum antidiphtérique dans le traitement de la méningite méningococcique à donné une mor- talité moyenne de 70 à 80 0/0. Les quelques succès enregistrés ne sont dus qu’à d’heureuses coïncidences. MODE D EMPLOI Il ne suffit pas d'employer la sérothérapie antiméningococ- cique; il faut savoir l'appliquer : 1. Voie d'introduction du sérum. — Les premiers essais ont été tentés par la voie sous-cutanée. Quelques statistiques prouvent l’inefficacité de cette méthode MORTALITI MORTALITÉ LÉRAUNSE après injections sans sérum, sous-cutanées. NV SCHL 0 SET Da, / 26,3 Tôbben Huber Ces faits s'expliquent aisément par le peu de perméabilité des méninges de dehors en dedans. Pour Ia même raison, la voie intraveineuse n'offre aucun avantage. Pour être réellement actif, le sérum doit être mis en contact direct avec la méninge malade, et introduit par la vote rachidienne après ponction lombaire. On à vu plus haut tous les succès enregistrés depuis que cette technique a été mise en œuvre. Il est cependant des cas où les lésions semblent inaccessibles à l’action du sérum introduit par cette voie, puis d’autres où un 110 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR défaut entre les lacs spinaux et cérébraux lempêche de diffuser jusqu'aux centres supérieurs; pour attendre directement la lésion, certains auteurs ont pratiqué des injections intraventricu- laires en traversant la fontanelle non encore soudée des nourris- sons. Avec cette méthode Harvey, Cusingh et Sladen, Netter ont enregistré des succès; mais elle ne saurait être appliquée à l'adulte. Pour ce dernier, une injection sous-arachroïdienne après trépanation crânienne pourrait être tentée. Ou bien on pourrait avoir recours à la voie sphénoïdale, comme Bériel l’a récemment proposé (1). Ces divers procédés ne sauraient être que des procédés d'exception, à n’appliquer que dans les cas désespérés où l'échec de la sérothérapie par voie rachidienne est notoire. Dans l’immense majorité des cas, c’est cette dernière qu'il convient d'adopter. 2. Mode d'administration du sérum. — Le succès de la séro- thérapie antiméningococcique dépend en grande partie de la facon dont le traitement a été conduit. Deux facteurs entrent en ligne de compte pour l’assurer : la dose, et la répétition des doses. a) Doses. — Tous les auteurs insistent sur la nécessité d’in- jecter des doses élevées, même chez l'enfant. Chez l'adulte, on peut aisément injecter 20, 30, 40 et même 45 e. e. de sérum dans le canal rachidien, après avoir, autant que possible, soustrait préalablement par ponction lombaire, une quantité égale de liquide céphalo-rachidien. Chez l'enfant, même au-dessous d’un an, on arrive facilement à injecter 10, 15, 20 et même 30 c. c. (2). b) Répétition des doses. — Sauf dans les atteintes légères, il est rare qu’une seule injection, même à dose élevée, soit capable de juguler complètement la maladie. Après une seule injection tous les symptômes peuvent s’atténuer au point que l’on juge inutile une nouvelle intervention; on eroit le malade guéri; mais dès le lendemain, ou le surlendemain, une recrudes- cence de la température et des phénomènes méningés se décla- F (1) BÉRIEL, Soc. méd. des Hôp. de Lyon, 18 mai 1909. Lyon chururgical, 1°r août 1909. (2) Certains auteurs (Netter, Comby, R. Voisin) ont pu chez l’enfant injecter ces doses, en ne soustrayant que # à 5 €. ©. de liquide, sans qu'il en soit résulté de phénomènes de compression, qu'il y aurait lieu de craindre chez l'adulte. LE SÉRÜM ANTIMÉNINGOCOCCIQUE 114 rent; de nouvelles injections sont nécessaires. Certains malades doivent recevoir ainsi du sérum à de multiples reprises pour que la guérison soit définitive. Pareils faits peuvent s'expliquer : d’après Netter et Debré, le sérum introduit dans le canal rachidien, passe rapidement dans la circulation générale; en raison de cette résorption si hâtive, il ne reste en contact avec les lésions méningées qu'un temps relativement limité, trop restreint sans doute pour enrayer d'emblée les altérations parfois étendues de la méningite cérébro-spinale. On peut répéter les injections de sérum suivant deux mé- thodes : Les uns (Kolle et Wassermann, Koplik, Emmett Holl. Comby) pratiquent une première injection : si aucune améliora- tion notable ne se produit, ils la renouvellent jusqu’à ce qu’elle se dessine nettement; si les symptômes s’amendent, ils s’abstien- nent et attendent que l’amélioration ne progresse plus pour la répéter. Pour les autres (Dünn, Churchill, Lévy, Netter), il est pré- férable d’injecter systématiquement 20, 30, c. c., etc., de sérum durant 3 ou 4 Jours consécutifs, même quand la {7€ injection a produit une détente marquée du côté de la température et des signes méningés. D’après Netter, les injections répétées systémati- quement présentent l’immense avantage d'amener des guérisons plus nombreuses et plus rapides, de rendre plus rares les rechutes et les séquelles. . Néanmoins, quel que soit le procédé employé, il est des cas où les symptômes, bien qu’atténués, persistent malgré les injec- tions fréquemment renouvelées. Sur quels éléments d'appréciation peut-on s'appuyer pour décider soit une nouvelle intervention, soit l’abstention ? On a tendance à baser sa ligne de conduite sur la courbe de température. Or, celle-ci est un guide infidèle : dans un certain nombre de cas, sa chute, brusque ou progressive, participe à une détente générale de tous les phénomènes observés ; mais en d’autres, le reste des symptômes ne variant pas, elle n'indique qu'une détente partielle. De plus, dans certaines atteintes graves, la fièvre est parfois peu marquée, voire même nulle. Enfin, la température peut rester élevée alors que tous les autres 112 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR symptômes rétrocèdent; elle constitue donc un indice trompeur. Il est assurément préférable de baser son appréciation sur l’ensemble des symptômes observés, mais ceux-ci sont souvent trop variables et disparates pour qu’on puisse en faire état. L'aspect macroscopique et microscopique du liquide céphalo- rachidien donne les indications beaucoup plus utiles et plus certaines. Il est pour ainsi dire le reflet des altérations dont les méninges sont le siège. Son étude permet de suivre pas à pas leur marche, leur aggravation, leur atténuation; elle fournit des données d’après lesquelles on peut, dans la grande majorité des cas, orienter sa ligne de conduite; quelques exemples le mon- treront : 19 Malgré la détente des symptômes observés, le liquide céphalo-rachidien, louche ou même clair, contient des leucocytes et des méningocoques morphologiquement sains; l’ensemence- ment est positif. Dans ce cas, le processus méningé est encore en évolution : de nouvelles injections de sérum s'imposent ; 20 Après plusieurs injections quotidiennes, la température reste élevée, et malgré l’atténuation des autres symptômes, le liquide céphalo-rachidien contient, non plus des méningocoques vivants, mais des cadavres de méningocoques; les globules pyoides ont disparu, remplacés par des polynucléaires normaux, et des lymphocytes. En ce cas, la lésion est en résolution (2); une nouvelle injection n’est pas nécessaire; elle ne sera indiquée que si, les jours suivants, l'aspect du liquide céphalo-rachidien montre une recrudescence du processus; 30 Après plusieurs injections, l’apyrexie est établie, tous les symptômes méningés ont disparu. Brusquement, la température s'élève, la raideur de la nuque, la céphalée surviennent à nouveau. S'agit-il d’une rechute ou de phénomènes d’anaphylaxie? L’exa- men du liquide céphalo-rachidien donne la réponse. Dans le (1) On sait que les phénomènes d’anaphylaxie survenant après les injections intrarachidiennes de sérum, se révèlent souvent par des troubles méningés qui en imposent pour une reprise des troubles primitifs. Ils ne sont pas spéciaux à la ménin- gite cérébro-spinale. Lemoine (de Lille) en a observé chez un tabétique à qui il avait pratiqué une injection intrarachidienne de sérum antidiphtérique. (2) En certains cas cependant, le liquide, après plusieurs injections, est devenu clair et dépourvu d'éléments cellulaires et bactériens, malgré la persistance des symptômes méningés, répondant sans doute à des lésions très localisées des méninges cérébrales. Dans ces faits, exceptionnels il est vrai, il est prudent de pratiquer de nouvelles injections. LE SÉRUM ANTIMÉNINGOCOCCIQUE 143 premier cas, la formule eytologique et bactériologique en fournira la preuve; les injections doivent être reprises. Dans le second, le liquide est clair, teinté souvent en jaune ambré par le sérum non résorbé; les éléments cellulaires et les microbes sont absents, ou bien on se trouve en présence d’une formule de régression : l’abstention s'impose alors. Ces quelques exemples suffisent à montrer tout le parti qu’on peut tirer de l'examen du liquide céphalo-rachidien. En résumé, la sérothérapie demande à être conduite d’une façon rationnelle, et doit, pour être efficace, reposer sur les bases précitées. Les doses de sérum injecté doivent être : 1° suffisantes : 29 suffisamment répétées: 39 judicieusement administrées. Dans le cas contraire, on s'expose à des échecs: la mortalité des malades traités par le sérum varie d’ailleurs suivant la façon dont le traitement a été institué; on peut aisément s’en rendre compte en comparant, dans 359 observations dont j'ai pu con- naître les détails relatifs au mode de traitement : 19 Les cas où le sérum a été injecté en quantité suffisante, et les doses suffisamment répétées: 20 Ceux qui ont été traités d’une manière défectueuse {malades n'ayant reçu qu’une injection (1) malgré la gravité des symptômes ou bien de multiples injections, mais trop parci- monieuses et trop espacées, les phénomènes méningés persistant dans leur intervalle). Dans la 1'€ catégorie, on relève : 282 cas; 23 décès — 8,15 0 /0. Dans le 2e : Hieas: 21 décès =272;:0"0. La comparaison de ces chiffres montre qu'il ne suffit pas d’injecter du sérum; il faut l’injecter en quantité suffisante, à doses répétées, enfin l’employer à bon escient. (1) M. Netter a insisté avec juste raison sur ces cas où les injections ont été sus- pendues pendant 15 à 20 jours, malgré la persistance des symptômes méningés. « Une ponction lombaire pratiquée en pareil cas aurait permis d'examiner le liquide céphalo-rachidien, et, si l’on avait constaté le méningocoque, les injections reprises à temps auraient pu amener la guérison. » (Acad. de Médecine, juillet 1999.) eee! Diphtérie expérimentale chez Îe Chimpanzé par ET. BURNET (Laboratoire de M. METCHNIKOFF) Les angines sont depuis quelque temps assez négligées par les bactériologistes. Cependant elles tiennent une place notable dans la pathologie humaine et on reconnaît leur importance au point de vue clinique. Elles marquent le début de diverses ma- ladies infectieuses. Les amygdales, notamment, sont considé- rées comme la porte d'entrée de plusieurs virus. L'étude de la flore buccale, normale et pathologique, mérite d’être le préam- bule des recherches sur la flore intestinale, et doit donner d’u- tiles renseignements sur l’origine de maladies telles que les appen- dicites et certaines néphrites. Le fait que les angines sont très rares chez les nourrissons indique qu’elles dépendent de condi- tions qu'il v aurait intérêt à déterminer par l’observation et par l'expérience. L’angine diphtérique est celle qui convient lemieux pour com- mencer une étude de ce genre, parce qu’elle est due à une bactérie des mieux étudiées et des mieux connues. Et comme, malgré le pouvoir curatif et préventif du sérum, les hygiénistes ont encore à déplorer de trop fréquentes épidémies, il y a toujours profit à examiner de plus près les conditions dans lesquelles éclôt cette maladie meurtrière. I y a deux points principaux sur lesquels doit se porter l’at- tention : 49 le rôle des lésions mécaniques des muqueuses; 2° le rôle des associations microbiennes. Ces deux problèmes ont été posés depuis bien longtemps par les auteurs qui ont fondé l'é- tude expérimentale de la diphtérie. « Toutes les expériences sur les animaux, disent Roux et YErsINX dans leur premier mémoire (1), tendent à prouver que le microbe de la diphtérie ne se développe que sur une muqueuse déjà malade... Il est nécessaire pour don- ner la maladie de léser la muqueuse, un simple badigeonnage sur (1) Ann. Institut Pasteur, t. IT, déc. 1888. DIPHTÉRIE EXPERIMENTALE 1105 une muqueuse saine ne suffit pas à produire la fausse membrane croupale. » Et ailleurs, à propos du streptocoque (1) : « D’autres microbes, sans doute, pourraient servir à exalter la virulence du bacille affaibli. Les organismes microscopiques de la bouche et ceux des fausses membranes devraient être étudiés à ce point de vue. » Il était indiqué d’étudier en premier lieu le rôle des lésions. Dès les premières expériences avec le bacille de Lôfler, on a essavé de produire des fausses membranes sur la vulve des co- baves, sur loreille et sur la muqueuse trachéale des lapins, sur la muqueuse buccale des pigeons; c’est peut-être dans ce dernier cas qu'on réussit le plus sûrement, lorsqu'on cherche à répéter ces expériences. Mais ayant eu à notre disposition plusieurs chim- panzés de la singerie de l’Institut Pasteur, il nous à paru beau- coup plus intéressant d'opérer sur cette espèce, la plus rappro- chée de l’homme. Agés de trois ans environ, présentant des amyg- dales de divers types, enchatonnées ou proéminentes, nos chim- panzés peuvent être en somme considérés comme des enfants en expérience. Le matériel d’inoculation à consisté, d’une part en cultures pures de bacilles diphtériques, d'autre part en fausses mem- branes, employées aussitôt après avoir été prélevées sur le ma- lade humain. Trois modes d’inoculation ont été appliqués : fric- tion avec la fausse membrane ou badigeonnage au pinceau avec la culture sur la muqueuse intacte et spécialement sur les amvyg- dales: même opération sur la muqueuse lésée; insertion dans la fosse nasale inférieure. Pour léser la muqueuse, on faisait un grattage ou des searifi- cations, ou des piqûres avec une lancette; dans un cas, la mu- queuse a été tenaillée sur un point entre les mors d’une pince. Une fois, on a fait des attouchements (suivis de lavage) avec une solution forte d'acide phénique; une autre fois, avec acide lac- tique. Il a été fait 17 essais sur 9 chimpanzés. Plusieurs essais sur des singes intérieurs, macaques javanais et bonnets chinois, ont été négatifs : il n’y a eu ni lésions locales, ni maladie générale. Le bacille diphtérique pouvait être encore crItivé de la bouche après 12 jours. Il est donc évident qu’un sujet pratiquement réfrac- taire peut être un porteur de bacilles. , (1) Ann. Institut Pasteur, t. IN, F. 409. 116 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Rien n’autorise à croire que des hommes ou des enfants se comporteraient autrement que les chimpanzés. Si l’on contestait la valeur du chimpanzé comme sujet d’expérience pour les ma- ladies humaines, il n’y aurait qu’à répondre que l’homme même, à ce compte, ne saurait servir davantage. Récemment, BERTA- RELLI (1), avec la sérosité d’une vésicule toute jeune et avec une pustule desséchée, n’est pas parvenu à donner la varicelle à lui- même, à un assistant de son laboratoire et à une fillette de huit ans. Dans un pays très éloigné de l'Europe, on a tenté de donner à des hommes la fièvre typhoïde, la dysenterie bacillaire et le choléra et on n’y a pas encore réussi. Ces essais négatifs sont un argument indirect en faveur des expériences faites sur les singes anthropoiïdes pour élucider l’origine des maladies infectieuses de l’homme. Le chimpanzé est sensible à la diphtérie. Cinq inoculations sur 17 ont déterminé des lésions bénignes, ou très bénignes, con- sistant en un exsudat plus ou moins étendu, plus ou moins te- nace, sur des points plus ou moins nombreux et renfermant des bacilles diphtériques associés à diverses bactéries. Dans un cas seulement, il y a eu des lésions très vastes; l'animal a succombé le 6€ jour après l’inoculation. Il est difficile d'affirmer qu'il a suc- combé uniquement à la diphtérie, car il était déjà malade et arrivé au point où l’on voit mourir beaucoup de chimpanzés cap- tifs. C'était un sujet affaibli; il n’a pu opposer au bacille la résis- tance naturelle qui paraît considérable chez les chimpanzés bien portants. Si le chimpanzé, en effet, peut prendre la diphtérie, il ne la prend pas facilement : 11 inoculations sur 17 doivent être consi- dérées comme négatives, et 5 sur 6 ont déterminé seulement des accidents très légers. Dans ces cas négatifs, aucun symptôme local ni général. [1 va sans dire cependant que le bacille végète dans la bouche, d’où on peut encore l’isoler en cultures trois semaines après l’inoculation. Même dans les cas que l’on a le droit de considérer comme positifs, il n’y a pas eu de symptômes généraux, pas de fièvre, pas d’élévation de température qui dépasse celles qui sont habi- (1) Aivista di Igiene et di San. pubblica, t. XX, 1909, et Centralbl. f. Bakter. OrTy Le pb DIPHTÉRIE EXPÉRIMENTALE 117 tuelles chez les chimpanzés normaux; pas de tuméfaction des ganglions parotidiens ou sous-maxillaires. Les traumatismes contribuent certainement à l’implantation du bacille sur la muqueuse, bien que tous les points traumatisés ne deviennent pas le siège d’une lésion. Il serait extraordinaire que la muqueuse buccale du chimpanzé se comportât autrement que celle des pigeons, que la trachée des lapins ou la vulve des cobayes. À part un cas où, 6 jours après application au pinceau d’une culture pure sur muqueuse intacte,il apparut sur une amyg- dale un exsudat grisâtre, qui demeura visible pendant 3 jours, toutes les inoculations aveé le pinceau sont restées négatives. Mais le plus notable résultat d'ensemble, au point de vue bac- tériologique, c’est que, sur muqueuse saine ou sur muqueuse excoriée, toutes les lésions, minimes ou étendues, ont suivi les inoculations avec fausse membrane. Les cultures pures n’ont rien donné; ni les cultures d’origine ancienne, entretenues au la- boratoire sur milieu constant (bouillon Martin), comme celles qui servent, à l’Institut Pasteur, pour la préparation de la toxine; ni les cultures fraîchement isolées de fausses membranes et patho- gènes pour le cobaye. Deux causes peuvent coopérer au succès des fausses membranes : des associations microbiennes s’y trou- vent toutes réalisées: et le bacille qui provient d’une origine diphtérique en activité est un bacille déjà sélectionné. Il se peut fort bien que ces deux raisons n’en fassent qu’une. En tout cas, l'étude des associations microbiennes s’impose, comme Font dit les premiers Roux et YERsIN; elle n’a été que commencée par les observations relatives au sireptocoque; à l’étude des associa- tions de la fausse membrane, il faut joindre celle de la flore buc- cale du sujet, réceptif ou résistant. Les inoculations buccales, même avec fausse membrane fraiche sur muqueuse scarifiée, n’ont eu que des conséquences bénignes. Le seul chimpanzé qui ait présenté des lésions graves a été inoculé par friction douce, avec un lambeau de fausse mem- brane, dans la fosse nasale jusqu’à une profondeur de 3-4 centi- mètres, c’est-à-dire assez près du pharynx. L’inoculation intra- nasale a réalisé expérimentalement, chez ce chimpanzé, ce qui se produit spontanément dans beaucoup de diphtéries humaines. Le bacille pénètre dans les fosses nasales, s’y installe, cultive comme dans une étuve à température convenable, et fuse vers 118 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l’arrière-bouche, dès que les circonstances sont favorables à son extension. Les lésions plus ou moins bénignes des autres chim- panzés montrent que, sans doute, les cryptes amygdaliennes offrent des réceptacles où le bacille peut végéter; mais on sait que, chez l’homme, il s’en faut de beaucoup que la fausse mem- brane débute toujours sur l’amygdale. Elle fait souvent son appa- rition sur les bords de la luctte. C’est là qu’elle a d’abord été vi- sible chez ce même chimparzé. Cette expérience montre combien sont vraies les observa- tions des cliniciens, qui mentionnent très souvent une rhinite ou un simple «rhume de cerveau » avant l’éclosion d'une diphté- rie de l’arrière-bouche, et qui affirment lexistence de rhumes à bacilles diphtériques, même indépendamment de toute diphtérie avérée du nez ou du pharynx. La porte d’entrée peut être le nez, sans qu'il y ait diphtérie première du nez. Il n’est pas impossible que le mucus nasal soit jusqu’à un certain point bactéricide pour des microbes peu toxiques ou affaiblis; il ne détruit pas les bacilles actifs, ou déiend seulement la muqueuse nasale et re- jette la culture vers l’arrière-bouche. Le bacille provoque, dans le nez, plutôt un écoulement purulent qu'une fausse membrane. D'autre part, chez les nourrissons, la diphtérie du nez passe pour plus fréquente que celle de la bouche, ce que MExst attribue à une hypérémie de la muqueuse nasale dans la première en- fance. Cette remarque s'accorde avec lopinion d’après laquelle les nourrissons contractent rarement des angires, soit grâce à leur flore buccale, soit parce que la lactation les préserve des traumatismes sur la muqueuse du fond de la bouche, soit parce qu'ils ont les amygdales moins développées. Quoi qu'il en soit, au point de vue de l’hygiène, lorsqu'on pratique des examens et des ensemencements méthodiques pour dépister les porteurs de bacilles, il n’y a d'examens valables que ceux qui portent sur le nez en même temps que sur la bouche. On insinuera un petit tampon d’ouate par la narine, ou mieux on passera par la bouche et on ira toucher par le pharynx l'ouverture postérieure des fosses nasales. SCHELLER et STENGER (1) ont rapporté un cas très curieux où la diphtérie du pharynx eut sor origine dans le nez,sans déter- miner de lésion nasale. Une dame qui devait être opérée pour (4) Berliner klin. Woch.. 1505, n° #2. DIPHTÉRIE EXPÉRIMENTALE 119 hypertrophie d’un cornet fut trouvée porteuse de bacilles diphté- riques (dans le mucus nasal); il n’y en avait pas sur les amvye- dales: elle avait séjourné trois semaines auparavant dans un vil- lage où régnait la diphtérie. Elle voulut être opérée, bien qu’on jugeât le moment inopportun. Deux jours après l'opération écla- tait une forte diphtérie du pharynx, tandis qu'il n’y avait aucun symptôme du côté du nez et que la plaie opératoire guérissait sans aucune complication. Le cas de notre chimpanzé est à rapprocher de ces observa- tions sur l’homme; il y a eu dans le nez des bacilles en abondance, mais pas de lésion. Quant à la lésion pharyngée, elle s’étendait sur la face postérieure ou supérieure du voile du palais, débordait en avant, vers la bouche, sur les côtés de la luette et se prolongeait en arrière sur les sillons qui bordent la racine de la langue: elle engainait l’épigloite et la glotte, pénétrait dans le larynx, occu- paii la plus grande partie de la muqueuse au-dessous des cordes vocales, atteignant l’orifice supérieur de la trachée, qu'elle ne dépassait pas. L’infection, comme il arrive chez les enfants dans certains cas graves, s'était même communiquée au poumon dans le lobe supérieur du poumon droit, il y avait un bloc pneu- monique, congestionné et dur, d’où lon cultiva le bacille diphté- rique (bacille long, comme le bac. du pharynx et le bac. inoculé) avec des sireptocoques et un colibacille. Il n’y avait pas de lé- sions dans la trachée, ni dans les grosses bronches. Les ensemen- cements de foie et de rate furent stériles. Les capsules surrénales ne parurent pas augmentées de volume ni congestronnées. L’incubation peut être très courte dans la diphtérie, d’après ce même cas grave où la fausse membrane apparut sur le bord de la luette le 3€ jour après l’inoculation. Les lésions furent visibles vers le 14€ jour chez un autre chimpanzé qui présenta, à la base d’un pilier et sur une amygdale, deux petites fausses membranes, consistantes, couenneuses, semblables à une espèce de végéta- tion, formées de leucocytes et de fibrine, avec bacilles diphté- riques. Dans les autres cas, les lésions bénignes apparurent du 2€ au 7° jour. A vrai dire, aucune amygdale n’a été le siège d’une fausse membrane de même texture que celles que lon voit communé- ment dans la diphtérie humaine. Les lésions observées sur des coupes biologiques, érosion de la muqueuse, détachement, à la 120 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR manière d’un feuillet, de la couche superficielle de l’épithélium, peuvent être pour une part attribuées aux traumatismes. Les points lésés présentent l’aspect d’un phénomène de Stühr exa- géré : effraction de l’épithélium et issue de leucocytes. Chez le chimpanzé qui a succombé avec les lésions graves, la fausse mem- brane était plus friable que résistante et élastique; l’aspect était celui d’un tissu nécrosé, putride. Il faut dire que cet animal, comme plusieurs de ses congénères, était atteint d’une affection fuso-spirillaire de la bouche, qui avait déterminé sur plusieurs points des ulcérations gangréneuses des gencives. Cette infection a pu modifier la nature de la fausse membrane diphtérique; il y a eu culture diphtérique plaquée sur une vaste angine de Vincent, plutôt que «couenne » à proprement parler. De plus, le chim- panzé n’a vécu que 3 Jours à partir de l’apparition de la lésion diphtérique. Rien ne prouve que les chimpanzés ne puissent fa- briquer des fausses membranes caractéristiques, — nous en avons cité une, à la vérité toute petite, — mais elles paraissent difficiles à provoquer. Les amygdales ne s’y prêtent pas particulièrement, elles sont bien un organe de défense. La fausse membrane elle- même est un processus de défense contre l’infection, sinon contre le poison sécrété par le bacille toxique. Sur aucune coupe, il n’a été vu de bacille à l’intérieur du tissu amygdalien; il n’a même pas été vu de streptocoques ou de staphylocoques; là où on en voit à une certaine distance de l’épithélium, la coupe passe par un plan tout à fait proche de la surface d’une crypte, et les microbes sont encore compris dans l'épaisseur de la muqueuse, qui, d’ail- leurs, est déchiquetée et comme farcie de leucocytes. Plusieurs chimpanzés ont été inoculés à deux et trois reprises. Une inoculation négative n’empêchait pas la réussite d’une ino- culation ultérieure. La muqueuse n’était pas immunisée; elle ne parait pas avoir été sensibilisée. Des lésions, très limitées, se sont produites lors de deux inoculations consécutives, à intervalle de 3 à 4 semaines. S'il peut y avoir immunité lorale, les faits ne donnent pas de quoi l’apprécier. Un chimpanzé a été saigné 10 jours après une inoculation négative: le sérum n’avait pas de pouvoir antitoxique (même pas 1/10 d'unité par ce. e.). Dans plusieurs cas où il avait été inoculé des bacilles longs, on retrouvait, Jusque vers le 20€ jour, un bacille long. Mais, dans plusieurs cas, le bacille d’inoculation, moyen ou long, a disparu DIPHTÉRIE EXPÉRIMENTALE 121 très rapidement, et les cultures ne donnaient qu’un bacille très court, un peu renflé en son milieu, en forme de grain d'orge. Il est arrivé de cultiver en même temps un bacille long et ce bacille court. Jamais les bacilles courts ainsi retirés de la bouche des chimpanzés n’ont été pathogènes pour le cobaye (à la dose de 3e. ce. d'une culture en bouillon de 4 jours). Il s’agit d’un pseudo- diphtérique, rencontré aussi chez des chimpanzés non inoculés. Il n’y a pas de raison d'admettre que les bacilles diphtériques des fausses membranes se transformaient régulièrement dans la bouche du chimpanzé en bacilles courts ne donnant même pas d’ædème au cobaye. On sait que chez les enfants, lorsqu'il y à diphtérie sur deux points distincts, par exemple pharynx et conjonctive, le bacille peut être long dans la bouche et court sur la conjonctive, mais il s’agit ici et là de bacilles pathogènes. I v a plutôt lieu de croire que l’inoculation était favorable à la pul- lulation d’un pseudo-diphtérique préexistant. Des bacilles longs, provenant d’une diphtérie mortelle d’un enfant et des lésions graves du chimpanzé qui a succombé (c'é- tait la même origine), n’ont pas tué le cobaye après passage sur le chimpanzé. Il est possible que le séjour chez le chimpanzé atténue le bacille. Dans aucun cas, il n’a accru son pouvoir pa- thogène. L’infection fuso-spirillaire, chez le chimpanzé le plus grave- ment atteint, ne peut être considérée comme la cause du succès de l’inoculation, puisque d’autres chimpanzés ont eu des lésions vingivales équivalentes et n’ont pas pris la diphtérie. L'un entre autres, âgé de quelques mois seulement, et qui n’a contracté au- cune lésion diphtérique, avait sur le voile du palais, au-dessus de la luette, une ulcération typique d’un centimètre de diamètre, sans parler des ulcérations des gencives. La salive des chimpanzés était franchement alcaline. En somme, vis-à-vis du bacille diphtérique, le chimpanzé est non pas réfractaire, mais résistant, ce qui n’est pas la même chose. D'où lui vient cette résistance? Il est indiqué d’en cher- cher la cause dans la flore de la bouche. 122 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR OBSERVATIONS CHiIMPANZzÉ 1. — Scarifications sur les amygdales. Badigeonné au pin- ceau avec 2 c.c. de suspension assez épaisse de bacilles d’une culture de 24 h. sur sérum. Ce bacille était celui que l’on emploie à l’Inst. Pasteur pour la production de la toxine diphtérique. La température n’a pas dépassé 580,5. Ni exsudat, ni fausse membrane. Le 26€ jour, isolé de la bouche un bacille diphtérique très court. L'animal meurt (d’une tout autre cause) le 40€ jour. Le même bacille très court est isolé des cryptes des amygdales. CHIMPANZÉ IT. — Le 5-V, scarific. légères: friction avec une fausse mem- brane d’un enfant, contenant bac. de longueur moyenne. La température n’a pas dépassé 380,3. Rougeur des amygdales, indiquant un léger degré d’inflammation. Pas de fausse membrane. Les 2e, 7e, 12€ jours, retiré de la bouche un bacille très court. CHIMPANZÉ III. — Le 15-IV, inoculé par friction, sans scarification, avec une fausse membrane riche en bacilles longs. A la suite, pas d’éléva- lion de température. Le 8€ jour, isolé de la bouche des baciHes courts. A la même dose, le bacille de la fausse membrane tue, et le bacille retiré de la bouche ne tue pas le cobaye. Le 4° jour, retiré mêmes bacilles courts. Dans les cultures en série, sur sérum coagulé, le bac. long reste long: le court reste court. Isolé ce bac. court encore le 14€ jour, associé à streptocoques. Le même bacille court est isolé de la bouche de deux chimpanzés neufs cohabitant avec le chimpanzé en expérience. Deuxième inoculation le 3-V, scarification:; fausse membrane d'enfant. La température reste au-dessous de 389: monte une seule fois, le 5° jour, à 380,2. Pas de fausse membrane; seulement, su: une amygdale, le 7€ jour, quelques petites taches blanchâtres, qui, ensemencées,' donnent un bacille très court; ce bacille est en abondance sur les frottis. CHIMPANZÉ IV. — Grosses amygdales. Première inoculation le 5-IV, sur Scarifications, avec fausse membrane riche en bacilles longs et moyens. Le 3e Jour, on voit sur les amygdales de petites taches blanchâtres d’exsudat qui persistent pendant 4-5 jours. Pas de fièvre. On ne sent pas de ganglions. Les 3€ et 8e jours, retiré de la bouche des bacilles longs. Le chimpanzé est saigné le 16. Son sérum n’a pas de pouvoir antitoxique (même pas 1/10 d'unité par €. e.). Le 44€ jour, au coin du pilier antérieur gauche et de la langue, on voit une sorte de petite végétation, consistante, presque couenneuse, formée de leucocytes et de fibrine, avec des bacilles dipht. (formes courtes et formes irrégulières, en massues, etc.). L’ensemen- cement donne des bacilles diphtériques. C’est une petite fausse membrane qui ne prend pas d'extension. Il y en a une autre sur le bord inférieur de lamygdale droite. Les amygdales sont bouchées, comme granuleuses, su- perficiellement enflammées. Deuxième inoculation le 5-V, avec une fausse membrane. L’amygdale droite à seule été de nouveau scarifiée. Le surlendemain, la température s’est élevée de 00,5 (379,5 à 389,2), et sur les amygdales, surtout sur la gau- DIPHTÉRIE EXPÉRIMENTALE 123 che, qui sont proéminentes, s'installent des taches blanchâtres d’exsudat blanc jaunâtre, donnant en culture des bacilles moyens et des bac. courts. L'aspect est celui d’une angine banale avec taches multiples, et non d’une fausse membrane continue. Le chimpanzé respire difficilement, avec une espèce de tirage. On lui injecte 40 c. c. de sérum antidiphtérique. Les exsu- dats qui duraient depuis 11 jours se détergent et disparaissent. Ensuite, le 20€ jour, on isole encore de la bouche un bacille diphtérique qui tue un petit cobaye. Le chimpanzé meurt le #1° jour (pneumonie). CHIMPANZÉ V. — Première inoculation le 3-IX, sans scarification, avec fausse membrane très riche en bacilles longs et en spirilles et bac. fusiformes. Le lendemain, sur le voile du palais, une petite tache blanche où abondent les polynucléaires et des spirilles. Cette tache disparaît au bout de 2 jours. Isolé bac. court. Deuxième inoculation, après scarification assez brutale, le 7-IX. Les jours suivants, les amygdales sont rouges, la muqueuse est comme tendue et gra- nuleuse. On y voit une tache d’exsudat qui a disparu dès le lendemain, Isolé bac. longs les 6° et 8° jours. Troisième inoculation le 15-IX. Lésé la muqueuse de l’amygdale droite en la pinçant fortement; touché l’amygdale gauche avec une solution forte d'acide phénique. Il n'apparaît que quelques légères taches d’exsudat. CHiMPANZÉ VI. — Première inoculation le 14-I1X, avec fausse membrane sans scarification. Aucun résultat. L'animal avait des bac. courts dans la bouche avant linoculation. Deuxième inoculation le 25, après scarification, avec fausse membrane à bac. longs, provenant d’une diphtérie maligne. La même fausse membrane a servi pour les chimpanzés 6, 7, 8. Pas de résultat. Troisième inoculation le 4-XI, dans les fosses nasales, sans lésion, avec tampon d’ouate imbibé de culture pure du bacille cultivé de la même fausse membrane. Pendant 12 et 15 jours, on retrouve dans la bouche et dans le nez des bac: longs et des bac. courts. Le chimpanzé meurt de pneumonie le 20-XTI. On cultive un bac. diphté- rique long à partir des fosses nasales, des amygdales et du bloc de pneu- monie. Le bac. netue pas des cobayes de 200 gr., même à la dose de # €. €. d’une culture de 5 jours en bouillon. Il n’y a pas eu de fièvre, pas de fausse membrane, ni dans le nez, ni dans l’arrière-bouche. CHimpANzÉ VII, de moins d’un an. Inoculé le 25-IX avec la même fausse membrane que le précédent, après scarification. Pas de résultat. Deuxième inoculation le 7-X, en frottant les fosses nasales une f. membrane d’un enfant. Dans la suite, on retire de la bouche et de la face postérieure du voile du palais des bac. diphtériques, longs et courts. L’ani- mal a une infection putride et gangréneuse des gencives, et une angine ulcé- reuse au-dessus de la luette. Meurt le 21-X. Pas de lésions de diphtérie. CHIMPANZÉ VIII. — Inoculé le 30-IX, sans scarification, au pinceau, avec les microbes prélevés en masse sur les lésions diphtériques du ch. IX, aussitôt après la mort de ce dernier. Au bout de 6 jours, exsudat grisätre 124 ANNALES DE L’INSFITUT PASTEUR sur l’amygdale gauche, qui disparaît bientôt. Bacilles dipht. dans la bouche. au Deuxième inoculation le 25-X, en passant dans les fosses nasales une fausse membrane (la même que dans le cas précédent). Pas de fièvre. Il sur- vient des taches blanchâtres sur les amygdales, pas de fausse membrane. Cultivé après 5.et 14 jours un bac. dipht. long, de la bouche et du nez. L’a- nimal à de grosses lésions gangréneuses des gencives. Il meurt le 9-XI. Bacilles dans les fosses nasales, le pharynx, les cryptes amygdaliennes:; aucune lésion diphtérique. CHIMPANZÉ IX. — Inoculé le 25-IX avec la même fausse membrane que les chimpanzés VI et VIT, en passant le lambeau de fausse membrane dans la fosse nasale. L'animal est à ce moment assez triste et mal portant: il mange peu. Le 3€ jour après l’inoculation, on voit un enduit grisâtre sur les bords de la luette et du voile du palais: cet enduit paraît déborder d’arrière en avant. On y trouve en abondance des bacilles longs; on en trouve dans les narines, dans le mucus nasal, dans la bouche. Sur les cultures, le mucus nasal donne, en outre, grande abondance de bacilles courts. Le chimpanzé est moribond le 30-IX (6€ jour); on l’achève au moyen de chloroforme. À lPautopsie : Dans le pharynx, vaste fausse membrane sur la face postérieure ou su- périeure du voile, débordant en avant, dans la bouche, sur les côtés de la luette; elle se prolonge en arrière sur les sillons de chaque côté de la racine de la langue et engaine la glotte. Elle se prolonge dans le larynx, sur les cordes vocales et la plus grande partie de la muqueuse, jusqu’à l’orifice supérieur de la trachée. Ce n’est pas une fausse membrane résistante, élastique, couenneuse. Il s’agit plutôt d’un amas de bacilles longs, mêlés à de la fibrine friable; l’as- pect est celui d’un tissu nécrosé et putride; on y trouve une masse de spi- rilles et de bacilles fusiformes, dont la présence est liée aux lésions gangré- neuses des gencives. Bloc pneumonique, congestionné et dur, dans le lobe supérieur du pou- mon droit. Les capsules surrénales ne sont pas augmentées de volume, ni conges- tionnées. On cultive, à partir des lésions pharyngées, des bacilles longs et des ba- cilles courts; à partir du poumon, des bacilles longs, avec des streptocoques et un colhbacille; ensemencements du foie et de la rate, stériles. QUELQUES RECHERCHES Sur le cancer spontané et le cancer expérimental des souris. Par Le Docreur L. NÈGRE (Travail du Laboratoire du D BORRE L) Nous désirons donner dans ce travail les résultats des quelques recherches que nous avons poursuivies, sur le cancer des souris, dans le laboratoire de M. le D' Borrel. Nous tenons à le remercier ici pour tous les moyens qu’il a mis à notre disposition. Cette étude a porté sur le cancer spontané et sur lecancer expé- rimental. l RECHERCHES SUR LE CANCER SPONTANÉ L'élevage de souris de M. Borrel, grâce à son installa- tion et à sa nombreuse population, nous a permis de diriger nos recherches sur les conditions qui favorisent l'apparition du cancer spontané. Nous avons eu, par année, une moyenne de 2,000 à 2,500 sou- ris en observation. Ces souris, placées dans des cages ou dans des bocaux par 8 ou 10 femelles pour 1 mâle, ont présenté un certain nombre de tumeurs spontanées. Voyons si nous pouvons retirer quelque renseignement de leur étude au point de vue étiologique. D'octobre 1907 à octobre 1908, nous avons eu dans l'élevage 17 cas de cancer sur 2,500 souris, soit 0,6 0 /0. D’octobre 1908 à octobre 1909, nous avons eu 36 cas sur 1,800 souris, soit 2 0 /0. Dans l’espace de 2 ans, les cas de cancer ont done augmenté dans l'élevage dans une proportion notable. Ce fait seul a sa valeur. Si les cas de cancer augmentent dans un élevage, à mesure qu'on y entretient des souris cancéreuses, on pourra en conclure que la transmission de la maladie se fait de souris à souris, ou qu'elle est due en tout cas à une cause extérieure qui étend son influence dans l’élevage. — Lo ©ù ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nous avons observé beaucoup plus de cas isolés que de cas survenant à la fois ou les uns après les autres, dans un même bocal ou dans une même cage. Cela tient probablement aux con- ditions multiples qui doivent être réalisées pour qu’un cancer puisse se produire. Il faut donc attacher une grande importance à la statistique par année d’un élevage cancéreux. Si, les conditions restant les mêmes, la proportion des cas de cancer augmente progressive- ment, ce sera un argument en faveur de la théorie parasitaire. Nous ne pouvons encore rien conclure d’une observation qui ne porte que sur 2 années, mais nous devons cependant faire remarquer combien la proportion des cas de cancer de l'élevage de Borrel est plus élevée que celle donnée par Bashford. En 4 ans, sur 100,000 souris examinées, il a trouvé 28 carcinomes de la mamelle, soit 1 cas de cancerpar 3,500 souris, ce qui fait une pro- portion de 0,03 pour 1,000. Dans l’élevage de l’Institut Pasteur, nous avons eu en 1907- 1908 une proportion de cas d’adénocarcinome de 0,6 0/0 et en 1908-1909 de 2 0/0, ce qui fait pour ces 2 années une proportion de plus de 1 0/0, c’est-à-dire de plus de 10 0 /00. L’adénocarcinome siégeait dans une proportion de 54 0/0 à l’aine, de 15 0 /0 à l’aisselle, de 9 0/0 à la nuque, de 7 0/0 à la vulve, de 11 0/0 au cou, de 4 0 /0 à divers autres endroits. Ainsi, les deux régions privilégiées au point de vue du cancer sont l’aine et l’aisselle. [Il est intéressant de noter que ce sont les parties du corps où se rassemblent de préférence les ecto-para- sites. Comme le montre le tableau ci-après, donnant la réparti- tion par mois des tumeurs spontanées, apparues dans l'élevage et apportées au laboratoire, les cas d’adénocarcinome paraissent plus fréquents au printemps et en automne, dans les deux sai- sons où la pullulation des parasites atteint son apogée. Au point de vue de la répartition des cas de cancer dans les cages, nous avons eu, sur 93 Cas, 38 cas isolés et les autres 15 cas réunis par 2, par 3 ou plus. CANCER SPONTANÉ 127 TUMEURS SPONTANÉES DE LA SOURIS, ADÉNOCARCINOMES 1907-1908 1908-1909 RE | Ayant pris Apportées Ayant pris Apportées TOTAL { naissance au naissance au par mois. dansl’élevage.| laboratoire. |dansl'élevage.| laboraloire. | a — ——— — OGlonrereee tre 2 ( 6 3 {1 NOVemDreee Il (l 2 2 5 Il Décembre ...... (l (D (D 2 9 TANVIer es eee Voici l’histoire des cas qui nous paraissent les plus intéres- sants, au point de vue de la eontagiosité : 19 Une tumeur spontanée de laine apparait chez une femelle d’un bocal de 11 souris dont 1 mâle. Les souris sont vieilles. La souris à tumeur meurt le 23 mars 1909. La tumeur est prélevée pour l’examen histologique et la peau de la souris est laissée dans le bocal. L’examen montre que la tumeur est un adénocarcinome. Quelques jours après, le mâle présente une tumeur du cou. Il est sacrifié. Adénocarcinome. Le 1er avril 1909, on constate une nouvelle tumeur chez une femelle, à l’aisselle gauche. Elle est opérée et replacée dans le bocal. La tumeur est un kyste. Le 27 mai 1909, on constate chez une femelle une nouvelle tumeur spontanée à laine droite. Elle est opérée et replacée dans le bocal. Adénocarcinome. 128 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Total : 3 cancers et 1 kyste sur 11 souris en 3 mois. 29 Trois vieilles cages en bois placées les unes sur les autres reçoivent le 2 octobre 1908, la supérieure (cage n° I) : 26 souris d’origine Pionier dont une a une tumeur de laine; la cage n° IT reçoit 15 vieilles souris; l’inférieure (cage n° ID) reçoit 12 souris. Le 17 octobre, 2 nouvelles souris ont une tumeur : une dans la cage n° I, l’autre dans la cage n° IT. Le 25 octobre, la souris à tumeur spontanée primitive meurt. On replace sa peau dans la cage après l’autopsie. Le 13 novembre, une nouvelle tumeur (adénocarcinome de l’aisselle gauche) chez une femelle de la cage n° I. Le même jour, on constate une tumeur de la nuque et une tumeur double de la nuque et de l’aine chez deux femelles de la cage n° ITT. Le 16 mars 1909, on trouve 2 cas de lymphosarcome dans la cage n° Let une tumeur de la nuque (kyste) chez une femelle de la cage IIT. Au total : 7 cas de cancer dont 5 adénocarcinomes et 2 lym- phosarcomes en 3 mois. Il faut remarquer que tous ces cas, d'apparence contagieuse, se sont produits dans des cages ou dans des bocaux où on avait laissé les peaux des souris cancéreuses avec tous les ectoparasites qu’elles portaient, ou dans de vieilles cages en bois fissurées, favorables à la pullulation de ces parasites. Ces constatations viendraient par conséquent à l'appui des idées de Borrel sur le rôle des acariens dans la naissance du cancer. Nous avons, d'autre part, rencontré un insuccès complet dans tous les essais d'infection que nous avons tentés par l’injection de tissu cancéreux et d’excréments de souris cancéreuses et de divers animaux. Ces quelques résultats seraient donc en faveur de l'hypothèse de Borrel sur le rôle probable des ecto-parasites dans la propaga- Lion des tumeurs de la souris. 1° Échec dans les essais d’infection par le tube digestif: 29 Prédominance des cas d’adénocarcinome à laine et à l’aisselle (54 0/0 et 15 07/0) dans les deux régions ou les ecto- parasites sont en plus grande quantité; 39 Prédominance des cas de cancer à l’automne et au prin- temps, aux deux époques où la pullulation des parasites atteint, son apogée, CANCER SPONTANEÉ 129 INFLUENCE PRÉDISPOSANTE DE LA SPIRILLOSE DES SOURIS SUR L'APPARITION DU CANCER. Nous avons pu constater aussi l'influence favorisante que Pinfection à spirilles exerce sur le genèse du cancer. Ce spirille, trouvé pour la première fois par Borrel dans les Fig. 4. — Spirilles de la souris dans le stroma de la tumeur B. Imprégnation au nitrate d'argent. tumeurs non ulcérées de la souris, et retrouvé par Wenyon chez des souris non cancéreuses,est fréquent chez les souris parisiennes. Nous l’avons constaté chez des souris à tumeur spontanée, dans la proportion de 20 0/0. Dans les 5 tumeurs que nous transplantons, toutes adénocar-- cinomes de la souris d’origine parisienne, nous en avons deux, la tumeur B et la tumeur dite Van Eckhoven, qui à l’origine étaient infectées par des spirilles. Dans les passages successifs de ces deux tumeurs, les spiritles ont continué à être inoculés avec le tissu cancéreux. L’inoculation réussit à coup sûr par 9 130 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l'introduction d’un petit fragment de tissu cancéreux sous læ peau. Même si la tumeur ne prend pas, la souris présente des spi- rilles dans le sang. La virulence de ces parasites ne paraît pas augmentée par ces passages répétés. Ils apparaissent toujours dans le sang 5 à 6 jours après l’inoculation, comme l’avait remar- qué Wenyon. L’infection atteint son apogée dans les premiers jours, 10 à 15 jours après l’inoculation, mais même à ce moment les spirilles ne dépassent jamais 5 à6 par champ.Nous avons cons- taté qu'ils avaient toujours disparu 3 mois après l’inoculation. Comme les passages des tumeurs se font à peu près tous les mois, les spirilles sont donc toujours inoculés avec la tumeur. Nous avons vu aussi que les souris qui avaient été infectées étaient immunisées contre une deuxième inoculation de spirilles. Nous n’avons pas réussi à réaliser la transmission de l’infection par les puczs, ni par les punaises. Gaylord, ayant remarqué que les spirilles sont plus nom- breux dans les tumeurs les plus virulentes, nous avons cherché si on pouvait augmenter la virulence d’une tumeur, passant avec un pourcentage faible, en linoculant à des souris spiril- lées. Nous avons constaté qu'il n’y avait aucune différence. au point de vue des succès, entre les souris normales et les souris spirillées. Mais, s’il n’y a pas de relation entre les spirilles et la viru- lence d’une tumeur,n’y en a-t-l pas au point de vue étiologique entre les spirilles et le cancer? La présence si fréquente des spi- rilles chez les souris à tumeur spontanée ne peut-elle pas faire penser à une influence prédisposante de l’infection à spirilles sur le cancer? C’est ce que nous avons recherché en inoculant un très orand nombre de souris avec des spirille; et en 1es conservant dans les mêmes conditions que des souris témoins non inoculées pour voir si les souris spirillées ne deviendraient pas cancé- reuses dans une plus forte proportion. SOURIS INOCULÉES AVEC LES SPIRILLES SOURIS TÉMOINS 96 SOURIS 288 SOURIS inoculées avec les sprilles le 18 juin 1908. l tumeur derliainc..:.... le 17 oct. 1908. 1 tum. de l’aine, le 19 janv. 1909. IMtumenadCOns Eee le 2 nov. 1908. 1 tumeur de la vulve...... le 6 janv. 1909. létumeur dendtaine Nr" le 19 janv. 1909. Ltumeurrde amertrrrree le 19 janv. 1909. Total des tumeurs spontanées : 9. Total des tumeurs spontanées : 1. CANCER SPONTANÉ 131 48 SOURIS INOCULÉES 104 SOURIS avec les spirilles le 15 février 1909. 1 tumeur de la jambe, le 25 mars 1909. 1 tumeur de la vulve, le 5 mai 1909. 1 tumeur du cou...... le 15 mai 1909. Total des tumeurs spontanées : 2. Total des tumeurs spontanées : 1. 90 SOURIS INOCULÉES MÊMES TÉMOINS avec les spirilles le 27 février 1909. 1 tumeur de laine... le 25 mars 1909. 1 tumeur de laine... le 23 mai 1909. 1 tumeur de l’aine... le 13 mai 1909. Total des tumeurs spontanées : 3. Total général des tumeurs spontanées, des souris inoculées avec des spi- rilles : 10. Total général des tumeurs ; 2. Total des souris à spirilles : 234. Total des souris témoins : 392. Proportion des cancers : 4,2%. Proportion des cancers : 0,5°L. Il résulte de ces inoculations que linfection à spirilles des souris paraît avoir une action favorisante sur le développement du cancer. En pathologie humaine, les relations de la syphilis et du cancer sont connues depuis longtemps. Chez la souris la spirillose serait donc aux tumeurs spontanées ce que la syphilis est au cancer chez l’homme. Pour le moment, iln°y a pas lieu d’at- tribuer un rôle plus important aux spirilles dans le cancer de la souris, étant donné qu’on ne les rencontre pas dans toutes les tumeurs spontanées. Il faut se rendre compte cependant d’après nos expériences que, si on ne rencontre pas des spirilles chez toutes les souris cancéreuses, ils ont pu exister tout de même chez certaines et favoriser ainsi l’apparition du cancer. Parmi les souris que nous avons inoculées avec des spirilles, 4 en avaient encore au moment de l’apparition de la tumeur spontanée et 6 n’en avaient plus. Les spirilles disparaissent environ 3 mois après l’inoculation . D’après le tableau précédent, on peut voir que 4 tumeurs seule- ment ont apparu dans les trois premiers mois après linocula- tion. Pour les six tumeurs qui ont pris naissance plus tard, on n'aurait pas pu établir de relation entre elles et les spirilles si on n'avait pas su que ces souris avatent été spirillées antérieure- ment. Nous pensons donc que la spirillose peut prédisposer les sou- ris au cancer. 132 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR IT QUELQUES RECHERCHES SUR LE CANCER EXPÉRIMENTAL. — INFLUENCE DES RÉGIMES ALIMENTAIRES SALINS SUR LE DÉVE- LOPPEMENT DES TUMEURS. La virulence d’une tumeur, autrement dit le succès de la transplantation dans la greffe cancéreuse dépend de deux fac- teurs : 19 la nature de la tumeur; 20 l'organisme de l’animal ino- culé. Vis-à-vis d’une même tumeur, des souris d’origine diffé- rente peuvent se comporter de façon différente. La tumeur Jensen a été étudiée à ce point de vue sur des souris de divers pays. Alors que Jensen avait obtenu 70 à 80 0 /0 de succès sur les souris danoïises, Michaëlis à constaté que les souris de Berlin étaient réfractaires à cette tumeur et Borrel et Haaland n’ont eu qu'un pourcentage de 30 à 40 0/0 avec les souris de Paris. Haaland a vu aussi que les souris de Berlin, très sensibles au sareome d’Ehrlich, sont devenues après plusieurs mois de séjour en Norvège relativement réfractaires vis-à-vis de cette tumeur. Comme l’a écrit Borrel, toutes les expériences concordent pour montrer que des modifications très délicates dans lorga- nisme de la souris, peut-être dues au régime alimentaire, solide ou liquide, peuvent avoir une très grande influence sur le sort de la greffe cancéreuse. Nous nous sommes donc proposés de rechercher le méca- nisme de ces variations en voyant si des souris cancéreuses, sou- mises à un régime alimentaire déterminé, ne donneraient pas des tumeurs plus difficilement inoculables à des souris soumises à un régime différent et plus facilement inoculables à des souris soumises au même régime. Nous avons varié l’alimentation en donnant tous les deux jours environ aux divers groupes de souris, de même âge et de même origine, du pain trempé dans les solutions à 5 0 /00 des dif- férents sels. Pour le chlorure de baryum'seulement la dose a' été réduite à 2,5 0 /00 à cause de sa toxicié. | I. — Jnoculation de la tumeur PB aux divers groupes de souris soumises aux régimes salins pendant 4 mois avant l’inoculation. CANCER SPONTANEÉ 133 Résultats au bout d’un mois. ñ souris soumises au régime K CI 1 Lumeur sur %# 4 _ — — — NaCl. 2 — MU L 4 — = — — SrClè l — TE 4 — — — — CaCl 1 = Re 4 _ = — — MnCl2 2 — SR AU + — normales 3 — ee Ma D’après les expériences précédentes, on voit que la tumeur B ne passe plus qu'avec un pourcentage inférieur au pourcentage habituel, quand on l’inocule, non plus à des souris normales, mais à des souris soumises à un régime salin déterminé depuis quelques mois. L’ingestion suivie d’un chlorure suffit à pro- voquer dans lPorganisme de la souris des modifications biochi- miques dont nous ignorons la nature, mais qui ont un résultat certain : cette souris devient moins sensible à la greffe d’une tumeur qui passait sur des souris de même âge et de même ori- gine et qui recevaient la même nourriture, moins le sel en ques- tion. Ainsi peut s'expliquer que la tumeur Jensen, qui passait sur les souris danoiïses avec un pourcentage de 70 à 80 0 /0, ne passe plus sur les souris de Berlin ou de Paris qu'avec un pourcentage beaucoup plus faible. Des modifications très minimes dans la composition des matières alimentaires, dans les sels dissous dans l’eau de boisson suffisent, d’après nos expériences, à expliquer ces variations. IT.— Acclimatement de la tumeur PB à un sel déterminé. Puisqu’une tumeur, transplantée sur les souris d’un pays dif- férent de son pays d’origine, arrive à s’habituer à ces nouvelles souris et que peu à peu les succès de transplantation augmentent, nous avons essayé de voir : A. Si de même la tumeur pouvait s’acelimater à un sel déter- miné ; B. Si une tumeur, une fois acelimatée à un sel déterminé, se laisserait plus difficilement transplanter sur des souris alimen- tées avec des sels différents. À. Pour acclimater la tumeur B à un sel, nous l'avons d’abord inoculée à des souris qui ont été alimentées avec ce sel à partir du moment de l’inoculation. Au second passage les souris inocu- ées recevaient le sel dans leur nourriture depuis plus longtemps, 1 Y— — G— — SA[RULIOU — # ee del nE DEN — #? Ven li LOL y l ARE ne lens lb SE Ans ‘UN & “$0 [LA 0] 9f SIM p sJDU SHNOS ‘8067 um£ G ET ‘LOGF 21qU809p GF 21 SMdep JUN stinos Ans JUESSEA 4 ANdWNy 92946 UOTJE[NIOU] y — le — SO[PUUOU — y pi — V = LENS rl — La IS 07 Hs raie Ur = ep LEE Ans ‘tn? & 80 SAEU 36 f AL SENdop ;JDU Snos # 806Y IEU 6 AI ‘LOGF 214 W099p GY 7 SMdep ,JJuN sranos Ans juessed g Anotunz 9948 uorje[noou] EE — SO[BLUIOU — % RER CEE ee AR NES RSR En Dee = AVES B— — | — TE EDIS ER? , — GG — Re en lOME=E NET y ANS ‘WN} € “S( [MAC w] sind JOEN SHINOS # °8067 umf Y a ‘LOGY 21{W099p GF 1 SIndep I9eN stInos Ans jquessed g Anauiny 28AP UOIJE(NIOU Fo — — ( — SO[RUILIOU - 3 D ET ONE AQU y Fes En = AIRIS y ER EN Ie - = OMS j 4 # AUS UN} & ‘20 29p € af siMdop [EN SHNOS # a1{W999p GE 91 SIMdap [9EN dnauny 2948 UOIJE[NIOUT ‘S06Y IMAR 9 OI ‘LOG6T stanos ans quessed gq LA à Can Ë SUJBUHIOU — } VE ae nero er = JUN — #% PT EN Cr DS TE EDEN Pcoere (| en < OISE Tr een UlR = AIN ET ÿ ANS UN} & ‘SO [LAB w] Of SIMdop [PM SHUOS 5 ‘8067 um 32 a1 ‘LO6T à" qu209p GF o1 Simdep 19% stinos Ans juessed g Anauiny 9848 uorjenoour PSE RAS O SOJBULIOU — 4 SE CNET a er Vi ( F= AS y y ; 1222 dn CU ITENRSES y 4 ANS ‘IN & ‘20 ‘YP € of stndap |} SHNnos 7 “806F IMAË Y I ‘LOG 21qU809p GF 81 Simdap 19M stinos Ans quessed g Anauny 28A8 UOIJE[NIOU] "SHONAIATAXA A AIAAS AAAINHUd —- “IUI à 5 Inoculation avec tumeur B, passant sur souris BaCl°, depuis le 29 octobre 08, le 44 décembre 08 à souris BaCP depuis le 5 oetob. OS, 3 tum. sur 5 | # souris NaQl depuis le 5 octob. 08, 1 tum. sur CANCER SPONTANÉ 135 et ainsi de suite jusqu’à une alimentation qui durait depuis plus de 3 mois. Nous avons ainsi créé des races différentes de tumeurs : tumeur K, tumeur Na, ete. Nous avons vu que certains de ces chlorures avaient une in- fluence empêchante sur le développement des tumeurs beaucoup plus marquée que d’autres. Parmi ceux dont nous nous sommes servi, ce sont le chlorure de sodium et surtout le chlorure de baryum. D’après les tableaux ci-joints, on peut voir que les pre- miers passages sont très difficiles sur les souris alimentées avec ces sels. Sur 5 souris inoculées, une seule tumeur se développe, Chez les autres souris, tout comme dans les expériences d'Haa- land, un petit nodule apparaît sous la peau quelques Jours après l'inoculation. Il augmente, puis subitement sa croissance s’ar- rête et il se résorbe. Même la tumeur qui se développe croît lentement et n’atteint pas un volume considérable. Cependant la tumeur B est arrivée à s’acclimater à ces sels, puisque, d’après les tableaux, on peut voir qu'avec le nombre des pas- sages, le pourcentage des succès et les dimensions des tumeurs augmentent. La tumeur B peut donc s'adapter peu à peu aux divers régi- mes salins qui, au début des passages, génent son développement et même à ceux qui ont l'influence empêchante la plus marquée. B. Est-ce que les tumeurs qui ont été acclimatées à un sel déterminé se laissent moins bien transplanter sur des souris ali- mentées avec un sel différent ? Comme le montrent les tableaux, ces expériences ont donné des résultats moins concluants. D'une façon générale, on peut dire que la tumeur B, acclimatée à un sel déterminé, passe avec un pourcentage moindre sur des souris dont l’organisme est saturé par un sel différent, quel que soit ce sel. III. — DEUXIÈME SÉRIE D'EXPÉRIENCES. MST ONNE RSR ES ST CEE — enr — — NaCl — RS) PE EC L2 _ Ep ares — normales - — 3 — — 514 — témoins — ENT Inoculation avec tumeur B passant sur souris NaCl depuis le 29 octobre 08, le 12 décembre 08. FE D 136 Imoculation avec tumeur B passant sur souris BaC!? depuis le 29 octobre 1908, le 23 février 1909. 4 souris BaCl2 depuis le 13 déc. 08, 3 tum. sur 4 Re PSC A. NOT EN Anr 4 — NaCl ee RO NN, 4 — normales — UE = Inoculation avec tumeur B passant sur souris BaCI° depuis le 29 octobre 1908, le 4: avril 1909. 5 souris BaCP depuisle 10 janv.09, 2 tum. sur 5 —_ Or _ — À — —$ÿ 5 — NacCl — A OSSS D — normales 2 5 Inoculation avec tumeur B passant sur souris BaCl? depuis le 29 octobre 4908, le 7 mai 1909. souris BaCI2 depuis le 42 fév. 09, # tum. sur 5 5 — SrCl2 ! 5 DNA CI 3 5 5 — normales — 0. — 5 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Inoculation avec tumeur B passant sur souris NaCl depuis le 29 octobre 1707, le 24 février 4909. 4 souris NaCI depuis le 13 déc. OS, 3 tum. sur 4 ST 12 (l = 4 — BaCl — NE NE # — normales — — 2? — Inoculation avec tumeur B passant sur souris NaCI depuis le 29 octobre 1908, le 2 avril 4909. 5 souris NaCI depuis le 10 janv. 09, 2 {um. sur à D SAST — == = 9 NX DM NPACERR ce RTS 5 5 — normales — TOURS sur souris mai 1909. Inoculation avec tumeur B passant NaCl depuis le 29 octobre 1908, le 7 5 souris NaCI depuis le 12 fév. 09, 3 tu. sur 5 RSC — Le DS LR j boul = OT RE, 5 — normales — NE Influence du chlorure de sodium sur le développement des tumeurs. — Adaptation de la tumeur à ce sel après passages suc- cessifs. — [noculation de cette tumeur à des souris alimentées avec des sels différents. Inoculation avec la tumeur B passant sur souris NaCI, depuis le 2 octobre. Le 12 décembre. — Résultats au bout de 1 mois. NaCl lemoins Sr Ci? BaCI£ 0 0 0 0 : 0 0 0 0 0 0 : RE ME OO Inoculation avec la tumeur B sur souris NaCIl. depuis le 29 octobre. Le 24 février. — Résultats au bout NaGl Ti Lérnorns de 1 mois. Sr GI? Ba CI? 0 0 fe el 0 ( CANCER SPONTANE 181 Inoculalion avec la tumeur B passant sur souris NaCIl, depuis le 25 octobre. Le ? avril, — Résultats au bout de 1 mois. NaCI téroins Sr CI? BaC/I? @ 9 po ê D ©? : ë 0 0 0 0 0 0) (0 (Q) (Q 0 ( Inoculation avec la tumeur B, passant sur souris NaCI, depuis le 25 octobre. Le 7 mai. — Résullats au bout de 1 mois. NaGlI terrains Sr CI* Ba CI? 0 p, ü f 0 mn : ( ( (0 Influence du chlorure de baryum sur le développement des tumeurs. — Adaptation de la tumeur à ce sel après passages suc- cessifs.— Inoculation de cette tumeur à des souris alimentées avec des sels différents. Inoculation avec tumeur B sur souris BaCE depuis le 29 octobre, Le 14 décembre. — Résultats au bout de 1! mois. BaCI? léroins Sr CI? NacGl é 9 8 ( 0 OO © D SNOW [æ] 138 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Inoculalion avec tumeur B, passant sur souris BaCl?, depuis le 29 octobre. Le 23 février. — Résultats au bout de 1 mois. Ba CI? lLémoins Sr CI? NaC| 0 (el 0 Inoculation avec tumeur B, passant sur souris BaCE2, depuis le 29 octobre, Le 1 avril. — Résultats au bout de 1 mois. BaCI: témoins SrCl? NaCl ( 8 0 û . 0 0 0 0 0 0 ! 0 Q Inoculalion avec tumeur B, passant sur souris BaCl?, depuis le 29 octotre. Le 7 mai. — Résultats au bout de 1 mois. Lerorns Sr CI Nacl BaCI* & ; CAT (l . @ ; (0 el 0 0 On peut voir dans les tableaux les résultats des inoculations des tumeurs acclimatées au chlorure de sodium et au chlorure de baryum, sur des souris alimentées avec d’autres sels. Dans ces expériences, les conclusions sont nettes : les tumeurs adaptées à un sel déterminé se laissent moins bien transplanter sur des souris alimentées avec un sel différent. Mais nous avons cons- taté, dans nos résultats, des variations qui peuvent s'expliquer, soit par le fait que dans nos expériences les souris n’avaient peut-être pas toutes ingéré en même quantité les solutions CANCER SPONTANE 139 salines qu’on leur donnait, soit par le fait que ladaptation des tumeurs à leurs sels respectifs n’était pas suffisante, Nos constatations suffisent en tout cas à expliquer les diffi- cultés que rencontrent les expérimentateurs, au début des ino- culations d’une tumeur aux souris d’un pays différent, et la possi- bilité pour eux d'adapter peu à peu cette tumeur à ces souris. Les variations du régime alimentaire, par des teneurs différentes en sels, doivent en être la cause. ACTION FAVORISANTE DES SELS DE POTASSIUM SUR LE DÉVE- LOPPEMENT DES TUMEURS Au cours de ces expériences, nous avons pu nous rendre compte que le chlorure de potassium avait une influence favori- sante sur le développement des tumeurs. Nous avons vu qu'il en était de même pour d’autres sels de potassium, tels que lio- dure, le phosphate, l’azotate, le carbonate et le sulfate. Le potassium aurait donc la propriété d'activer la croissance des tumeurs. Le tableau ci-joint montre que les divers lots de souris alimentées, à partir de la date d’inoculation, avec différents sels de potassium ont des tumeurs plus grosses que celles des souris témoins. Influence des sels de potassium sur le développement de tumeurs. Souris inoculées le 2 octobre 1909, avec la tumeur B el alimentées avec les solutions de sels de potassium de 5/1,000 à partir de cette date. Résultats au bout de 15 jours. Éémoirs KCI] KI PO#K*° S0*K? '. @ C4 j 0 ne. à g zrorles # : 0 0 z mortes 140 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Cette constatation serait en accord avec les résultats de Beebe. ‘Des analyses chimiques lui ont montré que la proportion de potassium était plus grande dans les tumeurs en activité de crois- sance que dans les tumeurs en dégénérescence. Le potassium serait donc le corps qui leur serait le plus utile pour se développer rapidement. Cette notion de l'influence favorisante du potassium sur le développement des tumeurs pourrait, semble-t-il, entraîner une tentative d'application pratique chez les cancéreux. En sup- primant le plus possible dans leur alimentation tous les sels de potassium, et en leur faisant ingérer de grandes quantités d'eaux chlorurées sodiques, puisque le chlorure de sodium a une action empêchante (nous ne pouvons pas penser au chlorure de baryum à cause de sa toxicité), on arriverait peut-être à ralentir la rapi- dité de croissance de la tumeur. Ce serait un essai à tenter. Ce fait doit attirer aussi l’attention sur la prudence avec laquelle il faut employer liodure de potassium et le chlorate de potassium dans le traitement des lésions buccales, pour les- quelles le diagnostic différentiel entre la syphilis et le cancer n’a pu être fait. ANALYSE CHIMIQUE DES TUMEURS Les résultats de Beebe nous ont amené à nous demander si les selsqui, dans nos expériences, entraient dans l’alimentation des souris et avaient une influence sur le développement des tumeurs étaient fixés par elles. Est-ce que les tumeurs qui, sous linfluence des sels de potassium, se sont développées plus rapidement que celles des souris témoins, contiennent dans leurs tissus une pro- portion de potassium plus grande que ‘ces dernières? Est-ce que les tumeurs qui, sous l'influence des sels de baryum et de sodium, se sont développées moins rapidement que celles des souris témoins, contiennent dans leurs tissus plus de baryum et de sodium que ces dernières ? M. Piettre a bien voulu se charger de faire l'analyse chi- mique de tumeurs de souris qui, pendant quarante jours, à partir de la date de lPinoculation, ont été alimentées avec différents sels. Il y avait un lot de souris alimentées avec le KCL, un lot avec le BaCI?, 1 lot avec le NaCI et 1 lot de souris témoins. CANCER SPONTANÉ 141 Nous le prions de recevoir ici nos vifs remerciements d’avoir efectué pour nous ce travail délicat. Voici le protocole de ses analyses : Témoins. Matière sèche à 110o : 2,857. Matière humide : 15,055. Eau : 12,198. Eau pour 100 : 81,04. \Matière sèche : 2,857, Cendres faites par calcination à basse température des 2,857 de matière sèche. Dosage du CI : on lessive les cendres avec de l’eau dislillée et on fait un volume de 125 c. c. Pour 75 c. c. de celte liqueur on recueille et pèse : 0 gr., 0196 de AgCl, ce qui fait 0,00799 de NaCI, et pour les 125 €. €. : 0,0133. Donc, 100 gr. de matière sèche, contiennent 0,465 de NaCI, et 100 gr. de matière humide, contiennent 0,088 de NaCI. INGESTION DE BaCI2. Malière humide : 7,880. Eau : 6,400. Eau pour 100 : 81,23. Matière sèche : 1,480. Cendres faites sur les 1 gr., 480 de matière sèche. On reprend par l'acide aitrique : aucun résidu. On fait un volume de 1% c. c. Recherche du baryum sur 45 €. C., néant. . INGESTION DE NaCI. Matière humide : 5,480. Eau : 1,035. Eau pour 100 : 81,11. Matière sèche : 1.035. Cendres faites sur la matière sèche : 1,035 à basse lempérature. Dosage du chlore. On lessive les cendres avec de l'eau distillée et on fait un volume de 125 £.c. Pour 75 c. €. de cette liqueur on recueille el pèse 0,0075 de AgCI, ce qui fait 0,0036 de NaCI et pour les 125 c. c., 0,0051. Donc, 100 gr. de matière sèche contiennent 0,49 de NaCI, et 100 gr. de matière humide conticonent 0,093 de NaCI. Dosage du potassium : 40 €. c. de la liqueur sont utilisés pour le dosage du potassium. On recueille el pèse le chloroplatinate de potassium. PtCI 2HCI : 0,0157. ds Les 125 c. c. de liqueur, contiennent 0,0081 de potassium, ce qui fait 0,002527 de potassium. Donc pour 100 gr. de matière sèche : 0,782 de potassium. Et pour 100 gr. de matière humide : 0,147 de potassium. INGESTION DE KC Matière humide : 25,7. Eau : 21,220. Eau pour 100 : 82,56. Matière sèche : 4,480. Cendres à basse température. On fait un volume de 1% c. €. Dosage du chlore sur 75 c. c. de cette liqueur, on recueille et pèse 0,0401 de 0,0401 de AgCI, ce qui fait 0,01636 de NaCI. Donc, pour 100 gr. de matière sèche : 0,607 de NaCI, pour 100 gr. de metière humide : 0,105 de NaCI. Dosage du potassium. On recueille et pèse PtCI* 2HCI, dans ses 50 c. c. de liqueur. PICI4 2HCI : 0,083. Ce qui fait : 0,01336 en potassium. 142 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Donc, pour 100 gr. de matière sèche 20,745 de K, pour 100 gr. de matière- humide : 0.129 de K. Il résulte de ces analyses : 19 Que la teneur en eau des tumeurs est invariable et la moyenne de cette teneur en eau est égale à 81,48 0/0; 29 La teneur en NaCI est la même, aux erreurs d'expériences. près. Dans l’expérience avec KCI, légère augmentation du NaCI (0,607) qui tient sans doute à une plus grande quantité de sang dans les tumeurs; 30 La teneur en potassium est sensiblement la même : 0,782 et 0,745; 49 La présence du baryum n’a pas été constatée dans les. tumeurs des souris qui avaient ingéré du chlorure de baryum. Ces sels n’agissent donc pas sur le développement des tumeurs en se fixant dans leurs tissus. Ces résultats au point de vue du potassium paraissent en désaccord avec ceux de Beebe. Peut-être cela tient-il à ce que nos analyses ont été faites sur des poids de tumeurs très réduits. II est possible qu’on arrive à des conclusions différentes en opérant sur des masses cancéreuses plus considérables. On peut, en tout cas, tirer de ces recherches les conclusions suivantes : 19 La tumeur B, qui est inoculée à des souris normales avec des succès de 90 à 100 0 /0,ne passe plus qu'avec un pourcentage inférieur à 50 0/0 sur des souris soumises pendant 3 ou # mois au moins à un régime alimentaire salin différent; 20 La tumeur B peut s'adapter peu à peu à un régime salin déterminé. Diminuée dans les premiers passages, la proportion des succès augmente à mesure que la tumeur est transplantée sur* des souris alimentées avec un même sel, mais, à part quelques. exceptions, elle n’est pas aussi élevée que celle obtenue par lino- culation de la tumeur B originelle sur des souris normales ; 39 Certains sels, comme le chlorure de sodium et le chlorure de baryum, ont une influence défavorable sur le développement des tumeurs; 4° Les sels de potassium ont une influence favorable sur le: développement des tumeurs. STADES ENDOGLOBULAIRES DES TRYPANOSOMES (avec la planche D) pAR ‘A. CARINI Travail de l’Institut Pasteur de Saint-Paul (Brésil) et du laboratoire de M Mesnil à l'Institut Pasteur de Paris. Les trypanosomes étaient considérés, il ÿ a peu de temps encore, comme les vrais types des parasites du plasma. En effet, ils avaient été toujours trouvés libres dans les humeurs de lorga- nisme et spécialement dans le plasma sanguin. Mais à la suite de ses bellesrecherchessur les parasites du sang de l’Athene noctua, ScHAUDINN (1)a affirmé que les trypanosomes peuvent passer par des états de développement endoglobulaire. Les idées de ScHAUDINN, qui révolutionnaient nos connaissances sur les trypanosomes, n’ont pas été acceptées par la plus grande partie des observateurs, d'autant plus que les faits sur lesquels ScHAUDINN basait ses opinions n’ont pas encore été confirmés. Depuis lors, on a discuté beaucoup sur les relations qui exis- tent entre les parasites intracellulaires et les trypanosomes, et malgré les progrès de nos connaissances sur le développement des piroplasmes et des Leishmania, la question est encore vive- ment débattue et nombre de morphologistes continuent à croire qu'il y a une grande distance entre les Flagellés et les Hémo- cytozoaires. Nous croyons que les faits que nous avons observés sont de erande valeur pour résoudre une question si importante; ils re- présentent une nouvelle preuve en faveur des opinions soutenues par ScHAUDINN, c’est-à-dire qu'il existe une relation génétique entre les flagellés et les hématozoaires intracellulaires. Au cours d’une longue série d’observations sur les para- sites du sang de la grenouille commune du Brésil, Leptodactylus ocellatus, nous avons souvent retrouvé, à l’intérieur des globules rouges, des corpuscules, dont linterprétation nous a été d’abord assez difficile, mais que, à présent, nous considérons comme des trypanosomes endoglobulaires. La richesse du matériel récolté nous permet de démontrer, de manière à ne laisser aucun doute, que plusieurs trypanosomes du ZLeptodactylus ocellatus, (1) SCHAUDINYX, Generations-und Wirtswechsel bei Trypanosoma und Spirochæte, Arb. a. d. Kais. Gesundheïtsamte, t. XX, 1904. 144 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ccellatus, présentent une phase de leur existence à l’intérieur des globules rouges. Nos observations portent sur des trypanosomes appartenant sûrement à diverses espèces, mais le développement endoglobu- laire se fait à peu près dela même manière pour toutes les espèces; il n’y a que de petites différences dans les dernières phases. Nous ferons d’abord une description générale. Le premier stade que l’on observe est représenté par un petit corpuscule réfringent rond, de 2-3 , de diamètre, situé à l'in- térieur des hématies. Les hématies ainsi parasitées sont parfois très nombreuses. Dans les préparations colorées par le Giemsa, le Leishman, et par l’hématéine, ce corpuscule présente nettement les réac- tions colorantes de la chromatine. Au commencement, lhématie-hôte ne présente pas d’alté- rations; le parasite semble alors n’être constitué que par son noyau, plongé dans le protoplasme hémoglobinique de lhématie. A un état un peu plus avancé, on voit que, autour du cor- puscule de chromatine, s’est formé comme une sorte de voile très fin, qui s'étend peu à peu à la surface de l’hématie, jusqu’à l’en- velopper entièrement. Ce voile prend des rapports de plus en plus intimes avec le protoplasme de l’hématie et semble se confondre avec lui. La substance qui forme ce voile, d’abord très mince, se colore en gris-bleuté; mais, à mesure qu’il s’épaissit, sa colora- tion devient de plus en plus bleue. Sa croissance semble se faire aux dépens du protoplasme de l’hématie, qui finit par disparaître. Tandis que, tout d’abord, le voile enveloppe uniformément tout le globule, à mesure qu'il croît, il tend à se condenser d’un seul côté, de manière qu'il y a généralement un moment où nous trouvons le noyau de l’hématie refoulé d’un côté, et de l’autre côté, un protoplasme coloré en bleu, dans lequel on reconnait la masse de chromatine, qui est devenue un peu plus grande. On pourrait se demander d’où proviennent ces noyaux, que nous envisageons comme les premiers états du développement endoglobulaire des trypanosomes? Nos observations ne nous fournissent aucune donnée positive pour répondre à cette ques- tion, mais une hypothèse nous paraît probable. On pourrait ad- mettre que les trypanosomes sont inoculés à nos grenouilles par des hôtes intermédiaires, sous forme des sporozoïtes, et que TRYPANOSOMES ENDOGLOBULAIRES 145 ceux-ci, pénétrés dans les hématies, deviennent nos parasites endoglobulaires. L'étude du développement des trypanosomes chez les hôtes intermédiaires, pourra donc résoudre la question. Chez nos Leptodactylus, l'hôte intermédiaire probable est une petite sangsue, qui était très fréquente dans le petit marécage où nous avons pêché la plus grande partie de nos grenouilles. Lorsque le parasite endoglobulaire est arrivé à la phase de développement que nous avons décrite, l’hématie est déjà si alté- rée que, si on n’avait pas pu suivre toutes les transformations, il serait impossible d’en reconnaitre la véritable nature (1). Son noyau apparaît hypertrophié et dans le protoplasme il n’y a plus trace d’hémoglobine. Dans quelque cas, il semble que les hématoblastes peuvent aussi être parasités. Plus tard, on reconnait facilement que l’amas de chromatine n’est autre chose que le noyau d’un parasite intracellulaire, dont le corps protoplasmique s’est individualisé autour de lui aux dépens de la masse bleue qui l’entourait. Cette dernière phase du développement varie un peu suivant Fespèce du trypanosome; elle doit se faire en tous cas rapide= ment; ainsi, nous n’avons jamais pu saisir à quel moment exact apparait dans le protoplasme un petit grain chromatique (blé- Fe - pharoplaste) et s’il provient directement du noyau. Ce qui nous a persuadé qu'il fallait sérier ainsi les états endo- globulaires observés et non en sens contraire, en admettant, par exemple, qu'un trypanosome adulte vient envelopper une hématie, et peu à peu se confondre avec elle, a été spécialement Pobservation suivante : Le 21-I1-08, nous avons examiné le sang d’un Leptodactylus qui contenait de nombreuses hématies peu altérées et renfermant les petites masses de chromatine à côté du noyau. Le jour suivant, les hématies infectées sont encore très (1) Dans les cas que nous avons étudiés, on trouve souvent des hématies, qui, bien que non parasitées, présentent un protoplasme sans hémoglobine, qui se colore en gris bieuté et même en bleu. Ce sont là des hématies très jeunes ou des hématoblastes, Il faut observer que beaucoup de nos grenouilles étaient manifestement malades et dans un état anémique très avancé; leur sang était pâle, lavé et souvent, pour obtenir les quelques gouttes nécessaires pour faire plusieurs lames, il fallait sacrifier Ia gre- nouille, puisqu'il ne suffisait plus de couper la veine ranine située à la racine de la langue, au pavé de la bouche. L'état de forte anémie dans lequelse trouvaient nos gre- nouilles, due à la destruction d’un grand nombre d'hématies, explique la présence de beaucoup de globules rouges jeunes et très pauvres en hémoglobine: leur polychro- matophilie, elle aussi, explique leur extrême labilité. Dans beaucoup de nos prépara- tions, quoique faites avec du sang retiré de l’animal vivant et aussitôt fixé, les globules rouges étaient altérés et comme en voie d’hémolyse. 10 146 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR nombreuses, elles sont déjà plus altérées et les parasites endo- globulaires se sont développés bien davantage. L'examen du sang, répété le 23,a montré, à côté des nombreuses hématies parasitées, un nombre considérable de grands trypanosomes libres dans le plasma. Nous venons de tracer rapidement les phases du développe- ment endoglobulaire que nous avons observées; nous passerons maintenant en revue les diverses espèces de trypanosomes chez lesquelles nous avons constaté ce développement. l. Formes endoglobulaires globuleuses du Tryp. sp? — Nous avons trouvé plusieurs fois dans le sang de la grande circulation ces trypanosomes endoglobulaires. Mais ils étaient particulière- ment nombreux dans un cas, et c’est là que nous avons rencontré les parasites dessinés dans notre planche de la figure 1 à la figure 9. Ce sont des trypanosomes ronds ou légèrement ovales, de 10-15, de diamètre, dont le protoplasme se colore en bleu mtense. Lenoyau est arrondi et près de lui on trouvele blépharoplaste coloré en rouge plus intense que le noyau. Dans ces formes endo- globulaires, nous n’avons pas vu trace de membrane ondulante, ni de flagelle, ni de rhizoplaste, comme on en observe chez les Leish- mantia.Mais nous considérons ces formescomme des trypanosomes jeunes, encore incomplètement développés. Beaucoup de ces trypanosomes endoglobulaires sont en voie de multiplication par division longitudinale. Celle-ci commence par la division du blépharoplaste, suivie peu après de la division du noyau et finale- ment de celle du protoplasme. Nous avons déjà dit comment, en suivant les différents états de développement des parasites endoglobulaires, il est facile de se persuader que les cellules hôtes sont dans leur majorité des globu- les rouges. Admettons pour un moment qu’il n’en soit pas ainsi, et admettons que les cellules hôtes soient des leucocytes. Ne se- rait-il pas alors plus logique de penser à un simple fait de phago- cytose ? La réponse ne nous paraît pas douteuse pour plusieurs raisons : d’abord, les trypanosomes endocellulaires sont tous en très bon état, ce qui ne pourrait pas être s'ils étaient phagocytés, et par conséquent en train d’être digérés. Ensuite la présence de formes petites et grandes à différents TRYPANOSOMES ENDOGLOBULAIRES 147 degrés de développement, et finalement les nombreuses formes de multiplication nous semblent parler trop contre une telle hypothèse. A côté de ces formes, il y avait aussi dans les pré- parations des trypanosomes libres avec membrane ondu- lante. II. Formes endoglobulaires du Tryp. sp? (PL I, fig. 10, 11, 12, 13).— TI s’agit d’un trypanosome très semblable, simon iden- tique au précédent. Le développement se fait comme chez le pré- cédent, mais les formes libres sont plus nombreuses et on assiste ici à la transformation des formes rondes en formes longues effilées que les trypanosomes présentent d'ordinaire. Les formes rondes deviennent allongées à la suite des deux sillons qui se forment de chaque côté du corps, Fun en avant du blépharoplaste et Pautre en avant du noyau, exactement comme c’est indiqué dans les figures 13 et 14 de notre planche. Dans les préparations bien colorées, le trypanosome présentait une particularité qui nous semble digne d’être mentionnée et que nous n’avons jamais observée chez d’autres trypanosomes, c’est la présence d’un long et fin pseudopode, semblable à un flagelle et souvent situé à extrémité antérieure. ILE. Formes endoglobulaires du Trypanosoma karyozeukton (?) (PL. I, fig. 14, 15, 16). — Dans les premiers états de dévelop- pement, on note que le noyau de lhématie est refoulé à une extré- mité et à l’autre se place le noyau du trypanosome. Entre celui-ci et le noyau de l’hématie, il y a presque constamment une vacuole. Le trypanosome étant très grand, remplit de bonne heure toute la cellule-hôte et il en sort assez tôt, de manière qu'il est difficile de rencontrer dans les préparations de trypanosomes déjà bien développés et encore à l’intérieur des cellules. Nous avons trouvé un cas extraordinairement riche de ces formes; presque toutes les hématies étaient parasitées et les for- mes libres en voie de formation étaient excessivement nom- breuses, surtout dans les frottis faits avec la rate et le foie. Dans ces frottis, il y avait à peu près autant de trypanosomes que de cellules. Dans ces préparations, on notait une extrême variété de for- mes : grandes formes de trypanosomes tvpiques (fig. 14) et petites (fig. 16); d’autres, qui nous semblent appartenir à la même espèce, mais se présentent sous un aspect tout différent 148 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR (fig.15),soit par la disposition spéciale du corps du trypanosome, soit par sa coloration bien plus intense. II faut noter encore des formes extrêmement pâles (fig. 16 a), chez lesquelles on ne voyait pour ainsi dire que le blépharoplaste, le noyau et le flagelle. Les formes toutes jeunes semblent constituées par un protoplasme presque sans membrane, tellement ses contours sont peu nets. Dans la figure 16 de notre planche, nous avons cherché à donner une idée de la variété de formes que l’on rencontre dans un champ microscopique. IV. Formes endoglobulaires d’un trypanosome semblable au Tryp. rotatorium. — Nous citons aussi ce trypanosome parmi ceux qui présentent des formes endoglobulaires. Mais dans son développement, nous n’avons rien noté qui soit digne d’être signalé (1). V. Formes endoglobulaires du Trypanosome leptodactyli (fig. 17 à 28). — De ce trypanosome, nous avons rencontré sur- tout les premières phases, qui correspondent à celles déjà décrites. Dans quelques préparations, il nous a paru que le trypa- nosome sort du globule rouge sans flagelle, et sous une forme qui pourrait très facilement être confondue avec un Drepanidium (fig. 24). Ce n’est qu'ensuite qu’on voit apparaître près du noyau le blépharoplaste (fig. 25), qui s’éloigne de plus en plus, s’appro- chant de l’extrémité postérieure. Plus tard, on voit aussi le fla- gelle qui longe une membrane ondulante, qui est d’abord peu développée et sans plis. Nous avons pu noter cette curieuse transformation seulement dans un cas et sur deux préparations. Elle serait une confirmation de l’observation de BILLET (2) qui prétend aussi avoir vu les Dre- panidiums se transformer en trypanosomes. Dans le même cas, nous avons vu des trypanosomes adultes, qui semblent bien à l'intérieur des globules rouges (fig. 22, 23). Malgré la difficulté que l’on rencontre toujours dans des cas analogues lorsqu'il s’agit de dire si un parasite est à l’intérieur d’une hématie ou lui (1) A. CARINI, Um novo trypanosoma do Leptodactylus ocellatus. /fiv. med. de S, Paulo, 30 nov. 1907. (2) Bizrer, Sur le Trypanosoma inopinatum de la grenouille verte d'Algérie, et sa relation possible avec les Drepanidium, C. R. Soc. de Biol., Séance 23 juillet 190%. Dernièrement FRANGA signalait un dimorphisme nucléaire dans l’évolution schizogonique de l’Ææmogregarina splendens. FRANcA, Quelques notes sur | Zæmogre- grina splendens (Labbé). Arch. do Inst. Bact. Camara Pestana, t. V1, fase. IT, 1908: TRYPANOSOMES ENDOGLOBULAIRES 149 est simplement accolé, nous croyons que, dans notre cas, les try- panosomes se trouvent réellement à lintérieur, parce que, à l'examen à l’état frais, nous avons vu une fois un trypanosome semblable doué de mouvements assez vifs à l’intérieur d’un globule. On voyait nettement que le trypanosome touchait dans ses mouvements la paroi interne de la membrane globulaire. Bien que persuadés que ces trypanosomes se trouvaient réellement à l’intérieur des hématies, nous doutons qu'ils aient fait leur développement dans l’hématie même qui les contient, parce que celle-ci apparaît très peu altérée. VI. Formes endoglobulaires du Trypanosoma Lewisi (PE 1, fig. 29, 30, 31). — Un jeune rat (Mus decumamus), tué à l’Institut de Saint-Paul et examiné tout de suite après, présentait dans le sang une très grande quantité de trypanosomes, morphologi- quement identiques au Trypanosoma Lewis. Ayant fait des frottis avec le sue des différents organes, et spécialement du foie, notre attention a été attirée par certains trypanosomes qui apparaissent enroulés sur eux-mêmes, presque toujours de la même façon. L’espace occupé alors par le parasite correspond à la grandeur d’une hématie. Dans certains cas, ilnous a paru voir ces trypano- somes comme enveloppés dans une fine membrane rougeâtre : quoique très rarement, on rencontre des trypanosomes à l'in- térieur d’hématies. Nous pensons qu’il pourrait s’agir ici aussi de trypanosomes arrivés au dernier état de leur développement endoglobulaire, mais nous ne pouvons l’affirmer d’une façon sûre, puisque ici nous n'avons pas vu les états intermédiaires. D’autres recherches dans ce sens pourront peut-être éclaircir cette question. Bien que ce soit la première fois, après les mémorables recher- ches de ScHAupiNw, que l'existence de formes endoglobulaires de trypanosomes soit prouvée d’une facon qui nous parait abso- lument indiscutable, il est juste de rappeler que d’autres obser- vateurs ont cru avoir observé le même fait. NissLe (1), en 1905, dit avoir observé une fois dans le sang d’un rat infecté de trypanosomes, un mégaloblaste dans lequel on reconnaissait clairement les contours d’un trypanosome sans flagelle, avec un noyau un peu pâle, et avec un centrosome bien (1) A. NISsrE, Beobachtungen am Blut mit Trypanosomengeunpfer. Tiere. Arch. y MIDEM0905p 41817 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rouge. Mais le même auteur enlève toute importance à son obser- vation, puisqu'il avoue avoir vu des corpuscules très sem- blables chez des animaux non infectés. Hüunez (1) aussi, en étudiant le 7rypanosoma congolense, affirme avoir vu dans un eas des trypanosomes pénétrer dans les globules rouges. Mais il était tout naturel que l’on n’ait pas attribué de lim- portance à ces observations isolées, qui pouvaient bien être le résultat d’une interprétation erronée. Nous pouvons citer ici encore l'observation de MEsxiL et Brimonr (2), qui ont vu des parasites voisins des trypanosomes à l’intérieur des globules; ils ont créé pour eux un genre nouveau Endotrypanum. Et finalement, nous rappellerons que CHAGAS a signalé des formes endoglobulaires de son T'rypanosoma Cruzi, qu'il a récem- ment rencontré au Brésil, mais jusqu’à présent, il n’a pas encore publié les détails morphologiques. Il nous semble que les figures 94, 95, 96, 98 (Planche XXIX), du travail de Durron, Topp et ToBry (3) et indiquées comme parasites indéfinis, ressemblent beaucoup à celles que nous avons observées et doivent être probablement interprétées, de la même facon, comme des trypanosomes endoglobulaires. CONCLUSIONS. De nos observations, résulte donc, d’une façon qui nous parait absolument sûre, que plusieurs tryÿpanosomes du sang du Leptodactylus ocellatus peuvent passer une phase de leur vie à l'intérieur des hématies. Dans les premiers états de leur développement endoglobu- laires, ces trypanosomes ne possèdent pas trace de leur caracté- ristique appareil de locomotion (blepharoplaste, flagelle, mem- brane ondulante). À cet état-là, il serait done impossible de les différencier des hémocytozoaires proprement dits, et cela vient à l'appui des idées de ScHaAupinn qu'il y a une parenté très étroite entre trypanosomes et hémocytozoaires. (1) Houxer, Ueber Trypanosoma congolense. Reihefte £. Arch. f. Schijis u. Tropenhygiene, juin 1908. Bihefte 3. (2) MEswiz et BRIMONT, Sur un hématozoaire nouveau (Endotrypanum n. gen.) d'un Edenté de Guvane, C. R. Soc. Biol., t. LXV, p. 581. (3) Durrox, Topp et Torgv, Concerning certain parasitic protozoa observed in Africa, Ann. of. trop. Med. a. Par., t. I, fig. 3, 1907. TRYPANOSOMES ENDOGLOBULAIRES 151 EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fig. 1 à 9. — Développement fendoglobulaire ‘d’un |trypanosome (sp?) à forme ronde. cri Fig. 10 à 11. — Formes endoglobulaires d’un autre trypanosome, qui une fois libre se transforme en trvpanosome de forme typique. (Fig. 12, 13). Fig. 14. — Trypanosome semblable au Trypanosoma karyoseuk:ton. Fig. 15. —- Forme plus colorée, avec corps disposé d’une autre façon, que lon ren. contre avec les précédentes. Fig. 16. -— Aspect d’un champ microscopique dans un cas avec beaucoup de trypa- nosomes : a) grand Trypanosome se colorant faiblement; b) petite forme; c-d) formes à différents états de développement et paraissant encore à l’intérieur d'hématies très altérées: e-f) formes jeures endoglobulaires. Fig. 17 à 28. — Tryp. leptodactyli. Fig. 17 à 20. — Divers stades de développement endoglobulaire. Fig. 21. — Hématie ratatinée et comme vide. Fig. 22 et 23. — Formes adultes, à l’intérieur des hématies, assez bien conservées, Fig. 24 à 28. — Transformation des formes semblables à Drepanidium en Tryp leptodactyli typiques. Fig. 29-30. — Tryp. lewisi (?) enroulés et paraissant à Pintérieur des hématies. Fig. 31. — Hématie normale de rat. SUR QUELQUES PARASITES SEMBLABLES À DES BACILLES RENCONTRES DANS LES HEMATIES DU‘ LEPTODACTYLUS OCELLATUS ”. (avec la planche IT). PAR A. CARINI Travail de l'Institut Pasteur de Saint-Paul (Brésil) et du laboratoire de M. Mesnil ‘à l’Inst. Pasteur de Paris. ES A l’occasion de nombreux examens du sang, que nous avons pratiqués pendant ces dernières années chez la grenouille com- mune du Brésil, Leptodactylus ocellatus, capturée dans les environs de Saint-Paul (Brésil), nous avons trouvé assez souvent, spéciale- ment dans les mois d’été, des parasites des globules rouges, qui, par leur forme, ressemblent beaucoup à des bacilles. De ces parasites, les uns se rapprochent assez, comme nous le verrons, de ceux déjà rencontrés chez les grenouilles d'Europe (KRUSE, LABBÉ, GARRITCHEWSKY, LAVERAN, ZIEMANN, Fix- KELSTEIN, etc.,) et que M. LAvErANx a classés parmi les bactéries, sous le nom de Bacillus Krusei; les autres doivent être considérés comme étant probablement des protozoaires et ne nous semblent pas avoir été encore décrits. Ceux-c1 sont des éléments en bâtonnets, avec les extrémités arrondies, mesurant 1,5-3,5 u de longueur pour 0,5,-1,5 u de largeur, situés à l’intérieur des globules rouges. Les éléments pa- rasitaires ont un siège variable à l’intérieur des hématies; tantôt ils sont placés près du noyau, tantôt près de la périphérie. La plupart de ces corpuscules sont en bâtonnets (fig. 1,2), et ressem- blent beaucoup pour la forme à des bacilles, mais il y en a de fusiformes, d’ovales (fig. 3), et même d’arrondis. Dans les préparations colorées par le Giemsa et le Leishman, on réussit à différencier nettement un protoplasme et un noyau. Le protoplasme se colore en bleu pur, assez foncé; à son inté- rieur, On voit le noyau, qui prend une teinte vive de rouge- rubis. Celui-ci, arrondi ou ovalaire, est ordinairement unique et situé vers le centre du parasite, dont il occupe tout le diamètre, LEPTODACTYLUS OCELLATUS 153 Plus rarement, le noyau est situé à l’un des pôles: il peut aussi exister deux noyaux, qui sont souvent situés aux deux pôles (fig. 4). On observe encore des parasites chez lesquels la substance chromatique du noyau, au lieu d’être condensée en un ou deux blocs à contours bien nets, apparait en voie de division ou comme diffuse dans le protoplasme (fig. 5). Beaucoup de ces formes bacilloïdes sont isolées, mais souvent on les trouve deux par deux, situées parallèlement lune à l’autre (fig. 6) (division longitudinale?). Un fait curieux, c’est que de ces deux formes, l’une est généralement beaucoup plus petite que l’autre. Il est plus rare de trouver des éléments placés l’un derrière l’autre, et se touchant par une extrémité (division transversale?) (fig. 7). Dans la même hématie, on peut trouver plusieurs de nos para- sites, mais il est rare d’en voir plus de 3 ou 4. L’hématie parasitée ne présente pas d’altérations:; le noyau n’est pas déplacé. Où doit-on classer ce parasite? On serait d’abord tenté de le considérer comme un bacille, mais si lon tient compte de la belle coloration qu'il prend par le Giemsa et le Leishman (proto- plasme bleu, noyau rouge-rubis) ; de sa situation toujours endo- globulaire; du fait qu'il se trouve toujours isolé et non par groupes: de l’assez grande variété des formes (ronde, ovale, en bâtonnet); des dimensions, etc., il nous semble bien plus pro- bable qu'il s’agit là d’un protozoaire. Nous crovons aussi avoir observé d’autres faits, qui parle- ralent contre la nature bactérienne de ces corpuscules. Dans certaines préparations, colorées par le Giemsa et le Leishman, nous avons cru voir nos éléments bacilloides augmenter de volume (fig. 8) et se transformer en amas de très petits bâtonnets (fig. 9, 10,11).Ce seraient ces petits bâtonnets, qui iraient infecter de nouvelles hématies et se transformeraient ensuite en éléments bacilloïdes identiques à ceux que nous avons décrits. Il va sans dire que, s’il existe réellement un tel mode de mul- tiplication (schizogonie), il serait définitivement établi que nos parasites sont des protozoaires, et nous aurions déjà des données positives pour leur classification. Malheureusement, nous ne pouvons garantir Fabsolue exactitude de cette interprétatien parce que, dans nos préparations, à côté des formes que nous 154 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR avons décrites, il y avait d’autres parasites (infection multiple) dont quelques-uns se présentent aussi sous la forme d’amas de bacilles. Puisque lhypothèse de la nature bacillaire de nos parasites, quoique peu probable, ne peut pas être éliminée d’une facon sûre, nous proposons de les désigner pour le moment sous le nom d'éléments bacilloïdes. # *X * Associées aux éléments bacilloïdes que nous venons de dé- crire, nous avons souvent observé des formes bacillaires groupées en amas (1). Ceux-ci peuvent se présenter sous des aspects un peu différents, qui ne sont peut-être que des états successifs de développement. Chez quelques-uns de nos Leptodactylus, nous avons observé des amas d’éléments, très semblables à des bacilles, situés presque constamment à l’intérieur des hématies. Leurs dimensions cor- respondent à peu près à celles des plus petits bacilles. Les amas sont composés d’un assez grand nombre d’éléments, 20-100 et plus, situés l’un à côté de l’autre, sans ordre et pas très serrés (fig. 12, 13). Ces éléments ne sont pas toujours en formes de bä- tonnets: on en observe aussi d’arrondis, très semblables à des microcoques (fig. 14). Par le Giemsa et le Leishman, ils prennent une coloration bleu-rougeâtre. Une fois, nous avons trouvé ces corpuscules en nombre particulièrement considérable dans les frottis du sang du rein. D’autres fois, les bacilles forment des amas plus compacts, arrondis, avec des bords bien nets, qui semblent comme placés à l’intérieur d’une vacuole, puisqu'on aperçoit un espace clair autour d’eux (fig. 15). [ls prennent une coloration plus bleue que les autres groupes. Le noyau de l’hématie parasitée est souvent un peu déplacé. | Ces formes se rapprochent beaucoup de celles que M. LaAve- RAN à dénommées Bacillus Krusei, mais ils sont spécifiquement différents, puisqu'ils sont plus minces et plus courts que les (1) En appelant ces éléments « formes bacillaires » ou bacilles, nous ne voulons pas nous prononcer sur leur nature véritable, nuisqu’il ne nous parait pas suflisammen t démontré qu'il s’agit là de bacilles. LEPTODACTYLUS OCELLATUS 155 B. Krusei, comme nous avons pu nous persuader en comparant nos préparations avec celles que M. LAVERAN nous a très aima- blement montrées. Nous nous sommes posé la question de savoir, s’il s’agit de bacilles, de quelle manière ils pénètrent à l'intérieur des globules, mais nous n'avons pas réussi à la résoudre. #74 A côté de ces formes, nous avons encore observé dans les hé- maties, des corpuscules particuliers, qui parfois semblent aussi formés par des bacilles. Il s’agit de corpuscules que l’on voit à l’intérieur des globulesrouges et, qui par le Giemsa et le Leishman, prennent toujours une coloration rougeâtre, sans que l’on puisse déceler un noyau. De dimensions assez variables, ils peuvent même attendre la grandeur du noyau de lhématie (fig. 16). Ils sont irrégulièrement ovales (fig. 17); souvent, de leur masse principale, partent de fins prolongements assez longs (fig. 18, 19, 20). Ces corpuscules ne se colorent pas uniformément, mais certains endroits sem- blent plus colorés que d’autres, de manière que la surface parait comme plissée; alors, on a l'impression d’avoir à faire à un amas de bacilles situés parallèlement les uns aux autres et très serrés. Souvent, le corpuscule apparaît comme fendillé en petites bandes minces et alors la ressemblance avec des amas de bacilles est en- core plus grande. Ces formes correspondent à certaines de célles qui ont été décrites chez les grenouilles d'Europe sous le nom de Cytamæba, mais aujourd'hui on ne saurait accepter cette interprétation, puisque les corps en question ne présentent ni noyau, ni une structure bien définie, ni les réactions colorantes des protozoaire. LABBÉ et GaBriTcHEWsky ont interprété les fins prolonge- ments que nous avons décrits, comme étant des bacilles parasites du protozoaire, d’où le nom de Cytamæba bacterifera qu'ils luiont donné. Durrox, Top» et Togey (1) ont vu les mêmes parasites dans le sang de certains batraciens de l'Afrique, et ils donnent des figures qui correspondent à celles que nous avons observées (2). (1) Durrox, Topp et Torey, Concerning certains parasitic protozoa observed in Africa, Ann. of trop. med. u. Paras., t. I. fig. 3. (2) Loc. cit., pl. XXIX, fig. 100 à 115. 156 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Comme nous lavons dit au commencement, chez nos gre- nouilles, existaient, en même temps que les parasites décrits, plu- sieurs autres, ainsi que hémogrégarines, trypanosomes et filaires. Parfois, les grenouilles paraissaient très malades, et alors on trouvait facilement des hématies altérées, tachetées (fig. 21). Conclusions : Parmi les hémoparasites du Leptodactylus ocellatus, se ren- contrent : 19 Des éléments bacilloides, qui sont probablement de nature protozoaire : 20 Des amas de petits bacilles assez analogues au Bacillus Krusei, mais plus minces et plus courts et, pour cette raison, spé- cifiquement distincts: 39 Des corps spéciaux, décrits par quelques auteurs comme Cytamæba, qui ne présentent ni le novau, ni les réactions colo- rantes des protozoaires,et quipeuvent dans certaines circonstances ressembler à des amas de bacilles. | LÉGENDE DE LA PLANCHE II GLOBULES ROUGES DE LEPTODACTYLUS OCELLATUS 1-2-3. Corps bacilloïdes, en bâtonnets. ovales, arrondis. 4. Corps bacilloïde avec deux noyaux situés aux pôles. 5. Corps bacilloïide avec chromatine en voie de division. 6. Deux corps situés parallèlement (division longitudinale ?). 7. Deux corps situés l’un après l’autre (division transversale ?). 8. Corps bacilloïde augmenté de volume. 9-10-11. Corps bacilloïdes se transformant en amas de petits bâtonnet:. 12-13-14-15. Amas de bacilles semblables aux Bacillus Kruser. 16-17. Formes ovales appelées Cytamæba. 18-19-20. Mêmes corps présentant des prolongements. 21. Même forme : aspect d’un amas des bacilles. 22. Globules rouges tachetés. SUR UNE MOISISSURE QUI CAUSE UNE MALADIE SPONTANÉE DU “ LEPTODACTYLUS PENTADAC- TYLUS ” (avec la planche IT). PAR A. CARINI. ‘(Travail de l’Institut Pasteur de Saint-Paul (Brésil) et du laboratoire de M, Mesnil, à l'Institut Pasteur de Paris.) L'année dernière, nous avions, à l’Institut Pasteur de Saint- Paul, dans un petit aquarium, de nombreux Leptodactylus pen- tadactylus dont nous avons étudié les parasites du sang. L'un d’eux étant mort, nous avons pratiqué son autopsie et nous avons remarqué que, dans les poumons et les reins, il y avait de petits nodules, de couleur blanc- jaunâtre, de la grosseur d’une tête d’épingle environ. Ces nodules étaient assez résistants, ne se laissaient écraser qu'avec une certaine difficulté. Plus tard, d’autres Leptodactylus sont morts et nous avons souvent retrouvé Fig. 1. — Coupe du poumon avec quatre lubercules. les mêmes lésions plus ou moins étendues. Les tubercules s’observent de préférence aux poumons et à la surface des reins, (fig. 1 et 2), mais ils peuvent se présenter aussi au péritoine, à la 158 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rate, au foie. Ayant examiné entre lame et lamelle quelques- uns de ces nodules, après dilacération et après lés avoir traités par la solution de potasse, nous y avons noté la présence constante d’une moisissure. Celle-ci se présente dans les tissus sous la forme de filaments et de spores. Les premiers sont de couleur jaunâtre, cloisonnés, d’un diamètre moyen de 44. Is portent souvent à leurs extrémités des spores. Celles-ci sont nombreuses, quelquefois isolées, mais le plus souvent, paraissant groupées par 2 ou 4, étant en réalité multilaculaires, à 2 et à 4 loges. (PI. IIT, fig. 2.) Fig. 2. — Anse d’un rein avec très nombreux tubercules. A un fort grossissement, on voit à la surface de certains fila- ments et des spores des aspérités. La forme des spores correspond à celle que lon observe chez les Macrosporium où nous pouvons ranger provisoirement notre ll l 8 champignon (1). (4) En comparant notre champignon avec une culture de Macrosporium com- mune, qui nous a été aimablement donnée par M. PINOY, nous avons noté une très grande ressemblance; mais une classification exacte ne sera guère possible que lorsque nous aurons réussi à chtenir des cultures. LEPTODACTYLUS PENTADACT Y LUS 199 Nous avons cherché à faire des cultures sur les milieux de Sasouraup et de Lurz-SPLENDORE (ergot de seigle) en y ense- mençant de petits morceaux de tissus pathologiques. Bien que nous ayons répété plusieurs fois ces essais, nous ne réussimes pas à cultiver notre champignon. On vovait bien parfois qu'il y avait eu un commencement de culture, mais celle-ci s’arré- tait vite, étouffée par d’autres moisissures, qui se trouvaient toujours dans les tubes. Les lésions causées par cette moisissure sont nettement tuberculoïdes. L'aspect de la lésion varie un peu selon lPâge. Lorsque les tubercules sont bien développés, ils présentent la structure sui- vante : Le centre est formé d’un magma homogène, amorphe, acidophile, et dans lequel on voit souvent encore des restes de noyaux de leucocytes. Ces noyaux sont légèrement teintés par le le pigment du champignon. Autour du centre, il y a une zone de sclérose formée par plusieurs couches de cellules aplaties. Celles qui sont les plus rapprochées du centre apparaissent souvent en voie de nécrose. Dans le centre de beaucoup de tubercules anciens, on note de la calcification. A l'extérieur de cette zone, il y a des cellules épithélioïdes, et on observe souvent une couronne très nette de cellules éosinophiles, disposées sur plusieurs rangées (1). (PME fig:3:) Quand la lésion est plus jeune, elle a Faspect d’un follicule, et la zone de nécrose manque. Des cellules géantes se trouvent assez fréquemment à la périphérie des tubercules, et nous en avons vu quelques-unes qui contenaient à l’intérieur des spores de champignon. Parfois, la lésion reconnaît comme point de départ un vais- seau sanguin ; 1l y a donc une véritable granulie. Dans ce cas, la paroi vasculaire est épaissie, nécrosée et se trouve au centre d’un nodule épithélioïde. Dans un cas, où les tubercules du rein étaient très nombreux et très rapprochés les uns des autres, existaient dans les tissus, qui les séparaient, des amas de grosses cellules granuleuses (mastzel- len ?). (1) Cette éosinophilie locale a été notée dans des granulomes produits par d’autres champignons, par ex. dans ceux produits par le Sporotrichum Beurmanni. 160 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Il est à noter encore que, même dans les cas où les organes. étaient criblés des granulations, les lésions parenchymateuses. étaient presque nulles. Aïnsi par exemple, aux reins, même lorsque les tubercules étaient nombreux, on ne remarque pas ou presque pas de lésions glandulaires. [n’y a ni infiltration, nitendance à la formation d’abcès. C’est ordinairement dans le centre du tubercule, et précisé- ment dans la zone nécrosée, amorphe, que l’on trouve le plus de spores; tandis que les hyphes sont situés plutôt vers la périphérie du tubercule. La présence de si nombreuses spores dansles tissus vivants, qui s’observe dans notre cas, est une preuve de plus de Fexactitude de l'opinion soutenue par CH. Nicozre et Pirxoy (1) (2), puis par Brumpr (3), que les champignons pathogènes peu- vent fructifier à l’intérieur des tissus. En considérant toutes ces lésions, on peut en conclure que le parasite n’est pas doué d’une grande virulence ni d’une grande toxicité; 1l lèse les tissus. et les détruit lentement en aboutissant à la nécrose. Ce cas nous parait particulièrement intéressant, puisqu'il nous permet de constater,chez un batracien, des lésions identiques à celles que pro- duisent les champignons pathogènes chez l'homme; de plus nous notons l’éosmophilielocale,comme danslessporotrichloses, etenfin, nous voyons que les moisissures pathogènes peuvent très bien donner lieu à des formes de fructification à l’intérieur des tissus. Note. — Nous avons observé des tubercules causés par des moisissures aussi chez un Boaconstrictor, qui était mort en captivité dans une ménagerie. Les petits nodules de couleur blanchâtre, de la grosseur d’un grain de mil, 6 itaient dans l épaisseur des parois des poumons. Observés à l’état frais après dilacération, on y décelait des filaments de moi- sissures. Ceux-ci ont été retrouvés dansles coupes d’un nodule après coloration par le Gram, mais malheureusement nous ne pouvons pas donner d’autree détails, parce qu’à la suite de circonstances indépendantes de notre volonté, nous avons perdu le. matériel pathologique qui était destiné à l'étude histologique. EXPLICATION DE LA PLANCHE 1il Fig. 1. — Coupe d’un tubercule du poumon contenant de très nombreuses. spores cu des filaments de moisissures. Fig. 2. — Filaments et spores du champignon. Fig. à — Coupe d'un tubercule du rein: dans la zone nécrosée du centre, on voit des filaments et des spores: à la périphérie, nombreuses cellules éosinophiles. (1) CH. Nicorze et PINoY, Sur un cas de mycétome d'origine aspergillaire. observé en Tunisie, Arch. de Parasitologie, t. X, 1906, p. 437-458. (2) CH. Nicozze et PiNoy, Sur la fructification des champignons pathogènes à l'intéricur même des tissus de l’homme, €. R. Ac. des Sciences. Séance 18 fév. 1907. (3) Bruurr, Les mycétomes, Th. Fac. medecine et Arch. de Parasitologie, t. X, 1906. Sceaux. -- Imprimerie Charaire 24"c ANNÉE MARS 1910 No ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR LA MORPHOLOGIE du microbe de la Péripneumonie des Bovidés PAR LE Dr Juces BORDET Directeur de l'Institut Pasteur de Bruxelles. J’ai communiqué récemment à la Société royale des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles (1) quelques renseignements concernant la forme que le virus de la péripneumonie revêt dans certaines cultures. Je crois utile de présenter aux lecteurs de ces Annales une courte description de cette morphologie, aecompa- gnée de quelques figures représentant des préparations caracté- ristiques. Il est fort inutile de rappeler comment le virus de la péri- pneumonie a été découvert et cultivé : on sait que Nocard et Roux, avec leurs collaborateurs Borrel, Salimbeni et Dujardin- Beaumetz (2) ont obtenu leurs premières cultures grâce à la très ingénieuse technique des sacs introduits dans le péritoine de lapins. Ces savants purent bientôt fabriquer un milieu liquide (bouillon de préparation un peu spéciale, additionné de sérum de bœuf) capable de servir in vitro au développement du microbe ; désormais, la culture in vivo, comportant l'emploi des sacs, n’é- tait plus nécessaire, la multiplication du virus s’opérant fort bien à l’étuve dans ce liquide approprié, que l’on ensemençait d’un peu de sérosité péripneumonique recueillie purement. M. Dujardin- Beaumetz, dans un travail très documenté (3), a complété l’é- tude des caractères de culture et des propriétés du microorga- nisme. Seulement, la morphologie de ce virus (si petit qu’on peut lui 1) Bulletin de la séance de novembre 1909. 2) Ces Annales, 1898. 3) Le Microbe de la péripneumonie et sa culture, étude bactériologique d’un microor- ganisme à la limite de la visibilité. Paris, Octave Doin, éditeur, 1900. ( ( ( 162 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR faire traverser, comme l’a wontré Dujardin-Beaumetz, des filtres Berkefeld ou Chamberland marque F) avait toujours paru fort indistincte. Les préparations ne montraient guère que des granu- lations très ténues; on apercevait parfois des formes un peu plus crosses, globuleuses, avec un centre clair, mais il était impossible dereconnaître aux éléments microbiens un aspect bien caractérisé. A vrai dire,le milieu de culture usité jusqu'ici ne permet généra- lement pas d’autres constatations. Mais le microbe revêt, comme nous allons le voir, un aspect tout différent dans les milieux très riches en sang de lapin, qu’on incorpore en volume égal à de la oélose ou bien que l’on mélange, dans la proportion d’un demi vo- lume environ, à du bouillon. ; Je me suis servi tout d’abord de la gélose sanglante, contenant un peu d'extrait de pommes de terre et de glycérine, préparée sui- vant la formule qu'avec Gengou j'ai indiquée dans nos recherches sur le microbe de la coqueluche (1). Ayant ensemencé sur la sur- face de ce milieu solide un peu d’une culture (2) en bouillon-sérum Fig. 1. — Cullure sur milieu solide (gélose ou sang . défibriné de lapin) âgée de 3 jours. de bœuf, que M. Dujardin-Beaumetz avait eu l’obligeance de in’envoyer, je constatai que la gélose, au bout d’un ou deux jours (1) Ces Annales, 1906. (2) Une autre souche, que je dois également à M. Dujardin-Beaumetz, et qui pro- venait d’une sérosité péripneumonique envoyée de Russie, s’est comportée de la même facon. LE MICROBE DE LA PERIPNEUMONIE 163 d'étuve, prenait une teinte noirâtre le long de la trainée d’ense- mencement, sans toutefois qu'une couche microbienne apparût, Frottant la surface avec une fine baguette de verre, je ramenai de quoi faire une préparation (fixation à l'alcool absolu et colo- ration au Giemsa). La figure 1, qui la représente, montre que le microbe apparait comme un fin filament qui parfois est simplement arqué, parfois décrit des ondulations flexueuses, des enroule- ments en S, ou même des spires (1). On trouve aussi des granu- lations arrondies, dont le centre est généralement moins coloré. S'agit-il d’un vibrion ou d’un spirochète? A vrai dire, le mi- crobe de la péripneumonie se distingue souvent des spirochètes tels que celui de la syphilis, en ce que l'épaisseur est loin d’être uniforme dans tous les points. Il ne produit pas cette impression de forme régulière, de contour si nettement tracé et défini, de dessin quasi-schématique et si élégant, que donne le virus syphili- Fig. 2.— Culture en milieu liquide (bouillon additionné de demi-volume de sérum frais de lapin) âgée de 2 jours. tique. Chez ie microbe de la péripneumonie, il y a souvent des renflements occupant une partie plus ou moins considérable du filament; les extrémités sont fréquemment très minces, comme effilées. De même, la colorabilité est loin d’être uniforme. Au (1) Je n’ai pu, en observant le microbe à l’état frais, constater de mabilité bien caractérisée, ÿ 164 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR surplus, les divers individus ne sont point pareils, ni comme lon- gueur, ni comme épaisseur, ils ne sont pas non plus tous égale- ment colorables. En moyenne, ils sont notablement plus petits que le virus syphilitique. Si l’on ensemence, aux dépens de semblables cultures, des milieux liquides constitués de deux volumes de bouillon peptonisé ordinaire et d’un volume de sérum ou sang frais de lapin, on obtient, après un ou deux jours, des cultures prospères, franche- ment opalescentes. S'il contient des globules rouges le liquide devient souvent verdâtre. Le microscope montre qu'il fourmille de filaments analogues à ceux dont il vient d’être question, mais en général un peu plus trapus et plus aisément colorables. On y trouve aussi de rares formes en Ÿ qui, autant qu’on peut être af- firmatif lorsqu'il s’agit d'êtres aussi petits, présentent une véri- table ramification. Lorsque la culture est toute récente, âgée de 24 heures par exemple, on n’y voit pas en général beaucoup de Fig. 3. — Même culture qu'en IT, mais après 13 jours d’étuve. Transformation presque totale en granules arrondies, dont le centre est souvent moins coloré. formes globuleuses (1), de granulations à centre clair. Mais cel- les-cei deviennent plus nombreuses au fur et à mesure que la cul- ture vieillit, tandis que les formes allongées se font plus elairse- (1) Il faut noter que ces formes ne sont pas toutes parfaitement sphériques; elles sont parfois un peu anguleuses. LE MICROBE DE LA PÉRIPNEUMONIE 165 mées. Il est certain dans ces conditions que les globules peuvent dériver des filaments : il s'opère une métamorphose dont la rapi- dité varie suivant les cultures. Parfois la transformation est géné- ralisée à presque tous les individus microbiens au bout de 2 à 3 jours; parfois il faut 10 jours ou davantage pour qu’elle affecte la majorité des germes. Ce phénomène de transformation en granules rappelle beaucoup ce qu'on observe dans les cultures de vibrion cholérique, qui lorsqu'elles sont vieilles ne montrent plus guère que des points arrondis. Le fait que le centre des granules est sou- vent moins coloré que la périphérie constitue encore une analogie. On le sait, de telles formes sont généralement désignées sous le nom de « formes d’involution » sans qu’on sache trop en réalité si elles correspondent vraiment toujours à un état de souffrance du microbe considéré. Ceci ne parait pas être le cas, nous allons le voir, pour les formes arrondies du virus de la péripneumonie. On peut fort bien obtenir aspect filamenteux, la forme vi- brionienne, en eultivant le microbe dans du bouillon additionné non de sérum de lapin mais de sérum de bœuf (1). On y réussit aisément en ensemençant ce liquide avec des microbes développés sur les milieux solides ou liquides au sang de lapin. Toutefois, les préparations sont moins caractéristiques, les filaments deviennent plus courts et moins nombreux, la forme en granules tend à pré- dominer. Elle s’observe même presque exclusivement dans la suite si l’on pratique des repiquages successifs dans ce milieu au sérum de bœuf, sans avoir désormais recours à la culture sur gélose-sang. On est porté à considérer les formes allongées, vibrioniennes ou spirillaires, comme plus normales, plus physiologiques que ne le sont les formes globuleuses, et cette opinion est d'autant plus naturelle que celles-ci peuvent résulter, sous l’influence de l’âge, de la transformation des premières. Cependant le bouillon- sérum de bœuf, qui favorise plutôt l'apparition des granules ar- rondis, doit-il être considéré comme un milieu de culture défec- tueux? Eu égard à la morphologie, on serait tenté de le croire, mais on doit reconnaitre qu'il fournit des cultures très abondan- tes, très prospères, et remarquablement résistantes à la conserva- tion, conformément d’ailleurs aux constatations dues à M. Dujar- din-Beaumetz. A cet égard, le bouillon-sérum de lapin nous a paru (1) Le sérum de bœuf que nous avons empleyé avait été chauffé à 57. I pley 166 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR un peu moins favorable; il n’est pas supérieur au liquide précé- dent au point de vue de l'intensité de la multiplication. Le fait que le microbe prend la forme de granulations ne prouve donc pas que sa vitalité soit atteinte; probablement même, ces glo- bules représentent-ils des formes de résistance. Pour certaines espèces de vibrions, d’ailleurs non pathogènes, que j'ai observées incidemment au cours de diverses recherches, J'ai vu que des cultures très riches, très florissantes, pouvaient se présenter très Fig. 4. — Culture en milieu liquide (bouillon additionné de demi-volume de sang défibriné de lapin) âgée de 24 h. Formes très variées. Imm. homog. 1/12 ocul. 4. Leitz. vite sous forme de granules arrondis, à lexclusion de la mor- phologie vibrionienne normale. La solution de Giemsa est le colorant de choix. Il vaut mieux l'emplover à chaud : on étale sur lame, en couche assez mince, une souttelette de culture; après dessiccation on fixe pendant quel- ques minutes par l'alcool absolu, on dessèche, on verse sur la lame 2 c.e. d’eau distillée qu'on a additionnée, au moyen d’un tube effile (les gouttes sont donc assez petites) de 5 gouttes de la solu- tion de Giemsa. On chauffe jusqu’à émission de vapeurs assez fortes pendant 1 ou 2 minutes, on laisse refroidir 5-10 minutes, on lave et dessèche. LE MICROBE DE LA PÉRIPNEUMONIE 167 Le violet de gentiane colore assez fortement, mais ce réactif, on le sait, donne trop, fac ilement des taches. Le bleu de toluidine (1), lorsqu'on s’en sert pour colorer les cultures en milieu liquide, donne des préparations remarquables en ce sens qu’on n’y distingue.même lorsqu'elles sont fort riches en formes vibrioniennes (décelables par le Giemsa), que des points bleus très petits.Ce réactif est donc impropre à mettre en évidence l'aspect filamenteux, ce qui prouve bien l’inégale répartition de la substance microbienne particulièrement chromophile. Il est cu- rieux de comparer 2 préparations de la même culture, dont l’une est teinte au Giemsa, l’autre à la toluidine, et qui montrent, soit les filaments incurvés ou spirillaires que nous avons signalés, soit simplement une fine ponctuation bleue. On ne se douterait pas qu'il s’agit du même microorganisme. (1) Nous employons communément le bleu de toluidine phéniquée au lieu de pleu de méthylène phéniqué ou de bleu de Læffler, car il est aussi Re et plus puissant. Formule : bleu de toluidine (Grubler) 5 grammes: alcool 100 c.c., eau 500 €. c. Quand la dissolution est complète on ajoute 500 c. c. d’eau pe niquée e à 5 0/9. On filtre après un jour ou deux. Le liquide est inaltérable. Le microbe de la Péripneumonie. PAR MM. BORREL, DUJARDIN-BEAUMETZ, JEANTET £r JOUAN Bordet, en colorant par la méthode de Giemsa des cultures pures du microbe de la péripneumonie, a signalé des formes spéciales (pseudo-vibrioniennes) que prend le microbe, surtout sur un milieu spécial, gélose au sang de lapin. A la suite de ses observations, cet auteur pense que le microbe de la péripneu- monie doit être rapproché des spririlles ou spirochætes. Nous avons repris l'étude de ce microbe au point de vue mor- phologique; microbe intéressant, puisque c’est le seul virus filirant que l’on ait obtenu en culture pure. Les données mor- phologiques qu’il nous a fournies serviront sans doute de point de repère pour bien d’autres microbes, et peut être pour les virus des Epithéloses. Nous avons utilisé dans cette étude, non pas seulement la coloration par le Giemsa, mais l'examen à l’état vivant, l'examen ultra-microscopique et la surcoloration après mordançage. Pour les surcolorations, le microbe a toujours été prélevé dans les cultures en milieu liquide, et par centrifugation d’après la technique indiquée déjà par lun de nous. La culture en bouillon- sérum de bœuf ou en bouillon-sérum-glucose, milieux couram- ment employés depuis la découverte du microbe à l’Institut Pas- teur, est prélevée au {€ jour, au 2€, au 3°, etc., elle est centritu- g6e dans un tube à fond effilé; les microbes, grâce à une centrifuge puissante (modèle Jouan), sont accumulés dans l’effilure du tube et débarrassés du liquide de culture; on peut laver le culot une fois ou deux par l’eau physiologique. Pour la surcoloration avec le Lœæffler, nous avons cru d’abord devoir laver les microbes,mais ensuite,nous avons pu nousrendre compte qu'il suffisait de tasser les microbes dans leffilure; les pré- parations obtenues sont suffisamment pures, le tube est renversé, vidé de tout le bouillon de culture, égoutté. Les microbes pré- LE MICROBE DE LA PEÉRIPNEUMONIE 169 levés sont étalés en couche mince sur la lame comme s’il s’agis- sait d’une préparation de sang et fixés soit par l'alcool, soit par la chaleur, sans avoir subi Faction d'aucun liquide de dilution : ils sont examinés en somme dans le liquide même de la culture: étant donnée la plasticité très grande de ce microbe, ces précau- tions ne sont pas inutiles. Nous nous sommes rendus compte que l’étude des colonies développées sur les milieux solides ordinaires est à peu près impossible. Les figures dessinées ci-contre montrent la variété des formes Fig. T.— Différentes fories du microbe dessinées d’après des préparations . 5000 d'ages varics De haut en bas, les formes sont de plus en plus vicilles. que peut prendre ce microbe essentiellement polymorphe dans son développement et dans ses formes d’involution. Avant constaté dans nos cultures à certains moments, vers le 36-42 jour, les formes que Bordet considère comme spéciales à son milieu, sang lapin gélosé-pomme de terre, nous avons dé- laissé ce milieu peu propice et sur lequel Fétude morphologique par la surcoloration est difficile; il est en particulier malaisé de prélever des microbes, au début de la culture, sans prélever en même temps de la sérosité du milieu; et si lon attend que les 170 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR colonies soient développées, la substance glaireuse qui engaine les microbes est à peu près impossible à résoudre. Une première étude nous a montré l'influence de l'âge sur la morphologie du microbe: l'addition de glucose donne des eul- tures plus abondantes, mais ne modifie pas sensiblement les formes qui se succèdent plus où moins rapidement au fur et à mesure que les cultures vieillissent; nous pouvons dire déjà que les formes vibrioniennes ou spirillaires de Bordet ne sont qu'un des aspects que peut prendre le microbe ultra-polymorphe de la péripneumonie, que la coloration par leGiemsa est réellement trop faible pour cette étude et que beaucoup de formes (les plus intéressantes) passent inaperçues ou indéfinissables. Il est déjà fort difficile, même avec la surcoloration, et en examinant chaque jour des prélèvements faits dans une même culture, de faire la part de ce qui revient aux formes de multi- plication et aux formes d’involution; c’est pourtant ce que nous avons essayé de faire. L'examen à l’état frais, en vision ordinaire, ne donne pour Fig. U. M. — Différents aspects du nucrobe de la péripneumonie à l’ultra- »000 microscope. Mème grossissement que ci-dessus. ainsi dire aucun renseignement, les cultures, quel que soit leur age, ne montrent que des points indéfinissables ou des agglomé- LE MICROBE DE LA PÉRIPNEUMONIE 171 rations indéterminées, animées du seul mouvement brownien. Le microbe est absolument immobile, à tous les âges de la cul- ture, ce qui élimine d’une façon absolue l'hypothèse d’un vibrion ou d’un spirille ou d’un spirochaete plus ou moins semblable aux microbes de la syphilis ou des spirilloses. L'examen ultra-microscopique confirme cette donnée et montre soit des points isolés, soit des diplocoques, soit des grou- pements de 3, 4, 5 individus manifestement englués dans une gangue à peine visible; les groupes de granulations ainsi visibles sont en même temps entrainés dans le liquide et chevauchent les uns sur les autres, donnant l’impression de masses coulantes et visqueuses. Assez souvent, à l’ultra-microscope, surtout dans les cultures de 4-5 jours, etc., on constate des formes filamenteuses, des chainettes d'individus ou de granulations dans une gaine peu apparente; plus tard, ces filaments prennent un aspect fantôme, les granulations disparaissent, le filament est pâle et grêle; des filaments ramifiés, des asters apparaissent: dans la préparation observée assez longtemps, les filaments se réunissent bout à bout et finissent par s’agglutiner. Toutes ces formes vues à l’ultra-microscope existent réellement et se retrouvent par la surcoloration, on peut comparer les images obtenues dans les deux cas. Figures T et UM. Plus instructives sont les images obtenues après coloration des microbes récoltés par centrifugation. En vision ordinaire, au microscope et quel que soit léclai- rage ou le grossissement employé on n’aperçoit que des points indéfinissables. Par le Giemsa, on trouve des formes arrondies, des formes ovoides, des formes pseudo-vibrioniennes et des formes filamen- teuses, mais cette méthode de coloration, même très bien réussie, est trop faible, elle laisse dans l'ombre bien des points qu'éclaire mieux la coloration par la fuchsine après mordançage. La figure T donnée ci-dessus, obtenue par cette méthode, donne une idée d'ensemble des différentes formes qui ont pu être relevées, elles sont dessinées à peu près dans l’ordre chronologique établi sur de très nombreux examens, et en particulier par l'étude faite au jour le jour d’une même culture gardée à l’étuve. Tous les jours, on prélevait dans la culture la quantité de microbes néces- saires pour l'étude après centrifugation. 172 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le microbe de la péripneumonie est entouré d’une gangue muqueuse, peu visible à l’état frais ou à l’ultra-microscope, mais très visible par la surcoloration, à peine visible par le Giemsa. Dans cette gangue,le microbe peut se diviser et, suivant plusieurs directions de l’espace, il esten diplocoque ou en amas ou en chai- nettes; dans les amas, “les individus peuvent être de grosseur différente; dans l’amas ou “la chaînette de microbes, chaque unité microbienne peut se divi iser, d’où des bifurcations, des formes astéroïdes très particulières; la disposition tri-polaire est fré- quente, plus fréquente encore la disposition bi-polaire ou pseudo- vibrionienne. Dans la figure T les formes dessinées en haut sont celles . *: 7 à vé < % dé £ig. 1. — Formes très jeunes du microbe, granulations rondes ou ovoïdes; la gan- AE ; ; HOUR gue est peu visible. Surcoloration se Culture de 24 heures. qui nous ont paru les plus constantes dans les jeunes cultures — 24 heures à 48 heures: — rarement la forme du microbe est abso- lument sphérique, le centre cost brillamment coloré en rouge, la périphérie est floue avec des prolongements coniques, courts, certains diplocoques rappellent en petit le pneumocoque. La LE MICROBE DE LA PÉRIPNEUMONIE 13 disposition annulaire des individus est très fréquente et Panneau peut se prolonger en un filament ou chainette. Voir les fig. T et 2 ci-contre. Dans certaines préparations — du 3€ jour, 4€ jour — la forme Fig. 2, — Formes de multiplication en tétrades, morulas, anneaux dans une gan- gue colorée par la surcoloration. — Formes astéroïdes et début de formes fila- ; 5000 menteuses. — Surcoloration — TE - Culture 36 heures. pseudo-vibrionienne est dominante, amas central fortement coloré et prolongement muqueux long. Dans lamas central sont inclus deux ou trois individus, dans le cas de trois unités micro- biennes la figure a l’aspect d’un tricorne. Voir les figures 3 et 4. La figure 2 est particulièrement intéressante, elle montre les amas de granulations en tétrades, morulas, qui peuvent bourgeonner et donner naissance à des filaments; ce stade marque le début des formations astéroides. Les formes filamenteuses sont quelquefois précoces (2€ jour); elles sont constantes dans les cultures de 5 et 6 jours; les figures 5, 6, 7 montrent le développement des filaments aux dépens d’amas primitivement ovoides, qui s’allongent de plus en plus. A l'intérieur des filaments, l’ultra-microscope montre des gra- Fig. 3. — Formes pseudo=vibrioniennes et formes à polarités mulliples. Certains individus rappellent le microbe des nodosilés des légumineuses. Surcoloration ( ; à . Culture de 3 jours en bouillon-sérum. 1 Fig. 4. — Formes rondes, ovoïdes,ivibrioniennes, début des formes filämenteuses . Culture de 48 heures, ; ? D00 Surcoloration PA LE Fig. 5. — Début des formes filamenteuses et ramifiées, la ques tou ET montre Lie n la différence de coloralion des oui filainenteuse ee ou Moins 2ra- 5000 nuleuses à l’ultra-microscope. Surcoloration ——. Culiure de à jours Fig. 6. — Formes vibrioniennes, formes bi et tri-furquées, formes astéroïdes: les : 000 formes les plus jeunes sont le plus brillamment colorées. Surcoloration re Cul- ture de 4 jours, 176 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR nulations en streptocoques; la surcoloration ne permet pas de de les distinguer toujours; à côté de filaments fortement colorés Î Lu L: ; 5000 ” Fig. T.— Culture totalement filamenteuse surcoloration TE Culture de 5 jour . OU Fig. 8. — Formes d'involution énormes.— Surcoloration ANS Culture de 6 jours. LE MICROBE DE LA PÉRIPNEUMONIE 177 et vivants, le microscope montre des filaments plus minces, pâles, à peine colorés, bifurqués, trifurqués, astéroïdes qui com- mencent les formes d’involution. Enfin, les figures 8 et 9 donnent l'aspect de très vieilles + : 5 is é& | = % Ne" t | æ \ Ê bd CTP e 8 + : 8 ee » »+ ee | | La À © . é ; 5000 Fig. 9 — Involution en granule. — Surcoloration ne Culture de 12 jours. cultures avec les formes les plus extraordinaires de l’involution et de la coalescence de substances muqueuses secrétées par les individus vieillis; culture de 12 et 15 Jours. La figure A est une photographie d’une préparation colorée au Giemsa. La figure B est une photographie obtenue avec une prépara- tion que M. Bordet a envoyée récemment à l’Institut Pasteur, un globule rouge est partiellement visible sur la figure. La pré- paration colorée au Giensa montre, faiblement colorées, les formes principales du microbe. La description que nous venons de donner du microbe étudié et les photographies admirablement faites par M. Jantet dé- montrent à notre avis que le microbe de la péripneumonie n’est pas un vibrion ou un spirille. Par les colorations ordinaires, il est à peu près indéfinissable, si on ne prend pas la précaution de centrifuger les cultures. LeGiemsa ne donne que d’insuffisants 12 178 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR renseignements. La méthode que nous avons employée nous a permis d'obtenir des préparations très pures où tous les éléments. photographiés représentent des éléments microbiens, sans préci- : = ee é : 5000 Fig. À. — Culture de # jours. Centrifugée, colorée par le Giemsa. — RTL 5000 Fig. B.— Préparation originale de Bordet, colorée au Giemsa. — NE LE MICROBE DE LA PÉRIPNEUMONIE 179 pité d'aucune sorte. Le grand nombre d’individus photogra- phiés permet de se faire une idée exacte du polymorphisme extraordinaire de ce microbe diplocoque, tétragène, morula ou filaments-chainettes, noyés dans une gangue visqueuse. De la présence de cette gangue résultent toutes les formes qui peuvent être observées et la formation de véritables filaments mycé- liens. La division suivant plusieurs directions de l’espace est surtout à noter et donne des figures qui rappellent certains aspects du microbe des nodosités des légumineuses, l’ultra-microscope dé- montre que ces bifurcations et ces polarités multiples tiennent à la présence de granulations streptococciques qui se divisent quel- quefois perpendiculairement à la direction du filament principal. Le nom de « Asterococcus mycoïdes » que nous proposons rappelle les principaux caractères de ce microbe intéressant : gaine muqueuse, filaments pseudo-mycéliens, polarités mul- tiples. E Il est difficile en l’état actuel de le comparer à d’autres types puisqu'il est le seul connu de son espèce, mais on peut déjà pré- voir qu'il ne restera pas isolé dans ce groupe et l’un de nous pense que certaines formes vues dans les cellules vaccinales, varioleuses, claveleuses s’expliquent très bien par certaines des formes dé- crites ci-dessus. Recherches sur la Gellase nouvelle diastase dédoublant le Gellose ar MM. Gagrtez BERTRAND er M. HOLDERER L'hydrolyse complète de Pamidon et celle de la cellulose don- nent un produit unique : le glucose ordinaire. Aussi a-t-on pensé d’abord que les deux saccharides avaient la même constitution chimique et ne différaient l’un de l’autre que par le degré de con- densation moléculaire. Les recherches, relativement récentes, de Skraup et Künig (1) sur l’hydrolyse partielle de la cellulose, démontrent, au contraire, qu’il y a une différence profonde entre cette substance et l’amidon : elle fournit, comme avant-dernier terme, du cellose et non du maltose. En vue d’élucider le problème de la digestion diastesique de la cellulose, dans le but aussi de préciser certaines relations en- tre les diastases et les saccharides, 1l était donc intéressant de rechercher s’il existe une diastase particulière, une cellase, dif- férente de la maltase. E. Fischer et G. Zemplén(2) se sont déjà préoccupés de résou- dre cette question : pour eux, c’est l’émulsine qui dédoublerait le cellose.Cependant ils n’ont pas trouvé que la macération d’As- pergillus niger qui, on le sait, secrète abondamment de lémul- sine, hydrolyse le cellose. On va voir que nos recherches con- duisent, au sujet de l’hydrolyse diastasique du cellose, à des ré- sultats tout à fait différents. Nous avons préparé le sucre” nécessaire à nos expériences d’après les indications de Maquenne et Goodwin (3). Ce sucre avait comme pouvoir rotatoire :—(2),33087 en solution à 10 0/0 et à (1) Berichte, t. XX XIV, p. 1115 Fo (2) Ann. der Chem., t. CCCLXV, p. 1, (1909). (3). Bull. Soc. chim., 3° série, t. Li p. 854 (1904). RECHERCHES SUR LA CELLASE 181 la température de + 1995. Skraup et Künig indiquent + 3397, Maquenne et Goodwin + 34. Nous avons déterminé son pouvoir réducteur en suivant la technique exposée par l’un de nous (1). Cette opération prélimi- naire était indispensable pour apprécier, dans la suite, qualitati- vement et quantitativement, la transformation diastasique du cellose en deux molécules de glucose. Nous avons trouvé : Poids de celloze. Poids de cuivre. 10 14.4 20 27,9 40 55,8 50 67,7 60 82,2 90 124,5 En traçant la courbe du pouvoir réducteur d’après ces chif- fres, on obtient presque une droite, comme avec le maltose, mais la flèche est plus petite encore. En moyenne, 1 milligramme de cellose précipite lmgr.38 de cuivre. Comme le pouvoir réducteur moyen du glucose est de 1 mgr. 91, le cellose réduit donc 28 0/0 de fois de moins que le glucose. Il est ainsi facile de mesurer l’hydrolyse du cellose par l'augmentation du pouvoir réducteur. Les expériences diastasiques que nous avons entreprises ont montré d’abord que la maltase est inactive sur le cellose. Comme source de maltase, nous avons pris le sérum aseptique de cheval normal. 0 gr. 100 de cellose ont été placés dans un tube à essais bou- ché avec de louate et, après stérilisation à + 1159 pendant 1 /4 d’heure,ce qui n’hydrolyse pas le cellose, nous avons ajouté, aseptiquement, c.c. de sérum. Le mélange a été laissé 2 jours à l’étuve à + 370, puis déféqué et analysé. Pour cela, on y a versé goutte à goutte, en remuant, un très léger excès de sulfate mer- curique; après filtration et lavage du précipité, on a neutralisé presque exactement avec de la soude, ramené à 50 €. c. et pré- cipité le mercure dissous par agitation avec de la poudre de zinc. Enfin, on a filtré et déterminé le pouvoir réducteur sur 20 €. €. correspondant à 40 milligrammes de cellose. D’autre part, on à préparé un second tube, semblable en tous points au premier, mais (1) GABRIEL BERTRAND, Bull. Soc. Chim., 3° série, t. XX XV, p. 1285 (1906). 182 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR on a déféqué et analysé son contenu aussitôt après le mélange du sérum avec le sucre (1). Le tube laissé à l’étuve a donné 55 milligrammes 9 de cuivre, et le tube analysé immédiatement 53 milligrammes 9. La différence est de l’ordre de grandeur des erreurs expéri- mentales et l’on peut admettre que le sérum est resté sans action sur le cellose. Or, ce sérum renfermait de la maltase puisqu’une expérience témoin, réalisée sur deux tubes préparés comme ei- dessus avec du maltose au lieu de cellose, accusait un dédouble- ment de plus de 90 0 /0. Le tube laissé à l’étuve a donné, en effet, 74 mgr. 7 de cuivre et le tube analysé aussitôt après le mélange 43 mgr. 8. Nous avons alors cherché si la macération aqueuse d’Asper- gillus niger, préparée d’après la méthode, un peu modifiée de Duclaux (2), ne renfermerait pas une diastase capable de dédou- bler le cellose. La moisissure fut cultivée aseptiquement dans de grands matras de 2 litres renfermant chacun 250 c. c. de liquide de Rau- lin. Après 4 jours à + 350, le feutre mycélien, complètement spo- rulé, fut lavé plusieurs fois et rapidement à l’eau stérile, puis laissé 3 Jours en contact avec 150 c.e. d’eau stérile, dans l’étuve à + 359. La macération fut alors puisée aseptiquement pour l’usage. Des expériences préliminaires, analogues aux précédentes, mais effectuées avec du cellose (0 gr. 050) et de la macération d’Aspergillus (de 2 à 8 c. c.), ont montré qu’il était possible d’ob- tenir facilement (après 2 jours à l’étuve) une hydrolyse de 80 à 90 du sucre mis en œuvre. Nous avons alors fait agir, toujours aseptiquement, 400 c. c. de macération d’Aspergillus sur 4 gram- mes de cellose. Après 3 jours de contact,à la température de+379, nous avons trouvé que le dédoublement était presque total. Nous avons alors distillé la solution dans le vide,repris le résidu par l’alcool bouil- lant, filtré et distillé à nouveau dans le vide à consistance de sirop. Celui-ci, amorcé avec une trace de glucose pur, n’a pas tardé à se prendre en masse. On a séparé les cristaux à la presse. (1) Nous avons opéré ainsi et non avec du sérum chauffé, parce que, dans ce der- nier cas, la formation d’un coagulum abondant aurait trop changé les conditions du traitement mercurique. (2) Chimie biologique, Paris (1883). RECHERCHES SUR LA CELLASE 183 = Il y en avait 3 gr. 67. Pour s'assurer que c'était bien du glucose, on les a dissous dans l’eau et, sur le volume amené à 100 €. c., on a pris à la fois le pouvoir rotatoire et le pouvoir réducteur. Calculés en glucose, le premier indiquait 3 gr. 23 (1) et le second 3 gr. 28. En outre, on a chauffé une partie du liquide avec de l’acétate de phénylhydrazine : l’osazone, séparée avec un bon rendement, avait l'aspect au microscope, l’insolubilité dans l’alcool méthy- lique et le point de fusion (vers + 2320 au bloc Maquenne) de la glucosazone. Le cellose avait donc bien été dédoublé et trans- formé presque entièrement en glucose. Le résultat négatif obtenu par E. Fischer et G. Zemplén tient évidemment au mode opératoire, différent du nôtre, employé par ces savants. Au lieu de se servir d’une solution aseptique d’As- pergillus préparée par plasmolyse du mycélium frais,ils ont suivila méthode de Bourquelot dans laquelle on utilise l'extrait filtré de champignon sec (2). Or, la cellase est facilement retenue à l’inté- rieur des tubes mycéliens et par les parois du filtre de porcelaine, tout au moins lorsque le milieu dans lequel on veut la dissoudre est acide à l’hélianthine, condition qui est souvent réalisée, par exemple, quand le mycélium n’a pas été suffisamment lavé. Pour que la cellase passe en dissolution, même à travers les filtres de porcelaine, il faut que le liquide soit alcalin à l’hélianthine, mais neutre ou très légèrement acide à la phbaléine. Elle se comporte done exactement de la même façon que la sucrase, étudiée d’a- bord à cet égard par l’un de nous (3). Il nous est arrivé à nous- même, dans nos premières expériences, de constater l’inactivité -complète d’une macération d’Aspergillus filtrée qui, cependant, -dédoublait très bien le cellose avant son passage à la bougie. Les tubes, renfermant chacun Ogr.050 de cellose et 8 c. c. de macéra- ration, avaient donné, après 24 heures de contact à + 370. Cuivre réduit. Cellose dédoublé. Avec la diastase filtrée.......... 68 mgr. 0 07/0 — — non filtrée ,.... 98,5 88 0/0 — = bouille" 68 mer. 0 0/0 Nous avons, plus tard, dans une expérience effectuée avec une autre macération, neutralisé presque exactement à la phtaléine, (1) En supposant aq = + 5205. (2) C. R. Ac. Sc., t. CXVI p. 826 (1893). (3) M. HOLDERER, C. R. Ac. Se., t. GXLIX, p. 1153 (1909). 184 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR par addition de soude, puis filtré à la bougie Chamberland F: ensuite, nous avons, aseptiquement, ajouté au liquide la quantité juste nécessaire d’acide chlorhydrique pour saturer la soude in- troduite. Deux tubes, renfermant chacun 0 gr. 050 de cellose, ont alors été stérilisés; on a ajouté à l’un 2 c. c. de la solution diastasi- que bouillie, à l’autre, 2 c. c. de la même solution non bouillie. Après 16 heures de contact, dans un bain-marie à + 55-569, on a dosé le pouvoir réducteur; on a trouvé : Cuivre réduit. Cellose dédoublé. Avec la diastase bouillie, ,..,.. - GMor.. 0 0/0 — — non bouillie..., 96 — S0 0/0 D'après cette expérience, réalisée avec toutes les précautions d’aseptie, l'hydrolyse du cellose est bien de nature diastasique; elle n’est pas due,comme on pourrait peut-être l’objecter, à l’ac- tion de quelques spores restées en suspension dans la macération d’Aspergillus niger. Reste à savoir si cette hydrolyse est provoquée par une dias- tase spécifique, par une cellase? La macération d’Aspergillus renferme, comme de nombreuses observations l’ont démontré, toute une série de diastases hydro- Iysantes des saccharides, parmi lesquelles la maltase, la sucrase, l’émulsine et la tréhalase ont été complètement ou presque com- plètement individualisées. Il y avait donc lieu de se demander si la diastase du cellose ne se confondait pas avec l’une d’elles. Les expériences avec le sérum de cheval,rapportées au début de ce travail, ont déjà montré que la maltase n’hydrolyse par le cellose. C’est là une conclusion à laquelle étaient déjà arrivés E. Fischer et G.Zemplén : ni avec une macération aqueuse de levure desséchée de Frohberg, ni avec leur macération d’Aspergillus, actives l’une et l’autre sur le maltose, ils n'avaient observé de dédoublement du cellose. Nous avons reconnu, de plus, que la sucrase était incapable de provoquer Fee du cellose. L'expérience a été tentée avec une préparation extraite de la levure haute. (Levure de boulangerie.) Nous avons broyé finement, dans un mortier, 1 gramme de levure séchée(préalablement lavée à l'alcool et à l’é- ther) avec 1 gramme de sable siliceux et très peu d’eau. Lorsque les cellules paraissaient aussi bien déchirées que possible, nous- mn dt ten te RECHERCHES SUR LA CELLASE 18%. avons ajouté assez d’eau pour compléter 20 c.c., puis nous avons filtré et fait agir le liquide, à la dose de 2 e. c. pour 0 gr. 050 de sucre,comparativement sur le saccharose et sur le cellose. La réac- tion a eu lieu à la température de + 55° pendant 15 heures. L’a- nalyse a fourni comme résultats : Cuivre réduit. Sucre dédoublé, AveC le SaCCharosr..--......, 66 mgr. 65 0/0 CE lIDSC Re cette 6$S — 0 0/0 Ainsi, la cellase ne peut être confondue avec la sucrase. C’est un résultat auquel il fallait d’ailleurs s’attendre, car la constitu- tion du cellose et celle du saccharose n’ont aucun rapport l’une avec l’autre. La distinction de la cellase d’avec l’'émulsine et la tréhalase est plus difficile à établir, car il n’y a pas actuellement de sources connues de ces diastases qui puissent être considérées comme sul- fisamment exclusives. E. Fischer et G. Zemplén ont trouvé que le cellose, en solution avec la moitié de son poids d’émulsine commerciale, subissaït un dédoublement notable quand on l’abandonnait 32 heures à la température de + 36°. Nous avons obtenu, en opérant aseptique- ment, avec une solution d’émulsine que nous avions extraite des amandes d’abricots, un résultat analogue. La solution diastasique à 0, 5 0/0, filtrée à la bougie Chamberland, fut ajoutée, à la dose de 2 c. e., à 0 gr. 050 de cellose préalablement stérilisé. Après une nuit de contact dans un bain marie à + 469 nous avons trouvé : Cuivre réduit. Sucre dédoublé. AVEC TASTASE EEE ETC E CENTS 89 mor. 44 0/0 euv. SANS tiast AS EE ER 68,6 0 Mais les préparations diastasiques retirées des amandes dou- ces et des amandes d’abricots ne renferment pas que de l’émulsine. Il en est de même des préparations extraites de l'orge et du malt qui, d’après les recherches de l’un de nous (1), hydrolysent à la fois l’emygdaline, le cellose, le saccharose, le tréhalose, etc. E. Fischer G. Zemplén pensent, d’après leur expérience rap- portée ci-dessus, que l’émulsine dédouble le cellose et en tirent la (4) M. Holderer, lequel a communiqué les principaux résultats exposés dans ce’ mémoire au dernier Congrès international de chimie tenu à Londres. Voir notamment, Wockhens. f. Brauerei, t. XXVI, p. 380 (juin 1909).] 486 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR conclusion que le sucre de Skraup et Künig est, avec l’isomaltose, le gentiobiose et le lactose, un représentant du groupe des 8. glucosides. L'ensemble des faits connus concernant la spécificité des dias- tases laisse supposer plutôt que les 4 substances en question sont attaquables, sinon par autant d’espèces de diastases, du moins par plusieurs diastases. La constitution du lactose et celle de l’amygdaline sont certainement très différentes de la constitu- tion de l’isomaltose et de celle du cellose. Quant au gentiobiose, dépourvu de pouvoir réducteur, il doit se rapprocher plutôt du tréhalose. Il n’est donc pas illogique de supposer, d’après ces vues théoriques, que la diastase du cellose, et peut-être aussi de l’iso- maltose, est différente de l’émulsine et de la tréhalase. Mais il faut des arguments expérimentaux pour appuyer cette manière de voir. Déjà dans le mémoire cité de E. Fischer et G. Zemplén, on trouve une expérience montrant que la macération aqueuse de kélir dédouble le lactose et non le cellose. D’où il résulte que si l’é- mulsine est vraiment active sur le cellose, elle est différente de la lactase; que si, au contraire, elle est identique à la lactase, elle est différente de la cellase. Pour savoir si la diastase du cellose, distincte de la lactase, comme on l’a vu par l'expérience de E. Fischer et G. Zemplén, l’était aussi de l’émulsine, nous avons entrepris l'expérience sui- vante, basée sur la filtrabilité différente des diastases et sur l’in- Îluence, mentionnée plus haut, qu’exerce la réaction du milieu sur cette filtrabilité. De la macération d’Aspergillus niger fut divisée en trois por- tions : la première fut additionnée de soude jusqu’à légère alca- linité à la phtaléine; la seconde fut laissée à l’état naturel; la troisième, enfin, reçut de l’acide chlorydrique jusqu'à presque neutralisation à l’hélianthine. Les 3 portions furent alors filtrées à la bougie : on rejeta le premier tiers de chaque liquide, destiné au lavage et à la saturation des bougies, puis, sur le reste, on pré- leva aseptiquement 50 c. c. Le liquide alcalinisé reçut juste assez d’acide chlorhydrique titré et stérilisé pour rétablir la réaction naturelle. Celui qui avait été, au contraire, additionné d’acide chlorhydrique, reçut de la soude, aussi titrée et stérilisée. Quant au liquide de la se- RECHERCHES SUR LA CELLASE 187 conde portion, il fut mélangé à la fois d'acide et d’alcali de ma- nière à rendre son volume égal à celui des 2 précédents, sans tou- tefois en changer la réaction. Ceci étant préparé, on fit agir séparément les 3 solutions sur des quantités équimoléculaires de cellose, d’amygdaline et de maltose placées dans des tubes bouchés avec de l’ouate et préa- lablement stérilisés à —- 1159 durant 1/4 d'heure. On s'était assuré, par une série d'expériences préliminaires, qu'une telle sté- rilisation ne transformait pas lamygdaline (le pouvoir rotatoire reste absoliment le même); qu’elle n’hydrolysait pas, nous l’a- vons déjà mentionné, ni le cellose ni le maltose. Les quantités mises en expériences ont été: avec le cel- lose et le maltose, de 0 gr. 050 de sucre dans 4 €. c. des liquides diastasiques:; avec l’amygdaline, de 0 gr. 373 dans 20 c.c. de ces mêmes liquides. Les tubes qui contenaient les mélanges sucrés ont été mis au thermostat, simplement bouchés avec leur tampon d’ouate; mais ceux qui renfermaient le glucoside ont été, au contraire, scellés à la lampe, pour éviter les pertes ultérieures d'acide cyanhydrique. À lanalyse, on à obtenu les résultats que voici : 19 Pour le cellose (après 40 heures à + 370) : Cuivre réduit. Sucre dédoublé. Avec la macération filtrée alcaline............ 95 mgr. 78,5 0/0 env. — — alé tatnaturel 96 mgr. 82,0 — — — — aprèsaddition d'HCI. 11 mgr. SES — 20 Pour l’amygdaline (après 40 heures à + 370) : Acide cyanhydrique Glucoside dédoublé. Avec la macération filtrée alcaline..........., 0,013 66 0/0 — — — à l’état naturel..... 0,0465 84 = — —= — aprésaddition d'HCI. 0,0076 38,9 — 30 Pour le maltose (après 1 heure à + 560) : Cuivre réduit. Sucre dédoublé. Avec la macération filtrée alcaline,........... 55,5 9 0/0 env. — — — à l’état naturel..... 56,0 10 — — — — après addition d'HCI. 59: 4 — — == — à l'état naturel, mais bouillie 51,0 (l Il est facile de voir, en comparant ces résultats, que la cellase, l’émulsine et la maltase ont filtré d’une manière différente et, 188 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de plus,qu’elles ont été influencées inégalement par la réaction du milieu. Tandis, par exemple, que la neutralisation presque com- plète de la macération d’Aspergillus niger à l’hélianthine a réduit à peu près au 1/4 le passage de la cellase à travers la bougie de porcelaine, elle a réduit seulement àla moitié environ le passage de l’émulsine et de la maltase. L'action légèrement destructrice de la soude s’est fait sentir, d'autre part, beaucoup plus sur lémulsine que sur la cellase et surtout sur la maltase. Ce sont là autant de différences qui tendent à faire considérer la cellase comme distincte aussi bien de l’émulsine qu’elle l’est, certainement, de la maltase. Nous avons réussi, enfin, à différencier la nouvelle diastase de celle qui attaque le tréhalose en nous servant de la prépara- tion diastasique extraite des amandes d’abricots. Tandis que cette préparation hydrolyse nettement le cellose, ainsi qu'on Pa vu plus haut, elle est tout à fait inactive vis-à-vis du tréhalose. En résumé, il existe une diastase spécifique du cellose. Cette diastase, que nous proposons d’appeler cellase, se trouve plus ou moins mélangée avec d’autres espèces diastasiques, dans des or- ganes appartenant à des végétaux divers : amandes de labrico- tier et de l’amandier, graines de Porge, mycélium de lAspergillus niger, etc. (1). Nous n’en avons pas trouvé dans le sérum de che- val, du moins en proportion appréciable, ni dans la levure haute, ni, enfin, dans la macération glvcérinée de Russula queletir. (1) Desexpériences récentes de H. Pringsheim et G. Zemplén, sur l’action hydro- lysante du suc extrait à la presse,de 13 espèces de moisissures, vis-à-vis de plusieurs sucres, parmi lesquels du cellose, conduisent à faire admettre la présence de la cellase dans 4 de ces espèces. (Zeits. physiol. Chem., t. LXIT, p. 367, 15 oct. 1909.) Action de quelques microbes sur la tuberculine Contribution à l'étude de la nature de la Tuberculine par LE Dr VAUDREMER. Sur le conseil de M. le docteur Louis Martin nous avons étudié l’action de quelques microbes sur la tuberculine. Il s'agissait de voir si, en poussant dans des milieux tuberculinés à des taux de concentration différents et parfaitement définis, ces microbes étaient capables de modi'ier d’une façon quelconque les propriétés biologiques de la tuberculine. Quand, nos expériences étant terminées, nous avons exposé à M.le docteur Roux les résultats de notre travail, nousavons appris de lui que notre regrettéconfrère Debrandavaitfoit quelques essais sur le même sujet et que le docteur Borrel avait étudié l’action d’une moisissure poussée par hasard sur la tuberculine brute. A notre connaissance, ces recherches n’ont jamais fait l’objet d’une communication, nous tenons cependant à les signaler. Tout d’abord, nous avions pensé à employer la tubereuline précipitée; celle que nous eûmes à notre disposition contenait encore de la glycérine en proportion indéterminée; les pesées, étaient, dans ces conditions, difficiles à faire et les résultats obte- nus devengient moins précis; la tuberculine brute, plus maniable, fut dès lors préférée; c’est d’elle seule qu’il sera parlé au cours de ce compte rendu. Nous employâmes la tuberculine brute de l’Institut Pasteur que voulut bien nousremettrele docteur Charpentier ;cettetubercu- line injectée sous la peau d’un animal devenu tuberculeux depuis cinq semaines, à la suite d’une inoculetion sous-cutanée, pro- duit une réaction thermique à la dose d’un cinquantième de c. c.et amène la mort à la dose d’un quart dec. c., en six heures envi- ron. Nous appellerons done la dose d’un cinquantième de €. c. : 190 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Dose réactionnelle ou D.R.,et Dose mortelle ou D. M. celle d’un quart de c. c. Les bacilles employés à la tuberculisation des ani- maux furent prélevés sur une culture de bacilles bovins prove- nant d’Alfort et âgée de trois semaines. Les cobayes choisis comme animaux d’épreuve furent tuber- culisés en deux séries : la première série fût inoculée dans le péri- toine; la seconde le fût sous la peau. Il est évident qu’à un cer- tain point de vue l'injection intrapéritonéele eût été préféra- ble; elle ne détermine pas, en effet,les larges ulcérations cutanées que produit toujours l’injection de bacilles tuberculeux sous la peau, et l’on s'expose moins, avec elle, à contaminer les cages et le personnel; seulement, en raison de l’action inconstan.e de la tuberculine chez les animaux tuberculisés par la voie intra- péritonéale, action inconstante sur laquelle on a peu insiscé et que nous avons eu l’occasion de vérifier de la façon la plus évi- dente au cours de nos recherches (1), nous [âmes obligés d’avoir recours aux animaux tuberculisés sous la peau. Les microbes dont nous avons étudié l’action sur la tubercu- line, sont des bactéries et des moisissures, qui agissent de façon différente sur les substances nutritives. Nous avons choisi des microbes doués d’un pouvoir protéolytique très accentué et d’autres inactifs vis-à-vis de la molécule albuminoïde intégrale ou de la gélatine, mais attaquant par contre les peptones. Ces microbesfurent leB. Wegatherium, le B.coli,le B.typhique, le le B. enteritidis. Gartneri, le B. pyocyanique, l'Aspergillus fumi- gatus, V’Aspergillus niger, le Penicillium glaucum. Les bactéries furent ensemencées sur bouillon de panse; les moisissures, sur le liquide de Raulin auquel nous ajoutions deux (1) Enrecherchant l’action des D. R. et D. M. sur des cobayes tuberculisés depuis cinq semaines par la voie intra-péritonéale nous avons obtenu les résultats que nous reproduisons ici : D. R. Dans le péritoine. N° 4. Réaction : 005. 2 — 2 (DS 3 —— 4412 D. R. Sous la peau. N° 1 Réaction : 1° 2. 2 — LOUE 3 — : cL00E D. M. Dans le péritoine. N° 1 Réaction : 40. | > — : 10,1. ? Les cobayes ne meurent pas. 3 — : 00,5. Témoin. — D. M. Sous la peau. Mort en 18 heures. Tous les cobayes ayant servi furent sacrifiés après l’expérience et tous présen- tèrent des lésions de tuberculose positive. Ces constatations appellent de nouvelles recherches qui seront reprises ultérieurement. ACTION DES MICROBES SUR LA TUBERCULINE A9 pour cent de carbonate de chaux dans le but de neutraliser l’aci- dité produite par le développement de la culture, ce qui aurait pu fausser les résultats de l’expérience. Nous commençâmes par ensemencer les milieux avec les bacilles à étudier puis après 24 ou 48 heures, nous ajoutions la tuberculine, dans des proportions variant entre 1 et 4 0/0. Un. flacon restait toujours comme témoin. L’addition de tuberculine ne changeait pas l’aspect de la culture, les germes continuant à vivre et à se développer; nous avons vu d’ailleurs que l’Asper- gillus niger,quoique lentement, continue à vivre et à se dévelop- per même, sur la tuberculine brute diluée avec un volume égal de liquide Raulin. Il devenait dès lors plus simple de faire la dilu- tion avant l’ensemencement; c’est à ce procédé que nous nous. sommes arrêté. Nous obtinmes ainsi 5 cultures par échantillon, 1 culture sans tuberculine, et 4 cultures avec tuberculine variant comme con- centration de 1 à 4 0/0. Les bactéries furent cultivées à l’étuve, à 379, les moisissures à la température du laboratoire; les dilutions de 1 et 2 0 /0 furent laissées 3 jours à l’étuve; les dilutions à 3 0 /0, 8 jours; 15 jours, celles à 40/0; les moisissures, en raison de la lenteur de leur développement, restèrent en culture de 8 à 21 jours selon la concentration de la dilution. Après ce laps de temps, la filtration fut opérée sur bougie Chamberland, au moyen du filtre Martin. La réaction des liquides filtrés fut reconnue neutre ou faible- ment alcalineautournesol,sauf pourlefiltrattyphique.Lescultures de ce microbe, neutre pendant les 48 premières heures à l’étuve, donnent au bout de dix jours une réaction faiblement acide. Le B.enteritidis, très acide au début de la culture, passe au neutre à la fin de la 22 semaine. *+ * * Nos expériences ont porté sur 100 cobayes tuberculisés sous la peau; 5 semaines après l’infection 2 cobayes du lot pris au ha- sard, reçurent la dose mortelle de tuberculine, soit 1 /4 de c. ce. en injection sous-cutanée; 2 autres cobayes du même lot, recu- rent la dose réactionnelle, soit un cinquantième de €. c. L'expérience fut faite avec un prélèvement opéré sur la quan- tité restant de la tuberculine ayant servi aux dilutions; les ani- maux ayant reçu la dose mortelle moururent de 6 à 8 heures 192 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR après l'injection; les animaux ayant reçu la dose réactionnelle réagirent de 1° et 1° 2/10, 7 et 8 heures après l'opération. Les cobayes étaient donc suffisamment sensibilisés pour nous permettre de procéder aux essais. Ceux-ci comprennent 8 séries; 1 série par microbe; chacune d’elle comporte : Un cobaye témoin qui reçoit le liquide filtré d’une culture à laquelle on n’avait pas ajouté de tuberculine; Un cobaye auquel est injecté la dose réactionnelle à 2 0 /0 D'RCOLATENS RTE PE QUEUES ER ER SRE PR GERS 3 0/0 DnACODAYERE LEE SN ER ANR RTE INE . 40/0 D COLATE RITES ER EE Dose mortelle à x 0/0 soit 5 cobayes par série. La dilution à 2 0/0 est restée 3 Jours à l’étuve; la dilution à 3 0 /0, 8 jours; la dilution à 4 0 /0 15 jours. Le milieu de culture et les différentes dilutions sont éprou- vés au tournesol avant linjection; la température des animaux est prise avant l’opération, puis ensuite toutes les 2 heures pen- dant les 20 heures qui suivent; la réaction apparaît habituelle- ment entre la 2€ et la 6€ heures. En quelques lignes voici le résultat de nos expériences : 49. — MoïsissURES : Aspergillus fumigatus. — L’injection du milieu de culture sans tuberculine produit une élévation de température de 9 /10 de degré; la dose mortelle ne tue pas l’animal; la température maxima produite par l'injection de la dose réactionnelle ne dé- passe pas 6/10 de degré. Aspergillus niger. — Le milieu de culture sans tuberculine ne produit pas de réaction même à dose massive. La dose mor- telle ne tue pas l’animal et la réaction thermique ne dépasse pas 7/10 de degré. La réaction produite par la dose réactionnelle va en décroissant parallèlement à la prolongation de séjour à lé- tuve. La réaction tuberculinique disparait après 15 jours d’é- tuve. ' 3 Penicillium glaucum. — Le milieu de culture sans tubercu- line produit une réaction légère de 6/10 de degré. La dose mor- telle donne une réaction de 10 3 /10,mais l’animal ne meurt pas. La réaction thermique de la D. R. atteint 7/10 de degrés et dis- parait avec la prolongation de séjour à l’étuve. Après 15 Jours ACTION DES MICROBES SUR LA TUBERCULINE 195 d’étuve on constate que l'injection de la D. R. produit chez l’ani- mal un léger abaissement de température. IT. — BAGILLES : PB. Enteriis Gartneri. — Le nulieu de culture sans tubercu- line ne produit pas de réaction. La D. M. tue l’animal en 20 heu- res, la D. R. produit une réaction d'autant plus forte que la dilu- tion employée est plus concentrée, la prolongation du séjour à l’étuve est sans effet. Basterium coli. — Le milieu de culture sans tuberculine semble produire un effet hypothermisant. La D. M. tue l’animal en 6 heures, la D. R. produit une réaction viclente quelle que soit la dilution employée. Typhique. — Le milieu de culture sans tuberculine élève la température de 11/10, la D.M. tue en 39 heures, la D.R. produit une réaction quelle que soit la dilution employée. Pyocyanique. — Le milieu de culture sans tuberculine élève la température de 6/10 de degré, la D. M. ne tue pas et produit une réaction de 1° 6/10, la D. R. réagit quelle que soit la dilution employée. Pourtant la réaction produite par la D.R. dans lo dilu- tion à 4 0/0 atteint seulement 4/10 de degré après 15 jours d’é- tuve. Megatherium. — Le milieu de culture sans tuberculine élève Ja température d'un degré six dixièmes,la D.M.tue en 6 heures, la D. R. produit une forte réaction quelle que soit la dilution em- ployée. Pr” Nous avons fait des essais avec tous les microbes que nous venons d'étudier. Pour bien montrer comment nous avons opéré, nous allons donner les détails des expériences faites avec l’Aspergillus fumigatus, microbe qui attaque la tuberculine, et avec le Mega- therium, qui n’a pas d'action sur ce produit. Les deux tableaux suivants contiennent les résultats de ces expériences : 13 194 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR PremIER TABLEAU. 1. -— Aspergillus fumigatus (alealin au tournesol). No 17. No 11. N° 43, No 82. No 93. COBAYES:: P. 600. P. 530. Peu20: P. 430. P. 330. Volume du milieu de culture D. M. DER D. R. DR injecté pour la D.M, 12c.c. à 2 0/0 à 2 0/0 à 3 0/0 à #4 0/0 Température avant l'injection, 39,6 38.6 29.8 39.9 39.9 Température après l'injection. 2 959.0 38.0 390 39. 399 2€ TABLEAU. 1. — Megatherium (alcalin au tournesol). No 6. N°5. No 42. No 1. No 2. COBAYES : P- "350. BENST0E P. 350: P. 470. P. 390. Volume milieu culture simple D. M. DRE D°R° D. R. injecté pour D. M.6 c. c. à 4 0/0 à 2 0/0 à 3 0/0 à 4 0/0 Température avant l'injection. 39. 39.8 39.6 40.2 39.7 Température après l'injection. D 39.2 99)! 40. 59,8 40.8 ( 1) 0 D9 29.8 39.9 410.5 39 34 à. ACTION DES MICROBES SUR LA TUBERCULINE 495 Conclusions En employant des dilutions de 2 à 4 0 /0 de tuberculine brute, l'action sur la Dose mortelle est : nulle, pour lenteritidis, D. M. tue en 20 heures 1 cobaye de 460 grammes. nulle pour le Megatherium, D. M. tue en 8 heures 1 cobaye de 310 grammes. nulle pour le Coli, D. M. tue en 10 heures un cobaye de 440 grammes. faible pour le typhique, D. M. tue en 39 heures 1 cobaye de 640 grammes. complète pour le Pyocyanique, V’'Aspergillus niger, V'Asper- gillus fumigatus, le Penicillium Glaucum. L’actionsurla Dose réactionnelle, lorsqu'elle est positive,parait l'être d'autant plus que le séjour à l’étuve a été plus prolongé. Les dilutions à 2 0 /0 restées 3 jours à l’étuve donnent des réac- tions qu'on ne constate plus avec des dilutions à 4 0 /0 restées au contact 15 jours. De l’ensemble de nos expériences nous pouvons conclure que l’action des moisissures est consi dérable sur la tuberculine. Celle- ci parait être fortement attaquée par elles et surtout par lePenicil- lium glaucum. Dans ce dernier cas, la réaction thermique peut être inversée. Ce point devra être repris pour savoir si le Penrcil- lium dans son action laisse indemne la substance hypothermisante du bacille tuberculeux. Dans la classe des bactéries le Pyocyanique, germe doué d’un fort pouvoir protéolytique, est le seul dont l’action sur la tuber- culine se manifeste d’une façon aussi intense que pour les moisis- sures; l’action des autres bactéries est pour ainsi dire insigni- fiante. Il ressort enfin, d’une façon générale, que ce sont surtout,sinon exclusivement, les microbes protéolytiques qui détruisent le pouvoir toxique de la tuberculine, tandis que les germes qui ne s’attaquent qu'à la peptone la laissent,pour ainsi dire, intacte; ceci pourrait faire penser que.selon toute probabilité, la tubercu- line n’est autre chose qu'une toxalbumine existant comme un des éléments constituant le protoplasma bactérien du bacille de la tuberculose, Recherches sur l'influence paralysante exercée par certains acides sur la fermentation alcooliqu? PAR M. M. ROSENBLATT ET Mile M. ROZENBAND (Laboratoire de M. Gabriel Bertrand.) De nombreux auteurs ont étudié l’action exercée par certains acides sur la fermentation alcoolique, mais leurs résultats ne concordent pas les uns avec les autres, ce qu’on peut attribuer ou à leur mode opératoire, ou au mode d'appréciation de lPactivité des acides étudiés. Dumas (1) dans ses recherches à employé la méthode sui- vantes : il introduisait les acides dans 25 grammes d’eau pure, plus 10 grammes de sucre additionné de 5 grammes de levure et mesu- "ait leur action, sur le début et sur la durée de la fermentation, en dosant le sucre restant. Les quantités d'acides employés étaient calculées, par cet auteur, en proportion à l’acidité propre de la levure, et il trouvait qu'il était nécessaire d’introduire 100 fois l'équivalent de cette acidité de la levure en acide sulfurique, azo- tique, phosphorique, arsénieux et borique et 200 fois en acide tartrique et chlorhydrique pour que la fermentation ne se mani- feste pas. Lafar (2) opérait sur les moûts de vin additionnés des acides tartrique, malique, citrique, lactique, succinique, acétique et oxalique, qu'il ensemençait avec des levures pures et examinait les rendements en levure, glycérine et alcool. L'action de ces acides était différente et dépendait de la race de levure employée. (1) Dumas. C. R., L'LXXV, p. 277, 1872; Ann. de chim. et phys., 5° série, t. IN p. 97, 1874. (2) LAFAR, LANDWIRTSCH, JAHRESBER, 1894. INFLUENCE PARALYSANTE 197 Kayser (1) a fait des expériences comparatives avec les acides tartrique, citrique et malique en prenant chacun en quantité correspondante à un équivalent, un demi, et un quart d’équiva- lent d’acide par litre. Il introduisait ces acides dans de l’eau de touraillon, contenant 162 er. 3 de saccharose par litre et ense- mençait avec de différentes races de levure. Après la fin de la fer- mentation principale (lauteur n'indique pas sa durée), Kayser dose le sucre restant, l’acidité volatile ainsi que le poids de levure formée. Il a observé qu'il reste, en général, plus de sucre non fermenté dans les moûts additionnés d’un équivalent d'acide par litre que dans des liquides contenant le même acide à une plus faible concentration. L’acide tartrique était le moins favorable à la fermentation : il y avait moins de sucre fermenté avec cet acide qu'avec l'acide citrique et moins avec ce dernier qu'avec l'acide malique. Il en était de même pour la quantité de levure formée qui était plus grande dans les liquides contenant de l’acide malique, que dans ceux contenant les acides citrique et tartrique. L'action des acides étudiés par Kayser variait aussi avec la race des levures employées; une espèce de levure faisait fermen- ter plus de sucre qu'une autre en présence de la même quantité d’un acide. Will (2), en étudiant les acides benzoïque, salicylique, oxa- lique et borique, agissait de la manière suivante : il mettait la levure en contact avec lacide, puis, après un temps variable, plongeait la levure, ainsi traitée, dans de l’eau pure. Après la- voir essorée il observait le temps au bout duquel la levure per- dait son pouvoir fermentatif. Il faut noter, à propos de cette mé- thode, que le séjour de la levure dans l’eau, après le bain acide, affaiblit cette levure, ce qui doit produire une cause d’erreur imé- vitable. Biernacki(3) d’une partetBokorny(4)d’autre partont employé dans leurs expériences un procédé de dosage gazométrique. Ces auteurs mettaient la levure en contact avec un mélange d’une solution de sucre et d'acide dans un tube gradué. Un au- tre tube sans acide servait de témoin. Le volume de lPacide ear- (1) KAYSER, Ann. de Inst. Pasteur, p. 51, 1896. (2) Wie, Zeilschr. f. d. ges. Brauves 16, 1893. (3) BIERNACKI, Pflügers Archiv., p.112, 1891. (4) BokoRNy, Allgem. Brauer und Hopf. Z., 1896. 198 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR bonique dégagé indiquait la marche de la fermentation et la puis- sance de lPacide étudié. Les résultats obtenus d’après cette méthode manquent forcé- ment de précision. [l était impossible de noter le temps de début. de la fermentation, car lacide carbonique produit saturait le liquide contenu dans le tube et ce n’est que l'excès qui se déga- geait. Les quantités de sucre employées par les auteurs pouvaient fournir, par la fermentation, un volume de CO: qui dépassait à peine la quantité suffisante pour saturer le liquide contenu dans le tube gradué, de sorte qu’il était difficile de faire des mesures précises et même de constater la fermentation si on n’aperce- vait pas de dégagement des bulles de gaz dans le liquide. Biernacki et Bokorny ont déterminé les doses des acides bori- que, salicylique, benzoïque et sulfurique qui supprimaient tout dégagement d’acide carbonique. (Ces quantités égalaient 40 grammes par litre pour l'acide borique, 0 gr. 5 pour l'acide benzoïque et { gramme pour l’acide salicylique. Quant à lacide sulfurique, il y a désaccord entre les résultats de ces deux au- teurs. D’après Biernacki, la concentration limite était de 10 gram- mes par litre, par contre Bokorny indique 200 mgr. de H*SO' par litre comme déjà suffisants pour paralyser la fermentation. Schulz (1) a signalé que les acides arsénieux, formique et sali- cylique employés en faibles concentrations produisent une action favorable sur la fermentation. Nous avons observé que laction des acides sur la fermenta- tation n’est ni absolument générale, ni rigoureusement progres- sive. Quand on opère avec des doses croissantes d’un même acide actif, on observe que, jusqu’à une certaine concertration, il n°y a aucun arrêt de la fermentation; c’est seulement à partir de cette dose que Paction paralysante de l'acide se fait sentir; elle aug- mente, comme on pouvait le prévoir, jusqu’à la concentration à laquelle il n’y à plus du tout de fermentation alcoolique. Nous avons repris l’étude de la question avec la levure de bière haute, afin établir : 1° la concentration limite des acides, (1) ScHuLZ, Pflugers Archiv, 42, 517, 1888. Wirchows Arch., 108, 427, 1887. Des récentes recherches de E. Buchner, H. Buchner, M. Hahu (Die zymasegrhrung, Mu- nich et Berlin, 1903), de Duchachek (Biochem. zeitschr., p. 211, 1909) ont eu pour objet l’action des acides acétique, lactique, tartrique, benzoïque et salicylique sur la zymase. Nous les citons à cause du rapport qu'ils peuvent présenter avec notre tra- vail, mais nous n'avons pas à les analyser ic]. INFLUENCE PARALYSANTE 199 qui reste sans effet sur la fermentation et 20 la concentration des mêmes acides qui paralyse complètement l’action fermentative de la levure. Au cours de cette étude nous avons examiné avec soin l'ac- tion comparée d’un assez grand nombre d’acides minéraux et organiques. Nos expériences ont démontré que plusieurs acides, parmi lesquels lacide borique, sont sans aucune action sur la fermentation alcoolique; pour les autres, la concentration qui arrête complètement l’action de la levure est, en général, très élevée, beaucoup plus, entout cas, qu’on pouvait le supposer d’a- près les expériences antérieurement publiées. Afin d'éviter les causes d'erreur que l’on pourrait reprocher à certaines recherches auxquelles il est fait allusion plus haut, nos expériences ont été effectuées d’après le mode opératoire sui- vant : une série de tubes à essais contenant chacun 125 mgr. de saccharose dissous dons 10 c.c. d’une solution acide (1) de diffé- rentes concentrations moléculaires et additionnés de 100 mgr. de levure de bière haute (levure pressée du commerce, apportée jour- nellement,) ont été placés dans un bain réglé à la température de 259, 5 pendant 40 heures. Chaque série d'expériences a été accom- pagnée de tubes témoins contenant la même quantité de saccha- rose dissous dans 10 €. c. d’eau pure. Après le délai de 40 heures, nous avons mesuré l’action para- lysante des acides par la quantité de saccharose disparu. Pour cela Le sucre restant était interverti (2), puis dosé par la méthode très précise indiquée par Gabriel Bertrand (3). Pour l’inversion du sucre, nous ajoutions dans chaque tube de l'acide chlorhydri- que pur en quantité nécessaire pour faire une solution de HCI à 2 0/0 et nous chauffions à 1000 pendant 15-20 minutes. Les résultats obtenus sont indiqués dans le tableau ci-après. (1) L'eau employée pour nos expériences‘ était de l’eau redistillée dans le vide avec un appareil en verre. (2) 0,1 gramme de sucre chauffé à 1009 avec 10 c. ce. d?s solutions acides, ne don- nait naissance à aucun Corps réducteur. (3) Bull. Soc. Chimique, 3° série, t. XX XV, 1906, p. 1285. 200 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Poids |Concentralion limite en moléeule-gramme Noms des acides molécu- par litre paralysant complètement laires la fermentation Concentralion sans effet sur la fermentation Acides monobasiques Acide dichloracètique...! 129 [m/100 ou 0,129 grammes par litre m/200) — DENZOIMUEs..-.---| 122 m/60 ou 2,933 grammes par litre! m/1000 — L'salicylique...."... 138 in/60 ou 2,300 grammes par litre! m/2000 — Mmonochloracétiquel 94,5 | m/50 ou 1,890 grammes par litre! m/5000 — trichloracétique...| 163,5 | m/25 ou 6,540 grammes par litre] m/4000 —NaZONQUE - er 63,9 m/9 où 7,0)0 grammes par litre! m/3000 — isovalérique.......| 102,0 m/5 ou 20,4 grammes par litre] m/200 — chlorhydrique.....| 36,3 m/5 où 7,3 grammes par litre] m/3000 — jormique........…. 46 m/4 ou 11,5 grammes par litre] m/1000 — benzènesulfonique| 185 m3 ou 61,667 grammes par litre] m/3000 —"\ acétique....... | 100 m?ou 30 grammes par litre] m/100 — Sulfovinique....... 126 2 M ou 252 grammes par litre| m/#000 — lACLIqUES LR 90 2 Mou 80 grammes par ltre| m/200 —— ISODULYrIQUE...-. 88 3 M ou 264 grammes par litre! m/100 —— PLOPIOMQUE 07 Fr) 4 4 Mou 296 grammes par litre m/200 A Mou #40 grammes par litre] m/200 — paraoxybenzoïque.| 138 |Fermentation encore appréciable avec la solution saturée m/,20.. m/60 4 — butyrique normal.| S$$s U Acides bibasiques Acide sulfurique (1)..... 98 m/10 ou 9 gr. 8 par litre. m/8000 — .oxalique (2)....... 90 m/10 ou 9 gr. 0 par litre. m/1000 -- malonique........ 10% 5,6 M ou 582 gr. 4 par litre. m/200 = HAT ITIqUE Re 150 |Fermentation encore appréciable! m/200 | avec la solution saturée 5 M, bu — SUCCINIQUE-... 11S |Fermentation eucore appréciable] m/8 l avec la solutton saturée m/2,5 ARR EEE D PE RE CRETE {1) Dans une nouvelle série d'expériences, faites quelques mois (7) après, nous avons trouvé que l’acide sulfurique n’arrêtait complètement la fermentation qu’à la dose de m/5 ou 19 gr. 6 par litre. Pour les autres acides, les concentrations: imites sont restées les mêmes. La cause de ce changement de résistance de la levure envers l’acide sulfurique doit être sûrement attribuée au fait que cette levure était (comme nous l’avons appris ensuite) préparée dans les derniers mois avec des moûts contenant de lacide sulfurique. La levure s’accoutume à cet acide et devient plus résistante à son égard. A cause de ce phénomène d’accoutumance, il fallait employer l’acide sulfurique à une dose plus grande pour produire le même effet d’arrêt com- plet de la fermentation. Avec les acides nitrique, acétique et phosphorique que nous avons essayés, cette nouvelle race de levure ne présente pas de différence avec la première. (2) Calculé sans eau de cristallisation. PR VE INFLUENCE PARALYSANTE 201 Poids | Concentration limite en molécule-gramme Noms des acides. molécu- par litre paralysant complètement laires la fermentation. fermentation Concentration sans effet sur la Acides tr RP TAN Acide arsénique......... 112 2 M ou 285 gr. par litre. m /500 — phosphorique, YS 3 M ou 294 gr. par litre. m/2000 CTI) EEE 192 > Mou 576 à or. par litre. m/200 — méthylarsénique... Sa 3 M ou #10 gr par litre m/1000 —DorIque re. Me Fermentation presque complète avec la solution saturée m/2. mn /# — ArsénieUx. ........ 198 |Fermentation appréciable avec la solution saturée m/10. mn /2000 Fe © Poids | Concentration limite en moléeule-gramme = Noms des sels molécu- par litre paralysant Complèlement = D laires la fermentation. = © tt) a ———— —— —————————"— Sulfale monopotassique..! 136 EE ou 45 gr. 33 par litre. m/500 Citrate monosadique....| 214 > M ou 642 gr. 0 par litre. my/1 Phosphate — (1) |. 120 4 M ou 4$0 gr. 0 par litre, m/1 — monopotissique | 136 | Fermentalion complète avec la solution saturée m/1 = Oxalate = 128 | Fermentation encore appréciable avec la solution salurée m/3 m /30 Arséniate ee 180 | Fermentation encore appréciable avec la solution saturée m/1 | m/# Dans le tableau ci-dessus les acides sont rangés d’après leur basicité et dans l’ordre décroissant d'activité. Cet ordre de clas- sement montre quelques faits assez curieux. Ainsi, les acides les plus actifs de la série grasse sont les acides di-mono et trichlora- cétique. Pour arrêter complètement la fermentation, il fallait em- ployer une dose deux fois plus faible d’acide dichloracétique que d’acide mono et quatre fois plus faible que d’acide trichloracé- tique. L'ordre de groupement des acides gras saturés est aussi irré- (1) Calculé sans eau de cristallisation. 202 ANNALES DE L'INSTITUT PASETUR gulier qu'inattendu:le plus actif est l'acide isovalérique, puis sui- vent les acides formique, acétique, isobutyrique, prop'nique et n-butyrique. Quant aux acides aromatiques-benzoïque et salicylique, nous avons constaté que l'introduction de l’oxydrile phénolique dans le noyau ne change pas l’activité de lacide dans le cas d’arrêt complet de la fermentation. Par contre, si on diminue progressivement la concentration de ces deux acides, on voit que l’acide salicylique devient plus actif que l'acide benzoïque : par exemple, à la concentration de m /300 il y a 10 fois plus de sucre fermenté avec l’acide benzoïque qu'avec l’acide salicylique. Quant à l’isomère de l'acide salicy- lique, l’acide para-oxybenzoïque, il n’arrête pas la fermentation, même en solution saturée de m /20 et devient inactif à la dose de m /60 par litre. Le dérivé para est donc beaucoup moins actif que le dérivé ortho. Dans la série des acides bibasiques, les acides sulfurique et oxalique sont les plus actifs:les autres acides étudiés, de la même série et de la série tribasique, ont relativement une faible action sur la fermentation du saccharose. Il faut encore remarquer que dans les cas des acides arsé- nique, arsénieux et méthylarsénique, le métalloide, malgré sa grande toxicité habituelle, semble ne pas avoir d'effet par- ticulier sur l’action de la levure. Ces acides se rangent à côté des autres acides de la même série, par exemple, de l'acide phospho- rique et citrique. Afin de vérifier que la disparition du sucre était bien due à la fermentation alcoolique, nous avons dosé aussi l'alcool formé par la méthode colorimétrique du bichromate, suivant la techni- que en usage dans le laboratoire de M. Gabriel Bertrand. Cette technique consiste à préparer d’abord une série des tubes de- vant servir de type. On mélange dans le nes tube Ice: d’une solution de bichromate de potassium à 2 0/0 avec 5 €. e. d’une solution alcoolique à 1 0/00 en volume et 5 c. €. de H*SO: concentré; dans le deuxième tubeon fait le même mélange avee 4 €. e. 5 de la même solution alcoolique + 0, 5 €. e. d’eau et ainsi de suite. On fait bouillir chaque tube pendant une minute et on laisse refroidir, On obtient alors des colorations correspon- INFLUENCE PARALYSANTE 205 dant à des quantités d'alcool absolu de 5 mm. e. jusqu'à zéro (de vert pur à orange de bichromate). De la même manière on opère avec une solution d'alcool à doser et on compare les colorations obtenues avec l'échelle type. Cette technique de dosage de petites quantités d'alcool qui diffère de celle, bien connue, de Nicloux, a l'avantage d’être beaucoup plus rapide, lorsqu'on a, comme dans notre cas, un orand nombre de dosages à faire;elle ne demande guëre, en effet, qu’une seule expérience par dosage, puisque la série des types peut se conserver pendant fort longtemps. Elle présente aussi avantage de pouvoir être effectuée avec une plus petite quantité des substances à doser. Comme exemple citons le dosage effectué avec l’alcool pro- venant de la fermentation de sucre dans un milieu saturé d’acide arsénieux (m /10). Nous avons dissous 6 gr. 25 de saccharose dans 500 c. c. d’une solution d’acide arsénieux m /10 et additionné de 5 grammes de levure (c’est-à-dire avec les quantités 50 fois plus grandes, que dans les expériences ordinaires : ceci afin d'obtenir un volume d'alcool suffisant pour l'identifier et doser). Après 40 heures nous avons distillé au réfrigérant de Schlæsing 350 ce. c. de liquide, lequel fut redistillé en 2 portions : la première de 200 €. €. à donné, aprèsle dosage, 794 mgr. d'alcool; la seconde de 50 em 5 en était exempte. Ces 794 mgr. contiennent aussi 99 mgr. d'alcool, provenant de 5 grammes de levure employée pour l'expérience (1) et qu’il faut déduire. Il reste ainsi 695 mgr. d'alcool formé par la fermentation de 1 gr. 36 de saccharose (21,7 0/0 de sucre total employé). Nous avons obtenu des résultats analogues en effectuant l’'ex- périence avec H°SO® m/14 (avec m/10 il y a arrêt complet de fermentation: nous n'avons constaté ni la disparition du sucre ni la formation d'alcool). Il est très curieux de constater que la fermentation du sucre par la levure de bière ne soit pas complètement annihilée dans un milieu contenant des doses aussi fortes d'acide, que, par exem- ple, près de 10 grammes par litre dans le cas de lacide sulfuri- que; 352 grammes dans celui de l'acide butyrique normal où (1) Quantité qui a été dosée sur un échantillon à part, au moment même où on pro- cède à l’ensemencement du liquide fermentescible, 204 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 222 grammes pour l'acide propionique, surtout si l’on se rappelle qu'il suffit souvent de quantités très faibles de ces réactifs pour paralyser complètement Faction des diastases. M. Gabriel Bertrand (1), par exemple, a démontré que l'acide sulfurique arrête complètement l’action oxydasique de la lac- case à la dilution d’une demi-molécule-gramme d’acide dans 60,000 litres d’eau (la laccase prise à 1/200000€) et que pour la plupart des autres acides les doses paralysantes sont aussi très minimes. D'autre part, des faits analogues ont été signalés par M. Gabriel Bertrand et M1e M. Rozenband (2) pour la peroxy- diastase, ete. Comme il est peu probable, en ce qui concerne l'influence des acides, que la zymase diffère des autres diastases et les expérien- riences de Buchner et ses élèves rappelées au début de ce travail, bien qu’entreprises à un point de vue différent et seulement avec les acides acétique, lactique, tartrique, benzoïque et salicylique, confirment cette généralisation, on peut supposer que, dans le cas étudié par nous, la membrane cellulaire de la levare est peu perméable aux acides et protège suffisamment les diastases qu’elle contient contre l’action de ces réactifs; la fermentation du saccharose, qui est un phénomène eudocellulaire, resterait alors possible dans des milieux acides de concentrations très élevées. (1) GABRIEL BERTRAND, « Sur l'influence paralysante exerée par certains acides sur la laccase. » (. À., t. CXL, I, p. 340,1907; Bull. Soc. chim. de Fr., 4° série, t. T, p- 1120, 1907; Ann. de l’Inst. Past., t. XXI, 1907, p. 673. | (2) GABRIEL BERTRAND et Mie M. ROZENBAND. « Sur l’action paralysante exercée par certains acides sur la peroxydiastase. » (. /., t. CXLIT, I, p.297, 1909; Bu/f. Son. chimique de Fr., 4e série, t. V-VI, p. 296. 1909; Ann. de l’Inst. Pasteur,t. X XIII, p. 314, 1909. Sur la présence d’un Leptomonas, parasite de la classe des Fagellés, dans le latex de trois Euphorbiacées ‘?, par À. LAFONT Mdecin-major de deuxièm? classe des troupes coloniales (H.C.) Directeur du Laboratoire de Bactériologie de l'ile Maurice. : Depuis longtemps notre confrère CLARENC nous avait signalé dans la cour de la Malmaison une Euphorbiacée commune, l'Eu- phorbia pilulifera où Jean-Robert, emplovée couramment en médecine populaire. Cette plante est annuelle, atteint de 0M,15 à 0,30 de hau- teur et renferme un latex abondant qui nous avait suggéré l’idée d'étudier comparativement les sues lactescents des espèces à lait, très nombreuses à Maurice. Des examens rapides, au milieu de nos recherches sur le Surra, nous avaient révélé la présence de corps oblongs, en suspension dans la gouttelette laiteuse, mais prenant mal les colorants. Ces corps, incolores et transparents, sont des grains d’amidon (fig. I, A) dont la présence est constante dans le latex des Euphorbiacées. Fin avril notre « attendant » Davip observa sur quelques échantillons de Jean-Robert de petits corps mobiles au sein du liquide. Quelques jours après, je découvris des corpuscules sem- blables dans une Euphorbiacée voisine, Euphorbia thymifolia ou ARougette, également laticifère et vivant au voisinage de (1) Notre 1e note à paru dans les Comples Rendus de la Soc. de Biologie, le 19 juin 1909. 206 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l Euphorbia pilulifera, puis, dans une 3€ espèce, Euphorbia hypericifolia. Le parasite, dans les 3 planves, ressemblait à un trypanosome. ON ) J la Je S Var DESCRIPTION DU PARASITE Avec M. Maya nous avons étudié le parasite à l’état frais et sur préparations colorées. Il est allongé, rubanné et porte un flagellé à son extrémité. 19 À l’état frais et à un faible grossissement, le parasite, à fond pâle, ondule sur lui-même et ne se déplace pas très vite. On ne le voit pas se tortiller comme un ver ainsi que le fait s’observe avec les Trypanosomes, par exemple celui du Surra. La lenteur de ses mouvements peut tenir à la viscosité du liquide ainsi qu'aux particules de gomme ou de résine qui s’y rencontrent en abondance et qui parfois lemprisonnent. Sa motilité, dans certains cas, est considérablement accrue sil décrit alors des courbes de plus ou moins d'amplitude, soit à droite, soit à gauche, sans sortir généralement du champ du microscope. Il donne l'impression d’un minuscule tétard nageant au sein du liquide. À un grossissement de 700, selon sa période d'évolution, tantôt il paraît filiforme, tantôt renflé en son centre, tantôt en voie de division longitudinale ou en grosse masse protoplasmique irré- gulière. Les extrémités se terminent en pointe, la postérieure étant particulièrement atténuée, souvent tordue sur elle-même. Cet aspect en vrille ou en torsade est fréquent, mais ne s’observe pas sur tous les parasites. On peut compter 2 à 3 torsions, ce qui pour- rait donner lillusion de 2 parasites enroulés l’un autour de l’au- tre. Au début de nos observations, cette particularité nous avait aussi fait penser à une membrane ondulante rudimentaire, ce qui n'est pas exact, comme nous le verrons plus loin. On peut observer ces parasites vivants 6 à 7 heures entre lame et lamelle. À mesure que leurs mouvements se ralentissent, le flagellé devient plus aisément perceptible, car il est d’une srande ténuité, Il se dispose alors en spires régulières et parait gouvent plus long que le corps du parasite, Passé ce temps, les flagellés demeurent immobiles, parais- sent morts ou subissent déjà des déformations. 29 En goutte pendante ou sous lamelle lutée à la paraffine, à la FLAGELLÉ DES EUPHORBIACÉES 207 température du laboratoire 209-220, nous avons pu suivre le para- site pendant plusieurs jours et observer sa reproduction par dédoublement longitudinal, avec élargissement préalable de son protoplasme; mais ces formes de reproduction se rencontrent déjà dans le suc frais de la plante, quoiqu’en moins grand nom- bre. On observe aussi de grosses masses protoplasmiques à plu- sieurs noyaux, avec ou sans flagellés, se divisant en plusieurs parasites. En plus de ces formes variées, attestant divers stades de développement, apparaissent des sphérules avec un noyau ré- fringent, à l’intérieur, qui est parfois animé de mouvements très vifs. Ces sphérules ne tardent pas à émettre un flagellé, et au bout de peu de jours ces formes sphériques flagellées dominent, les parasites rubannés paraissant dégénérés et graauleux. Nous avons parfois noté deux flagellés, mais le fait est rare. Les dimen- sions de la petite sphère varient de 6 à 74, diamètre d’un globule rouge de l’homme, à 3 4, 2, et au-dessous. On voit aussi des for- mes très petites de 1 , environ pourvues d’un flagellé et mobiles, Fig. 3. — Leplomonas Davidi. À, grains d’amidon. Très rarement nous avons noté des flagellés libres pouvant don- ner l’impression de microgamètes. 208 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Ces milieux en goutte pendante ont réalisé ansi une véritable culture. Le parasite vivant ne révèle pas toutes ses particularités, il faut le colorer. 30Sur les préparations colorées au Leishman(fig ig.1),le protoplasme est pâle et on distingue deux masses htomahe : une grosse centrale et une petite antérieure d’où part le flagellé. Le temps de la coloration a varié de 1 /4 heure à 1 heure. La grosse masse, ou noyau proprement dit, occupe la moitié antérieure du corps : elle est formée d’un amas de granules et ne se colore pas d’une façon bien intense. La petite masse (blépharoplaste ou centrosome) se colore au contraire vivement: elle est située à peu de distance de l’extré- mité antérieure. Le flagellé part en général du centrosome. Sur nos premières PRG. le colorant n’établissait pas très nettement cette particularité, qui est bien mise en évi- dence avec de bonnes colorations au Giemsa. Sur beaucoup d'exemplaires, on reconnait, il est vrai, que le flagellé n'adhère pas à l'extrémité du corps situé en avant de lui. Nous croyons que, tiraillé pendant l’étalement, le flagellé est légèrement détaché du cen- trosomeet qu'ilenest parfois complète- ment arraché. Fig. 2. — Trypanosoma A remarquer que sa disposition est Evansi (Surra de Maurice). l’inverse de celle des trypanosomes (voir fig. 2 ci-contre). Dimensions. Le parasite adulte mesure 184,9 de long sur fu, 6 de large sans compter le flagellé qui atteint 10-à 12 . Les chif- fres ci-dessus représentent la moyenne de 10 mensurations. Les formes en voie de division plus trapues donnent : l&n 6 lonsacur.."........ à ! : È JUS IPTENL ee eee + ‘ moyenne de trois mensurations (1). LOS NME ES ) (1) Les mensurations ont été faites par M. Maya par le procédé du micromètre oculaire et par comparaison, pour plus d’exactitude, avec le micromètre objectif: ongr du tube réglé à 160 mm. Ocul. compens. 6 avec l’object. apochrom. de 2,0 m m. de Zeiss. FLAGELLÉ DES EUPHORBIACÉES 209 M. MEsnis, qui très obligeamment a examiné quelques-unes de nos préparations et nous a guidé dans cette étude, a noté des dimensions un peu supérieures, D’après lui, le corps du parasite à 20y de long sur 2u de lar- geur moyenne et le flagellé mesure de 10 à 15,4, de long. Ces légères divergences s'expliquent par la variation de forme de ces flagellés d’une plante à lautre. De plus, nous pensons, eu égard à son extrême fragilité, que l'extrémité libre du flagellé est souvent brisée dans les manipu- lations (étalements, coloration, ete.). [n’est pas rare de retrouver des fragments épars sur les lames. Sur des échantillons bien conservés, ce flagellé en effet dé- passe quelquefois en longueur le corps du parasite. Dansson ensemble, notre flagellé est de dimensions supérieures au trypanosome du Surra de Maurice chez les Equidés et les Bovidés. Son extrémité antérieure n'offre rien de particulier; son extré- mité postérieure, plus effilée, avec son aspect en torsade, est remar- quable sur de bonnes préparations. Le parasite a en effetune struc- ture rubannée, les 2 bords ou 1 seul paraissant souvent ondulés ; surtout quand un bord seul est ondulé, on croirait à une mem- brane allant s’insérer tout près du blépharoplaste et longeant tout le corps sans le dépasser. C’est ce qui nous avait fait croire au début à l'existence d’un vestige de membrane ondulante et porté à classer le parasite dans les formes ÆHerpetomonas où parmi les trypanosomes jeunes reproduits par cultures. Mais, avec M. Mesxis, sur des préparations fortement colo- rées au Giemsa (une à plusieurs heures), nous avons reconnu sans peine qu’il n’y avait là qu'une apparence, car le bord ne présente pas de filament bordant comparable au flagellé antérieur. La division est longitudinale et n’offre pas de particularités pour les parasites rubannés. À signaler pourtant, lors de la divi- sion longitudinale, la présence, chez certains des flagellés, de 2 ou 3 grosses masses chromatiques occupant et remplissant lex- trémité postérieure sans qu'il y ait nécessairement dédouble- ment du centrosonie. Nous n’avons pas assisté aux phénomènes de division des pe- tites sphères; mais ces dernières, bien colorées, avec leur gros novau et leur petit noyau, rappellent beaucoup certaines for- 14 210 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mes enkysiées du Kala-Azar sauf l’orientation différente du cen- trosome qui est parallèle au gros noyau, tandis qu’ilest perpendi- culaire ou légèrement oblique dans cette dernière affection. Nous n'insisterons pas sur les parasites à protoplasme irré- gulier, très élargi, ressemblant à des raquettes, avec un seul flagelle accompagné d’un ou plusieurs noyaux. Il peut s’agir de formes aberrantes et peut-être de formes de souffrance. Sur certaines préparations, provenant de plantes excessive- ment parasitées, on rencontre parfois des parasites en amas, simulant de fausses rosaces; nous pensons à un phénomène d’agglutination spontanée. En résumé, la présence de 2 masses protoplasmiques : une grosse masse ou noyau proprement dit, une petite masse (centro- some ou blépharoplaste), et un flagellé, le mode de reproduction longitudinale joint à l’absence de membrane ondulante permet- tent de classer ce flagellé dans le genre Leptomonas. Nous la- vons désigné sous le nom de Leptomonas Davidi du nom de celui d’entre nous qui l’a vu le premier. On ne saurait méconnaitre l’étroite parenté qu'il y a entre les diverses formes de ce parasite et les formes jeunes de trypano- somes obtenues par culture ainsi qu'avec les Leishmantia. Une étude cytologique plus approfondie révèlera sans doute d’inté- ressants détails de structure fine. Sa présence dans le suc de petites Euphorbiacées communes est pour le moins inattendue et mérite d’être signalée en raison de la nouveauté du fait. ESSAIS DE CULTURES SUR MILIEUX APPROPRIÉS. Les essais tentés jusqu'ici ne donnent pas des résultats bien appréciables. Nous avons pu observer les flagellés vivant 24 à 48 heures en milieux lactescents en pipettes et sur gélose addition- née de suc d’euphorbes. Les ensemencements sur milieu de CH. NicozLe ont permis de conserver le flagellé 16 jours et de le voir se reproduire par bipar- tition longitudinale. On observe souvent des amas irréguliers avec flagellés généralement à la périphérie. Nous n'avons pas encore réussi de passages, mais nous sommes d’avis avec M. MesniLz qu'il pourra se cultiver sur de bons milieux, comme le parasite de Doxovax et quelques autres, FLAGELLÉ DES EUPHORBIACÉES Su ESSAIS D'INOGULATION AUX PETITS ANIMAUX. Nous nous sommes servis comme matériel d'expérience de souris et de moineaux. Deux lots de 5 souris ont reçu à dose croissante de V à L gout- tes : le 1er lot, de latex parasité et le 2€ lot, de latex non parasité. Les inoculations ont été pratiquées sous la peau du dos. Une seule souris du 2€ lot a fait une petite eschare. On s’est servi du latex de Jean-Robert, plus abondant. Il est mort des souris dans les 2 lots. Aucune infection n’a été notée ni localement ni dans les examens du sang. Dans une 2€ expérience, un lot de 6 moineaux a reçu des doses croissantes de succontaminé (même plante). 3 ontsuccombé, 9 ont survécu. La cause de la mort n’a pu être établie. La mortalité a sévi également sur des moineaux témoins. M. le docteur MÉNAGÉ, à Poudre-d’Or, est arrivé aux mêmes résultats négatifs chez des moineaux. Mais chez quelques-uns de ses oiseaux, M. CHaïBA a retrouvé des vers intestinaux. En résumé, toutes nos expériences sont négatives et le Leptomonas ne parait pas pathogène chez les 2 espèces précitées, du moins par inoculation sous-cutanée. EUPHORBIACÉES PARASITÉES. Ainsi que nous l’avons signalé au début de cette étude, le : | - Fig. 3. — Euphorbia pilulifera ou Jean-Robert (photographie d'après une aqua- relle). 1. Plante saine; 2. Plante parasitée, 212 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Leptomonas Davidi se rencontre jusqu’à ce jour à Maurice dans o espèces d’Euphorbes : Æ, pilulifera (fig. 3 et 7), Æ. thymufolia, (fig. 4 et 7), E. hypericifolia (fig. 5). Je signale de suite une particularité en ce qui concerne Æ. thy- mifolia. I existe 2 variétés de cette plante, l’une à tige ordinaire- ment rougeâtre et à feuilles foncées, l’autre à tige pâle et à feuilles constamment vert pâle (fig. 4, 1 et 2). Les botanistes n’attachent Fig. 4.— Euphorbia thymifolhia où Rougelte. 1. Variété à feuilles foncées. 2, Variété à feuilles vert pàle (d’après une aquarelle). pas une grande importance à ces caractères qu'il considèrent comme secondaires. Il est néanmoins curieux de constater que les deux variétés sont assez souvent parasitées. C’est dans Æ. hypericifolia que j'ai rencontré la plus grande variété de flagellés et que l'étude m’en a paru le plus commode, mais Æ. pilulifera se prête aussi très bien aux investigations. Ces petites euphorbes, extrêmement rustiques, sont annuelles. On les rencontre le long des chemins, des fossés, des ponts, des voies ferrées, et aux alentours des gares, des cours des maisons; dans les endroits pierreux, non envahis par les herbes. Toutes ont une racine pivotante très profonde que l’on casse fréquemment en voulant les arracher. Sauf Æ. hypericifolia, assez rare, leur aire de distribution est très vaste et s’étend du bord de la mer à 4 et 500 mètres d’altitude et parfois au delà. D’après le docteur Clément DaruTY, ces plantes très connues en médecine populaire sont réputées anti-asthmatiques, astrin- centes, détersives, vermifuges et emménagoques, diaphorétiques et stomachiques. On les emploie couramment contre l'asthme, la FLAGELLÉ DES EUPHORBIACÉES 213 dysenterie, les aphtes, coliques, plaies et laménorrhée, les fièvres et la dyspepsie. L'E. hypericifolia(fig.5)est nommée communément herbe mal levée ou herbe colique et passe pour renfermer une huile grasse. Fig. 5. Euphorbia hype- ricifolia. (D’a- près une aqua- relle.) ) intéressant de souligner cette exception. Les plantes des _es- pèces précitées ne ren- ferment pas toutes des parasites, les unes en contiennent un nombre immense à l’état de cul- ture pure, d’autres n'en montrent que quel- ques-uns et un assez grand nombre n’en ont pas du tout. L’un de nous a fait cette remarque intéres- Le latex de ces Eu- phorbes ainsi que celui d’une autre espèce, Æ. peplus ou réveille-ma- tin, vivant dans leur voisinage, est franche- ment acide, ce dont on peut s’assurer au tour- nesol sensible, mais cette quatrième espèce (fig. 6) n’a jamais été rencontrée parasitée jusqu’à ce jour. Il était Fig. 6.— Euphorbia peplus où Réveille-matin (D'après une aquarelle.) 214 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sante qu'une branche de la même plante peut être parasitée et la branche voisine ne pas l’être ; de même, en sectionnant une tige en un point l’on peut recueillir une goutte de latex fourmillant de flagellés et ne plus en voir aux sections suivantes, mais le fait n’est pas constant. En tout cas la répartition du parasite dans le suc de nos Euphorbes n’est pas toujours régulière. Tandis que les flagellés meurent rapidement entre lame et lamelle, je les ai retrouvés très mobiles 10 heures après à l’extré- inité d’une tige séparée de la plante et abandonnée à la tempéra- ture du laboratoire : 22 à 239 environ. Généralement la plante parasitée est de mauvaise venue, souf- fre dans sa croissance si elle est jeune, ou dépérit lentement si elle est déjà forte. On voit ses feuilles prendre un aspect grillé, se recroqueviller et tomber; la tige devient brunâtre, squelettique et se dessèche rapidement. Il n’est pas rare de voir des plantes conserver une branche ou deux en pleine végétation à côté des autres tiges desséchées. Fig. T. — À gauche un exemplaire sain de Euphorbia pilulifera ou Jean-Robert. Au milieu, la même espèce parasitée, À droite, £. {hymifolia ou Rougette. (D'après des photographies directes.) FLAGELLÉ DES EUPHORBIACÉES 215 Sur la zone du littoral, cet aspect chétif et misérable est très marqué chez le Jean-Robert (E. pilulifera) parasité (v. fig. 7). Il est beaucoup moins accentué chez les Æ. hypericifolia. Quant à la Rougetteou Æ.thymifolia etses variétés, elles ne parais- sent pas souffrir, cette espèce n'étant pas érectile comme les deux autres, mais traçante à la surface du sol. On trouve aussi des échantillons vigoureux, en pleine crois- sance, largement parasités, qui ne paraissent pas trop péricliter. Nous pensons nous trouver en présence d’une véritable mala- die des Euphorbes. Aussi proposons-nous de nommer «Ælagellose» la maladie nouvelle de ce végétal et de rapprocher une foisde plus les maladies communes au règne animal et au règne végétal. L’analogie est remarquable entre les spirilloses et les trypano- somiases de l’homme et des animaux etles « flagelloses » des plan- tes que nous décrivons. RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DU « LEPTOMONAS DAVIDI » I. À Maurice. Le laboratoire a examiné des centaines d’Euphorbes prélevées dans les diverses régions de l’île. Le parasite existe partout et les plantes du littoral, plus ensoleillées, sont davantage parasitées. De tous nos examens, nous ne retenons qu’un chiffre de205 Æ£u- phorbia pilulifera recueillis à la Malmaison, à Saint-Pierre, Moka, au Réduit, à Rose-Hill, Beau-Bassin, Port-Louis (gare, Champ-de-Mars, jardin du Muséum), Pamplemousses {jardin du Roi), Curepipe, Plaisance, Tamarim, Riviere-Nôire (Yemen et Lamivoie). Sur ces 205 Æ. pilulifera, nous avons rencontré 70 plantes parasitées, ce qui donne une proportion de 34, 1 0/0. La proportion est un peu moindrechez Æ. thymifolia, 33,5 0 /0, mais la recherche du flagellé est plus difficile dans cette espèce. L’E. hypericifolia, qui doit son nom à sa ressemblance avec le Millépertuis, est assez rare et nous n’avons pu établir si le fla- gellé s’y trouvait fréquemment. Par comparaison, nous avons recherché le parasite sans succès dans le suc ou le latex de 50 espèces. Nous citons les espèces suivantes : 216 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Euphorbia peplus ou Réveille-matin. Manihot ceara (suc du tronc et des feuilles.) Manihot utilissima (plusieurs variétés). Jatropha curcas où Pignon d’Inde. Jatropha multifida ou Arbre corail. Jatropha gossipifolia. Croton tiglium. Ricinus communis. Hevea brasiliensis. Castilloa. Cryptostegia madagascarensis. Fontumia elastica. Banga où Caoutchouc de Madagascar. Euph. tirucalli où Colli. E. splendens où Couronne d’épines. Phyllanthus niruri où Curanellie blanche. Phyllanthus urinaria où Curanellie rouge. Phyllanthus casticum ou Castique rouge. Phyll. phyllyreafolius où Bois balié la rivière. Ficus elastica. Fieus indica multipliant, ou figuier de banians. Ficus mauritiana ou figuier sauvage. Ficus à larges feuilles. Cissampelos mauritiana où Paredia brava. Excæcaria sebifera où arbre à suif. Plumiera retusa où frangifranier. Artocarpus integrifolia où Jacquier. Plusieurs espèces de Landolphia. Vahea madagascarensis. Batatas edulis où patate. Ipomea mauritiana ou patate à Durand, Allamanda où arbre à caoutchouc. Argemone medicana où Chardon du pays. Lastron (composée). Herbe poison. Liane à fleur jaune. Liane cire. Songe ou Taro. Sapotillée rouge. | Capucine. A Baobab. Papayer mâle et femelle (tronc et feuilles). Plusieurs grandes Euphorbiacées et autres arbustes à suc irritant. Des Ficus, des lianes, que nous n'avons pu déterminer. Fait remarquable, le parasite ne se rencontre que dans les pe- tites Euphorbes annuelles et, jusqu'ici, jamais dans les espèces FLAGELLE DES EUPHORBIACÉES 217 arborescentes et les grands arbres, comme si ces espèces très vigoureuses se trouvaient moins vulnérables au parasitisme, bien qu'onrencontresurleur troncouleurfeuillage des insectes variés et parmi eux des punaises. A Maurice, la découverte du flagellé a été confirmée rapide- ment par M. CLAITE qui en avait eu connaissance, comme élève, au laboratoire et qui en a reconnu l'existence dans le Jean-Ro- bert et la Rougette; par M. le docteur MÉNAGÉ dans la région de Poudre-d’Or. M. le docteur MoxPLé l’a retrouvé à la Grande- Rivière. M. D'EmMEeREx, directeur du Muséum, lui a retrouvé les caractères d’un Leptomonus et a fait les mêmes constatations que le laboratoire en léxtiant en goutte pendante. Depuis linvasion du Surra, le pays est abondamment pourvu de microscopes et les administrateurs des propriétés ont revu sans peine le parasite qui a passionné Maurice, car la croyance géné- rale pensait retrouver là l’origine du Surra. IT, Dans les régions tropicales. L’ubiquité de ce flagellé à Maurice m'a donné l’idée de le faire rechercher dans les pays voisins. Mon collègue ViNGENT, à la Réunion, a bien voulu s'intéresser à cette question et a pu m'annoncer le 8 juin que ses recherches avaient été couronnées de succès. Le parasite se retrouvait sur la Rougette d’abord,le Jean-Robert ensuite, en aussi grande abon- dance qu’à Maurice. Sur les préparations qu’il nous a aimable- ment envoyées, le flagellé était identique au nôtre. M. le vétérinaire CAROUGEAU, chef des services techniques à Madagascar, l’a d’abord cherché, sur notre demande, sans succès sur les hauts plateaux, mais le 2 août il m'en signalait la présence dans les mêmes plantes aux environs de Tamatave et il a pu en en rapporter des spécimens en Europe. Notre collègue BROQUET, à Saïgon, ne l’a pas rencontré encore mais il est fort probable que des recherches ultérieures le feront découvrir en Indo-Chine. Enfin, tout récemment, Doxovax (1) déclare avoir trouvé le Leptomonas dans le latexdes Euphorbia piluliferade Madras. Pour (1) Lancet, 20 novembre 1909, p. 1495. 218 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR lui, l'organisme diffère des flagellés connus parasites des animaux et mérite d’être placé dans un nouveau genre, pour lequel il propose le nom de Phytomonas. Son aire de distribution doit s'étendre, selon nous, à toute la zone tropicale ou prétropicale, ce qui ne saurait manquer d’en faire progresser l’étude, l'orientation des recherches se trouvant aiguillée vers les plantes. RECHERCHE DE L'AGENT VECTEUR. La maladie des Euphorbes me paraissant bien établie, il était naturel de rechercher quel pouvait être l'agent vecteur du para- site. Les Leptomonas étant des parasites habituels du tube digestif de beaucoup d'insectes et l’analogie avec le mode de transmission des trypanosomiases ne pouvant manquer de frapper l’observa- teur, c’est du côté des insectes que le laboratoire a orienté ses recherches. Tout d’abord, comme nous avions retrouvé plusieurs fois sur nos lames des flagellés mêlés à des microbes variés et que la pré- sence des microbes a été notée dansle sue des plantes, on pouvait se demander s’il n’y avait pas possibilité d'absorption par le sol de ces corpuscules mobiles, à la suite de pluies abondantes. L’abondant latex du Jean-Robert pouvait à la rigueur se pré- ter merveilleusement à ce mode de contamination. Nous avons alors réalisé l'expérience suivante : 4 plantes, 2 plantes saines et 2 plantes largement infectées, sont mises en contact dans un verre d’eau terreuse et suivies pendant 1 mois. Les parasites ont été constamment retrouvés dans le lot infecté et jamais dans les plantes saines. 1 goutte d’eau ajoutée au latex parasité, altérant sous lamelle les flagellés, il n°y avait pas lieu d’infecter l’eau du verre et cette expérience n’a pas été faite. L’eau et le sol pouvaient donc être écartés comme in- termédiaires. | Bientôt le laboratoire remarqua la présence de nombreux in- sectes sur les petites Euphorbes, notamment sur le Jean-Robert : les uns, hôtes accidentels, les autres, hôtes permanents. Parmi les hôtes accidentels, nous avons noté des mantes, des pucerons blancs, des fourmis et des mouches. Les hôtes permanents étaient de minuscules Hémiptères, FLAGELLÉ DES EUPHORBIACÉES 219 pourvus d’une trompe puissante. À un examen plus approfondi, nous avons reconnu des Hémiptères de dimensions et d'espèces variées, à très belles colorations. Nous avons pensé que parmi elles se trouvait l'espèce convoyeuse du parasite (1). De nombreuses et difficiles dissections, car ces petites punaises se brisent aisément, ne nous ont pas tout d’abord fait retrouver le flagellé ni à Maurice niàla Réunion, où le docteur VINCENT poursui- vait également cette étude. J’attribuai ce premier insuccès à ce que les insectes étaient capturés pendant le jour. Sur des spécimens capturés de nuit, le Leptomonas à été re- trouvé 4 fois à Maurice dans l'intestin de l’insecte. M. Davip, qui nous à beaucoup aidé dans cette recherche, a été assez heureux pour mettre le flagellé en évidence. Plus tard, nous l'avons observé aussi le jour. Le flagellé n’a été vu par nous que chez une des espèces le Nysius euphorbiae (v. la note ci-dessous). Ces petites punaises suceuses paraissent au repos sur la plante pendant le Jour et ne se gorgent de nourriture que lanuit. Bien d’autres expériences sont à tenter, en particulier sur le cycle évolutif du Flagellé dans l'intestin des Hémiptères: mais nous avons pensé que cette étude d’ensemble, pour incomplète qu'elle soit, pourrait faciliter l’étude si captivante des protozoai- res chez les plantes. En terminant, je tiens à adresser mes bien vifs remerciements à M. BonAME, directeur de la Station agronomique, qui m'a aidé beaucoup pour la connaissance des plantes à latex du pays, et à notre ami, M. MEsniz, pour l'assistance qu’il a bien voulu nous prêter dans ces recherches. Laboratoire de Bactériologie du Réduit, Ile Maurice. (1) J'ai remis les insectes qui m'ont été envoyés, pour détermination, par M. La: FONT, à M. E. BORDAGE, ancien directeur du Musée de la Réunion, chef des travaux pratiques au laboratoire d’Évolution de la Sorbonne. Voici les renseignements que m'a communiqués M. BORDAGE : L'espèce trouvée sur la Rougette est un Lygéide qui a pour nom ZLachnophorus guttulatus Reut.: il avait déjà été signalé à Madagascar. Sur le Jean-Rubert, il y avait deux espèces distinctes de punaises. L'une d’elles est un Coréide, le Corizus hyalinus Fabr., signalé également à Madagascar et aussi dans la plupart des régions tropicales des deux hémisphères. L'autre est un Lygéide du genre Nysius, que M. Horvarx, de Budapest, a bien voulu étudier spécialement ; il s’agit, pour lui, d’une espèce nouvelle qu'il se propose de décrire sous le nom de N. euphorbiæ. — F. MESxIx. Traïtement des trypanosomiases chez les chevaux par l'orpiment seul ou associé à l'atoxyl ou à l'émétique de potasse PAR M. A. THIROUX Médecin de première classe des troupes col_niales, directeur du laboratoire de ba:leriologie de Saint-Louis, et ME TEPPAZ Velérinaireensecond hors-cadres, délaché au servicede l'agriculture du Sénegal. Travail du Laboratoire de Bactériologie de Saint-Louis TRAITEMENT DU SURRA Dans deux précédents mémoires (1), nous avons rapporté les heureux résultats que nous avons obtenus dans le traitement de la Souma, de la Baléri et de la Trypanosomiase des chevaux de Gambie, par lorpiment seul ou associé à l’atoxyl. Nous avons eu plus de difficultés à obtenir les mêmes résultats avec le Surra, et nous avions pensé, un moment, que la même méthode ne pourrait être appliquée à cette trypanosomiase. Nous nous sommes cependant rendu compte de ce que nos insuccès et les accidents mortels que nous observions au cours du traitement atoxyl-orpiment étaient dus, non à la maladie, mais à une intoxi- cation par l’atoxyl. Depuis que ce médicament a été employé dans les trypano- somiases, les chevaux ont été reconnus comme le supportant moins bien que les autres espèces animales. Parmi les chevaux, il semble même y avoir des races plus sensibles que d’autres, et nous ne croyons pas que l’on puisse admettre que les doses à (1) Ces Annales, mars 1909, p. 240, et mai 1909, p. 426. : ) TRAITEMENT DU SURRA 221 administrer sont proportionnelles au poids des animaux, tout en restant eflicaces. Nous avons obtenu des succès dans le traitement de la Souma, de la Trypanosomiase des chevaux de Gambie, et aussi probablement dans un cas de Surra, rapporté dans notre premier mémoire, alors que nous avons opéré sur des chevaux de la taille des arabes, et qui en sont d’ailleurs issus, mais lorsque nous avons voulu traiter à l’atoxyl des chevaux M'Baiards, un peu plus petits, et de la taille des poneys, les doses de 5 grammes et même de 4 grammes, se sont montrées toxiques. Les animaux mou- raient en 12 et 48 heures, de diarrhées cholériformes, d'accidents paralytiques, débutent par les membres postérieurs, ou d’acci- dents nerveux, caractérisés par une sorte de fureur, accompagnée de mouvements en cercle, animal ne s’arrêtant que pour tom- ber et mourir. Par contre, les doses de 2 gr. 50 à 3 grammes d’atoxyl se sont montrées ineflicaces. Les rares animaux, qui ont supporté une ou plusieurs doses de 5 grammes ont guéri, tandis que tous ceux qui n’en ont reçu que des doses de 2 gr. 50 à 3 grammes ont tous présenté des rechutes. Il est donc indispensable de déterminer très exactement pour chaque race de chevaux la dose d’atoxyl à employer, et dans certaines races, la dose efficace est pratique- ment trop près de la dose toxique pour être administrée sans danger. Holmes (1) rapporte bien avoir guéri, dans quelques cas, des chevaux (poneys de 250 kilos, du poids des chevaux M’Baiards, que nous avons employés), avec des doses de 2 grammes d’atoxyl et de 5 grammes d’orpiment; dans nos observations, ces doses se sont montrées tout à fait insuffisantes pour guérir ces animaux. Nous ne sommes pas non plus d'accord au point de vue de la dose toxique avec cet auteur, qui estime qu’elle est de 10 grammes pour 250 kilos (500 livres), la race de chevaux sur laquelle il a ex- périmenté est, comparativement à celle des M'Baïiards du Sénégal, 4 fois plus résistante. En présence des difficultés que l’on rencontre dans l'emploi de latoxyl chez les chevaux de certaines races de petite taille, nous avons dû essayer d’autres méthodes. Nous avons donc traité un certain nombre de chevaux à l’émétique de potasse. (1) Hormes. Treatment of Surra by atoxyl and orpiment. Journal of trop. vete- rinar. science, 1908, Nov. III, p. 434-442, 222 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Cette méthode, ainsi que nous le verrons plus loin, nous a donné une bonne proportion de guérisons, mais l'injection d’émétique dans les veines ne deviendra, pas plus chez le cheval que chez l’homme, une opération courante pour des praticiens non spé- cialistes. Il semble très facile, au premier abord, de placer une aiguille dans la Jugulaire, et de ne monter la seringue dessus, que lorsque le sang s'écoule par le chas de laiguille, mais il faut compter avec les mouvements du cheval, qui au beau milieu de l’opération, même maintenu par un tord-nez, fait sortir l'aiguille de la veine ou la fait traverser le vaisseau de part en part. A la suite des injections défectueuses, on observe des tumé- factions très étendues de toute l’encolure. La suppuration est exceptionnelle lorsqu'on opère proprement, et avec des instru- ments bouillis; mais lorsqu'on incise les tumeurs, il s’en écoule un liquide brunâtre, résidu de l’injection irritante, entouré d’une véritable coque de tissu sclérosé! Ces tumeurs abandonnées à elles-mêmes, finissent par se résorber, cependant, il faut plu- sieurs mois pour les voir disparaître. En outre qu’elles peuvent immobiliser le cheval pour un temps assez long, elles ont aussi l'inconvénient d'empêcher d'atteindre la jugulaire pour les in- jections suivantes. Dans le cas où cet accident arriverait succes- sivement des deux côtés, on peut facilement faire des injections intraveineuses dans les veines dites antibrachiales qui se trou- vent à la face interne des membres antérieurs, à la condition, l’animal étant maintenu par le tord-nez, de lui faire tenir relevé, le pied du côté opposé à celui que l’on doit injecter. Le cheval supportant très bien de fortes doses d’émétique, par la voie stomacale, nous avons administré le médicament en électuaire, de la facon qui a été indiquée pour lorpiment, dans notre premier mémoire. Mais, pris de cette manière, l’émétique semble agir très peu sur les trypanosomes; c’est ainsi qu’une dose de 5 grammes prise par ingestion, n’a pu faire disparaitre les parasites du sang d’un cheval (Obs. n° 8). Nous avons done abandonné ce mode d’administration peu efficace. Nous avons aussi associé l’orpiment à l’émétique; nous verrons même plus loin que c’est cette méthode qui nous a donné les résultats les meilleurs et les plus rapides. Enfin, devant la difficulté des injections intraveineuses, dans des régions, où le plus souvent, c’est un officier ou un administrateur qui aura à TRAITEMENT DU SURRA 223 appliquer le traitement, nous sommes revenus à la méthode la plus simple de lingestion d’orpiment, qui nous à donné des résultats très satisfaisants. Les doses, le mode d'administration et les intervalles ont été ceux indiqués dans notre premier mémoire, pour ce qui con- cerne le traitement à l’orpiment seul ou associé à l’atoxyl. Nous avons seulement dans quelques cas, poussé les doses d’orpiment jusqu'à 40 grammes chez des animaux qui avaient déjà antérieurement subi un traitement à l’orpiment. Il nous semble intéressant de signaler que, dans ce cas, ils conservent longtemps une certaine accoutumance qui permet de dépasser la dose de 30 grammes. Dans le traitement par l’émétique seul, nous avons injecté dans la jugulaire 1 gramme à 1 gr. 20 d’émétique de potasse, en solution dans 40 à 50 cent. cubes d’eau salée à 7 pour mille, et nous avons fait deux séries de 5 injections séparées par 4 jours d'intervalle; les deux séries séparées elles-mêmes par 8 jours de repos. Dans le traitement émétique-orpiment, nous avons repris les mêmes intervalles que dans le traitement atoxyl-or- piment, soit : 2 séries de 5 injections d’émétique, alternant avec 5 ingestions d’orpiment, un jour d'intervalle entre chaque médi- cation et 8 jours de repos entre les deux séries. Les animaux traités, au nombre de treize, ont tous, sauf un, été infectés expérimentalement, point qui a son importance, car nous avons cru remarquer que, chez les chevaux, la trypanosomiase expérimentale est plus grave que la maladie contractée naturel- lement et plus difficile à guérir. Le virus employé a été fourni par un dromadaire surré, qui nous avait été confié par M. le Commissaire général du gouvernement en Mauritanie, pour des essais de traitement. OBSERVATIONS Ï. — Quatre chevaux traités par l’émétique de K° seul. CHEVAL n9 1.— 3 ans, de la race des chevaux dits Baiards, de la taille d’un poney et du poids de 250 K'S environ. Acheté sur le marché de Saint-Louis. Inoculé sous la peau le 17 novembre 1908 avec du sang de chien infecté de Surra (origine dromadaire). 224 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 26 novembre. Trypan. très rares. A. G. (1) forte. Injection 187 émétique de K dans la jugulaire. — 27, 28. Trypan. rares. À. G. forte. — 29, 30. 0 trypan. A. G. notable. — 1er décembre. O trypan. 17 émétique. — 2. Œdème douloureux de la gouttière jugulaire. — 6. 0 trypan. A. G. notable. — 4, 5. 0 trypan. A. G. forte. — 6. 0 trypan. A. G. forte. 187 émétique. — 7, 9, 10. 0 try- pan. À. G: forte. —11.0 trypan. A. G. notable. 147, 20 émétique. — 12, 13. 0 trypan. A. G. légère. — 15.0 trypan. A. G. légère. 187,20 émétique. — 8 Jours de repos. — 17, 18, 21. 0 trypan. A. G. très légère. — 23. 0 trypan. A. G. notable. 127, 20 émétique dans la veine anti-brachiale, la voie jugulaire étant devenue imprati- cable des deux côtés. — 24, 26. O0 trypan. A. G. notable. — 28. 0 trypan. A. G. notable. 187, 20 émétique. — 29, 31. 0 trypan. A. G. légère. — 2 janvier 1909. O trypan. A. G. légère. 187, 20 émétique. — 4, 5. 0 tryp. A. G. très légère. — 7. 0 tryp. A. G. très légère. 187, 20 émétique dans la jugulaire. — 8, 9.0 trypan. A. G.0. — 12. 0 trypan. A. G. 0. 187, 20 émétique. — Du 13 janvier au 24 avril. O trypan. A. G. légère ou — 0. L’animal considéré comme guéri est réimoculé positivement le 24 avril pour servir à une nouvelle expérience CHEVAL n°9 2. — Cheval Baïiard, de taille assez élevée, appartenant à l’escadron de spahis rentré de Mauritanie infecté de Surra. 15 avril 1909. Trypan. non rares. A. G. forte. — 16. Trypan. rares. A. G. notable. — 17.0 trypan. A. G. notable. 127 émétique de K dans la jugulaire. — 23. 0 trypan. A. G. forte. {27 émétique. — 29. 0 trypan. A. G. forte. 187 émétique. — 4 mai. O0 trypan. À. G. légère. 187 émétique. — 9. 0 trypan. A. G. forte. 187 éméti- que.— 8 jours de repos. —18. 0 tryp. A. G. notable. 1 #Témétique. — 24. 0 trypan. À. G. légère. 187, 20 émétique. — 29. 0 trypan. A. G. forte. 187, 20 émétique. — 5 juin. 0 trypan. A. G. très légère. 187, 20 émétique. — 11. 0 trypan. A. G. très légère. 18r, 20 émétique.—Du 12 juin au 10 septembre,0 trypan ; l’agglutination globulaire devient peu à peu égale à 0. Dès le 21 juin, le cheval est remis en service (voiture à 4 roues). En septembre, il est en par- fait état et peut être considéré comme guéri. CHEVAL n° 3. — Baiard, 20 ans, donné par son propriétaire (1) A. G. signifie agglutination globulaire, TRAITEMENT DU SURRA 225 pour servir aux expériences. Inoculé sous la peau le 12 février 1909 avec du sang de chien infecté de Surra (origine dromadaire). 18 février. Trypan. nombreux. A. G. notable. Injection 18r émétique de K dans la jugulaire. — 19, 20, 22, 23. O trypan. A. G. très légère. — 24. 0 trypan. A. G. légère. 127 émétique. — 25, 26, 27, 1€r mars. 0 trypan. A. G. 0. 18r, 20 émétique. — 2, 3 0 trypan. A. G. notable. — 5. 0 trypan. A. G. notable. 18r, 20 émétique. — 9.0 trypan. À. G. forte. 187,20 émétique. — 8 jours de repos. — 10, 13, 15. 0 trypan. A. G. 0. — 16, 0 trypan. A. G. notable. 187 émétique. — 17.0 trypan. A. G. forte. — 23.0 trypan. A. G. notable. 18r, 20 émétique. — 24. 0 trypan. A. G. 0. — 29.0 trypan. A. G.0. 187,20 émétique. — 3 avril. 0 trypan. A. G. légère. 18r, 20 émétique. — 4. 0 trypan. A. G. notable. — 8.0 trypan. A. G. notable. 187,20 émétique.— Du 9 avril au 4 mai. O0 trypan. état général très satisfaisant. — 5. Rechute. Trypan. nombreux, l’ani- mal est soumis au traitement mixte atoxyl-orpiment(v. plus loin). CHEVAL n° 4. — Baïard, 11 ans, acheté sur le marché de Saint-Louis. Inoculé sous la peau le 11 avril 1909 avec du sang de cheval infecté de Surra (origine directe dromadaire). 15 avril. Trypan. rares. A. G. notable. — 16, 17. Trypan. nombreux. A. G. forte. — 19.0 trypan. A. G. très forte; pétéchies sur les conJonctives, avec hémorragies et larmoiement de sang, état général mauvais. Injection 1£ émétique de K dans la ju- gulaire. — 20. 0 trypan. A. G. forte, les pétéchies ont bruni; l'état général est meilleur. — 23. 0 trypan. A. G. notable. — 24. O trypan. A. G. forte. 187 émétique. — 27. 0. trypan. A. G. très forte. — 29.0 trypan. A. G. notable. 187 émétique. — 2,3 mai. 0 trypan. A. G. notable. — 4. 0 trypan. A. G. forte. 187 émétique. — 7. 0 trypan. A. G. notable.—9. 0 trypan. A. G. légère. 127 émé- tique. Etat général satisfaisant. — Le traitement est arrêté après la 1re série de 5 injections. — Du 10 au 25. 0 trypan. A. G. légère. Etat général satisfaisant. — 31. 0 trypan. A. G. notable. État général mauvais, amaigrissement œdèmes. — 3 juin. ARechute. Trypan. non rares. A, G. forte. L’animal est abattu le 4 juin. IT. — Deux chevaux traités par l'or piment seul. CHEVAL n9 5. — Baiard, 12 ans, acheté sur le marché de Saint-Louis. À déjà été infecté en septembre 1908 avec Trypa- 15 226 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR nosoma Pecaudi et a guéri à la suite d’un traitement par l’or- piment seul terminé le 9 novembre 1908. Inoculé sous la peau le 6 février 1909 avec du sang de chien infecté de Surra (origine dromadaire). 15 février. Trypan. rares. A. G. forte. 1587 orpiment en électuaire. — 16. Trypan. rares. À. G. forte. — 17. O0 trypan. A. G. très forte. — 18. 0 trypan. A. G. notable. 2087 orpiment. — 19, 20. Trypan. rares. A. G. forte. — 21. O trypan. A. G. très forte. 2587 orpiment. — 22. Trypan. très rares. A. G. notable. — 23. 0 trypan. À. G. lègère. — 24. Trypan. très rares. A. G. notable. 9087 orpiment. — 25. Trypan. très rares. A. G. notable. — 26. 0 trypan. À.G. très forte.— 27. 0 trypan. A. G. forte. 3087 orpiment. —1T mars.0irypan. À. G. notable. 358" orpiment.—2,3. 0 trypan. A. G. forte. — 5. 0 trypan. A. G. notable. 4087 orpiment. — 15 jours de repos. — 10, 13, 15. 0 trypan. A. G. notable. — 16. Try- pan. très rares. A. G. très forte. — 17, 18, 19. 0 trypan. A. G. forte. — 20. 0 trypan. A. G. notable. 25£7 orpiment. — 20. 0 try- pan. À. G. notable. 3087 orpiment. — 24.0 trypan. A. G. légère. — 26. 0 trypan. A. G. légère. 3087 orpiment. — 29. 0 trypan. A. G. légère. Fortes coliques dans la soirée. — 30. O0 trypan. A. G. notable. — 2 avril. O0 trypan. A. G. légère. 3087 orpiment. — 4.0 trypan. À. G. légère. — 5.0 trypan. A. G. légère. 3087 orpiment. — 8. 0 trypan. A. G. légère. 3027 orpiment. Etat général excellent. Depuis le 9 avril jusqu’au 15 septembre, 0 trypan. A. G. légère d’abord, puis égale à 0. Du 6 au 16 mai, nous avons seulement observé une dépilation très intense. L’animal qui n’a pas rechuté o mois après la fin du traitement peut être considéré comme guéri. CHEVAL n° 6. — 3 ans, Baiard, acheté sur le marché de Saint- Louis, a déjà été infecté en novembre 1908, de M° Bori, a guéri après traitement à l’émétique seul, terminé le 13 janvier (voir cheval n° 1). Inoculé de nouveau sous la peau le 21 avril 1909, avec sang de chameau infecté de Surra. — 23. 0 trypan. A. G. notable. — 25. Trypan. non rares. A. G. forte. — 26. Trypan. nombreux. A. G. forte, 1587 orpiment. — 27. Trypan. non rares. A. G. forte. — 28, 29. 0 trypan. A. G. forte. — 30. 0 trypan. A. G. forte. 208r orpi- ment, — 2 mai. O trypan. A. G. ‘très forte. — 3. 0 trypan. A. G. notable. 2527 orpiment. — 4. 0 trypan. A. G. forte. — 6. 0 trypan. À. G. notable, 254 orpiment. — 7. 0 tryvpan. A. G. forte. — 10. 0 TRAITEMENT DU SURRA 227 or trypan. À. G. forte. 2587 orpiment. — 8 jours de repos. —14, 17. 0 trypan. A. G. notable. — 21. Trypan. non rares. A. G. forte. 2987 orpiment. — 22. Trypan. rares. A. G. forte. — 23. 0 trypan. A. G. forte. 308 orpiment. — 25. 0 trypan. A. G. forte. 30% orpiment. — 26, 27. O0 trypan. A. G. notable. — 28. O0 trypan. A. G. forte. 3087 orpiment. — 29. 30. 0 trypan. A. G. forte. — 31. 0 trypan. A. G. forte. 308 orpiment. — 1€ juin. O trypan. A. G. forte. — 2. 0 trypan. A. G. très forte. 30% orpiment, 4, 5. 0 trypan. A. G. notable. — 6. O0 trypan. A. G. très forte. 9087 orpiment. — 7, 8.0 trypan. A. G. légère. — 9. 0 trypan. A. G. légère, 3087 orpiment. — Du 10 juin au 15 septembre. 0 trypan. L’A. G. restée notable pendant longtemps a peu à peu diminué pour devenir égale à 0. L'animal a présenté également pen- dant longtemps de l’œdème des boulets et de lémaciation mus- culaire. Ces symptômes dus à la stabulation ont disparu quelques Jours après que ce cheval a été mis au travail. (Voiture à 4 roues, service Journalier du village de ségrégation). À présenté au mois de juillet, une dépilation par plaques, assez accentuée. État gé- néral excellent, peut être considéré comme guéri. III. — Deux chevaux traités par l’émétique, associé à l'orpiment. CHEVAL n° 7. — Baiard, 12 ans, acheté sur le marché de Saint-Louis. Inoculé sous la peau le 25 novembre 1908 avec du sang de chien infecté de Surra (origine dromadaire). 10 décembre. Trypan. très rares. A. G. notable. — 11. 0 try- pan. À. G. forte. Injection 127 émétique de K dans la jugulaire. — 12. 0 trypan. A. G. forte. — 13. 0 trypan. A. G. forte. 1587 orpi- ment. — 15. 0 trypan. A. G. forte. 187, 20 émétique. — 17. 0 try- pan. À. G. notable. 2087 orpiment. — 18. 0 trypan. A. G. forte. — 20. 0 trypan. A. G. forte. 187, 20 émétique. — 22. 0 trypan. A. G. forte. 2587 orpiment. — 25. 0 trypan. A. G. forte. 18r, 20 éméti- que. — 27. 0 trypan. À. G. notable. 3027 orpiment. — 29. 0 try- pan. À. G. légère. 18", 20 émétique. — 31. 0 trypan. A. G. forte. 308T orpiment. — 8 jours de repos. — 4, 6 janvier. 09. 0 trypan. A. G. notable. — 8. 0 trypan. A. G. légère. 127, 20 émétique. — 11. 0 trypan. A. G. forte. 2027 orpiment. — 13. 0 trypan. A. G. notable. 187, 20 émétique. — 15. 0 trypan. À. G. légère. 25€ orpiment. — 17. 0 trypan. A. G. légère. 18,20 émétique. — 19. 228 ANNALES LE L'INSTITUT PASTEUR 0 trypan. A. G. légère. 3087 orpiment. — 21. 0 trypan. À. G. légère. 18, 20 émétique. — 23. O trypan. A. G. légère. 308 or- piment. — 25. 0 trypan. A. G. légère. 127, 20 émétique. — 27. 0 trypan. À. G. légère. 3087 orpiment. — Du 28 janvier au 15 sep- tembre, O0 trypan; l’A. G. encore légère à la fin du traitement, diminue peu à peu pour disparaitre. L'état général reste excel- lent; l’animal peut être considéré comme guéri. CHEVAL n° 8. — Baiard, 10 ans, acheté sur le marché de Saint-Louis, inoculé sous la peau, le 27 décembre 1908, avec sang de chien infecté de Surra (origine dromadaire). 9 janvier 1909. Trypan. rares. A. G. forte. On fait avaler à l'animal 587 d’émétique de K en électuaire. — 10. Trypan. rares. A. G. forte. Injection 1% émétique de K dans la jugulaire. — 11.0 trypan. A. G. forte. — 12. 0 trypan. A. G. forte. 1587 orpiment. — 14.0 trypan. A. G. notable. 187,20 émétique. — 16.0 trypan. A. G. forte. 2087 orpiment. — 18. O trypan. A. G. notable. 187, 20 émétique. — 20. 0 trypan. A. G. légère. 2587 orpiment. — 22. 0 trypan. A. G. légère. 187, 20 émétique. — 24. O0 trypan. A. G. notable. 3087 orpiment. — 26. O0 trypan. A. G. légère. 18r, 20 émétique. — 29. 0 trypan. A. G. légère. 308 orpiment. — Du 90 janvier au 15 septembre, 0 trvpan. L’A.G. diminue de plus en plus, l’état général reste excellent. Le cheval employé par hôpital militaire fait un service régulier dans de très bonnes conditions, il peut être considéré comme guéri. Il est à noter que ce cheval a guéri en 20 jours avec 5 injections d’émétique et 5 ingestions d’orpiment seulement, c’est-à-dire un traitement de très courte durée et de moitié moins long que le précédent. IV. — Cinq chevaux traités par l'orpiment associé à l’atoxyl. CHEVAL n09. — 4 ans, Baiard, acheté sur le marché de Saint- Louis. Inoculé sous la peau le 23 octobre 1908 avec sang de chien infecté de Surra (origine dromadaire). — 29. Trypan. très rares. À. G. notable. — 31.0 trypan. A. G. forte. Injection sous-cutanéc de 587 atoxyl. Diarrhée liquide intense dans la journée. — 2 no- vembre. La diarrhée a cessé. 0 trypan. A. G. notable. —3.0 trypan. À. G. notable. 154 orpiment. — 5. 0 trypan. A. G. notable. 4% atoxyl — 6. Paralysie de Flarrière-main; lanimal ne peut se relever, 1 meurt dans lPaprés-midi d'intoxication. TRAITEMENT DU SURRA 229 CHEevaL 10, — Baiard, 12 ans, acheté sur le marché de Saint- Louis. Inoculé sous la peau le 4 avril 1909 avec sang de dro- madaire infecté de Surra. — 9. Trypan. très rares. À. G. forte, — 11. 0 trypan. A. G. forte. Injection sous-cutanée 58 atoxyl. — 13. O trypan. A. G. forte. 1587 orpiment. — 15. 0 trypan. A. G. forte. 5% atoxyl. Mauvais état général, démarche pénible, œædème des boulets. — 17.0 trypan. A. G. forte. 2027 orpiment. — 18. L'animal présente dans la matinée une violente excitation, cherche à piétiner des pieds de devant son palefrenier, et rue des pieds de derrière. Enfermé dans une écurie vide, 1} se met à tourner rapidement en cercle, pendant plusieurs heures jusqu’à ce qu'il tombe pour mourir vers 3 heures de l'après-midi. Mort intoxiqué. CHEVAL n° 11. — Baiard, 20 ans, donné par son propriétaire pour servir aux expériences. (Même cheval que le n° 3; rechute après un traitement à l’émétique seul). 12 mai. Trypan. nombreux. A. G. forte. Injection sous- cutanée 24 atoxyl —15. 0 trypan. A. G. forte. 15 orpiment, — 19. 0 trypan. A. G. notable. 28 atoxyl. — 21. 0 trypan. A. G. notable. 20% orpiment. — 23. Trypan. rares. A. G. notable. 28r, 50 atoxyl. — 24. Trypan. rares. A. G. forte. — 25. 0 trypan. A. G. forte. 2587 orpiment. — 27. Trypan. rares. A. G. iorte. 28r, 50 atoxyl. — 28.0 trypan. A. G. forte. — 29. 0 trypan. A. G. forte. 3087 orpiment. — 30.0 trypan. A. G. forte. 28r, 50 atoxyl. — 2 juin. O trypan. A. G. forte. 3087 orpiment. — 8 jours de repos.— 4 au 9.0 trypan. A. G. notable. — 10. 0 trypan. A. G. forte. 28r, 50 atoxyl. — 10.0 trypan. A. G. très forte. 152 orpiment. — 15. 0 trypan. À. G. forte, 28, 50 atoxyl. — 17. 0 trypan. A. G. forte. 208r orpiment. — 19. O trypan. A. G. forte. 287, 50 atoyxl. —- 21. O trypan. A. G. légère. 2587 orpiment. — 23. Trypan. rares. A. G. légère. 28r,50 atoxyl. — 25. 0 trypan. A. G. forte. 308r orpiment. — 27. O trypan. A. G. forte. 38r,50 atoxyl. — 29. 0 trypan. A. G. forte. 3087 orpiment. — 2 juillet. Trypan. très rares. A. G. forte. Mauvais état général. En présence des rechutes constantes de l’animal en fin traitement, on le fait abattre. CHEVAL n° 12. Baïiard, 10 ans, acheté sur le marché de Saint- Louis. Inoculé sous la peau, le 22 avril 1909, avec sang de dro- madaire infecté de Surra. — 26. Trypan. nombreux. A. G. forte. — 27. 0 trypan. A. G. forte. Injection sous-cutanée 387 atoxyl. 230 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Après linjection, l’animal se couche et présente de lessoufile- ment et des coliques passagères. — 30. 0 trypan. A. G. notable. 15% orpiment. — 3 mai. 0 trypan. A. G. forte. 287 atoxyl. — 5. 0 trypan. A. G. légère. 2087 orpiment. — 8. 0 trypan. A. G. notable. 28r atoxyl. — 10. 0 trypan. A. G. forte. 2587 orpiment. — 12 0 tryvpan. A. G. forte. 287 atoxyl. — 15. O0 trypan. A. G. très forte. 2587 orpiment. — 16. Trypan,. nombreux A. G. légère. — 17.0 trypan. A. G. forte. 287 atoxyl. — 19. 0 trypan. A. G. forte. 2541 orpiment. — 8 jours de repos. — 23, 25. 0 trypan. A. G. forte. — 27. Trypan. rares. A. G. forte. 287 atoxyl. — 29. 0 try- pan. À. G. forte. 287 atoxyl. — 2 juin. O0 trypan. A. G. forte. 2087 orpiment. — 4. 0 trypan. A. G. forte. 287, 50 atoxyl. — 5. Trypan. non rares. A. G. légère. — 6. 0 trypan. A. G. forte. 3087 orpiment. — 8. 0 trypan. A. G. légère. 28r 50 atoxyl. — 9. Trypan. rares. A. G. forte. Mauvais état général: rechutes fré- quentes au moment de la fin du traitement, lanimal est abattu. CHEVAL n9 13. — Baiard, 10 ans, acheté sur le marché de Saint-Louis. Inoculé sous la peau le 5 avril 1909 avec du sang de dromadaire infecté de Surra. — 10, Trypan. nombreux. A. G. légère. — 11. Trypan. rares. A. G. forte. Injection sous-cutanée. 987 atoxyl. — 13. O trypan. A. G. forte. 15% orpiment. — 15. 0 trypan. A. G. forte. 5% atoxyl. Mauvais état général, démarche pénible, œdème des boulets. — 17, 0 trypan. A. G. forte. 208 orpiment. — 19.0 trypan. A. G. forte, 5#7 atoxyl. — 21.0 trypan. A. G. légère, état général meilleur, Pœædème des boulets a disparu. — 23. O trypan. A. G. forte, état général satisfaisant. — 24. O trypan. A. G. légère. 2087 orpiment. — 27. O0 trypan. A. G. notable, 35r atoxyl. Essoufflement, coliques.—29, 0 trypan. A. G. forte. 2087 orpiment. — 3 mai. O0 trypan. A. G. très forte. 28r atoxyl. — 5. 0 trypan. A. G. forte. 2587 orpiment. — 8 jours de repos. — 7, 9, 11. 0 trypan. A. G. notable. — 15. 0trypan. À. G: forte, Atoxyl 287. — 15. 0 trypan. A. G. forte. 157 orpiment. — 17. 0 trypan. A. G. légère. 287 atoxyl. — 19: 0 trypan. A. G. 0. 2087 orpiment. — 21. 0 trypan. A. G. légère. 28r, 50 atoxyl. — 25. 0 trypan. A. G. 0. 2087 orpiment. — 25. 0 trypan. A. G. forte. 2%, 50 atoxyl. — 27. 0 trypan. A. G. notable. 25#7 orpiment. — 29. O trypan. A. G. forte. 28r, 50 atoxyl. — 31. 0 trypan. A. G. notable. 3087 orpiment. — Du 31 mai au 15 septembre. 0 trypan. L'A,G.arrive très vite à être égale à 0.L’état généralest excellent, TRAITEMENT DU SURRA 231 x l’animal peut être considéré comme guéri. Il est mis à la voi- ture (service de la Mauritanie). Au cours de ces expériences, nous avons pu faire de très intéressantes constatations ; notre virus à été conservé, un certain temps, par passages sur chiens. Il nous à paru, à un moment donné, qu'il avait baissé beaucoup de virulence ; c’est ainsi, qu'après inoculation, les parasites mettaient quelquefois 10 à 15 jours à apparaître dans le sang du cheval. Nous avons même, au mois d’avril 1909, perdu notre virus sur un chien peu infecté, qui a cessé définitivement de montrer des parasites, heureuse- ment avions-nous à ce moment-là un cheval inoculé de Surra de même provenance. Schilling a signalé des faits semblables pour le Nagana, et il a même proposé d’atténuer le virus par passages sur chien, dans le but d'obtenir un vacein. Les passages successifs de Surra par chevaux, semblent arriver aussi à la di- minution de la virulence, surtout lorsque ces passages sont peu fréquents et que le virus reste longtemps sur le même animal. Montgomery (1), Pease et Gaiger (2), ont déjà signalé l’influence des Camélidés sur le développement du Surra dans lInde; aussi avons-nous eu l’idée de repasser notre Surra affaibli sur le dro- madaire qui semble au Sénégal, et surtout en Mauritanie, être le véritable réservoir naturel de Trypanosoma Evansi. Le résultat a été concluant : au bout d’un seul passage sur dromadaire, les parasites inoculés directement au cheval, apparaissaient dans le sang 4 à 5 jours après l’inoculation, et les animaux infectés présentaient des symptômes de maladie à marche suraiguë, tels qu'amaigrissement très rapide, cachexie, œdèmes, hémorragies de la muqueuse buccale et des conjonctives, telles qu'un de nos chevaux présentait un écoulement palpébral de larmes san- ouinolentes. Cette constatation entraine immédiatement la mesure prophylactique suivante : on ne doit pas, dans les pays à Surra, laisser les chevaux pâturer dans le voisinage des chameaux. Il faudra, en pays militaire, veiller à éloigner autant que possible les campements de méharistes, de ceux des cavaliers (spahis). On peut aussi déduire des observations précédentes, la raison (1) MoxrGoMERY. On the prophylaxis of trypanosomiasis with the particulare reference of the influence of the Camel in India. Journ. of trop. veter. se., t. III, f. 3, juill. 1908, p. 301-329. (2) Pæase et S. H. Garcer. Notes of the duration and course of Camel Surra, Journ. of trop. veter. se., t. III, f. 4., nov, 1908, p. 427-433. 232 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pour laquelle le Surra s’arrête nettement dans l'Afrique du Nord, à une certaine latitude, 16° environ, pour le Sénégal, alors que, plus au sud, les tabanides sont plus répandus que les glossines, et qu'il y a encore des chevaux en assez grand nombre. Si lon considère en effet, que le 16° degré est aussi au Sénégal, la limite des régions où peut vivre le dromadaire, on peut penser que le Surra disparait au-dessous, par suite de la disparition du réservoir de virus. D'ailleurs, la distribution du Surra coïncide exactement avec l’habitat des Camélidés. Il n’y a, croyons-nous, qu’une exception à cette règle, c’est sa présence à Maurice, encore est-il que, dans cette île, les bœufs, de provenance et de race indoue, semblent pouvoir servir de réservoir de virus. Parmi les bœufs du Sénégal, la race de la Mauritanie qui n’est pas très éprouvée par le Surra au nord du Sénégal et pourrait vraisemblablement servir de réservoir de virus, ne dépasse pas les mêmes limites que le dromadaire, parce que plus au sud, elle ne résiste pas, ainsi que nous l'avons démontré (1), aux trypanosomiases à glossines. Nous pensons que le Gouvernement de Maurice aurait avan- tage à remplacer son bétail d’origine indoue par des races de l'Afrique australe, qui seraient peut-être non pas moins sensibles au Surra, mais moins aptes à constituer un réservoir de virus et à prolonger lépizootie. Nous résumons ci-après dans un tableau, les résultats thé- rapeutiques obtenus. Nous donnons la préférence au traite- ment mixte, orpiment-émétique (2 guérisons, sur 2 traités) qui, très actif, peut, dans certains cas, être très court, 20 jours pour le cheval qui fait le sujet de l’observation, n° 8 et qui a œuéri avec » injections intraveineuses d’émétique et 5 ingestions d’orpiment. Etant donnée la difficulté relative de pratiquer des injections intraveineuses d’émétique, nous conseillons aux personnes qui n’ont pas une grande habitude de ces injections, le traite- ment par l’orpiment seul, qui est plus long, mais nous a donné des résultats tout aussi bons, 2 animaux guéris, sur 2 traités. L’émétique employé seul, donne de moins bons résultats que (1) Tarroux, Wurrz et TEppaz. La maladie du sommeil et les trypanosomiases animales sur la petite côte et dans la région des Niayes au Sénégal. Ann. de l’Institut Pasteur, juillet 1908, p. 585. TRAITEMENT DU SURRA 233 les deux traitements précédents, nous n'avons obtenu avec cette médication que 2 succès sur 4 animaux traités, TABLEAU DES RÉSULTATS OBTENUS DANS LE TRAITEMENT DU SURRA DU CHEVAL À LS D _. NOMBRE PROPORTION NATURE : HEAR AE PARRE : ES EINTONIATHNS | RECHUTES |GUÉRISONS des du traitement. animaux Ë traités. succès, Émétique seul......... n û 2 2 OrRIMENTES CURE 2 (] 0 2 Emétique-orpiment.... 2 (] 0 2 Atoxyl-orpiment....... ù 2 2 il DOI PER + 13 2 4 T Nous ne pouvons conseiller l'emploi de l’atoxyl qu'avec une extrême prudence chez des chevaux dont la sensibilité vis-à-vis de ce médicament n’est pas parfaitement connue. Des doses de moins de 4 grammes nous semblent insuffisantes. Les rechutes au début et même au milieu du traitement n’empêchent pas les animaux de guérir, elles ne peuvent être considérées comme d’un mauvais pronostic que lorsqu'elles se reproduisent jusqu’à la fin du traitement. Un certain nombre de nos chevaux ont en effet guéri après avoir fait plusieurs rechutes au cours du traitement. Nous avons enfin observé des dépilations étendues après la fin de la médication chez des animaux dont la guérison s’est affirmée depuis. Ces dépilations ne doivent done pas toujours être considérées comme un signe d'infection. Elles semblent, au contraire, dans les deux cas que nous avons observés, coincider avec une période de convalescence. Saint-Louis, le 14 septembre 1909. Traitement du Surra chez le dromadaire par l'orpiment seul ou associé à l'émétique ou à l'atoxyl. pAR M. A. THIROUX Médecin de première classe des troupes coloniales, directeur du laboratoire de Bactériologie de Saint-Louis, et L. TEPPAZ Vétérinaire en second hors-cadre, détaché au service de l'Agricullure du Senegal (Travail du Laboratoire de Bactériologie de Saint-Louis) Au cours de nos expériences sur le traitement des trypanoso- miases des chevaux (1) nous fûmes priés par M. le Commissaire général du Gouvernement en Mauritanie de nous occuper des try- panosomiases des dromadaires qui occasionnent tous les ans des pertes très sérieuses ànotre cavalerie de méharistes en Mauritanie. Lecolonel Gouraud nous fit en même temps remettre deux droma- daires surrés pour les essais. De ces 2 animaux, l’un mourut au bout de 6 jours, 1 seul put donc être utilisé pour nos expériences. C'est sur cet animal qu'a été pris le virus qui nous a servi pour nos études sur le traitement du surra du cheval. Plus tard, lors- que nous avons voulu accroître la virulence de Trypanosoma EÉvansi, nous avons acheté sur le marché de Saint-Louis un chamelon de 3 ans qui, après nous avoir rendu un virus ren- forcé, nous a servi pour des expériences de traitement. Nous avons d’abord expérimenté avec l’orpiment seul, mais ce médicament, si merveilleusement efficace chez le cheval, est très (1) THrroux et TEppaz. Traitement des Trypanosomiases chez les chevaux par l’orpiment seul ou associé à l’atoxyl. Ann. de l'Instilut Pasteur, mars 1909, p.24, et mai 1909, p. 426, TRAITEMENT DU SURRA 239 mal supporté par le dromadaire: à la dose de 20 grammes, il occasionne déjà de la diarrhée, il cesse d'être absorbé, reste sans action sur les parasites, et il est inutile dans ces conditions d’en augmenter les doses. Pour être eflicace, le médicament devrait pouvoir être donné en quantité plus grande qu’au cheval; le dro- madaire étant un animal beaucoup plus gros, nous estimons qu'il faudrait qu'il pût supporter sans diarrhée 60 grammes d’orpi- ment, or il ne supporte même pas les doses de 20 à 30 grammes que l’on donne couramment aux chevaux. L'’insuffisance du médicament est manifeste, et chez ces dro- madaires traités par lorpiment, qui présentent une diarrhée con- tinuelle, les parasites réapparaissent constamment au cours du traitement. Cela est d'autant plus regrettable qu’il est très com- mode de faire prendre lorpiment en bol aux chameaux; Panimal, une fois couchéjles pieds attachés, est sans défense, sa gueule est moins profonde que celle du cheval et les bols sont plus facile- ment portés Jusqu'à la base de la langue. L’émétique a été emplové en injections intraveineuses dans la jugulaire, Pinjection se fait plus facilement que chez le cheval, à la condition de prendre la jugulaire très haut et presque directe- ment au dessous du maxillaire inférieur. Nous avons injecté { gr, 50 d’émétique en solution dans 50 €. c. d’eau physiologique tous les 5 jours (5 injections). L'animal à rechuté au bout de 21 Jours, mais il n’a Jamais présenté de trypanosomes dans son sang pendant la durée du traitement. La médication émétique-orpiment à été aussi tentée chez le même animal, mais il était déjà trop fatigué et il est mort au bout de 10 jours. Le traitement atoxyl-orpiment a été essayé chez un second dromadaire. L’atoxyl a été injecté sous la peau à la dose de 4 à 5 grammes, l’orpiment administré en bols, alternativement, avec 1 jour de repos entre les 2 médications. 2 séries de 5 doses de chacune séparées par 8 jours de repos : 1er jour, 4 grammes atoxyl: 3€ jour, 20 grammes orpiment: 5e jour, 48,5 atoxyl; 7° jour, 25 grammes orpiment,; 9 jour, 4 grammes, 5 atoxyl: 11€ jour, 25 grammes orpiment; 15° Jour, 481,5 atoxyl: 15° jour, 20 grammes orpiment; 17€ jour, 487,5 atoxyl; 19€ jour, 20 grammes orpiment; 8 jours de repos et 2° série semblable à la première, 236 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR L'animal à rechuté au bout de 21 jours sans avoir présenté de-parasites dans son sang pendant toute la durée du traitement. Comme dans les expériences précédentes, l’orpiment a été mal supporté et a occasionné de la diarrhée. L’atoxyl semble au con- traire bien toléré par les dromadaires, OBSERVATIONS [. — Traitement par l'orpiment seul. Dromadaire n° 1. — Animal jeune, 3 ans environ, nous a été confié par le colonel Gouraud pour essais de traitement. Présente des Trypanosomes pouvant être identifiés avec Trypanosoma Evansi. Animal amaigri et en assez mauvais état. — 17 août 1908. Trypan. très rares. À. G. 0. — 18. Trypan. non rares. A. G. 0. 15% orpiment en un bol. — 19. Trypan. nombreux. A. G. notable. — 20. Trypan. nombreux. A. G. notable. 2087 orpiment. — 21. 0 trypan. A. G. 0. — 22. Trypan. non rares. À. G. 0. — 23. Trypan. rares. À. G. 0. 308r orpi- ment. — 24. 0 tryp. A. G.0. Diarrhée abondante. — 25. 0 try- pan. A. G. 0. La diarrhée a presque complètement disparu. — 27. 0. trypan. A. G. très légère. 30 &r orpiment. — 25. Encore un peu de diarrhée; abcès du pied antérieur droit. — 31.0. trypan. A. G. légère, la diarrhée a disparu. 30 # orpiment.— 3 septembre. O0. trypan. A. G. 0. 354 orpiment. — 4. 0 trypan. A. G. légère. Diarrhée abondante. — 5.0 trypan. A. G. légère, la diarrhée a cessé. — 7. 0 trypan. A. G. 0. 354 orpiment. — 8. diarrhée très abondante avec amaigrissement sensible. — 9. 0 trypan. A. G. 0; la diarrhée a cessé. — 11. Trypan. très rares. À. G. légère. 3087 orpiment.— 13. Trypan. non rares. A. G. notable. — 14. Try- pan. très rares. 3087 orpiment. — 6 jours de repos. — 15. Diarrhée légère. — 16, 18, 19, O trypan. A. G.0. — 22.0 trypan. À. G. légère. 2587 orpiment. — 23, diarrhée. — 25. Trypan. très rares. A.G. notable. 302 orpiment. — 28. 0 trypan. A. G.0. 358 orpi- ment. — 2. octobre. O trypan. A. G. légère. 4087 orpiment — 5. 0 trypan. A. G. 0. 45# orpiment. — 8. 0 trypan. A. G. 0. 5087 orpiment. — 10. Diarrhée très abondante. 0 trypan. A. G. 0. — 12: La diarrhée a disparu. — 13,0 wtrypan. A -G.00; 5087 orpiment.— 15, 17,0 trypan. A. G. 0.— 21. Rechute, trypan. TRAITEMENT DU SURRA 237 très rares. A. G. notable. L'animal est immédiatement soumis au traitement à l’émétique de potasse. Il. — Traitement par l'émétique seul. Dromadaire n° 2. — C’est l'animal de l'observation précé- dente qui vient de rechuter après un traitement à l’orpiment seul:l’animal est très maigre,mais l’état général est encore bon.— 21 octobre 1908. Trypan. très rares. A. G. notable. — 22. Trypan. rares À.G. légère. Injection. 127,50 émétique dans la jugulaire, — 27. O trypan. A. G. lègére. 187,30 émétique. — 29. 0 trypan. A. G. 0. — 2 novembre. O0 trypan. A. G. 0. 187,50 émétique. — 3, 5.0 trypan. A. G.0.— 7.0 trypan. A. G. 0. 18r,50 émétique. — Du 13 novembre au 2 décembre. 0 trypan. A. G. 0. — 3. Re- chute.Trypan. rares.A.G. légère. — L'animal est en mauvais état on tente néanmoins encore de le traiter par la médication mixte : émétique — orpiment. III. — Traitement émétique-orpiment. Dromadaire n° 3. C’est l’animal des 2 observations précéden- tes qui a rechuté une 2° fois, l'observation est à peine ébauchée, l'animal très fatigué mourut en effet au bout de 10 jours. — 3 décembre 1908. Trypan. rares. A. G, légère. — 6. 0 trypan. A. G. légère. Injection 1# émétique dans la jugulaire. — 9. 0 trypan. A. G. légère. 20 grammes orpiment additionné de 80 centigrammes d'extrait d’opium. — 10. 0 trypan. A. G. 0. Diarrhée abondante. 30% orpiment additionnés de 80 centi- grammes extrait d’opium. — 11. 0 trypan. A. G. 0. Diarrhée abondante. 1% émétique. — 12. La diarrhée est toujours très abondante, l’animal ne veut plus se lever. Il meurt le 13. IV. —Traitement atoxyl-or piment. Dromadaire n° 4. Agé de 2 ans 1/2 environ, acheté sur le marché de Saint-Louis. Inoculé le 18 mars 1907 avec du sang de cheval infecté de Surra (origine dromadaire n° 1, virus continué sur chiens) — 24. Trypan. non rares. À. G. 0. — Du 1er au 29 avril. Trypan. nombreux. — 30. Trypan. nombreux. A. G. notable. 15% orpiment en un bol. — 2 mai. O0 trypan. A. G. 0. Diarrhée abondante.— 4.0. trypan. A. G. 0; la diarrhée a cessé. — 5. 0 try- pan. À. G. 0. 1527 orpiment. — 6.7. Trypan. non rares. A. G. légère. — 8. Trypan. nombreux. A.G. légère. Injection sous-cuta- 238 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR née de 4 £ atoxyl. — 9. Trypan. très rares. À. G. notable. — 10. Trypan. très rares. A. G. 0. 208 orpiment. — 11. O0 trypan. A. G. 0. — 12. O0 trypan. A. G. 0. 48r, 5 atoxyl. — 14. 0 trypan. A. G. 0. 258 orpiment. — 17. O0 trypan. À. G. légère. 4er atoxyl. — 21. 0 trypan. A. G. 0. 258r orpiment. — 22, 25.0 trypan. A. G. légère; diarrhée abondante. — 26. 0 trypan. A. G. 0. Diarrhée terminée. — 27.0 trypan. A. G. 0. 427,5 atoxyl. — 30.0 trypan. A. G. légère. 2087 orpiment. — 1€ juin. 0 trypan. À, G. 0. 487,5 atoxyl. — 4. 0 trypan. A. G. légère. 2087 orpiment. — 8. O0 trypan. A. G. légère. 481,5 atoxyl. — 9. 10. O trypan. A. G. 0. — 11.0. trypan. A. G. 0. 20% orpiment. — 8 jours de repos. — 14. 0. trypan. A. G. 0.— 20.0 trypan. A. G. 0. 4% atoxyl. — 22. 0. trypan. À. G. 0. 1587 orpiment. — 28.0 trypan. A. G. 0. 4ST atoxyl. — 1% juillet. 0 trypan. A. G. légère. 208r orpiment. — 3.0 trypan. À. G. légère. Diarrhée abondante, — 5. 0 trypan. A. G. légère; la diarrhée est terminée. 42,5 atoxyl. — 7. 0 try- pan. À. G. 0. 208r orpiment. — 12. 0 trypan. A. G. légère. 58 ato- xyl. — 15. 0 trypan. A. G. 0. 208r orpiment. — 18. O0 trypan. A. G. 0. 58r atoxyl. — 22. 0 trypan. A. G.0. 2087 orpiment. — 10 août. Rechute ; trypan. nombreux. A. G. notable; état général mauvais; l’animal est abattu. Des observations qui précèdent, on ne saurait conclure d’une façon absolue, les animaux mis en expérience étant trop peu nom- breux. Il y a cependant quelques faits quise dégagent nettement; l’orpiment, qui donne de si bons résultats chez le cheval, ne peut pas être employé à doses suffisamment élevées pour être efficaces, chez les Camélidés, qui le supportent mal. L’atoxyl, au contraire, mal toléré par les chevaux semble ne présenter, vis-à-vis du dro- inadaire, que des propriétés peu toxiques. Il y aurait lieu de reprendre les expériences de traitement avec ce médicament seul ou associé à l’émétique, dont l'emploi n’a peut-être pas été poursuivi assez longtemps, dans la seule expérience que nous ayons faite. Les doses d’émétique pourraient peut-être aussi, comme celles d’atoxyl, être augmentées dans une assez large proportion. Un fait assez curieux, que nous avons observé au cours de ces expériences, est le suivant:l’agglutination globulaire, toujours très marquée chez le cheval trypanosomé est, au contraire, souvent nulle ou très faible chez les dromadaires infectés. Statistique Antirabique de l'institut Pasteur de Charkow POUR UNE PÉRIODE DE VINGT ET UN ANS (1888 - (1909) Par LE Dr KOZEWALOEF (assistant) L'Institut Pasteur de Charkow a été inauguré le 20 avril 1887, par la Société des Médecins de Charkow. Actuellement, 11 fait partie de l’Institut bactériologique de cette Société. Du 1° janvier 1888, au {ef janvier 1909, c’est-à-dire durant vingt et un ans, 25,608 personnes ont subi le traitement antira- bique. Dans ce nombre de 25,608 on comprend 8,780 cas d’en- fanis au-dessous de dix ans, soit 34 0 /0. 24,051 personnes ont été mordues par des animaux suspects de rage. 1,557 personnes ont eu contact d’une façon quelconque, avec des animaux suspeets. D’après le degré de la certitude de la rage des animaux mordeurs, les 24,051 individus mordus, cités plus haut, sont répartis en 3 catégories : A. La rage de l'animal mordeur a été vérifiée expérimentale ment. 2,077 personnes, 8,5 0 /0. B. La rage a été vérifiée par l'examen vétérinaire. 2,393 personnes, 10 0/0. C. L'animal mordeur était suspect de rage. 19,581 personnes, 81,5 0 /0. D’après la place de la morsure : Mordues à la tête, à la face........ 2,025 personnes 8,4 0/0 — aux membres supérieurs... 12,969 — 34 0/0 CRNQUE — inférieurs... 6,880 a 28,6 0 /0 — autronc RUMEUR 1154 -— 4,8 O0 — aux autres part. du corps... 1:023 — 4,2 0/0 D’après l'espèce d’animaux mordeurs : — ee CCI, Nr 21,774 personnes 90,6 0/0 = nn NICHAUSS. Le NRC 1,480 — 114070 — RL OUPS A RE ti Mets = 1,2 0/0 — autres animaux. . ....... 514 — 2,1 0/0 240 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Sur 24,051 personnes mordues, 267 sont mortes de rage. La mortalité totale est done de 1,11 07/0. 162 personnes sont mortes dans les 15 jours qui ont suivi la fin du traitement; la mortalité réduite est alors de 0,67 0 /0. Sur 21,774 personnes mordues par des chiens, 215 sont mortes. Mortalité totale : 0,98 0 /0. Sur 283 personnes mordues par des loups, sont mortes 46. Mortalité totale : 16,25 0 /0. Sur 1,480 personnes mordues par des chats, mortes 6. Mortalité totale : 0,4 0 /0. Sur 514 personnes mordues par d’autres animaux, pas de mortalité. Sur 2,025 personnes mordues à la face, à la tête, mortes 148. Mortalité totale : 7,30 0 /0. Sur 12,969 personnes mordues aux membres supérieurs, mortes 102. Mortalité totale : 0,78 0 /0. Sur 6,880 personnes mordues aux membres inférieurs, mortes 17e Mortalité totale : 0,24 0 /0. Sur 1154 personnes morduesau tronc, aucune mortde signalée. Dans 212 cas de rage, la période d’incubation est déterminée, elle oscille comme suit : Jusqu’à 20 jours chez 29 individus, 13 0 /0. De 20 à 40 jours chez 86 individus, 40,6 0 /0. De 40 à 60 jours chez 53 individus, 25 0 /0. De 60 à 80 jours chez 13 individus, 61 0/0. De 80 à 100 jours chez 9 individus, 4,2 0 /0. De 100 à 200 jours chez 14 individus, 6,6 0 /0. Au delà de 200 jours chez 8 individus, 3,8 0 /0. Une période d’incubation de 12 à 15 jours a été observée dans 9 cas, 4,2 0/0. La période d’incubation minime de 12 jours, fut observée chez une fillette de 2 ans mordue par un loup, à la face et à la tête, lésions étendues. Dans 3 cas, la période d’in- cubation à duré plus d’un an. ee Sceaux. — Imprimerie Charaire. 94%e ANNÉE AVRIL 1910 No 4 ANNALES DE LENSTEEUT PASTEUR RE PTE JULES JOUBERT (1834-1910) Les lecteurs de ces Annales apprendront avec tristesse la mort de Jules JOUBERT, survenue le 20 mars dernier. JOUBERT avait pris sa retraite comme inspecteur général, «près avoir rendu de grands services à l'Université par ses cours, par ses ouvrages et surtout par l’orientation qu'il a donnée à l'enseignement des sciences physiques. Les laboratoires institués dans la plupart de nos lycées et dans lesquels les élèves expérimentent au moyen d'appareils qu’ils construisent eux- mêmes, sont en grande partie son œuvre. Les travaux de JOUBERT sur les courants alternatifs ont établi sa renommée de physicien. Mais c’est du collaborateur de Pasteur que nous devons parler ici. JOUBERT était professeur dans un lycée de Paris, lorsqu’en 1876 il fut associé aux recherches de Pasteur. Il a signé avec le Maître les premières et célèbres notes sur la maladie char- bonneuse, la septicémie expérimentale et le choléra des poules 242 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR + qui ont marqué l'entrée de Pasteur dans l’étude des maladies infectieuses. JOUBERT mettait dans ces travaux la précision et l’habileté d'un physicien exercé ; il v apportait aussi un esprit d'invention qui faisait de lui un collaborateur précieux. Il suffit de lire la liste des mémoires publiés de 1876 à 1878 par MM. Pasteur, Joubert et Chamberland pour apprécier le rôle que JOUBERT a joué au début de la bactériologie. JOUBERT faisait partie de l'assemblée de l'Institut Pasteur et jusqu’à la fin il s’est vivement intéressé aux recherches poursuivies dans les laboratoires. Le souvenir de cet homme excellent, de ce savant modeste mérite d’être associé à celui de Pasteur dont il a été un des meilleurs collaborateurs. LISTE DES TRAVAUX BACTÉRIOLOGIQUES DE M. JOUBERT ACADÉMIE DES SCIENCES Sur la fermentation de l'urine (avec M. Pasteur, 1876. vol. 83). Sur la fermentation des fruits plongés dans l'acide carbonique (avec M. Chamberland, 1876, vol. 83). Etude sur la maladie charbonneuse (avec M. Pasteur, 1877, vol. 84). Note sur l’altération de l'urine, à propos des communications du Dr Bastian (avec M. Pasteur, 1877, vol. 84). Sur les germes des bactéries en suspension dans l'atmosphère et dans les eaux (avec M. Pasteur, 1877, vol. 84). La théorie des germes et ses applications à la médecine et à la chirurgie (avec MM. Pasteur et Chamberland, 1878, vol. 86). Sur le charbon des poules (avec MM. Pasteur et Chamberland, 1878, vol. 87). Recherches expérimentales sur le Typhus exanthématique, entreprises à l'institut Pasteur de Tunis pendant l'année 1909. pAR M. Cuarces NICOLLE. (Avec la pl. IV.) On ne trouvera dans ce mémoire que le simple exposé de nos expériences; encore en avons-nous retranché celles qui ne portent pas une conclusion indiscutable. Le typhus exanthématique, maladie considérée comme spé- ciale à l’homme, n'avait pu jusqu’à présent être reproduit chez les animaux. Nos recherches, en montrant la sensibilité du singe, ouvrent le chapitre de son étude expérimentale. Nous n’avons donc point à parler ici de l’historique de cette question, puisque les travaux antérieurs aux nôtres avaient donné seulement des résultats négatifs. Nos expériences ont été réalisées au cours de l’épidémie de typhus qui a frappé la Régence pendant le printemps et l’été 1909 (1). Nous devons des remerciements à M. le Dr Broc, méde- cin de lhôpital d'isolement de la Rabta (Tunis), pour la com- plaisance avec laquelle il à mis à notre disposition les ressources de son service et à l’Institut Pasteur de Paris, qui nous a géné- reusement fait don d’un chimpanzé. Les premiers résultats de nos expériences ont été commu- niqués à l’Académie des Sciences (Comptes rendus 12 juillet et 6 septembre 1909). {4) On lira avec intérêt le travail d'ensemble publié par le Dr E. Coxserx, chef du bureau municipal d'hygiène de Tunis, sur cette épidémie. Le typhus exanthéma- tique en Tunisie. Archives de l’Institut Pasteur de Tunis, 1909, fascicule I. 244 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR |. — EXPÉRIENCES PRÉLIMINAIRES A. — ESSAIS NÉGATIFS D'INFECTION DES SINGES INFÉRIEURS PAR LE VIRUS HUMAIN 1" ExPÉRIENCE. — Inoculation au Macacus cynomolgus. Observation résumée du malade. A, C., 27 ans, auxiliaire médical à hôpital Sadiki (hôpital indigène de Tunis), où il se trouvait en contact jour- nalier avec des malades atteints de typhus. Début de l'infection le 6 mai 1909; fièvre, céphalalgie, constipation, s’alite. Les jours suivants, la fièvre augmente, douleurs abdominales. Le 9, injection des conjonctives, langue sèche, douleurs vives dans la tête et le ventre. Le 11, éruption généralisée, délire, traces d’albumine; le malade est transporté à la Rabta. Le 13, subictère, douleurs articulaires. Le 16, fai- blesse du pouls, état typhique : abattement, stupeur, délire d'action; rate normale; pas d’albumine. Le 20, état grave, subcoma. Le 23, la tempéra- ture s’abaisse. Retour de la conscience le 26, parésie de tout le côté droit avec paralysie du facial inférieur: aphasie. Guérison vers le 4 juin, mais persistance de l’aphasie pendant les premiers jours de la convalescence. CouRBE I 2] | jo) En En En résumé, typhus classique, très grave, compliqué de phénomènes para- lytiques et d’aphasie. Observation du macaque inoculé. L'inoculation a été pratiquée le 10 mat au matin, 5° jour de l'infection, veille de l’éruption. Un c. c. de sang prélevé dans une veine du dos de la main a été injecté sous la peau de l’animal au lit même du malade. Aucun symptôme consécutif; en particulier, pas d’élévation de la tem- pérature, ainsi que le montre la courbe ci-jointe. TYPHUS EXANTHÉMATIQUE 245 CouRBE II Reese vez nlrelslul151e6|nrel1el20| 21] se[25|225lec 27] 26 PE D î RAI ESA ae] :L'AA — — Pa HAE tt rt Donc,résultatnégatif, bien quele virusprovint d’un cas grave et qu'ilaitétéinoculé dansles meilleures conditions. Nous verrons plus loin que le sang chez le chimpanzé ou le bonnet chinois atteints de typhusest virulent au début dela période fébrile, avant l’éruption. 2e EXPÉRIENCE. — [noculation au Macacus sinicus (bonnet chinois). Observation résumée du malade. — R. b. Y. E., 30 ans. Entré à la Rabta le 17 mai, au 6€ jour de la maladie. Éruption discrète siégeant sur les bras, face rouge, injection des conjonctives, langue suburale, abattement; pouls rapide, ample; constipation, dyspnée. Même état les jours suivants; le malade somnole ou marmotte de façon incompréhensible; rate un peu grosse, pas d’albumine. Amélioration rapide. Apyrexie au 11° jour avec brusque ascension à 419,8 le surlendemain (accès de paludisme). Se lève au 13° jour, En résumé, ty- CouRBE III phus classique d'in- ECC) tensité moyenne. Observation du macaque inoculé. — L'inoculation a éte pratiquée le 17 mat, ENCSEmES a . PEN EI ES less | au 6° jour, semble- EE EE EP t-il, de l'infection, le Rae ee EC 6 ic Ppui Z\ Rein HE BRESS BE MSN ANUS Er EAP AE 2 EE a ER FL Em er er Peas temps qui na pu ELA Le ER EE CS ES En À ee Cr OA em er 2 EE être précisé. Un c. PS D PA PA PL A 1 RC à Re Te FR VO El AE PO EN c. de sang, prélevé FEU CE VO A A A D dans une veine de _ ERESR l’avant-bras, a été | le injecté sous la peau de lPanimal au lit même du malade. Aucun symptôme consécutif. Courbe thermique normale. E ct l'A 246 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CourBE IV SRE PRE EE EE Die À À 2 2 JA + A AS ne DA RER LE \ W4 38° —————— Le) COMPRENNE EEE) fentes res] Re — Sen en Er) ne me Donc, résultat négatif, malgré les bonnes conditions de l’expé- rience. Cependant, le sang avait été prélevé un peu plus tard que dans l'expérience précédente et, si nos recherches ultérieures sur le typhus expérimental du bonnet chinois nous ont montré la virulence du sang de cet animal avant ou au moment de l’érup- tion, nous ignorons combien de temps le sang demeure actif après l’apparition de celle-ci. B. REPRODUCTION EXPÉRIMENTALE DU TYPHUS CHEZ LE CHIMPANZÉ AVEC LE VIRUS HUMAIN Devant les résultats négatifs des expériences précédentes, il nous a semblé nécessaire de tenter l’inoculation du sang humain : un anthropoide. Au contraire des macaques, celui-ci à con- tracté un typhus des plus nets, ainsi que le prouve l'expérience suivante : Observation du malade. M. b. K. D., 35 ans, entré à lPhôpital Sadiki le 14 mai pour calcul vésical, présente le 17 une élévation brusque de la tem- pérature; en raison de l’épidémie régnante de typhus, il est dirigé de suite sur la Rabta. A l’entrée, langue rôtie, constipation. Le 19 mai, congestion du visage, un peu de stupeur, éruption discrète de taches rosées sur les flancs; pouls 108; rate normale; pas d’albumine. Dès le lendemain, amého- ration évidente: le malade s’assied dans son lit. Il sort le 27, sur sa demande. En résumé, typhus classique, bénin, de 5 jours de durée, dont nous don- nons ci-dessous la courbe thermique. TYPHUS EXANTHÉMATIQUE 247 Le 19mat, troisième CourRBE V Jour de l'infection, quel- ques heures après l’ap- parition de l’éruption, nous prélevons dans la veine de ce malade c. c. de sang que nous inocu- lons de suite à unchim- panzé.Cet animal, après une incubation de 24 jours, interrompue seu- lement par une légère élévation thermique de 2jours(1),aprésentéuntyphusdes plusnets, ainsi que le montrent l'observation suivanteet la courbe thermique qui l'accompagne : Observation du chimpanzé. — Il s’agit d’un animal jeune, condition a priori défavorable si l’on se rappelle que dans l’espèce humaine le typhus est particluièrement bénin et même passe souvent inaperçu chez l'enfant. Bonne santé jusqu’au 12 juin. Ce jour (25€ de l’inoculation) la température s’élève. Elle dépasse 400 le 15; à cette date, l’état général demeure bon; Panimal reste généralement couché, mais se lève pour manger et boire. L’éruption est apparue le 17, sous forme de taches rouges siégeant à la face, où elles se voient mal, à cause de la pigmentation de la peau; elles sont, par contre, bien visibles au niveau des oreilles. À partir du 18, aggravation de l’état général, coïncidant avec la chute de la température; prostration; le chimpanzé ne se lève plus, ne mange plus ou à peine; diarrhée. Le 27, apparition de placards rouge sombre, mal limités, sur le tronc. Les jours suivants, disparition de cette éruption, desquamation des mains, amaigris- sement progressif, hypothermie. L'animal meurt le 8 juillet au matin. A l’autopsie, on constate un amaigrissement extrême. Le poids du corps est de 3 kilos 285 . Tous les organes sont décolorés, mais paraissent à cela près normaux, sauf la rate manifestement hypertrophiée. Elle pèse 28 gram- mes, le foie, 122; les reins (ensemble) 48, le cœur, 22. Le sang est pâle. L’urine, recueillie dans la vessie, est fortement acide, contient 4 gramme d’albumine par litre, ne présente pas de sucre; elle montre à examen micros- copique de nombreux cylindres épithéhaux. L'étude histologique des lé- sions sera ultérieurement publiée. COURBE VI. — En résumé, incubation de 24 jours, typhus clas- sique d'une durée de jours avec éruption; cachexie consécutive; mort. (1) Il est à remarquer que cette élévation thermique momentanée s’est produite au 15° jour de l’inoculation, date à laquelle, nous le verrons plus loin, débute ordinai- rement le typhus expérimental chez le bonnet chinois (comparer avec les courbes de ces animaux). Il semble que, dans ce cas, il y ait eu alors début d'infection, puis après une période de guérison apparente, rechute grave sous forme de typhus classique. 248 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR C. — REPRODUCTION EXPÉRIMENTALE DU TYPHUS CHEZ LE BON- NET CHINOIS (Macacus sinicus) AVEC LE VIRUS DU CHIMPANZÉ CourBE VI ours] 1 | CS 40° 39° À st J7'F HRRBRBIBRE 727 BURALTENLER k [| | HT nuane STAR qe [1 il AESEE dant [I Hi HE HE RATER E 'en277 ZA nm ï SN SIL TITI jun d ae Ebs= à En SCT MN tatin el LITE Di SCT ETTRT Et & fe LEE S [1] uns CRI à Eu pes & Dan MN u E LS LU int NN © Lo =] = BE 22: L'observation qui précède nous ayant montré la sensibilité du chimpanzé au virus humain, nous avons pensé que celui-ei avait peut-être, du fait de son passage par l’anthropoïde, acquis vis-à-vis des macaques une activité dont il était dépourvu lorsque l'i- noculation était pratiquée direc- tement de l’homme aux singes inférieurs. L'expérience réalisée sur le bonnet chinois nous a prouvé l'exactitude de notre hypothèse. Le 15 juin, 4€ Jour de l'infection du chunpanzé, alors que la température atteint 400,2 et 2 jours avant l’éruption, nous prélevons dans la veine de cet animal 1 c.c. de sang que nous inocu- lons sous la peau d’un Macacus sinicus (bonnet chinois I). Celui-ci, après une incubation de 13 jours, a contracté un typhus typique, comme le prouvent l'observation et la courbe qui suivent : Observation du bonnet chinois I. — État général parfait jusqu’au 27 juin, date de l'élévation thermique, et même état encore les deux jours suivants. Le 30 juin (3€ jour de l'infection), appari- tion rapide d’une éruption siégeant à la face, principalement au niveau des oreilles, de la racine du nez et des ré- gions palpébrales, frontale et malaires. Cette éruption est constituée par des taches rouge vif, confluentes sur le nez, isolées ailleurs: elles s’effacent par la pression pour reparaître dès que celle- ei cesse. L'animal est'énervé, il présente TYPHUS EXANTHEMATIQUE 3219 des tremblements fibrillaires et reste couché; langue humide; pouls 110. Même état le lendemain. L’éruption s’est atténuée à partir des jours suivants, elle n’est pas encore. totalement disparue au moment de la défervescence. Celle-ci survient au 8° jour de la maladie. L'état est alors assez bon, l'animal mange, mais il reste couché et a extrêmement maigri (poids 2 kg. 700). Urine légèrement alcaline, traces non dosables d’albu- mine, absence de sucre; à l'examen microscopique, très nombreux cristaux d'acide urique, quelques cellules de l’épithelium de la vessie, nombreux cylindres épithéliaux, quelques globules blancs. Amélioration vers le 7 juil- let, l'animal se lève à nouveau, mange; mais l’amaigrissement s’est encore accentué; poids à cette date : 2,400 grammes. CourgE VII SPACE TOrE DONC ER AnRS en En résumé, typhus classique d'une durée de 8 jours, avec érup- tion des plus caractéristiques. Cette expérience, en montrant la sensibilité du bonnet chi- nois au virus passé par le chimpanzé, nous a permis de réaliser, avec le matériel prélevé sur cet animal, les recherches qui seront exposées au chapitre suivant. I. — EXPÉRIENCES PRATIQUÉES AVEC LE VIRUS DU BONNET CHINOIS (En collaboration avec M. A. Coxor). Les expériences dont l'exposé suit ont eu pour point de dé- part le bonnet chinois [. Pour en faciliter la lecture, nous don- nons ci-contre un tableau des passages avec désignation des animaux d'expériences. | Boxxet Il inoculé le 29 juin. HOMME | __ CHIMPANZÉ inoculé le 19 mai. | _BoNNET CHINOIS 1 inoculé le 15 juin. M. cyNomor Gus I, II, III inoculés les 29 et 30 juin (l’un d'eux avaitreçule 10 mai, sans résultat, du sang humain typhique). Poux infectés le 30 juin. | Boxer III inoculé le 45 juillet. BONNET XV inoculé le 16 juillet. Avaitreçu le 17 muüi dusangtyphique. BoNNEr IV inoculé le 26 juillet. BONNET I réinoculés le 27 juillet. | RarTs { ET 2? 16 juillet, M. RHESUS inoculé le 16 juillet. Boxer VI inoculé le ÿ août. BONNET V inoculé le 27 juillet. | Poux infectés le 16 septembre. Boxer XII 15 septembre. 5 bonnets piqués par des poux à des dates diffé- rentes de l'infection de ceux-ci, inutilisables par suile d’une diarrhée épidémique. 16 juillet. Boxxets IX Er XI inoculés le 44 août avec le sérum con- servé à la glacière 9 jours. M. Inuus M.cynomoraus IV et V 27 juillet, inocuies le 10 août, l’un dans les veines, r’autre dans le cerveau. CHIEN BoxxEerT XI 16 aout, BoNNer XIII 16 septembre, BONNETr A infecté par les poux du israu6 juil. Boxer B infecté par les poux du {er au 41 juillet. | | | BoNNETIX 14a0. recoiten même temps le sérum du bonnet I. | cul BONNETS Vilet VIII 14ao.(avec le VIllino- du X). BoxxET XIV 22 septembre. TYPHUS EXANTHÉMATIQUE 251 Cour8Ee VIII ASE XPÉRIENCES PRATIQUÉES AVEC LE VIRUS DE PASSAGE PAR SANG al 1: SUR LE .BONNET CHINOIS. — Il nous à été possible d'infecter avec le sang du B. chinois I un second bonnet (11) et avec le sang de celui-ci un troisième bonnet (111). L'absence d’incu- bation de l'infection chez ce dernier singe, coïncidant avec une disette momentanée d’a- nimaux d'expériences, à Se Dore der. ei | ni a ARE are EST ES (M (A LE, CEON PQ CSR ER 7 À DRE je LE À Eve EPL’ ER Et ps arrêté nos passages. Observation du bonnet chr- nois II. — Ce singe reçoit sous la peau 3/4 de €. c. de sang du bonnet chinois [, prélevé dans la veine interne du bras le 29 juin, 2° Jour de la maladie et veille de Pérup- tion (1). Aucun symptôme jus- qu'au 14 juillet, jour où débute la fièvre. A partir de cette date, l'animal se nourrit mal, ne monte plus aux barreaux de sa cage et, de doux et gai, devient triste et agressif. Cet-état. persiste jusqu'aux premiers jours de la convalescence et s’accom- E BREL 22226 HT ||] VAR = a SA Ch (= ES IT TE FES RSI à. En En nr 7 it RAT FPE [À EH ee ee nn A MR AFS BE ACTA Es ATESTOER TR DER L- (1) Dans toutes nos expé- riences., afin d'éviter la coagu- lation. nous avons pris la pré- caution de rincer au préalable la s riigue destinée au prélè- vement du sang dans une solu- tion à 5 0/0 de citrate desoude, Bee) DEEE FRE EN 7 AAA ES —# eee mm dep Fi a > S > î 36° 37 P à & E EI E © m EI A E ps E E EI EI El El EI EI à rs | | } Fs | 3 Ki EF FE 5 LS CE | | F3 ei ie e. b3 S Le) 252 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pagne d'un amaigrissement notable. Il n’y a pas eu d’éruption, mais on a noté du 17 juillet au 19 juillet une énjection des conjonctives avec lar- moiement, ce qui constitue évidemment léquivalent de l’éruption. La courbe VIII montre plus exactement que ne le ferait une description, Pévolution de linfection chez ce singe. La convalescence fut rapide; l'animal était complètement rétabli, lors- qu'il a été sacrifié, le 5 août, pour des expériences de sérothérapie, qui se- ront relatées plus loin. En résumé, chez ce bonnet chinois, après une incubation de T4 jours, typhus classique d’une durée de 10 jours, sans éruption, mais avec injection des conjonctives en tenant lieu. Observation du bonnet chinois III. — Ce singe reçoit sous la peau 1 c. c. de sang du bonnet IT, prélevé dans la veine interne du bras, le 45 juillet, 2° jour de la maladie, avant-veille de l'apparition de l'injection des conjonc- hives (équivalent de l’éruption). Chez cet animal, contrairement à ce que nous avions observé chez le chimpanzé et chez les bonnets I et II, # n’y a pas eu d’incubation, la fièvre est apparue d'emblée. L’inoculation avait été pratiquée le matin; le soir même, 6 heures plus tard, la température atteignait 400,7: elle est tombée à la normale en 9 jours. L’éruption assez discrète siégeait, comme chez le bonnet [, à la face, sous forme de rougeur diffuse du nez et de taches rouge sombre, isolées ou distribuées par petits groupes sur les régions frontale, palpébrale et malaire; elle a duré seulement 5 jours. Les seuls symptômes observés en dehors de cette éruption et de la fièvre, ont été un peu d’amai- g'issement avec une faiblesse momentanée et une diminution légère de l'appétit. La courbe ci-jointe permet de se rendre compte de l’évolution du typhus chez ce singe. CourBE IX EAN AP 7 2 A I EE [1 il [NN ] \ or HE FEES HE La convalescence a été rapide et complète. FYPHUS EXANTHÉMATIQUE 253 Donc, chez cet animal, typhus classique d’une durée de 9 jours, avec éruption, mais sans incubation. Par suite de cette absence d’incubation et, comme nous l'avons dit plus haut, d’une disette momentanée d'animaux d'expériences, aucune inoculation n’a pu être réalisée et notre virus de passage par sang s’est trouvé perdu. Nous ne savons à quelle cause attribuer le manque d’incu- bation. Les conditions d'isolement dans lesquelles se trouvaient nos animaux d'expérience ne permettent guère d'expliquer ce phénomène par une contamination directe ayant précédé l’ino- culation. Toutefois, il ne nous est point possible d'éliminer la possibilité d’une infection par le pou du corps du singe; plu- sieurs de nos animaux (en particulier le chimpanzé) ont pré- senté de ces parasites et nos expériences ultérieures nous ont démontré le rôle joué par les poux du corps humain dans la trans- mission du typhus. Nous avions pensé tout d’abord que le manque d’incubation indiquait un renforcement de la virulence, consécutif aux pas- sages; le peu d'importance des symptômes généraux présentés par le bonnet chinois IIT indiquerait plutôt un affaiblissement de celle-ci. Plusieurs faits dont 1l sera question plus loin, dé- montrent d'autre part cet abaissement de la virulence. L'hypothèse d’une contamination par parasites cutanés. explique mieux ce phénomène, et il y aura lieu, en tous cas, dans les expériences futures de tenir compte de la possibilité d’un tel accident. 2. SUR DEUX AUTRES ESPÈCES DE MACAQUES. (M. cynomol- gus, M. rhesus).[a) Avec le sang du bonnet chinois 1 ont été ino- culés dans les mêmes conditions que le bonnet chinois IT : le 29 juin, même jour que lui, le M. cynomolgus 1 et le lendemain 30 juin (jour de l’éruption) les M. cynomolgus IT et III (ce der- nier avait reçu antérieurement, le 6 mai, sans résultat une inocu- lation de sang d’un malade atteint de typhus (voir plus haut). Ces 3 animaux, observés pendant 40 jours, n’ont montré ni élévation de température, ni éruption, ni tout autre symptôme. Nous jugeons inutile de donner ici leurs courbes thermiques absolument normales. Donc, résultat nul chez trois M. cynomolgus, dont un peut être vacciné. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR COURBE X HD | | reprteleporeresteleststertee AN CPAS eus els 145 fe l7le le lelelelotel : SNL ES ENS DATE D ESTIGR SN nr MS b) Avec le sang du bonnet chi- nots IT, prélevé le 16 juillet, 2€ jour de l’infection et veille de l’éruption, nous avons inoculé un M. rhesus, espèce la plus voisine du M. sinicus. F° L'animal n’a présenté aucun symptôme. Cependant, la courbe, que nous croyons devoir reproduire ici, semble indiquer une légèreréaction thermique du 9e au 25° jour. COURBE X 3. SUR LE CHIEN ET LE RAT. — Un chien et deux rats ont été ino- culés sous la peau avec le sang du bonnet chinois IT le 16 juillet en même temps que le A. rhesus. Observés pendant 40 jours, ils n’ont présenté aucune réaction thermique et aucun symptôme. Donc, résultat négatif. Ne pouvant disposer d’une grande quantité de matériel, nous avions choisi le rat et le chien entre tous les autres animaux d’expérien- ce, en raison de leur présence dans l'habitation humaine et du rôle que, a priori, on pouvait leur attribuer peut-être dans la propagation du typhus. B. — EXPÉRIENCES PRATIQUÉES AVEC LE VIRUS DE PASSAGE PAR POUX On lira au chapitre suivant les résultats positifs obtenus dans nos essais de transmission du typhus par le pou du corps humain du bonnet chinois au bonnet chinois. TYPHUS EXANTHÉMATIQUE 253 Avec des poux placés sur le bonnet chinois I, nous avons pu ainsi infecter deux autres bonnets A et B. {. Avec le sang du bonnet A atteint d’un typhus à rechute, nous avons inoculé 3 bonnets chinois neufs IV, Vet VI, 2 M. cynomolgus IV et Vetun ma- got d'Algérie (M. inuus). Les résultats ont été les suivants: Bonnet IV.— Inoculé avec 1 c. c. de sang du bonnet A prélevé le 27 juil- let pendant la première période fé- brile : éruption très légère (toxique?) au 6€ jour. Réaction thermique avortée d’une durée de 3 jours à partir du 10€ jour. Bonnet V. — Inoculé avec 1 c. c. de sang du bonnet A prélevé le lende- main : éruption typique au 4° Jour, élévation thermique éphémère au 10€ jour. Bonnet VI. — Inoculé avec 1 c. c. de sang du même singe prélevé le 9 août, au moment de la seconde période thermique (ce singe, macaque de très forte taille, qui nous a été aimablement cédé par M. Mesnil, avait été utilisé antérieurement par ce savant pour des expériences de chromothérapie et guéri ainsi d’une infection à trypanosomes. Il n’a pas présenté de rechute depuis son entrée à Institut Pasteur de Tunis où il est encore vivant). Éruption très légère au 15° jour, sans réaction thermique. M. cynomolgus IV et V. — Inocu- lés un jour après le bonnet VI, l’un dans la veine, l’autre dans le cerveau. Résultat entièrement négatif. M. inuus. — Inoculé le même jour que le bonnet V et de la même manière. Résultat entièrement né- gatif. CouRrBE XI el éd VC PPT PRE RP ARR") (dis RENE ES TITLES TT | RUE: LL LS | PA ET | «| ARABAURES SE M me (en ES EME EEE : Rampe Eire ee ls ee Pen ie Pen SRES À r [ua R LA ses je SSE Een TA se = GE Je L | | Il — n | ne | | D : il | ai Er — | | | | | 1H RES 000 ‘03 256 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Un M. cynomolgus VI a été également inoculé sans succès avec le sang du bonnet IV prélevé le 5 août, 2° jour de la réaction fébrile avortée. : De cette série d’animaux, nous ne croyons intéressant de reproduire que la courbe du bonnet IV. 2. Avec le sang du bonnet B, infecté avec succès par les poux et atteint d’un typhus classique, nous avons inoculé les 3 bonnets chinois VIT, VIIT et IX. Le sang avait été prélevé le 14 août, 5€ jour de la maladie expérimentale. | Les bonnets VIT et VIII ont présenté, tous deux, après un temps normal d’incubation (12 jours), une réaction fébrile avortée d’une durée de 3 jours,: sans éruption. Nous donnons à titre d'exemple la courbe du bonnet VIT; elle traduit très nettement ce typhus avorté. CourBE XII ape Tee pote on eee CES (era [rase me (Un bonnet X, inoculé avec le sang du bonnet VIT prélevé à la fin de la, réaction fébrile avortée n’a présenté aucun symptôme.) Le bonnet IX mérite une mention spéciale. Il avait reçu le 14 août sous la peau, en deux points différents du corps, 1 c.c. du sang du bonnet B prélevé au 5° jour de la période fébrile et 2 € du sérum du bonnet IT guéri depuis 14 jours d’un typhus expé- rimental des plus nets (voir plus haut). Ce sérum avait été con- servé à la glacière pendanc 9 jours. Cette double inoculation a été suivie au bout de 48 heures d’une élévation thermique à 40° de 2 jours de durée, en rapport, ainsi que nous le verrons plus loin, avec le pouvoir toxique du sérum du bonnet II. Cette propriété nocive s’est associée à une action préventive insuffisante, pour provoquer l'apparition, après 20 Jeu d'incu- bation d'un typhus typique. TYPHUS EXANTHÉMATIQUE 257 L’'infection chez le bonnet IX a été, sauf absence de l’érup- tion, de tous points identique à celle des bonnets de passage L, IT et III. La courbe thermique que nous reprodusions ci-dessous le démontre et ce n’est point un des faits les moins intéressants de nos expériences que cette réapparition du typhus avec ses caractères classiques sur un de nos singes, alors que ses congé- nères ne montraient plus alors Courg8E XIII ue des réactions avortées. ot dE À 1 Aout PAec A sg Guberinels { DR sr du PT Bin ira | rckzta Peer Ponts nr Avec le sang du bonnet IX, prélevé HaBER E RE ARTS UEEE le 3° jour de l’inoculation, dans la pé- DR ES riode de réaction toxique, tandis que la URI AN ITESS ITR RNBERRE température dépassait 40°, nous avons DU HE ue inoculé sans résultat le bonnet XI. ERA2BRA u & , , : COOTTÉTT ES L'observation de 2 bonnets XII et XIII, DEN D RES infectés avec le sang du bonnet IX, CTI T DS / 2 . Phs, , . : SERRE Le prélevé en pleine période fébrile, au He Hi = 3e jour du typhus, n’a fourni aucun HEURE 1] FELE résultat, le premier de ces animaux [[111] Ti \ 11] + étant mort prématurément et le second TTL ES te = ar, . , = 5 « QUREs me = ayant été atteint d’une infection in- ue [1] S testinale qui a frappé à cette époque [| à une grande partie de nos singes, et qui, LH S chez cet animal en partculier, a pro- | & voqué de telles oscillations thermiques, [| | qu'aucune conclusion ne nous a semblé E EE CF S pouvoir être tirée de son observation. DES & Un dernier bonnet chinois XIV, {|| TT inoculé avec le sang du bonnet IX au DURS - $ 4e jour de l’apyrexie, n’a présenté au- cr Üan an S cun trouble. Courbe thermique absolu- QUE = ment normale, qu’il nous paraît inutile pans da Fr & de reproduire. É te F ILE | re ÉLTLCHEREREE Ces résultats et la mortalité [LI TEUT E , 37 . , . Q , EU | Es | causée par l'épidémie de diarrhée TOUS] d _ J Atio au TS } ont nous venons de parler, ont ï j amené la perte définitive de notre virus. Une conclusion semble res- sortir de l’ensemble de ces expé- riences, c’est l’abaissement de l’activité du virus par le passage ner dr'ansrirn Enar|/T|0" 66|8€ 258 ANNALES DE L'INSTITUT PASTECR par le bonnet chinois. Ce phénomène expliquerait également les résultats négatifs obtenus par l’inoculation de ce même virus aux macaques d'espèces plus ou moins voisines. Il y aura lieu en tout cas de tenir compte de ces faits dans les expériences futures. Nous avons omis volontairement dans ce chapitre les consta- tations fournies par l’étude du sang. Elles ont permis de recon- naître, chez tous les animaux examinés, des lésions caractéris- tiques d’autant plus marquées que l'infection chez eux était plus intense, mais suffisamment nettes dans les cas avortés pour qu'on les y puisse reconnaitre. Il. — QUELQUES FAITS RELATIFS A L'IMMUNITÉ ET AUX PROPRIÉTÉS DES SÉRUMS (En collaboration avec M. A. CoNor). I. IMMUNITÉ NATURELLLE. — Nous avons noté plus haut, et ilnous paraît inutile de revenir sur ces points autrement que pour les rappeler : 49 L’immunité naturelle du 47. sinicus et du M. cynomolgus au virus humain; 20 L’immunité du M. cynomolgus, du M. rhesus et du W. inuus au virus du bonnet chinois. Cette immunité n’est peut-être point absolue pour le MW. rhesus et, pour les autres macaques, elle peut trouver, avons-nous dit, son explication dans le fait de Paffaiblissement du virus à la suite du passage par bonnets chi- nois, la diminution de la virulence se constatant dans ce cas pour le bonnet chinois même ; 30 L’immunité du chien et du rat blanc vis-à-vis du virus du bonnet chinois. | IT. FAITS RELATIFS A L’'IMMUNITÉ ACQUISE. — {. Une inocu- lation du sang humain non typhique ne vaccine pas contre l’inoculation du virus. Le bonnet chinois I avait reçu, le 15 mai, 1 c.c. de sang d’un malade non typhique (pneumonie); réinoculé TYPHUS EXANTHÉMATIQUE le 15 juin avec le sang du chim- panzé infecté, il a contracté un tyvphus grave. 2, Une inoculation de sang hu- main typhique au bonnet chinois ne l’infecte pas, mais le vaccine contre le virus de passage par bonnet chinois. Cette conclusion ressort de l’ex- périence suivante : Le bonnet chinois AV avait reçu, sans résultat le 17 mai, 1 c. c. de sang prove- nant d’un malade ateint detyphus (voir chapitre I; expériences préliminaires), Réinoculé le 16 juillet avec le sang du bonnet IT atteint de typhus expérimental, au 3° jour de l'infection, il n’a présenté à la suite de ce traitement aucun symptô- me; s'il y a eu réaction thermique, celle- ci, comme on pourra s’en rendre compte par l'examen de la courbe ci-jointe, n’a été qu'à peine ébauchée. Le bonnet chi- nois II], inoculé la veille, avec le même sang, a présenté un typhus net, sans incu- bation (voir plus haut). 3. Nous n'avons pu nous rendre compote de la résistance conférée au bonnet chinois par une première at- teinte de typhus expérimental. Nous n'avons tenté l'expérience que dans un cas; elle nous à fourni une in- dication sans valeur. Le bonnet I inoculé avec le virus du chimpanzé et ayant présenté un typhus des plus nets, a été réinoculé le 27 juillet avec le sang du bonnet A infecté par les poux (sang prélevé pendant la première période fébrile. Voir plus loin l'observation du singe). Sa température étant retombée a la normale depuis 22 jours, le résultat a été négatif; mais il est à noter que le bonnet IV, inoculé la veille, et le bonnet V,inoculé le même jour, n’ont présenté qu'une réaction avortée. 19 (0 & CourBE XIV per ES ÉUER 20e ÈE = A.) CERTES LES TRI LE IX. Bens- É pets 920 V- CPAS LAN SRE ERER CA \VA' ee r] se | 200 Casa Er [WA Ve ie #3) es el ee) By (A \/ | /V / ezles)ss)ss rec] sure EE A / = A ES Es Es l'UE [VI + N ESS + À [\ A / LV: À ie) Fe) F1 EABAE \VA\E M FÉES LA AW: EABATE\'A FSI BE 770 ae L_/ LAN he AGE Ci A | IL av NE [NES || 0 + JL _ =. À \ / NE resté CourBE XV IE TROT ÉRRERN BR AUAURe lHATEE HE TROT HAT TT DT OT ÉTEINT TR HOTTE ONE ETAT TL ETES CORTE LE ÈTT RBEEBBBNERENS ERRUREEE LETTRE HELENE HOTTE TELE Er UT BIT TETE RIT RTE BIT GITE TOO SEE TEINTE SORT SHOT RENE ÉnRRe ETUI RIT SITE SO STE TRE ET SHOT EPANERECeNRERRREMEDES TEE RTC EOBSBLO TL nnEnn ES ARBRE LE d SHOOORELE Sean es FSU LEE, ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR III. — PROPRIÉTÉS DU SÉRUM DES CONVALESCENTS Le bonnet chi- nois II, infecté avec succès et parfaite- ment guéri de son typhus, a été sacri- fié le 14€ jour après la chute de la tem- pérature, et son sé- rum conservé à la glacière pendant 9 jours. On l’injecte alors à la dose de 2 sous la peau des 2 bonnets chi- nois XVI et IX. Ce dernier reçoit en même temps le virus du singe B infecté CRC avec succès par les poux. Deux autres bonnets VIT et VIII, témoins, qui ont reçu le virus seul, présentent une réac- tion ébauchée que nous consi- dérée typhus abortif (voir au chapitre précé- avons conte ur dent leur observa- tion). Le bonnet XVI (sé- rum seul) présente, au Ze jour, une élévation subiteSà 409,5, avec ma- laise et hypothermie TYPHUS EXANTHÉMATIQUE 261 consécutive de 2 jours de durée. Retour rapide à la normale. Le bonnet IX (sérum ét virus), dont l'observation détaillée a été donnée au chapitre pré- cédent, a présenté successivement : 1° une élévation thermique au-dessus de 400, le 3€ et 4° jour; 2° après un retour à la normale d’une durée de 24 jours, un typhus tout à fait classique. Cette expérience unique montre que le sérum du bonnet chi- nois convalescent de typhus n'est point inoffensif. La réaction thermique présentée par les bonnets XVI et IX paraît relever d’une action toxique. Celle-ci s’est fait ressentir ultérieurement chez ce même animal de la façon la plus curieuse, car il est le seul de la série inoculée avec le sang du bonnet B qui ait présenté un typhus net. Ce typhus a été très tardif. ce qu’on peut attribuer à l’existence dans le même sérum d’un pouvoir préventif moins énergique, au moment où nous avons prélevé le sang, que le pou- voir toxique, assez développé cependant pour retarder l’appari- tion de Ja maladie. Dans des expériences antérieures de deux années (en colabo- tion avec M. Conseil) nous avions vu mourir en quelques heures 2 bonnets chinois inoculés avec 2 €. c. de sang typhique humain. Cette toxicité du sérum de convalescent était importante à signaler, car on a préconisé pour le traitement du typhus l’em- ploi du sérum des malades guéris. Il ne semble point que cette pratique soit sans danger. IV. — TRANSMISSION EXPÉRIMENTALE DU TYPHUS EXANTHÉMATIQUE PAR LE POU DU CORPS (pediculus vestimenti). (En collaboration avec MM. C. Core et E. CONSEIL). Le médecins qui ont eu l’occasion de suivre des épidémies de typhus ont été unanimes à constater le rôle important joué dans la diffusion de cette maladie par la disette, une mauvaise hygiène, l'encombrement et la saleté. Sans affirmer que les para- sites du corps et des vêtements soient les agents de transmission de Fa maladie, plusieurs auteurs avaient émis déjà à ce sujet des | : 262 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR opinions très suggestives. Parmi ceux-ci, nous citerons MM. Net- ter et Thoinot, dont le Rapport Général sur le typhus en France de 1892 à 1893 mérite une mention spéciale. Depuis quelques années, nous avons pu suivre personnelle- ment un certain nombre d’épidémies de typhus dans la Régence, en particulier à Tunis même (Prison civile, hôpital Sadiki, cas urbains), Metlaoui et Redeyef (C® des Phosphates de Gafsa) et aux îles Kerkennah (à l’est de Sfax). Nos observations nous avaient amené à considérer un insecte comme l'agent probable de diffusion de la maladie. Le typhus est, en Tunisie comme ailleurs, une conséquence de l'encombrement et de la disette; il sévit sur les populations les plus misérables et les moins soucieuses des règles de l’hygiène: il n’est point contagieux dans une maison propre ou dans les salles d’un hôpital bien tenu. Dans ces conditions, seuls, les insectes parasites de lhabitation, du vêtement et du corps, poux, puces, punaises pouvaient être suspectés. L'époque ordi- naire d'apparition des épidémies de typhus (printemps) rendait. insoutenable le rôle des moustiques, des tiques ou des stomoxes. Plusieurs faits d'observation nous ont amenés à limiter notre hypothèse au pou. A l'hôpital mdigène de Tunis, les malades en- trants sont lavés et revêtus d'effets propres: aucun cas de conta- gion intérieure n’y à été observé, notamment lors des épidémies de 1902 et 1906, malgré l'absence d'isolement et la présence de punaises nombreuses dans les salles. Les seuls cas de contagion notés l’ont été sur le personnel chargé de recueillir et de désin- fecter les effets des entrants. Aux iles Kerkennah, foyer endé- mique du typhus, les punaises sont rares. Dans le Djerid, où la maladie se montre comme ailleurs, les puces manquent. Ces in- sectes pullulent au contraire dans les galeries des mines de phos- phates: ils y attaquent indifféremment Européens et indigènes, et cependant ceux-e1 seuls sont atteints de typhus. Enfin, deux observations nous sont connues où, après la durée d’incubation ordinaire, le typhus a succédé manifestement à la piqûre d’un pou. Ces remarques étaient présentes à notre esprit lorsque nous avons commencé en avril 1909 nos recherches expérimentales. Nous ne disposions alors que d’un nombre très restreint de singes, cependant cette hypothèse nous paraissait si probable et si im- TYPHUS EXANTHÉMATIQUE 263 portante comme conséquences que nous n’avons point hésité à employer pour sa vérification 2 sur 6 des bonnets chinois que nous possédions. Une première expérience de transmission de la maladie de l’homme au 7. cynomolgus, au moyen de poux du corps prélevés sur un malade, ne nous avait donné qu’un résultat négatif. Nous jugeons inutile de rapporter cette expérience; le A. cyno- molgus ne parait point convenir à l’étude expérimentale du ty- phus, puisque le sang recueilli sur l’homme malade et sur le bonnet infecté ne se montrent point actifs pour lui. Nous avons utilisé pour nos expériences le bonnet chinois 1 infecté avec succès par le virus du chimpanzé. Le 30 juin, 16° jour de son inoculation, 3° de son infection et aux premières heures après l'apparition de lPéruption, nous plaçons sur la peau de cet animal 29 poux du corps recueillis le matin même sur des indi- gènes sains et conservés à jeun depuis 8 heures. Les poux du corps, contrairement à un préjugé, encore cou- rant dans trop de livres de médecine et de parasitologie, ne vivent nullement de débris épidémiques, mais de sang. Il suffit pour s’en convaincre d'examiner leur abdomen, on y constatera la pré- sence d’une masse rougeâtre que le microscope montre consti- tuée par du sang. Le pou du corps pique avec une égale voracité l’homme ou les macaques. La piqûre de l’insecte à jeun est pour ainsi dire immédiate et cette rapidité même montre le grand danger qu'offre le plus court contact de ces parasites. Pour conserver les poux en captivité, il est utile de les mettre à une température qui ne soit ni trop élevée, ni trop basse. A létuve, à 379, ils meurent rapidement; ils succombent égalc- ment assez vite lorsqu'on les laisse à la température ordinaire dans un tube de verre sans autre précaution. Le procédé qui nous a donné les meilleurs résultats consiste à remplir le tube, où on doit les mettre,de copeaux de papier entre lesquels les insectes se réfugient et où il est facile de les saisir ensuite. Ces tubes étaient conservés dans une armoie où la température se maiatenait de façon à peu près constante aux environs de 160 à 240. Il faut nourrir les poux tous les jours en leur faisant piquer le smge. À jeun, après 48 heures, il y a déjà une certaine mortalité: 264 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CourBE XVI celle-ci frappe les deux tiers des insectes lors- que le jeûne atteint 3 Jours. En observant ces précautions nous avons pu conserver des poux vivants en captivité | EE F CEE - LD d À 7] 1 Fe DAME CR SRT EURE E) : BRUT ES SAR FARMSRÉENARERSSEENMPSERI ER te Do CR OTOTITEE persuadés qu'on pour- (Al rait dépasser cette limite si dans les manipula- tions qu'on fait subir aux parasites en les prenant avec la pince, FARRRSSSNE on ne s’exposait fata- lement à les estropier. C’est à la suite d’un traumatisme que ces insectes paraissent tou- jours succomber. 21 (Len) LES io = el NA 1} F UM FT E ES ÊR En El ET EX EE En LE (a 1 En a LE LA vi + KE] [5e] ER pars] En E 1 Et Le] ES 58) ES 3 2124 EE Eass BEBREBRERRE Se HAE STONE STARS nl El Bal connnr ÉBBSRS Ë BEBE Le 30 juin, nous avons done placé sur la peau du bonnet chinois I, 29 poux conservés à jeun depuis 8 heures. Le lendemain et les jours suivants, nous les avons reportés sur les deux bonnets chinois A et B. Le singe A a été piqué 6 jours consécutifs par 15, puis 12, 13, 8, 6 et 3 poux, et le singe B 12 jours par 14, pos 15? SRE M A EE poux. Chaque jour après la piqüre, les poux LÉ PALETTE CE EN EN CeHILTT TEL TETE SSID SentERTsE ARS | Prat] ral TYPHUS EXANTHEMATIQUE 265 étaient mélangés et placés à des températures de 209 environ. Les 2 singes À et B avaient servi antérieurement à des 'expé- riences sur le Kala Azar; tous deux étaient guéris au moment de leur inoculation et, fait important, leur température prise deux fois par jour depuis 5 mois (singe A) et 1 an (singe B) n’a- vait jamais présenté d'élévation thermique. Ces deux animaux ont contracté le typhus ainsi que le mon- trent leur observation clinique et la courbe de leur température. Bonnet chinois A. — Rien à noter jusqu’au 22° jour de l’inoculation; A cette date, élévation de la température à 390,2 et 390,9; puis baisse les 23e et 24e jours. La température remonte au 25€ jour pour atteindre ou dépasser 400 les 26€, 27e et 29e jours. Défervescence lente du 30€ au 34° jour. Au 39€ jour, la température remonte; rechute de 5 jours avec courbe ther- mique classique {maximum 409,5 le 41e jour). Mort le 44° jour au matin, État général assez bon jusqu’au 30° jour: à cette date, abattement, l'animal mange moins, il est plus facile à saisir. Pas d’éruption. Agitation extrême lors de la deuxième période fébrile. Coloration violette des lèvres les 2 derniers jours. A l’autopsie, aucune lésion, sauf une ulcération du cœcum à surface irrégulière couverte d’un exsudat diphtéroïde. Rate, 8 grammes. Le poids de ce singe a baissé de 1,500 grammes à 1,300 grammes. Les résultats de l'examen microscopique des organes seront publiés ulté- rieurement. Bonnet chinois B. — État absolument normal jusqu'au 40€ jour de l’ino- culation. Le 41€ jour, élévition de la température coincidant exictement avec la seconde poussée fébrile du singe A. Le 44° jour, température de 409; défervescence à partir du 46€ jour et, ce jour même, éruption. Les seuls symp- tômes observés ont été un peu de faiblesse et un peu moins d'appétit; re tour presque immédiat à la santé. Passages. Avec le sang de ces deux singes, nous avons inoculé plusieurs bonnets chinois. Les observations de ces animaux ont été relatées au chapitre IT de cet article. Rappelons seulement ici que : 4. Les bonnets chinois IV, V et VI, inoculés avec le sang du bonnet À, prélevé pour IV et V pendant la première période fébrile, pour VI, pendant la seconde, ont présenté tous trois une réaction avortée (élévation thermique éphémère, éruption légère ou les deux phénomènes associés). Il est possible que chez le bonnet A, la première période fébrile n’ait point été le typhus. La seconde poussée thermique, au contraire, identique dans le temps et comme caractères cliniques à celle du bonnet B, a présenté au contraire le tableau ordinaire de la maladie expérimentale. 2. Sur 3 bonnets chinois VII, VIII, IX inoculés avec le sang du bonnet B, prélevé pendant la période fébrile, les 2 premiers ont eu une réaction avortée, ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Cour8Ee XVII ESEPERIPAUAUENNES [III LORD LEE DdEBUEE Ste tel re HEHLL III I ÉBNSERAS SÉTGSRE GIE ël E ENTRER E EU E EH HT SIT I Sn) SD El je ni jl S [il | Raul F4 El d HT [8 | [TI] E1 EF EI !. [] LT] | CE ER ed ns rpaepaete] = COBANAQNAN Sn UE dE HET 3 ses 37° le bonnet IX un typhus typique (pour lob- servation de ce bonnet, se reporter au-cha- pitre IT). La signification de ces expériences nous semble indiscutable. Le pou du corps humain transmet le typhus de singe "à Sirge; il n’est point douteux qu'il agisse de même d'homme à homme. S'en suit-il qu'il soit le seul agent de transmission de la maladie? Tout porte à le croire ; des expériences ultérieures seules permettront de l’affirmer. Dans tous les cas, et dès à présent. l'application de cette donnée nouvelle à la prophylaxie de la maladie chez l’homme s'impose. Les mesures à 0p- poser au typhus devront avoir pour objet premier la destruction des para- sites: elles viseront principalement le corps, le linge, les vêtements et les objets de couchage des malades. Un autre point à retenir de ces expériences est l’affaiblissement de l'activité du virus par passages par le bonnet chinois; un seul des singes ino- culés avec le sang de 2 bonnets infec- tés par les poux (le bonnet IX) à pré- senté un typhus net, les autres n’ont montré qu'une réaction avortée. Nous ne faisons pas état dans ce chapitre d’une secorde série d’expé- riences entreprises avec le bonnet ehi- nois IX. Des poux placés sur lui à diverses époques de son infection avaient été mis ensuite sur un lot de 5 bonnets neufs. Une diarrhée épidé- nique grave qui à sévi sur ces ani- maux, en troublant leur état générel TYPHUS EXANTHÉMATIQUE 207 et leur courbe thermique, à enlevé à nos constatations toute valeur. Il semble plutôt d’ailleurs que le résultat de ces expé- riences ait été négatif (1). Les passages par sang, d'autre part. n’ont rien donné (voir plus haut). V. — RECHERCHES HEMATOLOGIQUES (En collaboration avec M. E. JAEGGY). Ces recherches ont porté sur 4 seulement de nos singes, le ch'mpanzé et les bonnets I, IT et IV. Disons de suite que pas une de nos préparations ne nous a montré la moindre forme micro- bienne. Le sang étant virulent au moment même où nous avons pratiqué plusieurs de nos prises, lagent pathogène du typhus peut être rangé, provisoirement du moins, parmi les microbes invisibles. [. — ALTÉRATIONS DES GLOBULES BLANCS La constatation la plus importante que nous ayons faite sur- nos préparations de sang est celle d’une altération notable des globules blancs. Cette lésion porte principalement sur les poly- nucléaires neutrophiles. Nous prendrons comme type de description les altérations observées dans le sang du chimpanzé. Nous passerons ensuite rapi- dement en revue les lésions analogues présentées par les autres singes. (1) L'étude de l'épidémie de typhus exanthématique qui a sévi en Tunisie pendant l'année 1909 a permis de se rendre compte de la façon la plus nette du rôle joué par- le pou du corps dans la propagation de la maladie. Le rapport du Dr Conseil, auquel nous avons fait allusion au début de cet article, le démontre d’une façon lumineuse. Sur plus de 800 cas observés à Tunis même, les 15/16 ont frappé soit des ouvriers. vagabonds ou miséreux. soit les personnes en contact avec eux-mêmes, leurs vête- ments ou leurs effets, tels qu'employés de chemin de fer, médecins, infirmiers. agents de police, chiffonniers, baigneurs, logeurs et petits marchands indigènes: et. tandis que les malades se montraient dangereux tant qu’ils n'étaient point lavés et qu’ils portaient encore leurs vêtements, ils ne l’ont plus été jamais une fois baignés et changés de linge dans les hôpitaux d'isolement. Le person ael médical et auxiliaire très éprouvé (lé D' Conseil a été atteint lui-même) appartenait tout entier au service des recherches. 11 n°y a pas un seul cas de contagion hospitalière, excepté dans le service d’entrée (désinfection et bains). - Deux fois seulement sur ces 800 cas, la contagion familiale a été observée: ce qui suffirait, étant donné les habitudes des Arabes de cracher partout, pour faire rejeter- complètement l'hypothèse de la contagion par les expectorations. GYENE 268 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CHimpanzé. — Non examens ont été pratiqués les 4°, 5e, 6e et 7€ jour du typhus expérimental, c’est-à-dire le jour du maxi- mum thermique, le lendemain, le jour de l’éruption et le jour de la défervescence. 4e jour de l'infection. Les polynucléaires présentent des lé- sions évidentes, à des degrés divers et dont une étude attentive permet de reconnaître et de suivre l’évolution. L’altération des globules débute par le noyau. Le peloton de chromatine se déroule, en même temps qu'il se divise en fragments plus nom- breux qu'à l'ordinaire, et ceux-ci se disposent généralement en couronne à la périphérie du leucocyte. Ces fragments perdent progressivement leur affinité pour les couleurs basiques; ils se teignent faiblement et mal, leurs contours deviennent flous, il semble qu'ils se dissolvent peu à peu dans le protoplasma, le- quel se colore au contraire de façon plus intense; et, de fait, Paboutissant de ce processus, qui parfois frappe le noyau avant sa fragmentation, est la fonte de la chromatine. Cette lésion se complique de lapparition dans le protoplasma de corpuseules très fins, différents des granulations neutrophiles normales. Ces grains, de couleur plus pâle et d’abord peu nombreux, augmen- tent de nombre et se teignent d’eutant plus fortement que la lésion nucléaire progresse, en même temps que les granulations neutrophiles disparaissent. La cellule nécrosée apparait alors comme une masse de dimension plus grande que la normale, à contours mal définis, et constituée par un protoplasma que le Giemsa colore en bleu sale et dans lequel on né distingue plus de noyau, mais seulement des granulations basophiles nombreuses, irrégulières et disséminées sans aucun ordre. La planche annexée à ce travail permet de se rendre compte de ces altérations et de suivre leur évolution. Il semble qu’on doive attacher à ces lésions des polynueléaires du sang une importance particulière. Nous ne croyons point qu'elles se rencontrent ailleurs que dans le typhus ct nous serions assez portés à voir dans leur existence et de leur inten- sité, une indication au point de vue du siège de l'agent inconnu ‘le Finfection. Celui-ci serait vraisemblablement un mierobe intraleucocytaire. D'autre part, la nécrose des polynucléaires pourrait bien être la cause de l'apparition de cette propriété agglutinante singulière vis-à-vis du micrococus melitensis qui est TYPHUS EXANTIEMATIQUE 269 si fréquente dans le sang des malades, que nous avons déjà signalée et sur laquelle nous reviendrons dans untrava lspécial!1). Les mononucléaires peuvent présenter aussi des lésions de néerose. Mais celles-ci ne frappent que de rares globules et tou- jours à un degré moindre que chez les polynucléaires. Hormis cet accident, les mononucléaires demeurent intacts. Leur diamètre. leurs contenus demeurent normaux, leur protoplasma garde sa transparence. On note seulement dans leur noyau non déformé une tendance de la chromatine à se segmenter en boules assez distinctes, que séparent les parties plus pâles d'aspect vacuo- laire. Il en résulte que le noyau présente une apparence muri- forme. Presque tous les mononucléaires montrent dans leur pro- toplasma quelques grosses granulations rondes ou légèrement ovales, que le Giemsa colore en bleu lilas et qui se disposent ordi- nairement à la périphérie de la cellule. La description détaillée des lésions globulaires que nous venons de donner nous permettra d’être bref sur le résultat de nos autres examens du sang du même singe et aussi des bonnets chinois, car, au degré près, les lésions sont les mêmes chez tous les singes infectés. 5€ jour de l'infection. Mêmes altérations qu'au 4° jour, peut- être encore plus prononcées. 6€ jour de l'infection. Idem. S° jour (jour de la défervescence). Le nombre des polynu- cléaires altérés est moindre et leurs lésions moins marquées. On note une forte réaction myélocytaire. Presque tous les polynu- cléaires présentent le caractère de jeunes cellules à grands noyaux, à protoplasma clair et à granulations neutrophiles nombreuses. Boxer I. (Il s’agit du macaque infecté avec Le sang du chim- panzé). — Un seul examen de sang, pratiqué au 4€ jour de l’in- fection, le lendemain du maximum thermique, en pleine période fébrile, montre des lésions des polynucléaires identiques à celles observées à la même époque chez le singe précédent. Elles sont un peu moins accentuées en général et le nombre des globules atteints est moindre. Cependant, 1l nous a été possible de trouver dans le sang de ce bonnet des globules entièrement nécrosés. Celui qui, sur notre planche en couleurs, représente le degré le (1) Le travail auquel nous faisons allusion a été présenté. pendant l'impression de cet article, à la Soc. de pathologie exotique, séance du 13 avril 1910. Cf le Bulletin de cette Société. note de MM. C. Nicolle et C. Comte. 270 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR plus avancé de la lésion (fig. 5) est précisément un polynucléaire de ce singe. Bonxer IT (inoculé avec le sang du bonnet 1; typhus expé- rimental classique). Mêmes réflexions à propos de cet animal. Les lésions sont de même ordre, mais moins prononcées et frap- pent un nombre moins grand de globules. Il y a parallélisme évi- dent entre l’interisité de la maladie clinique et celle des altéra- tions globulaires. Les examens ont été répétés chez ce singe aux diverses périodes de l'infection. La réaction myolécytaire de la fin de la période d'infection est particulièrement nette (voir le paragraphe suivant et le tableau annexé). BonxET IV. — Chez cet animal, atteint de typhus abortif, les lésions des polynucléaires quoique de même ordre, sont plus ares et infiniment moins intenses; elles s'arrêtent généralement aux premiers stades. IT. NUMÉRATION DES GLOBULES BLANCS. FORMULE LEUCOCYTAIRE Nous renvoyons pour tous les détails de ce paragraphe au tableau joint à ce travail et aux courbes thermiques des bonnets Let IV: une ligne pointillée y figure les oscillations du nombre des globules blanes. Nos recherches n’ont été suivies et complètes que pour ces 2 singes, atteints, ce qui est particulièrement ins- tructif, l’un (bonnet IT) de typhus classique, l’autre (bonnet IV) d'infection avortée. Nous commencerons par eux l'exposé de nos constatations. Boxer Il (typhus classique). Numération globulaire. Le nombre total des globules blancs monte pendant la période d’in- cubation; le maximum coïncide avec la fin de cette période; il baisse ensuite pendant la période d'état. Les chiffres obtenus chez ce singe ont été d’une façon générale relativement élevés. (I n’est pas inutile peut-être de rappeler ici que ce singe était guéri depuis quelques mois d’un Kala Azar expérimental, vis-à- vis duquel une atteinte antérieure de bouton d'Orient semble lavoir vacciné.) Formule leucocytaire. Augmentation du nombre des éosino- philes; ce chiffre baisse cependant au moment de la période d'infection, pour se relever dans la convalescence. (Cette éosi- nophilie ne peut trouver son explication dans la présence de vers TYPHUS EXANTHÉMATIQUE 271 intestinaux ou hépatiques: l’animal ayant été sacrifié peu de jours après la défervescence, ses organes n’ont montré aucun de ces parasites). Mononucléose relative. Le nombre des mononucléaires (de toute espèce) augmente dès le 4° jour après l’inoculation, c’est-à- dire en pleine période d’incubation. Les polynucléaires, de moins en moins nombreux relativement jusqu’à la fin de la période fébrile, augmentent cependant de nombre à partir des derniers jours de lincubation, pour diminuer ensuite de façon absolue et relative pendant la période d’état et se relever peu à peu vers la fin de l'infection. On note alors l'apparition des myélocytes. BonxeT IV (typhus abortif). La courbe des globules blancs est, chez cet animal, caractérisée par deux sommets correspondant à une leucocytose polynueléaire et ayant pour époque les 4° et 16° jours de l’inoculation. La première période précède, la seconde suit la période d'état de l’infection. Pendant cette période, nous constatons une leucopénie avec mononucléose relative, une diminution des éosinophiles et une réaction myé- locytaire. CHIMPANZE (il n’a pas été pratiqué de numération globulaire). La formule leucocytaire, recherchée du 4€ au 7€ jour de l'infec- tion, montre l’absence d’éosinophiles, avec mononueléose rela- tive et une réaction myélocytaire de plus en plus intense du 5° au 7€ jour. En même temps et parallèlement, on note une aug- mentation du nombre des formes de transition. BoxNET Î. — Un seul examen, portant sur la formule leuco- cytaire, a été pratiqué au 4€ jour de l’infection, en pleine période fébrile. Il montre une mononueléose relative; la réaction myélo- cvtaire est encore nulle à ce moment; même résultat avait été constaté à la période correspondante chez le chimpanzé. JIFE. NUMÉRATION DES GLOBULES ROUGES. DOSAGE DE L'HÉMO- GLOBINE Ces recherches n’ont été pratiquées que pour les bonnets IT et IV. Les détails en sont donnés au tableau annexé. Chez le bonnet II, nous avons noté une légère diminution de l’hémoglobine et des globules rouges vers la fin de la période d’état de la maladie. Chez le bonnet IV (typhus abortif), après TABLEAU RESUME des RECHERCHES HEMATULOGIQUES (numérations vlobulaires et dosage de l’hémoglobine). FORMULE LEUCOCYTAIRE Mononucléaires Pulynueléaires Grands | Myclo Mastzellen | Globules blancs Globules rouges Hémoglobine (hém. de Sahli) F de transit TOTAI Lympho | Moyens CHIMPANZÉ 4° jour de l'infection | (27e j.après l’inoculation 5° jour de l'infection Ge jour = lel — 12-13-14-15-16.| 5 (Ce + le 18. 58,3 —_ 11-18-10 EEE 4 . |[Mf. + le 26 — 20-21-22-Y3,..| 4 C NOR DR Or ee 4 Me. CHIC) + Examen positif. — 97-28-29-30... on] C. 2 Det NES 71 C. M A NE RE — | AR PI ER PE NE RP EXPÉRIENCE Il. DATES 0 JUN GES 20-30-0122 ATOME RS Le — HEADER EEE — S8- 9-10-11 IEEE —_ 1-15 lbs ISO ER 20-21-22, . 93-24-9592 ( POTEONEON Re SON IMSRESE Sept. 1- 2- 3- 4- 5. NE TE EACENNE 11-12-13 EN 4 dE ES dep ee LEO Rp — 29-30. 0c.1-2-3 Oct. PÉE R PRRnS _ CHEN SNU Er NAS. 6. à — MS SACS 4-15. ES NOMBRE. de mouches. > a [ANIMAUX PIQUÉS 7” DRE NE EXAMEN [A u) Lea A OZ ; Êù x à | ENS e £ < | microscopique |! D s r EN E] m ZE CE © 2 du sang = © = C | Ma. + le 45. Ca) Mb. |+ le 23. " [Me |+ le 95. +leter sept. + Je 9. + Je 2 + le + Je | + le Mk. |+ le Très nombreux — — 2 |Z% 2 à & = = % DATES = SEXE 532$ 08 E a 2 12 août. | 1 (@ 1QO +| — 14 — 1 Ô —| — 17 — |2 © +| — a — 11e S —| — 23 — 11590 60! HT — 21 2 A 4 GO LICENSE 3) — | (@) En 1 sept. | 1 Q + — EE ES) REC SERRES Nr Le ES l4 — 1 Ô —| — LS = 1 (@ 3: — 21 — 1 Ô + — 25 3|Mangées par les fourmis 4 oct. 1 Q — — 10 Ale © 2 | — 18 — Ale G = D A © + | — EXAMEN DES MOUCHES GL. PALPALIS ET TR. CAZALBOUI 289 ExPÉéRIENCE III ANIMAUX PIQUÉS EXAMEN DES MOUCHES Q A ———_—__— — g ® EXAMEN z = à na CAM 2 SOC DATES È 310 2 > O à |microscopique : a Rsèle - à SEE © < E 3 DATES = OS END" A % = £ a 5 C) du sing © ES AIRE Le] = © = Z Le SI 2 HAS AE | es ER Juill. 28-29-30-31 ...| 48 | Mi. Nombreux.|| 8 août.| 13 | dévorées par les fourmis Août 1-2-3-4-5-6-7...| 18 (Os 20 — Fe) ce 7 = ÈS SD benc En 5 (ES 22 — MO En = — 9-10-11-12 ....| 5 Ma. + le 49. 129 — 1e = — 13-14-1516 S (E: Ma. 20 sept.| .4| © = = = KES oto 0) 21 — 1110 =" —= MENT dE Dec 4 Mb + le 26 — 22-29-2425 3 (C — 26-27-28... 3 . — 29-30....... 2 M + le 3. DEDL OI 1-23... 2 Me. Pourcentage des trompes infectées = LR SES u00e 2 Md. | +le 9. — 8-9-10-11-12...| 2 Mc. + le 19. 40 0/0 — 13-14-15-16..,.| 2 CG. | Mf,. + le 19. ExPÉRIENCE IV | Animaux Piqués EXAMEN DES MOUCHES ed PTT del EXAMEN EL re LT ee DATES LS mn » a. [é] < A Le. 2 2122124 [MTS microscopique É bas lo. PARLE DATES |=| SEXE [098 [52 Z 2 «Elo a, = |neufs du sang. © EDEN (} 7 Z | Eu 9 | | s |Z 5 SITES | a D: AGE. 13 | Pi.! Non rares |927 aoùt.|2! — — jee le lc | Tr.gambiense. || 4 sept.|1 és ee — RE 13 [Rips = CARRE EN nn — pret ie) Jos = Ar. io EE RENE) | |Pb. -- 19 — }|1 Q ae | — — 90-21-22-93 ..| 43 Pe = DORE ol Oe RE 0195-06. Le. 3 C — 124 — 13| 39 |LOQ +| — — 97-28-29-30-31| 1 Haba = Fo 2, = PEER il C. — RD ns DUT te, 10 |C. — — 6-7-8-9-10 7 Pe = = PLIS PENENS 7 (DE — Pourcentage 1 15-147 y Mi + le 21, RASAGAT 7 | M2 |7r. Cazalboui. des trompes infectées. AIS ne ae 7 (c. + le 23. — 49-90-91... 6 (Be Tr. Casgalboui. 23 0/0 3 [C.| 3 ( Le 20 octobre les singes sont en parfaite santé et l'examen microscopique de leur sang pratique tous les deux jours a toujours été négatif, 19 290 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR EXPÉRIENCE V. ANIMAUX PIQUÉS EXAMEN DES MOUCHES & © te EXAMEN. ON EE EE 2 £ 2 = 6 g 6 = DATES ÈS £ 8 ei © % [microscopique £ | = = d = ë SFIES| < |ES DATESV LÉ, NS G85|02% Zol® à [el e d = nl Al EE D] © 4 © © u Sang. © E Eu @ Cote Le £ AMAIE SE AOUTRS MAD TE. 10 | Mi. Nombreux. |19 août.| 2 |Qà| — — — 6-7- 8 9-10-11.| 410 (bé = RE | Ne EE ASE 10 Ma. | + le 21. |28 — 1NIES + — — 14-15-16-17-18..,| 10 C. 1982 NN S + — 2 TR SUNAR 8 cé 020 EMA OMR 21-22-2300. 2. 7l , Mb. + le 28. [95 — ANT TE SZ — 924-25-26-97 .. ... 7 (D I — 4 | à | + — — PRESS 6 Mc. + le 6. |29 — ah 1 © +. — Sept de 23e 0 6 C: NES CE Nov 6 , Md. | + le 13. MIA AID EEE (D (De LS ARE RES 6 Me. | + le 22. — PEN S: 00e 6 C. Pourcentage — 19-20-21........ 4 Mf. | + le 27. ; l _—— 99-93. Fe) DE (G: des trompes infectées : A PSE 3 Ce > ES O0 SE 2 Le Le 021,28 ne Dre Il Mg + Je 5 TE OT — Î ExPÉRIENCE VI. | Animaux piqués EXAMEN DES MOUCHES a Re Zz 8 —= = e | n M = Ep : : ÿ DATES nSZalz | = 82 = INFECTION 22 GE ES E [ES] % dE DATES |=| SEXE de DE AO OEM EMILE a © la trompe. ES 24 = é £ Z = a ES Août 10-11-12. .....| 48 IMi. Très nombreux. || 22 août. | À ? az = — 13-14-15-16-17.| 18 fE. == 96e EN IRIS — = ARR AR oi 18 Ma. | + le 26. |[98 — |1| 9 _ — = 19-20-21. ....|18 Mb. | + le 29. [98 _ |2| GC | Mangées par les fourmis. _— 22-23-24-25... 17 2 = 145 sept.| 2 Q ee ZA PA ORREE 16 Mc. | le 3.492 M0 14 4 — 28-29 ........ 13 Mc. 3 — |312918149—19+18+| — — 30-31. Sept.1-2| 13 IE, O6 IR O Dit = Sept. 3- 4- 5- 6...113 Md. | +.le 12. 97 — |3 US 10 15 L. Mangées par les fourmis. — 11-12-13-14..,1 43 Me. | + le 20. — 15-16-17-18...| 44 L a LOS Er CIE ER 1] L 13 mouches examinées. 20 AE RS MÉMIEME UT — 2324-25... ... 6 L. Pourcentage des trompes infectées : = DOTE 3 IE, 0 Ë DT SE NO == Bone GL. PALPALIS ET TR. CAZALBOUI 291 EXPÉRIENCE VII. ANIMAUX PIQUÉS | EXAMEN DES MOUCHES L] ñ Re. 0 UE | D 2 = Œ © F EXAMEN | à ME SEINE 7 : () Z © = DATES = E £ 5 2 = . one) & ma |Q à Se RSS MA ME = qu sang. DATES |S | *|Eoñ lus 2 Z © a E D ® 7 Le [é2] RON rs Mo] TRE 3 où | CD UNI DS M LES Æ À Z z SZ 3 NES RE SE LEUR EX FRERES 8 | Ma. He PA Sept|2) or 22 _ Sept. 5- 6- 7- 8- 9-10.| 8 Le — 22 — |3|4/119-| — — 4-2- 3- 4...... 8 L. — 22 SN ONE — — 1112-13-14... 8 Mb. | + le 20. | — 15-16-17-18-19...| 8 L. _ PA mere 8 Me. |\esestpasinfeeté.| Pourcentage des trompes RER PTS 6 Me. | infectées : MER MAUR DRE — | 1235; | EXPÉRIENCE VIII. ANIMAUX PIQUÉS mm > EXAMEN DES MOUCHES | | NOMBRE de mouches LAPINS EXAMEN micros copique du INFECTION du tube digestif | NOMBRE INFECTION la trompe + Ci = | Août 30-31. Sept. 1-2...| 2 | + chez à Sept. 3- 4 +9 — 5-6 -7- 8- 9-10.) 27 À | + chez 11-12-13-14 15-16 ES AO M ee | 9 Te ee 19 ©O+ to O+ +0 #0 D = = ND D NO © # :0 O* +0 +0 “OO Or 10 0 O+ +O to — Pourcentage : 292 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ExPÉRIENCE IX Animaux piqués : EXAMEN DES MOUCHES | CE n H ‘& &| a 1 G] n 7 O2 DATES 2: 2 |ôs [425% me INFECTION [= ENST 52 | x £ =) pares | =|SEXE ÈS A a < © E [es - S = de la’ tromre 5 £ en, Eee es SEEN ONTES NC EEE 3! L Je 16.11 Sept.| 3l © — e ER re 38 Ma. 21 lraroutel, E0RNTES — 11-12-15-14-15 ...| 35 | L. 25 — |17|mangés par les fourmis. — UC-ITE TES an 4 ele le 23:|M oct.) e) + — RITES 0 bb) Mb. 4 — 1\mO — + SAONE PRE ANNE : De AO + = RE PE TS ASE: 10 — | 64926129 + 16 + | — 04-95 00e rE UE 11 MEz TE A RO SMONE E — | — =) SERA 15 Mc 1124 — 4139 1601016 +20—]| — DIE En PE 5 Its + le 10. == 3 Sistoïsle els «use siecle ss d Md. | NE tn CNT ax] IDE RITES 0 LUN 191 TS | Pourcentage 38. 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RH. — _—— x 2 £ EXAMEN Æ 7 di 7RRE DATES Ê 3 : : e 6 microscopique “ AN : À = A GE = si BE du sang. = 2 & 0% S DES IE RE SE ÉRaNE NES LEMSAIEORE ur lon à RE CT EN Il Sept. 19-20-21-22, ..| 25 | L. 93 sept.| 5 [1849 — — SAR LE NES lee SRI EAT Ma. + le 2, 97 — |4 (@) a — Rs De fi 20 Mi. |Parasites nombreux || 8 oct. | 5 [48161 19 + — — 97-28-29.30...| 49 | L. IRON ENG SR OI QUI OCR ETS 19 Mb. + le 10. 15 = d'Al (@) le — 05 6 7.149). | E pes) +. — So OO 14 | L. 49, — |4 À Le = A A GE: 2. —.|5| © + — — 410-11-19213-14. |. G | L. — 15-1602 SALE EI 4 Mc. + le 26. Pourcentage : 48.. | = vi ANSE NS A PLU | RE ho 3 |L 0 an emen | — EXPÉRIENCES FAITES avec des TSÉTSÉS NÉES de PUPES au LABORATOIRE EXPÉRIENCE A. = ANIMAUX PIQUÉS EXAMEN DES MOUCHES | She LOUE EXAMEN || PERF Sa DATES £ 2 Eee 2 Z : du LE Tronpe infectée. | Intestin infec{é..| SÉISSIS ES] Sang. | DATES |£ | SEXE | Ro 2 CI RON LCA Cr a — Re RES Pr | (Sept. 14-15-16....... 11 | Mi. Trèsnombreux. || 26 sept. | 1 | Q — — [ — 47-18-19-20-21.| 11 Le Toet.|2| © | a RUN MT il Mie alles NO rS MERE Rens PRE RES 11 L Ce MIE AU = — MES) rave 10 IL 16 — |1 (@) 22 = 20 90e. ce. 10 Mb.| + le 7 20 — h3 2012 | — (OV DA ESSOR IC L De tele se as 10 Mc.l+ le {5 LS TS TP PERTE 8 (nie Pourcentage 72,7 — LÉ PACE AUTO bi) L. Po totr1218.| 4 Le AREA ee ne 4 Md.|— le 24. + Examen positif. = 18474820 .0/88 de ASE — l ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR EXPÉRIENCE B. ANIMAUX PIQUÉS CR. NOMBRE de mouches. MOUTON infecté, MOUTONS EXAMEN microscopique du sang. Assez nombreux Pas d'infetion. + le 13 NOMBRE Pourcentage : EXAMEN DES MOUCHES de la trompe. INFECTION tube digestif. 11. EXPÉRIENCE C. DATES 0... ONPCICEC CET DICO CCC ro... RON OO TD Do os ee se se » CROICRONDIONOROIONO PAOOO D DO nm se NOMBRE de mouches. MOUTONS malades 13 5 c. 13 13 13 13 12 12 12 12 12 11 11 11 11 10 Mi. ANIMAUX PIQUÉS D — ÈS D xl MOUTONS 2 LAPINS sains. EXAMEN DU SANG | Parasites non rares. Pas d'infection. (56 Les 3 mouches Q mortes en cours d'expériences n'étaient pas infectées ; 5 5®) sacrifices le 23 octobre, 39 et 18 étaient parasitées. Pourcentage 30, sur les 10 GL. PALPALIS ET TR. CAZALBOUI 295 EXPÉRIENCE D. . |'ANIMAU 4 PIQUÉS EXAMEN DES MOUCHES ne | - = N — EXAMEN 1! . |microseopique \ INFECTION du tube digestif. du sang. NOMBRE de mouches NOMBRE INFECTIO de la trompe Parasites nombreux 9-10-14-12-13...... 14-15-16-17-18-19-20. 2618119 +19 + 2916! 19+ 3619| 26+ PE | H wwe | Pourcentage : 38.4. I L'Aldéhyde acétique est-il un produit normal de la fermentation alcoolique ? PAR MM. TRILLAT Er SAUTON. En Dans de précédentes notes (1), nous avons déjà attiré l’at- tention sur le phénomène de l’aldéhydification de l’alcool éthy- lique, qui se produit dans de nombreuses circonstances, et nous avons étudié les conséquences de l’application de l’aldéhyde acé- tique dans quelques cas particuliers, comme le lait, les fromages et le vin. La constatation que nous avons faite au cours de ces études, que l’aldéhyde acétique disparaissait au fur et à mesure de sa formation pour donner naissance à des combinaisons variant sui- vant la nature du milieu, donne au phénomène de l’aldéhydifi- cation une importance plus grande que celle qu’on lui attribuait généralement. Il résulte en effet de nos premières observations cette notion nouvelle : que le dosage de l’aldéhyde acétique dans les liquides alcooliques, fermentés ou non, tel qu’on le pra- tique dans les méthodes usuelles (2) n’indique pas la totalité de l’aldéhyde qui a pris naissance, mais seulement la partie libre ou régénérable au moment du dosage. L’aldéhyde, dans les liquides alcooliques, n’est pas un pro- duit stable; il paraît être — comme nous le démontrerons ulté- rieurement — le produit intermédiaire de la transformation con- tinue d’une partie plus ou moins considérable de lalcool, en diverses substances, selon la nature des milieux. Quelle que soit son origine, l’aldéhyde disparaît toujours en effet, soit en s’acé- tifiant directement pour donner ensuite naissance à des éthers, soit en se combinant aux alcools pour former des acétals, soit encore en se polymérisant et en s’unissant aux substances azo- tées du milieu aldéhydifié. (1) Annales de l’Institut Pasteur, t. XXII, avril et novembre 1908. (2) Nous avons indiqué en fournissant tous les détails (page 707 de la référence précédente) les précautions minutieuses que nous prenons pour éviter les causes d’er- reur dans le dosage de l’aldéhyde acétique. Il serait à souhaiter que les auteurs dont les travaux s’appuient sur des dosages d’aldéhyde voulussent bien décrire leurs mé- thodes avec plus de détails. Les erreurs que l’on peut commettre au cours de ce dosage sont nombreuses, et des exemples récents prouvent que des chimistes expérimentés peuvent obtenir pour le même échantillon des chiffres variant du simple au quintuple. L'ALDÉHYDE ACÉTIQUE 297 Le phénomène de l’aldéhydification envisagé sous ce jour nouveau mérite donc une étude spéciale. * * * La présence générale de l’aldéhyde acétique dans les liquides de fermentation alcoolique a d’ailleurs déjà souvent retenu lat- tention des auteurs et fait l’objet de nombreuses observations. Magnes Lahens (1) l’a signalée en 1854, et ce résultat a été con- firmé par les travaux de MM. Maumené, Bouchardat, Ordon- neau, Claudon et Morin, Gayon, Martinand, Duclaux (2), etc. Schützenberger et Destrem ont indiqué que, même à l’abri de air, il y avait formation d’aldéhyde pendant la fermentation alcoolique. Linossier et Roux ont constaté cette formation d’aldéhyde dans la fermentation du glucose sous l'influence du champignon du muguet. Roeser (3) a montré qu’il se formait plus d’aldéhyde dans les fermentations aérobies que dans les fermentations à l'abri de l'air. MM. Kayser et Demolon (4) dans leur étude sur les eaux-de-vie de Charente, ont montré qu'une large aération favorisait cette production d’aldéhyde. Enfin, dans un récent travail sur l’amertume du lait et des fromages, nous avons indiqué que la fermentation du sucre de lait sous l'influence des levures de lactose s’accompagnait de la forma- tion de petites quantités d’aldéhyde. Nous nous proposons de rechercher : I. Si laldéhyde est un produit normal de la fermentation au même titre que l'alcool ou si, au contraire, il n’est qu’un produit d’oxydation ultérieure de l'alcool déjà formé. Nous étudierons ultérieurement : IT. Quelest lerôle dela levure dans cette formation d’aldéhyde. III. Le phénomène de la disparition de l’aldéhyde sous lin- fluence des levures; les causes et les effets de cette disparition. I. — L’aldéhyde acétique est-il un produit normal de la fermentation ? La présence d’aldéhyde dans les liquides de fermentation a donné lieu à diverses interprétations. Schützenberger et Destrem Journal de Pharmacie et de Chimie, t. XXVII, p. 37. 1) 2) Traité de Microbiologie, t. IT, p. 431. ) Annales de l’Institut Pasteur, 1893, p. 41. ) 298 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR admettent qu’elle résulte de la dislocation de la molécule sucrée sous l'influence des levures au même titre que la glycérine et l'acide succinique. Les expériences de Roœser établissent que l’aldéhyde prend naissance au cours des fermentations, même en vie anaérobie, ce qui exclurait l'hypothèse d’une oxydation ultérieure de l'alcool déjà formé. Pour ces auteurs, l’aldéhyde est un produit normal de la fermentation. Deux expériences étaient donc utiles pour contrôler cette opinion : l’une, A, en l’absence de sucre; l’autre, B, en l’absence d'air. EXPÉRIENCE PRÉLIMINAIRE A. Formation d'aldéhyde par les levures dans un milieu non sucré. — Dans quelques flacons bouchés, d’une capacité de 250 ce. c., nous avons abandonné 10 grammes de levures lavées au contact de 100 e. c. d’une solution aqueuse, contenant 10 0 /0 d'alcool pur. Après 48 heures de contact, les liquides ont été filtrés et soumis à la distillation, en prenant toutes les précau- tions nécessaires pour éviter toute perte d’aldéhyde. Les 20 pre- miers c. ©. du distillat ont toujours donné les réactions caracté- ristiques des aldéhydes et en particulier la coloration rouge avec le bisulfite de rosaniline. Il résulte done de cette expérience préliminaire que ce simple contact de l’alcool et des levures suffit, en l’absence de sucre, à provoquer la formation d’aldéhyde. DESCRIPTION DU PROCÉDÉ Ces premiers résultats nous ont conduits à rechercher une méthode qui nous permit d'isoler et de caractériser l’aldéhyde acétique. Nous avons combiné nos expériences de telle sorte que la production de l’aldéhyde fût assez rapide pour permettre de lisoler avant sa disparition. Nous nous sommes adressés à la levure pressée de boulan- cer (marque Springer), facile à se procurer dans un état de pureté suffisant. On lave ces levures jusqu’à ce que les eaux ne soient plus acides : on constate que ces eaux ne donnent aucune coloration avec les réactifs des aldéhydes. 100 grammes de levure pressée correspondant à 70 grammes de levure sèche, sont placés dans une bonbonne de 40 litres de capacité, munie d’un agitateur faisant 150 tours à la minute, de manière à mettre constamment L'ALDÉHYDE ACÉTIQUE 299 les levures en contact avec l'air. La bonbonne contient 6 litres d’eau alcoolisée à 10 0/0. La quantité de levure humide est donc d'environ 17 0/0 du poids du liquide, ou de 11,7 0/0, si on la compte à l’état see. L’aération du liquide se fait par l'ouverture du goulot de la bonbonne, sous l'influence de l'agitation. Après 1 heure d’agitation, à la température du laboratoire, on constate déjà la présence de l’aldéhyde dans le liquide. Après 2 à 3 heures, on sent dans le laboratoire une forte odeur d’aldéhyde. Après 6 heures, tout le contenu de la bonbonne est filtré pour séparer immédiatement le liquide de la levure en suspension : on réunit les filtrats de plusieurs opérations et l’on recueille par une pre- mière distillation, dans des récipients refroidis à la glace, les liquides passant jusqu’au voisinage du point de distillation de l'alcool éthylique. Ce distillat de tête est constitué par un mé- lange d’eau, d'alcool, d’acétal et d’aldéhyde acétique. Une nou- velle rectification permet d'isoler l’aldéhyde atétique à l’état pur. Voici, à titre d'exemple, les résultats obtenus dans quelques expériences : ALDÉHYDE ACÉTIQUE EN MILLIGRAMME OBTENUE POUR 100 D’ALCOOL ÉTHYLIQUE D | è ALDÉHYDE ALDÉHYDE TITRE DES SOLUTIONS ACÉTIQUE TITRE DES SOLUTIONS ACÉTIQUE | ALCOSLIQUES 0/0 d'alcool absolu ALCDOLIQUES 0/0 d'alcool! absolu | En milligr. En milligr. | Alcool à 0,5 0/0...... Traces. Alcool à 5 0/0...... 200 O Alcooka2510/0 07 1800 démeeerr 2500 LS UN GORE 1600 AIcoclaMID 070 EEE 2100 demie rene 1700 AÉRIENNE 2100 | | | Cette expérience confirme la précédente et prouve que la pré- sence du sucre n’est pas nécessaire pour la production d’aldéhyde. B. Fermentation alcoolique à l'abri de l'air.— Nous avons cons- taté tout d’abord que la présence de l’acide carbonique gênait laldéhydification. Lorsque, dans l'essai précédent, au lieu de s'adresser aux levures pressées, on agite dans la bonbonne certaines levures de 300 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR bière (Dortmund) ou de vin, encore imprégnées de leur milieu de culture, il se produit une mousse plus ou moins épaisse pro- venant d’un dégagement d’acide carbonique. Dans ces condi- tions, l’air n’a pas libre accès et l’oxydation de l’alcool ne se pro- duit pas. Les mêmes levures, soigneusement lavées, donnent de plus en plus d’aldéhyde au cours des opérations successives, parce qu’elles se débarrassent de leur acide carbonique. Nous avons d’ailleurs contrôlé directement que lagitation des levures avec de lalcool dans une atmosphère d’acide carbo- nique ne donne lieu à aucune formation d’aldéhyde acétique. Au cours de la vinification, alors que les moûts sont envahis par une foule de levures et sont librement exposés à l'air, il ne se forme pas d’aldéhyde. Nous avons confirmé ce résultat négatif dans maintes circonstances. %# + * Ces observations nous ont conduits à rechercher d’une ma- nière plus précise s’il y avait aldéhydification dans une fermen- tation alcoolique, effectuée rigoureusement à l’abri de l’air.Nous nous sommes adressés dans cet essai aux levures de lactose. Un premier lot de bouillons a été directement ensemencé dans des ballons de 500. c. de capacité et bouchés avec de la ouate sté- rilisée, permettant plus ou moins facilement l’accès de l'air. Une deuxième série d’essais a été effectuée dans les mêmes conditions dans des ballons munis de deux tubulures latérales, maïs en ayant soin de faire l’ensemencement à l’abri de l’air, en présence d'acide carbonique ou d’un gaz neutre, comme l’hydrogène. Dans ce cas, pour opérer dans des conditions rigoureuses, à l’abri de toute trace d’air, les liquides nutritifs, placés dans leurs bal- lons respectifs, étaient d’abord lavés par un courant d’acide car- bonique gazeux ou d'hydrogène, qu’on extrayait ensuite en portant le liquide à l’ébullition sous pression réduite. On recom- mençait trois fois l’opération, de manière à être sûr qu'il ne res- tât pas trace d’air, ni dans le liquide ni dans l’espace vide du ballon. Une des tubulures du ballon était ensuite scellée, tandis que lPautre était mise en communication avec une éprouvette remplie de mercure; on provoquait l’ensemencement des bouil- lons de culture au moyen d’un dispositif spécial qui faisait tom- ber dans celui-ci les levures qui se trouvaient d’abord suspendues dans une petite nacelle au sommet du ballon. L'ALDÉHYDE ACÉTIQUE 301 Tous les essais étaient abandonnés à la même température du laboratoire et, après quelques jours, on procédait à la recher- che et au dosage de l’aldéhyde formée. Pour éviter toute oxydation ultérieure de l'alcool formé au cours de la fermentation, les plus grandes précautions ont été prises. La distillation du liquide alcoolique a été effectuée dans tous les essais, en Fabsence d’air, en se conformant aux indica- tions que nous avons données pour supprimer l'oxydation de l'alcool. Après avoir bien constaté dans tous les essais la formation d'alcool, l’aldéhyde était d’abord qualitativement recherchée au moyen d’une solution très sensible de bisulfite de rosaniline donnant la coloration au 1/100,000. On procédait ensuite au do- sage colorimétrique de l’aldéhyde quand il y avait lieu. Le tableau suivant donne la quantité d’aldéhyde formée par litre, en présence ou en l'absence d’oxygène. SPA ÉTATIO NEA DE NE nn ie see dre 50ns 2. En présence, d’aride carbonique............ Néant. 2, — (avec petite introduction d'air. de 2ms à 40ms 4. — dYALO TN ER E ee e Néant. 5. — (avec pelite introduction d'air, de 2ms à 10ms On voit qu'en l'absence d’air il n’y pas eu apparition d’aldé- hyde; elle a été, au contraire, toujours constatée quand la fer- mentation a eu lieu en milieu aéré, ou même en présence de très petites quantités d'oxygène, ce qui justifie bien les précautions minutieuses qu'il faut prendre pour réussir l'expérience. CONCLUSIONS L’aldéhyde acétique n’est donc pas un produit normal de la fermentation alcoolique. Il n’est pas un produit de dislocation de la molécule sucrée, comme le pensaient Schützenberger et Destrem. L’aldéhydification en présence de levures résulte de loxy- dation directe de l’alcool déjà formé et nos expériences prouvent que la présence de l’oxygène est nécessaire à sa formation. Nous verrons dans le travail suivant que les mêmes circonstances qui agissent comme favorisant la formation de l’aldéhyde dans une solution aqueuse d’alcool, agissent encore dans le même sens quand cette solution contient en outre des levures en suspension. IT Role des levures dans la formation de l'aldéhyde acétique en milieux alcooliques PAR MM. TRILLAT ET SAUTON L’aldéhydification de lalcool étendu par exposition ou par agitation à l’air, a déjà été étudiée par l’un de nous (1). Les doses d’aldéhyde obtenues sont déjà appréciables comme le démontre le tableau suivant : ALDÉHYDE ACÉTIQUE PRODUITE PAR L'AGITATION OU L’EXPOSITION DE 500 c. C. D’UNE SOLUTION ALCOOLIQUE A 50°. TEMPÉRATURE : 180. F —"{ EXPOSITION A L'AIR | AGITATION —————————————— | Après 5 minutes. ...... 0 gr. 000 | Trace. | Après #4 heures........ | 0 gr. 000 0 gr. 020 Après 12 heures ........ Trace 0 gr. 080 Après 24 heures ........ | 0 gr. 010 | 0 gr. 120 Ces doses d’aldéhyde ne sont pas comparables à celles que nous avons obtenues en présence de levures. Le tableau suivant indique les résultats obtenus après 4 heures d’agitation dans l’appareil décrit précédemment (2) en présence ou en l’absence de levures, toutes les autres conditions étant les mêmes : (1) Bulletin de l'Association des Chimistes de Sucrerie et Distillerie, 190%. (2) Annales de l’Institut Pasteur. L'ALDÉHYDE ACÉTIQUE 303 DOSES D'ALDÉHYDE EN PRÉSENCE OÙ EN L'ABSENCE DE LEVURES POUR 100 D’ALCOOL ABSOLU | ALDÉHYDE | ALDHEÉYDE FORMEÉE FORMÉE Sans levure Traces. /5litres alcoolà 5 0/0./1800 mmgr. > litres alcool à 5 0/0./2200 mmer. \ 5 litres alcool à 10 0/0. 11600 mmer. | pour pour 5 litres alcool à 10 0/0./1160 mmgr. 200 gr. levures 100 gr. levures lsiitres alcool à 25 0/0.! 800 mmgr. | Ces résultats comparatifs obtenus avec de l’alcool étendu au même degré en présence ou en l’absence de levures, établissent done de suite nettement une ligne de démarcation entre les deux modes opératoires. On peut dès lors se demander quel est le rôle des levures dans cette oxydation plus active de ralcool. Diverses interprétations peuvent être données du phénomène qu'on peut attribuer : A. À l’action des levures agissant comme corps poreux par leur grande surface. B. A une action biologique des cellules vivantes. C. A l’action d’une diastase oxydante provenant de la levure. Enfin, on peut accessoirement se demander si cette propriété d'activer l’oxydation a lieu avec divers alcools et des levures différentes. Dans tous les essais que nous avons effectués pour rechercher la valeur de ces diverses interprétations, nous nous sommes uni- quement préoccupés de l’oxydation de l'alcool sous l'influence des levures en dehors de toute fermentation normale. Nos conditions d’expérience sont donc différentes de celles où l’aldéhyde prend naissance au cours des fermentations des liquides sucrés, bien que dans lun et l’autre cas, laldéhydi- fication se produise en présence des levures. A. Les levures, dans nos expériences, agissent-elles uniquement comme Corps poreux par leur grande surface ? On sait, comme l’ont déjà établi les expériences de Pun de nous sur l’aldéhydification de laicool en solution étendue que 304 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l'addition de corps poreux facilite la formation d’aldéhyde. Ainsi, l'agitation de 500 c. e. d’alcool à 50° en présence de quel- ques corps poreux nous ont donné les différences suivantes : ALDÉHYDE PRODUITE DANS UNE SOLUTION ALCOOLIQUE A 509 EN PRÉSENCE DE QUELQUES CORPS POREUX APRÈS 4 HEURES D’AGITATION. ALDÉHYDE En milligrammes. Noir animal Mousse de platine PONCO ER M RE Eee ce Mere pile eee oron oo a) Il était tout indiqué d’opérer comparativement dans des conditions identiques avec les levures et quelques-uns des corps considérés comme agents catalytiques, tels que la mousse de platine, le noir animal, ete. Voici, à titre d'exemple, les résultats obtenus après 4 heures d’agitation dans un certain nombre d’expériences (les quantités d’aldéhyde” sont exprimées en milligrammes pour 100 d'alcool absolu). DOSES COMPARATIVES D'ALDÉHYDE OBTENUES EN PRÉSENCE DE LEVURES ET DE QUELQUES CORPS POREUX ALDÉHYDE ALDÉHYDE [rorMÉE FORMÉE PAL LE RSR SANSTEVUTE Re... Traces. Noir animale". 7 100 mmgr. PMAATOCIEMITNOrE re 1100 mer. Tourbe Ferrer 2 50 — Mousse de platine...| 200 — SAUTER NO Coke: SSSR" ZT 0 — PONCE ERA ZA) > = L'ALDÉIIYDE ACÉTIQUE 305 Ces différences sont assez nettes pour permettre d'affirmer tout au moins que, dans nos expériences, l’action oxydante de levures se distingue de celle des substances catalytiques utili- sées, par une énergie plus considérable. b) La proportion d’aldéhyde dans un liquide alecolique aug- mente avec le poids des corps poreux mis en présence. Ce n’est pas ce que l’on observe en faisant varier le poids de la levure dans nos expériences. Toutefois, cet argument a peu de valeur, puisque nous avons démontré que l’aldéhyde pouvait disparaitre sous l'influence de la levure. B. La formation de l'aldéhyde acétique est-elle due à une action biologique des levures vivantes ? Les expériences comparatives que nous avons effectuées avec des levures vivantes et des levures stérilisées à 1200, nous ont donné les résultats suivants ALDÉHYDE FORMÉE APRÈS # HEURES D'AGITATION DE L'ALCOOL AVEC LES LEVURES VIVANTES OU MORTES ALDÉHYDE FORME MEMURESVIVANTES EE CRC 1100 mmgr. | Levures tuées à 4900... ......... 200 — ; = E L'aldéhydification se produit donc particulièrement bien en présence de la levure vivante. Le phénomène de la disparition de l’aldéhyde on le verra plus loin, subit les mêmes influences. On peut objecter que la stérilisation par la chaleur à pu modi- fier la texture physique des levures et leur faire perdre leurs pro- priétés catalytiques. Les chiffres suivants montrent que les résultats sont encore les mêmes si on opère avec les levures fraiches en présence d’antiseptiques. 306 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR TABLEAU INDIQUANT LES DOSES D’ALDÉHYDE FORMÉES EN PRÉSENCE ET EN L’ABSENCE D'ANTISEPTIQUES ALDÉHYDE ALDÉHYDE FORMÉE FORMÉE Levures vivantes | Formol < 100 mgr. Acide salicilique....|<100 — | Fluorure Na \ Levures tuées par Levures tuées. Ces résultats sont à rapprocher de ceux de MM. Kayser et Demolon (loc. cit.). Nous avons encore obtenu des résultats analogues en opérant en présence d’un excès d’alcool qui agit, comme on le sait, comme antiseptique. ALDÉHYDE FORMÉE POUR 100 D’ALCOOL ABSOLU EN PRÉSENCE DE QUANTITÉS VARIABLES D’ALCOOL POUR UNE MÊME QUANTITÉ DE LEVURES (200 grammes). | ALDÉHYDE ALDÉHYDE FORMÉE D FORMÉ: Pourslitres d’alccolà 0,50/0.| Traces. || Pour5litres d'alcool à 25 0/0.| 800 mgr. — — 5 0/0.12,200 mgr. — — 500/0.| 600 — 2 1140 0/0 111000— _ pur... | 500 — | Ces résultats confirment les précédents. La levure oxyde l’alcool, surtout quand elle est vivante et ce qui montre bien qu'il s’agit ici d’un phénomène biologique, c’est que la même levure, dans les mêmes conditions d’expérience, non seulement ne perd pas de sa propriété d’oxyder l’alcool éthylique, mais semble s'adapter de mieux en mieux à l’aldéhydification. Après 18 essais successifs, dans lesquels les levures avaient produit en totalité une quantité d’aldéhyde supérieure à leur poids, ces mêmes levures avaient acquis la propriété d’oxyder plus rapidement l'alcool. Il suffit d’agiter pendant quelques mi- nutes dans un verre conique cette levure avec de l’eau alcoolisée L'ALDÉHY DE ACÉTIQUE 307 « pour constater, dans le liquide filtré, la coloration rose du bisul- fite de rosaniline, équivalente aux colorations fournies par les solutions d’aldéhyde acétique au 1/10,000. Un semblable résul- tat démontre bien qu'il s’agit dans notre cas d’une adaptation de plus en plus grande de la levure à un phénomène biologique. C. La formation de l’aldéhyde acétique peut-elle être attribuée à l’action d’une diastase oxydante provenant de la levure ? Nous venons de voir que l’amplification du phénomène de l’aldéhydification était due à la cellule vivante. Il reste à déter- miner si on peut l’attribuer au suc que contient cette cellule vivante, Pour nous en rendre compte, nous avons effectué les deux expériences suivantes : a) Dans le but de tuer la cellule, sans détruire complètement l’action de ses diastases, nous avons eu recours à la méthode con- nue, basée sur l’emploi du chloroforme à froid. Les levures, après avoir été débarrassées du chloroforme, ont été mises en suspen- sion dans un liquide alcoolisé à 10 0 /0 et agitées. Dans ces con- ditions, il ne s’est formé que des traces d’aldéhyde acétique infé- rieures à 100 milligrammes par litre. b) Nous avons broyé des levures dans l’appareil Borrel et après avoir séparé les débris de cellules par filtration, nous avons agité avec de lalcool le liquide clair contenant le suc de levure. Les doses d’aldéhyde acétique obtenues étaient infé- rieures à 1/10,000. Le tableau suivant résume bien nos essais comparatifs effectués : 19 avec de la levure fraiche; 2° avec la même levure, après traitement au chloroforme; 3° avec l'extrait de ces mêmes levures toutes les autres conditions d'expérience étant rigoureusement respectées. Dans nos expériences, l’oxydation de l'alcool ne peut donc pas être attribuée à l’action du liquide extrait de la levure. Enfin, comme corollaire de ce travail, nous avons recherché si l'oxydation des divers alcools était activée par la levure au même titre que 1 alcool éthylique et si les diverses levures agis- saient avec la même intensité. a) En opérant dans les mêmes conditions que précédemment, 308 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mais avec les alcools méthylique, propylique, butylique, isobu- tylique et amylique, il ne s’est Jamais formé l’aldéhyde corres- pondant. Ainsi, l'expérience faite avec lalcool méthylique ne nous à pas permis de déceler, dans le liquide alcoolique, l’aldé- hyde formique pourtant si facile à caractériser par la réaction du benzhydrol. DOSES D'ALDÉHYDE OBTENUE EN AGITANT COMPARATIVEMENT L'ALCOOL AVEC DES LEVURES OU LEUR EXTRAIT | | ALDÉHYDE | FORMÉE DEVIS ENIES Poe, - - dodo 1100 mgr. | | Levures tuées CHCLY.....:.... Traces K 10000 | LA sé sn DUCIUEMENUTER = eee eee races 10000 ES Dans nos conditions d'expérience, l’action se montre donc comme étant spécifique pour l'alcool éthylique. b) Quant à l’action des diverses levures, les résultats obtenus prouvent qu'elles se sont comportées d’une manière différente dans nos essais. DOSES D'ALDÉHYDE FORMÉE EN PRÉSENCE DE QUELQUES LEVURES DIVERSES L'eVUreTSDEMEEr scene nement 1,000 mer. Levuresdesbiene MS Pessac ee TE 160 mpgr. — ET Re D Pr Ole pc 200 mer. — 0 ARESS Alter tel etats Le 150 mgr. Levurerde vin MiETDessS a ER EE Le 180 mgr. — AN DE OSS AIR ee le nr m ee ETES 180 mgr. — MO ESS A ee cer er Ce ACC 210 mgr. Des levures différentes dans nos conditions d’expériences n’activent donc pas l'oxydation de l’alcool avec la même éner- gie. Il y a lieu pourtant de faire observer ici qu’une partie de cette différence peut être attribuée au dégagement d’acide car- bonique renfermé dans les levures de bière ou de vin. Nous avons vu que la présence de ce gaz était un obstacle à l’aldé- hydification. L'ALDÉHYDE ACETIQUE 309 CONCLUSIONS I. — La présence des levures dans un liquide alcoolique active la formation de laldéhyde qui se produit déjà, mais en petite quantité, par l'oxydation directe de l’alcool à Pair. Nos expériences démontrent que cette action oxydante des levures est différente de celle des substances dites de contact. II. — L’aldéhydification de l'alcool atteint son maximum quand la cellule est vivante; le phénomène diminue considéra- blement quand la levure est tuée par la chaleur ou les antisep- tiques. III. — L'oxydation de l'alcool n’est pas produite par le suc retiré de la cellule de levure. IV. — Dans nos conditions d'expérience, la réaction s’est montrée comme étant spécifique pour l'alcool éthylique. Nous n’avons pas observé l'oxydation d’autres alcools par la levure. III Sur la disparition de lAldéhyde acétique en présence des levures. PAR MM. TRILLAT ET SAUTON Au cours de nos essais sur la formation de l’aldéhyde acétique en présence de la levure, nous avons fait observer que les liquides alcooliques s’appauvrissaient rapidement en aldéhyde, si l’on n'avait pas soin de les séparer immédiatement des levures en suspension. Cette disparition de l’aldéhyde est un fait aussi im- portant que sa formation. L’aldéhyde disparaît en effet en partie des liquides où elle prend naissance, pour former des produits très différents, selon la nature du milieu. L’un de nous (1)a montré que l’aldéhyde acé- tique donnait, avec la matière colorante du vin, des composés plus ou moins solubles, et qu’elle contribuaït aussi, selon les cir- constances, à la formation de dépôts normaux au cours du vieil- lissement ou à celle des dépôts hâtifs, comme ceux qui prennent naissance dans quelques maladies, dans lesquelles intervient la présence de micro-organismes. Nous verrons plus loin que l’aldéhyde est susceptible de s’acé- tifier, et par suite de former dans les milieux alcooliques des éthers, dont on connaît l'importance dans la formation des bou- quets. Rappelons, en outre, qu’en présence des composés ammo- niacaux, l’aldéhyde peut se résinifier pour former des combinai- sons qui deviennent, nous l'avons montré (2), une des causes de l’amertume des laits et des fromages. Ces que'ques exemples, et on pourrait en citer d’autres, Jus- tifient donc l'intérêt qu'il y a de faire l’étude du phénomène de la disparition de l’aldéhyde. a) La méthode la plus commode pour constater cette dispa- (1) Annales de l'Institut Pasteur, novembre 1908. (2) Annales de l'Institut Pasteur, avril 1908. L'ALDÉHYDE ACÉTIQUE 311 rition d’aldéhyde et en suivre la marche, consistait à coup sür à composer des mélanges en renfermant des proportions con- nues et à pratiquer des dosages après des laps de temps déterminés. C’est ce que nous avons fait en opérant sur une solution alcoolique à 10 0 /0, renfermant des doses d’aldéhyde variant de 1 /1000 à 1 /10000 et de la levure fraiche en suspension. Voici les résultats obtenus en suivant ce mode opératoire : TABLEAU INDIQUANT LA MARCHE DE LA DISPARITION DE L'ALDÉHYDE TITRE INITIAL DOSAGE DE L’ALDÉHYDE e : , a r & ET TE — = ——— DES SOLUTIONS D'ALDEHYDES DE = contenant APRÈS APRÈS APRÈS APRÈS APRÉS des Jevures fraîches. 1 heure. 2 heures. Gheures | 24heures. | 4 jours. Solutiond'aldéhydeau ze - s : AA olutiond'aldéhyde au S- 500 600 3000 10000 races. 1 1 1 1 1000 | 2000 SO UU 5000 | 50000 | Traces. 1 1 1 1 1 10000 | 20000 20000 20000 100000 Traces. Après 8 jours, letitre des solutions témoins au 1 /500, 1 /1000 et 1 /10000 n'avait pas sensiblement varié. La disparition de l’aldéhyde acétique, en présence des le- vures vivantes, est donc bien mise en évidence par les résultats de no; expériences. b) Il nous a paru ntéressant de rechercher si le phénomène de la disparition de l’aldéhyde se produisait aussi bien en pré- sence de la levure tuée; on sait que la présence de levures vivantes d’après nos essais, favorise l’aldéhydification Nous avons recommencé l'expérience précédente, mais après avoir tué la levure, soit par la chaleur, soit par 1 act'on des anti- septiques Les résultats obtenus sont consignés dans le tableau suivant : 312 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR DISPARITION DE L'ALDÉHYDE EN PRÉSENCE DE LEVURES VIVANTES ET DE LEVURES MORTES ALDEHYDE RESTANT DANS LES SOLUTIONS TITRE INITIAL è DE LA : ! APRÈS APRÈS APRÈS APRÈS solution d’aldéhyde. 5 2 heures. 6 heures. 24 heures 4jours. | PARLES 1/1000! 1/1000 | 14/5000 | 1/50000 | 1/50000 AE 1/1000! 41/1000 | 1/1000 | 1/1000 | 1/1000 — parHgCI2..1/1000! 41/1000 | 14/1000 | 1/1000 | 1/1000 — fluorure Na.1/1000! 41/1000 | 41/1000 17/1000 1/1000 Le phénomène de la disparition ne se produit donc pas en présence de la levure tuée, et il est soumis aux mêmes conditions que celui de la formation de l’aldéhyde. Nous nous sommes assurés que la levure en contact prolongé avec l’aldéhyde acétique au 1 /1000 restait vivante. Ensemencée de nouveau dans un moût sucré, après 4 jours de contact avec l’aldéhyde, la levure y a toujours déterminé la fermentation. + On peut maintenant se demander quel est le sort de l’aldé- hyde disparue dans nos expériences. Nous laisserons de côté son utilisation comme aliment de souffrance, ainsi que quelques au- teurs en ont indiqué la possibilité. Nous avons déjà fait remarquer, au début de cet article, que la destination de l’aldéhyde pouvait être fort différente, selon les conditions et les circonstances de milieu dans lesquelles elle prend naissance. L'étude que nous en avons faite pour le lait, le vin et le fromage démontre qu’elle est très complexe. Dans le présent travail, nous n’envisagerons la question que sous une face : celle de lPacétification de l’aldéhyde et, comme corollaire, celle de léthérification qui s’en suit. Le sujet se ra- mène done à la question suivante : Quelle est linfluence ultérieure de la levure dans un liquide alcoolisé en voie d’aldéhydification ? Voyons d’abord ce qui se passe en l’absence de levures dans une solution aqueuse ou alcoolique d’aldéhyde acétique. L'ALDÉHYDE ACÉTIQUE 315 Le cas le plus simple est celui d’une solution étendue d'aldé- hyde acétique. Un de nous a démontré qu’elle s’acétifiait lente- ment sous l'influence de l'oxygène de lair (1). Si la solution renferme de l’aleool éthylique, il y a formation d’éther acétique et d’acétal. Nous avons pu, quoique grossièrement, suivre la marche de ces réactions. Rappelons en outre, que l’acétifisation de l’aldéhyde est sou- mise à diverses influences : agitation, exposition, température: la présence d’un porteur d'oxygène la favorise. Au cours du présent travail, il était donc intéressant de re- chercher : 19 Si les mêmes produits prenaient naissance dans nos expé- riences en présence des levures; 20 Si la présence des levures agissait comme accélératrice de l’éthérification. Nous avons tout d’abord constaté la formation de lacide acétique par l'expérience suivante. Après avoir agité de l’eau alcoolisée à divers degrés avec de la levure, soigneusement lavée, on prélevait du mélange à divers intervalles et on recherchaït l'acide acétique par la réaction très sensible du cacodylate. Dans toutes nos expériences, nous avons constaté un commencement immédiat d’acétification. La même expérience nous a permis de constater et de suivre léthérification. Il était à prévoir que parallèlement à la dispa- rition et à l’acétification de l’aldéhyde devait correspondre une éthérification avec l’alcool en présence. Tout au début de l'expérience, on trouve seulement de ALDÉHYDIFICATION ET ÉTHÉRIFICATION D'UN LIQUIDE ALCOOLIQUE EN PRÉSENCE DE LEVURES | IMMÉDIATEMENT DOSAGE | APRÈS APRÈS | agitation et filtration. quatre jours. | h AIDÉ ABRREUS. ME ee | 1200 mgr 0/0. Traces. BONES RE En Une | Traces. 307 mer. 0/00. l (1) TRILLAT, Annales de l'Institut Pasteur, 1909, 314 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l’aldéhyde acétique; à la fin, elle s’est transformée en éther par son acétification progressive et son éthérification avec l’al- cool. Ces transformations sont mises nettement en évidence par le tableau ci-dessus qui indique la marche du phénomène . Ce résultat est en conformité avec les travaux de Kayser et Demolon qui, en se plaçant dans des conditions différentes des nôtres, ont remarqué aussi cet antagonisme entre l’aldéhydifica- tion et l’éthérification. Ce rapprochement est intéressant à signa- ler, car il indique la généralité du phénomène. Nos expériences démontrent donc qu'une partie de l’aldéhyde disparue se transforme en éther acétique après être passée à lPétat d'acide acétique. La présence de levure semble, d’après nos expériences, accé- lérer la formation de l’éther. En suivant comparativement l’éthérification d’un même mélange d’acide acétique et d’alcool, dont une partie était addi- tionnée de levures, nous avons pu nous rendre compte de la marche comparative de l’éthérification produite en présence ou en l’absence des levures. Les résultats suivants ont été obtenus en partant d’un mé- lange composé de 10 grammes d’alcool éthylique, 90 grammes d’eau et 0 gr. 05 d'acide acétique glacial. L’éther est évalué par litre en acétate d’éthyle. INFLUENCE DE LA PRÉSENCE DE LEVURE DANS L'ÉTHÉRIFICATION PRÉLÈVEMENT AVEC LEVURE SANS LEVURE Grammes. Grammes. I. Après 24 heures......... 0,264 0,052 II. Après 24 heures 0,299 0,150 . Aprés 48 heures... 0,334 | 0,052 Aprés 48h heures. --..-..- | ; : 0,070 . Après M2vheures ......... ,387 0,123 J1. Après 1#4 neures 0,158 (Les chiffres romains correspondent à des expériences différentes.) L'ALDÉHYDE ACÉTIQUE ; 315 Quel que soit le laps de temps après lequel les prélèvements ont eu lieu, on voit que la quantité d’éther est toujours plus con- sidérable en présence de levure. Ces résultats que nous nous proposons de mieux vérifier, en tenant compte de l'acidité apportée par la levure, feront ressor- tir, s’ils se vérifient, le rôle important de cette levure comme agent d’éthérification. Nos expériences sur ce sujet ne sont qu'une indication que nous approfondirons dans un autre travail. CONCLUSIONS L’aldéhyde acétique disparait au furet à mesure de sa for- mation sous l'influence des levures. Ce phénomène de la disparition de l’aldéhyde, comme celui de sa formation, a lieu surtout quand la levure est vivante. Il ne se produit pas, ou peu, en présence des antiseptiques. Parmi les produits de transiormation de l’aldéhyde acétique disparue, nous avons constaté la formation de l’acide acétique et celle de l’éther acétique; à la disparition de l'acide acétique correspond une augmentation proportionnelle d’éther. Dans nos expériences, les phénomènes d’acétification et d’éthérification, en milieu alcoolique, sont activés par la pré- sence des levures. * * * Les résultats de nos expériences qui visent l'étude d’un cas particulier, peuvent être généralisés et appliqués à des cas plus complexes où intervient le phénomène de l’aldéhydification sous l'influence des levures. C’est dans ce point de vue que réside l'utilité du présent tra- vail : nous en avons d’ailleurs fait ressortir quelques applications à propos de nos études sur le vin, le lait et le from2ge. LE PASSAGE DU BACILLE TUBERCULEUX à travers la paroi intestinale saine. par P. VANSTEENBERGIIE (Institut Pasteur de Lille.) (Avec la planche V.) ae Les premières recherches histologiques effectuées à propos de l’origine de la tuberculose de l'intestin, avaient fait admettre la possibilité du passage du B. de Koch à travers la paroi intesti- nale saine (DosrokLonsky, Tcaisrowircx). La reproduction expérimentale de l'affection, sans lésions antérieures visibles de la muqueuse, avait étayé solidement cette théorie, bien que l’on admit toujours le rôle favorisant de l’entérite prémonitoire et des blessures causées par des aliments piquants (ORTH, BAUM- GARTEN). Dans ces dernières années, les travaux sur l’origine intesti- nale de la tuberculose pulmonaire (CALMETTE et GUÉRIN) ont remis ces faits en lumière, en nous laissant supposer même que le passage du bacille à travers un épithélium sain était beaucoup plus fréquent qu’on ne le pensait tout d’abord. La démonstration de cette migration s’appuyait sur les expé- riences suivantes 1° Les animaux, même ceux relativement réfractaires, Injec- tés à la sonde par les voies digestives, font très fréquemment de la tuberculose pulmonaire, et cela sans lésions manifestes des ganglions mésentériques de la rate et du foie; 29 Si on les sacrifie après un ou plusieurs repas iIntectants, on constate que les ganglions mésentériques qui, macroscopi- quement et microscopiquement, paraissent indemnes, sont sou- vent virulents ; 30 On a pu enfin retrouver le bacille tuberculeux dans le sang des animaux infectés à la sonde œsophagienne, soit par leur colo- ration dans les leucocytes, soit par linoculation du sang aux cobayes (Nicozas et DEscos, BisanTI et PANISSET, etc.). BACILLE TUBERCULEUX 917 Cette démonstration indirecte parut longtemps inattaquable: elle n’a été discutée que tout récemment et pour les raisons sui- vantes 19 Il existe fréquemment chez les animaux sains des lésions microscopiques de la muqueuse et il suffit d’une rupture insigni- fiante dans la barrière épithéliale pour que les leucocytes vien- nent, au contact du contenu intestinal, phagocyter les corps étrangers. Il peut donc, dans ces conditions, y avoir passage par effraction ; 20 L'usage de la sonde œsophagienne n’est pas sans inconvé- nients. En effet, malgré toutes les précautions prises, il peut y avoir éraillure ou blessure de la muqueuse et formation d’une porte d’entrée artificielle. De plus, on a démontré que, dans cer- tains cas, les animaux infectés à la sonde aspiraient ou régurgi- taient quelquefois une partie de la culture dans les voies respira- toires. Le bacille pénètre ainsi dans le poumon, sans avoir à tra- verser la paroi intestinale ; 39 Même en évitant l’usage de la sonde par l’ingestion des microbes mélangés aux aliments, on ne peut empêcher l’absorp- tion par le tissu Iymphoïde du pharynx et des amygdales, ou par les voies lymphatiques de l’œsophage ; 49 Enfin, il est très difficile de retrouver le bacille de Koch dans le sang des animaux infectés par un repas d’épreuve. Cette constatation, fut-elle possible, n’échappe pas du reste aux objec- tions précédentes et ne prouve pas d’une façon absolue que le germe ait traversé la paroi intestinale saine. La seule démons- tration positive consisterait done à suivre histologiquement les différentes phases du passage à travers la muqueuse intacte. Nous nous sommes efforcé de résoudre cette question en nous appuyant sur l’étude de labsorption des substances pulvéru- lentes par l'intestin. On sait que des particules solides extrêmement fines peuvent passer entre les celiules épithéliales saines et arriver dans les grosses cellules leucocytaires que l’on rencontre toujours dans le chylifère de la villosité. Nous avons fait représenter sur la planche V le passage du noir de fumée à travers l'intestin grêle d’un cobaye adulte nourri pendant 5 jours avec des aliments mélangés à de la poussière de charbon. Cette constatation, qui a été très discutée et qui est hors de 318 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. doute à l’époque actuelle, ne présente rien d’extraordinaire, si lon veut bien se rappeler la stucture de l'appareil d’absorption de l’homme et des mammifères, structure que nous ont bien fait connaître les recherches histologiques de ces dernières années. Les cellules épithéliales qui tapissent le tube digestif ne sont pas cristallisées dans une forme définitive; elles subissent des transformations, des modifications continuelles. Leur plateau est considéré par certains auteurs (HEIDENHAIN) comme formé par des pseudopodes susceptibles de s’emparer des particules solides et de les englober. Bien plus, ces cellules peuvent être pénétrées par des leucocytes (voir les descriptions de PANETH et de HEIDENHAIN). Des cellules migratrices, parfois très abon- dantes, viennent occuper les espaces intercellulaires, les agran- dissent, arrivent dans la lumière de l’intestin, en formant de petits pertuis qui se referment plus ou moins lentement (sto- mates temporaires). [n’y a donc rien d'étonnant à ce que des poussières très fines puissent traverser la barrière épithéliale de la villosité. Sur la fig. 1 la planche V, on voit nettement deux de ces granulations, l’une intra, l’autre intercellulaire et l’on pouvait espérer, en suivant une technique analogue, saisir le bacille de Koch au moment de son passage à travers l’épithélium du tube digestif. Nous nous sommes efforcé de prendre, pour faire absorber le microbe, toutes les précautions que les expériences de contrôle nous avaient montré être indispensables. Nous avons renoncé au gavage à la sonde pour les raisons signalées au début. De plus, cette manière de faire donne très souvent des résultats négatifs : ces animaux ne sont pas habi- tués à des aliments liquides et ceux-ci sont éliminés presque immédiatement, sans séjourner dans l’intestin le temps néces- saire à l’absorption. Nous avons broyé très finement les bacilles bovins dans un appareil à billes de verre müû lentement par un moteur hydraulique. Les microbes sont mis en suspension dans de l’eau salée physiologique et mélangés ensuite aux aliments. Pour éviter la blessure de l'intestin, les cobayes, pendant toute la durée de l'expérience et la semaine qui la précède, ont été exclusivement nourris avec des carottes fraiches pulpées et du pain broyé. Le tout formait une pâtée toujours humide, arrosée de l’émulsion bacillaire. BACILLE TUBERCULEUX 319 De très nombreuses séries d’animaux ont été soumises à ce régime pendant des temps variables. Les résultats les meilleurs ont été obtenus après 4 ou 5 Jours. Les animaux étaient sacrifiés à des périodes différentes du travail digestif. Immédiatement l’in- testin enlevé, il était lavé lentement sous faible pression avec la solution physiologique tiède, puis fixé par injection ou par im- mersion dans le Zenker, le sublimé saturé ou l'alcool, ete. Différentes parties étaient prélevées au hasard, coupées en séries, et les coupes colorées soit par le Ziehl à froid, soit par la méthode d’Hermann modifiée. Hermann a préconisé pour colorer les bacilles de Koch, même déjà granuleux ou en voie de dégénérescence, la solution de vio- let de méthyle mordancée par le carbonate d’ammoniaque à 1 0/0. Cette méthode, qui donne de bons résultats dans la pra- tique courante, s'applique difficilement aux coupes, car la colo- ration résiste mal à la déshydratation par les alcools. En remplaçant le violet de méthyle par la fuchsine, on ob- tient une coloration aussi intensive, mais qui a l'avantage de résister aux agents éclaircissants. Il suffit d’ajouter quelques gouttes de fuchsine dans l'alcool à la solution aqueuse de carbo- nate d’ammoniaque à 1 0 /0. Les coupes restent 20 minutes dans ce mélange. La décoloration peut se faire d’une façon quelconque (acide nitrique, alcool acétique, ete.) et on recolore le fond par la solu- tion aqueuse de vert d’iode. Les bacilles se distinguent très nettement en rouge sur le fond vert de la préparation. En suivant exactement la technique précédente et en exa- minant de très nombreuses préparations, nous avons pu rencon- trer un certain nombre de fois le bacille de Koch phagocyté dans le chylifère de la villosité, comme le sont les grains de noir de la fig. 4: Mais cette constatation, bien qu’intéressante, n’est pas sufli- sante pour entrainer la conviction. En effet, si le bacille a trouvé en un point quelconque de la paroi une fissure naturelle ou arti- ficielle, on peut le retrouver dans les voies lymphatiques et par- fois très loin de son point de départ. Nous avons pu voir souvent qu’en inoculant les microbes dans l’intestin grêle après laparotomie, les bacilles pénétraient par la petite plaie intestinale faite avec l'aiguille et se rencon- 320 ANNALES DE. L'INSTITUT PASTEUR traient dans les chylifères du voisinage. Les bacilles étaient bien phagocytés, mais ils avaient pénétré par effraction. On ne peut donc tenir compte, au point de vue de la péné- tration intestinale possible, que des microbes logés dans les es- paces intercellulaires d’une villosité d'apparence absolument normale. Une seule fois, sur un cobaye qui avait été nourri 5 jours avec des aliments souillés de tuberculose, nous avons pu mettre en évidence quelques bacilles de Koch dans l’épaisseur même de la paroi (figures 2 et 3, dessinées d’après nos préparations). La fig. 2 II nous montre que le passage des microbes s’est effectué dans le fond d’un cul-de-sac situé entre 2 villosités par- faitement saines. La fig. 3 permet de se rendre compte des détails : les bacilles sont phagocytés dans une cellule à noyau plus volumineux et plus pâle que les cellules voisines. Il est très probable que les bacilles ne peuvent traverser l’épithélium des villosités qu’à la faveur d’une cellule migratrice. Nous n'avons jamais pu retrouver le bacille dans la paroi du gros intestin prélevé et coloré de façon identique. On peut donc admettre la possibilité du passage du bacille de Koch dans les conditions physiologiques. L’extrême difficulté de ces recherches ne nous permet pas de conclure avec certitude à la fréquence du fait. Mais nous n’examinons sur nos coupes qu’une fraction infinitésimale de la longueur du tube digestif; les bacilles, même bien colorés, peuvent échapper aux investiga- tions les plus patientes, et dans ces conditions nous ne pouvons conclure, de la rareté du fait observé, au peu de fréquence du pas- sage du bacille. Nous ne savons rien, ou presque, des causes qui favorisent l’absorption et il faudra, pour bien les connaître, recourir à d’autres méthodes de recherche qu’au seul examen histologique. Présence et utilité du bore chez les végétaux PAR HENRI AGULHON Travail du Laboratoire de M. G: Bertrand M. JaAviLLier (1) a exposé dans ces Annales, il y a deux ans, les raisons théoriques et pratiques qui donnent un nouvel intérêt à la recherche des corps simples qui, présents seulement à l’état de traces, jouent chez la plante un rôle considérable. Ils intervien- nent sans doute dans des réactions catalytiques, comme cela a été démontré par G. BERTRAND pour le manganèse. De nombreuses expériences affirment l’utilité de ce dernier élément, JAvVILLIER a publié sur le zine un travail complet; d’une part, la présence normale et d'autre part l’utilité du zinc chez les végétaux y sont démontrées. Je me suis proposé d'étudier un nouvel élément, le bore, à ce double point de vue (2). De nombreux travaux ren- daient déjà vraisemblable l’existence normale du bore dans le règne végétal. Dans une première partie de mon travail je confirmerai cette donnée et des dosages permettront de se rendre compte des quantités présentes : c’est la partie analytique. Dans une se- conde partie, Je chercherai, à l’aide de la méthode synthétique, si le bore a une utilité quelconque sur la vie végétale, et des expé- riences su” le sol naturel feront envisager son application pos- sible comme engrais catalytique. "+ L’acide borique est présent un peu partout à la surface du globe à l’état de traces. DIEULAFAIT a démontré son existence dans l’eau de mer; il existe dans tous les sédiments marins, et le ravinement par les eaux se charge de son transport, comme il le fait pour les autres éléments. À priori on peut supposer que les plantes en absorbent de petites quantités. Les travaux sur la présence du bore normal chez les végétaux sont nombreux. Au point de vue qualitatif, on peut citer en tête ceux de BAUMERT, (1) Le Zinc chez les plantes. Ann. I. P., 1. XXII, p. 720, 1908. (2) Pour le détail des expériences qui suivent et l'historique, consulter: H. AGUL.- HoN. Recherches sur la présence et le rôle du bore chez les végétaux. Thèse doct. Sc., Nat., Paris 1910. 21 322 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de PAssERINI ; au point de vue quantitatif, celui de Jay. Le tra- vail de ce dernier auteur a été fort contesté par VILLIERS, en ce qui concerne la présence normale du bore dans les vins. La question demandait une mise au point. Armé de méthodes de recherche et de dosage très sensibles et très précises, étudiées en collaboration avec M. G. BERTRAND (1), j'ai pu établir la pré- sence constante du bore chez les végétaux et dans leurs produits. Il existe dans le vin, les alcools éthylique et méthylique commer- ciaux, les cendres de tabac, de champignon de couche. Je donne dans le tableau ci-joint une série de dosages d’acide borique dans des cendres végétales variées; je n’ai pas eu une seule recherche ayant donné des chiffres négatifs. Les résultats se rapportent à des cendres exemptes de carbone. Quelles sont les remarques que peut nous suggérer l’examen de ce tableau? Les algues marines renferment de grandes quantités d’acide borique : cela s'explique facilement par la grande teneur du milieu marin en bore. Aucune famille particulière de plantes terrestres, parmi celles dont j'ai analysé un ou plusieurs types, ne semble se distinguer spécialement par une plus grande teneur en bore. En général, les formations annuelles paraissent avoir les cendres les plus riches en bore Chez un même végétal, les parties durables, écorce et bois, sont plus riches que les feuilles et ceci même chez les arbres à feuilles persistantes; j’ai observé ce fait dans tous les cas où il m’a été donné d’analyser les cendres des feuilles et celles des parties ligneuses d’une même plante (Abies, Picea, Olivier). L’écorce de bouleau donne des cendres extraordinairement riches en acide borique : 1 gr. 7 pour 100 grammes de cendres réelles, proportion, vérifiée d’ailleurs par plusieurs dosages suc- cessifs, qui dépasse de beaucoup la teneur des cendres d'algues marines. % #X *% La présence normale du bore chez les végétaux étant bien établie, l'emploi de la méthode synthétique va nous permettre de nous rendre compte s’il à ou non une utilité. (1) Bull. Soc. Chim., 4° série, t. VII, 1910. UTILITÉ DU BORE 323 CENDRES | ACIDE BORIQUE 0/0 ESPÈCE VÉGÉTALE PAITIE EMPLOYÉE 0/0 DE LRU Ce à MAT. SÈCHE! GENDRES | MAT. SÈCHE Fucus vesiculosus L.... Thalle. .61 0.0957 Laminaria saccharina L. Thalle. ).682 0.0546 Pteris aquilina L Frondes. 329 0,0367 Abies pectinata D. C... Tige. ) 0,00%5 » Feuilles. 3 +0 0.0091 PINUSES LOUISIANE Feuilles. 3,50 0.214 0,0074 Picea excelsa D. C..... Tronc jeune. é 8.02 0,292 0.0235 ; Feuilles. 318 | 0,221 | 0,0070 PÉTROLE Graines. 1.86 0,437 0.0085 RESTE Graines. 3,51 0,309 0.0108 MAS Sr eee ee Tige et feuilles. 13,60 0,140 0.0199 BOUT ER EEE Ecorce. 164 TS 0.01 5 SAUTER AATIIS LAROR ESS Fee Rameaux etfeuilles. 4,93 0.208 0.0088 Charme RE Œr: Feuilles. 6,59 0.272 0.0174 NOISE DEL Tee re Ur Feuilles. 10,58 0,234 0.0248 CHATUEMERAEEONE Feuilles. 3,92 0,241 0.0095 TOR E en Feuilles. 5.90 0.207 0,0123 CDÉNER CM ar re Feuilles. ETS 0,205 0,0148 HROUTeLA Re ere Feuilles. 14,51 0,312 0.0454 Chanvre indien ........ Graines. ner 0,123 0,0088 de NE Feuilles. 6,03 | 0184 | ous » Rameaux. 3,83 0.271 0,0104 Tussilago farfara L..... Feuilles. 24,19 0,144 0.0359 Rameaux. feuilles et SUBO QUE eee fruits. 6,15 0,145 0,0089 Prunus spinosa Tourn. Rameaux. 5,24 0,180 0,009% res RE AA Graines. 0,183 Robinia faux-acacia. ... Feuilles. 8.56 0,205 0,0176 Marronnier d'Inde ..... Tronc. 0,323 NAT SR Tige. 4,49 0.234 0.,0405 Anemone pulsatilla, L.| Tige et feuilles. 7,27 0,171 0,0125 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR do Lo ne J'ai tout d’abord étudié l’action du bore, introduit dans les cultures sous forme d’acide borique, sur quelques végétaux infé- rieurs. Je me suis adressé à la levure, au ferment lactique et à l’Aspergillus Niger. Mes expériences m'ont amené aux conclu- sions suivantes : | Lorsque la levure agit en masse pour fermenter le glucose, on n’observe aucune dose optima; l’influence défavorable se manileste pour des doses dépassant ! gramme par litre, cepen- dant les 3/5 du sucre sont encore fermentés après 27 heures en présence de 30 grammes par litre d'acide borique. Lorsqu'on ensemence faiblement un liquide où la levure est susceptible de se développer, il ne paraît pas non plus exister de dose favorable; tout développement est arrêté en présence de 10 pour 1.000 d’acide borique. Avec le ferment lactique, aucune dose favorisante n’a été non plus observée. Le lait n’est plus coagulé en présence de 5 grammes d’acide borique par litre; la dose toxique est done encore très élevée. Quant à l’Aspergillus Niger, si sensible cependant à la présence de traces de certaines éléments dans son liquide de cul- ture, il n’est pas influencé favorablement par les petites doses de bore (étudiées à partir de 0,04 millioniènes d’acide borique), et son développement n’est empêché de façon absolue qu’en solu- tion saturée d’acide borique. Pour les végétaux inférieurs, nous voyons en somme que le bore parait sans activité favorisante. Son action antiseptique semble très faible, et ceci concorde avec son inactivité sur les actions diastasiques (1). Nous allons voir la question prendre de l'intérêt avec les végétaux supérieurs. J’ai fait sur ces derniers un ensemble d’ex- périences dont j’exposerai les résultats en les rangeant d’après la méthode de culture employée. 19 EXPÉRIENCES EN MILIEU SYNTHÉTIQUE À. Milieu liquide stérile. — Les graines stérilisées par plu- sieurs lavages au sublimé et à l’eau stérile, sont ensemencées dans un appareil particulier stérilisable, qui contient la solution nutritive, purement synthétique, additionnée de doses crois- santes de bore (à l’état d’acide borique). Voici les résultats obte- nus dans ces conditions au printemps et dans l’été 1907 avec du (1) H. AcurHow. C. R. Ac. des Se., t. CXLVNIII, 47 mai 1909. UTILITÉ DU BORE 325 blé (le poids moyen porte toujours sur plusieurs plants, quatre au minimum) POIDS MOYEN D'UN PLANT SEC APRÈS 58 JOURS BORE DE CULTURE PAR LITRE DE k SE SOLUTION TOTAL DE LA RACINE DE LA TIGE Milligrammes Grammes. Gramme:, Grammes, 0,756 0,099 0,657 0,656 0,099 0,357 0,777 0,114 0,663 0,773 0,099 0,674 0,897 0,135 0,722 0,916 0,151 0,845 1,060 0,160 0,900 0,609 0,085 0,524 0,361 0,042 0.319 0,059 0,004 0,055 Pour des doses supérieures, la plante meurt. On voit nette- ment par le simple examen de ces chiffres, l'existence d’une courbe de l’action du bore sur le blé; l’optimum est situé vers 0 gr. 005 à O0 gr. 010 pour 1.000 de liquide de culture. Pour les doses élevées, la germination est retardée, les plants restent Jaunâtres, les racines semblent touchées les premières par l’action toxique; pour les doses favorables, les racines pous- sent très rapidement ; la racine principale s’allonge très vite sans d’abord donner de racines adventives. J’ai eu l’occasion de faire la même observation sur des cultures de pois en terre addition- née de petites doses de bore. B. Milieu solide. — Des pots de terre paraffinés sont remplis de 2 kilogrammes de sable siliceux particulièrement purifié. On arrose avec une solution nutritive additionnée de doses de bore croissantes. On maintient dans les pots préalablement tarés une même humidité (10 0/0 environ). [ci encore, nous constatons l’existence de doses de bore favorables : Les augmentations de récolte varient de 7,5 à 40 0 /0 pour le blé, de 16 à 59 0 /0 pour l’avoine, de 9,6 à 39 0 /0 pour le radis. La durée et l’époque des cultures ne sont pas les mêmes pour les différentes expériences, ce qui explique la variation entre les poids donnés pour une même plante : les expériences I pour le blé et le radis ont été faites en serre, dans d’assez mauvaises conditions d’aération et d’éclairement. 326 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR POIDS MOYEN D'UN PLANT SEC DE : EE TE Er — - "À - TENEUR DES POTS : I Vu BLÉ RADIS ; Le FO de ie. - — EN PORI ee. ea HAE 2e Exp. ire Exp. 2e Exp. Milligrammes. Grammes. Grammes. Grammes. Grammes. Grammes. Témoin 0 0,066 0,062 0,176 0,052 0,136 0,05 0,071 0,087 0,280 0,057 0,190 0,060 0,085 0 205 0,052 0,170 0,060 0,063 9,120 0,033 0,102 0,035 0,024 Ces expériences en milieu entièrement synthétique sont pro- bantes en ce qui concerne l'utilité du bore pour les végétaux supérieurs. Le bore est un élément utile. Est-il indispensable? On ne peut répondre à cette question, car la graine en apporte avec elle une petite quantité, peut-être suffisante à la croissance de la plante. Ce qui est certain, c’estque l'addition au milieu de culture de petites doses de bore à l’état d’acide borique augmente sen- siblement le poids de matière sèche formée. Comme pour le man- ganèse et le zinc, on passe par une dose optima, puis brusque- ment apparait l’action toxique. Le bore peut donc être rangé dans les éléments catalytiques. Sa présence dans le végétal à l’état de trace est en rapport avec une certaine utilité. La question pratique de son emploi comme engrais catalytique directement appliqué au sol demandait à être étudiée. 20 EXPÉRIENCES EN TERRE A. Cultures en pots. — Des pots paraffinés sont remplis d’un même poids de terre (1 kg. 200), rendue aussi homogène que pos- sible par passage au tamis. On ajoute dans chaque pot des quan- tités d'acide borique correspondant à des doses de bore connues. Le tableau qui suit donne les résultats : Les augmentations atteignent 28 0 /0 pour la luzerne, 55 0 /0 pour le pois, 9 0 /0 pour le maïs et le radis avec 5 milligrammes de bore; elle atteint 13,7 0/0 pour cette dernière plante avec O milligr. 5. Dans toutes ces expériences, l’action favorisante se manifeste pour plusieurs doses, établissant ainsi l'existence d’une courbe de l’action du bore analogue à celle de l'expérience en milieu liquide, L'existence de cette courbe et la constance des UTILITÉ DU BORE 327 POIDS MOYEN DE 1 PLANT SEC POIDS DE BORE PAR POT - 15 PLANTS SECS MAÏS LUZERNE Milligrammes Grammes. Grammes. Grammes, Grammes 0,740 0,248 1,50 0,263 0,282 0,765 0,22 1,63 0,805 1265 0,271 1:93 0,630 205 1,60 9,249 0,510 résultats avec différentes plantes élimine l’idée d’un accident de culture. B. Cultures en pleine terre. — La démonstration absolue de l'utilité du bore employée comme engrais nécessitait l’applica- tion aux cultures en pleine terre. Des lots de terrains parallèles de 3 mètres carrés ont été arro- sés de doses de bore variées à l’état d’acide borique. Pour un cer- tain nombre de plantes qui supportent bien le bore (maïs, colza, navet), l'addition de 0 gr. 5 de bore, c’est-à-dire de 3 grammes environ d’acide borique par mètre carré de terre donne les meil- leurs résultats. Pour d’autres plantes (avoine, pois), cette dose est encore trop forte et apparait comme indifférente. Dans une expérience antérieure, J'avais du reste observé la mort des pois dans un sol arrosé de 2 grammes de bore au mètre carré, alors que du maïs dans la même expérience était arrivé parfaitement à maturité et avait donné une récolte, tant en fourrages qu’en erans, analogue à celle du lot témoin non arrosé de bore. La dose mortelle pour le pois étant indifférente pour le maïs, il est facile POIDS SEC MOYEN a —_ — ES BORE AU M? D! D'UN PLANT Grammes. Grammes. Grammes. Grammes, Grammes. Gr a mmes. 05 8# 618 18,5 DD 245 0, 85 625 27.9 6,97 2.85 1 43 520 25.8 7,28 2,28 de concevoir que la dose favorisante pour ce dernier sera encore 328 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR trop forte pour le pois. Il y a des différences individuelles dans la façon dont se comportent les différentes espèces vis-à-vis d’un même élément en excès dans le sol (calcium, silice et, dans le cas actuel, bore). Les augmentations pour la dose optima de 0 gr. 5 de bore par mètre carré sont de 50 0/0 avec le maïs, de 21 0/0 avec le colza, de 32 0 /0 avec le navet. Le colza est, des plantes étudiées, celle qui supporte le mieux le bore : l'augmentation est de 26 0 /0 pour la dose de 1 gramme par mêtre carré. Des dosages d’acide borique, faits sur le maïs récolté dans ces conditions, montrent que les cendres des plants poussés sur ter- rain additionné de la dose de bore optimale ne présentent pas une teneur en cet élément plus élevée que les plants poussés sur le lot témoin. Pareil fait a été observé par G. BERTRAND pour le manganèse (1). Au contraire, pour les doses dépassant l’optimum, les cendres deviennent plus riches en bore que normalement et on observe une augmentation du taux des cendres; la plante subit une sur- minéralisation et par suite un accroissement de la teneur en eau qui donne, pour les poids de plante fraiche, un optimum plus élevé que pour les poids secs (ce dernier fait a été observé aussi pour le colza et le navet). FLicHE et GRANDEAU ont noté le même phé- nomène d'augmentation du taux des cendres sur le châtaignier et la tige du Pin maritime poussés en sol trop calcaire (2). II sem- ble qu’il y ait là une réaction générale des plantes à la trop grande richesse du solen un élément utile. Voici les chiffres expé- rimentaux pour le cas du mais : EVE CENDRES 0/0 DE | EAU 0/0 DE ACIDE BORIQUE 0/0 BORE AU M? MATIÈRE SÈCHE | PLANTE FRAICHE DE CENDRES Grammes. Grammes. Grammes,. Grammes. 0 É 13,6 88,20 0,140 0, 13.0 88,90 0,140 il ton 89,89 0,154 % + * De l’ensemble de ce travail, il ressort : (1) OC. R. 4c. des Se., t. CXLI, p. 1255, 1905. (2) Ann. Chim. Phys. 5° série, t. IT, p. 354, 1874. UTILITÉ DU BORE 329 19 Que le bore est un élément constant du règne végétal ; 20 Qu'il est utile à la croissance des végétaux supérieurs } 30 Qu'il pourra être employé avec succès comme engrais cata- lytique. I pourra facilement rentrer dans la pratique agricole, étant donné le prix relativement bas auquel on peut se procurer l'acide borique, le faible poids des quantités actives, laugmen- tation des récoltes qui correspond à leur emploi. Cette augmen- tation, que nous avons vu aller pour le maïs en fourrages à 50 0 /0, compenserait largement les frais d'achat et d'épandage. La va- leur culturale du bore approche celle du manganèse, déjà bien éprouvée. [l reste, en ce qui concerne la question pratique, à multiplier les expériences sur des plantes variées et dans les condi- tions de la grande culture. Sur la Vaccination Anticharbonneuse par des bacilles très virulents préalablement mélangés dans le bouillon-culture du bacille pyocyanique Par Le Dr Josern D'AGATA Assistant honoraire de l'Université Royale de Naples. (Travail du laboratoire du professeur N. Pane.) On sait que le bacille pyocyanique, inoculé d’une façon oppor- tune aux lapins avec le bacille charbonneux, empêche l’infection mortelle que ce dernier bacille produit chez ces animaux et que les lapins survivants, au moins en grande partie se présentent, par la suite, comme réfractaires à l’action d’une dose certaine- ment mortelle de virus charbonneux (Bouchard, Woodhead, Wood,etc.). Par une autre méthode, dont je parlerai plus loin, Pane a réussi à vacciner les lapins contre une dose plusieurs fois mortelle de virus charbonneux, et d’une façon constante et facile. Or, puisque les lapins ne sont pas des animaux susceptibles de l'infection spontanée du charbon, il m’a paru intéressant de rechercher si l’on pouvait obtenir, par la même méthode, le même résultat chez des animaux ordinairement sujets à l’infection du charbon, presque toujours mortel, à savoir les ovidés. J’ai choisi, parmi ceux-ci, une espèce très susceptible et, pour augmenter les conditions défavorables, j’ai employé des sujets dans la première année de leur âge. Voici, en peu de mots, en quoi consiste la méthode que le professeur Pane a employée sur les lapins avec les meilleurs résultats. Des cultures de bouillon de pyocyanique de 4 jours, stérilisées pendant une heure a 55°, sont distribuées dans une série de tubes à la dose d’un c. €. par tube. On introduit ensuite dans chacun de (1!) Communication présentée au XVI: Congrès international de médecine (IV: Section) à Budapest, dans la séance du 39 août 1909, sous la présidence du professeur Baumgarten. VACCINATION ANTICIHARBONNEUSE 331 ces tubes un c. c. de bouillon-culture de bacilles de charbon très virulents, développés pendant 24 heures à 36°, On scelle les tubes à la lampe et on les met dans l’obscurité. Après un temps déterminé, le contenu des tubes est inoculé dans le tissu sous-cutané de quelques ovidés et aussi de quelques lapins servant de contrôle. Dans quelques essais brebis (n° 9 et 10) le bouillon-culture pyocyanique à été employé sans la stérilisation préalable à 559 pendant une heure. Avant de commencer l’inoculation chez les ovidés, J'ai cependant voulu rechercher les modifications qui se produisent, dans le bacille charbonneux, au contact du bouillon-culture du pyocyanique vivant ou stérilisé à 55° pendant une heure. A cet effet, après avoir préparé les mélanges respectiis à parties égales de bouillon-culture du pyocyanique et du charbon et avoir distribué ces mélanges dans des tubes scellés à la lampe, j'ai conservé nombre de ces tubes à la température de 129 à 140 et d’autres à la température de 35°. Au bout d’un temps déter- miné, je brisais un des tubes et je faisais, avec le contenu, des cultures en plaques, en gélatine nutritive. Les résultats que J'ai obtenus dans la longue série d’essais faits pendant les trois pre- miers mois de l’année 1909, me permettent de tirer les conclusions suivantes : I. — Le bacille du charbon, dans le bouillon-culture du ba- cille pyocyanique non stérilisé, perd par degrés sa vitalité, qui cesse entièrement dans l’espace d’un mois, à une température inférieure à 159 et dans quelques jours à 359. IT. — Dans le bouillon-culture stérilisé à 55° pendant une heure, la vitalité du charbon, à une température inférieure à 15°, s'éteint lentement, de sorte qu’il est possible de trouver encore, trois mois après, des bacilles vivants. À 359 au contraire, cette vitalité est éteinte dans l’espace de dix jours, même quand la proportion est de { : 5 au lieu que de 1 : 1, c’est-à-dire une partie de bouillon-culture pyocyanique et 5 parties de bouillon-culture du charbon. Il ne m’appartient pas de déterminer quelle substance pro- duit cette action bactéricide, grâce à laquelle les bacilles du char- bon sont stérilisés lentement à basse température et assez rapide- ment à 350. Est-ce l’action de la pyocyanase, ainsi que le 332 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pensent Emmerich et son école, ou est-ce plutôt une substance qu'on pourrait classer parmi les lipoïdes, ainsi que le croient Raubitschek et Russ. Je peux dire cependant que, sur le conseil du professeur Pane, j'ai fait quelques expériences à ce sujet eb que J'ai obtenu des résultats confirmant l'opinion de ces derniers auteurs. Le bouillon-culture du pyocyanique était mélangé avec de l'alcool éthylique à 999, 5 dans la proportion de 5 0 /0. Je faisais évaporer le mélange à 609 et je mélangeais le résidu sec avec de l'alcool à 990,5; je filtrais et je faisais évaporer ce dernier produit à 609 puis, après avoir fait évaporer à nouveau à 609, je dissolvais le résidu sec dans une solution physiologique stérile. Le volume d’eau était calculé de façon à correspondre au volume du bouillon- culture employé. Or, malgré cette longue action de l'alcool à 60°, ladite solution aqueuse à montré une forte action bactéricide sur le bacille charbonneux, quoique un peu inférieure à celle du bouillon du pyocyanique original. Si, cependant, la solution aqueuse était d’une concentration supérieure de moitié ou des deux tiers à la première, par exemple, l’action bactéricide était bien plus forte que le bouillon-culture. J’ai fait aussi quelques expériences sur la stabilité de la ou des substances à l’action de lachaleur. On sait déjà que le bouillon- culture du pyocyanique résiste à l’action stérilisante pendant plusieurs heures (trois heures environ) à la température de 1000. A la suite de mes expériences, j'ai pu établir qu’en exposant ladite culture pendant une heure à 1009, dans la vapeur d’eau, on diminuait considérablement son action bactéricide en com- paraison de l’action du même bouillon de culture stérilisé pendant une heure à 55°. D’après le calcul du nombre des bacilles charbonneux sté- rilisés et surtout de la rapidité de la stérilisation, j'ai trouvé que le bouillon stérilisé à 55° est environ dix fois plus actif que celui stérilisé à 1000. | Après ces recherches préliminaires, j'ai commencé les inocu- lations chez les brebis, toujours par voie sous-cutanée, en contrô- lant les preuves de l’immunité que je pouvais éventuellement obtenir, par des contrôles sur des brebis saines et parfois aussi sur des lapins. Le bacille charbonneux, que le professeur Pane m'avait gracieusement fourni, était d’une virulence extrême pour VACCINATION ANTICIHARBONNEUSE 339 les lapins et pour les brebis (voir expériences n°°1,2, 3). Ce bacille provenait de l’école vétérinaire de Naples et présentait la parti- cularité de troubler considérablement le bouillon nutritif, après le développement à la température de la couveuse. Ainsi que l’on voit dans le tableau ci-après, la brebis résiste à l’inoculation dubacille charbonneux dans le bouillon de culture du pyocyanique stérilisé, moins bien que le lapin. Celui-ci (n° IT), après une inoculation par voie sous-cutanée, avec un mélange de 1 c. c. de bouillon-culture pyocyanique stérilisé à 55° et de 1 c. c. de bouillon de culture du charbon resté en contact 10 Jours, à la température de la pièce, survit : tandis qu'une brebis, après une inoculation dans les mêmes conditions (n° 4), meurt du charbon en 70 heures environ. Le même résultat a été obtenu sur une grande échelle par le professeur Pane chez les lapins, ainsi qu’en le voit dans son rapport au XVIeCongrès Médical Interna- tional. Il est évident que la cause de la différence dans la manière de se comporter vis-à-vis du charbon, chez les deux animaux ci- dessus mentionnés, dépend de la différence du pouvoir de défense de leurs organismes. Je dois faire remarquer que le bouillon de culture pur du char- bon, conservé simultanément dans des tubes scellés à la lampe et inoculé à des lapins de contrôle à la dose de 0,1 ce. c., a produit une infection mortelle, même trois mois après. Dans des expériences ultérieures, j'ai inoculé les mêmes mélanges de charbon et de pyocyanique stérilisé, après 20 jours de contact, avec résultat favorable (voir brebis n°% 5 et 7). On pouvait objecter que les animaux, dans ce dernier cas, avaient survécu grâce au fait que le nombre des bacilles vivants contenus dans les mélanges inoculés était trop petit pour pro- duire une infection mortelle. Mais d’après des recherches faites à ce sujet, j'ai pu déterminer que le nombre des bacilles charbon- neux normaux, capables de tuer la brebis contrôle, était de 5,000 au minimum, tandis que le nombre des bacilles constatés dans le mélange de vaccin était, dans les cultures en plaques, bien supérieur à ce chiffre (10,000 à 50,000). Il est évident que ces der- niers bacilles en contact avec la substance bactéricide du pyocya- nique — quoique encore vivants — étaient, au moment de l’ino- culation, plus susceptibles d’être anéantis par l’organisme animal 334 ANNALES DE L’INSIITUT PASTEUR que les bacilles normaux. J’ai pu aussi faire cette constatation, à la suite de quelques observations microscopiques des bacilles charbonneux, encore vivants dans le bouillon de culture pyocya- nique. On voyait d’une façon très nette la différence entre ces derniers bacilles et les bacilles normaux : car les premiers présen- taient une faible colorabilité avec le bleu de méthylène, sans compter l’altération tout à fait spéciale de la forme chez plusieurs de ces bacilles, qui paraissaient souvent en voie de dissolution complète. Il faut cependant admettre, d’après les résultats obtenus, que les bacilles restés vivants, et peut-être ceux aussi qui étaient en voie de dissolution, contenaient des antigènes suffisants pour produire, dans lorganisme des brebis, un degré manifeste d’immunité. Quant au calcul du nombre des bacilles charbonneux vivants, il est facile de l’établir lorsque le pyocyanique est stérilisé, mais il est impossible de faire ce calcul lorsque le pyocyanique est vivant, parce que, dans les terrains nutritifs solides, le bacille du charbon ne se développe pas avec le pyocyanique ou ne forme que de petites colonies. Mes expériences ont été faites sur une échelle limitée et ne peuvent, par conséquent, avoir la valeur absolument décisive qu’ils auraient eu s’ils avaient été faits sur une plus vaste échelle, surtout s’ils avaient été efficacement suivis par un contrôle sur le degré d’immunité, contrôle qu’on établit en employant, d’une façon comparative, le vaccin charbonneux suivant la méthode Pasteur. Cependant je crois que ma contribution peut être assez utile et servir d’encouragement à des études plus détaillées, sur- tout en rapport avec des recherches analogues qui pourront être faites à l'avenir. VACCINATION ANTICHARBONNEUSE ANIMAL DATE employé de l'expérience 11 Février. 1909 Breblis n° 2,|11 Février. 1909 Brebis n° 1. 11 Février, 1909 Brebis n° 35, Lapin ne°1,|8 Mars 1909 26 Février. Lapin n°2. 1909 8 Mars 1909 Brebis n° 4,196 Février. 1909 Brebis n° 5.18 Mars 1909 © = =: © Q = POIDS de l'animal gr. 1600 kg. 7,980 MATIÈRE INOCULÉE sur ie tissu cutané c.c, 0,01 bouillon cul- ture charbon 24 h. c.c. 0,001 bouillon de culture charbon de 24 heures. cc. 0,0001 bouillon de! culture charbon de 24 heures, c.c, 0,00001 bouillon de culture charbon de 24 heures, c.c. 2 mélange à par- ties égales bouillon culture charbon de 24 h.et bouillon cul- ture pyocyanique de 4 jours stérilisé à 55° pendant 1 h., 10 jours après que le mélange à eu lieu. | 33) RÉSULTATS L'animal meurt, L'animal meurt après 70 heures environ,on fait la section tout de suite après la mort. Dans le sang des ba- cilles du charbon très nombreux, Très léger ædème local Aubout du 3° jour on constate au-dessus de l’endroit inoculé une tuméfaction ædémateuse très nette; l'animal meurt aprés 93 h. Tout de suite après sa mort, on constate dans le sang de très nom- breux bacilles char- bonneux. L'animal meurt 45 h. après l’inoculation. Dans le sang, de très nombreux bacilles (moins nombreux que chez les brebis). Après 24 heures sensi- bilité douloureuse à l'endroit de l’inocu- lation; après 48 heu- res, tuméfaction re- marquable qui dis- parait lentement ; lanimal se rétablit complètement. €.c. 0,0005 bouillon def L'animal vit. cul. charbon 24 h. c.c. 2 mélange à par- L'animal meurt après ties égales de bouil-| lon culture de 24 h. et bouillon culture pyocyanique de 4 jours stérilisé à 55° pendant une heure: 10 jours après que le mélangea eu lieu. c.c. 2 mélange à par- ties égales de bouil- lon culture charbon de 24 h. et bouillon culturepyocyanique de 4 jours stérilisé à 55°. Pendant 1 h.; 20 jours après que lemélange a eu lieu. 10 heures environ. Tuméfaction considé- rable, qui disparait lentement après quelques jours. 390 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ANIMAL DATE MATIÈRE INOCULÉE > RÉSULTATS sur le tissu cutané POIDS de l’animal inoculé employé de l’expérience c.c. 0,001 bouillon|Aucunetuméfaction lo- 23 Mars kg. 1909 8,100! culture charbon de! cale. L’animalse por- 24 heures. te bien. Brebis n° 6.| 23 Mars kg. |c.e. 0,001 bouillon de/L’animal meurt après (contrôle) 1909 8,450| culture charbon de| 70 heures environ. 24 heures, Dans le sang de très nombreuxbacilles du charbon. Brebis n° 7,18 Mars1909| kg. |c.c. 2 mélange à par-/Tuméfaction considé- | 8,100| ties égales de bouil-. rable qui disparait | lon culture charbon, lentement après | de 24 h. et bouillon| quelques jours. culture pyocyani- que de 4 jours stéri- lisé à 5sependant 1 h. 20 jours après que le mélange a eu lieu 28 Mars kg. |c.c. 0,001 bouillon de! Aucune tuméfaction 1909 8,150| culture charbon de remarquable, L’ani- 24 heures. | malvit,se portebien. Brebis n° 8.| 28 Mars kg. |e.c.0,001 bouillon cul- L'animal meurt après 1909 9,200 | turecharbonde24h.| 70 heures environ. 23 Février.| kg. 8 |c.c. 2 mélange à par-/Tuméfaction considé- 1909 ties égales de bouil-! rable qui disparait lon culture charbon) complètement après de 24 h et bouillon quelqu s jours. culture pyocyani- que de # jours, 10 jours après que le mélange a eu lieu. Brebis n° 9.| 11 Mars kg. 8 |c.c. 0,001 bouillon/Aucune tuméfaction 1909 culture charbon de) remarquable pen- 2% heures. dant les jours après l’inoculation. 21 Mars ke. [c.c. 0,002 bouillon] Aucune tuméfaction 1909 8,100! culture charbon de L'animal se porte 24 heures. bien, il pèse kg 8,585 | (27 Avril 4909. 23 Février,| kg. |c.c.2mélangeà parties Tuméfaction qui dispa- 1909 9,350 égales de bouillon, raît complètement culture charbon de quelquesjours après. 24 h. et bouillon de culture pyocyani- que de 4 jours 18 jours après que le mélange a eu lieu. Brebis n°10. 11 Mars kg. [c.c. 0,004 bouillon Tuméfaction locale 1909 9,300! culture charbon de’ considérable, le troi- 24 heuies. . Sième etlequatrième jours luméfaction qui disparait lente- ment deux jours après. 21 Mars | kg. |c.c. 0.001 bouillon de L'animal vitet se porte 1909 10,100! culture charbon de bien. 24 heures, . Poids kg. 10,450. Brebis n°11. 11 Mars | kg. 9 |c.c. 0,001 bouillon cul-|L’animal meurt après 1909 turechart on de 24b.| 70 heures. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire. 94me ANNÉE MAI 1910 Ne 5 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Recherches sur la fièvre récurrente et son mode de transmission, dans une épidémie algérienne. Par Enmoxp SERGENT (azGer) ET Hexrt FOLEY, Médecin-Major des hôpitaux de la division d'Oran. Ce nr OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES AU COURS D'UNE ÉPIDÉMIE ÉTUDIÉE A BENI-OUNIF DE FIGUIG, DE 1907 À 1909. SOMMAIRE Symptomatologie. — Rapprochant la récurrente algérienne de la récurrente européenne et l’éloignant de la récurrente aricaine. Etiologie. — Spirille. Morphologie. Inoculations aux animaux. Expériences d’immunisation. Spécificité de Spi- rochaete berbera, nov. sp. Epidémiologie. — Considérations épidémiologiques. Épidémiologie expérimentale. Rôle du Pediculus vestimenti. Conclusions. SYMPTOMATOLOGIE Le tableau elinique que nous traçons ici résume la symptoma- tologie de 42 cas de fièvre récurrente que nous avons eu l’occa- sion d'observer depuis la fin de 1907 à Beni-Ounif de Figuig (Sud-Oranais). Cette symptomatologie est assez uniforme, et nos cas n’ont différé réellement que par l'intensité des troubles pré- 338 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sentés par des malades des deux sexes, tous indigènes, Arabes ou Berbères, ou par l’apparition de très rares complications. La symptomatologie de la fièvre récurrente algérienne rap- proche cette maladie de la récurrente du type européen, l’éloigne de la &ick-fever, dont elle n’a ni la brièveté des accès, ni la multi- plicité habituelle des rechutes, ni les complications spéciales. Le début est ordinairement très brusque (1), marqué, sans prodromes, par des frissonnements, une céphalalgie violente, de la rachialgie, des dou - leurs dans les membres, dans les masses musculaires des membres inférieurs surtout (2). Un symptôme initial très fréquent est une asthénie intense sou- daine qui rend la marche titubante. Il y a souvent des vomissements bilieux ou alimentaires. La température s’élève très rapidement. Elle atteint en quelques heures ou dépasse souvent 390, 400, Le pouls est d’emblée très fréquent. Le visage est rouge, animé, les conjonctives légèrement injectées. La peau est chaude et sèche, sauf dans les formes sudorales, où le malade est baigné de sueurs pendant toute la durée de l’accès. Les troubles digestifs sont en général peu marqués. Les vomissements peuvent se reproduire pendant plusieurs jours. La constipation est de règle, mais on observe parfois de la diarrhée. Le météorisme est assez commun. La langue reste humide avec un enduit blanchâtre au milieu. La rate est hypertrophiée et douloureuse à la pression; ses variations de volume sont, dans certains cas, si rapides et si prononcées qu’on en peut tracer une courbe superposable à celle de la température (3). Le foie est aussi très rapidement et constamment tuméfié. Dès le second jour de l’accès, il dépasse habituellement les fausses côtes, et la pression de son bord libre au niveau de l’épigastre ou plus souvent dans la région vésiculaire provoque une douleur aiguë et même de la défense abdominale. Cette douleur hépa- tique est toujours plus vive que la douleur splénique. Vers la fin de laccès, on note souvent du subictère conjonctival qui disparaît rapidement après la défervescence. Nous n’avons observé qu’exceptionnellement une teinte sub- ictérique, fugace, des téguments. Ce subictère ne s’accompagne pas de déco- loration des selles. Les mouvements respiratoires sont accélérés (68 R. dans un cas). L’aus- cultation des poumons révèle assez souvent des signes de bronchite ou un peu de congestion des bases. Les symptômes nerveux sont peu variés. La céphalalgie frontale ou sus- orbitaire persiste, violente, pendant toute la durée de l’accès. L’insomnie (1) Une enfant de onze ans joue gaiement à midi, après un déjeuner copieux; on la trouve, une heure plus tard, prostrée, en fièvre élevée (390,8), avec un pouls à 128. (2) Un de nos malades se plaint de douleurs dans les cuisses, pareilles à celles qu’il ressent « après une longue journée de marche ». (3) L’hypertrophie splénique nous a paru très variable chez nos malades, dont beau- coup sont d'anciens paludéens. Elle manque parfois. Elle peut aller jusqu’à dépasser largement les limites de l’ombilic pendant la durée d’un accès. FIÈVRE RÉCURRENTE 339 est constante. Malgré l'intensité des symptômes généraux, le malade con- serve toujours une lucidité complète, une intégrité remarquable des fonc- tions cérébrales (1). On n’observe pas de délire. Un seul de nos malades, fumeur de kif avéré, a présenté, à la fin de ses accès, un peu d’agitation ave un délire passager, revêtant le type de la confusion mentale hallucinatoire. Nous n'avons jamais rencontré de forme grave ataxo-adynamique. Le cœur ne reste pas toujours indemne. Dans 2 cas, des signes de myocar- dite ont apparu au moment de la crise. | Il n'y a sur les téguments ni éruption ni pétéchies. L’herpès labial n’est cependant pas exceptionnel après la défervescence; elle s’est accompagnée, chez un de nos malades, d’une poussée discrète de zona fessier. Durant 5 à 7 jours, les mêmes symptômes persistent. Une élévation plus grande de la température annonce souvent l'approche de la crise. Celle-ci est marquée par un ensemble designes très constants. A la fin du 5° ou le 6€ jour le plus souvent, l’état général paraît s’aggraver. Le malade, prostré, est en proie à une céphalalgie intense, en hyperthermie, avec le visage conges- tionné, les conjonctives souvent injectées, les extrémités froides, Le pouls est rapide, parfois dépressible, intermittent ou irrégulier. Dans presque tous les cas surviennent des épistaxis, insignifiantes parfois, souvent abondantes, pouvant revêtir même la gravité d’une complication inquiétante. Puis le malade entre en transpiration; des sueurs profuses inondent ses vêtements. En quelques heures, la température tombe à la normale, souvent bien au- dessous (350). Très rapidement, tous les symptômes morbides s’effacent, Le lendemain matin, le changement est complet. On retrouve un malade pâle, abattu, mais dans un état d'amélioration prononcé; en 2 ou 3 jours, la faiblesse, la céphalée souvent persistante après la crise, Pamaigrissement léger, la teinte jaune des conjoncetives, les symptômes gastro-intestinaux disparaissent. Même rapidité de régression du syndrome hépato-splénique, L’appétit renaît et les malades reprennent leurs occupations. L'accès est unique et la convalescence définitive dans un certain nombre de cas, le 1 /5° environ. Ordinairement, après une période d’apyrexie dont la durée est assez variable, débute un nouvel accès dont la symptomatologie reproduit celle du premier, depuis la soudaineté du début jusqu’à la termi- naison critique, mais souvent avec une atténuation nette et une durée moindre. On peut voir survenir un 3°, plus rarement un 4° et un 5° accès. Urines. — Pendant les périodes fébriles, leur quantité est peu diminuée. Elles sont de couleur foncée, rouge safran, souvent un peu troubles. Dans plus des 2 /3 des cas, elles renferment de l’albumine en faible proportion. On y peut très rarement déceler, par la réaction de Gmelin, la présence de pig- ments biliaires, mais pendant toute la durée de l'accès et souvent pendant les 2 ou 3 jours consécutifs, l’acide azotique nitreux détermine dans ces urines la production d’une large zone de couleur vieil acajou qui caractérise l'excès d’urobiline, Cette réaction a été très constante chez tous nos malades. Une décharge uratique abondante marque la fin de l’accès. (1) Cette constatation ne permet guère, semble-t-il, d'appliquer avec beaucoup d'auteurs classiques la dénomination de « typhus récurrent » à une maladie dans la- quelle l’état typhique fait précisément constamment défaut. 340 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Marche de la température. — Cette donnée fournit les meilleurs éléments du diagnostic clinique. Contrairement à ce que Lafforgue a observé en Tunisie avec une fréquence très grande, puisque 8 de ses malades sur 22 ont présenté «des tracés d’allure éminemment irrégulière » (1), chez nos malades la courbe thermique a offert presque constamment la régularité du type clas- sique. Dans des cas exceptionnels, la coexistence d’une autre affection (paludisme, érysipèle..) expliquait suffisamment les anomalies d’un tracé thermométrique où les accès fébriles et les périodes intercalaires d’apyrexie restaient d’ailleurs parfaitement marqués. Les principales caractéristiques de la courbe de température sont les suivantes : | a) Élévation brusque au début, atteignant en quelques heures ou dépas- sant même 399, 400 : b) Rémissions matinales généralement peu prononcées ; ce) Élévation précritique, qui dépasse parfois 419 ; d) Défervescence brusque, dont l'amplitude atteint fréquemment 39 et 40; hypothermie consécutive ; e) Pseudo-défervescence assez souvent observée au milieu de laccès, avec chute plus ou moins complète de la température, mais sans caractères critiques et avec présence permanente de Spirilles dans le sang périphérique. Cette pseudo-défervescence s’observe plus souvent au cours des rechutes que dans le premier accès. Durée de la maladie. — La durée du premier accès est de 5 à 7 jours, le plus communément 6. Celle de la première période d’apyrexie varie de 6 à 16 jours, le plus sou- vent 7 ou 8. La première rechute, plus courte habituellement que le premier accès, dure de 2 à 5 jours, le plus souvent 3 ou 4. Les rechutes suivantes ne sont parfois qu’ébauchées. On peut observer des poussées fébriles de courte durée, paraissant appartenir à un des cycles de la maladie et qui surviennent à la date présumée d’une rechute, mais au cours desquelles on ne trouve pas de Spirilles dans le sang périphérique. Il existe enfin des relations assez nettes entre la longueur des périodes d’apyrexie et l’intensité et la durée des accès suivants, la rechute fébrile diminuant à mesure qu'augmente la longueur de la période d’apyrexie qui l’a précédée. La fièvre récurrente que nous avons observée est remarquable par l'absence de complications. Nous n’en avons pas vu d'autre que l’épistaxis qui fut rebelle et prolongée chez un de nos malades après chaque accès. Nos 42 cas ont été suivis de guérison. Le pronostic de la mala- die paraît donc bénin, et il nous a semblé assez peu sévère pour justifier une thérapeutique purement symptomatique et auto- (1) LAFFORGUE, Revue de Médecine, 10 oct. 1908, et Soc. de Méd. militaire fran- gaise, 22 juillet 1909. FIÈVRE RÉCURRENTE 341 riser les expériences de transmission humaine que nous avons tentées, "+ Au sujet de la question si souvent traitée par les auteurs clas- siques des rapports de la fièvre récurrente avec le typhus exan- thématique, nous ne dirons que ceci : Dans l’importante agglo- mération indigène où nous avons vu, soit dans leurs demeures, soit à la consultation d’un dispensaire, un nombre considérable de malades, et qui nous a fourni tous nos cas de fièvre récurrente, nous n’avons jamais soupçonné depuis trois ans l'existence du typhus exanthématique. HISTORIQUE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE EN AFRIQUE DU NORD ArNouLD. Typhus à rechutes. Épidémie au pénitencier d’Aïn-el-Bey. (Arch. gén. de Médec., 1867.) BizzeT. Un cas de typhus récurrent à Conétantiné. (Arch. méd. et pharm. milit., 1902.) FrIANT (H.) et P. Corner. Quelques cas de fièvre récurrente dans le département de Constantine. (Arch. méd. et pharm. milit., 1904, p. 44.) LarrorGuE. De l’existence de la Spirillose humaine (typhus récurrent) en Tunisie. (C. R. Soc. Biol., 1903, et Soc. méd. des hôpitaux, Paris, 23 juil- let 1903.) P. Mason. Recurrent fever of Gibraltar. (Brit. med. Journ., 1904.) SouLié (H.) et J. Garpon. Fièvre récurrente et paludisme observés chez un Européen à l'hôpital civil d'Alger. (Bull. méd. Algérie, 1905.). H. SouLté. Sur un nouveau cas de spirillose humaine observé à Alger. (Province médicale, sept., 1907.) ÉTIOLOGIE Nous avons trouvé, dans tous les cas de fièvre récurrente, un . Spirille dont les caractères sont les suivants : MORPHOLOGIE DU SPIRILLE (Chez l’Homme) fe Dans le sang frais prélevé pendant les accès fébriles avant tion des sueurs critiques, le Spirille se présente sous la forme d’un microorganisme très grêle, réfringent, spiralé, à extré- mités effilées et animé de mouvements actifs qu’il communique aux hématies en se déplaçant au milieu d’elles. On distingue trois sortes de mouvements : 19 De vrille, qui sont intermittents. Lorsque le Spirille dans certaines conditions passe de l’état de repos au mouvement de 342 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rotation autour de son axe, il semble que les tours de spire se res- serrent et apparaissent plus nombreux ; 20 D’ondulation, de flexion qui s’observent surtout sur des Spirilles dont les tours de spire sont relâchés. Ils paraissent appartenir au stade dégénératif des Spirilles — à la fin des accès. Ces mouvements sont beaucoup moins actifs que les précédents ; 39 De translation enfin, plus ou moins rapides suivant les cas, la progression ayant lieu dans le sens de l’une ou €e l’autre extrémité indifféremment. Entre lame et lamelle, les mouvements des Spirilles peuvent persister au delà de 24 heures, sur la platine du mi- croscope à la température moyenne de 149. La longueur à l’état frais est sensiblement la même que sur les préparations colorées. : On rencontre communément à la fin des accès des Spirilles dont le corps présente des renflements , qui lui donnent un aspect granuleux, ou des Spirilles vacuolaires. Fig. 1 20 Sur les préparations colorées au Giemsa, l'aspect des Spirilles varie nettement aux différentes phases de Î l'accès. — La longueur est variable. On trouve dans les mêmes le) frottis des Spirilles dont la longueur mesure de 12 à 15, 18 et même 24H (ces derniers sans trace de division). L’épaisseur moyenne du Spirille est de 0,25 à 0,30. Le nombre des tours de spire varie de 4,5 à 8, rarement moins (3), très rarement plus (9). La longueur d’un tour de spire (ab) varie de 2,5 à 3 &. La lar- _geur du tour de spire (xy) est de 1 & à 1 &, 4. (Mensurations nombreuses faites sur des Spirilles réguliers, sur des frottis prélevés à des jours différents, d’accès différents, chez divers malades.) La coloration du Spirille (non altéré) est uniforme. On trouve très fréquemment des formes de division constituées par 2 Spirilles que réunissent leurs deux extrémités atténuées insensiblement en un mince filament — à peine coloré —. La lon- œueur des 2 Spirilles résultant de la division est égale ou non. Jamais on ne rencontre de formes en chaine constituées par p'us de 2 Spirilles. On ne rencontre jamais de formes en Y pouvant faire admettre FIEVRE RÉCURRENTE 343 un mode de segmentation longitudinale. Il est commun d’observer à la fin des accès, quand les Spirilles sont nombreux et présentent des formes d’involution, des Spirilles unis deux par deux, dont les tours de spire s’épousent exac- tement sur une longueur plus ou moins grande, — figure qui peut donner l'apparence d’une divi- sion longitudinale. — Mais ül s’agit là évidemment, comme le dit Levaditi: «de deux Spirilles préalablement AGGLUTINÉS et intimement enchevêtrés, simu- lant une segmentation longitu- dinale. » Fig. 2. — Spirilles agglutinés. 39 Modifications aux diffé- rentes phases de l'accès. — On observe très constamment les modifications suivantes : D'abord peu nombreux ou même rares dans les premières heures de l'accès, les Spirilles augmentent de nombre progressi- vement jusqu’à la phase critique qui marque le commencement de leur disparition. On peut observer des formes de division dès le 4er jour. Elles se multiplient rapidement, persistent jusqu’à la fin, sont beau- coup plus nombreuses en général vers le milieu de l’accès. Dans la seconde moitié de l’accès, on observe des formes d’in- volution quise traduisent par l’enroulement du Spirille en spirale, en boule, soit par l’une des extrémités, soit par les deux extré- mités, ou même sur toute la longueur. Les tours de spire sont généralement effacés à l’autre bout quand une extrémité a com- mencé à s’enrouler. Il semble que ce soient là les formes qui, à l’état frais, présentent des mouvements flexueux ou d’ondulation. Lorsque l'abondance des Spirilles est au maximum, on voit se multiplier les formes enchevêtrées, entortillées par deux, trois individus, et peut-être davantage. Quelquefois, on trouve des Spi- rilles agglutinés en véritables paquets. En même temps, on ren- contre des Spirilles nettement granuleux ou vacuolaires, présen- tant soit des apparences de renflements séparés par des intervalles plus faiblement colorés, soit, dans des Spirilles non renflés, des jacunes très faiblement colorées. 344 ANNALES DE L’INSTITÜT PASTEUR La disparition des Spirilles à la fin des accès n’est pas brusque. On note d’abord, en même temps qu'une diminution du nombre des Spirilles par champ, une multiplication des formes enche- vêtrées, spiralées, enroulées. Puis il ya disparition progres- sive, mais rapide des Spirilles. En quelques heures, on n’en rencontre plus. Très communément, on ne trouve plus de Spirilles chez les malades en sueur, avant la chute de la température; parfois, ils ont disparu au moment même de l’exacerbation précri- 1 tique. Un seul de nos malades(XIV) après son deuxième accès, dont la défervescence avait été noc- turne, a présenté pendant toute la journée du lendemain (la température étant à 3595 le matin, 350,9 le soir), de rares ou très rares Spirilles, courts, orêles, mal colorés (sur des pré- parations au Giemsa). Fig. 3. — Formes de division. Les Spirilles sont, de règle, plus nombreux, dans le sang périphérique, au cours de l'accès que dans les rechutes. D'une manière générale, l'intensité des symptômes cliniques est nettement en relation directe avec l'abondance des Spirilles dans le sang périphérique chez un même malade. Mais, à intensité sensiblement égale de la maladie chez deux individus différents, on peut observer de très grandes différences dans le nombre des Spirilles présents dans le sang périphérique : chez un malade, ils peuvent être très nombreux, et chez un autre, avec le même ta- bleau clinique, fort rares. Chez les Animaux. Il n’y a pas de différence appréciable au point de vue mor- FIÈVRE RÉCURRENTE 345 phologique entre les Spirilles du sang humain et ceux des Singes inoculés. 19 Singe Micoupa. — Frottis de foie : Tours de spire : 5 à 9k. Longueur des Spirilles : 14 à 26 v. Sang : Tours de spire : 5 à 8 4. Longueur des Spirilles : 14 à 22 y. 29 Chez les Rats et Souris : Spirilles en général mal colorés, ou grêles ou granuleux. RELATIONS DES SPIRILLES AVEC LES ÉLÉMENTS DU SANG — Division en éléments inégaux. D Les Spirilles sont toujours libres dans le plasma. On en voit parfois, animés de mouvement de vrille, qui sont fixés par une extrémité sur une hématie. Dans * les instants de repos, ils flottent, avec des ondulations lâches, un peu comme une algue dans un courant d’eau. Jamais dans le sang périphérique nous n’avons rencontré de Spirilles phagocytés ni de Spirilles ayant pénétré dans une hématie. Fig. 4. MODIFICATIONS DU SANG AU COURS DE L’ACCÈS Nous avons suivi par l'examen bi-quotidien du sang pendant toute la durée de leur maladie, sur un certain nombre d'individus, les modifications de la formule leucocytaire. Elles se résument en : Polynucléose pendant les périodes fébriles. Mononucléose pendant les périodes d’apyrexie. Dans un cas bien suivi (XXXIX), mononucléose intense (grands mono presque exclusivement) dès la période critique (6€ jour de l’accès). Constatation FRÉQUENTE de corps en pessaire au cours et surtout à la suite des accès (cas XL). Constatation de corps en demi-lune, en particulier dans le cas XL. Poussée d’hématoblastes quand la convalescence est défini- tivement établie. Nous avons observé le corps suivant dans le sang d’un Singe infecté par inoculation sous-cutanée de 10 Poux prélevés sur des malades : 5 jours après l’inoculation, 3 jours avant l’appari- ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tion des premiers Spirilles, c’est-à-dire au milieu de la période d’incubation, nous avons vu dans le sang périphérique du Singe un corps hyalin de la dimension d’une hématie, dans lequel dan- DOI AN T. D ÿ / N N LLEX S2]A209n a T ÊE Re PTE ABB 2 PE CN C2 LC EN A ED 2 CA EN 2 CH CO CE 2 2 2 LA 2 KE 22 PINS qui n'étaient pas du pigment. Faut-il penser à une relation entre ce corps granuleux et les saient des granulations claires Plasmakugeln ? FIÈVRE RÉCURRENTE 347 INFECTIONS MIXTES Nous avons observé la coexistence, au moment des accès, 5 © Pouls (=) (=) G Leucocytes $ L'enpéralure < : s > | CRIE INR Re ares ONCE RO on ue) dll Lee Be me ne EL ue ne Se net | | En Se me eee ele) mn = ee le JT VER A mate EME DR En feel el late x [Te FRE ERES MES En DE RS Pen come D ol |. enr ouettRemRie CAE En ee LE nee de | ne en He Cr ; ë RER ERREURS DES EME lors ess Fig. 6. avec des Spirilles, chez un malade, de microfilaires de Filaria perstans. Chez un autre (enfant de 2 ans) de nombreuses formes de Tierce bénigne. 9548 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR PAPION DIEOUpe = ct | TE = MACACUS INUUS.- Décembre 1908 9 MAGACUS SINICUS.- Juillet 1908 _- - _MAGAGUS SINICUS.- Juillet 1908 | SE EE BE RAR ee dE — MTL UT TT PO HE EAN ARE SAME HER ER UD DOTE MALE PET EEE COTE EEE PERETEN Fig, 17. — Singes inoculés avec le virus sud-oranais. FIÈVRE RÉCURRENTE POUVOIR PATHOGÈNE DU SPIRILLE SUD-ORANAIS Essai de transmission par inoculation du sang de l'Homme aux Animaux. Singe Paypion Singe Macacus Cynomolqus Singe Macacus sinensis Singe Macacus inuus souris souris est inoculé sous la peau et dansle péritoine sous la peau etdansle péritoine sous la peau etdansle péritoine sous la peau etdansle péritoine dans le péritoine péritoine dans le péritoine dans le péritoine sous Ja peau sous la peau dans le péritoine dans le muscle pectoral avec du le sang 25 janvier 1908 juiilet 1908 11 décembre 1908 7mai1908| 1 goutte. 4 juillet 1908 6 juillet |[toutlesang 1908 du rat précédent décembre 1908 17 février 1908 4 juillet 1908 2 gouttes. 30 décembre 1908 4 juillet 1608 prélevé à un malade 4° jour 6e jour 4e jour 6e jour 2e jour 5e ou 6e jour début 2e jour | et ayant des spirilles. de son accès. premier accès assez | nombreux. assez | nombreux. | unique accès assez rares. premier accès premier assez (unique?)|nombreux. accès premier |nombreux. accès | ? assez nombreux. premier |nombreux. | (unique?) accès deuxième accès assez nombreux. | assez nombreux. premier accès nombreux. assez nombreux. RÉSULTAT In fection. Le 28 Janvier, très longs spirilles assez nombreux. Mort le 30. Infection. Après 38 heures, spi- rillesrares jusqu'à la 84e heure. Pas de re- chute. (Voir la courbe.) Infection. 1er accès du 10 au 12 juil. (spirilles assez nombreux). 2e accès du 17 au 21juil. (spirilles assez rares). Infection. Spirilles apparaissant à la 15€ heureet aug- mentant jusqu'à la {mort (au bout de 6 j.). | Pas d'infection. Pas d'infection. Pas d'infection. Infection légère. Spirilles non rares à la 22e heure. Plus: rares à la 27e heure. | Très rares à la 40e heure. Disparus à la 48e heure. Pas d'infection. Pas d'infection. Infection légère. Spi- rilles rares à la 18° heure. Très rares à la 25e heure. Disparus à la 48e heure. Pus d'infection, Essai de transmission par inoculation de sang, de Singe à Singe el à d'autres Animaux. est QE inoculé Singe sous Macacus| la peau rhesus Lapin | dansles veines et dans le péritoine Cobaye | dansle péritoine et sous Ja peau Rat sous la peau Rat dans le péritoine Rat dans le péritoine Rat dans le péritoine Rat dans le péritoine 2 souris | dans le péritoine 2 souris | sous la peau Souris | sous la peau Souris | dansle péritoine Souris A| dans le péritoine Souris B| sousla peau Souris C| dans le péritoine Souris D| dans le péritoine Souris | dansle péritoine Souris E| dans le péritoine Souris F dans le nou- |péritoine veau- née [n° 1] le 11 fév. | 1909 11 fév. 1909 11 fév. 1909 11 fév 1909 11 fév 1909 9 juin 1908 11 juill. 1908 17 juil. 1908 1908 1908 1908 1908 LI fév. 1908 1908 1908 1908 1909 1909 1909 28 janv 28 janv. 30 janv.| 30 janv. 114fév: 14 déc. 17 déc. 21 mai 23 mai 23 mai lavec du| prélevé Sapg à un DC: Ca singe M. cyno- molqus 5C c. singe Macacus Cyno- molqus pc. C. singe Macacus cyno- molqus singe Macacus cyno- molqus 5 C.C. singe Macacus Cyno- molqus singe M. cyno- | molqus singe Macacus sinensis sioge M. sinensis singe papion singe papion singe papion singe papion singe M. cyno- molqus Arerc: singe M. cyno- molqus singe Macacus inuvs 4c.c. 2 gouttes singe Macacus inuus singe Macacus sinensis : ECNTLE 1 cc. singe Macacus sinensis singe Macacus sinensis au 4er jour de son unique accès (mort le 2e jour) 1er jour de son unique accès (mort le 2e jour) 1er jour de son unique accès (mort le 2e jour) 1er jour de son unique accès (mort le 2e jour) 4er jour de son unique accès (mort le 2e jour) (accès unique) milieu de son {er accès début de son 2e accès milieu de son unique accès milieu de sonunique accès autopsie autopsie 1er jour de sonunique accès (mort le 2e jour) 4er jour de son unique accès (mort le 2e jour) milieu de son unique accês mortel fin de son unique accès mortel début de son 2e et dernier accès fin de son 2e et dernier accès fin de son 2eet dernier accès et ayantdes spirilles nombreux. nombreux nombreux. nombreux. nombreux. nombreux. nombreux. assez rares, assez nombreux. assez nombreux. très nombreux. très nombreux. nombreux. nombreux. nombreux. nombreux. nombreux. nombreux. nombreux, RÉSULTAT Pas d'infection. Pas d'infection. Pas d'infection. Infection légère. Spi- rilles rares après 24 heures, disparus après 48 heures. Infection légère. Spi- rilles rares après 24 heures, disparus après 48 heures. Pas d'infection Infection très légère: Vu 1 seul spirille à la 310 h., puis plus rien. Pas d'infection Pas d’infection Pas d'infection Infection très légère. Très rares à la 482 h., puis disparus. Infection très légère. Très rares à la 4S°h,., puis disparus. Infection très légère. Rares pendant 4j., puis disparaissent. Infection très légère. Rares pendant 3 j., puis disparaissent. Infection légère. Le lendemain, la souris meurt avec spirilles rares Infection. Spirilles apparaissant en{12h., sont non rares au bout de 42 heures. On sacrifie la souris (voir plus loin). Pas d'infection. Infection. Après quel- ques heures, spirilles assez nombreux. On sacrifie la souris. Infection. Après quel- ques heures, spirilles assez nombreux, Après { jour, spirilles nombreux.On sacrifie la souris. FIÈVRE RÉCURRENTE 301 Essai de transmission, par inoculation de sang, de Souris à Souris. est PRe ino -ulée _————— | Souris | dans le péritoine Souris dans le péritoine dans le |péritoine dans le |péritoine le 11 février 1908 11 février 1908 15 décembre 1908 19 décem. 1908 | dans le péritoine Souris dass le péritoine | dans le |péritoine | 19 décem. 1909 23 mai_ 1909 23 mai 1909 Souris | dans le [N°2] péritoine Nouveau- née Souris [Ne 3] Nouveau- née dans le |péritoine Souris | dans le [N° 3 bis] péritoine Nouveau-| née | Cans le Souris | peritoine [No 4] Nouveau- née 24 mai 1909 1/2. c. .|souris A prélevé à milieu deson unique accès souris B|milieu de son unique accès souris C| fin de son unique accès (mortel?) 42e heure du 1er accès souris D 42e heure du 1er accès souris D 6e heure de son 4er accès souris E 6e heure de son {er accès souris E souris F [No 1] 1er jour de son 1er accès Souris [No 2] 3e jour de son {er accès souris | 3e jour de son 1er accès souris [No 3] 2e jour; décours de son 1er accès et ayant des spirilles rares. non rares. non rares. assez nombreux. assez nombreux nombreux. nombreux. nombreux. non rares. RÉSULTAT Pas d'infection. Infection tres légère après 24 heures. Vu un seul spirille. Rien vu depuis Pas d'infection. Pas d'infection. Pas d'infection. Pas d'infection. Infection pendant 3 jours Sacrifiée le 3e jour. Infection légère pendant 2 jours. Sacrifiée le 2° jour. Infection légère pendant 2 jours. Puis guérison. Infection légère] pendant quelques heures. Puis guérison. En conclusion : 1° Le virus oranais parait perdre très rapidement sa virulence : bien que l’inoculation de sang d’Homme infecté à un Singe ait toujours été suivie d’une infection, qui parfois fut même rapide- ment mortelle, on ne peut pas transmettre cette infection du Singe à d’autres Singes ni à d’autres animaux par des passages en série; 902 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 20 L’inoculation du sang d’Homme infecté à des Rats et à des Souris est suivie, dans quelques cas seulement, d’une infection d’ailleurs légère, se terminant par la guérison et qu’il est impos- sible de transmettre à de nouveaux Rats ou Souris. Il en est de même, à peu près, de l’inoculation à des Rats ou à des Souris, du sang de Singe infecté; 39 Une seule fois, en opérant sur des Souris nouveau-nées, têtant encore et les yeux fermés, nous avons pu, en partant du sang d’un Singe infecté, réussir quatre passages successifs. Mais le nombre des Spirilles allait en diminuant chez les Souris succes- sives, la dernière n’en eut que très peu et guérit; 49 Le Lapin, le Cobaye, la Poule se montrèrent réfractaires, EXPÉRIENCES D’'IMMUNISATION A. Un Singe guéri de l’infection russe prend l’infection algé- rlenne,. 19 Macacus inuus est inoculé le 15 avril 1908 avec le sang riche en Spirilles d’une Souris infectée avec le VIRUS RUSSE. Il présente un premier accès avec Spirilles rares, le 20 avril. — un second — —— — les 1,2,3 mai, = un troisième — — — le 11 mai. Depuis, guérison parfaite. 20 Le 11 décembre 1908, il est inoculé dans le péritoine et sous la peau avec 4 c. c. du sang du cas XXXIIT (5° jour du premier accès), à Spirilles assez nombreux, VIRUS SUD- ORANAIS. Il présente, à partir de la 15€ heure, des Spirilles qui devien- nent de plus en plus nombreux et amènent la mort au bout de G jours (dans la nuit du 17 au 18). B. Deux Singes guéris de l'infection algérienne ne prennent pas l'infection russe (année 1909), mais à ce moment le virus russe, con- servé depuis de longues années par passages de Souris à Souris, ne se montre plus pathogène pour des Singes neufs. Le singe Messa. Kadd. Inuus II. Témoin. FIÈVRE RÉCURRENTE VIRUS ALGÉRIEN — Inoculé une première fois avec sang malade le 8 juillet. Premier accès du Deuxième accès du 10 au 12117 au 21} juillet. juillet. avec corps|11i au 13122 au 93 de poux le 3 mai 1909. mai. mai, Témoin, non inoculé, Réinoculé sans résultat le 26 avril 1909. 12 mai 1909. 22 mai 1909. Pas de réinoculation. Inoculé le 8 juin 1909. 16 juin 1909. Ao ” 90 = 9 mai 41909. 93° 10 mai 1909. 40 11 mai 1909. 5o 16 mai 1909. mat 1909. 399 RUSSE M Pas d'infection, C. Effet sur le virus russe du sérum : 1° d'animaux immunisés contre le virus russe; 2° d'animaux immunisés contre le virus algé- rien et 3° d'animaux neufs. Le 18 mai 1909, du sang de Souris riche en Spirilles (virus ENTRE lame et lamelle. Au bout de 5’ Au bout de2h.30 Au bout de Sheures. D _— SOURIS No2 Agglutination presque complète, radiée, spirilles encore mobiles, Même état. Beaucoup de spirilles dispa- rus.Lesrares survivants immobiles. GUÉRIES DU VIRUS RUSSE I SOURIS N°10. Début d'agglutination|tous libres comre chez le n° 2. GUÉ DU VIRUS RIS ALGÉRIEN A — SINGE KA. Spirilles et très mobiles. Agglutinations [Tous libres plusnettes. Comme ne 2, et mobiles. Tous libres mais immobiles et diminués denombre. SINGE MES. id. SINGE |SINGE Ha. Cha. id. id. russe) est mêlé à une quantité égale de chacun des sérums des ! animaux ci-dessus, 904 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR D. Effet sur le virus algérien et sur le virus russe, compar ative- ment, du sérum d'animaux immunisés contre le virus russe. SPIRILEES ALGÉRIENS SPIRILLES RUSSES DU =INGE KA. DE LA SOURIS N0 24 == | — = + SÉRUM SOURIS a + SÉRUM SOURIS ee n° 2, immunisée ta no 2, 2Mm1unisée re a contre le virus russe. (témoins). contre Le virus russe. Après |Asseznombreux,|Asseznombreux,| Nombreux, Rares, presque > minutes. mobiles. mobiles. mobiles. tous immobiles, quelques-uns agolutinés. Après |Assez nombreux. Assez nombreux,|Assez nombreux, Rares, 3 heures. mobiles. peu mobiles. peu mobiles. immobiles. Après Non rares, Non rares, Extrèmement Disparus. 7 heures. | peu mobiles. peu mobiles. rares, peu mobiles. En conclusion : 19 Le virus sud-oranais est actif (et même mortel) pour un Singe guéri du virus européen : lg 20 Les Spirilles russes sont agglutinés, puis rapidement dé- truits en présence du sérum d'animaux immunisés contre le virus russe, mais ne sont nullement influencés par le sérum d'animaux immunisés contre le virus algérien ni par le sérum d’animaux neufs ; 30 Les Spirilles sud-oranais ne sont nullement influencés par le sérum d’Animaux immunisés contre le virus russe ; 49 En conséquence, il semble que le Spirille algérien étudié soit d’une race différente de la race européenne conservée dans les laboratoires (1). Nous proposerons pour lui le nom de Spiro- chaete berbera, puisqu'il a été observé dans le pays des Berbères. ÉPIDÉMIOLOGIE Le mode de transmission de la fièvre récurrente européenne, à laquelle se rattache cliniquement la fièvre récurrente algérienne que nous étudions, n’est pas encore bien élucidé. (1) C. Levaditi pense que ces réactions suffisent à différencier divers Spirilles pathogènes. Biophysikal. Centralbl., t. III, 1907. FIÈVRE RÉCURRENTE 355 J. Tictin (1) put infecter des Singes en leur inoculant des Punaises qui venaient de se gorger de sang spirillaire. Quand le repas infectant des Pu- naises datait de 48 heures, les Singes ne prenaient pas infection. J. Karlinski (2) voit des Spirilles mobiles encore après 30 jours, dans l’in- testin de Punaises. Plus tard, ils dégénérèrent. Schaudinn (3) aurait vu, en 1904, en Bosnie, les Spirilles rester vivants plus longtemps encore chez les Punaises. C. Christy (4), à Bombay, fait piquer un malade par 12 Punaises, puis se fait piquer lui-même chaque jour par une de ces punaises : pas de résultat. A. Breinl, A. Kinghorn et J.-L. Todd (5), dans des expériences faites à Liverpool, ne parviennent pas à donner une infection à des Singes par la morsure de Punaises (Spirilles de la race américaine de Norris et Novy), F.P. Mackie (6) a vu, dans un pensionnat des Indes,une épidémie se développer chez des garçons dont la majorité étaient infestés de Poux, et épargner les filles qui en présentaient très peu. Enfin, auteur anglais a constaté que les Spirilles se multipliaient chez les Poux, surtout dans leur estomac. Indépendamment de Mackie, Edm. Sergent et H. Foley (7) ont vu que : dans les mêmes conditions où, 6 jours après le prélèvement, l’inoculation du corps d’un seul Pou s’est montré infectante, celle de nombreux Argas ou Punaises, dans une région où ces trois seules espèces d’Arthropodes pou- valent être soupçonnées, ne s’est pas montré infectante. Manteufel (8) met des Rats spirillaires, infestés par Haematopinus spinu- losus Burm. en contact avec des Rats sains et voit 47 0 /0 de ceux-ci se conta- miner. Des Rats infectés témoins, sans Poux, ne sont pas contagieux. La durée de la vie du Spirochète dans le tube intestinal de l’Haematopinus ne paraît pas dépasser 24 heures (mai-juin 1908). Sur 9 expériences analogues pratiquées avec la Puce du Rat (Ceratophyllus fasciatus), une donna égale- ment une infection. Voir aussi R.-P. SrroNG. The diagnosis of African tick fever from the examina- tion of the blood. Arch. f. Sch. Tropenhygiene, 1908. (1) Zur Lehre vom Rückfalltyphus. Centralblatt f. Bakteriol., t. XXI, p. 179-186, 1897. (2) Zur Aetiologie des Recurrenstyphus. Centr. f. Bakt., t. XX X, p. 566-570, 1902. (3) Cité par G.-H.-F. NuTTALL. Parasitology, t. 1, n$ 2, juin 1908, p. 143 et Lettre inédite à F. MEsxniz, de sept. 1904. (4) Spirillum fever (relapsing or famine fever). Journ. trop. med., 1902. (5) Attempts to transmit spirochäetes by the bites of Cimex lectularius. Centr. f. Bakt. 1., Origin, t. XLITI, 29 oct. 1906, p. 537-541. Liverpool Sch. of trop. Med., mem. XXI, p. 113-117. e (6) The part played by Pediculus corporis in the transmission of relapsing fever. Brit. Med. Journ., p. 1706-1709, 14 déc. 1907. (7) Fièvre récurrente du Sud-Oranais et Pediculus vestimenti. Bull. Soc. path. exot., t. I, n° 3, p. 174-176, mars 1908. Experimentelle Untersuchungen zur Epidemiologie des europaischen Rück- fallfiebers, Arb. a. d. Kais. Ges. t. XXIX, 1908, f. 2, p. 355, et Centr. f. Bakt., 1, Ref. t. XLII, 1909, p. 116-123. 306 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Shellack (1) essaie sans succès de donner l'infection spirillaire au Rat par l’intermédiaire d’Argas reflexus; au Rat, au Singe et à l'Homme par l’inter- médiaire des Punaises. N.-N. Kladnitzky (2) vit des Spirochètes isolés dans l'intestin de Punaises prélevées de 3 à 5 jours auparavant sur des malades, et observa par la suite ce qu'il croyait être une multiplication de ces Spirochètes. G.-H.-F, Nuttall pense qu’il a confondu avec des Spirochètes les spermatozoïdes des Punaises. G.-H.-F. Nuttall (3) voit que dans le corps d’Acanthia lectularia les Spi- rochètes sont encore mobiles : à 129 C. après 27 ou 47 heures, immobiles à la 96€ heure. À 250 C. mobiles pendant 3 heures, immobiles à la 20€ heure. Sur les préparations colorées, la majorité des Spirochètes est normale, à 120 C., pendant 96 heures; ils disparaissent à la 120€ heure. À 250, ils sont normaux pendant 45 heures, disparaissent à la 72° heure. Il peut infecter une Souris en la faisant piquer par 17, puis par 18 Pu- naises qui venaient, immédiatement avant, de piquer une Souris infectée, L’incubation fut de 9 à 12 jours. ÿ Graham U. Smith (4) donne l'infection à un Singe en lui inoculant une soixantaine de Pediculus vestimenti prélevés 19 heures auparavant sur un malade à Spirilles. Il réunit de nombreux faits épidémiologiques en faveur de l'hypothèse du rôle des Poux et contre celle du rôle des Punaises. CONSIDÉRATIONS ÉPIDÉMIOLOGIQUES I. — La plupart des 42 cas de fièvre récurrente que nous avons observés se rattachaient nettement les uns aux autres, et ont constitué une manifestation épidémique de longue durée d’une maladie qui est certainement endémique dans la région. C’est dans un campement d’Arabes nomades, à demi séden- taires, que nous avons observé le début de l'épidémie. Elle semble avoir été importée dans les douars des Mokhazenis (5) de Beni- Ounif, installés dans la palmeraie, à quelques centaines de mètres du gçar (6). De nombreux cas ont été rencontrés ensuite dans la popula- tion autochtone du petit gçar de Beni-Ounif, qui compte environ (1) Versuche zur Uebertragung von Sprrochaeta gallinarum und Spirochaeta ober- meieri. Arb. a. d. Kaiserl. Gesundhetitsamt, t. XX X, f. 2, april 1909, p. 351-362. (2) Ueber die Vermehrung der Rückfallspirochäten in Kôürper der Wanzen. Vor- läufige Mitteilung. Centr. fs Bakt., I. Abt., t. X LV. Or. p. 126-128, 2 figs. 1908. (3) Note on the behaviour of Spirochaetae in Acanthia lectularia. Parastitology, t. I, n° 2, p. 143-151, juin 1908. (4) On some cases of relapsing fever in Egypt and the question of carriage by domestic vermin, Londres, 17 x 25, 60 p., 1909. (5) Mokhazenis. Arabes (nomades en général) à la solde du service des Affaires indigènes et vivant sous la tente avec leur famille, sur des emplacements à peu près fixes, à proximité des postes où ils sont employés. (6) Qçar. Village saharien construit en briques d’argile desséchées au soleil. FIÈVRE RÉCURRENTE 357 400 Berbères, de race blanche, ou mulâtres (harratin), tous séden- taires. (a es L2 LE | Le ES ES) & = EN ni a BENI- CROQUIS DU Ca de c ntagion probahle de maison Z à ai © ms à ! = Z F Æ Zau =| (ee Enfin, des malades que nous avons hospitalisés à linfirmerie indigène de Beni-Ounif ont donné lieu à quelques cas intérieurs de contagion certaine. 308 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR L’épidémie a été plus importante que ne l'indique le chiffre des cas que nous avons Suivis : 19 C’est presque toujours par l'examen hématologique, au cours de la consultation dans un dispensaire indigène, que le diagnostic de fièvre récurrente a été fait chez des malades en fièvre. Le diagnostic clinique, dans ces conditions, en passant, est à peu près impossible. Or, très souvent, l’indigène atteint d’une Fig. 9.— Maison du qear de Beni-Ounif. Murs crevassés ou se logent les Argas. affection fébrile attend avec résignation la guérison, ou ne se présente au médecin qu’en période d’apyrexie, s’il s’agit de py- rexies intermittentes; un certain nombre de spirillaires que nous n'avons dû voir qu’une fois en dehors de leurs accès ont donc pu nous échapper (1); 29 D'autre part, on remarquera la faible proportion des femmes ‘ycouriennes parmi nos malades, ce qui s'explique par la réserve encore très grande qu’elles observent, même à l’égard du (1) Notre clientèle indigène est constituée par des nomades de passage en petit nombre, et en grande partie par les habitants des qçour de Beni-Ounif et de Figuig. FIÈVRE RÉCURRENTE 309 médecin, dans les populations sédentaires de la région. Comme les femmes des qçour vivent beaucoup plus confinées que les hommes dans l’intérieur des maisons, il est vraisemblable qu’elles ont fourni, ainsi que les tout jeunes enfants qui ne les quittent guêre, un nombre important de cas ignorés. La diversité d’origine de plusieurs de nos malades montre bien l’endémicité de la fièvre récurrente dans la région : 19 L’un d’entre eux au moins, habitant d’un des qçour de Figuig, avait été certainement contagionné dans cette impor- tante agglomération, située à quelques kilomètres de Beni-Ounif; 20 Un autre de nos malades arrivait par chemin de fer des Hauts-Plateaux (Tiout), ayant quitté depuis moins de 4 jours le petit qcar de Chellala Gueblia, situé à 80 kilomètres environ au N.-E. d’Aïn-Sefra, et ayant eu son premier accès en cours de route ; 30 Nous avons enregistré des cas de provenance plus lointaine encore. Notre excellent ami et collaborateur, le médecin-major Yvernault, pendant un séjour de un mois à Bou-Denib, en juillet 1908, tout au début de l'occupation de ce poste situé dans la val- lée du Haut-Guir, à 200 kilomètres environ à l’ouest de Beni- Ounif, prélève du sang chez un petit nombre de malades fiévreux, présumés paludéens, qui, des qçours environnants, étaient venus à sa consultation. L'examen des frottis montre que 4 d’entre eux étaient des spirillaires. Nous pouvons donc conclure de cet ensemble de faits que la fièvre récurrente est, suivant toute vraisemblance, répandue dans les qçour du Sud-Oranais, où les conditions de milieu, d'habitat, sont les mêmes que dans la région où nous observons. IT. — Répartition saisonniere. Le tableau suivant indique la répartition des cas aux diffé- rents mois de l’année. = d o] La À _. £ . = = à en = 2 dé 9 o mn = DE Ê rs Æ 2 a = 2 < £ ANNÉE.| © | CNE MINE] EU EN] EUNE ANS ESS DE EN PEN EMI ALT LEN ENRNRESS SC ES NE : Fu EF S D n 4 _ TJ ————…. À , ——+. | mms | sms mms | mme | mms | £ x Æ se PAS SNS 0) TR M LT SAS 48015/ 25 10435 | 1909... 1 » 3 l 1 » » » » » » 7 (Totaux16 4 3 k 8 9 k 1 | D 49 (1) Y compris le premier cas observé en 1907. 360 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Ce tableau montre la prédominance de la maladie pendant les mois froids, et une diminution nette ou même une interruption complète pendant les plus chauds de l’année. III. — Age. Sexe. Il ne faut pas attacher d'importance à ce fait que nos malades sont en grande majorité des hommes; il s’explique par la composi- tion habituelle d’une clientèle indigène, qui est toujours beaucoup plus masculine que féminine. Le tableau suivant indique la répartition des cas suivant l’âge des malades. z RATS Au-dessus de De 0à5ans. De 5 à 15 ans. De 15 à 25 ans. 25 ans. i Nombre des cas. | FN Æ (=) Le) w | Nous avons observé une proportion élevée de jeunes sujets et d'adolescents qui est due peut-être à l’immunité acquise des individus plus âgés. Le plus âgé de nos malades avait environ D9 ans. IV. — Conditions de milieu. Habitation. — Le plus grand nombre de nos malades (26 sur 42) sont des qçouriens appartenant tous à la classe misérable de la population. Ils vivent dans des maisons en toub ou briques de terre desséchées au soleil, habitations obscures, sans air, poussié- reuses, aux murs crevassés et fendillés. Des chèvres, un âne, rarement un chien, presque toujours des poules, partagent en toute saison la cour intérieure, souvent même en hiver les cham- bres du rez-de-chaussée avec les habitants. Les fentes des murs sont habituellement des gites à Argas. Les nattes et tapis vétustes et malpropres, sur lesquels couchent les qcouriens pauvres, récè- lent souvent toute espèce de vermine. Quelques autres de nos malades (6) sont des nomades. Ils vivent sous des tentes en poil de chameau, où la cohabitation est aussi étroite, mais où les conditions hygiéniques sont certaine- ment meilleures que dans les maisons des qçour. Des Chiens et des Poules, parfois des Chèvres, sont les familiers de l'abri commun FIEVRE RECURRENTE 361 qu'on déplace périodiquement, lorsque la saleté et la vermine sont devenues trop gênantes. Deux malades habitaient des maisons qui servent à des hôtes de passage, bain maure où fréquentent surtout des étrangers, café maure où l’on s’étend côte à côte sur des nattes pour passer la nuit au hasard des rencontres. Enfin, nous avons observé un chiffre notable de cas de conta- oion à l’infirmerie indigène. Là, les chambres sont nues, blanchies à la chaux.carrelées de briques,très propres. Les malades couchent sur des couvertures et des paillasses, reposant à distance du sol sur des châlits. Fig. 10. — Premier étage d'une maison de Beni-Ounif, Vêtements. — Chez tous nos indigènes, les vêtements de toile et de laine hébergent presque toujours des Poux du corps en plus ou moins grande abondance. Les plis amples, la rareté des savonnages, l'habitude de garder pendant des semaines et des mois, jour et nuit, le même vêtement, favorisent leur pullulation surtout en hiver. En été, chez les enfants notamment, le vête- ment est beaucoup plus léger, réduit même à une simple che- mise. Aussi ont-ils alors, en général, beaucoup moins de Poux. La nourriture de tous nos malades est celle des indigènes de 362 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR basse classe, grossière et frugale (quelques légumes, surtout des dattes, du couscous, rarement de la viande). Les relations de voisinage, pour un certain nombre de cas où il a été possible de les établir, sont notées dans le plan ci-joint, où sont signalés les cas qui ont présenté entre eux des rapports de proximité dans le temps et dans l’espace. ÉPIDÉMIOLOGIE EXPÉRIMENTALE Les Arthropodes piqueurs et suceurs de sang, que l’on peut soupçonner de transmettre la fièvre récurrente, sont : les Argas, lies Moustiques, les Punaises, les Puces, les Poux, les Mouches. | Nous pouvons écarter de suite l'hypothèse relative aux Moustiques, aux Puces et aux Punaises. 19 Les Moustiques, les Puces et les Punaises ne semblent jouer aucun rôle dans les épidémies de Beni-Ounif. Les premiers n'existent sûrement pas durant les mois d'hiver où la majorité des cas sont constatés. La connaissance exacte que nous avons des mœurs et des gîtes des Anophélines et des Culicines de la loca- lité, que nous pourchassons dans un but antipaludique, nous per- met de l’affirmer. D'autre part, les Puces, si nombreuses chez les indigènes du Tell algérien, manquent complètement dans les régions sahariennes où est situé Beni-Ounif. Enfin, les Punaises n'existent pas dans les agglomérations sahariennes indigènes. On en peut trouver dans la literie et les paquetages des soldats de la redoute, mais celle-ci, située à plusieurs centaines de mètres du qçar, en est bien séparée par un ravin profond et des espaces dé- nudés. D'ailleurs, les indigènes n’y peuvent avoir aucun accès; 20 Argas. — Pour des raisons théoriques, c’est Argas persicus que W. Dünitz (1) soupçonne, a priori, de convoyer le « typhus récurrent européen ». Argas persicus est très abondant à Beni-Ounif de Figuig sur les Poules qui existent dans presque toutes les maisons indigènes et il pique assez fréquemment l'Homme (les indigènes lui don- nent le même nom qu’à la Punaise : bagq). On peut remarquer une coïncidence entre la prédominance hivernale de la spirillose humaine et le fait que l'hiver est la sai- (1) Die rcirtschaftlich wichtigen Zecken. Leipzig, 1907, p. 99. FIÈVRE RÉCURRENTE 363 son la plus favorable à la piqûre des humains par les Argas, car le froid contraint alors beaucoup d’indigènes à coucher dans les parties basses de leurs maisons, qui abritent en même temps les Poules, et où souvent pullulent les Argas dans les fentes des murs. En été, tous dorment sur les terrasses; là, jamais de Poules, jamais d’Argas. Toutefois, il faut noter que les salles de l’infirmerie indigène, où plusieurs cas ont été contractés, sont très propres, on n'y à jamais trouvé d’Argas, et la famille de l'infirmier indigène, qui occupe un petit logement adossé à l’infirmerie, avec cour héber- geant des Poules et des Argas en petit nombre, est restée in- demne tout entière. Les 6 cas contractés, selon toute apparence, sous la tente, c’est-à-dire dans une habitation mobile, n’offrant pas de gites à Argas, s’accommodent mal, semble-t-il, de l'hypothèse Argas- vecteur. Pour les Argas, comme aussi pour les Poux, nous avons cru devoir envisager l'hypothèse du passage de l'infection aux géné- rations filles. Les spirilloses connues, soit aigües (tick-fever, spirillose des Poules, etc.), soit chroniques (syphilis), sont en effet des malades héréditaires dont l’agent passe dans les œufs. Des expériences furent faites dans cette voie. 39 Les Poux du corps sont les ectoparasites les plus nombreux des indigènes misérables en Algérie. À Beni-Ounif, comme ail- leurs, ils en sont rarement indemnes. On sait que les indigènes qui s’épouillent rejettent souvent leurs Poux, sans les tuer, à côté d'eux, et ne les écrasent qu’exceptionnellement entre deux ongles. Mais comme, d'autre part, ils présentent souvent des effractions épidermiques, on peut supposer qu’en se grattant ils écrasent parfois des Poux au contact de ces multiples petites plaies. La contamination plus fréquente en hiver s'accorde fort bien avec l’hypothèse du Pou du corps, car celui-ci, une fois son repas fait, se réfugie toujours dans les plis d’étoffes ou de couvertures. C’est en hiver surtout que les indigènes, qui couchent tout habil- lés, se servent des couvertures qui peuvent ainsi transporter dans une même famille, d’un membre à l’autre, suivant le hasard des rencontres, les Poux qu’elles recèlent. Or, le tableau et le plan que nous avons dressés montrent que nombre des cas qui nous 364% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sont connus ont été précédés, dans la quinzaine, de cas analogues dans leur voisinage immédiat. En été, l’indigène couche sur unesimple natte, en gandoura: ily a beaucoup moins de chances d’infestation mutuelle par les Poux. L'hypothèse du Pou-vecteur s’accommode très bien aussi de la contagiosité faible, restreinte surtout comme étendue, de la maladie. C’est ce que mettent en lumière les observations de contagion à l’intérieur de l’infirmerie indigène : Il. — Mohammed od el Habib En traitement pour syphilis, du 9 au 16 décembre 1907 inclus, est voisin de lit immédiat du malade I, Abd el Moula. Quitte l’infirmerie le 17 pour rentrer chez lui, à Oudaghir. (Figuig.) 17 jours après, le 3 janvier, éclate le premier accès. ORIGINE : Infirmerie indigène (17 jours), ou Oudaghir (?) IT. — Bouzian. Est en traitement pour panaris à l’infirmerie indigène depuis le 7 janvier 1908, voisin de lit immédiat du malade IT. 16 jours après, le 23 janvier, début de l'accès. XV.— Ben Aouali. Depuis le 15 mai 1908, en traitement à l’infirmerie indigène et voisin de lit du XIV, entré à l’infirmerie lui-même le 18, au 3e jour de son premier accès. Le malade XV est atteint le 24. 6 jours d’in- cubation. XVII. — Mohammed od bel Aïd. En traitement depuis le 18 avril 1908, à l’infirmerie indigène pour syphilose pharyngée. Voisin de lit du malade XV, chez qui la fièvre récurrente a débuté le 24 mai. Lui-même est atteint le 30 ou le 31 (6 ou 7 jours d’incubation). Le malade XIV, origine probable de la contagion, entré le 18 mai, était voisin de XV et celui-ci voisin de X VIT. XX.— Boudjemäa. Entré le 18 mai 1908 à l’infirmerie indigène, voisin de XV et de XVII. À couché même dans les couvertures non désinfectées de XV, passé dans une salle d'isolement au 4° ou 5° jour de son premier accès. Début de sa maladie le 4 juin (17 jours d’incubation au maximum). Un autre fait montre aussi combien est faible la contagiosité à distance. Le douar des Mokhazenis qui nous a fourni les 6 cas observés sous la tente se composait de deux fractions provenant de deux tribus différentes, Amour et Beni-Guil, temporairement rapprochées par les besoins du ser- vice. Les tentes étaient contiguës, formant un groupe unique (douar). Les relations étaient constantes entre les deux fractions, mais de voisinage seule- ment entre Amour et Beni-Guil, absolument complètes entre les membres de la même fraction, souvent unis par des liens de parenté. Or, les 6 cas se sont produits dans les tentes des Beni-Guil, aucun chez les Amour. FIÈVRE RÉCURRENTE 30) Pour nous expliquer la conservation du virus, qui disparait vite du sang de l'Homme et qui ne parait pas pouvoir se perpé- tuer chez le Pou, dont la vie n’est pas longue, nous avons pensé à chercher si l'infection se faisait par les Poux fils de Poux infectés. Les Poux de la tête sont absents chez les indigènes mâles, qui nous ont précisément fourni presque tous nos cas. Cette immunité provient évidemment de l'habitude de se raser de très près le crâne, en ne laissant qu'une mèche au sommet. 49 En Juillet 1908, nous venions d'assister, chez un de nos malades, à l’épistaxis critique qui persista pendant plusieurs jours. Le sang évacué par le nez renfermait de nombreux Spi- rilles. L’obstruction des narines provoquait de temps à autre de violents éternuements qui projetaient au loin des gouttes de sang infecté. Un moment après l'examen et les soins donnés au ma- lade, passant dans une chambre voisine, l’un de nous écrasa par mégarde dans sa main, une mouche qu'il fut étonné de voir gorgée de sang. L’examen de ce sang montra des hématies de Mammifères et de nombreux Spirilles mobiles, semblables en tout au Sprrochaete Obermetieri. Cette observation fut le point de départ de quelques recherches. On peut rapprocher, en effet, la fréquence des épistaxis chez les récurrents qui, durant parfois des heures et des journées, souillent le sol, les murs, tous les objets mobiliers autour d'eux, et l'abondance extrême des mouches, surtout en été, dans les milieux indigènes. Dans les expériences dont nous donnons ci-dessous le résumé, et qui ont été inspirées par les considérations épidémiologiques qui précèdent, nous avons appliqué les règles suivantes : Les Acariens ou Insectes utilisés étaient prélevés sur des per- sonnes saines, observées depuis longtemps. Les expériences ont été faites dans les meilleures conditions d'isolement : à Beni-Ounif même (objets de literie et locaux sté- rilisés, surveillance personnelle directe de tous les instants, aide d’un bon auxiliaire indigène); ou bien à Alger (à 1,000 kilomètres), à Constantine (à 1,500 kilomètres) ou à Paris (à 2,200 kilo- mètres). Les sujets sont suivis journellement : la température est prise deux fois par Jour au moins, pendant deux mois après le début 366 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR des expériences, et, le cas échéant, avant celles-ci. Des témoins ont toujours été choisis et conservés avec le même soin. N'’ont pas donné d'infection : 1° Dix essais de transmission par Pediculus vestimenti, de l'Homme au Singe, par piqüre visible ; 20 Un essai de transmission par Pediculus vestimenti de l'Homme au Singe, par infestation de la vêture ; 39 Ont donné une infection : Deux essais de transmission par Pediculus vestimenti, de l'Homme au Singe, par inoculation. : , | avec des et est iaoculé poux ayant un Te son ayant Le singe |sous la peau, ombre REC ) malade ce de RESULTAT le : depuis au ë de spirilles Ca 26 avril 1909 3 53 heures|décours| premier assez Pas d'infection. Rhesus nombreux. Fo. 28 avril 1909 2 53 heures| mili-u premier |non rares. Pas d'infection. Sinensis |28 avril 1909 3 81 heures|décours| premier |non rares. Pas d'infection. 100 12 mars 1908 2 5 jours | début | premier |nomtreux Pas d'infection. Sinensis 2e jour ‘ Zé. 30 janv. 1908 1 5 jours | milieu | premier assez |Sypirilles apparaissent Cynomolqus| 3 fev. 1908 1 6 jours |décours| premier |nombreux le 11 février. nombreux.| Mort le 13 février 8 jours d’incubation. | _ Ka. 3 mai 1909 2 7 jours |décours| premier assez |Spirilles apparaissent) Sinensis 8 8 jours | milieu | premier |nombreux. | le 11 mai nombreux. 8 jours d'incubation. Il Ca. 31 mai 1909 4 9 jours | milieu |deuxième|nombreux. Pas d'infection. Rhesus | | Il Ya. 19 n'ai 1909 1 9 jours |décours| deuxième assez Pas d'infection. Sinensis : nombreux. N’ont pas donné d'infection : 4° Deux essais de transmission par Pediculus vestimentr, fils d’infectés, de l'Homme au Singe, par inoculation ; 50 Vingt-neuf essais de transmission par Pediculus vestimenti, d’Homme à Homme, par piqüre visible ; 69 Ont donné une infection : Deux essais de transmission par Pediculus vestimenti, d’ Homme à Homme, par infestation de la vêture. FIÈVRE RÉCURRENTE 367 reçoit sous se des poux sur ÉRACnE ses S po A £ Le prélevés de son les = . le x s où n malad : ; RÉSULTAT nommé |°uverture à depuis |! AE accès | spirilles et nombre de ou ont vêtementsle F. mère|16 décembrel|au moins 12| la veille | dans les |1r accès nombreux |F. mère montre et 1908 (plus ceux vêtements à . les Ca F. fille non comptés d'un la fin delpremiers spirilles des malade l'accès. | le 28 déc. 1908. couvertures) ayant F. fille montre terminé MEET 2 jours premiers spirilles avant con le 13 janv. 1909. Const. 2| 1er février 15 4 jusqu'à| terme 30 disparus. | Pas d'infection. 1909 8 jours Sah. 30 janver 30 1 jour terme 3e disparus. | Pas d'infection. 1909 Fend. 3 février |(noncomptés|immédia-| terme 2e disparus. | Pas d'infection. et Men. 1909 dans les tement couvertures)| avant M.o.A.| 5 février 50 1 jour terme 2e disparus. | Pas d'infection. 1909 Les deux infections obtenues par l’affectation à des sujets sains de couvertures portant des Poux provenant d’un malade, se sont produites dans les conditions suivantes Les deux sujets F. mère et F. fille sont en observation depuis un mois (15 novembre 1908) dans des locaux désinfectés, dont elles ne sont jamais sorties. Dans les locaux voisins habitent plusieurs personnes, connues depuis longtemps (infirmier et sa famille), qui sont également des sujets sensibles, placés dans les mêmes conditions. Les locaux étant désinfectés et les effets passés à l’étuve, les sujets F. mère et F. fille couchent, à partir du 16 décembre, sous les couvertures qui ont servi au malade Ch., sorti de l’infirmerie le 43 décembre (porteur de Poux assez nombreux). De plus, le même jour, 16 décembre F. fille reçoit 12 Poux prélevés le 15 sur le même Ch., revenu à la consultation. Les deux femmes dorment serrées l’une contre l’autre. F. mère commençait son accès le 28 décembre, et F. fille le 13 janvier. Les sujets témoins, placés dans les mêmes conditions, sauf l’adjonction des Poux et des couvertures pouilleuses, n’ont rien présenté. On peut, d'autre part, rapprocher de cette double expérience les deux contre-expériences suivantes, qui montrent que dans les ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 908 t Mors de Décembre 190$ [11]1t[13f14f1s] HONTE > [ours de la matade (ET NE BE or ci ï M DD an >< 2) << > et == Z == = < Æ. Li Æ | 72 < > [ LU] Le = 1 = << >= Œ | ba Z >< n «4 CL i ["] | ie < = — Œ] — Contamination expérimentale. 11. Fig. FIEVRE RÉCURRENTE 369 circonstances les plus favorables en apparence à la contagion, la seule absence des Poux coïncide avec une immunité complète. 1° Parmi les personnes qui ont été en relations constantes avec nos ma- lades, il y a lieu de souligner l’immunité absolue de infirmier indigène et de sa famille, que les soins à donner aux malades, la préparation de leur nourri- ture mettaient en contact permanent avec eux pendant des mois. Cette famille se compose de l’infirmier, de sa femme, de quatre enfants âgés de 4 à 11 ans, Arabes du Tell, sans doute réceptifs, à coup sûr non immunisés par une atteinte antérieure, mais ayant les habitudes de propreté relative des Arabes des villes du Tell et n'ayant pas de Poux. 20 Bkheira bent H., 25 ans, hartania habite au village européen une maison arabe isolée qui sert de dispensaire aux femmes indigènes vénériennes. Cette femme est vue régulièrement du 10 au 18 mai, à la consultation où elle ame- nait sa fillette atteinte d’entérite. Elle était en parfaite santé. Le 26 mai, elle se présente en fièvre (5° jour de maladie, dit-elle). Le sang renferme des Spirilles, le 27 également, le 28 défervescence. Six jours d’apyrexie. Courte rechute, unique, terminée le 6 juin. Or, depuis le 49 mai, couchent avec elle, au dispensaire : 19 sa fillette au sein ; 2° une jeune prostituée, Aïcha, rigoureusement consignée pour métrite jusqu’au 11 juin; 3° une fillette européenne, âgée de 3 ans, passe toutes les journées avec son amie Aïcha au dispensaire. Aïcha et l'enfant européenne n’ont certainement pas de Poux. Ce sont des sujets sûrement réceptifs. Or, la maison est horriblement mal tenue : c’est un véritable poulailler où couchent et courent constamment une dizaine de Poules. Les crevasses des murs sont remplies d’Argas, même dans la chambre occupée par les deux femmes, qui se plaignent d’être piquées pendant la nuit. Aucun des 3 sujets contaminables n’a été infecté. N’ont pas donné d’infection : 7° Trois essais de transmission par Pediculus vestimentr, fils d’infectés, d’ Homme à Homme, par piqûre visible. 89 Un essai de transmission par Pediculus vestimenti, fils d’in- fectés, d’ Homme à Homme, par inoculation ; 99 Vingt-cinq essais de transmission du virus russe (origine Blumenthal, de Moscou), par des Pédiculines, de Singe ou Sou- ris à Singe ou Souris, par piqûre ou inoculation ; 10° Trois essais de transmission du vrus algérien, par Argas persicus, d’Homme à Homme, par piqûre visible. 119 Sept essais de transmission par Argas persicus, fils d’in- fectés, d' Homme à Homme, par piqûre visible; 129 Quatre essais de transmission par Argas persicus, de l'Homme au Singe, par piqure visible. 24 370 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 139 Quatre essais de transmission par Argas persicus de l'Homme au Singe, par inoculation; 140 Quatre essais de transmission par Acanthia lectularia, de l'Homme au Singe, par inoculation ; 159 Un essai de transmission par Musca domestica, de l'Homme au Singe, par inoculation ; 16° Deux essais de transmission du virus russe, par Cerato-: phyllus fasciatus, de Rat à Rat, par cohabitation ; 170 À donné une infection : Un essai de transmission du oirus russe par contact Sur une peau épilée, chez une Souris. DISSECTION D'ARGAS, DE POUX, DE MOUCHES NOURRIS AVEC DU SANG RICHE EN SPIRILLES Argas. — Spirilles nombreux dans les premières 24 heures, dans la cavité générale de l’Insecte. Leur mobilité, d’abord très vive, diminue de plus en plus et cesse tout à fait vers la 48€ heure. Les Spirilles diminuent de nombre, deviennent granuleux. On retrouve des Spirilles immobiles jusqu’au 5° jour. Après 6 jours, même chez des Argas qui ont été conservés plus ou moins longtemps à la température de 37° ou de 249, on ne voit jamais de Spirilles dans le tube digestif ni dans le liquide de la cavité générale des Argas. Dans l’intestin, on voit des quan- tités de globules rouges de Mammifères et d’Oiseaux, tout à fait intacts, mais agglutinés. Dans la cavité générale, on voit de grosses cellules granuleuses phagocytant des hématies de Mammifères et d’Oiseaux. Poux. — En général, au bout de 24 heures après le repas infec- tant, on ne retrouve plus de Spirilles dans le corps du Pou, tou- tefois, nous avons vu des Spirilles en paquets considérables au voisinage des ovules chez un Pou femelle 32 heures après la suc- cion. D’autres Poux mâles et femelles des mêmes séries ne conte- naient plus de Spirilles. Mouches. — On fait sucer à des Mouches du sang riche en Spirilles provenant des épistaxis du malade Daho (juillet 1908). 24 heures après, le contenu intestinal de ces Mouches montre de hématies bien conservées et des Spirilles intacts, mais immobiles FIÈVRE RÉCURRENTE 374 En conclusion : 1° On a procédé à des expériences de transmission de la fièvre récurrente algérienne d’Homme à Homme, d’Homme à Singe, de Singe à Singe par l'intermédiaire des Argas et des Poux, dans les conditions suivantes : Piqüres visibles, se succédant sur l'organisme infecté et le sain, à des intervalles variés. Injestation de la véture. Inoculation des Insectes broyés. Mêmes expériences avec des Insectes fils des Insectes ayant sucé le sang infecté. 20 Des expériences de transmission par inoculation des In- sectes broyés ont été faites aussi avec Acanthia lectularia, Musca domestica. 30 Des expériences de transmission par piqûre visible ont été faites enfin pour le virus européen avec Pediculus vestimentu, Haematopinus spinulosus, Ceratophyllus fasciatus, et aussi par contact de sang infecté avec une peau épilée, chez une Souris: 49 Pour toutes ces expériences, nous avons noté les faits sui- vants, qui peuvent conditionner les résultats : Chez le malade : Numéro de l’accès; Moment de l’accès; Nombre de Spirilles. Chez l’Insecte : Intervalle de temps depuis la succion de sang infecté ; 59 Dans ces conditions, les expériences étant toutes compa- rables entre elles, nous n’avons eu de résultats positifs qu'avec les Pediculus vestimenti. Pas de résultat positif avec les Argas per- sicus, les Acanthia lectularia, les Musca domestica, les Haemato- pinus spinulosus, les Ceratophyllus fasciatus. Les résultats positifs sont : Infection d’un Singe inoculé sous la peau avec un Pou ayant sucé depuis 5 ou 6 jours un malade au milieu ou au décours de son premier accès. (Dans les 2 cas, 8 jours d’incubation.) Infection de 2 femmes ayant reçu sous leurs vêtements des Poux prélevés sur un malade 2 jours après la fin de son premier accès, et couchant sous des couvertures qui avaient servi à ce malade et qui cachaient de ces Poux dans leurs plis. (Témoins restant indémnes.) 372 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Il faut remarquer ce petit nombre de résultats positifs pour (un grand nombre d’expériences. Peut-être les piqgüres visibles, qui n’ont jamais été suivies d'infection) soumettaient-elles l’or- ganisme des Poux gardés dans des boîtes, entre des morceaux d’étoffes, à de mauvaises conditions pour la conservation du virus tandis que l’infestation des couvertures maïntenait les Poux dans leurs conditions normales de vie en dehors des moments de suc- cion de sang. Nous savons d'autre part que la virulence du virus de l'épidémie que nous étudions est fort fragile. (Voir plus haut les caractères de pathogénéité.) CONCLUSIONS I. Cliniques : Maladie à physionomie clinique très peu variée, bien uniforme la fièvre récurrente du Sud-Oranais est caractérisée surtout : Par son absence habituelle de complications; Par sa bénignité quoad vitam. La symptomatologie la rapproche beaucoup plus de la fièvre récurrente européenne que de la tick-fever africaine. IT. Etiologiques : 4. La longueur du Spirille de l'épidémie sud-oranaise varie de 12 à 18 z., et atteint parfois 24 . Son épaisseur est de 0 4,25 à 0 4,30. Le nombre de tours de spire est de 4, 5 à 8, rarement moins (3), très rarement plus (9). La longueur d’un tour de spire varie de 2,5 à 3 &. La largeur du tour de spire est de 1 # à 1 4,4. Nous rappelons que C. Schellack (1) donne les dimensions suivantes pour les spirilles connus : Longueur. Largeur. Spirochète africain......... 24-30 w 0 ,45 — aMÉrICAIR 6. 17-20 à 0 4,31 — européen....... 19-20 110.439 2. Le Spirille sud-oranais est inoculable directement de l'Homme au Singe (Macacus sinensis, M. cynomolgus, M. inuus, Cynocephalus sphinx), mais non en séries par passages de Singe à Singe. Les inoculations aux Rats et aux Souris n’ont donné que de très légères infections spontanément curables, et quelques passages successifs n’ont pu être obtenus qu'à grand’peine chez des Souris nouveau-nées. Les inoculations aux autres animaux de laboratoire sont restées sans succès. (1) Arb. a. d. Kaiserl. Gesundheisamt, Bd. 27, 1908, f. 2. FIÈVRE RÉCURRENTE 273 3. Les Spirilles du virus algérien sont capables d’infecter un Singe guéri de l'infection par le virus européen. Les Spirilles du virus algérien ne sont pas influencés 17 vitro par la présence de sérum d’animaux immunisés contre le virus russe, Au contraire, les Spirilles du virus russe sont immobilisés, agglutinés, détruits par ce sérum, mais ne le sont pas par le sérum d'animaux immunisés contre le virus algérien. En conséquence, les Spirilles sud-oranais paraissent constituer une espèce ou une race particulière, pour laquelle nous propo- sons le nom de Spirochaete berbera. III. ÆEpidémiologiques : A. — 19 Au point de vue de l'observation directe : 1. Contagiosité de la maladie très faible en dehors de condi- tions de milieu étroitement semblables; très nette entre gens cohabitant dans les mêmes milieux, mais toujours alors restreinte (sauf transport de matériaux véhiculant le contage) au voisinage immédiat des sujets infectés ; 2. Présence constante de Pediculus vestimenti, plus ou moins abondants chez tous nos malades: 3. Absence de vecteur autre que le Pou, sûrement constatée dans un petit nombre de cas de contagion évidente, particulière- ment bien observés dans des conditions très favorables; 4. Présence d’Argas persicus, parfois en grande abondance dans des cas où la contagion ne s’est pas produite (cas de Bkheira) B. — 29 Au point de vue expérimental : Nous avons surtout opéré avec les Argas et les Poux (pour les raisons énumérées ci-dessus), et aussi avec les Punaises (à cause du rôle que leur attribue une opinion classique). Les conditions expérimentales ont toujours été comparables entre elles. Nous avions toujours de bons témoins d’expériences, et l'isolement fut obtenu d’une façon satisfaisante. Seuls, les Poux nous ont donné des résultats, mais dans des conditions particulières, et rarement, eu égard au nombre des expériences. Si ces résultats font penser que les Poux jouent un rôle dans la propagation de l'infection, il reste toutefois encore des inconnues à découvrir. Aucune expérience ne nous a permis d’incriminer les Argas. Enfin, il faut exclure totalement des fauteurs de l’épidémie sud-oranaise : les Puces, les Punaises, les Moustiques. Recherches expérimentales surlaspirillose humaine Par GRAHAM U. SMITH. M. Graham U. Smith a publié, en 1909, un Mémoire (1) où il arrivait, indé- pendamment de nous, aux mêmes conclusions que notre note préliminaire (2) sur le rôle des Pediculus vestimenti dans la propagation de la spirillose humaine de l'Afrique septentrionale. Depuis lors, M. Graham U. Smith a procédé à plusieurs séries d'expériences, dont il a bién voulu nous communi- quer le compte rendu en le mettant absolument et entièrement à notre dis- position. Ce sont ces expériences dont le résumé suit. PSS TEE, 19 N’ont pas donné d'infection : De nombreux essais de transmission par des Pediculus vesti- menti vivants, de Rat à Rat, de Rat à Singe, de Singe à Singe, d’Homme à Singe, de Rat à Homme, d’Homme à Homme. (Sp. Novyi, Sp. Obermeierti, race égyptienne, Sp. Obermeteri, race marocaine) ; 20 N’ont pas donné d'infection : Plusieurs essais de transmission par des Haematopinus spi- nulosus vivants, sauf le suivant : Sp. Novyi. — Un Rat sain pouilleux est placé dans la même cage qu’un Rat infecté le 7 janvier 1909. Douze jours plus tard, le Rat en expérience fut trouvé infecté. RÉSLLÉAEE EROANT AER Positif 30 Les essais de transmission par inoculation de corps de Pediculus vestimentr infectés ont donné les résultats suivants : (1) On somes cases of relapsing fever in Egypt and the question of carriage by domes- tic vermin, 60 p., London 1909. (2) « Fièvre récurrente du Sud-Oranais et Pediculus vestimenti » Bull. Soc. pathol. exot., t. I, p. 174-176, 1908. SPIRILLOSE HUMAINE 379 NOMBRE INTERVALLE : DATE de cuite Jar enecion | INGUBATION RÉSULTAT Pediculi,. et l’inoculation. | ExPÉRIENCE 1, — Sp, Obermeïieri (race égyptienne). Cercopithèque. 1 AVE... | 60 | 18 heures. | 6 jours, | Positif. ExPéRiENCESs Il, III, IV. — Sp. Novyi. Rat. 3 décembre ...…. 3 24 heures. Négatif, 8 décembre .... b) 27 heures. 8 jours. Positif. 17 décembre ...… 10 72 heures. 6 jours. Positif. ExPÉRIENCE V. — Sp. Obermeieri. Rat. | 4 mars son. | 4 | 72 heures. | | Négatif. | Dans l’expérience (4), les Pediculi ne furent pas nourris durant les 72 heures d'intervalle, mais dans l'expérience (5) les Pediculi furent nourris deux fois sur un animal sain avant l’inoculation à un Rat. Toutes les inocu- lations se firent sous la peau, sauf celle de l’expérience (3) qui fut intra- péritonéale. 49 On donné une infection : 2 essais sur 4 de transmission par dépôt de sang infecté sur la peau d’un rat épilé ou non; 59 N’ont pas donné de résultat : des essais d’infection d’un Singe par ingestion de sang infecté; 6° Le sang de 2 convalescents n’a pas été infectant pour une Souris et pour un Singe; 79 Dans des préparations à l’état frais de corps de Poux ayant sucé du sang infecté, on ne trouve plus de Spirilles mobiles après la 4° heure. Dans des préparations colorées, on trouve des Spi- rilles à laspect normal sur quelques lames encore après 48 heures. Une épidémie de fièvre de Malte dans le département du Gard Contribution à l'épidémiologie de la fièvre de Malte en France ‘” Par P. AUBERT, P. CANTALOUBE, E. THIBAULT (Avec la planche VI.) En janvier et février 1909, une maladie à allure épidémique qui fut alors attribuée à de la grippe infectieuse sévissait dans la commune de Saint- Martial (Gard). L'un de nous, médecin à Sumène, qui avait donné ses soins à tous les habitants de la région épidémiée, frappé par la symptomatologie particu- lière de cette maladie, avait dès le mois d’août porté le diagnostic clinique de fièvre de Malte; il avait également à cette époque adressé des prélèvements de sang à un laboratoire de bactériologie en vue d’obtenir confirmation de ce diagnostic. Les résultats de ces examens, pratiqués d’ailleurs tardivement, furent négatifs. D'autre part, dans le courant d’octobre 1909, la presse parisienne rela- tait cette épidémie de « grippe infectieuse » de Saint-Martial, dont elle faisait ressortir la morbidité et la mortalité élevées. « Sur 630 habitants environ, on avait enregistré 106 cas ayant entraîné 40 décès. Un grand nombre de malades étaient alités depuis plusieurs mois. » Ce dernier détail, insignifiant en apparence, éveilla l'attention des deux autres signataires de cet article. L'un d’eux avait en effet signalé (2) quelques mois auparavant l’exis- tence à Marseille d’une affection ignorée jusqu'alors dans le midi de la France, la fièvre de Malte, qui est une maladie de durée fort longue le plus souvent. En outre, dans la plupart des observations recueillies à Marseille et Se rapportant à cette affection, le diagnostic de « grippe » avait été celui auquel les médecins traitants s’étaient arrêtés le plus volontiers. L’épidémie de grippe infectieuse de Saint-Martial était-elle une épidémie de fièvre de Malte? (1) Le départ du Dr Augerr pour l’Institut Pasteur de Brazzaville a déterminé un retard dans la réception et la publication du mémoire. IN DST 0Rh2 (2) La fièvre de Malte ou fièvre ondulante à Marseille, par SIMOND, AUBERT, BLANCHARD et ARLO. (Comptes rendus de la Société de Biologie, 18 mai 1909.) La fièvre de Malte à Marseille, par SIMOND, AUBERT, BLANCHARD et ARLO. (Bulle- tin de la Société de Pathologie exotique du 21 juillet 4909.) Rercherches sur l'existence de la fièvre de Malte à Marseille et dans le midi de la France, par SIMOND, AUBERT, BLANCHARD et ARLO. (Annales d'hygiène et de médecine coloniales, janvier, février, mars 1910.) FIEVRE DE MALTE 311 M. le conseiller de préfecture Porraz voulut bien nous mettre en rela- tion avec M. le Dr CLarou, médecin des épidémies de l’arrondissement du Vigan, qui nous adressa à Marseille, avec des renseignements cliniques sur les malades, des prélèvements de sang effectués chez 5 convalescents. Quatre de ces malades sur 5 avaient un sérum agglutinant le Micrococcus melitensis au taux de 1/20 et 1/60. L'Institut Pasteur, nous ayant alors accordé une Subvention pour aller étudier sur place cetteépidémie, nous prenions contact le 10 novembre avec le Dr CANTALOUBE, à qui nous faisions part du but de notre mission et de notre opinion sur la nature probable de l’épidémie de Saint-Martial. Une collaboration fut décidée; nous avons fait déjà connaître dans deux notes préliminaires à la Société de Biologie (1) les résultats généraux de cette enquête, résultats que nous allons exposer en détail. ke La commune de Saint-Martial est située dans cette région montagneuse du département du Gard, qui constitue les premiers contreforts du massif des Cévennes, Le hameau de Saint-Martial est relié à Sumène par une route qui traverse les agglomérations moins importantes du Viala et de Sanissac. Tout autour de Saint-Martial, du Viala et de Sanissac, exis- tent un grand nombre de fermes isolées et assez éloignées les unes des autres. L’affection qui a sévi sous forme épidémique à Saint-Martial ne s’est point localisée à ce village. On l’a observée également au Viala, à Sanissac, dans les nombreuses fermes situées tout autour de Saint-Martial et dans celles qui bordent la route de Sumène à Saint-Martial. On a aussi enregistré quelques cas isolés à Sumène et à Saint- Romans-de-Codières. Les routes de Sumène à Saint-Romans-de-Codières, de Sumène au Viala, du Viala à Saint-Romans, délimitent une zone assez étendue dans laquelle on ne rencontre aucun groupement important, mais un très grand nombre de fermes dans lesquelles il n’a pas été constaté de cas de maladies identiques à ceux de (1) Une épidémie de fièvre de Malte dans le département du Gard, 1909, par P. Au- BERT, P. CANTALOUBE et E. THIBAULT. Séances du 20 novembre 1909 et du 17 jan- vier 1910. 378 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR la zone contaminée précédemment décrite. Cette région est indi- quée sur le plan que nous avons dressé (voir PI. VI), sous le nom de zone saine. Elle est englobée géographiquement dans la zone contaminée. Les habitants de toute cette région (zone conta- minée, zone saine) sont en majeure partie des agriculteurs. Les produits variés du sol, les animaux de basse-cour (volailles, lapins, porcs), constituent avec le lait de chèvre consommé cru ou sous forme de lait caillé ou de fromages, la base de leur ali- mentation habituelle. Peu ou pas de viande de boucherie, autre que celle de porc frais ou salé. Chaque famille possède un nombre variable de chèvres, de une à deux en général. Seuls, quelques propriétaires plus aisés font l'élevage du mou- ton. Le lait des brebis est presque exclusivement réservé à la nourriture des jeunes agneaux. Dans le cas contraire, il est trans- formé en fromages. Les chèvres, les porcs, les brebis, les lapins sont les animaux domestiques les plus communs. On ne rencontre pas de bovidés. Les équidés sont excessivement rares. Les écuries dans lesquelles stabulent ces différents animaux méritent une mention particulière. Chaque maison ou ferme pos- sède presque invariablement des chèvres et des pores. Chèvres et porcs ont des écuries distinctes. Les écuries réservées aux pores, en parties couverte, en partie à ciel ouvert, sont la plupart du temps des cloaques de boue et d’immondices. Les chèvres sont logées dans des étables basses, mal éclairées, mal aérées. Le sol est inégal, rempli de nombreux interstices entre lesquels s’accu- mulent les excréta de toute nature. Aucun aménagement n’est d’ailleurs prévu pour l'issue de ceux-ci à l'extérieur. Lorsque les chèvres ne peuvent aller paturer au dehors, leur nourriture leur est donnée le plus souvent sur le sol, parfois dans des auges ou des rateliers peu élevés, mobiles, qui peuvent de ce fait être faci- lement souillés. L’étable des chèvres abrite également les mou- tons et les lapins. Comme dans la plupart de nos campagnes en France, il n'existe pas de dispositif pour l'évacuation des matières fécales. Cette évacuation se fait par le système très simple du tout-à- la-rue ou du tout-à-létable. L’étable aux chèvres sert normale- ment de cabinets d’aisances. FIÈVRE DE MALTE 379 Les premiers cas de fièvre de Malte ont été observés à Saint- Martial-hameau en janvier 1909. La maladie apparaît à la même époque dans les localités de la Devèze, Mas de Couly, Monsou- muech, Blaquisses, au Viala et à Sanissac, ainsi que dans les fermes de Pinoche, de Carcelade, du Bruguier, de Montredon. Trois communes en définitive ont été atteintes simultanément : celles de Saint-Martial, de Sumène et de Saint-Romans-de-Cor- dières. Dans le tableau suivant (tableau I), nous donnons, afin de bien préciser l’exactitude des faits que nous relatons et qui ont TABLEAU I. SYMPTOMES OBSERVÉS CC —_ des malades, lo.alités. Ind'cation des Diarrhée Congestion. Névralgies. Arthralgiés. Asthme nerveux Nodes séro-diagnostics Sudations. Début de la maladie. Durée de la maladie. Hémorrhagies. Troubles de la Menstruation. Séro-diagnostics | Nombre de rechutes. Constipation. (Je) + + | 357| Saint- |[Janv.| Conva-|: Martial. /1909./le-cent. La Janv.| Conva- Devèze.|1909 .|lescent. + 622 Le (Janv. Conva- Viala. |1909./lescent. +. + 7/Saninac.|Janv.| Conva-|’ 1909 .'lescent. Pinoche.|Janv.|9 mois. 1909. Carce- |[Janv.|7 mois. lade. 1909. Bru- Janv.| Conva-|: guier. [1909 |lescent. Montre-Janv.| Conva- don. |1909./lescent,. (Le signe + indique que le symptôme a été observé). (Le signe ++ indique que le symptôme a été très accusé). 380 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR une importance capitale au point de vue épidémiologique, le schéma clinique avec les résultats positifs des séro-diagnosties de Wright, d’un certain nombre de malades choisis parmi les premiers atteints dans les différentes communes de la région contaminée. Nous pensons ainsi mettre suffisamment en relief le mode d'apparition de cette maladie qui a présenté ce caractère d’exten- sion rapide dans le temps et l’espace particulier à certaines épi- démies d’origine hydrique, telles que les épidémies de fièvre typhoïde. La pollution des eaux de source fut d’ailleurs incriminée à ce moment par certains praticiens de la région. Le diagnostic de fièvre typhoïde était discuté concurremment avec celui de grippe infectieuse. Les premiers cas de fièvre de Malte auxquels nous venons de faire allusion ont été immédiatement suivis d’autres très nom- breux. En février et mars, on assiste alors à une poussée épidé- mique brutale qui frappe et qui alite une grande partie de la population. Il y a peu ou pas d'individus valides dans certaines agglomérations. À Sanissac, par exemple, petit village ne comprenant que 18 familles, 11 sont atteintes. De même au Viala où 10 familles sur 12 sont également atteintes. À Saint-Martial, 40 sur 68. Puis les cas diminuent en avril, deviennent très rares en juin et mai. En juillet, on ne constatait plus de cas nouveaux. A cette époque, le taux de la morbidité et de la mortalité générales de la zone contaminée, comprenant les communes de Saint-Martial, de Sumène et de Saint-Romans, étaient les sui- vants : Sur une population de 3,650 habitants environ, on avait enre- gistré 179 cas de cette maladie ayant entrainé 9 décès, soit une morbidité et une mortalité générales, par rapport au chiffre de la population, de 40 0/0 et de 0,2 0 /0. Ces chiffres, bien qu’élevés, ne peuvent cependant pas donner une idée exacte de l'intensité avec laquelle cette épidémie a sévi dans un certain nombre d’agglomérations qui ont été plus parti- culièrement éprouvées, comme celles de Saint-Martial, du Viala et de Sanissac. La ville de Sumène et la commune de Saint-Romans n’ap- FIÈVRE DE MALTE 381 portent en réalité, avec une population assez dense, qu’un nombre de cas peu élevés dans la morbidité générale. En effet : A Sumène-ville, on a observé 24 cas et 2 décès sur une popu- lation de 2,500 habitants, soit une morbidité de 0,9 0 /0 et une mortalité de 0,008 0 /0. Dans la commune de Saint-Romans, sur 500 habitants, 13 cas et 1 décès, morbidité : 3,5 0 /0; mortalité : 0,2 0 /0. Au contraire : A Saint-Martial, sur 250 habitants, on constate 60 cas et décès, donnant une morbidité de 24 0/0 et une mortalité de 0, / D Qt Due le hameau du Viala, qui ne comprend que 40 habitants, il y a eu 23 cas et un décès : soit une morbidité de 57,5 0 /0 et une mortalité de 2,5 0 /0. A Sanissac, sur 88 habitants, 29 cas et un décès : morbidité, 32 0 /0, mortalité, 1,10 0 /0. Dans ce chiffre de 179 malades, que nous avons donné comme représentant la morbidité générale de la zone contaminée, nous n'avons fait figurer que les personnes dont l'affection a pré- senté au point de vue clinique un ensemble de symptômes indis- cutablement liés à une infection par le Micrococcus melitensis. Parmi ces malades, 75 sur 80 nous ont donné, au point de vue séro-diagnostic de Wright, des résultats positifs aux taux de 1 /20 et 1/60. € IT La fièvre de Malte est-elle d'importation récente dans le dé- partement du Gard? En juillet 1909, un de nos confrères de Nîmes (Gard), le D' NÈGRE, nous relatait verbalement l'observation d’un malade de sa clientèle, qui avait fait en 1907 et 1908 une maladie fébrile de longue durée, au cours de laquelle les diagnostics de fièvre typhoïde, de grippe, de congestion chronique du foie et entériteavaientété successivement portés. Pendant la convalescence, à l’aide des commémoratifs, le malade fut reconnu comme ayant été atteint de fièvre de Malte et ce diagnostic fut confirmé bactériologiquement. Un certain nombre de médecins de Nîmes auxquels nous avons exposé dans une conférence la symptomatologie clinique de la fièvre de Malte, nous ont affirmé qu'ils avaient eu, eux aussi, occasion d’observer des cas de cette affection qu'ils n’avaient pas su diagnostiquer à cette époque. 382 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR A Quissac (Gard), le Dr CrREs, qui est installé depuis 5 ans dans cette localité, distante de quelques kilomètres de Sumène, est très affirmatif sur l'existence de la fièvre de Malte dans la région qu'il dessert. Son opinion est d’autant plus digne de créance que ce praticien a été appelé à examiner des malades avec nous à Saint-Martial et que nous avons dans la suite confirmé par la séro-réaction des diagnostics de fièvre de Malte qu'il nous avait adres- sés. À Saint-Martial, enfin, l’un de nous a enregistré des cas isolés de cette maladie remontant à une époque assez éloignée, en 1906. Les données précédentes permettent d'affirmer qu'il existait avant 1909 un foyer de fièvre de Malte dans le département du Gard, et nous devions de ce fait renoncer à rechercher l’origine réelle de l'épidémie de Saint-Martial. Nous devions nous borner à en déterminer les facteurs. Nous avons alors procédé à des visites domiciliaires chez les habitants des agglomérations qui ont été les plus éprouvées : A Saint-Martial et dans les fermes voisines de Saint-Martial, au Viala et à Sanissac. Au cours de ces visites, les habitants nous faisaient part d’un fait qui les avait vivement frappés et inquiétés et dont ils avaient vainement. demandé et recherché l'explication. En décembre 1908 et janvier 1909, une maladie épidémique avait sévi sur leurs chèvres. Cette maladie s'était manifestée par un nombre considérable d’avortements. Ce renseignement qui nous fut donné dès notre arrivée dans le pays devait nécessairement aiguiller notre enquête dans une voie particulière. Il était indiqué, en effet, d'examiner si cette épizootie caprine pouvait être rattachée à une infection de ces animaux par le Micrococcus melitensis; si, d’autre part, ce premier point étant établi, cette épizootie caprine pouvait être considérée comme ayant été le point de départ de l'épidémie humaine Afin d'éliminer les causes d’erreur qui sont inévitables lorsque à priori on essaie de démontrer la valeur d’une hypo- thèse, nous avons concurremment apprécié et discuté dans nos investigations le rôle qu’auraient pu jouer dans l’épidémie de Saimt-Martial les autres facteurs reconnus actuellement comme étant capables de pouvoir propager la fièvre de Malte, tels que la pollution des eaux de source, le transport du germe par l’in- termédiaire d’insectes piqueurs, la transmission par contact d'homme malade ou d’animal infecté (autre que la chèvre) à FIEVRE DE MALTE 389 l'homme sain. Aucun d’eux ne nous à paru susceptible de pou- voir expliquer l'apparition dans la zone contaminée d’une épi- démie dans les conditions particulières que nous avons signalées. Chaque agglomération, chaque ferme s’approvisionne en eau potable à des sources empruntées à des nappes d’eau très différentes. L’épidémie a débuté en plein hiver, à une époque de l’année où les insectes de toute espèce sont rares. Enfin, la transmission par contact eût d’abord déterminé des épidémies de famille, de quartier, de rue, d'agglomération, et cela n’a pas été le cas de l'épidémie que nous avons étudiée. Si on regarde cependant la carte de la zone contaminée, on se rend compte que presque toutes les agglomérations atteintes sont situées sur ou à proximité des grandes voies de communi- cation. | L’épidémie semble avoir suivi de préférence ces routes de com- munication d'accès facile. Elle a respecté au contraire toutes les fermes de la zone saine auxquelles on n’accède que par des sen- tiers plus ou moins praticables. Et l’on serait tenté de penser, en faisant abstraction de la notion de simultanéité de l’apparition de la maladie dans toute l’étendue de la zone contaminée, que l'épidémie a suivi la voie des communications terrestres, véhiculée par l’homme ou l’a- nimal. L’explication de cette particularité sera donnée dans le cha- pitre suivant. III En nous basant sur les travaux de ZaAmmrtr, de BRUCE, de Ch. Nicozze et d’'Edm. SERGENT, qui ont montré le rôle de cer- tains animaux domestiques, des chèvres en particulier, dans la transmission et la propagation de la fièvre de Malte, nous avons examiné systématiquement tous les animaux domestiques de la zone contaminée et de la zone saine, afin d'établir le rôle de cha- cun d’eux dans la genèse de l’épidémie de Saint-Martial. Dans les tableaux qui suivent, nous considérons comme infectés (1) tous les animaux nous ayant donné un sérum agglu- (1) Le terme de « infecté » doit être pris dans le sens très large d'infection anté- rieure ou d'infection récente, sans détermination précise. Dans ce tableau, ne figurent pas 46 Chèvres sur lesquelles nous n’avons pu obtenir de renseignements précis sur l'avortement (propriétaires absents). 384 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tinant macroscopiquement le Micrococcus melitensis au taux de 1/20. Nous estimons que cetaux de 1 /20 avec lequel nous avons recherché le pouvoir agglutinant des sérums, est suffisant pour établir la spécificité de la séro-réaction dans les conditions de technique et d'examen des résultats que nous allons exposer. Nous avons utilisé pour ces séro-diagnostics des cultures sur gélose tuées par le formol. Les cultures, au moment de l'emploi, étaient diluées dans de l’eau physiologique et versées en quantité déterminée (19 gouttes) dans de petits tubes à agglutination de 5 centimètres de haut sur 4 à 5 millimètres de diamètre intérieur. Chaque tube à agglutination recevait ensuite une goutte de sérum provenant du prélèvement de sang d’un animal déterminé. Les tubes à agglutination étaient examinés après un laps de temps variable, de 1 à 4 heures en général. Nous n'avons considéré comme résultats positifs que les séro- réactions dans lesquelles le sérum étudié avait déterminé dans les tubes une clarification complète de l’émulsion microbienne. Cette agglutination massive était visible à l'œil nu : un tube té- moin permettait un contrôle facile. Nous avons adopté cette technique afin d'éviter les pertes de temps inhérentes aux manipulations exigées par la séro-réaction microscopique. Nous avons pu de cette façon faire l'élimination complète des cas douteux. Nous pensons en effet qu’une aggluti- nation macroscopique, s’effectuant dans un temps déterminé (de 1 à 4 heures), indique que le pouvoir agglutinant du sérum étudié vis-à-vis du Micrococcus melitensis n’est pas limité à ce taux de 1/20. Il y a d’après nous une relation assez étroite entre l’in- tensité du pouvoir agglutinant d’un sérum donné et la rapidité avec laquelle ce sérum clarifie complètement l’émulsion micro- bienne. C’est cette relation qui nous fait considérer comme étant très positifs, bien qu’au taux de 1 /20, les résultats obtenus chez les animaux que nous donnons dans les tableaux ci-dessous. L'époque tardive à laquelle ces examens ont été effectués (un an environ après le début de l’épizootie) ne nous ont pas per- mis d'obtenir de résultats positifs avec la lacto-réaction que nous avons pratiquée chez un certain nombre de ces animaux. Nous avons également tenté la lacto et l’hémoculture sans aucun résultat positif. TABLEAU II Résultats des examens pratiqués chez les animaux domestiques à Saint- Martial-hameau et dans les fermes voisines de Saint-Martial. A. Maisons contaminées. : je “È CHÈVRES | MOUTONS LAPINS 1 & Si = 39 | —_-_/— D. Ne = nn INITIALES LE 3 É É 28 ÿ à | en Hello melon Shen LE ÉMIS chef de famille. Se e E a É Ex p É E É E 8 Ë ë re DRE SA Pi LAS 2 ON EE ë £ A DAME RER er 9 4 9 3 2 » » il 0 Heu DES ONE Ne 2 4 0 2 0 » | » 2 (] METRE SE ISEA TS B) 3 { l 0 » » 2 1 DÉNACREMMNES mer { 2 0 » » » » 9 0 DSP NE PRE 3 2 0 » 0 » » 2 0 R'N ALERT a 1 6 2 3 9 » » 3 0 SR RS Te 3 3 3 3 9 » » » » DATE. Mania 1 6 9 4 2 » » 9 0 2 KO D RRAIEPPRRES 2e 2 3 3 2 1 1 ] » » EMMDE Ce SALE o 2 0 2 0 » » » » £ \ CNRS An il 2 0 2 0 » » » » £ De PANNE eu . 2 2 9 2 > » » » » LAN NS EN ERNREREE GA) DES OS APPRIS AS RES OS NA SAIS EEE EEE 9 6 { 3 1 » » 3 0 SE SO ERE 9 2 2 2 2 » » » » IL NES RS PR REUE 3 » » » » » » » » | NPD Due er 2 | 17 AS I ones. D'ME anR | AUOT ER RC, 9 6 3 2 » » 4 5) PSE. et AP 2 3 2 3 2 » ) » » | 76 27 54 29 1 Il 24 3 | É ; à La Vigne LTÉE 3 4 3 4 D] » » » » = MEatRoque tree 2 4 3 4 3 » » » » ÆANLerGalinier...... 2 2 0 9 0 » » » » £ | La Mare... AE 70 00 1 0e APN LATE ESS Lo 2 | La Devèze..….. 1 UNS DEUST REP ERTA REN 2 8 | M. de Cou y... SO ee 0 ER OO le NE G S / Moussoumuech...| 2 3 1 3 I » » » » PH Bo Ben ie. 2 | 410 FD LESC PLUS) LE EN TON LA " = ÎLa Mare.......... SAS D AS Doc) ds. 6 | M. Barnier...…...| 1 | 14 5 ea AN RE AE Re RE EN DE PAINCOUdOUNIE.. .... | 2 5 1 4 1 4 0 » » £ GAMPASE TE ere 1 40 1 4 1 6 0 » » É- Cr ee. — | 91 18 D0 18 21 0 10 0 380 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR TABLEAU II (Suute.) B. Maisons indemnes. CHÈVRES MOUTONS LAPINS TL TEL INITIALES du chef de famille. NOMBRE des malades TOTAL des animaux examinés. TOTAL des animaux infectés. Examinées Infectés Examinés. Infectés Examinés Infectés to = DO 22 Lg > Saint-Martial. is: B. R. S. S. B. V. avr D. D. B P. B. © 92 NO RO RO > NO 22 & RO MPourade+ \ Moussoumuech . : Moussoumuech. Fermes voisines de St-Martial. = TABLEAU III Résultats des examens pratiqués chez les animaux domestiques du Viala, (Maisons contaminées. Maisons indemnes). We 2 # CHÈVRES | MOUTONS | LAPINS 2 E © ei Le DH = un 2 RS ES INITIALES CMS ES IE ET 2 Fe < E E S £ = n mñ mn 0 . So SE lesS ls ENS chef de famille. Ù À p |E on & = rs = cs) = D Z m D © D = © £ 2 2 d Ce] = _ æ = a = ms TD a = 5 El É El La = A] 4 ] a Ju DEA] EUR EP TELE où 3 9 9 9 9 » | » » AS AN OA PS 2 5 2 2 () 312 » (ENTRER DRE 1 41 2 { 1 16 21001 » DRAC DR D Le 1 8 4 4 3) 2 0 2 (CRI JDE SERRE 2 4 1 9 { Din » 1144 L'EAU 2 7 3 2 2 ei he: 3 BAM ENA Te 1 4 { 4 À » | » » USE 2 2 il 2 1 » | » » D UE 3 8 1 EP LE na SE CM ee DSP EM RE 2 3 3 3 3 Dre END » 54 20 25 14001822 5 # FIÈVRE DE MALTE 387 TABLEAU IV Résultats des examens pratiqués chez les animaux domestiques de Sanissac. (Maisons contaminées. Maisons indemnes.) MOUTONS INITIALES du chef de famille. NOMBRE des malades. des animaux examinés. des animiux infectés Examinées | Infectées. \ Infectés. Examinés. | | Examinés | += DO RO > > RO He RO LO O9 = 19 N % RSSUSIRys hr | Infectés. Æ- À O1 = 9 C9 KO RO 19 Re NN © = © 1 19 ND OS CS 1 EE > ©2 © red 9 19 & © = 19 Si on additionne dans les tableaux IT, III, IV les chiffres relatifs aux animaux examinés et aux animaux infectés) : 1° Dans la zone contaminée, on voit que : Sur 383 (chèvres, moutons, lapins), 95 sont infectés, soit 24,1 0 /0. Les Équidés, Porcs, Chiens, Chats, Cobayes ne sont pas mentionnés sur les tableaux. Leur rôle paraît négligeable dans l’épidémie, car sur 43 de ces animaux, seuls 4 Cobaye et 1 Chat nous ont donné un résultat positif. 29 Dans la zone saine : Sur 84 (chèvres, moutons, lapins), un seul animal a été reconnu infecté, une chèvre qui avait été achetée récemment à un proprié- taire de la zone contaminée. En somme : dans la zone contaminée, nous trouvons 30 0 /0 environ de chèvres infectées. 388 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Dans la zone saine, 100 0 /0 d’animaux sains. Dans le tableau suivant (tableau V), nous avons inscrit les chiffres indiquant les proportions respectives d'animaux infectés. 19 Dans le groupe des maisons contaminées de Saint-Martial et fermes voisines de Saint-Maurice, du Viala, de Sanissac ; 20 Dans le groupe des maisons saines. TABLEAU V A ANIMAUX ANIMAUX ANIMAUX | ÉOCECIRES examinés. infectés. infectés 0/0. ® & | Saint-Martial et 157 45 28,6 0/0 = © 2 7 e | Fermes. © d'a / AE = Le Viala. 54 20 37 0/0 Fe Sanniac. 81 27 33 0/0 À Î | Totaux. | 292 | 92 | 31,5 0/0 cm Saint-Martial et 49 3 6,3 0/0 2 2 5 Fermes. NE SE © Le Viala. 1 (] 0 0/0 = Er Sanniac. 41 0 00/0 | 91 | 3 | 3,4 0/0 Ce tableau confirme les résultats précédents, puisque dans le groupe des maisons contaminées, nous trouvons 31,5 0/0 d’animaux infectés, alors que dans le groupe des maisons saines le pourcentage d’animaux infectés est insignifiant : 3,4 0 /0. Ce chiffre est d’ailleurs donné par 3 lapins provenant de la maison S. H. (Tableau n° IT, suite). Il y a donc un parallélisme très marqué entre l'infection hu- maine et l’infection animale. De tous les animaux, les chèvres sont ceux qui ont été recon- nus infectés dans les proportions les plus élevées. Sur 213 chèvres : 67 infectées, soit 31,9 0 /0 Sur 74 moutons : 7 infectés, soit 1,9 0 /0 Sur 96 lapins : 20 infectés, soit 20,8 0 /0 FIÈVRE DE MALTE 389 Nous avons déjà fait allusion dans le chapitre précédent à cette épizootie qui avait sévi en décembre 1908 sur les chèvres de la zone contaminée, épizootie qui s’était manifestée unique- ment par un nombre considérable d’avortements chez ces ani- maux. On se rend compte à la lecture du tableau VI TABLEAU VI CHÈVRES CHÈVRES AVORTÉES NON AVORTEÉES A : Mae 4 TOTAL Infectées. |[Noninfectées.| Infectées. Non infectées. | Zone contaminée . 48 als 16 85 164 | Zone saine....... 0 0 1 35 36 MOAIPREPEEE 63 127 46 chèvres sans indications précises sur l'avortement ne figurent pas sur ce tableau. Que : 19 Seules les chèvres de la zone contaminée ont avorté; 20 Sur 164 chèvres, 63 ont avorté, soit le 38,4 0/0; 39 71 0/0 des chèvres avortées ont été reconnues infectées, Si maintenant faisant abstraction des moutons et lapins sur lesquels nous reviendrons ultérieurement, nous voulons nous rendre compte de ce qui a pu produire chez les chèvres à une époque déterminée une épizootie pareille, nous voyons qu’en août et septembre 1908, la majeure partie des habitants de la zone contaminée avaient envoyé, pour les faire couvrir, leurs chèvres (au nombre de 250 environ) dans une ferme située à peu de distance de Saint-Martial, la ferme de Blaquisses. 146 chèvres parmi celles que nous avons examinées ont été cou- vertes à Blaquisses, 61 de ces chèvres sont infectées, soit 42 0 0. Les 64 chèvres restantes qui ont été couvertes ailleurs qu’à Blaquisses ne donnent que 8 animaux infectés, soit 12,5 0 /0. Dans la zone saine, aucune chèvre n'a été couverte à Blaquisses 390 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cette année 1908. Aucune n'a avorté et nous trouvons dans cette zone 100 0 /0 de chèvres saines. Nous avons signalé à la fin du chapitre IT ce fait particulier que les agglomérations et les fermes contaminées se trouvaient toutes à niveau ou à proximité des routes : routes de Sumène à Saint-Martial, de Saint-Romans au Viala. Ces routes sont en réalité celles qui conduisent le plus facile- ment et le plus directement à la ferme des Blaquisses. Toutes les fermes de la zone saine accèdent difficilement à la seule route praticable qui les conduirait à Blaquisses, la route de Saint-Romans au Viala. Encore cette route obligerait-elle les habitants à un long parcours et c’est la raison pour laquelle les propriétaires font couvrir leurs chèvres sur place. Il a été montré que les chèvres de Malte et de Murcie ont été, lors de leur importation dans des pays indemnes de fièvre de Malte, l’origine des premiers cas observés de cette maladie. Ces chèvres qui sont recherchées pour leur qualité de bonnes laitières ne sont pas rares dans les départements du Gardet des Bouches- du-Rhône. Il existe à Marseille un commerçant qui importe direc- tement de Malte des boucs et chèvres de cette race, et nous avons eu connaissance récemment d’un cas de fièvre de Malte contractée par un habitant de Marseille qui avait consommé le lait d’une chèvre maltaise achetée au commerçant auquel nous faisons allusion. Nous avons recherché si, dans la zone contaminée et à Bla- quisses principalement, des chèvres ou boucs de races maltaises ou de Murcie n’avaient pas été introduits récemment. L’épizootie de 1908 paraît bien autochtone; nous ne pouvons cependant apporter aucune preuve formelle à ce sujet, car lépi- démie de fièvre de Malte de Saint-Martial paraît avoir dépassé les limites de la région qui a fait seule l’objet de notre enquête. Cette région faisant partie de la clientèle de l’un de nous était celle dans laquelle nous pouvions recueillir plus facilement nos renseignements. Il est très probable que l'épidémie de Saint-Martial a été un noyau important d’une épidémie plus étendue qui s’est manifes- tée dans les régions voisines du Gard et du département limitrophe, FIÈVRE DE MALTE 391 l'Hérault (1); il serait par conséquent osé de nier la possibilité d’une importation de virus par des caprins d’origine étrangère. L’infection des chèvres de la zone contaminée peut également s'expliquer sans l’intervention des caprins de race étrangère. Les troupeaux indigènes (chèvres et moutons) sont souvent en contact dans la montagne avec les troupeaux transhumants qui possèdent du bétail algérien. Les moutons algériens sont expédiés dans toute la France. Il y en a sur les marchés de Ganges (Hérault) et de Sumène. Les ovidés de provenance algérienne ne peuvent-ils pas être infectés dans des proportions aussi élevées que celles que nous avons trouvées chez les moutons de la zone contaminée, et dans ce cas ne pourralent-ils pas être incriminés comme facteurs dans l'épizootie caprine. Enfin, nous devons admettre aussi que la fièvre de Malte existant depuis une certain nombre d'années dans le département du Gard, depuis un certain nombre d’années, nos chèvres indi- gènes ont dû présenter une infection à microcoque qui n’a pas été soupçonnée Jusqu'à aujourd’hui. A Calvison (Gard), un éleveur nous à dit avoir eu il y a 4 ans une mortalité très élevée dans son troupeau de chèvres. Nous incriminerions d'autant plus volontiers le microcoque dans cette épizootie que le chevrier fut atteint à cette époque d’une tuberculose à pronostic fatal, tuberculose dont il se rétablit en très peu de temps et qui rappelle bien la phtisie méditerranéenne. Pour toutes ces raisons, il n’est pas possible de préciser lori- gine réelle de l’épizootie caprine. Nous ne pouvons qu’indiquer son point de départ : la ferme de Blaquisses et dire que la réunion seule d’un nombre considérable de chèvres dans cette ferme a été une condition favorable à l’infection de tout le troupeau. (1) Des cas de fièvre de Malte nous ont été signalés dans l'Hérault : 1° A Cesseron, par les Drs BABEAU et PEYROT; 20 À Vaquières et Amiane et Saint-Jean-de-Fosse, par le Dr CRÉS; 39 À Saint-Martin-de-Londres, par les Drs CARRÉ et DALART. A Amiane et Saint-Jean-de-Fosse, il y aurait actuellement une petite épidémie de fièvre de Malte chez les propriétaires de bétails et les bouchers. La plupart des ani- maux qui sont dirigés sur ces localités sont achetés sur le marché de Sumène, lequel reçoit le bétail de la zone contaminée. Depuis le 1°° janvier 1910, MM. LAGrIFFoULz et RocEer. de l’Université de Montpellier, ont publié une série de notes à l’Académie des Sciences et à la Société de Biologie qui mettent en évidence la grande diffusion de la fièvre méditerranéenne dans le département de l'Hérault. 392 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CONCLUSIONS La fièvre de Malte est une affection endémique en France depuis un certain nombre d’années. Il n’est pas possible de préciser l’époque à laquelle cette maladie a été importée chez nous; il est probable que son appa- rition a coïncidé aveec l'introduction dans notre pays de chèvres maltaises, de Murcie, de Sicile... en un mot de chèvres provenant de pays où cette affection existe et est connue depuis longtemps. L'existence de la fièvre de Malte dans les départements du Var, des Bouches-du-Rhône, de l'Hérault et du Gard, permet de penser que le domaine géographique de cette maladie en France est plus étendu qu’on ne le supposait. Il existe un foyer important de fièvre de Malte dans le dépar- tement du Gard, dans les Cévennes, région où les chèvres sont extrêmement abondantes. Dans le Gard, les renseignements que nous avons recueillis ne permettent pas de supposer que la fièvre de Malte ait pu être observée, antérieurement à 1909, autrement que sous forme de cas isolés. L’épidémie de fièvre de Malte de 1909 est unique dans les annales médicales de notre pays. Au point de vue clinique, bactériologique, épidémiologique, l'épidémie de Saint-Martial est nettement une épidémie attri- buable à une infection par le WMicrococcus melitensis. L’épidémie de Saint-Martial a été précédée d’une épizootie caprine qui est directement liée, elle aussi, à une infection parle microcoque. Cette infection s’est traduite chez ces animaux par des avor- tements très nombreux. L’épidémie humaine a été la conséquence directe de l’épidé- mie caprine. Les habitants de la zone contaminée consommaient tous une grande quantité de lait de chèvre. Les chèvres de la zone contaminée infectées ont commencé à donner du lait peu de temps avant le début de l'épidémie humaine. L’épidémie de Saint-Martial a été une épidémie d’origine lactée. Son mode d'apparition, rappelant le mode d’apparition de cer- taines épidémies d’origine hydrique,ne permet pas de considérer les autres facteurs, reconnus actuellement comme capables de FIEVRE DE MALTE 393 transmettre la maladie, comme ayant pu être en cause dans l’épi- démie actuelle. L'origine réelle de l’épizootie caprine de 1909 nous échappe. Cependant, la réunion d’un troupeau important de chèvres dans la ferme de Blaquisses a été une des conditions qui peuvent seules expliquer l'infection d’un aussi grand nombre d'animaux, quelles que soient l’origine, la provenance des animaux qui ont dans cette ferme contaminé leurs congénères. Les animaux domestiques autres que les chèvres, moutons et lapins n’ont pas présenté de réaction d'infection, sauf un cobaye et un chat. Chèvres, moutons, lapins, cobayes vivent dans la même écu- rie. Cette écurie sert de cabinet d’aisances à la maison. Il peut donc y avoir eu contamination des animaux entre eux, si un groupe quelconque de ces animaux était infecté et contamination des animaux par l’homme, si celui-ci a été atteint en premier lieu. Les moutons, dans l'épidémie actuelle, ne paraissent pas avoir joué un rôle aussi important que les chèvres. Ils ont été reconnus infectés dans des proportions moins éle- vées que ces dernières. Le lait des brebis n’est presque jamais consommé cru, il est toujours transformé en fromage et le plus souvent laissé pour la nourriture des jeunes agneaux. Cependant,les fromages de brebis infectées quisont consom- més sur place ou vendus au dehors peuvent transporter avec eux le germe de la maladie. Il serait utile de soumettre à l’expéri- mentation la question dela vitalité du Micrococcus melitensis dans les différents fromages. Il y aurait lieu de contrôler si le microbe peut persister au-delà de 48 heures comme cela a déjà été signalé. Les lapins se sont montrés sensibles à l'infection par le Micro- coque dans des proportions très élevées. Nous avons expérimenté à Marseille sur un lot considérable de lapins. Aucun d’eux ne nous a donné de séro-réaction microscopique positive, même au taux de 1 /10. L’infection de ces Rongeurs n'avait pas été signalée jusqu’à présent. Si l’expérimentation démontrait que ces animaux éli- minent le microbe dans les mêmes conditions que les chèvres (par l'urine), les lapins constitueraient des animaux dangereux peur 294 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR la dispersion du germe, étant donné qu’ils s’expédient en très grand nombre sur tous les marchés de France. Ensuite, la rapidité avec laquelle ces animaux se multiplient dans une ferme déterminée peut également contribuer à créer dans cette ferme des foyers latents d'infection propres à consti- tuer une endémicité chez les animaux réceptifs de toute espèce qui cohabitent avec eux. L’épidémie de Saint-Martial doit attirer l'attention des pou- voirs publics et des hygiénistes. Nous devons compter dès maintenant avec une maladie qui s’est manifestée dans le Gard avec une intensité aussi grande. Des dispositions législatives devront être prises en vue d’ajeuter la fièvre de Malte à la liste des maladies infectieuses dont la décla- ration est obligatoire. Il est nécessaire que des mesures soient prises ayant pour but d'interdire ou de surveiller l'importation en France de caprins de provenance de Malte, Murcie, Sicile. Leur introduction en France devra se faire sur un point déter- miné de la côte ou de la frontière. Étant donné que les chèvres peuvent être un facteur d’insalu- brité, nous préconiserons avec le Dr Wurrz, à qui nous emprun- tons ces lignes, «la surveillance des chévreries en cas d’épidémie, l’isolement des animaux, la crémation du fumier, une désinfec- tion rigoureuse des étables. Il faudra également recommander aux habitants de s’abstenir de boire du lait de chèvre cru, de con sommer du lait caillé, des fromages frais. » Nous sommes persuadés, avec le D' Wurrz, que la recherche systématique de la fièvre de Malte dans les villes du Midi de la France où la morbidité par fièvre typhoïde est donnée comme très élevée, à Marseille par exemple, fera baisser sensiblement le taux de cette morbidité, la fièvre de Malte étant très souvent confondue avec la dothiénentérie. La prophylaxie respective de ces deux maladies ne pourra que bénéficier de ces recherches. TECHNIQUE FROMAGÈRE Théorie et Pratique (avec les planches VII et VIIT), par P. MAZÉ, Chef de Service à l'INSTITUT PASTEUR. Dans les mémoires que j'ai publiés en 1905, j'ai fait ressortir l'action prépondérante des ferments lactiques dans l'industrie froma- gère. J'ai substitué ainsi à la diversité des conceptions théoriques qui régnaient sur ce terrain, l'unité de principe, de laquelle découle l'unité technique, bien que celle-ci se manifeste, dans ses détails, sous des aspects très variés. Cette conclusion, appuyée par des recherches de laboratoire et les résultats de leurs applications à l'industrie, n'a fait que s'affirmer davantage à mesure que des études nouvelles élucidaient les points laissés dans l'ombre. Ce sont les résultats de ces études que je me propose de résumer et de grouper dans l’ordre naturel des opérations pratiques, de façon à permettre aux praticiens d'en saisir la portée. Je n'ai pas besoin de rappeler qu'ils n'ont été considérés comme définitivement acquis, qu'après des vérifications multiples, faites, comme toujours, dans le laboratoire et dans l’industrie. Sans doute, le sujet est loin d’être épuisé ; le lait restera une sub- stance mal connue tant que la physiologie n'aura pas établi ses pro- priétés et pénétré le mécanisme de l'élaboration de ses constituants, tant que la chimie n'aura pas déterminé la composition exacte des matières azotées qu'il renferme. Mais l’industrie laitière à peu de profit à tirer de la solution de ces problèmes ; ce qu'elle veut con- naître, ce sont les conditions qu'elle doit réaliser pour préparer des denrées alimentaires avec le concours d’auxiliaires très nombreux, les microbes. En n’envisageant que ce côté de la question, on peut dire que nous sommes mieux fixés sur la nature des difficultés qu'elle 396 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR soulève et je pense que les principes que je vais exposer, de même que les indications qui en découlent, ne feront que se fortifier avec le temps. Ni ces principes, ni ces faits, ne sont d'accord avec ceux que la chimie ou la bactériologie nous ont enseignés jusqu'ici. Si la bac- tériologie ne s'est pas aiguillée dès l'origine sur la bonne voie, c’est à la chimie qu'il faut en faire remonter la responsabilité. La chimie a commencé par définir les fromages ; elle s’est appuyée pour cela sur un nombre considérable d'analyses ; elle a constaté, par exemple, que dans les fromages affinés, les matières azotées se pré- sentent sous deux états : l'état soluble et l'état insoluble. En faisant le rapport des deux catégories de substances, au moment où les fromages sont reconnus bons pour la consommation, elle a obtenu des coefficients de maturation auxquels elle a attribué la vertu de définir chaque variété de produits. Cette définition est arbitraire et ne correspond à aucune visée pra- tique. En la prenant comme base d'une technique existante, c'est-à- dire en considérant ainsi le problème résolu, la bactériologie a été conduite à rechercher des microbes peptonisants et à leur accorder une importance qu'ils ne possèdent pas. Elle est partie sur une pente dangereuse et elle n'a pas tardé à sentir le terrain se dérober sous ses pas. Les praticiens ne cherchent pas à provoquer la solubilisation de la caséine ou sa dégradation, et si ce résultat tient une certaine place dans leurs préoccupatiors, ils ne nourrissent, en réalité, que le souci de l’éviter. Pour eux, le fromage n'est autre chose que l'extrait insoluble du lait, plus ou moins essoré, el débarrassé aussi complètement que possible du sucre de lait, ou des dérivés qu'il forme par voie de fer- mentation. Pour atteindre ce but, il n’est pas nécessaire de chercher à obte- nir la solubilisation de la caséine ; elle se produit néanmoins, mais elle apparaît comme un résultat secondaire, presqu'un mal néces- saire. Tous les efforts du praticien tendent à limiter ce mal, à faire en sorte que la caséine solubilisée se dégrade le moins possible. La première condition à remplir, c'est d'éviter l'intervention des ferments peptonisants proprement dits ; cette condition est facile à réaliser. La seconde, c'est d'assurer le développement des ferments utiles en quantité convenable, tout en ne mettant en œuvre que leurs pro- priétés comburantes à l'égard du sucre de lait ou de ses dérivés. C'est là le point délicat du problème, car on conçoit que tous les microbes capables de se développer dans le lait sont en mesure d'emprunter leur azote à ses matières azotées. Lorsque le sucre de lait vient à manquer, ces microbes portent donc leur activité sur les matières azotées ou les matières grasses, et dès lors, ces deux caté- gories de substances qui, théoriquement, doivent rester à peu près TECHNIQUE FROMAGÈRE 397 intactes, subissent des transformalions qui ne sont pas dans l'ordre ; la quantité du produit s'en ressent. L'action des microbes comburants (1) doit donc s'étendre au moment même où le sucre de lait, ou pour mieux dire, l'acide lac- tique disparaît. Il n'existe pas de moyens physiques ou chimiques d'obtenir ce résultat. C'est l'empirisme qui a découvert le seul qui peut être utilisé : les associations microbiennes. Mais ce moyen ne réussit pas toujours ; il se trouve en défaut chaque fois que les fer- ments comburants prennent trop de développement et mesurent à leurs antagonistes, les ferments alcalinisants, une place qu'ils doivent leur abandonner tout entière. Comme c'est le sucre de lait qui les nourrit, il est nécessaire de leur mesurer cet aliment. On y parvient facilement en réglant l'égouttage. Nous voici donc ramenés à la pratique, et Ja manipulation que la théorie nous indique comme fondamentale, est aussi la pre- mière opération à laquelle procède le fromager. Ainsi ressort toute l'importance de l’égouttage. Il suffit d'ailleurs de s'arrêter un 1ins- tant à la définition que je viens de donner, pour saisir les relations qu'elle présente avec le rôle dévolu à l'égouttage dans l'élimination du sucre de lait. Les praticiens savent par expérience que tout le succès de la fabrication dépend de l’égouttage : mais ils en ignorent les raisons, de même qu'ils ne sont pas bien fixés sur le rôle des facteurs qu'ils mettent en œuvre pour bien réussir cette opération. Mais avant d'aborder ces points essentiels, il est bon de passer en revue les propriétés des microbes qui prennent une part utile et indispensable au travail de fermentation, dont le caillé est le siège ; il sera en effet, nécessaire de les rappeler à chaque instant dans la discussion des méthodes techniques, que je vais entreprendre dans ces mémoires. IT. — SÉLECTION MÉTHODIQUE DES FERMENTS DES FROMAGES A PATE MOLLE. J'ai déjà exposé les caractères des trois catégories de microbes qui interviennent dans la préparation des fromages à pâte molle, ainsi que leurs propriétés chimiques et leurs rôles respectifs dans les associations qu'ils forment. En les classant par ordre d'importance, ce sont les ferments lactiques qu'il faut placer au premier rang, puis (1) J'envisagerai uniquement dans la première partie de ce travail la fabri- cation des fromages de Brie, de Camembert et de Coulommiers. Ces fromages présentent en effet les associations microbiennes les plus complexes ; celles qu'on rencontre dans les autres variétés de fromages n’en sont pour ainsi dire que des cas particuliers. Je désignerai, par l'appellation de € microbes comburants », les champignons qui forment la flore superficielle du caillé acide ; sous le nom de « ferments alcalinisants », je réunirai les bactéries qui produisent le « rouge ». Tous ces microbes sont à la fois des ferments du sucre de lait et de la caséine. 398 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR viennent les champignons qui forment la flore superficielle ; ceux-ci sont des agents de combustion, des ferments comburants, chargés de détruire le sucre de lait et l'acide lactique ; quand ils ont. ter- miné leur travail, ils doivent céder la place à des bactéries, les ferments du « rouge » ou ferments alcalinisants, qui se présentent, avant tout, comme les antagonistes des champignons. Caractères des ferments lactiques industriels. Aucune désignation n'est plus élastique que cette appellation de ferments lactiques, donnée à des microbes capables de produire de l'acide lactique,; on rencontre en effet des ferments lactiques dans toutes les classes de microbes, et il ne serait pas difficile de montrer que beaucoup d'espèces capables de produire de grandes quantités d'ammoniaque aux dépens des matières azotées, forment en même temps de l'acide lactique, dont la présence est masquée par un excès d'ammoniaque. L'industrie laitière qui recherche avant tout des fer- ments acidifiants très actifs est limitée dans son choix. Les ferments lactiques industriels doivent en effet, produire 12 grammes d'acide lactique par litre de lait écrémé, évalués en pré- sence de phénolphtaléine comme indicateur. Dans ces 12 grammes sont compris les 16 à 18 décigrammes que représente la réaction nor- male du lait frais. La fermentation lactique ne produit donc en réa- lité que 10 à 11 grammes d'acide lactique. Il y aurait lieu de défalquer encore de ce chiffre une faible quan- tité d'acide acétique qui accompagne toujours l'acide lactique ; mais un des caractères essentiels des ferments industriels, c'est preisé- ment de ne former que des traces d'acide acétique ; l'alcool qu'on trouve toujours dans les cultures pures de ferments lactiques, ne doit être représenté non plus que par des traces. Le pouvoir acidifiant des ferments industriels est en raison directe de leur puissance de multiplication. Si l’on porte l’âge d'une cul- ture sur l’axe des abscisses, le taux d'’acidité et le nombre de microbes sur celui des ordonnées, on obtient deux courbes à peu près paral- lèles, jusqu'à une limite d’acidité qui oscille dans le voisinage de 10 grammes d'acide lactique par litre. L'acidité de 1 % correspond donc très approximativement à la population maximum de ferments vivants. Comme la pratique réclame surtout une population de fer- ments actifs, l'acidité de 1 % doit être considérée comme une limite qu'il est toujours avantageux d'atteindre lorsqu'on se propose de pré- parer des levains de ferments lactiques. L'acidité peut dépasser ce chiffre : mais le nombre de ferments lactiques n'augmente pas ; on constate au contraire une décroissance rapide à partir du troisième jour, même à la température ordi- naire. Le pouvoir acidifiant des fermenis lactiques se traduit par la rapi- TECHNIQUE FROMAGÈRE 309 Fig.1.—1,2,3. Fermentslactiques. —1. Ferment lactique à éléments fins (gélose). 2. Eléments moyens (gélose). — 3. Gros éléments (lait). 4, 5, 6. Ferments alcalinisants. 400 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dité avec laquelle ces microbes font coaguler le lait, car les fer- ments lactiques industriels ne secrètent pas de présure. Les espè- ces qui produisent la coagulation du lait dans le temps le plus court, toutes choses égales d'ailleurs, sont aussi celles qui donnent le taux d’acidité le glus élevé, et par conséquent le coagulum le plus ferme. L'aspect du lait caillé est un indice qui a une valeur pratique ; il doit être ferme, homogène ; il n'exsude pas de sérum si on ne le brise pas par agitation ; lorsqu'on l’'émiette par un moyen quelconque, on n’observe pas de dégagement de bulles de gaz. Les caractères morphologiques des ferments lactiques ne peu- vent pas être utilisés dans la différenciation des espèces ; ce sont des coccobacilles ovoiïdes, isolés ou groupés par deux ou plusieurs éléments dans le lait (fig. 1) ; les longues chaînes ne se forment que dans les bouillons artificiels (fig. 2) ; si on en observe dans le lait, on peut affirmer qu'on se trouve en présence d'une espèce plutôt nuisible. Leurs dimensions sont très variables ; mais ce caractère ne permet pas non plus de préjuger de leur valeur (fig. 1). Ils trou- blent les bouillons de culture, propriété qui les distingue des strep- toccoques vrais, dont les cultures ne se troublent pas uniformément. L'aspect des colonies constitue un moven de différenciation très intéressant car les ferments industriels produisent indistincte- ment des colonies transparentes, très petites, lorsqu'elles sont ser- rées, plus larges lorsqu'elles sont espacées, mais toujours aplaties, translucides et bleuâtres par transparence. Beaucoup d'espèces de ferments acidifiants, très répandues aussi dans les laiteries, pro- ROUSSEL l'ig. 2 — Ferment lactique. Chaïinette en milieu artificiel. Le même que celui de la figure 8. duisent également des petites colonies ; mais elles sont saillantes, opaques, fréquemment colorées en jaune. Ce sont aussi des ferments TECHNIQUE FROMAGÈRE 401 lactiques, peu actifs, caractérisés par ce fait, qu'ils résistent à une température de 75°, 80° et même 85°, pendant cinq minutes, sans qu'on puisse cependant affirmer qu'ils produisent des spores. Les colonies de ferments lactiques industriels se colorent avec le temps ; c'est un pigment qui se forme après la mort des microbes ; il donne aux colonies une teinte ocreuse assez foncée ; cette coloration post mortem n'est pas caractéristique des fermeñnts lactiques ; les ferments des maladies des vins présentent les mêmes modifications ; il n’en est pas moins vrai qu'elle constitue un renseignement utile lorsqu'on se trouve en présence des microbes du lait ou des fromages. Lorsqu'on ensemence des milieux solides avec des ferments lac- tiques, les colonies sont visibles à l'œil nu au bout de 24 heures à la température de 25° ; si elles sont serrées, elles grossissent très peu ; on peut donc les distinguer en raison de leur aspect et de leur fixité, de celles que produisent les autres espèces microbiennes. Les praticiens arrivent très facilement en utilisant des tubes de gélose tout préparés, à contrôler eux-mêmes la pureté de leurs fermenta- tions ; le procédé est tellement simple qu'ils y. recourent d'une façon habituelle, dès qu'ils l'ont vu appliquer une fois (V. pl. VIII. Les ferments qui réunissent tous les caractères que je viens d'indi- quer ne peuvent pas être utilisés dans l'industrie sans plus ample informé ; on leur réclame en effet d’autres propriétés qui ne peuvent être mises en évidence que par des essais pratiques, je veux dire la faculté qu'ils possèdent de produire des substances sapides ou aromatiques sans lesquelles ils sont dépourvus de tout intérêt. La production des bouquets et de la saveur des beurres, tels que les consommateurs les réclament est dévolue exclusivement aux fer- ments lactiques ; on les a attribués à un commencement d’altération de la matière grasse, c'est-à-dire à un commencement de rancissure. Dans les cultures pures de ferments lactiques faites à l'abri de l'air, il se forme peu d'acides volatils, et celui qu'on trouve c'est l'acide acé- tique et non l'acide butyrique. Si on s'est cru autorisé à formuler une telle opinion, c'est parce que l'expérience prouve que les beurres de ferme sont plus aroma- tiques que les beurres industriels, tout en étant plus altérables. Au lieu de voir dans ces résultats la superposition de deux actions bio- logiques différentes, on a trouvé plus simple de les considérer comme des degrés d'un même phénomène. Il est facile pourtant de cons- tater que dans la crème acide, les ferments lactiques exercent une action prépondérante, sinon exclusive ; l'analyse bactériologique et la chimie qui intervient par l'acidimétrie, sont d'accord sur ce point. Dans le beurre il en va tout autrement ; le beurre est une substance faiblement acide à laquelle les eaux de lavage ont enlevé le sucre de lait, source d'acidité, et l'acide lactique préalablement formé : le terrain redevient donc favorable aux ferments produc- teurs d'acide butyrique et il n'est nullement nécessaire pour expli- quer la présence de ce corps, d’invoquer la saponification des matières 26 402 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR grasses ; les ferments butyriques trouvent dans le beurre assez de caséine et d'acide lactique pour donner naissance à des quantités sensibles d'acide butyrique qui vient masquer le bouquet primitif et modifier la saveur laissée par les ferments lactiques. Il existe cependant une pratique assez curieuse qui permet de com- muniquer aux beurres insipides que produit parfois l'industrie, une saveur agréable de beurre de qualité, il suffit d'y introduire une petite quantité de beurre rance. L'illusion dure quelques heures. J'ignore jusqu'à quel point cette opinion est fondée, mais le palais est un instrument d'analyse bien imparfait ; il a l'illusion facile ; il confond bravement la saccharine avec le saccharose ; ses erreurs ne se comptent pas et c’est de son inexpérience que les fasricants de succédanés tirent le plus clair de leurs revenus. Le seul moyen d'aborder cette question de goût par l'expé- rience, consiste à examiner les produits renommés par leurs qualités naturelles. C’est donc aux beurres de quelques rares fermiers d'Isi- gny qu'il faut s'adresser. Depuis sept ans que je les analyse au point de vue bactériologique, j'ai toujours constaté qu'ils ne renferment qu'un petit nombre d'espèces de ferments lactiques et nul autre représentant des autres classes de microbes n'apparaît sur les cul- tures. Voilà une conclusion qui a sa valeur ; les meilleurs produits de la laiterie sont donc obtenus avec le concours de ferments lac- tiques à l'exclusion de toute autre espèce microbienne. Si ces beurres sont plus aromatiques que les beurres industriels, c'est tout simple- ment, comme je l'ai déjà dit, parce que la matière fermentescible est beaucoup plus abondante pour une même quantité de matières grasses. Les'ferments lactiques n’agissent en effet que sur la caséine et le sucre de lait, et c'est aux dépens de ces substances que se for- ment les produits sapides ou odorants. Bien d’autres microbes sont capables de produire des bouquets agréables dans le lait acide ou même alcalin. Parmi les premiers on trouve les mycodermes et les oïdium. Quelques bactéries donnent naissance à des substances odo- rantes qui rappellent à s'y méprendre, l'odeur agréable des cultures du bacille pyocyanique ; mais les denrées peuplées de ces espèces sont toujours de qualité ordinaire ou médiocre. IT est donc possible de communiquer à des graisses quelconques les qualités gustatives des beurres en les émulsionnant avec du lait écrémé ou entier, que l’on fait fermenter avec des ferments lac- tiques. Je ne pense pas me tromper en affirmant que cette pratique qui recherche l’« illusion vraie », sert de base à des industries importantes et prospères, et cependant ces industries n'utilisent généralement que des matières grasses privées de butyrine ; comme il arrive souvent, ces industries avaient appliqué la bonne théorie sans la découvrir. Si j'insiste sur ce point délicat, c'est parce que nous trouverons l'application du même principe en fromagerie. TECHNIQUE FROMAGÈRE 403 Il reste maintenant à examiner l'action des ferments lactiques industriels sur la caséine. J'ai déjà dit en m'appuyant sur les tra- vaux de Freudenreich et sur mes essais effectués dans l'industrie fromagère, que les ferments lactiques solubilisent une fraction faible mais dosable de caséine. Lorsqu'on ensemence du lait stérilisé à 120° avec des ferments lac- tiques, on constate que la caséine coagule au bout de quelques heures. Cette coagulation est due à l'acide lactique ; la caséine coa- gulée conserve son aspect indéfiniment dans un tube scellé à la lampe ; de là à conclure que les ferments lactiques sont exclusive- ment des ferments du sucre de lait et ne font subir aucune modifica- tion à la caséine, il n’y a qu'un pas et ce pas a été franchi. Mais si on veut bien se rappeler que ces microbes se développent plus vite que les espèces concurrentes dans le lait, qu'ils y prédomi- nent toujours, il faut bien admettre qu'ils en tirent plus facilement et plus vite que ces dernières, les éléments nécessaires à leur déve- loppement. Cette prédominance tient pourtant en partie à un ensemencement plus abondant à l'origine ; mais il n'en reste pas moins que les fer- ments laciiques empruntent leur azote aux matières azotées en sus- pension ou à l'état colloïdal, ce qui revient au même, et sécrètent par conséquent de la caséase. Mais la caséase n'a plus d'action sur la caséine à partir d'un certain degré d'’acidité, voilà pourquoi la caséine coagulée reste intacte en apparence. L'arrêt des cultures est provoqué uniquement par l'acidité et non par l'épuisement des matières azotées assimilables. En neu- tralisant l'acidité on doit done pouvoir faire plusieurs cultures suc- cessives de ferments lactiques dans le lait. C'est en effet ce que l'on observe ; mais on constate que la durée de coagulation à 30° aug- mente beaucoup avec le nombre des cultures, ce qui s'explique faci- lement par la quantité de lactate de soude qu'on accumule ainsi dans le lait. Le tableau suivant montre la façon dont se comportent les cultures successives. TABLEAU I ire culture 2e culture. 3e culture Temps de coagulation........... ; 12 heures. 24 heures. 4 jours. Aciditetinalesparlitre "#64 40,5 gr. Jar: 7,5 gr. Dans la pratique on est quelquefois obligé de saturer partielle- ment l'acidité du lait, avant de le soumettre aux manipulations appro- priées à l'usage que l’on veut en faire. Les chiffres de ce tableau prouvent que la fermentation qui suit cette opération n'évolue pas de la même facon que la première. Si l’on veut la réaliser dans le même temps et la pousser aussi loin, il est nécessaire d'employer de plus grandes quantités de levain. Mais quelque soin que l’on prenne pour atténuer les mauvais effets de ces procédés de redressement, les résultats ne sont jamais 404 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR aussi avantageux que ceux qu'on obtient avec du lait qui n’a pas subi de fermentation. Il existe des moyens très simples de prévenir ces accidents, comme on le verra plus loin ; il est donc indispensable d'y recourir, car il vaut mieux prévenir les altérations que d'y porter remède. La possibilité de réaliser ainsi plusieurs cultures successives dans le lait, permet déjà de supposer que les ferments lactiques se déve- loppent aux dépens des matières azotées insolubles. Il est du reste facile de constater que la quantité d'azote filtrable, augmente avec le nombre des cultures. Freudenreich a montré que la caséine subit une véritable digestion sous l'influence des ferments lactiques, en présence d'un excès de carbonate de calcium, destiné à permettre à la caséase sécrétée d'agir en milieu faiblement acide. Il n'est même pas nécessaire d'introduire du carbonate de cal- cium dans les cultures, pour établir la solubilisation partielle de Ia caséine en suspension, par les ferments lactiques. Cette conclusion se déduit des chiffres du tableau II qui résume les résultats four- nis par deux ferments ; le premier n'est autre que le sireplococcus lebenis de Rist et Khoury, qui se rencontre avec le ferment bulgare dans le leben, le voghourth, ete., et qui appartient au groupe des ferments lactiques à gros éléments, tout en se distinguant des espèces communes par la propriété de se développer à 950-55°, et aussi par son pouvoir acidifiant plus énergique. Le second est un ferment industriel. Pour amplifier les résultats, je les ai exprimés par le rap- port de l'azote total à l'azote filtrable. Les chiffres relatifs aux laits témoins, ont été obtenus en partant de tubes de :lait stérilisés à 120°, en même temps que ceux qui ont servi aux cultures, traités par de l'acide lactique à 1 %, piacés à l’étuve avec les cultures et sou- mis à l'analyse en même temps que ces dernières. TABLEAU II Durée des cultures... 1 jour. 2 jours. 6 jours. 10 jours. Laits témoins......... 10,66 40,49 10,59 » Kermentno rer 10,56 9 » 8,35 » Fermentno 10,20 8,3 7,97 72 51 on place en regard de ces résultats les chiffres qui expriment l'acidité des cultures, on constate que le n° 1 qui produit une acidité de 1,66 %, a moins d'action sur la caséine insoluble que le n° 2, dont le pouvoir acidifiant, plus faible, donne naissance à une acidité com- prise entre 1 et 1,1 %. Cela prouve une fois de plus que la solubili- sation de la caséine est gênée par l'acidité ; mais il faudrait bien se garder de conclure de ces chiffres que le n° 1 sécrète moins de caséase que le n° 2. Là ne se bornent pas les modifications que les ferments lactiques apportent à la caséine. Le résidu insoluble, présente des propriétés que ne possède pas le coagulum obtenu par l'acide lactique seul. TECHNIQUE FROMAGÈRE 405 Essoré entre des feuilles de papier buvard, le premier s'élire en fil, lorsqu'on le met en contact avec un fer chaud et qu'on le retire brusquement ; le second ne manifeste rien de semblable. Cette par- ticularité, connue des praticiens, est utilisée pour suivre les transfor- mations du caillé sous l'influence de la fermentation lactique, dans la fabrication de certains fromages. D'un autre côté, le sérum préparé par filtration des cultures de ferments lactiques est limpide et reste tel à l'ébullition ; celui qu'on obtient avec du lait coagulé à froid en présence de 1 % d'acide lac- tique est également limpide, mais se trouble fortement à l’ébullition par la coagulation des albumines. Si on porte à 100° le lait entier coagulé par l'un et l’autre procédé, on constate que le lait fermenté présente un coagulum aggloméré, formant une masse unique qui se désagrège difficilement par agitation ; le lait acidéfié artificielle- ment fournit un coagulum floconneux qui s'émiette à la moindre secousse. On voit donc que les ferments lactiques, même les plus actifs, solu- bilisent la caséine en milieu acide ; si le caillé devient alcalin, la solubilisation est plus sensible ; mais il importe qu'elle ne soit pas accompagnée d'une dégradation avancée des matières azotées ; ce résultat serait plutôt nuisible, car ies peptones et autres produits de désagrégation plus simples qui comprennent les acides amidés et l'ammoniaque, communiquent au fromage une saveur désagréable et forte, un bouquet qui ne peut être agréé que par les amateurs de goûts de terroir, qui ne sont pas la majorité parmi les consomma- teurs. Voilà pourquoi les ferments lactiques doivent rester les agents directs de la maturation des fromages, car ce sont les seuls ferments qui envahissent entièrement le caillé et les seuls aussi qui soient capables de réaliser la solubilisation partielle et régulière de toute sa masse, sans masquer les qualités gustatives qu'ils y ont en même temps développées. Les champignons ou ferments comburants. Le caillé des fromages à pâte molle se recouvre à partir du deuxième jour, d'une végétation superficielle où l'on trouve des représentants d'un grand nombre d'espèces de champignons. Les espèces utiles appartiennent aux genres mycoderma, oïdium et Peni- cillium. Parmi les mycodermes, j'ai isolé trois espèces distinctes qui se différencient par leurs caractères morphologiques et par l'aspect des cultures (fig. 3). Les représentants du groupe oïdium sont très nombreux, et il est probable que sous le nom d'oidium lactis on a étudié plusieurs espèces différentes. J'ai isolé : 1° Oidium camemberti, répandu dans toutes les laiteries ; cultivé sur gélose neutre additionnée de 2 % de saccharose, il se développe 406 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mal ; sur gélose acide il forme un enduit finement plissé ; ses spores sont cylindriques (fig. 4) ; v. ROUSSEL Fig. 3. — Mycoderme. Fig. 4. — Oïdium camemberti. 2° Oidium farinosum, plus rare que l'espèce précédente qu'il rem- place pourtant dans quelques fromageries ; produit des cultures abondantes sur milieu neutre ou faiblement alcalin ; ensemencé en strie, il forme sur la gélose une traînée épaisse finement plissée, couverte d'une poussière blanche formée par les spores qui sont ovoides et d'inégal volume (fig. 5) ; Fig. 5. —0Oiïd,. farinosum. Fig. 6. — Oïdium humi. 3° Oidium Gueraldi donne des cultures très abondantes sur gélose sucrée neutre, leur surface est luisante, lisse, rarement plissée ; TECHNIQUE FROMAGÈRE 407 spores cylindriques ; cette espèce est très rare ; elle a été isolée par M. P. Guérault. 4 Oidium humi, très prolifique aussi sur milieu sucré solidifié ; . produit des files de spores cylindriques qui s'agrègent en faisceaux visibles à l'œil nu, donnant aux cultures un aspect grossièrement velouté ; cette espèce est très répandue dans le sol et dans les eaux (fig. 6) ; 5 Oidium lenuis fournit des cultures peu envalissantes, fine- ment gaufrées rappelant les cultures de tuberculose ; son mycélium et ses spores cylindriques ont un diamètre deux fois moindre, 4 pu que celui des espèces précédentes (7-9 w ) ; il se rencontre surtout dans les beurres (fig. 7). Fig. 7 — Oïidium tenuis. Parmi les Penicillium, les espèces utiles sont : le P. Album, le P. Candidum, le P. Glaucum Roqueforli (fig. 8) ; chacune de ces espèces présente un certain nombre de variétés qui se distinguent surtout par l'aspect macroscopique des cultures et par l'abondance des spores qu'elles produisent. Tous ces champignons indistinctement détruisent le sucre de lait et l'acide lactique qui sont leurs aliments carbonés par excellence ; ils attaquent aussi bien la caséine et les matières grasses, mais, je le répète, la caséine ne doit être détruite que dans la mesure où elle assure leur nutrition azotée ; quant aux matières grasses, elles doi- vent rester intactes. J'ai mesuré leur pouvoir comburant vis-à-vis de l'acide lactique Sur des cultures d'égale surface et de même épaisseur, effectuées sur du petit lait solidifié par de la gélose. L'’acidité initiale constituée par de l'acide lactique à 8,3 grammes par litre (Tableau III). 408 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Ces chiffres montrent que les mycodermes dont le développement est rapide, sont cependant des agents de combustion peu actifs ; cela Fig.8.—Coloniesde penicillium de même âge issuesrespectivement dun seul germe P. Candidum. — 2. P. Album. — 3. P. Glaucum Roqueforti. — 4,5, 6, Variétés de P. Glaucum «maladies du noir ». tient à ce que les voiles restent toujours minces ; les oïdium et les Penicillium font preuve d'une égale puissance de combustion. TABLEAU Il Destruction de l'acide lactique par les champignons des fromages. DÉSIGNATION des espèces. État des cultures au 3° jour. Aciditérestante gr. p.l. au 4e). 6e jour. MYCODERMA Voile complet. FS rs Xœ © OIDIUM camemberti. Voile. 2 1.4 alcaline. O. Penicillium P: P. G P. gueraldi. | album. |candidum | roqueforti. | gl'aucum. Voile Végétation | Végétation | Végétation VOIE incomplet.| aérienne. | aérienne. | aérienne. L.8 7.5 6.4 6.4 6.3 4e 5.4 4.2 4.7 5e DAD 4,35 3.05 3.45 4,15 2.8 2259 2.95 J|alcaline.| 1.75 Une autre propriété que j'ai tenu également à définir c'est l’acti- vité transpiratoire de ces champignons. Contrairement à ce ‘qu'on TECHNIQUE FROMAGÈRE 409 pouvait supposer à priori, la perte d’eau produite par les cultures des oïdium et des Penicillium, est à peu près équivalente ; les chiffres du tableau IV comportent cette conclusion ; mais 11 ne faut pas oublier qu'ils comprennent également les pertes de carbone résul- tant de la combustion respiratoire. TABLEAU IV E: due d ni É Mycolerma Le Fe Pe au peroue CA | Gueraldi. | (amemberti. | * ‘: | Album (audidum. | Roqueforti | Glaucum gr. gr. gr. gr. gr. er. gr. 3° au 4° jour. 0.141 0.117 0.148 0.143 0.172 0.126 0,119 4e au 5° jour. 0317 0.275 0.282 0.350 0245 | 0.272 0:273 je au 6e jour. 0.699 0.590 0622 0.789 0.606 0.688 0,615 ———_—_—_————————…….… .… —….… — La démarcation ne s'établit entre les propriétés physiologiques des oïdium et des Penicillium, que dans la rapidité avec laquelle ils détruisent les sucres. Pour faire ressortir cette différence, J'ai effec- tué des cultures d'égale surface et d'égale épaisseur (5 centi- mètres), sur du lait préalablement ensemencé avec un ferment lac- tique. La caséine coagulée constitue alors un indicateur qui signale la disparition totale du sucre de lait en se solubilisant rapidement. Quand le sucre est détruit, le lait ne tarde pas à devenir alealin puisque les ferments lactiques ne produisent plus d'acide ; l'ammo- niaque formée en excès liquéfie la caséine concurremment avec la caséase des champignons qui devient très active en milieu alcalin. Ce résultat s'observe avec les Penicillium avec une avance d'une hui- taine de jours sur les oïdium à la température de 20°. Quant aux mycodermes, ils ne liquéfient la caséine que plusieurs mois après les précédents. Cette puissance de combustion vis-à-vis des sucres explique la supériorité des Penicillium sur les oïdium, en ce qui concerne le rôle qu'ils jouent dans la fromagerie ; mais ces derniers présentent sur les Penicillium l'avantage appréciable de respecter la caséine et les matières grasses. L'oïdium camemberti qui se développe mal sur milieux neutres, convient particulièrement au rôle qu'il doit remplir puisque son action s'arrête dès que les régions superficielles du caillé deviennent alcalines ; aussi constate-t-on partout dans les fro- mageries qui fabriquent des camemberts de bonne qualité, une ten- dance générale à lui attribuer plus d'importance qu'à la moisis- sure. Les ferments du « rouge ». Les ferments du « rouge » ou ferments alcalinisants constituent un groupe de microbes intéressants autant par leurs propriétés phy- siologiques, que par leur utilité industrielle. 410 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Ce sont des bacilles très différents les uns les autres par leur morphologie et l'aspect de leurs cultures, très voisins au contraire par leurs propriétés physiologiques ; ils constituent sous ce point de vue un groupe homogène ; il ne saurait d'ailleurs en être autrement, puisqu'ils sont tous appelés à jouer un rôle identique. Ils sont aérobies stricts, immobiles, se colorent par la méthode de Gram, sauf un ; ils sont tous asporogènes et ne résistent pas à un chauffage de 5 minutes à la température de 65° ; ils sécrètent peu de caséage, produisent de la présure en petite quantité, mais ne liqué- fient pas la gélatine, ils se développent lentement à 7-8 ; la tempéra- ture qui leur convient le mieux est 25-30. Ce sont des ferments de combustion à l'égard des sucres qu'ils détruisent sans donner naissance à des produits dérivés. Ce sont aussi des ferments de combustion des matières azotées dégradées, et c'est ainsi qu'ils produisent de petites quantités d'ammoniaque. Ils se développent abondamment sur les milieux solides, addi- tionnés de peptones et de sucre, sur les fromages où ils trouvent des produits azotés de décomposition de la caséine, préparés par les champignons ; ils se multiplient lentement dans le lait écrémé en formant dans les régions où s'exerce l'attraction capillaire des parois, un bourrelet de microbes, mais jamais un voile complet ; ils solubi- lisent lentement la caséine. La saveur qu'ils communiquent au lait est agréable et rappelle celle du consommé. Les cultures vieilles de plusieurs mois possèdent un goût de vieux fromage. Quand, après plusieurs semaines, des produits de dégradation avancée se sont formés dans les cultures, on voit apparaître dans les régions superficielles du lait digéré, une couleur rouge qui gagne progressivement toute la masse du liquide en devenant de plus en plus foncée (V. pl. VIT). La même coloration apparaît mais moins intense, sur la gélose peptonée ; sur les fromages elle se produit plus vite que sur les milieux de culture parce que les microbes y trouvent les produits dégradés tout préparés, et qu'ils y sont en contact plus direct avec l'air, dont l'oxygène joue dans le phénomène un rôle essentiel. Cette couleur ne passe jamais au brun ou au noir comme on l'observe avec quelques espèces de b. sublilis. Les microbes du « rouge » sont rarement pigmentés ; quelques- uns jaunissent en vieillissant (1). Leur mode d'action sur la caséire mérite d’être exposé en détail. Le lait écrémé qui n’a pas subi de commencement d'’altération, sté- rililsé et ensemencé avec l'un quelconque de ces ferments, présente (1) Le bacillus firmitalis que M. Roger considérait comme le microbe du « rouge » est un bacille banal qui produit un pigment rouge insoluble. On le trouve plus facilement dans l'eau ou le sol que sur les fromages où il ne peut être que nuisible. Le mierococeus meldensis est une sarcine jaune, probablement sareina flava, apportée sans doute par la présure: microbe accidentel que je n'ai jamais rencontré dans les fromages de bonne qualité. TECHNIQUE FROMAGÈRE 411 les transformations que l'on observe invariablement avec tous les microbes aérobies, capables de solubiliser la caséine. La liquéfac- lion part toujours de la région superficielle et progresse avec une rapidité en rapport avec la quantité de caséasè sécrétée. Lorsque la caséase est très abondante, on n'observe pas de coagulation préa- lable de la caséine sous l'influence d'une présure qui est toujours présente dans les cultures de ces microbes ; cependant, il est rare que, dans le fond des tubes, la caséine ne soit pas coagulée avant que la solubilisation ail atteint ces régions. La présure agit lentement en milieu neutre sur du lait stérilisé à 115° ; c'est pour cela que sa pré- sence ne se manifeste pas toujours avant la liquéfaction de la caséine ; mais 1l est facile de la mettre en évidence en ensemen- çant en même temps que les ferments de la caséine, une levure de lactose qui acidifie légèrement le lait tout en n'empêchant pas le développement des ferments de la caséine. En règle générale, on observe donc une action coagulante qui intéresse toute la masse du lait parce que la présure n'est pas rete- nue par la caséine, et une action liquéfiante qui se propage de haut en bas, si bien que le lait présente toujours deux parties nettement tranchées ; une partie translucide où la caséine est entièrement liqué- fiée et une partie opaque où cette substance n'a pas subi la moindre transformation apparente, à part la coagulation. Le phénomène de la solubilisation apparaît donc généralement comme une transformation simple, accomplie sous l'action d'une seule diastase portant sur une substance unique, la caséine. Mais il n'y a que les apparences qui plaident en faveur de cette interprétation. En réalité les choses se passent autrement. Quelques ferments industriels permettent en effet de suivre toutes les phases du phénomène de la liquéfaction. Mais il faut les placer dans des conditions particulières : le lait présente souvent à l’époque des grandes chaleurs une faible acidité, pas assez élevée pour pro- voquer la coagulation à 115°, mais suffisante pour imprimer à l'action des caséases microbiennes une allure curieuse Le lait, au lieu de se partager en deux zones comme je viens de le rappeler, présente plusieurs assises distinctes d'épaisseur varia- ble, séparées par des plans horizontaux bien marqués. Quelques microbes peuvent produire ainsi cinq couches différentes, dont quatre représentent quatre phases distinctes dans la liquéfaction de la caséine (fig. 9). | En interprétant ce phénomène d'après les opinions courantes, on est conduit à dire que la liquéfaction complète de la caséine com- porte l'intervention d'au moins quatre diastases différentes. Dans les conditions ordinaires, les actions de ces quatre diastases sont égales et leurs effets superposés se confondent (V. PI. VIT) ; si on fait usage de lait faiblement acide, leurs actions sont inégalement retardées et leurs effets sont inégaux, si bien qu'ils se traduisent nettement par autant d'assises distincies. 412 ANNALES DE L'INSTITUT PRSTEUR Ces résultats pourraient s'interpréter aussi bien en considérant la caséine en suspension, comme formée d'un mélange d'au moins quatre espèces chimiques exigeant quatre diastases distinctes pour Fig. 9. — Cultures de ferments alcalinisants sur le lait très légèrement acide. N°: 1, 2, 5, 6. Marche ordinaire de la solubilisation, dela caséine par les ferments aérobies. La solubilisation souvent précédée d’une coagulation se propage régu- lièrement de haut en bas; dans les n°s 2 et 5 le coagulum assez fortement rétracté n’est plus homogène, c’est pour cette raison queles plans de séparation de la zone liquéfiée et de la zone inattaquée ne sont pas parfaitement horizontaux. Les nos 3 et 4 montrent les assises de solubilisation séparée par des plans hori- zontaux, Le n° 4 en présente 4: la zone la plus claire qui s'étend au-dessus des parties non encore solubilisées n’est pas visible sur la photographie. passer à l'état soluble, ou encore quatre espèces chimiques résis- tant inégalement à une même action diastasique ; mais il est plus logique d'admettre l'existence de quatre diastases agissant sur quatre composés différents. En supposant que la caséine soit un mélange de substances chimiques, cela me veut pas dire, bien entendu, que ce mélange ne se compose pas plus de quatre espèces différentes. Ainsi, la solubilisation de la caséine semble montrer que cette substance ne constitue pas une entité chimique ; E. Fischer a déjà émis la même hypothèse. Pour lui, la molécule albuminoïde n'est pas aussi volumineuse qu'on l'a admis Jusqu'ici ; elle ne paraît compliquée que parce que TECHNIQUE FROMAGÈRE 4143 l'on a confondu sous cette dénomination un mélange de plusieurs substances distinctes. L'étude chimique détaillée des phénomènes que je viens de décrire, permettra de soumettre ces différentes hypothèses à une vérification expérimentale. En reprenant maintenant nos préocupations industrielles, nous pouvons dire qu'à côté de toutes ces propriétés qui font de certains ferments des auxiliaires du fromager, le rôle de ces ferments con- siste à arrêter l’action des champignons au point voulu, à alcaniser légèrement le caillé et à protéger la pâte du fromage contre la péné- tration de l'oxygène dont le résultat serait désastreux. Quant à leur fonction de ferments liquéfiants, elle doit rester à peu près sans effet, car je le répète, 1l ne s’agit point de solubiliser la caséine mais bien de la protéger contre une liquéfaction trop sensible qui aurait pour effet de rendre la pâte hétérogène. Il résulte de ce qui précède, qu'une seule espèce microbienne pourrait remplir ce rôle qui est dévolu, en somme, à un nombre con- sidérable d'espèces bactériennes. La simplification ne peut pas être poussée si loin. Sur les quarante espèces que j'ai étudiées, j'en ai conservé huit comme tout à fait indispensables. Ce choix est imposé par l'inégale résistance des ferments du « rouge » à l'acidité du caillé. Ces espèces ne se développent pas simultanément, mais bien successivement ; les plus résistantes appa- raissent les premières et préparent le terrain aux suivantes, mieux adaptées aux milieux alcalins. En résumé, l'étude des microbes des fromages à pâte molle, m'a conduit à fixer mon choix sur quatre espèces de ferments lactiques, un mycoderme, un oïdium l'O camembertt; trois Penicillium ; le P. album, le P. Candidum, le P. Glaucum Roqueforti, huit espèces de ferments alcalinisants numérotés de un à huit, suivant leur résis- tance à l'acidité produite par les ferments lactiques (fig. 1, n°5 4, 5, 6). C'est beaucoup si l'on considère les difficultés que soulève la con- duite de tous ces ferments : c'est peu si l'on veut bien se rappeler que la plupart des espèces microbiennes du lait peuvent se dévelop- per dans le caillé ou à la surface des fromages ; le praticien doit compter avec les uns et les autres et nous verrons que ce sont les accidents et les € maladies » qui sont la règle, que c'est la marche rormale de la fabrication qui est l'exception. Voyons d'abord les bonnes espèces à l'œuvre. III. —— PRÉPARATION DU CAILLÉ. COAGULATION ET ÉGOUTTAGE La coagulation du lait et l'égouttage du caillé ont pour but de séparer l'extrait insoluble du lait du sérum qui le tient en suspen- sion ; ces deux opérations qui concourent au même but doivent être conduites de façon à laisser dans le caillé la quantité de sérum com- palible avec la bonne marche des fermentations. Cette donnée n'a jamais été bien précisée : mieux que cela, elle ne peut pas être déter- 414 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR minée dans les conditions actuelles du travail du lait, parce que les facteurs qui influent sur le résultat ne sont pas eux-mêmes bien déterminés. Les fromagers qui n'ignorent pas les fâcheuses consé- quences d’un excès d'humidité du caillé, corrigent ce défaut tant bien que mal par le salage et le séchage. Le sel rétracte en effet le caillé et provoque l'exsuäation d'une quantité de sérum, en rapport avec ia dose employée. Mais le sel utilisé à haute dose joue le rôle d’antiseptique et modi- fie à la fois la composition de la flore microbienne des fromages et le développement des espèces capables de supporter un salage exagéré. Le séchage est également un moyen défectueux, presque un pis-aller pour débarrasser le caillé d’un excès d'humidité. S'il ne s'agissait que de lui soustraire simplement une partie de l'eau qu'il retient, le procédé n'aurait rien de répréhensible ; mais l’eau, en s'évaporant, abandonne à la pâte le sucre de lait qui joue un rôle essentiel dans le développement des ferments superficiels et particu- lièrement des champignons. Si le sucre de lait est trep abondant, les champignons, copieusement nourris, produisent une végétation luxu- riante dont les résultats sont néfastes pour la caséine et les matières grasses qu'elles attaquent nécessairement lorsque le sucre de lait et l'acide lactique viennent à manquer. Le salage et le séchage effectués en vue de corriger un égouttage défectueux, manquent donc leur but ou tout au moins ne l'attei- gnent qu'au détriment des qualités des produits. La coagulation et l'égouttage doivent évacuer le sérum dans une proportion fixée non seulement par la quantité d'eau qui convient à la marche des fermentations, mais aussi par la quantité de sucre de lait que le caillé doit retenir. Il est donc nécessaire de les conduire de façon à obtenir un caillé de composition définie. Théoriquement, cette composition comporte un taux d'humidité égal à celui que possèdent les fromages de première qualité au moment où ils sont reconnus bons pour la consommation ; on conçoit en effet qu'il soit possible et même avantageux de supprimer toute perte d’eau au cours des fermentations, car il est extrêmement dif- ficile d'enlever par un séchage uniforme des quantités d’eau essen- tiellement variables à des fromages inégalement humides placés dans un même local. C’est pourtant cette solution impossible d'un problème insolubie que les praticiens s'ingénient trop souvent à obtenir. Ceux qui connaissent vraiment leur métier se rapprochent au contraire des conditions théoriques. Evidemment, le caillé frais doit être plus riche en eau que le fromage affiné ; mais il ne faut pas oublier que l'écart doit être réduit au minimum par le seul concours des facteurs qui interviennent directement sur l’égouttage dans les moules. 11 sera facile par la suite de faire fonctionner les locaux de la fromagerie comme autant de cuves de fermentation aérobies, où l'humidité de l'air sera toujours maintenue au voisinage TECHNIQUE FROMAGÈRE A5 de la saturation et où, par conséquent, on n'aura plus qu'à s'inquie- ter du réglage de la température. Ces considérations suffisent, je pense, à faire ressortir l'impor- tance de l'égouttage et à montrer que le praticien ne doit pas perdre de vue que du travail des premières 24 heures dépendent déjà, en grande partie, les qualités des fromages. On ne saurait donc trop insister sur les influences des trois facteurs qui agissent sur l'égouttage. Ces facteurs sont : la présure; 29 La température ; 3° L'acidité du lait. Si l'on pouvait régler à volonté ces trois facteurs, il suffirait de les fixer une fois pour toutes pour obtenir avec une précison mathé- matique, le résultat désiré. Chacun de ces facteurs agit en effet sui- vant des lois immuables exactement comme un réactif chimique. Les deux premiers sont faciles à régler ; mais dans les conditions de la pratique industrielle, le troisième est essentiellement variable, et si l'on veut malgré cela obtenir un résultat constant, il faut nécessaire- ment faire varier les deux autres, et dès lors on se trouve en présence de trois variables, tandis qu’en réalité c'est à trois constantes qu'on devrait avoir à faire. Pour simplifier l'étude de la question, je vais considérer séparé- ment l'influence de ces trois facteurs. Influence de la présure. Si l’on additionne du lait frais privé de microbes, d'une quantité suffisante de présure pour ie coaguler en une heure à la température de 30°, on obtient un caillé qui possède des propriétés bien déter- minées. Réparti dans les moules comme si on se proposait d'en faire des fromages, on constate qu'il ne s'égoutte pas. S'il conserve sa température de 30°, il exsude son sérum, mais ce liquide, au lieu de s'écouler à travers le caillé, reste dans le moule et noie bientôt la masse du coagulum. Le caillé obtenu par la présure seule, n'est donc pas une malière filtrante. Il exprime son sérum par rétraction, mais il le cède lente- ment comme le ferait une vessie rétractile formée d'une membrane continue. La quantité de sérum qu'il retient est toujours trop éle- vée, car il n'existe aucun moyen de le débarrasser convenablement de son liquide pendant qu'il séjourne dans les moules. Un tel caillé est exposé à des accidents de fermentations très nombreux et les fro- mages qu'il produit sont toujours de mauvaise qualité. Ces résultats s’observent dans l'industrie lorsqu'on fait usage de lait frais privé de ferments lactiques, ce qui arrive assez souvent en hiver lorsque sévissent les grands froids, Les praticiens cher- 416 ANNALES DE L'INSTITUT FASTEUR chent à remédier à cet état de choses en provoquant une rétraction plus énergique du caillé par l'élévation de la température. D'un autre côté, le sel utilisé à haute dose produit à son tour une exsudation abondante de sérum, et son action antiseptique protège le caillé con- tre les divers accidents de fermentation qui ne manqueraient pas de se produire, en raison de son acidité trop faible, de sa richesse trop grande en sérum et, par conséquent, en sucre de lait. Influence de l'acidité. L'acidité du lait favorise l'action de la présure. La dose de pré- sure nécessaire pour coaguler le lait à une température donnée et dans le même temps, diminue avec l'acidité ; mais ce n’est pas cette action favorisante qu'on se propose de faire intervenir lorsqu'on s'attache à fixer l'acidité à un degré convenable au moment de la mise en présure. C'est la quantité de ferments lactiques présents, que l’on cherche à fixer, et l'acidité n'est qu'un moyen pratique et sûr de l'apprécier. Le lait additionné d'acide lactique, privé de ferments, donne un caillé identique à celui que fournit le lait frais supposé pur de mi- crobes, en admettant bien entendu, que l'acide n'atteigne pas une concentration suffisante pour coaguler le lait. J'ai défini le caractère du caillé ainsi obtenu, qui ne diffère pas d'ailleurs de celui qu'on obtient par l'addition d'un acide quelconque. Mais ce caillé est impropre à la fabrication des fromages car il n’a ni odeur ni saveur ; nous verrons plus loin que l’empirisme a trouvé le moyen de préparer des solutions diluées d'acide lactique, qu'il a appris à les utiliser pour la coagulation des albumines du lait, de sorte que, s'il n'a pas été conduit par l'expérience à en tirer parti pour la préparation du caillé, c'est tout simplement parce qu'il a constaté que le produit ainsi préparé ne possède pas les qualités qui conviennent à une denrée alimentaire. Ces qualités, ce sont les fer- ments lactiques qui les donnent au fromage et c'est pour cela que ces microbes se rendent déjà indispensables dans la fromagerie, rien que par ce côté intéressant du rôle compliqué qu'ils sont appelés à remplir. J'ai envisagé cette question p. 402 ; je dois faire ressortir ici la part qu'ils prennent à côté de la présure dans la coagulation du lait et l'égouttage du caillé. Le lait coagulé par la fermentation lactique seule, trouve des applications nombreuses dans l'industrie fromagère ; il existe un nombre considérable de variétés de fromages qui sont obtenus en partant du lait coagulé par voie de fermentation sans addition de présure. Les caractères de ce caillé sont résumés à la page 401. Ce qui nous intéresse ici c'est sa constitution physique. On sait qu'il est formé d'une masse homogène qui se disloque par agitation en flocons très fins, ces flocons se déposent au fond des récipients en TECHNIQUE FROMAGÈRE 417 laissant surnager une épaisse couche de sérum. Jeté sur un filtre, le caillé s'égoutte très vite, en donnant une pâle compacte qui retient peu de petit lait, qui se délaie facilement dans l’eau et dans la salive, contrairement au caillé obtenu par l'action de la présure seule. Réparti dans des moules, le caillé de ferments lactiques s’égoutte donc très vite : mais il retient très peu d'eau, trop peu pour alimen- ter convenablement la flore superficielle qui le recouvre, de sorte que la destruction du sucre de lait et de l'acide lactique est lente ; les fromages s'affinent mal ou ne s’affinent pas ; ils possèdent l’appa- rence, la consistance des fromages de chèvre qui se préparent pré- cisément par ce moyen. Leur pâte est cassante ; elle se brise sous l’action des chocs ; les Brie dont le diamètre est très grand, se cassent fréquemment en deux. Enfin, dernière observation, faite également par les praticiens, le lait coagulé par acidification donne un rendement en poids de fromage plus faible que celui qu’on obtient par la présure, à humi- dité égale, ce qu'il faut attribuer à la solubilisation de la caséine par les ferments lactiques. Si on met en parallèle le caillé de présure seule, avec le caillé de ferments lactiques, on peut dire qu'ils constituent deux états extrêmes et opposés entre lesquels se rangent un nombre infini d'états intermédiaires. Parmi ces caillés sensiblement différents de caractères, susceptibles de donner des résultats plus ou moins par- faits, le praticien devrait pouvoir choisir en connaissance de cause et s'arrêter à celui qui répond le mieux aux conditions dont il est entouré. Il doit donc combiner l'influence de la présure et celle de x la fermentation lactique de façon à obtenir le résultat cherché. Influence de la température. L'action de la température joue un rôle important dans la coagu- lation et l'égouttage. Jusqu'ici les fromagers ont fixé la température de coagulation du lait à 30°, mais comme je l’ai déjà fait remar- quer, cette température doit varier avec l'acidité du lait, en suivant une progression inverse ; C'est ainsi qu'elle varie de 30° à 26°, pen- dant que l’acidilé augmente de 2? grammes à 4 grammes par litre. Le refroidissement du caillé dans les moules, modifie par la suite, la part que la présure prend à l’égouttage, concurremment à l'acidification. Dans les moules à Brie qui contiennent un volume de lait compris entre douze et vingt litres suivant leur diamètre, le refroidissement est lent ; il est beaucoup plus rapide dans les moules à camembert, et la manière dont s'opère le remplissage de ces der- niers contribue encore à activer le refroidissement ; il en résulte que le caillé de Brie traduit une action très marquée de la présure, tandis que le caillé de camembert se rapproche davantage du caillé de ferments lactiques. 27 AS ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Pour éviter un refroidissement trop rapide du caillé dans les moules, on maintient la température de la salle d’égouttage à 20° ; cette précaution a pour but de prolonger l’action de la présure pen- dant toute la durée de l’égouttage et en même temps de favoriser les progrès de la fermentation lactique. Tout se passe par conséquent comme si l’on se proposait de réa- liser l’'égouttage le plus rapidement possible. On se demande alors pourquoi les praticiens ont pris comme températures 30° pour.le lait et 20° pour la salle d'égouttage, car l'une et l’autre ne concordent respectivement ni avec le maximum d’acti- vité de la présure, ni avec la vitesse maxima d’acidification par les ferments lactiques. Ce choix a donc été dicté par d’autres préoccu- pations. Si on cherche à se renseigner auprès des industriels sur ce point particulier, on s'aperçoit qu'ils ont adopté ces températures beau- coup par esprit d'imitation et un peu parce qu'ils prétendent que le caillé obtenu à 35° par exemple, ne possède pas la consistance de celui qui a été préparé par une coagulation à 30°. Il faut en effet beaucoup moins de présure à 35° qu'à 30° pour coaguler le même volume de lait dans le même temps et comme l'égouttage n'est pas terminé avant que la température du caillé ne soit tombée à 20°, on s'explique qu'avec une dose moindre de présure, le résultat soit moins bon, quoique la température soit plus élevée au départ. Par contre, la fermentation lactique progresse plus vite si on coagule à 35° ; on exagère ainsi l'influence de l’acidification et on tend à don- ner au Caillé les caractères de celui des ferments lactiques. Voilà ce que la théorie nous enseigne ; mais elle nous dit aussi qu'il est facile de remédier à cet inconvénient en diminuant la durée de coagula- tion de façon à pouvoir introduire dans le lait une plus grande quan- tité de présure, ou encore à élever de quelques degrés la tempé- rature de la salle d’emprésurage. Ce n'est pas à ces moyens que la pratique s’est arrêtée, bien qu'ils présentent l'avantage de produire un égouttage plus rapide. Mieux que cela, beaucoup de fromagers mettent en présure à une tempéra- ture inférieure à 30° ; les fabricants de camembert en particulier ont une tendance à adopter 28-29 comme température de coagulation du lait. Ils ont certainement quelques bonnes raisons d'agir ainsi, et cette raison n'est pas difficile à découvrir pour un bactériologiste. J'ai supposé que le caillé ne contient que des ferments lactiques ; c’est une hypothèse qui n’est jamais réalisée. Le lait renferme toujours des ferments nuisibles, dont la présence se manifeste dès la mise en présure. Si on travaille à une température élevée, les accidents qu'ils produisent prennent toujours une tournure plus grave parce que les fermentations qu'ils provoquent sont plus actives. En parti- culier, la boursouflure est plus à craindre. Les microbes de surface comme les mycodermes et l'oïdium se TECHNIQUE FROMAGÈRE 419 développent plus vite, et s'ils forment sur les caillés une membrane sensible par l'impression de corps gras qu'elle donne au toucher, ils prennent sur la moisissure une avance qui peut être suffisante pour empêcher son développement. Ce sont justement ces accidents que l’on évite en opérant à des températures relativement basses ; mais il est évident que si le lait et le caillé ne renfermaient à l’origine que des ferments lactiques, il serait possible de recourir avantageuse- ment à des températures plus élevées. Si l’on observe les procédés des fermiers de la Brie qui n'utili- sent que le lait de leurs étables, on constate d’ailleurs que l'essai des températures élevées n'est pas à faire. Les Briards mélangent une certaine quantité de lait acide mais non encore coagulé, avec le lait frais sortant de l’étable au voisinage de 36°. Si le lait acide ou levain est à une température de 18, l'équilibre de température du mélange s'établit à 33°, en admettant que le volume du levain soit égal au 1/5 du volume du lait frais. Dans la pratique, la proportion de levain n'atteint jamais ce chiffre ; la température du lait à la mise en présure est done au moins égale à 33°. Toutes les fois que le lait est recueilli avec soin, le levain ne renferme guère que des ferments lactiques. Les fermiers qui ne crai- gnent pas d'apporter à la traite et à la conservation du lait des soins de propreté rigoureux, réalisent done l’ensemble des conditions que la théorie explique, justifie et recommande. Arrivés au point où nous en sommes, nous pouvons nous per- mettre de faire la synthèse de tous les résultats que nous venons de discuter. Nous possédons en effet tous les éléments nécessaires pour fixer, une fois pour toutes, les facteurs qui interviennent dans la coagulation et l'égouttage, et si nous pouvons leur attribuer une grandeur invariable, nous obtiendrons ainsi les constantes de !la fabrication. Il est évident que, dans une industrie digne de ce nom, les diverses opérations doivent être réglées suivant des lois mathé- mathiques. 11 y a quelque témérité à se montrer aussi affirmatif lors- qu'on est obligé d'avoir recours à des agents de nature essentielle- ment variable comme les ferments, et surtout lorsqu'il s’agit d’une industrie qu'une expérience séculaire nous a habitués à considérer comme foncièrement instable. Mais les faits justifient cette assertion et il faut s'incliner devant les résultats qu'ils donnent. De nos trois constantes, deux sont pour ainsi dire aussi aisées à déterminer que des grandeurs quelconques ; ce sont : la quantité de présure et la température : c'est la troisième qui apporte toujours la perturbation dans le travail ; elle est pourtant aussi facile à régler, dans la plupart des cas, que les deux premières. Chaque fois que l'acidité du lait ne dépasse pas le degré convenable, il est possible de le lui donner au moyen de levains ; si ce degré est dépassé, il est encore loisible de l'y ramener, ou mieux, d'annihiler son influence par un chauffage préalable, car il est bien entendu que l'acidité n’a de signification pratique qu'autant qu'elle est envisagée comme un 420 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR meyen de déterminer le nombre de ferments lactiques présents dans le lait. Mais quel moyen avons-nous de fixer la quantité de ferments lac- tiques qu'il est nécessaire d'employer pour assurer la bonne réussite de la coagulation et de l’égouttage ? Il y en a un qui s'offre tout naturellement à l'esprit, c'est de prendre l'acidité du lait au moment de la mise en présure dans une fabrication réputée pour la qualité de ses produits : mais Ce n’est pas le meilleur, car les praticiens savent bien user judicieusement des correctifs, lorsqu'ils ne parvien- nent pas à fixer les constantes au gré de leur désir ; ce moyen est donc susceptible de fournir des renseignements illusoires et même dangereux Un autre facteur que les fromagers connaissent bien aussi, c’est la durée de l’'égouttage et c’est lui qui les renseigne le mieux sur l'état initiai du lait et la qualité du caillé qu'il donne. Ce facteur rapporté à sa cause traduit surtout la teneur du lait en ferments lactiques, et dès lors il est possible de préciser le temps d'égouttage en complétant sa signification par l'acidité du petit-lait qui s'écoule à la fin de l'opération : cette acidité est à peu près contsante, lorsque le caillé est convenablement essoré et comprise entre 6 gr. 6 et M'hine Lorsque la durée de l’égouttage est de 15 heures par exemple, cela signifie que la quantié de ferments lactiques présents au début est suffisante pour donner au petit-lait une acidité de 6 gr. 8, au bout de 15 heures. Rien n’est plus facile que de préciser davantage, on peut en effet suivre la marche de l’acidification depuis la mise en moule jusqu'à la fin de l’égouttage et construire la courbe de l'aci- dification au moyen d'un certain nombre de déterminations faites d'heure en heure. Le problème posé revient alors à introduire dans le lait une quantité de levain suffisante pour obtenir la courbe d'’aci- dification qui caractérise une fabrication irréprochable. C'est ainsi que J'ai procédé avec M. P. Guérault pour fixer la proportion de levain lactique à ajouter au lait destiné à la fabrication des Brie et des Coulommiers. Ce point établi, les constantes de la fabrication du Brie sont les suivantes : Aciditereftectipe dual eee Ce 0 gr. 5 d'acide lactique par litre. Température du lait àla mise en présure. 30, ÉFÉSUrE.. RER SERRE On .. Quantité suffisante pour coaguler le lait en 1 heure. Température de la salle d’égouttage. 20e, Mais dans les conditions actuelles, ces constantes n’ont qu'une signification relative ; les pertes d’eau par évaporation au séchoir et dans la cave, varient avec le climat, la température, la disposition et l'organisation des locaux. Chaque industriel doit donc déterminer lui-même les constantes que réclament les conditions dont il est entouré. TECHNIQUE FROMAGÈRE 121 Ce n'est pas tout ; il est bon de se rappeler encore que si l'on dispose d'un outillage qui permet d'assurer la pureté de la fermen- tation lactique du lait et du caillé, ces constantes peuvent être fixées conformément aux indications que j'ai données à la page 418. Les mêmes constantes sont directement applicables à la fabrica- tion du camembert. Ce sont pourtant là des données qui ne sont pas en parfaite con- cordance ævec celles que l’on trouve dans les manuels d'industrie laitière et en cela elles possèdent au moins un caractère commun avec celles que les praticiens appliquent couramment. Les auteurs recommandent en effet de faire coaguler en trois ou quatre heures le lait destiné à la fabrication du camembert. Cette précaution se justifiait autrefois par la nécessité de laisser aux fer- ments lactiques le temps de se multiplier dans le lait avant la prise du caillé ; les fabricants de camembert n'avaient pas deviné l'utilité des levains dont le secret est resté longtemps la propriété des fer- miers de la Brie. L'industrie qui emploie une certaine quantité de lait vieux de 16 à 18 heures v trouve déjà les: ferments lactiques en nombre suffisant ; elle est donc en mesure de réduire le temps de coagulation et elle n’a garde d'y manquer, car l'économie de temps est un avantage qui n’est pas à dédaigner lorsqu'il s'agit de travailler jusqu'à douze et 15,000 litres de lait par jour. En résumé, la fabrication des fromages à pâte molle, débute par la fermentation lactique ; mais cette fermentation ne doit pas être livrée au hasard ; il est nécessaire de la régler rigoureusement, et surtout d'assurer sa pureté ; la première condition est facile à réa- liser ; quand on parvient à la fixer et à partir ainsi toujours de la même acidité, on peut déterminer aussi avec précision la quantité de présure et la température de coagulation si bien que la prise du caillé et l'égouttage assurés par les actions simultanées de trois constantes, évoluent avec une régularité mathématique. La deuxième condition est plus difficile à remplir. Les fermiers assez observateurs pour acquérir la notion exacte du rôle essen- tiel que joue la pureté de la fermentation dans la fromagerie et assez soigneux aussi pour prendre les précautions minutieuses qui pro- tègent le lait contre les causes de contamination extrêmement nom- breuses auxquelles il est exposé, parviennent quelquefois à obtenir des fermentations lactiques à peu près pures. Les industriels qui uti- lisent le lait ramassé chez un grand nombre de fournisseurs et le mettent en œuvre dans l'état où il se présente, ne peuvent songer à satisfaire ni à l’une ni à l’autre de ces conditions. Dans l'état actuel des choses ils doivent donc renoncer à atteindre le degré de perfec: tion auquel parviennent les fermiers habiles ; nous verrons pourtant qu'ils peuvent légitimement caresser ce rêve et le transformer en une réalité tangible. Quand légouttage est bien réussi, le caillé débarrassé de son moule est ferme, compact, privé de trous, élastique, mais non plas- 422 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tique et déformable. Une section faite au couteau présente une sur- face lisse, et si on exerce une pression sur le bord de cette section, on ne doit pas provoquer de suintement de petit-lait assez abondant pour constater un écoulement. La section comprimée se mouille à peine et se ressuie immédiatement en vertu de l'élasticité du caillé. Lorsqu'on relève les bords d'un fromage de grand diamètre comme le brie, le caillé se déforme sans rigidité. Si les fromages démoulés à la fin de l'égouttage se déforment, on peut affirmer que la fermentation lactique n'a pas pris une part suf- fisante à l'égouttage ; si au contraire il est rigide et marque une ten- dance à se casser c'est l’action de la présure qui n’a pas été assez marquée. IV. — ÉVOLUTION DES FERMENTS. Le caillé, bien égoutté, est salé modérément ; le sel ne doit pas exercer d'influence sur les fermentations ; les bons fromages comme les beurres fins ne supportent pas une dose franchement percep- tible de sel ; je reviendrai plus loin sur le rôle qu'on fait jouer à cette substance. Lorsque le caillé est salé et ressuyé, on le porte au séchoir (haloir) le troisième jour qui suit la mise en moule. À ce moment, il possède une odeur franche de beurre frais, pour la bonne raison que les ferments lactiques seuls, s'y sont développés. Si le parfum produit par la fermentation lactique n’est pas bien carac- térisé, on peut déjà affirmer que le résultat de la première opération est défectueux. Cette odeur persiste au séchoir pendant deux jours environ. Passé ce délai, on est quelque peu surpris de percevoir une odeur agréable de pomme qui se répand dans toute l'atmosphère du local. Si on observe alors la surface des fromages on constate qu'elle a blanchi ; le caillé porte un enduit gras au toucher, composé presque de mycodermes identiques comme aspect à la fleur du vin ; le myco- derma vini se développe sûrement sur la surface des caillés acides ; c'est lui qui, avec d'autres espèces du même groupe, forment ces produits éthérés parmi lesquels l’acétate d'éthyle prédomine ; cette odeur est caractéristique de la bonne marche des fermenta- tions, elle est si prononcée qu'on se croirait dans un fruitier ; elle n'a cependant rien d'invraisemblable, car le caillé renferme des traces d'alcool et d'acide acétique susceptibles de produire de l’acétate d'éthyle en milieu acide ; les mycodermes ne font qu'activer ce phé- nomène, et ce qui prouve bien que tous ces corps se forment, c'est l'attraction qu'exercent à ce moment les fromages sur les mouches du vinaigre : elles sont toujours nombreuses dans les séchoirs si on ne prend pas la précaution de garnir les ouvertures de toiles métal- liques fines, et d'empêcher l'accès d'une lumière vive. En été et en automne, elles visitent exclusivement les fromages couverts de TECHNIQUE FROMAGÈRE 423 mycodermes, elles y déposent leurs œufs et ce sont leurs larves qui apparaissent sur les fromages lorsque les régions superficielles de- viennent alcalines, L'oidium camemberti se développe en même temps que les myco- dermes, mais plus lentement ; lorsqu'il prédomine, l'odeur d’acétate d'éthyle est moins accentuée ; ce champignon ne doit pas devenir apparent avant la moisissure. Celle-ci laisse pointer ses filaments aériens vers le sixième ou le septième jour, suivant la température. A partir de ce moment les parfums éthérés disparaissent pour faire place à une légère odeur de moisi qui d'ailleurs ne doit jamais per- sister plus de deux ou trois jours. Lorsque la moisissure recouvre le fromage d'une légère couche de duvet, l'oïdium devient visible à son tour par les plissements qu'il forme à la base de la moisissure. Ce plissé doit rester très adhérent au Caillé, et faire corps avec la pâte. La flore du caillé acide est alors constituée ; mais déjà les ferments alcalinisants viennent se joindre aux champignons car la membrane vivante que forment ces der- niers, présente vers le neuvième ou le dixième jour, une réaction alcaline. C'est cette réaction qui modifie l'odeur de moisi et la trans- forme en un parfum caractéristique des fromages affinés. Les cul- tures de Penicillium album et de P. Candidum, permettent d’ailleurs de constater le passage de l'odeur de moisi sur milieu acide à l'odeur de fromage affiné sur milieu alcalin lorsque les sucres et les acides sont entièrement détruits. Quelques espcèes de ferments alcalinisants qui appartiennent tous à la classe des bactéries, peuvent se développer en présence d'une faible acidité ; ce sont ces espèces qui viennent se mélanger de bonne heure aux champignons. Elles sont déjà nombreuses vers le dixième jour qui suit la fabrication. Si on examine à cette époque l'état du caillé en pratiquant une section dans toute son épaisseur, on constate que la coupe est tou- jours lisse ; l'aspect n'a pas changé, la saveur est acide ; le degré d'acidité est le même qu'au début ; la peau est bien adhérente à la pâte et on n'observé pas encore la moindre trace de liquéfaction apparente de la caséine même vers les régions superficielles ; la surface libre seule du fromage possède une réaction alcaline faible. Si on déguste le caillé, on lui trouve une saveur de fromage frais ; il se délaie facilement dans la salive, sans laisser de grumeaux ; on reconnait ainsi que la fermentation lactique a fait disparaître com- plètement l’élasticité et la consistance d’albumine cuite, que la pré- sure donne au caillé. Cet aspect se conserve longtemps ; il persiste tant que le sucre de lait n'est pas complètement détruit ; l'acidité de son côté reste à peu près constante parce que les ferments lactiques dédoublent le sucre de lait dès que le taux de l'acidité diminue sous l'influence des ferments superficiels. Mais quand le sucre de lait vient à manquer, l'acidité baisse rapidement ; la réaction acide du caillé ne disparaît pas pour 424 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cela, parce que la caséine qui représente environ 40 % de l'extrait sec, possède une réaction acide qui ne disparaît qu'à la suite d'une neutralisation produite par l'ammoniaque. Quand l'acide lactique est entièrement décomposé et brûlé, le caillé est préparé pour subir les modifications d'aspect et de consistance qui caractérisent le fromage affiné ; ces modifications se produisent sous l'influence de la caséase sécrétée par les ferments lactiques et de l’'ammoniaque produite par les ferments du rouge qui diffuse en petites quantités dans la pâte. Ferments du & rouge » ou ferments alcalinisants. Après ce que je viens d'exposer sur les rapports des ferments com- burants et des ferments alcalinisants, le rôle de ces derniers s'expli- que de lui-même. A proprement parler, les deux groupes de ferments ne se rempla- cent pas, ils remplissent leurs rôles respectifs presque simultanément, et cela est nécessaire, car les fonctions de combustion doivent s'éteindre avec la disparition des substances combustibles, le sucre de lait et l'acide lactique. Les ferments du rouge qui procèdent à ce travail d'extinction doivent donc être en mesure de l’accomplir au moment propice ; c'est pour cela qu'ils apparaissent sur les fromages, bien avant que la caséine présente la moindre trace de liquéfaction apparente. Leur développement est rendu possible d'abord parce que deux ou trois espèces poussent en présence d'une faible acidité, ensuite parce que la membrane superficielle, la peau du fromage, comme disent les praticiens, possède par elle-même une réaction alcaline, et enfin parce que l'atmosphère des caves est toujours riche en ammo- niaque libre. Dans les régions superficielles il se forme donc toujours des sels ammoniacaux, du lactate surtout ; mais il se trouve précisément que les champignons se nourrissent de ces sels ammoniacaux et font ainsi disparaître des corps nuisibles à la qualité des fromages. Les champignons attaquent en même temps la caséine et la pepto- nisent partiellement ; or, j'ai fait remarquer précisément que les fer- ments du « rouge » préfèrent les matières azotées, dégradées à la caséine insoluble ; il se forme donc entre les diverses espèces de microbes qui constituent la peau des fromages, une association très étroite au point de vue chimique, dont le résultat est de faire dispa- raître toutes les substances capables de communiquer un mauvais goût à la pâte. Ainsi s'explique la possibilité de fabriquer des pro- duits absolument remarquables par la finesse de leur goût ; ce sont là des résultats qui étonnent particulièrement ceux qui savent com- bien sont compliquées et délicates les transformations chimiques que subit la matière première avant d'atteindre cet état. Voilà brièvement résumée, la façon dont se comportent les deux groupes de ferments associés en présence du travail chimique à TECHNIQUE FROMAGÈRE 495 accomplir. Quand celui-ci touche à sa fin, toute action microbienne devrait s'arrêter ; malheureusement il n’en est pas ainsi ; les microbes travaillent pour leur propre compte et non pour le bon plaisir de l'industriel ; le fromage affiné reste pour eux un excellent aliment et ils l'utilisent comme tel. Les praticiens n’ont pas trouvé jusqu'ici le moyen d'éviter les transformations plus profondes qui mettent en jeu la caséine et les matières grasses. Un fromage affiné ne peut pas être conservé même par le froid, parce que les actions chimiques provoquées par l'ammoniaque libre se poursuivent à basse tempé- rature ; il faut donc le livrer à la consommation. Mais toutes les espèces qui interviennent utilement dans les fer- mentations normales du caillé ne sont pas également nuisibles par les transformations qu'elles peuvent produire aux dépens des matières qui forment le fromage affiné. Ce sont les champignons qui sont les plus redoutables à ce point de vue ; ce sont eux par conséquent qui doivent cesser toute action, qui doivent périr en un mot, quand leur rôle touche à sa fin ; les fer- ments du « rouge » sont chargés de faire cette police, si je puis m'exprimer ainsi et ils y parviennent encore facilement dans les con- ditions ordinaires. Il se trouve d’ailleurs que leur besogne est sim- plifiée par l’antagonisme qui se manifeste entre les diverses espèces de champignons. C'est surtout le Penicillium qui est le plus résistant ; mais nous l'avons vu apparaître sur un terrain déjà occupé, et en même temps que lui, l'oiditum camemberti se développe en conservant des rela- tions plus intimes avec le caillé. Le Penicilium trouve donc dès l'origine des conditions difficiles, et sa vigueur s’en ressent. L'oi- dium lui mesure la place et aussi les aliments ; c’est à peine s'il peut fructifier. La moisissure ainsi dominée n'est jamais envahissante ; c'est plutôt l'oïdium qui est à craindre ; mais nous avons vu que l'oidium camemberti ne se développe pas en milieu alcalin ; quand l'acide lactique est détruit et que l’ammoniaque reste libre, l’oïdium périt ; la moisissure subit le même sort parce qu'à ce moment les ferments du « rouge » envahissent rapidement la surface du fromage et recouvrent même la moisissure. Dans un fromage affiné les ferments lactiques limités à leur fonc- tion de ferments de la caséine, et les ferments acalinisants sont seuls vivants. Comme les uns et les autres produisent peu de caséase, la solubilisation de la caséine progresse lentement autant par alcalini- salion que par digestion diastasique. Je rappellerai enfin en terminant, que tous les ferments superfi- ciels ont encore un rôle commun à remplir, c'est d'arrêter la péné- tration de l'oxygène dans la masse du caillé. Comme ils sont tous aérobies, ce résultat est toujours assuré. L’oxygène ne peut done à aucun moment produire ces phénomènes d’oxydation dont les résul- tats sont si nuisibles lorsqu'ils atteignent les matières grasses du lait, du beurre ou du fromage. 426 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR La marche de la maturation se conçoit donc facilement. Le caillé est débarrassé lentement de son acidité et transformé en une pâte de réaction à peu près neutre avec le concours des ferments lactiques, des champignons, et aussi des ferments du « rouge » qui intervien- nent par les petites quantités d'ammoniaque qu'ils mettent en liberté. Ce travail doit s'effectuer sans accumulation de produits de fer- mentations provenant soit des matières azolées, soit du sucre de lait. Considéré dans cet état, le fromage est théoriquement affiné ; mais sa pâte ne présente pas encore l'aspect qui caractérise les fro- mages faits ; il peut l'acquérir sous l'influence de causes relative- ment très légères et en quelques jours. Le travail d'épuration chi- mique réclame plusieurs semaines, le passage de la pâte, qui a con- servé: jusque-là sa texture floconneuse, à l’état vitreux, demande cinq à six jours dans les conditions que je viens de définir. Le caillé privé d'acide libre subit en effet une solubilisation partielle en mileu neutre, sous l'influence des diastases déposées également dans toute sa masse par les ferments lactiques ; cette action diastasique se trouve accélérée par les petites quantités d’ammoniaque qui se for- ment à la surface et qui diffusent vers les régions profondes ; voilà pourquoi la transformation se fait de l'extérieur vers l'intérieur ; mais l’homogénéité de la pâte compiètement transformée, prouve que l’action liquéfiante s’est exercée dans toute sa masse avec une égale intensité, ce qui montre bien que les diastases des ferments super- ficiels n'interviennent pas dans le phénomène. Si une telle action se manifestait, elle se traduirait, exactement comme dans les cultures effectuées dans le lait, par une solubilisation complète de la caséine s'effectuant du dehors en dedans. Cet accident ne se produit que trop fréquemment et c'est pour l'éviter que l'empirisme s'est adressé exclu- sivement aux ferments qui produisent le moins de diastases. Un fromage bien réussi, camembert ou brie, doit présenter la même consistance que le beurre, car ce sont les matières grasses qui lui donnent sa consistance, avec cette différence que la pâte pré- sente une certaine élasticité. Cette élasticité lui vient de la faible proportion de caséine soluble qu'il renferme, comme elle est réguliè- rement répartie dans la masse, elle joue le rôle de substance inters- hbelle, de ciment qui englobe à la fois les flocons de caséine inso- luble et les globules butyreux. Quant à la saveur, elle est franchement celle que donne la fermen- tation lactique à laquelle vient s'ajouter un goût agréable voisin de celui du consommé, et que l’on trouve dans les cultures jeunes des ferments du rouge de bonne qualité. L'odeur du fromage affiné exposé à l'air libre, ne doit pas être sensiblement ammoniacalé ; cette odeur est due, je le répète, à l'odeur du moisi modifié par l’alcalinité de la pâte : les ferments du rouge dégagent une odeur à peu près semblable. Si maintenant on veut bien se reporter à la définition que j'ai donnée, au début, des fromages affinés, on voit qu'elle se justifie TECHNIQUE FROMAGÈRE 427 aussi bien par la nature et les propriétés des ferments qui concou- rent à la fabrication, que par les résultats de la technique qu'impose aux praticiens la bonne marche des fermentations. Rôle du fromager Dans tout ce qui précède, j'ai laissé dans l'ombre la part d'in- fluence qui revient aux aptitudes professionnelles, si bien que l'im- pression qui s'en dégage, c'est que le rôle du fromager doit consister surtout à laissér faire les microbes. Et de fait, si on ne considère que le travail du séchoir et de la cave, son intervention se réduit à peu de chose, lorsque ces locaux remplissent les conditions de tem- pérature et d'humidité qui conviennent aux fermentations. L’unique souci du fromager est d'assurer par des retournements répétés le développement régulier des ferments superficiels sur les deux faces, pendant toute la durée de la maturation. C'est le réglage de la coagulation et de l'égouttage qui doit atti- rer son attention et réclamer tous ses soins ; j'ai insisté assez sur ce point pour me dispenser d'y revenir. L'état du lait doit solliciter aussi son examen sévère ; j'en ai donné également les raisons. On voit en définitive, que si le praticien ne connaît pas tou- Jours les raisons pour lesquelles il réussit, il sait fort bien au con- traire, qu'une mauvaise fabrication exige bien plus de soins qu'une bonne. Nous nous sommes placés à dessein dans les conditions idéales ; c'est le seul moyen de démêler les transformations multiples dont le caillé est le siège ; dans la pratique les mauvaises fermen- tations sont plus fréquentes que les bonnes, et les accidents qui en résultent absorbent toute l’activité des fromagers ; en nous pla- cant franchement sur le terrain pratique, nous allons constater que l’art des gens du métier consiste moins à diriger les bonnes fer- mentations qu'à éviter les mauvaises. (A suivre.) EXPEICATION DES PEANCFIES. VIRE T VEN PL. VII. — Culture comparée de ferments alcalinisants et des b. subtilis sur lait gélosé. Ces cultures ont été faites à la température du laboratoire, condition très favorable aux ferments alcalinisants, très peu propice au contraire au développement des b. subtilis, qui exigent une température de 35° à 45°, pour produire leur maximum d'effet dans un temps donné. Malgré cela, on voit que les b. sublilis conservent un avantage très marqué sur les ferments du « rouge » en ce qui concerne la vitesse de solu- bilisation de la caséine. Les ferments alcalinisants 1 produisent une couleur rouge, répartie uni- formément dans la gélose, dans les régions envahies par l’air. Cette couleur 428 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR conserve indéfiniment sa teinte et envahit toute la gélose avec le temps 2. Après la solubilisation complète de la caséine (1, cultures jeunes, 2, cultures âgées de plus d'un an). Les b. subtilis solubilisent la caséine sans produire de matière colo- rante 3 ; la différence se voit sur les cultures jeunes, maïs non sur les cul- tures âgées trop poussées dans le clichage 4. Quelques espèces peuvent cependant produire des couleurs qui varient du rose au brun foncé. Pour les mettre en évidence, il est utile d'introduire des peptones dans le lait, solidifié par la gélose. La matière colorante en question n’est pas fixe, elle s’altère progressivement avec le temps, sous l'influence d’une oxydation de plus en plus avancée. PL. VIII. — Cultures âgées de ferments lactiques en tubes scellés. Les colonies présentent la couleur rouge propre aux ferments lactiques indus- triels. Le n° 5 est une culture pure d’une espèce industrielle, issue des beurres d'Isigny. Les n° 6 et 7 ont été obtenues en partant des beurres d'Isigny ; elles pro- viennent des beurres qui atteignent les cours les plus élevés sur les marchés de Paris ; elles ne renferment qu'un mélange en proportions variables de quel- ques espèces de ferments lactiques à petits et moyens éléments. Les n°* 8 et 9, tirées de beurres ordinaires, renferment des espèces étrangères qui pullulent dans le beurre peu acide en altérant ses qualités. Les n°* 3, 10, 12, sont tirées de beurres des Charentes, le n° 12 provient d'un beurre de première qualité. 4 et 11 proviennent de beurres de Bretagne. Le n° 1 est une culture pure de la même espèce que le n° 5. Les colonies jeunes sont petites, étalées et translucides, très faciles à distinguer de celles qui sont fournies par toutes les espèces nuisibles qui poussent dans le lait ou les levains (tube n° 2) en même temps que les ferments lactiques. Le contrôle de la pureté des fermentations au moyen de cultures sur gélose est simple et rapide ; il donne des résultats très intéressants. Les cultures de la planche VIII permettent de classer les beurres dont elles proviennent dans l’ordre suivant : 6 et 7, re qualité ; 6 est supérieur à 7; 9set 12, 2° qualité. 8 et 11, médiocre. 3 et 4, mauvais. Les cultures jeunes ne donnent pas de colonies colorées; les tubes ! et 2 repro- duisent l’aspect de cultures jeunes. Les vaccinations antirabiques à l'institut Pasteur en 1909 Par Jues VIALA Préparateur au service antirabique. Pendant l’année 1909, 467 personnes ont subi le traitement antirabique à l’Institut Pasteur : 2 sont mortes de la rage. Chez une d’entre elles, la rage s’est déclarée pendant le traitement, elle doit être défalquée pour le calcul de la mortalité. La statistique s'établit donc ainsi : PETSUNN ES CL AILE ES MERE AUTANT 467 AU OT 1 D'ENCATE 2 7 OI D TN AM I REA EE OU 1 MORTE RCE ER Er ar 0,21 0/0 Le tableau ci-dessous indique les résultats généraux des vaccinations depuis l’origine. ANNÉES PERSONNES TRAITÉES MORTIS MORTALITÉ 1886 2,671 25 0,94 0/0 1887 1,770 14 0:79 — 1888 1,622 9 Dore 1889 1,830 7 0,38 — 1890 4,540 5 DE 1891 1,559 4 0,25 — 1892 1,790 4 D — 1893 1,648 6 0,36 — 1894 4,387 7 DD = 1895 1,520 5 0,38 — 1896 1,308 4 0,30 — 1897 1,521 6 DORE 1898 41,465 3 0,20 — 1899 1,614 n 0,25 — 1900 1,420 4 0,28 — 1901 1,321 5 0,58 — 1902 1,005 2 DAS — 1903 628 2 0322 1904 755 3 D — 1905 727 3 DIRE 1906 7172 1 0,43 — 1907 786 3: 0,38 — 1908 524 1 DURE 1909 467 1 Dal 430 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Les personnes traitées à l’Institut Pasteur sont divisées en trois catégories correspondarit aux tableaux suivants : Tableau A. — La rage de l'animal mordeur a été expérimen- talement constatée par le développement de la maladie chez des animaux mordus par lui ou inoculés avec son bulbe. Tableau B. — La rage de l'animal mordeur a été constatée par examen vétérinaire. Tableau C. — L'animal mordeur est suspect de rage. Nous donnons ci-après la répartition, entre ces catégories, des personnes traitées en 1909. MORSURES MORSURES MORSURES TOTAUX à la tête. aux mains. aux membres. | : ë £ © Z 0 0 0 Traités Mortalité. Tableau A Tableau B Tableau C Au point de vue de leur nationalité les personnes traitées se répartissent de la façon suivante : RUSSIE SE CCE AC ENEMENERE 4 Hollande... 230. SCPRReMeEr 1 Colomies anplaises 2770 2 ÉSDASne ee. PAR REE or abte 2 ETAT QUE ER ERRS RReEn l Robin Répartition, par départements, des 456 Français traités VACCINATIONS ANTIRABIQUES 431 Alpes-Maritimes ............. 3 Manches PRE ARE 6 AUDE REA ER et er ere cs ( Meurthe-et-Moselle........... 6 Cantal ACL Le 12 MALO re tetes cette 26e LT Charente Res se 3 INTEL GR et LE MERE à 10 Charente-Inférieure .......... 6 (CHERE AE EE PRE RE 6 CAlVATOS PRES ME EURE 5 BUNEUEED OMERPANN RE PRE NE ERE 2% (PTIRONS DAT M ne 19 Pyrénées (Basses-l.2:.....6.02 4 COLE LION TARN AT UE 2 SANDER Re re lt ere Un 5 COTÉES ARE EN RR re 6 DéVLeSTIDEUxX=) NRC RME EAN" 13 CREUSE REC RER RTE ie tite 14 Seme-et-Marne ee nt 7 COTES QUEN OR REA ETES 19 Seineset-DISeN: Ras nan 8 NAN Se 0 Ho PE 14 Seine-Inférieure ............. “ Garonne (Haute-}............. 3 SCIN EMEA UNANS TE AT TE . 1405 Ille-et-Vilaine........... be 7 SOMINELS ONE AR Pres RU RE 36 NOIRE. SAINS RATE NE po) Vendee TPE REINE il Indre=et-Éoire..#-.270re 42 NAGER PEN ET Re elets te de 10 Porre-INTérTiIenTe EE à MiennelHaute ) eee te Se reqLil | LOUE DOTE SOIR ODA CDE b) MOSROS ME Rene ee © Boire Cher Re 4 VIOLE APE ee RE na Lie A 3 PERSONNE TRAITÉE, MORTE DE LA RAGE EN COURS DE TRAITEMENT Watson Henri, 25 ans, soldat anglais, mordu le 8 septembre, à Gibraltar, 1 morsure pénétrante au pouce droit, cautérisée à Pacide phénique pur et au nitrate d’argent. Watson a commencé le traitement le 20 septembre et a été pris de rage le 7 octobre. Mort à l'hopital Pasteur, le 10 octobre. Le bulbe de Watson inoculé aux animaux leur a donné la rage après 14 jours d’incubation. PERSONNE TRAITÉE, MORTE DE LA RAGE APRÈS LE TRAITEMENT Seaman Georges, 25 ans,soldat anglais, mordu le 8 septembre, à Gibraltar, 4 morsures pénétrantes à la main droite,cautérisées à l'acide phénique pur et au nitrate d’argent. Traité du 20 septembre au 14 octobre. Les premiers symp- tômes rabiques se sont manifestés le 19 mars 1910, mort à Londres le 22 mars. 432 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ERRATUM Mémoire de M. Bouffard, numéro du 25 avril 1940. PAGE 288. — Tableau de l'Expérience I : tontes les inscriptions de Îa colonne « Examen microscopique du sang », sauf la première et les deux dernières, doivent être lues haussées d’une ligne. PAGE 289. — Tableau de l’Experience III : les inscriptions des deux colonnes « Moutons neufs » et &« Eramen microscopique du sang » doivent être lues haussées d’une ligne à partir de la ligne «Me | + le3 ». PAGE 289. — Experience IV : colonne « Examen microscopique du sang ». En face de Pi, lire (non rares Tr. gambiense ». En face de M1, lire « + le 21 Tr. cazalboui ». En face de M2, lire « + le 23 Tr. cazalboui ». PAGE 299. — Tableau de l’Experience IX : toutes les inscriptions des colonnes « Animaux piques » doivent être lues haussées d’une ligne. Le Gérant : G. Masson. Sceaux —- Imprimerie Charaire 24me ANNÉE “JUIN 1910 N° G ANNALES DE PINS ESS PEUR ROBERT KOCH 1848-1910 La mort de Robert Koch, de celui qui a découvert la spore charbonneuse, le bacille de la tuberculose, le vibrion cholérique et créé une bonne partie des méthodes bactériologiques, a soulevé une émotion universelle. Les disciples de Pasteur tiennent à saluer ici même, dans ces Annales consacrées à la microbiologie, la mémoire de ce grand homme, à dire leur admiration pour son œuvre et les regrets que leur cause sa perte, Koch est un des fondateurs de la bactériologie; il n’a eu qu'un prédécesseur, Pasteur. En 1876 il marquait son entrée dans la science nouvelle en décrivant la spore du charbon et les conditions de sa forma- tion, il apportait ainsi l’élément indispensable à la connaissance de l’étiologie de la maladie charbonneuse. Puis, il imagine les cultures sur milieux solides qui ont donné de si fruc- tueuses moissons. C’est en 1882 que paraît la note à jamais célèbre sur le bacille de la tuberculose ; il suffisait de la lire pour être enthousiasmé, dans la précision et dans la sim- plicité du langage on sentait l'exactitude de la grande décou- verte. Deux ans plus tard, à la suite d’une campagne en Egypte et dans l’Inde, l’isolement d’un vibrion spécifique de l'intestin des cholériques affirme la puissance des méthodes inventées par Koch. Ces beaux travaux ont été réalisés en huit ans et par des moyens à la portée de tous. Ils ont valu à Koch la célébrité et une immense autorité. Il semblait que rien ne fût impos- sible à ce parfait technicien, à ce chercheur sagace. Aussi, 28 434 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR lorsqu’en 1890 il annonce la préparation d’une substance capa- ble de prévenir et de guérir la tuberculose, nul ne doute. La tuberculine ne guérit pas encore la tuberculose, sa découverte est cependant une des plus intéressantes qui aient été faites, La déconvenue de ceux qui voyaient déjà le fléau vaincu les a rendus injustes, ils négligent tout ce que Koch a apporté de neuf avec sa lymphe, à savoir un procédé de diagnostic d’une incomparable sûreté applicable à d’autres maladies infectieuses, et le premier exemple de ces phénomènes de sensibilisation de l’organisme dont l’étude passionne aujourd’hui les biologistes. Ce faisceau radieux de découvertes ne comprend pas l’œuvre entière de Koch, il faut y joindre nombre de travaux sur l'infection des plaies, sur la désinfection, la dysenterie, l’ophtalmie d'Egypte, et sur les différences entre la tuberculose humaine et la tuberculose bovine. Ils suffiraient à établir la réputation d’un savant ordinaire. Koch donnait l’impression de la force physique et de l’énergie morale; les années n’avaient diminué ni sa vigueur ni son entrain, à soixante ans il parcourait l’Inde et l’Afrique à la recherche des maladies tropicales. Il à rapporté de ces voyages des contributions importantes à l’étude de la peste bubonique, du paludisme, de la maladie du sommeil et aussi des piroplasmoses et de la peste bovine. En Robert Koch il faut admirer non seulement le grand inventeur mais le grand maître, le chef d’école. Les bactério- logistes de tous les pays sont ses élèves, puisqu'ils se servent des méthodes trouvées par lui et que leurs investigations ont souvent ses travaux comme point de départ. Les jeunes savants venus de toutes les parties du monde se rencontraient dans les laboratoires de loffice sanitaire, puis dans ceux de l’Institut pour l’étude des maladies infectieuses. Koch savait leur communiquer sa passion de la science et distinguer parmi eux les véritables talents. La magnifique floraison de la bactériologie allemande est surtout son œuvre. Le nom de Koch évoque ceux de ses disciples directs, réputés pour leurs travaux : Gaffky, Lœffler, Behring, Pfeiffer, Hueppe, Wasser- mann, Kitasato, etc. C’est à eux et à la famille de l’illustre disparu que nous adressons nos condoléances et l'expression de notre profonde sympathie. La RÉDACTION. TECHNIQUE FROMAGÈRE Théorie et Pratique par P. MAZÉ, (Suite) V. — « MALADIES » DES FROMAGES. Les maladies des fromages peuvent être groupées en deux caté- gories ; celles qui résultent d'une fabrication défectueuse, capable de détruire l'harmonie qui doit toujours régner dans les associations des ferments utiles, et celles qui sont produites par l'intervention de ferments de maladie. Les accidents du premier groupe sont causés 1° Par un développement exagéré d’une espèce déterminée, en camembert ; 2° Par un développement exagéré d'une espèce déterminée, en particulier de la moisissure ; 3° Par une végétation trop luxuriante de toutes les espèces de champignons. Le développement précoce des mycodermes et de l'oïdium est dû à un ensemencement trop abondant de ces espèces, effectué directe- ment par du lait altéré ou contaminé, ou indirectement par les usten- siles malpropres de la fromagerie. Quand cet accident se produit, le caillé se recouvre déjà dans les moules d'une membrane visible ou tout au moins perceptible au toucher. Il affecte de préférence la face qui est exposée à l’air pendant l'égouttage ; ces microbes sont en effet aérobies et ne peuvent pas se multiplier sur la face qui est en contact avec le caget. La face supérieure, qui est généralement recouverte de sérum, réunit au contraire toutes les conditions les plus favorables à leur développement. Cet accident est surtout fréquent par les temps chauds et 1l s'observe aussi bien chez les fermiers que chez les industriels. Les premiers le provoquent par l'emploi de levains très impurs ; ils pourraient donc l'éviter facilement en apportant plus de soins à la traite, en conservant le lait destiné à la préparation des levains, dans des récipients propres et enfin en le plaçant dans des endroits (1) Voir le numéro 5 de ces Annales. 436 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR peu favorables à la contamination, en couvrant les récipients, sans chercher toutefois à les fermer hermétiquement. Les industriels sont plus exposés, toujours en raison du nombre élevé de leurs fournisseurs. Un mauvais égouttage, provoqué par le manque d'acidité du lait, expose également les fromages à cet accident. C'est surtout pendant l'hiver que les industriels redoutent cet inconvénient. Le caillé qui s'égoutte lentement séjourne longtemps dans la salle d'égouttage ; comme la température y est toujours élevée, la pullulation des myco- äermes et de l'oïdium y est extrêmement rapide. La nécessité d'élever la température jusqu'à 25° (voir. p. 415) vient encore aggraver le mal. La peau graisseuse se forme alors en quelques heures ; comme elle ne constitue pas une membrane fil- trante, elle s'oppose énergiquement à l’'égouttage, de sorte que le fromager se trouve acculé à une impasse dont il lui est impossible de sortir. Les caillés qui sont ainsi envahis par les mycodermes et l'oidium pendant l’égouttage, ne se recouvrent pas de moisissure ; les spores du Penicillium qui ne se déposent généralement sur le caillé que dans le séchoir, trouvent le terrain entièrement envahi et elles ne peuvent plus germer. Par contre, la peau graisseuse s’épaissit beaucoup et dans cette membrane vivante, humide et gluante, les ferments anaé- robies qui sont de véritables putréfiants se développent avec une grande facilité. Ils produisent beaucoup d’ammoniaque, sécrètent de la caséase, toutes conditions favorables à une liquéfaction rapide qui prend quelquefois les proportions d’une véritable catastrophe, en raison de la grande quantité de sérum que retient le caillé. C'est ainsi que l'on voit les fromages se résoudre entièrement en un liquide filant qui forme des stalactiques du haut en bas des éta- sères, tout en dégageant une odeur fétide. Les fromagers préviennent ces accidents par des salages exa- gérés, le sel rétracte le caillé et expulse le liquide retenu en excès ; il agit en même temps comme antiseptique vis-à-vis des oïdium et des ferments de la putréfaction, mais non des mycodermes. Ce pro- cédé vient trop tard et n'est qu'un expédient, sorte de remède in extremis ; les fromages salés à l'excès sont fortement dépréciés. Le véritable remède consiste à utiliser des. levains de ferments lactiques préparés méthodiquement de façon à permettre de régler les constantes de la fabrication ; à désinfecter les moules, les cagets et les planches à l'eau bouillante, et à nettoyer les tables de dres- sage tous les jours, en utilisant au besoin, le sel comme antisep- tique ; on évite ainsi radicalement ces accidents, parce que les opé- rations de la coagulation et de l’égouttage, qui sont fondamentales, s'accomplissent avec une régularité parfaite. Si, d'un autre côté, on introduit dans le lait au moment de la mise en présure, les spores de Penicillium album, la moisissure ne fait jamais défaut. l TECHNIQUE FROMAGÈRE 437 Les fromagers soigneux savent éviter la maladie que je viens de décrire ; mais ils ne parviennent pas toujours à obtenir les résultats qu'ils désirent ; ils se heurtent à des conséquences moins graves d'un égouttage insuffisant : Un caillé trop humide est défectueux surtout par la grande quan- tité de sucre de lait qu'il retient. Les champignons prennent sur ce caillé un développement exagéré, bien qu'ils apparaissent dans les délais normaux. Si les fromages n'ont pas été fortement salés, c’est l'oidium camemberti et la moisissure qui présentent une végétation exubérante ; au lieu de former un plissé fin à la base de la moisis- sure, l'oïdium produit des circonvolutions qui recouvrent le caillé d'une peau épaisse, creusée de sillons sinueux, exactement comme la surface du cerveau. L'oïdium camemberti ne se développe pas indé- finiment en épaisseur car il cherche le contact de l'air, et si le sucre de lait abonde, il se développe surtout en surface ; comme celle-ci est limitée, il est obligé de se plisser. Lorsque ses replis sont épais, il se forme dans toute cette masse de cellules vivantes, des quantités trop grandes de caséase ; la caséine des régions superficielles se trouve ainsi complètement liquéfiée, de sorte que la peau se détache du noyau encore acide. Quand on coupe ces fromages, on peut sor- tir facilement le noyau solide de la peau qui le recouvre. On ne sau- rait trouver de meilleure preuve contre l'intervention de la caséase des ferments superficiels dans la maturation normale des fromages. Si l’on ne remédie pas à cet accident, la solubilisation du caillé s'effectue en quelques jours ; et quand on coupe les fromages affinés dans ces conditions, on constate qu'ils sont constitués comme une sorte de poche, pleine d’un liquide plus ou moins épais. La pâte visqueuse possède le plus souvent une saveur âcre, amère, désa- gréable, due à une peptonisation très avancée ; le Penicillium cul- tivé sur du lait écrémé donne, au bout de quelques jours, un liquide transparent qui possède la même saveur. Si la peau est constituée surtout par l’oïdium, la saveur de la pâte est moins désagréable. Les fromagers expérimentés prévoient ces accidents et générale- ment ils les préviennent en forçant la dose de sel ; l'oïdium dispa- rait dans ces conditions et on n’observe plus le décollement de la peau ; mais cet accident est fréquemment remplacé par un autre qui est tout aussi grave. Le sel n'empêche pas le développement exagéré de la moisissure ; nous verrons au contraire qu'il la favorise en supprimant son unique antagoniste : l’oïdium. La moisissure trouve la place libre, de sorte qu'elle dispose de la presque totalité du sucre de lait que retient le caillé ; son développement n’est donc limité que par la quantité d'aliments ternaires dont elle dispose ; si elle est suffisante pour lui permettre de tisser -un feutrage mycélien épais, avant que les fer- ments du rouge ne se multiplient, elle forme une peau si dense, que ces derniers ne peuvent plus prendre contact avec le caillé s'ils | ——— 438 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR viennent de l'éktérieur, ou puiser dans l'air l'oxygène qui leur ést nécessaire, s'ils sont emprisonnés sous la couche mycélienne. La moisissure supprime ainsi toutes les espèces concurrentes ; le fromage s’affine quand même, et rapidement, dès que le sucre de lait et l'acide lactique sont détruits : mais le Penicillium, qui a acquis un développement énorme, s'attaque alors à la caséine et aux matières grasses qu'il consomme avec autant de facilité que le sucre de lait et l'acide lactique, de sorte que le fromage se réduit de plus en plus ; voilà pourquoi les praticiens disent que la grosse peau mange le fromage. Si on pratique des coupes dans les produits ainsi préparés, à intervalles convenablement espacés, on constate de bonne heure sous le mycélium, la présence d'une zone liquide ; mais la peau ne se décolle pas, parce que la moisissure, qui est pourvue d'une végé- tation aérienne relativement haute, se développe en épaisseur sans se plisser et par conséquent sans se détacher. Le noyau solide du centre se liquéfie rapidement, mais on constate qu'il subit en même temps une véritable combustion car il se réduit visiblement. Quand la liquéfaction est complète, les deux peaux se rejoignent bientôt, si- le fromage n'est pas livré à la consommation. La pâte qui a été affi- née dans ces conditions, possède, à un très haut degré, la saveur que j'ai attribuée à la prédominance du Penicillium. Contre de tels accidents les fromagers ne disposent toujours que d'un seul remède : un salage énergique capable de paralyser l'essor de la moisissure. Un séchage violent peut cependant ralentir le déve- loppement du Penicillium en rendant plus pénible la diffusion de l'acide lactique et du sucre de lait dans le caillé. J'ai dit quels sont les inconvénients de l'emploi exagéré du sel; le séchage a aussi ses désavantages ; il rend la maturation difficile en entravant la destruction de l'acide lactique et du sucre de lait. Le changement de réaction se fait surtout par accumulation d'ammo- niaque ; les fromages deviennent nécessairement « forts » et pi- quants. Le véritable remède consiste ici encore non pas à guérir mais à prévenir et comme moyen préventif il n'y en a qu'un, je l’ai indiqué ; je n'insiste pas. Ferments de maladie. Les maladies causées par des ferments nuisibles sont tout aussi redoutables que les précédentes, et si elles en diffèrent comme ori- gines elles s’en rapprochent parfois beaucoup comme caractères et comme conséquences. Les ferments nuisibles peuvent être groupés en deux catégories distinctes : 1° Ceux qui se développent dans le caïllé acide ; TECHNIQUE FROMAGÈRE 439 2 Ceux qui apparaissent après le changement de réaction de la pête. Dans chacun de ces groupes on trouve des ferments capables de se multiplier à l'abri de l'air et des ferments aérobies. Maladies du caillé acide. Les ferments lactiques exercent vis-à-vis des microbes de la putré- faction une action antiseptique suffisante sinon pour les tuer, du moins pour arrêter leur développement ; malheureusement, il existe beaucoup d'autres espèces de bactéries qui offrent une plus grande résistance à l'acidité, qui peuvent par conséquent se développer à côté des ferments lactiques, qui recherchent même leur société, de sorte qu'ils deviennent avec eux les hôtes habituels des laiteries. Nous trouvons parmi ces microbes tout un groupe de ferments particuliers, les ferments propioniques, dont les effets ne sont que trop connus des fromagers. Puis viennent les ferments filants qu'on rencontre dans tous les liquides sucrés acides ; les fabricants de sucre, les brasseurs, les vignerons, les distillateurs, les cidriers, les limonadiers même, les connaissent aussi bien que les fromagers. Ils sont en effet très répan- dus dans l’eau et dans le sol, et comme ils sont très prolifiques, qu'ils ne redoutent pas l'acidité produite par les ferments lactiques, qu'ils sont même moins exigeants qu'eux sur la qualité de leurs aliments, ils s'implantent partout et jusque sur les murs humides de tous les locaux de la fromagerie. Les ferments propioniques se reconnaissent surtout par le déga- gement de gaz qui résulte des fermentations qu'ils produisent. La formation d'acide propionique et d'alcool propylique aux dépens du sucre de lait entraîne toujours un dégagement d'hydrogène et d'acide carbonique. Ce dernier est soluble et se dégage par diffusion ; il ne se forme jamais en quantité suffisante pour produire des trous ou provoquer de la boursouflure. Mais l'hydrogène, gaz à peu près inso- luble dans l’eau, se dégage en liberté dans le caillé et se taille une place en y faisant un trou. Aucune force mécanique ne peut Ss'oppo- ser à ce dégagement et atténuer ses effets désastreux. L'espèce la plus répandue de ces ferments est le b. lactis aero- genes, à peu près identique à celle qui est connue dans un autre ordre d'idées scientifiques sous le nom de bacille de Friedlander. Le b. L. aerogenes, espèce très active, se développe en même temps que les ferments lactiques et ne leur cède en rien au point de vue de la rapidité du développement. S'il est abondant dans le lait, sa pré- sence se révèle par le dégagement de bulles de gaz qui forment une mousse grossière, différente de celle que produit l'acide carbonique dans la fermentation alcoolique. S'il existe dans le lait utilisé en fro- magerie, le caillé se gonfle dans les moules et prend quelquefois l'aspect de véritables éponges. Le résultat varie avec l'acidité initiale du lait et le nombre de ferments présents. 440 ANNALES DE L’INSTITU1I PASTEUR Moins le lait est acide pour une même quantité de ferments, plus le dégagement de gaz est abondant ; il est rare qu'on n'observe pas de caillés parsemés de trous, et s'ils n’atteignent pas toujours des proportions inquiétantes, c'est parce que cette fermentation s'arrête aussi dans un milieu qui renferme 1 % d'acide lactique. L'accident de la boursouflure s'observe aussi bien ans les fro- mages à pâte pressée ou cuite. J'ai toujours eu l'impression que ces ferments sont plus répandus dans le lait des vaches flamandes ou hol- landaises, que dans celui des autres races laitières, mais je n'ai pas eu l'occasion de vérifier cette hypothèse ; la fréquence de la boursou- flure dans les fromages de Hollande semble bien l'indiquer. Ce sont d'ailleurs les praticiens hollandais qui ont trouvé le remède à cette maladie ; pour éviter la boursouflure, surtout en été, ils additionnent le lait d'une faible quantité de nitrate de potassium (salpêtre), quelques centigrammes par litre. Le nitrate de potassium se combine à l'hydrogène naissant, dé- gagé par les microbes ; parmi les produits résultant de la réduc- tion de j'acide nitrique on trouve : l'acide nitreux, le bioxyde d'azote, le protoxyde et un peu d'azote libre, ces derniers se formant, bien entendu, aux dépens de l'acide azoteux. Comme ils sont peu abon- dants en regard du volume considérable d'hydrogène qui se combine à l'acide nitrique, leur dégagement passe inaperçu (1). On ne peut pas recourir à ce procédé pour empêcher la boursouflure des fro- mages à pâte molle ni même du gruyère ; l'acide nitreux qui prend naissance par réduction de l'acide nitrique, est un antiseptique très puissant : à la dose de 1/5000 il arrête complètement la fermentation lactique, de sorte que l'usage du salpêtre produirait des accidents plus graves que ceux qu'il est appelé à supprimer. La présence du b. l. aerogenes, passe le plus souvent inaperçue (1) L'action du salpêtre dans le cas particulier qui nous occupe a été étudiée par MM. Bæœkhout et de Wries. Ils attribuent ses effets à la pro- priété qu'il possède de permettre la vie aérobie dans la masse du caillé en raison de la facilité avec laquelle il cède de l'oxygène aux microbes. C’est ainsi, d’ailleurs, qu’on interprète les actions de dénitrification que l’on a observées dans tous les milieux fermentescibles où l’on rencontre des nitra- tes. Mes recherches personnelles, dont les résultats ne sont pas ici à leur place, prouvent que les phénomènes de dénitrification doivent être rattachés à l'assimilation de l’azote nitrique par les microbes et par les végétaux supérieurs. Le plus souvent la transformation de l’azote nitritique en ammo- niaque se fait sans formalion de produits intermédiaires, Les microbes dénitrifiants permettent d'observer, dans certaines conditions, l'apparition de ces substances intermédiaires. Dans ce cas particulier du b. lactis azrogenes, le nitrate de potassium ne supprime aucun des produits de la fermentation, pas même l'hydrogène, dont la formation se révèle par la production des dérivés oxydés de l'azote nitri- que ; mais tous les produits de fermentalion sont très sensiblement diminués : parce que l'acide nitreux est un antiseptique puissant pour les microbes qui le produisent. Il en résulte que la fermentation s'arrête plus vite. De petites quantités d'acides nitreux produisent le même effet que l’acide nitrique vis-à- TECHNIQUE FROMAGÈRE 441 parce qu'il forme des produits de fermentations acides et des alcools qui s'allient bien avec la fermentation lactique, ce sont en effet l'acide lactique, l'acide acétique, l'acide propionique, l'alcool éthy- lique et l'alcool propylique ; mais un dégustateur exercé ne s’y trompe pas ; la présence de l'acide acétique en quantité anormale ne lui échappe pas. La fermentation propionique n’est vraiment normale que dans le gruyère ; mais ce n’est pas le b. l. aerogenes qu'on y ren- contre. Ce microbe n'existe jamais dans les produits de bonne qualité. Il existe à côté du b. L. aerogenes tout un groupe de ferments voi- sins difficiles à identifier, aussi difficiles à distinguer, qui sont con- fondus généralement sous le nom de b. coli ; ils possèdent les pro- priétés physiologiques du précédent et ils se rencontrent aussi dans le lait. Une autre catégorie de ferments propioniques moins actifs, à développement plus lent, est très répandue dans les fruitières ; le b. L. aerogenes et les colibacilles sont tués par un chauffage de o minutes à 65-66° ; les ferments propioniques du gruyère résistent à cette température ; ils ont un rôle important à jouer dans la fabri- cation des fromages à pâte cuite. Ce sont eux qui produisent dans le gruyère l'acide propionique et l'alcool propylique et ils donnent nécessairement de l'hydrogène ; c'est donc surtout l'hydrogène qui forme les yeux du gruyère et non l'acide carbonique seul qui se dégage lentement par diffusion en rai- son de sa grande solubilité. On trouve encore les mêmes ferments propioniques dans du lait caillé spontanément, maintenu à l'abri de l’air. Ces microbes résis- tent à l'acidité du lait caillé mieux que les ferments lactiques et finissent toujours par donner au lait une odeur de gruyère. Les ferments producteurs de mucilages et de gommes sont très fréquents aussi ; ce sont les agents de la maladie de la graisse clas- sique des fromages. Cette graisse se distingue de celle qui est due à vis du dégagement d'hydrogène produit par le b. L. aerogenes ; mais le déve- loppement des cultures est extrêmement faible. L’acide nitreux arrête radicalement la fermentation lactique à la dose de 1/5000. De petites quantités de nitrates introduites dans le lait retardent donc sa coagulation s’il renferme des microbes dénitrifiants. L'usage du salpêtre, comme conservateur, vise toujours le développement du b. L. aerogenes et du b. coli et similaires dans la charcuterie comme dans quelques autres denrées alimentaires. L'emploi du sous-nitrate de bismuth dans la thérapeutique est destinè aussi à combattre le dégagement d'hydrogène. On ne vise que l'hydrogène sulfuré, en principe ; mais la formation de sulfure de bismuth libère l'acide azotique dans l'intestin et, en réalité, c'est lui qui constitue le véritable remède contre la flatulence ; mais l’acide nitreux peut causer, on le sait, des intoxications graves, et il est possible que des cas d'intoxication mal définis dus à l’ingestion de viandes conservées puissent être attribués à ce Corps. 442 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR x un égouttage insuffisant ou à une pullulation trop précoce des myco- dermes et des oïdium, en ce qu'elle peut se manifester même après le développement de la moisissure. Elle apparaît à ses débuts sous forme de taches isolées, formant une saillie sensible à la surface du caillé ; ces taches gagnent peu à peu en surface et semblent détruire la moisissure qui disparaît devant elles. Quand on examine les microbes qui forment ces taches graisseuses on trouve surtout des mycodermes et des oïdium, avec des quantités énormes de chaî- nettes ressemblant à des ferments lactiques ; l'oidium et le myco- derme pullulent en effet dans le mucilage formé par ces microbes ; en les associant dans des cultures artificielles sur des milieux solides on reproduit l'aspect caractéristique des taches graisseuses des fro- mages. Lorsqu'on examine les taches vieilles de plusieurs jours, on constate la présence d’un grand nombre de bacilles mobiles ; ce sont des microbes putréfiants, dont la présence se révèle par l'odeur nauséabonde qu'ils dégagent. Cette graisse aboutit donc comme la première à une véritable putréfaction du caillé, accom- pagnée d’une liquéfaction rapide. Quand les fromagers constatent la présence de ces taches sur le caillé, ils les expliquent par une mauvaise répartition du sel, un salage irrégulier ; l'endroit infecté n’a pas reçu de sel. Ils semblent oublier que le sel, corps très soluble, se répartit également dans toute la masse du caillé en moins de 24 heures après le salage. Ce VAQUSSEL | Roussel Fig. 10.— Levure de lactose, transforme le Fig. 11. — Torula aurantiaca pullule sur le sucre de lait en alcool caillé acide en produisant une et gaz carbonique, couleur jaune orange. n'est donc pas le sel qui ferait défaut sur certains points, c'est tout simplement la dose employée qui est trop faible. Le sel détruit radicalement tous ces ferments, plus facilement que l'oïdium lui- TECHNIQUE FROMAGÈRE 443 même ; s'ils produisent des taches graisseuses sur les fromages, c'est parce qu'ils ont été déposés dans les endroits malades, soit par les cagets, soit par les mains de fromagers ou encore par des souttes d’eau tombées des plafonds. = Ces microbes sont très répandus dans l'eau et dans le sol ; ils existent done toujours dans le lait et par conséquent dans le fro- mage et s'ils ne sont pas plus redoutables, c'est parce qu'on peut les éliminer facilement par les soins de propreté et la désinfection des ustensiles. A côté des maladies que je viens d'examiner, je devrais placer les accidents dus au développement des levures de lactose (fig. 10) ; j'avais supposé tout d'abord que l'alcool qu'elles produisent pouvait prendre une part plus ou moins importante à la formation du bou- quet ; mais elles sont si peu nombreuses, qu'il faut ensemencer des morceaux de caillé assez gros pour les découvrir ; elles n'influent done ni sur le bouquet, ni sur la saveur et quand elles pullulent par suite d'une négligence quelconque, elles produisent toujours de l'amertume, surtout dans le caillé acide. Quelques espèces de levure, de torula (fig. 11), de mycoderme donnent au caillé acide des couleurs variées. Toutes ces espèces ne résistent pas aux procédés ordinaires de désinfection et de net- toyage. Moisissures nuisibles. Maladie du « noir ». La maladie du « noir » est, avec les différentes formes de la graisse, l'accident le plus redouté des fromagers. Pour eux, c’est le blanc qui tourne au noir. « La moisissure fleurit d'abord blanc puis elle bleuit brusquement dans l’espace d'une nuit, puis elle ver- dit, puis elle prend enfin une teinte brune. » On ne saurait mieux décrire les différentes teintes que présente le Penicillium glaucum. Les praticiens sont complètement désorientés par l'apparition du noir. Dans leur esprit, c'est la bonne moisissure qui se transforme sous l'influence de certaines causes qu'ils cherchent à préciser. Tan- tôt c'est la mauvaise qualité du lait, son acidité qu'ils incriminent ; l'humidité des locaux est souvent accusée ; la saison n'est pas sans influence non plus ; les fromages noircissent fréquemment vers le mois de février, de mars ou d'avril, c'est-à-dire en fin de saison, rare- ment en septembre et octobre. Or, toute la bonne volonté dépensée en rapprochements de ce genre est déployée en pure perte. Sous le nom de Penicillium glaucum (fig. 8), on confond tout un groupes d'espèces de moisissures nuisibles, capables de se développer sur le caillé acide aussi bien, sinon mieux que le Penicillium album, auquel elles se substituent fréquemment pour diverses raisons que j2 vais exposer. Règle générale, tous les établissements neufs au moment de la 444 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mise en exploitation sont envahis par le « noir » et cela quelles que soient les précautions que l’on prenne pour y apporter la bonne moisissure. Le Penicillium glaucum trouve donc dans les locaux neufs des conditions qui favorisent son développement. Le lait est pourtant le même que dans une fromagerie voisine où la fabrication réussit très bien avec moins de soins. Le propriétaire de l'usine neuve possède quelquefois deux ou trois autres exploitations dans lesquelles il fait merveille. 11 déploie dans sa nouvelle installation la même habileté avec plus d'activité encore, il met en œuvre exactement les mêmes procédés, surveille le lait, contrôle le chauffage, règle les températures, emploie la même pré- sure qu'il connaît depuis des années, appelle de nouveaux employés de ses deux ou trois autres fromageries, y renvoie les maladroits qu'il avait pourtant reconnus autrefois comme les plus habiles, et comme résultat : toujours du noir. Cela dure quelquefois un an, deux ans, et plus, avec des interruptions plus ou moins prolongées que l’on met à profit pour désinfecter au lait de chaux, pour tout nettoyer. On repart, et pendant quelques jours 1l semble bien que le mal est vaincu ; mais le plus souvent le noir revient, plus abon- dant et plus envahissant que jamais. Puis un beau jour, générale- ment après une interruption prolongée pendant la saison chaude, et sans qu'on sache à quelle cause attribuer le changement, on constate que la fabrication réussit à souhait ; le « noir » a bien voulu dispa- raître pour laisser Ia place à la bonne moisissure. Voilà donc des accidents contre lesquels l'expérience la plus con- sommée demeure impuissante. Cependant, les plus clairvoyants ont constaté que les fromageries doivent être installées dans des bâtisses anciennes si on veut éviter ces accidents, car ils prétendent que c'est l'humidité du plâtre qu'il faut en accuser. D'autres, toujours pour la même raison, bâtissent mais n'exploitent que plusieurs années après. C’est une précaution qui peut être utile ; elle n’est ni nécessaire, ni suffisante, et quand elle paraît réussir, cela n'est pas dû à la séche- resse des plâtres, sur lesquels l’eau ruisselle nuit et jour, aussi long- temps que dure la fabrication. Il faut donc trouver autre chose. Chacun sait que les bois blancs et même les bois durs de nos régions, débités en planches et exposés aux intempéries, se recou- vrent toujours de poussières vertes. Les marchands de bois qui sui- vent de près la formation de ces taches, savent de plus que la couleur verte ou brune est toujours précédée d'une moisissure blanche, très peu apparente. Cette moisissure blanche n'est autre que le P. glau- cum et la poussière verte ou brune qui lui succède, c'est sa graine, ses spores, comme disent les botanistes. Les boiseries neuves des fromageries sont donc placées dans des conditions idéales pour porter et entretenir le P. glaucum. Ce cham- TECHNIQUE FROMAGÈRE 445 pignon trouve, dans le bois blanc surtout, tout ce qui est nécessaire à son alimentation et la fromagerie lui apporte la chaleur et l'humi- dité ; il s'y installe donc en quelques jours pour rester autant que durent les substances nutritives (sucre, amidon, gommes, résines, matières pectiques, matières azotées et minérales du bois), c'est-à- dire, des années quelquefois. Voilà pourquoi le « noir » fait son appa- rition en même temps que sèche le plâtre ; il y a là une simple coiïn- cidence. De la boiserie, le « noir » se propage naturellement sur les fro- mages jeunes, et c'est là le mauvais côté de l'affaire, car il est alors entretenu par le fromager lui-même. Les vieux locaux, les fromageries anciennes ne sont pas exempts de « noir », mais il y entre par d'autres voies, car les boiseries ver- moulues ont déjà nourri d'innombrables générations de moisissures. Les cagets, les planches, les fromages avariés, qu'on laisse dans des endroits humides ou qu'on abandonne longtemps dans les coins, se couvrent de P. glaucum et aussi de mucors, rarement d'’as- pergillus ou de botrytis (fig. 12). Les cagets neufs qui sont mis en usage sans être ébouillantés sont une cause de contamination lorsqu'ils sont de mauvaise qualité, En un mot, tous les ustensiles, tous les matériaux susceptibles de moisir, doivent être l'objet d’une surveillance rigoureuse et constante. Enfin, une dernière cause d'infection vient de la fâcheuse habi- tude qu'ont les fromagers de mettre en route une nouvelle fabrica- tion sans utiliser des cultures de moisissures. Le P. album n’est pas abondant dans la nature ; si on ne l'introduit pas dans la fromagerie il met un temps très long à s'y installer. Les germes du P. glaucum qui existent toujours dans l'air, se chargent de peupler le caillé, et c'est toujours ce que l’on observe. Les causes d'infection étant connues, il devient facile de les évi- ter. Les boiseries neuves ne doivent jamais être assemblées sans avoir été, au préalable, injectées ou imbibées de sulfate de cuivre (solution à 2 %). On procède à cette opération lorsque le bois est débité. Une fois monté, on le recouvre d'une légère couche de lait de chaux. Les murs doivent être badigeonnés aussi à la bouillie bordelaise mais sans revêtement de lait de chaux. Tous les ustensiles portatifs en bois ou en paille réclament des ébouillantages et des nettoyages journaliers. Lorsqu'ils ont séjourné quelque temps dans les magasins, il est prudent de ne les mettre en usage qu'après les avoir passés dans l’eau bouillante ou désinfectés dans une étuve à vapeur, procédé beaucoup plus pratique. On ne peut procéder de la même façon vis-à-vis des fromages infectés : il est cependant nécessaire de prendre des mesures éner- giques à leur égard. Quand on peut interrompre la fabrication, on procède à une désinfection générale par les procédés indiqués, puis 446 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR on aère longuement pendant trois ou quatre jours et on repart avec des cultures pures de ferments. Quand on ne peut pas arrêter la fabrication, l'opération devient extrêmement difficile à conduire. On se trouve en effet en présence de deux causes de contamination difficiles à éviter : le trans- port des spores par l'air, d'un local à l'autre et la contagion par le contact, l’ouvrier servant d'intermédiaire entre les fromages malades et ceux que l’on vient de fabriquer. Les fromages couverts de « noir » portent, on le sait, une couche de poussière d'un vert foncé qui s'envole au moindre choc. Cette « fumée » n'est autre chose qu'un nuage formé de milliards de spores qui iront se déposer partout dans la fromagerie au hasard des cou- rants d'air. Pour supprimer cette cause de dissémination, il n'y a qu'un moyen : c'est d'abord d'écouler tous les produits susceptibles d'être vendus. On fait ainsi de la place pour les autres que l'on isole dans une cave ou dans un séchoir qui se prêtent à une suppression com- plète de toute communication avec les autres locaux. Les employés chargés de retourner ces fromages malades ne doivent, sous aucun prétexte, pénétrer dans les autres pièces. Celles que l'on a ainsi débarrassées sont désinfectées rapidement, Ce moyen réussit toujours quand le personnel exécute ponctuel- lement les ordres qu'on lui donne ; pour plus de sécurité, on fait usage, pendant la période de transition, de plus fortes quantités de ferments. Quand la place est bien garnie de bonnes espèces, les mauvaises ne peuvent plus s'y installer pour produire les milliards de graines que représente un seul « bouton » de noir. A côté du Penicillium glaucum, on rencontre dans les fromage- ries un champignon noir ; c'est le Racodium cellare ; il pousse sur les murs, et les boiseries en formant des taches étoilées, rouges au début, puis d'un noir de suie, lorsqu'elles vieillissent ; cette moisis- sure ne se développe pas sur les fromages à pâte molle, égouttés spontanément ; elle envahit au contraire le Port-du-Salut dans les fromageries mal tenues, forme des taches versicolores sur la croûte et finit par se localiser dans les dépressions qu'elle provoque ; les points envahis sont profondément altérés, et la saveur de la pâte y est d'une amertume très prononcée. Le fromage de Roquefort est parfois envahi par une moisissure particulière, l'Isaria casei. Cet Isaria se substitue au P. Roqueforti sur le pain moisi ; Ses spores sont en effet vertes comme celui de la bonne moisissure ; mais l’/saria casei ne sporule pas dans la pâte ; les trous sont bien garnis d'une feutrage mycélien blanc ; mais la couleur bleue, le persillé ne se produit pas. TECHNIQUE FROMAGÈRE 447 Maladies du caillé alcalin. Les ferments nuisibles, capables de se développer dans le caillé alcalin sont légion ; on le conçoit sans peine, car à la surface et dans l'intérieur de ce caillé, les bactéries de la putréfaction peuvent pulluler suivant qu'elles cherchent le contact de l'air ou fuient sa présence. L'acidité produite par les ferments lactiques en fait périr un grand nombre d'espèces ou arrête le développement de celles qui résistent longtemps à la réaction acide ; mais comme celle-ci est destinée à dis- paraître pour faire place à une réaction alcaline, les espèces nui- sibles qui survivent reprennent leur activité, dès que cette trans- formation s'est accomplie. Il est extrêmement difficile de faire un exposé succinct des espèces bactériennes, capables d'’altérer le fromage au moment où s'opère la solubilisation partielle de la caséine ; je me contenterai donc de défi- nir leurs divers modes d'action. Ceux-ci traduisent par la « coulure », par la production abondante d'ammoniaque, par la formation de produits volatils qui sont pres- que toujours les agents avertisseurs des phénomènes de putréfac- tion. Nous connaissons déjà les coulures précoces provoquées par une végétation superficielle trop luxuriante ; nous connaissons aussi les putréfactions anticipées qui se greffent sur ces coulures parce que la peau humide s'alcalinise rapidement. La coulure plus tardive se manifeste à un âge plus avancé du caillé dans la cave d'affinage, et généralemnt elle est moins grave. Elle con- siste en une solubilisation trop avancée de la caséine et suppose par conséquent l'intervention de grandes quantités de caséase ; on peut donc soupconner à bon droit la présence de b. subtilis (fig. 13), parmi les ferments du « rouge ». Je ne les y ai jamais rencontrés ; ce sont donc d'autres espèces qui doivent être rendues responsables de cet accident, et on n’a que l'embarras du choix ; j'ai isolé fré- quemment des fromages coulants une espèce liquéfiante qui res- semble aux bacilles subtiles, mais qui en diffère en ce qu'elle ne produit pas de spores ; elle solubilise la caséine, le sérum sanguin coagulé, la gélatine plus vite que les b. subtilis les plus actifs. Quand ce bacille est abondant sur les fromages, la pâte se transforme rapi- dement en une sorte de crème fluide. Le lait soumis à son action devient limpide en 48 heures, et bientôt on voit dans le dépôt mu- queux, une grande quantité de doubles pinceaux de tyrosine. La coulure est due aussi à l’ammoniaque ; les ferments produc- teurs d'ammoniaque sont très nombreux ; ils liquéfient la gélatine, et forment sur les milieux peptonés de longues aiguilles de phos- phate ammoniaco-magnésien. La coulure, due à un grand excès d'ammoniaque, se reconnait facilement aux déchirures que présente la peau. L'ammoniaque semble en effet enlever sa souplesse à la peau ; quand la pâte se liquéfie, elle marque une tendance assez forte 448 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Fig.12.— Organes fructifères. —1, Penicillium. — 2. Mucor.— 3. 1 Sterigmatocysti (aspergillus). — 4. Botrytis. a) faible grossissement ; b) fort grossissement: €) spores isolées. TECHNIQUE FROMAGÈRE 449 à la déformation, la peau incapable de se distendre, se déchire en découvrant de larges plaques semi-fluides, Si le fromage renferme peu d'eau, la peau ne se déchire pas et la liquéfaction est peu sensible, même en présence d’une alcalinité très élevée, On observe alors chez les fromages gras une saponification très nette provoquée par l’ammoniaque. Les acides gras mis en liberté forment des sels ammoniacaux, dont les aiguilles cristallines enchevêtrées produisent une assise superficielle qui se détache de la masse sous-jacente par sa couleur plus claire. Ce phénomène se présente d'une façon frappante chez les camem- berts un peu aqueux qui restent trop longtemps en boîte ; on les enveloppe généralement de papier sulfurisé ou plus fréquemment encore de papier paraffiné. L'un et j'autre sont peu perméable: aussi bien à l'air qu'à l’'ammoniaque. Les ferments superficiels sont donc ainsi privés d'air ; ils cèdent le pas à des bactéries anaérobies, dont la présence se révèle par la formation de grandes quantités d'ammoniaque. Le « rouge » disparaît ; la masse glaireuse humide qui recouvre le fromage possède une teinte gris pâle, de mauvais aspect ; si l'on râcle les parties superficielles composées surtout de corps microbiens, on constate que la pâte grasse que l’on met à jour prend un aspect moiré ; ce sont les aiguilles de sels ammoniacaux à acides gras qui provoquent ces phénomènes de diffraction en s'orien- tant toutes dans le sens du râclage. Pour se conserver en boîte, Je camembert doit trouver, dans les procédés d'emballage, les mêmes conditions de milieu que dans la cave d'affinage, c'est-à-dire une aération modérée, une humidité convenable, et surtout une atmos- phère peu chargée en ammoniaque. L'usage du papier sulfurisé ou paraîfiné est une pratique malheureuse ; beaucoup de fabricants l'ont vite reconnu et se sont empressés de recourir au papier finement ajouré, qui gêne l'évaporation et permet l'aération modérée et le déga- gement d'ammoniaque. La saponification des matières grasses s'observe fréquemment aussi chez les fromages à pâte pressée comme le port-du-salut, le maroilles : elle est localisée sur certains points, là où la croûte a été entamée, Ces fromages lavés sont en effet recouverts de ferments ammoniacaux très actifs ; mais l'ammoniaque pénètre difficilement à travers la croûte cornée qui la protège ; si celle-ci fait défaut sur quelque point, l’aleali s'y concentre, et on voit s'y produire une sorte d'ulcère gangréneux à odeur nauséabonde qui se présente tout d'abord sous la forme d'une légère excroissance grisâtre produite par le foisonnement des cristaux de sels ammoniacaux. Je signalerai enfin le noircissement des régions superficielles de la pâte du brie et du camembert. Cet accident indique aussi la pré- sence de ferments nuisibles ; c'est toujours à la surface que cette couleur se produit et elle débute par un bleuissement. Quand les fer- ments mélanogènes sont rares, on constate la présence de taches brunes correspondant à des colonies isolées sur une coupe exposée 29 450 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Fig. 13. — Quelques échantillons de 4. subtulis isolés du lait. Ferments acrobies mobiles solubilisent la caséine plus ou moins rapidement (V. PI.VIII),ne se rencon- trent pas sur les fromages parce que les ferments laetiques empêchent léur déve- loppement. TECHNIQUE FKOMAGÈRE 451 s'ils sont nombreux, toute la section brunit (1). Ces microbes viennent quelquefois du lait directement ; le plus souvent ils existent sur Îles “cagets trop vieux et ne tardent pas alors à se généraliser dans la cave. Tous ces-accidents sont très fréquents, mais ils apparaissent de préférence sur les fromages avancés ; c'est pour cela qu'ils attirent moins l'attention des fabricants ; mais ils indiquent aux connais- seurs la présence de mauvais ferments, et montrent qu'en réalité il existe peu de produits qui ne portent que des ferments utiles. Les mauvaises espèces se généralisent trop souvent dans les fro- mageries, parce que la notion de contagion appartient, pour le pra- ticien, au domaine de la théorie. On voit ainsi, communément, des fromagers s'exposer aux complications les plus dangereuses, en pro- cédant dans les mêmes locaux à la fabrication de deux variétés de fro- mages aussi différentes que le camembert et le port-du-salut. Le camembert est un fromage d'hiver ; le port-du-salut est plus demandé en été parce quil résiste mieux aux températures élevées. Ce dernier est moulé et égoutté mécaniquement au moyen de presses appro- priées. Salé et séché il est soumis à un travail d'affinage qui consiste en lavages plus ou moins fréquents, effectués avec un linge imbibé d'eau modéréméent salée. La croûte qui reste toujours humide se recouvre d'une épaisse couche de ferments qu'on enlève par râclage avant de livrer les fromages aux détaillants. Je n'ai pas besoin de dire que dans cette masse glaireuse d’un rouge plus ou moins foncé, tous les microbes des matières azolées sont bien représentés. Il n'y a pas de place, dans cette coutume, à la moindre sélection des espèces. Si l'on veut se procurer des microbes doués des propriétés physiolo- giques les plus singulières, c'est là qu'il faut aller les chercher, aussi bien d'ailleurs que sur les fromages de livarot, de münster, de maroilles, etc... Ce qui importe ici c'est quil s'y trouve des espèces capables d'envahir le camembert, le brie, le coulomuniers, au détriment des ferments utiles, dont les caractères sont très bien déterminés et les espèces très limitées. Il en résulte que chaque fois qu'on procède à deux fabrications différentes dans les mêmes locaux, suivant la sai- son, où qu'un même personnel est chargé d'assurer deux fabrications simultanées dans des locaux différents, on peut être certain que les ferments des fromages lavés envahiront les fromages moisis. Le camembert, par exemple, ne présente rien d'anormal jusqu'à l'épanouissement de la moisissure ; mais les ferments des fromages lavés apparaissent avant les bonnes espèces. Ils forment des taches humides, d'un jaune rougeâtre caractéristique ; ces taches évoluent rapidement et gagnent en étendue en détruisant la moisissure. Quand les parties superficielles des fromages présentent une réaction alca- (1) Le microbe du lait bleu s’observe plus rarement ; cependant il peut envahir le gruyère ; la pâte du fromage devient alors uniformément bleue sur une section exposée quelques minutes à l'air. 452 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR line, la couleur passe au rouge foncé et rappelle naturellement le rouge des fromages lavés puisqu'il lui est identique. Ce rouge est très hygroscopique ; exposés à des courants d'air vio- lents, les fromages qui le portent paraissent toujours mouillés ; s'ils ne sont pas fortement égouttés ils coulent ; ils ont bien la forme des camemberts, mais ils n’en possèdent ni le goût, ni l'odeur ; ils se rap- prochent sous ce point de vue des fromages lavés ; ils sont amers, forts, piquants, parce que les produits de décomposition avancée de la caséine, les sels ammoniacaux, l'ammoniaque libre, s'y accumulent. Des fromages qui possèdent ces caractères existent dans le com- merce ; ils ne se vendent pas sous le nom de camembert, ils portent le nom de fromages de Tholy, des Vosges. Ils dérivent en droite ligne du münster ou du géromé, qui se fabriquent dans les fermes des environs de Gérardmer. M. Gérard de Tholy ayant tenté l'industria- lisation du münster, s'est heurté à des difficultés très grandes dues à l'acidité du lait. Le münster ne peut être fabriqué, en raison de son volume, qu'avec du lait frais ; M. Gérard a dû laisser agir les moisis- sures afin de débarrasser le caillé de l'acidité qui en rendait l’affi- nage impossible ; il a constaté ainsi que les fromages gagnaient en finesse, et par l'observation et l'expérience il a été conduit à décou- vrir les principes de la fabrication du maroilles ; mais en même temps, il a adopté la forme et le volume des camemberts et il a obtenu ainsi, tout naturellement, un fromage à goût de münster avec le « rouge » de münster et qui présente sur ce dernier l’énorme avan- tage d'être plus doux, moins amer, et moins ammoniacal, parce que l’affinage se faisant en quelques semaines ne provoque pas de dégra- dation aussi avancée de la caséine. L'accueil qu'il a trouvé auprès des consommateurs de münster et analogues, prouve que M. Gérard a rencontré la bonne voie. VI. — SÉLECTION EMPIRIQUE DES FERMENTS DES FROMAGES A PATE MOLLE. Nous voici maintenant bien placés pour faire un retour en arrière et jeter un coup d'œil rétrospectif sur les procédés de fabrication tels qu'ils ont dû se dérouler dans le temps. La fromagerie est d’ori- gine modeste comme la beurrerie, dont elle est restée certainement longtemps, une sous-industrie peu importante. On a d’abord conservé du lait, la partie la moins altérable et en même temps celle que le profane considère à tort, Comme la plus précieuse au point de vue alimentaire, le beurre. Le beurre est assurément une graisse de luxe ; mais c’est une graisse, la caséine possède les qualités alimentaires de la viande. En conservant la caséine on fait donc des réserves d’ali- ments azotés qui jouent dans l'économie domestique le même rôle que les viandes conservées. Bien entendu, on a conservé les fromages par les mêmes procédés que la viande et c'est en utilisant le sel marin Comme conservateur que les fermiers ont d’abord soustrait les fromages aux agents de la putréfaction. On a vu en effet quels ser- vices le sel peut rendre aux fromagers ; presque toutes les maladies TECHNIQUE FROMAGÈRE 453 des fromages cèdent à un salage énergique, le « noir » excepté ; mais si on ne considère que le rôle chimique des moisissures, on constate que le P. Glaucum y remplit la même fonction que le P. Album et le P. Candidum. Si le fabricant de camembert et de brie cherchent à éviter le « noir », c'est moins pour le mauvais goût qu'il communique au fromage, que pour l'aspect désagréable et fort peu estimé qu'il lui donne. J'ai rencontré bien des fois des fromages de brie de qualité irréprochable qui ne portaient que du P. Glaucum, mais toujours à l'état de feutrage léger, peu sporulé, et par consé- quent peu teinté. Le sel a donc été l'agent de conservation le plus précieux des fabricants de fromage et aujourd'hui encore on en abuse beau- coup. Mais peu à peu, avec les progrès réalisés en laiterie, c'est la fer- mentation lactique qui s'est substiluée au sel marin dans son rôle d'agent conservateur ; mais les ferments lactiques présentent en outre l'avantage énorme d'assurer la régularité de la fabrication depuis le moment où le lait est mis en présure, jusqu'au jour où il est livré à la consommation, et de développer dans la masse de la pâte les qua- lités gustatives qu'on lui réclame. On à donc restreint de plus en plus la part qui revient au sel marin ; la clientèle a suivi et même encouragé cette évolution, car ses préférences vont sans hésitation aux produits peu salés. La finesse est en raison inverse de la quantité de sel employé. Le sel est un antiseptique qui agit en effet aussi bien sur les bonnes fermentations que sur les mauvaises. Dans les fromages for- tement salés, les ferments lactiques sont tués au bout de quelques jours. L'oiïdium disparaît radicalement, les mycodermes (fig. 3) et la moisissure résistent, mais évoluent très lentement. Parmi les fer- ments du rouge le gros bacille à bouts arrondis qui ne prend pas le Gram persiste également (fig. 11). D'un autre côté, l’action des dias- tases est à peu près empêchée ; l'affinage est donc ralenti ; les fro- mages salés ne s'affinent qu'avec le concours de grandes quantités d'ammoniaque ; les pratiques qui consistent à les placer dans le foin, les feuilles mortes, la terre, les cendres, le marc de raisin, etc., n'ont pas d'autre but que de leur procurer une atmosphère fortement Quand on a pu renoncer sans danger au sel marin, on a délaissé ammoniacale, hors de laquelle ils resteraient très longtemps acides. tous ces procédés et on s'est attaché à combattre les mauvaises fer- mentations en assurant le séchage méthodique du caillé et en réglant les conditions de température. L'influence de ces deux facteurs a été mise en relief, p. 414 et 417. Pour en tirer le meilleur parti on a divisé la fromagerie en un certain nombre de locaux indépendants où s’accomplissent les fer- mentations successives dans des conditions de température et d'humi- dité bien appropriées. Le séchage des fromages et le réglage des températures sont 454 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR encore réalisés avec la préoccupation d'éviter les altérations dues aux ferments de maladies. Règle générale : les fromages séchés et affinés à basse tempéra- ture sont les plus fins, toutes conditions égales d’ailleurs. Les fer- ments nuisibles qui s'associent aux ferments du rouge sont moins à craindre, parce qu'ils ne pullulent qu'à des températures élevées. Les bonnes espèces se développent sensiblement à 6 et 7; les champi- enons également ; mais les ferments de putréfaction, les ferments producteurs de caséase, recherchent plutôt les températures élevées. C'est entre 35° et 40° qu'il se développent le plus vite, tandis que les ferments du rouge, restent inertes ; la température la plus favorable pour ces derniers est comprise entre 22° et 27° ; mais il faut bien se garder d'atteindre le degré oplimum ; plus on se rapproche du degré minimum (6 ou 7°), plus on est à l'abri de l'intervention des espèces nuisibles. L'expérience a montré que la température du séchoir ne doit pas dépasser sensiblement 15° et celle de la cave 12°. Ce sont là des chiffres qui correspondent à un travail effectué dans les con- ditions ordinaires, c'est-à-dire en présence des espèces microbiennes nuisibles qui sont toujours prêtes à causer des perturbations dans la marche des fermentations. Les règles posées par la pratique peuvent être modifiées avanta- geusement si on se rend maître des fermentations, en ne tolérant que les espèces utiles. Dans l'industrie il y a souvent intérêt à aller vite et par conséquent à faire usage de températures élevées ; 1l y a également des avantages à ralentir le travail des microbes à cer- tains moments où la consommation diminue ; c'est là aussi un résul- tat qu'il est facile d'obtenir par l'abaissement de la température des locaux. « En résumé, l'industrie fromagère s’est développée surtout grâce à l'usage qu'on a fait du sel marin comme antiseptique ; le séchage du caillé et le réglage des températures dans les différentes pièces de la fromagerie ont permis de corriger, dans une certaine mesure, les irrégularités que l'égouttage et le salage ne parvenaient pas à faire disparaître entièrement. Le rôle de la fermentation lactique s’est affirmé lentement: mais son emploi raisonné supplante toutes les autres pratiques parce qu'elle constitue le seul facteur capable d'assurer la régularité du travail, condition sans laquelle la froma- gerie ne saurait être envisagée comme une véritable industrie. Si au lieu de considérer les moyens mis en œuvre pour diriger les fermentations, on envisage maintenant les procédés utilisés pour propager les ferments utiles, on constate que les fromagers ont recours à toutes les pratiques connues et appliquées dans les diverses industries de fermentations. La fermentation lactique s'obtient à l'aide de levains : les mojsis- sures et les ferments du « rouge » s’ensemencent par l'intermédiaire des cagets ; et de temps à autre il est d'usage de renouveler ces fer- TECHNIQUE FROMAGÈRE 453 : ments par des emprunts ou des achats de cagets faits aux diffé- rentes fromageries réputées pour leurs produits. Ces procédés d'ensemencement réussissent tant bien que mal, car le succès dépend plus de la fabrication et de l’organisation des locaux que de la présence des ferments utiles. Il y a cependant dans ces coutumes un fait qui attire l'attention des connaisseurs : c’est l'ignorance des dangers qu'elles comportent ; les fromagers ne voient pas qu'ils jouent avec une arme à double tranchant capable de pro- pager aussi bien les mauvais ferments que les bons ; mais lorsque leurs prévisions sont déçues ils ont toujours une raison toute prête pour juslifier les insuccès ; c'est la mauvaise qualité du lat. Quand on entre dans le détail des applications de ces divers pro- cédés empiriques ; on est surpris aussi de constater combien sont nombreuses les lacunes qu'elles présentent ; c'est une situation qui s'explique par l'origine toute moderne de la véritable industrie. La première fromagerie industrielle de pâtes molles a été fondée en 1856. par M. Bailleux ; il n'avait donc comme base technique aucune notion scientifique et c'est grâce à sa ténacité et à son esprit d'obser- vation qu'il a surmonté des difficultés sans nombre dont on se fait aujourd'hui une idée exacte. L'usine qu'il a créée, dirigée aujour- d'hui par M. Desoutter, est à l'heure actuelle la plus importante et la plus prospère de France. I] a trouvé des imitateurs parmi les membres de sa famille. M. Guérault-Godard, à Fère-Champenoise, M. Adrien, près de Sainte-Menehould, l'ont suivi dans la voie qu'il avait indiquée et toute la région de l'Est n'a pas tardé à profiter de l'exemple. Rien d'étonnant alors dans cette impression d'industrie mal assise que donne encore l’industrie des fromages à pâte molle. C'est ainsi par exemple que l'usage des levains de ferments lac- tiques ne s'est pas généralisé dans le monde des industriels ; et si les deux autres groupes de ferments se sont acclimatés dans les fromageries, c'est un peu par la force des choses. L'acclimatation du P. Album se fait naturellement : mais elle demande quelquefois des années, car avant de s'installer à demeure et de se substituer au P. Glaucum qui est toujours le premier occu- pant, il doit attendre que celui-ci abandonne la place suivant le pro- cédé que j'ai exposé p. 443. Le P. Album est en effet la seule espèce du groupe des Penicil- lium, qui soit capable de se développer sur les murs, les étagères et les plafonds des fromageries en l'absence de tout aliment organique apporté par les éclaboussures de lait ou de petit-lait. Il tire ses aliments minéraux des boiseries vermoulues ou des matériaux de construction, son azote de l’ammoniaque qui se dégage des fermentations, ses aliments carbonés de l'alcool et de l'acide acé- tique toujours présents en petites quantités dans l'atmosphère de l'usine Il apparaît à l'état de touffes blanches plus ou moins serrées qui se développent très lentement, sporulent peu mais assez pour assu- 456 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rer l’ensemencement des fromages, même dans les moules. Le P. Album se montre ainsi partout où séjournent les fromages, le lait ou le petit-lait, et on en voit autant dans la porcherie que dans la fromagerie. On s'explique donc que le P. Album soit devenu la moisissure des fromages affinés. Le P. Candidum ne peut pas se perpétuer ainsi dans les locaux ; ce sont les fabricants de fromages blancs, coulommiers doubles- crèmes et bondons frais ou affinés qui le recherchent de préférence à l’autre moisissure ; mais ils l'ensemencent directement dans le lait ou le caillé en y pulvérisant un morceau de fromage bien moisi ; si par hasard, l'une des deux autres espèces s'y trouvent en même temps, les fromages deviennent bleus ou noirs car le P. Album et le P. Glaucum produisent bien plus de spores que le P. Candidum (fig. 8). Les bactéries qui produisent le « bon rouge » comme disent les praticiens ne se rencontrent pas à l’état spontané dans le lait. Pour les voir pulluler dans la fromagerie il faut les y introduire, et surtout les conserver. Les habitudes établies dans le commerce exigent que les fabricants vendent leurs produits au moment où ces microbes commencent à se développer. Le fabricant exporte donc toujours des ferments et il arrive souvent que la fromagerie s'en trouve dépour- vue. De là, la coutume des ensemencements par les cagets qui finis- sent toujours par faire perdre le « bon rouge ». J'en ai donné les raï- sons, je n'y reviendrai pas. Ce qu'il faut retenir de tout cet aperçu rapide sur l'évolution empirique de l'industrie fromagère, c'est que ses procédés man- quent de précision et de sûreté. C’est une industrie qui cherche sa voie et progresse péniblement en raison des difficultés très grandes qu'elle oppose même aux plus fins et aux plus persévérants des observateurs. J'espère que ceux qui sont en mesure de saisir les indications précises que j'ai données dans les chapitres précédents y trouveront la justification de leurs succès aussi bien que de leurs échecs. Ils trouveront, en particulier, que leurs préventions contre le lait, sont souvent justifiées par les résultats ; il s'agit de les faire disparaître, c'est-à-dire de rectifier l’état de la matière première de façon à la rendre propre à la fabricaion de produits de bonne qualité ; c’est ce point que je vais aborder maintenant. VII INFLUENCE DE LA QUALITÉ DU LAIT SUR LA FABRICATION. NÉCESSITÉ DE LA PASTEURISATION L'industriel fabrique du bon beurre, ou du bon fromage, quand il dispose de bon lait. N'a pas de bon lait qui veut, car le bon lait est un privilège des régions qui possèdent de bons pâturages. Il y TECHNIQUE FROMAGÈRE 457 a des crus de lait comme il y a des crus de vins, et ceux qui n'ont pas le bonheur enviable d'habiter des régions privilégiées doivent se contenter de la modeste situation que la nature leur impose. Ainsi raisonnent trop souvent les praticiens ; les uns mettent beaucoup trop d'empressement à se refuser le mérite qui leur revient : les autres, trop de résignation à accepter le malheureux sort qui leur est dévolu. Il y a des crus de vins parce qu'il y a des raisins très riches en sucre, parce qu'il y a des cépages qui produi- sent des fruits bouquetés, qu'il y a des maîtres de chai qui savent tirer parti de leurs matières premières, qu'il y a enfin des proprié- taires qui en imposent à la mode : il n'ya pas de crus de lait suscep- tibles de créer des crus de beurre ou de fromage, parce qu'il existe entre les fourrages et le lait qui en dérive une machine animale qui élabore, aux dépens des premiers, tous les éléments dont se compose le second. L'organisme sain, nourri convenablement, travaille régu- lèrement. Je sais bien que l'on peut citer des exceptions ; mais ces exceptions sont connues et par conséquent faciles à éviter. Il est facile de rappeler des exemples qui fournissent une démons- tration éclatante de la règle : Deux fermiers voisins fabriquent du beurre ; leurs pâturages se touchent, leur bétail se compose d'individus appartenant à la même race, l'un fait d'excellent beurre, l’autre fabrique un produit mé- diocre. Supposons qu'ils échangent leurs fermes et leurs troupeaux ; personne n'admettra que le premier ne continuera pas de préparer une denrée de première qualité avec la matière première du second et vice-versa. Le cru c'est donc l'homme ? Oui, mais encore à côté de cet exemple trop favorable à la soutenance d’une thèse, on peut en citer d'autres qui sont d'accord avec la conception opposée. Les mêmes plantes fourragères poussant dans des régions différentes, ne possèdent pas la même composition, ni la même richesse en produits volatils, susceptibles de passer dans le lait ; voilà pourquoi les pro- duits qui en dérivent ne possèdent pas les mêmes qualités. Quand on cherche à vérifier ce qu'il y a de fondé dans cette assertion, on trouve que les différences de qualité doivent être attribuées à des causes plus immédiates qui relèvent des fermentations. Voici un industriel qui se trouve dans l'obligation de construire une seconde fromagerie dans le rayon d'alimentation de son premier établisse- ment. Il va sans doute fabriquer de meilleurs produits dans sa nou- velle usine, puisque les conditions de transport deviennent plus favo- rables. Eh bien, malgré toute son expérience il réussira beaucoup moins bien, tant que les ferments utiles n'auront pas éliminé les mauvaises espèces. Les résultats valent ce que valent les fermenta- tions : à l'heure actuelle il ne faut pas songer à chercher des amé- liorations ailleurs que dans cette voie, à moins que l’on ne se place délibérément sur le terrain des exceptions qui consistent à faire con- sommer au bétail des aliments, dont la mauvaise qualité est bien établie. Et si vraiment les fourrages ont d'autres influences que celles 458 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR qui tiennent à leur richesse, il ne faut pas songer à les mettre en évidence avant de se rendre absolument maître de la nature des fermentations et des conditions qui leur permettent de donner les meilleurs résultats. Il y a des laits riches et des laïls pauvres, la richesse étant attri- buée autant à la teneur en caséine qu'à la quantité de matières grasses. La production de lait riche est un attribut de la race, de l'individu même. Lorsqu'on cherche à augmenter la richesse du lait au moyen d’une alimentation normale, sans dépasser la puissance d'élaboration de la machine animale, on constate que le rendement en lait augmente en quantité et non pas sensiblement en richesse. Mais quelle que soit la richesse du lait, il renferme toujours assez de caséine, de sucre de lait, dont le taux est d’ailleurs à peu près fixe, pour assurer largement le développement des ferments utiles. Le rendement en produits manufacturés seul varie si l'on tient compte du volume initial de matière première mise en œuvre. Il y a des laits qui ne renferment pas de bactéries nuisibles et qui n'ont subi aucune altération, et des laits qui sont fortement conta- minés, qui sont même plus ou mois altérés dans leur composition. Les premiers sont susceptibles de fournir de bons résultats dans des conditions bien déterminées, les autres ne peuvent donner que des produits de qualité médiocre. Les laits contaminés qui n’ont pas subi d'altérations ne sont pas à l'abri des mauvaises fermentations, puis- que celles-ci peuvent se déclarer au cours de la fabrication, à mesure que se réalisent les conditions d’acidité ou d’acalinité qui les favo- risent. Et comme le lait contaminé est pour ainsi dire un mal néces- saire imposé à l'industrie, il est indispensable d'attribuer à cet état. de choses toute l'attention qu'il mérite. Les améliorations ne sont possibles que dans la mesure où on réduit la contamination et les altérations qui en dérivent. Les praticiens reconnaissent l'exactitude de cette affirmation, mais ils s'avouent incapables de remédier à la situalion dans laquelle ils sont placés. La contantination est difficile à éviter ; mais les altérations peuvent être retardées et fortement atté- nuées par la réfrigération du lait dès la traite. Voilà déjà un résultat que chaque cultivateur peut assurer en plongeant les récipients à lait dans l’eau froide. Si l'industrie peut se procurer une matière première inaltérée au prix de soins aussi simples, elle ne doit pas se lasser de le répé- ter à ses fournisseurs, car il y va de l'intérêt de tous. Elle doit se charger ensuite de la seconde partie du travail d'assainissement, c'’est- à-dire de la pasteurisation. La pasteurisation a donc pour but de supprimer tous les acci- dents qui tiennent à la présence de mauvais ferments dans le lait. Pour être efficace elle doit être réalisée à une température au moins égale à 66°, agissant pendant une durée minima de 5 minutes. Le TECHNIQUE FROMAGÈRE 459 lait refroidi, aussilôt à l'abri de l'air, est ensemencé de levains de ferments lactiques, mis en présure el soumis aux manipulations cou- rantes que j'ai passées en revue. Un chauffage à la température de 66°, maintenue pendant 5 mi- nutes, est suffisant pour tuer tous les microbes nuisibles du lait, aussi bien les champignons que les bactéries capables de produire des accidents de fermentations ; mais il détruit en même temps les ferments lactiques ; il devient alors nécessaire de recourir à des levains de ferments lactiques pour assurer l'acidification du caillé, et comme l'évaluation pratique de la quantité de ferments rigoureuse- ment nécessaire à une fabrication normale est une opération extré- mettent facile, comme je l'ai montré p. 398, on voit que la pasteu- risation du lait, qui est une mesure nécessaire si l’on veut bien asseoir la technique fromagère sur une base rationnelle, est aussi une manipulation simple. La pasteurisation respecte cependant toutes les bactéries qui produisent des spores, car celles-ci résistent à une température supé- rieure à 100°, ces bactéries appartiennent au groupe des b. subtilis et à celui des ferments butyriques. Les uns et les autres sont ou détruits par l'acidité produite par les fermentations lactiques, ou tout au moins paralysés dans leur développement. Ils peuvent per- sister à l’état de spores inertes, et si on veut les isoler des fromages, il faut chauffer ce dernier à 100°, pendant 2 ou 3 minutes, ensemencer dans du lait stérilisé et neutre des fragments de matière gros comme un pois et attendre que les germes qui sont encore vivants puissent s multiplier. On constate ainsi que ces germes sont rares dans le lait pasteurisé. Les b. sublilis et les ferments bulyriques ne peuvent done en aucun cas causer le moindre trouble dans les fermentations qui se déroulent dans le caillé. Les ferments acidifiants, résistants, p. 401, survivent aussi à la pas- teurisation ; les levains massifs de ferments lactiques, leur enlèvent toute influence, et dans les conditions ordinaires, leur nombre est si peu important et leur développement si lent, qu'ils passent ina- perçus. Ils sort pourtant plus résistants à l'acidité que les ferments lac- tiques eux-mêmes ; mais le degré auquel s'arrête l'acidification les condamne à l'inaction. Je dois d'ailleurs ajouter que ces ferments acidifiants n'altèrent en rien les qualités des fromages : on les ren- contre seuls dans les fromages qui exigent un temps assez long pour s'affiner, comme le port-du-salut et le pont-l'évêque véritable, car le ferment lactique y meurt au bout de quelques semaines, de sorte qu'on ne trouve plus dans le caillé que les ferments résistants. La pasteurisation du lait en vue de la fabrication des fromages est en ce moment l’objet de recherches nombreuses dans tous les pays où l’industrie laitière constitue une source de revenus impor- tants. Les résultats en sont plus ou moins satisfaisants. Des obser- 460 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR vateurs très consciencieux ont constaté, à la suite d'essais person- nels, que cette opération ne semble pas être appelée à donner sitôt des résultats pratiques. La raison de ces insuccès est facile à découvrir. Il s'est trouvé en effet des expérimentateurs qui ont eu l’idée de corriger par l'addi- tion de chlorure de calcium, l’atténuation de l'activité de la pré- sure, vis-à-vis du lait chauffé au-dessus de 65°. L'idée est originale et simple dans son application ; elle trouve sa justification dans la théorie d'Hammarsien, relative au mécanisme chimique de la coagu- lation de la caséine par la présure ; cette conception ramène le phé- nomène à une combinaison de caséine et de chaux, provoquée par la diastase. Mais on admet aujourd’hui que le rôle des sels de calcium est limité à leur fonction de substances coagulantes. Les acides agis- sent dans le même sens et on aurait pu, avec plus de raison à mon avis, réclamer à l'acide lactique le moyen de corriger la résistance acquise par le lait, à l’action de la présure, sous l'influence du chauf- fage. On aurait ainsi satisfait à une condition essentielle de la fabri- cation : l'acidité convenable du lait, et en même temps, on aurait imprimé aux fermentations du caillé acidifié, l'orientation nécessaire. Mais la théorie admet une précipitation partielle des sels de calcium du lait, sous l'influence du chauffage. C'est donc à cette perte qu'il fallait remédier suivant toutes les apparences. Cependant, là encore, il n’est pas démontré que la théorie ait vu juste. J'ai établi avec la collaboration de MM. Guérault et Dinescu, qu'il existe une relation étroite entre la coagulation des albumines par la chaleur ei l'atténuation de l'activité de la présure animale sur le lait ; c'est donc en somme dans la transformation du lait cru en lait cuit que la modification de l'activité de la présure animale doit puiser son origine, comme d'ailleurs la présure du figuier semble y trouver au contraire un surcroît d'activité. Mais qu'on ait recours à l'addition de chlorure de calcium ou à l'acidification par l'acide lactique, les résultats ne peuvent présenter aucun intérét pratique. Le caillé, je l’ai dit bien des fois au cours de ce travail, doil perdre sa consistance d'albumine cuite que lui donne la présure pour prendre l'état floconneux qui rend sa masse fillrante, el cela pendant l'égoutflage même, afin, précisément, que cel égoutllage s'accomplisse normalement. Ni le chlorure de calcium nt l'acide lactique ne peuvent produire celle modification, qui est due uniquement à une fermentation ac- lique pure d'intensité convenable. En négligeant d'ensemencer le lait pasteurisé d'un levain lactique on oublie, qu'on me passe l'expression, d'allumer sa lanterne. Il est nécessaire, en effet, de suivre dans cet ordre de recherches la méthode que j'ai détaillée ici, et l'on s'apercevra immédiatement que tout réussit au gré de l'opérateur s’il a, bien entendu, déterminé les constantes de la fabrication, et fixé le nombre et la nature des espèces TECHNIQUE FROMAGÈRE 461 de ferments indispensables, toutes précautions que les praticiens qui ont utilisé les sels de calcium ont négligé de prendre. Dans les applications à la fabrication en grand, M. Guérault a constaté que le caillé obtenu avec du lait pasteurisé accuse un léger déficit sur celui qui est fourni par le lait non traité. Cette remarque avait été faite également par M. Renard-Gillard. La différence n'est pas imputable à l'humidité du caillé puisqu'elle s’observe sur des fromages affinés. En étudiant la question de près au labora- foire, on a constaté que le chauffage solubilise une faible portion de matières azotées, tant que la température ne dépasse pas 65°. A 70°, la perte de rendement disparaît. L'explication de ces résultats: curieux est simple. Le chauffage solubilise la caséine mais dans une proportion très faible, qui va en croissant avec la température ; à partir de 65°, il coagule les albumines, et comme la quantité d’albumines coagulées croît plus vite que la quantité de caséine solubilisée, la compensation s'établit entre la perte de caillé par solubilisation et le gain par coagulation à la température de 67-68, lorsqu'on opère sur du lait frais ; si le lait présente une légère acidité, la récupération du rendement se fait à une température moins élevée. C’est pour cette raison que nous avons conseillé d'adopter comme température de pasteurisation 67-68, avec une tolérance de 1 à 2° en moins pour les laits acides à 2 gr. 2, 2 gr. », d'acide lactique par litre. La pasteurisation du lait acide est possible tant que le taux d’aci- dité ne dépasse pas 3 grammes d'acide lactique par litre. L’acidité acquise avant la pasteurisation n’a plus d'influence sur l’égouttage ; le caillé qu'il donne sous l’action de la présure seule ne s'égoutte pas plus vite que celui que l’on obtient avec du lait frais supposé privé de microbes. Le lait acide pasteurisé supporte l'addition d’une quantité de levain plus forte que le lait non fermenté, car l’acidité acquise gêne le développement des ferments lactiques. Par contre, la présure doit être diminuée légèrement, car son action est aug- mentée dans un rapport proportionnel à l'accroissement de l'acidité. Il est donc possible de régler la coagulation et l’égouttage du lait acide aussi facilement que ceux du lait frais. Mais, je le répète, des laits acides à 3 grammes d'acide lactique par litre ne devraient pas se rencontrer dans l’industrie. Le lait contaminé peut donc se prêter à une fabrication régulière. La pasteurisation bien conduite ne modifie en rien l’action des divers agents, diastases et microbes auxquels le fromager fait appel au cours des diverses transformations qu'il provoque dans le lait ou le caillé. Les fromages fabriqués avec du lait pasteurisé ne sont pas exposés aux divers accidents que j'ai décrits dans le chapitre V. Hs s’affinent lentement en raison de l'absence complète des ferments liquéfiants et des microbes producteurs d’ammoniaque ; leur durée de conserva- 462 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tion est beaucoup plus longue ; leur saveur est plus douce que celle des fromages chargés d'ammoniaque. Mais il ne faudrait pas en déduire que la contagion ne peut pas produire de mauvais effets sur les fromages ainsi fabriqués ; il est évident que cette méthode seule est capable de ramener la ma- tière première aux conditions de pureté microbienne sans lesquelles les procédés industriels restent essentiellement changeants et ins- tables, et par suite insuffisants et désordonnés. Il est facile de prévoir que l'industrie des fromages à pâte molle va entrer dans une nouvelle phase ; la méthode rationnelle deman- dera pourtant le concours du temps pour s'imposer dans la pratique ; mais la lenteur de son évolution lui constitue une garantie de succès. La pasteurisation n'est qu'un moyen d'atteindre un but dont l'accès est difficile, car on ne peut l’assurer qu'à la condition de connaître les ferments, la manière de les conduire, leur mode d'action, et les services qu'on leur réclame. Les fromagers de profession qui s'intéressent à leur métier se reconnaîtront aisément dans cet ensemble de faits et de notions que j'ai développés ; beaucoup ne leur attribueront pas l'importance qu'ils méritent parce qu'ils ont ce qu'on appelle leurs tours de mains, leurs secrets professionnels ; mais ceux-là ne tarderont pas à se rendre compte de ce fait que leurs secrets résident dans leur habileté à se placer dans les conditions que j'ai précisées. D'autres qui sont les plus nombreux ont besoin d'acquérir encore l'ensemble des con- naissances pratiques qui constituent le bagage du bon technicien ; ils ont pris des habitudes contraires à leurs intérêts, et 1ls les con- serveront longtemps parce qu'ils les justifient par des idées ou des opinions qui reposent sur des observations sans fondement. A cette catégorie se rattachent les praticiens qui déclarent hau- tement que tel lail se prête à telle fabrication et qu'il en est ainsi parce qu'il en a toujours été ainsi. Par contre, les hommes de pro- orès et d'initiative cherchent et vérifient : ils affirment sans détour “qu'un résultat qui s'observe un jour, doit être reproduit à volonté si l'on veut bien se placer dans les mêmes conditions. Pour eux, la réglementation de la fabrication est done possible et ils la poursuivent sans relâche dès qu'ils ont constaté que les faits pré- vus se reproduisent chaque fois que leur déterminisme est réalisé. Si je me permets de tenir ce langage, c'est parce que toutes les règles que j'ai établies dans le cours de cet exposé, procèdent direc- tement de l'expérience industrielle. J'ai donné à l’industrie le temps d'analyser ces résultats et de les soumettre à une critique intéres- sée, d'affronter les conditions du marché. Ceux qui désirent se ren- seigner à la source, liront avec intérêt les rapports de M. Guérault, de M. Renard-Gillard, de M'e de Villers aux congrès internationaux et nationaux d'industrie laitière ; d’autres industriels pourraient don- ner également une opinion motivée sur la question ; quelques-uns TECHNIQUE FROMAGERE 465 ont été moins heureux parce qu'ils ne possédaient pas l'expérience suffisante pour maintenir les fermentalions dans les limites d'action que leur assigne la nature des transformations à réaliser, parce qu'ils manquaient aussi, jusqu'à présent, de données précises el claires pour guider leurs efforts et de ceci je dois m'excuser en fai- sant mon mea culpa. Si je me dérobe lorsqu'il s'agit de porter sur les résultats un juge- ment favorable (1), j'ai le devoir de répondre aux critiques qui ont été adressées aux fromages fabriqués avec du lait pasteurisé. Ces critiques sont justifiées par ce fait que lorsqu'on touche à la situation actuelle d'une industrie, il y a toujours des gens qui se croient me- nacés dans leurs intérêts. En réalité, il y a des déplacements d'in- fluences économiques qui se font au profit des uns et au détriment des autres : disons au profit des hommes d'initiative et de volonté, et cela est juste. On a reproché par exemple, aux fromages pasteurisés, d'accuser une certaine résitance à l’affinage. Ils ont en effet les qualités de ce que les critiques appellent leurs défauts. Ils ne renferment pas de ferments producteurs d'ammoniaque, ni de ferments de putréfaction, ni de ferments liquéfiants actifs ; rien d'étonnant alors à ce qu'ils s’affinent lentement, mais une fois affinés ils relrouvent leurs avantages, car ils peuvent se conserver plusieurs jours sans s’altérer. (1) Pour être juste, et pour permeltre à chacun de juger les résultats à leur valeur exacte, je donnerai ici les cours comparés des fromages fabriqués avec du lait pasteurisé par M. Renard-Gillard et des fromages fermiers les plus renom- més vendus les uns et les autres par MM. Baudoin, mandataires aux Halles, le 14 décembre 1909. M. Renard-Gillard a vendu ce jour 19 paniers de 10 Brie (moyen moule, 13 litres), au prix invariable de 48 fr. le panier. Les cours obtenus par les Brie fermiers les plus recherchés (mêmes moules), présentent des variations. Je reproduis les cours minima et maxima, oblenus par chaque marque indiquée par ses iniliales : Minimum Maximum Minimum Maximum B. 38.0 38.0 R. 40 AÛ G. 32 393.) C. 94 34 12 34.9 39 É D: 97 31 IE 39 40 V. Se 34.5 D. 40 40 SE o7 39 TE 36 37 R. 36 31 É 36 36 À: 35 39 Se 30 33.0 ES 30 31.5 V. 33.0 34.5 FUME 35 30 HE 36.5 38 Les meilleurs accusent donc une différence de 8 francs par panier avec ceux de M. Renard-Gillard, ce qui fait Ofr. 80 par 13 litres de lait, en faveur des fromages fabriqués avec du lait pasteurisé. Ces chiffres se passent de commentaires comme me l’écrivait M. Renard- Gillard ; 1ls ne constituent pas, bien entendu, une exception, un pareil écart est le résullat”d'une préférence raisonnée qui traduit clairement l'opinion de celui qui paie, la seule intéressante en l'espèce. 464 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR On leur a reproché aussi une dureté trop grande ; c'est un défaut qu'ils peuvent acquérir ; je dirai même qu'ils ont une tendance à l'acquérir. La conduite de l’'égouttage par les procédés empiriques constitue pour les praticiens une source de difficultés énormes dont les impré- vus atteignent les proportions d'une véritable obsession. Quand les fromagers se voient en possession d'une méthode qui permet de régler à volonté la vitesse de l'opération, ils ont une tendance: à l'activer ; ils dépassent ainsi la limite permise, de sorte que le caillé retient trop peu d'eau pour faire face aux pertes provoquées par la suite, par l’évaporation au séchoir ou à la cave, en raison des habi- tudes contractées par les employés préposés aux soins à donner aux fromages. Mais le principal obstacle à la généralisation rapide de la pas- teurisation du lait, réside dans la difficulté d'entretenir les levains de ferments lactiques à l’état de pureté. L'industrie des fromages à pâte molle exige l'emploi d’un volume de levain, à 10 grammes d'acide lactique par litre, qui atteint en moyenne le 1/20 du volume de lait mis en œuvre ; le laboratoire ne peut donc pas fournir la quantité de ferments nécessaires à l’'ensemencement du lait ; il doit se borner à préparer les semences ; le soin de préparer les levains de ferments lactiques revient à l'industriel. Le fermier y parvient tant bien que mal, plutôt bien, s'il veut se donner la peine de recueil- lir le lait avec soin et de le laisser s’acidifier dans des récipients où il est placé à l’abri de la contagion par les germes de l'air ; mais l'industriel ne reçoit que des laits fortement contaminés de sorte qu'il se trouve placé dans la nécessité de recourir à des préparations qui doivent être faites avec tous les soins qu'on apporte à ce genre de travail dans toutes les industries de fermentation. Jusqu'ici on s’est contenté de préparer des levains dans des bidons ou des cuves ouvertes qu'on recouvre d'un couvercle mobile doublé dé feuilles de papier ou d'un linge fin et serré pour mieux en défendre l'accès aux germes de l’air. Ce procédé peut donner des résultats passables à force de soins ; mais comme l’ensemencement se fait par transvasement ou par pré- lèvement à l’aide d'une louche, il est impossible d'éviter les contami- nations. L'industrie fromagère, comme l'industrie beurrière, se trouve donc dans l'obligation de recourir aux cuves fermées stérilisables à la vapeur, pour préparer les levains de ferments lactiques purs. Ces cuves sont mises en communication directe avec la sortie des pasteurisateurs ; le lait pasteurisé, refroidi à l'abri de l'air dans un réfrigérant récupérateur, se rend donc à la cuve à levain sans être x exposé à la contamination (1). (1) Quand l'appareil est installé dans une lailerie où la réfrigératior du lait se fait à l'air libre, il est nécessaire de le munir de doubles parois pour permettre la pasteurisation et la réfrigération dans les cuves mêmes. TECHNIQUE FROMAGÈRE 465 Deux cuves jumelles symétriques par rapport à l'arrivée du lait qui est distribué dans l’une ou l'autre au moyen d'un tube en T, fonc- lionnent à tour de rôle. Supposons donc la cuve C (fig. 14), vide, stérilisée à la vapeur et refroidie ; on introduit la semence primitive par l'ouverture du tube à niveau, protégée par un chapeau métallique rempli de coton. Le ag. 1%. — Cuve C à droite; au milieu, tube en T mettant en communication C et C' à giuche avec branchement pour l'admission de la vapeur qui sert à la stéri- lisation de l’appareil. Le tube de communication porte deux pinces P à droite, et P° à gauche. La vidange se fait par les tubes placés au bas des cuves, V à droite et V’ à gauche. lait qui arrive par le tube latéral T, entraîne la semence et assure ainsi sa répartition dans toute la masse du liquide. Au bout de 24 heures, la fermentation est suffisante. [l s'agit alors de procéder à la préparation du levain suivant. La cuve C’ stérilisée à la vapeur et refroidie, recoit une quantité suffisante, plutôt forte, environ 15 % du volume de lait employé, de semence empruntée à la cuve C: il suffit pour cela de desserrer la pince P ; le liquide s'écoule de lui- même dans la cuve C’; l’abaissement du niveau N indique la quan- tité transvasée. On ferme la pince P ; la cuve C’ est prête pour rece- voir le lait pasteurisé ; quand elle en a recu la quantité néces- saire, on ferme la pince P’; le levain de la cuve C soutiré par le 30 466 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tube de vidange V, peut alors être distribué dans le lait qu'il s'agit d'ensemencer. La cuve C est ensuite nettoyée ; le lendemain on la stérilise à la vapeur pour la faire entrer à son tour en fonction. Ce dispositif ne laisse pas de prise à la contamination ; toutes les manipulations se font à l'abri des germes de l'air, dont l'inter- vention n'est possible qu'à la faveur d'une négligence ou d'une mala- dresse de l'opérateur. Pour plus de sécurité, j'ai supprimé tous les robinets et protégé les ouvertures qui permettent l'entrée où la sor- tie de l'air par des tampons de coton qui sont stérilisés tous ies jours par la vapeur qui ne trouve devant elle aucune autre sortie. Voilà done un dispositif simple et pratique, qui fonctionne avec toute la sécurilé des appareils de laboratoire les mieux appro- priés au rôle qu'ils doivent remplir. Il est facile à conduire, n'exige de l'opérateur aucune connais- sance spéciale et ne nécessite pas d'interruption dans la pasteuri- sation. Il complète l'outillage nécessaire à une industrie bien organisée en permettant de réaliser rigoureusement les conditions dictées par la théorie en tête desquelles se place la préparation des levains purs de ferments lactiques. Les autres ferments indispensables à la fromagerie sont fournis à très peu de frais par le laboratoire, de sorte que les praticiens peuvent toujours s'en procurer des quantités suffisantes dans un état de pureté irréprochable /A suivre.) Recherches sur le sucre neutre des sucres bruts de canne, PAR E. DUBOURG. L'étude du sucre neutre des sucres bruts de canne a pour point de départ les observations de Mitscherlich (1) concernant la formation d’un sucre inactif obtenu en chauffant une solution très concentrée de sucre de canne vers 1600, Les recherches de Soubeiran (2), Dabrunfant (3), Musculus (4), Maumené (5), Muntz (6), Aimé Girard et Laborde (7), Gayon (8) Horsin-Déon (9) complétèrent peu à peu les connaissances anciennes. Ce fut M. Gayon qui établit la constitution de ce sucre formé, d’après lui, d’un sucre droit et d’un sucre gauche; mais il ne réussit pas à en déterminer la nature. Ce savant émit aussi l'opinion que ce sucre devait vraisemblablement sa 1ormation dans les sucres bruts de canne, à la présence des diveis microor- ganismes qu'on y trouve. Toutefois, il n’en fit pas la démons: tration expérimentale. Quand on provoque l’inversion du sucre de canne selon la méthode de Mitscherlich, il se forme en effet un sucre inactif, et (1) MITSCHERLICH. Comptes rendus de L'Académie des Sciences de Berlin, 1843. (2) SOUBEIRAN. Journal de Pharmacie, 1843. (3) DUBRUNFANT. Annales de Chimie et de Physique, 1847. (4) Muscurus. Annales de Chimie et de Physique, 1865. (5) MAUMENÉ. Comptes rendus de l Académie des Sciences, 1875. (6) MuNrz. Comptes rendus de l Académie des Sciences, 1876. (7) AIMÉ GIRARD et LABORDE. Comptes rendus de l Académie des Sciences: 1876. (8) M. GAYON. Comptes rendus de l’Académie des Sciences et Annales agrono- wiques, 1878, 1879 et 1880. (9) HORsIN-DÉON. Bulletin de la Société chimique, 1879. 468 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR on obtient des résultats semblables avec la méthode de Horsin- Déon; mais les recherches de Tanret (1) ont donné la solution définitive du problème par la découverte de sucres tautomères à pouvoir rotatoire variable, selon les conditions d'expérience. On avait déduit de tous les travaux précédemment parus, que le réducteur formé dans les sucres bruts de canne est neutre comme s'étant formé dans des conditions se rapprochant de celles réalisées par les divers savants qui avaient abordé l’étude du sucre inactif. Si bien que dans toutes les analyses de ces sucres bruts, on considère encore aujourd’hui la rotation observée comme appartenant exclusivement au saccharose; on recommande l’inversion Clerget seulement lorsque la proportion de réducteur s'élève à 5 0 /0. Et cependant Duclaux, au 4° volume de sa microbiologie, écrivait, page 128 : « On désigne sous le nom de sucre neutre, un sucre formé par un mélange de glucose et de lévulose, dont les pouvoirs rotatoires égaux et de sens inverse s’annulent exactement. On ne sait pas bien ce que sont ces sucres. Par l'exposé des expériences qui suivent, j'espère démontrer que ce sucre neutre n'existe pas; c’est du sucre interverti. II Alin d'opérer sur une assez grande quantité, pesons 40 gr. 72 de sucre raf- finé (2 fois et demie le poids normal), introduisons dans un flacon et faisons de même dans une série de flacons avec de: doses croiss: ntes d’eau thymolisée, Dans chacune des fioles, ajoutons enfin de l'eau de levure préparée avec une levure desséchée d’abord dans le vide, puis portée à 1200 pendant une heure, pulvérisée et reprise par de l’eau thymolisée, puis filtrée. Laissons un mois à la température du laboratoire (259 environ), faisons dissoudre la masse sucrée dans une fiole de 250 c. c.; l'analyse donne les chiffres du tableau LE. L’inspection des chiffres de ce tableau montre que les nu- méros 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8 paraissent contenir du sucre neutre, puisque les différences entre les rotations observées et calculées sont nulles ou très faibles. Mais, il est digne de remarque que la rotation, après l’inversion, reste partout la même; or, dans (1) TAURET. Bulletin de la Société chimique, 3° série. Volumes 13 et 15. SUCRES BRUTS DE CANNE 469 Tapreau I es VA % Li] CA = = SE 5 à s & D 2 MS OUR ER SP IEE a Je ae © > 5 ONE 5 PNR MAO TE O rh] A a = Ex A SN) REC Z. & | © É a = E > Ex 2 EX = (| & > æ E 2 a e E = SEE UN ee VUE ASE ca Ex Aa — = © LS E4 Ste a 2 æ Es nm < Æ à = E e = 2 < = RE = 2 mi = M ? me D a A > © © # LA TZ Œ 4 |0c. c. 5010 c. c. 50! 2,44 98,70 | 32,5 | 98,70 0 1,32 |104,80 2 id. | ©. c- 50| 4,88 98,00 | 32,3 | 98,00 0 4,62 id. 3 id. DC. CU) 722 97,10 | 32,4 | 97,10 0 El id. 4 id. AC C0) AU 96,20 | 32,5 | 95,90 | — 0,5 | 3,35 id, 5 id 4 e. c. 50! 42,20 | 92,80 | 32,6 | 93,80 | + 1,0 | 6,12 | id. piller: 0 2,44 | 98,00 | 32,4 | 98,05 0 1,59 | id. 7 id. Le. c. 1,88 | 96,90 | 32,2 | 96,90 0 2,83 | id. S id. de. ce. | 7,32 | 95,80 | 32.4 | 96,10 | + 0,3 | 3,68 | id. 9 id. ER ULES 9,76 90,00 | 42,5 | 92,30 | + 2,3 | 7,62 id. 10 id. PEX EN CE 12,20 86,00 | 32,6 | 87,907 |° + 4,9 112,25 id. l'hypothèse d’un sucre neutre, cette rotation totale devrait dimi- nuer, c’est-à-dire remonter vers la droite. L'expérience poursuivie jusqu’au troisième mois, avec des masses sucrées préparées dans les mêmes conditions, fournit les résultats du tableau IT. On observe des résultats concordants, avec cette différence que la formation d’inverti apparaît nettement au n° 4. Si on place, en même temps, des témoins avec de l’eau thy- molisée seule, sans addition d’eau de levure, il n’y a, à aucun moment, formation de réducteur, même avec 12 0 /0 d'humidité, la rotation ne varie pas. Un essai comparatif avec de l’eau distillée non thymolisée permet de constater au contraire la formation de réducteur; les masses sucrées sont envahies par des microorganismes divers visibles au microscope et révélés aussi par des ensemencements dans des liquides nutritifs préalablement stérilisés. C’est la démonstration du fait entrevu par M. Gayon que nous retrouve- rons du reste plus loin. 470 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Tagreau Il NUMÉROS D'ORDRE ROTATION observée RÉDUCTEUR ROTATION après inversion RÉDUCTEUR ROTATION calculée DIFFÉRENCES ne em 104,80 96,10 93,40 Li 32. id. 90,20 à - 32, id. 91590 86,00 39: id, 88,10 92,80 5 32, id. 91,00 6 ac id, 92,10 86,00 : 32,9 id, 87,90 80,80 3 : id. 83,50 60,20 36, 3 id, 63,00 On a répété l’expérience du tableau T en substituant à l’eau de levure filtrée, des cultures d’Aspergillus niger préparées selon la méthode de Fernbach pour la concentration des diastases; enfin des essais faits avec des cultures de deux microbes lactiques, retirés de sucres bruts, ont toujours fourni des résultats de même nature. L’inverti s’est accusé dans les solu- tions, seulement aux environs de 3 0 /0 de sucre réducteur. IT Les recherches qui précèdent semblent donc indiquer qu'il se forme du sucre neutre au début de la transformation du sucre de canne et que l’inverti apparait lorsque la proportion de ce réducteur atteint environ 3 0/0. J'ai fait remarquer plus haut que cependant la rotation totale reste invariable dans tous les cas. Si au lieu de calculer la proportion du réducteur rapportée à 100 grammes de sucre, on en considère les quantités SUCRES BRUTS DE CANNE ATI réelles existant dans les solutions elles-mêmes, on voit que 3 0 /0 de réducteur, correspondent, en réalité, à 0 gr., 48 environ dans la dissolution, quand on a dissous 16 gr., 29 (poids normal) dans une fiole de 100 c. ce. Or, cette proportion de réducteur, envisagée comme de l’inverti, correspond à peine à 0075 saccharimé- triques. On comprend dès lors que les chiffres observés paraissent concorder avec les chiffres calculés, surtout lorsque la proportion de réducteur s’abaisse au-dessous de 3 0 /0. Voici du reste un exemple de l'influence de ce réducteur sur la rotation. A une série de fioles de 100 c. €. contenant le même volume d'une même solution de saccharose, on ajoute des doses croissantes de sucre interverti préalablement préparé avec une culture d’Aspergillus Niger. Ces doses sont telles qu'elles correspondent aux teneurs indiquées ci-après, rapportées à 100 grammes de saccharose. Après avoir complété partout le volume de 100 €. c. on observe au saccharimètre et on constate : INVERTI 0/0 ROTATION OBSERVÉE DIFFÉRENCE 0 96,0 » l 96,0 0 455 95,0 (] 2,0 96,1 + 0,1 2,9 95,8 — 0,2 3,0 95,1 — 0,3 4,0 JD — 0,9 8.0 .. 94,0 — 2,0 10,0 93,4 — 2,6 C’est encore à partir d'environ 3 0/0 de réducteur que la rotation varie sensiblement. Et l'expérience qui précède fournit les mêmes résultats quand on modifie les concentrations de saccharose, aussi bien à 25 qu'à 80 0 /0. | L'erreur toujours commise dans l’interprétation des analyses de sucre provient donc de la trop faible proportion de réducteur contenue, en fait, dans les dissolutions. v Reprenons les chiffres du premier tableau, 1048r,80 0 /0 de réducteur correspondent à 178,08 dans la solution. Le calcul des proportions respectives de glucose et de lévulose donne le 472 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rapport glucose-lévulose — 1.00, c’est-à-dire celui du sucre inter- verti. Et ce rapport ne varie pas, quelle que soit la proportion du réducteur formé, puisque la rotation totale et le réducteur total restent constants. Il est utile de remarquer que les erreurs de lecture, après l’inversion, peuvent atteindre un demi degré, que le pouvoir rota- toire du sucre interverti est influencé notablement par la tempé- rature, et qu'’enfin ce pouvoir rotatoire lui-même n’est pas tout à fait bien fixé dans la science. Pour toutes ces raisons, il est aisé de comprendre combien la détermination rigoureuse des divers éléments constituants des sucres est difficile, lorsqu'il s’agit de préciser la nature de l’un des composants contenu en faibles proportions dans les solutions étudiées. VI Quand on reprend l'expérience du premier tableau avec des sucres bruts de canne, on constate des résultats identiques, mais à la condition expresse d'introduire de l’eau thymolisée pour éviter l’action des microorganismes présents dans ces sucres et dont nous étudierons plus loin les influences. On peut, de la manière suivante, mettre en évidence la présence d’inverti dans un sucre brut. Le sucre suivant donne à l’analyse : ROlAMORAITÈCLE. Lx TE RE A A ER AS AUD RO(ATIONAPrES ID VETSION EL A ANNE CAE CPP 33-109 ROAIONICAICULE REP PR EE 93. 10 RÉTUCIEULS IE: ee AN RER ER ONARE AN 3. 938 Réduction totale........ 101. 40 En apparence le réducteur est du sucre neutre; mais en fait, il y a 168,41 de sucre total dans la solution et le calcul donne comme rapport glucose-lévulose — 0,99, En outre, je lave environ 500 grammes du même sucre avec de lPalcool méthylique afin d'obtenir un enrichissement en réducteur, j’évapore à basse température et j'obtiens, après reprise par l’eau, une solution donnant les chiffres suivants (1) : (1) I y avait dans la liqueur avant l’inversion 5 gr, 82 0/0 de saccharose entrainé, mais cette faible proportion n’est pas de nature à altérer les résultats. SUCRES BRUTS DE CANNE 473 ROTATION RÉDUCTEUR GLUCOSE après inversion LEVULOSE 3905 21,96 0/0 1,01 C’est bien du sucre interverti, et cependant les chiffres de la première analyse avaient permis de supposer que le réducteur contenu dans ce sucre était inactif. Le danger des méthodes analytiques admises provient sur- tout de l’influence considérable de la lecture au saccharimètre après l’inversion, dont j'ai déjà fait remarquer les incertitudes. S'il n’y a pas de sucre neutre dans les sucres bruts de canne, il semble qu’une modification, dans les méthodes analytiques ordinaires, doive être ccoptée; l’inversion Clerget s'impose lorsque le réducteur atteint le chiffre de 3 0 /0. Mais encore, il est des cas où de nouvelles difficultés apparais- sent, elles proviennent d’altérations dans la constitution elle- même du sucre interverti formé. Voici un tableau (III) où sont répétées les premières expé- riences, mais avec un sucre brut et avec addition d’eau non thymolisée pour ne pas paralyser les microorganismes. Tasceau HE NUMÉROS D'ORDRE HUMIDITI dans 100 grammes. ROTATION DIRECTE ROTATION après inversion. ROTATION calculée. RÉDUCTEUR avant inversion RÉDUCTEUR après inversion. | 0.90 2 mois à la £ 90,00 | 35 3,60 température du laboratoire 9 9 | 86,80 |:35, 85,30 1,50 (250)° 85.00 | 36 83,90 90,00 89,10 2 mois 82,00 | 30,00 | 81,00 à l’étuve 75,50 | 27, 76,00 12,00 | 60,50 | 24,00 | 66,10 AT4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Dès le début l’inverti apparaît; il est vrai que la proportion de réducteur dépasse 3 0 /0. L’excès de rotation gauche s’accuse comme au deuxième tableau, mais la rotation totale a notable- ment diminué, indiquant tantôt un excès de sucre droit, tantôt un excès de sucre gauche. En même temps, le sucre total a sen- siblement diminué, lui aussi. Nous avons démontré, il y a longtemps, M. Gayon et moi (1) des phénomènes de même nature et nous avons isolé, dans des sucres bruts, diverses espèces de levures, les unes faisant fermen- ter le glucose plus rapidement que le lévulose, d’autres jouissant de la propriété inverse. Suivant que l’une d'elles dominera dans un sucre on aura tantôt excès de rotation droite, tantôt excès de rotation gauche ; d’autres fois, leurs actions réciproques pourront se neutraliser. On peut mettre en évidence le rôle respectif de ces levures, dans des sucres bruts, par une expérience directe. Dans une série de fioles de 100 €. c., on introduit 16 gr. 29 de sucre brut préalablement porté à 1100 pour détruire les germes qu'il pouvait contenir; on ajoute ensuite une émulsion de la levure considérée. La première série est mise en train avec une levure faisant fermenter le glucose plus vite que le lévulose; la seconde série, avec une levure produi- sant le phénomène inverse, on observe après avoir abandonné les fioles à la température du laboratoire pendant 2 mois, et on trouve : Première série [és] £ = 8 a n S Z Z Ë + SE Z £ : ; a - D = = = © 5 = = ONE aa 5 3 0 & a = | ca = S £ à LA = =) e a A FA — — = sr AA | 2 —— —— 1010 cc. 80. 8660 L208 1 06CD eT0 MEE OUE 2 4 c.e. 00 89,39 4,83 95.45 86,12 + 0,97 3 1Ne:C 090 8 4.40 9,06 95,39 89,70 + 1,30 Deuxième série il 0 c.c. 50 87,85 4,95 97,15 87,60 0) 2 "c'e." 00 57,45 4,98 96,45 86,90 — 0,55 4) {Vc-c190 87,45 D,32 96,20 86,38 — 1,07 (1) Gayon et DuBourG. Fermentation du sucre interverti. Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 1889. SUCRES BRUTS DE CANNE Parts) On le voit, la lecture directe peut entrainer des erreurs dépas- sant un degré, et il est intéressant de remarquer que si une cer- taine quantité du saccharose a été transformée en réducteur, la richesse saccharine totale a diminué; il y a en effet fermenta- tion : il est facile de s’en assurer en vérifiant la présence d’alcool. Cela ne saurait surprendre, car il a été rencontré des levures pro- voquant des fermentations alcooliques dans des solutions nutri- tives contenant 80 0 /0 de sucre interverti (1). Sans doute le sucre mis en œuvre est assez impur, mais Je l’ai choisi à dessein pour que lessai fut plus démonstratif. Je pourrais cependant exposer des expériences dans lesquelles se révèlent les mêmes perturbations avec des sucres ne contenant pas plus de 3 0 /0 de réducteur au départ. I suffit qu’il y ait de l'humidité et de l’azote pour que les levures puissent se déve- lopper dans un pareil milieu, malgré la concentration saccharine. Les résultats de cette étude servent à expliquer les diver- gences susceptibles d’être observées dans les analyses des sucres bruts de canne, lorsqu'elles sont répétées après un certain temps. En fait, cette anomalie s’est présentée souvent. En terminant ce travail, je me crois donc autorisé à conclure que le sucre neutre des sucres bruts de canne est inexistant, et que le sucre interverti qu’on y rencontre ne conserve pas une constitution normale constante. Je me réserve d'apporter, dans une étude ultérieure, des faits intéressants concernant la nature et la constitution des sucres contenus dans les mélasses de canne. (1) E. DugourcG. Revue de Vuticulture, 1897. Sérodiagnostic et variabilité des microbes suivant le milieu de culture Pan Les D'S J. BORDET, directeur, et SLEESWYK, membre étranger de l'Institut Pasteur de Bruxelles. Pour que le diagnostic des microbes par les sérums donne des indications précises et toujours infaillibles, il faut évidemment que la spécificité des sérums soit assez stricte, assez délicate pour mettre en évidence les différences de constitution chimique qui séparent les espèces bactériennes, mais il faut aussi qu’à travers les vicissitudes qu’elles rencontrent soit dans la nature, soit au laboratoire, ces espèces gardent chacune, comme une empreinte ineffaçable, le pouvoir de réagir avec le sérum approprié. Ces deux conditions sont souvent réalisées d’une manière satisfaisante; s’il en était autrement, d’ailleurs, le sérodiagnostie n'aurait pu rendre les précieux services dont on lui est redevable. Mais on sait qu'elles ne le sont point toujours d’une manière absolue. Tel immunsérum actif vis-à-vis d’un microbe donné peut réagir, à un degré en général beaucoup moindre il est vrai, avec un autre microbe : les frontières entre les espèces microbien- nes sont parfois indécises, il peut exister entre celles-ci des points de-contact, où les caractères tendent à se fusionner. Les espèces animales donnent lieu à une remarque analogue; un sérum pré- cipitant le sérum de poule, par exemple, précipite aussi, mais plus faiblement, le sérum de pigeon (1). D'autre part, les propriétés d’une espèce microbienne déterminée ne restent pas toujours, au point de vue de la réaction avec l’immunsérum approprié, abso- lument identiques à elles-mêmes, quelles que soient les condi- (1 BorDper. Ces Annales, 1899. SÉRODIAGNOSTIC DES MICROBES 471 tions de vie. Metchnikoff et l’un de nous ont vu, il y a bien long- temps, que le vibrion cholérique peut perdre partiellement, dans certaines circonstances, son agglutinabilité (1); des faits analogues ont été signalés par Bail à propos du bacille typhique; Nicolle et Trenel (2), Kirstein (5), opérant sur le prodigiosus ou le typhique, ont obtenu, par culture à certaines températures, des races micro- biennes peu agglutinables. Les microbes entretenus au labora- toire se modifient parfois quant à l’aptitude à réagir avec le sérum spécifique. En étudiant le charbon bactérien, Grassberger et Schattenfroh (4) ont apporté à ce propos des renseignements très intéressants. Des souches de bacilles typhiques, provenant de malades différents, ne se comportent pas exactement de même: Friedberger (5) à é’:dié très soigneusement, dans cet ordre d’i- dées, un échantillc à de bacille d’Éberth, isolé par Preiss d’un cas grave de fièvre typhoïde; ce microbe, mis en contact avec du sérum antityphique de cheval, n’en absorbait l’agglutinine que fort incomplètement et ne se montrait corrélativement que peu agglutinable. Muller a fait des recherches dans le même sens. A ce même point de vue de l’influence du sérum, le bacille dysen- térique a été l’objet de nombreuses observations, dues notam- ment à Dopter, Park, Collins et Goodwin, Gay, Ruffer et Wil- more. Lorsqu'un microbe ne se comporte plus de même vis-à-vis de l’immunsérum, à quelle modification doit-on attribuer le chan- gement observé? Plusieurs hypothèses peuvent à priori être for- mulées. Les microbes,on le sait, absorbent les substances actives des sérums, et il convient, pour la commodité du langage, d’ap- peler récepteurs les substances microbiennes, d’ailleurs mal con- nues, qui s'unissent aux anticorps. Dès lors, lorsqu'un microbe ne réagit plus ou réagit moins bien avec l’immunsérum, on peut sup- poser tout d’abord qu'il a perdu, totalement ou partiellement, le pouvoir d'élaborer les récepteurs indispensables. On pourrait aussi concevoir que les récepteurs n’ont pas disparu, mais qu’une influence antagoniste s’est développée, qui s’oppose à leur union (1) Mode d'action des sérums préventifs. Ces Annales, 1896. (2) Ces Annales, 1902. (3) Zeitschrift {ur Hygiene, 1904. Bd 46. (4) Sitzungsberichten der Kaiïserl. Akademie der Wissens-haften in Wien; mathem. naturw. Klasse, 1905. (5) Salkowski Festschrift. AT8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR avec l’anticorps (1). Ces hypothèses impliquent toutes deux le même fait, à savoir que le microbe ne s'empare plus des subs- tances actives du sérum. Mais on peut imaginer encore que, tout en ayant gardé la faculté d’absorber les anticorps grâce aux récepteurs caractéristiques, le microbe ait acquis, par une sorte d'adaptation, la propriété de se montrer réfractaire aux effets de cette combinaison, de ne plus présenter les phénomènes que le sérum provoque habituellement. Par exemple, il n’est pas im- possible qu’un microbe devienne inagglutinable, tout en fixant comme auparavant l’agglutinine. Pour ce qui concerne notam- ment les virus que des passages à travers l'organisme ont rendus plus dangereux, on inclinerait à considérer cette dernière hypo- thèse comme plausible, car elle évoque l’idée d’un perfectionne- ment survenu chez le microbe, d’une modification défensive, capable de le soustraire à une influence déprimante, sans lui enlever néanmoins ses caractères spécifiques. Que des races microbiennes, appartenant sûrement toutes à la même espèce, ne soient pas absolument identiques au point de vue des récepteurs, cela résulte clairement de certains travaux cités plus haut, notamment de ceux de Friedberger, Ruffer et Wil- more, lesquels, à vrai dire,se rapportent à des variétés créées non par lexpérimentateur, mais par la nature. En effet, les diverses races étudiées n’absorbent pas avec la même énergie la même agglutinine. Ce qui est vrai des récepteurs l’est aussi des anti- gènes; au surplus, peut-être les antigènes ne sont-ils pas autre chose que les récepteurs, cette question est bien difficile à tran- cher dans l’état actuel des connaissances. Ce qui est certain, c’est que, généralement,un immunsérum donné agit plus puissam- ment sur la race qui a servi à l'obtenir, que sur d’autres races appartenant à la même espèce. Les variations observées par Grassberger et Schattenfroh, qui opéraient sur le charbon symptomatique, peuvent être qua- lifiées d’expérimentales, en ce sens qu’elles se manifestaient (1) De nombreux faits, que les recherches sur l'adhésion moléculaire ont mis en évi- dence, permettent de concevoir cette possibilité. Le sulfate de baryte en suspension s'empare avidement de la mucine; il fonctionne donc comme récepteur vis-à-vis de cette substance. Mais il suffit d'ajouter une frace de citrate de soude pour que l’ab- sorption de mucine ne se produise pas (GENGOU, Bull. de l’ Acad. de Méc'ecine de Bel- gique, 1998). Dans cet exemple, le récepteur est encore présent, mais il est mis dans l'impossibilité d'agir. SÉRODIAGNOSTIC DES MICROBES 479 à la suite de la culture au laboratoire. Un sérum obtenu par l’in- Jection de sérosité virulente agglutine les microbes qui pullulent dans cette sérosité, mais non les microbes habitués aux milieux de culture artificiels. Seulement, en quoi ces derniers microbes se distinguent-ils des premiers? Certains récepteurs ont-ils réelle- ment disparu, où bien, malgré leur présence, les microbes sont- ils devenus, en raison d’un changement d’un autre ordre, moins aptes à subir la floculation, moins sensibles par exemple à l’in- fluence des électrolytes qui, nous le savons, interviennent néces- sairement dans l’agglutination? Cette question n’a pas été élu- cidée, Grassberger et Schattenfroh n'ayant pas, à notre connais- sance, réalisé d'expériences d'absorption analogues à celles que les auteurs précédemment cités ont instituées à propos des races, fournies par la nature, de bacille typhique ou de bacille de la dysenterie. La nature peut modifier réellement les récepteurs, exercer en d’autres termes une influence profonde sur le phéno- mène initial dont les autres manifestations de l’activité des sé- rums dépendent, la combinaison avec l’anticorps. Celle-ci par- lois ne s’opère plus. S'agit-il vraiment alors d’une disparition du récepteur, ou bien une influence secondaire intervient-elle pour l'empêcher d’entrer en réaction? Nous ne chercherons pas, pour le moment, à pénétrer aussi profondément dans l'intimité de la cause. Quoi qu'il en soit, d’ailleurs, tout se passe, dans de sem- blables cas, comme si le récepteur n’existait plus. Quand nous dirons, au cours de cet article, qu'un microbe a perdu son récep- teur, cela voudra dire simplement qu’il n’absorbe plus lanti- corps. Au surplus, la question essentielle que nous nous sommes posée est la suivante : Ce que la nature réalise, les conditions d’ali- mentation auxquelles nous soumettons les microbes peuvent-elles l’effectuer aussi? Pouvons-nous, à notre gré, faire apparaitre ou disparaitre certains récepteurs? La réponse à cette question sera affirmative. On peut, en changeant le milieu nutritif, créer, en partant d’un seul et même échantillon microbien, des races que le sérodiagnostic par l’agglutination distingue, qui ne s'unissent pas avec les mêmes anticorps, et dont l’injection aux animaux permet d'obtenir des immunsérums différents. 480 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nos recherches ont porté sur le microbe de la coqueluche, lequel est fort approprié à l'étude qui nous intéresse. Étant assez exigeant quart à son alimentation, il ne parvient à pousser sur certains milieux (trop différents de ceux qu'il rencontre dans l’or- ganisme) qi'aux prix de réels efforts. Et c’est précisément sans doute parce qu’il doit accomplir un effort qu'il met en jeu sa plas- ticité physiologique, sa souplesse d'adaptation, qu’il subit des modifications allant jusqu'à se répercuter sur la constitution des récepteurs. Nous cultivons habituellement le microbe de la coqueluche sur un substrat très riche en sang défibriné, préparé comme Bor- det et Gergou l’ont indiqué dans leurs Mémoires sur la Coque- luche (1); mais on peut, comme Klimerko (2) l’a constaté de son côté, l’habituer à pousser sur de la gélose ordinaire. On obtient facilement de telles cultures en ensemençant successivement le microbe sur des géloses de moins er moirs riches er sarg.Or peut arriver au même résultat en ensemençant sans transition, mais alors très abondamment, les microbes provenant du milieu riche en sang sur de la gélose ordinaire, ne contenant aucune trace de sang ou de sérum. On observe dans ces conditions un phénomène assez remarquable. Pendant une semaine environ, parfois davan- tage, la gélose ensemencée n’est le siège d'aucune multiplication ; dans la suite, une mince couche blanchâtre apparait, qui s’épais- sit graduellement. Donc, le microbe consacre un laps de temps assez prolongé à s'adapter aux nouvelles conditions d'existence. Lors des repiquages ultérieurs, le microbe pousse plus aisément; la multiplication toutefois n’est jamais très rapide; la couche microbienne obtenue après 5 à 6 jours est épaisse, visqueuse, assez adhérente à la surface nutritive. Délayée dans la solution physiologique, elle donre une émulsion plus blanche que celle du microbe développé sur le milieu riche en sang défibriné; celle-ci est plus bleuâtre, son aspect est très homogène, presque colloïdal. Quant à la morphologie, elle ne subit guère de changement. Pour la commodité du langage, désigrors les deux races ainsi obtenues, celle qu’on maintient constamment sur milieu riche en sang, celle qu'on cultive sur gélose ordinaire, sous les noms de microbe-sang (MS) et de microbe-gélose (MG.) Disons un fois pour toutes que (1) Ces Annales, 1906 et 19067. (2) Centralblatt f. Bakter. Orig. Bd. XLVIIT, 1908. SÉRODIAGNOSTIC DES MICROBES 481 tous les sérums étudiés au point de vue agglutinant ou sensibili- sateur ont été chauffés à 560. Pour commencer, éprouvons sur ces deux microbes le sérum d'un cheval fortement immunisé contre le microbe (MS) qui depuis l’origine, a toujours été cultivé sur le milieu au sang (1). On a ensemencé, en strie assez large, sur la surface du milieu gélose-sang distribué en tubes de dimensions moyennes, le microbe MS. Après 2 ou 3 jours d’étuve, on enlève avec une fine baguette de verre toute la couche microbienne, qu'on délaie dans 3 c. c. de solution physiologique de NaC] 0,9 0 /0; on obtient ainsi une émulsion bien trouble. D’autre part, on prépare une émulsion au moins aussi dense de l’autre microbe (MG) développé sur gélose ordinaire (2). Le sérum de cheval non immunisé possédant déjà un certain pouvoir agglutinant, il convient, pour étudier spécialement lim- munsérum, de le faire intervenir à dose faible; l'influence des anticorps normaux est négligeable à de fortes dilutions. Dans ces conditions, nous trouvons que l’immunséram de cheval agglu- tine avec une extrême énergie le MS, mais qu'il est inactif à l'égard du MG. Donc, le microbe coquelucheux, soumis à un chan- gement d'alimentation, c’est-à-dire transporté, depuis quelques générations, d’un milieu riche en sang sur un milieu (gélose ordi- naire) qui n’en contient pas, perd la facuité de s’agglutiner sous l'influence du sérum obtenu par immunisation contre le microbe développé sur le substrat au sang. Il est facile de démontrer que le MG ne possède pas les récepteurs nécessaires à l'absorption de l’agglutinine spécifique : Dans un tube A on verse 1,4 €. c. d’émulsion MG; dans un tube B, même dose d’émulsion M$; dans un tube C, 1,4 c. c. de solution physiologique. On ajoute à chacun des trois tubes 0,1 c. c. de solution physiologique contenant 1/300 de c. c. d’immunsérum. Le tube B montre, après quelques minutes, une forte agglutination; pas d’agglutination dans le tube A. Quatre heures plus tard, on centrifuge énergiquement. On décante les liquides surnageants (1) Les émulsions obtenues par délayage de la couche microbienne contenant for- cément des traces des matériaux nutritifs du milieu de culture, 1l va de soi que les milieux solides employés pour les cultures destinées au cheval étaient préparés avec du sang de cheval. Il fallait éviter de se servir d’un sang différent, dont la présence dans l'émulsion aurait provoqué chez l'animal l'apparition d’anticorps hémolytiques Gu précipitants. Une remarque analogue concerne l’immunsérum dont il sera question plus loin, et qui provenait de lapin: dans ce cas, on a, bien entendu, employé des cul- tures développées sur gélose-sang de fapin. (2) Les émulsions employées dans les expériences ultérieures seront toujours pré- parées de la même façon. 31 482 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR A et B, qui sont bien limpides (1). On éprouve leur pouvoir agglutinant et celui du liquide témoin C, sur les émulsions microbiennes. Chacun des li- quides A, B, C, est réparti, à la dose de 0,5 c. c. dans deux tubes; l’un de ceux- ci est additionné de 0,3 €. c. d’émulsion MG, l’autre, de même quantité d’émulsion MS. Voici les résultats : 2 IMMUNSÉRUM TRAITÉ AU PRÉALABLE , ÉMULSION — IMMUNSÉRUM (0,3 c.c.) Par MG (liq. A). Par MS(liq. B). intact (liq. C). MG () (® MS L'immunsérum, traité par MG, renferme donc encore l’agglu- tinine active sur MS. Cet anticorps spécifique n’a été aucunement absorbé; en effet, MS s’agglutine exactement aussi vite (en quel- ques minutes) et aussi fortement dans cet immunsérum traité que dans le liquide C, c’est-à-dire que dans le sérum simplement dilué. Bien entendu, MS ne s’agglutine pas dans B, traité au préa- lable par MS. Employé en quantité beaucoup plus forte, limmunsérum agglutine nettement MG, mais il faut remarquer qu’à de telles doses le sérum de cheval nerf produit un effet analogue, à peu près aussi accusé. Quand on mélange 1,4 ce. c. d’émulsion de MG non plus avec 1/300 de ce. c., comme on le faisait dans lexpé- rience précédente, mais avec 1/50 de €. ce. d’immunsérum, on obtient une agglutination assez perceptible. Si lon centrifuge ensuite et décante, on constate que le liquide surnageant n’agglu- tine plus de nouvelle émulsion MG, tout en ayant conservé dans son intégrité, comme nous l'avons vu plus haut, le pouvoir agglu- tinant spécifique et si intense qui s'exerce vis-à-vis de MS. L’ag glutinine impressionnant MG, et qui n’agit qu’à dose assez éle vée, est vraisemblablement un anticorps normal, préexistant à l’immunisation. Nous sommes en présence de deux anticorps fon- cièrement différents selon toute probabilité, puisque l’un (exis- tant déjà avant l’immunisation) est fixé par MG, tandis que l’au- tre (dû au traitement immunisant) ne l’est pas. (4) Étant immobiles, les microbes coquelucheux se sédimentent très bien par cen- trifugation, même lorsqu'ils ne sont pas agglutinés. SÉRODIAGNOSTIC DES MICROBES 483 Cette notion résulte avec évidence de l'étude du sérum nor- mal de cheval. Si l'agglutinine propre à l’immunsérum (celle qui impressionne si puissamment MS, et que MG n’absorbe pas) était identique à celle que le sérum normal contient déjà, on devrait s'attendre à ce que MS, infiniment plus sensible à l’immunsérum . soit également plus vivement agglutiné par le sérum normal, que ne l’est MG. Or, c’est le contraire qu'on observe : lorsqu’à 1,4 ec. c. d’émulsion, d’une part de MG, d'autre part de MS, on ajoute 0,1 c. e. de sérum de cheval neuf, on constate qu’au bout de 3 heures une forte agglutination est survenue dans MG; MS n'a pas changé. Si l’on emploie une dose double de sérum, MS ne montre qu'une agglutination lente et légère, tandis qu'après 15 minutes MG présente déjà des flocons; il s’agglutine bientôt complètement. Donc l’agglutinine du sérum neuf, qui impres- sionne assez fortement MG, n’est pas identique à l’agglutinine, si spécifiquement appropriée à MS, de l’immunsérum. Mais nous venons de signaler qu’à dose vraiment élevée, le sérum normal agelutine non seulement MG, mais aussi, quoique beaucoup plus faiblement, MS. En réalité, les deux microbes sont sensibles au sérum neuf, ils le sont très inégalement. Dès lors, il faut se demander si c’est par l’intermédiaire d’un seul et même anticorps normal que le sérum neuf agit sur les deux variétés microbiennes. On conçoit l'intérêt de cette question. Si la réponse qu'elle comporte était positive, si l’agglutinine normale, active sur MG, était identique à l’agglutinine normale, active sur MS, nous aurions le droit, puisque nous venons de démontrer que l’ag- glutinine normale impressionnant MG diffère sûrement de l’ag- glutinine d’immunsérum si puissante à l'égard de MS, d'affirmer que celle-ci diffère sûrement aussi de l’agglutinine normale active sur MS. Et nos expériences seraient alors favorables à cette thèse, dont l'intérêt pour la compréhension générale de l’immunité est évident, que les anticorps spécifiques élaborés grâce à l’immu- nisation ne sont pas identiques aux anticorps normaux préexis- tants, actifs sur le même microbe. Malheureusement, les expé- riences destinées à rechercher si, dans le sérum neuf, MG et MS réagissent avec la même agglutinine, n’ont donné que des résul- tats ambigus. Elles consistaient, on le devine, à mettre le sérum neuf en contact, soit avec MG, soit avec MS, et à rechercher, après contact prolongé et centrifugation, si chacun des liquides avait 484 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR perdu, pour l’un comme pour l’autre des deux microbes, son pou- voir agglutinant. On constate ainsi que, traité par MG, le sérum perd toute son activité vis-à-vis du même microbe MG, et qu'il la perd presque entièrement, mais non totalement, vis-à-vis de MS. L’essai réciproque conduit à ur résultat analogue. Dans ces conditions, on ne peut exclure l’idée que le sérum renfermerait un mélange d’agglutinines, l’ure ou les unes communes aux deux microbes,les autres plus spécialement appropriées à chacun d’eux ; à vrai dire, le problème est rendu peut-être plus complexe encore par l'intervention possible de substances antagonistes contra- riant l’agglutination. Quoi qu'il en soit, nous reconnaissons volontiers que nos expériences sont plus instructives au point de vue de la variabilité des microbes sous l'influence du milieu de culture, qu’à celui des relations des immunsérams avec les sérums normaux. À l’immunsérum dont il vient d’être question (et qui prove- nait d’un cheval immunisé contre MS), il était vtile de comparer le sérum d’un animal vacciné contre l’autre race MG. Ne dispo- saot pas d’un second cheval, nous avons immunisé parallèlement des lapins, soit contre MS, soit contre MG. Les animaux reçoivent, à 5-10 jours d'intervalle, 4 injections assez copieuses, et sont sai- gaés 10 jours après la dernière injection. Soit dit en passant, les lapins qui reçoivent MG ne présentent aucun trouble, ceux qu’on injecte de MS maigrissent beaucoup, ce qui est en rapport avec la faculté toxigène de la race cultivée sur le milieu au sang. Appelons anti-MS et anti-MG les deux sérums obtenus. Éprouvons tout d’abord leur pouvoir agglutinant à l’égard d’é- mulsions de MS et de MG préparées comme il a été dit plus haut; il y a lieu de signaler à ce propos que le pouvoir agglutinant du sérum de lapin neuf vis-à-vis de MG et de MS est généralement très minime, pratiquement négligeable. On constate que : 1° le serum anti-MG agglutine très nettement MG, mais n’agglutine nullement MS. Donc, le sérum obtenu par injection de culture coquelucheuse développée sur gélose ne pourrait servir à recon- uaitre, au moins par l’agglutination, le microbe ensemencé sur SÉRODIAGNOSTIC DES MICROBES 485 le milieu au sang; 29 le sérum anti-MS agglutire bien MS (1). Mais il agglutine aussi (à peu près aussi bien que le fait le sérum anti-MG) la race MG. On constate done que les deux sérums ne se comportert pas symétriquemert, puisque lux d'eux n’agglu- tine qu'ure race, tandis que l'autre les agglutine toutes deux. La première question à résoudre est de savoir si c’est par l’in- termédiaire d’un seul et même anticorps que ce sérum anti-MS agglutine les deux microbes. Dans un tube À on verse 1,4 €. ec. d’émulsion MG; dans un tube B, même dose d’émulsion MS; dans un tube C, quantité égale de solution physiolo- gique. On ajoute à chacun des trois tubes 0,1 €. c. de sérum anti-M$. L’ag- glutination apparaît dans A et B, elle n’est pas absolument totale; les amas de MG sont plus visqueux, ceux de MS plus floconneux. Après un contact d° plusieurs heures, on centrifuge, décante les liquides surnageants A et B. Chacun des liquides A, B, C est réparti, à dose de 0,5 €. c. dans deux tubes, dont l’un reçoit 0,2 €. ec. d’émulsion MG, l’autre, même dose d’émulsion MS. Voici le résultat, au point de vue de Pagglutination : [MMUNSÉRUM TRAITÉ AU PRÉALABLE : ÉMULS'ON a a SE IMMUXSERUM (0/2"c-1c) Par MG (liq. A). Par MS (liq. B) intact (liq. C) MG 0 0 es MS de 0 2 Le microbe MS s’agglutirne tout aussi énergiquemert dans le sérum traité au préalable par MG que dans le liquide C; il n’y a auvcure différence; nous retrouvors le fait sigralé à propos de l’immunsérum de cheval, MG re réagit aucunement avec l’agglu- tinine qui impressiorne MS; celle-ci représente donc un anticorps spécifiquement et exclusivement dirigé contre ce dernier microbe. Cet anticorps doit être assimilé à celui qui agit, sur cette même race, avec tant d'intensité et de spécificité, dans l’immursérum de cheval; si l’on cherche à l'utiliser pour le sérodiagrostie, il se montre inapte à dénoter la parenté qui unit les deux races micro- bienres. (1; Ce sérum de lapin est néanmoins beaucoup moins puissant que le sérum de cheval immunisé que nous avons considéré; le traitement du cheval avait été très prolongé. 486 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Mais le sérum anti-MS, que nous venons de considérer, doit contenir une seconde agglutinine qui, contrairement à la pre- mière, agit sur MG et est absorbable par lui; elle est également absorbable d’ailleurs par MS. C’est ce qui résulte du tableau ci- dessus. Chose curieuse, bien que se trouvant dans le sérum anti- MS, bien qu’étant fixée par MS comme elle l’est par MG, elle ne doit intervenir que d’une manière absolument négligeable dans l’agglutination de MS par ce sérum anti-MS. En effet, s’il en était autrement, le contact préalable de ce même sérum avec MG aurait comme conséquence d’en diminuer notablement le pouvoir agglu- tinant vis-à-vis de MS, ce qui n’est pas. Donc, s’il est certain que le sérum anti-MS contient deux agglutinines distinctes, il faut admettre néanmoins que MS, tout en fixant ces deux anticorps, ne se laisse agglutiner que par lun d’eux. Le récepteur pour le second existe chez MS, mais la saturation de ce récepteur ne détermine pas Peffet visible auquel on s’attendrait, c’est-à-dire l'agglutination, qui, pourtant, s’observe lorsque ce second anti- corps agit sur MG. L'expérience corrobore en outre, il convient de le signaler, cette notion que les principes actifs apparus grâce à l’immunisation sont intégralement absorbables par le microbe qui à servi d’antigène. Quant au sérum anti-MG, nous avons dit qu'il n’agglutinait pas MS. Le MG ne possède donc pas lantigène capable de faire apparaître l’anticorps qui provoque lagglutina- tion de MS; nous venons de voir d’ailleurs qu'il ne possède pas davantage le récepteur capable de absorber; ces deux notions s’harmonisent, ea ce sens qu'il y a coïncidence entre l’absence de l’antigène et l'absence du récepteur. Mais le sérum anti-MG agglutine MG. Les deux races sont- elles toutes deux capables d’absorber cette agglutinine? L'expérience est identique à la précédente, sauf qu’au lieu de sérum anti-MS, on emploie le sérum anti-MG. On constate ainsi qu'un contact avec MG dépouille le sérum de son pouvoir agolutinant vis-à-vis de MG, mais que MS ne se comporte pas de même : il ne soustrait au liquide (dans lequel d’ailleurs il ne s’ag- glutine pas), qu'une fraction négligeable de cet anticorps. Si nous comparons ce résultat à celui qui précède, nous som- mes forcés d'admettre que ce n’est point par l'intermédiaire du même anticorps que les sérums anti-MG et anti-MS agglutinent MG. En effet, celui que contient le sérum arti-MS est absorbable SÉRODIAGNOSTIC DES MICROBES 487 par les deux races, celui que le sérum anti-MG renferme ne l’est que par MG. Au surplus, ces deux agglutinines se distinguent encore à un autre point de vue. Les deux sérums agglutinent MG; mais à dose forte, c’est le sérum anti-MS qui l’agglutine le mieux ; à dose faible, c’est le sérum anti-MG. Pour ce quiconcerne ce dernier, l’agglutination est contrariée lorsqu'on emploie trop de sérum.Voici une expérience qui met ces particularités en évi- dence : Dans 4 tubes A, B, C, D, on verse 1 €. c. d’émulsion de MG. On ajoute à A,0,05c.c. desérum anti-MG ; à B, 0,05 c. c. de sérum anti-MS; à C, 0,15 c. c. de sérum anti-MG; à D,0,15 c. c. de sérum anti-MS. Les deux derniers tubes ont donc reçu respectivement les mêmes sérums que les deux premiers,mais en dose triple. On constate que A et D s’agglutinent très fortement; Pagglu- tination est faible dans B et surtout dans C;le lendemain,les contrastes sont encore très manifestes. Le tube À a présenté une forte agglutination, parce qu'il contient relativement beaucoup de microbes et peu de sérum;en effet, si l’on prépare un mélange identique, sauf qu’on emploie même dose d’une émulsion trois fois moins riche en microbes, on n’observe qu'une agglutina- tion extrêmement faible. Que le sérum anti-MS agglutine mieux à forte dose, cela tient évidemment à ce que son activité vis-à-vis de MG est assez médiocre. Mais, pour ce qui concerne le sérum anti-MG, la raison de lobstacle apporté à l’agglutination par un excès de sérum réside, non pas en ce que l’anticorps proprement dit agit mal à grande dose, mais en ce qu'il existe dans le sérum des substances antagonistes à l’agglutination, lesquelles se rencontrent d’ail- leurs tout aussi bien dans le sérum normal. En effet, si l’on fait agir sur de lémulsion de MG du sérum anti-MG en petite quan- tité (c’est-à-dire à dose favorable à lagglutination), mais en ajoutant en même temps un certain volume de sérum de lapin neuf (chauffé à 560), l’agglutination est emp êchée. On introduit dans un tube A, 0,05 c. ce. de sérum anti-MG; dansua tube B, 0,2 c. c. du même sérum; dans un tube C, 0,2 c. c. de sérum normal de lapin; dans un tube D, 0,05 c. c. de sérum anti-MG et 0,15 c. c. de sérum normal. On ajoute aux 4 tubes 1 c. ce. d’émulsion MG.Au bout de trois quarts d'heure, À est le seul qui soit agglutiné. Le lendemain, C n’a pas changé, B et D ne pré- sentent qu’une agglutination légère;celle qu’on observe en A est très forte. Le sérum renferme, on Je voit, certains constituants qui ten- dent à disséminer les microbes en les maintenant en un état plus 488 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR parfait d’émulsion, qui donc exercent une influence contraire à celle de l’anticorps agglutinant. Ce fait est vraisemblablement fort comparable à ceux que Gengou notamment à étudiés dans ses recherches sur l'adhésion moléculaire. Par exemple, le sérum, qui dissémine le sulfate de baryte, l'empêche de s’accoler aux globules rouges (1). Le fait qu'un excès de sérum ne met pas obstacle à l’aggluti- nation, quand il s’agit du sérum anti-MS, corrobore l’idée qu’il n’y à pas identité entre les deux agglutinimes actives sur MG et dort l’une existe dans ce dernier sérum, l’autre dans le sérum anti-MG. A cette diversité des anticorps correspond une diversité des récepteurs. #4 Pour mettre en relief d’une monière plus frappante encore l'influence du milieu nutritif sur l'aptitude du microbe coque- lucheux à réagir avec les diverses agelutiniaes, il est une expé- rience très simple, qui consiste à réensemencer sur milieu au sang la race MG qui, pendant un temps assez prolongé, a été mainte- nue constamment sur gélose ordinaire et a subi les modifications de récepteurs et d’antigènes que nous avons signalées. Chose remarquable, transporté sur milieu au sang, le microbe MG reprend très rapidement, presque complètement même dès la première culture, les attributs de la variété MS, en perdant corré- lativement les caractères spéciaux qui le distinguaient lorsqu'il poussait sur gélose. La trarsformatior de MS en MG est donc réversible, elle l’est même très promptemert. On peut, d’ailleurs, avec le même résultat, employer comme milieu au sang dans cette expérience, non pas la gélose de composition assez spéciale que nous avons décrite (et qui, au lieu de bouillon peptonisé, renferme un peu d'extrait de pomme de terre glycériné), mais tout simple- ment de la gélose ordinaire (bouillon-peptone) que l’on fait fon- dre et à laquelle on mcorpore du sang défibriné ou même du sérum (1) De telles constatations nous conduisent à la remarque suivante : lorsqu'on observe qu’un sérum normal n’agglutine pas un microbe, on n'est pas autorisé à con- clure qu'il ne contient aucun ant'corps agglutinant. En réalité, le sérum normal delapin n’est pas, à l’égard de MG, dénué de toute agglutinine, mais les effets de l’anticorps sont masqués parl'influence antagoniste. Si l’on mélange de l’émulsion MG à du sérum normal, qu'après contact on centrifuge et décante le liquide surnageant, afin d’éli- miner l’excès de sérum, le sédiment, délayé dans de la solution physiologique, s’ag- glutine légèrement, SÉRODIAGNOSTIC DES MICROBES 489 de lapin. À part ce sang ou sérum, une telle gélose est identique à la gélose ordinaire; l'emploi comparatif de ces deux milieux per- met done de démontrer rettement le rôle du sang ou du sérum dans apparition des propriétés qui différercient les deux races. Appelors MGS ce microbe MG ensemencé sur milieu au sang et recherchons comment il se comporte vis-à-vis de lPimmunsérum de cheval considéré plus haut, et dont le pouvoir agglutinant, si énergique, ne se manifeste qu’à l'égard de MS. A 4 tubes contenant 1,4 €. €., soit d’émulsion MG (tube A), soit d’émul- sion MGS (B), soit d’émulsion MS (C), soit de solution physiologique (D), ajoutons 0,1 c.c. de solution physiologique contenant 1 /300 de c.c. d’immun- sérum. On constate que A ne s’agglutine pas, mais que B et C s’agglutinent vite et fortement; l’agglutination est toutefois un peu plus puissante encore dans C que dans B. Après 4 heures de contact, on centrifuge. De chaque liquide, on verse 0,5 c. c. dans deux tubes, qui reçoivent ensuite 0,5 €. c. d’émulsion, soit de MG, soit de MS. ; IMMUNSÉRUM TRAITÉ AU PRÉALABLE PAR ÉMULSION S IMMUNSÉRUM (0,3 c. c.) MG (liq- A). MGS (liq. B). MS (liq. C). intact (liq. D). MG 0 (0) (®) 0 MS + Trés faible. (8) + Comme dans l’expérience citée plus haut, le traitement par MG n’enlève aucunement l’agglutinine de Pimmunsérum, active sur MS. Mais le traitement par MGS l’en dépouille presque com- plètement, MGS se comportant donc à peu près comme MS: il ressemble d’ailleurs à ce dernier en ce qu'il est fortement aggluti- nable, Une expérience analogue, réalisée avec le sérum anti-MS provenant du lapin, donne des résultats concordants. Transporté sur milieu au sang, MG reprend les caractères de MS. En même temps, il perd les caractères de MG. C’est ce qu’on démontre ep étudiant MGS, par rapport au sérum de lapin anti- MG. En effet, contrairement à MG, MGS n’est pas agglutinable par ce sérum ; à cet égard, il se comporte done absolument comme MS. De même, il n’en enlève pas non plus l’agglutinine active sur MG. 490 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Pour compléter ces données relatives à l’agglutination, ajou- tons que MS est nettement agglutinable par le sérum d'enfants convalescents de coqueluche, tandis que MG ne l’est pas. Le microbe qui parasite l'organisme se comporte donc plutôt, ce qui est assez logique, comme une race développée sur milieu au sang que comme une race cultivée sur gélose ordinaire; nous retrouve- verons cette considération à propos du pouvoir sensibilisateur. %X * * On ne parvient pas à différencier aussi nettement les deux races lorsqu'on emploie comme réactif, non l'influence aggluti- nante, mais le pouvoir sensibilisateur des sérums, c’est-à-dire lorsqu'on applique la méthode de la fixation de lalexine. A vrai dire, ce n’est pas étonnant. Dans lagglutination des microbes ne peuvent intervenir que des récepteurs intramicrobiens; au contraire, les substances capables, lorsqu'elles sont sensibilisées, d’absorber l’alexine, peuvent se rencontrer, non seulement dans le microbe lui-même, mais aussi parmi les produits microbiens en dissolution dans le liquide qui sert de véhicule. Les produits pré- cipitables par l’immunsérum se montrent avides d’alexine; il suffit de rappeler les recherches de Gengou, étendues aux pro- duits microbiens par divers savants, notamment Weilet Axamit, Toyosumi. Comme l’a montré Dopter (1) il y a longtemps déjà, la spécificité plus grande de l’agglutination se révèle aussi quand on étudie les variétés, fourries par la nature, de bacilles dysenté- riques. Pour des raisons analogues, Hændel a vu, en étudiant les vibrions, que les bactériolysines se montrent plus spécifiques que ie pouvoir de provoquer l’absorption d’alexine. Les deux immunsérums de lapins (anti-MS et anti-MG) pro- voquent la fixation de l’alexine (on emploie comme complément du sérum frais de cobaye) indifféremment par l’une ou l’autre race. Il est curieux de constater que le sérum anti-MG, qui n’ag- olutine absolument pas l’émulsion de MS, lui confère néanmoins le pouvoir d’absorber le complément. Toutefois, l’immunsérum du cheval (lequel, comme il a été dit, a été obtenu par des injections de MS) employé à dose pas trop forte, 0,05 c. c. par exemple pour 1 c. c. d’émulsion et 0,05 d’alexine (sérum frais de cobaye), distingue dans une cer- (1) Ces Annales, 1905, SÉRODIAGNOSTIC DES MICROBES 491 taine mesure les deux races. Sous son influence, MS absorbe l’alexine plus complètement que ne le fait MG. Dans émulsion de celui-ci, les globules sensibilisés introduits à la fin de lexpé- rience s’hémolysent très lentement, tandis qu'ils restent intacts dans le mélange contenant MS. Le sérum d'enfant convalescent de coqueluche distingue plus nettement les deux races : on verse, dans un tube À, 0,3 €. €. d’émulsion MS; dans un tube B, 0,3 €. c. d’émulsion MG; on additionne les deux tubes de 0,15 c. c. de sérum d’enfant conva- lescent (chauffé à 560). IT est superflu de décrire les mélanges de contrôle, tels que ceux où le sérum d’enfant est remplacé par du sérum humain normal, ete. On ajoute aux divers tubes 0,05 c. e. de sérum frais de cobaye. On constate que A s’agglutine, ce qu’on n’observe pas dans B. Quatre heures plus tard, on ajoute 0,05 e. e. de sang de chèvre sensibilisé au préalable par volume égal de sérum de lapin anti-chèvre. Les contrôles s’hémolysent en 15 à 20 minutes; dans B, lhémolyse est visible après 40 minutes et est presque complète après { heure. À est encore intact le lendemain. L'un de nous a mentionné ces faits ailleurs en insistant sur les pré- cautioas dont il faut entourer l’étude du sérum des enfants con- valescents au point de vue du pouvoir sensibilisateur (1). Nous venons de rappeler cette notion que labsorption d’alexine survenant dans un mélange d’émulsion microbienne et d’immunsérum représente une action totale à laquelle parti- cipent vraisemblablement des récepteurs divers, intra ou extra microbiens. Mais la méthode de la conglutination permet une analyse plus délicate, car le phénomène visible que lon constate en l’appliquant dépend exclusivement des récepteurs intrami- crobiens chargés d’alexine. Nous croyons inutile de rappeler en détail ce qu’est le phéno- mène dela conglutination. Comme l’ont montré Bordet et Gay (2), le sérum de bœuf contient une substance (résistant au chauffage à 56°) qui n'entre pas en réaction avec les globules lorsqu'ils sont normaux ou ont fixé uniquement de la sensibilisatrice, mais qui se précipite sur eux lorsqu'ils sont chargés d’alexine. Cette condensation sur les hématies provoque chez celles-ci une agglu- tination extrêmement forte (conglutination). Permettant de (1) Centralblatt f. Bakter, Referate, Bd, XLIII, 1909. (2) Ces Annaies, 1906. 492 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR reconnaître si des globules ont absorbé de l’alexine, la réaction peut évidemment servir aussi à déceler la présence de sensibilisa- trices capables d’impressionner ces éléments. Bordet et Streng (1) ont repris récemment létude plus détaillée de ce phénomène: Streng (2) a constaté que les microbes se comportent exactement comme les globules et qu’on peut en conséquence utiliser la con- glutination pour mettre en évidence les sensibilisatrices anti- microbiennes. Mais, tandis que la méthode de la fixation du complément de Bordet-Gengou constate simplement que l’alexine a été absorbée, sans indiquer sur quoi elle s’est portée, sans pré- ciser si elle a été saisie par les microbes ou s’est fixée sur des pro- duits microbiens excrétés dans le liquide, la méthode de la conglu- tination exige, pour donner un résultat positif, que les microbes eux-mêmes se soient emparés d’alexir e. Comme source de conglutinine, on peut se servir simplement de sérum de bœuf chauffé au préalable à 569. Mais il vaut mieux extraire la substance active, de manière à éviter l’ingérence des anticorps normaux que le sérum de bœuf est susceptible de ren- fermer. Une technique très simple et rapide consiste à faire bar- boter du gaz CO” dans 9 ec. e. d’eau distillée, à ajouter { €. c. de sérum de bœuf 569, à faire passer encore un peu de gaz, puis à centrifuger. On décante le liquide surnageant qu’on rejette, et l’on verse, sur le sédiment de globulines obtenu, 2 c. c. de solution physiologique à 0,9 0 /0. On agite, et l’on obtient ainsi une solu- tion très active de conglutinine. Or, mise à profit pour létude de nos deux immunsérums de lapin, cette méthode montre que MS ne se conglutine que sous l'influence du sérum anti-MS. On verse dans trois tubes 0,5 €. €. d’émulsion MS et 0,05 c. c. de sérum frais de cobaye (alexine). On ajoute, au tube À, 0,05 c.c. de sérum de lapin normal (chauffé à 6°); au tube B, de sérum anti-MG; au tube C, de sérum anti- MS. On additionne les trois tubes de 0,2 c. e. de conglutinine. Dans C survient ure corglutination très intense, qu’on n’observe ni dans À ni dars B. Dorc, c’est uniquement dans le sérum anti- MS qu’existe ure sensibilisatrice active sur les récepteurs du (11 Centralbl. j. Bakter. Orig. Bd. XLIX, 1909. (2) Central! l. |. Bakter, Oris. Rd: EL, 1909. ’ SERODIAGNOSTIC DES MICROBES 495 T microbe lui-même, d’où dépend le phénomène de la conglutina- tion (1). À vrai dire, cette méthode de la conglutination n’est pas appli- cable à tous les microbes (2), en raison de l’ingérence perturba- trice des sensibilisatrices normales du sérum frais de cobaye, lesquelles déterminent parfois une absorption d’alexine suffi- sante à produire la conglutination. C’est le cas notamment pour MG; cette race est apte à fixer le complément, et corrélativement à se conglutiner, sans qu'il soit nécessaire d'ajouter de limmun- sérum. CONCLUSIONS Le présent mémoire est une contribution à l’étude de lori- gine des races microbiennes. Les échantillons divers d’une même espèce microbienne, que la nature rous fournit, peuvent présenter entre eux certaines différences, révélables notamment par le sérodiagnostic; on peut citer comme exemple, à ce point de vue, le bacille dysentérique, le groupe encore assez confus des paratyphiques, peut-être même le bacille typhique, etc. Comme l’a montré fort bien Dopter, à propos des bacilles dysentériques, (certains auteurs, notamment Hændel, ont fait des constatations analogues à propos d’autres microbes),les races d’un même microbe que nous offre la nature, se distinguent beaucoup plus nettement lorsque, pour les différencier, on met en œuvre les agglutinines spécifiques que lorsqu'on a recours à la méthode de la fixation de l’alexire (complément). Non seulement, deux races d’un même microbe peuvent ne pas se comporter identiquement vis-à-vis d’une même agglutinine, mais encore, injectées aux animaux, elles peuvent provoquer l'apparition d’anticorps agglutinants que l’on ne saurait contondre. Or, ces différences ne sont réellement pas très profondes, et les canses dont elles dépendent semblent ne pas devoir échapper à l’expérimentation. On constate en effet que le microbe coque- lucheux se modifie suivant son milieu de culture; on obtient de la sorte deux races qui, au point de vue des réactions d’immunité, présentent entre elles des différences fort comparables à celles qui séparent les variétés naturelles de bacille dysentérique, par (1) Le sérum d'enfant convalescent de coqueluche ou bien encore l’immunsérum de cheval, peuvent remplacer le sérum de lapin anti-M S dans une semblable expé- rienre, (2) Nous renvoyons à ce propos au mémoire de Streng, 494 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR exemple. Elles se distinguent par les récepteurs et les antigènes en rapport avec l’agglutination; injectées aux animaux, elles donnent des immunsértms qui ne sont pas identiques. Des faits particulièrement frappants consistent en ce que le microbe, cul- tivé sur gélose ordinaire, n’est aucunement sensible ni combinable à l’agglutinine spécifiquement active vis-à-vis du microbe cultivé sur milieu au sang (obtenue par immuaisation contre cette der- nière race) et que, d'autre part, les animaux traités par les eul- tures sur gélose ordinaire donnent un sérum n’exerçant aucune influence agglutinante sur l’autre variété. Par contre, la méthode Bordet-Gengou de la fixation de l’alexine peut révéler (c’est le cas aussi pour les variétés de b. dysentérique, et l’analogie entre les races naturelles et expérimentales se poursuit ici) la parenté qui unit les différentes cultures. Il y a intérêt à comparer cette mé- thode à celle de la conglutination. On est conduit dès lors à admettre — et nous partageons à cet égard l’opinion de Grassberger et Schattenfroh — qu’au moins pour ce qui concerne le pouvoir agglutinant, les immunsérums ne portent point leur action sur des substances microbiennes fondamentales, inhérentes à la vie, dont la présence est nécessai- rement liée à la nature, à la constitution même de l'espèce, mais sur des matières en quelque sorte accessoires, d'apparition pos- sible mais facultative, dont l'élaboration ne fait nullement par- tie du faisceau des caractères héréditaires immuables qui donnent à l'être vivant sa physionomie propre et son autonomie. « À vrai dire, la race nouvelle que la culture sur gélose ordinaire a permis de créer retourne rapidement au type primitif lorsqu'on la ramène à son milieu nutritif initial, le milieu au sang. Un fac- teur important pour la conservation des caractères nouveaux acquis par les microbes, c’est le temps d’action de l'influence modificatrice. Aussi comptons-nous rechercher si,après une période très prolongée de culture sur gélose ordinaire, le microbe revient encore avec la même promptitude à son état originel lorsqu'on le replante sur le milieu au sang. Quoi qu’il en soit, on peut assez légitimement supposer que les races naturelles, même lorsqu'elles sont plus stables, résultent d’un déterminisme analogue. Au sur- plus, des races aberrantes (de b. typhique, par exemple) se ‘amènent assez souvent, sans trop de retard, au type habituel, lorsqu'on les entretient dans les laboratoires. Influence de l'acide borique sur les actions diastasiques Par Hexrt AGULHON, (Travail du Laboratoire de M. Gabriel Bertrand.) L'étude de l'influence des acides sur les actions diastasiques a déjà fait l’objet de nombreuses recherches. Nous ne trouvons cependant que très peu de renseignements sur l’action de l'acide borique : la faiblesse de sa fonction acide l’a rendu sans doute peu intéressant pour les auteurs et ils l’ont volontairement écarté de leurs travaux. Des études récentes, tendant à limiter le maximum d'activité à la réaction neutre au méthylorange pour lamylase (MAQuENNE et Roux (1), FERNBAcH et Wozr) (2) et porr la laccase (G. BERTRAND) (3), donnent au contraire un intérêt à l'étude de l’action sur les diastases des corps d’acidité analogue à celle des phosphates alcalins monobasiques : c’est le cas de l'acide borique. Il répond à la double règle établie par G. Bertrand pour les corps inactifs sur la laccase : la saturation de son premier hydrogène par la soude dégage seulement 11,6 ca- lories, et il est neutre à l’hélianthine. Il est légèrement acide au tournesol, et acide à ta phtaléine; avec l’alizarine sulfoconju- gvée il donne une teinte jaune bis. Ce dernier réactii coloré n’est pas sans manquer d'intérêt pour l’étude des réactions des divers milieux. Bien que n’offrant dans une £itration que le virage du jaune au rose, correspondant au virage de Fhélianthine, l’alizarine sulfoconjuguée en solution aqueuse est susceptible (1) MAQUENNE et Roux. Annales de Physique et de Chimie, 8° série, t. IX, p. 1909. (2) A. Fervgacr et J. Worr. Étude sur la saccharification des empois de fécule Comptes rendus Ac. dés Sc., t. GXLNV, p. 261. (3) G. BerrrAnD. Recherches sur l'influence paralysante exercée par certains acides sur la laccase. Annales de l’Institut Pasteur, t. X XI, p. 657. 496 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR d’une série de quatre colorations (1) bien différentes les unes des autres : ? 1° Jaune franc, un peu verdâtre, avec les acides forts, le citrate monosodique, loxalate monosodique, lacide carbo- nique; 20 Jaune bis, avec l’acide borique, les citrates bialcalins, les phosphates monoalcalins ; 30 Rose, avec le citrate trisodique, les phosphates bialcalins, les bicarbonates alcalins, les oxalates neutres; 49 Violet rose, avec les carbonates alcalins, les silicates alcalins et les alcalis libres. L’addition de manmnite et de glycérine à l’acide borique le fait passer du groupe 2 au groupe 1. Aiosi, à lui seul, ce réactif permet de classer les diverses réactions des milieux en quatre groupes qui correspondent assez bien (sauf pour quelques cas comme CO, par exemple) aux colorations du méthylorange, d’une part, à celles de la phtaléine, d’autre part. Nous aurons occasion, dans le cours de ce travail, de voir l’usage qu’on peut tirer de l’emploi de ce réactif dans les études diastasiques. A peu près tout ce qui est connu à l'heure actuelle de l’action de l’acide borique sur les diastases a trait à son inactivité. Perir (2) note son inactivité sur la pepsine; DucLraux (3) le prétend sans action sur la sucrase, contredisant en cela un travail de WERNiTZ (4) où il est affirmé que l’acide borique, dès la concentration de 17/3.250€ rend la sucrase inactive. (1) Cette série de coloration est due à Ia formation des äifférents seis de l'acide alizarine sulfonique. Iis sont au nombre de trois : 19 Les sels de formule C'#H O2(0H)*SOÏM qui sont orangés ou jaunes, SOÿM 20 Les sels CI#*H50? ; OM [on qui sont violet-rouge pour les métaux alcalins, rouges pour les alealino-terreux. ( SOM 2° Les sels C1#H502 : OM [om qui sont violets. (C. GRABBE. Ueber Alizarinsulfjonsaure. — Berichte Deutsch. Chem. Gesell., L XIT, p. 571, 1879). (2) Perir. Recherches sur la pepsine. Thèse, Paris, 1889. (3\ Ducraux. Traité de Chimie Biologique, p. 181. (4) WERNITZ. Dissert. Inaug Dorpat, 1880. ACIDE BORIQUE ET ACTIONS DIASTASIQUES 497 G. BERTRAND (1) constate la neutralité de son action sur la lac- case, puis sur les peroxydiastases (2). La seule action empêchante signalée est l’action sur la présure; DucLaux, dans son Traité de Microbiologie (5), prête à Pacide borique une action analogue à celle du borax : CI aug- mente la transparence du lait et retarde aussi Paction de la présure. La coagulation devient cinq fois plus lente avec 4 p. 2.000 d'acide borique et vingt fois plus lente avec 1 p. 1.000 » et Duclaux donne ainsi une explication de son emploi industriel pour la conservation du lait : « L’acide borique paralyse l’action des présures produites par les ferments de la caséine ». En 1908, GERBER (4) obtient des résultats qui con- tredisent formellement les données de Duclaux; il constate une accélération très nette de la coagulation du lait emprésuré par Paddition d'acide borique. En résumé, l’action de acide borique a été étudiée sur cinq phénomènes diastasiques seulement, et, pour deux des cas, les auteurs se trouvent en contradiction. J’ai entrepris létude systématique de cette action sur un certain nombre de diastases ; j'exposerai les résultats obtenus en suivant la classification parfois un peu arbitraire des diastases en : Diastases hydrolysantes: Diastases coagulantes ; Diastases oxydantes. S {% DIASTASES HYDROLYSANTES SUCRASE. — J’ai étudié l’action de l'acide borique sur la sucrase préparée à partir des levures et celle fournie par lAsper- gullus niger. 19 Sucrase de levure. — On obtient, en broyant au mortier, un poids égal de sable siliceux bien pur et de levure de bou- langerie dans son double poids d’eau, une solution active de (A) Loc-rerr. (2) G. BERTRAND et Mie ROZENBAND. Action de quelques acides sur les peroxy- diastases. Bull. Soc. Chum., 4° série, t. V, p. 296, 1909. (3) DuccAUX. Microbiologie, t. II, p. 377. (4) GERBER. Action accélératrice Ge certains paralysants classiques des présures. 1I. Acide borique: —- €, R. Soc. de Biologie, t. LXIV, p. 1178, 1908. 9 DJ 498 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sucrase. Après filtration, la solution est limpide; elle est légè- rement acide au tournesol, mais plutôt alcaline à l’alizarine sulfoconjuguée avec laquelle elle donne une coloration rosée. 5 c.c. d’une solution de saccharose à 20 0,0 étaient additionnés de 1 c.c. de solution diastasique et on complétait à 10 c.e. avec de l’eau distillée pure ou contenant en dissolution les doses déter- minées d'acide borique. Des témoins avec diastase bouillie étaient préparés pour chaque dose.C’est là une précaution que J'ai d’ailleurs toujours prise pour toutes les expériences qui font l’objet de ce travail. Le tout était porté dans un bain-marie réglé à tem- pérature constante. Au bout du temps désiré, on arrêtait l’action diastasique par addition d’un excès de soude et le sucre réducteur formé était dosé par la méthode indiquée par G. BERTRAND (1). Le tableau suivant donne les résultats obtenus dans une première série d'expériences faites avec des doses relativement élevées, variant de 3 à 6 grammes par litre : Acide borique Sucre réducteur formé 0/0 ce. de liquide. a ——— +, D _— — nn — en millicnièmes 4 h. à 170 1 h à 550 3 h. à 529 0 3 gr. 29 NOT 0 OCT 271 3.000 3 or. 131 ONE R0E Gher-228 6.000 9 Gr A6 re 7e 6 gr. 07 9.000 9 21.090 o gr. 69 » gr. 89 12.000 9 gr. 47 D pr. 59 L'action empêchante de lacide borique sur la sucrase, annoncée par Wernitz, n'est donc nullement retrouvée. Au contraire, les doses entre 3 et 6 grammes par litre nous semblent avoir une très légère influence favorisante, plus accentuée si l’on se trouve éloigné de la température optima. Nous sommes amenés à nous demander si l’action de l’acide borique sur la sucrase ne présenterait pas une courbe à maximum analogue à celles obtenues par Fernbach (2) pour l’action des acides forts. Le maximum aurait déjà été dépassé dans les expériences du tableau précédent. Voici les résultats expérimentaux obtenus pour des doses très variées d’acide borique : (1) G. BERTRAND. Le dosage des sucres réducteurs. Bull. Soc. Chim., 3° série, t. XX XV, p. 1285, 1906: (2) A. FERNBACH. Recherches sur la sucrase. Thèse, Paris, 1890, ACIDE BORIQUE ET ACTIONS DIASTASIQUES 499 Acide borique Sucre réducteur Acid> borique Sucre réducteur en mgr. par litre. 0/9 ce. liq. 2 h. à 520. en mgr. par litre. 0/0 ce. lig. 2 h. à 520. 0 3 gr. 88 1.000 ENoT.e19 25 er. 92 2.000 & gr. 10 50 & gr. 05 6.000 & gr. 08 100 3 gr. 92 12.000 3 gr. 86 200 & gr. 30.000 3 gr. 97 500 4 gr. 19 Bien que peu élevée, la courbe est très nette. L'action favo- risante se maniteste Jusqu'à des doses de 6 grammes par litre: un optimum est visible et soutenu vers des doses de 0 gr. 5 à Î gramme par litre. L'influence nettement défavorable ne com- mence guère qu'au delà de 12 grammes par litre; en présence de 30 grammes par litre la sucrase se comporte encore très bien puisque la quantité de sucre réducteur formée est, avec celle formée dans le témoin sans acide borique, dans le rapport de 9 /10. 29 Sucrase d’Aspergillus. — Avec la sucrase de l’Aspergillus niger, préparée d’après la méthode indiquée par Fernbach, l'existence d’une courbe de l’action de l’acide borique est encore plus nette. La solution de sucrase est neutre au tournesol; elle est très peu active si on ne l’additionne d'aucune trace d’acide. J'ai suivi la même technique que pour les expériences précé- demment décrites sur la sucrase de levure. Malgré sa faible acidité, l’acide borique est susceptible de renforcer l’activité de la sucrase d’Aspergillus, jusqu’à 1/3 en plus de son activité primitive pour la dose optima qui est pour des concentrations bien plus élevées que dans le cas de la sucrase de levure (12 grammes par litre). Cela ressort nettement des chiffres suivants : Acide borique __ Sucre réducteur 0/0 ce. de liquide. en millionièmes ET UE Pr 2 h. à 520 (0 0 gr. 235 0 gr. 508 25 0 gr. 285 0 gr. 540 20 GO gr. 301 100 0 gr. 282 ONor- 523 200 0 gr. 285 0 gr. 572 500 0 gr. 248 0 gr. 617 1.000 0 gr. 246 0 gr. 661 2.000 0 gr. 324 0 gr. 630 6.000 0 gr. 382 0 gr. 770 12.000 0 gr. 385 0 gr. 775 50,000 0 gr. 363 0 gr. 770 500 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Il est curieux de voir combien nous sommes loin d’une action empêchante, puisque en présence de 50 grammes par litre nous voyons la diastase agir plus activement qu'en l’absence d'acide borique. En résumé, on peut dire que, pour la sucrase d’Aspergillus ou de levure, l'acide borique n’est à aucune dose un empêchant, Sa dose optima est très élevée : 12 grammes par litre. Dans le cas de la levure, cet optimum est abaissé e£ la courbe est peu accentuée. Il y a sans doute dans lextrait de levure des sels dont l’acide borique à dose élevée déplacerait l'acide : ce ne serait plus alors l’action de l'acide borique seul que nous obser- verions. Avec la préparation de sucrase d’Aspergillus, qui est relativement très pure, la courbe peut s’élever plus longtemps. Il n’y a pas lieu de tenir compte de l’action hydrolysante de l'acide borique aux températures auxquelles on expérimente les tubes témoins, à diastase bouillie et doses croissantes d’acide, ne présentent entre eux que des différences inappréciables, sans rapport visible avec leurs teneurs en acide. AMYLASE. —— Ainsi qu'on pouvait s’y attendre après les travaux de MAQuENNE et Roux et de FERNBACH et WoLzr, l’acide borique, neutre à l’hélianthine, ne présente aucune action empêchante bien nette sur les amylases végétale et animale. La liquéfaction de lempois et la formation du maltose ne sont que très faiblement influencées par la présence, même en quantité relativement considérable, de cet acide. 19 Amylase végétale. Liquéfaction de l’empois. — On met dans deux becherglass 50 grammes d’empois d’amidon à 10 0/0, préalablement neu- tralisé. A l’un d’eux on ajoute 10 milligrammes d’acide borique. On les addi- tionne de 4 €. €. d'extrait de malt à 10 0/0. On laisse 7 minutes en contact £ en agitant de temps en temps; on ajoute alors 1 €. c. de soude normale pour arrêter l’action diastasique et on mesure la viscosité par le temps que met à se vider une même burette pleine de lun ou Pautre des liquides. J’ai obtenu les chiffres suivants dans deux expériences successives, La burette employée se vidait d’eau distillée en 25” : De l’amidon fait avec de l’eau boriquée (3 0/0) est d’ailleurs rapidement liquéfié par l'extrait de malt. L’extrait de malt fait avec de l’eau boriquée possède toute son activité, et cette propriété peut être employée pour avoir des extraits qui ne fermentent pas rapidement, ACIDE BORIQUE ET ACTIONS DIASTASIQUES »01 Une faible quantité de borax entrave au contraire l’action de la diastase; son alcalinité en est la cause, ainsi que celle de toutes les iniluences empêchantes du borax observées par J.-B. Dumas (1) sur différents ferments solubles. Formation de sucre réducteur. — Dans deux vases on met 100 grammes d’empois d’amidon à 10 0/0 auquel on ajoute . A. 50 c. c d’eau distillée; B. 50 c. c. d’eau boriquée (3 0 /0); Puis 50 c. ec. d’un extrait de malt à 10 0 /0. La liquéfaction est instantanée. On place les deux vases dans une étuve à 350 et on suit la formation du sucre en comptant le nombre de gouttes des deux liquides qui décolorent 5 €. c. de réactif de Fehling après des temps donnés : Après A B 0 h. 3/4 40 gouttes 40 gouttes 1h: 17/2 TON EE SUR k h. DE —— 23 — 6 h. 23 — 22 —— Ainsi nous ne voyons aucune différence dans la vitesse de formation du maltose par l’extrait de malt en l’absence d’acide borique ou en présence de cet acide à la concentration pourtant élevée de 1 0 /0. t De nombreux essais faits avec des extraits de blé germé et non germé m'ont donné des résultats identiques. 20 Amylase animale. — J'ai employé pour ces essais la pancréatine de Merck en solution filtrée à { 0/0. Dix c.c. d’un empois d’amidon à 5 0/0 sont additionnés de quantités variées d'acide borique et de 1 €. c. de solution de pancréatine. L'attaque est faite au bain-marie réglé à 409. Après le temps d’action désiré, on dose le sucre par la méthode de G. BERTRAND. Voici les résultats de deux expériences, faites dans ces conditions : Acide borique en millionièmes. 0 63 mgr. 6 106 mgr. 5 Sucre réducteur formé 50 105 mgr. 5 900 66 mgr. 3 108 mgr. 1 7.500 62 mgr. 1 100 mgr. 5 13.500 o6 mgr. 6 88 mgr. 0 13.500 (diastase bouillie) aucune réduction. Les deux expériences, bien que non comparables entre elles (1) J.-B. Dumas. C. R. Acad. Sciences, t: LXXV, p 181, 1872. 202 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pour les valeurs absolues de sucre dosé (ce dernier n’a pas été titré sur une même quantité de liquide), le sont très nette- ment quant à la marche du phénomène. Celle-ci peut être exprimée par une courbe légèrement ascendante jusqu'à des doses de 500 millionièmes; puis, pour les doses supérieures, une légère diminution du sucre produit apparaît. Si nous étu- dions quelle est la réaction des milieux des divers essais vis-à-vis des indicateurs colorés, nous voyons que, quelle que soit la dose d’acide borique, ils sont neutres à l’hélianthine et qu'ils virent légèrement le papier de tournesol à la teinte acide. L’ali- zarine sulfoconjuguée nous montre au contraire des différences entre eux. Jusqu'à la dose de 500 millionièmes, la coloration par l’alizarine est très nettement rose; pour les doses supérieures elle est jaune bis. Il est à remarquer que le point ma:imum de notre courbe paraît antérieur au virage de l’alizarire au jaune. Pour les teintes jaunes l’acide borique est devenu défavorable. L’alizarine nous permet ainsi de fixer de façon plus précise la réaction optima du milieu; celle-ci correspondrait pour l’amylase à la teinte neutre, située entre le rose et le jaune bis, puisque, de part et d'autre, il y a décroissance de la quantité de sucre formé, soit une teinte rose très légère. Nous allons voir qu'il en est de même pour l’émulsine. EMULSINE. — Je me suis servi dans les expériences qui sui- vent d’émulsine Merck en solution 1 07/0 filtrée. Je fais agir cette solution sur de l’amygdaline en solution 4 0/0, à tempé- rature ordinaire. 5 c. c. de la solution d’amygdaline + 2 c. c. sol. d’émulsine + 5 €. c. d’eau contenant en dissolution les quantités voulues d’acide borique. Le sucre est dosé sur la totalité des liquides, l’action diastasique ayant été arrêtée en même temps dans tous les tubes par un chauffage de 5° à l’ébullition. Ac. borique Sucre réducteur dosé, après a — RS en sol. 20 1/4 h° 1/2 h. TT 0 43 mgr. 7 23 mgr. #4 36 mgr. 8 61 mer. 2 N /500 k4 mgr. 2 23 mgr. 7 37 mgr. 5 98 mgr. 5 N /100 42 mgr. 2 N /50 41 mgr. 5 N/25 21 mgr. 8 S6mET AIO MOT 02 Na? 39 mgr. 7 N /8 37 mgr. 8 : N/5 SENMETNS LI NET. 7 32 mgr. 9 49 mgr. 0 ACIDE BORIQUE ET ACTIONS DIASTASIQUES 203 Il ressort de ce tableau d'expériences que l'acide borique présente une influence défavorable qui devient nette si l’on dépasse les doses N/50. Deux questions se posent : y a-t-il une dose favorable au-dessous des doses étudiées et l’action défavo- rable est-elle simultanée sur la double action diastasique de l’'émulsine : formation de l’amydonitril-glucoside et décompo- sition de ce dernier en glucose, acide cyanhydrique et benzaldé- hyde. L'expérience suivante va nous renseigner à ce sujet. 25 ce. c. de solution d’amygdaline à 4 0 /0 + 5 c. c. de solution d’émulsine à 1 0 /0 + 20 €. ce. d’eau contenant en dissolution des doses croissantes d’acide borique sont mis en contact, à la température ordinaire, en matras scellés pour éviter les pertes d’'HCN ; après une heure et demie d’action, on arrête lhydrolyse diastasique en portant les matras scellés au bain-marie bouillant. Le sucre est titré par la méthode Bertrand sur 5 c. ec. de liquide et l’acide cyanhydrique est dosé sur les 45 €. c. restant, par la méthode cyanoargen- timétrique de DENIGES (1) après entraînement à la vapeur d’eau. Acide borique en solution Millionièmes HCN pour 50 cc. Sucre pour 50 ce 0 soit 0 30 mgr. 3 394 mgr. 2 N /2.500 25 30 mgr. 9 402 mgr. 5 N/625 100 31 mgr. 8 419 mgr. 0 N /62 1.000 31 mgr. 2 394 mer. 2 N/5 12.000 28 mgr. 8 391 mgr. 1 N /2 30.000 20 mgr. 7 260 mgr. 7 Cette expérience répond aux deux questions que nous nous étions posées : une action favorable est exercée par l'acide borique sur l’émulsine Jusqu'à des doses de l’ordre du décigramme par litre ; puis, pour des doses plus élevées, l’action défavorable appa- rait nettement, et à la fois pour les deux phénomènes d’hydrolyse diastasique : la production de glucose et celle d'acide cyanhy- drique restent parallèles pour les différentes doses d’acide borique. L'action de ce dernier sur l’emulsine peut donc être repré- sentée par une courbe dont le point maximum correspondrait à la dose de 100 millionièmes, soit N/625. La descente de la courbe correspond à un changement de teinte des milieux à l’alizarine; avant le point maximum la coloration est rose, après ce point elle est Jaune bis rosé, puis jaune bis. Iei encore, comme pour l’amylase pancréatique nous pouvons établir un (1) DENIGÈS. Annales de Chimie et de Physique, t. VI, 72 série, 1893. 204 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR optimum plus précis que la neutralité à l’hélianthine, qui est celle à l’alizarine. L’act'on empêchante de l'acide borique sur lémulsine aux doses élevées n’est cependant pas très considérable si on la compare à celle des acides forts, puisque le ferment peut encore agir en présence d’une solution saturée de cet acide. Voici par exemple une expérience faite avec l’acide chlorhydrique dans les conditions des premières expériences exposées ici pour l'acide borique HCI en so'ut.on. Sucre titré. témoin 0 43 mgr. 0 N /5.000 3 mgr. 6 N /250 lomner N/50 L mgr. 4 L'action diastasique est pour ainsi dire arrêtée aux doses les plus faibles. Le phosphate monosodique agit à peu près avec la force de l’acide borique : Phosphate monosodique en solution. Sucre {itré. témoim 0 41 mgr. 3 N /500 41 mer. 3 N /25 38 mgr. 1 N/5 SOMMOT..9 LIPODIASTASE DU RICIN. — La saponification de l’huile de ricin par la pulpe broyée des graines de cette plante est très fortement paralvsée par la présence d’acide borique, et ce fait est d'autant plus curieux que cette action diastasique est par- ticulièrement activée par une acidification assez élevée du milieu (1). L’acide borique est pour elle un empêchant énergique, même en présence des doses optim®æ d'acide fort. 2 gr. 5 de pulpe de graines de ricin broyée au mortier sont mélangés avec 4 ©. ©. d’huile de ricin, en présence de doses d’acide borique variées, avec ou en l’absence de la dose optima d’acide sulfurique. Après une heure de contact à température ordinaire, on ajoute à chaque essai 20 ©. c. d'alcool à 950; on ramène tous ceux-ci à la même acidité sul- furique et borique, et on titre l'acidité avec de la soude normale, en présence de phtaléine. (1) CONNSTEIN, LOYER et WARTENBERG. Der. deut. chem. Gesell., t. XXXN, p. 3988, 190€. ACIDE BORIQUE ET ACTIONS DIASTASIQUES D05 Première expérience. Soude employée. PEACE ESS SR A IAE DIDICLE RO ASS PRE CR 1#CC-415 PAS AGE OURS NO RE PR on M ee dant ACC DICHCTeAUS 60 MEN ACADOL PAT RAR ARR Oùcc. 395 2.c. c. ac. sulf. N /10 + 60 mgr. ac. bor. .......... 3-c0: 20 Deuxième expérience SE ER AEE LEE M A APE RE cet et SAR SE CCS DO AC AIN TO ON Ie ere e suelela cine du ONCCIO ACCUS DEMO NA ADO E PERTE Mr ANCCHES PIC NE RACE NL ES 0PmMEr. ac born 1%: 1 VO)ce: 40 — — ANNE AC DO RME Acc. 30 Troisième expérience. CRÉAS cit ee bien te se Set ele ati ole ONCEMA0 ONG AG SUITE NAN à RER EME SR PRE Aie HRCC EAU DC CrHeAU- 6 me) Ac Dors. RENE ee 0 cc. 60 20-16-26 SUUNTO 6 2meT ACIbon ee 22 cCc190 L'action empêchante de lacide borique est nette. Dans les trois expériences, les témoins non acidifiés par la dose favori- sante d’acide fort ont produit une très faible quantité d'acides de plus que les témoins à acide borique. L'influence activante de l’acide sulfurique semble être entravée par la présence d’acide borique. La quantité d’acides gras formée par la lipodiastase en présence de la quantité optima d’acide fort est réduite environ de moitié si l’action se fait en présence d’acide borique. Cette action nuisible se manifeste pour des quantités peu élevées, puisque dans la dernière expérience j'ai employé seulement une quantité d’acide borique moléculairement équivalente à la quantité d'acide sulfurique ajoutée, c’est-à-dire 1/10 normale pour les deux centimètres cubes d’eau que l’on émulsionne avec l’huile et la pulpe de graine. Quel est le mécanisme de cette propriété de l'acide borique? C’est ce qu’on ne saurait dire à l'heure actuelle. La lipodiastase est un ferment très sensible qui n’a pu jusqu'ici être séparé des cellules de la pulpe de graines de ricin et purifié. L'action de l’acide porte-t-elle sur le mécanisme diastasique lui-même, ou bien est-ce une rétraction quelconque du protoplasma qui se produit, empêchant le passage de la diastase. La question reste à résoudre. Dans le premier cas, ce serait la première influence 506 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR nettement nuisible de l’acide borique que nous trouvons sur les diastases depuis le début de ce travail. DIASTASES PROTÉOLYTIQUES. — 1° Pepsine. — L’acide bo- rique ne peut, à aucune dose, même celle de 40 grammes par litre, jouer pour la pepsine le rôle de complémentaire active. En pré- sence de la dose nécessaire d'acide chlorhydrique, l'acide bo- rique n’augmente ni ne diminue la vitesse des digestions pep- siques. Ces deux propositions ressortent nettement des divers essais exécutés et sont en concordance avec les expériences de PETIT (1). Je me suis servi, pour cette série d'expériences, de l'essai du Codex de 1908 qui est basé sur la méthode de Petit : observation du temps nécessaire à la digestion d’une fibrine pour que le liquide de digestion ne précipite plus par l'acide azotique. Une série de vases maintenus à 50° dans un bain-marie réglé à tempéra- ture constante, contenant chacun 0 gr. 10 de pepsine, 2 gr. 5 de fibrine desséchée, 10 c. c. de HCI à 10 0/0 et des doses d’acide borique variant de 0 à 40 grammes par litre,ne présentent aucune différence dans la marche de la digestion et ne donnent plus de précipité par l'acide azotique, les uns comme les autres après quatre heures de contact. La fibrine est au contraire restée intacte après 24 heures dans des vases placés à la même température, contenant les mêmes doses d'acide borique, mais sans acide chlorhydrique. La pepsine employée pour ces essais était une pepsine commerciale dite absolue. 20 Trypsine. — Des essais faits par la méthode de Mett, en faisant agir sur des tubes de blanc d'œuf coagulé des solutions de pancréatine en présence de quantités variées d'acide borique, n’ont montré entre eux aucune différence. J’ai cherché plus de précision dans l'emploi d’une méthode récemment indiquée par SORENSEN (2): elle consiste en la titration directe des acides aminés formés par lhydrolyse des matières protéiques. Ces acides ne réagissent pas à l’état libre comme des acides sur les indicateurs colorés, à cause de leur fonction amine. Si l’on arrive à bloquer cette fonction par un artifice quelconque, on pourra titrer l'acide aminé comme un acide ordinaire. A cet effet, Sorensen emploie le formol. (1) Los. cit. (2) SORENSEN. Etudes enzymatiques. — Comptes rendus du Laboratoire de Caris berg, 7° volume, I, 1907. ACIDE BORIQUE ET ACTIONS DIASTASIQUES 507 Je fais agir sur 2 grammes de fibrine séchée, mis dans 40 c. c. d’eau tenant en solution l’acide borique aux doses désirées, 10 c. c. d’une solution filtrée de pancréatine (pancréatine Macquaire répondant à l’essai du Codex 1908, 2 grammes pour 100 c. c. d’eau) à l’étuve à 400. Au bout de temps déter- minés, on prélève 10 c. c. de liquide de digestion. On les met en présence d’un mélange de 5 c. ec. de formol et de 5 c. c. d’alcool à 950 additionnés de 1 c. c. d’une solution de phtaléine du phénol à 2 0/0, mélange qu’on a préalablement neutralisé. On titre l’acidité à la soude N /10, après avoir amené les différents essais à la même concentration en acide borique, de façon à déterminer l’erreur qui provient de la difficulté de titration absolue de cet acide en présence de phtaléine. Voici les résultats d’une expérience faite dans ces conditions : Adide borique Soude N/10 pour 10 ce. de liquide. CAR ÉENPR #40 en millionièmes après 3 h. après 6 h. 0 OC 13 ce. 4 20 9 cc. 45 1AGC 200 10MRCCML LONG 15.000 ONCCAG EE 7 Aucune différence bien nette n'apparaît qui puisse indiquer l'existence d’une influence soit favorable, soit défavorable. Il parait y avoir un optimum vers la dose de 500 millionièmes. Cette dose correspond à la teinte jaune bis rosé avec l’alizarine, teinte de la neutralité. Il est à remarquer que la dose d’acide borique optimale pour la digestion de la fibrine par la trypsine est la même que la dose optimale pour la digestion de l’amidon par la pancréative (voir plus haut). 90 Papaine. — La papaïne n’est pas non plus influencée par la présence d’acide borique. Les expériences qui suivent ont été faites dans les mêmes conditions expérimentales que celles décrites ci-dessus pour la pancréatine. La marche de la diges- tion a été suivie de même par des titrations des acides aminés formés par la méthode de Sorensen. Acide borique Soude N/10 pour 10 ce. de liquide. se —_ en millionièmes après 3 h. après 6 h. Are Exp: 0 J1CC99 Ghecr "9 20 NCA OÉCCMIO 200 DNCCAE2D ONECMI De Rp 0e Mec 40.000 LEE 7 Pas d’optimum visible et pas d’action empêéchante, puisque DUS8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR la diastase fonctionne encore en présence de 40 grammes par litre d’acide borique (1). S Il — DIASTASES: COAGULANTES PRÉSURE. — En ce qui concerne la présure, j'ai repris les expériences de GERBER. Je n’ai expérimenté qu’avec la présure animale. J’ai employé comme source de présure la présure de Hansen en pastilles, mise en solution à raison d’une pastille dans 100 ce. c. d’eau distillée. Le lait employé est un lait commer- cial pur que je centrifuge préalablement. Je dois dire tout d’abord que J'ai obtenu des résultats analogues à ceux de Gerber : l’acide borique présente, sur la coagulation du lait par la présure, une influence favorisante. Il est assez difficile de noter les temps de coagulation à 409, bien que par comparaison il m’ait toujours été possible de constater que les tubes boriqués coagulaient avant les tubes témoins non boriqués. L'action favorisante de l’acide borique ne laisse pas de doute si on opère à température éloignée de la température optima. À température ordinaire, par exemple, les différences de temps de coagulation entre les tubes riches en acide borique et les témoins peuvent dépasser deux heures: il n'y à plus alors de doute possible à l'égard de l'influence de l'acide borique. Je donne ci-dessous en tableau quelques-uns des résultats obtenus; le temps de coagulation est pris au moment où le tube peut être retourné. DOSES TEMPS DE COAGULATION d'acide TT —_ ———————————— ? 5c.c. lait + 0,2 10c.c.lait| 10c.c.lait + 0,04 10c ce lait + 0.2 borique en présure. + 0,2 présure (2) présure. Millionièmes TT présure Du. 0. #t# 360 T.ord. 360 360 400 T. ord. 350 = | | | DÉS AIDE SALE 7 12/45" 6/30" 58/ 245" 122. ge 1045" | ées" | 58 | 90" 290 es 8/10" 3 h. 1 10/20" 6/15" 0001. 11840! 4 h. 50’ 625 7! 65" IDE 8/10" 4h 20 5'15" 10/30" 6/10" 48" 9/30" 2.500...| 7/30" 43! 430" 915" 65" 17’ 2725" 5.000 D: 510" 39/ 8/20" 30.000 3) | | (1) $. Yosrimoro a récemment signalé une action favorisante de l’acide borique sur l’autolvse des tissus, jusqu'à la concentration optima de 1 0 /0. Zeutsch. {. physiol. Chem., t. LVIII, p. 341, 1909. (2) Occ., de la solution de présure diluée dix fois. ACIDE BORIQUE ET ACTIONS DIASTASIQUES 509 Pour me rendre compte du mécanisme de Paetion de Pacide borique sur la coagulation du lait, j'ai été amené à refaire les expériences de GErRBER sur les phosphates monobasiques (1) et les citrates bibasiques (2). Jai encore obtenu les mêmes résultats que cet auteur. Le phosphate monopotassique est un accélérateur très puissant, bien plus puissant que l'acide borique pour la coagulation du lait par la présure : du lait emprésuré (0 e. e. 2 de la solution ordinaire pour 10 c. c.) additionné de mo- nophosphate de potasse de façon qu’ils’y trouve en solution N /20, coagule en 5 minutes à température ordinaire, alors que sans cette addition il n’est pas encore coagulé après { h. 1 /2. Voici une expérience comparant l’action du phosphate monopotassique à celle de l’acide borique. 5 c. ec. de lait sont traités avec 0 c. c. 2 de ma solution de présure diluée 20 fois. L'expérience est faite à 400. Teneur en : phosphate monopotassique acide borique témoin 0 26/25 25/20 N /200 20°30” 22°40°”° N /100 1615 2240” N /40 10°45°” GE N /20 SIDE? 20°40°” On voit combien est grande l’action favorisante du phos- phate par rapport à celle de lacide borique. Je retrouve pour le citrate bisodique le phénomène qu'indique Gerber : présence d’une action défavorable pour de faibles doses, puis apparition d’une action favorisante; l'expérience suivante a été faite à 399 avec la présure diluée comme dans l’expérience précédente : Citrate monosodique en solution. témoin coagulé en 28 minutes. 0 N /240 petit caillot rétracté après 2 h. 1 /4. JA 9 NUE l rien après 2 h. 1 /4. N /45 précipité grumeleux après 1 /2 heure. 9 N /30 : À ’ : ar l caillot lâche formé après 10 minutes. N/12 tube retournable après 4 minutes. 1) GergEr. Action des phosphales acides de potassium et de sodium sur la coa- gu!ation du lait par les présures. C. R. Sacuété de Biologie, t. LXIV, p.151, 1908. (2) GerBER. Action des sels de potassium et de sodium à acides organiques sur la ccaguiation du lait par les présures, 1d., t. LXIV, p. 783, 1908. 10 ANNALES -DE L INSTITUT PASTEUR Dans ces actions sur la coagulation intervient, sans qu'aucun doute puisse être possible, autre chose que des questions d’acidité. On connaît déjà un acide agissant un peu comme l'acide borique : c’est l’acide carbonique; du lait saturé de CO? coagule plus rapidement par la présure. Quel peut être le mode d’action de Pacide borique dans ces phénomènes? Porte-t-il sur l’action diastasique de la présure sur la caséine ou seulement sur le phé- nomène de la coagulation des produits formés ? Le lait non emprésuré ne coagule pas par addition d’acide borique à saturation, saturé à froid d'acide borique, il ne se coagule pas à 1000, Si on laisse en excès d'acide borique qui per- mette la saturation du lait pour la température de 1009, l'acide borique le coagule à cette température. Il en est de même pour le phosphate monopotassique. L’acide borique se présente déjà comme une substance ayant des propriétés coagulantes sur la caséine non transformée par la présure. En réalité il semble bien n’intervenir dans les phénomènes de coagulation par la présure que comme adjuvant des sels de chaux. L'expérience suivante prouve qu’il n’agit pas sur la transformation diastasique de la caséine. A température ordinaire, 5 c. €. de lait sont additionnés de 0 c. c. 2 de solution de présure dans trois tubes à essai (I, IT et 111). À l’un d’eux (III) on a ajouté, avant l’expérience, de l’acide borique en quantité telle qu'il se trouve dans le lait en solution N /10. On fait agir la présure sur les trois tubes pendant 5 minutes. On ajoute alors : Auttube Ll'0"c..c..5 de CaCl2"à"10 07/0; Au tube IT 0 €. c. 5 de CaCP? à 10 0 /0 + même quantité d'acide borique que celle mise au début de lexpérience dans ITT; Au tube III 0 c. €. 5 de CaC? à 10 0 /0. Les tubes IT et ITT se prennent en masse en moins de 2 minutes. Le tube I n’est coagulé qu’en une demi-heure. La rapidité de coagulation des tubes à la fois boriqués et calcifiés est remarquable; elle est la même, que l’acide borique ait été présent pendant le temps d'action de la présure ou qu’il ait été ajouté en même temps que CaCl?, ce qui montre bien que l'acide borique n’a qu'un rôle de coagulant. Le mélange d'acide borique et de CaCF est d’une extraordinaire activité. Le chlorure de calcium seul est 15 fois moins actif. L’acide borique seul est très peu actif : du lait rendu exempt de sels de chaux par addition de 1/1.000€ d’oxalate de potassium ne ACIDE BORIQUE ET ACTIONS DIASTASIQUES 11 coagule plus par la présure; un petit précipité caillebotteux apparait cependant au bout de quelque temps, sous l'influence de fortes doses d’acide borique. Quelle est la nature du coagu- lum formé dans ce dernier cas? C’est une question que de nou- velles expériences me permettront sans doute d’élucider. En résumé, l’action de l’acide borique apparaît comme celle d’un coagulant : nous allons retrouver dans l'étude de son action sur la pectase un semblable rôle d’adjuvant des sels de chaux. PEcrasE. — La pectine qui a servi à mes expériences est préparée d’après la méthode qu'ont indiquée MM. G. BERTRAND et MALLÈVRE (1) dans leur travail sur la fermentation pectique. La solution à 2 0/0 est neutralisée bien exactement, précaution très importante. La pectase a été préparée partant du trèfle. On broie et on presse des feuilles de trèfle. Le liquide est abandonné pendant 24 heures en présence d’un peu de chloroforme. On filtre. On précipite par trois volumes d’alcool à 960. On centrifuge le précipité obtenu et on le reprend par l’eau. La partie soluble est reprécipitée par trois volumes d’alcool, centrifugée et rapidement séchée dans le vide. Le produit obtenu est mis en solution à raison de 0 gr. 5 0 /0 dans nos expériences. Cette solution était additionnée de quelques gouttes de CaCl N7/10. Dans toutes nos expériences, les concentrations en acide borique varient de N 7/80 à N/2. Il est très difficile de faire une détermination exacte du temps de coagulation, mais, par comparaison, J'ai toujours pu observer que les tubes additionnés d'acide borique coagulaient avant les tubes témoins, sauf cepen- dant pour les doses élevées, voisines de la saturation. Voici par exemple des temps expérimentaux obtenus : 4:c. c. de pectine + 1/2 c. c. sol. de pectase + 17/2 c. c. H*O tenant l'acide borique en solution. Acide borique k Temps en solulion de coagulation OMR M PT ah tee ANHEMO SOLE RER re * 40° NU D 2 Lt De ADR NS RSA 45 ND ON 42. re MN RES DRRATE 1h NPD AT Pete e Cie te A ee eleve tete h [PUR T ARMES RES fee Le RER ne 4107 (4) BERTRAND et MaArrèvRE. Recherches sur la pectase ef ja fermentation pectique. — Bull. Soc, Chim., t. XIII, pp. 77 et 252, 1895. 912 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le temps de coagulation est pris au moment où l’on peut retourner le tube. Il paraît y avoir un maximum pour des doses peu élevées, chose que nous n'avions point vue pour la coagulation du lait. Nous observons cependant encore ici une influence coagulante de lacide borique, influerce qui semble compléter celle des sels de calcium sans lesquels la pectase ne peut donner de coagulation. Avec le phosphate monopotassique nous n’obtenons pas-les mêmes résultats que dans le cas du lait et de la présure. Ici c’est une influence empêchante très nette qui nous apparaît; le phosphate monopotassique, sans être un corps d’acidité aussi forte que HCI ou l'acide malique, dont MM. G. Bertrand et Mallèvre ont signalé l’action empêchante sur la fermentation pectique, se rapproche alors de ces acides et non de lacide borique comme on aurait été tenté de le croire. HOMME TON RAS Po retournable après 1 h. 14. | N /40 | {ET2 10 ideas : nc /, ayIrhcg POSER N 20 { liquides après 4 heures. Acide bornique NS Creer EE retournable après 1 heure. Temps de ccagu'ation No MéMOomMeSrr PRET ent DE NYBODPET NE Een tan 1pre NPAODEERERE TE ne PO‘H°K ni : f ) ND DDRM NAT 3 heures. ANIS RAR LR Non retournable après 3 h. 1 /2. Le citrate disodique parait encore plus empêchant et ne donne pas le phénomène, observé avec la caséine, d’une dose empêchante suivie d’une dose favorisante : Temps de coagulation ER TOUT RE M NI mini 6 00100010 oO Do D dans NB 00 AE RP RAURE 3 h Citrate disodique NACRE PAST ee ue Sn en solution NHLDOSE RME 6 h. ON IN SD NE AR TE ne Ainsi, seul de ces trois corps, l’acide borique préseate une influence analogue sur la coagulation pectique et la coagrlation du lait par la présure. Nous retrouverors, à propos de la tyro- sinase, l’action coagularte de Facide borique, qui nous appa- ACIDE BORIQUE ET ACTIONS DIASTASIQUES 13 raitra alors comme un phénomène général sur la coagulation, d'ordre probablement physique. Ü S IIL — DIASTASES OXYDANTES Laccase. — J’ai laissé de côté l’étude de l’action de l’acide borique sur la laccase. Son inactivité a été signalée dans le travail de G. BERTRAND (1). TYROSINASE. — Je me suis adressé pour ce travail aux deux bonnes sources de tyrosinase connues : l'extrait de son de froment (2) et la macération glycérinée de Russale (Russula queleti Fr.). J'ai opéré en milieu aseptique avec l'extrait de son. Une solution de tyrosine stérilisée à l’autoclave, avec des doses d'acide borique déterminées, est additionnée d'extrait de son (macération aqueuse) filtré à la bougie Chamberland. Acide borique Coloration en millionièmes après 18 h, Sos Bremnur 0 noircissement net noir noir 455 » noir noir 625 liquide brunâtre marron brun 2.500 » » » 7.500 » ) » C’est une influence nettement défavorable qui nous apparait. Nous retrouvons le même phénomène encore plus accentué avec le phosphate monosodique. A doses moléculairement équivalentes, il est plus empêchant que l’acide borique sur l’action de la tyrosinase du son. Dans les deux cas, pour les fortes doses, un louche apparait dans la liqueur; ce louche doit être dû à une précipitation des sels de chaux qui sont en notable quantité dans l'extrait de son, et nous savons que la présence de ces sels est nécessaire à lPappa- rition des mélanines dans les liquides d’oxydation tyrosina- sique (3). La tyrosinase du son est, pour notre étude, un matériel défavorable et nous pourrons mieux élucider la question er nous adressant à une tyrosinase très peu riche en sels de chaux (1) Zoc. et. (2) G. BERTRAND et W. MurErmtrLcu. Recherches sur le mode de calcration du pain bis. Annales de l’Institut Pasteur, t. XXI, p. 833, 1907. (3) Voir G. BERTRAND. Recherches sur la mélanosénèse. Bulletin ées Sc, phar macologiques, &. XV, p. 65, 1908. 39 o14 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l'extrait glycériné de Russule sera, à ce point de vue, la prépara- tion de choix. S'il n’est pas additionné d’une petite quantité d’un sel de chaux, il ne précipite pas les mélanines dans les solu- tions de tyrosine ou seulement en très faible quantité : le liquide garde une teinte marron rouge, même si l’on pousse très loin l'oxydation. L’addition d’une trace d’oxalate d’ammoniaque empêche l’apparition de toute teinte foncée; le liquide oxalaté rosit presque instantanément, plus rapidement même que les liquides non oxalatés, mais il garde perpétuellement la teinte rouge et sa transparence (1). L’addition de sels de chaux en quantité appréciable empêche au contraire tout rosissement du liquide, au fur et à mesure de l'oxydation, la substance est coagulée sous forme de mélanine et précipite en donnant au début une teinte gris-violet au liquide, puis un dépôt noir apparaît rapidement sur le fond du tube. Il était nécessaire, pour comprendre le mode d’action de l’acide borique que nous allons exposer, de préciser ces quel- ques points et de bien établir les deux temps de la réaction : oxydation de la tyrosine qui est le phénomène diastasique; précipitation des produits d’oxydation sous forme de mélanine, due à la présence de sels de chaux et absolument indépendante de la présence de la diastase : on peut en effet, dans les tubes oxalatés, produire un précipité mélanique après destruction de la diastase par la chaleur en ajoutant un excès de sels de chaux. Nous établirons d’ailleurs sur cette possibilité de précipitation des mélanines, après destruction de la diastase, une méthode de dosage de celles-ci. Il y a dans l’action des sels de chaux sur la coagulation des mélanines, analogie complète avec leur action sur la coagulation des produits de transformation de la caséine sous l'influence de la présure. Le sel de chaux, qu’il entre ou non en combinaison avec le produit d’oxydation, n'intervient dans le phénomène que comme agent de coagulation. Nous allons trouver une semblable analogie entre l’action de l’acide borique sur les oxydations tyrosinasiques et son action sur la coagu- lation du lait que nous avons déjà vue. Voici deux des nombreuses expériences qualitatives faites sur l’action de l’acide borique sur la tyrosinase. (1) Voir à ce sujet : GEssarD. Études sur la tyrosinase; Ann. Inst. Pasteur, t XV, p. 593, 1901. ACIDE BORIQUE ET ACTIONS DIASTASIQUES 015 5 €. c. de solution saturée de tyrosine son aditionnées de 2 gouttes d'un extrait glycériné de Russula queleti et de doses croissantes d'acide borique : ACIDE BORIQUE COLORATION APRÈS en os Er a millionièmes. : 3/4 heure. 2 heures. 3 heures, 18 heures. | DÉS ) à Rouge brun < RS oses. . DD eee Rosis= {| Môme Bundle SOON sement. \ Lateinte | observat. Roses. moins en 250 immédiat. ne DS 1. ; DO es es. à diminue plus rouge en DD DOM AT Lee 2 en allant | accentuée. } \ allant AUDE Re | Retard. vers 5.000. | Brun rosé. | VÉTS 5.000. 2? c. c. solution de tyrosine saturée + 17/10 c. c. extrait de Russule: ACIDE BORIQUE COLORATION APRÈS en RE —— millionièmes. 2 heures. 18 heures. | Rosissement.) Re Rouge-brun. ne Rouges vif. Immédiat. | Brun. Retard. Rouge-brun. Brun-noir. Q.s. pour sa- | Aucune teinte! Brun jaunätre.| Liquide brunâtre où flottent des turer après 5’. (léger ppté brun). particules noires visibles, En résumé, nous voyons diminuer la teinte rouge au fur et à mesure qu'augmente la concentration en acide borique. Dès l’abord on serait tenté de croire à une influence empêchante si l’on n’était prévenu que la coloration rouge n'indique rien de précis, puisqu'elle n'apparaît même plus lorsqu'on force les doses de sels de chaux, ainsi que je l’ai dit plus haut. Le brunisse- ment, qui est un commencement de précipitation des mélanines, apparait très rapidement dans les tubes riches en acide borique; un dépôt se forme même au fond du tube. Nous sommes alors tentés de rapprocher l’action de l'acide borique sur la tyrosinase de son action sur la présure et la pectase comme je le faisais pré- voir tout à l'heure. [acide borique agirait comme coagulant des mélanines, avec, comme pour ses autres actions coagulantes, une puissance bien moins grande que les sels de chaux. La démonstration que Pacide borique n’a pas d'action empêchante 916 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sur la tyrosinase et que par conséquent les modifications de teinte des liquides d’oxydation dues à sa présence ne proviennent que d’un état différent de coagulation du produit oxydé nous sera fournie par un dosage de ce produit. Dans trois matras contenant chacun 0 gr. 5 de tyrosine dissoute dans un litre d’eau on ajoute des doses d’acide borique. RES RON NR RERRE 0 gr. RE MR Den do co does 5 gr DDRM RME LE Le és a JUNOT: On additionne ensuite le liquide de chacun des matras de 50 c. c. de macération glycérinée de Russule. On fait barboter dans les matras, bouchés au caoutchouc et réunis par des tubes coudés, un faible courant d’air pendant 20 heures à la température du laboratoire. Après une demi-heure, les matras IT et IIT ont bruni et ont perdu leur transparence; le I est encore transpa- rent et d’un beau rouge acajou. Au bout des 20 heures on bouche les matras à l’ouate et on porte un quart d’heure à 1109 en autoclave pour tuer la dias- tase et aussi stériliser les liquides dont la filtration sera longue et que les microorganismes pourraient envahir pendant ce temps. Après refroidisse- ment on ajoute à chaque matras 10 c. c. d’une solution de chlorure de cal- cium à 10 0 /0 stérilisée et on laisse déposer 24 heures. Dans ces conditions la presque totalité des mélanines est précipitée; la très faible quantité qui colore légèrement le liquide surnageant est impondérable. On filtre alors sur petits filtres tarés (T), on vérifie que le liquide filtré ne donne pas de précipité mélanique par addition de CaCP. Les filtres et leur contenu sont séchés à poids constant dans une étuve à 1100 et on pèse (A). On calcine alors le tout avec précaution et les cendres obtenues sont pesées (B). Le poids de matière organique oxydée — A —(B + T). On a éliminé de la sorte l'erreur possible due à la précipiation des sels de chaux par l’acide borique et aux matières minérales entraînées par les mélanines. Dans ces conditions nous avons obtenu les résultats suivants : Poids de matière Acide borique organique oxydée TEEND 0 gr. 3465 IT 5.000 0 gr. 3524 III 30.000 0'gr.3532 Ces chiffres permettent d'affirmer que l'acide borique n’agit pas comme empêchant de la tyrosinase. Le phénomène quali- tatil observé n’est dû qu’à l’action coagulante de l’acide borique sur les méianines. Même en présence d’oxalate d’ammoniaque, ies liquides d’oxydation tyrosinasiques qui ont été additionnés d'acide borique brunissent. La précipitation n’est pas complète comme avec les sels de chaux. Nous avons vu de même la for- ACIDE BORIQUE ET ACTIONS DIASTASIQUES 017 mation d’un caillot lâche sous l’action de la présure dans les laits oxalatés additionnés d’acide borique (1). Au groupe des diastases oxydantes, c’est-à-dire fixant l’oxy- gène de l'air directement, je joins celui des peroxydiastases et de la catalase pour la commodité de lexposé. PEROYXDIASTASES, — L’acide borique à toute dose est inactif vis-à-vis des peroxydiastases agissant, en présence d’eau oxy-: génée, comme oxydants du gaïacol et de la teinture de gaïac. M. G. BERTRAND et Mlle RozENBAND ont d’ailleurs signalé le fait dans une récente étude sur l’action des acides sur les peroxydiastases (2). CATALASE. -— La décomposition de l’eav oxygénée par la catalase est légèrement influencée par la présence d’acide borique, surtout aux fortes concentrations. Je me suis servi d’une solution aqueuse provenant du lavage au mortier dans 40 €. ce. d’eau, de 25 grammes de panne de porc fraîche, très riche en catalase. Après un quart d'heure d'action sur une solu- tion à 5 0/0 de perhydrol de Merck, j'arrête l’action diastasique par addition d’acide sulfurique et je titre l’eau oxygénée non décomposée par le permanganate N7/10. Permanganate N/1A employé Témoin avec diastase bouillie ............. DEC De de bDorques MR RE JACCLAG 50 millionièmes acide borique.:.. .….....2:.4 Dicces 200 — ne ee ete eieiile lets DCE 6.000 — Ne TR UE 10e il 11.000 — EP EE Ca EE CCE? 24.000 — nn Le CRE CRETE TO ONCE Une autre expérience m’a montré qu'en présence de 30 grammes par litre d'acide borique, il y a encore une décom- position de l’eau oxygénée. Néanmoins, la vitesse de l’action se trouve entravée rotablement à partir de 6 grammes par litre, ainsi que l'indique le tableau précédent. (1) On trouvera dans une note récente une modification de cette méthode de dosage, destinée à la rendre plus rapide, ainsi que des données sur la réaction la plus favorable du milieu à la formation des mélanines; voir H. AGULHON : Influence de la réaction du milieu sur la formation des mélanines par cxydation djastasique, C. R. Acad. Sciences, t. CL., p. 1066, 1910. (2) Loc. et. DIS ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CONCLUSIONS Résumons en peu de mots les conclusions que nous pouvons tirer de cette étude sur l'influence de l’acide borique sur les actions diastasiques. Les diatases hydrolysantes des hydrates de carbone et des glucosides, ainsi que celles des matières protéiques, fonction- nent encore en présence d’acide borique à saturation à froid; c’est dire que son action empêchante est bien faible. Nous avons pu établir une courbe de l’action de l’acide borique sur un certain nombre d’entre elles : sucrase, amylase pancréatique, émulsine, trypsine; courbe qui nous a permis de ramener la réaction optima du milieu pour les trois dernières actions diastasiques à la neu- tralité à l’alizarine, neutralité plus sensible et corresponäant mieux à l’exactitude des faits que la neutralité à l’hélianthine envisagée jusqu'ici. L’acide borique est inactif sur les oxydases et les peroxydiastases. Il gêne l’action de la catalase au fur et à mesure que sa dose croit, sans arriver cependant à l’entraver entièrement. Par un mécanisme inexpliqué, probablement un phéno- mène d'ordre physique, du genre de ceux que Ducraux classe sous le nom de phénomènes d’ « adhésion moléculaire » (1) et par lesquels il explique les phénomènes de coagulation, l'acide borique intervient de façon favorable sur ces derniers. Nous l’avons pu constater dans les trois cas étudiés, assez dissemblables les uns des autres : la coagulation du lait, celle de l'acide pectique et enfin celle des mélanines. Mais il me semble que, dans ces derniers cas, nous sommes en dehors des phénomènes diastasiques étudiés en eux-mêmes; l'intervention a lieu sur le phénomène annexe qu'est la coagulation des produits formés. On peut done dire qu’en dehors de la lipodiastase, où l’on n’est d’ailleurs pas sûr qu'il agisse directement sur la propriété diastasique, l’acide borique est un corps remarquablement inactif à la fois dans le sens favorable et le sens défavorable sur les actions des ferments solubles. La faiblesse de son action antiseptique est évidemment en relation avec cette inactivité. (4) Ducraux. Traité de Microbiologie, t. IT, p. 263. Etude de l'infection du cobaye par le microbe de Preisz-Nocarl Par L. PANISSET Professeur à l'Ecole vélérinaire de Lyon. On identifie sous le nom de bacille de Preisz-Nocard ou de bacille de la suppuration caséeuse un microbe capable de provo- quer, chez diverses espèces animales, des infections extrêmement différentes. L’acné contagieuse du cheval, de Dieckerhoff et Gra- witz, la peudo-tuberculose du mouton, de Preisz et Sivori et la lymphangite ulcéreuse du cheval, de Nocard, sont dues au bacille de la suppuration caséeuse. Un grand nombre d’observations rapportées par Nocard et Leclainche montrent que le bacille de Preisz-Nocard est capable de déterminer les accidents les plus variés. L’attention a été attirée récemment sur une propriété qui n'avait que peu retenu jusqu'alors l'attention des expérimenta- teurs. Simultanément, Dassonville et surtout Carré montrent que le microbe de Preisz-Nocard, comme le bacille de la diphté- rie, avec lequel il a des analogies morphologiques, est capable d'élaborer une véritable toxine. Cette constatation est pour Carré l’origine d’une série d’études sur une maladie particulière du mouton : les eaux-rousses, dans laquelle l'agent microbien dont nous nous occupons ne semble intervenir que comme agent toxi- gène. Nousn’envisagerons point, dans cette étude, cette face de la question, nous nous sommes borné dans nos recherches à envi- sager le bacille de Preisz-Nocard comme agent d'infection et non comme agent d'intoxication, il nous a suffi pour cela d’inoculer exclusivement des corps microbiens prélevés sur milieux solides. Nous résumerons, avant de pénétrer plus avant dans notre sujet, les données incertaines ou contradictoires publiées sur la virulence, pour le cobaye, du microbe de la suppuration caséeuse. 520 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Dieckernoff et Grawitz (1) rapportent que le cobaye est tué en 48 heures, après simple dépôt d’une culture pure sur la peau des- quamée et en 24 heures après injection sous-cutanée. Nocard (2) constate que l'inoculation sous-cutanée aboutit en 4 à 5 jours, à la formation d’un abcès volumineux.la cicatrisa- tion de la cavité abcédée est longue; d’autres abcès évoluent dans le voisinage, l’animal succombe rarement. C’est à propos de ce microbe que Nocard signale, pour la première fois, qu’il est pos- sible d'obtenir une orchite qui simule l’orchite morveuse. Nocard donne une excellente description de cette vaginalite, consécu- tive à l’inoculation péritonéale et signale la possibilité de tuer les animaux rapidement par intoxication, avant que les altérations génitales aient évolué. Noœrgaard et Mohler (3) ont apporté des résultats plus com- plets sur la virulence d’un bacille qu’ils avaient isolé de l’adénite caséeuse du mouton. Le microbe avec lequel les auteurs améri- cains ont expérimenté, tue le cobaye inoculé sous la peau ou dans les muscles en 15 à 18 jours, l’inoculation d’une grosse dose déter- mine une infection généralisée. L’ingestion tue en 4 à 8 semaines; les ganglions de la tête et du cou sont envahis ainsi que les organes abdominaux, tandis que le poumon reste indemne. L’inoculation péritonéale (1/3 à 9 /4 de c. e. de culture) tue en 8 à 15 jours: il existe, au point d’ino- culation, une lésion avec centre caséeux ; on trouve des nodules caséeux dans le foie, dans la rate et le long des Iymphatiques du mésentère. L’inoculation intra-veineuse (3 à 6 gouttes de culture) tue le cobaye en 4 à 10 jours, avec des lésions généralisées. Nous n'avons retenu dans ce résumé que les travaux les plus importants sur le bacille de la suppuration caséeuse, ces quelques données suffisent à montrer, en dehors des différences liées à l’o- rigine des microbes, combien les indications fournies sont dis- cordantes. Nous serons bref sur les données techniques concernant la culture et le dosage du virus, nous nous sommes inspiré de la (1) DIECKERHOFF et GRAWITZ. Die Acne contagiosa des Pferdes und ihre Aetiologre. Arch, f. path. Anatomie. T. CII, 1885, p. 148. (2) Nocarp. Sur une lymphangite ulcéreuse simulant le farcin morveux chez le cheval. Annales Inst. Pasteur. T. X, 1896, p. 69. (3) NŒRGAARD et MOHLER. The nature, cause and economie importance of ovine caseous lymphadenitis. 16 th. annual report of the Bureau of animal industry, 1899, p. 638, ; LE MICROBE DE PREISZ-NOCARD 921 méthode utilisée par M. Nicolle dans son étude de la morve expérimentale du cobaye. s La culture qui nous a servi provenait d’un abcès du rein, trouvé incidemment à l’autopsie d’un cheval qui avait présenté, sans doute antérieurement, de la Iymphangite ulcéreuse, l’exten- sion du processus aux ganglions prépelviens et aux reins étant assez fréquente. Nous n'avons utilisé pour nos recherches que des cultures sur milieu solide, nous avons employé dans ce but de la gélose débar- rassée de son eau de condensation. La gélose ascite convient par- ticulièrement bien, on obtient assez rapidement une récolte abondante de corps bacillaires; la gélose-peptone ordinaire et surtout la gélose à la pomme de terre, si favorable à la culture du bacille morveux, ne conviennent pas très bien au microbe de Preisz-Nocard.Les tubes ensemencés largement étaient mainte- nus 24 heures à l’étuve et la récolte effectuée seulement 24 heures plus tard, après séjour à la température du laboratoire. Nous avons dosé exactement les microbes destinés à être inoculés, en suivant la technique indiquée par M. Nicolle (Loc. cit., page 629). Nous rappellerons seulement que lunité choisie est le centigramme et que nous représenterons les doses de 1/10 de centigramme, 1 /100 de egr, 14/1000 de cgr., de Ia façon sui- vante 2410210210"... INOCULATION DANS LE PÉRITOINE DU COBAYE MALE Le bacille de Preisz-Nocard, inoculé dans le péritoine du cobaye mâle, détermine des lésions de vagiralite tout à fait sem- blables à celles provoquées par linoculation du bacille morveux. Nous ne reviendrons pas ici sur la disposition de l’appareil géni- tal du cobaye, renvoyant pour l'étude de ces particularités à l’article Cobaye de Livon dans le Dictionnaire de Physiologie et à la description si précise qui en a été fournie par M. Nicolle. La dose limite active et de 10%, qui détermine encore une lé- sion locale, il faut pourtant au moins 107 pour obtenir des lésions génitales, ces résultats n’ont été certains qu'avec 10%. Dans une série d'expériences, la dose limite capable de provoquer des lésions génitales, a été de 10%, le microbe avait perdu de sa viru- lence par quelques tentatives pour l’acclimater à végéter sur de la gélose à la pomme de terre, b22 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR LÉSIONS GÉNITALES DU COBAYE MALE Lorsque les lésions génitales existent, elles sont à peu près identiques, quelle que soit la dose inoculée. La maladie évolue très généralement sous la forme subaigue. Dès le 2€ jour après l’inoculation, on note une lésion locale au point de pénétration de l'aiguille. Au début, c’est un petit nodule variant du volume d’une tête d’épingle à celui d’une noisette et évoluant vers la suppuration. Il est à peu près constant. Dans la morve, cette localisation n’existe pas chez le cobaye mâle, elle n'apparaît qu'à la suite de l’inoculation intrapéritonéale chez la femelle. | Deux ou trois jours après l’inoculation, on peut percevoir de l’œdème de la peau des bourses et de la racine de la verge. Bientôt il devient difficile de faire rentrer dans la cavité abdominale les testicules qui sont en permanence dans le serotum. Les testicules pris se fixent rapidement dans le scrotum et, le plus souvent, ils ne sont atteints que l’un après l’autre. Lorsque les testi- cules sont fixés, les bourses se tuméfient et peuvent atteindre le volume d’une noix ; on ne note jamais la tuméfaction quelquefois considérable et les signes inflammatoires de l’orchite morveuse. Le serotum, d’abord dur, devient mou et fluctuant. L'ouverture se fait en un point où la peau est devenue livide et noirâtre. L’orifice ainsi créé donne issue à un pus crémeux, blanc jaunâtre. Cette suppuration peut se tarir et la petite ouverture se cicatriser. Les animaux peuvent succomber avant ou après l'ouverture des collections purulentes génitales. in sacrifiant des animaux aux divers stades de la maladie et en procédant à l’autopsie de ceux qui viennent à succomber, il est possible d’assister à l’évolution des lésions. Comme pour la morve,.le virus se localise tout d’abord sur la séreuse qui revêt le musculus testis. Ces lésions débutent sur la face interne de la face péritonéale du musculus testis par de petits exsudats blanc gri- sâtre, peu consistants, du volume d’une tête d’épingle, les uns isolés, le plus grand nombre confluents. Ces petites granulations ne sont pas entourées d’une zone congestive : l'absence des phé- nomènes inflammatoires différencie les lésions dues au mierobe de Preisz-Nocard de celles déterminées par le bacille morveux. Ultérieurement, de nouveaux exsudats apparaissent sur le LE MICROBE DE PREISZ-NOCARD D2: musculus testis et sur le testicule. Sous les exsudats épais, con- fluents, on trouve la séreuse dépolie et grisâtre, les testicules sont sains. La réaction inflammatoire fait à peu près complètement défaut. Peu à peu, le musele testiculaire se trouve détruit; les deux séreuses sont confondues, leurs parois sont épaissies, tomen- teuses, recouvertes d’exsudats consistants, recouverts eux-mêmes d’un pus crémeux. La cavité des bourses se remplit peu à peu d’un pus caséeux, quelquefois roussâtre. Le testicule exempt de lésions est atrophié par l’exsudat. La glande génitale refoulée en avant et dehors s’aplatit, se réduit à une mince lamelle de tissu mou et grisâtre. Lorsque la collection atteint un volume plus considérable, le petit nodule testiculaire repoussé de bas en haut, confondu avec les parois de labcès, disparait, sans avoir Jamais présenté de lésions. On ne note Ja- mais en particulier cet épaississement fibro-lardacé de lalbu- ginée, qui fait rarement défaut dans la morve péritonéale. Les corps adipeux sont transformés en une gelée transparente de couleur rougeâtre. En dehors des ulcérations génitales, on peut trouver quelque- fois des exsudats de même nature dans le petit bassin. La forme ectopique, dont Nicolle a signalé l'existence dans la morve du cobaye mâle,est rarement provoquée par linoculation intrapéritonéale du bacille de Preisz-Nocard. Pourtant, nous l'avons observée une fois chez un cobaye qui avait reçu 107. La maladie est caractérisée essentiellement par la persistance du testicule dans l'abdomen. A la palpation on perçoit, au niveau de Panneau inguinal, un petit nodule dur, plus ou moins réguliè- rement arrondi, qui correspond au musculus testis. L'animal étant mort rapidement (3 j. 1/2), nous n'avons pu suivre les stades ultérieurs du processus. INOCULATION DES DOSES SUPÉRIEURES A 10% Nous avons dit qu’il avait été nécessaire de remonter jusqu'à la dose 10% pour obtenir l’infection du cobaye, mais c’est là une exception. Les doses 105% et même 10% conviennent partaite- ment. Les doses plus élevées que 10%, c’est-à-dire 102, 107, un demi- centigramme et même { centigramme ont encore été capables de 024 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR déterminer une infection suffisamment ralentie pour qu’il soit possible de voir évoluer les lésions génitales. Pourtant, il nous faut dire que les essais avec 1 centigramme et un demi-centigramme ont été faits longtemps après les expériences d'ensemble et que le microbe semblait avoir beaucoup perdu de sa virulence pendant la conservation exclusive in vitro. Quelle que soit la dose inoculée, l’inoculationsuivie d'infection entraine la mort dans un délai variable ; pourtant cette termi- naison est loin d’être absolue. Avec les doses pour lesquelles nous avons fait un nombre assez considérable d’inoculations, on peut donner les chiffres sufvants : 10% mort'en 3-jours 1/2 10% — 6 jours 105 — 5 jours 1/2 104 — 10 jours 105 — 11 jours 17/2 106 — 12 jours INOCULATION SOUS LA PEAU Des doses variant entra 10% et 10% déterminent l'apparition d’un abcès avec retentissement ganglionnaire plus ou moins accusé, généralement assez marqué. L’abcès, dont le volume varie de celui d’un pois à celui d’une noisette, présente des alternatives d'ouverture et de fermeture, généralement à deux reprises. La œuérison survient après quelques semaines (5 à 6 semaines). L'émaciation n’est que transitoire, peu marquée, elle peut faire totalement défaut. INOCULATIONS INTRAPÉRITONÉALES CHEZ LE COBAYE FEMELLE ADULTE Comme peur l'étude de la morve et de toutes les infections en général, il convient, surtout pour les inoculations dans le péri- toine, d'éliminer les femelles pleines. Les doses de 104, 105, 106, 107, n’ont jamais produit d’ac- cidents. 10% a déterminé un nodule local insignifiant et éphémère. Avec 107 et 10%, il se développe un abcès superficiel qui évolue de la même façon que les abcès déterminés par l’inocula- tion sous-cutanée, présentant des alternatives d'ouverture et LE MICROBE DE PREISZ-NOCARD D29 de fermeture. Il se fait dans le péritoine un nodule adhérent à la paroi et relié par une corde à l’abcès superficiel. Quelquefois, on assiste au développement, dans la cavité du péritoine, d’une masse mamelonnée qui peut atteindre le volume d’un œuf. Comme pour la morve, il existe une différence entre la sensi- bilité des cobayes mâles et des cobayes femelles. Pour apprécier cette différence, nous avons inoculé parallèlement à ces animaux des deux sexes la même dose de la même dilution. On inocule en même temps deux cobayes femelles et deux cobayes mâles avec 101 dans le péritoine. Les deux femelles pré- sentent des nodules, l’une succombe 38 jours 1 /2 après linocu- lation d’une infection intercurrente (pseudo-pneumocoque), l’autre résiste. Les deux mâles succombent en 3 jours et 3 jours 1/2 avec des lésions typiques. Avec 10% et 10%, toutes les fe- melles résistent et les mâles succombent pour la plupart, quelques- uns survivent à de graves lésions génitales. Si la différence existe entre la sensibilité des mâles et des femelles à l’inoculation péritonéale, cette différence est moins marquée que dans la morve, en raison de la moindre gravité de l'infection à bacille de Preisz-Nocard chez le cobaye mâle. Les raisons de la vulnérabilité moins grande du péritoine de la fe- melle ont été recherchées par Nicolle à propos des bacilles mor- veux, il y aurait peu à ajouter aux explications qu’il a fournies à ce sujet, et on pourrait répéter avec le bacille de Preisz-Nocard les expériences réalisées avec le bacille de la morve. INFECTION DES JEUNES COBAYES PAR LA VOIE PÉRITONÉALE Nous avons inoculé un certain nombre de cobayes mâles pesant en moyenne 150 grammes. 106 n’a provoqué qu'un nodule au point d'infection, sans manifestation dans la zone génitale. La mort est survevue après 14 jours. 104 détermine l’apparition d’un petit abcès sous-cutané et sous-péritonéal au point d’inoculation. Les lésions génitales se traduisent par l’atrophie des testicules déterminée par le pus qui remplit le scrotum, les deux séreuses sont confondues. La maladie dure plus longtemps que chez les adultes (22 jours). INOCULATIONS INTRACARDIAQUES Toutes nos expériences ont été faites chez des cobayes adultes 226 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mâles et chez quelques femelles. Avec la dose 10% on n’observe qu’une émaciation légère et transitoire. Les doses 101, 10%, 10% déterminent des accidents analogues, mortels à plus ou moins brève échéance. Avec 1074 la mort est survenue en 5 jours 1 /2, avec 10% en 13 jours 1/2, avec 103 en 19 jours. Il survient, dès le lendemain de l’inoculation, une éruption d’abord discrète, puis confluente de pustules, dont les dimensions varient de celles d’une tête d’épingle à celles d’une petite lentille. L’éruption apparaît tout d’abord dans la région du thorax dépi- lée pour pratiquer l’inoculation, on observe généralement au niveau du point de pénétration de laiguille une pustule plus volumineuse. Les jours qui suivent, des pustules apparaissent au niveau des aines, sur le fourreau, le scrotum ; quelquefois sur le bout du nez, les paupières, sur les parties inférieures des mem- bres. Les pustules s'ouvrent, se dessèchent et après quelques jours il se fait une nouvelle poussée éruptive dans les mêmes régions. En même temps que se font les poussées éruptives, on voit se manifester des ostéo-périostites débutant par de la tuméfac- tion inflammatoire et aboutissant généralement à la suppuration. Les abcès qui se forment à ce niveau sont quelquefois sous-cu- tanés, le plus souvent lorsque la collection purulente est ouverte on peut s'assurer que los est compris dans le foyer suppurant. Ces ostéo-périostites sont surtout fréquentes au voisinage ou au niveau des articulations radio-métacarpiennes, tibio-tarsiennes ou inter-métacarpiennes ou inter-phalangiennes. On les observe également au niveau des cornets inférieurs, des os de la face (sus-nasaux) ou encore au niveau des apophyses épineuses des vertèbres dorsales ou assez fréquemment des ischions. Les abcès des ischions peuvent atteindre un volume considérable (petite pomme). Dans la zone génitale, l’examen clinique per- met de constater, dans quelques ras, l'apparition d’une éruption sur l’un ou l’autre des testicules ou sur les deux à la fois; à travers le serotum, la palpation décèle un sablé de la surface du testicule; on peut noter également de l’épaississement du musele testiculaire. Les pustules, les ostéo-périostites et les lésions géni- tales évoluent simultanément. A l’autopsie, les testicules ou seulement lun d’entre eux sont LE MICROBE DE PREISZ-NOCARD 027 augmentés de volume, transformés en un sac purulent coiffé de l’'épididyme, le parenchyme testiculaire a complètement disparu. Lorsqu'un testicule seul est atteint, on note toujours une atro- phie très manifeste de l’autre glande génitale, il peut exister sur l’albuginée et sur le muscle testiculaire une éruption discrète de très petites pustules des dimensions d’une fine tête d’épingle. On trouve quelquefois, au niveau de l’insertion du muscle testi- culaire sur le testicule, un nodule purulent du volume d’un pois. La dissection des foyers d’ostéo-périostite permet de reconnaitre la nature exacte des altérations : l’os pousse dans le périoste enflammé, hypertrophié des aiguilles osseuses, cette couche fibro-lardaire plus ou moins épaisse, creusée ou non de trajets purulents, est recouverte par un œdème sous-cutané toujours assez abondant. L’autopsie permet souvent de mettre en évi- dence de petits abcès (des ischions ou d’origine costo-rachidienne) qui échappent aux investigations cliniques. Comme nous l’avons dit en commençant, le bacille de Preisz- Nocard peut être considéré comme un agent infectieux, analogue au bacille morveux et comme un agent toxique analogue au bacille diphtérique. Dans cette étude, nous nous sommes attaché surtout à comparer le bacille de Preisz-Nocard au bacille de la morve. Dans l’ensemble, on peut dire que si ces deux microbes sont capables de provoquer des phénomènes analogues, notamment la vaginalite, les manifestations de la morve sont plus graves, plus bruyantes, évoluent plus rapidement, avec des lésions con- gestives et inflammatoires beaucoup plus accusées que celles déterminées par le bacille de Preisz-Nocard. A notre connaissance, éruption pustuleuse consécutive à li- noculation intracardiaque,chez le cobaye, du microbe de la suppu- ration caséeuse n'avait pas encore été signalée. Cette constata- tion nouvelle permet de comprendre mieux encore la multiplicité des caractères pathogènes du bacille de Preisz-Nocard, elle nous parait également de nature à contribuer à l’établissement d’une notion définitive, sur la pathogénie encore obscure des lésions cutanées dans les maladies infectieuses. Le Gérant : G. Massox. Sceaux — Imprimcrie Choraire 94°e ANNÉE JUILLET 1910 N° 7 ANNALES LENSPITUT PASTEUR Le rouge du papillon du ver à soie en Gochinchine Par. CH. BROQUET (1) médecin-major des troupes coloniales (Travail de l’Institut Posteur de Saigon.) (AVEC LA PL. IX) Le 1er octobre 1908, M. Bui-quang-Chiêu (2), directeur de la station séricicole de Tân-Châu (Cochinchine), me signalait les faits suivants : 19 Les employés chargés à la station d'examiner les pontes en vue de la sélection, trouvaient, dans un certain nombre de lots de papillons femelles (3) examinés, des papillons morts présentant une couleur rouge Parmi les nombreux examens pratiqués en mars sur des lots différents provenant du village de Long-Khanh, trois se détail- laient ainsi : Nombre Nombre de papillons examinés, de papillons morts rouges. 372 18 345 29 147 97 20 Les papillons femelles morts étaient putréfiés, mous, le cadavre se disloquait sous les doigts; 30 Parmi les pontes provenant des papillons morts de rouge, quelques-unes paraissaient complètes, la plupart étaient incom- plètes. (1) Nous prions M. Mesnil de bien vouloir agréer toute notre gratitude pour les précieux conseils qu'il nous a donnés à son laboratoire de l’Institut Pasteur de Paris. C’est à lui que nous avons dû de nous intéresser dès notre arrivée en Cochinchine aux maladies des vers à soie qui décimaient les élevages de notre colonie. (2) Nous adressons tous nos remerciements à M. Bui-quang-Chieû, ingénieur agronome, directeur de la Station séricicole, qui nous a adressé les premiers papillons et nous a envoyé dans la suite, avec le plus grande complaisance, le matériel et les renseignements qui nous étaient nécessaires, et à M. Krempf qui a bien voulu faire dessiner nos planches par ses dessinateurs annamites. (3) L’affection n’était pas observée sur les mâles qui ne sont jamais gardés plus de 24 heures après l’éclosion. 30 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR En même temps, M. Bui-quang-Chiêu nous adressait un papil- lon rouge et nous demandait de le fixer sur la cause de cette couleur et sur la nature de cette maladie. A l’arrivée au laboratoire, le 2 octobre 1908, de ce papillon femelle mort, expédié le 1€ octobre de Tân-Châu, nous consta- tons qu'il présente les caractères suivants : Le papillon est desséché, le thorax et l'abdomen présentent une teinte rouge, les poils à ce niveau ont disparu et les œufs qui remplissent l’abdomen et qui adhèrent au tégument donnent à cette surface rouge un aspect tomenteux et muriforme. Ce ea- davre dégage une forte odeur butyrique. Il ne renferme pas de corpuscules de pébrine. Pensant que cette coloration était due à une bactérie rouge, nous devions : 19 isoler l’agent pathogène et chromogène: 20 nous rendre compte, s’il avait cultivé sur un papillon déjà mort, comme le B. prodigiosus cultive sur de la matière organique, ou si nousnous trouvions en présence d’un microbe pathogène pour le papillon et pour le ver à soie; 39° si l'infection était démontrée, nous rendre compte des conditions dans lesquelles elle se produisait. Un isolement sur cinq tubes de gélose alcaline résolut la pre- mière question. Au bout de 24 heures nous obtenions de fines colonies rosées. Un isolement sur pomme de terre nous donnait, en 24 heures, une culture pure d’une splendide teinte rouge et un microbe dont voici les caractères : Caractères microscopiques. — C’est un cocco-bacille à éléments tantôt sphériques et isolés ou réunis deux à deux (planche IX, fig. 1), chaque élément mesurant de O45 à O6, tantôt en forme de petits bâtonnets de mêmes dimensions ou de dimensions un peu supérieures. Mobile dans les cultures en bouillon, présentant des mouvements sinueux et des mouvements en pirouette, immobile sur les cultures sur milieux solides. Ce micrococcus se colore par les éléments ordinaires et ne prend pas le Gram. Cultures. — 11 croît facilement, comme le prodigiosus, sur les différents milieux nutritifs, à la température du laboratoire de 259 à 289. A 400, la culture se décolore rapidement. Il croît bien en aérobie, nous n’avons pu le cultiver en anaérobie. En bouillon ordinaire, à la température du laboratoire, LE ROUGE DU PAPILLON DU VER A SOIE D31 à 250 et 289, après 16 heures, on constate un trouble sans colo- ration. Après 40 heures le trouble est accentué à la partie supé- rieure avec un léger anneau rosé, mince, adhérent au verre, il n'y à pas de coloration rosée dans le liquide. Après 64 heures le tiers supérieur du milieu présente une teinte rosée. Après 85 heures, l'intensité de la couleur rose augmente à la partie supérieure et au fond du tube. Entre les deux parties colorées se trouve une partie trouble. Après 5 jours la coloration rose est totale. A l’étuve entre 369 et 379, on constate après 16 heures un trouble sans coloration et celle-ci n'apparait pas les jours suivants. Sur gélose en strie on obtient, en 24 heures, une coloration d’abord rosée, puis nettement carmin après 48 heures, à la partie supérieure de la gélose inclinée. Après 3 jours la coloration carmin s’est étendue à toute la longueur de la strie. Sur pomme de terre, en 24 heures, à la température ordi- naire de 289, la culture est abondante, surélevée d’une belle couleur carmin. Elle fonce rapidement les jours suivants et prend une teinte pourpre d’abord, éclatante, ensuite plus sombre (planche IX, fig. 2). Les reflets d’un vert métallique ne sont pas constants. Parfois, au début, la couleur est vermillon ou rose clair, puis elle passe au carmin et au pourpre; après 55 jours, nous avons constaté sur une culture une teinte violet lilas foncé. Au fur et à mesure de sa croissance, la culture a tendance à couler le long de la pomme de terre et à venir se rassembler dans le fond du tube en un liquide de couleur carmin. Après un séjour de 48 heures à l’étuve, à 409, la culture se décolore, vire au violet et coule dans le fond du tube où elle apparait sous forme d’un liquide violet; à la surface de la pomme de terre il ne reste plus que très peu de matière colorante (fig. 3). Les vieilles cultures ne sont pas visqueuses, elles sont crémeuses d’abord et augmentent ensuite de consistance. Dans la gélatine en piqûre, à une température de 149 à la glacière, la liquéfaction se produit après 3 jours; la surface est colorée en rouge. La liquéfaction s’accentue les jours suivants, la partie liquéfiée est trouble. Le sérum est liquéfié plus rapidement à 37° qu’à la tempé- rature du laboratoire. 32 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le lait est coagulé. Le bouillon lactosé est rapidement trouble; il n’y a pas de fermentation. Propriétés biologiques. — Les cultures dégagent une forte odeur de triméthylamine. Le ferment agit sur les nitrates avec dégagement de gaz au bout de 5 jours. Il est détruit par un chauffage d’une 1 /2 heure à 800. La matière colorante est soluble dans l’eau, peu soluble dans l’alcool éthylique et elle donne une teinte rose un peu jaunâtre, soluble dans lalcool méthylique, très légèrement soluble dans l'alcool amylique. La couleur rose en solution alcoolique est avivée par l’action des acides et vire au jaune par l’action des alcalis. L’adjonction d’un acide, dans la teinture virée au jaune, lui restitue sa teinte primitive. Elle est très soluble dans le chloroforme, très légère- ment soluble dans la benzine, soluble dans l’acide acétique dans lequel elle donne une jolie couleur rose. Décolorée par l’éther sul- furique et recolorée par l’acide chlorhydrique. Insoluble dans le sulfure de carbone et l’essence de térébenthine. M. Bréaudat, qui a eu la grande obligeance d'examiner la solution au spectroscope, a constaté une bande fortement accusée dans le vert, très voisine de la raie E. Pas de bande dans le bleu. La solution est décolorée complètement par H résultant de l’action de HCI, Zn, H?0; séparément, HCI et Zn sont sans action. Une culture sur pomme de terre, mise aussitôt après ensemen- cement à l’abri de la lumière, a pris une splendide teinte carmin aussi forte que dans les cultures laissées exposées à l’action de la lumière et, conservée plus de 2 mois dans les mêmes conditions, avait conservé cette coloration. ACTION PATHOGÈNE SUR LES ANIMAUX ET SUR LE PAPILLON DU VER A SOIE 19 Sur les animaux. — En injection sous-cutanée ou périto- néale, le microcoque ne tue pas le rat à la dose de 1/2 €. €. Il n'a pas d'action sur le cobaye, en injection sous-cutanée, à la dose de 1 c. c. Deux lapins l’un de 2Kk,550, l’autre de 1K,450 ayant reçu dans les veines, le premier 1 € c., le second 2 c. c. d’une culture LE ROUGE DU PAPILLON DU VER A SOIE D33 en bouillon âgée de 48 heures, sont morts en 6 heures. À l’au- topsie, les organes, à l’exception des poumons qui sont conges- tionnés, ne présentent aucune lésion particulière. On retrouve le bacille à l’état pur dans le sang du cœur. Deux lapins de 1Kk,950 et 2K,550 reçoivent dans la veine marginale de l'oreille, le premier 1 c. c., le second 2 c. c., d’une vieille culture de 25 jours filtrée sur bougie Chamberland F. Les 2 animaux sont malades 2 jours, mais ne meurent pas. Tous les caractères que nous venons d’énoncer nous permettent de faire rentrer cette espèce parmi les bactéries rouges déjà connues. Les espèces déjà décrites se distinguent de la nôtre par certains caractères . L’Erythrobacillus pyosepticus bien étudié par Fortineau en 1904 est un bacille plus long, son pigment est très peu soluble dans le chloroforme. Le bacille rouge isolé par Thévenin en 1896 est de forme bacillaire. Son pigment comme celui du B. prodigiosus est insoluble dans l’eau, 1 €. €. de bouillon de culture de 24 heures tue le cobaye en 10 à 14 heures. Le cocco-bacille de Santori se rapproche du nôtre par un certain nombre de caractères, mais il est anaérobie facultatif. Par sa forme et ses dimensions, notre espèce se distingue du bacillus ruber de Koch, du bacille rouge de l’eau de Lustig, de celui de Cozzolino. Jusqu'à présent, l’action pathogène d’un bacille rouge à l’égardj du papillon du ver à soie n’a pas été signalée, aussi nos recherches ont-elles eu principalement pour but d'établir cette action pathogène et les conditions dans lesquelles elle se produit. 29 Action pathogène pour les papillons du ver à soie. — Pour contaminer les papillons nous avons procédé ainsi : comme le duvet qui recouvre les papillons ne se laisse pas imbiber par les gouttes de liquide, qui glissent à sa surface sans y adhérer, nous nous sommes servi de cultures solides sur pomme de terre ou sur gélose. Au moyen d’un fil de platine nous prélevions une trace de la culture et nous touchions le tégument du papillon de façon à faire adhérer à sa surface une trace de la culture. Nous touchions également avec le même fil de platine stérile les papillons témoins de façon que de part et d’autre les papillons en expérience eussent subi le même léger traumatisme. Avant de commencer ces expériences, nous nous sommes assurés que l’air du laboratoire ne contenait pas de micrococcus rouge, en laissant ouvertes, en divers points de cette pièce, des boites de Pétri contenant des tranches de pomme de terre sté- riles et en nous assurant qu’à aucun moment ces milieux n’ont présenté de colonies rouges. 34 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Les boites en fer ou en bois qui servirent à mettre les papillons en expérience étaient strictement de même dimension pour les lots infectés et pour les lots témoins et avant et après chaque expérience, étaient, soit stérilisées au four à flamber, soit lavées à l’eau bouillante et séchées au soleil tropical. L'éclosion ayant lieu dans la nuit les papillons accouplés étaient séparés et inoculés ensuite. Notre première expérience fut contrariée; des témoins furent dévorés par des fourmis, mais aussi imparfaite fut-elle, elle permettait d'établir l’étiologie et la rapidité de l'infection : Sur 10 papillons mâles infectés le 21 octobre, 5 étaient morts le 23, 4 le 24 et le dernier mourait le 25 (1). Sur les neuf papillons mâles morts le 23, le corps de l’un d’entre eux avait pris en 48 heures une couleur complètement rouge vermillon. Nous pouvions constater sur ces papillons que la couleur apparaît d’abord au niveau des parties glabres des téguments, au niveau des segments où se des- sinent de jolis anneaux rouges, sur les nervures des ailes, au niveau des yeux, puis la couleur envahit la cavité générale du papillon; celui-ci 24 heures après la mort peut offrir l'aspect d’une masse rouge. L’abdomen est alors fÎlasque, s’étale naturellement, les ailes tombent et si l’on vient à soulever l’insecte il se désagrège. En même temps, les cadavres exhalent une forte odeur butyrique (fig. 4, 5, 6). Expérience FI.— Le 6 novembre, nous reçûmes 300 cocons de Tân-Châu. Le 8 novembre 103 mâles et 102 femelles sont éclos. Nous infectons aussitôt après séparation 53 mâles et 51 femelles, et mettons les mâles dans des boîtes en bois de 40 X 26 X 14, les femelles dans des cages à élevages des mous- tiques de dimensions 427 X 26 X 18. Deux lots, l’un de 50 mâles, l’autre de 51 femelles servent de témoins et sont mis dans des boîtes de dimensions égales à celles des lots infectés. Voici quelle fut la marche de l'expérience pour laquelle nous nous sommes servi d’une culture sur pommes de terre âgée de 3 jours. Cette expérience ne laisse pas de doute sur l’action pathogène du microbe sur le papillon du ver à soie. Le résultat est le suivant : 24 heures après l'infection, 16 mâles étaient morts infectés alors qu'aucun témoïn n’était atteint. 48 heures après l’imfection, 45 mâles infectés étaient morts contre 5 seulement chez les témoins. (1) Les conditions d’éloignement où nous nous trouvions de la région de Tâän- Châu faisaient que nous devions expérimenter avec le matériel qui nous était adressé. De plus, il ne fallait pas songer à expérimenter à Tân-Châu, comme on le verra plus loin, les locaux étaient infectés et où il nous eût été impossible d'installer un laboratoire provisoire. LE ROUGE DU PAPILLON DU VER A SOIE D3D > 55 MALES 50 MALES| 51 FEMELLES |51 FEMELLES 8 NOVEMBRE : : : : 1e infectés. témoins. infectées témoins. 9 novembre.! 16 morts, rouge. | 0 mort. 0 mort. ù mort. 10 — 29 morts, rouge | à morts.|# morts, rouge géné-| 2 morts. généralisé, ralisé. 11 = 2PNOrtS, aTOUSCN RO Il morts, rouge bien! 1 mort. généralisé. visible aux anneaux, généralisé à la cavité du corps, articula- tion des ailes et ner- vures. Les femelles mortes contiennent toutes un grand nombre d'œufs. 12 . 2 morts, rouge gé-[13 — 3 morts. 3 morts. néralisé; 3 sur- vivants qui nue paraissent pas avoir étéinfectés. 13 — 0 mort. 8 — 1 mort. 2 — 14 — 1 mort, non rouge.| 5 — 4 morts. D — 15 — 2 morts,nonrouge.| 3 — 10 morts; 3 infection| T — légère, ponte incom- plète. 16 — 0 mort. 8 — 3 Imorts. 5 — 17 — 1 — 2 — 2 5 — 8 — 18 — 4 morts, non rouge. | 8 — 19 _ 4 — — 5 — 21 — 4 — — 4 — 22 = L — — 1 — 48 heures après l’infection, 4 femelles infectées étaient mortes contre 2 seulement chez les témoins. 72 heures après l’infection, 47 mâles infectés étaient morts cortre 11 seulement chez les témoins. 72 heures après l'infection, 15 femelles infectées étaient mortes contre 5 seulement chez les témoins. Le pourcentage des décès était : Chez les mâles infectés de 88,6 0 /0, chez les femelles infectées de 29, 6 0 /0. Chez les mâles témoins de 22 0/0, chez les femelles témoins de 5,8 0 /0. Comme dans la première expérience, nous notions la mort plus rapide des mâles tant infectés que témoins. Tandis que les femelles isolées restent immobiles pour pondre, les mâles présentent une grande activité, ils volettent dans leur boite, se heurtent aux parois, se frottent et se contaminent les uns les autres et projettent ainsi la poussière de leur duvet qui peut 536 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR intervenir dans la diffusion des germes (V. expérience IIL.) Tous les mâles et femelles qui moururent infectés présentèrent les signes de l’infection par le rouge, se montrant d’abord sur les parties nues, dépourvues de duvet, envahissant ensuite la cavité générale, transforment le papillon en une masse de pein- ture rouge exhalant une forte odeur butyrique. Les femelles dont la ponte étaient commencée n’avaient pu l’achever et renfermaient encore un grand nombre d’œufs dans leur abdomen. En coupant l’un des papillons morts en 24 heures, après fixation à l’alcool absolu et inclusion dans la paraffine et en colo- rant par la thionine, nous avons constaté la présence, dans les parois et dans la cavité générale du corps, de cocci mesu- rant { & à 1 455 réunis le plus souvent deux à deux et de quelques éléments plus allongés à type bacillaire parfois granu- leux. Les deux lots d’œufs pondus par les cinquante remelles infectées et par les cinquante femelles témoins furent suivis dans leur développement sans que l’on pût constater dans la récolte de différences notables entre les vers et les cocor s issus de l’une ou de l’autre de ces origines. Expérience III. — Les expériences précédentes avaient été faites avec des papillons venant de Tân-Châu, nous reçûmes un lot de beaux cocons de Dâu-Giai, dans la province de Bienhoa. Dans cette localité le rouge n’a jamais été constaté. Aussi, le 127 mai, au moyen d’une culture âgée de 3 jours, nous ensemençons,laprès séparation, 25 mâles et 25 femelles et nous réser- vons 25 témoins mâles et 25 témoins femelles. 25 MALES 25 MALES 25 FEMELLES 25 FEMELLES infectés témoins. infectées. témoins. 2 mai..|18 morts rouges. 0 morts rouges. : LE — — 2 — 1 rouge. = = D AE ze 0 1 rouge. non rouges. rouges. 3 non rouges. non rouges. Dans cette expérience, 18 mâles infectés étaient morts le 1er jour, 24 le second jour, le dernier survivant mourait le LE ROUGE DU PAPILLON DU VER A SOIE 037 4e jour. Tous présentaient les signes et la couleur de Pinfection rouge. Pendant le même temps deux témoins seulement mou- raient et les quatre derniers témoins ne mouraient que le 10€ jour. A noter qu'un témoin mâle mourut de rouge le 2€ jour, nous ne pouvons expliquer ce fait de contamination que par le voisi- nage des mâles infectés et l'introduction de poussière de duvet parmi le lot témoin. Le laboratoire ne pouvait être incriminé, car 250 papillons sains s’y trouvaient exposés à l’air et aucun d’eux ne présenta de rouge. Dans le lot des femelles, 10 femelles étaient mortes rouges, le 4° jour, alors qu'il n’y avait encore aucune mort dans le lot témoin. Tous les papillons de ces lots étaient pébrinés. Dans une autre série d’expériences nous avons recherché dans quelle mesure des cadavres de papillons morts du rouge pouvaient contaminer des papillons sains. Expérience I. — Le 10 novembre, à 9 heures du matin, à un lot A de 20 papillons mâles sains renfermé dans une boîte en fer de dimensions 16 X 19 X 18, on ajoute 5 papillons morts. Un lot B de 20 mâles témoins est mis dans une boîte de même dimension. CORPA LOT B — TÉMOIN 11 nov., 9 h. matin. 16 morts, rouge généralisé. 3 morts, non rouges. ADR — LR — = A9 - — TES 13 — — D _ 14 — — pen == 15: — — es — 16 — = TRE E— Comme on le voit, 16 papillons mouraient contaminés en 24 heures. Les 20 étaient morts en 48 heures. Iei encore, comme dans les expériences précédentes, l'agitation et la mobilité des mâles avaient contribué à la rapidité de l'infection. Expérience II. — 17 femelles saines, 25 mâles sains, tous papillons pro- venant d’un lot de cocons de Vinh-Hoa sont mis aussitôt éclos le 20 février dans une boîte en fer de dimension 18 X 9,5 X 9. On ajoute 3 papillons rouges dont 1 femelle morte en 24 heures présentant une couleur rouge intense et deux mâles morts en 24 heures, ne présentant qu’une coloration rouge peu accentuée. Aussitôt que le cadavre rouge de la femelle est introduit dans la boîte, les mâles sains viennent le frôler, puis le quittent et vont aux femelles saines. Bientôt, sous l'influence des traumatismes occasionnés par les mâles, la paroi abdominale du cadavre de la femelle rouge s’ouvre laissant voir les œufs et laissant écouler un liquide rouge. 538 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR L'expérience continue ainsi : 21, à 9 heures du matin, le cadavre de la femelle rouge est réduit à l’état de débris informes rouges, 9 femelles mortes rouges, l'abdomen gorgé d'œufs, 23 mâles morts rouges. 4 heures du soir, 7 femelles mortes rouges, 2 mâles morts rouges. 22, à 8 heures du matin, la dernière femelle survivante est morte rouge gorgée d'œufs. Expérience III. — 20 février 1909, à 3 heures du soir. À 23 papillons mâles sains éclos depuis 2 heures, on ajoute 1 femelle morte depuis 12 heures. Le cadavre est disloqué, le thorax et l’abdomen sont séparés. Tous les mâles présentent une agitation fébrile. Ils entourent le débri de femelle morte et essaient une copulation, puis s’éloignent et cherchent à copuler entre eux ou s’accouplent. Par moment, le débris de femelle morte est couvert de 6 à 7 mâles qui la couvrent. : 21e 0theures Mate er. Pas de morts. OR RS NO OID MR ENT DA 4 morts rouges. D SE LP CAIN Ca ste le MAN — MERE ES a en ete k — — 2H IIIe REC 4 ao PLATE — 25 9 — Re Ce Pas de mort. 26 9 — LOL = = DITAIN — en 1 mort non rouge. 2800 nee ete Te 1 mort rouge. Après avoir infecté des papillons vivants, nous avons recher- ché l’action de l’agent pathogène sur les papillons morts et nous avons pu voir que le rouge se développe d’autant moins bien que l’ensemencement a lieu plus d'heures ou de jours après la mort et qu'il ne se développe plus lorsque le papillon est des- séché. Essai d’inoculation aux vers à soie. — A plusieurs reprises nous avons inoculé des vers à soie, au moment où ils achevaient leur 4€ mue, pour rechercher si le ver serait infecté et mourrait de rouge avant la montée et pour voir si, au cas où la montée aurait lieu, l'infection aurait une action sur la chrysalide ou sur le papillon. Sur 334 vers ensemencés dans plusieurs expériences, une fois seulement nous avons obtenu sur un ver une culture rouge. Ce ver appartenait à un lot de cent vers sortis de la 4° mue dans la nuit du 29 au 30 novembre et ensemencé le 2 décembre. Il mourut le 9 n’ayant pu faire la montée. Il était flasque, la cavité générale était remplie d’un liquide rouge et renfermait des corpuscules de pébrine. Un ensemencement sur pomme de terre reproduit la culture rouge originelle. LE ROUGE DU PAPILLON DU VER A SOIE D39 On note souvent aussi dans les pontes des œufs de couleur rose jaunâtre. Nous n’avons pu retrouver le bacille rouge dans ces graines. Conditions de l'infection. — Nous étant rendu à la station séricicole de Tân-Châu le 17 mars, il nous suflit de placer et d'ouvrir, à 9 heures du matin, avant le balayage, à différentes hauteurs sur les claies, 3 boîtes de Pétri contenant une tranche de pomme de terre stérile et de laisser ces boites exposées 9 heures pour, les ayant rapportées à notre laboratoire, constater le 3 mars, sur la boîte n° 1,25 colonies rouges: sur la boite n° 2, 12 colonies rouges et sur la boite n° 3, 7 colonies rouges. Ces résultats suflisaient à prouver l’infection de la magnanerie et prouvaient que les bactéries existant dans l'air pouvaient chaque jour avec les poussières du balayage se déposer sur les cocons des lots apportés de l'extérieur. À supposer que ces lots fussent sains, ils eussent été contaminés dans ia magnanerle destinée à la sélection des graines et au progrès de la séricicul- ture dans la colonie. Au laboratoire, le 24 février 1909, nous nous étions rendu compte de la facilité avec laquelle l'infection pouvait se produire. En ouvrant environ 3 minutes une boîte de Pétri-gélose à côté d’une boîte où se trouvaient des papillons rouges et en soufflant légèrement au-dessus de cette boîte, nous avons obtenu une colonie rouge à la surface de la gélose. Des boîtes de Pétri témoins laissées ouvertes pendant une journée aux différentes parties du laboratoire, n’ayant présenté aucune colonie rouge, nous avaient attesté la non infection de l'air de ce laboratoire. Nous avons vu plus haut dans l’expérience HIT, page 538, un papillon d’un lot témoin infecté par la proximité d’une boite de papillons infectés. Nous avons vu aussi avec quelle facilité des papillons infectés peuvent contaminer des papillons sains. Mais à Tân-Châu le rôle des papillons infectés, agissant comme agents directs de la contamination des papillons sains, ne pou- vait être invoqué; on sait depuis les travaux de Pasteur sur la maladie des vers à soie comment, dans les magnaneries, se produit l'opération du grainage. Voici comment cette opération se pratique à la station séricicole de Tân-Châu : L’éclosion des papillons mâles et femelles étant constatée par exemple de 6 heures à 8 heures du matin, les papillons accouplés 540 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sont séparés vers midi. Les mâles sont jetés. Les femelles sont isolées sur les planchettes, chaque femelle sous un petit entonnoir où elle commencera sa ponte vers 3 ou 4 heures de l’après-midi. Après 24 heures, si possible, on commence l’examen des pontes en vue de la sélection. C’est en pratiquant cet examen et en soulevant les enton- noirs que les premiers cas de rouge avaient été signalés à la sta- tion séricicole de Tân-Châu. Aussi, recherchant les conditions de l'infection, avons-nous recherché si ces entonnoirs,qui n’étaient jamais stérilisés, ne pouvaient transmettre l’infection. En essuyant l’intérieur de ces entonnoirs avec un tampon de coton stérile monté, et en ensemençant ensuite des tranches de pommes de terre stériles, nous n’avons pu obtenir de colonies rouges. Nous n’avons pu infecter des papillons sains non originaires de Tân-Châu, en les recouvrant d’entonnoirs venant de la station séricicole. Voici quel est pour nous le mécanisme de linfection des papillons. Nous avons vu plus haut que chaque jour, avec les poussières du balayage, les bactéries se déposent sur les claies, sur les paniers et par conséquent sur les cocons. On sait qu’au moment de l’éclosion le papillon amollit les fils de soie de lex- trémité du cocon au moyen d’un liquide qu’il sécrète, écarte avec ses pattes les fils du cocon, sort la tête, les premières pattes, puis tout son corps dont la surface apparaît mouillée. Nous avons recherché le micrococcus sur les extrémités mouillées de ce cocon. Le 16 mars, à 9 heures du matin, à la suite de léclosion de cocons d’un lot venant de Thuang-Phuoc, nous frottons les extrémités mouillées de deux de ces cocons pris au hasard dans le lot, à la surface de tranches de pommes de terre stériles en boîtes de Pétri. Le 18, de nombreuses colonies rouges apparais- sent à la surface des pommes de terre. On peut donc présumer, d’après cette expérience, que le papil- lon s’infecte au moment où il écarte les fils de soie amollis par sa bave et où il sort tout humide de son cocon. Dans ces conditions, il y avait lieu de craindre que les germes qui infectaient la magnanerie de Tân-Châu n’y eussent été apportés par les cocons venant des petits élevages indigènes et des cases annamites pauvres, où tout soin de propretéest inconnu LE ROUGE DU PAPILLON DU VER A SOIE 41 et que, pour mettre fin à l’infection, il ne fut plus suffisant de désinfecter la magnanerie de Tân-Châu, mais qu’il fut nécessaire, ce qui est beaucoup plus difficile, de désinfecter toutes les cases annamites susceptibles de fournir des lots contaminés. En effet, la désinfection de la magnanerie fut faite le 4 mars, les balayages quotidiens furent remplacés par des nettoyages au linge mouillé, les entonnoirs furent stérilisés après avoir servi. A la suite de ces opérations on constata encore des papillons rouges dans divers lots, mais dans des proportions moindres. CONCLUSIONS ; De l’ensemble des faits relatés au cours de cette étude, il nous parait rationel de tirer les conclusions suivantes : 1° Il existe dans la région de Tân-Châu (Cochinchine) une maladie du papillon du ver à soie que nous proposons d’appeler la maladie du Rouge du Papillon du ver à soie, due à un cocco- bacille, chromogène. Nous avons rencontré ce micrococcus dans l'air de la station séricicole de Tân-Châu et à la surface humide de cocons après l’éclosion des papillons ; 29 La maladie existe en Cochinchine avec les autres maladies (pébrine, maladie de la Mouche (1) dans la région de Tân- Châu. Dans cette région les vers sont élevés dans des cases annamites pauvres, étroites et malpropres, par des indigènes pratiquant empiriquement l’éducation des vers à soie depuis des générations. Ces petits sériciculteurs ignorent, comme ligno- raient avant les travaux ; de Pasteur les sériciculteurs français, qu'il est possible de lutter contre les maladies qui déciment actuellement ou anéantissent leurs élevages ; 30 Le remède à préconiser contre le Rouge est la destruction immédiate de tout papillon contaminé, suivie de la désinfection des paniers, des claies et des parois de la magnanerie ; 49 La maladie du Rouge fait actuellement beaucoup moins de ravages que la Pébrine et la maladie de la Mouche. (1) Cette maladie que nous avions d’abord pensé être l’'Oudji du Japon dû à Ugimya Séricaria (W. Bulletin administratif de la Cochinchine, 2 juill. 1908) est occa- sionnée par une Tachinaire que Villeneuve de Rambouillet, à qui nous avons rapporté des spécimens, a reconnu être Tricholyga Grandis Zett. Cette mouche est appelée Con-Lang par les Annamites. 42 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Elle ne détruit pas, comme ces dernières, des élevages entiers. Aussi disparaitra-t-elle avec les autres maladies, le jour où les sériculteurs annamites, dont l’éducation est déjà commencée par nos soins, auront compris la nécessité et les règles de la sélec- tion et auront fait comprendre aux petits éleveurs que cette sélection ne peut donner ses fruits que si les graines sont ensuite élevées avec les soins les plus intelligents et les règles les plus minutieuses de lPhygiène, dans des magnaneries d’une irrépro- chable propreté. A cette seule condition l’élevage du ver à soie, qui paraît rencontrer dans le climat de Cochinchine les conditions les plus favorables et qui cependant périclite aujourd’hui, pourra prendre tout son développement et viendra s'ajouter aux autres sources de richesse de cette région favorisée de l’Indochine. BIBLIOGRAPENE Du-Bois-SAINT-SÉVRIN. — Panaris des pêcheurs et microbe rouge de la sardine (Ann. de l’Inst. Pasteur, t. VIII, p. 158). FORTINEAU. — L'Erythrobacillus pyosepticus et les bactéries rouges. Thèse Paris, 1904. Macé. — Traité pratique de bactériologie. PASTEUR. — Traité sur la maladie des vers à soie. P. Vieiz. — Sériciculture. EXPLICATION DE LA PLANCHE IX F1G. 4. — Coccobacille. Culture en bouillon, âgée de 24 heures. F1G. 2. — Culture sur pomme de terre, âgée de 4 jours, laissée à la température du laboratoire. F1G. 3. — Culture sur pomme de terre, âgée de 4 jours, mise à l’étuve à 400 pendant 48 heures. F1G. 4. — Papillon femelle mort en 48 heures. Fic. 5. — Papillon mâle mort en 48 heures. | F1G. 6. — Papillon mâle rouge, mort en 48 heures. Dessiné 24 heures après la mort. F1G. 7. — Papillon femelle témoin. F1G. 8. — Papillon mâle témoin. TECHNIQUE FROMAGÈRE Théorie et Pratique par P, MAZÉ, (Suite et fin) VIII, —- GÉNÉRALISATION DES PRINCIPES POSÉS : APPLICATION A LA FABRICA- TION DES DIFFÉRENTES VARIÉTÉS DE FROMAGES Les questions que soulève la fabrication des fromages à pâte molle, la plus difficile de toutes les fabrications, étant ainsi réso- lues aussi bien en théorie qu'en pratique, il convient d'examiner ie parti que les producteurs d'autres variélés de fromages peuvent en ürer. Bien que ces variétés soient très nombreuses, on peut les grouper en quatre catégories en ne tenant compte que des procédés de fabri- cation. Cersonfe: 1° Les fromages frais qui se consomment à l’état acide ; 2° Les fromages à pâte pressée ; 3° Les fromages à pâte pressée et cuite ; 4 Les fromages persillés. Toutes ces variétés de fromages indistinctement exigent un degré d'acidité bien déterminé, qui doit être fixé aussi rigoureusement que celui qui convient à la fabrication du brie et du camembert. Ils exigent également le concours des ferments lactiques ordi- naires, à part les fromages à pâte cuite, gruyère et emmenthal ; leur caillé ne doit pas renfermer d’autres espèces microbiennes. Nous voilà par conséquent placés en présence des deux conditions les plus importantes que l'industrie doit réaliser, quelle que soit la variété de fromage qu'elle prépare : pureté microbienne du lait mis en œuvre, et fixation de l'acidité initiale, ou en d’autres termes, déter- mination du nombre de ferments lactiques présents. Les moyens de les réaliser ne diffèrent pas de ceux que j'ai recom- mandés pour les fromages à pâte molle. Si l’on veut se reporter à la définition des fromages affinés, on remarque qu'elle s'applique aussi bien aux fromages à pâte pressée ou cuite, aux fromages persillés, qu'à ceux que jai étudiés jus- qu'ici. Il s'agit en effel de séparer de l'extrait insoluble la quantité con- venable de petit-lait et de faire disparaître ensuite, par une sorte d'épuration chimique effectuée par les microbes, le sucre de lait et ses dérivés. D44 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Les procédés varient et l'expulsion du sérum est plus ou moins complète, suivant la nature des moyens physiques et mécaniques mis en œuvre, et c'est toujours la quantité de sérum retenu qui impose des méthodes de fermentations bien déterminées. Mais il convient de procéder par des exemples, car la portée de ces considérations générales ne ressort clairement que lorsqu'elles se présentent comme la conclusion de faits particuliers, que tous les praticiens ont observés. lromages frais. Les fromages frais comprennent les fromages à la crème, qui gont consommés aussitôt qu'il sont égouttés et les fromages double- crème qui subissent un affinage assez avancé par suite de la présence d'une flore superficielle, sans que cet affinage soit cependant poussé à son dernier degré, caractérisé par la transformation de Flétat floconneux du caillé en état vitreux. Les uns et les autres se préparent à peu près de la même façon, en ce qui concerne les méthodes de coagulation et d'égouttage ; cependant les double-crème sont le plus souvent égouttés en moule. La pâte de ces fromages ne renferme que des ferments lactiques, je devrais dire, ne doit renfermer que des ferments lactiques. Ce sont des laits caillés, essorés purement et simplement. Le Poitou, la Vendée et la Bretagne en fabriquent beaucoup ; mais ils n’en font pas l'objet d'un grand commerce. Ce sont cepen- dant leurs procédés que l'industrie a mis en pratique en les appli- quant, au moyen d'un outillage adapté, à la fabrication en grand ; mais autant qu'il m'a été donné de le constater, les professionnels de la fromagerie industrielle, à part quelques exceptions, n'en ont pas saisi la technique dans toute sa simplicité. Ils ne conçoivent pas le caillé sans présure. Pour eux, le lait caillé spontanément est im- propre à tout usage industriel et s'ils en retirent le beurre, c'est presque à contre-cœur. Il n’en est pas moins vrai que le caillé des fromages à la crème s'obtient par acidification, même quand on additionne le tait de pré- sure. On s'arrange en effet de façon à faire durer la coagulation 21 heures au moins. Si on dispose d’une temprature de 15-16°, on y a recours de préférence à toute autre, et comme on ralentit ainsi la fermentation lactique, on additionne quelquefois le lait de quan- tités relativement grandes de présure, dans le but de hâter la coa- gulation ; elle n’en va guère plus vite et le résultat le plus clair de cette opération inconsidérée c'est de donner au fromage une odeur et une saveur désagréable de présure qu'on est tout surpris de décou- vrir dans le caillé. Les fromagers ne connaissent donc pas les propriétés de la pré- sure, ils semblent ignorer en particulier que son action est pratique- ment nulle au-dessous de 20° À L'un des points délicats de la fabrication des double-crème, c’est TECHNIQUE FROMAGÈRE 543 l'enrichissement du caillé en matières grasses. Les uns effectuent le mélange du caillé égoutté avec de la crème fraîche ou fermentée ; les autres donnent leur préférence au procédé qui consiste à faire le mélange de lait et de crème avant la coagulation ; et pour empêcher l'ascension de la matière grasse, ils introduisent dans le lait une quantité suffisante de présure pour obtenir un coagulum mou au bout d'une heure. La matière grasse ne peut plus monter à travers cette masse gélatineuse, de sorte que l'homogénéité du caillé se trouve ainsi assurée. On laisse l'acidification se poursuivre dans Île coagulum, et au bout de 24 heures, son acidité atteint environ 7 à 8 grammes d'acide lactique par litre. On procède alors à l'égouttage, soit sur toile, soit en moule. Il est certain que ceux qui ne sont pas bien outillés pour effectuer mécaniquement le mélange du caillé et de la crème, trouvent à cette méthode un avantage incontestable, et à ce titre, elle doit être recommandée ; mais il faut bien se garder d'ajouter des quantités de présure exagérées, et c'est pour cela qu'il ne faut pas abaisser la température du lait au-dessous de 25°, pen- dant la coagulation par la présure ; il n’est pas prudent non plus de conserver une température élevée pendant l'acidification, car il se forme alors un voile de mycoderme et d'oïdium à la surface du caillé. Pendant l'égouttage, ces microbes continuent de proliférer si bien que les fromages sont déjà altérés avant d’être moulés. La pasteurisation du lait et de ia crème est appelée à donner dans ce genre de fabrication, son maximum de résultats ; il s'agit en effet d'obtenir une fermentation lactique pure et si les praticiens s'ingé- nient à travailler à basse température, c'est pour éviter les accidents dus à la contamination du lait ou de la crème. Si l’on a détruit tous ces ferments de maladie, il est possible de réaliser l’acidification à 25° et de réduire à 12 heures un travail qui en dure 24, par l’addi- tion d'une quantité suffisante de levain lactique pur. Le caïllé possède les mêmes qualités, et les fromages présentent l'énorme ‘avantage de se conserver plusieurs jours. Quant à l'enrichissement en crème, il a pour but d’atténuer l’aci- dité relative du caillé et de masquer sa saveur trop prononcée dans une pâte obtenue simplement avec du lait entier. Les fromages double-crème que l’on soumet à l'affinage, se fabri- quent exactement de la même façon que les premiers. Cependant la plupart des praticiens réalisent l'égouttage en moule. Cette précaution n'est pas nécessaire ; mais ce qu'il ne faut pas négliger c'est l'ensemencement de la moisissure. Ces fromages portent le plus souvent du P. Candidum ; il faut donc recourir à l'ensemencement direct ; de tout temps, les fromagers ont introduit la moisissure en question dans le lait ou le caillé ; le même moyen est d’ailleurs employé pour obtenir la moisissure des bondons et simi- laires, et on ensemence plutôt copieusement. La « grosse peau » ne présente pas beaucoup d'inconvénients chez ces fromages, puisqu'ils sont livrés à la consommation quelques jours avant que le cailié 39 [Q 246 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ne devienne alcalin ; par contre, l'absence de moisissure et l’abon- dance des ferments du « rouge » constitueraient un grave défaut, car les caillés enrichis en crème ne supportent pas une alcalinisation sensible en raison de la facilité avec laquelle l’ammoniaque décom- pose la matière grasse insuffisamment protégée par la caséine. Fromages à pâte pressée. Dans les fromages à pâte pressée on peut grouper : les fromages du Cantal, le parmesan, les fromages américains et anglais, le fro- mage d'Edam, les fromages « lavés » de Livarot, de Münster, de Maroilles, de Pont-l'Evêque de Saint-Remi. Ces fromages ne se ressemblent ni comme aspect, ni comme saveur ; ils ont cependant un point commun, c'est le moyen employé pour séparer le caillé du sérum ; il consiste en effet en une division plus ou moins grande du caillé, suivie d'un pressurage plus ou moins fort. Au cours de l’affinage les uns conservent leur acidité, les autres deviennent très fortement alcalins, comme le münster et le ma- roilles, sur lesquels on entretient à cet effet une flore microbienne abondante, précédée d’une végétation cryptogamique (moisissure) comme dans le maroilles. Le fromage du Cantal constitue un type de fromage à pâte pres- sée. Sa fabrication a été suivie et étudiée par M. Duclaux. Elle com- porte deux phases ; dans la premiére, le fromager réunit tout le lait d'une traite, le met en présure et procède à sa coagulation. Ce résul- tat obtenu, on provoque la séparation du sérum en imprimant aux grains obtenus par rompage un mouvement de rotation continu ; l'expulsion du petit-lait se fait ainsi par rétraction ; on complète l'opération par un pétrissage et on laisse le caillé s’acidifier ; la masse devient alors filtrante ; on procède à un nouvel égouttage par pétrissage et la tome ainsi obtenue est jointe aux précédentes dans un moule dont on fait le plein pour obtenir la forme. Le fromager ne cherche pas à sélectionner les ferments utiles, il laisse ce soin à la nature ; leur choix est donc livré aux soins qu'on apporte à la traite et aux manipulations du lait ; or, nous savons que ces précautions tendent vers la réalisation empirique d'une fermentation lactique pure. M. Duclaux a bien mis en relief la nécessité de cette acidification. On peut donc affirmer que les vrais ferments du fromage de Cantal sont les ferments lactiques. La pâte du fromage affiné en porte bien les caractères ; son acidité, sa saveur, son odeur le prouvent sura- bondamment. Les fromages américains, le parmesan, rappellent beaucoup le fromage du Cantal pour la bonne raison que là, encore, ainsi que les savants américains l'ont démontré pour les premiers, M. Gorini pour le second, ce sont les ferments lactiques qui se chargent exclu- sivement du travail de maturation. La fabrication diffère cependant de celle des fromages du Cantal ; elle comporte en effet un rompage TECHNIQUE FROMAGÈRE DAT du caillé suivi d'un moulage qui exige un pressurage méca- nique, destiné à assurer progressivement l'égouttage. Le parmesan étant fabriqué avec du lait partiellement écrémé, doit subir un égout- tage plus avancé ; le caillé, une fois divisé, est chauffé progressive- ment jusqu'à 45°; le chauffage facilite l'égoutltage en provoquant la rétraction du caillé ; mais les ferments lactiques résistent à cette température. Toutes ces variétés de fromages qui se prêtent bien à la fabrication industrielle gagneraient beaucoup en régularité et en qualité, s'ils étaient préparés avec du lait pasteurisé, additionné de ferments lactiques en quantité convenable. Le fromage de Hollande a été étudié surtout par MM. Bœhkout et de Wries. C’est encore un fromage dont la pâte reste acide ; el comme il est fabriqué également avec du lait partiellement écrémé, il doit être égoutté très fortement ; on obtient ce résultat en le soumet- tant pendant 24 heures à une pression qu'on élève progressivement, si bien qu'elle devient très forte vers la fin de l'opération. Il importe en effet que ces fromages retiennent peu de sérum, afin que la saveur acide ne soit pas trop prononcée. Beaucoup de fromagers utilisent le petit-lait pour ensemencer le lait qui sert à la fabrication: suivante. On recherche pour cet usage un ferment lactique qui possède la propriété de rendre le lait un peu filant, comme le ferment du gros lait de Bretagne. Mais on renonce de plus en plus à cette habitude, et on préfère travailler le lait frais tel qu'il se présente. L'ensemencement empirique trans- met en effet les accidents de fermentation et comme le caillé du fro- mage de Hollande doit être préparé avec du lait très peu acide, afin que l'affinage.ne dure pas trop, il convient aussi de ne pas faire intervenir de trop fortes doses de ferments Jactiques. Le fromage fabriqué avec du lait frais, très peu acide donne tou- jours ure pâte plus onctueuse, plus souple que le lait riche en fer- ments lactiques. Beaucoup d'industriels français ont tenté cette fabrication, mais ils ne réussissent pas à reproduire les qualités du fromage hollan- dais. Cela tient surtout à ce qu'ils utilisent du lait trop acide. Le caillé qu'ils préparent s'égoutte trop vite et produit un fromage sec et cassant. Il arrive même fréquemment que les fromages se fendent sous l'influence de Ia dessiccation. Le boursouflement de la pâte est fréquent aussi en été : il est dû, je l'ai dit, à des ferments produc- teurs d'hydrogène, le bacillus laclis aerogenes entre autres. Le même accident est très connu en Hollande où on y remédie en introduisant l décigramme environ de salpêtre par litre de lait. L'hydrogène réduit l'acide nitrique et forme de l'acide nitreux. L'acide carboôni- que dissous dans le sérum se dégage par diffusion, de sorte que la boursouflure est ainsi évitée. L'acide nitreux qui prend naissance gêne l’acidification, atténue donc très sensiblement les inconvénients. résultant d'une acidité trop élevée. Mais çe procédé ne constitue qu'un pis-aller, car pour assurer la marche des fermentations el 348 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR régler la fabrication, il n'y a qu'un moyen, c'est de détruire les bac- téries nuisibles, pour les remplacer par des cultures de ferments lactiques. La fabrication industrielle de ce fromage, n'est possible ‘qu'à cette double condition. Les fromages lavés se fabriquent à peu près de la même façon ; le Port-du-Salut qui prend une importance industrielle considéra- ble, comporte exactement les mêmes manipulations ; mais on cons- tate, par les résultats très différents qu'elle donne, que cette technique n'est pas encore bien fixée. Elle exige également du lait très peu acide ; il y a donc dans cette condition un obstacle très important, que l'industrie ne parvient pas à tourner facilement. La clientèle donne sa préférence aux fromages à pâte élastique, homo- gène, privée de trous autant que possible, et surtout, dépourvue de saveur forte et amère, d'odeur désagréable, qui se rencontrent trop fréquemment dans cette catégorie de produits. L'ensemble dé ces caractères qui sont aussi ceux du Pont-l'Evé- que industriel, prouve que la fabrication du Port-du-Salut se fait avec du lait frais, renfermant peu de ferments lactiques ; l'expé- rience montre d’ailleurs que les meilleurs résultats s’obtiennent dans ces conditions. | Mais, le plus souvent ces fromages possèdent une saveur très forte ; les soins qu'ils réclament dans les caves d’affinage, favori- sent le développement d’un nombre considérable d'espèces bacté- riennes qui forment à la surface de la croûte, toujours humide, une couche glaireuse où les microbes anaérobies peuvent se développer. Ces ferments dégagent beaucoup d’ammoniaque et interviennent ainsi dans la maturation du caillé, mais la pâte doit rester acide ; si par hasard elle devient alcaline, elle prend un goût amer très prononcé. Ces ferments remplissent un rôle utile, ils sont donc indispen- sables ; ils n’en constituent pas moins un danger en raison de la contamination, toujours possible, du lait mis en œuvre par l'inter- médiaire des employés. Si le caillé reçoit dans toute sa masse quel- ques-unes des espèces anaérobies qui pullulent dans les caves, il est certain que la qualité du fromage y perdra beaucoup, et c'est préci- sément cette contamination qui explique la diversité de goût dans le Port-du-Salut, et d'une façon générale chez tous les fromages lavés. Lorsqu'on se propose de réaliser cette fabrication de façon à obte- nir des produits de bonne qualité, la première condition à rem- plir, c'est de bien isoler les caves du reste de la fromagerie, et d'uti- liser de part et d'autre, des employés exclusivement attachés à une besogne bien déterminée. Cette séparation existe d’ailleurs dans la pratique et elle est rigou- reusement observée pour le livarot, le maroilles et le münster, pour la raison bien simple que les fromages fabriqués par les fermiers sont achetés par des affineurs qui les travaillent dans leurs propres caves. Celbe spécialisation du travail est bien plus nécessaire pour les fromages lavés que pour beaucoup d’autres variétés de fromages TECHNIQUE FROMAGÈRE 549 comme le brie et le camembert, où d'ailleurs on y renonce de plus en plus ; et c'est grâce à elle que leur fabrication est possible. Les essais d'industrialisation du maroilles et du münster n’ont pas toujours donné des résultats avantageux, parce que ces fromages ne peuvent se fabriquer qu'avec du lait frais. L'industrie qui ne dis- pose trop souvent que de lait acide ne peut pas fabriquer des fro- mages volumineux sans les voir exposés à des accidents variés pen- dant l'affinage. Le maroiiles et le münster changent en-effet de réaction pendant la maturation ; si le caillé est fortement acide, la moisissure qui couvre le maroilles parvient difficilement à détruire tout l'acide lac- tique qui s'y forme, en raison de l'épaisseur du fromage, Le même inconvénient se fait sentir plus fortement encore dans les fromages de Münster qui ne portent pas de moisissure. J'ai rappelé comment l'industrie a trouvé sa voie dans ce genre de fabrication, p. 452 ; pour faire le fromage de Maroilles avec du lait ramassé, il est prudent aussi de réduire de moitié son épais- seur ; la destruction du sucre de lait et de l'acide lactique se feront alors dans les mêmes conditions que dans le brie et le camembert ; on obtiendra un fromage plus doux, moins chargé en ammoniaque, qui conservera néanmoins le goût du maroilles, s'il porte les ferments du fromage lavé ; mais on s'apercevra bien vite qu'il y a toujours avantage à renoncer à ces ferments pour n'adopter que ceux des fro- mages à pâte molle. Lorsqu'on étudie la flore des fromages à pâte pressée, on constate que le caillé s'appauvrit rapidement en ferments vivants. Pour se faire une idée exacte de sa composition, il faut isoler les espèces que renferme le lait ou le caillé pendant son égouttage. On voit ainsi que l’on se trouve naturellement en présence d'une fermenta- tion lactique, et l'expérience prouve que la qualité des produits est toujours en raison directe de la pureté de cette fermentation. Mais les ferments lactiques sont peu vivaces ; ils meurent plus vite que beaucoup d’autres espèces, lorsqu'ils séjournent longtemps dans les milieux qu'ils ont fait fermenter, si d’autres facteurs n’inter- viennent pas pour en abaisser le taux d’acidité. C'est ce qui arrive chez les fromages à pâte pressée dont la maturation dure plusieurs mois. Si on fait des analyses microbiennes au cours de l’affinage, on voit disparaître les ferments lactiques ; d'autres espèces plus résis- tantes à l’acidité persistent, voir p. 441 et 460, mais elles sont peu nom- breuses et elles ne présentent pas la régularité spécifique qui carac- térise les ferments réellement utiles. Ces espèces accidentelles peu- vent elles-mêmes disparaître, si bien que les portions de fromages utilisés pour les recherches sont quelquefois privées de microbes. L'analyse chimique prouve cependant que les transformations sui- vent leur cours ; il n’en faut pas plus pour se laisser aller à des inter- prétations inexactes si on ne cherche pas à confirmer par l’expé- rience directe, les résultats théoriques fournis par les analyses. 390 { ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Mais si on vérifie ainsi les déductions théoriques, on est conduit à formuler les conclusions suivantes : Le caillé des fromages à pâte pressée ne doit renfermer que des ferments lactiques, et si on se propose de les fabriquer avec du lait pasteurisé, il est indispensable d'additionner le lait d'une quantité de levain de ferments lactiques qui produisent une acidification dont la marche est identique à celle que l’on obtient dans une fabrication normale. Cette comparaison exige la détermination préalable de la courbe d'acidification des divers fromages. Fromages à pâle cuite. Cette catégorie de fromages ne comprend que le Gruyère et l'Emmenthal ; le chauffage du caillé ne conduit à une différenciation justifiée des variétés des fromages, qu'autant qu'il est suffisant pour modifier leur flore microbienne. Ce résultat ne s'oblient que dans la fabrication du Gruyère et de l'Emmenthal ; partout ailleurs les fer- ments lactiques que j'ai définis par leurs propriétés, persistent. Les fromages à pâte cuite exigent donc l'emploi de ferments acidifiants spéciaux que les fromagers préparent sur place, sans se douter qu'ils sont en présence de véritables levains, ce qui ne les empêche pas de les entretenir avec des soins tout particuliers. De Freudenreich et ses élèves se sont attachés à l'étude de ces ferments et ils ont montré que ce sont surtout les ferments acidi- fiants qui président à la fabrication et à la maturation de l'Emmen- thal. Parmi ces microbes, ils ont constaté la présence de ferments propioniques, capables de détruire l'acide lactique du caillé. À côté des ferments acidifiants peu actifs, p. 441, des ferments propio- niques, j'ai constaté la présence d'anaérobies stricts, bactéries aci- difiantes également ; mais comme les fruitières françaises sont éloi- gnées de Paris, il est assez difficile de se livrer à une étude métho- dique des ferments du gruyère. Il ne faut pas compter d'ailleurs que la pasteurisation du lait est appelée à rendre, dans ce genre de fabrication, les mêmes ser- vices qu'on peut en attendre ailleurs. Les fruitiers procédent en effet à une sélection des microbes par le chauffage du caillé à 60° ; ce chauffage constitue une véritable pasteurisation, car on chauffe len- tement de façon à passer de la température de 30° à 60°, en 20 à 30 minutes. Une fois 60° atteinte, on laisse reposer un quart d'heure. Parmi les microbes qui résistent, il y en a de nuisibles ; il serait donc intéressant de les connaître en même temps que les espèces utiles, car, dans les conditions actuelles, aucune précaution spéciale n'est prise pour les éliminer. Le fruitier a ses procédés, et il s'en écarte aussi peu que pos- sible ; s'ils réussissent tant mieux, s'ils ne réussissent pas, il lui est bien difficile d'en connaître les raisons ; mais dans la fabrication du gruyère, plus encore que dans les autres industries fromagères, on TECHNIQUE FROMAGÈRE 554 est disposé à accuser la mauvaise qualité du lait. Et cependant, c'est certainement sur ce terrain que les méthodes empiriques attei- gnent le plus haut degré de perfection. Les Suisses ont acquis dans celte industrie une réputation juste- ment méritée ; les bonnes fruilières françaises ont généralement à leur tèle un employé suisse ; mais malheureusement, s'ils apportent leurs procédés, ils laissent dans leur pays natal quelque chose d'in- dispensable, qui ne peut se trouver que dans le lait ; les produits qu'ils fabriquent en France n'ont pas toujours la réputation du fro- mage suisse. En y regardant de près nous trouverons la cause de cet état de choses ; la théorie de la fabrication n'existe pas et celle qu'on en donne généralement repose sur des interprétations fantaisistes. Il est facile de la rattacher à la théorie générale que j'ai donnée de la fabrication des fromages, basée sur la fixation des trois cons- tantes de la coagulation et sur la nécessité d'employer les ferments utiles en quantité bien déterminée. La présure et la température sont, comme toujours, très faciles à régler ; et, règle générale aussi, c'est encore l'acidité qui rest> le facteur variable, puisqu'il dépend de l’état de conservation du lait. La pratique a établi qu'il est, sinon nécessaire, du moins très avan- tageux de conserver une certaine quantité de lait afin d’appauorir le lait en crème. On n'a vu dans cette coutume qu'une opération de peu d'importance et puisqu'il ne s’agit que d'écrémer, on a bien plus vite fait de passer une certaine fraction du lait à la centrifuge. Les résultats sont tout différents et médiocres, nous verrons pour quelle raison. Le lait conservé s'acidifie plus ou moins, de sorte que son acidité intervient dans la coagulation ; il devient alors nécessaire de la régler, car 1l y a un taux d'acidité qui convient mieux pour une bonns fabrication ; lorsque l'acidité est trop élevée, ce qui arrive fréquem- ment en été, le caillé ne se lie pas ; 1l serait facile d'éviter cet acci- dent en réduisant la quantité de lait acide, de façon à obtenir tou- Jours le même degré d'’acidité dans le mélange ; mais comme on n'a en vue que l'écrémage, on s'attache surtout à enlever la même quantité de crème, résultat qui n'a cependant qu'une importance infime dans la marche des fermentations. Le fruitier cherche à éviter les accidents de fabrication causés par un excès d'acidité, en diminuant le chauffage du caillé. Au lieu de le chauffer à 609, 11 se contente de le porter à 55°, 50° et même 45%. Le résultat n'est plus du tout le même, parce qu'on conserve ainsi les ferments lactiques ordinaires qui produisent plus d'acidité, don- nent une pâte plus grenue qui fait des mille-trous ou des fromages morts, lesquels ne sont pas toujours dépourvus ni de finesse, ni de qualité, bien au contraire ; mais ce sont des genres de parmesan à pâte grasse, à saveur de ferments lactiques ordinaires. On voit donc qu'il est indispensable de fixer l'acidité du lait à un 552 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR taux convenable, voisin de 2 gr. 3 à 2 gr. 4 d'acide lactique par litre, très vraisemblablement ; mais je ne suis pas en mesure d'affirmer que ce chiffre soit bien celui que réalisent les fromagers suisses, car je n'ai pas fait de déterminations assez nombreuses à ce sujet, et les manuels et d'une façon générale la littérature, n'ont pas fait res- sortir l'importance de ce détail. Si c'est un manque d’acidité que l'on constate, et il en est tou- jours ainsi lorsqu'on emploie du lait frais dont on écrème une partie à la centrifuge, le caillé n’a plus la même consistance, il est plus souple, plus élastique, retient plus de pelit-lait et manque de goût et d'arome. En même temps que la présure, le fruitier introduit dans le lait une culture de ferments propres à l’affinage du gruyère. Celle macé- ralion de caillette n'est autre chose qu'une cullure de tous les fer- ments de la fruitière, capables de se développer en milieu acide. La théorie n’y a guère vu autre chose qu'une solution de pré- sure, qu'il faut entretenir avec soin de façon à éviter sa putréfac- tion ; elle a considéré l'usage des présures liquides comme une modi- fication susceptible de constituer un progrès dans la fabrication. Cette déduction est logique, mais comme la théorie n'a vu d’abord qu'un côté de la question, de beaucoup le moins important, les essais de fabrication se sont chargés de lui démontrer brutalement qu'elle portait des visières. La macéralion de cailleltte préparée sur place reste un facteur indispensable à la fabricalion, parce qu'elle est surtout une culture des ferments dont le fruitier ne peut se passer. Toutes les recommandations relatives à l'emploi de ces caillettes semblent dictées par un bactériologiste très averti sur la matière, et cependant c'est l'observation empirique qui parle : Les caillettes dcivent être préparées avec de la recuile ou petit-lait d'égouttage en chaudière, débarrassée d'albumines par un chauffage à 100° après acidification convenable par addition d’aisy. Entendons par là que la macération de présure doit être faite dans un bouillon stérile, acide à 2? gr. 7 à 2 gr. $ d'acide lactique par litre, capable par consé- quent de s'opposer au développement des ferments de putréfaction apportés par les caillettes. On ne travaillerait pas mieux dans un laboratoire. Cette macération doit se faire à une température de 18 envi- ron ; elle peut se corrserver 48 heures en hiver et 24 heures seule- ment en été ; elle de nnande en outre à être agitée fréquemment à la mein, afin de favoriser la diffusion de la diastase active. La diffusion à travers les tissus gonflés des enveloppes suit les lois de la physique et ne se trouve guère plus activée par un dépla- cement de la membrane dans le liquide ; mais le bouillon de culture étant stérile, si on n'y introduit que les bactéries qui se trouvent sur les caillettes, il est clair qu'on ne tombera pas sur les espèces utiles ; mais si le fromager, qui procède tous les jours à toutes les opéra- tions courantes que comportent la fabrication et l’affinage dés fro- TECHNIQUE FROMAGERE 09 mages, vient régulièrement ensemencer la macération de caillette en y trempant les mains, on peut affirmer que tous les ferments de la fromagerie se développent dans la recuite, ceux du moins qui sont capables de se multiplier en milieu acide, et voilà pourquoi cette macéralion de caillettes doit être considérée comme un levain. Pourquoi utilise-t-on la recuite pour cet usage, de préférence à tout autre bouillon ? Tout simplement parce que le petit-lait est le milieu de choix pour les espèces utiles et aussi parce qu'on n'intro- duit dans le caillé aucune substance étrangère au fromage. En un mot, c'est donc la macération de présure qui joue dans la fabrication du gruyère un rôle essentiel en raison de sa qualité de levain. Ce rôle, la théorie l’a attribué encore d’une façon maladroite et inconsidérée à l'aisy, sur la foi des praticiens qui lui accordent beaucoup trop d'importance. Qu'est-ce que l’aisy ? C’est une culture de ferments lactiques ordinaires, entretenue aussi avec de la recuite, servant à l’acidification du petit-lait laissé dans la chaudière après l'enlèvement du caillé, afin d’en précipiter les matières albuminoïdes à 1000. Relions ces diverses opérations les unes aux autres, en les expo- sant dans leur ordre naturel, afin de permettre aux profanes de s'y retrouver. Le mélange de lait conservé et de lait frais est fait dans la chau- dière et porté à 30°. On y verse alors la macération de caillette dont on vient de déterminer extemporanément l’activité sur le lait même, en quantié suffisante pour coaguler le lait en une demi-heure. On tranche le caillé et on agite le tout à 30° pendant quelques minutes, puis pendant tout le temps nécessaire pour atteindre pro- gressivement la température finale, voisine de 60°. On cesse d’agi- ter dès que les grains du caillé, gros comme des grains de blé, sont rétraclés assez et présentent une certaine aptitude à se souder par pression dans la main fermée. On abandonne 10-15 à cette tem- pérature, et on enlève tout le caillé déposé sur le fond hémisphé- rique de la chaudière pour le porter dans le moule. Le petit-lait qui reste dans la chaudière est aussitôt chauffé à 100° ; on y verse alors de l’aisy acidifié par les ferments lactiques ordinaires, en agitant doucement de façon à obtenir une coagulation légère des albuminoïdes du petit-lait. Les flocons de matières azo- tées emprisonnent dans leurs mailles les globules gras du sérum et viennent se réunir à la surface. Le fromager écrème avec précau- tion cette couche de matières coagulées et il l’utilise, soit pour la nourriture des pores, soit de préférence pour la fabrication d'un fromage spécial, le sérai ou sérac. Le liquide restant, parfaitement limpide, sensiblement acide, constitue la recuite. Cette recuite ou bouillon stérile sert d’un côté à la préparation de la macération de caillette, de l’autre à l'entre- tien de la fermentation lactique ordinaire qui donne l’aisy ; mais aucun des ferments de l’aisy ne passe directement dans la pré- DD4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sure, puisque l’aisy subit une stérilisation parfaite à 100°, en raison de l'acidité de la recule. On peut donc en conclure que lorsqu'on recommande l'aisy comme porteur de ferments on se trompe ; les fromagers ont l'habitude d'emprunter de l'aisy à leurs voisins, lorsque leurs fermentations vont mal ; l’aisy peut en effet devenir le siège d'une fermentation alcoolique et même d’une fermentation acétique et contracter ainsi des goûts désagréables, mais ces fermentations ne peuvent pas se transmettre à la présure, et le seul résultat qui s'obtient par le changement d’aisy, c’est le remplacement d'une fermentation défec- tueuse par une fermentation régulière et normale. Ii nous reste maintenant à envisager le rôle du lait conservé pour l'écrémage spontané. J'ai dit qu'il intervient dans la fabrication par son acidité ; je dois ajouter qu'il exerce une influence très nette sur la qualité des fromages. S'il a subi une fermentation lactique pure, il communique au fromage la saveur que nous connaissons ; Si au contraire cette fermentation lactique est accompagnée d'autres fer- mentations nuisibles, ce qui arrive fréquemment, ce lait contribuera à déprécier la qualité des produits ; il s'agit donc de veiller à la propreté des ustensiles où on le recueille et de prendre les précau- tions nécessaires pour éviter la contamination pendant la traite. Nous voici done une fois de plus amenés à reconnaître que ce sont les fermiers et les fruitiers les plus soigneux qui doivent nécessairement fabriquer les meilleurs produits, parce qu'ils dispo- sent d'une matière première plus pure ; que ce sont les régions où les vaches vivent constamment dans les pâturages qui sont mieux placées pour produire de bors fromages, que celles où l'on impose an bétail le régime de la stabulation. Comme conclusion à tirer de ces constatations, on peut résumer brièvement les améliorations susceptibles d'être réalisées, dans la conduite des fermentations. Le lait de conserve ne doit renfermer que des ferments lactiques , les procédés empiriques qui se réduisent en l'espèce à des soins de propreté ne peuvent pas garantir régulièrement ce résultat, il est possible de l'obtenir par des cultures de ferments lactiques. L'acidité à l'emprésurage doit être constante et fixée par l'acidité du lait de conserve. IL est possible et avantageux d'utiliser la présure artificielle ; mais il demeure acquis que les ferments du gruyère doivent être préparés au moyen de la recuite, ensemencée jusqu'ici empiriquement ; la pré- paration de ces levains est donc indispensable ; mais, au lieu d’ense- mencer par lâtonnements, il est préférable d'introduire dans la re- cuite une quantité suffisante du petit-lait abandonné par le caillé dans la chaudière, environ 15 % du volume de la recuite. On obliendra ainsi des cultures de ferments utiles d'une façon régulière. La détermination de l'acidité permettra de suivre leur développement ; celte acidité sera moins élevée que celle des macé- ET TECHNIQUE FROMAGÈRE 559 rations actuelles de caillettes, où il existe des ferments lactiques ordi- naires. Le levain ainsi préparé peut être utilisé pour diluer la présure artificielle à un taux convenable pour que l'addition de ferments soit assurée dans les mêmes conditions que par les procédés actuel- lement en usage. Pour déterminer une fois pour toutes Ia dose de levain, il suffit de bien fixer son acidité d’une part, et de suivre d'autre part la marche de l’acidificalion dans le petit-lait qui s'écoule de la presse. On obtiendra une courbe d’acidification qui devra se confondre avec celle que fournissait l'acidification, dans les mêmes conditions, du caillé préparé par les procédés actuels dans une frui- tière renommée pour ses produits. Quand on veut enfin amorcer une fabrication nouvelle, il faut sur- tout emprunter à une fruitière en exercice, non pas de l'aisy, mais du petit-lait tel qu'il reste dans la chaudière après l'enlèvement du caillé. On l'étend de quatre ou cinq fois son volume de recuite fraîche et refroidie bien entendu, el on a ainsi au bout de 24 heures un levain qui donngra le même produit que celui de la fruitière dont il provient, et même un fromage meilleur, si l'on apporte plus de soin à la conservation du lait soumis à une acidification par tes ferments lactiques ordinaires. La laboratoire de Freudenreich s’est attaché à isoler les espèces microbiennes utiles de l'Emmenthal, et il recommande aujourd'hui de les ensemencer dans la macération de caillette. L'idée- est excel- lente ; mais en conservant les caillettes on s'expose bien entendu à des complications que l’on pourrait éviter avantageusement, si tou- tefois les espèces indispensables sont bien connues. Fromages maigres et fromages gras. On trouve dans le commerce des fromages maigres et des fro- mages gras ; mais pour le consommateur il n'y a que des fromages gras ; bien mieux, il lui arrive assez souvent de prendre les fro- mages maigres pour des fromages gras et vice versa, tout simple- ment parce que les premiers coulent avec une complaisance de mau- vais aloi et que les fromages gras se tiennent à peu près comme du beurre. Les fromages maigres renferment en effet un très grand excé- dent de caséine par rapport à la matière grasse, de sorte que la matière liquéfiable est prépondérante, si le caillé conserve un petit excès de petit-lait, il se résout entièrement en liquide à mesure que l'affinage avance. Les fromages gras qui renferment la presque totalité des matières grasses du lait ne sont que du beurre mélangé à une quantité moindre de caséine : ils ont donc la consistance du beurre et ils n'en diffèrent que par l'élasticité que leur donne la faible proportion de caséine soluble qu'ils renferment. Fe 596 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR En raison de sa tendance très grande à couler, le fromage maigre est bien plus difficile à fabriquer que le fromage gras ; il est impos- sible d'obtenir de bons brie ou de bons camembert avec du lait par- faitement écrémé, parce que l'égouttage spontané ne peut pas leur enlever assez de petit-lait pour résister à une maturation convenable ; il est alors nécessaire de les saler très fort, de façon à forcer l'égout- tage et en même temps à modérer l’activité des ferments ; mais, mal- gré tout, il est prudent de les livrer à la consommation bien avant que l’affinage ne soit achevé. Lorsqu'on utilise du lait écrémé pour la fabrication des fromages pressés, on peut éviter ces inconvénients en exprimant plus complètement le petit-lait. Si les fromages maigres sont plus difficiles à fabriquer, ils sont en même temps bien inférieurs comme qualité aux fromages gras ; et, ce qui peut paraître paradoxal, ils laissent bien moins de béné- fices à l'industriel. Ce dernier point exige quelque développement. Le fromage, je le répète, est formé par la caséine et la matière : grasse du lait ; si on supprime une partie de cette dernière, il fau- dra nécessairement plus de litres de lait pour produire un même poids de fromage. Il faut remarquer en outre que les fromages gras retiennent plus d'eau que les fromages maigres ; c'est encore une raison pour laquelle le rendement en fromage du lait écrémé est inférieur à celui que fournit le lait entier à égalité de poids de ma- tières sèches. Par exemple, un lait qui renferme 40 grammes de matières grasses par litre et 35 grammes de caséine cédera au caillé toute sa matière grasse et environ 30 grammes de caséine. L'extrait sec fourni par litre de lait sera donc 70 grammes, si l’on ne tient pas compte des cendres. S'il s’agit de brie ou de camem- bert, la teneur en eau du fromage affiné est voisine de 50 % ; c’est donc en définitive 170 grammes de fromage que donne le lait en question, et il en faudra 2 litres 1/4 pour faire un camembert à 20 % d’eau. Supposons qu'on écrème le lait à 50 % ; le fromage rentrera dans Ja catégorie des fromages maigres ; chaque litre de lait abandonnera au caillé 20 grammes de matières grasses et 30 grammes de caséine, c'est-à-dire 50 grammes de matière sèche ; mais cette matière sèche retient environ 45 grammes d’eau au lieu de 50 ; 1 litre de lait produit donc 50 + 45 = 95 grammes de fromage affiné. Pour obtenir un camembert du poids de 320 grammes, il faudra 320 : 95 = 3 lit. 4 de lait à 20 °/, de matières grasses ; mais, par contre, on aura fabriqué en même temps une certaine quantité de beurre qui, calculée sur 100 litres de lait, représente un poids de 2 kgr. 400. TECHNIQUE FROMAGÈRE 557 100 litres de lait rapportent donc en : Fromages gras. Fromages maigres. 45 fromages à 0 fr. 60 pièce — 27 francs. AOQEER 4 4 ET ir 30 fromages maigres à O0 fr. 40 pièce — 12/fr. 2k6400 beurre à 4 fr.lekg.— 9 fr.60 Loto rer «+ Ar. 60 Différence en faveur des fromages gras : 27 — 21,60 = 5,40. Dans ce calcul j'ai tout exagéré en faveur des fromages maigres, car Je n'ai pas tenu compte de la quantité de caséine perdue pour les fro- mages, qui est enlevée par l’écrémage, et j'ai en même temps forcé le prix du beurre, sans faire intervenir la main-d'œuvre et l'installa- tion de la beurrerie. En admettant même que les fromages maigres soient vendus au prix des fromages gras on n'en retire que : 30 fromages à Ofr.60—= 18 fr. 2kg.4 de beurre à 4fr. — 9 fr. 60 Notre 27 fr. 60 Ceci prouve bien que le beurre est vendu plus cher à l'état de fromage que sous forme de beurre, et cela parce que dans le premier cas la matière grasse renferme 50 % d'eau et dans le second 15 % seulement. Si maintenant on établit le bilan en partant du prix uniforme de 0 fr. 40 par fromage, on ne réalise plus que 0 fr. 40 x 45 = 18 francs sur les fromages gras, contre 21,60 retirés des produits du lait écrémé ; mais, bien entendu, ce prix uniforme n'existe pas dans la pratique, si ce n’est pour les mauvaises fabrications. Les fabri- cants de fromages maigres se rangent donc de propos dilibéré parmi les fabricants médiocres. Le lait maigre ne peut être utilisé que dans la fabrication des fromages à pâte pressée ; c'est ainsi que la fromagerie constitue un débouché intéressant pour l'écoulement du lait écrémé, ou plu- tôt de la caséine, lorsqu'elle se présente comme un sous-produit de la beurrerie. Les considérations précédentes semblent justifier plutôt l'enri- chissement du lait en matières grasses. Je n'ai pas besoin de rappe- ler que c'est une coutume qui n'est pas à inventer ; les fromages à la crème traduisent assez éloquemment les avantages économiques de cette combinaison ; mais ces fromages enrichis ne se prêtent pas à l'affinage ; c'est encore une vérité qui est familière à tous les fabri- cants de fromages gras. Il arrive pourtant que des fromagers commettent assez fréquem- ment l'erreur d'enrichir en crème les fromages affinés qu'ils prépa- rent pour les concours. Ce sont là des trucs de débutants qui ne manquent jamais d'aller à l'éncontre du résultat qu'ils sont censés 558 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR atteindre. Les fromages affinés ne supportent pas avantageusement la présence d’une dose exagérée de matières grasses. Le rapport entre ja matière grasse et la caséine ne doit pas dépasser une certaine limite ni descendre au-dessous d’un taux convenable. De ce rapport dépendent en effet la richesse en eau, et en conséquence la marche des fermentations, puis enfin l'étendue des transformations chi- miques qu'on cherche à obtenir. Un fromage trop gras est exposé à des accidents particuliers qui portent sur la matière grasse et qui se traduisent le plus souvent par une saponification sensible. Ce résultat est dû à ce fait, que la matière grasse étant moins bien protégée par la caséine, est atteinte surtout dans la région superficielle, soit par les champignons qui peuvent sen nourrir, soit par les microbes du « rouge » qui la décomposent par l'ammo- niaque qu'ils produisent. Un fromage trop gras, affiné, se distingue par son opacité et son manque d'élasticité, il rappelle exactement le beurre. Lorsque le taux de matières grasses baisse, l'élasticité de la pâte cugmente, la consistance de caoutchouc s'accentue, et l'aspect trans- lucide de la pâte rappelle celui d'une colle solide. Entre ces deux limites se classent les fromages de bonne qualité ; et qu'il s'agisse d’un fromage affiné quelconque, la valeur mar- chande du produit atteint son chiffre maximum pour une valeur à peu près fixe, du rapport matiere grasse caséine. L'opinion des Briards tendrait à accorder la préférence aux vaches hollandaises, pour la production du lait le plus favorable à la fabrication du brie ; on en a conclu que ï:e brie est un fromage moins gras que le camembert, parce que le lait des vaches flamandes ou hollandaises est moins riche en matières grasses que celui de la race normande. Cette opinion ne repose pas surdes faits contrôlés : dans un cas comme dans l’autre, on procède à un écrémage très léger, il est vrai, mais sensible néanmoins, et avec raison. Si l’on se trouve en présence de lait riche à 40 grammes de beurre par litre, SR APRES beurre il est prudent de le ramener à 35 gammes ; le rapport ————- caséine ; 3 è pe sera donc environ Er LU un Jait de la vallée d'Auge, par exemple, transformé en camembert ; le lait des vaches flamandes ou 30 très peu différent du premier, car si ce lait est moins riche en crème il est en même temps plus pauvre en caséine. Ce que les fromagers ne doivent surtout pas perdre de vue, c'est que la caséine a pour hollandaises donnera dans les conditions mêmes le rapport TECHNIQUE FROMAGÈRE 559 eux la même valeur industrielle que la crème et, par conséquent, c'est l'extrait insoluble du lait qu'il faut prendre en considération. La conclusion générale qui ressort de ces faits, c'est que les bons fromagers n'ont aucun avantage à atteindre une trop grande richesse en matières grasses. Quant aux consommateurs, ils ont le devoir de ne pas se laisser induire en erreur par l'aspect crémeux d'une pâte semi-fluide. CONCLUSIONS GÉNÉRALES Deux séries de conclusions, les unes théoriques, les autres pra- tiques, peuvent se déduire de l’ensemble de ce travail. Les conclusions théoriques ont été exposées en guise d'introduc- tion, ou encore à la suite des chapitres spéciaux consacrés aux grandes questions que soulève la pratique fromagère ; il semble donc superflu de les rappeler ici ; mais comme on ne saurait trop insister sur les principes qui commandent toute l'industrie, je répète que toute la technique repose sur la nécessité de débarrasser l'extrait insoluble du lait, du sucre et de l'acide lactique, conformé- ment au but poursuivi, qui est d'obtenir un produit dont la réaction tend vers la neutralité, dont la caséine demeure aussi peu dégradée que possible et la maiïière grasse intacte. Des trois constantes que le praticien met en œuvre concurem- ment avec les moyens mécaniques pour séparer le pelit-lait du caillé, c'est le facteur ferments lactiques qui est de beaucoup le plus impor- tant. Une acidité initiale bien déterminée, c'est-à-dire une population de ferments lactiques connue, variable avec les variétés de fromages, donne des résultats réguliers pour une même quantité de présure et une température fixe, indépendants de toutes les influences saison- nières et capables d'assurer pour ainsi dire mathématiquement la marche des fermentations. Le réglage rigoureux du travail des ferments lactiques, qui se révèlent ainsi comme les auxiliaires les plus précieux dans les opé- rations de la fabrication, permet de plus de réduire au strict mini- mum la quantité de sel nécessaire au salage et supprime une cause de perturbation très grave pour l'évolution des ferments, et par con- séquent un facteur de dépréciation des produits. Les ferments lactiques doivent constituer, à une ou deux excep- tions près, toute la flore interne du caillé. Cette conclusion résulte non seulement de l'expérience directe, mais encore de l'observation minutieuse des produits de la petite industrie, qui doivent leur supé- riorité à la pureté des levains et aux soins de propreté que l'on apporte à la traite du lait et à sa conservation. Occupants exclusifs de la pâte, ils ont comme seconde tâche à remplir la production des substances aromatiques qui sont à peu près les mêmes partout, qui font que les bons fromages à quelque 260 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR variété qu'ils appartiennent, que les beurres sous quelque lalitude qu'ils se fabriquent, sont toujours acceptés avec plaisir par les con- sommateurs de tous les pays. En troisième lieu, ce sont les ferments lactiques qui se chargent de la solubilisation partielle de la caséine sans l’exposer à une dégra- dation trop avancée, de la transformation de l'état floconneux de Ja pâte en état vitreux et cela, régulièrement, dans toute la masse, au moment où la réaction tend vers la neutralité ou vire à une légère alcalinité. À L'homogénéité de la pâte n’est réalisable qu’autant que les fer- ments superficiels, s'ils existent, ne prennent aucune part à cette der- nière phase de l'affinage. Leur rôle est de détruire le sucre de lait et l'acide lactique, et non de participer directement par leurs dias- tases à la solubilisation de la caséine ; ils produisent également des bouquets spéciaux ; mais là encore leur influence doit être très limitée, car ces bouquets ne doivent pas masquer les résultats acquis par la fermentation lactique. L'industrie fromagère est donc l'industrie des ferments lactiques au même titre que l’industrie du beurre. Dans l'une comme dans l'autre, il ne faut pas compter sur des résultats réguliers et irré- prochables, si l'on ne sait pas tirer parti de cette fermentation et lui assurer, par la conservation du lait jusqu'à sa mise en œuvre, par sa pasteurisation systématique, un terrain vierge de toute espèce nui- sible. Ce sont là déjà des conclusions pratiques, car la pratique est si étroitement liée à la théorie, qu'aucune démarcation tranchée n'existe entre elles ; je continue donc l'exposé des conclusions relatives aux applications. Tous les accidents de fabrication et leurs répercussions plus ou moins lointaines sur la marche ultérieure des fermentations trou- vent leur origine dans un mauvais réglage de la fermentation Jac- tique. Toutes les maladies dues à des champignons ou à des bactéries. la maladie du « noir » mise à part dans certains cas, doivent être attribuées à la contamination du lait par des germes de toutes espèces qu'on y introduit en abondance par des moyens extrêmement nombreux et, bien entendu, involontaires. Les locaux où se poursuivent les fermentations des camemberts, des bries, et d’une façon générale de tous les fromages qui portent des végétations superficielles bien déterminées, doivent fonctionner comme autant de cuves de fermentation susceptibles d'être défen- dues contre la contamination. Les ferments utiles seuls doivent y être admis et exposés à des conditions de température et d'humidité qui leur permettent de don- ner les meilleurs résultats. L'idéal consisterait à égoutter les fro- mages de façon à leur faire perdre, dès le début, la quantité conve- nable de petit-lait afin de pouvoir maintenir l'humidité des locaux pe lot D Het iv TECHNIQUE FROMAGÈRE 564 au voisinage de la saturation ; cette précaution aurait l'avantage de supprimer le séchage par les courants d'air violents qui agissent d'une façon irrégulière et constituent une cause de contamination lorsque l'air du dehors est chargé de germes nuisibles. La nécessité de produire des fermentations déterminées dans la pâte ou à la surface des fromages, entraîne comme conséquence obligatoire l'ensemencement des agents de ces fermentations. Cette pratique existe déjà, mais elle opère dans des conditions très défec- tueuses parce que les fromagers ne sont pas renseignés sur la nature des ferments qu'ils ensemencent, ni sur les quantités qu'ils utilisent ; ce qui le prouve, c'est qu'ils n’ont jamais pu fixer leur fabrication, ni dominer les influences extérieures ; ils les subis- sent ou les suivent avec plus ou moins de clairvoyance. L’ensemencement des cultures pures ne peut d’ailleurs produire son effet maximum qu’autant que les conditions de fabrication que j'ai définies sont rigoureusement remplies. Le sort d’un fromage se décide par la quantité de sucre qu'il retient à l'égouttage, suivant que le sucre de lait est plus ou moins abondant, la quantité de fer- ments comburants est plus ou moins grande, et par suite, la somme de leurs actions varie dans le même sens. Les variations sont alors la règle, et c'est la constance qui peut être seule considérée comme un principe industriel. ; Il faut donc, en définitive, se résigner à voir dans la technique fromagère un art extrêmement difficile, si l'on ne veut pas s'éman- ciper de toutes ces causes de variations et d'accidents. Il en sera encore longtemps ainsi et, pendant bien des années, l’habileté des fromagers consistera à corriger avec plus ou moins de succès les erreurs d'une conception empirique, à adopter la méthode passive, au lieu de se rallier à la méthode active qui sait, qui dirige et qui impose. La méthode passive trouve d’ailleurs une excuse toute prête dans les propriétés du lait, qu'elle suppose essentiellement capricieuse et variables avec l'alimentation des vaches, avec la saison, le climat, la direction du vent, etc. le cru ! j'allais oublier cette étiquette com- plaisante d'une ignorance qu'on ne veut pas avouer, Le. nombre de ceux qui raisonnent, qui travaillent, qui réussis- sent, va cependant en croissant, et ceux-là s’aperçoivent aisément qu'une fabrication normale se conduit sans difficulté aucune, et c'est bien là aussi mon opinion personnelle. Mais il faut savoir pourquoi on réussit, pour réussir toujours et partout, en un mot, il faut s’instruire. Sur ce point nous manquons évidemment d'instruction ; ce n'est pas un reproche que j'adresse aux cultivateurs et aux industriels ; ils ne peuvent pas connaître ce qui est ignoré de tous ; il faut admettre d'ailleurs que sur le terrain de l'industrie fromagère, nos voisins ne sont pas plus avancés que nous ; mais il ne faut pas perdre de vue que leurs progrès pourront êlre plus rapides que les nôtres, 36 562 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR parce que leur enseignement est systématiquement orienté vers les applications pratiques, et je vise ici le haut enseignement, car la lumière se diffuse de haut en bas. Notre enseignement se complaît trop dans la philosophie scienti- fique et, pour ne pas verser dans la trivialité, il convient que cette philosophie emprunte ses exemples à des faits ou des êtres qui ne sont pas à la portée de tout le monde. Partant de cette conception, singulière pour notre époque, où la valeur des découvertés se mesure surtout à l'importance des amé- liorations qu'elles réalisent dans les méthodes pratiques, nous admet- tons que l'éducation scientifique peut ne présenter que de lointains rapports avec les exigences de la vie matérielle. L'école reste une récréation intellectuelle ; la leçon ne commence qu'avec la vie ; il est bien évident que nous ne pouvons pas lutter sans peine avec ceux qui reçoivent des leçons à l'école. Or, ce sont précisément ces derniers qui nous ont montré, sur le terrain économique, la différence qui existe entre les deux mé- thodes ; nous le sentons bien aujourd’hui que la surproduction nous menace dans toutes les branches de l’activité agricole. Le bon sens nous commande de prévenir ce malaise en nous atta- chant à reconquérir sur le marché étranger la place que nous avons perdue ; pour cela il est indispensable d'offrir à l'acheteur une quan- tité suffisante d'une marchandise homogène, de qualité irrépro- chable, susceptible de se conserver assez longtemps pour s'imposer au consommateur. Il n’y a pas deux moyens d’y parvenir, il n'y en a qu'un : c'est de travailler suivant une méthode unique, celle qui repose sur des bases scientifiques bien établies. FIN Le microbe de la diphtérie des poules Par J. BORDET, directeur de l'Institut Pasteur de Bruxelles, et V. FALLY, directeur de l’Abattoir. (AVEG LA PLANCHE X) Ayant eu récemment l'occasion de reprendre nos recherches sur la diphtérie aviaire, nous pouvons apporter certains ren- seignements complémentaires concernant le microbe que nous avons découvert et qui a fait l’objet, il y a deux ans, d’une note à la Société royale des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles et d’une communication au Congrès international d'hygiène de Berlin (1907). Notre premier article n’ayant pas paru dans ces Annales, il convient d’en donner tout d’abord un bref résumé. | On connait trop l’évolution de la maladie et ses symptômes pour qu’il soit utile d’y revenir. Bien que présentant certaines analogies avec la diphtérie humaine, par son aspect et ses loca- lisations dans la cavité buccale ou sur lœil, par lapparition de fausses membranes sur les muqueuses, la maladie des poules s’en distingue essentiellement par son caractère chronique, souvent torpide, par sa marche si fréquemment capricieuse et irrégulière; tantôt les lésions s’aggravent progressivement jus- qu'à provoquer les troubles les plus sérieux, tantôt elles restent discrètes, guérissent soit définitivement, soit pour réapparaître au bout d’un temps prolongé. Certains sujets, assez nombreux d’ailleurs, se montrent réfractaires, peut-être en raison d’une atteinte antérieure, Nous n’avons pas observé les formes septi- cémiques que certains auteurs ont décrites; il est probable qu’il s’agissait, dans les cas suraigus rapidement mortels qui ont été signalés, d'infections surajoutées. Contrairement à l'opinion de (1) Bulletin de la séance de’ juin 1907. 064 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Carnwath et de Schmidt, nous pensons que la diphtérie n’a rien de commun avec l’epithelioma contagiosum. Le microbe que nous avons décrit comme agent de la diphtérie des poules diffère essentiellement de ceux dont il est question dans les nombreux travaux consacrés à l’étude de cette maladie. Nous ne connaissons aucun microbe qui soit aussi petit. Le seul fait qu’il ne se développe absolument pas sur les milieux ordi- naires stérilisés à l’autoclave, et que, même sur des milieux déli- cats, riches en sang défibriné, l’enduit qu'il forme est si mince, si peu appréciable, qu’il échappe presque à la vue, suffit à empé- cher toute confusion avec les microorganismes antérieurement signalés; c’est ce qui nous dispense de passer la littérature en revue. Il est quasi impossible d'obtenir des cultures aux dépens des plaques diphtériques de la cavité buccale; ces lésions sont inuti- lisables pour l'isolement direct du virus, elles renferment trop de microbes associés qui se développent avec exubérance sur les milieux nutritifs et étouffent le véritable parasite. Il faut un pro- duit presque pur. On l’obtient facilement en broyant une fausse membrane avec un peu de solution physiologique, en trempant un fil dans l’épaisse émulsion obtenue et en passant avec une aiguille ce fil dans la paupière nictitante. On le retire le lende- main, l’irritation traumatique disparaît vite, mais quelques jours plus tard, la nictitante s’épaissit, devient rouge grisâtre, les tissus voisins de l’œil s’œdématient et gonflent, une sécrétion d'aspect purulent s’établit, il survient souvent une occlusion plus ou moins complète des paupières, bref, on observe des symptômes identiques à ceux qui caractérisent la diphtérie oculaire spon- tanée. Ce qui nous intéresse, c’est qu'au point de vue bactério- logique, les lésions ainsi produites sont, au moins pendant un temps assez prolongé, infiniment plus pures que ne le sont les membranes de la cavité buccale. ; Dès que la nictitante ainsi infectée présente les altérations typiques, qu’elle s’est bien épaissie, on la résèque, on la lave à la solution physiologique stérile, on la transporte dans un verre à pied où on la broie avec un agitateur en ajoutant ensuite un peu de solution saline. On transporte dans les tubes contenant le milieu de culture, quelques gouttes de cette émulsion qui a été plus ou moins fortement diluée, et l’on étale sur la surface 8 MICROBE DE LA DIPHTÉRIE DES POULES 209 nutritive. On laisse deux jours à l’étuve à 35°. Généralement, quand on a opéré avec les soins d’asepsie voulus, il ne se déve- loppe que de rares colonies visibles; ce sont des impuretés. Mais si l’on promène le fil de platine sur les endroits de la surface où rien ne semble avoir poussé (tout au plus constate-t-on que la couleur rouge du milieu s’est légèrement foncée), on ramène le virus, dont on peut, en remuant lextrémité du fil dans une minuscule goutte d’eau, obtenir de bonnes préparations. On repique sur un second tube, où le virus se développe sans que ce développement soit d’ailleurs, à l’œil nu, plus perceptible qu’il ne l’est dans la culture initiale. Assez souvent, on parvient à isoler le microbe en ensemençant simplement les larmes de l’œil malade. Le milieu nutritif employé est celui que Bordet et Gengou ont préparé pour isoler le microbe de la coqueluche et dont ils ont indiqué la composition dans ces Annales (1906 et 1907). II ren- ferme du sang défibriné de lapin. Chose assez singulière, des milieux identiques, sauf qu'ils contiennent du sang de poule au lieu de sang de lapin, sont beaucoup moins propices à l'obten- tion du virus de la diphtérie des poules. L'examen microscopique de la culture montre qu'elle est constituée de microbes très petits, n’apparaissant souvent, aux plus forts grossissements, que comme des points, parfois un peu effilés en bâtonnets minces et courts. On trouve des formes un peu plus grosses, mais qui paraissent gonflées et anormales. Dans les cultures, les microorganismes ont une tendance remar- quable à rester associés en masses volumineuses et compactes, d’aspect zoogléique ; on voit alors des placards assez bien colorés, granuleux, dans lesquels on ne distingue pas nettement (surtout lorsqu'on colore au bleu de toluidine), les éléments microbiens, qui semblent être plongés dans une matière uninante glaireuse. Le colorant de Giemsa (1) est celui qui donne les meilleurs résul- tats et précise le plus nettement les contours microbiens; les microbes prennent également le bleu de toluidine, qui teint les amas assez violemment, mais d’une manière un peu homogène et diffuse. (1) On ajoute, avec un tube effilé, 5 gouttes de la solution de Giemsa à 2 c.c- d’eau distillée; on verse cette dilution sur la préparation, qu'on a préalablement fixée à l'alcool absolu. Il est préférable de ne pas chauffer. Après une demi-heure ou trois quarts d'heure, on lave et dessèche, )66 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Lorsqu'on ensemence un tube de gélose-sang sur toute la surface, celle-ci n’éprouve, sauf un léger noircissement, aucun changement bien visible, tant la culture est discrète; si l’on ense- mence en traînée étroite, les microbes n’occupant pas la totalité de la surface, sont relativement mieux nourris; ils forment une strie dont l’épaisseur est encore bien peu appréciable, percep- tible néanmoins quand on l’examine attentivement, et dont le ton un peu sombre se détache mieux sur les parties voisines non ensemencées de la surface nutritive. Les cultures s’entre- tiennent assez facilement, le microbe résistant bien à la conser- vation ; gardées un mois environ, elles donnent encore des ense- mencements fertiles. Le microbe est immobile; sa croissance est assez rapide; sur les milieux solides, elle atteint son maximum au bout de 2-3 jours. Nous avons pu récemment obtenir des cultures liquides en ensemençant largement du bouillon peptonisé additionné d’un demi volume environ de sérum de bœuf (chauffé à 58°) ou de sérum frais de lapin; le microbe y forme, au bout de quelques jours, des amas compacts, assez volumineux parfois pour appa- raître comme de petits grains de sable, et qui se déposent au fond du tube. En décantant le liquide surnageant et récoltant le sédiment qu’on étale sur lames, on peut obtenir des préparations riches en microbes. (PI. X.) “ Les cultures, même lorsqu'elles ont été entretenues pendant plusieurs mois au laboratoire et ont subi ainsi de nombreux repiquages, donnent la maladie. Il suffit de racler une culture sur milieu solide et de délayer dans un peu de solution physiologique ; cette émulsion, inoculée par scarification sur la muqueuse buccale provoque des lésions typiques avec cette réserve, bien entendu, qu’un nombre assez élevé d’animaux se montrent réfractaires ou ne contractent que des lésions discrètes, ce qu’on constate éga- lement d’ailleurs lorsque l’on contamine par le virus naturel qu’on obtient en broyant des plaques diphtériques. Au surplus, les animaux qui n’ont pas présenté d’accidents à la suite de l’ino- culation de la culture se montrent résistants au virus naturel ultérieurement appliqué. Un procédé très démonstratif pour mettre en évidence le rôle étiologique du microbe, consiste à passer un fil dans la nictitante de chacun des deux yeux, les fils avant été trempés, l’un dans de la solution physiologique stérile, MICROBE DE LA DIPHTÉRIE DES POULES 567 l'autre dans de la solution où l’on a émulsionné la culture. La maladie se déclare sur l’œil qui a reçu le fil infecté et respecte l’autre. Cette méthode écarte les doutes que lon pourrait concevoir en raison de la possibilité d’une contamination for- tuite des animaux d’expérience par le virus naturel, si répandu parmi les volailles. L’injection sous-cutanée d’un peu de culture n’a pe. dans nos expériences, provoqué d’acecidents. Ces constatations ont été consignées dans notre première note, mais une donnée très importante nous manquait. Pendant longtemps nous n’avons pas observé, dans les lésions elles-mêmes, une pullulation réellement active de notre parasite; il faut dire que pour des raisons d'insuffisance d’installations, nous n’avions pu opérer sur un nombre élevé d'animaux. Chose remarquable, quand on broie une nictitante atteinte de diphtérie consécutive à l’inoculation soit du virus naturel, soit du microbe cultivé, et qu’on fait des préparations colorées, l'examen au microscope donne souvent des résultats douteux, parfois même négatifs. On ne voit pas de microbes associés, pas de bactéries de dimen- sions ordinaires, nous avons fait remarquer d’ailleurs que les nictitantes malades ne sont généralement pas le siège d’infec- tions surajoutées, mais le virus spécifique lui-même est si diffi- cile à découvrir que son rôle souvent n’apparait pas avec l’évi- dence voulue. A vrai dire, le microbe est si petit, il se confond si aisément avec des granulations cellulaires, qu’il doit être réel- lement très abondant pour être identifié avec une entière certi- tude. Souvent, les particules qu’on rencontre ressemblent autant que possible au microbe, mais on hésite à affirmer leur nature parce qu’elles sont trop isolées; en bactériologie, c’est le nombre qui fait l’éloquence des os il est certain que dans les lésions, la multiplication du microbe est fréquemment assez modérée, ce qui se conçoit d’ailleurs en raison de lallure chronique de affection. Mais il y a, heureusement des cas plus aigus, et il arrive que l'examen permette des constatations beaucoup plus convain- cantes. C’est ce qui nous est arrivé en octobre dernier. Nous avions procédé à un nouvel isolement du mierobe en partant d’un cas spontané de diphtérie; une lésion d’ailleurs assez légère et qui siégeait dans la paupière, à l’angle de l'œil, contenait à l’état presque pur le virus spécifique que nous pûmes aisément extraire. 568 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Cette culture fut entretenue pendant trois mois au laboratoire sans subir de passage par les animaux. Cinq poules, sûrement indemnes de diphtérie, ainsi que l’avait démontré un examen prolongé pendant environ un mois furent, inoculées, soit dans la cavité buccale, soit dans la nicitante, d’une suspension de microbes provenant d’une culture sur gélose-sang. Trois animaux contractèrent des lésions caractéristiques, deux restèrent indem- nes (1). L’une des poules, inoculée sur la nictitante, prit après quelques jours une diphtérie oculaire typique, qui affecta une forme aiguë; il y eut occlusion de l’œil, sécrétion purulente très abondante, l'affection atteignit son maximum de gravité un mois environ après l’inoculation; elle rétrocéda ensuite lentement et la guérison s’opéra (2). Les préparations d’exsudat faites de 20 à 30 jours après la contamination, montrèrent le parasite en quantité tout à fait inusitée, vraiment extraordinaire. Dans l’exsudat de l’œil, les parasites affectent la même mor- phologie que dans les cultures, sauf qu’ils se présentent beaucoup plus rarement en amas; ils sont disséminés de préférence dans les traînées de mucus, qui se montrent ponctuées d'innombrables petits points; on trouve aussi, mais plus rarement, la forme un peu plus allongée, le bâtonnet très mince. L’ensemencement de cet exsudat sur le milieu nutritif fournit une culture presque pure du virus. Ultérieurement, à mesure que les symptômes s’amendaient, le nombre des microbes diminua progressivement. Les essais relatifs aux propriétés du sérum, ainsi que les ten- tatives d’immunisation, feront l’objet d’une note ultérieure. PS TTL EXPLICATION DE LA PLANCHE IX I. Culture âgée de 2 jours, sur gélose-sang défibriné de lapin. D’après pré- paration colorée au Giemsa. II. Même culture. D’après préparation colorée au bleu de toluidine. III, Exsudat oculaire d’une poule atteinte de lésions typhiques, 24 jours après l’inoculation de culture dans la nictitante. Bleu de toluidine. IV. Sédiment d’une culture âgée de 7 jours, en bouillon sérum de lapin. Coloration au Giemsa. Obj. immers. homog. 1/12. Leitz. Ocul. IV. (1) Ces deux animaux se sont montrés réfractaires aussi à l’inoculation par le virus naturel, pratiquée deux mois plus tard. (2) L'animal se montra ensuite à peu près complètement réfractaire à l'inocu- lation de virus naturel, celui-ci ne détermina qu’une très légère tache blanche, qui disparut rapidement et ne se reproduisit plus. Sur la migration des alcaloides dans les greffes de Solanées sur Solanées Par M. M. JAVILLIER. {Travail du Laboratoire de M. &. Bertrand.) La greffe constitue en quelque sorte l’association par juxtapo- sition de deux individus. Les deux individus associés influent-ils l’un sur l’autre et, si oui, dans quelle mesure? Leur influence réciproque résulte-t-elle simplement des con- ditions particulières de nutrition dans lesquelles ils se trouvent placés ? ou bien cette influence reconnaît-elle une cause plus pro- fonde et faut-il, avec M. Daniel (1), parler « d’hybridation asexuelle »? Ce sont là questions d’un grand intérêt au point de vue doctrinal, et qui peuvent être, suivant la réponse qu’on leur donnera, grosses de conséquence au point de vue pratique. Je n’ai pas eu, en abordant ce travail, l’intention de prendre position dans le débat. Je n’ai eu d’autre but que d'apporter sur un point particulier encore controversé — celui de la migration des alcaloïdes du sujet au greffon et réciproquement — un document chimique aussi précis que possible. Cette étude, en effet, n’est pas nouvelle. Dès 1885, Klinger, d’après une expérience que rapporte Strasburger (2), prétendait que dans la greffe de Datura Stra- monium sur Solanum tuberosum, l'atropine passe dans la pomme de terre et qu’on peut caractériser l’alcaloïde dans les tuber- cules. (1) Ann des Sc. nat. Botanique, 8° série, t. VIII, 1899. — La théorie des capacités fonclionnelles, etc. Rennes, 1902, etc. (2) Ber. d. deutsch. bot. Gesellsch., t. TIT, p. 31, 1885. 970 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Vingt ans plus tard, M. Ch. Laurent (1) arrive à une conclu- sion analogue. Ayant greffé Atropa Belladonna sur Solanum Lyco- persicum, il trouve de l’atropine dans les racines de cette dernière plante. Par contre, dans la greffe inverse (Tomate sur Belladone), il ne trouve pas d’alcaloïde dans la tomate. D’autres expériences du même auteur ont porté non sur des greffes simples, mais sur des greffes mixtes. On sait que la greffe mixte (Daniel) diffère de la greffe simple en ce que, dans la pre- mière, on laisse sur le sujet même une ou plusieurs pousses feuillées qui assurent en partie sa nutrition et que l’on pince pour éviter que, par un développement exagéré, elles ne viennent à compromettre la vie du greffon. En étudiant donc des greffes mixtes, M. Ch. Laurent constate que l’atropine passe du greffon dans le sujet, dans le cas de la greffe Belladone sur Tomate, et ne passe pas du sujet au greffon, dans le cas de la greffe inverse, Tomate sur Belladone. Pourtant l’expérience de Strasburger-Klinger ne pouvait recevoir de confirmation. Lewin (2), en 1906, ne pouvait démon- trer avec certitude l’existence de l’atropine dans des tubercules de pomme de terre provenant du greffage de Datura sur Pomme de terre. Arthur Meyer et Ernest Schmidt (3) aboutissaient, en 1907, à un résultat également négatif. ; : D’autre part des expériences de Gräfe et Linsbauer (4) sur la greffe réciproque de Nicotiana Tabacum et de N. afiinis, et même certaines des expériences relatives à la greffe réciproque de diverses espèces de Cinchona (Moens (5), Van Leersum (6) restaient sujettes à discussion. 4 De récentes expériences de Guignard (7) — bien qu’elles aient visé des substances toutes différentes, les glucosides cyanhydriques — rendaient plus utile encore la reprise de la question en ce qui concerne les alcaloïdes. « Lorsqu'une plante à glucoside cyanhydrique, concluait Guignard, est greffée sur une autre plante dépourvue de ce composé, ou inversement, (1) Ass. franc p. l avancement des Sciences. Cherbourg, 1905. — Reoue bretonne de botanique, n° 2, p. 71, 1906. — Thèse Doct. Se., Paris, 1908. (2) Cité par LINNEMUTH. Ber. d. deutsch. bot. Ges., p. 429, 1906. (2) Archiv. der Pharm., t. CGXLV, p. 329, 1907. (4) Ber. d. deutsch. bot. Ges, p- 366, 1906. (5) De kina-cultuur in Azte. Batavia, p. 275, 1882. (6) Natumkuurdig Tijdschr. van Ned. Ind., t. LIX, p. 33, 1900. (7) Ann. des Sc. nat., Botanique, 9 série, t. VII, p. 261, 1907. MIGRATION DES ALCALOÏDES 571 il n’y a aucun transport de ce glucoside, ni du greffon dans le sujet, ni du sujet dans le greffon. C’est seulement lorsque les deux espèces greflées appartiennent au même genre et produisent le même glucoside, comme dans le cas du Cotoneaster frigida et du C. microphylla, que la migration de ce corps peut être constatée.» J'ai pu exécuter les expériences qui vont suivre grâce à M. Ed. Griffon (1) qui, depuis cinq années, poursuit d'importantes recherches sur « la variation dans le greffage et l’hybridation asexuelle. » M. Griffon a remis au laboratoire, en octobre 1908 et octobre 1909, un certain nombre de greffes de Solanées sur Sola- nées dont M. G. Bertrand m’a confié l’étude. à Ce travail était déjà rédigé quand j'ai eu connaissance du nouveau mémoire de MM. A. Meyer et E. Schmidt (2) qui vient de paraître, Ces savants ont étudié les greffes suivantes : Datura Stramonium sur Solanum tuberosum; Nicotiana Tabacum sur N. affinis; Nicotiana Tabacum sur Solanum tuberosum. Il s’agit dans tous les cas de greffes simples. Ils concluent dans les trois cas à la migration des alealoïdes du greffon dans le sujet. Nous reviendrons pus loin, et en note, sur les résultats qu’ils ont obtenus. RATE Een te Mes essais ont porté sur les greffes suivantes : A. Greffes simples : [1] Belladone sur Pomme de terre. B. Greffes mixtes : [2] Tabac sur Pomme de terre. [3] Belladone sur Tomate. [4] Tomate sur Belladone. Les analyses ont eu pour but : la recherche de l’atropine dans les tubercules de Pomme de terre des greffes [1], les fruits des tomates-sujets [3] : les fruits, feuilles et tiges des tomates-greffons [4]; la recherche de la nicotine, dans les tubercules, tiges, feuilles et racines des pommes de terre [greffes 2]. | Le succès dans la recherche et la caractérisation de petites quantités d’alcaloïdes dépendant de la précision et de la sensi- bilité des méthodes d’analyse, ce sont celles-ci que J'ai d’abord (1) Bull. Soc. Bot. de France, 4° série, 1. LIV, p. 699, 1907. Idem, 1. LV, p. 397, 1908. — Idem, t. LVI, p. 203 et 612; 1909.. — O. R. de lAe. des Sc., t. CL, 7 mars, 1910. = (2) Flora oder allgemeine, bot, Zeitung, t. C, p. 317; mars 1910. 972 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR étudiées; aussi indiquerai-je en premier lieu la technique utilisée. Ea ce qui concerte la nicotine, la technique de recherche et de dosage, que nous aviors indiquée, M. G. Bertrand et moi (1), m'a paru la méthode de choix (2). Je n’en reproduis pas ici le détail et me contente de rappeler qu’elle est basée sur la précipitation de la nicotine par l'acide silicotungstique, la décomposition du silicotungstate alcaloï- dique par la magnésie est l’entrainement de l’alcaloïde par la vapeur d’eau. Le titrage se fait au moyen d’une solution titrée d’acide sulfurique en présence d’alizarine sulfoconjuguée. S’il s’agit de caractériser de petites quantités d’alcaloïde, on se basera sur l’aspect du silicotungstate qu’on peut obterir cristallisé dans des conditions convenables de dilution et d’acidité. ; En ce qui concerne l’atropine, j'ai adopté une méthode de recherche qui fait également intervenir la précipitation de l’alca- loïde à l’état de silicotungstate. Malheureusement cesel d’atropine n’est pas aussi remarquablement insoluble que le silicotungstate de nicotine (3). La technique que j'ai suivie donne néanmoins, comme je m'en suis assuré par des expériences préliminaires, des résultats satisfaisants. La matière convenablement divisée est mise à macérer dans trois fois son poids d’alcool à 950, Aprés dix à quinze jours de macération (4), on filtre, on soumet le marc à la presse; on traite deux nouvelles fois le produit par l’alcool fort. Les liqueurs alcooliques réunies sont distillées au b. m. Sous pression réduite. Le résidu de distillation filtré est franchement alca- linisé par addition en quantité convenable de solution concentrée de car- bonate de soude. On agite le tout avec un volume égal d’un mélange de chloroforme 20 parties et éther 50 parties. On décante l’éther-chloroforme et on répète deux fois encore l'extraction. La liqueur éthéro-chloroformique qui a dissous entre autres corps les alcaloïdes est agitée dans une ampoule à décantation avec 10 à 20 c. c. d’acide sulfurique normal au vingtième. (1) Bull. de la Soc. Chim. de France, 4° série, t. V, p. 241, 1909. (2) Il est clair qu'il faut adapter la méthode aux cas particuliers; dans le cas de tubercules de pomme de terre, on ne peut évidemment procéder à l’extraction de l’alcaloïde par ébullition dans l’eau chlorhydrique: l'extraction a été faite par l'alcool et c'est sur le résidu de la distillation de cet alcool qu’on a poursuivi la mise en œuvre de la technique. (3) T’acide silicotungsfique donne encore un précipité dans les solutions d’atro- pine au vingt-millième. Le même réactif permet de précipiter jusqu’au millionième de nicotine. On trouvera les données d'ordre purement chimique dans un autre mémoire (in Bull. Soc. Chim.). (4) En fait, la première macération s’est trouvée dans la plupart des essais pra- longée plusieurs mois, des travaux d’un autre ordre m’ayant obligé à interrompre ces recherches. MIGRATION DES ALCALOÏDES 973 La solution des sulfates d’alcaloïdes séparée est additionée d’acide sulfurique de façon à ce que l'acidité soit voisine de 1 0 /0, puis d’une très petite quan- tité de solution d’acide silicotungstique à 10 0 /0. I] se fait un précipité ou un louche. On abandonne le liquide à lui-même pendant au moins 48 heures, de façon à ce que le précipité se rassemble et que la liqueur surnageante soit parfaitement claire. On filtre, on lave le filtre et le précipité à l’eau acidulée. On redissout alors le précipité sur le filtre même, dans aussi peu que pos- sible d’ammoniaque à 5 07/0. La solution ammoniacale est, à plusieurs reprises, extraite au chioroforme. On a eu, d’autre part, le soin de dessécher à l’étuve le petit filtre et de le laver au chloroforme de façon à ne pas perdre d’alcaloïde, et les liqueurs chloroformiques réunies sont utilisées pour la recherche de latropine. Dans ce but on en fait au moins deux parts. L’une d’elles sert à réaliser la réaction chimique dite de Vitali, l’autre sert à l'épreuve physiologique. Pour le premier essai on évapore au bain-marie la liqueur chloroformique; sur le résidu on ajoute quelques gouttes d'acide azotique fumant; on évapore à siccité; on ajoute au résidu I ou IT gouttes d’une solution alcoolique récente de potasse. Il se fait, s’il y a de l’atropine, une coloration violette qui passe au rouge. Cette réaction de l’atropine est très sensible ; en opérant avec de l’atropine pure on la perçoit encore avec un centième de milligramme de lalcaloïde. Mais il est un point sur lequel il importe d’attirer l'attention. Lorsqu'on opère dans les coaditions décrites avec des tomates normales on obtient toujours un petit précipité par l'acide silicotungstique — je ne sais pour l'instant quelle est la subs- tance qui donne lieu à ce précipité — et la substance régénérée de sa combinaison silicotungstique fournit, par l'acide azotique, puis la potasse alcoolique, une coloration rouge. Cette coloration, que l’on obtient même avec les tomates de pieds non greffés, est très gênante, car, dans le cas de tomates provenant de greffes, elle peut masquer plus ou moins complètement la réaction cher- chée. Aussi importe-t-il de purifier les extraits chloroformiques. Malgré tout, on n’obtient jamais de résidus très purs et incolores. La deuxième épreuve est l’épreuve physiologique. Pour la réaliser, on évapore au bain-marie la liqueur chloroformique, on reprend le résidu par quelques gouttes d’eau acidulée par l'acide chlorhy- drique. On l’évapore à siccité dans le vide dans un exsiccateur renfermant de la chaux vive. On reprend par IV gouttes d’eau distillée et l’on instille la solution dans l’un des yeux d’un chien. La dilatation de la pupille donne la preuve de l’existence d’un alcaloïde mydriatique. Les extraits préparés dans les mêmes conditions avec des D74 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tomates normales sont incapables, comme je m'en suis assuré, de provoquer la moindre action mydriatique (1). Voici maintenant les résultats obtenus : I. — Greffe simple de Belladone sur Pomme de terre. La recherche de l’atropine a porté sur 850 grammes de tuber- cules. Je n’ai pas obtenu la réaction de Vitali et l'essai physio- logique a été négatif (2). Il. — Greffe mixte de tabac sur pomme de terre. La recherche de la nicotine a été faite sur 470 grammes de tubercules. La liqueur distillée était légèrement alcaline à l’ali- zarine sulfoconjuguée (alcalinité correspondant à 5 milligrammes de nicotine). Cette liqueur acidifiée par l’acide chlorhydrique louchit par addition d’acide silicotungstique; il se fait à la longue un faible précipité amorphe. Ce précipité ne saurait être identifié avec le silicotungstate de nicotine cristallin que l’on obtient dans les mêmes conditions. Il ne paraît pas possible de conclure à la présence de nicotine (3). Un autre essai a porté sur les organes aériens, tiges et feuilles, et sur les racines du sujet. Le résultat a été identique au précédent. III. — Greffe mixte de Belladone sur Tomate. Deux essais ont été faits, l’un sur 430 grammes, l’autre sur 650 grammes de tomates (fruits). Dans les deux cas la réaction de Vitali a été douteuse; les extraits fournissaient par la potasse alcoolique, après oxydation nitrique, une coloration purpurine mais non violette. La réaction physiologique a été au contraire positive, très faiblement dans le premier cas, la mydriase ne s’étant (4) J’adresse tous mes remerciements à M. A. FROUIN qui m'a apporté un obligeant concours pour l’exécution de ces essais physiologiques. (2) D’après ieur récent mémoire ci-dessus signalé, MM. ARTHUR MEYER et ERNEST ScHMiIpT ont, dans des greffes de Datura sur pomme de terre, reconnu l’atropine dans la tige du Solanum tuberosum-sujet ; ils n’ont pu la caractériser avec certitude dans les tubercules. Ils pensent que l’atropine passe de la stramoine à la pomme de terre, mais que l’alcaloïde peut atteindre, ou non, les tubercules. (3) Dans leur dernier mémoire (loc. cit.) A. MEYER et E. ScxMipT donnent les analyses de plantes greffées sinon identiques, du moins analogues à celles-ci: il s’agit de greffes simples de Tabac sur Pomme de terre : ils concluent au passage de la nico- tine; mais on me peut s'empêcher de trouver bien fragiles les preuves chimiques qu’ils fournissent en faveur de cette opinion. MIGRATION DES ALCALOÏDES 975 produite qu’au bout de trente minutes environ et de façon peu accenbtuée, mais plus nettement dans le second cas. IV. — Greffe mixte de Tomate sur Belladone. Un premier essai porte sur 500 grammes de tomates (fruits). Il est très nettement positif, aussi bien pour l'épreuve chimique que pour l’épreuve physiologique. Un deuxième essai porte sur 125 grammes de tomates pro- venant d'un autre individu. Ces fruits avaient été, avant toute manipulation, divisés et en partie desséchés dans le vide en pré- sence d'acide sulfurique si bien que le poids de 125 grammes indiqué correspond en fait à un chiffre 4 à 5 fois plus élevé de matière première. L'épreuve chimique et l'épreuve physiologique ont été ici encore très nettement positives. Un troisième essai porte sur 250 grammes de tiges et feuilles de tomates-greffons. [ci les deux réactions se sont trouvées négatives. . De ces expériences, que Je compte d’ailleurs poursuivre et faire porter sur des greffes différentes, est-on en droit de tirer quelques conclusions? D’un côté, il y a des résultats négatifs: ils signifient que dans les limites de sensibilité de la méthode, il n’a pas été possible, avec les quantités de matière première mises en œuvre, de déceler l’alcaloïde cherché. On ne saurait dire plus et affirmer qu'aucune trace d’alcaloïde n’a franchi le bourrelet de la greffe. Il y a, d’autre part, des résultats positifs: les uns le sont entièrement et ne laissent aucune place au doute; d’autres sont moins nets et n’acquièrent leur valeur que rapprochés des précédents. Ces résultats qui s'appliquent aux greffes mixtes de Tomate sur Belladone et réciproquement témoignent nettement du passage de l’alcaloïde de la belladone-sujet ou de la belladone- greffon à travers le bourrelet. Il importe de remarquer que cette migration d'alcaloide est quantitativement très faible (1) (elle se réduit à quelques milligrammes dans le cas le plus favorable) et, d'autre part, qu’elle n’est accompagnée, d’après les observations (1) Intentionnellement, je n'ai pas fourni ici de déterminations quantitatives, bien que celles-ci aient été effectuées. Je pense en effet que les chiffres obtenus sont, pour des raisons sur lesquelles je reviendrai, un peu trop élevés. 276 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de M. Griffon (1), d’aucune modification morphologique digne de remarque. Mes expériences confirment, comme on le voit, celles de M. Ch. Laurent qui, le premier, a décelé la présence d’un alcaloïde mydriatique dans les tomates provenant de greffes simples ou mixtes de Belladone sur T:mate. Mes expériences étendent d’ail- leurs et complètent celles de M. Laurent, car cet expérimentateur n'avait pu déceler l’alcaloïde dans les tomates provenant de creffles de Tomate sur Belladone et c’est précisément dans ce cas que j'obtiens les résultats les plus indiscutables. L'ensemble des faits maintenant connus laisse à penser que la migration d’une substance spécifique de l’un des individus dans l’autre dépendra: et de la substance envisagée, et des espèces associées. Sans doute il est vrai que « dans la symbiose artificielle que réalise le greffage, chacune des plantes associées conserve son chimisme propre » [L. Guignard (2)] si l’on entend par là que l’un des conjoints ne devient pas, du fait du greffage, capable de fabri- quer telle substance normalement élaborée par l’autre. Mais il faut ajouter aussi que si « certaines suhstances peuvent rester localisées dans l’un ou l’autre des conjoints », comme c’est le cas pour les glucosides cyanogénétiques, d’autres peuvent passer de l’un à l’autre, et qu’on ne saurait encore énoncer de règle géné- rale. (1) Loc. cut. (2) Loc. ext. Sur la Protéolyse de la bactéridie charbonneuse par ÉL:oNoRA LAZARUS (Travail du Laboratoire de M. G. Malfitano.) J’ai entrepris l'étude des échanges et des modifications qui, dans les cultures de bactéridie charbonneuse, ont lieu réciproquement entre les cellules et le milieu, en vue surtout de comprendre le phénomène de protéolyse. Je vais rappeler briè- vement les recherches qui ont précédé les miennes sur la même question. On sait que le bacillus anthracis cultivé sur gélatine-peptone liquéfie la gélatine du milieu ; il produit donc une diastase protéo- lytique, la protéase charbonneuse. Hd M. Malfitano (1) a montré que les protéases microbiennes n’ont pas nécessairement de fonction dans l'alimentation de la cellule et qu’elles jouent surtout leur rôle en modifiant le proto- plasma. Les phénomènes de dégénérescence des microbes (bactériolyse) (2) sont l’œuvre de ces diastases; en effet, que lon chauffe rapidement à 65° une émulsion de bactéridies dans de l’eau distillée, alors, la protéase étant thermolabile, la bac- tériolyse n’a plus lieu; elle réapparait si l’on ajoute le liquide filtré, où d’autres bactéridies se sont autolysées. Du fait que ces protéases liquéfient rapidement la gélatine, tandis que leur activité sur les albumines est peu appréciable, on avait conclu qu’elles étaient des gélatinases. Or, M. Malfi- tano (3) a montré que cette spécificité n’est pas réelle, car le blanc d’œuf est lui aussi digéré aisément, lorsqu'on l’a débarrassé autant que possible des sels insolubles qu’il contient. Il à vu (1) G. MALFITANO, La protéase de l Aspergillus niger, An. de l’Inst. Pasteur, 1900. (2) La bactériolyse de la bactéridie charbonneuse. (C.*R. de l’Académie ” des sciences, t. CXX XI.) (3) Sur le pouvoir albuminolytique de la protéase ‘charbonneuse. (C.RA Société de Biologie, t: LV, p: 841, 1903.) 37 D 78 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR encore que la protéase charbonneuse se comporte comme un mélange de kinase avec très peu de suc pancréatique (1), celui-ci aussi liquéfie la gélatine plus activement qu’il ne dissout le blane d'œuf coagulé. De plus, filtrée au travers des membranes en collodion (2), la protéase perd toute son activité, il en est de même pour les mélanges de kinase avec peu de suc pancréatique; tandis que les filtrats de mélanges riches en suc pancréatique sont encore actifs après filtration. Ensuite MM. Malfitano et Strada (3) ont successi- vement étudié comment l’activité de la protéase se modifie dans les cultures avec l’âge et en faisant changer les conditions d’aé- ration. I. — Méthode (4). Je vais d’abord décrire la méthode qui a servi dans toutes ces recherches à apprécier l’activité pro- téolytique soit dans les émulsions de microbes, soit dans les cultures. Des tubes calibrés, de 2 millimètres de diamètre, gradués en millimètres, sont stérilisés (1) Sur le pouvoir gélatinolytique et albuminolytique des mélanges de protéase charbonneuse et de suc pancréatique. (OC. R. Soc. Biol., t. LV, p. 964.) (2) Sur l'influence des sels intimem ents liés aux albuminoïdes et aux matières diastasiques dans la protéolyse. (CO. R. Académie des sciences, t. CXLI.) (3) G. MALFITANO et STRADA, Évaluation du pouvoir protéolytique des bacté- ridies du charbon (C. R. Société de Biologie, t. LiVII, 1905, p. 118): Des variations dans l’activité protéolytique des bactéridies avec l’âge des cultures (C. R. Soc. Biol., t. LVIT, p. 195); Influence de l’aération des cultures sur le pouvoir protéolytique (0. R. Soc. Biol., t. LVII, p. 197); Des influences qui peuvent faire varier le pouvoir protéolytique de liquides en contact avec des bactéridies de charbon. (C. R. Soc. Biol., t2LVII, p: 120.) (4) G. MALFITANO, Tubes de Mett d’albumine et de gélatine. gradués et stériles. (0. R. Société de Biologie, t. LVI, 1904, p. 33.) Frs en AE PROTÉOLYSE DE LA BACTÉRIDIE 579 dans des tubes à essai obturés au moyen d’un tampon d’ouate, et étant eux aussi bouchés à l’orifice extérieur (fig. A). Ils sont remplis aseptiquement de gélatine à 20 07/0, légèrement colorée et neutralisée; on aspire, pour cela, au moyen d’un tube en caoutchouc fixé à l'extrémité supérieure du petit tube et l’on ferme avec une pince, lorsque la gélatine est montée à la hauteur voulue. Les petits tubes étant ainsi remplis, on les remet dans leurs éprouvettes et l’on s’arrange de manière qu’ils touchent au fond, et qu'une goutte de gélatine, qu’on a laissé tomber, empêche le cylindre de former, après refroidis- sement, un ménisque concave (fig. B). La solidification étant complète, on transporte le petit tube ainsi préparé dans une éprouvette pareille contenant le liquide diastasique à étudier. Le pouvoir protéolytique se manifeste par la dissolution de bas en haut du cylindre de gélatine, et peut-être exprimé par le nombre de millimètres dissous après un temps donné (fig. C). Il, — Jnconstance du pouvoir protéolytique (1). La méthode décrite’ précédemment permet une appréciation assez exacte du pouvoir protéolytique, car j’ai pu m'assurer qu'en distribuant la même culture dans plusieurs tubes, sans plus de précautions d’ailleurs, la quantité de gélatine dissoute est la même dans tous les tubes, à une fraction de millimètre près. On sait que le pouvoir protéolytique est variable dans les différentes races de bactéridies; on peut d’abord constater cela par l’aspect de leurs cultures sur gélatine; et la méthode indiquée nous permet de mesurer ces variations. Mais il fallait s'assurer jusqu’à quel point on trouve des chiffres constants, lorsqu'on mesure l’activité protéolytique de plusieurs cultures issues de la même cellule et en tout comparables. Pour cela j'ai préparé des séries de tubes contenant la même quantité d’un milieu donné, que j'ai ensemencé avec une colonie isolée sur gélose. Après développement, ces cultures servaient à l’essai protéolytique. Bien que toutes précautions eussent été (1) E. Lazarus, Sur l’inconstance du pouvoir protéolytique de la bactéridie de Davaine. (C, R, Société de Biologie, t. LXVI, p. 823.) J 580 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR prises pour que ces cultures fussent en tous points compa- rables, les chiffres de la protéolyse n'étaient pas toujours cons- tants. Dans certains cas, et je crois toutes les fois qu’on a à faire à des microbes fraichement isolés, cette inconstance devient tout à fait frappante, ainsi qu’on le constate dans l’expérience suivante. Expérience I. — On ensemence 5 tubes contenant chacun 5 €. c. du même bouillon, avec une colonie isolée sur gélose, provenant de sang charbonneux. Au bout de trois jours, dans ces cultures où le développement est parfaite- ment comparable, on ajoute quelques gouttes de toluol et l’on plonge des tubes de gélatine. Les résultats après quatre jours sont : mm. 0 0,5 8 2 425 Quel que soit l’âge ou l’abondance du développement, la nature du milieu, ou la race de la bactéridie, et malgré tous les soins dans l’expérimentation, il est rare qu’on obtienne des cultures qui liquéfient la gélatine avec une rapidité parfaitement comparable. Il est vrai cependant que lorsqu'une bactéridie est adaptée à un certain milieu, ces différences deviennent moins accentuées. Voici un exemple : Expérience II. — Une race fraîchement isolée a donné, dans quatre cul- tures pareilles, les chiffres suivants : mm. 11% 125 k 6 ce qui fait une variation de 1 à 10 environ. La même race, après avoir été entretenue pendant quelques mois dans une solution de peptone, a donné dans quatre cultures, toutes choses égales : mm. LA 0 A 7 La variation était donc réduite de 1 à 2 environ. J'ai multiplié les essais pour m’assurer qu’il n’y avait pas de causes d’erreur provenant de la qualité du verre, des impu- retés éventuelles des milieux, ou d'aération défectueuse pendant le développement. Je me suis demandé aussi si l’activité protéo- lytique des cellules issues des spores n’était pas différente de cellules issues des formes végétatives, de sorte que chaque culture serait ainsi un mélange en proportions variables de cellules douées de propriétés différentes. Dans le but d’avoir à ce point de vue des cultures homogènes, j’ai ensemencé d’une part des microbes chauffés à 709-809, ou laissés en contact avee du chloroforme, et d’autre part, du sang d’un animal charbonneux, PROTÉOLYSE DE LA BACTÉRIDIE 581 qui ne contient que des bâtonnets sans spores. Dans toutes ces cultures, l'activité protéolytique était inconstante. Les faits du même ordre que ceux que je viens d’exposer, ont été déjà observés à propos de la virulence (1) et de la résis- tance des spores au chauffage (2) ; ceci paraît indiquer que, même chez les êtres les plus simples, placés dans des conditions autant que possible égales, il se manifeste des différences indivi- duelles. = Une conclusion s'impose, à savoir que l'être vivant n’est pas directement dépendant du milieu. Il faut, dans l’expérimenta- tion, tenir constamment compte de ces différences individuelles, et ne considérer comme valables que les résultats d’un nombre assez grand d'expériences. Dans la suite j’indiquerai la protéolyse par la moyenne des chiffres obtenus sur un certain nombre de cultures. III. — /nfluence de la réaction des milieux sur le développement (3). La méthode étant ainsi établie, j'ai recherché l'influence de la réaction des milieux, d’abord sur le développement, et ensuite sur la protéolyse. Il est généralement admis que ce sont les milieux alecalins qui conviennent au développement de la bactéridie, mais l’on n’a pas encore, à ma connaissance, précisé quelles sont les limites de réaction entre lesquelles la végétation du microbe est possible. Prenons des tubes contenant des volumes exactement mesurés d’un milieu nutritif; déterminons les quantités de solu- tions titrées d’acides et de bases nécessaires pour atteindre le virage aux différents indicateurs colorés. La présence de phos- phates, qui paraissent d’ailleurs indispensables dans ces milieux, détermine des conditions telles, qu'il faut ajouter des quantités différentes de solutions titrées, pour passer de la neutralité au tournesol à celle à la phénolphtaléine d’une part et à celle au méthyl-orange d’autre part. Je me suis limité à envisager les (1) ARLOING, Remarques sur la perte de la virulence dans les cultures. (0. R. Acad. Sc., t. CX, p. 939.) (2) MONTELLA, Bolletino Societé ao Lancissiana di Roma. 12. X XII, fasc. 2. (3) E. Lazarus, Sur la réaction des milieux pour la bactéridie de Davaine. (C. R- Société de Biologie, t. LXV, p. 730.) 582 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR modifications qui se produisent par addition de NaOH et HSPO%, et à l'emploi des trois indicateurs susmentionnés. Je rappellerai que le méthylorange ne vire au rouge qu’en présence d’acide libre, H#PO#; le tournesol avec le phosphate monosodique, NaH?PO4 vire au rouge, et au bleu avec le phos- phate disodique Na&?H PO#; de sorte que la neutralité avec cet indicateur est atteinte, lorsque la liqueur contient un mélange en parties égales de NaH,PO, et Na,HPO,; enfin, ce n’est que lorsqu'on a ajouté à la liqueur, la quantité de NaOH néces- saire pour former le phosphate trisodique, Na&POA, que la phénolphtaléine rougit, en réalité ce sel étant hydrolysé, c’est Na OH libre qui est alors présent. J’ai eu soin d'ajouter aseptiquement les solutions titrées aux milieux nutritifs, les unes et les autres stérilisés au préalable. Le degré de réaction peut, en effet, changer pendant le chauffage, tandis que, après un séjour prolongé à 37° environ, je m’en suis assuré, il n’y avait pas de changements sensibles. Il est done possible de préparer, pour un milieu quelconque, des séries dont chaque terme possède une réaction connue, à savoir, il contient une quantité déterminée d’équivalents NaOH ou H$PO, à partir des virages aux différents indica- teurs. J'ai expérimenté sur douze races de bactéridies de prove- nances différentes, et J'ai employé, comme milieux nutritifs, des solutions de peptones Defresne et Witte, et le milieu de Frænkel, qui ne contient pas d’albuminoïdes. Ce milieu est une solution contenant, dans 100 grammes d’eau, 0,5 gr. de NacCl, 0,2 gr. de K?HPO%, 0,6 gr. de lactate d’ammoniaque et 0,4 gr. d’asparagine. J’ai réussi seulement avec quelques-unes des races dont je disposais, à obtenir des cultures satisfaisantes en ce milieu. Expérience I. — Soit une solution de peptone Defresne à 2 0/0; le tour - nesol y vire au rouge, et pour atteindre la coloration violette il faut ajouter 0,2 c. c. 0/0 de NaOH normal et 2 €. c. 0 /0 environ, pour faire rougir la phénolphtaléiïne. Dans le tableau suivant, j’ai indiqué par le nombre de croix le développement et son intensité pour les douze races étudiées dans des milieux dont la réaction est exprimée en quantité de PROTÉOLYSE DE LA BACTÉRIDIE 5 liqueurs titrées, NaOH normal et H3PO# moléculaire, et par l'effet sur les indicateurs. Les lettres indiquent les différentes races de la bactéridie que j'ai eu à ma disposition : a est une cul- ture isolée du sang d’une vache charbonneuse; b d’un cheval: c de sang conservé pendant plusieurs années à l’état desséché: d est une vieille culture entretenue à l’Institut depuis le temps de Pasteur; e une race cultivée depuis plusieurs années au laboratoire; f est isolée du sang d’un mouton charbonneux; g une culture reçue de Vaiano; k de Lovato (Italie) et p une cul- ture provenant de sang charbonneux d’un animal apporté aux halles de Paris. k PHÉNOLPHTALÉINE TOURNESOL EL — ALCALIN NEUTRE | ACIDE NEUTRE ACIDE RACES 1 nd E>' ES 8ce. 6 c.c. 2 c.c. [0,5 c.c. [0,2 c.c. 02Fe-c-ll0/3%c:c- |0;5c:ce 0/0 0/0 0/0 0/0 0/) 00 0/0 0/0 0/0 NaOH | NaOH | NaOH | NaOH | NaOH , H; PO;|H; PO; |H;3PO, N N N N N M M M PART CR TE ROSE EE LE ARS ICT DR: Be + [+++ HET ++ CRT IT ee roro ess + | ++ URSS NAS RAS “4 Or mi ste + + RATE Ë . 2 + LE ARE HR nes — + = + CRPRRT TRES Fese || dose 2e RER Eee ee oi me men m0 D mL RO 0e PORC Jose 11 Ses SEE | ses Bac. anthra- coïdes ...... + nn lors || Ses Se Aer vaccin..... + + + e 2e vaccin... ... + + ++ | + : On voit que les douze races étudiées se développent encore dans les solutions de peptone Defresne auxquelles on a ajouté 6 ce. c. 0/0 de NaOH normal. C’est dire que le microbe s’accom- mode bien de 08r,16 à 08r,24 environ 0 /0 de NaOH libre. Dans la même solution de peptone Defresne, dont l'acidité correspond à 2 €. ec. de NaH?2PO* moléculaire dixième 0/0, 8 des races étudiées et parmi celles-ci les deux vaccins pastoriens et une culture virulente qui a servi à Pasteur, ne se développent plus. 84 ANNALES DE L'INSTITUT PRSTEUR Expérience 11. — La peptone Witte que j'ai employée est déjà alca- line au tournesol. 100 c. c. de la solution à 2 0/0 exigent 7 c. c. NaOH normal décime pour faire virer la phénolphtaléïne, et elle devient neutre au tournesol par l’addition de #4 €. c. 0 /0 et neutre au méthylorange par 21 c. c. 0/0 H‘PO* moléculaire décime. J’ai ensemencé dans des solutions de peptone Witte les races les plus alcalinophiles et j’ai vu que le dévelop- pement s'arrête lorsque le milieu contient 3 c. €. 0/0 de NaOH normal au delà du virage à la phénolphtaleïne, c’est-à-dire seulement 0,1% gr. de NaOH libre. L'on voit que dans le cas de la peptone Witte, le microbe s’accommode moins bien de l’alcalinité. Ces cultures sont d’ailleurs discrètes, et ce n’est qu’en ‘acidifiant la peptone que le développement devient très abondant. Tandis que, lorsqu'on a affaire à la peptone Defresne, déjà à une légère acidité au tournesol, le développement est précaire, dans les solutions de peptone Witte l’on peut ajouter jusqu'à 2,5 c. c. 0/0 H#PO“ moléculaire au delà de la neutralité au tournesol, ce qui rend le milieu sensiblement acide au méthylorange, et la bactéridie peut encore se développer, comme on le voit dans le tableau suivant : PHÉNOLPHTALÉINE TOURNESOL METIYLORANGE a — a al EE © © — ———— ALCALIN NEUTRE ACIDE NEUTRE AGIDE NEUTRE ACIDE Ï 4,6 c.c.12,6 c.c.|1.9 c c.|0,5 c.c. 0.4 c.c. | 0,8 c.c. 12,1 c.c.|2,8 c.c 0/0 0/0 0/0 0/0 00 0/0 0/0 0,0 0/0 NaOH | NaOH | NaOH | NaOH ù H,PO,; | H,PO,'|H,PO, |H,PO, N N N N M M M CHÉRERE : à D Lo et D me m0) à mm men M TRUE ETES 1 + 4H ++ HET ++ Expérience T11.— Le milieu Frankel qui contient, en plus des matières neutres, du phosphate bipotassique, est naturellement alcalin au tournesol et neutre à la phénolphtaléine. La bactéridie (race a) que j’ai ensemencée dans ce milieu, se développe lentement, il est vrai, mais abondamment. Dans une série de cultures où la gamme des réactions était pareille à celle des cas précédents, j'ai pu constater que le développement reste limité aux milieux alcalins au tournesol et neutre à la phénolphtaléine; elle ne se développe déjà plus à la neutralité au tournesol; cependant après l’avoir entretenu pendant plusieurs mois dans ce milieu, cetterace paraissait légè- rement modifiée (race a’) car elle se développait plus abondamment et plus rapidement, et s’'accommodait de milieux plus acides, même jusqu’à une légère acidité au tournesol. PHÉNOLPHTALÉINE TOURNESOL RACGES = TT — Re nt A — ALCA LIN NEUTRE | ACIDE ALCALIN NEUTRE | ACIDE Hécotancodoaseeur EEE | apaear | ere (APS EE ne RS Sec | SESpcr | Sesear | SES SEE PROTÉOLYSE DE LA BACTÉRIDIE 585 Toutes les races étudiées se développent, il est vrai, lorsque dans ces milieux la réaction est alcaline, non seulement au tour- nesol, mais aussi à la phénolphtaléine, mais J'ai pu constater qu'il y a des conditions où la réaction, nettement acide au tour- nesol, est plus favorable à la multiplication de ce microbe. Les limites de réaction entre lesquelles la bactéridie se déve- loppe varient, comme il fallait s’y attendre, selon la race, mais, et ceci me paraît plus remarquable, la réaction étant égale, le même microbe marque des différences très sensibles, s’il s’agit d’une solution nutritive ou d’une autre. Pour rendre plus frappante la comparaison, j'ai préparé, avec ces trois milieux, des séries où la réaction était comparable vis-à-vis des trois indicateurs, à savoir que pour chacun d’eux il y avait des termes qui devaient contenir le même nombre d'ions H et OH. Je rappellerai que la réaction neutre est le fait de la présence en nombre égal des ions Het OH, ce qui correspond approxi- mativement à la neutralité au tournesol; lorsque les ions H * prédominent tant soit peu, cet indicateur vire au rouge; il faut un nombre plus grand de ces ions H ‘pour atteindre le virage au méthylorange. Inversement, le tournesol vire au bleu dès que les ions OH deviennent plus nombreux, et il en faut davantage pour faire rougir la phénolphtaléine. Expérience. — Dans le tableau suivant j’ai désigné par le signe 8 la réaction neutre au tournesol avec les chiffres à gauche, les c. c. de NaOH nor- mal 0 /0 au delà de la neutralité à la phénolphtaléine, et avec les chiffres à droite les c. e. de H$PO* moléculaire en plus de la neutralité au tournesol; le dernier terme représente une légère acidité au méthylorange. L’inten- sité du développement est exprimé par le nombre de petites croix. NATURE DU MILIEU Solution de pep- tone Defresne nn mn Des Solut. de peptone| Witte 2 0/0... ES +++ HE +EI++ Hi +++ +)+ Milieu Frænkel .. +++ Il est bien entendu que les quantités d’acide ou de base 586 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ajoutées à ces milieux étaient toujours au-dessous de celles qui peuvent agir comme antiseptique; en effet J’ai vu que dans les milieux extrêmes, où le développement était absolument empêché, existaient des cellules vivantes, qui se développaient une fois transportées dans des bouillons ordinaires. Il apparaît ainsi avec toute évidence, que loptimum, ainsi que les limites du développement, varient non seulement avec la race, mais encore avec la qualité de la matière alimentaire du milieu. IV. — Influence de la réaction sur la protéolyse (1). Je vais maintenant examiner comment varie, selon la réac- tion, la faculté protéolytique des cultures. Il faut, dans ce cas, envisager deux côtés de la question, la réaction optima de formation de la protéase, et celle qui, la diastase étant formée, est plus favorable à son action sur les albuminoïdes. On sait que la protéase charbonneuse agit le mieux lorsque la réaction est entre la neutralité du tournesol et celle à la phé- nolphtaléine. Mais dans les cultures, probablement à cause de la présence d’albuminoïdes, on a un véritable plateau, qui va de l’alcalinité franche à la phénolphtaléine, à l’acidité nette au tournesol. Expérience. — On'distribue dans une série de tubes, une culture en solu- tion de peptone Defresne à 2 0 /0 et une culture en solution peptone Witte à 2 0/0. On ajoute dans les trois séries des quantités de NaOH et H$PO“ nécessaires pour obtenir les virages aux trois indicateurs employés. Le pou- voir protéolytique exprimé en millimètres est évalué après 7 jours de digese tion. PHÉNOLPHTALÉINE | TOURNESOL MÉTHYLORANGE CULTURES : D = ALCALIN | NEUTRE ACIDE | NEUTRE ACIDE ‘ALCALIN | NEUTRE | ACIDE Peptone Defresne.. 14 17 sul 15,9 1047 15,5 15 Peptone Witte ...… 3 3 3 3,5 2) 3,9 3,9 Q (1) E. Lazarus, Influence de la réaction des milieux sur le développement et l’activité protéolytique de la bactéridie de Davaine. (0. R, Académie des sciences, 17 août 1909.) PROTÉOLYSE DE LA BACTÉRIDIE 587 Je dois encore faire remarquer que ce ne sont pas les cultures les plus abondantes qui sont les plus protéolytiques; le pouvoir protéolytique d’une culture ne paraît pas lié au nombre de microbes qu'elle a nourris, mais bien plutôt à leur qualité. Ceci prouve que les différences que je vais prendre en considé- ration, correspondent à lexaltation ou à l’atténuation de la faculté protéolytique de la diastase dans les cultures. Expérience 1. — Des Séries de neuf tubes des trois milieux étudiés , savoir : solution de peptone Defresne à 2 0/0, solution de peptone Witte à 2 0/0 et milieu Frænkel, ont été additionnés respectivement de H*PO" ou NaOH, de façon à obtenir, dans chaque série, les termes de réaction cor- respondant à l’acidité, la neutralité et l’alcalinité au méthylorange, au tour nesol et à la phénolphtaléine. Chaque série comprend cinq tubes pareils, ensemencés avec une même culture de bactéridie. Les chiffres suivants sont des moyennes de digestion après 2 Jours. PHÉNOLPHTALÉINE TOURNESOL MÉTHYLORANGE MILIEU pe À D TE DE CULTURE ALCALIN NEUTRE | ACIDE | ALCALIN|NEUTRE | ACIDE | ALCALIN | NEUTRE | ACIDE Solution de peptone Defresne #2... £ PE M 1 Se CAN) 2,9 2,6 | 2,8 Solution de peptone Wait rare 0,1 | 0,16 | 0,05 | 1,8 | 2 Milieu Frænkel.... 034214 0,31 On attribue à chaque diastase une seule réaction optima, et, dans ces expériences, J’ai constaté que l’activité protéoly- tique est tantôt plus manifeste dans des cultures en milieu acide, et tantôt dans celles où la réaction est alcaline. C’est ainsi qu’en solution de peptone Witte les cultures manifestent le mieux l’activité protéolytique dans les milieux neutres et acides au tournesol, dans les solutions de peptone Defresne le pouvoir protéolytique le plus intense se trouve au voisinage de la neu- tralité ou tournesol, et dans le milieu Frænkel, l’optimum de la protéolyse se place à la réaction alcaline au tournesol et acide à la phénolphtaléine. Il est bien entendu que la réaction des milieux n’est pas la même après le développement du microbe, mais ces changements dans les cultures jeunes ne sont pas tels que l’ordre choisi ne 588 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR soit plus valable, les milieux acides titrés de nouveau sont moins acides, les neutres sont légèrement alcalins, et c’est tout. Les conditions réalisées dans ces expériences permettent donc d'affirmer qu'un microbe, se trouvant en présence d’une quantité déterminée d'ions HŸ* ou OH, peut se développer ou rester en vie latente, produire plus ou moins de protéase, selon la nature des matières nutritives présentes. V.— Adaptation à des conditions d’alcalinité et d’acidité croissantes. Après avoir établi les limites de réaction dans lesquelles une race de bactéridie peut se développer, j'ai essayé, en l’ensemen- çant dans des milieux progressivement plus acides ou plus alca- lins, de l’adapter à pousser lorsque la réaction était au delà de ces limites. Il fallait voir, si la bactéridie avait été ainsi modi- fiée d’une façon définitive, et si par conséquent l’optimum soit du développement, soit de l’activité protéolytique se trouvait déplacé vers l’une ou l’autre de ces réactions. Expérience. — 15 séries de 10 tubes contenant 5 c. c. de solution de peptone Defresne à 2 0/0 de solution de peptone Witte à 2 0/0 et de milieu Frænkel ont été additionnés de H#PO“, et respectivement de NaOH; de manière à avoir toute la gamme des réactions. On a ensemencé 5 séries avec la bactéridie charbonneuse, qui depuis plusieurs mois était habituée à se développer en solution de peptone Witte acidifiée (race acide), 5 séries avec celle qui a été habituée à l’alcalinité (race alcaline) et 5 séries avec la bactéridie normale. Dans les tableaux suivants, les croix par leur nombre indiquent linten- sité du développement; les chiffres, la moyenne du pouvoir protéolytique après 48 heures de digestion. Solution peptone Defresne. PHÉNOLPHTALIINE TOURNESOL MÉTHYLORANGE R A C E S pr - FT —— EG TE COR... OS Re ALCALIN| NEUTRE | ACIDE ALCALIN| NEUTRE | ACIDE ALCALIN|INEUTRE|ACIDE Race normalesrn ect] EE RER IEEE EEE EE al er 24001025 9029 2,6 |:-2,8 Race acide... ++ ++ ++ ++ 1,3 17 1 2,1 ———— | | ————— | ——— | ————_—_— | —— | ——— Race alcaline.| ++ | ++ | ++ LE +H+4 ++ | ++ 0,1 1 1,1 1,6 2 PROTÉOLYSE DE LA BACTÉRIDIE D89 Solution peptone Witte. 0 PHÉNOLPHTALÉÈINE TOURNESOL MÉTHYLORANGE EE — EE, Lzes z u Z #4 & RACES Sa 23| 2) € à = Ë Ê 2 ë | & S0%z| 9 | 2 < 5 sl < = 2 |< 6Zgal < £ £ d à 4 LE (+) Je] Race normale. dent a AN) TL RU SL EU QUaU LL DA D LAS 431-609 6 nace acide. + derriere ne Er : 0,45"|10,45 | 0,25 | 2 0,95 Racealeulme.| + (etleetdeil dr terilreneins cle Da) 0,95 0,8 0,6 Milieu Fræœnkel. PHÉNOLPHTALÉINE TOURNESOL MÉTHYLORANGE Te = Ras ee - = . RACES = Ê a : Ë a (A a 8 2 Ë à 2 É £ 2 Ë ê (&} 2 a] Q 2 © (e] =] O = pl < = | < n re] < < Z < Z < Z Race normale. | ++ | +++ |H+4t] ++ SN EATSE 125 | 1 1,85 | 1.15 0,8 Race acide Er MERE Et is 1 224 | 25 | 23 Roceiealiee ES RER EE 0,15 | 0,95 | 0,34 | 8 |5,18 On voit que les résultats obtenus sont tout à fait imprévus. Après des passages successifs dans des solutions de peptone Witte de plus en plus acides, la bactéridie pouvait se développer à la réaction nettement acide au méthylorange, c’est-à-dire en présence d’acide libre. Or cette race ainsi modifiée s’accommodait aussi bien des milieux très alcalins, et tels, que la race dont on est parti ne s’y développait pas. L’optimum de la protéolyse, com- parativement à celui de la race primitive s’était déplacé vers Palcalinité. En plus, si l’on ensemençait cette culture dans les deux autres milieux, ce microbe revenait peu à peu aux mêmes limites qu'avant l’adaptation. D'une manière pour ainsi dire symétrique, la race adaptée à se développer dans des milieux alcalins, avait acquis en même temps la faculté de se développer dans les milieux plus acides : loptimum du développement et du pouvoir protéolytique restait presque inaltéré à la neutralité au tournesol. 90 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Ces faits me paraissent avoir la même signification générale que ceux que j'ai exposés précédemment, à savoir que l'influence de la réaction sur le développement, ainsi que sur l’activité protéoly- tique est surtout liée à la nature de la matière alimentaire. Il y a lieu de penser que les variations de la réaction affectent différemment l’état dans lequel ces matières alimentaires se trou- vent en solution dans les milieux. VI. — Influence de la concentration (1). Nous avons pensé, M. Malfitano et moi, que l’état de disso- ciation de la matière alimentaire, et surtout la concentration des milieux, devait jouer un rôle dans l’assimilation. En effet, nous avons vu qu'il suffit de cultiver le microbe dans la même quantité de peptone dissoute dans des volumes différents d’eau, pour amener des changements dans le développement et dans le pouvoir protéolytique de la bactéridie. Voici les faits observés : Les cultures des bactéridies charbonneuses dans des solutions de peptone différemment concentrées, sont d'autant plus riches que la concentration est plus grande; cependant le pouvoir pro- téolytique des liquides, séparés des corps microbiens, diminue avec la concentration en peptone. F? Expérience I. — On prend une solution de 5 grammes de peptone Defresne dans 100 c. c. d’eau et l’on prépare des liquides de dilutions crois- santes; 20 c. c. de chacun de ces milieux, stérilisés dans des boîtes Roux, sont ensemencés avec une culture de 10 à 24 heures. Après 3 ou 4 jours à 360 on récolte les cultures et on sépare par centrifugation les corps micro- biens. Les liquides diastasifères, décantés et additionnés de quelques wouttes de toluol, servent à apprécier le pouvoir protéolytique. Les corps microbiens chauffés à 1109-1150, recueillis sur des filtres tarés, sont pesés après dessiccation à poids constant. Exemple : Concentration en peptone pour 100 €. c..... 6] 2 il 0,5 | 0,2 Poids des corps microbiens en mgr.......,. A5 5 IBAUES Sn ES) 0,5 Pouvoirsprotéol\hique en mme. .°""2"C"01,".7 1 11541885 21N6,1 87 (1) G. MaLrITANO ET E. LAZARUS, Influence” de la concentration en peptone des milieux sur le pouvoirfprotéolytique de la bactéridie charbonneuse. (0. R. Soc. de Biologie, t. LXIIT, p. 761.) PROTÉOLYSE DE LA BACTÉRIDIE 591 Expérience II. — 100 c. c. de solution de peptone en tout pareille aux précédentes, additionnés de 6 gr. de gélose, stérilisés dans des boîtes Roux, étaient ensemencés! en surface avec une émulsion de corps micro- biens, de manière à obtenir le développement en couche uniforme. Ces cul- tures, âgées d’un jour, étaient raclées dans l’eau distillée stérile. Les émul- sions ainsi préparées étaient employées comme précédemment les cultures. Concentration en peptone dans 100 ce. c..... Hi] 2 1 0, Poids des corps microbiens en mgr........ 129 d6 39 27 Pouvoir protéolytique en mm.....,......,.. ) 9 141559 15,5 Toutes les races de bactéridies que j'ai étudiées se comportent de même, et l’on arrive à ce résultat, qui paraît au premier abord paradoxal, que ce sont les cultures les moins riches qui sont le plus protéolytiques. Il fallait s’assurer que ces résultats fussent exclusivement dus à la concentration du milieu, à savoir premièrement si l’abon- dance des corps microbiens ne changeait pas les conditions d'aération, car nous savons que, dans les cultures insuffisam- ment aérées, le pouvoir protéolytique est faible. Cette suppo- sition, comme on le voit par l’expérience suivante, doit être rejetée. Expérience III. — Cultures en boîtes Roux, dont une série est laissée dans des conditions ordinaires, et une autre série est soumise, pendant la culture, à un barbotage d’air. AÉRÉ Hire AÉRÉ | non aËER EE, RQ Concentration en peptone dans 100 c.c. 6] 0,5 Poids des corps microbiens en mgr..... 2,9 1,5 1 1,5 Pouvoir protéolytique en mm..... Abe 2,5 D) 8 4,5 On pouvait encore objecter, que dans les solutions de pep- tone plus concentrées, la bactéridie ne sécrète pas les matières qui sont actives dans la protéolyse, ou encore, que l4 peptone, ou les produits élaborés par les microbes, exercent une influence défavorable sur le pouvoir protéolytique dans les conditions de nos mesures. En diluant avec de l’eau stérilisée lescultures dans la solution à » 0/0, et inversement en concentrant dans le vide, à la 292 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR température du laboratoire, les cultures dans la sol. à 0,5 0/0, on obtient les résultats suivants : AVANT | APRÈS AVANT APRÈS DILUTION | DILUTION !EVAPORATION | EVAPORATION —— ——— © Concentration en peptone p. 400 ... 5) 0,5 Pouvoir protéolytique en mm....... | Ds) | 125 | 8 7 D'autre part, les corps microbiens d’une culture à 5 0/0, séparés par centrifugation et émulsionnés dans une solution de peptone 0,5 0/0, ne lui conféraient pas de pouvoir protéolytique appréciable, tandis que, dans les mêmes conditions, les corps microbiens ayant poussés en solution diluée, fournissent encore un liquide actif. | D’autres peptones, telles que la peptone Chopoteaut suivent la même règle. Dans la peptone Witte à réaction alcaline, les différences ne sont pas marquées, mais lorsqu'on s'adresse à des solutions acidifiées, c’est nettement dans les cultures en milieux dilués et peu abondantes que la faculté protéolytique est plus active. Expérience. — Dans le tableau suivant la protéolyse est exprimée en millimètres après 3 jours de digestion. MILIEU 7 0/0 0,7 0/0 Solution peptone Witte alcaline...................... 0 0,43 Solution peptoneaW ILE ACIDE PEER ee cree re 0 5, Le milieu Frænkel fait exception à cette règle, car, à des concentrations variant de 1 à 10, le pouvoir protéolytique ne paraissait pas être influencé. Cette exception même est signifi- cative, car ce milieu n’étant pas colloïdal, l'effet de changement de la concentration n’est pas semblable à ceux qui ont lieu dans les solutions de peptone. Que des changements soient amenés par la dilution dans les solutions de peptone, il n’y a aucun doute, ceux-ci peuvent être même perçus à l'œil. La peptone Witte, par exemple, se trouble fortement quand on la dilue, il est vraisemblable que, par la formation de ce précipité, la com- PROTÉOLYSE DE LA BACTÉRIDIE 293 position soit altérée, et l’on est autorisé à admettre que la cellule vivante soit plus sensible que tous les autres moyens dont nous disposons. VII. — Conclusions. Les résultats de ces expériences peuvent se résumer ainsi : 19 La fonction protéolytique du microbe n’est pas, aussi strictement qu’on pourrait le croire, dépendante des conditions de milieu. Les faits de l’inconstance du pouvoir protéolytique, dans des cultures issues de la même cellule, et où toutes les con- ditions extérieures étaient aussi semblables que possible, mon- trent que dans le déterminisme de cette fonction entrent en jeu des facteurs qui nous échappent encore; 20 Cependant ayant recours au critérium statistique, et en prenant en considération les résultats d’un grand nombre d’expé- riences, on peut reconnaitre avec certitude quelles sont les influences dues aux changements de la composition da milieu ; 39 Une bactéridie n’est pas plus protéolytique à une réac- tion donnée, et moins à une autre. Mais il apparaît nettement de ces expériences, que la réaction modifie les conditions d’assi- milation ; 49 Lorsqu'on fait changer la réaction, ou simplement la concentration des milieux, en premier lieu on agit sur l’état de dissociation électrolytique des sels, qu’ils soient libres ou com- binés aux matières albuminoïdes ; 5° Le mode différent de se comporter des matières nutri- tives correspond à des différences certaines de leur composition saline. En effet, la peptone Defresne est la plus riche en sels solubles, phosphates alcalins; la peptone Witte, par contre, laisse des cendres où les phosphates alcalino-terreux, moins solubles, prédominent:; enfin, dans le milieu Frænkel, la chaux et la magnésie ne peuvent s’y trouver qu’à l’état de traces, prove- nant d’impuretés. M. Malfitano a proposé d’envisager les phénomènes de la protéolyse comme des changements de la qualité et de la pro- portion des sels, des phosphates surtout, qui sont associés à la matière organique, et constituent les unités physiques des albuminoïdes et des diastases. Il est bien probable que, selon la qualité, la quantité et l’état 38 594 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de dissociation des sels du milieu, la teneur du protoplasma en matières minérales soit différente. N’est-il pas possible que les cellules les plus protéolytiques soient celles dont le protoplasma est riche en sels solubles phosphates alcalins ou acides, et que par contre lorsque leur pro- toplasma est constitué d’albuminoïdes combinés avec des phos- phates alcalino-terreux, qui sont peu ou pas solubles, les cellules soient moins protéolytiques ? Les expériences que M. Malfitano et moi nous avons pour- suivies sur la composition des cendres des microbes en rapport avec leur faculté protéolytique ont donné des indications assez suggestives dans ce sens. Mais il fallait d’abord préciser les condi- tions d’expérimentation; ce but, j'espère lavoir atteint par les recherches que je viens d'exposer Des microbes producteurs de phénol, Par K. DOBRWOTSKI Il est actuellement démontré que l'intestin humain contient des produits toxiques appartenant aux groupes du phénol (crésol, scatol et indol) et que ces produits proviennent de la décomposition des substances albuminoïdes par différents mi- crobes. [Baumann (1), Ellinger (2), Müller, Metchnikoft (3), Wang (4).] Sur le conseil de M. Metchnikoff, nous avons fait une série d'expériences sur la production des phénols par certains microbes en cultures pures. Ce travail a été exécuté en partie à Paris au laboratoire de M. le professeur Metchnikoff, en partie à Saint- Pétersbourg au laboratoire de M. le professeur Khlopine. Plusieurs savants ont déjà montré qu'il existe plus de mi- crobes producteurs d’indol que de microbes producteurs de phénol et que, d’autre part, les microbes donnant lieu à la forma- tion de phénol produisent en même temps de lindol. Kitasato et Weyl ont constaté la présence, dans les cultures du bacille tétanique, de phénol et d’indol, Lewandowski (5) a établi le même fait pour les cultures des bacilles suisepticus, du choléra des poules, de la septicémie de lapin, de la septicémie hémorragique des animaux sauvages, de la morve, mesente- ricus vulgatus, proteus, lactique (on se servait pour ces recherches de bouillon peptoné). En ce qui concerne le coli-bacille, quelques auteurs (Chantemesse, Lehmann et Neumann, Blumenthal, Belonowski) (6), considèrent celui-ci comme un producteur de phénol. Ce fait est nié par d’autres (Lewandowski). Suivant Losener (7), seulement quelques espèces du groupe colibacille sont capables de produire les phénols. Les phénols sont recherchés dans les cultures bactériennes 596 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de la même manière que dans d’autres liquides (p. e. dans l’urine). q I Le liquide à étudier est distillé; la vapeur d’eau entraîne les phénols. On doit ajouter à ce liquide de l'acide (50 parties d’acide chlorhydrique pour 250 de liquide (Lewandowski), ou bien 50 parties d’acide sulfurique pour 1000 (Kossler et Penny), pour favoriser aussi la distillation des phénols combinés avec d’autres substances. Le produit obtenu est neutralisé par la soude; les phénols sont précipités par l’eau de brome. Si les phénols sont en quantité insignifiante le liquide se trouble légèrement. On peut faire en outre la réaction suivante: on ajoute du réactif de Millon au produit de distillation et l’on chauffe le mélange; en présence des phénols, le liquide devient rouge. C’est également à la distillation qu’on a recours pour établir la quantité exacte des phénols. La distillation est considérée comme terminée lorsque les dernières portions du distillat ne contiennent plus de phénol. On constate la présence des phénols : 19 par la formation d’un précipité ou d’un trouble par addition d’eau bromée; 20 par la propriété du distillat de fixer de l’iode (Kossler et Penny) (8); cette dernière réaction est plus sensible que la première; 3° le liquide alcalinisé par la soude est agité avec de l’éther; ce dernier est évaporé dans un verre de montre et le résidu traité par la solution alcoolique de perchlorure de fer prend une teinte violacée s’il contient du phénol (Khlopine) (9). La détermination quantitative de phénols peut être faite par pesée du tribromphénol ou par la méthode volumétrique, qui consiste à établir la quantité d’iode fixé. Méthode par pesée. Le diStillat obtenu par le procédé indiqué plus haut n’est pas assez pur pour l’analyse quantitative. D’après Salkowski on doit procéder comme suit : le liquide est distillé sans être acidifié; ce distillat est additionné d’acide chlorhydrique et agité avec de l’éther dans lequel se dissolvent phénol, indol, scatol et acides gras. On sépare la solution éthérée et on agite avec la solution aqueuse de soude caustique qui entraîne seule- ment le phénol et les acides gras. La solution aqueuse de phénols et d’acides gras est acidifiée par l'acide chlorhydrique, puis légèrement alcalinisée par la soude. Si on agite cette solution aqueuse avec de l’éther, les phénols seuls passent dans ce dernier. On distille l’éther à basse température (20-220) (Khlopine); le phénol est déterminé sous forme de tribromophénol (CH:Br;OH) ou bien sous forme de phénol après dessiccation sur acide sul- furique (10). Pour purifier les phénols obtenus par cette méthode, il faut les distiller de nouveau dans un courant de vapeur d’eau et agiter le dis- üllat avec de l’éther qui ne dissout alors que le phénol pur (Hoppe-Seyler). La méthode par pesée présente les causes d’erreur suivantes : MICROBES PRODUCTEURS DE PHÉNOL 597 a) le tribomphénol n'étant pas insoluble dans l’eau passe en partie dans le filtrat; b) en présence de l’excès de brome, il se forme du tribromophénol bromé (C;:H:Br:0OBr) à côté du tribro- mophénol; c’est pourquoi on obtient des chiffres trop élevés (Bercutis). Méthode de titrage. a) Procédé de Koppenschaar. La solution préparée d’après Koppenschaar est traitée par un réactif contenant du KBr et KBrO;; l’acidification amène le dégagement de Br : HBrO; + 5 HBr = 3 Br, + 3 H,0 Le brome, en se combinant avec le phénol, forme du tribromophénol et du tribomophénol bromé : CH;OH + 3 Br, = C;H,Br;OH + 3 HBr CHsOH + 4 Br, — CHBr3OBR + 4 HBr La quantité de brome combiné avec le phénol est déterminée au moyen de l’iodométrie. b). Procédé de Messinger et Vortmann (14). Ce procédé est basé sur la propriété des phénols de se combiner, en pré- _sence de la soude caustique, avec l’iode libre et de former un précipité rose. Cette réaction qui doit se faire à 509-600 est complexe et s’exprime comme suit : 6 NaOH + 3 I, = 3 NaOÏI + 3 Nal + 3 H,0 CGH3OH + 3 NaOÏ — CH:l30OH + 3 NaOH Il en résulte qu'à une molécule de phénol correspondent six atomes d’iode; le poids du phénol est égal à celui de l’iode combiné, multiplié par le coefficient K. __ Poids moléculaire du phénol 93,78 ) = Poids de six atomes d’iode 759,24 (5 — 0.123578 La présence dans le liquide, à côté des phénols, des substances se combinant avec l’iode complique la détermination des phénols Il en est ainsi pour les substances d’origine microbienne et ayant les caractères d’aldhéydes et cétones (Kerry). Kossler et Penny rappellent que la présence, dans l’urine, d’acétone, d’ammo- niaque, d’acides nitrique et formique peut empêcher la détermi- nation exacte des phénols par le procédé de Messinger et Vort- mann. Kossler et Penny en pareils cas procèdent de la façon sui- vante : le liquide à examiner est alcalinisé par la soude caustique et réduit à un petit volume par évaporation. Pendant cette manipulation l’acétone est entrainée par la vapeur d’eau. Puis le liquide est acidifié par addition de 5 0/0 d’acide sulfurique 598 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR et distillé. Le distillat contient, à côté des phénols, des acides gras. On débarrasse le distillat de ces derniers par la seconde distillation, après y avoir préalablement ajouté un excès de CaCO, qu’on peut, d’après de Rumpf (16), remplacer par CaO ou BaO. Le procédé de Messinger et Vortmann doit être également modifié lorsqu'on a à analyser des liquides, comme les eaux _ d’égout par exemple, qui renferment une grande quantité de combinaisons sulfurées. Ainsi Korn (17) recommande d’ajouter au liquide à examiner de l’acétate de zinc (25 c. c. de solution saturée de ce sel par litre). 12 heures après on filtre le mélange et on continue l’analyse par le procédé de Messinger et Vortmann, modifié par Kossler et Penny. Lorsqu'on ajoute au liquide de la soude caustique, il faut obtenir, d’après Korn, une réaction fortement alcaline. Salkowski a montré que lorsqu'un liquide renferme du sucre de raisin, des substances ayant les caractères des aldéhydes et des cétones peuvent passer dans le distillat. On obtient par le procédé de Kossler et Penny des chiffres supérieurs à la réalité. Ainsi, dans une urine de diabétique de 24 heures, il a ététrouvé par le procédé de Kossler et Penny 0,6935 de phénol, ce qui dépasse certainement la quantité réelle. En général, la quantité des phé- nols produits par l’organisme est insignifiante : 0,03 en moyenne par jour, 0,07-0,106 au maximum. En pareils cas, on peut, d’après Neuberg, appliquer le procédé de Kossler et Penny, mais à la condition de faire subir au dernier distillat une manipu- lation spéciale (18). II faut toujours se servir des indications de Neuberg lorsque le liquide à examiner renferme du sucre; comme par exemple les cultures microbiennes obtenues sur des milieux glucosés. On procède de la façon suivante pour déceler les phénols dans le distillat, d’après les indications de Kossler et Penny, Korn et de Neuberg. Le distillat est réparti dans des flacons bouchés à l’émeri par portions de 250 à 500 c. c. On ajoute à chaque flacon 10-20 c. c. de la solution de de NaOH Net on chauffe à 60-650 (Messinger) (19). On ajoute au mé- lange chaud 25-45 c. c. de la solution à d’iode (Kossler et Penny), on agite et maintient à la température de 609 environ pendant 5 minutes. Après avoir refroidi le liquide, on l’acidule par l'acide sulfurique dilué et on MICROBES PRODUCTEURS DE PHENOL 599 fiitre sur un filtre de papier ou encore mieux sur du coton de verre. Le filtrat obtenu sert à titrer l’iode resté libre. Quelques auteurs (Kossler et Penny, Korn) se passent de la filtration parce que le triiodophénol n'empêche pas les titrages consécutifs pour les raisons suivantes : 10 l’hyposul- fite de soude, ajouté au liquide lors du titrage, ne décompose pas le triiodophénol, au moins pendant le temps nécessaire pour l’analyse; 20 la précision de l’analyse n’est pas troublée du fait que le liquide contenant le triiodophénol est coloré en rose; en effet, le virage du bleu foncé (iode-fécule) au rose lors du titrage est-très net. Pour nos recherches, nous nous sommes servi de cultures pures de 48 heures en bouillon, que nous ensemencions dans des flacons renfermant un litre de bouillon de viande contenant 2 0 /0 de peptone et du CaCO: (20 0/0) en excès. Avec les milieux à 1 0/0 de peptone, les déterminations analytiques se faisaient beaucoup plus difficilement. Les milieux ensemencés étaient placés à l’étuve à 57° pendant 10 jours. Les tableaux suivants montrent les résultats obtenus. TABLEAU Î Production d’indol et de phénol dans les cultures microbiennes en bouillon, MICROORGANISMES ORIGINES INDOL |PHÉNOL coli Tunis. Collect. de l’Inst. Pasteur. Lac de Tunis. Isolé par le Dr Binot. coli Loire. » Eau du robinet. . coli A. Collect. de l’Inst. Pasteur.| Intestin humain. coli Escherich. coli J. coli C. . coli Vidal. : » li Ai. ne à ri humaine. : coli . C. Past. are Urine e . coli putidus. Re d'hygiène de l’Institut de médecine à Saint- Pétersbourg. . paracoli (91). Isolé par le Dr Tissier.|Intestin d’un homme malade, . paracoli (94). » » . paracoli (95). » » . putrificus coli. Laborat. d'hygiène! Intestin humain. de l'Université de Berlin. . paracoli (de crême). Coll, de l'Inst.|Intestin d’un homme Pasteur. Isolé par le Dr Binot, intoxiqué par de la crême. .|Col. envah. (90). Isolé par le Dr Tissier.|[ntestin d’un homme malade. + |++++++ + .|B. :1B: .|B .[B. .|B. B. B .|[B. .|B .|B + +++ + Traces. + 600 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR TABLEAU I (Suite) MICROORGANISMES ORIGINES INDOL |PHÉNOL .|Col.envahiss.(88). Isolé p. le DrTissier.| Intestin d’un homme malade. . |B. focc. alcalig. I. Coll. de l'Inst. Past.| Intestin humain. .|[B. focc. alcalg. If. » .|B. focc. alcalig. III. » 1.1B.enteritidis Gärtneri. » .|B: typhi. Intestin d'un malade (épid. de Rennes). .[B. paratyphi Brion. Intestin humain. .[B. paratyphi Schottmüller. . [Proteus vulgaris Flügge. . [Proteus vulgaris Nicolle. . [Proteus mirabilis. .|Proteus Zenkeri. .|B. Hogcholera Salmon. .|B. pestifer Preisz. .|B. suipesticus. .|Pasteurellose canine. .|[Ferm. lactique (Nencki). .[B. lactis aëérogenes (Grimbert). » .|B. pyocyaneus (Gessard). .[Staphylocoque doré, » .|Cocei (92). Isolé par le Dr Tissiér.|Intest. d’un malade. .|Coccobacille (92). » » .|[Diplococcus griseus. » » Traces. .|Mesentericus vulgatus. Collection de Traces. l'Institut Pasteur. .[Mesentericus fuscus. Collection de — l’Institut Pasteur. + hell Traces. Traces. EUPI+S+IIIII++II PR HAE PL Er EE Comme on le voit par le tableau I, des quantités importantes de phénols n’ont été obtenues par nous que dans les cultures des bacilles paracoli 91 et 94 (Tissier) et de pasteurellose canine. Dans les autres cas on n’a pas trouvé de phénol ou seulement des traces de ce composé. Il faut remarquer que les phénols ont été décelés seulement dans les cultures des bactéries produisant de l’indol. Il ne nous est pas arrivé une seule fois de découvrir les phénols dans des cultures de bactéries qui ne produisent pas d’indol. Par conséquent, là où les phénols ont été décelés, il se trouve aussi de l’indol; mais l'inverse n’a pas lieu. Dans un peu plus que la moitié des cas examinés (54 0 /0), les microbes pro- duisant de l’indol ont produit aussi des phénols. La détermination de la quantité des phénols produits par les bacilles paracoli Tissier (91 et 94) a été effectuée sur des cultures de dix jours; le volume des cultures examinées était toujours d’un litre. Le procédé appliqué par nous était celui de Messinger et Vortmann, modifié par Kossler et Penny, et Korn MICROBES PRODUCTEURS DE PHÉNOL 601 TABLEAU II Quantités des phénols qui se sont produits en dix jours par l’action des bacilles paracoli Tissier sur des milieux divers (en grammes sur litre du milieu). Lo _— B. PARACOLI|B. PARACOLI MISE Tissier 91. | Tissier 94 Un litre d'eau peptoné (2 0/0 de peptone)...,..... 0,016 0,013 Un litre d'eau peptoné + 20,0 CaC0;.............. 0,020 0,916 Un litre d’eau peptoné + 20,0 CaCO, + 50 c. c. de PNG OS Lo QU PM RARE RSS IEEE RARES 0,022 0,045 Un litre de bouillon d’ext. de viande(20/0 de peptone). 0,020 0,043 Un litre de bouillon de viande (2 0/0 de peptone).. 0,019 0,014 Un litre de bouillon de viande + 20,0 CaCO MES CU 0,023 0,018 Le tableau II montre que l'addition de carbonate de calcium favorise la production des phénols; c’est pourquoi, pour la déter- mination comparative de la quantité d’indols et de phénols produits par diverses bactéries, l’ensemencement a été opéré en bouillon peptoné avec excès de CaCO: (T. III). L’addition de blanc d’œuf au milieu nutritif est resté presque sans aucune influence sur les résultats analytiques. TABLEAU III Quantités d’indol et de phénols produits en dix jours par l’action de divers microbes ensemencés dans un litre de bouillon peptoné (2 0 /0 de peptone) en présence d’un excès de CaCO:. EAS PHÉNOL Re ,_ ._|(Détermination d’après le MICROORGANISMES (RÉSONPENN CARRE er de Mesa Lee procédé Salkowski.) RS UE 12IBACONATUMS Ne ER ir: 0,039 0 DB COMME OIre MSN 7 LEA, RSA 0,040 0 DalIB CONPAPRN EE er. ee 0,004 0 4,|B. coli Escherich..... SE TRES 0,096 0,002 DAIBACONMAIES SR mere on R Ra 0,145 0, 003 CAIBACOMMONRESSERS RRQ 0,027 mise (< 0,001) de BACo Mid lee Te 0,068 0,001 8.|B. paracoli Tissier (94)......... 0,078 0023 9.1B. paracoli Tissier (94)......... 0,944 0,018 10.1B. paracoli Tissier (95)......... 0,014 41.1B. paracoli (de crème) Binot....| ‘0,020 0 12.|Col. envahissante Tissier (88)... 0,074 0,001 43; (Proteus vulgaris. ............. 0,043 Tr pe l£ 0,001) 14. |Proteus vulgaris Nicolle...,.... 0,022 15.|Pasteurellose canine ...,..,.... 0,041 ras le 0,001) 16,|Diplococcus griseus........,,.. 0,007 17.|Mesentericus vulgatus....,..... 0,011 : 18-1B: PUTFIRCUS- OIL 2, ere ces 0,026 00016 602 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR On voit par le tableau TIT que les phénols sont produits par les bactéries qui forment, aux dépens des albumines, des quantités relativement importantes d’'indols; mais il n’existe pas de rap- port direct entre la quantité d’indol et de phénol formés. Aïnsi le b. coli J produit 2-3 fois plus d’indol et 6 fois moins de phénols que le b. paracoli Tissier (94). Des quantités notables de phénols 0,023 et 0,018 ont été produites au cours de nos recherches par les bacilles paracoli Tissier (91 et 94). Ces chiffres sont conformes à ceux établis pas d’autres savants. Ainsi Lewandowski a constaté, dans un litre d’une culture du choléra des poules en bouillon vieille de huit jours, 0,04 de phénol. Belonowski en recherchant l’action du colibacille sur le bouillon peptoné (2 0 /0) en présence d’un excès de CaCO: a trouvé 0,0344 de phénol par litre de eul- ture de 8 jours. On n’en a trouvé que des traces dans un bouillon non carbonaté. Dans des recherches ultérieures nous nous sommes servi seulement de bacilles paracoli Tissier (91 et 94) qui produisent des quantités assez importantes de phénols. On connait la propriété du bacille lactique, d'empêcher, dans certaines conditions, la décomposition des albumines. Nous avons recherché l’action de ce bacille sur la production d’indol et de phénol par les bacilles Tissier. Le bouillon additionné de 2 0/0 de peptone et d'autant de lactose a été mis, après ensemencement, à l’étuve à 37° pendant dix jours. La détermination de phénol et d’indol a été pratiquée d’après le procédé de Salkowski. La détermination des quantités d’indol et de phénols dans les cultures pures des bacilles paracoli Tissier et dans les symbioses avec le bacille lactique (milieu lactosé),est résumée dans le tableau suivant : TABLEAU IV MICROORGANISMES INDOLS PHÉNOLS BAparscolemissteni( ie) ER E RCE bre PRE e CEE 0,0498 0,004% B. paracoli Tissier (94) + le b. lactique............ 0,0216 Trace. BAparacolmiSs ent) RER CEE TRE ETC 0,0250 0,0016 B. paracoli Tissier (91) + le b. lactique............ 0,0152 0 L’examen comparatif des tableaux IIT et IV montre que MICROBES PRODUCTEURS DE PHENOL 603 l’addition de lactose au milieu de culture empêche la décompo- sition des matières albuminoïdes. Ainsi, la présence de lactose dans les milieux ensemencés avec le bacille paracoli Tissier (91) a amené une diminution d’indols et de phénols. Le b. paracoli Tissier 94 a donné des résultats différents : la quantité de phénols a diminué, mais celle d’indol n’a pas changé. Les différences observées peuvent être expliquées par les propriétés biologiques des microbes parmi lesquels seul le b. paracoli Tissier (91), fer- mente ce sucre. Quant au b. lactique, il peut être considéré comme antagoniste des bacilles paracoli Tissier; la présence simultanée, dans un milieu de culture, du b. lactique a presque supprimé la formation des phénols et a diminué considérablement celle d’indol : 40 0/0 pour le b. paracoli Tissier (91) et presque 57 0/0 pour le b. paracoli Tissier (94). De plus, le b. lactique a empêché, dans une certaine mesure, le développement du b. pa- racoli. Voici les chiffres obtenus par l’examen des cultures sur la gélose de dix jours : TABLEAU V Nombre de colonies obtenues en 5 jours par l’ensemencement des cultures de dix jours des bacilles paracoli Tissier sur un mulieu renfermant du lactose, ainsi que des colonies obtenues par symbiose de ces derniers avec le b. acidi lactis. B. PARACOLI B. PARACOLI PAR . PARACC MILIEU B ARACOLI (94) B ARACOLI (94) (94) + b. acidi lactis. (91) + b. acidi lactis. Bouillon non sucré .| 400.000.000 340.000.000 Bouillon sucré......! 300.000.000 8.000.000 130.000 .000 5.000.000 Belonowski, en étudiant la symbiose du b. lactique avec le b. coli, a également constaté la même diminution d’indols que nous avons trouvée dans la symbiose du b. lactique et du b. paracoli Fissier. Dans ces expériences, la quantité d’indol tombait de 0,0303 à 0,0193 et de 0,0402 à 0,0212. Il n’a pu se rendre compte de l'influence de cette symbiose sur les phénols, car les milieux sucrés, même non ensemencés avec le b. lactique ne donnent que des traces de phénol. 604 ANNALES. DE L'INSTITUT. PASTEUR Nous avons également expérimenté sur des milieux renfer- mant du blanc d'œuf ou de la caséine, dans le but d’étudier l’action des b. paracoli Tissier sur les albumines naturelles. Déjà une expérience préliminaire a montré que l'addition de blane d'œuf au milieu n’eut pas d'influence sur la formation des phé- nols. On pouvait donc s’attendre à ce que les microbes en ques- tion ne provoquent pas une décomposition marquée de l’albumine de l’œuf. On avait déjà fait des recherches sur l’action dés bactéries sur les albumines. On a pu voir ainsi que ces dernières ne sont décomposées, avec formation d’indol et de phénol, que par cer- tains microbes seulement. (Kerry (20), Escherich et Dieudonné (21), Joest (22). Ainsi O. Emmerling a décelé la présence des phénols parmi les produits de la décomposition du gluten par les cultures pures du b. proteus. D’autre part les expériences de Taylor (24) ont montré que l’action du b. colisur la caséine ne se traduit que par la formation d’une petite quantité d’albumoses. Il en est de même pour les recherches de Rettger (25), qui n’a pas constaté de modification très marquée des albumines naturelles sous l'influence des cultures pures de microbes. Il a fait agir, en milieu anaérobie, le b. putrificus, le b. de l’œdème malin et le b. du charbon sur la fibrine et sur le mélange de viande et d’al- bumine d'œuf. Dans ces conditions, il n’a obtenu que des quan- tités tout à fait insignifiantes d’indol et de phénol. Nous avons préparé, pour nos expériences sur l’action des b. b. paracoli Tissier sur les albumines naturelles, des milieux renfermant, pour 1 litre d’eau, 100 grammes de blanc d’œuf, o grammes de chlorure de sodium et 04,25 de phosphate de chaux. TABLEAU VI Action des b. b. paracoli Tissier sur les albumines naturelles pures (pendant 20 jours). ' MILIEUX RENFERMANT MICROBES INDOL | PHÉNOL 100,0 de blanc d’œuf non coagulé.|B. paracoli Tissier (91). — — coagulé 22 100,0 de caséine | : | MIGROBES PRODUCTEURS DE PHÉNOL 605 Des résultats tout différents ont été obtenus avec du blanc d’œuf de commerce ainsi qu’avee de la fibrine du sang. Dans ces cas nous avons pu déceler la présence d’indol et même, dans un cas, celie de phénol. TABLEAU VII. Action des b. b. paracoli Tissier sur les albumines de commerce (pendant 20 jours). MILIEUX RENFERMANT MICROBES INDOL |PHÉNOL 100 gr. de blanc d'œuf de commerce..|B. paracoli T. (91). 100 gr. — 4 100 gr. de fibrine du sang Nos recherches nous permettent de conclure que la propriété des microbes de fabriquer les phénols est très peu marquée dans les cultures pures. Sur 41 bactéries étudiées, 22 ont donné de l’indol, 12 du phénol en même temps que de l’indol. Une quantité assez importante de phénol n’a été trouvée que dans deux cas : dans les cultures pures du b. paracoli Tissier (91) et (94). Ces derniers ont donné en 10 jours, et en aérobiose, 0,023 et 0,018 pour 1 litre de milieu renfermant 2 0/0 de peptone et un excès de carbonate de chaux. Les cultures pures des bacilles paracoli Tissier n’attaquent pas fortement les albumines naturelles et ne donnent pas lieu à la formation d’indol ou de phénol. L’indol et le phénol trouvés dans les milieux peptonés (eau et bouillon peptonés) se rappor- tent à la peptone même du milieu (Tableaux IT et IT). Le bacille lactique atténue la propriété des bacilles paracoli Tissier, de former de l’indol et surtout des phénols. Ainsi, le b. lac- tique est l’antagoniste de ces microbes. Nous sommes heureux d’exprimer notre gratitude à M. le professeur Metchnikoff pour avoir bien voulu nous autoriser à travailler dans son laboratoire et pour nous avoir guidé dans l'exécution de ce travail. 606 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR BIBLIOGRAPHIE (1) E. Kraus, Ueber die Ausnutzung der Eiweissstoffe in der Nahrung in ihrer Abhängigkeit von der Zusammensetzung der Nahrungsmittel, (Z. f. physiol. Chem., 1894, X VITE.) (2) A. EzziwGer, Die Indolbildung und Indican ausscheidung beim hunger den kaninchen. 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NeuBerG, Ueber die quantitative Bestimmung des Phenols im Harn. (Zeitschr. für physiol. Chemie 1899, X XVII, 123.) MICROBES PRODUCTEURS DE PHÉNOL 607 (19) MessiNcer, Anmerkungen zur Abhandlung von W. Fresenius und L. Grünhut. Kritische Untersuchungen über die Methoden zur quantita- tiven Bestimmung der Salicylsaüre. (Journal für prakt. Chemie, 1900. Pecp. Hyg. Rundschau, 1900, 282.) (20) R. Kerry, Ueber die Zersetzung des Eiweisses durch die Bacillen des malignen Œdems. (Ber. der deutsch. Chem. Gesellschaft, 1890, 23, R. 157.) (21) Tu. EscHericx und PFAUNDLER, Bacterium coli commune. Hand- buch der phatogenen Mikroorganismen. W. Kolle und A. Wassermann, 1903, II, 411. (22) E. Jozsr, Schweineseuche und Schweinepest. Handbuch der path. Mikroorg. Kolle und Wassermann, II, 1903, 583. (23) O. EumerziNG. Beitrag zur Kentniss der Eiweissfäulniss. (Ber. der deutsch. Chem. Gesellschaft, 1896, 29, 2721.) (24) A. ENGELEBERT TAYLOR, Ueber Einweissspaltung durch Bacte- rien. (Zeitschrift für physiologische Chemie, XXXVI, 1902, 487.) (25) L. F. ReTTGER, Journal of. Biol. Chemie, 1906-07. 2 Flo pecp. br. Zeitsch. f. Unters. Nahrungsmittel, 1908, XV, 432. ERRATUM Mémoire P. Mazé, page 435, ligne 7. AU LIEU DE : 1° Par un développement exagéré d’une espèce déterminée, en camembertir. LIRE : 1° Par un développement précoce des mycodermes et de l’oïdium camembertii. Em e Le Gérant : G. Masson. Sceaux — Imprimerie Charaire. 24=e ANNÉE AOÛT 1910 No 8 ANNALES i DE L'INSTITUT PASTEUR NOUVELLES EXPÉRIENCES Sur la crépitine et lactino-congestine (anaphylaxie et immunité) PAR CHARLES RICHET $ [. — Crépitine et détermination de sa toxicité. : En poursuivant mes recherches sur la crépitine (toxine extraite de Hura crepitans), J'ai pu tout d’abord vérifier et confirmer quel- ques-uns des faits que J'avais antérieurement établis (4). Il ne me parait pas superilu de les publier; car, en des questions aussi délicates, la confirmation n’est pas chose indifférente. Trop sou- vent on appuie des conclusions sur un petit nombre d’expé- rimentations. Seule la répétition des expériences permet une base stable sur laquelle on peut s'appuyer pour aller plus avant. Avec l’ancienne crépitine, J'ai pu constater tout d’abord que, conservée à l’état de poudre sèche, elle ne perdait nullement ses propriétés toxiques. En avril et en décembre 1909, sa toxicité était restée la même. J'ai pu ainsi confirmer par de nouveaux faits la dose toxique absolue de cette crépitine. à Voici un tableau faisant suite au tableau de la page 751 du précédent mémoire, et dans lequel j'intercale les chiens n°° 26 à 37, qui se trouvaient indiqués déjà. La dose maximum de crépi- tine injectée a été de 08,002 par kilogramme. (4) Voy. Etudes sur La crépitine (Annales de l’Institut Pasteur, oct. 1909, XXIII, 745-800). : 39 610 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ER ; à DOSE DE CRÉPITINE | DURÉE DE LA SURVIE NUMÉROS NOMS DES CHIENS en milligr. par kil. eu jours. 26 AN Dan ISERE 2.0 9 10% MOSqQUiloS EE 20 8 #2 RON TIE x SR re 1219 33 28 AISSORUS EE 4.5 13 105 TAITON RER RTE 1.45 7 29 CONLON RENE 1.40 10 106 SCUULISSOES D CE 00 do 1.40 5 107 MISSOUTIEE SAT 1239 6 30 (KT COMPENSER 4.30 \ 16 108 GOMERS RES Er se 4.90 19 109 HADANDE TELE 145 2] 31 Urugavar rer 1.10 32 110 POGMACE I ASPEREE E 1.0 10: ait CRIERGO: SRE TA 13 32 SIANLOS TR RENTE Rae 1,0 survit. 112 Kentucky ..... A0 survit. 113 SOON RE RE 0.95 survit. 114 LR RS AR TETE EE 0.90 survit. 115 MP DICO IEP 0.82 survit. 116 TORONTO RER EC 0.80 18 33 VAlDATASOMEE RE 0.76 survit. 117 RONA EE 0.75 survil. 34 DID OIRUSE PEER 0.50 survit. 35 WMagellana........ 0.42 survit. SON PP ONU RER 0.40 survit. 37 JAMAICOMEREME. 0.26 survit. 118 Philadelphie... 0.20 survit. 119 OTHER RENE a 0.20 survit. 120 QUEUE SE 0.20 survit. L'examen de ce tableau montre avec quelle précision se peut déterminer la dose toxique. Au-dessus de O8r,001, il n’y a eu que deux cas de survie Kakatoa (n° 15) et Santa-Fé (n° 25). Les 35 autres chiens sont tous morts. Nous pouvons donc considérer ces deux cas de Kakatoa et de Santa-Fé comme étant tout à fait exceptionnels. C’étaient des animaux ayant une immunité naturelle indivi- duelle ; fait très obscur encore, mais dont on connaît maints exemples dans l’histoire de toutes les toxines. Le cas de Xakatoa (chien demi-griffon, demi-épagneul, à longs poils), est singulier à ce point de vue. Après la très forte dose de 0,004 qui n’a eu aucun effet, il ne maigrit nullement, n’est pas malade un seul instant, et du 18 juin au 27 octobre, son poids augmente de 12K,4 à 13K,7. Alors, le 27 octobre, il reçoit de nou- veau 0,005 de crépitine, c’est-à-dire 5 fois plus que la dose mor- telle. Nul phénomène de réaction, ni même d’anaphylaxie. Même (1). Injection faile dans le péritoine. CRÉPITINE ET: ACTINO-CONGESTINE 611 à supposer que j’eusse commis une erreur dans l'expérience du 18 juin, l'expérience du 27 octobre aurait dû amener, en 5 à 8 jours, la mort de Xakatoa. Pourtant il n’en a pas plus ressenti les effets la seconde fois que la première. Z! à été réfractaire aussi bien à l’intoxication qu'a l’anaphylaxie. Ajoutons que cette absence de réaction n'existait que contre la crépitine, car le 7 mars (P — 13,0), étant d’ailleurs en parfaite santé, il meurt rapidement après injection de 08,065 d’actino- congestine. Quant à Santa-Fé. elle a résisté à l'injection de 0£,0024, mais elle a été extrêmement malade, son poids s’est abaissé à 65 0 /0 de son poids primitif, et elle a réagi à l'injection d’épreuve par une réaction anaphylactique des plus intenses. Le cas de Æakatoa reste donc inexpliquable, paradoxal et isolé. En éliminant Kakatoa et Santa-Fé, 11 nous reste 35 chiens, ayant recu une dose supérieure à 0,001, et qui sont morts tous. Au dessous de 08,001, nous avons 13 chiens, dont un seul est mort (Toronto) au bout de 18 jours. Nous pouvons donc considérer comme non mortelles les doses inférieures à 0,001. Et, quant à la dose même de Or,001, elle est exactement à la BHmite: puisque, sur 4 chiens ayant reçu cette dose, 2 ont survécu et 2 sont morts. La durée de la vie est, dans l’ensemble, proportionnelle à la dose. Mais cette proportionnalité n’apparait que si l’on fait une moyenne portant sur un assez grand nombre de chiffres. On a alors (en éliminant Tokantina, morte rapidement, et ayant présenté des phénomènes immédiats d'intoxication — anaphylaxie naturelle? —) le tableau suivant : NOMBRE DE CHIENS DOSES EN MILLIGR. DURÉE MOYENNE DE LA par kil. vie en jours IT detGr manie | ile X de 13.8 à 5.19 | 5.4 XI denare d2l | 10.0 XI desdr9;aautr 1 | 18.0 Le second fait que J'ai vérifié, c’est la résistance extrême des très jeunes chiens à des doses de crépitine qui sont mortelles pour l’animal adulte. Je me contente de présenter l’ensemble 612 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de ces résultats dans un tableau (qui complète et fortifie les don- nées précédemment publiées). Doses chez les jeunes chiens. : AGE DOSES SURVIE NUMÉROS NOMS É À approximatif. en milligr. par kil. en jours, 38 Santiago....... 15 Jours. 36. ù 39 MONET EEE 15 Jours. 26. 9 40 Carambä.. .... 10 jours. 18. 11 41 Goimbra ...... 8 Jours. 6.2 survie. 42 EDEN à: À mois, Gien survit. 43 METTOL ER = Eee 4 mois. 4.1 survit. 421 DeLAS EEE 3 mois. 4.0 survit. 44 LiSbonneL. : À mois. 4.0 - 40 4 TÉVOTRegecee 4 mois. 3.9 survit. 46 CAUTAC IE 1 mois. 3.4 survit. 7 BETYA SEEN 1 mois. 3.4 10 122 ÉUEUTRE SRE 4 mois. 3.0 survit 193 lERMOPOTNNESE 4 mois, 3.0 survit 124 Arkansas ...... 4 mois. 3.0 35 195 COTLORPERE 4 mois. 3.0 survit 48 GoOcotle re 4 mois. 2.5 survit. 49 Patagonia...... 3 MOIS. 2,1 survil. Il n’y a pas à insister davantage sur cette immunité des jeunes chiens. Elle est, comme on voit, tout à fait remarquable, puisque des chiens de 3 à 4 mois peuvent supporter, sans mourir, des doses 3 fois plus fortes que les adultes; et que des chiens plus jeunes, c’est-à-dire de moins d’un mois, n’ont pas succombé à des doses 6 fois plus fortes que les doses mortelles pour les adultes. Quant aux effets de l’hémorrhagie, j'avais constaté que lPhémorrhagie rend les chiens énormément plus sensibles à l’action de la crépitine, comme si le sérum contenait une anti- toxine naturelle, normale, atténuant les effets du poison, et J'avais donné des exemples très nets (Miramira, Gallapaga, et tableau de la page 767). A ces cas, je puis en ajouter un autre, très démonstratif aussi. A Kingston (de 14K8), chien bull très vigoureux, on fait perdre 750 grammes de sang à 4 h. 10 (soit 5 0/0 de son poids). Après hémorrhagie, il est très abattu? maïs, à 4 h. 50, il se lève, se remet à marcher, et à 6 heures il est à peu près remis. Alors, à 6 heures, on lui injecte 08r,0019 de crépitine, dose qui n’est mor- telle que vers le 12€ jour. Pourtant il est tout de suite extrême_ CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 613 ment malade, et meurt à 9 h. 1 /2 du soir, le même jour. Le pou- voir protecteur du sang normal est done démontré. Le troisième point sur lequel a porté la vérification des faits antérieurs est relatif à l’immunité acquise. J’ai pu en effet pousser l’immunisation plus loin; j'étais arrivé à la dose maximale de 0,005, compatible avec la vie : je suis arrivé à la dose de 0,011. Dans ce tableau, je comprendrai les chiens traités aussi bien par la crépitine ancienne que par une nouvelle préparation de crépitine (que j’appellerai crépitine noire et dont je parlerai plus loin), à peu près aussi toxique que la crépitine ancienne, mixte. DOSE EN MILLIGR. NUMÉROS 2 par kil. SURVIE EN JOURS Ténériffa 82, 25 Crépita 56. 3 heures. Cocotte,. [TE Hudson 41% survit. survit, 2 survit, survit, IRAN OR EEE Panama ROMULLLS EEE Magellana Macaqua : AMEL CE SIHRIOS RES Funchal D 8. 53e 0,5 6. survit, survit, 11934 survit, 72 7 survit. (mort en?) CON IJI-IS © ACMIOUS RER ce Uruba 0.5 survit. (mort en ?) fie 0.3 10. Arequipa VINCENT RSS SUNLAPI ENS ENS Pédro Æ Robe ee de de ee ee O7 O7 QT Or Oz 58 8 3 8 2 n 3 2 n 0 .0 0 9 7 5 5 1 1 1 gr 1 ES Ainsi certains chiens ont pu survivre à des doses 8 à 10 fois plus forte que la dose mortelle (Hudson, Lille, Panama et Crépita). Mais l’immunisation n’a pu être poussée plus loin. Cré- pita, qui avait résisté à l’injection de 0,0078, a succombé rapide- ment à l'injection de 0,066 ; Cocotte, qui avait résisté à 0,005, a succombé à 0,014. 614 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR L'histoire decette chienne est assezintéressante. En effet, après l'injection de l'énorme dose de 02,014 (c’est-à-dire 14 fois la dose mortelle), Cocotte n’a presque pas d’anaphylaxie, quoique ayant de la diarrhée, des démangeaisons et de l’hébétude, avec fai- blesse. L’injection a été faite le 3 mars; et elle n’est morte que le 10 mars (dans la nuit du 9 au 10 mars). Vu le grand nombre d’immunisations que J'ai ainsi tentées, et en faisant d’ailleurs toutes mes réserves sur les procédés nouveaux qu'on pourra employer, il me paraît probable qu'on ne dépassera jamais beaucoup la dose de 0,010 (c’est-à-dire 10 fois plus forte que la dose mortelle). Et encore, pour arriver à cette immunisation, aura-t-on de nombreux décès à constater. Pour la crépitine, comme pour les autres toxines connues, l’im- munisation contre des doses fortes est toujours assez irrégulière, avec des écarts individuels notables. Sur les chiens immunisés et ayant survécu à des doses supé- rieures à 0,004, l’anaphylaxie a été en général faible ou nulle. NOMS DOS ACCIDENTS ANAPHYLACTIQUES en milligrammes. HRUITISONEEERECE Ale Très faible. Un peu de diarrhée. TAOSE ERA 10. Trés faible. Un peu d'hébétude. PANNE EE EU 8.3 Très faible, Uniquement prurit. CRÉPIN 7.8 Faible. Prurit assez fort. Kakaloa........ 5.0 Très faible. Un peu de diarrhée. HONTE ave moe 5.0 Très forts. Coma. Etat grave. PUNAMAENENEEE 4,5 Nuls. Honda 4.1 Forts. Il ne faudrait pas en conclure qu'il y a incompatibilité abso- lue entre l’anaphylaxie et l’immunité; car à des doses inférieures à 0,004, chez les chiens qui ont survécu à l’injection seconde, on trouve quelquefois de lanaphylaxie. (Voy. le tableau p. 615). Mais, dans l’ensemble, ïl y a, chez les animaux immunisés qui doivent survivre, des anaphylaxies moindres que chez les chiens qui doivent mourir. L’immunisation fait que l’anaphylaxie est beaucoup moins régulière avec la crépitine qu'avec l’actino-congestine. Jamais avec lactino-congestine l'anaphylaxie ne fait défaut, tandis qu'avec la crépitine, toutes les conditions paraissant favorables, quelquefois n’y a que faible anaphylaxie. Il me paraît évident, CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 615 QE NOMS DOSE EN MILLIGR. | ACCIDENTS ANAPHYLACTIQUES RON IUS:. SAP #.0 faibles. IBOYOLA NS TEEN" 3.9 nuls. DB OINUS ERP 5e s\ faibles. PETTOQUEL. MP ONE 3.3 nuls, RAR LENS AR RE ee 3.2 forts. Gordillero mere a.1 nuls. BOOOIG SR EEE ee 3.0 nuls. DAYION ARE 29 nuls. Québec er CAT nuls QUOTE RE SN 2.6 nuls. CorAuler GET. 2.5 nuls. Cayenne tenrsee .. 2.4 assez forts. PANCOUCTA EEE. 2.1 assez forts. HORDE NE NE 2.0 assez 1orts. d'après les faits qu’on vient de voir, que, s’il n’y a pas d’ana- phylaxie, c’est à cause de l’immunité, dont on ne peut jamais prévoir exactement l’extension et le degré. Tantôt l’anaphylaxie masque limmunité; tantôt l’immunité masque l’anaphylaxie, et on ne peut savoir d'avance si c’est l’un ou l’autre des phénomènes qui va l’emporter. | Au contraire, avec la congestine des actinies, il n’y a pas ou presque pas d’immunité, de sorte que l’anaphylaxie apparaît constamment à la seconde injection. $ IT. — Crépitine noire et crépitine rouge. Avant eu à ma disposition, grâce à la complaisance de mes amis du Brésil : A. DA Cosra, J. NocuétrA et Fr. Nicoz, une assez grande quantité du suc de Aura crepitans, J'ai pu opérer avec de plus grandes quantités de substance. Je n’avais eu pri- mitivement que 750 grammes de latex. | Tout d’abord, j'ai pu en séparer l'huile très caustique, qui donne au suc de l’assaku ses propriétés irritantes. Le liquide alcoo- lique évaporé a laissé un résidu huileux, une huile d’un jaune foncé, soluble dans l’alcool et dans le chloroforme, et inso- luble dans l’eau. Cette huile est très dangereuse à manier, car elle est volatile et ses vapeurs produisent une conjonctivite extrêmement douloureuse. Mon garçon de laboratoire et moi, nous en avons été assez malades pendant 48 heures, avec insom- nie, douleurs intenses, céphalée et état presque fébrile. 616 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Je n’en ai fait l’étude, ni physiologique, ni chimique. II me parait que cette substance est assez analogue à l'huile de croton et c’est probablement à elle, plus qu’à la toxine,quele suc d’assaku doit ses propriétés caustiques, qui le font tant redouter des natu- rels du pays. Le précipité alcoolique (par cinq volumes d’alcool) est très abondant. Après que l’alcool a été décanté, on peut le redissoudre dans l’eau. Une grande partie se redissout ; il reste quelques albu- minoïdes insolubles : on filtre et le liquide est précipité de nou- veau par » volumes d’alcool à 95°. Ce précipité, mis sur un filtre, noircit à l’air lorsqu'il perd son alcool : il contient une oxydase énergique. Par des précipitations fractionnées, on arrive à le séparer en deux parties qui diffèrent par leur différente solubilité dans lal- cool : lun est soluble dans 50 0/0 d’alcool: Pautre y est insoluble. La crépitine soluble dans 50 0 /0 d’alcool se redissout facile- ment dans l’eau. Je l’appelle crépitine rouge. La crépitine insoluble dans 50 0/0 est encore soluble dans 25 0/0 d'alcool. Je l'appelle crépit ne notre. La séparation de ces deux substances est très délicate, et on en perd une grande partie dans les manipulations que cette sépara- tion nécessite. Je compte, avec les échantillons nouveaux que je viens de recevoir, faire une séparation plus complète. En tous cas, les expé- riences dont je vais donner la relation, ont été faites avec ces deux crépitines nettement distinctes : crépitine noire, insoluble dans 50 0/0 d’alcool; crépitine rouge, soluble entièrement dans 50 0/0 d’alcool; toutes deux insolubles dans 75 0/0 d’alcool. Il va de soi que l’ancienne crépitine, celle qui a fait l’objet du mémoire précédent, était de la crépitine mixte. La crépitine rouge est beaucoup moins toxique que la erépi- tine mixte. | Les expériences résumées dans le tableau suivant prouvent que la dose toxique de crépitine rouge est voisine de 0,015 par kilog. (La chienne Pacifica, morte en deux jours après la dose de 0,014, avait reçu en même temps injection du tissu cérébral.) Voici les chiffres qui indiquent sa toxicité : CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 617 CRÉPITINE ROUGE (Chiens.) |DOSE DE CRÉPITINE NUMÉROS NOM on milligrammes, SA ROVIRE NUMEROS OMS en SE Les en juurs. 199 Louceriure AE 50. 8 130 RUSSE OR 49. 6 131 DOUTER 41. 2 132 HoOUSSatnits. 2. 40. 17 133 L'OTUO CES DORE 39. 9 134 Martinique ........ 31. 8 135 Port-au-Prince .... ae 6 136 HO0OSON EEE e Ole 410 137 HAINE Re eee 24, 12 138 AMERTYO EEE TT 22. survit 139 FHONGUTOAS ET RC ee 20. 35 140 ACIER SEE 20. 10 141 BOULOGNE ER EES 20, 3 142 DOUISIQN CERN 19. survit 143 Ab ALOT LS 1e 14 144 ARS ETOILES Eee 15. survit 145 Guadeloupe........ {D 10 146 Guadalquivir...... 15. survit 147 IMOTOENDR ES REE CEE 15. survit 148 PACUICHEREN EN CE 14. 9 149 L)TEMEN SEE AO ETES 8.5 survit 150 PAS Le CUITE 5h survit 151 CODE re ss0e ce D. survit 152 DORÉ EMEA LA survit 153 HONOR 0.5 l survit A cette liste, j’ajouterai quelques autres expériences assez instructives. D'abord, le sérum des chiens immunisés exerce une action autitoxique qui diminue la toxicité de la crépitine rouge. Aïnsi le chien Belem (n° 154), reçoit O08r,040 de crépitine rouge, soit une dose extrêmement forte, et toujours mortelle, mélangée au sérum d’Amerigo, et survit. Le chien Roscoff (n° 155) reçoit 0,0215 mélangée au sérum de Pizarre (n° 155 bis), également immunisé, et survit. Si l’on chauffe modérément, à 409 pendant une heure ou deux, avec addition de carbonate de soude à 0,5 0 /0, la solution de cré- pitine, on la rend plus toxique. Aïnsi, Salem (n° 156), reçoit 08r011 de crépitine rouge, en solution alcaline, et meur. au 23e jour. Carcassone (n° 157) reçoit, 0,011 de crépitine rouge chauffée à 400 et meurt le 10€ jour. Tout se passe comme si la toxine n’existait pas en tant que toxine active, mais en tant que protoxine, capable de se tranformer en toxine par l’action de la chaleur ou de lalcali. 618 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Et en effet, en maintenant dans la glace une solution de crépi- tine dès qu'elle est faite, on atténue ses propriétés et on la rend beaucoup moins active. Atala (n° 158) a reçu 02r,0285 et a survécu. IT est intéressant de räpprocher le cas d’Atala du cas de Carcas- sone. La toxine chauffée à 40° a tué Carcassone à la dose de 08r,011. Refroidie à 00, cette même toxine n’a pas tué Atala à la dose de 08r,0285. On verra plus loin qu'avec la congestine j'ai obtenu plus nettement encore les transformations de protoxine en toxine. J'ai essayé sur les cobayes la toxicité de la crépitine rouge (en injection sous-cutanée ou intraveineuse) et j'ai constaté que la dose toxique est très exactement le double de la dose toxique chez le chien. CRÉPITINE ROUGE (Cobayes.) CRÉPITINE ROUGE (Lapins. à 8 à à ë œ A 52 DURÉE ca A SE DURÉE NAME ÉHuNoienr À A = % | de la survie (en jours). = A = & | de la survie (en jours). Z z Z Z Les [62] LE NC ÉE INSURREREEE 11 YÉ 5 29 74% 122 88 66 fl 17 67 11 DS 85 5 13 65 survit. 61 57 6 71 59 7 81 50 dr 47 54 survit. 10 45 9 56 50 survit. 45 4% 3 73 48 19 7 42 10 31 48 16 n) 40 21 87 45 survit 47 37 14 62 45 11 86 36 15 84 44 Al 48 30 12 7 41 survit. 29 29 survit. 83 36 survit. 40 23 survit. 98 33 survit. T5 18 survit. 60 25 survit (m. au 52e j.) 91 13 survit. 63 23 20 78 11 survit. 92 22 survit. 24 7 survit. 24 22 survit. 62 112 survit. 1 DE PRE RE 8 survit. ! Sur les lapins les chiffres sont moins réguliers (injection toujours intra-veineuse). Aïnsi, malgré quelques irrégularités, la dose limite est, en milligrammes par kil. pour injections intraveineuses. BODAVES PEER 30 Lapiuee ANT ES 45 ChtenS RTE RE Re 15 Autrement dit, très exactement, dans les rapports de 1, 2, 3 CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 619 La erépitine noire est beaucoup plus toxique que la crépr- tine rouge. Voici d’abord les chiffres relatifs aux chiens. CRÉPITINE NOIRE (Chiens.) ee DOSE DURÉE Dee De en milligr. par kil. de la survie (en jours). 159 IR NS S 64. à 160 DATASCOREN IE 50. { 461 COLOR ER RME co. 0.5 162 PUNOUUTEE Fos SRE 28. 7 163 ROGTIQUEES ER 28. 9 164 CULEDTO REA JTE 6 465 D'OSLOETE =. Bee 95. 3 166 OPNETOR ARE 18. 4 167 CLEMENT SE MIE EE 8.3 survit 168 ALOCLEIO ERREE": Les 5 1 169 INGICRP SERPENT EE 5.6 10 470 GONSA IREM RORENE Sat 43 171 BUCRECO SRE DES 1% 172 POlEbRAS IEEE 5.0 14 473 (PDU NOR ne 5.0 3 174 ASICUUPEEERR SERRE 3.8 10 475 RFI AO D 9 476 Concepcion...... à 3.4 sur.it 177 NES She trees 3.0 survit 178 Almanzora ..... Ne OT 15 179 Melbourne......... 2,3 19: 180 Grenadio...... ER: Do survit 181 STE SE en 2.0 5 182 ASSOMPCION........ 1.3 16 183 GT An GAA EIR 4.1 12 18% Gas lo eme 1:41 ) 185 PLU LORS EEE PE OP survit 186 DO lErO ER er 0.65 survit Il faut évidemment mettre à part le chien Guzman, qui a présenté une immunité naturelle assez paradoxale, plus ou moins comparable à celle du chien Xakatoa. Si le chien Grenadio (n° 180) a survécu, c’est qu’il avait reçu en même temps l'extrait cérébral du chien Belem, déjà mentionné plus haut, et qui était sans doute très fortement immunisé, puisqu'il avait résisté à 08r,040 de crépitine rouge. En définitive, la dose toxique de crépitine noire parait être très voisine de O8r,001, c’est-à-dire se rapprocher de la dose toxique de la crépitine mixte. Je n’ai pas fait d’injections de crépitine noire à des cobayes, mais seulement à des lapins, et J'ai obtenu les chiffres suivants : 620 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CRÉPITINE NOIRE (Lapins.) DOSE EN MILLIGR. DURÉE NUMÉROS par kil. de la survie 41 67 2 54 53 05 52 38 2: 100 34 14. 26 26 5 5 17 152 39 16 és 15 15 6. 2 12 8. D7 10 22 25 40. survit 27 9.4 2e 4% 8.0 3. 20 14 8. 19 7.0 survit 94 7.0 10. 23 6:5 42. 51 6.0 24. 90 5,9 32 76 5.1 34. 42 L4 | survit. 39 4,3 survit. 3.9 survit. 95 Dr) survit. Les lapins ont donc une dose limite de 080045 par kil, c’est-à-dire qu'ils sont 4 fois moins sensibles que les chiens. En tout cas, ce qui ressort nettement de ces expériences, c’est que la crépitine rouge est 15 fois moins toxique que la crépitine noire. Il me paraît peu rationnel d'admettre que la crépitine rouge doive sa toxicité à des traces de crépitine nolre; car autant il est difficile d’avoir de la crépitine noire ne contenant pas traces de crépitine rouge, autant il est facile, par une solution alcoolique à 50 ou même à 62 0/0 d’alcool, d'éliminer complètement les albumines qui, comme la crépitine noire, précipitent par plus de 25 0 /0 d’alcool. Le filtrat est parfaitement pur, et cette solution alcoolique peut être indéfiniment gardée. D'ailleurs, vu l’importance de cette séparation rigoureuse, je cherche en ce moment à obtenir des séparations plus complètes encore des crépitines différemment solubles, suivant les propor- tions d'alcool. CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 621 Les crépitines noire et rouge ont été aussi étudiées au point de vue de la puissance anaphylactique. Pour faciliter le langage, nous appellerons injection préparante, la première injection ana- phylactisante, et injection déchaînante, la seconde injection qui provoque les accidents d’anaphylaxie. La crépitine rouge a un pouvoir déchaïnant notable, (La limite toxique, chez le chien, est de O8r,015.) CRÉPITINE ROUGE. INJECTION DÉCHAINANTE NOMS F DOSELS Le ACCIDENTS ANAPHYLACTIQUES en milligr. par kil. = E Philadelphie . . 25. Assez forts. Survit. Michigan....... 20” Très forts. Survit. Bolivar" "7% 9. Moyens. Prurit intense. Survit. IMELICOR EEE 6.2 Très forts. 4 jours. Mocaragqua ..... 5.0 Très forts. Survit. Louisiane ...... Sa Survit. RAMANLO NES 4.5 Très faible. Survit. Concepcion..... 3.0 Faible. Survit. ÉLUS 1.0 Survit. La crépitine noire a, elle aussi, un pouvoir déchainant tres fort. (La dose toxique de crépitine noire est, chez le chien, de Osr,001.) CRÉPITINE NOIRE. INJECTION DÉCHAINANTE NOMS | DOS: ACCIDENTS ANAPHYLACTIQUES en milligr. par kil. TéneEr TA 82. Très forts. Mort en 25’, CCC DUREE EEE 66. Très forts. Mort en 3 h. HUASON ET. ire Nuls. Survit. Lille ee 10. Faibles. Survit. RONIETE Ce | De Assez forts. Survit. Baltimore ...... Bol Nuls. 19 jours. D'AVIONS 2-9 Nuls. Survit. VeERAICrLEr Eee 2.8 Nuls. Mort en 8 jours, OuéDeC MEL 2 Nuls. Survit. MOT Re ce DEA Faibles, Prurit. Mort en 24 h. Vancouvr'a ..... 2.1 Moyens. Louisiane....... 2.0 Moyens. Survit. Honolula....... 2.0 Moyens. Survit. BoOlRAT ETES | 4\.7 Extrémement forts. OOLO RE TE | 4.4 Mort immédiate. Roscoff..... LEE 12 | Forts. Survit. DORÉ LEE 0.4 Trés forts. Mort en 1 jour. Mais il faut interpréter ces faits; car les conditions, chez ces différents chiens, étaient trés différentes. DE Chez Ténériffa et Crépita on ne peut pas dire qu’il s'agisse 622 : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de vraie anaphylaxie, car la dose injectée a été tellement forte qu'on ne peut rien conclure, sinon que l’animal n’était pas immu- nisé contre une aussi forte dose. Hudson, Lille, Kinley, Dayton, Québec, ont survécu à des doses mortelles pour des chiens normaux, et ils n’ont pas présenté de phénomènes anaphylactiques. Ils étaient donc bien immunisés sans être anaphylactisés, alors que les chiens injectés à la crépi- tine rouge étaient immunisés, mais en même temps anaphylactisés (Michigan etPhiladelphie.) On ne peut cependant pas conclure que là crépitine noire n’ait pas de pouvoir déchaînant. Au contraire, son pouvoir déchai- nant est manifeste dans quelques cas, par exemple pour PBornéa et Paolo. PBornéa a reçu le 14 avril 08r,002 de crépitine rouge, ce qui est une dose absolument inoffensive. Le 20 mai, soit 37 jours après elle reçoit de crépitine noirela doseextrêmement faible de08r,0004! Immédiatement, elle est prise de vomissement, diarrhée intense, puis coma, avec respiration dyspnéique, insensibilité complète! mort imminente. Elle se relève pourtant, mais meurt dans la nuit, près de 6 heures après l'injection. A noter que l'injection prépa- rante était crépitine rouge, et l’injection déchainante crépitine noire. Paolo a reçu le 15 janvier 02,01 d’une crépitine (mixte impure) dont la toxicité est faible. Le 28 février, soit au 44€ jour, il reçoit en injection déchainante 0£r,0014 de crépitine noire, additionnéé de carbonate de soude. Alors, aussitôt, phénomènes extrêmement graves, Vomissements. État asphyxique. Cécité psychique et insensibilité. Il meurt 35 minutes après l’injection, ce qui est abso- lument exceptionnel. Dayton, qui avait reçu le 14 janvier 0#,007 de la même crépitine mixte, en injection préparante, c’est-à-dire presqué exactement la même dose que Paolo, et en même-temps que lui, reçoit le 28 février 08r,0029 de la même solution de crépitine roire que Dayton, mais sans addition de carbonate de soude. Ilr’a pas d’anaphylaxie et survit, sans avoir jamais présenté le moindre trouble. (Il est encore vivant aujourd'hui, 15 juin.) Ces trois expériences prouvent donc : 1° que la crépitine noire a un pouvoir déchainant, même si l'injection première a été de la crépitine rouge : CREPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 623 20 Que la crépitine noire est probablement une protoxine, puisque son pouvoir toxique augmente énormément par l’action du carbonate de soude. L'expérience faite avec Roscoff confirme nettement le pou- voir déchainant de la crépitine noire, même quand linjection préparante a été faite avec la crépitine rouge. Roscoff a reçu le 23 février 0£r,0215 de crépitine rouge et a survécu (car la toxine était mélangée avec du sérum d’un chien immunisé). Le 19 avril, soit au 54€ jour, on lui injecte 0,0012 de crépitine noire. Il est tout de suite très malade, avec titubation, vomissements, diarrhée, inertie absolue, respiration mauvaise, état assez grave qui dure 35 minutes. Cet antagonisme est d'autant plus intéressant, que de cré- pitine rouge à crépitine rouge l’anaphylaxie est faible. Ainsi, Louisiane, qui a reçu le 11 février la dose très forte de 08,019 de crépitine rouge, reçoit le 21 avril, c’est-à-dire au 68e jour, 0,005 de cette même crépitine rouge, et n’a rien. Mais, le 20 mai, c’est-à-dire au 29€ jour, après avoir reçu 02,002 de crépitine noire, elle a une anaphylaxie des plus nettes {diarrhée intense, état cataleptoïde et spasmodique des muscles, respira- tion difficile, arhélante.) La crépitine rouge n’a pas pu pro- duire en injection déchainante l’anaphylaxie qu’a provoquée intensivement la crépitine noire; encore que la première injec- tion ait été de la crépitine rouge. Done, il y a irteréchange d’actionentre la crépitine rouge pré- parante et la crépitine noire déchaînante. Mais la réciproque n’est peut-être pas vrale ; encore que, par suite du petit nombre d’animaux ayant survécu à l’injection pre- mière de crépitine noire, il soit difficile de conclure en toute rigueur. Philadelphie, Bolivar et Texas ont reçu de la crépitine rouge en injection déchainante; après avoir reçu de la crépitine noire en injection préparante. Mais ils avaient antérieurement été injec- tés avec de la crépitine mixte, et la crépitine noire n’a été qu’en seconde injection, la crépitine rouge en troisième, ce qui rend la conclusion difficile. Je ne peux guère citer que la chienne Concepcion qui avait résisté le 28 février à la forte dose de 0,0051 de crépitine noire. Le 21 avril, soit au 53° jour, elle reçoit 0,0031 de crépitine 624 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rouge, et est à peine malade (vomissements et un peu de diarrhée). Nous retrouverons plus marqué encore ce même antagonisme entre les deux variétés d’une même toxine pour la congestine jaune et la congestine noire. J’ai fait aussi quelques expériences d’anaphylaxie sur les cobayes et les lapins, mais les résultats ont été assez médiocres, suffisants pour dire qu’il y a anaphylaxie et immunité. Mais J’anaphylaxie comme l’immunité ne sont pas très marquées, et les expériences fournissent beaucoup moins de détails que les expériences faites sur les chiens. $ III. — De l’anaphylaxie in vitro avec la crépitine. Les expériences d’anaphylaxie in vitro que j'avais indiquées dans mon précédent mémoire ont été répétées avec succès par divers auteurs : FRIEDEMANN, Dürer et Russ, Brior, etc., de sorte que ce fait, si important pour la théorie de l’anaphylaxie, n’est plus contestable. Il a d’ailleurs été fortifié par la découverte im- portante de FRIEDBERGER, que la précipitine obtenue par le mélange de lantigène avec le sérum de l’animal immunisé, est par elle-même toxique, et provoque chez un animal neuf les syn- drômes de l’anaphylaxie. Pourtant il me parait utile de rapporter quelques-unes de mes nouvelles expériences sur l’anaphylaxie in vitro ; car l’expé- rimentation sur le chien, avec un produit relativement homo- gène, comme la erépitine, fournit de plus amples renseignements que l’expérimentation avec un sérum étranger chez des lapins et des cobayes. I. Le chien Amérigo reçoit le 4 février 08,022 de crépitine rouge. Le 11 mars, au 35° jour, il est sacrifié, et le mélange de son sérum (192 c. c.) avec 08r,26 de crépitine rouge, est injecté à Belem, de 6K,5 (ce qui fait O8r,04 par kil.) Pendant l'injection même, il y a une hémorrhagie intestinale, et il s’écoule par le rectum du sang presque pur. Belem est assez malade, vomit du sang assez abondamment, a de la diarrhée san- guinolente,se couche, très abruti,etayant grande peine à se relever. Pourtant, il survit. L'expérience est doublement intéressante, car Belem a sur- CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 625 vécu, quoique la dose de 0,04 de crépitine rouge soit mortelle pour un chien neuf; le sérum était donc immunisant. En même temps, il contenait de l’apotoxine, c’est-à-dire la combinaison de la toxine antigène avec la toxogénine du sérum d’Amérigo. En effet, jamais, chez un chien neuf, l'injection de crépitine n’est accompagnée d’hémorrhagie intestinale, ou même de phéno- mènes toxiques quelconques. Par comparaison, le même jour, on mélange 08,02 (par kil.) de crépitine avec l'extrait hépatique d’Amerigo et on injecte le mélange à A/cala. Alcala ne présente aucun symptôme immédiat (done le foie ne contenait pas de toxogénine), mais elle n’est pas immunisée non plus, et meurt le 10€ jour. (Donc le foie ne conte- nait pas plus de toxogénine que d’antitoxine.) IT. La chienne Atala a reçu le 11 février 08r,0285 de crépitine rouge, sans être malade aucunement. Le 21 mars, au 38° jour, elle est sacrifiée par hémorrhagie, et on mélange 90 c. c. de son sérum avec 08,145 de crépitine rouge, pour l’injecter à Louver- ture (ce qui fait 08r,05 par kil. de crépitine rouge). Après injection de 20 c. c., Louverture vomit avec intensité; il a de la diarrhée, un léger ténesme rectal et un peu de titubation. Après que toute la crépitine, mélangée au sérum d’Atala, a été injectée, Louverture est pris de démangeaisons frénétiques, aussi nettes qu'après l’in- jection de malassine. Pendant 5 minutes, il se frotte énergique- ment le museau sur le sol, se roule par terre, se gratte de tous côtés, ne sait où aller, tant le prurit est fort. Il est impossible de trouver un exemple plus net de prurit. Or nous savons que le prurit est un des phénomènes essentiels de l’anaphylaxie, et que jamais la crépitine ne provoque rien d’analogue sur un animal neuf. | Louverture avait reçu une dose très forte, trop forte sans doute pour qu'on ait pu ainsi l’immuniser. Il meurt le 8° jour. ‘Le foie d’Atala (extrait soluble, hépatique, bien filtré) est injecté à un autre chien, Toussaint, avec 08r,04 (par kil.) de cré- pitine. Toussaint a quelques légères et fugaces démangeaisons, et ne parait d’ailleurs pas incommodé. Il meurt le 17€ jour. IT. Guzman a reçu sans mourir, le 14 février, la dose extrême- ment forte de 0£r,0083 de crépitine noire. Il est sacrifié par hémorrhagie le 28 mars, soit au 42e jour. Le 28 mars, on mélange 110 ce. c. de sérum avec 04,05 de crépitine noire, et on injecte 40 626 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR la totalité à Pacheco {soit 0,0053 par kil.), de 5 h. 15 à5 h. 23. A 5h. 25, Pacheco, détaché, a un peu de titubation, de la diarrhée. Puis il tombe sur le f anc, ne pouvant plus marcher. La respiration est dyspnéique. Pourtant, il conserve son intelli- gence, il n’a pas de cécité psychique; mais il est dans un état d'inertie absolue, avec incapacité motrice. Il ne peut se relever et marcher tout seul qu’à 5 h. 45. Il meurt le 14€ jour. IV. Nicaragua, assez jeune chien bull, a reçu le 5 novembre 0,0013 de crépitine mixte, et le 22 février, la dose très faible de 0,005 de crépitine rouge, ce qui détermine une très forte anaphy- laxie. 50 jours après la seconde injection, le 13 avril, ilest sacrifié; on injecte à T'aiti 135 c. ce. de son sérum, mélangé à 08,33 de crépitine jaune. Dès le début de l’injection (0,006 par kil.) Taiti est assez malade. Il peut se tenir debout, mais il est hébété, presque insensible, ne répondant pas à des excitations même fortes. On achève l’injection des 08r,032 (par kil.) et les phé- nomènes, loin de s’aggraver, paraissent plutôt diminuer. Il meurt au 2€ jour. V. Belem est sacrifié le 22 avril par hémorrhagie. On prend 62 c. c. de son sérum qu’on injecte à Gonzalès avec 08r,005 par kil. de crépitine noire. L’injection est finie à 3 h. 38. A 3 h. 45, Gonzalès a une anaphylaxie pruritique légère, mais aussi nette qu’on peut le désirer. Ïl se frotte le museau avec les deux pattes. C’était un chien vif et allègre, qui pendant une demi-heure de- vient triste, fatigué, hébété. VI. Diémen a reçu le 11 avril 0£r,0085 de crépitine rouge; et Australia le 15 avril, 0,015 de cette même crépitine rouge. Les deux chiens sont sacrifiés le 24 mai, soit aux 44€ et 41° jour, par hémorrhagie. On mélange les deux sérums, qui sont injectés à Melbourne, avec 0,0023 (par kil.) de crépitine noire (160 c. e. de sérum). L’injection est finie à 3 h. 28. D’abord, Melbourne n’est pas malade; mais à 3 h. 48 apparaissent les démangeaisons, nettes et modérées. À 3 h. 56, elles s’exacerbent, et enfin à 4 h. 2, elles deviennent frénétiques, d’une intensité extrême. VII. Bas de Cuir a reçu le 7 février 0,005 de crépitine rouge. Le 15 avril, c’est-à-dire au 69€ jour, il est sacrifié par hémorrhagie, et 230 c. c. de son sérum sont injectés à Diémen, mélangés à 08r,0085 (par kil.) de crépitine rouge. Diémen a une attaque légère, mais nette, de démangeaisons. CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 527 VIII. Michigan, Québec et Georgia sont sacrifiés par hémor- rhagie. Ils avaient reçu de la crépitine mixte et de la crépitine rouge à plusieurs reprises, 40 jours auparavant. Leur sérum (mélangé) est mélangé à 02,8 de crépitine jaune et injecté, à la dose de 190 c. e. à Cypris de 17K,4 (soit 11 ec. c. 2 de sérum par kil. et 0,048 par kil. de crépitine). Dès le début de lPinjection, il y a hémorrhagie intestinale chez Cypris. Du sang presque pur s’écoule par le rectum. D'abord, il ÿ a un prurit. intense, puis, au bout de vingt minutes, l’état s’ aggrave. Grande faiblesse. Stu- peur. Respiration mauvaise, Cypris se couche, peut marcher encore, mais est tout à fait épuisée. L’extrème stupeur alterne avec des démangeaisons féroces. Cypris meurt le lendemain même de l'injection. Ces huit expériences, qu'il faut ajouter aux expériences indi- quées dans le précédent mémoire (Wattagrossa, Romulus, ete.) établissent donc d’une manière indiscutable le phénomène que j'ai, le premier, appelé anaphylaxie in vitro. C’est, à ce qu’il me semble, un fait de capitale importance, et je ne crois pas qu’on puisse l’expliquer autrement que parl’hypothèse proposée dès mon mémoire de 1907, à savoir qu’il;y a une toxogénine dans le sang des animaux anaphylactisés, et que cette toxogénine, réagissant sur la toxine antigène, donne une combinaison toxique, l’apotoxine, poison anaphylactique, à effets particuliers, disparaissant très vite du sang, produisant à dose faible prurit:; à dose moyenne diarrhée, vomissements et hébétude; à dose forte, dyspnée, état, comateux, et hémorrhagies gastro-intestinales (1). Peut-être, d'ailleurs, cette anaphylaxie tn vitro ne doit-elle pas être généralisée outre mesure, car avec la congestine des actinies je n’ai jamais rien pu voir d’analogue. $ IV. — De lanaphylaxie cérébrale in vitro. J'ai supposé que la toxogénine des chiens anaphylactisés n'existait pas seulement dans le sérum du sang, mais encore dans le tissu cérébral, et l'expérience a confirmé mes prévisions. Voici comment l'expérience a été faite : Le cerveau d’un chien, sacrifié par hémorrhagie, est traversé (1) M. WoLrF Eissner (Handbuch der Serumtherapie, 1910) appelle cette théorie de l’apotoxine une théorie embrouillée (verwirrende). C’est sans doute parce qu'il n’a pas pu la comprendre, ce qui ne dépend pas tout à fait de mei. 628 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR par un courant d’eau injectée par la carotide, de manière à être débarrassé de tout le sang qu'il contient. Alors le cerveau est broyé avec du sable er pulpe très fine, et agité avec 3 fois son poids d’eau salée à 7 0 /00 de NaCI. L’extrait est alors centrifugé, et le liquide opalescent qui surnage est filtré à quatre reprises sur du papier filtre très serré (trois filtres superposés à chaque filtration). Le liquide reste toujours un peu opalescent, mais il finit par passer sur ces triples filtres aussi rapidement que de l’eau. La quantité de matière organique a été de 0,46 0 /0 dans un dosage. Ce liquide peut être injecté sans inconvénient à des chiens, même à dose très forte. Si l’on évalue en centimètres cubes la quantité de liquide céré- bral injecté par kil. d'animal (et toujours l'extrait aqueux céré- bral était fait par broyage du cerveau avec 3 fois son volume d’eau) on a pu, sans obtenir aucun autre symptôme que quelque- fois une passagère anhélation et un peu de diarrhée, ii1jecter les quantités suivantes : (en centimètres cubes) 10,6 — 10— 10 — 9— CT PS —4,4— 48.6 — 3 — 2 — 0,5,ce qui suffit pour établir la relative immunité de cette injection d'extrait aqueux cérébral. Au contraire, si l’extrait aqueux du cerveau d’un animal anaphylactisé est mélangé avec l’antigène qui a anaphylactisé, il se fait immédiatement une réaction violente, et une ana- phylaxie parfois trèsintense se déchaine. En voici quelques exemples typiques : T. Amérigo a reçu il y a 35 jours 0#r,024 de crépitine rouge. On injecte 60 €. e. de son extrait cérébral {soit 5 ©. e. 9 par kil, à Honduras avec 0,001 (par kil.) de crépitine rouge. Aussitôt après l'injection apparaissent des phénomènes extrêmement graves, perte de connaissance, yeux hagards, iris dilaté, cécité psychique, respiration asphyxique. Puis se, manifestent nystagmus, cécité psychique, diarrhée avec sang dans les fèces, titubation mar- quée, etc. | Néanmoins, Honduras survit à cette anaphylaxie intense : il ne meurt que le 35° jour. IT. Nicaragua, 50 jours après l’injection déchaïinante de cré- pitine mixte, est sacrifié par hémorrhagie. L’extrait cérébral est injecté à la dose très faible de 0 €. ce. 5 par kil. à Honolula avec 0,0005 par kil. de crépitine rouge. Dès que l'injection de cette minuscule dose est terminée, apparaissent des phénomènes graves, CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 629 troubles de la locomotion, ataxie, paraplégie, nystagmus et, diarrhée. Pour s’assurer que l'extrait cérébral n’est pas par lui- même toxique, on injecte 1 e. €. (par kil.) de ce liquide, non addi- tionné de crépitine, à Sandwich : ce qui provoque quelques troubles respiratoires qui ne durent que 5 ou 6 secondes, puis tout dispa- raît, alors que Æonolula reste pendant une heure extrêmement malade. Æonolula a survécu. Le lendemain, ce même liquide est injecté à Bornéa (1 c. c. par kil.) sans addition de crépitine, et cela sans aucun effet. Même après addition de 0,002 par kil. de crépitine, on n’observe plus le lendemain aucun effet sur Bornéa (comme si la toxogénine avait disparu?) ITT. Belem, au 42€ jour, après injection préparante de 08r,040 de crépitine rouge, est sacrifié par hémorrhagie. On injecte 20 ce. c. de son extrait cérébral à Arroyo (de 12 kil.) (soit 1 ce. c. 6 par kil.), avec la même quantité de 0,00033 par kil. de crépitine noire. Injection finie à 4 h.5’. A la fin de l’injection, il a de la diar- rhée, et est très faible. A 4 h. 10, l’état s’aggrave, la respiration se suspend, le cœur bat avec une force extrême, assez pour soulever violemment le thorax et ébranler la tête. Puis la respiration re- vient et reprend son rythme normal. Alors lanimal est dans un grand état d’épuisement. Il ne peut se tenir debout. Un liquide séreux, diarrhéique, mélangé à du sang, s'écoule parle rectum. Mais la respiration devient de plus en plus mauvaise, et finit par s’arrêter. Il meurt par arrêt respiratoire, le cœur continuant à battre ta 4h05 Mais j'ai poussé l’expérience plus loin. De l’extrait cérébral de Belem, 20 c. c. seulement avaient été injectés à Arroyo. Alors 80 c. c. de ce même liquide sont précipités par l’alcool: le préci- pité, abondant, est séché sur papier, puis redissous dans l’eau et injecté avec 0,0022 par kil. de crépitine noire à Grenadio (de 7K,2). Injection terminée à 1 h. 30. L'animal, détaché, est observé avec soin. Il a quelques troubles (légers), de la démarche et une titubation à peine perceptible. Puis apparaît (1 h. 40) un prurit faible d’abord, mais qui devient de plus en plus net. Il se gratte partout, se frotte le museau contre terre avec ses deux pattes, renifle de tous côtés, se gratte le flanc avec la patte, se mordille la queue, se lèche les pattes, se frotte les oreilles avec frénésie. Cet état de prurit ne dure guère et paraît terminé à 1 h. 55. 630 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR L'expérience est donc très nette, et semble prouver que l’élé- ment toxique, toxogénine, dissoute dans l'extrait cérébral, a été précipitée par l’alcoo!, a pu se redissoudre dans l'eau. Je dois ajouter que ce même précipité alcoolique du liquide cérébral de Belem, additionné de crépitine, a été aussi injecté à Chrysale le même jour,et que Chrysale n’a eu que des symptômes peu accusés, un peu d’hébétude et d’essoufflement. (Il est vrai que Chrysale n’était pas un chien neuf,mais qu’il avait reçu récem- ment de l’actino-congestine). IV. Québec, Michigan et Georgia sont sacrifiés par hémorrhes gie. On mélange l'extrait cérébral aqueux, bien filtré, de ces. trois chiens, et on en injecte 45 c. ce. (3 c. c. 8 par kil.) à Mufti avec 08r,039 de éie rouge. L’injection est terminée à midi 28. D'abord, il n’y aucun phénomène. À midi 48, Mufti commence à avoir quelques démangeaisons qui deviennent notablement plus fortes, sans être intenses. Mufti se gratte le museau avec ses pattes, se lèche, et se mordille les pattes. Mais il n’est nullement malade. A 1h. 30, il essaye le coït avec Sosia, qui a reçu, à 1 h. 25, du même liquide cérébral, 4 c. c. 2 par kil., mélangés à la très forte dose de 0,026 de crépitine noire. Sosia est un peu hébétée et survit, ce qui n'est pas démonstratif, car la dose de 0,026 de crépitine noire est suflisante pour produire des troubles. V. Pizarra, très jeune chienne de 3 mois, injectée le 26 ee bre avec 0,003 de crépitine mixte, a survécu. Elle est sacrifiée le 23 février, soit au 59€ jour. Son extrait cérébral aqueux est injecté à la dose de 44 €. e. par kil. à Boulogna avec 08r, 020 de crépitine rouge par kil. Boulogna est rapidement très malade. Elle tombe par terre, et ne peut se relever qu’à peine. Sa démarche est titubante, ataxique. Finalement, elle ne peut plus se relever, Insensibilité presque complète. État très grave. Elle meurt au 22 jour, et on trouve du sang en abondance dans l’intestin et dans le foie. VI. Grenadio a reçu le 23 avril 0,0022 de crépitine noire. Le 15 juin (au 55° jour), il est sacrifié par hémorrhagie. L’extrait aqueux de son cerveau est centrifugé, et le liquide qui surnage est précipité par 4 volumes d’alcool. Ce précipité, desséché dans le vide et pulvérisé, est repris par l’eau. Le filtrat, limpide, est additionné de 0,003 (par kil.) de crépitine noire et injecté à Makoko. Sept à huit minutes après que l'injection est terminée, CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 634 apparaît un prurit extrêmement net. Makoko se frotte le museau avec les pattes, se lèche et se mordille partout, se frotte frénéti- quement le museau contre un paillasson, en se roulant dessus. Ce prurit très fort dure peu de temps. Au bout d’un quart d'heure, Makoko est revenu à l’état normal. Il n’a d’ailleurs eu, en fait de symptômes, que du prurit. Ainsi, ces 6 expériences établissent formellement ce fait que la crépitine, mélangée au cerveau (et même au précipité alcoo- lique du cerveau) agit comme une substance toxique immédia- tement offensive (apotoxine) et déchainant immédiatement des accidents anaphylactiques, aussi nettement que l’amygdaline mélangée à l’émulsine provoque les accidents toxiques de l’em- poisonnement cyanhydrique. L'expérience vient d’ailleurs d’être répétée d’une manière ingénieuse par BELIN (Bull. de la Soc. de Biol., mai 1910) sur des cobayes. Il est vrai que dans quelques cas les résultats ont été néga- tifs, mais en pareil cas les faits négatifs n’ont pas grande valeur, Tous ceux qui ont étudié les réactions humorales des animaux immunisés savent qu'on observe de nombreuses et formelles exceptions. Voici quelques faits négatifs : I. Guadeloupe reçoit 9 c.c. 4 (par kil.) du cerveau de Vadius, avec 0,015 de crépitine rouge. Nul effet : cependant il a peut- être quelques légères et fugaces démangeaisons. IT. Port-au-Prince reçoit 10 e. e. 6 (par kil.) du cerveau d’Atala avec 0,035 (par kil.) de crépitine rouge, et ne présente absolu- ment aucun phénomène. III. Australia reçoit 9 c. c. 2 par kil. du cerveau de Bas-de- Cuir avec 0,014 de crépitine rouge. Nul phénomène. (Boréal reçoit le même jour 4 c. c. 6 par kil. du même liquide cérébral non additionné de crépitine, et n’a aucun phénomène, sinon un peu de polypnée pendant l’injection). IV. Pépito a reçu le précipité alcoolique cérébral d’un chien anaphylactisé (mélangé avec de la crépitine) et n’a eu aucun symptôme. Voici d’ailleurs, résumé en un tableau, le résultat de ces expériences d’anaphylaxie cérébrale in vitro. 632 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR DOSE d'extrait| DOSE cérébral |de crépitine aqueux (1)| mil. park. c.c.par kil. HOnAUTAS er .9 È Anaphylaxie intense. Honolula : ; Cécité psychique. Diarrhée sanglante. Anaphylaxie intense. Nul phénomène, Anaphylaxie intense. Mort rapide. Démangeaisons modrcrées. Anaphylaxie interse. Très légères démangeaisons. Port-au-Prince. Nuls effets. Australia à Nuls effets. Makoko .0 Assez fort prurit. Boulogne Guadeloupe ..….. WI+Sœoo Ajoutons à ces faits très nets quelques expériences faites avec la congestine des actinies, mélangée avec l’extrait cérébral de chiens anaphylactisés contre la congestine. Je dois indiquer ici, pour y revenir plus tard, que la conges- tine noire et la congestine jaune sont mortelles, en 3 ou 4 jours, à la dose de 0£r,05 par kil. Les effets sont moins nets qu'avec la crépitine ; car la congestine à forte dose, même iors de la première injection, produit des vomissements, de la diarrhée, et quelque hébétude, alors que la crépitine en injection première est abso- lument sans effet. I. Bridoison a reçu le 8 mars 0,05 de congestine noire. On le sacrifie le 20 avril, au 422 jour. Son cerveau est injecté, mélangé avec 0,014 de congestine jaune à Scapinette (par kil), ce qui est une très faible dose (11 c.c. 6 d’extrait cérébral par kil.) Scapi- nette vomit tout de suite; elle semble fatiguée et hébétée. Diar- rhée sanglante, et vomissements sanglants. A noter que cette dose de 0,014 de congestine Jaune est très faible, et que cependant Scapinette a été longtemps malade des suites de cette injection. Le 11 juin (au 51° jour), elle a des trou- bles ataxiques, une grande maigreur, etc. On la sacrifie. IT. Béjard a reçu le 5 mars 0,03 d’actino-congestine noire. Le 20 avril, au 45€ jour, il est sacrifié et l'extrait cérébral est injecté à Hector avec congestine jaune (par kil. 0,015 de conges- tine jaune et 6 ce. c. d’extrait cérébral). On n’observe pas d’acei- dents, autres que des vomissements et un peu de diarrhée. IIT. Alcandre a reçu le 12 janvier 0,045 de congestine noire. (1) Cerveau broyé avec 3 fois son volume d'eau. 2) Expérience faite le lendemain. CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 633 Il est sacrifié par hémorrhagie le 21 février (au 40€ jour). L’ex- trait aqueux cérébral est injecté à Lisette (10 c. c. d'extrait céré- bral par kil.) avec 08,025 de congestine jaune. Nul phénomène que vomissement et défécation. Par comparaison, le même jour, on injecte Sylvia avec l'extrait aqueux de la rate d’Alcandre et 0,03 de congestine jaune : nul phénomène. Mario avec sérum d’Alcandre et 0,04 de congestine jaune : nul phénomène; Grondard, avec extrait hépatique d’Al- candre, et 0,0275 de congestine jaune : d’abord il n’y a aucun phénomène; mais, quelque temps après, Grondard est pris de démangeaisons très fortes, il se roule par terre et se frotte le museau contre le sol. Cetteexpérience, qu’ilfaudra d’ailleurs répéter, semblerait prou- ver que la toxogénine de l’actino-congestine se localise plutôtdans le foie, tandis que celle de la crépitine se localise dans le cerveau. IV. Dorimène et Juana, anaphylactisés à l’actino-congestine depuis 102 et 173 jours, sont sacrifiés le 24 mai. Leur extrait cérébral aqueux (mélangé) est mis au contact d’actino-congestine et injecté à Torresina (2 c. c. d'extrait cérébral et 0,026 de con- gestine jaune par kil.), Nul phénomène. Le sérum de Dorimène et Juana est injecté, mélangé avec 0 8r,025 par kil. de congestine jaune à Zélandia (27 ce. ce. 5 de sérum par kil). Nul effet, sinon peut-être quelques démangeaisons faibles. On peut donc provisoirement dire que lanaphylaxie in eitro (soit avec le sérum, soit avec l’extrait cérébral), qui réussit si bien avec la crépitine, réussit peu avec l’actino-congestine. $ V. — Actino-congestines jaune et noire. Toxicité. Le produit brut, que j'ai appelé actino-congestine, a pu être séparé en deux produits très différents, que j’appellerai pour sim- plifier : congestine jaune et congestine noire, l'une et l’autre solubles dans l’eau, mais différemment solubles dans lalcool. La congestine noire est insoluble dans des solutions contenant 25 0/0 d'alcool, et elle est précipitée de sa solution aqueuse par la quantité correspondante d’alcool. La congestine jaune est entièrement soluble dans des solutions contenant 50 0 /0 d’alcool, et elle n’est précipitée par l’alcool que si le titre alcoolique est de 75 0 /0. On peut alors, par des dissolutions et précipitations répétées 634 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR méthodiquement, avoir deux corps tout différents; l’un grisâtre, assez difficilement soluble dans l’eau (congestine noire), l’autre, d’un beau jaune ambré, présentant un dichroïsme éclatant et se dissolvant dans l’eau avec la plus grande facilité. Assurément l’étude chimique de ces deux corps très diffé- rents devrait être méthodiquement entreprise, mais je ne me suis occupé jusqu'à présent que de leurs propriétés biologiques. Quoique la séparation soit laborieuse, elle est plus facile cependant que la séparation de la crépitine rouge et de la crépitine noire, CONGESTINE JAUNE NOMS DORE" SURVIE EN JOURS en milligr. par kil. MGR ENS T5 4. FTOTA Ce Eee 60 4.0 HILDOLE EEE 35 33 GONOUULSERREENES 50 survit Almeida.......... 45 31 MATIN ERERE ET 45 survit Dorimedaieerenee 41 — - AIATOASTO RE TEE 49 — CLEAN EEE EEE 40 — BOIS Sr nec 40 — MOTORS Re er 40. = Conielle PRE 40. — APNOUTE ER ECE 40. == Pourceaugnac,... 39. SR ValmOon Eee 34, On DORE EEE 35. survit. DUCAS RE ES 22. 10. CRAN TOLLE RE 32 survit, POSQUIR EC 31. ar Alma-Vira .…...…. 30. — CÉRONLEMNEEEER 30. == DICJOR DEEE 30. — GRONCGTOREPREE 27.5 = Gros Renc. _…. CALE = OUEN DRE DD = SCOR ER EN 25° Si DYLAN 25). — L'CLAN TIRER 95: — DOTCLEAR 25e au LHFBTIENEERPNE 24. = ANTONIN er 22. = BAT INOlLON ARMES 20. nn SUCRE SENS EME 20. = GERS ANSE 15. ax SCHPIR EE er 14, = HECIOTIRPREEE 14. — DONS RAA EE 12.5 28. Je rappellerai que dans mon mémoire de 1908 sur l’actino-congestine (Ann. de l'Institut Pasteur, 1908), j'avais trouvé, pour la congestine préparée par le fluo- rure de sodium, et contenant 42 0/0 de matières minerales, la dose toxique égale à 0,075 : soit 0sr,043 de matière organique ét 0,035 pour une congestine préparée avec la glycérine, en chiffres ronds, pour ces diverses congestines, 0s',04 par kil. d'animal en injection intra-veineuse. CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 635 C’est à un chiffre analogue que me conduisent mes récentes expériences faites avec la congestine jaune et la congestine noire. La dose toxique se trouve ainsi déterminée, et elle est voisine de 08r,050; car Ælipote a survécu 33 jours à cette dose, Gorgibus a survécu à 08,050 et Æorace est mort à O08r,060. Alcmène est morte à 0,045 au 21€ jour; d’autres chiens ont survécu à la dose de 0,045. Il n’y a comme exceptions que Valmont et Lucas. Mais Val- mont a reçu une congestine jaune purifiée par plusieurs redissolu- tions alcooliques, et probablement plus toxique. Quant à Lucas, son histoire est assez intéressante. J'avais dans mon mémoire de 1907 montré que la congestine mise en solution augmentait de toxicité, comme si de protoxine elle passait à l’état de toxine. Pour Lucas la solution à 0,5 0/0 de congestine a été chauffée pendant deux heures à 500, et alors injectée à la dose de 0,032. La même solution mise dans la glace a été injectée à Martine, à la dose de 0,045. Martine a survécu, tandis que Lucas est mort au 10€ jour. Toutefois, si la toxicité augmente, elle n’augmente pas énor- mément. J’ai laissé pendant plusieurs jours une solution de congestine jaune à 0,5 0/0 (additionnée de fluorure de sodium afin d’empêcher les fermentations microbiennes), pour voir croître la toxicité. Du 5 mars au 12 mars pour Almaviva; du 5 mars au 16 mars pour Bartholo. Almaviva a reçu 0,03 et a survécu (mais a présenté des symptômes d'intoxication assez forte au moment de l'injection). Bartholo a survécu à la dose de 0,02. Le tableau suivant qui donne les résultats d’expériences avec la congestine noire, montre que la dose toxique de la con- gestine noire est identique à celle de la congestine jaune, soit 081,05 par kil. I n’y a donc pas là l’énorme différence de toxicité que nous avons vue entre les crépitines jaune et noire. J’ai cherché à savoir si les chiens immunisés et anaphylactisés contre la crépitine ne présenteraient pas quelque immunité ou anaphylaxie contre la congestine:;et ce résultat a été très net pour la congestine jaune. 636 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CONGESTINE NOIRE ELLE Ugo se NOMS DOSE EN MILLIGR.| SURVIE EN JOURS par kil. Gélimene. LI 80 0.5 LoyaL EE Er 64 1.0 Barbouille ... ... 6u 1% BTIAOISON NE 50 survit. DOTE SN Se UE 50 0.5 JOLELELLERE NES 47 3. Pernelle re 45 survit. AICANATENES NE 45 — ELEMPIEE REP 40 = Escarbagnas...... 40 — ECG SERRE RE 40 = AMJEQUE ee 40 = SATENCUNE NON 40 79 Glitandneno ra bb) —= DONATION 35 — CITE 39 — | PATRON ENES 30 a | ATLON OI 30 — Grippesoleil ...... 28 —= GRETUbLIN EE 28 Ta LR EP DO Nous avons vu que pour la congestine jaune la dose toxique était de 08,050. Cinq chiens ayant reçu depuis longtemps de la crépitine, ont reçu de la congestine. CONGESTINE JAUNE (chiens ayant reçu de la crépitine.) NOMS DOSE EN MILLIGR, par kil SURVIE EN JOURS ROSCON EEE. T3 survit. Gordillero.. 68 DOLLARS 66 4 Jamaiconnees 62 survit. BUEDIO RENE 18 survit. Aucun de ces chiens n’a présenté de symptômes d’anaphy- laxie (de crépitine à congestine). Mais il y a eu une immunité très nette chez Roscoff et chez Jamaico. Six chiens, ayant reçu depuis longtemps de la crépitine, ont reçu de la congestine noire, et il ne semble pas qu'ils aient eu quelque immunité. CREPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 637 CONGESTINE NOIRE (chiens ayant reçu de la crépitine). NOMS DOSE EN MILLIGR:|SURVIE EN JOURS par kil. Panama. ..:..... 7 0,2 Gayennet 65 2, IRNOEUIOMAE EEE 65 0.2 Hénenrfia SE NEE 50 survit. DOTOLAE EE RE 50 survit. MRÉPIRLRANE a 47 survit. La limite toxique est donc la même pour les chiens crépiti- nisés que pour les chiens normaux, quand l’injeetion seconde est de la congestine noire. Ils n’ont d’ailleurs présenté aucun phé- nomène d’anaphylaxie. L'expérience inverse a été aussi faite, mais elle ne porte que sur deux chiens; ce qui ne permet pas de conclusion ferme : 2 chiens ayant reçu de la congestine antérieurement, ont semblé avoir une résistance un peu plus grande contre la crépi- tine (noire). Diafoirus et Chrysale ont résisté à la dose générale- ment mortelle de 08,022 de crépitine noire. On peut donc admettre — encore que ces expériences doivent être reprises — que l’intoxication par un antigène modifie d’une manière notable la réceptivité à un autre antigène. Il est bien évident que les réactions d’immunité et d’anaphylaxie sont spé- ciales à tel ou tel antigène; mais la spécificité, si marquée qu’elle soit, n’est pas tout à fait absolue. Des recherches ultérieures fixeront le degré de cette spécificité. L’anaphylaxie par la congestine diffère notablement de l’anaphylaxie par la crépitine. Les symptômes immédiats sont également nets dans les deux cas; mais les chiens ayant reçu une injection seconde de crépi- tine ne meurent pas, même après avoir présenté des symptômes intenses d’anaphylaxie, tandis qu'après une injection déchaïinante de congestine, les chiens meurent presque toujours. Ce qui revient à dire qu’il y a, après l'injection préparante de crépitine, formation de substances immunisantes, antitoxines qui font que des doses deux ou trois, ou même six fois mortelles, déterminent une ana- phylaxie passagère, qui ne se termine pas par la mort, tandis qu'après une injection préparante de congestine, les accidents très intenses, immédiats, sont suivis d’une apparence de rétablis- 638 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sement, mais la guérison ne dure que quelques heures et l’animal finit toujours par mourir d’anaphylaxie chronique. (Nous croyons en effet nécessaire d'introduire cette expression d’anaphylaxie chronique pour indiquer les accidents survenant quelques heures après linjection déchainante. L’anaphylaxie aiguë est au contraire celle qui se produit immédiatement, dans la première heure). Or, après la crépitine, il n’y a presque jamais d’anaphylaxie chronique, tandis qu’il y a toujours anaphylaxie chronique après la congestine,et qu’ilest impossible avec la congestine de retrouver les faits d’immunité qui sont si nets avec la crépitine. Voici, en effet, un tableau indiquant les résultats de l’injec- tion déchaîinante de congestine (jaune). (Nous rappellerons que la dose toxique, chez l’animal neuf, est voisine de 02,05.) CONGESTINE JAUNE. INJECTION DÉCHAINANTE DOSE SUR VIE NOMS en milligr. par kilog. en heures. Arnolphe GORGIbUS EE BEIC RATES (Géronte Eraste (1) Marfurius Grippesoleil Escarbagnas CROASSRENERTEECE Alma- Viva Chérubin Dorville CovreNLE RER (COMMISE TEE Juana Pasquin Arqgan Angélique Corula survit. 6 12 5 jours. survit. 16 4 Criquet Adrusta DES OGAUdAImDDELR ER (4) La congestine a été injectée, mélangée à une solution de permanganate de potasse à 0.5 0/0. Les phénomènes d'anaphylaxie immédiate ont été très nets, mais Erasle a survécu. CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 639 On voit alors que,presque sans exception, les chiens ayant reçu de la congestine jaune en injection déchainante finissent par mou- rir; généralement, ils meurent dans la nuit qui suit le jour de l’in- jection (faite en général vers 3 heures p. m.). Sur 26 chiens (car il faut éliminer Éraste) 4 seulement ont survécu; et alors ces doses étaient faibles : 0,0095, 0,007, 0,007 et 0,0044. Lexempt est mort en 4 heures après l'injection d’une dose 25 fois plus faible qu'une dose mortelle en cinq jours. Avec la congestine noire les effets sont très différents, encore qu'en injection préparante la congestine noire soit tout aussi toxique (peut-être même un peu plus) que la congestine jaune. CONGÉSTINÉ NOIRE. INJECTION DÉCHAINANTE DOSE EN MILLIGR. NOMS par kil. SURVIE EN JOURS DYCIAAS EEE 20 3 jours. ANÉONO ER Re 13 survit, Alcandre cr. . 12. survit. GUATIDIPE ÉD UTE 10. survit. Escarbagnas..... 10 survit. DOTAMNEREPETECE- 9.6 2 jours. Pernelle se 9.0 4 jour. Angélique....... 8.0 survit. Martine ct 8.0 survit. GRRYSALERENERTE 6.0 survit, Ainsi, la congestine noire est beaucoup moins toxique en injection déchainante que la -congestine jaune. Voici une expérience qu’on peut regarder comme schéma- tique, tellement elle est précise, qui établit bien cette différence. Le 15 février, j'injecte à 4 chiens Cléante, Adrasta, Escar- bagnas et Lexempt, la même dose, non mortelle, mais assez forte, de congestine, (soit 081,04 par kil.) Cléante et Adrasta reçoivent de la congestine jaune, Æscarbagnas et Lexempt de la conges- tine noire. Le 22 mars, soit au 35€ jour, Escarbagnas et Cléante reçoivent de la congestine noire. Adrasta et Lexempt de la congestine Jaune. Escarbagnas, après injection de 08r,01, terminée à 3 h. 25, n’a d’abord aucun phénomène. A 3 h. 32, elle a quelques déman- geaisons, se secoue la tête, se frotte les pattes. Mais ce prurit est 640 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR très passager. À peine peut-on dire que l'animal semble un peu fatigué. Cléante, après injection de 0,01 par kil. de congestine noire, ne présente absolument aucun symptôme. Par comparaison, on fait une injection de congestine jaune à Adrasta et à Lexempt. Adrasta reçoit 5 c. c. d’une solution à 2 0/00 de congestine jaune (soit 0,0028 par kil.). A peine l’injection est-elle terminée que l’animal est pris de vomissements intenses. On le détache. La respiration est difficile, angoissée. Pupilles dilatées. Yeux hagards. Cécité psychique. Diarrhée sanglante. L’état est extré- mement grave: la respiration est dyspnéique, asphyxique. Cette intense anaphylaxie dure environ 32 minutes. L'animal paraît se remettre, mais meurt dans la nuit. Lexempt reçoit à 4 h. 12 la très faible quantité de 0,002 de congestine Jaune. Pendant l'injection, il vomit. On le détache. Les vomissements sont intenses. L'animal se couche, épuisé. La respiration est haletante, asphyxique. L'état s'aggrave de plus en plus. À 4 h. 27, yeux hagards, cécité psychique. Enfin l’animal meurt à 9 heures du soir. Nous avons donc ce résultat paradoxal : INJECTION ‘PRÉPARANTE INJECTION DÉCHAINANTE C. noire. C. noire. Rien, C. noire. C. jaune. Anaphylaxie intense. C. jaune. C. noire. Rien. C. jaune. C. jaune. Anaphylexie intense. De là cette conclusion : 1° La congestine noire ne déchaîne pas l’anaphylaxie, mais elle prépare l’état anaphylactique; 29 La congestine jaune déchaîne l’anaphylaxie, même quand l'injection première a été de la congestine noire. On doit en conclure qu’il y a des substances préparantes, qui ne sont pas déchainantes, et que par conséquent la soi-disant spé- cificité de l’anaphylaxie n’est qu’une illusion. Sans doute, dans les produits que nous employons d'habitude (congestine brute, crépitine brute, ovalbumine, sérums hétérogènes) la spécificité CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 641 paraît évidente, mais ces produits sont sans doute des mé- langes de très grande complexité contenant à la fois la sub- stance préparante et la substance déchainante. Gay et SourHARD, dans leurs belles études sur l’anaphylaxie du cobaye, étaient arrivés à une conclusion analogue. La seule objection qu’on puisse faire, c’est que les congestines noire et jaune sont des mélanges, et que la congestine noire con- tient de la congestine jaune et réciproquement Or, cette objection ne tient pas devant l’analyse. Appelons a la noire et b la jaune, et supposons que la congestine noire soit un mélange de 10 a + b, que, d’autre part, la jaune soit un mélange de 10 b + a. On a alors les assemblages suivants : 10ïa + D 10: a 21% Rien. 10 b + a 10 a + b Rien, 10 -a + 0 10 b + a Anaphylaxie. 10 b + a 10b + a Anaphylaxie. Mais cela est absurde, car il faudrait alors admettre que, quoique b ne déchaine pas contre b, 10 b déchaïnent contre b. On doit donc conclure de cette importante expérience, que la congestine notre, encre qu’elle soit très préparante, n’est abso- lument pas déchaîinante. J’étais d’ailleurs, dès le début de mes recherches sur lana phylaxie, en 1902, arrivé à une conclusion analogue en chauffant à 1000 les solutions de toxines actiniennes. Le pouvoir déchaïnant avait diminué, mais le pouvoir préparant n’était pas atteint, ou à peine. BESREDKA, dans ses études sur lanaphylaxie, avait vu aussi quelque chose d’analogue, lorsqu'il modifiait par la chaleur le pouvoir antisensibilisateur des antigènes. J’ai cité l'expérience de Cléante, Adrasta, Escarbagnas, Lexempt, parce qu’elle est d’une netteté parfaite. Mais d’autres parlent dans le même sens, très nombreuses, de manière à rendre le fait indiscutable. Le 11 avril, Grippe-Soleil reçoit 08r,028 de congestine noire, extrêmement pure, et Antonio reçoit de cette même congestine 0,030. Le 19 mai, soit au 39€ jour, une congestine jaune extrême- ment pure, entièrement soluble dans 60 0/0 d’alcooï, est injec- tée à la dose de 0,014 à Grippe-Soleil. [ vomit, a une diarrhée intense, se couche, mais cependant peut se tenir debout. La res- 41 642 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR piration est difficile, mais il n’a ni coma, ni cécité psychique. Il meurt dans la nuit. Le même jour, on injecte à Antonio 0,013 de congestine noire à 4 h. 58. À 5 h. 8, Antonio a de la diarrhée, titube en marchant. Mais il ne vomit pas, et ne parait pas très malade, quoiqu'il soit un peu affaissé (moins que Grippe-Soleil). À 5 h. 15, il vomit. Il survit. On a vu plus haut qu’Escarbagnas, préparée avec la conges- tine noire, n’a eu aucune anaphylaxie quand on lui a réinjecté la congestine noire. Ainsi, contre l'injection de congestine noire très pure, la con- gestine jaune très pure a été notablement plus déchainante que la congestine notre. Angélique a reçu le 30 novembre 0,04 de congestine noire. Le 28 janvier, au 59° jour, elle reçoit 0,0064 de congestine jaune. L’état anaphylactique est très net. Vomissements, diarrhée, hébétude, presque de la cécité psychique, respiration dyspnéique, état grave. Martine a reçu le 11 février 0,045 de congestine noire. Le 11 avril, soit au 59€ jour, elle reçoit 08,007 de congestine noire (une congestine noire très bien purifiée). Effet absolument nul. Alors on lui injecte 0,007 de congestine jaune très pure. Aussitôt elle a de la diarrhée, de l’abattement, ne peut plus se tenir debout, et pendant un moment est tout à fait insensible. Mais ces symp- tômes graves disparaissent vite. Angélique, déjà expérimentée deux fois (et qui a reçu de la congestine noire et de la congestine jaune), reçoit d’abord 0,007 de congestine noire. Nuls effets.Alors on lui injecte de la conges- tine jaune, 0,007, et aussitôt se déclarent des phénomènes graves d’anaphylaxie qui, d’ailleurs, passent vite. Ces expériences sont extrêmement instructives ; montrant qu'un chien anaphylactisé par la congestine noire est beaucoup plus sensible à l’injection déchainante de congestine Jaune qu’à celle de congestine noire elle-même. | Si l’on compare ces résultats aux injections faites avec les crépitines noire et rouge, on est amené à conclure que, dans une toxine naturelle, il y a probablement deux substances diffé- rentes, l’une surtout préparante, l’autre surtout déchainante, ce qui infirme dans une certaine mesure l’apparente spécificité de lanaphylaxie. En us CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 645 $ VI. — ANTIANAPHYLAXIE AVEC LA CONGESTINE J’ai pu répéter avec la congestine une belle expérience de BESsREDKA sur l’antianaphylaxie. Les résultats ont été très nets. Le 26 mai, Cléante et Labrie, préparés par des injections antérieures de congestine, reçoivent dans le péritoine; Cléante, 0,015 et Labrie, 0,017 de congestine Jaune. [ls ne paraissent ma- lades ni l’un ni l’autre, et en effet l’injection péritonéale de con- gestine qui passe lentement dans le sang ne déchaine que très difficilement l’anaphylaxie. Pourtant, cette injection a été antiana- phylactisante; car, 48 heures après, quand une autre injection a été faite par la veine, Cléante et Labrie n’ont présenté que peu de symptômes. Labrie, qui avait reçu 0,024, a de la diarrhée et vomit, mais il est à peine malade, et d’ailleurs il survit à cette dose, qui sans exception est mortelle, en injection seconde, chez des animaux anaphylactisés. De même, Cléante reçoit 0,021 dans la veine ; il vomit, mais est à peine malade, conserve toute sa gaieté et survit. On peut faire l'expérience d’une autre manière, c’est-à-dire, comme l'a aussi proposé BEsREDKA, en faisant l'injection très diluée. | Le 3 mai, on prend 4 chiens préparés par des injections anté- rieures de congestine, et on injecte à deux d’entre eux la solution concentrée de congestine jaune très pure à 2 0/0. Chérubin reçoit 020115 et présente une anaphylaxie très forte. Il meurt le 5 mai. Almaviva reçoit aussi 0,0115, et a une intense anaphylaxie. Il meurt au bout de 4 heures. Au contraire, les 2 autres chiens, qui sont injectés par une solution très diluée 0,2 0 /00 (soit 100 fois plus faible), ne sont pas très malades. Figaro reçoit 0,0115, de 4 h. 17 à 6 h. 12. Il a de la diarrhée et un prurit extrêmement fort.frénétique.Mais il n’est pas malade, et d’ailleurs il survit. Alain reçoit aussi 0,0115 en injection diluée; de 6 h. 22 à 6 h. 45. II n’est nullement malade, a des démangeaisons assez fortes. Mais c’est tout, et il survit. Cette expérience est absolument concluante; maïs je dois ajouter qu’elle ne paraît pas devoir réussir toujours, ou, tout au 644 ANNALES DEF L'INSTITUT PASTEUR moins, pour qu'elle réussisse, l’injection doit être faite avec une certaine lenteur. Marfurius et Bélise, préparés par des injections antérieures, reçoivent le 19 mai : Marfurius, 0,018 de congestine jaune en solution (concentrée) à 2 0 /0 et Bélise 0,021 d’une solu- tion (diluée) à 0,3 0/00. Marfurius et Bélise meurent dans la nuit, après avoir eu des phénomènes d’anaphylaxie intense, sur- tout Marfurius. Mais l’expérience faite sur Bélise a donré un résultat bien intéressant, que d’autres expériences viennent nettement con- firmer. De 4 h.3 à 4h. 7, elle reçoit 0,0026 de congestine, dose faible, mais qui suffit à provoquer l’anaphylaxie. De 4 h. 7 à 4 h. 13, sans nouvelle injection, l’état s'aggrave, la respiration est dyspnéique, angoissée. L’animal reste couché par terre, sans pouvoir se relever. Les pupilles sont dilatées, les yeux hagards ; insensibilité absolue, état très grave à 4 h. 17. À 4h. 17, on continue l'injection de 4 h. 17 à 4 h. 30. Pendant l’injection même (injection de 0%r195 de congestine), elle se rétablit, si bien que, lorsque l'injection est finie, Bélise va beau- coup mieux, peut aller et venir dars le laboratoire. À 6 heures, elle semble en très bon état. J'avais déjà mentionné (p. 795, Ann. de l’Institut Pasteur, 1909), l'expérience faite avec le chien Pourceaugnac, anaphylec- tisé, qui reçoit 0,0037 de congestine. Il est extrêmement malade, mourant, et l'injection d’une dose énorme de O8r,08 n’amène aucun changement. Avec la crépitine, le résultat est le même.Le chien Lille, ana- phylactisé, reçoit à 5 heures 0,002 de crépitine noire; la respiration devient dyspnéique, il se couche, très hébété, avec symptômes anaphylactiques très nets. À 5 h.8, on continue l'injection, et, de 9 h. 8 à 5 h. 12, il reçoit 0,008 de crépitine noire. /7 semble qu’il se rétablisse pendant l'injection même, et, quand l'injection est terminée, il est tout à fait guéri et ne paraît nullement malade. Cocotte, anaphylactisée, reçoit de 3 h. 20 à 3 h. 24 la dose de 0,0033 de crépitine. A 3 h. 27 elle vomit (vomissements féca- loïdes), est hébétée, triste, a de la titubation et de l'incertitude dans la démarche. A 3 h. 30, elle est remise. Alors, de 3 h. 30 à 3 h. 33, on injecte encore 0,0033. Nul effet, sinon des démangeai- sons. On achève l'injection, qu'on pousse à l'énorme dose de CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 645 O8r,014 et les symptômes s’aggravent à peine. La conscience est intacte, L'animal va, vient, peut se tenir debout et se conduire. On peut expliquer assez facilement tous ces phénomènes d'apparence paradoxale, si l’on se représente bien la différence qu'il y a entre l'injection d’une substance toxique chez un animal normal et l’injection d’un antigène chez un animal anaphylactisé. La substance toxique agit avec d'autant plus d'intensité qu’elle est en quantité plus grande. Soient les doses a, 24, 3a, 4a, ete., l'intensité des phénomènes sera 1, 2, 3, 4, ete. Mais, sur un animal anaphylactisé, la toxicité de lantigène est nulle en soi; elle n’ac- quiert de valeur que par sa combinaison avec la toxogénine. Si donc il n’y a que 2 de toxogénine capables de se combiner avec 2 d’antigène, peu importe qu’on injecte encore 3, 4, 5, 6 d’antigène; intoxication (par l’apotoxine) s’arrêtera, et poursuivra son évo- lution normale, passagère. En fait, si la quantité de toxogé- nine est faible, quelques minutes après l'injection de 2 de l’anti- gène, tout sera terminé, et les injections de 3, 4, 5, 6 d’antigène n'auront plus aucun effet, puisqu'il n’y aura plus de toxogénine libre pour se combiner avec lantigène et former la seule combi- naison qui soit toxique, l’apotoxine. Supposons, pour bien fixer les idées sur ce point important, que 1 gramme d’émuisine en se combinant avec 1 gramme d’amygdaline, va donner 1 gramme d’acide cyanhydrique, dose immédiatement mortelle, alors, si un animal n’a que 0,1 d’émul- sine dans son sang, l'injection de 10 grammes d’amygdaline n’aura pas plus d’effet que l’injection de 0,1. Aussi, après avoir injecté 0,1 d’amygdaline, ne verra-t-on pas croître les effets toxiques, encore qu'on centinue l'injection. C’est probablement de cette manière qu'on peut expliquer très simplement les effets de lantianaphylaxie. Une très faible dose d’antigène va produire une très faible quantité d’apo- toxine, laquelle donnera son effet toxique, mais se détruira vite, (car c’est le caractère de l’apotoxine d’être rapidement détruite). Alors le sang de l’animal ainsi anaphylactisé contiendra une moindre quantité de toxogénine, puisque une partie de cettê toxogénine s’est déjà combinée à lantigène; et, par conséquent, il ne pourra plus réagir aux injections déchainantes ultérieures, ayant perdu tout ou partie de sa toxogénine. C’est ainsi que les phénomènes les plus paradoxaux de l’ana- 646 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR phylaxie peuvent être expliqués par une théorie extrêmement simple, laquelle n’est que la généralisation du fait élémentaire de l’intoxication cvanhydrique par l’amygdaline et l’émulsine $ VII. — De l’anaphylaxie générale. Je puis démontrer que les animaux ayant reçu une toxine anaphylactisante sont devenus par ce seul fait un peu plus sen- sibles à l’action des autres poisons. J’appellerai, pour simplifier, anaphylaxie générale cette hyper- sensibilité plus grande, acquise par des injections antérieures. Cet accroissement de sensibilité générale est un phénomène de grande importance: car il peut dans une certaine mesure expliquer les variations individuelles aux diverses actions toxi- ques, que présentent des sujets de même espèce, de même âge, de même race. Je n’ai fait cette démonstration que pour la sensibilité à un seul et unique poison, l’apomorphine, et même pour un seul symp- tôme de l’intoxication apomorphique, le vomissement. Mais les résultats sont tout à fait probants, et, à ce qu’il semble, légiti- ment une conclusion générale. DOSE ÉMÉTISANTE DE L'APOMORPHINE. CHIENS NORMAUX | “ = La) es = = = £ Z e 5 SE # E RE ë È 5 33 E Ê SES a & E à RS = à 2 à 45 DE ÿ = AE 8 £ D à 288 AZ LE MEË 22 LE HE = = te Ne = AS Ë 6 Zee É 3 Si : : dE ; 4 de > > PARENT à 4.0 N. 2.75 V. 5 #.0 N. 27 V. 7 2:17 N. DAT V. 8 3.7 N. CE Y. cl N. CN N. 3.5 V. 6 2.15 N. Due N° 2,15 N. 3.45 N. 5215 N. 3.10 N. CRE N. 3.10 N. 2.75 N- 3.0 e 5 1128 10 N. Si l’on prend une solution de chlorhydrate d’apomorphine à O8r,25 par litre, on constate que les chiens normaux auxquels on injecte dans le péritoine 2 c. c. par kil. de la solution, soit 08r,0005 d’apomorphine, vomissent au bout de 5 à 8 minutes, et cela CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 647 sans exception. À la dose de 1 e. c. 1,soit 0,00275, en général, ils ne vomissent pas. En général, à la dose de 0,004,ils ne vomissent pas. En outre le vomissement se produit très vite. Les chiens qui sont restés 8 à 9 minutes sans vomir, définitivement ne vomissent pas. Or, chez les chiens qui ont reçu antérieurement de la crépitine ou de la congestine, comme si le centre bulbaire qui préside au vomissement était devenu plus sensible, le vomissement est la règle, pour des doses qui ne font pas vomir les chiens normaux. Je n'indique pas la dose, car elle a toujours été de 1 c..e. par kil., soit 08r,00275. CHIENS ANAPHYLACTISÉS PAR LA CRÉPITINE DOSE DE 0,00275 D’APOMORPHINE DURÉE : RATER INTERVALLE NOMS de l’anaphylaxie en MOMISSEMENT entre l'injection et le ou non. ee , vomissement en minutes. Raminto Bolivar Honolula....... Borne Vancouvra .. .. York... (1) Diémen n'a reçu que 0,00235 de chlorhydrate d'apomorphine. CHIENS ANAPHYLACTISÉS PAR LA CONGESTINE DosE DE 0.00275 D’APOMORPHINE DURÉE INTERVALLE NOMS de l’anaphylaxie en| VOMISSEMENT l{entre l'ingestion d'apomorphine jours. etle vomissement (en minutes). En AGIT EEE 15 N. JTRTRDE ES OCE 15 N. GET Ale EE 15 V 54 Scapinette..... 18 N. Dorville........ 24 Vi: 32 Grippe-Soleil.….. 24 V. ÿ ANTONIO ES ARE 24 N. Angélique ...... 648 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR DURÉE se INTERVALLE NOMS de l’anaphylaxie en YO NUeE EN entre {l’ingestion d’apomorphinel jours. OUR et le vomissement (en minutes). | Marine 27 N. Escarbagnas.... 43 V: 9 BEST eee 48 N. Bartholo..... LR 50 N. CRIQUEL EEE 60 N. Govielle.:...... 60 V. 29 LODBTLOA LEON: 63 À 23 JUAN DES CE Et TA VA 5 Liselte ss 75 N. Dorimène....... 80 N Quiberon....... 82 V: 38 IDE SRE 86 N. ET ASTON 93 VE A7 ‘ so... La statistique brute nous donne les résultats suivants, même en supposant, ce qui est défavorable à notre hypothèse, que les chiens normaux ont tous reçu une dose plus faible que celle qu'ils ont reçue en réalité (02r,00275). NOMBRE ANIMAUX AYANT VOMI En ETAT DES CHIENS EXPÉRIMENTÉS NOMBRE NOMBRE absolu. centésimal. Normaux. A. par la crépitine. A. par la congestine. A par les deux toxines. Ensemble des chiens anaphylactisés. Mais cette statistique brute serait erronée, car on a parfaite- ment le droit d'éliminer : 1° un chien neuf jeune âgé de moins de six mois (chez les jeunes chiens le vomissement est très facile, et pour de faibles doses); 29 les chiens préparés depuis trop long- temps, ou depuis trop peu de temps (cent jours et plus; 16 jours et moins); 39 les chiens Dorimène et Boston, qui avaient reçu des toxines chauffées (1). CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 649 On peut donc compter ces chiens comme des chiens non ana- phylactisés. En outre on peut faire rentrer dans les chiens à crépitine les animaux ayant reçu aussi de la congestine, de même qu’on peut ranger ces chiens dans les chiens à congestine. Modifiée ainsi, la statistique de ces expériences donne les résultats suivants : ANIMAUX AYANT VOMI | MOYENNE D —————- de l'inter- valle entre NOMBRE l’iuject} on NOMBRE | NOMBRE et le vo- absolu. centésimal. misse ment (en min.) Normaux, non anaphylactisés ou anaphylactisés depuis plus de cent jours. 31 6 19 6 Préparé par la crépitine. 17 1% 82 |Préparés par ia congestine. 22 15 DS 14 Ce sont là des chiffres bien démonstratifs qui établissent, en toute évidence, que la sensibilité au vomissement est devenue plus grande chez les chiens anaphylactisés. Tout se passe comme si le petit groupe de cellules nerveuses bulbaires, qui préside au vomissement, avait été, par l'injection antécédente de toxine, mis dans un état d’éréthisme, de susceptibilité particulière, le ren- dant plus excitable par les poisons émétisants. On remarquera ce fait curieux que, chez les chiens normaux, le vomissement est rapide, tout au plus 8 minutes après l'injection péritonéale d’apomorphine, tandis que, chez les chiens anaphy- lactisés, le vomissement est parfois très tardif. Chez Géralde, par exemple, il n’a eu lieu que 54 minutes après l’injection, chez Qui- beron, 38 minutes, ete. Tout semble indiquer un processus un peu différent du processus émétisant qui sé produit chez lanimal intact. Je serais tenté de croire qu’une étude nouvelle est nécessaire de l’anaphylaxie générale. Tous les auteurs ont jusqu'à présent (1) Je noterai aussi qu'une chienne, Spitzberga, dont la rate avait été enlevée il y a trois mois, a eu un vomissement extrêmement rapide, moins de 3 minutes après l'injection. Je ne la fais pas rentrer dans ma statistique. Cette rapidité extrême du vomissement chez un chien privé de rate mérite d’être retenue. 650 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR étudié l’anaphylaxie spécifique. Mais l’anaphylaxie générale, provoquée par l'injection d’un antigène, sera sans doute du plus grand intérêt, et elle entrainera, au point de vue pratique, des conséquences importantes. $ VIII. — CoNcLUSIONS ET THÉORIE ({) Il résulte de ces faits une conclusion générale, (et c’est la seule sur laquelle j’insisterai dans ce dernier chapitre, car je ne reprends pas ici les nombreux faits de détail mentionnés dans les pages précédentes), c’est que l'injection d’un antigène développe une substance toxogénique (toxogénine) tout aussi régulièrement qu'il développe une antitoxine. Il y a parallélisme absolu entre ces deux fonctions réactionnelles de l'organisme, et on peut avec grand profit les comparer. La définition de l’antitoxine est : substance qui, mélangée in vitro (ou in vivo) avec la toxine, en atténue les effets. La définition de la toxogénine est : substance qui, mélangée in ettro (ou in piwo) avec la toxine, produit un poison bien plus actif que la toxine (poison que j'ai appelé apotoxine), dont les effets sont ceux de l’anaphylaxie. Quant aux effets de l’apotoxine, poison résultant de la com- binaison de la toxogénine avec l’antigène, on peut les diviser, selon leur intensité, en quatre degrés, qui sont les phases de l’ana- phylaxie. 1° Excitabilité accrue et prurit; 29 Anxiété respiratoire. Respirations dyspnéiques. Congestion gastro-intestinale. Faiblesse musculaire, Fatigue; 39 Coma. Perte de connaissance. Insensibilité. État asphyxique grave: 40 Mort avec paralysie de la respiration, et congestion hémor- rhagique des appareils gastro-intestinal et pulmonaire. On peut prouver que la spécificité n’est pas absolue. En effet, dans une toxine naturelle, et probablement dans toute humeur (1) Je ne donne pas ici les résultats d’autres expériences, faites avec P. Lassa- BLIÈRE, sur la numération des leucocytes chez les chiens ayant subi des injections de crépitine et de congestine. Elles prouvent que, même au bout de six mois, il y a ncore de l’hyperleucocytose. Ce sera l’objet d’un mémoire ultérieur. CRÉPITINE ET ACTINO-CONGESTINE 651 organique toujours très complexe, on peut trouver une substance préparante, différente de la substance déchainante. On peut, par la chaleur, dissocier la propriété préparante et la propriété déchai- nante. Tout se passe comme si la propriété de développer une toxo- génine dans le sang n’était pas identique à la propriété de se com- biner avec la toxogénine (lentement formée par l'organisme) pour créer l’apotoxine, poison de l’anaphylaxie. Il est vraisemblable que, par une analyse chimico-biologique plus précise, on sépa- rera complètement la propriété préparante et la propriété déchainante. D'autant plus qu’on peut démontrer (notamment par la sen- sibilité au pouvoir émétisant de l’apomorphine) que tout animal ayant reçu une injection anaphylactisante est devenu un peu plus sensible qu’il n’était d’abord : l'injection d’un antigène la rendu plus susceptible aux actions toxiques quelconques, encore que ce soit surtout à l'injection du même antigène qu'il soit devenu plus sensible. Mais il y a une anaphylaxie générale acquise, qui, pour faible qu'elle est, n’en est pas moins parfaite- ment réelle, et a modifié de manière définitive les réactions de l'organisme. On peut prouver qu’il existe une toxogénine après injection d’un antigène, par les preuves suivantes, toutes assez décisives, isolément, mais qui, réunies, ont une puissance démonstrative absolue. 19 L’injection du sang d’un animal anaphylactisé à un ani- mal neuf anaphylactise l’animal neuf; 20 Le mélange (in vitro) du sérum anaphylactique avec l’an- tigène provoque immédiatement les accidents de l’anaphylaxie ; 30 L’injection d’une dose très faible ou très lente d’antigène amène l’antianaphylaxie, par dislocation de la toxogénine, la- quelle n’existe qu’en quantité très limitée ; 4° Le maximum des effets anaphylactiques obtenus par lin- jection de l’antigène chez un animal anaphylactisé est très vite atteint; car il est déterminé par la quantité de toxogénine exis- tant dans le sang, et l'injection d’une dose d’antigène beaucoup plus forte n’augmente pas les accidents anaphylactiques. On me permettra, pour terminer, une hypothèse qui n’est malheureusement pas susceptible de vérification. Au point de vue de la finalité des êtres, et de leur adaptation 652 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR au milieu, on comprend difficilement pourquoi un animal, après une injection première, devient plus sensible à linjection seconde d’un poison albuminoïdique, alors qu’à l’action d’un cristalloïde il ne réagit pas autrement à la seconde injection qu’à la première. Ne serait-ce pas — et c’est l’hypothèse non vérifiable que je propose — parce qu'une albumine est susceptible d’entrer dans la composition normale des cellules ? Or cela est un danger. Il ne faut pas que les albumines du sérum de cheval, différentes des albumines du sérum de cobaye, entrent dans la structure chi- mique du protoplasme cellulaire du cobaye. Autrement dit: a réaction anaphylactique est une fonction de défense pour mainte- nir intacte et homologue la constitution chimique de chaque espèce animale, et ne pas permettre à des albumines étrangères de s’intro- duire dans le protaplasma des cellules, ce qui modifierait la struc- ture chimique, spécifique, de ces cellules. Sur la température mortelle des lyrosinases végétales Par MM. GagRiez BERTRAND Er ROSENBLATT Lorsqu'on examine la manière dont se comportent les solu- tions de tyrosinase d'origines végétales différentes quand on les soumet à un chauffage progressif, on trouve que la disparition de l’activité diastasique a lieu à des températures souvent très éloignées les unes des autres: certaines tyrosinases sont détruites vers 65 à 700; d’autres résistent presque à la température de ébullition. Cette observation, tirée de faits publiés particulièrement par l’un de nous (1), peut s’expliquer par l’existence de plusieurs espèces de tyrosinases, les unes très altérables par la chaleur, les autres plus résistantes. Toutefois, en raison de l'extrême sensi- bilité des diastases à l’action des réactifs, il était nécessaire de rechercher, avant d'admettre cette explication, si l’on était simplement en présence d’une seule et unique tyrosinase dont la température mortelle serait plus ou moins influencée par les substances, variables dans chaque cas, qui l’accompagnent dans les milieux naturels et dont il est, jusqu'ici, impossible de la débarrasser. Nos expériences ont porté, suivant les plantes, sur une ou deux sortes de préparations diastasiques : 1° de simples macé- rations glycérinées, obtenues en laissant quelques jours en contact une partie d’organe végétal, coupé en petits morceaux, avec deux parties de glycérine pure du commerce et filtrant ensuite au papier. Nous avons opéré ainsi avec les organes verts du gui, (1) Voir surtout : GABRIEL BERTRAND, Bull. Soc. chim., 3° série, t. XV, p. 1218 (1896); GABRIEL BERTRAND et W. MUTERMILCH, idem, 4° série, t. I. p. 837 (1907). 654 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR avec les racines de la betterave, les tubercules de la pomme de terre et avec tous les champignons; avec le son de froment, qui est exempt d’eau, nous avons pris de la glycérine étendue de la moitié de son poids d’eau, au lieu de glycérine pure ; 29 Des préparations sèches, relativement purifiées, obtenues en soumettant à une précipitation par trois volumes d’alcool fort, soit une macération aqueuse (cas du son de froment et des lentilles), soit le suc végétal, extrait à la presse (cas des racines de betterave, des tubercules de dahlia et de pommes de terre). Le précipité a été repris par l’eau, puis filtré et l’on a préci- pité à nouveau par l’alcool, enfin la tyrosinase a été séchée dans le vide. Au moment de l’emploi, on a fait dissoudre la prépara- tion dans 50 fois son poids d’eau distillée. Pour déterminer les températures mortelles, on a introduit 1 c. ce. de macération glycérinée ou de solution aqueuse de tyro- sinase dans un tube à essais très étroit, puis on a placé celui-ci dans un bain-marie réglé d’avance et maintenu à une tempé- rature constarite. A l’aide d’un thermomètre, plongeant dans le tube, on a suivi l’échauffement du liquide diastasique et, à partir du moment où l'équilibre a été atteint, c’est-à-dire après 2 à 3 mi- nutes, on a prolongé le chauffage exactement 3 minutes. On a enlevé alors le tube du bain-marie et on y a ajouté 1 c. c. de solution de tyrosine au millième. On a noté comme température mortelle celle qui rendait la diastase inactive au point de ne plus donner de coloration avec la tyrosine, même après 24 heures de contact. Les températures mortelles n’ont été recherchées que de 5 en 5 degrés : il nous a paru inutile, étant donnée la contingence du phénomène, de pousser plus loin lapproximation. Voici les résultats que nous avons obtenus : Noms des espèces végétales : Températures mortelles. Amanita rubescens Fr, Tricholoma Nudum 3ull., Lactarius subdulcis Bull, Lact. TUJUS SCOD., CHOCUbDE SPC en Sea e entre 60 et 659. Tricholoma grammopodium Bull., Laccaria laccala Scop., Lactarius plombeus Bull., Russula lepida Fr., R. emetica Sch., R. ni- gricans Bull., Psalliota campestris L., Hyel- NUIN lEDAR UM EP ee Cle else entre 65 et 700. TYROSINASES VÉGÉTALES 655 Noms des espèces végétales : Températures mortelles. Russula queletii Fr., R. rubra KTr., R. delica Fr... R. cyanoxantha Sch. Badhania popu- lina Lister (1), tubercules de dahlia, tiges et feuilles dé ein M RTE Cu ie se entre 70 et 750. Hypholoma fasciculare Huds., Pomme de Terre tPrÉCIDIEeR) UT SR EME Een, entre 75 et 800. Lentilles, pomme de terre (mac. glyc.)...... entre 80 et 850. Betterave (mac. glyc.)....... PARA ele of doi a. entre 85 et 900. Son de froment (précip. ou mac. glyc.), _… racine de betterave (précipitée)......... entre 90 et 959, Ce n’est pas, comme il est facile de s’en rendre compte par l'examen de ce tableau, la nature du dissolvant qui permet d'expliquer les différences entre les températures mortelles. Lorsqu'on opère comparativement dans l’eau et dans la glycé- rine, on trouve bien que ce dernier dissolvant protège la tyro- sinase contre l’action destructrice de la chaleur; mais l’élévation de la température mortelle est seulement de quelques degrés. Ce n’est pas non plus le mode de préparation, puisqu'on observe des écarts aussi notables entre les simples macérations glycéri- nées qu'entre les préparations obtenues par précipitation avec alcool. Il faut donc supposer que les substances solubles ou précipi- tables par l’alcool, qui accompagnent la tyrosinase dans les milieux naturels, ne sont pas la cause principale du phénomène examiné. Les différences tiendraient beaucoup plus à la nature, variable suivant l’origine, des substances diastasiques _elles- mêmes. Pour mieux juger de la valeur de cette hypothèse, nous avons cherché comment se comporteraient, au chauffage, des mélanges de tyrosinase thermostable et de tyrosinase ther- molabile. Nous avons trouvé qu’en introduisant de la tyrosinase, du son de froment ou de la racine de betterave dans la macéra- tion de Russula queletit ou de Lactarius subduleis, on n’abaissait pas sa température mortelle. Inversement, lorsqu'on mélangeait une macération de Russule avec une solution préalablement chauffée de tyrosinase du son ou de la betterave, on n’augmentait pas la résistance à la chaleur de la tyrosinase qu’elle contenait. (1) Ce Mycomycète, en culture pure, "nous a été gracieusement fourni par M. Pinoy. 656 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Voici quelques détails sur ces expériences : 19 On a dissous de la tyrosinase du son, à la dose de 2 0/0, dans une macération glycérinée de Russula queletit, puis on à chauffé, par portion d’un €. €., à 75, 80, 85, 90 et 95°. Enfin, après refroidissement, on a ajouté à chaque portion un volume égal de solution aqueuse de tyrosine au mil- lième : on a obtenu, en 24 heures, une coloration noire avec la portion chauf- fée de 75 à 900: aucune coloration, avec la portion chauffée à 950 (1); 20 L'expérience a été répétée avec les mêmes résultats en se servant de macération glycérinée de Russule, préalablement portée à 759 pendant 5 minutes, au lieu de macération active; 30 On a opéré cette fois avec la tyrosinase de betterave et la macération glycérinée de Russula queletii; les résultats ont été exactement les mêmes que dans les expériences 1 et 2; 4° et 5° Au lieu de dissoudre les tyrosinases du son et de la betterave directement dans la mascération de Russule, on les a dissoutes dans l’eau distillée, à la dose de 2 0/0, puis on a ajouté un volume de Ja solution aqueuse à un volume de la macération glycérinée. Après chauffage, on a constaté que la température mortelle des tyrosinases du son et de la bet- terave restait encore située entre 90 et 95°; 69 Cette expérience a été effectuée en chauffant un mélange de macéra- tion glycérinée de Russula queletit et de macération glycérinée de Lactartus subdulcis, à volumes égaux. L’inactivité du mélange a été atteinte, non pas entre 70 et 750, mais entre 65 et 700. Ce n’est pas la présence des produits solubles de Lactarius subdulcis qui a déterminé ce léger, mais cependant très net abaissement de la température mortelle; c’est la dilution dans la glycérine, Quand on mélange la macération de Russule avec des volumes croissants de glycérine préalablement étendue de la moitié de son poids d’eau, la température mortelle est influencée, elle diminue d’abord, de 5 degrés environ, pour des rapports de volume:de macération et de glycé- rine compris entre 1 : 4 et 1:3, atteint, autour de cette dilution, la tem- pérature mortelle initiale, s'élève ensuite à peu près de 5 degrés jusqu’à la dilution 1 : 9, puis reste constante, à partir de là, même lorsque le volume de glycérine ajoutée atteint 100 fois celui de la macération de Russule; 70 et 8° Enfin on a préparé deux mélanges, l’un à parties égales de solu- tion aqueuse, préalablement chauffée à 959, de tyrosinase du son et de macé- ration glycérinée de Russula queletit, l'autre tout à fait analogue, mais dans lequel la tyrosinase de la betterave remplaçait la tyrosinase du son. Chacun de ces mélanges, porté 3 minutes à 759, a complètement perdu la pro- priété de colorer la tyrosine par oxydation. Il existe donc, en résumé, chez les végétaux, des variéiés de tyrosinases dont la température mortelle est très différente. (4) La coloration noire avec la portion chauffée à 909 était un peu plus forte que si on avait opéré dans l’eau pure, mais analogue à celle obtenue, dans une expérience témoin, avec de la tyrosinase du son dans la glycérine diluée de la moitié de son poids d’eau. TYROSINASES VÉGÉTALES 637 Ce sont les tyrosinases, d’origine mycologique, qui sont les plus fragiles ; les tyrosinases les plus stables proviennent, au contraire, des végétaux supérieurs. La présence des substances qui accom- pagnent les catalysateurs oxydasiques dans leurs milieux natu- rels ne suffit pas à expliquer les écarts observés entre les tempé- ratures mortelles. Ceux-ci doivent être dus surtout à la nature, un peu différente de chaque cas, des tyrosinases elles-mêmes. Nous ne voulons pas anticiper sur l’intérêt que ce fait pré- sente au point de vue de la constitution des diastases, mais nous tenons à signaler au moins l’une de ces conséquences pratiques : c’est la nécessité qu'il y a, lorsqu'on veut utiliser la température mortelle pour caractériser une diastase ou la séparer d’autres substances analogues, de ne point admettre, & priori, comme exacte la température mortelle, déterminée avec une préparation ayant une origine différente. LL Lo Expériences diverses de transmission des Trypanosomes par les Glossines (NOTES PRÉLIMINAIRES) , PAR G, BOUET Tr E. ROUBAUD Laboratoire d'Agouagon, Dahomey Chargés de mission par l’Institut Pasteur et le gouvernement général de l'Afrique occidentale française, nous avons entrepris, depuis décembre 1909, une série d'expériences de transmission des Trypanosomiases par les tsé-tsés. La découverte de KLEINE (1) de la transmission, à longue échéance, par ces mouches, des virus du Nagana de l’est africain allemand et de la Maladie du sommeil, corroborrée par BRUCE (2) et ses collaborateurs dans lOuaganda pour le virus humain et, enfin, plus récemment la belle série d’expériences de Bour- FARD (3), à Bamako (Soudan français), sur le virus de la Souma (T. cazalboui) ont été les premières phases de cette importante question. Nous avons essayé au Dahomey de reprendre ces expériences et nos recherches ont porté sur différents virus, les uns endé- miques dans la colonie et dans la région où nous opérons : virus de la maladie des chevaux de Gambie (7. dimorphon), Souma (T. cazalboui) et Baléri (7. pecaudi); les autres d’origine diverses mais considérés comme virus types et provenant de l’Institut Pasteur : virus humain, Vagana du Zoulouland, Nagana du Togo, Surra de Maurice. Notre laboratoire installé au kilomètre 235 du railway dahoméen à Agouagon (lat. n° 80), (1) Deutsche mediz. Woch., 18 mars, 27 mai, 22 juillet, 41 novembre 1909. (2) Proc. R. Society, t. LX XXI, octobre 1909. (3) Bull. Soc. Path. Exotique, t. IT, 10 nov. 1909, et Ann. Inst. Pasteur, t. XXI, 25 avril 14910. TRANSMISSION DES TRYPANOSOMES 639 présente toutes les conditions requises (locaux grillagés, absence de tsés-tsés aux abords des pavillons) pour éviter toute diffusion des virus de nos expériences. La TRANSMISSION DE TR. CAZALBOUI PAR GL. PALPALIS (2) Nous avons d’abord institué une série d'expériences avec des GL. palpalis, qui étaient au début les seules mouches que nous pouvions nous procurer dans la région (palmeraies, bords de lOuémé et du Zou) et nous avons opéré sur les virus de la Souma : 7°. cazalbout, puis sur T. dimorphon et T. pecaudur. EXPÉRIENCE I. — Une première expérience a porté sur des mouches capturées dans la nature, dans les palmeraies du voisinage. 70 Glossines sont nourries du 2 au 6 janvier sur des Cynocéphales puis, du 7 au 19, sur un cabri neuf témoin. Elles sont alors portées du 20 au 23 (repas infectant) sur un mouton infecté naturellement de 7. cazalboui. - La série des repas de transmission sur des animaux neufs est ordonnée de la façon suivante : | 24-25 janvier Mouton n°5 Reste 34 mouches. 26-30 — Cabri n°6 — 32 — 31- 4 février Cabri n°7 — 25 — 5- 9 — Cabri n°8 — 25 — 10-14 — Cabri n°9 — 17 — 15-25 — Cynocéphale — 12 — 26- 9 mars Cobaye + 3 — 10-20 — Cabri n° 10 — 1 — RÉSULTATS : Toute la série des moutons et des cabris s’infecte, depuis le cabri témoin, jusqu’au cabri 10, qui n’a été piqué que par une seule mouche, 47 jours après le premier repas infectant. L’infection du cabri témoin montre que les Glossines étaient déjà en partie contaminées dans la nature. Aussi l'expérience ne fait-elle point ressortir la durée de la période d’ineubation ini- tiale nécessaire pour l'établissement du pouvoir infectant. Une deuxième expérience qui a été réalisée avec des mouches nées de pupes au laboratoire nous à donné des résultats plus complets. Exp ÉRIENCE II, — 21 mouches nées au laboratoire dans le courant de février et mars, sont nourries les 9 et 10 mars sur un cabri infecté (Trypan, — nombreux). 660 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR La série des repas de transmission, Sur animaux neufs est ordonnée de la façon suivante : 11-12 mars Cabri n° 13 Reste 20 mouches. 43-15 — — n° 14 — 20 — 16 _— Mouton n° 18 — 20 — 17-20 — Cabri n° 15 — 19 — 21-24 — — n° 16 — 18 _—— 252 mai Cobayes —- 7 — 3-4 — Cabri n°11 — 7 — 6-11 — Cabri n°12 — IA — 42-2 juin Cobayes — 2 — 3-8 — Cabri n°13 bis — 2 — Q- — Cobayes — A1 — RésurrarTs: Les cabris 13 et 14 ne s’infectent pas. Le mou- ton 18 et tous les autres cabris s’infectent, y compris le cabri 43 bis, piqué par 2 mouches, trois mots après les repas infectants. L’expé- rience n’est point encore terminée actuellement. Dans cette expé- rience comme dans les autres, faites après deux où même un seul repas infectant, c’est seulement à partir du SIXIÈME JOUR que s’est manifesté le pouvoir de transmission chez les mouches. La durée de la période d’incubation est donc, on le voit exactement, la même que celle qu'a indiquée BourFaARD. Au point de vue morphologique, on peut affirmer que l’évolu- tion du 7. cazalboui est exclusivement liée à la trompe des Glos- sines et se passe entièrement dans la salive proboscidienne. Les individus fixés aux parois du labre sont tous du type Leptomonas ; ils sont de dimensions très variables, mais les formes géantes, à l'extrémité postérieure effilée en un long prolongement si caracté- ristique du 7°. cazalboui, s’observent surtout dans les infections naturelles des mouches, qui sont d’ailleurs plus intenses en général que les infections provoquées. A l’intérieur ,du canal hypopharyngien, les formes, comme l’a entrevu BourFaRrp,sont nettement des formes Trypanosomes à l'exclusion le plus souvent des Leptomonas typiques. Ces Trypano- somes qui ne diffèrent en rien de ceux du sang, sont tantôt fixés aux parois de lhypopharynx par l'extrémité du flagelle (et alors une pression brusque les libère assez facilement), tantôt libres et mobiles à l’intérieur de l’organe. Ils ne remontent jamais au- delà du canal commun des glandes salivaires, mais s’amassent presque toujours en quantité considérable au voisinage du débou- ‘ché de ce canal dans l’hypopharynx. TRANSMISSION DES TRYPANOSOMES 661 En aucun cas, on n’observe de multiplication intestinale pré- cédant ou suivant l'infection salivaire : le virus n’évolue point, ni au laboratoire, ni dans la nature par infection totale. La proportion des mouches contaminées, après un repas sur le porteurde virus, paraît augmenteravec le temps. Le fait s'explique par l’augmentation même du nombre des parasites dans la trompe, au bout d’un certain temps, à la suite de la multiplica- tion des premiers individus fixés, ce qui rend plus facilement per- ceptible l’état d'infection de l’organe. Pendant les premières heures, le nombre des Leptomonas fixés est d'ordinaire très faible, et pour peu que les parasites se soient localisés dans des replis peu transparents des pièces de la trompe, leur présence in vivo échappe complètement à l’observateur. C’est ainsi que, après 24 ou 48 heures, la proportion des trompes infectées ne paraissait être que de 1/4 à 1/8, dans nos expériences; alors qu’elle peut atteindre, après le septième ou le huitième jour par exemple, le chiffre 7 /10. Le total de nos différentes expériences one une proportion de 20 0 /0 de mouches infectées. A quels phénomènes morphologiques est liée l’existence de la période d’incubation? On pouvait penser à un cycle bien défini dans la trompe, allant des formes Leptomonas fixées au labre, aux formes Trypanosomes de l’hypopharynx, ces dernières étant les seules susceptibles de propager l'infection chez le vertébré. Différentes expériences ont été réalisées dans le but de véri- fier cette hypothèse : l’inoculation à des cabris des différentes pièces disséquées de la trompe (labre et hypopharynx) n’a donné aucun résultat ; l'expérience est d’ailleurs excessivement difficile à réaliser en raison de la ténuité extrême de lhypopharynx et les parasites ont le temps de se nécroser pendant le cours de la manipulation assez longue qu’exige cette délicate opération. Nous avons alors usé d’un autre mode d’expérimentation. Des mouches, nées au laboratoire, étaient nourries le même jour sur un animal porteur de virus, puis fractionnées en plusieurs lots de 3 ou 4 mouches. Ces lots étaient ensuite mis à piquer sucessivement sur cabris neufs; l’un le premier jour, le second le deuxième jour, le troisième le troisième jour et ainsi de suite Jus- qu’au neuvième jour. Chacune des mouches d’un même lot, piquait individuellement un cabri, puis l’on sacrifiait toutes les mouches du lot et on examinait l’état de la trompe quelque temps 662 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR... après la piqüre. Les lots restants étaient nourris sur cobayes jusqu’ au moment de leur entrée en expérience. Dans ces conditions nous avons constaté que le moment où les cabris s’infectent, c’est-à-dire à partir du sixième Jour, ne peut être décelé par aucun phénomène morphologique essentiel. Les formes Trypanosomes font leur apparition dans l’hypopharynx déjà 48 heures après le repas infectant ; le quatrième jour, on les observe parfois en assez grande nombre. Cependant les animaux piqués ne s’infectent pas. D’autre part, le sixième jour, des mou- ches sont déjà infectantes qui ne présentent encore qu’une infec- tion faible de la trompe et en particulier de l’hypopharynx. On peut dire cependant que les mouches infectantes renferment toujours des Trypanosomes dans l’hypopharynx, et que ceux-ci font toujours défaut pendant les premières heures qui suivirent le repas infectant. La période d’incubation n’est donc pas surtout marquée par des phénomènes d’ordre morphologique, mais plutôt par des changements d’ordre physiologique dans la virulence des para- sites qui se sont sans doute accoutumés au milieu salivaire. On peut trouver la démonstration très claire de cette modification de la virulence dans les variations même de la maladie chez les animaux piqués. Dans les deux expériences qui ont été réalisées, l'apparition dans le sang des Trypanosomes a été plus rapide chez les cabris du septième au huitième jour que chez ceux du sixième jour, et la maladie semble avoir été également plus sévère, bien que, l'expérience étant encore en cours, on ne puisse rien affirmer de définitif à ce sujet. On voit par ce qui précède que la palpalis se comporte iden- tiquement, ici, vis-à-vis du 7°. cazalboui comme à Bamako, dans le foyer enzootique de Souma étudié par BOUFFARD. L’infection de la trompe est durable, et,chez la plupart des individus, ne s’arrête qu'avec la vie des mouches. Il paraît y avoir, au moins au début du phénomène, une certaine différence avec ce qui se passe chez les mouches du Congo à la latitude de Brazzaville. La proportion des mouches susceptibles de s’infecter, à Brazzaville, est beaucoup moindre; mais par contre, dès le deuxième et le quatrième jour, le développement des parasites y manifeste une ampleur que nous n'avons jamais rencontrée après un temps aussi court chez les mouches TRANSMISSION DES TRYPANOSOMES 663 du Dahomey. Déjà, à ce point de vue, on voit apparaître le bien- fondé de la notion des races géographiques de Glossines dont l'importance au point de vue de l’évolution des virus nous semble incontestable, IT TRANSMISSION NATURELLE DE TR. DIMORPHON PAR GL. PALPALIS. — TRANSMISSION EXPÉRIMENTALE DE TR. PECAUDI PAR GL. PALPALIS ; DE TR. CAZALBOUI PAR GL. TACHINOIDES ET LONGI- PALPIS. Si l’on met à part le 7. cazalboui, dont la transmission à longue échéance est remarquablement facile; le 7. dimorphon dont l’étude n’est pas encore assez avancée, et le T. pecaudi sur lequel nous reviendrons plus loin, on peut dire que pour tous les virus qui ont été utilisés et dont la liste est donnée ci-dessous, il n’y a point eu possibilité de transmission par les mouches qui nous entourent, au moins dans les conditions où nous sommes placés. Les résultats obtenus sont donc surtout intéressants par leur caractère négatif, c’est-à-dire par l’échec presque total des expé- riences. Le total des mouches qui ont pris part jusqu'alors aux expé- riences avec les différents virus est le suivant : T. gambiense......,. 200 mouches. Nagana du Zoulouland 210 = Nagana du Togo...... 160 ee Sourra Maurice, 2: 2447 000 — A. TRANSMISSION NATURELLE DE 17. dimorphon. — Les expé- riences de transmission des virus des types dimorphon-congolense par infections provoquées, n’ont été commencées qu’à une époque plus récente et l’on ne peut encore rien en déduire sur les chances d'infection des Glossines au laboratoire. Mais on peut dire que les mouches prises dans la nature sont très fréquemment infectan- tes pour les animaux d’expériences. Aïnsi : un chien qui a servi à nourrir des Glossines femelles destinées à la reproduction, du 15 au 29 novembre, s’infecte du T. dimorphon. Un chien piqué le 12 janvier par 110 Glossines au cours d’une expérience de transmission du T. togolense (Nagana du Togo), douze jours après le repas infectant sur ce virus, et quinze après la capture 664 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR des mouches, s’est infecté de T. dimorphon après une incubation de quatorze jours. Un mouton, témoin d’une expérience relative au T. pecaudi piqué les 18 et 19 avril par 120 mouches recueillies sur les bords de l’Ouémé, 5 et 6 jours avant, s’infecte du 7. dimorphon après une incubation de 20 jours. Un cabri, témoin d’une expérience ralative au T. dimorphon, piqué du 18 au 22 mai, par 90 mouches recueillies la semaine précédente sur les bords du Zou, s’infecte de T. dimorphon après une incubation de 18 jours. Il faut remarquer qu’un grand nombre de cobayes ont été également piqués soit par les mêmes mouches, soit par d’autres prises aux mêmes lieux pour différentes expériences; aucun n’a contracté d'infection ce qui démontre la sensibilité nulle de ces animaux à l’infection naturelle par les virus du type dimorphon- congolense, ce qui en fait, par suite, de mauvais sujets d’expé- rience. À ER Dans les lots de mouches qui ont infecté le eabri et le mouton, plusieurs cas d'infection totale, tantôt du tube digestif seul, tantôt du tube digestif et de la trompe, on été rencontrés. Les formes ne diffèrent en rien de celles qui ont été décrites pour T. congolense ét T. dimorphon. Il est donc de toute évidence que ces virus évo- luent par infection totale, ce que ne fait point 7°. cazalbour. B. TRANSMISSION DE TR. PECAUDI PAR GL. PALPALIS. Deux expériences ont été réalisées avec T. pecaudi (origine du virus : cheval venant de Karimama (nord Dahomey) 9e passage par cobaye et 3€ par chien). Dans la première expérience, 70 Glossines, prises dans la nature et nourries au préalable sur un chien témoin, ont été soumises à des repas infec- tants sur chien pendant 4 jours, du 24 au 27 janvier. Puis, du 28 janvier au 23 février elles ont piqué une série de 7 chiens neufs, se succédant à intervalles variant de 2 à 5 jours. Aucun de ces animaux ne s’est infecté. La seconde expérience a réuni 120 Glossines prises également dans la nature et nourries sur mouton témoin les 18 et 19 avril. L’expérience a été conduite de la façon suivante : Du 20-21 avril, repas infectants sur cobaye (passage du virus) (Tr. nombreux. TRANSMISSION DES TRYPANOSOMES 665 22-23 avril repas de transmission sur cobaye neuf. 39-41. 24-25 — , — == = — 39-2. DORE —> — — 39-3 28-29 avril repas de transmission sur cobaye neuf. 39-4. 30-30 mal. — == == 49909. NTM ENG = == — 39-6. TOR De == nr RUE 45-16: —, — = chien — 47-22 — — — cobaye — 39-68. PER UNE — a 2) NET 29-8 juin — — — — 39-10. Dans cette expérience, seul le cobaye 39-6, piqué 12 jours après le dernier repas infectant, a présenté du T'. pecaudi le 16 maï. Tous les autres cobayes et le chien sont restés indemnes. Le résultat de cette expérience est sans doute incomplet. Les mouches contaminées ont dû mourir, peu de temps après avoir acquis leur pouvoir infectant qui n'apparait ici que vers le 12e jour. Il semble qu'un petit nombre de mouches seulement, sans doute une seule, ait pu réussir à contracter l'infection. C. TRANSMISSION DE TR. CAZALBOUI PAR GL. TACHINOIÏIDES ET LONGIPALPIS. — Vers le mois de mai, les Gl. palpalis, toujours relative- ment rares depuis le mois de décembre aux environs d’Agouagon, ont commencé à apparaître en plus grand nombre, surtout dans les gîtes des bords du Zou. Aussi toutes les expériences mention- nées ont-elles été reprises avec un chiffre de Glossines plus consi- dérable. En même temps les Gl. tachinoïdes et longipalpis, qui faisaient absolument défaut jusqu'alors, ont également fait leur apparition au bord du fleuve Ouémé et de son affluent le Zou. Nous avons donc institué avec ces deux espèces toute une série d'expériences nouvelles. On peut, dès maintenant, exposer les résultats acquis pour le T. cazalboui, qui sont, comme on va le voir, identiques à ceux qui ont été obtenus avec la palpalis. ExPÉRIENCE I. — 20 Gl. tachinoïdes capturées sur les bords du Zou, du 45 au 17 mai, sont nourries le 18 sur cabri témoin n° 16. Les 19 et 20, elles sont mises au repas infectant sur cabri (Tr. — a. nombreux). La série des repas de transmission sur animaux neufs est alors ordonnée de la façon suivante. DA 5 MA ERA Cabri n° 17 DODGE RSR TS —"n0 18 DOLLARS RENPU — n° 49 666 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR RME TUE NT ARS — n° 20 DO D EE a à — n° 24 JebSUIVAN IS see Cobaye RésuLrarTs: Le cabri témoin et le cabri n°17 restent in- demnes. Le n° 18 s’infecte le 6 juin et meurt le 15. Le n° 19 s’infecte le 7 juin. Le n° 20 s’infecte le 9 juin et meurt le 11. Le n° 21 s’infecte le 13. ExPÉRIENCE II. — 20 Gl. longipalpis G capturées la veille au fleuve Ouémé sont soumises les 23 et 24 mai au repas infectant sur cabris. (Tr. — a. nombreux et nombreux.) La série des repas de transmission comporte : Dur SA oO 0NMANS EE Cabri neuf n° 2. Durs Pau ein er — — n83 Due ane Sum re — — n° 4 J'et'suivantsi 2. eut Cobaye neuf. RésuLrTars : Les trois cabris piqués s infectent : le n° 2, le 8 juin (mort le 14), le n° 3, le 9 juin et le n° 4, le 11. Ces deux expériences, qui ne sont d’ailleurs point terminées, démontrent que le rôle enzootique de la palpalis vis-à-vis du T. cazalboui, ne lui est pas spécifique et que les deux espèces tachinoïdes et longipalpis se comportent exactement de la même manière à l'égard de ce virus. En fait, 95 longipalpis capturées dans la nature et nourries du 5 au 9 juin sur cabri, ont contaminé celui-ci de 7. cazalboui. Dans ces deux expériences, la durée de la période d’incuba- tion chez les mouches a encore été de 6 jours, comme dans le cas de la paipalis. Au point de vue morphologique d’ailleurs, l’évolution se montre exactement la même chez les trois espèces. IT s’agit toujours d’une évolution durable strictement limitée au milieu salivaire et qui intéresse deux régions bien nettes de la trompe, le labre, où les parasites sont fixés sous la forme Leptomonas et l’hypopharynx où ils reprennent la forme trypanosome typique. Ce que nous avons écrit au sujet de la palpalis pourrait donc se répéter ici. Ajoutons qu’il n’y a jamais non plus d'infection totale. Il est très probable que ces deux mêmes espèces G. tachi- noïdes et G. longipalpis doivent transmettre aussi le 7. dimorphon. TRANSMISSION DES TRYPANOSOMES 667 Chez une Gl. longipalpis, à été rencontrée une infection totale du tube digestif et de la trompe, qui ne laisse guère de doutes à cet égard : sur ce point comme sur beaucoup d’autres, nous serons sans doute prochainement fixés, mais il convient, avant de rien préciser, d'attendre le résultat des expériences qui sont actuelle- ment en cours (1). (4) Depuis la rédaction de ces notes, nous avons obtenu la transmission du Tr. dimorphon par les GL. longipalpis et tachinoïdes, d'infections spontanées et aussi, dans les mêmes conditions, du 77. pecaudi par Gl. longipalpis. Influence de la réaction du milieu Sur la formation des mélanines par oxydation diastasique. Par H. ALGULHON (Travail du Laboratoire de M, G. Bertrand) a ——_——— J'ai précédemment observé linactivité de l’acide borique vis-à-vis de l’action de la tyrosinase sur la tyrosine en dosant pondéralement la quantité de mélanines formée (1). Récemment M. Wolff, se servant de la même méthode, a pu mettre en évidence l'influence favorisante de petites quantités de phosphate diso- dique (2). J’ai cru intéressant d’essayer de mettre au point la question de l'influence de la réaction sur la formation oxydasique des mélanines. Méthode de dosage des mélanines. — J'ai tout d’abord modifié la méthode primitive de dosage des mélanines qui était, telle que Je l’ai donnée dans ma thèse, d’une applicatior un peu longue. Après le temps d’action désiré de la tyrosinase sur une solution de tyrosine, on détruit la diastase par ébullition ou chauffage à l’autoclave. Cette destruction de la diastase, avant l'addition de tout réactif, est la précaution indispensable du dosage, la présence de diastase active empêchant la précipitation en bloc de la totalité des mélanir es. Après refroidissement, on ajoute au liqride 5 0 /0 d’une solution de chlorure de calcium au dixième, puis quelques gouttes de lessive de soude, de façon à alcaliniser très nettement. On agite et on laisse déposer. Au bout de quelques instants on voit les mélanines se coaguler et précipiter, sous l’influence à la 10is du chlorure de calcium et du précipité de chaux qui agit par entrainement. On abandonne quelques (1) C. R. Acad., Sc, t. GXLVIII, p. 1340, 1909, et Thèse Doct., Sc. Nat, Paris 1910 : Présence et rôle du bore chez les végétaux. (2) C. R. Acad. Sc., t. CL, p. 477, 1910. MÉLANINES PAR OXYDATION DIASTASIQUE 669 heures et on filtre sur filtres tarés. On lave à l’acide chlorhy- drique étendu qui dissout les matières minérales, puis à l’eau chaude. On sèche à poids constant et on pèse. La quantité de cendres du produit resté sur le filtre est négligeable. La filtration étant assez rapide dans ces conditions, l’opération demande 2 ou 3 heures seulement avec 100 ou 200 c. e. de liquide. = Influence de la réaction. — Dans les expériences suivantes, je faisais agir 2 ec. c. de macération glycérinée de Russula queleti Fr. sur 100 ou 200 c. c. de solution de tyrosine racémique ou de I-tyrosine (1) pendant 16 à 24 heures. Cette macération glycé- rinée était alcaline à lhélianthine (alcalinité saturée par 4 c. c. 3 d'acide sulfurique N/10 pour 2 c. c. de macération), acide à la phtaléine (Acidité correspondant à 0 e. c. 2 de soude N7/10). Pour chaque expérience des séries de flacons étaient disposés avec la même quantité de diastase et de solution de tyrosine; un léger courant d’air produit par une trompe à eau barbottait dans le liquide des flacons. On arrêtait l’action en méme temps en portant la série pendant un quart d’heure à 1159, et les mélanines étaient dosées DRE la méthode exposée ci-dessus. Une première expérience a donné après 18 heures les chiffres suivants : Poids de mélanine dosée. LEE NI NE 1e Ut PSM QRA ETES AR ASCEAEES CNRS EL ERP LES 33 milligrammes. IT. — Milieu neutre à la phtaléine,.,....... 45,5 IR = Ale mILe NON ne 67 IV. — Milieu neutre à lhélianthine .,..,..., 10 NEA CO LS AE AU DER ARRET ARE PEER à On voit que pour ces différents milieux plus ou moins saturés par la soude ou par l'acide sulfurique, la réaction à laquelle cor- respond le poids le plus élevé de produits d’oxydation insoluble est une certaine alcalinité à la phtaléine. L’acidité est nettement défavorable. Ces résultats ne concordent pas avec ceux fournis par le seul examen des colorations, le contenu du vase IV est incolore après dix minutes, alors que I ét IT sont déjà bien rouges. En étudiant dans les expériences données plus loin l’action des (4) G. BERTRAND ET ROSENBLATT ont montré en effet que la tyrosinase agit de la même façon sur la tyrosine droite et la tyrosine gauche. Ann. Inst. Pier = t. XXII, p. 425, 1908. 670 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR alcalis et en particulier de la soude, j’ai observé que dans les cas où l’on retient l’acide carbonique de l’air, la coloration du liquide dans les flacons contenant une quantité de soude, qui pourtant permettra d'obtenir la plus grande quantité de mélanines après 24 heures, n’apparait souvent qu'après plusieurs heures. On ne peut done jamais rien conclure de précis du simple examen des colorations, surtout pendant les premiers instants. Action des acides forts. — J'ai étudié comparativement l’action des acides phosphorique et sulfurique. Pour un témoin donnant, après 22 heures, 16 milligrammes de mélanines, on en obtient seulement 11M8r5 dans une solution N7/2000 d’acide phosphorique,8 milligrammes dans une solution N /1000 du même acide et le même poids pour cette même concentration en acide sulfurique, et 5M8r,5 dans une solution N /500 de ce dernier acide. Les acides sulfurique et phosphorique agissent donc comme empê- chants et de façon équivalente pour une même concentration moléculaire. Le cas est analogue à celui observé pour la laccase par G. Bertrand (1). L’acide carbonique retarde un peu pendant les premiers temps la coloration des liquides tyrosinasiques. Action des sels neutres à l’hélianthine. — J'ai noté antérieuré- ment l’inactivité de l’acide borique. Le phosphate monosodique se comporte de même. Pour un témoin donnant 16 milligrammes de mélanines on obtient, pour des concentrations en phosphate monosodique N7/1000, N/500, N7/100, respectivement 15m8r,5, 17m8r,5, 14m8r 5; pour un témoin donnant 10 milligrammes, on a obtenu, dans une autre expérience, 11M8r5 avec une concentra- tion N/500 de phosphate monosodique. Action des sels neutres à la phtaléine. — Le phosphate biso- dique et le bicarbonate de sodium sont favorisants; l’optimum est situé vers des doses assez élevées : N /200 à N /100. Le phos- phate diammoniacal agit également comme favorisant. POIDS DE MÉLANINE DOSÉE POUR DES CONCENTRATIONS 0 N/500 N/200 N/100 N/50 Bicarbonate ( 1re exp. : 26 mgr. 59 mgr. de Na. | 2° exp. : 30 mgr.,5 78 mgr, 66 mgr.,5 40 mgr, Phosphate ( {re exp. : 10 mgr. 34 mgr.,5 bisodique.. { 2e exp. : 32 mgr. 16 mgr. 69 mgr,. (1) Ann. Inst. Past., t. XXI, p. 673, 1907. MÉLANINES PAR OXYDATION DIASTASIQUE 671 Action des sels alcalins à la phtaléine et des alcalis libres. — Le carbonate de sodium, le phosphate trisodique et la soude libre agissent d’abord comme favorisants, jusqu’à la concentration optima N/500 environ, puis sont nettement défavorables. Les expériences sur la soude et le phosphate trisodique ont été faites en faisant passer dans les liquides un courant d’air préalablement purgé d'acide carbonique par barbottage dans des laveurs à potasse et à eau de baryte. POIDS DE MÉLANINE DOSÉE POUR DES CONCENTRATIONS Neutralité 0 à la phtal. N/1000 N/500 N/2000 N/100 N/5 Si exp. : 26 mgr. 31 mgr.,5 54 mgr. 66 mgr. NA NEX D. H20IMOR. 56 mgr. Elx exp 30 mgr. 58 mgr. À mgr..5 æ(lreexp. : 32 mgr. 9 mgr, 12 mgr. 6 mgr. + e exp. : 26 mgr. 59 mer. = 3e exp. : 28 mgr. 635 mer. “s(lreexp. : 24 mgr.,5 42 mer. 3 mgr.,b + exp. : 10 mgr. 40 mgr. = exp. . 32 mgr. 80 mgr: 0 De cet ensemble d'expériences on peut tirer les conclusions suivantes : les acides forts diminuent les rendements en produits d’oxydation insolubles; les acides et sels neutres à l’hélian- thine sont parfaitement inactifs; les sels neutres à la phta- léine et alcalins à l’hélianthine sont favorables à la formation de ces corps, même à des doses relativement élevées, leur optimum étant situé vers une concentration N7/200; les sels alcalins à la phtaléine et la soude libre sont favorisants jusqu’à la dose N /500 puis rapidement défavorables après cet optimum. A-t-on le droit de considérer les produits d’oxydation inso- lubles obtenus dans ces diverses expériences comme étant tou- jours formés par une même mélanine? Le poids de ces produits peut-il servir de mesure à la marche du phénomène d’oxydation diastasique ? Il ne semble pas qu’on puisse identifier, dès à pré- sent, les mélanines obtenues en milieu alcalin artificielavec celles qui précipitent dans le milieu naturel non additionné de réactifs. Tout d’abord, en milieu alcalin, on n’a pas le passage par la coloration rouge grenadine, mais de suite une coloration brune. Les mélanines obtenues dans les témoins ne paraissent pas avoir les mêmes propriétés de coagulation que celles des liquides additionnés de réactifs neutres ou alcalins à la phtaléine; dans 672 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR les témoins, après précipitation des mélanines par la méthode indiquée, une légère coloration du liquide surnageant subsiste toujours, alors que dans les autres, ce liquide est le plus souvent parfaitement incolore; s’il est coloré, dans ce dernier cas, il reprécipite intégralement par acidification (1), ce que ne fait jamais le liquide du témoin. Une différence plus’ importante encore est celle du rendement : en présence de phosphate biso- dique, par exemple, j'obtiens d'emblée 78 de mélanine pour cent de tyrosine, en présence de bicarbonate 76 0 /0, en présence de triphosphate trisodique 80 0/0. Or, G. Bertrand et Rosen- blatt, oxydant à fond la tyrosine par la tyrosinase sans modifier la réaction naturelle, n’ont jamais obtenu plus de 60 de mélanine p. 100 de tyrosine. La méthode que j’indique permet, en y alliant la centrifuga- tion, de préparer rapidement de grandes quantités de mélanines ; on pourra ainsi se rendre compte de la non identité ou de l’iden- tité des produits formés dans les conditions naturelles et dans les milieux alcalinisés. En attendant, il ne peut être permis de con- clure, de l’obtention de quantités de produits insolubles plus grandes, à une action favorisante sur le phénomène diastasique d’oxydation; la mesure des échanges gazeux, alliée à l’analyse des produits insolubles, serait seule en dehors de toute critique. (1) Il est nécessaire, dans le dosage des mélanines dans des milieux de réactions variées, de toujours constater que le liquide filtré, s’il estlcoloré, ne {précipiteï pas par acidification; dans ce dernier cas, on filtrera à nouveau le liquide où _une”nou- velle quantité de mélanine a été précipitée et on tiendra compte, dans le dosage total, du poids de produit ainsi obtenu. pr Le Gérant : G. Massox. Sceaux — Imprimerie Choraire 24me ANNEE SEPTEMBRE 1910 No 9 ANNALES L'INSTITUT PASTEUR Recherches sur le bouton d'Orient Cultures, Reproduction expérimentale, Immunisation PAR MM. Cnarces NICOLLE Er L. MANCEAUX Les recherches dont l’exposé fait l’objet de ce mémoire ont été pratiquées à l’Institut Pasteur de Tunis avec un matériel recueilli dans le sud de la Régence. La variété de bouton d'Orient étndiée est celle que l’on désigne communément sous le nom de clou de Gafsa. Ce nom semble avoir été créé par le Dr Achard, médecin aide-major au 43° régiment d'infanterie stationné dans cette ville (1) en 1882. Le clou de Gafsa ne diffère en rien des autres variétés de bouton d'Orient (clou de Biskra, d'Alep, du Nil, de Delhi, etc.). L'un de nous, en collaboration avec Cathoire et Benoît, y a retrouvé le parasite découvert par Wright, Leishmania tropica (2). I eonvient done d'abandonner définitivement ces désignations locales d’une même maladie et ne plus employer, quel que soit le lieu où on observe l’ulcère à leishmania, que le terme, impropre il est vrai, mais consacré par l’usage, de bouton d'Orient. Cette remarque est d'autant plus justifiée en Tunisie que depuis quelques années le bouton d'Orient ne se rencontre qu’exceptionnellement à Gaïsa où il fut fréquent aux premiers temps de l'occupation. Son foyer actuelest la ville minière de Metlaoui. Il y sévit avec intensité chaque année sur la population européenne. Les indigènes, sans être réfractaires, paraissent moins souvent frappés, soit qu'ils présentent un certain degré d’immunité, soit que les lésions (14) R. Baper, Contribution à l’étude du bouton d'Orient en Tunisie (clou de Gafsa). Thèse doctorat, Montpellier, 1909. (2) C. Nrcozze er L. CarHoiïre, Note sur un cas de bouton de Gafsa. Le Caducée, 20 mai 1905; p. 134-135, avec deux planches. C. Nicozze, M. Benoir, Huit observations de bouton d'Orient (clou de Gafsa). Archives de l’Institut Pasteur de Tunis, 1907, IIT, juillet, p. 130-144. 43 674 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR chez eux aient un caractère de bénignité relative. Le bouton d'Orient peut en effet ne se traduire que par des lésions insi- onifiantes. Nous nous bornerons dans ce travail à la partie expérimen- tale de notre sujet laissant de côté l'étude du parasite dans les tissus et celle des lésions elles-mêmes.Cetteétude est aujourd’hui très avancée et notre contribution personnelle serait nulle par rapport aux travaux de nos devanciers. Nous avons fait allusion aux premières publications de l’un de nous sur ce sujet avec Cathoire et Benoît, nous n’en parlons pas davantage. Par contre, rous ferons rentrer dans notre exposé de faits les premiers résultats obtenus à l’Institut Pasteur de Tunis dans liso- lement du microbe l’étude des cultures et les effets des inocula- tions (1). Cette partie nous appartient entièrement et il nous paraît utile de joindre ces observations anciennes aux observations et expériences plus nombreuses que nous avons réalisées depuis. Nous tenons à remercier ici M. Bursaux, directeur des ser- vices d'exploitation de la Compagnie des phosphates de Gafsa et M. le Dr Coignerai, médecin de la Compagnie à Metlaoui pour l’aide constante qu’ils nous ont donnée dans nos recherches et la complaisance avec laquelle ils ont bien voulu reconnaitre et diri- ger sur notre laboratoire les malades nécessaires à nos expériences. Nous remercions aussi le D' Gobert, qui nous a signalé à Tozeur 1e premier cas de bouton d'Orient que nous ayons utilisé. Notre matériel d’études a été emprunté au total à 5 malades que nous désignerons sous les n° [, IT, IIE, IV, V'et dont voici les observations résumées. 1. — Chamelier nègre de Tozeur (Dierid) ayant contracté son aflection à Tebessa (Algérie) et malade depuis troïs mois au moment de nos recherches (25 mars 1908). Trois groupes de boutons non ulcérés du dos du pied. Il, — Français, employé de la mine de Metlaoui, vu à notre laboratoire de Gafsa le 2 novembre 1909, Deux boutons de la main droite, tuberculeux, datant de 15 jours. : IL, — Italien, employé à la mine de Metlaoui, vu à Tunis en fivrier 1ÿ10. (1) GC. Nicozze, Culture du parasite du bouton d'Orient. Comptes rendus, 13 avril 1908. C. NicoLLe ET A. SIGRE, Reproduction expérimentale de bouton d'Orient chez le singe. Soc. de Biologie, 20 juin 1908, p. 1096-1098. C. NicoLe ET A. Sicre, Faible virulence des cultures de Leishmania tropica pour le singe. Soc. de Biologie, 18 juillet 4909, p. 143-144. C. Nicozre ET A: Sicre, Recherches sur le fbouton d'Orient. Arch. de l'Institut Pasteur de Tunis, 1908, III, juillet, p. 117-125, avec une planche. RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 675 Trois boutons de lavant-bras et du bras droit non ulcéreés. Le virus des trois boutons à été utilisé, IV, — Italien, même origine, vu à la même date. Un bouton volumineux de la paroi abdominale ulcéré avec une éruption secondaire typique. V.—Italien, mèm:origine, vu à la même date, Un bouton du bras non ulcéré. Les virus portent les mêmes numéros que les malades qui les ont fournis. CHAPITRE ll‘: Isolement. — Cultures. — Caractères morphologiques de Leishmania tropica en cultures. ISOLEMENT. — La culture de Leishmania tropica a été réali- sée pour la première fois en mars 1908 par l’un de nous (1) à Tozeur (Djerid) par ponction des trois boutons, non ulcérés, du pied du malade Let ensemencement du produit recueilli sur tubes de Novy-Mac-Neal de la formule classique et de la formule sim- plifiée par nous. Les résultats furent identiques dans les deux cas. En raison des circonstances, les tubes ensemencés furent disposés dans une étuve provisoire (2 boites à biscuit l’une dans l’autre, dans la plus petite une veilleuse, entre les deux ur matelas de sable dans lequel étaient piqués un thermomètre et nos tubes. La température se maintint entre 190 et 230). Au 7€ jour, les tubes furent transportés de Tozeur à Metlaoui en voiture (60 kilomètres de désert pierreux, 9 heures de trajet), par 309 environ. Pour les protéger des chaos et les soustraire à l’action nocive de la lumière et de la chaleur, on avait pris la pré- caution de disposer ces tubes dans un vase de terre poreuse, enve- loppé lui-même d’un papier foncé, tenu à la main et arrosé de temps en temps avec de l’eau. Les tubes non ensemencés avaient été apportés de Tunis à Tozeur avec des précautions identiques. L'examen, pratiqué dans notre laboratoire de Gafsa, le 9 jour, montre un développement très abondant des parasites. Nous avons réalisé depuis l’isolement de Leishmania tropica dans plusieurs cas de boutons humains et expérimentaux (singes, chiens). La technique de cette opération est des plus sim- ples : choisir un bouton non ulcéré (ou en cas d’ulcération, la partie périphérique indemne de Pélément), enduire la surface de (1) C. Nicozce, Culture du parasite du bouton d'Orient. Comptes rendus de P Acad. des sciences, 13 avril 1908, p. 842. 676 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR plusieurs couches de teinture d’iode, ponctionner avec une aiguille fine montée sur une seringue stérile (dans un cas, nous avons fait usage tout simplement d’une pipette), ensemencer les tubes de Novy, mettre à l’étuve à 20-220. Les boutons Jeunes sont les plus favorables. CULTURES. CARACTÈRES MORPHOLOGIQUES DE Leishmania tropica EN CULTURES. — À 20-220, dans des conditions iden- tiques à celles de la culture du parasite du Kala-Azar, réalisée Fig. A antérieurement par l’un de nous, le protozoaire de Wright se développe lentement, quoique un peu plus rapidement que celui-ci. Jusqu'au 3° jour environ, on ne note aucune modifi- cation appréciable. Vers le 42 jour, les formes flagellées parais- sent et tout aussitôt se montrent des formes de division. Celles-ci RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 677 sont très nombreuses aux 8-10€ jour. A ce moment, la culture offre un aspect luxuriant. Examinées sans coloration, les leish- mania sont alors très mobiles et se déplacent la flagelle en avant. La richesse est toujours plus grande que pour une culture de Leishmania infäntum de même âge. Bientôt paraissent des rosaces, dont le nombre croît rapide- ment ; elles forment des amas de plus en plus volumineux, jusqu’à devenir visibles à l'œil nu. Puis la tendance à l’immobilisation et à l’agglutination des infusoires s’accentue et, dans un délai d’un à deux mois, toute la culture s’immobilise et le microscope ne montre plus que des cadavres d’infusoires isolés avec leur flagelle rectiligne et raidi (fig. 9) au milieu d’amas où les corps de chaque protozoaire paraissent comme fondus en une masse. Sur les préparations fixées et colorées au Giemsa, les corps de Wright présentent des aspects variés suivant le stade de leur développement où ils se trouvent. L'élément jeune est à peu près semblable aux corps intracel- lulaires (fig. 1), observés dans les lésions de l’homme ou des ani- maux sensibles (singe, chien). Il ne tarde point à s’en différencier par des dimensions rapidement plus grandes, un allongement de plus en plus net de son corps et l’apparition du côté du centrosome (extrémité antérieure) d’un flagelle. On pourrait sehématique- ment décrire à ce stade, celui d'état, trois formes, toutes flagel- lées, l’une presque globuleuse (fig. 5), l’autre ovale et trapue (fig. 2, 3), la troisième allongée et étroite (fig. 7, 8). Il semble qu'il ne s’agisse là que de formes successives; cependant la division peut se montrer dès le premier de ces stades. La forme définitive est celle d’un flagellé typique à corps mince quelquefois arqué (fig. 8), effilé aux deux extrémités dont une seule montre un fouet. Sa longueur alors peut atteindre 40 à 45 (flagelle compris) pour une épaisseur seulement de 2 à 4H. Le flagelle est presque toujours plus long que le corps de l’infusoire, il mesure à ce stade (formes longues) de 16 à 26 &; moyenne d’un grand nombre de mensurations 20 &:5. Jamais le parasite ne montre de membrane ondulante. Lors de ses premières recherches, il avait paru à l’un de nous que les corps de Wright en cultures présentaient fréquemment deux flagelles et qu’il y avait peut-être là un élément de diagnos- tic avec le parasite du Kala-Azar. Des examens approfondis nous 678 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ont montré qu'iln’en était rien. En réalité, il n’éxiste aucun carac- tère qui permette de différencier dans leurs cultures les corps de Wright et de Leishman. Dimensions des corps, longueur et forme du flagelle sont identiques. La structure des deux infusoires est exactement la même. 6 Il nous parait donc inutile de nous appesantir icisur ces carac- tères déjà donnés par l’un de nous pour la leishmania du Kala- Azar (1). Rappelons brièvement, pour être complet, que Leish- mania tropica montre en cultures les deux formations chroma- tiques des flagellés : noyau et centrosome. Le noyau ovalaire se colore en violet: il mesure 145 à 2+kde long sur 1 & 1 1 p.5 de large. Sa situation est variable; le plus sou- vent rapproché de l’extrémité antérieure du parasite, il est, en général, toujours placé près de l’un des bords. Le centrosome, qui affecte la forme d’un petit bâtonnet ou d’un point, se colore en violet rougeâtre, on le voit toujours au voisinage de l'extrémité antérieure du parasite, non loin du flagelle auquel il donne inser- tion. Le flagelle se colore aussi en violet rougeâtre par le Giemsa. Le protoplasma de Leishmania tropica en culture se teinte de deux manières différentes par cette méthode. Certains éléments présentent un aspect réticulé extrêémement net, on y voit parfois des vacuoles: d’autres ont un protoplasma coloré uniformément en violet pâle. Il nous a paru que les éléments à protoplasme réti- culé s’observaient plus souvent dans les cultures très Jeunes ou très âgées. Les parasites à la période d’état de leur évolution paraissent posséder un protoplasme à affinités colorantes uni- formes. Ces caractères se rencontrent également sur les corps de Leishman du Kala-Azar. Les formes de multiplication s’observent fréquemment dans les cultures (fig. 4-6). La division paraît se faire ordinairement dans l’ordre suivant : 1. Division du flagelle (précoce : deux flagelles égaux ou deux flagelles inégaux). 2. Division successive ou simultanée des deux masses chro- matiques; aucun ordre régulier ne paraît présider à cette divi- sion, bien qu'il nous ait semblé qu’elle commençait plus souvent par le centrosome. (1) C. Nrcozre, Le Kala-Azar infantile. Ces Annales, 1909, p. 398-400. RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 673 La séparation des deux parasites est le terme ultime de la division. Dans les rosaces,le flagelle est toujours dirigé vers le centre de l’amas (fig. 10). REPIQUAGES. VITALITÉ ET BIOLOGIE DES CULTURES. — Tous nos repiquages ont été pratiqués en milieu Novy-Mac-Neal sim- plifié. Ils sont extrêmement aisés à obtenir; les cultures sont repi- quables à partir du 52-62 jour; leur vitalité atteint deux mois, elle parait d'autant plus longue que la température est plus basse; aussi avons-nous pour habitude de retirer nos tubes de l’étuve à 220 à partir de leur complet développement pour les placer à une température moindre (15 à 18°). Le meilleur moment pour pratiquer les repiquages est du 10€ au 15€ jour. Dans les conditions où nous opérons et qui sont identiques pour les deux espèces, les cultures de Leishmania tropica sont tou- jours plus rapides et plus abondantes que celles des corps de Leishman du Kala Azar. Nous possédons actuellement (30 juillet) des cultures d ori- cine humaine de 30€ génération depuis l'isolement (2 novem- bre 1909); elles ne se différencient par aucun caractère des cul- tures primitives. Nous entretenons également une culture isolée d’un bouton expérimental de singe (18€ passage depuis le 2 fé- vrier 1910). Des cultures isolées de lésions expérimentales du chien ont été poussées jusqu’au 9® passage, puis abandonnées par nous. Donc, aucune difficulté dans les cultures et les repi- quages; rien qui légitime les insuccès de nos devanciers et de tous ceux qui, en dehors de nous, ont essayé sur les mêmes milieux, ou sur des milieux plus compliqués et mal commodes, la culture du protozoaire du bouton d’Orient. Leishmanta tropica, comme L. infantum, ne pousse jamais à la surface des tubes d’agar au sang, mais seulement dans l’eau de condensation et surtout dans les parties les plus voisines de l'air. Nous n’avons fait que quelques essais de culture sur d’autres milieux. Voici les seuls résultats que nous ayons obtenu dans cet ordre d'idées : Une culture sur milieu Novy simplifié en plein développement (82-152 jour) est épuisée à la pipette; on remplace l’eau de con- 680 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR densation par une quantité égale de sérum physiologique, puis on remet à l’étuve. Au bout du temps ordinaire (8-10 jours), on obtient une culture aussi abondante que la première. Un mélange à parties égales de sang de lapin non défibriné et de sérum physiologique, est mis à l’étuve à 35°, on l’y laisse 3 jours en prenant soin de l’agiter de temps en temps, puis on pra- tique l’ensemencement et la culture est placée à la température ordinaire (220). [Il y a développement des leishmantia; mais le procédé est infidèle et de nouveaux perfectionnements sont néces- saires, CHAPITRE Il Inoculations. — Reproduction expérimentale du bouton d'Orient chez l’homme, le singe et le chien. Nous devons distinguer dans nos expériences les inoculations du virus quelle qu’en soit la provenance (homme ou animaux infectés avec succès) et celle des cultures. A. INOCULATIONS DU VIRUS Les virus que nous avons expérimentés provenaient soit de cas humains, soit d’animaux infectés : singes ou chiens. EXPÉRIENCES PRATIQUÉES AVEC LE VIRUS HUMAIN Nous rappelons que les malades qui ont fourni le matériel nécessaire à nos recherches sont au nombre de 5 et que nous dési- gnons leurs virus par les mêmes chiffres qu'eux (1). [. INOCULATIONS À L'HOMME. — Nous n’avons pas pratiqué linoculation du virus humain à l’homme de peur d’inoeuler en même temps que le bouton d'Orient, affection bénigne, une autre maladie latente, telle la syphilis, infiniment plus grave. Les auteurs qui ont réalisé ces essais et publié les résultats obtenus ne sont pas nombreux. Nous ne trouvons guère à retenir (1) Pour faciliter la lecture de nos expériences, nous donnons ci-contre les tableaux des passages effectués avec les virus IT et III. Ce sont eux que nous avons surtout uti- lisés. I] nous paraît inutile de présenter pour les autres virus des tableaux analogues; le nombre des passages pratiqués avec eux ayant été minime ou nul. "TT ue) "ounJinD ‘I 9) AXPAIX NN | “oun]in) ‘Hu *‘Ouoiy) ‘NuU9IJ) NU) ‘AUIUD HU) ‘AUII)J SUUOY SOUUOH | | | | | | lis | | ‘S'V'N SDS TERRAIN ‘HUIT ‘JEUAIU) ‘SUAIU]) ‘JO UT) ‘AI ‘WOUATD ‘HUAIUD ‘AUAU) ‘ŒUYIUN ‘24NJIN) ‘SouUOF HGRUEES ‘[IIX Sjouuog | | | | | ssl | | | | SAIAQU) % S[RA919 uf ‘5 or) "(I ua) °7) Ua") ‘q ua”) ‘II ouuog *[snS[oOuouÂr) ‘[SNSoUM ‘TIOSEN | | | | | | | II NIVNAH SAYIA III SAHIA AT DAAV SAJSITIVAU SHONAIUIdAXA SAQ NAVATAVL *AXX Puuog *‘AIXX Jouuog TIXX touuon | ‘24nJIn) *JIXX Jouuog *JI :WOuUÂD - ‘JIX JOuuog *IX Jeuuog "M ua) a ue °X 10 I syouuof É | | | | A | | | “JA Jouuog *SNALA -24NJ1N7 | "JIIA jouuog ‘V ua) *A Jouuog | Gt nt ei ee JUUOY AN et ‘SOUPIT SIUI & *IA 9° Me | ‘SNA A -24NJIN7) | II NIVNOH SV) II SAHIA-AHNALINO V'T JHAV SAJSIIVAU SAOINAIUIAXA SA NVATAVL 682 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dans la littérature médicale que l'expérience de Marzinowsky pratiquée sur lui-même et suivie de succès après une incubation de 70 jours. L’inoculation du bouton d'Orient serait, d’après certains auteurs, une pratique fréquente entre les mains des Juifs de Bagdad, qui chercheraient ainsi à immuniser leurs enfants contre les effets plus graves des atteintes naturelles dela maladie. On lira plus loin les résultats obtenus dans nos expériences par l’inoculation des cultures à l’homme. IT. INOGLLATIONS AUX SINGES. — Notre première expérience remonte à 1908. Elle a été pratiquée avec le virus [ à Tozeur. L'un de nous l’a déjà publiée dans un travail en collaboration avec Sicre (loco citato). Nous la rappellerons cependant ici avec quelques détails. — L'observation de ce singe peut servir de type pour la connaissance du bouton d'Orient expérimental de cet animal et la description que nous en donnerons nous permettra d’être bref dans l'exposé de nos autres expériences. Bonnet chinois 1 (macacus sinicus), inoculé le 25 mars 1908 aux régions suivantes : paupière supérieure des deux côtés et racine du nez dans le derme, arcades sourcilières des deux côtés par scarification; réinoculé le 30 mars avec le même virus sous la peau au-devant de chacune des deux oreilles. L'opération ne laisse aucune trace à sa suite. Les lésions ont commencé de paraître le 19 avril, 24 Jours après la première inoculation, elles se sont montrées simultané- ment à la racine du nez, aux deux paupières et à l’arcade sourei- lière du côté droit. La seconde inoculation, bien que pratiquée avec une quantité de virus plus grande, n’a donné aucun résultat. Du côté de l’arcade sourcilière, la seule lésion produite a été un petit élément de 3 à 4 millimètres de diamètre, rougeâtre, ferme et non douloureux. Le 17 mai,nous le trouvons légèrement excorié; il est guéri le 4. Les lésions des deux paupières et du nez ont eu une évolution parallèle. Elles ont débuté par une petite tache rouge sombre avec induration très légère et très limitée de la peau; à cette tache a fait suite une papule rapidement couverte de fines squames. En augmentant de volume, les lésions ont pris l’aspect d’un petit tubercule dur, bien limité, non douloureux à la pression. L’accroissement des boutons a continué jusqu’au 17 mai RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 683 (132 jour), leurs caractères demeurant sensiblement les mêmes. Ces éléments mesurent alors de 6 à 8 millimètres de diamètre et on observe autour d'eux une très légère zone œdématiée et éry- thémateuse. Les jours suivants, les trois boutons, probablement écorchés par le grattage, commencent à suinter; le liquide qui s’en écoule est clair, il se concrète en petites croûtes jaunes. État stationnaire jusqu’au 4 mai. A cette date, l'aspect est celui du clou humain de Gafsa ulcéré; lorsqu'on soulève la croûte, on trouve au-dessous une petite ulcération à bords assez réguliers et assez profonds. Une légère suppuration s’est ensuite établie, puis les lésions rapi- dement ont évolué vers la guérison. Celle-ci était complète le 9 mai. Nous n'avons observé aucune cicatrice définitive à la suite. La durée de ces lésions a donc été de 21 jours. I n’y a jamais eu pendant leur évolution ni éruption secondaire au vosinage ou à distance, ni retentissement du côté des ganglions Iymphatiques. Examen microscopique des lésions et du sang. — Le sang péri- phérique, examiné les 5 et 10 mai, n’a montré la présence d’aucun parasite. La sérosité des boutons n’en ayant pas présenté de nets lors d’un examen pratiqué le 17 mai, nous avons prélevé le 4 mai sur le bouton du nez un petit fragment de tissu dont nous avons fait des frottis. Sur ceux-ci, bien que la lésion fût déjà en voie de régression, il nous a été facile de reconnaitre la présence des corps de Wright. Ceux-ci sont identiques par leurs caractères et leur siège aux parasites du bouton d'Orient humain, ils sont en nombre relativement restreint. Nous n’en avons jamais ren- coutré de libres; tous étaient contenus dans des grande cellules mononucléaires, jamais plus de quatre par cellule. Beaucoup présentaient des altérations manifestes : limitation mal définie du noyau qui parait se fondre dans le protoplasma du parasite, diminution des dimensions et forme arrondie du centrosome. Ces altérations qu’on doit attribuer à l’action phagocytaire sont en rapport avec l’état de régression que présentait l'élément au moment où nous l’avons excisé. Cultures le 17 mai positives, repiquables. Inoculations (voir plus loim : Expériences avec le virus de singe). Bonnet chinois 11. Inoculé le 17 février 1910 avec le virus III 684 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dans la peau de la partie interne des orbites et du bord externe des deux oreilles. L’animal est mort de diarrhée épidémique le 19 février, sans avoir présenté aucune lésion. Donc, résultat nul après 18 jours d’incubation. Macacus cynomolgus I. Inoculé le même jour que le singe pré- cédent avec le même virus. Les points inoculés ont été les suivants : partie interne de l'orbite de deux côtés, pointe des deux oreilles, partie médiane de la poitrine. Aucune réaction à la suite de ces inoculations. Il ne s’est développé ultérieurement aucune lésion sur la peau de la poitrine et à l’oreille droite. Le 10 mars, après une incubation de 37 jours, apparition simul- tanée de trois boutons, siégeant à la partie interne des deux orbites et à l'extrémité de l’oreille gauche. Les deux boutons orbi- taires sont peu saillants, rouges et s’ulcèrent rapidement à leur centre (leur début réel doit probablement remonter à quelques jours, mais a passé Jusque-là inaperçu); celui de l'oreille est de dimensions infiniment moindres et sec, il n’a subi aucun accrois- sement notable par la suite et est disparu après 19 jours de durée. Au 17 mars, les deux lésions orbitaires se sont accrues; elles revêtent l’aspect de boutons d'Orient typiques. Les jours suivants, seul le bouton de l'orbite gauche continue à augmenter de volume, il suinte abondamment et s’entoure d’une éruption secondaire de petits boutons minuscules; ceux-ei reposent sur une auréole érythémateuse et œdématiée. Le 30 mars, une cicatrice remplace l’ulcération des deux élé- ments, l’éruption secondaire s’efface. La guérison est complète le 7 avril, après 26 jours. Ce singe avait été réinoculé le 16 mars à la partie externe des deux yeux avec le virus du magot [. Cette inoculation n’a donné aucun résultat (résultat négatif sur tous les animaux inoculés, avec le même virus: seule, une inoculation humaine a réussi, ainsi qu'il sera rapporté plus loin). | | Macacus rhesus I. Inoculé le même jour que les deux singes précédents, avec le même virus à la partie interne des deux orbites et à la pointe de l'oreille des deux côtés. Ces opérations ne laissent aucune trace consécutive. Apparition simultanée de deux boutons aux deux orbites le 13 mai, après une incubation de 101 jours. Ces boutons se sont RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 685 montrés sous forme de papules rouges ne dépassant pas les dimen- sions d’un grain de mil et ont disparu après une dizaine de Jours de durée. Macacus inuus (magot) I. Inoculé avec le même virus et le même Jour que les troissinges, dont l'observation vient d’être don- née. Les points choisis pour les inoculations sont : la partie interne du rebord orbitaire des deux côtés, la pointe des deux oreilles, le tissu cellulaire sous-cutané sur la ligne médiane de la poitrine. Aucune réaction consécutive. Les inoculations de la poitrine et de l'oreille gauche n’ont rien donné. Le 10 mars, après une incubation de 37 jours, apparition simul- tanée de trois boutons siégeant respectivement aux deux régions orbitaires internes et à la pointe de l’oreille gauche. Ce dernier élément, appréciable seulement à la palpation, n’a eu qu’une durée éphémère (6 à 8 jours). Les deux boutons orbitaires se sont au contraire rapidement accrus; le 16 mars, ils ont des dimensions supérieures à celle d’une lentille et présentent une couleur rouge sombre. Ils sont excisés tous deux et les frottis pratiqués ayant montré la présence de leishmania nombreuses, le produit de broyage est inoculé dans la peau de 3 personnes et de 6 singes : bonnets chinois VIT, XII, XIII et XVI, m. cynomolgus 1 et IIT. Seul, un des hommes a réagi. La guérison par cicatrisation des deux boutons était défi- nitive le 21 mars. Bonnet chinois III. Ce singe a été inoculé dans le foie le 3 février 1910 avec le produit de broyage du bouton abdominal du malade IV, assez riche en parasites. Aucune réaction, ponctions hépatiques négatives. L'animal est encore vivant. Cette expérience unique ne comporte aucune déduction. Il est,au contraire, permis de conclure de nos autres expériences que le bouton d'Orient humain est facilement inoculable aux ma- caques : M. Sinicus, m. Cynomolgus, m. rhesus et m. inuus. La lésion reproduite est identique à la lésion humaine, elle se montre après une 2Acubation variable, mais toujours longue (24 à 101 jours) évolue généralement vite vers la guérison, présente à l'examen microscopique des leishmania caractéristiques et peut être ino- culée avec succès à l’homme et au singe. 686 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR III. INOGULATIONS AU CHIEN. — Les expériences que nous allons rapporter ont été toutes réalisées avec le virus IIT. Nous en avons déjà signalé les premiers résultats dans une note présentée à l’Académie des sciences (1). Chien B. Inoculé le 1er février au front et sur le nez, dans la peau. Rien jusqu’au 10 mars. A cette date (incubation : 37 Jours), induration légère et profonde aux deux points inoculés. Même état le 16. Le 21, les lésions ont progressé, surtout le bouton du nez qui fait une saillie nette à l’œil, rouge, dure, non douloureuse, de 15 millimètres environ sur 7; la peau est intéressée ; ni suinte- ment, ni desquamation. Le 30, le bouton induré du front a guéri (durée : 20 jours), celui du nez a doublé presque de volume: il a les dimensions d’un haricot, la peau à sa surface est rouge, indurée; la palpation sem- ble douloureuse. Régression à partir dà 7 avril, guérison le 30 du même mois (durée : 50 Jours). | Ce chien a été réinoculé le 4 mai avec le virus du chien E; résultat positif (voir plus loin). Chien C. Inoculé le 1er février au nez et à la paupière supé- rieure droite, dans la peau (incubation : 37 jours). Le 10 mars, induration nette des deux points inoculés. Le 16, les lésions se sont accrues; le bouton de la paupière est saillant, de la dimen- sion d’une lentille, il est rouge, dur, non douloureux. On l’excise; sur les frottis présence de leishmania typiques, extracellulaires. Le 21, même état du bouton du nez, celui de la paupière est cica- trisé. La lésion du nez est restée sationnaire jusqu’au 15 avril; elle n’est disparue que le 13 mai (durée : 63 jours). Chien D. Inoculé le 7 février sur le nez, dans la peau. Début du bouton vers le 15 mars (incubation : 36 jours)ÂLe 22, le bouton présente le volume d’un gros grain de blé, il est saillant, dur, rouge, non douloureux. On l’excise; sur les frottis, présence de leishmania, très nombreuses extra et intracellulaires ; aspect identique à la préparation du bouton humain la plus riche en para- sites. Ce bouton a été utilisé pour de nombreuses inoculations (chien D lui-même, chiens E, F, G, 8, 31, 101, m. cynomolgus TT, voir plus loin). Une ponction de l’élément, pratiquée le 23 février, (1) G. Nicozze ET L. MANGEAUXx, Comptes rendus, 4 avril 1910, p. 889. RECIHIERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 687 avant l’excision, a permis d’obtenir des cultures qui ont été uti- lisées elles-mêmes pour des inoculations (chiens H, 1, L., voir plus loin). Le 30 mars, le bouton excisé est en voie de guérison, une croûte sèche, de la dimension d’une pièce de 20 centimes, le re- couvre ; elle se fend par la pression et laisse exsuder un liquide jaune et opaque dans lequel l'examen microscopique ne permet pas de reconnaître la présence de Zershmania. La guérison par cicatrisation est complète le 15 avril. On trouvera, relatée au chapitre III de ce mémoire, l’évolution du bouton consécutif à la réinoculation de ce chien par son propre virus. Chien E. Inoculé le 17 février aux deux paupières supérieures dans la peau. Il ne s’est développé aucune lésion du côté gauche. Début d’un bouton à la paupière supérieure droite versle 15 mars (incubation : 36 jours). Le 21, cet élément présente un aspect caractéristique; il & la dimension d’un petit pois; sa couleur est rouge, il comprend la peau, n’est ni squameux, ni ulcéré, ni douloureux. L'évolution de ce bouton a été rapide; le 30 mars, nous constatons qu’il régresse; le 15 avril, il est disparu (durée : 25 jours). Le chien E a été réinoculé le 22 mars avec le virus du chien D. Résultat positif. Nous renvoyons au chapitre III de ce mémoire la suite de l'observation de ce chien et celles des autres animaux inoculés avec son bouton de réirfection. En résumé, résultat positif par l’inoculation du virus au chien, reproduction de boutons typiques après une tncubation assez régulière de cinq semaines environ, durée variable (20 à 63 jours), présence de lershmania sur les frottis. Les cultures, les inocula- tions sont positives. Le chien se montre donc vis-à-vis du virus du bouton d’Orient aussi sensible que le singe. Il n’en est point de même des autres animaux sur lesquels nous avons expérimenté. IV. INOGULATIONS A DIVERS ANIMAUX. — Anes. — Ane I. Inoculé le 7 février 1910 dans la peau et le tissu cellx laire sous- cutané du nez et à la surface de la peau de la partie interne de l'oreille (scarification) avec le virus V. Rien à noter en ce der- 688 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR nier point qu'une excoriation croûteuse consécutive à l’opéra- tion et de quelques jours seulement de durée. L’inoculation nasale a été rapidement suivie de la production d’une induration profonde, sans caractères, atteignant, avec l’ædème qui l’accompagnait, les dimensions d’une noisette. Cette lésion aregressé progressivement à partir du 15e jour environ; elle était disparue au bout d’un mois. Il semble qu'il n’y ait eu là qu'une réaction purement inflammatoire, consécutive à l’inocu- lation ; la quantité de tissu broyé injectée avait été dans ce cas relativement considérable (1 c. c. au lieu d’une goutte chez le singe ou le chien). Ane II. — Inoculé le 3 février de la même manière avec le virus IV, réaction moindre.Cet animal a été perdu de vue au bout de quelques jours. Cheval. — Un cheval, inoculé le 1er février 1910, dans les mêmes conditions que les ânes avec le virus TIT (très riche en leishmania) présente une réaction analogue et rapide, accompa- gnée d’œdème ayant son maximum au 10€ jour et laissant une petite induration qui ne disparaît que lentement. Une ponction, pratiquée dans l'élément au moment où il atteignait ses dimen- sions maxima, n’a montré la présence d'aucun parasite. Chèvres. — Deux chèvres inoculées dans et sous la peau du nez avec le virus IIT. Résultat négatif. Moutons. — Quatre moutons inoculés de la même manière que les chèvres avec le virus IV. Résultat négatif. Chats. — Deux chats inoculés de même avec le même virus. Résultat négatif. Les singes et les chiens se sont done montrés jusqu’à présent les seuls animaux sensibles au virus humain. Tout au plus, peut-on signaler une réaction rapide et sans caractères chez l’âne et le cheval. EXPÉRIENCES PRATIQUÉES AVEC LE VIRUS. DU SINGE 1. INOGULATIONS A L'HOMME. — Trois personnes, N. A.S., reçoivent le 16 mars, dans la peau du bras, une goutte du produit de broyage des boutons du magot 1 (voir plus haut). Ce bouton en est au 16€ jour de son évolution. RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 689 N. avait déjà subi : 1° le 14 septembre 1908, une inoculation intradermique d’une culture morte, n’ayant déterminé aucune lésion spécifique (voir plus loin); 29 le 8 décembre 1909, une ino- culation intradermique également ineffective d’une goutte d’une culture d’origine humaine, âgée de 11 jours et provenant d’un 4€ passage (voir aussi plus loin : Inoculations des cultures). L'inoculation du bouton du magot n’a déterminé chez cette personne qu’une réaction sans caractères : rougeur le lendemain, puis petite papule un peu douloureuse, d’une durée de 8 jours, laissant à sa suite une tache violacée disparue elle-même en 15 jours. À. avait déjà reçu, le 8 décembre 1909, une inoculation iden- tique à celle de N, et n’avait présenté qu’une réaction immédiate insignifiante. L’inoculation du bouton du magot a déterminé les mêmes phénomènes que chez N. à un degré moindre, mais après une période silencieuse de deux mois environ est apparu, vers le 31 mai 1910, au point d’inoculation, un bouton minuscule de dimensions d’une tête d’épingle. Ce bouton est rouge, induré; il intéresse la peau. Son accroissement était à peu près nul lorsque nous l'avons détruit par excision suivie, le 11 juin, d’une appli- cation de poudre de permanganate de potasse. Nous verrons au chapitre suivant que cette lésion est apparue en même temps qu'un bouton type consécutif à l’inoculation antérieure de la culture vivante à la même personne. $., qui n’avait subi aucune inoculation préalable, n’a rien pré- senté à la suite de celle-ci. Le bouton expérimental du singe peut donc être réinoculé à l’homme. Il est à remarquer que le virus employé était peu actif, puisque aucun des animaux sur lesquels il a été expérimenté (singe ou chien) n’a présenté la moindre lésion. Seul, dans un cas sur trois, l’homme a réagi. 2, INOCULATIONS PRATIQUÉES SUR LE SINGE. — Nous compre- nons dans ce chapitre les expériences de passage. Trois virus ont été utilisés : l’un était d’origine virus; c’est le bonnet chinois I, dont l'observation a été rapportée en tête de ce chapitre qui nous l’a fourni. Le second a été emprunté au bonnet chinois V qui avait été infecté par la première culture 44 690 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR isolée du malade IT (virus-culture). Le troisième est celui du magot I (voir plus haut). a. Expériences pratiquées avec le virus du bonnet I. Bonnet IV. Inoculé dans la peau du nez avec le produit de broyage du bouton excisé au bonnet I le 4 mai 1908 (15° jour). Ce singe, suivi deux mois par nous, n’a pas présenté de lésion consécutive. Inoculé ultérieurement de Kala-Azar, il a été remis à M. le Dr Laveran et ne semble point s'être infecté ou bien lin- fection chez lui s’est terminée rapidement par la guérison. b. Expériences pratiquées avec le virus du bonnet V infecté par la première culture (calture-virus) du cas humain Il. Nous sommes obligés pour suivre l’ordre que nous nous som- mes tracé de renvoyer le lecteur au chapitre suivant (inoculation des cultures) pour l'observation du bonnet V. Disons rapidement ici que cet animal a présenté, au bout de 66 jours d’incubation, deux boutons des plus nets, dont l’un nous a servi à réaliser l’in- fection des bonnets VIL et VIII. Le virus de ceux-ci a été utilisé ensuite pour d’autres expériences dont le détail va suivre. Bonnet VII. Inoculé le 24 janvier 1910 à la partie interne des deux rebords orbitaires avec un bouton excisé au bonnet V. Ce bouton était apparu 4 jours auparavant; il est très riche en para- sites (nous en avons compté jusqu’à 21 dans un mononucléaire). La première lésion paraît du côté droit après ure 1ncubation de 44 jours, sous forme d’un bouton minuscule de la dimension d’une tête d’épingle, saillant, rouge et dur. Cet élément atteignait le volume d’un grain de riz, lorsque parut à gauche un nouvel élé- ment semblable (incubation : 55 jours). Le bouton de droite est excisé le 23 mars (13° jour) et utilisé pour l’inoculation du macacus cynomolgus II. Sur les frottis, on trouve des leishmania assez nombreuses. Guérison apparente par cicatrisation; puis, le 15 avril, recrudescence sur place de l’élément qui bientôt dépasse les dimensions qu’il présentait avant l’excision. Cet élément nouveau est composé en réalité de deux boutons, incomplètement séparés par la cicatrice opéra- RECHERGHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 691 toire. Le bouton supérieur est le plus gros, il fait une saillie très nette et desquame; l’inférieur s’entoure de deux petits boutons satellites. IL est lui-même excisé pour servir à des inoculations (bonnets IX et X); présence de leishmania nombreuses sur les frottis. Le bouton le plus élevé, abandonné à lui-même, suinte et s’ulcère, 1lse recouvre d’une croûte, puis disparait vers le 70€ jour de son évolution. Le bouton du rebord orbitaire gauche a été enlevé le 19 avril. Les leishmania sont nombreuses sur les frottis; une culture pra- tiquée avant l'opération par ponction de l'élément a donné un ré- sultat positif; le produit broyé est inoculé aux bonnets XI et XII et aux chiens J et K. L'évolution des boutons de ce singe a été des plus intéres- santes ; il y a eu récidive après l’opération, suintement et forma- tion de croûtes, éruption secondaire ;la durée des éléments, malgré les interventions opératoires, a été longue (70 jours). Nous verrons plus loin que les passages du virus aux singes et aux chiens ont donné des résultats positifs. Bonnet VIII. Inoculé le même jour que le bonnet précédent, aux mêmes points et avec le même virus (bonnet V). Le premier élément paraît à droite après une incubation de 48 jours; le second, de l’autre côté, après 55 jours. Ce dernier a eu une évolution spéciale, il s’est accru jusqu’au 30 mars (7€ jour); à cette date, ses dimensions sont celles d’un grain de blé; il rétro- cède ensuite, semble devoir guérir (10 avril), puis tout à coup subit un développement nouveau. La lésion est alors nettement sous- cutanée, molle et dépressible; une ponction pratiquée le 26 avril y montre la présence de pus (polynucléaires nombreux); point de leishmania à l'examen microscopique; cependant les cultures sur milieu Novy simplifié ont été positives. Le bouton orbitaire droit a présenté les caractères ordinaires de l’évolution de bouton d'Orient du singe; au 7 avril, il présente ses dimensions maxima,il mesure alors 7 millimètres de diamètre; il est rouge, dur et saillant, entouré d’une auréole œdémateuse; il en suinte un liquide clair, séreux, très riche en leishmania. L'aspect est exactement celui d’un bouton humain. Une croûte jaunâtre se forme les jours suivants; culture positive par ponc- tion le 15 avril. Écoulement d’un liquide plus louche vers le 23; 692 ANNALES DE'L’INSTITUT PASTEUR au 26, la régression commence. Elle est complète le 27 mai. Ce bouton a donc eu une durée totale de 60 jours. M. cynomolgus IT. Inoculé le 23 mars en 4 points dans la peau du nez avec le bouton droit du singe précédent.Ce bouton compte alors 13 jours. Zncubation 50 jours. Trois boutons paraissent à la date du 13 mai; ils s’accroissent jusqu’au 20 juin, leur aspect 00 EU! est alors typique : ulcération recouverte d’une croûte jaurâtre au centre, induration violacée tout autour. Une photographie prise le 23 juin donne l’aspect de ces lésions. La régression se fait rapidement; au 2 juillet, les trois éléments sont encore nets avec leurs croûtes centrales, mais les dimensions en sont ré- duites. | Bonnets IX et X: Inoculés le 19 avril avec le bouton gauche RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 693 du bonnet VII dans la peau du nez. Ce bouton compte alors 28 jours. Aucune lésion à la mort de ces animaux survenue du fait d’une diarrhée épidémique : pour le IX au 7° jour de l’ino- culation; pour le X au 15€. Bonnets XI et XII. Inoculés le 26 avril dans la peau du nez avec le bouton inférieur du côté droit du bonnet VIT; Fig. III ce bouton en est alors au 37€ jour de son apparition. Le bonnet XI est mort de diarrhée après 14 jours, sans rien avoir présenté d’anormal. Le bonnet XIT a contracté un bouton volumineux, apparaissant après une incubation de 24 jours. Ce bouton a été photographié le 22 juin, au moment où sa régres- sion paraissait commencer. Il est absolument caractéristique, formant un nodule volumineux, saillant, à centre légèrement 694 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ulcéré sécrétant un liquide clair qui se concrète en croûte jau- nâtre. Le lendemain, nous pratiquons l’excision du bouton qui est inoculé aux deux bonnets XXIV et XXV actuellement en obser- vation. La plaie consécutive à l'opération est traitée par le per- manganate de potasse en poudre, guérison par cicatrisation en 15 Jours environ. Expériences pratiquées avec le virus du magot I. Bonnet XIII et M. cynomolgus ITI. Inoculés le 16 mars à la partie interne des deux rebords orbitaires avec le virus du magot I. Le bonnet meurt au 1 26e Jour, sans avoir rien présenté; le cynomolgus est demeuré vivant et indemne. Il est à noter que le virus du magot bien que provenant de boutons typiques jeunes (6 jours) et riches en leishmania, n’a permis la repro- duction de lésions que chez un homme (résultats négatifs pour les singes). Ces expériences montrent combien il est facile de reproduire le bouton d'Orient par passage de singe à singe. Parmi ceux de ces animaux sur lesquels nous avons expérimenté, le m. sinicus (bonnet chinois) et le m. cynomolgus sont particulièrement récep- tifs. Les lésions obtenues sur eux ne diffèrent en rien de la mala- die humaine, la guérison est seulement un peu plus précoce. Nous avons pourtant obtenu des boutons ayant une durée de 60 à 70 jours. L’incubation varie de 24 à 66 jours. Les résultats sont comparables, d’autre part, à ceux obtenus par l’inoculation du virus humain à ces mêmes animaux. Nous espérons pouvoir conserver notre virus sur le singe par des passages ; ceux-ci sont actuellement au chiffre de trois pour les expériences que nous venons de rapporter. Nous n'avons point parlé dars ce chapitre des inoculations pratiquées sur nos animaux avec leur propre virus ou le virus d’autres singes. Les résultats en sont trop spéciaux; on les trou- vera rapportés, avec toutes les expériences semblables, dans la- vant-dernier chapitre de ce mémoire. 5 ee RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 695 3. INOCULATIONS PRATIQUÉES SUR LE CHIEN. — Chien À. Inoculé le 24 janvier 1910 dans la chambre antérieure de l'œil gauche et dans l’épaisseur de la peau du nez avec le bouton du bonnet V au 4€ jour de son évolution. L’œil réagit de façon violente; il devient gros, blanc laiteux. Une ponction pratiquée le 30 janvier donne un liquide opales- cent, visqueux, contenant des globules blancs et rouges, pas de leishmania (culture négative). Ces phénomènes s’atténuent par la suite. Le 16 mars, M. Jaeggy procède à l’énucléation ; la cham- bre postérieure est remplie d’un liquide sanguinolent clair; il ne reste rien du corps vitré, la chambre antérieure est disparue, la cornée très épaissie, opaque et blanche, vient au contact des dé- bris du cristallin. Recherche négative des parasites. A cette même date (51€ jour de l’inoculation), on ne note rien du côté du nez. L’animal est sacrifié quelques jours plus tard. Chien J. Inoculé le 19 avril dans la peau du nez avec le bouton gauche du bonnet VIT au 28€ jour de son évolution. L’incubation chez cet animal a été de 74 jours environ; ce n’est, en effet, que le 2 juillet que nous remarquons l'apparition d’un petit nodule dur, de la dimension d’un grain de blé. Cet élément s'accroît par la suite jusqu'aux dimensions d’un gros haricot; il s’en montre bientôt un second, qui acquiert au 30 juillet le même volume. Chien K. Inoculé le même jour avec le même virus et au même point. /ncubation identique. Le bouton dont nous constatons la présence le 2 juillet offre, avec des dimensions un peu plus grandes, le même aspect que celui du chien J. Au 30 juillet, ce noyau a le volume d’une bille, il est tout à fait caractéristique. Le bouton d'Orient peut donc être reproduit chez le chien avec le virus du singe. 4. ESSAIS D’INOCULATION AU RAT. — Deux rats blancs sont inoculés le 30 janvier 1910, dans la peau du nez et de la racine de la queue, avec le virus du bonnet V. Résultat négatif au bout de deux mois d'observation. EXPÉRIENCES PRATIQUÉES AVEC LE VIRUS DU CHIEN Î. INOGULATIONS AU CHIEN. — Nous savons qu'il est facile de reproduire le bouton d'Orient chez le chien avec le virus 696 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR humain et que cette expérience réussit avec le virus du singe. Les passages peuvent être également obtenus de chien à chien. Chien F. Inoculé le 22 mars 1910 dans la peau du nez avee le bouton du chien D; ce bouton est alors âgé d’environ 7 jours. Cinq piqûres sont effectuées. Le 7 avril,on constate à la palpation la présence de trois petits nodules, l’incubation dans ce cas a donc été de 16 jours seulement. Ces nodules grossissent les jours sui- vants, Jusqu'à atteindre les dimensions d’un grain de blé, qu’ils n'ont pas dépassées; un quatrième élément se montre plus tardi- vement (23 avril) et disparait en quelques jours, sans s’être accru. Les trois boutons principaux n’ont pas tardé à regresser; le 25 mai , deux seulement sont perceptibles: ils se sont effacés le 17 juin. Leur durée a été d'environ 70 jours. Chien G. Inoculé le même jour et avec le même virus que le chien F (4 piqûres dans la peau du nez). Réaction immédiate sous forme d’œdème d’une durée de huit jours. Aucun bouton ne s'était développé à la date du 4 mai, lorsque ce chien est inoculé à nou- veau sur le nez avec un bouton du chien E. Ce bouton,consécutif lui-même à une réinoculation (voir chapitre suivant), était alors âgé de 35 jours; il était volumineux, tout à fait typique et mon- trait des leishmania nombreuses. Le 25 mai, paraissent deux boutons qui atteignent rapidement les dimensions d’une lentille et évoluent en 36 jours. Le virus du chien E n’ayant donné aucun résultat sur les 3 chiens dont l'observation suit, sur l’homme et sur les singes, et lPinoculation en ayant été pratiquée pour chien G au même point que l’inoculation antérieure du bouton du chien D, il nous est impossible de déterminer auquel des deux virus (D ou E), se rat- tache la production des lésions développées sur lui. Chiens M, N, O. Inoculés dans la peau du nez le même jour et avec le même virus E que le chien G. Résultat nul au 22 mois de l’observation. IT. INocuLATIONS AU SINGE. — M. cynomolgus IV. Inoculé le 22 mars dans la peau du nez et à l’angle interne des deux yeux avec le virus du chien D,en même temps que le chien F (résultat positif). Ce singe est mort de broncho-pneumonie le 192 jour de linoculation. Il ne présentait alors aucune lésion. RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 697 Bonnets XIV et XV. Inoculés le 4 mai dans la peau du nez avec le virus du chien E, en même temps que les chiens G, M, N, O. Résultat nul au 2€ mois de l'observation (comme pour les chiens M, N, O et les deux personnes dont lobservation suit), Par suite d’une erreur dans le choix des animaux d'expérience, le bonnet XV a été réinoculé le 11 juin dans la peau du nez avec le virus humain expérimental A (voir plus loin). Résultat nul jusqu’à ce Jour. Donc, résultats nuls chez le singe avec le virus du chien, mais les expériences ont besoin d’être reprises et aucune conclusion ne peut être tirée de nos insuccès. IIT. INOCULATIONS À L'HOMME. — Deux personnes ont été inoculées le 4 mai dans la peau de l’avant-bras avec le virus du chien E. Le résultat a été négatif. Voici l'observation de ces deux personnes. M.avait reçu antérieurement et sanssuccès le 8 décembre 1909 une goutte de culture de 4€ passage (11€ jour) de Leishmania tropica (origine humaine). L’inoculation du 4 mai ne détermine aucune réaction locale, sauf l'apparition tardive d’une petite tache érythémateuse peu visible. N. Avait reçu antérieurement : 1° le 44 septembre 1908, une goutte d’une culture morte de Leishmania tropica; 29 le 8 décem- bre 1909, une goutte de la même culture que M.; 3° le 16 mars, le virus du magot I. Les deux premières de ces inoculations n'avaient déterminé que l’apparition d’un œdème local immé- diat avec tache ecchymotique secondaire; la troisième inoculation était restée sans effet. A la suite de l’injection intradermique du 4 mai, on observe les mêmes phénomènes réactionnels que ceux qui ont suivi les deux premières inoculations; pas de bouton con- sécutif. ; Nous devons faire remarquer encore une fois que le virus du chien E s’est montré inactif pour les chiens neufs M, N, O et que les boutons observés à la suite de nos inoculations au chien G relèvent peut-être de linoculation du virus D, précédemment injecté à ce chien ou bien sont l'effet d’une sensibilisation consé- cutive à la première inoculation du virus. (Voir pour ces faits de sensibilisation le chapitre suivant.) 698 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR B. INOCULATIONS DES CULTURES DE LEISHMANIA TROPICA Nous devons distinguer les cultures suivant leur origine : bouton d'Orient naturel de l’homme, boutons expérimentaux du singe et du chien. INOCULATIONS PRATIQUÉES AVEC LES CULTURES ISOLÉES DU BOUTON D'ORIENT NATUREL DE : L'HOMME 1. INOCULATIONS A L'HOMME. — Nos expériences ont été pratiquées sur 4 personnes, dont 2 ont reçu à deux reprises des cultures et 3 ont été soumises ultérieurement à des inoculations de virus, rapportées d’autre part. H. Inoculé le 2 avril 1908 par scarification de la peau de Pa- vant-bras avec notre première culture (culture virus) âgée de 8 jours. Nous donnons aux premières cultures (cultures provenant de l’isolement) le nom de cultures virus parce qu’à côté des leish- mania de forme culturale et de récente formation subsistent sans nul doute dans l’eau de condensation des tubes de gélose au sang des corps de Wright provenant de la lésion elle-même, non modifiés et qui constituent encore à proprement parler un virus. Après 26 jours, chez H. développement d’une petite papule de durée éphémère (8 jours), qui n’a été l’objet d’aucun examen microscopique. H. est inoculé le 8 mai suivant dans le derme avec une goutte d’une culture de 3° passage âgée de 9 jours. Résultat négatif. N. Inoculation intradermique le 14 septembre 1908 d’une goutte de culture de 9€ passage âgée de 66 jours, ne contenant plus de leishmania mobiles et non repiquable (culture morte). Réaction immédiate, sous forme d’un placard œdémateux des dimensions d’une pièce de cinq francs. A cet œdème fait suite une tache ecchymotique, qui s’efface en 15 jours. Aucun bouton consécutif. Le 8 décembre 1909, N. reçoit à nouveau dans le derme une goutte d'une culture de 4° passage âgée de 11 jours (leishmania nombreuses et mobiles). Même réaction que lors de la première inoculation. Pas de bouton consécutif. RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 699 M. Inoculé de la même manière que N. et avec la même cul- ture le 8 décembre 1909. Réaction de même ordre que chez N., moins vive et moins durable. A. Inoculé comme M.et N. le 8 décembre. Réaction immé- diate semblable à celle de M. Mais après une période latente de près de 6 mois, apparition d’un bouton typique, le 31 mai 1910. Ce bouton est rouge, induré, douloureux, il intéresse l’épaisseur entière de la peau; ils’accroît assez vite Jusqu'à la date du 19 juin. Ce jour, il s’exuleère, un liquide séreux en sort, ce liquide est très riche en leishmania; une croûte s’est formée le lendemain, lors- que nous pratiquons l’excision de l’élément entier. Sur les frot- tis, aspect classique du parasite et des cellules qu'il infecte. Inoculation au bonnet XV. A, avait subi le 16 mars une seconde inoculation intradermique avec le virus du magot I. Ce virus, inactif pour les 2 singes neufs, les 4 singes vaccinés ou sensibilisés et les 2 autres hommes auxquels il avait été inoculé en même temps, a déterminé chez A. l'apparition d’un petit bouton de la dimension d’une tête d’épingle, qui s’est montré en même temps que le bouton consécutif à l’inoculation de la culture; cette lésion a évolué parallèlement à lui et nous l’avons excisée le même jour. ILest probable qu’il y a eu chez A. sensibilisation par suite de l’ap- parition du bouton d’origine culturale vis-à-vis du virus du singe. Nous reviendrons sur ce fait et nous discuterons son explication au chapitre suivant. Quoiqu'il en soit, l'observation de A. montre qu’on peut obte- nir la reproduction expérimentale du bouton d'Orient avec les cultures d’origine humaine, même au 4€ passage; à noter chez cette personne la longueur de l’incubation : 6 mois environ. Le bouton de A. a eu une durée de 3 mois, malgré un traitement énergique et précoce. Il s’est accompagné d’une éruption secon- daire typique IT. INOCULATIONS AU SINGE. — Bonnet XVI. Inoculé le 22 avril 1908 avec une goutte d’une culture de second passage âgée de 14 jours, dans le derme (paupières supérieures et nez) et par scarifications superficielles (arcades orbitaires). Un seul bouton manifeste s’est développé après une 1ncubation de 38 jours ; il siège à la paupière supérieure gauche; il s'accroît pendant 4 à 6 jours, puis demeure stationnaire. Nous lavons 700 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR excisé le 30 juin (30€ jour), alors qu’il commençait à regresser. Sur les frottis, on trouve de rares corps de Wright en majeure partie dégénérés. Il n’a pas été pratiqué de cultures. Un autre bouton, moins manifeste, s’est développé parallèle- ment à la paupière supérieure gauche ; il n’a eu qu’une existence éphémère. | Nous verrons, au dernier chapitre de ce mémoire, que ce singe paraît avoir acquis, du fait de son infection par Leishmanta tro- pica, une résistance manifeste contre le virus du Kala-Azar. Bonnet XV11I.Inoculé le même jour avec le même virus et de la même manière que le singe précédent. Résultat négatif. Bonnet XVIII. Même jour, inoculation dans la cavité péri- tonéale d’un demi €. c. de la même culture que les bonnets XVI et XVIT. L'animal est pris peu après de diarrhée et maigrit. Il meurt le 23 août (31° jour). Poids 1,780. Lésions intestinales ; rate petite (5 grammes); foie, 75 grammes. Absence de Leishmania sur les frottis des organes. Bonnet XI X. Même jour, inoculation dans la cavité péritonéale. de quelques gouttes de la même culture que le singe précédent et d’un demi c. c. d’une autre culture de même âge. Résultat négatif. Nous verrons au chapitre suivant que ce singe a pu être ino- culé ultérieurement, avec succès, du Kala-Azar (infection légère). Bonnet V. C’est ce singe qui a fourni le virus utilisé pour la plupart des expériences de passage de singe à singe que nous avons rapportées plus haut. Nous avons été obligés de reculer jusqu'ici son observation, afin de respecter l’ordre que nous avons arrêté pour l'exposition de nos expériences. Inoculé le 14 novembre 1909, dans la peau de la partie interne des deux rebords orbitaires et à la pointe de l'oreille gauche, avec une goutte de culture-virus du cas humain IT (culture d'isolement): Incubation : 66 jours. Début simultané des lésions des deux côtés de la racine du nez, le 20 janvier 1910. Il ne s’est montré aucun élément manifeste du côté de l'oreille. Le 24 janvier, les deux boutons de ce singe ont acquis les dimensions d’un petit pois ; ils sont arrondis, rouges, très durs et intéressent la peau. Ils s’accroissent les jours suivants. Le 24 jan- vier, le bouton de gauche est excisé et inoculé aux bonnets VIT et VIIT, au chien A et au bonnet V lui-même; sur les frottis, aspect typique, leishmania très nombreuses extra et intracellu- RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 701 _laires; on en compte jusqu’à 21 dans un mononucléaire. La plaie opératoire a rapidement guéri. Le bouton droit continue de s’accroitre; il s’excorie et un liquide clair en suinte, croûtelle consécutive, aspect typique du bouton d'Orient humain vers le 1er février. L'élément regresse ensuite ; il est entièrement disparu le 10 mars, après une durée de - A8 jours. ; Bonnet VI. Inoculé le même jour et avec la même culture-virus que le singe précédent. Les inoculations ont eu pour siège la peau de la partie interne des deux arcades orbitaires et celle de la base du nez. Deux boutons ont paru à la suite de ces inoculations : l’un à la partie interre de l’arcade orbitaire gauche, l’autre, le plus important, sur le nez. Le premier s’est montré après 68 jours d’incubation, le second après 71 Jours. Le bouton orbitaire atteint ses dimensions maxima vers le 10 février, il a l’aspect et les dimensions d’une lentille; la peau est rouge à son niveau; on sent une légère induration par la palpation. Cette lésion a guéri au bout de 38 jours. Le bouton du nez a eu une évolution plus longue: il s’accroit régulièrement jusqu'au 10 mars; à cette date, il a les dimensions d’une petite bille (c’est le plus gros bouton que rous ayons observé chez le singe); la peau à son niveau présente ure teinte violacée, pas de squames, pas de suintement: c’est le type du bouton d'Orient de la forme tuberculeuse. Aucune éruption secondaire autour de lui. Le 21, même aspect; les dimensions de l’élément sont peut-être moindres. La regression est nette le 30 mars, elle s’accentue au début d'avril et, le 16 du même mois, la guérison est complète. Ce bouton a eu une durée de 90 jours. Le bonnet VI a été réinoculé ultérieurement avec le virus du bonnet VIT. Résultat négatif (voir chapitre suivant). Bonnet XX. Ce bonnet a reçu en inoculations intrapéritonéales et intrahépatiques les 5,6,7et8 décembre 1909 l’eau de condensa- tion de quinze tubes de culture en milieu Novy simplifié. Ces cul- tures représentaient le 4€ passage depuis l'isolement et étaient âgées de 8, 9, 10 et 11 jours, soit au total pour ce singe 60 cultures en 4 Jours. Une ponction péritonéale pratiquée le 14 décembre donne un 702 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR liquide rare, pauvre en cellules; pas de leishmania, culture néga- tive. Une ponction hépatique pratiquée le 28 février ne montre pas de parasites. Le 15 mars, la rate est enlevée par le Dr Jaeggy; elle pèse 6 grammes; son aspect, sa couleur, sa consistance, sa structure sur les coupes sont normaux. Pas de leishmania sur les frottis; cultures négatives. Ce singe, réinoculé ultérieurement et sans succès avec le virus du magot I, est mort de diarrhée le 7 avril. Absence de parasites dans les organes à l’autopsie. Bonnet XXI. — Du 8 au 11 décembre 1909, ce singe reçoit dans le foie et dans la cavité péritonéale, ainsi que le bonnet précé- dent, 15 cultures de 4€ génération, soit au total 60 cultures en 4 jours. Ponction péritonéale négative le 15 décembre. L'animal meurt de diarrhée le 5 janvier 1910. Rien à noter à l’'autopsie, sauf les lésions d’entérite; rate normale. Frottis de cet organe, du foie, des ganglions mésentériques et de la moelle osseuse, cultures du foie, de la rate et de la moelle des os négatifs. En résumé, chez le singe, reproduction facile du bouton d'Orient par l’inoculation intracutanée de la culture-virus d’ori- gine humaine et même de la culture de second passage. L’incu- bation, l’évolution et la durée sont identiques à celles des boutons obtenus par inoculations du virus lui-même. Par contre, des doses élevées de cultures injectées dans la cavité péritonéale et le foie se montrent entièrement inoffensives. III. INOGULATIONS AU CHIEN. — Un essai d’inoculation, pratiqué en 1908 sur la cornée d’un chien, n’avait donné qu'un résultat négatif. Dans nos expériences de 1909, nous avons cher- ché à provoquer, chez deux chiens, une infection généralisée, par l’inoculation de quantités énormes de cultures. On sait que Novy a réalisé ainsi l'infection du chien avec nos cultures de la leishmania du Kala-Azar. Nos expériences n’ont point donné de résultat, ainsi que le montrent les observations qui suivent : Chien 100. Poids : 6 kilos.Reçoit, du 20 au 24 décembre 1909, RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 703 chaque jour 20 cultures dans la cavité péritonéale et dans le foie (3 cultures pour l’inoculation intrahépatique).Ces cultures repré- sentent le 5€ passage depuis l'isolement, elles sont âgées de 15 à 19 jours. Soit au total 100 cultures en 5 jours. Le 29 décembre, 2 ponctions péritonéales ne donnent qu’une gouttelette d’un liquide clair, incolore, très pauvre en cellules et ne montrant aucune figure de parasites; cultures négatives. L'animal, dont la santé est restée parfaite, est sacrifié le 18 mars 1910; il pèse 9 kilos. Rate normale 27 grammes, foie 265, reins (ensemble) 25. Les frottis du foie, de la rate, des ganglions mésentériques et de la moelle des os ne montrent aucune leishmania. Chien 101.Soumis le même jour à des inoculations identiques. A donc reçu également 100 cultures de 5° passage en 5 jours, dans la cavité péritonéale et le foie. Santé parfaite. Deux ponctions péri- tonéales sans résultat le 29 décembre; cultures négatives. Ce chien, conservé vivant, a été réinoculé dans la peau du nez le 22 mars 1910 avec le virus du chien D; il a contracté un bouton d'Orient (voir chapitre suivant). Nous n’avons pas tenté chez le chien l’inoculation de cultures d’origine humaine dans ou sous la peau. : «e PB Fes: IV. INOGULATIONS A DIVERS AUTRES ANIMAUX. — Nous laissons de côté 2 essais pratiqués sans résultat appréciable en 1908 sur un chat et un lapin par inoculation sous-cutanée et cornéenne. PETITS OISEAUX. — Trois moineaux reçoivent en 3 jours dans la cavité péritonéale l’un 3 ce. c., le second et le troisième 2 c. c. 1 /2 de cultures de 3° passage. Ces animaux, dont 1 meurt spontanément et les autres ont été sacrifiés après 2 à 4 mois, n’ont montré ni lésions spéciales de leurs organes, ni présence de parasites. PIGEONS. — Quatre pigeons sont inoculés en novembre 1909 avec des cultures de 2° génération dans la cavité péritonéale (pigeon A.,8 cultures ; pigeon D, 9 cultures, en 4 jours) ou dans la peau de la face, au voisinage du bec (pigeons B et c).Ponctions péritonéales négatives; aucune réaction locale. Sacrifiés au bout de 3 à 9 mois, ces animaux n’ont montré ni lésions, ni parasites dans les organes. 704 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CoBaAYEs. — Cob. 1. Du 30 novembre au 4 décembre 1909, recoit chaque jour 5 cultures de 3° passage âgées de 10 à 14 jours dans la cavité péritonéale; soit au total 25 cultures. Le 11décem- bre, une ponction péritonéale ramène quelques gouttes d’une séro- sité louche, assez riche en macrophages.Ces cellules contiennent des granulations nombreuses au milieu desquelles on reconnaît assez facilement des leishmantia privées de flagelles, à noyau mal colorable, en voie de digestion intracellulaire; cultures né- gatives. Le 23 février 1910, nous sacrifions l’animal dont l’état de santé est demeuré parfait; organes sains, absence de parasites. Cob. 2.Soumis du 13 au 15 décembre à l’inoculation journalière de 5 cultures de 4€ passage dans la cavité péritonéale et le foie. Comme pour le précédent, résultat négatif. Mourons. — Mouton 1, reçoit du 18 au 21 janvier 1910 dans la cavité péritonéale et le foie journellement 25 cultures de la 10e génération, soit au total 100 cultures en 4 jours. Aucune alté- ration de l’état général. Sacrifié le 19 mars 1910, il ne montre aucune lésion. Absence de leishmania sur les irottis du foie, de la rate, des ganglions mésentériques et de la moelle osseuse. Mouton 2 inoculé dans le foie et la cavité DRE avec 75 cultures de la 14€ gérération en 3 jours (25 par jour) du 26 au 28 février 1910. L'animal demeure bien portant; il n’a pas été sacrifié. INOCULATIONS PRATIQUÉES AVEC LES CULTURES ISOLÉES DE BOUTONS D'ORIENT EXPÉRIMENTAUX DU SINGE Avec le bouton du singe VITE, nous avons pratiqué, le 14 avril 1910, une culture, celle-ci a été repiquée avec succès le 6 mai. La première culture (culture-virus) a été inoculée au bonnet X XI] le 6 mai, la seconde au bonnet X XIII le 13 mai. Ces 2 ani- maux sont morts malheureusement de diarrhée épidémique 10 et 16 jours plus tard dans un délai trop court par conséquent pour que les boutons consécutifs à l’inoculation aient pu paraitre. Ces expériences devront être reprises ultérieurement. RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 705 INOCULATIONS PRATIQUÉES AVEC LES CULTURES ISOLÉES DE BOUTONS D'ORIENT EXPÉRIMENTAUX DU CHIEN Le 22 mars 1910, le bouton du chien D est ponctionné avec une seringue stérile et le produit obtenu ensemencé en milieu Novy simplifié. La culture est positive; elle a été repiquée trois fois. Nous nous sommes servis de ces cultures d’origine canine et de générations successives pour tenter l'infection de 3 chiens. Chien H. Inoculé dans la peau du nez le 6 avril 1910 avec la {re culture (culture-virus) âgée de 15 jours. Résultat négatif à ce Jour. Chien I. Inoculé de même le 13 avril avec la seconde culture âgée de 7 jours. Apparition de deux boutons typiques le 2 juillet après une tncubation de 80 jours. Ces boutons ont été excités les 4 et 15 juillet pour des inoculations de passage (chiens P, R,S, T'et bonnet chinois neuf). La présence de leishmania avait été constatée chez eux. Chien L. Inoculé au même point le 30 avril avec la culture de 4° génération, âgée de 8 jours. Cet animal meurt de piroplas- mose le 7 juin (382 jour). Absence de toute lésion et de parasites au point imoculé; frottis de la rate négatifs. Done, reproduction possible du bouton d'Orient par inocula- tion au chien de cultures isolées de boutons expérimentaux du même animal (un résultat positif avec une culture de 22 généra- tion). CHAPITRE II! Réinoculations. Effets d’une inoculation préalable de virus ou de cultures. Comparaison avec le Kala-Azar. Nous avons tenté de nous rendre compte de l’effet produit chez l'animal sensible (singe ou chien) par une première inoculation de virus du bouton d'Orient ou de cultures vis-à-vis d’une seconde inoculation du même virus. Plusieurs de nos expériences sont inutilisables. Le bonnet chi- nois V et le m. cynomolgus I, infectés avec succès par une culture d’origine humaine et guéris de leur bouton d'Orient, r’ont pas 45 706 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR réagi vis-à-vis de l’inoculation ultérieure du virus du magot I; mais ce virus, essayé en même temps sur des singes neufs ou des hommes, n’a déterminé la production de lésions que chez un seul de ces derniers, très tardivement et dans des conditions spéciales (voir le chapitre précédent). Le bonnet XX, préparé par l’inoculation préalable de 100 cul- tures de Leishmania tropica et réinoculé avec le même virus du magot [, est mort avant qu’il ait pu être jugé du résultat de l'expérience. Nous ne pouvons non plus faire état du chien G (dont l’obser- vation a été rapportée plus haut), inoculé à 43 jours d'intervalle avec le virus des chiens D puis E et n’ayant montré de boutons que 36 jours après l’inoculation du second virus. Devant les résul- tats négatifs déterminés sur les chiens témoins par le virus E, il est probable que les lésions observées tardivement sur le chien G relevaient de la 1'€ inoculation. Les observations des personnes soumises successivement à des inoculations de cultures et de virus divers ne comportent non plus aucun enseignement clair. Nous ne trouvons d’utilisables, pour la question qui nous occupe, que » expériences, dont une concerne un singe, les autres des chiens. Ces expériences par contre sont des plus suggestives. Nous allons les relater; nous les examinerons ensuite. Bonnet VI. Ce singe, dont l'observation a été rapportée plus haut, avait présenté à la suite de l’inoculation d’une culture-virus deux boutons expérimentaux, dont l’un eut une durée de 39, l’autre de 90 jours. Novs le réinoculons le 26 avril 1910, 10 jours environ après la guérison de son dernier bouton avec le virus très riche en para- sites du bonnet VIT. L’inoculation a été pratiquée dans la peau de la racine du nez en 3 points. Résultat négatif. Le bonnet XIT inoculé avec le même virus a contracté un bouton typique après une incubation de 24 jours; ce bouton est reproduit fig. IT et IIT. Chez le bonnet VI, par conséquent, ne première atteinte de bouton expérimental a déterminé une immunité complète vis-a-vis de l’inoculation d’un virus d’épreuve très actif. Chien B. Ce chien, dont l'observation a été rapportée plus haut, avait présenté deux boutons expérimentaux typiques à RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 707 la suite de l’inoculation du virus humain II. L'un de ces boutons avait duré 10 jours, l’autre 50. Quatre jours seulement après gué- rison de cette dernière lésion, nous réinoculons dans la peau du nez le chien B avec le virus du chien E (2 piqûres). Neuf Jours plus tard, début d’un bouton très net qui évolue et guérit en un mois. Chez ce chien, qui venait à peine de guérir d'une première atteinte, la seconde inoculation s’est montrée effective et le temps de l’incubation «a été considérablement réduit. : Chien D.Ce chien, inoculé avec le virus humain ITT, présentait depuis deux jours un bouton très net (apparu après 42 jours d’incubation), lorsque nous l’excisons pour linoculer à divers animaux d'expérience. Une goutte du produit de broyage est réino- culée au chien D lui-même, dans la peau du nez, un peu en avant du bouton enlevé. Un nouveau bouton est apparu en ce point au bout de 24 jours; il s’est rapidement accru, a pris les caractères les plus nets et a guéri après une évolution de 85 jours environ. Le chien D réinoculé avec son propre bouton en pleine activité a donc pu être réinfecté avec succès. Durée de l’incubation plutôt courte (24 jours). Chien E. Ce chien, dont l’observation a été rapportée plus haut, avait présenté, après une incubation de 42 Jours, à la suite de l’inoculation du virus humain III, un bouton des plus nets de la paupière inférieure droite. Le lendemain de l’apparition de ce bouton, nous le réinoculons dans la peau du nez avec le virus du chien D très actif (2 piqüres). Apparition de deux boutons typi- ques au bout de 8 jours. Ces boutons ont rapidement grossi et pris l'aspect du bouton humain le mieux caractérisé. Malgré les prélèvements que nous avons pratiqués sur eux à plusieurs re- prises ils n’ont guéri qu'après une durée de 70 jours environ. Donc, chez ce chien, réinoculé le lendemain de l'apparition de son premier bouton, il y à eu réinfection rapide (incubation rac- courcie 8 Jours) et grave. Chien 101. Ce chien, ainsi que nous l’avons vu au chapitre précédent, avait reçu en 5 jours, du 20 au 24 décembre 1909, dans la cavité péritonéale, 100 cultures de 5° génération de Lersh- mania tropica. Aucune réaction à la suite, ponctions péritonéales 1égatives. Le 23 mars, nous le réinoculons dans la peau du nez avec le 708 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR virus du chien D (2 piqûres). Apparition de deux boutons typi- ques après une incubation de 24 jours. Ces boutons ont guéri sans s’ulcérer l’un en 15, l’autre en A0 jours. L’inoculation à doses élevées de cultures n’a donc donné à ce chien aucune immunité contre le virus introduit dans la peau. Les expériences que nous venons de relater nous paraissent très instructives. Elles montrent qu’une première atteinte de bou- ton d'Orient expérimental laisse à sa suite un état d’immunité évident (bonnet VI).Ce résultat n’est obtenu toutefois qu’à la con- dition que la guérison du premier bouton soit totale et remonte à un temps suffisant. Si la guérison est incomplète ou trop récente au moment de l’inoculation d’épreuve (chien B), il y a au con- traire sensibilisation et la période d’incubation de la nouvelle lésion se trouve de ce fait raccourcie. Même phénomène s’observe à plus forte raison, lorsque la seconde inoculation est pratiquée pendant l’évolution du premier bouton (chien E), même si le virus est emprunté à l’animal lui- même (chien D). Une inoculation préalable de cultures dans la cavité périto- néale, à doses très élevées (100 cultures, chien 101), ne confère aucune résistance vis-à-vis du virus d’épreuve inoculé au bon endroit, c’est-à-dire dans l’épaisseur de la peau. L'existence d’une phase négative d’'hypersensibilité au virus, avant que s’établisse l’état réfractaire, n’est pas spéciale au bouton d’Orient. Mêmes phénomènes se passent dans une maladie voisine, le Kala-Azar. Les deux observations suivantes, postérieures à la publication du mémoire général de l’un de nous (1) sur cette infection, le dé- montrent et l’on nous permettra, en raison des analogies des deux maladies et de l'intérêt que présentent ces faits, de les rapporter ici avec quelques détails. Chien 23. Inoculé le 29 décembre 1908, en même temps que le chien 24 avec le virus (rate) du chien 20 très riche en parasites. Le chien 24 s’infecte rapidement. Chez le chien 23, au contraire, (1) G. Nicozze, Le Kala-Azar infantile. Ces Annales 1909, mai-juin. RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 709 l'infection a été des plus discrètes; en effet, les ponctions hépa- tiques ont donné un seul résultat positif le 2 février 1909 (corps de Leishman exceptionnels) contre trois ultérieurs négatifs les 3 mai, 29 juin et {1 juillet. Cet animal paraissait donc guéri lorsque, pour rechercher quelle résistance conférait au chien une première atteinte de Kala-Azar expérimental, nous lui injectons le 15 octobre 1909, dans la cavité péritonéale, 5 c.c. d’une émulsion épaisse de la rate du chien 24, sacrifié ce même Jour. A la suite de cette inoculation, l’état général s'aggrave, l’ani- mal maigrit rapidement (sa température n’a pas été prise) et il meurt le 23 novembre, c’est-à-dire 39 Jours après l’inoculation d’épreuve. Nous n'avons jamais observé, chez aucun de nos ant- maux d'expérience, une marche ausst rapide de la maladie. Les té- moins, chiens neufs 36 et 42, qui, tous, ont contracté le Kala-Azar avec le virus du chien 20, n’ont donné lieu à aucun décès imputable à cette infection. : A l’autopsie du chien, 23, on note un amaïigrissement notable (poids : 3,800, le poids à l’entrée de l’animal à l’Institut Pasteur, en décembre 1908, soit un an auparavant, était de 4 kilos); la rate est petite (22 grammes), le foie (180) et les reins (55) nor- maux ; la moelle des os est très rouge. L'examen microscopique des frottis montre une infection intense de la rate et du foie, colossale de la moelle osseuse, moyenne des ganglions mésentériques, faible du poumon et des reins. Chez cet animal incomplètement guéri (ou guéri depuis trop peu de temps) une inoculation d’'épreuve a donc provoqué une infection très grave à marche suraigue. Chien 8. Inoculé le 5 mai 1909 dans la cavité péritonéale avec le virus (rate) très riche en parasites du chien 3. Température prise chaque jour matin et soir jusqu’en Juin 1909, absolument normale. L’état général reste bon. L’infection de ce chien a été constatée par des ponctions hépatiques positives, dont Ia der- nière remonte au 21 novembre 1908. À partir du 29 juin 1909, les ponctions du foie, répétées à plusieurs reprises, ne montrent plus de parasites. L’animal est donc guéri depuis 4 à 10 mois, sans que nous puissions préciser l’époque exacte de cette guérison, lorsque nous lui inoculons, en même temps qu’au chien précédent 710 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 23 et aux chiens 36 et 42, le même virus du chien 24 très infecté et à même dose (5 c. c. d’émulsion dans la cavité péritonéale). Le chien 8, au contraire de tous ces animaux, n’a montré aucune infection (ponctions hépatiques répétées jusqu’à ce jour, négatives). Une première atteinte de Kala-Azar expérimental, lorsqu'elle est entièrement et depuis un certain temps guérie, confère donc une immunité complète vis-à-vis d'une inoculation d’épreuve très sévère. L’analogie à ce point de vue entre les deux leishmanioses est donc complète. Le chapitre qui suit va nous montrer des rela- tions encore plus intimes entre ces maladies. CHAPITRE IV Rapports du Kala-Azar et du bouton d'Orient. Action immu- nisante réciproque des deux virus. Les analogies des parasites du bouton d'Orient et du Kala Azar sont extrêmes. Leur morphologie est identique, ils se déve- loppent dans des cellules semblables, ils poussent avec les mêmes caractères sur les mêmes milieux artificiels, ils sont pathogènes pour trois seules espèces ou groupes d’êtres vivants: l’homme, le singe, le chien. ‘&| Cette similitude de caractères est telle qu’on peut se deman- der s’il ne s’agit point d’un seul et même microorganisme, dont l’action pathogène s’exercerait d’une façon spéciale en raison d’un degré de virulence variable ou du fait de son transport par deux hôtes intermédiaires différents; car, si le parasite dans les deux infections semble identique, il faut avouer que le Kala- Azar et le bouton d'Orient n’offrent point la moindre analogie clinique. Au cas où cette conception serait exacte, les deux virus devraient jouir de propriétés vaccinantes croisées ou tout au moins le plus actif, celui du Kala-Azar dans l’espèce, puisqu'il détermine une infection généralisée, devrait vacciner vis-à-vis du virus du bouton d'Orient, susceptible seulement de créer une lésion locale. Il semble en outre que, dans la même hypothèse, le virus du Kala-Azar, introduit dans la peau des animaux sensibles, devrait y déterminer des lésions analogues à celles du bouton d'Orient. RECHERCHES SUR LE, BOUTON D'ORIENT 111 Nous nous sommes efforcés de juger ces questions par un cer- tain nombre d'expériences. ACTION VACCINANTE RÉCIPROQUE DES DEUX VIRUS 19 KaALA-AZAR CONTRE BOUTON D'ORIENT. — Le Kala- Azar vaccine vis-à-vis du bouton d'Orient. Les deux expé- riences, dont l’exposé suit, ne laissent à ce sujet aucun doute : Chien 8. L'observation de ce chien a été donnée dans les der- nières pages des chapitres qui précèdent. Rappelons qu’inoculé le 3 mai 1908 dans la cavité péritonéale avec un virus très riche en corps de Leishman, ce chien a contracté une infection manifeste, prouvée par le résultat positif de ponctions hépatiques. Com- plètement guéri, il a été éprouvé le 15 octobre 1909 avec un virus très actif et n’a présenté aucune infection consécutive. Il était donc parfaitement vacciné vis-à-vis du Kala-Azar lorsque le 22 mars 1910, nous lui inoculons dans la peau du nez (2 piqûres) quelques gouttes du produit de broyage du bouton expérimental du chien D. Ce virus s’est montré actif pour le chien D lui-même et les chiens F, G, et 101; il a déterminé sur ces animaux des lé- sions typiques que nous avons décrites au chapitre précédent. Seuls, les chiens 8 et 31 (dont nous allons parler) n’ont présenté qu'une réaction immédiate sans caractères et éphémère (un peu d'œædème) et pas de boutons consécutifs. Le temps qui s’est écoulé depuis linoculation dépasse aujour- d’hui 4 mois. Chien 31. Inoculé le 20 juillet 1909 dans la cavité péritonéale avec le virus très riche en parasites du chien 6; cet animal a con- tracté une infection intense prouvée par les résultats positifs de ponctions hépatiques les 18 décembre 1909, 5 février et 22 mars 1910. Il était donc atteint, et de la façon la plus sévère, lorsque à cette dernière date (22 mars) nous lui avons inoculé, dans la peau du nez, le même virus du bouton d'Orient qu’au chien précédent. Réaction locale immédiate de quelques jours de durée (œdème un peu plus dur que chez le 8); pas de bouton consécutif. Nous rappelons que les chiens témoins et parmi eux le 101, qui avait reçu préalablement 106 cultures de Leishmania tropica dans la cavité péritonéale, ont contracté des boutons typiques. Ces deux observations prouvent qu’une atteinte guérie de 712 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Kala-Azar vaccine le chien contre l’inoculation ultérieure du virus du bouton d'Orient et que l’immunité existe chez cet animal vis-a-vis du même virus en pleine période d'infection du Kala-Azar 3° BouTON D'ORIENT CONTRE KaLa-Azar. — Les faits précédents étaient complètement inédits; nous avons au contraire cité ailleurs (1) les expériences qui vont suivre et qui montrent non point l’immunité absolue, mais la résistance conférée par une première atteinte de bouton d'Orient vis-à-vis du Kala- Azar expérimental. L’animal sur lequel nous avons opéré n’est plus ici le chien, mais le singe. Bonnet chinois I. Nous avons donné au chapitre IT de ce mémoire l’observation de ce singe chez lequel une inoculation de virus humain I, pratiquée le 25 mars 1908, a déterminé la produc- tion de boutons d'Orient typiques (présence de leishmania, cul- tures positives). Le 1e mars 1909, nous lui inoculons dans la cavité périto- néale et le foie le virus très riche en parasites du chien 25, atteint de Kala-Azar expérimental (1 c. ce. 1/2 d’une émulsion épaisse de rate). Deux ponctions du foie, pratiquées le 15 avril (46€ jour) et le 9 juin (70€ jour), ont donné un résultat négatif. L'animal est sacrifié le 5 août. Poids 3 kilos 700, en augmenta- tion de 500 grammes sur le poids du 17 mars {et quoique l’ani- mal ait eu, 3 semaines avant sa mort, un typhus expérimental des plus nets); aucune lésion : foie 104 grammes ; rate non hypertro- phiée,8 grammes ; absence de corps de Leishman sur les frottis des organes. Un singe témoin (m. cynomolgus) a contracté une infection manifeste : réaction thermique en mai, amaigrissement, ponction hépatique positive au 49€ jour, rate sensible à la palpation; mais ayant tendance assez rapide à la guérison, car l’animal sacrifié le 15 août ne montre aucune leishmania sur les frottis de rate et du foie; les parasites sont évidents, mais très rares, dans la moelle des os. Poids du corps à l’autopsie : 4 kilog. 66, en diminution de 100 grammes sur le poids du 127 mars; rate hypertrophiée, 12 grammes; foie 52, coloration rouge de la moelle osseuse. Bonnet XVI. Infecté avec succès, nous l’avons vu plus haut, (1) Archives de l’Institut Pasteur de Tunis 1909, fasc. IV, p. 193-194. RECHERCIHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 713 par des cultures de Leishmania tropica de 2€ passage, inoculées le 22 avril 1908. Les boutons n’ont eu chez ce singe qu'un dévelop- pement minime et une courte durée. Réinoculé le 8 juillet 1908, avec le virus très riche en corps de Leishman du singe V (numérotage de nos expériences sur le Kala-Azar) en même temps que 3 chiens et 3 singes, le bonnet XVI n’a présenté ni élévation thermique, ni hypertrophie de la rate. Une ponction hépatique au 18 septembre (72° jour) donne un résultat positif; absence de parasites au contraire sur les frottis du produit de ponction du foie les 9 février (214 jour), 30 mars, 29 avril et 20 juin 1909. Les 3 chiens témoins ont contracté dans le délai ordinaire des infections manifestes (très intenses pour 2 d’entre eux). Les deux autres singes ont présenté de l’hypertrophie de la rate; l’un d'eux est mort prématurément de diarrhée le 19 octobre (c’est le bon- net XIX dont l’observation suit); l’autre, après une période d’élévation thermique en novembre,décembre 1908 et janvier 1909 a guéri (ponctions hépatiques positives, puis négatives à partir du 11 février; retour de la rate à ses dimensions normales). L'un de nous a noté et signalé déjà que le passage par singe paraît atténuer le virus du Kala-Azar pour le singe, non pour le chien. De cette expérience, dont le résultat est moins net que celui donné par la précédente,il semble cependant résulter que le bon- net XVI a bénéficié du fait de son atteinte de bouton d'Orient, malgré la bénignité de celle-ci, d’un certain degré de résistance vis-à-vis de l’inoculation ultérieure du virus du Kala-Azar. Bonnet XI X. Inoculé dans la cavité péritonéale le 22 avril 1908 avec 1/2 ce. c. d’une culture de 22 passage de Leishmania tropica (même culture que celle utilisée pour le bonnet XVI). Réinoculé le 8 juillet 1908 avec le même virus de Kala-Azar que le bonnet précédent. Ponction hépatique positive le 23 septembre (72€ jour) mort de diarrhée le 19 octobre; infection peu intense sur les frot- tis du foie, rate et moelle des os. L’inoculation de cultures (à dose très faible dans ce cas) de Leishmantia tropica ne semble conférer aucune résistance au singe vis-à-vis du Kala-Azar. Ce résultat ne doit pas nous surprendre, puisque nous savons déjà qu’à doses élevées (100 cultures, chien 101), les mêmes cul- 714 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tures ne protègent point contre l’inoculation du virus homologue (bouton d'Orient). EFFETS DES INOCULATIONS CUTANÉE ET SOUS-CUTA- NÉE DU VIRUS DU KALA-AZAR AU SINGE ET AU -CHIEN ; Singe XII (numérotage de nos expériences sur le Kala-Azar). Bonnet chinois, inoculé le 18 mars 1909, avec le virus très riche en parasites du singe X. L’inoculation a été pratiquée sous la peau de l’avant-bras droit à la dose de 2 c. c. du produit de broyage de la rate. Un singe témoin est mort de diarrhée 15 jours après l’inoculation (péritonéale pour lui). Le singe XIT à présenté une réaction thermique très courte vers le 1€7 mai; à cela près, sa température est demeurée nor- male ; la palpation n’a jamais permis de déceler la rate. Le bras, au contraire, a enflé sensiblement et est demeuré gros pendant plus de 2 mois. Une ponction pratiquée en pleine tuméfaction le 2 mai (45° Jour) montre la présence de très nombreux corps de Leishman libres, intracellulaires ou dans des gangues; le même jour, une ponction du foie donne un résultat négatif. L’animal est mort de typhus expérimental (transmis par les poux) le 12 août. A l’autopsie, la rate est normale et l’on ne trouve pas de lersh- mania Sur les frottis de cet organe, de la moelle osseuse et du foie. Localement, la lésion d’inoculation est totalement guérie. Chien 33. Inoculé le 20 juillet 1909 sous la peau de la cuisse droite avec le virus très riche en parasites du chien 6 (2 €. c. d’émulsion de rate). Aucun symptôme local ou général. Ponctions hépatiques négatives les 2 et 18 décembre, 5 février et 22 mars. L’animal est sacrifié le 20 juin 1910; il pèse 4,200 grammes, graisse sous-cuta- née et périviscérale abondante; pas de traces de l’inoculation. Tous les organes sont normaux. Rate, 44 grammes; foie, 260 : cœur, 45: reins (ensemble), 40. Absence de corps de Leish- man sur les frottis de rate et de moelle des os. Bonnet X XVI. Inoculé le 20 avril 1910 sous et dans la peau du nez avec le virus (rate) du chien 34 extrêmement riche en parasites. RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 715 Aucune réaction locale. Cet animal est mort le 18 juin de typhus expérimental. Autopsie négative. Bonnet X XVII. Inoculé le même jour, avec le même virus et de même manière, c’est-à-dire sous et dans la peau du nez. Réaction locale rapide sous forme d’œdème; puis, limitation des lésions au voisinage des os propres du nez. La peau n’y participe à aucun degré et en aucun moment. Le 2 juillet, une ponction est pratiquée au milieu de la tuméfaction, culture négative. Le 20 juil- let, la lésion, très réduite, affecte seulement le périoste du bord inférieur de l’os nasal du côté gauche. Chien 46. Inoculé le même jour, avec le même virus dans la peau du nez (3 piqûres). Œdème médiocre au point d’inoculation les jours suivants: cette réaction locale est disparue totalement au bout de 10 jours. | L'animal meurt le 2 mai de piroplasmose. Aucune lésion lo- cale. La recherche des leishmania au point d’inoculation et sur les frottis d'organes a donné un résultat négatif. Chien 47. Inoculé dans les mêmes conditions que le 46 et par conséquent dans la peau.Réaction locale immédiate un peu plus nette, terminée à la même date. Période silencieuse Jusqu'au 25 mai; à ce jour, paraissent 3 petits nodules assez analogues à ceux que détermine chez le chien l’inoculation, au même siège. du virus du bouton d'Orient. Ces nodules avoisinent une saillie dure qui s’est développée simultanément au voisinage des os propres du nez. Le 28 juin, ponction d’un de ces éléments, exa- men microscopique négatif. Le 7 juillet, excision d’un des nodules, le 9 juillet d’un autre. Le tissu des lésions est dur, scléreux; frot- tis négatifs, cultures négatives. Un chien témoin (48) inoculé avec le même virus, dans la cavité péritonéale, a contracté une infection générale (ponction hépa- tique positive le 25 juillet). De ces expériences, il paraît légitime de conclure que les lésions déterminées par l’inoculation cutanée ou sous-cutanée du virus du Kala-Azar n’offrent qu’une analogie assez lointaine avec celles que détermine l'introduction, dans le même tissu, de Leishmanta tropica du virus ou des cultures. Les lésions obtenues n’intéressent pas la peau, toujours atteinte par l’évolution du bouton d'Orient expérimental. I y a réaction plus rapide, œdème plus diffus autour du rodule mduré 716 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR qui se forme lentement en son centre et participation possible du périoste sous-jacent, phénomène que nous n'avons jamais noté dans nos expériences sur le bouton d'Orient. Il semble donc que les deux virus puissent être séparés par les caractères différents des réactions locales qu’ils déterminent. Aucune conclusion définitive ne pourra être toutefois portée avant que nous ne Connaissions par quel hôte intermédiaire s’opère le transport des deux leishmania et que nous puissions par là même juger expérimentalement des caractères de la lésion locale d’inoculation déterminée par chacun de ces hôtes avec cha- cuu des deux virus. CONCLUSIONS Les expériences entreprises à l’Institut Pasteur de Tunis sur le bouton d'Orient ont mis en évidence un certain nombre de faits qui peuvent être considérés comme acquis et que nous allons rap- peler. 1. — L'identité est complète à tous égards entre le clou de Gaïsa etles autres variétés du bouton d'Orient. L’agent pathogène, Leishmania tropica, offre dans l’Afrique Mineure les même carac- tères morphologiques que partout où il a été décrit et les lésions des boutons sont identiques. 2. — Les cultures de ce protozoaire,obtenues pour la première fois dans notre laboratoire, sont des plus faciles. Le milieu à employer est le même que celui sur lequel l’un de nous a réalisé les premières cultures abondantes et repiquables du protozoaire du Kala-Azar. Ces cultures se font rapidement à 220: elles vivent à cette tem- -pérature jusqu’à 2 mois, pas davantage. Les repiquages sont aisés ; le meilleur moment pour les pratiquer nous paraît être du 10€ au 152 jour de la culture. Ces repiquages sont indéfinis; nous en avons pratiqué jusqu'à 30 à ce jour (1). 3. — Examinée dans les cultures, L. tropica se montre absolu- ment identique à L.infantum de la variété infantile du Kala-Azar. Aucun caractère différentiel valable ne nous parait pouvoir être donné. L. tropica pousse seulement plus vite et paraît plus vivace. 4. — Le virus humain du bouton d'Orient est pathogène pour (1) 33 à la date de correction des épreuves (10 septembre). RECHERCIHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 717 l'homme (Marzinowski) et, d’après nos expériences, pour les singes inférieurs (m. sinicus, cynomolgus, rhesus et inuus) et le chien. Avec le virus du singe, nous avons pu obtenir l'infection du singe en série (3 passages) et une fois celle de l’homme; avec le virus du chien celle du chien en série (3 passages). 5. — Les premières cultures de Leishmania tropica (cultures d'isolement ou cultures-virus) d’origine humaine ont donné les mêmes résultats pour l’homme et le singe. Nous avons obtenu également des boutons typiques chez l’homme avec des cultures de 4° génération d’origine humaine (un cas sur 3 expériences) et, avec une culture d’origine canine de second passage, un succès chez le chien. 6. — Quelles que soient leurs origines, ces produits, virus ou cultures, déterminent la production de lésions identiques sur les trois espèces ou groupes d’êtres sensibles. Après une incubation variable suivant les cas (16 à 166 jours), généralement longue et toujours silencieuse, se montrent, au point d’inoculation, des élé- ments papulotuberculeux durs, parfois sensibles, intéressant la peau, qui présente à leur niveau une coloration d’un rouge vio- lacé. L'évolution de ces éléments varie. Tantôt ils se résorbent après s’être accrus pendant quelques jours à quelques semaines sans avoir montré autre chose qu’un peu de desquamation à leur surface; chez le chien, malgré une durée souvent longue, le bouton expérimental ne dépasse pas ce stade de tubercule et ne s’ulcère pas. Tantôt, chez le singe (ou l’homme), soit spontanément, soit du fait d’un frottement ou du grattage, le sommet du bouton s’excorie et il en suinte un liquide teinté de jaune et très clair: ce liquide riche en leishmania se concrète sous forme de croûtes jau- nâtres au-dessous desquelles le derme paraît ulcéré. L'aspect est exactement celui du bouton d'Orient naturel de l’homme par- venu à la période d’état. Souvent, alors, l’élément s’entoure d’une zone œdémateuse et rouge, sur laquelle nous avons vu, dans quel- ques cas, se développer une éruption secondaire de petits tuber- cules. Puis, après une période d’état parfois longue, mais toujours plus courte que chez l'homme, la lésion régresse et la guérison se fait rapidement. Nous avons noté dans 2 cas une récidive sur place. Dans l’observation la plus longue, la durée totale du bou- ton expérimental n’a pas dépassé 90 jours. 7.— Nous n'avons pas exposé dans ce mémoire l'étude anato- 118 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mopathologique des boutons expérimentaux obtenus par nous chez l’homme, le singe et le chien; ce sera l’objet d’un travail spé- cial. Sur les frottis, dans tous les cas, nous avons obtenu les mêmes images qu'avec les boutons naturels de l’homme : présence de leishmania typiques inclues ou contenues {souvent en nombre considérable) dans des mononucléaires ou dans des gangues. Lorsque le bouton en est à la période de régression, les leishma- nia présentent des signes manifestes de dégénérescence. Les lésions du singe et du chien ont donné, dans tous les cas où nous avons pratiqué leur ponction, des cultures typiques qui ont pu être indéfiniment repiquées. 8. — Pour obtenir des résultats positifs constants avec le virus expérimental, il est nécessaire de le prélever sur des boutons très jeunes. Il en est de même pour les expériences à pratiquer en partant des lésions naturelles de l'homme. 9.— Le virus du bouton d'Orient est inactif pour la chèvre, le chat, le mouton, le rat blanc, le cheval et l’âne; chez ces deux animaux, on note seulement une réaction immédiate sous forme d’œædème assez étendu, qui se réduit bientôt à un noyau induré assez persistant. Mais dans ce nodule, nous n’avons point trouvé de leishmania et les cultures des produits de ponction sont demeu- rées négatives. 10.— Les cultures de L, tropica inoculées, même à doses fortes et répétées, dans la cavité péritonéale se sont montrées dépourvues de tout pouvoir pathogène pour les petits oiseaux, le pigeon, le cobaye, le mouton et même le singe (60 cultures) et le chien (100 cultures). Chez les animaux sensibles, il est donc nécessaire, pour obtenir un résultat positif, de pratiquer l’inoculation au bon endroit, c’est-à-dire dans l’épaisseur ou au voisinage de la peau. 11. — La région d'élection pour l’inoculation chez le singe et le chien est le nez; pour les singes,on peut également expéri- menter sur les paupières ou dans leur voisinage; le pavillon de l'oreille convient moins bien. Nous n’avons pas obtenu de résul- tats chez ces deux espèces par l’inoculation sous-cutanée prati- quée au niveau du trone. 12, — Une première atteinte de bouton d'Orient donne lim- munité vis-à-vis d’une inoculation virulente d’épreuve, à condi- tion que les lésions primitives soient totalement guéries et depuis RECHERCHES SUR LE BOUTON D'ORIENT 719 un temps suflisant. Si la seconde inoculation est pratiquée plus tôt, à plus forte raison pendant l’évolution même du premier bouton ou bien au moment où celui-ci parait, il y a, au contraire, sensibilisation et celle-ci se traduit par un raccourcissement de la période d’incubation (dans un cas 8 jours). Le virus d’un chien atteint de bouton expérimental peut être réinoculé avec succès à ce même chien pendant l’évolution de la lésion à laquelle est emprunté le virus. 13. — Une inoculation préalable de 100 cultures de Z. tropica dans la cavité péritonéale ne confère au chien aucune immunité vis-à-vis de l’introduction ultérieure du virus actif au bon endroit, c’est-à-dire dans la peau. 14. — L'existence d’une phase négative d'hypersensibilité au virus, avant que s’établisse l’état réfractaire, se rencontre dans l’autre leishmaniose conrue, le Kala-Azar. Nous avons rapporté ici l'observation de 2 chiens : chez l’un, guéri d’une première atteinte expérimentale depuis un temps suffisant, une inoculation d’épreuve n’a donné aucune infection; chez le second, non guéri ou guéri depuis un temps insuffisant, elle a déterminé une infec- tion suraiguë, ayant amené la mort de l’animal dans le délai le plus court que nous ayons jamais observé dans nos expériences (39 jours). À 15. — Une première atteinte guérie de Kala-Azar vaccine le chien contre l’inoculation du virus du bouton d'Orient. L’immu- nité existe déjà chez cet animal vis-à-vis du même virus en pleine période d'infection du Kala-Azar. Une première atteinte de bouton d'Orient confère au singe un certain degré de résistance, mais non une immunité complète contre le virus du Kala-Azar. 16. — Les grandes analogies qui existent entre les leishmania du bouton d'Orient et du Kala-Azar, en particulier leur ressem- blance morphologique et leur commune action pathogène pour les trois mêmes espèces ou groupes d’êtres : homme, singe, chien, n'impliquent point qu'il s’agisse d’un seul et même protozoaire, dent le degré de virulence seul communiquerait aux infections des animaux sensibles un caractère et une évolution différents. La question ne pourra être tranchée que par la connaissance des hôtes intermédiaires qui portent le virus du réservoir naturel de ces maladies à l’homme. S'il est démontré qu'il s’agit d’un 720 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR même vecteur dans les deux cas, on pourra conclure que les deux leishmania ne sont pas identiques; s’il s’agit, au contraire, de deux êtres différents, il suffira d’infecter chacun d’eux avec le virus ordinaire de l’autre et une conclusion facile sera tirée sui- vant que les effets d’un même vecteur avec les deux virus seront ou non identiques. Dans cet ordre d'idées, nous ne savons actuellement qu’une chose : c’est que le virus du Kala-Azar, introduit dans ou au voi- sinage de la peau des animaux sensibles, ne détermine pas . lésions identiques à celles du bouton d'Orient. 17. — Il y a lieu de suspecter le chien comme réservoir natu- rel du virus du bouton d'Orient. Cet animal jouerait alors le rôle capital dans l’étiologie des leishmanioses. Sur un essai d'obtention d'une race de Nagana résistante d'emblée à l’Emétique PAR F. HECKENROTH Médecin-Major des troupes coloniales (Travail du Laboratoire de M. MESNIhu) On sait, depuis les travaux publiés sur la chimiothérapie des trypanosomiases,que les substances chimiques employées dans ces maladies, font au début du traitement disparaitre les trypano- somes de la circulation, puis deviennent moins actives et peuvent à un moment donné ne plus avoir aucune action sur les trypano- somes de l’animal traité. Les parasites sont devenus résistants à la substance médicamenteuse et cette résistance est transmis- sible pendant un nombre plus ou moins grand, qui peut être indé- fini, de générations asexuées. Cette question des résistances acquises et des races résistantes de trypanosomes a été longuement traitée par EHRLICH et ses élèves; par MEsxre et BRIMONT ; BREINL et NIERENSTEIN ; MOORE, NiERENSTEIN et Ton; PLIMMER et BATEMAN, etc... Les médi- caments les plus employés par ces différents auteurs, couleurs de benzidine, parafuchsine, atoxyl, arsenophénylglycine, ont pu permettre d'obtenir plus ou moins facilement des races de trypa- nosomes résistantes: mais, avec l’émétique, le problème s’est montré plus difficile. MEsxiz et BriMonT(1) étudiant, en 1908, l’action de l’émétique de potassium sur les divers trypanosomes, notent de fréquentes rechutes chez les souris naganées, traitées par ce médicament et tentent avec T. brucer la création d’une race résistante à l’éméti- que. Ils notent souvent qu'après plusieurs interventions médi- (1) C. 2. Soc. Biologie, t. LXIV, 9 mai 1908, et Ann. {nst. Pasteur, t. XXII, nov. 1908. 46 122 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR camenteuses, les trypanosomes ne sont plus influencés par l’émé- tique, qu'ils sont devenus résistants; mais cette résistance ne se transmet pas par passage sur d’autres souris. Ces auteurs ont pu parvenir cependant à une race résistante à l’émétique, en partant d’un virus surra déjà résistant à l’atoxyl. Exriicx (1) a affirmé, d’autre part, ce qui s’accorde bien avec les faits précédents, que la résistance à l’émétique n’était que l'expression d’une résistance accrue aux arsenicaux. [l n’en était pas moins intéressant de tenter à nouveau l’obtention d’une race de trypanosomes résistante d'emblée à l’émétique de potassium. Notre but n’a pas été atteint, mais nous avons pu faire un certain nombre de constatations que nous résumons ici. fre #4 Nous nous sommes servi, pour nos expériences, de souris infestées de T, brucei, trypanosome qui semblait le plus indiqué pour l’obtention d’une race résistante, puisque c’est ce virus qui reparait le plus rapidement dans le sang, après les injections d'émé- tique donné à dose thérapeutique, et qu’il acquiert même parfois, chez certaines souris, de la résistance à ce sel. Les souris que nous avons employées étaient choisies sensiblement de même poids (17 à 20 grammes) et les injections d’émétique, en solution à 1 /1,000, étaient pratiquées sous la peau du dos. Il est généralement admis aujourd’hui que, dans le traite- ment des trypanosomiases il faut, pour guérir, frapper fort dès le commencement; le but que nous poursuivions nous obligeant au contraire à rechercher les rechutes, 1l nous fallait donner des doses d’émétique suffisantes pour faire disparaitre les trypano- somes de la circulation, mais assez faibles cependant pour que leur réapparition dans le sang fût rapide. D’autre part, il y avait un autre avantage, semblait-il, à conserver le virus le plus longtemps possible chez la même souris, de façon à l’imprégner d’émétique dans les mêmes conditions pendant un temps plus considérable; et c’est pourquoi, quand l’état de la souris malade faisait prévoir sa mort possible, nous avons parfois été obligé de donner des doses d’émétique assez élevées : Omgr 20, Omer, 30, D'une façon générale cependant, surtout au début de nos expé- (1) Berichte d. deutsch. chem. Ges., t. XLVII, f. 1. RESISTANCE DU NAGANA A L’EMÉTIQUE 123 riences, les doses le plus habituellement injectées ont été : Omer 10, Omer 15, doses qui nous ont paru les doses minima acti- ves, puisqu'elles amènent la disparition des trypanosomes, sept fois sur dix seulement, avec T. Brucei. ÏJ. — ACTION DE L'ÉMÉTIQUE SUR LE VIRUS NORMAL. Dans un groupe de huit souris inoculées avec T. Bruce, et qui ont été traitées dans les conditions que nous venons de dire, trois seulement ont été suivies un temps suffisant pour mériter de retenir l'attention. Chez l’une, après plusieurs interventions médicamenteuses, nous notons à deux reprises une résistance passagère du virus aux faibles doses d’émétique. Pendant une première période de résistance, la dose Omer 10 donnée quotidiennement pendant 6 jours n’a pas fait disparaitre les trypanosomes. Ce n’est que le 7e jour qu'ils se sont montrés sensibles à une dose de Omer 20. .- Un mois et demi plus tard, une deuxième période de résistance se manifeste, et il faut à ce moment donner Om£r,75 d’émétique en l’espace de 6 jours pour faire disparaître les trypanosomes de la circulation. Cette souris, qui n’a pu être suivie plus longtemps, avait reçu, au total, en quatre mois, 4m8r5 d’émétique et les trypanosomes se sont montrés passagèrement résistants vis-à-vis des doses faibles une première fois, après deux mois et demi de traitement et après l'injection de 1M6r,45 d’émétique, une deuxième fois après quatre mois de traitement et l'injection de 3m8r 10 d’émétique. Chez une 2€ souris, les doses faibles de médicament semblent d’abord agir assez mal sur les parasites et l’on est même, dès les premiers Jours, obligé pour éviter la mort de la souris d’injecter la dose thérapeutique, Om8r, 30. Cette injection fait disparaitre les trypanosomes du sang en trois heures et demie, et, pendant près de deux mois, les trypanosomes se montrent plus sensibles qu'au commencement de l'expérience, aux doses deOmer, 10 d’émé- tique qui régulièrement alors font disparaître les trypanosomes. Puis, les rechutes se rapprochant, les doses d’émétique de 0,10, 0,15 doivent être données plus fréquemment, une seule dose étant tantôt suffisante, tantôt inefficace. Enfin la souris meurt avec des parasites très nombreux qui n’ont pas disparu devant les doses consécutives d’émétique de 0,15; 0,15; 0,25; 0,25. Les 124 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR trypanosomes sont devenus résistants aux doses thérapeutiques -chez ure souris qui, en quatre mois de traitement, a reçu 3mM8r,45 du médicament. Chez la 3° souris, les trypanosomes se montrent au début très sensibles à l’émétique, puis les rechutes se montrent plus fré- quemment et, dans le courant du quatrième mois, la souris ayant reçu 387,65 d’émétique, apparaît de la résistance passagère aux doses thérapeutiques. Une deuxième période de résistance se manifeste quelques jours après et 0M8r,95 d’émétique sont néces- saires pour amener en 6 jours la disparition des trypanosomes. La souris meurt dans le courant du cinquième mois avec des parasites résistants, et après avoir reçu 5M8r,30 d’émétique. Des passages du virus ont été faits sur souris, au moment où les périodes de résistance se sont montrées et nous n’avons jamais constaté que la résistance du virus à l’émétique se soit transmise même de façon peu marquée. Cette première série d'expériences montre : 19 Que, suivant la souris, le virus a une sensibilité plus ou moins marquée à l’émétique, les résistances passagères pouvant se manifester déjà vis-à-vis de faibles doses ou seulement vis-à-vis de doses thérapeutiques ; 20 Que les périodes de résistance apparaissent à des moments différents suivant la souris et après l’injection de quantités très variables d’émétique ; 30 Que la résistance ne se conserve pas à travers les passages par souris. L=— N DE L'ÉMÉ II ACTIO ’ÉMÉTIQUE Sur trypanosomä brucet passé sur souris neuves au moment où il présente de la résistance. Nous l’avons étudiée chez un assez grand nombre de souris inoculées avec un virus qui provient, à travers un nombre variable de passages, de 3 souris des expériences précédentes. Chaque fois qu’une souris mourait avec des trypanosomes dans le sang, ou lorsqu'elle continuait à présenter des trypanosomes maloré une série d’injections d’émétique données à des doses qui auraient dû normalement les faire disparaitre, un passage était fait sur une ou plusieurs souris. Ces souris étaient ou bien traitées comme la précédente, ou bien recevaient d’emblée, pour RÉSISTANCE DU NAGANA A L’EMÉTIQUE 725 éprouver la résistance du virus chez la souris-fille, une dose d’émétique égale à la dernière dose de médicament devant laquelle les trypanosomes n’avaient pas cédé (généralement dose thérapeutique). Nous avons pu suivre ainsi 48 souris qui recevaient de l’émé- tique au moment des rechutes, ainsi que nous l’avons indiqué au début de ce travail. D’une façon générale, les trypanosomes se montraient, au début, sensibles aux doses de Omer 10, Omer 15, qu'il fallait en moyenne renouveler tous les sept ou huit jours; puis les rechutes se rapprochant, les doses d’émétique devaient être légèrement augmentées et enfin, au bout d’un temps variable, Paccoutumance du virus au médicament apparaissait. Cette accoutumance se manifestait, chez une souris donnée, par de la résistance aux faibles doses où même aux doses thérapeutiques, tantôt passagèrement, tantôt d’une façon définitive, l'injection de fortes doses d’émétique n’empêchant pas la mort de la souris. Cette résistance ne s’est pas montrée héréditaire, sauf dans 2 cas où elle a été transmise, chez une première souris de passage. Nous avons noté 11 fois de la résistance passagère soit à une soit à plusieurs reprises ; 10 fois de la résistance définitive, précé- dée presque toujours par une ou deux périodes de résistance passagère; 27 fois, nous n'avons enregistré aucune résistance. La résistance passagère, notée dans 11 cas, s’est montrée pour la première fois : Chez 1 souris en traitement depuis moins de 15 jours. Chez 2 — — 15 jours à 1 mois. Chez 2 — — 1 mois à 2 mois. Chez 3 — = 2 à 3 mois. Chez 3 — — 3 à 4 mois. La date à laquelle apparaît la résistance est donc extrême- ment variable suivant les souris. Très différentes aussi sont les quantités d’émétique reçues par les souris au moment où se mani- feste la résistance. Ces quantités ont été en milligrammes, 419:3,10% 48b:8,3)::3:9028:2052:30:/7,60:7.30: 5,45. Au sujet de la résistance vraie, nous faisons des constata- tions analogues, Elle s’est montrée : Chez 2 souris en traitement depuis moins de 15 jours. Chez 2 — — 15 jours à un mois. Chez 3 — = de 4 à 2 mois. Chez 2 — — 21à13 mois: Chez 1 — — 3 à 4 MmOoIs. 126 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR et les quantités d’émétique injectées aux différentes souris ont été de 4,55; 4,35; 3,95: 5,10; 6,55; 7,90; 2,20; 9,45; 6,40; 6 milli- grammes. Il y a donc bien une sensibilité plus ou moins grande du virus à l’émétique suivant la souris, fait que vient souligner encore la constatation suivante : 27 souris, dont les trypanosomes n’ont Jamais présenté de résistance à l’émétique et qui ont été suivies : 42 moins de 15 jours. | 5ede 15 jours à 1 mois. 3 de 1 à 2 mois. 6 de 2 à 3 mois. 4 de 3 à 4 mois. { ont pu recevoir des doses d’émétique, qui sont allées parfois jusqu'à 7,25; 7,45; 7,85; 8 milligrammes. Chez ces 27 souris, les trypanosomes restèrent constamment sensibles aux doses faibles d’émétique, absolument comme au début des expériences. Cette variabilité de la sensibilité du virus, suivant les souris, était d’ailleurs à prévoir déjà, car elle se manifestait nettement au cours de notre travail, lorsque nous injections la même quan- tité de virus, au même moment, dans les mêmes conditions, à deux ou trois souris. On pouvait alors constater qu’une souris possédait un virus très sensible à l’émétique, tandis qu’une autre avait un virus peu sensible. Il pouvait même arriver qu’un virus peu sensible devenait, au bout d’un certain temps de traite- ment, plus sensible à l’émétique qu’il ne l'était au début. C’est une remarque que nous avons faite plusieurs fois chez nos souris. On pouvait voir, en effet, après une ou plusieurs doses élevées d’émétique, données au moment d’une résistance pas- vère, ou lorsque l’état de la souris l’exigeait, que le virus subissait une sorte de sensibilisation temporaire, analogue à celle que nous signalons dans l’histoire de la souris n° 2 (voir paragraphe 1). Les trypanosomes, qui ne disparaissaient au début qu'irrégulière- ment devant les doses faibles d’émétique, se trouvaient au mo- ment de la sensibilisation, très régulièrement influencés par ces doses. Cet état de sensibilisation ne durait, il est vrai, qu'un cer- tain temps; mais c’est un fait à enregistrer, car il ne parait pas en rapport avec la constatation faite par PLIMMER et BATEMAN (1) (1) Rapport présenté à la Royal Sociely, 25 août 1908. RÉSISTANCE DU NAGANA A L’EMÉTIQUE 727 chez les rats naganés et surrés, que les doses massives d’émétique font apparaître plus rapidement les rechutes et la résistance non transmissible du virus. En résumé, nous avons noté chez les souris naganées, traitées par de faibles doses d’émétique de potassium: 1° De grandes différences dans la sensibilité du virus à l’émé- tique suivant la souris, que ce fût du virus normal ou du virus ayant déjà subi, sur des souris précédentes, l’action de ce produit ; 20 Dans les 2 /5 des cas, de la résistance passagère ou définitive est apparue. Cette résistance du virus n’est pas transmissible sur d’autres souris. Il nous faut cependant faire une exception pour deux cas où les trypanosomes ayant présenté de la résis- tance, cette résistance a été transmise chez une première souris de passage; le virus est redevenu, chez les souris suivantes, aussi sensible à l’émétique que le virus normal ; 3° Dans quelques cas, après avoir subi l’action de doses thé- rapeutiques répétées ou non d’émétique, le virus a montré une sorte de sensibilisation qui a persisté de deux à six semaines. Recherches sur limmunité des lapins contre le b. suipesticus PAR J. SHOUKÉVITCH (Travail du laboratoire du Professeur E. METCHNIKOFF) ! A mesure que s'étendent nos connaissances sur les moyens de défense de l’organisme contre les diverses infections, les théories qui expliquent l’immunité acquise uniquement par le développe- ment de certains anticorps dans le sérum, perdent de plus en plus leurs partisans. Au nombre des infections contre lesquelles limmunité acquise ne s’accorde pas avec les théories humorales de l’immunité, il faut compter la septicémie des lapins provoquée par l'injection du D. suipesticus. Déjà, en 1892, le professeur Metchnikoff (1) démontra que le fait des lapins d’être réfractaires à l’infection par le b. suipesticus dépend directement du degré de la réaction leucocytaire,qui a lieu aussitôt après l'introduction de ce microbe. Plus tard, Citron (2), ayant immunisé des lapins par des oppressines et des extraits du b. suipesticus est arrivé à cette conclusion que l’état réfractaire des lapins à linfection du b. suipesticus doit être considéré comme l’immunité « cellulaire », et qu’il est impossible de cons- tater un rapport direct entre l’état réfractaire des lapins envers ce microbe et le degré de l’action immunisante de leur sérum. Citron arriva à cette conclusio 1 d’après les données suivantes : I] immunisait des lapins par des oppressines et des extraits du b. suipesticus,et il trouva que les résultats de cette immunisation E. MerTcnikorr, Annales de l’Institut Pasteur, 1892. Crrron, Zeitsch. für Hyg. Bd 53. IMMUNITÉ DES LAPINS 729 étaient assez variables; dans certains cas les lapins étaient réfrac- taires, dans d’autres cas ils étaient susceptibles d’être infectés ; cependant, certains lapins qui n’avaient pas obtenu limmunité s’immunisalent souvent pour une durée plus longue, et à plus fortes doses d’antigène, que d’autres qui avaient reçu l’immunité. Néanmoins, le sérum de tous ces lapins indistinctement était capable de préserver les cobayes de l’infection sous-cutanée du b. suipesticus. Ce sérum ne pouvait préserver les cobayes de lin- fection dans la cavité abdominale, mais il pouvait retarder de plusieurs jours l'issue mortelle de l'infection. On obtenait aussi une plus longue durée de l’infection chez les souris, par voie sous- cutanée. Ce sérum s’est trouvé sans action sur les lapins. Sur la proposition du professeur Metchnikoff, j'airepris l'étude de la résistance des lapins au D. suipesticus, en cherchant à déterminer le rapport entre cette résistance et la quantité d'anticorps contenus dans leur sérum, et comment :ïl serait possible de déterminer ces anticorps tn vitro et in vivo. J'avais à ma disposition deux cultures du b. suipesticus. La première, la culture S que m'avait procurée M. Binot, était très peu virulente, car 1/50 de culture S de 24 heures ne tuait que rarement les lapins, même en injections intraveineuses. La seconde, la culture Sp, qui m'avait été gracieusement envoyée par le Gesundheitsamt, était bien plus virulente, car 1/200 de culture de 24 heures tuait, par injection intraveineuse, tous les lapins sans exception, en provoquant la septicémie caractéris- tique. Ici, je dois attirer l’attention sur ce fait que la sensibilité des lapins envers le b. suipesticus varie entre de très grandes limites. Voilà pourquoi 1/200 de Sp devient une dose minimum, dans ce sens que par infection intraveineuse elle tuait tous les lapins sans exception, bien que cependant certains lapins du même poids eussent pu être tués par une dose de 17/1000 Sp. La sensibilité individuelle des lapins variait davantage dans le cas de l'infection sous-cutanée; alors l’infection avait lieu plus lente- ment, provoquant de larges infiltrations et les lapins ne succom- baient que 10 ou 15 jours après l'infection. Pour résoudre la question déjà posée, il était évidemment nécessaire de savoir si, dans le sérum des lapins, on pouvait obtenir une grande quantité d’antitoxines, sans que ces lapins 730 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR aient obtenu l’immunrité contre le b. suipesticus, et, d’autre part, s’il serait possible de rendre les lapins réfractaires au b. suipesticus dans des conditions telles qu’il soit impossible de mettre les antitoxines en évidence dans leur sérum; ou encore, dans le cas où leur quantité serait très minime. La première série d’expériences sur l’immunisation des lapins a été faite au moyen de cultures tuées, en les portant à 60° pendant une demi-heure. Pour obtenir des anticorps plus rapidement et en plus grande quantité,J'ai immunisé des lapins par des injections intraveineuses répétées de cultures mortes, en augmentant les doses progressivement. Les injections se fai- saient de 4 à 6 fois avec des intervalles de 8 jours. La première injection provoquait habituellement une réac- tion assez pénible, surtout chez les lapins immunisés par Sp; les injections suivantes étaient toujours mieux supportées. L’é- preuve de l’immunité était faite par une injection intraveineuse de Sp, mais après retour complet des lapins à l’état normal. L’in- tervalle le plus court entre la dernière vaccination et l’épreuve de l’immunité était de 12 jours. Les données qui se rapportent à cette série d'expériences se trouvent dans le tableau T : Comme l'indique ce tableau, les 7 lapins témoins ont tous suc- combé, et sur les 11 immunisés, 10 ont succombé. A l’autopsie de ces derniers, on constata la septicémie caractéristique, provo- quée par l'injection intraveineuse du b.suipesticus. Si l’on rejette la supposition que le seul lapin immunisé ait survécu pour une raison quelconque, les données citées plus haut nous donnent quand même le droit de conclure que l’énorme majorité des lapins immunisés par des injections intraveineuses de cultures mortes de S ou Sp, n’ont pas obtenu l’immunité, à la condition, bien entendu, que l’immunité soit effectuée au moyen d’iajec- tions intraveineuses. J'ai étudié les anticorps dans le sérum de ces lapins au moyen de la réaction de Bordet et Gengou, en déterminant l'index opsonique d’après la méthode de Wright et au moyen de la réac- tion de l’agglutination. De plus, j'ai étudié l'influence de ces sérums sur la bactériolyse du b. suipesticus dans la paroi abdo- minale du cobaye; il en sera question ultérieurement. En réali- sant ces expériences, je me suis toujours servi de la culture Sp, la même qui avait servi à éprouver l’immunité. Tagceau I ées a 60° , es port injection intraveineuse de cultur lapins faite par ec Ù sation de Immuni NOMS des lapins XVII XVIII Culture employée A Sp Sp Sp Sp Sp er Gr Te es a arte 4 4 INFECTION rar injection dans la veine de 1/100 S p, | RÉSULTAT AUTOPSIE Septicémie 132 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Dans la réaction de Bordet et Gengou, les quantités de sérum diminuaient dans l’ordre suivant : 1 /200, 1 /500, 1 /1000, 1 /2000, 1 /3000, 1 /4000, 1 /3000 1 /10000, 1 /20000.J’ai toujours employé comme complément 0,1 de sérum de cobaye. Pour l’agglutination on employait les solutions suivantes de sérum : 1/100, 1 /200, 1 /300, 1 /400, 1 /500, 1 /1000, 1 /2000. Avec les quantités données de sérum, on n’a jamais obtenu chez les lapins de contrôle, ni de fixation du complément, ni d’ag- glutination, c’est pourquoi les données se rapportant à l’étude des sérums de lapins ne sont pas citées dans le tableau. L’index opsonique était déterminé par le rapport de l'indicateur phagocy- taire des lapins immunisés, à l’indicateur phagocytaire des lapins de contrôle et ainsi ce dernier est considéré comme l'unité. Les données se rapportant à l’examen du sérum des lapins immunisés se trouvent dans le tableau II. pStere fa RSBh4ITis TaBLeau Il. Résultats de l'examen du sérum des lapins immunisés par des cultures mortes & propos de leur contenu en antitoxines. Numéros des lapins la prise du sang AGGLUTINATION Solutions extrêmes de sérum dans lesquelles a encore lieu l’agglutination EE Complète Incomplète RÉACTION de BORDET | et GENGOU Quantités minima de sérums qui empêchent l’hémolyse A — Empéchement complet Incemplet Opsonique IMMUNITÉ DES LAPINS 733 Comme l’indique ce tableau, le sérum des lapins immunisés, tués par les cultures, contenait une quantité considérable d’anti- corps. Comme exception, il n’y a que le lapin XIV. La quantité minimum de son sérum, capable de fixer encore le complément, était de 1 /200; dans une solution à 1 /000, le sérum de ce lapin n'agglutinait pas et l’index opsonique ne dépassait pas 1,7. A mon avis, cette circonstance s'explique par ce fait que pendant limmunisation du lapin n° XIV, ilse forma chez lui deux grands abcès froids, sous-cutanés, qui n'étaient pas cicatrisés au moment de l'examen du sérum. Il faudrait supposer que cet état de purulenee chronique empêchait la formation des anticorps en quantité quelque peu considérable. Chez les autres lapins, la quantité minimum de sérum encore capable de fixer du com- plément, variait entre 1 /4000 et 1 /20000; la solution maximum du sérum permettant encore d'observer l’agglutination variait entre 1 /200 et 1/1000 ; enfin l'index opsonique variait entre 2,5 et 8,0. Comme de ces 10 lapins il n’y en eut qu’un seul qui ait survécu, il devient évident que quand on immunise avec des cultures mortes de b. suipesticus, la quantité considérable d’an- ticorps contenus dans le sérum des lapins immunisés ne garantit nullement limmunité. Wassermann, Ostertag et Citron (1) pouvaient immuniser les lapins contre le b. suipesticus, en injectant des cultures vivantes de bacille du typhus des souris, qui appartient au même groupe du para-typhus B, que le b. suipesticus. Pour la suite de mes recherches ilétait nécessaire de m’assurer de la possibilité d’immuniser les lapins contre le b. suipesticus. Ayant achevé mes expériences avec l’immunisation au moyen de cultures mortes, j'ai procédé à l'étude de limmunisation des lapins par des cultures vivantes de ce microbe, dans l’espoir de rendre les lapins réfractaires par cette méthode. J'ai poursuivi ainsi un double but : 1° commuriquer aux lapins une immurnité durable; 20 procéder à l’immunisation afin de provoquer si possible la formation dans le sérum des lapins, d’une petite quantité d'anticorps. A cette intention, j'ai fait aux lapias des injections sous-cutanées de quantités aussi minimes que possible de cultures vivantes S et Sp, me contentant d'une seule injection, deux au plus. (1) Zeitschr. für Hyg. Bd. 52, 734 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Les lapins supportaient bien les injections, même de 1 /50$ et la réaction se bornait à la formation, au siège de l’inoculation, d’une légère infiltration se résorbant dans une quinzaine de jours. Les choses se passaient autrement avec les injections de Sp. Dans ce cas, même quand l’injection n’était que de 1 /200, 1 /500 de culture, ilse formait, au niveau de la piqûre, une large infiltration douloureuse, souvent envahissant les parois thora- cique et abdominale; en général, les lapins manifestaient les symptômes d’un état pathologique grave; beaucoup d’entre eux succombaienrt à l’infection généralisée du b, suipesticus, ou à des infections étrangères, au développement desquelles les lapins, affaiblis, présentaient un terrain favorable. J’effectuais l'épreuve de l’immunité, comme dans le cas précé- dent, par des injections intraveineuses de 17/100 Sp. Cette épreuve n'avait lieu qu'après la disparition complète des phé- nomènes locaux provoqués par l’immunisation. Chez deux lapins seulement (XXII et XXIII), les phénomènes locaux n'avaient pas encore disparu au moment de l’épreuve de l’immunisation. Dans le tableau III se trouvent les données qui se rapportent à cette série d'expériences : e D’après ce tableau, nous voyons que pendant que les 8 lapins de contrôle ont succombé à la septicémie caractéristique, provo- quée par l'injection du b. suipesticus, des 14 lapins immunisés contre la septicémie, un seul a suecombé. Deux (XXIT et XXVI) ont succombé à une intoxication aiguë. Les autres paraissaient complètement sains après l’inoculation, mais, après un certain temps (15-70 jours, selon mes expériences), ils furent atteints de la paralysie de certains groupes musculaires, de para- plégie ou de paralysie totale des extrémités. Les lapins ainsi paralysés ne manifestaient cependant aucun symptôme d’un état pathologique général, et leur appétit ne s’en trouvait nullement troublé. Néanmoins, la plupart d’entre eux succombaient dans des délais variés. Les ensemencements du sang et de la rate de ces lapins restaient toujours stériles, de sorte que leur mort n’était évidemment pas due à l'infection. Il est très probable que, dans ces cas, nous nous trouvions en face d’une intoxication par les produits de décomposition, ou les toxines de b. suipesticus, compliquée par une intoxication d’origine intes- Tagceau II Les lapins sont immunisés par des injections sous-cutanées de cultures vivantes S et Sp. NUMÉROS! NOM des des lapins. |cultures. XIX NONIES XXI XXII| S NXTTLISS XXIV XXV| Sp XXVI XXVII| S XVIITIIRS XXIX PREMIÈRE injection. 24 VII — 50 culture 24 Î VII 50 de contrôle, 24 1 ATOS tt 24 1 VIE 0 de contrôle. l 1 VIIL de contrôle. LA IX 200 il 254 IX 200 de contrôle. DEUX ÊME injection. RÉACTION locale et générale des lapins. Légère infitra- üon à l'en- droit de Ja piquüre. Comme le précédent. ur, Infiltration à lendroit de la piqûre qui n'était pas ré- résorbée au moment de l'infection. Infillrationin- signifiante à la place de la piqûre. Large infiltra-|= üon à l'en- droit de la pi- qûre qui s’est résorbée en 3 semaines environ. Infiltrationin- signifiante à l'endroit de la piqüre. Comme chez le précédent. CheAR— = RÉSULTATS 13 - VIN Vivant. 13 2 Vivant. 18 à MARS VIT + VIII Septicémie. avec le sang et la rate étaient stériles, 9 VII asser VIRE Pa Pense )| mencements faits 9 £ YII Vivant. 2 ee Septicémie VID VUE 0 27 S VIII Vivant, 27 NS eme ee ae | | vinl* UITÉ Septicémie. 12 XI ; x +- 10 Paralysie des muscles du cou du || té gauche; le 5 côté gauche; — RSR LEA paralysie complète des quatre extré- mités ; la sensibilité et l'appétit ne sont ! pas détruits. — Les ensemencements 21 + x sang et de rate sont stériles. 12 13 + x Les poumons sont congestionnés, la rate un peu aug- mentce de volume. Ensemenc, de sang | et de rate — stériles. 12 AT EC Re —|+ —. Sept'cémie. X Tagceau TI (suite). NUMÉROS| N0NS des des lapins. [cultures XXX| S XXXI XXXII XXXIII XXX VII XXXVIII XXXIX PREMIÈRE injection. 19 - 1 KT 200 de contrôle. PAR, X 200 de contrôle. de contrôle. RCE {000 de contrôle, DEUXIÈME injection 26 Én F6 Infiltration in- à) IX - RÉACTION locale et générale des lapins. _ Infiltration 200 insignifiante . Comme chez 200! je précédent. 1 A = | INFECTION ze o . “4 L signifiante. Abcès à l’en- droit de la! À piqüre quine s'est pas ré- sorbé au mo- ment de l'in- fection. “ Large inÂltration qui ne se résorbe qu'au bout d’un mois environ. 1 — Infiltration tr. € insignifiante. Abcès de la grosseur d'un! “ œuf de pi- geon. Comme chez le précédent. d ST | plète. + AR À D | trémilés. + — RÉSULTATS 10 Paral m SIL ara ne co plète. Amélio- ST ration sensible, mouvements réta- blis, encore légère paralysie del extré- mité gauche de de- vant; l'appétit” Se maintient. + SIL Lesensem. de sang et rate restent stériles. Vivant. 6 Le x . Septicémie. Paraplégie. Sen- sibilité et appétit 27 L XII es ensemencements de sang etrate stériles. normaux. + ie Due . Paraplégie. Sen- et SPPEUE | normaux.+-——.Les St ensemencements de sang et de rate res- tent stériles. 1Q US MU NTSE EE Septicémie. Sue F .Paraplégie, Le Ensem. de sang et rate restent stériles. ie 21 î £ L —,. Seplicémie. TR. + —. Septicémie. T Ii Paralysie com- 9 £ XII . En- semenc. de sang et rate restent stériles. . Paralysie des ex- TÉ Les ensem. de sang et rate restent stériles. . Septicémie. IMMUNITÉ DES LAPINS 787 tinale; chez les lapins paralysés, on observait toujours une ‘rétention des matières et, comme conséquence, une putréfaction plus considérable du contenu intestinal. Tous ces cas d’intoxica- tion chronique nous permettent de supposer que le b. surpesticus, injecté dans les veines des lapins immunisés, ne meurt pas immé- diatement. Il est très probable qu’il se forme alors des foyers où le bacille vit encore quelque temps et où se développent les toxines qui empoisonnent l’organisme. Le fait même que le b. suipesticus peut vivre quelque temps dans le corps des lapins immunisés, a été établi par E. Metchnikoff en 1892. Ce savant a découvert, en effet, que si l’on fait aux lapins immunisés une inJec- tion sous-cutanée de b. suipesticus dans l’abcès qui se forme à l’en- droit de la piqûre, le bacille peut vivre 10 à 20 jours. Dans tous les cas, nous pouvons reconnaitre que, dans les tissus des lapins immunisés par des cultures vivantes, le b. suipesticus ne peut pas se reproduire; mais en même temps ce microbe ne périt pas immédiatement et a le temps de provoquer la formation d’une cer- taine quantité de produits toxiques, qui produisent des phénomènes d'intoxication chronique. En un mot, les lapins immunisés de la façon ci-dessus acquièrent l’immunité anti-infectieuse, mais non pas l’immunité antitoxique. Mais, comme il nous était nécessaire d'obtenir précisément cette immunité anti-infectieuse, il est évi- dent que l'examen du sérum de ces lapins doit fournir les don- nées pour résoudre la question posée ci-dessus : quels sont les rapports des anticorps à l’immurité anti-infectieuse ? Les résultats de l'examen des sérums a été effectué exac- tement comme dans la série précédente d’expériences, sont donnés dans le tableau IV : En examinant les données de cetableau, nous voyons que chez 3 lapins seulement (XIX, XXV et XXVI), on a pu constater, dans le sérum, la présence d’une quantité plus ou moins consi- dérable d’anticorps, plus faible cependant que la quantité d'anticorps contenus dans le sérum des lapins immunisés par des cultures mortes du b.suipesticus.Chez lesautres lapins ayant servi à cette série d'expériences, la quantité d’anticorps contenus dans le sérum a été, ou bien très peu considérable, ou bien leur présence n'a pas été constatée dans les solutions de sérum dont je me suis servi. Tout cela est sans doute subordonné à ce que Jj'injectais de très petites quantités de cultures vivantes, que les vaccinations 47 138 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Tagzeau IV z A 3 : Se : C2 Examen du sérum des lapins immunisés avec des cultures vivantes. DATE |REACTION de BORDET TINATION où l’on ET GENGOU AEGLE PAIE a pris le|Quantité minima de sérum Solutions AIR LEE lapin [provoquant du complément |Pr0voquant l'agglutination PE nee LR ee s lapins | EU. Arrêt Arrêt Agglu- Agglu- Fe complet de | incompletde tination tination | l'hémolyse | l'hémolyse complète incomplète XIX : Es —— PS ; VIII 5000 200 2 11 ; XX VIII 0 0 1,02 6 = 9 XXII VIN 0 () 4,2 6 XXIII VIII 0 0 1,55 ee : L 5,0 VIII 200 2000 200 Le XXVII os 0 0 1,55 x , 10 XXVIII Fe () el) 0,88 19 1 Ë XLR OS Lee 1 us 1,72 É 100 500 100 xxxr | À ee 1 : 1,54 3 XI 10 100 200 xxxur | Me - 0 1,37 2e XI 200 [000 RE AE 1 1 1,6% XXXIN XI Pr ea , 18 2000 200 XXXVI| : ae M 2.99 7 2000 5000 1000 XXXVI| &e 1,6 20 CCD Dge 1 He 1,02 20 2000 800 500 200 avaient lieu tout au plus 2 fois et que lPinjection était sous- cutanée et non pas intraveineuse. De plus, en comparant les données obtenues dans ces deux séries d'expériences, il résulte que nous pouvons obtenir l’immu- nité anti-infectieuse des lapins contre le b. suipesticus, sans que paraisse dans leur sérum une quantité quelque peu sensible d’ambocepteurs spécifiques, d’agglutinines ou d’opsonines (1); en (4) Ici je ne m'occupe pas de savoir si les opsonines présentent des anticorps particuliers, ou bieu si l'action opsonisante du sérum est provoquée par l’action combinée de l’ambocepteur et du complément, & IMMUNITE DES LAPINS 139 même temps, on immunisait les lapins pendant longtemps, par des quantités considérables de b. suipesticus; nous pouvons pro- voquer, dans leur sérum, l'accumulation d’une grande quantité de ces anticorps, sans que pour cela ces lapins acquièrent une immunité quelque peu sensible. En d’autres termes, dans l’immu- nité anti-infectieuse acquise par les lapins contre le b. suipesticus, les ambocepteurs spécifiques, les agglutinines et les opsonines ne peuvent être considérés comme la cause directe de l’immunité, et, en même temps, leur présence dans le sérum des lapins ne peut servir d'indice indirect de l’immunité obtenue. Comme il a été dit plus haut, Citron a porté son attention sur le fait que le sérum des lapins immunisés par des oppressines et des extraits de b.suipesticus, qui n’ont pas acquis ainsi l’immu- nité,est néanmoins capable de préserverles cobayes de l'infection de b. suipesticus par injection sous-cutanée, et de retarder l'issue mortelle par l'injection intra-abdominale de ce microbe. J'avais en vue d'établir dans quelle mesure ceci s'applique au sérum des lapins que j'avais immunisés. En abordant la description de mes expériences, je dois attirer l'attention sur l’énorme différence existant entre la sensibilité des cobayes aux injections sous-cutanées et leur sensibilité aux injec- tions intra-abdominales du b. suipesticus. Tandis que je pouvais toujours tuer des cobayes pesant de 300 à 350 grammes avec une injection intra-abdominale de 1/300 à 1/500 de Sp, des cobayes semblables résistaient fréquemment à des injections sous-cuta- nées de 1/10 Sp. La marche de l'infection des cobayes par voie sous-cutanée dépend directement du degré de leur réaction pha- gocytaire. A l’endroit de la piqûre se formait alors une infiltra- tion ayant le caractère d’une inflammation; quand la marche de l'injection devenait menaçante, cette inflammation s’étendait dans tous les sens et ne produisait pas de pus. Au contraire, quand la marche de linfection était bénigne, l’infiltration ne s’étendait pas et se transformait en abcès, qui perçait ensuite. Ainsi donc, la faible sensibilité des cobayes aux injections sous- cutanées du b. suipesticus peut s'expliquer par une réaction pha- gocytaire intense; tandis que lissue favorable de linfection s’explique par le fait que les phagocytes ont le temps de localiser le développement du D. suipesticus, ce qui s'explique macrosco- piquement par la formation de l’abcès. TABLEAU V. Action préventive exercée sur des cobayes, par le sérum de lapins immunisés par des cultures mortes, en injections sous-cutanées de sérum et de cultures du b. suipesticus. NUMÉROS NUMÉROS INJECTION INJECTION des des lapins dont on a pris de du RÉSULTATS cobayes. le sérum. sérum. » IV V (de contrôle) de contrôle IV III » de contrôle de contrôle XIII (de contrôle) XII IX » X1 (de contrôle) de contrôle XIT » de contrôle XI (de contrôle) de contrôle 1 Il DIez = Die = > b. suipesticus BPM EI Ve je N =l= 21 VII vivant. vivant. 23 vivant. vivant. vivant. vivant. vivant. vivant, vivant. vivant. vivant. vivant, vivant. vivant. 11 A vivant. vivant, vivant. vivant, vivant. vivant. vivant, vivant. IMMUNIIÉ DES LAPINS 71 De 20 cobayes qui ont reçu le sérum des lapins immunisés par des cultures mortes, 1 a succombé. D? 5 cobayes qui ont reçu le sérum des lapins de contrôle, 3 ont succombé. De 6 cobayes de contrôle, 3 ont succombé. Tout ceci fait que l’infection sous-cutanée des cobayes est loin d’être un procédé simple d’éprouver le sérum. Je m'en suis servi pour étudier le sérum de plusieurs lapins immunisés par des eul- tures mortes, et qui n'avaient pas obtenu l’immunité. Je voulais savoir à quel point les données obtenues par Citron étaient applicables au sérum de ces lapins. Dans mes expériences, je me servais de cobayes de 300 à 350 grammes, auxquels j’injectais de 1/20 à 1/10 Sp, et je leur injectais en même temps, ou 24 hevres auparavant, le sérum de lapins immunisés ou de contrôle. Les résultats de ces expériences sont indiqués dans le ta- bleau V : Nous voyons d’après ce tableau que des 20 cobayes auxquels on avait injecté 0,5 — 1 c. c. du sérum des lapins immunisés, un seul avait succombé;de 5 cobayes traités par le sérum des lapins de contrôle, 3 avaient succombé; et, enfin, de 6 cobayes de con- trôle 3 avaient succombé. Le nombre plus considérable de cas mortels parmi les cobayes contrôlés et ayant reçu le sérum de lapins non immunisés, nous porte à croire que le sérum des lapins immunisés par des cultures mortes et qui n'avaient pas obtenu l’immunité, possède des pro- priétés prophylactiques. Cependant, ces propriétés sont très faibles et même, dans une épreuve aussi insignifiante, quand la moitié des cobayes de contrôle a survécu, des 20 cobayes traités par le sérum 1 a succombé. De plus, le développement de l’infiltration à l'endroit de la piqûre, chez les cobayes traités parle sérum des lapins immunisés, avait lieu exactement comme chez ceux des lapins de contrôle qui avaient survécu. Le caractère de cette infiltration a été indi- qué plus haut. Par conséquent, le sérum des lapins immunisés, injecté à ces cobayes par voie sous-cutanée, n’est nullement capable de détruire rapidement les microbes introduits en même temps, mais il parait aider, dans une certaine mesure, l'organisme à lutter avec le b. suipesticus, ce qu’il accomplissait souvent victo- rieusement sans le concours du sérum. 742 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR À première vue, ces données paraissent quelque peu para- doxales. Cependant, selon moi, tout s'explique assez facilement par l'énorme différence de sensibilité des cobayes et des lapins aux méthodes d'infection déjà citées. Sous l'influence de l’immu- nisation par les cultures mortes du b. suipesticus, le sérum des lapins acquiert des propriétés prophylactiques, mais ces pro- priétés sont si faibles qu’elles ne sont pas capables de préserver les lapins de l'épreuve d’immunité, aussi pénible que celle de l'injection intraveineuse du b. suipesticus; mais en même temps, grâce à la faible sensibilité des cobayes à l’infection sous-cutanée de b. suipesticus, les propriétés prophylactiques du sérum de ces lapins peuvent exercer leur action. Comme je l'ai déjà dit,les cobayes sont beaucoup plus sen- sibles à l'infection intraabdominale du b. suipesticus, c’est pour- quoi il faut considérer ce procédé d'infection comme plus sûr dans l’épreuve du sérum. Nous savons déjà que Citron a trouvé que le sérum des lapins immunisés par des oppressines et des extraits, est capable de retarder la marche de l'infection, maïs ne peut préserver les cobayes de la mort, quand on leur communique ce microbe par voie intraabdominale. Avant d'étudier les données que j'ai obtenues en examinant l’action prophylactique du sérum des lapins immunisés sur lin- fection intra-abdominale des cobayes par le b. suipesticus, je crois indispensable de dire quelques mots de l’action bactério- logique de ce sérum. Comme nous le savons, le professeur E. Met- chnikoff a trouvé que le sérum des lapins immunisés contre le b. suipesticus ne possède pas de propriétés bactéricides nettement caractérisées. Citron a trouvé que le sérum des lapins qu'il avait immunisés pouvait dissoudre, dans la paroi abdominale des cobayes, le microbe en question.De plus, la littérature concernant ce sujet nous présente des faits qui s’y rapportent, qui sont liés à l’étude du groupe paratyphique B, dont fait partie le b. suipes- ticus. Ainsi Bohme (1) a trouvé que le sérum des lapins immunisés contre la psitacose exerçait, dans la paroïiabdominale des cobayes, une certaine action bactériolytique sur les divers représentants du groupe de microbes que nous avons cités, et parmi eux, sur le b. suipesticus. Cette bactériclyse n’était pas complète et les (1) BôHue, Zeitsch. für. Hyq. 52. IMMUNITÉ DES LAPINS 743 cobayes succombaient, quoique plus tard que les cobayes de con- trôle. Bonhoff (1), qui avait étudié le b. du typhus des souris et le b. paratyphique, avait obtenu les mêmes résultats. D’après les recherches de Neufeld (2) le sérum paratyphique spécifique peut ne pas posséder de propriétés bactériolytiques. Kutscher et Meinicke (3), qui avaient étudié leb.typhimurium, le b. enteridis et le b. paratyphi B, avaient obtenu des résultats différents. Ils ont trouvé que le sérum des lapins immuaisés par ces microbes possède des propriétés bactériolytiques très puis- santes, presque autant que le sérum anti-cholérique. La bacté- riolyse était complète et les cobayes restaient vivants. Topfer et Jaffe (4), puis Bezzola (5), ont obtenu les mêmes résultats en étudiant le b. paratyphi B. Il résulte de cela que l’on ne réussit pas toujours à obtenir le véritable sérum bactériolytique par rapport aux représentants du groupe du b. paratyphi B, et il m’a été nécessaire de voir dans quelle mesure ces propriétés bactériologiques se manifestent dans le sérum des lapins, dans les conditions d’immunisation dont J'ai pu disposer. Si l’on injecte le b. suipesticus en dose suffisante pour provo- quer la mort du cobaye avant 24 ou 30 heures (6) dans la paroi abdominale d’un cobaye pesant de 300 à 350 grammes, l’examen microscopique de l’exsudat nous donne les résultats suivants : au commencement, nous voyons peu de bacilles et la plupart ont un aspect normal; ensuite, le b.suipesticus commence à se multi- plier fortement et, après 6 heures environ, nous voyons des quan- tités considérables de ce microbe dans l’exsudat; nous y rencon- trons aussi très peu de leucocytes. Si l’on injecte des doses plus faibles, les cobayes peuvent vivre de 3 à 10 jours et alors l’exa- men microscopique de l’exsudat donne un résultat différent. Dans ces cas, la multiplication du b. suipesticus était fortement retardée et 1} y avait en même temps une émigration renforcée de leucocytes dans la paroi abdominale. A l'examen de l’exsudat (1) Bonuorr, Arch. f. Hyg. 50. (2) Arbeiten irels otem kaiserlichen Geseinotheitramte, (3) Kurscuer et MEINICKE, Z. f. Hyg. 52. (4) ToPrer et Jarre, Z. f. Hyg. 52. (5) Centr. f. Bakt. Bd. 50. (6) Dans mes expériences, il était nécessaire d’injecter 1 100 Sp. 7144 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de ces cobayes, de 3 à 6 heures après l’infection, on pouvait voir qu'il contenait une quantité de leucocytes; on y rencontrait aussi quelques bactéries; les unes à l’état libre, les autres renfermées dans les leucocytes; quelques-unes de ces bactéries autant parmi celles qui sont libres que parmi celles renfermées dans les leucocytes, manifestent des phénomènes plus ou moins prononcés de dégénérescence et de désagrégation de noyaux. En définitif, les cobayes succombent à une péritonite compliquée de septicémie et alors, dans l’exsudat abdominal, on peut consta- ter la présence d’une grande quantité du b. suipesticus. Par consé- quent, la marche plus ou moins prolongée de l’infection, par injection intra-abdominale, dépend du degré de la réaction pha- gocytaire, grâce à laquelle la multiplication du b. suipesticus était entravée, retardant ainsi l’issue mortelle de l'infection. Si l’on injecte dans la paroi abdominale des cobayes du sérum de lapins normaux, ou de lapins qui avaient été, comme je lai déjà décrit, immunisés avec des cultures mortes ou vivantes du b. suipesticus, et sil’on injecte en même temps 1/50 — 1/100 Sp, c’est-à-dire une dose de ce microbe qui tue les cobayes en 24-30 heures, le cours de l’infection est ralenti, l’issue mortelle est retardée, et l'examen microscopique de l’exsudat nous donne le même résultat que celui de l’exsudat des cobayes qui ont été traités par de petites doses du b. suipesticus, incapables de le tuer dans l’espace de 24 à 30 heures. L'action du sérum se manifeste done partiellement et faible- ment,en ce que les bactéries injectées présentent une dégénéres- cence et une transformation en granules sous l’influence de ce sérum; l’autre partie agit de façon plus importante, car, sous l’action de ce sérum, a lieu une émigration énergique des leuco- cytes dans la paroi abdominale, arrêtant le développement du b. suipesticus et retardant par cela l'issue mortelle de l’infectior.. Le sérum des lapins normaux ou des lapins immunisés par des cultures mortes ou vivantes du b. suipesticus n’a jamais pu préserver de linfection, les cobayes qui avaient été soumis à des injections intra-abdominales et ne pouvait retarder de quel- ques jours l'issue mortelle. Ce résultat était obtenu alors même que les cobayes avaient reçu 1 c.c. de sérum. Par conséquent, sous l’action du sérum des lapins sur lesquels IMMUNITÉ DES LAPINS 745 j'ai expérimenté, dans la paroi abdominale des cobayes, il n’y a jamais eu de bactériolyse complète, caractéristique du b. suipes- ticus; pour juger des propriétés prophylactiques de ce sérum on pourrait se rapporter à la marche prolongée de l’infection et à la réaction phagocytaire qui a lieu dans la paroi abdominale des cobayes sous l’action du sérum. L'action ralentissante du sérum des lapins normaux et des lapins immunisés par des cultures mortes peut être démontrée par l'exemple suivant : 14 : 4 1 18 à No : _—= dans la paroi abdom. À sér — Sp: + — Le cobaye N° 1 a recu le Vil paroi abdom 3 CC. sérum III + 59 Sp; + Ti — 9 te —_ D Èe + — ES . ms A , cn VII 21 — 3 — . — — RSS 20 = 4 — = = 7 CON ë Ras 16 _ ù cobaye témoin ne PI NTE 29 il ; : AR AT Le be an _ g CC. Sérum VIT + ET + ŸII . 1 Sr = DU —, — _ 7 RC VIE : 1 [x r. 21 — — —- — 2 4 ASE ou es 9 =? = témoin = $+ ST 10 = 4 ce. sérum VII + : Sp; + VII CE 50° P? vi . HE, ee = E on 25 — 12 — — _ — VE —. + VI Le FRE — Fe Lee T : L 24 = 14 = — 1 cc. sérum de lapin témoin — TV] æ 25 # RECENT # RAD ns 16 cobaye témoin + Ainsi donc, le sérum des lapins normaux et immunisés par des cultures mortes retardait l’issue mortelle de l'infection de 3 à 6 jours. Cette action avait lieu avec le sérum des lapins immuni- sés, alors même qu’il était injecté en bien plus faible quantité que le sérum des lapins normaux. Exemple : 746 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Cobaye N° 1 à recu le Gi 10 C5 sér. dans par. abdom. sérum lapin TI Q SP; + _. 17. = 2 Æ Le — LR SEE É PfE AU u SA 2e 3 00/05 — lapin de contrôle — :+ VII Le sérum des lapins immunisés par des cultures vivantes de ce microbe agissait exactement comme le sérum des lapins immu- nisés par des cultures mortes du b. suipesticus, ce que nous voyons par les exemples suivants : Cobayÿe N’ 1 --le . É — dans la paroi abdom. 1ce. sérum lapin XX + Sr 3E vi He £ ee = SE RS SPA 16 # 3 -- — Fe + FG0°F à vi _— 4 — — Acc. lap. de contrôle + . Sp +o — 5 cobaye de contrôle SSP = ein ÿ 8 à = se Sp + mi E le = 0,0 — XXXX + GS + =e 8 ses 0,02 — — ER UT — 9 — dec — — — == _—. — 10 — 0,02 — lap. de contrôle — + T — 11 — Acc — — = TE Te — 12 cobaye de contrôle = 4% = Bien que, dans la généralité des expériences, l’action du sérum sur la marche de l'infection des cobayes traités par des injections intra-abdominales, puisse être constatée, je dois cependant attirer l’attention sur ce fait que cette action peut quelquefois ne pas être mise suffisamment en évidence, grâce à la sensibilité indivi- duelle variable des cobayes au b. suipesticus. Dans tous les cas,ces expériences nous permettent de conclure que le sérum des . normaux, aussi bien que celui des lapins immunisés, possède quelques faibles propriétés de prophylaxie contre le b. suipesticus. Comme le sérum des lapins immunisés produisait cette action prophylactique en quantité moindre que celui des lapins de contrôle, nous avons le droit de supposer que, IMMUNITÉ DES LAPINS 747 sous l’influence de l’immuaisation il se produit, dans le sérum des lapins, un faible accroissement de propriétés prophylactiques. Mais comme ces propriétés étaient constatées au même degré dans le sérum des lapins immunisés par des cultures mortes et n'ayant pas acquis, de ce fait, limmunité, ainsi que dans le sérum des lapins immunisés par de cultures vivantes et ayant acquis l’immunité, il devient évident que l’immunité des lapins contre le b. suipesticus a lieu indépendamment du degré de l’action pré- ventive du sérum. Ceci s’accorde avec les conclusions auxquelles était arrivé Citron qui, comme cela a été indiqué plus haut, avait étudié l’im- munité des lapins immunisés par des oppressines et des extraits du b. suipesticus. En terminant, je dois exprimer ma profonde reconnaissance à M. le prolesseur Metchnikoff, pour les conseils qu’il a bien voulu me donner et pour les différentes races de microbes-types qu’il a mises à ma disposition. Je prie M. Besredka de vouloir bien agréer ma vive gratitude pour le concours gracieux qu’il a bien voulu m’accorder et qui a facilité mes recherches. Influence de la concentration en saccharose su l'action paralysante de certains acides dans la fermentation alcoolique. Par M. er Mne M. ROSENBLATT (Travail du laboratoire de M. G. BERTRAND) Dans un mémoire publié antérieurement (1), nous (2) avons indiqué, pour certains acides, les concentrations limites qui paralysent complètement la fermentation alcoolique du saccha- rose. Toutes ces recherches ont été effectuées avec la même con- centration en sucre (1,25 0/0). Nous avons repris cette étude en faisant varier la dose de saccharose, afin de voir si la marche de la fermentation en serait influencée. Au cours de ces nouvelles recherches, dans lesquelles nous avons utilisé les acides sulfurique, azotique, acétique et oxalique, nous avons examiné 3 Cas : 19 Cas des acides aux concentrations limites déterminées anté- rieurement ; 20 Cas des acides aux concentrations très inférieures à ces doses limites ; 30 Cas des acides aux concentrations moyennes, comprises entre les deux précédentes. Les expériences ont été effectuées d’après le mode opéra- toire suivant :’ EN On préparait 3 séries de tubes à essais contenant chacun 10 c.c. de solu- tion acide, avec des concentrations différentes en saccharose, soit : 1,25 0 /0). 2,9 0/0; 5 0/0) 10 0 /0 et 12,5 0 /0. Chaque série de tubes était accompagnée (1) Annales de l'Institut Pasteur, t. XXIV, n° 3, p. 196. (2) Autrefois M. Rosenblatt et Mile M. Rosenband. CONCENTRATION EN SACCHAROSE 749 de tubes témoins contenant des quantités correspondantes de sucre dissous dans l’eau pure. Tous ces tubes contenaient en outre 100 milligrammes de levure de bière haute (1) et étaient placés daus un bain-marie réglé à + 28,50. Une série a été analysée après un délai de 40 heures, l’autre après 80 heures et la troisième après 200 heures; le sucre restant dans chaque tube était interverti, puis dosé par la méthode de M. Gabriel Bertrand (2), que nous avons employée dans nos études précédentes. Fe 10 Cas des acides aux concentrations limites. Pour des solutions de saccharose à 1,25 0 /0, 2,5 0/0 et 5 0 /0, les concen- trations limites sont restées les mêmes, nous avons trouvé en effet : Pour l'acide sulfurique "7/10 (3) ou 987,8 par litre = — azotique M9 —, 7 — — — — acétique m/2 — 30 — — — — oxalique MIO — 9 = Quand on augmente la quantité de sucre, ces doses d'acides deviennent insuffisantes pour arrêter toute fermentation; ainsi, à partir d’une concentration en sucre de 10 0/0, une petite pro- portion du saccharose (3 à 4 /00) subit la fermentation alcoolique. On n'arrête complètement l’action de la levure que si on augmente la concentration des acides; aussi bien pour la dose de 10 que 12,5 0 /0, il faut atteindre pour : L’acide sulfurique "7/5 où 1986 par litre — azotique M7 — 9 — — — Dacctique 222120) — — — .oxalique M/7 — 1281855 — — Ces résultats sont à peu près les mêmes, quelle que soit la durée de l'expérience; il n’y a pas eu de différence appréciable entre 40 h., 80 h. et 200 heures. 29 Cas des concentrations très inférieures à la limite. Soit pour l’acide sulfurique "/2,000 ou 08r,049 par litre — — — azotique "/1,000 — 08,063 — : — CENT O0 ET 00 — — —- oxaliquemm 60 "06180 2 D) après nos recherches antérieures (4) les acides n'avaient, à (1) De la même origine que dans les expériences antérieures, (2) Bull. Soc. Chim. de Fr., 3° série, t. XXXV, 1906, p. 12854 (3 ) Concentration en molécule-gramme par litre. Es = ) Loc. cit. 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ces concentrations, presque pas d’influence sur la fermentation. Nous avons reconnu aussi que les variations de la teneur en saccharose n’avaient pas non plus d’effet appréciable. Les quantités de sucre fermenté dans les tubes contenant les acides ne différaient que peu de celles de tubes témoins. Voici quelques expériences : SACCHAROSE SACCHAROSE DISPARU d. 19c.e. DE SOLUTION APRÈS 40 HEURES = ee EE employé Témoins avec l'acide sulfurique M/2000 avec l'acide acétique M/50 0 gr. 125 0 gr. 121 0 gr. 120 0 gr. 118 0 gr. 250 0 gr. 225 0 gr. 230 0 gr. 218 0 gr. 500 0 gr. 350 0 gr. 350 0 gr. 290 { gr. 000 0 gr. 460 0 gr. 440 0 gr. 400 1 gr. 250 0 gr. 510 0 gr. 500 0 gr. 440 Idem. sa PLDRES RER SL MONRR CLT 0 gr. 125 0 gr. 124 0 gr. 12% 0 gr. 123 0 gr. 250 0 gr. 240 0 gr. 240 0 gr. 240 0 gr. 500 0 gr. 408 0 gr. 400 0 gr. 360 1 gr. 000 0 gr. 550 0 gr. 550 0 gr. 535 1 gr. 250 0 gr. 680 0 gr. 630 0 gr. 620 lidem. Idem. Après 200 heures. > nn = 0 gr. 125 0 gr. 124 0 gr. 124 0 gr. 123 0 gr. 250 0 gr. 242 0 gr. 242 0 gr. 240 0 gr. 500 0 gr, 428 0 gr. 400 0 gr. 380 4 gr. 000 0 gr, 630 0 gr. 589 0 gr. 085 1 gr. 250 0 gr. 710 0 gr. 695 0 gr. 630 30 Cas des concentrations moyennes comprises entre les deux précédentes, soit : Pour l'acide sulfurique "M/100 ou 08r,980 par litre — — azotique M/500 — 05126 — — _ — acétique MIO — 6000 — — — — oxalique M7/200 — 0,450 — — Dans ces conditions une partie notable du saccharose (de 30 à 80 0 /0) subissait la fermentation. En augmentant la concentration en sucre, les quantités de saccharose fermenté n’augmentent que peu. La protection de la levure contre l’action empêchante des acides est moins grande que dans les cas précédents, mais elle reste encore très nette comme on peut s’en rendre compte par les expériences suivantes : CONCENTRATION EN SACCHAROSE 191 SACCHAROSE SACCHAROSE DISPARU d.10 c. ce. DE SOLUTION APRÊS 40 HEURES PS ES =—— employé. Témoins. Avec PRET azot. Ac. acét, Ac. oxal, M/100 M/500. M/10 M/200 0 gr. 125 0 gr, 121 0 gr. 035 O0 gr. 410 O0 gr. 035 0 gr. 086 0 gr. 250 O0 gr. 225 O0 gr. 044 O0 gr. 195 O0 gr. 050 O0 5r. 098 0 gr. 500 0 gr. 350 0 gr. 052 O0 gr. 214 O0 gr. 068 O0 gr. 140 1 gr. 000 0 gr. 460 O0 gr. 104 O0 gr. 274 0 gr. 404 0 gr. 140 1 gr. 250 0 gr. 510 O0 gr. 1430 O0 gr. 350 O0 gr. 120 0 gr. 130 Idem Idem après 80 heures. 0 gr, 125 OS A22000rer. 063 0er 4212. 08r 073 0 sr0140 0 gr. 250 0 gr. 240 OO gr. 074 O0 gr. 214 0 gr. 102 O0 gr. 146 0 gr. 500 0 gr. 408 O0 gr. 099 . O gr. 267 . O0 gr. 188 0 gr. 130 4 gr. 000 0 gr. 550 O0 gr. 135 O0 gr. 350 0 gr. 200 0 gr. 130 4 gr. 250 0 gr. 680 O0 gr. 130 O0 gr. 420 0 gr. 205 0 gr. 130 ss Idem. Après 200 heures. E 0 gr. 125 0 gr. 424 O0 gr. 124 O0 gr. 193 O0 gr. 109 O0 gr. 124 0 gr. 250 0 gr. 242 OO gr. 240 O0 gr. 212 O gr. 160 O0 gr. 240 0 gr. 500 0 gr. 498 O0 gr. 260 O0 gr. 344 O0 gr. 247 0 gr. 330 1 gr. 000 0 gr. 630 O0 gr. 252 O0 gr. 520. O0 gr. 536 0 gr. 342 4 gr. 250 Ogre. 7410 O0 gr. 340 0 gr. 620 Ogr. 575 0 gr. 350 Ainsi, aux doses d’acides suffisamment élevées pour arrêter complètement la fermentation d’une solution faible en sucre, on trouve que le saccharose protège dans une certaine mesure les cellules de la levure contre l’action empêchante de l’acide, autre- ment dit que la dose limite d’acide augmente avec la concentra- tion en sucre. Au contraire, aux doses d’acides suffisamment étendus pour être à peu près sans action sur la fermentation alcoolique des liquides peu sucrés, il n’y a plus d'action appréciable du saccha- rose. Enfin, aux concentrations intermédiaires d’acides, l’influence protectrice du sucre se fait sentir, mais d’une manière moins nette que dans le cas des concentrations limites. On peut résumer tous ces résultats en disant que le sucre protège la levure contre l’action des acides ; mais que cette action, d’autant plus grande que la quantité de sucre est plus forte, ne devient appréciable qu’à partir d’une certaine dose d’acide, elle est maximum au voisinage des doses limites d’acide qui arrêtent complètement la fermentation alcoolique. On arrive à constater, dans ce dernier cas, qu’il faut employer deux fois plus d’acide sulfurique et 4 fois plus d’acide acétique quand il y a 10 0/0 de sucre, au lieu de 1,25. Le Gérant : G. MAssox. Sceaux — Imprimcrie Charaire 24e ANNÉE OCTOBRE 1910 N° 10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Madame PASTEUR Me Pasreur s’est éteinte à l’âge de 84 ans, le vendredi 23 septembre, à Arbois, Jura. Elle fut, pour le fondateur de la microbiologie, une com- pagne incomparable; c’est un devoir pour nous de lui rendre un suprême hommage dans ces Annales, placées sous le patro- nage de son illustre mari. Nous reproduisons ici quelques passages du discours pro- noncé par M. Roux, à ses obsèques. La Répacriox. Mne PAsTEUR restera comme le modèle de la femme du savant; et c’est le plus bel éloge qu’on en puisse faire. Car, pour mériter ce titre, il ne suffit pas d'aimer son mari et de supporter avec lui les bons et ies mauvais jours, il faut être dévouée jusqu'au renoncement et ne jamais s’offenser de ce que la Science soit dominatrice ; il faut assumer les soucis du ménage afin de laisser à l'époux sa liberté d’esprit pour les recherehes et avoir l'intelligence de comprendre la portée de celles-ci. La femme du savant doit encore possé- der la patience, l'équilibre du caractère, la bonne humeur et la süreté de jugement d’une bonne conseillère. Enfin, lorsque surviennent ces déconve- nues douloureuses, fréquentes, même dans la carrière des plus grands hommes, elle doit trouver la force d’âme capable de réchauffer le courage et de remonter l’ardeur. Cette tâche si délicate et si difficile, Mme PAsreur l’a remplie entièrement et avec simplicité. On a pu dire justement qu'elle a été pour son mari la meilleure des compagnes en même temps que le plus utile de ses collabora- teurs. Il semble vraiment que cette union prédestinée ait été réalisée en vue des grandes choses que Pasteur avait à produire. 154 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Mne Pasreur a été admirable pendant la période laborieuse où le maitre a édifié son œuvre extraordinaire ; elle l’a été plus encore au moment du triomphe, quand de toutes parts ont afflué des honneurs sans précédents: elle a noblement porté sa part de gloire tant elle avait de bon sens et de modestie naturelle. Mune PAsTEUR a mérité la reconnaissance universelle pour la part qu’elle a prise à l'œuvre de son mari, mais elle a droit à la vénéralion des disci- ples du maître et à celle de tous les membres de l’Institut Pasteur à cause de la bienveillante bonté qu’elle n’a cessé de leur témoigner. Comment oublie- rions-nous la bonne grâce avec laquelle elle nous à accueillie dès notre arrivée au laboratoire, l'intérêt qu'elle a toujours pris à nos travaux, la sollicitude qu'elle a constamment manifesté à nos proches, nous donnant ainsi l'impression que cet Institut forme une vaste famille? Cette action bien- faisante, elle l’a exercée jusqu'à la fin. Aussi est-ce avec une douleur filiale que je lui adresse, au nom de tous les Pastoriens, ce suprême hommage. Etudes sur la flore intestinale, DEUXIÈME MÉMOIRE } POISONS INTESTINAUX ET SCLÉROSES par Eute METCHNIKOFF Avec les pl. XI, XII, XIII. L'hypothèse que les nombreux microbes qui pullulent dans nos intestins constituent une source de danger permanent, a servi de point de départ à nos Techerches sur la flore intestinale, dont le présent mémoire ne constitue qu’un chapitre. Dans un travail précédent, J'ai développé cette thèse que, parmi la population si variée de nos organes digestifs, se rencon- trent au moins trois espèces de bactéries anaérobies capables de produire des poisons d’une grande violence. IT a été démontré que ces sécrétions bactériennes amènent la mort des animaux de laboratoire à brève échéance, mais il n’a pas été possible jus- qu'à présent de constater, sous leur imfluence, des lésions chro- niques, comparables à celles que subit lorganisme dans sa déchéance précoce. Dans ces conditions, il était tout indiqué de rechercher si certaines autres substances d’origine bactérienne, produites dans le tube intestinal et résorbées dans la circulation générale, n'étaient pas capables d'amener des troubles analogues à ceux que l’on rencontre dans la vieillesse. Nous nous sommes adressé d’abord aux substances de la série aromatique, au sujet desquelles la science possède déjà beaucoup de notions précises. Depuis longtemps il a été établi que l'urine de Fhomme et d'autres mammifères renferme plusieurs de ces substances, no- tamment l’indoxylsulfate de potassium, le paracrésylsulfate de potassium et le phénylsulfate de potassium. 756 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR L'indol et les phénols qui en forment le noyau proviennent du tube digestif, où ils sont produits par les nombreuses bacté- ries de la flore intestinale. Ce résultat a été plusieurs fois attaqué. On a supposé que les mêmes substances pouvaient être produites à la suite de la diges- tion normale des albuminoïdes, sans aucun concours des microbes. Mais l’examen de l’urine des jeunes cobayes élevés par NuTrALL et THIERFELDER dans des conditions rigoureusement asep- tiques, ont démontré l’absence totale des substances dénommées de la série aromatique et ceci, malgré lPutilisation par lorga- nisme d’une grande quantité d’albuminoïides, telles que la caséine. Ces résultats ont été récemment corroborés par les recherches de A. BERTHELOT (1) sur l’urine des roussettes. Ces chauves-souris, qui se distinguent par une pauvreté extraor- dinaire de leur flore intestinale, ne contiennent dans leurs excréta ni indican, riscatoxyle, ni phénols. La question de savoir quelles sont les espèces bactériennes qui produisent ces substances n’est pas encore définitivement résolue. On sait cependant qu’un certain nombre de microbes de la flore intestinale de Fhomme produisent de lindol. La première place parmi eux est occupée par le colibacille, cet hôte constant du tube digestif. À côté de lui se range le Bacillus lactis aerogenes qui se trouve presque toujours dans les intestins de l’homme, ainsi que le bacille de Welch (perfringens) qui est constant dans le contenu intestinal de l’homme adulte et très répandu chez l’en- fant. Le Bacillus sporogenes, des plus fréquents dans l'intestin de l’homme et des animaux, est capable aussi de produire de lin- dol (2). Les Staphylocoques pyogènes et le Proteus, qui tous les les deux se rencontrent souvent dans la flore intestinale humaine, sont aussi des producteurs de cette substance. Pour ce qui est de l’origine des phénols, nos connaissances bactériologiques actuelles sont moins complètes. IT a été établi par Tissier et MaRTELLY que le bacille de Welch, que je viens ce mentionner, constitue une source de phénols, de même que le Proteus. Le colibacille est considéré par certains observateurs comme capable de donner naissance à des phénols. D’autres (1) Ces Annales, 1909, décembre. (2) A. BERTHELOT, ces Annales, 1909, p. 87. FLORE INTESTINALE 157 savants l’ont cependant cherché vainement dans des cultures artificielles. Dans l'intention d’éclaireir ce problème d’une si haute impor- tance, j'ai demandé à M. Dosroworsky (1) de l’étudier avec un soin tout particulier. Sur toute une série de colibacilles qu’il a pu se procurer, il n’a trouvé que deux races de Bacillus paracoli, isolées par Tissier chez des enfants atteints de diarrhée, capables de produire des quantités tant soit peu notables (0,023 et 0,018 par litre de culture dans du bouillon peptoné) de phénols. Parmi les colibacilles proprement dits, quatre échantillons ont donné dans le même bouillon des quantités appréciables (0,002; 0,003; 0,001 ; 0,001) de ces substances, tandis que trois autres n’ont pas permis d'en déceler la moindre trace. Il n’en reSte pas moins vrai que le colibacille, cet hôte constant de notre flore intestinale, doit être rangé dans la liste des producteurs non seulement de l’indol, maïs aussi des phénols. Il est très probable que, dans l'avenir, le nombre des microbes du tube digestif, capables d’engerdrer des corps de la série aro- matique, se trouvera encore augmenté. Des travaux nombreux et concordants ont établi que l’'indol et les phénols, préparés par les bactéries intestinales aux dépens de la nourriture et des sécrétions du tube digestif, su- bissent dars l’organisme des modificatons profondes qui ont leur siège particulier dans le foie. Transformés en indoxylsulfate de potassium, en paracrésylsulfateeten phénylsulfate de potassium, les corps aromatiques sont finalement excrétés par les reins. Ce n’est cependant que la moitié environ de ces substances qui passe des intestins dans l'urine. D’après les recherches de plusieurs obser- vateurs (SCHOFFER, TAUBER, AUERBACH, MUNK), une partie des phénols ingérés est brûlée dans l'organisme. Chez le chien, la moitié seulement des phénols administrés par la bouche se retrouve dans l'urine, sous forme de sulfo-conjugués ou en com- binaison avec l’acide glycuronique. Chez le cheval, seulement 46 0 /0 de phénols ingérés peuvent être décelés dans l’urine. D’après les recherches de Muxx (2), l’homme normal, nourri de la façon ordinaire, excrète de 17 à 51 milligrammes de phénols (1) Ces Annales, 1910, p. 60. (2) Archio f. d. gesammte Physiologie, vol. XII, 1876, p. 145. 158 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dans les 24 heures. Dans certaines maladies, cette quantité aug- mente notablement, pour atteindre son maximum dans l’em- pyème fétide, où elle atteint 630 milligrammes d’après BRIEGER (1). La quantité d’indican dans l'urine rormale de homme est à peu près pareille à celle des phénols, mais dans les maladies elle n’atteint jamais les fortes proportions de ces derriers. Le maximum de l’indican a été évalué à 154 milligrammes pour un litre d'urine. La question qui nous intéresse 1c1 d’une façoa toute particu- lière est de savoir si l’indol, les phénols et leurs dérivés sulfo- conjugués, doivent être rangés parmi les poisons capables de contribuer à l’auto-intoxication de l'organisme. Autrefois on résolvait souvent ce problème dans le sens positif. C’est ainsi que, dans ses Leçons sur les auto-intoxications (Paris, 1887, p.99), BoucHaRrp affirme que. « l’indol, le scatol, le crésol, le phénol, les hydrogènes carbonés sont tous toxiques. Tous peuvent et doivent contribuer pour leur part à la toxicité des matières putri- des prises en bloc ». Mais il ne manquait pas de voix dans le sens contraire. On pensait que les corps aromatiques, dans la propor- tion où ils sont produits dans le tube digestif, sont inoffensifs par eux-mêmes et, en plus, on admettait qu’en combinant l’indol et les phénols avec les acides sulfurique et glycuronique, l’orga- pisme leur enlevait tout pouvoir toxique. Il est devenu classique de répéter que le phénylsulfate de po- tassium est absolument inoffensif pour l'organisme. Dans les traités de toxicologie (KunkeL; Kogerr, 2e édit. vol. II, p. 127) cette notion est appuyée par lautorité de BAUMANNX et son élève STOLNIKOW. Or, les recherches de ces savants sont loin d’avoir résolu le problème d’une façon suffisante. Dans son travail sur les sulfoconjugués, BAUMANN (2) rapporte le fait suivant : « En pos- session de 2,6 grammes de phénylsulate de potassium pas très pur, je l’ai administré à un lapin par voie stomacale; l'animal n'en ressentit pas le moindre symptôme. Le sel potassique à pu être retrouvé en grande quantité dans son urine. » (P. 300.) On voit facilement que, dans cette expérience, les conditions ne correspondent guère à celles des phénomènes naturels. Dans (1) Zeitschrift f. physiologische Chemie, vol. IT, 1878, p. 241. (2) PrLücer, Archio. f. die gesammte Physiologie, vol. XIIT, 1876, p. 285. FLORE INTESTINALE 759 ceux-ci, le phénylsulfate de potassium est produit, non pas dans l'estomac ni dans les intestins, mais bien dans le foie, d’où il passe dans la cireulation. Il aurait done fallu, pour la solution du pro- blème, introduire le sel potassique, soit directement dans le sang, soit dans les tissus ou les cavités de l'organisme. Les recherches de STozniKow (1), que l’on cite couramment, peuvent encore moins être invoquées en faveur de l’innocuité du phénylsulfate de potassium. Ses expériences n’ont été exécutées que sur des grenouilles, animaux trop distants de l’homme et des mammifères, qui intéressent particulièrement la science médicale. Et encore Srocnikow ne conclut nullement à l’absence d’action toxique du sel potassique. Il a pu au contraire empoisonner ses grenouilles et même leur donner la mort avec des doses plus élevées. Etant donné l’état imparfait des connaissances actuelles, il a fallu entreprendre de nouvelles expériences sur le sujet. Nous aurions préféré opérer avec le paracrésylsulfate de potassium, vu que la plupart des phénols urinaires de l’homme et des mammi- fères sont constitués par le paracrésol. Mais il nous a été impossi- ble de nous procurer cette substance. Par contre, nous avons pu obtenir de la fabrique de KAHLBAUM à Berlin une quantité suffi- sante de phénylsulfate de potassium. Purifié chimiquement parles soins de M. ALBERT BERTHELOT, ce sel (2), en solution aqueuse, a été introduit dans la veine et sous la peau de lapins, ainsi que sous la peau de cobayes, rats et souris. De tous ces animaux c’est le lapin qui s’est montré le plus résistant. La dose de 1,15, corres- pondant à la dose mortelle de phénol, ne s’est, montrée capable de donner la mort qu’à de jeunes lapins au-dessous de ! kilo, aux- quels la solution était injectée dans la circulation. En injection sous-cutanée, l'effet n’a été que passager. La même dose, injec- tée à deux reprises sous la peau (en tout 2,3 grammes), a provo- qué la paralysie des pattes postérieures, terminée par la guérison. Les cobayes se sont montrés plus sensibles au phénylsulfate de potassium. Un gros cobaye de 550 grammes est mort dans espace de douze heures à la suite d’une injection sous-cutanée de (1) Zeitschrift f. physiologische Chemie, vol. VIII, 1883-1884, p. 272, 275. (2) Ce corps étant extrêmement instable a été utilisé aussitôt après la purification et avant chaque série d'expériences nous avons vérifié qu’il ne renfermait, à l’état libre, aucun de ses produits de dédoublement, 160 : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 0,57 de ce sel. Cette même dose est la dose minimale mortelle pour un rat adulte. La souris adulte manifeste des signes d’intoxi- cation grave après 0,035 sous la peau, mais la dose sûrement mor- telle pour cet animal est de 0,07 gramme. On voit, de tout cet ensemble de faits, que le phénylsulfate de potassium, bien que sensiblement moins toxique que le phé- nol pur, est loin d’être inoffensif, comme on le professe Pabituel- lement. Sans parler d'action chronique, ce sel est capable d'amener l’empoisonnement aigu, suivi de la mort à brève échéance, chez les mammifères de laboratoire. L’innocuité de l’mdoxylsulfate de potassium est admise d’une façon générale. On pense même que la substance mère de ce sel, l’indol, n’exerce aucune action toxique. PORCHER et HERVIEUX (1) ont constaté que... « les animaux d’expériences supportent très bien des doses de 1 gramme et 2 grammes et même 2,5 gram- mes d’indol ». Ces auteurs administrent «également et sans le moin- dre inconvénient des doses semblables de scatol et de méthylké- tol». De là ils concluent «que l’indol et le scatol ne doivent pas être compris parmi les facteurs de la toxicité des produits de la di- gestion intestinale ». Mais les expériences de PorcHER et HER- VIEUX ne prouvent que l'incapacité de l’indol à provoquer l’in- toxication aigue. Or, il est important d'établir si cette substance, de même que les autres corps de la série aromatique, ne serait pas en état de produire un empoisonnement lent de l’organisme. Dans cet ordre d’idées, nous pouvons citer le travail de Ro- viGxi (2), exécuté en 1897, dans lequel il rapporte qu’à l’aide de l’indol, du scatol et du phénol, il a réussi à obtenir dans le foie des lapins et des cobayes une stase sanguine, de même que des changements cellulaires, ainsi qu’une infiltration par des petites cellules. A l’époque où l’antisepsie chirurgicale par le phénol était en grande vogue, on a eu à maintes reprises occasion d'observer des cas d'intoxication chronique par ce médicament. Des chirurgiens qui usaient souvent de pansement et de spray phéniqués, éprouvaient un état de malaise qui les obligeait à in- terrompre leur travail. KüsrEer (3) a décrit sous le nom de « ma- —— — — (1) Journal de Physiologie et de Pathologie générale, 1906, vol. VIII, p. 843. (2) Il Morgagni. (3) TArchio. f. klinische Chirurgie, Berlin, 1879, vol. XXIII, p. 140. FLORE INTESTINALE 761 rasme phéniqué » une affection chronique résultant de l'emploi répété de phénol. Le chirurgien FALKsON (1), à la suite du séjour au voisinage du spray phéniqué dans une salle d'opération, a trouvé plus de deux grammes (2,0655) de phénol dans son urine de 24 heures. Le lendemain et deux jours plustard, malgréle repos complet, son urine renfermait encore une quantité exagérée de de cette substance (1,3056 et 0,6543). Le premier jour il se sen- tait fatigué et éprouvait un léger mal de tête, accompagné d’ab- sence d’appétit et d’irritation de la gorge. Le célèbre chirurgien CZERNY (2) a beaucoup insisté sur le danger de l’antisepsie phé- niquée en chirurgie et a signalé la néphrite chronique comme une de ses conséquences possibles. On a supposé que certains opéra- teurs sont morts victimes du marasme phéniqué. «| Il est vrai que quelque savants, comme KunKket, ont fait des réserves au sujet de ce marasme, mais à tort, car cet état morbide existe réellement. Actuellement, depuis l'abandon de l’antisepsie phéniquée en chirurgie, les cas d’empoisonnement chronique parmi les médecins ont disparu, maïs je connais des chirurgiens de l’ancienne génération qui ont éprouvé des troubles en soignant leurs malades. par la méthode listérienne. Le marasme phéniqué se rencontre quelquefois en dehors de toute chirurgie. J’emprunte à la monographie de Josu£ (3) le cas suivant. « Il s’agit d’un homme de 50 ans qui présentait des signes très prononcés d’artério-sclérose. Cet homme, partant d'idées théoriques, ingérait tous les jours, pendant de longues années, de petites quantités d’acide phénique pour éviter les ma- ladies infectieuses en pratiquant l’antisepsie interne. Cette médi- cation inutile et prolongée a certainement exercé une action no- cive sur les artères du malade. » Etant donné que les bactéries intestinales ne produisen* en somme que des petites quantités de corps de la série aromatique, leur influence sur l'organisme ne pourrait se manifester que sous forme d’intoxication chronique. Pour que celle-ci se réalise, il est indispensable que les phénols et l’indol soient capables d'exercer une action cumulative. Pour ce qui concerne le phénol, ce résultat découle des observations des eliniciens qui ont constaté la dispa- (1) Zbid., 1881, vol. XXVI, pp. 216, 217, 227. (2) Wiener medicinische Wochenschrift, 1882. (3) Traité de l’artériosclérose, Paris, 1909, p. 108. / 762 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rition lente de cette substance de urine des malades traités par la méthode listérienne. (FALKSON, L. c., p. 226). Mais, pour résoudre le problème d’une façon précise, nous avons dû recourir à l’expérimentation. Dans ce but nous avons fait ingérer à des lapins, des cobayes et à quelques macaques de petites quantités de phénols, incapables de provoquer des accidents aigus. Dans la majorité de nos expériences, nous nous sommes servi de solution aqueuse de paracrésol pur, que nous avons reçu de la fabrique de SCHUCHARDT à GŒRLITZ. Des lapins adultes pesant de 2 à 3 kilos reçurent tous les 2 jours 2 €. c. de solution de paracrésol à 2 0 /0. Comme cette quantité de substance (0,04) n’exerça aucune influence nuisible sur nos animaux, nous leur donnions quel- quefois des doses plus fortes, de 3-5 c. c. I s’est trouvé que plusieurs de nos lapins sont morts au cours de l’expérience, d’une pleuropneumonie qui se développa à la suite de rhinite. Un certain nombre d’animaux ont été sacri- fiés au cours du traitement par le paracrésol, tandis que d’autres étaient gardés pour suivre les résultats pendant un temps plus long. Notre attention a été dirigée principalement sur Paorte, dans le but d'établir si les petites doses de paracrésol sont capables de provoquer des lésions appréciables de cet organe. Sur 36 lapins soumis à l’expérimentation, 22 présentèrent dans la crosse de leur aorte des altérations visibles, accompagnées dans la plupart des cas de dépôts calcaires dans la tunique moyenne, Ce n’est que dans des cas rares que nous avons pu reconnaître des lésions aortiques étendues, constituées par une série de pla- ques de dimensions considérables, amenant une grande rigidité de l’aorte. Le plus souvent il s'agissait seulement d’une ou de deux plaques semblables à ceiles que l’on observe dans l’athérome des lapins provoqué par l’adrénaline ou par une série d’autres substances nocives. (PI. XI, fig. [.) , Quelquefois la lésion présentait des particularités intéressantes. Au lieu d’une plaque circonscrite, on pouvait distinguer (PI. XI, fig. 2) une infiltration de la tunique moyenne par des cellules pe- tites provenant sans doute d’une inflammation des pasa vasorum. Ces amas se trouvaient interposés entre les lamelles du tissu élas- tique et présentaient une grande analogie avec le stade initial de la cirrhose du foie. En tout nous avons obtenu chez nos lapins dans 61 0 /0 de cas des lésions de l’aorte, résultat quipourrait paraître insuffisant. Mais FLORE INTESTINALE 163 cette impression changera dès que l’on voudra bien approfondir l'examen des faits. Nous avons divisé nos lapins en trois catégories, selon la durée de l'expé- rience. Sur 15 lapins qui ne reçurent le paracrésol que pendant un mois, quatre seulement présentèrent l’athérome aortique, tandis que parmi 12 lapins traités pendant environ 2 mois (de 30 à 56 jours), 9 ont été porteurs de cette lésion, ce qui correspond à 75 0 /0. Enfin, 9 lapins de la troisième catégorie, soumis au paracrésol pendant une période variant de 57 à 117 jours, ont présenté, tous sans exception, des plaques athéromateuses. Le lapin dont l’expérience a duré le plus longtemps (117 jours) a reçu, pendant tout cet espace de temps,'en tout 176 c. c. de solution, c’est-à-dire 3,52 de para- crésol. Il a été sacrifié en bon état et a été trouvé porteur de trois plaques bien nettes dans la partie supérieure de Paorte. Contre cette série d'expériences avec les lapins, on pourrait peut-être soulever deux sortes d’objections. Le fait que les lésions aortiques marchent de pair avec la durée de l'expérience, ne dé- pendrait-il simplement pas de la période de temps plus longue pendant laquelle les lapins ont été gardés en captivité? Il est facile d’écarter cette objection en signalant que même le séjour beaucoup plus prolongé des lapins dans des cages n’amène guère le développement de plaques athéromateuses. Nous avons, sans succès, gardé pendant de longs mois des lapins, traités avec des do- ses non mortelles de toxines des microbes intestinaux, dans l’es- poir de saisir chez eux des lésions aortiques. Nous avons aussi constaté leur absence complète chez une vieille lapine gardée dans une cage pendant plus d’un an. Une autre objection pourrait viser le fait que les lapins sont en général assez sujets à l’athérome spontanée. Ainsi, d’après les re- cherches de WEINBERG (1), exécutées précisément à l’Institut Pas- teur,sur 692 lapins, 48 ont été porteurs de lésions aortiques, ce qui fait une moyenne de 6,1 0/0. Dans un lot de lapins neufs et jeunes, destinés à l’alimentation, la proportion n’était que de 4 0 /0, tan- dis que dans un autre lot destiné au même usage elle a atteint son maximum de 19 0/0. Parmi 130 lapins ayant servi à toutes sortes d'expériences à l’Institut Pasteur, ils’en est trouvé 9 at- teints d’athérome aortique, ce qui correspond à 6,1 0/0. Nous (1) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1908, p. 561, 5 décembre. 7164 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR voyons d’après ces chiffres que la proportion des lapins soumis à l'absorption du paracrésol a été, dans nos expériences, dix fois plus forte, c’est-à-dire de 61 0/0 de cas d’athérome. Il est donc bien permis d'admettre que les phénols, en cumulant leur ac- tion pendant plusieurs mois, sont réellement capables de provo- quer l’artériosclérose chez le lapin. Dans le but d'établir si ce résultat ne s'applique qu’à une es- pèce de mammifères particulièrement apte à contracter des lé- sions aortiques, nous avons fait une série d’expériences avec le cobaye, qui se distingue précisément par la résistance du système artériel. Ainsi WEINBERG, sur 236 cobayes examinés, n’a pas pu trouver «un seul cas d’athérome ». (L. c., p. 563.) Une série de 10 gros cobayes, pesant entre 540 et 700 grammes, ont été soumis à l’action du paracrésol, qu’on leur faisait ingérer d’abord tous les 2 et ensuite tous les 3 jours par doses de 2 c. c. de la solution de paracrésol à 2 0/0. Quatre de ces animaux moururent de maladies intercurrentes pendant le 4er mois du traitement. Les 6 autres vécurent plus longtemps. Le dernier des survivants, un cobaye de 700grammes, a été soumis au paracrésol pendant 4 mois, ayant reçu en tout 1,56 grammes de cette substance. Au moment où il a été sacrifié, il pesait 650 grammes, c’est-à-dire qu’il accu- sait une perte de poids insignifiante. Son état de santé était parfait et les organes internes ne présentaient aucune lésion macroscopique. L’aorte a été trouvée, de même que chez les 9 autres cobayes, à Pétat normal, tandis que le foie manifestait des lésions incontestables. Sur les coupes, pratiquées dans les diverses régions de cet organe, on pouvait nette- ment distinguer des foyers de cirrhose débutante. (PI. XI, fig. 3.) À côté des petits amas de cellules mononucléaires, distribués autour des vaisseaux sanguins, ainsi qu'autour des conduits biliaires (a,a) se trouvaient de grandes agglomérations cellulaires (fig. 3, b) dans lesquelles on pouvait reconnaître des éléments mononucléaires, ainsi que des leucocytes polynucléés et un grand nombre d’éosinophiles. Il va sans dire que chez le cobaye normal rien de pareil n’a pu être révélé. L’épaisseur des artères a été trouvée la même chez le cobaye traité par le paracrésol et chez le cobaye normal de même taille. L La résistance des artères chez le cobaye s’est donc maintenue dans nos expériences conformément à l'absence totale d’athérome spontané chez cette espèce de rongeur. Etant donné la différence frappante entre la sensibilité du système artériel chez le lapin et le cobaye, nous avons voulu com- plèter la série de nos recherches sur un mammifère supérieur, beaucoup plus rapproché de l’homme que les rongeurs. Un singe (Macacus cynomolgus) a reçu pendant un peu plus de 2 mois de FLORE INTESTINALE 765 la solution de paracrésol à 20 /0 par la bouche. Il en buvait au commencement 2 c. c. tous les 2 jours. Bientôt après, comme ces petites doses étaient bien supportées, le macaque recevait 3 c. c. de la même solution tous les 2 jours. L'état général du singe se maintenait très bien, de sorte qu’un mois après le début du traitement,son poids avait augmenté de 250 grammes (1,900 au commencement de l'expérience, 2,150 grammes après 39 jours). Après avoir bu 87 c. ce. (1 gr. 74 de paracrésol) dans l’espace de 68 jours, le macaque mourut subitement. L’autopsie ne démontra aucune lésion macroscopique des organes. L’aorte se présenta indemne. Mais au microscope 1l a été révélé des lésions très intéressantes du système vasculaire. Les artères du cerveau (pl. XI, fig. 4) se distinguaient par la rigidité et l’épaississement ; le foie accusait une infiltration périvasculaire intense et très nette (pl. XII, fig. 6); les reins présentaient une sclérose artérielle manifeste (pl. XIII, fig. 8). Cette expérience avec le singe, interrompue trop tôt pour obtenir des lésions de l'aorte, prouve néanmoins l’action nuisible du paracrésol sur le système artériel en général. L'étude des organes de singes a été confiée au docteur On- KOUBO, élève du professeur CHrari. Ce savant japonais, qui s’est distingué par plusieurs travaux intéressants,s’est chargé dans mon laboratoire d'étudier l'effet que produisent lindolet lescatolsur lor- ganisme. Après plusieurs mois de recherches laborieuses, OHKOUBo arriva à des résultats importants. Son travail était terminé et les figures qui devaient accompagner son mémoire étaient déjà pré- tes, lorsqu'il fut brusquement emporté pendant la convalescence d’une fièvre typhoïde à marche légère, contractée pendant son séjour à Paris. Malheureusement, OHKkouBo n’a pas laissé de manuscrit, de sorte que je ne puis rapporter ses recherches que d’une façon très sommaire, en attendant qu'un autre anatomo- pathologiste reprenne le même travail. Parallèlement à mes expériences avec le paracrésol, Ox- KOUBO faisait ingérer à ses animaux des petites doses d’indol et de scatol. Mais, étant donné la faible solubilité de ces corps aroma- tiques, il les administra à ses animaux — lapins et cobayes — avec de l’huile d'olive. Le résultat de ses expériences a été très net. Tandis que le sca- tol, même après des mois, n’amenait que des lésions d'organes insignifiantes, l’indol s’est montré capable de provoquer l’athé- rome aortique chez le lapin. En plus, l’indol donnait lieu, chez les deux espèces de rongeurs, à une infiltration par des cellules mononucléaires des espaces périvaseuiaires du foie, avec hypertrophie consécutive du tissu 766 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR libreux. Des lésions de même ordre, bien qu’en proportion plus faible, ont été observées dans les reins. On ne peut plus mettre en doute ce fait fondamental que des petites doses de paracrésol et d’indol, accumulant leur action sur l'organisme pendant un temps plus ou moins long, sont capables d'amener des lésions chroniques, se traduisant par des phéno- mènes de sclérose, Ce sont précisément les lésions que lon rencontre si fréquem- ment dans la vieillesse. dl Depuis une série d'années, J'ai émis l’hypothèse que notre flore intestinale pourrait bien être la source des modifications de l'organisme qui amènent la sénilité précoce (1). Certains faits, tels que l’artériosclérose si étendue dans la maladie «entéké » des veaux de l’Argentine, ou les lésions artérielles à la suite de la fiè- vre typhoïde, faisaient entrevoir un rapport entre certains mi- crobes vivant dans le tube digestif et l’artério-sclérose si fré- quente dans la vieillesse, mais il s'agissait dans ces cas de bacté ries pathogènes, étrangères à la flore intestinale normale. Je n’ai pas caché l'absence d'arguments précis capables de prouver l’exactitude de mon hypothèse, mais je plaidais la néces- sité de faire de nouvelles recherches pour la vérifier. Cette nécessité s’imposait d'autant plus que les connaissances médicales sur l’étiologie de lartériosclérose sont encore très im- parfaites. On admet généralement que la syphilis, Pabus de Pal- cool et du tabac, ainsi que l’intoxication par le plomb, consti- tuent des causes déterminantes de cette maladie. Mais il suffit de se rappeler que les animaux, tels que le lapin et le cheval, qui ne se sont sujets à aucune de ces sources d’artériosclérose, la ma- festent cependant assez fréquemment, pour se convaincre que l’homme aussi doit contracter des lésions artérielles ndépendam- ment des facteurs que nous venons d’énumérer. Aussi voyons-nous que, dans sa monographie de l’artériosclérose, EbGREx (2) compte un cinquième de cas environ, dans lesquels il lui a été impossible d’établir une cause quelconque. Par suite, il considère ces cas comme des exemples de « sclérose physiologique », inhérente à l’organisation de l’homme. (1) Sur la flore du corps humain, Manchester Mémoires, vol. XIV, 1901, n° 5. Etudes sur la nature humaine, 1903, p. 1309. : (2) Die Arteriosklerose, Leipzig, 1898, p. 118. FLORE INTESTINALE 167 HucnarD (1)et DuyarpiN-BEAUMETz attribuent les lésions aortiques, en dehors de celles qui dépendent des maladies chroni- ques (goutte, diabète, etc.) et de l’intoxication par certains poi- sons (plomb, etc.), caux excès et surtout aux erreurs de l’alimenta- tion. » De Flavis de ces cliniciens, ce sont surtout les pto- maïnes et les leucomaïnes, «substances toxiques sans cesse fa- briquées par l’économie » qui présentent une grande importance dans l’étiologie de l’artériosclérose. Guidés par leur expérience clinique, ces praticiens ont eu le pressentiment du rôle des facteurs qui tiennent au tube digestif. Seulement, il est peu probable que ce soient les ptomaïnes qui dé- terminent l’artériosclérose. Une de ces substances, la phényléthy- lamine, produite pendant la putréfaction de la viande, a été trouvée par DALE et Dixon (2) capable d’augmenter la pression sanguine d’une façon semblable à l’adrénaline. M. TCHERNOTSKY, dans un travail inédit de notre service, a démontré que, de même que cette dernière, l’isoamylamine, autre ptomaïne, n’est capable de produire l’athérome chez le lapin qu’à la suite d'injection intra- veineuse, l'introduction par la voie stomacale demeurant sans ré- sultat. Etant donné que les ptomaïnes des microbes intestinaux ne sont produites qu'en quantité minime, il est probable que leur rôle dans la genèse de l’artériosclérose est insignifiant ou nul. Les corps de la série aromatique, notamment les phénols et l’indol, produits en plus grande quantité et capables d’accumuler leur action pendant un temps très long doivent au contraire être considérés comme une des sources de cette « artériosclérose phy- siologique » dont parle EnGrex. Il est bieu entendu qu'il ne peut être question ici d’une conséquence du fonctionnement physiolo- gique de l'organisme, mais simplement de quelque action liée d’une façon presque générale à l’organisation normale de homme et des mammifères. Aussi avons-nous vu que les phénols et l’indol ne sont point des excréta de nos tissus, mais bien des produits des microbes qui se sont installés à demeure dans nos intestins. L’idée que notre tube digestif peut renfermer de façon cons- tante une flore nuisible, source d’empoisonnement chronique, amenant la sclérose des artères et d’autres organes pré’ieux, n’a (1) Trauté clinique des maladies du cœur et de l'aorte, vol. I, 1899, p. 181. (2) Journal of Physiology, vol. XX XIX, 1909, p. 25.7 768 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pas manqué de soulever de nombreuses objections. C’est sur- tout le pathologiste Huco Riggerr (1) qui a élevé la voix contre elle. Il la considère comme une idée creuse, sans aucun fondement scientifique, et s’appuie dans sa critique sur le fait que les intoxi- cations physiologiques sont logiquement inadmissibles et qu’il est inconcevable que les poisons intestinaux puissent être régulière- ment résorbés. RIBBERT regarde comme absolument fausse la supposition « que l'intestin normal résorbe des poisons de son contenu normal, ce contenu étant adapté aux conditions d’exis- tence de l’espèce ». Et cependant on sait depuis longtemps que, chez certains peuples primitifs, les vers intestinaux sont tellement fréquents qu'ils constituent pour ainsi dire une faune normale capable d’a- mener des troubles de la santé plus ou moins sérieux. Récemment encore Maris et LEGER (2) ont annoncé que, dans le Tonkin, tous les indigènes sans exception étaient porteurs d’entozoaires. Après les données que nous avons réunies dans ce mémoire, ce n'est plus une hypothèse, mais bien un fait établi, que certains mi-. crobes de notre flore intestinale normale (tels le Bacillus Welchu et le colibacille) produisent des poisons (phénols et indol), résor- bés par la paroi normale des intestins et capables d’occasionner des lésions graves de nos organes précieux (artères, foie, reins, ete.). Il me reste à dire quelques mots sur les moyens d'empêcher cette action nuisible des poisons intestinaux de la série aroma- tique. Tandis que les hommes qui mènent une vie rationnelle peu- vent se préserver sans difficulté de l'influence néfaste des poisons, tels que l’alcool, la nicotine et le plomb, ainsi que des poisons produits par le microbe de la syphilis, il leur sera beaucoup plus difficile d’empêcher, dans leur œuvre dangereuse, les microbes nuisibles de la flore intestinale. Dans cette voie,presque tout encore est à faire. Et cependant il existe déjà certaines indications sur la conduite à suivre. Les médecins praticiens conseillent un régime végétarien ou plutôt lactovégétarien, qui serait le meilleur préservatif des dégé- nérescences artérielles. (HucHARD, L.c., p.181.) Si on veut tenir (1) Der Tod aus Altersschwüche, Bonn, 1908, p. 33. (2) Bulletin de la Société de pathologie exotique, t., 11, 1909, p. 483-488. FLORE INTESTINALE 169 compte des conditions dans lesquelles sont produites les subs- tances de la série aromatique dans les intestins, on verra que ce sont les régimes exclusivement carnés ou exclusivement végéta- riens qui en fournissent les plus grandes quantités. Des recher- ches deBAuMANN (1)sur l’excrétion des sulfoconjugués par l'urine, il résulte que « la nourriture végétale provoque leur sécrétion en quantité plus grande. Chez les chiens nourris avec du lait, de la viande et du pain, elle atteint son minimum pour augmenter de nouveau avec la nourriture exclusivement carnée » (p. 287). Or, le taux des sulfoconjugués permet d'évaluer approximativement la quantité des corps aromatiques qui entrent dans leur composi- tion. À Ces données se trouvent en harmonie avec le fait que les mam- mifères herbivores, tels que le cheval et le lapin, subissent assez fréquemment l'atteinte de l’artériosclérose, de même que certains animaux carnivores, comme le chien. On a donc le droit de supposer que c’est le régime mixte, composé de produits végétaux et animaux, qui doit convenir le mieux pour empêcher le développement des lésions artérielles. Là-dessus, évidemment, 1l reste encore un grand nombre de points à établir par la méthode expérimentale. D'un autre côté,il existe déjà quelques faits qui laissent entre- voir l'utilité que l’on peut tirer de la lutte réciproque entre les microbes. Dans une série de recherches, on a établi le rôle pré- cieux des microbes lactiques pour empêcher les putréfactions intestinales, provoquées précisément par les microbes producteurs des poisons de la série aiomatique. Ainsi BELONOwskY (2) a trouvé que le bacille lactique bulgare empêche le colibacille d’at- taquer des matières azotées et de produire des substances de la série aromatique. Cultivé seul, le colibacille produit une faible quantité de phénols; développé en association avec le bacille bulgare, il ne les produit pas du tout. La quantité d’indol pro- duite par le colibacille, sous lir 1luence du bacille bulgare, diminue quelquefois jusqu’à des traces difficiles à révéler. Plus récemment, DoBrovorskyY (1. c.,p. 603) a confirmé le même résultat par rapport au bacille paracoli de TissiEr, qui s’est montré le meilleur producteur de phénols parmi les bactéries (1) Archuiv. f. d. gesammte Physiologie, vol. XIII, 1876, p. 285. (2) Biochemische Zeitschrift, vol. VI, 1907, p. 251. IS © 10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR intestinales. « La présence sim Itanée du bacille lactique dans un milieu de culture à presque supprimé la formation des phénols et a diminué considérablement celle de l’indol. » C’est dans cette voie qu’il faut espérer trouver la solution du problème de la suppression des poisons qui causent, à la longue, la sclérose de nos organes et, partant, l’usure précoce de notre organisme. EXPLICATION DES PL. XI. XII, XII] PI. XI. Fig. 1. — Plaque athéromateuse de l’aorte de lapin traité par le paracrésol et sacrifié 99 jours après le début de l'expérience; a, plaque cal- cifiée. Fig. 2. — Infiltration périvasculaire de l’aorte de lapin traité par le para- crésol pendant 90 jours. Fig. 3. — Coupe d’une partie du lobe terminal de foie de cobaye traité pendant 4 mois par le paracrésol; a, petits amas cellulaires autour des vais- seaux sanguins et des canaux biliaires; b, gros foyer cirrhotique. Fig. 4. — Coupe d’une partie de lPécorce cérébrale de macaque traité par le paracrésol. PI. XII. Fig. 5. — Coupe de foie normal de macaque (Macacus cyno- molgus). Fig. 6. — Coupe de foie de macaque de même espèce traité par le para- crésol. On voit, à plusieurs endroits, des amas de petits éléments mononucléés autour des vaisseaux sanguins et des conduits bilaires. PI. XIII. Fig. 7. — Coupe de rein normal de macaque. Fig. 8. — Coupe de rein de macaque traité par le paracrésol. Ses artères sont sensiblement épaissies. Les fig. 3 et 5-8 ont été exécutées d’après les préparations du DrOHKouBo. L'Hérédo-prédisposition tuberculeuse et le terrain tuberculisable Par A. CALMETTE (Conférence Internationale de La tuberculose. Bruxelles 5-8 octobre 1910) Aucun débat ne saurait être plus profitable à nos efforts de lutte antituberculeuse que celui qu'il s'agit d'engager sur cette grave question de l'hérédité et du terrain tuberculisable, car depuis trop longtemps des malentendus, plutôt basés sur l’imprécision du langage que sur l'interprétation différente des faits, laissent croire au public que nous sommes divisés en deux camps adverses : ceux qui croient à l'hérédité de la phtisie et ceux qui la nient. Remercions le professeur Landouzy d’avoir insisté pour que cli- niciens et expérimentateurs apportent ici, les uns leurs observations, les autres les résultats de leurs expériences et pour que nous nous mettions d'accord sur une formule qui exprime clairement la vérité scientifique. 11 convient en premier lieu de circonserire l'objet de notre dis- cussion. Celle-ci, à mon sens, ne doit point s'étendre à l'hérédité tuberculeuse acquise IN UTERO. Personne en effet ne conteste plus son existence ni sa rareté. Depuis les travaux de Landouzy et Hipp. Martin, de Chauveau, de Londe et Thiercelin, de Malvoz et Brouwier, d'Armanni, de Birch-Hirschfeld et Schmorl., de Sabouraud, de Bar et Rénon, de Johne, de Nocard, d’Arloing, de Gaertner et de beau- coup d'autres expérimentateurs, on sait que les fœtus de femmes ou de femelles tuberculeuses peuvent renfermer des bacilles de Koch et que les enfants nés de mères luberculeuses portent quelquefois en naissant des lésions viscérales qui ont évolué au cours de la grossesse. Les controverses sur le moment auquel la contagion bacillaire peut se produire, soit dès la conception, soit postérieurement à celle-ci, n’ont plus qu'un intérêt historique. Il paraît démontré que, lorsque cette contagion se réalise in ulero, c'est presque exclusive- ment par voie sanguine à travers le placenta, soit que quelques bacilles aient été mobilisés par des leucocytes, soit que leur péné- 112 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tration résulte d'une effraction de l'épithélium de la villosité cho- riale. Certaines expériences de Landouzy et Hipp. Martin, de Gaertner, de Fiore Spano, de Mafucci, de Dobroklowski, de Jakh, de Friedmann, ont également prouvé que le sperme des sujets por- teurs de nodules tubereuleux dans leur appareil génital peut infecter l’ovule au moment même de sa fécondation ou peu après celle-ci. *ÿ LE ; Mais personne ne conteste qu'il s'agit là be mode d'infection exceptionneliement rare. Cohnheim disait qu'on en pouvait compter les cas sur les doïgts d'une:seule main et Virchow affirmait n’en avoir Jamais vu. La contagion conceptionnelle ou intra-utérine ne peut donc être considérée que comme un facteur d'importance tout à fait négligeable dans la grave question de l'hérédité tuber- culeuse. Il n'y a pas lieu de nous y arrêter plus longtemps. La question de savoir si les enfants nés de parents tuberculeux mais non porleurs de bacilles à leur naissance apportent en venant au monde des tares organiques qui les rendent plus sensibles à l'infection, plus réceplifs que les enfants nés de parents indemnes, est autrement troublante et difficile à once par la méthode expérimentale. Il est pourtant essentiel de la résoudre parce qu'il doit en résulter une orientation plus précise, plus méthodique de notre action sociale antituberculeuse. Voyons d'abord ce que l'on observe chez les animaux. Lorsqu'on tuberculise les cobayes femelles avant ou pendant la grossesse par injections sous-cutanées de bacilles virulents, l'accou- chement prématuré ou l'avortement se produit presque toujours, ou bien la mère ne nourrissant pas ses petits après leur naissance, ceux-ci succombent, de sorte qu'il est presque impossible de déter- miner leur plus ou moins grande sensibilité à la tuberculine ou à l'infection bacillaire. Seule l'infsction par les voies digestives, qui laisse les animaux en bonne santé apparente pendant 6 à 8 semaines, permet à la gestation d'arriver à son terme et aux jeunes de se développer. Dans de nombreuses expériences effectuées suivant cette technique par mes collaborateurs et par moi-même, nous n'avons jamais observé que les jeunes nés de mères infectées manifestassent, jus- qu'à deux mois après leur naissance, la moindre sensibilité aux doses de tuberculine dix fois supérieures à celles qui tuaient les cobayes adultes tuberculisés. En outre, dans une de nos séries d'expériences, nous avons sacrifié 18 femelles pleines, tuberculisées depuis 8 et 10 semaines par ingestion de 1 centigcramme de bacilles bovins virulents. Toutes présentaient des ganglions mésentériques tuberculeux. Les foies et les rates de leurs fœtus (au nombre de 24), extraits aseptique- ment, ont été broyés et injectés à autant de cobayes neufs. Aucun de ces derniers n’est devenu tuberculeux. L'HÉRÉDO-PRÉDISPOSITION TUBERCULEUSE HE Donc, chez les cobayes nés de mères tuberculisées par voie diges- tive, on ne constate ni transmission in ulero des bacilles, ni sensi- bilisation à la tuberculine. Les bovidés, dont on connaît la grande susceptibilité naturelle à contracter la tuberculose, pourraient fournir des indications de plus grande valeur. Mais personne ne s'est avisé jusqu'à présent de conserver assez longtemps, isolés de leur mère tuberculeuse et à l'abri de toute contagion naturelle, des veaux nés indemnes, pour mesurer ensuite leur résistance soit à l'infection artificielle, soit à l'infection par cohabitation, en comparant cette résistance avec celle d’autres veaux nés de vaches saines. Les seules données positives que nous possédions actuellement sont celles recueillies dans les abattoirs des grandes villes ou dans quelques exploitations agricoles. Elles attestent - toutes l'extrême rareté de la tuberculose chez les jeunes bovidés âgés de moins de six mois et confirment ce fait établi depuis vingt ans par Bang, puis par Nocard, par Ostertag, par Hutyra, etc., que les veaux séparés dès leur naissance de leur mère tuberculeuse, nourris avec du lait de vaches saines et maintenus à l'abri de tout contact infectant, restent indéfiniment indemnes. Comment s'étonner que de telles constatations, vérifiées dans tous les pays, aient déterminé l'abandon définitif de l’ancienne et désespérante doctrine de l'hérédité du germe tuberculeux ? Malheureusement toutes les expériences qui précèdent, faites sur des animaux dont la vie, normalement brève, est encore abrégée par les nécecsités économiques, nous renseignent imparfaitement sur ce qui intéresse le plus l'humanité, c’est-à-dire sur l'aptitude particulière que semblent présenter les enfants issus de parents tuberculeux à contracter la tuberculose. Aussi sommes-nous obligés, pour nous éclairer sur ce point, de recourir surtout à lobservation clinique et à la zootechnie. Cette dernière, comme l'indique mon collaborateur C. Guérin dans le rapport qu'il présente à la conférence, fournit une saisissante confirmation à la thèse que soutient depuis longtemps le professeur Landouzy, relative à la prédisposition que marquent à l'égard de la tuberculose les sujets de couleur « blond vénitien », au pelage soyeux, à la peau blanche et fine, semée de taches de rousseur. Il paraît évident, d’après C. Guérin, — et c'est aussi l'avis du professeur Dechambre, d’Alfort, — que certaines races de bovidés à robe et à peau de nuance blond clair contractent la tuberculose avec plus de facilité que les bovidés d’autres races placés dans Îles mêmes étables. Il semble même que ces animaux particulièrement réceptifs transmettent aux produits de leurs croisements une part de leur réceptivité. Des faits analogues s’observent dans les races humaines. Il est avéré par exemple que certains peuples d'Océanie, particulièrement les Tahitiens, chez lesquels la tuberculose est d'importation récente, 174 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR présentertk une extrême sensibilité à la contagion bacillaire. La maladie à formes graves et à évolution rapide fait parmi eux des ravages terribles. Inversement, dans toutes les agglomérations urbaines des Etats-Unis comme dans celles d'Europe ou du Nord de l'Afrique, la mortalité par tuberculose est infiniment moindre chez les sujets de race juive que dans le reste de la population. Pour l’ensemble des Etats-Unis, on compte seulement 37 morts par tuber- culose sur 1,000 décès parmi les juifs, alors que l’ensemble de la population fournit 138 décès par tuberculose sur 1,000 (Fishberg). À Vienne, à Budapest, à Londres, on relève des différences analogues : 13 décès juifs pour 10,000 habitants contre 28 à 34 décès de chrétiens. À Tunis on note 1,23 % décès par tuberculose dans la population juive contre 8 % dans la population musulmane et 4 dans la population européenne (Tostivint et Remlinger). Il apparaît donc que, placés dans les mêmes milieux, partageant les conditions d'existence des autres individus, ceux de race juive offrent une résistance particulière à l'infection tuberculeuse. Dès les premiers âges de la médecine on avait observé les stig- mates de la prédisposilion tuberculeuse : doigts hippocratiques, en baguettes de tambour, friabilité des ongles, saillie des côtes et des épaules, thorax cylindrique, rétréci, avec projection du sternum en avant, peau fine et transparente ou terne et bistrée. Les clini- ciens modernes y ont ajouté d’autres caractères inconstants, mais d'observation assez fréquente, tels que le développement imparfait du cœur, le rétrécissement des vaisseaux artériels, l'exagération des échanges respiratoires, la déminéralisation de l'organisme (Robin et Binet), la toxicité urinaire accrue, etc. Enfin, sous la dénomination d'hérédo-dystrophies tuberculeuses, on classe aujourd'hui une foule de tares organiques (chlorose, malformations viscérales, hypo- plasies variées, débilité congénitale) qui résulteraient d’une impré- gnalion tuberculinique ou d’une loxémie tuberculineuse ancestrale (Landouzy). Rien ne prouve que toutes ces altérations anatomiques ou fonc- tionnelles, si fréquemment constatées chez ceux qu'on est convenu d'appeler des candidats à la tuberculose ne résultent point en réalité d'une infection déjà acquise, remontant peut-être au tout jeune âge, relevant par conséquent beaucoup plus d’une contagion familiale précoce que de l'intoxication des ascendants. Ce que nous avons appris, depuis l'introduction en clinique des méthodes de diagnostic précoce par les réactions tuberculiniques, par les réactions d'agglutination, par la recherche des anticorps, nous démontre que les stigmates de la prétuberculose s'observent en réalité chez des sujets déjà infectés, porteurs de lésions tubercu- leuses plus ou moins discrètes et fermées, le plus souvent ganglion- naires. Mais jusqu'à présent aucun clinicien n'a fait la preuve de l'existence de ces stigmates, surtout de ce qu'on a appelé les hérédo- dystrophies soi-disant spécifiques, chez des sujets sürement L'HÉRÉDO-PRÉDISPOSITION TUBERCULEUSE 775 indemnes de tuberculoses occulles, ne réagissant ni aux diverses épreuves tuberculiniques, ni à l’agglutination. Les travaux de Von Pirquet, de Wolff-Eisner, de Engel et Bauer, de Feer, de Bing, ceux que j'ai publiés moi-même, attestent que les nouveau-nés de mères tuberculeuses ne réagissent à la tuberculine (cuti ou oculo-réaction) que s'ils sont porteurs de lésions congéni- tales, ce qui est tout à fait exceptionnel. Jusqu'à l’âge de trois mois on n'obtient presque jamais de réaction positive. Sur 321 cuti- réactions effectuées du 1% avril au 1% juillet sur des enfants de tous âges, hors de l'hôpital, dans les milieux ouvriers de la ville de Lille, j'ai observé une seule réaction posilive chez un enfant de deux mois né d’une mère tuberculeuse. Voici d’ailleurs ma statistique : Cuti-réactions négatives Positives. Dellad'an tree 6% soit 91,42 0/0 6 soit 8.57 0/0 (1 à 2 mois, 2 à 6 mois, 1 à 9 mois; 1 à 10 mois, 1 à 1 an). De 1à 2ans.... 28 — 71,19 0/0 411 soit 28,20 0/0. De 2à 5ans.... 20 — 35,08 0/0 37 — 64,91 0/0. De 5 à 10 ans ... #4 — 7,84 0/0 47 — 92,15 0/0. De 10 à 15 ans... ÿ — 8,19 0/0 à6 — 91,80 0/0. Au delà de 15 ans. 3% — 6,97 0/0 40 — ,93,02 0/0. Parallèlement, sur 384 adultes d’un asile d’aliénées du départe- ment du Nord, le docteur Mézie a trouvé 337 réactions positives, soit 87:73 %, et 47 réactions négatives, soit 12.23 %. Il faut en conclure qu'après l’âge de 15 ans, à Lille, 90 % au moins des sujets, même en dehors des milieux hospitaliers, ont été plus ou moins gravement infectés par le bacille tuberculeux. Si nous comparons ces chiffres avec ceux de la mortalité par tuberculose qui, pour la ville de Lille, fournissent une moyenne de 25 % décès, nous voyons que sur 100 individus 7 à 10 % seulement échappent peut-être pendant tout le cours de leur existence à la contamination ; 25 % meurent d'infection bacillaire et 65 % succom- bent à d’autres causes de maladies ou d'accidents, après avoir été ou étant porteurs de lésions tuberculeuses occultes. Peut-on admettre que, sur le nombre immense des enfants conta- minés de 2 à 15 ans, les tares résultant d’une hérédité spécifique aient préparé ou facilité l'infection tuberculeuse ? Rien ne nous y autorise. Si ces enfants avaient pu, dès leur jeune âge, comme les jeunes veaux nés de mères tuberculeuses dont j'ai parlé plus haut, être soustraits à la contagion familiale et aux autres causes. d'infection, ceux-là même qui sont nés chétifs ou malingres se seraient sans doute développés jusqu’à l’âge adulte sans être atteints par le bacille dont leur organisme était indemne à leur naissance. Et le fait que quelques-uns d'entre eux sont venus au monde chétifs ét malingres, 176 .. : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR portant les stigmates des prédisposés n'implique en aucune manière qu'ils fussent en état d’imprégnation tuberculinique ou atteints de toxémie tuberculineuse ancestrale, suivant l'expression du professeur Landouzy. Cette imprégnation tuberculinique de l'enfant indemne par la mère tuberculeuse est une hypothèse que l’expérimentation ne jus- tifie pas. En effet nous savons d’une part que la {wberculine est un poison non dialysable et d'autre part que les nourrissons issus de mères infectées mais non porteurs de lésions congénitales y sont complètement insensibles. Enfin il est facile de constater, comme je l’ai fait par de multiples expériences, que les doses de tubercu- line capables de tuer les jeunes animaux indemnes sont identiques, que ceux-si soient issus de mères saines ou de mères tubercu- leuses. Donc sl est indéniable qu'il existe des dysfrophies tubercu- leuses résultant d'une infection précoce après la naissance, je ne pense pas qu'on puisse scientifiquement admettre l'existence de dystrophies héréditaires spécifiques de l'infection tuberculeuse, pas plus qu'il n’est permis de croire à l'existence d'une immunité congénitale antituberculeuse. On sait en effet que, sauf exception pour les femelles hypervaccinées en état de grossesse contre cer- taines infections ou intoxications (Vaillard pour Je tétanos, Ebrlhich pour la ricine et l’abrine), les anticorps ou sensibilisa- trices ne traversent pas le placenta et n'imprègnent pas l'organisme du fœtus. Et même dans les cas d’hypervaccinalion expérimentale, l'immunité transmise garde les caractères de l’immunité passive et est toujours très fugace. Il en est de même des propriétés agglu- tinantes ou précipitantes. Seule l’anaphylaxie sérique fait exception à cette règle chez le cobaye, comme l’a montré le premier Théobald Smith, et encore l’hypersensibilité des jeunes cobayes vis-à-vis du sérum de cheval est-elle toujours beaucoup moindre que celle des mères anaphylactisées et ne dépasse-t-elle jamais une génération (Rosenau et Anderson). Est-ce à dire que les enfants nés de parents tuberculeux gravement atteints n'apportent point en venant au monde une fâcheuse prédisposition à contracter la tuberculose ? Un trop grand nombre de faits d'observation clinique interdisent une pareille con- clusion. On ne peut nier que certains sujets, que certaines familles, que certaines races humaines comme certaines races bovines, pré- sentent une aptitude plus grande à contracter la tuberculose que d’autres sujets, que d’autres races placés dans les mêmes conditions infectantes. Et c’est ici que les observations du professeur Landouzy, comme celles de Brehmer et celles des anciens maîtres de la méde- cine, reprennent toute leur valeur. Mais gardons-nous de laisser croire à une prédisposition spécifique vis-à-vis de la tuberculose. Le prédisposé non infecté, fils de tuberculeux, est une proie facile pour le bacille de Koch, parce que son organisme se défend mal; L'HÉRÉDO-PRÉDISPOSITION TUBERCULEUSE 117 mais 1l est une proie tout aussi facile pour d’autres virus ou pour les intoxications les plus diverses, et le seul résultat de l'hérédité qui pèse sur iui, c'est la transmission d’une aptitude plus grande à contracter des maladies contagieuses et à succomber à leurs atteintes. La doctrine de l’hérédilé spécifique de la tuberculose est néfaste. Nous devons la condamner. Comme le disait Nocard, « elie conduit à la résignation fataliste des Orientaux. A quoi bon lutter si la mère tuberculeuse transmet fatalement: à lenfant le germe de la maladie ? Quoi qu'on fasse, tôt ou tard, la graine germera ! Tout au plus aura-t-elle pu retarder l’éclosion du mal! » Combien réconfortante est au contraire la certitude que nous avons aujourd'hui que la tuberculose conceptionnelle est exception- nellement rare ; que seuls les enfants de tuberculeux gravement atteints, en état de déchéance organique, apportent en venant au monde des aptitudes organiques viciées qui les rendent plus sen- sibles aux intoxications ou aux infections, et qu'on peut très effica- cement les préserver de l'infection tuberculeuse en leur évitant les occasions de contagion ! Il faut nous hâter de répandre cette vérité dans le public. Lors- qu'il en sera pénétré, nous aurons moins de peine à convaincre les mères de famille tuberculeuses qu’elles doivent accepter de bonne heure l'éloignement de leurs enfants et que c'est, pour elles, la meilleure manière de les aimer. Parasitisme et Tumeurs Rapport présenté à la deuxième Conférence Internationale pour l'étude du Cancer teuue à Paris du 4er au 6 octobre 1910 Par À. BORREL La question du cancer est entrée depuis quelques années dans la voie expérimentale et il a été démontré que les tumeurs cancéreuses peuvent être transplantées indéfiniment, lorsqu'on insère des fragments de tumeur sous la peau d'animaux de même espèce, de même variété, vivant dans des conditions aussi identiques que possible. : Cette notion de la « pérennité » de la cellule cancéreuse a permis de définir le processus cancéreux et les tumeurs malignes. Sar- comes, chondromes, adéno-carcinomes ou épithéliomas de la mâchoire, chez la souris ou chez le rat ou chez le chien, on pu être greffés avec succès, tandis que des tumeurs du type bénin, par exemple des adénomes de la mamelle chez le rat, ayant pris cepen- dant chez le porteur initial un développement énorme, sont restées stériles à la transplantation, faite dans les meilleures conditions : la résorption de ces tumeurs bénignes se produit comme celle de tissus purement embryonnaires, tandis que les tissus cancéreux portent avec eux le pouvoir de croître indéfiniment. Dans toutes les expériences de transplantation faites jusqu'ici, la cellule cancéreuse vivante a toujours été indispensable, on a réa- lisé simplement des greffes : et, malheureusement, cette consta- tation a éloigné encore davantage Ja plupart des chercheurs de la théorie parasitaire des cancers. C'est contre cette tendance que je voudrais réagir dans mon rapport ; J'ai toujours insisté sur le caractère très particulier de ce cancer expérimental obtenu par greffe et surtout étudié dans les laboratoires ; il ne représente que le second acte dans ie dévelop- PARASITISME ET TUMEURS 179 pement d'une tumeur cancéreuse : la multiplication de la cellule cancéreuse. Or, dans les cas spontanés, cette multiplication est toujours précédée de la transformation de cellules jusque-là nor- males en celiules cancéreuses et c’est sur ce premier acte que doivent, à notre avis, porter les recherches si l’on veut éclaircir l'étiologie des tumeurs malignes et aboutir à une prophylaxie rationnelle. Le mécanisme et les causes de cette transformation cancéreuse des cellules sont les côtés réellement intéressants du problème du cancer, et rien ne démontre que ces cellules cancéreuses préexistent comme le veulent les théories cellulaires. Un premier point, important au point de vue théorique, mérite d'être mis en évidence. Dans une tumeur en voie de formation, on peut très bien cons- tater la transformation périphérique progressive des cellules qui marque la zone d’envahissement en surface, non pas par multipli- cation celullaire déplaçant les cellules voisines, mais par transfor- mation de ces cellules voisines en cellules cancéreuses : il y a dans la plupart des cas, une morphologie cellulaire nouvelle ; la cellule devenue cancéreuse se distingue très bien par son aspect plus chro- malique, son protoplasma plus granuleux. Dans le thalle cancéreux initial, les deux processus de transfor- mation à la périphérie et de multiplication centripète marchent ensemble : la transformation cellulaire est ensuite masquée par la multiplication des cellules, qui devient le processus dominant. Dans les cancers des follicules pileux au début, on voit aussi très bien la pluralité des centres de transformation cancéreuse et on remarque des follicules pileux, à toutes les périodes de la transfor- mation. À ce point de vue, la lésion cancéreuse, progressivement envahissante, ne se comporte pas autrement que les processus infectieux que nous connaissons; pustules ou tubercules. De pareilles constatations cadrent mal avec une théorie diathésique ou embryonnaire ; elles sont plutôt en faveur de quelque cause infectieuse du développement de la tumeur. En théorie cellulaire, le processus cancéreux serait plutôt comparable à une esquisse de métamorphose, à la formation progressive d’un tissu nouveau déplaçant et remplaçant les tissus anciens ; mais encore faudrait-il expliquer le primum movens, la cause de cette métamorphose et cette cause ne pourrait être que de cause externe. Dans le même sens parlent les observations cliniques ou statis- tiques ; la présence du cancer dans certaines régions, la rareté ou l'absence complète dans certains pays, la localisation de certaines formes sont des arguments importants en faveur d’une cause exté- rieure, étrangère à l'organisme. Du même ordre sont les observations qui ont pu être faites avec les élevages de souris, donnant des pourcentages de tumeurs très différents ou des formes de cancers variés suivant les localités. 180 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR À llnstitut Pasteur, en collaboration avec M. Bridré d'abord, puis avec M. Nègre et Mie Cernovodeanu, au prix de grandes difficultés, nous avons eu en observation un grand nombre de souris qui ont été placées dans des conditions variées depuis plusieurs années et qui ont pu donner un «certain nombre de renseignements. Il nous a semblé que les souris placées dans des bocaux de verre relativement propres ont fourni peu de cas de cancer ; dans les cages en bois, mal tenues volontairement, le pourcentage a aug- menté certainement d'année en année : 0,6 p. 100 d’abord, puis 2 p. 100 et enfin cette année, l'énorme proportion de 9 p. 100 sur des souris renouvelées au fur et à mesure qu'elles disparaissent ; à un moment donné, nous avons eu plus de 2,000 souris en observation, mais des épidémies intercurrentes sont venues bien souvent inter- rompre les observations dans les cages. Actuellement nous avons à peine 300 souris femelles vieilles entrant en ligne de compte et certaines cages ont fourni 4, 6 et 7 cas de cancer, tandis que beaucoup d'autres sont restées constamment indemnes. I nous a semblé aussi qu'à certains moments de l'année, les tumeurs étaient plus fréquentes : avril-mai, septembre-octobre. Mais nous sommes encore loin d'avoir réalisé le but que nous nous étions proposé, de créer à volonté dans une cage déterminée les conditions certaines de la production des tumeurs. Les nombreuses tumeurs que nous avons eues à notre disposition ont servi à des recherches microscopiques et nous avons surtout étudié les cas que nous avons pu saisir à un stade aussi précoce que possible. Tout à fait jeunes, les tumeurs de la souris développées à l’aine ou à l’aisselle, points d'élection pour la piqûre des puces ou des punaises, peuvent êlre confondus avec des nodules kystiques simples, très fréquents dans nos cages et développés aussi aux mêmes points d'élection : aine ou aisselle. Les kystes simples sont mieux délimités, transparents à la lumière transmise, ils ne gros- sissent que peu, atteignant tout au plus la dimension d'un petit pois, ils durent des mois et des mois sans modification, et sans aboutir à l'ulcération. Lorsqu'il y a cancer, au contraire, le noyau est plus dur, plus irrégulier quoique aussi mobile, il y a souvent au centre de la tumeur des parties hémorragiques et l'augmentation de volume se fait très vite pour aboutir, après une période plus ou moins longue, à l'ulcération. Dans les kystes ou au pourtour des kystes, dans le tissu cellu- laire ou glandulaire qui les entoure, nous avons presque toujours trouvé des heiminthes, cestodes dans certains cas, reconnaissables à leurs ventouses, ou nématodes, voisins des microfilaires, souvent PARASITISME ET TUMEURS 781 remplis d'embryons et la formation de ces kystes, chez la souris, nous parait liée sûrement à la présence de ces helminthes. Dans les cas d'adéno-carcinome au début, lorsque ta tumeur est à peine comme un grain de plomb n° 4, nous avons aussi trouvé plusieurs fois, au voisinage de la tumeur, dans le tissu cellulaire rempli de cellules à granulations basophiles, ou dans un capillaire, ou dans les muscles avoisinants, toujours ce nématode reconnais- sable, et une fois, dans le cas d’une tumeur à peine perceptible, les coupes faites (intéressant une grande étendue de tissu cellulaire et cutané avoisinant la tumeur) nous ont montré le sillon formé par le nématode sorti de la tumeur, en exode vers la surface cutanée et l'helminthe encore présent à l'extrémité du sillon. ; Ces faits sont à retenir, pour le moment je ne veux pas en tirer de conclusion ferme, mais ils sont très suggestifs dans l'hypothèse d'un nématode, chez la souris, pouvant donner ou de simples kystes ou un vrai cancer, suivant le point où il se loge ou suivant l'infection qu'il porte avec lui. Je dois signaler aussi que de pareils helminthes ont été vus à plusieurs reprises, soit dans le poumon, soit dans les ganglions du hile pulmonaire, soit dans la circulation générale de souris atteintes de lymphome généralisé. Deux fois, avec M. Gorescu, sur deux souris mortes avec hyperthrophie ganglionnaire et lésions généralisées de lvymphomes, nous nous sommes proposés de recher- cher systématiquement les parasites et nous les avons trouvés sur les coupes après avoir débité et coupé tous les organes. Dans un cas, chez une souris, les deux types de tumeurs ont été rencontrés; la souris avait un adéno-carcinome épithélial de l’aine, et une hyper- trophie énorme de tous les ganglions du corps, du type lymphome. Trouverait-on aussi fréquemment de ces nématodes chez les souris normales ? je ne saurais le dire, n'ayant pas, jusqu'à présent du moins, coupé systématiquement tous les organes de pareilles souris, à cause de la difficulté de la recherche et du nombre énorme de coupes en série qu'il faut examiner. En l’état actuel, il serait séduisant d'admettre que de tels néma- todzs, transportés par quelque insecte piqueur, puce, punaise ou autre, sont les supports de l'infection cancéreuse et peuvent être convoyeurs de quelque virus ou de virus variés, mais ceci n'est encore qu'une hypothèse. Nous pouvons être beaucoup plus affirmatif au sujet d’une autre maladie cancéreuse, chez le rat : le sarcome du foie. J'avais signalé, il y a quatre ans déjà, cette tumeur cancéreuse du rat, montré qu'elle était inoculable en série (3 passages), par greffe, et incriminé le cysticerque du t. crassicola comme cause étiologique ; j'avais aussi trouvé un adéno-carcinome du rein, à peine visible au microscope, développé autour d'une poche à cysti- 182 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cerque ; et ces observations avaient été confirmées de plusieurs côtés, par Regault, à Lyon ; par Sault, à Berlin, etc. M. Coy, à San-Francisco, ayant fait l’autopsie de 100,000 rats, a décrit 18 cas de sarcome du foie et trouvé 13 fois le eysticerque présent ; dans les autres cas, la tumeur était trop avancée et déli- quescente. Mon élève et ami M. Bridré, à Tunis d'abord, puis à Alger, a fait l'autopsie d'un très grand nombre de rats (8,000) ; il a trouvé déjà 6 cas de sarccme fuso-cellulaire du foie, avec cvsticeraue. Deux de ses observations sont surtout intéressantes ; l’une, dans laquelle la tumeur était développée, en pendeloque, aux dépens de la capsule de Glisson, avec cysticerque au centre de la tumeur ; l’autre dans laquelle cinq jeunes cysticerques avaient, dans le même lobe du foie, donné naissance à cinq foyers sarcomateux indépendants, parfai- tement reconnaissables au microscope, tout à fait au début de leur développement. Dans les cas de M. Bridré, à Tunis ou à Alger, la réaction cancéreuse a toujours été le sarcome fuso-cellulaire. Récemment, à l'Institut Pasteur, ] ai étudié dans l'élevage de M. Marchoux, que je remercie ici, deux cas de sarcome du foie et avant l'ouverture des tumeurs, j'avais annoncé la présence du cysticerque et le parasite n'a pas fait défaut. Tous ces cas sont suffisamment nombreux (plus de 30) et suffi- .Ssamment démonstratifs pour qu'on puisse affirmer, de par le microscope, le rôle étiologique du cysticerque. Evidemment, il y a chez le rat beaucoup de cas d’helminthiase, beaucoup de eyslicerques, présents dans le foie où les autres organes, qui ne provoquent pas la formation de sarcome ; à notre avis, cela est une preuve de plus en faveur de l’hypothèse que nous soutenons de quelque virus apporté dans l'intimité des tissus par certains cysticerques et non par tous. Nous avons cherché, par les méthodes d’imprégnation à l'argent, à mettre en évidence des microbes dans le tissu de la tumeur au voisinage du parasite, et deux fois nous avons vu des microbes de type varié. On y remarque toujours des cellules bourrées de granulations noires, cellules fumeuses que nous ne pouvons que signaler ici, mais que l’on trouve dans beaucoup de cancers. De même la réaction sarcomateuse n'est pas toujours du même type. La forme la plus fréquente est le sarcome fuso-cellulaire, mais nous avons eu un sareome à cellules géantes, un sarcome à cellules épithélioïdes, déterminés par le cysticerque du même type et très différents au point de vue cellulaire : ces constatations nous paraissent intéressantes et très suggestives au point de vue de l'étiologie des tumeurs malignes et aussi au point de vue expéri- mental. Dans le cas particulier de ces sarcomes du foie, la com- paraison avec les galles (certaines galles de l’églantier, par exemple) u'est pas dépourvue d'intérêt et il serait bon de savoir si les larves PARASITISME ET TUMEURS 183 déposées au sein des tissus végétaux ne sont pas aussi la cause de quelque infection microbienne de l’arbuste. Chez l'homme, dans un cas de sarcome du tibia, il fut trouvé une fois, exactement au centre de la tumeur, une membrane hya- line, anhyste, libre dans une cavité ei qui parut bien être une enveloppe de cestode ; malheureusement le cysticerque re put être constaté ; mais il est probable que dans des cas favorables de tumeurs jeunes, de tels parasites seront rencontrés chez l'homme. Je signalerai encore, comme autre observation intéressante, un cancer épithélial de l'épiploon chez le lapin qui nous a été fourni par M. Petit, d’Alfort, développé aux dépens de lobules pancréa- tiques aberrants, dans lequel le rôle des cysticerques a aussi paru évident à l’examen histologique. Comme les lapins sont souvent infectés de cysticerques, des essais d'inoculation virulente à la faveur de l'infection helminthique pourront peut-être être tentés. Mais les endo-parasites, les helminthes ne sont pas les seuls porte-virus, capables de localiser une infection cancéreuse. — Nous avions déjà pensé jadis aux ecto-parasites, aux acariens ; nous avions signalé les crancroïdes développés chez le rat ou chez le lapin. Chez la souris, on rencontre aussi une affection cutanée, carac- térisée par des sortes de verrues rosées, papillaires développées sur différentes parties du corps ; la lésion est un adénome des glandes sébacées, et dans les formes de début, on constate la présence d'un acarien spécial, qui n’a pas été déterminé. Chez le chien, pour le lymphosarcome de la vulve, nous avons attribué un rêle important aux acariens. L'examen que nous avons pu faire d’une tumeur de la vulve, à peine grosse comme une noi- sefte, est tout à fait en faveur de cette interprétation : j'ai déjà donné la description et des dessins de ce cas. Depuis, l'étude du cancer de la face chez l’homme nous a encore confirmé dans l'hypothèse que certains acariens, les Demodex, en particulier, devaient jouer un rôle important d'agents localisateurs. On a toujours choisi pour cette étude, faite en collaboration avec MM. Gastinel et Gorescu, les cas d’épithélioma tout à fait jeunes, à l'état naissant, à la période de transformation du tissu normal en tissu cancéreux, de vrais cancers microscopiques, et seuls ces cas doivent être retenus. Très intéressants surtout sont Îles sujets atteints d'£pithéliomalose, chez lesquels on voit l’ensemen- cement du cancer se faire en différents points de la face comme autant de foyers de réinoculation et dans tous les cas, des acariens en grand nombre ont pu être mis en évidence dans les follicules pileux en voie de transformation ou dans les glandes sébacées correspondant au poil atteint. Plusieurs fois j'ai eu la chance de rencontrer, dans un cancer initial de la face, des parasites ayant pénétré par effraction dans Île tissu sous-épidermique, et Ià donné naissance à une réaction 184 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mésodermique à celluies géantes, une sorte de véritable granulome. Ces granulomes à cellules géantes sont assez fréquents à la périphérie des cancers épithéliaux ; ici la cause du granulome et probablement aussi le primum movens du développement du cancer était visible et parfaitement reconnaissable. Sur les coupes en série, on voit bien que le caaicer du poil com- mence toujours par des digitations cancéreuses au niveau de l'insertion de la glande sébacée et c'est par là que passent les parasites qui envahissent et colonisent les glandes sébacées ; il n'est pas rare de constater 20, 25 parasites ou larves dans une seule glande. Le cancer de la face se développe surtout chez les personnes de classe inférieure qui ne se lavent que peu ou pas du tout, aux points d'élection des Demodex : le nez, les oreilles, la région malaire, et à un âge où le tissu épidermique relâché, laisse béants les orifices des follicules ou des verrues séborrhéiques ; c'est l’âge de la « crasse des vieillards ». Les Demodex jouent certainement un rôle important dans l’étio- logie des cancers du poil. J'ai signalé aussi, mais sans en tirer de conclusion ferme, la fré- quence de l'infection à Demodex du mamelon chez les femmes cancéreuses ; il m'a été impossible jusqu'à présent de démontrer leur rôle possible dans la formation de certains cancers du sein, et n'ai jamais pu constater de parasites ou de larves dans les con- duits galactophores kystiques des cancers au début. Ces formations kystiques sont constantes dans tous les cancers du sein ; elles sont plus visibles dans les noyaux de début ; tantôt le kyste est rempli d'arborescences dendritiques recouvertes d’un épithélium à grosses cellules, denses, chromatiques, granuleuses ; tantôt, et c’est le cas le plus fréquent, le kyste est rempli de grosses cellules vacuolaires, d'origine mésodermique, conglomérées ‘en cellules géantes et! on remarque, dans la paroi du kyste et dans le tissu conjonctif envi- ronnant, les mêmes cellules vacuolaires ou pigmentaires ; le tout donne bien l'impression d’une réaction cellulaire infectieuse. Certains auteurs ont mal compris notre pensée et nous ont fait dire que les Demodex ou autres acariens étaient les parasites du cancer. Or, ‘nous avons nous-mêmes eu grand soin de faire remarquer que beaucoup de personnes saines, la grande majorité, présentaient des Demodex aux points d'élection et en nombre considérable : des centaines par centimètre carré de peau ; un tel parasitisme ne nous paraît pas négligeable, mais, dans notre hypo- thèse, il faut que ces Demodex soient les convoyeurs d'un virus, tout comme doivent être infectés les cysticerques du sarcome du foie. La comparaison avec le tétanos s'impose ; de ce que le clou des rues est souvent la cause occasionnelle du tétanos, on n'a jamais tiré la conclusion que le clou est le parasite du tétanos. Seul, le PARASITISME ET TUMEURS 185 microbe lélanique ne se serait pas développé ; il se développe lors- qu'il est porté par un corps étranger dans linlimité des tissus. Pour le cancer, il en est souvent de même, les observations ne manquent pas, en clinique, de tumeurs cancéreuses développées à la suite de traumatismes, de blessures par corps étrangers servant de porte-virus. | Nous en avons eu personnellement une observation très démons- trative : un chien, sur le point d'être opéré de fistule pancréatique par M. Frouin, fut trouvé atteint de cancer du pancréas, un cancer épithélial qui avait les dimensions d'un œuf de poule ; après lapa- rotomie, on constala, au contact intime de la tumeur pancréatique, une tumeur mésodermique de l'épiploon adhérente au pancréas et exactement au centre de la tumeur de l'épiploon, une aiguille rouillée ;les traces de l'aiguille étaient marquées dans la tumeur du pancréas par des résidus de nature minérale : les chiens avalent souvent des aiguilles ; cette fois seulement l'aiguille avait inoculé un cancer, et cela encore est suggestif au point de vue expérimental. M. Gosset, professeur agrégé, nous a remis il y a quelques mois une pièce fort intéressante, prélevée chirurgicalement chez un malade qui avait eu d’abord des accidents graves d’occlusions intes- tinales ; après trois mois, nouvelle crise d’obstruction absolument menaçante et opération. Il s'agissait d'un cancer de l'intestin au début, formant étranglement et, exactement au centre de la tumeur, se trouvait une grosse écharde de nature végétale, profondément implantée. Tous ces faits cadrent avec la théorie que nous soutenons du cancer non inoculable directement, mais inoculable à la faveur de causes adjuvantes qui peuvent être très variées. L'action des rayons X, la transformation de radiodermites en cancers épithéliaux vrais est bien connue maintenant. Les observations rapportées par Bashford au sujet des indigènes du Kashmir et des brûlures chroniques localisant un épithélioma rentrent dans le même cadre. Cancers développés, chez les fumeurs, chez les paraffineurs, sur des ulcérations chroniques, cancers déve- loppés sur des lésions syphilitiques, sur des nævi, sur le xeroderma pigmentosum, s'expliquent pour nous très bien par une infection surajoulée, au niveau d'un lerrain naturellement ou accidentellement préparé. Ces causes favorisantes si variées impliquent l'existence d'un ou de plusieurs virus cancéreux, ou peut-être même d’asso- ciations microbiennes qui restent à mettre en évidence par l'ino- culation. Ces virus ne sont pas directement inoculables, proba- blement parce que l'organisme normal, non préparé par une cause adjuvante, n’a pas de cellules réceptrices pour le virus cancéreux. Nous avons essayé, avec le microscope, d'aller plus loin encore et de rechercher quelles sont les cellules qui peuvent être intéressées, qui réagissent sous ces différentes causes. 50 186 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Certaines cellules ont appelé notre attention d'une façon spéciale : les cellules pigmentaires et leurs homologues. Il existe à l’état normal, au niveau de la couche basale de l'épi- derme ou bien au niveau de la base des poils, des cellules du type pigmentaire ; elles sont chargées de pigment noir, seulement au niveau des poils bruns, mais elles existent aussi avec leurs prolon- sements caractéristiques sur toute la surface cutanée, sous forme de cellules pigmentaires incolores. Les méthodes d'imprégnation à l'argent les démontrent admirablement, tandis qu'elles passent inaperçues par toute autre méthode. Les cellules de ce type sont disposées en couche plus ou moins continue à la base de l'épi- derme, elles ont un corps central et elles envoient de gros prolon- gements dendritiques qui s'insinuent très loin entre les cellules de Malpighi et se ramifient à l'infini, chaque ramification se termine par une sorte de calotte ou d'éteignoir qui coiffe une cellule épithé- liale ; chaque cellule pigmentaire a ainsi sous sa dépendance plusieurs colonnes de cellules malpighiennes et il semble bien que ces cellules ont pour rôle de protéger contre la lumière les cellules épidermiques : au soleil et au grand air, le pigment se développe et les caloittes deviennent réellement des éteignoirs. Ce dispositif se voit au mieux dans les plumes jeunes du pigeon ou encore dans les poils chez l'homme : la coloration du poil est due au pigment porté par les expansions protoplasmiques de ces cellules jusqu’à l'extrémité du poil. Quand le poil blanchit, le phénomène est dû à la rentrée en masse des pseudopodes de la cellule et à son émigra- tion dans le mésoderme: Ces cellules sont très sensibles à l’action de la lumière, et probablement aussi à l’action des rayons X ; elles sont accumulées en grand nombre dans les radiodermites et désor- ganisées ; désorganisées aussi au niveau des lésions syphilitiques : d’où les syphilides pigmentaires ; leur présence en nombre énorme au niveau des nævi et dans le xeroderma pigmentosium caractérise ces lésions et toutes ces considérations nous conduisent à penser que la suractivité de ces cellules, leur désorganisation, leur rentrée en masse dans le mésoderme à une certaine période de l'existence, pourraient jouer un rôle dans l'infection cancéreuse. Dans les cancers cutanés, dans les cancers sur radiodermites, on les voit accumulées au niveau des papilles en voie de transfor- mations cancéreuses ou éparses dans le tissu cellulaire sous-jacent. Dans les cancers du sein, la méthode de l'imprégnation à l'argent montre aussi de ces cellules ramifiées en grand nombre dans le stroma, surtout dans les cancers jeunes ; elles sont colorées en noir par l'argent ou contiennent des inclusions irrégulières, fortement colorées en noir ; des cellules homologues, vacuolaires, avec des cranulations noires en nombre immense, sont aussi visibles dans les conduits galactophores dilatés que l’on trouve dans tous les cancers du sein au début. Là, ces cellules s'hypertrophient, leur protoplasma se vacuolise à. l'infini, elles forment de véritables PARASITISME ET TUMEURS 187 cellules géantes par conglomération, elles prennent souvent un aspect lamellaire par pression, et ont des enclaves de cristaux de cholestérine. Les cancers du sein, par cette méthode de l'imprégnation à l'argent, montrent dans leur stroma des réactions mésodermiques intenses qui semblent indiquer une réaction des tissus vis-à-vis de quelque cause infectieuse, et dans les cancers cutanés aussi, l'accumulation de cellules lymphatiques, tout autour des bourgeons cancéreux, plaide en faveur de la même hypothèse : je ne crois pas que dans l'étude du cancer et dans la recherche d’un agent virulent, on doive limiter les investigations à la seule cellule cancéreuse épithéliale. Irritations chroniques, épanchements sanguins, corps étrangers, rayons X, brûlures, parasites mettent en mouvement ces cellules du type pigmentaire sur la véritable origine desquelles on a tant discuté ; il pourrait bien se faire quelles jouent un rôle comme cellules réceptrices de l'infection cancéreuse. Ce rôle est certain dans tous les cancers du type mélanique, puisque ce sont ces cel- lules elles-mêmes qui constituent la tumeur, mais on peut se demander aussi, à un point de vue très général, si bien d’autres tumeurs, par leur stroma, ne sont pas des tumeurs plus ou moins mélaniques. Au point de vue de l'agent virulent ou des agents virulents sup- posés de l'infection cancéreuse, nous avonsg fait aussi de nom- breuses recherches soit par le Giemsa, soit par la méthode de la surcoloration sur frottis préparés, soit sur coupes par l'imprégna- tion à l'argent ; nous avons vu bien souvent, dans les cellules, des granulations suspectes, en particulier dans le sarcome de Sticker (j'ai publié ailleurs le détail de ces recherches). Nous avons aussi noté des cellules bourrées de granulations dans les sarcomes chez l'homme, donnant par l’imprégnation l'illusion d’un corps chromi- dial para-nucléaire, tout comme dans les Epithélioses. Dans les sarcomes à myeloplaxes, la méthode à l'argent nous a montré des réseaux, des granulations ou des bâtonnets intracellulaires, très beaux, au milieu des grandes cellules pluri-nucléées, mais la véri- table interprétation de toutes ces figures ne peut être donnée avec certitude ; peut-être a-t-on simplement affaire à des formations, voisines des mitochondries. De même la méthode de la surcoloration démontre, soit dans les cellules du sarcome du chien, soit dans les cellules des sarcomes de l’homme, soit dans les cellules vacuo- laires des cancers du sein, des granulations, des petits bâtonnets, quelquefois radiés, en nombre immense, remplissant les cellules et assez semblables, comme morphologie, aux éléments que nous avons décrits dans les cultures du microbe de la péripneumonie. Mais une conclusion purement morphologique n’a, à notre avis, 788 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR qu'une valeur relative ; nous devons dire que jusqu'ici le virus cancéreux ou les virus cancéreux, soit au point de vue de l'inocu- lation, soit au point de vue morphologique, restent une hypothèse séduisante. Je serais heureux si mon rapport, en montrant toute la difficulté du sujet, laissait dans l'esprit du lecteur la conviction qu'il y a beaucoup de recherches à faire, beaucoup de voies à parcourir avant qu’on ait le droit de nier la nature parasitaire des tumeurs malignes. 3 Notre ignorance actuelle ne justifierait. pas une pareille conclu- sion. Relations entre les phénomènes oxydasiques naturels et artificiels Par J. WOLFF Le point de départ des recherches qui font l’objet du présent travail et l’idée première du sujet m'ont été suggérés par des expériences faites en commun avec M. A. FERNBACH, dans les- quelles nous avons obtenu la liquéfaction de l’empois d’amidon et la formation de corps réducteurs en faisant agir simultané- ment, sur cet empois, du sulfate ferreux et de l’eau oxygénée. En comparant l'oxydation provoquée sur les phénols par l’action combinée de ces deux corps et par le mélange d’une pero- xydase végétale avec l'eau oxygénée, J'ai constaté, malgré des différences dans la nature des produits d’oxydation, une grande analogie dans le fonctionnement des deux systèmes. J'ai été conduit à penser que l’identité des deux actions pour- rait sans doute être réalisée en remplaçant le sulfate ferreux par une autre combinaison du fer convenablement choisie. C’est ainsi que j'ai pu réaliser, avec le ferrocyanure de fer col- loïdal, un corps de synthèse possédant les propriétés essentielles des peroxydases naturelles. On obtient ce composé lorsqu'on met en contact des solutions extrêmement diluées de sulfate ferreux et d’un ferrocyanure al- calin. Il suffit de mélanger 50 c. c. d’une solution aqueuse conte- nant 33 milligrammes de K*FeCy° + 3Aq avec 200 c.c. d’une solution renfermant 35 mgr.6 de SOfFe + 7 Aq. La solution ainsi préparée se présente sous la forme d’un li- quide bleu foncé, Himpide et transparent. On peut retenir la ma- 790 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tière colorante à l’aide d’un filtre en collodion. Le liquide incolore qui filtre est inactif. Ce fait établit bien nettement la nature colloi- dale du ferrocyanure de fer. Celui-ci se rapproche singulièrement des peroxydases naturelles. Il est filtrable sur papier; des traces d’acides minéraux gênent considérablement son action; il perd une partie de son activité après une minute d’ébullition. La pré- sence de phosphates hâte sa destruction par la chaleur. Son mode d’action se confond avec celui que Chodat et Bach ont reconnu chez la peroxydase purifiée du raifort. On le détermine en mesu- rant la purpurogalline formée sous l’influence de doses croissantes de catalyseur en présence de quantités invariables d’eau oxy- génée et de pyrogallol. On trouve ainsi que les quantités de pur- purogalline formées sont, au début, directement proportionnelles à la masse du catalyseur naturel ou artificiel et, qu’à partir d’une certaine dose, laproportion de purpurogalline croît plus lentement et atteint bientôt un maximum. Une représentation graphique du phénomène permet de le mieux saisir dans son ensemble. Si, en effet, on représente les résultats obtenus par une courbe, en portant les doses du catalyseur artificiel en abscisses et les poids de purpurogalline en ordonnées, on trouve que le tracé se confond au début avec une ligne droite, puis s’écarte progressi- vement de l’axe des ordonnées pour devenir finalement parallèle à l’axe des abscisses. C’est exactement ce que l’on observe avec la peroxydase du raifort. J’ai pu obtenir, d’au- tre part, des rendements en purpurogalline qui représentent un poids 4,000 fois supérieur à celui du fer contenu dans le catalyseur arti- ficiel. La disproportion entre la quantité de ma- tière agissante et la quantité d'effet produit est du même ordre de grandeur que celle que l'on retrouve avec les enzymes naturels. On observe, en outre, Æ Ÿ À S KE] à S à à Ÿ À Ÿ È & CPE UN NE TR DT TT Joulles de colle. 1gouite 20 y043 Le PHÉNOMÈNES OXYDASIQUES 791 que l’enzyme et le catalyseur artificiel sont influencés de la même manière par les acides forts et divers sels. Il est une réaction cependant que donnent la plupart des peroxydases et que le ferrocyanure de fer ne fournit pas : En effet, les peroxydases accélèrent l’action de l’eau oxygénée sur l’iodure de potassium et provoquent ainsi un plus grand déplace- ment d’iode.Le ferrocyanure de fer ne possède pas cette propriété. Dans une note publiée en collaboration avec E. de STŒGKLIN, j'ai montré que le fer, à l’état de sulfocyanate de fer, agit sur l’eau _oxygénée en présence de l’iodure de potassium comme le ferait une peroxydiastase végétale, tout en étant incapable d’oxyder les phénols à la façon du ferrocyanure de fer. Nous avons conclu de cette observation que le fer, en tant que catalyseur oxydant, est doué de spécificités diverses, variant avec la combinaison organique dans laquelle le métal est engagé. Ces faits importants, ainsi que d’autres exemples puisés dans la littérature de ces dernières années (BERTRAND, J. DucLAUXx, TRILLAT, E. de STœckLIN et VULQUIN, SAUTON), m’ont re de formuler la proposition suivante : «La spécificité d’un catalyseur oxydant (rc le fer, la le man- ganèse) est fonction de la combinaison chimique dans laquelle le métal est engagé. » Il Après avoir reproduit ainsi artificiellement des phénomènes peroxydasiques, J'ai essayé de fixer directement l’oxygène at- mosphérique sur les phénols et d'obtenir, à l’aide du même cataly- seur, des composés identiques à ceux que J'avais déjà produits par l’intermédiaire d’un peroxyde.J’ai pensé qu'après avoir réalisé une peroxydase articielle, il serait encore plus intéressant de réa- liser une oxydase artificielle. J'avais constaté au cours de mes recherches que certains sels, tels que les diphosphates alcalins (PO*R*H), les carbonates alcalino-terreux, les citrates alcalins tribasiques, sont doués de propriétés oxydantes analogues à celles que lon rencontre chez les sels de manganèse à acides organiques, qui tous ont une réac- tion plus ou moins alcaline. J’ai reconnu que les propriétés oxydantes de ces divers sels (y compris Les sels de manganèse) ne sont pas seulement activées, 7192 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mais encore dirigées dans un sens déterminé par l’adjonction de traces de fer à l’état de ferrocyanure de fer. C'est ainsi que le phosphate disodique permet de fixer Foxygène atmosphérique sur l’hydroquinone et la pyroca- téchine, mais sans que cette oxydation donne lieu à la formation de cristaux ou d’un précipité; par contre, l'addition à ce sel de traces de fer sous forme de ferrocyanure de fer, augmente non seulement le volume d'oxygène absorbé par les deux phénols, mais produit encore d’abondants cristaux de quinhydrone dans le cas de Phydroquinone et un volumineux précipité dans le cas de la pyrocatéchine Il importe, dans l’étude des actions oxydasiques du genre de celles qui nous occupent ici, de ne pas confondre deux phénomènes bien distincts l’un de l’autre : 10 l’absorption d'oxygène qui me- sure la grandeur, l'intensité du Hhémpmenc: 2 la qualité du pro- duit d’oxydation. On peut rapprocher dans une certaine mesure des propriétés du ferrocyanure celles du sulfate de manganèse; elles sont semblables en ce qui concerne l’absorption d'oxygène, mais elles diffèrent quant à la nature des produits formés. J’ai vu, par exemple, que le citrate trisodique mis en présence d’hydroquinone oxyde ce phénol, mais sans former de cristaux de quinhydrone; l’adjonction à ce sel de sulfate manganeux à une dose inactive par elle-même, permet de doubler le pouvoir oxydasique du système, mais, contrairement à ce que nous avons vu plus haut avec le ferrocyanure de fer, nous n’observons pas ici la formation de cristaux. L’analogie entre le mode d'action du fer et du manganèse n’est donc pas complète. Enfin, de même que j'ai pu reproduire, avec divers catalyseurs artificiels, des phénomènes peroxydasiques ayant un caractère de spécificité bien marqué, de même j'ai pu compléter l'étude des phénomènes oxydasiques décrits ci-dessus par quelques ex- périences où le caractère de spécificité apparait nettement dans toute sa complexité. En effet la spécificité de ces actions, bien que liée à la nature du catalyseur, ne dépend pas seulement de lui, mais aussi de la nature des sels générateurs d’ions OH qui préparent l’oxyda- tion (1). Nous avons déjà vu que le fer, allié au phosphate diso- 1 Wozrret E. DE STOECKLIN. Ann. de l’Institut Pasteur, novembre 1909. PHÉNOMÈNES OXYDASIQUES 7193 dique, est actif vis à vis de l’hydroquinone; il devient inactif si l’on remplace le phosphate par le citrate trisodique; d'autre part, le fer allié au même citrate est actif vis-à-vis de la pyrocatéchine. Inversement, le manganèse allié au citrate est actif vis-à-vis de l’hydroquinone et inactif vis-à-vis de la pyrocatéchine. Dans ces expériences le fer et le manganèse sont employés à des doses trop faibles pour pouvoir exercer par eux-mêmes une action oxydante. Il faut noter aussi que dans la limite de mes expériences, le fer, quand il est actif, est un catalyseur plus puissant que le manganèse. Ces faits ainsi que l’action spécifique du fer et du manganèse ressortent des expériences mentionnées ci-dessous. Le volume total du liquide, dans les cloches graduées où a lieu l'absorption d'oxygène, est de 20 c. c. Les mesures sont effectuées après 20 heures de contact. HYDROQUINONE O absorbé. OM OIMNEREN ES PR are STes VEREUENE REA 0 c.c. PANERES (Di à ROMANE ESS RARE TR SE RE DE GICUS 0'mer:25Mn-12 Gc:CSHPOINat:x ie. re OC: C; Omer /02/Fe 2 ce GONE "0... 216-048 PYROCATÉCHINE O absorbé. ! DÉMO EEE ere. ur te NE METRE (LEA CS ROCMOGTROMNAS ERA CI CREME NE Re et DICCNS Omer. 02e L/4 cc CSHSOTNa, 25 ex DEMO ICI CUT 0 mgr. 5 Mn (sulfate) + 4 c.c. CSHSOTNañ.... 3 c.c. 3 Dans ces expériences on ne peut guère descendre, pour le man- ganèse, au-dessous d’une dilution de 25/1000000, tandis que pour le fer la dilution peut être abaissée jusqu’à 1 /1000000. Voici encore un exemple qui démontre clairement que le mé- canisme de l'oxydation n’est pas uniquement influencé par la na- ture du catalyseur, mais qu’il peut aussi varier avec la nature du sel générateur d'ions OH. Les citrates tribasiques, les phospha- tes bibasiques oxydent l’hydroquinone sans que cette oxydation donne lieu à la formation de cristaux de quinhydrone. L’addition aux phosphates de traces deferrocyanure de fer donne naissance à de nombreux cristaux: si l’on ajoute les mêmes doses de cataly- seur ferrique aux citrates on n’observe rien. Enfin le gaïacol nous fournit un exemple curieux de lin- 794 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR fluence que peut exercer l’action combinée de diverses substances sur un substratum difficilement oxydable par l’oxygène atmos- phérique. En effet, si l’on soumet le gaïacol séparément à l’ac- tion de faibles doses d’un citrate tribasique, d’un sel de manga- nèse, de ferrocyanure de fer, de quinhydrone, on n’observe pas de fixation d'oxygène sur le phénol. Le gaïacol se montre également réfractaire à l’oxydation par le couplage de deux quelconques de ces substances. En faisant réagir sur le gaïacol les 4 substances à la fois, on observe la formation lente d’un produit d’oxydation cou- lear lie de vin, analogue à la tétragaïacoquinone. On peut subs- tituer dans ces expériences la peroxydase du malt au ferrocyanure de ler. III A la suite de ces expériences J'ai été conduit à me demander si les sels qui favorisent l’action des catalyseurs artificiels ne se- raient pas capables aussi d'activer les enzymes naturels, et c’est ainsi que j’ai vu que les macérations glycérinées de diverschampi- gnons, notamment de Russula delica, peuvent exercer une ac- tion oxydante sur un grand nombre de composés lorsqu'on opère dans un milieu renfermant des sels alcalins à lhélianthine ou neutres à la phtaléine. C’est la neutralité à la phtaléine qui cons- titue le milieu le plus favorable. Un tel milieu se trouve réalisé par la présence d’un citrate tribasique ou d’un phosphate bibasi- que. Dans ces conditions on peut oxyder facilement : l’orcine, la cochenille, les combinaisons solubles de lalizarine et diverses autres matières colorantes naturelles et artificielles. Lorsqu'on fait varier la réaction de la macération glycérinée elle-même par des additions graduelles de SO*H*. N /20 ou de Na OH.N /20, en se maintenant dans les limites comprises entre la neutralité à l’hé- lianthine et la neutralité à la phtaléine, on remarque que la réac- tion optima correspond à la neutralité à la phtaléine; l’énergie oxydante de la macération va en décroissant à mesure que l’on se rapproche de la neutralité à l’hélianthine. L’addition d’un phosphate alcalin (PO*R*H), à une macéra- tion aeutralisée vis-à-vis de la phtaléine comme je viens de Pindi- quer, accroît encore d’une façon considérable son énergie oxy- dante. L’addition d’un citrate tribasique produit un effet sem- blable. Une faible quantité de carbonate alcalin ou même d’alcali PHÉNOMÈNES OXYDASIQUES 795 libre, tout en retardant l’action de lenzyme au début, permet à celui-ci de pousser l’oxydation très loin.Les doses de sels et d’al- cali dont il s’agit ici sont incapables d’exercer par elles-mêmes une action oxydante sensible pendant la durée de mes expé- riences. L’essai suivant permet de se rendre compte de l’activité d’une macération à mesure que l’on modifie sa réaction. Dans une série de tubes contenant chacun 1 ec. c. de macéra- tion de Russule on ajoute goutte par goutte des doses croissantes de soude N /20 d’une part et de SO*H”. N /20 d’autre part; puis, après avoir amené le contenu des tubes à 3 &.c., on prélève 5 gout- tes dans chacun d’eux, que l’on verse dans des tubes d’une nou- velle série. On ajoute alors dans chacun des tubes de cette nou- velle série 3 c. c. d’eau et un même nombre de gouttes d’une solu- tion d’alizarine sulfoconjuguée. On constate alors, entre la réaction qui correspond à la neutra- lité à l’hélianthine et celle qui correspond à la neutralité à la phta- léine, une véritable gamme de teintes variant du violet au jaune clair en passant par une foule de nuances intermédiaires. L’ali- zarine constitue donc un réactif d’une délicatesse extraordinaire, que l’on peut comparer en quelque sorte à l’enzyme au point de vue de sa sensibilité à la réaction du milieu. Pour se rendre compte de l’activité du liquide de chaque tube, on laisse agir l’oxydase sur l’alizarine pendant un certain temps au bout duquel on arrête le phénomène par Paddition dans toute la série de quelques gouttes de soude normale. Il est bien évident que l’alizarine qui aura résisté à l’oxydation reprendra une belle teinte violacée sous l’influence de la soude et que l'intensité de la coloration sera proportionnelle à la quantité d’alizarine inattaquée. On remarque alors que la teinte est d’autant plus ac- centuée que l’on se rapproche davantage de la neutralité à l’hé- lianthine et d'autant plus faible qu’on avance vers la neutralité à la phtaléine. A ce point le liq ide ne se recolore pas, ce qui in- dique que la matière colorante a été complètement détruite par oxydation. Nous voyons par ce qui précède que, dans lesconditions où nous venons d'opérer, c’est la neutralité à la phtaléine qui constitue le milieu le plus favorable à l’action de l’enzyme. La cochenille se comporte comme lalizarine. 196 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Pour l’orcine on trouve des résultats dans le même sens, mais ici le phénol se colore par l'oxydation au lieu de se décolorer. J’ai vérilié, dans le cas de l’alizarine et de l’orcine, l’infh ence favorable d’un milieu neutre à la phtaléine par la mesure du vo- lume d’oxygène absorbé et J'ai trouvé, qu’en particulier pour la- lizarine, la macération naturelle même ramenée à la neutralité à la phtaléine, ne renferme pas une dose de sel suffisante pour per- mettre d’oxyder une quantité notable de substance. Il faut dans ce cas ajouter un excès de phosphate disodique (PO*Na?H) pour pouvoir faire des mesures (1). Dans l'expérience ci-dessous j'ai étudié d’une façon métho- dique l'influence de laréaction du milieu sur l’orcine. La durée de cette expérience était de 24 heures et le volume total du liquide enfermé dans les cloches graduées était de 25 c. c. N 2N. POiN#H POINa’H NaOH + S OH = Ë ë Orcine. Macér. 10 Cristallisé. Anhydre. LOVE PARIS gr. C. C- mgr. mer. mgr. mgr. CAC CRC 0,8 0Ye0 0 0 0 455 Corrigé. 0,8 12%0:6 (2). 70 0 0 10 8,5 coloré. 0,8 à KES 3 (3) 0 0 4,7 3,2 incolore. 0,8 440 3 (3) 13,16 0 7 5,5 peu coloré. 9 4 2010 (NE 22265200) NO 9,8 8,3 coloré. 0,8 12220 3 (3) 26,32 8,57 9,9 8,4 coloré. DS 20 6 (2) 2 0 52,6 0 14,5 13 coloré. Ces chiffres nous enseignent qu’une macération neutre à la phtaléine est environ 3 fois plus active qu'ure macération neutre à l’hélianthine : en outre nous constatons qu’une macération neu- tre à l’hélianthine reprend son activité à mesure qu’on lui resti- tue er (PO*R*H) phosphate bibasique l’alcalinité perdue. Nocs voyons de plus que : 1° les phosphates acides sont indif- férents ; 2° les phosphates bibasiques sont très activants. Il n’est pas inutile de faire observer que les mêmes doses de phosphate, qui exercer t ici une action activante considérable sur la macération, sont à peu près inactives lorsqu’on les emploie seules. (1) Cette question est traitée avec tous les développements qu’elle comporte dans ma thèse de doctorat. Paris, avril 1910. (2) Neutre à la phtaléine. (3) Neutre à l’hélianthine. PHÉNOMÈNES OXYDASIQUES 797 Enfin j'ai observé qu'exceptionnellement, certaines substan- ces comme par exemple lhélianthine (1) ne s’oxydent pas dans un milieu neutre à la phtaléine. Dans ce cas, pour que !a fixation d'oxygène puisse avoir lieu, il faut opérer dans un milieu neutre à l’hélianthine ou en présence d’un phosphate acide. Ces oxydations se distinguent des précédentes par une plus grande lenteur. CA AALERE 14 Sans vouloir préjuger ce que l'avenir nous apprendra sur les phénomènes oxydasiques encore inconnus, on peut conclure que, sauf dans quelques cas particuliers, les phénomènes oxydasi- ques naturels et artificiels actuellement connus sont régis par un mécanisme analogue. Bien que nous y soyons autorisés par un grand nombre de faits, il nous semble cependant prématuré et hasardeux d'identifier complètement ces deux genres de phénomènes. Il faut surtout se garder de généraliser hâtivement, comme l’a fait Dony-Hénault, pour lequel un phénomène oxydasique se résume, ou peu s’en faut, à un apport d'ions OH. Cette conception est en contradiction avec le fait que certains phénomènes oxydasiques ne peuvent se manifester qu’er pré- sence d’un phosphate acide, ainsi que je viens de le démontrer pour lhélianthine. Il convient aussi de reconnaître que les enzymes naturels sont, en général, plus puissants et à la fois plus fragiles et aussi infini- ment plus sensibles à l’action des acides, des alcalis, des sels et de la température, que les catalyseurs artificiels connus jusqu’ici. Parmi ces derniers, le ferrocyanure de fer colloïdal est incontesta- blement celui qui se rapproche le plus, aussi bien par l'intensité et la grandeur des effets obtenus, que par l’ensemble de ses pro- priétés, des catalyseurs naturels désignés sous le nom de clastases, de peroxydases ou de peroxydiastases. Il est permis d’espérer que l’on pourra aller encore plus loin et qu'il sera possible de réaliser un jour la synthèse des enzymes oxydants. (1) L’hélianthine ne renferme pas de groupement phénolique (OH). Contribution à l'Étude de la Latence du Virus rabique dans les centres nerveux par Le Dr P. REMLINGER Il est généralement admis que le virus rabique chemine vers les centres nerveux par la voie des nerfs et que le but du traite- ment pasteurien est de l'empêcher d’arriver jusqu’à l’encéphale (neutralisation du virus dans le système nerveux périphérique), ou de s’y multiplier (immunisation préalable du système nerveux central). Nous avons, il est vrai, émis l'hypothèse — basée sur des expériences de A. Marie et sur des recherches personnelles — que, dans certains cas, le virus rabique arrivait au cerveau et s’y développait de façon précoce et que le traitement pasteurien agis- sait alors en neutralisant 1n situ le virus demeuré latent, inoffen- sif pendant un temps plus ou moins long (1). Dans notre esprit, ce deuxième mode d’action du traitement antirabique se rappor- tait à des cas exceptionnels et non à la majorité des faits. D’un intéressant mémoire publié récemment par M. Paltaüf, directeur de l’Institut antirabique &e Vienne (2), il semble résulter que ces cas de latence du virus dans le cerveau sont beaucoup plus fré- quents qu'iln’est admis et constituent même — pourrait-ondire — la règle. M. Paltaüf inocule en effet à des lapins le cerveau de quatre personnes ayant succombé, soit au cours du traitement antirabique, soit très peu de temps après lui, à des affections n'ayant rien de commun avec la rage (delirium tremens, artério- sclérose cérébrale, embolie pulmonaire) et les voit succomber à la maladie. L'époque tardive de la mort des lapins (quarantième jour et davantage) ainsi que les symptômes présentés par eux (1) P. REMLINGER. À quel moment le cerveau des hommes et des animaux mordus par un chien enragé, devient-il virulent? Société de Biologie, 10 juin 1905. — Contri- bution à la pathogénie de la rage. Socrété de Biologie, 16 février 1907. (2) PaArrAUF, Zür Pathologie der Wutkrankheiït beim Menschen. Wiener Klin. Woch. 22 juillet 1909, p.p. 1023, 1027. LATENCE DU VIRUS RABIQUE 199 (rage consomptive), prouvent que le virus fixe n’est pas en cause, mais qu'il s’agit d’un virus de rue et d’un virus de rue atténué soit par le traitement pasteurien, soit par la force destructive de l'organisme. M. Paltaûf inocule semblablement, sous la dure-mère du lapin, le bulbe de trois personnes ayant succombé un temps beaucoup plus long que les précédents après la fin du traitement, et n’observe, chez les animaux, aucun symptôme. On conçoit les conclusions qu'il est possible de tirer de ces recherches. Lorsqu'un homme est mordu par un chien enragé, il est fatal ou à peu près fatal (4 fois sur 4 d’après Paltaüf), que le virus rabique parvienne jusqu'aux centres nerveux. La rage néanmoïns ne se manifeste pas dans tous les cas (elle n’apparaïîtrait même, d’après Paltaüf, que dans 6 à {0 0 /0 des morsures) parce que le virus peut demeu- rer dans le cerveau à l’état latent pendant un temps très long, ét qu'il peut y être détruit à la suite d’essais thérapeutiques (vacci- nation pasteurienne) ou même spontanément (force destructive de l’organisme). .. Le problème ainsi posé est intéressant au point de vue de la pathogénie, non seulement de la rage, mais encore des folies infectieuses en général et il nous a semblé utile de chercher à l’éclaircir à l’aide de quelques expériences. Celles-ci ont consisté à inoculer sous la peau de deux lots de chiens ou de cobayes du virus de rue ou du virus fixe. Dès qu’un animal du premier lot présen- tait des symptômes de rage, tous les animaux de l’autre étaient sacrifiés et le bulbe de chacun d’eux servait à inoculer des lapins par voie, sous-dure-mérienne. On pouvait ainsi comparer le nombre des atteintes dans le lot des sacrifiés (soupçonné de recéler dans le cerveau du virus rabique destiné à demeurerlatent) et. dans le lot des animaux abandonnés à eux-mêmes. Deux mois après le début de lexpérience (virus fixe), trois mois après lui (virus de rue), les survivants de ce dernier lot étaient sacrifiés à leur tour et leur bulbe inoculé de même au lapin par trépanation. Ilva de soi que lavérification, chez le chien ou le cobaye, des idées émises par Paltaüf sur la pathogénie de la rage chez l’homme, implique un nombre d’atteintes plus considérable dans le lot des animaux sacrifiés, que dans l’autre. Elle suppose aussi la mise en évidence du virus chez quelques-uns des animaux tués un temps très long après l’inoculation, alors que toute chance d'apparition de la maladie peut être considérée comme conjurée 800 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Au contraire, si les idées classiques sur la pathogénie de la rage sont exactes, le nombre des atteintes dans les deux lots doit être sensiblement égal, voire inférieur parmi les sacrifiés. En outre, on ne conçoit guère qu'on puisse trouver du virus rabique chez des animaux à une période très éloignée de l’incubation habituelle de la maladie. Tout au moins, cette trouvaille doit-elle être tout à fait exceptionnelle. Ceci posé, les résultats des expériences ont été les suivants : ExPÉRIENCE I. — Cobayes et virus fixe. Le 12 octobre 1909, vingt cobayes reçoivent sous la peau de la patte postérieure droite chacun un centimètre cube d’une émulsion de virus fixe à 1/100. Ils sont ensuite divisés en deux lots de dix cohayes chacun. Le 21 octobre (9€ jour), un cobaye présente une paralysie du train postérieur, ‘ caractéristique d’un début de rage. Le lot auquel il appartient constitue dès lors le lot témoin. Les dix cobayes de l’autre lot sont sacrifiés. Le bulbe de chacun d’eux est,après émulsion dans de l’eau stérilisée, inoculé sous la dure- mère de deux lapins. Lot témoin : Le 22 octobre, mort du premier cobaye et de deux autres (rage). Le 24 octobre, mort de deux cobayes (rage). 1626 octobre, mort d’un cobaye (rage). Le 29 octobre, mort d’un cobaye |rage). Au total 7 morts(70 0 /0) et3 survies (30 0 /0). Les 3 cobayes survivants ont été tenus en observation pendant deux mois et durant ce laps de temps, ils n’ont présenté aucun symptôme morbide. Le 25 décembre, ils sont sacrifiés et leur bulbe est inoculé souséa dure-mère de 6 lapins. Aucun de ces animaux n’a présenté de manifestations rabiques Deuxième lot. (Sacrifié au 9€ jour) CoBAYE 1 ( Lapin 1. — A survécu COBAYE 6. 3 | Lapin 2. — A survécu. Lapin 1. — Mort de rage au 9€ jour. Lapin 2. — Suspect de rage le 31 octobre, se remet les jours suivants, est trouvé mort le 16 novembre. Passages négatifs. ° { Lapin 2. — A survécu. GoaUute { Lapin 1. — Mort accidentellement. © { Lapin 2. — Mort de rage au 8° jour. : Lapin 1. — Mort de rage au 8° jour. PURES Lapia 2. — Mort accidentellement. SES { Lapin 1. — Mort de rage au 9° jour. { Lapin 2. — Mort de rage au 9 jour. CAE { Lapin 1. — A survécu * | Lapin 2. — A survécu. { Lapin 41. — A survécu. 2 1 CoBAYE LATENCE DU VIRUS RABIQUE 801 CREER Lapin 1. -— A survécu. A San 2. — À survécu. Lapin 4, !_ A survécu. COBAYE. 9. FFUT | Lapin 2; — A survécu. DAS RENE Lapin‘1. — Mort de rage au 9° jour. AÈTA *® { Lapin 2: — Mort de rage au 9 jour. Au total, 5 animaux (50 0 /0) du deuxième lot contre 7 (70 0/0) du pre- mier ont présenté des manifestations rabiques. ExPÉRIENCE II, — Chiens et Virus fixe. Le 30 septembre 1909, on inocule dans les muscles de la cuisse de dix chiens (6 chiens adultes et 4 très jeunes chiens) trois c. c. d’une émulsion de virus rabique fixe à 1/100. Ces 10 animaux sont alors divisés en deux lots aussi semblables que possible. Le 6 octobre (7€ jour), l’un des jeunes chiens présente de la tristesse, de l’inappétence, un début de paralysie des membres postérieurs. Le lendemain matin, on le trouve étendu sur le côté, complète- ment paralysé et il ne tarde pas à succomber. Dès lors, le lot auquel il appartient est considéré comme « lot témoin ». Les 5 animaux de l’autre groupe sont sacrifiés et le bulbe de chacun d’eux sert à inoculer par trépa- nation deux lapins. Lot témoin. Chien 1 (très jeune chien). Premiers symptômes de rage le 6 octobre (7e jour), mort le 7 (8° Jour). Passages négatifs. : Chien 2 (très jeune chien). Premiers symptômes de rage le 10 octobre (11€ jour); mort le 11 (12€ jour). Passages positifs. Chien 3 (Adulte). A survécu. Chien 4 (Adulte). A survécu. Chien 5 (Adulte). A survécu. Ces trois derniers animaux ont été tenus en observation jusqu’au 30 no- vembre. À cette date, ils ont été sacrifiés et leur bulbe a été inoculé sous la dure-mère du lapin. Les passages sont demeurés négatifs. Deuxième lot (sacrifié au 10€ jour). Lapin 1. — Mort de rage au 10€ jour. Chien 1 (t e hi : : Len RE Teune CRE Lapin 2. — Mort de rage au 11€ jour. \ ( Chien 2 (très jeune chien). Lapin 1. — A survécu. Lapin 2. — A survécu. FENTE \ Läpin 1. — A survécu. ae eue). { Lapin 2. — A survécu. RUES ( Lapin 1. — A survécu. Chien 4 (adulte). a ee : Lapin 1. — A survécu. CERN TR 2. — A survécu Au total, un résultat positif (20 0/0) dans le second lot contre deux (40 07/0) dans le premier, o1 802 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR EXPÉRIENCE III. — Cobayes et virus de rue. Le 21 novembre 1909, on inocule sous la peau de la patte postérieure droite de vingt cobayes un c. c. d’une émulsion à 1 0 /0 d’un virus rabique de rue tuant le lapin sous la dure-mère en 17 jours. Ces vingt cobayes sont alors divisés en deux lots comprenant chacun dix animaux. Le 5 décembre (15e jour), début de la rage chez un cobaye. Le groupe auquel il appartient est dès lors considéré comme lot témoin. Tous les co- bayes de l’autre lot sont sacrifiés et le 8 décembre (18° jour) le bulbe de chacun d’eux sert à inoculer par trépanation deux lapins. Lot témoin : Le 7 décembre (17° jour), mort d’un premier cobaye (passages positifs). Le 10 décembre (20€ jour), mort d’un deuxième cobaye (passages positifs). Le 26 décembre (36€ jour), mort d’un troisième cobaye (passages positifs). Les sept autres cobayes sont demeurés vivants et bien portants jusqu’au 21 février, date à laquelle ils sont sacrifiés. La bulbe de chacun d’eux sert à inoculer par trépanation deux lapins. Aucun d’eux, tenu en observation pendant plusieurs mois, n’a contracté la rage. Deuxième lot (sacrifié au 15€ jour). Lapin 1. — A survécu. DUOTAUES Lapin 2. — A survécu. CORRE) { Lapin 1. — Mort de rage au 17° jour. ® { Lapin 2. — Mort de rage au 18° jour. AE Lapin 1. — A survécu. Cons rEnse Lapin 2. — A survécu. Ê NN Uisapin-1:1—rA "survécu: CORRE Lapin 2. — A survécu. Lapin 1. — À survécu. AE Lapin 2. — Mort au 10€ jour (passages négatifs). & \ Lapin 1. — A survécu. COPERER RE | Lapin 2. — A survécu. e - ( Lapin 1. — Mort de rage au 16° jour. CORTE RS | Lapin 2. — Mort de rage au 19° jour. ; Lapin 1. — A survécu. te IN Lapin 2. — A survécu. a 4 Lapin 1. — Mort au 50° jour (passages négatifs). ARTE | Lapn 2. — A survécu. C .{ Lapin 1. — A survécu re | Lapin 2. — Mort accidentellement. Au total, deux cobayes du deuxième lot ayant du virus dans le cerveau au 18° jour contre trois cobayes du lot témoin morts de rage du 172 au 36€ jour après l’inoculation. EXxPÉRIEACE IV. — Chiens et Virus de rue, Le 21 novembre 1909, on inocule dans les muscles de la cuisse de 8 chiens, 9 e. c. d’une émulsion à 1 0/0 du même virus de rue, tuant le lapin sous la dure-mère en 17 jours. On répartit ensuite ces chiens en deux lots de quatre LATENCE DU VIRUS RABIQUE 803 animaux chacun. Le 18 décembre, l’un des chiens commence à présenter des symptômes de rage furieuse. Le lot auquel il appartient est alors consi- déré comme lot témoin. Les quatre chiens de l’autre lot sont sacrifiés et le bulbe de chacun d’eux sert à inoculer par trépanation deux lapins. Lot témoin : Chien 1. — Premiers symptômes de rage furieuse le 18 décembre (27€ jour). Mort le 22 décembre (31€ jour). Chien 2. — Premiers symptômes de rage furieuse le 26 décembre (35€ jour). Mort le 28 (37° jour). Chien 3.— A survécu. Chien k. — A survécu. Le 21 février, ces deux animaux sont sacrifiés et leur bulbe est inoculé sous la dure-mère du lapin. Ceux-ci observés pendant plusieurs mois n’ont présenté aucune manifestation rabique Deuxième lot (sacrifié au 28° jour). RC vas | Lapin 1. — Commencement de rage le 20° jour; mort le 23e. 9 Lapin 2. — Commencement de rage le 26° jour; mort le 27e Ghon 2 { Lapin 1. — A survécu. { Lapin 2. — A survécu. ons tas Lapin 1. — A survécu. Lapin 2. — A survécu. GpEDnE Ce { Lapin 2. — À survécu. * | Lapin 1. — A survécu. En récapitulant les résultats de ces diverses expériences, on trouve que sur vingt cobayes ayant reçu sous la peau du virus de rue ou du virus fixe, dix ont succombé à la rage, tandis que sur vingt autres, inoculés dans des conditions identiques et sacrifiés au moment où les témoins commençaient à présenter des manifes- tations rabiques, sept seulement avaient à ce moment, du virus rabique dans le cerveau. Neuf chiens ayant reçu dans les muscles de la cuisse du virus de rue ou du virus fixe ont donné quatre morts de rage. De neuf autres chiens, semblablement inoculés, deux.seulement avaient du virus dans le cerveau au moment où ils ont été sacrifiés, c’est-à-dire lorsque les témoins commen- çaient à succomber. Quinze animaux (10 cobayes, 5 chiens) ayant été sacrifiés un temps très long (deux à trois mois), après l’inoculation, il n’a été possible de déceler chez aucun la présence du virus rabique. Celui-ci par conséquent n’existait chez aucun « à l’état latent ». On conçoit, sans qu'il soit nécessaire d’insister, que les résultats eussent été différents si le virus rabique inoculé sous la peau ou dans les muscles, parvenaïit aux centres nerveux fatalement ou à 804 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR peu près fatalement, et s’il était détruit dans les centres nerveux même dans 90 à 94 0 /0 des cas par la force destructive de l’orga- nisme ou celle des vaccinations. Chez les animaux sacrifiés, le virus rabique eût été décelé un nombre de fois au moins égal au nombre des atteintes derage dans le groupe des animaux abandorn- nés à eux-mêmes et, chez quelques-uns des chiens et des cobayes tardivement sacrifiés, l’inoculation au lapin eût dû déceler, après une incubation,peut-être très longue il est vrai, un virus «latent » en voie de destruction. Ces expériences ne sont nullement en opposition avec celles par lesquelles nous avons autrefois établi (1) que, si on inmocule du virus rabique sous la peau ou dans les muscles d’un cobaye ou d’un lapin, les centres nerveux sont virulents à une époque plus rapprochée de linoculation, plus éloignée par conséquent de l’éclosion de la maladie (11 et 12 jours avant la mort dans deux observations) qu'il n’est classique de ladmettre. Nous ne renonçons pas davantage aux hypothèses que nous avions cru pouvoir tirer de ces expériences ainsi que d’autres très intéressantes de A. Marie, à savoir que, dans certains cas, le virus rabique peut demeurer dans le cerveau à l’état latent et que le traitement pasteurien agit alors en neutralisant le virus dans les centres nerveux mêmes. Pour plus fréquent qu'il n’est géné- ralement admis, ces faits ne nous paraissent pas devoir constituer la règle. C’est au sujet de leur fréquence que nous différons d’avis avec M. Paltaüf... Comment peut-on expliquer le désaccord qui existe entre les résultats obtenus par cet auteur sur homme et par nous sur l'animal? En raison de la réceptivité en somme très faible de l’espèce humaine à l’égard du virus rabique, on peu supposer que la pathogénie de la maladie diffère dans ces deux conditions. Nous avons cherché à nous mettre dans une certaine mesure à l’abri de cette cause d’erreur en expérimentant sur le chien dont la réceptivité est sensiblement la même que celle de l’homme et avee le virus fixe, atténué comme on sait, pour l’orga- nisme du chien... Faut-il, avec A. Marie (1), mettre en doute le diagnostie de la rage porté par Paltaüf sur les lapins inoculés avec le bulbe de ses malades? La mort des animaux ne se produisit (14) Loc: cit. (2) A. Marne, Bulletin de l'Institut Pasteur 1909, p. 758. LATENCE DU VIRUS RABIQUE , : 805 jamais en effet avant le quarantième jour et elle n’eut tieu qu'après trois mois dans une observation.Ces longues incubations se retrouvaient au cours des passages ultérieurs de lapin à lapin, passages qui arrivalent rapidement à être inoffensifs. Les symp- tômes étaient en outre peu caractéristiques et consistaient sur- tout en amaigrissement et en diminution de lappétit (rage consomptive ?), La comparaison qu'établit Paltaüf entre ces faits ‘et ceux qu’on observe avec-les virus affaiblis à la suite d’un L 2 passage par l’organisme du singe ou des oiseaux, est loin, d’être convaincante. Notons encore l’absence des corps de Négri, Il semble que, dans l'hypothèse d’un virus atténué, ceux-ci eussent dû, tout au contraire, se montrer constants et tout particulière- ment typiques. On ne pourra être définitivement fixé sur la réalité des faits avancés par Paltauüf, qu'après avoir pratiqué l’inoculation des centres nerveux d’un grand nombre de per- sonnes décédées au cours du traitement antirabique ou après lui, de maladies autres que la rage et qu'après avoir soumis les animaux inoculés à des expertises très rigoureuses. Les cas de mort dans ces conditions sont exceptionnels. Aussi est-il pro- bable que les problèmes posés attendront quelque temps leur solution. Dès maintenant, nous versons au débat les deux observations qui suivent. Les lapins observés pendant plusieurs mois n’ont — contrairement à ce que le mémoire de Paltaüf permettait de supposer — présenté aucun symptôme morbide. OBSERVATION I.—— M... G.... 60 ans, Arménien, entre à l’Institut anti- rabique de Constantinople le 17 septembre 1908, 20 jours après avoir été mordu à la cuisse gauche par un chien déclaré enragé par certificat d’un vétérinaire. Le malade profère des paroles incohérentes et on ne peut en tirer aucun renseignement. On constate à la cuisse quatre plaies profondes, entièrement à vif. On l’inocuie le 17 et le 18 septembre. Il meurt dans la nuit du 18 au 19. A l’autopsie, on trouve une méningite tuberculeuse typique. On prélève néanmoins un peu de substance nerveuse au niveau du plancher du 4° ventricule et on l’inocule sous la dure mère de trois lapins. Ceux-ci ont été conservés au laboratoire pendant plus de six mois. Aucun symptôme morbide. OBSERVATION II. — A... N..., 72 ans, Arménien, entre à l’Institut anti- rabique de Constantinople le 24 novembre 1909, 10 jours après avoir été mordu à la jambe gauche par un chien qui, d’après l’interrogatoire du ma- lade, présentait tous les symptômes de la rage, a mordu quatre autres personnes encore et a été tué ensuite. On constate à la jambe une morsure large et profonde qui a beaucoup saigné et n’a subi aucune eautéri- 806 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sation. Elle a été faite à travers un pantalon peu épais qui à été fortement déchiré. A... N... qui présentait des signes de sénilité très avancée est trouvé mort dans son lit, le 10 décembre au matin, soit au 16€ jour de son traitement. L'autopsie ne peut être pratiquée.On se contente de prélever un fragment de moelle cervicale et de l’inoculer sous la dure-mère de deux lapins et dans la chambre antérieure de deux autres. Tous ces animaux sont demeurés vivants et bien portants pendant plus de quatre mois. Jusqu'à plus ample informé, nous continuerons à croire qu’en cas de morsure par un animal enragé, il n’est nullement fatal que le virus arrive jusqu’au cerveau. Toutefois, il est détruit moins souvent qu'il n’est classique, soit au point même où il a été déposé soit au cours de son ascension le long des nerfs périphériques et c’est plus souvent peut-être qu'il n’est admis, qu'il arrive aux centres nerveux. ‘ La maladie à ce moment ne se déclare pas fatalement. Le virus peut demeurer latent dans les centres, y être détruit soit par l’effet des vaccinations, soit spontanément, comme aussi se réveiller soudain sous l’influence de facteurs bien connus, tels que traumatismes en particulier céphaliques, émotions morales vives, refroidissement local ou général, etc. Il ne faut pas s’exa- gérer la fréquence de ce phénomène de « latence ». Comparé au mode pathogénique classique de l'infection rabique, il constitue bien probablement l'exception. Action de l'intestin grêle sur les microbes Par Le Dr Eucixe WOLLMAN (Laboratoire de M. METCHNIKOFF) Pour comprendre le rôle des microbes dans les voies diges- tives et leur signification pour les processus physiologiques et pathologiques qui s’y passent, il faut connaître les conditions d’ac- tivité qu'ils rencontrent dans les différentes parties du tube gastro- intestinal. On conçoit donc que cette question ait été l’objet de très nombreux travaux. Pour ce qui est de l'estomac, l’action bactéricide du suc gas- trique a été établie par un grand nombre d'auteurs (1).Les uns l’at- tribuent exclusivement à l’HCI du suc gastrique, d’autres, beau- coup moins nombreux, accordent un certain rôle aux substances organiques. Beaucoup de microbes ne résistent que.très peu de temps à l’action nocive du suc gastrique, et la très grande majo- rité sont détruits après quelques heures de séjour. Il semble bien démontré (2) qu'il n'existe pas, en dehors de cas pathologiques, de flore propre de l’estomac. Mais, dans les conditions ordinaires, tous les germes ne sont pas détruits dans l'estomac (3) et il y en a qui, enfouis dans les particules alimentaires ou grâce à un séjour trop court, passent dans le duodénum à l’état vivant. Que deviennent ces microbes? Pour quelques auteurs (4) l’'œu- vre de destruction, commencée dans l'estomac, se poursuit dans le reste du tractus gastro-intestinal. Pour Klein, depuis le duodé- (1) Vicxaz, ALapy, SrrAUS et WürTz, HAMBURGER, KURLOFF et WAGNER London. (2) Kurzorr et WAGNER. (3) MARFADYEN, VENCKI et SIEBER, MEDOWINOFF. (4) MaxxagercG et surtout AL. KLEIN, 808 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR num et jusqu’au rectum, il n’y a nulle part multiplication — il n’y a que destruction des germes, exception faite dans des cas isolés pour la partie inférieure du tube intestinal. I en conclut que ni l'intestin grêle ni le gros intestin n’ont de flore microbienne pro- pre et qu'il faut refuser aux microbes tout rôle bienfaisant ou nocif. Pour expliquer la constance de certaines espèces intesti- nales (groupe du coli), Klein invoque leur ubiquité dans la nature et leur résistance plus considérable aux forces bactéricides de Pin- testin. Un tel point de vue ne saurait être soutenu en ce qui concerne le gros intestin. C’est ainsi que le nombre de germes dans les ma- tières. fécales ne se trouve pas sensiblement diminué par une ali- mentation stérile (1). Pourtant la principale source de germes se trouverait ainsi supprimée. Mais s’il est certain que le gros intestin renferme, d’une façon constante, un grand nombre de microbes vivants constituant une flore autonome, on est beaucoup moins d’accord sur le micro- bisme de l'intestin grêle. Escherich établit dès 1886 que l'intestin grêle des enfants est habité par deux espèces microbiennes (2) : le bacterium lactis aerogenes dans sa partie supérieure, le bacterium coli commune dans sa partie inférieure. Il considéra ces deux espèces comme hôtes normaux de lin- testin grêle. Hochsinger confirma ces données. Gessner trouve constamment dans le duodénum de l’homme (l’autopsie suivait de près la mort) une espèce voisine du b. lactis aerogenes et le b. coli, bien que ce dernier y soit beaucoup moins abondant que dans le gros intestin. Klecky trouve le b. coli d’une facon constante dans le duodénum du chien. En dehors de ces es- pèces, signalées par la majorité des auteurs, on a isolé de l’in- testin grêle un certain nombre d’autres formes et surtout des bac- téries liquéfiantes (3). Il semblerait donc tout d’abord que l'intestin grêle ne consti- tue pas un milieu inhabitable pour les bactéries (Dallemagne). Pourtant si l’on considère. la diversité des espèces microbiennes (1) EBERLÉ, HAMMERL, STERN. (2) Un certain nombre d’auteurs pensent qu'il s’agit d’une seule et mème espèce. (3) Connis et BABES, GESSNER, BORDAS. “ INTESTIN GRÈLE ET MICROBES 8119 qui pénètrent du dehors dans les voies digestives supérieures, on est frappé du petit nombre de formes qu’on y retrouve. Il est bien entendu que la très grande majorité périssent dans lestomac ou y sont tout au moins fortement affaiblis dans leur vitalité; 1l n’en reste pas moins vrai que de très nombreux microbes arrivent à l’état vivant dans le duodénum. Une préparation microscopique faite avec du chyme montre un grand nombre de germes. Mais, bien qu’on ne réussisse à en culti- ver qu’une partie, le nombre de colonies données par une anse est de beaucoup supérieur à celui qu’on obtient avec la même quan- tité de contenu à jeun (1). Quelques auteurs ont même insisté sur le fait que l'intestin grêle à jeun ne renferme que très peu de microbes. De Giaxa trouve stérile un intestin de veau vide de matière. Klein ne trouve qu’un petit nombre de germes dans celui de lapin, mais ne pense pas qu'il y ait jamais stérilité absolue. Rolly et Lie- bermeister font des plaques avec une anse de mucus d’intestin grêle (lapin) vide. La plupart des plaques ainsi faites restent stériles. Quelques-unes donnent un petit nombre de colonies. Kohlbrugge trouve stériles les parties d’intestin grêle qui ne renferment pas d’aliments. Schütz trouve peu de microbes dans l'intestin grêle vide d’une partie des chats examinés par lui. Chez la majorité il trouve des germes en abondance et explique ce fait par la présence de vers intestinaux (2). Medowikow examine l'intestin grêle de 11 jeunes lapins et chiens à jeun et conclut qu’en dehors de la digestion, l'intestin grêle ne renferme que très peu de microbes. Pour expliquer la pauvreté en germes de l'intestin grêle, Es- cherich invoque la dilution du chyme par les sucs intestinaux et la brièveté du séjour qu'y font les aliments. Alex. Klein, en se basant sur la valeur du «Sterilitäts index » croit lui aussi que cette pauvreté n’est que relative et explique la teneur énorme en ger- mes du cœcum et du colon par la concentration de plus en plus grande des résidus alimentaires. D’autres auteurs ont cherché l'explication des faits cités plus (1) Scaürz, KonzBeRuGGE, AL. KzeiN, RoLLzy et LIEBERMEISTER, MEDOWIKOW, (2) Dans le cours de ces expériences, j’ai souvent trouvé un nombre considérable de germes dans le duodénum et jéjunum de chats à jeun depuis 48 heures en absence d’helminthes. 810 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR haut dans l’action bactéricide de l’un ou l’autre suc intestinal. La bile jouirait d’un certain pouvoir bactéricide, d’après Tiedemann et Gmelin. Vignal et après lui Leubuscher trouvent lai bile et le suc pancréatique mauvais milieux de culture, mais dépourvus d’action bactéricide (1). Leubuscher arrive au même résultat pour le suc entérique. Ses conclusions sont confirmées par Mieczkowski. D’autre part, Kohlbrugge, sans en donner de preu- ves, attribue un pouvoir bactéricide au suc entérique in vivo. Rolly et Liebermeister étudient à nouveau, sous ce rapport, la bile et le suc pancréatique. De plus, songeant à un pouvoir ac- tivant possible, ils les mélangent avec de l'extrait de paroi in- testinale broyée. Maïs, ni en mélange ni isolément, ils n’ont pu constater de propriétés bactéricides.Tout u plus la bile exerçait- elle un certain pouvoir empêchant. En résumé, on peut conclure qu'aucun dès sucs intestinaux examinés 1 vitro, ne présente de pouvoir bactéricide tant soit peu net. Quelques auteurs ont donc cherché à élucider par des expé- riences sur l’animal vivant les causes de la disparition des micro- bes dans l'intestin grêle. Schütz introduit, par une canule placée dans le duodénum d’un chien, des quantités considérables (jusqu’à 100 milliards) de Vibrion Metchnikowi. Le chien est sacrifié 3 heures après l’injection. Sur les plaques de gélatine faites avec le contenu de l'intestin grêle, on ne trouve pas de colonies de Vibr. M. Ces colonies sont abondantes sur les plaques faites après enrichissement dans l’eau peptonée. Le gros intestin et le rectum ne donnent pas de colonies, même après en- richissement. Schütz explique ces résultats par la présence, dans l'intestin grêle, de substances bactéricides élaborées par les cellules de la muqueuse intestinale. Rollv et Liebermeister, après avoir démontré que les sucs intestinaux ne possèdent pas de propriété bactéricide 1n vitro, étudient ce qui se passe 17 pivo. Après laparotomie ils injectent, dans un segment d’'intestin grêle, une suspension de microbes (Bact coli, Vibr. Metchnikowi, (1) LeupuscHEr accorde toutefois un certain pouvoir bactéricide aux acides biliaires libres. INTESTIN GRÈLE ET MICROBES 811 Staphylocoque doré). Le segment d’intestin est ensuite lié {avec conservation de la cireulation) et l'intestin laissé plonger dans de la solution de Ringer oxygénée et portée à 409; ou bien remis en place et la paroi suturée. Au bout d’un certain temps, nouvelle laparotomie et le contenu intestinal est ensemencé sur plaques. Dans les expériences où l'intestin plongeait dans la solution de Ringer, iln’y a eu aucune action bactéricide nette, mais la mul- tiplication des microbes a été assez lente. Dans la série où l’in- testin, après injection et ligature (avec ou sans suppression de la circulation artérielle, ce qui ne changeait d’ailleurs rien aux résul- tats), était remis en place, les auteurs admettent une certaine action « empêchante plutôt que bactéricide ». Pour les auteurs, la différence de résultats dans les deux séries d'expériences s’ex- pliquerait par les conditions plus rormales de la 2€ série. Ils constatent d’autre part l’acidité élevée du chyme et le fait que, dans les milieux de culture ramenés au même taux d’acidité, la multiplication des germes se trouve empêchée. Ils concluert done que l'acidité du contenu et la péristaltique sont d'importants facteurs de la limitation de la flore de l'intestin grêle ; que le sue entérique est entièrement dépourvu de propriétés bactéricides, mais qu’or peut accorder un certain pouvoir empê- chant à la paroi intestirale vivante (1). Medowikow suit ure voie toute différente. Sur deux chiens munis de fistuies l’un sur le jéjunum, l’autre sur le Jéjunum et et sur l’iléum, il étudie la variation de la quantité de germes dans le chyme pendant la digestion. Le chyme était recueilli dans des ballons qu’on changeait toutes les heures. De temps en temps on ensemençait une anse de chyme directement de la fistule, une autre du ballon. L’allure était la même dans les deux cas : le nom- bre de germ®s augmentait jusqu’à un maximum pour tomber ensuite, l’anse prise directement à la fistule donnant constam- ment plus de colonies que celle prise dans le ballon. Le maximum correspondait au moment du passage de la graisse, les portions de chyme qui suivaient présentaient quelquefois 20 fois moins de germes (àction mécanique de balayage). Le fait que le chyme cueilli dans le ballon était constamment moins riche en germes (1) « Dem darmsaft keine bakterienhemmende Fähigkeit zukommt... wohl abe der lebenden darmwand bis zù eirem gewissen Grade zugezprochen werden kann. 812 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR que celui pris directement à la fistule, ainsi que celui de la dimi- nution du nombre de germes dans les ballons mis à l’étuve pen- dant plusieurs heures montrent que le chyme est faiblement mais nettement bactéricide. Médowikow nie le pouvoir bactéricide attribué à la paroï intestinale par Rolly et Libermeiïster. Récemment Schütz a publié un nouveau travail tendant à montrer que la paroi intestinale vivante du chat jouit de proprié- tés bactéricides. Après laparotomie il injecte, dans un segment d’intestin grêle de 10-15 centimètres de long, une suspension de Bac. pyocyanique. Le segment est ensuite lié aux deux bouts et placé dans un bain de sang défibriné et de solution physiologique porté à 40° et oxygéné. Dans ces conditions il se produisait, dans l’espace de 30 minutes, une destruction presque totale des germes. Le résultat était beaucoup moins bon lorsque le segment d’intestin plongeait dans l’eau à 390-400 et il était négatif lorsque on se ser- vait d’eau à 149. Schütz croit pouvoir exclure tous les autres fac- teurs et conclut à une activité bactéricide de la cellule épithéliale vivante. C’est en vue d’étudier le mécanisme de ce phénomène que J'ai entrepris mes expériences. Le chat est laparatomisé dans la narcose chloroformée. On place (sans serrer) une ligature sur l'extrémité supérieure du duodénum et une autre (en la serrant) à 15-20 centimètres en aval. On injecte ensuite un volume défini de suspension de micro- bes (vibrion Metchnikowi ou Bac. pyocyanique) en solution phy- siologique, de telle sorte que l’orifice fait par l'aiguille de la serim- gue se trouve en dehors de la 17€ ligature, après quoi on serre celle-ci. Une 3€ ligature est placée tout près de la 2m et serrée, On sectionne lintestin en amont de la 17e ligature et en‘re la 2me et 3me, Le segment (1) long de 15-20 centimètres est plongé immédiatement dans un mélange à parties égales de sang frais défibriné et d’une solution à 9 0/00 de NaCI. Une 4€ ligature délimite avec la 3M€ un nouveau segment de même longueur (F) que l’on met dans ur verre et qu'on laisse à l'air. On prélève un 3me segment (11) dans lequel on injecte de nouveau le tnême vo- lume de suspension microbienne et qu’on plonge comme (I) dans le bain sang—NaCl à 9 0 /00 et ainsi de suite. Les segments (1, IT, IT) alternert ainsi avec les segments (1, Il, IF) qui INTESTIN GRÈLE ET MICROBES 813 leur serviront de témoins (1). Ces derniers segments ne reçoivent d'injection de microbes qu'après avoir séjourné à l’air pendant { h. 1/2-2 heures: à un moment par cor séquent où il ne saurait plus être question d’une ac‘ion vitale des cellules épithéliales. Les segments (1, IT, ITT) séjournent dans le mélange de sang et de solution physiologique pendant 35-40 minutes; pendant tout ce temps on entretient une température de 399-400 et lon fait passer un courant d'oxygène. Aussitôt retirés du bain ces segments sont incisés et leur con- tenu recueilli dans des verres stériles. Au commencement, dési- rant suivre d'aussi près que possible la technique de Schütz, je fai- sais avec ce contenu des plaques de.gélatine d’une part, d'autre part J'enrichissais dans de l’eau peptonée. Bientôt, pour des rai- sons que Je donnerai plus loin, J'ai presque complètement aban- donné les plaques de gélatine pour des plaques de gélose et de plus (dans les expériences avec le Bac. pyocyanique) j'ai eu re- cours au milieu que Gessard avait indiqué comme conve- nant particulièrement bien à la production de pigment par ce mi- crobe (2). Je n’ai plus fait de plaques de gélatine qu'avec du contenu des segments plus ou moins fortement dilué. Les segments ([° I[° IIT°’), après être restés à l’air pendant 1 h.1 /2-2 heures, reçoivent à leur tour une injection de suspension microbienne [même volume que pour les segments (1, IT, III). 39-40 minutes après l'injection on les incise et on procède, comme pour les segments ({, IT, ITT).] La quantité de microbes injectés variait entre 2, 3-200 millions. Le nombre total des expériences a été de 24 dont 17 avec le Bac. pyocyanique et 7 avec le vibrion Metchnikowi. Mes premières expériences avec le Bac. pyocyanique sem- blaient confirmer les résultats de Schütz : je ne découvrais pas de Bac. pyocyanique dans les plaques de gélatine faites soit direc- tement, soit après enrichissement. Voici les détails d’une de ces expérieces (3). (1) Le prélèvement de tous les segments exige 4-5 minutes, l'animal restant en vie pendant l'opération. (2) Gélose hachée....,...... 0,25 gr. . Peptone neutre à 2 0/0... BIC Giyeérine RAR 5 gouttes. Faire bouillir, puis stériliser à 120° pendant 5 minutes. (3) Dans mes premières expériences, je ne faisais pas de segments témoins. 814 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Expér. du 28, VIII. Chat adulte. Culture du Bac. pyocyanique de 6 heures, lavée avec # cm? de solution physiologique. Injecté dans chacun de 4 segments, 2 millions environ de Bac. pyocyanique. Le 4er segment est resté 1 heure dans le bain; les 3 autres 35 minutes chacun. 4-6 gouttes du contenu de chaque segment ont été ensemencées dans la gélatine (plaques) et autant dans l’eau peptonée. Résultats. | PLAQUES FAITES APRÈS ENRICHISSEMENT EG PLAQUES FAITES ECTÈEMEN? 3 : SEGMENT PLAQUES FAITES DIRECTEMENT DANS L'EAU PEPTONÉE PENDANT 12 H. | 1...|1/IX pas de pigment; 4/IX id. | Nulle part trace de pigment. ensemencé sur gélose; 4/IX pas de pigment. II .….. ) » » ) III elute ) » » ) IV ... » ) » » Gélatine reste liquide. , Comme on le voit, il serait aisé de conclure de cette expérience qui se superpose parfaitement à celles de Schütz, que le Bac. pyocyanique a été complètement détruit dans les segments d’in- testin puisque, même après enrichissement, on n’en voit pas trace. L'expérience suivante montre l'erreur qu’on risquerait de com- mettre. Le I /IX j'ensemence une des plaques I, (1) de gélatine restées liquides avec 2 gouttes de culture pure de Bae. pyocyanique Le 4/IX il n’y a pas encore trace de pigment. Ensemencée à son tour sur gélose inclinée, la gélatine liquide ne donne pas de pigment. Comme Schütz l'avait déjà fait remarquer, la plupart des pla- ques qu’on ensemence avec une quantité aussi massive (4-6 gout- tes) de contenu intestinal restent liquides, et, comme on vient de le voir, c’est là une très mauvaise condition pour la mise en évidence du Bac. pyocyanique. Cette remarque trouve une confirmation dans les expériences de Schütz lui-même puisqu'on y voit (expér. n°* 6, 7, 8, 10, etc.) que les plaques de gélatine restées liquides ne donnent pas de pig- ment, tandis que la 2me et 3me dilutions contiennent du Bac. pyocyanique, ou bien que de nouvelles plaques faites avec la (4) JG signifie que la plaque a été ensemencée avec 6 gouttes du contenu du seoment I. INTESTIN GRÈLE ET MICROBES 815 gélatine restée liquide et sans pigment donnent de nombreuses colonies de Bac. pyocyanique. En faisant des plaques de gélatine et en ensemençant avec du pyocyanique seul, d’une part (1), — avec la même quantité de pyo- cyanique plus du coli, d’autre part (2), —la gélatine (1) se liquéfie et présente un pigment assez abondai t, tandis que la plaque (2) reste solide et ne présente que quelques colonies liquéfiantes au bout de 6 jours. Sur gélose on voit, dans les mêmes condi- tions, une production abondante de pigment en (1) tandis que la plaque (2) en reste totalement dépourvue. La présence en grande quantité d’autres microbes (ea parti- culier du coli) influe donc sur la production du pigment par le Bac. pyocyanique et sur sa croissance. C’est au moment où j'ai abordé les expériences avec le vi- brion Metchaikowi et que j'ai obtenu des résaltais tout différents que mon attention a été attirée sur ces faits. Dès lors j’ai adopté la technique décrite plus haut en me ser- vant constamment de segments témoins appartenant, d’après la manière de les prélever, aux mêmes régions de l'intestin que les segments en expérience. De plus, dans quelques expériences faites avec le Bac. pyo- cyanique, J'ai eu recours à l’agglutination pour reconnaître le bacille dans le contenu même des segments. Le résultat a été positif dans tous les cas. Dans la majorité de ces expériences je n’ai plus fait d’enri- chissement. Dans ces conditions, toutes les expériences, tant avec le vi- brion Metchnikowi qu'avec le Bac. pyocyanique, m'ont donné un résultat constant : & n’y avait aucune différence au point de eue de l’action bactéricide entre les segments en expérience (à épi- thélium intact et vivant) et les segments témoins (à épithélium mort). Voici à titre d'exemple les détaïls de 2 expériences : Expér. du 16/1X. — Chat adulte à jeun depuis 24 heures. Culture de vibr. Metchnikowi de 24 heures. Injecté dans chacun des segments 3 €. €: de suspension (environ 10 millions). Les segments [, IT, ITT sont placés dans le mélange sang-NaCI pendant 30°. Les segments l”, Il IIP séjournent une heure à l’air avant de recevoir 3 €. c. de suspension. Le contenu est ense- mencé sur plaques de gélose. Il n’est pl fait de plaques de gélatine, ni d’enrichissement. 816 . Résultats. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR IT. » I. Très nombreuses colonies de V. M. (énviron 1,500). Con- firmé par examen mieroscopi- que de nombreuses colonies. III. Innombrables colonies, dontun nombre considérable de V.M. On en trouve dans chaque préparation microscopique. copique. LFA copique. I’. Aspect macroscopique iden- tique à celui de I. Même résultat de Pexamen micros- » IIP. Aspect macroscopique’ iden- tique à celui de III. Même résultat de l'examen micros- Expér. du 21/V. — Chat adulte à jeun depuis 24 heures. Culture de Bac. pyocyañique de 18 heures. À 10 h. 45° chacun des 3 segments (I, IT, III) est injecté de 4 c. €. (environ 8 millions) de suspension de Bac. pyoc. en solution physiologique. 3 segments témoins sont injectés (même quantité) à 12 h. 15°. Les segments I, IT, III séjournent 35° dans le bain de sang- NaCI1 à 9 0/00. Des plaques sont faites directement avec le contenu des segments intestinaux et après forte dilution. De plus, une goutte du contenu de chaque segment est ensemencé dans l’eau peptonée. Résultats. Directement. 1. Agar. 2, Géssard incliné. 3. Eau pep- tonée. Apres dilution. 1. Agar, 2. Gélatine : 2 plaques. SEGMENT I Innombrables co- lonies, dont la plupart B. pyoc. Pigment abon- dant. Pigment abon- dant. Teinte verdâtre. Nombreuses colo- nies, pigment abondant. | SEGMENT II Innombrables co- lonies, dont Ja plupart B. pyoc. Pigment abon- dant. SEGMENT III Innombrables co- lonies, dont Ja plupart B. pyoc. Pigment abon- dant. Pigment abon-}Pigment moins dant. Teinte verdâtre. Nombreuses colo- nies, pigment très abondant. 1. Liquéfiée; pas | 1. Liquéfiée; pig- de pigment : en- semencée sur gél. inclinée pyocyan. 2, Bac. pyocyan. BAC. ment vert assez marqué. 2, Très nombr. co- lon. liquéfiantes; pas de pigment; ensemencée sur gélose inclinée : Bac. pyocyan. abondant. Teinte verdâtre. Nombreuses cola- nies, pigment très abondant. 1. Liquéfiée; très faible pigment. 2. Innombr. colo- nies liquéfiantes, pas de pigment. Ensemencée sur gélose inclinée. 25/V. Pigment manifeste. INTESTIN GRÊLE ET MICROBES 817 __SEGMENTS TÉMOINS Directement. 4. Agar. Innombrables co-| Partie delaplaque |N’a pas été; in- lonies, grande} recouverte d’un | jecté. majorité : Bac.| voile (subtilis). pyoc. Pigment | Peu de pigment. abondant. Après dilution. 1. Agar. Nombreuses colo- | Tr ès nombr. colo- 2. Gélatine.5 | nies, dont la plu-| nies, la grande part sont des B. majorité sont des pyoc. Pigment| Bac. pyoc. Très très abondant. fort pigment. Liquéfiée, pas de | Très nombr. colo- . pigment. nies liquéfiantes, pas de pigments ensemencés sur gélose inclinée, 25 /V Bac. pyoc. Les autres expériences présentent une marche et des résultats identiques. Il faut par conséquent conclure que, dans les condi- tions données, l’épithélium vivant n’exerce aucun pouvoir bacté- ricide. Il est difficile d’admettre qu’il ait perdu cette propriété dans les quelques 35-40 minutes que durent les expériences, car les segments intestinaux se trouvent, pendant ce temps, dans un milieu très favorable : la péristaltique est très vive, et nous savons que d’autres organes, comme le cœur, par exemple, peu- vent dans ces conditions conserver leur activité pendant de nombreuses heures (4). Mes résultats sont donc en contradiction avec ceux de Schütz. La raison en est en partie dans la technique suivie. Schütz en- semence toujours des doses massives; or nous avons vu que la for- mation de pigment peut manquer dans ces cas, si le produit ensemencé contient beaucoup de microbes. Dans la colonne Il” (expérience du 21 /V) on en voit encore un exemple. J’ai pu sou- vent observer que les plaques de gélose faites avec le contenu non dilué d’un segment intestinal présentent moins de pigment que celles faites avec ‘ce même contenu fortement dilué. En revanche, mes expériences sont en accord parfait avec celles de Rolly et Liebermeister. Ils n’ont pu observer, eux non plus, (1) D'autre part, d’après Scenürz, l'action bactéricide est déjà très manifeste au bout de 6 à 8 minutes. 52 818 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR d'action bactéricide en travaillant dans des conditions tout à fait analogues à celles dans lesquelles se plaçait Schütz et dans lesquelles je me suis placé moi-même (voir plus haut). Mais il me semble difficile d'expliquer comme ils le font, les ré- sultats quelque peu différents qu’ils ont obtenus dans leur 2me sé- rie d'expériences, par les conditions plus normales dans lesquelles se trouvait l'intestin (voir plus haut). En effet, parmi ces expérien- ces, il y en avait où la circulation artérielle se trouvait supprimée sans que cela influe sur le résultat. Dans la 17€ série (intestin plon- geant dans la solution de Ringer stérile à 40° et oxygénée), cette circulation était conservée et le fait que l'intestin était remis dans l'abdomen dans la 2m série d’expériences ne saurait, me semble-t-il, compenser la suppression pendant plusieurs heures de la circulation artérielle. Mais, même dans ces expériences, l’ac- tion observée par les auteurs est loin d’être aussi marquée que celle que Schütz croit avoir observée dans des conditions autre- ment artificielles. Pour résumer, on voit que ni aux sucs intestinaux ni à la paroi intestinale, il ne revient d’action bactéricide quelque peu nette. Comment alors expliquer la pauvreté en germes de l'intestin grêle à vide? Chez les chats à jeun depuis 24 heures, la réaction du contenu de l'intestin grêle est nettement acide. J’ai même pu constater une réaction faiblement acide dans le cœcum d’un chat à jeun depuis 48 heures. Ce fait semble être général, puisque Rolly et Liebermeister l'avaient constaté chez le lapin, et Macfadyen, Nencki et Sieber chez l’homme (1 0 /00 d’acidité). Ces derniers auteurs ont observé qu’en acidulant le bouillon à 1 0 /00 on y empêche la multiplica- tion des germes. J’ai pu constater que la multiplication du Bac. pyocyanique est retardée par ce degré d’acidité. D’autre part le courant de chyme (Médowikow), le flux des sucs intestinaux débarrassent mécaniquement la muqueuse de germes qui d’ailleurs, grâce à la réaction acide, se trouvent dans des conditions défavorables (1). (1) La signification de ce facteur devient très nette lorsqu’on considère des con- duits tels que le canal cholédoque. La bile n’a pas d'action bactéricide, pourtant le canal reste aseptique. La stagnation de la bile a pour suite immédiate l'infection du canal et partant de la vésicule biliaire. Dans le canal de l’urètre nous rencontrons les deux facteurs : acidité et balayage mécanique. INTESTIN GRÈLE ET MICROBES 819 C’est en tenant compte de ces facteurs (réaction acide et action mécanique) qu'on comprend le mieux certains faits qu’on a fait valoir en faveur des propriétés bactéricides de la muqueuse vivante eb intacte. C’est ainsi qu’en liant les deux bouts d’un segment intestinal, on provoque dans la lumière de l’intestin une transsudation d’une sérosité (Rolly et Liebermeister) qui, étant alcaline, neutralise l’acidité du contenu et favorise la pullulation de microbes (1). Des phénomènes analogues se passent dans l’oc- clusion intestinale, dans la hernie étranglée, etc. C’est peut-être ainsi encore qu’on comprend le mieux les ré sultats de Nicati et Rietch, de Koch, Babes et Flugge (2) qui ont vu qu’il faut léser l'intestin grêle ou bien l’immobiliser, pour pro- duire l'infection cholérique chez le chien et le cobaye. BIBLIOGRAPHIE SucKksDoRFFr, Arch. f. Hygiene, 1886. (Cit. Kohlbrugge., EcaEericx, Fortschritte der Medizin, 1886. (Cit. Dallemagne.) 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Recherches expérimentales sur la tuberculose vésicale Par Maurice BRETON (Institut Pasteur de, Lille) La pathogénie de la tuberculose vésicale a déjà fait l’objet de nombreuses recherches. On admet généralement que la lésion vésicale est consécutive à une tuberculose du rein ou des organes génitaux, et que celle-ci est la résultante d’une infection d’ori- gine hématique. La tuberculose primitive de la vessie serait ex- ceptionnelle; la clinique et l’expérimentation sont d’accord à ce sujet. Hanau (1) introduit des parcelles de tissu tuberculeux dans lurèthre et dars le vagin de lapins et de cobayes : un seul cobaye mâle meurt avec des lésions tukerculeuses du pénis, de l’urèthre, de Ja vessie, des ganglions ingainaux et rétro-péritonéaux. Cayla (2) opère sur deux lapins et deux cobayes. II instille la vessie et l’uretère (ligaturé au-dessus du point d’abouichement), avec des bacilles aviaires. 1 n'obtient pas de résultats. Guyon (3) rapporte que Clado a provoqué une tuberculose hématogène de la vessie en injectant des bacilles sous la peau et en lésant simultanément la vessie avec un cathéter. Rovsing (4) injecte dans la vessie de lapins des bacilles tenus en suspension dans l’eau salée. Le résultat est négatif. L’infection n’est obtenue que chez les animaux dont la muqueuse a été lésée préalablement par une sonde dure, ou bien chez ceux atteints de cystite, _ (1) Arch. jür Path. Anatomie und Physiologie und für Klin. Medecine. Bd. 108, 5, 221, 1887. (2) Thèse de Paris, 1887. (3) Leçons sur les affections chirurgicales de la vessie et de la prostate.' 1888, p. 652. | (4) Thèse, Copenhague, 1889, n° 3. N° 55-515. De ptit TUBERCULOSE VÉSICALE 821 Baumgarten (1) produit une tuberculose ulcérative de l’uré- thre postérieur, de la prostate et du col de la vessie, en instillant des bacilles bovins dans l’urèthre de lapins mâles. Hansen (2) ne peut reproduire une tuberculose hématogène de la vessie en contusionnant cet organe, et en faisant simultané- ment une injection sous-cutanée de bacilles. Par contre, il pro- duit l’infection par inoculation directe accompagnée de rétention. L'auteur signale que chez les animaux en expérience, lapins et cobayes, la lésion semble parfois insignifiante. En résumé, l’expérimentation affirme la possibilité de gref- fer les bacilles de Koch sur une vessie traumatisée, ou atteinte de rétention. Elle considère comme exceptionnelle l’inoculation directe par instillation. Elle montre que les lésions locales suivent une gamme ascendante qui va de la cystite banale à labcès caséeux des parois. Elle affirme la fréquence de l’extension des lésions aux organes génitaux et la rareté des lésions ascendantes rénales. Certaines de ces données sont confirmées par la clinique; les recherches d’Albarran, de Tuffier, de Pousson et de Brown, les statistiques de Burckhardt, de Colinet, de Saxtorph, de Motz et de Hallé (3) prouvent la rareté de la tuberculose vésicale primi- tive et la fréquence de propagation des lésions du rein, de la prostate et de l’utricule prostatique, des canaux déférents à la vessie. La tuberculose rénale ascendante est une exception. La statistique ci-après vient corroborer ces faits : Sur 131 cas de tuberculose uro-génitale, Saxtorph (4) constate que les lésions isolées se rencontrent 23 fois dans le rein, 10 fois dans l’épididyme, 9 fois dans la prostate, jamais dans la vessie. Les lésions vésicales sont associées 32 fois à celles du rein, 29 fois à celles de la prostate, 20 fois à celles des vésicules séminales. La clinique affirme encore l’innocuité relative de la tuber- culose vésicale chez l’homme, la rareté de son extension at x or- ganes thoraciques et abdominaux, la lenteur de son évolution, la possibilité de sa guérison. Dans le présent mémoire nous nous proposons de rapporter (1) Arch. f. Klin. Chirurgie, 63 Bd. 4 heft, 1901. (2) Annales des maladies des organes génito-urinaires, 1903 p. 1. (3) Comptes rendus de l'Association française d’Urologie, 1903. (4) Premier Congrès International de chirurgie, 1900. 822 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR quelques expériences que nous avons faites sur ce sujet, sous le direction de M. Calmette. Nous avons voulu surtout étudier comment se réalise l’infection par apport direct de bacilles dans la vessie par voie uréthrale chez le cobaye et chez le lapin, les caractères anatomo-pathologiques des lésions et le mécanisme de la propagation de la tuberculose aux organes voisins et éloi- onés. Nous exposerons successivement les faits expérimentaux et les déductions que nous en avons tirées. A. — Cobayes. — 30 cobayes mâles pesant environ 420 grammes sont cathétérisés avec une sonde molle de Gaillard, du modèle le plus fin. La sonde, stérilisée par le formol, puis trempée dans une huile aseptique, est introduite sans violence dans l’urèthre. Celui-ci apparaît au fond d’un sillon rendu visible par l’écartement des deux corps caverneux. La sonde est enfoncée sur une profondeur de 3 centimètres ; la pénétration n’enest jamais limitée par une sensation de résistance. On attend l’écoulement de l’urine avant d’instiller deux gouttes d’une émulsion contenant 1 milligramme de bacilles tuberculeux bovins par c. c. (origine lait, de Nocard, culture de 6 se- maines sur pomme de terre glycérinée). 5 autres cobayes sont infectés par le même procédé et dans des propor- tions équivalentes avec le mème bacille bovin, mais cultivé sur bile de bœuf d’après la méthode décrite par Calmette et Guérin (1). Chaque cobaye est isolé dans une cage séparée. Les animaux sont sacrifiés après un délai variant de À à 5 mois. L’autopsie montre que sur 10 cobayes sacrifiés moins de deux mois après l'infection vésicales, on trouve des lésions de la vessie macroscopiquement visibles. Tantôt il existe sur la paroi une exubérence dont le centre ramolli a tendance à se caséifier et à être évacué dans la vessie; tantôt au contraire la muqueuse présente une ulcération qui avoisine presque tou- jours le fond ou le point d'implantation de l’uretère. Dans tous les cas, la vessie est libre d’adhérences; l’urine est riche en bacilles et présente une réaction alcaline. Cependant les lésions locales ne sont pas constantes. Chez 3 cobayes on ne trouve pas d’ulcération ni de lésion macroscopique- ment visible; il faut examiner la paroi par transparence pour remarquer une opacité plus grande des régions envahies. Cette opacité répond à un épaississement des couches muqueuses et (1) C. R. de l' Acad. des sciences, 28 décembre 1908 et 19 juillet 1909. TUBERCULOSE VÉSICALE 823 sous-muqueuses. Le siège en est presque toujours le fond de la vessie. Chez ces animaux, l’urine ne contient pas de bacilles de Koch. Les autres cobayes sont examinés 3, 4 et 5 mois après la date d'infection. 13 d’entre eux présentent des lésions vésicales : proliférations granuleuses, ulcérations et dégénérescence ca- séeuse. Chez 8 cobayes, bien que les lésions ganglionnaires voi- sines aient montré l'extension de linfection tuberculeuse, la vessie paraît intacte. Dans tous les cas, le bacille de culture nor- male sur pomme de terre glycérinée réalise des lésions locales plus manifestes que le bacille cultivé sur bile de bœuf. Les lésions produites par ce dernier bacille ont une évolution aussi complète, mais plus lente que celles réalisées par le bacille de Nocard. Sur 3» cobayes tuberculeux par voie vésicale, nous avons noté 5 fois une infiltration des canaux spermatiques, 2 fois des lésions du pénis et de l’urèthre; mais les reins et les uretères restaient toujours indemnes. Chez tous les animaux sans exception, on observe l’extension de l'infection aux ganglions lymphatiques de la région et chez ceux que nous avons sacrifiés après cinq mois, l'infection était toujours généralisée aux organes thoraciques et abdominaux. Dix jours après l’instillation, les ganglions sous-lombaires aug- mentent de volume. Ils subissent très rapidement la fonte ca- séeuse. Le système lymphatique se prend ensuite suivant la voie ascendante. Nous avons vu, chez un de nos cobayes, un épaississe- ment du canal thoracique qui répondait au développement d’un tubercule. Chez tous, au point de réflexion du mésentère gastro-intestinal sur le paquet vasculaire (aorte et canal thora- cique) on remarque un ganglion petit, normalement à peine visi- ble, et précocement infiltré. 40 jours après l’infection, tous les ganglions lymphatiques du mésentère sont atteints, et les gan- ghons inguinaux augmentent de volume. L’adénopathie trachéo- bronchique est aussi précoce que linflammation des ganglions sous-lombaires. Dans 6 cas sur 36 on constate, à la coupe des gan- glions médiastimaux, desiésions tuberculeuses macroscopiquement visibles. Dans ces 6 cas il y a, à la surface des poumons, des fol- licules tuberculeux. L’inoculation des ganglions médiastinaux des autres animaux à des cobayes neufs se montre positive dans 10 cas sur 30. 824 ANNALES DE L'INSTITUT. PASTEUR Il est intéressant de remarquer que les infections généralisées, d’origine vésicale, ne correspondent pas aux lésions locales les plus avancées. Deux fois la vessie ne portait aucun tubereule visible : sa paroi était seulement épaissie et les coupes macrosco- piques montraient, au niveau de ces épaississements, une infil- tration leucocytaire entourant les cellules épithéliales vacuoli- sées, telles qu’on en rencontre ordinairement dans les eystites chroniques. Il résulte de cette première série d'expériences que l'infection tuberculeuse de la vessie par voie uréthrale est facile à réaliser chez le cobaye. Cette infection n’exige ni traumatisme de la paroi, ni état inflammatoire préalable, ni même rétention de urine. La tuberculose vésicale chez le cobaye semble tantôt évoluer dans le sens habituel des lésions bacillaires : infiltration granuleuse, ulcération, dégénérescence caséeuse et, dans quelques cas, avec processus inflammatoire chronique susceptible de gué- rison. L'extension des lésions tuberculeuses de la vessie aux or- ganes voisins et aux organes thoraciques (même dans le cas de guérison locale apparente) est la règle. Les voies génitales sont atteintes dans la proportion d’un cas sur cinq; le rein est toujours respecté. La progression de la bacillose aux organes thoraciques se fait par voie lymphatique. Les étapes sous-lombaires, rétro- mésentériques et trachéo-bronchiques marquent les degrés de Pinvasion tuberculeuse de la vessie aux poumons. B.— Lapins. — 4 lapins mâles reçoivent dans la vessie, dans les mêmes conditions et aux mêmes doses précédemment indiquées, des bacilles tuberculeux bovins (culture normale sur pomme de terre glycérinée). Deux de ces lapins sont sacrifiés 2 mois après l’infection. Un seul pré- sente des lésions de cystite. Celles-ci sont nettement tuberculeuses. Elles s’accompagnent ’ d’adénopathie sous-lombaire, de lésions des ganglions mésentériques et d’adénopathie trachéo-bronchique. La nature tuberculeuse de ces adénites est prouvée par l’existence de bacilles et par l’inoculation aux cobayes. Dans ce cas, l’infection ne s’est propagée ni aux organes génito- urinaires ni aux autres organes de l’économie. Les poumons sont indemnes. Les deux derniers lapins sont sacrifiés 3 mois après l’instillation. Les dif- férents groupes ganglionnaires sont inoculés et le résultat est négatif. La vessie est reconnue saine à l’examen microscopique. L’injection vésicale n’a pas réalisé l'infection. ae ee TUBERCULOSE VÉSICALE 825 CONCLUSIONS. Les expériences relatées ci-dessus montrent : 19 Que l'infection tuberculeuse de la vessie saine par voie uré- thrale est facilement réalisable chez le cobaye, difficilement chez le lapin. Il existe donc, suivant l’espèce animale, des diffé- rences de sensibilité vésicale à l’infection tuberculeuse, de sorte qu’il convient de faire des réserves sur l'application des résultats de l’expérimentation aux faits cliniques qu’ils contredisent. Il est de notion courante que, chez l’homme, la vessie peut être polluée sans danger par une urine charriant des bacilles, et ce, pendant un laps de temps prolongé, sans qu’il en résulte une in- fection tuberculeuse généralisée, la vessie saine n’étant pas nor- malement perméable au microbe. Il est possible que cette contradiction apparente tienne à la bénignité de lésions méconnues dans certains cas de cystite tu- berculeuse de l’homme, et à leur curabilité, car les lésions d’in- flammation chronique que nous avons signalées chez l’animal, sont manifestement des lésions en voie de guérison anatomique; 29 Que, comme on l’a constaté en clinique, l'infection rénale ne se réalise jamais par voie ascendante. On admet généralement que cette infection rénale se produit par voie sanguine. Mais, dans les cas où les lésions des organes génitaux précèdent celles du rein, on pense que les produits tuber- culeux « sont repris par la circulation au niveau de la vessie ou de la prostate et servent à infecter le glomérule » (1). Nos résultats expérimentaux ne confirment pas cette manière de voir. Ils montrent que chez l'animal, cobaye et lapin, l’infec- tion s’opère par voie lymphatique. Les bacilles progressent par l'intermédiaire du canal thoracique et sont déversés ensuite dans la circulation sanguine. Il faut qu’ils aient d’abord franchi les barrières ganglionnaires, sous-lombaires et mésentériques, pour aboutir au torrent circulatoire. C’est donc après avoir été lym- phatique que linfection devient hématique ; 30 Enfin que les faits observés par nous apportent une nou- velle preuve de la fréquence de linfection tuberculeuse du poumon par la voie lymphatico-hématique. (1) Desnos er Miner, Traité d’Urologie, 1909. Contribution à la chimiothérapie de la “Tick-fever ” avec (606 » ei la couleur de benzidine . par W, L. YAKIMOFF gr NINA KOHL-YAKIMOFF (Sr-PÉTERSBOURG) Travail du laboratoire de M. le Professeur F. MESNIL. Tandis qu’il existe de nombreux travaux sur la chimiothera- __ pie des trypanosomiases de l’homme et des animaux, VAssAL est le seul auteur qui ait publié un travail ayant trait à la chimiothé- rapie de la «tick-fever » (Spirochaeta Duttoni). Dans les expériences de Vassar{1), le trypanrot et laxrbenzidine + naphtylénediamine disulfo 2.7.3.6 » (par abréviation «), intro- duits dans l’organisme 24 heures avant le virus, en même temps que le virus ou pendant le Aéveloppemens de la maladie, ont donné des résultats favorables. Les couleurs rouges de benzidine, voisines du trypanrot, avaient une activité inférieure à celle du trypanrot et de « et les couleurs bleues ne donnaient que des résultats encore plus faibles. Le chlorhydrate de quinine, le vert melachite, l’hermophényl et l’atoxyl se montraient sans action sur les spirochètes de la « tick- fever ». L’atoxy! employé par BREINL et KINGHORN (2) au traitement de deux hommes atteints de « Tick-fever » est resté sans effet. Sur le conseil de M. Meswiz, nous avons essayé le nouveau pro- duit de M. le professeur EnrLicx (dioxydiamidoarsénobenzol ou « 606 ») pour le traitement des animaux infectés expérimentale- (4) Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1907, séance du 9 mars, p. 414. (2) Deutsch. med. Wochenschr., 1907, p. 299. CHIMIOTHÉRAPIE DE LA TICK-FEVER 827 ment de « Tick-fever » et nous avons répété les expériences de VassaL avec « (1). I. — SIX CENT SIX Le « 606 » s’est montré très actif dans le traitement de la syphilis (Azr (2), MicHaELIS (3), SCHREIBER et Hoppe (4), IvERSEN (5), WECHSELMANN (6), de la spirillose des poules (HaraA (7), de la fièvre récurrente (HATA (8), IversEN), et du paludisme (HATA (9), IVERSEN (10). Nous nous sommes servis, pour nos expériences, d’une solu- tion à 0,5 0 /0 (avec la solution normale de Na OH), fraîchement préparée et à raison de 0,12 grammes par kilog du poids de la souris. 1. Expériences sur des souris. Traitement de la maladie développée Le sang des souris riche en spirochètes de Durron était injecté dans le péritoine de nos animaux. Dès les premières 24 heures, beaucoup de nos souris présentaient des spirochètes dans le sang ; l'infection sanguine de no$ rats a été plus tardive et nous ne l’avons constatée qu’au bout de 2 ou 3 jours. Les parasites disparaissent au bout d’un certain temps dans le sans des animaux pour revenir ensuite à des intervalles variables. Les rechutes ne sont pas persistantes et elles sont en général au nombre de deux ou trois. Nous avons fait des injections sous-cutanées du « 606 » à nos animaux : 1° le jour d'apparition des spirochètes dans le sang; 2° le deuxième et le troisième jour après l’apparition des parasites, et 3° enfin, après la dispa- rition des spirochètes. Le premier jour. — Chez toutes les souris traitées, les spirochètes ont dis- paru du sang d’une façon définitive après la première injection du « 606 » (1) Dès le début de ses recherches avec le « 606 » le professeur EHRLICH avait spontanément et très libéralement envoyé le produit au professeur MESNIL, qui nous l’a confié pour l'étude; ultérieurement, M. EarLica nous a permis de com- pléter nos recherches en nous envoyant très aimablement une nouvelle vrovision du médicament. (2) München. med. Wochenschr., 1910, n° 11. (3) Zbid., 1910, n° 27. (4) Zbid., 1910, n° 27. 5) Russkt Wratsch (russe), 1910, n° 29. 6) Berlin. klin. Wochenschr., 1910, n° 27. 7) Zeitschr. f. Grztl. Fortbildung, 1909, n° 28. 8) Zbud., 1909, n° 23. (9) Russkt Wratsch (russe), 1910, n° 10, et Münch. med. Wochenschr., 1910, n° 15. (10) Russki Wratsch (russe), 1910, n° 27. ( ( ( ( 828 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR (nos animaux ont ét; observés pendant 32 et 35 jours après l'injection). Seulement chez une souris (qui avait été traitée par « avant l’in- jection du « 606 » et, avait une récidive), nous avons observé, sept jours après, une rechute, probablement à ciuse de la dose insuffisante employée. Une autre souris qui avait été auparavant traitée par « et avait eu une récidive, a été débarrassée d’une façon définitive des spirochètes sous l'influence d’une injection de « 606 ». Le deuxième jour. — Deux souris traitées ont été mises en observation pendant 35 et 39 jours. Il n’y a jamais eu de récidive. Une 3e souris a montré une rechute 27 jours après le traitement (poids de la souri:;, 17 grammes; a reçu 0, 4 c. c. de la solution à 0, 5 0/0. Trois autres souris traitées ont succombé le 5e, le 13° et le 182 jours par suite d’affections intercurrentes et sans présente: de spirochètes dans le sang. se Enfin une autre souris, traitée d’abord par « et ayant eu une récidive, a vu disparaître d’une façon absolue les spirochètes de son sang à la suite d’une inj2ction de « 606 » (observation pendant 32 jours). Le troisième jour. — Sur huit souris traitées, il a été noté deux récidives * l’une le 17e jour, l’autre le 25e jour. Les six autres souris ont été débarrassées d’une façon définitive de leurs spirochètes (observation pendant 34- 44 jours). La récidive chez la première souris peut être expliquée par la dose insuffisante du produit injecté (le poids dela souris étant de 17, 5 grammes, eût fallu injecter 0, 4 c. c. de solution au lieu de 0, 35 c. c.), tandis que la cause de la récidive chez la seconde reste inexplicable. Après le premer accès. — Une seule souris a été injectée de la solution de de « 606 » après le premier accès de la maladie. Les spirochètes n’ont plus reparu (observation pendant 35 jours). La disparition des spirochètes du sang des 7 souris examinées après avoir reçu l’injection de « 606 », a eu lieu : chez 2, après 6 h.; chez 2, après 8 h.; chez 1, après 8 h. 1 /2; chez 1, après 8 h. 3/4, et chez 1, après 14 h. (1. Traitement prophylactique. L’injection préventive de « 606 », 24 h. avant l’introduction du virus, a préservé une souris de l'infection (le témoin s’est infecté). La deuxième souris chez laquelle le « 6)6 » a été injecté 26 h. avant le virus, s’est infectée avec un grand retard (13 jours après); tandis que le té- moin a montré des spirochètes dans le sang dès le 10€ jour. La troisièm? souris qui avait reçu le « 606 » 48 h. avant le virus s’est in- fectée en même temps que le témoin (le 10€ jour). (1) Nous avons suivi le temps de disparition du Trypanosoma togolense chez'une souris; après 4 h. 1/2 on ne pouvait plus constater dans le sang la présence d’aucun parasite. A noter une phagocytose considérable. TT CHIMIOTHÉRAPIE DE LA TICK-FEVER 829 Introduction simultanée de « 606 » et du virus. Des deux souris qui avaient simultanément reçu (en des points différents) le «606 » et le virus, l’une est restée indemne (observation pendant 26 jours), l’autre s’est infectée avec un grand retard (au bout de 13 jours), tandis que le témoin a présenté des spirochètes au bout de 24 heures. Il est probable que la dose in- jectée à la deuxième souris a été insuffisante. La troisième souris (de l’autre série d'expériences) est restée indemne (observation pendant 41 jours) tandis que les 2 témoins se sont infectés normalement. Dans la dernière série d'expériences, nous avons injecté le « 606 » 24 heures après le virus. Les souris sont restées indemnes. Les témoins, dès le deuxième jour, se sont infectés. 2. — Expériences sur les rats. Un rat blanc du poids de 113 grammes a reçu une injection de 2, 4 c. c. de} la ‘solution à 0,5 0/0 de « 606 » (au lieu de 4,5 c.c., à raison de 0,2 grammes de produit sec par kilog d’animal), le 2e jour après l’appari- tion des spirochètes; 24 heures après, les spirochètes se trouvaient encore dans le sang, mais ils ont tous disparu dans la 2e journée. | Deux jours après le premier accès, nous avons in ecté à un 2€ rat du poids de 108 grammes 3 c.c. de la m'me solution(au lieu 4,3 c.c. comme il aurait fallu). Les spirochètes n’ont pas réapparu (observation pendant 48 jours) Enfin, à une rate de 192 grammes, nous avons injecté, simultanément le virus (dans le j éritoine) et 6 c.c. de la solution de « 606 » (sous la peau). La rate ne s’est pas infectée (observation pendant 48 jours), et au bout d’un mois elle a eu des petits bien portants. Les 2 souris témoins se sont infectées. *k * * On sait que la guérison spontanée des animaux atteints de « Tick-fever » les immunise. Il était intéressant de connaître comment se comportent les animaux traités par le « 606 », A cet effet, nous avons infecté de nouveau les animaux sui- vants 10 Les souris traitées pendant la maladie (28, 35 jours après linjection de «606 »);.29 les souris injectées simultanément du virus et &u « 606 » qui avaient résisté à l’infection (après 26 jou s);30 les souris ayant reçu le « 608 » 24 h. après le virus et qui avaient résisté à l’infection (après 23 jours); et 830 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 4° les souris ayant reçu le « 606 » 24 h. avant le virus et ayant résisté (après 25 jours). Le rat n° 1 a été réinfecté 2 fois : après 27 et 36 jours. Toutes les souris se sont infectées exactement comme les té- moins. La période d’incubation a été la même pour les unes et les autres. Le rat a résisté (17 jours d'observation après la deuxième réinfection). En somme, nous avons obtenu les mêmes résultats que l’un de nous avait déjà observés chez des animaux infectés du trypano- some de la dourine et traités par le trypanrot et l’atoxyl. IT. COULEUR x. La couleur 4 était appliquée par nous en solution à 1 0 /0 et à raison de 0,75 ce. c. pour 20 grammes du poids de la souris. Nous n’avons obtenu que des résultats peu favorables : pres- que toujours il y a eu des récidives. Traitement de la maladie développée. Le premier jour. — De 2 souris l’une a été guérie d’un? façon définitive, ‘mais elle a succombé le 26e jour à la suite d’une cause étrangère; chez l’aus tre, la récidive a apparu 21 jours après. Le troisième jour. — Chez les souris traitées, on a observé des récidives aux 8°, 9e et 17€ jours. Le quatrième jour. — Chez deux souris traitées les récidives ont été notées après le 6e et le 11e jour, (l’une a succombé ayant une proportion de spirochètes dans le sang plus considérable qe lors du 1°r accès de la ma- ladie, — phénomène de BROWwNING). L'introduction simultanée de « et du virus a préservé les deux souris de l’infection (l’une a été observée pendant 41 jours), tandis que les témoins se sont infectés en temps normal. Ces deux souris, étant infectées de nouveau, ont montré des spirochètes dans leur sang. La couleur injectée 24 heures après l'introduction du virus a retardé seulement l'infection : les souris se sont infectées au bout de 9 et 12 jours, tandis que les témoins présentaient des spiro- chètes dès le premier jour. CHIMIOTHÉRAPIE DE LA TICK-FEVER 3 831 La couleur injectée à deux souris, 24 et 31 heures avant le virus, les a préservées de la maladie (observation pendant 40 jours). Les témoins se sont infectés. La troisième souris, chez laquelle la couleur a été introduite 96 heures avant le virus, s’est infectée dès le premier jour. Dans les cas où, après l'introduction de la couleur, ont apparu des récidives, nous avons traité nos souris par la solution de « 606 ». Les spirochètes ont disparu (observation pendant 30- 39 jours), sauf dans un cas, dans lequel la dose injectée de « 606 » n’a pas été suffisante. M. MESNIL. qui a repris et complété les expériences de Vassar, après le départ de celui-ci pour l’Indo-Chine, nous a dit avoir obtenu, avec la couleur x, des résultats analogues à ceux que nous signalons ici. ERRATUM N°7. — 25 juillet 1910, page 595. Des microbes producteurs.de phénol. lire : par K. DosrowoLsky, au lieu de : K. Dosrwo Tskr. oo Le Gérant : G. Masson. TE Sceaux. — Imprimerie Charaire. = É - Cr > : s L 2 enr LE d ER M TE PC CPE ESS t ‘7% 24me ANNEE NOVEMBRE 1910 No 11 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Etude expérimentale de la Poliomyélite aiguë (Maladie de Heine-Medin) PAR K. LANDSTEINER (Vienxe) ET C. LEVADITI (Paris) AVEC LES PL- XIV ET XV Travail du Labor. de l'Hôpital Wilhelmine de Vienne et de l'Institut Pasteur. de Paris. Depuis longtemps déjà, l'affection désignée sous le nom de poliomyélite aiguë (maladie de Heine-Medin) était étudiée au point de vue des manifestations cliniques et de l’épidémio- logie; son étiologie restait cependant obscure, malgré le grand nombre de travaux se rapportant à cette question. La plupart de ces travaux ont eu pour but la recherche de l'agent pathogène dans les tissus et les humeurs des sujets atteints de poliomyélite. Certains auteurs (1) (Schultze, Geirsvold, Potpeschnigg, entre autres) ont réussi à cultiver diverses variétés de coccus, en ensemençant le liquide céphalo-rachidien sur des milieux ordi- naires. Toutefois, les microorganismes isolés ont varié suivant les cas et les observateurs, et, d'autre part, lorsqu'on eut soin d'éviter les contaminations, on n’obtint que des résultats néga- tifs (Marthe Wollstein, Wickman, etc.). Tout progrès dans l’étiologie de la maladie de Heine-Medin semblait ainsi arrêté, quand Landsteiner et Popper découvrirent la transmissibilité de l'infection au singe et rendirent possible l'étude expérimentale. Depuis, de nombreux auteurs ont con- firmé cette constatation et, de divers côtés, on a apporté d’in- (1) Consulter pour la littérature : WickmMAN, Beitr. zur Kenntins der Heine-Medin- schen Krankheït, Berlin, Karger 1907; HarBitz ET SCHEEL, Patholog. anatom.Unter- such. ueber akute Poliomyelitis, Dybwad, Christiania, 1907; LANDSTEINER ET POoPPER, Zertschr. für Immunittsforschung, 1909, vol. II, p. 37. 03 834 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR téressantes contributions sur la nature du virus, son mode d’action, ses voies de pénétration, limmunité qu’il engendre, etc. Landsteiner et Popper (1) ont réussi à conférer la poliomyé- lite aux simiens inférieurs en leur inoculant, dans la cavité péri- tonéale, une émulsion de moelle épinière provenant d’un enfant qui avait succcombé à la suite d’une attaque aiguë de paralysie infantile. Les manifestations cliniques chez les animaux infectés expérimentalement, de même que les altérations anatomo-patho- logiques, étaient identiques à celles que l’on constate habituelle- ment chez l’homme. L’ensemencement des matériaux virulents étant resté stérile, les auteurs ont pensé que le virus de la poliomyélite devait appartenir à la catégorie des microor- ganismes invisibles. Cette hypothèse était d'autant plus vrai- semblable qu'il y avait, non seulement au point de vue expéri- mental, mais aussi anatomo-pathologique, des analogies étroites entre la poliomyélite d’une part et la rage d'autre part (CF. Wick- man). Deux tentatives de passage, faites en injectant à des simiens neufs une émulsion de moelle provenant d’un singe inoculé avec du virus humain, restèrent infructueuses, probablement parce que le matériel d’inoculation avait été puisé à une période trop avancée de la maladie. Ces premières constatations furent confirmées par Knoepfel- macher (2) et par Strauss et Huntoon (3). Il fallait cependant réaliser la transmissibilité de l'infection en série pour pouvoir entreprendre létude expérimentale de la paralysie infantile. Nous entreprimes donc des recherches dans cette voie, dès que nous eûmes à notre disposition un nouveau virus de provenance humaine et nos tentatives aboutirent à des résultats nettement positifs (4). Le virus dont nous nous sommes servis provenait d’un enfant dont voici observation : Observation. — L'enfant âgé de treize mois entre à Phôpital Wilhelmine de Vienne, le 5 novembre 1909.11 montre depuis trois jours une faiblesse des muscles de la nuque, tousse et est enroué. A lexamen on constate une res- (4) LanDsTeINER, Wien. Klin. Woch., 1908, décembre, LANDSTEINER ET POPPER, Zeitschr. für Immunitétsforschung, 1909, vol. IT, p. 37; Sit. der Ges. d. Aertste in Wien, 18 /XII, 1908. (2) KNoOEPFELMACHER, Med. Klinik, 1909, p. 1671. (3) Srraus ET HUNTOON, New-York med. Journal, 1909, vol. XCI, p. 64. (4) LanpsreiNER ET LEevADiITI, C. R. de l’ Acad. des Sciences, 1909, 29 novembre; C. R. de la Soc. de Biologie, 1909, 27 novembre. POLIOMYELITE AIGUË 835 piration difficile, une paralysie des muscles du larynx et de la nuque, et une disparition du réflexe abdominal; les réflexes rotuliens sont conservés. Le 6 novembre, dyspnée inspiratoire, disparition des réflexes rotuliens et faiblesse dans les mouvements des membres inférieurs. L'enfant succombe le 6 novembre et la nécropsie, pratiquée quelques heures après la mort, révèle des lésions typiques de poliomyélite aiguë. Ces lésions, répandues dans les divers segments de la moelle épinière, sont représentées dans la fig 1 PIX EN. Des fragments de la moelle dorsale, placés dans un mélange de glycérine et d’eau salée (une partie de glycérine pour deux parties de solution isotonique de NaCI) furent envoyés à Paris et servirent à infecter un chimpanzé. Reçus à l’Institut Pasteur le 10 novembre, c’est-à-dire quatre jours après la mort de l’en- fant, ces fragments furent triturés dans 20 €. c. d’eau salée et lémulsion fut injectée à la dose de 5 c. ec. dans le péritoine d’un chimpanzé femelle. L'animal ne présenta aucun trouble appa- rent jusqu'au 16 novembre. On constata alors un léger abatte- ment, mais pas de phénomènes paralytiques bien nets. Le 17, on le trouve couché, la tête penchée, la bouche ouverte; incapable de se déplacer, il fait des efforts inutiles pour se relever, À l’examen, on constate une paralysie complète du pied droit et presque com- plète de la jambe gauche. Les muscles abdominaux sont flasques, ceux de la nuque et du maxillaire inférieur nettement parésiés. L'animal meurt dans la nuit et la nécropsie est pratiquée le 18 novembre. À Nécropsie et examen microscopique. — Pas de lésions apparentes des or- ganes, sauf une dégénérescence du rein. La substance grise de la moelle, dans toute son étendue, est plus molle et nettement hypérémiée; on note une hypérémie manifeste des méninges cérébrales. Le liquide céphalo- rachidien, retiré par ponction de la dure-mère au niveau du bulbe, est trouble; il contient de nombreux lymphocytes. Les lésions histologiques intéressent surtout la substance grise. Les vaisseaux sont entourés de plu- sieurs couches de cellules mononucléaires, lymphocytes et gros macrophages, accumulés dans les espaces lymphatiques périvasculaires. Au niveau des cornes antérieures on constate des nodules inflammatoires, riches en globules blancs polynucléaires, en partie détruits. Dans la région lombaire, il y a dis- parition presque complète des cellules nerveuses, lesquelles sont réduites à l’état de vestiges; ces cellules sont fragmentées et dissociées par des leu- cocytes mono et polynucléaires (PI. XV, fig. 5). Les phénomènes de neu- ronophagie sont des plus nets. En outre, on décèle une infiltration des mé- ninges séreuses par des lymphocytes mononucléaires et aussi des traînées inflammatoires périvasculaires dans la substance blanche. Ces altérations, qui occupent toute l’étendue de la moelle épinière, avec prédominance dans 836 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR la région lombaire, sont moins prononcées au niveau de l’écorce cérébrale. Nous n'avons pas révélé la présence du corpuscule de Negri dans la corne d’ Amon. Avec une émulsion de moelle de ce chimpanzé, nous avons inoculé dans le cerveau (0,25 ce. c.) et le péritoine (4 c. e.) deux Macacus cynomolgus ; les deux singes se paralysèrent après une incubation de 5 jours et examen microscopique révéla chez eux des lésions typiques de poliomyélite. Des expériences analogues, entreprises à Vienne avec le même virus, par l’un de nous en collaboration avec M. Prasek (1), sur des singes inférieurs, ont abouti à des résultats comparables à ceux que nous venons d'exposer. Il en résulte que la poliomyélite aiguë peut être iransmise en série aux diverses espèces simiennes par inoculation du virus dans le cerveau ou la cavité péritonéale, la maladie expérimentale étant identique à celle de l’homme au point de vue de ses manifestations cliniques et des lésions anatomo- pathologiques qu'elle provoque. Peu de temps avant la publication de nos recherches, Flexner et Lewis (2), de même que Leiner et Wiesner (3) ont relaté des expériences analogues aux nôtres, expériences confirmées bientôt après par Roemer (4). Depuis, toute une série de notes publiées par ces auteurs et par nous-mêmes sont venues préciser les détails de la maladie de Heine-Medin expérimentale. Les résul- tats, enregistrés presque simultanément par Flexner et Lewis, à l’Institut Rockefeller de New-York; par Leiner et Wiesner au laboratoire de Weichselbaum; à Vienne, par Roemer à Marbourg et par nous-mêmes, sont, pour la plupart, concordants. Nos pro- pres recherches ont été résumées dans une série de communica- tions présentées à la Société de Biologieet à l’Académie des Sciences; nous les exposerons en détail dans le présent mémoire. I. — Manifestations cliniques de la poliomyélite expérimentale du singe. La période d’incubation qui s’écoule entre le moment de lino- (1) Z. f. Immunitütsf, 1910, vol. IV, p. 584. (2) FLexNER ET LEWiS, Journ. of the Americ. med. assoc., 1909, 13 novembre, vol. LIII, n° 20, p. 1639. (3) LEINER ET WIEsNER, Wiener klin. Woch., 1909, n° 49, vol. XXIT; Ges. f. innere Med. (Vienne), 18 /XI, 1909. (4) RozmEer, Münch. med. Woch., 1909, n° 49. POLIOMYÉLITE AIGUË 837 eulation du virus et l'apparition des premières manifestations morbides, dure de 7 à 11 jours. L’incubation la plus courte a été, dans nos expériences, de 4 jours, la plus longue de 20 jours; elle peut dépasser ce terme, puisqu’un animal, infecté par Leiner et Wiesner, n’est devenu paralytique qu'après 46 Jours. | La durée de la période d’incubation peut être notablement prolongée lorsqu'on injecte aux singes des quantités relativement faibles de virus. Nous l’avons constaté dans nos recherches con- cernant l’activité du virus filtré à travers des bougies Berkefeld, comme il résulte des expériences relatées plus loin. (page 849). Leiner et Wiesner ont enregistré des faits intéressants con- cernant les rapports entre la durée de la période d’incubation et la gravité des phénomènes morbides d’une part, 11 quantité de virus administré aux animaux, d'autre part. [ls © ‘ vu, à ce propos, que si l’on augmente au delà d’une certaiac li nite cette quantité (injection d’émulsions nerveuses non dilutes), on pro- longe la période d’incubation et on rend sensiblement plus légères les manifestations morbides. Il a été impossible, jusqu’à présent, de préciser la raison de ce fait, en apparence paradoxal. Il se peut que le système nerveux des singes malades renferme, à côté du virus, quelques principes empêchants, capables de neu- traliser ce virus, et analogues aux substances antirabiques découvertes par Marie dans les centres nerveux des animaux neufs. Les expériences que nous avons entreprises dans le but de déceler ces substances empêchantes dans la moelle et le cer- veau du singe, n’ont abouti qu’à des résultats impréceis. La maladie débute par quelques phénomènes prodromiques, tels que l'agitation, l’excitabilité, ou au contraire la prostration, accompagnés d’une perte d’appétit. Souvent on constate une augmentation de la température centrale: toutefois, la tempéra- ture des singes en captivité varie trop pour que lon puisse parler d’une véritable fièvre du début dans la paralysie mfan- tile expérimentale. Un des symptômes prodromiques les plus constants, c’est le tremblement plus ou moins généralisé, précédant de peu lPéclosion des phénomènes paralytiques. Quelques heures après ces premières manifestations, rarement après À ou 2 jours, on enregistre les paralysies qui dé- butent Fabituellement par les extrémités inférieures et peuvent être unilatérales; bientôt les troubles paralytiques envahissent 838 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tout le train postérieur. L'animal fait des efforts pour se déplacer, titube et tombe fréquemment; suspendu par lextrémité cépha- lique, il laisse tomber les membres inférieurs, dont la muscula- ture est flasque (fig. 1). Lorsque la poliomyélite évo- lue légèrement. comme, par exem- ple, chez les singes qui offrent une certaine résistance naturelle, ou bien chez les animaux auxquels on admi- nistre de faibles quantités de virus, les phénomènes paralytiques res- tent cantonnés à un membre ou au train postérieur. Mais, en général, les troubles mo- teurs s'étendent aux muscles des bras, du tronc et de la nuque. L’ani- mal est couché, sa respiration est lente et {irrégulière et seule la musculature de la face fonc- tionne. La mort survient par suite d’une paralysie des centres bulbaires, la maladie évoluant en 2 ou 3 jours. C’est là ce que nous appellerons le type ascendant de la poliomyélite expérimentale, type qui rappelle la paralysie de Landry, observée fréquemment par Wickman et d’autres au cours des épidémies de paralysie infantile. Le type supérieur débute par des troubles paralytiques inté- ressant les muscles de la nuque et, plus ou moins, les membres supérieurs. L’animal se déplace avec aisance, mais sa tête reste Fig. 1. POLIOMYÉLITE AIGUE 839 penchée en avant et ses bras pendants. Dans quelques cas, plus rares, on observe, comme premier symptôme, une paralysie des nerfs crâniens, en particulier du facial et de l’oculo-moteur. C’est ce que nous avons constaté avec Stanesco (1) chez un Macacus cynomolgus infecté par voie cérébrale et dont voici l'histoire : Macacus cynomolgus n° 90 sert de témoin dans une expérience destinée à préciser l’action microbicide du sérum des singes ayant survécu à une attaque aiguë de fpoliomyélite (page 870). Il est inoculé dans le cer- veau (0,5 c. c.) et la cavité périto- néale (5 ©. c.) avec une émulsion de moelle provenant d’un singe infecté. L’inoculation est faite le 27/I et jusqu’au 5 /IT, l'animal ne montre aucun trouble apparent. A ce mo- ment (incubation de 9 jours), on constateune paralysie faciale gauche des plus nettes (fig. 2). Le côté gauche de la face est flasque et im- mobile, lœil gauche entièrement ouvert, la bouche déviée du côté droit. Lorsque l’animal grimace ou veut mordre, seul le côté droit de la face se rétracte. La paralysie apparaît nettement quand le singe, pour se défendre, fait des mouve- ments réflexes avec les muscles de la face; alors l’œil droit se ferme, pendant que les paupières gauches restent ouvertes; on remarque, en outre, une paralysie partielle des muscles moteurs de lPoœil. Le même jour, vers cinq heures du soir, l'animal présente une parésie des membres inférieurs; il se déplace difficilement et tombe fréquemment de côté. Le lendemain la paralysie est généralisée; le singe reste couché, les muscles de la face immobiles, Ta respiration lente et irrégulière. On le sacrifie et on fait l'examen histologique du système nerveux É Examen histologique. — Pas de lésions visibles de lécorce cérébrale (région sylvienne) et des noyaux centraux. Les parties supérieures de la protubérance n’offrent que très peu d’altérations; celles-ci sont, au contraire, très accentuées au niveau des noyaux du facial. [1 s’agit de lésions inflamma- (1) LevapiTi Et STANESCO, C.R. de la Société de Biologie, Séance du 16 avril 1910. 840 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR toires et dégénératives ressemblant à celles que l’on constate habituelle- ment dans la moelle épinière des fsinges atteints de poliomyélite PL MIN Go6et7) Ajoutons que souvent ces divers types de paralysie infantile expérimentale se combinent entre eux, donnant lieu à des formes mixtes. Chez les animaux atteints plus légèrement, la maladie, après avoir traversé une phase aiguë, passe à l’état chronique. Les sin- ges conservent leurs paralysies, tout en offrant un état général satisfaisant. On constate chez eux des atrophies musculaires et même des déformations plus ou moins accentuées des membres atteints (fig. 3). Il n’est pas rare d’obser- ver, chez certains d’entre eux, une rétrocession des troubles paralytiques, sans qu'il y ait, toutefois, une véritable restitutio ad integrum. La mala- die peut d’ailleurs réci- diver, comme ïl résulte des constatations de Roe- mer et de Levaditi et Stanesco (1). Ainsi, le pre- mier de ces auteurs relate l'histoire d’un singe pa- ralysé 12 jours après 1 l’inoculation et qui mon- rie es Fig. 3. tra une amélioration sen- sible au bout de 7 jours; 3 semaines après, il y eut récidive et l’animal succomba après 2 jours de maladie. De leur côté, Levaditi et Stanesco ont eu l’occasion d’examiner le système nerveux d’un de nos singes (Ahesus n° 66) qui, inoculé le 5 /I, montra une paralysie du train (1) Levaprri et SraANEsco, C. R. de la Soc. de Biologie, 1910, 12 février. POLIOMYÉLITE AIGUE 841 postérieur le 16/1 et succomba 29 jours après, avec des phéno- mènes de poliomyélite chronique. Or, l'examen histologique ré- véla, en dehors des lésions qui caractérisent la paralysie infantile chronique (chap. IT), des altérations aiguës (foyers inflamma- toires à leucocytes polynueléaires dans le bulbe et la protu- bérance). IT. — Aistologie pathologique (en collab. avec M. Stanesco). Mécanisme des récidives. Les altérations du système nerveux chez les singes atteints de poliomyélite ressemblent en tous points à celles qui caracté- risent la maladie de Heine-Medin et qui ont été décrites en parti- culier par Harbitz et Scheel et par Wickman.Macroscopiquement, on observe souvent dans la moelle épinière des hypérémies et un état œdémateux qui s'étend aux méninges séreuses et à la substance grise; dans d’autres cas, on constate des foyers hémor- ragiques disséminés dans les cornes antérieures. Les lésions microscopiques sont disséminées dans toute l'étendue de la moelle, mais prédominent dans les zones qui correspondent aux mem- bres paralysés, en particulier dans les segments cervical et lom- baire. En voici les principaux caractères : Les méninges séreuses sont infiltrées par des cellules mono- nucléaires à noyaux ronds et fortement colorés, et par de rares polvnucléaires: Pinfiltration lymphocytaire se poursuit le long du septum antérieur, (PL XIV, fig. 5) et devient plus accentuée autour des vaisseaux de la substance blanche. L’in- flammation parait se continuer des méninges au tissu médullaire, en suivant les gaines périvasculaires, pour y constituer les man- teaux cellulaires qui enveloppent les vaisseaux sanguins (PI. XIV, fig. 3). Dans la substance grise, en particulier dans les cornes antérieures, on remarque des foyers d'infiltration cellulaire plus ou moins circonserits (PI. XV, fig. 1), foyers constitués en partie par des leucocytes à noyaux polymorphes, en état de caryorhexis. A ces polynucléaires s'ajoutent des Iym- phocytes et des cellules à noyaux plus volumineux, ronds ou ovalaires, à protoplasma abondant (Polyblastes de Wickman) PI XIV, fig. 3.) De plus, la substance grise montre un 842 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR état œdémateux plus ou moins diffus et des hémorragies micros- copiques (PI. XIV, fig. 4). Les cellules nerveuses ( PI. XIV, fig. 6 et 7, PI. XV, fig. 5) sont altérées d’une façon inégale. Le plus souvent elles sont profondément lésées et montrent une dégénérescence gra- nuleuse ou vacuolaire du protoplasma, de même qu'une fonte plus ou moins complète des corpuscules de Nissl. A ces altérations qui marquent le début du processus, succède l’envahissement des éléments nerveux par des cellules migratrices. Des leucocytes polynucléaires et aussi des lymphocytes et des macrophages s'accumulent autour des neurones et s’insinuent dans le corps protoplamisque et le noyau, dont ils achèvent la destruction en agissant de deux manières : d’une part, les polynucléaires paraissent provoquer une fonte du protoplasma et, d'autre part, ces éléments migrateurs, en particulier les macrophages, englobent les débris qui résultent de la désintégration des cel- lules nerveuses. Ces processus de neuronophagie et de neuro- nolyse aboutissent à l’anéantissement total du neurone. Finale- ment, surtout chez les animaux qui ont reçu du virus de passage, on constate, à la place des cellules nerveuses, des amas de glo- bules blancs, en grande partie dégénérés, amas qui revêtent la forme de l’ancien neurone détruit et qui rappellent ceux décrits tout récemment chez l’homme par Wickman (1). (PI. XIV, fig. 6 et 7.) Ces lésions ne sont pas limitées à la moelle épinière; on les retrouve aussi dans le bulbe et laprotubérance. Lorsquela maladie se complique de troubles paralytiques du domaine du facial et de l’oculo-moteur, on décèle des altérations semblables dans les noyaux d’origine des nerfs crâniens, témoin l’observation que nous avons relatée en collaboration avec Stanesco (page 839). En même temps que Flexner et Lewis, nous avons observé des infiltrations cellulaires et des lésions dégénératives dans les gan- glions intervertébraux, lésions qui rappellent jusqu’à un certain point celles de la rage. Ajoutons que chez un certain nombre de nos animaux, nous avons constaté des foyers inflamma- toires discrets autour des vaisseaux de la substance grise de l'écorce cérébrale et des noyaux centraux, et qu'il nous a été im- (1) WickmAN, Deutsche Zeitschr. für Nervenheilkunde, 1910, vol. XXXVIII, p. 396. POLIOMYÉLITE AIGUË 843 possible de découvrir des cor puscules de Negri dans la corne d’ Amon. Quelest le mécanisme qui préside à la genèse de ces lésions ? Le fait que les cellules nerveuses offrent des altérations dégéné- ratives à un moment où les infiltrations péri-vasculaires sont relativement peu prononcées, montre que le virus (ou les produits toxiques qu’il élabore) agit primitivement sur ces cellules, et que la dégénérescence des neurones n’est pas sous la dépendance des lésions vasculaires. On ne saurait non plus attribuer avec cer- titude les altérations des vaisseaux et des méninges à la désinté- gration primitive des cellules nerveuses, le virus pouvant engen- drer lui-même directement ces altérations. D’après nous (1), le microbe de la poliomyélite envahit le système nerveux en sui- vant les espaces lymphatiques qui entourent les vaisseaux san- guins. Arrivé dans la substance grise, le parasite s'attaque aux cellules nerveuses, pénètre dans leur protoplasma et y pullule. La pullulation du virus, et peut-être aussi la sécrétion de quelque toxine, amène, d’une part, la dégénérescence primitive du neu- rone, et, d'autre part, une réaction inflammatoire autour de ce neurone, réaction constituée par des polynucléaires et des mononucléaires. Les leucocytes sous Flaction nécroti- sante du microbe (ou de ses sécrétions), dégénèrent à leur tour, et cette première phase du processus aboutit ainsi à une masse de détritus destinée à être résorbée. Il est possible que les poly- nucléaires, en se détruisant, mettent en liberté quelque ferment protéolytique, lequel, agissant sur ces détritus, les dissolve en partie. Quoi qu'il en soit, ce sont les éléments mononucléaires, macrophages de Metchnikoff ou polyblastes de Wickman, qui assurent, par voie de phagocytose, la résorption définitive de ce qui avait été la cellule nerveuse. La réaction polynucléarre est donc, d'après nous, une réaction d'infection, liée à l’envahissement du neurone par le virus, tandis la résorption des produits résultant de la nécrobiose est l'œuvre des macrophages. Nous avons fait quelques tentatives dans le but de préciser la façon dont débutent les lésions inflammatoires et dégénératives chez les animaux infectés expérimentalement. Trois Macacus cynomolgus (n° 81, 82 et 83) furent injectés dans le cerveau et la (1) Notre façon de voir se rapproche sensiblement de celle formulée tout récemment par WicKkMAN (Loc. cit.); elle en diffère cependant par le fait que, d’après nous, le virus offre une affinité spécifique pour les cellules nerveuses. 844 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cavité péritonéale le 25 /I avec du virus de passage et sacrifiés deux, quatre et sept jours après l’inoculation. Un témoin, le Cyno- molgus n° 91 montra le 5/IT (onzième jour) une paralysie des plus nettes; les troubles moteurs se généralisèrent rapidement et l'animal fut sacrifié le 6 /IT. L'examen histologique révéla des lésions typiques de poliomyélite. Chez aucun des singes sacrifiés pendant la période d’incubation, nous n’avons observé des altérations médullaires pouvant être rapprochées de celles qui caractérisent la maladie de Heine-Medin. Seuls les simiens tués le 2€ et le 4€ jour ont présenté quelques infiltrations à leu- cocytes polynucléaires des méninges cérébrales, mais il nous a été impossible de préciser si ces infiltrations étaient dues à l’ac- tion du virus, ou bien à lirritation causée par l'introduction de lémulsion nerveuse dans le cerveau. Ces expériences sont trop peu nombreuses pour permettre des conclusions définitives au sujet du moment où débutent les lé- sions chez les animaux infectés par le virus de la poliomyélite. Toutefois, elles paraissent prouver que ces lésions font leur appa- rition à un moment très rapproché de l’éclosion des troubles paralytiques. Il est vrai que Leiner et Wiesner ont révélé quel- ques altérations discrètes (hypérémies, petites hémorragies, dégénérescences des cellules nerveuses) chez un simien sacrifié trois Jours après l’inoculation. On ne saurait cependant attribuer avec certitude ces lésions à laction directe du virus de la maladie de Heine-Medin, attendu que l'animal en question avait présenté des signes d’entérite, et que les altérations n’étant pas nettement inflammatoires, ne peuvent être identifiées avec celles qui caractérisent la poliomyélite aiguë. * * * Nous avons étudié les lésions histologiques chez les singes qui ont survécu à une attaque aiguë de paralysie infantile expérimen- tale et, en collaboration avec M. Stanesco (1) nous avons enregis- tré les faits suivants : L'examen a porté sur trois animaux paralysés depuis vingt elun, vingt-neuf et soixante-sept jours, dont voici les observations : Rhesus n° 64, inoculé le 14 /I, se paralyse le 27/1; il montre une paralysie (1) Levapiri Er SrANESsco, C. R. de la Soc. de Biologie, 1910, 16 avril. POLIOMYÉLITE AIGUË 845 de la jambe gauche, se généralisant le 4/11. L'animal meurt le 17 /IF, après 21 jours de maladie. Rhesus n° 66, inoculé le 5/1, paralysé le 16/1. Paralysie du train pos- térieur. L'animal meurt le 29€ Jour, après avoir présenté une lésion ulcé- reuse du pied, ressemblant au mal perforant plantaire. Callitriche n° 26, inoculé le 29/XI, montre une paralysie de la patte gauche le 11/XI1; le lendemain, paralysie complète du train postérieur, L'animal meurt le 4/[T, après 67 Jours de maladie. Moelle lombaire. — Tous nos singes ont présenté des altérations plus ou moins prononcées de la moelle lombaire, ces altérations étant plus marquées chez l'animal qui était paralysé depuis 67 jours (Callitriche n° 26).On constate chez ce singe que les cornes antérieures sont transformées en une sorte de tissu cicatriciel nettement délimité du reste de la substance grise (PI. XV, fig. 2). Au sein de ce tissu, on décèle un réseau de soutien formé par des fibrilles névrogliques assez épaisses et entre-croisées. (PI. XV, fig. 4). Au centre, comme à la périphérie, ces éléments névrogliques sont mêlés à des cellules particulières, pourvues d’un riche protoplasma et de nombreux prolongements. Ce qui frappe surtout au milieu de ce tissu quasi-cicatriciel, ce sont les nombreux vaisseaux néoformés, richement ramifiés. Leurs parois se continuent avec un tissu de granulation, leur endothélium revêt l’apparence caractéristique de l’endothélium des capil- laires de nouvelle formation. Cà et là on rencontre des bourgeons vasculaires minces, formés par des cellules endothéliales. Le long de ces nouveaux vais- seaux, on décèle des éléments cellulaires allongés, pourvus de noyaux fusi- formes, colorés d’une manière intensive, et aussi des nombreuses cellules rondes, dont le noyau est en partie polymorphe. Moelle cervicale et dorsale. — Chez aucun de nos animaux, qui n’ont jamais présenté de troubles moteurs des membres supérieurs, nous n’avons retrouvé de lésions dans ces régions de la moelle épinière. Protubérance et bulbe. — On ne constate des altérations que chez le Rhesus n° 6% et le Callitriche n° 26. Chez le premier, on observe, au niveau des noyaux d’origine de certains nerfs craniens, une infiltration par des cellules à noyaux ovalaires et aussi par de très rares polynucléaires. Chez le second on constate : 19 une accumulation d'éléments à noyaux ronds (lymphocytes et macrophages) autour des vaissaux, et 29 des foyers d’inflammation aiguë, formés par des polynucléaires à noyaux dégénérés et fragmentés. Ces foyers, plus ou moins circonscrits, rappellent ceux que l’on découvre habituellement dans la moelle et le bulbe des singes sacrifiés pendant la période aiguë de la maladie. Cerveau. — Chez les singes n°s 64 et 66, les lésions cérébrales sont insi- enifiantes; par contre, chez l'animal qui à survécu 67 jours, on constate de nombreuses cellules rondes autour des vaisseaux et un enrichissement des méninges en lymphocytes, en polyblastes et en de rares polynucléaires. Ces constatations montrent que les altérations du système nerveux des animaux qui survivent pendant un certain temps à une attaque de paralysie infantile, et qui conservent des troubles 846 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR moteurs, diffèrent sensiblement de celles que l’on découvre habi- tuellement chez les simiens sacrifiés en pleine éclosion de l'infec- tion. Les lésions inflammatoires aiguës cèdent la place à des alté- rations de nature régressive et réparatrice. ‘ DEA En outre, chez un de nos animaux (Callitriche n° 26) les carac- tères particuliers des lésions constatées dans le bulbe et la protubé- rance d’une part, dans la moelle lombaire, d'autre part, montrent qu’il y a eu chez lui deux attaques successives : une première, la plus ancienne, intéressant le segment lombaire, et une seconde, plus récente, localisée à la région bulbo-protubérantielle. La poliomyélite expérimentale peut donc récidiver (1) et provoquer des altérations à caractères aigus se surajoutant aux anciennes lésions chroniques. Cette constatation est conforme aux observations de Roemer (2), lequel relate lhistoire d’un singe qui, paralysé 12 jours après l’inoculation, montra une amélioration sensible au bout de 16 jours. Or, trois semaines après, il y eut récidive, et l'animal succomba à la suite d’une seconde attaque de paralysie infantile (3). La question des récidives est intimement liée à celle de Za présence du vurus dans le système nerveux central des singes sacrifiés pendant et après l’évolution de la période aiguë de la maladie. Quel- ques tentatives ont été entreprises dans cette voie par Leiner et Wiesner et par nous-même. Les auteurs viennois ont décelé ce virus dans la moelle d’un singe sacrifié 24 Jours après le début de l'infection; quant à nos recherches, elles ont fourni les résultats suivants : Fa) Rhesus n° 34, inoculé le 27/XII (C=—0,5; P — 5 c. c.) (4), paralysé 7/1 (incub. de A1 jours). Le 11/1, paralysie du train postérieur; on le sacrifie et sa moelle sert à inoculer le Mandril n° 73. Ce dernier est paralysé le 24/1 (incub. de 13 jours, paralysie du train postérieur, mort le 26/1). La moœlle renferme le virus quatre jours après le début de la maladie. b) Rhesus n° 33, inoculé le 2/XIT (C — 0,25, P — 5 c.c.), paralysé le 11/XII (incub. de 11 jours, paralysie du train postérieur). Le 14/XIT, paralysie du bras droit; les troubles moteurs des membres inférieurs rétro- cèdent. Le 23/XIT, il est réinfecté sans succès (immunité acquise). On le saigne à blanc le 19/1, 39 jours après le début de la maladie, et la moelle sert à inoculer le Cynomolgus n° 40. Ce dernier survit. (1) Peut-être parce que certains animaux n’acquièrent pas un état réfractaire sufli- samment accentué après une première atteinte. (2) RozmEer, Münchener med. Woch., 1910. (3) Consulter, à propos des récidives chez l homme, Wicxman (Loc. cit.). (4) C : injection intra-cérébrale; P : injection intra-péritonéale, POLIOMYÉLITE AIGUË 847 €) Rhesus n° 35, inoculé le 3/XII (GC = 0,25, P = 5 c. c.), paralysé le 11/XIT (incub. de 8 jours, paralysie complète du train postérieur). Le 13 /XITL, raideur des muscles du cou, paralysie du bras droit. Réinfecté sans succès le 23 /XIT et sacrifié Le 25 /[, soit 45 jours après le début de la maladie. Sa moelle sert à inoculer le Cynomolgus n° 91, lequel survit sans avoir pré- senté de phénomènes morbides (1). Il en résulte que si la moelle du singe sacrifié 4 jours après l'éclosion de la poliomyélite contenait du virus capable de conférer la maladie à d’autres simiens neufs, par contre celle des singes exa- minés après 39 et 45 jours en était dépourvue. Si, à ces résultats, on ajoute une expérience de Leiner et Wiesner, démontrant la stérilité du système nerveux d’un animal examiné le sixième jour, on doit conclure que peu de temps après l'évolution de la période aigue de la paralysie infantile, le virus disparait des centres ner- veux. Or, comme nous le verrons plus loin, cette disparition coïn- cide avec le développement d’un état réfractaire acquis des plus marqués, eb pourrait en être la conséquence. Aussi, lorsque, dans certains cas, cet état réfractaire ne se développe pas suffisamment, le microbe persiste pendant quelque temps dans les tissus et rend ainsi la récidive possible. Cela explique, d’une part, la raison d’être des rechutes et, d’autre part, les résultats contradictoires enre- gistrés par Leiner et Wiesner (infectiosité de la moelle après 24 jours). Nous avons vu, d’ailleurs, que ceux de nos singes dont la moelle était dépourvue de virus, ont résisté à une inoculation d’épreuve, mortelle pour les témoins. % * * Les singes qui survivent plus ou moins longtemps à une attaque aiguë de poliomyélite offfènt des atrophies musculaires et, dans certains cas, des déformations des membres. Nous avons examiné, en collaboration avec M. Stanesco (2), les muscles et les nerfs des membres paralysés et nous y avons décelé des altérations dégénératives typiques. Ces lésions sont figurées dans la PI. XIV, fig. 2. | III. — Le virus de la poliomyélite. 1) Æültrabilité. Les nombreuses investigations bactério- (1) Levapiri ET LANDSTEINER, C. R. de la Soc. de Biologie, 1910, vol. LXVIII, p. 311, séance du 19 février. (1) LEvVADITI ET STANESCO, Zoc. cit. 848 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR logiques auxquellés on avait soumis les matériaux (sys- tème nerveux, liquide céphalo-rachidien) provenant de sujets atteints de la maladie de Heine-Medin, ayant abouti à des résul- tats douteux ou négatifs (1), on a pensé que le virus de la para- lysie infantile devait appartenir à la catégorie des microorganis- mes filtrants. La transmission de linfection aux singes a rendu possible la vérification de cette hypothèse. Nous avons, en effet, démontré que l’émulsion de moelles provenant de simiens infectés expérimentalement, préalablement filtrée à travers des bougies en porcelaine ou en terre d’infusoires, est capable de conférer la poluo- myélite aux animaux neufs (2). Nos constatations, confirmées bientôt après par Flexner et Lewis (3) et par Leiner et Wiesner (4) ont, de plus, montré que le microbe de la maladie de Heine- Medin traverse très facilement ces bougies, beaucoup mieux que celui de la rage, puisque l'expérience réussit toutes les fois qu'on la tente dans de bonnes conditions. Nous nous sommes servi de bougies Berkefeld, Chamberland et Reichel (bougies Berkefeld-Nordtmeyer, montées sur filtres Reichel), et nous avons filtré dans le vide, sous une faible pression (30 à 40 em.) des émulsions virulentes préalablement filtrées sur papier. Afin de contrôler la perméabilité de nos bougies, nous avons préalablement mélangé à lémulsion une culture de Pro- digiosus; seules les expériences dans lesquelles lensemencement du filtrat dans du bouillon ou sur de la gélose restait stérile entraient en ligne de compte. En outre, nous avons recherché si le système nerveux des singes paralysés à la suite d’une injection de filtrat stérile, était infectieux pour d’autres animaux neufs. L'expérience ayant fourni des résultats nettement positifs, nous avons conclu que la mala- die engendrée par l’inoculation des émulsions filtrées était bien due au virus proprement dit, et non pas à quelque produit toxique éla- boré par le microbe et accumulé dans les centres nerveux. Voici les détails de nos recherches : a) Bougies Berkefeld. — Le 18/XIT, on triture quelques fragments de (1) Consulter pour la Httérature : LANDSTEINER et POPPER, loc. cit. (2) LanDpsTEINER ET LevapiTr, C. R. de la Soc. de Biologie, 27 novembre et 18 dé- cembre 1909; C. R. de l Académie des Sciences, 3 janvier 1910. (3) Fzexner Er Lewis, Journal of the americ. med. assoc., 18 décembre 1909. (4) Leiner ET WiEesNER, Wüener klin. Woch., 1910, n° 3. POLIOMYÉLITE AIGUË 849 moelle d’un singe infecté avec du virus de passage, dans un mélange de 3 €. c, de liquide céphalo-rachidien du même singe et 10 €. €. d’eau salée, Une par- tie de l’émulsion est filtrée sur une petite bougie Berkefeld montée sur verre et le filtrat est injecté aux Macacus cynomolgus n°S 18 et 19 (CG — 0,5 €. €.; P — 5c.ec.). Le Macacus cynomolgus n° 100 reçoit la même quantité de émulsion non filtrée; il sert de témoin. Macacus cynomolgus n° 18 (Filtrat). Le 26 /XT (incub. de 8 jours), para- lysie de la patte droite, se généralisant le 27/XI aux deux membres infé- rieurs. Le 28 /XI les troubles moteurs s'étendent aux bras et le 30 /XI Pani- mal reste couché et montre du strabisme ; il meurt le 1 /XIT. Macacus cynomolgus n° 19 (Füiltrat). Le 28/XT (incub. de 10 jours), légères parésies, titubation. Paralysie de la jambe gauche le 4 /XIT. Le 5/XII paralysie du train postérieur, rétrocédant en partie le 23/XII. L'animal survit. Macacus cynomolgus n° 100 témoin). Le 23/XI (incub. de 5 jours), tremblements généralisés le matin, paralysie du train postérieur le soir. Le 24/XT, paralysie généralisée, l'animal est mourant. On le tue au gaz. b) Bougies Berkefeld et Chamberland. — Le 29/XI on émulsionne quelques fragments de moelle (virus de passage) dans 20 c. c. d’un mélange à parties égales d’eau salée et de bouillon. Une partie de lémulsion est additionnée de 2 anses d’une culture de Micrococcus prodigiosus sur gélose, puis filtrée 1° sur une petite bougie Berkefeld montée sur verre, et 2° sur une bougie Chamberland, petit modèle. (Pression — 25-30 cm.). Les filtrats sont injectés (G = 0,25 c. c.; P — 4. c.) au Callitriche.n° 26 (Berkefeld) et au Callitriche n° 27 (Chamberland). Ensemencés largement sur du bouillon, ils n'ont pas pullulé après 3 jours de séjour à 37 degrés. Le Callitriche n° 25, servant comme témoin, reçoit l’émulsion non filtrée. Callitriche n° 26 (Berkefeld). Le 11/XIT (incub. de 12 jours), paralysie du train postérieur, particulièrement de la jambe gauche. Le 12 /XIT, para- lysie presque complète des membres inférieurs. L'animal meurt 67 jours après le début de la maladie. Callitrich n° 27 (Chamberland). Le 15 /XIT (incub. de 16 jours), parésie des membres inférieurs, se généralisant le 16 /XIT. L'animal est sacrifié. Callitriche n° 25 (témoin). Le 8/XII (incub. de 9 jours) paralysie de la patte gauche. Très malade le 9 /XIT, l'animal meurt le matin du 10 /XIT. c) Bougies Berkefeld. Cette expérience, faite le 1 /XII avec deux bougies Berkefeld du même type, a fourni les mêmes résultats. Ici aussi l'épreuve de contrôle a montré l’imperméabilité de ces bougies pour le Micrococcus prodigiosus. Je Voici le résumé des trois expériences décrites plus haut : D4 890 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR BOUGIES SINGES INCUBATION EVOLUTION Berkefeld ...|M.cynomolqus N° 18.1 huit jours. [meurt après 5 jours a < Berkefeld ...|M.cynomolgqus N° 19.| dix jours. survit Témoin ....|M.cynomolqus N° 100.| cing jours. | mourant le 2 jour \ Berkefeld ...|Callitriche N° 26.,..| douse jours. survit b < Chamberland|Catllitriche N° 97....| seise jours. |mourantlelendemain | Témoin .…..|Callitriche N° 25....| huit jours. meurt le 2e jour 2erkefeld 1..|Mac. sinicus N° 32.| douze jours. |meurt après 15 jours de maladie ) Berkefeld I1.|Mac. sinicus N° 28S.|quinse jours.| meurt le 2 jour Témoin ....| Mac. Rhesus N° 31.| sir jours. meurt le 7e jour . ec Ces expériences montrent que le virus de la poliomyélite filtre facilement à travers les bougies Berkefeld et Chamberland et que l’incubation, chez les animaux inoculés avec le filtrat, est sensible- ment plus longue que chez les singes infectés avec l’émulsion non filtrée. Leiner et Wiesner ayant obtenu des résultats négatifs en filtrant le microbe de la maladie de Heine-Medin à travers des bougies montées sur filtres Reichel, nous avons répété les expé- riences de ces auteurs; contrairement aux affirmations des sa- vants viennois, nous avons constaté que le virus traverse facile- ment ces bougies (1). Filtres Reichel. Le 18 /XIT, on émulsionne quelques fragments de moelle (virus de passage) dans un. mélange de 50 €. c. d’eau salée et de 10 c. c. de bouillon. , On ajoute deux anses d’une culture de Micrococcus prodigiosus sur gélose et on filtre sur deux bougies Berkefeld-Nordtmeyer, montées sur filtres Reichel (A et B). | … Les filtrats so L'ensemencés sur bouillon et gélose (ils restent stériles) et inoculés à deux singes; un troisième singe, injecté avec l’émuision non filtrée, sert de témoin (G = 0,25 c. c.; P — 3 c. c.). Rhesus n° 23 (Reichel A). Le 29/XIT (incub. de 11 Jours), parésie du train postérieur; paralysie des fdeux jambes le 30/XII, se généralisant le 4 /T. L’animal est mourant le 3 /I. On le sacrifie. Macacus cynomolgus n° 24 (Reichel B). Le 26/XII, (incub. de 8 jours), couché, paralysie généralisée. L’animal est sacrifié. Mandril n° 25 (témoin). Le 22/XIT (incub. de 4 jours), tremblements cénéralisés, titubation. L'animal meurt le 23 /XIT. (1) BanpsreiNer Er Levapiri, C. R. de l’Acad. des Sciences, 3 janvier 1910. POLIOMYÉLITE AIGUË 851 La moelle du Macacus cynomolgus n° 24 (singe infecté avec Pémulsion filtrée) sert à inoculer (CG = 0,5 c. c.; P = 5 c. c.) le: Cynocéphale A. Le 30/XIT (incub. de 4 jours), ütubation, convulsions accompagnées de cris. Le 31/XII, tremblements. Sacrifié le 31/XIL. Lésions typiques du système nerveux. Cette expérience prouve que le virus de la poliomyélite tra- verse les bougies Berkefeld montées sur filtres Reichel et que la moelle des singes inoculés avec le filtrat se montre virulente pour d’autres simiens neufs. Le filtrat engendre donc la maladie grâce au virus qu'il renferme, et non pas par quelque toxine accumulée dans le système nerveux. IT) Conservation dans la glycérine. Nous avons pu établir que le virus de la paralysie infantile se conserve pendant très long- temps dans de la glycérine additionnée d’eau salée isotonique (1). Notre première expérience nous avait déjà montré que ce virus, placé dans un mélange d’un tiers de glycérine et de deux tiers de solution physiologique (8,5 0 /000) conservait sa virulence au moins pendant 4 jours. Des recherches plus détaillées 'ont précisé la durée de cette conservation du microbe dans les milieux glvcé- rinés; les voici : Le 29/XTI des fragments de moelle dorsale du Macacus cynomolgus n° 16, (virus de passage) sont placés dans de la glycérine au tiers et conservés jus- qu’au 6/XII (7 jours) à la glacière. À ce moment on les triture avec de l’eau salée et l’émulsion est injectée au Rhesus n° 44 (C — 0,25 c. c.; P = 5 €. c.). Rhesus n9 44. Le 12/XIT (incub. de 6 jours), titubation, parésie légère. Le 13/XII, paralysie du train postérieur; paralysie du bras gauche le 14/XIT, Les troubles moteurs vont en augmentant jusqu’au 23 /XIT, date à laquelle on sacrifie le singe. b) Mac. sinicus n° 20 est inoculé le 27 /XII (C = 0,25; P = 5 c. c.), avec la moelle du Sinicus n° 48, conservée dans de la glycérine au tiers et à la glacière pendant 11 jours. Le 5 /T (incub. de 9 jours), tremblements généra- hisés, titubation. Meurt le 6 /T. Macacus Rhesus n° 45 est inoculé le 27 /XIT, avec la moelle du Rhesus E, conservée de la même manière pendant 20 Jours. Le 6 /[ (incub. de 10 jours), titubation, parésie des jambes. Le 7/[, paralysie généralisée. L'animal est sacrifié. Macacus Rhesus n° 34 est inoculé le 27 /IT avec la moelle du Mandril n° [, conservée de la même manière pendant 22 jours. Le 7/1 (incub, de 11 jours), paralysie du train postérieur. L'animal est sacrifié le 11 /T. (1) Lanpsreiner Er Levapirt, C, R: de la Soc. de Biologie, 27 novembre et 18 dé- cembre 1909; C. R. de l Acad. des Sciences, 10 janvier 1910. 892 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Ces expériences prouvent que le virus de la poliomyélite con- serve sa pathogénité dans de la glycérine diluée, et à la température de la glacière, pendant au moins 22 jours. Sa virulence ne paraît pas diminuer dans ces conditions, attendu que la maladie qu’il provoque ne diffère pas de celle engendrée par le virus frais, ni au point de vue de la durée de l’incubation (6, 9, 10 et 11 jours, en moyenne 8 Jours), ni en ce qui concerne son évolution et sa gravité. Il en résulte qu'au point de vue de la conservation dans la glycérine, 1l y a des analogies frappantes entre le microbe de la paralysie infantile, d’une part, et ceux de la rage, de la peste aviaire et de la vaccine, d'autre part. Ajoutons que nos constatations ont été confirmées par Roemer et Joseph (1), lesquels ont établi que les émulsions glycérinées sont actives après 5 mois de conser- vation, et aussi par Flexner et Lewis (2). Émulsionnées dans de l’eau salée et soumises à des tempéra- tures inférieures à zéro degré, les moelles se montrent infectieuses après un temps de conservation assez long. C’est ce qui résulte de nos recherches (3) et aussi des constatations de Flexner et Lewis (4) et de Leiner et Wiesner. La moelle du Macacus cynomolgus n° 17 est émulsionnée dans de leau salée isotonique et congelée le 25 /XI. On la conserve à l’état de congélation jusqu’au 6/XIT (11 jours), puis on l’injecte au : Rhesus n° 43 (C = 0,25 c. c.; P = 4 c. c.). Le 12 /XITI (incub. de 6 jours), parésie du train postérieur. Le 14/XITI, paralysie des deux jambes, L’ani- mal survit. ITT) Dessiccation. En outre,nous avons établi que les émulsions de moelles provenant de singes infectés, desséchées dans le vide, sur de l’acide sulfurique, conservent leur virulence pendant un temps assez prolongé (15 jours au moins). C’est ce qui résulte de l'expérience suivante : La moelle d’un Rhesus, sacrifié en pleine attaque aiguë de paralysie, est émulsionnée dans quelques centimètres cubes d’eau salée; émulsion est étalée dans une boîte de Petri et desséchée dans le vide sur de l'acide sulfu- rique. L’exsicateur reste à la température de la chambre du 8 au 23 /XT1, soit 15 jours. À ce moment on délaie une parcelle du tissu desséché et préalable- ment trituré, dans 5 €. ©. d’eau salée et on injecte lémulsion dans le cer- veau (0,25) et le péritoine Brera (1) RoEMER ET Joserx, Münch. med. Woch., 1909, n° 49; 1910, n° 7, n° 20. (2) Fzexner ET Lewis, The Journ. of the americ. med. assoc., 1909, 18 décembre. (3) LevapiTi ET LANDSTEINER, C. R. de la Soc. de Biologie, 18 décembre 1909. (4) FLexNer er Lewis, The Journ. of the americ. med. assoc., 1910, 1e7 janvier. POLIOMYÉLITE AIGUË 853 Macacus eynomolgus n° 55. Le 1 /T (incub. de 9 jours), paralysie à type supérieur; le 2/I1 l'animal meurt, et l'examen dela moelle montre des lésions caractéristiques de poliomyélite. Quelques expériences relatées par Leiner et Wiesner (1) sem- blent contredire celle que nous venons d'exposer. Les auteurs ont vu, en effet, que la dessiccation du matériel virulent (en couches minces) soit pendant 4 heures à la température du thermostat, soit pendant 24 heures à celle de la chambre, rend le virus inactif. Nous pensons que cette perte de l’activité pourrait être due au mode particulier de dessiccation employé par ces auteurs. r# La résistance qu'oppose le virus de la paralysie infantile à la dessiccation, résulte également de nos recherches concernant la conservation des moelles d'après le procédé de Pasteur, appliqué à la rage. Dans le but de vacciner “des singes suivant ce procédé, nous avons placé des-fragments de moelle dans des flacons conte- nant de la potasse et nous les avons conservés pendant un temps variable à 22 degrés et à l’abri de la lumière. Leur virulence a été essayée après neuf et vingt-quatre jours, par injection intra-céré- brale; les résultats sont consignés ci-dessous : a) Moelle du Macacus cynomolgus n° 100, conservée sur KOH, du 24/XT au 3/XIT soit 9 jours: des fragments sont émulsionnés dans de l’eau salée et inoculés au : Macacus Rhesus n° 35 (C — 0,25 c. c.; P — 5.c. c.). Le 11 /XIT (incub. de 8 jours), paralysie des membres inférieurs; le 143 /XIT, paralysie du bras droit et des muscles de la nuque. L'animal survit. b) Moelle du Macacus Rhesus n° 21, conservée sur K9H du 11 /XIT au h /T (soit 24 jours) : des fragments sont émulsionnés dans de l’eau salée, puis inoculés au Macacus cynomolgus n° 51. Le 22 /[ (incubation de 18 jours), parésie du train postérieur ; le 23 /[, paralysie généralisée, l'animal est, sacri fié. Il en résulte que le virus, conservé d’après le procédé de Pas- teur appliqué à la rage, garde sa virulence au moins pendant 24 jours. C’est là une constatation particulièrement importante. Elle montre que le parasite de la maladie de Heine-Medin est plus résistant que le virus rabique à la dessiccation sur de la potasse caustique, puisque, inoculé dans le cerveau, après 24 jours de con- servation, il engendre une infection mortelle, cependant que les (1) LEINER ET WIiEsNER, Wiener klin. Woch., 1910, n° 3. 854 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR moelles rabiques perdent, en général, leur virulence dans les mêmes conditions. En outre, elle prouve que la vaccination des animaux au moyen de ces moelles desséchées peut ne pas être tout à fait inoffensive, attendu que ces moelles contiennent encore du virus capable de provoquer des accidents, lorsqu'il est admi- nistré par voie intra-cérébrale (page 867). IV) Action de la chaleur. Nous n’avons pas examiné la résis- tance du virus à la chaleur. Il résulte cependant des expériences de Leiner et Wiesner (1) et de Flexner et Lewis (2) que le parasite filtrant de la poliomyélite est assez sensible aux éléva- tions de température. Ainsi, d’après les savants américains, les émulsions de moelle perdent leur activité pathogène lorsqu'on les chauffe pendant une demi-heure à 40-500, V) Action des agents chimiques. Les expériences de Flexner et Lewis et de Leiner et Wiesner,etaussi nos propres investigations montrent que le virus de la paralysie infantile peut envahir le système nerveux central en pénétrant par la muqueuse du nez et par le revêtement muqueux du pharynx et des voies respiratoires. L'importance de ces constatations est capitale au point de vue de la prophylaxie de la poliomyélite épidémique. Elles montrent qu'il faut, avant tout, éviter toute introduction du virus, même desséché, dans le nez et la cavité buccale, et aussi toute lésion traumatique des muqueuses nasale et pharyngée, pouvant faciliter la pénétration du microbe. Il y a aussi lieu d’es- sayer le pouvoir microbicide des antiseptiques pouvant être appli- qués localement, dans un but prophylactique. Nous avons exa- miné cette dernière question et nous sommes arrivés aux résultats suivants (3) : a) Huile mentholée et poudre au menthol, au salol et à l'acide borique. Nous avons employé, dans une première série de recher- ches, l'huile mentholée, à 1 p. 0 /0, et une poudre ainsi composée : Mentholi ete" Dgr22: SALOLÉTINRE EME. 5er, Acide borique... 20 gr. 2 ©. c. d’émulsion virulente sont mélangés à 0 ce. €. 5 huile mentholée; (4) Leiner ET WiesNer, Wiener klin. Woch., 1910, n° 3. (2) FLExNER ET LEWIS, loc. cut. L (3) LANDSTEINER ET LEvaADiTI, ©. R. de la Soc. de Biologie, 1910, 5 mars 1910, 30 mai. POLIOMYÉLITE AIGUË 855 le mélange est agité, puis maintenu pendant 2 heures à la température de la chambre. ? €. ce. de la même émulsion sont additionnés de 0 gr. 05 de la poudre au menthol; on agile et on laisse séjourner pendant 2 heures à la même température. Le 18 /IT, on inocule au : Macacus Rhesus n° 96, 0,5 c. c. du mélange n° 1, dans le cerveau. Le 3 /TTI (incub. de 13 jours), parésie diffuse, légère titubation, L'animal se remet et survit. Macacus Rhesus n° 97, 0,5 c. c. du mélange n° 2, dans le cerveau. Le 24 /IT (incub. de 6 jours), légers troubles moteurs, qui disparaissent le 26 /IT. Le 3 /IIT, on ne constate rien de précis; l'animal survit. Macacus Rhesus n° 95 (témoin). Le 22/IT {incub. de 4 jours), paralysie du bras gauche, se généralisant à 25 /IT. L'animal meurt le 26 /IT et Pexa- men histologique montre les altérations caractéristiques de la poliomyélite. b) Action exercée par le thymol, le permanganate de potasse et l'eau oxy- génée. 1. Thymol. Nous nous sommes servis d’une solution de thymol (thymol, grammes, eau, 1000, alcool, q. s.) que nous avons mélangée à volumes égaux avec une émulsion de moelle virulente (Cynomolgus n° 91), filtrée sur papier. Le 21/III, après une heure de contact à 379, nous avons injecté 0 c. €. 25 du mélange dans le cerveau du : Macacus sinicus n° 68. Le 28 /IIT fincub. de 7 jours), parésie, titubation. L'animal est mourant le 29/IITI, après avoir montré des paralysies mul- tiples ; on le sacrifie. Macacus Rhesus n° 70 (témoin). Le 30 /IIT (incub. de 9 jours), paralysie du train postérieur; le 3 /IV, paralysie généralisée, l'animal est sacrifié. 2. Permanganate de potasse. Solution à 2/1000, mélange à volumes égaux avec la même émulsion virulente. Le 21 /IIT, après 1 heure de contact à 37 degrés, on injecte 0,25 c. c. dans le cerveau du : Macacus sinicus n° 69. L’animal survit, sans avoir présenté le moindre trouble moteur; le témoin {Macacus Rhesus n° 70), comme nous l’avons vu, est paralysé le 9 jour. 8. Eau oxygénée. Nous nous sommes servi du Perhydrol Merck, dilué au 5e avec de l’eau salée isotonique. Le 29 /TIT, une émulsion de moelle virulente (Rhesus n° 45), préalablement filtrée sur papier, est mélangée, à volumes égaux, avec la solution de perhydrol. Après 45 minutes de contact à 370, on injecte 0,25 c. c. du mélange dans le cerveau du : Macacus Rhesus n° 79. L'animal survit, sans avoir été malade. Macacus Rhesus n° 77 (témoin). Le 6 /IV (incub. de 8 jours), paralysie à type supérieur, titubation, se généralisant le 7 /IV. L'animal meurt le 8 /IV. 2 Ces expériences montrent que si, dans les conditions où nous sommes placés, le thymol ne paraît pas agir sur le virus de la polio- myélite, par contre le menthol, la poudre au salol, menthol et à l'acide borique, le permanganate de potasse et l’eau oxygénée (Perhydrol) détruisent in vitro ce virus. De ces produits, c’est le permanganate de potasse et l’eau oxygénée qui semblent les plus actifs, puisque 856 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR la virulence a été complètement abolie, après un temps de contact relativement court à la température du corps.[l est inutile d’insis- ter sur les conséquences pratiques de ces recherches; ajoutons qu’elles sont conformes, pour ce qui a trait à l’action parasiti- cide de l’eau oxygénée, à celles de Flexner et Lewis (1). III. — Modes d'infection des animaux. L’'infection des singes réussit lorsque, comme nous l’avons déjà vu, on introduit le virus dans le cerveau et la cavité périto- néale, et aussi quand on ladministre par la voie tntra-oculaire. Tout comme dans la rage, l'injection de quelques gouttes d’émul- sion virulente dans la chambre antérieure, provoque des phéno- mèênes paralytiques au bout d’une période d’incubation normale ; en voici la preuve (2) : Macacus sinicus n° 48, reçoit dans la chambre antérieure de l’œil, le 7 /XIT, quelques gouttes de virus de passage. Le 14 /XIT (incub. de] jours) paralysie à type supérieur, se généralisant le 46 /XI1; l’animal est sacrifié. L'introduction du virus par la voie sous-cutanée fournit, d’a- près nos propres recherches, des résultats souvent négatifs. Une seule fois nous avons engendré la poliomyélite en administrant l’émulsion virulente sous la peau et, d’autre part, quelques ani- maux sont devenus paralytiques au cours de la vaccination par des injections de moelles desséchées, pratiquées également sous la peau. Le tissu cellulaire sous-cutané se prête donc mal à la résorp- tion du microbe contenu dans l’émulsion nerveuse. Nous pensons que ce fait pourrait être dû à la réaction locale consécutive à l'injection. Rappelons cependant que Flexner et Lewis ont réussi plus souvent que nous à conférer la paralysie en ayant recours à ce mode d’inoculation. Nous avons également éprouvé la sensibilité des animaux en déposant le virus sur une surface cutanée préalablement scari- liée; le résultat a été négatif. Quant à l’activité du virus introduit dans la circulation san- guine, nous possédons une seule expérience démonstrative, dont voici les détails : (1) FLExNER ET Lewis, Journ. of the americ. med. assoc., 1910, n° 22. (2) LANDSTEINER ET LevapirTi, C. R. de la Soc. de Biologie, 1909, 18 décembre. POLIOMYÉLITE AIGUË 857 Macacus Rhesus n° 0, Le 12 /IT on pratique une petite laparatomie et on injecte 5 e. c, d’une émulsion virulente (Rhesus n° 77) dans une ramification de la veine mésentérique. Le 18 /IT (incub. de 6 jours), paralysie à type supé- rieur: animal meurt le lendemain et l'examen microscopique montre des lésions typiques du système nerveux. Cette expérience prouve que la circulation sanguine se prête bien au transport du virus vers les centres nerveux ; de plus, elle semble indiquer que le microbe de la poliomyélite offre une affinité élective pour le système nerveux central, atterdu que, malgré son introduction dans le foie, par l'intermédiaire de la cir- culation porte, il n’y a pas provoqué de lésions et ne s’y est pas arrêté (1). Enfin, elle montre que le tissu hépatique ne saurait arrêter et neutraliser le virus, lorsque celui-ci envahit l’organisme en franchissant la muqueuse intestinale. En effet, comme nous le verrons dans un instant, les animaux contractent la paralysie infantile quand on leur fait ingérer, dans des conditions déter- minées, des émulsions de moelle virulentes (Leiner et Wiesner). Les nerfs périphériques se prêtent-ils à la pénétration et à la propagation du virus dans l’organisme ? L’analogie étroite entre la poliomyélite et la rage laissait prévoir que Pintroduction du microbe dans les filets nerveux devait engendrer la maladie. Or, nos expériences (2) et aussi celles de Flexner et Lewis (3) ont pleinement confirmé cette prévision. Macacus Rhesus n° 15. Le 1/XII on isole le nerf médian droit et, à l’aide d’une seringue munie d’une aiguille fine on introduit, en plein tissu nerveux quelques gouttes d’une émulsion virulente; on brûle le point de pénétration de Paiguille et on suture la plaie. Le 10 /XIT (incub. de 9 jours) paralysie du bras droit; Vanimal meurt le 11 /XIT (lésions typiques dans la moelle cervicale). Il est donc hors de doute que le virus de la poliomyélite, introduit dans les nerfs périphériques, envahit tôt ou tard les centres nerveux. Ce qui est frappant c’est que, d’après nos observations et celles de Flexner et Lewis et de Leiner et Wiesner, les phénomènes para- lytiques, chez les singes inoculés dans les nerfs, débutent toujours par le membre correspondant au trone nerveux inoculé. Ce fait prouve que le virus chemine le long des filaments nerveux, très vrat- (1) Nous venons de voir, en effet, que l’incubation a été de six jours seulement. (2) LANDSTEINER ET LEVADITI, C. R. de la Société de. Biologie, 18 décembre 1909. (3) FLEXNER ET LEWIS, Journ. of the americ. med. assoc., 4 décembre 1909. 858 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR semblablement par les espaces lymphatiques des nerfs, et arrive ainsi dans les segments médullaires d’où émanent ces nerfs. Leiner et Wiesner ont recueil des constatations semblables à celles que nous venons de relater. Ces auteurs ont vu, de plus, que si, après l'introduction du virus dans un nerf périphérique, on a soin de sectionner ce nerf au dessus du point d’inoculation, on empêche l’éclosion de la maladie. C’est là une nouvelle preuve en faveur de la marche du microbe le long des filaments nerveux. x Des expériences fort importantes au point de vue de lPépidé- miologie de la paralysie infantile, concernant la pénétrabilité du virus par les muqueuses du tube digestif et des voies respira- loires, ont été relatées par Leiner et Wiesner et par Flexner et Lewis. Pour ce qui a trait à la muqueuse gastro-intestinale, nous avons tenté de transmettre la poliomyélite aux singes en leur fai- sant ingérer, à plusieurs reprises, des émulsions virulentes, sans cependant aboutir à des résultats nettement positifs (1). Ainsi, un chimpanzé reçoit le 30 /[, par la sonde stomacale, 10 c. c. d’une émulsion préparée avec la moelle d’un singe infecté (Callitriche n° 80); ïl survit sans avoir présenté de troubles apparents. De plus, le Macacus sinicus n° 20 avale, le 25/XI, 20 c. c. de matière virulente et le lendemain, une nouvelle dose de 20 c. €.; il survit, et le 27 /XIT on essaye sa sensibilité en lui inoculant dans le cerveau et le péritoine une émulsion de moelle conservée pendant 11 jours à la glacière (dans de la glycérine au tiers), L'animal est paralysé le neuvième jour. Ces faits montrent que, dans les conditions où nous nous sommes placés, il n’est pas toujours possible d’infecter le singe par la voie digestive et que l’ingestion de quantités relativement considérables de virus ne confère pas l’immunité. Cependant, Leiner et Wiesner (2) ont été plus heureux que nous en disposant l'expérience d’une facon différente : | Les animaux sont soumis au jeûne pendant 12 et 24 heures, puis on leur injecte dans le péritoine de la teinture d’opium, afin d'empêcher le péristaltisme. À un certain nombre d’entre eux, les auteurs pratiquent la laparotomie et injectent le virus dans (1) LanpsTeiNEr et LevapiTi, C. R. de la Soc. de Biologie, 1909, 18 décembre. (2) LEINER ET WiEsNEr, Wiener klin. Woch., 1910, n° 3. POLIOMYÉLITE AIGUË 859 une anse intestinale : on évite ainsi l’action microbicide du suc gas- trique. Trois des quatre singes opérés ont contracté la poliomyélite. Dans une autre série d'expériences, Leiner et Wiesner font ingérer à leurs animaux, à deux ou trois reprises, 80 €. e. d’une émulsion rerveuse virulente. Un singe reste indemne, tandis qu’un second montre des phénomènes paralytiques au bout d’une incubation de 7 jours (lésions typiques du système nerveux). Il est done certain que le microbe de la maladie de Heine-Medin peut envahir l'organisme en pénétrant par la mu- queuse digestive. Dès lors, on doit se demander si linconstance des résultats ne tient peut-être pas à ce que cette muqueuse ne devient perméable que si elle est préalablement lésée (érosions, légère inflammation, manifestations d’entérite, si fréquentes chez les simiens en captivité). Quoiqu'il en soit, ces expériences viennent à l'appui des affirmations de Wickman (1) sur la transmissibilité de la poliomyélite par l'intermédiaire du lait et concordent avec les données épidémiologiques de Krause (2). D’après cet auteur, la maladie, au cours de lépidémie qui a sévi dans les provinces rhénanes, débutait fréquemment par des troubles gastro-intestinaux et provoquait des lésions plus où moins marquées du tube digestif (hypertrophie des pla- ques intestinales et des ganglions mésentériques). Quant aux voies respiratoires, leur importance a été mise en lumière par les recherches de Leiner et Wiesner (3) et de Flexner et Lewis (4). Les premiers ont tout d’abord cocaïnisé la mu- queuse naso-pharyngée des singes, puis ont recherché si on pou- vait leur conférer la maladie : 1° en leur faisant inhaler des émul- sions de moelles virulentes; 29 en leur frottant la muqueuse nasale avec du virus frais; et 3° en leur injectant ce virus dans la trachée. Plusieurs de leurs tentatives ont été couronnées de suc- cès, l’infection ayant éclos après une incubation de 5, 11 et 14 jours. De leur côté, Flexner et Lewis ont scarifié la muqueuse nasale et pharyngée d’un Rhesus et y ont déposé du virus; l'animal présenta, 6 jours après, une paralysie des plus nettes des muscles de la nuque et des bras. Il résulte de ces constatations que le microbe de la maladie de 1) WiCKkMAN, loc cit. 2) KrAuUSE, Deutsche med. Woch. 1909, n° 42. | LEINER ET WIEsNER, Wiener klin. Woch., 1910, n° 9. k) FcexNer Er Lewis, The journal of the americ. med. assoc. 1910, 2 avril. 860 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Heine-Medin peut contaminer le singe en pénétrant par la mu- queuse des voies respiratoires. Toutefois, cette faculté de péné- tration ne nous semble pas très marquée, attendu que dans nos expériences, il nous a été impossible d’infecter un chimpanzé et plusieurs autres simiens inférieurs, en leur badigeonnant la mu- queuse du nez et du fond de la gorge avec du virus, ou en déposant ce virus dans les fosses nasales sur des tampons d’ouate. En tous cas, de même que pour la voie digestive, on doit se demander si des lésions préalables de la muqueuse, traumatiques ou inflam- matoires,ne sont pas nécessaires pour préparer la voie au microbe, d'autant plus qu'il nous a été donné d'observer, en collabo- ration aveeM.Stanesco, chez certains de nos singes neufs ou infec- fectés, une inflammation plus ou moins marquée de la muqueuse olfactive (1). Ce qui est certain, c’est que si lon injecte quelques gouttes de virus sous la muqueuse nasale, au niveau des cornets, on confère la poliomyélite au singe (2); en voici la preuve : Macacus Rhesus n° 94. Le 12 /IT on inocule quelques gouttes de virus sous la muqueuse de la paroi externe des fosses nasales. Le 22 /IT (incubation de 10 jours) paralysie à type supérieur, tremblements généralisés, Le 23 /IT, paralysie généralisée, Panimal est sacrifié. Cette expérience montre que la muqueuse olfactive peut résor- ber le virus, lequel envahit ultérieurement les centres nerveux. Par quelle voie? Nous avons pensé que le microbe, dans sa marche ascendante, pouvait suivre le nerf olfactif et nous avons recherché si les bulbes olfactifs du singe inoculé dans la muqueuse nasale contenaient du virus : Les deux bulbes olfactifs du Macacus Rhesus n° 94 sont triturés avec de l’eau salée, puis injectés dans le cerveau du Rhesus n° 40 (le 23 /IT). Le 28 /II (incubation de 5 jours), paralysie à type supérieur; animal est sacrifié. Il en résulte que Le virus peut envahir le système nerveux central en pénétrant par la muqueuse du nez, préalablement lésée. IV. — Jnfectiosité des humeurs et des organes. Modes d'élimination du virus et de contagion naturelle. Le virus existe dans la moelle épinière et le bulbe ; il offre pour ces segments du système nerveux une affinité particulière et (1) LANDSTEINER, LEVADITI ET STANESCO, C. R. de la Soc. de Biologie, 1910, 5 mars. (2) LevaDITI ET LANDSTEINER, C. R. de la Soc. de Biologie, 1910, 5 mars. POLIOMYÉLITE AIGUE 861 semble y pulluler de préférence. Flexner et Lewis l'ont retrouvé également dans lécorce cérébrale et nous l'avons décelé dans les bulbes olfactifs (page 1860). Le microbe de la poliomyélite ne parait pas se développer ni dans le liquide céphalo-rachidien, ni dans le sang; en tous cas, on ne l’a découvert que très rarement dans ces humeurs et, pour ce qui a trait au Hiquide céphalo-rachi- dien, à certains moments seulement de l'infection. Nous-même, et aussi Leiner et Wiesner et Roemer n'avons pas réussi à confé- rer la paralysie infantile en inoculant aux animaux le liquide cérébro-spinal provenant de singes sacrifiés en pleine évolution de la maladie; par contre, des résultats positifs ont été recueillis par Flexner et Lewis (1), il est vrai, dans des conditions un peu spéciales (injection intra-cérébrale de filtrats, liquide retiré assez tôt, par ponction rachidienne). Voici les détails de l’une de nos tentatives restées infructueuses : Macacus Rhesus n° 34. Le 2/XIT, reçoit dans le cerveau (0,5 c. c.) et le péritoine (1 c. c.), le liquide céphalo-rachidien du Cynocephalus hamadryas n° 13, sacrifié le 22 jour et qui avait présenté une paralysie intéressant les membres inférieurs. L'animal survit indéfiniment, sans présenter de troubles morbides. Le virus a été décelé dans les ganglions lymphatiques sub- maxillaires, inguinaux et mésentériques, par Flexner et Lewis, Roemer et Joseph et Leiner et Wiesner. Plus importantes, au point de vue du mode qui assure la transmission épidémique de l'infection, sont les recherches de Flexner et Lewis (2), confir- mées par Leiner et Wi iesner, ayant trait à l'élimination du microbe de la maladie de Heine- Medin par la muqueuse nasale. Les savants américains ont été amenés à rechercher ce microbe dans la mu- queuse olfactive, par les données antérieurement établies au sujet du mode de transmission de la méningite cérébro-spinale. Ils ont constaté que cette muqueuse, prélevée sur des singes sacrifiés en pleine attaque de poliomyélite, triturée avec de l’eau salée, puis filtrée à travers une bougie Berkefeld, était virulente pour d’autres singes neufs. Ils ont conclu que le virus s’élimine par la muqueuse du nez et que c’est peut-être là une des circonstances qui assurent la transmission de la maladie. Nous pensons toute- (1) FLExXNER ET Lewis, Journ. of the americ. med. assoc., 1910, 2 avril. (2) FLExNER ET Lewis, Journ. of the americ. med. àssoc., 1910, 12 février. 802 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR fois qu’au faisceau de preuves invoqué par ces savants en faveur de leur hypothèse, manque la plus importante, à savoir la consta- tation du virus dans le mucus naso-pharyngé. Nous avons tenté de combler cette lacune, mais nous n’avons enregistré que des résul- tats négatifs, comme il résulte des deux expériences suivantes : a) Macacus Rhesus L. Le 27/11, on recueille la sécrétion nasale et pharyngée d’un Rhesus atteint de poliomyélite. On la dilue avec de l’eau salée et on l’inocule dans le cerveau du Mac. Rhesus L. L'animal survit sans montrer de phénomènes morbides. b) Macacus Rhesus La. Le 8 /IV. On se sert de la sécrétion nasale de deux hommes atteints de poliomyélite et dont la maladie datait de quelques semaines et de plusieurs mois. Les mucosités sont diluées avec de l’eau salée, puis filtrées à travers une bougie Berkefeld. On injecte le filtrat dans le cerveau et le péritoine du Rhesus La. L'animal survit sans montrer de paralysie. Ces expériences sont trop peu nombreuses pour permettre des conclusions bien nettes et demandent à être répétées sur une orande échelle. On n’a pas réussi non plus à déceler le parasite de la maladie de Heine-Medin dans d’autres sécrétions ou excrétions, tels que la salive, l'urine, la bile et les matières fécales. Nous avons exa- miné, à ce point de vue, la salive et les fèces des singes malades et nous n’avons eu à enregistrer que des résultats négatifs, comme le prouvent les tenbatives suivantes : a) Salive. Le Macacus Rhesus n° 38, est inoculé dans le cerveau avec du virus de passage, le 3/XIT; il se paralyse le 41 /XIT (incub. de 8 jours) 1l est très malade (paralysie du train postérieur et du bras gauche) le 13 /XII. A ce moment on lui injecte sous la peau 0 gr. 002 de chlorhydrate de pilo- carpine. On recueille la salive qui s'écoule abondamment quelques minutes après l'injection et on la‘dilue avec de Peau salée, On s’en sert pour imoculer : Mac. sinicus n° 23, dans la nerf médian droit. L'animal montre quelques troubles peu définis, le 21/XIT et meurt le 235 /XIT. Pas de lésions typiques à la nécropsie, Mac. sinicus n° 14, dans lé cerveau (0,25). L'animal meurt le 1/IT (21 jours après l’inoculation) sans avoir présenté de paralysie. Pas de lésions de poliomyélite. D’autres tentatives faites avec la salive filtrée ont également abouti à des résultats négatifs. Aussi, nous ne saurons pas accor- der trop d'importance à une expérience positive faite avec les glandes salivaires, dont voici les détails (1) : (1) LanpstT£iNEer Et Levapiri, C. R. de lu Soc. de Biologie, 1909, 18 décembre. POLIOMYÉLITE AIGUË 863 Cynocephalus hamadryas Le. Le 26/XI, on prélève les glandes sous- maxillaire et parotide d’un Macacus Rhesus sacrifié en pleine attaque de poliomyélite. On les triture avec du sable stérile et dans de l’eau salée. On injecte lPémulsion dans le cerveau et le péritoine du cyno- céphale Le. Le 7 /XIT (incub. de 11 jours), Panimal montre des tremblements de la tête et des extrémités, et une parésie du bras droit. L'examen histolo- gique de la moelle révèle des lésions typiques de poliomyélite. Toutefois cette unique constatation, montrant la présence du virus dans les glandes salivaires, n’a pu être confirmée, ni par nous-même (deux autres tentatives restées négatives), ni par Leiner et Wiesner (loc. cit.). b) Matières fécales. Callitriche n° 70. Le 6 /T, on recueille le contenu intes- tinal (jéjunum et gros intestin) d’un Macacus cynomolgus sacrifié en pleine attaque de poliomyélite, on le dilue avec de Peau salée et on le filtre à travers un filtre Reichel. Le filtrat est injecté dans le cerveau (0,25) et le péritoime (5 e. ce.) du Callitriche n° 70. L'animal survit sans avoir montré de troubles morbides. Macacus Rhesus La. Le 28/1, on procède de la même manière avec le contenu intestinal d’un Rhesus et on inocule le filtrat dans le cerveau (1 €. €.) et le péritoine (6 c. c.) du Rhesus La. L'animal survit sans présenter de paralysie. Ajoutons que Leimer et Wiesner ont confirmé ces données et, de plus, ont enregistré des résultats négatifs avec la substance rénale, l'urine et la bile. Il résulte de ces constatations qu'il a été impossible, jusqu’à ce jour, de déceler le virus de la maladie de Heïne-Medin dans les excreta et les secreta des sujets atteints de poliomyélite ou des singes infectés expérimentalement. Le problème du mode de trans- mission de la paralysie infantile épidémique reste donc non résolu. Et cependant, aucun doute ne saurait subsister quant à la conta- giosité de la maladie, contagiosité qui ressort d’une manière écla- tante des investigations cliniques et épidémiologiques de Medin, de Wickman, de Harbitz et Scheel et de tous ceux qui ont eu l’occasion d’observer les diverses épidémies de poliomyélite. Ce qui est certain, c’est que jamais, ni nous-même, ni les autres expérimentateurs qui ont étudié la question (Flexner et Lewis, Leiner et Wiesner, Roemer) n’avons enregistré des cas de contagion parmi nos singes. Et pourtant, la vie en commun, dans des cages relativement étroites, doit réaliser des conditions extré- mement favorables à la contamination. Peut-être le fait s’explique- t-il par l'intervention de certaines causes prédisposantes favori- sant la contagion et créant un état de réceptivité indispensable à l’éclosion de la maladie. Quoi qu’il en soit, de nouvelles expé- 854 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR riences sont nécessaires pour élucider la question du mode de trans- mission de la paralysie infantile épidémique. VE L'immurnite. Nos expériences ont montré que les singes qui survivent à une attaque aiguë de poliomyélite, jouissent d’un état réfractaire pour ainsi dire absolu : ils supportent, sans nul trouble apparent, une inoculation d’épreuve mortelle pour les témoins (1). Ces données ont été relatées presque en même temps que les recherches de Flexner et Lewis (2), se rapportant au même sujet, et ont été confirmées par Leiner et Wiesner (3) et par Roemer et Joseph (4) Les voici en détail : Macacus Rhesus n° 35 est infecté le 2/XIT et est paralysé (paral. des membres inférieurs) le 11 /XIT (incub. de 9 jours); le 13 /XIT, paralysie du bras droit. Rémission manifeste des troubles moteurs dans les jours qui suivent. Eprouvé le 23 /XIT, soit 12 Jours après le début de la poliomyélite (inoculation intra-cérébrale et intra-péritonéale). Suroit sans avoir présenté d'accidents. Macacus Rhesus n°35 estinfecté le3 /XITavecune émulsion de moelle con- servée d’après le procédé de Pasteur appliqué à la rage (moelle de 9 jours). Paralysie des membres inférieurs le 11 /XIT (ëncub. de 8 jours). Le 13 /XII, paralysie du bras droit. Eprouvé le 23/XIT, soit 12 Jours après le début de la poliomyélite. Survit sans accidents. Macacus cynomolgus n° 19, infecté le 18/XI, avec du virus filtré sur bougie Berkefeld; malade le 28/XI (incub. de 10 jours). Paralysie de la jambe gauche le I/XIT. Le 5 /XIT, paralysie du train postérieur, rétrocédant en partie le 23/XITI. Eprouvé le 23 /XII, soit 25 Jours après le début de la maladie. Suroit Sans accidents. Macacus cynomolgus n° 54 (témoin), infecté en même temps que les ani- maux précédents, le 23 /XIT. Le 28 /XIT (incub. de 5 jours) faiblesse et titu- bation. Paralysie généralisée le 29/XIT; l’animal est sacrifié (lésions ty- piques). Aucun doute ne saurait donc subsister quant à l’état réfractaire acquis des singes qui survivent à une attaque aiguë de poliomyélite. L’immunité apparaît, d’après nos expériences, douze jours déjà après le début des phénomènes paralytiques et dure au moins vingt-cinq jours. Des recherches analogues ont été relatées par Flexner et Lewis, qui ont réinoculé sans succès un animal dont la LEVADITI ET LANDSTEINER, C. R. de l’Académie des Sciences, 1910, 3 janvier. (1) (2) FLExNER ET LEWIS, Journ. of the americ. med. assoc., 1910, 4e7 janvier. (3) LEINER ET WIEsNER, Wiener klin. Woch., 1910, n° 3, n° 9, n° 22. (4) POLIOMYÉLITÉ AIGUE 865 poliomyélite remontait à vingt-quatre jours et par Leiner et Wies- ner, qui ont établi l'existence d’un état réfractaire marqué 7, 25, Al et 99 jours après les premiers signeS de paralysie infan- tile. De son côté, Roemer (1) établit limmunité des singes dont la maladie datait de 24, 26 et 33 jours, mais affirme que si l’in- jection d’épreuve est pratiquée plus tôt, les animaux, au lieu de résister, offrent une sensibilité exagérée à l'égard du virus. Toutefois, cette affirmation n’a pu être vérifiée par Leiner et Wiesner. L'immunité apparait-elle dans tous les cas, sans exception? D’après nos propres observations, elle est marquée chez tous les simiens qui ont survécu à une première attaque de poliomyélite. Cependant, Leiner et Wiesner signalent une expérience de réin- feetion positive chez un animal dont la paralysie remontait à 18 jours. On doit donc admettre que, dans des cas rares, la para- lysie infantile peut évoluer sans être suivie d’un état réfractaire manileste. Suivant Roemer, les formes frustes ou abortives de poliomyé- lite engendrent également l’immunité. C’est là un fait mtéressant au point de vue de l’insensibilité à l’égard du virus, de certains sujets ayant présenté, à un moment donné, des sigaes atypiques de paralysie infantile; ces sujets hébergent le microbe et peuvent le transmettre à d’autres individus sains (porteurs de virus, Wickman). Ce qui est certain, c’est qu'une première tentative d'infection, restée infructueuse, ne crée pas l’état réfractaire; le fait a été établi par Flexner et Lewis (2) et par nous-même (3). Ainsi, le Wandril n° 58 est inoculé dans le péritoine avec une émulsion de moelle virulente humaine (4), le 10 /XT. Aucun phénomène morbide Jus- qu’au 29/XT. À ce moment, soit dix-neuf jours après la première inoculation, on réinocule l’animal avec du virus de passage (CE 025 ere: PES) Le A IKIT (rneub: de; cinq-jours) parésie du train postérieur, avec convulsions, cris, strabisme. L'animal meurt le 5 /XIT (lésions typiques). Vaccination préventive. Il nous a été possible de vacciner pré- ventivement un certain nombre de singes en leur injectant, sous (1) ROEMER, Loc. cit. (2) Fzexner ET Lewis, Journ. of the americ. med. assoc., 1909, 13 novembre. (3) LANDSTEINER ET LEvADITI, C. R. de la Soc. de Biologie, 1909, 18 décembre, (4) Celle qui avait servi à l’inoculation du chimpanzé. 59 860 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR la peau, des émulsions de moelles conservées depuis un temps variable, d’après le procédé de Pasteur appliqué à la rage (1). Voici notre façon de procéder : Des moelles prélevées sur des animaux sacrifiés en pleine évolution de la maladie, étaient suspendues dans des flacons contenant de la potasse caustique et placées à l’obscurité, à une température voisine de 22°, Au moment de l'injection, on prélevait quelques fragments d’une moelle donnée et on en préparait une émulsion dans de l’eau salée, que lon injectait sous la peau. Macacus Rhesus n° 36. Reçoit le 3/XII 2 c. & moelle de 9 jours, — EJXRITE NE CT: = 9 jours. — DAC ACC, — 6 jours. — (620.8 5 A ADO — 6 Jours. — JAI ES EC AC — 5 jours. — SAIS IC PE. — 5 jours. — XP CSE — 4 jours. — 10 ER 22%; 7e; — 3 Jours. Macacus Rhesus n°9 37. 2 ©. ©: moelle de.9 Jours. 2 c: c. moelle-de 5 jours. PNEU. — 9 jours. ACC — 5 jours. HROATE — 6 jours, 2EGEC — 4 jours. CAC -— 6 jours. PCA 3 jours. Le Rhesus n° 36 est éprouvé le 29/XIT, soit 19 jours après la dernière injection vaccinante, en même temps que le Macacus cynomolgus n° 59 (C—0,5c.c.; P = 5c.c.). survit, sans montrer de phénomènes morbides, tandis que le témoin (Cynomolgus n° 59), présente une paralysie de la jambe droite le 2/1 (incub. de 4 jours), se généralisant le 3 /[. L'animal est sacrifié. Le Rhesus n° 37 est éprouvé le 20 /XIT, soit 10 jours après la dernière injection vaccinante, en même temps que le Cercopithecus pathas n° 51 (GC — 0,5. c.; P — 5 €. c.). survit sans montrer de phénomènes morbides, tandis que le témoin (cercopithèque n° 51) présente une paralysie de la jambe gauche le 1 /T (incub. de 12 jours), se généralisant le 3 /F; Panimal est sacrifié, Il s'ensuit que la vaccination préventive des singes au moyen de moelles desséchées est possible. Malheureusement, cette méthode de vaccination ne fournit pas constamment des résultats satisfai- sants, et ne saurait, par conséquent, être utilisée en pratique, du moins dans les conditions réalisées dans nos expériences. En effet, (4) LevapiTi ET LANDSTEINER, C. R. de l’ Acad. des Sciences, 1910, 10 janvier. POLIOMYÉLITE AIGUË 867 il arrive parfois que les animaux, surtout lorsqu'ils offrent une sensibilité trop accentuée (inhérente à l'espèce), contractent la poliomyélite au cours de la vaccination. Nous en trouvons la raison dans le fait que les moelles conservées d’après le procédé de Pasteur, gardent leur activité pathogène (en injection intra- cérébrale) pendant un temps assez long. En effet, même lorsqu'on a soin de les administrer sous la peau, en vue d’une vaccination préventive, il arrive que certains singes sont paralysés avant lin- fection d’épreuve. L'expérience suivante en fourait la démons- tration : Macacus cynomolgus n° 87. Reçoit le 27/1 2 c. c. moelle de 21 jours. — SES NCA 24 jours. — Te 2 2% jours. Le 5/11, tremblements; paralysie {le 6/11; meurt fle 7/IT (lésions ty- piques). (CEA Fe Macacus eynomolgus n° 86. ler27/i00 2% cc moelle de 21/jours les lee 2e nc — 24 jours. lee AL M2:0c:*< — 24 jours. les Oo TT 2 cc — 25 jours. le 41/11 titubation,’paralysie complète le soir; sacrifié, S'il est possible de vacciner un certain nombre de singes par le procédé des moelles desséchées, par contre nous n'avons pas réussi à créer l’état réfractaire en injectant aux animaux, à plu- sieurs reprises, du virus tué par la chaleur (55°) (1). Deux expé- riences entreprises dans cette voie, nous ont fourni des résultats complètement négatifs. Les voici : Des émulsions de moelles virulentes sont chauffées pendant 30 minutes à 550; on en injecte de 3 à 5 €. c. sous la peau, à plusieurs reprises; Macacus sinicus n° 13. Reçoit le 14/XII 3 c. c. d’émulsion chauffée. — NS EC: a — AR CN Ce — — AIDE PARENTS — 1 TTAIER Macacus sinicus n9 15. C. OX © C0 (per) sp pP9 NC: (1) RozmERr affirme avoir vacciné au moyen du virus chauffé À 45 degrés, Congrès de Wiesbaden, 1910). 868 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Les animaux sont éprouvés le 29/XIT, soit 9 jours après la dernière in- jection vaccinante; on inocule en même temps le Macacus cynomolgus n° 59, qui sert de témoin. Résultat : Macacus sinicus n° 13. Le 3/1 (incub. de 5 jours) paralysie du train postérieur; mourant le soir; on le sacrifie. Macacus sinicus n° 15. Le 4 /T (incub. de 6 jours) paraît malade. Paralysie , 2 généralisée le 5 /I; l'animal est sacrifié. Macacus cynomolgus n° 59 (témoin). Le 2/1 (incub. de 4 jours), parésie de la jambe droite; le 3 /[, paralysie généralisée, l'animal est sacrifié. Ces données montrent que la sensibilité des animaux n’a nul- lement varié malgré les quatre injections d’émulsions virulentes chauffées (1). Elles semblent indiquer que l’immunisation n’est possible qu’à la condition d’inoculer du virus vivant, tel qu’il existe dans les moelles desséchées d’après le procédé de Pasteur. Ces moelles agissent comme vaccins, soit parce qu’elles ren- ferment du virus atténué par la dessiccation, soit, ce qui nous paraît plus probable, parce qu’elles contiennent des quantités relativement faibles de microbes. D’après cette dernière hypo- thèse, la vaccination active par des moelles desséchées, inoculées sous la peau, pourrait être remplacée par l’inoculation répétée de virus plus ou moins dilué (procédé analogue à celui de Hôügyes, appliqué à la rage). Or, les expériences toutes récentes de Flexner et Lewis (2) confirment cette façon de voir; les savants améri- cains ont, en effet, réussi à immuniser les singes en leur adminis- trant par voie sous-cutanée des dilutions progressivement con- centrées de virus. Lesdétails de ces expériences montreront jusqu’à quel point ce nouveau procédé de vaccination pourra être appliqué dans la pratique. Nous avonstenté en vain d’enrayer l’éclosion des phénomènes morbides, en injectant à nos singes, pendant la période d’incuba- tion, des émulsions de moelles desséchées d’après la méthode qui vient d’être indiquée; nos animaux ont été atteints de troubles paralytiques en même temps et tout aussi gravement que les témoins. Par contre, nous avons réussi à immuniser, en ayant recours à des mélanges de virus et de sérum provenant d’un mou- ton qui avait reçu, à plusieurs reprises, des émulsions viru- lentes sous la peau (35). (1) Cf. FzexNer ET LEWis (loc, cit.) et RoeMEr, Münch. med. Woch., 1910, DO LOMME (2) FLExNER ET Lewis, Journ. of the americ. med. assoc., 1910, vol. LIV, n° 22. (3) Levapiri ET LANDSTEINER, C. R. de la Soc. de Biologie, 1910, 19 février. POLIOMYELITE AIGUE 869 Macacus Rhesus n° 68. Le 5/1 on mélange 7 c. c. d’émulsion virulente (virus de passage) à 7 e. c. de sérum d’un mouton qui avait reçu plusieurs injections de virus par voie sous-cutanée. Le mélange reste 4 heures à la température de la chambre et sert à vacciner le Rhesus n° 68. Celui-ci reçoit le 5/let le 7/1, 5 c. c. de ce mélange sous la peau. L'animal est éprouvé le 18/1, soit 11 jours après la dernière injection vaccinante ; il supporte sans aucun trouble apparent cette inoculation d’épreuve. Il est réinoculé le 30 /E, en même temps que deux témoins : Macacus Rhesus n° 76 et Callitriche n° 70. Il ne montre de nouveau aucun phénomène paralytique, tandis que les témoins se paralysent le 3 /IT et le 11 /IT. Ce résultat encourageant permet d’espérer la possibilité de vacciner à l’aide d’injections de virus senstbilisé, d’après le pro- cédé appliqué par Marie à la vaccination contre la rage. % % * R. Kraus (1), dans un travail récent, relate des expériences d’où il ressort que le virus de la poliomyélite, additionné d'acide phénique à la dose de 0 gr. 5 0 /0, peut servir à vacciner le singe contre la maladie de Heine-Medin. Étant donné l'importance de cette constatation, nous avons répété les expériences de Kraus, er nous plaçant dans les conditions indiquées par ce savant, mais nous n'avons enregistré que des résultats peu satisfaisants. Voici les détails de nos essais : Macacus Rhesus Lb, reçoit sous la peau, le 4/II1, 6 €. c. d’une émulsion épaisse de virus additionnée d’acide phénique à 0 gr. 5 0 /0, et conservée pen- dant 3 jours à la température de la glacière. L'animal est éprouvé le 16 /ITT soit 12 jours après l’inoculation vaccinante. Le 23 /III, parésie des membres inférieurs; le 25/[1I, paralysie des deux jambes. L'animal est sacrifié le 27 /IIT (lésions histologiques typiques). Macacus Rhesus Le, reçoit sous la peau, le 26 /IIT, 6 c. c. d’une émulsion virulente préalablement filtrée sur de la tarlatane, puis additionnée de 0,5 0 /0 d’acide phénique et conservée pendant 3 jours à la température de la glacière, L'animal est éprouvé le 6 /IV, soit 11 jours après l’inoculation vaccinante. Malade le 8 /IV, il est paralysé le 9/IV. Il se peut que la polio- myélite ait été engendrée chez ce singe par l'injection du virus phéniqué, incomplètement stérilisé, attendu que la ‘maladie a débuté déjà deux jours après l'injection d’épreuve. 2 + " (1) R. Kraus, Wiener klin. Woch., 1910, 17 février, n° 7. 870 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Propriétés du sérum des animaux ayant survécu à une attaque aiguë de poliomyélite. Nous avons examiné les propriétés du sérum des singes ayant survécu à une attaque aiguë de poliomyélite et nous avons été les premiers à établir que ce sérum jouit de qua- lités microbicides manifestes (1). Mélangé in vitro, dans des pro- portions convenables, à du virus frais, il détruit l’activité patho- gène de ce virus, après un contact plus ou moins prolongé à la tempértaure de la chambre, puis à celle de la glacière. Les expé- riences résumées ci-dessous en fournissent la preuve : a) On se sert du sérum du Macacus Rhesus n°9 35. L'animal avait été infecté le 3/XIT avec une émulsion de moelle desséchée d’après le procédé de Pasteur et conservée depuis 9 jours. Le 11 /XIT il montre une paralysie des membres inférieurs et le 13 /XIT une paralysie du bras droit, accompagnée de la raideur des muscles de la nuque. Eprouvé le 23/XII, il se montre réfractaire à une dose de virus qui tue le témoin en 2 jours. On le saigne le 11 /T, après 31 jours, et son sérum sert à préparer les mélanges suivants : 1) 3 c.c. sérum + 3 c. ©. 5 émulsion virulente préalablement filtrée sur papier. 2) 3 c. c. eau salée + 3 ©. c. 5, émulsion virulente préalablement filtrée sur papier. Les mélanges sont conservés 4 heures à la température de la chambre, puis injectés à deux singes : Macacus Rhesus n° 74 reçoit le mélange virus + sérum spécifique (CG = 0,5; _P—#%c. ce.) Suroit sans troubles apparents. Eprouvé le 6 /IT (après 26 jours), l’animal se paralyse au bout d’une incubation de 6 jours. Mandril n° 73 reçoit le mélange témoin. Le 24/1 (incub. de 13 jours), paralysie du train postérieur, se généralisant le 25 /I. Mort le 26 /I. b) On se sert du sérum du même Rhesus n° 35. Le 27 /I, on prépare les mélanges suivants : 1-2) 3,0 €. c. sérum + 3,5 c. c. émulsion virulente filtrée sur papier. 3) 3,0 c. c. eau salée + 3,5 €. ©. émulsion virulente filtrée sur papier. Les mélanges restent pendant la nuit à la glacière, puis on les injecte à trois singes : Macacus cynomolgus n° 88, reçoit le mélange 4 : virus + sérum spéci- fique (CG = 0,5; P = 5 ©. c.). L'animal survit sans montrer de troubles paralytiques. Macacus cynomolgus n° 89, reçoit le mélange 2 : oirus + sérum spéci- fique. Il survit comme le précédent. Macacus cynomolgus n° 90 reçoit le mélange 3, témoin. Le 5 /IT (incub. de 49 jours), paralysie faciale gauche (fig. 2), se généralisant le 6/11. L'animal est sacrifié (lésions typiques). (1) LevapiTi ET LANDSTEINER, C. R. de la Soc. de Biologie, 1910, 19 février. POLIOMYÉLITE AIGUE 871 Ces expériences montrent que le sérum des singes qui survivent à une attaque aiguë de poliomyélite et qui jouissent d'un état réfrac- taire manifeste, possède des propriétés microbicides à l'égard du etrus de la maladie de Heine- Medin; il détruit l’activité pathogène de ce virus dans le tube à essais, à condition toutefois que le temps de contact soit suflisamment long et l’'émulsion virulente bien homogène. Nous avons constaté, en effet, que si ces condi-: tions ne sont pas remplies, l’action microbicide du sérum devient nulle où incomplète. Nos conclusions ont été confirmées par Roemer et Joseph (1), par Leiner et Wiesner (2) et par Flexner et Lewis (3), en sorte que l’activité parasiticide in vitro du sérum des singes immunisés peut être considérée comme un des faits les mieux établis expérimentalement. Nous avons essayé en vain de prévenir léclosion de la para- lysie infantile, ou d’enrayer son évolution, en injectant aux ani- maux, soit pendant la période d’incubation, soit au début de l’in- fection, du sérum provenant de singes ayant eu, à un moment donné, une attaque de poliomyélite (4). Ainsi, dans une expérience, le Mangabey n° 79 et le Callitriche n° 80 (témoin) sont infectés le 19 /L. Le premier reçoit dans la cavité péritonéale le 19, 20 et 24 /T, 5, 10 et 5 c. c. de sérum d’un singe inoculé antérieurement et devenu réfractaire (Mac. Rhesus n° 33). L’injection du sérum n'a pas modifié l’évolution de la maladie, puisque le Mangabe n° 79 est paralysé après 5 jours et le témoin après 11 jours d’incubation. Même résultat négatif lorsqu'on administre le sérum microbi- cide dans le canal rachidien à des singes infectés simultanément par voie cérébrale, comme il résulte de l'expérience suivante : Sérum du Macacus Rhesus n° 6 (immunité acquise à la suite d’une attaque aiguê de poliomyélite, surchargé par des injections ultérieures de virus sous la peau). Macacus Rhesus n° 92 et n° 93 sont infectés par voie cérébrale le 12 /IT. Le premier reçoit dans le canal rachidien le 12, 13 et M3/II, 2 €. c. de sérum, le second sert comme témoin. Tous les deux sont paralysés le 17 /IT (incub. de 5 Jours). Ajoutons que, dans nos expériences, le sérum s’est montré (1) RozmeRr ET Josepx, Münch. med. Woch., 1910, n° 11, n° 18. (2) LEINER ET WiEsNER, Wiener klin. Woch., 1910, n° 9. (3) FzExNER ET Lewis, Journ. of the americ. med. assoc., 1910, vol. LIV, n° 22. (4) LevapiTi ET LANDSTEINER, C. R. de la Soc. de Biologie, 1910, 19 février. 812 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dépourvu de toute action curative, non seulement en injection péritonéale, mais aussi lorsque nous avons eu soin de l’adminis- trer dans le canal rachidien. Toutefois, Flexner et Lewis (1) ont publié récemment quelques faits tendant à prouver que l'injection du sérum dans le canal rachidien peut amener, dans certains cas, la guérison des troubles paralytiques. De nouvelles recherches sont donc nécessaires pour préciser la question des propriétés curatives du sérum microbicide des singes vaccinés et hyper- immunisés (2). L'un de nous, en collaboration avec Netter (3) a appliqué à l’homme les données recueillies expérimentalement au sujet des propriétés microbicides du sérum et a obtenu des résultats dont l'intérêt pratique ne saurait être mis en doute. Netter et Levaditi ont recherché si le sérum des sujets humains ayant eu, à un mo- ment donné, une attaque de poliomyélite, jouit de qualités bac- téricides à l'égard du virus de la paralysie infantile expérimentale. Ils ont relaté une première série de faits concernant trois enfants et un adulte, dont la maladie avait débuté de six semaines à trois ans auparavant; leur sérum a neutralisé le virus #n vitro, après trois heures de contact à la température de la chambre et douze heures à celle de la glacière. Trois autres observations ont trait à des enfants dont deux présentaient une paralysie infantile typique, datant de 5 mois et 11 ans, et le 3€ une forme fruste de la maladie de Heine-Medin. Le sérum de ce dernier sujet ayant détruit le virus dans le tube à essais, il en résulte une nouvelle preuve en faveur de l’origine spécifique du type abortif de la paralysie infantile. L'intérêt pratique de ces données, surtout en ce qui concerne le diagnostic rétrospectif de l’infection, est manifeste. Ce qui est frappant, c’est que les propriétés parasiticides du sérum des malades atteints de poliomyélite, persistent assez longtemps après l’évolution de l'infection aiguë (de six semaines à trois ans). VI. — Essais thérapeutiques à l'aide de préparations arsenicales. Étant donné les résultats imparfaits obtenus dans nos essais (1) FLExNER ET Lewis, Journ. of the americ. med. assoc., 1910, vol. LIV, n° 22. (2) Nous avons également recherché si les animaux qui avaient reçu des mélanges inactifs de virus et de sérum spécifique, (singe) en une fois, ou à plusieurs reprises, avaient acquis l’immunité. Nos tentatives ont abouti à des résultats négatifs. (3) NeTTER ET Levapiri, C. R. de la Soc. de Biologie, 1910, 9 avril et 21 mai. POLIOMYÉLITE AIGUË 873 de vaccination et de sérothérapie, il était tout indiqué d’essayer dans la maladie de Heine-Medin certaines préparations arseni- cales qui ont été utilisées avec succès dans le traitement des spi- rilloses et des trypanosomiases. Toutefois, l’analogie avec la rage ne laissait pas beaucoup d'espoir ; c’est ce que, effectivement, montrèrent nos tentatives. Les quelques exemples suivants montrent l’ineflicacité de ces essais : a) Le13/XII, deux Macacus Rhesus sont infectés par voie intra-cérébrale et intra-péritonéale avec la même dose de virus. Un d’eux, servant comme témoin, est pris de tremblements le 20/XII et montre une paralysie des deux jambes le 21/XII. L'autre Rhesus reçoit sous la peau de l’arsacétine. (0 gr.,075 le16/XII et le 18 /XI1; 0 gr. 2 le 19/XII (1). Le 20 /XII, tremble- ment dans la tête et parésie le lendemain; le 22/XI1I, paralysie du bras gauche et des muscles de la nuque, parésie du train postérieur. b) Le 23 /XIT, deux autres Macacus Rhesus sont infectés par voie intra- cérébrale et intra-péritonéale. Le témoin est paralysé le 4/1; l'autre Rhesus reçoit le 23/XII, 0 gr., 3 Arsenophénylglycine sous la peau. Le 29/XIT, il montre quelques troubles moteurs et est paralysé complètement le 30 /XII (lésions typiques). Le traitement préventif et curatif par le radium (injection sous-cutanéc)et parles rayons X s’est montré également ineffi- cace. VIT. — Tentatives de transmission de la poliomyélite au lapin et à quelques autres espèces animales. Nous avons essayé de conférer la poliomyélite en inoculant notre virus à quelques espèces animales autres que le singe, en particulier à des lapins, cobayes, souris et jeunes chiens. Nos ten- tatives sont restées infructueuses, sauf dans un seul cas, dont voici l’histoire (2) : Un lapin n° 9-57 est inoculé le 29 /XT dans le cerveau avec une émulsion de moelle prélevée sur le Macacus cynomolgus n° 16; l'animal meurt le 23 /XIT (vrngt-quatre jours (1) Nous remercions M. le prof. Ehrlich pour l'amabilité avec laquelle il a mis les préparations arsenicales à notre disposition. (2) LevapiTi ET LANDSTEINER, C. R. de l’ Acad. des Sciences, 1910, 3 janvier. 874 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR après l’inoculation), sans que nous ayons observé chez lui des signes nets de paralysie. Or, à l’examen histologique de la moelle de ce lapin, nous constatämes des altérations tout à fait sembla- bles à celles qui existent chez l’homme et le singe atteints de polio- myélite. Les infiltrations péri-vasculaires sont relativement peu développées et, dans la substance grise, il y a prédominance de leucocytes polynucléaires, dont les noyaux sont fortement dégé- aérés et fragmentés (PI. XV, fig. 3). Il semble donc que l’ino- culation du virus de la paralysie infantile a provoqué chez ce lapin une infection du système nerveux iden- tique, au point de vue anatomo-pathologique, à celle que lon confère habituellement aux diverses espèces simiennes. Chez un second lapin, inoculé plus tard, nous avons décelé des infiltra- tions légères au voisinage du canal épendymaire de la moelle lombaire et cervicale: toutefois, ces infiltrations ne sont pas suffisamment caractéristiques pour pouvoir affirmer qu'il s’agit sûrement de lésions de poliomyélite spécifique. La plupart des auteurs qui ont étudié la question de la trans- missibilité de la maladie de Heine-Medin à des espèces animales autres que le singe, n’ont enregistré que des résultats négatifs (cobayes, lapins, souris, rats, chiens, chats, moutons, porcs, chè- vres, chevaux, poules et pigeons; C. f. Flexner et Lewis, Leiner et Wiesner, Roemer et Joseph, etc.). Par contre, Krause et Menicke, Dahm (2), Lentz et Huntemüller (3) affirment avoir conféré la paralysie infantile au lapin; les animaux succombent le plus sou- vent et, à l’aide de leur moelle, on peut transmettre la maladie en série et à d’autres lapins et au singe. Étant donné que les expériences ont abouti au même résultat, quelle que soit l’ori- gine du virus (dans les recherches de Lentz et Huntemüller, le virus provenait de Hagen, de Marbourg et de Vienne), il semble, au premier abord, que le tapin est réellement susceptible de con- tracter la poliomyélite. I n’en est pas moins vrai, cependant, que les résultats enregistrés par les chercheurs qui viennent d’être cités sont en contradiction avec d’autres expériences non moins précises, et que les divergences doivent dépendre de quelques cir- (1) KRAUSE ET MEINICKE, Deutsche med. Woch., 1909, n° 42; 1910, n° 14-15; Muün- chener med, Woch., 1910, p. 47. (2) Daxm, Münch. med. Woch., 1909, n° 49. (3) LeNTz ET HUNTEMüLLER, T'ag. der fr. Verein. Mikrobiolog., Berlin, 1910, et discussion. POLIOMYÉLITE AIGUË | 875 constances encore mal définies à l'heure actuelle. En effet, mal- gré de nombreuses tentatives, nous n’avons réussi qu’une seule fois à infecter le lapin; tous les autres animaux ou bien ont sur- vécu à l’inoculation intra-cérébrale d’un virus très actif pour le singe, ou bien sont morts, sans que nous ayons pu constater chez eux des troubles moteurs ou des altérations de poliomyélite. D'un autre côté, Krause et Meinicke affirment avoir conféré la maladie de Heine-Medin aux lapins en leur administrant du sang, du liquide céphalo-rachidien ou des émulsions de rate provenant d'hommes atteints de poliomyélite; or, nous avons vu que préci- sément, lorsqu'on s'adresse à une espèce animale très sensible, comme le singe, ces humeurs et tissus se montrent dépourvus de virulence. A cela s’ajoute la dissemblance entre les manifesta- tions cliniques de la maladie expérimentale du lapin et des simiens infectés avec des moelles de lapins, et celles que nous avons observées chez nos singes. Ces manifestations sont peu caractéristiques; ainsi, il n’y a pas de phénomènes typiques de paralysie, et, d'autre part, la maladie apparait parfois après une période d’incubation extrêmement courte, telle qu’on n’a pas l'habitude de lobserver chez les simiens. Il en est de même, d’ailleurs, des altérations histo-pathologiques rencon- trées par les auteurs déjà cités; elles sont peu nettes et ne sau- raient être identifiées à celles que l’on relève ordinairement chez l’homme, ou les simiens infectés avec du virus de passage. Ces considérations montrent que le lapin, tout en contrac- tant parfois la poliomyélite, offre, le plus souvent, une maladie dont les caractères cliniques et anatomo-pathologiques sont trop peu caractéristiques pour que l’on puisse s'adresser fructueusement à cette espèce animale dans le but d’une étude expérimentale de la paralysie infantile. Bonhoff (1) et Benecke (2), de même que Kraus (3), sont arrivés aux mêmes résultats que nous et ont formulé des conclusions semblables. Ainsi, Kraus, qui a entrepris de nombreuses expériences sur le lapin, constate que beaucoup de ses animaux contractaient une infection rap- pelant jusqu’à un certain point la rage, mais ne peut se prononcer au sujet de l'identité entre cette infection et celle engendrée (1) Bonnorr, Münch. med. Woch., 1910, p. 105. (2) BENECKE, Münch. med. Woch., 1910, n° 4. (3) R. KraAUS, Tag. fr. Ver. f. Mikrobiolog., Berlin, 1910. 876 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR chez le snge parle virus de la maladie de Heine-Medin. Aussi, pense-t-il, comme nous d’ailleurs, que de nouvelles recherches sont nécessaires pour préciser la réceptivité du lapin à l’égard de ce virus et la nature de l'infection que ce dernier semble provo- quer, dans certaines conditions, chez cette espèce de rongeurs. VIII. — Relations entre la poliomyélite et la rage. Tous les auteurs sont d’accord pour reconnaitre l’analogie frappante entre la poliomyélite et la rage; la ressemblance, indi- quée déjà par les savants qui ont étudié l’anatomie-pathologique de la paralysie infantile épidémique, a été confirmée par les recherches expérimentales sur le singe. La marche du virus le long des filaments nerveux, son affinité pour les centres ner- veux, sa façon de se comporter à l’égard des agents physiques et chimiques (dessiccation, glycérine, etc.), sa filtrabilité à travers les bougies en porcelaine ou en terre d’infusoires, sont autant de points communs entre la maladie de Heine-Medin et la rage. Nous avons recherché si la parenté n’était pas plus étroite encore, et si, par exemple, une de ces infections ne pouvait pas vacciner contre l’autre. Quoique nos recherches concernant ce point ne solent pas achevées, nous désirons exposer une expérience qui montre que les singes qui jouissent d’une immunité marquée à l'égard du virus de la paralysie infantile, sont sensibles, tout comme [CS témoins, au microbe rabique. Macacus Rhesus n° 6, ayant eu une attaque aiguë de poliomyélite, ayant supporté sans troubles apparents une inoculation d’'épreuve et dont le sérum était microbicide in-vitro, reçoit, dans le cerveau, le 17 /V, 0,25 de otrus ra- bique de passage. Le 26 /V (incub. de 9 jours), l'animal est affaibli, parésié ; le lendemain paralysie généralisée. Le singe est mourant le 29 /V. Macacus Rhesus n° 17, témoin, se comporte exactement comme le pré- cédent. k Il en résulte qu'il n'y a pas d’immunité croisée entre la para- lysie infantile expérimentale du singe et la rage. Vienne. — Paris, le 1% octobre 1910. POLIOMYÉLITE AIGUË 877 LÉGENDE DES PLANCHES XIV et XV PLaxce NIV. Fig. 1. — Moelle lombaire de l'enfant qui a fourni le virus. Iématoxyline-éosine. {/10me, Leitz— €, ceilules nerveuses; », vaisseaux des cornes, aulérieures, avec inflammation péri-vaseulaire ; $, vaisseau du septum antérieur, avec gaine périvasculaire ; D, vaisseau de la substance blanche entouré de cellules. Fig. 2. — Muscle du Carrrrmicue n° 26. (Voir page 845), membre inférieur aroit (paralysé). 1/10m°, Iématoxyline-éosine. ‘Atrophie des fibres musculaires et prolifération des noyaux. Fig. 3. — Moelle lombaire du Macacus sinieus n° 12 (inoculé avec du virus fil- tré, mort le lendemain du début des phénomènes paralytiques ; paralysie du train postérieur). 1/650%e, Bleu de polychrome. Lésions inflammatoires autour d’un vaisseau'de la substance grise (corne antérieure). — v, vaisseau: e, gros mononu- cléaire darsla gainelymphatique péri-vaseulaire ; p, leucocytes à noyau polymor- phe ; m, élément mononucléaire dans le tissu de soutien ; po, élément mono- nucléaire à noyau lobé ; é endothelium vasculaire. Fig. 4. — Moelle lombaire du Ruesus n° 0, inoculé dans la veine mésenté- rique (voir page 8è7) 1/150me. Giemsa. Foyers hémorragiques dans la corne antérieure ; v, vaisseau : €, cellule nerveuse avec altération des granulations de Nissl ; , h', foyers hémorrnagiques. Fig. 5. — Moelle lombaire du Macacus sinicus ne 12 (voir plus haut, fig. 3.) Lésions périvasculaires le long du vaisseau du septum antérieur.—s, vaisseau : e, lésions inflammatoires au point de pénétration du vaisseau dans la substance- grise ; », Substance blanche, avec infiltralion par des leucocytes mono — et polynucléaires. Fig. 6. — Proltubérance du Macacus cyNomozaus n° 90, ayant présenté une paralysie faciale (voir page 839 et figure 2 dans le texte). Lésions d’une cellule nerveuse du noyau facial et suites de la désintégration d’un élément moteur- 1/600we, Giemsa. —c,cellule nerveuse à protoplasma granuleux; fonte des granu- lations de Nissl ; ce, foyer contenant les restes d’une cellule nerveuse détruite : p, leucocytes polynucléaires à noyaux hyperchromatiques ;: m, macrophage. Fig. 7.— Même préparation. — ce, cellule nerveuse dégénérée ; ce, foyer con- tenant les restes d’une cellule nerveuse détruite; p, leucocyte polynucléaire ; ", gros mononucléaire ; d, fragments de noyaux de polynucléaires dégénérés. PLancHe XV. Fig. 1. — Moelle lombaire du Macacus sixieus n° 12 (voir figure 3, PI. XIV). 1/10%e, Bleu de polychrome. — s, foyers inflammatoires äu point de pénétration du vaisseau du septum antérieur dans la substance grise ; €, cellu- les nerveuses ; », vaisseau delacorne antérieure entouré d'un manchon d'éléments migrateurs ; ve, vaisseau de la substance blanche entouré de cellules. Fig. 2.— Moelle lombaire de Cavcrrnicue n° 26 (voir page 845). Lésions chroni- ques. 1/10me. Coloration de Twort.— D, corne antérieure droite ; «, corne antérieure 878 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR gauche, avec destraction complète des cellules nerveuses ; cé, lésions chroniques autour des vaisseaux de la corne gauche. Fig. 3. — Moelle lombaire du Larix 9/57 (voir page 873). 1/0, Bleu de polychrome. b, corne antérieure gauche, avec v, lésions périvasculaires ; a, corne aatérieure droite, avec destruction intense de cellules nerveuses et foyers inflam- matoires. — Lésions de la substance grise (moelle du Callitriche n° 26, voir Fig, 4. 5). 1/600w, Col. de Twort. — v, vaisseau ; ci, tissu de soutien. page 845). Fig. 5. — Moelle lombaire du CaimpaNzé n°1,1/600we, Hématoxyline-éosine. — €, cellule nerveuse eu voie de destruction ; », macrophage ; p, leuc, polynueléaire; v, vaisseau ; po, leucocyte polynucléaire. De l'Antianaphylaxie Le procédé des petites doses et les injections subintrantes NEUVIÈME MÉMOIRE PARA. BESREDKA Travail du Laboratoire de M. METCHNIKOFF Lorsqu'on eut constaté qu'un cobaye, sensibilisé au sérum de cheval par une première injection, réagit à la seconde par des symptômes mortels en quelques minutes, la première idée qui vint à l'esprit était que le sérum renfermait un poison. C’est ainsi que le phénomène fut interprété par les observa- teurs qui ont eu les premiers à s’occuper de l’anaphylaxie sérique chez le cobaye, par Rosenau-Anderson et Otto, d’une part, et par Besredka-Steinhardt, d'autre part, Ce fut si bien la manière de voir de Rosenau-Anderson que ces savants ont commencé par attaquer ce poison au moyen de réactifs chimiques variés: puis, lorsqu'ils n’y réussirent pas, ils se sont mis à vacciner contre lui les animaux, et pour le faire, ils s’y sont pris exactement comme s'ils avaient à vacciner contre une véritable toxine. IIS ont soumis notamment les cobayes à une série d’injections soit quotidiennes, soit séparées les unes des autres par un intervalle réglementaire de 6 à 8 jours, comportant chacune une dose massive de sérum (6 €. e.); après avoir fait ainsi jusqu’à 10 injections et même plus, ils attendaient encore plusieurs jours avant de procéder à linjection d’épreuve. Celle-ci n’ayant pas amené la mort de l’animal, ils crurent avoir réalisé la vaccination active contre le poison du sérum (1). (1) Voici les termes exacts dans lesquels s'expriment à ce sujet Rosenau-Anderson : « Les cobayes peuvent être immunisés contre cette substance toxique (du sérum) si l’on suit la technique des injections répétées que l’on emploie pour réaliser l’immu- nité active contre les toxines microbiennes. Ainsi, un cobaye qui a reçu pendant 880 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Otto, qui a publié son premier mémoire en même temps que Rosenau-Anderson, était aussi d'avis que le sérum de cheval ren- fermait un poison. « La substance toxique du sérum de cheval, disait-il, serait une haptine dans le sens d’Ehrlich, contre laquelle on doit pouvoir immuniser l’animal » (1). C’est aussi dans le même esprit que Besredka-Steinhardt firent leur première tentative pour obtenir l’immunité passive. Pour vacciner passivement les cobayes sensibilisés, contre les accidents de l’anaphylaxie, nous avons commencé, en imitant Rosenau- Anderson, par faire à des cobayes, dans le péritoine, une série d’injections massives de sérum de cheval, en espaçant celles-ei à intervalles de 6 jours; lorsque nous jugeâmes nos cobayes bien immunisés contre le poison du sérum, nous attendimes encore 8 jours avant de procéder à la saignée; puis, nous mélangeâmes le sérum de ces cobayes avec du sérum de cheval, dans l'espoir de neutraliser ainsi le poison contenu dans ce dernier (2). Notre espoir ne s’est pas réalisé : le sérum de cheval restait aussi toxique après mélange qu'avant. Quoique inattendu, ce résultat pouvait tenir, nous sommes-nous dit, à ce que le poison contenu dans le sérum est de ceux qui ne donnent pas facilement d'anticorps. Tout en faisant cette réflexion, nous conçûmes un doute : ce poison que tous supposent dans le sérum, y existe-t-il vrai- ment? De plus, v a-t-il lieu d'appliquer à l’anaphylaxie des con- ceptions empruntées à l’immunité, notamment celles relatives à la vaccination ? Nos doutes ont pris plus de consistance lorsque nous cons- tatâmes (3) un jour qu'une seule injection de sérum suffit pour 10 jours consécutifs tous les jours 1 ec. e. de sérum de cheval, acquiert un haut degré d’immunité vis-à-vis des injections ultérieures du sérum de cheval; un cobaye qui a reçu plus de 10 injections acquiert une immunité encore plus forte. » Un peu plus loin, ces auteurs relatent l’histoire des cobayes qu’ils avaient vaccinés par des injections répétées et ecpacées de. doses massives de sérum. Voici un exemple de cette vaccination : « Un cobaye sensibilisé reçoit 8 jours après la sensibilisation 1 €. c. de sérum dans le péritoine; 16 jours après 6 c. c.; 6 jours plus tard 6 c. c. ; 9 jours plus tard 6 c. e.; 34 jours plus tard 6 c.e.; 20 jours plus tard 6 c. c. de sérum de cheval dans le péritoine. « Les autres cobayes ont été vaccinés d’une façon analogue. » (ROSENAU ET ANDER- soN, Hygienic Laboratory, n° 29, avril 1906; pp. 59-62.) (1) LEUTOLD-FESTSCHRIFT, P. 17. (2) Annales de l’Institut Pasteur, février 1907, p. 126. (3) Annales de l'Institut Pasteur, février 1907, p. 123. 7 + DE L’ANTIANAPHŸLAXIE 881 conférer l’immunité contre l’änaphylaxie sans faire une série d’injections consécutives comme dans le procédé de Rosenau- Anderson. Enfin, nos doutes firent place à la certitude que nous fai- sions fausse route et, avec nous, Rosenau-Anderson, quand nous avons eu la surprise de voir limmunité apparaitre dès le lende- main de l’unique injection et même tout de suite après celle-ei (1). En présence de ces faits, il ne nous restait qu’à faire table rase de ce que nous savions sur la vaccination, en général, et à chercher lPexplication dans un autre ordre d'idées. Vouloir vacciner contre lanaphylaxie comme on vaccine contre une toxine ou une cytolysine, comme lavait fait Rosenau- Anderson et nous-mêmes, c'était évidemment suivre une techni- que peu conforme aux lois de lanaphylaxie; non seulement cette technique ne répond pas au but, mais elle va même, nous le savons aujourd’hui, à encontre du but poursuivi, car en multi- pliant les injections, non seulement on ne vaccine pas, mais on sensibilise, au contraire, l'animal. Du reste, le fait qu’un cobaye anaphylactisé, en recevant une nouvelle et unique injection non mortelle sous la peau, soit en état de supporter déjà quelques heures après, par cela même une dose sûrement mortelle dans Le cerveau, ne devait-il pas suflire pour nous faire renoncer à l’idée d'appliquer à l’ana- phylaxie ce que nous avons appris sur l’immunité? En admettant qu'il existe un poison dans le sérum, il faudrait donc nécessairement conclure que l'addition de deux doses de poison, non mortelle d’abord, puis mortelle, faite à une distance d’une à deux heures, annihile toute action nocive: 1l y aurait là une sorte de phénomène d’interférence connu seulement des physiciens. Quoi qu’il en soit du mécanisme intime de ce phénomène, notre unique préoccupation a été, dès le début de nos recherches, d’en tirer, en attendant, le plus grand parti au point de vue pratique. En terminant cet historique, nous ne ferons que rappeler nos essais de vaccination par des sérums chauffés (2) et par des narco- (1) Zbid. ; (2) C. R. Soc. Biologie, 8 juin 1907. 882 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tiques (1),pour en venir de suite aux procédés des petites doses et des injections subintrantes. * * Pour désigner cet état particulier d’immunité qui s’établit à la suite de l'injection préventive du sérum, nous avons proposé le terme d’antianaphylaxie (2) qui est aujourd’hui adopté par tous les microbiologistes. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, cette antianaphy- laxie est réalisée au moyen d’une dose unique de sérum. Au com- mencement de nos études, nous croyions nécessaire d’injecter une forte dose de sérum (4 à 5 centim.), ce qui n’était pas sans présenter des inconvénients dans certains cas; mais, en poursui- vant ces recherches, nous acquimes la conviction que Fon pouvait obtenir un effet vaccinant aussi avec des doses faibles de sérum, teilement faibles que toute crainte de danger où même de trouble pouvait être entièrement écartée. Nous avons vu, en effet, que le cobaye qui est en pleine ana- phylaxie supporte sans le moindre trouble une dose sûrement mortelle (1/8) de sérum dans le cerveau, si on lui injecte préala- blement, par exemple 1/50 ou 1/100 de ce. e. dans le péritoine, c’est-à-dire une dose de 100 à 500 fois inférieure à la dose dange- reuse (3). Fait remarquable, parce que contraire à ce que nous savons sur les poisons microbiens, cette vaccination est ultra-rapide; elle peut être réalisée en une ou plusieurs heures, ou même en quelques minutes, suivant les cas. Soit un cobaye anaphylactysé au sérum de cheval; injec- tons-lui sous la peau 17/20 de €. ce. de ce même sérum, ce qui (1) C. R. Soc. Biologie, 16 janvier 1909; voir aussi notre rapport au Congrès de Budapest, Bulletin de l'Institut Pasteur, 15 septembre 1909. (2) Annales de l’Institut Pasteur, 1907, p. 122. (3) Nous tenons à faire remarquer à ce sujet que certains auteurs allemands attri- buent à Doerr le mérite d’avoir introduit dans l’anaphylaxie les «méthodes quantita- tives », comme ils disent; or, cette assertion est toute gratuite; nous sommes sûrs, d’ailleurs, que Doerr ne tardera pas à démentir lui-même ces auteurs et à leur rappeler que le premier mémoire qui a introduit ces « méthodes quantitatives » est celui qui, sous le titre de : « Toxicité des sérums, sa variabilité et son dosage » a paru dans ces Annales en octobre 1907 (p. 777), alors que ni Doerr, ni d’ailleurs aueun autre auteur, exceptés Rosenau-Anderson et Otto, n'avaient encore rien publié sur l’anaphylaxie sérique chez le cobaye. » DE L'ANTIANAPHYLAXIE 883 est une dose au moins 50 fois inférieure à la dose nocive; du coup, il commence à s’antianaphylactiser; on peut lui injecter, 4 heures après, une dose sûrement mortelle où même 2 doses mortelles dans les centres nerveux ou dans le sang, sans qu’il en ressente le moindre trouble. Les petites doses de sérum injectées sous la peau (1/20 c. c.) ou dans le péritoine (1/50 e. e.) dans les exemples cités, remplis- sent donc l'office de véritable vaccin. Suivant le point où l’on porte ce vaccin, c’est-à-dire sul- vant que l’on injecte les petites doses de sérum sous la peau, dans le péritoine, dans le rachis, ou dans les veines, l’immunité appa- raié avec une plus où moins grande rapidité; elle s'établit, en chiffres ronds, en 4 heures après la vaccination sous-cutanée, en 1 à 2 heures après la vaccination intrapéritonéale ou intra- rachidienne ; elle est pour ainsi dire instantanée après la vaccina- tion intraveineuse. Cette rapidité surprenante avec laquelle s'établit lPétat antianaphylactique est des plus précieuses, car elle permet de réaliser en peu de temps toute une série de éaccinaltions subin- trantes, conférant l’immunité à toute épreuve (1). % *X * En effet, la petite dose de sérum qui jouait tout à l'heure le rôle de vaccin ne préserve, comme nous l’avons spécifié plus haut, que contre une ou deux doses mortelles de sérum. Il est vrai que, lorsque la deuxième injection, ou l'injection d’épreuve, esb pratiquée sous la peau ou dans le péritoine, on ne peut guère matériellement dépasser deux doses mortelles. Mais il n’en est pas de même chez les cobayes qui reçoivent l'injection d’épreuve par la voie veineuse, ni chez l'homme auquel on administre, dans les cas graves, des doses massives de sérum sous la peau ou dans les veines; c’est alors surtout que le procédé de vaccina- tions subintrantes devient tout indiqué. Voici en quoi il consiste Au lieu d’une seule injection d’une petite dose, on en fait deux ou trois, ou quatre; à chaque nouvelle injection qui suit de quelques minutes (3 à 5) la précédente, on augmente la dose de sérum, et comme chaque nouvelle injection renforce davantage (1) C. R. Académie des Sciences, 30 mai 1910. 834 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR l’immunité de l'animal, on arrive très rapidement à créer un état antianaphylactique d’une solidité remarquable. En voici un exemple : Un cobaye anaphylactisé reçoit à titre de vaccin 1/40 c. c. de sérum dans les veines, la dose mortelle étant de 1/20 c. c.; à la suite de cette première injection qui est absolument inoffensive et ne provoque aucun trouble, l'animal est à même de supporter 5 minutes plus tard 17/10 €. c. de sérum, soit une dose déjà deux fois mortelle. Cette deuxième injection fait à son tour office de vaccin et, de ce fait, l’animal est susceptible de recevoir, 2 minutes plus tard, 1/4 de ©. €., soit 5 doses mortelles. Si nous attendons encore deux minutes, nous verrons l’animal accepter, sans le moindre trouble, 4 c. €. dans les veines, c’est-à-dire 20 doses mortelles et ainsi de suite. Ces injections peuvent même être faites sans qu’on ait besoin de retirer la canule de Ia veine. Donc, en moins de 10 minutes, on arrive par ce procédé à vacciner contre 20 doses mortelles et il est fort probable que l’on pourra vacciner de la même manière contre autant de doses mortelles qu’on le voudra. Le cobaye sensibilisé qui est ainsi vacciné résiste ensuite à toutes les épreuves. Que celles-ci soient faites par les voies péri- tonéale, cérébrale, rachidienne ou veineuse, lanimal leur oppose une indifférence complète. Dans l’exemple que nous venons de citer, le cobaye a été vacciné par la vole veineuse: mais on peut vacciner, en partant du même principe, par n'importe quelle autre voie. Aïnsi, un cobaye vacciné en plusieurs temps, comme il vient d’être indiqué par la voie sous-cutanée, résiste ensuite aux épreuves les plus sévères, que celles-ci soient faites dans le péritoine, dans le cerveau, dans le rachis ou dans les veines. On peut emprunter, pour vacciner, plusieurs voies à la fois : on peut commencer, par exemple, par une injection sous-cuta- née, la faire suivre d’une injection dans les veines et terminer par une injection dans le rachis; un animal pareillement vacciné résistera ensuite à des doses mortelles multiples, quel que soit le point de l’économie où on porte le sérum. % *X *% Le principe des vaccinations subintrantes que nous venons d'exposer s'applique aussi aux animaux passivement sensibilisés. Rien n’est plus facile aujourd’hui, comme on le sait, que de DE L’ANTIANAPTIYLAXIE 885 créer l’anaphylaxie passive chez le cobaye. Le mieux est de se servir du sérum de lapin, auquel on avait injecté, en l’espace d’un mois environ, une quarantaine de €. ce. de sérum de cheval dans le péritoine. Huit jours après la dernière injection, le lapin est saigné et c’est son sérum qui rend le cobaye neuf d emblée hy- persensible au sérum de cheval. Dans une de nos expériences, les cobaves injectés avec 2 c. ce. de sérum de lapin-anticheval dans le péritoine, avaient acquis un degré de sensibilisation tel que, 24 heures après, le sérum de cheval fut à même de provoquer la mort en injection intracérébrale à la dose de 1/4 de €. c.; en injection intravei- neuse, la dose mortelle était de 1 /40 et 1 /80 c. c., cette dernière étant encore susceptible de provoquer des troubles anaphylac- tiques. Or, les cobayes ainsi sensibilisés passivement ont été soumis aux vaccinations subintrantes, suivant le principe décrit plus haut pour les cobayes sensibilisés activement. Voici quelques exemples qui montrent mieux que ne le ferait une longue description, la marche de la vaccination à suivre, ainsi que les effets obtenus. Cobaye n° 5, 225 grammes; reçoit, à midi 10, 1 /2 c. c. de sérum de cheval dans le péritoine; à 1 h. 30, 3 €. c. de sérum dans le péritoine; à 2 heures 1/4 c. c. de sérum dans le cerveau, c’est-à-dire une dose sûrement mortelle; l'animal ne présente pas le moindre trouble. Cobaye n° 6, 230 grammes; reçoit à 10 heures, en injection intra-céré- brale, 1/10 c. c. de sérum de cheval; pas de phénomènes; à 11 heures, 3 c. c. de sérum dans le péritoine; à 4 h. 30, 1/10 €. c. de sérum dans la veine jugulaire; à 4 h. 40, 1/2 c. c. de sérum dans la veine jugulaire, c’est-à-dire une dose plus que 20 fois mortelle; pas le moindre symptôme. Cobaye n° 7, 260 grammes; reçoit à 10 heures, 1/2 €. c. de sérum de cheval sous la peau; à 11 heures, 3 c. c. de sérum ei le péritoine ; à 3 heures, 41/2 c. c. de sérum dans là veine jugulaire; à 3 h. 5, 1 c. c. de sérum dans la veine jugulaire, c’est-à-dire une dose plus que 30 fois mortelle; pas de troubles. Cobaye n° 8, 215 grammes; reçoit à midi 40, 1/2 c. c. de sérum de cheval dans le péritoine; à 2 h. 30, 5 c. c. de sérum dans le péritoine; à 3 h. 30, 4 10 c. c. de sérum dans la veine jugulaire;.à 3 h. 35, 1/2 c. c. de sérum dans la veine jugulaire; à 3 h. 45, dans la veine jugulaire du côté opposé, 5 ce. c. de sérum de cheval, c’est-à-dire plus que 200 doses mortelles en une seule fois; pas de symptômes ! Ainsi, nous voyons qu'un cobaye pour lequel la dose de 1 /40 886 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de c. e. de sérum eût été déjà plus que mortelle, devient capable de supporter, à la suite de 4 vaccinations subintrantes, faites en l’espace de moins de 4 heures, 5 e. ce. de sérum dans les veines, c’est-à-dire plus de 200 doses mortelles en une seule fois, et cela sans présenter le moindre symptôme anaphylactique. * * * Le procédé des petites doses est-il applicable seulement à la vaccination des cobayes, et cette vaccination est-elle valable seulement pour l’anaphylaxie sérique? La question a son impor- tance théorique et surtout pratique. Les expériences qui vont être prochainement publiées mon- trent que ce procédé est d'ordre général, que les manifestations de lanaphylaxie les plus variées et des espèces animales de toutes sortes en sont justiciables. Cruveilhier (1) a pu appliquer ce pro- cédé à l’anaphylaxie lactique; Bronfenbrenner (1) à Fanaphylaxie vis-à-vis de l’albumine d’œuf; nous-mêmes (2) lappliquons depuis longtemps aux globules rouges et blancs; Ch. Richet vient de l'appliquer à la congestine (9); l’anaphylaxie microbienne aussi s’en trouve fort bien : on connait les expériences de Cruveilhier (3) relatives aux bacciles diphtériques et surtout aux gonocoques; celles de Briot et Dopter relatives aux méningocoques (4). Nous avons vu au cours de cet article que la vaccination par petites doses s’applique aussi bien à l’anaphylaxie active que passive; nous avons vu, de plus, que cette vaccination peut être réalisée par toutes les voies : peau, péritoine, rachis, cerveau, veines; nous avons vu, enfin, qu’elle met à l’abri des accidents anaphylactiques, quelle que soit la voie par laquelle on les pro- voque. Des recherches récentes ont montré que ce procédé de vacci- nation est efficace, non seulement chez le cobaye, mais encore chez le lapin (5), la chèvre (6), le bœuf (7), le cheval (8) et le chien (9). C. R. Soc. Biologie, 24 juillet 1909. Soc. Biologie, 2 juillet 1910. . Soc. Biologie, 16 juillet 1910. Soc. Biologie, 24 juillet 1909. Soc. Biologie, 2 juillet 1910. Soc. Biologie, 22 avril 1910. Soc. Biologie, 24 juillet 1909, es Annales, août 1910; p.648. SELLE UE L’ANTIANAPHYLAXIE 887 Vu la diversité des substances tributaires du procédé de vacci- nation en question, vu la diversité des voies par lesquelles ce procédé manifeste son efficacité, vu surtout la diversité des es- pèces animales passibles de cette vaccination, nous avons lieu d'espérer que l’homme aussi pourra en tirer profit et que lon n'aura plus à compter avec cet écueil de la sérothérapie qui est l’'anaphyiaxie (1). En terminant cet article, nous croyons utile de résumer, en quelques lignes, les caractères différentiels de limmunité anti- toxique et de l’immunité antianaphylactique. L'immunité antitoxique ne s’établit qu'au bout de 8 jours au minimum; elle est d'autant plus solide que le nombre d’injec- tions est plus élevé et que la durée de Fimmunisation est plus longue; elle s'accompagne de Papparition d'anticorps dans le sérum; enfin, elle ne s’étend jamais aux centres nerveux. Or, l’immunité antianaphylactique s'établit déjà après une seule injection; elle est, pour ainsi dire, instantanée; elle s’ac- compagne non pas d'apparition, mais de disparition d'anticorps qui est la sensibilisine (2) ; enfin, elle s’étend aux centres nerveux, cerveau et rachis. Le seul point commun entre les deux immunités, si diamétrale- ment opposées, est leur spécificité. C’est précisément pour synthétiser en un mot l’ensemble de ces caractères si curieux et jurant tant avec nos idées courantes sur l’immunité, que nous avons créé le terme d’antianaphylaxie: en appliquant ce dernier, comme d’aucuns l’ont fait, aux procédés de vaccinations multiples, réparties sur une longue période, procédé de Rosenau-Anderson par exemple, on méconnait à la fois le mécanisme de lantianaphylaxie et son caractère essen- tiel qui est la rapidité de son apparition. Pour ne pas le faire dévier de son sens exact, il y a done lieu de réserver le terme d’antiana- phylaxie seulement aux cas de vaccination rapide que l’on réalise, soit par une seule injection faible, soit par une série d’injections subintrantes, très rapprochées les unes des autres. (1) Des essais de vaccination antianaphylactique locale chez l'homme par notre procédé ont élé déjà faits avec succès par SrANGuLEANU et Nira, C. R. Soc. Biologie t LXVI, p. 1112, 1909. (2) Comme nous l’avons écrit dès le début de nos recherches sur l’anaphylaxie, Panimal anaphylactisé que l’on soumet à la vaccination ne fait que subir une désen- stbilisation (ces Annales, avril 1967, p. 386). Procédé de conservation des organes pesteux pour le diagnostic par CH. BROQUET (1) (Travail de l'Institut Pasteur de Saïqon). Dans une note à la Société de pathologie exotique (2), nous avons fait connaître un procédé de diagnostic de la peste à distance, par la conservation des produits suspects dans une solu- tion de glycérine à 20 0/0. Nous croyons de quelque intérêt d'exposer dans cet article le résultat de nos recherches sur la conservation du virus pesteux dans la glycérine et la technique que nous préconisons, pour permettre, aux postes éloignés des colonies, d’expédier au laboratoire des produits non putréfiés permettant d'établir un diagnostic avec la plus grande certi- tude et la plus grande rapidité. Le Dr H. Soulié d'Alger, dans une note publiée dans le Bulle- in sanitaire bi-mensuel de l'Algérie, du 16 décembre 1907, a recommandé, pour l'examen des rongeurs suspects, de conserver un fragment de leur rate dans un flacon stérilisé, rempli de glycérine. Nous ne connaissions pas la note de Soulié quand nous avons eu recours à cette méthode pour l'envoi des produits hu- mains, mais nous n’avons pas obtenu de résultats satisfaisants avec la glycérine pure. La commission anglaise de l’Inde a préconisé,pour la recherche du virus pesteux chez les rongeurs,la méthode d’Albrech et Ghon, bien connue aujourd’hui sous le nom de méthode du cobaye rasé. Le produit suspect, même putréfié, est frotté à la surface de la (1) Nous adressons tous nos remerciements à M. le Dr Dujardin-Beaumetz, chef du laboratoire de la peste à l'Institut Pasteur, qui à eu la grande obligeance de bien vouloir contrôler nos expériences et d’approuver nos résullats. (2) Bulletin de la Société de Pathologie Exotique, t. I, 4908, n° 9, p. 547. CONSERVATION DES ORGANES PESTEUX 889 peau rasée d’un cobaye; cet animal meurt si ce produit renferme le bacille pesteux. La valeur de cette méthode serait en défaut dans 20,0 des cas, en partant des produits frais, et dans 10 0/0 des cas en partant de rats putréfiés (1). Nous ne contestons pas la valeur de cette méthode et les grands succès qu'elle peut rendre. Elle a été confirmée par D.-Beaumetz à Paris, par Billet à Oran (2). Cependant, ayant à opérer aux colonies sur des produits humains, nous avons pensé qu'il était préférable, aussi bien pour la bonne expédition des produits par la poste que pour leur maniement extérieur au laboratoire, d'éviter la putréfaction ; en- suite nous ferons à la méthode d’Albrech et Ghon le reproche de ne pas toujours donner un résultat rapide. Dans les 2 cas cités par Billet, les cobayes inoculés par frottis sur la peau rasée, sont morts entre 6 et 8 jours. Dans 2 cas, nous avons obtenu également une survie de 6 et 7 jours. Dujardin-Beaumetz à vu la mort survenir dans un espace de temps encore plus long, et considère le résultat comme très variable, au point de vue de l’incubation. C’est pour cela qu'ayant à opérer sur des produits humains, nous avons préféré recourir aux solutions glycérinées, qui nous ont donné des résultats au moins aussi certains et plus rapides. Après un échec dû à l’expédition d’un ganglion dans de la glycérine pure, nous avons essayé avec succès les solutions à 50 0 /0, 40 0/0, 25 0/0. Six ganglions humains prélevés sur des cadavres, 3 heures après la mort, nous furent expédiés dans ces solutions où ils séjournèrent 3 à 4 jours avant de nous parvenir. Six fois, en émulsionnant avec de l’eau physiologique un fragment de ces ganglions et en injectant cette émulsion au cobaye et au rat, nous avons obtenu la mort de ces animaux en reproduisant l'infection. La mort est survenue 1 fois en 3 jours, 1 fois en 3 jours 1/2, 3 fois en 4 jours, 1 fois en 6 Jours. Le pourcentage de succès a été de 100 0 /0. Dans ces six cas, le temps écoulé entre la demande du poste expéditeur situé à 190 kilomètres et notre réponse a été : 2 fois de 6 jours À — — 6 jours 1/2 (1) Journal of Hygiene. Reports of Plaques investigations in India, vol, VIT, juillet 1907, p. 354 et 358. (2) La peste dans le département de Constantine en 1207; par A. Bizet. Annoles de l'Institut Pasteur, t. XXIT, 1908, ». 660, 890 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 1 fois de 7 jours Résultats de la méthode. RE gd | — :S ; SE SERRES ne RESULTAT TEMPS ÉCOULÉ = © = E 3 Z 5 at = au laboratoire. entreleprélèvement et la No [PRODUIT| = = ? = © S Re mm | réponse télégraphique S © > À 3 | cobaye : à d = £s © EE tot Rats de |du laboratoire au poste AUS = = = à linoculé. HIS EMCNS 5 | E& cobaye. 30 gr. expéditeur. QE celte 1 |Ganglion! 4 h, |500/0| 3j. |0k.350| +3 ; +4] 6 jours, > —= > — — 4]. [0kK.550| +4] ue j. el 8 — ] 3 — 6 — — 4j. [0k.509| +6; — 10 — 4 — 3 — |400/0! 3]. [0k.550| +4] —- T — 5 — 3 — 1500/0!| 3]. |0K.330| +4] +3] 6 — 6 — » — [250/0| 3j. [0k.500|+3j.1/2/+3;j.1/2 6 jours 1/2 | Nous avons recherché ensuite le titre de la solution optima et son action sur la virulence du bacille pesteux. Nous procédions ainsi : Un cobaye était inoculé à la cuisse droite au moyen d’un produit pesteux de virulence déterminée. Dès qu’il mourait, la rate de cet animal était prélevée aussi aseptiquement que possible et mise dans un flacon contenant la solution à étudier. Au bout d’un temps variable suivant les conditions de l'expérience, un fragment de l’organe conservé était prélevé, séché dans du papier buvard stérile et émulsionné dans 2 €. c. d’eau physiologique. 1 c. ce. de cette solution était injecté à un cobaye. 17/2 €. ec. à 2 rats. En procédant ainsi nous avons fait les constatations suivantes : Il n’est pas possible de tuer le cobaye avec un fragment de rate ayant séjourné 40 heures dans la solution à 50 0/0 et, si cette solution a pu conserver la virulence du bacille dans les ganglions humains, volumineux et protégés par leur enveloppe fibreuse épaissie, après 3 et 4 jours, il semble qu'après une durée plus lon- eue elle ne donnerait que des résultats négatifs. Les solutions de titre faible {2,5 0 /0) ont conservé la vitalité du B. de Yersin jusqu’à 10 et 11 jours. La solution à 10 0/0 ne nous a donné que des résultats négatifs. Celle à 15 0/0 a donné un résultat positif après 6, 7,8 Jours. Ces solutions offrent un milieu favorable au développement des impuretés (subtilis, coli-bacille, pyocyanique, staphylocoques, CONSERVATION DES ORGANES PESTEUX S91 moisissures). La rate perd sa consistance normale et devient diffluente, l'hémoglobine du sang qu'elle renferme se dissout et colore les solutions. Celles-ci deviennent acides et ne sauraient présenter de garanties suffisantes pour la conservation des pro- duits suspects en vue d’un diagnostic. Au contraire, à partir des titres de 20 et 25 0 /0, les microorga- nismes étrangers ne se développent pas. La rate conserve son aspect et sa consistance normale. Les solutions se maintiennent claires, et malgré la faible acidité qu’elles présentent au bout de quelques jours, permettent la conservation de la virulence 8 et 9 jours. La solution à 20 0 /0 est celle qui nous a donné les meilleurs résultats. En conservant dans cette solution, à la température du labo- ratoire (25 à 280), la rate d’un cobaye mort de peste en 36 heures, rate dont 1 e.e. d’émulsion tuait le cobaye en 2 jours 1 /2, nous avons pu après 8 jours, en inoculant à un cobaye de OK,600 er. 1e. e. d’une émulsion en eau physiologique d’un fragment de la rate conservée, tuer l’animal en 3 jours 1 /2 et retrouver dans sa rate le B. de Yersin pur. En ajoutant à cette solution 2 /00 de carbonate de chaux, les résultats ont été encore plus satisfaisants, puisque nous avons pu conserver la virulencé 13 jours, et après cette durée, tuer le cobaye en 4 jours. Comiñe on le voit par le tableau suivant, le virus est atténué par l’action de la glycérine et, au lieu de tuer le cobaye en 2 jours 1 /2, il ne le tue plus qu’en 4 jours ou 3 jours 1 /2. Comme animaux d'expérience nous nous sommes servis du rat et du cobaye. Le rat appartenait à une variété d’Annam (Nhatrang), dont les caractéristiques sont les suivantes : pelage fauve en dessus, blanc grisâtre en dessous, d’une longueur de 24 centi- mètres environ, à queue sensiblement égale à la longueur du corps (12 centimètres), 4 mamelles, oreilles un peu plus longues que la moitié de la tête, poids 30 grammes environ. 892 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR | TEMPS ORIGINE TIRTDIEN de séjour | ANIMAL Hans . VIRULENCE dès Mmoctlés RÉSULTAT |OBSERVATION du produit la solution. Solulion à 20 0/0. Q a © ÉXp nie C. 2 ji. 6j... JO. 0k,600|, 4j a 2 R. 2j. SUR = LOMME 15 C0 300 — Moisissures à la surface. Exp: 0110-66-02; 172; 8 j. |C. 0,600 | +3 j. 1/2|Plus de trou- ble, moisis- sures à la ; $ surface. ER DEMITIIEA CS 9 j De _ Exp IV C4 ae 9 j. A IE Exp VaC 40/20 RAI Solution à 20 0/0, carbonalée à 2 0/0. Exp TC Æe 9j. IC. 0k330| +24). 2R. 2 MCE O SON) EEE Le cobaye est l’animal de choix. Il meurt en 3 ou 4 jours et montre à l’autopsie les signes constants suivants : tuméfaction de la cuisse du côté injecté, hypertrophie ganglionnaire considé- rable du même côté, souvent œdème gélatiniforme sous-cutané, hypertrophie de la rate,qui ne présente pas de tubercules miliaires lorsque le cobaye meurt en 3 ou 4 jours, et en est farcie lorsqu'il meurt en 6 jours. Le bacille de Yersin présente dans les frottis sa forme la plus classique, sur laquelle il est impossible de se mé- prendre. Le rat, dans la plupart des cas, s’est montré réactif moins sûr que le cobaye. Sur les 6 recherches faites sur des ganglions humains, dans un cas il nous a permis cependant de faire le diagnostic un jour plus vite que le cobaye (3 jours au lieu de 4). Dans un cas, avec une rapidité égale (3 jours 1/2). Dans 2 cas avec une rapidité moindre (4 jours au lieu de 5, 6 et 11 jours au lieu de 4); enfin, dans 2 cas, le résultat à été négatif, et si nous ne nous étions adressé qu’à ce rongeur, nous aurions considéré comme négatifs CON SERVATION DES ORGANES PESTEUX 895 des cas qui ne l’étaient pas. De plus, dans les frottis de rate de rat, il est fréquent de rencontrer des granulations colorées en violet par la thionine, qui peuvent laisser des doutes sur le dia- gnostic à un observateur non prévenu ou insuffisamment rompu à ces recherches. Il ne faut donc pas se priver de ce précieux animal d’expé- rience qu'il est toujours facile de se procurer, mais, autant que possible, il est préférable de recourir à la fois au rat et au cobaye. Ce dernier reste à notre avis, l’animal de choix. Notre opinion s'appuie non seulement sur les 6 cas provenant de ganglions humains, mais sur toutes nos expériences dans lesquelles nous n'avons Jamais vu de cobaye résister si le rat mourait, tandis que l'inverse s’est produit à plusieurs reprises. La technique que nous employons est la suivante : 19 Au poste expéditeur. — Un ganglion ou un fragment de ganglion est prélevé sur le cadavre, aussitôt que possible après la mort, avec l’aseptie la plus rigoureuse -des instruments et du champ opératoire et mis dans un flacon (1) à large ouverture, d’une contenance de 150 à 200 €. c., contenant 125 à 175 e. e. de la solution suivante Glycérinesneutres, à+309-B:120: 6: c: Eau distillée _ SOC: c- Carbonate de chaux — 2 gr. L'introduction du ganglion dans le flacon est faite aussi rapi- dement que possible, les bords du flacon et le bouchon ayant été passés rapidement à la flamme d’une lampe à alcool, suivant la technique usuelle employée en bactériologie pour les ensemence- ments. Le bouchon est paraffiné ou recouvert de cire à cacheter. Le flacon portant un numéro d'ordre et la date du prélèvement est aussitôt expédié au laboratoire par les voies les plus rapides, accompagné d’une lettre donnant toutes les indications sur le cas clinique. IT. Au laboratoire. — Dès l’arrivée au laboratoire, un frag- ment de 1/2 centimètre à 1 centimètre carré de ce ganglion est prélevé au moyen d'instruments stériles (pince à griffe et ciseaux droits), essuyé dans un papier buvard stérile pour enlever la glycérine en excès et trituré et émulsionné, au moyen d’une forte (1) Les flacons contenant la solution ‘stérilisée sont expédiés par l’Institut Pasteur de Saïgon aux postes qui en font la demande. 394 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR baguette de verre dans un petit verre à expérience, d’une contenance de 30 grammes, avec 2 c.c.1 /2 d’une solution physio- logique à 9/1,000 (le papier filtre qui recouvre le verre à pied stérile peut servir à essuyer le fragment de ganglion). Dès que l’émulsion est terminée, il est nécessaire de la laisser reposer un instant pour laisser déposer les particules qui pourraïent obstruer l'aiguille de la seringue. Il n’y a plus qu'à aspirér l’émulsion au moyen d’une seringue hypodermique de Roux, d’une conte- nance de 2 c. c:, et à en injecter 1 c. c. dans la cuisse d’un cobaye de 3 à 500 grammes et 1/2-c..c. dans la cuisse de 2 rats (injection intramusculaire). En résumé, aux colonies le procédé de diagnostic par conser- vation du matériel dans une solution de glycérine à 20 0 /0, carbo- natée à 2 0 /0, présente les avantages suivants : 19 Il évite la putréfaction du matériel; 20 Il permet à tout laboratoire, au moyen d’une technique très simple, d'établir avec certitude un diagnostic en 3 ou 4 Jours, en partant d’un produit pouvant être conservé depuis 13 jours, c’est-à-dire pouvant provenir d’un poste éloigné de plusieurs centaines de kilomètres ; ka | 30 IT permet d'établir le diagnostic avec plus de rapidité que par la méthode d’Albrech et Ghon; 40 IT peut être utilisé en médecine légale. Rapport entre la tuberculose aviaire et celle des mammifères PAR LE PROFESSEUR D! D. A,,pE JONG, de Leyde, J’ai fait sur cette question une communication assez détaillée à l’assemblée de la Société vétérinaire néerlandaise (12 octo- bre 1907); ultérieurement je lai publiée en hollandais dans le quatrième volume de mes publications sur Pathologie et hygiène vétérinaire (1). Il n’est pas invraisemblable que ces communica- tions soient peu connues justement par le fait qu’elles ont été publiées dans ladite langue. La question ayant été inscrite à l’ordre du jour du IX€ Congrès international de médecine vété- rinaire, tenu à La Haye du 13-19 septembre 1909, je veux y reve- nir sur quelques points, ayant à apporter quelques faits nouveaux. Je dois cependant mentionner d’abord que mon travail hollan- dais sus-mentionné a été cité par 7. Arloing de Lyon dans son rapport audit congrès sur La tuberculose aviaire en rapport avec la tuberculose des mammifères et par M. Stuurman dans son rapport sur L’entérite chronique spécifique du bœuf. Une question importante dans la solution du problème de unité ou de la dualité des bacilles des oiseaux et des mammifères reste toujours celle-ci : Peut-on trouver le bacille type des mammifères chez les oiseaux et le type aviaire chez les mammifères ? Quant à la première partie de la question on sait que, notam- (1) D. A. pe Jonc, Het verband tusschen zoogdier-en vogeltuberculose. Vetert- naire Pathologie en Hygiene, Erste deel, kde Reeks, Leiden, 1908. 896 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ment, le perroquet peut avoir une tuberculose eausée par un bacille qui possède tous les caractères du bacille des mammifères. Le fait est si généralement connu que je ne veux pas m'y arrêter, ajoutant seulement que MM. Koch et L. Rabinowitsch ont isolé le bacille des mammifères dans des cas de tuberculose spontanée chez deux autres oiseaux (1). Sur la deuxième partie de la ques- tion, nous possédons un grand nombre de communications pou- vant se diviser en anciennes et modernes. Les premières sont celles de Æischel, Hueppe, Pansini et partiellement celles de Nocard. Pour le moment je ne m'occuperai que des modernes, qui offrent plus d'intérêt. Sous ce rapport, nous savons à ce jour qu'on peut observer une tuberculose spontanée, causée par le bacille aviaire, chez les mammifères suivants, qui de même peuvent tous prendre une tu- bereulose causée par le bacille des mammifères, savoir : 1. La souris (observation de de Jong (2). 2. Le rat (observation de Lydia Rabinowitsch (3). 3. Le porc (observation de Weber et Bofinger (4). 4. L'homme (observation de Lydia Rabinowitsch (5). 5. Singe (observation de Lydia Rabinowitseh (6). Comme le fait remarquer M. Arloing, dans son rapport pour le congrès de La Haye, mon observation concernant la tubercu- lose spontanée de la souris, causée par un bacille avraire avec des caractères très constants, m'a conduit à l’opinion, défendue à Budapest (7), qu’il existe des différences constantes entre le bacille aviaire et celui des mammifères, quoique le premier puisse être dangereux pour les mammifères. On peut rencon- trer chez ceux-ci deux tuberculoses, et la tuberculose des (1) Raginowrrscx, Arbeiten aùs dem pathologischen Institut in Berlin. (2) D. A. pe Jonc, La tuberculose spontanée des souris. Rapport pour le Congrès d'hygiène et de démographie à Bruxelles, 1903. (3) RagiwowiTscx, Die Geflügeltuberkulose und ihre Beziehungen zur Säugetier- tuberkulose, Deutsche med. Wochenschrift, n° 46, 1904. (4) Weger UND BoriNGeR, Die Hühnertuberkulose. Tuberkulose- Arbeiten aus dem Kaiserlichen Gesundheitsamte, 1904. (5) Ragiwowirscn, Untersuchungen über die Bezichungen zwischen der Tuber- kulose des Menschen und der Thiere. Arbeiten aùs dem pathologischen Institut zu Berlin. (6) Ragiwowirscm, Ueber spontane Affentuberkulose, Deutsche med. Wockhen- schrift, 1906, n° 22. d (7) D. A. pe Jone, Rapports entre la tuberculose de l’homme, du gros bétail, de la volaille et d’autres animaux domestiques (notamment du chien), VIIIe Congrès de médecine vétérinaire, Budapest, 1905. TUBERCULOSE AVIAIRE 897 oiseaux constitue un danger réel pour les mammifères ainsi que pour l’homme. Parmi les mammifères que j'ai indiqués, on ne trouve pas mentionnés le cheval et le bœuf. Sur la tuberculose d'origine aviaire chez le cheval, nous possé- dons des communications de Vocard (1) et de Wiener (2). Néan- moins la question n’est pas résolue et leurs observations ne sont pas encore confirmées. On ne réussit pas toujours très vite à déterminer la nature des bacilles tubereuleux chez le cheval, surtout quand on veut conclure d’après les résultats d’inocula- tion de cobayes et de lapins. Cela ressort d’un cas que j'ai observé (3) où les lésions du cheval, inoculées au cobaye, firent penser d’abord à la tuberculose aviaire, tandis que plus tard, les qualités tant culturales que pathogènes du bacille isolé le firent reconnaître comme bacille tuberculeux des mammifères. Quant au bœuf, nous avons l’ancienne communication de Kruse (4) et notamment les recherches récentes sur l’entérite chronique du bœuf, causée par des bacilles acido-résistants. W y a des auteurs et parmi eux M. Stuurman (5) qui maintiennent l’ancienne conception, qu’on a affaire ici à une tuberculose causée par un bacille aviaire. Mes propres expériences sur cette maladie, décrites aussi dans le travail hollandais mentionné, seront reproduites à la fin de ce mémoire. Mais la question me donne l’occasion de dire quel- ques mots sur : LA TUBERCULOSE SPONTANÉE DU LAPIN Nous savons que le lapin est assez sensible à l’infection par le bacille des mammifères et qu’il est, avec le cobaye, Fanimal de choix pour pratiquer des inoculations de diagnostic. D'ailleurs nous savons, d’après les belles recherches de Straus et Gama- leia (6) que le cobaye est peu sensible à linoculation du bacille aviaire, qui agit peu sur lui, ou bien lui donne une tuberculose Nocarp, Recueil de Médecine vétérinaire, 30 avril 1896, n° 8. WIiENER, Wiener klinische Wochenschrift, 1903, n° 20. D. A. pe Jonc, Veterinaire pathologie en hygiene, kd° reeks, Leiden, 1908. KrusE, Ziegler's Beitrige, Bd XII, $. 544. STUURMAN, Rapport pour le IX° Congrès international de Médecine vétéri- natre, La Haye, 1909. (6) STRAUS ET GAMALEIA, Archives de médecine expérimentale, 1891. D7 898 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR infiltrante du type Yersin. 11 diffère en ce point considérable- ment du lapin, assez sensible au bacille aviaire capable de pro- voquer chez cet animal une tuberculose type Laennec. Le lapin est donc sensible aux deux tuberculoses et le cobaye, animal de choix pour déceler l'existence de la tuberculose des mammifères, est beaucoup moins sensible que le lapin au bacille aviaire. D’un haut intérêt est donc la question : Æxiste-t-1l une tuber- culose spontanée du lapin, et dans le cas, quelle est sa nature ? Je veux rappeler que M. Stuurman, en nourrissant un lapin avec les glandes mésentériques d’une vache qui avait souffert de lentérite chronique à bacilles acido-résistants, cultivait, des lésions tuberculeuses de ce lapin, un bacille qui bien sûrement fut reconnu par nous deux comme un bacille aviaire. Ce fut le point de départ des recherches ultérieures de Stuurman sur l’enté- rite chronique, lesquelles font croire que ladite entérite est causée probablement par le bacille aviaire (1). Je veux laisser de côté cette question pour dire seulement que j'ai objecté que, dans l'expérience de Stuurman, il ne fut pas sûre- ment établi que le lapin avait été infecté avec le matériel du bœuf, parce qu’il était toujours possible que le lapin fut atteint d’une tuberculose spontanée causée par le bacille aviaire ! r Dès ce moment, il était encore plus intéressant de savoir si le lapin montrait une tuberculose spontanée et, dans le cas, de quelle nature était le bacille, Le IX Congrès international de Médecine vétérinaire à La Haye, en 1909, nous a fourni une indication sur ce point dans le rapport de M. O. Bang (2) qui y traite la question de l'identité et y apporte les résultats d'expériences non répétées jusqu’à ce jour (3). Mais le fait qui m'intéresse en ce moment est qu'il dit avoir isolé un bacille aviaire provenant d’un lapin spontanément tuberculeux. Voilà donc un argument en faveur de lobjection que je soulevais contre linterprétation de lexpérience de Stuurman. Vraiment le lapin peut avoir spontanément la tuber- culose aytaire. Cependant, je peux apporter un autre cas de nature diffé- rente. M. Dhont de Rotterdam m'a envoyé, le 24 juillet 1909, le (1) SruurMANN. Rapport pour le congrès à La Haye, 1909. (2) O. BawcG, Rapport pour le congrès à La Haye, 1909. (3) O. BawG, Centralblatt für Bakteriologie, XLVI, 1908. TÜUBERCULOSE AVIAIRE 899 cadavre d’un lapin montrant une tuberculose bien étendue, type Laennec. Dans les poumons et les ganglions médiastinaux, sur la plèvre pariétale, dans le foie et dans le rein gauche se trou- vèrent des tubercules avec beaucoup de bacilles. L’inoculation à quatre lapins et à quatre cobayes a amené la mort de deux des cobayes le 21 et le 22 août 1909, avec une tuberculose type Laennec bien évidente, et la culture est celle du bacille tubercu- leux des mammifères. Les nombreuses cultures issues des lésions de ces cobayes montrent l'aspect sec et verruqueux bien connu de ce bacille. Les autres cobayes sont devenus tuberculeux de la manière ordinaire (par des bacilles des mammifères) ainsi que les lapins, dont un a succombé le 2 octobre. Voilà donc constaté le fait que le lapin peut avoir aussi une fuberculose spontanée causée par le bacille des mammifères et qu'il doit être rangé au nombre des mammifères sensibles aux deux tuberculoses. LA TUBERCULOSE AVIAIRE DU PORC Nous possédons une communication de Weber et Bofinger (1) constatant qu'accidentellement il fut trouvé, chez un porc, un ganglion mésentérique caséifié dont on réussit à isoler un ba- cille aviaire. Il s'agissait d’un processus localisé, rappelant beau- coup les altérations tuberculeuses causées par les bacilles aviaires, ingérés par des pores avec la nourriture (expériences personnelles, observation (2) de Tize (3) et de O. Bang (4). Nous avons eu la bonne fortune de pouvoir constater un cas de tuberculose spontanée et généralisée chez le porc et causée par le bacille aviaire. L’examen en a été fait avec la collaboration du directeur-adjoimt de Fabattoir de Leyde, M. Keyser. Le 14 août 1909, l'examen d’un porc abattu à l’abattoir de Leyde montre une tuberculose généralisée. L'animal était amai- gri, et d’un poids inférieur à celui de ses congénères de la même souche. Le foie et les ganglions porte, la rate, les ganglions mésen- tériques, rénaux, les reins eux-mêmes, les ganglions médias- WEBER et BOoFINGER, T'uberkulose- Arbeiten, 1904. ) ) DE Jonc, Rapport pour le congrès de Budapest, 1905. 3) T1ITZE, T'uberkulose- Arbeiten, Berlin, 1907. ) 900 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tinaux, bronchiaux et sub-maxillaires étaient envahis par de nombreux foyers tuberculeux. Beaucoup d’autres ganglions mon- traient seulement de la tuméfaction et de la rougeur. Le contenu des foyers de la rate d’une couleur jaune sale renfermait beaucoup de bacilles. bu L'aspect des ganglions mésentériques attira plus spéciale- ment l’attention, parce que le tissu glandulaire était changé en une matière caséeuse et partiellement spongieuse qui contenait une quantité énorme de bacilles. De même, les reins contenaient beaucoup de bacilles tuberculeux. De la matière caséeuse des ganglions mésentériques on ino- cula : a) Une poule dans le muscle pectoral; b) Un lapin dans le péritoine; c) Un lapin sous la peau; d) Un cobaye dans le péritoine; e) Un cobaye sous la peau de la cuisse: a) La poule est morte après 153 jours, avec une diminution de poids de 362 grammes. Autopsie : tuberculose généralisée. Les cultures du foie, de la rate et des reins fournissent le bacille aviaire. b) Le lapin, inoculé dans le péritoine, est mort de tuberculose généralisée après 268 jours, avec une diminution de poids de 490 grammes. Les cultures donnaient le bacille aviaire. c) Le lapin, inoculé sous la peau, a vécu pendant 463 jours après l'inoculatiot et a diminué de 990 grammes. Autopsie : tuberculose géné- ralisée. Cultures du type aviaire. d) Le cobaye, inoculé dans le péritoine, montrait une tuberculose au lieu d’inoculation, après 45 jours et une mammite tuberculose après 59 jours. 70 jours après l’inoculation, une injection de 0 gr. 644 de tuber- culine brute A.-A.-P. d’origine bovine (le poids était 644 grammes) tuait l'animal en 11 heures 3/4. Autopsie : petits tubercules et quelques foyers plus grands dans le foie; mammite tuberculeuse. Un autre cobaye fut inoculé avec un petit morceau du foie. A l'exception d’une tuméfaction passagère, l'animal est resté sain. e) Le cobaye, inoculé sous la peau, a montré un Fe au lieu d’ino- culation et une tuméfaction des ganglions de {la région, et il a guéri ensuite. Le résultat des inoculations et des cultures a démontré d’une manière évidente la tuberculose aviaire chez le porc, dont la tuberculose généralisée a causé la saisie totale de la viande. Ainsi le porc entre donc dans la catégorie des mammifères TUBERCULOSE AVIAIRE 901 qui peuvent avoir spontanément deux tuberculoses, l’une causée par le bacille des mammifères, l'autre par le bacille aviaire. Les faits relatés montrent une fois de plus que le baciile de la tuberculose aviaire est un danger pour les mammifères, même quand on ne veut pas accepter l'identité originelle des bacilles aviaires et des mammifères. La tuberculose aviaire est donc aussi un danger pour l’homme, un danger qui doit, être combattu. L’inspection de la volaille destinée à l'alimentation de l’homme doit être exigée, que les bacilles des mammifères ou des oiseaux soient de même origine on non. LA TRANSFORMATION DU BACILLE DES MAMMIFÈRES EN CELUI DES OISEAUX On sait l’opinion que j'ai défendue à Budapest au VIITe Con- grès international de Médecine vétérinaire, concernant la diffé- rence entre le bacille aviaire et celui des mammifères (1). Dans toutes mes expériences j'avais vu une différence tellement cons- tante entre les deux bacilles que je n’osais pas parler d'unité. Je concluais même à la non identité, quoique je proclamasse le danger du bacille aviaire vis-à-vis des mammifères. Aujourd’hui j'ai changé d’avis grâce aux observations que j'ai pu faire depuis et que j'ai communiquées dans le travail hollandais cité au com- mencement de ce mémoire. M. Arloing, de Lyon, m'a fait le grand honneur de mentionner mes observations dans l’intéressant rapport qu'il a élaboré pour le [X€ Congrès de Médecine vété- rinaire à La Haye en 1909. Je n’ai jamais réussi à obtenir la transformation du bacilie des mammifères en celui des oiseaux en suivant la méthode pratiquée par. M.0. Bang et dont il a publié les résultats dans le Centralblatt für Backteriologie (2) et aussi dans son rapport pour le Congrès de La Haye. Jamais je n’ai pu obtenir la tuberculisation des poules en leur inoculant le bacille des mammifères. Parfois elles ont succombé après de nombreuses semaines, cachectiques et émaciées, mais la culture restait in- fructueuse. Dans d’autres cas, je croyais avoir obtenu des proces- sus tubereuleux locaux, mais le bacille était absent ou bien je (1) DE Jonc, Loc cit. (2) O. Banc, Loc. cit. 902 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ne réussissais pas à lisoler. J’avoue que malgré que j'aie été amené aux mêmes conclusions que Bang, je gardais un certain septicisme à l’égard de l'exactitude de ses expériences. Le point de départ de mon observation est un cas de tuber- culose congénitale du veau, qu’on voit assez fréquemment à Leyde. Une femelle de cobaye pleine, inoculée avec les lésions des pou- mons, devint tuberculeuse du type Villemin. Le fœtus et les annexes furent lavés au sublimé, le fœtus débarrassé de ses annexes fut lavé de même et enfin il fut autopsié avec les précautions nécessaires. De trois cobayes inoculés successive- ment avec de la matière du foie, de la rate et du poumon, le der- nier a succombé après huit semaines, avec une tuberculose du type Villemin très caractéristique. Néanmoins la culture était celle du bacille aviaire. Et tous les tubes montraient le même aspeck. L’antagonisme entre l'aspect anatomique et la culture élgit frappant. La culture fut inoculée à des poules, des pigeons, des lapins et des cobayes. Toutes les poules, au nombre de 3, ont présenté une tuberculose généralisée dont la culture possédait le type aviaire. Des 4 lapins, 3 ont eu une tuberculose généralisée, dont Les cultures donnaient le bacille aviaire. Des pigeons, 1 a suecombé à la tuberculose. Mais le résultat le plus intéressant est celui de linoculation des cobayes. J’ai inoculé 8 cobayes,4 dans le péritoine et sous la peau.2 d’entre eux inoculés dans le péritoine et 2 autres inoculés sous la peau sont restés parfaitement sains. Les 2 autres, infectés par voie sous-cutanée, ont montré un abcès au lieu d’mo- culation, avec tuméfaction ganglionnaire passagère, le tout suivi de guérison. Un des cobayes restants, inoculé dans le péritoine, fortement amaigri est mort sans lésions apparentes. > Néanmoins l’ensemencement des organes donnait le bacille aviaire. Dans de tels cas on parle de la tuberculose type Yersin. Mais le quatrième cobaye, inoculé dans le péritoine, est mort après 3 mois, montrant des lésions tuberculeuses des organes, qui autorisent à parler du type Villemin. Aussi, dans ce cas, le baculle isolé de ces lésions était le bacille aviaire. Je ne veux pas donner plus de détails; on peut les trouver dans la communication originale. Mais pour moi l'observation TUBERCULOSE AVIAIRE 903 est la preuve que la différence entre la tuberculose des mammi- fères et celle des oiseaux n’est pas absolue et que le passage d'une forme dans l'autre est possible. Qu’une telle altération ou variation prenne beaucoup de temps, cela découle de l'observation mentionnée et aussi de ces cas où le type aviaire avait causé des maladies spontanées ou expérimentales, chez des mammifères, rappelant la tuberculose Laennec, sans cependant changer de qualité. Mais la possibilité d’une transformation d’un bacille dans l’autre doit être acceptée et avec elle l'unité du bacille tuberceuleux. D'ailleurs cette possi- bilité a été montré aussi par M. Arloing, à l’aide de son procédé des cultures homogènes et par ses autres nombreuses recherches. Nous avons donc une raison de plus de prendre des mesures contre la tuberculose aviaire, parce que non seulen1t son bacille peut infecter les mammifères, mais parce que la possibilité existe que le bacille aviaire puisse se changer en celui des mammi- fères. L'HYGIÈNE EXIGE AINSI DES MESURES CONTRE LA TUBER- CULOSE DE LA VOLAILLE. APPENDICE L’ENTÉRITE CHRONIQUE SPÉCIFIQUE DU BŒUF ET LA TUBERCULOSE AVIAIRE Sur cette maladie nous avons institué des recherches dans notre laboratoire, et aussi avec M. o. d. Sluys, directeur de l’abat- toir d'Amsterdam. Les premières expériences de M. Stuurman (1) ont été également faites dans notre laboratoire. Je veux y revenir au sujet des relations qui existent entre la tuberculose des mammifères et celle des oiseaux. Au Congrès d’hygièneet de démographie à Bruxellesen 1903 (2), j'ai dit que les bacilles acido-résistants, que l’on considère comme agents spécifiques de l’entérite, ne se trouvent pas limités aux intestins et aux glandes mésentériques, mais qu’on réussit par- fois à les trouver dans des ganglions plus éloignés, par exemple les ganglions iliaques et rénaux. Les autres auteurs ne mention- (1) STuumAN, Rapport pour le congrès de La Haye, 1909. (2) D. A. pe Joxc, Rapport pour ledit Congrès. 904 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR nent pas cette particularité qui, d’ailleurs, n’a d'importance que parce qu’elle nous donne parfois l’occasion d’obtenir des maté- riaux plus appropriés à la recherche bactériologique, que ceux que l’on emprunte à l’intestin ou aux ganglions mésentériques. D'ailleurs, les recherches bactériologiques m’ont donné les résultats négatifs dont parlent les autres auteurs. Une fois, en inoculant le matériel suspect avec du beurre stérilisé dans le péritoine, chez des cobayes, J'ai obtenu des cultures de petits bacilles, cependant sans acido-résistance, aussi ne leur ai-je attri- bué aucune valeur. Avec M. +. d.Sluys, j'ai entrepris toute une série d'expériences. Nous avons inoculé des cobayes et des lapins par différentes voies. Le résultat était absolument négatif. Nous avons inoculé une chèvre et un veau par voie intraveineuse, parce qu'il est connu que ces animaux réagissent très nettement par cette ino- culation, tant à la tuberculose aviaire qu’à celle des mammi- fères. Le résultat était de nouveau négatif. Enfin, j'ai décrit, dans la communication hollandaise men- tionnée plus haut, de nouvelles expériences. En 1907 j'ai inoculé un veau sous la peau du cou, un autre dans ia veine jugulaire, tandis qu’un troisième a mangé, à quatre reprises, la muqueuse de l'intestin et les glandes mésentériques d’un animal mort de la maladie. La matière pathologique fut diluée et mélangée avec de l’eau stérilisée et le tout mélangé avec du lait. Le veau inoculé dans la jugulaire est tombé malade, il a montré les symptômes d’une pneumonie, plus tard ont apparu des arthrites, mais l’animal a fini par guérir complètement. Celui inoculé par voie sous-cutanée n’a montré ni tuméfac- tion au lieu d’inoculation, ni gonflement du ganglion de la région; il a toussé pendant quelque temps, tandis que sa température était un peu élevée, mais il a fini par guérir. L'animal infecté par la voie digestive a montré, un mois après l'infection, une diarrhée sanguinolente passagère, pendant cinq ou six jours. Ensuite l’animal a guéri et est resté sain. J’ai cité ces expériences pour démontrer que la tuber- culose doit être exclue. En cas de tuberculose, le résultat .des expériences aurait été tout autre. Même en cas de tuberculose aviaire, les animaux d’expérience auraient montré les lésions TUBERCULOSE AVIAIRE 905 qu'on obtient quand on infecte des veaux avec le bacille aviaire, lésions que j'ai décrites antérieurement (1). Pour moi, la nature tuberculeuse de cette entérite est très douteuse. Mais néanmoins il est rationnel de reconnaitre la valeur des expériences de Stuurman, qui, dans son rapport, veut démontrer à l’aide de deux séries d'expériences que dans les cas d’entérite chronique spécifique du bœuf, il s’agit de la tuberculose aviaire. Dans la première série, en nourrissant un lapin avec des lésions de l’entérite chronique, il obtint des lésions, desquelles il cultiva le baculle aviaire. Dans la seconde série, il fait manger à un cobaye des lésions d’entérite et l’inocule en même temps sous la peau de la cuisse. Dans ce cas, il isole également un bacille aviaire. Stuurman conclut donc qu'il s’agit probablement, dans ces cas, d’entérite chronique de la tuberculose aviaire. Il passe en revue les objections qu’on peut faire à ses expé- riences. Si on admet que le lapin est spontanément infecté par le bacille aviaire, un tel fait ne peut être accepté pour le cobaye. $ Les remarques de Stuurman sont parfaitement justifiées. La solution définitive de la question ne pourra être donnée que par la reproduction de la maladie elle-même, au moyen des bacilles isolés. Jusqu'à ce Jour on n’a pas encore réussi. Seulement l’on peut penser encore à une possibilité qui n’a pas été entrevue par Stuurman. Acceptons pour le moment que Stuurman a infecté un lapin et un cobaye avec des lésions provenant de vaches atteintes d’entérite chronique et qu’il leur ait donné, de cette manière, une tuberculose aviaire, il est encore possible que cette tuberculose aviaire ne provienne pas de la maladie de l'intestin, mais que l'ani- mal ait souffert à la fois d’entérite et d’une infection d’origine aviaire. Nous savons que les bœufs, à côté de l’entérite, peuvent avoir la tuberculose ordinaire. Ne peuvent-ils pas avoir en même temps et de la même manière la tuberculose aviaire? N'oublions pas que Stuurman a contaminé par voie digestive le lapin, qui s’infecte facilement avec le bacille aviaire, et qu'il (1) D. A. pe Jonc, Rapport pour le congrès d'hygiène et de démographie, 1903. Rapport pour le VITI® Congrès international de médecine vétérinaire à Budapest, 1905. Veterinaire Pathologie in Hygiene, II et IV, Leyde, 1905 et 1908. 906 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR a infecté per os et par voie sous-cutanée le cobaye, plus résistant à la tuberculose aviaire et que ce dernier fut plus intensivement infecté que le lapin. Or, dans ce dernier cas, l’infection du cobaye doit être estimée possible, même si on accepte que les lésions du bœuf n'étaient que partiellement dues au bacille aviaire. Bien que je pense que l’entérite chronique n’est pas causée par le bacille aviaire, j’admets que les animaux d'expérience de Stuurman avaient contracté la tuberculose due à ce bacille. Mais ce qui en tout cas résulte des expériences de Stuurman, c’est que le bœuf peut souffrir spontanément de la tuberculose aviaire, soit sous forme d’entérite chronique (ce que je mets en doute), soit d’une autre manière ainsi que je le crois. Alors la série des mammifères sensibles à la tuberculose aviaire est encore augmentée du bœuf. Actuellement les mammifères qui peuvent montrer spontanément la tuberculose aviaire sont donc : l'homme, le singe, le bœuf, le porc, le lapin, le rat et la souris. Il s'entend que les cas augmenteront quand il sera prouvé que le baeïlle des mammifères peut se transformer en bacille aviaire par simple variation ou plutôt par mutation. Alors il ne sera plus possible de séparer les deux tuberculoses, mais en me basant sur les données que nous possédons dès maintenant, je crois rationnel de faire tomber la barrière. Etudes épidémiologiques et prophylactiques du paludisme Huitième Campagne en Algérie - 1909 (1) PAR LES Drs Epmoxp SERGENT gr ETIENNE SERGENT Le plan de ce rapport sera le même que celui des précédents (2). ÉTUDES EPIDÉMIOLOGIQUES En l'absence de toute statistique sérieuse, l'impression géné- rale est que l'épidémie de 1909 a eu moins de virulence que celle de 1908. Comparativement à l’année 1904 où le paludisme a été pandémique en Algérie, l’année 1909 à présenté une épidémie peu grave. Dans certains points du Haut Pays constantinois, où le palu- disme était très bénin d'habitude ou même passait inaperçu, une recrudescence très violente s’est manifestée (région de Tebessa, de Khenchela, de Batna, de Barika), à la suite d’un printemps très pluvieux. I. — GITES A ANOPHÉLINES 1. Pluies. — Le printemps 1909 a été marqué, en certaines régions du Haut Pays constantinois, par des pluies particulière- ment abondantes (région de Tébessa, Batna, Khenchela). 2. Suintements. — Particulièrement abondants et nocifs dans le Haut Pays constantinois. (1) Campagne dirigée pourle compte du Gouvernement Général de l'Algérie, (2) Voir Annales de l'Institut Pasteur, depuis 1902, et Afti della Società per gli Studi della malaria, Rome. Voir Campagne antivaludique de 1998, Alger, 1909, 217 p: 908 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 2. Gîtes à eau chaude. — Tes larves d’Anopheles macu- lipennis pullulent dans Îles eaux provenant de la source chaude du Hamma (environs de Constantine). La température de l’eau, aux points où les larves ont été recueillies, varie entre 320 et 330. 4. Paludisme des hauteurs. — Nous avons assisté à de pe- tites épidémies de paludisme dans des localités très élevées, ordi- nairement peu paludéennes (région de Tébessa). 5. Plantes d’eau favorisantes où empêchantes. — Dans la vallée de la Seybouse, les gîtes où croît le Zamichelia palustris (détermination du Dr Trabut) paraissent particulièrement favo- rables à la pallulation des larves d’Anophélines : au contraire, lorsque la Chara fœtida y pousse, on note l’absence de larves. Ce fait ne se produit que si cette plante est en culture pure. 6. Date d'apparition des larves. — Sur le littoral des environs d'Alger, les larves d’Anopheles maculipennis sont très rares en décembre, janvier et février, alors que celles d’An. algeriensis y sont très nombreuses. (Les adultes d’An. algeriensis éclosent en janvier, février, mars, aux abords immédiats d'Alger.) 7. Rapport entre la nature géologique des terrains et la biologie des Anophélines. — Les argiles helvétiennes de certaines collines de la vallée du Cheliff (Gontass) ont pour caractère géologique de salir les eaux des oueds. Depuis 3 ans, les larves d’Anophélines ont été recherchées en vain, en toutes saisons, sur les bords des oueds, où l’eau reste boueuse. On les trouve seulement dans les mares, où l’eau peut déposer lentement. 8. Paludisme variant dans une même région suivant l'impor- tance des gîtes. — Dans la vallée de lOued-el-Kbir (département de Constantine) deux localités (à l’entrée des gorges du Kheneg) sont l’une très fiévreuse, l’autre indemne. Elles sont situées à deux kilomètres l’une de l’autre, au bord du même oued, dont les bords sont peu dangereux. D'une part présence de gites nombreux (sources, suintements), de l’autre pas de gîtes. 9. Remuements de terre, cause présumée de paludisme. — Comme preuve à l’appui de cette théorie on nous a cité souvent des cas de coïncidence frappante entre l’époque d’un défrichement et l’éclo- sion d’une épidémie. Or l’année où ces faits se produisent est précisément une année de recrudescence générale de paludisme dans la localité citée. D’autre part, de grands défoncements, effec- PALUDISME 909 tués dans d’autres localités, en d’autres années, sans déterminer d'épidémie, n’éveillent pas l'attention. 10. Longueur du vol. — À Mondovi, la zone de défense de 2 kilomètres a été franchie, comme en 1908 et en 1907, mais en automne seulement. Une zone de 1,500 mèêtres a encore suffi à Montebello: elle a été franchie à Penthièvre. Une zone infé- rieure à 1,000 mètres a suffi à Tourville et à Sainte-Léonie. 11. Ennemis des Moustiques. — Les Cyprionodon, poissons minuscules, quoique très friands de larves, n’ont pas pu détruire complètement les Moustiques dans les mares où nous les avions acclimatés. 12. Effet des pétrolages des gites à larves sur les Moustiques adultes. — Nous avons constaté le fait suivant, déjà signalé par d’autres observateurs : le lendemain du pétrolage d’une mare, on trouve à la surface de l’eau des Moustiques adultes asphyxiés par les vapeurs du pétrole. 13. Observations sur les Anophélines d'Algérie. — Le Pyreto- phorus sergentii, signalé à El-Outaya seulement, existe aussi à Biskra, et à Beni-Ounif de Figuig. Des Pyretophorus myzomyifacies, dont les taches des ailes présentent la modification suivante, ont été observés à Baraki (Mitidja) dans’ le Et de l’Oued-el-Kbir (Bli- da), à Biskra et à Beni-Ou- nif de Figuig. La tache si- tuée à la base de la fourche de la première nervurelon- gitudinale est beaucoup plus petite que les taches correspondantes de la cos- tale et de la sous-costale,et se trouve au niveau de l'extrémité apicale de ces Fig. 1. — Aile de Pyretophorus mysomyifacies taches de la costale et de la (variété de Biskra). sous-costale. Les œufs pondus par cette variété de Pyretophorus sont du type 2 de Stephens et Christophers (flotteurs latéraux touchant les bords). 910 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Les larves présentent les caractères suivants : soies des antennes simples, non branchues; soies frontales non branchues; soies pal- mées, du 3° au 7° segment abdominal. Les digitations des soies pal- mées ont des filaments courts. A Biskra, les Pyretophorus myzomyifacies paraissent beaucoup plus « domestiques » que dans le Tell. On les trouve en grand nombre, en plein D jour, dans les réfectoires, casernements À À du Fort Saint-Germain. A: ! » TR CRESERVOIR DEMVIRUS. Kia te but de Pyrétopto 1. Le pourcentage des rates hyper- rus mysomyifacies (variété trophiées nous donne toujours des indi- de la Mitidja). cations de valeur sur l’intensité du palu- disme des localités étudiées. La palpa- tion des rates est très bien acceptée par les indigènes; nous n’a- vons jamais rencontré personnellement de difficultés dans les trois départements, du rivage au Sahara. Index du début des chaleurs. Proportion de grosses rates : ; De 0 à 5 ans 265 sur 1279 Enfants. 4 De 6 à 10 — 288 — 1083 { 757 sur 3161 23.9 0/0 De 11 à 15 — 204 — 799 Adultes. (Au-dessus de 15 ans)....... 489 — 2541 19.2 0/0 MOFAUE Une 1246 57102 21,8 0/0 Index des chaleurs et de la fin des chaleurs. Proportion des grosses rates : { De O0 à 5 ans 163 sur 608 | Enfants. | De Gà 10 — 300 — 809 638 sur 2263 28.1 0/0 De 11 à 45 — 155 — 876 Adultes, (Au-dessus de 15 ans).,.... 424 — 445 27.1 0/0 TOTAUX--.. 0, 759 — 2708 23.02 0/0 2. Tableau des résultats des examens microscopiques du sang de sujets habitant des localités paludéennes (jusqu’au 31 décembre 1909). PALUDISME 911 ’arasités par l'Hématozoaire, pa = : 2 NOMBRE Parasités par l'Hématozoaire CORPS CORPS ES I - _. en en grosse D'EXAMINÉS ierce ie rce Su ee lue Fe ; maligne: bénlurie. Quarte, | demi-lune. | pessaire. rate, 17 fébricitants .... 9 S l | l 142 40 non fébricitants. { 6 (] 2 6 21 57 FOTAUX. .: 3 14 il 3 7 33 IS à hématozoaire du paludisme. 3. Fièvre bilieuse hémoglobinurique. — Le Dr de Cool a obtenu de bons résultats, dans deux cas de bilieuse hémoglobinurique, par un traitement au moyen du sérum antidiphtérique. 4. Le sang d’un enfant indigène, cachectique au dernier degré, couvert de purpura, contenait, par champ d’immersion, 4 à 5 parasites de la tierce maligne, avec granulations de Maurer. >. Comme chaque année, nous avons constaté la présence de corps en pessaire et de corps en demi-lune, dans le sang des habi- tants cachectiques de localités palustres. 6. Danger colporté par les émigrants kabyles. — Dans les chan- tiers de construction de la future ligne de Berrouaghia à Boghari, qui traverse des régions fiévreuses, le réservoir de virus le plus im- portant était représenté par les émigrants kabyles. On a vu, dans l'épidémie de Foum-el-Gueiss (v. plus loin),les rechutes d'ouvriers kabyles précéder les cas de première invasion des indigènes de la localité et des ouvriers européens. 7. L’index endémique (par les rates) est, en règle générale, plus élevé chez les indigènes que chez les Européens d’une même loca- lité. Fait exception à cette règle le centre de Toustain (vallée encaissée du Département de Constantine) où l’index des indigè- nes de la mechta voisine est très faible par rapport à celui des Européens. (Parasites de la tierce maligne et de la tierce bénigne dans le sang de certains Européens.) L'examen du sang des indigènes montre que sur 60 sujets pris au hasard, dans la mechta en question, 51 présentent une aug- mentation notable du nombre des grands mononucléaires, signe du paludisme latent. 5. Localisation du virus. — Dans les grosses agglomérations le virus paludéen parait se localiser aux faubourgs, il ne franchit 912 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pas les remparts ou reste cantonné aux premières maisons (Arzew et son faubourg Tourville; Djidjelli et son quartier dit El-Kantara). Cette localisation tient sans doute à ce que les Anopheles trouvant sur place suffisamment de nourriture sanguine,sont peu portés à étendre le champ de leurs incursions. 9. Rechutes préépidémiques. — Les ouvriers occupés aux premiers travaux du centre en création de Foum-El-Gueiss étaient surtout composés de Kabyles déjà infectés ailleurs. A la fin de juillet tous furent terrassés par de fortes rechutes : ce n’est que trois semaines plus tard que tous les autres ou- vriers européens et indigènes furent atteints à leur tour. D SSUTETS EXPOSÉS: Immunité relative des anciens infectés. — Au cours d’épidémies survenant à Foum-El-Gueiss et dans un chantier voisin de Fé- bessa, seuls restèrent en apparence indemnes les anciens habitants du pays, infectés et réinfectés depuis de longues années dans le pays même. ÉTUDES PROPHYLATIQUES DIFFICULTÉS. DE LA PROPHYLAXIE. 1. Pendant le mois de jeûne des indigènes musulmans, qui, cette année tombait en pleine saison fiévreuse, on n’a pas été obligé d'interrompre la quininisation des grandes personnes; mais la dose de quinine remise dans la Journée pour être ingérée la nuit suivante a été diminuée, pour éviter du gaspillage. (Le jeûne du Ramadan est rompu la nuit.) C’est en ce seul mois de l’année que les dragées de quinine n’ont pas été absorbées sous les yeux des quininisateurs, en ce qui concerne les grandes personnes. La quininisation des enfants a été continuée comme de coutume. 2. La négligence de jardiniers qui créaient des gites à larves en laissant fermés, plus que de raison, de petits barrages, a occa- sionné un surcroît de travail et de dépenses à Mondovi pour la défense de cette localité. 3. L’inertie de certains indigènes, propriétaires riverains PALUPISME 049 de l’ancien lit de POued-Djer, dans ia Mitidja, a contrarié la des- truction des importants gîtes à Anophélines de cette région. Alors que les propriétaires français riverains ont laissé écrêter les berges du lit de loued, pour permettre le comblement du B A ravin et que cer- tains d’entre eux ont fourni les ou- vriers nécessaires, les indigènes ont refusé de laisser A écrêter les berges leur appartenant. La berge À ,appar- tenant à des indi- gènes, est restée à pic. La berge B, appartenant à des CIN D Eoulement Français, a été CE PR ne Fig. 3. — Ancien lit de l'Oued-Djer, avant et après écrêtée et: des % | les travaux. plantations de ta- bac, de céréales, y ont été faites. Une bande de 5 à 6 mètres, sur 4 kilomètres de long, a ainsi été gagnée par l’agriculture, tout en permettant d'effectuer la destruction d’un important foyer de paludisme. Plantalions de labac PROCÉDÉS DE LA PROPHYLAXIE I. — ELOIGNEMENT DU RÉSERVOIR DE VIRUS ET DES GITES, Dans lOued-Rhir, léloignement des gites a été effectué en différents points par les soins du capitaine Flye Sainte-Marie. II. — MESURES ANTILARVAIRES. 1. Le service antipaludique a compris en 1909 le même per- sonnel qu’en 1908, fonctionnant de la même façon et dans les mêmes localités. 2. Nous citerons un nouvel exemple de «petite mesure antilar- vaire » peu coûteuse et très efficace. A Montebello, les mesures DS 914 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR antilarvaires avaient consisté, depuis cinq ans, en faucardements et pétrolages, durant l'été, de l’eau çontenue dans les canaux de dessèchement du lac Halloula. Cette eau provient, en été, uni- quement d’une source (Aïn Sidi Rached). Cette année, 4 petits barrages de dérivation, construits très simplement, ont été établis sur le petit canal qui conduit cette eau aux canaux situés dans la cuvette du lac. Ces barrages sont alternativement ouverts et fer- més tous les 6 jours : deux permettent le détournement de l’eau sur la rive gauche pendant 6 autres jours. Le terrain voisin est très sec en été, parsemé de tamaris et de paille de marais, il ne sert qu’au pacage : il absorbe en 6 jours toute l’eau répandue, et les larves n’ont pas le temps d’évoluer. De cette façon les canaux de la cuvette du lac restent à sec. 3. Des plantations de Taxodium distichum (voir Campagne antipaludique de 1908, p. 170) ont été faites : dans la Mitidja, à Birtouta, à la Chiffa, dans l’ancien lit de l’oued Djer, à Bône, à Mondovi, et aux bords du lac Fezzara. Les plantations faites dans la Mitidja dans les localités où l’humidité du sol a été cons- tante, ont bien réussi : celles du lac Fezzara ont séché, nous conti- nuons l'expérience en faisant planter les pieds de Taxodium le plus loin possible dans la cuvette du lac. 4. Les essais d'élevage de Cyprionodon, dans les gîtes naturels. ont réussi. Mais (voir plus haut) sur les bords des mares des larves d’Anophélines peuvent se mettre à l’abri de ces poissons. 5. Les travaux d’assèchement de l’ancien lit de l’oued Djer (voir la Campagne antipaludique de 1908, p. 53) ont donné un résultat excellent. Le caractère original de ces mesures consiste, au lieu de combler le lit de l'Oued, ce qui aurait été très onéreux, à avoir fait disparaître seulement la surface mouillée. 6. Cactus. — Des essais de destruction des larves de Culicides au moyen de raquettes de cactus broyées ne nous ont pas donné de résultats satisfaisants. Les seules larves qui meurent sont celles qui sont retenues par les fibres dilacérées des raquettes. 7. Incendies de broussailles en pays marécageux. — Nous no- tons le bon effet des incendies de broussailles (tamaris, paille de marais) que les habitants de Montebello ont coutume d’allumer chaque automne das la cuvette du lac Halloula. L'eau des pluies qui surviennent ensuite trouve moins d'obstacles à son écoule- ment. PALUDISME M5 11 bis. — MESURES CONTRE LES ADULTES Destruction des Culicides adultes au moyen de pièges. — Nous avons expérimenté avec succès les trous-pièges en bois (modèle du Dr. Blin), modifiés de la façon suivante : la porte mobile est vitrée de façon à apprécier du dehors la quantité de Moustiques capturés. Un de ces pièges a été placé au plafond de la salle d’at- tente de la gare de Mondovi dans un coin sombre; chaque matin, les Anophélines capturés étaient comptés et asphyxiés : en 8 Jours, du 30 octobre au 8 novembre, le total des Anophélines cap- turés dans un seul piège a été de 50 Anopheles maculipennis fe- melles, et de 12 Anopheles maculipennis mâles. Ce résultat est encourageant si l’on considère le petit nombre d’Anophélines constatés à la même époque dans la localité. De bons résultats ont été aussi donnés par l'emploi de pièges imaginés par lInspecteur antipaludique : on munit de vitres en- gluées les soupiraux des caves, refuges à Anophélines. IIT. — QUININISATION La mise en vente au public des étuis de dragées du Service antipaludique est en vigueur à partir du 4eT janvier 1910. Les phar- maciens vendent au public les flacons scellés contenant 10 gram- mes de, bichlorhydrate de quinine en 50 dragées, composées de 20 centigrammes de quinine et de 30 centigrammes de sucre cha- eune, au prix de 1 fr. 30 le flacon. Des dépôts de quinine sont confiés à des agents de services publics, qui bénéficient d’une remise de 10 0}. Enfin le service antipaludique paye les dragées au prix de revient, sans que les pharmaciens y aient un bénéfice appré- clable, Essai de différents modes de quininisation. — La quininisation a été quotidienne (20 centigrammes pro die) à Mondovi, Penthiè- vre, Béni-Messous, Habra. Elle a eu lieu tous les 3 jours (60 centigrammes chaque fois pour les adultes; doses proportionnées pour les enfants : 20 et 40 centigrammes) à Birtouta, Attatba. Elle a eu lieu tous les 6 jours (60 centigrammes chaque fois pour les adultes : doses pro- portionnées pour les enfants) à Montebello, Tourville, Goujili, Région de l’ancien lit de l'Oued-Djer, Marengo, Boufarik, Chiffa. Ce) — D ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Résultats des différents modes de quininisation. — La palpation des rates nous donne les résultats suivants : NAS Pas de Amélioration. A odteation Aggravation. on CS TT ET 5 m à m Es ls |. 25/42) € E = 5 $ = mn 8 E 5 à =] [5] = à & F1 00 cs] SE | 5 | -SE| So |S9s |) *E 36, #|wé| 5e | SE à mo) SUN ETES SRE E Æ Quininisation quotidienne 20 cgm. : Moudovi, Penthièvre, Beni-Messous, Ha DRASS ee RE AE ele 15 Ie EE 36 3 4 8,5 0/0 89,8 0/0 1,7 0/0 Tous les 3 jours 60 com. : IBITOUEA PANDA EER PER NN ER TE 3 | 5 | 49 | 11 3 | 2 11 0/0 82,2 0/0 6,8 0/0 Tous les 6 jours 60 cgm. Montebello, Tourville, Goujili, Région de l’ancien lit de l'Oued Djer, Ma- rengo, Boufarik, Ea Chiffa......... 10 26 | 208 | 27 5 CNE PIE 12,6 0/0 82,4 0/0 5 0/0 L Les meilleurs résultats sont donc donnés par la quininisation quotidienne. La quininisation tous les 3 jours, ou tous les 6 jours, donne aussi de bons résultats. Ce sont les dragées de bichlorhydrate de quinine qui nous ont donné le meilleur résultat et qui ont été acceptées le plus facile- ment. Les chocolatines au tannate de quinine nous ont rendu ser- vice dans quelques cas, chez les jeunes enfants incapables d’a- valer les dragées. Chez les nourrissons, la seule méthode qui nous ait réussi, et qui à pu être appliquée en plusieurs localités, consiste à faire ava- ler une cuillerée de solution de quinine. Nous citons, comme fait exceptionnel, le cas d’ un enfant indi- gène de six mots, à qui sa mère faisait avaler devant nous une dra- gée du service antipaludique. Le nombre total des personnes quininisées régulièrement par des quininisateurs est de 2,900.Dans ces chiffres ne sont pas comp- tées les personnes quininisées par les différents médecins collabo- rateurs. (Voir la partie spéciale.) PALUDISME 917 La quininisation a été confiée, dans les champs de démonstra- tion et dans les localités à réservoir de virus abondant, à des Eu- ropéens. En 1909 furent employés 15 quininisateurs européens (10 hommes, 5 femmes) qui, en général, nous ont donné satisfac- tion. Nous n’avons qu'à nous louer du concours très précieux des institutrices qui, au nombre de 12, et des instituteurs qui, au nom- bre de 6, ont quininisé les enfants des écoles au printemps et à l'automne. La quininisation a dû être continuée jusqu’à la fin de décembre à Mondovi. Dans les champs de démonstration, chez les traités, l’index endémique est descendu, du printemps à l'automne, de 17,7 0 /0 à 16.80 /0 tandis qu’il est monté, chez les témoins pendant le même laps de temps, de 22.8 0 /0 à 28,5 0 /0. IV. — DÉFENSE MÉCANIQUE. Chaque année voit augmenter le nombre des fonctionnaires et des particuliers dont les logements sont grillagés. MODES D'ÉVALUATION DES RÉSULTATS DE LA PROPHYLAXIE. Comme les années précédentes, nous avons choisi une localité témoin où nulle prophylaxie n’était tentée, dans le voisinage de chaque localité soumise à la prophylaxie antipaludique. Les recherches de contrôle ont été basées sur la comparaison du nombre des Anophélines larves et adultes ainsi que sur la com- paraison du pourcentage de grosses rates au printemps et à l’au- tomne, d’une part dans la localité défendue, d’autre part dans la localité témoin. PROPAGANDE. On continue à assurer le placement dans chaque wagon des chemins de fer d'Algérie, dans les bureaux de poste, mairies, ete. de petites affiches «contre le paludisme ». Chaque école est munie d’une’planche murale coloriée. Des brochures, conférences sur le paludisme, recommandations pour se défendre contre le paludisme (illustrées) sont distribuées par milliers chaque année par les soins du Gouvernement général. Des conférences sur le paludisme sont faites par certains mé- 918 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR decins et des instituteurs, à l’aide de 6 séries de clichés à projection fournies par le Gouvernement général. Certains instituteurs ap- prennent à leurs écoliers à reconnaître les Anophélines dans les mares et oueds, et leur enseignent la façon de les détruire, ce qui constitue d'excellentes leçons de choses. RÉSUMÉ DE LA PARTIE SPÉCIALE Champs de démonstration. Département d'Alger : Montebello (Mesures antilarvaires et quininisa- tion). Avant la campagne : En 190%, 75 anciens infectés, 12 indemnes, 1l se produit 11 premières infections. Après la campagne : En 1905, 44 anciens infectés, 26 indemnes, il se produit 1 première infection. En 1906, 21 anciens infectés, 71 indemnes, il se produit 0 première infection. En 1907, 13 anciens infectés, 63 indemnes, il se produit 0 première infection. En 1908, 20 anciens infectés, 54 indemnes, il se produit 0 première infection. En 1909, 18 anciens infectés, 68 indemnes, il se produit 0 première infection. Depuis le début de la campagne (1903) il y a eu à Montebello 75 naissances. Aucun de ces enfants n’a eu le paludisme jusqu’à présent. Le fait est unique dans l’histoire de Montebello. Localités du voisinage, non défendues, pouvant servir de témoins : 1905. 9 personnes indemnes, 8 premières infections. 1906. 29 cas graves de première invasion (1 mort par accès perni- cieux). 1907. 7 personnes indemnes, 4 premières infections. 1908. 3 personnes indemnes, 1 cas de première invasion. 1909. 5 personnes indemnes, 2 cas de première invasion. Départements d'Oran : Tourville (Mesures antilarvaires et quininisation). Avant la campagne : 1905. Sur 82 enfants, 58 grosses rates (70.7 0/0). Après la campagne : 1906. Sur 113 enfants, 26 grosses rates (23 07/0). Sur 900 habitants 1 première infection. 1907. Sur 65 enfants, 4 grosses rates (6.1 0/0). Sur 1,000 habitants, 1 première infection. 1908. Sur 148 enfants, 5 grosses rates (3. 30/0). Sur 1,000 habitants, 0 première infection. PALUDISME 919 1909. Sur 188 enfants, 8 grosses rates (4.2 0/0) Sur 973 habitants, 0 première infection. . Depuis le début de la campagne (1906), il y a eu à Tourville 106 nais- sances. Deux enfants seulement se contaminèrent (1 en 1906), (1 en 1907). Sainte-Léonie (Mesures antilarvaires et quininisation, celle-ci, défec- tueuse). Avant la campagne : 1905. Sur 30 enfants, 15 grosses rates. 1906. Sur 49 enfants, 18 grosses rates (36 0/0). Sur 300 habitants, 2 premières infections dont une mortelle. Après la campagne : 1907. Sur 60 enfants, 16 grosses rates (25 0/0). Sur 300 habitants, 0 première infection. 1908. Sur 78 enfants, 10 grosses rates (12 0/0). Sur 300 habitants, 2 premières infections. 1909. Sur 127 enfants, 7 grosses rates (4,1 0/0). Sur 346 habitants, 0 première infection. Localités du voisinage, non défendues, pouvant servir de témoins. 1907. 2 personnes indemnes, 2 premières infections dont une mortelle. 1908. 1 personne indemne, 1 première infection. 1909. 4 personne indemne, 1 première infection. Département de Constantine : Mondovt. Avant la campagne : 1906. Plusieurs cas d’hémoglobinurie et plusieurs cas de première inva- sion chez les nouveau-nés. Après la campagne : 1907. Sur 773 personnes, 3 cas de première invasion. 1908. Sur 1,300 — 2 — — — 1909. Sur 1,500 — = 2 pus L’Index endémique de Mondovi * en automne 1906 est de 78.8 0/0 ; — 4907 — 42.5 0/0 ; g — 1908 — 32.6 0/0; — 1909 — 28.5 0/0 ; Localités voisines témoins de Mondovi : 1907. 19 cas de première invasion. 1908. Nombreuses rechutes graves. 1909. Sur 260 personnes, 2 cas de première invasion. Penthièvre Après la campagne : ; En 1907 sur 200 Européens, 2 cas de première invasion (bénins), En 1908 sur 200 Européens, 1 cas bénin de première invasion. En 1909 sur 200 Européens, 0 cas de première invasion. L’Index endémique de Penthièvre : En automne 1907 est de 40 07/0, En automne 1908 est de 32.1 0/0. # 920 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR En automne 1909 est de 23.5 0/0. Localités voisines témoins de Penthièvre : En 1907 1 cas de première invasion. En 1908 cas de paludisme nombreux. En 1909 sur 260 personnes 2 cas de première invasion. CAMPAGNES A NTIPALUDIQUES. Elles ont consisté surtout en quininisations sous la direction des médecins collaborateurs du service antipaludique. Ils se déclarent satisfaits des résultats obtenus et qu’ils ont exposés dans le Rapport général. Ont été distribués 450 kilos de dragées de quinine, à titre pré- ventif ou euratif. Des mesures antilarvaires ont été appliquées, en dehors des champs de démonstration : par le Dr Creutz à Arlal, par le Dr Susini à Brazza, par le D' Pagès à Taher, et par M. Pellegrin, Inspecteur antipaludique, à Gambetta et à Aïn-Mokra. Les lecteurs qui désireraient avoir le Rapport 1n-extenso, sont priés de s'adresser à M. le Secrétaire de la Commission du palu- disme, Gouvernement général, Alger. NOTA. — Un errata, relatif à un mémoire de M. SHOUDAKEWITCH, paru en septembre, sera donné dans le numéro de décembre. ee Le Gérant : G. Masson. a Sceaux, —.Imprimerie Charaire. 24e ANNÉE DÉCEMBRE 1910 No 12 ANNALES L'INSTITUT PASTEUR Note sur la conservation des “toxines solubles ” Par M. NICOLLE er Cu. TRUCHE Le meilleur moyen de conserver les toxines, c’est incontcsta- blement de les précipiter avec un réactif approprié et de les garder ensuite à l’état sec, dans le vide, en évitant Paction solaire. On conserve souvent aussi les filtrats microbiens entre toluène et chloroforme (glacière-obscurité) ; après une baisse initiale, le pouvoir toxique demeure habituellement constant pendant longtemps. Nous donnons, pratiquement, la préférence aux « solutions » glycérinées, préparées de la façon suivante : Le poison sec est ajouté en excès à de l’eau glycérinée (à à) dans un gros tube et le mélange gardé au froid; on agite, durant quelques jours, puis on laisse déposer. Lors de l'usage, on pré- lève le liquide elair avec une pipette donnant le 50° de e.c., pipette stérilisée simplement à l’eau bouillante et bien égouttée. L’excès de toxine non utilisé est rejeté dans le tube. Grâce à la haute teneur en glycérine de la « solution » toxique, cette ma- nœuvre peut être répétée, autant qu'on le veut et pendant des années, sans le moindre inconvénient. Notre procédé, plus expéditif et plus économique en fin de compte que la pesée, nous semble également plus comparable (tant que l’activité demeure constante). Laissant de côté, pour aujourd’hui, ce qui concerne les venips, nous mentionnerons brièvement les résultats obtenus avec les Loxines télanique et diphtérique et avec la ricine. Les recherches ont été faites sur des lapins de 609-800 grammes, des cobayes de 500-600 grammes et des souris de 20 grammes (animaux mâles). Chacun des chiffres, indiqués dans nos tableaux, représente la moyenne de deux ou plusieurs expériences ; d’ailleurs, les écarts observés sont toujours demeurés très faibles. D9 922 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Toxine tétanique. Nous avons opéré sur divers échantillons de poison sec (filtrats précipités par le sulfate d’ammoniaque), dus à l’obli- geance du regretté D' Momont etde notre amile D'Loiseau. Avec un excès modéré de ces poisons secs, l’activité des « solutions » demeure pratiquement constante pendant au moins 2 ans ; avec un plus grand excès, durant plus longtemps encore out être le double). Voiciquelques chiffres, concernant l’eflicacitécomparée d’une mn : = _ el ag Ne & Ë e)] = A x © — £ in a E — () sa n fs de _ Dre ‘5 : > œ © ê0 ai 8 (= — _— nl æe ee [= nl S Le) . Al nn 2 5 un Z >< = à rD S = « . © — un = = en —. ai — Es & le = © Fo) S nî © < L © 2 un . e . : : = A = © en © $ = & = EH À > = =" C Le") ee z a | S — = 2 > 2 = D © > S = = = GS] = (3) > D = OS ® ‘ O7 D A rD > > E © PR NES AE LS Eos S à RCE > re 7 eus L € e L] (de) D ce = : ACT: PSN De DU rS à tn ar | A 20 + = z | & = > S k [=] à e] TRS TE © qe 7 — = + En Eu Per = À Es SR E — ‘+= PL > = n Ke. Se à etre Or tcn s K à 3, tee . Es [æ) >= a 2 & e & Rec ss) = 2 s ©) + St ce + RE © o S | & | = He LAS S D © = | DATE cs) TES æ US. = En < +, NN Z Lord + = TE : X / a — 5 M) SU ræ) = 5 A bo ai > o © es rs © [2 Ex 5 ar OS a a © SE s = [æ) e D =] 2 2 un] a Fe J o > Da «4 + + = ES = Le + [ SRE ES : A 2 ES De "à = & CON COST o 5 5] 2 5 SSI © se © Es a APN AR s: £ Ti _ es) . d . = D PR Er E o D s : 1 = ep) un 2 2 LA _ £ m (2 — © e] = mn Q a 0 HE NE mme =] ONE RUE & | =] z = = [=] e £ © Lo] © e e = | ei _— = GO Lol + o £ SC È a | n mn mn no © mn M TE CHE ol Ps) rs) D Ces) D D Te © Pas) mm mn mn mn A Fa E' © fa £ CNE RITES EC" ae oc 2 4 Dee AL TU LE < < = <« « TOXINES SOLUBLES 923 « solution » mère (excès modéré de poison) et de ce même li- quide, partiellement décanté après 6 mois. L'influence favorable du poison en excès résulte clairement de la comparaison des deux tableaux. On notera aussi que la (solution » mère conserve réellement, après 5 ans, une toxicité très marquée. Toxine diphtérique. (Poisons secs dus, également, à l'obligeance des D'S Momont et Loiseau). On sait que la toxine diphtérique ne partage pas, à l’état liquide, la résistance notable de la toxine tétanique. Avec un excès modéré de poison sec, l’activité des « solutions » se conserve pratiquement constante pendant 3 bons mois. Puis, arrive la baisse progressive, dont les chiffres suivants, malheu- reusement peu nombreux, donneront cependant une idée assez Juste. SoLUTION titrée, pour la première fois, après 15 jours. Injections sous-cutanées. \ I g. + en 2 jours. Après 15 jours....... TS V g. + en 1 jour [ \ % g. +en 3j. 4. | Après-1 mois % .-..... / I g. + en? jours. Après ns os: | Il g. ne donnent qu'un empâtement local, l avec croûte superficielle. III g. — empâtement et croûte superficielle. Après 3 ans + 7 mois... V g. — eschare étendue. X g — eschare élendue. Ricine. (Isolée, pour nous, des tourtaux de ricin, par notre amie Alilaire, Fraction nements à l’alcool. Poisonrès actif). Le ta- bleau suivant concerne une « solution » préparée avec excès modéré de ricine sèche. Après 26 mois, l’activité ne semble point avoir fléchi. Le titrage sera continué, d'année en année, 2 njections sous cutanées. 7 SOLUTION Utrée, pour la première fois, après 2 mois. 1 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR +- en? j. Souris +en1j, % Nous espérons avoir montré, dans cette courte note, les avantages que présente notre pro- cédé de conservation des « toxines solu- bles ». Comment expliquer l'influence favorable «un excès de poison sec? On “est porté à admettre, bien entendu, que les «unités toxiques» quise détruisent sont remplacées numéri- quement (pendant un certain temps) par les unités qui entrent en «solution ». Cette conception est certes claire et simple, mais peut-être trop simple. Cobayes Eschare Eschare Lapins Eschare Eschare Souris + en 20 h. + en 12 h. Cobayes + en 3j. + en3)j m ls 4 LA =) + en 20 h. +en1j. 4 -|+ en 12h.||+ en 15h + en 20h + en 18h. +en1j #l+ 6° Sérum de cobaye normal (560 C) femelle, 0,3 c. €. + 0,9 NaCI 0,2 c. c. + alexine 0,1 ©, c; To Sérum spermotoxique (560 C) 0,3 e. e. + émuls. spermatoz. 0,2 c. €. + alexine 0,05 c. € ; 80 Sérum spermotoxique (560 C) 0,3c. e. + émuls. spermatoz. 0,2 c. c. + alexine 0,1 c. c ; + 90 Sérum spermotoxique (560 C) 0,3 c. ec. + 0,9 NaC1 0,2 c. c. + alexine VAreses $ 14000, 9 NaCI 0,3 €. ce. + émuls. spermatzo. 0,2 e.c. + alexine Of e. c. Contact durant une heure à 370 C. Ensuite, addition de 0,1 ce. c. de système hèmolytique à chaque tube, Résultat : Hémolyse complète dans les tubes 3, 6, 9 et 10. Au bout de 20 minutes, trace d’hémolyse dans les tubes 2, 5 et 8. Pas d’hémolyse dans les tubes 1, 4 et 7. C'est-à-dire sérum normal chauffé, mâle et femelle, fixé aussi bien qué le sérum spermotoxique des doses de 0,3 c. c. avec 978 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 0,05 c. c. d’alexine, aucune différence à constater entre les sérums mâle et femelle. 2 Le sérum normal chauffé, de cobaye femelle, était obtenu d’une femelle pleine. Le même résultat a été obtenu aeve du sérum provenant d’une jeune femelle de cobaye non pleine. Les sérums. normaux chauffés, exposés dans l'expérience IT pour voir s’ils contiennent des substances sensibilisatrices, ont été essayés pour leur activité toxique avec les mêmes spermatozoïdes. Des pré- parations de goutte pendante ont été faites de chacun des mé- langes dans l'expérience TITI. EXPÉRIENCE III. 10 Une goutte d’émulsion de spermatozoïdes + une goutte d’alexine. Les spermatozoïdes étaient vus vivants et actifs au bout de 20 minutes ; 20 Une goutte d'émulsion de spermatozoïdes + une goutte de sérum de cobaye (femelle) chauffé, même résultat qu'au n° 1 ; 30 Une goutte d'émulsion de spermatozoïdes + une goutte de sérum de cobaye (mâle) chauffé + une goutte d’alexine; même résultat qu'aux nos À et 2 ; 40 Une goutte d'émulsion de spermatozoïdes + une goutte de sérum spermotoxique + une goutte d'alexine, immédiatement après la confection dela préparation, les spermatozoïdes sont activement mobiles: au bout de 10 minutes, ils sont lués De cette expérience on peut conclure que le sérum de cobaye normal chauffé avec de l’alexine, ne tue pas les spermatozoïdes, quoiqu'il contienne des substances sensibilisatrices qui produisent une réaction de fixation positive. ee Les sérums normal et spermotoxique contenant tous les deux des substances sensibilisatrices, étant donné que l’un ne manifeste aucune activité toxique, tandis que dans l’autre elle est très pro- noncée, il était intéressant de rechercher, si possible, les facteurs dont dépend cette différence. Une expérience a été faite pour voir si les sérums spermo- toxique et normal perdent leur puissance sensibilisatrice (et en ce qui concerne le sérum spermotoxique sa toxicité), après con- tact avec les spermotozoïdes. Des quantités égales d’émulsion de spermatozoïdes et de sérum spermotoxique ont été mélan- gées et laissées en contact, à la température du laboratoire, SÉRUMS NORMAUX ET SPÉCIFIQUES 979 2 heures durant. Un mélange similaire a été fait de sérum normal chauffé et de spermatozoïdes, qu’on a laissés en contact pendant 2 heures; au bout de ce temps, on a aspiré avec une pipette le liquide surnageant et bien lavé les spermatozoïdes. Le liquide surnageant a été prélevé du tube contenant des spermatozoïdes et le sérum spermotoxique sera désigné A et les spermatozoïdes A,; de même, le liquide surnageant du mélange de spermato- zoïdes avec le sérum normal chauffé sera désigné C et les sperma- tozoïdes €, dans les expériences qui suivent. ExPÉRIENCE IV En vue de déterminer la toxicité du liquide A. Des prépara- tions en goutte pendante ont été faites avec chacun des mélan- ges suivants : 40 Une goulte de séram spermotoxique + une goutte d'émulsion de spermatozoïdes + une goutte d’alexine. Les spermatozoïdes sont vivants et actifs au moment de la confection de la préparation; ils meurent en dix minutes de temps: 20 Une goutte de fluide ‘* A” + une goutte d'émulsion de spermatozoïdes + une goutte d’alexine. Resultat : Spermatozoïdes vivants et irès mobiles vingt minutes après la confection de la préparation ; 30 Une goutte d’alexine + une goutte d'émulsion de spermatozoïdes; le même résultat qu'au no 2. En conséquence, le sérum spermotoxique, laissé en contact avec des spermatozoïdes pendant 2 heures, perd ses propriétés toxiques. EXPÉRIENCE V En vue de déterminer si le fluide A et le fluide C possèdent des substances sensibilisatrices capables de fixer lalexine. Les tubes suivants ont été préparés : 410 Fluide ‘‘A”°0,3e.c,+ émuls. spermatozoïdes0,3 e.c. + alexine0,05c.e.; 20 0,9 NaCI 0,3 c. c. + émuls. spermatoz. 0,3 c. c. + alexine 0,05 c. c. ; 30 Fluide ‘ GC” 0,3 c. c. + émuls. spermatoz. 0,3 c. ©. + alexine 0.05 c. c.; 40 Fluide ‘‘ À ” 0,3 c. c. + 0,9 NaCI + alexine 0,05 €. c. Contact pendant une heure à 370 C. Ensuite, addition de 0,1 c. c. de système hémolytique à chaque tube. Après deux heures passées à la tempé- rature du laboratoire : hémolyse complète dans les tubes 2, 3 et 4. Presque pas dans le tube no 4. Donc, un sérum spermotoxique qui à perdu ses pro- priétés toxiques est encore à même de fixer Palexine. 980 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Une autre expérience similaire à celle décrite ci-dessus a été faite, avec cette différence que l’autre tube contenait du sérum spermotoxique et des spermatozoïdes avec de l’alexine. L’expé- rience montra qu’un sérum spermotoxique qui a perdu sa toxi- cité, aussi bien que celui qui n’a pas été laissé au préalable en contact avec les spermatozoïdes, ne fixe pas l’alexine. Un sérum normal chauffé après contact avec les spermatozoïdes, n’est plus en mesure non plus de fixer l’alexine. L'expérience qui suit a été faite pour déterminer si les sper- matozoïdes, qui ont été laissés en contact avec un sérum sper- motoxique et avec un sérum normal chauffé, absorberaient de la substance sensibilisatrice; et aussi pour voir si, dans lé cas où il y aurait absorption de substance sensibilisatrice, cette com- binaison de substance sensibilisatrice et de spermatozoïdes résisterait au lavage. Le volume initial d’émulsion de spermatozoïdes et de sérum spermotoxique, après lavage préalable, a été augmenté de 0,9 NaCI. Les tubes suivants ont été préparés : ExPÉRIENCE VI 19 Sérum spermotoxique 0,1 e. ce. + émuls. spermatoz. 0,2 c. ce. + alexine 0,05 c. c. ; 20 Sérum spermotoxique 0,1 c. c. + 0,9 NaC1 0,2 e.c. + alexine 0,05 c. c.; 30 Sérum de cobaye normal (560 C.) 0,1 c. c. + émuls. spermatoz. 0,2e. c. + alexine 0,05 ec. c. ; 49 Sérum de cobaye (560 C.) 0,1 e. c. + 0,9 NaCI 0,2 c. c. + alexine DDC 50 0,9 NaCI 0,2 c. ce, + émuls. spermatoz. 0,2 c. c. + alexine 0,05 c. c. Contact d’une heure à 370 C. Le système hémolytique a été ajouté dans les conditions habituelles : hémolyse complète dans les tubes 2, 3, 4 et 5. Pas d’hémolyse dans le tube no 1. Dans le sérum spermotoxique l’union entre la substance sen- sibilisatrice et les spermatozoïdes est donc plus stable que ne l’est, dans le sérum de cobaye normal chauffé, l’union entre la substance sensibilisatrice et les spermatozoïdes. Ce fait peut être impor- tant par rapport à la différence entre les sensibilisateurs dans les sérums normaux et les sérums immuns dans d’autres exemples. Il semblait également qu’il existait des différences relatives dans la quantité de substance sensibilisatrice pour les sperma- tozoïides dans les sérums spermotoxiques et le sérum de cobaye SÉRUMS NORMAUX ET SPÉCIFIQUES 981 normal chauffé. La question a été examinée dans l’expérience qui suit. On a employé de plus petites quantités de sérum nor- mal et de sérum immun avec la même quantité de sperma- tozoïdes. | EXPÉRIENCE VII 19 Emuls. spermatoz, (de cob. immunisé) 0,2 c. c. + 0,9 NaCI 0,3 c. e, + alexine_ 0,05 c. e. : 20 Emuls. spermatoz. (de cob. immunisé) 0,2 c. e. + sér, spermotox. 13 ©: C, + alexine 0,05 c. c. ; 30 Emuls. spermatoz. (de cob. normal) 0,2 e. ce. + 0,9 NaCI 0,3 €. €. + alexine 0,05 c. c. : 40 0,9 NaC10,2 c. ce. + sérum spermotoxique 0,3 c. c. + alexine 0,03 c. c.; 50 Emuls. spermnatoz. (de cob. normal) 0,2 c. c. + sérum spermotoxique 0,3 c. c. + alexine 0,05 c. c. Contact d'une heure à 370 C. Addition du système hémolylique. Hémolyse complète dans les tubes 1, 3 et 4 au bout de vingt minutes : pas d’hémolyse dans les tubes 2 et à. Le sérum de cobaye normal chauffé contient de la substance sensibilisatrice pour les spermatozoïdes, mais en quantité beau- coup inférieure à celle contenue dans le sérum spermotoxique. A l’aide de la réaction de fixation, on peut promptement démon- trer la différence, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus. L'expérience a été répétée avec plusieurs spécimens de sérum normal chauffé, mais le résultat a toujours été le même. On est donc autorisé à conclure des expériences I et VIT que la combinaison du sérum spermotoxique avec les spermatozoïdes, c’est-à-dire la combinaison de la substance sensibilisatrice d’un sérum immun avec son antigène, est capable de fixer plus d’a- lexine que la combinaison de sérum de cobaye normal chauffé avec les spermatozoïdes, c’est-à-dire la substance sensibilisatrice dans un sérum normal et son antigène. Ensuite, en étudiant le sérum spermotoxique et le sérum de cobaye normal chauffé, on a constaté deux faits d’un intérêt considérable et peut-être généralement applicables aux différences entre les substances sensibilisatrices dans les sérums normaux et immuns. Voici, en substance, ces faits : 19 La substance sensibilisatrice d’un sérum immun et son antigène combinés, sont capables d’absorber plus d’alexine que la combinaison d’une substance sensibilisatrice similaire dans un sérum normal avec le même antigène; c’est-à-dire que l’on peut 982 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR démontrer la différence d’ « avidité pour l’alexine » dans les deux combinaisons; 29 L'union entre la substance sensibilisatrice dans un sérum normal chauffé et son antigène est moins table que l’union entre la même substance sensibilisatrice dans un sérum immun et son antigène. Ces observations se rapportent à la toxicité que l’on cons- tate en ajoutant du sérum spermotoxique aux spermato- zoïdes, en présence d’alexine et à l’absence de toute puissance toxique, lorsqu'on ajoute du sérum normal chauffé, bien qu’on sache que ce dernier contient des substances sensibilisa- trices. Jusqu’à présent, on n’a cité aucun fait expérimental à l'appui de ce phénomène et l’idée n’est avancée qu’à titre d’hypothèse en vue d'expliquer le fait. On continue à rechercher l’explication de ce mécanisme. L'expérience de Metalnikoff, avec les spermatozoïdes d’ani- maux normaux et immunisés et le sérum de cobaye frais, a été répétée de la façon suivante : Des quantités égales d’émulsion de spermatozoïdes prove nant d’un cobaye injecté avec eux, et du sérum de cobaye nor- mal frais ont été mélangés et laissés en contact. On a fait un mé- lange similaire d’émulsion de spermatozoïdes provenant d’un cobaye normal et de sérum de cobaye normal. Deux heures plus tard, on a fait des préparations en goutte pendante du sérum et des spermatozoïdes de cobaye immunisé; on a vu ensuite que ces spermatozoïdes étaient tués. Toutefois, les spermatozoïdes provenant du cobaye normal étaient vivants, même 16 heures plus tard et plusieurs d’entre eux faisaient preuve d’une mobilité active. Cela confirme l'observation de Metalnikoff. Cependant pour que sa conclusion soit justifiée, c’est-à-dire pour que les sperma- tozoïdes provenant de cobayes injectés avec des spermatozoïdes contiennent des substances sensibilisatrices in vivo, il faudrait une autre expérience; on aurait à montrer que ces spermatozoïdes (provenant d’un cobaye qui au préalable fut injecté avec) con- tribuent à la fixation de l’alexine, tandis que les spermatozoïdes d’un cobaye normal ne le font pas. Cette expérience fut instituée ainsi SÉRUMS NORMAUX ET SPÉCIFIQUES 983 EXPÉRIENCE VIII 10 Spermatozoides lavés ‘ À ” 0,6 €. c. + alexine 0,05 €. €. ; 20 Emulsion de spermatozoïdes (non stérilisée) 0,3 e.e. + 0,9 NaCI 0,3 c. c. + alexine 0,05 €. c.; 30 Spermatozoides ‘ C ” lavés 0,6 c. e. + alexine 0,05 c. c. Contact d'une heure à 370 C. Ensuite addition de 0,1 e. c. de système hémolytique à chaque tube. Au bout d’une heure et demie, l’hémolyse est complète dans les tubes 2 et 3, Pas d’hémolyse au tube no 1. C'est-à-dire que les spermatozoïdes provenant d’un cobaye injecté au préalable avec des spermatozoïdes ne sont pas capables de fixer l’alexine dans ces proportions. On n’est peut-être pas autorisé à conclure, comme l’a fait Metalnikoff, que les sperma- tozoïdes, provenant des cobayes injectés avec des spermatozoïdes, sont sensibilisés in vivo, bien que le sérum de cobaye normal frais soit incontestablement plus toxique pour eux que pour les sper- matozoïdes provenant d'animaux normaux. BIBLIOGRAPHIE (4) Borper-GenGou. Annales de l'Institut Pasteur, 1901. (2) Laxpsreixer, Centralb. für Bakt., 1899. (3) Mercanxorr, Annales de l'Institut Pasteur, 1900. (4) MerazniKkorr, Ibid., 1900. (3) Esrucu er Morcenrora, Berl. Klin. Woch., no 21, 1900. (6) Anzer, Zeitschrift für Immunitütsforschung Oriy: Bd. HI, n° 5. (7) Lonpow, Centralb. für Bakt., 1902. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ERRATA Mémoire de M. Shoukewitch — page 7928. Pages 728-742-747 — au lieu de : oppressines, lire : agressines. 729 — {re ligne du bas, et 730, 4e du haut, au lieu de : anti- toxines, lire : anticorps. 10e ligne du bas, au lieu de : effectuée, lire : éprouvée. 232 — au lieu de: sp, lire: de 1/109 de culture à 24 heures sur gélose de sp. 5e — du haut, au lieu de : 14/1000, lire : 4/100. 15e — ligne du bas, au lieu de : a succombé, lire : « suc- combe à La septicémie. 1re ligne, au lieu de : on immunisait, lire : en immunisant. 2e — au lieu de : de b. suipesticus, lire : de cullures luees de b. suinesticus. 13e ligne du bas, et 733, 17e ligne du hant, au lieu de: bactériologique, lire : bactériolytique. Te ligne, au lieu de : désagrégation de noyaux, lire : desagrégation en granules. 8e — du bas, au lieu de : 1/30,000, lire : 4/5,000. 9e ligne du bas, au lieu de : 110/1,000, lire : 1/1,000. 10e ligne du bas, au lieu de : 4/100, lire : 1/1,000. 18e ligne du bas, au lieu de : XI/40, lire : 10/XI. 26e ligne du bas, au lieu de : 17/XH, lire : 17/XH. 16e ligne du bas, au lieu de : 29/VII, lire : 23/VIL. 18e ligne du bas, au lieu de : 25/VE, lire : 2/14. TABLE DES MATIÈRES Sérodiagnostie mycosique. — Applications au diagnostic de la sporotrichose et de l’actinomycose. — Les coag- glutinations et cofixations mycosiques, par F. Wipa. P. ABrami, E. JocrraIN, Et. Brissaup et À. WÆIL..... Le Choléra à Saint-Pétersbourg. — Quelques essais de sérothérapie anticholérique, par A.-T. SALIMBENI.. Etudes épidémiologiques et prophylactiques du palu- disme (7° campagne en Algérie, 1908), par Edmond PARENT SERGENES DUT ri Ne ee ee Nouvelle contribution à l'étude de Trypanosoma congo- lénsetBrodéns par A PLAVERANE RS RER ont La Sérothérapie Antiméningococcique, par Ch. Doprer.. Diphtérie chez le chimpanzé, par Et. Bur- NT ie Meet à de DE PANNE Cru ue ame Re erchen) sur le cancer spontané et le cancer expérimental des souris, par S. NÈGRE............. Stades endoglobulaires des trypanomoses (avec la Dianehe par A UGRINES, en ee AN ou ee Sur quelques parasites semblables à des bacilles rencon- trés dans les hématies du « Septodactylus ocellatus » lavecdJe planche Il par AC er se Sur une moisissure qui cause une maladie spontanée du « Leptodactilus pentadactylus » (avec la planche ID, DARAESIDARINES- FES RE CRE me CARRE La Morphologie du microbe de la Péripneumonie des Bovades-par Jules -Bonpere rs eee Meur ue Le Microbe de la Péripneumonie, par Borrez, Duyarpi- DRAUMERZS: JEANTET ER JDUANE Se Enr sat Recherches sur la Cellase, nouvelle diastase dédoublant le Cellose, par Gabriel Berrranp et M. Horberer.. ... Action de quelques microbes sur la tuberculine. Contri- bution à l'étude de la tuberculine, par Vaubremrer. 63 152 168 180 189 986 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Recherches sur l'influence paralysante exercée par cer- tains acides sur la fermentation alcoolique, par M:-Rosenecarr et:Mie RozexBaAnn 7 ane Sur la présence d’un Leptomas, ‘parasite de la classe des Flagellés, dans le latex de trois Euphorbiacées, par A DR EUNRE Me Et A PRES PCR Traitement des trypanosomiases chez les chevaux par l’orpiment seul ou associé à l’atoxyl ou à l’émétique de potasse, par À. Taimoux'et L'TEpPAz 5. SE Traitement du Surra chez le dromadaire par l’orpiment seul ou associé à l’émétique ou à l’atoxyl, par A. Twr- ROUX Ch TERRA EEE ST S tRe Statistique antirabique de l’Institut Pasteur de Charkow, pour une période de vingt et un ans (1888-1909), DAT KOZEN ADO. ACER TT CRT ae Te res Jules Jousert (1834-1910), nécrologie ..........:..... Recherches expérimentales sur le typhus exanthéma tique, entreprises à l'Institut Pasteur de Tunis, pen- dant l’année 1909 (avec la planche IV), par Charles NICOBLES SN A RUE SE Er ARR Ne Glossina palpalis et Trypanosoma Cazalboui, par GE DOGErARD 2 ETES PERRET SES PES PANNE k L’'Aldéhyde acétique est-il un produit normal de la fer- mentation alcoolique? par TRiLLaT et SAUTON......... Rôle des levures dans la formation de l’aldéhyde acé- tique en milieux alcooliques, par Trizzar et Saurox.. Sur la disparition de l’aldéhyde acétique en présence des levures, par TRILLAT et SAUTON. ............. Le Le passage du bacille tuberculeux à travers la paroi intestinale saine (avec la planche V) par P. Vans- TÉENBERGHE Le Reese D, NEA, SC ERENS ee Présence et utilité du bore chez les végétaux, par Henri AGULHON SSL re SL RÉ AE D'OR VI MEPTE CORTE Sur la vaccination anticharhonneuse, par des bacilles très virulents préalablement mélangés dans le bouil- lon-culture du bacille pyocyanique, par Joseph d'AGATAS PIS UN NE ONE TN MAO SORT RE RE 196 205 220 243 276 296 302 310 330 TABLE DES MATIÈRES Recherches sur la fièvre récurrente et son mode de transmission, dans une épidémie algérienne, par Edmond Serçenr et Henri FoLey................ a Recherches expérimentales sur la spirillose DRRAnE , par CARE SM Le Nes D Le Une épidémie de fièvre de Malte dans le département du Gard. Contribution à l’épidémiologie de la fièvre de Malte en France, par P. Augerr, P. CaNraLouUBE et Bars tme@wvec la planche VI). "22m 0 Technique fromagère, théorie et pratique (avee les planches WILet VII par P:-Mazé: re Les vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur en 1909, par De js DANS AIN Rene UPS ES EN PAPA TERRA GPS PEER Ter MA ER AUS Pre ANS PAU EE CS PRE US Recherches sur le sucre neutre des sucres bruts de canne, DSC DUBGUR EMMA ENS RE RÉEL OR A ce ee Sérodiagnostice et variabilité des microbes suivant le milieu de culture, par Borper et SLEESWYK. ...,..... Influence de l'acide borique sur les actions diastasiques, DARÉHORDÉS AGUEHON ANR DEA JAM DT Etude de l'infection du cobaye par le microbe de Preisz- Nocardepa hr PANSSET RS UE MEET RUE Le rouge du papillon du verre à soie en Cochinchine (avec la planche IX), par CH. BRoQUET.... ......... ne ne fromagère, IREGRE, et pratique mur et fin). DA NU ÉVA RER SR RE SP Te Le microbe de la dns re ne (avec la planche X), DER DORDE RE lEN NAT IN ee ee 27 Sur la migration des alcaloïdes dans les greffes de So- lanées sur Solanées, par M. JaviLuIER. ............ Sur la Protéolyse de la bactéridie charbonneuse, par MRBlEOnOrA A ZARUS PERTE her tn AS Des microbes producteurs de phénol, par R. DosrowoLskr. Nouvelles expériences sur la crépitine et l’actino-conges- tine (auaphylaxie et immunité), par Charles Ricarr. Sur la température mortelle des tyrosinases végétales, par Gabriel BERTRAND et ROSENBLATT.. .............. 987 429 433 439 : 467 476 495 519 563 988 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Expériences diverses de transmission des trypanosomes par les glossines (notes prélimingires), par G. Bouer CHAR FROUBAUD CR 7 ES RE NT men Influence de la réaction du milieu sur la formation des mélanines par oxydation diastasique, par H. Acurnow. Recherches sur le bouton d'Orient. Cultures, repro- duétion expérimentale, immunisalion, par Charles Niconpe-et Bee MANGÉAUE ir. OR RE RCE Sur un essai d'obtention d'une race de Nagana résis- tante d'emblée à l’Emétique, par F. HEckENRoTH.. . Recherches sur limmunité des lapins contre le b. sui- DeSTICUS DAC: JL HDHOUREMITOH RUN re ane Influence de la concentration en saccharose sur l’action paralysante de certains acides dans la fermentation alcoolique, par M. et Mme RosENBLATT. ..::...... >. MASPaSrEUR (INÉCrOIOLE)E LE LL AR Eee CE Etudes sur la flore intestinale {2° mémoire). Poisons intestinaux et seléroses (avec les planches X1, XIE, XILL) par Elie MErOaNIROR EI ANA SES L Hérédo-prédisposition tuberculeuse et le terrain tuber- culisable, ‘par 44° Gate ER ERNST nt Parasitisme et tumeurs. Rapport présenté à la deuxième conférence internationale pour l'étude du cancer tenue à Paris du 1° au 6 octobre 1910, par A. Borrez. Relations entre les phénomènes oxydasiques naturels étALRGIClSS PAT JE NN GERE ET NN eee Contribution à l'Etude de la Latence du virus rabique dans les centres nerveux, par P. REMLINGER......... Action de l'intestin grêle sur les microbes, par Eugène NVOLMANN ESS CR NRA ER AE ONE Recherches expérimentales sur la tuberculose vésicale, Dar: Mabnice BRETON. 40 mate mt ENV ATE Contribution à la chimiothérapie de la « Tick-fever » avec « 606 » et la couleur de benzidine, par W. L. Varimorr et Mme Nina KouL-YAKIMOFF............... Etude expérimentale de la Poliomyélite aiguë, maladie de Heine-Medin (avec les pl. XIV et XV), par K. -DANpsTENER:et- Ce LEVADIOL LORS eee 658 668 839 TABLE DES MATIÈRES De l’antianaphylaxie. — Le procédé de petites doses et les injections subintrantes (9° mémoire), par A. Bes- SET OO MR RON TE Ce DA JE PTE ru SEE CEE TRS Procédé de conservation des organes pesteux pour le dragnostic, par CH, BRoguer....:...,...0....:1., Rapport entre la tuberculose aviaire et celle des mammi- PROD AE AE MJONG 5 RE Pl Te AR «the Etudes épidémiologiques et prophylactiques du palu- disme (8e campagne en Algérie, 1909), par Edmond SERGENT Et Btlenne SERGENT... 42)... Luce de Note sur la conservation des toxines solubles, par M. Nt- cnnB LRO TRUCHE EN CAS LEE LCR NE Note sur la toxine et l’antitoxine tétanique, par M. N1- PO MOUTON QT). er TR EE ee ehees A propos de l’action de la chaleur sur les antitoxines, Par AT NiICOELEMeL C'JOTAN SERRE Recherches sur l’individualité de la cellase et de l Enul- sine, par G. BErrrAnb et À. COmPTON............... L'Anaphylaxie richidienne et les moyens de s’en pré- server (10° mémoire), par A. Besrepka et MS. Lis- DONS ON 2 AT cine DM e épen e ee pren sta Sur quelques hématozoaires du Congo; Tripanosomes, Microfilaires, Leucocytozoaires (avec les planches XVI et XVIL), par A. Lesour et RINGENBACH........ Note sur le traitement du charbon par la pyocyanase, DA LEONE MR UR EN ERINSEn ERSUTE Etudes sur les sérums normaux et spéciliques (spermo- toxiques). DAr JO ÉIIZGERALDE 6.4.0. Re RP SRE PEAR SIA QE PAT CE RAR EEE ET 989 959 TABLE ALPHABÉTIQUE PAR NOMS D'AUTEURS ARRAMEN(R NES Ne ee NOIPWIDAL AR NE SUR NRES e E RS AGaTA (Joseph d')........ Sur la vaccination anti-charbonneuse par des bacilles très virulents préalable- ment mélangés dans le bouillon-culture du bacille pyocyanique........,... : AGULHON (Henri)......... Présence et utilité du bore chez les He POUR Re RE EE ee EE den cts — LT BR Influence de l’acide borique sur les actions diastasiques. rite Pr TER ce — RC AE M SOE Influence de la réaction du lies eur là formation des mélaniaes par oxydation diastasiqué; 2e Se AUBERT(P.)CaNTALOUBE(P.) Une épidémie de fièvre de Malte dans le et THIBAULT (E.). département du Gard. — Contribution à l’'épidémiologie de la fièvre de Malte en France Er PR UT Me BERTRAND (Gabriel) et Hoc- Recherches sur la Cellase, nouvelle dias- DERERU(M.).- 27e tase dédoublant le Cellose............ BERTRAND (Gabriel) et Ro- Sur la température des tyrosinases végé- SENBLATT. ee GAIGR SR Es ce es lors CON RE BERTRAND (Gabriel) ECM. Recherches sur l’individualité de la Cellase TONACASN RE DR LES ét de EMuISIne re SE Re RER BESREDEA A EE De lAnlianaphylaxie. — Le procédé de petites doses et les injections subinlran- tes (JEmEMOIre) MERE PAR EUR — etMile Lissorsky (S). L’Anaphylaxie rachidienne et les moyens de s'en preserver (108 mémoire)...... Donner (Jules) V2. La Morphologie du microbe de la Péripneu- monie des Bovidés/ #40 _ et SLEESWYK,. Sérodiagnostic et variabilité des microbes suivant le milieu de culture........... — et Farzy (V.) Le microbe de la diphtérie des poules... Bonne (A ss EE Parasitisme et Tumeurs. — Rapport pré- senté à la deuxième Conférence Inter- nationale pour l’étude du Cancer, tenue à Paris du 4er au 6 octobre 1910 ….... DusARDIN-BEAUMETZ, BorReL(A.)JeaxreretJouan Le microbe de la Péripneumonie _ 495 668 TABLE DES MATIÈRES Bouer (G.) et Rousaup (E.) Expériences diverses et transmission des trypanosomes par les glossines........ BouRr ARE (GE) 22. Glossina palpalis et Trypanosoma Cazal- BORIS ERREUR date Pad ee BRETON (Maurice)..,...... Recherches expérimentales sur la tuber- Culose FESICR le RER EE Ce re Babe (Et) US Mo VIDE (DE CRE Re ee Baoocet., (Ch). 2.41... Le rouge du papillon du ver à soie en ‘Co- chinchine (avec la pl. IX)... 50 — ne PORN TON Procédé de conservation des organes pes- (eux pour le dixénostiée Net e. BORNE ie Po: Diphtérie expérimentale chez le Chim- LOUP AS NE AS SROE ER EURE ne EU RSS a dns RAR rad Te OR ARE L'Hérédo-prédisposition tuberculeuse et le terrain tuberculisable tr Sn Lee CANTALOUBZ (Pi)... VO AURERD (PL) nr pere DRM ie te s à Sac ae Stades endoglobulaires des trypanosomes (phanche-lPe Ne RME. = An Eee OT ARTE Sur quelques parasites semblables à des bacilles rencontrés dans les hématies du « leptodactilus ocellatus » (Planche Il), — SRE Te .. Sur une moisissure qui cause une maladie spontanée du « leptodactilus pentadac- uso (Planche IE ner CoMbrONNAL). 4582: "07: 1 VOIR BERTRAND Gr a eine Sens Dosrowozskt (K.).,. ...,. Des microbes producteurs du phénol..... DoPaeR (Ch). 127. La Sérothérapie antiméningococcique.... Danser) EE Recherches sur le sucre neutre des sucres DES UC CANNES PR AMEN MENT I. Donna beAcMErz 20 VOIBDRRER ER M LS LE LEE TT ES RMS PRET VOIE BORDER (PARA Er M ee tee FrrzGeraD (J.-G.)........ Etudes sur les sérums normaux et spéci- iiques Spermoloxiques)s AA Horse (Henri)... 2:02 Voir SERGENT (Edmond). :......::..:.1., ForTiNEau (Louis)........ Note sur le traitement du charbon par la DNOEVAASR ET TR NE ne ape HECKENROTH (F.).......:. Sur un essai d'obtention d’une race de Na- gana résistante d'emblée à l'Emétique. Hozoerer (M.)........... Voir BERTRAND (Gabriel)..,............. Javiscrer (M.)..:......... Sur la migration des alcaloïdes dans les greffes de Solanées sur Solanées....., LED LR CUS SSSR ARR Vo BoRREL (AS) ES Lier entente DOPTRAIMIÉE) 12... 11. More Winne: (Reese acte er JoNG(A.-DE.):.......... Rapport entre la tuberculose aviaire et celle des imamenfèress 25cm Mon (Che) 2. VOL NiICOLEE (MIRE A SRE ERA RCE ee MO BOBREL (4). LE re RER 992 JOUBERTTUlES) eee Kocr (Robert ee KozzWALOFF LAFoxT (A.) LANDSTEINER (K.). et Levanrrr (C.). LAVERAN (A.) Mile Lazarus (ÉLÉONORA). . LEBŒUr (A), et RINGENBACN, LEVADERE(C A Er LES Mile Lissorsky (S \....... MAncEaux (L.) Mazé (P.) ne etienae slerats CCC Mercanikorr (EL':) Mocrox (H.) NèGre (L.) noter ohne ste nerle NICOLLE (Cn.) CCC — et-Mancraux (LL). Nicozze (M.). et TrucHE (CH.), et Mourox (H.). LT CHIOUANE DD) RE PANISSETA( ES SERRES RER Mne PAsTEuR muets e ce ete) 0 ele. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nécrologie de (La Rédaction)........... Nécrologie de (La Rédaction)............ Statistique antirabique de l'Institut Pas- teur de Charkow, pour une période de vingt et un ans (1888-1909.)........... Sur la présence d’un Leptomonas parasite de la classe des Flagellés, dans le latex de trois Euphorbiacées,..... CDPOPEMANCE TE Etude expérimentale de la Poliomyélite aiguë, maladie de Heine-Médin (avec les Dar A IV CE KV) ere RS INR RES Nouvelle contribution à l'étude de Trypa- nosoma congolense Broden ........... Sur la Protéolyse de la bactéridie char- bonnets}, PENSER tie ce Sur quelques hématozvuaires du Congo; Trypanosomes, Microfilaires, Leucocy- tozoaires (avec les pl. XVI ct XVII)... Voir /LANDSTEINER TROIS RS VOr BESREMAN(AL I) ARS PETER Voir NICOLLES (Ch ER MT ee Technique fromagère. Théorie et pratique (avec les pl. VII et VIII)... 395. 435, Étudessur la floreintestinale (2 mémoire). Poisons intestinaux et scléroses (avec les” pl XXIe XIE, 77 Ses meer Voir NiGozie (M9 3 40e ee : Quelques recherches sur le cancer spon- tané et le cancer expérimental des SOURIS dette 20 ir eCr ; Recherches expérimentales sur le Typhus exauthématique, entreprises à l’Institut Pasteur de Tunis pendant l’année 1909 (avec nl NE RES EEE oo liecherches sur le bouton d'Orient, Cul- turves, reproduction expérimentale, immunisalion..... pee ee Note sur la conservation des toxines SOUL DIGSE PES RE EN AP Re Note sur la toxine et l’antitoxine téta- DAUP SNS LER Se rs E ere EUOS À propos de l’action de la chaleur sur Étude de l'infection du cobaye par le microbe de Preiz-Nocard........... 945 833 935 673 D43 195 925 125 TABLE DES MATIÈRES REMLENGER (PAS ur Ricuer (CHARLES)... ....... RINGENBA CHE ie Des RODBAGD RE) ENS eE 4... ROSENBLATT . ....... ..…. \I. et Mme... Mile RozEMBAND (M.)...... ROsENBLATT (M.). et Mlle RozemBanxD (M.). SADIMBENTUAT AT) ST. SERGENT (EDMOND.) et SERGENT (ETIENNE)... .,.. .…... SERGENT (EDMOND0.), et FozLey (HENRI.)..... SERGENT (ÉTIENNE.)....... SHOUKÉWICHT (J.)......... STRESS 2 fe : HePPAz AE) Ten ee THIBAULT (E.) DnRODAN (A) RS et TEpraz (L.)...... ÉRIDIATAO LAS AUTON. 50 Contribution à l'étude de la Lalence du virus rabique dans les centres nerveux. Nouvelles expériences sur la crépitine et l’actino- congestine (anaphylaxie et FANMONIEÉ). Sas int TR in AS à VOit LEBŒUE IAE) IS PUS Re er Tr de VolIBOTEDA ES Me AN EE ES VER Voir BerrRAND (Gabriel) ea meteo 5 Influence de la concentration en saccha- rose sur l’action de certains acides dans la fermentation alcoolique........... NOR OSRNBEMNT. LIT ee ARR NE ar Recherches sur l'influence paralysante exercée par certains acides sur la fer- mentationtalcooque rer Are Æ Le choléra à Saint-Pélershbourg, quelques essais de sérothérapie anticholérique.. à AGO DA MEN LI VE MS ROME SA ICE AR EL TAN ES VOIE RTEMAT EE NEC RO AE NOPANBIDÉA PES AN ire NA NE EN EE Études épidémiologiques et prophylac- tiques du paludisme (72 campagne en AE ÉRIC LODS) esse LT Eee Études épidémiologiques et prophylac- tiques du paludisme (8e campagne en NE OR CU NP ME RE PRET CE Recherches sur la fièvre récurrente et son mode de transmission, dans une épidé- mie algérienne.......... RE ENS Se . Voir SERGENT (Edmond)........... Recherches sur l'Immunité des lapins contre le SD SUIS ICONS A LE et VOMSPORDET I) AR Mer pee D RELE VOIR EMROUR (A EE Le NAT NO DHIROUR ANR RS re, Moine Acer (PENSE PE REA AE Traitement des trypanosomiases chez les chevaux, par l’orpiment seul ou associé à latoxyl où à l’émétique de DOS SO Re nn enter de oi Traitement du Surra chez le dromadaire par l’orpiment seul ou associé à l’émé- tique ou a latoxyle 2 sr..2700.. 0. rex L'aldéhyde acétique est-il un produit nor- mal'de la fermentation alcoolique ?... Rôle des levures dans la formation de l’aldéhyde acélique en milieux alcoo- CR Re A BE 993 198 907 994 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR TILEAT- ét SATEDN IE ER Sur la disparition de l’Aldéhyde acétique en présence des levures. ...,...:.. Tévcse (CR) cer Voir-Nicoue (M). ns Ne EU VANSTEENBERGHE (P.)..... Le passage du bacille tuberculeux à tra- vers la paroi intestinale saine........ VAUDREMER .s ses. Action de quelques microbes sur la tuber- culine. Contribution à l’étude de Ja nature de la tuberculose............. Wen ASE ee ee Noir MWiDAD (PA) SERRE CREER CN CPR NiATAT (JuLES)= ee Les vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur en ODA Re ere CITES VinaL (F.), Agramr(P.),Jor- Sérodiagnostic mycosique. Application TRAIN (E.). BRiSsaUD (ET.). au diagnostic de la sporotrichose et de et Weiz (A.)..... l’actinomycose. Les coagglutinations et vofixations'mycosiques NE RREer Woem(l) een res Relations entre les phénomènes oxyda- siques naturels et artificiels. .......... WoLMANN (EUGÈNE). ...... Action de l'intestin grêle sur les microbes. Yariworr (W. L.).:..:.. Contribution à la chimiothérapie de la et Mme Yaximorr Nina ‘ Tiek-fever ” (606) et la couleur de ROLE tn renier benzidine Pr. TABLE DES PLANCHES [RTE EX Mémo Te M PAT CCARINES. 42 ee TRE PRE: — RE L'ART Le PE RARE ESC RES SS — — 4 OS NS EU RS PEINE — de ME CHANICOLDE RE SNS ERES ETES PIN à — dé MSP VANSTERNRERGHE 1 21 Ne Len ETUI STE — de M. M. AUBERT, CANTALOUBEET THIBAUD... Pc. VII et VIII — OMR PI OMATRR ER TE RER (Are PL. Pr: Pc. PL CREER — NN — XI. XII, XIII — XIV et XV — XVe XV de M. Cu. Broquer sien, «mess el eus (eje ei; rte de MM. J. Borper ET V. FALLY CCE de M. E. MEeTcunIKoFF de MM. K. LanpsreIxER ET C. LEVADITI...., de MM. A. LeBœur ET RINGENBACH Sceaux, — Imprime/e Charaire. Le gérant : G. Masson. Annales de l'Institut Pasteur. NOR IVE IT (Mém. Carini) V. Roussel del. et JitÆ. Tinp.L. Lafontaine, Paris Annales Î { L { 4 L Re V. Roussel del.ei lith de l'Institut Pasteur. 10 20 LA es æ su Vol XXI, PL (Mem ÇCarini 16 11 Ænp.l.Lafontarne, Paris Annales de l'Institut Pasteur. Vol XXIV._ PLIIL. i {Mern. Garini ÿ et 1 Ÿ. Roussel del. et Et}. /mp.L.Lafontarne Paris Annales de L'Institut Pasteur Æ ) A [e] ANNALES L'INSTITUT PASTEUR DE MOL-RRXTIV: PIE MI (Mém. AUBERT, CANTALOUBE et THIBAUD) 8 Jes Livures @ Ÿ 5 IS à = Q ES re | Za Combe du Poua Fe Er Le LE POUGE vers S'Julier an = = mr: z m Vers Ganges Par) Pat 2— ©Le Bez 2 N © Aggloméralions elfermes contaminces © 7) | e ta trudemnes € _— G22 Cut e ©Plaquisse a Crolle Drslances = FS (@) Re Vers WD de Vies ere Les Horts Vy / | de po .. / FA es Navières Se 4 f S°-Martiat. 9*"500 { #0 Te Somnenet va 2 Lao Mn on AN Le S-Homans. 10 La Bastiäe © =— €e | Mas ©de Couly © ! | Poputadi on Z Triat e La Marine | | Sumène . 2500 VAT ne CL eGalinil:=s a | S'Martial - 640, 7© : Vakoque ©@Mas Barnier S' Jomans. 510 . J$ WT £ Ca Pouyade e?radeynet ——— 4) SIMARTIAL | d ; é L Fougauyrolles Le CouaouniX 7 © a | | Goudariér® ® Zelirne : | SX Campas Le Barralet ECS | & Bouxanquet Moréredon © e | LS / Bouxanguet PER | S La Figure ñ ©e e AY LE VIALA ” ©£c Éruge ge es a à É Ze Maxel anebre Qn'boulon à ap | | S L Fstouslle ee ——— : LT @!2 Grretle | ee ns Le Bolsquel @ oh Zarthe | G pat = as de Dausiet Le Guerrier © S La Cide de Fogue © ie derimes de N [3 S A4 / We °k Caslane! perdu 45 d'Hubac w ; eL lala . te (D Le a la Ÿÿ Carmplony @ Za Coste N°10 SANISSAc ÿ PT nn, elacat (io La Baitre / Cabanele à4; te @Zuzières °Teulon 4 @Arrolles ; RS a halaret 7 Farjuu@e @Casaner … S'ROMANS - AIDE - PUR e lalare. . Loubakrére STE PA PA PADIÈRES | cer 10 Jes Tibes 735 es cb | Ærnoch Würrolle la Barag e 7 | |z Clede 2 1% Le ne For, 27 + a hé: lasseler Le [LB ; Mchés @}e ReHfible de Pinoch GES eMyanet Ze Prillier® : | os ardhies Bye L's | | Doi e Mas blarc 9 £ 21 | CR Groële mal®re® ce 6,7 recto Valestouruer ®/a Cléde de S'Fomans | | AE a Cléde @des Lieuresf ‘. ; | 2, Ve Vernet G e.,5 8 = a Za Bouvtère : CRLEE Carcclane © 3 ©la Bastide a e Surtalou Dr A = Ca Tes Bouchet, imp. Cusset, TC ALES se s rte RE SE NMAIOLMEESETN 7 RIT ù ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 5 Te E. ; 3 V. Roussel, phot, n Î | ui | l * L'- 0 3 /. (Mém. MAZÉ) Les Os ES Imp. Bouchet, Cusset. CS. * _ Ti # "4 ce A UE % A re _ £ “ TA 1 OA » . " 0 < * : di ere 5 re Le RENE Th te n= è EAU EE nd: de — Ra = EP DE CNE re Pen demt ir à k _ FT _ de x F ée l'Institut Annales d Mém.Maze DE Ne y RO ES = CA «7e M ere. pe DL emma n at ven ee Là Sniper drame are Pnp.L. Latontame, Paris Y. Roussel del. et th. FPS _ Lost 24 > < À - TT £ + + — 4 : —_— ——— > _ > —__—— pe - NA + {A FN \ A: { / À ALT s . à: . .., e CE . * L 4 TE ET Fe Sn SE + CRC 2 ; 4 7 ST Ce Cet ” # > ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Cussel. , lip. Bouchet Vol XXIV. PLXI La "à steur itut Pa Le = e fe . - u) ir s + & 44 Annales de IL 3) :hnikoff etc f em.L.M (M 1 Eh. . Lousse L Vol. XXTV. PI .XIT. teur S e l'Instütut Pa 3 es d Annal hnikoff.| C (Mém.E.Met d%0,0+ Doi 1 64 © & OR € 12035 % LE | So8 5607; AVS a b0 é © 0 5 a ve docs ge 1% 27 ? d 0 nr2%0 FR èé? o + # # so r 6%%,/e tantin Lafontaine, Z Vol.XXIV. PI XIII Annales de l'Institut Pasteur. (Mèm.E .Metchnikoff | 7 V Roussel lit. C. Constantin del. Lrp. Z.latontaine, Paris. Annales de l'Insütut Pasleur Vol. XXI. PL XIV. iMem Landsteiner & Levaciti) ï 1 inp.L.Talontains Pa Constantin del. es ii:2 np. £.Talontains Par LP 0) de À F7 Es et VE PE mA L ‘ rh L 7 APRES ( fol. XXIV. PL.XV. Annales de lInstitub Pasteur. 1 Vol. X ARE TES CS Fig.3. PURE Constant del et lit ap L Ha*ontaine Paris fi nee a ———— Annales de l'Institut Pasteur. VOL XXAN: PI XNIT. (Mém. Lebœuf et Ringenbach). A. Lebœuf del. Kauffmann et Ci:, Imp. Annales de l’Institut Pasteur. ù VO SNINER PIE ENVIE (Mém. Lebœuf et Ringenbach). A: Lebœuf del. Kauffmann et Ci*, Imp. rest U EN, AA ON Va ON AL 4 5,2 LS Me ARTE es 7 Ee da d Gel, Jr | Lg ah et oi AN A de 4 ? re . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR (JOURNAL DE MICROBIOLOGIE) FONDÉES SOUS LE PATRONAGE DE M. PASTEUR PAR E. DUCLAUX COMITÉ DE REDACTION : MM. D: CALMETTE (A.), directeur de l’Institut Pasteur de Lille ; D' CHANTEMESSE, professeur à la Faculté de médecine ; D' LAVERAN, membre de l'Institut de France ; Dr L. MARTIN, directeur du service de Sérothérapie ; P: METCHNIKOFF, sous-directeur de l’Institut Pasteur ; Dr ROUX, directeur de l’Institut Pasteur; D: VAILLARD, membre de l’Académie de médecine. TOME VINGT-QUATRIÈME 1910 AVEC DIX-SEPT PLANCHES PARIS MASSON ET Ci, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN (6°) Pie RO x Ta Mt nn FOR , | Précis de Microbiologie Clinique, par FERNAND BEZANÇON, professeur agrégé | à la Faculté de Médecine de Paris, Médecin de l'hôpital Tenon, deuxième édition, revue et augmentée. 1 volume petit in-8&, de xvri-640 pages, avec 148 figures, cartonné toile anglaise souple..................... 9 fe. 0e Précis de Parasitologie, par E. BrumPr, professeur agrégé à la Faculté de D. 3 . Paris, chef des travaux pratiques de Parasitologie. 1 volume petit in-8& de l xxvi-916 pacs avec 683 figures et # planches hors texte en couleurs, cartonné , toile anglaise souple.............. PEU PAR tee APS LR ARRETE 42; Er" @ Trypanosomes et Trypanosomiases, par A. LAvERAN, membre de l'Institut 4 et de l’Académie de médecine, et F. Mesniz, chef de laboratoire à l’Institut Pasteur, 1 volume in-8° de 418 pages, 61 figures dans le texte et 4 planche hors texte, ‘en:coüleurs. ;.;:., 1.223.210 UE A RS sv AOC. (0 üs. Traité du Paludisme, par A. LAvenaN, deuième édition refondue. 4 vol. de vinr-622 pages, avec 58 figures et une planche en couleurs......... 18:f0.7008 | 1 Traité de Microscopie Clinique, par le D' M. Decux, ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de laboratoire à l'hôpital des Enfants-Malades ; et A. GuizLaumiN, docteur en pharmacie, ancien interne des hôpitaux de Paris. 1 vol. grand in-8° de 428 pages, avec 38 figures dans le texte, 93 planches en 3. couleurs, relié toile anglaise..,............ SA attae LD a DAMAURE Cite est MOREL STE Recherches sur l'épuration biologique et chimique des Eaux d'égout effectuées à l’Institut Pasteur de Lille et à la station expérimentale de la. Madeleine, par le Dr A. CazwerTe, membre correspondant de l'Institut et de PAcadémie de médecine,avec la collaboration de MM. E. RoLanrs, E. BOULLANGER, F. Consranr, L. Massoz, de l’Institut Pasteur de Lille, et de M. le professeur | A. Buisine, de la Faculté des Sciences de Lille, (INR 7 Tome I. — 1 vol. gr. in-8° de v-194 pages, avec 39 figures et tracés dansle texte, ct 2 planches hors texte. (£puisé.) x Tome IL. — 1 vol. gr. in-8° de 1v-314 pages, avec 45 figures et de nombreux graphiques dans le texte, et 6 planches hors texte. (Æpuisé.) 4 x Tome III. —1 vol. gr.in-8° de v-274pages,avec 50 figures dansletexte. Sfr. |. Tome IV. — 1 vol. gr. in-8° de 1v-21% pages, avec 18 figures et 12 graphiques dans le texte et 5 planches‘hors textes :?..1.1 MAO Re LATE S'fr! : 20 Tome V. — 1 vol. gr. in-8° de n-172 pages avec figures et graphiques dans te texte et4:planches'horsifexte, RU UE SRE INR ERRE Luc VO RTE \ Aer Supplément. — Analyse des Eaux d'égout, par E. Roianrs, chef de labo- ratoire à l’Institut Pasteur de Lille. 4 vol. gr. in-8° de 132 p., avec 31 fig. 4 fr. Collection de Planches murales destinées à l’enseignement de la bactério- logie, publiée par l’Institut Pasteur de Paris. La collection comprend actuel- lement 65 planches du format 80 X 62 centimètres, tirées sur papier toile très fort et munies d’œillets permettant de les suspendre sur 2 pitons. La collection entière est réunie dans un carton disposé spécialement à cet effet ; elle est accom- pagnée d’un texte explicatif rédigé en trois langues (français, allemand, anglais). Prix de la collection, port en sus... RAC RER SES RON à 2 RAR DNETE BULLETIN DE L'INSTITUT PASTEUR, fondé en 1903, revues et analyses des travaux de Bactériologie, Médecine, Biologie générale, Physiologie, Chimie biologique, sur leurs rapports avec la Microbiologie, paraissant les 45 et 30 : de chaque mois. Comité de rédaction : Gab. BerrrAND, A. BESREDKA, A. BORREL, DELEZENNE, A. MARIE, F. Mesnu, de l’Institut Pasteur de Paris. Chaque année forme un volume d'environ 1,000 pages grand in-8. Prix de l'abonnement : Paris, Seine et Seine-et-Oise, 24 francs ; Départements, 95 fr.; Union postale, 26 francs. Sceaux. — Imp. Charaire SE 4 A A annanris HER Frs nt | + et f ! . jus fe Vittelelitel + ne he ‘ . ÉHRENETS FRE } qi is RUN REE ED fi se ONE AE ie ANNE ï qi Ë Hit Hu ji He ts it “ di fs that RATE ti que Mrs 1 HT iris pi ns ss HE “EE TE HAE hu HE RNA jt Li f xt Ho nest # + 4 + He * in HUE ! k nu Hi fl | fe ui laut pee f ne ji is nt de nil 16 js : ïé : : di a _ TEUTL ft “+ sait Ë ï ë ! ci i fit nes ï su . ti tions fuit fe ptet se . tint OUR fs st y nent + HER al Sn ‘ie Teil Fi ii : fe _ “HR ue + QE 4 Hit s\e( Ut fi dt Hi HU 02 ele ht F nt ie ss Ft nul ft ji Ai Hi # ft (HE jh «A HAT à Bt ul He il fé is nes “ui Hi Hi His Quint ns fit il se ji ï _ HR ait sn fe ot title Et (uit je . ! a at Rs ht tn ph pi “Hit a ts “sis Rue etat de 415 . ji ii ÿ js (Ets _ Je fl . tétege + Lu tirent nt Hit a sit di eu * Hs ! 00 1) 0 fr titi IE st ML ï : . : ue ti que sn . He 4 ex di \ siês fa RENE 1 Fe ft di us à FE L fl FE Li os os . . rite ne qe et 1 si qi nuit FtENT A He pois ent 4 n tit ; : fit: te 1 ns nf k LUNA ie ue us ji ‘ K dei Ü è # fs QE HUM 1 sl fi UE jus ik, nain OO NE FR dti ns ___ jititu ph RRHULT ee _ À RUE el RATE PONTS frs pit d RTS ERP tte this ANRT f 9 HRNsn tn } Eur je ppt fi Mmes ‘ HE RE _ _ + " te qleelerepeiete Hu ï fi HAT { . Hi Rs re ë ci _ LH fi . fi ï Z- re rege Terres rsrs res 22525: COLE TETE Er ere red rass reisrsrir = : = ms +=: 72 ri Éots-sniss = 2— 0— @—e— Prés iessessis die 2 Re - LR 2» 6- æ— e— FRS L2 +. F7 LISE: SEPT. Hux cire: + je Huit ii 1) + e è THAT _ nt fl ff +: DIRE 2% >< e. à f RH js ue ï HN (fit “is Qi EUR À title . HO Hu si = se CÉRST ETES Er e pr rmhpir nr 2e i He dt fi 1 Hu h 1h _. fu fi + re 4 i : ë He “ + . hu js MN . Ë : . . sus 32e CÉSET IIS eo 275: REEETES 4-0. ee HR «ie fs RAT PANTIN Hu ii pu ut jus fi : DL . ü Le eee Pétèss TE 2 [22 Core TET SITE 1e. 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