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ORDRES RELIGIEUX DK CHEVALKRIE.

ANNALES

DE

L'ORDRE DE MALTE

ou DES

HOSPITALIERS DE SAlNT-JEAN-DE-JÉEUSALEi CHEVALIERS DE EHODBS ET DE MALTE

DEPUIS SON ORiaiNE JUSQU'À NOS JOURS,

DU

GRAND-PEJEIIBÉ DE BOHÊME - AUTRICHE

ET DU

SERVICE DE SANTÉ VOLONTAIRE

AVEC LES

LISTES OEPICIELLES DES CHEVALIEES-PROFÈS E^ DE JUSTICE, DES CHEVALIEES D'HONNEUR, ETC.

PAR

FÉLIX DE SALLES.

VIENNE

IMPRIMERIE SI' NORBERT, ÉDITEUR. 1889.

TOUS IlROIT.S RÉSERAKS.

Columïïîa Wini\itxèitp

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L'ORDRE DE MALTE.

ANNALES

(1048 1889).

ORDRES RELIGIEUX DE CHEVALKRIE.

ANNALES

DE

L'ORDRE DE MALTE

ou DES

HOSPITALIERS DE SAIHT-JEiN-DE-JÉRIISALEM CHEVALIERS DE EHODES ET DE MALTE

DEPUIS SON ORIGIXE JUSQU'À NOS JOUES.

DU

GEAND-PRIEURÉ DE BOHÊME - AUTRICHE

ET DU

SERVICE DE SANTÉ VOLONTAIRE

AVEC LES

LISTES OFFICIELLES DES CHEVALIEES-PEOFÈS ET DE JUSTICE. DES CHEVALIEES D'HONNEITR, ETC.

PAR

FÉLIX DE SALLES.

VIENNE

IMPRIMERIE SI NORBERT. ÉDITEUR. 1889.

TOUS riRÛIT.S HKSERVKS.

A SA MAJESTE CATHOLIQUE

MAEIE-CHRISTINE

REINE -RÉGENTE D'ESPAGNE,

NEE PRINCESSE IMPERIALE ET AR,GHrDUCHESSE D'AUTRICHE, PRIN- CESSE ROYALE DE HONGRIE ET DE BOHÊME.

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MADAME,

EN rattachant la chaîne des temps, dans ces Annales de l'Ordre de Saint - Jean -de - Jérusalem, nous rencontrons parmi les bienfaiteurs de cette glorieuse phalange de *défensem-s de la Foi et de la Chrétienté, les prédécesseurs au trône de Votre Majesté Catholique et nous arrivons après une série de siècles, à la restau- ration en Espagne de cet Ordre religieux de chevalerie par le Décret de Sa Majesté Catholique, Alphonse XII, en date de Madrid, le 4 septembre 1885, décret coniirmé et exécuté par Votre Majesté.

Nous ne pouvions donc mieux faire, en offrant humble- ment à Votre Majesté Catholique la dédicace de notre oeuvre, dédicace qu' Elle a gracieusement daigné agréer en manuscrit que de rappeler ici tout d'abord les actes de la munificence royale des souverains d'Espagne, soit envers l'Ordre tout entier, soit envers les Langues d'Aragon et de Castille-Portugal qui en formèrent la fraction espagnole; et d'énumérer les chevaliers de ces Langues qui se sont illustrés sous les plis de la bannière de S* -Jean. Plus d'un parmi eux a rempli les fonctions suprêmes, plus d'un était à Jérusalem, à Margat, à S*-Jean-d'Acre, à Damiette,

à Ehodes, à Smyrne, à Malte, à Lépante, à Tunis, à Candie,

1*

ly L'ORDRE DE MALTE.

et sur terre et sur mer tons ont fait vaillamment. Les Annales le démontrent.

Il y eut dès le commencement du XIP siècle un liospital à Séville: ce fait est noté par les chroniques.

Dès le 20 novembre 1156, Alphonse VII ou VIII, roi de Castille et de Léon, ensuite Empereur d'Espagne^ accorda par charte solennelle donnée à Palencia, en présence de ses grands-vassaux, Eaymond Bérenger IX, comte de Bar- celone, Sanche VI ou Vil dit le Sage, roi de Navarre, Ramire, roi de Murcie, à Frère Raymond, maître de l'Hôpital, l'immunité des biens possédés par son Ordre dans son empire. Cette charte porte la date de 1194; mais, comme l'ère d'Espagne précédait l'an de l'Incarnation de 38 années, il faut lire 1156.

»In nomine sanctae et individuae trinitatis, patris, et filii, et spiritus sancti, qui a fidelilbus in una cleitate colitur et adoratur, amen.«

» Oum eJeaemosyna generaliter commendetur a veritate ipsa testante: ,facite eleaemosjmam, et omnia munda sunt vobis, ea enim peccatum deletur sicut ignis aqua extin- guitur,' habet certe praerogativa quadam perfecta, quae ex bonitate regia, sive imperatoria ad usus pauperum, et ipsi sancto HospitaliHierosolimitano erogatur; principum, regum, et maxime imperatorum est veros religiosos honorare, eorum petitiones exequi: loca etiam, quae actio pia instituit, decet possessionibus ampliare; sed quoniam idoneum est et rationi congruum ut ea quae a regibus, sive imperatoribus donantur, instrumentis publicis firmentur et roborentur, ne res ipsa ex vetustate temporum oblivioni tradatur, ea propter ego Alphonsus, pins, fehx, incKtus, triumphator, ac semper invictus, totius Hispaniae divina clementia famosissimus imperator, una cum uxore mea impératrice nobilissima

DEDICACE.

Domina Rica, ^) et cum filiis meis Sancio -j et Ferdinando ^) regibus simul, et cum filiabns meis, scilicet Constantia'^) inclita Francorum, et cum Sanctia-'') iiobili ISTavarrae regina, facio cartam et scriptum firmitatis in perpetuuni valiturum pro remedio animae meae et parentum meorum, ut non solum temporaliter ipsum in tranquillitate regere sed post istius temporis decursuni ad aeternam liaereditatem valeam pervenire, tibi E-eimundo, magistro de Hospitali, et pau- peribus ibidem degentibus, et omnibus successoribus tuis, ut beneficium istud et tam magnificum donum non solum personae, sed etiam ipso sancto Hospitali intelligatur esse collatum de omnibus possessionibus istius Hospitalis, sive sint laicales, sive ecclesiasticae, ut sint immunes in toto nostro imperio at omnibus angariis, et perangariis, et ab omni exactione, et munere, et praestatione, ut neque mihi neque villicis meis, neque majoribus sive minoribus, nec comitibus, nec potestatibus, nec infancionibus, neque archi- episcopis, nec episcopis, nec abbatibus de liis, quae ad fiscum vel jus regium expectare noscuntur, bomines vestri respondeant, sed tantum ipso Hospitali et priori, et sint ammodo omnes liaereditates ejus in charitate, et sub pro- tectione nostra tantum positae, vel illius, cui eas prior commendare voluerit. Et hoc factum meum firmum, et valiturum, si quis frangere tentaverit, sit in primis excum- municatus, et cum Datlian et Abiron, quos vivos terra absorbuit, condemnatus; insuper isto meo scripto in per- petuuni valituro sic feriatur, et a toto nostro imperio, et

1) Eica ou Richilde de Pologne, qu'Alphonse épousa en 1152.

2) Sanche III, roi de Castille et de Léon (1156—1158). ■"') Ferdinand II, roi de Léon et de Galice (1156—1188). **) Femme de Louis VIL

°) Sanche, reine de Navarre.

VI L'OEDEE DE MALTE.

omnia bona ejus iisco applicentur. Etiam praecipimus et mandaxQus quocl iiuUns majorinus, iieque merinus, vel officialis alter, ad prehendandum nec incarcerandiim pro aliquo delicto vel reatn, sit ausus intrare in terminos et loca dicti Hospitalis et religionis. Si quis lioc nostrum praeceptum fregerit, et intraverit ad executandum vel prehendendum in dictis locis et terminis dictae reli- gionis, si generosiis fuerit, perdat quantum habet: si villanns fuerit, tanquam traditor et latro suspend atnr, et restituât res ablatas in duplum, et solvat iisco quinque niillia aureos et aliud tam ipsi Hospitali in poena; et etiam civitas, vel villa, in qua recepta fuit res ablata. etiam quinque millia aureos solvat in poenam nostro fisco. Si quis vero ex nostro, vel ex alieno génère lioc nostrum factum frangere voluerit, solvat in poena quingentas libras auri Hospitali sancto, in honore sancti Joannis Hierosolimitani constituto, et hoc nostrum statutum tempore perpetuo stabile et ratumremaneat. «

»Facta carta in Palencia, era millesima centesima et nonagesima quarta, et Kalendis duodecim decembris, impe- rante eodem inclito imperatore Toleto, Galiciae, Legionis, Castellae, Navarrae, Caesaragustae, Estrematurae, Yaenae et Almeriae.«

»Vassali imperatoris: Cornes Barchinonensis; Sancius, rex Navarrae; Ramirus, rex Murciae.«

»Sunt alii multi quorum nomina hic non habentur.«

»Et ego, Hispaniae imper ator,una cumiîliis, hanc cartam, quam iieri jussi, propria manu mea roboro et confirmo.«

»Et ego, magniiicus Petrus. domini imperatoris chancel- larius, qui hanc cartam dictavi.«

Don Alphonse I^^, roi d'Aragon, mort en 1134 sans enfants, avait institué l'Ordre héritier ad honorcm de ses Etats: c'est un témoignage d'estime unique dans l'histoire,

DEDICACE. VU

de la part d'un prince célèbre connue homme de guerre et bon juge en matière de vaillance, qui prouve à quel baùt degré de renom l'Ordre était parvenu et quels services il rendait aussi sur le sol ibérique contre les Maures.

La reine Dona Sancia, fille d'Alphonse, roi de Castille, épouse d'Alphonse II, roi d'Aragon, et mère de Pierre II, roi d'Aragon, est la fondatrice du monastère des Dames de S*-Jean-de-Jérusalem, à Sixena^j, confirmé d'abord en 1193 et à nouveau en 1573^; par Bulles pontificales. Cette reine, devenue veuve, s'y retira et y prit l'habit avec la princesse sa fille et d'autres princesses du sang royal. Blanche fille de Jacques II, roi d'Aragon, en fut également prieure.

D'après une Bulle d'Honorius III, (Cum sicut acci- pimus . . .) en date de S*-Jean-de-Latran, le 11 février 1217^), les chevaliers de Toulouse avaient la garde de la tombe d'un des rois d'Aragon. En effet Honorius III permet au précepteur cismarin (praeceptori cismarinoj et aux frères de l'Hosirital de Jérusalem de transférer les corps du roi d'Aragon et d'autres membres de l'Hospital, de la maison de Toulouse à la maison de Sixena, pour y être inhumés.

Vers 1230, le Grand-Maître envoj^a en Espagne une partie de ses chevaliers pom" y combattre contre les Maures, sous le commandement de Hugues de Forcalquier, et Don Jayme P^, roi d'Aragon, fit donation à l'Ordre de plusieurs domaines et l'établit ainsi d'une façon durable dans ses Etats. Les chroniques mettent le fait hors de doute.

Selon le Bref de confirmation de Clément V, (Celsitu- dinis tuae mérita . . .) de 1306, rapporté par Pauli, Jacques, roi d'Aragon, de Sardaigne et de Corse, vendit à perpétuité

^) Sijena, en Aragon.

2) Pauli, Cad. d. di Malta, H, n'= 219, p. 238.

^) Arch, de Malte, div. I, T. LXIII. Vidimus du XVn'= siècle.

vin L'ORDRE DE MALTE.

an Châtelain d'Emposte Ripellis, lieutenant du magistère en Espagne, ses droits et juridiction à Onda, Gallur et Avignon^).

Aux termes d'une Bulle de Jean XXII (Ad fructus uberes . . .) donnée à Avignon, en 1317-,) à l'exception du castel de Montesia et des biens des Templiers dans le royaume de Valence donnés à l'Ordre de Calatrava, sur la demande de Jacques II, roi d'Aragon et de Valence, tous les autres biens des Chevaliers du Temple dans le royaume d'Aragon sont attribués aux Hospitaliers de S*-Jean-de-Jérusalem. L'ordonnance royale est rapportée en entier dans la Bulle : la donation est faite sans réserves et à perpétuité. L'acte est daté de Barcelone, le XX des Calendes de mars, l'An du Seigneur MCCCXVI. Une autre Bulle de Jean XXII (Pia matris Ecclesiae cura . . .), donnée à Avignon le IV des Ides de juin MCCCXVII, confirme de nouveau cette attribution^). Une autre encore de 1331 fLitteras Begias pridem . . .) prouve qu' Alphonse XI, roi de Castille la ratifia*).. Enfin le Roi de Sicile entra, d'après un Bref de 1335 (Diris afflictionibus . . .) dans l'alliance de la France, de l'Ordre et de Venise contre les Turcs^).

Les chroniques rapportent aussi que le grand-maître, Er. Hélion de Villeneuve battit à Bio-Salado (Andalousie), le 30 octobre 1363, à la tête de 20.000 hommes, le roi maure Abou'l-IIaçan qui disposait de forces bien plus considérables.

La marche des siècles nous amène à Fr. Baj^mond de Bérenger (1365 1374), d'une illustre famille de Catalogne,

1) Pauli, Cod. cl. di Malta, II, n." 17, p. 16.

2) Pauli, Cod. d. di M., II, 37, p. 51. Smitmer, II, n^' 11, et 15, p, 229.

3) Pauli, Cod. d. di M., II, 38, p. 56. *) Pauli, Cod. d. di M., II, 62, p. 80. 5) Pauli, Cod. d. di 31., II, u" 65, p. 82.

DEDICACE. IX

qui comptait des têtes couronnées parmi ses ancêtres et sons le magistère duquel l'Ordre prit sur les pirates Alex- andrie, Tripoli, Tortose de Syrie, Laodicée, Bellenas, avec l'aide du Roi de Chypre et de la République de Gênes; il prépara la mise en état de résistance de Rhodes et remplit une haute mission de médiation en Chypre au nom du Saint-Siège; à Fr. Jean-Ferdinand de Heredia, un des plus illustres grands-maîtres (1376 1396), appartenant à une grande famille aragonaise, chef habile et valeureux, diplomate accrédité chargé des missions les plus hautes et les plus délicates, soldat vaillant aux champs de Crécy, dont les exploits à Patras tiennent de la légende et dont la générosité de caractère s'éleva jusqu'à une sublime abnégation, pour sauver Rhodes et son Ordre. Fr. Antoine Fluvian, ou de la Rivière (1421 1437), du prieuré de Catalogne, fut à la hauteur des circonstances difficiles que traversa son magistère; Fr. Pierre Raymond Zacosta, (1461 1467), Espagnol, créa en 1462 la huitième Langue, dite alors de Castille et Portugal, régularisa le service des responsions, avec l'approbation du Saint-Siège, et, en prévision d'un siège imminent, divisa l'enceinte de Rhodes en huit secteurs répondant au nombre des Langues. La Langue d'Aragon reçut la garde de la Tour-Sainte-Marie et des ouvrages de défense jusqu'à la Porte-de-Cosquino, et la Langue de Castille et Portugal, celle de la Porte- Sainte-Catherine et des ouvrages jusqu'à la Porte-du-Castel, Et quand, le 23 mai 1480, commença le siège de Rhodes par les Ottomans, les chevaliers espagnols étaient à leur poste et ils ne le cédèrent pas en valeur à leurs frères des autres Langues. Pendant le deuxième siège de cette place, du 23 juin au 10 décembre 1522, le bastion d'Espagne eut à supporter l'effort de l'artillerie ennemie. Après le glorieux

X L'ORDRE DE MALTE.

exode des Eliodiens, nous retrouvons les Rois d'Espagne, et, tout d'abord, Charles I^^, roi, ou Charles- Quint, empereur, confirmant les privilèges de l'Ordre, par Lettres patentes, en date de Victoria, le 28 janvier 1524, avec le concours de sa mère et de son fils; puis de nouveau, par Lettres patentes en date de près de Tordesillas, le 5 novembre 1524, accordant sauf-conduit à tous les vassaux de l'Ordre; par Patente en date de Majorque, le 3 mars 1525, donnant toutes sûretés à la Religion de Saint- Jean-de- Jérusalem; par Patente en date de Grenade, le 17 juin 1526, prenant l'Ordre sous sa protection spéciale après la perte de Rhodes et lui accordant sauf-conduit et liberté de commerce sur terre et sur mer, dans tous les lieux de sa domination; et, ]3ar Patente en date de Madrid, le 12 septembre 1528, renouvelant ce sauf-conduit, sur la demande de Fr. François Salvagio, de la Langue d'Espagne^).

Enfin, par la célèbre charte du 24 mars 1530, dont les Anglais conservent précieusement l'original, exposé dans la Galerie des armures du Palais-des-grands-maîtres à La Valette, à côté de la trompette qui sonna le départ de Rhodes, Charles-Quint donna Malte, Comino et Gozzo à l'Ordre, en même temps qu'il lui imposait la garde et la défense de Tripoli de Barbarie. Charles-Quint sauvait l'Ordre, en lui rendant une possession territoriale qui, pa,r sa situation avancée dans la Méditerranée, allait être à la fois un nouveau rempart contre les Lifidèles et un nouveau poste de combat contre les pirates barbaresques^).

1) Arch. de Malte. Série I, T. XVII, n" 2—7; Série IV, T. XL et LIX. Le premier de ces derniers volumes contient à lui seul 24 lettres de Charles-Quint au G-rand-Maître (1522—1530).

^) V. Appendice: Traduction. Pauli, Cod. d. di Malta, II n" 175, p. 191, Texte latin, et ibidem, n" 181, p. 197, Confirmation par le Saint-Siège.

DEDICACE. XI

A Philippe Villiers de l'Isle Adam devait succéder un gentilhomme espagnol, Fr. Pierre del Ponte (1534 1535); puis le Bailli de Caspe, Fr. Jean d'Homèdes (1536 1553).

En 1559, le grand-maître, Fr. Jean de La Valette, env03"ait à Don Jean de la Cerda, duc de Medina-Celi, vice-roi de Sicile, une parcelle de la Vraie-Croix que les Chevaliers avaient rapportée de la Terre-Sainte, *et l'épée avec laquelle Saint Louis, roi de France, avait combattu en Orient et que Louis XII avait donnée à Fr. Emeric d'Amboise, afin de l'animer par ces précieux dons à la guerre contre les Maures d'Afrique décidée par PhilipjDe II, roi d'Espagne^).

Nous retrouvons les Langues d'Aragon et de Castille- Portugal à la défense de Malte (1565); nous voj^ons les troupes d'infanterie espagnole au fort Saint-Elme, avec leurs commandants, les chevaliers Egueras, Monserrat, Zacosta, Velasquez, Silva, Gusman, Acugna, Espinosa, Escudero, Miranda, Medran, des vaillants entre tant de vaillants des autres Langues, n'abandonnant que morts le fort à l'ennemi^); par lettre au Ministre de la Religion en Sicile, datée du Bourg, le 23 juin 1565, le Grand-Maître notifie la perte de ce fort de Saint-Elme, »après de longs et furieux assauts, soutenus avec une ardeur qui ne se peut dire«^); nous voyons enfin Don Garcia de Tolède, vice-roi de Sicile, venant dégager la place épuisée par une héroïque défense, sur l'ordre de Philippe II, roi des JEspagnes, dont Pie V avait invoqué l'assistance par un Bref du 18 décembre 1564 (Satis exploratum est . . .), dans lequel il nomme Malte »le mur avancé de l'Italie* ^).

1) PauH, Cod. d di WLalta, II, n" 191, p. 210.

^) V. plus loin la liste des morts.

3) Pauli, Cod. d. dl Malta, II, n" 198, p. 218.

*) Pauli, i. cit. n" 211, p. 233. Smitmev. II, n" 254, p. 207.

Xn L'OEDKE DE MALTE.

De 1596 à 1601, c'est Fr. Martin Garzes, gentilliomme d'Aragon, qui occupe le magistère. Philippe IV assure l'Ordre de sa protection, par lettre datée de Madrid, le 3 août 1623^), commençant par ces mots: »Muy Reverendo j de gran Religion Maestre del Combento de San Juan de Hierusalem, mi muy caro : mi mu}- amado amigo . . adressée à Fr. Ludovic de Vasconcellos, grand-maître, de la Langue de Castille et Portugal (1622 1623); puis, par rescrit du 25 mars 1625 -), ce même souverain confirme aux clievaliers la possession du grand-prieuré de Castille et Léon; en 1640, il ordonne au duc de Médina de las Torres. son vice-roi de Naples, de protéger Malte, si la flotte turque venait Tattaquer^); en 1645, par lettre datée de Saragosse, le 9 aATil. il promet à son amado amigo, le Grand-Maître, tout secours et assistance dans le même cas"^).

De 1657 à 1660, c'est Fr. Martin de Redin, vice-roi de Sicile, qui gouverne l'Ordre: ensuite \ùent Fr. Raphaël Cotoner (1660 1665)-, de la Langue d'Aragon, patricien de Majorque, qui se signale par son zèle pour la défense de Malte et de l'Ordre. Après lui règne son frère Nicolas (1665—1680); son magistère est un des plus remarquables : c'est en 1670 que finit le siège de Candie, l'Ordre avait envoyé un secours de 400 hommes. La Cotonera de Malte perpétue ce nom illustre. Fr. Grégoire Caraffa (1680 1690) était aussi d'Aragon, mais il appartenait à la Langue d'Italie: Fr. Raymond Perellos y Roccafulli ^1697—1720) était de la Langue d'Aragon; Fr. Manoël de Yilhena (1722 1736), Fr. Emmanuel Pinto (1741 1773) étaient

1) PauH, L. cit. 11° 266, p. 282.

2) Pauli, L. cit. n" 280, p. 293.

3) Pauli, L. cit. n" 323, p. 337. 4j Pauli, L. cit. n" 343, p. 353.

DEDICACE. XTTT

Espagnols; c'est sons le dernier de ces grands-maîtres qne le bailli, Fr. Don Pasqnale Gaétan d'Aragon, ambassa- deur de la Religion, donna à Naples (1759) des fêtes magni- fiques à l'occasion de la nouvelle réunion du royaume des Deux-Siciles à la Couronne d'Espagne et de l'intronisation de Charles III d'Espagne sous le nom de Charles IV ^). Fr. François Ximénès de Texada (1773 1775) était d'une ancienne famille aragonaise ^).

La dernière expédition maritime de l'Ordre eut lieu en 1784 contre Alger, avec les flottes combinées d'Espagne, de Naples et de Portugal,

En 1798, la reddition de Malte au général Bonaparte, événement politique sur lequel nous croyons avoir fait la lumière d'après les documents inédits qui ont passé sous nos yeux, eut lieu sous la médiation de l'Espagne, dont l'Envoyé à Malte intervint en qualité officielle de chargé d'affaires de Sa Majesté Catholique, à la Convention de reddition. En 1802, l'Espagne était avec la France pour l'exécution de l'Art. X du Traité d'Amiens, relatif à la restitution de Malte aux Chevaliers par les Anglais.

En 1803 , les biens des deux Langues d'Espagne (Aragon et Castille) firent, il est vrai, accession à la Cou- ronne; mais en 1885, il a été enfin rendu à l'Ordre en Espagne une certaine autonomie, la seule compatible avec les lois actuelles de ce royaume constitutionnel, et une Association semblable aux Associations silésienne, rhéno- westphalienne et britannique est la formule de son existence propre. Cette restauration est d'autant plus en harmonie

1) Smitmer, II, n" 251, p. 207.

2) La liste des Chevaliers, chapelains et servants d'armes a été publiée à Malte par Fr. Jean Mallia (1772), et l'état personnel de 1789, par S' Allais,. à Paris (1839).

XIV L'OEDEE DE MALTE.

avec ces lois, que jamais, à aucune époque de leur histoire, les frères de l'Hospital de S*-Jean-de-Jérusalem n'ont renoncé à leur nationalité individuelle, en entrant dans les liens de l'Ordre religieux de chevalerie, uniquement institué pour la lutte contre les Infidèles, et quils ne perdirent Malte que pour avoir, sous Hompesch et Eolian, pris parti avec la Russie soudoyée par l'Angleterre et alliée même un instant avec les Turcs, dans la lutte entre les Etats de la chrétienté.

S'il nous est permis enfin de rappeler un souvenir qui rattache plus particulièrement le paj^s d'origine de l'auteur de ces lignes à l'Espagne: Charles de Lorraine, fils du duc Charles Y de Lorraine, le sauveur de Vienne (1683) et le libérateur de Pesth (1686), fut grand-prieur de Castille: ses armes pleines dans les monnaies qu'il fit frapper comme Electeur de Trêves, prince-évêque d'Olmutz. sont appuyées sur la Croix de Malte, et du reste dans tous les actes il prend cette qualité de grand-prieur.

Les Annales redisent d'une façon rapide l'histoire de l'Ordre, depuis son origine jusqu'à nos jours, en signalant les grandes étapes qu'il a parcourues dans ce cours des âges; elles réservent aussi une page d'honneur aux actes des Souverains, conformes au droit et à la justice. Après avoir placé en tête de ces lignes la Patente d'institution de l'Ordre sur le sol ibérique par l'empereur Alphonse, du 20 novembre 1156; après avoir reproduit ou enregistré les Lettres patentes d'autres souverains d'Espagne et de Charles-Quint (1524 1530), nous transcrirons donc ici le Décret rendu par Alphonse XII, l'époux que Vous pleurez, dont le pays est devenu votre pays, et le peuple votre peuple, dont le fils au berceau apprendra de son auguste mère à régner, lui aussi, par l'équité et la clémence.

DEDICACE. XV

»Tomaiido en consideracion las razones expiiestas por Mi Ministre de Estado y de acuerdo con el Consejo de Ministros; Vengo en decretar lo signiente : «

»ATticnlo 1°. Las concesiones de Habites de la inclita y veneranda Orden de San Jnan de Jérusalem en la parte relativa à las lenguas de Castilla y Aragon que en adelante se liagan por el G-ran Maestre de la Orden nom- brado por Su Santidad, con arregio â las condiciones exigidas por las definiciones de la misma y en vista del informe de la Àsamblea espanola, serân reconocidas en Espafia y los agraciados autorizados â usar las insignias de la Orden. «

»Articuio 2°. Las Asambleas de las Lenguas de Castilla y Aragon existentes en la actualidad se refundirân en una sola y Mi Gobierno de acuerdo con el Gran Maestre de la Orden determinarâ sus futuras atribuciones.«

»Articulo 3°. Los actuales Caballeros espanoles de la Orden conservarân en la nueva organizacion la misma insignia y uniforme que actualmento usan, asi como los privilegios que les corresponden y que les reconoce el Gran Maestre de la Orden en nombre de Su Santidad. «

» Articule 4°. Nigun sùbdito espanol podrâ usar en Espafia las insignias de la Orden de San Juan sin baber obtenido precisamente la autorizacion necesaria que se solicitarâ por conducto del Ministerio de Estado. «

»Articulo 5". Los Archives de las Lenguas de Aragon y de Castilla se incor^Dorarân al del citado Ministerio. «

«Articule 6°, Quedan derogados les Reaies décrètes de veinte de Enero de mil echocientos dos, veintiseis de Julio de mil echocientos cuarenta y siete y veintiocho de Octubre de mil echocientos cincuenta y une en tedo la que ne estén conformes con el actual. Dado en el

XVI L'ORDRE DE MALTE.

Palacio de San Ildefonso à cuatro de Setiembre de mil ochocientos ochenta y ciiico.«

»(Firmado:) Alfonso. »(Refrendado:) El Ministro de Estado J. Eduayen.«

Je suis dans les sentiments du plus profond respect, MADAME,

DE VOTRE MAJESTÉ CATHOLIQUE

Le très-humble et très-obéissant serviteur

CHEVALIER FELIX DE SALLES.

Vienne, le 30 décembre 1888.

INTRODUCTION.

Saint Jean! Saint Jean! (Ori de ralliement des Chevaliers.)

T E XI*' siècle de notre ère fut témoin d'un grand mouve- I J ment de religieux enthousiasme, qui remit en un haut honneur, les pèlerinages aux Lieux Saints. Mais les pèlerins d'Occident étaient souvent maltraités et mis à rançon ; ce n'était qu'à pïix d'argent qu'ils pouvaient obtenir d'entrer à Jérusalem, tombée au pouvoir des Sultans musulmans d'Egypte. Quelques négociants d'Amalfi (Sicile), voulant remédier au sort des pèlerins, fondèrent, en 1048, avec l'autorisation du sultan Mostac Billah, qu'ils avaient obtenue par de riches présents, un Ho- spital en face du Saint -Sépulcre, avec une église sous l'invocation de Sancta-Maria-Latina. Les moines du couvent de Saint -Benoît qui en était proche, célébrèrent dans l'église le service divin, sous le rite latin, et se char- gèrent à Vhospital du soin des malades, ainsi que de l'assistance des pèlerins sans ressources. Des dames de qualité fondèrent vers le même temps pour les pèlerines un asile, près de la chapelle de Sainte-Marie-Madeleine ; une noble Romaine en prit la direction. Mais le premier établissement de Sainte-Marie-Latine fut bientôt insuffisant pour toutes les infortunes à secourir. L'abbé des bénédictins fit alors construire un nouvel_h.D,spital, avec une église sous l'invocation de Saint-Jean-Baptiste. Cet hospital n'eut d'abord d'autres ressources cpe les dons volontaires des riches pèlerins qui arrivaient de temps à autre d'Europe: il n'eut donc qu'une existence très-précaire, tant que les

SALLES, L'ORDRE DE MALTE. .

2 L^ ORDRE DE MAX,TE.

Sarrasins, les Tnrcomans et les Egj^ptiens se partagèrent la domination snr la Terre-Sainte.

Le directeur de ce premier liospital se nommait Grérard.

Après la prise de Jérusalem par Godefroy de Bouillon (17 juillet 1099;, un grand nombre de ciievaliers croisés, animés par le noble exemple de Gérard, s'unirent à ce pieux Provençal, incarcéré pendant le siège, mais revenu aussitôt après sa délivrance à son iiospital, pour y recueillir et y soigner les blessés et les malades sans distinction de croyance et l'aidèrent dans son oeuvre de dévouement. Godefroy de Bouillon et plusieurs princes de sa cour encouragèrent cette fondation par des dons qui en assm'è- rent l'existence.

Le préposé (procurator) de Saint- Jean- de -Jérusalem se sépara alors des moines de Sainte-Marie-Latine et fonda une association à part. Gérard «t ses compagnons adoptèrent une règle qui imposait aux membres de l'association, en outre des voeux ordinaires, l'obligation de se consacrer au soin des pèlerins : ils jurèrent entre les mains du Patriarche obéissance à cette règle, prirent pour vêtement distinctif de leur Ordre un manteau noir, auquel ils attacbèrent une croix latine blanclie à tuit pointes. Agnès, procuratrice de Vliospital des femmes, adopta la même règle et prit le même babit d'ordre, et Godefroy donna à la nouvelle association sa seigneurie de Montboise, dans l'ancien duché de Brabant, L'hospital de Jérusalem eut en quelques années d'importantes possessions en Asie et en Europe, qu'il fit administrer par des fonctionnaires spéciaux (pnie- ceptoresj. Le Saint-Siège sanctionna, le 15 février 1113, l'existence de l'Ordre ; le pape Pascal H nomma Gérard procurateur de Saint-Je an- de- Jérusalem. Fondateur en chef des Hospitaliers, et accorda à la congrégation et à l'hôpital des immunités et des privilèges, entre autres le droit d'élire le Maître de l'Ordre.

L'établissement se nomma VHospital de Saint-Jean- JBaptiste, et les chevahers eux-mêmes, les Gkevaliers de VHospital ou de Saint-Jean-de-Jérusalem.

INTRODUCTION. 3

Après la mort de Gérard, les clieA^aliers exercèrent leur droit d'élection. Le deuxième successeur de Gérard, Raymond dti Puy, gentilliomme dauphinois, ayant reconnu que les Hospitaliers étaient toujours animés de l'esprit guerrier et de l'amour de la gloire, et qu'en ces temps de Croisades on pouvait rendre plus utile encore l'action de l'Ordre, en modifiant quelques unes des règles primitives de sa fon- dation, donna, en cliapitre général, à l'Ordre une constitu- tion plus sévère. Tout membre devait être noble, libre et célibataire, être en mariage légitime de parents chrétiens et ajouter aux voeux d'obéissance, de chasteté et de pauvreté, celui de prendre les armes pour la défense de la religion. L'Ordre fut divisé en trois classes : celle des chevaliers, celle des prêtres ou aumôniers et celle des frères servants.

Les chevalierSj qui avaient à faire leurspreuves de noblesse avant d'être reçus, ceignaient l'épéesous le manteau monacal: ils avaient à escorter les pèlerins et à combattre les Infi- dèles. Chaque fois que la lutte s'interrompait, ils devaient retom^ner à l'accomplissement de leurs devoirs dliospitaliers, dont ils ne furent jamais relevés. Tel fut le principe d'un Ordre qui se rendit célèbre pendant des siècles, qui opéra des prodiges de valeur, remplit le monde chrétien d'éton- nement et fut la terreur des ennemis de notre religion ^). Aujourd'hui les chevaliers renouvellent chaque année les voeux simples, et tant qu'ils ne les ont pas renouvelés dix

^) »Les soldats de Jésus-Christ sont uniquement destinés à combattre pour sa gloire, pour maintenir son culte et la religion catholique, aimer, révérer et conserver la justice, favoriser, soutenir et défendre ceux qui sont dans l'oppression, sans négliger les devoirs de la sainte hospitalité.* Fr. Baymond du Puy.

»Que les frères exercent l'hospitalité Fr. Pierre d' Aubusson.

«L'hospitalité tient le premier rang, entre toutes les oeuvres de piété et d'humanité. Elle doit être respectée, surtout par ceux qui se distinguent par le nom de Chevaliers HospitaKers.« Statuts de 1584, proclamés par Fr. de Loubenx Verdale.

»Tous nos frères sont particuhèrement obligés d'exercer l'hcfsjji- talité et de servir eux-mêmes Messieurs les malades. « Statuts de 1631, proclamés par Fr. Antoine de Paule. De V Hosxyitalité, art. 23.

1*

4 L'ORDRE DE MALTE.

fois, ils peuvent, moy aimant dispense, quitter l'Ordre: mais au cas contraire, ils prononcent les voeux solennels qu'ils ne peuvent plus rétracter. Avant la prononciation de ces derniers voeux, le novice doit faire quatre semaines de retraite au Couvent, afin de se préparer par la prière et la méditation à cet acte solennel. Lorsque les voeux simples sont prononcés, le novice reçoit le titre de Chevalier de justice (Eques de Justitia); après les voeux solennels, celui' de Chevalier profès et de Frère'^).

Jjes prêtres ou aumôniers nomYCiés , chapelains (Capellani conventuales, Capellani obedientiae), vivaient d'après la règle de Saint Augustin et pouvaient obtenir la dispense de résider au Couvent.

Les frères servants d'armes et de métiers avaient à s'occuper du soin des malades et du service des chevaliers (confrères, donnés, donatsV

Le pape Innocent II sanctionna, en 1130, la règle nouvelle: il prit l'Ordre sous sa protection spéciale et lui accorda de nouveaux privilèges. Les maisons cT Hospitalières ou Chevalières de Saint-Jean se multiplièrent aussi. Celles-ci se divisaient aussi en trois classes : celle des Dames de cloître nobles (Sorores justitiae), celle des Soeurs spirituelles (Sorores officii), et celle des Soeurs converses (Sorores coiiversae). Les chevalières (2 premières classes) portaient autrefois un vêtement rouge et un voile noir, et passaient sur leur vêtement, dans les circonstances solennelles, un manteau noir, orné de la croix blanche à huit pointes. Après la destruction de leur maison chef-d'Ordre, à Jérusalem, en 1187, elles se retirèrent à . Cuença, la reine. Anne d'Aragon leur fit bâtir un magnifique monastère qui étendit ses ramifications en Espagne et en France. La supérieure de Beaulieu était grande-prieure perpétuelle^). Il n'existe

^) V. Appendice, Cérémonial encore usité pour les voeux solennels et V Accolade.

-) Beaulieu était depuis 1259 ou seulement 1298, maison chef-d'ordre sous la juridiction immédiate du Grand-Prieur de Saint- Gilles (pour la France); Martet en Quercy fut à l'ordre de 1334 à 1587

INTRODUCTION.

plus qu'une de ces maisons: elle est à Malte, sous l'invo- cation de Sainte Ursule. Les Dames de dévotion rappellent ce pieux Ordre des Hospitalières i).

A partir du moment il fat constitué, V Ordre religieux et militaire de Saint-Jean prit part à toutes les guerres qui eurent lieu en Palestine, il ne cessa d'être le valeureux appui des Rois de Jérusalem. Son liistoire se confond avec celle des croisades: il n'est pas un fait important auquel les chevaliers n'aient pris part, pas une page de cette grande épopée qui ne témoigne de leur courage et de leurs vertus. Lorsque Jérusalem fut reprise par les Lifidèles, ils se retirèrent d'abord à Tyr, puis pour quelque temps dans la forteresse de Margat, et enfin, avec les restes de l'armée croisée, à Saint-Jean-d'Acre, dernier rempart de la domi- nation chrétienne en Palestine. Ils y demeurèrent jusqu'en 1291; mais après la prise de cette ville par les Musulmans, malgré la plus héroïque défense, le grand-maître ^) Jean

et depuis le 12 février 1654; Toulouse fut fondée en 1612 et confirmée en 1625, le grand-maître en fut le supérieur immédiat, tandis que les autres m.aisons ne relevaient que médiatement du chef suprême de l'ordre. Nous avons relevé sur les registres capitulaires, aux archives de Marseille, la chronologie des grandes-prieures de Beaulieu: I. AigHne (1298—1300) ; n. Agnès d'Aurillac (1300—1347) ; Aigline II de Thémines (1347), confirmée en 1349, démissionnaire en 1369; IV. Sibille de Gourdon (1369): V. Isabelle de Beduer (1369—1386); VI. Marianne Aymériqua (1386—1422); VII, Bertrande de la Garde (1422); Vni. Anne de Castelnau (en 1528); IX. Jacquette de Genouillac (1558—1679) ; X. Antoinette de Beaumont (1597—1613) ; XL GaHotte de Gourdon-GenouiUac (1613-1618); XII. Antoinette de Vassal du Couderc (1618-1634); XIII. Galiotte de Goardon de Genouillac- Vailhac (1634—1661) ; XIV. Gahotte de Gourdon-Vailhac, qualifiée première abbesse (1661—1686); XV. Galiotte de Gourdon-Vailhac, d'abord coadjutrice en 1686 (1686-1716) ; XVI. Catherine de Lafon de Saint- Projet (1716—1749); XVII. Françoise de Baroncely de Javon (1749—1788); XVIII. Françoise d'Estresse de Lanzac (1789).

»j Le pape Alexandre IV avait ordonné, en 1259, que les chevaliers porteraient chez eux un manteau noir à capuchon, avec la croix sur la poitrine, et en campagne, une cotte d'armes rouge.

-) Le troisième qui porta ce titre. Le prenaier est Fr. Hugues de Revel (1260— 1278j.

6 L'ORDRE DE MADTE.

de Villiers, couvert de blessures, gagna l'île de Chypre avec ce qui lui restait de chevaliers. L'Ordre s'établit à Limisso, que Henri II de Lusignan. roi de Chypre et de Jérusalem, lui avait permis de fortifier afin de se mettre à couvert des attaques des Infidèles. Il semblait cependant que l'Ordre eût terminé sa mission et quil ne dût pas survivre à la perte de la Terre-Sainte. Pour le sauver, Villiers en fit un Ordre maritime. La Méditerranée était, devenue le chamjD de bataille, la chrétienté et l'islamisme se heurtèrent pendant des siècles. Les Hospitahers le com- prirent: ils jetèrent les yeux sur Rhodes, et. le 25 août 1310, Foulques de Yillaret, 25^ Grand-Maître, prit possession de cette île. En moins de quatre ans le pays entier lui fut soumis, et, «comme monument éternel d'une conquête si utile à la chrétienté et si glorieuse pour l'Ordre de Saint- Jean, toutes les nations de concert donnèrent aux Hospi- taliers le nom de Chevaliers de Bhocles«. Pour rappeler leur origine, ils portèrent cependant sans cesse le titre ancien de Cltevaliers hospitaliers de Sainf-Jean-de-Jérusadem. ainsi que notis le verrons par les documents, monnaies et médailles. Le pape Clément Y confirma par Bulle l'Ordre dans tous ses droits de souveraineté snr le territoire conquis, clans la possession du titre de Chevaliers de Rhodes, et lui délégua la nomination de l'Archevêque de Rhodes, dans les cas de vacance du siège.

De ce jour l'Ordre devint souverain et il battit mon- naie: pour lui commença une seconde et brillante période, C|ui dura jusqu'à la prise de Rhodes par le sultan Soliman- le-Magnifique, en 1522.

Placés en sentinelles avancées du côté de l'Orient, les chevaliers opposèrent, pendant plus de deux siècles, une baiTÎère infranchissable aux flottes musulmanes. Cette résistance opiniâtre d'une poignée de moines guerriers exaspérait contre eux les Sultans turcs. Ils avaient médité tous, les uns après les autres, la conquête de ce coin de terre. Mahomet II avait en vain essayé de s'en emparer, en 1480, et Soliman se jeta sur l'île des chevaliers avec

INTRODUCTIOX. 7

tout l'effort de ses forces. La trahison d'un félon aida Soliman dans son entreprise. Les sièges de Rliodes sont deux des plus mémorables de l'iiistoire: quelques héroïques soldats de la Foi firent des prodiges de valeur et tinrent en respect des armées et des flottes immenses. Enfin, le 20 décembre 1522, après six mois de résistance, quand il n'y eut plus s'élevait auparavant Rhodes, que des tours ruinées et des remparts ouverts, Villiers de l'Isle Adam, le 24® Grand-Maître, accepta une capitulation hono- rable, sur l'avis du Conseil qui déclara la place hors d'état de tenir plus longtemps. L'Isle Adam sortit donc de la ville »avec tous ses chevaliers, emportant les reliques des Saints ("entre autres un fragment de la vraie Croix rapporté de la Terre-Sainte, un bras de Saint Jean et une image miraculeuse de la Sainte- Vierge, pour laquelle on avait élevé à Rhodes une chapelle particulière), les vases sacrés, les ornements, les meubles, les titres et tout le canon dont ils avaient coutume de se servir pour armer leurs galères. «

L'existence de l'Ordre se trouvait remise en question: sa gloire subit une sorte d'éclipsé. Les Chevaliers errèrent quelque temps sur la mer, s'arrêtant en Italie, à Messine, aux environs de Cumes, à Viterbe. Mais l'empereur Charles- Quint leur concéda, en 1530, l'île de Malte, et les Chevaliers continuèrent à former, à ce poste avancé, l'avant-garde de la chrétienté, du côté de la Turquie et des Etats Barbaresques : ils y poursuivirent, sans trêve ni merci, les corsaires qui infestaient les côtes de la Méditerranée et opprimaient le trafic maritime entre l'Occident et l'Orient.

De même qu'on les avait nommés Chevaliers de Rhodes, on leur donna dès lors le titre de Chevaliers de Malte, d'après le nom de leur possession. C'est sous cette nouvelle dénomination qu'ils se couvrirent de gloire par leur belle défense de Malte (156ôj et à la bataille de Lépante (1571). Ils ne cessèrent durant cette troisième période de leur existence, de remplir avec honneur et succès la double mission militante et hospitalière qui leur était échue.

8 L'OEDEE DE HALTE.

Malte fut occupée par les Français (1798 1800), puis par les Anglais qui la gardent, en vertu du même droit sans base comme sans doute aussi sans longue durée, qui leur fait occuper Gibraltar. Ch;\-pre, Alexandrie et d'autres étapes de la route des Indes.

Dépossédé de sa souveraineté, affaibli par la dispersion de ses membres, appauvri par la perte de la majeure partie de ses biens, l'Ordre se retrouvait encore une fois errant à travers TEurope. C'est ici que s'ouvre la quatrième période de son histoire: celle de sa résurrection comme Ordre liospitalier et souverain, après bien des années d'incertitude sur son avenir.

L'élection du czar Paul P'^ à la grande-maîtrise Cma- gistère) de l'Ordre de Saint- Jean -de -Jérusalem par les cbevaliers russes et polonais du grand-prieuré de Pologne, était un acte anti- statut aire qui ne s'accomplit pas sans de nombreuses protestations. L'empereur Paul I''^ accepta solennellement cette élection, qui fut ratifiée par la majo- rité des cbevaliers. Il fît les plus vastes projets pour la restauration de l'Ordre, mais son assassinat, en 1801, mit un terme à ces rêveries. Les chevaliers se retirèrent à Messine, et. l'année suivante, le pape Pie VII, auquel les grands-prieurs avaient déféré la nomination du grand- maître, désigna, le 16 septembre 1802, Jean de Tommasi, de Crotone, qui transféra le siège de l'Ordre à Catane, en Sicile. A sa mort, la Cour de Rome investit le conseil de rOrdre du droit d'élire tm Lieutenant du Magistère, dont le choix serait approtivé par le Saint-Siège, et l'Ordre continua à être administré par des Lieutenants du Magistère, à Catane, puis à Ferrare. puis à Eome, il fut transféré, en 1845. sous la lieutenance de Charles Candida. Il n'avait cessé de saisir toutes les occasions de revendiquer sa pos- session de Malte.

Nous arrivons ainsi à la lieutenance du magistère du comte Jean-Baptiste Ceschi de Santa Cruce (de Trente) en 1872.

C'est en partie aux grands-prieiu^s de Bohême- Autriche, dont le siège n'a du reste cessé d'être occupé, depuis 1183

INTRODUCTION.

jusqu'à nos jours '); c'est grâce à la persévérance des trois derniers dignitaires de Prague -Strakonitz, que l'Ordre est demeuré intact dans les Etats de Sa Majesté Impériale et E-ovale Apostolique, l'illustre héritier des Rois de Jérusa- lem, où il s'est voué de nouveau, sur les champs de bataille, à son antique mission (V Ordre Iwspitaller^ comme on en a été témoin, en 1866, en 1869, en 1878, en 1885, lors de la guerre de Prusse, de la révolte en Dalmatie, de l'occupa- tion de la Bosnie - Herzégovine et de la guerre Serbo- Bulgare; c'est grâce à la munificence et à l'auguste initia- tive de François-Joseph, que l'Ordre est ressuscité aux lieux mêmes fut son berceau, pour j exercer sa pieuse mission de charité envers les pèlerins pauvres ou malades. Léon Xni a restauré l'Ordre souverain'^) de Saint-Jean- de-Jérusaïem, par un Bref daté du 28 mars 1879, qui con- firme les prérogatives, et statuts de cet ordre. Il a en même temps élevé, le 28 mars 1879 ^), à la dignité de

^) Il existe un ordre de cabinet impérial du 20 mars 1813 pro- nonçant la suppression progressive de l'ordre en Autriche au fur et à mesure des extinctions; mais l'exécution de ce Décret a été jusqu'à présent suspendue, sans que le Décret ait été jamais rapporté. (Les biens devaient faire accession à l'Ordre militaire de Marie- Thérèse. Il y a un décret identique et également demeuré in susjjenso, relativement à l'Ordre Teutonique.) Arch. du Min. de l'I. (Vienne).

^) Il ne faut pas prendre dans son sens absolu cette souveraineté, car l'ordre n'enlève pas à ses membres leur nationalité propre pour leur en conférer une d'un caractère spécial, et il ne les délie ni ne les exempte des obligations résultant pour chacun d'eux de cette nationalité. Ses possessions territoriales sont soumises aux impôts et aux lois générales qui régissent la propriété dans les états elles sont situées. La seule marque de cette souveraineté, c'est le droit d'ambassade et encore ses ambassadeurs sont-ils sujets d'une puissance, celle de qui relève leur langue. C'est pour toutes ces raisons que nous avons laissé de côté, le mot souverain dans le titre même de cet ouvrage. Si nous l'avons mentionné ici, c'est pour con- stater que l'ordre a droit à cette qualification et non pour indiquer une souveraineté effective qu'il ne possède plus, depuis le jour il a perdu la possession de Malte et le gouvernement réel qu'il y exerçait.

^) V. Appendice.

10 L'OEDEE DE HALTE.

grand-maître, Frère Jean-Baptiste Cesclii de Santa Cruce, en lui conférant en outre le titre et le rang cardinalesques, tandis que François-Josepli ajoutait de son côté une haute sanction à cette restauration de la dignité suprême, . en attribuant au nouveau grand-maître, par Décret du 27 dé- cembre 1880, pour lui et ses successeurs, les honneurs dus aux cardinaux, ainsi que le rang de prince autrichien dans les Etats de sa couronne; puis, par Décret du 2 avril 1881, donnait au grand-prieur de Bohême- Au triche, pour lui et ses successeurs, le rang de prince autrichien, en reconnais- sance des services rendus à l'Etat, à l'Eghse. à l'Ordre et à Thumanité souffrante, et enfin, pour mettre le comble à son auguste bienveillance, daignait accepter les insignes de grand' croix de l'Ordre, dont S. M. Tlmpératrice Elisa- beth est Dame grand' croix, depuis le 14 mai 1873, et dont S. A. P^ et E.1® le Prince- Archiduc Rodolphe est grand' croix de dévotion, depuis le 3 juin 1871 ^).

Ce sont les Annales de cet Ordre que nous allons retracer, d'après les travaux des historiens et des chroni- queurs, que nous avons étudiés, comparés et critiqués les uns par les autres, et d'après les actes originaux inédits quïl nous a été donné de lire et de copier. Il est question dans la Première Partie^ de l'Ordre même, dont nous divi- sons l'histohe d'après les quatre périodes de son existence. Nous avons envisagé avec quelques développements l'avenir aussi bien que le passé de l'Ordre, et adopté pour sub- divisions dans chaque période, les magistères successifs. Le grand-prieuré de Bohême- Autriche ayant été le promo- teur de la renaissance de l'Ordre, nous en faisons l'objet d'une Deuxième Partie. Enfin, le Livre d'Or des grands- maîtres, avec l'indication de leurs armes: les listes contra-

1) L. A. T'" et R'"' M""' la Princesse-Archiduchesse Stéphanie, M"' l'Arcliiduchesse Marie-Caroline et M""" l'Archiduchesse Marie- Thérèse sont aussi Dames grand'croix, et plusieurs princes du sang gTand'croix de dévotion.

INTRODUCTION. H

dictoires des grands-prieurs de Boliême-Au triche ; puis les documents et éclaircissements nécessaires forment un Appendice qui est le complément le plus utile de ces Annales. Les monuments des grands-maîtres, leurs monnaies et médailles ont trouvé place sous chacun des magistères.

L'Ordre est vivace, car il a une magnifique mission hospitalière; il vivra, mais à la condition de ne pas dégénérer.

Les vers de Schiller s'appliquent bien aux Ordres reli- gieux et hospitaliers de chevalerie.

Nous avons essayé de les traduire, pour les placer ici, comme une inscription protectrice de notre oeuvre.

»L'armure de la Croix étincelle terrible,

Quand, lions du combat, Acre et Rhodes gardez,

Par le désert syrien le pèlerin menez,

Devant le Saint Tombeau, glaive haut, vous tenez!

Mais, au ht des souffrants, mission plus pénible. Quand, nobles chevaliers, votre front abaissez. Et de l'hospitalier les devoirs remplissez, Vous êtes aussi grands, car vous vous dévouez;

Et, de la foi du Christ, c'est le souffle sublime, De vaiUance ou d'amour qui toujours vous an"me.«

PREMIERE PARTIE.

ANNALES DE L'ORDRE.

LES CHEVALIERS HOSPITALIERS

DE

SAINT- JEAN-DE- JÉRUSALEM ET DU SAINT-SÉPULCRE^). (1113 [1048]— 1309.)

PROCURATEURS.

I. Fréee Gérard 2).

(1099—1118)

premier procurateur de l'Hospital de Saint-Jean-de-Jéru- salem, était en Provence^). C'était un gentilhomme que rendaient digne de cette mission sa piété et sa charité exemplaires. Sa douceur imposait aux Musulmans, elle apaisait leur haine contre les pèlerins, elle calmait leurs instincts de cruauté contre les chrétiens. D avait été, dans

1) Nous aurions ])U mentionner au fur et à mesure les chro- niques et cartulaires publiés, auxquels nous avons puisé, mais nous aurions ainsi surchargé ce livre outre mesure; nous nous contentons donc, clans les notes j)lacées au bas des pages, d'indiquer les actes originaux non publiés, ou encore de citer les ouvrages importants connus des érudits et du public, sur les points encore obscurs ou sujets à controverse. Notre Appendice complétera nos preuves.

2) Pauli, Cod. d. di M., I, N" 6, p. 6, Guimldus ; N" 1, p. 268, Gerandus ; N" 2, p. 269, Giraldus ; Jacques de Vitri, ap. Bongartium, p. 1082, Gerardus. Arch. de Malte, Livi-e ancien des Statuts, Giraldus.

3) Hugo Chart. Frater Gherardus natione Gallics. Jean de Indag. Miles Gallus Charitate in pauperes notus. Chron. belgica, Francfort, 1607. ap. Pauli, I p. 329 et s.

16 L'ORDEE DE MALTE.

les jours d'épreuve, le j)rotecteur des schismatiques grecs aussi bien que des catholiques latins, et, lorsque Jérusalem, assiégée par les Croisés, fut réduite à la dernière extrémité, il n'en poursuivit pas moins son labeur charitable. La situation délicate que lui faisait son double caractère de chrétien et de Franc désireux du triomphe des armées de la Croix, ne l'empêcha pas de mériter, par son dévouement envers les habitants mêmes de la ville, l'estime et l'admiration des Infidèles. Cependant il vint un moment, il fut accusé d'entretenir des intelligences avec les assiégeants: il fut emprisonné, mais sa captivité ne dura que peu de temps. Jérusalem fat emportée d'assaut, le 15 juillet 1099. Godefro}^ de Bouillon, le chef de la première Croisade, escalada le premier les remparts: un élan indicible entraîna les Croisés; le sang des mahométans montait jitsquaux genoux des chevaux, les mains des Croises étaient collées par le sang à la garde de leurs épées ^) : la victoire avait en quelque sorte affolé les vainqueurs. Mais Gérard ne fut. pas oublié dans son cachot: sa délivrance fut un triomphe. Il reprit immédiatement la direction de VHospital, soigna avec amour les blessés et attira ainsi sur lui l'attention de Godefroy, à qui chacun raconta à l'envi ce que le pieux Gérard avait fait, quand il vint visiter l'hospice. Beaucoup de chevaliers croisés, entraînés par une noble émulation, désirèrent se vouer, eux aussi, à cette oeuvre d'amour et de charité, près du tombeau du Sauveur, en renonçant aux honneurs et aux biens de ce monde. L'avenir de VHospital fut alors assuré. De riches fondations faites par Godefroy, des dons nombreux faits par les Croisés vinrent augmenter les revenus de cette pieuse institution. Godefroy^), élu roi de Jérusalem (1099)

1) Raimond de Toulouse.

^) Après l'incendie du Saint-Sépulcre, en 1822, les Grecs schis- matiques ont détruit les derniers témoins de la Grande-Croisade. Nous voulons parler des deux sarcophages élevés par la piété et la reconnaissance à Godefroy et à Baudoin. Les restes de ces rois- chevaliers reposent ignorés dans l'épaisseur d'un mur alors reconstruit. On lisait sur l'un de ces tombeaux : Hie jacet inclytus diix Godefridus

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 17

et des princes de son armée conférèrent à l'hospice des possessions et des privilèges. C'est ainsi qu'il reçut Mont- boise. possession de Godefro}^, en Brabant, et que, après la bataille de Joppé (1101)^), Baudouin abandonna à Gérard quij au plus fort de la mêlée, avait porté la Croix en tête des combattants ^), le butin fait sur les Sarrasins. L'Ordre fut sanctionné par le Saint-Siège, en 1113, et confirmé dans son organisation, avec droit d'élection de son cbef. Le Couvent fut affranchi de la dîme envers le Patriarche de Jérusalem; il fut reconnu propriétaire légitime de ses possessions actuelles et de toutes celles qu'il acquerrait dans la suite: il avait déjà de riches domaines en France et en Italie, aussi bien qu'en Syrie, et des hospices à Bari, Tarente, Messine, Aste, Lisan et Séville. Dès cette époque, l'Ordre avait le caractère d'un ordre à la fois monacal et chevaleresque. On y trouvait, comme nous l'avons déjà dit, beaucoup de gentilshommes venus à Jérusalem en champions du Saint-Sépulcre, qui y étaient entrés pour devenir les serviteurs de Dieu, pour soigner et assister les pauvres et les malades. L'Ordre même devint, par la con- struction d'un Hospital plus vaste et d'une nouvelle église dédiée à Saint-Jean-Baptiste, le modèle de l'ascétisme et de la continence sous le titre d'Ordre des Hospitaliers ou

de Billion, qui totam istam terram acquisivit cidtui cliristiano ; ' cujus anima regnet cum Christo ! Amen, et sur l'autre : Rex Balduinus, Judas alier MaccJiaheus, spes pati'iae, victor ecclesiae, virtus utriusque, quem formida- bant, cui dona tiibuta ferehant, Cedar et Aegyptus, ae homicida Damascus, proh Dolor ! in modico clauditur tuvndo.

Les gloires de l'Occident latin et catholique n'ont pas d'ennemis plus acharnés que ces prétendus orthodoxes d'Orient, qui ne sont en somme que des schismatiques détachés de la véritable Eghse, afin de satisfaire à des aspirations distinctes et d'échapper à un joug qui gênait leurs moeurs orientales. La Palestine n'en est et n'en demeurera pas moins cet Orient latin, pour le rachat et la défense duquel nos Chevaliers et nos Croisés catholiques ont combattu et versé leur généreux sang.

1) Jafia.

2j Le SaintrEaussant (Etendard de l'Ordre)?

SALLES : L'ORDRE DE MALTE. 2

18 L'ORDRE DE MALTE.

de Saint-Jean. Cet liospital ou hospice pouvait abriter deux mille personnes et il était situé en face du Saint-Sépulcre. Voici en quels termes en parle le pape Innocent II, en 1130: » Combien une place au moins sur cette terre est agréable à Dieu et digne de vénération pour les hommes! Combien est commode et efficace l'asile que les Hospitaliers ont fondé à Jérusalem, et qui, tout le monde le sait, procure à tous les pauvres pèlerins qui traversent tous les dangers dans le pieux désir de visiter la Ville- Sainte et le tombeau de Notre Sauveur ! Il j est prêté aide et assistance aux nécessiteux, et il y est témoigné une charitable sollicitude aux faibles, épuisés par des fatigues et des dangers sans nombre. Ils y refont leirrs forces et en gagnent de nouvelles, de manière à être en état d'aller visiter les lieux consacrés par la présence réelle du divin Sauveur. Les frères de cette maison ne sont pas d'ailleurs prêts seulement à sacrifier leur vie pour leurs frères en Jésus-Christ, ils défendent vaillamment avec des soldats de pied et de la cavalerie qu'ils entretiennent dans ce but sur leurs propres ressources, les chrétiens dans leurs expéditions contre les païens. Le Tout-Puissant se sert de ces Hospitaliers, pour protéger son église en Orient contre la démoralisation des Infidèles.* Quoique cette citation semblât être mieux en sa place, sous le magistère de Fr. Raymond du Puy, nous l'avons mise ici, parce qu'elle résume l'opinion de la chrétienté sur l'Ordre, dès son origine. La dernière partie de la citation ne se réfère toutefois qu'à l'Ordre religieux et mihtant, quoiqu'il soit possible que les Hospitaliers aient dès le premier instant de leur existence, assurée par de riches dotations, donné aux pèlerins une efficace protection^).

1) Nous relevons les lignes suivantes dans une excellente étude de la Terre Sainte de l'abbé Albouy (15 août 1886). »En 1864. M. Sajge fit la découverte dans les archives de la Haute-Garonne, à Toulouse, d'actes qui éclairent la question de date d'origine de l'Ordre de S* Jean, et viennent même la résoudre, en confirmant le récit de Guillaume de Tyr et de Mabillon. Ces actes sont, par leur date, bien antérieurs aux plus anciens textes authentiques qui se rapportent à l'Hôpital.

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 19

Gérard mourut en odeur de sainteté, en 1118^) et ses restes mortels accompagnèrent, comme une sainte sauve- garde, l'Ordre qu'il avait institué, de Jérusalem à Acre, d'Acre en Chypre, de Chypre à Rhodes, de Rhodes à Malte, de Malte à Manosque, ils furent déposés, en 1535, dans la chapelle des comtes de Forcalquier appartenant à l'Ordre^).

IL Frère Koger (dit Pagano)

(1118)

fut le deuxième procurateur de THospital de Saint-Jean-de- Jérusalem. On ignore son nom de famille aussi bien que le lieu de sa naissance. Il remplit ces fonctions pendant moins d'une année. Les domaines du Couvent s'agrandirent, et en particulier par suite de la donation faite par Othon, comte des Abruzzes, de biens considérables, en récompense de l'accueil que ce seigneur avait reçu pendant un an, dans Vliospital de Jérusalem et dans ses maisons de Bethléem, d'Antioche, d'Acre, du Pirée, de Constantino]3le. Ses armes sont très-belles au point de vue héraldique •'^).

Ils forment une série de donations faites dans l'Albigeois par diverses personnes, ad honorem et pauperibus Hospntalis Jerosolimitani, au lieu de Saint- Antoine de Lacalm (Tarn, Arr' d'Albi, canton de Réalmont) et dans ses environs, pendant les années 1083, 1084 et 1085, sous le pontificat et par l'intermédiaire d'Aldégaire, évêque d'Alby. Ni l'authen- ticité, ni la date ne peuvent être mises en doute. Il y est fait mention dans la charte de 1081 cVAncelinus, magister domus Hospitidis, entre les mains duquel la donation est faite, et de même en 1085. *Ces actes sont antérieurs d'une quinzaine d'années à la première croisade. Les archives de Toulouse contiennent un certain nombre de documents se rapportant aux temps primitifs de Saint-Jean-de-Jérusalem, et on y trouve la preuve qu'avant la première croisade l'ordre avait déjà une notoriété assez considérable pour que des donations de territoires lui fussent faites dans les pays chrétiens, il administrait ses possessions par des Frères comme Ancelinus, et des officiers du magistère.

1) En 1120, d'après Pauli, Cod. d. di M. 1, p. 330.

2) Il a été béatifié (Dict. d'H. et de G. de BouiUet, Edit. de 1881). ^) V. Appendice.

2*

20 L'OEDEE DE MALTE.

MAÎTEES.

I. Feèee Kayisioxd du Puy

(1118-1160)

fut le premier Ji«?^re de VHospital de Saint-Jcan-dc-Jérnscdem'^). Il était enDaiipliiné et descendait d'une famille de noblesse ancienne. Il fat éln à rmianimité_proc-?frafe^fr etrecntle titre de Ilaître de l'Ordre. Les fi^ères hospitaliers ne pouvaient faire nn meilleur choix. Nous pouvons nous figurer ce noble chevalier par les réformes qu'il introduisit dans la constitution de la jeune confrérie. C'était un homme sévère, un caractère énergique, comme de tels temps d'action et de luttes en produisent. Il ne maintint point la confrérie dans les limites dans lesquelles son fondateur l'avait renfermée: il voulut étendre son action sans toucher à son organisation pri- mordiale. Ses Constitutions répondent aux moeurs et à la manière de penser de son époque: elles se divisent en règles relatives à la vie spirituelle des membres et en dis- positions d'administration intérieure. Les premières ont donné à l'Ordre sa force de cohésion et d'extension dans le cours des âges^).

Son passé nous explique la tendance nouvelle qu'il a imprimée à l'Ordre, sans néghger les devoirs et la mission pour lesquels Gérard l'avait institué. C'était un chevalier de ce beau paj^s de Provence, la chevalerie était dans toute sa fleur. Il était brave, intrépide, toujours prêt à défendre le faible et l'opprimé. Les combats de la lance et de l'épée allaient donc bien mieux à son tempé-

^) Fr. Eaymond s'intitulait dans ses Actes : Servus pauj^eriim Christi et custos Tiospitaïis Jérusalem, ou, Maymundus, Dei gratia, Christi pauperum servus Immilis et sancti liospitalis custos. . . .

^) Le pouvoir législatif était exclusivement réservé au Chapitre général ; afin de marquer sa souveraineté, lorsqu'il était assemblé, l'étendard de la Religion était retiré du palais du grand-maître et flottait à l'endroit se tenaient ses séances. (V. Saint-Allais, L'Ordre de Malte).

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 21

rament que les fonctions de garde-malades. Il vit donc sur les champs de bataille un terrain plus propice et non moins agréable à Dieu, pour ses frères et lui qui étaient avant tout des hommes de guerre. Consacrer les forces vives de l'Ordre au ^prosélytisme de la Foi, à la lutte contre les Infidèles, à la protection du nouveau royaume, sans le détourner d'ailleurs de ses traditions, tel fut le but de la réforme qu'il entreprit.

Jusqu'alors les Hospitaliers avaient rempli en silence leur mission de charité ; ils avaient pratiqué la mansuétude et la miséricorde, mais leurs Règles reçurent des modifi- cations qui servirent à rendre plus étroits les liens de leur communauté, et leur permirent de devenir les soutiens du trône, comme l'eût pu faire une armée permanente, soumise à une sévère discipline. Nous avons exposé dans notre Introduction les Constitutions nouvelles, arrêtées dans le premier Chapitre général ^), qui furent ensuite approuvées par le Souverain Pontife, Grélase II, et sanctionnées par le pape Calixte II, vers 1120. Les règlements relatifs aux voeux, à la discipline, à l'organisation même de l'Ordre, furent très-précis et très-sévères. L'alliance de l'humilité chrétienne avec la force et la valeur fit une vive im- pression sur les contemporains. Il fut difficile d'être admis dans l'Ordre, plus difficile encore d'y atteindre à la dignité suprême élective. Il ne suffisait pas d'être de haute lignée, ou d'occuper une haute situation dans le monde; il fallait avoir fait ses preuves de valeur et en même temps d'humi- lité et d'obéissance. Les frères avaient à suivre l'exemple du Maître, dans la pratique des vertus chevaleresques et chrétiennes. Faut-il s'étonner après cela que les gentils- hommes les plus renommés de ces temps aient tenu à honneur d'être reçus membres d'un Ordre, qui offrait dans la forme la plus parfaite que l'on connût, le moyen le meilleur pour acquérir sur terre de la gloire et assurer le salut éternel? Aussi Raymond se vit-il obligé de répartir

') V. Appendice.

22 L'ORDRE DE MALTE.

les membres en groupes, form.és d'après leur langage, que Ton nomma Langues^ d'après ce principe de la répartition. Nous donnerons plus loin cette division qui, selon d'autres historiens, n'aurait eu lieu que sous le magistère de Fr, Hélion de Villeneuve (1319 1346), lorsque l'Ordre souverain était à Rhodes; ce serait en tous cas la même réjDartition en huit Langues^ à deux cents ans de distance. Il y avait à la tête de chaque Langue un Conseil qui l'administrait. Le Chapitre général avait seul le pouvoir législatif: il se formait des représentants de toutes les nations ou Langues. On appela aussi baillis conventuels (ballivi conventuales) les chefs de chaque Langue, formant le Conseil du Ifaître. La plus haute dignité était ensuite celle de prieur; un prieuré comprenait en général quatre commanderies. Puis venaient les Commandeurs, chargés de l'administration des biens de l'Ordre, sur laquelle ils devaient fournir des comptes annuels et dont ils devaient payer les responsions (Respon- siones, Redevances). Parmi les chevaliers eux-mêmes, on distinguait les cJievaliers de justice (Cavalieri di justizia) qui avaient fait leurs preuves de noblesse (8 quartiers); les chevaliers de grâce magistrale (Cavalieri di grazia) qui n'avaient pas fait les preuves voulues, mais étaient reçus par faveur, en récompense de services rendus à l'Ordre. Il n'y eut que plus tard des Chevcdiers de dévotion, ou laïques de rang élevé, et des Bonats de dévotion ou laïques décorés de la croix de l'Ordre, n'ayant que trois branches émaillées de blanc, pour lesquels les preuves de noblesse n'étaient pas indispensables.

L'Ordre fut dès cette époque, un ordre de chevalerie hospitalier et militant. Une série de succès qu'il remporta, fonda bientôt sa renommée militahe. Baudouin lui confia, en 1127, la garde des forteresses des frontières les plus importantes, et remit même les rênes du gouvernement à Raymond du Puy, en 1130, lorsqu'il marcha contre Antioche. Et lorsque le royaume de Jérusalem menaça de se dissoudre, Raymond se mit lui-même à la tête de ses chevaliers et tint la campagne. Il assura la victoire d'Ascalon et enleva,

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 23

le 12 août 1153, cette place surnommée la, Fiancée de Syrie aux Infidèles.

Si nous retournons en arrière cle quelques années, nous recueillons de nouvelles preuves de la position que rOrdre s'était faite en Palestine et dans le monde chrétien. Roger, roi de Sicile, est cité parmi les souverains qui favorisèrent son extension; le roi Alphonse d'Aragon, mort sans enfants, laissa l'Ordre héritier ad Jionoreni de ses 'Kt&ts. Les papes lui accordèrent protection et privilèges. C'était en effet une magnifique idée que l'Eglise devait saisir avec joie, que celle d'une chevalerie religieuse, mystique, pieuse et sévère qui restait dans sa dépendance et faisait du chevalier un moine chrétien armé pom- la foi, naissant à côté de la chevalerie mondaine, galante, avide de gloire, faisant de l'amour et de l'honneur le but et la récompense uniques de la vie militaire ^).

Fr. Raymond fut le type du moine-chevalier. Il mourut à Jérusalem, en 1160. Le portrait que Bosio nous a con- servé de lui, le représente une épée à la ceinture, le rosaire dans une main et le crucifix dans l'autre. Nous trouvons dans les Monuments des grands-maîtres^ de Villeneuve- Bargemont ^), la traduction française des inscriptions qui furent gravées sur son tombeau: M.C.LX. A Raymond du Puy, premier maître de l'Hôpital. Après de faibles commen- cements, il institua pour son Ordre les cérémonies du ciUte et lui donna le manteau noir, portant la croix hlancJie à huit pointes.

IL Feère Auger de Balbeîst,

(1160-1163)

gentilhomme français, ^iit élu Maître de l'Ordre, pendant qu'il dirigeait l'expédition de Syrie, il s'était distingué par sa valeur. Il se mit en opposition avec Baudouin, roi de Jéru-

^) V. Appendice.

-) Nous empruntons à cet ouvrage les épitaplies en français, que nous n'avons pas trouvées ailleurs en langue originale c'est à dire en latin.

24 L'ORDRE DE MALTE.

salem, qui ne voulait pas recevoir le cardinal Jean Satrino en qualité de Légat du pape Alexandre III, pendant le scliisme de l'anti-pape Victor, sous prétexte qu'on ne pouvait savoir lequel des deux papes était élu canoniquement: son attitude contribua à faire revenir le Roi sur cette résolution et à faire recevoir le Légat du vrai Pontife.

Il mourut en 1163, après trois ans d'un magistère plein de sagesse. Les 3Iemorie cl. gr.-maestri le représentent avec- une toque et une longue barbe, et lui donnent une très-belle figure, avec cette devise: Ecclesiae concordia teda servat.

III. Fréee Arnaud de Comps.

(1163-1167)

Il appartenait à une noble famille duDaupliiné: il fut élu à l'unanimité. Amaury de Lusignan, roi de Jérusalem, qui avait pu, en plusieurs rencontres, apprécier ce chevalier, accueillit avec une grande satisfaction son élection au magistère. Arnaud se joignit, avec un grand nombre de ses frères, à Amaury, dans la campagne en Egypte, le Oalife fut complètement défait. La valeur de l'Ordre contribua large- ment à la victoire; ce fut aussi, grâce aux Chevaliers, que la ville de Balbia ^) tomba au pouvoir du Roi. Arnaud de Comps mourut en 1167, laissant la réputation d'un Maître habile et d'un vaillant capitaine. Il avait pour devise : Begni tranquillitas, parta consiUo. Son mausolée portait une inscription grecque, dont voici le sens : Montre-toi formidable aux ennemis^ et cette autre en latin: N'est point barbare qui immole les Barbares. A Arnaud de Comps, maître de VHospital de Jérusalem, parce qu'il a délivré les chemins qui menaient à Jérusalem des musidmans qui les assiégeaient., et qu'il a pratiqué la justice. Cette pierre a été posée aux frais du Trésor.

IV. Frère Gilbert dAssalit (1167—1169)

était Anglais. Il était doué d'un esprit très-entreprenant et se fit remarquer immédiatement par l'audace de ses projets. Il sut

1) Balbest (Héliopolis) en Syrie (?)

LES HOSPITALIERS DE S' .lEAN. 25

persuader à Amaury, de porter de nouveau la guerre dans l'Egypte qui menaçait surtout le royaume de Jérusalem, et de conquérir ce pays, afin d'assurer la paix et la sécurité de ses propres Etats. Ce qui était insensé, c'était de vouloir enlever l'Egypte par un coup de main, comme Fr. Gilbert le projetait. Le plan du Maître ne rencontrait dans l'Ordre même qu'une très-faible approbation: les anciens chevaliers avaient peu de confiance dans un tel projet, dont l'audace séduisit les plus jeunes. Une armée considérable marcha sur TEgypte: la lutte fut opiniâtre; les chrétiens rempor- tèrent d'abord sur tous les points des avantages. Mais ensuite une tempête détruisit la flotte, une épidémie décima les troupes de terre et il fallut battre en retraite. Les chevaliers avaient été très-éprouvés par cette campagne et l'Ordre s'endetta d'une somme de 20.000 ducats. Fr. Gilbert abdiqua et se retira en Angleterre, en 1169. Par compen- sation, les Chevaliers qui combattaient en Espagne, pour le roi Alphonse, contre les Maures, reçurent de ce souverain la ville de Caspe ^), en récompense de leur valeureux concours.

V. Fkèee Castus ou Gastus,

(1169)

dont le nom de famille et le pays d'origine sont entièrement inconnus, fut immédiatement élu par le Conseil. Il n'accepta le magistère qu'à son corps défendant: sa modestie était telle qu'il ne se croyait pas à la hauteur de cette charge. Il s'appliqua à débarrasser le Trésor des dettes contractées par son prédécesseur. Il mourut après huit mois de magistère.

VI. Feère Joubert, (1169—1179)

qui fut élu ensuite, était un homme d'un grand courage et d'une haute sagesse: il jouissait à un si haut point de la confiance du roi Amaury, que celui-ci le chargea de la garde de

1) Ville d'Aragon, à l'E.-S.-O. de Saragosse.

26 L'OEDRE DE MALTE.

son royaume, tandis qu'il marchait sur Antioche, contre le perfide Mélier ^). Baudouin IV le tint également en grande estime, car il ne prenait pas de mesure politique ou militaire sans le consulter. Les dettes du Trésor furent liquidées sous son magistère. L'Ordre prit part sous son commandement à plusieurs expéditions contre les Infidèles. Il était avec ses chevaliers à la grande bataille d'Ascalon (1178) ou, selon d'autres, près de Sidon, que Baudouin IV perdit contre Saladin, et il j fut blessé. Il mourut à Jérusalem, en 1179 ^). Son mausolée le représentait assis, revêtu du manteau, coiffé du heaume; à son bras gauche était passée l'épée, à son bras droit pendait le rosaire; il tenait entre les mains ses Heures et priait. On lisait sur la face antérieure du socle: Joiibert, grand, très-bon, très-religieux, secourut les malades avec une piété et une charité singulières. Aux jours de fête^ il ordonna de s'acquitter envers les mânes des morts par les plus saintes cérémonies; sur celle de droite: Il mourut à Jérusalem., VAn de N.-S. Jésus- Christ, MCLXXIX; sur celle de gauche: Bonnes des secours aux vivants, des éloges aux morts.

VII. Frère Koger des Moitlins

(1179—1187)

était d'origine française. Il fut aimé et honoré de tous pour sa valeur et sa sagesse. Le roi Baudouin IV le choisit pour arbitre, dans les graves différends qui s'étaient élevés entre Raymond, prince d' Antioche, et le Patriarche de Jérusalem, et Roger réussit à apaiser le conflit. Il le nomma ensuite son Am- bassadeur auprès des Princes chrétiens, à la cour desquels il l'envoya demander de prompts secours contre Saladin, qui menaçait de s'emparer du royaume de Jérusalem. Roger parcourut donc les états de l'Occident, et partout il fut reçu avec de grands honneurs. A son retour à Jérusalem, l'Ordre se couvrit de gloire, sous le successeur de Baudouin,

1) Melik (?)

-) Selon Vertot et Pauli, Saladin le fit mourir de faim dans un cachot.

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 27

Guy de Liisignaii, par sa défense de Saint-Jean-d'Acre, assiégée par Saladin. La victoire coûta cher aux chevaliers, car, dans une sortie, le cheval du Maître s'abattit au plus fort de la mêlée et Roger fut massacré par les ennemis (1187) ^). Son magistère avait duré huit ans. Son mausolée à Jérusalem le représentait debout encore, mais chancelant, sur le fût d'une colonne, son épée brisée gisant à ses pieds. Son heaume était surmonté de la croix. La colonne reposait sur un socle, avec bas-relief montrant six chevaliers armés. On lisait sur la colonne: J'ai préféré que les bornes de la patrie ftissent plus éloignées que celles de ma vie; sur le socle: A l'illustre Roger des Moulins, en mémoire de son administra- tion pieuse et sage, en paix comme en guerre. Farce qu'il a accru la dignité du sacerdoce et obtenu la sanction des règlements de JRaymond du Fuy, les chevaliers de Jérusalem ont élevé ce monument.

La dernière phrase de cette épitaphe nous indique une nouvelle confirmation des Statuts de Raymond du Puy, de 1179 à 1187, par Alexandre ÏÏI, par Luce III, par Urbain III, par Grégoire VIII ou par Clément III, qui ont occupé pendant cette période de temps le siège de Saint Pierre,

VIII. Frére Garnier DE Syrie (1187)

fut le digne successeur de Fr. Roger. Il était à Neapolis ^) de Syrie, l'ancienne Sichem de Chanaan. H était grand- prieur d'Angleterre et turcopolier de l'Ordre; il fit don à la Beligion du manoir de Crachi, dont il était seigneur. Son élection est du 8 avril 1187.

Il sut réconcilier Raymond, comte de Tripoli, avec le roi Guy de Lusignan et prit part avec un grand nombre de ses frères à la célèbre et fatale journée, Saladin battit l'armée chrétienne, commandée par Guy de Lusignan,

^) V. Chronique de Nangis et Guillaume de Tyr. ^) Sichem, ensuite Neapolis, aujourd'hui Nai")louse (anc. colonie Flavia NeapoUs), Palestine.

28

L'OEDEE DE ilAJLTE.

dans les plaines d'Etino, près du lac de Grénésaretli (Tibériade). Les chevaliers, disent les chroniques, tinrent bon, tant qu'ils ne furent pas écrasés sous le nombre; mais le gros de l'armée prit la fuite et les entraîna avec lui. Fr. Garnier s'ouvrit un chemin, l'épée à la main, à la tête de quelques uns des siens et se jeta dans Ascalon, il succomba, le 14 juillet 1187, aux graves blessures qu'il avait reçues dans le combat. Le Roi avait été fait prisonnier; les che- valiers tombés entre les mains des Infidèles furent cruelle- ment massacrés. Le royaume était aux abois. l'Ordre était privé de son vaillant chef et décimé. Les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem qui avaient survécu au massacre se consacrèrent alors, en attendant des temps meilleurs, à leur mission d'Hospitaliers, et Saladin, lorsqu'il eut soumis la Yille-Sainte, avec une armée de 100.000 fantassins et de 50.000 chevaux (2 octobre 1187), fut si touché de leur charité envers les pauvres et les malades, qu'il les autorisa à rester encore un an à Jérusalem pour y exercer leur mission de dévouement.

Nous croyons devoir rapporter ici un passage de l'Histoire de V Ordre Teutonique, de De Val, d'après lequel ce n'est qu'en 1218 que l'hôpital des Chevaliers de Saint- Jean am-ait été détruit par Conradin, sultan de Syrie:

»I1 détruisit, dit-il, les fortifications de Jérusalem, pour se venger des chrétiens qui assiégeaient Damiette, ou pour les empêcher de s'y maintenir, si quelque croisade venait l'enlever pendant son absence. Ce fut la fin de l'hôpital de la Maison teutonique et de celui de Saint-Jean, dans lesquels les chevaliers avaient été soufferts jusqu'à cette époque, pour avoir soin des pèlerins, à qui on permettait à grand prix de venn visiter le S* Sépulcre. Le premier soin du Barbare fut de faire massacrer tous les chrétiens qui se trouvaient à Jérusalem: après quoi il fit brûler et raser les hôpitaux, les égHses, les chapelles, ainsi que tous les lieux de piété, et ne conserva que la Tom- de-David et le Temple du Seigneur. Conradin avait bien projeté de détruire le S* Sépulcre, comme il l'avait mandé à ceux de

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 29

Damiette pour les consoler; mais personne ne voulut mettre la main à l'oeuvre . .

IX. Frère Ermengard d'Aps

(1187—1192)

fut élu au magistère par les survivants d'Etino, aussitôt qu'on apprit la mort de Fr. Garnier. Ce Maître donna des preuves de charité admirable, en raclietant un grand nombre de chrétiens que Saladin avait réduits en esclavage, lors de son entrée à Jérusalem (1187). Malgré l'autorisation donnée par le vainqueur, Fr. Ermengard transféra le Couvent et l'Hôpital à Tyr. Saladin mit bientôt le siège devant cette place. Les assiégés se défendirent avec énergie et, le Roi de Sicile leur ayant envoyé un secours de 40 galères, l'armée ennemie fut défaite. Fr. Ermengard alla ensuite occuper avec l'Ordre, Margat^), château-fort appartenant à la Reli- gion, situé en Phénicie, jusc[u'au moment les Croisés (III^ Croisade) reprirent aux Infidèles la ville de Saint- Jean-d'Acre (1189). Il obtint alors d'y établir la résidence de l'Ordre. Il y mourut, en 1192, après cinq ans de magistère ^).

X. Frère Godefroy de Duisson,

(1192—1194)

gentilhomme français, fut élu, à Saint- Jean- d'Acre. On n'est pas d'accord sur l'orthographe de son nom, car on aurait retrouvé un titre sur lequel il avait pris le nom de: Goff reclus de Donlon, divina miser ante clementia, sanctae hospitalis Christi pauperum magister, una cum totius ejnsdem domus assensii, et voluntate eapituli . . . C'était un vaillant chevalier. Il alla re- joindre avec l'élite de l'Ordre, les armées des Croisés, réunies à Bethléem, pour reconquérir Jérusalem. Il sut gagner l'affec- tion des chefs de cette expédition et fit parti,e de tous les conseils. Le départ du Roi d'Angleterre, qui s'éloigna de

^) V. Appendice. ^) V. Appendice.

30 li' ORDRE DE ilALTE.

la Terre-Sainte sans avoir poussé j^lus loin l'entreprise, parah^sa les Croisés. Fr. Godefroy n'eut donc point l'occa- sion d'engager ses chevaliers. Beaucoup de gentilshommes chrétiens entrèrent dans l'Ordre, qu'ils enrichirent de magni- fiques dotations. Fr. Godefroy mourut à Saint-Jean-d'Acre, en 1194, après deux années de gouvernement.

Les trois mausolées des Fr. Garnier, Ermengard et Godefroy n'en formaient qu'un seul en trois parties. C'étaient trois pjnramides surmontées de la croix, avec l'écusson de ces chevahers sculpté sur chacune. On lisait sur l'une : A Garnier de Syrie^ maître du Saint Hos^ntal et de la milice de Jérusalem, ses amis ont élevé ce monument. Bends-toi terrible à tes ennemis. Garnier a défendu les Mens de VHospital, mis à Vàbri des insidtes des musulmans les dons précieux qui lui étaient faits^ et maintenu la paix et le hon ordre. Sur la seconde: A Ermengard, leur excellent prince (ou chef), les chevaliers de Jérusalem. Sur la troisième enfin: A Godefroy, leur maître et leur patron, à cause de ses nom- breux services. Il donna Vhospitalité aux pèlerins.

XL Frère Alphonse de Portugal

(1191-1195)

était de la Maison roj^ale de Portugal. Son magistère fut de courte durée, car il demanda et obtint dès l'année de son élection d'en être relevé. Cette abdication a donné lieu à des appréciations diverses. On dit qu'il voulut ramener l'Ordre à la simplicité des moeurs et à une rigoureuse discipline, comme cela avait été décidé dans un Chapitre général tenu à Margat, et qu'il rencontra tant de difficultés pour faire exécuter ces mesures, qu'il aima mieux se retirer que de sévir. La règle rigoureuse qui lui aurait attiré cette vive ojDposition de la part des chevaliers, est encore observée aujom^d'hui et il fut un conservateur zélé de la discipline de l'Ordre. L'in- scription de son mausolée semble, si elle est authentique, appuyer l'opinion que nous venons d'enregistrer. Fr. Alphonse était couché sur son tombeau, dans son long manteau, la

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 31

croix sur la j^oitrine, les deux mains croisées sur la poignée de l'épée. Au frontispice on lisait: Vivons mihi mortuo poni jussi; puis au dessous: Alphonsus M. S. Xenodochii hiero- soUmitani, régis Lusitaniae films. Amissa Ptolemaïde, et seditione militorum meorum orta juxta Antiocliiarn, nioestus magna spe regni paterni adipiscendi in patriam itavigavi^ sed frater obstitit fratri: quoniodo Me suhita morte jaceam cogita, ut spem precio ne emas, vole ^). Fr. Alphonse se rendit en Portugal, mais ne put arriver au trône, c'est encore ce que l'épitaphe nous apprend. Cette épitaphe doit d'ailleurs être postérieure à sa mort, quoique le mausolée même et la première insription datent du temps de son magistère.

XII. Frèee Geopkoy le Beat.

(1195—1206)

Sous ce Maître les chevaliers prirent part à la Croisade latine (IV® Croisade) ^) et furent appelés à Constantinople par l'em- pereur Baudouin. Les princes chrétiens avaient en quelque sorte mis à la mode l'établissement de l'Ordre dans leurs Etats, comme si cet Ordre y apportait une force vive par le courage et les vertus de ses chevaliers. Il n'allait bientôt plus y avoir de ville importante de France, d'Italie, d'Allemagne, l'Ordre n'eût des domaines, des églises et des hôpitaux. C'est ainsi que, depuis 1183, les commanderies de Bohême, de Pologne et des provinces adjacentes furent réunies en un prieuré, dont Fr. Bernard fut le premier titulaire sous la dénomination de Lieutenant du Magistère (Praeceptor) et qui eut son siège à Prague. Le gouvernement de Fr. Geoffroy le Reat ne fut point troublé par des guerres, pendant les dix premières années, par suite de la trêve jurée par Saphadin^), sultan d'Egypte et de Damas, frère

^) Pauli, I. p. 340, en donne une autre: Anno MCCXLV Kalend. Martii ohiit Frater Alphonsus M. H. H. Quisquis ailes, qui mortis cadis perlege, plora. Sum quod eris, fueram quod es, pro me precor ora.

^) V. Appendice.

^) Saïf-eddyn (épée de la religion), plus connu sous le nom de Mélik-el-Adél.

32 L'ORDRE DE MALTE.

puîné et successeur de Saladiu (1193). Des conflits avec les Templiers furent apaisés par le pape Innocent III'). Sur la demande d'Amaïuy II de Lusignan, roi nominal de Jérusalem et roi de Chj^pre, et pour obéir à l'ordre du Saint-Siège, le Maître prit sous sa garde le royaume de Chypre et envoya dans cette île une armée de chevaliers et de soldats. A la mort d'Isabelle, reine de Jérusalem, il fut nommé tuteur de la jeune princesse Marie, sa fille. Fr. G-eoffroy mourut, en 1206, après avoir eu la gloire de voir revêtir l'habit de l'Ordre à beaucoup de princes, parmi lesquels il faut citer Baudouin, comte de Flandre, etThéobald, comte de Champagne, grand-connétable de France, plus connu sous le nom de Thibaut.

XIII. Frère Guérin de Montaigu (1206—1230)

était de noblesse d'Auvergne: ses vertus et ses hauts-faits le firent élire à la dignité suprême de l'Ordre. C'est à sa valeur et à celle de ses chevaliers qu'on rapporte la victoire remportée par les chrétiens, sous le commandement de Lévon II, roi d'Arménie, sur le comte de Tripoli, Bohémond, et les Sarrasins réunis. Le Soi se montra reconnaissant envers l'Ordre et lui donna la ville de Salef, sur la rivière de Cinno^). Nous trouvons ensuite Guérin dans la lutte contre les Infidèles, et entre autres au siège de Damiette^). Les Chevaliers accomplirent des merveilles dans les campagnes d'André II, roi de Hongrie, et deLéopoldVI, duc d'Autriche, et André qui avait été leui' hôte, à Saint-Jean-d'Acre, fut tellement enthousiasmé des actions d'héroïsixie des Hospi- taliers, qu'il entra dans l'Ordre '^). Lors de la croisade de

^) V. Appendice.

~) Cydnus (Kara-Sou).

^) Damiette fut emportée en 1219: les clievaliers 3^ perdirent le Maréchal de l'Ordre.

*) Voici le témoignage que le roi André rendit aux chevaliers dans un Acte de donation : «Etant logé chez eux, j'y ai vu nourrir chaque jour une multitude innombrable de pauvres, les malades couchés

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 33

l'empereur Frédéric II (VP Croisade), qui fut si vite terminée, comme l'Empereur était frappé d'excommunication, les chevaliers refusèrent de combattre sous ses drapeaux et celui-ci s'en vengea, en confisquant leurs biens dans son roj^aume de Sicile (Frédéric P^, de la dynastie des Hoben- staufen [1197 1250], empereur d'Allemagne, sous le nom de Frédéric II [1218 1250]), L'Ordre recouvra cependant ces biens, lors de la conclusion de la paix entre Frédéric et le Pape (1230)^). Fr. Gruérin prit, comme son prédécesseur, sous sa garde le royaume de Chypre, sur l'ordre du pape Honorius III. Il mourut à Saint- Jean-d' Acre, en 1230. Fr. Greoffroy le Réat et Guérin de Montaigu eurent un mausolée commun; on y lisait: Joffredus Lareautus, et Guarinus Montacut Xenodochii hier: mag: cum aliiSj Jiic jacent; la statue de la Mort se dressait sur le socle, armée de la demi-pique; à ses pieds gisaient des têtes mîtrées, couronnées, avec des têtes sans insignes, ce qui répondait

dans de bons lits et traités avec soin, les mourants assistés avec une piété exemplaire et les morts enterrés avec la décence convenable. En un mot, les Chevaliers de Saint-Jean sont occupés, tantôt comme Marie à la contem.plation, tantôt comme Marthe, à l'action; et cette généreuse milice consacre ses jours ou dans des infirmeries, ou dans les combats contre d'infidèles Amalécites et les ennemis de la Croix. « (Bainaîdus, T. 13, p. 280.)

^) Suivant les historiens de l'Ordre Teutonique, tandis que les Chevaliers teutoniques n'avaient pas hésité à marcher sous les ordres de Frédéric II, sous le commandement de leur maître, Fr. Herman de Salza, les Hospitaliers et les Templiers suivirent à distance l'armée croisée pour protéger ses derrières. Puis on tourna la difficulté: trois généraux furent nommés pour commander en chef: Fr. Salza, les Allemands et les Lombards ; Filangeri, maréchal de l'empereur, et Odon de Montbelliard, maréchal de l'Ordre de Saint-Jean, les contin- gents du royaume de Jérusalem et de l'île de Chj^pre; les ordres furent même donnés au nom de Dieu et de la Chrétienté, sans faire mention de l'Empereur, et les deux Ordres religieux rallièrent l'armée. Suivant les mêmes historiens, les trois ordres religieux de chevalerie furent présents à la conclusion du traité de trêve du 18 février 1229^ entre Frédéric II et Malek-el-Kamel, ainsi qu'au couronnement de Frédéric, comme roi de Jérusalem, le 18 m.ars, dans l'église du Saint- Sépulcre (V. nos Annales de V Ordre Teutoniqiie.)

SAI.IjES ; Ij'OUDRE DE MAI/l'E.

34 L'ORDEE DE MALTE.

à l'inscription gravée au dessous: Involvit Jmmile pariier et celsum caput. Quatre personnages debout aux angles portaient des trophées avec des sentences pieuses.

XTV. Frère Bertraj^d de Texis. (1230—1240)

A peine était-il élu au magistère, que ce clievalier, d'origine française, profita de la paix conclue par Frédéric II, pour restituer dans toute leur sévérité primitive les règles de l'Ordre. Il envo^^a en Espagne ses chevaliers, pour y combattre de nouveau contre les Maures, sous le comman- dement de Hugues de Forcalquier. La foi se refroidissait, l'élan des Croisades semblait passé ; le contact avec les Musulmans et les Scliismatiques d'Orient avait amolli les volontés et attiédi les enthousiasmes. Mais l'Ordre était fidèle à sa double mission. Quelques villes de Syrie, ayant à leur tête Jean Hybelin, comte de Jaifa et de Barut^), s'étant révoltées, Fr. Bertrand sut ramener les rebelles et même apaiser Hybelin, leur chef II se préparait à concourir à la Croisade de Richard de Cornouailles, frère de Henri III, roi d'Angleterre (1240), quand la mort mit fin à son glorieux magistère. Le roi d'Espagne, Don Jayme (ou mieux Jayme P^, roi d'Aragon 1213 1276), avait fait don à l'otdre de plusieurs domaines, en récompense de sa généreuse assistance.

Son mausolée était monumental: la statue du Maître était placée dans une niche l'on arrivait par deux degrés. Fr. Bertrand était assis, revêtu du manteau, l'épée passée au bras gauche, la main droite appuyée sur un livre ouvert. Sur le premier degré, deux chevaliers debout portaient, l'un le casque et la cuirasse, l'autre l'étendard, l'épée et le bouclier. Au dessus des emblèmes, sous le ceintre, on lisait sur un cartel: Bertrando de Texi fortit: piet: magni: insigni ad bene merendwn de civïbus, H: E: M: S: JB: M:.

\ Béryte. Baïrout. Beyrouth. (Julia Augusta Félix).

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 35

XV. Fkere Guarin, (1240—1244)

dont on ignore le nom de famille et le 'p?iys d'origine, tenta avec Richard de Cornoiiailles plusieurs entreprises contre les Infidèles. Mais ces entreprises échouèrent, par suite de l'infériorité numérique de l'armée des Croisés, plus encore que par suite du désaccord qui s'éleva entre les Hospitaliers et les Templiers, et qui devait plus tard dégénérer en une véritable lutte à main armée entre les deux Ordres. Le pape Grégoire IX accorda aux Hospitaliers de nouveaux privilèges. C'est sous ce magistère que l'Ordre contribua, pour une forte somme d'argent, au relèvement des murs de Jérusalem. Du moins les historiens officiels de l'Ordre attribuent-ils ce fait au maître Guarinj; mais il doit y avoir une erreur, car 'il ne peut être ici question de la recon- struction des remparts de la Ville Sainte que, lorsqu'elle était au pouvoir des Chrétiens: or elle ne fut possédée par l'empereur Frédéric II, dernier roi de Jérusalem, que de 1229 à 1239, et, en 1340, époque de l'avènement du maître, Fr. Guarin, elle était de nouveau entre les mains des Infidèles. Les chevaliers se distinguèrent contre les Corasmins, qui avaient fait des incursions en Syrie; mais Fr. Guarin fut fait prisonnier par leur chef, Barbacan^), et livré au Calife d'Egypte. Il mourut, en 1244, en captivité, ou à Saint- Jean- d'Acre.

XVI. Frère Bernard de Comps

(1240—1248)

était du Dauphiné; il était prieur de S*-Gilles-) et fut élu maître, à l'unanimité, à Saint- Jean-d' Acre; il marcha avec un grand nombre de ses chevaliers au secours de la prin- cipauté d'Antioche, envahie par une nombreuse armée de Mamelouks, commandés par le calife Malek-Saleh, qu'il mit

') Béréké-Khaii, qui régna ensuite ('?). '') PauH, a d. di M. I, N"» 116, p. 126.

3*

36 L'ORDRE DE MALTE.

en déroute sous les murs de Betzan (1248). Les chevaliers restèrent maîtres du champ de bataille. Mais Fr. Bernard, s'étant exposé très-avant dans la mêlée, pour animer ses soldats, fut si grièvement blessé qu'il mourut peu de temps après. Il avait occupé glorieusement le magistère pendant quatre années. Le mausolée de Fr. Bernard était une oeuvre magistrale: le Maître était fièrement assis sous un dais de pierre supporté par deux cariatides; il était casqué et armé, et tenait de la main droite l'épée haute. Un chevalier portait à sa gauche la bannière de l'Ordre; deux servants d'armes gardaient le tombeau. Deux griffons tenaient l'écu de l'Ordre au frontispice. On y lisait: On retient V empire par les mêmes moyens qu'on l'a acquis. Les Chevaliers de la sainte milice de Jérusalem, à leur vaillant chef, au défenseur de la noblesse, à Bernard de Comps, illustré par toutes les vertus, pour ses excellents mérites. Par l'audace, par les actes! et comme continuation de la seconde inscription : Sur le rivage de Joppé (Jaffa), afin d'en garder l'éternel sou- venir. Ces mots indiquent sans doute le lieu le tombeau fut d'abord construit. Ces mots: Far l'audace, par les actes! semblent être une devise et n'interrompent pas le sens de l'inscription principale.

XVIL Frère Pierre de Villebride

(1248—1251)

était élu depuis peu, lorsque Louis IX (Saint-Louis) débarqua en Chypre (YII^ Croisade) avec une nombreuse armée, pour marcher ensuite à la conquête de la Terre- Sainte. Pierre se joignit avec un grand nombre de ses chevaliers à l'armée du E,oi de France, sous les murs de Damiette qui tomba au pouvoir des Croisés. Louis IX se dirigea ensuite sur Massera ^), ville située sur le Nil, près de laquelle les Infi- dèles étaient campés (1350). Fr. Pierre commandait l'avant- garde. Après avoir passé le fleuve, il se jeta à l'improviste

1) n s'agit de la Massoure (aujourd'hui Mansourali B.-E. sur la branche orientale du Nil, à 59 K. S.-O. de Damiette.

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 37

sur l'ennemi qu'il massacra et mit en fuite. A ces heui'eux débuts devaient succéder trop tôt, on le sait, la destruction de l'armée chrétienne, la captivité du roi Louis IX, de plusieurs princes et du maître, Pierre de Villebride. L'Ordre paya pour le rachat de son chef une forte rançon; puis le Maître se retira avec le Roi, qui s'était racheté, lui aussi, au prix de Damiette et de 800.000 besants d'or '), à Saint- Jean-d'Acre, il tomba malade et mourut, en 1251.

Son tombeau le montrait de face, sous un arceau sup- porté par quatre colonnes, devant un autel, vêtu du long manteau, tête nue, les mains levées comme pour bénir. On j lisait les inscriptions suivantes: Prudens simplicitas amorque- recti. Fr. Petro a Villàbrida HierosoUmitanorum equitum magistro ...

XVIIL Frère Guillaume de Chateauneue

(1251-1260)

était Français d'origine. Doué d'une grande fermeté de caractère, et animé du désir de faire observer les règles de l'Ordre, il châtia souvent, même par des pénitences publi- ques les Chevaliers qui y manquaient. Ce fut sur ses conseils que le roi Louis IX entreprit l'expédition contre la ville de Bellina et, grâce aussi à la coopération de l'Ordre, que l'expédition réussit. Rappelé en France par la mort de sa mère, le Roi recommanda vivement au Maître la défense de la Terre-Sainte, et celui-ci y consacra tous ses efforts. Mais l'Italie et l'Espagne étaient en guerre, et Fr. Guillaume ne put obtenir les renforts dont il avait besoin. Il mourut de chagrin, en 1260, de voir tous ses appels à la chré- tienté demeurer infructueux. C'est sous son magistère, que le pape Alexandre IV donna à l'Ordre le château et le monastère du Mont-Thabor, ainsi que le monastère de Béthanie; c'est sous son magistère aussi, que le Souverain- Pontife, Innocent IV, déclara de nouveau l'Ordre, d'obédience

^) Environ 7 millions de francs.

38 L'ORDEE DE MALTE.

directe et immédiate au Saint-Siège, afin de l'affranchir des vexations qu'il avait eu à souffrir de la part du Patriarche de Jérusalem et d'autres prélats de Palestine.

GIRANDS MAITRES.

I. Frére Hugues de Revel

(1260—1278)

était du Dauphiné. Il fut élu dans un moment déplorable pour la Terre-Sainte, envahie par les Infidèles et laissée sans secours par la Chrétienté. Il rendit à l'Ordre sa cohé- sion et sa force vitale, en consacrant tous ses soins au rétablissement de sa Règle et de ses Statuts originaires. n tint cinq Chapitres généraux, pour mener son oeuvre à bonne fin. A la valeur guerrière il joignait un grand fonds d'énergie.

H résista dans Saint-Jean-d'Acre, au Calife d'Egypte, Bibars I®'^, et conclut même avec lui une trêve très-oppor- tune. Il fit de grands efforts afin de persuader à Louis IX d'entreprendre sa deuxième Croisade (VI® Croisade) en 1270; la mort du saint roi, survenue peu après la prise de Tunis, mit à néant les esjDérances de l'Ordre, qui demeura livré à ses propres forces \).

Fr. Hugues eut cependant la satisfaction de voir l'Ordre honoré en sa personne par le Saint-Siège. Au concile oecuménique de Lyon (1274), sous le pontificat de Grégoire X, il fut placé au dessus de tous les princes séculiers. Il fut aussi autorisé à porter le titre de Grand-Maître que ses successeurs ont gardé depuis cette époque. Le Bref du

') Nous lisons dans l'Histoire de l'Ordre Teutonique de De Val, que la bonne harmonie fut rétablie entre les Hospitaliers, les Templiers et les Teutoniques, par un arbitrage de trois délégués de ces Ordres, arbitrage confirmé par une Bulle de Grégoire IX, datée de Lyon, le 13 mars 1274;, et rapjDortée au Codice diplomatico di Malta, N" 11, p. 279.

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 39

pape Clément IV est du 18 novembre 1267; ce même pape parlait de même dans une Bulle du 4 juin 1269, dans les termes les plus magnifiques, de l'Ordre: »Les frères de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, y est-il dit, doivent être considérés comme les Macchabées duNouveau-Testament, Ce sont ces généreux chevaliers qui, ayant renoncé aux désirs du siècle, et abandonné leur patrie et lem-s biens, ont pris la croix pour se mettre à la suite de Jésus- Christ. C'est d'eux que le Sauveur des hommes se sert tous les jours pour purger son église des abominations des Infidèles, et, pour la défense des pèlerins et des chrétiens, ils exposent si courageusement leur vie dans les plus grands dangers.* ^)

Fr. Hugues, premier grand-maître, mourut en 1278, après dix-huit années de gouvernement. Son mausolée le présentait assis dans une niche, en manteau de l'Ordre, avec l'épée et le rosaire. Les deux inscriptions latines signifiaient, l'une: Tar les lots et les conseils, puis par les armes; l'autre: A Hugues de ReveJ, Maître des chevaliers de Jérusalem, dont la sagesse et l'éloquence furent telles que V Ordre sacré des Hospitaliers vengea plus souvent par le juge- ment de son chef que par les armes les injures des ennemis.

IL rEÈRE Nicolas de Loegue

(1278—1288)

travailla d'abord à l'apaisement des haines entre son Ordre et celui des Temphers, puis entre ceux-ci et le comte de TripoU, et il y réussit, grâce à sa prudence. Le roi Hugues de Lusignan lui confia le gouvernement de son royaume de Jérusalem, et il s'acquitta avec sagesse de cette mission. Mais la perte de Margat, une des meilleures forteresses de l'Ordre, lui causa un vif chagrin et il mourut, désolé de cet événement, en 1288. Il avait tenu deux Chapitres généraux et ajouté de sages dispositions aux Statuts de

') Vertot, Histoire de l'Ordre de Malte.

40 L'ORDRE DE MALTE.

l'Ordre. On lisait sur le tombeau de Fr. Nicolas, qui se tenait debout en armes, la main gauche à la poignée de sa longue épée, la main droite à la hampe du haussant déployé: La prudence militaire est le plus ferme lien- d'un empire. An MCCLXXXVIII. Gloire immortelle à l'invincible Nicolas Lorgne qui, le premier, fit porter la croix sur la cotte d'armes.

III. Frère Jean de Villiers

(1288—1294:)

fut le troisième grand-maître. La chrétienté était divisée par la guerre; Jean de Villiers ne put donc, lui non plus, obtenir de secours de l'Occident, pour résister au Calife d'Egypte, qui conquit tout ce qui restait aux Chrétiens en Syrie. Barut, Sydon, Tripoli, Tj^r, Nefro, et même Saint- Jean-d'Acre, quoique héroïquement défendue par les Hospi- taliers et par une valeureuse phalange de TempKers et de Teutoniques, oublieux dans l'intérêt de la cause chrétienne, de leurs ressentiments passés, tombèrent en son pouvoir. Un incendie dont on ignore la cause provoqua la rupture de la trêve par le Calife Mélek Seraph, et, avant que l'Ordre eût pu recevoir des renforts, Mélek amena ses bataillons sous les murs de Saint-Jean-d'Acre. La garnison ne comp- tait que 200 Hospitaliers et à peu près autant de Templiers et de Teutoniques, le reste ayant succombé devant Tripoli. En comptant les troupes auxiliaires, on avait environ 12.000 hommes. La ville était, il est vrai, très-peuplée, mais de marchands inhabiles au maniement des armes. Le port était encore libre: aussi le plus grand nombre des habitants purent-ils s'éloigner avec leurs richesses avant le commencement du siège. La diversité des nationalités allait rendre la défense plus difficile. On nomma à l'una- nimité gouverneur de la place, Pierre de Beaujeu, grand- maître des Templiers, et l'harmonie la plus complète ne cessa de régner entre les trois Ordres durant le siége- L'armée de Mélek comptait plus de 400.000 combattants d'Egypte, d'Arabie, des rives de l'Euphrate. Les ouvrages

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 41

de l'ennemi avaient une étendue de trente milles anglais, dit notre chroniqueur, qui appartenait à cette Langue. On était à la fin de mars, lorsque Mélek, après avoir examiné les préparatifs de l'attaque, fit sommer la place de se rendre. Les Chevaliers ne répondirent pas; mais, au lever du jour, on entendit un formidable craquement: où, la veille encore, se dressaient les fiers remparts de la ville, il n'y avait plus que des décombres. Quand la fumée et la pous- sière se furent dissipées, des cris de triomphe s'élevèrent du sein de l'armée sarrasine, et l'ennemi s'élança vers la brèche. Mais il y avait un fossé large et profond, qu'un repli du terrain lui avait caché : il dut se retirer après des tentatives acharnées d'assaut, en abandonnant 5000 morts aux abords de l'enceinte. Ce n'était qu'un instant de répit. La cavalerie reçut l'ordre d'avancer jusqu'au pied de la brèche, que les Chrétiens occupaient et qu'ils avaient munie de quelques grosses machines de guerre. La cavalerie s'élança donc au galop de charge, sur ses chevaux arabes si rapides: ses armes étincelaient aux rayons du soleil; c'était l'élite des troupes du Calife. Mais le fossé béant arrêta le torrent humain et les machines de guerre abat- tirent des lignes entières de ces cavaliers serrés les uns contre les autres au bord de l'abîme infranchissable. Ces attaques se renouvelèrent cinq jours de suite avec le même insuccès, et chaque fois la moitié des assaillants resta sur le carreau. Le calife, voyant qu'il ne pourrait ainsi aborder le corps de place, résolut de faire combler le fossé. On y jeta donc d'énormes masses de terre et de pierres; mais l'eau courante les balayait et le fossé ne se remplissait pas. Le mois d'avril était passé et le siège n'avait pas fait un pas. Mélek alors s'impatienta, et, sans attendre davantage, il fit recommencer l'assaut. Le fossé avait encore une cer- taine profondeur; les Sarrasins reculèrent de nouveau en désordre. Mélek lança alors les Chages, les plus sanguinaires et les plus fanatiques musulmans de son armée. Ils se jetèrent dans le fossé et les Mamelouks passèrent sur leurs corps; mais derrière la brèche s'élevait une nouvelle muraille

42 L'ORDRE DE MALTE.

défendue par les Hospitaliers. La cavalerie fut repoussée; mais la sape et la mine se frayèrent un passage jusqu'au nouveau mur, qui s'écroula en entraînant tours et bastions, et en renversant entre autres la Tour-maudite^ ainsi nommée par les assiégeants à cause du mal qu'elle leur avait fait. Les assauts se succédèrent sans relâche; 500 Chypriotes lâchèrent pied, au moment du plus pressant péril, et s'em- barquèrent de nuit pour leur île, sous la conduite du roi Henri. Les Sarrasins pénétrèrent ce jour-là jusqu'au coeur de la place: il y eut nne mêlée terrible, une poignée de chevaliers rejeta enfin les assaillants jusqu'aux fossés, tandisque d'autres défenseurs balayaient les créneaux. H y eut ensuite un nouvel assaut et cette fois du côté de la Porte-Saint-Antoine. Les Mamelouks d'élite rencontrèrent encore les Hospitaliers et les Templiers, qui semblaient être partout en même temps; mais ils perdaient chaque fois quelques uns des leurs, Fr. Jean de Villiers était même déjà grièvement blessé, lorsque le grand-maître des Templiers lui dit: »La ville est perdue sans retour. Faites une sortie, cela nous dégagera un instant et nous en profiterons pour compléter quelques, ouvrages de défense. Villiers, malgré ses blessures, se mit à la tête de cinq cent cavaliers valides et se jeta sur le camp ennemi, dans l'espoir de le surprendre; mais la cavalerie de Mélek se précipita sur cette petite phalange: la colonne de sortie ne put se dégager, qu'après avoir- livré un combat désespéré et après avoir perdu la moitié de ses hommes. Quand elle rentra dans la place, Beaujeu était blessé et la moitié de la ville était au pouvoir de l'ennemi. Le lendemain, il n'y avait plus qu'à livrer le dernier combat et à mourir. Les trois chefs d'Ordre tinrent conseil avec le Patriarche de Jérusalem, qui avait voulu rester à Acre pour donner du courage aux défenseurs. On pouvait fuir, car le port était toujours ouvert. Mais Acre, c'était pour les Chevaliers la Palestine tout entière, et mourir sous ses décombres, c'était mourir pour la Croix. Ils firent donc la veillée de la mort et se préparèrent saintement à la lutte suprême. Dès avant le lever du jour, les Sarrasins

LES HOSPITALIERS LE S' JEAN. 43

pénétrèrent clans la ville par la Porte-Saint- Antoine, massa- crant tout devant eux. On se battit de maison en maison, de rue en rue, de place en place. La moitié seulement des habitants put atteindre les vaisseaux dans le port. Les chevaliers et les soldats se virent entraînés par le ilôt des fuyards. Il n'j^ eut bientôt plus que quelques Hospitaliers debout: ils firent une retraite héroïque et parvinrent tout couverts de blessures à gagner une galère de l'Ordre. Les Templiers, non moins admirables, s'enfermèrent dans une tour et y bravèrent quelques jours encore les assauts. C'était une lutte sans espoir: la tour fut minée, des milliers de Sarrasins tentèrent l'escalade, et, au moment oîi ils arrivaient aux créneaux, la tour s'écroula, ensevelissant sous ses niasses de pierre, Chevaliers et Lifidèles. Le car- nage dura quatre jours dans la ville: les Sarrasins s'y livrèrent aux plus odieux forfaits. Soixante mille chrétiens furent leurs victimes. Les Hospitaliers 3" avaient tenu durant cent ans et ils l'avaient conservée à la Croix, tant que leur courage avait pu suppléer le nombre. Le grand-maître, Fr. Jean de Yilliers, l'un des six chevaliers échappés au carnage, après avoir abandonné ce dernier boulevard de l'Occident en Palestine, dont la chute entraîna la perte de la Syrie tout entière, ariiva, sur la dernière galère de l'Ordre, dans l'île de Chypre, le roi Henri II de Lusignan lui donna pour résidence la ville de Limisso, dans laquelle fut établi le siège de l'Ordre ^).

Cet événement historique s'accomplit en 1291^).

Le premier soin du Grand-Maître fut de convoquer les Chevaliers de toutes les Langues, qui accoururent à son appel, de construire un Hos^ntal et d'entourer la ville de fortifications, afin qu'elle pût résister aux attaques du dehors •').

^) V. Appendice.

-) Comparez Histoire de VOrdre de Malte, par Vertot, et Histoire de VOrdre Teutonique, par De Val, ainsi que notre récit plus complet encore dans nos Aniudes de VOrdre Teutonique.

^j C'est dans la première assemblée de l'Ordre que Fr. Jean de Villiers adressa aux Chevaliers cette allocution que l'histoire a con-

4^ L'OEDEE DE ilAETE.

H y tint deux Chapitres généraux, d'autant plus importants que, selon Vertot, »Tout V Ordre était passé, pour ainsi dire, dans Vile de Chypre'^<; on y imposa une barrière au luxe et on y fixa les règlements relatifs à l'élection des grands- maîtres, qui furent en "^-igueur jusqu'en 1623. époque de l'élection de Fr. x4.ntoine de Paula.

Il mourut à Limisso. en 1294. Son modeste tombeau a été brisé et il ne reste de visible des inscriptions que ces mots: D. O. . . . Viro ilïustr. Joanni de ViUiers . . .

IV. Feèee Odox de Pins

(129i— 1296)

fut élu à Limisso, dans l'île de Chypre. Il ramena les chevaliers à l'observation des Règles de l'Ordre et siurtout à la pratique de la discipline religieuse qui s'était relâchée pendant les luttes à outrance des dernières années. Mais, pour une raison que la Chronique ne nous a pas transmise, il s'attira à tel point la haine de ses Chevaliers qu'ils

servée. Nous la donnons en français moderne, d'après Tertot : »Le grand-maître parut, dit ce chroniqueur, avec une contenance triste, mais qui ne lui faisait rien perdre de cet air de grandeur que donne la vertu et que les plus grands malheurs ne peuvent abattre, et, adressant particulièrement la parole aux Clievaliers qui venaient d'arriver d'Occident: Votre diligence, leur dit-il, à vous rendre à nos ordres, et le courage dont vous paraissez animés, me font voir malgré toutes nos pertes, qu'il y a encore au monde de véritables Hospita- liers, capables de les réparer. Jérusalem, mes chers frères, est tombée, comme vous savez, soiis la tyrannie des Infidèles ; une puissance barbare, mais formidable, nous a forcés d'abandonner pied à pied la Terre-Sainte. Depuis plus d'un siècle, il a fallu livi-er autant de combats que noixs avons défendu de places: Saint-Jean-d'Acre vient d'être témoin de nos derniers efiorts, et nous avons laissé ensevelis sous ses mines presque tous nos chevaliers. C'est à vous à les remplacer ; c'est de votre valeur que nous attendons notre retour dans la Terre-Samte, et vous portez dans vos mains la vie, les biens et la liberté de vos frères et surtout de tant de Chrétiens qui gémissent dans les fei's des Infidèles. L'assemblée ne répondit que par une généreuse protestation de courage.*

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 45

voulurent le déposer. Le pape Boniface VIII manda Odon à Rome, afin de s'éclairer sui' cette situation si contraire aux intérêts de la communauté. Le grand-maître tomba malade et mourut pendant son voyage, à Barlette, dans le Couvent de l'Ordre, en 1296. Son tombeau, formé comme celui du grand-maître de Villiers, d'un massif sans orne- ments, a été très-endommagé. On y lit encore: Heus Viator Deinde ut Magis. Otoni . . . A pinihus . . . vixit anno . . vale et vive . . . nostri ac tui memoria ... A la base on lisait ce vers qui semble avoir été d'une date postérieure : Saxis nominisque venit mors efiam.

V. Frère Guillaume de Yillaret (1296—1308)

fut élu grand-maître, le 24 mars 1296, tandis qu'il se trouvait dans son prieuré de Saint-Grilles (France). IL se rendit immédiatement à Limisso, il calma les esprits agités par les derniers différends avec son prédécesseur. Le pape Boniface YIII lui fit don des biens de l'hôpital d'Abracco, en Russie, et de l'abbaye de Yenosa, dans le roj^aume de Naples. L'Ordre s'allia, sous ce magistère, avec le roi d'Arménie, Hétoum II, assisté par Gazan, roi des Tartares, et contribua aux victoii'es sur les Infidèles de S^a'ie (1302). Fr. Guillaume tint deux Chapitres généraux.

La Terre-Sainte était perdue pour la Chrétienté, et, pour des raisons que nous donnerons plus loin, le séjour des Chevaliers à Limisso devenait impossible. Fr. Guillaume de Villaret conçut donc le projet de s'emparer de l'île de Chypre, qui était au pouvoir du schismatique Gualla et d'y transporter le siège de l'Ordre. Il alla même sous un déguisement dans cette île, afin de se rendre compte de sa situation; mais la mort le surprit, à Limisso, avant qu'il pût exécuter ce projet, qu'il légua à son frère et successeur, Fr. Foulques de Villaret. Fr. Guillaume fut inhumé à Limisso ; son mausolée, à Rhodes, le représentait debout, en manteau, avec la toque, l'épée et le rosaire.

46

L"ORDRE DE MALTE.

Parmi les inscriptions, nous citerons celles-ci: A Guillaume de Villaret. en Provence, qui, étant à Avignon pou/r les affaires de V Ordre sacré de Jérusalem, fui^ en son absence, nommé en Chypre lïaître, p)Our la grandeur de son courage et les ressources de sa sagesse. De la Lycie voisine, il descendit le premier dans l'île des Bhodiens. L'oeuvre a été accomplie par son frère, en MCCCIX, et, suivant le voeu de celui-ci, les chevaliers de l'Ordre sacré de Jérusalem lui ont fait élever ce moïiumeni.

Qui peut sonder les desseins de la Providence! C'est au moment les Chevcdiers Rospitcdiers de Saint-Jean-de- Jérusalem et du Saint-Sépulcre, double titre auquel ils pou- vaient prétendre^), semblaient menacés dans leur existence,

^j ZSous n'en voulons d'antres preuves que les monnaies et médailles, monuments indiscutables, frappées par l'Ordre, de 1623 à 1798. que nous décrivons au cours de ces Annales, d'après les originaux. Souvent nous y trouvons: Grand-Maître de THospital et du Saint-Sépulcre de Jérusalem: M. M. H. SS. M. M. H. ET S. SEP. H. M. M. H. ET SAXCTI SEPYL. lERYSA. - M. M. HOSPITALIS ET S. SEPVL. HIERVS. HOSPITA. ET S. HIERVS. M. M. HOSPITAL. ET S. SEP. HIER. M. MAG. HOSP. ET S. SEPVLCHRI HIERV. - MAGN. MAGIS. HOS. ET S. SEP. HI. M. M. H. S. SEP. M. M. H. ET S. S. H. - M. M. H. S. S. HIE. M. M. H. ET S. S. H. M. M. H. S. Il est regrettable qu'une telle légende, employée évidemment, lors de la réforme monétaire, pour bien marquer le souvenir d'un titre traditionnel, n'ait pas été conservée dans la médaille commémorative de 1879: mais les légendes que nous venons de grouper font foi. II nous semble du reste bors de dou.te que ce titre de Chevaliers du Saint-Sépulcre fut confii-mé à rOrdi-e de Saint-Jean, par le pape Paul Y (1605—1621) ; ce n'est qu'en 1492 qu'Alexandre YI remplaça les chanoines du Saint-Sépulcre fondés par Godefroy (1099 , supprimés par Innocent A'III (avril 1485), (Selon Smitmer, N" 122. p. 100. la buHe d'Innocent YIEL est du 28 mars 1489), par une fraction de l'Ordre de Saint-Jean, qui eut plus particuhèrement ce titre ; 1492— 1621), en même temps que la garde du Sarut-Sépulcre au miUeu des Infidèles, puis cessa d'être autonome (1621). Le titre fit alors retour à l'Ordre. On pourrait ainsi exphquer la légende des monnaies et médailles, à partir de 1623. Yoici enfin des documents propres à faire cesser toute espèce de doute sur le droit de nos ChevaHers au titre de Chevaliers du Saint- Sépulcre. Le premier est le libellé officiel de la protestation du grand-

LES HOSPITALIERS DE S' JEAN. 47

que l'Ordre allait acquérir les droits de souveraineté et devenir plus encore peut-être qu'à son origine dans la Ville-Sainte, l'association des cliampions de la civilisation et de la Foi, gardant l'Europe contre les corsaires et la chrétienté contre l'Islam; s'imposant au monde chrétien aussi bien qu'au monde barbare par le retentissement de leurs exploits!

maître Hompesch, datée de Trieste, 12 octobre 1798, Cet acte cominence ainsi: Le grand-maître de l'Ordre de Saint- Jean-de-Jérusalem, du Saint- Sépulcre, de Dominique et de Saint-Antoine de Vienne, tant en son privé nom qu'au nom de tout V Ordre, etc. C'était conforme à la tradition. Voici en effet l'en-tête des plus anciennes ordonnances du Magistère: Nos X Dei gratia S. Domus Hospitalis et militaris Ordinis S. Sejndcliri Magister humilis, Pauperumque Christi custos . . . , et la signature au bas de ces ordonnances: Magister Hospitalis Hierusol. et S. Sepulchri. Le Père Hélyot, dans son Histoire des Ordres religieux, dit qu'en 1485 les biens de l'Ordre militaire du Saint-Sépulcre furent réunis par Innocent VIII à ceux de notre Ordre et que cet acte fut confirmé par Jules II, en 1505: il s'appuie sans doute sur le texte de la Bulle de Jules II (Homani Pontifias henignitas) datée de Rome, auprès de S' -Pierre, le 25 juin 1505, citée d'après Escluseaux, p. 114, par Pauli, C. d. di M., II, p. 172, N" 144. C'est cette bulle qui mentionne la suppression des Ordres militaires du S' Sépulcre et de S' Lazare par Innocent VIII et la réunion de leurs biens à l'Ordre de S' -Jean- de-Jérusalem, puis confirme à nouveau la décision d'Innocent VIII, ainsi que les privilèges accordés par les papes ses prédécesseurs.

LES CHEVALIERS DE RHODES^.

(1309—1530)

Le séjour des Clievaliers Hospitaliers de Saint- Jean-de- Jérusalem en Chypre fut, nous allons le voir, d'assez courte durée. Cette île si proche des côtes de Syrie ne leur offrait pas un lieu d'asile, ils pussent se mouvoir en liberté et d'où ils pussent accomplir cette partie de leur sainte mission d'Ordre militant, qui était la lutte contre les Infidèles et la poursuite sur mer des corsaires des Etats Barbaresques devenus la terreur du bassin méditerranéen. En Chypre, ils étaient même en quelque sorte trop près des Lieux- Saints, pour échapper à une surveillance jalouse, qui ne leur eût pas laissé le temps de se préparer efficacement à coopérer à quelque grand effort de l'Occident chrétien pour la délivrance du Saint-Sépulcre ou à prendre l'initiative d'une glorieuse revanche des revers que leur héroïsme n'avait pu conjurer.

Combattre, telle était la loi de leur existence comme Ordre religieux de chevalerie, et telle était la condition essentielle de la perpétuation de leur haute renommée.

VI. Frère Foulques de Villaret

(1307—1319)

après son élection au grand-magistère, songea, conformément au testament de son frère et prédécesseur, à établir le siège de l'Ordre sur une autre île de la Méditerr année. Les pré-

^) V. Appendice.

LES CHEVALIERS DE RHODES. 49

tentions de Henri, roi de Chypre, qui voulait frapper de hautes redevances les Chevaliers de Saint- Jean-de-Jérusalem, lui firent hâter l'exécution de cette mesure de salut. Le pape Clément V avait reconnu à l'Ordre, par un Bref, le droit de s'emparer de toutes les îles des côtes d'Asie et d'Afrique, en lui en conférant par avance et pour tous les temps la propriété. L'Ordre avait peu à peu rétabli sa flotte, Foulques résolut alors d'enlever Rhodes aux empereurs grecs qui en avaient la souveraineté nominale, malgré les Turcs qui tenteraient sans doute de s'y opposer. Il noua des négociations avec le roi de France, Philippe-le-Bel, et, par son intermédiaire, avec le Saint-Siège; il reçut du pape et du roi d'importants subsides. Charles II de Sicile voulut concourir à cette entreprise; Gênes arma dix galères; l'Ordre Teutonique prit part à l'expédition, il y devait conquérir, aux côtés des Chevaliers de Saint -Jean, des lauriers impérissables, sous le commandement de son grand-maître. A la fin de l'année 1309, la flotte fut réunie et l'on fit voiles sur l'île de Rhodes, après s'être ralliés près de Makri de Lycie, sur la côte de Caramanie. Mais les Infi- dèles, eux aussi, étaient prêts; ils avaient jeté de tous les ]3ays voisins dans Rhodes des masses de troupes, et la Syrie pouvait leur fournir continuellement des renforts et des subsistances. La lutte dura quatre ans; elle fut acharnée; mais enfin la victoire resta à la valeur, à la ténacité, aux prodigieux efforts de l'Ordre. Lindos tomba d'abord au < pouvoir des Chevaliers, puis Rhodes fut emportée (15 août 1310), puis peu à peu l'île tout entière, et, avec cette île d'autres plus petites tombèrent au pouvoir de l'Ordre (Nysiros, Leros, Calymnos, Episcopia, Chalcé, Syme, Télos et Cos). Clément V confirma solennellement les Chevaliers dans la possession de leur conquête. La Bulle pontificale confère pour la première fois aux Chevaliers Hospitahers de Saint- Jean-de-Jérusalem, ce titre de Chevaliers de Rhodes qu'ils n'ont cessé de porter depuis cette époque (1.313). C'est aussi en ce temps-là que le pape Clément V, dans un Con- sistoire secret, tenu pendant le Concile de Vienne (Dauphiné),

SALLES : L'OKDUE DE MALTE. 4

50 L'OEDRE DE MALTE.

supprima l'Ordre des Templiers (1312) et que les riches commanderies de ces chevaliers, sortis en 1118 des rangs de l'Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean, furent affectées à celui-ci et lui fournirent de nouvelles ressources pour accomplir sa mission d'ordre militant et maritime. Une nouvelle ère de gloire s'ouvrit pour lui,' sa renommée s'étendit de plus en plus. Quelque petites que fussent ses possessions d'Orient, quelque exposées qu'elles fussent à toutes les attaques du dehors, il pouvait rivaliser avec de plus grandes puissances. L'île, jadis célèbre, recouvra son ancienne importance: son commerce s'étendit au loin, ses ports s'ouvrirent à tous les vaisseaux de l'Europe, la flotte des Chevaliers tint la mer. Des forts s'élevèrent pour la défense des approches de l'île qui put bientôt, grâce à ces travaux, braver une première tentative d'Othman-le- Yictorieux, sultan des Turcs. Les Chevaliers achevèrent de mettre en désarroi les troupes assiégeantes, en les attaquant en rase campagne et en leur infligeant en bataille rangée une sanglante défaite. C'est à propos de cette victoire que tous les historiens racontent les uns après les autres, que l'honneur de la journée revint en grande partie à Amédée Y, comte de Savoie, dont les troupes de secours et la valeur personnelle auraient sans doute été de puissants auxiliaires pour les défenseurs de E-hodes, plus intrépides que nombreux ^). Les mêmes historiens nous expliquent à leur façon la signification de la devise de l'Ordre de l'Annonciade, fondé en 1362, par Amédée YI, duc de Savoie, en souvenir de cette glorieuse victoire de son aïeul, et dont le roi régnant est le grand-maître depuis la réorganisation, le 3 juin 1869. Cette devise est formée par les lettres: {F. E. R. T. Fortitudo ejus Rhodum tenuit). Ils prétendent même que c'est depuis cette bataille, que la Maison de Savoie aurait remplacé, dans ses armes, l'aigle

^) Nous en exceptons Vertot et Villeneuve, qui démontrent au contraire que le fait est de pure invention, car Amédée V n'a pas pu être à Rhodes en ce temps-lâ, puis qu'il était occupé ailleurs.

LES CHEVALIERS DE RHODES. 51

de Savoie par la croix de Saint-Jean en champ de gueules, qui ne s'y trouve pas.

C'est de 1313, que date vraiment l'histoire de l'Ordre, en qualité d'Ordre souverain^ sous le gouvernement de ses grands-maîtres électifs. C'est de 1313 aussi, que date le droit de battre monnaie, que l'Ordre exerça jusqu'en 1798, à Malte comme à Rhodes, et qui est l'apanage exclusif de la pleine souveraineté.

Nous voyons en ces temps l'Ordre traverser une crise, qui pouvait devenir fatale pour sa renommée et mettre en question son existence à venir. Les richesses acquises par suite de la transmission aux Chevaliers de Rhodes des com- manderies vacantes des Chevaliers du Temple, et par suite de prises nombreuses sur les corsaires, inspirèrent l'amour du luxe et des plaisirs aux nobles champions, liés par le triple voeu de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. La dissension se mit même un instant parmi eux, et voici sur le conflit qui s'éleva entre une partie des membres de l'Ordre et le G-rand-Maître, une opinion assez accréditée. Beaucoup de chevaliers le déposèrent et élurent à sa place Maurice de Pagnac, mais Fr. Foulques en appela au Saint- Siège. Le pape Jean XXLE envoya donc deux commissaires à Rhodes, pour y instruire l'affaire et mander à son tribunal, à Avignon, les deux parties, Villaret et Pagnac. L'accueil fait à Villaret, dans toutes les villes il passait, prouva en quel haut honneur la Chrétienté tenait le conquérant de Rhodes; le Souverain Pontife lui fut plus favorable que contraire; Villaret fut confirmé dans sa dignité, après que la mort de Pagnac (1318j eût rendu plus facile la solution du différend. Fr. Foulques n'en résigna pas moins sa charge, en 1319; il fut pourvu en échange, de la commanderie de Capoue, l'une des plus riches de l'Ordre, qui fut déclarée à cette occasion franche et libre de tout lien d'obédience envers le grand-maître qui lui succéderait. Nous enregistrons cette dernière circonstance, rapportée par les chroniques, sans être trop disposé à y donner créance. Il avait occupé quinze ans le magistère et s'était acquis un grand renom ])ar

4*

52 L'ORDRE DE MALTE.

ses hauts-faits et par l'élévation de l'Ordre des Chevaliers Hospitaliers de Saint-Jeaii-de-Jériisalem au rang d'Ordre souverain, par le fait de la conquête et de l'investiture d'une possession territoriale.

Les premières monnaies qu'il a frappées, représentent, d'un côté, le grand-maître agenouillé devant une croix patriarcale, accotée de l'a et de l'o); on voit au-dessous de la croix un M et derrière le grand-maître: I:B,:L': Foulques porte la croix au manteau. A l'entour, on lit: )^ PR pvLCO D viLL'RETO Di GE, Au revers, est la croix, au centre; à l'entour, dans un premier cercle: ^ lbeell'- RODi ; à l'entom-, dans le cercle extérieur : ^ mro hopital'I QVET SGI lOHis D'autrcs monnaies postérieures de lui offrent quelques modifications de peu d'importance.

Il mourut à Montpellier, en 1327, et y fut inhumé dans l'Eglise-de-Saint-Jean. Les chroniques de l'Ordre parlent en général de lui dans les termes les plus magni- fiques et l'on a retrouvé sur une tapisserie de son temps, au dessous de son portrait, cette inscription qui célèbre ses mérites: Magister de provmcia, frater Folquetus de Villareto, vir praestans, pius-, magnanimus. Hic relicto Cypro Bhodwn ingressus est et urhem insulmngue cum sua classe (flotte) in deditioneni accepit anno domini MCCCVIII. L'inscription gravée sur son sarcophage de marbre ne parlait pas de son abdication^): Anno Domini M-C'CC-X-X- VII die scilicet la semptenibris ohiit nohilissimus Dominus Frater jtolquetus de Villareto, magister magnus Hospitalis Sacrae Domus Sancti Joannis-Baptistae Hierosolymitani, cujus anima requiescat inpace, Amen. Die pro me Pater Noster, Ave Maria"^).

VIL Frère Hélion de Villeneuve

(1319-1346)

fut élu après l'abdication de Villaret, par le Chapitre de l'Ordre, réuni à Avignon, sur le conseil du pape Jean XXII,

^) L'EgHse-de-Saint-Jean, à Montpellier a été détruite pendant les guerres de religion.

2) PauH, C. cl di M. II, p. 163.

LES CHEVALIERS DE RHODES. 53

qui avait ce chevalier en liante estime. d'une noble famille de Provence, en 1263, il avait de bonne heure prononcé ses voeux et s'était signalé en Terre-Sainte par sa erande valeur, surtout à la défense de Saint-Jean d'Acre, dont il fut un des survivants. Son courage, son zèle pour la religion, la pureté de sa vie le rendaient digne de la dignité suprême. Il s'arrêta quelque temps en France, et, dans un Chapitre de l'Ordre, tenu à Montpellier, il répartit les Chevaliers en huit langues, en prenant pour base la nationalité de chacun d'eux. Il espérait ainsi apaiser les rivalités entre ces gentilshommes appartenant à l'élite de la noblesse de tant de pays différents, et par conséquent fiers, fougueux, difficiles à contenir, H y eut donc, en suivant leur rang d'ancienneté, la Langue de Provence, celle d'Auvergne, celle de France, celle d'Italie, celle d'Aragon, celle d'Angleterre, celle d'Allemagne, celle de Castille et Portugal ^). Tout en restant membres d'une même famille, tout en vivant sous une règle unique, tout en partageant les mêmes devoirs et en conservant la même bannière, le même habit, le même chef suprême, les che- valiers de chacune de ces Langues formèrent un corps à part, ayant son existence proj^re, ses maisons particulières dites Auberges^ ses chefs nationaux. Sauf les extinctions de fait que la suppression de plusieurs Langues, ou les modi- fications que les changements dans le groupement d'autres Langues ont occasionnées, cette division territoriale subsiste et subsistera en principe, aussi longtemps que l'Ordre même. C'est dans ce même chapitre, qu'afin d'empêcher qu'à l'avenir les Chevaliers ne restassent dispersés et comme ensevelis dans les commanderies d'Europe, il fut décidé que tous ceux qui n'auraient pas fait à la maison Chef- d' Ordre un certain nombre d'années de' résidence actuelle, et qui n'auraient pas servi dans les guerres contre les Infi-

^) Nous avons reproduit sous le magistère de Fr. Raymond du Puy, la version d'après laquelle ce premier maître de l'Ordre aurait déjà fait la même répartition. V. Appendice, pour l'existence des Auberges des Langues.

54

L'ORDRE DE MALTE.

dèles et sur les vaisseaux de la Religion (Caravanes)^ seraient incapables de revêtir les dignités de l'Ordre. Il fut nommé en même temps huit baillis conventuels, ayant voix au Conseil, sous la présidence du Grrand-Maître, et obligés à la résidence à Rhodes (Piliers). Ils avaient la direction des Auberges et ne pouvaient être choisis que parmi les grand' croix et les hauts dignitaires. Fr. Hélion de Villeneuve eut aussi à s'occuper du règlement de la question des biens abandonnés aux Chevaliers de Saint-Jean, lors de l'abolition de l'Ordre des Templiers. Tandis qu'il était retenu en France et en Europe par tous ces soins, relatifs à une meilleure organisation de l'Ordre et à une meilleure admi- nistration de ses possessions, le Lieutenant du Magistère, qu'il avait nommé, conformément aux Statuts, pour le temps de son absence, Fr. Gérard de Pins remporta une grande victoire navale, dans les eaux de Rhodes, sur Orkhan, le successeur d'Othman (1326). Ce prince aspirait à reprendre Rhodes et il crut pouvoir réaliser facilement son projet, en profitant de la zizanie qui, lui afiirmait-on, divisait les Chevaliers. Il réunit donc une flotte de quatre- vingts vaisseaux et fit voiles sur l'île. Fr. Gérard préféra livrer bataille sur mer, à attendre l'ennemi derrière ses murailles. Il fit donc monter à bord des quatre galères dont il disposait et des bâtiments marchands, à l'ancre dans le port, les chevaliers et les troupes de l'Ordre, ainsi que tous les habitants en état de porter les armes, et alla au devant de l'ennemi. Six galères génoises, qui venaient d'arriver à Rhodes, se joignirent à lui. La flotte turque tout entière fut dispersée et beaucoup de vaisseaux otto- mans furent pris ou coulés à fond.

Fr. Hélion de Villeneuve arriva enfin à Rhodes, en 1332; sa présence y était devenue extrêmement urgente: en l'absence du Grand - Maître, un certain nombre de chevaliers s'étaient retirés dans leurs commanderies, et le Trésor de l'Ordre était fort appauvri. Fr. Hélion se mit courageusement à l'oeuvre, pour compléter les fortifications de Rhodes et réparer celles qui existaient: il fit entre

LES CHEVALIERS DE RHODES. 55

antres bâtir le Fort-de-Villeneuve et consacra ses propres revenns an paiement d'nne partie de ces travaux. Il remit l'ordre dans les finances, obérées par les dépenses occasion- nées par l'enrôlement des troupes auxiliaires lors de la conquête de l'île et par les améliorations réalisées dans les domaines des Templiers. Il s'occupa de l'amortissement de la dette de la communauté. Il eut ensuite, dans les trois dernières années de sa vie, des luttes à soutenir contre les Infidèles. Il battit, à la tête de vingt-mille hommes, à Rio del Salado ^), le 30 octobre 1343, le roi maure, Abou'l Haçan, qui disposait de forces bien supérieures en nombre. De son côté, Fr. Jean de Biandra, prieur de Lombardie, géné- ralissime de la flotte rhodienne, prit avec l'aide des vais- seaux du Pape et de ceux de la République de Venise, sur Omar Bey, émir d'Aïdin, la ville de Smyrne, oii il laissa une garnison (1344).

Fr. Hélion mourut, le 27 mai 1346, comblé de jours et d'bonneurs. Il avait 83 ans, et avait gouverné l'Ordre pendant 27 ans et convoqué sept Cbapitres généraux. Son mausolée le présentait assis, sous un dôme porté par quatre colonnes, auxquelles pendaient les diverses pièces de son armure. Il était en manteau, la tête ceinte d'une couronne de laurier, le sceptre dans la main droite, l'épée dans la main gauche. Voici les inscriptions qui s'y trouvaient : Foris arma domi justum imperium. Helias Villanova iG-allus provincialis in toga et militia spectatus a Joann. XXII. Pont. Max. H. E. 0. quae Folquetus antec. acquisivit sapienter ser- vavit et auxit fortiter. Et a suis M. Félix vocatus est.

Le sceau de plomb (Bulle) de ce grand-maître montre, à l'avers, le grand-maître à genoux devant la croix patriar- cale, avec cette inscription: ^ frater elyonvs cvstos pam (pauperum).^ et, au revers un malade couché, à sa tête une croix, au dessus de lui une lampe, à ses pieds un encensoir allant vers lui, avec cette inscription: )$( hospitalis iervsalim.

^) Rio del Salado, ou Eio Salado est une rivière d'Andalousie qui coule près de Tarifa. ^) En Anatolie.

56 L'OEDEE DE MALTE.

C'est le type des sceaux des grands-maUres depuis rorigine. Le sceau de couvent ou de la Fieligion est autre: il représente, conformément aux Statuts de l'Ordre, le grand-maître et les huit baillis agenouillés devant la croix patriarcale; au revers, est le sceau des grands-maîtres; les inscriptions sont ainsi conçues: ^ b^lla maq-istr et coj^tentvs, et HOSPiTAXis lERvsALiii. Dans les monnaies que ce grand-maître fit frapper, on remarque sur toutes, au revers, la croix ornée, à l'avers, le grand-maître à genoux devant la croix patriarcale, avec cette seule différence que, dans les unes, celui-ci n'a pas de capuclion et qu'il a la barbe courte et frisée, tandis que dans d'autres, il a le froc à capuchon, la barbe longue et pointue. Cela nous indique l'âge du grand-maître, lorsque ces différentes pièces furent succes- sivement frappées.

VIIT. Frère Dieudonké de Gozon,

(1346-1353)

d'une famille ancienne du Languedoc, succéda à Villeneuve. Un haut-fait, par lequel il se signala sous son prédé- cesseur lui donna accès aux premières dignités de l'Ordre. L'histoire a poétisé cette action héroïque et la légende s'en est emparée pour lui donner des proportions presque surhumaines. Sm sOn tombeau se lisait cette fière inscrip- tion: Ci-gît le vainqueur du dragon; Schiller, le plus grand génie poétique de l'Allemagne, a immortalisé son nom, dans son poëme : Der Kampf mit dem Drachen (Le Combat avec le dragon). Voici le fait, dépouillé de l'auréole mer- veilleuse dont il peut se passer, sans que le héros en soit en rien diminué. Un énorme serpent ^) infestait lîle de Rhodes depuis plusieurs années: il s'attaquait aux bestiaux et même aux hommes, et,- plusiers Chevaliers ayant succombé, en essayant de le combattre, le Grand-Maître interdit le renouvellement de telles tentatives, sous peine de ^jcr^e de

^) D'autres disent un crocodile. Nous préférons un seii^ent: c'était une spécialité traditionnelle de Rhodes.

LES CHEVALIERS DE RHODES. 57

l'habit. Fr. Gozon s'en alla en France, il fit faire un monstre de carton ou de bois, semblable à l'animal et ayant des mouvements analogues. Il consacra ensuite plusieurs mois à habituer son cheval de bataille à approcher de ce monstre sans crainte, et à dresser deux forts molosses à l'attaquer. Puis il s'en revint en secret à Rhodes, pour accomplir son dessein. Il marcha sur l'animal redoutable, et, grâce à la docilité de son bon destrier et à l'attaque vigoureuse de ses dogues, il put en approcher et le tuef avec sa lance. Le peuple vint, à la nouvelle de cette victoire, l'acclamer comme un sauveur; mais le Grand-Maître se vit forcé, conformément à son ordonnance, de le faire empri- sonner et de le traduire devant le Conseil qui le déclara indigne de porter l'habit pour fait de désobéissance. Une fois cette satisfaction donnée à la discipline hiérarchique, Villeneuve réhabilita le chevalier; il le nomma ensuite commandeur et peu de temps après il l' éleva à la dignité de Lieutenant du Magistère.

Aussitôt après son élection, Fr. Dieudonné de Gozon rassembla la flotte chrétienne dont il maintint le comman- dement à Jean de Biandra, qui avait fait ses preuves sous le magistère de Villeneuve. En 1347, il vint au secours de Constantin, roi d'Arménie (Cilicie), contre les Egyptiens, contre lesquels ce prince avait en vain demandé assistance aux rois de France et d'Angleterre. Soutenu par les Chevaliers de Rhodes, Constantin remporta la victoire à Issus (Alexandrette). La flotte de l'Ordre battit aussi sur mer la flotte égyptienne et prit à l'ennemi cent dix-huit vaisseaux. On voit avec quel succès les Chevaliers poursuivaient l'accomplissement de leur sainte mission de soldats du Christ, contre les Infidèles. Et cependant Grozon avait fort à faire avec les chevaliers des Langues diiférentes qui ne versaient point à la caisse du magistère les responsions. Ne pouvant parvenir à faire respecter les Statuts de l'Ordre sur ce point essentiel, puisque pour guerroyer les subsides sont nécessaires, il pria le pape Innocent VI d'accepter sa démission. Lorsque le Bref d'acceptation arriva à Rhodes,

58 L'OKDEE DE MAETE.

Fr. Diendonné de Gozoïi était sitt son lit de mort. Il s'éteignit, le 7 décembre 1353. Outre les fortifications nouvelles élevées par lui, nous devons rapporter à son magistère les premiers travaux de la jetée du port e^ la tenue de deux Chapitres généraux. Nous avons dit que son tombeau portait une courte inscription, très-éloquente dans sou laconisme, mais d'autres auteurs assurent que le mausolée, qui reproduisait d'une façon assez naïve le combat avec le serpent, portait non seulement l'inscription: Le génie vainqueur de la force. mais encore cette éj)itaplie laudative: Dieudonné de Goson, simple chevalier, tua un serpent monstrueux, d'une horrihlc grandeur. Nommé tribun œrlinaire perpétuel de la milice et lieutenant extraordinaire du grand-maître, d'ahord chef du conseil, il fut. par un exemple peu commun, nommé grand- maître des chevaliers par les électeurs. Ce monument a été posé aux frais des Français de Provence, l'an MCCCLXVI. Une des plus belles monnaies frappées sous son gouverne- ment est le sequin d'or reproduit par Bosio, dans son Histoire de l'Ordre. L'avers porte un S* Jean-Baptiste debout, remettant le laharum ou étendard de l'Ordre au grand-maître agenouillé devant lui. A gauche de l'étendard, on lit: mge, (Magister), à droite du Saint, s iohes b, et, à gauche à l'entour: f deodat; le revers montre un ange, avec un sceptre surmonté d'une fleur de lis, assis sur le tombeau vide du Christ, à l'entour: ^ hospital gvext : eodi. D'autres se rapprochent de celles des précédents grands-maîtres.

Sous les successeurs immédiats de Gozon, commencèrent des jom^s de lutte contre les Chevaliers, sur les suggestions de Princes chrétiens, jaloux des triomphes de l'Ordre et avides d'acquérir pour eux-mêmes ses grandes possessions territoriales en Europe.

IX. Frère Pieeee de Coexillax, (1354—1355)

grand-prieur de Saint-Gilles, chevalier de la Langue de Provence, homme de moeurs sévères, doué d'une grande

LES CHEVALIERS DE RHODES. 59

autorité sur les Chevaliers, fut élu par le Chapitre de Rhodes; il n'occupa que pendant dix-huit mois le magistère. L'Ordre eut alors, comme nous l'avons dit, à résister à des menées qui ne tendaient à rien autre qu'à la dépossession des Chevaliers de Rhodes par le Saint-Siège, sous prétexte que les richesses leur permettaient de s'amollir dans les plaisirs et entravaient ainsi l'accomplissement de leur mission contre les Infidèles; sous prétexte aussi que ces domaines tenaient beaucoup) de chevaliers éloignés de Rhodes, qu'ils semblaient avoir quittée sans esprit de retour, pour se livrer aux agréments d'une vie plus douce dans leurs com- manderies d'Europe. Les mérites personnels du Grrand-Maître conjurèrent d'abord l'orage suspendu sur l'Ordre; les réformes qu'il entreprit, aussitôt après son élection, dans un Chapitre réuni à cet effet, pour rétablir une sévère discipline auraient même paraître une réponse suffisante aux calomnies, et cependant il arriva bientôt à Rhodes un Bref d'Innocent VI, enjoignant au Grrand-Maître d'aller attaquer les Turcs sur leur propre territoire, d'abandonner Rhodes et de reporter le siège de l'Ordre en Palestine. Le pape était inspiré par cette idée, qu'en faisant une diversion dans les Etats turcs, on forcerait Orkhan qui avait porté ses armes jusqu'en Morée, à abandonner la poursuite de ses nouvelles con- quêtes pour couvrir son propre sol. Mais Comillan voyait le danger qu'il y avait, au point de vue de l'existence même de l'Ordre, à obéir à cette injonction. Il gagna du temps, en objectant qu'il lui fallait tout d'abord convoquer un Chapitre général, dans le but de combiner les mesures à prendre avant d'exécuter cette résolution. Innocent VI, voulant influencer plus facilement ce chapitre, ordonna alors par Bulle, qu'il devrait se réunir à Avignon. Fr. Pierre mourut sur ces entrefaites. Sa justice et son zèle lui ont mérité le titre de Correcteur des moeurs. Son mausolée le représentait assis et lisant ses Heures : il était en manteau, et avait lépée et le rosaire. Voici quelles étaient les deux inscriptions de ce tombeau: Fulcherrima premia DU moresque dahunt rosfri. Censori et refoniiatori

60 L'ORDRE DE MALTE.

morum S. H. 31. M. M. (grand-maître de la milice sacrée de Jérusalem). -. Anno M. CCCLVI. Rhodii cives hene merenti posuerunt.

X. Frère Rogerj de Pin (1355—1365)

fut élu au magistère clans ces conjonctures difficiles. II. était en Languedoc et appartenait à une maison célèbre déjà par les clievaliers qu'elle avait donnés à l'Ordre (Odon de Pins, grand-maître [1294 1296] et Gérard de Pins, lieutenant du magistère sous Hélion de Villeneuve). Innocent YI persistait à vouloir- reporter le siège de l'Ordre en Palestine et il exigea que le nouvel élu se fît représenter par deux prieurs, au Chapitre général convoqué à Avignon sous son prédécesseur, pour délibérer sur les mesures relatives à ce transfèrement. Mais, heureusement pour l'avenir de l'Ordre, le pape changea d'avis et adopta l'idée de l'établissement des Chevaliers de Rhodes dans la presqu'île de Morée, d'où ils devaient pouvoir ruieux agir contre les Infidèles. Cette nouvelle combinaison ne put être mise à exécution, par suite des difficultés crées par les princes chrétiens qui se disputaient la souveraineté de ce territoire. Le premier proj et n'en fut pas moins abandonné, et, quant au plus récent, la mort du prince Jacques de Savoie, l'un des compétiteurs en Morée, avec lequel un traité venait d'être signé par Fr. Roger, servit de prétexte pour ne pas l'exécuter. Plus tard on y renonça même entièrement. La famine et la peste ravagèrent l'île de Rhodes, sous le gouvernement de ce grand-maître; celui-ci remplit avec une abnégation admirable le grand devoir de la charité: il vendit son argenterie et le mobilier de son palais, pour venir au secours des malades et des affamés.

On lui doit la traduction en latin des Statuts et l'in- stitution, dans un Chapitre général, des Receveurs chargés de faire verser par chaque prieuré les responsions dues au Magistère.

LES CHEVALIERS DE RHODES. 61

Il mourut à Rhodes, le 28 mai 1365; le mausolée qu'on lui éleva, le représentait debout dans une niclie carrée, et faisant l'aumône. Les inscriptions disaient: Miserere inopum. Pientissimo principi magno magistro suo Bogerio a PiniJms sacer equestris Ider. ordo fecit. Pmiperi laudaverunt. Anna salutis humanae MCCCLXV.

XI. Frère Rayiviond de Bérenger

(1365—1374)

était d'une illustre famille, qui avait eu dans l'Ordre un grand nombre de cbevaliers et comptait des têtes couronnées parmi ses ancêtres. Il était fils de Raymond Bérenger, comte de Barcelone et Prince de Catalogne. C'était un homme d'un grand courage et l'Ordre récolta sous son magistère une nouvelle moisson de gloire. Dès la première année de son élection, il marcha contre Alexandrie, de concert avec son allié, Pierre-le-Vaillant, roi de Chypre. Cette place d'Alexandrie servait de port de refuge aux pirates barba- resques, qui recommençaient à infester les mers du Levant. Le Grand-Maître s'entendit avec le roi Pierre, pour enlever aux corsaires cet asile. L'expédition fut tenue secrète jusqu'au moment décisif, et la flotte chrétienne joarût à l' improviste dans les eaux d'Alexandrie. L'ennemi fit une résistance opiniâtre, mais la place fut enlevée en quelques jours par les Chevaliers, qui se montrèrent comme toujours à la hauteur de leur renommée. On passa au fil de l'épée les défenseurs de ce nid de pirates; on rasa les fortifi- cations et ensuite on rentra à Rhodes, chargé d'un riche butin. Deux ans après, la République de Gênes entra dans la ligue, formée entre les Chevaliers et le Roi de Chypre, et les alliés prirent Tripoli de Barbarie^), Tortose^), Lao- dicée^), Bellenas.

^) Ou plutôt Tripoli de Syrie, si Ton en juge par les noms des autres villes prises.

^) Tortose de Syrie (Ortliosia. Antaradus), à 02 K. N. de Tripoli. ^) Laodice.a-ad-Mare, auj. Latakieh (Syrie).

62 L'OEDRE DE MALTE.

A la nouvelle de ces victoires, le Sultan fit de grands préparatifs de guerre; le Grand-Maître, l'ayant appris, envoya des courriers aux Chevaliers qui se trouvaient en Europe, pour leur ordonner d'acheter des armes et des chevaux, et pour réclamer aux prieurés le paiement des arrérages dus au Trésor. Il se vit même obligé de se rendre person- nellement en France, et de convoquer à Avignon un Chapitre général, pour forcer les résistances. Le pape Urbain V ayant résolu sur ces entrefaites d'aller à Rome, ce fut Fr. Raymond de Bérenger qui le conduisit à la Ville Eternelle sur la capitane de l'Ordre^). A son retour à Rhodes, il fut envoyé par le pape G-régoire XI en Chypre, en quahté de Nonce apostolique, avec mission de calmer les esprits, que l'assassinat de Pierre I^^ par les grands du royaume avait irrités. Il réussit dans cette oeuvre paci- ficatrice. Il mourut à Rhodes, en novembre 1374, a^^rès avoir réuni deux Chapitres généraux. Son tombeau le montrait assis, avec le manteau, le bonnet, l'épée et le rosaire. On y lisait l'épitaphe ci-dessous: Berengario magistro equitum et justissimo ïegislatori cohortes militum Gaïliae narbo- nensis locandum curavenmt.

XII. Feère Eobert de Juilliac (1374—1376)

était seigneur de Juilly et de Claye, près de Meaux, et grand-prieur de France. Aussitôt après son élection, il vint à Avignon faire acte de foi et hommage envers le pape Grégoire XI, qui remit à la garde de l'Ordre la ville forte de Smyrne, le Saint-Siège tenait garnison depuis l'année 1344, et le Grand-Maître ne put refuser ce poste de confiance. L'obéissance était un des voeax des chevaliers; Fr. Robert devait en donner le premier l'exemple: il se

') L'inscription rappelant la visite d'Urbain mentionne ce fait: . . . Erant cum eo octo cardinales, et magister ordinis hicrosolymitani, cum admirato convenais, et priore ecdesiae Bhodi, cum midtis fratrihus dictae ponis . . . 20 mai 1367. (Pa,uli, II, p. 465).

LES CHEVALIERS DE RHODES. 63

soumit donc, après avoir démontré sans succès au Pape que Smyrne, isolée comme elle l'était en territoire ottoman et loin de l'Italie, serait indéfendable le jour les Infi- dèles l'attaqueraient avec des forces importantes. Le Souverain Pontife maintint sa résolution et la motiva par ces magni- fiques paroles: » C'est précisément la position de cette ville au milieu du pays des Infidèles, qui fait que je la confie à ton Ordre. Tant que vous serez là, les Turcs n'avanceront pas davantage. Je t'ordonne donc, sous peine d'excom- munication, d'y envoyer la garnison nécessaire, aussitôt après ton arrivée à Rhodes*. Lorsque l'Ordre reçut son Grand-Maître à son entrée en fonctions, et qu'il eût con- naissance de cette périlleuse mission, tous comprirent que ceux qui iraient occuper Smyrne seraient voués à une mort certaine, mais tous résolurent à l'envi d'obéir. L'Ordre alla donc, en 1374, mettre garnison dans cette place, qu'il devait garder pendant vingt-sept années et défendre, comme il savait défendre un boulevard de la Foi. Cependant Amurat I<^^ , successeur d'Orkhan, se préparait à faire la guerre sur terre et sur mer, et Juilliac s'occupait de mettre Rhodes en état de défense, lorsque la mort vint le frapper, le 29 juin 137G, Son mausolée le montrait debout, en manteau et bonnet, avec bréviaire, épée, rosaire; on y lisait: Eoherto Jidiaco franco H. M. Magn. magistro. MCCCLXXVL

Avant d'aller plus loin dans ces Annales, nous devons revenir sur nos pas, afin de dire quelques mots des mon- naies des quatre derniers grands-maîtres. Elles sont frappées d'après le type général décrit précédemment; les inscriptions seules diffèrent, d'après les noms des grands-maîtres. Quelques unes de celles de Fr. Roger de Pins nous montrent dans le champ, à gauche, une pomme de pin, comme emblème parlant; celles de Fr. Raymond de Bérenger présentent à la même place l'écu aux armes de sa maison; l'une d'elles porte ces légendes : )^pr . raim . bereng-arii . d . g . m . , et au revers h.sanct. lOHAN . H . G ') . RODi ; il cu est de même de celles de Fr. Juilliac.

^) C. doit signifier : Cornes.

64 L'ORDRE DE MALTE.

XlII. Frère JEAX-FERDiNAiv^D de Heredia

(1376—1396)

est un des gTaiids-maîtres de l'Ordre les plus illnstres et un des hommes les plus marquants de son siècle. Il était d'une des plus grandes maisons d'Aragon et il était entré dans l'Ordre, .après une jeunesse dissipée. Aja,nt été envoj^é par Villeneuve auprès du Souverain Pontife, à Avignon, en qualité d'ambassadeur, pour y négocier au sujet des affaires de l'Ordre, dont quelques dignités avaient été directement conférées par Clément XI, à l'insu du Grand-Maître et au mépris de ses droits, Fr. Heredia, homme très- ambitieux, négligea les intérêts qui lui étaient confiés pour s'occuper avant tout de ses propres intérêts: il sut se faire donner par le Pape un riche prieuré. Ce fut en vain que le Grrand- Maître protesta contre cette nouvelle violation de ses préro- gatives; il dut même céder devant le fait accompli, afin d'éviter de créer entre le Saint-Siège et l'Ordre un grave conflit. Fr. Hérédia était un homme intelligent et versé dans les affaires publiques: aussi Clément VI, dont il avait gagné toute la confiance, le nomma-t-il ensuite gouverneur d'Avignon et lui confia- t-il la direction de ses propres affaires. C'est ainsi que Fr. Hérédia négocia, au nom du Saint-Siège (1345), entre Philippe-de-Valois, roi de France, et Edouard III, roi d'Angleterre. Ce dernier ayant repoussé la médiation du Pape, Hérédia, qui s'était muni des pleins pouvoirs nécessaires, déclara que la cause du Eoi de France devenait celle du Saint-Siège et combattit même dans les rangs de la noblesse française, à la malheureuse journée de Crècj (1346). Les chroniques rapportent qu'il s'y couvrit de gloire, sauva deux fois la vie au Roi de France, auquel il donna son cheval, en combattant lui-même à pied, et disputa, un des derniers, le champ de bataille aux Anglais, jusqu'à ce que, couvert de ble^sm-es, il fût contraint de se retirer. Profitant de sa position de premier-ministre de Clément VI et de son successeur. Innocent VI, il se fit donner les prieurés de Castille et de Saint-Gilles, et enrichit

LES CHEVALIERS DE RHODES. 65

sa famille aux dépens de l'Ordre. Sa valeur personnelle le désignait à la succession du grand-maître, Fr. Robert de Juilliac, et son élection au magistère sembla aussi aux Chevaliers le moyen le plus efficace pour mettre fin à ses accaparements. On prétend d'un autre côté qu'il parvint à la dignité suprême, par l'appui du Sacré-Collége et de quelques souverains.

Le grand-maître, Fr. Ferdinand de Hérédia, une fois élu, conduisit d'abord le Souverain-Pontife, d'Avignon à Rome, sur une flotte de neuf galères armées à ses frais; puis il fit voiles vers Ehodes. Ayant rencontré en chemin la flotte vénitienne, qui allait faire le siège de Patras^), enlevée à la République par les Turcs, il prit part à cette expédition. Lassé de voir le siège traîner en longueur, il résolut de se saisir de la place par un hardi coup de main. Il fit sonner l'assaut et, s'emparant d'une échelle, il monta le premier à l'escalade, tua de sa main le gouverneur turc et se rendit maître de la place, à la tête de ses chevaliers et soldats. Il conçut alors le projet de conquérir toute la Morée, mais il tomba dans une embuscade et fut fait prisonnier. H prouva dans cette circonstance, que son élévation au pouvok avait bien modifié son caractère: plutôt que de consentir à ce que sa rançon fût pa3'-ée des deniers de l'Ordre, ou même au préjudice des intérêts de la République de Venise qui offrait de rendre Patras en échange du Grand-Maître; il préféra rester pendant trois années prisonnier des Turcs, dans les montagnes d'Albanie, jusqu'à ce que sa propre famille pût le racheter (1381).

Il rentra alors à Rhodes, au moment le schisme divisait l'Eglise, par suite de l'élection d'Urbain VI et de l'anti-pape Clément VII. Le Grand-Maître, ainsi qu'un certain nombre de Chevaliers, se déclarèrent d'abord pour l'anti- pape; mais d'autres membres influents de l'Ordre (Langues d'Italie, d'Angleterre et surtout d'Allemagne) se pronon-

1) En Achaïe (Royaume de Grèce), près de l'entrée du golfe de Lépante (Colonia Augusta Aroë Patreusis).

SALL.E8 I L'OIIDUE DE MALTE.

66 L'ORDRE DE MALTE.

cèrent pour Urbain, qui fit élire par eux un autre grand- maître, Fr. Ricliard Carracciolo, prieur de Capoue. Et l'on eut le spectacle d'une division préjudiciable aux intérêts de la communauté. Ce fut en vain que Hérédia se. rendit en Europe, pour tenter de faire cesser cette division, et qu'il convoqua dans ce but plusieurs Chapitres généraux, à Yalence-sur-Rbône.

Pendant ce temps, Rhodes était menacée parBajazetI% successeur d'Amurat, qui faisait de grands préparatifs pour enlever l'île aux Chevaliers, qu'il croyait hors d'état de résister, par suite de leurs dissensions intestines. On vit alors Hérédia se dépouiller du reste de sa fortune, et, en envoyant dans l'île des vaisseaux chargés d'armes, de muni- tions et d'argent, déjouer les desseins du Sultan. Il mourut à Avignon, en mars 1396, après vingt ans de magistère: il tint haut la bannière que l'Ordre lui avait confiée, comme Châtelain d'Mnposte de Tyr et comme grand-maître; il fut bon administrateur et preux chevalier, et sauva l'Ordre et Rhodes même, en se sacrifiant à l'intérêt commun. Il était debout sur son tombeau, et marchait aux Infidèles, armé de l'épée ^t du bouclier; derrière lui se voyait Patras flottait aux créneaux l'étendard de l'Ordre. L'inscription latine du mausolée était ainsi conçue: Ferdinandus Heredia in Hispania natus eiteriore, magister equitum Hieros. Fide et devotione suorum magno auro a principe ambraciae '^) redemjjtus est in cujus potestatem post expugnatam Fatras achaïae urbem venit. On remarque sur quelques unes de ses monnaies, à gauche, une tour à deux étages, et, au dessous de la croix patriarcale, un écu en forme de coeur, ou les déférents P ou G, ou bien, à gauche, une couronne surmontant le déférent G, au lieu et place de la tour.

XIV. Frère Philippe de Naillac,

1396—1421)

grand-prieur d'Aquitaine, chevalier d'une sagesse renommée et d'un grand courage, fat élu à Hhodes pour successeur

1; Prince d'Ambracie (Epire).

LES CHEVALIERS DE RHODES. 67

de Hérédia. Il entra dans la ligue formée contre Bajazet, par le Pape, la République de Venise, le Roi de France et le Roi de Hongrie; il prit part à la bataille de Nicopolis^), l'armée chrétienne fut taillée en pièces (29 septembre 1396). L'attaque des janissaires décida de la victoire en faveur des Turcs, au moment les chances du combat semblaient encore égales entre les deux armées en présence. Le roi de Hongrie, Sigismond. et le grand-maître, Fr. Philippe de Naillac, gagnèrent le Pont-Euxin par le Danube et ils y furent recueillis par la flotte vénitienne. Bajazet continua alors le siège de Constantinople, mais il fut défait à la bataille d'Ancyre (1402) ^) et fait prisonnier par Tamerlan, qui profita de cette victoire pour étendre ses conquêtes et enlever Smyme aux Chevaliers chargés d'y tenir garnison. Les défenseurs de cette place succombèrent tous pendant le siège, à l'exception d'un très-petit nombre de Chevaliers et de soldats qui, à la dernière heure, se jetèrent à la mer et fm:'ent recueillis par des galères de l'Ordre.

On assure que Tamerlan fit d'abord signifier au gou- verneur de la place, qu'il ne voulait pas dépouiller les Chevaliers de leur possession et qu'il serait satisfait de voir arborer son étendard sur la citadelle, en signe de recon- naissance de sa souveraineté. Il voulait sans doute s'épargner ainsi les longueurs d'un siège régulier. Le gouverneur, Fr. Guillaume de Mina, fit la réponse que l'honneur com- mandait. Tamerlan, irrité, commença immédiatement les travaux d'attaque. En quinze jours, il fit construire une digue pour fermer le port et empêcher d'approcher de la place du côté de la mer. La résistance des Chevaliers fut aussi opiniâtre que les efforts des Tartares furent tenaces: la mine éventra enfin les murailles. Les Infidèles étaient maîtres de la ville: le carnage fut horrible, et Tamerlan fit élever comme à Ispahan une pja^amide de crânes humains; mais, pour la faire monter à la hauteur voulue, il la fit placer sur un monticule, car le nombre des défenseurs et des

') Bulgarie.

-) AujourcVhtii Angora ou Angom-ieh (Asie-Minem-e).

68 L'ORDRE DE MALTE.

habitants était insuffisant. Des troupes de secours avaient été envoyées de Rliodes, mais elles n'avaient pu débarquer, et, lorsque la grande-galère de l'Ordre arriva en vue de la plage avec des renforts, elle ne vit devant elle ni ville, ni château-fort. Il n'y avait plus que des monceaux de ruines sur lesquels flottait le drapeau noir de Tamerlan, qui avait été le signal de la mise à sac. La grande-galère s'en retourna donc porter à Rhodes la terrible nouvelle que le sacrifice était accompli.

Une révolte dans ses propres états ayant rappelé Tamerlan dans l'Inde, Naillac profita de cette circonstance favorable pour s'emparer de Ceraunico ^), située sur la terre ferme, en face de Lango ^); puis il fit construire près de cette dernière place, sur les ruines de l'ancienne Halicar- nasse, une forteresse nouvelle, qu'il nomma le Château-de- Saint-Pierre et qui devait servir de sentinelle avancée à l'île de Rhodes ^). Naillac remplit (1407) la mission de médiateur entre Janus II, roi de Chypre, et le maréchal Boucicault, commandant une flotte française, chargée de protéger Famagouste, occupée par les Génois, dont Janus faisait le siège. Cette médiation eut pour résultat la levée du siège par le Roi de Chypre, qui paya en outre les frais de la guerre. Plus tard les flottes de France et de Rhodes s'unirent pour parcourir les côtes de Sj^rie, elles opérèrent plusieurs descentes. Le sultan d'Egypte, Pharadj, ayant demandé la paix, le Grand-Maître fit inscrire au nombre des conditions du traité, le droit de construire un mur d'enceinte autour du Saint-Sépulcre, l'autorisation d'entre- tenir à Jérusalem six Chevaliers, francs de tout tribut et pouvant donner l'hospitaHté à d'autres Chevaliers et aux

1) Dans la Carie, à l'angle S.-O. de la Péninsule d'Asie-Mineure, sans doute Cérame.

^) Capitale de l'île du même nom, située près de ceUe de Rhodes.

^) Il avait sept enceintes du côté de la terre, et, sur la dernière porte on Lisait, selon certains chroniqueurs, cette inscription bien conforme d'ailleurs à l'esprit de l'Ordre : Nisi Bomimis custodierit cimtatein, fnistra vigilat qiii custodit eam. Y. Appendice.

LES CHEVALIEES DE EHODES. 69

pèlerins, la prérogative pour l'Ordre d'avoir à Jérusalem, à Eama rArimathie) et à Alexandrie, des consuls ayant pouvoir de racheter les esclaves chrétiens, en remboursant le prix payé par leurs possesseui's. On sait que Jérusalem avait été reconquise, en 1382, par les Mamelouks qui la gardèrent jusqu'en 1517. Fr. Philibert de Naillac assista, avec une suite de seize commandeurs, au célèbre concile de Pise (1409j, convoqué dans le but de mettre fin au schisme. Benoît XIII et G-régoire XII ayant été déposés par ce concile, le conclave se réunit. La garde en fut confiée à l'Ordre. C'est dans ce conclave que fut élu le pape Alexandre V. Le nouveau pape chargea bientôt Naillac d'une mission de médiation entre les rois de France et d'Angleterre. Celui-ci s'en chargea d'autant plus volontiers, qu'il espérait réconcilier les deux adversaires et les gagner ensuite au projet d'une ligue qu'il voulait former contre les Musulmans. Mais la mort d'Alexandre V (1410) mit fin trop tôt à cette mission, et les désordres qui troublèrent de nouveau l'Eglise em-ent leur contre-coup dans l'Ordre. Le concile de Constance (1414 1418j fit enfin cesser le schisme dans l'Eglise et dans l'Ordre même. Le Grand- Maître revint à Ehodes, en juillet 1418, et se préoccupa d'abord, afin de prévenir la disette, d'expédier des vaisseaux dans les ports d'ItaHe, pour y charger du froment, dont la récolte avait manqué dans l'île. Ensuite, il convoqua un Chapitre général auquel assistèrent un grand nombre de Chevaliers.

n mourut à Ehodes, au mois de juin 1421; son mausolée le représentait debout, le casque en tête, l'épée au côté, la main gauche appuyée sur son boucher. Derrière lui s'élevait une forteresse, flottait l'étendard de la Religion. On y voyait trois inscriptions: Bodiorum Décret. Averni Egiiit. posuenmt (Les chevaliers de la Langue d'Auvergne . . .) Philiherto de Naillac^ S. Nq. H. M. M. 31. (Sanctae nohilisque hierosoliniitanae militiae niagno magistro) quod imitatione henrici Scliclgmlhoit equitis gcrmani: qui Tiniure Scytliorum rege Asiam occupante, in continenti Cariae se munire vallo contra Barharos

70 L'OEDEE DE MALÏE.

aiisus fiiU ex mcmsolci ruinis arcem et propugnacula ni Hali- carnasso struxit. Xovam condidit urhem jusiit.qiie dédit gentes frenare stijjerJjas.

Nous en sommes toujours pour les m.onnaies de ce grand-maître j au premier type: le Grrand-Maître priant devant la crois patriarcale, avec l'écu à ses armes, et, de l'autre côté, la croix ornée à ses extrémités du casque de chevalier à double lambrequin.

XY. Peèee Axtoxie Fluvlajv, (1421-ltt37)

du prieuré de Catalogne, prieur de Chypre, eut un magistère agité. Les Mamelouks d'Egypte avaient déclaré la gueiTe au Roi de Chypre j ils occupèrent cette île, en 1425, après une bataille à laquelle prirent part les Chevaliers de Khodes et qui se termina par la captivité du roi Janus II. Les Chevaliers retardèrent par leiu courage la prise de possession de tout le territoire de l'île. Aussi le sultan d'Egypte, Boursbaï, forma-t-il le projet de s'emparer de Rhodes, et, avant de consentir au rachat de Janus, pour la rançon énorme de 200.000 ducats (dont l'Ordre paya la jdIus grande partie), il ravagea les conunanderies de l'Ordre dans l'île de Chypre. Fr. Antoine Fluvian fut averti des desseins de l'ennemi et se hâta de mettre l'île de Ehodes en état de défense; mais le Sultan d'Egypte ne tenta point l'aventure. Le paiement de la rançon de Janus et cette mise en état de défense n'en épuisèrent pas moins le trésor de l'Ordre ; il devint donc nécessaire de convoquer un Chapitre général, à Rhodes, pour le 23 mai 1428. Le Grand-Maître y exposa la situation et fit comprendre la nécessité de se procurer les ressources voulues, pour maintenir Rhodes en état de résister aux entreprises dont elle était menacée. Il démontra que la guerre que l'Angleterre faisait à la France avait causé de grands dommages aux prieurés des Langues françaises et qu'en même temps les ravages causés par les Hussites en Bohême, en Mora^de et en Silésie (1427), ne

LES CHEVAIilEES DE RHODES. 71

permettaient pas de demander des subsides aux comman- deries dévastées par les scliismatiques. Le Chapitre se rangea à cette manière de voir; on réorganisa le trésor: le Grand- Maître donna l'exemple de l'abnégation, en versant immé- diatement sur sa fortune privée 12.000 florins d'or. Avant de m.ourir, il alla plus loin encore dans son dévouement à son Ordre, car il fit vendre tout ce qu'il possédait et verser au trésor une somme de 200.000 ducats que cette vente produisit. C'est à ce Chapitre général que fut nommé un grand-bailli à Rhodes, pour représenter la Langue de Bohême- Allemagne.

Il mourut à E,hodes, le 25 octobre 1437. Son mausolée le représentait assis sur son trône, en manteau et bonnet, les mains ouvertes, l'épée en travers sur les genoux, le rosaire au bras. Il avait à ses pieds trois cofîres-forts ouverts et vides. On lisait sur le mausolée: Tenqjore, ^;ace, j)arci- monia. Equités citerioris Hispaniae Antonio Fluviano, mag. suo: S. Xq. M. H. pacis et frugalitatis artihus ornatissimo hngaevo seni adhuc viventi de coWmni côsilio, MJiodii sententia, Anno 3ICCCCXXXVIII, cum magna pojniU pJausu erexere. Nous trouvons sous ce magistère des monnaies du type général, puis d'autres se rapprochant du ducat vénitien, avec le labarum à l'avers, et, au revers, le Sauveur dans une auréole elliptique. Sur ces deinières pièces se lit le titre de d\^, le long de la hampe de la bannière. On se souvient que précédemment nous avons signalé une fois celui de comes. Ceci nous semble mériter d'être noté.

XVI. FeÈEE jEAis" DE LaSTIC,

(1437—1454)

grand-prieur d'Auvergne, se trouvait en Europe, lorsqu'il fut élu, à Rhodes, au magistère, le 6 novembre 1437. Il partit immédiatement pour sa résidence, il apprit de source certaine qu'il se faisait en Egypte de grands pré- paratifs potir attaquer l'Ordre. Il arma, sans perdre de temj^s, une flotte de huit galères, de quatre vaisseaux de guerre

72 L'ORDRE DE MALTE.

et de bâtiments de transport, et mit toutes les îles adja- centes en état de défense. De son côté, le sultan d'Egypte, Joussouf, avait réuni une flotte de dix-huit galères et de vaisseaux nombreux de toutes grandeurs, qui parut devant Ehodes, le 25 septembre 1440, puis refusa le combat que lui offrait la flotte de l'Ordre. L'ennemi se dirigea sur l'île de Lango, afin de s'en emparer; mais ici encore il retrouva la flotte chrétienne, qui avait deviné ses projets et lui avait coupé le chemin. L'amiral égyptien refusa de nouveau la bataille, mais il ne put échapper à la poursuite des Rhodiens qui lui tuèrent environ sept cents hommes et ne lâchèrent l'ennemi que pour retourner au port, à l'approche d'une forte tempête. Le Sultan rassembla des forces plus con- sidérables pour une seconde expédition; mais, de son côté, Fr. Jean de Lastic n'était pas demeuré inactif. Il avait appelé tous les Chevaliers à la défense de l'île; il remplit les greniers publics de grains et l'arsenal de munitions de guerre, et envoya des ambassadeurs demander du secours aux souverains d'Europe. L'empereur de Constantinople, Jean VIII, Paléologue, se ligua avec les Chevaliers (1439). Les chroniques parlent d'une descente des troupes égyp- tiennes dans l'île de Rhodes (1444), et racontent que le commandant ennemi dut faire rembarquer son armée, après avoir laissé sous les murs de la place bon nombre de ses meilleurs soldats. Le siège aurait duré quarante - deux jours ^),

Ici se place cet événement fatal, la prise de Constan- tinople par les hordes asiatiques de Mahomet II (1453). Le Sultan des Ottomans, enivré par son triomphe, voulut poursuivre aussitôt le cours de ses conquêtes et il envoya aussi à Rhodes un ambassadeur, pour réclamer de l'Ordre la reconnaissance de sa souveraineté et le paiement d'un tribut annuel de deux mille ducats, ou, au cas de refus, lui déclarer la guerre. Le Grand-Maître fit cette noble réponse,

^) Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Nancy (739) fol I' »Ferry de Lorraine-Luné ville fut chevalier de Rhodes . . . 1448. «

LES CHEVALIERS DE RHODES. 73

qu'il était prêt à donner sa vie, mais non à consentir quoi que ce fût qui pût porter atteinte à la liberté et à l'indé- pendance de l'Ordre. Prévoyant que cet énergique refus allait susciter les colères de Mahomet II, Lastic ne perdit point de temps pour armer l'île et pour charger le comman- deur, Fr. Pierre d'Aubusson, d'aller en Europe faire con- naître au Roi de France et aux autres princes chrétiens, en quel péril l'Ordre se trouvait.

Il mourut sur ces entrefaites, le 19 mai 1454, après avoir gouverné avec sagesse et fermeté dans des temps difficiles ^) et avoir convoqué trois Chapitres généraux ^j. On le voyait sur son tombeau, assis sur son trône et priant, les mains jointes; il avait la cotte d'armes et le heaume.

^) Die Geschichte des Deutschen-Ritter-Ordens, de Johannes Voigt T. I, p. 548 551, et T. II, p. 156 nous fournit une relation intéressante des compétitions entre les Teutoniques et les Hospitaliers de Saint- Jean, malgré le but commun de leur origine, sur les points du territoire allemand il existait des domaines de l'un et de l'autre de ces deux Ordres, et des négociations entre les deux corporations dans le but de mettre fin à ces difficultés. Nous analysons. A Mergentbeim (Marienbourg) par exemple, les Teutoniques eurent d'abord une grande-commanderie ou bailliage capitulaire et plus tard leur maison chef-d'ordre, et les Chevaliers de Saint-Jean avaient, dès 1207, fondé une commanderie du grand-prieuré d'Allemagne; àRothenbourg- sur-la-Tauber; à Mayence, à Francfort-sur-le-Main, à Fribourg-en- Brisgau, etc., c'étaient des querelles fréquentes à propos de limites, à propos de privilèges. On eut alors l'idée de réunir les deux Ordres, en AUemag-ne, à l'aide d'un changement dans l'habit, ou de faire cesser les conflits, au moyen d'un échange de possessions territoriales. Les Teutoniques auraient cédé leurs domaines non-allemands, et les Hospitaliers leurs possessions allemandes. L'affaire fut même soumise par le Grand-Maître de l'Ordre teutonique au Chapitre général, en 1443 et en 1446, mais elle n'eut pas d'autres suites. Des négociations dans un sens analogue furent, dit-on, reprises en 1553 ; il s'agissait cette fois d'une union entre les deux Ordres, qui n'en auraient plus formé qu'un seul : mais on ne s'entendit, ni sur la dignité de grand- maître, ni sur les insignes communs.

^) Nous faisons observer ici que, .si nous mentionnons chaque fois le nombre des Chapitres généraux tenus par cha(|ue grand- maître, c'est que cela a une grande importance, au point de vue de l'observation fidèle des Statuts de l'Ordre.

74 L'ORDRE DE MALTE.

Son épée était à portée de sa main: deux servants d'armes tenaient l'étendard et les pièces de l'armure. On lisait les épitaphes suivantes : In meliore causa, arma vincunt. Sanctis- slmo princi])i J. Lastico ob reUg.-pietat. et tirbem contra- liostes defensam ac maenia instaurata H. M. (La Milice de Jérusalem . . .) et pop. rJiod. ad oeternitatem ex manuhiis liost. fecenmt MCCCCLI. On remarquera le titre de prince (principi) et le concours du peuple (pop. rliod.) à l'érection du monu- ment, qui n'a malheureusement pas bravé le temps, quoiqu'il dût être un témoin pour l'éternité (ad oeternitatem).

XVII. Frère Jacques de Milly (1454—1461)

résidait dans son grand-prieuré d'Auvergne, lorsqu'il fut élu, à Rliodes, le 1®^ juin 1454, dans ces graves conjonctures, Il s'embarqua donc en toute bâte pour Ebodes, sa présence était indispensable. La ligue formée par les princes cbrétiens, pour la défense de la Hongrie, vint heureusement occuper Mabomet II et donner quelque répit aux Cbevaliers. Rbodes ne fut en butte tout d'abord qu'aux incursions d'une flotte turque, qui fit des descentes dans les îles voisines, elle causa de grands ravages et enleva des habitants. Mais le Sultan d'Egypte, sous le prétexte de prendre parti pour Jacques-le-Bâtard, fils illégitime de Janus III, roi de Chypre, contre la princesse Charlotte, héritière du trône, déclara la guerre à l'Ordre qiù avait embrassé la cause de cette princesse. On vit même plus tard (1471) la République de Venise soutenir les prétentions de ce bâtard, après qu'il eût épousé une patricienne, pupille ou, comme on disait, fille de la sérénissime République, Tandis que la princesse recevait les hommages des Chevaliers et des feudataires de l'île de Chypre, Jacques, qui était à la cour du Sultan d'Egypte, se proclamait roi et obtenait de ce prince une armée, à l'aide de laquelle il chassait la reine Charlotte et son époux, Alvise de Savoie, après trois années de lutte. La famine et la peste désolèrent Rhodes, en 1456, et, d'un

LES CHEVALIERS DE RHODES. 75

autre côté, la discorde régnait entre les diverses Langues, par suite de compétitions relatives aux dignités de l'Ordre. Fr. Jacques de Milly mourut, le 17 août 1461, après avoir tenu j)endant son magistère deux Chapitres généraux. On le représenta sur son tombeau, debout, armé et marchant aux Infidèles, l'épée droite. Voici les inscriptions de ce mausolée: S. Nq. M. H. legiones gaUicae Jacohi de MiUl mag. equit. ob virtutes quas in simimo imperatore tsse oportet, scien- tiam rei militaris^ virtutem, auctorltatem, feUcitatem loca- verunt, Audaciam in hello, in pace justitiam Bom. B. P. curahant. pro patria MCCCCLXI.

Les monnaies du magistère précédent sont du type général, avec écu armorié derrière Jean de Lastic, et, au revers, Saint- Je an-Baptiste tenant la bannière et l'agneau symbolique. Celles de ce magistère-ci sont du type vénitien, avec les légendes: iaoobv-d-ml, et mrd (Magistcr BhodlJ^ puis: s. 10. LERS (S^'^^ lohannes lerosolymitanus)^ d'autres, du type du grand-maître précédent, d'autres enfin, du type général.

XVIII. Fbère Pierre Raymond Zacosta

(1461—1467)

était gentilhomme espagnol et châtelain d'Emposte; peu de temps après son élection, Mahomet II fit demander une trêve à l'Ordre, afin de ne pas être gêné par quelque diversion de la part des Chevaliers dans l'expédition qu'il préj)arait contre Trébizonde, dont il s'empara du reste, en 1462, et que David Comnène, dernier empereur de Trébizonde^), ne put sauver. Ce prince fut massacré par ordre du vainqueur, avec ses 6 fils; un septième parvint à s'enfuir et alla fonder la dynastie des Comnènes de Morée. Malgré la trêve, les vaisseaux du Sultan et les corsaires

^) Après la conquête de Constantinople par les Latins (l'204), le petit Emidre de Trébizonde fut fondé par Alexis Comnène et exista jusqu'en 1462. Dépuis la reprise de Constantinople par les Paléologues, le Uen de vassalité avec l'empire d'Orient ne fut plus que nominatif, mais le j-»efo'i empire recevait ses princes de Constantinople.

76 L^ORDEE DE ilALTE.

turcs faisaient des incursions incessantes dans les îles voisines de celle de Ehodes; mais Mahomet, loin de tenir compte des plaintes de Tr. Zacosta. se préparait de nouveau à réaliser ses desseins sur l'île des Chevaliers. Il commença par attaquer Tîle de Lesbos (Mételin'i. gouvernée par les Grattilusio. par délégation de la République de Grênes, à laquelle elle appartenait depuis 1355. Un grand nombre de Chevaliers prirent part à la résistance, mais l'île tomba dans la même année au pouvoir de Mahomet (1462). Le Grand-Maître, prévoyant la guerre avec les Ottomans sur son propre sol. et vottlant se procurer les subsides néces- saires pour soutenir victorieusement la lutte, convoqua à Rhodes un Chapitre général, qui invita les commandeius retardataires à payer immédiatement leurs responsions; mais les uns trouvèrent les impôts trop élevés, les autres préten- dirent que le Grand-Maître s'alarmait à tort, et firent tant et si bien que le pape Paul II ordonna de transférer à Rome le Chapitre général, afin de pouvoir entendre par lui-même discuter ces importantes questions. La vérité se fit joiu'. et, de Rome comme de Rhodes, l'ordre de payer ftit envoyé aux récalcitrants. On adopta même à cette occasion des règlements très sévères, pour obliger désormais les Chevaliers à l'observation de leur voeu d'obéissance. Ces règlements furent sanctionnés par le Saint-Siège. Selon certains auteurs, ce n'est que sous le magistère de Zacosta, que fut créée la Langue de Castille et Portngal (1462). Il mourut, à Rome, le 11 février 1467. et fut inhumé à la Basihque de Saint -Pierre, dans la Chapelle de Saint- Grégoù'e.

Le Souverain - Pontife lui fit faire de magnifiques funérailles. Sur sa pierre tumulaire. on sculpta en rehef sa figtire couchée, et Ton grava cette épitaphe: Petro. Raymundo. Zacostae. de. ispania. citeriori. sac. doni. Jtospifalis. S. Jo. Merosol. m. magistro. qui. generali. capitido. o. x)mdi. jiissu. PiOmae. alsoluto. LXIII. Oetatis. suac. amio. vita. functus. est. co)isiUo. pietate. armis. inclito. hoc. momimentum. religionis. decreto. h. ni. p)Os'dum. Fr. Ptaymundiis. Zacostae.

LES CHEVALIERS DE RHODES. 77

magnus. ordinis. hicrosohjmitani. maglster. anno. M XI) LXVII. die. XXI. fehruar.'^).

Les monnaies sont du type général: au revers, Saint Jean - Baptiste à mi-corps, avec la bannière et l'agneau pascal.

XIX. Frère Jean Ursino

(U67-1476)

était de noble lignage italien et prieur de Rome. Son nom est gravé sur les médailles de son magistère: f: B: d. orsenis ou D-VRSiNis, ce qui répond à la forme française: des Orsinis ou des Ursins, deux noms de familles aussi célèbres l'une que l'autre. Il fut élu, à Eome, le 14 juillet 1467.

Mahomet tenait toutes les îles voisines de Rhodes, il attaquait même en ce moment-là l'île de Négrepont^), dont il ne parvint à s'emparer qu'en 1470 et grâce à la trahison d'un habitant, qui lui indiqua un point mal défendu des remparts de cette place forte, capitale de l'île, La brèche fut bientôt ouverte sur ce point. Le général vénitien Canale, commandant de la flotte de la République, fut aussitôt averti du danger que courait Négrepont et aurait pu, avec l'aide des galères de l'Ordre qui s'étaient réunies à lui, conjurer le péril par une puissante diversion- Mais, malgré l'insistance avec laquelle les commandeurs rhodiens, Fr. d'Aubusson et de Cardonne, le pressaient d'attaquer les assiégeants, Canale eut la lâcheté de s'éloigner et de livrer ainsi Négrepont aux Musulmans. Quand on vit la flotte s'éloigner à toutes voiles, la consternation fut générale dans la ville assiégée. Mahomet profita de cet état des esprits pour livrer un assaut général et se rendit maître de la place, après avoir massacré ses principaux défenseurs. Les Vénitiens formèrent alors une Hgue pour reprendre Négrepont et arrêter les Turcs dans le cours de leurs succès. Le Pape, le Grand-Maître, plusieurs princes d'Europe adhérèrent à la ligue, et l'on imagina d'envoyer

1) Pauli, a d. di M., IL, p. 469. -) Ancienne Eubée.

78 L'ORDEE DE MALTE.

au Roi de Perse un ambassadeur, chargé de lui représenter la nécessité qu'il y avait pour lui d'entrer dans la coalition, afin de se mettre lui-même à l'abri de l'ambition conquérante de Mahomet II. On espérait ainsi faire rétrograder le Sultan. n arriva à Rhodes, en 1471, une ambassade du Roi de Perse. Il adhérait aux propositions qu'on lui avait faites; mais, comme l'usage des armes à feu était encore inconnu en Perse, il demandait à l'Ordre et à la République de Venise des canons et des munitions. On accueillit sa demande, et la guerre que ce souverain fit réellement à Mahomet, ainsi que l'invasion persane en Anatolie, bien qu'elle se terminât par une défaite en Cappadoce (1472) donnèrent quelque répit aux Chevaliers, pour augmenter les défenses de Rhodes, sous l'habile direction du com- mandeur Fr. d'Aubusson, l'illustre grand-maître de 1480, devenu alors déjà grand-prieur d'Auvergne. Fr. Jean Ursino mourut, le 8 juin 1476, à un âge très-avancé, a23rès avoir convoqué deux Chapitres généraux et préparé l'oeuvre glorieuse de son successeur. Trois inscriptions se lisaient sur son tombeau, dans l'Eglise Saint- Jean de Rhodes: Faites-vous des amis par vos largesses. Ni les armées, ni les trésors ne sont les appuis d'un Etat, ce sont les amis. La légion italienne des Chevaliers de Jérusalem a élevé ce mausolée au vénérable Jean-S. Ursino, grand-maître, en mémoire de sa générosité et de la noblesse de sa race. Ces épitaphes étaient en latin ^).

1) Pauli, C. d. di M., II, p. 470, rapporte une autre inscription qui porte bien la marque de l'époque :

Anno, quo Christus de Yirgine natus ab illo

Tansierant mille decies septemque, subinde

Octavus junii quadragenti sex bora quaterna

Sabbati, quo die scias obisse jacentem.

Sanguine clarus erat Ursinus Stirpe Baptista,

Quae clara praevalet caeteris Italiae.

Vulgus tantae domus resonat bine inde per orbem,

Quae multos babuit pontificesque, duces.

Hic reverendus erat Rbodi paterque, magister.

Qui partis fuit ambitus hujus conditor urbis.

LES CHEVALIERS DE RHODES. 79

XX. Frère Pierre d'Aubusson

(1476-1503)

était en 1423 et descendait des anciens comtes souve- rains de la Marche '). Ce grand guerrier, que l'histoire appelle tantôt Miles virgo, le soldat sans tache, tantôt le Bouclier de la Chrétienté, fut élu à l'heure la plus critique. Sa défense de Rhodes est un fait d'armes admirable. Le. nom d'Aubusson, comme celui de quelques autres grands- maîtres et chevaliers de l'Ordre, est voué à l'immortalité. Le siège de Rhodes, en 1480, est une magnifique épopée, dans laquelle la réalité s'élève au-dessus de tout le merveilleux que la poésie pourrait inventer. Nous raconterons froidement les faits, tels que les chroniques nous les ont transmis, et d'abord voyons d'Aubusson à l'oeuvre, dès le lendemain de son élection. Il poursuit les travaux de défense, dont l'exécution a commencé sous sa direction, pendant le magistère de son prédécesseur, et ne néglige aucune

Homanus fuit die die virtutibus altis,

Noiïien eujus erit semper in ore suis.

Magnanimus, prudens, justus, atque modestus,

Humanus, strenuus, pius, probusque, serenus :

Nec quem Coesarei aequarunt usque triumphi.

Auctum per invictae sic probitatis opus.

Ut jubar exoriens micuit is solis in orbe,

Atque refulgenti lustravit lampade terras :

Qui magnos hostes, qui magna pericula tulit

Pro Christi cultu, pro religione tuenda.

Jure Deus voluit certo decernere fato,

Ut huic preclaro nomen magister esset,

Atque inter divos esset divus ad astra relatus.

Sic itaque seculo victo sine fine triumpliat. 1) La Marche était une province de France, entre le Berri et le Bourbonnais au N., bornée au S. par le Limousin, à l'O, par le Poitou, à l'E. par l'Auvergne ; elle avait pour capitale Guéret (Dep'' de la Creuse et de la Haute-Vienne) ; elle avait été érigée en comté sou- veraine au X'' siècle. Confisquée, en 1525, sur le connétable de Eourbon par François I", elle fut définitivement réunie à la Fi-aiice, en 1531.

80 L'OEDEE DE MALTE.

mesure propre à garantir les approclies de Rhodes et des îles adjacentes. C'est ainsi qu'il fait élever sur celles-ci, de distance en distance, de petits forts devant servir de- postes d'observation et de refuges aux habitants en cas d'invasion. Il garnit ces fortins de troupes. Il fait creuser et élargir les fossés de la forteresse Saint-Pierre, afin d'y faire pénétrer les eaux de la mer, de rendre les remparts plus inaccessibles et d'y embosser les galères de l'Ordre, à l'abri de coups de main des vaisseaux des Turcs et des corsaires. Puis il appelle à la défense de l'île tous les chevaliers de l'Ordre, qui se trouvent en Europe et s'empressent de répondre à son appeP). Il ne néglige pas

^) Bosio nous a conservé la circulaire aux grands-prieurs, e Vertot l'a traduite : »Mes très-chers frères, au milieu des plus grands périls dont Rhodes est menacée, nous n'avons point trouvé de secours plus assuré que la convocation générale et une prompte assemblée de tous nos frères. L'ennemi est aux portes: le superbe Mahomet ne met pas de bornes à ses projets ambitieux: sa puissance devient de jour en jour plus formidable; il a une multitude innombrable de soldats, d'excellents capitaines et des trésors immenses: tout cela est destiné contre nous. Il a juré notre perte. Il a juré notre perte : j'en ai des avis bien surs. Ses troupes sont déjà en mouvement : les provinces voisines en sont remplies : tout file du côté de la Carie et de la Lycie; un nombre prodigieux de vaisseaux et de galères n'attendent plus que le jjrintemps et le retour de la belle saison pour passer dans notre île. Qu'attendons- nous nous-mêmes ? Ignorez-vous que les secours étrangers sont éloignés, ordinairement très faibles et toujours incertains? Nulle ressource que dans notre propre valeur, et nous sommes perdus, si nous ne nous sauvons nous-mêmes. Les voeux solennels que vous avez faits, mes frères, vous obligent à tout quitter pour vous rendre à mes ordres. C'est en vertu de ces saintes promesses faites au Dieu du Ciel et au pied de ses autels que je vous cite. Kevenez incessamment dans nos Etats, ou plutôt dans les vôtres : accourez avec autant de zèle que de courage au secours de la Religion. C'est votre mère qui vous appelle ; c'est une tendre mère qui vous a élevés et nourris dans son sein, qui se trouve en péril. Y aurait-il un seul chevalier assez dur pour l'abandonner à la fureur des barbares? Non, mes frères^ je ne l'appréhende point : des sentiments si lâches et si impies ne s'accordent point avec la noblesse de votre origine, et encore moins avec la piété et la valeur dont vous faites profession. «

LES CHEVALIERS DE RHODES. 81

non pins de faire alliance avec des puissances dont les Ottomans étaient les ennemis naturels, de sorte qu'au moment décisif il a sous ses ordres une armée de seize mille combattants, Chevaliers de Rhodes, gentilsliommes et troupes auxiliaires. La noblesse française vint en par- ticulier se joindre, avec des contingents nom.breux, aux défenseurs de ce poste avancé de la Chrétienté. Les magasins regorgeaient d'approvisionnements et l'arsenal était bondé d'armes et de munitions de toutes sortes.

Mahomet II, averti par les intelligences qu'il entretenait dans la place de Rhodes, que ses desseins étaient éventés, et craignant une ligue puissante des princes chrétiens, envoya deux princes de sa famille au Grand-Maître, pour affirmer ses intentions pacifiques et traiter d'une paix durable. Fr. Pierre d'Aubusson, voulant de son côté gagner encore du temps, afin de permettre à tous les Chevaliers et aux gentilshommes d'Occident d'arriver à Rhodes avant l'action, feignit de se laisser duper par la perfide manoeuvre du Sultan ottoman; il entra donc en relations et signa une trêve avec lui, tandis qu'il concluait en même temps la paix avec le sultan d'Egypte, Raitbaï, et avec le roi de Tunis.

Cependant la concentration des forces catholiques s'opérait. Afin de rendre la défense plus efficace, le Chapitre de l'Ordre conféra au Grand-Maître la dictature pour la durée de la lutte qui allait s'engager. Mahomet II finit par jeter le masque, lorsqu'il se crut en état de s'emparer de l'île de Rhodes; il espérait, en enlevant cette île, pouvoir marcher ensuite à la conquête de l'Asie tout entière et de l'Italie.

Michel Paléologue, renégat de la famille des anciens empereurs de Constantinople , qui avait abandonné la religion de ses pères pour devenir grand-vizir du Sultan musulman, parut, le 4 décembre 1479, devant Rhodes, avec l'avant-garde de l'armée ottomane: il tenta d'opérer des descentes sur les points les moins solidement défendus, mais il échoua dans toutes ces tentatives et fut sans cesse

SALLES: L'OUDRF, DE MALTE. ft

82 L'ORDRE DE MALTE.

repoussé par les Clievaliers. Le 23 mai 1480. apparut alors une flotte de cent soixante vaisseaux, selon les uns, de cent vaisseaux, selon les autres, sans compter les felouches et vaisseaux de transport. Cette flotte conduisait contre Rhodes une armée d'environ cent mille combattants, placée sous le commandement de Mesili-pach.a. Cette fois, les défenseurs des côtes, écrasés par le nombre, ne purent s'opposer au débarquement, bien qu'ils se fussent avancés jusqu'au bord de la mer pour combattre les agresseurs.

Ici se place une description aussi exacte que possible de la Eliodes des Chevaliers M, qui rendra le récit des événements postérieurs plus compréhensible. Le terrain s'élève doucement du rivage, à l'E. et au IST., puis vient une surface assez plane, sur laquelle se dresse l'ancienne CoïKne-du- Château qui, de l'autre côté, tombe à pic dans la mer. La cité des Chevaliers n'occupait que la partie inférieui^e de la pente orientale: cette surface plane et l'ancienne CoUine-du- Château sont en dehors de l'enceinte, et l'artillerie moderne commanderait de ce point toute la place. Mais nous sommes en 1480. Le Grand-port était entouré de murs,, la jetée sud en était fortifiée; à la pointe était le Castello-del-molo-dei-3Iolini ; en face, à la pointe d'une courte jetée, était la Tour-Naiïïae, reliée avec la Citadelle par un ouvrage avancé dont l'artillerie prenait en enfilade, d'un côté, le Grand-port, de l'autre, la mer et une partie de la grande jetée du plus petit port ou Fort- des-Galères. L'enceinte du Grand-port était munie de bastions; à peu près au centre de la circonférence était la Porte- Sainte- Catherine, et l'église du même nom, temple et forteresse à la fois, dominait le rempart. De la base de cet ouvrage qui allait joindre la Tour-NaiUac, les remparts se dirigeaient, parallèlement d'abord et à environ cinquante pas en arrière du quai sud du Port-des- Galères, puis montaient à l' G. jusqu'au point culminant de la pente; l'angle S.-E. du terrain de la

^) V. aussi, Appendice, les notes précieuses que nous avons réunies sur Rhodes et qui rendront les incidents du siège en quelque sorte palpables.

LES CHEVALIERS DE EHODES. 83

rive, le long môle touche au quai, était défendu par un mur avançant jusqu'à la mer et par un fossé alimenté à l'O. par la mer même. Le Môle-chi- Grand-port était fortifié, et, à sa pointe, se dressaient sur une plate-forme de rochers, le Clicdeaii-Samt-Nkolas et en terre ferme le Fort- Saint- Ehne, en face l'un de l'autre, qui commandaient l'entrée du Port- des- Galères. A l'angle sortant, l'ouvrage de la Tottr- Naillac faisait avancée et le Grand-môle touchait à la terre ferme, il y avait une petite porte très-forte, s'ouvrant sur le Port-des- Galères, et communiquant avec le quai du Grand-port et avec l'intérieur de la place: c'était la Porte- del-Castello des chroniques. A l'angle N.-O. de la pente, était, au point le plus élevé, le Château-des- Grands-Maîtres; de les ouvrages se dirigeaient d'abord vers le Sud, puis de plus en plus à l'E. et au N.-E., jusqu'à la base de la Jetée-des-Moidins, ils rejoignaient la ligne du Grand-port. Au plus près du CJiâteau-des- Grands-Maîtres, étaient, à l'O., la Porte- Saint- Antoine, ou Porte-d' Avriboise, puis la Porte (murée)-de- Saint- Georges, et, au S., la Porte-de-Cosquino ou Porte- Saint- Jean. On ne sait pas se trouvait la Porte- Saint- Athanase : elle devait être murée aussi, en 1480. Les ouvrages du côté de la terre étaient massifs et gardés par des fossés très profonds et très larges: au N., les murailles du Château-des- Grands-Maîtres s'élevaient au milieu des fossés à une hauteur prodigieuse; en face, était, au point culminant de la pente, l'ancienne Eglise-conventuelle-de- Saint- Jean, bâtie par Villaret: une muraille allait de cette église, en coupant la ville en deux, jusqu'à la ligne du Grand- port^ qu'elle rejoignait à la Porte- Sainte- Catherine, et séparait la Ville-des- Chevaliers (Castello, le Castel) de la ville des bourgeois, des grecs et des juifs. En prévision d'un siège, le grand-maître Zacosta avait divisé l'enceinte en huit secteurs (nommés aussi vulgairement bastions) et chacune des huit Langues avait la défense d'un de ces secteurs. Cette disposition ne fut pas modifiée. L'Auvergne eut le secteur, de la Porte- Saint- Georges à la Tour-d'Espagne; l'Angle- terre, le secteur de la Tour-d'Espagne à la Tour-Sainte-3Iarie ;

6*

84 L'ORDRE DE MALTE.

l'Aragon, la partie supérieure de cette tour et les ouvrages jusqu'à la Porte-cle-Cosquino ; la Provence, la Fortc-de-Cos- qîiino (ou Saint- Jean) et le secteur jusqu'à la Tour-d' Italie; l'Italie, toute la ligne d'enceinte jusqu'à la JPorte- Sainte- Catherine, non compris le Castel-de-la-jetée- des -Moulins; l'Allemagne, le secteur entre le CJiâfeait-fort-des-Grands- Maitres et la Porte- Saint- Georges, en y comprenant la Po7'te- Saint - Antoine; la Castille et Portugal, la Porte- Sainte- Catherine et le secteur jusqu'à la Porte-du-Castel (Yille des Chevaliers): la France, le secteur de la Porte-dii-Castel au Château-fort-des- Grands-Maîtres. Le Castel de la Jefée-des- Moidins avait une garnison à part. Le Château-fort-des- Grands-Maîtres et le secteur jusqu'à celui de l'Allemagne, étaient sous la garde directe du grand-maître et d'une phalange d'élite. Il était formé une réserve sous les ordres de quatre Capitaines de secours.

Le grand-vizir commença immédiatement le siège.

Mais la confiance n'abandonna pas les Chevaliers. Le G-rand-Maître enlElamma encore leur courage par ses haran- gues ^), dans lesquelles il leur rappelait l'antique renom de l'Ordre et leur démontrait que leur intrépidité leur assu- rerait la victoire sur les Infidèles, victoire qui serait leur plus haute récompense, comme soldats du Christ et comme

^) Nous donnons ici d'après Vertot, celle que Fr. P. d'Aubusson prononça à l'ouverture du Chapitre général, qui précéda l'action :

«Généreux Chevaliers, voici enfin l'occasion de faire paraître votre zèle et votre courage contre les ennemis de la Foi. Dans une gTierre si sainte, c'est Jésus-Christ lai même qui sera votre chef : il n'abandonnera pas, mes frères, ceux qui vont combattre pour ses intérêts. En vain Mahomet, ce prince impie et qui ne connaît point d'autre divinité que sa propre puissance, se vante d'exterminer l'Ordre. S'il a des troupes plus nombreuses que les nôtres, ses ti'oupes ne sont composées que de vils esclaves qu'on traîne par force dans les périls, et qui ne s'exposent à la mort que pour éviter la mort même dont ils sont menacés par leurs oificiers, au lieu que je ne vois parmi vous que des gentils-hommes d'un sang- illustre, élevés dans la vertu, déterminés à vaincre ou à mourir, et dont la piété et la valeur sont des gages surs de la victoire.*

LES CHEVALIERS DE RHODES. 85

Chevaliers. L'ennemi dirigea ses premiers travaux contre la Tour-Saint-Nicolas. Un ingénieur, Georges Frapan, de nationalité allemande, qui avait renié sa religion et son Dieu pour prendre du service dans l'armée ottomane, diri- geait les travaux d'approche. Il avait jugé au premier coup d'oeil, que la prise de cette tour permettrait de com- mander le port et la place. Il fut ensuite envoyé dans Rhodes, en espion, afin d'étudier les points les plus vul- nérables de la place. Faignant donc de se repentir d'avoir passé au mahométisme et d'avoir servi dans l'armée turque, il se présenta aux postes avancés. Mais ce subterfuge ne servit de rien à ses commettants; on le surveilla et le surprit; il fut saisi au moment il voulait retourner secrètement auprès du commandant ennemi, jugé et condamné à la peine capitale. L'armée assiégeante était munie d'un grand nombre de canons, dont quelques uns étaient d'une longueur considérable et d'une grande portée: son artillerie battait donc incessamment en brèche la Tour-Saint-Mcolas. D'Aubusson, sachant bien toute l'importance de cet ouvrage, en confia la défense aux plus braves Chevaliers et se mit à leur tête. Les assauts se suivaient: du côté ouest, s'écrou- laient déjà des pans de muraille; déjà les Turcs hurlaient leurs cris sauvages de triomphe; déjà les habitants s'enfuyaient, en emportant ce qu'ils pouvaient sauver d'un pillage imminent, lorsque d'Aubusson, brandissant l'étendard glorieux de la Religion, se jeta au plus é^Dais de la mêlée et renversa tout devant lui. Il courut personnellement les plus grands périls, mais rien ne put arrêter son bras, jusqu'à ce que l'ennemi fût repoussé et rejeté sur ses vaisseaux, laissant des milliers des siens sur les remparts témoins de cette sanglante défaite'). M le courage personnel, ni l'espion- nage le mieux organisé n'avaient pu vaincre les soldats de la Croix.

Le grand-vizir, exaspéré, tourna ses armes contre le quartier de la ville habité par les juifs ; mais Fr. P. d'Aubusson,

^) V. Appendice, la lettre dans laquelle il raconte avec une si admirable modestie la défense de Bliodes.

86 L'ORDRE DE MALTE.

stimulant ]3ar son courage et son exemple le zèle des assiégéSj eut bientôt creusé un second fossé et élevé avec une rapidité merveilleuse un second mur derrière celui que les Turcs avaient abattu à coups de canon. Tous, sans distinction de religion, d'âge ou de sexe, travaillèrent à ces fortifications qui s'élevèrent comme par enchantement. Ce bombardement n'ayant donc pas donné aux assiégeants le résultat espéré, ceux-ci essayèrent c'est un fait indiscu- table — de se débarrasser du terrible grand-maître, à la fois l'âme et le bras de la résistance, à l'aide du poison. Dieu protégeait Aubusson: le complot fut découvert à temps et la tentative avorta. Les Turcs reprirent alors, sur l'ordre du Paléologue, leurs travaux de sape et de mine contre la Tour- Saint-Nicolas (nommée aussi le Cbàteau- Saint-Nicolas), et ils essayèrent un nouvel assaut. Le com- bat fut plus âpre encore que la première fois. Les Turcs et surtout les janissaires firent des prodiges de valeur; mais, malgré lem- nombre, ils ne purent enfoncer l'héroïque muraille que les Chevaliers leur opposèrent. Des batteries flottantes protégeaient en vain leur attaque; ils furent cou- verts d'une grêle de grenades et de couronnes goudronnées. Douze janissaires reçurent en vain mission, sous promesse des plus magnifiques récompenses, de prendre Aubusson mort ou vif. Ils s'élancèrent avec toute la fureur des fauves sur le Grand-Maître, combattant sur la brèche au milieu de ses Chevaliers. Celui-ci reçut cinq blessures, mais sans reculer d'une semelle, et, à ses preux qui le priaient de ménager sa vie, il répondit ce mot d'une beauté antique: »I1 est plus glorieux de mourir, que de reculer La lutte fut héroïque: les janissaires, étendus aux pieds des Chevaliers, ne purent remplir leur sanglant mandat.

Cet assaut fat aussi repoussé. Michel Paléologue tourna alors encore une fois ses canons contre le quartier des juifs, qu'il bombarda avec toute son artillerie. Il chercha en même temps à semer la division dans le camp chrétien, afin de s'emparer par la ruse de ce qu'il ne pouvait con- quérir par la force. Doit-on s'étonner qu'un renégat grec

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n'ait reculé devant aucun des moyens les plus infâmes pour s'assurer la possession de l'île? Il fit répandre parmi les Chevaliers, par d'habiles agents, le bruit que le Sultan avait armé une flotte nouvelle, que cent mille hommes de troupes fraîches allaient arriver devant Rhodes et que ce qu'on avait vu jusque n'était qu'un prélude insignifiant au prix de ce qui allait arriver. Les Chevaliers ne furent pas ébranlés ; mais quelques uns d'entre eux perdirent confiance un instant. Aussitôt qu'il eût connaissance de cette manoeuvre, le Grand-Maître résolut de démontrer d'une façon péremptoire aux défenseurs de Rhodes qu'il n'y avait pas lieu de désespérer, et de ranimer les courages chancelants. Un mot du chef suffit quelquefois à rendre à une armée hésitante ou épuisée, toute son intrépidité et son énergie. Il en fut ainsi en cette occurence. Il convoqua les Chevaliers inquiets et leur déclara qu'il était prêt à faire conduire en terre ferme, ceux qui se préoccupaient du nombre des ennemis, mais qu'il ne permettrait à personne de prononcer le mot de reddition. Tous ces Chevaliers, un instant égarés, témoi- gnèrent alors de leur repentir et sollicitèrent comme une punition de leur découragement momentané, l'honneur de combattre aux premiers rangs, et de mourir ou de vaincre, à la première attaque des Infidèles. D'autres tentatives de l'ennemi dans le même sens échouèrent misérablement.

Le grand-vizir se décida à hvrer un assaut général, le 27 juin 1480. Les soldats de la Croix, fatigués par de lon- gues veilles et par la chaleur, dormaient, et les Turcs arborèrent leur étendard sur les ouvrages qui commandaient la place, sans rencontrer de sérieuse résistance. Le grand- vizir avança alors avec toute son armée, pour profiter de cette surprise. Mais Aubusson arrivait à la tête du gros de ses Chevaliers, et, escaladant avec des échelles les remparts déjà occupés en force par l'ennemi, les défenseurs de Rhodes les reprirent après une mêlée corps à corps, homme à homme, et mirent les Turcs en déroute. Des brandons chrétiens aidèrent à l'oeuvre de l'héroïsme et de l'intrépidité, en incendiant des galères ennemies, tandis que les canons

88 L'ORDRE DE MALTE.

des forts en coulaient d'autres à fond. Les Turcs laissèrent plus de trois mille des leurs sur le carreau; c'étaient leurs meilleurs soldats. Ils s'enfuirent avec une telle précipitation, qu'ils s'entretuaient mutuellement, pour arriver plus vite aux navires. Les Chevaliers pénétrèrent dans leur camp et enlevèrent l'étendard de leur commandant en chef. Les Turcs criaient dans leur angoisse, que ce n'étaient pas des hommes qui les avaient combattus ^), et ni les prières, ni les menaces ne purent les amener à faire face à l'armée chrétienne qui les poursuivait l'épée dans les reins et les massacrait. Les cadavres couvraient la mer; plus de la moitié de l'armée ottomane était détruite ou mise hors de combat. Le grand-vizir dut renoncer à toute nouvelle tentative et lever le siège. Il fit mettre à la voile et s'en alla, couvert de honte, implorer la miséricorde du Sultan, dont l'armée était, sinon anéantie, du moins décimée et démo- ralisée par cette lutte elle avait succombé, quoiqu'elle fût sept fois plus forte que la poignée de Chrétiens qui venaient d'infliger à ces hordes et au Croissant une cruelle leçon. Michel Paléologue, le renégat, ne reçut pas le cordon de soie, mais il fut banni à Gallipoli. Qua,nt à Fr. Pierre d'Aubusson, il avait été transporté dans son palais, tout couvert de blessures; mais sa guérison fut rapide. Il fonda trois églises, ^^our rendre grâces à Dieu de la victoire; puis il récompensa magnifiquement les chevaliers et les soldats qui s'étaient distingués pendant le siège. Il fit enfin distribuer du blé aux familles des paysans et aux habitants dont les possessions avaient été dévastées par les Turcs.

Ce fut une grande allégresse dans les pays chrétiens, lorsqu'on apprit la nouvelle de la délivrance de Rhodes:

1) Cette terreur s'explique. Il suffit de se représenter ces fils des races fortes et vaillantes, agiles, robustes, hauts de taille, sous la cuirasse et le casque étincelants, avec leur cotte d'armes sanglante, coupée de la croix à liuit pointes, maniant avec toute la furia du plus saint enthousiasme la demi-pique ou la large épée à la garde d'or, à la lame brillante, ou parant tous les coups avec le bouclier, que ne pouvaient entamer le cimeterre ou la hache. Debout, au haut des remparts, ils devaient être terribles!

LES CHEVALIERS DE RHODES. 89

on chanta partout des Te Dcum d'actions de grâces. Mahomet seul ne pouvait se consoler de cet échec si complet de son expédition. Il réunit une armée de trois cent mille hommes et une flotte plus considérable que la première, et il se disposait à aller écraser Rhodes sous ces forces formidables, lorsque la mort le frappa, tandis qu'il traversait l'Anatolie à la tête de ses troupes. » Je voulais prendre Rhodes et soumettre l'Italie«, telle est, dit-on, l'inscription que l'on grava par son ordre sur son tombeau. C'est bien le cri de l'ambition déçue: sa mort fut un fait providentiel pour l'Ordre et pour le reste de la Chrétienté. Il est douteux que la vaillance eût encore une fois vaincu le nombre et que Rhodes n'eût pas été soumise quarante et un ans plustôt au joug des Infidèles. Il est douteux que l'Italie ne fût pas devenue ensuite la proie de l'Islam.

Des compétitions entre les deux fils de Mahomet, Bajazet et Zizim, ne laissèrent point aux Ottomans le loisir de se vouer à l'exécution des plans de Mahomet. Bajazet (II) défit son puîné Zizim, qui se réfugia d'abord en Egypte, puis chez les Hospitaliers de Rhodes. Ce fut une grande joie pour Aubusson, qui l'accueillit avec toute la distinction voulue, de voir entre ses mains un si précieux otage, à l'aide duquel il pouvait imposer au nouveau sultan, Bajazet II, des conditions de paix avantageuse. Les négo- ciations entamées à ce sujet eurent un résultat immédiat ^).

1) Pauli. Cocl cl di M. H, p. 156, 131, Année 1484. »Bayazet, Asiae Kex, Imperatorum Imperator, Cham (id est maximorum niaximns) sapientissimo et illustrissimo magno Rhodiorum Magistro^ Petro d'Aubusson felicissimo Imperatori, Patri colendissimo, S. D. P.«

» Quanta sit nostrae mentis in te benevolentia, integi'itas et observantia^ ex praeteritis haud dubio relucet. Tu quoque in nos animi rectitudinem prodis, certisque redundas beneficiis, ut victor évadas. Nec enim id perpeti decrevimus : fortuna namque nobis magis arridet, plurique sumus ditione, imperio, atque gazis fulciti: nec obliviscimur te Principem sapientem, praedivitem, et haud ignavum esse, qui clarissima victoria politus es, grandiaque soles aggredi facinora. Nos itaque tibi gratificari cupientes, non fuit apud Byzantium quod acceptius tibi fore putaremus, quam ea ipsa manu te frui, quae Christianae gentis Messiae Praecursoris, cuius patroci-

90 L'ORDRE DE MALTE.

Le Sultan s'engagea à verser au trésor de l'Ordre une redevance annuelle de 4500 ducats, et, en échange, le Grand- Maître s'obligea à garder Zizim et à ne le céder à aucun autre souvrain, afin qu'il ne pût pas devenir un prétexte de guerre. Zizim, ne se croyant pas en sûreté à Rhodes, quitta plus tard l'île sous la garde du chevalier de Blanche- fort, et alla en France. Puis, sur les ordres réitérés du Pape, le Grand-Maître ne put refuser de livrer cet otage au Saint- Siège duquel l'Ordre relevait. Les plans aventureux, basés sur la possession de Zizim, ne rentrent pas dans le cadre de ces Annales: la mort de ce prétendant au sultanat (1495) mit fin à tous ces projets. Fr. Pierre d'Aubusson reçut du Saint-Siège, en récompense de sa magnifique défense de Rhodes, le chapeau de cardinal; nous ne croyons pas devoir nous associer aux écrivains qui affirment à la légère et sans la moindre preuve, que le pape voulut ainsi récom- penser avant tout le Grand-Maître de lui avoir livré Zizim. Ceci ne fut qu'un acte voulu d'obéissance, tandis que Rhodes sauvée par Aubusson, c'est un titre à toutes les dignités et à tous les honneurs. Nous en trouvons la preuve dans ce fait que le grand-maître de l'Ordre des Chevaliers de Rhodes fut nommé généralissime de la ligue chrétienne contre Bajazet, formée sur l'initiative du pape Alexandre VI. Nous ajouterons, pour être vrai, que les quinze vaisseaux promis par Alexandre VI ne parurent jamais dans les eaux de Rhodes; que la flottille française, envoyée par le roi Louis XII, sous le commandement de Philippe de Clèves qui avait pour instructions de ne rien entreprendre en dehors des ordres du Grand-Maître, fut sacrifiée par ce commandant, dans une tentative sur Mitylène, faite de sa propre autorité et repoussée par des forces bien supérieures

nium invocas, corpori olim fuit iuncta : ea quippe Imperiali Urbe devicta genitoris aerario est addicta. Excipe eia, Principum fidelissime, tui Patroni dexteram manum, quae pecunia reiecta, tui amicitiam censui pacto anteposmt: in quo vera quidem animi integrifcas depreliendi solet, quae utilitate contempta amico morem gerere studet. Vale.«

LES CHEVALIERS DE RHODES. 91

en nombre. Les galères de l'Ordre continuèrent seules la guerre maritime contre les Infidèles. On note même à cette époque une prise importante de vaisseaux musulmans chargés d'une riche cargaison. Les moines-guerriers faisaient la police de la mer avec autant de succès, qu'ils avaient repoussé les entreprises contre leur territoire.

Fr. Pierre d'Aubusson mourut à un âge avancé (75 ans), le 30 juillet 1503, après 27 années d'un magistère glorieux. Jamais la perte d'un chef de l'Ordre ne causa tant d'affliction et de regrets. »Son corps, dit un vieux chroniqueur, fust porté en la salle du conseil, soubs ung lict couvert de drap d'or, vestu d'une cape de prélat, et auprès estoit ung chevalier vestu de dueil qui tenoit le chapeau de cardinal, ung aultre la croix de la légation, ung aultre l'estendart de la généralité de la ligue, et aulx quatre coins, quatre chevaliers portoient des bannières à ses armes et à celles de la Religion. Sur sa poitrine estoit ung crucifix d'or, et des gands de soye aulx mains, et des souliers de drap d'or aulx pieds. A costé droit fuct dressé ung lict estoient tous les ornements de cardinal, couverts d'ung dais d'or et de soye; et de l'aultre costé ung aultre estait sa cuirasse, sa cotte d'armes, et l'arme de leste, et l'espée dont il combattit à la défense du mur- de s- juif s, tout cela encore teinct du sang de l'ennemi. Aux environs il y eust d'ordi- naire deulx cent cinquante hommes vestus de robes de dueil. Tous les religieux et le peuple y venoient lui baiser les mains, et pas ung n'entra dans la salle qu'avec pleurs, cris et battements de poictrine, et tout le peuple de l'isle accourust avec mesmes cris et gémissements. Quand la bierre parust hors du palais pour descendre l'escalier, il s'esleva une plaincte et cry universel de tout le peuple, qui continua partout il passa. Les femmes, les vieillards et les paulvres se bastaient la poictrine et se désespé- roient . . . Quand il fust en terre, Didier de Sainct-Jaille, son maistre d'hôtel, rompist le baston sur sa sépulture, et Diego Suarez, son escuyer, les espérons .... Il laissa une grande et riche despuille, et de plus grande valeur

92 L'ORDRE DE MALTE.

encore que celle des grands-maistres de Villeiieufve et Fkivian ^)«.

Son magnifique mausolée en bronze était érigé dans une niche ogivale, à Saint- Jean de Rhodes; le grand- maître était assis sur son trône, en manteau, l'épée au bras droit, le chapeau de cardinal sur la tête; il y avait au frontispice et aux colonnes des emblèmes de victoire sculptés en relief. Nous traduisons les inscriptions tumulaires en français : Au Seigneur Pierre cVAubusson, cardinal de la sainte église romaine^ légat d'Asie, grand-maître de la sainte et noble milice de Jérusalem, ce monument a été élevé piihliquement. Au libérateur de la ville, à celui qui nous a donné le repos. Les chevaliers de Jériisalem et le peuple de PJiodes l'ont dédié à son génie et à sa majesté^ et l'ont décoré des insignes du triomphe. Epargner les vaincus, combattre les rebelles.

Ce mausolée, ainsi que celui d'Emery d'Amboise, furent détruits par les janissaires, après leur entrée à E,hodes, en 1522, malgré la capitulation, et les cendres de ces preux furent dis- persées. Nous parlerons de cet acte de vandalisme à sa date.

Les monnaies les plus remarquable de Pierre d'Aubusson portent à l'avers les armes écartelées de l'Ordre et du Grand- Maître (Croix de Saint-Jean eu champ de gueules, et croix ornée de gueules en champ d'or), et, au revers, Saint-Jean, en pied, tenant de la main gauche la bannière et l'agneau, et les montrant de la main droite. L'écu est surmonté du chapeau de cardinal, et la légende rappelle cette dignité et celle de maître de Rhodes. Ce sont les pièces d'argent. Dans les monnaies d'or, on a le type vénitien; dans la monnaie de billon, la croix ancrée est seule au centre de la légende.

XXI. Frère Emery d'Amboise .

(1503—1512)

reçut en France, il se trouvait, la nouvelle de son élection au magistère. Il partit pour Rhodes, emportant

1) Ce récit est doublement précieux: il nous révèle Aubusson aimé et pleuré par tous ; il nous donne en même temps le cérémonial des funérailles des ai-ands-maîtres.

LES CHEVALIERS DE EHODES. 93

comme de précieux souvenirs du roi de France, Louis XII. un morceau de la vraie Croix et l'épée de Saint Louis. Bajazet n'ayant plus à craindre les compétitions de son frère Zizim, qu'il avait sans doute su atteindre à la mode turque, aussitôt que sa vie n'avait plus été sous la sauve- garde immédiate des Chevaliers de Rhodes, car, selon l'adage juridique, le criminel est celui à qui le crime profite, et, par conséquent, s'il y eut, comme on le prétend, empoisonnement, l'empoisonneur fut nécessairement Bajazet, se prépara à recommencer la guerre contre l'Ordre et s'allia dans ce but au Sultan d'Egypte. Une flottille turque débarqua 500 hommes dans l'île de Leros; la brèche fut ouverte, et les Turcs allaient se rendre maîtres du fort qui protégeait cette île, quand, à ce qu'assurent les chroniques, un jeune Chevalier, nommé Siméoni, s'avisa d'un stratagème qui sauva l'île. Siméoni, voyant l'imminence du péril, aurait fait revêtir aux habitants des costumes de Chevaliers et leur aurait fait prendre position à la brèche. Les Infidèles, croyant que les assiégés venaient de recevoir du secours, auraient alors abandonné l'île. De son côté, le Sultan d'Egypte expédia cinq vaisseaux chargés de troupes de débarquement, pour prendre l'île de Lango; mais les mamelouks tombèrent au pouvoir du commandant de cette île et les vaisseaux furent capturés par les galères rhodiennes. L'Ordre fit, en 1507, une prise encore bien plus con- sidérable. Un grand vaisseau de guerre, que les Sarrasins nommaient la Heine - de-la- Mer, partait chaque année d'Alexandrie pour Constantinople, chargé de soieries, d'épices et d'autres marchandises précieuses provenant des Indes. Il était à cinq ponts et il était monté par mille soldats, d'escorte sans compter les marchands et l'équipage. Le commandeur de Limoges, ayant reçu l'ordre de se rendre maître de ce bâtiment, s'embarqua sur la galère-amirale et réussit à s'en emparer. On y trouva de grands trésors et l'on fit payer aux marchands de fortes rançons. Quelque temps après, d'autres bâtiments sarrasins, chargés d'impor- tantes cargaisons, tombèrent encore entre les mains des

94 L'OEDEE DE MALTE.

croiseurs rhodiens. On raconte enfin parmi les exploits de l'Ordre un autre fait d'armes glorieux. Le sultan d'Egypte, Kansou, s'était ligué (1508) avec le Roi de Calcutta (Bengale), contre Emmanuel-le-Fortuné, roi de Portugal (1495 1521), et, ses vaisseaux étant insuffisants, il obtint de Bajazet l'autori- sation de faire abattre des bois de construction dans les forêts de la Cilicie. En 1510, le bois étant coupé, le sultan Kansou envoya une flotte de cinq vaisseaux pour le trans- porter à Alexandrie. Mais le Grand-Maître, ayant obtenu du Conseil, les fonds nécessaires à cette entreprise, s'entendit avec le Roi de Portugal et mit à la mer le grand vaisseau capturé sur les Sarrasins, quatre galères et dix-buit bâtiments de diverses grandeurs. Cette flotte fit voiles vers Ajazzo^i et croisa dans ses parages: elle rencontra au retour la flotte ennemie, l'attaqua et s'en empara. Les Chevaliers prirent onze vaisseaux et quatre galères et firent un grand nombre de prisonniers. Ils mirent le feu aux bois de con- struction et rentrèrent à Rbodes chargés de butin. Ces captures successives enrichirent le trésor, au profit duquel beaucoup de Chevaliers abandonnaient une grande partie des revenus de leurs commanderies. en dehors des responsions dues. Fr. Emery d'Amboise mourut, en 1512. dans sa soixante- dix-huitième année. Nous n'avons pu retrouver de discription de son tombeau: on se rappellera du reste que ce mausolée eut le même sort que celui de son prédécesseur, le grand Aubusson. Les monnaies d'or de ce grand-maître nous montrent un type nouveau: à l'avers, les armes des Amboises sont écartelées avec celles de l'Ordre, au revers, Saint-Jean est remplacé par l'Agneau pascal tourné à dextre, regardant en arrière, la têle entourée de l'auréole, et ayant derrière lui l'étendard de la ReHgiou. Il y en a aussi du type vénitien. Les monnaies d'argent sont semblables aux premières. La monnaie fractionnaire a tantôt les armes écartelées, tantôt les armes d'Amboise seules, et, au revers, le Saint-Jean-

^) Aias, Aiazzo, Issus. Adjacium, Xicopolis, ville et port d'Anatolie, au coude N.-E. de la Méditerranée, très commerçante au Moyen-âge, célèbre par la victoire d'Alexandre-le-grand.

LES CHEVALIERS DE RHODES. 95

Baptiste à l'étendard. Un seul spécimen de monnaie de billon porte, à l'avers, la croix de l'Ordre, seule, et, au revers, l'agneau, comme aux pièces d'or.

XXII. Frère Guy de Blanchefort,

(1512—1513)

neveu d'Aubusson, n'occupa que bien peu de temps le magistère. Lorsqu'il fut élu, il était retenu en Europe par une maladie. Ayant appris que les Turcs faisaient de nouveaux armements contre l'Ordre, il partit, malgré le mauvais état de sa santé, et alla s'embarquer à Villefrancbe (Comté de Nice); son mal empira pendant la traversée et l'on voulut le débarquer en Sicile; mais il insista pour que le voyage ne fiit pas interrompu. Il n'arriva cependant pas au terme du voyage et mourut en vue des îles Ioniennes, le 24 novembre 1513. Son mausolée, à Rhodes, le représentait couché dans son manteau, sous un dais porté par quatre colonnes. On y lisait: A la mémoire de Guy de blanchefort, très-nohle maître de la milice sacrée de Jérusalem: ce monument lui ayant été élevé pour l'éternité par les soins du sénat et du peuple . . . On a de son court magistère de petites pièces de cuivre, avec l'écu écartelé, et, au revers, un écu portant la croix de l'Ordre, avec cette légende: ^ in hoc siGNO vxntces. Nous notons avec soin cette devise qui marque bien mieux que les légendes antériem'es le but de l'Ordre chrétien militant.

XXni. Frère Fabrice del Caeretto. (1513-1521)

Blanchefort avait ordonné, de détacher de sa flottille et d'expédier à Rhodes, avec toute la célérité possible, une galère, pour aviser de sa mort. L'ordre fut ponctuel- lement exécuté, et Rhodes fut avertie du triste événement, dès le 13 décembre. Le Chapitre fut aussitôt convoqué et l'amiral Carretto, d'une noble maison d'Itahe, fut élu au magistère. Il s'occupa immédiatement de réunir un Chapitre

96 L'ORDRE DE MALTE.

général, afin de mettre en état de défense l'île menacée d'une descente des Infidèles. Il fit acheter entre autres de l'artillerie, par l'entremise d'un négociant lyonnais.

Le trône de Turquie était alors occupé par Sélim I®^ (1512 1520), le plus jeune fils de Bajazet II, qu'il avait détrôné et fait incarcérer, en même temps qu'il donnait ordre d'étrangler ses frères et tous les membres de leurs familles. Ce prince ambitieux clierclia sur-le-cbamp à conquérir de nouveaux territoires. Il déclara donc la guerre au roi de Perse, Ismaïl P^ (1499—1520), le battit et s'empara de Tauris (1514). Le Roi de Perse envoya alors des ambassa- deurs à Rhodes, comme l'avait fait un de ses prédécesseurs, pour former luie alliance avec les Chevaliers contre l'ennemi commun. Le sultan d'Egypte, Kansou, entra dans cette ligue. Ce fut contre lui que Sélim dirigea ses premiers coups: en quatre années, il réduisit l'Egypte en provinces ottomanes. Puis il se prépara à agir contre Rhodes, mais sa mort coupa court à l'exécution de ce projet, le 22 sep- tembre 1520.

Ce ne devait cependant être qu'un court répit. Soliman II-le-Magnifique, succéda à Sélim, et, persuadé que la possession de Belgrade et de Rhodes pouvait seule assurer la sécurité de ses frontières, en Europe, et de ses nouvelles provinces d'Egypte, il réunit des forces considé- rables pour enlever ces deux postes aux Chrétiens. Il envoya devant Rhodes une flotte, et, en même temps, saisissant pour prétexte le mauvais traitement qu'aurait reçu un de ses ambassadeurs à la cour de Louis II, roi de Hongrie, il parut à la tête de son armée devant Belgrade, qu'il força à capituler, le 29 août 1521.

Le Grand-Maître avait d'abord déjoué la démonstration navale des Infidèles et poursuivi ses préparatifs de défense contre une attaque en force qu'il y avait lieu de prévoir, aussitôt que Soliman serait maître de Belgrade. La nomi- nation de l'amiral rhodien au magistère avait eu lieu déjà dans cette pensée, que les talents militaires éprouvés de Caretto seraient bien nécessaires, en présence d'un

LES CHEVALIERS DE EHODES. 97

imminent péril. Il ne failKt pas à sa mission, comme homme de guerre et comme homme d'état, et, tandis qu'il rendait redoutables les approches de l'île, il envoya des ambassadeurs auprès de plusieurs des cours d'Europe, afin d'informer les souverains catholiques de la situation et de leur demander une prompte assistance. Mais la guerre avait éclaté entre le roi de France, François P^', et l'empereur Charles-Quint, et occupait les deux grandes puissances de l'Occident. Rien ne permettait donc de compter sur un secours de l'un ou de l'autre de ces deux pays.

Fr. Fabrice mourut sur ces entrefaites, après une courte maladie, au mois de janvier 1521. Il était un des héros de la défense de Rhodes, en 1480; il avait de grandes qualités personnelles: il était libéral et charitable, et très aimé de tous. Sa science des langues anciennes et modernes, et ses connaissances en général étaient très rares parmi la noblesse de ces temps. Il fut beaucoup regretté à cette heure diffi- cile. Mais son successeur fut digne de lui. La pierre tumu- laire qui marqua dans la muraille de l'Eglise- Saint- Jean de Rhodes, la place ce grand-maître fut inhumé, fut longtemps intacte ^j. La tombe n'a pas été violée. Il y était debout, en manteau, les mains jointes; au-dessus on inscrivit cette épitaphe : iie«'""* . et . ill . JD. F. Fabrlchis . de . Carretto . magnus . RJiodi . magister . urhis . instaurator . et .ad . publicam . utilitateni . per . septennkmi . recfor . lue . jacet . Anno . MDXXL Les armes écartelées sont au-dessus de la figure, et il y a lieu de noter le caractère religieux de cette inscription qui rappelle le titre de Hector et celui de Frater. Parmi les monnaies du magistère Carretto, nous citerons celles du type vénitien, celles avec les armes écartelées et Saint- Jean-Baptiste à la bannière et à l'agneau pascal; nous noterons dans les légendes les mots: Grand-Maître de FJiodes^ MAGN * M î^c R. On possède une médaille de lui, frappée à l'occasion de son élection, la seule, avec une autre du grand-maître, Fr. Philippe de Villiers de l'Isle Adam, qui

^) V. Appendice, Notes sur Rhodes.

SALLES : L'ORDRE DE MALTE.

98 L'OPtDRE DE MALTE.

ait été frappée à Rhodes, tandis que postérieurement tous les grands-maîtres de Malte, à l'exception de Saint-Jaille, de Yasconcellos et de Raymond Despuig, ont laissé des médailles comm.émoratives des faits contemporains notables. Avers: Buste du G-rand-Maître tourné à droite, la barrette sur la tête, la croix sur la poitrine, et, comme légende; 1^ p. FABiiicivs.DE.CARRETTO>iiMAGNVS>|iM:^E,.; revers: Ecusson écartelé, avec la légende: ^ deo >tcET *beaïe >kvie,gini. On en connaît un exemplaire en argent et un en or.

XXIV. Frère Philippe de Yilliers de l'Isle Adam.

(1521—1522, à Rhodes; 1522—1530, à Candie, Messine, Civita - Vecchia, Viterbe, à Malte (1530—1534).

Le magistère de cet homme illustre répond à une des périodes les plus glorieuses et les plus critiques à la fois des Annales de l'Ordre. Ses contemporains l'ont surnommé ïe Vaillant^ et avec raison, car toute sa vie fut une suite d'actes d'un chevaleresque héroïsme. L'histoire a ratifié l'inscription gravée sur sa tombe, par les pieuses mains de son successeur".

Ci-gît la vertu, victorieuse de la fortune (Victrix fortimae virtus).

C'est le temps des grandes conquêtes en Europe de Soliman, dont les innombrables cohortes mettaient en péril les trônes, les nations et la civilisation chrétienne. Belgrade conquise, la Hongrie terrassée, l'on devait s'attendre à voir le Sultan victorieux diriger sur Rhodes tout l'efibrt de ses armes, afin de remplir le voeu inscrit sur la pierre du tombeau de Mahomet II.

Fr. Philippe de Villiers de l'Isle Adam était grand- prieur de France et se trouvait à sa résidence de Paris^ lorsque la nouvelle de son élection au magistère lui par- vint. Sachant les intentions du Sultan, il ne perdit pas un instant pour se rendre à son poste d'honneur et de péril. Il arriva donc à Rhodes, dès le 12 septembre 1521, avec quatre felouques chargées de munitions, et accompagné

LES CHEVALIERS DE RHODES. 99

d'un grand nombre de Clievaliers qu'il avait entraînés à sa suite, pour venir prendre leur part de gloire et de dangers dans l'oeuvre de la défense de l'Ordre, contre un ennemi terrible par le nombre et la foi dans son invincibilité. Et cette fois la résistance devait être rendue encore plus diffi- cile par les manoeuvres d'un Chevalier félon, que le dépit allait porter à des actes indignes, à la plus infâme trahi- son. L'Ordre renfermait dans son sein un misérable, le chancelier d'Amaral, qui avait occupé de hautes dignités et qui avait jusque bien mérité de l'Ordre, mais qui, ayant brigué le magistère et n'ayant pu l'obtenir, jura de se venger non seulement de Villiers, mais même de l'Ordre tout entier dont il résolut la perte. Cet Amaral fit con- naître à l'ennemi les points les plus vulnérables de la place, et lui indiqua les voies et moyens les plus sûrs pour s'emparer de l'île. Il se servit, selon les uns, d'un esclave turc, selon d'autres, d'un colporteur juif, pour correspondre avec Soliman.

Le Grand-Maître prit, aussitôt après son arrivée, toutes les mesures voulues pour parer à un long siège; il envoya^ des Servants-d'armes dans l'île de Candie et en Sicile, acheter des grains et des fourrages, et arrêter des archers. Le délégué du grand-maître rencontra heureusement dans l'île de Candie, un ingénieur renommé, Martinengo, auquel il sut persuader de venir à Rhodes prendre la direction des travaux de défense. Martinengo fut accueilli par le grand-maître avec joie, et, bientôt après son arrivée à Rhodes, il fut admis dans l'Ordre. Cet ingénieur fit entre- prendre de grands perfectionnements au système des forti- fications et rendit formidables les abords de la place. On travailla jour et nuit sans relâche: les approches mêmes de l'île furent rendues inabordables, à l'aide de bateaux chargés de pierres et coulés à fond; l'entrée des ports fut fermée de nouveau par d'énormes chaînes de fer, tendues de la Tour-Naillac à la Jetée-des-Moulins, ainsi que par une jetée flottante formée de poutres rattachées ensemble et allant du Châteaa-Saint-Nicolas au Castel-du-môle-des-

J^OO L'ORDRE DE MALTE.

Moulins. Les Chevaliers avaient en quelque sorte prêché la Croisade contre les ennemis de la Foi, parmi les habi- tants, qu'ils avaient ainsi enflammés pour la cause de la défense. Des pénitences publiques appelèrent la protection de Dieu sur les soldats chrétiens. Les grecs mêmes qui habitaient l'île, se laissèrent gagner par le grand-maître, qui eut l'habiteté de leur rappeler dans une iîère harangue les exploits de leurs ancêtres. Si l'Ordre veillait, la trahison ne s'endormait pas, car dès ce moment Amaral avait usé de sa haute situation pour entraver dans le Conseil les préparatifs de défense et contrecarrer les appels aux Cours d'Europe; pour endormir dans une trompeuse sécurité une partie des chefs, en traitant de visions les craintes du grand-maître, en rejetant la possibilité d'une expédition contre Rhodes de la part du Sultan qu'il disait occupé ailleurs. Mais, avant même de jeter son armée sur l'île des Chevaliers, Soliman avait mis fin à tous les doutes sur ses projets, dans une lettre ironique et moqueuse au Grand- Maître. Il le félicitait de son élection, mais en même temps il semblait par la hauteur de son langage vouloir le pousser à prendre lui-même l'imprudente initiative d'une déclaration de guerre. L'Isle Adam répondit avec la dignité voulue à l'arrogant message. Les chroniqueurs nous ont conservé quelques passages de cette lettre écrite en grec : » J'ai compris, disait Soliman, que tu as reçu mon message et que tu l'as très-bien entendu. Ma victoire sur Belgrade ne me donne que peu de joie; mais je compte en remporter une plus grande, et c'est à toi, crois-moi, que cela restera le moins caché. « Nous savons par la Lettre du Grand-Maître à François I®^, à la date du 28 octobre 1521 '), ce qu'il pensa de ces messages. Ainsi du reste que c'était la coutume de Soliman, qui aimait à copier les usages chevaleresques de rOccident, l'Isle Adam reçut, avant l'ouverture immédiate des hostilités, un cartel, dans lequel le Sultan le sommait de se rendre, en y joignant ce qui était tout à fait turc.

') V. Appendice.

LES CHEVALIERS DE RHODES. 101

les plus violentes menaces contre quiconque après la victoire tomberait entre ses mains. L'ultimatum était ainsi conçu: »Je vois à contre-coeur les outrages et la honte que vous infligez à mon peuple. Je vous somme donc par la présente de rendre l'île et la forteresse, en vous garantissant vos possessions et votre avoir, et même votre croyance, si vous préférez vivre sous ma souveraineté. Choisissez paix et amitié, plutôt que guerre cruelle . . Il va de soi que la réponse de Fr. de l'Isle Adam fut tout aussi fière, quoique les chroniques ne nous l'aient pas conservée. Mais on peut en juger par la réponse au premier message du Sultan^).

On passa encore une fois en revue les moyens de défense; on rasa les faubourgs; on coupa les arbres; on passa la revue des 600 Chevaliers et des 5.000 soldats formant la garnison; la population des campagnes fut abritée derrière les murailles de la place. Des approvision- nements considérables en poudre, projectiles, vin, céréales, avaient été entassés dans les réduits et les magasins; mais c'est dans cette circonstance que la trahison d'Amaral fut peut être le plus nuisible à l'Ordre: il avait dans ses attri- butions l'arsenal et les magasins de vivres, et, pour tromper le magistère sur la durée de la résistance au cas de blocus, il accusa des chiffres beaucoup plus élevés que la réalité. On s'en aperçut en plein siège, mais il était trop tard: la trahison portait ses fruits.

Le 23 juin 1522, toute l'escadre ottomane, commandée par Kurtogli pacha arriva devant l'île: elle se composait de 400 voiles et amenait une armée de débarquement de 140.000 combattants, et de 60.000 ouvriers pour les travaux

^) Voici le texte de cette réponse au premier Message turc. L'ironie y est maniée avec art. »Je ne suis point fâché, écrivait le Grand-Maître, que tu te souviennes de moi et des Clievaliers de mon Ordre; tu me parles de la conquête que tu as faite en Hongrie, et du dessein tu es, à ce que tu me mandes, de faire une autre entreprise dont tu espères le même succès. Mais fais réflexion que de tous les projets (|ue foiment les hommes, il n'3^ en a point de ]j1us incertains que ceux (|ui dépendent du sort des armps. Adieu. «

102 L'ORDRE DE MALTE.

de tranchée et de mine, sons les ordres du commandant- en-clief Moustaplia pacha, bean-frère du Sultan. Le siège effectif de Rhodes commença bientôt. La défense fut confiée à Fr. Jean Aubin, chevalier français, commandant les chevaliers de la Langue française et à Fr. Christophe, commandant ceux de la Langue allemande. Le grand- maître garda le commandement suprême. Le chevalier Fr. de Grolée porta la bannière de l'Ordre, avec la croix blanche à huit pointes en champ de gueules; le chevalier Fr. de l'Isle Adam, neveu du grand-maître, fut chargé de l'étendard qu' Innocent VIII avait envoyé à d'Aubusson, après le siège de 1480; Fr. Henri Mansello, reçut la ban- nière de Fr. Philippe de Villiers de l'Isle Adam, aux armes du grand-maître écartelées avec celles de l'Ordre. Les deux derniers de ces étendards devaient l'accompagner partout, et il avait une garde d'élite de cent chevaliers. On avait en tout environ 6.000 hommes à opposer aux masses ennemies. Moustapha, ne voulant point j)ei'dre de temps à l'attaque des forts détachés, fit le siège régulier du corps de place. Mais les premières tentatives des Turcs échouèrent. Les Chevaliers détruisaient au fur et à mesure les travaux d'approche, et infligeaient de grandes pertes aux assiégeants. L'armée ottomane commença à se démoraliser, en voyant que, malgré les 60.000 ouvriers sans cesse occupés aux travaux de sape et de mine, les opérations du siège n'avançaient pas. Les assiégeants faisaient des sorties con- tinuelles et chassaient l'ennemi de ses ouvrages; ou bien ils l'écrasaient sous le feu bien nourri de leur artillerie. Les Turcs, battus dans plusieurs engagements généraux, semblèrent même vouloir renoncer à une actien sérieuse contre Rhodes.

Mais Soliman, averti de ce qui se passait, arriva vers la fin de juillet, avec 15.000 hommes de renfort. Il répri- manda ses troupes; il leur reprocha leur pusillanimité; il les fit rentrer dans l'obéissance et leur inspira un nouveau courage. C'est en faisant appel au fanatisme religieux et à la haine du nom chrétien, qu'il rendit à son armée

LES CHEVALIERS DE RHODES. 103

l'ardeur et l'entlioiisiasme, Maliométaiis et chrétiens furent désormais en présence, comme aux jours des luttes gigan- tesques des Croisés. Le siège fut donc repris avec une nouvelle vigueur, dès le 28 juillet. Douze pièces d'artillerie du plus gros calibre bombardèrent la place durant 60 jours, sans y causer cependant de bien grands dommages, puisque d'après les cbroniques il n'y aurait eu en tout que dix hommes de tués. Quarante couleuvrines énormes lancèrent des boulets de pierre et de marbre contre les remparts, sans les entamer. Mais la poudre menaçait de manquer aux assiégés, on sait pourquoi: on se procura tout le sal- pêtre qu'on put trouver, mais la défense ne s'en trouva pas moins paralysée par cette circonstance désastreuse. Enfin, malgré tonte la sagacité avec laquelle Fr. Martinengo découvrait et contreminaitles travaux souterrains de l'ennemi, deux mines turques firent sauter, le 4 septembre, le Bastion- d'Angleterre et y ouvrirent une brèche de 8 mètres environ de large. Les bataillons turcs s'élancèrent à l'assaut. Mais le grand-maître, qui avait dans la prière puisé courage et espé- rance, accourut à la tête des Chevaliers de sa garde. La brèche fut nettoyée : les musulmans furent bientôt saisis de terreur à la vue des coups que portaient les flamboyantes épées des Chevaliers; ils s'enfuirent en désordre, laissant plus de 2000 hommes sur le terrain. Ce fut une victoire d'autant plus brillante, que le nombre des combattants qtii repoussèrent les masses ennemies était plus faible. Ce fait d'armes était bien propre à hausser encore les courages ! Parmi les morts se trouvaient malheureusement le général de l'artillerie, le général des galères, le porte-étendard du grand-maître. Le 13 septembre, à l'aube, Soliman com- iiianda une attaque générale qui fut encore repoussée. C'est dans cet engagement, l'Ordre fut héroïque, que Fr. l'Isle Adam s'élança le premier, la bannière de l'Ordre d'une main, l'épée de l'autre, sur les Turcs qui déjà péné- traient dans la place par la brèche, abattit de sa main l'étendard du Croissant arboré sur l'enceinte, et, animant ses chevaliers par sa vaillance, demeura à son poste de

^104 L'OBDEE DE ilALTE.

combat, jusqu'à ce que les assaillants fussent en pleine déroute. Les janissaires mêmes commençaient à murmurer de cet interminable siège. Un nouvel assaut fut également repoussé avec de grandes pertes, le 17 septembre;, puis un assaut général, le 24 du même mois, quoique Moustapha Teiit commandé en personne et que les Infidèles y eussent fait preuve d'une grande ténacité. On dit que Soliman était désespéré lui-même et qu'il parlait de s'éloigner, lorsqu'un incident imprévu changea le cours des événements.

Un désertem^ vint annoncer dans le camp ottoman, qu'un grand nombre de Chevaliers étaient tombés dans les divers assauts, que le reste des défenseurs ne serait plus en état de repousser une attaque générale, et que, d'un autre côté, les habitants étaient réduits à la dernière extré- mité. On prétend même qu'une lettre d'Amaral confirmait au Sultan ces nouvelles. Le fait est possible, puisque la trahison d'Amaral fut plus tard découverte, sur la dénon- ciation d'un de ses serviteui's chargé de sa correspondance avec le camp ennemi, et que, sur les preuves produites, le traître fut privé de l'habit^ livré à la justice séculière, condamné et décapité^).

Soliman exila Moustapha et remit le commandement à un ingénieur, nommé Achmet pacha, qui modifia immé- diatement le plan d'attaque et concentra le feu de toute l'artillerie de siège sur le Bastion-d'Espagne, jusqu'à ce qu'il s'écroulât en partie sous les projectiles. Quelques Chevaliers prétendirent alors qu'il fallait déblaj^er les monceaux de décombres , qui faciliteraient à l'ennemi l'escalade des remparts, et cet avis prévalut. Mais, lorsqu'on eut aplani le terrain, on vit quelle faute on avait commise: tous les efforts de l'assiégeant se concen- trèrent sur cette brèche béante. Les défenseurs étaient eux aussi très décimés et réduits à un bien petit nombre. Il était donc évident que, s'il ne venait pas de secours du dehors, Ehodes ne pourrait plus tenir longtemps.

^j V. Appendice.

LES CHEVALIERS DE EHODES. 105

Le secours ne vint point.

Anx catastroplies des Bastions d'Angleterre et d'Espagne, il vint bientôt s'en ajouter une autre: Fr. Martinengo fat grièvement blessé. Mais le Grand-Maître n'en défendit pas moins avec sa poignée de combattants encore valides, pendant 34 jours, la brèche qui était devenue le centre de la lutte: il couchait sur un matelas qu'on lui étendait derrière le rempart, il ne débouclait pas sa cuirasse, il restait jour et nuit sous les armes et était prêt à tout moment à marcher avec la pique ou l'épée. Si l'ennemi avait alors tenté un assaut général, il n'aurait cependant plus trouvé devant lui de remparts infranchissables, ni de résistance invincible. Mais Achmet préféra atteindre au but, en ne laissant rien aux hasards de l'action. Les Chevaliers disputaient le terrain pied à pied, et quand un pan de murs s'écroulait, ils reconstruisaient en arrière une muraille nouvelle; cependant l'espace se réduisait de plus en plus derrière eux et la catastrophe approchait. Les Turcs pénétrèrent enfin dans le Bastion-d'Espagne par la brèche, qui avait plus de quinze mètres de large. Ds furent reçus avec une intrépidité admirable : la mêlée sanglante dura tout le jour. Fr. Villiers de l'Isle Adam et Soliman se ren- contrèrent, dit-on, et ces deux grands guerriers engagèrent un combat digne des temps homériques. On ajoute même que le Sultan allait succomber, lorsque ses janissaires parvinrent à le dégager. Au lever du jour, la bataille reprit avec le même acharnement: les rangs des Chevaliers étaient bien éclaircis, mais Villiers ne songeait pas à se rendre.

Soliman eut recours alors à la ruse, pour contraindre le grand-maître à abandonner la résistance: il envoya aux habitants des messagers secrets, porteurs des plus terribles menaces, et les habitants effrayés firent supplier le grand- maître de ne pas les vouer sans utilité à une perte certaine et à la cruauté des Infidèles.

Le Conseil fut assemblé et conclut à l'unanimité à l'impossibilité de prolonger la lutte, faute de poudre et de bras; Fr. Villiers de l'Isle Adam fit donc droit à la demande

106 L'ORDRE DE MALTE.

des habitants, qu'appuyaient le reste de ses chevaliers. Le 10 décembre, on entra en négociations avec l'ennemi, sur une nouvelle sommation de Soliman. Mais ici se place un épisode antérieur aux négociations définitives. Les Turcs ayant arboré le pavillon parlementaire, le 10 décembre on y répondit de la Porte-de-Cosquino et de la Tour- Sainte-Marie. Soliman envoyait un message offrant aux Chevaliers leur sortie de la place avec armes et bagages, à la condition de lui céder toutes leurs possessions en Orient. Des parlementaires échangèrent les premiers pour- parlers. Soliman renouvela verbalement ses offres , en donnant à l'Ordre trois jours de délai et en faisant menacer, au cas d'inacceptation, »que le dit parti non voulant, comme le raconte le commandeur Fr. de Bourbon dans son procès- verbal du siège, il lui notifiait qu'il ne partiroit jamais de devant E-hodes, et que toute la Turquie y mourroit, ou il en viendroit au dessus, et qu'il n'échapper oit ne petit ne grand, mais que jusqu'aux chats tout seroit mis en pièces et que dans trois jours on lui feist réponse*. L'un des négociateurs rhodiens resta près du Sultan, qui le traita magnifiquement et lui avoua que Rhodes lui coûtait 40.000 hommes tués et 50.000 morts de maladie. Fr. Villiers de l'Isle Adam essaya d'obtenir une plus longue trêve, mais Soliman fit rouvrir le feu, le 15 décembre, et tenter des assauts, le 17 et le 18, sur le Bastion-d'Espagne. Enfin, le 20, l'Isle Adam se décida à capituler; mais on j)eut dire qu'il dicta au vainqueur ses conditions. Selon le mot célèbre: Tout était perdit, fors VJionneur!

Voici, pour le prouver, un procès-verbal (en latin) sur la Convention, emprunté aux Archives de Malte ^). »En l'an 1522, après la Naissance de Notre-Seigneur, sous le pontificat d'Adrien VI, Soliman, commandeur des Turcs, ayant abordé avec une flotte de 300 vaisseaux et de 200.000 guerriers, à Rhodes, avant la Fête de Saint-Jean-Baptiste, et ayant assiégé par terre et par mer la ville chrétienne

^) Voyez aussi, à l'Appendice, Notification de la reddition au Scnat de Venise, par Soliman.

LES CHEVALIERS DE RHODES. IQ'J

jusqu'à la Noël; ayant pratiqué contre elle cinquante-deux mines et y a3^ant jeté jour et nuit plus de 85.000 boulets d'airain et de pierre; lui ayant livré vingt assauts; Philippe Villiers de l'Isle Adam, sans secours ni assistance du dehors, l'a défendue le plus vaillamment avec peu de Chevaliers; mais enfin il s'est vu contraint par la nécessité, après que 120.000 ennemis ont été tués, de s'entendre avec Soliman, qui avait détruit les murs, qui occupait depuis quarante jours déjà la ville sur une longueur de cent cinquante pas, qui s'acharnait à la victoire, et qui cejDcndant avait offert la paix, touchant la reddition, de la façon la plus sage et la plus magnanime. Soliman: L'Ordre des Chevaliers latins se retirera avant le dixième jour et emmènera de partout ses garnisons; il aura sortie libre et sûre. Philippe Villiers de l'Isle Adam.: D'après la décision unanime des Chevaliers latins, et des bourgeois et soldats de Rhodes^ la sortie pourra être retardée à la volonté de l'Ordre. L'Ordre aura sortie libre et le droit d'emporter ses armes, canons et tous équipements de guerre des châteaux. Ceux qui resteront à lihodes seront pendant cinq ans francs de tout tribut. Ils auront le libre exercice du service divin chrétien; ils auront permâssimi de bâtir de nouvelles églises et de réparer les anciennes; on ne leur prendra jamais leurs enfants. Personne ne quittera Rhodes contre sa volonté; mais tous ceux, Latins et Grecs, qui ne suivront pas à présent V Ordre, auront pendant l'espiace de trois ans, droit de sortie libre et sûre avec tout leur avoir et famille. L' Ordre des Chevaliers latins et ceux qui le suivront, recevront libre escorte et vaisseaux jusqu'à Candie. Soliman jurera selon la coutume de ses ancêtres et les lois de son pays, de garder pour toujours sans fausseté ni tromperie, les conventions. Il donnera des otages. Le traité a été signé par les plénipotentiaires réciproques, Achmed et Grolée, ratifié par Villiers et Soliman. Sur la demande des bourgeois, celui-ci retira son armée à quelques milles de la ville, qui reçut une garnison de 4.00 janis- saires «.

Ces janissaires ou d'autres venus du camp violèrent la convention, et se livrèrent à la dévastation et au pillage.

108 L'ORDRE DE MALTE.

Fr. Jacques de Fontanes, qui fut dépouillé lui-même par ces bandits, nous a laissé une description de toutes les abominations auxquelles ils se livrèrent; cette description n'a rien d'exagéré: ce sont eux qui souillèrent et dévastèrent les églises, eux qui violèrent les tombeaux des grands- maîtres. Bosio est moins énergique dans son récit et ajoute que, sur les représentations des Chevaliers, Achmet mit fin immédiatement à ces désordres. Bourbon ne veut pas se jDrononcer sur la question de savoir, si ces hordes agis- saient en vertu d'ordres de quelque pacha ou de Soliman même. Pour lui, il y a eu violation préméditée de la Con- vention.

C'était, selon nous, un incident douloureux et une flétrissure pour Soliman-le-Magnifique, que la discipline fût si lâche dans son armée, mais ce n'était pas luie atteinte aux promesses de l'acte de reddition, que Soliman exécuta et d'après lequel, ainsi qu'on vient de le voir, les églises devaient être respectées et la religion chrétienne protégée ; la population devait avoir les biens et la vie saufs, et, en compensation des désastres du siège, être affranchie pendant cinq ans de toutes charges; chacun était libre j^endant trois années de se retirer il voudrait; le Grand-Maître et l'Ordre avec tous les combattants, avaient le droit d'emporter leurs armes et bagages, leurs objets précieux, les canons de leurs forts, les reliques des Saints, etc., et de réclamer des vaisseaux, des vivres, une escorte d'honneur jusqu'en territoire chrétien.

Il était heureux que cette convention fût signée, car bien loin qu'il arrivât du secours aux Chevaliers, ce fut Soliman qui reçut, quelques jours après la ratification réci- proque, des renforts considérables, et l'Ordre aurait eu alors sans doute à subir la loi impérieuse d'un vainqueur, rendu plus intraitable par le sentiment de sa force. Le Sultan vint rendre visite au Grand-Maître dans son château et l'on raconte qu'il exprima à ceux qui l'accompagnaient toute la douleur qu'il ressentait de se voir obligé de déposséder ce vieillard héroïque. Il le reçut aussi sous sa tente avec les

LES CHEVALIERS DE RHODES. 109

plus grands honneurs. Cet hommage du vainqueur était digne des deux adversaires.

Le premier janvier 1523, les 300 Chevaliers survivants, dont beaucoup étaient blessés ou malades, quittèrent Rhodes avec une partie des habitants et le reste de leurs soldats. Leur flotte comptait cinquante voiles. Sur l'ordre de Soliman, Achmet leur avait donné les vivres nécessaires et fit accom- pagner leurs vaisseaux à demi désemparés, de galères armées, pour servir aux vaincus d'escorte d'honneur et de sauve- garde contre les pirates ottomans. Le pavillon-amiral repré- sentait le Sauveur mort, dans les bras de la Sainte -Vierge, avec cette devise: Afflidis spes niea rcbus. Au moment de quitter Rhodes, le Grand-Maître alla prendre congé du Sultan, qui lui répéta, au moment de la séparation, que cela lui était bien pénible de le voir s'éloigner si triste de sa maison ^).

L'Ordre avait eu, pendant 213 ans, son siège souverain à Rhodes qu'il avait occupée en 1310; il y avait reconquis son ancienne renommée, et y avait même acquis une plus grande influence. Ses possessions en Europe étaient con- sidérables: les biens des Templiers lui étaient échus et des souverains avaient spontanément agrandi ses domaines. On ne peut méconnaître les services qu'il avait rendus à la chrétienté pendant les deux siècles de sa domination à Rho- des : c'est grâce à lui, que la Mer Ionienne et la Mer Egée avaient été ouvertes aux navires de commerce de l'Occi- dent; c'est grâce à sa valeur et à ses victoires, que le nom chrétien s'imposait encore à l'Orient; c'est par lui, plus que par toute autre puissance, que tant d'esclaves chrétiens avaient recouvré la liberté et que le Saint-Sépulcre avait de nouveau sa garde pieuse. Rien ne prouve mieux ce qu'était Rhodes aux mains des Chevaliers, que les efforts gigantesques faits par les Sultans pour conquérir cette île au Croissant, avant de porter plus loin vers l'Occident leurs incursions. La dernière entreprise de Soliman avait nécessité

') V. dans Vertot, Ttelation du sicije jmv le (.'onniKindear 7'V. de Bo'urhon.

ilO L'OEDRE DE MALTE.

la coopération de 400 voiles turques et d'une armée immense: elle avait coûté aux assiégeants près de la moitié de cette armée. La valeur aurait pu, comme en 3 480, rendre le nombre inutile, si la trahison n'avait paraljsé et raccourci la résistance, et si TEm-ope n'était restée sourde à la voix des assiégés. Et les monceaux de ruines que l'Ordre aban- donna aux Turcs, en 1522, témoignaient des prodiges que les moines-clievaliers avaient accomplis.

Fr. Philippe de Yilliers de l'Isle Adam emportait comme un souvenir et un sj^mbole, les clefs de Rhodes, que l'on voit encore suspendues à la muraille, dans la Chapelle-de- la -Vierge de l'Egiise-Saint-Jean de Malte: il ne s'éloignait qu'avec le secret espoir de ramener un jour son Ordre à Rhodes.

La flottille aborda d'abord à l'île de Candie^); mais le Grand-Maître, justement irrité contre la République de Venise qui l'avait abandonné dans le péril, ne voulut pas s'y arrêter; elle fut ensuite poussée sur Messine, les Chevaliers se reposèrent quelque temps. On nous a trans- mis le récit de l'arrivée dans le port de cette ville. Après avoir rallié les contingents des autres garnisons en Orient, qui étaient venus rejoindre à Candie, ils étaient environ 500 chevaliers et 4000 soldats et habitants des possessions rhodiennes; mais l'état de ceux-ci était fait pour insph'er la pitié. Sept cents Chevahers, qui ne s'étaient point em- barqués à temps pour Rhodes, la première noblesse de Sicile, les ambassadeurs des puissances, le Vice-Roi vinrent recevoh' au quai de débarquement les défenseurs de la chrétienté. Le peuple se prosternait devant le Grand-Maître, et baisait ses vêtements et ses pieds: tous avaient les yeux pleins de larmes. Le premier soin de l'Isle Adam fut de convertir en hôpital le palais qu'on lui avait donné pour résidence, et d'y panser et servir lui-même blessés et malades. Puis il fit ouvrir une sévère enquête, qui démontra que les Chevaliers restés à Messine n'avaient pas - pu

^) Y. Appendice.

LES CHEVALIERS DE RHODES. 111

s'embarquer et que l'honneur de l'Ordre était intact. Les Chevaliers de Rhodes, qui se qualifiaient si modestement du nom de Chevaliers Latins, dans la Convention passée avec Soliman, mais n'avaient en rien dégénéré de leurs prédécesseurs et fondateurs, se rendirent ensuite à Civita- Vecchia, sur l'invitation du Pape, et le Grand-Maître en eut la garde pendant le Conclave qui suivit la mort de ce même pontife, Adrien VI. Son successeur, Clément VII, qui avait été membre de l'Ordre dans sa jeunesse, donna aux Chevaliers Viterbe pour résidence et Civita-Vecchia pour port de mer (25 janvier 1524).

Par un autre bref de même date, il conféra au Grand- Maître la première place à la droite du trône, lorsque les Souverains Pontifes tenaient chapelle, la prérogative de la garde avec ses chevaliers du Conclave, et à l'Ambassadeur de l'Ordre, lors de l'intronisation des papes, le droit de marcher à cheval, armé de toutes pièces et portant le grand étendard de Malte, devant le Souverain Pontife^). Charles-Quint re- connut les grands services rendus par Fr. Philippe Villiers de risle Adam, en l'élevant, en 1529, au rang de comte du Saint-Empire romain, pour lui et ses successeurs au magistère^).

L'Ordre et son grand-maître furent accueillis partout avec les plus grands marques d'amitié et d'honneur; mais, sans renoncer à l'objet de ses espérances, l'Isle Adam fit tous ses efforts pour obtenir un territoire indépendant, indispensable aux Chevaliers pour l'accomplissement de leur haute mission d'Ordre militant et souverain.

C'est ainsi que, dix-huit années après le glorieux exode de 1522, l'Ordre alla prendre possession des îles de Malte, de Gozzo et de Comino, que l'empereur Charles-Quint lui conférait à titre de fief indépendant, ainsi que de la for- teresse de Tripoli de Barbarie une seconde Smyrne il dut tenir garnison ■^).

1) Saint- Allais. V Ordre de Malte.

2) Du Mont. Le Cérémonial diplomatique.

^) On voudra bien voir, nous l'espérons, dans la note ci-dessous une nouvelle preuve de notre impartialité. D'après une lettre de

112 L'OEDEE DE ilALTE.

Les Chevaliers de Rhodes de^diirent ainsi les Chevaliers de Jlalte, et nous allons suivre l'Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et du Saint-Sépulcre sur ces nou- velles possessions.

l'empereur Charles-Quint à Poupet de la Chaux, en date du 25 août 1522, ce fut l'appui que François ï" donna secrètement aux Ottom.ans, pour faire pièce à l'empereur et lui créer de nouveaux embarras, qui amena la reddition de l'île de Rhodes. Charles-Quint était à bout de ressoui'ces, mais il voj'ait clairement que, si les Ottomans s'empa- raient de Rhodes ayjrès s'être emparés de Belgrade, en 1521, Xaples, la Sicile, les Etats de l'Eghse, toute l'ItaUe pouvait devenir leur proie; et il faisait appel au Roi d'Angleterre, à ses alliés en Italie, aux Vénitiens, aux Florentins et au Pape. (Lang, Correspondance de Charhs-Çuhit, d'après les Arch. r. et la BibUotMqiie de Bourgogne à Bruxelles, Leipsick, 181i— 1816, I, 66-67). Un auteur allemand affirme même qu'en septembre 1522, les Français capturèrent à Gênes deux carraques armées par le pape Adrien VI' à destination de Rhodes, ainsi qu'un vaisseau portant des gentUhommes d'Espagne allant au secoui'S de l'Ordre, et que les Vénitiens furent compKces des Turcs, dont ils auraient pu anéantir la flotte dans le port de Rhodes avec les cinquante galères dont ils disposaient, tandis qu'ils re.stèrent tranquillement en station devant Candie et bannirent deux de leurs citoj'ens qui proposaient de secourir les Chevahers. (Hôfler, Charles- Quint et Adrian VI, Vienne 1876, 35 36). Ce même auteur- ajoute que le pape Adrien VI envoya tout l'argent qu'il put réunir, et que l'aide de l'Empereur arriva troj) tard. (Ibidem.) La défense de Rhodes n'en est pas moins mémorable. Mais, si ces affirmations étaient exactes, il faudrait déplorer que tant d'héroïsme eût été paralysé dans ses résultats par la lutte entre deux puissants princes chrétiens.

LES CHEVALIERS DE MALTE.

(1530—1798.)

Nous avons dit à la fin du chapitre précédent, que l'empereur Cliarles- Quint avait donné, en sa qualité de souverain des Deux-Siciles, à l'Ordre des Chevaliers de Ehodes, le 24 mars 1530, les îles de Malte, de Grozzo et de Comino ^), qui relevaient de la couronne de Sicile. La donation^) était faite à titre de fief indépendant, à la seule condition d'envoyer chaque année, à titre d'hommage, un faucon au suzerain, et sous la réserve que la nomination de l'évêque de Malte serait faite par l'Empereur, sur la pré- sentation de trois candidats par le Magistère de l'Ordre. Des difficultés d'interprétation de l'acte de donation retar- dèrent cependant la prise de possession: le vice-roi de Sicile voulait imposer de droits d'exportation les grains achetés en Sicile pour la population de Malte, et le Grand- Maître s'y refusa, en alléguant avec raison qu'avant la cession de Malte, les habitants n'en étaient pas soumis à ces droits de douane, par suite de leur qualité de citoyens siciliens; le droit de battre monnaie avait été aussi refusé aux Chevaliers et cette interdiction était en contradiction ouverte avec les droits de la souveraineté, en même temps qu'elle devait porter un préjudice considérable aux intérêts de l'Ordre. Le chevalier de Lara fut envoyé en ambassade auprès du pape Clément VII, le 27 juiUet 1530, et le prieur de Eome, Bernard Salviati, auprès de Charles - Quint, le

1) V. Appendice. ") V. Appendice.

SALLES : LORDEB DE MAi,TE.

114 li' ORDRE DE MALTE.

8 octobre 1530, pour obtenir la levée de ces restrictions. Les difficultés s'aplanirent et rien n'empêcha plus Fr. Phi- lippe de Villiers de l'Isle Adam de se rendre à Malte, il débarqua le 26 octobre de cette même année .^). Les Chevaliers avaient été confirmés dans leurs droits, par bulle du pape Clément VII, en date de mai 1530. Cette bulle rappelait les services rendus par l'Ordre à la chrétienté et exposait que le but de la donation était de le mettre en situation de consacrer, dans l'avenir comme dans le passé, toutes ses forces vives à la Croisade contre les Infidèles. Des envoyés du Grand-Maître avaient, dès le 29 mai, prêté au nom de l'Ordre, dans l'église de Palerme, et entre les mains du vice-roi de Sicile, le serment imposé par le décret d'institution féodale; puis, l'inféodation ayant été acceptée par les Maltais, à la condition que »leurs privi- lèges, libertés, franchises, usages et coutumes écrits et non écrits, seraient exactement observés, et qu'ils continueraient à être gouvernés par les lois de la Sicile «, l'Ordre adhéra à cette convention, le 21 juin 1530, par ses plénipoten- tiaires, et les habitants se soumirent à la domination nou- velle. Le clergé avait prêté serment de fidélité, dès le 18 juin, dans la cathédrale, sous une réserve semblable. La con- vention fut signée, à Malte, le 21, et à Gozzo, le 23 jnin; elle fut ratifiée par le Grand-Maître et le Conseil de l'Ordre, le 16 juillet suivant. La prise de possession solennelle par le Grand-Maître eut lieu le 13 novembre. Il fut conduit, sous un dais porté par les jurats de la ville, à la Cité Notable: les portes étaient fermées et les clefs ne lui en furent présentées, que lorsqu'il eut juré sur la Croix de conserver aux habitants leurs droits, coutumes et privilèges,

1) H ne sera pas inutile de mentionner ici qu'il existe aux Archives de Malte, Série I, documents originaux, Vol. LIX, 24 lettres de Charles-Quint au grand-maître (1522—1530), Vol. LVIII, 3 lettres de François I" au grand-maître, de 1528 et de 1530, et une de sa femme, Eléonore d'Autriche, de 1530, dont nous parlons ailleurs, ainsi que 2 lettres d'Anne d'Autriche, 1 de Louis XIU et 1 de Louis XIV que Ton trouvera à l'Appendice.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 115

et, en particulier, d'observer la Charte accordée aux Maltais par le roi Alphonse I^^ d'Aragon et enregistrée à la chan- cellerie royale de Païenne, le 3 janvier 1427 (folio 34). Ce cérémonial se renouvela jusqu'en 1797, après l'élection de presque tous les grands-maîtres, comme nous aurons occasion d'en parler plus loin. La cession simultanée de Tripoli de Barbarie imposait une lourde charge à l'Ordre, celle d'y tenir garnison et de diviser ainsi ses forces pour la garde de deux postes éloignés l'un de l'autre; mais elle explique clairement l'idée inspiratrice de la donation. L'empereur Charles-Quint savait que tous les bailliages, prieurés et commanderies de l'Ordre, en Europe, allaient contribuer de leurs revenus à la défense de ces points si importants de la Méditerranée, qui permettraient aux Cheva- liers de se vouer de nouveau à leur mission, avec un succès dont leur passé était garant. Il savait quels avantages il allait retirer pour son royaume de Naples et de Sicile, de la j)résence de l'Ordre militant et maritime en avant des côtes italiennes, veillant et se dressant comme un mur d'airain contre les Osmanlis et leurs bandes asiatiques. Tripoli et Malte entre les mains des Chevaliers, c'était un obstacle aux conquêtes de l'empire ottoman à l'Occident du bassin méditerranéen et un frein aux incursions des corsaires barbaresques qui recommençaient, depuis la chute de Rhodes, à infester plus que jamais les eaux des états de la chrétienté.

Nous verrons que les Chevaliers ne purent garder Tripoli que jusqu'en 1556, mais qu'ils fondèrent à Malte un état électif indépendant qui subsista jusqu'en 1798.

L'île de Malte et les deux îles qui en dépendaient avaient été conquises par la Maison d'Aragon, en 1282; c'est Malte avec Chypre et Gibraltar qui assurent encore aujourd'hui à la Grande-Bretagne la domination de la Médi- terranée. Les trois îles formaient donc une possession importante, peut-être même trop importante, au point de vue de l'Ordre, dont le voeu secret, qui était de reprendre Rhodes ou de s'établir dans le Péloponnèse, n'allait plus

8*

116 L'ORDEE DE ilALTE.

être réalisable: car il fallait se consacrer tout entier à la création d'un système formidable de fortifications qui reliât entre elles les trois îles et en fît un boulevard imprenable, sous la garde des moines héroïques.

Le G-rand-Maître établit sa résidence au Château-Saint- Ange et éleva une enceinte autour du Bourg (Cité- Victo- rieuse) qui s'étendait au pied du fort; puis il fit bâtir des auberges pour les chevaliers, car le Bourg ne se composait que de cabanes de pêcheurs et la Cité- Vieille fou Ville-La- Notable) se trouvait à six milles environ du port. H fit élever des terre-plains sur les points les plus accessibles de l'île de Grozzo et les fit armer de canons. La flottille de l'Ordre fut m.ise en état de tenir la mer avec avantage contre les pirates La forteresse de Tripoli fut occupée par les Chevaliers.

Les persécutions de Hemi VIII, roi d'Angleterre, contre les Chevaliers de cette Langue, firent une vive impression sur le Grand-Maître qui avait si vaillamment résisté à tous les coups de la fortune. Il tomba malade et mourut, le 22 août 1534. Son coeur fat porté à l'Eglise-de-l'Obser- vance; son corps fut embaumé et demeura exposé en chapelle ardente, pendant plusieurs jours, dans une salle du Château- Saint- Ange; puis on lui éleva un mausolée dans une chapelle de ce château qu'il avait fondée. Villeneuve nous donne l'inscription lapidaire qu'on y grava: Victrix fortunae virtus. Frater FMÏippus Villiers de l'Jsle Adam Magister JiosjjitaUs militiae^ ordinem suum ïajjsum erigens, ac decenni peregrinatione fatigatum reparans, Melitae consedit, tihi Jesu nomini sacrandam aediculam liane voluit ad sepulturam; septuagenario major ohiit anno sakdis M.D.XXXIV.Augusti die XXII . . . ^). Le grand-maître est couché sur le sarco- phage de marbre, posé sur deux lions accroupis. Il a la toque, le manteau, l'aumônière. Ses mains jointes tiennent le rosaire. Le même auteur rapporte en outre deux autres inscriptions, l'une sur le monument élevé en 1577, à ses prédécesseurs, par La Gassière; l'autre, dans l'Eglise-de-

1) Pauli, C. (l. di il/. II, p. 473.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 1^7

l'Observance. La première est ainsi conçue: D. 0. 31. Frater Pliilippus Villiers de VIsle-Adam, sacri ordinis hospitaUs magister, ciini j^ost maximos, qnos terra marique sustinuit Jahores, Melitae vifa defuncfus esset, in arce sancti Angeli septultus. Frater Joannes Lévesqne ta Cassière, mayistrati suoriim prae- decessorum dignitati atque memoriae consulens; tam Imjus, quam aliorum in eadem arce aut alibi in hac urhe magistrormn sepidta corpora^ ctim consensu proceriim venerandi consilii. inde trans- ferri ac in hoc templo, a se suisque sumptihus féliciter aedifi- cato, rursus condi atque poni diligenter curavit. Anno salidis JI. D. LXXVII^ die idtima septemhris. La deuxième, dédiée par Jean Quintin, chapelain de la Langue de France, est un modèle du genre: Frater Philippus Villiers deVIsle Adam, hierosolimitanae mUitiae magister, Jesu^ dum vixit^ custos reli- giosissimus, septuagenario major animam Jesu, corpus Jesu, corporis intima Mariae Jesu, liac in aede commendavit. Les restes de Frère Philippe Villiers de l'Isle Adam ont été transportés en grande pompe dans la chapelle souterraine de l'Eglise-de-Saint-Jean, en octobre 1755, sous le magi- stère de Fr. Emmanuel Pinto.

Ce grand-maître ne fit point frapper monnaie à Malte; les pièces de lui qu'on possède sont de Rhodes: nous y trouvons des monnaies d'or du type vénitien, d'autres avec le buste du Grand-Maître tourné à droite, avec la croix sur l'épaule et une toque en tête, puis au revers, les armes écartelées et pour légende: ^ da mihi vietvtem ■& cotea HOSTES Tvos, qui se réfère à l'attaque de Soliman ; des pièces de billon ayant à l'avers un castel ou un Saint- Sépulcre, surmonté de la croix de l'Ordre, et au revers, la croix seule avec la légende : )^ coxaœxtvs eodi >). Nous avons aussi trouvé une médaille qui porte bien le nom de Villiers de l'Isle Adam, mais avec l'initiale r ; cette médaille semble avoir été frappée à l'occasion du mariage de quelqu'un de ses parents: en tous cas il est certain qu'elle ne se rapporte pas à Fr. Philippe.

*) Convent de Rhodes (Convent signifie ici l'Ordre).

llg L'ORDRE DE MALTE.

XXV. Frère Pierre del Ponte,

(1534-1535)

bailli de Sainte-Eiipliémie, en Calabre, fut éln, à Malte, au magistère. Il appartenait à la famille des seigneurs de Lombriaco, dans le Comté d'Asti. C'était un cbevalier d'une piété insigne et il aurait volontiers écarté de lui la dignité suprême; mais les nouvelles qui lui parvinrent en même temps que l'annonce de son élection, lui faisaient un devoir d'accepter le magistère. Le fameux Barberousse, corsaire barbaresque, faisait des préparatifs pour attaquer Tripoli. Le magistère de Fr, del Ponte fat de très-courte durée: il y eut sous ce magistère guerre à outrance contre les pirates et coopération active de l'Ordre à l'expédition de Cbarles - Quint contre Barberousse; c'est en cette année 1535, vers la fin de juillet, que l'Emperem- reprit Tunis à Barberousse qui l'avait enlevée à Muley-Hassen, et rétablit celui-ci sur son trône. Les Chevaliers se signalèrent pendant cette campagne. La prise de la cita- delle de Tunis fut due au chevalier Simeoni, dont nous avons raconté l'ingénieuse défense de Léros, alors qu'il n'avait que dix-sept ans: il était tombé entre les mains de l'ennemi et avait été enfermé dans la citadelle. Mais il réussit à se procurer des limes, et scia ses chaînes ainsi que celles de ses compagnons de captivité. Ceux-ci péné- trèrent ensuite dans l'arsenal, se munirent d'armes, et, entraînant avec eux tous les esclaves chrétiens, ils contri- buèrent par une puissante diversion à faire tomber la place au pouvoir des assiégeants. Fr. Pierre del Ponte mourut au bout d'un an, deux mois et vingt-deux jours de magistère, le 17 novembre 1535. Son mausolée se compose d'un sarco- phage monumental, sur lequel sa figm^e est couchée dans le manteau de l'Ordre; en voici l'inscription: Frater Petrmus a Ponte, vir pius, soïidique Judicii, àb omni fastu semotus, ex divae eupliemiae hajulivatu (bailliage de Salute-EupltémieJ, in magisterium evocatus, paerepta per Cacs. Carolum V Tnrcorum classe, captoque et direpto Tuneto priusqiiam Trirèmes, quas

LES CHEVALIERS DE JL^LTE. 119

ille sithsidio niisserat, rediissenf, diim hujus castri muniti intendit, moresque et res ordinis, et miUtiac siiae ad veterem normam revocat, morte praeventus, totius soladitatis maerore, de vita magis exire, quam, ejici visus, qiiinto decimo post adeptum magistratum mense, m,igravit ad Deitm: et hic viator sepelliri voluit. Décima octava novemhris M. D. XXXV. vixit annos scptuaginta. Nous notons parmi ses monnaies, un sequin d'or, modèle vénitien, avec le Sauveur au revers et la devise : da mihi virtvtem coxtea hostes tvos.

XXVI. Feèee Didier de Saixt Jaille, (1535—1536)

prieur de Toulouse, un des défenseui^s de Rhodes, qu'on a souvent comparé à son contemporain Bayard, le Chevalier sans peur et sans reproche, était en France, lorsqu'il fut élu au magistère, le 22 novembre 1535. Il partit immédiatement pour Malte, mais fut surpris à Montpellier par une grave maladie, à laquelle il succomba, le 26 septembre 1536. On l'inhuma dans l'église de l'Ordre, hors de la porte de Mont- pellier. M son tombeau, ni l'Eglise-Saint-Jean n'existent plus. On croit qu'il était formé d'un sarcoj^hage, surmonté d'un obélisque orné de drapeaux turcs et d'étendards rhodiens. L'inscription lapidaire en est aussi perdue.

C'est sous ce magistère qu'eut lieu, sous le comman- dement du grand-bailli Schilling, la belle défense de Tripoli qu'Airadin avait essayé de surprendre.

XXVII. Frère Jean d'Homèdes (1536—1553)

fut élu par l'influence des Chevaliers de la Langue d'Aragon, ses compatriotes. Il était bailli de Caspe et s'était fait remarquer à la défense de Rhodes. Il était brave et reli- gieux, mais on prétend qu'il était aussi fier, avare et vindi- catif. L'Ordre entreprit sous son magistère, de concert avec Charles-Quint, le siège de Suse, sur les côtes de Barbarie (1537). L'incapacité du commandant impérial amena la

120 L'ORDRE DE MALTE.

levée du siège. Puis eut lieu l'attaque d'Alger (1541) par Charles- Quint, à laquelle prirent part 400 Chevaliers et les troupes de Malte, sous les ordres du grand-bailli d'Allemagne : on sait que cette expédition aboutit à un désastre. Charles- Quint fut repoussé et une violente tempête dispersa et détruisit presque toute la flotte. André Doria, amiral de l'Empereur, avait cependant, avec le concours des Chevaliers, pris Suse (1539) et mis le siège devant Afrique (Mehadïa) dont Dragut, chef de pirates, s'était rendu maître. Fr. de la Sengle commandait les troupes de l'Ordre, et, après un premier assaut infructueux, les Chevaliers avaient, au deuxième, emporté la place. Mais Barberousse pressait Soliman II de déclarer la guerre à l'Ordre de Malte et de lui reprendre Tripoli. Dragut unit ses efforts à ceux de Barberousse. Soliman plaça sous leurs ordres une flotte considérable et une armée de descente, commandée par Sinan, Ces préparatifs ne furent pas ignorés du Grand- Maître, mais on lui reproche d'avoir négligé par avarice de mettre en état de défense Malte, Gozzo et même Tripoli. Il eut même, ajoute-t-on, la cruauté de refuser un asile et des subsistances aux femmes de Gozzo qui venaient lui demander un abri.

Sinan débarqua, le 16 juillet 1551, dans l'île de Malte, et, comprenant la difficulté de s'emparer du Château-Saint- Ange, il commença le siège de La Notable. Le gouverneur, réduit à la dernière extrémité, envoya^ au magistère demander du secours. Le Grand-Maître refusa et se contenta de per- mettre à Fr. Villegagnon (preux Chevalier français, dont il voulait peut-être se débarrasser) d'aller au secours de La Notable avec six chevaliers. La valeur de Villegagnon était si connue, disent les Chroniques, que son arrivée et celle de ses compagnons rendirent le courage aux assiégés. Le Receveur de Messine usa en même temps d'un strata- gème, dont le succès fut instantané. Il env03^a au Grand- Maître un faux avis de prom^^t secours: on laissa l'ennemi s'emparer du messager pendant la traversée, et Sinan, effrayé, ne songea qu'à s'éloigner au plus vite, après avoir

LES CHEVALIERS DE MALTE. 121

saccagé Gozzo qu'il occupa sans sérieuse résistance. La flotte turque fit voiles sur Tripoli et ^dnt aborder à Tachore à douze milles de la place. Elle j fut rejointe par d'Aranion, que Henri II, roi de France, avait envoyé en ambassade à Constantinople : ayant fait relâche à Malte, en se rendant auprès du Sultan, ce Chevalier français avait été prié par Fr. d'Homèdes d'interposer ses bons offices, afin d'obtenir de Soliman qu'il tournât ses armes d'un autre côté; mais cette démarche n'avait pas abouti. Fr. Glaspard de Valier, maréchal de l'Ordre, défendit bravement Tripoli; mais les Calabrais que le vice-roi de Sicile lui avait envoyés pour renforcer la garnison, se mutinèrent et paralysèrent la résistance: il fut forcé de rendre la place (1551). Cette perte de Tripoli était un désastre, si l'on songe que les Chevaliers étaient privés d'un poste en terre ferme, d'où ils auraient pu s'étendre et rayonner autour d'eux. Le Chapitre avait même, dit-on, en 1548, résolu d'y transporter dans un avenir prochain et à titre provisoire le siège de l'Ordre, et c'était Homèdes qui avait retardé l'exécution de cette mesure ordonnée contre son propre avis. D'Aramon obtint la liberté de quelques chevaliers et paya la rançon des autres. En dépit de ces services rendus à l'Ordre, Homèdes ne craignit pas de rejeter la perte de Tripoli, causée par son avarice et son inertie, sur l'ambassadeur français, qu'il accusa de trahison, et sur le maréchal de Valier, qu'il accusa de lâcheté: il mit tout en oeuvre pour perdre le premier et se défaire du second. Mais Villegagnon éleva dans le Conseil sa voix autorisée, pour les défendre et reprocher publiquement au Grand -Maître toutes ses machinations. Le Conseil adressa ensuite à Henri II une lettre de remerciements pour les grands services rendus par d'Aramon à l'Ordre auprès de Sinan. On y démentait les fausses imputations dirigées contre l'ambassadeur du roi de France.

Homèdes se rendit aussi coupable, par l'effet d'une déplo- rable jalousie, d'une grande injustice envers Strozzi, prieur de Capoue, auquel il fit refuser l'entrée du port de Malte.

j^22 L'ORDRE DE MALTE.

Strozzi tint quelque temps la mer et croisa contre les pirates, qu'il battit en plusieurs l'encontres; puis, sur le conseil de ses amis, il aborda à Malte, à l'insu du Grand- Maître et se présenta sans délais au Château-Saint-Ange, avec une suite nombreuse de Chevaliers. Le Conseil le nomma alors avec Bombost, prand-bailli d'Allemagne, et Louis de Lastic, lieutenant du maréclial de l'Ordre, pour former une commission de défense de l'île: c'est sur son avis que l'on construisit le Fort- Sain t-Elme.

Fr. d'Homèdes mourut, le 6 septembre 1553.

Le Conseil proposa d'abord de laisser le soin de ses funérailles à ses neveux, mais cependant ces funérailles furent céléb^ ées aux frais de l'Ordre, avec la pompe due à la dignité qu'il avait revêtue. Son tombeau à Malte est sur- monté d'un trophée d'armes. Nous relevons dans l'inscription lapidaire ces mots': MiliUae hierosolimitanae . . . Arces Sancti Angeli, Helmi et Michaelis, ac alla propugnacula contra Turcum extruxit. Homèdes a frap^^é monnaies et médailles: les monnaies d'or sont du modèle vénitien, avec le millésime 1539; celles d'argent ont à l'avers les armes d'Homèdes écartelées avec celles de l'Ordre, et, au revers, l'agneau pascal avec l'étendard et les millésimes 1539, 1541, 1543, 1552, 1553; la médaille retrouvée, qui n'est sans doute qu'une épreuve, car elle n'a pas de revers, représente le Grand-Maître en buste, la tête tournée à droite; il a la barrette, et la croix de l'Ordre sur la poitrine, H tient entre ses mains un rosaire. La légende porte: )${ p. ioannes *

HOMEDES * M * HOSPITALIS -^ HIERVSALEM *.

XXVIIL Feèee Claude de la Sengle

(1553-1557)

était grand-hospitalier i), et il se trouvait en ambassade auprès du pape Jules II, lorsqu'il fut élu. Il régna paisiblement

1) Il était un des 8 grands dignitaires assistants du Grand-Maître et formant le Conseil: ces dignitaires étaient le Grand-Commandeur (Provence), le Grand - Maréchal (Auverg-ne), le Grand - Hospitalier

LES CHEVALIERS DE MALTE. 123

pendant quatre années; on ne signale durant cette période qu'une tempête qui se déchaîna sur l'île, le 23 septembre 1555, et qui submergea beaucoup de brigantins et de galères. Cette catastroplie coûta la vie à plus de six cents marins; mais la munificence des princes cbrétiens permit de réparer en peu de temps les pertes éprouvées. On offrit à l'envi à l'Ordre bâtiments, vaisseaux, bommes et argent. La Sengie mourut subitement, en visitant La Notable , le 18 août 1557: il était vénéré de tous; car il s'était occupé sans relâche du bien-être de tous. Il avait dépensé une grande partie de sa fortune personnelle, pour faire élever de nouvelles fortifications et renforcer celles qui existaient. Une des cités de Malte porte son nom, le Fort- Saint- Michel et le Fort-Saint-Elme ont été achevés par lui.

Oe grand-maître porta le premier le bonnet de velours rond, comme on le voyait sur son mausolée et ses monnaies. On lisait sur sa tombe: I). 0. M. Frater Claudius de la Sengie, vir animo libero, modestoque, post expugnatam, eo trire- mium duce, apJiricam; dum Romae secundo legatus, hospitalarius ageret, ad magistratum hosxntcdis inde vocatus, mores exemplo^ legibusque componens,procellis temporum superior; arcem novamque Sengleam condens, sïbi parcus^ magnis opihus aerario congestis... Nous relevons sur une de ses monnaies cette belle devise: PAE.ATE viAM DOMiNi. Une médaille d'argent de lui présente son buste tourné à droite, et, au revers, cette légende : i^ DEO ET BEAT^ viRGiNi, avcc l'écu écartclé, au centre.

XXIX. Frère Jean de la Valette-Parisot,

(1557—1568)

de la Langue de France, fut un des plus illustres, on pourrait même dire, le plus illustre grand-maître de l'Ordre. Il avait pris l'habit des moines-chevaliers, à l'âge de vingt ans, il ne quitta jamais le Couvent, et se distingua dans de nombreuses entreprises, surtout sur mer. Nommé général-

(France), le Grand-Amiral (Italie), le Turcopolier ou général de la cavalerie (Angleterre), le Grand-Bailli (Allemagne\ le Grand-Chancelier (Castille), l'Amiral-Drapier (Aragon). V. A^Dpendice.

124 L'ORDRE DE MALTE.

des-galères, il fit une chasse incessante aux corsaires et eut l'audace de capturer au Sultan trois vaisseaux, aux emboucliures du Nil. Soliman jura alors de prendre Malte aux Chevaliers, qu'il nommait les pirates de la Croix. Une des premières préoccupations de son magistère fut de faire examiner de nouveau le procès du Maréchal de Valier, relativement à la perte de Tripoli, et, l'innocence de Fr. Valier ayant été reconnue, de lui conférer le bailliage de Lango ^). Il tenta ensuite, de concert avec le vice-roi de Sicile, de reconquérir Tripoli; mais cette expédition échoua, par suite des lenteurs du Vice-Eoi, qui perdit un temps précieux à s'emparer de l'île de Gelves, il voulait élever une forteresse qui portât son nom.

Le plus beau titre de Fr. Jean de la Valette à la célébrité, ce fut sa défense de l'île de Malte. Soliman, déjà irrité, comme nous l'avons dit plus haut, des entreprises et des captures faites par les Chevaliers, fut au comble de la fureur, en apprenant la perte d'un bâtiment chargé de marchandises précieuses destinées à ses femmes. Le Grand-Maître fut immédiatement averti par les agents sûrs qu'il entretenait à Constantinople. Tous les Chevaliers reçurent l'ordre de venir se ranger sous la bannière de la Croix; on fit de nouvelles levées, on engagea des lans- quenets; les galères maltaises amenèrent des approvisionne- ments d'Italie et de Sicile. Le pape Pie IV envoya dix mille écus d'argent, le Eoi d'Espagne, Philippe II, promjt des renforts. Sept cents Chevaliers et huit mille hommes de pied furent bientôt réunis, sans compter les milices formées parmi les habitants.

Les Chevaliers se préparèrent à la lutte par des prières pubUques; on passa ensuite une dernière fois en revue la situation de la place. Un Français, un Espagnol et un Italien furent chargés des derniers approvisionnements; on amena autant d'eau douce qu'il fut possible; on améliora et compléta quelques parties du système de défense; on fit

^) C'était un titre nu, puisque Lango était, depuis 1522, entre les mains des Turcs.

LES CHE VALLEES DE MALTE. 125

sortir de l'île toutes les boiiclies inutiles et même ceux des habitants qui n'avaient pu se procurer des vivres pour un temps fixé. L'Ordre fut prêt à livrer ce combat qui devait porter de nouveau sa renommée aux sommets et étonner encore une fois l'Eiu-ope. Malte, en 1565, allait voir se reproduire, dans un effort peut-être plus gigantesque encore, les exploits de Saint- Jean d'Acre, en 1291, et de Riiodes, en 1480 et en 1522, et la victoii'e allait assiu'er cette fois à l'Ordre plus de deux siècles d'existence indépendante et souveraine ^).

Moustaplia, généralissime du Sultan, parut à l'entrée du port, le 18 mai 1565, à la tête d'une armée de 30.000 hommes. Cette armée était portée par une flotte de 193 vaisseaux, commandés par le renégat Paoli, qui avait en outre sous ses ordres 8000 soldats de marine aguerris. Pendant leurs premiers travaux de campement, les Tiu-cs eurent à subir des pertes sensibles, que l'arrivée de nouveaux renforts d'Egypte put seule compenser. Ils changèrent ensuite leur positions, et ayant ouvert leurs tranchées siu" un point plus élevé de l'île, ils bombardèrent le Château- Saint-Ange, résidait le Grand-Maître, tout en diiigeant leur feu le plus vif sur le Fort-Saint-Elme, qui fut défendu par les Chevaliers avec un courage admirable contre toutes leurs attaques. Le danger fut même si grand un instant, que le Grand-Maître voulait s'y jeter lui même, avec sa phalange d'élite, afin de le disputer jusqu'à la dernière goutte de son sang. H céda toutefois aux représentations de quelques chevaliers, à qui leur courage et leurs vertus donnaient une grande autorité, et détacha deux de ses plus intrépides guerriers, le commandeur Deguavras, bailli de Négrepont, et le chevalier Medran, avec une compagnie de ces troupes d'infanterie espagnole qui étaient alors renommées dans toute l'Europe et étaient commandées par le chevalier de Lacerda. Les défenseurs du Fort-Saint- Elme étaient loin de perdre courage: ils faisaient des

*) V. Appendice. Notes descriptives sur Vîle de Malte au temps des Chevaliers, 1 10, et Système de défense, y faisant suite. 11 18.

126 L'OEDEE DE MALTE.

sorties et tuaient beaucoup de monde aux assiégeants. Mais ils furent en quelque sorte vaincus dans leur triomplie. Il s'éleva pendant un de ces engagements, un violent ouragan qui poussa au visage des assiégés toute la fumée de l'artillerie, de sorte qu'ils ne purent se rendre compte des mouvements de l'ennemi. Les Turcs en profitèrent pour se retranclier dans l'ouvrage qu'ils avaient pris et y dresser une batterie. Le lendemain, ils renouvelèrent l'attaque, mais ils furent reçus avec une telle vigueur qu.'ils laissèrent sur la place trois mille des leurs. Malgré ces hauts-faits, le commandant de Saint-Elme ne pouvait se déguiser que le fort n'était pas tenable, quoique l'Ordre n'eût perdu dans ce brillant engagement que 17 chevaliers et 300 soldats. Il y avait à craindre aussi que Saint-Elme, miné de tous côtés, ne vint à sauter et n'ensevelît sous ses ruines tous ses défenseurs. Les Chevaliers tinrent donc conseil et envoyèrent au Grand-Maître un messager pour lui faire connaître la situation. Quoique Saint-Elme ne fût pas en somme de la plus extrême importance, Er. la Valette pensa qu'il serait dangereux d'abandonner un ]3oint quelconque du sjrstême de défense, avant que le secours attendu arrivât. Il ordonna donc aux Chevaliers de rester à leur poste, jusqu'à ce que l'imminence du péril résultant des mines fût bien constatée. Fr. Miranda, le commandant du fort et des Chevaliers de la Langue d'Espagne, se soumit sans murmurer à l'ordre de son chef suprême. La Valette fit examiner l'état des ouvrages par une commission de trois Chevaliers, il envoya des vivres et des renforts. On employa alors aussi avec succès contre les assiégeants une sorte de feu grégeois, qui causait dans leurs rangs de grands ravages: on paralysa leurs opérations; mais on ne put les faire renoncer à leur dessein. Au contraire, les assauts se sui- vaient chaque jour, et, comme il y avait tout un mois déjà d'écoulé sans résultat, Moustapha résolut d'en finir d'un seul coup et il ordonna un assaut général. Le 16 juin fut choisi pour cette formidable attaque. Les remparts furent battus en brèche pendant toute la nuit du côté de l'intérieur

LES CHEVALIERS DE MALTE. 127

de l'île et jetés par terre. Toute la flotte se concentra à l'entrée du Port-de-Musciet, pour y pénétrer, au cas l'assaut réussirait. La terre tremblait sous le rouJement des canons; des coiiortes innombrables de Turcs marchèrent aux remparts. Les assiégés reçurent le choc en héros: à chaque trois soldats, se tenait un Chevalier; les brandons de feu firent leur oeuvre dans les masses des Infidèles, l'artillerie du Château-Saint-Ange les décima. Après six heures de combat, la victoire des chrétiens fut complète sur toute la ligne d'enceinte, et les Turcs se retirèrent. Les Chevaliers comptaient Medran parmi leurs morts, mais l'ennemi avait fait de son côté une perte sensible: Dragut, le corsaire intrépide, avait été frappé à mort par un boulet du Château-Saint-Ange, pendant qu'il reconnaissait les retranchements des Chevaliers. Ce succès rendit aux soldats chrétiens quelque confiance dans leurs propres forces, et cependant, les Turcs le savaient, le Fort-Saint-Elme n'était plus tenable; aussi les assiégeants recommencèrent-ils bientôt leurs assauts quotidiens, malgré les pertes qu'ils avaient éprouvées. La valeureuse garnison était prête à mourir, le glaive à la main: elle s'e prépara à la moif. par la confession et la communion. Les Chevaliers se recueillirent pour un dernier effort, réunissant toutes les armes intactes, rassem- blant toute la poudre pour leurs derniers coups de canon; il y eut un dernier assaut, la lutte fut sans merci, puis les hurlements de triomphe des assaillants retentirent: le fort était pris. Miranda et Egueras étaient tombés ; celui-ci était grièvement blessé, mais, à l'approche des ennemis, il ramassa une hallebarde et essaya encore de la brandir, un coup de cimeterre lui trancha la tête. La résistance des Chevaliers tint du prodige: pas un de ces héros ne voulut de quartier, lors même qu'ils n'étaient plus qu'une poignée de com- battants. Moustapha ne fut maître du Fort-Saint-Elme que le 23 juillet, quand il ne resta plus un seul défenseur. Il souilla sa victoire. Tous ces braves étaient morts, excepté treize guerriers chrétiens blessés; le général tiux, au lieu d'honorer le courage de ses ennemis, fit écorcher vifs ces

128 L'ORDRE DE MALTE.

blessés et leur fit arraclier le coeur tout palpitant de la poitrine. Il fit ensuite exposer les cadavres décapités sur les murs, afin qu'on les vît de tous les autres forts; puis il fit revêtir ces cadavres de manteaux de Chevaliers, après leur avoir tailladé la poitrine en forme de croix, et les fit jeter à la mer. Mais la mer les porta vers leurs frères, qui pleurèrent sur les martyrs et les inhumèrent en terre sainte avec les honneurs qu'ils méritaient. Le Grand-Maître, indigné de ces traitements plus que barbares, ordonna alors de ne plus faire de quartier. On avait perdu à la défense de Saint-Elme 1300 hommes, dont 130 chevaliers de l'Ordre; mais la prise de cette redoute coûtait à Moustapha plus de 10,000 soldats, et, nous le verrons plus loin, la résistance de ce fort allait contribuer au salut de la place ^). On dit

^) Liste des Chevaliers morts à la défense de S'-Elme:

Langue de Provence: Fr. P. de Massues, Gr. de la Motte, L. de Maquenti, L. de Puget Fuveau, J. de Châteauneuf, H. de VentimUle, E. du C.urdurier la Pierre, d'Aux, de Colombiers, de Massues Vercoiran, J. de Gozon, A. de Châteauneuf d'Antragues, J. de Gelon.

Langue d'Auvergne. A. de Bridiers Gardampe, L. de Boulieu Jarnieu, J. de Vernon le Bessé, L. d'Argeroles Sanpoulghe, Cl. de la Eroclie Aymon Villedubois, Gr. de Deraas S. Bonet, P. de Loué, J. de Eachel Vernatel.

Langue de France. L. de Saucière Tenance, Cl. de la Bugne " Bulsy, Henry de Cressy Bligny, Fr. du Chilleau, Fr. Boûer Panchian, L. Rogier Ville, J. deLubart Zemberch Fiammengo, Fr. de Ganges Mont- fermier, A. Bonet BrouUac, A. Eoubert Lezardiere, A. de Choyseul, G. Haultoy, Simon de Clainchant, A. de MoHns, P. Vigneron (Cbapelain).

Langue cTItalie. G. Vagnone^, Ard. Griselli, Vinc. Gabrielli, Ard Pescatore, Em. Scarampo, Fr. Petetto di Asti, J. Martelli, G. Vitello Vitelleschi, D. Mastrillo, Gir. Galeotto, Alex, de Conti di S. Giorgio del Canavese, P. Avogrado, Pier Fr. Somaja, Alex. Busca, Ant. Soler, Gir. Pepe da Ruvo, P. Mbbia, N. Strambino, C. Sassetti, G, B. Pagano, Mario Conti, St. de'Fabii, Rosso Strozzi, Fr. Gondi, Lelio Tana^ Ottaviano Bozzuto, B. Francolini, G.-B. Montalto, Vinz. Bozutto, Vespasiano di Gilestri, Ambrogio PecuUo.

Langue d'Aragon. G. d'Egua (Eguaras), M. de Monserrat, Félix de Queralta, Pedro Zacosta, G. Perez Barragan, Fortuno Escuderro, Fr, Monpalan, Ant. de Monferrat, J. de Pamplona, Fr. Armengol, On. Fern. de Mesa, Gaspare de Guete, Baltassar de Aqiiiuez, Ant. de Morgute, Gaspare de Aoyz, Myguel Bueno, Nofre Tallada.

LES CHEVALIERS DE ILiLTE. 129

que Monstapha s'écria, en regardant alternativement Saint- Elme et Saint- Ange: »Que me coûtera donc le père, si le fils, qui est si petit, m'a pris mes plus braves soldats Une fois Saint-Elme entre leurs mains, les Turcs entrèrent dans le Port-de-Musciet et investirent par terre le Château- Saint-Ange, le Bourg et La Sengle, en se servant de Saint- Elme comme base d'opérations.

Ils envoyèrent d'abord au G-rand-Maître un parlemen- taire, pour le sommer de se rendre. Ensuite ils se bâtèrent de tenter un assaut sur le Fort-Saint-Micbel. Ce fort est situé sur une étroite langue de terre, au S.-O. de Saint- Ange, et il est défendu par trois autres forts. Ces ouvrages n'étaient évidemment pas aussi solides qu'ils le furent après le siège, lorsque Malte fut couverte d'un système de forti- fications qui la rendit inexpugnable. Mais ces forts barraient l'entrée du Grand-Port, ils voulaient amener leur flotte. Ils poursuivirent donc le siège et l'attaque du Fort-Saint- Michel avec vivacité; mais les assauts renouvelés chaque jour étaient chaque jour repoussés. Le Grand-Maître avait imaginé une excellente défense contre tout débarquement, n avait fait enfoncer dans la mer, tout autour de la langue de terre servant de base au fort une ligne de pieux, reliés par d'énormes chaînes; les Turcs ne purent la franchir. Us dirigeaient cependant en même temps leurs opérations contre le Château-Saint- Ange. Dès le 18 juillet, ils tentèrent l'assaut général de toutes les positions; la journée fut chaude, ils furent battus du côté de la terre et de la mer. Ils recommencèrent le 23 juillet: la lutte fut plus sanglante encore; les Chevaliers avaient à venger lem'S frères si

Langue d? Allemagne. Vulthaus de Heunech, Johann de Hassen- burg, Florian Stezela d'Otmut, Telmanus Eyessembach, Turc de Duelen.

Langue de Castille. Juan Velasquez de Argote, Cristoval de Silva, Bartolomeo Pessoa, J. Rodriguez de Villafuerte, Fr. de Britto. Lorenzo de Gusnian, L. Costilla de Nocedo, Fern. de Acugna, P. de Soto, J. d'Espinosa, Alf. de Zambrana (Chapelain).

Comp. Mathieu de Goussaucourt, Martyrologe des Chevaliers de 8. Jean de Hierusalem, Paris 1654.

SALLES, L'ORDRE DE HALTE. 9

130 L'ORDRE DE MALTE.

odiensement mutilés et ils ne firent pas de prisonniers. Ce dernier assaut coûta aux Turcs 4000 hommes. Ils se mirent alors à miner le Fort-Saint-Michel, du côté de la mer, tout en le bombardant sans relâcbe, afin de déguiser leurs travaux souterrains, et ils réussirent en effet à pour- suivre pendant quelques jours ces travaux, sans être décou- verts; mais les Chevaliers veillaient, ils s'aperçurent donc du danger et rejetèrent les mineurs hors de leurs ouvrages, à coup de pique ou avec des brandons de feu. Cependant les murailles du fort commençaient à souffrir: l'ennemi s'était emparé successivement des bastions avancés, et, le 31 août, il allait même, après un vigoureux assaut, sur- monter tous les obstacles, lorsqu'une sortie offensive de quelques soldats envoyés de La Notable, l'on avait vu l'imminent péril, opéra une diversion efficace et mit en déroute les assaillants.

Le découragement s'emparait des Turcs, qui avaient déjà perdu plus de la moitié des leurs et dont les 13.000 hommes restants étaient en partie malades ou blessés, tandis que les soldats valides étaient pris d'une terreur indicible devant l'épée des Chevaliers. C'est à grand'peine que l'on pouvait par la menace les maintenir dans l'obéis- sance. Le pacha en tua même de sa main qui fuj'aient le combat; mais la révolte se mettait dans le camp. Moustapha était d'autant plus embarrassé, qu'on lui annonçait l'arrivée du roi de Sicile avec une armée de dégagement. Il occu- pait et lassait les assiégés par des assauts partiels, toujours repoussés, grâce à l'infatigable vigilance des chefs et en particulier de Fr. la Valette qui, malgré les fatigues de chaque jour et malgré son grand âge, passait les nuits aux remparts. Il résolut alors de réduire la place par la famine, mais il s'aperçut qu'il manquait lui-même de vivres et de munitions. Ne voulant pas toutefois battre en retraite, il fit une nouvelle tentative sur La Notable; mais il trouva, à sa grande surprise, la crête des remparts garnie d'une nombreuse garnison et couverte de canons, de mousquets et d'étendards. Mesquito, chevalier de la Langue de

LES CHEVALIEES DE MALTE. 131

Castille, gouverneur du Bourg, avait revêtu de l'habit mili- taire les femmes et même les enfants.

Le Grand-Maître était partout, la tête couverte d'un casque léger, sans cuii^asse, accourant à la tête de sa plia- lange le danger était le plus pressant; les Chevaliers réparaient sans cesse les ouvrages entamés par les pro- jectiles; Saint-Michel, tout troué qu'il était par les boulets, n'en restait pas moins le centre de la défense aussi bien que de l'attaque, et Fr. La Valette avait réservé la retraite sur le Château-Saint- Ange, comme une mesure de salut à laquelle on ne recourrait qu'à la dernière extrémité.

Moustapha allait faire un dernier effort sur Saint- Michel, lorsque, le 6 septembre, Don Garcia, vice-roi de Sicile débarqua à la Melléha, avec 8000 hommes. Les géné- raux turcs, sans même s'assurer de la force de ce secours, abandonnèrent l'assaut et s'enfuirent à Saint-Elme, aban- donnant leurs énormes pièces de siège qui lançaient des projectiles de 200 livres. Ayant reconnu que les renforts étaient si peu nombreux, ils revinrent au devant des troupes chrétiennes; mais, bien que supérieurs en nombre, ils furent complètement défaits et retournèrent à leur vaisseaux, serrés de près par les Espagnols.

Le 13 septembre, la flotte turque fit voiles vers Constantinople, après avoir perdu plus de 30.000 hommes dans les divers combats de ce siège. L'Ordre avait subi aussi des pertes considérables. Les combattants étaient réduits de 9000 à 600. Dès le 11, l'étendard de la croix flotta de nouveau au Fort-Saint-Elme. Ainsi finit cette défense héroïque, qui causa une grande allégresse dans les états chrétiens. Le Bourg (La Notable) reçut le nom de Cité victorieuse; Philippe II d'Espagne envoj^a à La Valette une épée et une dague enrichies de joyaux. Paul IV voulut le nommer cardinal; mais il refusa modestement cette dignité, en répondant que ce n'était pas à lui, mais à tous les vaillants qui avaient combattu avec lui, qu'appartenait la couronne de la victoire. Partout ce furent des Te Deum d'actions de grâces, des fêtes, des illuminations en l'honneur

132 L'OBDRE DE MALTE.

des Yainquenrs. Le canon du Cliâteaii- Sainte- Ange, à Rome, résonna pendant plusieurs heures, annonçant urhi et orhi la délivrance de l'île des Chevaliers.

Fr. Jean de la Valette est le type du héros: il n'eut pas un instant de faiblesse, il ne négligea rien de ce qui pouvait assurer la défense, il fut partout au premier rang et brava le danger avec une sorte de pieux fanatisme, afin de doubler encore le courage de ses moines- chevaliers. Il distribua ensuite tous ses biens entre ses frères, et ordonna le dépôt de l'épée et de l'armure qui lui avaient servi durant le siège, dans l'église grecque de la Victorieuse, comme un témoin de la gratitude de l'Ordre envers les anciens habitants de E-hodes qui avaient pris part à la défense. Il fut loin de se laisser endormir dans une fausse sécurité, et redoubla au contraire les mesures de surveillance des mouvements des Infidèles. On devait bien s'imaginer que Soliman n'allait songer qu'aux moyens de prendre sa revanche d'un humiliant échec et réunissait des forces encore plus considérables, pour attaquer de nouveau Malte avec de plus grandes chances de réussite. Le Grrand-Maître avait donc à la fois à panser a.ussi vite et aussi bien que possible les blessures encore saignantes, à repeupler l'île, à regarnir l'arsenal et les magasins, à relever les bastions écroulés et les remparts en ruines, à remplir les vides faits par la mort et les blessures dans les rangs de ses frères. Le danger s'annonçait donc sous de terribles auspices, lorsque l'arsenal- des-galères de Constantinople, tout était rassemblé pour la campagne contre Malte, vint à sauter. On a beaucoup discuté pour savoir, si c'était La Valette ou non, qui avait fait détruire ainsi le matériel de guerre et paralysé une incursion sans doute désastreuse des armées du Croissant. Quoi qu'on en pense, il ne faut pas oublier que l'Ordre était en état de guerre avec les Turcs et que ce ne serait par conséquent qu'un acte justifiable au point de vue même du droit moderne. Mais nous aimons mieux croire un hasard providentiel, qu'à une action qui, toute légitime qu'elle serait, ne cadrerait point avec le caractère chevale-

LES CHEVALIPKS DE MALTE. J^33

resque des membres de l'Ordre et de leur glorieux chef. Ce qui est certain, c'est que l'expédition des Ottomans contre Malte fut renvoyée aux Calendes grecques et que le Grand-Maître eut ainsi le loisir de s'occuper de mettre à exécution un projet magnifique, qu'il avait formé pendant le siège. Il ne s'agissait plus seulement de compléter et de perfectionner le système des fortifications de l'île; il s'agissait de bâtir sur la presqu'île de Scabarras une ville nouvelle, qui commanderait à la fois la mer et les deux ports. Parmi les princes chrétiens, plusieurs voulurent con- tribuer à cette entreprise; le roi de France, Charles IX, donna à lui seul 140.000 livres tournois.

Le 28 mars 1566, La Valette, suivi des dignitaires de l'Ordre et du pays, ainsi que des Envoyés des cours chré- tiennes et d'une grande affluence de Chevaliers, de servants d'armes, de chapelains et d'habitants, alla poser la première pierre de la cité nouvelle. Plusieurs médailles furent déposées sous les fondations: elles représentaient, d'un côté, le buste du Grrand-Maître tourné à gauche, armé de la cuirasse avec la croix à huit pointes; de l'autre côté, on avait figuré sur deux d'entre elles, l'entourage de l'île avec la légende:

IMMOTAM COLLI DEDIT; aveC Cellc-ci: )$( MELITA RENASCENS ;

sur deux autres, le plan de la ville avec la légende:

DEI PROPVGNATOEIS SEQVEND^ VICTORIA, OU aVCC Cellc-ci :

PERPETVO PROPVGNACVLO TVEOicja OBSiDioNis. Suruue cinquième, on avait représenté David tuant Goliath, avec la devise : VNVS DEGEM MiLiA, en souvcuir de la défense de Malte, en 1565. Et, pour ne plus revenir aux médailles, en parlant des monnaies frappées par La Valette, disons tout de suite qu'il existe encore une médaille commémorative, de 1568, avec le plan de la ville et du Fort-Saint-Elme, au milieu de la mer, avec l'inscription: perpetvo propvgnacvlo tvrcice OBSIDIONIS, et, sur les deux côtés du fort, ces mots: deo lvx; une deuxième, avec un oeil ouvert au milieu, surmonté de la croix de l'Ordre, et, au dessous, une massue, avec cette légende: his ordinem insvlam novam vrbem reg. defen. gond.; une troisième, avec l'île de Malte en relief, et, à l'entour

j^34 L-ORDRE DE MALTE.

le légende: ^ melita renascens; une quatrième enfin, de 1574, croit-on, avec le buste tourné à droite et avec une allégorie, au revers, représentant des soldats sortant d'une galère de l'Ordre et prenant un éléphant chargé d'une tour se trouve un archer; à gauche de l'éléphant, un palmier; au milieu, le plan des nouvelles fortifications, plus loin un vaisseau, toutes voiles déployées; en haut de la médaille, ces mots: habeo . te.

Fr. Jean de la Valette ne quitta pas l'île lui seul instant, pendant les travaux qui occupèrent les deux der- nières années de sa vie; le connnandeur de la Fontaine avait la direction des travaux de fortification, mais le Grand- Maître resta l'âme de l'entreprise, qu'il conduisit avec intelli- gence et énergie. Comme le trésor ne suffisait plus aux dépenses de chaque jour qui étaient, dit-on, de 2000 écus, La Valette créa la monnaie fiduciaire, c'est à dire qu'il fit frapper des jetons de cuivre, avec l'indication d'une valeur en argent, de 4, 2 et 1 tari, et portant cette devise : NON BES SED EiDES. On les retirait, au fur et à mesure que la générosité des princes ou les responsions des prieurés venaient remplir les caisses. Ce système eut un plein succès.

La cité nouvelle fut nommé Himnlissima, puis La Valette^ du nom de son fondateur ; mais le dernier de ces deux noms lui est seul resté. Partout d'ailleurs, ' à Malte, on retrouve des souvenirs du règne de ce grand-maître. Il mourut le 21 août 1568, couvert de gloire et chargé d'années. Sa mort causa une douleur universelle. Il avait bien mérité de tous : il avait réuni deux Chapitres géné- raux et rendu l'Ordre redoutable sur mer et sur terre, respecté de l'Occident et de l'Orient. La devise Melita renascens pouvait s'appliquer à l'Ordre aussi bien qu'à l'île même. Ses funérailles furent réglées . par son successeur avec une grande magnificence, digne des chevaliers et du glorieux grand-maître. Il fut inhumé dans la Chapelle- de-Notre-Dame-de-la-Victoire, à la Valette. Son corps fut plus tard, sous le magistère de La Cassière, porté dans la chapelle souterraine de l'Egiise-Saint-Jean, son Mausolée

LES CHEVALIERS DE MALTE. ;[35

f

le représente couché. La statue est en marbre, les mains jointes sont en bronze. Il est aimé de pied en cap, mais le chef est nu. Le sarcophage repose sur un lion et un gerfaut, que l'on retrouve dans les su^^ports de l'écusson écartelé : il est placé sous une voûte à plein-ceintre. L'épi- taphe demeure au-dessous du héros qu'elle célèbre : JD. 0. M. Et memoriae aeternae viri illustrissimi frafris Joannis de Vdletia franci^ qui, post multa vanaque, tum apud Tripolim in Africa, tantamque Numidiani^ tum vero per itniversam graecîam^ terra marique, sfrenuè acjprosperè gesta, summo totius ordinis consensu magister, ac praefectus electus, jampridem de ■se conceptam opinionem sic adauxit^ ut anno domini M.D.LX.V, cunctantibus christianis principihus, 3Ieîitam a Solimani oh- sidione liberaverit : veterem urhem, castraque servaverit, Turcos de universa insida fiigaverit, utrumque mare piratis repurga- verit, et NeapoJim Valetta tutum adversis nosfrae fidei inimicos propugnaculum, atquae aeternum Valetiae francique nominis monumentum, summa eeïeritate atque mirahiïi artifbcio, con- struxerit. Ohiit XXI. die August. 3I.B .LXVIII, et ipso die qiio undecim ante annos magisterium ordinis inierat. Hostihus terri- hilis, et suis cJiarus, unde non immerito annos, tantam tanti viri memoriam, tantmnque hierosolimitani militi virtutis stimulum prius humi jacentes; frater . . . in eminentiorem liane lucem erexere, Domini anno M. BXCI. Vixit annos LXXIII^ menses VI, dies XVII. Une autre inscription en quatre vers peut se traduire ainsi: Ci-gît celui cpii fut la terreur de l'Asie et de la Libie, le protecteur de VEiirope, quand ses armes sacrées terrassèrent les Barbares; il fut le premier inhumé dans cette cité La Valette, qu'il a fondée et il y repose, digne d'un honneur éternel '). Nous croj^ons qu'il est intéressant de connaître aussi une inscription très-curieuse, qu'on lisait dans l'Egiise-de-Saint-Jean. Elle avait été composée sur la construction de la Cité Valette : le grand-maître,

') En voici le texte d'après Pauli, C. cl. cU M., II, p. 475. Ille Asiae Libj^aeque pavor, tutelaque quondam

Eui'opae, Domitis per arma getis, Primus in liac aima, qviam condidit, urbe sepultus Valletta, aeterno dignus honore jacet.

136 L'OEDKE DE MALTE.

Fr. Antoine de Paule la fit placer snr la Porte-Eoj'-ale, l'une des trois portes de cette ville. La voici, telle que Villeneuve l'a relevée. Illustrissimus et reverendissimus domi- nus Joannes de Valetta, ordinis militiae hospitalis divi Baptistae liierosolymitani magnus magister, pericuïorum anno superiore a suis militihîLS, popidogue meliteo, in obsidione turcica per- pessorum memor, de condenda urhe nova, eaque moeniis, arcibuSi et propugnamlis ad sustinendam vini omnem propulsandosque inimici turcae impetus, aut salutem reprimendos, munienda, inito cum procerihus concilio, die Jovis vigesima octava mensis martii M.D .LXVI, deiim omnipotentem deiparamque virginem^ et numen tutelare, divum Joannem Saptistam, divosgue coeteros Milita precatus, ut faustum feïixque reïigioni christianae fieret ac ordini suo, quod inceptabat hene cederet, suppositis aliquibus suae notae nummis aureis et argenteis, p7'ima urbis fundamenta in monte àb incolis sceb-erros vocato, fecit, eamqiie de suo nomine Valettam, dato pro insignibus in Parma miniata aureo leone, appeUari voJuit.

Les monnaies nous offrent ou le tj^pe vénitien (or), ou les armes écartelées avec la légende : ^ p. ioannes de vallete M. Hosp. HIEE., puis, au revers, la légende: parate via doimlni, ave Saint "Jean tenant la "croix avec une banderolle on lit: iNT NA Tos MV (argent). D'autres d'argent présentent comme innovation, au revers, la tête de Saint Jean dans un bassin ovale, avec la légende: ^ propter veritatem et justitiam; ou encore la croix de l'Ordre avec celle-ci : in hoc signo MiLiTAMVs. La monnaie fiduciaire mérite d'être décrite en détail. Procédons donc par ordre. Voici les monnaies fidu- ciaires que l'on possède : un tari de cuivre : avers, )$( svB HOC siGNO MiLiTAMVs, la croix de Malte et entre ses branches: .F.Io.D.A; revers, ^ non aes sed pides, 1566, dans un cercle de points, )^ vallete . m., deux mains en- lacées et plus bas, T. 4.; un tari de cuivre, 1567, (variante) . T . Z . sans le nom de La Valette, avec l'M ; un tan avec les mêmes légendes et emblèmes, la date 1566 et le cbiffre XX, aa revers, puis, à l'avers, les armes écartelées et la légende : j^ f. ioannes de vallete M: ho . .h .;

LES CHEVALIERS DE MALTE. 137

un antre de 1566, avec la tête de Saint Jean, à l'avers, et la légende )^ pkoptee veritatem et ivstitiam ; un antre du même type, avec vallete an revers ; ' nn enfin avec la mention V et les armes senles du Grand-Maître.

XXX. Frère Pierre del Monte (1563—1572)

était amiral-des-galères, lorsqu'il fut élu. Son nom de fa- mille est Pierre Guidalotti; il naquit à Monte-San-Gavino, près d'Arezzo, en Toscane : il était aussi grand-prieur de Capoue et avait pris le nom de del Monte, comme son oncle maternel, le jDape Jules III (Jean-Marie Giocclii). Il s'était distingué comme général-des-galères contre le cor- saire Dragut, puis comme châtelain du castel de La Sengle. Sa valeur et la noblesse de son caractère étaient éprouvées. Il fut un digne successeur de la Valette. Son premier soin, en arrivant à la dignité suprême, fut de remplir le pieux devoir de faire à son prédécesseur de splendides funérailles, ainsi que nous le disons plus haut. Il se con- sacra ensuite à l'exécution du testament politique de La Valette, et profita de la paix pour hâter l'achèvement de la cité nouvelle et augmenter la marine de l'Ordre. Il fit même construire à ses frais plusieurs galères, dont il fit abandon à l'amirauté. Ayant permis aux Chevaliers d'armer des vaisseaux pour leur propre compte, afin de faire la course aux pirates turcs, qui tenaient la mer comme au temps de Barberousse, ces guerriers réunirent nn grand nombre de bâtiments qu'ils dirigèrent vers le port de Malte et remportèrent bientôt de tels avantages sur les corsaires, que ceux-ci se tinrent à distance. Mais un évé- nement douloureux interrompit le cours de ces succès ob- tenus sous le pavillon de l'Ordre. Saint-Clément, le nouveau général-des-galères aj'ant aventuré sans escorte quatre galères chargées de vivres, dans le canal entre Malte et la Sicile, fut surpris par le corsaire Lucciali, qui lui captura trois galères. Fr. Saint-Clément se jeta à la côte, pour

138 L'ORDRE DE MALTE.

sauver son or, oubliant même d'emporter l'étendard de l'Ordre, qui eût été perdu sans le courage d'un jeune marin -maltais, lequel se fraya un chemin, la liaclie à la main, au travers des pirates. Saint- Clément fut privé de l'habit, jugé et décapité, pour fuite devant l'ennemi. Il y eut encore une autre calamité pour l'Ordre ; ce furent les dissen- sions entre les chevaliers des diverses Langues ; on en vint même à des combats singuliers, et Fr. La Cassière, maréchal de l'Ordre, dut réprimer par les armes, ces mutineries. La paix ne fut bien rétablie qu'après l'expulsion de l'Ordre des principaux perturbateurs.

Trois années après la pose de la première pierre, la Cité-Valette fut terminée, et, le 18 mars 1571, eut lieu la translation du Magistère, du Bourg à la nouvelle Rési- dence. Elle se fit avec une grande pompe, bien que le palais magistral provisoire ne se composât encore que d'une salle et de deux autres pièces, le tout en bois recouvert de ciment. Le Orand-Maître procéda dès ce moment-là à l'inauguration de la Cité, afin d'encourager les travailleurs, et de ne pas retarder plus longtemps la distribution des distinctions attendues par les membres méritants de l'Ordre, et des récompenses promises aux chevaliers moins riches, aux frères-servants et soldats, qui devait consacrer le souvenir de cette inauguration. On admira en cette circon- stance le désintéressement et la générosité de Fr. del Monte. Peu de mois après, le 7 octobre 1571, six galères de l'Ordre prirent part à la célèbre bataille de Lépante, qui fut contre la puissance maritime des Ottomans un de ces coups dont un Etat ne se relève pas facilement. Ce combat naval fut livré par les flottes combinées des Espagnols, des Véni- tiens, du Pape et de l'Ordre de Malte, près du golfe de Lépante (Mer Ionienne), et coûta aux Infidèles 30.000 hommes tués, dix mille faits prisonniers, quatre-vingts vaisseaux coulés à fond, cent trente galères prises par les Chrétiens, quinze mille esclaves délivrés. Don Juan d'Autriche commandait la flotte chrétienne, Pierre Jiusti- niani, grand-prieur de Messine, les galères de Malte : celles-ci

LES CHEVALIERS DE MALTE. 139

combattirent au centre de la ligne de bataille. Soixante- treize chevaliers y trouvèrent la mort. La galère amirale, dite la Capitane de Malte, fut un instant à l'ennemi, quand il n'y eut plus pour la défendre que Jiustiniani et deux cbevaliers grièvement atteints. Mais les autres galères vin- rent à temps la dégager des mains d'Ouloudj Ali, le chef de pirates, et l'étendard de l'Ordre flotta de nouveau â son mât. Ce qui faisait la force de ces vaillants, c'est qu'ils savaient mourir, mais ne savaient ni fuir, ni reculer. Après la dispersion de la flotte turque, dont trente galères échap- pèrent seules à force de rames aux alliés chrétiens, on aurait pu s'emparer de Constantinople ; mais la désunion se mit parmi les vainqueurs et tous les fruits de la victoire furent perdus, à l'exception de Tunis, que l'on garda jusqu'en 1574.

C'est sous le règne de Fr. del Monte, que le soin des malades, qui faisait partie essentielle de la mission primor- diale des Chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, mais avait été négligé par les Chevaliers militants de Rhodes et de Malte, occupés sur terre et sur mer contre les Infi- dèles, fut repris par ces nobles femmes qui avaient fondé autrefois à Jérusalem, vers la fin du XI^ siècle, la pieuse congrégation des Chevalières de Saint-Jean ou Hospitalières ^), sous une règle analogue à la règle primitive donnée par Fr. Gérard à l'Ordre des Hospitaliers. Ces religieuses avaient d'abord être soumises à l'obédience du magistère ; j^uis, dans la suite des temps, elles s'étaient soustraites à cette juri- diction et n'avaient plus voulu reconaître que le Saint-Siège pour leur chef immédiat. Il en était résulté un conflit entre leur communauté et l'Ordre même. Le grand-maître, Fr. del Monte sut rétablir l'harmonie, sur la base des rapports originaires. Il nous en reste encore aujourd'hui une preuve: c'est le Couvent des Hospitalières institué à Malte, sous le magistère Verdala, lequel subsiste de nos jours.

^) V. Indi'oductioii.

140 L'OKDEE DE MALTE.

Pour achever la construction de la Cité-Valette, l'Ordre fit, en 1570, un emprunt de 70.000 écus. Ce fut enfin sous ce magistère que l'on songea à faire rédiger la Chronique de l'Ordre, qui raconte tant et de si belles actions, tan- dis qu'il n'existait jusqu'alors que des documents, des poëmes ou des récits isolés des événements les plus remarquables. Le chevalier Bosio fut chargé de ce travail: son oeuvre est une compilation, mais elle n'omet pas les faits saillants qui nous permettent de suivre l'Ordre à travers les phases distinctes de son développement historique.

Fr. Pierre del Monte mourut le 27 janvier 1572, à l'âge de 76 ans. Son sarcophage de marbre est sans orne- ments; au-dessus se voit, au frontispice du ceintre ogival, une pjTamide de boulets, puis, au-dessous des armes écartelées avec celles de l'Ordre, une tête de mort retenant les pièces de l'armure à une banderole. L'inscription suivante se lit sur le sarcophage: D. 0. 31. Fratri Petro de Monte, Juin III. Pont. Max. ex germano filio, in Rliodio exidio strenue servato, rursus in Sengleae peninsulae anno MDLXV a Turcis ohsessae defensione, admirato praeclarissimo, ac gid)er- natori, capuae priori primogue in valettana civitate incolae^ liierosolymitanae militiae in simimo magistratu magni Vcdettae digno successori, majorague longe merito quam adepto. qui sui magistratus anno tertio, mense quarto, die sexto, ohdormivit in domino., XXVI januar M. D. LXXII.

On a de son magistère, des monnaies d'or du type vénitien, avec la légende au revers: da mihi vietvtem coxtra HOSTES Tvos; des taris d'argent avec l'écu écartelé et la tête de Saint Jean-Baptiste dans un bassin; d'autres avec la croix de l'Ordre, au revers, et le: svb hoc sigxo militamvs ; d'autres avec la tête de Saint Jean dans un bassin à pied, avec le : peopter veeitatemet ivstitiam; d'autres avec l'Agneau pascal, au revers, et la légende: ivstitia saxct. redemtio: l'Agneau tient l'étendard; puis on a des pièces fiduciaires de 1570, T. 4-, de 1570, T. Z., de 1570, T. I, comme sous Yillaret, et toutes, avec les armoiries écartelées, à l'avers.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 141

XXXI. Frère Jean de la Cassière

(1572—1581)

était de la Langue d'Auvergne; sa renommée de valeur était grande; il s'était signalé dans plusieurs affaires, et particulièrement à l'attaque de Zoare, il avait sauvé l'étendard de l'Ordre. Il occupait le poste éminent de grand- maréclial de l'Ordre, lorsqu'il fut élu à la dignité suprême.. Ajoutons qu'il est le premier grand-maître auquel le Conseil de l'Ordre reconnut le titre de Prince Souverain de Malte. Une médaille frappée sous son magistère semble du moins confirmer cette affirmation de quelques chroniqueurs. Nous en parlerons plus loin. Les deux premières années de son règne n'offrent pas d'événement remarquable; les Turcs dont on avait un instant redouté une attaque contre Malte, tournèrent leurs armes vers Tunis et la Goulette. L'établisse- ment de l'Inquisition en territoire maltais aurait, selon quelques historiens, donné naissance à de vifs antagonismes et à des conflits dans le sein de l'Ordre. Il y eut aussi des difficultés entre le Grand-Maître et le Conseil qui avait usurpé des droits inhérents au magistère, comme pou- voir exécutif. Des princes chrétiens suscitèrent aussi des chicanes à l'Ordre: ce fut d'abord la République de Venise, qui réclama des marchandises capturées par les galères de l'Ordre, à bord des navires des Infidèles et appartenant à des juifs du Levant. Il fallut accéder à cette demande, toute singulière qu'elle fût, afin d'éviter la mise sous séquestre des commanderies de Malte sur le territoire de cette république. Le Pape, l'Empereur, les Rois de France pourvurent directement aux plus hautes dignités de l'Ordre; il fut même question de fusionner les Chevaliers de Malte avec l'Ordre Teutonique, afin de renforcer celui-ci et de le rendre j)h^s apte à opérer contre les Turcs, aux frontières de Hongrie. C'eût été la fin de l'Ordre de Saint- Jean-de-Jérusalem qui, d'ordre chrétien militant, serait descendu au rang d'Ordre allemand, et aurait été détourné du but pour lequel il avait été fondé et forcé de renier

142 L'ORDRE DE MALTE.

son passé d'Ordre intemational et neutre entre les puissances qui reconnaissent la croix comme symbole. La nomination directe par l'Empereur d'Allemagne, au priem'é de Castille et Léon, de Wenceslas, arcHduc d'Autriclie, occassionna une révolte dans l'Ordre (1578); mais elle fut bientôt apaisée. Le Pape fut 23ris pour arbitre et les mécontents furent cités à comparaître devant son siège, à Rome: plutôt que de s'y rendre, ils aimèrent mieux faire leur soumission et demander en plein conseil pardon au Grand-Maître. L'année suivante, Tévêque Gargallo ou Gargalla voulut s'aiToger le droit de visiter l'hôpital de La Xotable; mais les administra- teurs refusèrent de reconnaître son autorité et il les excommunia. Il y eut des rixes à main armée entre ses partisans et la population. La Cassière dut mettre une garde de cinquante hommes dans La IsTotable. Le Saint- Siège avait délégué l'Archevêque de Palerme. pour examiner les causes du conflit; mais l'Archevêque trouva, à son arrivée à La Valette, la querelle tellement envenimée, par suite de Tanimosité réciproque des partis, qu'il laissa au Pape lui-même le soin de prononcer. L'évêque fut mandé à Rome, ad aiidiendum verlium. Cependant il s'était formé un complot contre la vie du Grand-Maître. Des aides de l'Liquisition furent arrêtés: ils dénoncèrent comme leurs instigateurs, Petrucci, inquisiteur de Malte, et plusieurs cbevaliers de haut rang. Des chevaliers des Langues d'Aragon, de Castille et d'Italie forcèrent l'entrée du palais du Grand-Maître et insultèrent en face leur chef, en le mettant au défi de donner des preuves que cette conjura- tion eût jamais existé. La révolte devint générale; on voulut arracher à La Cassière la nomination d'un Lieutenant du magistère. Quelques chevaliers, qui briguaient la dignité suprême, étaient irrités de voir le Grand-Maître, malgré son âge avancé, en possession d'une santé excellente, ce qui retardait la réalisation de leurs désirs; une ordonnance qui reléguait les courtisanes dans quelques hameaux éloignés du Couvent fiit accueillie par d'autres, comme rme suspicion et une insulte à leur honneur. Les prétextes ne manquèrent

LES CHEVALIERS DE MALTE. 143

point. Les rebelles se plaignirent de la vieillesse et de la caducité du Grand-Maître qui, à leur sens, le mettaient hors d'état de veiller aux intérêts de l'Ordre; ils prétendaient que ses dernières ordonnances le prouvaient sans conteste; ils ajoutèrent que La Cassière s'assoupissait pendant les séances du conseil, et, qu'au lieu de régenter la conduite des Maltaises, il ferait mieux de pourvoir les magasins, d'entretenir les fortifications, de faire des expéditions contre les Turcs et les corsaires de Barbarie. Le G-rand-Maître refusa de nommer un Lieutenant; alors on s'empara de sa personne, on l'enferma au Château-Saint-Ange et l'on élut à la Lieutenance du Magistère, Romegas, prieur de Tou- louse, qui était l'âme du mouvement. Chabrillan, général- des-galères, rentra à Malte deux jours après ces actes d'insubordination. Il força toutes les consignes et pénétra auprès de La Cassière, auquel il offrit de lui rendre immé- diatement le pouvoir, à l'aide de deux mille hommes de troupes sûres, choisies parmi les soldats de son escadre et les chevaliers dont une grande partie détestait ce qui était arrivé. Le Grand-Maître lui répondit qu'il aimait mieux finir ses jours en prison et renoncer au pouvoir, que de faire verser une goutte de sang. Les rebelles avaient envoj^é des ambassadeurs au Pape, et, de son côté, le Grand-Maître put se faire représenter auprès du Saint-Siège. Gasj^ard Yicenti, auditeur de rote, fut délégué à Malte pour faire une enquête, puis Romegas et La Cassière furent cités à comparaître à Rome. La Cassière fit une entrée presque triomphale dans la Ville Eternelle, à la tête d'une escorte de huit cents Chevaliers; la Cour pontificale, les suites des cardinaux, des princes, des ambassadeurs allèrent à sa ren- contre. Romegas ne pat même obtenir d'audience du Pape, avant d'avoir déposé la dignité qu'il avait usurpée; sa déception fut si grande, qu'il devînt malade de dépit et mom^ût au bout de quelques jours. Tous les Chevaliers firent leur soumission. Mais La Cassière survécut peu de temps à son triomphe. Il mourut en janvier 1581, à Rome, trois mois après ces événements. Sa dépouille fut transportée à

144 L^OEDEE DE ilALTE.

Malte, taudis que son coeur fut déposé dans l'Eglise-Saint- Louis, de Rome.

Grégoire XHI fit graver sur la pierre de son tombeau à B,om.e, cette insciiption: Fratri Joanni Episcojno,' niagno militiae liierosoJymiianae magistro. viro fortissimo, religiosissimo, splendidissimo. cujus ut igné aurum, sic calumniis spectata ac prohata integritas, etiam magis enituit, sacra sodalitas militum Merosolgmitanornm pjatnae ac principi optimo maerens posiiit. Vixit annos LXXVIII. ohiif Boniae XII Calend. Jamiarii MDLXXXI La plaque de marbre noir se trouve cette inscription est placée maintenant assez liaut dans un pilier du cloître voisin. Le corps du Grand-Maître fut renfermé, à Malte, dans un sarcopLage de marbre, posé sur deux lions coucbés et surmonté d'une tête de mort, sous un arceau à plein-ceintre décoré des insignes de la chevalerie. On y lit cette épitaphe : Fratri Joanni Levesque de la Cassière MerosoUmitani liospitalis magno magistro, viro religiosissimo, optimo, heneficentissimo, cui ad fastigium principatiis egregia multa adversus fîdei Iwstes édita facinora aditum stravere, quorum gloriam, postquam princeps est renunciatus, admirahiU in regendo prudentiae, justitiae et integritatis lande cumulavit. Humillimam civitatem valettam majori templo conventuali ex- structo, donatoque Xenodocliio, praetorio, et magnificentissimis aedihus, pro sua suorumque commoditate fahricatis, condeco- ravit. Demum oh civiles seditiones sedandas a Gregorio XIII Momam, se flagitanfe, accitii^, summoque honore Jiabitus, et in- nocens declarcdus, ibidem incredibili omnium bonorum maerore decessit XII Cal. Jan. MBLXXXI Cadaver a Fioma trans- vectum. Jioc in monumento, qitod vivens sibi coeterisque con- struxerit, conditum est . . . Le caveau de l'Eglise-Saint-Jean de la Cité-Valette ^), dont il s'agit ici. fut creusé au dessous du cboeur, sous le magistère La Cassière. C'est la chapelle souterraine, il fit transférer les restes et les tombeaux de ses prédécesseurs, ainsi que les reliques des grands- maîtres de E-hodes que l'on put retrottver. C'est ici le lieu

^) Aujourd'hui, la Chiesa maggiore.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 145

de parler de cette Eglise-des-Clievaliers ou Eglise-Saint- Jean : bâtie par ce grand-maître, à ses frais, elle est simple et sans coupole ; mais l'intérieur en est d'une grande ricliesse : on y est ébloui par le nombre des statues, des mausolées, des fresques et tableaux que l'art y a réunis à grands frais. Le pavé tout entier de l'église est formé de pierres sépulcrales des grand'croix, baillis et commandem-s, mosaïque unique en son genre, de marbres, de blasons les couleurs sont figurées par des pien-es précieuses. On admire dans les nefs, chacun dans la chapelle de sa Langue, les mausolées des grands-maîtres Cotoner, Pinto, Perellos, Zondodari, Vilhena et autres; ou bien on les trouve dans la chapelle souteiTaine. Le 9 septembre de chaque année, l'Ordre célébrait solennellement dans cette basilique et à Notre-Dame-de-la-Yictoire, l'anniversaire de la levée du siège de Malte par les Turcs.

Nous trouvons sous ce magistère les monnaies des mêmes types que sous le précédent : la gravure et la frappe sont de plus en plus finies. Pas de monnaies fiduciaires. La médaille de la Cassière que l'on possède, est en argent, de grand module, et a été frappée à l'occasion de son élection. A l'avers: ^ f . lo . levesqve de la cassiere mag. Hosp.H. Buste du grand-maître en manteau, tourné à droite; au revers: aetatis svae lxix; un ange issant d'une nuée, sonnant de la trompette qu'il tient de la main droite, tandis qu'il élève de la main gauche une couronne. Au bas, croix de l'Ordre entre deux branches de chêne. On a aussi une autre médaille, de moitié plus petite, pré- sentant son écusson écartelé, et, au revers, la croix de Malte. Il n'y a pas d'inscriptions.

XXXII. Frère Hugues de Loubenx Verdala. (1582—1595)

La mort du Grand-Maître, à Eome, fut l'occasion d'une dérogation aux Statuts de l'Ordre; le Pape exigea des Chevaliers qu'ils nommassent son successeur, sur une liste

SALLES: L'ORDRE DE MALTE. If)

j^46 L'ORDE-E DE MALTE.

de trois membres qu'il leur présenterait. Cette liste portait Yerdala, le descendant d'une des maisons les plus anciennes de la noblesse languedocienne, comte de Toulouse, le même qui avait sauvé l'étendard sacré, à la retraite de- Zoare, avec La Cassière ; puis Paincise, grand-prieur de Saint- Gilles, et enfin Cbabrillan, bailli de Manosque ; le Chapitre choisit Yerdala. Cette élection apaisa la colère de Henri III, roi de France, qui demandait satisfaction des insultes faites à La Cassière, et le Pape Grégoire XIII fit en outre lire en plein consistoire une sentence de son siège, qui réprouvait comme coupables et indignes les actes des rebelles contre le grand-maître défunt. Le nouveau digni- taire mit la paix à profit, pour agrandir les fortifications du Château de Gozzo et pour réunir un Chapitre général qui frappa les revenus des prieurés d'une taxe générale au profit du Trésor. Les Vénitiens renouvelèrent leurs chicanes : tantôt ils prétendaient que leur pavillon devait couvrir la marchandise turque, tantôt que les marchandises de prove- nance vénitienne pouvaient naviguer librement sous pavillon ennemi. Ils s'emparèrent même de deux galères maltaises, mais en échange ils se virent capturer un vaisseau par les Chevaliers.

Pour prévenir de nouvelles collisions entre l'Ordre et des Etats chrétiens, le Pape prescrivit aux Chevaliers de respecter tout bâtiment allant d'un port de la chrétienté dans le Levant et du Levant dans un port de la chrétienté avec des marchandises non prohibées ^). Le Souverain Pontife ajoutait que ces marchandises, bien qu'appartenant à des juifs ou à des mahométans, devaient être libres ainsi que les personnes. Cette défense donna lieu à une ambassade, envoyée à Rome pour en obtenir la révocation, et il est curieux de lire les instructions très-explicites qui lui furent données ^). De tous les arguments invoqués dans ces in-

^) V. Miége, Histoire de Malte. ^) Les Envoyés étaient chargés de représenter: 1^ Que selon son institution approuvée par le Saint-Sii^gH et les princes chrétiens, la Religion faisait une juste guerre aux Infidèles ;

LES CHEVALIERS DE MALTE. ]47

structions, il n'}^ en a. pas nn seul qui ne soit juste et fondé. L'application exacte de l'ordonnance du Saint-Siège eût tué l'Ordre des Chevaliers de Malte. La lutte maritime n'était pas seulement la revanche de leur passé, elle était la condition essentielle aussi bien que la donnée de leur existence.

La Saint-Siège rendit, en 1581, un autre décret qui interdisait aux membres de l'Ordre l'évêché de Malte, c'était une réserve d'influence et le prieuré de l'église primatiale de Saint- Jean, c'était une réserve plus grave, car le prieur de l'Eglise avait en particulier la présidence de droit du Chapitre ou conclave électoral, à la mort des grands-maîtres, et la direction des affaires

2^ Que, ne pouvant pas la leur faire par terre, elle la leur faisait par mer, parce qu'elle n'avait que ce moyen de se dédommager des pertes que les Mahométans lui avaient fait éprouver en la chassant de Syrie, de Rhodes et de toutes les villes, forteresses, terres et îles qu'elle possédait dans le Levant;

3" Que par conséquent il lui était permis de saccager, dépréder et occuper les personnes et les biens des Infidèles, quelque manière et en quelque lieu que ce fût, pour se dédommager en tout ou en partie, bien que ces personnes et ces propriétés se trouvassent sur bâtiments chrétiens, et cela, selon la loi maritime faite d'un commun consentement par les Chrétiens, admise et observée dans toutes les terres et provinces l'on navigue;

4^ Que, depuis sa fondation, l'Ordre avait toujours été en posses- sion de parcourir toutes les mers des Chrétiens et des Infidèles, favorisant les uns et poursuivant les autres; que le Saint-Siège et les princes chrétiens dont il dépend n'avaient jamais prétendu le contraire, et que, si quelque répubhque en avait ressenti un dommage particulier, il en était résulté un avantage pour l'universahté de la Chrétienté ;

b" Qu'en laissant le commerce fibre, comme Sa Sainteté l'ordon- nait, il serait désormais impossible aux galères de l'Ordre de faire aucune prise aux Infidèles, attendu qu'il leur serait facile de faire apparaître avec des papiers simulés, qu'ils vont et viennent en Chrétienté, tandis que ceux qui vont d'un port turc à un port turc, comme d'Alexandrie à Constantinople, sont toujours escortés d'une escadre de galères supérieure à celle de la Religion.

6" Que, ne faisant plus de prises, l'Ordre serait obUgé de désarmer ses galères, et que les corsaires en prendraient de l'audace, et infeste-

10*

148 L'ORDRE DE MALTE.

religieuses ^). D'un autre côté, l'esprit de sédition n'avait pas encore complètement disparu: en 1587, Verdala dut même se rendre à Rome, ponr réclamer l'intervention du Saint-Siège. Il faut noter parmi les faits qui nous sont connus, qne le Maréchal de l'Ordre avait, de sa propre autorité, fait sortir de prison un serviteur accusé de vol ; que le prieur de France en avait appelé aux tribunaux civils des décrets promulgués dans le dernier Cliapitre général. Le port des pistolets et des stylets fut défendu par une ordonnance de 1586, ce qui prouve que les rixes et les attaques à main armée étaient devenues fréquentes.

Sixte- Quint nomma Fr, Yerdala cardinal, et le Grand- Maître revint à Malte. L'année suivante fut marquée par la capture de nombreux vaisseaux musulmans, qui furent amenés dans le port. Mais le Pape et le Roi de France continuaient à disposer, chacun chez soi, des grandes di- gnités de l'Ordre; la peste ravagea l'île en 1592, et, à peine la peste était-elle finie, que de nouvelles révoltes contre le magistère furent à l'ordre du jour. Fatigué de cet état de choses, Yerdala partit de nouveau pour Rome, il mourut peu de temps après son arrivée, en mai 1795, à

raient les mers et les côtes des puissances chrétiennes, pour lesquelles il en résulterait un dommage considérable, ainsi que pour l'île de Malte.

7^ Que, l'Ordre n'entretenant plus de galères, les Chevaliers ne pourraient plus s'exercer dans l'art de la navigation, et que la Chrétienté y perdrait ces valeureux commandants qui, sortis de l'école de la Religion, avaient rendu de si grands services.

8" Qu'en continuant à parcourir rArcliipel avec ses galères, l'Ordre entravait le commerce du Turc et l'obhgeait à entretenir continuellement, pour la garde de ses côtes, soixante à soixante-dix galères, qui autrement seraient employées contre les Chrétiens.

9^ Que les courses des galères de la Religion avaient pour résultat de procurer des avis certains sur les desseins et les mouve- ments des Barbares; de libérer chaque année de l'esclavage un grand nombre de chrétiens; d'extirper la piraterie chez les Infidèles; de causer une infinité de grands dommages à l'ennemi commun, et de rendre une infinité d'autres services à la Chrétienté.

^) V. Appendice.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 149

l'âge de 74 ans, après avoir laissé à l'Ordre par son dés- appropriement, une fortune de 500.000 écus.

Il a bien mérité de l'Ordre, par les soins qu'il a appor- tés à l'administration de la fortune de la communauté, et aux recherches et travaux historiques. C'est sous son règne que le chevalier Fr. Mondinelli publia les Statuta Hospi- talis Hierusalem, et le chevalier Fr. Jacques Bosio son Histoire de V Ordre sacré de Saint- Jean-de- Jérusalem en langue italienne, qui fut imprimée à Rome et dont la propriété littéraire fut garantie pour dix ans, par un Bref de Clément YIII qui prononçait l'excommunication contre les contrefacteurs hors des Etats de l'Eglise, et, dans ces états, une amende de mille ducats contre les coupables ^).

Loubenx Verdala fit bâtir le palais du Bosquet (Boschetto) et institua à Malte les monastères de Sainte-Ursule (Hos- pitalières de Saint-Jean) et des Capucins.

Voici l'épitaphe de son rxiausolée, à Malte, il est représenté couché, en longue robe et manteau, mître en tête, l'épée le long du corps, les mains croisées sur le rosaire, sur un sarcophage orné des armes écartelées, sommées du chapeau et de la couronne, et appuyé sur deux chiens héraldiques: D. 0. M. Ulustrissimo domino fratri hugoni de Loubenx Verdalae cardinali amplissimo hierosolymitanaeque militiae, cui annos tredecim., menses très, dies vero viginti et unum honorificè praeftiit, dignissimo magno magistro, principi

^) Ce magnifique ouvrage est en deux volumes in-folio. Le premier porte les armes de Loubenx -Verdala, auquel il est dédié, écartelées avec celles de l'Ordre et sommées du chapeau de cardinal; le second est dédié à Alofe de Wignacourt et porte les armes de ce grand-maître, écartelées de même et surmontées d'une couronne ducale. La Bibliothèque Impériale de Vienne possède un très-bel exemplaire de cette Historia. L'Histoire de V Ordre par l'Abbé de Vertot n'en est presque que la traduction élégante, en style du XVIP siècle. Ce qui manque chez ces auteurs, c'est la critique histo- rique. La Dissertation sur les Statuts et termes techniques, de Vertot^ est très instructive; le Eapport du commandeur de Bourbon reproduit par lui est très précieux. L'oeuvre de Vertot forme quatre beaux volumes in quarto, avec cartes, plans, portraits plus ou moins authen- tiques des grands-maîtres (Nous parlons de l'édition luxe).

j^50 L'ORDEE DE ilALTE.

invictissimo, jjrudentissimo, harbaris Jiostibics tremebundo, catJio- licae religionis studiosissimo, in adversis forti, inprosperis circum- specto, moderato, provido^ sexagesimo qiiatro aetatis suae anno vita functo, universa religio maerens hoc supremum pietatis offiicium ultro libensque reddidit. Obi if IV non. maiij an. dom. MBXCV. Nous citerons parmi ses mounaies : les sequins du modèle vénitieu, avec les devises: da mihi yirtvtex contra HOSTES Tvos : les taris avec l'écu écartelé, surmonté de la couronne, plus tard, de la couronne et du drapeau de car- dinal par dessus, et avec la tête de Saint-Jean dans un bassin avec ou sans pied, au revers ; les monnaies fidu- ciaires, dont une porte, au revers, au dessus de deux mains enlacées, une tête de Saint-Jean, et, au dessus, un écusson de Verdala avec la marque T 4 ; les carlins fiduciaires, avec la figure du soleil surmonté d'une croix, au dessus des mains entrelacées, et le millésime 1591. Il existe de son magistère de belles médailles : Une petite médaille d'or, avec les armes écartelées et surmontées d'une couronne de perles, et la légende : f .h.de lovbexx verdal. M. M. H. H., à l'avers et au revers, avec la croix de l'Ordrt: ayant entre ses branclies les lettres hdlv; Un^ gr an _e jnéd aille de bronze, avec le buste du Grand-Maîtr. en manteau à capucbe, ayant la croix sui' la poitrine tournt à droite, et la légende: p. vgo.de lovbexx verdal^ u . M . PRix.iiEL.E.G., à l'avers, et, au revers. Neptune, \- trident à la main, traîné sur les flots dans une conqivr attelée d'un quadrige de clievaux marins, derrière lui, lesprour des vaisseaux de l'Ordre, à gauche les vents qu'il chasse, t dessus, le soleil, puis la légende : )^ collectasq. ^ ftg-at ^; xvBEs )^ soLEMQ )^ REDVGiT ; Deux autres médailles (\^ grand module, en bronze, avec le buste à droite, et, au revers, l'écusson écartelé surmonté de la couronne de per- les, avec le millésime de 1586 sur toutes deux, et, sur la première, la légende : gemixati germixabimvs td -. mart : , sur la seconde, la légende: gratia dei vniti gemtstamvr; Une petite médaille d'argent, avec l'écusson écartelé, à l'avers, et, au revers, la croix de Malte.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 151

XXXIII. Feère Martln Garzes, (1596—1601)

successeur de Verdala, était de la Langue d'Aragon, châte- lain d'Emposte. C'était un homme de moeurs douces et bienveillantes. Il s'appliqua à écarter toutes les causes de conflits intérieurs et parvint, grâce à son caractère con- ciliant, à rétablir la bonne harmonie dans l'Ordre. Les Chevaliers et le peuple jouirent d'une grande tranquillité sous son magistère. Le fait le plus saillant de son règne, c'est la décision prise en Conseil, que tout Chevalier qui servirait, en Hongrie, dans la guerre contre les Turcs, serait considéré comme ayant servi pendant le même temps sous la bannière de l'Ordre et jouirait des mêmes privi- lèges. On résolut aussi d'admettre dans l'Ordre, tout Suisse qui prouverait sa descendance légitime du côté par- ternel et du côté maternel, pendant trois générations con- sécutives, et qui démontrerait que ses aïeux n'avaient exercé d'autre profession que celle des armes. Le Grand- Maître fit élever de nouvelles fortifications dans l'île de Gozzo, et, lorsqu'une partie de ces fortifications tombèrent en ruines, il y a quelques années, on y trouva des mé- dailles et des pièces qui y avaient été sans doute déposées, lors de la pose des fondations. Quelques unes portent la date de 1600. Il mourut, en février 1601. Son mausolée, orné de ses armes et de son buste, offre l'inscription ci- après : D. 0. M. Fratri Martino Gardes, sacra hospit. hierusal. repuh. domi forisque pacis et helli artihus aptis sexennio féli- citer gesta inclyto, VII id. fehr. MB CL aetat. LXXV, vita functo, Fr. Vincentius Fardeîla pos. Les monnaies d'or sont toujours du type vénitien; les pièces d'argent, du type ordinaire (armes écartelées, tête de Saint Jean) avec double M (Magnus Magister) dans la légende; des pièces de cuivre portent, comme innovation, au revers, les mots : VTCOMMODivs; dcs piccioli, le N*' 3.

152 L'ORDRE DE MALTE.

XXXIV. Frère Alope de Wignacourt,

(1601—1622)

de la Langue de France, était entré dans l'Ordre à l'âge de 17 ans: sa prudence et sa valeur lui avaient fait donner, à 21 ans, le poste de Lieutenant du gouverneur de la Cité-Valette. A la mort de Garzes, il était grand-hospi- talier et ne dut son élection qu'à ses propres mérites. Son prédécesseur avait gagné l'amour des Chevaliers et du peuple par son esprit de conciliation et d'équité, et avait réorganisé et ravivé l'Ordre, par les mesures qu'il avait prises pour y entretenir l'esprit militant, en continuant la course contre les corsaires mahométans ; Wignacourt s'adonna, lui aussi, à cette double politique et il lui fut supérieur comme administrateur, comme homme de guerre, comme génie réorganisateur. C'était un Maître sévère, en- durci à l'école du travail et fait à toutes les fatigues du corps ; son esprit s'était trempé dans les luttes qui avaient divisé l'Ordre. Il avait foi en lui-même, ce qui est une condition essentielle pour assurer l'accomplissement des devoirs dont on est chargé. Il sut relever et affranchir la dignité de grand-maître, en faisant notifier par Envoyés aux cours chrétiennes son entrée au pouvoir; en usant le premier dans les rescrits publics, de son titre de Grand- Maître; en excluant de la circulation toute pièce nouvelle qui ne porterait pas l'écusson de ses armes ; il imposa à ses subordonnés par l'exemple de ses moeurs pures, et ne cessa de rappeler à ses chevaliers l'héroïque dévouement et l'esprit chrétien d'obéissance de leurs glorieux devan- ciers. L'Ordre allait bientôt du reste reprendre énergique- ment sa mission d'Ordre militant et maritime : "Wignacourt porta la guerre chez les Infidèles, dès l'année qui suivit son élection. Les galères de Malte s'emparèrent de Maho- mette (1602) ^) et firent la chasse aux pirates sur tous les points de la Méditerranée. Les Chevaliers saccagèrent

1) Ville et port de la côte d'Afrique.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 153

Lépante et Patras (1604), puis ils prirent une des dépen- dances de Rhodes, Lango (1611), surprirent Lajazzo et en rasèrent les fortifications et emportèrent d'assaut Corintlie, perdue par les Vénitiens en 1459, ils firent un grand butin. Les galères rapides et insaisissables de Malte re- devinrent la terreur des pirates et des Infidèles, d'une ex- trémité à l'autre du bassin méditerranéen, sous la conduite des moines-chevaliers. Le sultan Aclimet P^ (1603 1617) jura de se venger de ces entreprises: en 1615, une flotte de soixante vaisseaux turcs, ayant à bord 5000 hommes environ, sans compter leurs équipages, tenta un débarque- ment dans l'île de Malte. Mais les côtes étaient très-bien défendues par les ouvrages élevés à la Baie- Saint-Paul, à Marsa-Scala, à Marsa-Scirocco, dans l'ile de Comino ; les canons énormes, enlevés aux Turcs, armaient ces ouvrages; le système de fortifications était si bien combiné pour rendre une descente impossible, que les Turcs échouèrent dans leur tentative.

Le plus grand titre de gloire de Wignacourt, c'est la construction d'un aqueduc (1610 -1615), d'une longueur de 7466 cannes (15.649 m.), amenant l'eau d'une source qui existait à Dia Chaudul, au N. de La Notable, jusqu'à la Cité-Valette et au palais du Grand-Maître, On com- prendra l'importance de cet ouvrage, digne des Romains, si l'on se souvient de la pénurie d'eau à Malte et des désastres qui en résultèrent. Cet aqueduc est élégamment et solidement bâti. Le dicton du temps caractérise bien l'importance de l'oeuvre. »La Valette, disait-on, a donné à la ville un corps; mais Wignacourt lui a donné une âme«. La construction coûta 154.864 écus maltais; mais le nom de Wignacourt est vivace aujourd'hui encore dans le coeur des habitants, et l'inscription placée sur une colonne près de l'aqueduc est un souvenir de gloire pour ce grand- maître et pour l'Ordre tout entier. Elle est ainsi conçue: Fratri Alophio de Wignacourt, magno magistro, valletam urhem et arcem dulcissimis aquis vivificanti aeterna salus!« Il fut apporté aussi de nouveaux perfectionnements au système

154 L'ORDRE DE MALTE.

de défense, afin de mettre les fortifications à la hauteur des progrès de la science militaire. L'Ordre avait reconquis sa haute influence, et l'île était florissante. En cinquante années à peine, la population avait crû de 10.000 à 52.000 âmes: c'était peut-être proportionnellement à sa superficie, le pays le plus peuplé de la terre.

Mais cependant cette gloire et cette prospérité allaient être traversées par de nouvelles dissensions intestines, sus- citées surtout par les prétentions de l'Inquisiteur et de l'Evêque de Malte qui cherchaient à s'emparer des attri- butions souveraines du Grand-Maître. Des expéditions contre les Turcs firent une diversion utile. Les troupes de l'Ordre assaillirent avec succès, en 1620, Castel-Tornese, le prin- cipal magasin de la Morée; mais elles durent se retirer sur leurs galères, pour éviter de voir couper leurs commu- nications par un corps de 4000 hommes qui marchait au secours de la ville; elles se rembarquèrent du reste en si bon ordre qu'elles ne perdirent pas un seul homme dans cette entreprise. Il y eut aussi une descente sur les côtes de Barbarie, et une tentative sur Suse, qui n'aboutit à aucun résultat.

Fr. Wignacourt mourut, à l'âge de 75 ans, le 14 septem- bre 1622, après 22 années de magistère, laissant une marine florissante et bien munie. Il avait reçu des empereurs romains le titre de Prince Sérénissime, et ce titre lui avait été confirmé par le pape Clément YIII ^). Son dés-

^) Les actes établissent que dès le XV siècle on disait: Mon- seigneur le Maître, et même: Très-révérend et très-illustre Seigneur, Mon- seigneur le Grand-Maître de Bhodes, Frère ... (V. entre autres Rapport du Commandeur de JBourhon^ du 1" octobre 1527.)

Les emperevirs Rodolphe II, par Lettre patente du 20 mars 1607, et Ferdinand II, par Lettre Patente du 16 juillet 1620, conférè- rent et confirmèrent aux grands-maîtres le titre de princes du Saint Empire {Arcli. de VEtat, à Vienne, Registre du S'-Empive). Cet exemple fat suivi par le pape Urbain VIII, qui leur donna, par bulle du 10 juin 1630, le même titre qu'aux cardinaux et aux trois Electeurs ecclésiastiques de l'Empire, celui d'Eminence. Nous devons cependant constater que, dans une lettre datée de Vienne, le 9 septembre 1622,

LES CHEVALIERS DE MALTE. 155

appropriement ') euricliit l'Ordre de 204.607 écris, de 200 esclaves et d'une réserve de 4000 salmes de blé.

Son mausolée nous montre son buste, dans un médaillon très-orné et surmonté de ses armes, écartelées avec celles de l'Ordre, et une longue épitaphe: Deo. Opt. Max. Fr. Alojjhium de Wignacourt francia nobilem genuit, tuendae fidei studium, sacrae liyerosolymitanae militiae devotio, iïlibata casti- tas, pietas in Deiim perpétua, nullis in sacris defati^ata religio, magnanimitas injuriarum condonatrix, imiocens dolique ignara prohitas, reliquusque virtutum senatus, magnum liospitalis S. Joannis Jderosolymifani magistrum miUtiaeque principem dixerunt. Hlius prudentiam conservata vexilli in regio classe praerogativa^ sanctissimi sepulchri praefeciura sibi posterisque adjimcta ^), in memoria totkis ordinis posuere sempiterna. lllius armis semper victricihus gemina Lepante et Patrassi casteUa uno impetu expugnata, direpta MeJiemeUa (Africa), depopiulatae Tornesii arces, capta sine numéro harharum navigia^ repulsae classium incursiones, toti orienti suasere formidandum. lllius munificentia cincfa turrihus melita, Valetta munita propugna- culis, sitientes terra marique populi perennibus aquae fontilms

l'empereur Ferdinand II ne donne à ce grand-maître que le titre de Révérend (Pauli, C. d. di M , II, p. 276), tandis que dans rme autre lettre de juillet 1623, ce même empereur appelle son successeur: »Très Révérend et très-illustre prince, dévoué, sincère, à nous cher* (Pauli, C. d. di M. II, p. 281). Cela prouverait, en combinant ces données avec l'inscription de son mausolée qu'on lira plus loin, que l'acceptation publique du titre de prince ne serait que de peu de jours avant la mort de "Wignacourt. On remarquera que l'épitaplie de Fr. Antoine de Paula (1636) renferme ces titres; Principi gratissimo, splendissimo, et que celle de Fr. Mendez Vasconcellos (1623) parle seule- ment du pi-mcipatus du Grand-Maître. Quant au grand-prieur d'Alle- magne, il reçut par diplôme du 8 février 1546, le titre et le rang de prince de Heitersbeim pour lui et ses successeurs (Il eut le 29'^ rang à la Diète, parmi les princes ecclésiastiques).

^) Abandon à l'Ordre, avant la mort, en vertu du voeu de pauvreté.

-) Ce membre de phrase est d'une haute signification : il note un fait qui a été négligé par les historiens et qui confirme le titre de Chevaliers du Saint- Sépulcre des Hospitahers; le sens du passage est en effet celui-ci: »Le gouvernement du Saint- Sejndcre fat acquis à lui et à ses successeurs. «

156 L'ORDRE DE MALTE.

2Jotatij occidenti reddidere carissinmm. Invisere henevoJi reges, infidèles coïuere, in Jegatis honore insolito omnes christiani principes. Imperator Ferdinandus, suffragantibus mcritis, suc- clamante orhe universo. titulum serenissimi principis augendwn decrevit ^). Sed heu! reguni delitias, equitum splendorem, terrorem hariarorum, virtutum domicilium, aguae demum guttula de medio sustulit, iisdem aquae laticibus, quos per Meïitam large effudit vice lacrymariim, perermiter lugendum. Faïleris!

Ac post annos sexaginta sub humili crucis jugo religio- sissime transactos ires supra viginti, crucis honoribus terra marique propagatis, in supremo magistratu laboriosissime con- sumptos, ipso die sanctae crucis exaltatione sacro, ad aeternos ejusdem crucis honores, et praemia a munificentissimo crucis studiosorum reniuneratore evocatus est, anno salufis MDCXII. aetat . LXXV.

Vivet in'memoria posterorum, in regum annalibus, in ampli- ficata successorum dignitate ^), in exornata praeclaris aedificiis Valetta, in propagato uMque aerario, sacrae crucis hierosoly- mitanae nomen et honor.

Le portrait de ce grand-maître est à Paris, au Musée du Louvre: ce prince y est représenté tête nue, armé de pied en cap, tenant le bâton de commandement semé de croix d'or, et accompagné d'un page qui porte son casque. Le tableau est de Michel- Ange de Caravage: il doit avoir été peint par celui-ci fM-A. AmerigM), pendant le séjoiu- qu'il fit à Malte, en 1608 ou 1609, pour se faire recevoir Servant d'armes de l'Ordre.

Les monnaies sont conformes aux types connus; on remarque sur une pièce, entre les brancbes de la croix de Malte, la date de 1609; on a des pièces fiduciaires de 1619

^) A défaut d'autres preuves, cette phrase mettrait hors de doute la collation du titre de prince sérénissime à Wignacourt, pour lui et ses successeurs, par le chef du Saint-Empire-Eomain.

- 1 Ce passage se rapporte à la même collation du titre de prince du Saint-Empire; il est certain que ce titre peut être considéré, au point de vue féodal, comme un accroissement de dignité pour les grands-maîtres.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 157

et d'autres avec le : vt commodivs. Toutes les monnaies, à l'exception des sequins d'or du modèle connu, portent les armes écartelées ou simples du Grand-Maître. On possède trois belles médailles de "Wignacourt: la première est d'argent, et porte, à l'avers, le buste du grand-maître tourné à droite, avec la légende: f. aloeivs de wignacovrt, au revers, l'écusson orné, écartelé et surmonté d'une couronne, et la date de 1607, avec la légende: )J( m. magistee, hospi- talis klervsalem; la deuxième est la même sans millésime, et avec la figure du grand-maître vue de trois quarts, regardant en droiture; la troisième est de bronze; au dessus de la couronne sont les initiales: d . o . m ., comme légende, au revers, on lit: ^ principivm et finem habi svmmo a deo. Le buste plus jeune est plus dégagé. Ces médailles se rapportent nécessairement aux faits les plus mémorables du règne de Wignacourt.

XXXV. Frère Ludovic de Vasconcellos (1622—1623)

ne survécut que six mois à son élection au magistère. Il était de la Langue de Castille et Portugal, et bailli d'Acre. Ses grandes qualités d'homme d'état s'étaient montrées dans plusieurs ambassades; sa bravoure était connue: il avait pris part, comme volontaire, à la dernière expédition contre Suse; mais il mourut dès le 7 mars 1623. C'était une fâcheuse coutume de nommer des Chevaliers déjà si âgés à la dignité suprême, car c'était créer des vacances fréquentes, et cela était préjudiciable à l'unité de direction dans les affaires de la communauté. Vasconcellos avait quatre-vingts ans, lorsqu'il fut élu: il n'avait donc plus, malgré sa haute expérience et l'autorité de son âge, la vigueur nécessaire par gouverner avec l'énergie voulue dans une heure difficile, si une telle occurence se rencon- trait,* et pour défendre les prérogatives de l'Ordre ou pour mener à bien l'exécution des mesures nécessaires au main- tien de l'intégrité du corps tout entier. Son mausolée est

158 L'ORDRE DE MALTE.

orné, surmonté de Técu aux armes écartelées et sommé de la couronne; il nous offre, comme le précédent, le buste du Grand-Maître, tête nue et arm.é. En voici l'inscription: D. 0. M. Fr. Ludovicus 3Iendes de VasconceJlos, qui per sin- gulos pacis ieUiqiie gradus ad summum magisterii cuïmen virtute duce condescerat, in sexto vix principatus mense fato bonis infausto praeripitur, ciincfis optahis, nulli non ïacrymatus, Me conditur nonis martii M . D . CXXIII. On ne connaît de ce grand-maître que des pièces d'argent du type courant: on n'a de lui ni monnaies d'or, ni monnaies fiduciaires, ni médailles.

XXXVI. Frère Antoeste de Paula,

(1623—1636)

grand-prieur de Saint-Gilles, fut élu à l'âge de 71 ans, sur le voeu exprimé par Vasconcellos, à son lit de mort, malgré les calomnies répandues contre lui par le parti qui lui était hostile. Il sut prouver que sa vie était à l'abri du blâme. Il se hâta, aussitôt après son intronisation, d'envoyer des Ambassadeurs au pape Urbain VIII et aux cours d'Europe, pom' protester contre les nominations qui se faisaient dans l'Ordre, au mépris des droits et prérogatives du Grand- Maître et du Chapitre. On dit que ses protestations eurent peu de succès: une des conséquences de ces nominations par voie irrégulière fut, que des commandeurs et même de simples chevahers refusèrent de répondre aux convocations du Grand-Maître ou de faire leurs caravanes, comme leurs voeux les y obligeaient. Paula résista, autant qu'il était en son pouvoir, contre ces abus qui privaient l'Ordre d'un de ses grands moyens d'action, la nomination aux commanderies et offices, en récompense de services rendus, et menaçaient même la constitution organique de l'Ordre, en relâchant les liens de la discipline et de l'obéissance. Pour faire diversion à ces préoccupations qui troublaient la paix intérieure, Fr. de Paula fit armer en course une sixième galère, donna au Chevalier Yaldi le commandement de la flotte et lui ordonna de purger la mer des pirates, qui

LES CHEVALIERS DE MALTE. 159

recommençaient leurs ravages. Valcli remporta plusieurs victoires sur les corsaires, auxquels il reprit 400 esclaves cliré- tiens; mais Venise, l'éternelle envieuse de toute gloire, chez elle et au dehors, fut irritée de ces succès : elle chercha querelle aux Chevaliers, en revendiquant comme faite dans ]es mers de sa dépendance, la prise de quatre vaisseaux africains chargés d'esclaves, dans les eaux de Zante (1634). Le conflit n'eut pas de suites. L'Ordre éprouva quelques pertes. Un assaut sur Sainte- Maure échoua ^j; deux galères furent perdues, beaucoup de Chevaliers et de soldats chrétiens furent tués ou menés en captivité. Il y eut cependant à ces pertes une compensation: ce fut la révolte des esclaves chrétiens, sur la galère du Bey de Famagouste, dans les eaux de Chj^pre; ils s'emparèrent de la galère et l'amenèrent dans le "port de Malte.

Les dernières années du règne de Fr. de Paula furent attristées par des événements fâcheux pour l'Ordre. Les chrétiens latins perdirent le droit de garde du Saint-Sépulcre et les Chevaliers étaient tout particulièrement atteints, dans leur nouvelle mission à Jérusalem (depuis le magi- stère de Fr. Alofe de AVignacourt). Ce résultat était le fruit des intrigues et des moyens de corruption mis en oeuvre par les grecs schismatiques. Le Grand-Maître voulait leur déclarer la guerre, mais le Chapitre n'approuva pas l'entre- prise. Il se passa enfin un fait d'une haute gravité. C'était une règle de l'Ordre de convoquer tous les cinq ans un Chapitre général, afin de revoir les Statuts et de les modi- fier selon les circonstances. Urbain VIII insista pour que l'Inquisiteur, qui n'appartenait à l'Ordre à aucun titre, présidât le Chapitre général de 1631, sans y avoir voix délibérative, mais avec droit de prorogation et de dissolu- tion. Quel coup n'était-ce pas 23orter à l'indépendance de l'Ordre, que de placer ainsi sous la surveillance d'un tiers, sans qualité à cet effet, les délibérations relatives à son administration intérieure et à sa discipline ! Le Grand-Maître

^) Forteresse et port de l'île du même nom, ou Leucade (Mer loniennej.

160 L'ORDRE DE MALTE.

n'avait plus assez d'énergie pour résister à cette mesure: il eut même la faiblesse d'éloigner de la Résidence tous les jeunes Chevaliers qui se seraient opposés à cette concession. Mais ce fut le dernier Chapitre général, tenu à la Cité-Valette, et les Statuts qu'on y établit et dont la rédaction fut con- fiée au prieur Imbrolt, ont réglé et règlent encore quelque point de dispute que ce soit ^). Nous mentionnerons encore sous le magistère de Paula, le recensement de Malte, de. Comino et de Gozzo, qui établit que la population avait bien augmenté: il s'y trouvait, sans compter les Chevaliers et les ecclésiastiques, 51.750 habitants; puis les ordonnances relatives à la mise en circulation de 2000 écus de monnaie de cuivre neuve, en date du 6 août 1628, celles relatives au pesage des pièces au-dessus d'un écu, pour parer à la fraude qui consistait à les limer, en date du 7 août 1631, celles relatives à l'ouverture d'une enquête sur la monnaie fausse de 8 réaux, en date du 18 avril 1636. Parmi les ouvrages construits par ses ordres, on remarque la ligne fortifiée qui ferme la presqu'île de La Valette, du côté de la terre, l'église et le couvent de Sainte-Thérèse, à Burmola, le Casai-Neuf, auquel il a donné son nom.

Il mourut le 10 juin 1636, -après une maladie de trois mois. Son mausolée et ceux des grands-maîtres suivants reproduisent le médaillon et les armes ; son épitaphe retrace brièvement sa vie: Fratri Antonio de Pauïa, magno militiae Merosolymitanae magistro, principi gratissimo^ gui oh egregias animi dotes vivens^ in omnibus sui amorem, extinctus desiderium excitavit^ pacem mirificè coluit et affluentiam. Ordinis vires, opes addidit, auxit. Ampliori munir e vallo urhem aggressus, cùm annum ageret Magisterii decimum quartum, aetatis supra octo- gesimum, diuturno cum morbo constanter conflictus, semper se ipso major, piissimè ac religiosissimè quievit in Domino, septimo id. Junii anno Sal. MDCXXXVI.

Nous ne relevons rien de particulier dans les monnaies; nous trouvons cependant deux pièces fiduciaires de 1629,

^) V. Vertot, Histoire de l'Ordre (Documents).

LES CHEVALIERS DE MALTE. 161

avec les chiffres X et V, à l'éciisson écartelé, aux mains entrelacées, et à la devise: non ^s sed fides; les emblèmes et les légendes sont les mêmes. Mais on connaît deux belles médailles de ce grand-maître: Une médaille d'argent, 40 m. m. Avers: f . antonivs . de . paula . m . m . h . h ., Buste du Grand-Maître, armé, regardant à gancbe, de trois quarts; au dessous, la date de MDCXXXVI: Revers z FAVSTis OMiNiBVs; Saint- Jean avec l'étendard et Saint Paul avec l'épée, sur un fond d'écueils; Une médaille sans revers: ^ antonivs de pavla . m.m.hos .hie .epe; Buste à droite avec cuirasse, croix sur la poitrine et collier; Une médaille de bronze, 62 m. m. Avers: f . antonivs . de.

PAULA . M . M . HOSP . ET . S . SEPVLCHR . HIERV . Buste à gaUChe

avec la croix et le collier. Revers: leavlte passe tovt, écus- son écartelé, surm^onté de la couronne (cette médaille por- tant le titre de l'Ordre de l'Hospital et du Saint- Sépulcre doit être une protestation).

XXXVII. Frère Jean Paul Lascaris, (1636-1657)

bailli de Manosque, était de l'antique maison des Empereurs de Constantinople. Il avait 70 ans et faisait partie de l'Ordre depuis un demi- siècle, lorsqu'il fut élu au magistère. Il se préoccupa tout d'abord de perfectionner encore le système de défense de l'île, d'augmenter les approvisionnements des arsenaux et des magasins de subsistances. Il émit, pour subvenir aux dépenses, une grande quantité de monnaies fiduciaires. On a un nombre considérable de pièces de 4, de 2, de 1 tari, en cuivre, de Lascaris. Les travaux des fortifications furent dirigés par Florian, un des plus habiles ingénieurs de cette époque. La Cité-Valette, avec ses annexes, ses forts avancés, ses ouvrages et ses lignes de remparts; l'île tout entière avec ses forts et ses bastions détachés, mais reliés entre eux, était devenue une citadelle inexpugnable qui pouvait braver toute entreprise des Infi- dèles. L'ingénieur reçut en récompense le titre de Chevalier

SALI-ES ; 1,'OUDRE DE MALTE.

162 L'ORDRE DE MALTE.

de Grâce, qui était alors très-difficile à obtenir. L'Ordre, grâce à lui, était en état de jouer de nouveau son rôle glorieux, dans le drame des luttes de la civilisation contre la barbarie, du monde cbrétien contre le monde musulman, dans les eaux de la Méditerranée. En ces temps-là, pas plus qu'aujourd'hui, l'Orient resplendissant n'était, quoi qu'en ait dit un récent voyageur, le foyer de lumière du monde ; car alors, comme aujourd'hui, lorsqu'on cherchait l'intelli- gence, le sentiment, la vertu, c'était vers l'Occident qu'il fallait se tourner; alors, comme aujourd'hui, il n'y avait pas d'actes inspirés par le fanatisme musulman, ou par l'ambi- tion de quelque conquérant avide, qui fussent à la hauteur des actions héroïques des moines-chevaliers, combattant avec Dieu et sous le signe sacré de la Croix. L'Ordre se voua donc de nouveau à l'accomplissement de sa mission, et rien ne lui fit oublier alors quel était le but même de sa fondation, quelle était la condition primordiale de son existence.

Qu'importait donc par exemple que le Grouverneur de la Sicile, pour venger l'Espagne, de ce que des Chevaliers avaient pris part contre elle à la guerre de Trente Ans (1618 1648), refusât tout d'abord de laisser exporter des grains sur les vaisseaux de l'Ordre, et fît même canonner ces vaisseaux? L'indignation générale de l'Europe força le gouverneur à désavouer ses subordonnés et à s'empresser de fournir à Malte tout le grain nécessaire. Qu'importaient même quelques dissensions intestines ? Cela ne dura pas longtemps, et, en 1639, les agitateurs furent forcés de quitter l'île. L'Ordre s'empara, en 1638, de vingt navires marchands turcs, escortés de trois vaisseaux ; ceux-ci furent pris aussi bien que les navires marchands. Charolt com- mandait les galères de Malte. La flotte des Chevaliers captura, en 1640, dans le port de Tunis, six vaisseaux des corsaires; elle conduisit à Malte, en 1644, une caravane qui s'était embarquée pour Constantinople, sous la protection de trois bâtiments de guerre. Le sultan ottoman, Ibrahim, souverain d'Egypte, irrité par la prise d'une cargaison très-

LES CHEVALIERS DE MALTE. 1Ç3

riche destinée au Caire et de personnages turcs qui tom- bèrent à cette occasion entre les mains des Chevaliers, envoya au Grand-Maître un héraut lui déclarer la guerre. Toutes les mesures nécessaires étaient depuis longtemps prises pour soutenir un siège ; les Chevaliers arrivèrent à Malte, en grand nombre, pour répondre à l'appel de leur chef et faire noblement leur devoir ^). Le vicomte d'Arpajon, riche seigneur français, y conduisit 2000 hommes équipés à ses propres frais. Il sacrifia ainsi à la cause une grande partie de sa fortune. On le nomma Capitaine général et on lui conféra en récompense, pour lui et ses descendants par ordre de primogéniture, le droit de porter la grand'croix d'or de l'Ordre de Saint- Jean. Malte ne fut point attaquée : l'ennemi tourna ses armes contre l'île de Candie, et les Chevaliers accoururent pour la défendre. C'est que le chevalier Charles de Sales fit des prodiges d'audace et fut retiré à demi-mort de dessous les décombres d'un bastion (1649); François de Sales, le saint, était le frère de ce vaillant soldat. Les troupes et les galères de l'Ordre tin- rent en échec les Infidèles ; la flotte maltaise livra plusieurs batailles navales, près des Dardanelles, à la flotte turque, et garda sans cesse l'avantage: en 1655, elle prit ou coula 14 vaisseaux ; une autre fois, elle dispersa les forces enne- mies et s'empara de l'île de Ténédos. L'Ordre aurait pu prendre et garder Candie; mais la surveillance jalouse des Vénitiens l'empêcha de réaliser ce plan d'une exécution facile et d'une importance considérable pour l'accroisse- ment de ses ressources. Nous verrons plus loin cependant quels privilèges Venise conféra à ses membres, en reconnais- sance de leurs hauts faits d'armes et de leur généreux désintéressement.

Nous avons encore à enregistrer quelques événements qui appartiennent à ces Annales. C'est en 1642 que com- mencèrent les négociations relatives à la première érection d'un grand-prieuré de Pologne avec les Rois de Pologne.

^) Quatorze cents Chevaliers et près de 17.000 hommes se trouvèrent réunis.

IQ4, L'ORDRE DE MADTE.

(Nous donnons en note les documents qui se rapportent à cette affaire (1642 1711) ^). Malte fut en proie à une grande famine, en 1648, et les Chevaliers manquèrent eux- mêmes de pain. Il y eut aussi des difficultés avec la France et avec la Sicile, par suite de la gueiTe continen- tale : d'un côté le vice-roi de Sicile défendit de nouveau l'exportation des grains ; d'un autre côté, le Grand-Maître ayant eu la faiblesse de céder à ces mesures et ayant pris parti contre la France, en refusant l'entrée du port de Malte à la flotte de cette puissance, le roi Louis XIV

1) Pauli, C. d. di M., U, 329, p. 344. Année 1642.

Lettre de Wladislas, roi de Pologne, grand-duc de Lithuanie, de Russie, de Prusse, de Moscovie, de Samogitie, de Livonie, etc, à son très cher ami, le très illustre et très vénérable grand-maître, Jean-Paul Lascaris.

». . .Magna cum animi nostri molestia accepimus, Nationem Polo- nam a tanto temporis intervallo Prioratui Bohemiae sacri ordinis melitensium, pari cum Boliemis ipsis, Moravis et Silesitis, et Austriacis ratione adunatam, nunc primum iniqua novitate, per summam Gentis iniuriam et quemdam contemptum, ab ea Nationum societate avulsam, a concursu Dignitatum et Commendarum eiusdem Prioratus arceri atque excludi. Quae res cum non privatorum modo Equitum, eorum- demque de re Catbolica optime meritorùm iustum dolorem provocet, verum etiam Universae Nationi Polonae non mediocrem infamiam inférât, vindicare ab ea gentem de ordine vestro meritissimam, quam- primum aequum censentes; peculiarem Prioratum in Eegno nostro Poloniae instituere in animum induximus, illumque Illustri Sigismundo Carolo Radivilio Duci in Olyka, et Niesniez, Sacri Romani Imperii Principi Pocillatori Magni Ducatus Litbuaniae, Equiti eiusdem Sacri Ordinis, viro Natalium Famiiiae suae splendore, maiorumque suorum plurimarum Dignitatum et Magistratuum amplitudine conspicuorum clarissimo; et sicut de Ordine suo rébus praeclare et fortiter gestis, ita et de Ecclesia Dei, Nobisque et Regno nostro in variis expedi- tionibus beUicis, praesertim contra Christiani Nominis Hostes Turcos, et Tartaros susceptis, optime promerito, déferre statuimus. Amanter igitur ab lUustritate Vestra contendimus, velit pro officio authorita- teque sua, una cum uuiversa Religione, hoc institutum nostrum assensu suo, ratum et firmum habere, eumderaque ad dictum Prio- ratum, secundum Ordinem Religionis, instituere. Quare Illustritas vestra non solum Genti Poloniae et Magno Ducatui Lithuaniae, huic Ordini addictissimo, plurimum gratificabitur, verum etiam universam

LES CHEVALIERS DE MALTE. 165

séquestra les biens de l'Ordre, dans ses Etats, par mesure de représailles, et le bailli de Souvré, ambassadeur de Malte à la Cour de France, eut beaucoup de peine à ob- tenir la levée du séquestre. C'était un imprudence d'autant plus grande d'irriter la France que, d'après les lettres du Vénérable Conseil de l'Ordre (Pauli, II, p. 337 et 338, année 1640) à Louis XIII et à Richelieu: »L'Italie rendait fort peu; la Bobeme et l'Allemagne comme rien; l'Angle- terre et le pais bas depuis un longtemps rien du tout. On

familiam Radiviliorum summopere devinciet. Nos vero, sicuti id gratissimo ab lUnstrate Vestra accipiemus animo, ita dabimus operam, ut hanc ipsius in subditos nostros propensionem et favorem benevo- lentiae nostrae officiis compensemus. Oui interea bonam valetudinem, et prospères ex animo successus vovemus.

Datuna Varsaviae, die 4- Mensis Aprilis 1642, Regnorum nostro- rum Poloniae et Sveciae X Anno. Uladislaus, rex.

Ibidem. II, 330, p. 344, Année 1642.

Lettre du même au Vénérable Conseil de l'Ordre, sur le même sujet, datée du même jour.

Ibidem. II, 331, p. 345, Année 1642.

Réponse du Grand-Maître. Refus sous les formes les plus diplo- matiques, vu les Ordonnances de Chef du Saint-Empire qui interdi- sent l'admission dans le prieuré de Bohême de chevaliers nés hors de ce royaume de Bohême. Quant 'au prieuré de Pologne à institiier, promesse d'y nommer le prince RadzivU avant tout autre (23 août 1642, Malte).

Ibidem, II, 382, p. 346, Année 1642.

Réponse du Vénérable Conseil au Roi de Pologne, Exclusion des étrangers au prieuré de Bohême, décrétée à l'unanimité par le Conseil, conformément aux ordonnances impériales. Acceptation d'institution d'un grand-prieuré de Pologne, et du prince Radzivill comme grand-prieur (23 août 1642, Malte).'

Ibidem, n, N" 361, p. 363, Année 1683.

Lettre de Jean III, roi de Pologne, etc, à son ami très-vénérable et très-illustre, Fr. Grégoire Caraffa, grand -maître, lui racontant l'insigne victoire remportée sur les Tares devant Vienne (13 septem- bre 1683, du camp turc et de la tente du Vizir, près de Vienne).

Ibidem, IL, 395, p. 873, Année 1711.

Commission donnée par Stanislas, roi de Pologne, relativement à certains biens de l'Ordre (provenant des ducs d'Ostrog) (19 jan- vier 1711).

166 L'OEDRE DE MALTE.

n'avait que quelque chose du roj'aunie de France et d'Espagne, pour subsister . . .«, affirmation réitérée dans la deuxième lettre. C'était aussi de l'ingratitude, car (Pauli, 1. c, p. 339 et 341), en réponse aux suppKques de l'Ordre, la » Chambre du Grand-Conseil établie par le Roy pour le recouvrement des droits d'amortissement deubs à S. M. par les ecclésiastiques et autres gens de main-morte « répartit (1640 et 1641) la taxe sur des bases équitables et con- firma l'Ordre dans ses pri^dléges en le maintenant séparé du corps du clergé français. Saint Louis avait été son bien- faiteur (Pauli, 1. c, p. 12); Louis XI avait par Lettres patentes, datées de Montils-les-Tours. le 20 septembre 1471, autorisé ses hien-amés Eeligieux, Prieurs et Frères de l'Ordre et Hospital S. Jean de Hierusalem au Fort de France.^ pour la défense de Ehodes, à parcourir le royaume pour lever des gens et rassembler des ressources de ravitaillement et d'armement (Pauli, 1. c. p. 141); Louis XII avait envoyé des navires au secours de Rhodes, en 1499 (Bosio, T. II, p. 331); François I®^ avait, par Lettres patentes, datées de S* - G-ermain- en-Laye, le 19 mars 1527, confirmé à son cher et aimé Cousin le grand-maître de Rhodes les privi- lèges et immunités de l'Ordre en France (Pauli, 1. c, p. 188); Louis XIII avait donné, le 25 mars 1615, des lettres de franchise à une galère à construire et armer tous les cinq ans pour l'Ordre, sur fondation du grand-prieur de Saint- Qilles (Pauli, 1. c, p. 266); ce même roi Louis XIII avait témoigné en 1639 son affection à ses Très-cliers et hons amis par lettre autographe du 12 avril; la reine Anne d'Autriche, son épouse, avait fait de même envers son cousin le Grand-Maître (Arch. de Malte, Y. à l'App.); Louis XIV avait promis sa protection à l'Ordre par lettre autographe à son cousin le Grand-Maître, du 22 mars 1644, et la Reine-Régente confirmait de même ses promesses de bien- veillance (Arch. de Malte, V. à l'App.). Il y eut aussi im incident avec la République de Gênes, à propos d'une question de salut maritime, suivi de l'attaque d'un vaisseau génois par les Chevahers qui en abattirent le pavillon, et de

LES CHEVALIERS DE MALTE. 167

l'exclusion cle l'Ordre de tout as^^irant de cette nationalité, jusqu'à ce que satisfaction eût été donnée par la République.

C'est sous le règne de Lascaris qu'une librairie fat fondée à la Cité-Valette, et que, par un décret de 1650, il fut ordonné que les livres appartenant à des Clievaliers ne seraient pas vendus à leur décès, mais seraient trans- portés à Malte. Cet établissement s'enricliit bientôt, par suite de cette mesure, d'ouvrages de grand prix.

Malgré tout ce qui pouvait contribuer à la prospérité de l'Ordre, celui-ci allait éprouver le contre-coup de la Réforme. Tant de princes allemands, grands et petits, avaient saisi l'occasion de cette prétendue introduction d'un cliristia- nisme évangéiique, pour spoKer les biens de l'Eglise et s'enrichir par une annexion successive des possessions des Chevaliers, et la paix de Munster et celle d'Osnabruck sanctionnèrent cette iniquité (1648).

Lascaris mourut, le 14 août 1657, à l'âge de 97 ans. Il fut inhumé dans la chapelle de la Langue de Provence, dans l'Eglise primatiale de Saint-Jean, à Malte. Le mausolée de ce grand-maître porte l'épitaphe suivante: JD. 0. M Hic jacet frater Joannes Paulus de Lascaris Casteïar Magntis Magister, et Melitae princeps, qui nascendo^ ah iniperatoribus et comitibus Vintimiliae, accepit nohilitatem; vivendo in consi- liis et legationihus regum fecit ampUssimam; et moriendo inter omnium lacrymas, reddidit immortalem. Regnavit ann. XXI. inter principes fortunatus, erga subditor pater patriae, erga Religionem hene merentissimus. Septima triremi quam annuis redditibus stabilivit, nova commenda quam instituit, aliis atque aliis aedificiis quae construxit, tôt nominibits terra manque victoriis omnibus celeber, sali Deo semper affixus^ obiit die decimâ quartâ Augusti, anno domini MBCLYII, aetatis siiae LXXXXVII. Renovahitur ut aquila ^).

Les monnaies d'or sont du modèle vénitien; celles d'argent rappellent celles des grands-maîtres précédents; les pièces fiduciaires portent les millésimes: 1643, 1637,

^) Allusion évidente à l'aigle dans les armoiries de Lascaris- Castelar.

168 L'ORDRE DE MALTE.

1639. Les médailles offrent ceci de particulier, que l'une a pour devise, au revers: ix hostes et erga hospites; qu'une" autre présente, au revers, l'écusson écartelé supporté par deux aigles, sans légende; qu'une troisième montre le grand- maître coiffé d'un chaperon de forme nouvelle.

XXXVIII. Frère Martin de Redin (1657—1660)

était vice-roi de Sicile, à la mort de Lascaris; il était en outre prieur de Navarre (Langue d'Aragon). Son épitaplie, qu'on lii'a plus loin, résume ses hauts mérites, avant qu'il fût élu au grand-magistère. Il fut nommé en son absence; mais l'Inquisiteur de Malte, qui était son ennemi, ayant obtenu du pape Alexandre YII, une Bulle qui excluait de la magistrature suprême tout chevalier s'étant procuré des votes, par intrigues ou par simonie, déclara Redin coupable de corruption des chevaliers-électeurs; cependant E-edin n'en fut pas moins élu et il eut la prudence de s'en référer à la décision du Saint-Siège, Alexandre VII lui donna gain de cause. Redin continua les fortifications de Malte. On ne signale sous son règne de près de trois années que la capture d'un gahon turc et la destruction d'un autre par les galères de l'Ordre. Il moui'ut, le 6 février 1660. Voici, d'après Vertot, l'inscription gravée sur son tombeau; l' avant-dernière phrase parle d'une Croisade, à laquelle il avait offert de prendre part avec ses frères, soit comme chef, soit comme allié. D. 0. M. Aeternae memoriae sacrum M. Magistri D. de Bedin magni Xaverii oh genus propinqui, cujus ante aetatem praematura virtus Siculae, deinde Neapolitanae classium prae- fecturam meruit. Adidtus, ad summum pontificem et liispaniarum regem legatus profectus, exercitus regios apud Catalaunos et Gaïlicos, caeterosque Hispaniae populos^ summo cum imperio rexit. Inde victoriis, meritis, atque amiis auctus, ex priore Navarrae, atque Siciliae Pro-rege, princeps Meïitae absens electus, insulam propugnaculis, ac turritis speculis, urbes aggeri- hus liorreis, annonâ, ac vario helli commeatu instructis, con-

LES CHEVALIERS DE MALTE. 169

structisque munivit. Ducis Bidlonii exemplum secutus^ expeditionis hierosoljpnitanae principibus Europae se idtro vel Ducem vel Comitem ohtulit. Obiit die sexta frehruarii MDCLX, aetatis LXX, Imperii tertio. Les monnaies d'or sont du type vénitien; les monnaies d'argent sont du modèle précédent. Il faut mentionner une médaille d'argent, 28 m. m., et une médaille de bronze, 52 m. m., plus curieuse, car elle porte simplement, à l'avers: f. don martinvs. m. m. h. h. pnps mel.

ET G-AVL. POST MVNITAM ARMIS ET ARCIE HANC INSVLAM AD MDCLIX,

et, au revers : vetvsta Hvrvs civitatis pêne dirvta propvgna- cvLA novat incolarvm mvnimini paoit prima pvndamenta, sans autres signes ou emblèmes. Il s'agit des réparations faites aux fortifications, et sans doute du plan et de la pose des premières assises de l'immense demi-cercle fortifié, qui entoure les cités Borgo, Burniola et La Sengle, nommé Cotonera, du grand-maître qui en a achevé la construction ^j.

XXXIX. Frère Annet de Clermont Gessan,

(1660)

bailli de Lyon (Langue d'Auvergne), était un homme d'une grand valeur et d'une vertu éprouvée: tous les Chevaliers l'aimaient et l'estimaient. Mais il était arrivé déjà à l'âge de 70 ans, lors de son élection. Il tomba malade, trois mois après son entrée au magistère, et, les blessures qu'il avait reçues au siège de Mahomette s'étant rouvertes, il mourut le 2 juin de la même année. L'épitaphe de son mausolée rappelle ses vertus et les principales actions de sa vie: B. 0. M. Hic jacet Emin. frater Annetus de Chattes- Gessan, qui a comitibus clarimontis ortum accepit, a Pontîfici- hits sacras cïaves, et Tiaram utramque, per majores in Caïisto IL sedis Apostolicae acerrimos deffensores, Hoc uno verè majonmi omnium maximus, quod Tiarae supremam coronam adjunxit, creatus, nemine discrepante, ex Bajulivo Lugduni niag. magister, et Melitae princeps. Eum apicem mérita jam pridem exegerant.

^) V. Appendice.

-j^70 L'ORDRE DE MALTE.

Vota minç[uam praesumijserant; sed virtutes tiderimt suffragium: pietas in divinis, prudentia in Jmmanis, suavitas in congres su^ maj estas in incessu, marescaïli integritas, terrae marisque im- perium, de suo nihil ipse contulit, nisi quod amicis ohedivit. Begnavit ad perennem memoriam vix quatuor mensïbus; hrevis vitae nuïla pars periit : priniam Religioni, secundam populo, tertiam sihi, omnem Beo consecravit. Ohiit inter lacrymas et vota omnium, die secunda Junii MDCLX, aetatis suae LXXIII, On connaît de lui une monnaie d'argent, avec le millésime de 1660, la valeur indiquée T 4, l'écnsson écar- telé et la tête de Saint Jean, ainsi qu'une médaille de bronze, 36 m. m., avec le buste tourné à droite et la légende : F. ANNETVS OLERMONT GESSAN, à l'avcrs, puis, ail rcvers, l'écns- son écartelé, très-orné, avec pavillon et couronne, et avec la légende: magn magis-hos et s sep-hi-1660.

XL. Frère Eaphaël Cotoner, (1660-1665)

de la Langue d'Auvergne, bailli de Majorque, succéda à Fr. Annet de Olermont. Il était libéral, courageux, plein de zèle pour la religion et pour, son Ordre. 11 avait com- mandé, en 1644, une des galères qui remportèrent sm- les Turcs cette victoire qui suscita les colères du Sultan. Il envoya aux Candiotes de nouveaux renforts pour les soutenir dans leur résistance, et c'est à la suite de cette assistance efficace, que la République de Venise rendit un décret, permettant aux Chevaliers de paraître armés sur son terri- toire, privilège qu elle n'accordait même pas à ses nationaux. Les galères de Malte continuèrent à faire la police de la mer: elles firent de riciies captures et elles s'emparèrent en particulier, en 1661, de dix forts bâtiments, dont la cargaison couvrit en grande partie les frais de la guerre. Cotoner ne négligea pas l'administration intérieure: on parle des agrandissements et améliorations qu'il entreprit à l'hôpital de l'Ordre, ainsi que des tableaux de prix dont il orna l'Eglise conventuelle de Saint-Jean. Il succomba à

LES CHEVALIERS DE MALTE. 171

une fièvre maligne, à l'âge de 63 ans, après cinq années de magistère. Les Chevaliers de sa Langue lui élevèrent un magnifique tombeau dans la chapelle d'Aragon et l'on y mit cette épitaphe:

Araconimi quicumque teris Melitense saceïhim

Sacraeque signa vides, sisfe^ Viator, iter. Hic ille est primus Cotonera e stirpe magister;

Hic ille est Raphaël, conditus ante diem Talis erat cervix melitensi digna corona:

Taie fuit hello, consiliisque caput. Cura, fides, pietas^ genium, prudentia, robur,

Tôt dederant vitae pignora cara suae, Ut diim coelestis citius raperetur ad arces,

Ordinis liaec fuerit mors properata dolor. Qui ne mutatas regni sentiret hdbenas,

Germano rerum fraena regenda dédit. Caetera ne quaeras. Primus de stirpe, secundum

Promeruit: satis hoc. perge, viator, iter.

Et, en prose: Obiit ann. dom. MDCLXV, die XX octoh. aetat. suae LXIII, magisterii III, et VII menses .D . 0 .M .

aeternae memoriae fr. BapJiaelis Cotoner, relig. hier, magni magist. majorcicae patricii, ac primum bajulivi. Il faut relever ces mots: » Grand-maître de la Religion de Jérusalem«.

Les monnaies appartiennent aux types antérieurs; il existe une médaille de ce grand-maître, petit module, ayant à l'avers, le buste avec chapeau et manteau, et avec la croix sur la poitrine, tourné à droite, ainsi que la légende : F. D. EAPHABL. COTONER, et, au rcvers, l'écusson orné, écar- telé surmonté d'une couronne, avec la légende: m. m. hosp.

HIERVSAL.

XLI. Frère Nicolas Cotonee,

(1665—1680)

bailli de Négrepont, succéda à son frère, avec le consente- ment unanime des Chevaliers et du peuple, ainsi que parlent les chroniques. Ce fut sans contredit un des plus beaux

172 L'ORDEB DE MALTE.

caractères que l'histoire nous ait retracés. Sévère pour lui- même, indulgent pour les autres, il était la précision même dans la conception de ses plans, la promptitude et l'énergie dans leur exécution. Il évita avec un soin jaloux tout ce qui aurait pu exciter l'envie ou le mécontentement chez les autres. Sous son règne, la flotte de Malte, bien exercée, continua la chasse aux Infidèles. Des Chevaliers se firent un nom dans les fastes maritimes de l'Ordre, par leurs ex- ploits. Mamoille et Téméricourt prirent aux corsaires un vaisseau de 40 canons; puis ils attaquèrent, avec le secours d'une seule frégate, un convoi de 22 bâtiments marchands: ils en capturèrent six et coulèrent ou dispersèrent le reste. Téméricourt est encore plus célèbre par sa mort que par ses victoires. Attaqué sur les côtes d'Italie par cinq vaisseaux de haut bord, appartenant aux corsaires de Tripoli, il se défendit avec intrépidité, en démata deux et mit les autres en fuite. Mais son vaisseau fut jeté par la tempête sur les côtes de Barbarie, et ce jeune marin de 23 ans fut mené devant Mahomet III (1672). Le Sultan mit tout en oeuvre pour qu'il reniât sa foi: il lui offrit en vain le grade d'amiral et la main d'une princesse de sa famille. N'ayant pas pu le gagner, il lui fit subir les plus cruelles mutila- tions et lui fit ensuite trancher la tête. Ho cquin court, autre héros, fut assailH dans le port de l'Ile-du-Dauphin par 33 galères turques et canonné par l'artillerie du môle. Quoique son vaisseau fût fort endommagé, il s'ouvrit un passage au travers des galères ennemies, après en avoir coulé plusieurs et avoir tué plus de six cents soldats.

L'île de Candie tomba, en 1670, au pouvoir des Turcs. Le siège de la capitale de l'île durait depuis 22 mois, lors- que le grand-vizir Achmet amena en personne aux assié- geants des renforts considérables. Les assiégés avaient été secourus par plusiers princes chrétiens, et l'Ordre, dont nous avons avant tout à retracer les Annales, avait à lui seul donné 400 hommes. Les Turcs furent battus dans un com- bat naval, tous les efforts possibles furent faits pour sauver la place; mais les canons ennemis avaient fini par abattre

LES CHEVALIERS DE MALTE. 173

toutes les fortifications et la ville ne put résister à un assaut ^). Le Grand-Maître, présumant que les Turcs, irri- tés des secours que l'Ordre avait fournis aux Vénitiens, allaient se jeter sur Malte, fit d'énergiques préparatifs de défense. Il appela auprès de lui un ingénieur très-habile, nommé Valperga, et le chargea d'élever de nouvelles forti- fications : on poursuivit la construction de la ligne de la Cotonera; on bâtit le fort Ricasoli, destiné à la défense du Grand-Port. Ce fort s'appela ainsi, du nom d'un com- mandeur qui avait donné 30.000 écus maltais pour sa con- struction. L'Ordre sa préparait en même temps à venir com- battre avec le duc de Lorraine, Charles Y, et le roi de Pologne, Jean Sobieski, contre les Turcs, lorsque la peste vint éclater à Malte et y fit de tels ravages dans les rangs de l'Ordre, quil n'y avait même plus assez de Chevaliers pour monter les galères (1676). Fr. Nicolas Cotoner mourut, à la suite d'une longue et douloureuse maladie, le 20 avril 1680. Ce fut sous les règnes de Raphaël et de Nicolas Cotoner que les fresques des voûtes de l'Eglise-Saint-Jean furent peintes par Mathieu Preti, qui fut reçu Chevalier, en récompense de ses services. Fr. Nicolas Cotoner fut inhumé dans la chapelle de la Langue d'Aragon, et l'on grava l'inscription suivante sur son mausolée, à p3a'amide et à médaillon, ornée de trophées, d'une Renommée et de son écusson porté par un ange, et supporté par deux Infidèles faisant cariatides : Fratri Nicolao D. Cotoner, ma(/no Ilierosolymitanl ordinis magistro, animi magnitudine, consilio, munificentia, majestoie principi, erecto ad Mahometis dedecus e navigii rostris, ac sultanae praeda, tropJieo: Mclita

^) Le généralissime vénitien qui défendit Candie avec autant d'habileté que de valeur et obtint une si honorable capitulation qu'il ne laissait à l'ennemi que l'armement des remparts, tel qu'il était sur le pied de paix et emmenait plus de 300 pièces d'artillerie, qu'il obtenait en outre en témoignage de sa belle résistance trois canons à son choix de l'ancien armement de la place, et que la République de Venise était reconnue encore dans l'avenir patrona de la mer, était YrSincesco Morosini, provéditor de Saint-Marc, puis doge.

174 L'ORDRE DE MALTE.

magnificis extructionihus, Templorum nitore explicato, munito- que urhis potnoerio, splendide aucta: cive e pestilentiae faucibus pêne rapto: Hierosolymitano ordine, cui primus post fratrem praefuit, legibiis , auctoritate, spoliis amplificato : Repuh. difficillimis helli temporibus servata, vere magno: quod tanti nominis mensuram gestis inipleverit, pyramidam liane excelsi testent animi D. D. D. (dat, dicat, dedicat) fama superstes. Vixit in magisterio amios XVI. menses VI. ohiit XXIX aprili.^ MB CL XXX, aetatis LXXIII. Post ejus ohitum Executores testamentarii tumulum hune fieri mandare.

On a de ce grand-maître des pièces d'argent avec le millésime de 1665, et deux médailles: la première est d'argent et de petit module; la seconde au contraire est de très grand module (99 m. m.) ; elle fut frappée en com- mémoration de la construction de l'enceinte de la Coto- nera, autour de la colline Sainte-Marguerite. A l'avers, buste du Grrand-Maître regardant à droite, avec le manteau et la croix ; légende : p . d . nicolavs magnvs magister . h . h., date: 1670. Au revers, écu écartelé, orné, surmonté d'une couronne, supporté par une tête d'ange ailé. Légende:

)$( COLLEM ISTVM VT TVTVM PORTVM AVXILIARIBVS COPYS CONSER-

VARET validissimi propvgnacvlis pràemvnivit anno 1670.

XLII. Frère Grégoire Caraepa,

(1680—1690)

de la Langue d'Italie, prieur de La Rochelle, fut élu à la dignité suprême, le 2 mai 1680. Il appartenait à une illustre famille aragonaise établie à Naples; c'était un homme d'un courage éprouvé et d'une sagesse incontestée. Sous son magistère l'Ordre brilla d'un nouveau lustre.

Le premier fait d'armes, sous Caraffa, fut la prise de cinq vaisseaux algériens par le Chevalier de Correa (1683). La puissance ottomane était alors à son plus haut période : Vienne même était assiégée pour la deuxième fois par les Infidèles. Après la victoire de Jean Sobieski et de Charles de Lorraine, suivie de la délivrance de Vienne, il se forma

LES CHEVALIERS DE MALTE 175

entre plusieurs Etats chrétiens une ligue contre les musul- mans. L'Ordre entra dans la coalition et concourut, sur mer et sur terre, à l'oeuvre de délivrance. Le commandant des galères, bailli de Saint-Etienne, parcourut les côtes barbaresques et s'empara ensuite des îles de Prevesa ^) et de Sainte-Maure (1684) 2). Puis, agissant de concert avec la flotte vénitienne et avec les galères du Pape, il prit Coron ^). Le général de l'Ordre, Hector de la Tour-Maubourg, après avoir conduit ses Olievaliers à la victoire et abattu de sa propre main, sur le rempart, l'étendard du Croissant, fut mortellement blessé. Les alliés se rendirent maîtres, l'année suivante, de Navarin'^) et de Modon^); Naples de Romanie (Roumélie), capitale de la Morée '^), tomba entre leurs mains, et coûta à l'Ordre dix-neuf Chevaliers. En 1687, le Grand-Maître fit prendre la mer à huit galères, qui contribuèrent beaucoup à la prise de Castel-Nuovo, dont la possession donna l'empire de l'Adriatique à la République de Venise. Le pape Lmocent XI complimenta vivement le Grand-Maître de ces succès multipliés. La liste de lettres adressées à l'Ordre par la République (1661 1718), que nous donnons en note, prouve à quel haut degré de renommée il était parvenu et savait alors se maintenir '').

1) Port d'Epire, à l'entrée du golfe d'Arta: il fut donné aux Turcs, en 1718, par la Paix de Passarovitz. Les Français prirent cette ville, en 1797, et y tinrent 600 contre 11.000; puis la ville fut reprise et saccagée, en 1798, par Ali, pacha de Janina.

^) Leucade, île ionienne, sur la côte de l'Albanie , ch.-l. Amaxichi.

3j En Morée.

*) Ville et port de Morée. célèbre par la destruction de la flotte turque, le 20 oct. 1827, par les flottes combinées de France, d'Angle- terre et de Russie.

®) V. forte de Messénie, sur un rocher qui s'avance dans la mer.

") Ce doit être Tripolitza, d'après l'appellation turque.

') Pauli, Cod. d. di M., II, W 3.55, p. 360. Année 1661.

Domenicus Contenants, D. G. Dux Venetianwi, etc, écrit à Fr. Raphaël Cotoner, D. G. Domus Hosp. S. Joannis Hier, magno mag. ac Pauperum Christi Custodi dignissimo, pour faire ressortir la part glorieuse prise par les galères de la Religion, leur général et tous les Chevaliers à la victoire navale remportée contre les Turcs dans les eaux de Milo (15 octobre 1661, Palais ducal).

YJQ L'ORDRE DE MALTE.

Pendant ce temps-là, Malte jouissait de la plus parfaite tranquillité, sous la sage administration de Fr. CarafFa, que l'évêque Palmeri, homme prudent et estimé du Souverain- Pontife, sut aider à contenir dans de justes limites les pré- tentions de l'Inquisiteur. Les fortifications commencées en 1670 furent achevées, sous le règne de Caraffa: les anciennes furent réparées; on ajouta de nouveaux ou^rrages au Château-Saint-Ange et au Fort-Saint-Elme. L'Ordre neut à éprouver qu'un seul échec, ce fut lors du siège de Négre- pont ^), que les alliés tentèrent en 1689: il y perdit 29 Chevaliers. Le Grand-Maître, déjà malade, fut trés-affligé de cette défaite et mourut peu de temps après. Fr. Caraffa joignait à toutes les vertus militaires la plus grande humilité chrétienne, il aimait les pauvres et s'était fait aimer et vénérer de tous. Son corps fut déposé dans la chapelle de la Langue d'Italie, il avait lui-même fait construire

Ibidem, U, N" 365, p. 366. Année 1684,

Marms Antonius JiisUniano, B. G. etc. félicite le Grand-Maître de la bonne part que les Chevaliers ont eue aux progrès de la dernière campagne (23 décembre 1681, Palais ducal).

Ibidem, n, 366, p. 367, Année 1685.

Francisco 3forosini, Capitaine général, adresse au Grand-Maître des félicitations semblables sur la valeur et la discipline militaire des Chevaliers au siège de Coron (22 août 1685, Palais de Sa Sérénité).

~ Ibidem, U, 367, p. 368, Année 1686.

Francisco Morosini, capitaine-général, adresse au Grand-Maître des félicitations semblables sur le concours des galères de TOrdre dans les victoires de la dernière campagne, et le courage intrépide de tant de Chevaliers. (Port de Naples de Romanie, 6 septembre 1686).

Ibidem, II, 368, p. 368, Année 1686.

Même lettre du doge Marcus Antonius Justiniano, (10 novembre 1686, Palais Ducal i,

Ibidem, II, N" 8, p. 154, Année 1690.

Franciscus Mawoceniis, D. G. Dux Venetiarum, etc, surpasse dans une nouvelle lettre les précédents éloges (14 septembre 1690, Palais ducal).

Ibidem, II, N" 9, p. 455, Année 1694. - 10, p. 455, Année 1716. N" 11, p. 456, Année 1718, etc.

1) Ane. Eubée, Egribos des Turcs, île de 1" Archipel: occupée par les Vénitiens (1210), par les Turcs (1470) et prise par les Grecs (1821).

LES CHEVALIERS DE MALTE. I77

son tombeau. Voici aussi l'épitaplie qu'il avait composée deux ans avant sa mort : Fr. D. Gregorius Caraffa Aragonms eprincipibus Rocellae, llagtms Hierosolymitani Ordinis magister, cui vivere, vita peracta, in votis crat, quia mortem primam qui praevenit, secimdam évitât, hoc sihi ad hue vivens non mauso- leum sed tumidum posiiit. Besmrccturo . satis. Ann. Bom. MDCLXXXVIII. Quand le Grand-Maître fut mort, le 19 septembre 1679, on grava aux pieds de la statue un éloge funèbre plus conforme à la tradition et plus détaillé, après avoir ajouté au mausolée le buste de Caraifa et les personnages allégoriques, dont un lui présente une couronne de laurier: Emeritos venerare cines, viator. Rie jaeet Fr. JD. Gregorius Carajfa ah Aragonia, M. M. cïarus génère, genio praeclarior. Heroas, quos in nomine gessit, in virtute expressif. Effusa comitate, difusis triumphis, popidos hahuit amatores, orhem fecit admiratorem. Bis ad Hellespontum, toties ad E2nrum, Feloponesum, lllyrium, impertito ductu. praevaUdâ op)e, classes delevit, Regias expugnavit. Munificentiâ, pnetate princeps ïauda- tissimus. Urhem, Arces, Portus, Xenodochia, Tempda, ampliavit, restituit. ornavit. Ftlblico semper BeUgionis hono curas impendit et studia. Aerariuni ditissimo spwlio cunmlavit. Obiit die XXI. Juin, anno aet. LXXVI. mag. X. sut. MDCXC.

Sur les monnaies d'or connues, nous voj^ons: Saint Jean donnant l'étendard de 1" Ordre au Grand-Maître; derrière le Saint: s io.baptista; le long de la hampe: m e; au revers, l'écusson écartelé, avec la couronne fleuronnée et la légende : M.M Hosp ET ss.H.DE PRiXG ROCELi; surles pièccs d'argent, les emblèmes ordinaires. De princ. Fioceli (ou Rocc) veut dire : desprinces de la Roclielle. (La famille Caraffa était illustre. On cite entre autres parmi ses membres, Antoine Caraffa, mort en 1693. Il entra en 1665 au service de l'Autriche, devint feld-maréchal, combattit les Turcs en Hongrie, et j)rit sm* eux Munkacz et Belgrade, en 1688j. Une médaille qu'on lui attribue est sans inscription, et l'écusson des Caraffa y est supporté par la grand, croix de TOrdre; c'est une raison pour nous de ne pas nous ranger à cette opinion: car les grands-maîtres n'ont jamais ainsi soutenu lem's armes.

SALLES : L'OUDRE DE HALTE. j2

178 L'ORDRE DE MALTE.

XLIIl. Frère Adrien de Wignacourt (1690-1697)

était le neveu du grand-maître, Fr. Alofe de Wignacourt; il occupait la charge de trésorier, à la mort de Fr. Caraifa. C'était un homme pieux et charitable. Il donna la preuve de ces vertus, aussitôt après son élection, en s'informant des familles des soldats morts dans les dernières campagnes de l'Ordre et en leur faisant distribuer son propre argent, exemple qui fut suivi par un grand nombre de Chevaliers. Il se souvint aussi de la mission première des Hospitaliers, qui était d'assister les nécessiteux et de soigner les souf- frants, sans négliger toutefois la mission militante des moines-chevaliers de Malte. L'Ordre prit part, sous son magistère, au siège de La Canée, port important de l'île de Candie, que les alliés assiégèrent (1692). Les galères maltaises étaient commandées parle grand-prieur de Messine (Langue d'Italie); mais la mauvaise saison interrompit les opérations du siège et les galères de l'Ordre rentrèrent à Malte, au bout de vingt-quatre jours. En 1693, la Russie se mit pour la première fois en communication avec l'Ordre, pour le malheur à venir de celui-ci (V. en note, Lettre de Pierre, tsar de Moscou, lui notifiant sa victoire sur les Turcs et demandant la cession de Malte ^) ; puis, en cette

') Pauli (Coâ. d. di M.) cite d'après les Archives de Malte (Livre du Conseil d'Etat, fol 164, à l'année 1693) deux pièces qui établissent que la Russie avait dessein dès cette époque de s'appro- prier Malte.

(N° CCCLXXV, p. 372) Lettre de recommandation de l'empereur Léopold, datée de Vienne, le 4 janvier 1698, en faveur d'un Envoj^é à Malte du Tsar Pierre. On y lit: » . . .Melitam quoque profiscisci cogitet, faciendum Nobis duximus pro eo, ac ipsum modo dictis nominibus magni facimus, atque Summi Pontificis Sanctitati impense commen- davimus, Nostras etiam ei ad devotionem Vestram litteras dare ... « (N° CCCLXXVI, p. 373) Lettre du Tsar de Moscovie, Pierre, au grand-maître, pour lui raconter ses victoires sur les Turcs. On y lit: »...Nec dubitamus, quin secundum nostram declarationem liaec occasio in tali ojDportuno tempore Vos etiam célèbres Equités contra

LES CHEVALIERS DE MALTE. 179

même année, un tremblement de terre causa des ravages à Malte et en Sicile, la ville d'Agosta fut presque entièrement détruite. L'Ordre y avait des forges et des magasins, et le Grand-Maître envoya de prompts secours. Il fit aussi reconstruire des magasins plus vastes que ceux qui venaient d'être ruinés par ce cataclysme. La flotte fut fournie d'instruments et d'agrès, qu'on fit venir d'Amsterdam, et mise en état de tenir la mer avec avantage. Elle alla, en 1694, mettre le siège devant Scio ^) et s'empara de cette ville, au bout de huit jours. La bonne harmonie fut rétablie par le pape Innocent XII, entre l'Ordre et la République de Gênes, et beaucoup de Génois prirent l'iiabit des Hospi- taliers. Fr. Adrian de Wignacourt mom-ut, le 4 février 1697, et fut inbumé dans la chapelle de la Langue de France. On lit sur son tombeau:

Eminentissimi Princip is

Fr. Adriani de Wignacourt mortelles exuviac Sut hoc marmore quiescunt

Si generis splendorem quaeras, Habes in solo nomine,

Habes in Affinitatihus pêne Regiis.

eosdem liostes magis magisque alacres effectura sit : quandoquidem vh^es hostis illiiis marinae ad très partes possunt dividi, in mediterraneum mare, in Pontum Euxinum, ac ad fluvium Danubium in Hungariam. Qîiod affectantes Nos magnus Dominus amandammus ad Vos in Meli- tensem Insulam Intimum nostnim Boiarinum . . . qui cimi ad vos appulerit, ut ij)si in nostrani Tzareae Maiestatis gratiam ex bono vestro affectu apud vos in Melita degere cum omni ipsius Coniitatu, ac supéllectili, quod secum liahituTus sit, in quantum desiderabit, libère, et tute, ac in necessitatibics illius subvenire permittatis: pari modo in bellicis ves'fris marinis expeditio- nibus (in quibus omnipotens Deus contra eosdem communes CJiristianorum hostes efficiat Vos strenuosj sine recusatione, cum omni in necessitatibtis eius lihertate commorari pênes vos concedatis. Cum vero ex Melita desiderabit a vobis renieare, illum pari recedatis. Apud nos vero Magnum Douiinam . . . haec vestra benecolentia, semper in bona memoria persecerabit . . . Moscovia, anno ab orbe condito 7205, Mensis Aprilis 30 Die, Imperii 15 Anno.«

1) Scio ou Chios, île de l'archipel grec, près de la côte occiden- tale de l'Asie-Mineure, possédée par les Turcs depuis 1566. (Scio ou Cliios est aussi le nom de la capitale de l'île.)

12*

180 L'ORDRE DE MALTE.

Si Beligiosae vitae mérita spectes, Charitatem erga pauperes^ et infirmas indefessam,

Erga peste làborantes generosam, Mirari poteris^ Et ita intemera^am morum innocentiam, Ut mori potius, quam foedari ,voluerit.

Magni Alofbi ex pâtre nepos, Integritatis, fortitudinis, et Justiae laude simiïïinms,

Tanti principis famam est assecutus.

Vixit sanctissime, sanctissime ohiit, Anno salutis MBCXCVII.

Die fehruar. IV, aetat, Ann. LXXIX.

Ce que nous voulons avant tout faire remarquer, à propos des monnaies d'or, c'est que Wignacourt fiit le premier qui fit frapper des pièces d'or de 4 seç[uins (1695), et que la légende de ces pièces ainsi que des autres mon- naies d'or rappelle le titre complet de: Chevaliers de l'Hôpital et du Saint- Sépulcre de Jérusalem, que nous avons trouvée pour la première fois sur les monnaies, en 1660, et sur une médaille de Fr. Antoine de Paule (1623 1636), .-. m-m- HOSPiTALis ET S: SEP: HiERVSALEM. On a de lui uue grande médaille ovale en bronze, 93 m. m. X '''8 m. m., sans revers, avec le buste, en cuirasse et en manteau, vu de face, et la légende : e adriaj^vs de wignaco vrt m m h s sep •. La barbe est rasée et les cheveux sont taillés à la mode du temps.

XLIV. Frère Kaymond Perellos y Roccafulli.

(1697—1720)

Avec l'élection de ce grand-maître, nous approchons du commencement du XVIII® siècle et nous allons voir l'Ordre se consacrer plus que jamais à la protection du commerce maritime de la Méditerranée, par la poursuite infatigable des corsaires, en pleine mer et jusque dans leurs ports de refuge. Fr. Perellos était Aragonnais: il avait 60 ans, lorsqu'il fut élu au magistère.yi déploya une

LES CHEVALIERS DE MALTE. 181

grande activité pour la gloire et les intérêts de l'Ordre. Les Annales doivent enregistrer dans cet ordre d'idées, que ce fut sous son magistère que les Chevaliers entrèrent pour la première fois en relations avec l'empire scliismatique du Nord, dont l'importance européenne commençait alors à s'affirmer. Nous voulons parler de la Russie. Pierre-le- Grand chercha à faire alliance avec l'ennemi traditionnel des Turcs. La solidarité d'intérêts qui existait dès ce temps-là, entre l'empire russe et l'Ordre de Malte, ne s'est jamais démentie depuis; mais, au fond, une alliance effective entre la Russie hérétique et l'Ordre essentiellement apostolique est une anomalie, tout aussi bien qu'entre cet Ordre et un Etat protestant. On le verra dans la suite de ces Annales, mais qu'il nous suffise de rappeler ici, que ce sont les schismatiques grecs qui firent perdre aux Chevaliers catholiques la garde du Saint- Sépulcre. En rapportant le dire des chroniques, au sujet du Czar Pierre et de l'Ordre, nous n'avons voulu que constater un fait, sur lequel nous ne croyons pas devoir nous étendre plus longuement.

Fr. Perellos n'oublia pas la réforme des abus intérieurs qui s'étaient introduits dans le sein de la communauté. Il y en avait surtout un de très-nuisible, et Innocent XII admit sur ce point les représentations du Grand-Maître. Le Saint-Siège conférait des Bulles de Grâce, et, au moyen d'une de ces bulles, un chevalier pouvait se faire nommer grancl'croix de grâce, puis, à la mort d'un Chevalier- grand'croix, il héritait de sa dignité. Les Chevaliers de Justice, qui avaient passé leur vie au service de l'Ordre, étaient ainsi frustrés de leurs droits acquis. Beaucoup d'entre eux étaient mécontents : ils abandonnaient la maison Chef- d'Ordre et se retiraient dans leurs familles, laissant ensuite tous leurs biens à leurs parents, en dépit des Statuts, ce qui causait un grave préjudice au trésor, en même temps que leur absence du couvent relâchait les liens qui les attachaient à la Religion.

Ayant reconnu qu'il fallait renforcer la flotte, il apporta tous ses soins à l'acquisition de vaisseaux de guerre. Il

182 L-OEDKE DE MALTE.

avait en vue de purger les côtes d'Espagne et d'Italie des écumeurs de mer qui les infestaient de nouveau, captui'ant les vaisseaux de transport ou enlevant les habitants pour les réduire en esclavage. Il cliargea donc le chevalier de Saint-Pierre, capitaine dans la marine française, de rassembler cette flotte. En attendant, les galères contruuaient leurs croisières et s'emparèrent entre autres d'une sultane de 80 canons. La nouvelle flotte, dont Saint-Pierre eut le commandement, prit la mer, en 1706. Elle fit voile immé- diatement poiu- le Levant et rencontra bientôt trois vaisseaux tunisiens: elle en captura deux, qu'on incorpora à l'escadre. L'année suivante, le commandeur de Langon ravitailla la garnison espagnole d'Oran assiégée par les Algériens, passa avec son serd vaisseati de 50 canons à travers la flotte ennemie, qtii essaya en vain de lui fermer le passage. Il fut nommé quelque temps après Lieutenant-général de la flotte de la Eehgion. Une escadre de huit vaisseattx turcs tenta, en 1709, une descente dans l'île de Gozzo; mais son approche fut à temps signalée, tous les habitants furent mis à l'abri; l'Ordre était en force et les Turcs s'éloignèrent, après avoir ramassé de long des côtes quelques embarca- tions sans importance. Une escadre turque Qxsmt menacé la Calabre, le Grand-Maître envoya quelques vaisseaux donner la chasse aux Infidèles. Le commandetu' de Langon coula à fond le vaisseau-amiral de TripoH. L'Ordre perdit, l'année suivante, ce vaillant et habile marin. H fat tué. à l'attaque du vaisseau amiral d'Alger, tandis que la flotte qu'il commandait coulait à fond ce vaisseau. Le corps de ce valeureux marin fut inhiuné à Carthagène ^), sous le grand autel de la cathédrale. Poin- perpétuer sa mémoire, le Grand-Maître fit graver siu' tme pierre sépulcrale, dans la nef de l'EgLise-Saint-Jean de Malte, une inscription qui rappelle ses talents, son courage et ses vertus. De 1713 à 1715, on signale des prises nombreuses, faites par l'Ordre. Le sultan Achmet III se prépara à une expédition contre

^) Yille d"Espague (Murcie).

LES CHEVALIERS DE MALTE. 183

Malte. On raconte qu'un renégat était venu s'offrir à TOrdre, pour organiser la défense, et que cet espion sut se faire montrer l'ensemble des fortifications, puis disjDarut sans laisser de traces. Mais un grand nombre de Chevaliers arrivèrent au couvent, apportant des subsides et amenant des renforts, et il est probable que le rapport de l'espion turc contribua à faire changer de résolution au Sultan, car il tourna ses armes contre la République, à laquelle il déclara la guerre (1716). Cet Etat demande aide et assistance ait Grand-Maître, qui lui envoya une escadre de cinq vais- seaux de guerre et de quelques galères. Cette petite flotte rendit, pendant quatre ans, de grands services à la Répu- blique, en s'emparant de plusieurs bâtiments de guerre et de na^dres marchands appartenant à l'ennemi.

Quand nous aurons parlé de la conduite, à la fois énergique et prudente de Fr, Perellos, à l'occasion des tentatives faites par l'Inquisiteur de Malte, Dolci, poiu' s'arroger les plus grandes prérogatives dans l'Ordre, nous aurons fait connaître ce règne de vingt- deux ans, si favo- rable à la gloire des Chevaliers et au bien-être de la population. Dolci voulut placer l'Hôpital de l'Ordre sous sa juridiction. C'était un lieu privilégié; personne n'y était admis, avant d'avoir déposé les insignes de ses dignités; les Chevaliers qui le desservaient ne reconnaissaient d'autre supériem- que le Grand-Hospitalier (Langue de France). Les officiers de l'Inquisition s'y introduish-ent par subter- fuge, et, une fois introduits, firent une visite d'inspection formelle; mais le commandeur d'Avemes du Bocage, sur- intendant de l'Hôpital, l'ayant appris, les congédia. Le Grand-Maître envoya immédiatement à la Cour de Rome le grand-prieur Zondadari, pour se plaindre de cette tenta- tive. Zondadari. qui était tenu en grande estime par Clé- ment XI, réussit dans cette délicate mission.

Fr. Perellos mourut, en 1720, à l'âge de 82 ans. Son mausolée est à médaillon et à buste, surmonté des armes écar- telées et sommées de la coiu'onne. Il est entouré d'étendards et de trophées. On y voit un amour tenant le faisceau des

184 L'ORDRE DE MALTE.

licteurs, puis deux femmes représentant la générosité et l'idstoire. En voici l'épitaplie: D. 0. M. Eminentis. principi fr. D. Baymundo Perellos de Boccafidl, clarissimo génère nato, et virtutum suffragio ad magnum magisterium erecto : qui omni- bus aeque carus, magnorum etiam principum praeconiis commen- datus, et praeter ceteras animi egregias dotes, justitia praecipuè et caritale conspicuus, mirari ah omnibus potuit, puriter et amari. Apprimè munificus, nullius mérita sine premio demisit: erga Christi pauperes sunmiè misericors, eorum custos vertus voluit esse quam dici. Erga deum et superos verè religiosus, assi- dîiis fundendis precibus. templis pretiosa supellectili. ministris insigni liahitu decorandis magnoperè intentus, sui pêne visus est oblivisci, qui demum portu aedificiis ornato, additis propugna- cuUs, quatuor navibus bellicis aucta classe, magna non semel pecunia vi in commune bonum erlargita^ ita ut suum exliausisse aerarium credi potuisset. Ter centena aureorum millia publici aerarii rationibus inferenda, post XXIII aunos opjtimi princi- patus, pie moriens, reJiquit. Obiit die Xlan. MDCCXX. Aetat. suae LXXXIV.

Les monnaies d'or que l'on possède de ce grand-maître, sont de 10 sequins, de 4, de 2 et de 1 sequim Celles de dix ont, à l'avers, l'écusson écartelé, . aux côtés de la cou- ronne Zx, les armoiries supportées par deux branches de palmier et la coiu'onne ducale, puis la légende: f.ratmvn: PERELLOS ET- ROCCAEVL- M-M-H-H-; au revcTs: Saint Jean donnant l'étendard à ini guerrier armé, avec le casque à panache et la croix de l'Ordre jusqu'au bas de la cotte de mailles, les millésimes 1699 ou 1705 et la légende: pletate >$( vcsrcES. D'autres ne varient que par le z (z 4 . z 2 . z 1). Sur celles de 1717 et de 1719, à l'avers, buste du grand- maître tourné à gauche, avec cuirasse et perruque Louis XIV ; au revers, les armes écartelées avec la légende: )J( m . m . Hosp . ET . s . SEPVL . KEERVSALEM. Il y en a d'autres de 2 sequins, l'écusson est à l'avers et se trouvent, ati revers, l'archange Saint Michel, la croix de l'Ordre sur la poitrine, l'étendard dans la main gauche et le glaive dans la droite, puis la légende: mihi gloiua. hostibvs exitvm (ou

LES CHEVALIERS DE MALTE. 185

EXiTivMj. Les autres monnaies appartiennent aux types anté- rieurs. Nous retrouvons aussi des pièces fiduciaires, avec les armes et le : xon ^s sed eides et les mains enlacées, de 1707 (v) et de 1719 (x). On ne connaît qu'une seule médaille de ce grand-maître, mais elle est très-curieuse. Elle est d'argent, elle mesui-e 29 m. m. et pèse 10 gr. 27 cgr. A l'avers, les armes avec la couronne ducale et la légende :

FK, D EAIMONDVS DE PERELLOS M M HO H ; aU rCVCrS,

l'image de la Sainte- Yierge, dans la parm^e roide et naïve des types bj^zantins.

XLV. Frère Marc Antoine Zondadari, (1720-1722)

gentilliomme de Sienne (Langue d'Italie), neveu par sa mère du pape Alexandre VII, entra dans l'Ordre de bonne heure ; il dut son élévation rapide aux plus hautes dignités, à l'intrépidité dont il fit preuve en diverses circonstances. Dès 1707, il était grand-écuyer et conseiller-intime de Fr. Perellos; c'est à lui que la flotte nouvelle était due en partie ; c'est lui qui mena la négociation délicate avec le Saint- Siège, dont nous avons parlé, sous le magistère précédent. Son élection fut accueillie avec joie par tout le peuple: on connaissait sa charité, son amour de la discipline, sa sollicitude pom^ le bien public. Pendant les deux années de son règne, la flotte de l'Ordre continua à purger la mer des pirates et fit d'importantes captures, parmi lesquelles il faut noter le vaisseau-amiral d'Alger, armé de 80 canons et monté par 500 soldats, la reprise d'un bâtiment chrétien et d'autres prises sur les corsaires tunisiens.

Fr. Zondadari mourut, le 6 juin 1722, après une dou- loureuse maladie qui dura plus de six mois. Son règne d'une si courte durée est encore marqué 2)ar des règlements et des mesures fort sages. Il resserra les liens de la disci- pline qui se relâchait, répara les fortifications, pourvut à l'abondance et à la richesse des aumônes, fit prospérer le commerce de l'île. Il n'y avait qu'une voix sur la sagesse de son gouvernement. On a de sa main un opuscule intitulé :

IQQ L'OEDRE DE MALTE.

Courte Instruction sur l'Ordre militaire des chevaliers de Saint- Jean-de- Jérusalem. Son mausolée est dans la nef de l'Eglise- Saint-Jean et non dans la chapelle de la Langue d'Italie. Il est d'un bon style: entre deux colonnes, surmontées de deux anges se couvrant du bouclier, sont les armes écartelées. avec deux ailes en support et la couronne. Le grand-maître est couclié sur le sarcophage, tout armé et tenant son bâton de commandement, accoudé sur le bras droit; deux anges soulèr- vent le drap qui le couvrait, et, par derrière, sont rangées des piques debout; deux anges à demi voilés, postés au dessus du socle, tiennent, l'un la croix, le calice et les Evangiles, l'autre l'ancre et la discipline. Ces symboles sont rendus plus compréhensibles par l'inscription tumulaire, ainsi conçue: D. 0. M. Fr. M. Antonio Zondadario senensi, magno magistro. ex ansano Zondadario et agnete Chigia Alexandri VIL P. M. (Pontifîcis maximi) fratis filia progenito, gemina apud summum pontificem. legatione classisgue totius praefectura difficillimis temporihus praeclare functo, summis Buropae principihus pro- hatissimo, christianae et militaris disciplinae vindici, re navali plurimum aucta, insulaque novis munimentis- instructa, de suis equitibus optime merito, pio, hos^ntali, magnanimo . . . Obiit a. B. MBGCXXII Aetat. suae LXIV. principatus III. Le coeur de Zondadari fut porté à Sienne, et placé dans la Cathédrale, sous sa statue, près de la chapelle de Saint- Jean-Baptiste, avec cette inscription: Eminent. princ. Fr. Marco Antonio Zondadario, sacrae domiis Jiospitalis Jérusalem magno magistro. Condito hic ejus corde, fr. Gaspar Gori, Man- cini, meliten. episcopus, a supremis sut ordinis et siciliae regni consiliis, decreto puhlico sorenensi (de Sienne) patrono gratus et patriae MB. A. B. MBCCXXVI

Une pièce d'or de 4 sequins porte au revers l'écusson écartelé avec la couronne ducale (1722); une autre, l'in- scription dans une moulure : qvi dat pavperi non indigekit; toutes deux, à l'avers, le buste tourné à gauche, avec la croix dessus, et avec la perruque Louis XIV et le jabot. La légende, au revers, est: m magisïer hospitalis et s s SEPVLCHRI HiERv: plus OU moins abrégée. Une de 1 sequin

LES CHEVALIERS DE MALTE. 187

a, au revers, Saint-Jean donnant l'étendard à un Chevalier à genoux et la légende: pietate vinces. Un carlin d'argent a, d'un côté, la croix dans un écusson porté par deux palmes et surmonté de la couronne ducale, de l'autre, une branche à trois roses, avec la légende: gratli obvia vltio QVAESiTA. On a une médaille de Zondadari en bronze, 40 m. m.; à l'avers, le buste comme ci-dessus, avec la légende: F MAEC ANT ZONDADARI p MAS S H H ; au revei's, David retirant le miel de la gueule du lion, avec le millésime de 1721 et la devise: de forte egressa est dvlcedo.

XL VI. Frère Antoine Manoël de Vilhena.

(1722—1736)

le successeur de Fr. Zondadari, avait successivement revêtu toutes les dignités de l'Ordre, et sa valeur s'était montrée dans plusieurs rencontres avec les corsaires. Ce choix fut justifié: il gouverna sagement, pendant 14 années, les afiaires de l'Ordre. De son règne date en particulier la réforme du système monétaire de Malte, dont nous nous occuperons, mais enregistrons d'abord les faits les plus saillants qui se sont passés sous ce magistère. Et d'abord, notons que c'est sous son règne que le pavillon espagnol, qui avait flotté jusque sur la Cité- Victorieuse, comme un témoin de la suzeraineté étrangère, fut remplacé par le pavillon de l'Ordre. Le fait a son importance.

Un esclave turc, qui avait été racheté par l'Ambassa- deur ottoman à Paris, retourna à Stamboul; il avait étudié les fortifications de Malte et sut persuader au Sultan d'en- voyer une flotte contre l'île des Chevaliers, en assurant qu'à l'approche des vaisseaux turcs, tous les esclaves prendraient les armes, et que de cette manière la conquête de l'île serait rendue très-facile. Le Grand-Maître, informé de ce projet, se disposa à recevoir les Lifidèles. On ajouta à la Cité- Valette un faubourg bien fortifié; on construisit sur l'ilot existant dans le port de Marsa-Muscet, un fort qui fut baptisé du nom de Fort-Manoël, et l'on enferma

188 L'ORDRE DE MALTE.

les esclaves en lieu sûr et sous bonne garde. L'amiral ottoman, en arrivant à la tête de la flotte infidèle, trouva les fortifications armées et défendues par les Chevaliers, et, après une démonstration inoffensive de son artillerie, il se retira en laissant une lettre à l'adresse du Grand-Maître qu'il menaçait, avec une jactance tout à fait orientale, des plus grands malheurs, s'il ne mettait pas en liberté les esclaves turcs. Le Grand-Maître répondit avec dignité, qu'il était prêt à un échange de prisonniers. Des négociations s'entamèrent même à Constantinople, sous les auspices de l'Ambassadeur de France, et l'on fut sur le point de con- clure une trêve de vingt ans (1723). La jalousie du Capitan- pacha fit échouer ces négociations ^). Le traité projeté était acceptable, car le droit de combattre les corsafi-es y était réservé. L'Ordre était placé sur la même ligne que la France vis-à-vis de la Porte (capitulations); enfin, il était stipulé que si, dans l'intervalle de ces vingt années, la Tui'quie était en état de guerre avec une puissance chrétienne, le traité serait nul de plein droit. Le pape Benoît XIII voulut, à cette occasion, témoigner au Grand-Maître son estime, et lui envoya, en 1725, de magnifiques insignes, qui se com- posaient de l'estoc et du casque bénits solennellement à la fête de Noël. D'après Vertot, l'estoc était une épée d'argent doré, longue d'environ cinq pieds, et le casque une espèce de bonnet de velours pourpre, brodé d'or, garni d'un Saint- Esprit de perles. C'était un rare honneur poiu: l'Ordre et son chef: on célébra, à Malte, à cette occasion, les fêtes les plus brillantes; puis de magnifiques inscriptions furent placées au palais des grands-maîtres et à l'Eglise-Saint- Jean, poui' perpétuer ce souvenir.

L'apparition de la flotte turque avait rendu l'audace aux pirates. Deux vaisseaux de TOrdre capturèrent deux corsaires tunisiens; puis, en 1728, la flotte maltaise bombarda Tripoh, et, quatre ans plus tard i24 novembre 1732), elle

^) Le capitan-pacha est le grand-amiral de l'empire ottoman. Sa charge est la seconde de l'Etat: il n'a au dessus de lui que le Srand-vizir.

LES CHEVALIERS DE MALTE. i^Q

s'empara du vaisseau du contre- amiral, la sultane Kali- Micliamet, dans un combat naval qui dura une demi-journée et îine nuit entière.

Fr. Vilhena mourut le 12 décembre 1736, Le dernier acte de son administration fut la fondation d'un asile pour les mendiants et les jeunes filles pauvres. Son mausolée est à médaillon; il est très-richement orné de sculptures. Au dessus du socle, décoré de faisceaux et de chaînes sur ses faces, est le sarcophage, porté par deux lions d'armes; des anges tiennent de chaque côté T estoc et le casque bénits; au milieu du sarcophage, reposent sur un coussin les in- signes du magistère. Plus haut, dans les dra]Deries, planent l'ange de la Renommée et un autre ange qui soulève celles-ci pour mettre à nu l'écu aux armes écartelées, sommé de la couronne, L'épitaphe du socle est ainsi conçue: D. 0. M. Hic jacet M. M. fr. d. Antonius Manoël de Vilhena., regia e stirpe ortus. qui ad supremum magistrii ctdmen ob vir- tutem erectus, magis natus quant electus princeps videhatur. Vix suscepto imperii gubernaculo., arcem sui nominis condidit, verè pater pauperum, xenodochia fundavit. Mira mentis fortitu- dine praeditus, vel magna cogitahat, vel exsequehatur. Mémento, viator^ quod uhi gressum in his insulis sistes, pietatis ejus, munificentiae, securitatis, amoenitatis monumenta ihi inveniens. In acerrimis ultimi morhis cniciatibus, summa ejus religio et patientia emicuere. Ohiipridiè idus decemhris A. MDCC XXXVI. Aetatis siiae LXXIII magisterii vero XV.

Nous sommes obligé de nous arrêter un peu longue- ment aux monnaies de ce magistère, à cause de la grande réforme qu'inaugura Fr, Manoël de Vilhena ^). Cette réforme était devenue nécessaire: les sequins magistraux étaient à un titre inférieur à celui des doublons d'Espagne et des autres monnaies d'or étrangères. Parmi les pièces d'or, on possède des pièces de 12 sequins ('1725), de 10 sequins (1722), de 4 sequins (1723 et 1724), de 2 sequins (1723, 1724, 1726), de 1 sequin (1724 et 1725); des pièces d'argent

') V. Appendice, Système monétaire à Bhocles et à Malte.

190 L'ORDRE DE MALTE.

de 1 et de 2 écus (1723 1725); des 8 taris (module des 4 seqnins d'or), 6 taris, 4 taris (1721 1728), 2 taris et 1 tari; des carlins de cuivre (modèles fiduciaires 1726 1734); des grains de cuivre (1734 1736). Ce sont toujours les types précédents, pour les légendes et emblèmes. Les 2 écus nous montrent les armes de l'Ordre, et les armes de Manoël de Yilhena écartelées avec celles de l'Ordre, accotées sous nne couronne ducale. Les 8 taris furent retirés de la cir- culation," à cause de leur ressemblance avec les 4 sequins, qui facilitait la fabrication de la fausse monnaie par un simple procédé de dorure. Les médailles de Vilbena sont curieuses. Voici d'abord celle frappée pour la construction du Fort-Manoël; elle est de bronze et a 36 m. m. Avers: F : D AN MANOEL DE viLHENA M M Buste à gauclie, perruque, cuirasse avec la croix; revers: * arx da marsamucietum in

VALETTE TUTELAM ET SECURITATEM POSITA AN-MDCCXXIII (NoUS

appelons l'attention sur l'U remplaçant le V, pour u) *>$(*. Voici ensuite celle frappée en commémoration de l'ouverture du nouveau port: elle est d'argent et a 52 m. m.; avers, de même; revers, le nouveau Fort-Manoël et la légende: portvs MARSAMVsciETVM, au bas à droite, la ville et le mot valetta, autour: ad vltionem inimicorvm et Valette -tvtamen- 1724. Voici celle de bronze, d'un dessin très-bon, frappée en 1725, pour l'achèvement du Fort-Manoël: elle a 97 m. m.; avers, buste très-soigné, légende: F >|c d * an * manoel de * vilhena *M>^M5|c; revers: terraq * mariqve; un guerrier en habit de l'Ordre, à l'antique, tient une épée à la main droite et à la main gauche un bouclier aux armoiries du grand- maître (pour Manoël), dont il se couvre; à ses pieds, un lion rampant (pour Vilhena)^), des armes, une tablette portant eternitas, et une autre avec couronne de lauriers. Dans le fond, à droite, le Fort-Manoël, surgissant des flots, avec l'inscri23tion: manoel, et, à gauche, un vaisseau de guerre pavoisé et armé; au bas, l'exergue : foutes creantur

^) V. Appendice, Livre cVOr, pour les armoiries des grands- maîtres.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 191

FORTiBvs. Voici enfin celle frappée en IMDCCXXIX, pour rappeler l'envoi des insignes par Benoît XIII. Elle est de bronze et a 96 m. m.; avers, buste et légende, comme ci- dessus; revers: insignis * gloeia * factl La Foi présente à un guerrier antique, ayant à sa gauclie un lion rampant, un casque et une épée sur un coussin. A gauche de la Foi, deux anges tiennent, l'un la croix et le calice, l'autre un livre et un encensoir; sur un autel, la tiare et les clefs de Saint-Pierre. Le guerrier foule aux pieds des armes turques et un bouclier sur lequel sont figurés des croissants.

XLVII. Frèee Raymond Despuk^ (1736—1741)

avait été lieutenant du Magistère, sous ses trois prédé- cesseurs immédiats. Homme religieux et intègre, il était cependant, dit-on, un peu faible de caractère et soumis à l'infiuence de son entourage. Son règne n'offre rien de remarquable que la continuation de la course contre les corsaires, auxquels la flotte maltaise captura entre autres une tartane tri^Dolitaine et deux frégates algériennes, de 40 canons chacune. Il mourut à Malte, le 15 janvier 1741. Son tombeau se compose d'un sarcophage de marbre, sans autres ornements que deux médaillons, l'un à ses armes, l'autre avec son buste qui nous montre les deux croix de l'Ordre que les grands-maîtres portèrent alors, comme marques de la dignité suprême. L'épitaphe commence par ces mots: Fr. D. Rmjmundus H. H. M. M. . . et rappelle sa haute naissance: . . . ex praeclara halearia gente exortus, indytae hierosol. militiae nomen dédit . . . Elle énumère ensuite ses vertus et ses oeuvres. Les dates sont indiquées en ces termes: . . . Ohiit XVIII Cal. febr. MDCCXLI, Aet. siiae LXXI. On n'a pas de monnaies d'or de ce grand-maître, mais on en a d'argent et de cuivre. La couronne ducale y est doublée dans les pièces du plus grand module. II y a des monnaies fiduciaires.

192 L'ORDRE DE MALTE.

XLVIII. Frère Emmanuel Pinto. (1741—1773)

Le règne de ce gTand-maître fut un dès plus longs dont la Chronique fasse mention. Les premières années de son m-agistère ne nous offrent de notable que le bannisse- ment des Jésuites, qui devaient du reste être supprimés pour un temps, en 1773, par le pape Clément XIV. Mais, en 1758, on découvrit une conspiration formée par Moustapba, paclia de Rhodes, prisonnier de guerre à Malte, il était traité avec les égards dus à son rang. Il avait formé le projet d'assassiner le Grand-Maître et les principaux Cheva- liers, en armant les esclaves, espérant pouvoir ensuite s'emparer de l'île, à la faveur du désordre que cela occa- sionnerait. Les pachas de Tripoli et des états barbaresques devaient fournir des troupes, pom' appuyer les conjurés, aussitôt que le signal de la révolte serait donné. L'esclave faisant le service de Pmto devait le frapper d'un poignard empoisonné. Mais cet esclave, nommé Imseletty, recula trois fois au moment voulu devant l'exécution, lorsqu'il se trouva en présence de son maître endormi. Les conjurés gagnèrent ensuite un cuisinier turc, pour qu'il empoisonnât les mets servis au grand-maître; mais le cuisinier recula aussi devant l'exécution. Deux des conspirateurs dénoncèrent leurs complices; le pacha fut mis à la torture et avoua le complot. On arrêta sans retard deux cents conjurés, dont trente- quatre furent condamnés au dernier supplice. Fr. Pinto fut le premier qui porta le titre d'Altesse Eminentissime et surmonta ses armes de la couronne de prince; on dit qu'il en agit ainsi, pour donner plus de poids aux négociations qu'il avait entamées, afin d'obtenir la souveraineté de l'île de Corse qui, sous la conduite de Paoli, venait de s'affranchir de la domination de Gênes. Mais le Ministre du Roi de France mit un terme à ces négociations. L'indépendance de Malte fut un instant menacée par Charles III, roi des Deux-Siciles ^), auquel l'île avait été concédée par son père,

^) Charles III (en Espagne), Charles IV (dans les Deux-Siciles).

LES CHEVALIEES DE MALTE. 193

Philippe V d'Espagne, et qui réclama le droit d'envoyer dans cette île un visiteur apostolique. Le Grand-Maître s'y opposa, et le roi Charles III répondit à ce refus par la séquestration de tous les biens des Chevaliers dans ses Etats. Fr, Pinto tint bon et le Roi finit par renoncer à ses prétentions. L'influence de la France qui dominait dans le conseil empêcha, dit-on, les Chevaliers de poursuivre leurs entreprises contre les vaisseaux ottomans; mais si cela est vrai, il faut aussi ajouter que cette influence préserva Malte d'une incursion turque, à la suite de la caj)ture par l'Ordre d'un vaisseau de 78 canons, nommé le Grand- Seigneur, que des esclaves chrétiens révoltés prirent et conduisirent dans le port de Malte. Louis XV envoya un ambassadeur au Grrand-Maître, acheta la prise et en fit présent au Sultan turc, afin de l'apaiser.

Fr. Pinto construisit plusieurs édifices publics : on lui doit le Palais-de-Justice, dont il décora le fronton des statues de marbre de la Justice et de la Vérité ; dix-neuf magasins sur le môle du Grrand-Port et dix-neuf autres près du Fort-Saint-Elme. Il fit planter un grand nombre de mûriers, afin d'augmenter par la sériciculture les ressources de l'île. Il commença la Douane et acheva le Fort-Chambray, sur l'île de Gozzo, à la construction duquel le commandeur de Chambray avait déjà consacré une partie de sa propre fortune. La Bibliothèque, commencée sous le magistère de Fr. Alofe de Wignacourt, fut ouverte au pubhc, à la suite d'un don de 4.030 volumes, provenant de la biblio- thèque très-riche du cardinal Porto Carrero, fait à cette condition expresse (1761). Il réforma la justice, consacra une partie de ses revenus à l'établissement du Mont-de- piété de la Cité-Valette, et à la construction de navires légers pour la course, ouvrit le port-franc de Malte afin de faciliter le trafic maritime, fit protéger l'ile contre la peste de Messine (1743) par l'établissement d'an cordon sanitaire, fit reconnaître son ministre à Rome, en qualité d'ambassa- deur, par le pape Benoît XIV (1746) qui lui envoya, comme à Fr, Manoël de Vilhena, son prédécesseur

SALLES: 1,'OliDRE DE MALTE. iq

194 L'OEDRE DE MAiTE.

Benoît XIII. l'estoc et le casqiie hénits. Sous son règne, Louis XV. roi de France, par sa patente de juin 1769, enregistrée au Parlement de Paris, le 1^^ août de la même année, accorda aux Maltais tous les droits des régnicoles dans ses Etats, »Le roi, dit cette patente, voulant reconnaître les preuves d'attacliement données par la nation maltaise, tant à son service qu'au bien du commerce de son royaume, en s'employant soit sur ses vaisseaux de guerre, soit sur les navires marchands, ordonne que les Maltais, de quelque condition qu'ils soient, nés ou à naître dans les îles de Malte, Goze et Cumin, soient tenus pour régnicoles dans le royaume, et qu'à ce titre ils puissent s'y établir, y com- mercer, y acquérir, disposer de leurs biens par donation entre vifs, testament, codicille, ou tel autre acte, sous clause (le réciprocité de ne pouvoir porter les armes ni par terre ni par mer, pour le service d'auciuie ptiissance avec laquelle la France serait en guerre, et de n'être pourvus d'aucuns offices ni bénéfices de quelque natui'e qu'ils soient, sans avoir préalablement obtenu des lettres de nattn'alité.« Les liens étaient désormais étroits entre Malte et la France, comme ils l'avaient toujom-s été entre l'Ordre et le royaume qui possédait trois Langues sur les buit, entre lesquelles les Chevaliers se répartissaient depuis des siècles. C'était un fait à constater, d'autant plus qu'après 1774 le roi Louis XYI maintint cette concession et y aj otita des faveurs potu' la Biblio- thèque, à laquelle il ordonna d'envoyer un esemplaii'e de tous les ouvrages qui sortiraient de l'imprimerie roj^ale.

Fr. Pinto mouritt, le 24 janvier 1773, à l'âge de 92 ans. Son niattsolée à l'Egiise-Saint-Jean, de Malte, est formé d'un socle, orné de l'écu. aux armes écartelées, sommé de la couronne fermée, accoté de deux branches de laurier; le sarcophage posé sur ce socle est siu-monté d'un obélisque^ auquel s'appuie le médaillon du défunt, avec luie Renommée à droite, et, à gauche, un ange renversant son flambeau. L'épitaphe est courte et simple : B. 0. M. Euiin. Pinto hier. ord. m. m. rexit. ann. XXII. vixit. ann. XCII. ohiit MDCC LXXIIL Amor c/rate posuit.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 195

Nous voj^ons sur les pièces d'or la couronne doublée, ensuite la couronne fermée sur une pièce de 4 sequins, sur une de 2 sequins et sur une de 1 sequin. A partir de 1761, nous trouvons les écus d'or (S. 20), avec les armes de l'Ordre, au revers, supportées par la croix de Malte avec le collier, puis surmontées d'une couronne fermée, ou bien, avec les deus écus de l'Ordre et du Grand-Maître, accotés sous une couronne fermée, au dessous, deux rameaux d'olivier d'où pend une croix de l'Ordre, et, au revers, Saint Jean avec l'étendard de l'Ordre dans la main droite et à ses pieds l'Agneau; au dessous: S. XX; en légende: NOîiT svRREXiT MAioE.. Mêmes observations pour celles de dix ou de cinq écus, et pour les taris d'argent. Monnaies fiduciaires, avec la tête de Saint Jean ou avec l'écusson du Grand-Maître. La couronne semble avoir été adoptée depuis 1742. Nous relevons deux devises nouvelles: onvs

ilEVM LEVE EST, 1741, et: COXCVTIATIS NEMINEM (1742. 1752).

Les médailles sont très-nombreuses. Nous en citerons deux : Une médaille de bronze doré, 56 m. m. frappée à l'occa- sion de la prise de possession du magistère : Buste à droite, cuirasse, croix de l'Ordre, perruque à la mode : f. emmanvel piNTO M-M-H- ET S-SH-; au rcvers, la Religion avec l'étendard de l'Ordre présente au grand-maître un bomme à genoux tenant deux clefs ; derrière cet homme est la Cité-Notable. Millésime : a-d-mdccxxxxi. Une médaille de bronze doré, 37 m. m. ; buste à gaucbe (de trois-quarts, dans un autre exemplaire), légende : f d em. pestto m-m-s-r-hp-m- (magmis magister sacrae religionis hierosoîimitanae princeps melitae) ; au revers : heis dvclbvs mdcclxv. La mer éclairée par le soleil, sur la rive l'épée debout et le serpent de Saint Paul, à droite une galère, à gauche un palmier et le croissant de la lune.

XLIX. Frère François Ximénès de Texada (1773—1775)

était prieur de Navarre (Langue d'Aragon) et sénéchal de Fr. Pinto, auquel il succéda. Il appartenait à une grande

IQQ L'ORDRE DE MALTE.

famille d'Aragon et il avait gagné la confiance de ses Chevaliers par ses manières caressantes et affables, ainsi que par la promesse de gouverner tout autrement que son prédécesseur. Il était intelligent et courageux; mais, fier et violent au fond, il se démasqua bientôt, et perdit l'affection de l'Ordre et de la population. Pour remédier aux grandes dépenses de Pinto, il supprima diverses charges, diminua le traitement des autres et abolit à l'Université les chaires confiées à des étrangers. L'augmentation du prix des grains, par suite de l'établissement de droits d'entrée mit le comble à l'exaspération de la population. Don Gaétan Manarino se plaça à la tête du mouvement : il s'empara le 1^^ septembre 1775, du Fort-Saint-Elme et de la Tour-Saint- Jacques. Cependant les rebelles ne furent pas secondés : le chevalier d'Hamionville reprit la Tour-Saint-Jacques par escalade, à la tête de cent soldats; on n'y trouva que quatre rebelles. Se voyant abandonnés par la population, ceux qui tenaient Saint-Elme offrirent de se rendre. On leur accorda l'impunité et on leur promit de respecter les privilèges de la nation. Mais Fr. Ximénès allait, dit on, au mépris de la capitulation, les faire interroger et passer en jugement, quand il tomba malade à l'improviste et mourut, le 11 novembre 1775, à l'âge de 72 ans; il ne lui fut pas élevé de mausolée, une simple dalle en pierre de Malte recouvrit son cercueil et l'on y grava cette courte épitaphe : Fr. B. Franciscus Ximenes de Texada, m. m. eledus XXVIIIJanuarii Ann. MBCCLXXIII, obiit XI novenibris ann. MDCCLXXV.

Les écus d'or de ce grand-maître ont le buste tourné à gauche et les écus accotés sous la couronne fermée, avec la légened: fr d . pranoisgvs ximenes de texada 17^73, et, au revers : ^ m- m -h -et sangti sepvlghri ievrsale=, ou bien des abréviations différentes et les armes de l'Ordre adossées à la croix à huit pointes, avec colHer et couronne fermée (20 et 10), millésime 1774. Les écus d'argent et taris ont les mêmes emblèmes; un tari a le rameau d'olivier et la palme sous l'écu. On a de Ximénès une médaille de deux modules différents, d'argent et de bronze, 47 et 39 m. m.;

LES CHEVALIERS DE MALTE. I97

elle porte pour légende: tempokvm félicitas mdcclxxiii, deux cornes d'abondance, au milieu, deux épis de blé, au centre de ceux-ci, le caducée. Buste tourné à gauche, avec la cuirasse et la croix, et la perruque à marteaux. Légende :

F. D. FRANOISCVS XIMENES DE TEXADA M M S S HIE L'allé-

gorie à la paix et à la prospérité sous ce magistère est- elle une protestation, ou est-elle conforme à la vérité?

L. Peère Emmanuel de Rohan

(1775—1797)

appartenait à cette illustre maison de Bretagne qui avait pris pour adage : Roy ne puy, Duc ne doygne, Rohan suy ! Son père, ayant été accusé de particij^ation à une conju- ration fomentée, en 1720, par la Cour de Madrid, s'était réfugié en Espagne et avait été condamné à mort par contumace, à Paris. Emmanuel servit d'abord comme officier aux gardes du roi d'Espagne, puis il fut nommé grand-écuyer de l'Infant, duc de Parme, et même chargé d'aller à Vienne recevoir l'Archiduchesse d'Autriche, fiancée de ce prince. Ensuite il se rendit à Paris, il parvint à faire réhabiliter la mémoire de son père. Il entra alors dans l'Ordre et, grâce à la haute protection de la Princesse de Marsan, gouvernante des Enfants de France, il fut bientôt nommé bailli et capitaine-des-galères. Rohan joignait à la noblesse de son origine les qualités les plus brillantes : il sut se faire aimer par sa bonté. Il unissait à l'énergie du caractère, la douceur de l'abord qui tempérait en lui l'orgueil de race. »J'aime mieux, disait-il, non sans hauteur, mériter des éloges que d'en entendre. « A la mort de Fr. Ximénès, il fut élu grand-maître et le peuple ratifia unani- mement cette élection. Les Chevaliers de la Langue de France qui, depuis frère Adrien de Wignacourt, n'avait pas donné de grand-maître à l'Ordre, offrirent des fêtes magnifiques, pour célébrer cet heureux événement.

Le nouveau dignitaire justifia les espérances qu'on avait fondées sur lui. Les premières mesures qu'il prit, lui

19g L'ORDRE DE MALTE.

concilièrent l'Ordre tont entier. On enleva les têtes de trois révoltés que Fr. Ximénès avait en le mauvais goût, dans ce siècle de civilisation, de faii'e exposer au liaut de la Tour-Saint-Jacques, comme des témoins de la sédition et du châtiment; on amnistia les détenus politiques et l'on fit remise aux débiteurs du trésor de leurs dettes : Rolian paya pour eux. Il distribua d'abondantes aumônes, restreignit le droit de chasse des Chevaliers et inaugura les audiences pubKques. Il fonda la chambre de commerce, formée des Chevaliers les plus instruits sur les questions économiques et de notables de l'île. Pom^ relever l'agriculture, il su]3prima tous les droits sur les céréales.

La convocation du Chapitre général, tenu en 1777, fut un des actes importants de son magistère : il y avait 146 ans que l'Ordre n'avait plus exercé cette prérogative. Il racheta aussi un grand nombre des commanderies que l'Ordre avait possédées en Pologne et qu'il avait perdues après le démembrement de ce royaume par la Russie, l'Autriche et la Prusse (1772), et il créa un nouveau grand- prieuré de Pologne (1777), Ce fut le premier pas d'une politique d'alliance avec l'empire schismatique, à laquelle nous n'hésitons pas à attribuer en première ligne la perte de Malte par l'Ordre^), Les Chevaliers firent preuve de beaucoup de zèle et d'esprit de charité, en 1783, à l'occasion

^) » Saint- Allais. L'Ordre de Malte. Un Prince de la famille de Sangusko avait fait en Pologne une fondation en faveur de l'Ordre de Malte; elle avait été sanctionnée par plusieurs diètes dans le XVn° siècle, et néanmoins on s'en était emparé au détriment de l'Ordre. Le Bailli de Sagramoso, de la Langue d'Italie, nommé ministre de l'Ordre en Polog-ne, fut chargé, en 1772, de faire les réclamations nécessaires; sa négociation ne fut point infructueuse, et, en 1780, il vint en annoncer le succès au Couvent. Les biens que l'Ordre possé- dait en Pologne consistaient: en deux commanderies, qui lui avaient toujours été conservées, mais dont on avait cessé de percevoir les responsions; en un grand-prieuré; en six commanderies situées dans Vordinatie d'Ostrog, payant annuellement 2-l.OOOfl. de Pologne, ou près de 6000 écus maltais; en hxdt commanderies patronales, taxées à 6700 fl., ce qui devait faire monter annuellement les responsions de

LES CHEVALIERS DE MALTE. 199

d'un tremblement de terre, qui désola les côtes de Sicile et les Calabres. La réforme des Statuts de l'Ordre, com- mencée en 1725, sous le règne de Fr. Manoël de Villiena, fut terminée et les nouveaux Statuts furent approuvés par le pape Pie YI, en 1779. Ils ne différent que peu, dans cette nouvelle rédaction, des anciens qu'ils répètent et dont ils rappellent la confirmation par Sixte-Quint et Paul V ^). Les nouveaux Statuts se divisent en deux parties. La pre- mière renferme la liste des grand-maîtres, puis la Bulle de Pie VI; elle traite ensuite des rapports avec l'extérieur, eUe rappelle enfin les privilèges conférés à l'Ordre par les papes. La deuxième renferme, en 22 chapitres, les points les plus importants de discipline, à l'intérieu.r, et réglemente l'administration des biens de l'Ordre. Les Cbevaliers durent, comme à l'origine, se consacrer au soin des malades : chaque semaine venait le tour d'un chevalier qui avait à remplir ses devoirs d'hospitalier. Afin de rendre meilleure l'administration de la justice, les Lois furent aussi réformées et le nouveau code fut promulgué, en 1784, sous le titre de : Droit municipal de Malte ; il fut créé en outre une sorte de Cour judiciaire, nommée Magistrat de judicature, qui eut à se réunir deux fois par semaine, trois fois même, s'il était nécessaire, et qui fut divisée en deux chambres.

La flotte, depuis quelque temps à peu près inactive, s'unit en cette même année 1784. aux flottes d'Espagne,

Pologne à 7740 écus environ, sans compter les passages, les dépouilles les mortuaires et les vacants. Leur situation dans le district d'Ostrog, en Wolhynie, les fit passer, dans le démembrement de la Pologne, sous la domination russe. . . En vertu du traité de 1773, l'Ordre avait acquis en Pologne un revenu annuel de 120.000 fi. de ce pays. Paul résolut de porter ce revenu à 300.000 fl., payables par la trésorerie de l'Empire, et il demanda de substituer au titre de grand-prieuré de Pologne celui de grand-prieuré de Russie (V. Appendice XXIII"). Le traité fut signé par Besborodsko et Kourakin, et par le Bailli de Litta, le 15 janvier 1797.« Cette convention eut pour l'Ordre les plus funestes conséquences.

1) Smitmer, 256, p. 206. Liste des Statuts publiés ou manuscrits, de 1118 à 1797.

200 L^OEDKE DE MALTE.

de Xaples et de Portugal, pour tenter un assaut .snr Alger Le bombardement de la place fat sans résultat et l'entre- prise éclioua. Alger conclut du reste la paix avec l'Espagne, en 1785. Ce fut la dernière expédition maritime, à laquelle prit part l'Ordre lios]oitalier et militaire de Saint- Jean-de Jérusalem et du Saint-Sépulcre, de Rhodes et de Malte. Tandis que l'Electeur de Bavière, désirant que ses gentils- hommes fussent admis dans l'Ordre, faisait à celui-ci donation des biens des Jésuites qui venaient d'être supprimés par le Saint-Siège, et. qu'avec l'assentiment de Georges m de Hanovre, roi d'Angleterre, la Langue d'Angleterre était in- corporée à la Langue nouvelle, pom- former la Langue anglo-bavaroise; tandis qu'en France l'Ordre de Saint- Antoine (de Vienne, en Dauphin é) fusionnait avec la Religion hiéro- solymite ^) : tandis que l'empereur de Russie, Paul I*^^. augmen-

^) En 1070, Gaston, gentilhomme dauphinois, institua à Saint- Didier, près de la Tour-du-Pin (Isère), l'on conservait les reliques de Saint Antoine, un ordre de religieux pour soigner les malheureux atteints de la maladie appelée alors: feu sacré ou feu-de- Saint- Antoine. Cet Ordre prit un accroissement assez considérable: la maison chef d'Ordi-e s'appela l'Abbaye de Saint- Antoine. Il fut incorporé à l'Ordre de Malte (1777) et aboH (1790). S'mitmer, n" 236, p. 200. Lettres patentes du Roi de France relatives à la réunion et incorporation de TOrdi'e de S'- Antoine à l'Ordre deAIalte. du 25 juillet 1777. Traité préalable entre les deux ordres. Les Archives centrales de l'Ordre Teutonique (Vienne) possèdent une copie contemporaine de la Bulle de Pie VI.. Benim Jiumanarum conditio . . . . . en date de Home près de S'-Pierre. le 17 décembre 1775, réunissant l'Ordre de S*-Antoine, en France, à l'Ordre de S'-Jean-de-Jérusalem, et. en Sardaigne, à l'Ordre des Saints Maurice et Lazare. Cette pièce est très curieuse: on y trouve l'énumé- ration des 26 monastères de cet ordre de S'-Antoine de Vienne (Dauphiné). »L''ahhaye et ses dépendences, Paris, Pont Mousin, Besançon et Aumonure, Isenheim, Toulose, Chalons sur Saône, Stirizboîirg, Troyu, Pont en Poyan, Trois Epis, Saint Marcéllin, la Faucadiere. Xorges. Vienne, Clermont Ferrand, Rems, Poven, Barleduc, Metz, Lalande, Lyon, Briey, Atibeterre, Pont d'Aurat, Marseille, situes dans au'ant de lieux des royaumes du Roy très-clirétien«.. (V. Grosscapitularia 2062 fasc. I.) Cet acte fut produit à l'appui des négociations relatives à la réunion du canonicat de Cologne de l'Ordre de S'-Antoine à l'Ordi-e Teutonique (1785 jusque 1786y, dont le dossier est complet, La pièce n" 27 porte le

LES CHEVALIERES DE MALTE. 201

tait les revenus du prieuré de Pologne, en y ajoutant 150.000 florins par an sirr ses biens domaniaux, à la con- dition quil porterait à l'avenir le titre de grand-prieuré de Russie et que ses sujets du rite latin seraient admis dans l'Ordre (15 janvier 1797); tandis qu'ensuite, avec l'assenti- ment du Saint-Siège et par une complaisance funeste de l'Ordre catholique, ses sujets de rite grec purent y être aussi reçus; Frédéric II, roi de Prusse, avait dès 1771, afin de bien marquer la rupture avec la Religion catholique de Saint-Jean, interdit par Décret, de la façon la plus sévère, aux commandeurs de la Silésie prussienne, de con- tinuer à assister aux Chapitres de l'Ordre, au Couvent de Prague. Cette défense, il est vrai, n'empêcha pas le lien de cohésion de subsister tacitement, et l'on peut dire que ce n'est que le 3 juillet 1873, que les Chevaliers silésiens de l'Ordre catholique se sont en partie détachés de la communauté, afin d'être plus libres de se ranger du côté de cette politique de persécution contre l'Eglise, que le chancelier prussien avait baptisée du nom aussi faux que pompeux de: Cultur-Kampf (Combat de civilisation). Mais nous remettons à plus tard l'explication de ces derniers in- cidents, La Révolution française priva l'Ordre d'une grande partie de ses possessions, qui subirent le sort des biens ecclésiastiques ou des biens d'émigrés, selon les cas. Le décret de la Convention, du 19 septembre 1793, atteignait l'Ordre comme communauté religieuse, et le supprimait en territoire français, bien que l'Ordre eût jusqu'alors gardé la neutralité et quïl eût souvent secouru des vaisseaux français attaqués par les corsaires. Le nombre des Cheva- liers émigrés venant chercher un refuge dans le Couvent augmentait chaque jour. Ils étaient sans ressources, par suite de la confiscation de leurs biens. Le Grand-Maître les reçut tous, et, pour être en situation de donner de prompts . secours à ceux qui étaient sans ressources, il

sceau sur cire rouge des Antonins parfaitement intact; un aigle éployé chargé d'un T couronné, le tête de l'aigle entourée d'une auréole. Les négociations n'aboutirent pas.

202 L'ORDRE DE MALTE.

diminua les dépenses du Palais. Beaucoup de commandeurs doublèrent leurs responsions; mais, malgré tout, le trésor était pauvre, par suite de la générosité du Grand-Maître. C'est de lui qu'on rapporte ce beau trait. Un jour, l'inten- dant du palais vint lui annoncer, qu'il n'y avait plus d'argent pour les dépenses quotidiennes de la maison. »Mets de côté pour moi. chaque jour, un écu, répondit-il, et distribue le reste à mes frères ')«.

Fr. Rohan espérait beaucoup de la Russie et il offrit au czar Paul I®^', qui l'accepta, le protectorat de l'Ordre. Mais cette alliance, dont on exagéra sans doute les termes et la portée, exaspéra la République française et motiva les mesures prises contre Malte, sous le règne de Fr. Hom- pescL., son successeur ^). Rolian eut le tort, en tous cas, de faire acte de politique européenne, dans un moment 011 l'Ordre devait au contraire, plus que jamais, garder la neutralité et se réserver pour cette mission, fixée par ses Statuts, qu'il avait si admirablement remplie durant des siècles. On verra plus loin que nous analysons les faits et les opinions, sans nous départir de la plus stricte ob- jectivité. Aussi cette réflexion n'est-elle de notre part qu'une constatation: l'Ordre, resté neutre, n'aurait eu besoin du protectorat d'aucun souverain ; il avait ses vaisseaux, ses remparts, ses canons, ses chevaliers, et personne sans doute ne serait venu troubler dans son existence autonome un petit Etat, dont la neutralité am^ait rendu plus utile et

^) On avait en vain clierché un remède dans les réceptions de minorité. Très-fréquentes sous le magistère de Fr. Emmanuel de Rohan, elles entraînaient un droit de passage plus élevé: elles pou- vaient avoir lieu dès le berceau, avec dispense par Bref du S'-Siége, mais sous réserve qu'à la 15" année accomplie le Clievalier de minorité ferait ses preuves de noblesse, afin de profiter de son rang d'ancienneté, et après sa 25" année accomplie ferait les 2 années de noviciat (caravanes) et prononcerait ses voeux comme chevalier de justice.

") Smitmer, 127. p. 102. Un gTand-maître pouvait être déposé s'il faisait alliance avec les ennemis de la foi (Oldradi de Ponte, Venise 1585). Si l'on apprécie à la lumière de ce précepte l'offre au scbismatique Paul I"" du protectorat de l'ordre catholique, on ne peut être trop sévère pour Rohan. V. App. Grand -prieuré de Russie.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 203

plus efficace encore la lutte contre les corsaires. Mais une fois jeté par l'imprudence de son chef, dans les luttes poli- tiques et internationales de l'Europe, il s'exposait fatale- ment au sort des petits, lors des conflicts des grands. Rolian était trop lionime d'état pour ne pas s'en rendre compte : de sans doute les paroles qu'on lui prête sur son lit de mort. S'il a vraiment prédit »qu'il serait probable- ment le dernier grand-maître de l'Ordre souverain à Malte «, il savait pourquoi, mieux que personne.

Fr. Rolian mourut, le 13 juillet 1797, après une longue maladie. Il avait, de son vivant, fait élever son mausolée, qui présente au dessus d'un cénotaphe, orné des armes pleines et écartelées, son buste appuyé à un obélisque, au milieu de drapeaux et de trophées, entre deux cartels, posés plus tard et sur lesquels se voient, à droite, une balance, à gauche, un pélican. Il y fut inhumé sans pompe, en juin 1814, dix-sept ans après sa mort. On lit sur le tombeau : D. 0. M., optato principi, benefîcio egentium patri, Emin. M. M. fr. Em. de Rolian, gui,, per XXI annos arduis temporibus prudenter, adversis strenuè remp. gestans, nov. decus. l. 0. attulit ; nec non, dum revolventur régna, abundantia pacem, justitia fidern^ pietate amorem populorum, obtinuit. Obiit die XIII Juin, MDCCXCVII, aetatis suae LXXII

Les écus d'or (20. 10. 5) sont un seul et même type. Avers: buste, à gauche, cuirasse avec croix, perruque à marteaux (1778 1779), légende: p. Emmanuel de rohan m. M.; revers: hospitalis et s . sepu . hierusal ; au milieu, les armes de l'Ordre et celles de Rohan, accotées sous la couronne fermée. Deux pièces de 30 taris, d'argent, montrent les armes appuyées sur un aigle aux ailes éployées (1779 1789); une pièce de 2 écus d'argent présente l'écu de Malte, appuyé sur la croix, avec le collier et la couronne fermée, et orné de deux rameaux d'olivier et de chêne (1796). Il y a des monnaies du type fiduciaire.

Les médailles sont très-belles. Médailles d'argent et de bronze doré, commémoratives de l'élection, 48 m. m.: Buste à gauche : Emmanuel de rohan melitae princeps ;

204 L'ORDRE DE MALTE.

revers, sur une nuée, un ange tenant d'une main la trom- pette et de l'autre une couronne de laurier : gloria eivs PER ORBEM TERRARUM. Médailles d'argent et de bronze doré, 50 m. m., avers : F. emmanltel de rohan m . m . h . et . s . s. H.: Buste de même. Revers: Le grand-maître debout pr^.s d'un piédestal, sur lequel est posée la couronne ; un bommo à genoux lui présente les clefs de la Cité Notable ; cette ville à gauche. Légende : melitae princeps et delicivm. Elle est commémorative de la prise de possession de la principauté. Sur une plus petite médaille d'argent, avec buste et écusson, on lit: in te domine speravi, 1778. Médaille de bronze, 52 m. m.: Buste de même. Légende:

AVSPICIIS M . M . EM . DE ROHAN PROVLDENTISSIMI PRI ; la longUC

inscription, au revers, énumère de nouveaux travaux de défense à Malte.

LI. Frère Ferdinand de Hompesch

(1797-1799)

était de la Langue allemande: il s'était attiré par son caractère loyal et sa probité bien connus, par ses manières affables et courtoises, la confiance générale ; on ajoute que son élection fut fortement appuyée par l' Autriche ; mais il était incapable, dit-on, et contribua à hâter la ruine de l'Ordre, quand on pouvait encore essayer de le sauver. Il avait, ajoute-t-on, négligé de préparer la défense de l'île. Il est un point enfin, sur lequel les opinions sont unanimes, ce sont les termes mêmes de la capitulation ; car si la France n'avait pas occupé Malte, d'autres l'auraient enlevée aux Chevaliers, et plus que personne, la puissance qui la prit aux Français en 1800 et qui l'a gardée par une violation de la foi |d'un traité, après 1802. L'Ordre, nous l'avons fait remarquer, n'était plus, par la faute de Fr. Rohan, cette association religieuse et guerrière, devant rester ab- solument neutre dans les luttes de l'Europe chrétienne, que nous avons suivie à travers les siècles, depuis que la guerre contre les Infidèles avait cessé d'être la loi unique de son

LES CHEVALIERS DE MALTE. 205

existence, depuis que le titre de Chevalier de Malte, grâce surtout aux réceptions de minorité, était devenu une sorte d'apanage des cadets de famille, depuis que Rohan avait fait de la politique de grand état.

Voici les faits racontés sans passion et sans parti pris, éclairés à la lumière des documents historiques.

Le Directoire de la République française envoya, vers la fin de février 1798, une escadre éclairer le chemin pour le transport des troupes destinées à l'expédition d'Egj^pte, tandis que la flotte française s'armait dans le j)ort de Toulon. L'escadre fit escale à Malte, et y attendit la flotte qui partit, le 9 juin 1798, des ports de la Provence et parut devant l'île, elle opéra sa jonction avec la pre- mière escadre commandée par l'amiral Bruyès. Les deux flottes réunies comptaient 472 navires, vaisseaux de guerre et bâtiments de transport. Le général en chef, Bonaparte, qui était à bord du vaisseau L'Orient, détacha à terre un aide-de-camp, j)Our charger l'Agent consulaire de la République française de demander au Grand-Maître l'entrée du port pour la flotte, afin de réparer quelques avaries, de faire de l'eau, de renouveler les provisions et de laisser reposer les malades. On assembla le conseil et l'on répondit que, suivant les règlements de 1718, le port ne pouvait recevoir à la fois plus de quatre vaisseaux de guerre, que l'Ordre pourvoirait au repos des malades et enverrait à l'armée d'expédition toutes les provisions dont il pouvait disposer. Sur cette réponse, que Bonaparte considéra comme une déclaration de guerre, celui-ci ordonna immédiatement de faire les préparatifs nécessaires pour s'emparer de Malte. L'Agent consulaire qui avait ap]30rté cette réponse, fut retenu à bord de l'Orient et fit connaître au Grand- Maître par lettre les intentions du général en chef, Bona- parte, en l'engageant en même temps à trouver un moyen d'accommodement, afin d'éviter l'effusion du sang. A la réception de cette Note, la confusion fut grande à la Cité- Valette, les idées nouvelles avaient des partisans. Tandis que les Chevaliers occupaient leurs postes, les partisans

206 L'ORDRE DE MALTE.

de la République s'efforçaient de mettre les Maltais en défiance contre l'Ordre. Hompescli voulut alors, mais un peu tard, tenter la résistance. Il confia la défense au bailli de la Tour du Pin et à un comité de 16 clievaliers, et se déchargea sur cette commission, d'une gênante re- sponsabilité. La commission, en voulant disperser les forces dont on disposait pour étendre la défense à toute l'île, adopta un plan évidemment impraticable. Il fallait les concentrer dans l'imprenable Cité-Valette. Puis qu'il y avait un acte, qualifié fait de guerre par Bonaparte, et qu'on ne voulait pas réparer l'imprudence commise par un changement immédiat de résolution et par l'ouverture du port à la flotte française, il fallait s'enfermer dans les forts et les fortifications des quatre cités, y appeler les habitants de la campagne avec leurs bestiaux et leurs récoltes. Bona- parte, sachant Nelson à sa poursuite, n'aurait pas perdu son temps à faire un long siège et surtout un long blocus. Il se serait éloigné après quelque simulacre de bombarde- ment, ou bien l'on aurait négocié une convention laissant l'île à l'Ordre, à certaines conditions garantissant la neu- tralité de Malte. La répartition des forces en entraînait la neutralisation, et il est certain que les chances d'une résistance à outrance furent dès lors bien diminuées. Il ne faut pas oublier que Bonaparte avait sous ses ordres des forces navales considérables et ce corps de vieilles troupes, qui firent ensuite la conquête de l'Egypte, après même qu'il en eut détaché 4000 hommes, à Malte, pour la garder. Il ne faut pas oublier non plus que le plan du comité était d'autant plus irréfléchi et maladroit que, sur 332 Chevaliers qui se trouvaient au couvent, 200 étaient français, 90 italiens, 25 espagnols, 8 portugais, 5 bavarois et 4 allemands, ce qui rendait l'harmonie des idées et des volontés difficile au cas présent, et que, dans ce nombre, il y en avait une cinquantaine que leur âge et lem'S infirmités mettaient hors d'état de porter les armes. Les faits qui se passèrent prouvent en outre que les cinq sixièmes des forces qu'il }' avait dans l'île, et, en parti-

LES CHEVALIERS DE MALTE. 207

ciilier, les 14.000 Maltais (1200 chasseurs et 12.800 hommes de milice) pouvaient tourner leurs armes contre les Cheva- liers, qui étaient en si infime minorité.

Les Français débarquèrent sur plusieurs points de l'île, sans être inquiétés par les forts avancés, excepté par le Fort-Manoël et le Fort-Tigné, qui furent vigoureusement défendus. Les habitants du Bourg résistèrent d'abord, mais ils capitulèrent à des conditions honorables. Les bourgs de Zebbug et de Siggieni épuisèrent leurs munitions avant de se rendre. Lorsque les Français se présentèrent- devant la Porte-des-Bombes, les Maltais firent une sortie, mais ils furent repoussés et désarmés. Les ouvrages extérieurs furent enlevés. Mais la Cité- Valette fut alors témoin de scènes odieuses: des négociants français, suspects d'être partisans de la République, furent massacrés par la pojDulace; des Chevaliers (Yallin, Montazet, d'Ormiz, d'Audelard) furent tués par leurs propres soldats. Les jurats et notables, se disant qu'en un tel état de choses la résistance était absolument impossible, et que tout le sang versé le serait sans utilité, rédigèrent une supplique au Grand-Maître, pour le prier de leur épargner les malheurs qui accompagnent le bombardement et la prise d'assaut. Hompesch refusa d'accéder à cette demande; mais on assure qu'une nouvelle députation vint plus tard le prévenir que, s'il ne voulait pas accueillir la prière de la population, on se chargerait bien sans lui de traiter avec le général Bonaparte. Etant donné l'état des esprits, le fait est possible. Le Grand- Maître réunit le Conseil, qui fut d'avis de demander un armistice, et l'armistice fut accordé, le 11 juin, pour vingt- quatre heures. Avant que le Conseil fut dissous, quelques jeunes chevaliers obtinrent l'autorisation de s'enfermer dans le Fort-Saint-Elme et de s'y défendre jusqu'au dernier. Trois cents soldats les y suivirent et n'en sortirent, qu'après la reddition du corps de place.

La capitulation 'j fut signée, le 12 juin, à bord du vaisseau L^ Orient, et voici en substance les huit articles

^) V. Appendice, Texte de la Capitulation.

208 L'ORDRE DE MALTE.

de cette convention: Cession de Malte, Gozzo et Comino, par l'Ordre à la République française, en tout droit de propriété et de souveraineté; Promesse au grand-maître d'une principauté équivalant à celle de Malte; pension annuelle de 300.000 francs; remboursement de 600.000 francs pour ses biens meubles; Permission aux Chevaliers français de rentrer dans lear patrie, leur résidence à Malte n'étant pas considérée comme émigration à l'étranger; - Assignation de pensions aux Chevaliers français. Promesse de bons offices auprès des Républiques italiennes, afin qu'elles en usent de même envers leurs nationaux. Promesse de bons offices auprès des puissances européennes, afin qu'elles conservent intacts les droits des Chevaliers sur les biens de l'Ordre situés dans leurs Etats; Garantie de la propriété privée des Chevaliers dans les îles: Garantie du libre exercice de la religion catholique, de la propriété et des privilèges acquis, pour les habitants de Malte et de Gozzo; promesse de ne pas les frapper de contributions extraordinaires; Déclara- tion de validité de tout acte civil passé sous le gouverne- ment de l'Ordre. Il y avait en outre des articles relatifs à la remise des forts, des magasins, des munitions de guerre et de la flotte (2 vaisseaux, 2 frégates, 4 galères).

Les avantages magnifiques garantis au Grand-Maître, tandis que l'Ordre ne venait qu'au dernier plan, dans la Convention, ont donné lieu à de vives attaques contre Hompesch. Ce n'était pas là, en effet, l'acte d'un grand- maître plus soucieux des intérêts de sa communauté que des siens propres; mais en conclure à un marché, ce serait outrager sans preuves les deux parties contractantes. Que l'on songe donc que la plupart des Chevaliers étaient de Langue française, et qu'ils étaient restés Français, que par conséquent ils ne pouvaient porter les armes contre une armée française, sans commettre le crime de haute trahison ^)! Il vaut mieux voir avant tout dans la reddition de Malte,

1) C'est dans ce sens naturel et prochain, qu'il faut lire la lettre du 10 juin, du commandeur Bosredon de Ransijat au grand-maître

LES CHEVALIERS DE MALTE. 209

en 1798, raccomplissement d'un fait historique inévitable, amené par des fautes antérieures et principalement par les conditions nouvelles survenues dans la vie des peuples et l'existence des Etats.

Hompesch a protesté ultérieurement contre la conven- tion signée par ses plénipotentiaires, sous la médiation de l'Espagne, et qu'il a déclarée entachée de violence. Mais sa protestation pouvait-elle rien changer à un acte de capitulation^ si noblement qualifié de Convention par Bona- parte, à cause de l'honneur chevaleresque^ qui est de sa nature même la suite fatale d'une situation inéluctable, le plus faible cède au plus fort? Si cette convention est une arme contre lui, elle ne lui a pas autant profité qu'il l'espérait; car, s'il a reçu la première indemnité, fixée par l'Art. II, soit 600.000 francs, il n'a touché dans la suite, que 15.000 francs au lieu de 300.000 francs par an ^). L'homme

Hompesch. Cette lettre amena l'incarcération temporaire de ce

chevalier.

»Altesse Eminentissime, Dans l'extrême affliction que j'éprouve en considérant que notre Ordre, après tant de malheurs essuyés jusqu'ici, se trouve encore exposé à celui d'être en guerre avec la France, qui est, sans contredit, le plus grand de tous, je crois de mon devoir d'avoir l'honneur de représenter à Votre Altesse Eminentissime, avec cette franchise qui a toujours fait la hase de mon caractère^ que, lorsque je me suis lie' par des voeux à notre institîct, je n'ai y contracter d'autre obligation militaire que celle de combattre les Turcs, nos ennemis constitutionnels, et jamais contre ma patrie, à laquelle, x>ar devoir autant que par sentiment, je suis et serai toujours, de même qu'à mon Ordre, extrêmement attaché. Me trouvant dans une circon- stance aussi critique, de ne pouvoir me déclarer d'un côté, sans, de l'autre, me rendre coupable, j'ose me flatter que Votre Altesse Eminentissime ne trouvera pas mauvais que j'observe une exacte neutralité. Je la suppHe en conséquence d'avoir la bonté de m'indiquer celui de nos religieux à qui je dois consigner mon trésor et de vouloir bien aussi nae désigner le lieu de ma démettre. J'ai l'honneur d'être, etc.

signé: Bosredon-Ransijat.« ') D'après les actes officiels du 16 juin 1798 et du 18 juin 1798

(28 et 30 prairial, an VI), Hompesch avait accepté ce qui suit, en

exécution de l'Art. H, et cela constituait une ratification sans réserve

SALLES : 1,'ORDKE DE MALTE. \.\

210 L'OEDEE DE MALTE.

qui proteste, à son amvée à Trieste. afin d'écliapper aux reproches, mourut à Montpellier, en 1805, pendant un voyage qu'il faisait en France, pour aller reclamer sa pen- sion, ce qui, on doit TaTOuer, était loin d'une protestation, tout aussi bien que l'acceptation de la première indemnité. n fiit inliumé, à Montpellier, sans aucune pompe, le 13 mai 1805, dans un caveau de la nef de l'Eglise-de-la- Merci, paroisse de Sainte-Eulalie, en présence de deux Chevaliers de sa maison et d'un commandeur de passage, comme l'établissent les registres de cette église^). Le caveau

de la convention. La pension de 300.000 frs. par an fat laissée à la charge du Trésor de la Eépublique française, mais il n'en fut pas de même de Tindemnité de 600.000 fi-s. Conformément au désii- que le grand-maître Hompesch exprimait dans sa fameuse lettre au général en chef Bonaparte, avant de quitter Malte. »que 300.000 francs fussent consacrés sur l'indemnité pour son mobilier, à l'acquit des dettes qu'il laissait, ainsi que 100 000 frs. par chacun an sur la pension qui lui était assignée, jusqu'à l'extinction des créances, et que cette délé- gation de 300.000 frs. présentement et de 100-000 frs. annuellement fût remise entre les mains du citoyen Poussielgue, capitaine du port«, 300.000 frcs., dont un tiers en argent et deux autres tiers sur le le payeur de Strasbourg, foi-ent remis à Hompesch avant son départ; les 300.000 fi-s restants forent affectés au paiement de ses dettes. Pour assui-er ce|paiement, la Commission de gouvernement fat chargée de prendre sur les biens de l'Ordre, déclarés domaines nationaux, des immeubles d'une valeur correspondante et d'en faire la cession à Hompesch, représenté par Antoine Poussielgue, son fondé de pou- voirs, constitué par acte passé, le 17 juin, devant Joseph Noël Mauréal, notaii-e pubhc. V. Miége, H. de 21alte. Arch. de Malte. ^) Actes de décès et d'inhumation. Décès. »Du 23° jour- de iioréal (12 mai 1805). Acte de décès de Son Altesse Eminentissime Ferdinand-Joseph-Herman-Antoine de Hompesch, ancien Grrand-Maître de Malte, décédé ce jourd'hui à trois heures après midi, dans la maison de Jardin Gruidais, sise sous le peyrou, au fauboui-g Saint-Dominique, âgé d'envnon soixante- un ans, étant le 9 novembre 1714^ originaire de Bollheim, dans le ci-devant duché de Juliers, demeurant à MontpeUier depuis six mois. Sur la déclaration à moi faite par M. Jean-Baptiste Becker. ex-chevalier de Malte, âgé de trente-trois ans, et par M. Léonard- Claude Xormand, ex-commandeur de l'Ordre, âgé de cinquante- quatre ans, habitans de cette ville depuis six mois, lesquels ont dit être les gentilshommes de Son Altesse, et ont signé après lecture

LES CHEVALIERS DE iL\LTE. 211

fut fermé par une dalle carrée. Aucun monument, aucune inscription, pas même le nom de celui qu'on avait appelé le Prince de Malte, ne vinrent rappeler qui reposait sous cette pierre. Il ne laissa rien du reste j)Our paj^er les frais de ces modestes funérailles. Le silence et l'oubli semblèrent être la meilleure sauvegarde de celui qui reposait là, por- tant comme derniers insignes de sa haute dignité, l'échaipe de l'Ordre, sur laquelle les mystères de la Passion étaient brodés en or, et un grand ruban en sautoir, auquel pendait l'aumônière. Les jugements prononcés sur lui sont inspirés, tantôt par la haine contre la France, tantôt par l'esprit de parti; nous ne nous y associons pas. Nous avons hésité longtemps à troubler le silence de cette humble tombe; mais nous avons enfin reconnu qu'il est de notre devoir de mettre le lecteur à même de juger par lui-même, si ïïompesch fut un traître, un incapable, une victime volon- taire d'une convention secrète entre l'Autriche et Bona- parte ^). ISTous donnerons donc à l'Appendice les précieux

dûment faite du présent acte; constaté par Jean-Baptiste Dupy, adjoint à la mairie de Montpellier*.

Inhumation. (Extrait des Registres de la sncciu'sale de Sainte- Eulalie).

»Le 13 mai 1805, a été déposé sans cérémonie, avec simplicité,

le corps de Son Altesse Eminentissime F.-J.-H.-A. de Hompesch,

Grand-Maître de l'ordre dit de Malte, décédé ce jom-d'huy, âgé

d'environ soixante-un ans. Le corps a été déposé dans un caveau

à lui seul destiné; le cercueU en bois blanc, scellé aux armes de

Son Altesse Eminentissime, a été lié par un cordon blanc en fil,

formant sept tours Vs, avec cinq sceaux en cire d'Espag-ne; et le

caveau a été clôturé d'une pierre carrée, et ai-rêtée par une bande

de fer, placée à fleur de terre, en présence de M. M. Joseph MiHou,

aumônier de Son Altesse Emmentissùne, Jean-Baptiste Sabatier,

ancien garde-du-cor})S, Vincent Soulier, marguiUier de l'oeuvre.

Signé: Cambon, prêtre; les susdits, le Bailli de Suftren Saint-Tropez,

le Chevalier Le Normand, le Chevalier Becker. Vincent Gravag-na.«

^) Cette dernière qualification est absolumeut inadmissible, si

l'on songe aux paroles relatives à Hompesch, attribuées à l'empereur

Napoléon I", dans les Mémoires de Saint-Hélène. M. Miége nous semlde

donc avoir fait fausse route par amour pour les Maltais, qui ne le

méritaient guère.

14*

212 L'ORDRE DE IVIALTE.

documents que nous avons pu recueillir, documents inédits, mais authentiques, qui nous ont permis, nous l'espérons, de faire assez de lumière sur la personne de Fr. Hompescb. et ses agissements, pour que le lecteur puisse se prononcer^).

Fr. Hompesch avait quitté Malte, le 17 juin 1798 à l'heure la plus tranquille de la nuit, avec une suite peu nom- breuse, et l'on assure que beaucoup de Chevaliers de Langue française (44) suivirent Bonaparte en Egypte et s'y couvrirent de gloire sous le drapeau de lem- pays. Hompescli dut résigner la dignité suprême, en 1799, sur l'ordre de l'Empereur d'Allemagne, son souverain ^), à la suite d'événements qui appartiennent à la dernière partie de ces Annales.

Il faut citer ici la médaille de Hompescb qui rappelle la fusion de l'Ordre de Saint- Antoine avec l'Ordre hiéro- sol^^mitain, en 1777. L'aigle à deux têtes, tenant en ses becs le T des Antonins, supporte avec un faisceau d'étendards l'écusson de Malte, à la couronne fermée: la légende indique son objet : ordo . s . ANT.vrENNEN.iN ordinem hxerosol. EECEPTVS M . Dcc . Lxxvi (sic). On l' attribue à Hompesch, malgré la date. L'aigle était l'insigne héraldique des Antonins, et l'écu de Malte est posé dessus, conformément à une ordonnance du 21 août 1777, signée en Conseil. Nous noterons enfin une pièce d'argent, de 30 taris, avec l'écusson écartelé porté par l'aigle et surmonté de la couronne fermée, avec le millésime de 1798. Les monnaies de l'Ordre

1) V. Appendice. Le Cas Hompesch.

^) Ordre d'abdication, notifié au grand-maître Hompesch par le prévôt Mafféi, par rintermédiaii-e de son frère, consul à Trieste :

»Yienne, juin 1799. Ce n'est plus le lieu de temporiser. Dans le temps que le grand-maître fera l'acte d'abdication pour notre souverain (TEmp. d'Ail.), il doit en faii'e un second pour l'empereur de Russie. S'il tarde, s'il tergiverse à accomplir le désir de notre souve- rain et du ministre, il deviendra personnellement ennemi de Vempereur et devra être traité en prissonnier d'état. Il peut profiter du prétexte d'aller prendre des iDains d'eaux minérales «

V. Miége, Histoire de Malte. Collationné avec l'original, S.

LES CHEVALIERS DE MALTE. 213

eurent cours à Malte, pendant une période de 28 ans, après l'entrée des Anglais.

Sans parler des titres glorieux à l'existence que possé- dait l'Ordre souverain des Clievaliers de Malte, des services rendus pendant des siècles à la cause de la Chrétienté et de rhumanité, nous nous contenterons ici de quelques ob- servations de sens commun.

Une lutte fratricide a été évitée. Ce n'en est pas moins à regret, que l'on voit disparaître un petit Etat qui avait, depuis plus de deux siècles et demi, fait l'admiration du monde chrétien et la terreur de l'Islam, et qui avait, dès les temps de despotisme, presque réalisé le type de l'état monarchique électif et constitutionnel.

N'eût-il pas été d'une bonne politique de la part de Bonaparte, de laisser, en 1798, Malte aux Chevaliers, comme il y était autorisé selon les cas par le Directoire, avec un traité de neutralité et une garnison suffisante pour garantir cette neutralité, dans les luttes entre la France et la Grande-Bretagne. Cette dernière puissance ne s'en serait pas ensuite rendue maîtresse le 4 septembre 1800 ^) et

^) Les Anglais ne forcèrent Malte que par un blocus presque ininterrompu, qui dura du 2 septembre 1798 au 4 septembre 1800, que grâce au concours de l'insurrection des habitants soudoyés par eux, qu'avec l'aide des Portugais et des Napolitains. La Cité-Valette même n'ouvrit ses portes que, lorsqu'elle fat à bout de vivres et de munitions, après huit sommations anglaises et moyennant la capitu- lation la plus honorable qui fut signée à la Valette ^). On peut même affirmer d'après les recherches de l'histoire, que ce furent les évé- ments extérieurs qui, en empêchant le ravitaillement de la place, en ouvrh-ent les portes aux aUiés. La défense de Malte est un fait d'armes mémorable : ce n'est pas au bombardement qu'est due la perte de l'île par les Français, c'est à l'esprit d'humanité du com- mandant qui n'éloigna pas les bouches inutiles et recueillit même les fuyards que les Anglais accueillaient à coup de canons ; car seul, avec ses soldats et ses marins, il aurait bravé longtemps encore

^) V Appendice, Reddition de Mulle.

214: L'ORDRE DE MALTE.

n'aurait pas sans doute conquis la domination de la Médi- terranée.

Quoi qu'il en soit, quel qu'ait été le coup porté à l'Ordre, par la cession de ses possessions de Malte, de Gozzo et de Comino, il s'est peu à peu relevé de ce désastre. Il existe aujourd'hui, non plus il est vrai comme Ordre de Chevaliers militants, mais comme Ordre de Chevaliers hospitaliers, exerçant sous une forme moderne, la mission primordiale de sa fondation. Lorsqu'on ne peut remonter le ^cours des âges, il y a une haute sagesse à conformer la vie et l'activité d'une glorieuse association aux exigences du présent, sans rien lui faire renier des traditions du passé. La constitution de l'Ordre est donc restée la même, mais son action s'est adaptée à la société moderne; à côté de cela, si l'Ordre n'est plus militant et souverain, dans le sens effectif de ces mots, il reste en ce siècle d'impiété et de matérialisme, le lien d'une phalange d'élite, qui doit combattre par l'exemple et par l'oeuvre de charité, pour la Foi que son épée défendit autrefois avec tant d'abnégation et d'héroïsme.

Nous voyons se clore derrière nous les périodes an- ciennes de son existence ; mais, à l'heure nous écrivons ces Annales, l'Ordre est sur le seuil d'une période nouvelle, et, encore, c'est la Croix de Malte à huit pointes, qui est le signe sous lequel l'avenir est à lui.

Anglais, Portugais, Napolitains et insurgés maltais. On a dit avec raison que la Grande-Bretagne a escamoté et non conquis cette île. Il est certain en effet, qu'elle avait tour à tour et selon les cas, pro- tégé les Maltais révoltés, déclaré agir pour le E-oi de Naples, puis dans l'intérêt de l'Ordre de Malte et pour la lui restituer ; qu'elle avait dupé tout le monde, et, qu'en somme elle n'avait procédé qu'avec le ferme dessein de prendre Malte pour elle et de la garder. C'était de la foi . . . punique.

L'ORDRE SOUVERAIN

DE

SAINT-JEAN-DE-JERUSALEM OU DE JERUSALEM ').

(1798—1886).

LU. Feère Paul I^^,

(1799-1801)

Empereur de Russie. L'Ordre était errant à travers l'Europe. Alors »les baillis, grand'croix, commandeurs, clievaliers du grand-prieuré de Russie ^) et autres membres de l'Ordre, présents à S*-Pétersbourg, proclamèrent, tant en leur propre nom qu'au nom des autres Langues et grands- prieurés en général, et en celui de chacun de ses membres en particulier qui se réuniraient à eux, S. M. V-^ l'Empereur et Autocrate de toutes les Russies, Paul I®^', grand-maître de l'Ordre de Saint- Jean-de-Jérusalem«. L'Empereur accepta: il avait déjà accepté, en 1797, le protectorat de l'Ordre ^). On déposa en même temps Hompescli, acte illégal et

^) Ce second titre est employé par les historiens anciens et dans le Codice diplomatico di Malta, du XVIII° siècle: »L'Ordre souverain de Jérusalem», ou encore »L'Ordre de Jérusalem», tel nous paraît être le titre officiel depuis 1879, titre justifié par les monuments les plus anciens; "mais les autres titres historiques appartiennent toujours à l'ordre. La médaille frappée par ordre de Léon XIII, à l'occasion de la restauration du magistère, en 1879, porte: SVMMVM OE.D . HIEROSOL . MAGISTERIVM . A . LEONE . Xm . RESTITVTVM . V. CAL . A . MDCCCLXXIX .

-) V. Appendice, Le Grand prieuré de Russie et le Cas Hompesch.

^) Ibidem.

216 L'ORDRE DE MALTE.

arbitraire d'une fraction de la communauté, de même que la nomination de Paul était contraire à l'essence même d'un Ordre qui relevait directement du Saint-Siège. Hompesch. résigna le magistère, en 1799, et quoique, d'un côté le Pape ne pût se résoudre à ratifier l'élection, quoique, d'un autre côté, l'empereur François II (François I®^, emperem- héréditaire d'Autriche) l'eût apprise à regret, parce que l'Ordre avait des possessions dans tous les pays d'Europe, il n'était pas aboli, la politique l'emporta, et Paul fat reconnu par tous les souverains, à l'exception de l'Electeur de Bavière qui abolit l'Ordre dans ses Etats, afin d'é^dter les malentendus, et vit son élection confirmée par presque tous les Chevaliers. De ce côté-là donc l'irrégularité de l'acte fat à peu près couverte ^). L'Empereur était parvenu au but qu'il ambitionnait et il songea immédiatement, après une acceptation solennelle du magistère, à exploiter la situation dans son propre intérêt, plus que dans celui des Chevaliers, Il pensait pouvoir, en reprenant Malte aux Français, acquérir une forte position dans le bassin médi- terranéen. Il témoigna pour l'Ordre une vive sollicitude. Il forma même le plan de le réformer, afin d'y faire entrer tout l'aristocratie de l'Europe, sans distinction de confession religieuse. Il en avait déjà composé le Conseil suprême et nommé les Lieutenants-Généraux et Lieutenants du Magistère, tous Russes. L'Ordre devait compter quatre classes: celle des marins, celle des combattants, celle des fonctionnaires, celle des savants; la noblesse n'était obligatoire que pour les deux premières classes. On avait armé une escadre j^our aUer s'emparer de Malte, lorsqu'on apprit que la Grande- Bretagne avait, grâce à la révolte des Maltais, pris le 4 septembre 1800 l'île qu'elle détient encore. Les Anglais refasèrent de la restituer à Paul, qui la réclamait au nom de l'Ordre dont il était le grand-maître. Ils ne la rendirent pas non plus, après la Paix d'Amiens, qui en stipulait la restitution aux Chevaliers. L'assassinat de Paul I®^ (23 mars

1) V. suprà p. 202, note 2.

L'OKDKE DE .JÉKLSALEM. 217

1801; avait aplani les difficultés de la situation vis à vis du Saint-Siège, mais délivré l'Angleterre d'un cruel ennemi et lui avait donné ses coudées franclies, car Alexandre I^^\ tout eu promettant sa protection, renonça formellement à l'héritage de la dignité de grand-maître. Les Chevaliers se retirèrent, en 1801, à Messine, et, l'année suivante, le y février 1802, le pape Pie VII nomma grand-maître, par délégation des grands-prieurs, Fr. Barthélémy, prince Rus- poli, de Rome, qui refusa d'accepter cette charge.

LUI. Frère Jean de Tomiiasi, (1803—1805)

à Crotone (Royaume de Naples), fut alors élu par le Souverain-Pontife, en vertu de la même délégation, le 13 juin 1803, et transféra le siège de l'Ordre à Catane, en Sicile. Fr. Tommasi était un ami de l'empereur Alexandre P^, mais il invoqua en vain son appui et fit dans la suite d'inutiles efforts, poiu' obtenir Malte et les domaines que l'Ordre avait possédés et perdus, dans plusieurs pays d Em'ope. On s'arrête beaucoup trop, en général, à la reddition de Malte au général Bonaparte, en 1798, tandis que l'on passe plus légèrement sur l'inexécution persistante de la Paix d'Amiens par la Grande Bretagne. Et cependant ce traité célèbre, dont le premier consul Bonaparte dicta en quelque sorte les clauses, imposait à l'x4.ngleterre la restitution immédiate à l'Ordre, de cette possession (25 mars 1802) ^). Le lieutenant du grand-maître Tommasi, Chevalier Buzi, se présenta en conséquence, le 1" mars 1803, pour prendre possession de Malte, Gozzo et Comino ; mais le commandant anglais répondit qu'il n'avait pas d'ordres de son gouvernement. Il déclara même, en sub- stance, par une lettre du 2 mars 1803, qu'il ne pouvait évacuer l'île et que le Grand-Maître ferait mieux, en atten- dant, de rester dans sa résidence de Sicile. Le ministre

') V. Appendice, XXVn.

218 L'ORDRE DE MALTE.

français à Malte fut prié par Buzi d'intervenir, pour ob- tenir que la place lui fût remise, et invita le Grand-Maître à se rendre à Malte sans délai, afin de donner plus de poids à la réclamation. Fr. Tommasi manqua de l'énergie voulue, car il répondit que son Lieutenant avait ses pouvoirs et qu'il attendrait à Messine la décision de l'affaire. Le ministre de France près V Ordre et l'île de Malte envoya alors une Note verbale au commandant anglais : il y con- clut que: . . »1° L'indépendance de ces îles et l'arrangement qui les concerne ayant été mis, par l'Art 10, § 4, du Traité d'Amiens, sous la protection -et la garantie des six puissances les plus prépondérantes de l'Europe, la France et la Grande- Bretagne, qui contractaient ensemMe, et qui ont appelé les autres puissances à garantir cette clause de leur traité de paix, ne peuvent point, sans scandale, refuser d'exécuter ces arrange- ments et d'accorder cette protection et cette garantie; Que s'appuyer d'un prétexte aussi frivole et d'un sophisme évident^ pour refuser ce qu'on a consenti soi-même, serait une in- fidélité qui est indigne d'une grande puissance, et dont l'Angleterre ne voudrait point souiller son histoire; Que la République française ne reconnaît au commandant anglais d'autre qualité en cette île, que celle de ministre plénipotentiaire de Sa Majesté Britannique, charge par elle de l'exécution et du, maintien des traités; que le premier consul se verrait dans le cas d'en appeler au tribunal de l'Europe et qu'il y trouverait indubitablement autant d'alliés, qu'il y a de puissances amies de la paix et jalouses de leur dignité, de leur indépendance, du droit des souverains et du maintien rigou/reux de la foi des traités. Il appuyait donc de la façon la plus formelle . les demandes faites au nom du grand-maître de l'Ordre de Malte, par son Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, le Chevalier Buzi, et, en conséquence, il récla- mait la plus prompte et la plus entière exécution du ■i'^ § de l'Art X du Traité d'Amiens «. C'était un langage ferme et énergique, qui ne fut point désavoué par le gouvernement français. Il est du reste liors de doute que l'Espagne et l'Autriche avaient accordé leur garantie, en novembre 1802 ;

L'ORDRE DE JERUSALEM. 219

que l'Empereiir de Russie et le E,oi de Prusse donnèrent la leur, en janvier 1803, avec quelques modifications à l'Art X du Traité d'Amiens, immédiatement acceptées par le Premier Consul, qu'enfin la garnison napolitaine, con- venue par le Traité, avait débarqué dans l'île, dès novembre 1802, et y campait en dehors des cités. Le léopard bri- tannique ne lâclia pas sa proie. La guerre déclarée par l'Angleterre, le 12 mai 1803, pour garder Malte, remit tout en question et rompit toutes les négociations rela- tives à la remise de Malte à l'Ordre. L'heure de Dieu était passée ^).

Il est un fait que nous ne pouvons omettre, car il établit péremptoirement les rapports de parfaite cordialité entre l'empereur Napoléon I®^ et l'Ordre, et il répond aux détracteurs ^). L'Envoyé du grand-maître Tommasi, bailli Fr. de Ferrette, fut un des premiers ministres étrangers venant à Aix-la-Chapelle, en même temps que l'Ambassa- deur d'Autriche, en septembre 1804, pour présenter à l'Empereur des Français, la reconnaissance de la dignité impériale par l'Ordre de Malte.

A la mort de Fr. Tommasi, le Souverain-Pontife refusa de nommer un grand-maître; mais il autorisa le Conseil de l'Ordre à élire un Lieutenant du Magistère, sous réserve de ratification de l'élection par le Saint-Siège. Jusqu'en 1879, l'Ordre fut ainsi gouverné par des Lieutenants du Magistère.

LIEUTENANTS DU MAGISTERE.

I, Frère Innico Marie Guevara Suardo, (1805-1814)

de Naples, fut élu le 15 juin 1805. La sécularisation des biens ecclésiastiques et la médiatisation des petites princi- pautés étaient à l'ordre du jour. Dès le temps du Schisme

^"i V. Appendice.

^) V. A. Thiers, Le Consulat et VEinpire.

220 L^ORDRE DE MALTE.

de Henri VIII, la Langue d'Angleterre avait été abolie (1534) ; la Langue anglo-bavaroise, créée plus tard, n'avait subsisté que peu de temps : le Langue d'Italie, une des plus ricbes, perdit d'abord ses domaines de la Haute-Italie, puis, en 1808, ceux des Etats de l'Eglise et de Naples; les Langues de France, de Provence et d'Auvergne avaient été détruites et dispersées par la Révolution française ; les biens de la Langue d'Espagne firent accession à la couronne (1803) ; le Roi de Prusse, par un Ordre de Cabinet, du 30 octobre 1810, supprima et annexa même les comman- deries silésiennes, appartenant au grand-prieuré de Bohême, de même que ses ancêtres avaient confisqué les autres domaines de la Langnie d'Allemagne, lors de l'invasion du protestantisme. En somme, à la fin de la Lieutenance de Fr. Suardo, l'Ordre n'existait plus à vrai dire qu'à titre de grand-prieuré de Boliême pour les pays de l'empire d'Autricbe, que l'empereur François P^ prit sous son aug-uste patronage (après une suspension de courte durée). Toutes les tentatives de Fr. Suardo pour récupérer Malte furent inutiles. Le Traité de Paris entre les Puissances alliées et la France (30 mai 1814) mit fin aux plus justes reven- dications. L'Art 7 en est ainsi conçu : »L'île de Malte et ses dépendances appartiendront en toute propriété et souveraineté, à Sa Majesté Britannique^ . La spoliation était accomplie et reconnue par les Alliés qui disposaient ainsi de ce qui ne leur appartenait pas. La violation de la Paix d'Amiens recevait, au bout de douze années, sa ratification par la faiblesse des puissances contractantes. Quant à la France, elle signa; mais on ne peut dii'e qu'elle eût voix délîbérative, car elle était écrasée et subissait la loi des vainqueurs.

Fr. Suardo moui'ut à Catane, le 2.5 avril 1814. et j fut inhumé dans l'Eglise conventuelle de Novaluce ; on lit sur son tombeau : Fratri innico ma. guevara suardo.^ ex ducïbus Bovoni, ordinis hierosolymitani iajuïivo, et navium longarum praefecto, in regni utriusque Siciliae copiis militum trihuno ; catinae quo ordinis sedes transvecta fuit magna croce decorato,

L'ORDRE DE JÉRUSALEM. 221

ibique magni magistri post Tomasii tnortem legato facto, dum praefiiit semper pio, Immano^ prudenti, de ordine in rébus an- gustis optime merito, fratres maerentissimi. L. P. VII Cal. mai. MBCCCXIV.

II. Frère André Giovanni et Centelles, (1814—1821)

de Messine, remplit les fonctions de Lieutenant du Magistère, dn 26 avril 1814 au 10 juin 1821. Le mémorandum présenté par lui au Congrès de Vienne (1814 1815) demeura lettre morte ^). Depuis, il est vrai, la Prusse a fondé (15 octobre

1) »Le Mémoire présenté par les ministres plénipotentiaires de Y Ordre souverain de St-Jean-de- Jérusalem au Congrès de Vienne est du 20 septembre 1814; il est signé, le bailli Miari, le commandeur Berlingbieri. Nous en trouvons le texte dans Klûber, Acten des Wiener Congresses, I, 85 et s. On y résume l'histoire de l'Ordre, pour étabUr surtout que celui-ci ne prit jamais part aux guerres entre les nations chrétiennes, et eut pour principes Vhospifalité, la milice, la noblesse, la neutralité parfaite et inviolable envers tous les chrétiens ; on y raconte les exploits de l'Ordre. Il insiste sur les soins que les Hospitahers donnaient à tous les malades dans leur vaste hôpital à Malte, véri- table lazaret qui souvent préserva de la peste Tltahe et l'Europe. Il accuse l'Ordre et ses sujets, de trahison, povu' faire l'apologie de Hompesch. Il exalte jusqu'aux nues Paul I" et Alexandre I". Puis il réclame un emplacement convenable, la restitution de ses biens qui en serait susceptilile et, au moins pour les premières années les moyens néces- saires pour fournir aux dépenses de son établissement et à la reprise de ses croisières contre les pirates. Il n'entend pas faire dans la Méditerranée une guerre de religion, mais en y protégeant le commerce et la navigation il voudrait briser les fers^des chrétiens qui gémissent dans V esclavage et préserver d'autres de cette calamité. Il serait une école de navigation et de valeur militaire, il exercerait de même la neutralité et l'hospitalité, il serait un modèle pour relever la noblesse. Il n'est pas sans ressources, car il jouit de ses anciennes possessions en Sicile et en Sardaig-ne, de presque toutes dans le prieuré de Rome, dans les duchés de Parme et de Plaisance, de toutes dans le grand-prieuré de Bohême. Il espère la restitution de partie de ses biens dans les états de Venise et de Lombardie, dans le prieuré de Pise, en Espag-ne, en Portugal: il espère tout de l'auguste empereur de Russie, dont il porte aux nues l'acceptation du protectorat de l'Ordre, de cette grande nation (l'Angle-

222 L'ORDRE DE MALTE.

1852), en. souvenir du Bailliage de Brandebourg (supprimé le 23 janvier 1811), un Ordre protestant des Johannites; mais il n'a de commun avec l'Ordre souverain de Saint-Jean-de- Jérusalem, qu'une certaine similitude de nom et d'insignes. Fr. Centelles fit cependant reconnaître l'existence de son Ordre, en accréditant des Envoyés auprès des Cours. C'est ainsi que le Comte du Saint-Empire, Fr. Philippe CoUoredo Mannsfeld. commandeur en Bohême, fut choisi pour Envoyé, et le Bailli Miari pour fondé de pouvoirs à Vienne. Il mourut, le 10 juin 1821, et fut inhumé dans la même église que son prédécesseur.

m. Frère Antoine Busca, (1821—1834)

de Milan, élu le 11 juin 1821 à la Lieutenance du Magistère, occupa cette charge jusqu'au 19 mai 1834; c'était un

terre) qui de tout temps a bien mérité de VJmmanite, qui dans les cir- constances actuelles s'est acquis de si grands droits à la reconnaissance de VEurope entière, jjar les efforts prodigieux et les sacrifices immenses qii'elle a faits pour lui procurer la paix et sa liberté, et renouveler avec lui ses anciennes liaisons qui augmenteraient sa sûreté, sa force et sa gloire, du roi Louis XVIII, de la Bavière et de la Prusse, de la Suède et du Danemarc, avec lesquels l'Ordre pourrait renouer la négociation ancienne relative au convoiement de leurs bâtiments dans la Méditerranée. Le nouveau lieu d'établissement ne devrait pas être trop éloigné du centre de la Méditerranée, avoir un port sûr, un arsenal, un lazaret, des bâtiments pour le personnel, une église, un hôpital. L'ordre devrait y être indépendant et libre, et y joidr de tous les droits et prérogatives de la souveraineté et de tous ses anciens privilèges. Dans ce factum maladroit, on supplie tout le monde et l'on oublie de réclamer Malte, ce qui était la chose essentielle. C'est sur Malte que l'Ordre avait un droit incontestable, et c'était le moment de l'invoquer et non de s'agenouiller devant la Russie et l'Angleterre. La revendication du droit aurait été digne du passé de l'Ordre, tandis que le Mémoire que nous venons d'analyser est une oeuvre illogique, qui n'eut et ne devait avoir auciin effet. Ce Mémoire est en outre un acte d'ingratitude envers la France de la Paix d'Amiens, et un outrage à la vérité historique relativement à l'Angleterre (V. Appen- dice, Le cas- Hompesch et Arch. I'" (Vienne).

L'ORDRE DE JÉRITSALEM. 223

homme d'une haute intelligence et il sembla avoir un instant des chances de réussite dans ses revendications. On ijroposa, au Congrès de A^érone (1822), de céder à l'Ordre une des Iles Ioniennes. Mais il ne fut pas donné stiite à ce projet. L'Ordre perdit même, par Ordonnance ministérielle de l'année 1824, tous ses droits et prétentions sur ses anciens domaines de Sicile. Fr. Busca transféra le siège de l'Ordre à Ferrare, dans les Etats de l'Eglise, le 12 mai 1826.

IV. Frère Charles, CA:NDn)A, (1834—1845)

de Lucère, fat nommé par le pape Grrégoire XVI, le 23 mai 1834. Il consacra toutes ses forces vives au relèvement de l'Ordre. C'est ainsi que l'empereur Ferdinand I^^ auto- risa l'érection d'un grand prieuré de Lombardie-Vénétie, auquel fut nommé Fr. Philippe CoUoredo-Maunsfeld ^). Il transféra l'Ordre à Rome. Le prieur eut Venise pour rési- dence et l'Ordre récupéra son ancienne église et son ancien couvent; l'Empereur lui assura en outre une pension aimuelle de 2000 florins. Il se fonda aussi sur d'autres parties du territoire de l'empire des commanderies de famille, richement dotées. Le Roi de Naples reconnut l'existence de l'Ordre dans ses Etats et lui donna en pleine propriété huit commanderies. Le duc de Modène fonda de même, en 1841, trois commanderies 2). Mais par contre les Chevaliers perdirent ce qu'ils possédaient encore en Portugal.

Il mourut, le 10 juillet 1845.

^) Le décret impérial est du 15 janvier 1839; il a été publié dans le Recueil des lois et ordonnances pour la Lombardie-Vénétie, A. 1841, vol. I, 27, p. 58, et rappelé dans une circulaire du gouverneur de Milan, du 21 juillet 1844, A. 1844, vol. H, p. 296, n" 24241.

2) V. au même recueil, A. 1844 et 1848, IL vol. II, p. 178 et vol, I, p. 52.

224 L'ORDEE DE MALTE.

V. Feèee Philippe Colloeedo Maxxspeld,

(1845—1864;

d'IIdiiie, succéda au Comte Candida; il fut nommé, le 15 septembre 1845, et remplit cette haute charge jusqu'au 9 octobre 1864. L'Ordre vit s'accroître ses domaines et s'étendre son influence, sous cette lieutenance. La Duchesse de Parme institua deux commanderies; le Hoi de Sardaigne, Charles-Albert, en institua en 1848. mais elles ne durèrent que deux années, car elles furent supprimées par une Loi, en 1850. L'Ordre pénétra de nouveau en Angleterre, Fr. Colloredo fit construire, à Londres, un vaste liospital dont il confia le soin aux Soeurs-de-la-Miséricorde, une beUe église et un Couvent magnifique. Il fut aidé dans cette oeu\T:e par G-eorges Bowyer, chevalier de Justice, et l'Ordre compte aujourd'hui des Chevaliers, chapelains et donats de Langue anglaise.

VI. Feèee Alexaxdee Ponsiax Borgo (1865—1872)

(ou Borgia), de VeUetri, bailli de l'Ordre, fut nommé le 27 février 1865 et mourut le 13 janvier 1872. C'est sous sa Lieutenance que le grand-prieuré de Bohême-Autriche a rendu à l'Ordre sa mission hosintalière, par l'institution du Service de santé volontaire en temps de guerre^ aujom'd'hui admirablement organisé et pourvu de tout le matériel nécessaire, comme nous le montrons dans notre étude spéciale sur ce grand-piieuré. L'inauguration de ce service date de l'année 1866, et précéda la guen'e faite à l'empire d'Autriche par la Prusse, ambitieuse de conquêtes et avide de suprématie. Nous dirons en détail l'organisation et les services rendus en 1866, 1869, 1878, 1885— 1886. Les noms de trois grands-prieurs de Bohême-Autriche se rattachent à cette oeuvre essentiellement humanitaire et hospitalière, digne de l'Ordre dont nous allons finir les Annales. Ce sont les noms de Fr. François Khevenhiiller-Metsch (1847 1867},

L'ORDEE DE .JEEUSALEM. 225

de Fr. François-Xavier Kolowi'at-Krakowski flSeT 1874) et de Fr. Othénio Bernard Marie Lichnowsky-Werdenberg (1874 à 1888). C'est aussi sons cette Lientenance du Magistère que le comte Caboga - Cerva. chambellan et conseiller anlique de Sa Majesté et E,^® apostolique, consul général d'Autricbe-Hongrie à Jérusalem, a accepté et mené à bien, grâce à l'appui de l'Empereur et Roi, lors de son voys^ge à Jérusalem, grâce à la munificence de ce monarque, grâce au concours actif et efficace du grand- prieuré de Bohême-Autriche, qui ont aplani les difficultés d'exécution, la mission confiée à ses soins, en 1869, et que l'Ordre a repris pied en Terre-Sainte, pour y exercer de nouveau, à huit siècles d'intervalle, le pieux ministère des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérasalem, sous la protection d'une puissante monarchie. Comme l'inauguration de Tantur (c'est le nom de l'hospice) a eu lieu, en 18 70, sous la Lieutenance du Successeur de Fr. Borgo, nous y reportons les plus amples détails sur ce fait, accompli 689 ans après la perte de la Judée et 585 ans après la perte d'Acre et de toute la Palestine.

ORAND MAÎTRE.

LIV. Frèee Jean- Baptiste Ceschi de Santa Ceoce,

Vn. Lieutenant du Magistère (1872—1879)

LIY. Grand-Maître (1879)

de Trente, fut élu à la Lieutenance, le 14 février 1872, et confirmé par le pape Pie IX ; puis le Magistère fut restauré par Bref du pape Léon XIII ^), en date du 28 mars 1879, et le titre et la dignité de Grand- Maîtrede V Ordre souverain de Saint- Jean-de- Jérusalem , ou de l'Ordre s. de Jérusalem furent conférés à Fr. Ceschi. Le Bref confirma en même temps les droits et prérogatives de cet Ordre. Le nouveau grand-maître reçut en outre le rang cardinalice à la Cour

*) V. Appendice, Texte français d'après Voriginal.

SALLES : I.'ORDRF. DE MALTE.

226 L'ORDRE DE MALTE.

du Souverain-Pontife et dans toutes les solennités, comme l'illustre Fr. Pierre d'Aubusson, en 1480, et Fr. Antoine de Paule, en 1630. Cette élévation au cardinalat a une signification aussi grande dans l'avenir que dans le présent; car Sa Majesté V-^ et B}^ apostolique a reconnu, en faveur de Fr. Ceschi et de ses successeurs, par Décret du 27 dé- cembre 1880, la collation de cette haute dignité avec les honneurs qui y sont attachés, puis elle y a ajouté une sanction plus marquée, en conférant à ce grand-maître, pour lui et ses successeurs au magistère, le rang de prince autrichien, et en étendant cette faveur insigne, par Décret du 2 avril 1881, aux grands-prieurs de Bohême-Autriche, dans le présent et dans l'avenir, avec le prédicat de Grâce princière. Le grand-maître est donc S. Em., Fr. Jean-Baptiste Ceschi de Santa Croce, cardinal et prince-grand-maître, depuis cette année 1879 et depuis l'année suivante, et ce titre est acquis à l'Ordre souverain, de telle sorte que désormais les noms de famille et les prénoms seuls chan- geront 1). La pourpre cardinalice marque bien l'étroite

^) Dès le XVn" siècle, les Chevaliers de Malte donnaient au grand-maître le titre d'Eminence, et les sujets de l'Ordre, celui d'Altesse Eminentissime. Depuis François I", les rois de France les appelaient: »Mon cousin«. On cite pour preuves une lettre de François I" (1525), après les négociations relatives à sa rançon; une de Louis XIV, du 22 mars 1644; une d'Anne d'Autriche, de la même date, en réponse aux lettres de condoléance de ce haut dignitaire, à propos de la mort de Louis XIII. Le titre de Prince fut conféré au Chef des Hospitaliers par l'Empereur Ferdinand I"' (Alofe de Wignacourt) avec le prédicat d'Altesse sérénissime. Sous Pinto et dans la suite, les Chevaliers et les ministres étrangers donnèrent aux grands-maîtres les titres de Monseigneur et d'Altesse Eminentissime. La couronne fermée somma alors les armes, pour la première fois. Mais il n'y avait, à vrai dire, de changé que la forme ; car, après le ser- ment d'observance des Statuts et Coutumes de l'Ordre, entre les mains du prieur de l'EgUse, tous les grands-maîtres allaient prêter, depuis l'inféodation de l'île, après leur intronisation et le baise-main, devant les portes de la Cité- Victorieuse, entre les mains du premier magistrat, en leur quaHté de princes de Malte, le serment de conserver les privilèges, libertés et autres droits garantis à la nation maltaise

L'ORDRE DE JÉRUSALEM. 227

union avec l'Eglise, et le rang de prince de l'Empire, qui n'a pas cessé un seul instant de reconnaître et de protéger l'Ordre, le lien entre les Chevaliers catlioliques et la dynastie qui a donné des Saints à la Chrétienté ; dont les souverains portent, depuis Charles-Quint, le titre de rois apostoliques ^ comme rois de Hongrie et celui de rois de Jérusalem, comme descendants directs des rois chrétiens de la Terre-Sainte. La couronne royale, maintenue au-dessus de l'écusson écartelé du Grand-Maître, ainsi qu'au dessus de l'écusson de l'Ordre, appuyé à la Croix à huit pointes, avec le collier de la grand' croix, est la manifestation de cette souveraineté, premier élément d'initiative et de force, dans l'accomplissement de l'oeuvre hospitalière de la com- munauté, pour la glorification de la Croix et le bien de l'humanité. Nous devons mentionner la restitution de son caractère autonome à l'Ordre, en territoire espagnol, par le Décret cité en original en tête de ce livre, dont voici la traduction fidèle,

»Décret royal.

»Prenant en considération les motifs exposés par Mon Ministre d'Etat et d'accord avec le Conseil des Ministres, Je viens décréter ce qui suit:

Art. l*^^. Les concessions d'habit de l'Ordre insigne et vénérable de Saint- Jean-de- Jérusalem, en la partie relative aux langues de Castille et d'Aragon, qui seront données à l'avenir par le Grand-Maître de l'Ordre nommé par Sa Sainteté, conformément aux conditions imposées par les Statuts du même ordre et sur confirmation du

par Chaiies-Quint, puis ils recevaient une clef d'or et une clef d'argent, en signe de soumission. Ils exerçaient à partir de ce moment les droits inhérents à la qualité de princes souverains et constitutionnels de Malte. Disons encore que, dans la correspondance avec Hompesch, François II, empereur, appelle le grand - mai ti-e : Monsieur mon cousin ! (V. Appendice, Lettres de 26 août et du 23 dé- cembre 1707), et termine par ces mots : »Monsieur mon Cousin, de Votre Altesse le bien affectionné.»

15*

228 L'ORDRE DE MALTE.

Chapitre espagnol, seront reconnues en Espagne et les bénéficiaires autorisés à porter les insignes du dit Ordre.

Art. 2. Les Chapitres des langues de Castille et d'Aragon actuellement existants seront fondus en un seul et Mon G-ouvernement, d'accord avec le Grand- Maître de l'Ordre, déteiminera les futures fonctions de celui-ci.

»Art. 3. Les chevaliers actuels de TOrdre conserveront dans la nouvelle organisation les mêmes insignes et uni- formes qu'ils ont actuellement, ainsi que les privilèges qui y correspondent et que reconnaît le G-rand-Maître de l'Ordre, au nom de Sa Sainteté.

Art. 4. Aucun sujet espagnol ne pourra porter en Espagne les insignes de l'Ordre de Saint-Jean, sans avoir obtenu préalablement l'autorisation nécessaire, qu'il solli- citera par l'intermédiaire du ministère d'état.

Art. 5. Les archives des langues d'Aragon et de Castille seront incorporées au dit ministère.

Art. 6. Il est dérogé aux décrets royaux du vingt janvier mil huit cent-deux, du vingt-six juillet mil huit cent quarante-sept, et du vingt-huit octobre mil huit cent cinquante et un, en tout ce qui n'est pas conforme au présent.

Donné au Palais de S*® Ldephonse, le quatre sep- tembre mil huit cent quatre-vingt-cinq. Signé: Alphonse. Contresigné: Le ministre d'état, J. Elduayen«.

C'est ici le moment de reprendre les Annales du premier établissement de l'Ordre en Terre - Sainte, que nous avons commencé à écrire, sous la Lieutenance de Fr, Borgo, celui de V Hospice de Tantur.

Au mois de novembre 1868. un traité conclu entre la Porte ottomane et la plupart des puissances permit aux étrangers d'acquérir et de posséder dans tout l'empire des biens-fonds, terres, maisons, etc., au même titre que les sujets du Sultan et avec cet avantage que les étrangers auraient leurs propriétés sous la protection de leurs consuls.

L'ORDRE DE JERUSALEM. 229

L'Ordre j^rofita de cette circonstance pour rentrer en Palestine, comme Ordre hospitalier. IL fallait avant tout être protégé par une puissance, acquérir une terre et agir sous le nom d'un tiers qui ne portât pas ombrage à quelque Etat non-catholique influent près de la Porte. On avait à redouter les menées des musulmans qui haïssent aujourd'hui comme jadis le nom chrétien, des juifs qui ne leur cèdent en rien sur ce point, des schismatiques de toutes les catégories, surtout des protestants anglais très-remuants servant partout d'avant-garde aux armées britanniques, et des protestants allemands, juifs convertis pour la plupart, ayant contre les catholiques plus de haine encore que les mahométans, les grecs et les Israélites. Une milice chevaleresque devait aussi inquiéter les catholiques latins redoutant de perdre leur situation acquise. Le comte Caboga acheta, en 1869, sous son propre nom, une colline entière, située entre Jérusalem et Bethléem, au lieu dit la Tour de Jacob. IL y construisit un véritable château, pour servir de Couvent aux Chevaliers, au chapelain et au médecin, puis, à vingt-cinq pas environ du côté S.-E., un hospital. Une collecte faite en Autriche par le grand-prieuré de Bohême, assura à l'établissement un revenu de 16.000 francs; Caboga lui aussi quêta partout avec succès: il fut soutenu par des grands personnages et par le trésor de l'Ordre; l'hospice fut doté par l'empereur François-Joseph. Les couleurs autrichiennes abritèrent la construction nouvelle, que le Magistère plaça du reste sous la protection immédiate de l'Empereur, auprès duquel l'Ordre est accrédité par ambassadeur. L'hospital ou hospice a été inauguré en 1876; le comte Caboga, reçu en juin 1872 chevalier de justice in sine Religionis^ a été nommé par le Magistère et le Conseil, précepteur de cet hospital, selon le terme traditionnel qui remonte à Fr. Gérard, en 1113 (Bulle du pape Pascal II) ^). Voici du reste le chaleureux appel du magistère aux grands-prieurs et à tous les Cheva- liers pour réclamer leur concours, en date du 7 avril 1873.

^) Il est mort depuis.

230 L'OEDEE DE MALTE.

Cette circulaire est un document historique. L'Hospice de Tantur a déjà donné l'hospitalité à bien des pèlerins; la mission est en pleine activité.

»Malgré les adversités de six siècles d'exil loin de la Terre-Sainte, écrivait le Magistère, l'Ordre de Saint-Jean a conservé jusqu'à nos jours le sentiment de la sainte mission qui, depuis son origine, lui incombe auprès du Très-Saint-Sépulcre de Notre-Seigneur. Fidèle à ses plus sacrées traditions, il s'efforce, aujourd'hui' que les conditions politiques de l'Em-ope et de l'Orient ont cessé d'y opposer des obstacles insurmontables, de se créer un nouveau champ d'action sur les saints lieux qui furent naguère son berceau et le premier théâtre de sa gloire. Pour vaquer à cette noble tâche, dans les limites que comporte notre ère actuelle, l'Ordre a résolu, il y a quelques années, de pour- voir à la fondation d'un établissement, dont le besoin se faisait vivement sentir à Jérusalem, c'est-à-dire d'un hôpital pour les pèlerins catholiques de toutes les nations. Il fit acquisi- tion à cet effet d'un terrain situé sur la colHne de Tantur, entre Jérusalem et Bethléem.

»Le Saint-Père Pie IX, en bénissant la pieuse entre- prise, renouvela en faveur de cet établissement et de l'église qui y sera annexée, les amples indulgences et privilèges, dont jouissaient anciennement nos hospices en Terre-Sainte, en y ajoutant des faveurs spéciales pour ceux des cheva- liers de justice qui se dévoueraient personnellement au service de cette oeuvre.

»D'autre part, le futur hôpital est aussi l'objet de la sollicitude de S. M. l'Empereur d'Autriche, qui a toujours manifesté le plus gracieux intérêt pour le développement du projet, et, tout récemment encore, a daigné en accepter le protectorat. La construction des édifices, placée sous la surveillance zélée et intelligente de notre confrère, le comte Caboga-Cerva, a fait de rapides progrès et se trouve presque achevée à l'heure qu'il est. Les frais considérables de cette institution furent supportés par le Magistère, aidé surtout par le généreux concours du Prieuré de Bohême.

L'OKDRE DE JERUSALEM. 231

On est parvenu ainsi à réunir un fonds produisant un revenu annuel de 16.000 francs. Ces moyens, toutefois, ne pourraient suffire pour faire face à tous les besoins de la situation. Le grand-prieuré de Bohême, sentant la nécessité de nouveaux sacrifices, ne recula pas devant cette obliga- tion et décida dernièrement qu'il demanderait une nouvelle contribution à tous les chevaliers de justice et de dévotion , de son ressort. De son côté, le suprême conseil approuva cette décision et décréta en même temps que, dorénavant, tous les chevaliers et dames de dévotion, nouvellement reçus dans l'Ordre, seraient tenus de faire une offrande pour l'oeuvre en question, dans les proportions que con- seilleraient à chacun sa propre piété et ses ressources personnelles. Pour leur part, les prieurés de la Langue italienne ont délibéré de prêter leur assistance à l'oeuvre commune,

»L'honneur et le mérite de cette oeuvre doivent appartenir, en effet, indistinctement, à tous les membres de l'Ordre, car tous sont également intéressés au succès d'une entreprise, dans laquelle le drapeau de l'Ordre tout entier est engagé.

»J'ai par conséquent le devoir d'en entretenir V. E., comme chef de l'association . . . Nos confrères de votre province, animés d'un esprit aussi chrétien que chevaleresque, voudront certes contribuer à ce que j'appellerai la renais- sance de notre institution sur son terrain primitif. Les preuves multiples que nous avons reçues du dévouement, de l'abnéga- tion et du zèle religieux de Votre Association, nous donnent l'assurance qu'elle répondra à cet appel en faveur d'une grande cause.

y> L'Ordre doit reprendre possession de la place glorieuse qui lui est réservée au pied du très-saint tombeau du Sauveur, Déjà la hannière de notre Croix flotte sur les hauteurs de la ville de Sion; bientôt elle protégera, comme dans les siècles les plus recidés, les milliers de pèlerins que la dévotion amène, de toutes les parties du monde, sur la scène de la vie et de la passion de Notre Seigneur Jésus- Christ . .

232 L'ORDRE DE MALTE.

Cette lettre était signée du bailli Fr. Ceschi, lieute- nant du Magistère, aujourd'hui cardinal-grand-maître: on ne peut parler avec plus de prudence, en précisant mieux la signification réelle de cette rentrée en Terre-Sainte, pour y combattre le saint combat de la Charité.

Jérusalem signifie dans la langue de la Bible:

La Vision de la paix.

Puisse donc le titre à' Ordre de Jérusalem être à la fois un symbole qui rappelle les origines de V Ordre de Saint- Jean et qui annonce ses destinées à venir!

DEUXIÈME PARTIE.

ANNALES DU GRAND-PRIEURE

DE

BOHEME-AUTRICHE.

LE aEAND-PRIEURE

DE

BOHÊME -AUTRICHE.

(1183—1886)

Vladislaiis II, grand-duc, puis roi de Bohême, résolut, à son retour de la Croisade (1147), pendant laquelle il avait vu, en Terre-Sainte, les Chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, a l'oeuvre, d'introduire l'Ordre dans ses Etats ^). Il lui donna l'emplacement nécessaire à la construction de l'église, de Vliospitàl et du couvent, sur les domaines de la Couronne de Bohême, à la Klein- seite de Prague, ainsi qu'une possession située le long de la Moldau et limitée par quatre routes, allant de l'île, appelée actuellement Kampa inférieure, au pont, avec droit de pêche dans la partie correspondante de la rivière et autres droits accessoires. Gervasius, chancelier du Royaume, et Martin, son neveu, firent élever à grands frais, en 1156, l'église de l'Ordre dédiée à Notre-Dame et Vliospital à la Kleinseite de Prague ; Daniel I®^, évêque (de Lipa), consacra la nouvelle église. La maison chef-d'ordre (Conventum, Couvent) fut ensuite pourvue de tout le nécessaire et les premiers chevaliers de Saint-Jean vinrent s'y établir, après avoir été solennellement reçus par le roi Vladislaus I®^ (grand-duc Vladislaus II), en 1158 1159; ils s'y con- sacrèrent au soin des malades, à l'hôpital, et se chargèrent du service religieux à Notre-Dame. Le roi Vladislaus I®^ fit dresser, en 1159, l'acte de fondation^): »Ad aedificandam

1) V. Appendice, XXVHI et XXIX.

2) V. Appendice, XXVIII, Texte de l'acte.

236 L- ORDRE DE MALTE.

ccclesiani et liosjjltalc at<j[ue imtituendam co^v^regationem reliyîo- sorum communis vitae virorum terrant quondarn ad coronam regiii mei pertinentem Pragae juxta pontem secus aquam inter quatuor vias dedi ipsamque aquam a super iori parte inferioris insidae usque ad pontem cum priscatione et omnibus aliis com- modis, quae in ihi possunt hàberi, eidem ecclesiae perpétua jure possidendam ^). L'Ordre s'étendit ensuite de Bohême en Moravie, Silésie. Hongrie et Pologne, de sorte qu'à la fin du Xn^ siècle et au commencement du XIII®, le plus grand nombre des commanderies se trouvait aussi bien dans ces pa3"s qu'en Styrie, Carintliie et Carniole, et que ces com- manderies furent, ainsi que celles des pays autricMens, mises dans l'obédience du grand-prieuré de Bohême.

La première commanderie, instituée dans le grand- prieuré de Bohême, fut celle de Mailberg 'Basse- Autriche) -). C'était une possession de Chadold de Harras qui, en reve- nant de la Croisade de Godefroy de Bouillon, la donna à l'Ordre et y fit bâtir, dès 1128, un Couvent avec une Eghse de Saint- Jean -Baptiste. L'empereur Frédéric I®^ confirma, en 1156, cette donation à l'Ordre.

Les Chevaliers de Saint-Jean se mirent à l'oeuvi'e pour embellir leur possession de Prague : ils y créèrent de beaux jardins et des bains; ils y bâtirent un moulin et de grandes maisons de revenu. Cette activité fut très -applaudie en Bohême et l'Ordre gagna sans cesse de nouveaux patrons et bienfaiteurs. Vladislaus lui donna, en 1259, le village de Letky, avec les vignes et autres dépendances, sur la possession qui forma plus tard le dominium de Tuchomeritz, à charge de prier pom" le salut de son âme et de l'âme de ses aïeux: puis les biens de la succession de Henri Hartmann, qu'il avait adopté : Kozarowitz avec toutes les forêts, ruisseaux et champs, près de "Worlék, dans le cercle actuel de Mirowitz: Breznoves prés de Libeii (Lieben), à

^) L'original est aux Archives de l'Ordre, à la Kleinseite de Prague.

^) V. Dr. M. M. Feytar. Atis dem Panthéon der GeschicTtte des h. s. Johanniter-Eitter- Ordens. 1882.

LE GRaXD-PMEURE DE BOHEME. 237

proximité de Prague, aujourd'hui propriété du Couvent; Neu- meritz, avec forêt et vergers, près de Welwarn (ancienne seigneurie de Svoleiioves) achetée par le roi lui-même au chevalier Lub et à d'autres encore; le revenu du passage sur la rivière de Mies, près de Radotin, non loin de Kônigsaal. Le chancelier royal Grervasius donna au cou- vent de Prague, le village de Pacislawitz, en Moravie, que le grand-duc Vladislaus I*^^ lui avait conféré, en récom- pense de services rendus à l'Etat ; son neveu Martin lui donna presque tout le domaine de Grussbach (non loin de Nicolsbourg), en Moravie, dont il avait acquis une partie de Conrad, duc de Znaïm, et le reste, des autres co-proprié- taires, par voie d'achat et d'échange. Les libéralités du roi Vladislaus I*^^' allèrent plus loin : il lui donna par Acte, en date de 1169, les possessions suivantes: Hodo- witz, Osajné (Meierhof), le village de Planes (paroisse de Girsch, prés de Tepl) et Kahov près de Plass, les terres de Manetin ^), avec Lippen et Viska, ainsi que le droit de pêche et d'usage des eaux, et de nombreuses forêts dont il laissa l'usufruit à ses parents "Wratislav et Nicolas, jusqu'à leur mort ; enfin Borislaw, près de Bilin ^), et Herbitz (Hribovic, paroisse de Karbitz), Lewin, près de x4.uscha, et une forêt à proximité de Olesohnitz et de la rivière de Liboc. Parmi les autres donateurs, il faut compter les frères Hroznata et Mircislaw, seigneurs de Peruc (non loin de Schlan), descendants des anciens Zupans de Melnik, et Frédéric, évêque, qui, avant 1179, pendant le règne du grand-duc Sobëslav II, firent donation au couvent de la Kleinseite de Prague, de Pomrle, près d'Aussig, de Reinlitz, de Rongstock, de Wëritz et Ujezd, de Schwaden, près d'Aussig, de Kojeditz, près de Leitmeritz, de Pirken, près de Rothenhaus, de Salesl, près d'Aussig, de Kleinpriesen, de Nestomitz, de Pohoï-, de Taschor, de la forêt près de Proboscht et de Ploschkowitz, près de Leitmeritz. Ils éri-

^) Archives, Acte n" 10. 2) Item, Acte n" 2.

238 L'ORDRE DE MALTE.

gèrent peu de temps après, à Ploschkowitz, une com- manderie.

Lorsque la guerre éclata entre les ducs Sobëslav II et Frédéric, il fut livré, le 27 janvier 1179, entre Prague et "Wysehrad, se trouve aujourd'hui la Neiistadt supérieure (quartier de Prague), à côté de la Porte-du-porc (plus tard: porte-des-aveugles), un sanglant combat; l'épouse de Fré- déric, qui y assistait du liaut des murailles de VAltstadt (ville-vieille, autre quartier), fit voeu d'élever sur le ciiamp de bataille une Eglise-de-Saint-Jean-Baptiste et un couvent pour les Chevaliers Hospitaliers, si son époux remportait la victoire. Dieu exauça son voeu et elle donna ordre de commencer sans retard les constructions. Le grand-duc Frédéric donna aussi quelques domaines à l'Ordre ^). Il fut enfin le protecteur de YHospital à Jérusalem, auquel il envoyait chaque année une somme importante, pour assister les pèlerins pauvres, malades et blessés, et l'admirateur des faits et gestes héroïques des Chevaliers de Saint-Jean, en Terre-Sainte.

Des maisons d'Hospitalières furent aussi fondées: la première fut créée pour les plus nobles demoiselles du pays, à Manetin, dans l'ancien cercle de Pilsen, confirmée par Bulle du pape Luce III, en date de Velletri, 23 octobre 1181. Les Hospitalières y avaient une belle Eglise-de-Saint- Jean-Baptiste et un Hospital. Il fat presque en même temps construit à Gross-Bor et à Prague, un couvent pour les Hospitalières; mais, faute d'actes, il est impossible d'indiquer plus exactement le lieu de leur résidence à Prague.

Comme la Congrégation des Chevaliers de Saint-Jean croissait de jour en jour, en Bohême et dans les pays voisins,

^) Arch. de Malte. Documents originaux, série I, vol. XVII. sFredericus Boemorum dux, dat Hospitali Jérusalem ecclesiam inter Pragam et "WisegTad et confirmât diversas donationes in regno Boemiae, 118B.« Vide: Ed. Dobner, Mon. IV, 245, et Boczak, Cod. clipl. Moraviae, I, 307; extr. apud. Erben, Begesta dipl. nec non epist. Bnhemiae et Moraviae, I, 168, 376.

LE GEAND-PEXEUEE DE BOHEME. 239

et qu'elle acquérait de jour en jour plus de richesses, les Chevaliers élurent, en 1183, leur premier chef et le nom- mèrent praeceptor^ c'est-à-dire Représentant du Maître de l'Ordre. Les grands-prieurs actuels se nommèrent donc d'abord praeceptores (précepteurs ou vice-maîtres), pkis tard aussi, magistri (maîtres). Au XIIP siècle, ils portent déjà le titre de Magnus ou Summus praeceptor (grand ou souverain- précepteur), et ils sont identiques avec les grands-comman- deurs des provinces, qui cessèrent d'exister vers la moitié du XIV® siècle et cédèrent la place aux grands-prieurs autonomes. On les appelait: Sacrae domus hospitalis Jéru- salem magister, ou, Summus (magnus) praeceptor per Aleman- niam, Boliemiam, Moraviam^ Poloniam, Austriam, Styriam, Hungariam; on trouve aussi le: humilis praeceptor; mais, lorsque le titre de prior se trouve dans les titres les plus anciens, il faut entendre par le prior ou magister cleri- corum, c'est-à-dire le prieur-de-1'Eglise ou maître-des-clercs. On ne rencontre pas, avant 1325, la dénomination de prior, pour désigner les chefs du grand-prieuré; plus tard, on lit souvent: prior generalis, prior humilis, et, dans les actes en allemand, Rochmeister (haut maître) et Oberster prior (prieur suprême). Les grands-prieurs sont aussi désignés dans les Actes, sous le titre de Supremi Magistri, de Maîtres-suprêmes de V Ordre de Saint- Jean-de- Jérusalem- en Bohême, à Strahonitz, et en tchèque: de »Mistri krizovnikùv zâkona rytirujiciho sv. Jâna krtitele prevorstvi ceského«. De 1661 à 1754, presque tous les grands-prieurs furent en même temps Lieutenants du Royaume de Bohême et possesseurs de la judicature provinciale supérieure; enfin d'après l'Ordonnance organique renouvelée par l'empereur Ferdinand II, ils sont premiers prélats de la province.

Nous avons pris pour guide, outre les chroniques anciennes et les documents . existants, l'ouvrage très-savant, quoique çà et un peu confus, de M. le D^' Feyfar (1882), et c'est d'après lui que nous avons établi la chronologie des précepteurs, précepteurs-généraux., prieurs-généraux, grands- prieurs. Quoiqu'on prétende que les dates et les noms ne

240 L'ORDEE DE MALTE.

seraient pas exacts, dans les premiers siècles, nous n'en avons pas moins conservé cet ordre chronologique, en ayant soin de présenter dans l'Appendice, les listes diver- gentes, de manière à permettre au lecteur de choisir. On a ainsi Feyfar (1882), Schaller (1786) et Beckmann (1726) comparés. Voulant donner place aussi à l'opinion, d'après laquelle Strakonitz aurait été le siège originaire du grand- prieuré de Bohême-Autriche, nous avons traduit de même, dans l'Appendice, les pages de Schaller et de Beckmann relatives à Strakonitz. En simple annaliste qui ne prétend pas trouver mieux que ses devanciers car souvent le mieux est l'ennemi du bien nous ne pouvions faire autre chose. Cela dit, nous allons d'après la méthode suivie pour l'Ordre tout entier dans notre première partie, esquisser les Annales de ce grand-prieuré ^).

PRÉCEPTEURS.

I. Feère Beenaed (1183—1186)

fut élu par les Chevaliers, en 1183, à la dignité de pré- ceptem- pour la Bohême, la Pologne, la Poméranie et les provinces adjacentes et confirmé par Bulle du pape Luce III. Il était savant et pieux, et il tint sévèrement à l'observa- tion de la discipline régulière en même temps qu'il travaillait à donner du relief à l'Ordre, en rendant utile à tous l'acti- vité de la communauté. Il vit s'accroître aussi les possessions du grand-prieuré. Le grand-duc Frédéric lui donna pour r Ordre ^), en 1183, l'Eglise votive de Saint- Jean-Baptiste que son épouse avait fait bâtù- à grands frais (1179 1183) sur le champ de bataille (na bojisti), ainsi que VhospitaJ et le couvent construits à côté, avec un jour de terres, le

^) V. Appendice, iïï're cTOr, les 3 listes comparées des dignitaires, de 1183 à nos jours.

2j Les donations sont faites, tantôt à l'Ordre même, à Jérusalem, etc., tantôt au grand-prieuré de Bohême.

LE GEAND-PRIEUEE DE BOHEME. 241

ruisseau de Bolic, un étang et un moulin près du ruisseau. Quelques Chevaliers s'y établirent aussitôt, pour s'y con- sacrer à l'administration spirituelle et au soin des malades, à l'hospital, et ils emplantèrent le terrain qui leur avait été donné. C'est en cette même année 1183, que Fr. Bernard reçut pour l'Ordre de Saint-Jean, des fils de Dluhomil, le domaine de Eywanowitz, avec le village de Bëlcic, la lande de Madlejowitz et autres accessoires, en Moravie, et y fit immédiatement construire un hospital. La donation fut confirmée la même année. C'est encore en 1183, ou même plutôt, que l'Ordre reçut donation de la terre de Grôbnig, aujourd'hui située dans la Silésie prussienne, car le grand-duc Frédéric confirma, en 1183, cette possession et y attacha de grands privilèges. Il n'est pas établi qu'une commanderie avec hospital y ait été instituée immédiate- ment. C'est en 1183, que Fr. Bernard reçut pour l'Ordre du grand-duc Frédéric les possessions suivantes: Altsattel, près de Saaz, Ploscha, près de Postelberg, Girsch, près de "Weseritz, Sahrat, près de Preitenstein ou Tepl, Skyritz, près de Brux, Pollinken, Gleischowitz, Tichonitz, près de Sternberg; en échange de Tichonitz, l'Ordre dut rendre Boreslau. C'est en 1183, qu'il reçut d'un gentilhomme nommée Hrabise, pour l'Ordre, l'Ile-des-juifs, à Prague, en amont de l'Ile-des-tireurs (Schiitzeninsel), donation confirmée par le grand-duc Frédéric, qui arrondit encore cette pos- session et lui fit donner le nom de Jérusalem. Il y fit bâtir une église en l'honneur du Saint-Sépulcre et sous l'invoca- tion de Saint Jean-Baptiste. Son épouse fit élever à Mies, en 1183, l'église paroissiale, sous l'invocation de la Sainte- Vierge, et celle de Kaaden près de l'Eger, puis le remit à l'Ordre; le grand-duc confirma la donation, avec cette clause qu'il ne pourrait être bâti d'église sans autorisation de l'Ordre. Il conféra en même temps à celui-ci le droit de patronage ^) sur ces deux églises. Mies eut bientôt sa commanderie. Comme la population s'était accrue par

^) Droit de collation du bénéfice.

SALLES : L'ORDRE DE MALTE.

242 L'ORDEE DE MALTE.

l'immigration des Allemands dans le comté de Glatz qui appartenait alors à la Bohême, il fut élevé dans le bourg même de la comté une deuxième église en l'iionneiu- de Saint "Wenceslas: elle fut donnée, en 1183, à l'Ordre qui y institua une commanderie. La grande-duchesse Elisabeth donna encore à l'Ordre le village de Weissenthurm, près de Wranau, puis des terres près de Hradischt et le village de Bëlcowic, près de Blattna, L'évêque de Prague, Henri Bretislav, neveu du roi Vladislaus I®^, donna en 1184 à l'Hôpital de Jérusalem, sur son héritage paternel, une métairie à Lewin, près d'Auscha, pour l'assistance des chrétiens en Terre-Sainte, à la condition de prier pour lui, pour son père qui avait été chevaHer d'honneur de l'Ordre et sa mère Marguerite. Il remit l'Acte de donation à Fr. Bernard, avec mission de le transmettre au maître, Fr, Roger des Mouhns, à Jérusalem. Cet Acte contenait en même temps coniirmation de toutes les fondations faites au profit de l'Ordre. Le grand-duc Frédéric donna encore, en 1185, aux Chevaliers d'autres possessions, dans l'ancien cercle de Saaz, et, le 23 avril 1186 ^), le village de Leschan et la ville de Kaaden, il fut érigé une commanderie et un hospital de Saint- Jean. L'église existe encore aujourd'hui. n j eut en outre d'autres donations et fondations, telles que celle faite par le Chapitre-du-Dôme de Prague, en 1186, du village-paroisse de Schaab (Psav) qui appartient maintenant aux Seigneurs-de-la- Croix (Kreuzherren) ; celle faite, en 1186, par Hrdon, grand- chambellan et administra- teur des biens domaniaux de la famille grand- duc aie, du domaine deKosmanos, auquel appartenait la ville deHrobka, située dans l'enceinte de la ville actuelle de Jung- bunzlau, au pied de la colline du grand - duc Vlatis- lav, connue sous le nom de Podolec, Podol (pod-Dol, Dul), Podhrad (Pod - hrad, sous le manoir), donation confirmée par le grand-duc Frédéric, en sa qualité de fils et successeur du roi Vladislaus 1^^, en la même

1) Arcli. Acte n" 6., an 1186.

LE GEAND-PRIEURE DE BOHEME. 243

année ^). Il fut érigé dans cette ville une magnifique coni- manderie, avec un Couvent de chanoinesses-hospitalières. Fr. Bernard mourut, en 118G, après avoir vu l'Ordre grandir et s'établir solidement dans son grand-prieuré, ré- compense bien précieuse pour ses efforts et ceux de ses chevaliers. Son corps fut inhumé dans l'Eglise conven- tuelle de Prague.

II. Frère Martin

(1186—1194)

fut élu, au Couvent de Prague, chef de l'Ordre pour la Bohême, la Hongrie et les provinces orientales voisines, et cette élection eut lieu à l'unanimité. Il était d'une grande famille, neveu du célèbre G-ervasius, chancelier de Vladis- laus I®^ et de Vladislaus II; il avait été ordonné prêtre à Prague, par l'évêque Meinhard (de Bamberg), il était chapelain et notaire de la Cour et fut envoyé à Constan- tinople, en 1164, à la tête d'une mission. Il fut successive- ment prieur du Chapitre collégial de Leitmeritz (1168), et prieur du Chapitre de Prague (1174). Il entra dans l'Ordre, en 1179 ou 1180, sous réserve de sa prébende. Après avoir prononcé solennellement ses voeux, il se rendit en pèlerinage, comme chevalier-prêtre, à Jérusalem ; il en revint, en 1183, et consacra sa vie au bien de l'Ordre. Dès avant 1186, Ozel, fils d'un certain Hirdeta, avait fait don à l'Ordre d'un jour de terre et d'une vaste pâture devant le manoir de Gràtz f'Silésie) et près du village de Modle- jowitz, non loin de Prerau (Moravie), qui appartenait au château-fort de Grâtz et avait nom Roberic, Ce domaine fut réuni plus tard à la commanderie de Troppau. L'Ordre avait reçu aussi les châteaux d'Orlowitz et d'Austerlitz. On rapporte ces donations à l'influence de Fr. Martin. Après son élection, le nouveau précepteur utilisa mieux encore ses hautes relations, dans l'intérêt de la communauté.

') Arch., Acte G., An 1186.

244 L'ORDRE DE MALTE.

Lorsqu'il eut réglé et consolidé la situation intérieure et extérieure de son Ordre, il se rendit de nouveau près du Maître, à Jérusalem; mais nous le retrouvons, en 1188 et 1189, dans son grand-prieuré. Le grand-duc Frédéric con- firma, en 1188, la commanderie de Ploschkowitz ^) dans ses possessions, et le Pape Clément III approuva par Bulle ^) l'institution les Hospitalières de Prague, ce qui prouve leur existence. Fr. Martin s'appliqua à faire observer stricte- ment les Statuts de l'Ordre et prêcha d'exemple. Il j eut alors (1188) quelques échanges avec le grand-duc Frédéric, lequel assura à l'Ordre un revenu annuel de 12 marcs d'argent sur ses mines de Mas^). Euphrosine, mère de la grande- duchesse Elisabeth, faisait remettre chaque année au prieuré de Bohême, pour VHospital de Jérusalem des sommes importantes; une fois veuve, elle entra elle-même dans l'Ordre. En 1188, le grand-duc Frédéric confirma l'Ordre dans toutes ses possessions actuelles. En 1189, Crispus Hroznata, aïeul du bienheureux, fit donation à l'Ordre, avec l'assentiment du grand-duc Conrad Othon, de toute sa fortune*). En 1190, le bienheureux Hroznata, magnat de Bohême de première classe, fils de Sezima (mort en 1179) et de dame Dabroslava, de l'ancienne famille des Cernine de Chudenitz, donna aussi à l'Ordre le village de Hradzen, près de Staab, à la condition qu'il ne pourrait être engagé, ni vendu, sans son assentiment ou celui de l'Abbé des Prémontrés de Tepl. La commanderie de Gross-Tinz (Tynec) fut érigée, en 1189, et vit plus tard ses possessions s'accroître par suite des fondations du comte Adlard. Bavor I^^, seigneur de Strakonitz et de Horaz- dowitz, prit part à la IIP Croisade, sous les ordres de Léopold V, duc d'Autriche 5), et, lorsqu'il eut été témoin

1) Arch. 7.

2) Bulle 77.

3) Arch. 11° 8.

*) Arch. Acte original.

5) C'est au siège d'Accon (Saint-Jean-d'Acre) que le duc d'Autriche, Léopold V, s'empara d'une tour par escalade, mais que, ne se voyant pas suivi, il s'élança (couvert de sang jusqu'à la ceinture) dans la

LE GRAND-PRIEURE DE BOHÊME. 245

de la vaillance des Chevaliers, à la prise de Saint-Jean- d'Acre (1189), il fit voeu (1190), s'il revenait sain et sauf dans son pays, de donner à l'Ordre une partie de ses do- maines, dont Strakonitz faisait partie. Il accomplit son voeu. Fr. Martin fut un homme pieux, instruit, actif et in- fluent: il sut allier dans son gouvernement la douceur à l'esprit d'équité. Il mourut, après avoir bien contribué à l'extension de l'Ordre, grâce à la faveur dont il jouissait à la Cour et près des grands du royaume. Il fut inhumé dans l'Eglise conventuelle de Prague, aux côtés de son prédécesseur.

III. Frère Meinhaed (1194—1234) ,

fut élu à Prague et fut durant sa vie un modèle de piété et de sévère observance de la règle de son Ordre, La pratique des vertus monastiques par le précepteur et ses chevaliers attira sur l'Ordre le respect et les faveurs du Roi et de la haute noblesse. En 1199, le roi Prem^'-sl Ottokar 1^^ donna à l'Ordre Liebkowitz, Sukov (ancien cercle de Pilsen), Kwasnei (cercle de Reichenau) et Blesau, en échange de sa part de la ville de Bydzov; il confirma au Couvent de Prague la possession des terres près de l'église, sur le champ de bataille en dehors de la Porte-du-loup (Wolfs- thor), sur lesquelles le châtelain avait, au nom du Roi, élevé des prétentions. C'est dans la première moitié du XIII® siècle que fut érigé le plus grand nombre des com- manderies du prieuré de Bohême. En 1200, les Chevaliers de Saint-Jean prirent soUennellement possession des com- manderies de Kaaden et de Mies. Ils reçurent dans la même année, du comte Adalbert de Kaunitz, sa terre de Kaunitz (Moravie). Jean V Bavor, évêque d'Olmutz, de la maison des Seigneurs de Strakonitz, confirma à l'Ordre le

mer. L'empereur Frédéric ordonna qu'en souvenir de ce haut fait les ducs d'Autriche porteraient dans leurs armoiries, un écu de gueules coupé d'une face d'argent.

246 L'ORDRE DE MALTE.

don de la Chapelle de Hochtitz, le 20 décembre 1200, et, en cette même année, Vladislav, margrave de Moravie, affrancliit les biens de l'Ordre de toutes charges et rede- vances. Le comte Hemeram, fils de Gnemowir, érigea la commanderie de Striegau (Silésie prussienne). Dès avant

1203, Léopold de Blumenove donna à l'Ordre le beau do- maine de Furstenfeld (Styrie), car un couvent et une église de Saint- Jean-Baptiste y ont existé en ce temps-là. C'est même la maison de l'Ordre la plus ancienne de Styrie, et elle était autrefois très-richement dotée. Un peu plus tard fut érigée la deuxième commanderie de Styrie, celle de Melling ou Melnik, dans l'ancien cercle de Mar- burg. On ignore si elle appartint tout d'abord à l'Ordre, ou vint en sa possession, par suite d'échange avec l'Ordre Teutonique. L'Ordre érigea quelque temps après la troi- sième commanderie de Styrie, celle de Haillenstein ou Cilli, près de Neucloster. La commanderie de Striegau se chargea, en 1203, du service de l'église paroissiale de Saint-Pierre et Saint-Paul et de l'hôpital. Cette comman- derie fut confirmée par Henri, duc de Silésie (1203). En

1204, l'Ordre possédait déjà la commanderie d'Erdberg (Moravie) qui devint une filiale de celle de Mailberg (Basse-Autriche). Le Couvent de la commanderie était adossé à une colline, sur la rive du Tajax, et offrait une vue magnifique. Othon de Traberg avait érigé cette com- manderie, à laquelle est encore attaché le droit de patro- nage de l'église paroissiale d'Erdberg. Vladislav, margrave de Moravie, affranchit la commanderie filiale d'Erdberg des charges et redevances, et lui accorda des privilèges. En 1206, le Pape Lmocent III confirma aux Chevaliers la possession de Kaunitz et les autres fondations. L'Ordre institua à Ober-Kaunitz une commanderie avec hospital^ dont fut nommé titulaire un chapelain conventuel. En 1207, les Chevaliers possédaient la riche commanderie de Lossen (Silésie prussienne), fondée par Henri P'^, duc de Silésie. Ils y rattachèrent les villages de Rosenthal, de Jeschen, de Bonhusen (Buchitz), qui font encore partie de

LE GRAND -PRIEURE DE BOHÊME. 247

la paroisse de Lossen, et plus tard, Glosenau et Lichten. La commanderie de Lossen était une des plus anciennes de la Langue d'Allemagne, dans la principauté de Brieg. C'est sans doute aussi vers ce temps-là que Henri P^, duc de Silésie, institua la Commanderie du Très-Saint-Corps-du- Christ (S. S. Corporis Christi), à Breslau, les Chevaliers furent chargés du service religieux et du soin des malades. En 1208, le pape Innocent III confirma à l'Ordre les possessions delà commanderie de Mailberg ^Basse Autriche). Ce même Henri I®^ fonda, vers 1213, la commanderie de Loewenberg (Lemberg, Léopol), dans le duché de Jauer, et les Chevaliers la reçurent en 1213. On en trouve la preuve dans un Acte de Henri II, le Pieux, duc de Silésie, dressé à Brieg, le 12 mars 1241, par lequel il con- firme les donations faites par son père, Henri I®^, et par Thomas, évêque de Breslau, à l'égKse paroissiale de Loewenberg, le jour elle fut consacrée. En 1213, Pï-emysl Ottokar I®^, roi de Bohême, agissant en commun avec Henri, margrave de Moravie, accorde aux Chevaliers, pour leurs possessions des districts d'Olmutz, de Brunn, de Znaïm et de Holeschitz, en Moravie, de nombreux privi- lèges, à la date du 31 décembre^). Il faut reporter à cette même année la construction de l'égHse de Saint-Procope, de Prague, à titre de filiale de l'église paroissiale de l'Ordre, sur l'emplacement de la plus ancienne maison bâtie sur l'ordre de Libusa (722).

Ruppert, le dernier chevalier et seigneur de Pulst (Carinthie), étant mort à la Croisade, institua pour son héritier à titre universel, l'Hospital de Saint - Jean - de- Jérusalem, et il fut créé à Pulst une commanderie. La commanderie de Sanct-Peter (Carniole) est de la même date. La commanderie de KJremsier (Moravie) et celles de Svëtla et de Bohmisch-Aicha, dans l'ancien cercle de Jung- bunzlau (Bohême), fondées par Bohuchval de Wartenberg; les commanderies de Goldberg et de Beilau (Silésie prus-

1) Arcli., Act., 14.

248 L'ORDRE DE MALTE.

sienne) sont de la même époque, A Kremsier, l'église fut dédiée à Saint Jean-Baptiste, il y eut à côté un hôpital. Celle de Svetla, située sur le penchant du mont Jeschken, était magnifique. A Svetla et à Bôhmisch-Aicha, les Cheva- liers avaient le droit de patronage sur les églises; ils ad- ministraient le service religieux et soignaient les malades. Us eurent aussi, sous Léopold-le-Glorieux, duc d'Autriche, un couvent avec une église dédiée à Saint Jean-Baptiste, à Vienne (Karnthnerstrasse; Johanneshof). Ils bâtirent à côté la maison encore aujourd'hui nommée, d'après son ancienne destination, Pilgrimhaus (Maison des pèlerins). La commanderie de Stroheim (Haute-Autriche) fut fondée et releva de celle de Mailberg (Basse-Autriche). En 1222, l'Ordre reçut le domaine de Pribitz (Moravie) et y érigea une commanderie avec église et hôpital; elle releva de celle d'Alt-Brunn. En 1227, le duc Léopold confirma la donation de la commanderie d'Erdberg (Moravie) par Othon de Traberg, et cette commanderie fut rattachée à celle de Mailberg. En 1230, le comte Hoslaus donna à l'Hôpital de la commanderie de Grobnig (Silésie prussienne) et au couvent de l'Ordre à Mokau (Makov), en Silésie autrichienne, les terres relevant de son domaine, nommées Chischi, et la commanderie de Mokau fut fondée. En 1234, fut confirmée la fondation par Léopold de Blumenhowe de la comman- derie de Furstenfeld (Styrie).

L'Ordre était dans toute sa prospérité, en Bohême: il possédait 1900 biens et 12 hospitaux. Fr. Meinhard mourut en 1234 et repose dans l'église conventuelle de Prague.

IV. Feèee Hugues, (1234—1238)

en même temps titulaire de Pologne, fut élu à l'unanimité par les commandeurs et chevaliers de justice. Il était prieur conventuel de Prague. Il consacra ses soins à l'amé- Koration des biens de l'Ordre. Il y eut sous son priorat conflit entre le commandem- d'Ober-Kaunitz et le curé de

LE GE.AND-PEIEURE DE BOHEME. 249

l'église Saint - Michel de Znaïm, par suite du refus des redevances pour le village de Pratitz (1235). L'autorité religieuse d'Olmutz décida en faveur du commandeur, au nom du pape Grégoire IX, qui lui avait délégué le jugement de l'affaire. Il faut enregister aussi la donation du village de Drslawitz au couvent de Grobnig par le chambellan de la province, à Olmutz, confirmé par Premysl Ottokar, et la construction à Brunn d'un hôpital, en 1238, par le riche bourgeois Rudin.

V. Frèee Mladota

(1238-1245)

lui succéda. Acquisition ^) de Proboscht-sur-1'Elbe, près de Leitmeritz (1238); confirmation des possessions de la com- manderie de Lossen (Silésie prussienne), avec permission de la constituer selon le droit germanique, donnée par Henri P^, duc de Silésie, mari de Sainte-Hedwige (1238) 2); achat par le commandeur de Striegau du village de Pochezno (Zédlitz), près de Schweidnitz (1238), et autori- sation de constituer selon le droit germanique le village de Lussen, près de Striegau (1239); confirmation par Miecislav, duc d'Oppeln, des possessions de la comman- derie de Grobnig (Hrobnik), et de celles de la comman- derie de Mokau (1239); renouvellement de l'Acte de fon- dation de la commanderie de Loewenberg, etc., par Henri II le Pieux, le 12 mars 1241 ; réalisation par Bavor P^',

^) Les détails relatifs aux fondations étaient, lors de la création du prieuré, d'une grande importance historique, mais désormais nous ne mentionnerons que les principales fondations, afin d'alléger le récit.

^) Sainte Hedwige, patronne de la Silésie, née en 1174, épousa Henri, duc de Silésie et de Pologne, et lui donna six enfants qu'elle éleva elle-même. Après la mort de son mari, elle fonda à Trebnitz, en Silésie, une abbaye pour des religieuses de Cîteaux et s'y en- ferma. Elle y mourut en 1243. On la fête le 15 octobre. Il ne faut pas la confondre avec Sainte-Hedwige, fille de Louis, roi de Hongrie, qui fut la femme de Vladislav V, roi de Pologne, et mourut à Cracovie, en 1399, après avoir puissamment contribué à répandre le christianisme en Lithuanie.

250 L'ORDRE DE MALTE.

seigneur de Strakonitz, du voeu fait de fonder près de l'église de Saint-Procope, à Strakonitz, un couvent de l'Ordre, et donation par lui de villages, ainsi que de deux autres villages par son épouse qui les avait achetés pour la somme de 66 marcs d'argent (1243) ^) ; entrée de Rudinger (Rudlin), directeur de l'hôpital-du-S* -Esprit de Brunn, dans l'Ordre, et transfert à l'Ordre de tous les biens de cet hôpital, fondation de la commanderie d'Alt-Brunn, dont il fut premier titulaire (1243): cet hôpital fut rebâti et prit le nom d'Hôpital-Saint-Jean, il fut doté de droits et privi- lèges importants. Tels sont les accroissements qu'il nous paraît utile de signaler. Fr. Mladota fut un parfait ad- ministrateur: il fit réparer toutes les maisons de l'Ordre qui étaient en mauvais état et décorer les églises. Il mourut en 1245.

PRÉCEPTEURS GÉNÉRAUX.

I. Frère Pierre de Straznitz

(1245-1252)

fut élu le premier, sous son nom de famille et son prénom, précepteur général (praeceptor generalis), selon les titres du temps. Il était de haute lignée et se consacra surtout è l'organisation intérieure de son Ordre. Il mourut en 1252

a

II. Frère Clemens, (1252—1255)

en même temps grand-prieur d'Allemagne ^), et, comme tel, ayant le titre et le rang de prince du Saint-Empire romain, et titulaire du prieuré de Pologne. En 1253, l'église de Notre-Dame de la Kleinseite de Prague fut entourée, ainsi que le palais épiscopal, en 1253, pour renforcer la tête de pont de la Kleinseite et sur l'ordre du roi Wenceslas P'^,

^) V. Appendice : Détails sur Strakonitz.

2) Le grand-prieuré d'Allemagne fut fondé en 1250 ou 1251.

LE GRAND-PRIEUKE DE BOHEME. 251

de bastions, de murs et de fossés, et elle fut protégée du côté du fleuve par une chaîne dorée, d'où lui vient peut- être le nom de Notre-Dame sub-catenâ. Elle était exposée, par suite de son emplacement hors de la ville et formait un ouvrage soKde de défense. En 1254, il y eut nouvelle confirmation des possessions de l'Ordre par le roi Prem^^sl Ottokar II. En 1255, la pieuse dame de Brezno donna à l'Ordre, à Podhrad, au-dessous du manoir de Boleslaus (Jungbunzlau) la magnifique Eglise - Saint - Gu}', avec l'fiôpital et les dépendances ^). En en prenant possession, Fr. Clemens institua un couvent de clianoinesses pour les plus nobles filles du pays, au pied de la colline, près de la commanderie. Podbrad (Podoletz) eut ainsi ses Hospi- talières. Les possessions de la commanderie de Melling (Styrie) furent confirmées et agrandies par de nouvelles donations ^). Fr. Clemens mourut en 1255.

III. Frère Henri de Furstenberg,

(1255—1273)

en même temps grand-prieur d'Allemagne et prieur de Pologne. Son priorat fut inauguré par la confirmation par le roi Premysl Ottokar II (1255) de toutes les possessions de l'Ordre. Il sut d'ailleurs augmenter encore les ricbesses du prieuré, en en arrondissant les possessions et domaines. La commanderie de Striegau fut l'objet particulier de ses soins. Fr. Henri érigea les commanderies de Zittau et de Hirsclifelde: Zittau avait été élevée au rang de ville, par le Roi de Bohême, et l'Ordre fut à cette occasion doté de domaines nouveaux. Cette commanderie a laissé de ses oeuvres des traces bénies, dans toute la contrée. En 1261. le prieuré reçut la confirmation du privilège de l'Ordre de ne relever que de l'obédience du Saint-Siège. En 1262, le duc de Silésie, Henri IH, fonda et dota la commanderie de Reichenbach (Silésie prussienne). En 1263, Ulrich, duc

^) Arch., Acte original. -) Ibidem.

252 L'OE.DEE DE MALTE.

de Carinthie, remit à l'Ordre le legs du Chevalier et Seigneur de Pulst (Maria-Pulst), en sa qualité de suzerain de ce dernier, et la commanderie de Maria-Pulst fut alors fondée ^). En 1267, Fr. Wernhard, commandeur du JohannesJiof de Vienne, y commença la construction de l'Eglise-Saint- Jean-Baptiste et la termina en peu d'années ^). L'Ordre croissait de jour en jour et son influence s'étendait à mesure du bien qu'il accomplissait. Fr. Henri mourut, en 1273, regretté de tous pour ce qu'il avait fait pour la reli- gion, pour ses frères et pour l'Etat,

IV, Frère Henri de Bocksberg,

(1273—1278.)

en même temps grand-prieur d'Allemagne et prieur de Pologne, fut élu praeceptor generaïis. Sous son gouverne- ment, il faut noter les défricliements faits en Haute Autriche (1273), par le commandeur deStroheim; l'accroisse- ment d'influence de la commanderie de Zittau (1275), par les soins aux malades et l'enseignement; l'érection de la commanderie de Laa (Lauch, Loch, Unter-Laa, Basse- Autriche) par le Viennois Paltram, et la construction im- médiate de l'EgHse-Saint-Guy et de l'Hôpital-Saint-Jean- Baptiste. C'est alors que fut consacrée l'église de la Kârnthnerstrasse à Vienne, comme l'étabht un Mandement de l'Archevêque de Salzbourg et des évêques de Chiemsee, de Lavant, de Passau, accordant une indulgence de 40 jours à ceux qui visiteront cette Eglise-Saint- Jean-Baptiste, aux grandes fêtes de la Sainte-Vierge {visitantibus ecclesiam fratrum hospit. S. Joannis Viennae in festis praecipuis JB. M. V. et in praesentatione dextri Srachii Beat. Joannis JBapt.) La commanderie d'Alt-Brunn reçut (1277) de Premysl Ottokar H, une métairie, cinq grandes économies, au village de Reckowitz, et le village du Suslotowitz, qui n'existe plus. Fr. Henri de Bocksberg mourut en 1278.

^) Arcli., Acte original. *) Ibidem,

LE QRAND-PRIEURE DE BOHÊME. 253

V. Frère Hermann de Brunshorn,

(1278-1284)

en même temps grand-prieur d'Allemagne et prieur de Pologne, accrût les possessions de l'Ordre (1279) à Ober- Kaunitz; érigea à Leobscliutz (Silésie prussienne) une com- manderie (1279), plus tard réunie à celle de Grôbnig. Celle-ci fut affranchie par la reine-donairière Cunigonde (1279) de toute juridiction civile et de toutes redevances envers l'état. Henri, duc de Silésie, donna Brieg (cercle de Breslau) avec la paroisse (1280) et la commanderie de Brieg fut instituée ^). Bernard, duc de Silésie, confirma (1281) ^) les possessions de la commanderie de Loewenberg, dans la principauté de Jauer, avec droit de patronage. Celle-ci acquit de nouveaux biens. Il faut sans doute aussi rapporter à ce précepteur-général la fondation des com- manderies de Kosel et de Beilau (Silésie prussienne), et celle de la commanderie de "Warmbrunn (1281), sous le titre de : » Claustrum Sancti Joannis Bajpt. fontis calid'U qui fut la première supprimée parmi celles de Silésie. Fr. Her- mann de Brunshorn mourut en 1284.

VI. Frère Hermann de Hohenlohe,

(1284-1287)

en même temps prieur de Pologne, commandeur et ckevalier- profès, fut élu à Prague. Il y eut des arrangements rela- tifs à une extension d'activité dans la commanderie de Grobnig (1284 1287), dont le siège fut ensuite transféré à Leobschutz (où il resta jusqu'en 1492), et quelques modi- fications relatives à d'autres commanderies. Fr. Hermann était un homme juste, sévère pour lui-même, indulgent pour les autres, bienfaisant; mais il était souffrant et renonça à sa charge, en 1287, afin de rétablir sa santé dans la retraite.

1) Arch., Acte original.

*) Ibidem, Acte. Bernhardus, Bei gratiâ Dnx . .

254 L'OEDRE DE MALTE.

VII, FrÈEE BÉEENaER DE LoUE, (1287—1290)

en même temps grand-prieur d'Allemagne, érigea, en 1289, la commanderie de Horazdowitz, grâce à la donation de Bavor III, seigneur de cette ville, mais la commanderie fut ensuite réunie à celle de Strakonitz. Il mourut en 1290.

VIII. Frère Godeproy de Kling-enpels, (1290-1293)

en même temps grand-prieur d'Allemagne et prieur de Pologne. Les chevaliers eurent, en 1291, le service de l'église paroissiale de Zittau (alors ville de Bohême) ; leurs possessions et privilèges en Moravie (commanderie d'Erd- berg) furent confirmés par le roi Wenceslas II (1292). C'est en cette même année que le commandeur de Pulst fut écartelé pour crime de lèse-majesté. Cet événement qui appartient à l'histoire des compétitions politiques, fit sur Fr. Godefroy une si pénible impression qu'il se démit de sa charge, en 1293.

IX. Frère Hermaot^ de Hohenlohe, (1293—1298)

démissionnaire en 1287, fut élu de nouveau, à Prague, précepteur général; on parle de son esprit de conciliation, grâce auquel la commanderie de Pulst se releva, sous son nouveau titulaire, du coup qu'elle avait reçu.

X. Frère Henri de Kindehuze, (1298-1301)

en même temps prieur de Pologne, suivit l'exemple de ses prédécesseurs et se dévoua aux intérêts de l'Ordre. Le roi de Bohême, Wenceslas II, confirma la donation de la commanderie de Horazdowitz, faite par Bavor. La com-

LE GRAND-PErEURE DE BOHEME. 255

mauderie de Haillenstein (StjTrie) reçut de nouvelles posses- sions (1298); l'administration des biens du prieuré fut amé- liorée; les églises furent réparées ou décorées; la discipline fut sévèrement observée.

XI. Frèee Henui (Helpheik) de Rudigkheim,

(1301—1313)

en même temps grand-prieur d'Allemagne et prieur de Pologne, fut un homme d'une grande activité et d'un saint zèle pour le bien de l'Ordre, et jouit de toute la confiance de ses frères. Il eut la joie de voir conférer, en 1301, au prieur conventuel de Prague, par le pape Boniface VIII, le droit de porter la crosse et la mître dans les cérémo- nies de l'église. En 1302, fut constituée la commanderie de Beilau (Pilavia) en Silésie ^). C'est en 1803, qu'on trouve la commanderie de Zittau mentionnée dans des actes. La commanderie de Furstenfeld subsiste, malgré les dangers qu'elle a courus de disparaître. A Zittau, on appelait com- munément les Chevaliers de Saint-Jean, Seigneurs de la Croix (Kreuzherren). Le pape Clément V fit savoir et connaître, par Bulle du 17 mai 1312, aux Etats de Bohême, que, l'Ordre des ChevaHers du Temple ayant été aboli à la date du 22 mars précédent, ils eussent à se mettre en possession' des biens de cet Ordre et à les remettre par commissaires spéciaux' à l'Ordre des Chevaliers de Saint- Jean, et quelques-uns de ces biens passèrent immédiatement entre les mains de l'Ordre, et par exemple, la Coîir (hi Temple, près de l'Eglise-Saint-Laurent présent Saiiite- Anne), à Prague, Cejkomtz, Aurinowes, Kolowrat, Vodo- chody, près de Raudnitz, Neuhof, dans l'ancien cercle de Tabor, Blatna, Budin, G-radlitz, Lemberg, Maleschau, Pisek, Bosig, Stodulek, "Wamberg et Jungbunzlau, etc. Les Cheva- liers de Saint-Jean n'eurent tous les biens des Templiers, dans le ressort du prieuré, qu'en 1318, et plus tard ils en reper-

^)'Arch., Acte original.

256 L'OEDEE DE MALTE.

dirent un grand nombre. Les Templiers se maintinrent encore quelque temps dans certains pays de la Langue allemande, par exemple, dans la Marche de Brandebourg, à Gorlitz (Oberlausitz, actuellement prussienne), sous la protection du margrave Waldemar, jusqu'en 1318, époque à laquelle leurs biens écliurent à l'Ordre. Klein-Ôls, près d'OUau, ne fut remis non plus qu'en 1318 au prieuré de Bohême. Il est intéressant de noter que Frédéric d'AIvens- leben, chef de l'Ordre des Templiers, entra dans l'Ordre des Hospitaliers, ainsi que plusieurs de ses chevaliers, et qu'ils furent maintenus dans les dignités qu'ils avaient occupées dans l'Ordre du Temple. Pr. Henri de Rudigkheim mourut en 1313.

PRIEURS GÉNÉRAUX.

I. Pkèee Beethold (Comte) de Hennebeeg, (1313—1325)

en même temps grand-prieur d'Allemagne et prieur de Pologne, était conseiller du roi Jean, qui le nomma son Lieutenant du Royaume de Bohême, pour le temps de son absence. Le pape Clément V ordonna, en 1313, la levée de la dîme en Bohême, pour la Terre-Sainte, sur toutes les personnes de l'ordre du clergé, à l'exception de l'Ordre de Saint-Jean. L'église du Très-Sacré-Corps-du-Christ, à Breslau, fut édifiée en 1317 et devint la propriété de l'Ordre, qui fit bâtir à côté un hôpital. C'est sans doute alors que fut instituée la commanderie de Breslau. La commanderie des Templiers, à Klein-Ôls, passa en 1318 à l'Ordre, qui y obtint du Eoi, en 1319, le droit de justice sur ses ressor- tissants. En 1314, Pribitz devint une commanderie filiale d'Alt-Bîunn.

Les précepteurs-généraux de Bohême reçurent, en 1325, le titre de priems-généraux, et le priem'-général, Fr. Berthold, fut élu, en 1325, grand-prieur d'Allemagne et prieur de Pologne. Les Chevaliers lui élurent immédiatement un

LE GRAND-PRIEURE DE BOHEME. 257

successeur au prieuré de Bohême. Il mourut en 1330, et fut inhumé solennellement dans l'Eglise-Saint-Jean-Baptiste de Wurzbourg (Bavière).

II. Frère Michel de Tinz, (1325—1338)

en même temps prieur de Pologne, était de la maison des ducs de Silésie. Sans nous arrêter à des acquisitions de moindre importance, nous mentionnerons la fondation (1333) par Nicolas, duc de Troppau et de Ratibor, de l'Hôpital- Saint-Nicolas, noyau de la célèbre commanderie de Troppau, érigée plus tard (Silésie autrichienne) ; l'institu- tion du prieur-général, Fr. Michel, et de ses successeurs pour héritiers universels, par Guillaume Bavor, seigneur de Strakonitz, en 1336. C'est depuis cette époque que chacun des chefs du grand-prieuré est possesseur de la grande- seigneurie de Strakonitz. Fr. Michel avait juridiction sur 19 commanderies de chevaliers et 4 de chapelains, en Bohême, sans compter des possessions considérables dans diverses contrées, administrées par 8 fonctionnaires, presque tous membres de l'Ordre et résidant sur ces domaines. Il mourut en 1338.

III. Frère Gallus de Lemberg,

(1338-1367)

en même temps prieur de Pologne. Aussitôt après son élection, Bolko, duc de Silésie, confirma la commanderie de Eeichenbach ^). Les Chevaliers de la commanderie du T.-S.-Corps-du-Christ, de Breslau, se signalèrent (1339) par leur zèle dans l'enseignement et le soin des malades. En 1347, Karl, margrave de Moravie, j^ri* sous sa garde les maisons et possessions de l'Ordre dans ses Etats ^). En 1351,

^) V, Arch., Acte original.

2) V. Ibidem, Acte orig , daté de Brunn, 3 des calendes de juin 1348.

SALLES, L'ORDRE DE MALTE. jj

258 L'ORDRE DE MALTE.

le commandeur, Fr. Nicolas de "Wildimgsmaiirer, administra les commanderies d'Ober-Kannitz (Moravie) et de Mailberg (Basse-Autriclie) avec tant de succès, qu'il en put augmenter les possessions ^). Il en fut de même du commandeur, Fr. Nicolas de Siegersdorf, pour la commanderie de ïïirscli- felde (1352). L'Ordre érigea une commanderie à Kostomlat (paroisse de Cernousek) en 1352. La commanderie du T.-S.- Corps-du-Christ fat très- enrichie, en 1353, par des" achats et des échanges. La commanderie de Lichtenau (Ober- Lausitz), érigée au commencement du XIV® siècle fut agrandie (13j55).

Ernest, archevêque de Prague, voulut, sur l'ordre du Saint-Siège, soumettre les biens des Chevaliers à la dîme; mais les remontrances de l'empereur Charles IV firent dispenser l'Ordre de cette charge, dans le présent comme il l'avait été dans le passé ; l'archevêque Ernest (des Seigneurs de Pardubitz) était du reste favorable aux Chevaliers, dont il avait été l'élève à Glatz, et son corps repose dans l'église conventuelle de l'Ordre en cette ville. En 1358, Charles IV confirma l'Ordre dans toutes ses ^possessions- En 1860, Nicolas, duc de Troppau, remit aux Chevaliers la nouvelle Eglise-Saint-Jean-Baptiste, avec l'hôpital y attenant, etc., à Troppau, et affranchit l'Ordre de toutes, charges et redevances, ce qui fut ratifié par Jean VIII Ocko de Blasim, évêque d'Olmutz. Le Couvent de Prague possédait alors toute la partie sud de la Kleinseite, devant les murs de la ville, entre la montagne Saint-Laurent (Pétrin) et la Moldau (Aujezd), de la Karmelitergasse (Rue des Carmélites) à la caserne actuelle de gendarmerie. Les maisons de revenu étaient un peu à l'ouest et allaient jusqu'à la Haitptstrasse (Rue principale). Il s'y trouvait aussi la filiale de Saint-Procope, desservie par l'Ordre. Fr. Gallus mourut, en 1367, après 29 années de priorat.

1) V. Arch., Actes de 1351.

LE GRANU-PEIEUE-E DE BOHEME. 259

IV. Frèee Je.in de Zwierzetitz (Zweretic)-Wartenbeeg-,

(1367—137-2)

en même temps prieur de Pologne. Le pape Urbain V imposa à l'Ordre un cens en faveur de l'empereur Charles IV, après le voyage de celui-ci à Rome. L'Ordre paya pour tout le prieuré 330 schocks de gros de Prague ^), ou 19.800 gros. Ce prieur-général fit, le 30 janvier 1371, à la com- manderie de Svëtla un legs pour le service des âmes. Il mourut en 1372. .

V. Feère Simon (duc) de Teschen, (1878—1391)

en même temps prieur de Pologne, était fils de Casimir, duc de Teschen, et commandeur de Klein-Ols, depuis 1362. Son rapport de visite au pape Grégoire XI, en 1373, nous donne l'état actuel du prieuré.

Commanderie de la Kleinseite (Prague): 17 chape- lains, 2 chevaliers, 9 frères servants, pour le Couvent et VEglise-N otre-D ame-siib-catenâ. 1 chapelain pour l'Eglise- Saint-Jean-Baptiste sur Je champ de bataille^ à Prague.

Commanderie de Strakonitz; avec les églises à Strakonitz, Horazdowitz etSicin: 15 chapelains et 4 frères servants.

Commanderie de Ploschkowitz : 1 chapelain, 4 frères servants.

4°, Commanderie de Jung-Bunzlau, avec l'Eglise- Saint-Guy sous le château (Podhrad) et l'Eglise-Saint-Jean- Baptiste à la Neustadt (ville-neuve) : 3 chapelains.

Commanderie de Svëtla: 6 chapelains et 5 frères servants.

Commanderie de Zittau : 12 chapelains.

S'-" Commanderie deGlatz: 13 chapelains et 1 frère servant.

Sur les autres commanderies, chevaliers, chapelains et frères servants. C'est l'Ordre qui paya, en 1373, le plus

') V. Arch., Acte original.

17*

260 L'ORDRE DE MALTE.

haut cens au pape Grégoire XI, savoir : 400 fl. ou environ 25 sctiocks de gros de Prague (1500 gros).

Le commandeur et prieur crosse et mitre de Prague fit exhausser une tour de l'église, de 7 m. 90 cm. (1389). Cette Eglise-Notre-Dame était bien plus vaste que celle d'aujourd'hui, qui n'occupe que l'emplacement du choeur de l'ancienne. On la nommait alors l'Eglise au pied du pont, ou à côté du pont (in pede pontis, in latere pontis). Fr. Simon sut, grâce à sa haute naissance, défendre l'indépendance et les privilèges de son Ordre, de même qu'il sut y faire régner la discipline. Il mourut en 1391.

VI. Feère Maucold de Wrutitz CWrutice), (1391—1396)

en même temps prieur de Pologne, était de la maison des Wartenberg et portait le nom de sa possession territoriale, le manoir de "Wrutitz, près de Jung-Bunzlau. Pr. Marcold fnt, selon la chronique, un guerrier de pied en cap. Il fut proposé pour le priorat par le roi Wenceslas IV et approuvé par le grand-maître de l'Ordre, à Ehodes, Pr. Jean Fer- dinand de Heredia (1376 1396). Fr. Marcold était en faveur auprès du roi "Wenceslas IV; mais il fut suspect de con- spiration, mandé au château de Karlstein, avec trois autres' conseillers de la couronne par le prince Jean de Eatibor, commandant de ce château et confident de Wenceslas, et tous les quatre, furent frappés sans jugement à leur entrée dans le cabinet du Roi. Cet événement tragique est du 21 mai 1396. (Des chroniqueurs écrivent 1397). Ses restes furent ramenés à Prague et inhumés dansl'église de Smichov,

VIL Frèee Heemann de Zw^rzetitz-Wartenbee», (1398-1401)

en même temps prieur de Pologne. Lors de la levée du cens, concédé en 1399 par le pape Boniface IX au roi Wenceslas IV, sur le clergé régulier et séculier de Bohême, ce fut encore l'Ordre qui, de toutes les congrégations, paya

LE GRA^'D-PRIEUIÎE DE BOHÊME. 261

la contribution la plus forte, preuve incontestable de sa ricbesse. Le prieur-général transféra, en 1399. sa résidence sur la commanderie de Svëtla, si admirablement située sur la pente du Jezek et au milieu des commanderies de Jung- Bunzlau, de Podolec, de Bëhmisch-Aicha, de Zittau, de Hirscbfelde. La fin de sa vie fut attristée par le sckisme de Jean Huss. Il mourut en 1401.

VIII. Frère Henri de Neuhaus-Rosenberg,

(1401—1422)

en même temps prieur de Pologne, était prieur conventuel, lors de son élection, confirmée immédiatement par le Magistère de Rhodes. Les temps mauvais approcliaient. Le 13 décembre 1404, il confirma à la ville de Strakonitz les privilèges que Bavor IV lui avait conférés et força Zizka, qui en assiégeait le ckâteau-fort, à prendre la fuite. Il réunit, en 1411, la commanderie de Beilau à celle de Gross-Tj'^nz et reçut d'importantes donations au profit de l'Ordre. A la mort de Vi^enceslas IV, le roi Sigismond nomma Lieutenant du royaume de Bohême, le prieur- général Fr. Neuhaus, qui fut chargé de protéger avec d'autres seigneurs, la reine-douairière, Sophie, dans sa triste situation. Alors se déclara la tempête. Les chanoines du Dôme se réfugièrent à la commanderie de l'Ordre de Saint-Jean, à Bautzen ''Budissin). Mais les Hussites commençaient à ravager la Bohême : ils détruisirent entièrement une partie considérable des possessions de l'Ordre. Quand ils eurent entièrement ruiné, le 8 mai 1420, le couvent de la Klein- seite, de Prague, les Chevaliers émigrèrent à Strakonitz, dès lors les prieurs-généraux résidèrent durant un siècle, de sorte que les prieurs-conventuels furent autorisés avec le temps à faire usage des pontificales. Le couvent des Chevalières de Saint-Jean, de Prague, fut détruit aussi, et les nobles filles qui ne purent s'échapper, furent livrées à une soldatesque infâme et à la mort pour leur attachement à leur foi. Le couvent des Chevaliers se releva peu à

262 L'ORDEE DE MALTE.

peu, mais celui des ctievalières hospitalières iie se releva plus. La commanderie de Mies fut ravagée (1420) ; les Hussites s'emparèrent (1421) du château-fort de Gross-Bor, dispersèrent les couvents des Chevalières de Saint-Jean, à Manëtin et à Podhrad, et d'autres encore, dont la disparition n'a pas laissé de traces. Le couvent, l'église et beaucoup de bâtiments de la commanderie de Horazdowitz furent in- cendiés (1421): la belle commanderie de Svëtla fut telle- ment ravagée qu'il n'en reste plus de vestiges. A Bôhmisch- Aicha, la commanderie fut saccagée et les chapelains de l'Ordre en furent expulsés violemment. La commanderie de Saint- Je an-Baptiste, à Jung-Bunzlau, et les deux filiales de Podoletz (Chevaliers et Chevalières de Saint-Jean) ainsi que l'hôpital furent entièrement ruinés, mais l'Eglise- Saint-Guy ne fut qu'endommagée. La commanderie de Podoletz devint une métairie, appelée aujourd'hui Friedrichs- hof. Fr. Henri de Neuhaus était un fervent catholique, il se réunit donc à Pierre de Konopist et d'autres seigneurs, fidèles à la religion catholique, prit la ville de Pisek, siège important des Hussites, au sud de la Bohême, et marcha contre Zizka qui sortait de Pilsen et, se dirigeant sur Tabor, approchait de Stëkna. H lui livra bataille, le 20 mars

1422, et fut complètement battu, à l'étang du Sudomër (Skaredy) alors à sec. Le prieur-général fut blessé à la tête pendant le combat et emporté loin du champ de bataille. Mais la blessure était mortelle et il mourut bien- tôt à son château-fort de Strakonitz (1422), sa dépouille mortelle fut inhumée. Ce fut un nouveau coup j^o^^i" l'Ordre, en ces temps de désolation et de ruines.

IX. Feère Rupeecht (duc) de Silésie, (1423-1434)

en même temps prieur de Pologne, était fils de Henri, duc de Silésie et d'Anne, fille du duc Premysl de Teschen. H fut reçu tout jeune dans l'Ordre et il était commandeur en

1423, lorsqu'il fut élu et confirmé dans sa dignité par le

LE GKAND-PRIEURE DE BOHEME. 263

Magistère de Rhodes. Bien des amertumes lui étaient réser- vées, car la guerre des Hussites continuait et causait chaque jour de nouveaux dommages aux possessions des Chevahers. Les bandes de Zizka assiégèrent Zittau (3 mars 1424), sans y causer beaucoup de dégâts; mais, en 1427, elles pénétrèrent de nouveau dans la Lausitz et, après un second siège in- fructueux de Zittau, elles dévastèrent Hirschfelde et le couvent de la commanderie, d'où purent s'échapper le commandeur et les chapelains. C'est grâce à son influence, qu'il fut érigé à Rhodes (1428) une charge de grand-bailli (ayant siège et voix au Conseil souverain) pour la Langue d'Allemagne (Allemagne, Bohême, Hongrie).

D'après l'Acte dressé par la commune de Manëtin ^), le •6 décembre 1429, le Couvent des Chevalières de cette ville y fut, en cette même année, dévasté et enlevé à l'Ordre par les Hussites. Fr. Ruprecht mourut en 1432.

X. Frère "Wenceslas de Michelsberg (Michalovice), (1434—1451)

en même temps prieur de Pologne, fut élu en 1434 seule- ment et confirmé par l'empereur Sigismond 2) le 25 octobre 1434, puis par le Magistère de Rhodes dans sa dignité. Les troubles hussites causèrent ce court interrègne de deux années. Strakonitz devint un point de ralliement pour les défenseurs du catholicisme contre les hordes hérétiques. Fr. "Wenceslas prit part à la bataille décisive de Lipan (1434), qui mit à peu près fin à la guerre des Hussites. H conféra des privilèges à Strakonitz, par Rescrit du 20 jan- vier 1435, rebâtit son château de Michalovic qui datait de 1256 et avait été ruiné, en 1425, par les Hussites. Des embarras d'argent le forcèrent à vendre (1439) le village de Bohrau (Comm. du T.-S.-Corps- du- Christ, à Breslau) aux

1) V. Arch., Acte 10.

^) La confirmation par le Souverain ne fut que temporaire: elle semble avoir été commandée par les troubles et tomba en désuétude, dès Henri de Logau (1620).

264 L'ORDEE DE MALTE.

seigneurs de Parchwitz. Il fut obligé de faire campagne contre noble Jaroslaus de Drahowitz qui le poursuivait de ses outrages. Jaroslaus se réfugia à Wodnan et passa aux Taborites. Le prieur-général, de son côté, fut secondé par Msticli de Sedletz et Ulrich de Rosenberg, et, après avoir pris et détruit le château de Drahowitz, il assiégea la ville de "Wodnan, dont il s'empara. Mais, le 25 juin 1442, la ville de Strakonitz fut presque entièrement réduite en cendres, par suite de l'imprudence de quelques enfants qui s'amu- saient à tirer des pétards. Le prieur-général accourut sur le lieu du sinistre, consola les victimes, fit distribuer des vivres aux nécessiteux et leur donna les matériaux néces- saires à la reconstruction de leurs maisons. La guerre avec Jaroslaus se termina par la paix, le 27 juin 1443. Fr. Wenceslas seconda énergiquement le roi Albrecht II; après sa mort, il fut nommé capitaine du Cercle de Prachin et anéantit les derniers restes des Taborites. Il fut souvent aussi chargé de missions importantes. Ce fut lui qui fut envoyé en ambassade à_ la Cour de l'empereur Frédéric III, lorsqu'il s'agit d'obtenir la ratification par ce prince de l'élection deLadislaus, fils d' Albrecht II, au trône de Bohême. Ce fut chez lui que se forma, sous la direction d'Ulrich de Eosenberg, l' Union de Strakonitz contre T Union de Podéhrad qui avait suscité la guerre civile. Ceci se passa le 8 fé- vrier 1449, mais V Union (^e ^^ra^om^^ fut très-mal accueillie dans les pays slaves de la Couronne de Bohême; elle fut battue en plusieurs rencontres et ne put empêcher le roi Georges de Podëbrad de grandir en puissance et en renommée. Au Landtag (Diète), Fr. AVenceslas contribua de tout son pouvoir au rétablissement de la paix. Il mourut au château- fort de Strakonitz, le 28 août 1451, et y fut inhumé.

XL Feère Jodok (Baron) de Rosenberg

(1451—1467)

évêque de Breslau, fut dès sa jeunesse, la providence des pauvres, l'ami des sciences, l'appui de l'église et du trône.

LE GRAND-PEIEUEE DE BOHEME. 265

Il avait étudié à l'université de Prague la théologie et le droit, et fut bientôt nommé chanoine, puis doyen du Chapitre du Dôme de cette ville. Il fut élu, en 1451, au priorat, et son élection fut confirmée par le Magistère de Hhodes. Il s'occupa avant tout d'assurer la situation des domaines de l'Ordre, autant que la chose était possible en ces temps agités. Le grand-maître, Fr, Jean de Lastic, le manda à Rhodes, par ordonnance du 10 octobre 1452, relativement aux responsions des domaines ravagés par les guerres hussites et appauvris. Lorsque Constantinople fut tombée au pouvoir des Turcs, le 29 mai 1453, le prieur-général Fr. Jodok, voulant contribuer à combattre l'invasion otto- mane, fit lever en Bohême 6000 hommes de troupes de pied et 1200 chevaux, qu'il envoya en Hongrie contre les Infidèles.

n fut fondé à Strakonitz, pour le Couvent de l'Ordre, un hôpital près de l'Eglise-Sainte-Marguerite, avec 12 places pour des malades de la ville et de la contrée. Fr. Jodok rédigea lui-même, pour son prieuré, des règles relatives à la vie conventuelle. Il réduisit dans les commanderies le nombre des Chevaliers, afin que les revenus des domaines pussent y suffire à leur entretien. Il fut élu évêque de Breslau (8 mars 1456) par le Chapitre du Dôme, sur la recommandation du roi Ladislaus, avant d'avoir atteint l'âge canonique, sur dispense spéciale du pape Calixte III, à la date du 9 juin 1456. Sa consécration et son intronisation eurent lieu, le 11 décembre de la même année. Le grand- maître, Fr. Jacques de Milly, le confirma de nouveau dans sa dignité de prieur-général, qu'il l'autorisa à garder con- curremment avec celle d'évêque de Breslau. Il établit donc alternativement sa cour à Breslau, à Neiss, à Strakonitz, En sa qualité de Bohémien, il tint pour sa nation et fut par suite accusé auprès du pape Pie II de favoriser les Hussites; mais l'imputation était d'autant plus fausse qu'il était également juste envers les gens de toutes les natio- nalités, et que son orthodoxie ne pouvait être mise en doute. Lorsque le jeune roi Ladislaus mourut (1457) et que, sans

26(3 L'ORDRE DE MALTE.

l'assentiment des princes et des Etats de Silésie, Georges de Podëbrad fat élevé au trône, Fr. Jodok demanda conseil an Saint-Siège et ne prêta le serment de foi et hommage, que sur l'avis du pape Pie II. Il parcourut (1458) la Moravie et la Silésie, et gagna au roi Georges de nombreux adhérents. En 1460, il signifia au Sénat de Breslau un Bref du Souverain-Pontife, daté de Mantoue le 14 août 1459, qui lui enjoignait de faire hommage au roi Georges.

Il confirma et renouvela, le 30 mai et le P^juin 1461, aux habitants de Strakonitz, les privilèges que Fr. "Wenceslas de Michelsberg leur avait concédés; il acquit pour l'Ordre la seigneurie de "Wolin, qui lui fut abandonnée, sur le commandement du roi Georges, par Pribik de Klenowa. Mais, d'un autre côté, la commanderie de Pribitz (Moravie) fut engagée par le Roi (1462) ^). De 1462 à 1566, les prin- cipales commanderies, qui n'avaient pas été détruites par les hordes hussites, furent enlevées à l'Ordre. Le comman- deur d'Alt-Brunn dut, en 1464, citer devant la justice le feudataire de Jaispitz, Brocek de Kunstadt, parce qu'il ne payait pas la redevance annuelle de 22 marcs d'argent, pour laquelle Ober-Kaunitz lui avait été engagée. Le prieur- général s'efforça en vain de récupérer (1464) la comman- derie de Lichtenau (Ober-Lausitz), qui avait été violemment prise à l'Ordre par les ducs Henri et Jean de Silésie ^). En 1465, la commanderie de Ploschkowitz fut engagée et fut à partir de ce moment entièrement perdue pour l'Ordre.

Lorsque le pape Paul II eut par Bulle du 8 décembre 1465, excommunié le roi Georges, Fr. Jodok rompit tous rapports avec lui, et, lorsque la deuxième Bulle d'excom- munication du 23 décembre 1466 fut publiée et que Georges fût déclaré déchu de ses droits et dignités, il se rallia à l'Union de Strakonitz et à celle de Grlinberg, et prit éner- giquement parti contre le roi excommunié. L'armement des villes et hommes-liges de l'évêché, le força à contracter

1) V. Arch., Acte 47. '^) Y. ibidem. Actes 47.

LE GRAND-PRIEURE DE BOHEME. 2(57

des dettes. C'est alors qu'il vendit à réméré, le 3 juin 1466, des domaines de l'évêché: ces ventes furent ratifiées par son Chapitre, le 13 décembre 1466. Il fit cependant le possible pour sauvegarder les biens de l'Ordre et entretenir les bâtiments qui en dépendaient. Pour faciliter les trans- actions, il modifia le système monétaire et émit les gros hJancs et noirs. Il prit sans coup férir, dans la campagne contre Georges, le château - fort d'Edelstein, avec les mines de Zuckmantel et les trésors renfermés à Edelstein (13 juin 1467).

Le roi Mathias Corvin, le compétiteur de Georges, restitua par Ordonnance de 1469, mais seulement sur le parchemin, à l'Ordre souverain ses possessions dans la ville de Kremsier, »occupées jusqu'à ce temps-là par les hérétiques « ; la réalité ne suivit pas la promesse.

On loue les qualités de l'esprit et du coeur de Fr. Jodok. Il savait allier la sévérité à la bienveillance, et il avait toute la confiance de ses frères. Il ne se laissa jamais inspirer pour la collation des offices que par les qualités et les vertus de ceux auxquels il les conférait. Un chroni- queur dit de lui: Vitae continentis ac nitidae, virorum dodo- rum ac virtuosorum speciaUs promotor ac sélator, nec alios qiiam Imjusmodi viros ad praelaturas et bénéficia promovere consuevit. Un autre s'exprime ainsi, en 1707: Litteratorum singularis patronus, quorum mérita Jwnorabat, amahat colloquia^ non quemquam femere, nisi eruditum proveliebat ad ecclesiasticum beneficium. C'était un homme de haute taille, de forte char- pente et d'embonpoint; son regard était franc, son élo- quence, sa science et sa sagesse imjjosaient à tous. Il parlait couramment latin et tchèque, et un peu moins bien allemand. Il avait une volonté de fer, aussitôt qu'il était convaincu qu'il agissait selon le droit et la justice. Il fut un enfant soumis de l'Eglise, un ardent patriote, et, ce qui est surtout à noter dans ces Annales, il mérita bien de son Ordre. Avant de mourir, il manda auprès de lui le prieur- conventuel de Strakonitz, Pr. Georges Herda, et les com- mandeurs de Silésie, et leur recommanda de remplir

268 -L'ORDRE DE MALTE.

exactement leurs devoirs. Il mourut, le 12 décembre 1467, et fut inhumé dans l'Eglise-du-Dôme de Breslau.

XII. Feère Jeaj^ (Baeon) de Schwanberg, (1467—1510)

élu en 1467, fut confirmé dans sa dignité par le Magistère de Rhodes, le 18 août 1468. La commanderie d'Ober- Kaunitz (Moravie) fut entièrement détruite (1468), dans la lutte des Znaïmois contre le roi G-eorges de Podëbrad : depuis cette époqu.e-là, on n'en trouve plus de traces. Le reste de ses années de priorat furent plus tranquilles. Il faut enregistrer le Rescrit que le prieur-général obtint du roi Vladislaus II (11 février 1472), et d'après lequel les biens de l'Ordre ne devaient plus être engagés ni vendus au profit de la Couronne. Fr. Jean s'occupa de l'amélio- ration et de la réorganisation des possessions du prieuré. Mais le grand-maître, Fr. Pierre d'Aubusson, le menaça, en 1501, de destitution, s'il ne versait pas au magistère la responsion fixée d'accord avec Fr. Jean de Lastic, grand- maître de Rhodes, en 1450, au chiffre de 100 ducats. Pour mettre le comble à ses embarras, un incendie qui éclata, en 1503, dans la maison dite de Petrzelki à l'Aujezd, détruisit le couvent et l'Eglise-Notre-Dame-sub-catenâ. Beaucoup de documents précieux furent alors perdus et l'église ne put être rebâtie que dans des proportions bien plus restreintes. Comme le prieur-général de Bohême n'envoyait toujours pas à Rhodes les responsions, il fut suspendu de sa charge par le Magistère. Mathias Turcozky fut nommé administrateur du prieuré; puis, en 1505, lorsque les responsions eurent été acquittées, Fr. Jean reprit ses fonctions. Il était déjà très-avancé en âge, et se fit (1506) donner un coadjuteur dans la personne de Jean (Baron) de Rosenberg, commandeur, qu'il avait autrefois initié à la science, dans son château de Strakonitz. Il mourut à sa résidence, en 1510, et y fut inhumé dans l'Eglise du château-fort.

LE GRAND-PRIEUEE DE BOHÊME. 269

XIII. Frère Jean (Baron) de Rosenberg (1511—1532)

s'était signalé parmi les Chevaliers de Rliodes par sa valeur et ses autres vertus, et le grand-maître, Fr. Emery d'Amboise, le nomma par Décret du 26 août 1506, coadjuteur cum spe successionis, ainsi que nous l'avons noté. Il fut élu prieur- général, le 19 novembre 1510, et confirmé dans sa dignité par le grand-maître, Fr. Emery d'Amboise. Il était neveu de Fr. Jodok, avant-dernier prieur-général, et se montra digne de son oncle dans l'accomplissement de sa mission. Il visita (1512) la commanderie de Breslau, qui était en pleine prospérité, et la belle église que le chevalier Bartholomé Stein avait fait réparer. Elle avait 11 autels: il résidait à Breslau un commandeur, 18 chapelains et 2 desservants. L'église était reliée avec Thospital par un cloître et son vaisseau reposait sur deux rangs de colonnes. Le prieur-général remit de l'ordre dans l'administration des biens et en augmenta le rapport; il fortifia la ville de Strakonitz, qu'il entoura d'une haute muraille, tandis qu'il faisait aussi agrandir le château-fort; il bâtit la partie antérieure du vaisseau de l'Eglise-du-château, ainsi que la Tour-Jelenka. Mais la Réforme fit perdre à l'Ordre (1520) le service religieux de TEglise-Saint-Jean à Zittau, qui appartenait depuis 1291 à la commanderie. Les circon- stances forcèrent le prieur-général à céder, avec l'assen- timent du Couvent, au conseil municipal de Breslau la rente que la commanderie du T.-S.-Corps-du- Christ rece- vait sur les revenus de la ville, à la condition, il est vrai, que l'église et l'hôpital seraient compris dans la nouvelle enceinte et que l'argent serait employé dans ce but. En 1530, la commanderie de Brieg fut évangélisée et perdue pour l'Ordre.

Malgré tous ces coups, il n'en a pas moins laissé le souvenir d'un bon administrateur de la fortune commune. Il mourut, le 28 février 1532, après 25 années de priorat, à sa résidence de Strakonitz et fut inhumé dans l'église

270 L'ORDEE DE MALTE.

de l'abbaye de Hoheiifurtli, fondée par ses aïeux. Après sa mort, le Magistère de Malte avait nommé pour lui suc- céder, Jean, duc de Munsterberg; mais ce choix rencontra une vive opposition de la part de Ferdinand I^^j roi de Bohême, et le magistère retira sa nomination.

XIV. Frère Jean (Baron) de "Wartenberg

(1534—1542)

fut élu, le 18 novembre 1534, sur le désir du roi Ferdi- nand I®^, et confirmé dans sa dignité par le Magistère de Malte, le 20 septembre 1555. Sous son gouvernement, le prieuré eut à déplorer bien des catastrophes. La comman- derie du T.-S.-Corps-du-Christ, de Breslau, perdit le village de Schwoitsch, par suite d'incendie (1536) ; la religion catholique fut chassée peu à peu des commanderies de Zittau et de Hirschfelde, elles ne purent plus être conférées qu'à des Chevaliers (non chapelains) résidant à Zittau (1538). Fr. Jean convoqua un Chapitre à Strakonitz, afin de délibérer sur les moyens de sauver les biens de l'Ordre. On y confirma aux bourgeois de Strakonitz leurs privi- lèges anciens et on leur reconnut le droit d'appel direct au tribunal de l'Altstadt de Prague, celui de brasser de la bière blanche, avec l'obligation pour les habitants jusqu'à 12 km. de distance de n'acheter que de cette bière. La commanderie de Zittau fut engagée au conseil de cette ville (1540), celle du T.-S.-CorjDS-du-Christ dut être abandonnée au conseil municipal de Breslau, en paiement d'un emprunt forcé du roi Ferdinand I^''. L'église devait rester consacrée au culte catholique, mais le conseil municipal ne respecta pas ses engagements, et, dès 1548, l'église avait un pasteur protestant; plus tard même, elle fut entièrement profanée et convertie en magasin de la gabelle et en écurie. On arracha et on emporta les autels, on brisa les tableaux et les statues, on mit en pièces l'orgue, on anéantit la bibliothèque, on souilla les ornements sacrés. Le peuple la nomma V Eglise dévastée (die wuste Kirche).

LE GRAND-PRIEURÉ DE BOHÊME. 271

Fr. Jean mourut, le 10 janvier 1542, à sa résidence de Strakonitz, et y fut inhumé dans l'église du château-fort.

XV. Frère Zbinko Berka (Baron) de Dura et Lipa

(1543-1555)

ne fut élu et confirmé dans sa dignité par le Magistère de Malte, qu'en 1543. Il avait été commandeur de Zittau et de Hirschfelde; il se consacra à la défense de l'Etat: il com- battit, à la tête d'un régiment d'infanterie avec le roi Ferdinand I®^, accouru au secours de son frère, l'empereur Chailes-Quint, le 24 avril 1547, à la bataille de Mlihlfeld. Puis il marcha contre les Etats de Bohême, armés pour la défense de leurs privilèges, et resta maître du terrain. Il résigna sa charge, en mars 1555.

XVI. Frère Wenceslas Zajïc (Baron) de Hasenburg-

(1555—1578)

fut nommé sur le désir exprès du roi Ferdinand I®^, en 1555. n reporta le siège du prieuré au couvent de Prague, et y reçut le serment des commandeurs et chevaliers- profès. Comme les responsions n'avaient pas été versées depuis des années à la caisse de l'Ordre, à Malte, par suite des désastres de la guerre des Hussites, le grand-maître, Fr. Jean de la Valette-Parisot, manda à Malte les prieurs de Bohême et d'Allemagne. Fr. Wenceslas s'y rendit avec deux commandeurs (1558), et il fut décidé, par Décret du magistère, en date du 9 novembre 1559, que le prieur- général et les commandeurs auraient à verser de nouveau les responsions, qui n'avaient pas été versées depuis le priorat de Fr. Jodok de Rosenberg. L'affaire ainsi réglée, Fr. Wenceslas Zajio de Hasenburg, fut solennellement confirmé dans sa dignité par le Grand - Maître, le 11 décembre 1559.

L'invasion du protestantisme dans l'arrondissement de Striegau, en chassa les Chevaliers, qui se réfugièrent à la

272 L'OEDEE DE MALTE.

commanderie presque abandonnée de Loewenberg. ce que le prieur-général approuva (1559).

Fr. Wenceslas fut un valeureux soldat: il se distingua dans la campagne de Hongrie contreles Turcs (1566). àZsigeth, à Gran, à Erlau, et fut élevé au grade de colonel-cle-camp.

Mais, depuis 1557, Zittau et Hirschfelde étaient devenues entièrement protestantes, et, en 1570, le prieur-général céda ces commanderies avec les possessions et droits en dépen- dant, à la ville de Zittau, pour la somme de 10.500 écus. Le contrat fut signé à Zittau. le 19 mars 1570, et approuvé le 14 avril suivant jDar l'empereur Maximilian II, puis ratifié par le Magistère de Malte, le 9 juin 1571. Le piieui'-général acbeta pour la même somme le domaine de Ober-Krâlowitz, dans Tancien cercle de Caslau, à son propriétaire, Albert de Kolowrat-NovoiLradsky et y érigea une commanderie de bon rapport (1571). IL acheta, le 20 janvier 1573, au duc Georges II. tous ses droits sur la commanderie de Losse (Silésie prussienne). L'acte fut approuvé par l'empereur Maximilian IL Cette commanderie avait été instituée d'après le droit germanique, avec l'assentiment du duc Henri I" (1238). Le prieur-général réussit, en 1574, à repousser une tentative contre la souveraineté de l'Ordre et le droit des commandeurs de référer directement à Malte, ou à Prague, dans la principauté de Scliweidnitz-Jauer. C'est en cette même année que le commandeur de Maria-Pulst (Carintliie), Georges Schober. se signala par ses hauts-faits dans une campagne contre les Turcs, sous les ordres du commandant Khevenhuller. Fr. Wenceslas mourut, le 31 janvier 1578, en son palais prioral de Prague, laissant un renom de vaillance et de piété. Il fut inhumé à l'Eglise-Saint-Gu^', à Prague.

XVn. Feèee Cheistophe ('Baeon) de Waetexbeeg (1578— 1590j

avait bien mérité de l'Ordre, comme commandeur de Lem- berg, de Hirschfelde et de Zittau, et comme négociateur

LE GRAND-PKIEURE DE BOHEME. 273

avec le conseil municipal de Zittau f 1570); il fut cependant nommé en deliors du Couvent prieur-général (1578), puis confirmé, la même année, par le Magistère de Malte. Il ne fut accepté par l'empereur Rodolphe II qu'en 1579, par l'intermédiaire du grand-bailli d'Allemagne, Fr. Jean de Schonborn, ambassadeur de l'Ordre souverain à la Cour impériale.

La cômmanderie de Kosel (Silésie prussienne; disparut, en 1578, mais la paroisse de Kosel resta sous le patrona,ge de l'Ordre, jusqu'à la sécularisation complète dans la Silésie prussienne. Le prieur-général visita, en 1588, sur Tordre du grand-maître, Fr. Hugues de Loubenx-Verdala, toutes les commanderies de son ressort en Bohême, et aplanit les difficultés qui avaient surgi, surtout à Striegau. Il fit un rapport favorable sur les commanderies et le Magistère approuva les résultats de cette visite. On loue beaucoup sa bonté naturelle et son esprit de charité. Il mourut, le 6 mai 1590, à sa résidence de Strakonitz, et y fut inhumé à l'église du château-fort.

XYin. Frère Mathieu-Léopold (Baron) de Lobkowitz

(1591—1619)

fut nommé sur le désir formel de l'empereur Rodolphe II, en 1591, et confirmé en la même année dans sa dignité par le Magistère de Malte. C'est sous son priorat qu'eut lieu la Défenestration de Prague à laquelle il n'échappa que pom- avoir quitté à temps la salle du Haradchin, ce fait historique s'accomplit (28 mai 1618), car il était un des lieutenants du royaume chargés du gouvernement par le roi Mathias qui résidait à Vienne, et devenus l'objet des haines des Etats protestants de Bohême. En 1618, Mamis- feld, partisan de l'Electeur palatin, s'empara du château de Strakonitz et le mit à sac; on raconte des actes inouïs de vandalisme de la part de ces luthériens, aussi bien que dans le reste de la Bohême, pendant la Guerre de Trente

SALLKS : U'ORDIIK DE MAI>TK. 10

274 L'ORDEE DE MALTE.

Ans. Il mourut, le 11 octobre 1619, en son palais de Prague, et fut inhumé à l'Eglise-du-Dôme.

Depuis sa mort, le droit d'approbation de l'élection au proiit du souverain fut abrogé.

XIX. Feèee Henri (Baron) de Logau, (1620—1625)

en même temps prieur titulaire de Hongrie, fut élu, au Couvent de Prague, en 1620, et confirmé en la même année dans sa dignité par le grand-maître, Fr. Alofe de Wigna- court. Il reçut en même temps le titre de grand-prieur de Hongrie, afin de consacrer ainsi des droits acquis à l'Ordre. La comté de Glatz résistait encore à Ferdinand II, après la bataille de la Montagne-Blanche, près de Prague (1620), et les troupes impériales occupèrent la comté (1621) et prirent Grlatz (1622). Si d'un côté toutes les églises furent rendues au culte catholique (1623), d'un autre côté, la guerre laissa des traces douloureuses dans la commanderie. Vers la fin de sa vie, Fr. Henri se rendit à Prague, il mourut en son palais prieural, le 11 octobre 1625. Il fut inhumé dans le Dôme ^).

eRANDS-PRIEURS.

I. Frère Rodolphe (Baron) de Paar (1626)

était entré dans l'Ordre, en 1594; il était très-habile à tous les exercices de la chevalerie, aussi fut-il appelé à la Cour de l'archiduc Ferdinand, plus tard empereur ^). Il était commandeur de Furstenfeld et de Melling (Styrie), lorsqu'il fut élu (1626). Il fut immédiatement confirmé dans sa dignité par le Magistère de Malte; mais il mourut à Karlstadt,

^) Il était chambellan du Roi et capitaine du cercle de Glatz. -) Il fut grand-écuyer, colonel-général à Karlstadt, cliambellan.

LE GRAND-PRIEURE DE BOHEME. 275

avant d'avoir pris possession de sa charge. C'est depuis Fr. Eodolphe que le titre de grand-prieur fut adopté, au lieu de celui de prieur-général.

II. Frère Guillaume (Comte) de Wratislaw-Mitrowitz ^)

(1626—1637)

était de lignée royale. Les Wratislaws descendent en effet du duc de Boliême de même nom, premier roi de Bohême, par son fils Vladislav, et sont ainsi de la famille de Wenceslas-le- Saint. Fr. Guillaume entra dans l'Ordre, à l'âge de 24 ans; ayant donné des preuves de sa valeur, à la prise des for- teresses hongroises de Gran et de Hattwan, il fut nommé commandeur de Tinz, près Nimptsch (Silésie prussienne). Il fut élu, en 1626, au grand-priorat, et confirmé dans sa dignité par Bulle du grand-maître de Malte, Fr. Antoine de Paula, en date du 17 juin 1627. Il acheta, en 1628, au conseil municipal d'Eger, la commanderie qui avait appar- tenu à l'Ordre Teutonique et avait été cédée par cet ordre, en 1608. Le premier commandeur de l'Ordre de Malte fut le Comte Simon de Thun. Mais, en la même année la commanderie de Glatz fut vendue aux Jésuites, après avoir appartenu aux Chevaliers de Saint-Jean, durant 445 ans (1183 1628). Cette vente eut lieu sur le désir de l'empereur Ferdinand II. L'Ordre acquit, en échange de la comman- derie de Glatz, la commanderie de Maidelberg (château et village, enclave de Moravie) qui subsiste encore. Il reçut, en 1629, en vertu de VEdit de restitution rendu par Ferdi- nand II, l'Eglise-Saint-Pierre-et-Saint-Paul, à Striegau, que les protestants avaient possédée pendant 111 ans et qui est aujourd'hui encore église paroissiale.

Il mourut, le 19 janvier 1637, à l'âge de 61 ans, après avoir appartenu 37 années à l'Ordre, en son palais grand-

^) Il fut capitaine de trabans, grand-chambellan de l'empereur Rodolphe II, conseiller intime du roi Mathias et lieutenant du roi en Bohême, assesseur du Tiàbunal supérieur de la province.

18*

276 L'ORDRE DE MALTE.

cirieural de Prague, et 3^ fut inhumé dans le Dôme. Une épitaplie rappelle ses grands mérites et ses vertus: nous la relevons sur son tombeau: D. D. Guilhehnus S. JR. J. cornes Wratislaiv de Mitroivitz, Ord. S. Joan. Hierosol. Priorafus Boem., supremus magister, et Dom. in Strakonitz, generalis vigiliarum praefedus, et aulae marescJiaUus, nec non Rom. Boem. et Hung. Begis consiliarius, camer. et in regno Boem. Locumtenens, qui persoïuto vitae cursu Anno aetatis suae LXIy suscepti Ordinis XXXVII. et réparât. Salut. Jmmanae, MDCXXXVII. XIX Januarii pie in Domino ohiit, hoc in Sarcopli. reconditur, cuius anima coeïesti potiatur gaudio.

Il avait légué à son Ordre sa seigneurie d'Ober-Liebicli: l'Ordre en fut mis en possession, en 1653.

III. Feèee Rodolphe (Comte du Sain^t-Empiue) DE Colloeedo-Wallsee ^),

(1637—1657)

fut un homme d'état et un homme de guerre ; avant d'être élu au grand-priorat, il avait rempli les fonctions d'am-

1) Le comte Rodolphe est uue des grandes figures des Annales de la Bohême. Ké, le 2 novembre 1585, à Budweis. il était depuis sa jeunesse ChevaHer de Malte, et commandeur de Tynz et de Grôbnig. Il s'était bientôt signalé dans l'armée impériale contre les Turcs, contre Béthlem Gabor, contre les Uscoques, contre les Vénitiens dans le Prioul et devant Mantoue. Après la bataille de la Montagne-Blanche (1620), il fut fait maréchal de camp (Genercd-Feld-WachtmeisterJ, en 1624, par l'empereur Ferdinand II. Il servit sous TlUy contre Manns- feld et le roi de Danemarc; puis, en 1631, il prit part à la tête d'un régiment à la bataille de Breitenfeld, contre Gustave Adolphe et abandonna un des derniers le champ de bataille. Lorsque le duc de Friedland reforma son armée, à Znaïm, il équipa à ses frais un régiment de cuirassiers, de 5 escadrons et 150 hommes chacun, et marcha sur Prague avec le duc de Friedland, puis sur Nuremberg, Gustave-Adolphe fut battu pour la première fois (1632). Lors de l'entrée en Saxe, CoUoredo eut la garde de Weissenfels avec son régiment, afin d'observer l'ennemi. Lorsqu'il eut signalé l'approche de Gustave- Adolphe, l'armée impériale se concentra à Lutzen, se

LE GBAND-PRIEURE DE BOHEME. 277

bassadenr du Magistère de Malte a la Cour impériale, et avait, en cette qualité, rendu d'importants services. Il fut élu, le 19 janvier 1637; nous donnons à l'Appendice l'état terri- torial du grand-prieuré, qu'il est curieux de comparer avec l'état territorial actuel. En sa qualité de grand-prieur et de seigneur de Strakonitz, il avait les revenus d'Eger, de Grôbing, de Brunn, de Furstenfeld. Il déploya une grande activité dans l'intérêt de son prieuré. Quand Strakonitz fut dévastée par les Suédois (Gruerre de Trente Ans), ainsi que toute la contrée, les bourgeois donnèrent une grande preuve de fidélité, en payant une forte somme pour sauver de la destruction le château grand-prieural. Fr. Rodolphe sut réparer les ruines faites dans les commanderies et régla la situation des colons amenés par l'immigration. Il donna à Strakonitz et au bomg de Rodomysl de nouveaux droits et privilèges. En sa qualité de prélat provincial, il exerça en même temps un contrôle sévère sur l'observation de la Règle de l'Ordre. Il mourut, le 27 janvier 1657, en son palais de Prague, à l'âge de 72 ans, après 20 années de grand-priorat, et fut inhumé devant le maître-autel de V'Ëglise-li^otYe-Da.m.e-sub-catenâ de la Kleinseite.

livra une sanglante bataille. Colloredo eut plusieurs clievaux tués sous lui et il avait reçu 7 blessures, lorsque Waldstein fit sonner la retraite. Quand celui-ci perdit son commandement et fat banni, Colloredo tint pour l'Empereur; plus tard il reçut en récompense la seigneurie d'Opocno (Bohême), en 1636^ domaine que la. maison prin- cière possède encore, puis il lut nommé conseiller intime actuel et feldmaréclial. Il servit sous Gallas, dont il partagea la bonne et la mauvaise fortune, et, en 1647, il reçut le commandement de Prague, que les Suédois attaquèrent (1648) et qu'il défendit si habilement et si valeuresement (26 juillet 1" octobre 1648), qu'on le nomme le Sauveur de Prague. La paix de Westphalie (6 août 8 septembre 1648) préserva cette ville des dernières misères: elle avait jusqu'à ce moment-là résisté au plus violent feu d'artillerie et aux plus terribles assauts. Colloredo avait été l'âme de cette admirable résistance contre les Gotlis et les Vandales, ainsi que le rappelle l'inscription de la Tour-du-pont, de l'Altstadt. Sa statue s'élève à Prague, comme un témoin de ce haut-fait. Il commanda la ville jusqu'en 1657.

278 L'OKDRE DE MALTE.

IV. Frère Guillaume-Léopold (Comte) de Rheinstein- Tattenbach

(1653—1661)

était à Gratz et avait reçu une éducation conforme à son rang. 11 entra jeune encore dans l'Ordre et mérita la collation des commanderies de Sanct-Peter (Carniole), de Heillenstein et de Melling (Styrie), de Breslau (Silésie prussienne), du JoJiannes-Hof (Vienne). Il fut élu, en 1658, au Couvent de Prague, et, en la même année, confirmé dans sa dignité par le Magistère de Malte. Il vécut dès lors sur les domaines du grand-prieuré, s'occupant de les administrer et faisant beaucoup de bien aux pauvres. Il sut régler pacifiquement les affaires de l'Ordre. Ses services envers l'Etat furent récompensés par l'empereur Ferdinand qui le nomma chambellan, par l'empereur Léopold I®^ qui le fit conseiller intime et par l'arcbiduc Léo]3old-Guillaume, dont il fut grand-cbambellan et dont il reçut à titre de fief, la Seigneurie de Rheinstein qui avait fait retour à la Couronne (1599). Il fut aussi Président-de-guerre. Il mourut à Gratz, le 25 novembre 1661, et il y fut inhumé.

V. Frère Ad am-Guillaume(Oomte)de'Wiiatislaw-Miteowitz ^)

(1661—1666)

entra de bonne heure dans l'Ordre et se distingua, à l'île de Malte, dans différentes entreprises militaires. Aussi fut il nommé par le Grand-Maître général-des-galères, et com- manda-t-il souvent les forces navales de l'Ordre contre les Infidèles. Lors de la mort de Fr. Guillaume de Rhein- stein, il était commandeur de Tynz et fut élu à l'unani- mité au grand-priorat de Bohême-Autriche. Son élection fut accueillie avec joie et confirmée par le grand-maître, Fr. Raphaël Cotoner, qui l'avait vu à l'oeuvre. On dit qu'en 1665, il faillit même être élu au magistère. Il s'appliqua au bien-être de grand-prieuré : il régla sur de

') Il fut conseiller mtime de Léopold I"'' et Lieutenant de Bohême.

LE GRAND-PBIEURE DE BOHEME. 279

nouvelles bases les rapports de l'Ordre avec les bourgeois de Strakonitz, par une Transaction^ afin de mettre fin aux différends. C'est sous son gouvernement que le chapelain et receveur de Vienne fut nommé par l'empereur Léopold I®^' à l'évêché de Laibach (1664). Fr. Adam -Guillaume réunit un Chapitre, à Prague, le 19 mai 1665, pour réglementer la compétence judiciaire et d'autres questions intérieures. Les résolutions de ce chapitre furent approuvées par l'empereur Joseph P^', le 25 avril 1710. Il mourut en son palais de Prague, le 11 octobre 1666 et y fut inhumé à l'Eglise-Notre-Dame.

VI. Frèee Franz (Comte) de Wratislaw-Mitrowitz ^) (1667—1675)

était jle frère du grand-prieur précédent. Il était à Prague et avait suivi l'exemple de son frère, après avoir été aussi reçu très-jeune dans l'Ordre. Il eut, en récom- pense de ses services, les commanderies de Reichenbach (Silésie prussienne) et de Meidelberg (Silésie autrichienne) ; il fut nommé grand=bailli d'Allemagne, et, en 1667, élu grand-prieur, au Couvent de Prague.

La commanderie d'Ober-Karlowitz (Bohême) fat réunie en cette même année à celle d'Alt-Brlinn (Moravie). La commanderie de Maidelberg fut confirmée (1667) ^). C'est sous son gouvernement que s'affirma la souveraineté de l'Ordre, qui refusa à l'évêque-coadjuteur de Breslau le droit de visite canonique, excepté in spirituaïihus^ par l'organe du commandeur, Fr. Ferdinand -Louis (Comte) de Kolowrat-Liebsteinsky. Cette exemption avait été reconnue à plusieurs reprises par le Saint-Siège, et, en particulier, en 1523, par le pape Clément VII qui avait déclaré les Chevaliers de Malte d'obédience directe et immédiate a

1) Il fut nommé par Léopold I"' conseiller intime, Lieutenant de Bohême et assesseur du Tribunal supérieur du royaume de Bohême.

2) V. Arch., Acte original.

280 L'ORDRE DE MALTE.

sede axjostolorimi. C'est ce qui fait dire à un chroniqueur: »Les chevaliers de Saint-Jean ont sur tous les ordres religieux la primauté, non seulement à cause de leurs nombreux ressortissants, mais encore par suite de leurs privilèges et immunités. « Le visiteur ecclésiastique ne pouvait exécuter sa visite, d'après les Bulles pontificales, confirmées encore en 1528 par l'empereur Cliarles-Quint, que s'il justifiait d'une délégation du Souverain-Pontife. Les temps s'amélioraient pour l'Ordre, et l'on remarquait déjà que le bien-être renaissait. Le grand-prieur fit réparer l'Eglise-Saint-Procope, à la Kleinseite de Prague. L'acte sur parchemin que l'on plaça à la pointe du clocher in- dique comme date de l'achèvement le 23 novembre 1669. Il consacra les revenus de Strakonitz et de Warwazau à des oeuvres humanitaires: il vivait lui-même très-modeste- ment. Le magistère de Malte l'envoya, en 1675, en am- bassade auprès du pape Clément X. Après avoir accompli sa mission, il se rendit auprès du grand-maître, Fr. Nicolas Cotoner, à Malte, il se démit de sa dignité, le 13 janvier 1675, afin d'y vivre dans la retraite et la prière jusqu'à sa mort, qui survint en 1684. Il donna de son vivant à la collégiale de la Cité-Valette, une lampe d'argent du poids de 14. kg. et, après sa mort, une somme de cinquante mille ducats à l'Ordre, par son désappropriement. Il fut inhumé dans la Chapelle-des-Rois-Mages, propriété de la Langue d'Allemagne, et l'Ordre lui éleva un mausolée dont l'épi- taphe célèbre les vertus des deux nobles frères : Fr. Adam- Guillaume et Fr, François, Comtes de Wratislaw-Mitrowitz. Cette épitaphe est ainsi conçue : Deo UniTrino, Fratri Francisco Sebastiano Coniiti Wratislaw, Germaniae magno baiulivo, max. Soeniiae priori, qui pro sacra hierosolymiiana Beligione ad obedientiam Glementi X. praestandam orator suo munere magni- fice perfunctus Adami fratris dignitaUim et virtidum pariter Jiaeres. Sta, ut nobïle per Fratrum huic aequaïe vix alibi in- veneris. Frioratu sponte demisso omnique fastu abliorrens pie semper vivens, fraternae generositatis invidus, publico aerario quinqaginta aureorimi millia legavit. Fiusdevi aerarii praesides,

LE GRAND-PRIEUrvE DE BOHÊME. 281

uiuiquam vderlturac gratitudods mommientuDi F. (J. Aniio reparatae salutis 3ÏDCLXXXIV.

VII. Frèee Ferdinand -Louis (Comte du Saint-Empire;

DE KoLOWRAT-LlEBSTEINSKY ')

(1676—1701)

se rendit à Malte auprès du grand-maître, Fr. Nicolas Cotoner, qui l'emploj'a dans toutes les branches de l'admi- nistration et le nomma général-des-galères. Il fut aussi commandeur de Striegau, de Reichenbacîi et de Maidelberg. Il fut nommé dès le 14 janvier 1675, par Bulle du Magistère, successeur de Fr. François, mais il ne prit possession du grand-priorat qu'en 1676 ^). Il sut résister à la visite de l'Ordinaire de l'évêclié de Breslau, à Striegau, et donna Tordre, par décret du 15 juin 1687, au commandeur, Fr. Jean (Comte) de Portia, de prendre les clefs de l'égKse et d'en refuser l'entrée au Visiteur, à moins qu'il ne fît la preuve d'une délégation spéciale du Saint-Siège. Le visiteur jDrotesta, mais la protestation resta sans réponse. Il en agit de même pour l'Eglise du Très-Saint-Corps-du-Christ, de Breslau, et fit respecter les privilèges de l'Ordre. En 1689, le prieur-titulaire de Hongrie, Fr. Joseph (Comte du Saint- Empire) de Herberstein, érigea un bailliage dans la ville de frontières de Karlstadt (Croatie); mais il , fallut l'aliéner pendant l'invasion turque. Lorsqu'on démolit, en 1689,1'Egiise- Saint-Procope de la Kleinseite, et qu'on enleva un clocher et la voûte qui menaçaient ruine, on trouva à 1^ pointe du clocher un parchemin portant ces mots: Aedes Jiaec Divo Procopio sacra eo loco, tdn olim oraculo Lihussae a fahricato limine (Prah) Fraya suiim nomen accepit, coUocata et exprima urhis aede in saceïlum consecrata, tandem vetustate collapsa jam pio voto et propriis sumtihus, etc. Le 23 avril 1689, fut posée

^j Cette famille fut élevée au rang comtal, par diplôme impérial, eu date du 28 février 1600.

-) 11 fut chambellan, assesseur, Lieutenant de Bohême.

282 L'ORDRE DE MALTE.

la première pierre de Tégiise nouvelle qui fut achevée, le 11 mai 1690, comme le constate un parchemin placé de m.ênie à la pointe de la tour, sous le règne du pape Alexandre VIII, de l'empereur Léopold I"^^ et du grand- maître, Fr, Grégoire Caraffa. Le grand-prieur Fr. Ferdinand vendit, en 1691, la commanderie de Mokau. Lorsque Fr. Frédéric, landgrave de Hesse-Darmstadt, grand- prieur d'Allemagne, devint évêque de Breslau (1671), il s'occupa de la commanderie et de l'Eglise du Très-Saint-Corps-du- Christ, à Breslau, surnommée Wratislavia^ et s'efforça de les récupérer. Il en référa, en 1678, au pape Innocent XI, qui approuva le projet du cardinal grand-prieur, et, par Bref du 23 juillet 1678, lui donna pouvoir de faire le nécessaire. Mais la mort du cardinal grand-prieur interrompit les négociations, le 18 février 1682; le grand-prieur de Bohême reprit alors ces négociations (1692) et, par l'inter- médiaire de l'empereur Léopold I®^, ainsi que du nouvel évêque de Breslau, François-Louis, comte palatin du Rhin et grand-maître de l'Ordre Teutonique, la commanderie fut rachetée au conseil municipal et sa magnifique église fut rebâtie. Fr. Ferdinand en fut le premier commandeur, et, comme sa haute dignité ne lui permettait pas la résidence à Breslau, il nomma un administrateur pour le substituer. La commanderie fut constituée en fidéicommis sub titulo recuperationis de la maison Kolowrat-Liebsteinsky, jusqu'en ces derniers temps (le rachat avait eu lieu des deniers personnels du grand-prieur Kolowrat), et fut ainsi sauvée lors de la sécularisation des cloîtres et congrégations par la Prusse (1810). Fr. Ferdinand acheta, pour la somme que le conseil municipal d'Eger avait payée pour l'acquisition de la commanderie d'Eger, le domaine de Mëcholup, et y érigea la commanderie du même nom. Son administration fut, on le voit, sage et habile: il consacra toutes ses forces au bien-être de ses frères et au maintien des privilèges de l'Ordre souverain. Il mourut, le 30 septembre 1701, et fut inhumé à Prague, dans la Chapelle-Saint-Procope de l'église métr opolitaine.

LE GE,AXD-PB,rEUKE DE BOHEME. 283

VIII. Feère François-Sigismond (Comte du Saixt-Empiee i

DE Thun-Hohenstein ^).

(1702)

Entré jeune dans l'Ordre, il fut, après avoir donné des preuves de son mérite, nommé commandeur de Klein- 01s, de Grôbnig et de Vienne. Il était fils du grand- maréchal de la Cour de l'Empereur et rendit de tels services à Léopold 1^^\ qu'il devint chambellan et conseiller-aulique- de-guerre (Hof-Kriegsrath), et qu'il fut envoyé en mission auprès du pape Innocent XI (1686), pour lui annoncer la reprise de la ville de Pesth sur les Ottomans. Il se rendit à Malte, auprès du grand-maître, Fr. Orégoire Caraffa, qui l'accueillit avec une bienveillance marquée. Il y donna des preuves de ses capacités militaires et fut nommé général- des-galères par le grand-maître suivant, Fr. Adrien de Wignacourt; il fit, en cette qualité, plusieurs expéditions heureuses contre les corsaires (1694) et prit, après 8 jours de siège, la ville de Chios ou Scio ^). Il fut nommé, en 1702, grand-prieur, en récompense de ses services; mais il mourut en Italie, en revenant de Malte pour prendre pos- session de sa charge.

IX. Frère Wolfg-ang-- Sébastien (Comte du Saint-Empire)

DE PÔTTING,

(1702-1709)

fut nommé par Bulle du magistère, en date du 2 juin 1702; son entrée en fonctions fut signalée par un véritable don de joyeux avènement; car l'archevêque de Salzbourg, Comte- du-Saint-Empire Jean-Emest Thun fonda (1703), au prix de 30,000 fi. une commanderie de famille. L'église magnifique de Striegau fut reconstruite (1704), comme l'historien Henelius le raconte: Quae sut exceïlentissimo JDD. commen-

^) Le diplôme relatif à radjouction du titre de Hohensteiu est du 28 février 1628.

-) V. Annales, I- partie, à cette date.

284 L'OEDEE DE ]\IALTE.

(lafore Comité de Herherstein ex ruinis lu qiias tôt tantisque tempormn injuriis conciderat, in novum veterique longe magni- ficentius atque commodius aedificium Jiodie resurgit. Ce grand- prieur fut cliambellaii de Léopold I^^\ conseiller intime de Joseph I^^. Lieutenant et assesseur^ du Tribunal supérieur de Bohême. E. mourut, le 17 juillet 1709, en son palais de Prague et fat inhumé dans l'église conventuelle de Notre- 'Daine-suh-cateua.

X. FeÈEE JeAX-WeXCESLAS de WEATISLAW-]^IITEOVi^TZ \).

(1711—1712)

La dignité de grand-prieur lui fut conférée par Bref sjDécial du pape Clément XI, en récompense des services

^) Il fut un grand homme d'état et le ministre de trois emperenrs rLéopold I", Joseph I" et Charles VI). Nomm.é, en 1695, chambellan, puis assesseur à la ChanceUerie aulique de Vienne, il eut bientôt l'occasion de montrer sa science des affaires. Léopold I" l'envoya (1700) en mission spéciale en Angleterre, pour négocier l'alhance avec le roi Guillaume III. Il alla ensuite avec Charles HI, roi d'Espagne, en Hollande (1703). Au retour de la campagne de 1704, il fat nommé conseiller intime et grand-juge de Bohême. Joseph I" le confirma dans sa charge de conseiller intime et le chargea, le 6 juin 1705, de l'organisation de la chancellerie auhque de Prague, en qualité de vice- chanceher, sous les ordres du comte Kinsky, grand-chancelier. Puis il dirigea cette chancellerie, en l'absence du comte Kinsky. Il fat chargé de nouvelles missions diplomatiques, en Hongrie (1706) pour négocier avec les mécontents, en Saxe (1707), auprès du Roi de Suède, Charles XII, et conclut les Préliminaires du 22 août et le Traité de paix du 1" septembre. IL fut appelé au ConseU-de-Conférence (Con- ferenz-Math) que Joseph I" avait créé. Il y travailla au maintien des droits de l'Autriche à la succession d'Espagne. Il était l'ami intime du prince Eugène de Savoie, et dut à cette amitié d'être chargé des affaires les plus délicates, au lieu et place d'un premier-ministre. Lorsqu'il fut nommé grand-prieur, Joseph 1" lui attacha lui-même (1" mars 1711) la grand' croix, à laquelle sa dignité prieurale lui donnait di'oit. A la mort de Joseph I", il fit partie du Conseil de Régence, avec les princes Mannsfeld et Trautsohn, et le comte de Seilern. Sous Charles VI, il fut nommé, le 17 décembre 1711, grand- chancelier de Bohême, après être allé jusqu'à Milan au-devant de

LE GRAND-PRIEURE DE BOHEME. 285

qu'il avait rendus au Saint-Siège, clans la conclusion de l'arrangement avec l'empereur Joseph I®^', à la date du

20 janvier 1711. Nous donnons en note le résumé de sa vie politique. Son priorat fut très-court, car il mourut le

21 décembre 1712, à Vienne; ses restes mortels furent transportés à Prague, dans l'Eglise-des-Frères-Mineurs de l'Altstadt, on lui éleva un magnifique mausolée. L'épitaphe est ainsi conçue: Beverendiss. lUusfrissimo et Excell. viro Joanni Wencesïao S. R. J. Comiti Wratislaw de Mitroivits, tertio suae gentis in Boemia Ord. Equit. S. Joan. Hier os. Magno Priori., S. C. et B. Majestatis a secretioribus consiliis, atqiie Ber/ni Boem. siipremo Cancellario. 3fDCCXIII. XXV. Jan.

XI. Frère Ferdinand -Léopold (Baron) de Dursky- Trzebomislitz ^)

(1714-1721)

se fit recevoir, à Malte, chevalier de l'Ordre. Il prit part aux expéditions contre les Infidèles et se distingua telle- ment sous les grands-maîtres, Fr. Grrégoire CaraÉfa, Fr. Adrien de Wignacourt et Fr. Raymond Perellos, que celui-ci le nomma général-des-galères, et le pape Clément XI, nonce-général (Nuntius generalisj. Après sa nomination au grand-prieui'é de Bohême-Autriche (1714) et sa con- firmation dans sa dignité par le magistère, il revint de Malte et prit possession de son siège. Il fit construire à Strakonitz un nouveau château (1715); il fit réparer l'égHse de la commanderie de Striegau, dévastée par un incendie

cet empereur, à son retour d'Espagne. Il exerça ces liantes fonctions jusqu'à sa mort. Joseph I"'' lui avait donné de grands domaines en Hongi-ie. Le chef de la famille Wratislaw est, par droit liéréditaii-e et par ordre de primogéniture, grand-maître-des-cuisines du Royaume de Bohême. C'est la sixième des dix grandes charges de la Cour de Bohème. Le Décret impérial est du 17 décembre 1711.

^) L'empereur Charles VI le nomma assesseur du Tribunal supérieur et Lieutenant de Bohême, puis vice-amiral. Il était prieur- titulaire de Hongrie.

286 L'ORDRE DE MALTE.

(13 mars 1718) et y consacra une importante somme d'argent. Il était seigneur de Strakonitz, Ober-Liebich, Warwazan et Brezinoves. Il mourut en son palais de Prague, le 27 février 1721, dans sa 74^ année et fut inhumé à l'église conventuelle de Notre-Dame,

XII. Frère Charles-Léopold (Comte du Saint-Empire)

DE HeRBERSTEEST ^),

(1721—1726)

en même temps prieur titulaire de Hongrie, était en 1660 et avait reçu une éducation conforme à son rang. Il entra jeune encore dans l'Ordre et obtint pour ses services les commanderies de Lossen, Striegau, Mailberg, Troppau. Partout il fit élever des constructions nouvelles, et, en particulier le palais de la commanderie et l'Eglise-Saint- Jean-Baptiste de Troppau, ainsi que la belle Eglise-Saint- Pierre-et-Saint-Paul de Striegau qu'il fit acliever. Il se rendit à Malte auprès du grand-maître, Fr. Raymond Perellos, et ses connaissances y furent appréciés, car il y fut élevé à la dignité de grand-bailli. Lorsqu'il fut nommé par Bulle de collation, du 23 avril 1721, au grand-prieuré de Bohême- Autriche et confirmé dans sa charge par le Magistère, il revint en Bohême s'y consacrer entièrement à l'administration de sa charge. Il commença la réparation du couvent de Prague, qu'il fut réservé à son successeur de finir. Nommé Lieutenant de Bohême par Charles VI, puis conseiller intime et conseiller aulique de guerre, il rendit des services à l'Etat, et reçut en récompense la charge héréditaire de chambellan et écuyer-tranchant du duché de Carinthie. Il mourut à Vienne, le 5 mars 1726, à l'âge de 66 ans; sa dépouille mortelle fut transportée à Prague, il fut inhumé à l'église conventuelle.

^) Charles VI le nomma Lieutenant de Bohême, conseiller intime et aulique de guerre, écuyer - tranchant héréditaire du dviché de Carinthie.

LE GRAND-PKIEURE DE BOHEME. 287

XIII. Feèee Gundaker-Poppo (Comte du Saint-Empiee)

DE DiETRICHSTEIN ^)

(1726—1737)

était né, le 10 janvier 1672, il entra de bonne heure dans l'Ordre et fut bientôt pourvu des commanderies de Klein- Ôls, de Brunn, d'Ober-Karlowitz, puis nommé par Bulle de collation du 16 avril 1726, grand-prieur et confirmé par le magistère. Il se préoccupa tout d'abord de remettre en un état convenable les bâtiments conventuels. Il fit entre- prendre dès l'année de son entrée en fonctions, à la Klein- seite de Prague, la construction du nouveau palais grand- prieural, et la mena à bien en une année, comme le prouve l'inscription encore visible au-dessus de la grande porte d'entrée. Il le fit orner de cariatides de pierre, dues au ciseau de Braun. C'est dans ce palais que résident les grands-prieurs. se trouvent aussi les Archives, l'on conserve les actes et écrits officiels, ainsi que les arbres généalogiques et les preuves de noblesse des chevaliers du grand-prieuré. Il fit continuer la réparation du couvent (1731). Il fit bâtir une belle église de Saint- Jean-Baptiste sur la colline près de Radomysl (1733) et l'église paroissiale de Saint- Jacques-le-Majeur, à Ober-Liebich. IL fut à la fois un sage administrateur et un ferme gardien de la discipline. Ses oeuvres témoignent des services qu'il a rendus à son Ordre. Il mourut, le 9 octobre 1737, en son palais grand-prieural et fut inhumé à l'église conven- tuelle, aux côtés de ses prédécesseurs.

XIV. Feèee Feançois-Antoine (Comte du Saint-Empire)

DE Kônigsegg-Rothexeels, (1737—1744)

en même temps prieur titulaire de Hongrie, était né, le 16 mai 1672, et entra jeune dans l'Ordre. Il fut commandeur

') Il fut chambellan, assesseur du Tribunal supérieur et Lieute- nant de Bohême, conseiller intime, capitaine de la garde, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de l'Ordre, à Vienne, grand- veneur héréditaire de Styrie. grand-échanson héréditaire de Carinthie.

288 L'ORDRE DE MALTE.

de Lossen et de Striegau, puis j)ïieur titulaire de Hongrie et Envoj^é extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de l'Ordre à la Cour de Vienne, enfin, à la mort de Fr. Charles Léopold, il fut nommé par Bulle du grand-maître, Fr. Raymond Despuig, en date du 3 décembre 1737, grand- prieur de Bohême et confirmé dans sa charge. Il ne prit possession du grand-prieuré qu'en 1738. Dès la seconde année de son entrée en fonctions, une Ordonnance très- importante, du 14 novembre 1739, conféra au prieur con- ventuel le privilège de poser lui-même la mître sur sa tête, lors de son intronisation. Les chapelains du grand- prieuré élisent le prieur conventuel, le grand-prieur le con- firme dans sa dignité. Le Couvent de Prague est sous la juridiction du grand-prieur. Fr. François-Antoine lui donna des règlements plus précis, auxquels le couvent eut à se con- former strictement (5 juillet 1744i. Il fut aussi opéré une modification dans les commanderies de Silésie. Jusqu'en 1740, celles-ci ne relevaient que du grand-prieuré, et celle du T.-S.-Corps-du-Christ (la "Wradislavia) était de chambre magistrale (1450-1540): elle ne relevait que du Magistère de Rhodes ou de Malte. Lorsque cette commanderie fut engagée par l'empereur Ferdinand I*^^, ce privilège cessa d'exister: elle fut incorporée au grand-prieuré de Bohême et lui paya une responsion de 471 fl. 1 kr. Les comman- deurs de la Wratisîavia furent en outre tenus d'assister aux Chapitres convoqués par le grand-prieur. Puis la paix de Breslau (1742) et celle de Dresde ('1745) laissèrent la Silésie entre les mains de la Prusse, et nous verrons bien- tôt ce qui en résulta. La situation de Fr. François -Antoine fut d'ailleurs bien difficile, lors de l'invasion prusso-bava- roise en Bohême, d'autant plus qu'il était Lieutenant de l'Empereur. G-râce à son tact, il sut cependant protéger ses commanderies et son pays dans les limites du possible. L'empereur Charles VI l'avait nommé chambellan et con- seiller intime actuel. Marie-Thérèse le confirma dans toutes ses dignités. Il mourut à Prague, en son palais, le 31 mai 1744, et y fut inhumé dans l'église conventuelle.

LE GEAND-PRIEUKE DE BOHÊME. 289

XV. Peèee Wenceslas-Joachim (Comte du Saint-Empire) Czejka-Olbramowitz,

(1744—1754)

en même temps prieur titulaire de Hongrie, fut reçu très- jeune dans l'Ordre et y devint Chevalier de Justice, puis commandeur de Mëcholup. Il fut nommé par Bulle du Magistère, en date du 9 juillet 1744, mais il n'entra en fonctions qu'en 1745. Un des premiers actes de son priorat fut l'acliat du domaine de Dozic (Bohême), pour la somme provenant du bailliage institué à Karlstadt (Croatie), par Jean-Joseph de Herberstein, comte du Saint-Empire. La victoire de Frédéric II, roi de Prusse, entre Striegau et Hohenfriedeberg, décida du sort des commanderies de l'Ordre en Silésie (4 juin 1745). Tandis que Fr. Wenceslas Joaclum tâchait de propager l'industrie à Strakonitz, vendait (1748) la commanderie d'Ebenfurt-sûr-la-Leitha, qui ne rapportait à peu près rien, et en faisait une commanderie pécuniaire dont la jouissance fut attribuée au prieur crosse et mitre; il faisait élever au pied du mont Srp, près de Strakonitz, (1748) une église à la Mère-des-sept-douleurs; il achetait pour les 30.000 il. donnés par l'archevêque de Salzbourg, la domaine d'Obitz (Bohême) qui forma, selon le testament du donateur, la commanderie de famille Thun. Et, pendant ce temps-là, Frédéric II se faisait remettre un état des revenus annuels des commanderies de Silésie ^). Il accaparait les droits du Magistère de Malte ; il s'attribuait la surveillance des rapports extérieurs et intérieurs de ces commanderies, et en frappait les revenus d'impôts prussiens. Le grand- prieur Fr. Wenceslas-Joachim fut un officier éminent: Marie- Thérèse le nomma Maréchal-de-camp. Il fut aussi son Lieutenant de Bohême et assesseur du Tribunal supérieur, ainsi que conseiller intime. Il mourut, le 5 juillet 1754,

^) D'après cet état: 1" Breslau, 4200 11. 2'' Reichenbach, 600 fl. Striegau, 4000 fl. 4" efc 5" Lôwenberg et Goldberg, 1.300 fl. 6' Lessen, 5000 fl. 7" Gross-Tinz, 6800 fl. 8" Klein- 01s, 18.000 fl. 9' Grôbnig, 9000 fl.

SALLKS : L'ORDRE DE MALTK. jg

290 L'ORDRE DE MALTE.

en son palais, à Prague, et y fut inhumé à l'église con- ventuelle.

XVI. Frère Emmanltel (Comte-du-Saint-Emplre) Kolowrat-

Krakowsky,

(1754-1769) en même temps prieur titulaire de Hongrie, prononça ses voeux solennels dès 1731; il fut commandeur de Breslau (Wratislavia) et de Lossen, et alla à Malte, auprès du grand-maître, Fr. Emmanuel Pinto, qui l'éleva à la dignité de grand-bailli. Il fut nommé grand-prieur, par Bulle du 3 octobre 1754, et vint immédiatement prendre possession de sa cbarge. Il s'appliqua à développer le bien-être de ses frères et de ses ressortissants. En 1763, Fr. Michel- Ferdinand d'Althan (Comte-du-Saint-Empire) bailli de Saint- Joseph, à Dozic, fonda une commanderie pécuniaire, appelée de son nom de baptême compianderie de Saint-Michel et consistant en une somme de 50.000 florins versés par lui. En 1769, le commandeur, Fr. Octavien de Sinzendorf, créa de même une commanderie de famille, appelée de son prénom: commanderie de Saint-Octavien, qui est main- tenant à la libre disposition de l'Ordre. Fr. Emmanuel fut chambellan, conseiller intime de Marie Thérèse, assesseur, etc. Il prit part à la guerre de sept ans (1756 1763) et avança jusqu'au grade de général-de-la-cavalerie. Il mourut à Strakonitz, le 12 juin 1769, et y fut inhumé à l'Eglise-du- château.

XVII. Frère Michel-Ferdinand (Comte-du-Saint-Empire)

Althann (1769-1789) était à Vienne, le 25 juin 1708, et entra tout jeune dans l'Ordre, il se signala par sa piété, sa douceur, sa modestie, sa vie exemplaire. Aussi fut-il bientôt pourvu de la commanderie de Dozic. Il fut nommé grand-prieur, par Bulle du 17 septembre 1769, mais il ne prit possession du priorat qu'en 1771. La Prusse procédait en Silésie, selon la méthode connue: Frédéric II signifia donc (1771) aux

LE GRAND-PBIEURE DE BOHEME, 291

commandeurs silésiens la (U'fense la plus formelle eVassistcr aux Chapitres de l'Ordre, à Prague] il alla pins loin, au mépris de tous les droits acquis, dans ses actes de bon plaisir. Mais les commandeurs n'en continuèrent pas moins à remplir leur mission traditionelle.^) Le grand-prieur fit

^) On lira ici à leur date quelques actes inédits qui se réfèrent plus spécialement au grand-prieuré de Bohême- Autriche:

Il y eut des difficultés entre le grand-magistère et le grand- prieuré de Bohême, au sujet des responsions que celui-ci ne payait pas, et d'après la correspondance entre Marie -Thérèse et Rohan, Fr. Hompesch, accrédité auprès du G-M. en qualité de ministre du S'-Euipire. aurait même prétendu que son caractère diplomatique n'avait pas été respecté, ce qui aurait provoqué des observations de la part de Marie-Thérèse, en 1777 et 1778, et une justification de Rohan (L. à Kaunitz du 3 décembre 1777). Il y avait eu séquestre impérial (L. du Chancelier de Cour et d'Etat Kaunitz, du 29 juin 1780) ; il fut levé, et une nouvelle répartition des respon- sions eut lieu, les droits de passage des Clievaliers furent diminués et cette clause fut insérée dans les nouveaux Statuts. Une lettre de Joseph II du 30 décembre 1780 prouve que la bonne harmonie sub- sista, malgré Hompesch, disons-le sans détours, en nous appuyant sur la dépêche de Hompesch à Kaunitz, du 24 avril 1779, Hom- pesch suscite la méfiance contre son grand-maître, dont il critique »les irrésolutions et la faiblesse», il parle "des replis tortueux du dédale Rohan cherche à se retrancher*, »des sophismes et du peu de sincérité du grand-maître«. Ces faits ont un caractère bien propre à révéler l'homme qui plus tard fut le héros de la reddition de Malte (Arch. I'"" de Vienne, Malta, 9, 7).

Ibidem (1776 1780). Rohan à V Ivipératrice Marie- Thérèse: » Sacra Regio Caesarea Apostolica Maj estas. Ex litteris credentialibus a Fr. Ferdinando Josepho Libero Barone ab Hompesch ordinis Hierosolymitani Commendatario ea Germaniae Locumtenante mihi exhibitis probe perspexi, M. V. Regt Caesaream et Apostolicam eidem demandasse, ut in posterum Régi, vestra negotia curet, vestrique Ministri officio apud me fungatur. Vestris itaque mandatis obtemperando, meum erit, praefatum virum jam noihi ob eximias eius animi qualitatis peracceptum, libentius. . .

Melitae, die VIH Jannuarij 1776. signé

Magnus Magister HôspUs et S"-Sepulchri Hierlem. Frâ Emanuel de rohan. « 19*

292 L'ORDRE DE MALTE.

agrandir et décorer l'église de Srp (Podsrp), aujonrd'lim encore très-fréqiientée . par les pieux pèlerins. Il vendit (1779) la commanderie de Haillenstein (Styrie, cercle de Cilli) et fonda avec le prix de vente une commanderie pécuniaire, qui appartient de droit au chapelain conventuel crosse et mitre, vicaire-général in Spirit. Une pieuse femme fit (1780) réparer et embellir l'église paroissiale de Saint- Pierre-et-Saint-Paul, de Striegau. Mais, en 1784, Joseph II fit fermer la petite Eglise-Saint-Procope, qui fut vendue à' Dame Marie A. de Kolowrat-Krakowsky, comtesse du Saint-Empire (1789), et elle est aujourd'hui une maison particulière. Lors de la suppression des Carmélites, les Chevaliers continuèrent à être chargés par Décret aulique de 1787, du service du culte de l'Eglise-Maria-de-Victoria, déclarée église paroissiale. Fr. Michel Ferdinand fit plusieurs fondations pour les' pauvres, à la Kleinseite de Prague et

Bohan à VImp. Marie Thérèse:

»Nullus dubito, quin Sacra E,. Ap. M. Vestra jam intellexerit, quanta felicitate, et vero etiam universi lerosolimitani Ordinis emo- lumento fuerint res Poloniae ad illum spectantes a Bajulivo de Sagramoso tractatae atque absolutae . . . ^

Datum Metitae 17. Martij 1777.

signé Fr. E. de R,

En 1780 il signe: G'^-M. des Ordres de S'-Jean-de- Jérusalem, du S'-Sepulcre et de S'-Antoine de. Viennois.

BoJian à VImp. M. -T.:

»Madame. Mon Ordre doit trop à l'auguste Maison, dont Votre Majesté impériale et Royale, réunit la Puissance et les vertus, pour ne pas devoir attendre de sa protection les effets les plus salutaires: Les bontés particulières qu'EUe a daigné me témoigner lorsque j'ai eu le bonheur de lui faire ma Cour, ajoutant à la confiance que m'inspire la qualité de chef de cet ordre, et je m'en presse à la première apparence de troubles et de mécontement qui, s'élevant parmi m.es religieux allemans paroît exciter l'attention de V. M. I. et de ses Conseils, de venir la suppUer d'entendre l'exposé sincère des principes de l'Ordre, des maximes de ses tribunaux et de ma conduite, par les détails qui seront mis sous les yeux de Votre Majesté Impériale, et d'être bien persuadée que le respect, la reconnaissance et la soumission de mon ordre aux volontés de V.

LE GRAND-PRIEURE DE BOHEME. 293

sur les domaines prioraux. Il était très bien en cour; il était accrédité du reste en qualité d'Envoyé extraordi- naire et ministre plénipotentiaire de l'Ordre. Il fut cham- bellan et conseiller-intime de Marie-Thérèse et de Joseph U; il pratiqua toutes les vertus et surtout la charité chrétienne. Il mourut à l'âge de 81 ans, le 18 mai 1789, et fut inhumé au cimetière de la Kleinseite de Prague.

XVIÏÏ. Frère Joseph Marie (Comte-du- Saint-Empire)

COLLOREDO -WaLLSEE

(1789—1818)

était à Ratisbonne, le 11 septembre 1735, et entré jeune dans l'Ordre. Sa piété et ses talents militaires le mirent bientôt en vue : il fut nommé grand-prieur par Bulle de coUation du 3 juillet 1789, et prit possession de sa charge en 1791. Le gérant du grand-prieuré vendit (1790) la riche commanderie de Stroheim (Haute-Autriche), qui datait de 1269

M., notre désir de concourrir à ses viies, et nos égards pour la natioia Germanique, n'ont jamais varié, comme il lui sera aisé de s'en convaincre par le compte qui lui en sera rendu, et snr lequel je ne veux pas anticiper, de peur d'abuser des instans précieux de V. M. I.

Je suis avec un très-profond respect, Madame,

De V. M. r^ et E,'^ à Malte Le très-humble et très-obéissant

le 3 décembre 1777. serviteur.

Le Grand-Maître des Ordres de S' Jean de Jérusalem, du S'-Sepulchre et de S' Antoine Viennois signé: F" E, de r.«

Dépêche de HompescJi, tninistre cV Allemagne, à Kaunitz:

»(1" janvier 1779). G. Le sort du nouveau prieuré de Pologne n'étant pas encore fixé d'une manière légale et immuable; j'ai fait part à M^' le V-Chancelier de l'empire de l'inquiétude qui reste sur ce sujet à Messieurs les chevaliers alemans, et des précautions que je crois nécessaires pour mettre fin à leurs justes alarmes. «

294 L'ORDRE DE MALTE.

et était devenue partie intégrante de celle de Mailberg (Basse-Autriclie). Le commeuidenr de Pulst (Carintliie), Fr. Jean de Ricci, fut nommé (1791) coadjuteur et prieur du Chax^itre de Klagenfurt. Ce fut le dernier commandeur de Pulst. Ce poste est occupé par un administrateur, qui est toujom's le chapelain de l'Ordre, curé de la paroisse. Le grand-prieur vendit (1803) la commanderie de Kralowitz, réunie depuis 1667 à celle de Brunn, et fonda avec le prix de vente une commanderie pécuniaire dont le com- luandeur de Brunn a la jouissance. Le château a gardé dans la langue populaire le nom de Commenda. La Prusse n'avait plus qu'un pas à faire, pour consommer son oeuvre en Silésie. Elle fit ce pas, le 30 octobre 1810. A cette date, toutes les commanderies de Silésie relevant du grand-prieuré de Bohême furent déclarées supprimées et annexées.^ par Ordre-de- Cabinet. L'Ordre souffrit aussi beaucoup des guerres de ces temps, et de la Patente impériale de 1806, décrétant la remise par les Eglises, comme par les particuliers, de la liste de toutes les valeurs d'or et d'argent, et l'abandon à l'Etat contre leur prix en obligations du Trésor de celles de ces valeurs qui n'étaient pas indispensables. L'année 1813 faillit du reste être très mauvaise pour le grand- prieuré ; car, si l'on avait exécuté les deux Décrets im- périaux du 20 mars et de septembre 1813, c'en était fait de l'Ordre dans les Etats de Sa Majesté P^ et Ri^ apostolique ^). Le lieutenant du magistère, Fr. André de

1) Arcli. du ministère I' R' de l'Intérieur, Vienne. A. Fasc. 25, Johanniter Orden, 19 (Ad A. 188 ex Majo 1813). Procèsverbal de la séance du Conseil aulique du 26 mars 1813. Notification de la Présidence (Original). »Le Décret imp' en date du 20 mars de cette année porte que: 1" Il y a lieu de suspendre toute réception de nouveaux membres de l'Ordre de Malte; A l'avenir, au cas de vacance d'une prébende de l'Ordre, il n'y sera point pourvu sans autorisation impériale préalable; Les vacances des deux prébendes de famille (Sinzendorf et Thun) seront portées à la connaissance de S. M., au cas d'extinction des droits de ces deux familles; Les pensions accordées jusqu'à présent par l'Ordre continueront à être servies pendant la vie des bénéficiaires, mais il ne sera plus accordé

LE GRAND-PRIEURE DE BOHÊME. 295

Giovanni, uomma Fr. Colloreclo Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de l'Ordre à la Cour impériale, afin de renouer les relations de l'Ordre souverain, en cette qualité. Il y eut à Vienne, en 1815, sous le priorat de Fr. Josepli-Marie, un congrès de l'Ordre. Un doit enfin à ce dignitaire l'aclièvement du palais prieural de Prague, qu'il fit décorer et meubler avec luxe. On peut juger d'après ses titres quels furent ses mérites militaires. Il fut chambellan, conseiller intime, Feldmarécbal, titulaire d'un régiment d'infanterie, directeur général de l'artillerie. Il mourut, le 26 novembre 1818, à Vienne, il fut inhumé avec tous les honneurs dus à son rang.

XIX. Frère Vincent (Comte-du-Saint-Empirb) Kolowrat-

LlEBSTEINSKY

(1819—1824)

à Czernikowitz, le 11 mai 1750, se voua à la carrière des armes; il fut chevalier de l'Ordre, commandeur de la "Wratislavia, grand-prieur, élu au Couvent de Prague (1819) et confirmé dans sa dignité par le lieutenant du magistère, Fr. André de Giovanni. Il négocia avec la Prusse, rela- tivement à l'abandon de la commanderie en question, et la Prusse acheta la Wratislavia (Comm. du T.-S.-Corps-du- Christ, à Breslau) pour la somme de 24.000 fi. qui formèrent une commanderie pécuniaire. Il fut général-d'infanterie

de pensions sans autorisation impériale ; Il sera donné communica- tion à S. M., après avoir entendu le préposé du Couvent de l'Ordre à Prague, du but d'utilité pour la religion et le soin des âmes auquel on pourrait consacrer cette communauté ecclésiastique de l'Ordre et sa fortune; Les biens devenant vacants par suite de cette Ordon- nance recevront une autre destination. La Présidence de la Chan- cellerie aulique se réserve. . . « (Le rapporteur était le conseiller aulique de Geisslern, et cette notification est signée: Heunbracbt. Un autre acte relatif au même objet est signé: Ugarte, Chancelier aulique). B. (188 ex 7''" 1813) Par Décret impérial, les biens de V Ordre de St-Jean- de-Jérusaleni sont attribués à TOrdre de Marie-Thérèse, au fur et à mesure des décès des titulaires^ et la dissolution du fjrand-prieuré est prononcée. Adelsarchiv, Vienne, IV, D. 8, poste 10.

296 L'OKDEE DE liiALTE.

(Feldzengmeister) et commandant militaire de Bohême. Il mom^it à Vienne, le 7 décembre 1824.

XX. Feèee Ghaeles (Comte-du-Saixt-Eiipire) IsTeipperg ^),

(1826—1835)

le 30 septembre 1757, entra jeune dans l'Ordre et fut nommé grand-priem- par Bulle de collation, du 17 novembre 1826, puis confirmé dans sa dignité. Sous son priorat. la

commanderie de famille Tliun. fut remise à l'Ordre. Il fut très-aimé pour sa bienfaisance. Il mourut à Vienne, le 24 juin 1835.

XXI. Feère CHABi,ES-BoEEOirÉE (Co]u:te-du-Saixt-Empire)

MOEZEST

(1836—1846)

était le 30 août 1756, et adopta la carrière militaire. Il devint dans l'Ordre commandeur de Brann, bailli de Saint-Josepli à Dozic, receveur du grand-prieuré de Bohême, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de l'Ordre à la Cour impériale: puis il fut nommé par Bulle de collation, du 12 décembre 1836. grand-prieur. Il était très- bien vu à la Cour de l'empereur François P^, pour ses vertus sociales, et il fut chambellan et major-général (General-Major). La commanderie de Saint-Ferdinand fut aliénée sous son gouvernement: elle faisait partie de l'ancienne commanderie de Francfort-sur-le-Mein et était un débris de l'ancien grand-priem^é d'Allemagne, incorporé par disposition impériale au grand-prieuré de Bohême. Elle fut cédée, en 1842, à la ville de Francfort et la com- mande pécuniaire qui fut fondée avec le prix de vente fut nommée, en l'honneur du fondateiu' Ferdinand P', com- manderie de Saint -Ferdinand. Frère Charles-Borromée était un érudit et un protecteur des arts et des sciences. Il

1) Le diplôme comtal est de 1734 (Cliarles VI).

LE GRAND-PRIEURE DE BOHÊME. 297

mourut à Prague, à Tâge de 91 ans, le 27 octobre 1846, et fut inliimié à Holienelbe, dans la caveau de ses aïeux.

XXII. Frère François (Comte-du-Saint-Empirej Khevex- hullee-Metsch

(1847—1867)

était à Vienne, le 3 octobre 1783, et entré très-jeune dans l'Ordre : il fut élu au grand-priorat par le Chapitre formé de tous les commandeurs, puis confirmé par la Lieutenance du Magistère, à Rome, le 15 janvier 1847. En qualité de grand-prieur, il eut la jouissance des revenus de Strakonitz, d'Ober-Liebich et du capital produit par la vente de la seigneurie de Warwazau. qu'il aliéna en 1847. Ce fut un bomme pieux, charitable, abordable pour tous, aidant et secourant partout il le pouvait. Il aimait les arbres et les fleurs : ses domaines avaient de magnifiques parcs et parterres. Il s'occupait des écoles et il en fit bâtir une à Neu-Strakonitz. Quand fut commis sur la personne sacrée de l'empereur François- Joseph P^ l'attentat que rappelle l'Eglise-Votive de Vienne, il fit une fondation, dont les revenus sont encore distribués aux pauvres de ses anciennes possessions, au jour anniversaire de ce crime si heureuse- ment déjoué par la Providence. Il laissa de même à ses serviteurs des legs à payer intégralement avant tous les autres ^), lorsqu'il mourut après 67 années de service effectif comme officier de l'armée et plusieurs campagnes.

^)LesKheTenhuUer sont cV origine francoiinienne;,mais, depuis 1030, ils appartiennent à la haute noblesse autrichienne. Le comte François- Joseph fut conseiller intime actuel, général de l'infanterie, général- commandant de Bohême, propriétaire du 35° régiment d'infanterie, chevalier de la Couronne de Fer de 1^'" classe, maître-héréditaire de la cour en Autriche, écuyer-héréditaire en Cai-inthie . . . Il fut sous- lieutenant à 17 ans (1800), fit 8 campagnes et arriva au grade le plus élevé de la hiérarchie après celui de feldmaréchal. Il ménagea la ville de Prague révoltée (1848', en autorisant le tir de bombes à mèches raccourcies qui, en éclatant avant de tomber, n'endommagèrent pas

298 L'ORDRE DE MALTE.

En 1866, lorsqu'il n'y eut plus de cloute sur les desseins de la Prusse et que la guerre fut imminente, Klieven- liuUer eut une noble pensée, celle de consacrer les forces vives des chevaliers de son grand-prieuré au service de santé et au soulagement des victimes du champ de bataille. Il convoqua au commencement de mai, conformément aux Statuts un Chapitre général, à Vienne, dans lequel il pro- posa d'ériger immédiatement un hôpital de l'Ordre pour les soldats blessés. La proposition fut adoptée à l'unani- mité, et un comité exécutif fut nommé sans désemparer. On prit les mesures nécessaires et 20.000 fl. furent votés sur l'ancienne caisse du réceptorat. On invita les chevaliers d'honneur, dames de dévotion et donats, à contribuer à l'oeuvre, et tous répondirent à cet appel. Le grand-prieur s'engagea à y consacrer lui-même une rente annuelle de 3000 fl. Les membres du Chapitre imitèrent cet exemple. Lorsque tout fut organisé, le grand-prieur se rendit avec l'envoyé de l'Ordre, Fr. François, comte Kolowrat- Krakowsky, le bailli, Fr. Frédéric, comte Schonborn, le commandeur, Fr. d'Obitz et le lieutenant-feldmaréchal, baron de Reischach, auprès de Sa Majesté, l'empereur François-Joseph L^, pour soumettre à son auguste appro- bation la résolution de l'Ordre. »Faible et peu nombreuse est en ce moment notre phalange, dit le grand-prieur, mais elle est courageuse et résolue à tenir bon dans sa fidélité éprouvée envers la personne sacrée de Votre Majesté, pour la cause du droit et pour l'honneur et la grandeur de l'Autriche. Que Votre Majesté daigne donc, en nous accordant l'objet de notre requête, nous fournir l'occasion de prouver par des actes nos sentiments patrio- tiques». L'empereur s'exprima avec bienveillance sur les in-

les maisons. Cet acte d'humanité, révélé pai' le D'' Feyfar. demeura secret pendant Si années. Il est cependant digne d'être mis en paral- lèle avec les plus belles actions, et, ce qui est curieux aussi à con- stater, le bombardement eut un effet terrible sur les insurgés et amena après le quatrième projectile la reddition, comme ne l'aurait peut- être pas fait un bombardement régulier.

LE GRAND-PEIEUEE DE BOHÈME. 299

tcrttioiis de l'Ordre qui, se souvenant de ses pieuses traditions, songeait, aussitôt que possible, à adoucir les souffrances de la guerre. Il fut d'abord question d'établir l'hôpital à proxi- mité du théâtre de la guerre; puis, dans la pensée qu'on pourrait mieux, à distance, se consacrer au soin des blessés, on choisit un lieu proche de Vienne. On se prononça pour l' Emilienliof (cour au métaierie d'Emilie), entre Kloster- neubourg et Kierling, pour y installer cet hôpital. L'Emilien- hof est un grand bâtiment entouré d'un grand parc. Sur l'appel du grand-prieur et du comité, l'argent, la charpie, le linge, les bandes affluèrent de tous côtés. L'ameuble- ment fut des meilleurs; les lits, le linge de corps, les provisions, tout fut bientôt prêt. Le bailli, Fr. Frédéric Schônborn, réunit même une bibliothèque choisie pour les malades. Il y avait de la place pour 14 officiers avec leurs ordonnances, ainsi que pour 30 è 40 soldats. L'hôpital était prêt et le fusil Dreyse allait bientôt y envoyer des hôtes. Fr. François mourut plein de jours, d'honneurs et de vertus, le 14 novembre 1867. Il avait 84 ans: il eut la douleur de voir son pays écrasé et occupé par l'ennemi. Cette douleur déchira son coeur de chef d'Ordre, d'officier et de patriote; mais, par une providentielle compensation, les malheurs de l'Autriche fournirent aux Chevaliers Hospi- taliers de Saint- Jean- de -Jérusalem l'occasion de bien mériter du Prince et de la nation,

XXIII. Frère François-Xaviee-Hercule (Comte-du- Saint- Empire) Koloweat-Krakowsky

(1867—1874)

est le quatrième de cette noble lignée, qui ait occupé le grand-priorat. Il était né, le 5 juin 1803, au château de Teinitzel, près de Klattau (Bohême). Il servit dans l'armée, de 1819 à 1845, et démissionna alois avec le rang et le titre de lieutenant-colonel. Il faisait partie de l'Ordre depuis sa jeunesse, et s'y était toujours montré le promo- teur des idées et des intérêts humanitaires. Il avait été

300 L'ORDRE DE MALTE.

pourvu de la commauderie de Troppau. L'Empereur l'avait chargé de missions diplomatiques: il avait été, en 1840, un des témoins du mariage de la reine Victoria avec le prince Albert de Saxe-Cobourg, dont il avait été le gouverneur. Il vécut pendant plusieurs années à la Cour de la reine de Portugal, Donna Maria, et accompagna le prince Don Fernando (Ferdinand de Saxe) dans ses voyages. A partir de 1845, il s'adonna à l'économie rurale et se consacra aux affaires de l'Ordre. Il fut décoré (1860) de la croix de l'Ordre impérial de Léopold et nommé (1861) conseiller intime. En 1861, il fut chargé de représenter l'Ordre à la Cour de l'empereur François- Joseph, en qualité d'Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire. Nous avons vu qu'en 1866 il prit une part active à la création du Service de santé volontaire^ et qu'il fut président du comité exécutif. Sa qualité d'Envoyé de l'Ordre donnait plus de poids à la résolution prise, puisque son concours indiquait clairement l'appui du Magistère, à Rome. A la mort du grand-prieur KhevenhuUer, il fut élu grand-prieur, dès le 2 décembre 1867. Il visita les possessions de l'Ordre, dès son entrée en fonctions. C'est sous son gouvernement que les domaines de Dëtenic (cercle de Liban, anc. cercle de Jung-Bunzlau) et de Kurima (Hongrie) furent remis effectivement au grand-prieuré. Il s'occupa de l'améHo- ration des voies de communication.

En l'année 1869, de même qu'en 1866, l'Ordre rendit de grands services pendant l'insurrection des Bouches-de- Cattaro. Le grand-prieur délégua le commandeur, Fr. Othénio Lichnowsky-Werdenberg, le chevalier comte Rodolphe Khevenhuller-Metsch et le Dr. en médecine, Baron Jaromir Mundy, en Dalmatie, pour y remplir la mission hospitalière de l'Ordre. Ils méritèrent des éloges unanimes dans l'accomplissement de cette mission.

C'est sous le priorat de Fr. François-Xavier, et. grâce au concours le plus généreux du grand-prieuré, que la maison de Tantur a pu être bâtie et instituée, comme nous l'avons dit dans la première partie de ces Annales. L'ini-

JjE GRAND-PRTEUBE de BOHÊME. 301

tiative de cette fondation revient d'ailleurs avant tout à l'Empereur. Fr. François reçut en récompense, de Sa Majesté et R^® apostolique, la Couronne de Fer de 1^^^ classe. Ce grand-prieur était doué de tous les dons de l'esprit et du coeur, qui charment et captivent. Aussi était- il aimé de tous. Il mourut, à son château de Strakonitz, le 15 juin 1874, et fut inhumé dans le caveau des chape- lains de cette ville. Après sa mort, la Wratislavia passa entre les mains de l'Ordre,

PRINCES-GIRANDS-PRIEURS.

(I) XXIV. Feère Othénio-Bernard-Marie (Comte-pu-Saint- Empire) Lichnowsky-Werdenberg,

(1874—1887)

premier Prince- Grand-Prieur de Bohême-Autriche, premier- prélat-provincial de Bohême ^), est né, le 7 mai 1826, au château de Grâtz, près de Troppau (Silésie autrichienne); il est le quatrième fils de S. A. S., le prince Edouard Lichnowsky, comte de Werdenberg (1749 1845) et de la princesse Eléonore, née comtesse Zichy. Il a servi dans l'armée et y est parvenu au grade de major de hussards. Reçu dans l'Ordre, à titre de novice, le 20 mai 1853, sous le priorat de Fr. François, comte Khevenhuller-Metsch, il se préoccupa dès ce moment-là des intérêts et de l'avenir de sa communauté. Les services qu'il rendit lui firent con- férer, en 1872, la grand'croix et le titre de BaiUi-honoraire, par le Magistère, à Rome, sous le gouvernement grand- prioral de Fr. François-Xavier, Comte Kolowrat-Krakowsky, et élire pour successeur de ce dernier, dans le Chapitre des commandeurs et chevaliers-prof es, tenu en son hôtel, à

^) n est aussi grand'croix de la Couronne de Fer, chambellan et conseiller intime actuel, membre à vie de la Chambre des Seigneurs, à laquelle appartient aussi le cardinal grand-maître de l'Ordre, en sa qualité de prince autrichien.

302 L'ORDRE DE MALTE.

Vienne, le 2 juillet 1874. Son élection fut confirmée par le Magistère. Ce fut un des premiers actes de son gouverne- ment d'ordonner que les Chapitres provinciaux seraient désormais réunis, non plus à Vienne, comme c'était la coutume depuis le siècle précédent, mais à Prague, c'est à dire dans le pays et au lieu même que la munificence des rois de Bohême a assignés à l'Ordre souverain. Dàs le 24 juin 1875, il convoqua, en exécution de cette Ordonnance, les commandeurs et chevaliers-profès au palais grand- prieural, à Prague, pour délibérer sur les voies et moyens de rendre à l'Ordre sa mission originaire. D'après la déci- sion unanime de ce Chapitre, il conclut en 1876, avec le Ministère de la guerre de l'ensemble de la monarchie, une convention relative à la remise à l'Ordre du Service de santé volontaire sur les chemins de fer, en temps de guerre, et cette convention fut ratifiée par l'Empereur "). Il fit alors construire, avec le concours des commandeurs de l'Ordre (grand-prieuré de Bohême) un premier train-école, comprenant 15 wagons, destiné au transport des blessés en cas de guerre, et con- tenant tous les accessoires voulus: lits pour les malades, cabines pour les médecins, pharmaciens et cuisiniers, com- partiments pour les approvisionnements, etc. Les cinq wagons- ambulances renferment 50 lits, avec des bancs pour les soldats moins grièvement blessés, de sorte que chaque train peut transporter plus de 100 blessés ordinaires et quatre officiers dans les hôpitaux les plus éloignés, en pourvoyant jusque dans les plus petits détails à tous leurs besoins. Le 11 novembre 1877, le train fut bénit, puis mis en gare, dans une halle construite à cette fin à proximité de la station Strakonitz; tandis que les appareils de chirurgie, vêtements, etc., étaient mis en réserve dans la résidence du grand-prieur, à Strakonitz. La remise du train à l'Ordre eut lieu, en présence de Fr. Othénio et des commandeurs, Fr. Guy, comte Thun-Hohenstein, et Fr. François, comte Meraviglia-Crivelli. Il fut ensuite chanté par le chapelain

1) Y. Appendice, XXX.

LE GRAND-PRIEURE DE BOHÊME. 303

conventuel un Te Dcum d'actions de grâces, pour la réussite de l'entreprise.

Ce service de santé fut inauguré par 2 trains sanitaires (l'Oi'dre les porterait à douze, au cas de besoin) pendant l'occupation de la Bosnie -Herzégovine (août, septembre, octobre 1878), et cette institution humanitaire a fait alors ses preuves de vitalité. L'occupation de la Bosnie-Herzégo- vine n'était pas le fait de guerre prévu; mais il y eut cependant mobilisation (en temps de paix) et lutte armée. Aussi le grand-prieur s'empressa-t-il de mettre en activité ces deux trains sanitaires, et tout d'abord le train-école (A), emmagasiné à Strakonitz, sous le commandement du com- mandeur, Fr. Meraviglia, puis, au bout de quinze jours, le deuxième train (B), sous les ordres du commandeur, Fr. Charles Thun-Hohenstein. Le train A fut dirigé sur Sissek, le train B, sur Trieste. Le médecin-en-chef accompagna alternativement l'un ou l'autre train. Le train A eut pour médecins les D'^^ B,edtenbacher et Tinus; le train B, les D^^ Grlinner et Steer. Durant trois mois, les deux trains firent environ cent voyages et franchirent des milliers de Kilomètres ; des milliers de soldats grièvement ou légèrement atteints furent évacués sur les hôpitaux militaires de Croatie, d'Istrie. du Littoral, en Carinthie, en Carniole, en Styrie, en Hongrie, principalement sur Buda-Pesth et souvent aussi sur Vienne. Il n'y eut pas un cas de mort sur les deux trains, ni une difficulté avec le personnel qui fit toujours son devoir. Les commandeurs Fr. Meraviglia et Fr. Thun ne quittèrent presque pas un instant l'uniforme^). L'Empereur adressa, le 3 décembre 1878, au grand-prieur, Fr. Othénio, cette lettre autographe:

»Cher Comte Lichnowsky-Werdenberg,

Les trains sanitaires mis à la disposition par l'Ordre de Malte ont déployé une activité vraiment pleine de dévouement et très-efficace, que Je reconnais entièrement.

*) Nous avons suivi pour ces détails le rapport officiel du médecin en chef de ce service, D'' B"" Mundy.

304 L'ORDRE DE MALTE.

Ce résultat surtout à votre influence personnelle éqrouvée me fait ressentir une haute satisfaction, et m'offre de nouveau une occasion favorable pour vous exprimer mes remerciements et ma reconnaissance pour vos efforts.

Buda-Pest, le 3 décembre 1878.

Signé: François Josep]i.« Cette lettre impériale fut portée à la connaissance des chevaliers par le grand-prieur, en décembre 1878, par un Ordre du jour, nous lisons que les frais de ce service ont été supportés exclusivement par les commandeurs du grand-prieuré, qui ont refusé tout concours pécuniaire de la part des chevaliers et des personnes étrangères à l'Ordre. De même que les Chevaliers Teutoniques et les Chevaliers affiliés de Sainte-Marie (Marianer), les Hospitaliers de Saint-Jean ont pris, en 1878 comme en 1866 et en 1869, une place d'honneur auprès du trône et dans le coeur des soldats qui les ont vus à l'oeuvre, et la lettre impériale nous prouve que l'Ordre de Malte doit à cette institution d'avoir reconquis en Autriche, en 1878, son antique renommée ^).

Nous avons dit dans la première partie de ces Annales, la restauration du Magistère, les hautes dignités conférées et la reconnaissance nouvelle par le chef de la catholicité, et par le Monarque d'Autriche, de Bohême, de Hongrie etc., du caractère souverain de l'Ordre des Chevaliers

1) Les deux Ordres religieux de Chevalerie d'Autriche: les Teu- toniques et les Hospitaliers ont, sur le désir exprimé par l'Empereur, envoyé dès la fin de novembre 1885, sur le théâtre de la guerre serbo-bulgare, le premier, à Belgrade et à Sophia, des colonnes de santé pour assister et soigner les blessés, et le second, à Belgrade, son train-école de transport, avec le personnel et le matérial néces- saires. S. A. Mgr. l'Archiduc Guillaume, Grand-Maître et Maître- d'Allemagne de l'Ordre Teutonique, et M. le Comte Lichnowsky- Werdenberg, Prince-Grand-Prieur de l'Ordre de Malte, se sont empressés de répondre aux intentions hautement humanitaires de Sa Majesté I"' et E"= Apostolique (V. Salles, Annales de l' Ordre Teutonique, Paris et Vienne, 1887).

LE GKAND-PKIEURE DE BOHEME. 305

Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jériisalem et du Saint-Sépulcre, de Rhodes et de Malte. Le vénéraJ3le bailli, Frère Othénio, prince-graiid-prieur de Boliême-x'^.utriche, était d'ailleurs un de ces hommes d'énergique initiative, qui semblent créés pour donner une vive impulsion aux oeuvres auxquelles ils se vouent. Il est mort à Méran, le 13 février 1887, et a été inhumé à Detenic, commanderie grand-prieurale, dans le cimetière du lieu, le 20 février 1887.

(II) XXV. Fr. Guy (Comte-du-Saint-Empiee) Thun-

HoHENSTEITSr,

(1887)

le 19 septembre 1823, reçu le 19 septembre 1859, pro- fès du 18 mai 1874, bailli, ministre-receveur et Envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire du Grand-Maître auprès de S. M. et R^® ap., du 16 mai 1878, grand- prieur élu le 26 février 1887, confirmé par bulle du grand- magistère, en date de Rome, le 8 mars 1887.

^) Fr. Thun-Hohenstein a apparteim à la carrière diplomatique: il a été Ministre de S. M. 1'' et E,''' ap. auprès de Maximilien, empe- reur du Mexique.

SALLES: LORDRK DE MAJ/IE.

APPENDICE.

LivEE d'Oe des Grands-Maîtres del'Ordre avec leurs armes,

ET DES Grands-Prieurs de Bohême-Autriche. Archives,

Documents, Notes, Eclaircissements. Service de

Santé volontaire. Etat personnel et listes

complètes des chevaliers.

20*

I. LIVRE D'OR

DES

MAÎTRES ET GRAND S- MAÎTRES i).

PEOCUEATEURS.

Jérusalem.

I. Fr. Géeard (1099 1118). D'azur au lion rampant d'or, avec la devise: Pour la foy, ou encore: D'azur au lion lampassé et armé d'argent.

II. Fr. Roger (1118). D'azur à trois roses d'or, deux et une.

MAÎTRES.

Jérusalem.

I. Fr. Raymond du Puy (1118 1160). D'or au lion (rampant) de gueules, avec la devise: Bogate leges auspice Religion e.

II. Fr. Auger de Balbin (1860—1863). De sable à la bande d'argent, entre deux cottices ondulées d'argent; la bande à trois merlettes de sable, avec la devise : Ecdesiae concordia teda servat.

III. Fr. Arnaud de Comps (1163 1167). De gueules à l'aigle échiquetée de sable et argent, avec la devise : Regni tranquillitas , parta consilio.

IV. Fr. Gilbert d'Assalit (1167 1169). D'azur semé d'étoiles d'argent au lion rampant, avec la devise : Prima navdli praelio victrix.

^) Les additions ou variantes sont empruntées à V Ordre de Malte par de Saint-AUais, Paris, 1839.

310 L'ORDRE DE MALTE.

V. Fr. Castus ou Gastus (1169). De gueules à la croix vairée de sable et argent.

VI. Fr. JouBERT (1169 1179). D'or à la croix de sable chargée de cinq coquilles d'argent.

VU. Fr. Eo&ER DES Moulins (1179 1187). D'argent à la croix de sable moUinée et piercée (chargée en coeur d'une coquille d'or).

VIIT. Fr. Gar,nier de Syrie (1187). De sable à la croix pattée (ancrée) d'argent.

Marg-at et Acre.

IX. Fr. ErmenCtArd D'Aps (1187 1192). D'argent à la tour renversée de gueules, ou à la tour crénelée d'azur, maçonnée de sable.

Acre.

X. Fr. GoDEFROY DE DuissoN (1192 1194). D'azur (de gueules) à la bande d'argent.

Acre et Margat.

XI. Fr. Alphonse de Portugal (1194 1195). De gueules à l'écusson d'argent en abîme, portant cinq autres petits écus d'azur en croix (posés 2. 2. 1.), ceux-ci portant chacun cinq écus d'argent en croix. L'écusson entouré de sept tours (maçonnées de sable).

(Ou bien: De gueules aux huit tours d'argent, sur le tout un écu d'argent semé de cinq coeurs d'azur).

Acre.

XII. Fr. Geofroy Le Eat (1195 1206). D'azur à l'unicorne (la licorne) rampante d'argent.

(Ou bien: D'or au bocage de sinople, paît un cerf d'argent ou d'azur, à la licorne d'argent, debout).

XIII. Fr. GuÉRiN DE MoNTAiGU (1206 1230). i)e gueules à deux tours d'argent, à deux créneaux la tour crénelée d'or et maçonnée de sable).

XIV. Fr. Bertrand de Texis (1230— 1240). De gueules à la bande d'or. (D'or à la fasce de gueules).

XV. Fr. GuÉRiN ou Guarin (1240—1244). D'argent à l'aigle d'azur à deux têtes l'aigle éployée de sable).

Jérusalem.

XVI. Fr. Bertrand de Comps (1244—1248). De gueules à l'aigle d'argent et de sable en échiquier l'aigle échi- quetée d'argent et de sable).

APPENDICE. 311

XVII. Fr. PiEREE DE ViLLABEiDE (1248 1251). A l'échi- quier de gueules et d'argent et surmonté d'un clief d'her- mine. (Echiqueté d'argent et de gueules).

ACEE.

XVIII. Fr. Guillaume de Châteauneue (1251 1260). De gueules aux trois tours d'argent, deux et une.

(Ou bien . . . aux trois tours crénelées d'or, maçonnées de sable, posées de même).

GRAND -MAITEES.

Acre.

I. Fr. HuGiTES DE Revel (1260—1278). D'or à l'aile d'azur. (D'or à un demi-vol d'azur).

M AEG AT ET AcRE.

IL Fr. Nicolas de Loegue (1278 1288). D'argent à la bande de gueules la fasce de gueules).

AcEE ET LiMISSO.

III. Fr. Jean de Villiees (1288 1294). D'argent aux trois chevrons d'azur.

(Ou bien : D'or )

LiMISSO.

IV. Fr. Odon de Pins (1294—1296). De gueules aux trois pins renversés, deux et un trois pommes de pin d'or.)

V. Fr. Guillaume de Villaeet (1296 1308). D'or aux trois éminences de gueules surmontées de trois corbeaux de sable.

(Ou bien: Bandé d'or et de gueules de six pièces).

Rhodes.

VI. Fr. Foulques de Villaeet (1308—1319). D'or aux trois éminences de gueules surmontées de trois corbeaux de sable.

VII. Fr. Hélion de Villeneuve (1319 1346). De gueules fretté de six lances d'or, aux interstices semés de basants d'or un écusson de même, dans chaque intervalle; à l'écu d'azur, chargé d'une fleur de lis d'or, posé en coeur.

VIII. Fr. DiEUDONNÉ DE GozoN (1346—1353). De gueules à la bande d'azur bordée d'argent, le tout bordé

312 L'OEDEE DE MALTE.

d'argent et de gueules la bande d'argent bordée d'azur, à la bordure crénelée d'argent).

IX. Fr. PiEEEE DE CoEXiLLAN (1353 1355). De gueules à la bande d'argent chargée de trois merlettes de sable.

X. Fr. EoGEE DE Pixs (1355 1365). De gueules à trois pommes de pin d'or, la pointe en liant, avec la de\n.se : Dieu et de Fins!

XI. Fr. Eaymoxd de Béeexgee (1365 1374). De gueules au sautoir alaise d'or.

(Ou bien: D'or à quatre pointes de gueules).

XII. Fr. Eobeet de Juilliac (1374—1376). D'argent à la croix ileuronnée de gueules, au lambel de cincj (quatre) pendants d'azur trochant en clief.

XIII. Fr. Jeax FeediX-\xd de Heeedia (1376 1396). De gueules à sept tours d'or (d'argent) trois, trois et une.

(Ou bien: .... à sept tours d'argent, de même).

XIV. Fr. Philippe de Naillac (1396 1421). D'azur à deux léopards passants (lions léopardés) d'or, l'un sur l'autre.

XV. AxTOiXE FLrvL\x (1421—1437). D"or à la fasce ondée de gueules.

XVI. Fr. Jeax de Lastic (1437 1454). De sable à la fasce d'argent bordée de gueules. (De gueules à la fasce d'argent).

XVII. Fr. Jacques de Millt (1454 1461). De gueules, au cbef dencbé d'argent.

XVIII. Fr. PiEEEE Raymond Zagosta (1461 1467). D'or à deux (trois) fasces ondées de gueules, à la bordure de sable chargée de huit besants d'or (3. 2. 3).

XIX. Fr. Jeax Uesixo (1467 1476). Bandé d"argent et de gueules de six pièces, au chef d'argent à la rose de gueules, soutenue d'or (boutonnée d'or, et soutenue du même, à l'anguille d'azur, posée en fasce).

XX. Fr. Pleeee d'Al-pussox (1476 1503). D'or, à la croix ancrée de gueules.

XXI. Fr. Emeey d'Amboise (1503-1512). Paie d'or et de gueules de six pièces.

XXII. Fr. Guy de Blaxchefoet (1512—1513). D'or à deux léopards passants (lions léopardés) de gueules, l'un sur l'autre.

XXin. Fr. F.^eice del Caeeetto (1511 1521). D*or aux cinq barres diagonales de gueules.

(Ou bien: De gueules à cinq cottices d'or).

(Ou bien: Bandé d'or et de gueules de douze pièces).

appendice. 313

Rhodes et Malte. XXIY. Fr. Philippe de Villeees de l'Isle Adam (1521—1522 à Ehodes, 1530—1534 à Malte). D'or au chef d'azur, chargé d'un dextrochère d'argent mouvant du flanc senestre, revêtu d'un manipule d'hermine, (supportant un fanon du même, frangé du 3^^ émailj, pendant sur l'or.

Malte.

XXV. Fr. PiEBiiE DEL PoxTE (1534 1535). D'argent à la Croix-de-Saint-André, de gueules. (D'argent au sautoir de gueules).

XXVI. Fr. Didier le Saixt-Jaille (1535 1536;. D'azur au cygne d'argent. (De sinople, au cygne d'argent, becqué et membre d'or).

XXVII. Fr. Jean d'Homèdes (1536 1553). Mi-parti: d'un côté, de gueules à trois tours d'argent, une et deux; de l'autre, d'or au pin de sinople.

XXVIII. Fr. Claude de la Sengle (1553 1557). D'or à la Croix-de-Saint-André (au sautoir) de sable, chargée de cinq coquilles d'argent.

XXIX. Fr. Jean de la Valette-Parisot (1557 1568). Mi parti: de gueules au gerfaut d'argent et de gueules au lion d'or.

XXX. Fr. Pierre del Monte (1568—1572). D'azur à deux couronnes d'olivier d'or et à la bande d'or aux trois éminences de gueules. (D'azur, à la bande d'or, chargée de trois monts (ou rochers) de gueules, et accostée de deux branches d'olivier d'or).

XXXI. Fr. Jean de la Cassière (1572 1581). D'argent, au lion de gueules.

XXXII. Fr. H. Loubenx-Verdala (1581 1595). De gueules, au loup rampant (ravissant) d'or.

XXXIII. Fr. Martin G-arzes (1596—1601). D'azur, au cj'-gne d'argent, surmonté de trois étoiles d'or.

XXXIV. Fr. ' Alofe de Wignacourt (1601 1622). D'argent aux trois fleurs de lys surmontées d'un lambel de sable. (Aux trois fleurs de lis, au pied coupé de gueules, au lambel de trois pendants de sable).

XXXV. Fr. Ludovic-Mendez de Vasconcellos (1622 1623;. D'argent à trois bandes ondées de gueules. (A trois fasces vi\T.'ées de gueules).

XXXVI. Fr. Antoine de Paula (1623 1636). D'azur à la gerbe d'épis portant un paon rouant d'or, au chef de gueules chargé de trois étoiles d'argent (d'or).

314 L'ORDRE DE MALTE.

XXXVII. Fr. Jean Paul Lascaeis-Castellar (1636 1657). De gueules à l'aigle à deux têtes couronnées d'or.

(Ou bien: D'or à l'aigle (éployée) à deux têtes de sable, armée et becquée de gueules).

XXXVIII. Fr. Martin de Eedin (1657—1660). D'azur à la croix mi-partie d'or et de gueules. (A la croix d'argent remplie d'or).

XXXIX. Fr. Annet de Clermont-Gessan (1660). De gueules à deux clefs d'argent en sautoir; sur le clief un croissant d'argent.

XL. Fr. Raphaël Cotoner (1660 1665). D'or aux fleurs la fleur) de cotonier de sinople.

XLI. Fr. Nicolas Cotoner (1665 1680). (Comme le précédent).

XLII. Fr. Grégoire Carafpa (1680 1690). De gueules à trois fasces horizontées et traversées par un tronc de sinople.

(Ou bien: Fascé d'argent et de gueules, à la bande ondée de sinople).

XLIII. Fr. Adrien de Wignacourt (1690—1697). D'argent à trois fleurs de lys au pied nourri de gueules, deux et une, au lambel de sable.

XLIV. Fr. Raymond Perellos y Rocoapulli. (1697 1720). D'or aux trois poires de sable, deux et une.

XLV. Fr. Marc-Antoine Zondadari (1720—1722). D'azur aux trois roses d'argent entre deux fasces diagonales bordées d'or. (D'azur, à la bande d'or chargée de trois roses de gueules).

XL VI. Fr. Antoine Manoël de Vilhena (1722—1736). Au premier et au troisième, d'argent au lion d'or rampant, mi-parti de gueules (Manoël) et au deuxième et au quatrième, de gueules au bras (dextro chère) ailé d'or armé d'une épée d'argent (Vilhena).

XL VIL Fr. Raymond Despuig (1736—1741). Des gueules à recueil d'or surmonté d'une fleur de lys d'or, ayant une étoile de gueules au milieu. (Au rocher d'or chargé d'une étoile d'azur, et sommé d'une fleur de lis du second émail).

XLVIIL Fr. Emmanuel Pinto (1741—1773). D'argent aux cinq croissants de gueules, deux, un et deux.

XLIX. Fr. François-Ximénès de Texada (1773 1775). Mi parti: au premier, de vair (sinople) à la tour de sinople (d'or pavillonnée d'argent); au second, de gueules au lion rampant d'or couronné.

APPENDICE. 21b

L. Fr. Emmanuel de Eohan (1775 1797). De gueules à neuf mâches (macles) d'or, trois, trois et trois.

LI. Fr. Ferdinand de Hompesch (1797 1799). De gueules à la Croix-de-Saint-André d'argent dentelée en sau- toir (Au sautoir dentelé d'argent).

Saint-Péteesboueg.

LU. Fr. Paul Péteowitch (1799—1802). (Armes de l'empire de Russie). D'or, à l'aigle éployée de sable, becquée, lampassée, membrée et diadémée de gueules (qui est de l'empire d'Orient); chargée en coeur d'un éousson de gueules au cavalier d'argent, armé d'une lance du même, dont il tue un dragon au naturel (qui est de Russie) ; l'aile droite de l'aigle chargée de trois écussons, dont le premier est d'azur, à la couronne fermée d'or, posée sur deux sabres croisés d'argent (qui est du roj^aume d'Astracan) ; le deuxième, d'or, à deux ours affrontés de sable, tenant de leurs pattes supérieures nn siège de gueules, et de leurs pattes inférieures deux sceptres d'or (qui est du grand-duché de Nowogorod); le troisième, d'azur, à un ange d'argent, armé d'or (qui est de la principauté de Kiewie); l'aile gauche de l'aigle, chargée également de trois écussons: le premier, de gueules, à deux loups affrontés d'argent, tenant chacun deux flèches croisées et renversées du même (qui est du royaume de Sibérie); le deuxième, d'argent, au dragon couronné de sable (qui est du royaume de Casan); le troisième, de gueules, au lion couronné d'or, soutenant une croix d'argent (qui est de la principauté de Wilsdimérie); l'écu timbré de la couronne impériale, et entouré du collier de l'ordre de Saint-André.

Catane.

LUI. Fr. Jean de Tommasi (1803 1805). De gueules à trois fasces d'or.

LIEUTENANTS DU MAGISTERE. Catane.

I. Fr. Innico Maeia Guevaea Suaedo (1805 1814). Ecartelé, aux 1 et 4, d'argent au palmier de sinople, aux 2 et 3, d'or au sauvage de carnation, ceint et couronné de lierre, donnant dans un cor au naturel. Au chef de l'écu.

316 li' ORDRE DE MALTE.

d'or br. sur l'écartelé et ch. d'une aigle de sable cour, d'or Sur le tout, de gu. au lion fascé d'or et d'argent.

II. Fr. André de Gtiovanni et Centelles (1814 1821). D'azur au chêne de sinople, aux deux lions aifrontés.

Catane et Ferrare,

III. Fr. Antoine Busca (1821—1834). Parti d'argent à la givre de sinople, au chef échiqueté d'or et d'azur: écartelé d'argent au pin de sinople, au chef d'or à l'aigle éploj^ée de sable.

Rome.

IV. Fr. Charles Candida (1834—1845). D'arg. à la sirène (de carnation) à deux queues de carnation, cour, d'or nageante sur une mer de sinople, tenant de chaque main une de ses queues (l'écu couvert du manteau ducal et sommé d'une couronne ducale).

V. Fr. Philippe Colloredo (1845 1864). De sa. à la fasce d'arg. Trois casques couronnés en cimier.

VI. Fr. Alexandre Ponsian Borgo (ou Borgia) (1865 1872). D'or ou boeuf de gu., pass. sur une terrasse de sinople, à la bordure du secteur chargé de huit flammes d'or.

VII. Fr. Jean-Baptiste Ceschi de Santa-Croce (1872 jusque 1879). Parti de gu. et d'or, à la croix pattée de l'un à l'autre.

GRAND-MAITRE.

Rome.

LIV. Fr. J.-B. Ceschi, cardinal-prince (1872 1879). Ecartelé, au 1'^'' et 4®, à la croix de Malte en champ de gueules, au 2^, au dragon ailé d'or sur sable, et, au 3®, mi-parti, à 3 tours d'or 1 et 2 et au dragon de même issant de trois faces d'argent en champ de sable.

APPENDICE.

817

n.

LIVRE D'OR

DU

GRAND -PRIEURÉ DE BOHÊME-AUTRICHE.

(LISTES COMPAREES').

1'' Liste.

I. Fr. Bernard (1183-1186),Prague.

II. Fr. Martin (1186-1 19 4), Prague.

III. Fr. Meinhard (1194 1232).

IV. Fr. Hugues (1234—1238).

V. Fr. Mladota (1238 1245).

PRECEPTEURS.

2" Liste.

(Avant la fondation du Couvent à Strakonitz).

Il" prieur de Bohême (1189—1218).

1°'' prieur de Bohême (1186—1189), avant la fondation formelle du Couvent de Strakonitz, précepteur en Hongrie, Bohême, Pologne, Po- méranie et pays limi- trophes, à l'E., au S. et à l'O., suivant acte du duc Frédéric (1186).

III. Fr. Hugo, maître de l'Hôpital de Saint- Jean en Bohême (1218- 1245).

(Après la fondation du Couvent à Strakonitz.

1245j.

IV. Fr. Bavor de Stra- konitz, prieur-général (1245—1257).

3" Liste.

1. Fr. Bavor, fils du fondateur du Grand- Prieuré de Bohême, avec résidence à Stra- konitz, en 1243, s'était distingué contre les Turcs.

PRECEPTEURS GENERAUX.

1* Liste.

I. Fr. Pierre de Straznitz (1245 1252).

II. Fr. Clément (1252 1255).

2" Liste.

3" Liste.

2. Un vaillant Sei- gneur, inconnu de nom, de la maison deSchwan- berg, mort à Strakonitz, à un âge avancé.

1) Nou.s mettons en regard les listes divergentes :

1'' La liste adoptée dans les Annales;

2" La Hste donnée par Schaller dans sa ^Toporiraphie des Kônig- reiches Bôhmen« (1786);

3" La liste Chr. Beckmann, dans sa »Beschreil>ung des ritt. Joh. Ordens,« etc. (1726). Ces deux auteurs placent à Strakonitz le siège du prieuré de Bohême, dès sa fondation.

318

L'ORDRE DE MALTE.

1" Liste.

III. Fr. Henri de

FURSTENBERG ( 1 2 5 5 -

1273).

IV. Fr. Henri de BOCKSBERG (1273 1278).

V. Fr.HERMANN de Brunshorn (1278 1284).

VI.Fi'.HeRM ANN DE HOHENLOHE (1284

1287).

VII. Fr.BÉRENGER

deLouf(1287-1290).

VIII. Fr. Gode-

FROY DE KlINGEN-

EELS (1290—1293).

IX.Fr.HERMANN DE HoHENLOHE (1293

1298j.

X. Fr. Henri de KiNDHUZE (1298 1301).

XI. Fr. Henri de E.udigkheim( 1301 1313).

2" Liste.

V. Fr. Bohuss de Schivanherg (1257-1278).

VI.Fr ZaïviscleBosen- berg (1278—1306).

VII. Fr. Bavor de Stralionitz (1306-1308).

Vin. Fr. Jean de Ztmrzetiez, de Warten- berg (1308—1313).

8" Liste.

3. Un inconnu de la maison de Rosenberg.

4. Fr. Zawissus, de la même maison, dont Jean Dubravius parle en ces termes dans son Hist. Boem: »Zavissus ei Religioni dedicatus fuit, quae pro insigni crucem gestabat, ei- demque in Boemia tan- quam magister Strako- nicensis praefuit, fait fiKus Rosenbergici*.

5. Fr. Bavor, de la descendance du fonda- teur du grand-prieuré, lequel, après l'assassi- nat du jeune roi de Bohême Wenceslas lll, opposa une grande ré- sistance à Rodolphe, fils de l'empereur Albert 1^'' et défendit contre lui la ville de Horatzdovitz, lequel acquit aussi, après la suppression de l'Ordre des Templiers, pour le grand - prieui'é de l'Ordre de Saint-Jean, leurs biens en Bohême, aA'ec l'assentiment du pape.

PRIEURS-GENERAUX.

1"^ Liste.

I. Fr. Berthold de Henneberg (1313 1325).

II. Fr. Michel de Tynz (1325—1338).

Liste.

IX. Fr. Berthold de Henneberg (Praeceptor Dom. Hosp. S. Joan. Hier. perBoemian, Po- loniam, Moraviam et Austriam)(1313— 1330).

X. Fr. Michael de Tincia (prior per Boem. Pol.Austr.et Moraviam) (1330—1336).

XL Fr. Jean de Klin- genberg ou Zioilcoio (alla en France avec le roi Jean, pour combattre les Anglais et resta sur

3^ Liste. 6. Fr. Jean de Falken- stein, favori de Jean, roi de Bohême, avec qui il alla au secours de Philippe de Valois, en France, et perdit la vie à la bataille de Crécy.

APPENDICE.

319

Liste.

III. Fr. Gallus de

Lemberg (1 ass- ise?).

IV. Fr. Jean de

ZWIEKZETITZ (1367- 1372).

V. Fr. Simon de Teschen (1373— 1391).

VI. Fr. Marcold de "Wrutiïz (1391 1398).

VII. Fr. Her- M ann deZwieezetitz (1398—1401).

VIII. Fr. Henri DE Neuhaus-Rosen- BERCx (1401 1422).

IX. Fr. RUPRECHT DE SiLÉSIE (1423

1434).

X. Fr. Wences-

LAS de MiCHELSBERG

(1434-1451).

XI. Fr. JODOK DE

ROSENBERG (1451

1467).

XII. Fr. Jean de

SCHWANBERG (14(37-

1510).

XIII. Fr. Jean de

ROSENBERG (1511

1532).

XIV. Fr. Jean de Wartenbeeg (1534- 1542).

XV. Fr. Zbinko Berka de Duba et LiPA (1543- 1555).

XVI.Fr.WENCES-

LAS DE HaSENBOURG

(1555—1578)

Liste. le champ de bataille, avec le Roi et beaucoup de Chevaliers de Bo- hême, le 26 août 1346 (1336—1346).

XII. Fr. Pierre de Rosenberg^ (1346— 1361> Prieur-général (?\

Xni. Fr. Gallus de Z'wirzetiezlcy, de "VVar- tenb erg (Baron de Lem- berg [?J), (1361—1379). 1346).

XIV. Semovitus (des ducs de Tessin) (1379— 1392).

XV. Fr. 3'Iarquardus de Wartenber-fj, aussi nomm éWrutits (1392 1399).

XV I. Fr. Hirsso de Zivirzeties, de Warten- berq (1399— 1400\

XVn. Fr. Henri de Neuhaus ou Straz (1410- 1416).

XVIII. Fr. Pierre de Sterjiberg {noTa.\-)ié coad- juteurdeHenri dcNeu- haus) (1416-1425).

XIX. Fr. Bitpertus de Lignits, duc de Sile'sie, (1425-1435).

XX. Fr. Wensel de Miclialo'witz (1435-1451).

XXI. Fr. Jodok de Bosenbcrg (1451—1467).

XXII. Fr. Henri de Straz, coadjuteur, de Fr.Jodok (1460—1468).

XXIII. Fr. Zdenko de Waldsteiu (14:68—1472).

XXIV. Fr. Jean de Sclmanberg (1472-1516).

XXV. Yr.Jean de Ro- senberg (1517—1532).

XXVI. Fr. Jean de Wartenberg (1534-1542).

XXVII. (comme XV) 1542-1554).

XXVIII. (comme XVI) (1555-1578).

XXIX.(commeXVII) (1555—1578).

3" Liste.

7. Fr. Petrus a Rosis ou de Rosenberg.

8. Fr. Gallus de Lem- berg, de l'illustre maison des Wartenberg, qui vivait encore, en 1371 (Paprocius).

9. Fr. Jean de Zivir- zetiez, de Wartenberg.

10. Fr. Semovitus, duc de Tessin, qui est mort vers 1390.

11. Fr. Marquardus, de la maison Warten- berg.

12. Fr. Marckivart, de la maison de ce nom, doit avoir été Luvité en 1396, à la Pentecôte, à un banquet au châ- teau de Carlstein, sur l'ordre du roi Wences- las et y avoir été mis à mort avec d'autres gentilshommes.

13. Fr. Hirso de Zwirz étiez, de la maison de Wartenberg, qui vi- vait encore vers 1400 (Paprocius).

14. Fr. Henri de Nova- 1)0)110, ou de Stratz. 15.(comme 2^L.XIX)

16. » » » XX

17. » » » XXI

18. » » »XXIV

19. » » » XXV

20. » » »XXVI

21. » » » XXVII

22. Fr. Wenceslas Zagiciiis et Hazemhurg- aens.

23. c. L, XXIX

320

L'ORDRE DE MALTE.

l'' Liste.

XVII. Fr. Chri- stophe DE WaETEN- BERG (1578 1590).

XVIII. Fr. Ma- thieu DE LoBKOWITZ (1591 1619)

XIX. Fr. Henri LoGAU (1620-1625).

2" Liste.

XXX. (c. XVIII

; 1591 -1621).

XXXI. (comme XIX) (1621—1626).

Liste.

24. c. 2" L. XXX

25. .V .V >. XXXI

Liste.

I. Fr. Rodolphe DE Paar (1626).

II. Fr. Guillaume DE Weatislaw-Mi- teowitz (1626 1637).

III. Rodolphe de CoLLOEEDO -Wall - SEE (1637 1657).

IV. Fr. Guillaume Léopold de Rhein- stein - Tattenbach (1658 1661).

V. Fr, Guillaume DE Wratislaw - Mi- teowitz (1661 1666).

VI. Fr. Fe^lNçois DE Wratislaw- Mi- TROWITZ (1667 1675).

VII. Fr. Ferdi- nand Louis DE KoLO-

WRAT - LlEBSTEINSK"!^

(1676 1701). VIII.Fr.FRANçois-

SlGISMOND DE ThUN- HOHENSTEIN (1702). IX. Fr.WoLFGANG SÉBASTIEN DE PÔT- TING (1703—1709).

GRANDS-PRIEURS.

2" Liste. L (1626—1627).

IL (1627—1637).

m. (1637—1657).

IV. (1657—1661).

V. (1662—1666).

VI. (1666—1670).

Vn. (1670-1700).

Vm. (1700). IX. (1701-1709).

Liste.

26. » » (XXXII) I.

27. » V » IL

28. (comme III.) Colioredo comte de Waltlis

29. >' >. >. IV.

30. >^ > V V.

31.» » » VL

32. >- » » VIL

33. » > ■' vm.

31.» » » IX.

APPENDICE.

321

1" Liste.

X. Fr. Jean-Wen-

OESLAS DE "WrATIS- LAW - MlTEOWITZ (1711 1712).

XI. Fr. Feedi-

NAND - LÉOPOLD de DUBSKY - TEZEBOan-

STiTZ (1714—1721).

XII. Fr. Ghaeles- Léopold deHeebee- stein (1721 1726).

XIII. Fr. GuND-

AKEE-POPPO DeDiET- EICHSTEIN (1726

1737).

XIV.Fr.FEANçois- Antoine deKoenigs- EGG (1738—1744).

XV. Fr. Wen-

CESLAS - JOACHIM CZE.JKA d'OlBEAMO-

wiTZ (1745—1754).

XVI. Fr. Em- manuel DE KOLO- WEAT - KeAKOWSKY

(1754 1769).

XVII.Fr.MiCHEL- Feedinand d'Alt- HANN (1769 1789).

XVIII. Fr. Jo- seph-Maeie de Col-

LOEEDO - WaLLSEE

(1789 1818).

XIX. Vincent de

KOLOWAET - LiEB -

STEINSKY (1819

1824).

XX. Fr. Charles DE Neippeeg (1826- 1835).

XXI.Fr.CHARLES- BOEEOMÉE DE MoE-

ziN (183G 1846).

SALLES : L'OUDRE DE MALTE.

X.

Liste. ;i711— 1712).

35

3'' Liste, c. 2'"ListeXLI,X.

XI. (1714—1721),

XII. 1721—1727).

XIII. (1727—1737).

XIV. (1737-1744).

XV. (1744-1754).

XVI. (1754-1769).

XVII. (1769....)

322

L'ORDRE DE MALTE.

1^ Liste.

XXII. Fr. Fran- çois KhE VENHULLER- Metsch(1847-1867).

XXIII. Fr. Fran- çois-Xavier H. DE

KOLOWRAT - KrA -

KOWSKY-(1867l874).

XXIV. Fr. Othé- nio-Bernard-Marie

DE LiCHNOWSKY -

Werdekberg (1874- 1887)1).

XXV. Fr. Guy

ThUN - HOHENSTEIN

(1887).

Liste.

3" Liste.

ni. LES ARCHIVES DE L'ORDRE,

(MALTE, ROME, PRAGUE.)

Les archives proprement dites de l'Ordre se trouvent à Malte, à Rome (grand-magistère), à Prague (grand -prieuré).

La publication de J. Delaville le Roux (Paris, Ernest Thorin. éditeur, 1883) sur les Archives, la hihUoflièque et le trésor de Malte nous a été très-utile. Quant à d'autres archives et quant à celles surtout du grand - prieuré à Prague, elles sont à peu près inabordables, par suite du désordre qui y règne, et, disons-le, du parti-pris de dignitaii'es provinciaux qui jouent au mystère maçonnique, sans que rien puisse justifier leur opinion que le silence est la meilleure sauvegarde de l'Ordre. Il est heureux qu'il ne dépende pas de ces hauts personnages, dont l'un fit répondre un jour à l'auteur de ces Annales, propriis verhis^ »qu'il ne

^) Cette liste a été adoptée par l'Ordre de Malte dans la Hangs- Liste et Personalstatus de 188(3, postérieiirenient à notre travail; mais nous avons conservé les listes divergentes auxquelles l'Ordre se ralliait plus ou moins auparavant, d'après l'opinion de Fr. Warter, son archiviste, qui contestait l'exactitude de notre liste.

APPENDICE. 323

voulait pas qu'on écrivît sur son Ordre « '), que le passé de l'Ordre de Malte ne soit encore et toujours un glorieux champ d'exploration pour l'histoire, et que l'Ordre ne s'in- carne pas assez en leurs personnes pour qu'il soit con- damné à l'obscurité dans le présent. Ils sont les serviteurs de l'Ordre, mais l'historien qui en étudie le présent, le passé et l'avenir, à la lumière de la foi et de la vérité, n'est pas astreint à subir leur loi, et les leçons de l'histoire ne peuvent qu'être utiles à l'Ordre. Ces façons mystérieuses n'ont pas prolité aux Templiers. Nous avons donc passé outre, en nous entourant de tous les renseignements et documents que nous avons pu nous procurer par une autre voie.

Avant de nous occuper des Archives de Malte, nous devons mentionner que les archives de la langue de France ont été conservées et se trouvent, pour le grand - prieuré de France, à Paris, aux Archives nationales ; pour le grand- prieuré d'Aquitaine, à Poitiers ; pour le grand-prieuré de Saint-Grilles, à Marseille; pour le grand-prieuré de Toulouse, à Toulouse ^) ; nous devons indiquer aussi que les Archives de l'Ordre à Saint-Pétersbourg, aujourd'hui conservées au ministère de l'intérieur, renferment des pièces très-curieuses relatives aux prieurés de Pologne et de Russie et des docu- ments généraux (1798 1810). C'est en Russie d'ailleurs que se trouvent aussi la main de S*- Jean-Baptiste et la madone de Philerme.

Le dépôt des archives de l'Ordre à Malte est encore à peu près intact. On y trouve la série presque complète des donations faites aux chevaliers (1107 1290); les pertes qu'on y signale sont comblées pour la plupart par les transcriptions du P. Pauli, dans son Codice diplomatico del sacro militare ordine GerosoUmitano (1733 1737) ^).

Nous avons la série assez complète des bulles ponti- ficales données en faveur de l'Ordre, et disposées par ordre alphabétique de papes. Il n'y a que quelques lacunes que comblent pour la plupart des buUaires manuscrits du sei- zième siècle, exécutés dans la chancellerie, au moment la série des bulles pontificales originales était encore intacte.

1) Il est mort en 1887.

-) Strasbourg et Madrid possèdent anssi des mannscrits et des chartes d'un grand prix.

2) V. Bibliothèque Impériale de Vienne, Collection du Pi-ince Eugène .

21*

324 L'ORDRE DE MALTE.

La collection des bullaires des grauds-maîtres, depuis le milieu du quatorzième siècle (1346), est également presque entière. Les numéros d'ordre mis sur les volumes à la iin du quinzième siècle, lorsque les clievaliers étaient encore à Eliodes, nous indiquent que quelques volumes à peine se sont perdus ou ont été détériorés dans le transport de Rhodes à Malte. La série des chapitres généraux et aussi à peu près intégralement conservée.

Si nous nous plaçons au point de vue auquel s'était placée la chancellerie de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, nous remarquerons qu'en quittant Rhodes pour aller à Malte, elle avait emporté les pièces qtii seules peuvent l'intéresser. Elle avait la série des donations faites en Terre-Sainte à l'Ordre, c'est-à-dire ses titres de propriété, et les conservait depuis 1290 dans l'espoir, de jour en jour plus chimérique, d'un retour des chrétiens en Sj'rie et d'une revendication des anciens biens de l'Hôpital. Cette partie des archives était ce que nous pouvons appeler le fonds de Terre-Sainte, du prieuré de Jérusalem, archives particulières au même titre que celles des diverses langues de l'Ordre, dont les dépôts d'archives des différents pays nous ont conservé les fonds.

A côté de ces archives particulières, la chancellerie avait réservé ce qu'elle avait de plus précieux, c'est-à-dire :

Les privilèges accordés par les papes, conservés en originaux:

La série des chapitres-généraux, dont la connais- sance était indispensable pour le gouvernement intérieur et religieux de l'Ordre;

La collection des actes des grands-maîtres (bullaires magistraux), dans lesquels la trace de toute l'administration séculière de l'Ordre (nominations aux prieurés, ordres aux chevaliers, réceptions, missions, emprunts, etc . . .) était perpétuée.

Les archives postérieures à l'arrivée de l'Ordre à Malte nous sont parvenues en entier, et la masse des documents du seizième au dix-huitième siècle est considérable à La Valette. Qu'il nous suffise de remarquer que si, dans ces archives, certaines séries (les rapports, par exemple, des rois et souverains du continent et de Chj-pre avec l'Ordre, les ambassades envoyées par les Hospitaliers, les pièces de comptabiKté du trésor de l'Ordre) sont complètement absentes avant 1522, la faute doit en être attribuée à la chancellerie de cette époque qui, ne pouvant emporter de

APPENDICE. 325

Rhodes tous les documents d'archives, a fait un choix e abandonné le reste. Nous ne croyons pas qu'on doive imputer à des événements postérieurs, à la venue, par exemple, des Français en 1798, les lacunes que nous venons de signaler. Malgré l'affirmation que nous avons rencontrée plusieurs fois, que les archives de Malte, embarquées avec tous les trésors de l'Ordre sur le vaisseau V Orient, avaient sauté avec lui à Aboukir (1®'^ août 1798), il nous paraît difficile d'admettre qu'aucun document ou plutôt qu'aucun ensemble de documents d'archives ait été enlevé de La Valette et embarqué à bord du vaisseau français. Il faudrait que le choix des documents eût été fait d'une façon bien méthodique, ne portant que sur l'époque antérieure à 1522, et ne s'adressant qu'à certaines séries, les moins intéressantes, à coup sûr, parmi celles que renfermait la chancellerie magistrale. Cela nous paraît inadmissible.

Le grand-maître Hompesch, passant sur le continent, n'a pas non plus détourné de documents d'archives. Il s'est contenté de demander » d'emporter trois principaux objets de la dévotion de l'Ordre, conservés dans l'église de Saint- Jean: la main du saint Précurseur, l'image miraculeuse de N.-D. de Philerme, et un morceau de la vraie croix. Ils furent remis par le général français, mais dépouillés de leurs riches ornements. C'est sous la sauvegarde de ces saintes reliques que S. A. E. s'embarqua pour Trieste le 18 juin, à deux heures après minuit* (Relation du grand- maître envoyée aux souverains).

Ces archives renferment aujourd'hui 17 séries, et la série 8 de l'ancien classement (Università), c'est-à-dire les documents concernant la municipalité de La Valette et l'île de Malte, forme un fonds spécial sous ce même titre. Nous donnons plus bas l'ensemble des grandes divisions des séries de ce dépôt, dont nous avons relevé l'inventaire complet et détaillé.

I.

Aechives de l'Ordre (17 séries).

IL

Università.

Université de la Cité. Université de La Valette (12 séries).

Miscellanea (35 volumes).

Dans cette masse considérable de documents (plus de 4000 vol.), notre attention s'est particulièrement fixée sur

326 L'ORDRE DE MALTE.

plusieurs séries: celles des pièces originales, des bulles magistrales et des bulles pontificales.

Les séries 3, 6, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 15, 16, sont rela- tivement modernes: les séries 2 et 4 concernent plus spécialement l'organisation spirituelle de l'Ordre et son fonctionnement intérieur. Nous nous sommes donc arrêté moins longtemps sur ces diverses catégories de documents.

Série I. Documents originaux.

Bixilômes. Cinq volumes, dans ' cette série, com- prennent des di]3lômes des rois de Jérusalem, des princes chrétiens de Terre-Sainte et d'Europe en faveur de l'Ordre. Leur importance a été signalée par M. de Mas-Latrie. Le P. Pauli y avait puisé à pleines mains, mais sans publier tous les documents qu'ils contiennent. Ceux qu'il a laissés de côté ne sont pas les moins intéressants; ceux qu'il a édités n'ont pas toujours été transcrits avec tout le soin désirable. C'est ainsi qu'une charte à souscriptions grecques a été reproduite par lui sans aucune mention de ces signa- tures très-curieuses. Le lecteur remarquera, dès 1235, l'emploi de la langue française par les chancelleries de l'Ordre de l'Hôpital, des Teutoniques et des princes d'Antioche. A partir de 1250, la langue vulgaire devient d'un usage presque général, excepté dans les chancelleries ecclésiastiques, restées fidèles au latin.

Bnïles pontificales. La collection des bulles ponti- ficales originales est classée dans cette série ; elle comprend huit volumes; un autre volume est consacré à des copies. La classification des bulles elles-mêmes repose sur un principe assez bizarre: elles sont rangées selon le nom des papes qui les ont promulguées, les pontifes de même nom et ceux de même lettre alphabétique étant réunis ensemble.

Bulles magistrales. Avant de quitter la série I, il nous reste à dire quelques mots des volumes de bulles des grands-maîtres réunies sous les N°^ XVI à XXXV, et com- posés d'actes émanés de la chancellerie de l'Ordre, Cette collection, relativement peu nombreuse, si l'on y réfléchit, est presque inexplicable. Les archives de l'Ordre de Malte ne devaient pas posséder d'actes originaux, scellés, émanés de l'autorité du grand -maître ou du chapitre général; destinés par la chancellerie a être en-\'oyés aux destina- taires, ces documents ne sont restés dans les archives de l'Ordre que parce que, au moment de l'exécution de la

APPENDICE. 327

volonté exprimée clans l'acte, une cause quelconque y a fait surseoir et a fait garder l'acte dans les arcliives, ou parce que des nombreuses expéditions d'un acte d'un caractère général, préparées par la chancellerie, un exem- plaire s'est trouvé par hasard sans emploi, et a été con- servé. Ce fait nous a paru curieux à signaler; il est, en outre, fort heureux, puisqu'il permet de suppléer aux bul- laires magistraux pour la période antérieure à 1346.

Série V. Bidlaire des grands-maîtres.

La série des registres des bulles des grands-maîtres commence en 1346; depuis 1527, elle n'a subi aucune perte; les lacunes sont donc antérieures à cette époque et ne sont pas considérables; un registre, quelquefois deux, manquent, sui'tout au commencement de la série, au quatorzième siècle; plus tard, elles deviennent de plus en plus rares.

Les registres sont divisés par prieurés, et le volume commence toujours par le prieuré dont le grand-maître était originaire; les pièces sont transcrites au fur et à mesure dans la partie du registre consacrée au prieuré auquel elles se rapportent; quand la place manque au prieuré elles devraient être inscrites, un renvoi indique l'endroit ou elles ont été copiées, et, en marge, une mention fait connaître qu'elles ne sont pas au rang qu'elles devraient occuper. La fin du registre comprend toujours des cha^ntres appelés Fartes cisniarinae^ Fartes transniar'mae^ Assignation es pecimiarimi^ et quelquefois Lihcrtates. Sous ces rubriques se placent des documents concernant Ehodes et son ad- ministration, les négociations avec le continent et les commerçants les emprunts faits par l'Hôpital aux marchands et aux banquiers, les traités d'alliance, les lettres écrites aux princes et souverains d'Europe, en un mot tout ce qui ne concerne pas absolument l'administration des différentes langues de l'Ordre et le fonctionnement des préceptoreries et prieurés. C'est la source la plus considérable pour l'histoire générale de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem. Chaque registre est folioté, et contient une table indiquant les folios auxquels se trouvent les différents chapitres dont nous venons de parler. Il résulte du mode de confection de ces registres, dans lesquels les documents étaient classés au fur et à mesure et d'après le prieuré auquel ils appar- tenaient, que beaucoup de folios sont restés blancs. Les registres sont tous en papier; les pièces sont transcrites

328 L'OEDEE DE MALTE.

différents scribes, sans luxe, rapidement et en abrégeant les formules initiales et finales. Ils contiennent encore quelques renseignements qui ne sont pas donnés sous forme de lettres, comme par exemple: »Frater N . . . receptus est in frater- nitatem die tali . .«, ou: »frater N . . . habuit licentiam recedendi a conventu Eliodi ad negotium taie . .

Série VII. BuTlaires pontificaux.

Il nous reste à parler, dans cette série, de la collection des buUaires qui nous ont été d'un grand secours pour suppléer aux lacunes trop nombreuses de la collection des bulles originales des souverains pontifes.

A.U siècle dernier, les bullaires conservés dans la clian- cellerie de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem étaient au nombre de onze ^).

Buïlarium signatnm XP, formé par l'ordre de Bosio ^) ; Buïlarium Ruheum] Buïlarium Germanum; Buïla- rium A; Buïlarium B; Buïlarium C; Buïlarium D; Buïlarium E; Buïlarium F; 10° Buïlarium G; 11° Bépertoire par Imbroll •^) du bullaire D.

De ces onze bullaires, trois sont perdus; ce sont les bullaires A, E, F; les huit autres nous sont parvenus, malheureusement mutilés et incomplets quelquefois.

Sceaux. La série de sceaux des grands-maîtres et du couvent est presque complète. On a déjà cherché à faire sur ce point un travail d'ensemble et à combler les lacunes des archives de Malte à l'aide des sceaux des divers dépôts dans lequels sont conservées aujourd'hui les archives des langues de l'Ordre. Quant aux sceaux de Terre-Sainte, c'est sans contredit la partie la plus im-

^) Inventaire de la chancellerie de l'Ordre de Saint-Jean-de- Jérusalem, conservé au palais de Malte à Rome, et communiqué obli- geamment sur l'ordre de S. E. le grand-maître par M. le marquis Ciccolini, bibliothécaire delaville.

^) Il ne s'agit ni de Jacques Bosio, duquel nous avons une histoire étendue de l'Ordre de Saint-Jean (3 volumes in 1°, 1591, et années suivantes, Rome (ouvrage plusieurs fois réimi^rimé ), ni d'Antoine Bosio, son neveu, auteur de travaux d'archéologie chrétienne, mais de Giannotto Bosio, commandeur et vice-chancelier de l'Ordre au XVI" siècle. On a de lui quelques poésies, imprimées à la suite des lettres de Marc Philippe, dans: Il furioso deW Ariosto, Venise, 1581, in 8".

'*) S. ImbroU, docteur en théologie, prieur conventuel et comman- deur d'Aldona Relca, au prieuré de Portugal, occupa de hautes situa- tions dans l'Ordre; il fut ambassadeur, historiographe, auditeur du grand-maître A. de Paula; il mourut le 26 janvier 1650 à l'âge de soixante ans. -

APPENDICE. 329

portante et la plus précieuse de la collection; quelques spécimens sont dans un état de conservation parfaite; ce sont pour la plupart des bulles de plomb, comme celles des Templiers, des Hospitaliers ou des papes, et cette circonstance augmente l'intérêt qu'elles présentent.

Bibliothèque de Malte. Manuscrits. Ils sont au nombre de 345 et intéressent, pour la plupart, l'histoire de l'Ordre.

Aujourd'hui cette bibliothèque compte un grand nombre de volumes (50.000 environ); le catalogue en est imprimé par ordre de matières et d'après la langue dans laquelle chacun des ouvrages est écrit (8 vol. in 8°, sans compter les suppléments que nécessitent les acquisitions nouvelles). La collection des livres relatifs à l'histoire de l'Ordre j est assez complète, surtout celle des ouvrages imprimés en français et en italien.

Miscellanées. Elles forment une collection spéciale, ayant un catalogue particulier qui, comme son titre l'indique, ne signale que cinq ou six pièces dans un volume qui en comprend quelquefois cinquante ou soixante. On ne saurait trop attirer l'attention sur cette collection unique. Des 378 volumes qui la composent, cent au moins sont exclusivement consacrés à des pièces sur l'Ordre de Malte, dont Delaville a relevé avec soin la fiche bibliographique.

C'est ainsi qu'il a recueilli de 2000 à 2500 indications de mémoires, factums, brochures, arrêts, dissertations, preuves nobiliaires, récits d'ambassades, relations de voyage par les agents de l'Ordre, réflexions sur l'état de la religion, bilans, défense des privilèges, bulles ou brefs en faveur de l'Ordre, cantates et compositions poétiques en l'honneur des grands - maîtres et des chevaliers, ouvrages et écrits composés par les membres de l'Ordre, récits de funérailles, livres dédiés aux grands-maîtres, etc.

L'étude de cette série, jointe à celle des documents d'archives conservés à Malte (Série XIII, appendice, im- primerie, 1756 94), fournirait les matériaux d'une dissertation fort intéressante sur l'imprimerie établie dans le palais du grand-maître et dirigée par la chancellerie de l'Ordre.

Quiconque voudra, sur un point quelconque de l'histoire des chevaliers de Malte, entreprendre un travail, de quelque nature qu'il soit, devra recourir à cette collection, et nous croyons que, dans presque tous les cas, il n'aura pas à se re])entir d'avoir cherché dans cette série, dont la richesse n'apparaît que, quand le dépouillement minutieux et com-

330 L'ORDRE DE MALTE.

plet en a été fait, des clocumeuts dont il reconnaîtra l'im- portance et la variété.

SouvENLRS DE l'Ordre. I. Tfésor de r Ordre. II. Trésor de la cathédrcde de La Notable. III. Inventaire du trésor de l'ordre^).

IV.

BREF DE RESTAURATION.

A Notre fils BiEX-AmÉ Jean-Baptiste Ceschi de Saxta-Cruce

Léon XIII. pape.

Cher fils, salut et bénédiction apostolique. Les papes romains, nos prédécesseurs, ont toujours considéré comme bon et honorable d'entretenir et de favoriser ces institutions qu'ils savaient utiles à la gloire de Dieu et au bien de la société chrétienne. C'est ainsi qu'ils j)i'ii'eii-t sous leur pro- tection et pourvurent de nombreux pri^dléges les Orches de Chevalerie créés pour le culte de la rehgion et la défense de l'Eglise. Lorsqu'ils y constatèrent un écart de la Règle et des moeurs primitives, ils n'omirent jamais dans leur ^dgilance pastorale et selon l'opportunité de rétablir les rapports légitimes et traditionnels. Personne ne peut ignorer que, parmi ces Ordres illustres, celui qui prit le nom de VHospital de Saint- Jean-Ba.ptiste-dc- Jérusalem demeura et prospéra au premier rang, soit au point de vue de l'ancienneté de son origine, soit au point de vue de la noblesse de ses membres, soit au point de vue des services distingués rendus à l'Eglise, soit au point de vue de la gloire des actes accomplis, soit au point de vue de la victoire remportée sur l'ennemi commun. Cet Ordre a, il est vrai, comme toutes les choses humaines, subi les change- ments des temps et les causes de modification de son sort. Mais jamais il n'a été assez dominé par les flots de l'adver- sité, ou privé du secours du Dieu souverain et de son Saint- Siège, pour périr et ne pas se relever armé de forces nou- velles. Ceci se manifeste surtout à la fin du siècle dernier et au commencement du nôtre, lorsqu'on le vit, après la

^) Nous renvoyons pour les inventaires relatifs aux Soucenirs de l'Ordre et poui- les dociiments et chartes existant aux archives de Malte, à l'ouvrage que nous avons cité plus haut.

APPENDICE. 331

prise de Malte et la dispersion de ses membres désagrégé et presque anéanti. Alors il trouva, par un bienfait admi- rable de la Providence, deux protecteurs très-puissants et ines^îérés, dans les Empereurs des Russies. Paul I'^*', Ale- xandre pi", et eut en notre prédécesseur bieuheureux Pie Vil, un promotem- si zélé, qu'il put dans le lieu nouveau il s'était retiré, se réunir de nouveau, s'adonner sous le com- mandement de chefs légitimes à la pratique de sa mission traditioinielle et recouvi'er de sa dignité première autant que les circonstances le permettaient. Quoique la situation semblât s'améliorer avec le temps, notre prédécesseur ci- dessus nommé, en égard à la situation intérieure de l'Ordre et à d'autres circonstances de ces temps, ne crut ni utile, ni op23ortun, après la mort du grand-maître Jean-Baptiste Tommasi, de mettre immédiatement à la tête de l'Ordre un homme revêtu des mêmes titres et dignités; il pensa dans sa prudence devoir différer l'élection du Grand-Maître et conférer à Innico Marie Guevara Suardo qui, sous le titre de Lieutenant, gouvernait les affaires de cet Ordre, des pouvoirs plus étendus qui paraissaient nécessaires pour la direction et l'administration de la communauté, ainsi qu'il appert des Lettres Apostoliques, adressées sous forme de Bref au susdit Lmico Marie Guevara Suardo, en date du XXI octobre MDCCCV. Il n'était pas dans la pensée du Pontife très-pruclent que. ce qu'il avait décrété pom- un temps, dût perpétuellement durer, car il déclara à plusieurs re^îrises qu'il lui était très- désirable de replacer, aussitôt que les circonstances le permettraient, un grand-maître à la tête de l'Ordre, conformément aux Statuts. Comme il mourut avant que ce désir fût accompli et qu'ensuite il ne s'offrit pas non plus d'occasion propice de restituer le chef de l'Ordre dans son ancienne dignité, tous ceux qui furent ensuite appelés à l'administrer, tout en étant par la faveur de ce Siège apostolique munis des pouvoirs et tenus des charges et obligations du chef suprême, n'eurent que le titre et la dignité de Lieutenants. Mais cejDendant les papes romains ne manquèrent point, pendant ce temps-là, de faire ce qu'ils crurent nécessaire au bien de l'Ordre. C'est ainsi que Grégoire XVI, de bienheureuse mémoire, ordonna par deux lettres apostoliques du XIII décembre MDCCCXLIV et du XXX septembre de l'année suivante, certaines me- sures qu'il jugea utiles à l'administration régulière des affaires de l'Ordre, et que, par lettre du cardinal secrétaire- d'Etat, du XI juillet MDCCCXLV, il détermina le mode

332 L'ORDRE DE MALTE.

cVélection du chef de l'Ordre. Plus récemment enfin, notre prédécesseur de glorieuse mémoire Pie IX, rendit encore, par Lettres' apostoliques du XVII mars MDCCCLXV, plusieurs ordonnances relatives aux droits et obligations du Lieutenant et du Conseil de l'Ordre qui lui était adjoint, par lesquelles il pensa favoriser dans les circonstances données le soin des affaires de l'Ordre. Cependant, avec l'aide de Dieu et grâce au zèle des chevaliers et avant tout de ceux qui avaient la direction suprême, grâce aussi à la faveur de Princes puissants d'Europe, l'Ordre s'est tellement raffermi et si heureusement accru, que son extension actuelle et son intelligente direction ne contribuent pas seulement à la gloire de l'Eglise et au bien public, mais permettent aussi d'en attendre dans l'avenir de plus grands et de plus utiles résultats. Lorsque notre vénérable frère Antoine de Luca, cardinal de la Sainte Eglise romaine, évêque de Pa- lestrina et Protecteur dudit Ordre, nous eut expliqué l'état de développement et de prospérité, dans lequel cet Ordre se trouve à présent, il nous pria instamment de rendre à son chef, conformément aux Règles et institutions de l'Ordre, le nom et la dignité de Grand-Maître, pour favoriser son accroissement. Il nous exposa en même temps que nous pouvions le faire, sans nouvelle élection de la part des membres de l'Ordre et sans léser personne, attendu que ceux qui ont le droit de suffrage avaient toujours élu depuis l'an MDCCCV, époque la nomination du grand-maître fut retardée pour un temps indéfini, les Lieutenants, comme s'ils voulaient leur conférer leur vie durant le pouvoir suprême et permanent sur l'Ordre tout entier, sous l'appel- lation que les circonstances de temps et autres permettaient. Le même vénérable frère nous exposa que, toi, cher fils, ainsi que quatre de tes prédécesseurs à la Lieutenance, tu as été élu régulièrement par le conseil complet, il nous fit ensuite, l'éloge mérité de ta sollicitude et de ton activité prouvées pour lui et pour les chevaliers de l'Ordre de diverses manières. Aussi, après un examen attentif et une étude réfléchie de toutes choses, considérant que les motifs pour lesquels notre prédécesseur Pie VII a voulu que l'élection du grand-maître fut retardée, sont déjà éloignés et disparus; animé du désir de restituer, autant qu'il est en notre pouvoir, dans son ancienne splendeur et magnificence, cet Ordre très-noble qui a tant mérité de la chrétienté et de la société civile, dans la personne de son chef; voulant enfin t' accorder une faveur spéciale, à toi, que nous jugeons

APPENDICE. 333

digne des plus grands honneurs, nous avons trouvé bon d'ac- cueillir la requête qui nous a été présentée, et nous aimons à y faire droit. En conséquence de quoi, nous révoquons et abrogeons ce qui avait été prudemment ordonné, relative- ment à la remise de l'élection du grand-maître par les Lettres apostoliques de Pie VII, en date du XXI octobre MDCCCV, et restituons à l'Ordre susdit' de Saint-Jean-de- Jérusalem, ch-aque fois que le siège du magistère sera vacant, le droit d'élire le successeur (sous réserve de la con- firmation pontificale) en conservant le titre et le rang de grand-maître que les anciens Statuts de l'Ordre ont adopté. Quant au mode même d'élection, nous ordonnons que l'on observe celui qui a été observé jusqu'ici pour l'élection du Lieutenant, d'a|)rès les termes de la Lettre mentionnée du Cardinal secrétaire-d'Etat, en date du XI Juillet MDCCCXLV, que nous maintenons dans toute sa teneur. Nous ordonnons de plus que, relativement à l'exercice des droits et pouvoirs du grand-maître, ces dispositions aient provisoirement plein et entier effet, que notre prédécesseur Pie IX a prudemment arrêtées par Lettres apostoliques en date du XVII mars, MDCCCLXV, relativement aux droits et attributions du Lieutenant et du Conseil à lui adjoint et nous voulons que rien n'y soit changé, tant qu'il n'aura pas été disposé autrement à ce sujet, par nous ou nos successeurs. Attendu enfin que tu as reçu, cher Fils, depuis l'année MDCCCLXXII, (comme il est dit plus haut) le pouvoir suprême et per- manent sur l'Ordre tout entier, sous le titre de Lieutenant, que notre prédécesseur Pie IX t'avait confirmé par Bref du XXIII février de la même année, que tu as toujours usé de ce pouvoir, de manière à accroître puissamment par un soin consciencieux de toutes les affaires ressortissant à ces vastes fonctions, la dignité et l'utilité de l'Ordre, et que tu as donné des preuves d'une parfaite sagesse, d'un zèle actif et des autres vertus qui doivent orner le chef de cette association glorieuse, nous te choisissons et te nommons, dans la prévision certaine qu'il est très-désirable pour l'Ordre, que non seulement nous confirmions ce qu'il a fait lui-même en t'élisant, mais qu'en outre nous t'entourions d'an éclat plus brillant d'honneur: nous te relevons, conformément à l'usage, de toute Excommunication et Interdit, ainsi que de toutes sentences, censures et peines ecclésiastiques, quelle qu'en soit la cause, s'il en avait été prononcé, et t'en absol- vons et déclarons absous; à ces causes nous t'élisons et te nommons Grand-Maître de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jéru-

334 L'ORDRE DE MALTE.

salem, avec les cliarges et devoirs imposés par les Statuts de l'Ordre et les Constitutions apostoliques, ainsi qu'avec tous les honneurs, attributions et privilèges, dont ont joui tes prédécesseurs et nous ordonnons en conséquence à chacun des chevaliers de l'Ordre entier, des Chapelains et des autres fonctionnaires et servants, de te prêter l'obéissance due, et de t'honorer et respecter comme leur grand-maître et leur prince. C'est pourquoi nous statuons et ordonnons ces choses, voulant que ces Lettres soient fermes, valides et efficaces et qu'elles sortent et obtiennent leur plein et entier effet, nonobstant les Constitutions et Ordonnances apostoliques, les dispositions dudit Hospital, les coutumes et règlements capitulaires, même les Statuts et usages con- firmés par Serment, Sanction apostolique ou autrement, ou encore les privilèges, concessions et Brefs apostoliques en contradiction avec le présent, donnés, confirmés et renou- velés, que nous considérons comme insérés au présent acte en totalité et en détail et transcrits de verho ad verhum^ et que du reste nous abrogeons spécialement et formellement pour cette fois, tout en voulant que pour le reste ils gardent leur effet, de même que toutes les Ordonnances en contra- diction avec le présent acte. Convaincu que ce que nous venons de statuer et d'ordonner tom^nera avec l'aide de la divine Providence, grâce à ta sage gestion et au concours de l'Ordre tout entier confié à tes soins, à la gloire de Dieu, au bien et à l'honneur de la chrétienté, nous te souhaitons, cher Fils, tout succès dans ton Magistère et te donnons avec amour la bénédiction apostolique.

Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, sous le sceau de l'anneau du pêcheur, le XXVIII mars MDGCCLXXIX, l'an deuxième de notre pontificat.

L ^ S.

signé: Pr. Cardinal Car.apa de Traetto.

D. Jacobini, substituant.

APPENDICE. 335

V.

DISSERTATION

SUR IjK

GOUVERNEMENT DE L'ORDRE DE MALTE PAR L'ABBÉ DE

VERTOT, 1726.

(ANALYSE).

Des classes.

1" Chevaliers de justice. Chapelains. Fr. servants d'armes. La pureté du lignage s'établit par le preuve testi- moniale, par la preuve littérale, par la preuve locale.

Réception de ma.jorité,

à 16 ans, avec obligation de se rendre à Malte, à 20 ans (Droit de passage 260 écus d'or).

Réception comme page du grand-maître, (même droit de ^^assage).

Réception de minorité

(même au berceau) (Droit de passage, 333 pistoles).

Il y a à Malte sept palais appelés Auberges peu- vent manger tous les religieux et novices. Le chef de chacune se nomme pillier; il est choisi à l'ancienneté.

Les dépenses sont couvertes par les prises, les droits de passage, le mortuaire (etFets d'un chevalier ou revenus de sa commanderie, du jour de son décès au P^' mai suivant), le vacant, les responsions dues par les prieurés, bailliages et commanderies.

Des dig-nités.

Langue de Provence: G-rand- Commandeur, » à^ Auvergne: Maréchal, » de France: Grand-Hospitalier, » à'' Italie: Grand- Amiral,

à'' Angleterre : Turcopolier ou Général-de-la-cavalerie (Appartient maintenant au Sénéchal du Grand- Maître),

33G L'ORDRE DE MALTE.

Langue d^ Allemagne : Grrand-Bailli. (Appartient maintenant au grand-prieuré de Bohême-Autriche), » de Castille: G-rand-Chancelier,

REPARTITION TERRITORIALE.

Langue de Provence: 2 grands-prieurés: St. Gilles 54 commanderies, Toulouse 35 »

» à^ Auvergne: 1 grand-prieuré d'Auvergne: Lj^on 44 commanderies de chevaliers,

8 >^ de frères servants;

>■' de France: 3 grands-prieurés:

France 45 commanderies,

Aquitaine 65

Champagne 24 »

1 bailliage de la Morée (St-Jean-de-Latran, Paris),

1 charge de Grand - Trésorier (Commanderie de St.-Jean de Gorbei]) ;

» ai' Italie: 6 grands-prieurés:

Rome 19 commanderies,

Lombardie 45 »

Venise 27 »

Barlette ou Capoue 25 »

Messine 12 »

Pise 26

4 Bailliages:

S*®-Euphémie,

S*-Etienne de Monopoli,

La Trinité de Venouse,

St-Jean de Naples, » à^ Aragon: (Aragon, Catalogne, Navarre), 3 grands- prieurés :

Aragon (Castellenie d'Emposte) 29 commanderies,

Catalogne 28 »

Navarre 27 »

2 Bailliages: Maj orque.

Caps (Afrique), jusqu'à la perte de Tripoli; » à^ Angleterre et d^ Ecosse: 2 Grands-prieurés:

Angleterre (S*-Jean de Londres) \ 32 com- Irlande / manderies,

1 Bailliage de l'Aigle,

APPENDICE. 337

Langue d^ Allemagne: 3 grands-prieiu'és: Allemagne (Heitersheini)] Bohême > 67 commanderies

Hongrie j

1 Bailliage de Sonnenberg, » de Castiïle: 3 grands-prieurés:

-r , ! 27 commanderies

Léon J

Portugal (Cratoena) 31 »

1 Bailliage de la Bouëde,

1 Bailliage in partibus de Négrepont.

La collation provisoire des commanderies a lieu pour

5 ans, et après la preuve des améliorissements, pour un temps

plus long ou avec permutation avantageuse (émeutissement).

Les Baillis conventuels (avec Résidence à Malte), sont les

chefs ou pilliers; les Baillis capitulaires (avec résidence sur

leurs bailliages), les Baillis de grâce ou ad honores n'ont

pas droit aux dignités communes; mais, par exception,

révêq[ue de Malte et le prieur de l'église primatiale de

Saint-Jean, sans égard au défaut de naissance, sont rangés

au nombre des grands dignitaires, ou baillis conventuels.

Celui-ci est l'Ordinaire de tous les religieux. Depuis

l'évangélisation du bailliage de Brandebourg, celui-ci est

émeuti dans la Langue d'Allemagne ; l'Ordre a refusé aux

chevaliers devenus protestants de les laisser faire leurs

caravanes (stage) à Malte et sur les galères de la religion;

il ne peut admettre dans son sein des hérétiques.

Du CHAPITRE GÉNÉRAL.

Il devait se tenir tous les cinq ans : il avait le pouvoir législatif, n siégeait en principe dans la Maison-Ohef-d'Ordre. Le nombre des Capitulants était de 54, outre le Grand-Maître (9 grands- officiers , 45 grands-prieurs et baillis). Avant l'ouverture du chapitre les hauts officiers déposent les in- signes de leurs charges, qu'ils ne reprennent que par une nouvelle concession. Le chapitre ne doit pas durer plus de 15 jours; les affaires non terminées sont laisséss aux soins d'un Conseil des rétentions nommé à titre temporaire pour les expédier.

Des CONSEILS,

Le Conseil ordinaire permanent est formé du grand-maître, des baillis conventuels, des grand'croix présents, des pro-

SAI.I.ES : I/OKDRK I>E MAI-TE. .>0

388 L'OEDEE DE MALTE.

cureurs des Langues et du plus ancien chevalier pour celle d'Angleterre.

Le Conseil complet^ auquel on peut appeler du premier, est renforcé par 2 anciens chevaliers pour chaque langue, qui ont au moins 5 ans de résidence à la Maison-Ghef- d'Ordre. Le Conseil secret délibère sur les affaires délicates ou urgentes. Le grand-maître a seul le droit d'initiative dans ces assemblées. Il y a en outre la Chambre du Trésor^ présidée par le chef de la Langue de Provence.

Des ambassadeues.

Il y a un ambassadeur à Rome, à Vienne, à Paris, à Madrid; ils sont nommés pour trois ans. Ceux de Paris et de Madrid sont toujours grand' croix.

De l'élection au magistèee.

Elle appartient aux chevaliers de justice, ayant 13 ans et trois ans de résidence dans le Couvent, ayant fait trois caravanes, et ne devant pas au Trésor plus de dix écus; aux chapelains-prêtres, aux frères servants, chacun dans sa Langue. Les Maltais n'ont jamais droit de vote. L'élection est à trois degrés: 24 électeurs sont nommés par les Langues, puis 3 électeurs sont élus par le Conclave (1 chevalier, 1 chapelain-prêtre, 1 frère servant). Ce triumvirat choisit un électeur; les quatre en élisent un et ainsi de suite jusqu'au nombre de 16 en tout, qui procèdent à l'élection du grand-maître. Au cas de partage, la voix du Chevalier du triumvirat est prépondérante.

Des deoits de la peincipauté et de ceux du magistèee.

Les premiers consistent dans les droits de V Amirauté^ soit dix pour cent sur tous les prises, les revenus des douanes, assises, gabelles, les terres du Domaine, les amendes et confiscations; les seconds résultent d'une liste civile de 6200 écus, de Vannate sur les commanderies de grâce magistrale qu'il confère tous les cinq ans; de la Chambre magistrale (1 commanderie par prieuré). La course est permise aux grands-maîtres à leur profit et à leurs frais. Mais tout négoce leur est interdit, comme incompatible avec les tra- ditions de la noblesse.

APPENDICE. 339

VI.

CÉRÉMONIAL ENCORE USITÉ

POUR LES

VOEUX SOLENNELS ET L'ACCOLADE.

Le novice est revêtu d'un long vêtement noir (Manto di Punta), il tient l'épée nue dans la main droite et un cierge allumé dans la gauche; il se place devant le cha- pelain et s'agenouille. Le chapelain, en surplis et étole, bénit l'épée et le novice. Celui-ci remet le cierge et l'épée aux chevaliers jureurs (parrains), s'avance devant le Grand- Prieur, lui tend la bulle de profession, reçoit de l'un des assistants le cierge seul et s'agenouille devant l'autel. Le chancelier de l'Ordre s'approche du prieur, se place sur la deuxième marche de l'autel et lit à haute voix la bulle que le prieur lui a remise. On célèbre la Sainte-Messe jusqu'à VÉpître; après l'épître le chapelain va au prieur, et attend qu'il lui fasse signe de continuer. Le novice a remis de nouveau le cierge à l'assistant, il se tient devant le prie- Dieu du prieur, s'agenouille et demande à être admis dans l'Ordre. Alors celui-ci lui donne l'épée nue. Le novice remet l'épée au fourreau et le tend au prieur qui lui présente le baudrier dont le novice se ceint sous le manteau. Le prieur lui donne alors l'épée dans le fourreau qu'un chevalier passe dans le baudrier. Le novice se lève, tire l'épée du fourreau et la remet au prieur. Celui-ci le frappe doucement du plat de l'épée trois fois sur l'épaule droite et la rend au nouveau chevalier qui s'avance vers l'autel et frappe trois coups dans l'air de trois côtés différents. Ensuite il essuie l'épée sur son bras gauche et la remet au fourreau. Le prieur saisit le chevalier par l'épaule gauche et le secoue en lui ordonnant la vigilance; il lui montre les éperons d'or et les donne à deux chevaliers pour qu'ils les lui attachent. Le nouveau chevalier reçoit de nouveau le cierge allumé. Armé de l'épée et chaussé des éperons, il vient s'agenouiller à l'autel et l'officiant achève la Sainte-Messe, puis donne la communion au chevaher post smntionem. Après la messe le chapelain place le calice du côté de l'Evangile et se tourne ad cornu épistolae. Le novice s'agenouille devant le prieur, le cierge allumé à la main, l'épée au flanc sous le manteau fermé. Il prête le serment et prononce les voeux. Le prieur l'embrasse et le déclare reçu dans l'Ordre, Le chevaher baise le Missel, le porte sur l'autel, baise l'autel, rapporte le

340 L'ORDRE DE MALTE.

missel, s'agenouille devant le prieur et promet de prier pieusement chaque jour. Le prieur lui ôte le manteau, le lui montre, lui en fait voir les manches en lui rappelant le devoir de l'obéissance, lui en montre la croix en lui ordonnant de la porter sur son coeur, la corde, en lui rappelant les mystères de la Passion. Il le ceint de la corde et tous les chevaliers présents lui donnent le baiser de paix. Le nouveau chevalier reprend alors le cierge allumé et va s'agenouiller à l'autel du côté du Gradualis. Le chapelain s'agenouille devant l'autel et prie: Deus, qui justificas inipium . . . Après cette prière, le chevalier donne au chapelain le cierge avec une pièce d'or enfoncée dedans. Le chevalier se rend tête découverte à la sacristie, on lui sert du pain, du sel et un verre d'eau, dont il prend un peu. La cérémonie est finie et le nouveau chevalier reçoit les félicitations des assistants.

VII.

LISTE DES CROISADES.

On compte généralement 8 croisades. La première eut lieu de 1096 à 1099, sous le pontificat d'Urbain II: prêchée par Pierre l'Ermite, puis par Urbain lui-même, elle eut pour chefs Godefroy, de Bouillon, Eustache et Baudoin, ses frères, Hugues de Vermandois, Robert II, duc de Normandie, Boëmond, prince de Tarente, Tancrède, son neveu, et Ray- mond de Toulouse. Les faits les plus importants de l'expé- dition sont la bataille de Dorylée (1097), les Musulmans furent entièrement défaits; la prise de Nicée, d'Edesse (1097) d'Antioche (1098) et celle de Jérusalem (1099). Les croisés formèrent à Jérusalem un royaume chrétien, dont ils défé- rèrent la couronne à Godefroy de BouiUon; et dans les villes voisines plusieurs principautés, régnèrent les autres chefs des croisés. La croisade, de 1147 à 1149, entreprise sous le pontificat d'Eugène III et prêchée par Saint Bernard, eut pour chefs Louis VII, roi de France, et Conrad, empereur d'Allemagne (1147). Ces deux princes n'éprouvèrent que des revers. Ils étaient cependant sur le point de prendre Damas (1148), lorsque la discorde se mit entre les seigneurs de leurs armées, et les contraignit à revenir en Europe. La croisade, de 1189 à 1192,

APP£XDICE. 34.J[

fut entreprise sous le pontificat de Clément III, et prêciiée par Gruillaume, archevêque de Tyr. Il s'agissait de recon- quérir Jérusalem, retombée au pouvoir des infidèles en 1187. Trois souverains partirent avec de nombreuses armées pour la Ten'e-Sainte: Philippe-Auguste, roi de France, Richard- Coeur-de-Lion. roi d'Angleterre, et Frédéric-Barberousse, empereur- d'Allemagne. Mais le succès ne répondit point à l'attente générale: l'armée de Frédéric fut presque entière- ment détruite en Asie, et lui-même périt en Cilicie (1190); les deux autres princes partis par la voie de mer s'empa-. rèrent de St-Jean-d'Acre, mais une fâcheuse rivalité s'étant établie entre eux, Philippe revint bientôt en France (1191) et tout le courage de Richard n'aboutit qu'à obtenir de Saladin une trêve de 3 ans. La 4^ croisade, de 1200 à 1204, prêchée par Foulques de Neuilly sous le pontificat d'Innocent III. fut dirigée par Baudoin IX, comte de Flandre, Villehardouin, sénéchal de Champagne, Boniface II, marquis de Montferrat, et Henri Dandolo, doge de Venise. L'armée des chrétiens n'alla pas plus loin que Constantinople. Elle chassa d'abord l'usurpateur Alexis-l'Ange (1203) et plaça sur le trône Alexis-le- Jeune ; l'année suivante, elle reprit Constantinople sur un nouvel usurpateur, Lucas Murtzuphle, mais cette fois ses chefs se partagèrent l'empire grec : Baudoin eut le titre d'empereur; les Vénitiens s'emparèrent des plus belles stations maritimes. La croisade, entreprise sous le pontificat d'Honorius m (1217 à 1221), eut pour chefs Jean de Brienne, roi titulaire de Jérusalem, et André II, roi de Hongrie. André fut rappelé dans ses Etats par la révolte de ses magnats; Jean de Brienne prit Damiette, qu'il fut bientôt forcé de rendre. La croi- sade, de 1228 à 1229, fut accomplie sous le pontificat de Grégoire IX, par l'empereiu- Frédéric II. Le sultan Mélédin lui céda Jérusalem sans combat. Les deux dernières croisades furent entreprises par Saint Louis, roi de France : l'une de 1248 à 1254, sous le pontificat d'Innocent IV; l'autre en 1270, sous le pontificat de Clément IV. La (1^) fut dirigée contre l'Egypte: le roi de France prit Damiette, et remporta même un avantage à la Massoure (1250); mais la peste s'étant mise dans son armée, il fut contraint de reculer devant l'ennemi, et fut lui-même fait prisonnier. Il racheta chèrement sa liberté et passa quatre ans en Palestine, occupé à fortifier quelques places, puis revint en France en 1254, après la mort de la reine Blanche, sa mère, qu'il avait instituée régente. Dans la croisade

342 L'ORDRE DE MALTE.

(1270), Saint Louis était accompagné de ses trois frères et du prince Edouard d'Angleterre: il se dirigea sur Tunis, espérant, disent quelques historiens, convertir le maître de cette ville, Mohammed Mostanser. mais à peine arrivé sous les murs de Tunis, il fut enlevé par une maladie contagieuse. Charles d'Anjou, son frère, qui était venu le rejoindre, se mit à la tête des troupes, remporta quelques avantages et revint en France après avoir forcé Mohammed à payer les frais de la guerre. Après cette dernière expédition, les colonies chrétiennes qui avaient été établies en Orient par les Croisés, ne tardèrent pas à être détruites et la Palestine retomba tout entière sous le joug musulman.

Vin. ORDEES DE CHEVALERIE.

Plusieurs autres ordres religieux de chevalerie ont été créés en ces temps de lutte contre les Infidèles.

l*' L'Ordre des ChevaUers du Temple, fondé en 1118, con- firmé par le pape Honorius III en 1128. S* Bernard rédigea ses statuts. Les chevaliers portaient le manteau blanc et la croix rouge du côté du coem-. Hugues de Payens fut leur premier chef ou grand-maître. Le siège de l'Ordre fut suc- cessivement à Jérusalem, S* Jean d'Acre, Limisso. L'Ordre fut aboli en 1312. Les premiers éléments étaient sortis de l'Ordre des Hospitaliers de S*- Jean-de- Jérusalem; c'est à celui-ci aussi que ses immenses richesses furent attribuées.

L'Ordre des chanoines du S^-Sépulcre, détachés en 1099 de l'Hôpital- S*- Jean, prêtres-soldats, supprimés en 1484 et remplacés par V Ordre militaire des chevaliers du S^-Sépidcre. réuni par Paul V à l'Ordre des Chevaliers de Malte.

Les Frères de S*^ Marie fondés en 1128, à Jérusalem, pour soigner les Croisés malades ou blessés dans un hôpital établi par des gentilshommes allemands: ils furent approuvés par le pape Célestin III, le 6 février 1191, comme Ordre hospitalier et militaire, sous la règle de S* Augustin, puis pom- le service des pauvres et des malades, sous celle des Hospitaliers, et pour la disciphne militaire, sous celle des TempKers. Ils se nommèrent: L'Ordre des chevaliers teutoniques

APPENDICE. 343

de la Maison de S^^-Marie-de-Jérusalem. Ils furent réorganisés, eu 1190, à S*-Jean-d'Acre, par Frédéric de Souabe. L'Ordre fut supprimé en 1809, excepté en Autriche il est encore propriétaire de grands biens. Les chevaliers teutoniques portent un manteau blanc chargé d'une croix noire.

V Ordre des Forte- Glaive, ou des Frères de la Milice du Christ, ou encore des Chevaliers de Livonie, fondé en 1201 par Albert d'Apeldern ou de Buxhofî, évêque de Livonie, pour conquérir les pays encore occupés par les païens, était modelé sur celui du Temple. Ils portaient un manteau blanc, avec deux glaives rouges brodés sur la poitrine. Us fusionnèrent avec les Chevaliers teutoniques (1237), puis furent réorganisés (1525); le luthérianisme mit fin à leur existence.

L'Ordre religieux et militaire de Calatrava (Espagne) doit son origine à des chevaliers de l'Ordre de Cîteaux, à qui fut confiée en 1158, par Sanche m, roi de Castille, la défense de la ville de Calatrava, récemment enlevée aux Maures. Ils eurent des grands-maîtres jusqu'en 1489.

L'Ordre militaire de S*- Jacques -de- l'Epée fut fondé vers 1170, sous Ferdinand II, roi de Léon et de Castille pour protéger contre les Maures les pèlerins qui se ren- daient à S*-Jacques-de-Compostelle. H avait son siège à Uclès (Castille). Il eut ses grands-maîtres propres jusqu'en 1493. L'habit consiste en un manteau blanc, avec une croix rouge faite en forme d'épée, fleurdelisée par le pommeau et les croisons.

L'Ordre religieux et militaire d'Alcantara fut institué en 1214 par Alphonse IX, roi de Castille, pour combattre les Maures. Les chevahers de cet ordre étaient soumis à la règle de S* Benoît et portaient une croix d'or verte fleur- delisée. Le siège de l'Ordre était à Alcantara. Il eut ses grands-maîtres propres jusqu'en 1509.

V Ordre religieux et militaire du Christ (Portugal), fut institué, en 1318 par Denis I®^, roi de Portugal, pour défendre les frontières des Algarves contre les Maures; le Roi lui attribua les biens des Templiers en Portugal. Le pape Jean XXII confirma cette institution. Ses possessions furent plus tard annexées par la Couronne, et le Saint Siège releva les chevaliers du voeu de célibat et autorisa le port d'un insigne à la place de l'habit régulier.

L'Ordre maritime des Chevaliers de S^-Etienne^ fut institué vers 1560 par Cosmes I de Médicis, duc de Florence, contre les corsaires. Ces chevaliers furent les élèves des

344

L'OEDRE DE MALTE.

chevaliers de Malte; ils furent placés sons l'invocation de S* Etienne. La Maison-Chef-d'Ordre en fut établie à Pise et pourvue de grands revenus. Cosme de Médicis en dressa les règles et statuts, et s'en fit le chef et grand-maître. Les princes ses enfants en furent les premiers membres. Afin d'attacher par les liens de cet Ordre les familles patri- ciennes de Florence, il sut rendre ces liens plus légers,^ en dispensant avec l'approbation du pape Pie IV les chevaliers de S* Etienne de l'obligation du célibat et en y admettant même ceux qui avaient été mariés deux fois. Les galères de cet Ordre se rallièrent à celles de la Religion et aidèrent l'escadre maltaise dans la course contre les Infi- dèles, délivrant des vaisseaux chrétiens et faisant des prises.

ST-JEAN-D'ACRE.

»Ptolémaïs,Ptolemaïde, autrefois appelée xA-Con (Strabon l'appelle Ace, les Hébreux Haco, les Turcs Acca), Acre, ensuite Saint-Jean-d'Acre, était, dit Naberat, une ville très- célèbre de la province de Phénicie, dans la tribu d'Azer, sur les confins de la Palestine. Elle est bâtie à l'Occident d'une vaste plaine, à quatre milles du Mont-Carmel et du château Lambert, et à trente-six milles de Jérusalem*. »La ville, dit de son côté Moreri, était édifiée en forme triangulaire, s'avançant dans la rive de la mer qui baignait ses murailles'; de l'autre côté, était la terre ferme vers l'Orient, fortifiée de deux très-fortes murailles éloignées l'une de l'autre d'environ cinquante pas. A la première, vers le levant, était une tour très-grosse et très-forte, appelée la Tour-du-Boy, et à la pointe du milieu de cette muraille était une autre tour connue de tout temps sous le nom de Maudite; le long des murs il y avait plus de trente autres tours. Elle avait un port assez étroit, formé en partie du fleuve qui sort du pied du Mont-Carmel. Les palais des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, des Templiers, etc, y étaient, dit-on, très-remarquables. On y trouve partout un mélange de ruines gothiques et de constructions modernes : ici une église entièrement détruite, des cloîtres, un palais, un hôpital abandonnés. Le Turc j a passé, et c'est tout dire.

APPENDICE. 345

Elle fut donnée par Philippe-Auguste etRicliard-Coeur- de-Lion aux Hospitaliers, lorsqu'ils s'embarquèrent pour re- tourner en Europe, 1191, en reconnaissance de leur valeureux concours. Ils devinrent donc les maîtres et seigneurs d'une place qui avait été et devait être encore le point central de la lutte entre l'Occident chrétien et l'Orient musulman. L'Acre de nos jours, toute charmante qu'elle est, ne saurait être comparée avec l'Acre d'il y a sept siècles, qui était la cité principale de l'Orient. Ses palais d'une blancheur de neige brillaient au milieu des bosquets de cèdre du Mont-Carmel au sud, comme des pierres étincelantes enchâssées dans le vert foncé. A l'est s'étendait la plaine magnifique par dessus laquelle le regard pouvait aller jusqu'à ces collines lointaines que pas un oeil chrétien ne peut contempler sans émotion, car elles cachent dans leurs replis Nazareth et le lac de Tibériade, et il les avait foulées de ses pieds Celui dont l'attouchement sanctifiait. Cette plaine riche et fertile, à présent marécageuse et nue, entourait alors Acre d'une ceintm^e de champs et de vignes, au nord aussi, les cimes neigeuses d'une haute chaîne de montagnes entourées de forêts de cèdres fermaient l'horizon, tandis qu'à l'ouest les flots bleus de cette vaste mer, dont les côtes forment les limites des royaumes de ce monde venaient se briser sur ses rives. Acre même était couverte de jardins. Les toits plats, couverts d'orangers odorants et de fleurs aux mille couleurs, de ses longues lignes de maisons de marbre, formaient des terrasses l'on s'abritait sous des vélums de soie contre l'ardeur du soleil. On pouvait aller par ces terrasses d'une partie à l'autre de la ville, sans descendre dans les rues larges et animées, se pressait la plus noble chevalerie d'Europe autour des bazars en- combrés des marchandises les plus recherchées du Levant. C'était alors la ville la plus gaie et la plus élégante du monde. Ses tours dorées se détachaient vivement sur les montagnes, ou se dressaient au dessus de la ligne des eaux étincelantes, bercées par la brise et étincelant dans le rayonnement du soleil. Chaque maison était ornée de vitraux peints: car quoique cet art ne fût pas encore répandu en Europe, il était très-pratiqué à Acre. Ce sont même peut- être les croisés qui l'ont rapporté parmi nous. Chaque nation avait choisi sa rue, pour ses négociants et son com- merce; plus de vingt têtes couronnées y ^possédaient des palais et y avaient leurs cours. L'empereur d'Allemagne, les rois d'Angleterre, de France, de Sicile, d'Espagne,, de

346 L'ORDRE DE MALTE.

Portugal, de Danemarc, de Jérusalem y avaient une rési- dence: les Templiers, lesjTeutoniques, les Hospitaliers y avaient des établissements non moins magnifiques que les souverains.

La grande Xenodochie des Hospitaliers, qui pouvait le disputer en étendue et en magnificence au premier Hospital de Jérusalem, et qui recevait chrétiens, musulmans et sarra- sins dans ses murs, était l'orgueil de cette ville. Elle avait sa renommée poétique et ses légendes, toutes à la gloire des Hospitaliers».

Nous faissons dans la partie des Annales le récit rapide de la défense d'Acre (1291), comme nous faisons plus tard celui de la défense de Smyrne, de Rhodes et de Malte. Ce sont des épopées et les héros en sont les chevaliers de Saint-Jean, les Templiers et les Teutoniques^).

X.

MARGAT.

Margat ou Margath (en latin Maratus) est à 50 Kil. N. de Tripoli de Syrie, sur un roc escarpé. »Son château et forteresse, en la province de Valinie, dit Nabarat dans son Histoire de l'Ordre de S aint-Je an- de- Jérusalem, jouxte le fleuve de Valinie, et est situé sur une haute montagne, distant de la ville et de la mer d'un mille, à huit journées de Ptolemaïde et quatorze d'Antioche«. C'est aujourd'hui un misérable village.

XT.

LIMISSO.

»Limisso était située, dit Moreri, sur la côte de l'île de Chypre, à environ seize lieues de Baffo, du côté du Levant méridional. Cette ville, qui avait un évéché suffragant de Nicosie, est presque ruinée. Plusieurs géographes la désignent comme l'ancienne Amathonte (Amathus), Vénus avait un temple célèbre*.

-) V. aussi nos Annales de V Ordre Tcutonique.

APPENDICE. 347

XII.

RHODES AU TEMPS DES CHEVALIERS.

La Description des monuments de BJiodes par A. Rottiers, remet assez vivement sous les yeux la Rhodes des Cheva- liers. On trouve d'ailleurs dans cet ouvrage curieux la grande mosquée, autrefois l'église conventuelle de Saint-Jean, le couvent de l'Ordre, la châtellenie ou fut jugé d'Amaral, l'église de Sainte- Catherine, celle de Notre-Dame de Phi- lerme, les fresques du caveau des chevaliers, la fresque de Dieudonné de Gozon, les vitraux peints de Saint-Jean et de Sainte-Catherine, puis quelques monnaies de l'ancienne Rhodes et celles des Chevaliers depuis Hélion de Villeneuve jusqu'à l'époque ils ont abandonné l'île.

». . . . Nous aperçûmes, dit-il, les villages de Cremasto et de Villanova. Un château dont les ruines s'élèvent encore près de Cremasto défendait les approches du rivage. Il fut construit par le grand-maître Hélion de Villeneuve. Il y eut aussi à l'abri de ce fort une maison de plaisance éga- lement tombée en ruines. On y voit sur quelques corniches les armoiries d'Emery d'Amboise, ce qui prouve que l'édifice aurait été restauré par ce grand-maître«. Nous renvoyons le lecteur à l'oeuvre originale, préférant citer des descriptions moins connues.

Pour les notes qui suivent, nous avons analysé un journal de voyage reproduit par Villeneuve, dans ses Monuments des grands-maîtres etc., ». . .Le petit port de Rhodes se ferme tous les jours; se dresse la belle et massive tour de Saint-Nicolas; partout des murs, des quais, des édifices solidement construits avec une gothique élégance. Partout des tours portant des croix et couvertes d'armoiries sculptées. J'ai donc sous les yeux les fortifications de cette héroïque ville de Rhodes, si vaillamment défendue par ses chevaliers! Mais à côté de ces souvenirs qui font battre le coeur, l'âme s'attriste à la vue des ravages du temps et de l'apathie musulmane. Tout s'écroule près du port. Les Turcs ont su conquérir, mais n'ont rien su conserver. Quelques minarets de mosquées, des têtes de palmiers élancés dans les airs, des cyprès d'un vert noirâtre, ofîrent leurs grêles pyramides, au milieu des masses énormes de maçonnerie du XV® siècle. Parcourant la ville et les forts.

348 L'ORDRE DE MALTE.

tout atteste encore le séjour des Hospitaliers-de- Jéru- salem, nous entrons dans la rue de Chevaliers. Elle est montueuse, assez large et excite le plus haut intérêt. Les maisons, fort belles pour la plupart, qui la bordent des deux côtés, étaient les habitations des preux, dont les écus- sons, armoriés sur de grandes plaques de marbre blanc, sont si merveilleusement empreints qu'on les dirait placés de la veille. Les auberges de ces moines-guerriers, leur hôpital, existent encore avec des inscriptions latines et d'autres en caractères gothiques. Sur l'hôpital est la date de 1484. Sur des maisons, je lus successivement celles de 1492, 1498, 1518. Un vaste bâtiment offrait ces mots: Four V Oratoire^ 1511. Les fleurs de lis dominent clans les blasons. On en remarque presque à tous. A l'extrémité de cette longue rue, se trouve un grand bâtiment en ruines . . . Des pans de murs, des arceaux sont cependant encore debout. C'est la loge de Saint- Jean, s'assemblait le chapitre; un peu plus loin, sur la gauche, on arrive à l'église de Saint- Jean, aujourd'hui changée en mosquée. J'en vis l'intérieur par une fenêtre. Le clocher, maintenant terminé en forme de minaret, porte le millésime de 1509; plus loin encore on rencontre les remparts qui sont d'une parfaite conser- vation et d'un travail prodigieux. Que de pierres, que de fossés creusés dans le roc, d'ouvrages extérieurs, de forts avancés! Rhodes, à l'époque elle fut ainsi fortifiée, dut paraître imprenable. Mais elle est dominée. Nous passons devant le palais encore debout des grands-maîtres. Il était tellement solide et fort, qu'il soutint un siège après que la ville fut rendue. Le long des remparts on continue d'aperce- voir des croix sans nombre et des figures de saints, entre autres à la tour de Saint-Paul, au fort Saint-Nicolas, etc. J'ai remarqué des portes d'église, ainsi que, des portes de maisons dont le bois n'a pas subi d'altération. Elles sont ciselées avec une délicatesse infinie. Auprès des bastions l'on m'a montré plusieurs de ces anciens hasilics des cheva- liers, espèce de canons d'une longueur démesurée, portant des boulets de marbre d'une grosseur énorme. Il y a encore à côté des pièces des piles de ces boulets. Je remarquai encore au dessus d'une porte des armoiries intactes et l'inscription: cT Anihoise, 1512 . . . Nous allâmes voir l'église du couvent des capucins existe un tableau peint sur marbre, représentant une Yierge à l'enfant Jésus. Pierre d'Aubusson la fit placer, en 1480, dans la chapelle de Notre- Dame-de-la-Victoire, en mémoire de la délivrance. Beaucoup

APPENDICE, 349

d'ex-voto, de colliers d'or, de bagues, de couronnes d'argent sont appliqués sur ce tableau. Puis nous nous rendîmes à la Petite-E,ue-des-Chevaliers. Ses maisons sont également symétriques, rangées comme des tentes; elles portent des armes à leurs frontons. Nous arrivâmes ainsi à la Châtellenie, grand bâtiment en très-bon état, se rendait la justice. Nous passâmes près d'une fontaine, dont le réservoir en marbre blanc fut le sarcophage d'un grand-maître. On y lit: Robert de Juïliac^ mort le 20 juillet 187 7. Nous nous dirigeâmes ensuite vers une rangée de beaux édifices voûtés et symétriques: c'étaient les casernes. Tout à côté se trouve le Couvent, dans l'intérieur duquel nous pûmes pénétrer. C'est un vaste cloître, renfermant des terrasses et un jardin au milieu. Tout y est si parfaitement intact que les bois de la charpente et les planches semblent neufs. L'hôpital, que nous revîmes en repassant, est de 1484. Sortant par la Porte-d'Amboise, nous fîmes, hors de la troisième et dernière enceinte, le tour complet des remparts. Une des églises des Hospitaliers a été transformée en synagogue; plus loin et en entrant par une maison particulière, nous aperçûmes les ruines d'une autre église assez vaste, les murs offrent encore des armoiries peintes à fresques. »0n voyait encore sur pied, en 1737, dit le père Sébastian© Paoli dans sa chronique, la maison du Grand-Commandeur, les armes de Pierre d'Aubusson étaient bien conservées. La Langue d'Angleterre était placée auprès d'une église d'architecture gothique. On voyait ensuite celle de Pro- vence, avec le blason de France incrusté sur la porte; puis celle de France, dont le fronton était semé de fleurs de lis. On reconnaissait moins les autres «. Il y a plusieurs portes remarquables. L'une est gardée par le bastion de Saint-Jean; "une autre, appelée Saint - Michel, répondait directement au palais des grands-maîtres; celle de Saint- Georges, du côté de la mer, était flanquée d'une tour offrant cette inscription: » Révérend. Dominus frater petrus de Aubusson, Pihodiensiuin equitum magister, lias turres aedificavit ami. MCCCCLXXXriII«. Pierre d'Aubusson ayant, à l'époque du siège, fait raser toutes les maisons de plaisance des environs de Rhodes, fit porter dans la ville l'image mira- culeuse de Notre-Dame, qui avait rendu célèbre l'église de Philerme. Cette image fut ensuite transportée à Malte. Le fort de Saint- Arcangelo, bourg voisin de Rhodes, fut élevé par Jacques de Milli. Orsini fit restaurer les fortifications du château de Catavia. SousHeredia. on l'éléguait au château

350 L'ORDRE DE MALTE.

de Ferraclo on Fando, les chevaliers privés de l'habit. On les transférait aussi à Lango on au château Roux. Le châ- teau de Villeneuve fut trouvé si fort, en 1470, lorsque le vénérable conseil le fit visiter, qu'il parut n'avoir rien à redouter des Turcs. Lango est une île voisine de Rhodes, les chevaliers l'acquirent en 1314, et elle fut d'abord admi- nistrée par la Langue de Provence. Les habitants se révol- tèrent sous Hélion de Villeneuve; on la soumit alors de nouveau par les armes et on lui donna le titre de bailHage. Elle suivit le sort de Rhodes. Le château de Saint-Pierre fut construit en 1399 par Philibert de Naillac. On lisait sur une porte: »Nisi Dommus custodierit, frustra vigilat qui custodit<s.. Parmi les autres îles dépendant de Rhodes, il faut citer Calamo, Castello-Rosso fcédé à la Religion en 1450), Calchi, Scimmie, Mxaria, Limonia (Talos), etc.

Ces notes sont antérieures au tremblement de terre du 12 octobre 1856, qui détruisit bien des monuments respectés par les Turcs et par le temps. Alors étaient encore debout le château des grands-maîtres, et, en face l'ancienne église conventuelle; les anciennes portes de bois avaient résisté à la morsure des siècles; la loggia, les auberges étaient presque intactes, sous les mutilations des architectes turcs: on pouvait suivre encore sur place la ligne des fortifica- tions des chevaliers et leur gigantesque lutte. La tour de Naillac et les travaux du port restent aujourd'hui les seuls témoins du passé; le Castel de Rhodes est écroulé, l'église de Saint-Jean est un monceau de décombres. Un vo^^ageur de 1852, dont l'oeuvre magnifique n'a été publiée qu'en 1862, termine le récit de ce tremblement de terre de 1856 par ces mots: Fuit Fihodus ! Nous voulons parler de Die Insel Bhodus, etc.^ von Albert Berg. Recueillons dans son livre ce qu'il y a consigné de plus particulier à l'Ordre qui nous occupe, pour compléter ce que nous avons déjà dit dans le corps des Annales. La chaîne qui servait à fermer le grand port a été transportée à Constantinople depuis 1843, elle avait 750 pieds de longueur, chacun de ses anneaux étaient ovales et avaient un pied de long. La distance entre la Tour-de-Naillac et le Castel-des-Moulins, c'est-à dire l'entrée du port mesure 700 pieds environ. Ce nom a été donné au dernier (Château-Saint-Jean) par trois moulins à vent qui existent encore sur le môle. Le castel a la forme arrondie. Le Môle-de-Saint-Nicolas, posé sur des rochers, avance de près de cent pieds dans la mer et

APPENDICE. 351

forme à l'est le Port-des-galères. C'est à sa pointe que s'élève le Châteaii-du-Salnt (Saiiit-Elme) bâti par Zacosta avec l'aide du duc de Bourgogne, Philippe-le-Bon, que d'Aubusson défendit si glorieusement, en 1480, Au dessus sont des casemates, des magasins, une citerne, une chapelle ruinée. On trouve encore sur la plateforme beaucoup de canons du temps des chevaliers. Quelques uns portent le millésime de 1482; d'autres celui de 1507, avec les armes de France et celles d'Angleterre; à côté gisent des boulets de métal et de pierre du même temps. Cette partie du château est bien conservée (1852). La tour du milieu, sou- vent ébranlée par les tremblements de terre, a été réparée plusieurs fois par les Turcs. On y voit les armes de l'Ordre, de Philippe-le-Bon et de Zacosta. Le Castel-Saint-Nicolas, qui commande l'entrée du port des galères a 950 pieds de long sur 300 pieds de large. L'entrée du port est au nord et avait alors cinquante pieds de largeur, elle n'a pas plus de dix pieds de profondeur, elle était formée par deux jetées, dont seule celle de l'Ouest subsiste, celle de l'est forme des écueils au fond de la mer. L'enceinte est très- forte; on y trouve encore beaucoup de ces beaux canons de bronze dont se servirent les chevaliers. Ils sont décorés d'emblèmes parmi lesquels on remarque surtout les lis de France, et en particulier sur le fameux basilic de Fran- çois I®^. D'énormes boulets de pierre sont entassés auprès de ces pièces; le terre-plain des murs a 40 pieds de large. La plus belle des portes est celle de Sainte-Catherine, Deux fortes tours avec une couronne de créneaux saillants la défendent du côté de la mer; la porte même est surmontée d'un bas-relief représentant S*® Catherine, S* Pierre et S* Paul, sous un baldaquin, et, au dessous, les armes de l'Ordre, d'Aubusson et l'inscription: -^Bev. JDom. F. Petrus d' Auhussonius Rhodi magnus magister hanc turrem et portas erexit. La Porte-d'Amboise est construite sur le même modèle. Au-dessus du ceintre de la porte, il y a un bas-relief: c'est un ange tenant l'écU d'Amboise qui l'a achevée, avec l'in- scription: yyAmboyse MDXII«. La voûte en est fraîche et spacieuse. Les grandes lignes de la Porte-Saint-Jean sont les mêmes; on y voit un bas-relief en pierre calcaire de très-ancien travail, c'est Jean-Baptiste entre des rameaux, et, au-dessus, sur une plaque de marbre bleuâtre, les armes de l'Ordre et celles d'Aubusson, sans doute ajoutées ulté- rieurement. On voit encore assez près de cet ouvrage, le moulin à vent dont les canons firent tant de mal aux Turcs

352 L'OEDRE DE MALTE.

lors de l'attaque de la section de la Langue d'Espagne. On ne peut plus distinguer la place des brèches, au milieu des éboulements. L'enceinte a environ trois quarts de lieue.

Il y avait deux villes séparées par une muraille, celle des chevaliers ou Castel, et celle des sujets. Quand on entre par la Porte-Sainte-Catherine, on arrive à une place. A gauche était Tliospital des chevaliers, et l'on avait devant soi l'Eglise-de-Sainte-Catherine. La façade de l'hôpital est très-simple: au centre est un pignon avancé, au-dessous duquel se trouve l'entrée: on a, au rez-de-chaussée, trois grandes salles à droite et quatre à gauche. La porte en bois de cyprès est sculptée et ornée. On voit au frontispice les armes de d'Amboise, comme grand-maître et celles de Villiers de l'Isle-Adam comme grand-prieur. Une autre porte montre celles de d'Aubusson. L'intérieur forme une cour carrée, entourée d'un cloître, aux arcades romanes, supportées par de lourds piliers. Les poutres des plafonds sont en saillie et l'on y trouve une masse d'armoiries. Il y avait aussi à côté des salles d'infirmerie, des galeries aérées, pour les convalescents. Le bâtiment est assez étendu ; les galeries intérieures ont bien une longueur circulaire de 350 pieds. C'est en 1335, sous Villeneuve, que cet hôpital fut construit; il fut achevé avec les deniers de la succession, de Fulvian, puis agrandi par d'autres grands-maîtres comme les écussons l'indiquent. Il est à l'angle de la Rue-des- Chevaliers qui coupe en deux la Cité-des-Chevaliers (Castello di Rodi). On trouve dans cette même rue les Auberges de chacune des Langues, que l'on reconnaît aux armes qui y sont appliquées. L'auberge de France est la plus richement ornée à l'extérieur. Elle porte au-dessus de l'entrée les armes de l'Ordre et d'Emeri d'Amboise avec cette inscrip- tion: y> Ob. France. le' gue.prior.Etnery, de.Amboi)s.l492«. Il y a d'autres armoiries au-dessus et à côté de l'entrée: celles de Villiers de l'Isle-Adam, comme gTand - prieur (pillier) avec ces mots: y>Pour Philerme, t511«^ la même sans la croix priem-ale, avec ces mots: »Pour la Mason, 1511«^ une tablette avec ces mots: » Four l'Oratoire, 1511«j les écus- sons du même avec le chapeau de cardinal et de la France sur une plaque de marbre, dans un encadrement gothique de feuillage; on lit au-dessus des armes de France: y>Mont- joie, Saint-Denys, 1495, Voluntas Dei est«, au-dessus d'une entrée latérale, les écussons de l'Ordre, d'Emeri d'Amboise et de Villiers de l'Isle-Adam entre des oriflammes. La façade est couronnée de bastions et de crênaux. A côté est l'auberge

APPENDICE. 353

de la Langue d'Italie: son portail gothique montre les armes de Carretto avec le millésime 1519 et les initiales F. F. (Frater Fabricius). Plus loin est l'auberge de la Langue d'Angleterre. On y voit les armoiries de cette nation. L'ornementation architecturale est, en général, simple et élégante, les portails sont en ogive, les fenêtres carrées, les colonnes bien dessinées et bien proportionnées. Les armoi- ries sont appuyées sur deux bâtons croisés ou sur des feuillages gothiques; au dessus des reliefs la plupart des ceintres sont romans. On sent partout le cachet de la chevalerie, bien plus que l'empreinte monacale. Il est difficile de reconnaître l'usage ancien de beaucoup de bâtiments et du reste l'explosion de x^oi-i-dre de la tour de l'Eglise- Saint-Jean a détruit en grande partie ces édifices. Voici entre bien d'autres armoiries, un écusson curieux d'argent au croissant d'or surmonté d'un soleil, avec cette inscrip- tion: »V.D.F. JOANES OHERINOPVS EREXIT ATQVE COMPLEVIT 1519«.

La E,ue-des-chevaliers aboutit, à son extrémité supérieure, par une haute et large arcade, à une place nue s'élevait une belle Loge; se réunissaient les chevaliers pour aller à l'église ou à des cérémonies solennelles. Il Yij a plus que les socles des piliers. Au delà est le grand-portail d'entrée du Château-des-grands-maîtres. A gauche était l'église conventuelle bâtie par Foulques de Villaret, aussitôt après la conquête de Rhodes, restaurée et agrandie par ses successeurs. C'est ainsi qu'on voit au pied du campanile le millésime de 1509, avec les armes de d'Amboise et de Villiers. Ce clocher dominait la ville et les environs, il fut bom- bardé en 1522. La partie qui subsiste servait de poudrière aux Turcs; la foudre et les tremblements de terre l'avaient déjà ruiné, et, le 6 novembre 1 856, la foudre y mit le feu aux 1500 K. de poudre qui y étaient renfermés: l'église et le clocher s'écroulèrent. L'intérieur de l'église avait la forme des basi- liques, sans abside; il y avait trois vaisseaux de 150 pieds de long sur 52 de large. Quatre colonnes séparaient de chaque côté le vaisseau principal des latéraux; ces pilastres et leurs chapiteaux étaient tous d'un style différent, doriques, corinthiens ou décorés d'écussons. Les poutres des voûtes étaient saillantes; le tout peint en bleu avec des étoiles d'or. Au milieu du parvis principal se trouvait la pierre tumulaire de F. del Caretto, et, au dessus, sa figure en bas-relief, les mains jointes sur la poitrine, ses armes et l'inscription que nous avons consignée aux Annales. Le parvis est couvert de pierres tumulaires dont les iuscriptions

SALLKS : L'OKl>l£K 1>E MAI>TF.. oq

354 L'OEDEE DE MALTE.

sont maintenant indécliiiïrables. Il y avait des vitraux peints avec personnages et armoiries. Le choeur même était flanqué de trois cliapelles voûtées et était partagé aussi en trois par- ties. Les chapelles étaient d'un style différent du reste de l'édi- fice. L'extérieur était sans ornements, les tours finissaient en clochers, les fenêtres latérales étaient petites et sans sculptures. Le choeur recevait la lumière d'une grande fenêtre gothique.

On entrait au Château- des-grands-maitres par la cour d'honneur se trouvent des citernes; à gauche, la porte était flanquée de deux tourelles rondes. A gauche, il y avait d'énormes tours carrées, défendant le château vers l'ouest. En face de l'entrée s'élevait un ensemble de voûtes irrégulières. Sur une colonne, on lit les armes d'Aubusson. A droite, on monte par un escalier à ciel ouvert à une galerie de même, sur laquelle aboutissaient les appartements. Puis, au nord, se dressait une tour, dominant une large terrasse, dont les murs extérieurs descendent jusqu'au fond des fossés. Ici se voient encore les canons qui, en 1480, écrasèrent les Turcs à l'attaque du Fort-Saint-Nicolas et coulèrent leur pont de bateaux. En descendant l'escalier à demi ruiné de la tour, on arrive à des salles voûtées: c'est là, selon Caoursin, qu'on abrita les femmes et les enfants. Sur le front nord les bâtiments sont en partie détruits; on a du mur d'enceinte une vue admirable. Il va de soi qu'on retrouve au château le même luxe d'armoiries qu'ailleurs.

La partie sud de la ville forme un labyrinthe inextri- cable de rues étroites et fétides: les maisons datent presque toutes de temps des chevaliers. C'est que se trouve la Châtellenie (palais de justice); les fenêtres en sont bien dessinées et ornées. On y voit partout les lis; le plus bel ornement est un écusson en relief d'Aubusson, de la seconde période de l'Art gothique. Les deux soutiens mutilés devaient être des anges; un oiseau qui somme l'écu entre des feuil- lages représentait le Saint-Esprit. Ce bâtiment est appuyé au mur d'enceinte du port. Tout près se trouve l'Amirauté, dant le portail est en ogive. On y voit un boucher en forme de galère avec trois pavillons, 2 et 1, et audessus la colombe de l'Arche, les ailes éployés, puis les armes de Pierre de Cardillan. Plus à l'est, on distingue encore quelques arceaux de Notre-Dame-de-la- Victoire, c'est qu'a du être la grande brèche du Mur-des-Juifs, d'Aubusson com- battit avec tant d'héroïsme. L'Eglise-des-Apôtres, au sud de la ville, est devenue la mosquée de Soliman: on y remarque le portique supporté par huit colonnes de marbre.

APPENDICE. 355

puis, cle chaque côté de l'entrée, deux petites colonnes très- omées de trophées composés de casques, de cuirasses, de têtes d'anges entre des feuillages. Un puits à proximité de la mosquée est de même entouré de colonnes du XV® siècle, La mosquée Moustapha fut aussi une église, c'est près de qu'est le sarcophage de Robert de Julliac servant de réservoir à une fontaine. Les boulets de marbre et de pierre que l'on trouve encore aujourd'hui dans toutes les rues sont les témoins irrécusables de la véracité des anciennes chroniques. Dans l'île, on remarque encore, près de Demilia, un château-fort de chevalier; à la tour carrée qui subsiste, sont les armes de d'Amboise en relief. Trois autres tours dont on reconnaît l'emplacement sont démolies. Il existe une localité nommée Villanova, avec château-fort sur un plateau, l'on voit des restes de salles voûtées et d'une chapelle gothique; puis à Kremastô, au bord d'un rocher, une petite chapelle de l'époque des chevaliers. On rencontre enfin Philer- mos (Philerme), dont beaucoup de maisons datent encore de ce temps-là. Elles sont à terrasses et à pignons. Près du cap de Miliano est Lindos, il s'y voit encore un sémaphore de l'Ordre; s'est à Lindos que Villaret brava ses frères révoltés : on y monte au château- fort bien conservé,bâti sur leplateau,par un escalier qui mène à une poterne, puis 50 pas plus loin, à une seconde ou- vrant sur une plate-forme de 120 pas de long sur 30 de large, avec 2 citernes voûtées, creusées dans le roc, et enfin l'on arrive par un circuit de l'escalier à la porte même du manoir, on lit les armes d'Aubusson. La cheminée de la salle au dessus de la grand'porte est intacte: on y voit les lis de France. Les appartements sont voûtés, mais délabrés et encombrés de débris. Près de Mallona était le château de Ferracla dont parle Bosio: c'était la plus importante forte- resse détachée de l'île, destinée à la surveillance des cor- saires : on reconnaît encore la ligne d'enceinte, et les traces d'une chapelle et d'un grand bâtiment. Koskino garde les débris d'un couvent de l'Ordre, au centre d'un système de remparts et de tours ruinés. était la chapelle de Notre- Dame-de-Philerme, dont la statue miraculeuse suivit les chevaliers à Malte. On y voyait peints à fresque le Combat contre le dragon^ et d'autres sujets pieux, tels que la Passion de Notre-Sauveur en sept tableaux, puis les armes d'Aubusson, de Villeneuve, de Cornillon, de du Pin, de Lastic, et celles de l'Ordre. Voilà en quelques lignes ce que nous avons trouvé dans les ouvrages cités sur la Rhodes des chevaliers.

23*

356 L'ORDKE DE MALTE.

XIII.

SYSTÈME MONÉTAIRE À RHODES

sous LA DOMINATION DE l'oEDRE.

Le Ducat ou seqiiin frappé pour la première fois en 1284 et ayant en pendant longtemps une très-grande circu- lation en Orient. Poids légal 3 gr. 557 m. g.

Le Gigliatj monnaie courante d'argent depuis Hélion de Villeneuve. Poids légal, 3 gr, 9 decig.

UAspre (ou demi-gigliat) depuis Hélion de Villeneuve. Poids légal, 1 gr. 961 m. g.

Le Denier^ monnaie de billon (32 au gigliat). Quelques uns sont de cuivre pur.

Le Tiers de gigliat, d'argent, sous Heredia et Naillac.

De Pierre d'Aubusson à la prise de Rhodes, système tout différent de monnaies d'argent. Belles et grandes pièces, ressemblant à des écus.

SYSTÈME MONETAIRE A MALTE

sous LA DOMINATION DE l'oRDRE.

Monnaie d'or 1 sequin, valant 4 écus et 3 taris d'argent 5 écus = 60 taris 10 » =120 » 20 » = 240 » Monnaie d'argent. Cinquin d'argent. 2 cinquins = 1 carlin 2 carlins = 1 tari 12 taris = 1 écu

15 » = y 2 pièce

24 » =2 écus

30 » =1 pièce.

Monnaie de cuivre. 1 petit cuivre ou piccioïo G piccioli = 1 grain (fr. 0.083 m) 5 grains = 1 cinquin 2 cinquins = 1 carlin 2 carlins = 1 tari (fr. O.I6V2) Ces mêmes données peuvent servir à l'appréciation des monnaies nouvelles, après la réforme de Manoël de Villiena.

APPENDICE. 357

XIV.

MÉDAILLES

EN RAPPORT AVEC l'oRDEE DE SAINT- JEAN-DE- JÉRUSALEM.

Médaille de métal blanc, 38 m. m. Avers: eo aloisivs de fontis dei gr

Ecusson mi-parti, pour l'Ordre à droite, la Croix, et à gauclie Fontis, fontaine surmontée de trois étoiles, le tout sommé d'une couronne. Revers: )^ castellar.s.r.hierosol.rodi.iiio.

Médaille de bronze, 56 m. m. Avers : 10. kendal o rhodi o tvrcvpellerivs .

Buste de Jean Kendal, à gauche, portant la croix de l'Ordre. Revers : ^ tempore o obsidionis o tvrohorvm o mccoolxxx.

Armoiries de Kendal, à savoir trois coquillages de sable sur champ d'argent au premier, et, au des- sous, de gueules à trois barres d'or se croisant en losanges, et le chef de l'écu formé par la croix de l'Ordre allongée sur champ de gueules. Médaille de bronze, 38 m. m. Avers : garriel . taddin . berg . eq . hier.o^s.tormen.pr^p.gen.

Buste à droite. Revers: vbi ratio . ibi . eortvna . pfvga.

Quatre canons sur affûts; en exergue : m.c.c.cc.c.xxxviii. Médaille d'argent, 39 m. m. Avers: candore et amore.

Buste du grand-prieur, à gauche et au dessous:

NAT.1701 IN die DECOL . S . 10 . BAPT.

Revers : ioan : bapt . d . g : ord : s : io . hier : svp . mag : per : allem.

S.R.I.PRI.1755 H.L.

Ecusson écartelé avec pavillon d'hermine, cou- ronne fermée, faisceaux de drapeaux et d'armes, et grand' croix de l'Ordre.

Médaille ou jeton du Trésorier d' Outre-Mer. Avers : )J( getovers -^ dv . treser.

Le trésorier, un bourdon à la main, est à genoux devant la croix. Revers: )^ dov ltr eme ir.

Croix ornée avec fleurs de lys aux extrémités, et quatre entre les branches.

358 L'ORDEE DE MALTE.

Pièce de bronze, 28 m. m. Avers : tveca . fvg-atoe.

Un chevalier sur son clieval bardé de fer, armé et levant le glaive. An dessous, à l'exergue 1565. Revers: melita libeeata.

Galère avec une Victoire en poupe.

XV.

PIERRE D'AUBUSSON

a l'empeeeur, poue lui fatre connaîtee les détails du siège et de la dépense de eh0des ^).

An 1480. Grand et séeénissime peince,

Aujourd'hui que le nom chrétien est sorti victorieux de la lutte qu'il a eu à soutenir contre les Infidèles, Votre Majesté lira, sans doute, avec intérêt les détails de tout ce que les Turcs ont entrepris durant le siège de la ville de Rhodes, et de ce que nous avons fait nous-mêmes pour la défendre. Ainsi je m'empresse de vous informer des différentes victoires que nous avons remportées, convaincu que Votre Majesté en éprouvera une grande et véritable joie.

A peine arrivé sous les murs de notre antique cité, les Turcs en examinent avec soin les divers côtés, et bien= tôt ils se proposent de la détruire par un bombardement général. Déjà la ville est entourée de boulets et de mortiers; déjà l'airain a frappé de toutes parts; neuf tours ou bastions sont détruits, le palais des Grand-Maîtres est ébranlé et s'écroule avec fracas. Cependant l'ennemi a cru s'aperce- voir que la forteresse offre quelques parties faibles, et aussitôt il décide d'assiéger la tour du môle Saint-Mcolas, d'oîi il pense se rendre facilement maître de tout le reste.

En effet, cette tour, située à l'extrémité septentrionale du môle, domine le port dont il garde l'entrée; à l'ouest

1) Cette lettre a été francisée dans le Recneil auquel nous rem- pruntons, cela ne lui ôte rien de sa valeur- intrinsèque. Malgré quelques expressions différentes des nôtres, relativement aux ouvrages de Rhodes, il sera facile de reconnaître les points cités dans notre récit.

APPENDICE. 359

se trouve l'oratoire Saint- Antoine qui en est séparé par un détroit d'environ deux cents pas de largueur. Connaissant toute l'importance de ce poste, les Infidèles n'oublient rien pour s'en emparer. D'abord ils établissent sur la chapelle Saint-Antoine trois bombardes d'airain d'une grandeur et d'une force extraordinaires, et de lancent contre la tour Saint-Nicolas des masses de pierre de neuf palmes de cir- conférence. Hélas! cet ouvrage admirable qui paraissait devoir résister à mille attaques, commence à chanceler; des pans de murs se détachent successivement, et, après quelques jours d'efforts continuels, la majeure partie tombe sous trois cent coups de balistes. A la vue de ces ruines, l'ennemi, transporté d'une joie féroce, pousse des cris d'allégresse; mais ces démonstrations sont pour lui un pré- lude de deuil.

Quant à nous, occupés de la défense de ce poste, nous cherchons à réparer autant que possible le dommage qu'il a éprouvé. Bientôt, consternés de son état déplorable, nous l'abandonnons pour soutenir le môle Saint-Nicolas. Mille ouvriers sont employés nuit et jour avec un zèle et une ardeur incroyables à tailler des fossés dans le roc, à élever des parapets aux deux extrémités, au milieu, autour des ruines mêmes, et, par ce moyen, nous parvenons à renfermer, à très-grands frais, le môle et la tour dans une ligne in- expugnable. Une garde, composée de nos plus braves guerriers, est placée par mes ordres au centre, ainsi qu'aux deux pointes de l'orient et de l'occident, qui n'étant fermées que par de simples murailles, dans un endroit la mer étant guéable, pouvaient permettre aux Turcs de passer, et de nous surprendre par derrière. En même temps, je fis disposer sur les remparts de la ville des bombardes qui devaient agir pendant le combat, ainsi que de légers esquifs destinés à lancer du feu sur la flotte ennemie. Cependant les Turcs enhardis par un premier succès, recommencent leur attaque contre la tour en ruines; toutefois, s'imaginant pouvoir l'occuper sans difficulté, ils n'y envoient d'abord que peu de monde. Les vaisseaux qu'ils avaient détachés à cet effet arrivent avant l'aurore et engagent le combat. Les nôtres soutiennent le choc avec valeur, et forcent l'ennemi vaincu à se retirer. Au rapport des transfuges, sept cents Infidèles périrent dans cette affaire. Quelques jours après, ils reparaissent en plus grand nombre, et cette fois, ils emploient tout ce que l'art ou le génie leur inspi- rent pour parvenir à leur fin. Les bombes qu'ils lancent

360 L'ORDRE DE MALTE.

contre nos ouvrages en ébranlent plusieurs, et en renversent quelques autres; mais nous réparons avec une extrême célérité le mal qu'ils causent.

Pour mieux réussir, ils font avancer des trirèmes très- bien équipées, ainsi que différents bateaux de transport, dont une partie était chargée de bombardes et de pierres destinées à armer la tour et le môle qu'ils regardaient comme étant déjà en leur pouvoir et de battre la ville et la détruire.

Dans le même temps, les plus courageux d'entre eux, montés sur des barques, reçoivent l'ordre d'opérer une descente, tandis que d'autres construisent avec un art ad- mirable, un pont qui offre un passage du haut de l'église Saint-Antoine sur le môle. Pour nous, plus convaincus que jamais de l'importance de ce poste, d'où dépend le salut de la cité, nous n'avions cessé, nuit et jour, depuis la pre- mière tentative, de travailler à en augmenter la force, soit en faisant de nouveaux retranchements, soit en y envoyant de nouveaux défenseurs; enfin, nous n'avions épargné ni soins, ni dépenses pour en assurer la conservation.

Cependant le 13 des calendes de juillet, les Turcs, enflammés d'une ardeur toujours croissante, s'avancent au milieu de la nuit dans le plus profond silence, s'approchent de la citadelle, et l'attaquent vigoureusement de tous les côtés à la fois. Nous étions sur le qui-vive et personne ne s'était livré au sommeil. A peine l'ennemi s'est-il présenté, que nos machines lancent sur eux une grêle de pierres; nos balistes et nos frondes les balayent, et nos guerriers, l'épée nue à la main, les repoussent victorieusement. Le combat dure avec un acharnement incroyable jusqu'à dix heures du matin; la plupart des barbares, descendus des trirèmes et des bateaux sur le môle, y sont massacrés; le pont-volant, chargé de Turcs, est abattu, et ceux que le fer a épargnés sont engloutis dans les ondes. Quatre tri- rèmes et les bâtiments qui portaient les projectiles sont également coulés à fond. Enfin le feu est mis à la flotte ottomane qui se voit forcée de s'éloigner. Ainsi les Infidèles, vaincus de toutes parts, commencent la retraite, regrettant la perte de leurs meilleurs officiers, perte qui fut vivement sentie dans leur armée. Des transfuges, amenés après l'affaire, assurèrent que le carnage avait été si terrible parmi les Turcs qu'ils avaient perdu plus de deux mille cinq cents honnnes.

L'ennemi n'espérant plus se rendre maître de la tour Saint-Nicolas, tourne tout son génie et ses forces contre la

APPEA'JJICE 361

ville, dont les remparts, ayant beaucoup souffert des différents assauts, se trouvaient dans un état méconnaissable. Cepen- dant, il choisit pour point d'attaque la partie appelée le quartier des Juifs vers l'orient, et celle qui conduit à la tour d'Italie. Les huit énormes machines sont disposées, et nuit et jour vomissent contre les murs une nuée de masses destructives. Dans le même temps, une foule de bombardes et de mortiers, placés tout autour de la cité, ne cessent d'y répandre la terreur et la mort. Pour diminuer le nombre des victimes de ce désastre, je fais renfermer les enfants, les vieillards et les femmes dans des lieux souterrains et autres endroits à l'abri des machines. Mais les Turcs ont inventé un autre genre de destruction. Des torches enflam- mées et des flèches de feu, lancées par leurs canons et leurs balistes, portent l'incendie dans nos édifices. De notre côté, des hommes aussi braves qu'habiles se chargent d'éteindre ces projectiles au moment même de leur chute et par ce moyen nous épargnons à Rhodes un dommage considérable. Bientôt les barbares tentent de s'en approcher par des chemins cachés et creusent à cet effet des fossés tortueux qu'ils recouvrent en partie de bois et de terre, d'où ils peuvent parvenir secrètement aux pieds de nos murailles. Ils élèvent aussi un grand nombre de redoutes, d'oii leurs flèches, leurs couleuvrines et leurs serpentins portent la mort dans nos rangs. Enfin, imaginant qu'il leur serait avantageux de combler une partie de nos fossés et par s'introduire dans la ville, ils réunissent quantité de pierres qu'ils entassent sous nos remparts. Déjà ils pensent atteindre la hauteur; déjà ils croient pouvoir entrer sans obstacle et achever notre ruine. Témoins de leurs efforts, nous redoublons de vigilance, et, après avoir tout disposé autour de la cité et dans le château, nous volons au secours du quartier menacé. L'ennemi, nous voyant, feint de se retirer, et aussitôt nous travaillons à réparer le mal qui a été fait. Des pieux solides, entrelacés de fascines et soutenus de terre sont enfoncés pour empêcher l'effet des machines et prévenir notre perte, si le mur venait à s'écrouler; nous suppléons aux parapets en construisant des terrasses qui puissent à la fois protéger nos combattants et arrêter les Turcs dans leurs assauts. Enfin, nous préparons des torches artificielles et d'autres moyens que nous croyons propres à repousser les tentatives de l'ennemi. Il restait à enlever les pierres entassées dans les fossés ; mais, comme nous ne pouvions le faire sans être remarqués et harcelés, la mine

362 L'ORDKE DE MALTE.

nous ouvre un passage sous les remparts, et nous permet de rentrer les pierres dans la ville sans être inquiétés. Ce- pendant les Turcs préposés à la garde de leurs ouvrages ne tardent pas à s'apercevoir que le tas diminue, et qu'ils sont sur le point de perdre toute possibilité d'exécuter un assaut de ce côté, s'ils ne le tentent promptement.

Nous avions employé trente-trois jours aux divers pré- paratifs dont je viens de parler, et durant ce temps, envi- ron trois mille cinq cents masses de pierres avaient été lancées contre la ville. Déjà les Infidèles se préparent à une nouvelle attaque qu'ils ne peuvent plus différer, et pendant deux jours, liuit bombardes ne cessent de battre en brêclie cette partie de nos remparts. Bientôt terrasses et retrancliements sont renversés ; nos sentinelles et la plupart de nos guerriers tombent morts ; et il ne reste sur les murs que ceux qui, se cacliant avec précaution, mon- tent ou descendent les échelles au signal que leur donne une clocbe. Ce fut en vain que nous essayâmes d'élever de nouvelles redoutes: les bombardes de l'ennemi ne dis- continuèrent pas un instant de jouer, et elles vomirent plus de trois cents pierres durant ce court intervalle. Les cru- elles machines s'arrêtent enfin, et les Turcs se précipitent à l'assaut le 7 des calendes d'août. L'étendard de Mahomet flotte sur le haut de nos murailles, avant que nos guerriers aient pu monter les échelles. Les Lifidèles occupent égale- ment la tour d'Italie, dont ils poursuivent les défenseurs. Des cris nombreux s'élèvent alors, on se confond, on se bat avec un courage mêlé de désespoir. Tout à coup, nous précipitant à droite et à gauche sur les Ottomans, nous les repoussons valeureusement, et les empêchons de s'étendre davantage. Par mes ordres, les quatre échelles qui offraient une issue dans le quartier des Juifs sont retirées, et tous, nous n'avons plus d'autre désir que de vaincre ou de mourir glorieusement.

Le nombre des Turcs qui occupaient nos remparts était d'abord d'environ deux mille, tous très-bien armés et montrant un courage digne d'un meilleur sort. Bientôt une foule d'antres Infidèles qui couvraient tout le camp, les ruines et les fossés voisins, se joignent aux premiers, et leur nombre, au rapport des transfuges, s'élève à quatre mille. Nos guerriers n'en sont point effrayés ; leur bravoure s'accroît encore, et déjà ils ont précipité dans le quartier des Juifs plus de trois mille barbares, qui sont massacrés à l'instant même. Au même moment, nous plantons devant

APPENDICE. 363

l'ennemi l'étendard de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de notre sainte Religion, et c'est autonr de ce signe sacré que nous combattons pendant deux heures. Enfin les Turcs, vivement pressés, et abattus autant par de nombreuses blessures que par la fatigue et la frayeur, cherchent à se sauver; leur fuite est si précipitée, qu'ils augmentent eux- mêmes leur confusion et leurs pertes. Les nôtres les pour- suivent jusque dans leur camp, et reviennent ensuite sains et saufs. Il périt dans cette attaque environ trois mille cinq cents Iniidèles, dont les cadavres furent trouvés soit dans l'intérieur de la cité, soit sur les remparts ou au bord de la mer. Tous furent brûlés, crainte de la peste, et les dé- pouilles partagées entre nos soldats.

De notre côté, nous perdîmes plusieurs guerriers et baillis que leur ardeur avait poussés plus avant dans la mêlée. Quant à moi, après avoir placé une forte garde sur les murs, je retourne au palais avec mes frères d'armes dont la plupart étaient blessés, et tous, nous nous empres- sons de rendre grâces à Dieu qui, par son puissant secours, avait seul pu nous préserver d'une perte certaine, en ne permettant pas qu'un peuple chrétien tombât sous la domi- nation des sectaires de Mahomet.

Nous avons appris depuis, que les Turcs, persuadés que bientôt la ville serait en leur pouvoir, avaient déjà préparé des cordes pour lier les captifs, et un grand nom- bre de poteaux pour les y attacher vifs. En effet, ils avaient décidé de faire périr par ce genre de supplice tous les habitants, hommes et femmes, de l'âge au-dessus de dix ans, de conduire les enfants en esclavage et de les forcer à renoncer à la foi ; enfin, de ne plus laisser aucune trace de notre sainte religion dans une ville qui désormais devait leur appartenu-. Mais, trompés dans leur horrible calcul, eux-mêmes ont été égorgés comme de vils trou- peaux. On porte à neuf mille le nombre de ceux qui péri- rent, soit par l'effet de nos machines, soit dans les diffé- rents combats qui furent livrés, ainsi que dans les sorties que nous fîmes, tant j^our les empêcher d'approcher, que pour les forcer à évacuer les fossés, on à nous procurer les choses qui étaient nécessaires à la cité. Il 3^ eut aussi une foule considérable de blessés, parmi lesquels on cite plusieurs capitaines : l'Allemand Balfe et un gendre du Sultan sont morts depuis.

Après ce combat meurtrier, les Turcs, ayant détruit leurs retranchements , allèrent camper au delà de la

364 L'ORDEE DE MALTE.

première pierre, et ils employèrent quelques jours à embarquer leurs équipements, leurs machines et leurs muni- tions; enfin, après qu'une partie d'entre eux eut mis à la voile pour la Lycie, le reste quitta le rivage de Rhodes pour cingler vers leur capitale antique. C'est ainsi qu'ils se retirèrent, chargés de honte et d'ignominie.

Que le Dieu tout-puissant ait Votre Majesté Impériale dans sa sainte et digne garde.

Donné à Ehodes. le 13^ jour de septembre, l'an de Notre Seigneur 1480.

De Votre Majesté les humbles serviteurs,

PrEEEE d'Aubussox

Maître des Hospitaliers, et son Conseil.

XVI.

PHILIPPE DE VILLIERS DE LISLE-ADAM

AU EOI EEAXÇOIS l" .

»Sire, despuys la partence du navire qu'a pourté voz saireSj le Turcq a mandé ici ung sien poste avec ses lectres escriptes à Belgrade le du passé, par lesquelles soubz coulleur d'amj'tié nous advise qu'il a prins par force le dit Belgrade, Lambas et Xemini, et tous ceulx qui se sont trouvez dedans faict passer par l'espée. Dit aussi qu aultres cinq places se sont rendues à luy, le peuple desquelles a envoyé esclave à Constantinoble, et ic elles places bruslées et ruynées. Encores dit qu'il a esté trois mois en Ongrie, en une province nommée Servein, en laquelle n'a trouvé aucune résistance, pour combattre contre le roy d'Ongrie, comme estoit son désir, et pour ce que l'yver s'aprouchoit, dit retoumoit à son siège.

»Sire, despuys qu'il est Grand Turcq, ceste-cy est la première lectre, qu'il a envoyé à Rhodes, laquelle n'accep- tons pour signiffiance d'amytié, mais plustôt pour une menasse couverte; et nous donne pensement qu'aj^ons à demeurer tousjours mieulx pourveuz, ce que ferons tant que nous sera possible, aifiu que s'il a malvaise volunté

APPENDICE. 365

contre nous, nous treuve en ordre pour nous bien deffendre, moyennent, Sire, vostre bonne aide. De ce que surviendra tousjours vous en advertira}'' comme cellu^^ en qui est toute nostre espérance.

»Sire, je prie le Créateur vous donner très-bonne vie longue et le comble de vos aulz et excellens désirs. De nostre ville de Ehodes, le XXVIIP jour d'octobre (MDXXIi. Vostre très-humble et obéissant subject et serviteur, le maistre de Rhodes.

Philipp de Villiees de l'Yle-Adam«.

XVII.

PHILIPPE DE VILLIEES DE L'ISLE-ADAM

A SON NEVEU ANNE DE MONTMORENCY ^).

»Mon nepveu ^j, par deux brigantins nostres et gens exprez ay donné notice an roy de l'armée du l'urcq, qui dès le XXVI® de juing dernier nous tient assiégez, en- semble de la manière dont il nous a tractez et de la dis- posicion en quoy nous trouvions fins alors, et à vous par- ticuUierement, vous priant eussiez cette religion pour bien recommandée envers ledit seigneur, son plaisir fust nous aider et secourir. Despuys fins à présent avons soultenu neuf assaultz et tousjours avec l'ayde N. S. repoulsé noz ennemiz avec grosse perte de leurs gens. Les plus gros efforts qu'ils aient faicts contre nous, outre les grosses batteries d'artillerie et mortiers, ont esté mynes ; en façon que fins à présent en ont faict jusques au pied de noz murailhes plus de cinquante desquelles en y a eu dix à qui ilz ont donné feu, non obstant noz contremines, qui grâces à Dieu, n'ont pab faict grande ruyne de noz mu- railhes. Les aultres ont es  descouvertes, rompues et brus- lées avec beaucoup de leurs gens, desquelz la fleure est

') Anne de Montmorency ('1492—1567), maréchal de France (1522), connétable (1538), duc (1551).

2) Nous avons reproduit le style, en conservant la vieille ortho- graphe.

366 L'ORDRE DE MALTE.

icy demeurée, tant aux assaultz que tuez de nostre artil- herie et mortz de malladies qui ont régné en leur camp, et sommes advertiz par genz fouiz de l'armée qu'ils ont perdu icy plus de cinquante mille hommes des meilleurs qu'ils eussent. A présent n'y vo^^'ons pas grans gens de sorte, et, peu de secours qui vint nous donner sur eulx, seroient tantost tous desconfiz, car leur camp et armée sont desbarates et mal conditionez. Ils continuent tousjours leur entreprinse, et comme ils monstrent, ont délibéré de- meurer icy cest yver. Et à ceste cause, nous trouvant à présent en grosse destresse, privez d'une partie de nos deffences, ne voyant aulcune apparence de nostre secours, sommes contraintz envoyer derechef devers le roy principal protecteur de la foy et nostre fundateur et bienfacteur, luy suppliant très humblement, si jusques ici ne nous a mandé secourir, son plaisir soit le vouloir ; car s'il n'y mect la main, je ne voy moyen pouvoir résister à si grande puis- sance. Toute nostre espérance est audit Seigneur et sans son ayde sommes en évident péril.

»Mon nepveu, ces jours passez par vie de Candie, ay receu une vostre lectre escripte à Venise le XXYP de juing passé, et par icelle veu le bon vouloir pourtez à ceste nostre religion et le désir avez nous secourir. Je vous prie mon nepveu veulhez persévérer et avoir tousjours ceste religion pour recommandée envers le roy, speciallement en ceste affaire tant important, ainsi qu'en vous ai ferme confiance. An demourant mon nepveu je vous advise que je n'ay pas eu la guerre seullemeut avec les Turcqs, mais avec l'ung des plus grants de nostre conseil, lequel par envie et ambicion de dominer, dès longtemps avait conspire faire venir le Turcq et promis lui rendre cette cité. Le cas a esté divinement manifesté et avéré, et il a esté exe- quté comme plus à plain serez informé par nostre chevalier frère Méry de Ruyaulx, porteur de la présente, à qui vous plaira donner créance, qui sera fin de lettre, après m'estre recommandé à vostre bonne grâce. Priant le créateur vous donner entièrement ce que desirez.

De Ehodes, le XIIP novembre MDXXII. Vostre bon oncle et amy, le maistre de Rhodes. *

Philipp Villiers de l'Yle-Adam«.

APPENDICE. 367

xvin. SOLIMAN AU SÉNAT DE VENISE.

»Sultaii Soliman Sacli per la Iddio gratia imperatore grandissimo di Coustautinopoli et imperatore délie due Asia et Europa, e di Persia, e d'Arabia, e di Soria, e délia Mecha, e di Gierusalem, e di tutta la terra di Egitto. e di

tutta la terra maritima signore e imperatore, etc Allô

illnsf^^ e honor^'' doge délia ill^^ signoria di Veiietia, a M. Antonio Grimani, con la degna e conveniente saluta- tione e col conveniente amore, mandiamo alla V. illustra.

»Sappiate corne alli gioni passati é mosso il mio im- perio in viaggio, civé contra Eodi, per dominarla, e la causa è per li malfattori e corsari e tristi liuomini clie liaveva e salvava e habitava proprio là; e ogni giorno operavano molti latrocinii e tristitiè aile navilii e musulmani. E per questo il nostro imperio and 6 et assediô quelloi, e le bavenna date battaglie terribilissime, e voltassimo li suoi fundamenti solto sopra ; e havemo ruinati e amazzati molti di essi; e vedendo clie gli tottevano per forza di sjjada, ne banno fato deditione essi, e ne banno consegnato la terra con tutto la isola, e similmente tutte le isole clie havevano, con conditione cbe 1 gran maestro e tutti li suoi frieri possino andar dove lor place con la lor familia e facultà.

»Per tanto per baver buona amicitia con la V. illustrità, mandiamo il présente nostro scbiavo Cbassembei credenzier, per notificarvi délia salute mia e del nostro valere. Scritta in corte délia nostra impériale autorità. nella terra di Rodi alli XXIX di dicembre MDXXII«.

XIX.

PHILIPPE VILLIEPvS DE L*ISLE-ADAM

A SOX NE^TEU ANNE DE MONTMORENCY.

»Mon nepveu, plusieurs foys vous a}^ escript du grand Turcq qui nous tenoit assiégez en personne dès le XXVP

368 L'OEDRE DE MALTE.

de juing dernier passé. Lequel voyant ne nous pouvoit prendre par bateries d'artillierie, mynes ne ausaulx, à la pariin, levé qu'il nous a eu les deffences d'ung grand Cartier de la ville, est venu picquer et abattre la murailhe en laquelle a faict une grande bresclie, par laquelle trente ou quarante hommes à cheval pouvoient entrer de front, et par icelle avec trenchées couvertes est entré plus de cent cinquante par dedans la ville, non obstant deux con- tremurailhes et repaires avons faict à l'encontre, a de- meuré main à main avecques nous l'espace de trente six jours ou environ. Et voyant consommer ses gens, desquelz desja avoit perdu plus de quatre vingtz mille, que tuez que mortz de malladie, craignant venir aux mains avecques nous, qui moyennant l'aide de Dieu en tous ces assaulx avons repoulsé, considérant les victoires consister en la volunté divine et non en la puyssance et multitude des hommes, nous a faict dire, si luy voulions rendre la ville, nous lairoit aller bagues sauves, et à ceux qui vouldroient demeurer, feroit bonne companie, francz de tous tributz l'espace de cinq ans, sans jamais prendre de leurs enfants pour faire génissaires, comme faict es autres parties de la Grèce à luy subjectes. Ce que plusieurs jours avons différé ; à la parfin voyons qu'il nous estoit impossible pouvoir plus résister, veu que n'avions plus de pouldres, muni- tions et gens de faict, desmiz d'espérance de secours, le- quel tant de foys avons demandé, ayans compassion de tant de menu peuple estant en nostre jurisdicion que avoit de passer par l'espée ou regnier la foi par contrainte, avons accepté le dit party lequel est procédé de grâce divine, veu l'avantage que nostre ennemy avoit sur nous, et les dommages et despences avoit souffert au siège, durant lequel n'avons eu ayde ne secours d'autre que de Dieu seulement. »Mon nepveu, cejour de Nohel ledit grand Turcq entra dans la ville, et le premier jour de l'an avons faict voyle noz navires désarmez, et après avoir passé en mer plusieurs fortunes, sommes arrivez tous esparz en ceste isle de Candie. Miz qu'ayons en ordre noz navires, irons devers nostre sainct père et le roy pour accomplir ce qu'il leur plaira disposer de nostre religion pour service de la foy chrestienne. J'en escriptz au roy; je vous prie, mon nepveu, avoir tous- jours nostre religion pour recommandée envers le dict seigneur, qui sera fin de la présente, après m'estre recom- mandé à vostre bonne grâce, priant le Créateur vous donner le comble de vos désirs.

APPENDICE. 369

»Escript à Castel de Candie, le VII de février, Vostre bon oncle et anw, le maistre de l'Ospital Sainct- Jehan de Hiernsalem.

P. DE VlLLIEES L'YlE-AdAM.«

XX.

DONATION DE L'ILE DE MALTE

PAE l'empeeeue chaeles-quint ^).

Nous, Charles V, par la clémence divine, empereur des Romains, toujours auguste, Jeanne sa mère, et le même Charles, par la grâce de Dieu roi de Castille, d'Aragon, de l'une et de l'autre Sicile, de Jérusalem, de Léon, de Navarre, de Grenade, de Tolède, de Valence, d.e Galice, de Majorque, de Séville, de Sardaigne, de Cordoue, de Corse, de Minorque, de Géen, des Algarbes, d'Alger, de Gibraltar, des îles Ca- naries et des îles des Indes, de la terre ferme et de l'Océan; archiduc d'Autriche; duc de Bourgogne, deBrabant, etc., etc., duc d'Athènes et de Neopatria; comte de Eoussillon et de Ceritania; marquis d'Oripono et de Gocciano; salut et amitié aux nobles chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem.

Pour réparer et rétablir le couvent, l'Ordre et la reli- gion de l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, et afin que le très-vénérable grand-maître de l'Ordre, et nos bien-aimés fils les prieurs, baillis, commandeurs et chevaliers dudit Ordre, lesquels, depuis la perte de Rhodes, d'où ils ont été chassés par la violence des Turcs, après un terrible siège, puissent trouver une demeure fixe, après avoir été errants pendant plusieurs années, et qu'ils puissent faire en repos les fonctions de leur religion pour l'avantage général de la république chrétienne, et employer leurs forces et leurs armes contre les perfides ennemis de la sainte foi; par l'affection particulière que nous avons pour le dit Ordre, nous avons volontairement résolu de leur donner un lieu ils puissent trouver une demeure fixe, et ne soient plus obligés d'errer d'un côté ou d'autre.

Ainsi par la teneur et en vertu des présentes lettres, de notre certaine science, autorité royale, après de mûres

') Vertot, oj). cit. L'acte original en latin est exposé dans la galerie des armures du Palais-des-Grands-Maîtres à La Valette, à côté de la trompette qui sonna leur départ de Rhodes.

SALLES : L'ORDRE DE MALTE. OA

370 ' L'OEDEE DE MAiTE.

réflexions et de notre propre mouvement, tant pour nous que pour nos successeurs et héritiers dans nos royaumes, à perpétuité, nous avons cédé, et volontairement donné audit très-révérend grand-maître dudit Ordre, et à ladite religion de Saint-Jean de Jérusalem, comme fief noble, libre et franc, les châteaux, places et îles de Tripoli, Malte, Goze, avec tous leurs territoires et juridictions, haute et moyenne justice, et tous droits de propriété, seigneurie, et pouvoir de faire exercer la souveraine justice, et droit de vie ou de mort, tant sur les hommes que sur les femmes qui y habitent ou qui y habiteront ci-après, à perpétuité, de quelque ordre, quelque qualité et condition qu'ils puissent être, avec toutes autres raisons, appartenances, exemptions, privilèges, rentes et autres droits et immunités.

A la charge, pourtant, qu'à l'avenir ils les tiendront comme fiefs de nous, en qualité de roi des Deux-Siciles, et de nos successeurs dans ledit royaume, tant qu'il y en aura, sans être obligés à autre chose qu'à donner tous les ans, au jour de la Toussaint, un faucon, qu'ils seront obligés de mettre entre les mains du vice- roi ou président qui gouvernera alors ledit royaume, par des personnes qu'ils enverront avec de bonnes procurations de leur part, en signe qu'ils reconnaissent tenir de nous en fief lesdites îles. Moyennant quoi, ils demeureront exempts de tout autre ser- vice de guerre, ou autres choses que les vassaux doivent à leurs seigneurs. A la charge aussi qu'à chaque change- ment de règne, ils seront obligés d'envoyer des ambassa- deurs à celui qui aura succédé, pour lui demander et rece- voir de lui l'investiture desdites îles, selon que l'on a accou- tumé d'en user en tels cas.

Celui qui sera alors grand-maître s'obligera aussi, tant pour lui qu'au nom de tout l'Ordre, lors de l'investiture, de promettre par serment qu'ils ne souffriront pas que dans lesdites villes, châteaux, places et îles, il soit jamais fait tort, ni préjudice, ni injure à nous, à nos états, royaumes et seigneuries, ni à nos sujets, ni à nos successeurs après nous, par mer ni par terre; qu'au contraire, ils seront obligés de leur donner secours contre ceux qui leur feraient ou leur voudraient faire du tort. Que s'il arrivait qu'aucuns de nos sujets de nos royaumes de Sicile allassent se réfugier dans quel- qu'une desdits îles inféodées, ils seront obligés, à la pre- mière réquisition qui leur en sera faite par le vice-roi, président ou premier officier de justice dudit royaume, de chasser lesdits fugitifs, à l'exception pourtant de ceux qui

APPENDICE. 371

seront coupables de crime de lèse-majesté ou d'hérésie, voulant, quant à ceux-là, qu'ils soient pris à la réquisition du vice-roi, et remis entre ses mains.

De plus nous voulons que le droit de patronage de l'évéché de Malte demeure, au même état qu'il estaujourd'liui, à perpétuité, à nos successeurs dans ledit royaume de Sicile. De sorte qu'après la mort de notre révérend con- seiller Baltassar Walktirk, chancelier de l'Empire, qui a été dernièrement nommé par nous audit évéché, ou en autre cas de vacance à l'avenir, le grand-maître et le couvent dudit Ordre sera obligé de nommer au vice-roi alors de Sicile, trois hommes capables et dignes d'un tel caractère, desquels, un pour le moins sera pris de nos sujets ou de nos successeurs, et desquels trois, nous, et nos succes- seurs après nous, serons obligés d'en choisir un, lequel, après avoir été choisi, nommé et mis en possession dudit évéché, le grand-maître d'alors sera obligé de le faire grand- croix et de l'admettre dans tous les conseils, comme les prieurs et les baillis.

Que l'amiral de la religion sera de la langue et nation italienne, et qu'en son absence, celui qui commandera eu sa place sera de la même langue et nation, ou pour le moins capable de cet emploi, sans être suspect à personne. Que tous les articles précédents seront convertis en lois et statuts perpétuels dans ledit Ordre, en la manière accoutumée, avec l'approbation et confirmation du pape et du Saint-Siège; que le grand-maître de l'Ordre, aujourd'hui vivant, et ses successeurs à l'avenir, seront obligés à jurer solennellement l'observation exacte des susdits articles, qui seront gardés à perj^étuité dans ledit Ordre.

Que s'il arrivait (ce que Dieu veuille!) que ladite reli- gion vînt à recouvrer l'île de Rhodes, et que, pour cette raison ou autre, elle fut obligée de quitter ces îles et places pour s'établir ailleurs, ils ne pourront transférer ou aliéner lesdites îles et places en faveur de qui que ce soit, sans le consentement exprès et la permission du seigneur de qui ils les tiennent en fief; et au cas qu'ils le fissent sans son consentement, lesdites îles et places retomberont en notre puissance ou en celle de nos successeurs. Que ladite reli- gion pourra se servir pendant trois ans de l'artillerie et munitions qui sont présentement dans le château de Tripoli, à la charge qu'elle en fera un inventaire, et déclarera ne les tenir que pour la défense de cette place et par prêt, et s'obligera de les rendre après lesdits trois ans, à moins que

24*

372 L'ORDRE DE MALTE.

par notre bon plaisir et grâce spéciale, nous ne trouvions à propos de leur en prolonger la jouissance.

Finalement, que les dons et grâces que nous pouvons avoir accordés à quelques personnes particulières des dits lieux, à temps ou à perpétuité en fief, comme une récom- pense de quelque service rendu, ou pour quelqu'autre con- sidération, demeureront fermes et inviolables jusqu'à ce que le grand-maître et l'Ordre en jugeront autrement, et alors ils seront obligés de donner l'équivalent en autres, choses aux légitimes possesseurs. Et afin d'éviter toutes contestations en des cas semblables, nous voulons qu'il soit choisi deux arbitres, l'un par notre vice-roi de Sicile et l'autre par le grand-maître, lesquels auront plein pouvoir de juger les différends après avoir ouï les parties; et en cas que lësdits arbitres ne puissent convenir entre eux, que les parties conviendront d'un tiers pour l'entière décision du différend, et que, jusqu'à la décision finale, les posses- seurs desdits dons, rentes, dignités et honneurs en jouiront paisiblement.

Sous les conditions ci-dessus expliquées et spécifiées, et non autrement, chacune en particulier et toutes en général, nous cédons et donnons en fief lesdites îles et places auxdits grand-maître et Ordre, en la manière la plus utile et la plus entière que l'on pourrait imaginer, et vou- lons qu'elles demeurent en leur pouvoir, pour en jouir, les posséder, tenir, y exercer tous droits seigneuriaux, sans y être troublés, à perpétuité. Et ainsi, nous donnons, cédons et remettons auxdits grand-maître. Ordre et religion, sous lesdites conditions, toutes les raisons, noms, actions réelles et personnelles, en la manière que nous les avons possédés jusqu'à présent, sans aucune opposition; voulons enfin qu'ils puissent faire valoir les raisons et droits que nous leur cédons, en toutes causes, tant en demandant dedans et dehors jugement en la même manière que nous l'avons fait, les mettant entièrement en notre lieu et place, sans aucune autre réservation, pour nous ni nos successeurs, que le seul droit de fief.

Pour cet effet nous ordonnons par ces présentes, et commandons, en vertu de notre autorité, à toute sorte de personnes de l'un et l'autre sexe, de quelque qualité et condition qu'elles soient, qui sont habitants desdites villes, îles, châteaux, ou qui y habiteront ci-après, de reconnaître ledit grand-maître, religion ou Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, pour leur seigneur utile et feudataire, légitime

APPENDICE. 373

possessenr desdites îles, villes et châteaux, et qu'en cette qualité ils lui rendent l'obéissance que de fidèles vassaux sont obligés de rendre à leurs seigneurs, comme aussi l'hommage et le serment de fidélité pratiqué en semblables occasions. Ainsi, dès le moment qu'ils leur auront prêté le serment de fidélité, nous les tenons quittes de tout autre serment qu'ils nous peuvent avoir fait, et par lequels ils demeureraient obligés envers nous, ou nos successem-s au royaume de Sicile ajjrès nous, hors le serment de fidélité qui nous est par les feudataires.

A ces causes, nous déclarons au très-illustre prince d'Autriche, notre très-cher fils aine, qui doit, si Dieu le permet, être notre successeur et héritier de tous nos royaumes après notre mort, que Dieu veuille renvoyer bien loin, nous lui déclarons, en lui donnant notre bénédiction paternelle, que telle est notre véritable intention. Nous ordonnons de plus et commandons, en vertu de notre puissance et autorité, à tous nos illustres, magnifiques, fidèles et aimés conseillers, le vice-roi et capitaine-général de la Sicile Ultérieure, au grand-justicier et à son lieutenant, à tous juges de notre cour royale, maîtres de comptes, intendants de nos bâtiments, trésorier-conservateur de notre patrimoine royal, procureur fiscal, à tous gouverneurs de places, commis aux ports, secrétaires, et généralement à tous nos autres officiers et sujets dans notre dit royaume, et particulièrement des îles susdites, et de la ville et château de Tripoli, présents et à venir, qu'ils aient à obéir à notre présente libre donation et concession, en tous ses chefs, à peine d'encourir notre disgrâce, et d'être condamnés à l'amende de 10.000 onces d'argent applicables à notre trésor.

De plus, nous donnons pouvoir à notre vice-roi d'aller lui-même en personne sur les lieux, ou d'y envoyer un ou plusieurs commissaires, qu'il trouvera bon de nommer en notre autorité, en vertLl des présentes, pour l'exécution de tout le contenu en elles, et faire tout ce qui sera nécessaire en faveur desdits grand-maître et Ordre, pour les mettre en possession réelle de tout ce que dessus, lui donnant, pour cet effet, tout pouvoir nécessaire en telles occasions, de laisser la place vide, et de la céder incontinent et sans délai auxdits grand-maître et Ordre, ou à leurs procureurs, et après les en avoir mis en possession, de les y maintenir et protéger, et leur faire rendre compte de tous fruits, revenus, rentes, gabelles, et de tous autres droits que nous lem^ avons cédés et donnés en la manière susdite en fief perpétuel.

374 L'ORDRE DE MALTE.

Et pour mieux faciliter l'exécution de toutes ces choses, nous déclarons que nous dérogeons, en tant que de besoin, à tous défauts de formalités, nullités, omissions qui se pour- raient trouver dans les présentes, et voulons qu'elles soient exécutées nonobstant toutes oppositions que l'on y pourrait faire, auxquelles nous dérogeons en vertu de notre pleine puissance et autorité royale. En foi et témoignage de quoi nous avons fait expédier les présentes, scellées du sceau ordinaire de notre royaume de la Basse-Sicile.

Donné à Castel-France, le 24 mars, indication III, l'an de notre Seigneur 1530; l'an 10 de notre empire; le 27® de nos royaumes de Castille, de Léon et de Grenade; de Navarre, le 16® et de tous nos autres royaumes le 15®.

signé: Charles.

XXI.

L'ILE DE MALTE

AU TEMPS DES CHEVALIERS ^).

Cette île, qui a au levant la Méditerranée, au nord la Sicile, au midi le royaume de Tunis, et au couchant les îles de Dantalerci, Linose et Lampanose, a à peu près soixante milles de circuit, vingt de long et treize dans la plus grande largeur; elle est située sous le 33® degré de longitude, et le 35® 54 minutes 26 secondes de latitude. Le thermomètre de Réaumur y est ordinairement au dessous de 25 degrés pendant l'été, et rarement au dessus de 28. On a prétendu que Malte fut jadis l'Oggie d'Homère, habitée par la nymphe Calypso, mais l'autorité de Newton donne à penser que c'était plutôt Cadiz. Son, nom vient de Malath ou Melath (asile ou refuge). Les Grecs l'appelèrent Mélite à cause de son excellent miel, dénomination que les Romains lui conservèrent en l'honneur de la déesse Mélite; les Arabes corrompirent ce nom en celui de Malte. Située dans un golfe du côté de la Sicile, la ville de Malte, capitale de l'île, est composée de trois parties: la ville, le bourg et l'île de Saint-Michel. Le lieu principal était autrefois la cité vieille ou notable, bâtie, dit-on, par les Phéniciens ou les Car- thaginois, et les Grands-Maîtres avaient aussi un palais.

^) Miége, etc., o}). cit.

APPENDICE. 375

Le grand port, appelé la Mur sa (mouillage en arabe) est à peu près au sud de la ville capitale, et défendu par différents forts d'une vaste étendue; il est divisé en deux parties par une presqu'île, sur laquelle se trouve le fort Saint- Ange; son entrée est terminée à l'ouest par une langue de terre montueuse appelée Sceb ou Sceb-elas, Gebel-el- Ras, ou la Guardia (en arabe, lieu élevé au dessus des autres). Sur cette colline est assise la ville de La Valette; l'intérieure du port offre une espèce d'amphithéâtre, com- posé du faubourg La Valette, de trois forteresses, de bastions et de cinq baies propres à contenir en toute sûreté un grand nombre de vaisseaux.

Au nord de la ville est le fort Saint-Elme, qui s'élève au dessus des remparts, et la protège doublement du côté de la mer; c'est dans ce fort qu'est placé le phare ou fanal destiné à éclairer et à guider les vaisseaux pendant la nuit. Au sud et au sud-est sont deux cavaliers qui dominent la campagne, et qui sont, aussi bien que les bastions qui entourent la ville, garnis de la plus belle et de la plus nombreuse artillerie. Vers l'ouest est le fort Manoël, dont Tartillerie plonge dans la direction précise du fort; ce fort est précisément placé sur la pointe le fameux corsaire Dragut fut tué lors du siège de Malte. A la pointe orien- tale du grand port est le fort Ricazoli, qu'un Bailli de ce nom avait faite construire; cet ouvrage d'une grande étendue, présente de ce côté la même défense que le fort Saint-Elme, sur la pointe opposée. Au delà du port qui baigne La Valette au sud-est et au sud, sont les châteaux de Saint- Michel, Sainte-Marguerite ^t Saint- Ange; ces trois forts sont couverts, dans la partie opposée à La Valette, par une fortification immense qui les enveloppe, et qui porte le nom de J. M. Nicolas Cotoner, qui l'a fait construire, en 1675. Outre ces forteresses, les ouvrages extérieurs de La Valette, taillés dans le roc vif, aussi bien que ses fossés de vingt et trente pieds de profondeui-, sont innombrables et passent pour des chefs-d'oeuvre; ils attestent le talent des ingénieurs La Fontaine et Laparelli qui, sur les dessins et sous la direction du chevalier de Folard, dirigèrent les travaux par lesquels La Valette est devenue une des meilleures places fortes du monde, et le boulevard le plus sûr de la Médi- terranée. En suivant la côte à l'ouest de la ville, on arrive au port Saint-Julien, qui ne peut recevoir que de petits bâtiments. Après ce port vient celui de Saint-Georges, de la même grandeur: tous ces points, une descente peut

376 L'ORDRE DE MALTE.

s'effectuer, sont défendus par des tours. En suivant la côte de l'ouest, on arrive au port Saint-Paul, la tradition assigne le naufrage de l'apôtre. Ce port est assez profond, et peut offrir un asile à des bâtiments de guerre; mais il est battu par les vents du nord-est, ce qui le rend très- dangereux. Au sud-est ou trouve le port de Marsa-Scirocco, capable de recevoir des vaisseaux de guerre, et défendu par le beau cliâteau de Saint-Lucien et par différentes redoutes.

En revenant de ce port à celui de La Valette, on ren- . contre le port de Marsa Scàla^ couvert par le fort Saint- Thomas. Outre ces différents forts, la côte de Malte est, dans la totalité de son enceinte, garnie de tours qui, n'ayant qu'une pièce d'artillerie, ne pourraient guère agir que contre de très-petits bâtiments, mais elles servent de corps-de- garde aux vétérans qui y veillent, et peuvent, par des signaux télégrapliiques qu'elles répètent, donner dans dix minutes l'avis d'un bâtiment suspect, ou d'une tentative quelconque.

L'aspect de La Valette est en général riant et agréable, et sa position, sur une montagne qui la sépare de deux principaux ports de l'île, en rend la perspective majestueuse et imposante; on y compte trois portes principales, la Royale, la Marine et la Marsa-Muscet; vingt rues la traversent, huit en long et douze dans sa largeur; elles sont toutes alignées, spacieuses, garnies de trottoirs, et parées d'une pierre très-dure appelée zoncol] mais les maisons sont bâties en pierre de Malte, dont l'extrême blancheur augmente l'effet des rayons de soleil: aussi la réverbération de la lumière, la chaleur et la poussière déliée affectent- elles souvent la vue. Vers le levant sont les boulevards Saint- Pierre et Saint-Paul, la courtine de Sainte-Barbe, le bastion de Saint- Christophe et de Saint-Lazare. Du côté opposé étaient les boulevards de Saint-Michel, de Saint- Sauveur, de Saint- André et de Saint-Sébastien; au front de la ville ceux de Saint- Jean et de Saint- Jacques; à côté de la porte Saint-Georges (ou Royale), du côté de la mer, se trouvaient les chevaliers de Provence et d'Auvergne. En assignant un longement à chaque langue ou auberge, on lui réserva aussi un poste dont la défense lui était particulièrement confiée, ainsi, la langue de Provence était chargée du boule- vard de Saint- Jean et de son oavalier; celle d'AuA^ergne, du boulevard Saint-Michel; de France, du boulevard Saint- Jacques et de son cavalier; d'Italie, du boulevard Saint- Pierre et Saint-Paul; d'Aragon, du boulevard Saint- André;

APPENDICE. 377

fVAugleterre, de la plate-forme Saiiit-Lazare: d'Allemague, du boulevard Saint-Sébastien: de Castille, du boulevard Sainte-Barbe.

» Jean de La Valette fit tailler ces fortitications creuses en mortier et garnir d'une artillerie redoutable le rocher sur lequel il fonda sa ville; 5000 canons hérissent ce roc imprenable; GOOO hommes sont prêts à le défendre au pre- mier signal, et l'île peut fournir d'ailleurs dans l'instant 30.000 hommes en état de porter les armes. Avec des munitions pour deux ans d'un siège possible, avec un port inabordable et l'élite de la plus brave noblesse de l'Europe, on sent que Malte fécrivait en 1784, le vo^^ageur plein de sagacité dont nous empruntons les pa<roles) ne peut guère changer de maître, à moins d'un bouleversement intérieur dont on ne peut imaginer la cause. La sédition de 1776, ajoutait-il, a éclairé les chevaliers sur le danger d'une sur- prise, et redoublé leur vigilance.»

La population de La Valette renferme vingt-quatre mille habitants; la cité Victorieuse ou le bourg, quatre mille; Burmola, neuf mille, et La Sengie, six mille; total quarante-trois mille, enclavés pour ainsi dire dans les mêmes fortifications. En face de la cité La Valette est le faubourg connu sous le nom de cité La Sengie, parce que le grand maître Claude de La Sengie l'augmenta et le fortifia: le foubourg bâti sous le magistère de don Manoël de Vilhena s'appelle bourg Vilhena. Ce prince y fit construh'e deux maisons de retraite ou hôpitaux pour les vieillards et les incurables des deux sexes. On remarque dans les fortifications un arceau jeté par l'architecte Barbara, pour passer l'ar- tillerie, d'un ouvrage à l'autre. Il est d'une grande hardiesse et s'élève au dessus d'un précipice l'on montre une grotte anciennement habitée par un ermite.

Aux environs de l'île de Malte, il y a plusieurs petites îles dont les principales sont le Goze, Cumino (Cumin ou Kumini, adjacente) et Farfara. Le Groze, a deux milles environ à l'ouest de Malte, a trente-six milles de circuit, six de large, douze de long et dix mille habitants; il a un petit bourg et un bon château avec une garnison considé- rable. Cumin qui n'a qu'un mille, est défendu par une for- teresse que le grand-maître de Wignacourt fit bâtir pour y loger des troupes. L'île de Farfara n'est c|u'un rocher au sud de Malte, célèbre seulement par le commun proverbe des chevaliers qui, voulant railler un jeune confrère, le sur- nommèrent: Commandeur de Farfara. En 1779, le comman-

378 L'ORDRE DE MALTE.

deui' de Chambray fit construire, sur la porte de l'île de Goze qui regarde Malte, une forteresse et une petite ville qui s'appela cité Chambray.

A trois quarts de lieue de Médina (la Ville) est un vaste cliâteau garni de tourelles, entouré de fossés, et ren- fermant de vastes et beaux appartements: c'était la maison de campagne des G-rands-Maîtres. bâtie parles soins d'Hugues Loubenx de Yerdala, et elle porte le nom de mont Yerdala; elle est cependant plus connue sous celtii de la Bosquetta, cHâteau Bosquetta, Boscbetto ou Bosquet. De très-belles et abondantes eaux y vivifient les jardins, et derrière le cliâteau est le bosquet proprement dit, tout planté de gre- nadiers, de citronniers, surtout d'orangers, dont la fleur produisait la célèbre eau de fleur d'orange de Malte. Le château domine un vallon cbarniant dont les eaux vivifient et embellissent ce paysage; les rochers cpii le couronnent forment un contraste pittoresque. Dans une grande salle du rez de chaussée et dans celle du trône, au premier étage, les plafonds et les corniches, peints à fresque, repré- sentent l'histoire du grand-maître de Verdala.

Un des édifices qui attire plus particulièrement l'atten- tion des voj^ageurs est l'église des chevaliers ou de Saint- Jean. Bâtie par le grand-maître La Cassière, sous l'invocation de Saint Jean-Baptiste, patron de l'Ordre, sa perspective extérieure est simple, sans dôme, et avec des clochers d'une forme pyramidale: elle ne prépare point l'étranger à la magnificence de l'intéiieur. les yeux sont éblouis de la quantité de doriu'e. de marbres, de statues, de mausolées. de peintures, cpie les arts y ont rassemblés à l'envi et à grands frais. La chapelle de la Vierge, qui renferme un tableau attribué à saint Luc. et était suspendue par une chaîne d'or massif une superbe lampe de quinze à seize jDOuces de diamètre, de même métal et du plus beau travail, attire les regards. Le pavé en entier de l'église, le plus beau sans doute de la chrétienté, est composé sans interruption de pierres sépulcrales des G-rand'Croix. Baillis et Comman- deurs. Ces tombes sont en marbre de diverses couleurs, chargées sur toute la surface des armes blasonnées des défunts, figtirées par des jaspes, des agates et d'autres pierres pré- cieuses : c'est une vaste mosaïque régulière et variée, unique en son genre, et dont l'intérêt redouble en lisant les nom- breuses épitaphes et inscriptions dont l'élégante simplicité et la correction, quant au style lapidaire, feraient honneur aux plus beaux temps de l'antiquité.

APPENDICE. 379

On admire dans l'église de Saint-Jean (la Chiesa niag- giore), les mausolées des grand s -m très Cotoner, Pinto, Perellos, Zondadari et Vilhena.

»Ils sont effectivement très-beaux, dit M, d'Avalos, et si, pour la richesse du marbre, ils le cèdent à ceux des grands-ducs de Médicis, à Florence, du moins les égalent- ils par l'exactitude du dessin et la perfection de la main d'oeuvre; les autres mausolées des grands-maîtres La Cas- sière, Lascaris, Caraffa et Rolian, n'ont pas le mérite des premiers*. Ils sont en partie dans les nefs de l'église (cliacun dans la chapelle particulière de sa langue), et en partie dans un caveau souterrain placé au dessous du choeur: ceux-ci sont les plus anciens, et l'on y voit les monuments des G-rands Maîtres dont on apporta les restes de Rhodes. Celui de la Valette est surmonté, comme plusieurs autres, de la statue couchée en marbre, avec les mains jointes en bronze. Le trésor de Saint-Jean était renommé dans toute l'Europe par la diversité des riches objets qui le formaient. On y montrait entre autres: la main droite de Saint- Jean, renfermée dans un magnifique reliquaire ou coffre d'or, sur quatre pieds de même, enrichi de diamants, de rubis, de perles, etc. (C'était un présent de Bajazet qui, l'ayant refusé à plusieurs princes, le donna à P. d'Aubusson; elle avait été apportée d'Antioche à Constantinople), les douze apôtres en argent; des devants d'autel du plus grand prix, dont un en argent ciselé; plusieurs grandes croix en or et enrichies de pierres précieuses de Rhodes, en vermeil et en argent, avec leurs bâtons de même; des encensoirs magnifiques, des ciboires en or garnis d'émeraudes et de rubis ; plusieurs tablettes d'autel en argent, sur lesquelles étaient incrustées les prières du lavabo^ de la consécration et du dernier évangile; plusieurs ostensoirs en or, dont deux, remarquables par leur ciselure et la richesse des pierres précieuses, avaient été rapportés de Rhodes; la coupe d'or enrichie de pierreries, donnée par Henri VIII à l'Ile-Adam; l'épée et le poignard que La Valette avait reçus de Philippe II, trophées glorieux, étaient aussi déposées dans ce trésor ^). On trouvait également réunis dans le même lieu une infinité d'autres dons en or, en argent et en diamants, que les Grands-Maîtres et Grands-Prieurs étaient obligés de pré- senter à cette église tous les cinq ans; aussi était-elle remplie de lampes et des chandeliers d'argent, si hauts et

M V. plus loin les dons faits à Paul I".

380 L'ORDRE DE MALTE.

massifs, que deux hommes avaient peine à les porter. On admirait encore dans l'église de Saint-Jean de belles pein- tures de Mathias Preti, dit le Calabrois. Le 9 décembre de chaque année, on célébrait dans cette vénérable basilique, l'anniversaire de la levée du siège de Malte par les Turcs. Cette cérémonie se faisait avec une grande pompe et un sentiment profond de respect et de reconnaissance. L'on apportait au pied de l'autel l'étendard victorieux: il était salué par l'artillerie de toutes les fortifications et de tous les bâtiments du port. Un chevalier, armé comme les anciens croisés, le portait, ayant à sa gauche un page du Grand- Maître, tenant en ses mains l'épée et le riche poignard envoyés par Philippe II; à sa droite était le Maréchal de l'Ordre; on faisait ensuite une procession qui, de l'église Saint-Jean, se rendait à No tre-Dame-de-la- Victoire, reposaient les cendres du héros La Valette. On exposait aussi ce jour-là un très-beau portrait du défenseur de Malte, peint par le commandeur Favray, et qui appartenait à la langue de Provence.

Les autres églises principales de Malte sont la collé- giale de Saint-Paul, Notre-Dame-de-la-Valette. etc. C'est dans celle des Dominicains, démolie depuis quelques années, qu'on trouva le tombeau du prince Osman, fils de l'empereur Ibrahim. Au premier rang des édifices publics qui décorent La Valette, il faut compter le palais magistral et ceux des langues de France, d'Italie, de Castille, d'Auvergne, de Provence, d'Aragon, d'Allemagne et d' Anglo-Bavière. Le palais magistral, construit au centre de la cité, par Hya- cinthe del Monte, sous le magistère de La Cassière (1572), forme une masse séparée des autres édifices, sur la place Saint- George s; ce bâtiment carré impose par sa grandeur; mais l'architecture, dont le style n'est ni pur ni régulier, ne répond point, comme celle de l'église de Saint-Jean, à la magnificence des appartements, qui sont peints par Joseph d'Arpino et Mathieu de Lecce. Le grand escalier, en forme de colimaçon, est très-remarquable; avant l'occupation de Malte par les Français, on voyait dans les appartements, beaucoup de chefs-d'oeuvre du Guide et des Carrache, une collection précieuse de médailles antiques, des bas-reliefs, etc.

Quatre portes donnent Tentrée au palais: on voj^ait en face de la principale, un jardin planté d'orangers; sur la droite, en entrant, était l'escalier en cul-de-lampe ayant des reposoirs qui conduisent à l'appartement du Grand-Maître. Sur la gauche est un autre escalier qui conduit à l'apparte-

APPENDICE. 381

ment d'été. Toutes ces salles et cliambres sont tendues de brocard rouge, et dans plusieurs sont peints divers traits tirés des annales de l'Ordre, L'appartement du Grand-Maître est orné de crépines de damas et de galons d'or; dans la chambre à droite d'hiver, on remarque une frise représen- tant toutes les prises faites par les galères, peinte par Joseph d'Arpino; elle est tendue de haute lice; de grandes galeries couvertes font communiquer d'un appartement à l'autre, et dans celui d'été on en trouve une qui aboutit à une volière; on se rend de à la salle d'armes. C'est dans une grande salle du palais que se voient les précieuses peintures à fresque que le temps et le peu de soin des possessem-s actuels de Malte font dépérir de jour en jom-; elles représentent les principales actions de l'Ordre, depuis sa fondation jusqu'à Villiers de l'Ile-Adam. Ces fresques, qui ornent diverses salles, sont encadrées et séparées par des statues des rois de Judée, des prophètes, ou par des figures allégoriques. On lit au dessous, des sentences tirées de l'Ecriture ou des Psaumes. Les sujets de ces tableaux ne sont point disposés dans l'ordre chronologique, mais on a l'observer davantage dans cette relation. La légende qu'on lit au-dessous est en italien; les armes qu'on y voit sont celle de Wignacourt.

Ces tableaux représentent:

Raymond Dupuy s'ofirant avec ses religieux à Bau- doin II, roi de Jérusalem,

Chapitre général tenu en 1120, par le même Grand- Maître, fondateur de la règle des Hospitaliers.

Siège et prise de Damiette par l'armée de Jean de Brienne et les Hospitaliers, 1120.

André, roi de Hongrie, reçoit par dévotion l'habit de chevalier des mains de Guérin de Montaigu, 1228.

Foulques, roi de Jérusalem, fortifie la ville de Bert- sabée, et la confie à Raymond Dupuy, 1131.

Déroute glorieuse des Hospitaliers sous les murs d'Ascalon. 1131.

Pierre l'Ermite part de l'hôpital de Jérusalem pour aUer en France et auprès du pape Urbain II, afin de ré- clamer des secom-s pour le recouvrement de la Terre-Sainte.

Départ des chrétiens et des religieux hospitaliers de Jérusalem; ils en emportent les reliques.

Ptolémaïs tombe au pouvoir des chrétiens, après trois mois de siège, par le courage du grand-maître Ermau- gard d'Aps et de ses chevaliers, 1191.

382 L'ORDRE UE MALTE.

10*' Le grand-maître Bertrand de Comps, à la tête des siens et de c[iielques Templiers, remjDorte une victoire sur les Turcs, auprès d'Antioche.

11° Frédéric II, empereur, réclame les secours des Hospitaliers, 1234.

12° Les frères Hospitaliers de Saint- Jean reconstruisent les remparts de Jérusalem, 1238.

13° Richard, comte de Cornouailles, frère du roi d'Angle- terre, reçoit en don du frère Guérin, Grand-Maître, une parcelle du vrai sang de Notre-Seigneur, 1240.

14° Saint-Louis est délivré des mains du soudan d'Egj^pte par les secours du Grand-Maître, 1250.

15° Ptolémaïs est assiégée par les Tm^cs, et les Hospi- taliers forcés de s'embarquer.

16° Le grand-maître Jean de Villiers et ses chevaliers, partis de Ptolémaïs, quittent le château de Margat et arrivent à Limisso, en Chypre, 1291.

17° Le grand-maître Foulques de Villaret et ses cheva- liers, partis de Macri, arrivent à Rhodes, 1309.

18° Amédée IV, comte de Savoie, vient secourir Rhodes et le grand -maître Foulques de Villaret. menacés par l'armée ottomane.

19° Siège de Rhodes, soutenu par le grand -maître Pierre d'Aubusson.

20° Zizim, frère de Bajazet, est reçu à Rhodes par Pierre d'Aubusson.

21° Le grand -maître Villiers de l'Ile-Adam, quitte Rhodes, 1522.

22° n va habiter Viterbe, 1524.

Dans la salle d'armes on montrait, outre plusieurs armures rares et curieuses, une très belle cuirasse damasquinée en or, qui avait appartenu au grand-maître Alofe de Wignacourt, et son portrait en pied, peint par Michel- Ange de Caravage; on y remarquait aussi la statue du grand- maître Manoël de Vilhena, en bronze. Le cabinetparticulier des Grands-Maîtres renfermait une lettre originale de la main d'Henri IV, enchâssée dans un cadre.

Outre le palais magistral, il j a encore à Malte d'autres édifices publics, tels que celui de la municipahté (Banca dei Jurati), le Palais de Justice (où se tient maintenant la cour de la vice-amirauté), celui du Trésor et délia Con- servatoria, etc. Le grand hôpital, situé auprès du château de Saint-Elme, sur les bastions qui environnent La Valette, est remarquable par son étendue. Sous le gouvernement de

APPENDICE. 383

l'Ordre de Saint- Jean, cet hôpital était peut-être le mieux entretenu de tonte l'Europe, quoique inférieur à plusieurs par sa magnificence extérieure; les malades y étaient par- faitement bien servis avec de la vaisselle d'argent. Les maisons des particuliers qui méritent le nom de palais sont celles de l'archevêque, de la famille Spinola, où, en 1808, logèrent les princes de la famille d'Orléans; celle de la famille Cotoner, et enfin de la famille Parisio Moscato, le général- en- chef Bonaparte établit son quartier-général, en 1798.

SYSTÈME ACTUEL DE DÉFENSE DE MALTE, DE GOZZO ET DE COMINO ').

Les fortifications que les grands-maîtres de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem ont successivement élevées dans les trois îles, et notamment danc celle de Malte, sont si con- sidérables qu'il ne faudrait pas moins de trente mille hommes pour les garder. Or, en cas d'attaque, auraient-ils pris une quantité de troupes suffisante pour les défendre? Peut- être trouvera-t-on la solution de cette question dans le système de défense que l'Ordre avait adopté, système qui consistait à réclamer les secours des princes d'Europe, intéressés, pour la sûreté de leurs Etats, à la conservation de Malte entre les mains des chevaliers. Peut-être encore, imbus de cette maxime que la force d'une place dépend bien moins du nombre que de la bravoure et de la haute contenance de ses défenseurs, les grands-maîtres ne son- geaient-ils qu'à fermer les ports, à assurer les côtes, au moyen d'ouvrages avancés, pour empêcher les descentes; puis, à la milice de dix à douze mille hommes, dont ils pouvaient disposer, en réunissant les habitants en état de porter les armes aux troupes entretenues par l'Ordre, ils comptaient bien tenir tête à un ennemi quel qu'il fût. Ce système, suivant lequel on ne devait abandonner la cam- pagne qu'à la dernière extrémité, et après s'être défendu de retranchements en retranchements, laissait aux secours étrangers et aux chevaliers eux-mêmes, disséminés dans les états de la chrétienté, le temps d'arriver à l'aide de Malte menacée. Cet appel était, du reste, toujours entendu ((piaut à ce qui concerne les chevaliers)^ tant était puissant l'aiguillon d'héroïsme qui avait soutenu, immortalisé les

^) Miége, op. cit.

384 -L'OKDEE DE MALTE.

défenseurs de Rhodes et de Malte, en 1480, en 1522. en 1565. Anssi, dans les fortifications, de Malte on ne sait ce qu'il faut le plus admirer, du génie qui les a conçues on de l'art qui les a exécutées. La maçonnerie n'est venue que pour remplir les sinuosités du rocher, dans lequel elles sont taillées. Cette position militaire ne le cède en rien à Gibraltar.

Fortifications.

La cité Valette doit être considérée comme le point central de la défense de l'île: tous les plans de résistance lui sont subordonnés. Assise sur une péninsule qui sépare le grand port du port de Marsa-Muscet, élevée sur un rocher à pic dans plusieurs endroits et hérissée de fortifications dans les autres; tout se réunit, et l'art et la nature, pour la rendre inattaquable du côté de la mer (Avec l'artillerie moderne et les vaisseaux à tour??). Du côté elle tient à la terre, cette place présente deux fronts fortifiés formant entre eux un angle très-ouvert, et protégés par deux cava- liers, entourés de très-larges fossés. En avant se détache un chemin couvert qui conduit à la Floriane, dont les ouvrages complètent les défenses de terre dans cette direction. Indépendamment des deux cavaliers dont on vient de parler, le corps de la place est flanqué de huit bastions, dont la garde était confiée aux diverses Langues de l'Ordre: Saint- Jean et son cavalier, Provence; Saint-Michel. Auvergne: Saint- Jacques et son cavalier, France: Saint-Pierre et Saint- Paul, Italie; Saint- André, Aragon; Saint-Lazare, Angle- terre; Saint-Sébastien, Allemagne; Saint-Barbe, Castille. Le côté peut-être invulnérable de la Valette est la partie comprise entre la pointe Saint-Elme et la porte de Marsa Muscet: mais pour s'attaquer ainsi au corps de la place. il faudrait d'abord s'être emparé du fort Tigné ainsi que du fort Manoël, et encore, fut-on maître de la ville, on n'aurait rien fait jusque là, si Ton n'avait éteint le feu des deux cavaliers Liés entre eux par une communication souterraine, et qui, comme deux citadelles, battent à toute volée la ville et la campagne à une grande distance. Un autre point l'attaque aurait quelque chance de succès, est CoradinOj dominé cependant encore par les fortifications supérieures de Burmola.

F OET- Saint-Elme.

Il est construit sur le terrain autrefois occupé par une chapelle dédiée à Saint-Elme, et à la pointe de la presqu'île

APPENDICE. 385

sur laquelle est élevée la cité Valette, Projeté dès 1488, il ne fut élevé qu'en 1552, sous le magistère du grand-maître de La Sengle. Lors du siège de Malte, en 1565, sa défense fut confiée aux chevaliers de la Langue d'Espagne, qui firent des prodiges de valeur; néanmoins les Turcs s'en rendirent maîtres et la ruinèrent; mais les vaillants Espagnols avaient cessé de vivre ... Il fut rebâti et environné de bastions par les grands-maîtres Caraffa et Perellos. Ses feux, en se croisant avec les feux des forts Ricasoli et Tigné, dont il sera parlé ci-après, défendent l'entrée du grand port et du port de Marsa-Muscet.

Floeiane.

Si le fort Saint-Elme défend l'entrée des ports, la cité Valette est couverte du côté de terre, par une ligne d'ou- vrages d'une grande force, dont le développement est de 3800 yards (3511m.). Ils furent construits, en 1635, sous le magistère du grand-maître de Paula, par un ingénieur italien dont ils ont pris le nom, le colonel P. Floriani, qui avait été envoyé de Rome par le Pape. La Floriane se compose d'un système de batteries à fleur de terre, entourées de fossés larges et profonds, et dominées par les remparts de La Valette, sur laquelle elles se replient par leurs deux extrémités. Dans l'enceinte est une fausse braie, ainsi appelée à cause d'un fossé formant séparation. Le front de la ligne est, en outre, protégé par un ouvrage à corne, avec un chemin couvert. On remarque aussi un arceau, hardiment jeté par l'architecte Barbara sur un précipice, au fond duquel on voit une grotte autrefois habitée par un ermite. Cet arceau était destiné à faciliter le transport de l'artillerie d'un ouvrage à un autre. Voici ensuite les appuis qui protègent les flancs de la Valette.

Côté du grand-port.

Le fort Ricasoli, situé à la pointe oriental du grand port, en défend l'entrée en croisant ses feux avec le fort Saint-Elme. Il fut élevé aux frais du commandeur Ricasoli, sur l'emplacement qu'occupait la tour de Saint Petrosino, dite de l'Orso. Cette tour datait de 1629; le grand-maître de Paula l'avait fait construire par le commandeur Orsi de Bologne, pour arrêter la fuite des esclaves turcs. Ce fort est de forme irrégulière et commandé sur plusieurs points. Le périmètre de ses fortifications est de 2000 yards (1849 m.).

SAI^LF.S : L'ORDRE DE MALTE.

386 l'ordre de malte.

Le château Saint-Ange

est sur la même ligne que le fort E-icasoli. Il est placé à l'extrémité d'une langue de terre qui s'avance dans l'inté- rieur du grand port, et au sommet de laquelle s'élève le BorgOj ou cité victorieuse^ dont il est séparé par un fossé toujours rempli d'eau. Ce château, bâti en 828 par les Sarrasins, lorsqu'ils occupaient Malte, était le seul qui existât dans l'île quand l'Ordre en prit possession. Le grand- maître Villiers de l'Isle Adam y ajouta de nouveaux rem- parts, des bastions, des citernes, des fossés et un arsenal avec ses magasins. C'est que La Valette se renferma lors du siège dont nous avons parlé, et qu'il soutint victo- rieusement les terribles assauts des troupes de Soliman IL Vu du côté de la mer, le château Saint-Ange offre l'aspect le plus imposant. Quatre batteries, dont une à fleur d'eau, placées en amphithéâtre et armées de cinquante bouches à feu, semblent prêtes à foudroyer toute flotte ennemie qui tenterait de forcer l'entrée du grand port. Quoique d'une médiocre étendue, il ne peut guère succomber qu'avec la cité Valette, par laquelle il est soutenu. Ses fortifications, en j comprenant celles qui entourent la cité Victorieuse, du côté de la Calcara, se développent sur luiè étendue de 2100 yards (1940 m.).

Le fort Saint-Michel

est à l'extrémité d'un petit promontoire sur lequel est bâtie la cité La Sengle, promontoire qui s'avance dans le grand port parallèlement à la cité Victorieuse et au château Saint- Ange. Le fort Saint-Michel fut construit en 1552, sous le magistère du grand-maître de La Sengle: le tour des mu- railles, en y ajoutant celles qui entourent la cité de La Sengle, à partir de la jDointe jusqu'au fond du port de l'Isola, présente une étendue de 1400 yards (1293 m.).

Le fort Sainte-Mauguerite.

La colline de ce nom, sur le revers de laquelle est couchée la cité de Burmola ou cité Capiscua, est couronnée par une ligne de fortifications qui descendent vers le fond de l'anse formée par les deux presqu'îles de la Victorieuse et de La Sengle, et viennent se lier aux défenses de ces deux cités. Ces fortifications furent construites, en 1638, par un dominicain, ingénieur du Pape, le P. Firenzuola,

APPENDICE. 387

dont elles portent aussi le nom, et auquel elles valurent le chapeau de cardinal; elles embrassent une étendue de 2400 yards (2238 mètres).

COTONERA.

Les grands ouvrages qui entourent ces trois cités de Borgo, de Burmola et de La Sengle, sont renfermés dans un immense demi-cercle fortifié, dont le plan fut exécuté presque en entier par le grand-maître Nicolas Cotoner, qui leur a donné son nom. Cette vaste enceinte retranchée, à l'abri de laquelle les habitants de la campagne peuvent se retirer en cas d'invasion, se compose d'une suite de bastions sans ouvrages avancés ni chemin couvert, et se rattache par ses deux extrémités à la cité de La Sengle d'une part et à la cité Victorieuse de l'autre. Cette ligne de 4400 yards (4065 m.) est, au dire du chevalier Folard, capable de faire une très-longue résistance. Telles sont les fortifications qui entourent le grand port et qui, de ce côté, rendent la cité Valette à peu près inexpugnable. Celles qui la protègent du côté du port de Marsa-Muscet lui assurent -elles le même avantage? On ne saurait répondre ici d'une manière précisément affirmative, car les deux forts de ce côté sont dominés par les collines environnantes.

Côté du port de Marsa-Muscet.

Le fort Tigné situé à la pointe de Dragut, à l'entrée du port de Marsa-Muscet, qu'il défend en croisant ses feux avec le fort Saint-Elme, n'a que 500 yards (462 m.) de tour. Il n'était pas complètement achevé lors de l'arrivée des Français en 1798; il est soutenu par la ville et le fort Manoël.

Le fort Manoël

porte le nom du grand-maître Don Manoël de Vilhena, qui le fit construire sur un îlot placé au centre du port de Marsa-Muscet. se trouve aussi le lazaret, séparé du fort par des fossés qui empêchent toute communication. Le fort Manoël a 1100 yards (1016 m.) de périmètre; il croise ses feux avec le fort Tigné et les remparts de La Valette, et bat toute la côte opposée à la cité, depuis la pointe de Dragut jusqu'à la pointe de Misida. Il est revêtu de cinq bastions et d'une demi-lune; il a un chemin couvert et il est miné.

25*

388 l'ordre de malte.

Intékieub, de l'lle.

On trouve an centre de l'île, la cité vieille, bâtie sur une colline d'où la vne s'étend jusqn' à la cité Valette. Ses fortifications ont 1 mille (1.850 m) de contonr. Elle est protégée par deux ouvrages avancés : sur sa gauche le retranchement de Falca, à la distance de 1 mille ayant V2 mille (925 m.) d'étendue; à droite et à 2 milles de distance, le retranchement de Nasciar dont le front a Vs de mille (1.156 m.) d'étendue. Ces retranchements furent élevés par les Français en 1798.

Le littoral de l'île

est en outre défendu par une ceinture de redoutes, de batteries, de retranchements et de tours qui se soutiennent mutuellement, qui suivent le anses, les saillies, les sinuosités des côtes, et décrivent une sorte de croissant dont les extrémités s'ouvrent au sud et à l'ouest et au sommet du- quel est La Valette ... Il y a 16 tours protégées par le fort Sainte-Agathe outre le fort Tigné et le fort Ricasoli. le fort Figueras. le fort Saint-Lucien, le fort Saint-Thomas, puis 42 ouvrages: lignes, redoutes, batteries, retranchements, maison retranchée, bastion, armés au temps des chevaliers de 2000 pièces en bronze de différents calibres.

Le Goze (Gozzo)

n'a qu'un ou^a-age fortifié dans l'intérieur, c'est le Château, situé sur un lieu élevé, à peu près au centre de l'île, et qui occupe avec ses dépendances un étendue d'un quart de mille carré (462 m, can'és). Le littoral est protégé par le fort Chambray, élevé en 1749, le fort Saint-Martin, construit par le grand-maître Garzes, en 1605. par 4 tours et par 10 autres ouvrages.

CuMEsr (CoMixo)

est gardée par un fort à la pointe sud de l'île: il fut con- struit en 1618, par le grand-maître Wignacourt. L'Ordre avait en outre fait établir des fougasses sur tous les points du littoral des trois îles, reconnus les plus favorables pour opérer un débarquement,

La cité Valette

avec la cité Vilhena, la cité Victorieuse (le Bourg), la cité La Sengle, la cité Cospicua (Burmola) qui s'y rattachent; la cité Vieille, ou cité notable, ou encore La Xotcthle. à 7 milles V2

APPEXDICE. 339

de La Valette, avec son faubourg de Rahatto] puis 22 casaux ou villages, H Boscketto, à 8 milles de la Valette ; Sanfo- Antonio, maison de plaisance créée par le grand-maître de Rohan : I. Leoni (Les Lions) à Saint-Joseph, habitation créée par le grand-maître D. Manoël de Vilhena; la cité Chamhniy. au Goze (1749), qui compte en outre 6 casaux; 1 casai à Cumin (Comino), à la cale de Sainte-Marie, telles sont les villes, villages et habitations des trois îles.

On admet généralement qu'en 1530, il y avait à peine 15.000 habitants ; qu'après le siège de 1565, il n'y en avait plus que 10.000; qu'en 1632. il y en avait 51.750; qu'après les ravages de la contagion de 1676, il y en avait, en 1798, 114.000; qu'en 1829, après la peste de 1813 et l'émigration, en 1814 et 1829, des Maltais catholiques devrant l'angli- canisme, elle serait restée stationnaire (114.236). Ajoutons encore un renseignement à ceux-ci: sur ces 114.236 habi- tants, il y avait 113.804 catholiques romains, 360 juifs,

2 musulmans.

XXII.

LOUIS XIII ET ANNE D'AUTRICHE

A l'ordre. PauU. C. d. cli M., n, 317, p. .33, Année 1639.

»A Nos TRES CHERS ET BONS AMIS, LES PrIELTRS, BaTLLYS, ET

Commandeurs du Conseil de Malte.

Très chers et bons amis. Comme il ne se peut pré- senter d'occasion qui nous soit plus chère, que la naissance du fils qu'il a plu a Dieu de nous donner; aussy avonts nous receu avec grande satisfaction les tesmoignages de joj^e, et les bons offices, que le Sieur Bailly de Fourbin, Ambassadeur de vostre Ordre, Nous a faictes de vostre part sur un si bon sujet, Nous en conserverons soigneuse- ment le souvenir, et vous ferons cognoistre dans les occa- sions le surcroit, que cet office employé de si bonne sorte, aura adjouté à l'affection, que nous avons toujours eiie pom' tout ce qui regarde une si généreuse Compagnie; ainsi que nous avons chargé ledict Sieur Bailly de Fourbin de vous faire entendre plus expressément. Cependant nous ne pou- vons obmettre, que le choix de la personne nous a esté

390 L'ORDRE DE MALTE.

extrêmement agréable; les longs, fidèles et importans ser- vices, qu'il nous a rendus, nous le faisant considérer avec estime. Sur ce nous prions Dieu, qu'il vous aye, Très chers et bons amis, en sa saincte garde. Escrit à Saint Germain en layie, ce XII jour d'Avril, 1639.

Lovis.«

Ibidem, 318, p. 333, Année 1639.

»MoN Cousin

Le tesmoignage, que vous m'avés donné de vostre bienveuillance par la lettre, que le Sieur Bailly de Fourbin vostre Ambassadeur m'a rendu de Vostre part, m'a esté d'autant plus agréable, que je n'en pouvois recevoir meil- leure preuve, que par le présent, que vous m'aves faict de la relicque de Saincte Anne, du nom de laquelle me tenant très honoré, je dois aussi révérer tout ce qui faict part d'une Saincte, qui a mérité la grâce et l'honneur d'estre Mère de la tressacrée Vierge; vous priant de croire, que la bonne volonté, avec laquelle je recognois, que vous m'avés offert cette précieuse devocion, me sera toujours si considérable, que je m'employerai pour ce qui regardera voste contente- ment, et le bien de vostre Ordre, avec toute l'affection, que vous pouvés promettre de moy, qui suis de bon coeur

A Sainct Germain, ce XVII Avril, 1639,

Votre bonne Cousine Anne.«

Ibidem, n" 339, p. 350. Année 1644.

»MoN Cousin

Le Sieur Bailly de Villeneufve m' ayant tesmoigné sur l'occasion de la grande perte, que j'ay faite, en la mort du feu Roy Monseigneur et Père, les sentiments de Vostre douleur procédant d'une recognaissance de ses bien faits, dont il avait continuellement favorisé la Religion; ces tes- moignages d'affection, que vous faites encore passer en ma personne, servent beaucoup à ma consolation, et les prières, les voeux, et les autres debvoirs de piété, que vous lui avez rendus soigneusement, avec les souhaits de prospérité et de bénédiction que vous faites pour Mon Reigne, m'engagent particulièrement a continuer le dessein, que j'ay pris, de donner ma protection à l'Ordre, le quel depuis qu'il est soubs votre conduite semble avoir renovellé la vigueur.

APPENDICE. 391

et mérité par tant d'illustres actions, qui se sont faictes pour la défense de la foy de Jésus Christ, toutes sortes de grâces et de faveurs. Aussi devez vous croire, que je leur feray sentir les effects de ma bonne volonté en toutes les occasions, qui se persenteront, soit pour le gênerai, soit pour le particulier, ainsy que j'ay chargé ledict Sieur de Villeneufve de vous en asseurer; auquel me remettant, je prieray Dieu, qu'il vous ait, Mon Cousin, en sa saincte et digne garde.

Escrit à Paris, le 22 jour de Mars, 1644.

Louis. «

Ibidem, 340, p. 351, Année 1644.

»MoN Cousin.

Entre tous tesmoignages, que les Princes Amis et Alliez de cette Couronne m'ont rendu de l'affliction, qu'ils ont ressenty de l'inestimable perte, que ce Royaume a souffert de la personne du feu Roy Monseigneur, de très auguste et éternelle mémoire, Je tiens celuy, que vous m'en avez encor novellement donné, par ce que le Sieur Bailly de Villeneuve vostre Ambassadeur extraordinaire m'a dit de vostre part, ensuite de la lettre, que vous m'avez escrit sur ce subject, d'autant plus véritable, que les continuelles marques de vostre sincérité, ainsy que d'asseurance, que vous la conserverez semblable pour le Roy Monsieur Mon fils; des bonnes inclinations duquel ayant tout subject d'espérer, qu'il egallera les grandes et royalles vertus de son Père, j'estime vous pouvoir asseurer, qu'il n'aura moindre bienveuillance pour vous et pour le bien et accroissement de vostre Ordre, qui m'est en si forte considération, que les occasions que j'auray de le vous faire aussy effectivement cognoistre, que je le désire, m'apporteront beaucoup de consolation. Ce qu'ayant prié ledit Sieur Bailly vostre Am- bassadeur de vous expliquer encor plus particulièrement, je me contenteray de vous dire, qu'il s'est si prudemment acquité de la charge, que vous luy avez commis, qu'il mérite bien la continuation de vostre confiance ; de la quelle estant très digne, je vous prie de la luy vouloir conserver, avec parfaite croyance, que je suis,

A Paris, le 19 Mais, 1644.

Vostre bonne Cousine

Anne.«

392 L'ORDRE DE MALTE.

XXIII.

LE GRAND-PRIEURÉ DE RUSSIE.

Archives I'" et W^ (Vienne). Acta ntssica (A. 1797).

Dépêche du Comte de Cobenzl (S* Pétersbourg, le 29 janvier 1798) au Baron Thugut, accompagnant la copie (Nr. 7) du traité passé à S* Pétersbourg, le 4/15 janvier 1797, entre la Russie et l'Ordre de Malte, auquel ont signé pour l'Empereur, le Comte de Besborodko et le prince Alexandre Kouraldn, et, pour le grand-maître, Fr. Jules René Bailli Comte de Litta, ministre plénipotentiaire de l'Ordre à S* Pétersbourg.

Traité. Art. 1^^'. L'Empereur approuve, confirme et ratine pour lui et ses successeurs à perpétuité de la manière la plus ample et solennelle T établissement de V Ordre de MaltJie dans ses Etats. Art. 2. L'Empereur accorde à l'Ordre comme indemnité de ses pertes en Pologne la somme an- nuelle de SOO.OOO fl. de Poïofjne, laquelle sera perçue et distribuée par l'Ordre suivant le mode établi dans les articles suivants. Art. 3. La trésorerie d'état payera les 300.000 il. en deux termes, le 30 juin/11 juillet, et le 31 décem- bre/11 janvier de chaque année. Art. 4. Cette somme, exempte à perpétuité de toute retenue quelconque et impôt ordinaire et extraordinaire, formera la fondation et les revenus de l'établissement de l'Ordre dans les Etats de l'Empereur, le- quel portera la dénomination de grand prieuré de Ilussie. Art. 5. Ce grand prieuré sera composé de la dignité de grand prieuré et de dix commanderies : les revenus respectifs seront distribués chaque année de la manière suivante: le grand prieuré aura soixante mille iiorins de Pologne. La première et la seconde commanderie trente mille chacune; la troit^ième et la quatrième commanderie vingt mille chacune; la cin- quième et les suivantes quinze mille chacune. Art. 6. Le grand prieur payera annuellement au Trésor de l'Ordre, à titre de respensions douze mille florins de Pologne; toutes les commanderies paieront annuellement leurs responsions respectives: la 1^^^ ^t la 2% 6000 ch.; la 3^ et 4% 4000 ch; les autres, 1500 fl. ch. Ces sommes seront prélevées sur les 300.000 fl. par le Ministre - receveur résidant dans l'empire de Russie. Art. 7. Pour la légation permanente de l'Ordre, il est assigné une somme annuelle de 20.000 fl., comme traitement du ministre et receveur de l'Ordre de Malthe en résidence, et en outre la somme annuelle de

APPENDICE. 393

douze mille il. pour l'entretien de la chapelle et des archi- ves, et pour les honoraires des officiers du grand prieuré et du ministre. Art. 8. Les dix-huit mille florins restants pour compléter les 300.000 il. sont destinés à subvenir an- nuellement aux autres frais qui auront lieu à Malthe rela- tivement au grand prieuré de Russie. Art. 9. L'Ordre sera mis en jouissance de ses revenus à compter du 1^^ janvier 1797, et la totalité de la somme de 300.000 il. de cette première année et la somme des 4 premiers mois de l'année 1798 seront versés en entier dans le trésor commun de l'Ordre, à titre de dédommagement des frais de sa mission extraordinaire à S* Pétersbourg, et des pre- mières dépenses nécessaires pour. l'établissement de l'Ordre dans l'empire de Russie, et par conséquent le grand prieur et les commandeurs qui seront nommés commenceront à jouir de leurs revenus respectifs depuis le 1®^' mai 1798. Art. 10. La dignité du grand prieuré de Russie, de même que les commanderies qui en dépendent ne pourront jamais sous aucun titre être conférées qu'aux sujets de son empire susceptibles d'être admis dans l'Ordre. Art. 11. L'Em- pereur accorde à l'Ordre une pleine liberté d'établir et suivre dans ses nouvelles institutions dans l'empire de R. le régime qui lui est propre, admet et prend sous sa protection spéciale l'exécution des statuts et règlements adoptés pour son administration intérieure.

Art. 12. L'Empereur, désirant en outre que l'illustre Ordre de Malthe ainsi établi en Ptussie, ait dans les Mats de V Empire la même considération et splendeur dont il jouit dans les autres Etats de V Europe, et sachant que rien ne saurait plus contribuer à cet important objet que la stricte observance des lois et statuts de l'Ordre, ordonne que tous les individus qui composent et composeront à l'avenir ledit grand-prieuré de Russie s'y con- forment exactement et remplissent les devoirs prescrits par les constitutions et règlements de l'Ordre de Malthe^ soit pour lenr réception respective^ soit pour tous les autres objets relatifs à leur état. Art. 13. L'Empereur portera d'autant plus d'intérêt et d'attention à l'exécution du précédent article, qu'il sait que les devoirs des chevaliers de Malthe prescrits par les sages constitutions de l'Ordre sont toujours inséparables de ceux que tout fidèle sujet a contractés envers sa patrie et son souve- rain. — Art. 14. La réception et les preuves de noblesse se feront selon l'usage établi et pratiqué dans le ci-devant grand prieuré de Pologne, de même que les droits de

394 L'OEDEE DE MALTE.

passage seront payés suivant la taxe fixée dans ledit grand prieuré. Art. 15. Les Chevaliers accompliront exactement les devoirs de caravanes ordinaires et la résidence éventuelle à Malthe. Art. 16. A la mort de chaque commandeur ou chevalier profès dans l'Ordre, sa dépouille, aux termes des statuts, appartiendra au commun trésor de Malthe, et le procureur général ou l'agent de l'Ordre nommé à cet effet sera chargé de la recueillir. Art. 17. Le droit d'ancienneté et la capacité statutaire régleront la collation des comman- deries. Art. 18. Le grand-maître aura, comme dans tous les autres prieurés, le droit de conférer une commanderie de grâce tous les cinq ans, lorsque dans cet intervalle il y en aura une de vacante. Cette commanderie paiera l'annate et autres droits fixés dans les collations magistrales. La collation ne pourra être faite qu'à un individu du grand prieuré de Russie. Art. 19. Tout chevalier ne pourra avoir qu'une seule commanderie. Art. 20. Il est fait exception pour les commanderies de grâce aux règles d'ancienneté et de commanderie unique. Art. 21. Les commanderies seront assujetties aux droits de mortuaire et du vacant. Art, 22. Les rentes de commanderies vacantes seront versées au commun trésor de l'Ordre. Art. 23. L'Empereur approuve, confirme et ratifie toutes les com- manderies dites de famille ou de jus patronatus déjà insti- tuées en Pologne, avec toutes les conditions et clauses s'y référant. Art. 24. L'Empereur accorde dès à présent une fois pour toujours la permission et sanction impériales pour toutes les fondations à venir de commanderies de famille ou de jus patronatus, qui seront intitulées d'après le nom des familles fondatrices. Art. 25. Le G. P. de E,. tiendra au chef-lieu de sa résidence les assemblées capitulaires et particulièrement celle fixée au 23 juin veille de la fête de S* Jean Baptiste patron de l'Ordre. Le vénérable chapitre reconnaîtra et dirigera toutes les affaires du G. P. qui sont de son ressort, tiendra registre de ses délibérations, et fera à Malthe la communication requise. Art. 26. Le Ch. sera présidé par le Grand Prieur et en son absence par le plus ancien commandeur. Art. 27. Les délibérations auront lieu conformément aux Statuts. Art. 28. Le ministre-plénipotentiaire de Malthe dans l'emp. de Russie y sera, en qualité de procureur général du g-m., du sacré conseil et du commun trésor, rapporteur de toutes les affaires qui y seront décidées à la pluralité des voix en observant qu'en cas de parité le Gr. P. en aura deux pour

APPENDICE. 395

la décision. Tontes les affaires disentées et décidées selon les termes des statnts, contnmes et privilèges de l'Ordre, anront lenr eiïet sans délai, et lorsqn'elles sortiront de l'ordre ordinaire, les résolntions devront être envoyées à Malthe avant d'être exécutées. Art. 29. Tous les Cheva- liers de l'Ordre qui seront à portée seront tenus d'assister aux chapitres ils auront voix déliberative et prendront séance selon leur rang et ancienneté, et suivant les règle- ments capitulaires de l'Ordre; les chevaliers novices assisteront aux chapitres sans voix déliberative. Art. 30. Les com- mandeurs de famille auront voix consultative en général et voix déliberative sur des objets relatifs aux Comm. patronales. Art. 31. Il sera donné aux chevaliers qui seront en même temps dans le service militaire ou civil de l'empereur, des permissions de s'absenter afin de remplir les devoirs de leur ordre. Ai't. 32. L'empereur et le grand-maître fixeront d'un commun accord l'uniforme des Chev. du G. P. Art. 38. Le G. P. et les Commandeurs porteront la croix en sautoir; tous les autres chev. la jjetite croix à la boutonnière. Art. 34. Les Chevaliers hono- raires (croix de dévotion ou de grâce) porteront la petite croix à la boutonnière et ne pourront porter l'uniforme qu'avec la permission de l'Empereur et du grand-maître. Art. 35. Les Chevaliers honoraires en Russie feront en- registrer leurs titres de nomination à la chancellerie du grand-prieuré de Russie. Art. 36. L'Empereur reconnaît à V Ordre tous les privilèges^ prérogatives et honneurs dont cet Ordre illustre jouit ailleurs et qu'il tient de la considération et affection des autres souverains. Art. 37. Les ratifications et échange de ratifications auront lieu dans les quatre mois. Fait à S* Petersbourg le 4/15 janvier 1797.

signé Alexandre C*^ de Fr. Jules René

BeSBORODKO Bailli Comte de Litta.

Le Prince Alexandre Kourakin

L'Art l'"^ séparé est relatif aux arrérages dus à l'Ordre de-imis 1788 (aux termes du traité de 1785) jusqu'à 1793. L'Art. 2 séparé est relatif au même objet. L'Art. 3 séparé incorpore le g. p. de Russie comme l'ancien prieuré de Pologne à l'ancienne langue d'Angleterre remise en activité. L'Art. 4 séparé fixe la valeur du florin dans le traité à 25 copecks de Russie.

396 L'ORDRE DE MALTE.

XXIV.

REDDITION DE MALTE AUX FRANÇAIS.

L'acte de capitulation reçut le nom de Convention^ sur la dictée de Bonaparte qui ajouta en s'adressant aux négocia- teurs : »P«r respect pour l'iionneur chevaler€sque« . Il fut rédigé sous la médiation de S. M. le roi d'Espagne. En voici la teneur.

Convention arrêtée entre la République française, re- présentée par le général en chef Bonaparte d'une part, et l'Ordre des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, représenté par M. M. le bailli de Torio Frisari, le commandeur de Bosredon-Ransijat, le baron Mario Testaf errata, le directeur Nicolas Muscat, l'avocat Benedetto Schembri et le conseiller Bonanno, de l'autre part; et sous la médiation de Sa Majesté catholique, le roi d'Espagne, représentée par le chevalier Filipe Amati, son chargé d'affaires à Malte.

Article 1®^'. Les chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem remettront à l'armée française la ville et les forts de Malte : ils renoncent, en faveur de la République Fran- çaise, aux droits de souveraineté et propriété qui'ils ont, tant sur cette île que sur les îles de Malte, du Gozzo et du Comino.

Article 2. La République emploiera son influence au congrès de Radstadt pour faire avoir au grand maître, sa vie durant, une principauté équivalant à celle qu'il perd, et, en attendant, elle s'engage à lui faire une pension annuelle de trois cent mille francs; il lui sera donné, en outre, la valeur de deux années de ladite pension, à titre d'indemnité pour son mobilier. Il conservera pendant le temps qu'il restera à Malte les honneurs militaires dont il jouissait.

Article 3. Les chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem qui sont français, actuellement à Malte, et dont l'état sera arrêté par le général en chef, pourront rentrer dans leur patrie, et leur résidence à Malte leur sera comptée comme une résidence en France.

Article 4. La République Française fera une pension de sept cents francs aux chevaliers français actuellement à Malte, leur vie durant. Cette pension sera de mille francs pour les chevaliers sexagénaires et au-dessus.

La République Française emploiera ses bons offices auprès des Républiques Cisalpine, Ligurienne, Romaine et Helvétique, pour qu'elles accordent la même pension aux chevaliers de ces différentes nations.

APPENDICE. 397

Article 5. La République Française emploiei"a ses bons offices auprès des autres puissances de l'Europe, pour qu'elles conservent aux chevaliers de leur nation l'exercice de leurs droits sur les biens de l'Ordre de Malte situés dans leurs états.

Article 6. Les chevaliers conserveront les propriétés qu'ils possèdent dans les îles de Malte et du Goze, à titre de propriété particulière.

Article 7. Les habitants des îles de Malte et du Goze continueront à jouir, comme par le passé, du libre exercice de la religion catholique, apostolique et romaine. Ils con- serveront les propriétés et privilèges qu'ils possèdent. Il ne sera mis aucune contribution extraordinaire.

Article 8. Tous les actes civils passés sous le gouver- nement de l'Ordre seront valables et auront leur exécution.

Fait double, à bord du vaisseau rOne^?i, devant Malte, le 24 prairial au VI de la République Française (12 juin 1798).

Signé: Bonaparte; le commandeur Bosredon-Ransljat; le baron Mario Testaeerrata; le docteur G. Nicolas Muscat; le docteur Benedetto Schembri; le conseiller V. F. Bonanno; le bailli de Torio Frisari; sauf le droit de suzeraineté qui appartient à mon souverain comme roi des Deux-Siciles, le chevalier Amati.

XXV.

LE CAS HOMPESCH.

D'après les documents qui suivent, empruntés aux recueils officiels ou aux copies faites aux Archives P®^ et R^^^ (Vienne), on sera en situation de prononcer sur les fautes de l'Ordre et de ses derniers grands-maîtres, et sur le fait même de la prise de Malte par les Français en 1798, au point de vue politique.

Nous reproduisons d'abord nos emprunts à Vivenot et à Hûffer.

Vivenot, Zur GescMchte des Bastadter Congresses (1797 1799).

P. 186. no 50. Thugut à Dietrichstein. Vienne, 7 juillet 1798. . . .Nous ne parlerons pas ici des vastes projets d'ini- quité et d'horreur qu'annonce l'expédition gigantesque de

398 L'ORDRE DE MALTE.

Bonaparte, et dont déjà le premier résultat, selon diffé- rentes lettres d'Italie, aurait été l'envahissement de l'île de Malte ...

P. 193. 52. Cobenzl à Dietrichstein, Vienne, 17 juillet 1798.

... Ce fut dans cet intervalle que le télégraphe établi entre Paris et Strasbourg nous donna la douloureuse et étonnante nouvelle de la prise de Malte . . .

P. 198. n*^ 54. Cobenzl à Dietrichstein. Vienne, 17 juillet 1798.

. . .Non content de la perfidie, avec laquelle ils ont conçu et exécuté leur entreprise sur Malte, les Français . . .

P. 198. 11° 55. Cobenzl à Dietrichstein. Vienne, 17 juillet 1798.

. . .La nouvelle de la prise de Malte ne s'est mal- heureusement que trop confirmée. Vous en aurez vu des détails dans les feuilles publiques: elles portent que Bona- parte a assuré au grand-maître une principauté en Alle- magne; c'est ainsi que les Français disposent du bien d'autrui et s'attachent surtout à anéantir l'Empire germanique. . . .

P. 199. n" 56. Cobenzl à Besborodko. Vienne, 17 juillet 1798.

. . .Faut-il sanctionner ... la prise de Malte?. . .

P. 203. 11° 58. Instruction pour Cobenzl.. Vienne, 24 juillet 1798.

... Ce que les Français ont exécuté contre . . . , contre Malte..., attaque directement ce à quoi il (l'empereur Paul L^^) a marqué le plus grand intérêt.

P. 223. 62. François II à Paul P^. Vienne, 23 juillet 1798.

. . . Faut-il que les Français restent maîtres de Malte . . . outre ce que la flotte de Bonaparte va peut-être encore leur asservir?

P. 244. 11° 72. Thugut à Cobenzl. Vienne, 11 novembre 1798.

... Ce qui ne nous a pas causé moins d'étonnement, c'est la découverte que nous avons faite par des voies non suspectes, que le marquis de Circello (Amb. de Naples) avait été muni d'instructions secrètes, pour chercher à faire garantir par l'Angleterre au roi de Naples la possession de Corfou et des autres îles ex-vénitiennes, étant autorisé d'offrir en tout cas l'île de Malte à la cour de Londres. Certes la cour de Naples ne pouvant méconnaître l'intérêt

APPENDICE. 399

que S. M. doit prendre nécessairement an sort fntnr des îles ex-vénitiennes, ni ignorer non plus la protection liaute- ment déclarée de S. M. de toutes les Russies en faveur du rétablissement de l'ordre de Malte, l'on n'aurait guère prévoir qu'elle s'imaginerait autorisée à disposer de ces possessions secrètement et sans en avoir prévenu même les deux cours Impériales. Heureusement l'Angleterre . . . non seulement a évité d'entrer en discussion sur le sort futur de Malte. . .

P. 336. 91. Etats de l'empire c[ui perdent leur pos- sessions territoriales par la cession de la rive gauche du Rliin.

Etats ecclésiastiques. C. Du Cercle du E-liin. L'Ordre de Malte, ses possessions de la rive gauche.

P. 340. no 92. Projet de la chancellerie d'état Tous les ecclésiastiques qui perdent leurs possessions sur la rive gauche du Rhin, sans que la France se soit chargée de leur entretien, sont qualifiés à recevoir des pensions.

Hermann Hliffer, Der rastaUer Congress^ II. p. 109.

Le 30 août 1798 fut conclu à Constantinople un traité d'alliance provisoire entre la Turquie et la Russie, suivi du manifeste de guerre ottoman du 1^'' septembre . . .Le S septembre une flotte russe passa de la mer noire dans le Bosp)liore; elle se réunit à une flotte turcjue et commença le 1^'' octobre sa cam- pagne contre les îles de l'Archipel et du Levant occupées un an auparavant par l^onaparte. Cerigo fut prise le 11 octobre. Zante le <24, puis, le 4 novembre commença le siège de l'île importante et bien fortifiée de Corfou (Miliutin, L, 74 f, 878 f.)

Ibidem. I, p. 380—392.

Historien imjDartial, nous analysons ici quelques aperçus de cet écrivain prussien très-hostile à la France, sur la prise de Malte ^).

»Le plan de Bonaparte était de conserver à la France la domination de la Méditerranée. Le possession de l'Egypte comme colonie était un moyen d'action contre l'Angleterre aux Indes. On espérait s'entendre avec la Turquie. La possession de Malte était nécessaire, afin de tenir en respect les Russes et les Anglais «.

') C. Correspondance de Napoléon, IV, 475, 222, 117, 177, 254, m, 435. Correspondance de Joseph, I, 189. Lehrbach à Thugut, 17 avril, 18 juin, 3 et 7 juillet (Arch. J'" de Vienne).

400 L'ORDRE DE MALTE.

L'auteur ajoute:

»Une direction forte et habile aurait seule pu sauver l'Ordre au milieu de tous les dangers qui menaçaient son existence. Par malheur ce fut ce qui manqua le plus. Une ancienne prophétie avait annoncé la perte de Malte sous un grand-maître allemand: ce qui est certain, c'est que jamais jusqu'alors il n'y avait eu d'Allemand à la tête de l'Ordre. Les Chevaliers de Langue allemande ne recher- chaient même pas cet honneur; ils n'étaient pas nombreux proportionnellement aux autres Langues, parce que l'Ordre Teutonique attirait de préférence la noblesse germanique; ils résidaient rarement dans l'île. Ce qu'ils ambitionnaient, c'étaient les bailliages d'Allemagne et de Bohême, et sur- tout le prieuré de Heitersheim qui donnait la dignité de prince du Saint-Empire, Et maintenant, dans ces temps de troubles, trois jours après la mort de Rohan, un gentil- homme rhénan, Ferdinand de Hompesch fut élu grand- maître. Il semble avoir sollicité cette charge, moins par ambition personnelle que sur le conseil d'autres qui vou- laient régner sous son nom. Les Langues d'Allemagne et de Bavière se laissèrent gagner par sa nationalité, celle de France en partie par ses promesses, en partie aussi par l'espoir que sous . sa direction la ruine de l'Ordre ne serait que plus certaine (Ceci est une belle et bonne infamie, dénuée de preuves!). Bientôt son incapacité, sa faiblesse se révélèrent si visiblement, que ce choix sembla devoir justi- fier après coup l'exclusion constante des Allemands de la dignité suprême. Et non seulement la misère, mais aussi le péril croissait de jour en jour, depuis que la flotte fran- çaise commandait la Méditerranée. Les énormes armements de Toulon et des ports italiens auraient éveiller l'atten- tion des plus myopes. Les avertissements les plus pressants ne manquèrent pas, en particulier de Rastatt (?). Tout fut inutile. Le grand-maître n'osait même pas communiquer ces nouvelles, de peur qu'elles ne rendissent plus grands la désunion et l'esprit de désobéissance, et même ce qui se passait sous ses yeux ne put le tirer de son inaction. (Ici le récit de la reconnaissance de l'amiral Brueys, le 3 mars, et du départ de Brueys pour Toulon). Le 10 mars, Hom- pesch triompha dans une lettre à son Envoyé à Rastatt. (Le 9 juin, Bonaparte arrive devant Malte et l'auteur refait le récit d'après les sources connues; il dit que Hompesch perdit la tête et ne nous apprend rien en dehors du rabâ- chage qui est de mode sur cette question, de même que

APPENDICE. 401

les accusations de trahison contre tous ou presque tous les Chevaliers de Langue française, pour expliquer un fait historique voulu, après les fautes de l'Ordre livré par Rohan et Hompesch à la coalition anglo -russo -germano -turque contre la France, ainsi que l'établissent les documents ori- ginaux que nous publions, et devenu infidèle à la mission de sa fondation en prenant parti dans les luttes de la chrétienté, sans avoir même pour excuse qu'il se serait fait le champion de la Foi catholique contre les protestants, les schismatiques grecs ou les musulmans. Le fait historique est cependant bien simple. Si Malte n'avait pas été occupée par les Français, elle l'aurait été par la flotte russe con- voyée par les vaisseaux turcs dans la Méditerranée, dès le 1®^ septembre 1798, comme elle le fut en 1800, à la suite de la journée d'Aboukir (l'^^ août 1798) et l'est encore par l'Angleterre. La neutralité invoquée contre Bonaparte n'était plus qu'une fixion, puisque l'Ordre s'était mis sous le pro- tectorat de la Russie, depuis 1785, et que la Russie était en guerre avec la France. Hompesch aurait pu traiter rela- tivement à l'occupation française et sauver ainsi l'Ordre et son indépendance, mais il n'était plus temps d'empêcher Bonaparte de prendre position à Malte, il arrivait avant la flotte de Nelson lancée à sa poursuite, et avant la flotte russo -turque. Tout simulacre d'une résistance impuissante était une faute qui devait coûter dès lors à l'Ordre la possession de Malte, dont l'Angleterre ne se dessaisira plus, mais dont la France avait alors besoin comme base d'opé- rations contre les Anglais, les Russes et les Turcs coalisés. Ce même Hermann HûfPer, II, p. 121 et s., nous confirme encore dans cette manière de voir, quand il nous apprend que le port de Naples était resté fermé en avril 1798 à la flotte de Nelson, mais qu'un traité d'assistance et de garantie entre l'Autriche et Naples avait été définitivement signé et ratifié le 31 juillet; que la Reine de Naples poussait à la coalition contre les Français, contre lesquels sa haine allait jusqu'-â la frénésie, selon un rapport de Daunou à La Réveillière Lépeaux, en date de Rome, le 15 juin, tandis que le Roi n'était pas beaucoup moins malveillant ; que, le 1^^ août, aussitôt après le départ de Malte de Bonaparte, Nelson avait vu s'ouvrir devant ses vaisseaux les ports napolitains et siciliens, car, avant même qu'il; eût gagné la bataille d'Aboukir, on lui en adressait la nouvelle officielle, et c'est ensuite de Naples que Nelson fit voiles pour com- mencer le long blocus de Malte, le 15 octobre 1798;

SALLES : L'ORURK DE MALTE.

26

402 L'ORDRE DE MALTE.

qu'enfin le manifeste de guerre du Eoi de Naples du 24 novembre, quoique par un artifice diplomatique, il soit dirigé contre la République romaine, vise uniquement la France, en s'étayant en partie sur la prise de Malte).

Vivenot op. cit. dit p. XI :

»En novembre 1796, la mort de la tsarine Catherine avait non seulement relâché, mais détruit les relations étroites de l'Autriche avec la Russie. A S* Pétersbom^g commença un régime vraiment insensé. La politique russe qui s'était auparavant signalée par de hautes visées et une direction ferme, devint aussi mesquine qu'hésitante, et dé- pendante uniquement des caprices d'un despote à la fois à peu près fou et méchant, dont la passion indisciplinable devint également dangereuse pour ses amis et ses ennemis. «

Ibidem, p. 153, 34. Thugut à Starhemberg. Vienne, 17 mars 1798.

. . . »I1 serait de la plus grande importance que l'Angle- terre pût envoyer au plus tôt une escadre dans la Médi- terranée, sans quoi il n'est que trop à craindre que Naples ne succombe par son découragement à la première attaque. « Il demande le plus profond secret sur ces ouvertures.

Ibidem, p. 175, N" 42. Cobenzl à Dietrichstein. Vienne, 27 avril 1798.

. . . »De tous les sacrifices auxquels l'empire des cir- constances a obligé S. M., celui des îles vénitiennes du Levant entre les mains des Français a été le plus douloureux, et les conséquences funestes qui en résultent ne lui ont nullement échappé. Cet objet doit fixer l'attention toute particuhère de tous ceux qui peuvent contribuer au succès. En envoyant une escadre dans la Méditerranée et en se concertant avec nous, l'Angleterre pourrait aisément re- prendre ces îles sur les Français, qui n'y ont point de moyens de défense bien considérables. Nous nous flattons que S. M. Impériale de toutes les Russies voudra bien con- tribuer par ses démarches à Londres, à engager le cabinet britannique à s'occuper essentiellement des mesures à prendre pour cet objet.«

Ibidem, p. 190, 50. Thugut à Dietrichstein. Vienne, 7 juillet 1798.

. . . »La facilité et la promptitude magnanimes, avec lesquelles la Russie a consenti en dernier lieu à fournir le contigent stipulé par son alliance avec l'Angleterre ... «

APPENDICE. 403

Ibidem, p. 212, N" 58. Instruction pour Cobenzl (de la main de Cobenzl). Vienne, 24 juillet 1798,

. . . »I1 n'épargnera aucun moyen pour persuader Paul I^"* de l'éminence du danger général que partage sans contredit la Russie, pour augmenter son ressentiment contre les Fran- çais. . . D'après les liaisons de la Russie avec l'Angleterre, il est possible que Paul I®^ appuie la prétention du ministère britannique pour la satisfaction de la trop fameuse convention des 1,600.000 £. . . .11 convient d'ailleurs beaucoup plus à S. M. de terminer directement avec l'Angleterre tout ce qui a rapport à des secours pécuniaires, pour ne pas donner à la Russie l'envie de les partager... «

Ibidem, p. 234, 66. Thugut à Cobenzl. Vienne, 19 août 1798.

. . . »La destination permanente d'une escadre d'une force suffisante pour faire la guerre avec succès, nous espérons que la Russie, vu le généreux intérêt qu'elle prend à la cause générale, voudra bien s'unir à nous pour obtenir de la cour de Londres une promesse positive à ce suj et ... «

Ibidem, p. 245, 72. Tb. à C. Vienne, 11 novem- bre 1798.

. . . »Ainsi S. M. ayant promis de ne poser les armes, en cas de guerre, que conjointement avec la cour de Naples, celle-ci prenant le même engagement avec la cour de Lon- dres, laquelle, de son côté, a contracté ou va contracter la même obligation, il en résulterait que nous nous trou- verions, par le fait et sans accord direct de notre part avec l'Angleterre et la Porte; dans la nécessité de continuer la guerre aussi longtemps qu'il plairait aux Turcs et à la cour de Londres. . . «

Ibidem, p. 279, 81, Tb. à C. Vienne, 24 janvier 1799.

. . . » J'ai eu ordre de déclarer officiellement à M. le Comte de Rasumowsky: que S. M. était fermement décidée à reprendre les armes et à recommencer les hostilités^ aussitôt que la saison le permettrait, et qu'on serait convenu entre les alliés d'un concert plus positif pour l'ensemble des opérations, sans lequel il est impossible d'en espérer le succès. . . Fourpuoi avertir l'ennemi d'avance des coups qii'on se propose de lui porter?. . . Les secours pécuniaires de l'Angle- terre sont comme un contingent de sa part à la masse com- mune des moyens à employer contre V ennemi. a

26*

404 L'OEDEE DE MALTE.

Ibidem, p. 289, 83. Th. à C, Vienne, 31 janvier 1799.

...S. M. persiste irrévocahlement dans Ja détermination communiquée par la dépêche du 24:: sous la réserve du secret. . .

Ensuite nous donnons textuellement, avec les fautes de rédaction, les pièces ou fragments de pièces qu'il nous a été permis de copier dans les fascicules de Malte et des Acta russica, aux Arcliives. Nous suivrons l'ordre chrono- logique.

Archives J'^' et B}'' de Vienne. Malte, G. 8. Herber- stein, ministre plénipotentiaire de l'Ordre de Malte, au Baron Thugutt, ministre des affaires étrangères.

. . .Les pertes immenses et incalculables que l'O. de M. a fait en France, celles qu'il vient déssuj^er par l'enva- hissement des Païs-bas, d'une partie de l'Allemagne et de l'Italie, l'ont mis désormais dans la nécessité absolue et impérieuse, d'adopter un sistéme, qui, ne s'écartant nulle- ment du principe fondamental de neutralité essentiel à l'Ordre, est l'unique moyen inséparablement lié à son existence; c'est celui de réclamer du gouvernement françois la restitution des biens de l'Ordre, et de demander que les français, membres de l'Ordre ne soient plus considérés comme émigrés . . .

Vienne, 27 août 1796.

Malta, G. 7. Hompesch à François II. Malte, 17 juillet 1797.

Lettre de Hompesch à l'Empereur, dans laquelle il rappelle qu'il a été ministre de Sa Majesté et E,^® et notifie son élection d\me voix unanime. Signée Fr. Ferdinand de Hompesch.

Même notification en italien. Malta, 18 Luglio 1797. Signature, Fr. Ferdinando de Hompesch, Il gran maestro deir Ospedale, del Sepolcro di Gerlemme di S* Antonio Viennse.

Copie de la 1-^ lettre. Malte, 7 août 1797.

Notification de la création du grand-prieuré de Russie à Malte.

»SlEE,

Je me fais un devoir de donner part à Votre Majesté Impériale et Royale qu'ayant communiqué au Conseil suprême de mon Ordre le Traité signé à Pétersbourg entre

APPENDICE. 405

les pléinpotentiaires de cette cour et notre ministre le bailli Comte de Letta pour l'établissement d'un grand-prieuré de Russie à Malte, à la place du grand-prieuré de Pologne, ce traité qui sous tous les rapports nous est très honorable et avantageux, a été sanctionné et ratifié d'une voix una- nime. Dès que j'aurai appris l'échange des ratifications, je commettrai au commd^' Comte Charles d'Herberstein, notre ministre plénipotentiaire auprès de Votre Majesté Impériale, l'honneur de lui en présenter un exemplaire. En attendant je recommande à ce ministre de lui fournir tous les éclair- cissements qu'Elle pourra désirer sur cette importante opé- ration, que je la supplie de vouloir bien approuver, par une suite de l'intérêt qu'Elle daigne prendre à tout ce qui regarde mon Ordre.

Etc.

Malte, 7 août 1797.

fr. FERDINAND DE HoMPESCH.«

Malta, G. 7. Hompesch à Thugut. 17 juillet 1797. Signification de son élection.

. . .J'ose me flatter que S. M. I. et R. ne permettra jamais qu'on touche à l'état de neutralité et d'indépendance dont Malte a joui jusqu'ici... (Il demande des indemnités pour les pertes subies par l'Ordre).

It. P^mars 1798.

Il invoque l'intervention dans le même sens au Congrès de Rastadt et fait ressortir » combien il est important que l'île de Malte reste, telle qu'elle a été jusqu'à présent, dans les mains d'un ordre militaire hospitalier, dont les devoirs les plus chers et les plus sacrés seront toujours d'accorder une hospitalité gratuite aux infirmes de toutes les nations qui fréquentent ses ports, de réprimer l'avidité et les bri- gandages des corsaires barbaresques et d'empêcher les nombreux sujets de l'Empire Turc de faire le commerce sous leur propre pavillon, le plus grand avantage des nations chrétiennes, et par conséquent pour l'utilité des nouveaux états maritimes de S. M. I"-® et Royale ^).«

Note Herberstein à Thugutt, en date de Vienne, le 13 août 1797, pour protester contre tout projet français d'échange de l'île de Malte contre une autre, demander le maintien de l'Ordre dans son état d'indépendance dans l'île de Malte, conformément au traité d'Utrecht, et réclamer

^) Traité de Campo Formio.

406 L'ORDRE DE MALTE.

l'intervention dans ce sens de la puissante pi:otection de l'Empereur et Roi, et en particulier auprès de S. M. le Roi de la Grande Bretagne.

Malta, G. 7, François II à Hompescli. »Baaden, le 26 août 1797.

Monsieur mon Couses^!

La nouvelle que Votre Altesse m'a donné (sic) de son élection me cause une vice satisfaction. Les occasions que j'ai eu (sic) de connaître les lumières et les qualités infi- niment recommandables qui la distinguent ne peuvent que me faire applaudir à la sagesse du choix unanime de l'illustre Ordre, et les sentimens affectionnés qu'Elle a toujours témoignés pour moi et ma maison me rendent ce choix personnellement intéressant et agréable.

Votre Altesse peut au reste être persuadée que j'ai envisagé avec peine et inquiétude les dangers qui menaçoient il y a peu la tranquillité du gouvernement de Maltlie, et que intimement convaincu de l'utilité de la conservation d'un Ordre qui a si bien mérité de la Religion et des trônes Catholiques j'aurai toujours vivement à coeur de contribuer à son maintien, à son bien-être et à sa splendeur. Je suis avec estime et des sentiments bien afectueux (sic)

Monsieur mon Cousin de Votre Altesse

Le bien afectionné (sic)« Brouillon avec corrections de la main de Thugut.

Malta, G, 7. Thugut à Hompesch. (En réponse à la signification d'élection remise par le chevalier comte de Rechberg.

Vienne, le 29 août 1797. Remerciements pour la signi- fication de l'élection; on y lit: L'unanimité des suffrages, le premier exemple d"un Prince-Grand-Maître choisi dans la langue allemande, enfin la nécessité de fixer le choix sur le plus digne par l'urgence des circonstances les plas critiques ont concouru à rendre la présente élection une des plus mémorables époques du très illustre ordre et à concilier à son choix les applaudissements universels de la cathoHcité . . ,

APPENDICE, ^07

Hompesch à François IL Malte, 3 nov''^'® 1797. Lettre de remerciement pour une lettro particulière de l'Empereur, avec copie jointe,

Acta russica. 1797. Nous lisons dans un office au gon Tliugut de l'Ambassadeur de l'Empereur, comte de Dietrichstein-Proskau, et à propos de la réception solennelle du comte de Litta le 20 décembre 1797, en qualité d'am- bassadeur extraordinaire de Malte, en présence des ministres étrangers, cbez S. M. l'Empereur, etc. . . . »I1 était suivi par les chevaliers Ratchiensky, Cboiseul et Vitry en uniforme etc., et un ecclésiastique qui portaient sur des coussins la croix du grand maître actuel en diamans de 10.000 roubles de valeur, une ancienne croix du fameux grand-maître Villers de l'Isle Adam., une du grand-maître La Valette., et une très antique apportée de Rhodes, outre celles pour S. M. V Impératrice, le Prince de Condé et les grands ducs.

It. » Vienne, le 23 décembre 1797. Monsieur mon Cousin !

Je suis bien reconnaissant à V. A. de la marque d'atten- tion qu'EUe a bien voulu me donner en m'informant de la conclusion du Traité signé à S* Pétersbourg, portant éta- blissement d'un grand- prieuré de Russie à Malthe. ...Cet événement aussi honorable qu'avantageux à la Religion. . ')«

Brouillon.

Note Herberstein à Thugutt, en date de Vienne, le 21 janvier 1798, pour recommander de prendre à coeur dans la crise imminente les intérêts de l'Ordre de Malte, insé- parables dans la situation présente de ceux de l'auguste maison d'Autriche et de toutes les puissances de l'Europe, en vue du congrès de Rastadt.

Note du même au B^"^ Thugutt, ministre de conférence et commissaire général en Italie, et Dalmatie pour Sa Maj® Imp. Royale, en date de Vienne, le 16 mai 1798, pour de- mander six passeports en blanc pour faire naviguer dans la Méditerranée autant de bâtiments maltais sous le pavillon de l'Emp. et R, et autant de firmans en blanc du Grand-

^) De Villeneuve-Bargemont, JI, p. 268. »Le courrier chargé d'apporter au grand-maître (Rohan) l'acte signé par le bailli Litta et le cabinet russe, le 15 janvier 1797, ayant débarqué à Ancône, fut arrêté par les Français, maîtres de ce port. Ses dépêches fureiit expédiées au Directoire*.

408 L'ORDRE DE MALTE.

Seigneiir, afin de ranimer nn peu la navigation et le com- merce de l'île.

Note du même, en date de Yierme, le 16 mai 1798, pour signaler l'arrivée d'une escadre française, le 10 mars 1798, dans les parages de Malte, et donnant communication de la dépêche du grand-maître du 10 mars relative à ce sujet.

»Le 2 de ce mois au soir très tard, des signaux rappelés dans la partie occidentale de l'île nous indiquèrent qu'une forte escadre venait d'être aperçue de ce côté-là, mais sans qu'on eût pu distinguer à quelle puissance elle appartenait.

»Le lendemain matin cette escadre fut de nouveau signalée a dix ou douze milles au large, sans pouvoir encore distinguer de quelle nation elle était. Le nombre des vais- saux et frégates qui la composaient était de 18, faisant petite route, a l'exception d'un vaisseau de 60 canons qui venait sur Malte couvert de toutes ses voiles, mais sans pavillon, qu'il n'arbora que lorsqu'il fut à la portée du canon. C'est alors seulement, qu'on reconnut qu'il était français ainsi qu'un petit cliebec, qui l'accompagnait. Il se dirigea sur le grand port, il entra trois ou quatre lieure après s'être séparé du reste de l'escadre.

»I1 est inutile de vous dire, que dans cet intervalle les renforts avaient joint leurs postes respectifs, et que par conséquent tout s'est montré dans un tel état de défense, qu'on s'en est sans doute aperçu sur l'escadre qui s'étant développée marchait défilant en ligne presqu'a la portée du canon des forts et des remparts. Yojant qu'elle faisait mine d'entrer, nous ordonnâmes à l'un des commissaires de santé d'aller faire savoir au commandant, que nos lois relatives à la neutralité ne permettaient l'entrée qu'à quatre vaisseaux de chaque nation ou puissance belligérante, mais l'escadre ayant viré de bord à la hauteur du port, cette commission n'eut pas lieu.

» Quoiqu'il en soit, la vérité est que ces mesures étaient aussi naturelles que conformes à la raison et à la saine politique, et que si elles n'eussent pas été prises, si une fausse sécurité nous eut exposés au moindre inconvénient, il n'y aurait eu qu'une voix, tant ici que dehors et avec fondement pour nous en blâmer.

»Le vaisseau français après être entré dans le port, a3^ant déclaré que l'escadre dont il faisait partie venait de Corfu et manifesté qu'une voie d'eau considérable le mettait dans la nécessité d'une réparation pressante, nous avons

APPENDICE. 409

sur le champ ordonné que tons les plongeurs et ouvriers qui pourraient lui être utiles lui fussent fournis sans délai. L'Agent consulaire de la République française étant ensuite venu nous demander la permission de procurer à ce vais- seau tous les secours dont il avait besoin, nous lui répon- dîmes que nous consentions avec plaisir à tout ce qui pou- vait être utile non seulement à ce vaisseau mais à l'escadre entière, à laquelle il pourrait envoyer tous les rafraîchisse- ments qu'il voudrait. Il nous dit alors qu'elle resterait en croisière jusqu'à ce que le vaisseau fût réparé.

» Toutes les réparations nécessaires aj^ant été faites au vaisseau pendant six jours qu'il est resté au mouillage, il s'est trouvé en état de sortir du port le 8 de ce mois et d'aller rejoindre l'escadre, qui a toujours resté en vue et dont le commandant et ses capitaines qui avaient reçu toute sorte de rafraîchissements et d'attentions de notre part nous en ont fait faire les plus vifs remerciements.

Malte, le 10 mars 1798.«

Thugut à Hompesch. (En réponse à la lettre, en date de Malte, le l'^^' mars 1798.)

s> Vienne, le 15 mai 1798.

MONSEIG-NEUB,

Je me suis empressé de mettre sous les yeux de Sa M^ l'Empereur, la lettre dont il a plu à Votre Altesse Emi- nentissime de m'honorer en date du 1®^ de mars. S. M. m'a chargé de lui réitérer les assurances de toute son estime pour Elle, ainsi que de Sa bienveillance particulière pour l'ordre de Malthe, étant intimement convaincue que la conservation et la prospérité de cet illustre Institut doivent plus que jamais intéresser les gouvernenîents sous le double rapport de la religion et de la politique. Conséquemment à ces sentiments les Ministres de Sa Majesté Impériale à Rastadt recevront incessamment l'ordre de s'emplover d'une manière conforme aux désirs que V. A. Em. a témoignés dans Sa lettre, dans toutes les occasions qui se présenteront de faire valoir l'appui de Sa Majesté avec quelque vraisem- blance de succès . . . « .

Dépêche Dietrichstein à Cobenzl. 25 mai 1798.

. . .L'escadre russe sous les ordres de M. de Macaroff, destinée à seconder les flottes britanniques mettra demain / à la voile de Cronstadt. La manière dont son déjpart a été

410 L'ORDRE DE MALTE. ,

accéléré estime nouvelle preuve de l'empressement avec lequel Paul 1^^' viendra toujours au secours de ses alliés...

D. à C. 29 mai 1798.

. . . Outre cela il paraîtra dans la quinzaine une flotte de quinze vaisseaux de ligne dont trois de la première grandeur et un nombre proportionné de frégates sous les ordres de l'amiralKrusepourprotégerlanavigationduSund, . .

Malte, 21 juin 1798. Bailli de Tigné.

»Les causes de la reddition de Malte sont les suivantes : Le gouv* faible et vacillant de Rohan avait laissé pro- pager les principes destructeurs de tout gouvern*. Il avait mis dans presque toutes les places de l'administration des gens qui étaient hautement partisans des maximes françaises et qui recevaient des gratifications des tricolores. On élut Ferd. Hompescli parce qu'il faisait paraître des senti- ments nobles et généreux, mais on peut croire actuellement qu'il avait fait son marché pour livrer l'Ordre. C'est lui qui l'a perdu par sa bêtise, par sa lâcheté et peut-être par sa perfidie. 3*^ Il y a eu trahison des membres de l'Ordre qui avaient la direction des finances, des fortifications et de l'artillerie. Les riches habitants de Malte, barons et négo- ciants, ont marqué la plus grande ingratitude: ils ont fait assassiner des chevaliers en propageant le bruit que les chevaliers les livreraient aux Français. Le roi d'Espagne dont le devoir et l'intérêt était de protéger l'ordre, l'a astu- cieusement livré aux Français, au point que M. Amat, ministre d'Espagne à Malte, a signé l'arrangement et la reddition qui s'est fait sous sa domination. ... Il y avait en tout 690 h . . . Buonaparte ne fit point jeter de bombes ni tirer de canon contre la ville^ parce que les Maltais conspira- teurs étaient convenus de massacrer les chevaliers à ce signal., et que Buonaparte n'a pas voulu permettre de pareils crimes . . . Ferd. Hompesch n'a rien demandé pour l'Ordre ni pour les chevaliers, mais il a obtenu pour lui un traitement con- sidérable, six cent mille francs d'argent comptant et trois cent mille francs de pension jusqu'à ce que la Fr. lui ait fait avoir une souveraineté. . . Les Chevaliers qui ont plus de 7 ans de résidence peuvent rentrer en France, tous les membres de l'ordre français ont 700 frs de pension, ceux qui ont soixante ans ont mille francs . . . Buonaparte fit dire qu'il donnerait de l'emploi à ceux des chevaliers qui vou- draient aller avec lui, quarante huit ont pris parti sous ses enseignes.»

APPENDICE. 4.11

Le Bailli de Loras, maréchal de l'Ordre (22 juin 1798, à la Trezza, en Sicile, entre Catania et Messine), à l'Am- bassadeur de Malte à S* Pet.

»Notre ordre n'existe plus à Malte, mon cher Bailli, j'ai été témoin et non Complice de cette occasion humiliante mes représentations ont été inutiles parce que le grand- maître s' étant réservé le commandement mes fonctions restaient sans effet. Depuis le 25 février je n'ai cessé de suggérer par écrit les précautions et les moyens de notre défense au g. m. qui souvent me répétait que tout était fait, et cependant au moment les français sont descendus, il n'y avait presque rien de commencé, ce qui prouve manifestement qu'il a été trompé par ceux qui ont reçu immédiatement ses ordres relativement aux munitions mili- taires... Notre pauvre g. m. était réduit à 1200 h. de troupes réglées et environ 600 chasseurs: ces troupes étaient distribués dans les points principaux de notre défense avec ce que nous avions de mieux en grands- croix et chevaliers militaires. (La suite du récit n'offre rien de nouveau, sinor que Loras aurait proposé au G. M. »de se retirer avec tous les chevaliers sur les deux cavaliers de La Valette, afin de parler de librement et noblement, afin de gagner au moins huit jours«, et qu'il constate que »les chevaliers avaient été sacrifiés par leurs propres troupes et qu'il y avait de toute part une exécrable insubordination*). La fin de la lettre est typique: »Avec le plus ardent désir que l'auguste protection de S. M. I. de Russie établisse ce même ambassadeur grand-maître, puisque notre ancien chef nous a abandonné (sic) pour conserver une ombre de fortune».

Dépêche Dietrichstein à Thugut. 27 juillet 1798.

. . .Le chancelier me confia, en me priant de ne rien dire, qu'il avait remettre le lendemain de la part de l'Empereur 200/m roubles à M. de Litta pour les faire passer à Malte en ajoutant que l'Empereur ne se bornerait pas à ce secours, le grand-maître ayant témoigné qu'il n'avait besoin que d'argent, mais qu'ayant reçu par moi la nouvelle de la prise de Malte il supprimerait tout ce message.

Malta, G. 7. Lettre Hompesch àErançois IL 28 juillet 1798.

» Siée,

C'est avec une profonde affliction que je donne part à Votre Majesté Lnpériale et Royale des circonstances

412 ^L'ORDRE DE MALTE.

déplorables qui ont forcé mon Ordre d'abandonner l'Isle de Malte au pouvoir de la République française. Il a céder au voeu de la Nation maltaise qui, intimidée en partie par ses armes et en partie prévenne par ses promesses, a rendu inutiles et même impossibles, des moyens de défense dont son courage et sa fidélité formaient naturellement la plus essentielle force. Le manifeste ci-joint prouvera à Votre Majesté Impériale et Royale que mon Ordre, toujours fidèle à ses devoirs d'hospitalité et de neutralité, n'a jamais provoqué l'agression hostile de la République Française, mais que son attachement à maintenir des lois que, par de funestes contrariétés, il n'a pas été dans cette occasion en son pouvoir de faire respecter, est l'unique cause des mal- heurs qui sont venus l'accabler.

Après une longue et pénible navigation, arrivé enfin dans les Etats de Y. M, et R^® près de laquelle, guidé par un sentiment de respect et de juste confiance, j'ai cru pou- voir chercher un azile, j'ai voulu marquer le premier instant je recouvre ma liberté chez un Souverain, Protecteur auguste de mon Ordre, par une solennelle protestation contre tout généralement ce que l'armée française a opéré à Malte, et particulièrement contre la Convention signée le 11 juin et dictée uniquement et dans tous ses termes par le général Bonaparte. Mais comme dans le titre de cette convention on voit articulée la médiation de Sa Majesté Catholique, tandis que j'avais seulement prié son chargé d'affaires près de ma Personne d'interposer ses bons offices pour obtenir, dans les circonstances critiques du moment, une plus hono- rable capitulation, le respect constant que je me fais, ainsi que mon Ordre, un devoir de garder envers Sa Majesté le Roi d'Espagne, retarda la publication de l'acte dont je soumets le projet à Votre Majesté Impériale et Royale, et m'engage à le suspendre jusqu'à ce que j'aie pu connaître les véritables intentions de Sa Majesté Catholique qui n'a jamais voulu sans doute l'expi^lsion de mon Ordre, ni mon déshonneur.

J'ose espérer de la constante faveur dont Votre Ma- jesté P® et RI® a sans cesse honoré cet Ordre dont les membres aujourd'hui dispersés attendent de l'équité, de la piété et de la bienfaisance des Princes Chrétiens, les moyens de se réunir encore, qu'EUe conservera le maintien de l'existence de l'Ordre dans l'exercice de ses devoirs et la libre jouissance de ses biens, enfin, que se laissant aller aux mouvements d'une généreuse sensibilité, Elle n'écoutera pas

APPENDICE. 413

sans intérêt les voeux que nous portons aux pieds de son Auguste Throne.

Je la supplie d'être persuadée du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être

Sire de Votre Majesté Impériale et Royale Le très-liumble et très-obéissant serviteur Le Grand-Maître

fr. FERDINAND DE HoMPESCH.

Trieste le 28 juillet 1798.

A Sa Majesté Imp^® et Royale.

Progetto di Protesta di S. A. Eiïîa il Gran Maestro dell Ordine di San Giovanni de Gerume contro la presa di Malta falta dall'Armata Francese.

»I1 gran maestro dell'Ordine di S. Gio: di Gerume sov- rano dell'isola de Malta, ora cli'e giunto in parte sicura, e elle puo liberamente fare intendere la voce délia verità, protesta altamente a tutti li Sovrane Prottetori dell'Ordine, a tutti le altre Potenze e al mondo intiero in suo proprio nome e in quello dell'Ordine sud*°, rappresentata dal Sro Consiglio che ha presso di se, contro l'ingiusta invasione dell'isola di Malta e contro l'espulsione violata délia stessa, di se Gran Maestro e di tutta la sua Religione, operata il di 12. Giugno del corrent'anno 1798, dall'Armata délia Republica Francese sotto gl'ordini del General in capo Bonaparte, perché contraria al dritto délie Genti, e aile leggi dell'amicizia corrispondenza che malgrado le tante spogliazioni sofFerte sussistevano fino al momento dell'attaceo tra l'Ordine di Malta e la Republica Francese, e perche effettuata col mezzo délia piu indegna seduzione per parte de Republicani e del piu nero tradimento per quella prin- cipalmente Maltesi: cosicche non solo senza conoscere alcun giusto motivo nell'ostile intrapresa de Francesi, ma depo ancore avère praticato tutti i mezzi possibili per con- servare, siccome con tutte le altre Potenze, cosi con la Republica sud*^ la statutare neutralità deirOrdine, si è ritrovato nell'imminente caso di vedere tutta l'Isola e la Cittâ devastata e sterminata, e per il più infâme e terribile comploto de naturali tracidata tutta la suaReligiosa équestre milizia.

414 L'ORDRE DE MALTE.

La stesso Gran Maestro protesta in oltre specialmeiite e in sno particolar nome contro gl'articoli pecuniarj ed altri che lo riguardano nella pretesa covenzione dettata iinica- mente dal General Buonaparte, corne articoli non mai da lui Gran Maestro in alcun modo ricercati, ma che solo per dei loro fini second arj sono stati introdotti dai deputati Maltesi l'influenza de quali erasi raddopiata per esserne stati aggiunti due dippiii di quelli nominati dal Sro consilio dell' Ordine. Rinuncia perciô il riferito grau maestro asso- lutamente e pienamente a tutto quello clie per li articoli su indicati gli potrebbe ora o in avvenire spettare alla Sovranità fattagli sperare nella detta convenzione per mezzo dell' influenza délia Eepublica Francese perveniali, ed aile cambiali cb'è stato costretto di accettave sottoscrivendone le ricevute presentategli per parte del Générale Francese, délie quali cambiali dicbiara formalmente cbe non se ne servira ora ne mai, e queste sue proteste, e questa sua dichiarazzione tanto a nome suo proprio quanto a quello dell' Ordine Gerlno intende vuole, e farà quanto potrà dipendere da lui clie sieno note non solo a Sovrani suoi Prottetori, ma ad ogni altro Principe d'Europa, e a tutto il Mondo tanto esigendo sul particolare délia presa di Malta la purità délie sue intenzioni, e l'innocenza délia sua con- dotta cosi' inverso a Dio, che agli nomini tutti. «

Protestation Hompesch. (Env. avec lettres d'accom- pagnement, par Eechberg (G. 7), en date de Trieste, le

28 juillet 1798), pour Thugut, et (en date de Trieste, le

29 juillet 1798) pour CoUoredo. Les lettres signées: Le grand-maître Hompesch.

»L'Ordre souverain de Malte, dépouillé d'abord de ses privilèges et subséquemment de ses propriétés en france n'a jamais opposé à cet acte de prépotence que des récla- mations légales par devant les autorités nouvellement con- stituées. En vain ses Ministres ont-ils été refusés, renvoj^és, il n'a témoigné ni haine, ni désir de vengence. Livré con- stamment à l'exercice de ses devoirs, il n'a pas cessé un instant d'être hospitalier et neutre. Sans partialité pour aucune des Nations qui semblaient le favoriser davantage, il n'a jamais refusé celle) dont il avait à se plaindre tout ce que ses lois lui permettaient d'accorder, et les navires français ont toujours trouvé dans le port de Malte, vivres, provisions, radoubs, secours de toute espèce. S. A. E.

APPENDICE. 415

en a reçu plusieurs fois des remercîments officiels dont les derniers au passage de l'Escadre de Corfou pour les soins donnés à la réparation d'un vaisseau qui en faisait partie lui ont été adressés par le même citoyen Brueys qui la commandait alors, et peu après a reparu devant Malte Contre Amiral de l'Escadre qui en a opéré l'envahissement.

Le 7 juin au matin la première division formée par un convoi de cent voiles, escorté par quelques frégates, se déploya à la vue de l'Isle. Les habitants parurent très bien disposer à repousser toute attaque, s'il y avait lieu, mais l'Ordre fut autorisé à croire qu'il n'avait à craindre aucune hostilité de la part des français par une lettre que le citoyen Eidoux, chef commandant de la division, s'appercevant qu'à son arrivée on avait renforcé quelques batteries sur les rivages, écrivit au citoyen Caruson, Maltais, ensuite naturalisé français et agent consulaire pour le charger de témoigner au Grouvernement son étonnement de ce qu'on supposait à l'Escadre des vues qui n'avaient jamais été celles de la République. Il lui ordonnait en outre de solli- citer l'entrée du port et des secours pour quelques batimens qui avaient soulïert dans la traversée en assurant S. A. E. que sa complaisance à cet égard cimenterait la bonne in- telligence qui n'avait pas cessé d'exister entre la france et Malte. Cette demande ayant été agréée, le port fut ouvert à cinq bâtiments à la fois et plusieurs petits navires, des barques, une demi galère, venaient successivement s'y raccommoder et chercher des rafraichissements.

Les assurances positives du citoyen Eidoux et les propos de plusieurs officiers qui parlaient de l'expédition de l'escadre comme ayant un but lointain, diminuèrent généralement dans le Public beaucoup de l'inquiétude que devait natu- rellement causer l'apparition qui eut lieu le 9 au matin de 15 vaisseaux de guerre dont le commandant à trois ponts, frégates, chebecs, transports, en tout trois cents voiles qui garnirent, en se prolongeant toute la côte de l'Isle.

Cependant S. A. E. avait donné l'ordre de rassembler les milices, d'armer les forts, de monter toutes les batteries ; précautions sages et dont l'efPet eut au moins été de lasser les efiorts des ennemis, si tous ceux qui devaient être les plus sensibles à l'honneur ou à la reconnaissance, avaient écouté la voix de leur devoir, et par une détestable trahison, n'eussent rendu inutile tout projet de défense. Les français après l'événe- ment, ont donné à connaître eux mêmes une liste nombreuse de Maltais depuis longtemps dévoués à leur entreprise.

416 L'ORDRE DE MALTE.

Dans l'après dinée de ce même jour l'agent consulaire se présenta chez S. A, E. et lui demanda de la part du général en chef, citoyen Bonaparte, l'entrée du port pour toute l'escadre et le convoi, et l'assurance d'obtenir tout ce qui serait l'objet de ses recours. S. A. Eme de l'avis de la congrégation d'état, aprouvé ensuite par le Sacré Conseil, répondit à cette demande vague que le général ne devait pas ignorer ce que prescrivaient les loix de neutralité de l'exécution desquelles l'Ordre était responsable à toutes les puissances et ce qui s'était récemment pratiqué à l'égard de l'escadre française venant de Corfou; qu'EUe accordait volontiers tout ce qui dépendait d'Elle; mais qu'au reste, si le général persistait dans ses demandes, Elle le priait de les faire par écrit. Le consul Caruson partit avec cette réponse verbale, et ce fut inutilement que toute la nuit on attendit son retour.

Le 10 à la pointe du jour, pendant que toutes les chaloupes et canots de l'escadre se remplissaient de monde et s'armaient, un officier vint au port, chargé d'une lettre du citoyen Caruson pour S. A. E., la remit aux com- missaires du Bureau de santé, fit partir sur le champ un transport chargé de bombes et une barque canonnière qui faisaient encore des provisions dans le port et s'en éloigna lui-même très promptement. A l'instant les chaloupes se réunirent et se dirigèrent vers le lieu devait s'eiïectuer le débarquement; ainsi, il n'y eut aucun intervalle entre les hostilités et l'espèce de déclaration de griefs dont les français ont prétendu s'autoriser et que l'on va transcrire

»Eminence,

»Ayant été appelé pour aller à bord du vaisseau amiral pour porter la réponse que Votre Eminence avait fait (sic) à ma proposition de permettre à l'escadre de faire de l'eau, le général en chef Bonaparte a été indigné de ce qu'Elle ne voulait accorder la permission de faire de l'eau qu'à quatre bâtiments à la foisj et en effet, quel temps ne faudrait- il pas à cinq ou six cents voiles pour se procurer de cette manière l'eau et d'autres choses dont ils (sic) ont un pressant besoin? Ce refus a d'autant plus surpris le général Bona- parte qu'il n'ignore pas la préférence accordée aux Anglais et la proclamation faite par le prédécesseur de Votre Eminence.

»Le général Bonaparte est résolu à se procurer de force ce qu'on aurait lui accorder suivant les principes de l'hospitalité qui est la base de votre Ordre.

APPENDICE. 417

»J'ai vu les forces considérables qui sont aux ordres de Bonaparte, et je prévois l'impossibilité où. se trouve l'Ordre de résister. Il eut été à souhaiter que dans une cir- constance si majeure Votre Eminence par amour pour son Ordre et ses Chevaliers et toute la population de Malte, eut pu proposer quelque moyen d'accommodement.

»Le général n'a point voulu que je retournasse dans une ville qu'il se croit obligé désormais de traiter en ennemie, et qui n'a plus d'espoir que dans la loyauté du général Bonaparte. Il a donné les ordres les plus précis pour que la Religion, les moeurs et les propriétés des Maltais soient scrupuleusement respectées.

»Je prie Votre Eminence d'agréer l'hommage de mon respect

Le 9 juin 1798. V. S. i)

Caeuson.«

Cette lettre datée du 9 juin et remise seulement le 10 au matin, est un monument de la mauvaise foi du consul qui, après avoir fait à S. A. E. des demandes dont l'ambi- guité pouvait amener les plus importantes conséquences, ne constate que la simple demande de faire de l'eau. Au reste, il est facile de répondre aux plaintes que contient cette lettre. L'Ordre qui en ouvrant le port à une escadre chargée de nombreuses troupes se serait imprudemment exposé à quelque surprise, ne voulait y recevoir que quatre vaisseaux à la fois, a suivi les loix exactes de neutralité qui lui sont prescrites: loix généralement reçues, et qui l'ont jadis autorisé à faire tirer sur des vaisseaux français qui voulaient entrer dans le port de Malte en plus grand nombre qu'il n'était permis. Louis XIV régnait alors, et ce monarque bien loin de s'irriter de cet acte de défense eut la loyauté de reconnaître hautement qu'il était légitime ^).

La faculté de recruter à Malte des matelots ne saurait être taxée de préférence accordée aux Anglais, puisque les Espagnols en ont joui comme eux, et que les corsaires français ont aussi librement embarqué des renforts. Le gouvernement n'a jamais certainement jamais voulu em- pêcher les Maltais de s'engager au service de mer d'aucune puissance. Son amour pour ses sujets lui faisait voir avec

^) Ce V. S. se rapporte non au calendrier Julien, mais au calen- drier Grégorien, par opposition au calendrier républicain.

2) Il fut d'abord suivi de la confiscation des biens des Chevaliers en territoire français.

SALI.,ES : L'ORDRE DE MALTE.

418 L'ORDRE DE MALTE.

trop de satisfaction qu'ils se procuraient ainsi une sub- sistance que les réformes nécessitées par les pertes de l'Ordre en france et ailleurs ne leur permettaient plus de leur donner sur les escadres, et il portait même sa pater- nelle attention à faire assurer leurs familles de toucher à Malte une partie de la paye qu'ils obtenaient sur les navires des nations étrangères ; mais en même temps que le gouver- nement permettait aux Maltais d'être partout matelots, il leur refusait positivement d'être soldats nulle part, et le feu grand-maître Rolian qui, dès le commencement de la révo- lution française, avait prohibé par une lettre circulaire aux membres de l'Ordre de s'immiscer dans aucun parti, défendit ensuite par une proclamation aux sujets de l'Ordre d'entrer au service militaire d'aucune des puissances belligérantes.

Quant aux regrets qu'exprime le citoyen Caruson de ce que S. A. E. n'ait pas essayé avec la République française un accommodement, ils sont une véritable dérision puisqu'il savait bien qu'il ne peut y en avoir le devoir est précis, et que se relâcher des lois de la neutralité, c'est la rompre; ce que S.A. E. n'aurait jamais voulu faire. D'ailleurs, le citoyen Bonaparte était lui-même bien loin de désirer quelque accommodement.

La rapidité avec laquelle le général français a fait succéder l'un à l'autre les événements de son entreprise, démontre au contraire combien il avait à coeur de hâter la surprise qu'il a opérée. Le peu de précaution qu'il a pris (sic) dans son débarquement, en ne le faisant point soutenir par le feu de quelques frégates, prouve aussi évidemment combien par ses intelligences dans l'isle, il était certain de la réussite,

A sept heures les chaloupes françaises voguèrent vers la Galle de la Magdelaine. A leur approche, le détachement qui était posté à la batterie défendant cette Galle, jeta ses armes et s'enfuit. La Tour S* G-eorges qui protégeait la batterie tira un seul coup de canon, de sorte que les fran- çais débarqués sans péril sur la plage, se répandirent sans obstacle dans la campagne,

L'étonnement fut extrême de voir que des troupes pré- cédemment si bien disposées, tinssent une conduite aussi funeste à la défense de l'isle; mais on y crut alors recon- naître seulement l'effet naturel que l'aspect d'un premier péril fait sur des mihces nouvelles et qui n'ont aucune habitude de la guerre. Toutes fuyaient et venaient, malgré leurs commandans, chercher l'abri des fortifications de la

APPENDICE. 419

ville. Elles y entraient pèle mêle avec les femmes et les enfants que la frayeur entraînait sur leurs pas.

Il serait imposible de rendre un compte détaillé de ce qui se passa dans la journée depuis cet instant. Ce ne fut que trouble et confusion entretenue habilement par l'agita- tion et les faux rapports multipliés des gens conjurés contre le gouvernement de l'Ordre qui, se tenant à l'écart des lieux ou leur devoir les appelait, mais se montrant ailleurs fidèles et empressés, le trahissaient plus cruellement encore.

Cependant d'autres traîtres n'ayant pu généralement séduire par les moyens ordinaires et pervertir la fidélité des troupes maltaises, tachèrent de l'égarer. Deux heures suffirent pour faire réussir cette inique oeuvre, et dès le commencement de l'après midi, un spectacle affreux en attesta l'effet; deux Chevaliers français des plus généreux sentiments furent blessés et traînés couverts de sang au Palais de S. A. E. par des milices qu'ils avaient voulu conduire à un poste important à garder. On avait fait circuler parmi elles la voix que ces chevaliers, désirant de rentrer dans leur patrie et pour se faire un mérite auprès de leurs Concitoyens, voulaient livrer leurs soldats en les exposa.nt; c'est ainsi que les traîtres, cherchant à détourner de dessus leurs têtes la mort qui les mena- çait s'ils étaient reconnus, portaient le soupçon sur des innocens qu'ils offraient pour victimes à la barbare fidé- lité des campagnards maltais qui, faciles à être abusés et à s'irriter, immolèrent huit chevaliers français, étendirent leur défiance sur les chevaliers de toutes les nations et refusèrent de marcher sous le commandement d'aucun. Le désordre devint alors général! On en profita pour essayer de porter des troupes à la révolte, en les faisant manquer des vivres que le gouvernement envoyait dans les différents postes et qu'on détournait. On vit les munitions de guerre qu'on distribuait abondamment être tantôt soustraites et tantôt altérées, les affûts se rompre sous les canons qu'on essayait de transporter d'un lieu à l'autre et les bras qui devaient les mouvoir ou les réparer, se lasser toujours d'un service pénible. A chaque instant on demandait de nouveaux ordres, et ces ordres ne parvenaient pas ou se perdaient par l'inexactitude ou la lenteur de l'exécution. Aussi l'effet d'une disposition ne fut-il jamais celui qu'on devait en attendre.

A huit heures du soir les français après avoir pillé la campagne, étaient aux postes de la Floriane que les personnes

27*

4,20 L'ORDRE DE MALTE.

cL-argées de pourvoir aux moyens de les deffendre n'avaient pas encore eu, disaient-elles, le temps de les préparer. Déjà les murmures du peuple eiFrayé annonçaient l'instant d'une crise violente, lorsqu'une députation de notables maltais se présenta à S. A. E. et la supplia d'une manière assez respectueuse de songer à sauver la vie et les propriétés de ses sujets. S. A. E. répondit avec sa bonté ordinaire que les deffendre et les protéger serait toujours un des soins les plus cliers à son coeui^, et qu'EUe en consulterait bientôt avec les vénérables membres du conseil. Une demi heure après, pendant laquelle à la faveur des ombres de la nuit quelques gens gagnés essayèrent de donner de fausses allarmes dans la ville, tandis que les conjurés achevaient' d'ourdir l'abominable complot d'égorger tous les membres de l'Ordre à la première bombe que lanceraient les fran- çais, une seconde députation nombreuse et mêlée de nobles, de bourgeois et de gens de justice, vint hardiment déclarer à S. A. E. que les citoyens ne voulant pas faire dépendre leur sûreté des résolutions de l'Ordre, y avaient particu- lièrement pourvu en inscrivant et signant de leurs noms chez le consul de la République Batave, le desù- des habitants de capituler et le chargeant de le transmettre incessamment au général français avec ou sans le voeu de l'Ordre; qu'en conséquence il fallait que S. A. E. avisât sans délai à ce qu'Elle voudrait faire.

Le sacré conseil était sur le point de s'assembler. Les circonstances présentes; la force des ennemis qui se portait à près de quarante mille hommes; la disposition des princi- paux habitans; le petit nombre de Chevaliers des huit Langues qui n'arrivait pas à quatre cent (sic); l'indiscipline et la désobéissance des milices; le manque de troupes réglées, l'Ordre n'ayant à sa solde que douze cents hommes tous nationnaux (sic); La pénurie se trouvait le trésor qui, privé depuis longtemps de plus de la moitié de ses revenus, avait subvenir aux dépenses nécessaires par des emprunts qui le ruinaient chaque jour davantage et d'autres malheurs y furent sérieusement et longuement discutés. Les avis se réunirent pour une suspension d'armes, que le consul de la République Batave, chargé d'en porter la demande, obtint avec quelque difficulté. Elle fut suivie le lendemain d'une convention traitée sous la médiation du ministre d'Espagne et signée en sa présence le 11 juin par le général Bonaparte, deux commissaires de l'Ordre, et quatre citoyens maltais. En exécution de cette convention, la ville fut rendue le 12.

APPENDICE. 421

Il est essentiel de remarquer qu'aucun Maltais n'a péri dans la journée de l'attaque, et que le lendemain de la reddition plusieurs des directeurs militaires et des chefs des administrations oeconomiques de l'Ordre, et civiles du pays de tout rang ont été reçus au service et employés par le nouveau gouvernement français.

Le premier ordre donné à Malte par le général Bona- parte fut celui au ministre de Russie, chevalier 0-hara de sortir de l'isle, ne lui accordant que trois heures pour s'éloigner et s'embarquer.

Le second ordre fut celui du prompt départ, n'excep- tant que les sexagénaires, des membres de l'Ordre, les Por- tugais et Russes dans le terme de quarante-huit heures et les autres dans celui de trois jours.

Tous durent se munir de passeports du gouvernement militaire qui furent pour les chevaliers français un long objet de discussion et occupa (sic) particulièrement la vive sollicitude de S. A. E. Elle lit à diverses reprises coniiden- tiellement prier le citoyen Bonaparte de prouver la géné- rosité de ses intentions en se refusant à établir d'affli- geantes différences, et de ne point en exprimer sur l'état que, suivant la convention, il devait former. Elle lui en parla avec chaleur dans les deux entrevues qu'EUe eut avec lui. Enfin Elle lui députa pour essayer de nouvelles propositions sur le même objet, et demander que tous les passeports fussent égaux et directs pour france, trois Grands- Croix prééminens, l'un desquels avait signé la convention. Mais toutes démarches furent inutiles et le citoyen Bona- parte, en restant inflexible, acheva de navrer de douleur le coeur du Grand-Maître qui, d'ailleurs, aj^ant vu le même jour abbatre (sic) les armes de la Religion placées sur la porte de son palais crut devoir s'éloigner sans retard.

S. A. E., avant de quitter Malte, demanda d'en emporter trois principaux objets de la dévotion de l'Ordre conservés dans l'Eglise de S*-Jean, la main du Saint Précurseur, l'image miraculeuse de Notre-Dame de Philerme, et un morceau de la vraie Croix. Ils lui furent remis par le général français, mais dépouillés de leurs riches ornemens ; c'est sous la sauve garde de ses (sic) reliques que S. A. E. suivie des officiers de son palais et accompagnée de deux membres du Sacré Conseil, de quelques commandeurs et chevaliers, s'embarqua pour Trieste le 18. Juin à deux heures après minuit.

422 L'ORDRE DE MALTE.

Malta, C. 4. Hompesch. au Prince Colloredo, Vienne. Trieste, 29 juillet 1798.

Monsieur,

Dans les circonstances pénibles se trouve mon Ordre, l'appui des personnes aussi distinguées que Votre Altesse par leurs lumières et la générosité de leurs inten- tions, est aussi nécessaire, que dans tous les temps il est honorable, je le réclame donc pour cet Ordre illustre, que de cruels événements ont privé du lieu de sa résidence. Je charge le comte de Rechberg de présenter à Sa Majesté Impériale la Relation que je joins à la respectueuse lettre par laquelle je réclame son auguste protection et sa bien- faisance. Ce chevalier, que j'estime particulièrement, solli- citera la bienveillance de Votre Altesse, et vous priera vivement de ma part de vous intéresser à l'existence de mon Ordre, à 'ma satisfaction qui est inséparable du bon- heur de ses membres, et d'accorder une vive affection au succès des voeux que moi et mon Ordre portons aux pieds du throne de Sa Majesté Impériale. Je connais trop bien la haute manière de penser de Votre Altesse pour ne pas être assuré qu'EUe accueillera ma parfaite confiance en son intercession.

Soyez bien persuadé de l'estime particulière et distin- guée avec laquelle je suis

Monsieur de Votre Altesse Le très aff^^ serviteur

Le Grrand Maitre Hompesch. A S. A. M'^ le Prince de Colloredo,

Vienne.

1798. Dépêche Dietrichstein à Thugut, Août.

Le chancelier vient de me communiquer l'Ordre donné par S. M. d'envoyer encore 5 de ses vaisseaux de ligne et deux frégates en Angleterre pour mettre plus facilement cette puissance à même d'augmenter sa force dans la mé- diterranée, c'est donc quinze vaisseaux de ligne et sept frégates russes que l'Angleterre a à sa disposition sans compter 15 vaisseaux de ligne et six frégates sous l'amiral Cruse qui protègent la mer du Nord.

APPENDICE. 423

1798. Dépêche Dietrichstein à Thugut, Août.

. . .que la flotte russe de la mer noire qui avait déjà reçu les ordres à cet eifet, devait se joindre sans en attendre de nouveaux à celle des turcs pour repousser conjointement avec eux l'agression des Français (Cette dépêche est posté- rieure à l'arrivée de Bonaparte à Alexandrie).

1798. Dépêche Cobenzl à Thugut, Septembre.

. . .L'Empereur (de Russie) me parla également des vaisseaux qu'il avait donnés à l'Angleterre, de ceux qui allaient passer les Dardanelles pour se joindre à la flotte turque et agir ensuite de concert avec l'amiral Nelson. . . La réunion de la Turquie et de la Russie est une chose très avantageuse à nos intérêts et surtout la présence de la flotte russe dans le Méditerranée doit nous être très utile. Ce n'est pas d'ailleurs le moment de penser à des conquêtes contre la Porte, notre auguste cour ayant pour sistême de n'étendre ses limites qu'aux dépens des français ou des républiques de leur création: ce qui s'accorde tout à fait avec les sentiments de la cour de Piussie.

1798, Cobenzl à Starhemberg à Londres, 9 Septembre.

...C'est la permanence de la flotte anglaise dans la Méditerranée, pendant toute la durée de la guerre. Il est de fait que la fatale résolution qui nous a fait perdre ce secours a été la cause première de tous les malheurs de l'Italie. En accordant si généreusement ses secours maritimes à l'Angleterre, en ajoutant même à ceux qui avaient été destinés d'abord, Paul I®^ y a mis pour condition qu'un pareil nombre de vaisseaux anglais serait employé dans la Méditerranée, c'est ce que le comte "Woronzow a ordre de représenter en toute occasion. Non content de cette réso- lution dictée tout à la fois par sa sagesse et sa magna- nimité, S. M. s'est décidée d'unir sa flotte de la mer noire à celle des Turcs, de lui faire passer les Dardanelles pour pouvoir agir de concert avec celle de l'amiral Nelson et d'assiurer ainsi la victoire de la bonne cause dans ces parages. Nous de notre côté avons ouvert les portes du royaume des Deux-Siciles aux flottes anglaises en déclarant au roi de Naples que s'il était inquiété à cet égard par des Français S. M. reconnaîtrait le casus foederis. . .

424 L'ORDRE DE MALTE.

1798. Oobenzl à Thugut, 9 septembre.

Il a assisté au chapitre du 6 septembre, ainsi que les ministres de Naples et de Bavière. Tout ce qui s'y est passé était déjà résolu d'avance par l'Empereur de Russie, et il aurait été aussi impolitique qu'inutile de sa part de s'y opposer.

1798. Cobenzl à Thugut, 14 novembre 1798.

» Avant que les Fr. eussent fait la conquête de Malte, il était convenu avec le g.-m. que les sujets de l'Emp. de R. du rit grec seraient également admis dans l'Ordre et S. M. était intentionnée de fonder pour eux des commanderies pour la somme de 200 mille roubles par an. La différence est qu'elle réglera à présent comme g.-m. ce qui alors se serait fait par traité. L'Angleterre en demandant l'exclusion de la Lang. française^ veut aussi étahlir tme Langue Angl., en fondant chez elle des commanderies. Le pape qui sent le besoin qu'il a des cours de Pet. et de Lond. a déjà donné et donnera sa sanction à toutes ces institutions. Malte devant être gouvernée comme par le passé par les chevaliers qui y résideront composant les différ. Langues, le comte de Litta voudrait qu'outre la Langue allemande qui concerne l'Empire il y ait aussi une Langue d'Autriche à raison du gr.-pr. de Bohême. Le port de Malte sera ouvert moyennant cela à toutes les différentes nations qui com- poseront l'ordre.

»L'emp. de R. a témoigné quelque surprise au comte de Litta de ce qu'il n'y avait encore aucune réponse de Vienne. Il serait singulier, ajouta-t-il, que les deux empe- reurs fussent en opposition relativement à l'Ordre de Malte ... «

Cobenzl à Thugut, 14 x^^^ 1798.

S. M. l'Emp. de ttes les Russies, en sa qualité d'émi- nentissime gr.-m. de Malte en a conféré le grand cordon à madame la comtesse de Litta. . .

Acta russica. Septembre 1798. Protestation du g'^-pr. de Russie, 26 août 1798 ^).

Nous baillis, grand-croix, commandeurs, chevaliers du grand-prieuré de Russie, et autres chevaliers de S* J. de

1) Cette protestation a été imprimée à S' Pétersbourg en 1798, en deux formats, in-folio et in-i". Le manifeste lancé par Paul I", le 26 août 1798, est un pamphlet contre Hompesch, coupable de la plus stupide négligence oit, complice des perfides qui ont trahi V Ordre. Il faut

APPENDICE. 425

J. assemblés extraordinairement an palais j)i'ieural de l'Ordi'e dans la résidence imp^^ de S* Pétersb.

Forcés de jeter encore un regard sur Malte, quelle profonde douleur ne devons-nous pas ressentir en voyant cet antique et noble théâtre de notre gloire traîtreusement vendu par une convention aussi nulle dans ses principes qu'infâme dans ses effets ! de quelle indignation ne devons nous pas être transportés en songeant qu'après une attaque insignifiante de quelques heures, des lâches qui portaient le nom de chevaliers ont livré ce boulevard de la chrétienté, que l'exemple de leurs prédécesseurs et les lois sacrées de l'honneur leur prescrivaient de défendre jusqu'à la dernière goutte de leur sang, à des brigands cent fois plus infidèles que ceux contre lesquels les devoirs de leur profession les avaient armés.

Dans le cours d'une guerre de sept siècles les cheva- liers de S* Jean de J. éprouvèrent plus d'une fois les vicissitudes de la fortune, plus d'une fois les chrétiens alarmés virent le bouclier de la foi pour ainsi dire brisé entre les mains de ses défenseurs et l'Ordre entier ne con- servant d'autre refuge que le coeur de ses chevaliers ; mais les plus nobles efforts signalèrent toujours leurs différents succès et leur glone fut aussi respectée dans les plus fâcheux revers qu'éclatante dans leurs plus brillants exploits. Depuis son origine le nom d'un seul traître souilla les annales de l'o. d. S* J. de J., par quelle fatalité devons nous le voir maintenant précipité dans les abîmes de la honte et de l'ignomimie par ceux-mêmes à qui tout pre- scrivait le devoir de l'en préserver. Si le prompt supplice que subit d'Amaral ne remédia ]3as aux maux que sa per- fidie avait faits, du moins atteste -t- il la sévérité des principes de ce corps illustre, et l'équitable postérité a versé avec la même mesure la gloire sur Villiers de l'Isle Adam, et l'opprobre sur son infâme adversaire.

S'il ne dépend pas de nous de laver dès aujourd'hui dans le sang des traîtres le crime qu'ils viennent de com- mettre en trafiquant honteusement de l'antique et superbe héritage de l'honneur que nos ancêtres leur avaient trans- bien motiver la décision du grand-prieuré de Russie, dictée par Paul I""", déposant de sa seule autorité le grand-maître, et se soumettant aux volontés suprêmes de l'auguste et souverain protecteur. Ce qui est plus remarquable, c'est que Paul I" prend alors de sa propre autorité tout l'Ordre sous sa direction suprême, par décret daté de Gatschina, le 10 septembre 1798, contresigné Pr. BesborodlvO, en établissant le siège de tout l'Ordre à S' Pétersbourg.

426 -L'ORDRE DE MALTE.

mis, montrons du moins avec l'énergie du plus juste res- sentiment la haine et le mépris que leur félonie nous inspire, rejetons avec horreur le vil traité qui les déshonore à jamais et dévouons les sans retour aux remords et à l'in- famie qui seront désormais leur partage.

Pour nous, réunis sous les glorieux auspices de Paul I®^, auguste empereur de toutes les Eussies, et Protecteur de notre ordre, nous protestons à la face de Dieu et devant tous ceux pour qui l'honneur et la fidélité sont encore des vertus, contre tout ce que la perfidie s'est permis au détri- ment de notre ordre; nous désavouons solennellement toute démarche contraire aux lois sacrées de notre institution, nous regardons comme dégradés de leur rang et dignités tous ceux qui ont rédigé, accepté et consenti l'infâme traité qui livre Malte, ainsi que tous ceux qui seront convaincus d'avoir coopéré directement ou indirectement à cette oeuvre d'iniquité.

Nous renonçons dès à présent à toute espèce de rela- tion avec ces membres indignes, infects et corrompus, enfin nous déclarons formellement que nous ne reconnaîtrons désormais pour nos frères que ceux qui manifesteront la conforaiité de leurs principes avec les nôtres, en adhérant sans réserve à la présente protestation que nous nous réser- vons la faculté d'étendre ou de réitérer suivant l'exigence des cas.

En foi de quoi, nous avons dressé le présent acte, l'avons unanimement accepté et muni du sceau de g. pr. de R, Fait à S* Pétersbourg aujourd'hui jeudi 26 août 1798.

Malte, C. 4. Lettres de créance, datées de Trieste (orig. et copie).

Sacra Regio Caesarea et Apostohca Maj estas, Cum Frater Carolus de Herberstein qui munus Ministri apud Sacram Regio Caesaream ,et Apostolicam Maj estatem Vestram mei gerebat, elapso mense Augusto obierit, in ejusdem locum Bajulivium Fratrem Franciscum Comitem de Collo- redo susteci, ut in posterum ordinis mei, afflictis praesertim hisce Temporibus negotia peragat. Id circo sacram Eegio Caesaream Maj estatem Vestram deprecor, ut dictum Boju- livum Fratrem Franciscum Comitem de CoUoredo suscipere atque illi in iis omnibus quae nomine meo exponet, inte- gram. et plenam fidem adhibere, ac me meumque ordinem uti prius, potenti et Augusta protectione ac beneficentia prosequi dignetur. Intérim Deum optimum maximum exoro,

APPENDICE. 427

ut Sacram Regio CaesareamMajestatem Vestram diu servet incolumen ad totius christianae Reipublicae, et Romani Imperii decus et incrementum.

Sacra Eegio Caesareae et ApostolicaeMajestatis Vestrae. Tergesti die 1^^ Octobris 1798.

Humilimus atque obsequientissimus

servns / Magnus Magister Hosptis

Sti Sepulcri Jerlem et Sti Antonii Viennensis

Fr. FeedinajS[d de Hompesch.

Le grand-maître, et le Conseil de l'Ordre des Cbeva- liers hospitaliers de St-Jean de Jerlem venant de remmettre au soussigné ses lettres de créance pour le ministère de l'Ordre auprès de Sa Maj^ Impériale Royale apostolique le chargent en même temps d'être l'organe des sentimens respectueux de l'Ordre entier et de son chef envers Sa Maj^ l'Empereur.

Le soussigné a l'honneur de présenter la Copie a S. A. Monseigneur le Prince de CoUoredo Vice-Chancelier de l'Empire, en le priant de faire agréer a Sa Majé Luperiale Royale le dévouement respectueux de l'Ordre, et du Grand- Maître, et lui obtenir la continuation de sa puissante pro- tection; et il a l'honneur de lui présenter l'assurance de son parfait, et respectueux dévouement.

Vienne, ce 18 october 1798.

François Colloredo

Bailly et Ministre.

A Son Altesse Monseigneur le Prince de Oolloredo Vice-Chancelier de l'Empire.

Malta, G. 7. Hompesch à Thugut.

Trieste, le 10 janvier 1799. Il demande l'intervention de Thugut pour obtenir pour 25 chevaliers ayant reçu l'ordre de quitter Venise, une prolongation de séjour, et son appui pour tous les membres de l'ordre sans exception.

Hompesch à Thugut (Comp. av. les 2 lettres à l'Emp, * ci-après et l'ordre d'abdication, sup. p. 214).

Trieste, le 6 juillet 1799. Monsieur,

Je regarde les ordres de Sa Majesté l'Empereur-Roi qui viennent de m'être annoncés par le Prévôt de Maifei,

428 L'ORDRE DE MALTE.

comme une loi inviolable. La nécessité a exigé un sacrifice. Je l'ai fait.

Pénétré de reconnaissance pour la protection dont Sa Majesté Impériale a toujours daigné m'honorer, je ne pou- vais ne pas me soumettre à un ordre conçu dans des termes aussi précis. Je ne dois pas cependant me dispenser d'im- plorer la clémence de Sa Majesté, et les bontés de Votre Excellence pour l'Ordre, et particulièrement pour les indi- vidus qui ont suivi plus fidèlement mon sort dans cette malheureuse circonstance. Je me flatte que S. M*®, en agréant ]na parfaite soumission daignera me continuer sa puissante protection et je me remets avec confiance à tout ce qu'EUe voudra disposer à mon égard.

Je suis avec la considération la plus distinguée, Monsieur,

de Votre Excellence Le très humble et très obéissant serviteur

HOMPESCH.

Hompesch à l'Empereur, 6 juillet 1799.

Sire,

Courbé sous le poids des malheurs qui m'accablent, la Conviction intime d'avoir, autant que la nature et la marche rapide des événemens m'en ont laissé la faculté, rempli religieusement les devoirs sacrés de mon état, peut seule m'empêcher de succomber à mon infortune, et me servir de quelque consolation. Ce même sentiment de mes devoirs envers l'Ordre qui, sous ma direction, a éprouvé de si cruelles catastrophes, me porte aussi à me dévouer à son bien être, à son rétablissement, et à sa conservation dans ses anciens droits, statuts et privilèges, en me démettant volontairement de la Dignité dont j'étais revêtu et dispensant par même les chevaliers de cet Ordre illustre, des devoirs qu'ils avaient contractés envers leur malheureux chef. Je supplie Votre Majesté de recevoir cette déclaration, d'y reconnaître l'attachement à mes devoirs et au succès de la cause générale qui me l'a inspirée, et de daigner la faire valoir auprès de son intime allié l'Empereur de toutes les Russies, sous les auspices puissants duquel l'Ordre de S* Jean de Jérusalem va renaître, dont j'ai été le premier à invoquer la protection, et dont je serai le premier à bénir les efforts généreux pour le bien de la Religion.

APPENDICE. 429

Je prie Votre Majesté d'être persuadée du profond respect avec lequel j'ai l'iionneur d'être,

Sire

de Votre Majesté

Le très humble et très obéissant serviteur

fr. FERDINAND DE HoMPESCH.

Trieste, le 6 juillet 1799.

Hompescli à l'Empereur, 6 juillet 1799.

SlEE,

En implorant de Votre Majesté Impériale un asile pour mon Ordre et pour ma Personne après la catastrophe de Malte, j'étais prêt à me soumettre dès lors à tout ce qu'il lui plairait d'ordonner pour le bien de la cause commune et pour le rétablissement de l'Ordre. J'ai très souvent renouvelle les mêmes assurances de cette parfaite soummission. C'est elle qui m'impose le sacrifice que le prévôt de Maffei m'a demandé de la part de Votre Majesté.

Je la supplie d'être persuadée du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être

Sire

de Votre Majesté Le très-humble et très obéissant serviteur

fr. FERDINAND DE HoMPESCH.

Trieste, le 6 juillet 1799.

A Sa Majesté l'Empereur-Roi.

Hompesch à Thugut, 21 juin 1800. Envoi de pro- testations de chevaliers, de membres du clergé et de Maltais, (10 fév. 1800, 18 avril 1800), d'une lettre du marquis d'Avrigos (Malte, 21 avril 1800): »Tout ici ressent l'absence de la Religion et en désire le retour: pour le coup la voix du peuple est la voix de Dieu. On ne prononce pas le nom du chef sans y joindre mille bénédictions*; d'une du bailli des Barres (Malte, 22 avril 1800): » J'apprends avec grand plaisir que V. Emin. se trouve depuis peu à Trieste, ce qui m'annonce son retour ici avec l'Ordre que le bas peuple attend, comme les juifs le Messie. .. «, d'une d'un chev. de rOrdre (Messine, 15 mai 1800): »Le voeu de la très-grande majorité est prononcé pour le retour du grand-maître et

430 L'ORDRE DE MALTE.

de son Ordre, Il n'y a que les coquins . . . qui sont con- traires, parce qu'ils craignent de n'avoir pas d'employés dans un autre ordre des choses ... «

Hompescli à l'Empereur, 7 mai 1801. Sire,

Mon entier dévouement à l'auguste Maison d'Autriche m'a fait mériter la haute protection de Votre Majesté Im- périale Royale: et je me glorifierai de n'avoir jamais mis aucunes bornes à ma profonde soumission à tout ce qui regarde le service de Votre Majesté. Ces sentiments dont j'ai fait profession toute ma vie, ont réglé dans toutes les occassions ma conduite. Votre Majesté Impériale Royale a daigné écouter la voie (sic) d'un innocent revêtu d'un caractère, qu'on a regardé toujours comme indélébile, mais opprimé par la violence. La mort de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies Paul Premier, dont on parvint à sur- prendre la religion par des lettres apocriphes, et par des fausses réprésentations, devrait faire cesser l'obstacle, que cet Empereur mettait à l'exercice de ma Dignité. Je mets aux pieds (sic) de l'auguste throne de Vôtre Majesté Im- 23eriale loyale mes prières très humbles pour implorer son auguste protection pour exercer librement les fonctions de ma dignité de la Grande-Maîtrise: pour la supplier de daigner interposer sa puissante protection près du Saint-Siège.

En implorant la haute protection de Votre Majesté Impériale Royale je mets aux pieds (sic) de son auguste throne le très respecteux (sic) hommage de mes sentiments, et de ma conduite: et mes actions de grâces très humbles pour les magnanimes dispositions, qu'Elle daigne manifester à mon égard.

Je la supplie ....

Le Grand-Maitre

fr. FERDINAND DE HoMPESCH

Porto di Fermo, le 7 mai 1801.

Hompesch à Thugut. Porto di Fermo le 7 mai 1801.

. . . Je ne parle pas à Votre Exe. des persécutions que pendant les dernières années du règne de S. M feu Paul Premier j'ai s'oufïertes: elles vous sont connues. La mort de cet empereur aurait les faire cesser, et il n'aurait exister aucun doute pour le libre exercice de ma dignité. Mes ennemis qui m'ont suscité la première persécution.

APPENDICE. 431

mettent en mouvement tous leurs ressorts pour tâcher sous d'autres formes plus marquées mettre des entraves à ce que je reprenne les rênes du gouvernement de mon Ordre. V. Ex. voudra bien me permettre que je rappelle ici la vio- lence avec laquelle S. M, Paul I®^ par les circonstances du moment et la position de l'Allemagne a agi envers moi, et le parfait dévouement, qu'en toutes les occasions je me suis empressé de prouver pour l'auguste Maison d'Autriche . . .Mes ennemis qui se sont tous jeté dans le parti Russe se permettent tout pour parvenir à leur but. La puissante protection de S. M. I. R. peut seule leur en imposer. C'est par le puissante soutien de S. M. I. R. que j'espère reprendre les rênes du gouvernement de mon Ordre: c'est par sa haute protection que je pourrai réunir tous les prieurés et éviter le schisme, et c'est par son auguste médiation que j'ai une pleine confiance de recevoir Malte. La cour de Rome croit être maîtrisé (sic) par les circonstances, et gênée dans sa position: la crainte de nuire à ses propres intérêts en se prononçant en ma faveur la retient. Les sentiments du Saint Père me sont favorables: et de Rome même l'on me presse de solliciter l'appui des cours: en m'assurant que, si S. M. I. R. fesait connaître près de S. S. l'appui des cours, S. S. ne balancerait plus à me reconnaître publique- ment, parce qu'alors le Pape serait sûr d'être soutenu dans sa démarche. Le chevalier magistral Becker. . . .

HOMPESCH.

Hompesch à l'Empereur, 24 juillet 1801.

Sire

Je mets très respectueusement aux pieds de Votre Majesté Impériale et Royale mes très humbles actions de grâces pour les augustes bienfaits dont Votre Majesté a daigné m'honorer. Tous m'ont pénétré de la plus profonde et plus vive reconnaissance, mais celui dont je me glori- fierai jusqu'au dernier moment de ma vie est la haute protection dont son coeur grand et magnanime daigne par une grâce spéciale m'assurer. Sire, mon ambition a tou- jours été de la mériter, et de faire tout ce qui peut m'en rendre digne : et si je me suis vivement empressé en toutes occasions de prouver a Votre Majesté Impériale Ro3"ale mon entier dévouement à l'auguste Maison d'Autriche, et ma profonde soumission à tout ce qui regarde le service de Votre Majesté, je mettais également dans les temps les

432 L'OEDKE DE MALTE.

plus orageux avec une respecteuse ('sic) confiance tout mon espoir en la liante protection de Votre Majesté Impériale Royale : Elle a daigné reconnaître mon innocence; et rejeter avec indignation les calomnies par lesquelles mes ennemis se sont efibrcés de m'opprimer, et d'obscurcir mon honneur en face de l'Europe entière : ils ont par des intrigues, et des cabales surpris la Religion de Sa Majesté Impériale feu Paul Premier. Je supplie très humblement Votre Majesté Impériale Royale de daigner par un effet de sa haute pro- tection faire agrées à son Auguste Allié Sa Majesté Alexandre Premier Empereur de toutes les Russies ma justification et mon innocence.

En ma quahté de Chef d'un Ordre Religieux je dois ma soumission au Saint-Père lequel est convaincu par une persuasion intime de mon innocence, et de la justice de ma demande : il a même daigné manifester ses dispositions favorables. Je supplie Votre Majesté Impériale Royale avec cette respectueuse confiance qui m'a soutenu dans tous mes malheurs de faire assurer, par son ministre Sa Sainteté de la haute protection dont Votre Majesté daigne m'honorer; et de ses intentions magnanimes, pour que je puisse re- prendre les rênes du gouvernement de mon Ordre. J'am- bitionne, Sire, l'honneur de devoir tout à la haute protection et à la puissante médiation de Votre Majesté Impériale Ro3^ale.

Je mets aux pieds de son auguste Throne les sentiments de ma profonde reconnaissance et mes actions de grâces très humbles pour le secours pécuniaire que Votre Majesté Impériale Royale a daigné m'accorder.

Je la prie très respectueusement d'être persuadée que je ne me servirai de ma dignité, que pour lui donner des nouvelles preuves de mon entier dévouement à l'auguste Maison d'Autriche, et à tout ce qui regarde le service de Votre Majesté Impériale 'Royale.

J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect Sire de Votre Majesté Impériale Roj^ale

Le très humble et très obéissant serviteur Le grand maître

fr. FEEDIXAXD HOMPESCH.

Porto di Fermo le 24 juillet 1801. (Comp. av. L. à Thugut de même date).

APPEN'DICE. 4.33

It., le 24 juillet 1801.

Il remercie en particulier pour le secours pécuniaire qui lui a été accordé.

Malte, G. 7.

SniE

Votre Majesté Impériale E-oyale daigna mettre le comble à Ses augustes bienfaits par la grâce spéciale, que son coeur grand et magnanime daigna me faire en accueillant avec un excès de bonté les très humbles prières, que j'ai mises très respectueusement aux pieds de son auguste trône. Un monarque grand et juste comme votre Majesté Impériale Royale peut seul soutenir mon innocence contre les intri- gues de mes ennemis, qui se permettent tout pour m'oppri- ment, qui osent opposer aux documents, les plus authentiques les réfutations les plus insignifiantes et les plus absurdes. La fausseté de ce qu'on avance contre moi est prouvée par les documents les plus irréprochables, qui seront mis aux pieds du trône de votre Majesté. Mais, Sire, c'est par la haute protection de votre Majesté que la vérité peut parvenir au trône de ses augustes alliés, et que je puis être délivré de la violence injuste, par laquelle nos enne- mis s'efforcent de m' opprimer : je l'implore avec la plus profonde soumission et avec une très respectueuse confiance.

Votre Majesté Impériale et Ho^^ale daigna m'accorder un azile après l'inévitable catastrophe de Malte, Elle daigna m'ho- norer de sa haute protection contre les cabales et les intrigues.

Je la supplie avec cette respectueuse confiance qui m'a soutenu dans tous mes malheurs de faire assurer par son mi- nistre, Sa Sainteté de la haute protection dont votre Majesté daigne m'honorer et de ses intentions magnanimes pour que je puisse reprendre les rênes du gouvernement de mon Ordre.

J'ambitionne, Sire, l'honneur de devoir tout à la haute pro- tection et à la puissante médiation de votre Majestéimpériale et Royale.

En mettant le coeur na^nré d'aff'liction aux pieds de son auguste trône mes très soumises prières j'ay l'honneur d'être avec le plus profond respect

Sire, de Votre Majesté Impériale et Royale

Le très humble et très obéissant serviteur Le grand maître

fr. FERDIN'AXD DE HoMPESCH.

Porto di Fermo le 14 septembre 1801.

SAI.LES : L'OKDRE DE MALTE. gg

4.34 L'OEDEE DE MALTE.

It. le 14 sept. 1801.

On y lit: »L'affi:euse cabale, qui siu-prit la religion de S. M. P^ teii Panl P^, fait tous ses efforts contre moi auprès de son auguste successeur*. Il demande à envoyer une ambassade à Alexandre I^^ et ajoute: »pour pouvoir reprendre les rênes du gouvernement de mon Ordre dont la suspen- sion ne peut être regardée que momentanée nécessitée par les circonstances «.

HOMPESCH.

XXVI.

EEDDITION DE MALTE AUX ANGLAIS.

Lettre du général Yaubois au ministre de la guerre. Malte, le 1^^ fructidor an YIII.

(19 août 1880).

Citoyen Mesistee,

Jusqu'à ce jour, les précautions prises par le gouverne- ment pour nous ravitailler ont été infructueuses. Nous sommes au pain seul depuis le 15 thermidor (3 août), et ce pain va nous manquer, nous n'en avons jdIus que jusqu'au 20 du courant; il faudra que j'entre en négociation le 15, si rien ne nous arrive. Vous ne pouvez vous peindre le désespoir de cette brave garnison, qui ne voit aucun fruit des travaux et des privations qu'elle a supportés pendant deux ans, sauf la gloire qui ne peut lui être enlevée.

Je partage sa façon de penser, et il ne faudra rien moins que l'impossibilité physique pom- me résoudre à capituler; mais nulle espèce de ressource: l'ennemi n'a point de magasin: il tient sur des bâtiments le peu de subsistance qu'il fom-nit à l'île. Il n'est donc aucun moyen de résister à la plus entière famine. C'était pendant le premier hiver surtout qu'il fallait nous fournir de quoi lasser l'ennemi. Dès les premiers jours du siège, nous avons su nous réduire à très-peu de chose. Nous espérons tous que la France rendra justice à notre conduite ; mais cela ne satisfait pas de braves gens moins occupés d'eux que de leur patrie.

APPENDICE. , 435

Je compte demander qu'on nous conduise à Marseille. Si nous obtenons, comme je l'espère, de rentrer en France, nous pensons que vous voudrez bien donner des ordres pour que nous y trouvions des à-comptes d'appointements de solde. Que deviendraient ces pauvres officiers, à qui il ne reste aucun moyen d'existence, et qui ne sont pas vêtus? La troupe aussi n'a sur le corps que des habits de toile. L'entrée de la saison rigoureuse lui rend nécessaires des habits de drap à son arrivée. Si nous obtenons toutes les conditions honorables que je demanderai, il nous restera une troupe qu'on peut conduire partout contre les ennemis de la République, quoiqu'elle ait grand besoin de repos.

Recevez les respects d'un républicain désolé

Yaubois.

II.

Lettre du général Vaubois au général Pigot comman dant les troupes anglaises.

Malte, le 17 fructidor an VIIL

(4 septembre 1800).

Par votre lettre datée du 17 juillet dernier, vous me proposez, Monsieur, d'envoyer à La Valette, un officier de marque pour traiter. L'honneur me permet de le recevoir. Si vous persistez à ce qu'il se présente, je vous garantis qu'il sera reçu et respecté comme doit l'être un officier revêtu du caractère qu'il aura. Entrant dans ce moment en négociations pour capituler, je vous préviens que je viens de donner des ordres pour qu'on cesse toute hostilité. J'espère que vous voudrez bien en donner de semblables.

J'ai l'honneur d'être, etc.

Vaubois.

in.

Articles de la capitulation entre le général de division Vaubois, commandant en chef les îles de Malte et du Goze, et le contre-amiral Villeneuve, commandant la marine à Malte, d'une part; et M. le major-général Pigot, comman- dant les troupes de Sa Majesté Britannique et de ses alliés, et le capitaine Martin, commandant les vaisseaux de Sa Majesté Britannique et de ses alliés, devant Malte, d'autre part.

28*

436 L'OEDEE DE MAiTE.

Art. 1, La garnison de M!alte et forts en dépendant sortira pour être embarquée et conduite à Marseille, aux jour et heure convenus, avec tous les honneurs de la guen'e, c'est-à-dire tambours battants, drapeaux déployés, mèche allumée, ayant en tête deux pièces de canon de quatre avec leur caisson, les artilleurs poiu" les servir, et un caisson d'infanterie. Les officiers civils et militaires de la marine, et tout ce qui appartient à ce département, seront égale- ment conduits au port de Toulon.

»La garnison recevra les honneurs de la guerre demandés j mais attendu l'impossibilité qu'elle soit embarquée en entier immédiatement, on y suppléera par l'arrangement suivant:

«Aussitôt que la capitulation sera signée, les forts E-icasoli et Tigné seront livrés aux troupes de Sa Majesté Britannique, et les vaisseaux pourront entrer dans le port. La porte Nationale sera occupée par une garde composée de Français et d'Anglais en nombre égal, jusqu'à ce que les vaisseaux soient prêts à recevoir le premier embarque- ment: alors, toute la garnison défilera avec les honneurs de la guerre jusqu'à la marine, elle déposera ses armes. Ceux qui ne pourront faire partie du premier embarque- ment occuperont l'île et le fort Manoël, a,ja.nt une garde armée pom- empêcher que qui que ce soit se répande à la campagne. La garnison sera considérée comme prisonnière de guerre, et ne pourra servir contre Sa Majesté Britan- nique jusqu'à l'échange, de quoi ses officiers respectifs donneront leur parole d'honneur. Toute l'artillerie, les mu- nitions et magasins pubhcs de toute espèce, seront déh- vrés aux officiers préposés à cet effet, ainsi que les inven- tahes et papiers publics*.

n. Le général de brigade Chanez, commandant la place et les forets; le général de brigade d'Hennezel, commandant l'artillerie, et le génie ; les officiers, sous-officiers et soldats de terre; les officiers, troupes et équipages, et emploj'és quelconques de la marine ; le citoyen Pierre-Alphons Guys, commissaire-général des relations commerciales de la Êé- pubhque Française en Syrie et Palestine, accidentellement à Malte avec sa famille; les employés civils et militaires, les ordonnances et commissaù'es des guerres et de la- marine, les administrations civiles, membres quelconques des autorités constituées, emporteront leurs armes, leurs effets personnels et leurs propriétés, de quelque nature qu'elles soient.

APPENDICE. 437

»Acoordé, à l'exception des armes déposées par les soldats, conformément à ce qui est prévu par le premier article. Les sous-officiers conserveront leurs sabres. «

III. Sont regardés comme faisant partie de la garnison, tous ceux de quelque nation que ce soit, qui ©nt porté les armes au service de la République pendant le siège. » Accordé. «

IV. La division sera embarquée aux frais de Sa Majesté Britannique. Chaque militaire ou employé recevra, pendant la traversée, les rations telles qu'elles sont attribuées à chaque grade, suivant les lois et règlements français. Les officiers membres d'administrations civiles qui passent en France jouiront du même traitement, eux et leurs familles, en les assimilant à des grades militaires correspondant à l'élévation de leurs fonctions.

» Accordé, conformément aux usages de la marine anglaise, qui n'attribue que la même ration à tous les in- dividus, de quelques grades et conditions qu'ils soient. «

V. Il sera fourni le nombre nécessaire de chariots et de chaloupes pour transporter et mettre à bord les effets personnels des généraux, de leurs aides-de-camp, des ordon-' nateurs et commissaires, des chefs de corps, des officiers, du citoyen Guys, des administrateurs civils et militaires de terre et de mer, ainsi que les papiers des conseils d'admi- nistration des corps; ceux des commissaires des guerres de terre et de mer, du payeur de la division et des autres employés d'administrations civiles et militaires. Ces effets et papiers ne pouront être assujettis à aucune recherche ni inspection, sous la garantie que donnent les généraux stipulants qu'ils ne contiendront aucune propriété publique ni particulière. »Accordé.«

VI. Les bâtiments quelconques appartenant à la E,épu- blipue, susceptibles de tenir la mer, partiront en même temps que la division, pour se rendre dans un port de France, après leur avoir fourni les vivres nécessaires. »Refusé.«

VII. Les malades transportables seront embarqués avec la division, et pourvus des vivres, médicaments, coffres de chirurgie, effets et officiers de santé nécessaires à leur traitement pendant la traversée. Ceux qui ne seront point transportables seront traités comme il convient, le général en chef laissant à Malte un médecin et un chirurgien au service de France, qui en prendront soin: il leur sera fourni des logements gratis s'ils sortent de l'iiôpital, et ils

438 L'ORDRE DE MALTE.

seront renvoyés en France dès que leur état le permettra, avec tout ce qui leur appartient, et de la même manière que la garnison. Les généraux en chef de terre et de mer, en évacuant Malte, les confient à la loyauté et à l'humanité de M. le général anglais. «Accordé. «

yill. Tous les individus, de quelque nation qu'ils soient, habitants de l'île de Malte ou autres, ne pourront être ni troublés, ni inquiétés, ni molestés pour leurs opinions po- litiques, ni pour tous les faits qui ont eu lieu pendant que Malte a été au pouvoir du gouvernement français. Cette disposition s'applique principalement dans tout son entier à ceux qui ont pris les armes, ou qui ont rempli des em- plois civils, administratifs ou militaires ; ils ne pourront être recherchés en rien, encore moins poursuivis pour les faits de leur gestion.

»Cet article ne paraît pas devoir faire l'objet d'une capitulation militaire ; mais tous les habitants qui désireront rester, ou auxquels il sera permis de rester, peuvent être assurés d'être traités avec justice et humanité, et jouiront de la pleine protection des lois.«

IX, Les Français qui habitaient Malte, et tous les Maltais, de quelque état qu'ils soient, qui voudront suivre l'armée française et se rendre en France avec leurs pro- priétés, en auront la liberté; ceux qui ont des meubles ou irâmeubles, dont la vente ne peut se faire tout de suite, et qui seront dans l'intention de venir habiter la France, au- ront six mois, à dater du jour de la signature de la présente capitulation, pour vendre leurs propriétés foncières ou mo- bilières ; ces propriétés seront respectées. Ils pourront agir par eux-mêmes s'ils restent, ou par procureur fondé s'ils suivent la division. Lorsqu'ils auront fini leurs affaires dans le temps convenu, il leur sera fourni des passe-ports pour venir en France, transportant ou faisant passer sur des bâtiments les meubles qui pourraient leur rester, ainsi que leurs capitaux en argent ou lettres de change, suivant leur commodité.

»Accordé, en se référant à la réponse de l'article précédent.*

X. Aussitôt la capitulation signée, M. le général anglais laissera entièrement à la disposition du général commandant les troupes françaises, de faire j)artir ^^i© felouque avec l'équipage nécessaire, et un officier chargé de porter la capitulation au gouvernement français. Il lui sera donné le sauf-conduit nécessaire. » Accordé.*

APPENDICE. 439

XI. Les articles de la capitulation signés, il sera livré à M. le général anglais la porte dite des Bombes, qni sera occupée par une garde d'égale force d'Anglais et de Fran- çais, Il sera consigné à ces gardes de ne laisser pénétrer dans la ville ni soldats des troupes assiégeantes, ni habi- tants de l'île quelconques, jusqu'à ce que les troupes fran- çaises soient embarquées et hors de vue du port; à mesure que l'embarquement s'exécutera, les troupes anglaises occu- peront les postes par lesquels on pourrait entrer dans les places. M. le général anglais sentira que ces précautions sont indispensables pour qui'il ne s'élève aucun sujet de dispute, et que les articles de la capitulation soient reli- gieusement observés.

»Accordé, conformément à ce qui est prévu par la réponse au premier article, et on prendra toutes les pré- cautions pour empêcher les Maltais armés de tout rappro- chement des postes occupés par les troupes françaises.*

Xn. Toutes aliénations ou ventes des meubles et im- meubles quelconques, faites par le gouvernement français, pendant le temps qu'il est resté en possession de Malte, et toutes les transactions entre particuliers, seront maintenues inviolables.

» Accordé, autant qu'elles seront justes et légitimes. «

XIII. Les agents des puissances alliées qui se trouve- ront dans La Valette lors de la reddition de la place, ne seront inquiétés en rien, et leurs personnes et propriétés seront garanties par la présente capitulation. » Accordé.*

XIV. Tout bâtiment de guerre ou de commerce venant de France avec le pavillon de la République, et qui se présenterait pour entrer dans le port, ne sera pas réputé bonne prise, ni son équipage fait prisonnier, pendant les 20 premiers jours qui suivront celui de la date de la pré- sente capitulation et il sera renvoyé en France avec un sauf-conduit. »Refusé.«

XV. Le général en chef et les autres généraux seront embarqués avec leurs aides-de-camp, les officiers attachés à eux, ainsi que les ordonnances et leur suite, sans sépara- tion respective. » Accordé. «

XVI. Les prisonniers faits pendant le siège, 3^ compris l'équipage du vaisseau le Guillaume - Tell, de la frégate la Diane, seront rendus et traités comme la garnison; il en serait de même de l'équipage de la Justice, si elle était prise en se rendant dans un des ports de la République.

/(.40 L'ORDRE DE MALTE.

»L'éqiiipage du Guillaume- Tell est déjà écliarigé, et celui de la Diane doit être transporté à Minorque pour être écliangé immédiatement. «

XVII. Tout ce qui est au service de la République ne sera sujet à aucun acte de représailles de quelque nature que ce puisse être et sous quelque prétexte que ce soit. »Accordé.«

XVin. S'il survient quelque difficulté sur les termes et conditions de la capitulation, elles seront interprêtées dans le sens le plus favorable à la garnison.

«Accordé suivant la justice.*

Fait et arrêté à Malte, le 18 fructidor an VIII de la République Française.

Signé: le général de division, Vaubois. Le contre-amiral, Villeneuve. Le major-général Pigot. Le capitaine ]\iAE,Trisr, commandant les vaisseaux de Sa Majesté Britannique et de ses alliés, devant Malte.

xxvn. TRAITÉ D'AMIENS

25 MARS 1802 (Art. X à Xm).

»Art. X, Les îles de Malte, du Gozo et Comino seront rendues à l'Ordre de Saint- Jean de Jérusalem, poiu: être par lui tenues aux mêmes conditions auxquelles il les possé- dait avant la guerre, et sous les stipulations suivantes:

10 »Les cbevaliers de l'Ordre dont les langues conti- nueront à subsister après l'échange des ratifications du présent traité, sont invités à retourner à Malte aussitôt que rechange aura eu lieu; ils y formeront un chapitre général, et procéderont à l'élection d'un grand maître, choisi parmi les natifs des nations qui conservent des langues, à moins qu'elle n'ait été déjà faite depuis l'échange des ratifications des préliminaires.

»IL est entendu qu'une élection faite depuis cette époque sera seule considérée comme valable, à l'exclusion de toute autre qui aurait eu lieu dans aucun temps antérieur à ladite époque.

APPENDICE. 441

»Les gonvemements de la République Française et de la Grande-Bretagne, désirant mettre l'Ordre et l'île de Malte dans un état d'indépendance entière à leur égard, conviennent qu'il n'3^ aura désormais ni langue française ni langue anglaise, et que nul individu appartenant à l'une ou à l'autre de ces puissances ne pourra être admis dans l'Ordre.

»I1 sera établi une langue maltaise, qui sera entre- tenue par les revenus territoriaux et les droits commerciaux de l'île. Cette langue aura des dignités qui lui seront propres, des traitements, et une miberge. Les preuves de noblesse ne seront pas nécessaires pour l'admission des chevaliers de ladite langue; ils seront d'ailleurs admissibles à toutes les charges et jouiront de tous les privilèges, comme les chevaliers des autres langues. Les emplois municipaux, administratifs, civils, judiciaires et autres, dépendant du gouvernement de l'île, seront occupés au moins pour moitié par les habitants des îles de Malte, Gozo et Comino.

»Les forces de Sa Majesté Britannique évacueront l'île et ses dépendances dans les trois mois qui suivront l'échange des ratifications, ou plus tôt si faire se peut; à cette époque, elle sera remise à l'Ordre dans l'état elle se trouve, pourvu que le grand maître ou des commissaires pleinement autorisés suivant les statuts de l'Ordre, soient dans ladite île pour en prendre possession, et que la force qui doit être fournie par Sa Majesté Sicilienne, comme il est ci- après stipulé, y soit arrivée.

.5° »La moitié de la garnison pour le moins sera tou- jours composée de Maltais natifs; pour le restant, l'Ordre aura la faculté de recruter parmi les natifs des pays seuls qui continuent de posséder des langues. Les troupes mal- taises auront des officiers maltais. Le commandement en chef de la garnison ainsi que la nomination des officiers appartiendront au grand maître, et il ne pourra s'en démettre, même temporairement, qu'en faveur d'un chevalier, d'après l'avis du conseil de l'Ordre.

«L'indépendance des îles de Malte, de Gozo et de Comino, ainsi que le présent arrangement, sont mis sous la protection et garantie de la France, de la Grand-Bretagne, de l'Autriche, de l'Espagne, de la Russie et de la Prusse.

»La neutralité de l'Ordre et de l'île de Malte avec ses dépendances est proclamée.

»Les ports de Malte seront ouverts au commerce et à la navigation de toutes les nations, qui y paieront des

442 L'ORDRE DE MALTE.

droits égaux et modérés: ces droits seront appliqués à l'entretien de la langue maltaise, comme il est spécifié dans le paragraphe 3, à celui des établissements civils et mili- taires de l'île, et à celui d'un lazaret général ouvert à tous les pavillons.

9^ »Les états barbaresques sont exceptés des disposi- tions des deux paragraphes précédents, jusqu.'à ce que, par le moyen d'un arrangement que procureront les parties contractantes, le système d'hostilité qui subsiste entre les- dits états barbaresques, l'Ordre de Saint-Jean et les puis- sances possédant des langues ou concourant à leur com- position, ait cessé.

10° »L'Ordre sera régi, quant au temporel et au spi- rituel, par les mêmes statuts qui étaient en vigueur lorsque les chevaliers sont sortis de l'île, autant qu'il n'y est pas dérogé par le présent traité.

11° »Les dispositions contenues dans les paragraphes 3, 5, 7, 8 et 10 seront converties en lois et statuts perpé- tuels de l'Ordre, dans la forme usitée: et le grand maître, ou. s'il n'était pas dans l'île au moment elle sera remise à l'Ordre, son représentant, ainsi que ses successeurs, seront tenus de faire serment de les observer ponctuellement.

12° »Sa Majesté Sicilienne sera invitée à fournir deux mille hommes natifs de ses Etats, pour servir de garnisons dans les différentes forteresses desdites îles,^ Cette force y restera un an, à dater de leur restitution aux chevaliers; et si à l'expiration de ce terme TOrdre n'avait pa.s encore levé la force suffisante, au. jugement des puissances garantes, pour servir de garnison dans l'île et ses dépendances, telle qu'elle est spécifiée dans le paragraphe 5, les troupes napo- litaines y resteront jusqu'à ce qu'elles soient remplacées par une autre force jugée suffisante par lesdites puissances.

13° »Les différentes puissances désignées dans le para- graphe 6, savoir: la France, la G-rande-Bretagne, l'Autriche, l'Espagne, la Russie et la Prusse seront invitées à accéder aux présentes stipulations.

XI. »Les troupes françaises évacueront le royaume de Naples et l'Etat romain; les forces anglaises évacueront Porto-Ferrajo, et généralement tous les ports et îles qu'elles occuperaient dans la Méditerranée ou dans l'Adriatique

XII, »Dans tous les cas de restitution convenus par le présent traité, les fortifications seront rendues dans l'état elles se trouvaient au moment de la signature des préli-

APPENDICE. 443

minaires, et tons les ouvrages qui auront été construits depuis l'occupation resteront intacts

»I1 est convenu en outre que, dans tous les cas de cesssion stipulés il sera alloué aux habitants de quelque condition et nation qu'ils soient, un terme de trois ans, à compter de la notification du présent traité, pour disposer de leurs propriétés acquises et possédées soit avant, soit pendant la guerre actuelle, dans lequel terme de trois ans ils pourront exercer librement leur religion et jouir de leurs propriétés. La même faculté est accordée, dans les pays restitués, à tous ceux, soit habitants ou autres, qui y auront fait des établissements quelconques pendant le temps ces pays étaient possédés par la Grande-Bretagne.

» Quant aux habitants des pays restitués ou cédés, il est convenu qu'aucun d'eux ne pourra être poursuivi, in- quiété ou troublé dans sa personne ou dans sa propriété sous aucun prétexte, à cause de sa conduite ou opinion politique, ou de son attachement à aucune des parties con- tractantes, ou pour toutes autres raisons, si ce n'est pour des dettes contractées envers des individus, ou pour des actes postérieurs au présent traité définitif.

»La décision de toutes réclamations entre les individus des nations respectives, pour dettes, propriétés, effets ou droits quelconques, qui, conformément aux usages reçus et au droit des gens doivent être reproduites à l'époque de la paix, sera renvoyée devant les tribunaux compétents, et dans ce cas il sera rendu une prompte et entière justice dans les pays les réclamations seront faites respectivement*.

Les deux lettres ci-dessous, ont été écrites le 10 no- vembre par le clergé maltais à l'occasion du Traité d'Amiens^).

A Sa Majesté Britannique.

»Rien ne pouvait être plus glorieux et plus consolant pour la ])opîilation de Malte que la résolution prise de resti- tuer cette île à l'Ordre de Saint- Jean de Jérusalem. Dans le retour si désiré de son paternel souverain et généreux bienfaiteur, et de son légitime régent et propre prince François Ferdinand d'Hompesch, cette même population reconnaît la bienveillante et auguste continuation de cette haute et magnanime protection avec laquelle V. M. a daigné la regarder jusqu'à présent. Dans ce rétablissement dès sa première tranquillité, la population offre et offrira toujours

>) M. Miége, Histoire de Malte.

444: L'ORDRE DE MALTE.

ail Très-Haut ses plus ardentes et vives prières pour l'élé- vation constante et la durable et lumineuse gloire de Votre Majesté et de ses célèbres et fortunés royaumes. Nous qui sommes, à part tant de joies et de voeux expliqués, dans la parfaite connaissance de la pensée de ces peuples^ nous en présentons à Votre Majesté les assurances correspondantes, communes et très-humbles, et nous flattant qu'elles seront accueillies amoureusement, nous sommes, etc., etc.«

(Mêmes signatures que plus bas).

A S. E. le G-eneralissime Consul de la République Française Bonaparte.

»0n ne peut exprimer la joie, la satisfaction qii'ont éprouvées ces peuples en apprenant qu'il avait été stipulé dans le t:aité de paix que leur patrie serait rendue à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, qu'ils reconnurent et vénérèrent pendant un long cours d'année comme véritable souverain, et dont ils expérimentèrent toujours l'affection, la sollicitude paternelle et la généreuse bienfaisance. Cependant, au milieu de tant de joie et de contentement pour le retour prochain et désiré dudit Ordre et de ce légitime supérieur et propre prince François-Ferdinand de Hompesch., ils re- connaissent très-bien les effets de la protection de Votre Excellence dans la publique connaissance des vrais sentiments des Maltais. Etant à part la tranquillité soupirée et des justes réflexions, nous nous faisons un devoir de présenter à V. E. les assurances de notre commune reconnaissance pour le soulagement universel et la paix générale. «

» signé: Pieeee-Paul Miculeff, prévôt et curé de Bir- charçara; Antoine Cilia, curé de Casai Sia; Joseph Ruscael Camillieri, curé de Casai Grudia; Nicolas Pexée, vicaire de Casai Luca et Asciak; .Jean-Michel Tortolla, curé de Casai Zeitun ; P. Vincent La Posa, curé de la Cité Valette ; Père Vincent Ferroni, maître et procureur des Carmes; Père Vincent Portelli, prieur et vicaire provincial des E. P. Prêcheurs ; Père Vincent Jumenit, gardien et com- missaire provincial de Saint-François ; Père Jean-Baptiste Puce, gardien de Saint-François de la Cité Valette ; Père François- Antoine de Malte, commissaire de Terre-Sainte; Père Bachelier-François Chetchuti, prieur de Saint- Augustin de la Cité Valette.»

Quelle différence entre ce langage et celui de la dépu- tation maltaise envo^'ée à Londres et remettant à S. M. Britannique, un Mémoire outrageant pour l'Ordre de Malte, daté du 22 octobre 1801, et on lit cette phrase typique:

APPENDICE. 445

»Nous affirmons que nous étions les principaux acteurs dans la guerre, que nous étions les conquérants.... Les Maltais demandent la possession de leui' île par droit de conquête sur les Français, qui la conquirent sur l'Ordre«. Ce libelle, sous forme de Mémorandum représente les clie- valiers comme avilis, déshonorés, infâmes, réduits à l'indi- gence et à la plus honteuse mendicité. Ne dirait-on pas le factum d'une bande échappée des Petites-Maisons? Et en tête des signataires, on lit le nom du Marquis Mario Testa- ferratat qui mérite de ne pas être oublié ; le reste n'est que le menu-fretin de l'insurrection de 1799 1800 le tout payé par l'Angleterre, en 1801 comme auparavant.

Ce marquis Don Mario Testaferrata est le même qui fut le chef de la députation qui vint présenter au grand maître Hompesch, le 10 juin 1798, la supplique relative à la cessation de la résistance. Le 10 juin 1798 et le 22 oc- tobre 1801 méritent d'être inscrits en lettres d'or le sur blason de ce gentilhomme. Qu'on ne nous accuse pas d'un rappro- chement fait à plaisir. Les actes existent ^).

xxvin. CHRONOLOaiSCHE GESCHICHTE BÔHMENS

(1778).

»Notum sit omnibus Christi Fidelibus quod ego Wladislaus Dei gratia Rex Boemorum attendens devotionem, et religiossimum propositum fidelissimorum meorum, scilicet

1) L'Ordre était représenté aux Congrès de Vienne (1814—1815) et d' A ix-la-Chapelle (1818) par le bailli Mari et Berlinghieri, pléni- potentiaires de l'Ordre, assistés par le commandeur Louis de Dienne (de la Langue d'AuvergTie), au nom et comme mandataire spécial des trois Langues de France et des deux Langues d'Espagne. Outre le Mémoire de 1811 (V. suprà, p. 221), il en fut présenté au Congrès d'Aix-la-ChapeUe un nouveau signé le bailli de Lasteyrie, les com- mandeurs de Bataille, Peyre de Châteauneuf, de Dienne. On poursuit dans ce mémoire la restauration de l'Ordj-e de Malte comme état territorial souverain. Ce que nous croyons devoh noter, c'est que, d'après un procès-verbal de la séance du 28 août 1815, de la com- mission des lang-ues françaises, Fr. de Dienne réussit alors à rétablir une parfaite harmonie entre les députés des langues françaises et les plénipotentiaires de TOrdi-e (L. de Fr. Giovanni, Lieutenant du Magistère, 10 août 1815). Rien d'étonnant à cela, puisque Fr. de Dienne avait été en France, à Malte et en Sicile, le dernier fondé de pouvoirs spécial de Fr. de Hompesch (V. Arch. de la famille de Dienne, château de Servilly (AlUer).

446 L'ORDRE DE MALTE.

Gervasii concellarii mei, et Martini Subcancellarii, in quales sanctos videlicet usus convertere voilent et impendere om- nia illa, que vel circa me pro fidelissimo servitio prome- ruerant, in possessionibus, sive mobilibus quibuslibet, vel que aliunde, etc. attendons, inquam, quod ecclesiam voilent inde edificare in bonorem B. Marie Virginis : tante devo- tionis, tanteque mercedis una cum illis me participem con- stituere volens ad edificandam ecclesiam et hospitale, atque instituendam congregationem religiosorum communis vite virorum terram quandam ad coronam regni mei pertinentem Prage juxta Pontem secus aquam inter quatuor vias dedi Addo et confirme eidem loco villam Lettegh Addo insuper agrum unum nomine Ostruzen Addo et con- firme possessiones, que fuerunt Henrici filii Hartmanni, et etiam eas, quas dédit post discessum uxoris.

Ego Wladislaus Dei gratia Rex Boemorum, notum facio cunctis fidelibus presentibus, et futuris, quod a primis principatus mei temporibus semper in voto habui iberosoli- mam ire, atque sepulchrum Dominicum, et alla loca sancta videra. Quod et adimplere volui, quando cum Imp. Conrado in expeditione contra paganos processeram. Sed cum pecca- tis exigentibus, nescio quo Dei judicio proposita perficere prohiberer, ad propria reversus votum exsolvere. Quod cum Eaymundo tune temporis Magistro hospitalis iheroso- limitani, etc. . . Et haec sunt ville, quas dedi. Hodoviz, Czoym, Plane, Cubov-Manetin a meta Neostinensi cum Lipe, Kubov cum foro Wescu duas villas in provincia Bilinensi dictas Borizlave et Hribovici. Ad petitionem fratris Henrici villam nomine Levin, et Silvam etc. Actum est anno Incarn. D. MCLXIX, anno autem mei principatus XXX, regni vero mei XI. Episcopatus aatem domini Friderici Pragensis anno I.

XXIX.

SERVICE DE SANTÉ VOLONTAIRE

EN TEMPS DE GUERRE.

Les renseignements ^) que nous donnons ci-après com- plètent ce que nous avons dit, aux Annales du Grrand-Prieuré

^) Ces renseignements sont traduits de l'ouvrage officiel du D' Jaromir Mundy, chef du service.

APPENDICE. 447

de Bohême- Autriclie, sur la cérémonie d'inauguration des trains de transport pour les blessés et les malades, en temps de guerre, à la date du 11 novembre 1877.

L'accord entre l'Ordre (grand-prieuré) et les Compagnies de chemins de fer fut signé le 27 mars 1876. Les propo- sitions de l'Ordre furent adoptées par le Ministère de la guerre P E>^ pour l'ensemble de la monarchie, par Ordon- nance du 28 juin et du 10 juillet 1876.

Les Dispositions organiques du service de santé volontaire en temps de guerre^ furent jointes à l'Ordonnance ministérielle approuvée par l'Empereur, le 28 juin 1876, puis subirent quelques modifications approuvées en date du 10 juillet, que nous ajoutons aux Dispositions organiques comme annexe y faisant suite. Nous allons les traduire ; nous donnerons ensuite quelques autres passages de l'ouvrage cité ; nous analyserons encore le Rapport général du médecin en chef, Dr. Jaromir Mundy sur l'Evacuation des .6?e5ses pendant les mois d'Août, deSeptembre et d'Octobre 1878, lors de l'occupation de la Bosnie et de l'Herzégovine.

DISPOSITIONS ORGANIQUES.

L'Ordre souverain des chevaliers de Malte, grand-prieuré de Bohême-Autriche, fera en temps de guerre^ en se joignant au service sanitaire de l'armée, un service de santé volontaire^ en contribuant au transport des blessés et des malades:

A. Far le chemins de fer.

B. Des gares de Vienne aux hôpitaux.

A.

Teains sanitaires de l'Ordee.

Art. 1®^ Les trains sanitaires que l'Ordre formera et équipera, seront destinés â transporter les blessés et les malades, des Ambulances de campagne, soit directement, lorsqu'elles seront à proximité d'une ligne de fer, soit des stations de chemin de fer les plus rapprochées de ces ambu- lances aux ambulances de la réserve en arrière, ou aux hôpitaux fixes.

L'Ordre mettra dans ce but, en temps de guerre, à la disposition du Ministère de la guerre six trains sanitaires dont l'emploi sur le théâtre de la guerre sera réglé par la direction des transports sur les chemins de fer de campagne de l'armée d'opérations.

4-48 ' L'ORDRE DE MALTE.

Art. 2. Le personnel et la composition de ces six trains sanitaires sont arrêtés suivant annexe ^).

L'arrangement interne et externe approprié est à la charge de l'Ordre.

L'Ordre a en outre à fournir pour ses trains sanitaires :

a) Les 6 commandants, et les sous- commandants^) qui tiennent les comptes de cliaque train.

h) Jjes 12 médecins.

c) Les servants-infirmiers et les cuisiniers.

d) L'uniforme.

e) La paie du personnel (c) pendant toute la durée d'activité des trains sanitaires.

f) Les instruments et pharmacies, ainsi que les ustensiles détachés pour les 6 trains.

L'administration de la guerre remboursera de son côté à l'Ordre le traitement des médecins (Convention du 15 avril 1875) et fournira gratuitement, tant pour les blessés et les malades à transporter que pour tout le personnel d'accompagnement et de service de l'Ordre, les aliments par étapes, à partir de l'entrée en fonctions, ou éventuelle- ment les provisions en nature sur les bases des règlements relatifs à l'armée V-^ et R^®.

Le personnel technique des chemins de fer, ainsi que les locomotives, wagons de sûreté et autre matérial de roulement seront fournis par les C^®^ de chemins de fer, sur les lignes desquelles le trains sanitaires circuleront.

Art, 3. Afin d'assurer la mise en activité en temps utile des trains sanitaires, au cas de mobilisation, l'Ordre tiendra prêt en temps de paix le personnel d'accompagnement et de service prévu par l'Art, 2.

L'Ordre assurera de même par contrat le matériel voulu de transport.

Le train sanitaire complet (train-école en temps de paix), que l'Ordre a déjà fait préparer sur ses propres res- sourses (10 wagons d'ambulance et 5 wagons extra) restera sous la surveillance et la garde de celui-ci.

Les 75 wagons vides nécessaires pour les 5 autres trains sanitaires seront au contraire fournis par les com-

1) Ces trains sont sous la direction suprême du grand-prieur; le médecin en chef général, les commandants, les médecins, les ser- vants en chef et servants ont des attributions précises et réglées par rOrdre, en date de 1878.

2) L'obligation d'instituer des sous-commandants a été supprimée pour toujours par Ordonnance ministérielle, au moment de l'évacua- tion en 1878. L'Ordre les a remplacés par ses propres comptables.

APPENDICE. 449

pagnies de chemin de fer, d'après les conventions passées entre elles et l'Ordre, relativement même à leur arrangement extérieur, au cas seulement de mobilisation et sur la réqui- sition de l'Ordre.

Le matériel d'équipement et en particulier l'arrangement intérieur et la totalité des fournitures de tous les 90 wagons seront déjà réunis en temps de paix par l'Ordre et mis en garde dans son dépôt de matériel, à Strakonitz. Il n'en faut excepter que ces objets d'équipement sanitaire que l'on se procure facilement et en nombre voulu, et qu'un long emmagasinement et le défaut d'usage peuvent détériorer.

Mais l'Ordre doit déjà, en temps de paix, s'assurer par contrat la livraison de ces objets, ainsi que l'équipement du personnel de service.

Le contenu des wagons-magasins est déjà déterminé, au point de vue de la quantité et de la qualité; celui des wagons d'approvisionnements sera déterminé d'accord avec le Ministère de la guerre, avant la mise en activité des trains. L'Ordre procurera les approvisionnements déclarés nécessaires, lors de la mobilisation.

L'Ordre fera connaître chaque année, au mois de fé- vrier, au Ministère de la guerre, l'état d'équipement de ses trains sanitaires.

Il fera connaître en même temps le nom des comman- dants choisis par lui pour les trains sanitaires et des sous- commandants, 1) qu'il prendra parmi ses chevaliers-profès et d'honneur, en mentionnant surfont les chevaliers en non activité de service qui ont une charge d'officier ou qui sont encore obligés au service militaire.

Sur l'approbation du Ministère de la guerre, l'Ordre les inscrira définitivement et indiquera selon les cas les changements opérés.

Art. 4. L'Ordre prendra soin que les commandants désignés pour ses trains sanitaires, sous- commandants, ^) médecins, servants et cuisiniers soient initiés déjà, en temps de paix, à toutes leurs obligations. Dans ce but, l'Ordre réunira une fois par an ce personnel et l'exercera au ser- vice de santé, sous la direction du médecin en chef, sur le train-école complètement équipé, mentionné à l'Art. 3.

Les instructions et règlements nécessaires seront rédigés, en conformité étroite avec les prescriptions analogues de

') V. Note à l'Art. 2. 2) Item.

SAl LES : L'ORDIÎE DE MALTE.

450 L'ORDRE DE MALTE.

l'armée, par le médecin en clief de l'Ordre, qui est chargé de toute la direction, des feuilles de présence du personnel et de la surveillance du matériel.

Art. 5. L'agencement des trains sanitaires aura lieu, au cas de mobilisation, sur les points que le Ministère de la guerre aura désignés,

L'Ordre, après avoir été avisé de la mobilisation ainsi que de l'époque de l'agencement, par le Ministère de la guerre, devra d'accord avec celui-ci, diriger vers les points d'agencement désignés, le personnel d'accompagnement et de service, ainsi que le matériel d'équipement et de transport.

La disposition ultérieure des trains, à partir de ces points, sera ordonnée, comme il est dit à l'Art. 1®^, par le Ministère de la guerre.

Art. 6. Le service dans les trains sanitaires sera réglé en général, d'après les dispositions des Ordonnances et prescriptions en vigueur pour l'armée et en particulier d'après «l'Instruction pour le service de santé de l'armée en campagne « et le «Règlement pour le transport des mili- taires par chemin de fer«.

L'activité spéciale et la coopération de l'Ordre au trans- port des blessés et des malades seront du reste soumises aux dispositions spéciales prises par l'autorité militaire.

Art. 7. Le médecin en chef du service de santé volon- taire est chargé, en temps de guerre, de la direction supé- rieure et de l'inspection des trains sanitaires de l'Ordre, en ce qui concerne le service de santé intérieur.

Quant au service extérieur, il reste soumis à l'autorité militaire compétente.

Il est loisible au médecin en chef de l'Ordre (ou à son substitut) de se tenir pendant la campagne auprès de l'armée d'opérations et de se joindre selon les besoins de son ser- vice, soit au quartier général de l'armée d'opérations, soit à l'intendance de l'armée.

Pendant son séjour dans le rayon de l'armée d'opéra- tions (pour lui et pour ses serviteurs) il sera appliqué, au point de vue des fournitures en nature, du transport et du logement, les mêmes règlements que pour les médecins militaires de la VI^ classe de traitement, à moins qu'il ne doive être rangé dans une classe de diètes supérieure. Pendant son séjour dans le rayon de l'armée, il lui sera fourni -pai l'administration militaire les fourrages et le logement.

APPENDICE. 451

Les commandants des trains sanitaires au cas ils revêtent des charges militaires, sans y avoir égard ont, relativement au service de santé volontaire (transport) dont ils sont chargés, à se soumettre sans réserve à toutes les ordonnances y relatives des autorités militaires chargées des transports et à veiller aussi à leur exécution ponctuelle de la part du reste du personnel de l'Ordre réparti dans leurs trains.

Les militaires à transporter ont à se soumettre sans réserve aux prescriptions des commandants des trains sa- nitaires.

Les médecins répartis sur les trains sanitaires de l'Ordre (2 par train), que l'Ordre choisira autant que possible dans ses comnianderies, devront être examinés et approuvés, en temps de paix, par le médecin en chef, relativement à leurs capacités pour le service médical en question.

En temps de guerre, ils seront surveillés selon les cir- constances, soit par le médecin en chef de l'armée, soit par le chef de la santé près de l'Intendance militaire, soit par un médecin militaire supérieur délégué par le Ministère de la guerre.

Relativement au service de santé intérieur et à la ré- partition des médecins dans les trains sanitaires de l'Ordre, le médecin en chef de l'Ordre a aussi le droit de surveil- lance et même de disposition.

Les rapports des personnes désignées sous a) h) c) entre elles et avec le reste du personnel de l'Ordre, et en général tout le service de santé volontaire intérieur de l'Ordre, seront réglés par des prescriptions spéciales de l'Ordre.

Art, 8. L'Ordre a choisi pour tout le personnel de ses trains sanitaires un ajustement et un équipement autant que possible uniformes, en rapport avec le décorum militaire et le service auquel ils sont destinés.

Tout le personnel de l'Ordre doit du reste porter, pour' le distinguer, au dessous du brassard (prescrit par la Con- vention de Genève) et rattaché à celui-ci un deuxième brassard de 1 pouce Va de large, de même étoffe rouge, portant la croix blanche de Malte en drap blanc du côté extérieur.

Ce personnel porte à la casquette la même croix de Malte.

On reconnaîtra les commandants des trains sanitaires et leurs substituts, aux mêmes distinctions sur la poitrine et à la casquette.

29*

452 L'ORDRE DE MALTE.

Les wagons des trains sanitaires seront munis des in- scriptions et numéros voulus, ainsi que de la Croix de Genève et de la Croix de Malte.

Art, 9. A partir du moment de l'agencement des trains sanitaii'es jusqu'à leur désarmement, l'administration de la guerre paye, d'après les règlements en vigTieur pour l'armée :

a) Les frais d'étapes ou les aliments en nature pour les blessés et malades à transporter, ainsi que pour tout le per- sonnel d'accompagnement et de service des trains sanitaires;

h) Les frais de transport et de logement de ce personnel et du matériel de l'Ordre.

L'administration de la guerre rembourse en outre, comme il est dit à l'Art. 2, les frais de traitement des 12 médecins.

Les commandants des trains et leurs substituts font leur service, en qualité de chevaliers de l'Ordre, sans aucune rémunération.

L'Ordre pourvoira aux réparations, acquisitions supplé- mentaires pour l'installation intérieui'e et autres obj ets d'hôpital des trains, devenus nécessaires. Les frais résultant d'endom- magement ou de perte du matériel de transport des trains sanitaires de l'Ordre, provenant de la force majeure, seront remboursés par l'administration de la guerre.

Art. 10. Le paiement aux compagnies de chemins de fer pour les blessés et transportés par les trains sanitaires de l'Ordre, aura lieu de la part du Ministère de la guerre, d'après la convention relative au transport des blessés et malades couchés, publiée par l'Ordonnance circulaire du 8 mai 1871.

Art. 11. Lors de la démobilisation de l'armée, le Mi- nistère de la guerre déterminera, sur la base de l'utilité des trains sanitaires de l'Ordre, et d'accord avec l'Ordre, le moment de leur désarmement.

L'ensemble du matériel d'équipement mentionné à l'Art. 3, sera ramené peu à peu par l'Ordre à l'état primitif et dé- posé jusqu'à nouvel emploi.

Annexe.

L'Ordre souverain de Malte, grand-prieuré de Bohême, s'est, dans son Ma/pport sanitaire de clôture des années 1875 76, déclaré prêt à armer lui-même et à mettre à la disposition de l'administration de la guerre, des trains sanitaires de chemins

APPENDICE. 453

de fer, selon les besoins, jusqu'au chiffre de douze. Le matériel nécessaire de transport est assuré par contrat. En consé- quence, les dispositions ci-dessus sont entièrement appli- cables aux trains sanitaires, en plus des 6 fixés, que l'Ordre mettrait en activité.

B.

Transpoets des gares de Vienne aux hôpitaux.

Art. 12. L'Ordre a déjà dans ce but, sur ses propres ressources, créé un parc de voitures composé de 12 voitures d'ambulance à deux chevaux et de deux voitures-cuisines de campagne; ce parc est déposé en temps de paix au Dépôt du matériel de voitures, à Klosterneuburg.

La mise en activité de ces colonnes de transport de malades aura lieu, au cas de mobilisation, en même temps que l'agencement des trains sanitaires de l'Ordre et elles seront pourvues par l'Ordre du personnel nécessaire (Porteurs de blessés). Les attelages des douze voitures d'ambulance seront fournis par l'administration militaire, au cas l'Ordre ne pourrait les fournir.

Un chevalier de l'Ordre a le commandement de la colonne, avec un substitut, d'après les dispositions du Mi- nistère de la guerre (Direction centrale pour les transports militaires par chemins de fer).

L'état et la formation de la colonne de transport des blessés sont indiqués au tableau B. ^)

Art. 13. L'Ordre déclare ne vouloir retirer sa coopéra- tion au service de santé c'est-à dire au service d'évacua- tion par chemins de fer et sur terre, près de l'armée R^« en campagne, ni en tout ni en partie, tant qu'il subsistera dans sa constitution actuelle dans les Etats Impériaux et Royaux.

Il nous paraît utile de rapporter ici que, d'après les Art. 3. 12. 19 du Règlement organique du service des trains sanitaires, de 1878, le grand-prieur a seul le droit de mo- biliser les trains et de prendre les dispositions organiques, administratives et financières y relatives, conformément aux pouvoirs illimités que le Chapitre lui a conférés.

^) Résumé de ce tableau: 1 voiture d'ambulance, 1 commandant, 4 Porteurs de blessés, 1 souscommandant, 4 brancards, 4 blessés couchés, 2 assis.

4-54: L'ORDRE DE MALTE.

XXX.

LES LANG-UES

EN l'État actuel ^).

L'Ordre est toujours divisé en huit langues, c'est une tradition qui a subsisté, malgré toutes les suppressions de fait opérées par les pouvoirs tem2)orels de plusieurs Etats.

I.

GEAND-MAaiSTÈRE EOME).

CARDINAL-GHAND-MAÎTKE.

V. B. Fr. ^) Jean-Baptiste, Prince Ceschi de Santa-Croge, (Altesse éminentissime).

CONSEILLERS.

Comm. Fr. Alexandre Capranica, représentant le grand- prieuré de Rome.

Comm. Fr. Chev. Gai. Thun-Hohenstein, représentant le grand-prieuré de Bohême.

V. B. Fr. Maximilien Cacgia. représentant le grand-prieuré de Lombardie-Vénétie.

Comm. Fr. Frédéric Gagliardi, représentant le grand-prieuré des Deux-Siciles.

CHANCELIER, SECRÉTAIRE DU CONSEIL.

Chev. Antoine da Mosto.

OFFICES DU GRAND-MAGISTÈRE.

Lieutenant du grand-chancelier, Comm. Fr. Henri de

COURSON.

Secrétaire du Trésor commun, V. B. Fr. Maximilien Caccia.

Conservateur (vacant).

Secrétaire magistral (vacant).

Secrétaire de la chancellerie magistrale, Comm. Fr. Laurent

d'AoLIANO.

Maître des cérémonies, Chev. Jacques Pietramaiiella,

PROTECTEUR PRÈS DU SAINT-SIEGE. S. Em. Le Cardinal Monaco La Valletta, du 7 juillet 1887.

1) Grâce à une communication du grand-magistère, nous sommes en situation de donner d'une façon absolument exacte l'état actuel de l'Ordre (au 15 février 1889).

^) Fr. signifie Frâ, Frater, Frère, titre des clievaliers-profès.

APPENDICE. 455

CHEVALIERS DE JUSTICE (LISTE GÉNÉRALE).

Abenspekg-Teaun (Cliev. Ohaiies), 6 mai 1881 (M ^). Affaitati (Chev. Tommaso), 10 juin 1870. Agliano (Comm. Fr. Lorenzo), 18 déc. 1880, Arundell de Waedour (Oliev, Edouard), 20 janv. 1874. AsHBUENHAM Saint-Asaph (Chev. Bertram), 21 janv. 1874. Attems de Heilig-enkeeuz (V. B. Fr. Alexandre), 8 janv. 1833. Attendolo Bolognini (Chev. Jules), 25 mai 1881. Bacio Tereacina Cosoia (Comm, Fr. Antonio), 8 juin 1869. Bacio Tereacina Coscia (Chev. Paolo), 14 avril 1869, Ballestee, de Oleza (Chev. Ignazio), 4 janv. 1837. Bellegaede (Chev. François-Joseph), 8 juin 1875 (M). Bentivoglio (Comm. Fr. Decio), 7 janv. 1856. Beegonzi (Comm. Fr. Ludovico), 21 déc. 1841. Beezeviczi de Beezevioze (Fr. Adam), 23 mai 1874. Bissingen-Nippenbueg (Chev. Maximilien), 8 mai 1882. BoNANNO (Comm. Fr. G-irolamo), 2 juillet 1871. Boeeomeo (Chev. Guido), 17 déc. 1841. Beandis (Chev. Charles), 6 mai 1881. Beesciani (Comm. Fr. Francesco), 13 juin 1873. Budetta (Chev. Carlo), 17 janv. 1882. BuDETTA (Chev. Ferdinando), 30 janv. 1884. Cabog-a-Ceeva (Chev. Bernard), 14 juin 1872. Caccia (V. B. Fr. Maximihen), 12 janv. 1860. Candida (Comm. Alvaro), 5 mai 1839. CAPEAJsriCA (Comm. Fr. Alexandre), 3 déc. 1851. Caecanti (Chev. Gabriele), 12 juin 1856. Caecani (Chev. Giovanni-Battista), 12 juin 1856. Cahoano (Chev. Alfredo), 11 fév. 1868. Cesohi de Santa Ceoce (Y. B. Pr. G'^-M, Fr, Jean-Baptiste),

21 fév. 1856. Ceschi de Santa Ceoce (Chev. Jean), 25 mai 1887 (M). Choeinski (Comm. Fr. Egon), 8 juin 1875, Choeinski (Chev. Fr. Nicolas), 23 mai 1874. Codignac (Comm. Fr. Alphonse), 8 mai 1844. CoLTHUEST (Chev. David), 7 déc. 1872. OoNTi (Chev. Alphonse), 6 déc. 1888. CoEio (Chev. Léopold), 15 avril 1862. CoEio (Chev. TuUio), 6 mars 1880. CosTAGUTi (Chev. Ascanio), 24 janv. 1882. •■ CouESON (Comm. Fr. Henri), 17 fév. 1853. Ceispo (Chev. Enrico), 10 juin 1871.

') M signifie reçu de miiiorité.

456 L'ORDRE DE MALTE.

Cristofori (Chev. Francesco), 8 juin 1885. CuFFARi (Chev. Alfonso), 21 fév. 1856. CuzzANiTi (Chev. Giuseppe Gtallupi), 7 avril 1876. CzERNiN (Chev. Eugène), 20 mai 1883.

Errington (Chev. G-eorges), 7 déc. 1872. Erring-ton (Chev. Jean Michel), 18 janv. 1876. FiLioLi (Comm. Fr. Achille), 30 juin 1859. FoRMOSA (Chev. Luigi), 13 mars 1858.

Gagllajidi (Comm. Fr. Francesco-Maria), 1 mai 1860.

Gagliaudi (Comm. Fr. Frédéric), 28 juin 1871.

Gallo (Chev. Giacomo), 13 janv. 1877.

Gattini (Chev. Michèle), 25 juin 1858.

GinsALBERTi (Chev. Fr. Flaminio), 17 juin 1881.

GiuLL^JEii (Chev. Louis), 8 nov. 1888.

Gnoli (Chev. Luigi), 29 mai 1886.

Gradenigo (Chev. Fr. Bartolomeo Pietro), 22 mai 1880.

Haudegg de Glatz (Comm. Fr. François-Joseph), 14 mai 1869. Hardegg de Glatz (Comm. Fr. Rodolphe Maximilien),

10 mai 1867. Khevenhuller-Metsch (Comm. Fr. Rodolphe), 8 mai 1861. KiNSKY (Chev. Christian), 7 janv. 1879. Lalatta (Comm. Fr. Ludovico), 14 mai 1878. Latoughe-Colthurst (Chev. David), 7 déc. 1872. LiECHTENSTEm (Chev. Alfred), 23 avril 1876 (M). Liechtenstein (Chev. Charles), 30 mai 1880 (M). Liechtenstein (Chev. Georges), 30 mai 1830 (M). Liechtenstein (Chev. Henri), 9 mai 1859 (M). Liechtenstein (Comm. Fr. Henri-Aloïs), 30 mai 1880 (M). Liechtenstein (Chev. Jean), 23 avril 1876 (M). Liechtenstein (Chev. Rodolphe), 27 août 1841.

Martinelli (Chev. Vincenzo), 10 déc. 18G2. Mautucci (Chev. Luca), 6 mars 1880. Mattei (Chev. Girolamo), 14 juin 1883. Mella (Chev. Alberto), 2 juin 1882.

Méraviglia-Crivelli (Comm. Fr. François), 20 mai 1854. Messey de Bielle (Chev. Frédéric), 17 janv. 1882. MiNUTOLo Di San Valentino (V. B. G'^^-P. Fr. Luigi Capece),

16 déc. 1857. Mitrovski-Nemischl (V. B. Fr. Joseph), 14 fév. 1831. MocENiGO (V. B. G<i-P. Fr. Pietro), 18 fév. 1848 (M). MoRESE (Chev. Albert), 18 mai 1881. Pachta-Rayhofen (Chev. Félix), 23 mai 1878.

APPENDICE. 457

Paleemo (Chev. Vito-Saverio), 13 fév. 1858.

Palpfy d'Erdôd (Ohev. Maurice), 25 oct. 1873 (M).

Patrizi (Comm. Fr. Luigi), 4 avril 1859.

Pergen (Comm. Fr. Ladislas), 6 août 1838.

Perotti (Comm. Fr, Francisco Parisio), 16 juin 1869.

PoDSTATZKY-LrECHTENSEiN (Y. B. Fr. Adolplic), 27 déc. 1828.

Platz (Cliev. Gérôme), 23 mai 1878.

PoEE (Chev. Edmond de la), 22 janv. 1874.

Quaranta (Comm. Fr. Federico), 22 juillet 1871.

Rangone (Chev. Lorenzo), 27 fév. 1873.

Reisohach (V. B. Fr. Sigismond), 24 janv. 1832.

E,iCGi Paracciani (V. B. G-. -P. Card^ Francesco), 4 mars 1885.

E.IVERA (Chev. Giuseppe), 22 juillet 1871.

EivERA (Chev. Louis), 16 juillet 1888.

EuspoLi (Comm. Fr. Eugenio), 16 déc. 1868.

S* Julien-Wallsee (Chev. Clément), 19 mai 1855 (Ch. d'h.

en 1881). Salis-Samaden (Chev. Charles-Em.), 30 mai 1880. Sanfelice (Chev. Vincenzo), 15 juillet 1885. Sarzajsta-Fici (Chev. Giuseppe), 24 mars 1868. ScHRENK DE NoTziNG (Chcv. Emest), 22 mai 1877. Serego Allighieri (Chev. Federico), 14 juin 1885. SiLVA (Chev. Carlo Ghiblanda), 27 mai 1878. Skrbensky (Comm. Fr. Antoine), 12 mai 1858. SosiMi-PiGENARDi (Y. B. G.-P. Fr. Guido), 21 juin 1873. Spangen d'Uyternesse (Chev. Joseph), 19 sept. 1887 (M). Stapleton-Beaumont (Chev. Henri), 22 juin 1870. Tortora-Brayda (Chev. Francesco), 27 fév. 1873. Thun-Hohenstein (Comm. Fr. Charles), 11 mai 1863. Thun-Hohenstein (Comm. Fr. Galeazzo), 8 juin 1875. Thun-Hokenstein (Y. B. P. G.-P. Fr. Guy), 12 mai 1859. Thurheim (Chev. Louis), 22 mai 1852. Thurn- Taxis (Comm. hon. Fr. Emerico), 13 déc. 1876. Tschiderer de Gleiffheim (Chev. Auguste), 25 oct. 1873. Yargas Magciucca (Chev. Joseph), 6 mai 1881. Yernier-Rougemont (Comm. Fr. Jean), 11 mai 1860. Yolpioella (Chev. Luigi), 26 juin 1858. Walderdorfp (Chev. Léopold), 8 mai 1882. Walterskirchen (Comm. Fr. Charles Guillaume;, 10 mai 1867.

"Watts (Fr. Jean-Jacques), 1883.

Wurmbrand-Stuppach (Chev. Charles), 29 mai 1883. ZuNiGA (Chev. Luigi), 29 mars 1844.

458 L'ORDRE DE MADTE.

II.

LANGUE D'ITALIE.

GRAND - PRIEURE DE ROME. GEAND-PRIEUR.

Cardinal Fraiicesco Ricci, du 4 mars 1885.

RECEVEUR.

Fr. Alessandro Caprajstica, du 1®^ mai 1886.

COMMANDEURS.

Fr. Alessandro Crapajstica, du 1®*" mai 1872.

V. B. Fr. Massimiliano Caccia, du l^r mai 1867.

Fr. Enrico de Courson, du 1®^ mai 1880.

Fr. Giacomo Gailo, du 1®^ mai 1887.

Fr. Lorenzo d'AoLiANO, du l®'^ mai 1887.

Fr. Franc. Gagliardi, de grâce magistrale, du 19 janv. 1871.

Fr. Luigi Patrici, de gr. m., du 1*^^' mai 1880.

Cliev. Alvaro Candida, de gr. m., du 1®^ janv. 1839.

CHAPELAINS CONVENTUELS.

Fr. Giustino Ad ami, 1^^^ mai 1878.

Fr. Aies. Chiari, l""" mai 1868.

Fr. Giov.-B. de Montel, 1«^ mai 1879. .

BAILLIS GRAND'CROIX D'HONNEUR ET DE DÉVOTION.

Charles III, Prince de Monaco, A. S., 1873.

Le cardinal Carlo Sacconi, 1879.

Le cardinal Giuseppe Pecci, 1879.

Le cardinal D. Mario, prince Chigi, 1879.

D. Enrico Barberini, prince de Palestrina 1880.

Le prince D. Emilio AiTiERi, 1885.

Le cardinal Miecislav Ledochowski, 1885.

CHEVALIERS D'HONNEUR.

Taappe (Nobile Giovanni), 19 fév. 1836. RoMAGNOLi (Marchese Pio), l®'^ déc. 1837. EoRGLA Pechini (C*® Ettore), 12 mai 1839. Bracceschi (C*® Domenico), 16 sept. 1842. Servanzi (C*e Severino), 19 déc. 1842. Zacchia (Mardi. Bernardo), 30 sept. 1842. BoRGiA (C*e Cesare), 3 avril 1845. Salviati (Duca D. Scipione), 29 mai 1845.

APPENDICE. 459

Mascioti (Ms"^ Lnigi), 26 sept. 1845.

GiusTixiANi (Principe Don Sig. Bandini), 2 avril 1851.

Bextivoglio d'Aragena (March. Nicolô) l^"-' juin 1852.

Vai (Nobile Luigi), 27 janv. 1853.

RuspoLi Di Boadilla (March. Luigij, 2 mars 1853.

ViTELLESCHi (March. Angelo Nobili), 21 juillet 1853.

BuoxcoMPAGNi OïTOBOxiDucADiFiAxo(D. Marco), 28 mai 1 855.

CoLOCCi (Mardi. Ippolito), 13 juillet 1857.

Servanzi Collio (Nob. Giuseppe), 10 mai 1858.

Servanzi Collio (Nob. G-.-B.), 10 mai 1858.

Gî-AVATTi Veeospi (March. Angelo), 30 nov. 1858.

MoEONi (C*^ Fedenco), 17 sept. 1861.

Antici Mattei (Principe D. Tommaso), 29 nov. 1861, f.

Altieei (D. Lorenzo dei principi), 25 avril 1862.

Aldobeandini (Principe D. CamiUo), 3 mai 1862.

Capelletti (B^« Filippo), 7 juillet 1862.

a\EDELLi (C^^* Alessandro), 23 fév. 1863.

Cinque Quintili (March. Ermen. de), 7 mai 1863.

E-uspoLi (D. Aies, dei principi), 10 nov. 1863.

Teano CD. On. Caet. Principe di), 16 juin 1864.

Pacca (March. BartoL), 18 juin 1867.

Massimo (Duca D. Emilio), 17 avril 1868.

Baldini i'C*® Eanieri), 7 janv. 1869.

Capelletti (B'^e Benedetto), 10 nov. 1869.

Casali DEL Deago (Ms^ G.-B.j, 24 nov. 1869.

Sacchetti (March. Urbano), 24 nov. 1869.

CoLONXA Di SciAEEA (Principe D. M.-B.), 24 nov. 1869.

Spixola (March. Giac. Ugo). 9 juillet 1870.

GiNNETTi (D . Mar.CAHAcciOLO d' AvELLmo princip e) , 2 5 no v. 1 8 7 1 .

JMaxcinelli Scotti (C**^ Pietro) 18 juin 1872.

LovATELLi (C*e Carlo), 15 avril 1873.

ViANO (D. Paolo Altieei principe di), 21 juin 1873.

RossANO (D. Fel. Boeghese principe di), 3 janv. 1874.

ToELONiA (Duca D. Leopoldo), 6 nov. 1874.

Geavina (Principe D. F. Oesixi Duca di), 25 nov. 1875.

ViTELLESCHi (March. Fr. Nobili), 7 fév. 1876.

Gnoli (C^« Aless.), 22 août 1876.

Gabeielli (Principe D. Placido), 8 juin 1877.

RuspoLi ("Principe D. Fr.-Maria), 28 nov. 1877.

Pecci (Cte Ludov.), 25 nov. 1878.

YuLPiANiLEPEETTi(Nob. G.-B.PoDALiEideiMarch.), 18 déc.1880.

Andeea Doeia Pamphili (Principe D. Giov.), 28 nov. 1881.

VicovAEO (Nob. Vii'g. CengiBolognetti principe di), 21 fév. 1882.

Boeghese (D. G.-B. dei principij, 12 mai 1883.

460 L'ORDRE DE MALTE.

Pacca (Nob. Tiberio dei Mardi.). 26 fév. 1885.

PiETRAMELLARA (Nob. Griacomo), 22 juin 1885.

Peoci (C^^ Pdccardo), 29 mai 1886.

Carradori (C*® Giuseppe), 23 déc. 1886.

Antuni (D. Fernando del Drago, prince d'), 18 juin 1887.

CHEVALIERS DE GRÂCE MAGISTRALE.

Laurenzi (Cardinal Carlo), 14 juin 1882. CiccoLiNi (Marquis Joseph), 17 juin 1886.

GRAND-PRIEUEE DE LOMBARDIE-VENETIE. GRAND-PRIEUR. V. B. Fr. Guido Sommi Picenardi, du 3 janv, 1884.

RECEVEUR. Fr. Comm. F. Flaminio Ghisalbertl

COMMANDEURS.

Fr. Ludovico Lalatta, du 1®^ mai 1884.

Fr. Ludovico Bergonzi, du 23 fév. 1842.

Fr. Filippo Linati, du 1®^ mai 1861.

V. B. G.-P. Fr. Guido Sommi-Picenardi, du 21 juin 1873.

Chev. Mag. Paolo Garavaglia de Soresina, du 20 nov. 1877.

Comm. Fr. Pietro Gradenigo, du 25 avril 1887.

Comm. Fr. Flaminio Ghisalberti, du 1^^' mai 1888.

BAILLIS GRAND'CROIX D'HONNEUR ET DE DÉVOTION.

C*® Adinolfo Lucchesi Palli Duca della Grazia, 1867. S. A. R. il Principe Amadeo di Savoie Duca d'Aosta, 1883.

CHEVALIERS D'HONNEUR.

(1° Liste.)

VisconTi Arese (Duca Giulio Litta), 3 nov. 1840.

Greppi (C*e Giuseppe), 19 déc. 1840.

Taverna (C**^ Ludovico), 28 avril 1841.

Salvaterra (Mardi. L. Giov. d'AoDA), l^»" juillet 1844.

Colloredo Mels (C*® Vicardo di), 22 sept. 1845.

Rangone Terzi (March. Ludov.), 17 sept. 1847.

d'Ostiani (C*« Aless.), 13 fév. 1850.

Resgalli (Mardi. Paolo), 13 fév. 1850.

SooTTi (C*® Filippo Gallarati), 10 mai 1850.

SoRAGNA (Principe Diofebo Mbli Lupi di), 14 juin 1852.

APPENDICE. 461

Carandini (March. Gio. Giacomo), 20 déc. 1853.

GuicciARDi (C*« Fr. Liiigi), 16 oct. 1854.

Pagani (Nob. Marino de'), 2 janv. 1855.

Zen (C*^ Pietro), 6 juin 1855.

MocENiGO (C*^ Àlvise Fr), 18 mars 1856, f-

d'Ostiani (C*e Girolamo), 27 mai 1856.

GuiDi Di Bagno (March. Galeazzo de' Coiiti), 31 juillet 1856.

Carearesi (C*^ Alb. Papafava-Antonini dei), 24 -nov. 1856.

Sanvitali (Ct<^ Ugo), 25 nov. 1856.

CicoGNA (C*^ Giov. Pietro), 21 mars 1857.

Bentivoglio (C*e Filippo), 16 avril 1857.

RoERO (Cristoforo de' Conti), 3 avril 1858.

Eecanati (0*® Ang. Giac. Giustiniani), 10 sept. 1858.

Magherio (C*® Carlo Albertoni di), 18 mai 1859.

Cartolari (Nob. Ant. Maria), 13 janv. 1860.

Caréna (C*® Giov. Giuseppe), 23 janv. 1861.

Sanvitali (C*^ Stefano), 18 avril 1861.

MosTO (Nob. Ant. da), 28 mai 1861.

RovERETi (Mardi. Adalb. Zurla), 6 juillet 1861.

Colomba (Nob. Mauro Cappellari della), 2 oct. 1861.

Trivulzio (Principe Gion Giacomo), 20 août 1862.

Sforzesca (C*^ Marcella Rocoa Saporiti March. della),

7 mai 1863. Saporiti (C*^ Alessandro Rocoa), 7 mai 1863. Sangiuliani (C*® Ant. Cavagna), 14 juin 1865. Codelli (B"^' Enrico), 27 janv. 1866. Vigodarzere (C*® Giorgio Cittadella), 1®^ sept. 1866. Bue (Nob. Luigi del), 24 nov. 1866. SoMAGLiA (C*^ Gian Luca Covazzi della), 21 déc. 1867. d'Ostiani (G*^ Pietro Camillo), 11 fév. 1868. d'Ostiani (0*^ Paolo Maria), 11 fév. 1868. LiTTA MoDiGNiANi (Giov. dei March.) 11 nov. 1868. Malvolti (Nob. Angelo), 16 déc. 1868. Colomba (Nob. Fr. Bartol. Cappellari del), 28 mai 1869. Zen (C*« Aless.), 5 fév. 1870.

Cesi (C**^ Folchino Dodici Schizzi), 2 mars 1870. Manzoni (C*® Gius. Trivulzio), 4 avril 1871. Canossa (Emo Cardinale Luigi di), 20 mai 1871. Cavriani (Antonio de' March.), 11 mai 1872. ToRRiCELLA Denaglia (Nob. Gian. Cristof. Cerretti Fogliani

della), 23 janv. 1873. Carcano (Nob. Silvio), 23 avril 1874. Belgiojoso (C**^ Ercole Barbiano), 5 mai 1876. Bertaglio (C*û Napoleone), 24 mai 1876.

462 L'ORDRE DE MALTE.

Ceivelli (C*® Griuseppe dei Duchi Serbelloni Seointdeati),

27 avril 1877. CoLLEONi-PoRTO (C*® Gaardiiio), 17 juin 1877. PoRCiA (Principe Ferdinand© di), 29 mars 1878. MoNTiCELLi (Nob. Luigi). 17 janv. 1879. LambertejSTGhi (Marcii. G-iov. Ang. Poero), 22 mars 1879. d'Ostiaj^i (M^^ Luigi Franzesco), 3 nov. 1879. Macchiavelli (March. Lorenzo Rangone), 29 nov. 1879. Ca2;zago (C*® Francesco Bettoni), 27 janv. 1882. Calablana (Mg^ Luigi Nazahi de' Conti di), 14 juin 1882. Greco (Nob. Alfonso Ferrari Corbelli Conte), 20 mars 1883. Cernuschi (C*^ Giov. Lurani), 5 fév. 1884, f. Locms (C^e Carlo), 9 mai 1884 j. Oddi (C*® Oddo Arr,igoni degli), 20 mars 1885. Melzi (C*e Diego), 11 juin 1885. Cazzago (C*^ Federico Bettoni), 17 juin 1885. d'Ostiani (Nob. Alfredo), 17 juin 1885. SoLA (C*^ Andréa), 5 mai 1887. Cejati (B^e Mass.), 23 juin 1887. Lambertenghi (C*® Bernardo), 2 nov. 1887. CoRio (Marcli. Leopoldo), 14 nov, 1887.

(2'= Liste).

Capitani (Nob. Giuseppe Caccia de), 14 avril 1842.

Bern.uidini (C*^ Federico), 20 juin 1842.

FossoMBRONi (Nob. Enrico Falciaj), 28 déc. 1843.

Gerdsti (March. Carlo Lorenzo), 26 mars 1844.

Peruzzi (Nob. Ubaldino), 26 avril 1844.

Brindisi (Amerigo A. Duca di), 20 août 1847.

ALAMAjsnsri (Mardi. Luigi Niocolini), 1^^ mars 1853.

fiucELLAi (C*^ Giovanni), 27 fév. 1854.

AsiNAEA (Riccardo Manca-Amat Duca di Vallombrosa e

dell'), 4 avril 1855. Yillamaiœna (Emmanuele Pes Mardi, di), 28 avril 1856. Maccahani (March. Claudio Alli), 9 déc. 1856. EoMANi (Nob. Enrico Centeni), 30 mai 1857. Baciocchi (March. Giov.), 16 juin 1857. Aruighetti (Nob. Valerio), 10 déc. 1857. G-eiefoli (Nob. Enea Arrighj), 23 déc. 1858. Sambiiry (C*® Ern. Balbo Bertone di), 5 janv. 1859. MoNTAEiOLO (C*^ Edoardo G-ay di), 12 mai 1860. Castiglioni (Clémente dei Conti), 23 mars 1861. ToMMAsi (Nob. G-irolamo), 6 mai 1861. Germano ^March. Casim. Sanmartino di S"j, 20 oct. 1862.

APPENDICE. 4.63

Laiatico (Pietro de' principi Coesini Mardi, di), 10 iiov. 1862. Bargagli (Mardi. Celso), 14 juin 1865. CiBRAEio (Giadnto dei Conti), 18 iiov. 1865. ToEEiGiANi (March. Pietro), 17 avril 1868. BoEGO (Nob. Flaminio dal), 14 mai 1868. ToERiGiANi (Mardi. Filippo), 26 avril 1870. Gropallo (Mardi. Marcello Vincenzo), 19 janv. 1871. Veegano (C*® Gius. Tornlelli-Bellini-Beusati di),7 fév. 1876. Brème (Alf. Aeboeio Gattinaea Duca di Sartirana di),

4 mars 1879. Grassi (C*® Alfr. Agostini Venerosi della Seta), 17 juin 1879. PoNSACCO (0*® Eugenio Nicgolini dei Mardi, di), 17 juin 1879. Lisci (Mardi. Carlo Ginori), 21 juin 1882. Camugliano (March. Carlo NiccoLiNidiPoNSACco E),25déc. 1882. Francavilla (Fr. Guasco Mardi, di Bisio e di), 14 avril 1884. Frascaro (Aies. Guasco C*^ dei'), 14 avril 1884. Bisio (Giov. Guasco dei Mardi, de), 14 avril 1884. Mélle (C*® Ernesto Paoletti del) 27 mai 1885. Strozzi (Principe Piero), 5 mai 1887.

CHEVALIEES DE GRACE MAGISTEALE.

Soresina (Nob. Paolo Gaeavaglia), 28 juin 1858. Gnagnoni (B^*^ Florenzio), 7 déc. 1866. Seorza (Cavalière Eugenio), 7 déc. 1866. Reali (Nob. Antonio de) 2 mai 1877. Claretta (B^e Gaudenzio), 20 déc. 1883. Pelloux (Louis de), 17 juin 1884. Brujomini (Eug. Paolo), 17 juin li Cenami (C*e Alfredo), 23 juin 1887.

GEAND-PRIEURÉ DES DEUX-SICILES.

GRAND-PRIEUR.

V. B. Fr. Luigi Capeoe Minutolo di Sanvalentino, du 12 juin 1860.

RECEVEUR. Comm. Fr. Francesco Maria Gagliardi.

COMMANDEURS.

Fr. Alfonso Codignac, du 1^^ mai 1884.

Fr. Aiit. BoNANNo Terraoina Cosoia, du 7 mars 1888.

464 L'ORDRE DE MALTE.

Fr. Cesare Volpioella, du 1^^ mai 1884.

Fr. Fr.-Maria Gagliardi, du 1" mai 1872.

Fr. Luigi Patrizi, du 1®^ mai 1884.

Fr. Fr. Parisio Perrotti, du 1^^ mai 1884.

Fr. Federico Quaranta, du 1^^ mai 1884.

Fr. Friderigo Gagliardi, du 1^^ mai 1884.

Fr. Girolamo Bonanno di Linguaglossa, du 1*^^ mai 1884.

CHAPELAIN CONVENTUEL. Fr. Giuseppe de Bisogno, du 1^^ mai 1869.

aHAND'CROIX D'HONNEUR ET DE DÉVOTION.

Le Cardinal EafFaele Monaco La Valletta, 1864. Le Cardinal Mariano Rampolla del Tindaro, 1885.

CHEVALIERS D'HONNEUR.

ScALETTA (Vincenzo JRupeo Principe délia), 6 juin 1817.

Nocgiano (Giov. Aliprandi B'^® di), 3 nov. 1834.

LuDOLF (C*e Guglielmo), 11 déc. 1839.

Sylos (Nob. Vincenzo), 12 fév. 1841.

ViNTiMiGLiA (Nob.Fr.Didaco Tommaso Marullo e), 2 mai 1842.

ViNACCiA (Domenico Maria B^^) n juillet 1842.

Casapesenna (Tommaso Yargas Macgiucca Principe di),

1 juillet 1843. Caselli (Mardi. Luigi), 26 mars 1845. LiNARES (B^e Giovanni), 21 fév. 1846.

ViLLAROSA(Fr.IsroTARBARTOLO E MoNCADADuca di), 16juinl846. Barile (jSTob. Giov. Calogero), 11 déc. 1846. Genoese (Nob. Domenico), 15 nov. 1853. Melissari (Nob. Fr. Saverio), 15 nov. 1853. Carovigno (Giov. Messia de Prado Principe di), 23 janv. 1854. ScALETTA (Michèle Ruffo C*® di Molino dei Principi délia),

23 janv. 1854. Mayo (Mardi. Acindino), 16 mars 1854. MoNESTARACA (M^^' Nicola Capece Galeota dei C*' di),

13 fév. 1857. IsPANi (Mg^ Fil. Ventapane dei Mardi, d'), 16 fév. 1857. Fenicia (Nob. Micbele), 15 janv. 1858. Galletti (Nob. Letterio), 16 nov. 1858. Spuches (Corrado Arezzo B'^® di), 16 nov. 1858. Lavello (Gius. Caraggiolo Duca di), 21 déc. 1858. Sannereto (Ferd. Tommasi de' Mardi, di Casaligchio e),

3 fév. 1859. AvATi (Mardi. Vincenzo), 3 fév. 1859.

APPENDICE. 465

GuEEREEA (Nob. Vinc. MUSITAKO), 3 fév. 1859.

Gallo (Mg'" Filippo), 18 mai 1859.

Faivaxo (Gius. Patroni Geifei de' Conti cli Calvi B^® cli),

5 juillet 1859.

Oriolo (Gius. PiGNOXE DEL Careetto Princ. cli Alessakdeia

Mardi, di). 16 juillet 1859. Salve (Ant. Win'speare Duca di), 27 oct. 1859. Melissari (Nob. Giuseppe), 16 fév. 1860. PoLLiCA (Andréa de Liguori Principe di), 20 fév. 1860. Pozzo (Nob. EafPa.ele del), 29 mars 1860. Pozzo (Nob. Massimino del), 29 mars 1860. Casaluce (Carlo de Bisogno March. di), 26 mars 1861. Cassero (Enrico G*® Statella de' Principi del), 8 avril 1861. Lignola (Nob. Pietro), 18 avril 1861. Letixo (Salvatore Oarboxelli B^® di), 20 mai 1861. Paganica (Giov. di Costanza Duca di), 8 juin 1861. Piccolellis (Nob. Giov. de), 2 oct. 1861. Denti (Principe Vincenzo Pignatelli), 18 janv. 1862. Campoeranco (Emm. Lucchesi Palli e Pignatelli Cortes

DI Monteleoxe Principe di), 25 janv. 1862. Tertiveri (Carlo Gagliardi March. di), 16 juin 1862. Marullo (C*® Salvatore), 9 mars 1863.

Casaleggio (Eulco CuFFARiE-iSTORi march. di), 30 juillet 1863. RocoA (Michèle Cito March. di Toerecuso Principe délia),

6 nov. 1863.

CoLOMBRANO (Frauc. Proto CARAFADuca di Maddaloni e Prin- cipe di), 29 mars 1864.

CoppoLA (C*e Filippo), 9 mai 1864.

SoGLLANO (Filippo Spaventa March, di), 7 déc. 1865.

FiLOCAMO (Nob. Filippo), 7 déc. 1865.

VALDiSAvoiAfG.GEAVESTAC^RUYLLAS dei Principi di), 8 mai 1867.

Barbato (Felice Patroni Griefi B^® ^[ gnj^ 2 juillet 1867.

ViscoNTi (Nob. G. Sagarriga), 28 fév. 1868.

Artalia (Ant. Euffo Duca d'), 7 janv. 1869.

Martino (Alf. Pignatelli Duca di San Martino), 28 déc. 1869.

Sangro (Duca Nicola di), 30 mai 1870.

Eegina (Carlo Capece (^aleota Duca déliai, 30 mai 1870.

Belvédère (Tommaso Brancia March. de Mirabella e Duca di), 18 juin 1870.

San Cesario (Ettore Marulli Duca di), 4 avril 1871.

Belsito (Napoleone Giusino Duca di), 20 avril 1871.

Castellaneta (Francesco de Mari de LiGNYDuca dij, 22 juin 1871.

San Seveeino rGiov. Quaranta dei B^^ di), 22 juin 1871

SALLES, L'ORDRE DE MALTE. „»

466 L'ORDRE DE MALTE.

NojA (Fr. Caraea dei Daclii di), 25 nov. 1871.

Og-ll^stro (Achille de Stefano dei Mardi, di), 27 mars 1872.

Morese (Nob. Giuseppe), 14 juin 1872.

Martina (Placido di Sangro Duca di), 30 janv. 1873.

Franoavilla (Mardi. Giov. Aiit. Imperiali dei Principi di),

27 sept. 1875. Mayo (March. Luciaiio), 9 mai 1876. Mayo C*^ Corrado), 9 mai 1876.

SATRLiNO (Qaetano Filangieri Principe di), 4 juin 1877. Valverde (Fr, Grifeo e Gravina Duca. di), 18 août 1877. Lazzarini (Yito Saverio Palermo B^® di), 20 nov. 1877. Spinosa (Fabrizio Rufeo dei Principi di), 15 janv. 1878. SciLLA (M^r Luigi EuFFO dei Principi di), 11 mars 1878. Camporeale (Pietro P. Beccadelli di Bologna Principe di),

29 mars 1878. Capomazza (Nob. Benedetto), 29 mars 1878. CuMBO (Nob. Ettore), 12 juin 1878. Gerage (Mardi. Fr. Serra di), 14 juin 1878. Gualtieri (Gins. Avauna dei Duclii di), 80 janv. 1879. Fici (C*« Glus, di Sarzana), 30 janv. 1880. TRiGGiANo(Nob.SalvatoreBRANCAccio Principe di), 13déc.l881. Cerami (D°° Eosso de' Principi di), 20 juin 1882, Cerami (Ant. Eosso de' Principi di), 20 juin. 1883. Eeburdone (Mario Paternô Castello Guttadauro Principe

Emanuel dij, 8 janv. 1883. Carcagi (Enrico Paternô Castello Guttadaura dei Duchi

di), 8 janv. 1883. Eboli (Franc. Dorm. Principe d'ANGRi Duca d'), 12 mai 1883. Vaglio (Gius. PiGNATELLi Mardi, dei), 2 juin 1884, Pignatelli (Principe Federico), 2 juin 1884. PiGNATELLi (Principe Diego), 2 juin 1884. Page (Annibale C*<^), 21 avril 1884.

Panoaldo (Gius. Galluppi Cuzzaniti B^^ di), 26 mars 1886. Castelpetroso (Nob. Fr. de Eossi Mardi, di), 1 mai 1886. San GruLiANo (Nob. Ant. Paternô Castello, Mardi, di),

7 oct. 1886. Carducoi Artemisio (Nob.- Ludovic o), 18 janv. 1888.

CHEVALIERS DE GRÂCE MAGISTRALE.

NicoLiNi (Giuseppe), 22 mars 1852. Laurenths (Carlo de), 18 juin 1858, ToRTORA (Ms^ Luciano) 27 juin 1859. Tarallo (Giuseppe), 7 mai 1861.

APPENDICE. 467

CocLE (Antonio), 14 oct. 1863.

CocLE (Michèle), 13 nov. 1863.

GioiA (Nicola), 16 juin 1880.

Grasset (C*® Ferdinando Em. de), 21 fév. 1882.

CiUTiis (Vincenzo de), 19 déc. 1888.

III.

LANGUE D'ALLEMAGNE.

GEAND-PRIEUEE DE BOHEME-AUTEICHE.

PRINCE-GEAND-PRIEUE

premier-prélat provincial de Bohême. V. B. Fr. Guy de Thun et Hohenstein.

BAILLI A L'ANCIENNETE. V. B. Fr. Adolphe de Podstatzki-Liechtenstein.

COMMANDEUES.

V. B. Fr. Alexandre d'AïTEMs de Heiligenkreuz, du

l^r mai 1877. Fr. Franz de Meraviglia-Crivelli, du 1®^ mai 1876. Fr. Antoine de Skrbensky, du 1*^^ mai 1876. Fr. Jean de Vernier-Eougemont, du 1®^ mai 1874. Fr. Eodolphe de Khevenhuller-Metsch, du l^'^ mai 1878. Fr. Charles de Thun-Hohenstein, du 1®^ mai 1888. Fr. Charles - Guillaume de "Walterskirchen, du 31 mai 1880. Fr. Eodolphe de Hardegg-Glatz, du 1®^ mai 1880. Fr. François-Joseph de Hardegg-Glatz, du 25 mai 1887. Fr. Nicolas de Chorinsky, du 25 mai 1887.

CHAPELAIN CONVENTUEL, VICAIEE-GÉNÉEAL IN SPIRIT. Fr. Joseph Slansky, prieur crosse et mitre (1887).

EECEVEUE. V. B. d'h. Fr. Alexandre d'ATTEMS (1888).

COMMANDEUE DU SEEVICE DE SANTÉ. Fr. François-Joseph de Hardegg-Glatz.

30*

468 L'ORDRE DE MALTE.

ENVOYÉ EXTR. ET MINISTRE PLÉNEPOTENTIAIRE. C*® Léopold PoDSTATZKY-LiECHTENSTEiN, chevalier d'il.

CHEF DE L'HOSPICE DE TANTUR. Chev. Antoine de Strautz, Consul P et E\

CHANCELIER DE L'ORDRE.

Richard Kerschel, donat de justice, conseiller de légation, secrétaire du réceptorat.

SYNDIC. Chev. François deHABERLER, d^ en droit, donat de 1^ classe.

BAILLIS GRAND'CROIX D'HONNEUR ET DE DÉVOTION. (Avec distinction pour Jérusalem ^).

SaMajesté P^ etE^^ ap. l'Empereur François- Joseph 1% 1879.

S. A. P^ l'Archiduc Charles- Louis, 1865.

S. A. Pe l'Archiduc Ferdinand, IV, G-.-D. de Toscane, 1856.

S. M. Léopold II, Roi des Belges, 1876.

S. M. Albert, Roi de Saxe, 1877.

S. M. Charles I^^, Roi de Wurtemberg, 1859.

S. A. R. le Prince Philippe-Eugène, Comte de Flandre, 1858.

S. A. S. Jean II, Prince de Liechtenstein, 1859.

Maurice (Comte) Esterhâzy de Galantha, 1851.

Bernard (Comte) Reghberg-Rothenlôwen, 1861.

S. Em. leCard. Gustave de Hohenlohe-Schillingsfurst, 1862.

Jules (Comte) Andrâsst, 1872.

Edouard (Comte) Taafee, 1881.

Richard (Prince) Metternich-Winneburg, 1883.

Constantin (Prince) de Hohenlohe-Schillingseurst, 1881.

Gustave (Comte) Kalnoky de Kôrôspatak, 1887.

Ferdinand (Comte) Trauttmansdoree-Weinsberg, 1887.

Camille (Prince) Rohan, 1887.

S. A. R. Ernest, Duo de Saxe-Coburg-Gotha, 1839.

DAMES GRAND'GROIX D'HONNEUR ET DE DÉVOTION. (Décoration avec distinction pour Jérusalem).

S. M. Elisabeth-Amélie-Eugénie, Impératrice et Reine, 1873. S. A. et RI® Stéphanie-Clotilde-Louise, Archiduchesse et Princesse-veuve de la Couronne d'Autriche, 1880.

^) La distinction pour Jérusalem est propre au grand-prieuré de Bohême- Autriche; elle est d'institution récente et consiste en un écusson aux armes de Jérusalem placé en coulant dans le sautoir et servant de centre au faisceau d'armes des chevaliers de justice. Elle est au droit fixe de 500 fl., au profit du fonds de Tantur.

APPENDICE. 469

S. A. P'^ Maeie-Caeoline-Louise-Cheistine, Archiduchesse

d'Autriche, 1862. S. A. I^^ Alice, Archiduchesse d'Autriche, Grande-duchesse

de Toscane, 1885. S. A. pe et R^« Maeie-Téeèse, Archiduchesse d'Autriche, 1886. S. M. Maeie-Chaelotïe, Impératrice-veuve du Mexique, 1858.

CHEVALIERS D'HONNEUR.

Veints-Falkenstein (C*® Maximilien), 5 fév. 1826.

Veints-Teeuenteld (B'"' Alexandre), 15 fév. 1828.

BEAY-STEmBUEG (C*^ Othon), 20 oct. 1829.

PoNiNSKi (Prince Calixte), 30 janv. 1835.

MoNTENUOVo (Prince Guillaume), 4 mai 1840.

HoHENLOHE-ScHiLLiisrGSPUEST (Prince Clovis), 8 sept. 1841.

Steenbeeg (C*e Zdenko), 26 nov. 1841.

Waldstein-Waetenbeeg (C*® Ernest), 12 fév. 1842.

Bombelles (C**^ Louis), 4 mai 1842.

Haedegg (C*e Maximilien), 21 oct. 1845.

Ceoy-Dulmen (Duc Rodolphe), 23 déc. 1845.

Hatzeeld-Wildenbueg (Prince Alfred), 31 mars 1847.

Neippeeg- (0*® Erwin), 18 juin 1847.

Baeth-Baetenheim (C*® Charles), 10 nov. 1847.

La Toue et Taxis (Prince Egon Lamoral), 19 nov. 1850.

Ceoy-Dulmen (Prince Georges), 6 sept. 1852.

LoBKOwiTZ (Prince Maurice), 21 juillet 1853.

Kaunitz (C^^e Albert), 20 oct. 1853.

Siemiensej: (C*® Guillaume), 24 juillet 1854.

Bluchee de Wabxstatt (Prince Gebhard), 9 nov. 1855.

NosTiTZ-EiENECK (C*^ Joscph), 27 fév. 1856.

Adelmann (C*« Clément), 2 sept. 1856.

DuBSKY (C*e Victor), 11 déc. 1856.

Attems (C*^ Frédéric), 29 déc. 1856.

Caveiani (C*^ Philippe), 15 fév. 1858.

Ceschi a Santa Ceoce (B^ Aloïs), 6 mars 1858.

Hoenstein-Bussmannshausen (B^ Bernard), 19 janv. 1859.

EoHAN (Prince Victor), 3 fév. 1859.

HusAEZEWSKi (C*® Joseph), 28 avril 1859.

Veints-Teeuenfeld (B° Alexandre), 14 janv. 1860.

Blome (C*e Gustave), l''^ mars 1860.

Lobkowitz (Prince Georges), 24 sept. 1861.

Bellegaede (C**^ François), 20 mars 1862.

Keasicki (C*6 Jean), 20 mars 1862.

PoDSTATZKY-LiECHTENSTEEsr (C*® Léopold), 5 juiu 1862.

La Toue et Taxis (Prince Hugues), 8 avril 1863.

470 L'ORDRE DE MALTE.

PnsTO DE Friedenthal (B^^ Félix), 16 juin 1864. HoHENLOHE -Waldenbueg - ScHiLLiNGSEURST (Prince Nicolas),

5 avril 1865. Trauttmansdoree (Prince Charles), 21 avril 1865. DoBRENSKY DE DoBRENiTZ (B'^ Jean), 21 avril 1865. Oettingen-Wallerstein (Prince Charles), 21 avril 1865. Pergen (C*® Antoine), 8 juin 1865. Bray-Steinburg- (C*® Hippolyte), 2 nov. 1865. HoENSTEm-BussMANNSHAUsEN (B'^ Guillaume), 25 déc. 1865. "Waldstein-Waetenbeeg (C*® Ernest), 27 juin 1867. Welczek-Dubensko (B^ Bernard), 11 fév. 1868. Mylius (B^ François), 11 fév. 1868. Palefy d'Erdôd (C*e Guillaume), 24 mars 1868. Spaur (C*e Maximilien), 27 avril 1868. Hohendoree (Ch^ Joseph de), 28 janv. 1869. WoLÂNSKY (Ch^ Ladislas de), 13 fév. 1869. Arz-Wasegg (C*e Félix), 14 avril 1869. La Tour et Taxis (Prince Gustave), 28 mai 1869. Deym (C*e François)^ 24 nov. 1869. Abensperg-Teaun (C*^ G thon), 7 janv, 1870. Rogala-Lewicki (Ch^ Henri de), 7 janv. 1870. "WiNDiscHGRATZ (Prince Louis), 21 janv. 1870. Bossi-Federigotti (C*"" Frédéric), 2 mars 1870. Rechberg-Rothenlôwen (C*® Ernest), 2 mars 1870. RoHAN (Prince Benjamin) 2 mars 1870. Steaaten-Ponthoz (C*® Rodolphe), 6 juin 1870. Beaufort-Spontin (C*® Frédéric), 12 déc. 1870. Larisgh-Moenich (C*^ Henri), 4 avril 1871. La Tour et Taxis (Prince Adolphe), 25 nov. 1871. La Tour et Taxis (Prince François), 25 nov. 1871. GoLucHOwsKi (C*^ Agénor), 25 nov. 1871. Szepticky (C*® Eemigius), 25 nov. 1871. BuKUWKi (C*® Jaromir), 18 mars 1872. Seillern (C*^ Maximilien), 6 juin 1872. Liechtenstein (Prince Alfred), 30 janv. 1873. Gatterburg (C*® Constantin), 21 mars 1873. Chotek (C*« Ernest), 5 avril 1873. Maldeghem (C*® Camille), 13 juin 1873. Chotek (C*^ Charles), 13 juin 1873. Langkoeonski-Brzezie fC*® Charles), 13 juin 1873. Mniszech (C*e Léon), 17 nov. 1873. La Tour et Taxis (Prince Alexandre), 24 nov. 1873. Ligne (Prince Charles), 5 déc. 1873. NosTiz-RiENEK (C*® Albert), 4 avril 1874.

APPENDICE. 471

Seldeen (C*® Goswin), 4 avril 1874. Lâczynski (C*« Miecislas), 23 avril 1874. Thun-Hohenstein (C*® Léopolcl), 12 mai 1874. Speinzenstein' (C**^ Maximilien), 18 janv. 1875. Thun-Hohenstein (C*® 'Joseph), 18 janv. 1875. Tôrring-Iettenbach (C*® Clément), 18 janv. 1875. WELSPEEa-PRiMôR-EAiTENAU (C*® Henri), 16 avril 1875. Krasinski (C*e Louis), 7 fév. 1876. Metternich (Prince Lothaire), 18 fév. 1876. Liechtenstein (Prince François de P.), 16 nov. 1876. Thun-Hohenstein (C*® Ladislas), 16 nov. 1876. Salis-Samaden (B^^ François), 4 juin 1876 ou 1859. Nemes de Hidvégh (C*^ Vincent), 29 mars 1877. BuQUOY (C*e Ferdinand), 29 mars 1877. Althann (C*^ Michel), 29 mars 1877. Palffy d'Erdôd (C*e Edouard), 20 avril 1877. KoMOEOWSKi (C*e Ladislas), 20 fév. 1878. Ciurletti-Schônbiiunn (C*® Joseph), 20 fév. 1878. Croy-Dulmen (Prince Charles), 11 mars 1878. Sizzo-NoRRis (C*e Christophe), 12 juin 1878. Furstenberg- (Prince Emile Egon), 12 nov. 1878. GoLUCHOwsKi (C*e Adam), 20 déc. 1878. Oppersdorf (C*s Edouard), 20 déc. 1878. Croy-Dulmen (Prince Gustave), 30 janv. 1879. Ligne (Prince Louis), 4 mars 1879. DuNiN-BoRKOwsKi (C*e Georgcs), 12 mai 1879. Vrints-Falkenstein (C*e Maximilien), 12 mai 1879. Pa.\r (C*^ Louis), 23 mai 1879. "Weissenwolf (C*® Conrad), 6 juin 1879. Croy-Dulmen (Prince Alexandre), 1®^ nov. 1879. Orczy (B^ Bêla), 23 mai 1879. Montenuovo (Prince Alfred), 6 mars 1880. Krasinski (C*® Joseph), 22 mars 1880. Aichelburg-Bodenhof (B^ François), 16 juin 1880. Lichnowsky-Werdenberg (Prince Charles), 7 déc, 1880. Lazansky-Bukowa (C*« Jean), 7 déc. 1880. Aichelburg-Bodenhof (B" Léopold), 7 déc. 1880. ScHWARZENBERG (Prince Charles), 18 déc. 1880. Orsini-Eosenberg (Prince Henri), 18 déc. 1880. St-Julien-Wallsee (C*^ Clément), 19 mars 1881. ScHLiK DE Bassano ET "Weisskirchen (C*® Erwin), 19 mars 1 881. NopcsA (B'^ François), 9 avril 1881. B OMBELLES (C**^ Charles), 9 avril 1881. LoBKOwiTZ (Prince Ferdinand Zdenko), 9 avril 1881.

472 L'ORDRE DE MALTE.

Croy-Dulmen (Prince Léopold), 22 janv. 1881 ou 1864. Stolberg- de Stolberg- (Ç*® Gunther), 27 janv. 1882. Blucher de "Wahlstatï (C*® Gebharclt), 10 mai 1882. FoLLiOT DE Crennevllle (G*® Victor), 8 janv. 1883. Harnoncoltit-Unverzagt (C*® Hubert), 8 janv. 1883. Schrenk-Notzestg- (B^ François), 2 juin 1883. Pejacsevich de Verôcze (C*® Théodore), 5 fév. 1884. Esterhazy de Galantha (C*® Nicolas), 11 mars 1884. Ligne (Prince Ernest), 6 janv. 1885. FuRSTENBERG (Prince Max Egon), 20 janv, 1885. Harrach (C*® Jean-Nép.), 26 fév. 1885. Skebensky (B^ Philippe), 27 mai 1885. Obert DE Thtensis (Vicomte Emmanuel), 11 juin 1885. Szôgyeny-Majrich (Ladislas de), 22 fév. 1886. Esterhazy (C*® Nicolas), 22 fév. 1886. Fugger-Babenhausen (C*® Charles), 22 fév. 1886. CouDENHOVE (G*® Cuno de), 21 fév. 1887. Baworowski (C*® Ladislas), 27 mai 1887. EoHAN (Alain Prince de), 23 fév. 1888. Eltz (C*® Ervin), 21 mai 1888. Montecuccoli-Laderghi (C*® Max), 21 mai 1888. Folliot DE Crenneville (G*® Henri), 4 déc. 1888. HAUNONCOimT-IJNVERZAGT (C*® FéKx), 4 déc. 1888. SÂVOAH (C*® Em. Széghény), 14 janv. 1889.

CHEVALIERS D'HONNEUR

(Sans distinction pour Jérusalem).

LuTzow (G*® Charles), 3 fév. 1835. Kiievenhuller-Metsch (G*® Othmar), 20 janv. 1850. Sams (B^ Louis), 8 juillet 1850. O'DoNELL (G*® Maximilien), 5 avril 1853. Furstenberg (Landgrave Ernest), 26 avril 1853. Hatzfeld (C*® Paul). 1®^" juin 1853. WiSER (C*® Guillaume), 27 janv. 1854. Salm-Eeiffeesgheid-Krautheim (Altgrave Hugues), 16 mars

1854. Beaufort-Spgntin (Duc iVlfred) 11 déc. 1854, y. FoRGÂCH (C*® Auguste), 3 janv. 1855. GoLUGHOwsEJ (C*® Stanislas), 1®^ oct. 1855. BissrNGEN-NrppENBUEG (C*® Cajetan), 21 janv. 1856. E,OHAN (Prince Louis), 2 sept. 1856. HoLNSTEiN (C*® Max), 5 oct. 1857.

Lichnowsky-Werdenberg (Prince Charles), 2 mai 1859. O'SuLLivAN DE Grass (C*® Charles) 2 nov. 1865, f-

APPENDICP]. 4,73

Ceoy-Dulmen (Prince Alexius), 9 avril 1866. Resseguiee. de Mieemont (0*® Olivier), 28 mai 1866. Ingenheim, (C*® François), 31 oct. 1866. HoMPESCH-BoLLHEiM (C*® Ferdinand), 28 janv. 1869. Steaohwitz (C*^ Zdenko), 7 janv. 1870. ScHôNBOEN-BucHHEiM (C*^ Frédéric), 2 mars 1870. Lôwenstein-Wertheim (Prince Léopold), 5 avril 1873.

CHEVALIERS DE GRÂCE MAGISTRALE.

GôDEL Lannoy, (B^ Herman), 11 nov. If MuOT)Y (B^^ Jaromir), 7 janv. 1870. Sessler-Heezingee, (B"^ Victor), 30 mai 1870. CoNEAD d'Eybesfeld (B^ Sigismond), 12 janv. 1871. Beaun (B»^ Adolphe), 12 juin 1882. Beundelsbeeg (B^ Louis Czedik de), 11 fév. 1888. Gautsch de Feankenthurm (Paul), 3 mai 1888. Breisky (B'^ Eodolphe), 4 oct. 1888.

ASSOCIATION DES CHEV. EHENO-WESTPHALIENS,

PRÉSIDENT. Fr. Frédéric Landsberg de Yelen et de Gemen, du 18 juin 1868.

CHEVALIERS D'HONNEUR.

LiLiEN (B^i François), 25 juillet 1859. Eltz-Rubenaoh (B" Cuno), 18 mars 1861. Wolff-Metternich (C*® Frédéric), 2 avril 1861. Wolff-Metteenich (C*^ Sigisbert), 2 avril 1861. Wewee (B"^ Hermann Brenken), 25 mai 1861. Zuydwyck (B*^ Clément Herrmann de), 11 juin 1861. Dalwigk-Lichtenfels (B^^ François), 14 juin 1861. ScHALL-EiANCouET (C*^' Charles),' 7 fév. 1862. L AND SBERG- Yelen (B^ Ignace), 3 mars 1862. Schreckenstein (B'^ Conrad Éoth), 10 juin 1862. Solemacher-Antweiler (B"^ Frédéric), 3 oct. 1863. Gruppenberg (Nob. Edouard de Fehrentheil et), 7 juin 1864. Droste-Vischeeing (C**^ Clément), 18 juin 1868. Gaien (C*e Ferdinand), 18 juin 1868. Spee (C*e François), 18 juin 1868.

474 L'ORDRE DE MALTE.

Mer^tîldt (C*^ Ferdinand), 18 juin 1868. KoRFE-ScHMismG (C*® Auguste), 18^ juin 1868. ZuYDWYCK-SuEENBURG (B^ Max de), 18 juin 1868. Alst (B^^ Burckard Schoelemer), 18 juin 1868. LoË (B^ Félix), 18 juin 1868. Nagel-Dornick (B'^ Clément), 18 juin 1868. Wenne (B^ Clément Weichs-Wenne de), 18 juin 1868. BoRBECK (B^ Frédéric Furstenberg-Borbeck de), 18 juin 1868. Boos-Waldeck (C*« Henri de), 18 juin 1868. Weichs-Wenne (B^ Frédéric), 18 juin 1868. Wendt-Papenhausen (B^ Charles), 18 juin 1868. Mengersen-Zschepplin (C*^ Frédéric), 2 mars 1870. Landsberg-Yelen (B^ Maximilien), 2 mars 1870. FuRSTENBERG (B'^ Clément), 11 mars 1871. "Weichs-Wenne (B^ G-aspard), 11 mars 1871. Ketteler (B^ Frédéric), 11 mars 1871. DoRTH (B"^ Jean), 6 mai 1872. Hompesch-Rurich (C*e Alfred), 27 fév. 1873. HoENSBROECH (Marquis et C*® Guillaume), 22 juin 1875, Droste-Hulshoef (B^ Henri), 22 juin 1875. Merweldt (C*e Frédéric), 21 juin 1876. Wolef-Metternioh ce*® Lévin), 21 juin 1876. Hoensbroech (C*® Eugène), 14 mai 1878. Schônburg-Forderglauchau (C*® Charles), 14 mai 1878, Soden-Traunhoeen (B^ Maximilien), 23 juin 1879, Pfetten-Arnbach (B^ Sigismond), 23 jiùn 1879, Furstenberg-Herdringen (B^ Engelbert), 22 mars 1880. Blanceiart-Surlet (B^ Charles- Alexandre), 13 juin 1881, Eynatten-Trips (B^ Engelbert), 13 juin 1881. Eodenstein (B^ Henri Ueberbruck de), 4 fév. 1882. GiSE (B^ Auguste), 18 déc. 1882. BoESELAGER (B^^ Othou), 18 déc. 1882. Enzberg (B^ Eodolphe), 12 fév. 1882, KoRFF-ScHMisiNG (C*® Augustc), 5 fév, 1884. Pfetten-Arneach (B^ Théodore), 18 déc, 1884. ARETm-HAiDENBURG (B^ Charles), 27' mai 1885. Freyen-Seiboltsdorp (C*® Charles), 23 nov. 1886. Solemacher-Antweiler (B^ Jean), 23 nov. 1886. Schorlemer (B^ Frédéric), 29 janv. 1887, ScHORLEMEE, (B^ Clément), 29 janv. 1887. LoË-WissEN (C**' Frédéric), 16 mars 1887.

APPENDICE. 475

ASSOCIATION DES CHEVALIEES SILÉSIENS ').

PRÉSIDENT.

Frédéric-Gruillaume, Comte Peaschma (V. B. Grand'croix du 22 juin 1885).

CHEVALIERS D'HONNEUR.

Magnis (C*® Antoine), 10 nov. 1855. ScHAEEGOTSCH (C*® Jean), 25 mai 1858. KôLLER (Nob. Waldemar), 10 avril 1860. Oppeesdoefp (C*^ Edouard), 23 déc. 1861. Graebel (ISTob. François Grimmenstein de), 10 juin 1862. Zieten (C*^ Jacques),' 1^^ déc. 1862. Nayhauss-Coemons fC*® Jules), 13 mai 1863. Castellengo (C*® Fr. Ballesteem de), 7 mars 1868. FuESTENBERG (B'^ Engelbert), 7 mars 1868. DoNNEESMAEK (C^^ Lazare Henkel de), 7 mars 1868. MoNTBACH (Nob. Oscar), 7 mars 1868. Jeltsch-Laskowitz (C*® Jean Saouema), 7 mars 1868. Jeltsch (C*® Charles Saouema), 7 mars 1868. Jeltsoh (B^ Georges Saouema), 7 mars 1868. SciEviAKOwsKY (Nob. Cbarles), 7 mars 1868. Stilfeied-Eattonitz-Buchwald (C*® Paul), 7 mars 1868. Stolbeeg-Stolbeeg (C*® Frédéric), 7 mars 1868. "Walleoeeen-Mathias (Nob. Georges), 7 mars 1868. Maubeuge (Nob. Ricbard), 7 mars 1868. Chamaeé (C*^ Ant. HAEBUVAi et), 7 mars 1868. Stolbeeg-Weenigeeode (C**^ Fr.), 7 mars 1868. Wallhoefen-Mathias (Nob. Charles), 7 mars 1868. Eadolin-Eadolinski (C*® Ugon), 14 avril 1869. Gajewski (Nob. Etienne), 14 avril 1869. Raczynski (C*'^ Charles Edouard), 9 avril 1870.

^) La guerre faite au clergé catholique par la Prusse, en 1871, sous le faux nom de combat de civilisation, a amené les chevaliers de cette association presque tous restés fidèles à la foi de leurs pères, à élire le 3 juillet 1873, époque fixée par les Statuts, à la place du duc de Ratibor très-compromis par l'appui donné aux ennemis de l'Eglise, le comte de Praschma. Vingt-neuf chevaliers firent alors leur exode, à la suite du duc de Ratibor, et une dame de la croix de dévotion, à la suite de la duchesse. Cette scission est regrettable, car elle a affaibli l'association des chevahers silésiens ; mais elle a, à côté de cela, l'avantage d'avoir purifié l'Ordi-e de membres dégé- nérés de leurs aïeux qui ont préféré, dans la lutte contre notre reli- gion, au parti de la justice le parti du pouvoir, héritier et continua- teur des spoliateurs des Ordres catholiques de chevalerie.

476 L'ORDRE DE MALTE.

Bruges (Henri Montgommery), 9 avril 1870.

FRANCKEN-SrERSTORPFF (C*^ Frédéric), 4 août 1870.

Castellengo fC**^ Conrad Ballestrem de), 4 août 1870.

ToppoLCZAN (C*^ Victor Matuschka de), 17 juin 1871.

Straohwitz (C*'' Alexandre), 17 juin 1871.

Bnin-Bninski (C*e Séverin), 18 jmllet 1872.

Hoverden-Plencken (C*® Hermann), 18 janv. 1875.

Saourma-Jeltsch-Suckau (C*® Jean), 18 janv. 1875.

Eadziwlll (M^^ Prince Edmond), 1^^ mars 1875.

Eadziwxll (Prince Bogeslav), 29 déc. 1875.

HuENE (B^ Charles Hoiningen de), 29 déc. 1875.

Strachwitz (C*^ Alfred), 9 fév. 1877.

Francken-Sierstorpfe (C*^ Henri), 22 janv. 1878.

ScHAFFGOTSCH (C**^ André), 12 nov. 1879.

Ketteler (B^ Othon), 17 juillet 1880.

EooHOw (Nob. Rocco de), 28 nov. 1881.

Garnier (Nob. François), 21 fév. 1882.

Strachwitz (C*® Louis), 21 fév. 1882.

ToppoLczAN (C*® Baldassare Matuschka de), 21 fév. 1882.

ToppoLCZAN (C*® Bernard Matuschka de), 17 mars 1882.

Castellengo (C*® Alfonse Ballestrem de), 13 déc. 1882.

Skorzewski (C*e Wladimir), 13 déc. 1882.

Gilgenheimb (Nob. Erdmann Hentschel de), 13 déc. 1882.

DoNNERSMARK (C*® Edgard Henkel de), 16 nov. 1883.

Franken-Sierstorpef (C*® Alex.), 28 déc. 1883.

Oriola (C^^ Ferdinand), 9 mai 1884.

Magnis (C*e Antoine), 15 oct. 1884.

Humbracht (B^ Antoine), 21 avril 1885.

Hl-mbracht (B^ Joseph), 21 avril 1885.

Humbracht (B^ François), 21 avril 1885.

Stracbtwitz (C*® Arthur), 21 avril 1885.

Matuschka (C*® Emmanuel), 11 juin 1885.

DoNAT (Nob. Jean de), 3 déc. 1885.

Oppersdorfp (C*® Jean), 3 déc. 1885.

Ballestrem (C*® Valentin), 3 déc. 1885.

PoNiNSKi (C*e Bronislas de). 21 déc. 1886.

Strachwitz (C*® Georges), 3 mai 1887,

ToppoLCZAN (C*"^ Marcel Matuschka de), 8 mai 1887.

Strachwitz (C*® Frédéric de), 3 juillet 1887.

Strachwitz (C*® Ant.), 21 mai 1888.

CHEVALIER DE GEÀCE MAGISTEALE. Kopp (Ms^" Georges Prince-évêque de Breslau).

APPENDICE. 477

IV.

LANGUE D'ANGLETERRE (ANCIENNE).

ASSOCIATION DES CHEVALIERS BRITANNIQUES.

PRÉSIDENT.

Sir Georges Arthur Hastings Forbes C*^ de Granaed (V. B. Grand' croix, du 26 nov. 1888).

CHEVALIERS DE JUSTICE (in gr. R.),

CoLTHUEST (David Latouche), 7 déc. 1872.

Eeeington (Georges), 7 déc. 1872.

Waudour (Edouard Ignace Arundell de), 20 janv, 1874.

AsHBUENHAM (Bertrand), 21 janv. 1874.

Eerington (Jacques), 18 janv. 1876.

CHEVALIERS D'HONNEUR.

Wezele (C*® Melchior Gurowski de), 24 fév. 1863.

Devonshtre (Charles Cavendish des Ducs de), 8 juin 1865.

Amheest (Ms^ Fr. Keerll), 27 janv. 1866.

FiTZ Gérald (Nob. Geraldo Dalton), 12 mai 1870.

Stonor {Më^ Edmond), 18 juin 1872.

Traeeord (Nob. Edouard Southwell), 18 janv. 1875.

NoRTH (Nob. Guillaume Henri), 21 mai 1875.

Testafeeeata (Marquis Joseph L. Pieo), 20 nov. 1877.

HoENYOLD (Nob. Charles), 5 janv. 1878.

Peecy-Feeench (Nob. Robert), 22 mars 1879.

HoENYOLD (Nob. Alfred), 17 août 1888.

CHEVALIERS DE GRACE MAGISTRALE,

Hoey (Jean Cashel), 8 juin 1869. Hennessy (Jean Pope), 7 déc. 1876, MoNTEiTH (Joseph), 7 mars 1888.

V, VI, VII.

LANGUES DE FRANCE (ANCIENNES).

(PROVENCE - AUVERGNE - FRANCE).

478 L'ORDRE DE MAITE.

Vin et IX. LANGUES DE CASTILLE ET D'ARAGON.

LANGUE DE CASTILLE -AEAGON, DEPUIS LE 4 SEPT. 1885.

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE.

PRÉSIDENT. S. Exe. V. B. Don Mariano Roca Togores, Marq. de Molins.

VICE -PRÉSIDENT.

D. Juan de Guzmann y Caballero, Duque de Nàjera, C^'^ de Trevino.

TRÉSORIER. D. Manuel Rosales y Godoy.

CONSEILLERS.

D. Juan Jimenez de Sandoval, Marq. de la Rivera.

D. Miguel de los Santos Banuelos, C**^ de Banuelot.

D. Mariano Diaz del Moral.

D. Rafaël Ferraz.

D. Juan Crooe:e, C*^® de Valencia de Don Juan.

D. Felice Jimenez de Cenarbe, Marq. de Peraman.

D. Eduardo Palon y Flores.

SECRÉTAIRE. D. Carlos de Gortarl

BAILLI GRAND'CROIX. D. Mar. de Molins (v. ci-dessus), du 10 déc. 1885.

DAME GRAND'CROIX. S. M. Dofia Maria CRiSTiNA,fReina-Regente, du 26 déc. 1885.

CHEVALIERS D'HONNEUR.

D. Fernando Roca Togores, du 22 déc. 1885. D. Alfonso Roca Togores, du 22 déc. 1885.

CHEVALIERS NOMMÉS PAR LA COURONNE i)

(1840—1867).

D. D. Castro y Britto (D. Evaristo Perez de) 1840.

*) Nous devons à la haute obligeance de M. l'Ambassadeur de S. M. C. à Vienne de pouvoir donner cette liste, qu'il a bien voulu

APPENDICE. 479

SiLVA Telléz Gieon, Marqués de Santa Ceuz (Francisco de). HoYos Y LA ToEEE, Marqués de Hoyos Vizconde de Mau-

EAXEEA (Isidoro de), 1841.

Sandoval, Marqués de la Riveea (Juan Jimenez de).

Lasheeas, Conde de Sanafé (Manuel Antonio de) . . .1844.

PuizoN Y Alvaeez Huelva (Luis Hernandez).

Samaniego y Aspeee (Mariano de).

LiNAN DoLz DE EsPEJO (Gonzalo de).

GoETAEi (Carlos de).

Aeana y Saavedea Dque de Baena (José Ruiz de) . .1846.

Pedeaeno (Victoriano de).

Abistue (Jacinto de).

GuzMAN Y Caballeeo Dque deNÂJEEA Ode de Teevino (Juan).

Ueiate y Badia (Hipôlito de).

Penas (Fernando Fernandez de las).

ViLLAviCENCio (Lorenzo Fernandez de).

Léon, Marqués de San Câelos (Cayo Quinones de).

CoELLO Y QuESADA, Coude de CoELLO (Diego).

GuzMAN Y DE Laceeda, Coude de Onate (José de).

Landabuen y Maetinez de la Toeee (Ramon).

CoELLO Y CONTEEEAS (Alonso).

Pacheco y Gutieeeez Castellon (José Maria) 1847.

Palomino y Guzman (Francisco de).

Rio (Juan del).

SouzA de Poetugal, Mques de Guadalcazae (Fernando de).

Veea é Isla (Fernando de la).

Masgaiô y del Hieeeo (Valentin).

Bahamonde deLimia, Mques deBAHAMONDE(Te6filoRodriguez).

RosALES Y GoDOY (Manuel).

Santos Banuelos, Conde de Banuelos (Miguel de los).

VlLLANUEVA Y CanEDO (Luis).

Gaecia Doncel (Juan).

LoPEZ SuAEEZ Y Requena (Sébastian).

ViLLAEOEL Y GoicoLEA, Dquc de la OoNQUisTA, Mqués de

Geacia Real y de Palacios (Luis de). Saetoeius (Eugenio).

Feeûllee Y AlgalA Galiano, Mqués delà Paniega (José) 1848. Seonne y Maein, Conde de Velle y de Pinoheemoso (Pablo

Perez).

faire copier pour nous à la chancellerie de l'Ordre à Madrid et nous le prions d'agréer nos plus vifs remerciements. Ces chevaliers nom- més par la Couronne ont été reconnus par le S. Conseil de l'Ordre s. de Malte, dans sa séance du 14 janvier 1889, ainsi que nous venons d'en recevoir du Grand-Magistère la nouvelle. Les Langues de Castille- Aragon sont ainsi définitivement reconstituées.

480 L'ORDRE DE 3IALTE.

AsTOR, Conde LrxA. Dqiie de Villahermosa (Marcelino de).

Santcho y Subercase (Eduardo),

CoRcrERA (Eugenio de).

Nayaiirete (Ramon de).

Valero y Soto (Juan).

Martln-ez de Iru.jo y Alcazar, Mqnés de Casa Irujo (Carlos

Manuel). Léon, Cde de Belazcoais", Mqnés de la Eoca (José Maria

Diego de). Ferraz (Rafaël).

Hexestrosa (Alfonso Fernandez de). Bejaraxo (Antonio). Pidal (Pedro Fernandez). Colon y Rriz (Diego).

Cebda Y CoELLO, Mqués de Caicedo (AIodsoMesla. de la). 1849. LoPEZ Léon (Melquides Balbi-exa). Yargas y Zûxiga (Pedro). Zarco del Valle (Mariauo Eanion). Muxoz DE Vaca (Eduardo).

Prado y Marin, Mqués de Acapulco (Mariano del). Barzanallana (José Garcia). Jarava (Diego). Peral (Juan del).

JovE Y Hevia, Yizconde de Campo G-raxde (Placido). Alcantara y Perez (Antonio). EscALERA Y Pezl^la (Joaquin Ceballos). Gabrlel y E,riz de Apodaca (Fernando). Jaraya de la Toere (Gabriel José). Yelasco, Conde de EIaro. Mqués de Belmonte, Dque de FrlilS

(José Bemardino Fernandez de). Aristizabal (Gabriel de). Aristizabal (Felipe de). Bayo (Adolfo).

Glierra y Sureda (Julio Augusto). Manso y de Jltliol (Luis). Garcia de Léon Pizarro y March. Mqués de Casa Pizarro

(Adolfo). Ibarreta (Eustaquio de). SuAREZ Y Pedregal (Tomâs).

CORTEZ Y MaRGADO (José).

Gutierrez de Teran y ISTuNEZ DE Prado (Francisco).

Yargas Machuca (Saturnino de) 1851.

Carbonero y Sol (Léon). Marfori (Carlos).

APPENDICE. 481

Lledo y Vajldivia (José).

Ortega y Feenandez DEL Pozo (José Ricardo).

SiLVELA Y DE LA ViELLEUSE (Manuel Maria de).

Morales y Peralta (Manuel Maria de).

FiiENTE (Manuel de la).

Casas, Mqués de los Ulag-ares,, Vizconde de Castel E,uiz

(Edmundo Tirel de las). MuRUAGA (Emilio de). Castellanos y Sanchez (Lorenzo). DiAz DEL Moral (Eduardo). Sanoho y de Subercase (Federico). CoRTESTA Y Onate (Mariano de la). Lersundi (José de). Castellanos (Basilio Sébastian), Capelo y Carratalâ (Tomàs). Zapata Côrdoba (Antonio Maria). Z.^PATER Y GoMEZ (Fraucisco).

Aeizon y Castro, Mqués de Casa Arizon (José de). Sierra y Villar (Pedro de la). YiLLANUEVA (Miguel Ruiz de). Heredia y Tejada (Manuel de). Herreeo Rodriguez (Serapis). Cernadas y Bengoechea (Cârlos). Castro Diaz (Luis de). Quesada y Hove, Conde de San Rafaël de Luyano (Adolfo

de) 1852.

Pardo, Conde de Via M^^nuel (Arturo).

Areyzaga y Magallon, Baron de Areyzaga (José Maria).

AspiARU Y Crenca (Joaquin).

Palacio y Garcia de Velasco, Conde de las Almenas

(Francisco Javier de). Fuentes é Izquierdo (Francisco).

Lacy y Pascual de Bonanza, Mqués de Laoy (Salvador de). Salgués (Ysidoro Sanchez). Olives y Paruengos (Pedro Pascual de). Muntadas (Juan Federico). MùRNO Y Gaytan de Ayala, Marqués de Mùeno (Antonio

Maria de). Llanos y Ciarân (Manuel Lopez). CÔRDOBA Y RojAS (Rafaël Fernandez de). Pego Y Canubio (Sébastian Garcia). Lasso de la Vega (Angel). DEL Moral (Mariano Diaz). Montero Delgado DEL Castillo (Francisco Maria).

SALLES ; L'ORDRE DE MALTE.

31

^32 L'ORDRE DE IIALTE.

CoMiNG-ES Y Mallos (Antoiiio de).

Plazuelos (Miguel Sancliez) 1853.

Ybanez de Euiz Tag-le (Teodomiro).

EcHEVARRiA Y Castillo (Eamoii de).

Martinez Banos (Manuel).

ToLEDO (José Sancliez de).

Bryan y Livermoore (Tomâs).

Delgado (Javier).

ToMÉ Y Vercruysse (Manuel).

Polo (Joaquin Miguel).

Alonso y Munoz (Joaquin).

Gantera y Bodriguez (Julian de la).

Pastor y Bedoya (Enrique).

PiNO (Juan Fernandez del).

Lartiga (Juan de).

Tenorio de Castilla (Miguel).

Eico (Luis Perez) 1854.

Cuevas (Manuel Sergio).

Yega y Argûelles (Rafaël Lassa de la).

Orozco y de Bofarull (Arsenio Bamirez de).

Lopez Monténégro (Leandro).

Munoz Caravaca (Cristobal).

SiLBÉN CoRDAL (Venancio).

Tejada y Urbina, Baron de Sabasona (José Diez de).

Crespo (Romualdo).

Nunez de Prado (José).

Gascon de Canovas (Santiago).

DoMANSKi (Miguel).

Jover y Paroldo (José).

AoHAVÂL Y OcHOTECO (Domingo Antonio de).

M0RQUECH0,M0NT0Y0,R0DRIGUEZ DE LeON Y AlBIRN (Diouisio).

Zea y Mahy (Filiberto de).

Prendergast y Gordon (Jacobo de).

Crooe:e, Conde de Yalenoia de Dn. Juan (Juan).

Merry del Val. (Bafael).

Grotta (Carlos).

Casulâ y Lossada (Carlos).

Creus (Er-nesto) 1855.

GuiLLAMAs Y Castranon (Autonio). Herran (Joaquin Buiz de la). Gallego y Torres (José). Clavijo de Oviedo (Francisco Javier). Arrigruz y Pinilla (José Lopez). Gutierrez de Teran (Vie ente).

APPENDICE. 483

CuENCA Y DiAz DE E.ABAGO (Peclro de). Delgeado y Masuaïa (xlntonio Tadeo). GuTiERREz DE LOS Rios Y Pareja Obeegon, Mqués de las

EscALONiAS (Manuel), CuENCA Y DiAz DE Ràbago (Evaristo de). Léon y Heeena (Eduardo). ViLARo Y Moeeno (Joaquiii de). Laà y Rute (Antonio).

Chacon, Mqués de Ysasi (Juan Francisco). Ledesma y Nava,jas, Mqués de O'Gavan (Eurique). Rios Y Requena (José Gtaegia de los). JaIdenes y Rodeigo, Conde de Zunoni (Luis). RoMERO Paz (Carlos). Hoetelano (Ramon).

Yadlin y Alvaeez Albueene, Mqués de Mueos (Constantino). ToEEEs (Emilio de). Salinas y Ramieez (Francisco). MoEO DE RucABADO (Manuel Joaquin Perez). Caeeanza y de Eghevaeia (José de). Ponce de Léon (José Lopez), Pico Y DE Valls (Mariano de). Maeco (José). Valdes y Diaz (Casimiro). Veedes y Veedes (Eduardo). Veedes y Veedes (José Maria). EscALANTE Y Peieto (Pedro de). Meeelo (Manuel). Cavanilles Y Fedeeici (Antonio). Andeade Y DE LAS FuENTES (Carlos de). Raices y Asenjo (Adolfo). Caeeanza y de Echevaeeia (Juan de). Lopez Ponce de Léon y Coenejo (Ramon).

Reoyo (Narciso Perez) 1856.

PiMENTEL Y CoEDEEO (Enriquc Pardo). Na.jeea Pelayo (Emilio). SoEiA y Vilar (Ramon de). Alcala Galiano y Teujillo (Antonio). Medrano y Nuevalos (Gregorio de). EsPERANZA Y SoLA (José Maria). Navarro Y Mabilly (Federico). Garcia y Mosé (Emilio). 'Lasama y Vazquez (César). Ytueealde (José Enrique Fernandez). Heece y Collantes (Pedro Calderon).

31*

484, L'ORDRE DE MALTE.

Heece y Collantes, Mqués de Algava de Grés (Manuel

Calderon), Urgellés de Tovar (Agustin). Maldonado Macanaz (Joaquin). Calera (José).

Ratés y de Vinolas (José de). PiNANA Y Navaero (Fernando). Laguna (Francisco). Rey y Pidal (Melquiades del). Gavilan Eenioso (José).

BoREÂs Y GiSBEET, Baron de Goya-Borràs (Antonio). AzGUTiA Y Causinos (José Lopez de). Santa Cruz y Mugiga (José Ramon de).

MoLiNA Y Terân (Miguel) 1857.

DiosDADO Y Castillo (José).

Navarro (Sergio).

Castillo y Olivas (Pedro Maria del).

Marin (Antonio Miguel).

Vilar y Pasoual (Luis).

Garcia Loygoeri y Rizo, Vizconde de la Vega (Narciso).

OcHOA Y Madrazo (Carlos de).

Molina y Cros (Cirilo).

Contreras (Juan de).

Lamarque de Novoa (José).

MoRENES Y de Tort, Barou de las Cuatro Torres (Carlos de).

Garcia y Arrouiz (Ramon).

Ortiz (Mariano Demetrio de).

PuiDULLÉs Argûello (Jacinto).

Beltean (Melchor).

Echenique y Lezama (Jacinto de).

PiNEDA Y Ceballos Escalera (Aiitouio).

Galiano y Heenandez de las Penas (José Alcalâ).

Gonzalez Caballero (Santiago Lopez).

Reig (Manuel)»

Alean de Rivera (Antonio).

Machicote, Marqués de Machicote (Juan José).

Seeantes (Ricardo).

CosTELLO (Eduardo).

Mobellan de Aeistoavena (Sébastian Fernandez de).

Bahamonde y de Lauz, Mqués de Zaeva (Diego José de).

Casaeiego y Veea (Felipe).

Floees Masegosa (Juan Antonio).

Caeranza y Revilla (Fernando de).

Calderon y Liveemooee (Serafin).

APPENDICE. 485

RoBLEDO Y GoMEZ (Gregorio).

AsTUDiLLO Casado (Giùllermo).

Cenaebe, Mqués de Peramân (Feliciano Jimenez de).

Altolaguiree y Jaùdenes (Pascual de).

MoLERO DE LA BoRBOLLA (Rafaël).

Amoees y Bueno (Nicolas Maria).

Parreno (Florencio Luis).

Bray (Eduardo Perez).

Garcia Bris (Fernando).

Barrié y Aoûero (Juan).

Salvador y Mirô (Carlos).

Garcia Sancho é Ybarrondo, Mqués de Aguilar de Campoo

(Ventura). AviLÉs Y Merino (Angel). Ferrandis (Francisco Asensio). GuERRA (José Sanchez). Monseg-ur (Manuel Maria). MoRAG-AS (Luis). SoLivERES Y MiERA (Francisco). Yrazoqui (José Maria de). Eguizabal y Cavanilles (José Alfonso de), MuGuiRO (Juan José de).

Cerrageeia, Conde de Cerrageeia (José Manuel de). Llorente de las Casas (Luis Gonzaga).

Garrido (Marcelino Fernandez) 1859.

Aguirre y Ruiz de la Sierra (Augustin).

BusTO Y LoPEZ, Marqués del Busto (Andrés del).

Hornedo y Velasco (Antonio de).

Mendivil y Mêla (Manuel Diaz de).

Ory y Garcia (Salvador Maria de).

Ohacon y Silva (Juan Angel).

Féduchy, Conde de las Cuico Torres (José Luis).

Rodas (Fernando Fernandez de).

Gracia Santonja y Almella, Conde de Bunol (José Maria de).

Hermosa y de Santiago (Fernando de).

Lamera y Ceballos (Joaquin).

Garcia Martin (Luis).

Gimenez y Vinent (Gabriel Sisto).

Yallejo y Miranda, Conde de Casa-Miranda (Angel de). 1860.

VizcAYNO (Pablo Gonzalez).

Sequeira (Ignacio).

Jaùdenes y Posadillo (José Francisco).

Cagigas y Morô (Pedro Vega).

Lopez y Lopez (José Fabian).

486 L'OEDRE DE MALTE.

Cavanilles y Fedeeici (José).

Garcia (Telesforo Asensio).

Straten-Ponthoz (Conde Luis Juan Valider), (Bélgica). 1866.

Bossche d'Oultremont (Gustavo Van der). (Bélgica).

Straten-Ponthoz (Conde Augusto Van der), (Bélgica). 1867.

X. CHEVALIERS EN DEHORS DES LANGUES

ET DES ASSOCIATIONS,

DEPUIS 1835.

CHEVALIER DE JUSTICE (in gr. R.). Beaumont (Henri Stapleton), 22 juin 1870.

BAILLIS GRAND'CROIX.

S. M. Don Pedro II d'Algantara, Empereur du Brésil, 1846. Don Em. José Carvalho Mello y Daun, Marq. de Pombal, 1853. Don José de Meneses de Silveira et Castro, Marqués de

Vellada, 1856, Comte Ant. Léon de.Noailles, duc de Mouchy, prince de

Poix, 1860 (héréditaire). Prince Victor Maurice Charles Hohenlohe-Schillingsfurst,

duc de Batibor, 1864 (V. Assoc. silésienne). S. M. Alexandre III Alexandrovitch, Empereur deRussie, 18 75. S. A. V-^ le grand-duc Serge AlexajnTDROVITCh de Russie, 1881. S. A. le grand-duc Paul Alexandrovitch de Russie, 1881. S. M. Don Luis, roi de Portugal, 1881. S. A. R^® le prince Albert-Edouard de Grande-Bretagne

et d'Irlande, prince de Galles, 1881. S. A. R. le prince royal Charles Ferdinand de Portugal.

duc de Braganze, 1887,

DAMES GRAND' CROIX.

S. M. Eugénie -Marie, Impératrice des Français, 1857. S.M.DofiaTnERESA-CEiSTiNA-MARiA, Impératrice du Brésil, 1878. S. M. Doua Maria-Pia, Reine de Portugal, 1881.

CHEVALIERS D'HONNEUR.

RoTHiERS (Nob. Victor Amédée de), 18 iiov. 1835. Reinach Wobrth (B^^ Maximilien), 22 août 1836. Reinach Woerth (B" Adrien), 22 août 1886.

APPENDICE, . 487

MouTHiNO DE Lima (Nob. Louis), 27 août 1836.

Karvinski DE Karvin (B^ Charles), 22 nov. 1836.

Wrede (Prince Adolphe de), 22 nov. 1836.

Roche Pouchin (C*^ Ferdinand de la), 23 déc. 1836.

Ballestee de Oleza (Nob, Jacques), 23 fév. 1837.

LoTZBECK (B^^ Ferdinand), 27 fév. 1837.

PuivERT (Nob. Emanuel Roux de), 7 mars 1837.

LiNDEN (C*® François de), 22 mai 1837.

Feohen (C*« Maria Hiboy de), 7 fév. 1838.

Feugeeolles (Nob. Hippolite Chaupin de), 9 mars 1838.

Roche (Nob. Claude de la), 3 juin 1839.

Heelen (C*® Louis Le Poec de), 8 juillet 1839.

Heemoseven (Nob. Joseph du Mont de), 2 nov. 1839.

Fos (Gustave de), 8 fév. 1840.

Leschassiee (Nob. Emanuel de), 8 fév. 1840.

Meecy (Nob. François de), 8 fév. 1840.

Ville-Demblin (C^e Henri de), 8 fév. 1840.

Peat (C**^ François du), 4 avril 1840.

LiGNEEOLLES (C*® Raoul du Tranchant), 4 avril 1840.

LupiA (Marquis Joachim de Aleaeeâs de), 2 juillet 1840.

BoNAE (Nob. Ernest Gutheic-Geaham), 7 août 1840.

ViLLiEES DE l'Ile Adam (Nob. Joseph), 14 août 1840.

LoYAc (Nob. Joseph de), 2 sept. 1840.

BoGAEAYA (Nob. François Lugeos et de), 18 mars 1841.

LuGEOS (François Gutieees de los Rios Marquis), 18 mars 1841.

CuADEA (Nob. Jean Calibonel de la), 20 avril 1841.

Boseedon (C*® Marie Hippolite de), 25 juin 1841.

Renaudièee (Nob. Pierre Beunet de la), 6 sept. 1841.

Ways-Ruaet (C*e Félix Coenet de), 15 oct. 1841.

Naïves (Nob. Louis Gallois de), 18 mars 1842.

SiEESTOEPFF (C*^ Féodor Francken), 10 mai 1842.

MiEEPOix (C*^ Adolphe de Lévis de), 13 avril 1843.

Mieepoix (Duo Adrien de Lévis de), 13 avril 1843.

Leopeechting (B" François), 14 avril 1843.

Chandon (Nob. Rémi), 22 nov. 1843.

Chandon (Nob. Paul), 22 nov. 1843.

BocEEET (Nob. Adolphe Prioue de), 19 déc. 1843.

Anvees (Vicomte Ferdinand Moein d'), 17 janv. 1844.

Magny (Vicomte Achille de), 17 janv. 1844.

Malachowski (C*^ Louis), 6 fév. 1844.

Vergne (Nob. Ferdinand Boni de la), 16 mars 1844.

Mefpray (C*^ Charles), 11 avril 1844.

Hrosnowski (Nob. Adolphe Tabasz de), 20 juillet 1844.

Geunne (C*^'= Charles Arthur de), 22 janv. 1845.

488 L'ORDRE DE MALTE.

Motte (C*^ Jean-Baptiste de la), 23 janv. 1845.

Grand-Champs (Nob. Frédéric Micheau de), 24 fév. 1845.

Yturrig-aray (ISTob. Joseph de), 26 fév. 1845.

Yturrigaray (Nob. Vincent de), 26 fév. 1845.

Tehay (B^ Charles, Vant der Steen de), 3 avril 1845.

Mercy (Vicomte Charles de), 30 avril 1845.

Merval (C*® Jean du Barry de), 13 sept. 1845.

Magny (Vicomte Félix de), 13 sept. 1845.

Navacelle (Nob. Charles Éoustan de), 13 sept. 1845.

Beaurepaire (C*^ Julien Davet de), 13 sept. 1845.

NuLLY (Ch^' Galiotto Mandat Gornnuy de), 13 sept, 1845.

Pèlerin (Nob. Joseph de), 13 sept. 1845.

Chatelet (B^ Alexis de), 23 mai 1846.

LiGERiE (C*^ Louis de Faucher de la), 22 août 1846.

Bog-aerde (Nob. Louis Van den), 30 oct. 1846.

Livonne (Nob. Louis de la Forest de), 11 déc. 1846.

Berry (C*e Jean de), 17 déc. 1846.

Malsen (B^ Conrad de), 10 mai 1847.

Zagorie (C*^ Orsato Pozza de), 1 sept. 1847.

DiLLON (C**^ Auguste), 9 sept. 1847.

MoRANDAis (Nob. Charles Chaton de), 2 oct. 1847.

Samatan (B^ Louis Nicolas de), 21 oct. 1847.

Dienne (Vicomte Jean Louis Marie de), 11 avril 1848.

Saint-Marc (Nob. Marie Joseph Prévost de), 12 avril 1849.

AsTiER (C*® Antoine François d'), 18 mai 1850.

Rarenstein (Nob. Emile Meester de), 18 juillet 1850.

Pangaert (Nob. Egide François), 27 sept. 1850.

Pangaert (Nob. Léon Joseph), 27 sept. 1850.

Doppp (B^^ Alexandre de), 15 nov. 1850.

ViEP ville (Nob. Alexis de la), 17 déc. 1850.

Rezé (Vicomte Eduard de Monti de), 21 déc. 1850.

Pas (Nob. Charles Le Mesre de), 29 mars 1851.

Magny (C*«^ Honoré de), 13 mai 1851.

BisACGiA (Duc Charles de la Rochefoucauld de), 22 mai 1851.

Settefonti (Nob. Alfred de Reumont de), 10 juin 1851.

Hendécourt (Nob. Marie Le Sergeant de), 9 juillet 1851.

Fabrice (Nob. Auguste de), 17 juillet 1851.

Carayon (B^ Léopold de), 14 avril 1852.

Lécochère (Nob. Guillaume Bedeau de), 14 août 1852.

MiREBEAU (Nob. Louis Troussel de), 9 nov. 1852.

Antichamp (Marquis Marie Christophe de Beaumont d'),

22 nov. 1852. Lécochère (Nob. Louis Bedeau de), 15 janv. 1853. Lécochère (Nob. Auguste Pierre Bedeau de), 15 janv. 1853.

APPENDICE. 489

Matharel (Nob. Marie Victor de), 12 mars 1853. RuPELLE (Nob. Albert Boucher de la), 2 avril 1853. E,Eis (Nob. Antoine Coelho Netto dos), 21 mai 1853. YiLLEQUiER (B^ Charles François Asselin de), 2 oct. 1853. MoNTESSUY (C^® Rodolphe de), 10 avril 1854, Saint-Jean (Vicomte Louis Etienne de), 14 avril 1854. Sancho (Nob. Joseph Garcia), 28 juin 1854. Ferreira (Nob. Antoine Bernard de), 11 déc. 1854. FiGUEiREDO (Nob. Charles Honoré de), 29 janv. 1855. GiORGi (C*® Sébastien de), 10 avril 1855. Santo-Ma.jor (Nob. Antoine de Cunha), 12 juin 1855. FiDiE (Nob. Antoine Marie de), l*''-' oct. 1855. Ingenheim (C*^ Jules d'), 11 déc. 1855. RiLVAS (C**^ Jea,n Gomes de Oliveira de Mello, Baron,

Vicomte et Comte de), 15 déc. 1855. Madureira (Nob. Joseph Garcez Pinto de), 15 déc. 1855. ToRDAO (Nob. Joachin Telles), 16 avril 1856. MuNOZ (Nob. Antoine de Aragon et), 27 déc. 1856. Enschede (Ferdinand Antoine de Loen), 10 janv. 1857. Stillfried-Rattonitz fC*® Georges), 31 janv. 1857. LuDwiGSDORFF (C*'^ Frédéric Frankenberg-), 6 fév. 1857. GiORGi (C*® Marin de), 16 mars 1857. Sarran (C*® Jean Gusta,ve de), 7 mai 1857. Almeida (Nob. Louis d' Oliveira d'), 19 mai 1857. Vaulx (Vicomte Pierre Bermond de), 3 juin 1857. Gondola (B'^ François Ghetaldi), 16 juin 1857. Vn^LEMOLiN (Marquis Joseph de Certaines de), 10 oct. 1857. Breteuil (C*® Henri Letonnelier de), 15 janv. 1858. Brughen (B'^ Rodrigue de Coels), 20 janv. 1858. Rochefoucauld (C*® Gaston de la), 1®^ mars 1858. QppEDE (Marquis Louis Palamède de Forbin d'), 15 mars 1858. ToRRE (C*® Pierre de Moraes SARivrENTO della), 30 mars 1858. Vallœr (Ct« Ernest de), 21 avril 1858. PÉRiGORD(PrinceBozon de Sagan de Talleyrand), 29 avril 1858. Montagnac (B^ Elisée Louis de), 18 mai 1858. Chacon (Nob. François Cotoner et), 25 juin 1858. GiORGi (Nob. Luc de), 21 oct. 1858. Ghetaldi (B*^ Biaise Jean), 4 nov. 1858. Segueira (Nob. Auguste Thedim de), 16 nov. 1858. EzPLETA (Nob. Joachin Elle et), 22 nov. 1858. Bailliencourt (Gérôme dit Courcol), 14 janv. 1859. GuiNAUMONT (Nob. Henri Loisson de), 10 mars 1859. Garczynski (Nob. Rodolphe), 18 avril 1859. Thuisy (Marquis Eugène (Gouyon de), 20 avril 1859.

490 L'ORDRE DE MALTE.

SzYMANOWSKi (0*® Oswald Vladimir), 20 juin 1859. G-RACHT (C*® Lévin Guillaume de Wolef-Metternich), 25 juillet

1859. Wolfegg- (Prince François "Waldburg), 9 janv. 1860. Vogelsang- (Nob. Hermann Rodolphe), 25 fév. 1860. Héseoques (C*® Cliarles Robert de Fr.ance d'), 5 mars 1860. Loe-Allner (B'^ François Louis), 5 mars 1860. GoLLESTEiN (G*® Frédéric de), 3 avril 1860. Belleval (Nob. Marie René de), 19 mai 1860. CossETTE (Vicomte Cliarles Marie de), 6 nov. 1860, HoMPESOH (C*^ Edgard), 6 nov. 1860.

Saldanha (Dom Antoine d'ALMEiOA et Silva), 1 fév. 1861. Meester (Nob. Raymond de), 16 avril 1861. RosENBERa (Nob. Alfred), 30 sept. 1861. Alfaro (C^e Nicolas d'), 3 déc. 1861. Alfaro (Nob. Cliarles d'), 3 déc. 1861. Petre (B^ Guillaume Bernard Petre), 24 janv. 1862. Bath (0*^ Frédéric Thtnne des Marquis de), 18 fév. 1862. Treanna (Nob. Emile Marie de Toulgoèt), 21 mai 1862. Radowitz (Nob. Joseph), 10 juin 1862. Niesewand (Nob. Frédéric), 12 nov. 1862. Mandre (Nob. Charles de), 30 mars 1863. Lavig-erie (S. Em. le Cardinal Charles Martial Allemand),

9 avril 1863. DoNNERSMARK (C*® Hugucs Henkel et), 13 mai 1863. Niesewand (Nob. François), 13 mai 1863, FAI.ETANS (C*e Hippolite de), 1 juin 1863. LiSBOA (Nob. Joseph, Marquis de Souza), 20 juillet 1863. BussEUL (C*e Olivier de), 24 juillet 1863. Taverney (C*^ Charles Moeeau), 12 août 1863. Ligne (Prince Edouard de), 3 nov. 1863. Béthune (Marquis Auguste de), 25 nov. 1863. Albuquerque (Nob. Antoine de Saldanha), 13 janv. 1864. AuLENDORFP (C*® Hermaim Kônigsegg), 14 janv. 1864. Farina (Nob. Auguste de Sanghez Boena et), 23 fév. 1864. CoRviLLE (Nob Jean Marie O'Byrne et;, 4 mars 1864. Feuilly (Nob. Abel de Maussabré de la Motte), 29 mars 1864. GiEDROYÉ (Prince Romuald), 14 avril 1864. Pardieu (C*^ Alexandre de), 20 avril 1864. Kerssenbrock (C*® Maximilian Schmising), 4 mai 1864. Sequeira (Nob. Louis de Castro Almeida Pimentel de),

11 juin 1864. Havre (B^^ Ernest Van), 22 déc. 1864. Zaluski (C**^ Charles), 22 déc. 1864.

APPENDICE. 491

ScHAFFGOTSCHE (C*® Léopold), 8 juin 1865.

Frankenberg (C^^ Sigefroid), 8 juin 1865.

ScHOONHOVEN (C*'' Anatole Arschot), 14 juin 1865.

Eesenfeld (B^ Emile de Borch), 20 juin 1865.

NuCtENT (C*«* Richard), 2 nov. 1865.

Dmo (Marquis Alexandre de Talleyrand-Périgoed Duc de),

2 nov. 1865. HooGSTEAETEN (C*® Albert Frédéric de Salm), 18 nov. 1865. Lannoy (C*^ Paul Marie de), 27 janv. 1866.' Alcantaea (C*e Anatole d'); 16 juin 1866. ScHAPFGOTSCHE (C*^ Louis de), 13 juillet 1866. Beaufort (C*® Adhémar Liedekerke), 24 nov. 1866. Beauport (C*® Alexandre Liedekerke), 24 nov. 1866. Seze (C*® Louis RajaxLond de), 24 nov. 1866. Alcafache-Bilvas (Vicomte Simon Calça et Fixa Bandeiea

de Mello Vicomte de), 7 déc. 1866. Arco (C*® Alexandre), 7 déc. 1866. PoLHÈs (Bi^ Balthasar de), 19 déc. 1866. CuPY (B'^ CoMOT de), 19 déc. 1866. Meester (Nob. Joseph Charles de). 30 mars 1867. PiNA (C*^ Arthur François), 16 mai 1887. NoRis (C*^ Henri Jean Sizzo de), 18 juin 1867. Périgord (C*^ Anatole Paul de Talleyrand-), 18 juin 1867. Eoxo (Nob. Joseph d'ÛLivEiEA-), 4 sept. 1807. Roxo (Nob. Auguste d'OLivEiRA-), 4 sept. 1867. Eoxo (Nob. Frédéric d'ÛLivEiRA-), 4 sept. 1867. Eoxo (Nob. Eaymond d'ÛLivEiRA-), 4 sept. 1867. Hérisson (Nob. Maurice d'iRissoN d'), 4 janv. 1868. DoNNERSMARK (C*^ Arthur Henkel de), 7 mars 1868. Hatzfeld (Prince Hermann de), 7 mars 1868. Eatibor (Victor Amédée, Prince-héréditaire de Hohenlohe-

ScHiLLiNGSFURSï), 7 mars 1868. Saurma (B^ Hugues), 7 mars 1868. Zawadsky (Nob. Féodor), 7 mars 1868. Beaumont (C^® Marie Antoine de), 24 mars 1868. NoRis (C*'' Edouard de Sizzo de), 17 avril 1868. Lopacinsky (Nob. Boleslas), 24 oct. 1868. Bardeau (C*'' François Charles de), 28 janv. 1869. BuLGARiNi (C*^ Alfred), '24 mars 1869. Giorgio (Nob. Thomas Armsteong San), 6 avril 1869. Thun-Hohenstein (C*e François), 14 avril 1869. NiESEWAND (Nob. Edouard), 14 avril 1869. Maricourt (C*^^ Marie Louis Mesnil de), 14 avril 1869 WoLANSKi (Me^ Ludovic de), 28 mai 1869.

492 L'ORDRE DE MAIiTE.

Nos (Charles Amable Gabriel des), 25 sept. 1869.

SoDEN (B^ Oscar de), 10 nov. 1869.

TuEAWA (C*e Charles Garniee), 10. nov. 1869.

Eadziwill (Prince Mathieu Constantin), 24 nov. 1869.

Aymour (C*® Gabriel Catk de St). 4 déc. 1869.

Meleniewsez (ISTob. Félix), 7 janv. 1870.

Spielberg (Prince François Albert Oettixgex-), 21 janv. 1870

Almasy (Nob. Yincent)', 17 fév. 1870.

G-ALEX (C*^ Vilderic), 2 mars 1870.

Ittlixgeîv^ (B^ Albert Nagel-), 2 mars 1870.

Hatibor, (Prince Franc ois- Charles Hohexlohe-Schillixgs-

FtTRST, des ducs de), 9 avril 1870. SiBuxsKi (C*^ Michel Leszczyg), 24 fév. 1871. HERDRrsTiEX (B^ Ferdinand Furstenberg), 11 mars 1871. Agûero (Marquis André de la Eiva), 18 juin 1«72. Agûero (Marquis Alphonse de la Eiva), 18 juin 1872. FuRSTEîfBERG (Prince héréditaire CharlesEgon de), 18juill.l872. WiESENTHEiD (C*® Frédéric Charles Schônborn-), 7 déc. 1872. Bexckendoree (C*e Alexandre Philippe), 23 janv. 1873. Kasîs (C*® Joseph), 23 janv. 1873. Beeckmaxn- (B^ Marie Fernand de), 8 mars 1873. Floriak (C*** Charles Louis Froidepoxd de), 3 mai 1873. Florian (C*^ Joseph FroideeoîsT) de), 5 août 1873. Floriast (C*^ Xavier Froidefond de), 5 mai 1873. Ch.\bot (C*^ Charles de EoBL.ix-), 11 déc. 1873. Cz-APSKi (C**' Bogdan François), 5 déc. 1874. Walderode (C*«^ Théodore Desfoijrs), 18 janv. 1875. Wittgexsteln- (Prince Alexandre de Sayx), 12 fév. 1875. Werve Bu Henri Yan de), 16 avril 1875. O'GoRMAN (C*e Eobert), 16. avril 1875. O'GoRiL^ (C^*^ Gaétan, 16. avril 1875.

To.jo (C*<^ Vincent del Sol, Marquis del Vadle de), 2 mai 1875. Breigxou (C*^ Henri Thépault du), 4 juin 1875. Hoensbroech (C*® Paul), 22 juin 1875. Terlago (C*® Eobert), 18 janv. 1876. Bracco (M^^' Vincent), 7 fév. 1876. MiLEWSKi (Nob. Ignace), 18 fév. 1876. Gyllenband (B^ Charles d'UxKULL-), 18 fév. 1876. Zaluski (C*^ Michel), 18 fév. 1876. Parc (Vicomte Maurice du), 7 avril 1876. PiBRAC (B^ Albert Louis Du Faur de), 10 juin 1876. Blois (C*^ Georges), 17 nov. 1876.

Br.anxiox (Vicomte Marie Gabriel de Eaguet-), 4 juin 1877. Cad AVAL (Marquis Jacques Pereira de Mello de) 17 juin 1877.

APPENDICE. 493

Cadaval (Marquis Gaétan Pereiea de Mello de), 17 juin 1877. PECiiELSHEiM CB"^ Henri Spiegel de), 22 janv. 1878. Spielbeeg (Prince Emile François Oeïtixgex-), 20fév. 1878. MoEEiEA (Nob. Arthur de Caevalho-), 20 déc. 1878. HoMBURG (Cte Robert Andlaw), 20 déc. 1878. Eatibor, (Prince Egon Hohenlohe-Schillixgseurst. des

ducs de), 20 déc. 1878. Eatibor, (Prince Max, Hohenlohe - Schillingsfuest, des

ducs de),^ 20 déc. 1878. SiEESTOEPFF (C*^ Charles Eeancken), 20 déc. 1878. Spieeing (C*'^ Frédéric Dillen), 3 avril 1879. Kaszowski (Ch^ Joseph Théodore Kaszowa de), 6 juin 1879. KoEYTOWSKi (Ch^ Jules Léopold de), 9 déc. 1879. Ramaix (Nob. Maurice Paul de), 22 mai 1880. Béaen (C*^ G-aston Galaed, Prince de), 16 juin 1880. Bexcke^tdoeff (C*® Paul), 3 janv. 1881. PoTTELSBEEGHE (Vicomtc Armand de Nieulant et de),

11 fév, 1881. Steackwitz (C^e Arthur), 14 juin 1881. Ratiboe, (Prince Ernest Hohexlohe - Schillingsfuest, des

ducs de), 21 fév. 1882. Eatibor, (Prince Charles Egon Hohenlohe-Schillingsfurst,

des ducs de), 21 fév. 1882. Trachenberg (0*® Boniface Hatzfeldt-), 21 fév. 1882. Eoxo (Nob. Louis d'ÛLivEiEA), 31 mars 1882. Waldeeode (C*^ Arthur Desfouesj, 10 mai 1882. Westeenach (B^ Godefro}^ de Vequel), 12 fév. 1883. SiEESTOEPFF (C**^ Albert Feancken). 29 juin 1883. "WiESENTHEiD (C*® Clément Schônboex), 20 déc. 1883. Schillingsfuest (Prince Philippe Ernest de Hohenlohe),

11 mars 1884. Sabeax (C*® Eléazar Charles Poxtevès, duc de), 16 déc, 1884. Oeiola (C*e Edouard), 21 avril 1885. Béaen (C*® Arsène de), 18 janv. 1886, Sieestoeppf (C*® Jean de Feancken-), 1 mai 1886. LiPPA (Nob. Ferdinand de), 21 déc. 1886. Tyurenne d'Aynac (C*® Gabriel de), 6 avril 1888. ToLTi DU Pin Chasibly (Vicomte Charles de la), 14 mai 1888. Pantest de la Guère (C*^® Alphonse de), 26 nov. 1888. Schônboen-Wiesenscheid (C*® Arthur), 14 janv. 1889.

^) Nous renvoyons pour la liste des Dames décorées de la Croix d'honneur et de dévotion et des Donats, au Rnolo Générale publié par rOidre (Eonie, 1886). On trouvera en particulier parmi les Dames décorées de la croix d'honneur les descendantes des familles de la

494 L'ORDRE DE MALTE.

AMBULANCES ET HÔPITAUX.

Hospice général de Tantur (près de Jérusalem).

Association pour V assistance des blessés et des malades en

temps de guerre (Langue d'Italie). Hôpitaux à Milan (Grand-prieuré de Lombardie-Vénétie).

» à Naples (Glrand-prieuré des Deux-Siciles).

Service sanitaire (Langue d'Allemagne, G'^-pr, de B.). Hôpitaux à Trebnitz (Association silésienne).

» à Rybnick (item).

» à Kunzendorf (item).

Service sanitaire en temps de guerre (item). Service sanitaire en temps de guerre (Association west- phalienne).

plus haute et la plus ancienne noblesse; mais ce sont les Annales de l'Ordre des Chevaliers de S'-Jean-de-Jérusalem que nous écrivons, et nous n'avons cru pouvoir y admettre, à côté des chevaliers et des chapelains conventuels, que les Dames grand' croix, en raison du haut degré de la décoration qu'elles possèdent.

FIN.

IMPRIMERIE ST NOIIBEKT, VIENNE.

TABLE DES MATIERES.

Page

PRÉFACE-DÉDICACE A SA MAJESTÉ CATHOLIQUE . . I

INTRODUCTION 1

PREMIÈRE PARTIE. Annales de V Ordre 13

1. Les chevaliers liospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et du Saint-Sépulcre (1113[1043]— 1309) 15

2. Les chevaliers de Rhodes (1309—1530^ 48

3. Les chevaliers de Malte (1.530-1798) 113

4. L'Ordre Souverain de Saint- Jean-de-Jérusalem, ou de .Jérusalem (1798—1889). Tantur 215

DEUXIEME PARTIE. Annales du Grand- Prieuré de Bohême- Autriche

(1183—1889) -233

APPENDICE 307

I. Livre d'or des Maîtres et Grands-Maîtres (avec leurs

armoiries) 309

II. Livre d'or des grands-prieurs de Bohême-Autriche . 317

III. Archives (Malte, Rome, Prague) 322

IV. Bref du XXVIII mars 1879 330

V. Le gouvernement de l'Ordre par Vertot (1726) . . . 335

VI. Cérémonial des voeux solennels 339

VIL Liste des croisades 340

VIII. Ordres de Chevalerie 342

IX. S' Jean d'Acre 344

X. Margat 346

XI. Limisso 346

Xn. Rhodes au temps des Chevaliers 347

Xin. Système monétaire à Rhodes 356

XIV. Médailles en rapport avec l'Ordre 357

XV. Lettre de Pr. Pierre d'Aubusson à l'Empereur (1480) 358 XVI. Lettre de Fr. Philippe Vilhers de l'Isle-Adam à Fran- çois I", roi de France (1521) 364

XVn. Lettre du même à Anne de Montmorency (1522) . . 365 XVin. Notification de la reddition de Rhodes au sénat de

Venise par Soliman (1522) 367

Pase

XIX. Lettre de Fr. Ph. Villiers de l'fsle-Adam à. Anne de

Montmorency (1523) . 367

XX. Acte de donation de Malte par Charles V (1530) . . 369 XXI. L'île de Malte au temps des Chevaliers et système

actuel de défense 371

XXII. Lettres de Louis XIII et d'Anne d'Autriche à l'Ordre

(1639 et 1614) 389

XXIII. Grand-prieuré de Russie 392

XXIV. Reddition de Malte aux Français (1798) 396

XXV. Le cas Hompesch 397

XXVI. Reddition de Malte aux Anglais (1800) 434

XXVII. Traité d'Amiens (1802) 440

XXVni. Extrait de l'hist. chron. de Bohême (1778) . . . .445 XXIX. Service de santé volontaire en temps de guerre . . 446 XXX. Les Langues en l'état actuel: Chevahers de justice, Chevaliers profès, commandeurs, baillis grand'croix, dames grand'croix, chapelains conventuels, chevaliers d'honneur, chevahers de grâce magistrale (Liste inédite des Chevaliers d'Espagne) 454

OUVEAGES DU MEME AUTEUE.

Molière sa vie et son oeuvre. Etude littéraire dédiée à S. A. E., Louis Iir, grand-duc de Hesse. Darmstadt, Scliorkopf, 1865, in 8», 153 p.

Le Berceau d'une dynastie (Le Comté de Vau démont en Lor- raine). Etude historique dédiée à S. M. I^® et E^® Aposto- lique, l'Empereur d'Autriche. Darmstadt, V. Gross, 1866, grand in 8", 79 p. édition.

La Ba.vière depuis 1866 et la question allemande. Bruxelles, Lacroix Yerboeckhoven et C^®, 1869, in 8^, 45 p.

Théâtre complet de G. E. Lessing, traduction avec une étude critique. (Ouvrage adopté par le ministère français de l'Listruction publique, par ordonnance du 13 déc. 1871). Paris, Lacroix Yerboeckhoven et 0^*"% 1870, in 12, 3 vol.

Lettres sur le honibardement de Strasbourg en 1870. Tours, Mame et fils, 1870, in-32, 107 p.

Législation autrichienne. Des Faillites. Loi spéciale en vigueur, traduite, annotée et complétée par les textes de la légis- lation générale, avec une introduction. Etude dédiée à S. E. M. le Chevalier A. de Schmerling, Premier-président de la cour suprême et de cassation de Vienne. Paris, Marescq jeune, 1877, grand in 8*^, 112 p.

L'Autriche nouvelle, ses lois organiques, en matière représen- tative et communale. Paris, Lacroix et Yerboeckhoven, 1870, in-8", 90 p.

Die fransôsische GeseUgébung iiber die Handel-Gesellschaften (en collaboration avec M. le D^ Er. de Winiwarter). Brunn, 1877, grand in-S*^, 64 p.

Contes du PélecJi^ de Carmen Sylva (S.M.laEeine deEoumanie). Edition française. Paris, Leroux, 1884, Elzévir, 238 p.

Nouvelles, de Carmen Sylva. Ed. française avec biogr. de l'auteur. Paris, Hachette, 1886, in-12, 314 p.

Annales de l'Ordre Teutonique ou de Sainte-Marie-de- Jérusalem. Paris, Palmé, 1887, grand in 8^, XII-583 p. (Ordres reli- gieux de chevalerie I).

Chapitres Nobles de Lorraine, Annales, preuves de Noblesse, documents, portraits, sceaux et blasons. Paris, Lechevalier, et Yienne, Gerold et C'«, 1888, in-40, IY-52 p. (Extr. du Eecueil annuel de la Soc. Héraldique Lnp. et Eoyale »Adler«).

Chapitre Nobles d'Autriche, avec 8 portraits, blasons, sceaux, décorations, joyaux, listes des chanoinesses. Yienne, Imp. St Norbert, éditeur, 1889, grand in-40, n-56 p.

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