J .P. • .< « . * n- -l < ■ • N"'^' V ^ _ Ni.*, 'ar Raymond Tiiamin, ancien maître de conférences à la Faculté des Lettres de Lyon, professeur au lycée Con- dorcet 7 fr. 50 La République des Provinces-ünies, la France et les Pays-Bas espagnols de 1630 à 1650, par A. Waddington, protesseur à la Faculté des Lettres. Tome I (1630-41^;. 1 vol 6 fr. Tonie II (1042-50) avec deux poi traits et une carte. 1 vol 6 Ir. et Fils, 82, rue Bonaparte. à la Faculté des Lettres, avec une jdan- che hors texte 5 fr. La Jeunesse de William Wordsworth (1770- 1798). Etude sur le iv Prélude », par Emile Legouis, professeur à la Faculté des Lettres 7 fr. 50 Librairie Ernest LEROUX, 28, rue Bonaparte. Phonétique historique et comparée du sans- crit et du zend, par Paul Regnaud, pro- fesseur à la Faculté des Lettres . 5 fr. L’évolution d’un Mythe. Açvins et Dioscures, par Ch. Renel, maître de conférences à la Faculté des Lettres de Besançon. 6 fr Librairie GAUTHIER- VILLARS, 55, quai des Grands -Augustins. Sur la théorie des équations diiîérentielles du premier ordre et du premier degré, par Léon Autonne, ingénieur des Ponts et Chaussées, chargé de cours à la Faculté des Sciences . 9 fr. Recherches sur l’équation personnelle dans les observations astronomiques de pas- sages, par F. Gonnkssiat, aide-Astro- nome à l’Observatoire, chargé d’un Cours complémentaire à la Faculté des Scien- ces 5 fr. Recherches sur quelques dérivés surchlorés du phénol et du benzène, par Etienne Bàrral, professeur agrégé à la Faculté de médecine 5 fr. (Suite à la page 3.) LE YIVARATS ESSAI DE GÉOGRAPHIE RÉGIONALE Lyon. — lmp. Pitrat Ai.\è, A. REY Suce., 4, rue Gentil. — 17911 .t XKMPLAIRE ANNALES DE L’UNIVERSITÉ DE LYON Fasc. .YXXVII LE VIVARAIS essaTde géographie régionale PAR Louis BOURDIN Licencié és lettres, Diplômé d’Etudes supérieures d'Histoire et de Géographie. Avec 20 Gravures et 2 Graphiques dans le texte. PARIS LIBRAIRIE FÉLIX ALCAN LYON A. REY, IMPRIMEUR ÉDITEUR Rue (îentil, 4 io8, Boulevard St Germain 1898 “-•è > INTRODUCTION Connaître scientifiquement la géographie d’un pays, ce n’est pas seulement en connaître le sol, le relief, le climat, l’hydrographie, la flore ou la faune, etc., c’est aussi distinguer quelles relations de cause à effet existent entre ces diverses parties; c’est enfin synthétiser les résultats acquis pour en for- mer un tout complexe et rationnel. Si la géographie doit être ainsi comprise, il faut avouer que nous connaissons bien peu celle de la France. Pendant trop longtemps, la recherche du pittoresque, un amour exagéré de la rhétorique, ou de fastidieuses nomenclatures administratives^ ont inculqué dans les esprits des notions vagues ou fausses. Depuis cinquante ans à peine, des sociétés scientifiques se sont fondées sur tout le sol français et en étudient la géologie, la flore ou le climat. D’autres entraînent la jeunesse sur nos belles cimes, et, non contentes de lui faire admirer les beautés de la patrie, lui révèlent une France plus réelle. Partout s’est manifesté avec ardeur ce désir de connaître enfin une terre que tous ses malheurs nous ont rendue plus chère. C’est mainte- nant l’œuvre de la Géographie de profiter de ce travail accom- pli laborieusement, et de nous montrer une France vraie. Elle doit encore nous apprendre ses ressources admirables, et le peu de parti que l’on sait en tirer, car toute science, quoi Univ. DK Lyon. — Bourdix. 1 2 INTRODUCTION qu’on dise, ne peut être vivante qu’à la condition d’être utile, et c’est une loi de la nature que les inutiles dépérissent et meurent. Guidé sans cesse par ce désir d’accomplir une œuvre utile, j’ai entrepris l’étude d’une partie de notre sol français, une des plus ignorées, où l’activité de l’homme s’est déployée d’une façon admirable, où des capitaux plus nombreux permel- traient de faire mieux encore. Je veux parler du Vivarais, jadis partie de la province du Languedoc, aujourd’hui com- pris dans le département de l’Ardèche. Le Vivarais est situé sur le rebord oriental du Massif Central, entre le Pilât, au nord, et le mont Lozère, au sud. De la Mon- tagne Noire au Morvan, il n’est pas de région plus riche en contrastes. Le géologue y rencontre les alluvions tertiaires à côté des granits du Massif Central, des schistes houillers près des calcaires néocomiens, des marnes jurassiques près des basaltes et des phonolites. Le contraste n’est pas moins frap- pant entre les plateaux, les croupes arrondies de l’ouest, et les gorges profondes^ aux parois escarpées, de la partie orientale : entre le climat âpre de la chaine des Boutières et du Tanargue et le climat méditerranéen de la basse vallée de l’Ardèche ; entre les châtaigniers, les hêtres de la montagne, et les mûriers, les oliviers de la plaine méridionale. Malgré ces disparates si nettement accentués, le Vivarais est une véritable région géographique. Placé entre le Lyonnais et les plaines d’Uzès, entre le Velay et la vallée du Rhône, si dissemblables par la nature de leur sol, le climat, l’agricul- ture, etc., le Vivarais est comme un trait d’union entre ces diverses régions. Il participe de la nature des unes et des autres, et se crée une nature originale. Ce caractère de région intermédiaire explique la difficulté INTRODUCTION à laquelle on se heurte nécessairement quand on veut tracer d’une façon précise les limites géographiques du Vivarais. A l’est, il est vrai, le thalweg du Rhône sépare nettement les collines vivaraises de la vaste plaine dauphinoise. Mais, au nord, la confusion est aisée entre le Vivarais elle Forez: de côté et d’autre, ce sont des roches primitives, des pins dans les forêts, du seigle dans les champs. De semblables analogies se retrouvent à l’ouest et au sud. Cependant une observation un peu minutieuse permet de déterminer des limites moins vagues ; au delà, le Forez, le Velay, l’Uzègeois ont chacun tous les caractères qui leur sont propres; en deçà, quelques- uns de ces caractères reparaissent, mais unis à ceux d’une autre région. Nous pouvons alors borner géographiquement le Vivarais de la manière suivante : Au nord, la limite, partant des environs de Saint-Pierre-de- Bœuf sur le Rhône, va suivant une direction N. E. -S. O. jusque vers Bourg- Argentai, dans une légère dépression marquée par le cours des ruisseaux de Malleval, de Lupé, leLimony, le Tracon et la Deume. De Bourg-Argental, la limite s’élève sur le sommet du mont Pyfara et, jusqu’au Mézenc, suit la crête des Boutières ; puis, du Mézenc, elle va rejoindre, en hésitant sur le vaste plateau de Mazan, le ruisseau de Borne et le Ghas- sezac. Elle domine cette rivière du sommet de la chaîne qui la longe au sud jusqu’à Sampzon ; là, elle se confond avec le cours inférieur de l’Ardèche, et, à l’est, avec le cours du Rhône. Les limites naturelles du Vivarais ne sont donc sensiblement différentes des limites administratives de l’ancienne province ou du département actuel de l’Ardèche, que vers les sources de la Loire, et, au sud, vers le bassin houiller de Banne et la plaine de Gruzières ★ Gette région, si intéressante pour le géographe, a été jus- qu’ici fort peu étudiée. 4 INTRODUCTION Ouvrages Généraux Annuaire du département de V Ardèche (a renfermé, jus- que vers i83o, des articles intéressants : il n’a plus aujour- d’hui aucune valeur scientifique). Le Bulletin de la Société des Sciences naturelles et histori- ques de V Ardèche (ne paraît plus depuis 1877). La Revue illustrée du Vivarais^ fondée en 1898 (renferme surtout des études historiques et bien rarement des études géographiques ; de plus, celles-ci ont un caractère purement descriptif). Les Souvenirs de V Ardèche ^ d’Ovide de Valgorge (Paris, 1846, 2 vol., grand in -8®) prouvent assurément que l’auteur aimait et connaissait bien son pays, mais il a trop sacrifié au goût de son époque, et les renseignements qui peuvent inté- resser le géographe sont trop rares dans son ouvrage. La prodigieuse fécondité du docteur Francus (pseudonyme de M. Albin Mazon) nécessite une mention particulière. En moins de vingt années, cet auteur a publié (indépendamment de ses ouvrages purement historiques) dix Voyages diflerents à travers l’Ardèche L Par le titre de l’un d’eux : Voyage archéo- logique et pittoresque^ historique et géologique, fantaisiste et sentimental^ économique et social, philosophique et politique, à pied, à bateau, en voiture et à cheval, le long de la rivière d^ Ardèche, on peut juger dans quel esprit ce livre et les autres également ont été écrits. Dans le fatras des compilations histo- riques, on peut glaner quelques renseignements intéressants ^10 Voyage aux pays volcaniques du Vivarais, 1878; 2° Voyage autour de Valgorge, 1879; autour de Privas, 1882; 4° Voyage dans le midi de V Ardèche, 1884; 5° Voyage le long de la rivière d^ Ardèche, i885;6<> Voyage au pays helvien, i885, 7® Voyage au Bourg-Saint-Andéol, 1886; 8® Voyage autour de Crussol, 1888; 9® Voyage au mont Pilât, 1889; io° Voyage à travers V Ardèche et la Haute-Loire, 2 vol., 1894-95. INTRODUCTION 5 sur l’état des mœurs, de l’agriculture, de l’industrie et du com- merce dans les siècles passés. La Géographie du département de l’Ardèche^ d^Adolphe Joanne (Paris, Hachette, iSpS, édition) est inexacte au point de vue des statistiques agricoles; elle est presque muette sur la géologie, et elle l’est complètement sur la flore et la faune; en somme, elle remplit très imparfaitement son véritable but qui est de donner aux voyageurs une idée abrégée, mais exacte, de la région qu’ils traversent. Il faut encore citer la onzième série du Voyage en France de Ardouin-Dumazet (Paris, Berger-Levrault, 1 897), ouvrage de vulgarisation, renfermant quelques observations originales, mais un peu trop rapides. S’il est peu d’études d’ensemble sur la géographie du Yiva- rais, il n’existe guère plus d’ouvrages sur les questions particu- lières de géologie, hydrographie, climatologie, etc. Géologie Les ouvrages concernant la géologie, quoique insuffisants, sont les plus nombreux. Voici, par ordre chronologique, les plus importants. Recherches sur les volcans éteints du Vivarais etdu Velay (Paris, 1778, in-folio) par Faujas de Saint-Fond, très souvent mis à contribution par les auteurs postérieurs. Faujas fut un des initiateurs de la science géologique actuelle, un des révé- lateurs du volcanisme français. 2'’ Corsa pel bacino del Rodano (i8o4), par le comle Mar- zari-Pencati, renfermant une étude particulière du Coiron. 3® Stratigraphie des terrains de l’Ardèche, par Th. Ebray (Riill. de la Soc. géolog. de France^ 2^ série, t. XXL 1864. p. 363). 4® Etude sur les terrains triasique et jurassique et les gise- 6 INTRODUCTION mentsde minerai de fer de V Ardèche^ par Ch. Ledoux (Paris, Savy, 1868), avec une carte des principaux gisements. 5° Itinéraire du géologue et du naturaliste dans V Ardèche^ par J. -B. Dalmas : ouvrage utile, en raison des coupes de ter- rains relevées par Fauteur. La carte géologique de FArdèche, au 1/160.000, de Dalmas, est malheureusement insuffisante : outre quelques inexactitudes assez graves dans la région d’Au- benas et de Largentière, aucune distinction n’y est faite entre les roches éruptives anciennes et les roches cristallophylliennes. 6^ Note sur les terrains houillers et ferrugineux du midi de FArdèche, par Pétrequin (Bull, de la Soc. des Sciences industrielles de Lyon^ 17 janvier 1877, i3 p.). 70 Le Plateau des Coirons et ses alluvions sous-basaltiques, par Torcapel (B. S. G. F., 5 juin 1882), renferme surtout des études paléontologiques. 8® Etude des terrains traversés par la ligne de iV inies à Givors ^ par Torcapel (Monpellier, Boehm et fils, 1884). 9® Etude sur le massif cristallin du mont Pilât, par P. Ter- nier (Bull, des services de la carte géol . de France, n® i, 1889). 10^ Description géologique du Velay, par Marcellin Boule, (Bull, des services de la carte géol. de France, n® 24, 1892). 1 1® Divers articles de MM. Termier, Fabre et Boule, dans le B. S. G. F. (1893, t. XXI, 3e série). 12^ Aperçu sur la structure générale et l’histoire de la for- mation de la vallée du Rhône, par M. Depéret (Annales de géographie, 1894-9Ô, t. IV, p. 4d2-453). A ces études, il faut joindre les notes de MM. Munier-Chal- mas, M. Boule, Depéret, publiées en 1894, 1895, 1896 et 1897 dans le Bull, des services de la carte géologique de France et des Topographies souterraines (t. VI, VII, VIII et IX, Comptes rendus des collaborateurs) . INTRODUCTION 7 Géographie Botanique La géographie botanique du Vivarais n’a pas été étudiée dans son ensemble, mais on peut se servir avec profit : B’ des Herborisations de M. Personnat (^/?«//. de la Soc. des Sciences naturelles de V Ardèche , 1861-1862) ; 2^ des Herborisations du Perroud (Bull, de la Soc. botanique de Lyon); 3*^^ du Catalogue de la flore du bassin moyen du Rhône, par l’abbé Gariot : la 8® édition, revue par le docteur Saint-Lager, a été augmentée précisément par des observations failes dans le Viva- rais (Lyon, Vitte et Perrussel, 1889). Météorologie » Les Annales du Bureau Central Météorologique de France publient chaque année des hauteurs de pluies observées en divers lieux de la région, et les observations plus détaillées (hygrométrie, vents, température, etc.) faites à l’Ecole Nor- male de Privas. Hydrographie La question si importante des inondations a été étudiée sur- tout: l'épar MM. de Mardigny et Marchegay, dans les Annales des Ponts et Chaussées, de i85y, 1860 et 1861 ; 2^' par M. de (Mémoire sur les cours d'eau du Vivarais, lu à l’Aca- démie de Nîmes en 1840); 3® par M. Vaschalde (les Inonda- tions du Vivarais depuis le siècle, A\iheii2i^, 1890). Agriculture I ® M. Monnier, professeurdépartemental, a composé sur l’état de l’agriculture dans l’Ardèche un mémoire important, qui n’a 8 INTRODUCTION pas été publié. M. Monnier l’a très obligeamment mis à ma disposition. 2® Le Ministère de T Agriculture publie chaque année une Statistique agricole, mais les chiffres donnés pour l’ensemble du département de l’Ardèche présentent peu d’intérêt, en raison delà diversité des régions vivaraises. 3° En 1893, H. Baudrillart a publié ses Populations agricoles du Midi de la France (3*^ série, i vol. 654 Paris, Guillau- min). La partie concernant le Vivarais est extraite pour une grande part des ouvrages du Francus, et pour le reste, de la statistique annuelle du Ministère de l’Agriculture. Cartes Les cartes géologiques au 1/80.000 de Largentière, de Saint- Etienne et du Puy, renferment la bordure septentrionale et occidentale du Vivarais. La plus grande partie de la région se trouve dans les feuilles de Privas et de Valence, qui n’ont pas encore été publiées. Cette publication est attendue avec impa- tience par tous ceux qui, dans le département, font de l’agricul- ture rationnelle, autant que par les géologues. Enfin, indépendamment des cartes publiées par les diffé- rents ministères \ le service des Ponts et Chaussées, en 1894, suivant la décision du Conseil Général de l’Ardèche, a dressé une carte du départemental! 1/ 160.000, où les différentes hauteurs sont indiquées par des teintes malheureusement un peu confuses. ★ Tels sont les documents écrits, ayant quelque valeur, con- cernant la géographie du Vivarais. Comme la plupart d’entre ^ Celle qui, à mon avis, rend le mieux l’impression vraie du relief vivarais (dans son ensemble) est la carte au 1/200.000 (avec courbes de niveau) publiée par le service géographique de l’Armée. INTRODUCTION 9 eux sont, ou insuffisants, ou trop superficiels, je me suis efforcé de compléter leurs indications dans plusieurs voyages à travers le Vivarais en 1896, 1897 et 1898. Non seulement j’ai pu ainsi contrôler les dires des auteurs que je viens de citer, mais j’ai quelque peu augmenté la somme de renseignements qu’ils ren- fermaient, soit par mes observations personnelles, soit en entrant en rapport avec des chefs d’industries (filateurs, mou- liniers, mégissiers, etc.), ou d’exploitations agricoles; avec M. Monnier, professeur départemental d’agriculture ; M. Ga- doret, professeur d’agriculture de l’arrondissement de Toiirnon; M. Couderc, ingénieur des mines de Prades et quelques institu- teurs^ entre lesquels je tiens à citer M. Roux, à Saint-Agrève et M. Ghiron, à Saint-Just-d’Ardèche. Tous, connaissant à fond le Vivarais, son histoire, son état actuel, ses besoins, ont mis, à me fournir les renseignements que je leur demandais, un empressement dont je leur suis profondément reconnaissant. Je remercie tout particulièrement M. Angot, du Bureau Central Météorologique de France; M. André, archiviste départe- mental à Privas; M. Chantre, sous-directeur du Muséum de Lyon; M. le D’’ Saint-Lager, dont les conseils m’ont guidé dans l’étude de la Flore vivaraise, etM. Depéret, grâce à qui j’ai pu étudier la géologie de cette région trop peu connue. LE VIVAT! AI S ESSAI DE GÉOGRAPHIE RÉGIONALE PREMIÈRE PARTIE GÉOGRAPHIE PHYSIQUE CHAPITRE PREMIER APERÇU GÉOLOGIQUE Si Fon jette un coup d’œil rapide sur la carte géologique du Yivarais\ on distingue aisément trois régions bien distinctes: Au nord et à l’ouest, des terrains primitifs ; 2*^ une large bande de terrains primaires, secondaires et tertiaires, adossés à ceux-ci suivant une ligne N.E.-S.O., de Lavoulte au A ans ; 3® une région volcanique, coupant les deux premières suivant une ligne N.O.-S.E., du Mézenc à Rochemaure, sur le Rhône. ^ Ce serait s’écarter du plan de cet ouvrage que de faire ici l’exposé com- plet de la géologie du Vivarais. J’ai dû me borner aux seules données qui peuvent expliquer la raison d’être du relief, de l'hydrographie, de la flore, de l’agriculture et de l’industrie. GÉOGRAPHIE PHYSIQUE I 2 Ces trois grandes divisions sur une carte géologique à grande échelle se montrent nettement séparées; mais le détail de chacune d’elles est d’une infinie complexité. A, — TERRAINS PRIMITIFS La zone des terrains primitifs est bornée au nord et à l’ouest par des masses granitiques, recouvertes, dans la région du Mézenc, par des coulées volcaniques, et au S. -O. par les cal- caires des Petits-Causses. Elle est composée en majorité de gneiss et de micaschistes que sont venues injecter des éruptions granitiques et granulitiques. La plus ou moins grande impor- tance de ces éruptions permet de subdiviser cette zone primitive en sous-régions. La première est comprise entre la limite septentrionale du Vivarais et la rivière de PAy. Les gneiss feuilletés supérieurs et les micaschistes chloriteux et sériciteux y sont prédominants. Toutefois, vers Serrières, l’épaisseur des gneiss inférieurs (gneiss à cordiérite) ne doit pas être très considérable, puisque le granité apparaît au fond des grands ravins qui aboutissent au Rhône L Les injections qui traversent ces roches cristallophyl- liennes sont généralement granulitiques vers Ville vocance et le Tracol, et granitiques du côté du Rhône. Des filons de gra- nulite se voient au mont Pyfara, au Grand Felletin, versSaint- Symphorien et Saint-Alban-d’Ay, vers Peaugres. Ce dernier affleurement, plus oriental que les autres, traverse une petite masse granitique qui s’étend d’Annonay à Serrières. Les filons de granulite, comme ceux de granité, ont en général une direc- tion S.O.-N.E. La deuxième est comprise entre l’Ay et le Doux. Le granité y prédomine : on le trouve vers Saint-Agrève et Saint-Martin- de-Yalamas. R renferme souvent d’importantes enclaves de gneiss. ^ P. Termier, Massif cristallin du mont chap. iii, p. 4<>« APERÇU (;ÉOLO(;iQUE i3 La troisième s’étend du Doux à la zone calcaire^ jusqu^à la forêt de Mazan et au Tanargue. Le gneiss y reparaît, mais for- tement injecté de granité. Ce granité gneissique forme le sou- bassement de la région volcanique du Mézenc : il présente des escarpements grandioses dans les vallées de Burzet, de Mont- pezat et de la Souche. Au sud du Doux, près du Bhône, se trouve un énorme massif de granité porphyroïde gris, à grands cristaux de feldspath : c’est ce massif qui, à Tournon, traverse la vallée et enserre sur la rive gauche le célèbre coteau granu- litique de l’Ermitage. Un lambeau important de micaschistes, de Saint-Péray à Lyas, sépare les granités gneissiques des ter- rains secondaires. Enfin, une quatrième sous -région s’étend du Tanargue à la vallée du Ghassezac. Le gneiss feuilleté et les micaschistes y paraissent seuls, sans injection de granité ou de granulite, sauf vers Sainte-Marguerite-Lafîgère, où affleure un lambeau de granité, recouvert par endroits par des grès triasiques. Les failles de cette région ne sont plus dirigées S.O.-N.E., mais sont parallèles à la grande faille du mont Lozère O. N. O. -E. S. E. B. — TERRAINS PRIMAIRES, SECONDAIRES ET TERTIAIRES 1° Terrains primaires. — Ces terrains ne sont représentés dans le Vivarais que par un petit bassin houiller et par un lambeau de terrain permien. Le bassin houiller est celui de Prades-Jaujac ^ Il forme, suivant une direction S.O.-N.E., une bande trapézoïdale, com- prise entre la vallée de l’Ardèche et la Souche : il a 1 1 kilo- mètres de long et de I à 2 kilomètres de large. Les couches houillères ont une inclinaison générale vers l’O. ou le S. -O.; 1 Le bassin houiller de Banne-Saint-Paul-le-Jeune, bien qu'appartenant au département de PArdèche, ne fait point partie du Vivarais. Géologiquement il se rattache d’une façon absolue et évidente au grand bassin houiller d'Alais- Bessèges. GÉOGRAPHIE PHYSIQUE i4 elles ne se prolongent pas sur toute l’étendue du bassin, mais elles chevauchent les unes sur les autres, à la façon des couches des deltas torrentiels. Le bassin de Prades est surtout composé de bancs de conglomérats et de grès très variables ; il contient très peu de schistes. Les couches, rarement régulières sur une certaine longueur, contournent des masses gréseuses, s’exfo- lient en branches, se serrent, se stérilisent, sont remplacées par des schistes ou des grès, puis se renflent au contraire en amas, atteignant jusqu’à i5 ou 20 mètres d’épaisseur de bon charbon ^ Le charbon de Prades est maigre et anthra- citeux. Enfin on trouve entre Largentière et Ghazeaux des conglo- mérats, des marnes schisteuses micacées et des grès que l’on rapporte à l’étage Permien. Ces couches sont généralement colorées en rouge et se présentent en discordance de stratifica- tion, d’une part avec les terrains primitifs sur lesquels elles reposent, et d’autre part avec le Trias sous lequel elles dispa- raissent. 2® Terrains secondaires. — Les terrains secondaires occu- pent toute la région S.-E. du Vivarais : les couches triasiques, jurassiques et crétacées se succèdent régulièrement de l’O. à l’E. Presque partout dans le Vivarais, le Trias s’appuie sur les terrains primitifs. Cependant, près de Largentière, il repose sur les grès et marnes schisteuses du Permien. La puissance totale actuelle du trias est de 80 mètres environ près de Privas, de 25o mètres vers Aubenas et Largentière. Il affleure, sans solution de continuité, depuis les Vans jusqu’au col de l’Escri- net, où une faille le fait disparaître. Il reparaît plus au Nord et s’étend jusqu’à Pranles. On le retrouve encore dans l’îlot secon- daire de Vernoux. Le trias comprend, dans le Vivarais, les trois étages suivants : Pétage inférieur, d’une puissance moyenne de 5o mètres, renferme des conglomérats à grains quartzeux ^ Société d’industrie minérale, Comptes rendus mensuels, 1898, p. 86. APERÇU GÉOLOGIQUE I 5 et des assises de grès compactes^; 2^^ l’étage moyen, d’une puissance de mètres environ, renferme des marnes schis- teuses, un banc de calcaire jaunâtre, dolomitique, surmonté d’autres marnes schisteuses. Ce banc de calcaire forme un horizon géologique très net; 3^ l’étage supérieur est composé d’une succession de bancs de grès, rougeâtres, blancs ou jaunes, sa puissance varie de 40 â i5o mètres. L’étage inférieur du trias affleure vers Sainte-Marguerite-Lafigère ; ce lambeau isolé est comme un trait d’union entre le trias des Gausses et celui de la région des Vans. Les affleurements liasiques , sensiblement parallèles à ceux du Trias, ont une bien moindre importance, comme lar- geur et comme épaisseur. La puissance moyenne du Lias, dans le Vivarais, est de io5 mètres; sa puissance maximum est de 180 mètres à la Ghapelle-sous-Aubenas. Il forme une bande presque continue de Saint-Paul-le-Jeune à Saint-Etienne-de~ Boulogne, où il disparaît. Il ne reparaît que vers Privas, dans la montagne de Grussol et à Vernoux. L’Infralias, d’une puis- sance de 3o mètres, comprend des calcaires gris, qui, vers Aubenas^ deviennent jaunâtres et dolomitiques, et des marnes grises très fossilifères ainsi que des calcaires à gryphées. Le Lias moyen (puissance : 5o mètres) est composé de calcaires et de grès rougeâtres. Enfin l’étage supraliasique comprend des grès et des calcaires qui prennent fréquemment la structure oolithique, et des calcaires à en troques généralement gréseux, et d’un faciès franchement oolithique. Le Jurassique moyen et supérieur est très développé dans le Vivarais ; cependant le premier l’est moins que le second ; le Jurassique moyen n’est représenté que par une série de marnes et de calcaires, produisant un sol rougeâtre. Il affleure ^ Ces grès inférieurs du Trias, dans la Montagne de Crussol, passent tà l’arkose, au contact du granité. Cf. A Torcapel, De Xùnes à Givors p. i8. - Les fossiles caractéristiques de cet étage sont : Pecten Valoniensis, Pecten Secuf'is Osfrea Rhodani O. sublamellosa..., etc. i6 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE en une bande étroite de Saint -Etienne-de-Fontbellon (près d’Aubenas), jusqu’à Saint-Etienne-de-Boulogne. On le retrouve sous le Jurassique supérieur, en particulier à GrussoE, et à Privas, où il atteint une épaisseur de 20 à 25 mètres. Le Jurassique supérieur forme une longue bande passant par Lavoulte, le Pouzin, Vogué, Berrias et Chadouillers. Adossé en général au Lias, il est recouvert partiellement par les coulées volcaniques du Goiron*, A l’est, il disparaît sous les terrains néocomiens. Le Gallovien et le puissant étage oxfordien (35o mètres) sont composés d’abord de marnes grises, feuil- letées, puis renferment des calcaires marneux, des calcaires bleuâtres compacts, et des calcaires gris jaunâtre. Ges deux dernières séries couronnent les escarpements de la partie S.-E. du Yivarais et constituent les grands plateaux calcaires nommés les Gras. Les calcaires du Rauracien et du Kimmé- ridgien inférieur surmontent l’Oxfordien : ils servent eux- mêmes de soubassement à un calcaire massif ruiniforme, qui donne un caractère propre à la bande jurassique du Yivarais, G’est à ce calcaire (que l’on retrouve vers le château de Grussol) que sont dus les escarpements pittoresques du Bois de Païolive. Get étage a une épaisseur de 5o mètres. Au-dessus se trouvent des calcaires marneux, et surtout les couches berriasiennes, qui tirent leur nom de la localité de Berrias, près des Vans. Ges couches se composent de calcaires blancs sublithographiques (4o mètres) et de calcaires marneux ^ A Grussol, le Jurassique moyen n*a qu’une épaisseur de 7 mètres. Il pré- sente la coupe suivante : Bathonien. Bajocien. If 7. Marnes et calcaires schisteux à Posidonies (3 mètres). 6. Banc ocreux à Amm. subdiscus (on^io). 5. Calcaire à Cancellophyciis (o“5o^. 4. Calcaire brun compact (i™2o). 13. Calcaire à silex blonds (o"’5o), 2. Calcaire à Parkins. Parkinsoni. i. Calcaire compact à Harp. Murchisonde. I i“5o. 2 A. Toucas, Etude de la faune des couches tithoniques de l’Ardèche (B. S. G. F., 3« série, t. XVIII, p. 56o). APERÇU GÉOLOGIQUE I 7 (i5 mètres) renfermant des fossiles caractéristiques ^ Le Berriasien sert de transition entre les terrains jurassiques et les terrains crétacés du Yivarais. Les dépôts infracrétacés occupent à peu près tout l’espace compris entre la bande N.E.-S.O. du Jurassique supérieur et le cours du Rhône : au sud, ils se continuent dans le dépar- tement du Gard. Gomme le Jurassique supérieur, ils ont un faciès vaseux pélagique. Les marnes valanginiennes sont, à la base, en parfaite concordance avec le Berriasien. Au-dessus se trouvent les calcaires hauteriviens, surmontés par l’Urgonien ou Néocomien supérieur. Ce sont de puissantes assises de calcaires marneux, qui sont l’objet d’importantes exploitations de chaux hydraulique à Gruas, le Teil, Lafarge, etc^. Ces calcaires marneux, bleus ou d’un gris clair, supportent en concordance les couches aptiennes. Celles-ci comprennent, vers Bourg-Sain t-Andéol, les quatre zones suivantes: 4. Sables verdâtres à Belemnües semicanalicuUüih'i (60 à 80"') 3. Calcaire à Discoidea decorata (i5 à 20“). 2. Marnes bleues à Belemn. semicanaliculatus et Plicatula pla~ cunea (6o*“). I. Calcaire marneux à Oslrea aquila [i5 à 25^). Enfin l’Albien ou Gault, dans le Vivarais comme dans le département de la Drôme, comprend des calcaires glauconieux, bien différents des sédiments pélagiques du Néocomien et de l’Aptien. D’ailleurs, la plupart des fossiles du Gault paraissent usés et roulés par les eaux. Les dépôts du Crétacé supérieur ^ Les calcaires blancs renferment : Hoplites Calislo. II. privasensis... M. Toucas donne le nom d’Ardescien à ce sous-étage. Les calcaires marneux renferment la faune typique de Berrias : Phylloc. silesiacum. Hoplites occitaniciis. Terebratula moravica . T. Janilor..., etc. 2 Les fossiles caractéristiques des calcaires du Teil sont, d’après Torcapel (L’Urgonien du Languedoc, Revue des Sciences naturelles, septembre 1S82) : Nautilus plicalus, Ammonites recticostatus, Amm. Matlieroni..., etc. Uisiv, DE Lyon. — lîoimniN. * GÉOGRAPHIE PHYSIQUE l8 sont en général absents, et ne paraissent guère qu’au S.-E. vers Viviers et Bourg-Saint-Andéol. Tous les terrains que nous venons de passer en revue ont été fracturés par des failles, qui, aidées par les érosions, ont eu pour effet de faire apparaître successivement tous les étages géologiques, depuis les roches cristallines jusqu’au Gault. Ces failles généralement dirigées N. 35° E. ont en outre déterminé la direction du cours du Rhône en plusieurs points : i'^ de la Roussette à Lafarge ; 2^ du Teil à Gruas ; 3^ du Pouzin à Lavoulte et à Soyons. Chaque fois qu’il les rencontre, le fleuve s’écarte sensiblement de la direction générale N. S. de sa vallée, et s’incline vers l’ouest. 30 Terrains tertiaires. — Les dépôts tertiaires sont très peu importants dans le Yivarais ; ils consistent en général en cailloutis, descendus des montagnes de l’ouest. Des alluvions fluviatiles ou lacustres oligocènes se trouvent en lambeaux isolés vers la vallée moyenne de l’Ardèche, de Montpezat à Barjac : seuls parmi les dépôts tertiaires, les conglomérats oligocènes des bords du Rhône (Soyons, Rochemaure) ont été affectés par les failles qui ont amené l’affaisement de la vallée du Rhône. Les dépôts Miocènes sont plus importants, et se rencontrent jusqu’au Gerbier de Jonc. Dans la nappe basaltique du Goiron, entre deux coulées différentes, les couches de tufs et de boues volcaniques renferment une faune pontique : Machairodus cul- tridens, Rhinocéros Schleirinacheri, Hipparion gracile^ etc. C’est encore au Miocène supérieur qu’il faut attribuer les tripolis à végétaux du mont Charay et de Rochessauve, près de Privas. Des cailloutis de la fin du Pliocène s’observent vers les bords du Rhône: M. Torcapel en a découvert de nombreux affleu- rements. Vers Rourg-Saint-Andéol, ces alluvions comprennent: 2. Une terre argilo-sableuse jaune. I. Des g-raviers et sables jaunâtres formant des terrasses. Leur puissance n’est que de i mètre à i m. 5o. APERÇU GÉOLOGIQUE •9 C. - TERRAINS VOLCANIQUES ET TERRAINS QUATERNAIRES Les terrains volcaniques forment la troisième grande division des terrains du Vivarais. Ils sont rangés, en général, suivant une ligne N.O.-S.E. qui coupe perpendiculairement les lignes N.E-S.O. des terrains primitifs, primaires et secon- daires. Si importants qu’ils soient par la surface qu’ils recou- vrent, ils ne sont cependant pas aussi étendus que le feraient croire les cartes géologiques à petite échelle, surtout celle de Dalmas. Même dans la région du Mézenc, le terrain primitif affleure souvent, l’érosion ayant enlevé le manteau de basalte qui le recouvrait. D’après M. P. Termier^, la succession des roches volcaniques au Mézenc est la suivante, de bas en haut : 9. Basaltes récents. 8. Basaltes anciens postérieurs aux phonolites. 7. Phonolites. 6. Trachytes augitiques supérieurs. 5. Basaltes porphyroïdes inférieurs. 4. Laves aug-itiques compactes. 3. Basaltes porphyroïdes inférieurs. 2. Trachytes inférieurs. 1. Basaltes compacts (miocènes?). Quant aux formations volcaniques du Goiron, elles sont plus variées qu’on ne l’avait supposé jusqu’ici^. Au contrefort de Saint-Jean-le-Gentenier, on trouve : 5. Basalte porphyroïde. 4. Tufs et scories. 3. Andésite augitique. 2. Cailloux roulés (nombreux cailloux de basalte). I. Infracrétacé. ^Compterendu de la Course de Fay-le-Froid au Mézenc (B. S. G. F., 3® série, t. XXI, p. 578, 1893). ’ M. Boule, Note sur la feuille de Privas (Bull, du serv. de lu Carie Gêol. de • France, Comptes rendus des collaborateurs; 53, t. VIII, p. log, 1896-97). 20 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE et au contrefort de Mirabel : 6. Basalte porphyroïde. 5. Labradorite. 4. Cailloux roulés. 3. Basalte compact. 2. Cailloux roulés (éléments basaltiques). I. Infracrétacé. Gomme on le voit par ces dernières coupes, des débris de roches volcaniques se trouvent mélangés ^ux alluvions quii ter- naires anciennes, proches du Mézenc et du Goiron. D’autres roches, non volcaniques (comme le cailloutis de plateaux que l’on trouve près d’Annonay) composent les alluvions quater- naires observées le long du Doux, de l’Erieux, de l’Ardèche, à plusieurs mètres au-dessus du niveau actuel de ces rivières. Enfin des alluvions modernes se rencontrent dans les vallées de toutes les rivières vivaraises. ★ La suite de cette étude montrera le rôle important qu’il faut attribuer à la nature de ce sous-sol, d’abord sur le sol qui en est dérivé, et, par suite, sur la flore et l’agriculture. Mais aupa- ravant il importe de rechercher quelles ont été, et l’évolution de ce sous-sol, et les phases principales de cette évolution. (MIAIMTRK II OROGÉNIE A. — PLISSEMENTS HERCYNIENS (Epoque primaire). Du plissement actuel des couches cristallophylliennes et du faciès littoral des dépôts triasiques, il est permis de conclure qu’un massif de gneiss et de micaschistes, ébauche informe du Plateau Central, dut probablement émerger des mers cam- briennes et dévoniennes. Les mouvements orogéniques qui lui donnèrent naissance furent peu considérables ; ils esquissèrent néanmoins l’allure générale de plis qui s’accentuèrent de plus en plus jusqu’à l’époque secondaire. Des éruptions granitiques et granulitiques durent se produire en même temps, car les masses de granité et les filons de granulite semblent s’être moulés parallèlement aux axes des plis (S.O.-N.E.) et suivent les inflexions de ces axes h ★ ¥■ + A la fin du Rouiller moyen, les phénomènes de plissement recommencèrent, avec une intensité qu’ils n’avaient pas eue jusqu’alors, et accentuèrent les plis déjà existants. Dans toute la région qui devait plus tard former le Vivarais, une poussée violente, venue du S.-E. fit surgir de véritables montagnes, dont ^ P. Termier, Etude sur le massif cristallin du mont Pilât, chap. v, p. 52. 1889. 22 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE les crêtes devaient atteindre de i5oo à 1800 mètres ^ Ces rides énormes suivaient toutes une direction S.O.-N.E., mais en se rapprochant delà bordure du massif, elles déviaient sen- siblement vers le nord, se réunissant ainsi en faisceau dans le Viennois. Quatre plis synclinaux sillonnaient le massif du Pilât. Le premier par Saint-Etienne et la vallée du Gier; le second, ou synclinal de Malle val, suivait la haute vallée ac- tuelle de la Gance (S.S.O.-N.N.E.) et se dirigeait ensuite sur Vienne et Ghamagnieu (S.O.-N.E.) : le troisième, ou synclinal de Sarras, détermine aujourd’hui l’orientation de la vallée du Rhône entre Saint-Pierre-de-Bœuf et Tournon ; enfin le qua- trième avait à Saint- Vallier une direction N. S. Ces trois der- niers synclinaux se prolongeaient à travers le Vivarais: l’un d’eux (on ne saurait dire lequel, car les plissements alpins durent profondément modifier leur allure allant rejoindre le grand synclinal d’Alais-Bessèges par Banne et Saint-Paul- le-Jeune ; un autre, celui de Nieigles-Prades. Si réguliers que fussent alors ces plis dans leur ensemble, des dislocations partielles devaient leur donner un aspect particu- lièrement tourmenté. Les masses granitiques, qui avaient fait éruption lors des plissements antérieurs, étaient autrement résistantes que les gneiss et les micaschistes: elles jouèrent, à l’intérieur des anticlinaux de roches sédimentaires, le rôle de piliers, ou horsts : des failles puissantes se produisirent, qui, dans leur jeu, brisèrent en plusieurs points les voûtes anticli- nales, laissèrent apparaître les roches éruptives et rompirent la ^ Cf. P. fermier, op. cit., p. 53. Cette hauteur hypothétique a été calculée approximativement d’après : i®le pendage ou l’inclinaison des couches de gneiss et de micaschites sou- vent redressées presque verticalement ; 2° l’épaisseur des couches pri- maires et secondaires formées par la désagrégation des parties superficielles de ces roches primitives; 3° la hauteur connue des affleurements actuels du granité, qui n’a pu cristalliser que sous une couche épaisse de terrains anciens. * D’après M. Depéret (Ann, de Géographie, t. IV, p. 436), ce serait le pli moyen du faisceau (synclinal de Sarras). OHO(;ÉNIK 23 symétrie des plissements. Ce fut dans les synclinaux disloqués, dans les lagunes qui s’y trouvaient étagées, que se déposèrent en stratification discordante et transgressive les dépôts carbo- nifères et liouillers. Des torrents venaient se jeter dans ces lagunes ou lacs, et les alluvions, chargées de matières orga- niques (bois, feuilles), se déposèrent sous forme de deltas (sui- vant la théorie de M. Fayol). Cette hypothèse explique tous les phénomènes que l’on observe dans la constitution du bassin houiller de Prades. Les matériaux venant du N.E., puis du nord, ont rempli par talus successifs le petit lac, de forme allongée. ★ Pendant toute la durée de l’âge permien, se prolongèrent les mêmes mouvements orogéniques. Ils se produisirent lentement, dans l’ensemble du Massif Central, comme le prouve la con- cordance relative des couches houillères et permiennes ; mais la discordance du terrain primitif et du Permien vers Largen- iière prouve que cette région du Yivarais fut plus éprouvée que le reste du massif. Sous l’influence de ces mouvements, les lacs ou lagunes houillères reculèrent vers l’intérieur du Massif Central, car les sondages ont montré que les couches les plus profondes d’un bassin houiller, sont d’un âge d’autant plus récent que ce bassin est plus éloigné des bords du Massif L D’après M. Boule des points de fracture seraient sortis, à cette époque, du côté du Velay, des porphyres et des roches analogues aux andésites et aux labradorites récentes ; des vol- cans même se seraient établis sur certains points, volcans dont l’existence est prouvée par de nombreux dykes, seuls restes de leurs bouches éruptives. Mais si des faits analogues se sont pro- duits dans le Vivarais, il n’en reste pas de traces. 1 P. Termier, op. cii., p. 53. ~ M. Boule, Descriplion géologique du Velaij, p. 242. 24 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE La discordance du Permien et du Trias prouve que celle époque permienne dut se terminer par un mouvement du sol, moins important sans doute que le mouvement post-houiller. Les synclinaux furent resserrés; le jeu des failles recommença et ainsi le terrain houiller fut disloqué. Ce fut le dernier effort du plissement hercynien dans le Yivarais. A cette période d’agitation et de bouleversement va succéder une longue période de calm©^ celle des temps secondaires. B. — ÉPOQUE SECONDAIRE Durant toute l’époque secondaire, aucun de ces puissants phénomènes de plissement ne semble s’être reproduit. Mais d’une part l’érosion, de l’autre quelques mouvements orogé- niques très lents modifièrent sensiblement l’allure générale du massif primaire. Dès le début du Trias^ l’érosion commença son œuvre des- tructrice. Les vents et les pluies durent briser les arêtes vives, creuser les roches les moins dures et abaisser les crêtes des montagnes dont les torrents rongeaient les flancs et la base. Les débris des roches cristallines (comme le prouve la nature des dépôts de cette époque), tombés au fond des vallées, repris par les torrents^ étaient entraînés par eux dans la vaste mer triasique, peu profonde sur les bords du Massif Central L et se déposèrent sous forme de grès près des rivages. Nul ne pourrait dire avec précision où étaient ces rivages. Ce qui est certain, c’est que les grès du mont d’Or lyonnais et ceux du Vivarais ont été déposés par les flots du même océan. D’autre part, les affleurements actuels du Trias ayant, en plusieurs endroits, un faciès absolument côtier et contenant des blocs anguleux de schistes, sériciteux et micacés, provenant des roches cristal- lophylliennes situées dans le voisinage immédiat, M. Munier- ^ Depérel, Aperçu sur la structure Géogr., t. IV, p. 4^/)* de la vallée du Rhône (Ann. de OKOGÉNIE 25 Ghalmas en a conclu^ que la mer se brisait contre de hautes falaises et ne devait pas s’étendre bien à l’ouest de Grussol, de Vernoux, Privas, Aubenas et Largentière. ★ ¥ ¥ Le climat tropical du Vivarais, à cette époque, devant ame- ner des précipitations de pluie considérables, on peut croire que l’abrasion générale de la contrée était assez avancée au début du inférieur. Des mouvements d’affaissement ou d’exhaussement, qui se succédèrent jusqu’à l’époque ter- tiaire (mais d’une façon si lente que nulle part on ne trouve de discordance sensible dans les différentes couches jurassiques ou crétacées) affectèrent surtout la partie méridionale du Vivarais. Les coupes relevées par M. G. Fabre ^ permettent de suppo- ser que rinfralias commençait à peine, quand la région de Villefort et de Joyeuse s’affaissa légèrement ; en même temps, le golfe des Gausses se creusa et la mer basique n’en fut séparée que par un seuil peu élevé. Ge seuil lui-même participa au mouvement général d’affaissement, et les deux mers se rejoi- gnirent par l’échancrure de Mende, appelée aussi Détroit de Villefort. Dès le Lias moyen, les hauts fonds se relevèrent et à la fin du Lias le seuil était complètement émergé. La partie septen- trionale du Vivarais suhit le contre-coup de ce double mouve- ment : il semble qu’elle dut s’élever d’autant plus que la partie méridionale s’abaissait davantage, car les coupes des montagnes de Grussol ou de Soyons nous montrent l’Infralias et le Lias soit représentés par des lambeaux rudimentaires, soit complè- i Munier-Chalmas, Note sur les environs de Lavoulte (Bull, du serv . de lu Carie Géol. de France^ Comptes rendus des collaborateurs, n® 38, t. VI, 1893-94. ‘G. Fabre, Stratig^raphie des Petits Causses entre Gévaudan et Vivarais (B. S. G. F., 3® série, t. XXI, p. 672, 1893). a6 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE tement absents. De plus, les affleurements actuels du Lias, moyen et supérieur, qui se présentent à nous comme un calcaire très gréseux, gris foncé ou rougeâtre \ indiquent que le littoral n’était pas éloigné. ★ 4 4 Pendant le Jurassique moyen (Bajocien et Bathonien), la même série d’affaissements et d’exhaussements se reproduisit, avec les mêmes caractères. Le seuil de Villefort s’abaissa de nouveau et ouvrit à la mer bajocienne un passage dans le golfe des Gausses; mais à l’époque bathonienne, un nouvel exhaus- sement obligea les eaux à se retirer et sépara bientôt les deux mers. Il estjDrobable que la mer bajocienne ne s’avança pas, à l’in- térieur du Vivarais, plus loin que les mers basiques ou triasi- ques, car les dépôts de cette époque présentent un faciès sensi- blement côtier, bien différents en cela des dépôts du Gard qui sont nettement marneux. De plus, les calcaires bathoniens et bajociens de la Voulte contiennent, comme le Trias, des blocs anguleux de micaschistes ; il y a donc lieu de supposer, avec MM. Munier-Ghalmas et Depéret^, qu’une falaise servit dans cette région de rivage aux mers secondaires, du Trias au Juras- sique moyen. Le Jurassique supérieur vit se reproduire les mêmes phéno- mènes, avec une intensité bien plus grande. En effet, alors que les transgressions du Lias inférieur et du Bajocien n’avaient guère submergé que les parties méridionales du massif cristallin, la mer callovienne dut déborder bien au delà des anciens rivages, car ses dépôts ont à un bien moindre degré un faciès littoral. Gette transgression fut la conséquence d’un affaissement du ^ J.-D. Dalmas, Itinéraire du Géologue dans L'Ardèche, Privas, p. 102, 1872. ^Depéret, Aperçu sur la structure de la vallée du Rhône (Ann. de Géogr.y p. 438, 1894-95). OnOGKNlK 27 massif entier, plus marqué au sud qu’au nord, comme le prouve l’épaisseur des marnes grises calloviennes^ plus grande vers les Vans que vers Grussol. Il est probable que cet affaissement s’accentua pendant l’Oxfordien; et même, s’il faut en croire Neumayr^, la totalité du Massif Central fut submergée à cette époque. Cette hypothèse présente bien des apparences de vérité, car la ligne actuelle d’affleurements du Callovien et de l’Oxfor- dien ne représente nullement l’ancien littoral ; cette transgres- sion marine fut d’autant plus facile que l’abrasion, déjà si avancée à la fin du Trias, devait, selon toutes probabilités, être devenue plus complète encore. On peut supposer que le Yiva- rais présentait alors l’aspect que nous offre aujourd’hui l’Ar- denne, avec des croupes arrondies, ne laissant plus voir qu’im- parfaitement la série des anciens plis hercyniens. De plus, le fond de la mer oxfordienne devait être assez profond, car ses dépôts sont considérables et présentent tous le même aspect marneux. A la fin du Jurassique, la régression de la mer com- mença. ^ ¥ Ce mouvement d’exhaussement se continua sans interruption pendant V Infracrétacé avec une telle lenteur que le passage des couches tithoniques aux couches néocomiennes se fit d’une façon insensible et que le géologue a peine aujourd’hui à les distinguer les unes des autres. O Comme les dépôts laissés par la mer néocomienne se présen- tent à nous d’abord sous l’aspect de marnes argileuses, grises ou jaunes, assez semblables à celles de l’Oxfordien, on peut croire que la mer était encore profonde. Mais ces marnes étant surmontées de calcaires bleuâtres ou blanchâtres très durs, il est permis de conclure à un lent exhaussement de la mer. Ce mouvement fut surtout sensible pendant l’aptien ; alors, en effet , ‘ Melchior Neumayr, Erdgeschichte, 2^ édit , Leipzig- et Vienne, 2® volume, p. 264 et 265, i8p5. 28 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE toute la partie nord et N.-E. du Vivarais s’exonda et fut reliée sans interruption avec le Dauphiné également émergé. Le golfe d’Apt ne s’étendit guère au nord de Loriol, et, dans le Vivarais, ne baigna vraisemblablement que les régions environnant Rochemaure, le Teil et Bourg-Saint-Andéol ; du moins, ce sont les seules régions où des affleurements de rx\ptien ont pu être constatés. Au début du Crétaicé supérieur , le golfe se retira devant l’exhaussement continu du sol ; mais, à en juger par les régions voisines, un mouvement inverse dut se produire brus- quement et la mer cénomanienne envahit les anciens rivages. Cependant, on ne trouve pas dans le ^bvarais des indices cer- tains de cette transgression marine qui ne fut, assurément, que momentanée. G.— PLISSEMENTS ALPINS. — ÉRUPTIONS VOLCANIQUES Dès l’époque crétacée, les dépôts du Jurassique supérieur sur les terrains cristallins avaient dû être en partie enlevés par l’érosion. Granités, gneiss et micaschistes se voyaient à nouveau sans interruption du col de Yillefort au mont Pilât ; à l’est, ils étaient bornés par les sédiments secondaires que l’érosion abaissait et creusait déjà. Plus à l’est encore était une région basse, émergée récemment et reliée aux chaînes subal- pines, une sorte de vallée longitudinale allant de Genève à la Provence, et où s’étagèrent des lacs d’eau douce, alimentés en partie parles torrents descendus du Massif Central. Ces torrents peu rapides (puisque les pentes moyennes, d’après M. Boulet n’étaient que la moitié des pentes actuelles) entraînèrent de nombreux débris dans la vaste dépression rhodanienne : ce sont des sables blancs, bariolés de rouge vif, et recouverts par des poudingues à cailloux calcaires arrondis^. ^ M. Boule, Descript. çjéolog . du Velay, 2^ partie, chap. iv, p. 119. ' A.Torcapel, De Nîmes à Givors, p. i5. OHOdKNIK 29 4 * Cet état de tranquillité n’était que momentané : des boule- versements considérables allaient bientôt changer complète- ment l’aspect de la contrée. Pendant l’Oligocène inférieur, un premier mouvement alpin dessina les principaux plis anticli- naux tertiaires de la future vallée du Rhône b Au début du Miocène^ le synclinal nummulitique qui sépa- rait les Alpes des chaînes subalpines émergea définitivement; mais cet exhaussement eut pour conséquence un affaissement de la région rhodanienne proprement dite, et la Méditerranée miocène pénétra largement dans cette vallée nouvelle. La bordure orientale du Massif Central subit le contre-coup de ces puissants mouvements orogéniques. Les terrains secon- daires ne furent pas plissés^, car la force impulsive venue des Alpes s’était affaiblie dans les plissements énormes de la Savoie, du Dauphiné et des Hautes-Alpes. Mais de la Voulte aux Vans, des fractures se produisirenf suivant une direction générale S. S. O. -N. N. E. Lors de l’affaissement de la dépression rho- danienne, des lambeaux fracturés des terrains secondaires glissèrent les uns devant les autres, mettant en contact ici le Trias avec l’Oxfordien, là le Tithonique avec le Crétacé supé- rieur. D’autres failles se dessinèrent encore suivant une direc- tion N. N. O. -S. S. E. , et le même phénomène de glissement se reproduisit, accentuant le caractère particulier de la région, son inclinaison vers le S.-E. Les terrains cristallins éprouvèrent aussi le contre-coup de ces premiers plissements alpins. La région de Tournon, Saint- Vallier et Vienne, qui subit le premier choc, étant la plus orientale, fut brisée par des failles S.S.O. -N.N.E. , parallèles aux anciens plis hercyniens, ou plutôt les anciennes fractures t Depéret, Aperçu sur la structure. ... de la vallée du Rhône. (Ann. de Géog., t. IV, p. 442). 3o GÉOGRAPHIE PHYSIQUE jouèrent de nouveau. Ainsi se séparèrent du massif les îles de Grussol, de Soyons et de Charmes. En même temps se dessi- nait la faille, grâce à laquelle la mer pliocène pourra plus tard traverser les terrains cristallins au nord de Saint-Yallier. Le reste du massif se fractura de même suivant deux directions presque perpendiculaires. Les clefs de voûtes anticlinales s’affaissèrent par échelons, et le fond des synclinaux se releva a comme si une pression de bas en haut forçait son ascension, tandis que le vide créé sous les clefs anticlinales tendait à les effondrer constamment ^ » . Le pays prit alors un aspect nouveau. Une chaîne élevée se dessina avec des arêtes vives, du Pilât au Mézenc, où se trouva dès lors le point culminant du massif granitique, à environ i4oo mètres d’altitude^. Les deux versants étaient en échelons, plus rapides vers la dépression rhodanienne que vers celle du Puy. Tels devaient s’offrir à la vue les monts du Yivarais pen- dant le Miocène inférieur. Pendant ce temps, la mer déposait sur le bord du massif dis- loqué les marnes et les couches calcaires de la mollasse. D’autres dépôts miocènes, d’origine fluviatile, se retrouvent à d’éton- nantes hauteurs, jusque sur l’emplacement du massif actuel du Mézenc, ayant été protégés de l’érosion par les déjections vol- caniques postérieures. Ces restes témoignent de l’existence dans le Yivarais de cours d’eau peu encaissés, à faible pente, qui entraînaient dans les lacs ou dans la mer mollassique les débris arrachés au relief nouveau. Ainsi, le long du bord sud du plateau du Goiron coulait une large rivière dont les allu- vions, formées de sables fins siliceux et de graviers granitiques ou gneissiques, se suivent aujourd’hui à partir de MirabeP. La fin de l’époque miocène ne fut pas moins troublée que 1 M. Boule, Descript. géolog. du Velay, p. 8i. Cf. Michel-Lévy, B, S. G. F., 3e série, t. XVIII, p. 698. * P. Termier, De Fay-le-Froid au Mézenc (B, S. G. F., 1898, p, 583). ^ A. Torcapel, Le Plateau des Coirons et ses alluvions sous-basaltiques, pp. /fi3, 414 et 4*7* OHOGKNIE son début. Un nouvel exliaussemenl des Alpes amena le retrait de la mer mollassique ' : les pentes orientales du Vivarais aug- mentèrent; les cours d’eau accrurent leur rapidité et leur vio- lence, encaissèrent profondément leurs lits, se jetèrent dans les marécages qui subsistaient à la place de l’ancienne mer, et dépo- sèrent de puissantes alluvions auxquelles se joignirent celles des torrents alpins. L’ère des grandes dislocations du sol était close désormais : cependant, de même que les plissements hercyniens avaient eu pour corollaires des éruptions de granulite,de granité et de por- phyre, les plissements alpins furent accompagnés d’éruptions volcaniques. Les failles devaient être nécessairement des points faibles de l’écorce terrestre, incapables de résister aux pressions énormes exercées par les matières incandescentes de l’intérieur. Une des lignes de failles les plus importantes allait suivant une direction N.O.-S.E. de Rochemaure au Mézenc, et se continuait dans le Velay, suivant une direction N. N. O. -S. S. E. Ce fut précisément le long de cette ligne ou dans son voisinage, que se produisirent, à la fin de l’époque miocène, les premières éruptions^. Une vaste nappe basaltique recouvrit, à l’ouest, les massifs granitiques du Mézenc et du Mégal, jusqu’au delà de la Loire, et à Test encombra le lit de la rivière du Coiron, s’éta- lant largement jusqu’au-dessus de Privas et jusqu’au Rhône^. 'k Lorsque cette première activité volcanique se fut apaisée, vint une période de calme pendant laquelle l’érosion continua l’œuvre qu’elle avait ébauchée précédemment. La Cance, le Doux, PErieux, PArdèche s’encaissèrent davantage et leurs affluents se dessinèrent plus nettement : la rivière des Coirons * A. Torcapel, De Nîmes à Givors, p. 29. ~ M. Boule, Descr//)//on géologique du Velaij, 2® partie, ch. iv, p. iii et suiv. A, Torcapel, Le Pln/eau des Coirons p 420. 32 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE reprit son cours par-dessus la nappe basaltique. Ce travail se continua jusqu’au début du Pliocène. Alors un affaissement de la dépression rhodanienne ramena la mer dans un fjord étroit, qui pénétra jusqu’à vingt kilomè- tres au sud de Lyon k Le fond de ce fjord était bien au-dessus du niveau actuel de la vallée du Rhône : néanmoins il fut bien- tôt comblé par les épais sédiments du Pliocène inférieur, au milieu desquels le Rhône quaternaire creusera son lit. En même temps, des dépôts pliocènes d’eau douce se formaient dans des lacs peu profonds : tels sont les dépôts du mont Gharay. A la suite de ce mouvement orogénique, les éruptions volcaniques recommencèrent, éruption des trachytes infé- rieurs, des basaltes porphyroïdes inférieurs, puis des laves augitiques compactes, des basaltes porphyroïdes supérieurs, et enfin des trachytes augitiques supérieurs. D’après A. Torca- peP, il n’y avait nulle part de cratères analogues à ceux des volcans modernes : la masse ignée venait au jour par un réseau de crevasses et de fentes. De plus^ des fissures latérales laissaient aussi échapper des coulées de laves, d’une nature parfois diffé- rentes de celles rejetées par la principale bouche éruptive. Cette explication ne saurait cependant être admise, d’après M. Boule ^ : « Au Goiron, les éruptions ont eu lieu par toute une série de cratères alignés dans la direction N.O.-S.E., dont on retrouve les traces manifestes quand on les recherche avec soin. La théorie des inondations basaltiques par de simples fissures, sans phénomènes de projections, ne saurait s’appli- quer au Goiron, pas plus qu’aux autres plateaux basaltiques de notre pays. Si certains de ces plateaux sont aujourd’hui com- plètement dépourvus de cônes volcaniques,... c’est qu’ils sont ^ A. Torcapel, De Nîmes à Givors, p. 29. 2 A. Torcapel, Le Plateau des Coirons, p. 407* ^ M. Boule, Note sur la feuille de Privas (Bull, du serv. de la Carte Géol , de France...^ n» 5p, t. IX, 1897-98, Comptes rendus des collaborateurs de la Campagne de 1896 (p, 92). OHOGÉNIE 33 beaucoup plus anciens et que les érosions alrnospliériques ont, fini par niveler les champs de laves... » * ¥ + Au milieu de l’époque pliocène, une nouvelle oscillation du sol chassa la mer du fjord oii elle était encaissée, et, à travers les dépôts subapennins (que l’on retrouve aujourd’hui à 70 mètres et plus au dessus du niveau du Rhône) un vrai fleuve, pour lapremière fois, s’écoula vers la Méditerranée, sui- vant une direction N.S. , le long de la bordure du Massif Central. Cette régression de lamer fut accompagnéede nouvellesérup- tions volcaniques. C’est de cette époque que datent les pho- nolites du Gerbier de Jonc, du Mézenc, etc. Après cette érup- tion, l’activité volcanique se déplaça vers l’ouest, pour se développer dans le Velay occidental . Les vallées continuèrent de se former ; la rivière du Coiron fut rejetée au N.E. par les basaltes et se jeta dans le lac qui s’étendait au pied du mont Toulon. Tandis que les terrains secondaires et tertiaires étaient partout érodés par les torrents, le Coiron, protégé par la nappe basaltique dont il était revêtu, gardait sa hauteur première et dominait les vallées environnantes. Les conditions climatériques se modifiant sous l’influence de changements considérables dans la répartition générale des terres et des mers, quelques périodes de froid survinrent alors: sur les hauts sommets, les neiges s’accumulèrent et formèrent des glaciers, permanents ou momentanés. Dès le début du Pliocène supérieur, les glaciers des Alpes progressent, et le Rhône prend un aspect torrentiel, roulant des cailloux plus grossiers et plus nombreux, qui vont recouvrir même les pla- teaux miocènes à plus de 200 mètres au dessus des vallées actuelles ^ M. Boule, Descripf. géolog. du Velay, 2e partie, ch. iv, p. iiS. ^ Depéret, Aperçu sur la structure...,, de la vallée du Ixhone (Ann. de Géog., t. IV, p./j45)- Umv. of, Lyo>. — BoTTuniN, O GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 34 A cette période de remblaiement succède une période de déblaiement : les pentes se rétablissent, les rivières creusent leurs lits, et, prenant Taspect qu’elles ont aujourd’hui, elles se jettent dans le Rhône à un niveau rapproché du niveau actuel. En même temps des éruptions volcaniques donnaient naissance à des cônes de scories et à des coulées épaisses appe- lées basalte des pentes^. •k Au début de Tépoque quaternaire, les matériaux entraînés par les grands glaciers comblèrent de nouveau le fond de la vallée du Rhône, jusqu’à une hauteur moyenne de 2 5 mètres entre Serrières et Saint-Péray, hauteur qui diminue progressi- vement entre Saint-Péray et Bourg-Saint-Andéol. Le déblaie- ment commença bientôt : le lit du Rhône s’encaissa dans les graviers et ne varia plus guère jusqu’aujourd’hui Des névés apparurent certainement alors sur les hauts sommets du Viva- rais, mais ses pitons isolés ou ses plateaux peu ravinés ne se prêtaient guère à la formation des glaciers. La fonte de ces névés au printemps produisit des effets d’érosion et de trans- ports considérables, qui achevèrent définitivement le creuse- ment des vallées. Ce fut à la fin de cette période glaciaire, ou peut-être en même temps qu’elle, que se produisirent les dernières éruptions vol- caniques du Yivarais, non plus sur la grande ligne de failles (Goiron, Mézenc, Mégal), mais entre le Mézenc et le Tanargue. Des laves s’écoulèrent en masses énormes dans le fond des vallées ; ainsi la coulée descendue du Ray-Pic a 18 kilomètres de longueur, celle de la Gravenne de Montpezat en a 8, etc. Ces volcans, analogues à ceux qui sont encore en activité de nos jours, ont conservé leurs cratères d’éruption. ^Notice explicative de la Carte Géologique de France (1/80.000). Feuille de Largentière. ^ A. Torcapel, De Nîmes à Givors^ p. 3o. OROGKNIE 35 Les dislocations du sol et les éruptions volcaniques doniièrenl naissance, dans le Vivarais comme dans le reste du Massif Cen- tral, à des sources d’eaux minérales. Les eaux de pluie, péné- trant par les fissures de l’écorce terrestre dans l’intérieur du sol des régions volcaniques, y trouvèrent un réservoir constamment renouvelé d’acide carbonique, et purent ainsi exerc r sur les roches ambiantes une action dissolvante d’une extrême énergie. Telle est l’origine des sources bicarbonatées, sodiques ou calciques, du Vivarais L Après l’apparition de ces sources minérales, le Vivarais n’eut plus à subir que des changements sans importance. Dès lors, sur le sol devenu tranquille, l’homme quaternaire, caché dans les forêts des Boutières ou dans les grottes de la basse vallée de l’Ardèche, n’eut plus à redouter que la dent des bêtes sau- vages. ^ Gf. sur les Sources Minérales, le chapitre iii de la 2® partie. CHAPITRE III LE RELIEF Tous ces mouvements du sol, que nous venons d’étudier, ont imprimé profondément leurs traces dans le relief actuel du Vivarais. Grâce à ces dislocations et à ces éruptions, le Viva- rais, terre aussi vieille que le Limousin ou TxArdenne, s’est pour ainsi dire créé une jeunesse nouvelle : il leur doit le charme exquis de ses montagnes. Gomme le dit un écrivain illustre^ né dans ce pays, dont il est l’admirateur enthousiaste, M. de Vogué: « II y a des régions plus majestueuses dans notre France ; il n’y en a pas de plus originale et surtout de plus con- trastée, où Ton puisse comme ici passer en quelques heures de la nature alpestre à la nature italienne ; il n’y en a pas où l’his- toire de la terre et des hommes soit écrite sur le sol en carac- tères aussi clairs, aussi vivants^ .» Mais avant d’étudier les formes de relief propres à chacune des parties du Vivarais, il importe d’embrasser, dans un rapide coup d’œil, l’ensemble de ce relief et d’en saisir l’harmonie. Le mont Mézenc, à 1754 mètres d’altitude, est pour cela un observatoire merveilleux. Dès le premier regard, on reconnaît que les régions orien- tales n’offrent aucune ressemblance avec celles de l’ouest. Tandis que l’on voit au sud-ouest se profiler les monts pesants et aplatis de la Lozère et du Gantai ; à Touest, s’étendre les monts du V elay. gigantesque coulée de lave, et, plus loin encore, 1 De Vogué, Notes sur le Bas-Vivarais (Revue des Deux-Mondes^ p. 45o, i5 sept. 1892). LK RELIEF ^>7 les monts d’Auvergne avec leurs dômes énormes et trapus^ — à l’est, on dirait que la terre manque soudain sous les pieds : l’horizon s’élargit immensément et s’étend jusqu’aux blancs sommets des Alpes, par dessus les monts de la Drôme, jusqu’au Pelvoux et à la Meije : au sud-ouest, le Ventoux, tas de pierres géant, semble fermer la vallée du Rhône, huître le Mézenc et cet horizon lointain, le Vivarais paraît surgir, comme d’un précipice. Nulle part comme à la cime du Mézenc on ne pénètre aussi nettement la différence essentielle qui sépare le Velay oriental et le Vivarais. Vers Fay-le-Froid, Tence, Montfaucon, jus- qu’au Pilât, nous distinguons comme un immense plateau, dont les ondulations s’élèvent lentement en approchant de sou bord oriental ; ce ne sont que des croupes arrondies, aux pentes très douces. Si nous tournons les yeux du côté du Vivarais, nous voyons soudain des vallées se creuser profondément, les versants devenir plus rapides, enfin, les sommets s’abaisser bientôt au voisinage du Rhône. Dans ce fouillis inextricable de chaînons, nous ne distinguons aucune ligne directrice ; c’est, comme l’écrivait le préfet Gaffarelli dans V Annuaire de V Ar- dèche de Van X (p. 4^)i âpre et le plus haché de la République. » C’est le Haut-A^ivarais. Pour séparer ce chaos de montagnes du Ras-Advarais, une chaîne d’une merveilleuse régularité part du Mézenc, et, se dirigeant vers l’E.S.E., pousse ses derniers contreforts jusqu’à Rochemaure, sur le Rhône : c’est la chaîne du Goiron. Quoique le Goiron soit volcanique comme le Mégal (à l’ouest du Mézenc) l’œil saisit bientôt la différence qui sépare ces deux chaînes au seul point de vue du relief (car je ne parle point ici de cet admirable soleil du Languedoc, qui fait du Vivarais comme une préface du Midi). La région du Mégal se montre, de haut du Mézenc, comme un vaste plateau déserl , oîi des forets de pins font comme d’énormes taches noires d’oîi émerL’enl soudain de O gigantesques dykes de phonolite. A cette région phonolit ique aux tons grisâtres, se rattache le Goiron avec ses basaltes d'un 38 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE noir rouge : aucun pic n’y vient brusquement rompre l’harmo- nie de la chaîne. Au sud du Mézenc, on aperçoit, comme au nord, un vaste plateau ondulé : c’est la région de Coucouron, de Saint-Paul- de-Tartas ; aucune vallée, aucune dépression ne la sépare des monts du Yelay. Mais tout autour du massif du Tanargue, séparé du Mézenc par la Loire naissante, des vallées divergent en tous sens, vallées profondes aux pentes abruptes. Par endroit, quelque croupe arrondie se montre comme dans le Haut-Vivarais, puis brusquement un cratère surgit, rougeâtre ou noir, brisant toute symétrie des lignes de relief. Les volcans et les sucs semblent ici jetés dans le meme désordre que les sommets du Haut-Yivarais. A l’est de ces hauts massifs, la montagne s’abaisse : il n’y a plus qu’une plaine blanche où des taillis de chênes verts font de grandes taches sombres. Des sillons abrupts la traversent, enserrant les torrents descendus de la montagne. En résumé, du haut du Mézenc, le Yivarais se présente ainsi à nos yeux : au nord, le Haut-Vivarais, fouillis de montagnes arrondies, adossé au rebord oriental du plateau granitique du A elay ; au sud, le Bas-Yivarais, comprenant les Gévennes, déchiquetées, hautes, abruptes, schisteuses ou volcaniques, et la vallée moyenne et basse de l’Ardèche où l’érosion accomplit son œuvre avec rapidité et violence : entre ces deux régions, le massif du Mézenc et la chaîne du Coiron. Nous allons maintenant descendre du Mézenc et parcourir chacune de ces trois régions, en étudier plus intimement la structure et chercher la raison d’être de cette structure. A. — HAUT-VIVARAIS L’intendant Ballainvilliers disait, au siècle dernier, en par- lant du Haut-Yivarais^ « ... La nature du sol n’est partout ^ Cité par Monin, La Province de Languedoc en 1789 (BuUet. de la Société Languedocienne de Géographie, t. IX, 1886). LE RELIEF 39 qu’une seule el même montagne sillonnée par une inlinilé de ruisseaux... » Nulle définition ne saurait être plus précise: c’est bien en elFet une seule et même montagne que les torrents de la Deume, de la Cance, du Doux et de l’Krieux ont fraction- née en plusieurs massil’s. Ces torrents ont creusé des vallées profondes, soit que l’érosion leur ait ouvert de force une voie qui ne s’olFrait pas naturellement à eux, soit que les formes tectoniques de la région aient facilité leur passage. Ils ont scié, pour ainsi dire, la contrée en chaînes, dont la disposition doit, par suite, s’expliquera la fois parles anciens plissements ou les fractures du sol, et par la violence de l’érosion. * ¥ ¥ Les hautes vallées de la Deume et de la Cance suivent la direction des anciens plis hercyniens S.O.-N.E. Entre elles s’élève le massif du mont Pyfara (i383“^). Ce massif est com- posé de gneiss granulitiques, dont la dureté égale à celle du granité, l’a protégé contre l’érosion et l’a maintenu ainsi à une altitude plus élevée. Des filons de roches éruptives anciennes, plus durs encore, se rencontrent vers les sommets les plus hauts. x\insi le Pyfara et le Grand-Felletin (idgo^^^) sont dus à deux filons de granulite. Partout les angles des rochers ont été émoussés par l’érosion : néanmoins, les versants sont rapides. La vallée de la Deume, qui se relie à celle de la Dunière, affluent de la Loire, par le seuil peu élevé du Tracol, sépare nettement le Vivarais du Pilât : aussi, est-ce bien à tort que des géographes rattachent le Pilai, massif orographique ayant ses caractères originaux, à la chaîne des Boutières. ★ » * Un second massif s’élève entre la haute vallée de la Cance et celle du Doux, qui coule dans une fracture X.O.- S. E. , perpen- diculaire aux anciens plissements, jusqu’à Lamastre. Il ren - GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 4o ferme les montagnes de la Roche-de-Vent et de la Louvesc (i2i3“) : un sommet, au-dessus de Saint-Julien- Vocance, atteint i328 mètres. Ce haut massif est sillonné par les vallées des affluents de gauche du Doux supérieur, et des affluents de droite de la Gance, et surtout par l’Ay. Ces vallées et en particulier celle de TAy, orientées du S. -O. au N.-E., rappellent tellement la direction des anciens plis hercyniens ou des anciennes fractures, que Ton ne peut sAmpêcher de croire qu’il y a là une preuve nouvelle de cet ancien ridement de la contrée^, ridement dont la preuve semble effacée pour le géologue, puisque les affleurements du granité et les érosions empêchent de suivre, comme vers le Pilât, les traces des syn- clinaux et des axes anticlinaux. — Les sommets sont arrondis quand les gneiss sont fortement injectés de granulite : mais si cette injection est faible, comme à la Roche-de-Yent, le gneiss se feuillette, se brise : aussi la Roche-de-Vent est-elle couverte d’éboulis de rochers aux angles tranchants : c’est ce qu’on appelle, dans le pays, des chirats. 'k Entre les hautes vallées du Doux et de l’Erieux, l’affleu- rement général des roches granitiques explique l’absence de plis anciens visibles, et surtout la diflîculté qu’a éprouvée Eérosion pour attaquer et creuser le bord du haut plateau de Devesset. Pour cette raison, les environs de Saint-Agrève paraissent continuer ce haut -plateau dans le Vivarais ; ils en présentent tous les caractères. * ^ H Il nous reste à examiner toute la région qui s’étend entre le Rhône et ces massifs élevés que nous venons de décrire. On ne peut ici distinguer de ligne directrice: l’érosion, plus active vers cette partie inférieure des cours d’eau obligés de modifier LE HELIEE souvent leur niveau de l)ase depuis l’époque tertiaire, a abaissé fortement les sommets des anciens anticlinaux disloqués et méconnaissables qui, d’ailleurs, meme à l’époque prirnaire, n^eurent jamais la meme hauteur que le grand anticlinal indi- qué par les filons granitiques et granulitiques de la chaîne des Boutières. Si l’on ajoute à cela que le gneiss y est beaucoup moins granitisé ou granulitisé qu’à l’ouest, on comprendra Vue prise à 3 kilom. en aval de Saint-Barthélemy-le-Plain. comment les sommets du Pyfara, de la Louvesc, s’abaissent très brusquement vers le Rhône, et comment à l’est de ces sommets on ne voit qu’un immense plateau ondulé, analogue aux bas-plateaux du Lyonnais b mais où les torrents de la Gance, du Doux et de l’Erieux, et de leurs aflluents, se sont creusé des vallées abruptes. * Il faut relenir, au point de vue du relief, les noms des villages de Saint- Barthélemy-le-Plain (et non pas : le Plein), le Plat, tes Plats, ete., situés entre Tournon et Lamastre. 42 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE Par endroits, des affleurements de granité permettent des croupes arrondies, mais ailleurs le gneiss s’est laissé découper presque suivant la verticale; des rochers, en partie détachés par l’érosion, hérissent ces pentes rapides, comme la fameuse roche Péréandre, près d’Annonay, au bord de la Gance. Au bord de cette région de plateaux déchiquetés, la mon- tagne de Crussol mérite une mention particulière. Largement Fig. 2. — Partie du sud de la montagne de Crussol. séparée du plateau par la vallée du Mialan, ancienne fracture où passait jadis un bras du Rhône pliocène, la montagne de Crussol et de Soyons est formée de calcaires de l’époque se- condaire ; aussi Térosion lui a donné un relief bien différent de ce que nous avons vu jusqu’à présent. Ses flancs sont abrupts, ravinés ; le pied de la montagne est couvert d’amas d’éboulis. Les strates de sédimentation sont en saillie ou en retrait sur les versants, suivant leur plus ou moins grande dureté ; enfin les roches du sommet ont cet aspect ruiniforme si développé dans certaines parties du Bas-Vivarais (cf. fig. 2). LE RELIEF 43 De même, la région de Vernoux se distingue par une dépression notable. Les ondulations de terrain ont des formes très adoucies, des versants peu inclinés; c’est le relief triasique et basique que nous retrouverons vers Largentière et les Vans. B. — MÊZKNC-GOIRÜN Au sud de l’Erieux, nous entrons dans une région de transi- tion qui n’est ni le Haut ni le Bas-Vivarais ; c’est la chaîne du Coiron, unie intimement au massif du Mézenc. Cette région est bornée au nord par l’Erieux\ au sud par la dépression d’Aubignas-Saint-Jean-le-Gentenier, puis par l’Ardèche, d’Au- benas à Nieigles, enfin par la vallée de la Fontollière. bdle se subdivise en deux parties distinctes : 1° du Mézenc au col de l’Escrinet ; 2® de l’Escrinet au Rhône. Le massif du Mézenc est composé de roches granitiques ou granitoïdes, et présenterait de grandes analogies avec le Ilaut- Yivarais, si les volcans n’en avaient singulièrement rajeuni le relief. Il faut y distinguer le relief basaltique et le relief phono- litique. La région phonolitique sert de trait d’union entre le Velay et le Vivarais. Son plus haut sommet est le Mé- zenc (1754"’] ; c’est une montagne lugubre, aux flancs dépouillés, aux rochers d’aspect sinistre. « La crête, vue de profil, rappelle un peu la selle d’un cavalier : on y voit d’abord, à l’ouest, un pic de lySd mètres de hauteur formant le pom- meau de la selle, puis une dépression du sol qui se relève, à l’est, en une croupe presque aussi haute que l’autre sommet -.)) Sauf au sud, où le Mézenc est accessible, des précipices en- ^ Déjà sous l’ancien Régime, au point de vue adminislralif, l’Erieux était la limite sud du Ilaut-Vivarais. Cf. II. Monin, La Province du Languedoc en 1789 (Bull, de la Société Languedocienne de Géogr., t. IX, 2^ ti'imestre, p. 210, i886). - l)‘‘ Bailly, Les Vacances d'un accoucheur : (rois semaines d'excursions dans le Velag et le Vivarais en 1SS0, pp 22 et 2;!, Paris, Hennuyer, pp. i36. 1881. Cet ouvrage a été tiré à 100 exemplaires et distribué aux amis de l'auteur. 44 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE tourent la montagne, et la raideur des pentes défie toute esca- lade. La région phonolitique s’étend un peu à l’est du Mézenc: c’est une série de Sucs ou pics dénudés : Suc de Touron, Suc de la Veine .(i25o“), Rocher des Pradoux (i44o“)i Suc de laLauzière (i53o™j, Suc deSéponet, Suc de Montfol (i6oi m. ), enfin le Suc de Montivernoux, qui domine La champ-Raphaël. Parmi ces pics phonolitiques, le Suc de Sara et le Gerbier de Jonc (i55i'") méritent une mention particulière. Le Suc de Sara, entre Saint-Martial et Borée, sur le versant des Routières, est une large pyramide triangulaire dont les faces et les arêtes, vues de loin, semblent d’une régularité géométrique si parfaite qu’on les croirait faites de mains d’homme. Gomme les autres pics phonolitiques, ce suc est d’un blanc gris ; on dirait un monceau colossal de sable blanc. Le Gerbier de Jonc est peut-être plus curieux encore. Cette masse de phonolite s’élève brusquement de 4^0 mètres au- dessus du plateau environnant ; elle est entièrement dénudée, et de loin on distingue le roc blanc sillonné de cannelures qui convergent toutes vers le sommet du pic. (( Le Gerbier de Jonc n’est pas un cône régulier : il est comprimé et comme aplati de l’est à l’ouest, d’où il suit que, vu des côtés nord ou sud, il semble étroit et produit peu d’effet : si au contraire on l’aborde de l’ouest, on lui trouve un relief et une ampleur considérables L » On ne peut monter au Gerbier que par le S.-E. ; de tout autre côté le pic est inacces- sible. Au sommet on trouve un plateau étroit de 2Ô à 3o mètres carrés, présentant une légère dépression en son centre. Il y a encore dans la région phonolitique quelques sommets volcaniques, mais de nature basaltique, ce qui leur donne un relief différent. Tel est le Suc de l’Areilladon (i45P'), formé de basalte des plateaux. Les volcans récents du Ray-Pic, du Pic de l’Etoile et d’Ayzac sont plus intéressants encore. I D*" Bailly, opt cit,^ p. 29. LE RELIEF 45 La Gravenne du Ray-Pic, près de I.achamp-lîaphaël, a déversé sa lave dans le vallon de la rivière de Burzel : la coulée, coupée aujourd’hui en tronçons par l’érosion, suit cette vallée jusqu’à son confluent avec la Fontollière, où elle s’unit à la coulée descendue de la Gravenne de Montpezat. Le Pic de l’Etoile (io63"') se dresse au nord de Labas- tide de Juvinas; de ce cratère, de i5oo mètres de tour, s’est échappée une coulée qui s’est étendue sur le plateau de Labastide, et de là dans la vallée de la Besorgues. Le volcan d’Ayzac est d’une régularité si parfaite qu’on a comparé son cratère à une coupe. La Coupe d’Ayzac s’élève à 807 mètres d’altitude, et de 35o mètres au-dessus du ravin voisin ; le cône a 600 mètres de diamètre au sommet, et plus d’un kilomètre à la base. Le cratère a près de 100 mètres de profondeur : il est formé d’une masse énorme de cendres rou- geâtres, de lapilli, de scories et de bombes volcaniques. Si l’on en juge par le peu d’altération des matières qui le recouvrent, et par l’absence complète de végétation, on est en droit de dire que la Coupe d’Ayzac est le plus jeune des volcans de France. De ce cratère si récent se sont échappées les coulées de lave qui encombrent la curieuse vallée de la Volane. Malgré l’importance des pics phonolitiques et des cratères plus récents, du Mézenc au col de l’Escrinet, le relief est formé pour la plus grande part de granité et de gneiss granitoïde très dur. De là, des pitons granitiques fort nombreux; mais les vallées sont profondément encaissées, en raison de l’inten- sité de l’érosion, les torrents devant descendre en quelques kilomètres une hauteur de 1000 mètres. Aussi la crête de la chaîne principale est-elle attaquée par les affluents de droite de l’Erieux, la Saliouse, la Borne, etc., et par les affluents de gauche de la haute Ardèche, le Burzet, la Besorgues, la Volane : néanmoins ce n’est guère qu’à partir de Mézilbac que la chaîne se rétrécit sensiblement. Entre ces torrents, les chaînons granitiques sont étroits et ravinés par les eaux sau- vages : aussi les sommets y sont-ils le plus souvent aigus et GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 46 dénudés. Ce relief déchiqueté se continue jusqu’à la Roche de Gourdon, dôme de basalte, où se termine le massif du Mézeuc. -f -f Le Goiron proprement dit commence au col de l'Escrinet. De là le Goiron suit une direction exactement rectiligne (N. 48*^0.) jusqu’à Rochemaure. La crête de la chaîne, que nous avons vue si étroite depuis Mézilhac, s’élargit brusquement en un vaste plateau qui se prolonge en pente douce et régulière sur une longueur de 17 kilomètres. A la hauteur du village de Mirabel, le plateau a une largeur maximum de i3 kilomètres, au delà de ce point il se rétrécit peu à peu jusqu’à son extrémité orientale, où se trouve le pic de Chenavari Ainsi, dans son ensemble, il a la forme d’un losange irrégulier, dont le grand axe se trouverait dans la direction générale de la chaîne elle- même. Vers l’Escrinet, il est à 1017 mètres d’altitude; au- dessus de Rochemaure, il est encore à 708 mètres, dominant de beaucoup la vallée du Rhône, qui est en ce point à 75 mètres. Le plateau du Goirou est formé par une prodigieuse coulée de laves, sorties de cratères aujourd’hui disparus. Le géologue italien Marzari-Pencati écrit à ce sujet : « Le plateau du Goiron n’est pas absolument plat^ comme le sont les autres plateaux volcaniques. R est plein d’excavations nombreuses, très larges mais non profondes; il y en aune, entre autres, près du village de Freyssenet, qui a la forme d’un large entonnoir et que Faujas (de Saint-Fond) considère comme un cratère comblé. En réalité, la terre végétale, les herbes et les pierres meubles recouvrent ce lieu à tel point que cela ne peut donner lieu qu’à des conjectures hasardéesL » Le relief du Goiron est uniquement dû à des effets d’érosion ^ Marzari-Pencati, Corsa, pel bacino del Rodano, p. 76. « Mà per verità la terra vegetale, l’erba, e le pietre mobili cuoprono questo sito talmente, che esso non puô servire, che a delle congetture azzardate. » LE UE LIEE ^l qui ont respecté le sol recouvert j>ar les coulées basaltiques ; e( encore cette couverture élait autrel’ois beaucoup plus lar^e qu^aujourd’luii, coinnie le prouvent les observations géolo- giques. (( Les pentes calcaires, tout aulour du sommet, sont semées et recouvertes parfois d’énormes masses de basalte ayant jusqiLà looii 1 2 nicti*es de diamètre, que l’action lente des élémenls a détachées du soinmel L » Les cours d’eau, les eaux sauvages ont peu à peu rongé le calcaire dur ou les marnes sous le basalte, qui a du, par fragmeids, descendre dans les vallées. Ainsi le plateau ctla chaîne tout entière se sontdécoupés au nord et au sud, avec régularité, comme une feuille d’arbre lobée. Ces contreforts, qui s’étendent au N.-E. et au S. du plateau, et dont le pédoncule pour ainsi dire est seul protégé par le basalte, s’abaissent rapidement en s’éloignant de la chaîne. Ils sont abrupts, tant l’érosion ici a été facile, et encaissent des vallées profondes. Néanmoins leur relief diffère suivant la nature des nombreux terrains qui les composent. Du col de EEscrinet se détache au N.-E., entre l’Ouvéze et l’Erieux, un contrefort formé d’abord de trias, puis de mica- schistes. Jusqu’au col de la Croix de la Vialette, vers Lyas, les eaux du Boyon, du Mezayon et du Charalon ont aisément attaqué les grès triasiques; les sommets se sont abaissés, les profds se sont adoucis. Mais aussitôt après le col, le relief se modifie. La crête du chaînon, jusque-là indécise, s’élève brus- quement d’une centaine de mètres et se poursuit nettement jus- qu’au Rhône, étroite, hérissée de schistes; elle atfecle alors cette allure dentelée qui lui a mérité le nom de Serre (cf. Sainl- Cierge-la-Serre). Le chaînon enlre l’Ouvéze el le Pavre esl loul en lier dans le jurassique supérieur. Aussi, malgré les noms de Serre Sonnef, de Serre Berger^ nous n’y Irouverons [>as un relief semblable au précédenl. Les lorrenls oui vérilablemenl scié les eouehes de ^ Cf. Marzari-Pencali, op. cif.^ p. tjo. GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 48 terrain, et ils Font fait avec une telle puissance que les versants sont presque à pic, ou le plus souvent en échelons : d’où le nom de Gras^ qui est appliqué à ces montagnes généralement désolées et stériles. Parfois même le torrent érode les couches les moins dures, surtout les marnes, de telle sorte que les calcaires plus résistants dominent les eaux en surplomb. Au delà du Payre jusqu’au Rhône dominent les terrains Fig’. 3.. — Vogué ei les Gras du Bas-Vivaraîs . néocomiens. Cette région doit son relief actuel surtout aux dislocations tertiaires : aussi n’y a-t-il plus ici de contrefort régulier, directement rattaché au Coiron. Le relief est frag- menté, comme dans les terrains triasiques, mais les pentes ne sont pas adoucies; elles sont même aussi abruptes que dans les Gras. Des lambeaux de basalte, isolés de la chaîne du Coiron, contribuent encore à accentuer le caractère morcelé de ce relief ; demeurés à leur altitude première, grâce à leur dureté, ils ont * Gradus, marche d’escalier (bas-latin). LK HKLlKr /[() protégé les terrains sous-jacents. Telle est la montagne d’Aii- dance. Au sud du Coiron, les conlreforts surbaissés cpii descendeni du col de l’Escrinet, et que longe la route d’Aubenas à Pj’ivas, appartiennent au Trias et au Lias. Les eaux descendeni rapi- dement vers TArdèche ; mais il s’est iormé, grâce à la nalure des grès triasiques, une série de petites vallées entre Sainl- Elienne-de-Boulogne et Vesseaux. A l’est de Vesseaux et de Saint-Privat , on entre dans le juras- sique oxfordien jusqu’à Saint-Laurenl-sous-Coiron. J^e contre- fort compris entre ces deux points a exactement les mêmes caractères que le chaînon entre l’Ouvèze et le Payre : versants abrupts, sommets dentelés, érosions des marnes oxfordiennes qui amènent des talus de déjections au bas des pentes. De Saint-Laurent-sous-Coiron jusqu’au Teil, nous retrou- vons le terrain néocomien; mais le relief n’est plus fragmenté comme autour de Saint- Vincent-de-Barrès ; des contreforts d’une remarquable régularité descendent du nord au sud. Les basaltes en effet accompagnent et protègent une partie de ces contreforts et à leur extrémité dominent à pic les pentes cal- caires. C. — BAS-VIVARAIS Au sud de cette chaîne régulière, Mézenc-Coiron, s'étend le Bas-Vivarais. Il comprend deux parties distinctes : la Mon- tagne ou les Cévennes^, c’est-à-dire le grand massif du Tanar- 1 II est inconcevable de voir des géographes français répéter l'errenr des géographes anciens en donnant le nom de « Cévennes » à la prétendue chaine qui s’étend de la dépression de Naurouze aux monts Faucilles Plus aisément que l'historien qui doit criticjuer des sources lointaines et le témoignage de contemporains des faits passés (|u'il raconte, celui ([ui étudie la Ciéographie de la France peut contrôler les données des géograplies (pii Font ju'ecéde en voyant tout par lui-même. Or, le terme de « Cevennes » au sud du Mezeiu' n’est pas un terme conventionnel apjiris par l'instituteur du village : il est traditionnellement employé par le paysan. Celui cpii de \allon se rend a Monl- [)czat ou à Valgorge dit qu'il va « en Cévennes ». Cmv. un Lvox. — HouimiN. ^ 5o GÉOGRAPHIE PHYSIQUE gue ; 2° le Bas -Vivarais proprement dit, ou les vallées moyennes et inférieures de l’Ardèche et de ses affluents h La Montagne se relie au massif granitique et volcanique du Mézenc par les volcans du Suc de Bauzon et de la Veslide du Pal. Le Suc de Bauzon (1476^“) a son sommet, dénudé du côté du Vivarais, rouge comme celui de la coupe d’Ayzac. Ses laves se sont écoulées au N. -O. et ont rempli la vallée de la Loire jusqu’au village delà Palisse. Du haut du Suc de Bauzon, on distingue à l’est et à l’ouest deux mondes différents. Aux pentes rapides et décharnées du Vivarais, on voit du côté de la Loire succéder des pentes douces et des croupes arrondies. Le Suc du Pal est un beau cratère, de forme classique : mais, éteint depuis plus longtemps que le cratère d’Ayzac, la végétation s'en est emparée. On y pénètre par une échancrure d’une vingtaine de mètres, qui donne passage à la Fontollière naissante. On arrive ensuite dans un vaste cirque de i5oo à 1600 mètres de dia- mètre, aux parois abruptes. Trois cônes de scories s’élèvent sur le fond uni et couvert de végétation : l’un d’eux est presque effacé, mais les deux autres, de 40 à 5o mètres de hauteur, sont encore d’un dessin fort net. Dans les Gévennes vivaraises, on distingue quatre formes particulières de relief : i*^ un relief volcanique; 2® carbonifère; 3® de gneiss et micaschistes; 4^ triasique et basique. ■k P Relief volcanique. — Les volcans sont peu nombreux : nous venons d’en citer deux fort importants. Non loin d’eux se trouvent encore la Gravenne de Montpezat, le volcan de Thueyts, le Soulhiol et la coupe de Jaujac. La Gravenne de Montpezat, couverte de lapilli, de pierres ponces et de scories, est peu à peu gagnée par la végétation qui 1 A Burzet, le pont était regardé comme séparant la Montagne et le Viva- rais. Cf. D'- Francus, Voyage à travers V Ardèche et la Haute -Loire, vol., P- désormais la protégera conlre les agents atmosphériques. La Graveiine domine la vallée de la Fontollière que jadis elle rem- plit de ses coulées de laves: la rivière a meme du se ci’euser travers ces laves durcies un canon abrupt et ressei’ré. Le volcan de Thueyls nhi guère été respecté par Lérosion. mais ses coulées de laves restent parmi les plus belles de la France. Le Pavé des Géants ou Hocher du Iloi est assurément Fig. 4> — La « Coupe )> d'Ayzac. la plus grandiose des chaussées basaltiques du ^"ivarais. Sa hauteur atteint en certains endroits 8o mètres et les prismes qui la composent ont une étonnante régularité. Le basalte suit la pente du granité sur lequel il repose et descend jusqu’àc3 qu’il ait trouvé un niveau horizontal : il se développe en prismes gigantesques le long de la rive gauche de l’Ardèche. Le Soiilhiol, cône rouoeàtre au-dessus de Nevrac, est curieux par un solfatare qui se trouve à sa base. De trois mofettes, de trois à quatre pieds de profondeur, sortent quelques émanation^ d’acide carbonique capables d’asphyxier des chiens ou des poules. 52 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE Les coulées de ces trois volcans se joignent à celles du Ray- Pic dans la vallée de l’Ardèche. Ces coulées réunies sont, à leur tour, recouvertes par les laves de la Coupe de Jaujac. Ce volcan, envahi par les bois, « ressemble à une taupinière éva- sée au centre ». La réunion de toutes ces coulées a donné nais- sance, vers Pont-de-la-Beaume, à un remarquable Piivé des Géants. En somme, les volcans du Bas-Vivarais sont alignés de Jau- jac à la Loire, donnant à cette région un cachet d’une grande originalité, mais occupent une zone très restreinte. Les volcans ou les coulées basaltiques, que l’on voit en assez grand nombre autour de Lavillate, de Lanarce, de Pradelleset de Coucouron, n’appartiennent plus auVivarais, mais aux monts du Velav. 2^ Relief carbonifère. — Le petit bassin bouiller de Prades- Jaujac a un relief qui lui est propre. Entourée par des montagnes abruptes, aux profils anguleux, cette petite région se distingue par ses formes abaissées et arrondies. ★ -V- -¥■ 3^ Relief gneissique et schisteux. — Ce relief est celui de la plus grande partie des Cévennes vivaraises. Le centre de ce massif est le bois du Tanargue, à i5i9 mètres. De là, plusieurs chaînes semblent rayonner vers Saint-Laurent, Neyrac,Thueyts, Montpezat, Largentière, etc. B n’en est rien en réalité. D’é- normes fractures, parallèles à la grande faille du mont Lozère, ont brisé le massif du Tanargue. L’érosion a agrandi ces frac- tures, et, la violence des eaux ayant été plus grande à Test en raison de la proximité du Rhône, niveau de base des torrents du Vivarais, la partie orientale a été creusée profondément. Des vallées escarpées en sont résultées : ce sont celles de la Fontollière, de EArdèche supérieure, du Lignon, de la Beaume LE RELIEF 53 supérieure, de la Drobie et enfin du Chassezac supérieur. Les afHuents de ces rivières, descendant avec une excessive rapi- dité, ont creusé puissamment les pentes; les crêtes se sont rétrécies de plus en plus et les gneiss et les micaschistes^ au lieu de se décomposer superficiellement comme les graniles, se sont feuilletés et brisés. De là l’alhire déchiquetée des monta- gnes ; de là aussi ces éboulis de rochers, analogues à ceux de P^ig'. 5. — Créie schisteuse dans la vallée supérieure de la Beaume. la Roche de Vent, mais qui portent ici le nom de Chei/res ou de G rave y ras. Telle est la chaîne qui, depuis la forêt de Bauzon, sépare r Ardèche du Lignon etoiiTon rencontre, au-dessus de Mayres, le rocher d’Abraham à i5oi mètres de hauleiir. Il en serait de même dans la chaîne qui sépare le Lignon de la haute vallée de la Beaume; mais le gneiss étant ici très forte- ment injecté de granité, les torrents n’ont pas pu éroder autant les sommets. De la sorte, l’arête rocheuse, qui, de la vallée, semble être la crête dentelée de la montagne, n est qu une 54 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE falaise abrupte derrière laquelle s’étend un vaste plateau ondulé de 3 kilomètres de large. Ce plateau, c’est le Grand et le Petit Tanargue ; il se continue à l’est par la Champ du Gros ( 1209“*), qui présente des caractères analogues. Le type des chaînes étroites et déchiquetées se retrouve dans la Serre de Valgorge, entre la Beaume et la Drohie. Au delà de ces chaînons caractéristiques s’étend, à kouest, le haut plateau, qui est géographiquement étranger au Vivarais. Ce plateau se maintient à une altitude moyenne de 1 100 mètres ; les chaînes escarpées du Vivarais s’y prolongent visiblement, toujours parallèlement à la faille du mont Lozère. Par le col de la Chavade, on passe aisément de la vallée de l’Ardèche dans celle de l’Espezonnette ; même communication existe entre le Lignon et le Masméjean par les bois du Tanargue et du Bez. Grâce à l’éloignement de l’Océan, l’érosion a respecté ce plateau et les vallées y sont bien moins abruptes que dans le ATvarais, quoique les gneiss se prêtent mal aux formes arrondies. \ers Goucouron et Pradelles, toute trace de chaîne a disparu ; à peine voit-on quelques ondulations ; c’est déjà le Yelay avec son relief propre, son climat, ses cultures, ses mœurs. 4^ Relief triasique et liasique. — Le relief triasique déjà observé dans le Goiron se distingue nettement des précédents. On le trouve dans la bande étroite qui va d’Aubenas aux Vans par Largentière, Joyeuse et Payzac L A côté du système des grandes vallées étroites que nous venons d’étudier, on rencontre sans transition un dédale de montagnes, brusquement abaissées, où les vallées principales vont sans doute au S.-S.-E., suivant ^ Ce relief triasique passe, par une série de transitions, au relief bien diffé- rent du trias des causses du Gévaudan. Des lambeaux triasiques jalonnent remplacement de l’ancien détroit de Villefort, près du col actuel de Ville- fort. Cf. G. Fabre, Excursion à la plaine de Montbel (B. S. G. F., p. 641, 1898). LK H KL I KF la pente générale du glissement des couches, mais oii les vallées secondaires creusées aussi prolbndément semblent n’ohéir à aucune ligne directrice. Les pentes des versants sont raj)ides mais non abruptes. Les grès triasicpies se sont laissé ari'ondir comme les roches graniticpies. Bas- Viva/'ais proprement dit. — A l’est de ces terrains est une légère dépression qui va d’Aubenas aux Vans. Ancienne ligne de fracture entre le Lias et le Jurassique ox- fordien, fracture agrandie par les érosions, cette dépression est en quelque sorte la limite naturelle entre les Cévennes et le Bas Vivarais. Ici nous entrons dans un monde nouveau, comme le dit JVL de Vogué : « La Provence, avec tout ce qu’elle a d’ex- trême et de capiteux dans sa chaude nudité, commence brus- quement au point où l’Ardèche s’échappe des gorges montueuses et s’épand au large dans la plaine d’Aiibenash » Le Bas-Viva- rais comprend, au point de vue du relief, trois régions dis- tinctes : i® les Gras et la vallée moyenne de l’Ardèche ; 2” la montagne de Berg * 3° la rive du Rhône. Les Gras du Bas-Vivarais sont semblables à ceux que nous avons déjà vus entre Lavoulte etChomérac. Ce sont d’immenses plateaux de calcaire jurassique où les ruisseaux sont rares, si ‘ bien que l’on y trouve seulement les grands torrents de l’Ar- dèche, de la Ligne, de la Beaume et du Chassezac. Ces torrents, après avoir coulé, sans doute au début du tertiaire, sur le pla- teau, en décrivant de nombreux méandres, ont creusé leur lit dans les couches jurassiques tout en conservant leur lit sinueux à mesure que l’Ardèche régularisait et approfondissait son propre lit. Au moment des pluies d’automne, les eaux sauvages viennent temporairement accomplir leur œuvre d’érosion sur ^ De Vogué, Notes sur le Bas-Vivarais (Revue des Deux-Mondes, p. septembre 189a). 56 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE le plateau même, où l’on rencontre partout des vallées minus- cules et des cirques nains. Les calcaires durs, minés par les eaux torrentielles, fracturés par les changements de tempé- rature, se brisent et tombent au pied des versants, laissant derrière eux des falaises abruptes. Ce qui est plus curieux encore dans ces Gras vivarais, ce sont les rocs ruiniformes. Les agents atmosphériques ont per- foré et curieusement travaillé des calcaires fissurés, qui ont pris les formes les plus étranges ; ici des grottes, là des ponts natu- rels, ici des forteresses munies de bastions, là des temples hin- dous. De Vogué aux Vans, on retrouve partout ces mêmes rochers hérissés au milieu d’une végétation rabougrie ; mais nulle part ces formations si curieuses ne prennent autant de développement que dans le célèbre bois de Païolive, sur les bords du Ghassezac et non loin des Vans. La vallée de l’Ardèche, d’Aubenas à W allon, a été ouverte dans une fracture N. N. E. -S. S. O., parallèle à la fracture Aubenas-Joyeuse. Le relief en est semblable à celui des Gras^ mais l’érosion a été ici plus puissante, grâce à une masse d’eau plus considérable: de là des sommets surbaissés, des pentes plus adoucies qu’à l’ouest, de là des plaines assez étendues (plaine d’Aubenas, confluent du Ghassezac, etc.) que viennent interrompre quelques défilés. ★ ' La montagne de Berg est un massif énorme qui s’étend pa- rallèlement au Rhône et à la vallée moyenne de l’Ardèche, du Goiron au canon de l’Ardèche. Gomposée de terrains infracré- tacés, cette région est parmi les plus fissurées du Yivarais. Par- tout des avens ^ des grottes profondes comme celles de Saint- Marcel ou de Vallon ; le sol résonne sous les pas du voyageur. Des vallées sans eau descendent des sommets, dominées par des falaises à pic; au-dessus de ces falaises ce sont d’immenses plateaux ondulés, où les roches se délitent en feuillets minces et LK H ELI K F ^7 se brisent sous les pas. Sur ce plateau, se dessine une chaîne peu élevée qui domine, d’une part la vallée de Tlbie, et de l’autre la dépression occupée par Sainl-Uemèze, Gras, \'alvi- gnères et Aps. Les sommets les plus hauts sont: la Dent-de- Uez, ou de Resso (dent de Scie) à 720 mètres, et, au-dessus de Villeneuve-de-Berg, le Signal de la Croix-Julian, à 555 mè- tres, qui fait face aux contreforts du Coiron, et qui en réalité les continue, comme le prouvent les lambeaux de basalte de Villeneuve-de-Berg et d’Aps. * La côte du Rhône, du Teilà Bourg-Saint- Andéol, composée de crétacé supérieur et de tertiaire, a un relief bien différent de celui de la montagne de Berg. Au milieu des cailloutis ter- tiaires, les torrents descendus des points élevés du plateau se sont creusé sans peine un passage ; les formes se sont adoucies, et l’observateur qui, de Pierrelatte ou de Donzère, contemple cette rive droite du fleuve, ne peut soupçonner le désert qui se cache derrière ces collines. ★ Tel est le relief si varié du Vivarais que nous avions entrevu du Mézenc. Malgré toutes les différences que nous pouvons y saisir entre le nord et le sud, un caractèTe commun donne à cette région une unité harmonieuse. Ce caractère, c’est V abrupt . c’est le ravin. Par là, le Vivarais forme une véritable région naturelle, nettement distincte de celles qui l’environnent. CHAPITRE IV LE CLIMAT Connaître scientifiquement le climat d’une région, c’est con- naître tout à la fois les données moyennes, les maxima et les minima de la température, de la pression barométrique, des précipitations d’eau, des vents, etc. Le climat d’une région est donc un tout éminemment complexe, et sa connaissance pré- cise ne peut être que le résultat de longues observations, faites pendant de nombreuses années, en plusieurs points de cette région. Il résulte de ceci que le climat du VHvarais est très imparfai- tement connu, car les observations y sont rares, et surtout elles sont incomplètes, les unes ayant rapport aux hauteurs de pluie, d’autres à la température, etc. Voici, d’ailleurs, le tableau des observations météorologiques faites dans le V ivarais ^ : De 1778 à i83o, Flaugergues fait des observations à Viviers ; 2.^ De 1807 à i83o, Tardy de la Brossy, à Joyeuse; 3® De i836 à 1859, Et. de Ganson, à Vidalon-lez- Annonay ; 4^ De 1843 à 1849, Fraysse, à Privas ; Ces observations étaient relatives à la hauteur des pluies et neiges, à la pression barométrique et à la température. Mais i Cf. V. Raulin, Mémoire sur les observations pluviométriques faites dans le centre de la France (Plateau Central et Languedoc) de 1765 à iSyo (Atlas MétéoroC de l'Observat. de Paris, partie D, p. 18, 1869-71). LE CLIMAT 59 pour ces deux derniers points, elles n’ont été faites que deux ou trois fois par jour, de sorte qu’il n’y a ni minimum, ni maxi- mum scientifiquement exact. D’autres, concernant uniquement les hauteurs de pluies ont été faites par : ‘ MM. Crapanne, au Pilât (i4oo“^), de 1860 à 1870. les Instituteurs, à Annonay (332^^*), de i858 à i863. de Gerphagnon, à Tournon (116^^^), de i858 à 1870. d’Entrersangle, à Saint-Bonnet-le-Froid(i 160^^), de i858 à 1 863. Paillet, à Saint-Agrève ( 1 1 20“), de i858 ài863. Bertrand, à Lamastre (386"'), de 1859 a 1864. les professeurs du collège d’Aubenas (3oo^^^), de i853 à 1870. Augeras, à Montpezat (675^^^^, de i858 à 1870. Stanislas, à Notre-Dame-des-Neiges(i 1 18^“), de 1870 à 1878. Vaschalde, à Vais (247“^), de 1867 à 1878. Depuis 1873, des observations pluviométriques se sont faites à Notre-Dame-des-Neiges jusqu’en 1888, et se font toujours régulièrement à Montpezat, à Villefort et au barrage de Ternay. Des observations complètes se font à l’Ecole Normale de Privas, mais d’une façon très irrégulière et très défectueuse. Enfin, M. Vaschalde, à Vais, poursuit la série de ses observations consciencieuses; celles relatives aux hauteurs de pluies sont seules publiées par V Annuaire Météorologique de la France: néanmoins j’ai pu obtenir, au Bureau Central Météorologique à Paris, communication de ses observations complètes. En somme, à part quelques exceptions, ces observations faites dans l’intérieur du Vivarais sont complètement insuffi- santes. J’ai cherché à combler partiellement cette lacune en y joignant celles faites à Valence, au Puy et surtout à Izieux 6o GÉOGRAPHIE PHYSIQUE (Loire) et à Lyon^ ainsi que les observations pluviométriques de: Langogne, dans le bassin de TAllier; le Bleymard et Mende, dans celui du Lot ; Tence et Yssingeaux, dans celui de la Loire ; le mont Pilât, Bessèges, Barjac et Bollène, dans celui du Rhône, et j’ai essayé de constituer un tableau du cli- mat du Yivarais aussi précis qu’il m’était possible de le faire avec des données aussi imparfaites. ★ Le climat absolu du Yivarais, c’est-à-dire celui qu’il doit avoir théoriquement de par sa seule latitude est profondé- ment modifié par la nature du sol, par le relief, et surtout par ce fait que le Yivarais est situé dans la vallée du Rhône, vaste couloir N. -S., reliant les froides régions de la Suisse et des Yosges aux rivages chauds et humides de la Méditerranée ; et sur le rebord oriental du Massif Central. C’est en tenant compte de ces conditions très diverses que nous étudierons successivement la température, la pression atmosphérique, les vents et le régime des pluies. ★ ♦ ^ A Lyon, les observations de M. André, à l’observatoire du Parc de la Tête d’Or, ont donné les résultats consignés au tableau ci-contre^. La moyenne delà température, à Lyon, pour toute l’année, est de io®5. Le long de la vallée du Rhône, en descendant le cours du fleuve, cette moyenne s’accroît régulièrement. Le tableau ci-après donne le résultat des observations faites à Yiviers, par Flaugergues. A Privas, la moyenne annuelle est de i i®5i, plus élevée qu’à 1 Le Yivarais est situé entre 45°2o' et 44® i6' de latitude Nord. ^ Ch. André, Données numériques sur le climat de Lyon (46^ Congrès des Sociétés de Géographie, tenu à Lyon en 4 89 A). LE CLIMAT 6i Température observée à Lyon de 1878 à 1894. MOYENNE MAXIM A MINIMA Décembre H- 103 -h 5°3 — i°3 Janvier 0,7 3,9 2,5 Février 4,1 8,8 + 0,3 Mars 7,0 i3,o 1,8 Avril. 10,3 16,1 5,3 Mai 14,0 20,4 8,1 Juin 17.5 24,2 11,5 Juillet 20,0 26,9 i3,7 Août. . [9,3 26 , 3 i3 , i Septembre i5,7 22 , 1 00 0 Octobre 9>7 14,7 5,7 Novembre 6,0 9»8 2,6 Hiver + 2,2 H- G , 0 — 1,2 Printemps 10,4 16,5 + 5 , 1 Été 20,8 12,8 Automne 10,5 i5 , 5 6,4 Année + 10,5 + 1 6 , ü + 5,6 Observations de Flaugergues à Viviers. MOYENNE MAXIMA MlNlMA Décembre + 7043 + 9°27 H- 5°67 Janvier 2,72 4,60 0 ,82 Février 5,60 8,22 2,95 Mars. ....... 8,02 11,25 4,77 Avril 1 2 , 18 16 , 3o 8,o3 Mai i5,97 20,57 11,53 Juin 17,83 23 , 20 14,17 Juillet 2 2,35 27,20 *7*47 Août. . . .... 2 I , 5o 26 , 40 16,62 Septembre . . . . 18,62 22,60 14,68 Octobre 13,62 16,40 10,88 Novembre 8 , 25 10,27 6 ,22 Année 4- i3,2I 4- 16,86 9 ? 73 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 62 Lyon et moins qu’à Viviers. J’ai calculé les moyennes men- suelles suivantes, d’après les résultats de vingt années : Décembre. -f- 2,3 Janvier, Février. -h 4,0 Mars, 8,5 Avril. 10,0 Mai. 1 3,5 Juin. 17,5 Juillet. 21.0 Août. 22,4 Septembre. Octobre. I 2,5 Novembre, 7A La proximité des montagnes du Coiron et des Boutières, couvertes de neige pendant l’hiver, amène souvent à Privas d’assez brusques variations de température. C’est en général à latin décembre ou au commencement de janvier que se pro- duisent les minima absolus, et à la fin de juillet ou au com- mencement d’août, les maxima absolus. A Vais les observations sont faites au moven d'un thermo- mètre à minima Rutherford, et d'un Ibermomètre à maxima de Negretli et Zambra. La moyenne annuelle y est de i2®3o: la moyenne de janvier est: -f- 2^76, et celle de juillet, -f- 22"^. A^als a donc une température plus égale que celle de Privas : ses minima et maxima moyens y sont moins élevés. En effet, à Vais, le vent dominant est le S. -O., tandis qu’à Privas, c'esl celui du Nord: tandis que le nombre des jours de gelée à Privas est environ de 4^, il n’est à A als que de 16 ou 17. En comparant à ces quelques données scientifiques les renseignements obtenus dans le pays^ je crois pouvoir émettre les hypothèses suivantes: i® la température moyenne est à Annonay, à Saint-Vallier, sensiblement la même qu’à Lyon; 2" Vernoux, Saint-Péray, Chomérac présentent des chiffres analogues à ceux de Privas ; 3® Aubenas, Labégude, Largen- tière... à ceux de A' als ; 4® A^illeneuve-de-Berg, Bourg-Saint- Andéol... à ceux de A^iviers; 5° la température des Vans, de Joyeuse, de Vallon, offre une moyenne un peu plus élevée que celle de Viviers, mais qui n’atteint pas toutefois celle de Nîmes. La raison en est que, dans la vallée du Rhône , le mistral rafraîchit la température d’une façon très sensible, amenant souvent au printemps des gelées tardives. LE CLIMAT 63 Les moyennes annuelles que nous venons de voir décrois- sent rapidement;, dès qu’on s’élève sur les Boutières, sur le Mézenc ou leTanargue: c’est ainsi que, le i®*‘août 1896, j’ai vu de la gelée blanche entre Saint- Agrève et Fay-le-Froid, et que, le i5 du même mois, au sommet du Grand Tanargue, je fus heureux de trouver le chaud foyer de la maison fores- tière. + Si la température est mal observée dans le Vivarais, en général, on y néglige à plus forte raison le baromètre dont l’usage est moins vulgarisé que celui du thermomètre. Voici le résultat des observations faites, dans le pays même et aux alentours. LYON PlUVAS VIVIERS LE PL Y VALENCE mm. mm. mm. mm. mm. Décembre . . . 748,5 736 3 767,63 705.6 761,6 Janvier. . . . 750,0 737,0 767,26 706,4 753,6 Février 748,0 737,6 758,46 704,0 752,2 Mars 746,2 767,4 756,12 706,7 749,2 Avril 742,8 732,6 754,29 701,5 746,2 Mai 74Û.4 764,4 764,96 704,9 748,5 Juin 746,7 765,7 706,03 705,5 749,4 Juillet ..... 747,4 736,0 766,09 706,3 749,8 Août 747,1 736,0 766,69 706,2 749,8 Septembre . . 747,2 736,5 767,15 706,2 760,4 Octobre .... 747,4 765,2 765,94 704,5 749,7 Novembre . . . 747,8 736,0 767,02 705,3 749,* Hiver 748,8 7667 767,68 704,3 762,4 Printemps . . . 745,1 766,9 755,07 703,3 747-9 Eté 747, ï 765,9 766,27 706,0 749,6 Automne. . . . 747,6 735,9 766,97 705,3 7'i9-7 Année . . . . . 747,' 765,78 766,44 704.6 749-9 64 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE Les observations de Privas, du Puy et de Valence, sur lesquelles j’ai calculé les valeurs ci-dessus, manquent malheu- reusement de précision. A Vais, M. Vaschalde, avec un baromètre anéroïde Rédier, a calculé que la pression moyenne annuelle était de 788 Le petit nombre de ces observations rend impossible le tracé de lignes isobares : cependant en réduisant les valeurs que nous avons citées au niveau de la mer, nous constatons que la moyenne annuelle varie entre 764 et 762 millimètres. Il semble donc qu’il y ait une décroissance assez nette de la pression, du nord au sud du Vivarais. Ce fait serait prouvé par l’examen d’une carte des isobares de l’Europe occidentale: on y verrait en effet un centre de basse pression sur la Médi- terranée tyrrhénienne exercer son influence dans la vallée du Rhône, tandis qu’un centre de haute pression situé vers le golfe de Gascogne agit sur le Massif Central français jusqu’au Velay. L’étude des moyennes mensuelles est bien plus intéres- sante que celle des moyennes annuelles (voy. p. 65). Quelle est la cause des variations indiquées dans le tracé ci-joint? Pendant les mois d’hiver, un centre de haute pression occupe le centre et le N.-E. de l’Europe, régions froides, éloignées de toute mer ou océan. Des vents froids vont s'en éloigner dans toutes les directions, et en particulier dans la vallée du Rhône* qui en sera refroidie et sera soumise à son tour à un régime de haute pression Ce fait ne se produit pas au Puy, qui est alors protégé des vents froids, précisément par les montagnes du Vivarais. En mars et surtout en avril, la vallée du Rhône comme le Massif Central se réchaufte plus vite que la Méditerranée, et jouit d’un régime de très basses pressions : de là les perturbations aimospbériques fréquentes à cette époque. Mais après le mois d’avril l’équilibre se rétablit bien vite entre la température de la mer et celle du Massif Central et de la vallée du Rhône, et un régime de moyennes pressions s’établit sur la région. Toutefois l’altitude assez LE CLIMAT 65 755 750 Déc. Jaov. Févr. Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Ocl. Nov. Vivie K V yJt >> ; -1 . X X •f ' ■¥^-- -y— >. <'% jr L ^ X X X jf r*^ — n .ixP \ \ N ✓ / / \ \ • \ A' K /\ \ \ """■ J®' ✓ / V’ r 'x^ ... ‘x . \ \ \ /•* ✓ l,yon X \ > \ T- / / -V 3 X if k ■f - X > , ) ï ^ y' \ ?* r't- & i* * — .. • # • ^ * ' \ N « X N ^ H ' / / '"'V J i' '‘n \ / / ^ > / \ / \ / V 740 735 y3a 7o5 701 Univ, r»E Lyon. — Bourdin. 66 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE grande du Massif Central, relativement aux plaines et aux vallées avoisinantes, y cause parfois un sensible abaissement de la température, et l’existence d’un centre de hautes pressions pendant l’été. Il résulte de ces hypothèses, trop peu précises, que le régime barométrique du Vivarais doit être sensiblement le même que celui de toute la basse vallée du Rhône, mais qu’il nous est en réalité presque totalement inconnu. ★ 4 ¥ Le régime des vents, dans le Vivarais, n’a pas été mieux étudié que les variations de la pression atmosphérique, à Privas, à Valence ou au Puy. Cependant à ces observations médiocres s’en ajoutent d’autres, aussi peu précises, mais beaucoup plus nombreuses, celles faites par les paysans. J’ai recueilli auprès d’eux d’abondants renseignements sur la marche des vents inférieurs. Sauf à Lyon, aucune observation près du Vivarais n’a été faite sur les vents supérieurs, dont la connaissance serait cependant si importante. Voici le tableau de la marche des vents à Lyon, d’après M. André : Nombre de fois que le vent Nombre de fois que le vent inférieur souffle de : supérieur souffle de : Nord Est Sud Ouest Nord Est Sud Ouest Hiver 296 190 i33 lOI 275 29 143 273 Printemps. . . . 311 146 i63 1 16 180 42 *79 285 Été 335 i33 i36 i32 198 ^9 i36 363 Automne .... 296 169 148 1 15 229 39 176 284 Année 1238 638 58o 464 982 *49 634 1205 LE CLIMAT Ainsi à Lyon, en toute saison, le vent inférieur dominant est le vent du nord. Parmi les vents supérieurs, celui qui domine est celui de rouest, en toute saison sauf en hiver. En hiver, en effet, les vents viennent directement du nord, chassés du centre de hautes pressions du nord de l’Europe. Mais dans les autres saisons, les vents d’ouest chassés de l’océan Atlantique, après avoir passé au nord du Massif Central, sont brusquement déviés dans la vallée du Rhône par Rappel d’air qui se produit sur la Méditerranée tyrrhénienne ; de la sorte, les vents inférieurs du nord sont, à Lyon, géné- ralement dus à une déviation des vents supérieurs de l’ouest. A Privas, le régime des vents inférieurs est un peu diffé- rent. Nord N.-E. Est S.-E. Sud S.-O. Ouest N.-O. Calme Décembre .... 40 I 0 0 20 I 0 2 2 3 Janvier • 32 5 I I 22 0 1 4 22 Février 29 3 I 2 22 1 I 3 19 Mars 38 3 0 3 25 2 I 3 18 Avril 30 2 I 4 24 2 1 4 24 Mai 29 1 2 3 30 3 2 3 18 Juin 29 2 2 2 24 I 2 4 22 Juillet 31 3 3 2 22 4 3 4 22 Août 34 3 3 4 23 3 2 3 22 Septembre. . . . 23 3 2 4 24 4 2 3 19 Octobre 34 I I 2 23 I 2 2 23 Novembre .... 27 3 0 I 33 1 2 1 22 Hiver 101 9 2 3 64 2 2 9 64 Printemps .... 97 5 3 10 79 7 4 10 62 Été 94 8 8 8 O9 8 7 1 1 66 Automne 84 7 3 7 82 6 () (i 64 Année 376 29 16 28 294 23 ‘9 36 256 Ainsi, à Privas comme à Lyon, le vent inférieur dominant 68 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE est celui du nord ; très fréquent pendant l’hiver il devient de plus en plus rare dans le courant de l’année. Mais Privas se distingue de Lyon par la plus grande fréquence du vent du midi par rapport à celui du nord, et surtout par le peu d’im- portance des vents d’est et d’ouest; ces derniers sont arrêtés par les Boutières et le Massif Central ; quant aux vents d’est, leur rareté s’explique par ce fait que la région du Mézenc esl un centre de hautes pressions par rapport à la vallée un peu plus chaude du Rhône, et qu’un courant inférieur de cette vallée à la montagne ne s’expliquerait pas. Le régime des vents à Valence est sensiblement le même qu’à Privas : Année ...... Nord N.-E. Est S.-E. Sud S.-O. Ouest N.-ü. Calme 452 a5 4 1 T) '^oo ■28 9 4() 234 A Saint-Agrève, le vent du N. -O. est le vent dominant. Le vent du nord ne s’observe guère qu’en hiver ; il est toujours très froid, et souffle souvent en tempête. Il prend alors le nom de hurle. C’est la hurle qui soulève la neige, et l’entasse dans les endroits abrités où elle forme des monceaux énormes appelés des congères. Les deux vents les plus rares sont le vent d’esR ou matinée et le vent d’ouest, appelé V auvergnasse parce qu’il vient d’Au- vergne. Ce vent d’ouest est le vent le plus chaud : en hiver, il fait toujours fondre les neiges. Ce nom à' auvergnasse, à Annonay, est réservé au vent du N. -O., qui est le vent dominant. Si de Saint-Agrève et de Fay-le-Froid nous descendons au LE CLIMAT t>9 Puy, nous trouvons un régime de vents tout à fait différent, comme on le voit par le tableau suivant : Année Nord N.-E. Est S.-E. Sud s.-o. Ouest N.-O. Calme lOO io5 76 60 138 129 86 71 327 Ce ne sont donc plus les vents du nord qui dominent, mais ceux du sud et du S. -O. Sur le Goiron, au col de l’Escrinet, c’est le vent du N. -O. qui prédomine, avec le vent du sud. Ce vent du N. -O. est tou- jours violent et froid. Le D^’ Francus cite à ce propos une obser- vation personnelle ^ : il vit un jour un paysan, chargé d’une grosse botte de paille, renversé trois fois de suite avec son far- deau. Dans le Bas-Vivarais, nous trouvons encore un régime de vents particulier. A Vais, où M. Vaschalde a étudié unique- ment les vents inférieurs avec une girouette placée à i6 mètres au-dessus du sol, on observe les résultats suivants : Sur 365, le vent du S.-O. a soufflé 1 12 jours (3i , i5 ^/q). — — N.-O. — 104 — (29,80 7o). — _ N.-E. — 70 — (19^04 7o)- — — nord — 28 0 M 1 — — est — 16 - (3,87 7o). — — S.-E. — i3 - (3,40 7o)- — — _ ouest — 12 - (3,3o7o). — — sud — 10 — (2,-27 7o)- Les vallées du Bas-Vivarais et le massif de la Tanargue sont soumis au même régime. Les vents les plus rares sont: i“ le vent d’est, violent et humide : il est généralement une déviation ^ Dr Francus, Voyage autour de Privas, p. i8o. GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 70 du vent du S.-E. venu de la Méditerranée ; le vent du nord: il ne souffle que cinq ou six fois par an, mais toujours en tem- pête, s’engouffrant dans les vallées où il déracine souvent de très gros arbres; 3° le vent d’ouest (la traverse)» Ce vent, comme Vauver^nasse de Saint-Agrève, est doux et, en hiver, fait fondre rapidement les neiges ; 4^^ vent du sud, ou vent blanc, sec et chaud : il souffle surtout aux mois de mai et de juin. Les vents dominants sont: en premier lieu/le vent du S. -O., venu de l’Atlantique; puisceux du S.-E., très humide, et du N.-E. A Viviers, à Bourg-Saint-Andéol, comme à Nîmes, les deux vents dominants sont le nord et le N. -O. ou mistralh Si maintenant nous coordonnons toutes ces données diffé- rentes, nous arrivons aux conclusions suivantes : âjDans la vallée du Rhône jusqu’au défilé de Donzère, les deux vents dominants sont: i® le nord ; 2® le sud. b) Dans le Haut-Vivarais, dans le Bas-Vivarais proprement dit, et dans la vallée du Rhône au sud du défilé de Donzère^ les vents dominants sont: i® le N. -O., ou mistral; 2® le nord; 3° le sud. cj Dans les Gévennes vivaraises, les vents sont déviés par la multitude des vallées étroites où ils s’engouffrent ; mais le vent dominant j est celui du S. -O. ^ ¥ Le régime des pluies est la conséquence immédiate du relief du sol, de la température et du régime des vents. Les observa- tions relatives aux hauteurs d’eau tombées chaque jour sont assez nombreuses dans le Vivarais pour permettre d’en tirer des conclusions plus sûres que celles relatives aux vents ou à la pression atmosphérique. ^ A Bourg-Saint-Andéol, presque tous les arbres du quai Madier-Montjau sont couchés vers le S.-E. par le mistral. LE CLIMAT 71 Voici, d’après M. André, le tableau du régime des pluies à Lyon : NOMBRE DE JOURS HAUTEÜU DURÉE TOTALE de pluie ou neige en millimètres appréciable des pluies ou neiges mm. Décembre. . 45,3 14 jours 62 heures Janvier. . . 10 — 32 — Février. . . 37,5 10 — : 42 — Mars . . . . 39,2 10 — 3 1 — Avril .... 76,9 i3 — 63 — Mai 74,6 12 — 46 - Juin . . . . 70,6 14 — 36 — Juillet . , . . . 87,8 . — 33 — Août .... 67,5 9 — a5 — Septembre. 84,7 12 — 40 — Octobre . . 86,6 15 — 56 — Novembre . 70,8 14 — 63 ~ Hiver. . . . lia, 7 34 jours i36 heures Printemps . 180,7 35 — 140 — Eté 226,9 36 — 94 — Automne . . 242,1 41 - 159 — AnBiée*^^ . . . . . . 761,4 146 joiirs,. , . 629 heures Dans le Haut -Vivarais, j’ai pu recueillir les observations suivantes : BARRAGE DE TERNAY VIDALON- LEZ-ANNONAY TOURNON mm. mm. mm Hiver 110,9 109,3 1 19,3 Printemps ..... 173,6 182,4 i55.5 Eté 170,0 194,2 167,5 Automne 316,5 293,1 314.8 Année • 771 779 767 72 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE Un peu au sud de Tournon, à Valence (rive gauche du Rhône), on a relevé : nnn. jours mm. jourb mm. Décembre. . .36,0 6 Juin 66,7 6 Hiver. . . . ii9>4 Janvier. . . 34,9 6 Juillet. . . . 58,8 5 Printemps. a 10,3 Février. . . 48,5 6 Août .... 70,6 6 Eté *96,1 Automne . 299,1 Mars . . . . 40,3 8 Septembre . 88,8 9 Avril .... 70,6 10 Octobre. . , 115,2 9 Année. . . 804,9 Mai 99*4 7 Novembre . 93,1 7 (85 jours Si des rives du Rhône nous nous élevons vers les Routières, nous trouvons les moyennes suivantes : VERNOUX LAMASTRE SAIN.T-AGRÈVE SAINT-BONNET LE-FROID mm. mm. mm. mm. Hiver 1 67 221,6 220,3 »97>4 Printemps 244 461,5 245,0 369,3 Été 202 220,3 218,4 295,5 Automne 268 418,4 335,3 500,1 Année 88i io54,8 1019,0 1462,3 Enfin à Privas, où les observations pluviométriques sont aussi mauvaises que les autres, on peut relever les moyennes suivantes : Décembre . mm. 49.3 jours 7 Juin. . . . mm. jours 55,3 7 Hiver. . . . mm. 146,1 Janvier. . . 52,8 7 Juillet . . . 61,6 5 Printemps . î»27,9 Février. . . 44>o 7 Août . . . . 60,6 5 Eté *77»3 Mars . . . . 44, ï 6 Septembre . 83,2 6 Automne. . 261,9 Avril .... 85,5 9 Octobre . 93,5 7 Année . . . 8i3,4 Mai 98,3 9 Novembre . 83,2 8 (83 jours) Dans le Bas-Vivarais nous trouvons également de nom- LE CLIMAT breuses observations. A Vais, on a observé (pluviomètre Ba- binet) les moyennes suivantes: Hiver . . . 198'"'^ i Eté. . , . 229"’'”3 Printemps . 29i"’™7 Automne . . 453"“'”2 Année. .... ii72™"'3 C’est le mois d’octobre qui est le plus pluvieux, et celui de juillet qui est le plus sec. Le total maximum a été observé en 1872 (2004“^’^), et le total minimum en 1870 (713^^). Le total moyen se répartit sur soixante- dix huit jours de pluie appré- ciable ; dans la seule journée du 2 octobre 1872, il tomba 272 millimètres d’eau, et 270 millimètres le 21 octobre 1878. A Montpezat, on a observé les hauteurs d’eau suivantes : Décembre . 117 mill. Juin 65 mill. Hiver. . . 404 mill. Janvier. . . 141 — Juillet. . . . 89 - Printemps . 335 — Février . . . 146 — Août . . . , 171 — Eté 325 — Automne . 484 — Mars . . . . 12.5 — Septembre . 193 — Avril . . . . 126 — Octobre. . . 166 — Année . . . 1548 — Mai 84 - Novembre . 125 — On relève encore, dans le Bas-Vivarais : VIVEERS JOYEUSE AÜBENAS mm. mm. mm. Hiver 176,0 256,5 287,9 Printemps 210,5 3o4,o 292,1 Eté *79^5 201 ,i 220,0 Automne 355,7 517,8 519,5 Année 92*, 7 ï279>4 i32I,5 Les observations suivantes faites à la limite du Bas-Vivarais ajoutent plus de poids à celles déjà citées: 74 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE BOLLÈNE BABJAC BESSÈGES mm. mm. mm. Hiver . . . . io6,5 176,0 261,4 Printemps . 173,1 233, 1 282,0 Été 166,3 229,5 25 1,4 Automne . . 248,2 306,7 459,7 Année .... 694,1 955,3 1254,5 Noinlire fle jours. 70 43 69 N.-D. DES NEIGES VILLEFORT P R É V E N- CHÈRES LANGOGNE rnm. mm. mm. mm. 281,6 43o,6 35 1 ,0 157,2 372,8 457,1 442,8 i65,5 256,8 288 , 309,4 141,1 419,9 602,0 684,0 261,4 i33i, 1 1878,3 1787,2 725,3 104 9'^ 126 )) Si maintenant nous considérons les hauteurs d’eau, à l’ouest du Yivarais, du côté de la Loire, nous trouvons : LE PUY YSSINGEAUX TENCE mm. mm. mm. Hiver 96,4 i54,o 97>» Printemps 169,1 222,2 187,8 Eté 201,7 238,5 >97»2 Automne 205,1 255,1 293,7 Année 672,3 869,8 775,8 De toutes ces observations relatives aux hauteurs de pluie, on peut déduire quelques^ lois générales : I® Les précipitations d’eau annuelles sont plus fortes dans le Bas-Vivarais que dans le Haut-Vivarais. En effet, les nuages venus de la Méditerranée sont arrêtés par l’hémicycle du Bas- Vivarais et se déchargent d’une grande partie de leur humi- dité avant d’avoir franchi la chaîne Mézenc-Goiron. 2° Dans l’une et l’autre région, la haute montagne est plus arrosée que les bas plateaux et que la vallée du Rhône. 3^ Les pluies d’automne sont les plus abondantes. C’est en effet à cette époque que les vents viennent plus fréquents de la Méditerranée : les nuages, n’ayant trouvé dans les plaines du Languedoc que des hauteurs insignifiantes, sont encore chargés CLIMAT d’humidité, et ils se déchargent des Gévennes aux monts du Lyonnais. Quant aux vents du nord, du N. -O. et du S. -O., ils ont déjà déposé leur humidité avant de traverser le Yivarais. 4‘" Les pluies de printemps sont plus abondantes que celles d’hiver. Le printemps étant une période de perturbations atmosphériques, les mouvements tourbillonnaires qui sont la conséquence de ces tempêtes impriment à Lair une direction ascensionnelle, cause de refroidissement et de condensation de l’humidité de l’air. 5^ a) Les pluies d’été sont plus abondantes que celles de printemps, dans la vallée du Rhône, jusqu’à Tournon, ainsi que dans la haute vallée de la Loire. h) Dans les Routières et le Bas-Vivarais, les pluies d’été sont moins abondantes que celles de printemps. c) Dans les Gévennes vivaraises, l’été est la saison la plus sèche. Ge régime des pluies pendant l’été s’explique aisément par le régime des vents. 6® Les pluies les plus abondantes se répartissent sur le plus petit nombre de jours. Ges précipitations d’eau maxima, qui se font sur les massifs du Tanargue et du Mézenc, sont d’autant plus fortes que l’été a été plus sec et plus chaud. Les montagnes, surchauffées, produisent un appel d’air violent, et cet air arrive alors de la Méditerranée, saturé de vapeur d’eau. ★ 4 ¥ Il me faudrait parler encore d’autres phénomènes météoro- logiques comme la neige, les brouillards, les brumes, les orages, etc. ; mais ils n’ont été observés scientifiquement dans aucune station du Vivarais, et je ne puis donner sur eux que des indications très vagues. La neige est très abondante dans toute la partie élevée du Vivarais, en général depuis le mois de novembre. Elle persiste ordinairement sur les sommets jusqu’au mois d’avril. En été, on remarque au pied du Mézenc, de Ghaudeyrolles aux Esta- GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 76 blés, de grandes lauzes de plionolite^ plantées de distance en distance, pour marquer la route pendant les neiges ddiiver. Dans tous les endroits formant un cirque tourné vers le nord, la neige s’amasse en « congères », et ces tas énormes persistent longtemps après que toute neige a disparu sur les pentes expo- sées au midi ou au vent d’ouest. Dans le Haut-Vivarais la neige est assez fréquente, mais souvent au printemps ou à l’automne, elle blanchit les som- mets des chaînes, alors que le fond des vallées ne reçoit qu’une pluie très froide. Le Bas-Vivarais proprement dit ne reçoit presque pas de neige ; il en tombe en moyenne deux ou trois jours par hiver, et généralement elle fond sitôt qu’elle touche le sol L Nous avons sur la neige dans le Vivarais, un témoi- gnage ancien : en effet. César àïi (De hello Gallico^ VII, 8) qu’en se rendant à Gergovie il trouva six pieds de neige sur les Gévennes qu’il traversa, croit-on, entre les massifs du Mézenc et du Tanargue. Les brouillards, les brumes et autres météores n’ont pas été étudiés, sauf à Vais où M. Vaschalde a relevé : Brouillards 3 jours 78 Orages 19 — 80 Grêle ou grésil .... 2 — 33 Giboulées 3 — 43 Gelées blanches ... 16 — 76 Pour ma part, la brume en été m’a plusieurs fois rendu l’ascension du Mézenc complètement inutile. ★ Il est enfin une donnée météorologique d’une grande impor- * Récemment un médecin du Bas-Vivarais apprit qu’une épidémie de diph- térie sévissait dans un hameau, au pied du Mézenc. Il fut pris par une tour- mente de neige, et ne put parvenir jusqu’au village malgré ses efforts, et la plupart des enfants moururent, faute de sérum antidiphtérique. Au mois d’avril 1896, il m’a été impossible de monter au sommet du Mézenc à cause de la neige qui couvrait encore la montagne. LE CLIMAT 77 lance, mais dont la connaissance est dans le Vivarais très peu précise : c’est l’humidité relative de l’air. Elle a été observée ainsi à : LYON PRIVAS LE PUY NIMES ORANGE Hiver 83 Vo 0 0 CO 0^ 00 77 Vo 0 0 Printemps. . . 67 65 74 7* 66 Eté 70 53 70 65 62 Automne . . 82 69 81 78 75 Année 7^,^ Vo , 65,7 Vo 77 Vo 72,7 Vo 69*2 Vo On peut, je crois, conclure de ce tableau que, dans le Haut- Vivarais, l’air est plus chargé d’humidité en hiver qu’en automne : cela doit provenir de l’évaporation de la neige qui recouvre le sol. Au contraire dans le Bas- Vivarais proprement dit, où la neige est rare, c’est pendant l’automne, au moment des pluies abondantes, que l’air est le plus humide. Enfin dans le Vivarais entier, l’été est la saison où l’air est le moins chargé de vapeur d’eau. Il faut maintenant résumer ce que nous avons dit sur la tem- pérature, la pression atmosphérique, les vents et les pluies, pour essayer d’en dégager la notion précise du climat du Viva- rais. On prétend à tort^ que le Vivarais appartient au climat auver- gnat dans ses parties élevées et au climat méditerranéen dans ses parties basses. C’est ne tenir compte que de la seule tem- pérature : or la température ne constitue pas le climat, elle n’en est qu’un des éléments. ^ Ad. Joanne, Géographie du déparlemenl de V Ardèche, cli. iv, p. 22 (G” édition). GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 78 En réalité, toute la région au nord de l’Erieux appartient au climat rhodanien (ou lyonnais, pour être plus exact), caracté- risé par un assez grand écart entre les extrêmes de température, par la prédominance des vents du nord, et par des précipita- tions d’eau de plus en plus fortes de l’hiver à l’automne. Le Bas-Vivarais proprement dit, au sud du Coiron, jouit du climat méditerranéen, caractérisé par une température plus chaude et plus égale, par la prédominance des vents du N.- O., par l’abondance des pluies d’automne et de printemps répar- ties sur un très petit nombre de jours ' . Le massif de Coiron sert d’intermédiaire entre ces deux cli- mats, et, suivant les années, participe de l’im ou de l’autre. Enfin les Gévennes vivaraises et le Mézenc ont un climat caractérisé par un grand écart entre les extrêmes de tempéra- ture (comme au nord de l’Erieux), mais aussi par la prédo- minance des vents du S. -O., par un été très sec, par l’abon- dance et la brièveté des pluies d’automne. Ce climat se rapproche beaucoup plus de celui des Gausses que des climats de la vallée du Rhône. ★ Il semble résulter de la comparaison d’observations anciennes avec celles d’aujourd’ hui, que les climats du Yivarais se sont légèrement modifiés depuis un siècle. Gette modification a été surtout observée dans le régime des pluies. ^ M. de Vogué (Notes sur le Bas-Vivarais, Revue des Deux-Mondes, i5 sept. 189a, p. 463, célèbre dans un passage admirable le ciel du Bas-Vivarais : « Quelle lumière ! On dirait que tous les trésors du soleil se dépensent là, dans la folle incandescence de midi, sur cetle lande pâmée, stridente du cri des cigales De chaque brin de plante qui vit dans cette roche, thym, lavande, pauvres touffes de buis et d’yeuse, l’embrasement dégage des arômes violents. Griserie une et violente de la vue, de l’ouïe, de l’odorat; joie intime de tout l’être qui reprend contact avec le creuset brûlant d’où il a tiré ses esprits vitaux ; mais pas plus que la vie, on ne peut rendre avec des mots cette chaleur, mère de la vie ! » LE CLIMAT 79 A Viviers^ la moyenne annuelle était : De 1778 à 1787 de 842 millimètres. — 1787 à 1797. .... — 899 — — 1798 à 1807 — 92® — — 1808 à 1817 — 1012 — A Joyeuse (d’après Tardy de la Brossy), la moyenne annuelle était : De i8o5 à 1807. ... de ii25 millimètres. — 1808 à 1817. . . — i3ii — — 1818 à 1827. ... — *894 — Vers cette époque (i83o), la croissance de la moyenne an- nuelle des pluies s’est arrêtée. Un mouvement inverse semble s’être produit de i85o à 1870^. AUBENAS LE PUY YSSINGEAUX LYON NIMES mm mm. mm. mm. mm. i85i à 1860 . 1443,1 689,3 9«9,4 730,2 730,1 1861 à 1870 . 1227,7 671,3 83i,i 632, i 528,8 Ce mouvement s’est arrêté, mais il semble que depuis quel- ques années, nous soyons revenus, comme au début du siècle, dans une série pluvieuse. Si nous comparons le climat actuel avec celui dont les anciens nous ont donné la description, nous ne reconnaissons pas une grande différence entre eux. Les météorologistes qui ont cru à une modification définitive de ce climat l’ont attribuée généralement au déboisement du Goiron et des Gé venues. 1 Observations de Flaugergues, citées par Arago [Mélanges^ p. 4^2), et par Surell et Cézanne, Etude sur les torrents des Hautes-Alpes^ 2® vol., p. 78). 2 V. Raulin, Du degré de concordance des années pluvieuses et sèches dans l’Europe , Centrale et surtout dans la France méridionale (Atlas de l'Observatoire Météorologique, partie D, p. 18, 1872-73-74). 8o GÉOGRAPHIE PHYSIQUE Ce déboisement a été certainement très regrettable, mais il ne faudrait pas lui attribuer j^lus d’influence qu’il n’en a eu. C’est vers i83o, époque où le déboisement avait atteint son maximum, que le diagramme des précipitations d’eau subissait une marche ascendante. Enfin, le fameux mistral, attribué à ce déboisement, était aussi violent dans l’antiquité, à une époque où la grande forêt de Bauzon était intacte et où le Coiron, ap- paremment, était encore boisé. La périodicité des variations du climat laisserait plutôt croire que leur cause est purement astronomique. CHAPITllE V LES COURS D’EAU ET LES INONDATIONS Il est fort regrettable pour le Vivarais qu’un Surell n’ait pas étudié son réseau hydrographique. Le Vivarais, autant que les Hautes ou Basses-x\lpes, méritait d’attirer l’attention de nos ingénieurs. Sans doute, le travail de M. de Mardigny ^ n’est pas sans valeur, mais il est déjà ancien, il est bien sommaire, et surtout il a été composé d’une façon si rapide et si superficielle que l’auteur conclut mélancoliquement à l’inutilité des efforts pour réprimer les inondations du Vivarais. Je ne veux pas, pour ma part, prendre parti dans une question qui est du ressort des Ponts et Chaussées et en dehors de ma compétence : je me propose seulement, dans ce chapitre, de résumer l’état actuel de nos connaissances sur les torrents du Vivarais, espérant que le profd de ces torrents, leur débit, leurs crues, étant mieux connus, le remède aux fléaux qu’ils occasionnent sera plus aisément découvert. Nous avons vu, dans le chapitre précédent, quelle quantité d’eau considérable tombe chaque année sur le Vivarais. Que va- t-il advenir de cette eau? Une petite partie s’évapore, et cetle quantité, bien qu’elle n’ait pas été mesurée, me semble devoir être aussi importante dans le Haut que dans le Bas-Vivarais. i De Mardigny, Mémoire sur les inondations des rivières de l'Ardèche (Annales des Ponts et Chaussées, t. XIX, 11° cahier, 1860). Univ. de Lyon. — Bouunix. 6 82 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE Si, dans le sud, la chaleur brûlante du soleil amène sur les rochers dénudés une évaporation rapide, dans le Haut-Viva- rais les pentes plus boisées et plus gazonnées retiennent Teaii et la fractionnent, et l’évaporation, moins active, est tout aussi intense. Une autre partie de l’eau des pluies ou des neiges pénètre dans le sol ; mais cette pénétration se fait différemment et en proportions variables, suivant la nature du sol et du sous-sol. Les gneiss granitiques ou granulitiques et les granités du Haut- Vivarais sont des roches essentiellement imperméables. Mais le sol qui en résulte est perméable : les eaux pluviales pénétre- ront donc cette couche, s’arrêteront au contact du sous-sol et glisseront alors sur le flanc des montagnes, jusqu’à ce qu’un accident de terrain leur permette de revenir au jour, sous forme de sources ou de suintements. Ces sources se trouvent, en général, au pied d’un versant et dans un creux de ravin, tandis que les suintements se présentent au milieu des pentes et parfois près des sommets. Ces suintements sont essentielle- ment temporaires : les sources sont presque partout perma- nentes, mais soumises à une grande variabilité dans le débit. Ces phénomènes s’observent nettement dans la chaîne des Boutières et dans ses plus hauts contreforts, de même entre le Doux et l’Erieux. Les gneiss rubanés et les micaschistes présentent les mêmes phénomènes, mais avec quelque différence. La décomposition de ces roches est beaucoup plus avancée que celle des granités et des roches granitisées ; les infiltrations de l’eau y sont plus profondes. De plus, les feuillets des roches, près de la surface du sol, grâce à un commencement de décomposition, permet- tent aux eaux pluviales de descendre dans la roche même et leur offrent une voie que ces eaux suivent jusqu’à ce qu’un accident de terrain les ramène au jour. Ces eaux, d’une part préservées de l’évaporation par leur infiltration plus profonde, et d’autre part réunies, à leur point de sortie, à des eaux venues d’autres points, jaillissent en petit nombre, mais assez LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS 83 abondantes et régulières dans leur débit. De plus, on voit peu de suintements dans les terres gneissiques et micaschisteuses. Telles sont les conditions des sources dans la région d’An- nonay et entre Saint-Péray et Lavoulte. Le grand nombre des bois dans le Haut-Vivarais contribue encore pour une bonne part à la multiplicité de ses sources et surtout à leur permanence. En effet, les arbres, comme les herbes, retiennent par leurs racines les eaux qui glissent entre le sol et le sous-sol. Sans eux, récoulement serait bien plus rapide et la source serait bientôt tarie. Nous retrouverons les mêmes phénomènes dans le massif du Mézenc et dans lesGévennes vivaraises. Mais si les bois et les gazons sont encore nombreux sur les sols granitiques du massif du Mézenc, par con tre dans les Cévennes micaschisteuses et gneissiques ils font complètement défaut. De là vient le peu de régularité du débit des sources de cette région, sources abon- dantes après les pluies, mais bientôt réduites à un filet d’eau et souvent même complètement à sec. En dehors des terrains primitifs, le régime des sources est bien plus complexe. La région houillère de Prades présente avec ses schistes houillers les mêmes caractères que la région micaschisteuse. Mais le trias offre des caractères qui lui sont propres, qu’on le considère dans fîlot triasique de Vernoux ou dans la bande étroite qui s’étend des Ollières aux Vans. Partout où l’étage supérieur affleure, les eaux pluviales pénè- trent à travers les fissures du grès ; mais vers le second étage, elles sont arrêtées par les marnes schisteuses, qui seront par- tout un niveau d’eau aisément reconnaissable par la fraîcheur de sa végétation, contrastant avec l’aridité des étages supé- rieur et inférieur. Le lias présente un phénomène analogue, l’infralias seul offrant des couches de marnes imperméables. Les couches supérieures du Jurassique moyen étant com- posées de marnes, les eaux pluviales glisseront sur ce sol im- perméable ; les rares infiltrations qui s’y produisent n’y peu- vent donner que des sources temporaires. Les sources sont GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 84 aussi rares dans le Jurassique supérieur composé soit de marnes, soit de calcaires fissurés. De ces faits résulte la séche- resse ordinaire de la bande de terrains qui va de Crussol à Berrias, par le col de TEscrinet. Il n’y a là, pour ainsi dire, pas une source permanente ou abondante, sauf dans le cas exceptionnel où une couche de marne affleurant permet l’écou- lement d’eaux infiltrées à travers les fissures des calcaires supé- rieurs. Dans ce cas la végétation es! sans elfel sur les sources, car rinfiltration se fait moins sur les penlesque dans Tinté- rieur même de la masse calcaire, où Faction des racines ne peut se faire sentir- Cette région des C/\7.v est donc sèche et presque aride F Le terrain infracrétacé, jusqu’à la vallée du lUiône, n’est pas mieux partagé sous le rapport des sources. Ou bien les marnes valanginiennes imperméables empêchent l’infiltration des eaux, ou bien les calcaires néocomiens fissurés absorbent totalement ces eaux pluviales. Les eaux pénètrent dans les pro- fondeurs de la roche, suivent les canaux obscurs qui s’offrent à elles, et descendent ainsi jusqu’à ce qu’elles rencontrent une couche imperméable, ou jusqu’à ce que ces canaux viennent déboucher sur une pente. Ce phénomène s’observe nettement entre Vallon, Villeneuve-de -Berg, Viviers et Bourg- Saint - Andéol. Les eaux tombées dans cette région vont ressortir soit dans le canon de l’Ardèche, soit près du Bbône. Ainsi s’ex- plique la fontaine de Tournes, vers Bourg-Saint-Andéol, Deux goules ou gouffres laissent échapper les eaux tombées ^ Le D‘‘ Francus ( Voyage aux pays volcaniques du Vivarais, p. 4^5 187H) cite mi fait étrange qui prouverait cet état fissuré des terrains jurassiques : « Un jour, les mineurs de la Voulte firent jaillir une colonne d’eau dans une des galeries en exploitation, et les fontaines de Rocliemaure se trouvèrent aussitôt teintées en rouge. La municipalité de Rocliemaure ayant réclamé, et le trou ayant été bouché, avec un fort béton, l’eau des fontaines rede- vint claire. Il y a a5 kilomètres entre les deux localités qui, de plus, sont séparées par les trois vallées d’Ouvèze, de Cliomérac et de Barrés .. » Je n’ai trouvé ni à Lavoulte ni à Rocliemaure quelqu'un qui me confirmât cette assertion extraordinaire. LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS 85 Fig. 8. — Fon/aine de Tournes (à Bourg-Sainl-Aiidéol). chers, on voit s’ouvrir une fissure dont le fond est difficile à sonder h Toutefois sur cet immense plateau, quelques points se distin- guent de l’ensemble ; ils sont marqués nettement par les agglo- ^ Ces crevasses du terrain calcaire se nomment avens du côté de Vallon et de Bourg-Saint-Andéol. 11 en existe plusieurs du coté de Villeneuve de Berg, d’une grande profondeur: elles portent le nom de cérons. (Cf. D>' Fran- cus, Voyage aux pays helvien, Pi'ivas, p. 97, i885). 11 y a six ans M. Martel passa plusieurs jours à visiter les avens des environs de Saint-Remèze. Dans ITin d’eux il put descendre d'une centaine de mètres. sur le plateau. Après les fortes pluies, le premier flot de la fontaine a une teinte rougeâtre, preuve évidente que ces eaux proviennent des collines supérieures. D’après lesgens du pays le point d’origine des eaux de Tournes serait la région du hameau de Rimouren (ou Rieu Morin): en tout cas, j’ai observé, en traversant le bois du Laoul et le Grand-Paty, que souvent le sol résonne sous les pas ; à chaque instant, entre deux ro- 86 GÉOGRAPIILE PHYSIQUE mérations de maisons. Dans ces dépressions, les calcaires cre- vassés sont recouverts d’une couche argileuse provenant de la décomposition du sol. Cette couche imperméable retient les eaux ; aussi peut-on, en ces points, creuser des puits avec la certitude de trouver de l’eau depuis 3 mètres jusqu’à i5 mè- tres. Les roches basaltiques et phonolitiques du Mézenc et du Goiron ne se conduisent pas différemment de ces calcaires du Bas-Vivarais, à l’égard des eaux pluviales. Ces roches sont fissurées verticalement ; les eaux les traversent et pénètrent soit jusqu’aux gneiss granitiques, soit jusqu’aux marnes oxfor- diennes ou crétacées. Ainsi la Loire ne sourd qu’au pied du Gerbier de Jonc. Dans le Goiron, la présence de calcaires fissu- rés sous le basalte, vers Darbres, a permis l’existence d’une double source intermittente, ou source de Boulègue. L’une des deux sources est placée à quelques mètres au dessous de l’autre ; lorsqu’elle coule, la source supérieure est complète- ment tarie. Gelle-ci ne coule, suivantla tradition, qu’en temps de guerre, et onia nomme : source de la Guerre ; l’autre est la source de la Paix. * ¥ ■¥■ Les sources, dont nous venons d’expliquer le régime parti- culier, alimentent les divers cours d’eau du Vivarais. A. — HAUT VIVARAIS Les ruisseaux de Malleval, de Limony, de Serrières, de Peyraud, de Saint-Désirat et d’Andance ont chacun un cours d’environ lo à 12 kilomètres. Le Limony, le plus long d’entre eux, a sa source à 800 mètres d’altitude ; son confluent avec le Rhône est à 140 mètres. La pente moyenne est donc de o“o55 par mètre. Le profil en long de ces ruisseaux est le même. Ils descendent du mont Pilât par une série de cascades, et au bout LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS 87 de 2 à 5 kilomètres sont déjà arrivés à une altitude de 3oo mè- tres. Leur profil devient ensuite plus régulier, jusqu’à i kilo- mètre du Rhône ; ils atteignent alors presque leur niveau de base, et ils s’étalent au milieu des alluvions quaternaires du Rhône, et se creusent un lit mineur dans leurs propres allu- vions. Ces ruisseaux sont profondément encaissés dans un lit très étroit ; sur les berges escarpées, de i5 à 3o mètres de hauteur, sont accrochés des arbres aux racines en partie dé- terrées. ★ La Gance a 4^ kilomètres ; elle sort de la chaîne des Rou- tières, au pied de Saint-Ronnet-le-Froid. Elle coule du S. -O. au N.-E. jusqu’à Annonay, puis du N. -O. au S.-E. ; enfin à 4 kilomètres de son confluent avec le Rhône, elle va de l’ouest à l’est. Son cours est presque rectiligne jusqu’à Annonay ; mais après cette ville elle a quelques coudes très brusques, de plus en plus nombreux en approchant du Rhône. La source est à une altitude 1160 mètres, et son confluent, à 137 mètres. Par suite son lit a une pente moyenne de 2 cen- timètres par mètre. De sa source à Saint-Julien-Yocance, cette pente est de o^^^oq par mètre; elle est de 2 centimètres, de Saint-Julien-Yocance à /Vnnonay, et de i centimètre, d’Anno- nay au Rhône. A Yillevocance, la Gance entre dans les moyens plateaux ; son lit s’encaisse de plus en plus, car ses berges ne sont plus granulitiques, mais gneissiques, et s’érodent beau- coup plus facilement. Aussi la rivière est encombrée de débris arrachés aux rives ; parfois quelques roches plus dures résis- tent à cette érosion et demeurent isolés, droites au milieu du torrent, comme la célèbre roche Péréandre, à 6 kilomètres en aval d’ Annonay, et dont la hauteur est d’environ 45 mè- tres. La Gance jusqu’à Yillevocance reçoit des ruisseaux dont le cours est exactement perpendiculaire au sien, comme il arrive dans les pays granitiques ou granulitiques. Ges ruisseaux très 88 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE courts ont, en général, une pente moyenne considérable de 20 à 3o centimètres par mètre; en temps ordinaire ils sont com- plètement à sec. Leur lit est creusé dans un pli de terrain, pro- Fig’. 7. — Roche Péréamb'e, sur la Ca?ice. venant de Férosion ancienne et lente des eaux pluviales diri- gées vers un centre eommnn. Gesplis de terrain sont aujourd’hui couverts de végétation. Après Villevocance, la Cance reçoit la Deume, à Annonay. La Deume (ou Diôme) a sa source dans la dépression qui sépare les Boutières du massif du Pilât, à environ 1000 mètres d’alti- tude. Elle coule parallèlement à la Cance jusqu’à Bourg- Argental, à environ 5oo mètres d’altitude : elle a parcouru LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS 89 environ 12 kilomètres ; sa pente est, dans cette partie, de 4 cen- timètres par mètre. Après Bourg-Argental, la Deume s’infléchit vers le S.-E. et parcourt environ 1 3 kilomètres jusqu’à Annonay ; sa pente n’est plus alors que de o™oi5 par mètre. Coulant tou- jours dans les granités gneissiques ou dans le granité propre- ment dit, son lit n’est jamais encaissé comme celui de la Gance inférieure : il est aussi moins encombré de débris de roches. Des ruisseaux perpendiculaires à sa vallée lui apportent les eaux du mont Pyfara ou des pentes S. -O. du Pilât. Le plus important de ces sous-affluents de la Cance est le Ternay, dont la source se trouve à 1100 mètres, près du Crêt de la Perdrix. Le Ternay descend rapidement pendant 9 kilomètres du nord au sud, avec une pente moyenne de o™oG par mètre ; puis ses eaux sont brusquement arrêtées par un immense barrage ^ après lequel le Ternay va se jeter dans la Deume, à 3 kilomètres en aval, avec une pente moyenne de o"'o3 par mètre. Ap rès la Deume, la Cance reçoit des ruisseaux descendus du contrefort nord des Boutières. Mais ces ruisseaux venus d’une faible altitude (6 à 700 mètres) coulent dans des berges pro- fondément encaissées dans le gneiss. Leur pente est très faible ; ils se trouvent sur la rive droite de la Gance. Sur la rive gauche, la Gance ne reçoit presque plus d’affluents depuis Annonay. La pente générale du terrain porte en effet les eaux du plateau annonéen directement vers le Rhône. . ★ ¥ ¥ L’Ay, sorti des montagnes de la Louvesc, à i025 mètres d’altitude, coule parallèlement à la Gance jusqu’à Saint-Romain- ^ Le barrage du Ternay, commencé en i86a et inauguré en 1867, retient 3 millions de mètres cubes à la cote moyenne (c’est-à-dire quand le niveau de l’eau est à l’altitude de 5i2'^'35). La maçonnerie renfei'me 32. 000 mètres cubes de matériaux: sa hauteur totale depuis les fondations est de 4^ mètres et son épaisseur à la base est de 27 mètres. Le réservoir a 1800 mètres de long, et 4 kilomètres de tour. GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 90 d’Ay (10 kilomètres) avec une pente moyenne de 5 centimètres par mètre. Il coule dans le granité, puis dans le gneiss ; il pro- fite d’une faille dans le massif granitique de Saint-Jeure-d’Av pour s’y engager,en tournantbrusquement à FK.-S.-E. Il entre ensuite dans les micaschistes, remonte au N.-E. et se jette dans le Rhône à Sarras. Dans cette dernière partie de son cours, son lit est encaissé comme celui de la Cance. *■ ¥ ¥ Le Doux a un bassin plus étendu que celui de la Cance : il a 687 kilomètres carrés de superficie. Le Doux prend sa source à Saint-Bonnet-le-Eroid, comme la Cance, à 1108 mètres d’alti- tude; il se jette dans le Rhône à 120 mètres. Il rachète celte chute totale de 988 mètres par des pentes considérables, car son cours a un peu plus de 60 kilomètres. Jusqu’à Désaignes, il coule du N. -N. -O. au S.-S.-E. ; pendant ces 20 kilomètres, sa pente moyenne est d’environ 3 centimètres par mètre. Il coule dans le granité ou le gneiss granitique, dans un lit peu resserré ; du hameau de Vallon à Désaignes, ce lit est assez large pour lui permettre de s’étaler et de déposer ses alluvions. De Désaignes •àLamastre, la vallée se rétrécit et la rivière coule de l’ouest à l’est. De Lamastre au Rhône, le Doux couleduS.-0.au N.-E., mais en décrivant des méandres nombreux et très accentués. Il a alors une pente à peu près uniforme de o^'oody par mètre, sans adoucissement jusqu’au Rhône. Sa vallée est très resserrée et ne s’élargit qu’en approchant du Rhône et de Tournon. Jusqu’à Désaignes, tous ses affluents de droite et de gauche sont perpendiculaires à son cours. Ce sont des ruisseaux de pente considérable^ de faible longueur et de débit insignifiant. Plus importante est la Sumène qui se jette sur la droite à Lamastre et qui semble imposer au Doux sa direction S. 0. -N. E. Le Duzon est le plus grand affluent de droite ; il coule parallè- lement au Doux inférieur et comme lui décrit des méandres au milieu des gneiss où il s’encaisse profondément. Ces gorges LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS 9I étroites portent le nom de Cuves du Duzon. Sur la gauche, la Daronne recueille les eaux de la région de Saint-Félicien : elle coule directement de Fouest à l’est. Ses affluents supérieurs attaquent la montagne entre Lafarre et Pailharès concurrem- ment avec les affluents de gauche du Doux supérieur et ont érodé puissamment celte montagne et creusé des cols profonds dans la ligne de faîte. La Daronne a un cours très encaissé et très sinueux. Sa pente moyenne est de 3 centimètres par mètre. * ¥ ^ Le Mialan n’a que i5 kilomètres de longueur. Pendant y kilomètres, il va de l’ouest à l’est, descendant d’une altitude de 700 mètres environ, avec une pente moyenne de 6 centi- mètres par mètre. Il remonte ensuite brusquement vers le N.-N.-E. et se jette dans le Rhône à Saint-Péray. Dans celte dernière partie de son cours, sa vallée, ancien bras du Rhône tertiaire, est large et sa pente est très faible (0^007). * Le Turzon, qui coule près de Saint-Georges-les-Rains, est un ruisseau de 10 kilomètres, encaissé dans les micaschistes où il décrit de nombreux méandres; sa pente est de 6 centi- mètres par mètre. ★ L’Erieux est le plus important des cours d’eau du Haut- Vivarais. Son bassin cou ;re une superficie de 834 kilomètres carrés. Son cours a 70 kilomètres de longueur. Il sort des Rou- tières au sud de Devesset, 1100 mètres d’altitude. Il coule d’abord du nord au sud jusqu’à Saint-Martin-de-Valamas ; sa pente est de 2 centimètres par mètre : il coule dans le granité. De Saint-Martin jusqu’aux 011ières,il va vers le S.-E., mais en décrivant de nombreux méandres. En général, son lit est pro- GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 92 fondément encaissé et sa vallée est étroite ; mais en certains points elle s’élargit, la rivière s’étale et dépose des alluvions qui encombrent son lit majeur. Sa pente n’est plus que de I centimètre par mètre. Après les Ollières, l’Erieux coule de Touest à l’est en décri- vant encore de plus grands méandres ; il traverse des mica- schistes et les érode puissamment. Aussi sa vallée s’élargit sensiblement vers Saint-Fortunat : de nouveau étroite, elle s’élargit encore vers le hameau des Blanchons, et enfin à Saint- Laurent-du-Pape où elle s’étale, creusant son lit mineur dans une vaste nappe d’alluvions. Depuis les Ollières, sa pente n’est plus que de 3 millimètres par mètre. L’Erieux ne reçoit sur la rive gauche que des ruisseaux, la pente naturelle du terrain rejetant les eaux vers le N.-E. sur le Doux et le Rhône. La Dunière seule a quelque importance, car elle recueille toutes les eaux de la dépression de Vernoux. Son bassin supérieur a la forme circulaire caractéristique du bassin de réception des torrents. Les principaux affluents de l’Erieux se trouvent sur la rive droite. Tous coulent du S. -O. au N.-E. avec une régularité frappante, lui amenant les eaux du versant nord du massif du Mézenc. La Rimande, la Saliouse, la Dorne ont leurs sources dans les basaltes. Ils ont érodé peu à peu les roches éruptives qui aujourd’hui les dominent à pic; ils roulent leurs eaux limpides sur le granité. Les chaînons qui séparent ces affluents de l’Erieux sont ravinés par une multitude de petits ruisseaux qui, grâce à l’érosion, remontent peu à peu vers la ligne de faîte qu’ils abaissent et arrondissent. ★ Le versant nord du Coiron envoie ses eaux vers le Rhône par rOuvéze et le Payre. Ces deux petites rivières qui ont, la pre- mière 3o kilomètres etla seconde 24, coulent du S. -O. au N.-E. dans les calcaires jurassiques, qu’elles érodent fortement au LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS 9^ temps des crues. Leurs berges sont abruptes: à l’étiage, ces rivières ne laissent couler qu’un filet d’eau. Les ruisseaux qui s’y jettent à droite et à gaucbe sont géné- ralement à sec. Leur pente moyenne est de i centimètres par mètre. Le Lavaizon n’a que 12 kilomètres : ce ruisseau^ toujours à sec pendant Lété, coule dans une fracture du sol, parallè- lement à la chaîne du Goiron, vers le S.-E. B. — BAS-VIVARAIS L’Escoutay descend du versant S. du Goiron, non loin de Berzème : son cours à 3o kilomètres environ. Il va d’abord du nord au sud avec une pente de 6 centimètres par mètre, entre des berges étroites, sans cesse érodées. Il tourne ensuite vers le S.-E. jusqu’à Viviers, où il se jette dans le Rhône: sa pente n’est plus alors que de i centimètre par mètre. L’Escoutay et l’Auzon, affluent de gauche de l’Ardèche, présentent un phé- nomène fort intéressant, au point de vue hydrographique. Un seuil de quelques mètres sépare vers Saint-Jean-le-Gentenier deux petits affluents de ces deux rivières. A l’époque tertiaire une rivière passait vraisemblablement par ce seuil et allait vers le Rhône. L’approfondissement du lit de l’Ardèche d’une part, et de l’autre celui du lit du Rhône ont capté au profit de chacun de ces deux cours d’eau les eaux de cette partie du Goiron. Le seuil de Saint-Jean-le-Gentenier, ancien lit de rivière, est devenu une hauteur séparant les eaux de l’Auzon de celles de l’Escoutay : ce fait est un exemple remarquable de caplure des eaux. L’Escoutay reçoit les ruisseaux descendus de la plus grande partie de la montagne de Berg (versant est) : mais ce sont des affluents temporaires, comme nous l'avons montré en parlant des sources. De même la Gonche et le Lihy sont à sec quelques jours après les pluies. 94 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE ★ L’Ardèche est de beaucoup le cours d’eau le plus important de tout le Vivarais : c’est elle en effet qui donne son nom au département formé par l’ancienne province. L’Ardèche a sa source au col de la Chavade, à une altitude de lî^yq mètres. Jusqu’à Aubenas, elle coule sensiblement de l’ouest à l’est: Fig. 8. — Gorges de Balazuc. (Vue prise du pont de Balazuc.) la vallée est étroite, creusée dans les roches granitiques puis dans les gneiss rubanés, dont les débris encombrent son lit, A Thueyts, les gorges de l’Ardèche sont dominées par d’admi- rables escarpements basaltiques, où la rivière s’est creusé un passage pittoresque. La vallée s’élargit un peu, après les escar- pements de Nieigles, à travers les schistes houillers de Prades. A partir d’Aubenas, l’Ardèche s’étale; sa largeur est de loo à 200 mètres, mais elle se divise en une multitude de bras, à cause de la quantité d’alluvions qu’elle dépose. Se heurtant LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS 95 aux escarpements oxfordiens de Lussas, l’Ardèche tourne alors vers le S.-S.-0.;le bassin d’Aubenas se rétrécil peu à peu, et, vers Vogué, la vallée est de nouveau encaissée dans des gorges abruptes. A Lanas, elle s’élargit de nouveau, puis se rétrécit pour former les gorges de Balazuc. Large à Bradons, étroite dans le défilé de Kuoms, elle s’élar- git plus qu’elle n’avait encore fait au confluent du Ghassezac. De là elle s’incline vers l’E.-S.~E. Fig. 9. — Plaine de Vallon. (Vue prise à l’entrée du canon de l’Ardèche.) Ap rès Vallon, l’Ardèche coule sinueusement, encaissée dans un plateau calcaire qui la domine de 100 à 200 mètres. C'est le célèbre canon de l’Ardèche : ses curiosités ont été décrites bien des fois, mais elles sont inférieures aux merveilles du Tarn. Une seule est vraiment remarquable, c’est le Pont-d'Arc. gigantesque pont naturel, de 54 mètres de largeur, et de 60 mètres de hauteur totale (la flèche de l’arche avant Ô2 mèlres), creusé par les eaux qui, avant de s’être tracé cette route, pas- GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 96 saient un peu en amont^ dans la Combe d’Arc, ancien méandre aujourd’hui à sec. Vers Saint-Martin-d’ Ardèche, le canon cesse, la vallée s’élargit ; la rivière coule dans une vaste plaine d’alluvions de 9 kilomètres de longueur, et de 2 kilomètres de largeur. L’Ardèche se jette dans le Rhône un peu au nord de Pont- Saint-Esprit. Voici, d’après M. de Mardigny^ les pentes détaillées du lit de r Ardèche. Pente par métré : o“'o95 De la source (1279’“) à Astets (880"’) D’Astets au pont de Mayres (575™) Du pont de Mayres au pont de la Mothe (470™)- Du pont de la Mothe au pont Rolandy (3o7™). Du pont Rolandy au pont de la Bégude (234™) 13u pont de la Bé^ude au Pont-d’Aubenas (2oo™92 Du Pont-d’Aubenas au pont de Vogué ( i52™i5) . Du pont de Vogué au château de la Borie (120’'*). Du château de la Borie au pont de Ruoms (98"’83) Du pont de Ruoms au pont de Vallon (83“69). Du pont de Vallon au Pont-d’Arc (71^78) . Du Pont-d’Arc à la maison Gournier (53™56 ) . Delà maison Gournier au Rocher Pointu (45“65)’ Du Rocher Pointu au Confluent (35“^97) 0,0575 0,0276 0,0146 0,0086 0.0079 0,004877 0, 003191 0,002 i4i 0,00 I 524 0,00193 0,001 48 0,000801 0,000817 L’Ardèche reçoit peu d’affluents importants sur la rive gauche, à part la Fontollière, grossie du ruisseau de Burzet, et la Yolane, rivière d’Antraigues et de Vals-les-Bains, grossie de la Besorgues. Ces cours d’eau, descendus du massif du Mézenc, encaissés dans le granité et dominés par des escarpements de basalte, ne sont jamais à sec. B en est différemment de l’Auzon et de l’Ibie, qui drainent le versant ouest de la montagne de Berg, mais qui n’apportent à l’Ardèche qu’un filet d’eau. L’Ibie présente même cette par- ticularité, d’être plus important près de sa source qu’à son 1 De Mardigny, op. cit., planche I. 97 LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS Fig’, io. — Oaifon de rAt‘dèche. Fig’ II. — Ponf-d'Arc. (Vue prise en aval.) Univ. de Lyon. — BouumN. 7 ! ij ^8 (;ÉOGR APHTE PHYSIQUE conlluent avec TArdèclie : clans son cours inférieur, en effet, ses eaux s’infiltrent dans les calcaires fissurés, et c’est à peine s’il peut arriver à Vallon. Tous les affluents importants de rArdèche se trouvent sur sa rive droite, et seulement dans son cours moyen, de Nieigles à Sampzon. Ces affluents sont : le Lignon, la Ligne, la Beaume et le Ghassezac. Le Lignon (28 kilomètres) descend du col de la Croix de Bauzon, à 1298 mètres. Pendant 12 kilomètres, il va de l’ouest à l’est avec une pente moyenne de 6 centimètres par mètre, au milieu du granité gneissique : puis il tourne brusquement au LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS 99 N.-N.-E. el vient se jeter dans TArdèche près du Ponl-de-la - Beaume, avec une pente moyenne de i centimètre par mètre. Dans cette seconde partie de son cours, il traverse les schistes houillers du bassin de Brades, et franchit les coulées basal- tiques du cratère de Jaujac. La Ligne a 24 kilomètres environ. Son débit esl moins régu- lier que celui du Lignon, car elle coule en partie dans le Trias, le Lias et le Jurassique supérieur. Elle sort de la Ghamp-du- Cros ( 1 1 5o^) dans le granité gneissique : sa pente est très rapide tout d’abord, puisqu’à Largentière, à 1 1 kilomètres de sa source, elle n’est plus qu’à 3oo mètres de hauteur : sa pente moyenne a donc été de 7 centimètres par mètre. Dans les terrains plus érodables, cette pente diminue sensiblement (o^^^oi par mètre). Dès que la Ligne entre dans les terrains du Jurassique supé- rieur, elle décrit de nombreux méandres, et son lit s’encaisse de plus en plus dans des berges abruptes. La Beaume a 40 kilomètres de longueur. Elle a sa source à l’est de Loubaresse, vers le col de Pratarabia ( i25o^^^) : elle coule d’abord entre le Tanargue et la Serre de Valgorge, de l’ouest à Test, puis, jusqu’à Ribes, elle va du nord au sud à travers les micaschistes. Sa pente moyenne a été jusque-là d’environ 4 centimètres par mètre. La Beaume entre ensuite dans les terrains secondaires, passe à Joyeuse, et, jusqu’à son confluent, sa pente n’est plus que de o™oo3 par mètre. La Beaume reçoit la Drobie, dont le lit est sinueux et encaissé, et qui lui apporte les eaux limpides de la région micaschisteuse de Sablières et de Saint-Mélany. Le Ghassezac, principal affluent de l’Ardèche, prend sa source à 1170 mètres d’altitude, vers le causse de Belvezet, près du mont Lozère. Getle région des sources de Ghassezac est un centre hydrographique important : une partie des eaux pluviales se rend au Ghassezac, et de là au Rhône et à la Médi- terranée, une autre va au ruisseau d’ Aliène, et de là au Lot et à la Garonne, enfin, une autre se rend au Gbapeauroux, affluent de l’Ailier. Jusqu’à Gravières, le Ghassezac va au S.-E. lOO GÉOGRAPHIE PHYSIQUE à travers les gneiss, les micaschistes, le granité, enfin de nou- veau les micaschistes: jusqu’à ce point, sa pente moyenne a été de 2 centimètres. Ap rès Gravières, il va de l’ouest à l’est, puis remonte vers le N.-E. à travers les terrains secondaires où sa pente moyenne n’est plus que de i centimètre par mètre. C’est alors qu’il traverse les escarpements ruiniformes du bois de Païolive. Depuis Sainte-Marguerite-la-Figère, le Chassezac est encaissé plus qu’aucun autre cours d’eau du Yivarais : sur les versants abrupts pas un arbre ne retient les eaux pluviales. Le Chassezac est souvent à sec à son continent, car ses eaux se perdent et s’infiltrent dans les grayiers qu’il a déposés dans le bassin de Simpzon. Le Chassezac reçoit la Borne, torrent de 3o kilomètres qui draine les eaux de la région micaschisteuse de Montselgues et de Thines : la Borne est aussi encaissée que le Chassezac. Ces gorges de la Borne et du Chassezac, très peu connues, sont, à mon avis, tout aussi pittoresques que le canon de l’Ardèche. ★ + ¥ Il n’y a pas de lac dans le Yivarais, sauf le petit lac Ferrand, entre les sucs de Bauzon et du Pal : mais il ne mérite le nom de lac ni par sa superficie, ni par sa profondeur. Il n’en est pas de même du lac d’Issarlès, situé en dehors du Yivarais, mais à sa limite, sur le versant de la Loire. Sa superficie est de 90 hec- tares, 38 ares : sa forme est ovale. Sa profondeur maximum est de io8“^5o ; il serait donc, après le Léman et le Bourget, le lac le plus profond de France. On crut longtemps qu’il occupait, comme le lac Pavin, un ancien cratère. Fn réalité, (( il paraît avoir été formé par un effondrement dans le granité. Il n’a pas d’émissaire et s’infiltre en donnant naissance à un grand nombre de sources h..)) ^ Cf. A. Delebecque, Communication à l’Académie des Sciences, sur les Lacs du Plateau Central de la France, publiée par la Revue historique. . du y ivarais illustré, du i5 mars, p. 96, 1893. LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS 10 I ★ Y- 4 Nous avons dit qu’une partie des eaux pluviales s’évaporait, et qu’une autre s’infiltrait dans le sol, d’où elle ressortait sous forme de sources, donnant naissance aux torrents et rivières torrentielles dont nous venons de décrire le lit. Mais la plus grande partie de ces eaux pluviales ne peut pénétrer dans le sol, d’une part les terrains primitifs et les terrains secondaires marneux étant imperméables, et d’autre part les terrains secon- daires perméables ayant une pente telle que presque tout l’avantage de leur perméabilité disparaît. Aussi, la majorité des eaux de pluie, dans le Yivarais, ruisselle à la surface des versants : en quelques instants tous les petits torrents d’une même région unissent leurs eaux dans une même rivière tor- rentielle, et un flot énorme se dirige vers le Rhône. Une fois ce flot écoulé, aucune réserve d’infiltration ne maintient la rivière à un niveau élevé : en quelques heures, cette rivière redescend à l’étiage. Il importerait donc de fixer l’époque moyenne des crues, et de déterminer le débit de ces torrents, c’est-à-dire le rapport existant entre l’eau tombée sur le sol et l’eau écoulée : mais les observations hydrométriques sont très rares el très mal faites dans tout le Yivarais. Gela est incon- cevable dans un pays où le torrent est le plus grand ennemi de ragriculture et de l’industrie, où les désastres ont été estimés souvent à plusieurs millions. C’est là un triste exemple de la légèreté de l’esprit humain qui nous fait oublier en quelques mois des fléaux qu’au moment oii ils nous frappaient nous avons crus inoubliables ! Les seules crues que l’on ait observées scientifiquement sont les crues excessives, celles qui se présen- tenttous les cinq ou dix ans. Gomme les observations sont dif- ficiles au moment de ces crues exceptionnelles, on comprendra à quelle difficulté insurmontable on se heurte nécessairement en voulant donner une idée précise du débit des torrents vivarais. (/est aux mois de septembre et d’octobre que se produisent 102 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE les plus fortes crues annuelles : il y a cependant quelque diffé- rence entre le Haut et le Bas-Yivarais. Les trois périodes d’une crue, montée, étale et descente, sont toujours très distinctes dans le Haut-Yivarais. Il n’en est pas de même dans le bassin de l’Ardèche. Là en effet, la montée est plus rapide, car aucune grande forêt, aucune prairie ne retient les eaux sur les ver- sants trop abrupts : Létale fait complètement défaut, et la des- cente se fait sitôt le maximum atteint. Cependant, si les préci- pitations d’eau se font successivement en différents points du bassin, les eaux des affluents arrivent à tour de rôle dans r Ardèche, et le niveau de cette rivière dans son cours infé- rieur se maintient plus longtemps à son point maximum. En général, c’est le Ghassezac qui amène le premier ses eaux troubles, puis la Beaume, la Ligne, et enfin l’Ardèche : mais il ne s’écoule jamais plus de deux ou trois heures entre ces arri- vées successives L Les crues d’autoiïine de l’Ardèche sont presque toujours subites: « En 1846^, à Yogué, des femmes qui lavaient leur linge dans la rivière n’eurent pas même le temps de l’emporter en voyant et. surtout en entendant la crue. Elles durent s’esti- mer bien heureuses d’avoir pu gagner la rive. » La descente est aussi rapide que la montée. En général, « moins de vingt- quatre heures après que la pluie a cessé dans les Cévennes, la rivière, même à son confluent avec le Bhône, est presque tou- jours complètement rentrée dans son lit. La grande crue de 1772 s’écoula si rapidement sur la Beaume, que, à la Beaume- de-Ruoms, on passa le soir à gué la rivière qui avait, dans la matinée, atteint une hauteur de 1 1 mètres en contrehaut de l’étiage » Il y a une seconde période de crues, c’est le début du prin- temps. Les trois périodes de chaque crue y sont de bien plus 1 De Mardigny, op. cit., p. 6. 2 De Mardigny, op. cit., p. i4- De Mardigny, op. cit., p. 17. LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS Io3 longue durée qu’en automne. En effet, les causes de ces crues de printemps sont : i® la fonte des neiges; 2^ les orages résul- tant d’une perturbation atmosphérique générale. Si rapide que soit la fonte des neiges quand souffle l’air chaud de Eouest et du midi, elle n’a jamais le caractère des chutes de pluie d’automne. L’étale de la crue se maintient donc aussi longtemps que souffle le vent chaud, et la descente commence dès qu’un vent froid vient momentanément arrêter la fonte. Si à ce vent d’ouest ou du midi se joignent des pluies chaudes, la crue pourra devenir violente ; mais, même dans ce cas, l’étale et la descente seront plus longues qu’en automne. Dans le Bas-Viva- rais, les trois périodes de la crue de printemps sont toujours plus rapides que dans le Haut-Vivarais. ★ ¥ 4 Les deux périodes normales de l’étiage sont l’hiver et l’été. Cependant, cette dernière saison est celle où l’étiage est le plus bas dans le Bas-Vivarais et dans les bassins de l’Ouvèze et de l’Erieux, tandis que c’est l’hiver dans les bassins du Doux et de la Gance. ★ L’effet de ces crues est d’arracher des débris de roches, des arbres, et d’entraîner les fines particules de terre : de la sorte, les versants des montagnes se dénudent, deviennent de plus en plus abrupts, surtout dans le Bas-Vivarais. Ces crues sont annuelles, et, si brusques qu’elles soient, elles sont générale- ment attendues. Gomme elles s’élèvent ordinairement jusqu’à un maximum peu variable, il n’y a jamais d’accidents de per- sonnes, ni de grands dégâts matériels. Il arrive cependant que les crues sont si puissantes que leur lit majeur ne leur suffît plus. Alors les eaux se répandent dans la campagne, arrachant toul sur leur passage, semant la ruine et recouvrant les cultures de rochers et de graviers. Ge sont les crues exceptionnelles dont la violence a donné au \ ivarais une triste renommée. GÉOGRAPHIE PHYSIQUE I o4 Eli prenant pour étiage du Doux le zéro de l’échelle placée au Grand-Pont, on remarque les hauteurs maxima suivantes, dans les crues extraordinaires : lui 1787 io“5o. Le 3 octobre 1841 . . 9»8o i i5oo mèlres cubes L. Le 10 septembre 1857. 9,20 (i43o — — ). A Pontpierre, l’Erieux a monté, d’après les calculs de M. l’ingénieur Perret, de iS'^’qo en contrehaut de Tétiage, en 1817 : il roulait alors 3400 mètres cubes. En iSSj, au même point, les eaux se sont élevées de 17 '“20 : leur volume était de 45oo mètres cubes Les crues extraordinaires de l’Ardèche sont terribles par leur rapidité autant que par le volume d’eau entraîné. Comme le dit Mistral dans son Poème du Rhône ^ : Il ne faut pas rire avec cette coquine de rivière rageuse, quand elle prend l'élan, gonflée par les pluies, et qu'elle fait croître le Rhône de vingt palmes. Ces crues de l’Ardèche sont parfois assez puissantes pour traverser le Rhône comme un barrage, enfoncer la digue oppo- sée et se répandre dans les plaines de la rive gauche : souvent aussi elles recouvrent le fleuve d’un radeau de troncs d’arbres arrachés aux Gévennes^. Quelques-unes d’entre elles sont devenues célèbres. La crue d’octobre 1827 est une de celles qui ont le plus affligé le Bas-Vivarais. Les eaux atteignirent alors des hauteurs 1 De Mardigny, op. cit., p. 3o. De Mardigny, op. cit., p. 29. 3 Mistral, Lou Poemo don Rose (ch. xlvi) : k Fau pas badina’m’aquelo garço — de ribiero rabénto, quand s’abrivo — gountlado pér li plueio e que fai créisse — lou Rose de vint pan! » ^ Surell et Cézanne, Etude sur les torrents des Hautes- Alpes, 2® vol.j p. i58. LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS Io5 prodigieuses en contrehaut de l’éLiage : i6‘^^io au pont de Vallon, 17 mètres au moulin de Salavas, i9™25 au Ponl-d’Arc, plus de 21 mètres à la maison Gournier où l’Ardèche inférieure subit son maximum d’encaissement. Au Rocher- Pointu, la hauteur n’était que de i4'"5o, grâce à la proximité de la plaine de Saint-Martin d’Ardèche où les eaux pouvaient se répandre. Si grandes que fussent ces hauteurs d’eau, cette crue fut excep- tionnelle surtout par sa durée qui fut de trois jours. Pendant ces trois jours, plus d’un milliard de mètres cubes d’eau fut entraîné au Rhône. En vingt et une heures il était tombé à Joyeuse o^^^792 d’eau, ce qui donne un volume de 10 m. c. 5o par seconde et par kilomètre carré h En 1846, les eaux de l’Ardèche s’élevèrent de i3‘^^io au pont suspendu de ^ allon et de i6"’25 au Pont-d’Arc. Deux crues se succédèrent alors à intervalles rapprochés le 20 et le 28 septembre. Cette dernière fut la plus violente. Les pertes occasionnées par ces deux crues furent estimées à plus de trois millions de francs. En i856, ce fut surtout le Rhône qui ravagea la limite est du Vivarais; mais l’année suivante, du 8 au 10 septembre 1857, une forte crue de l'Ardèche se produisit après un vent violent du S.-E. Sur tout le passage de l’ouragan, les arbres furent arrachés ou brisés et entraînés au fond des gorges. C’est à cette circonstance qu’il faut attribuer le caractère exceptionnel de cette crue. Le niveau de l’Ardèche fut alors de i3™5o au pont suspendu de Vallon, de i6“8o au Pont-d’Arc, et de i8^^5o à la maison Gournier. Deux ans plus tard, le i5 octobre i85q, les eaux de l’Ardèche s’élevèrent de 1 1^^^2 7 au pont de Vallon, de i4“^io au Pont- d’Arc, et de i6‘^^5oà la maison Gournier. Des crues violentes se produisirent encore en septembre i863, en septembre 1867, en octobre 1872, en octobre 1873. La crue d’octobre 1878 fut ^ M. y 'Asch&]de, Les Inondations du Vivarais depuis /e xiii® siècle, Aiibenas, p. 28, 1 8püu - . - . - GÉOCrKAPHIE PHYSIQUE loG désastreuse : les dommages éprouvés par les particuliers furent estimés à quatre millions, et ceux éprouvés parle dépar- tement et l’Etat, à 841.472 francs. La dernière crue exceptionnelle a été celle de 1890 (22 et 28 septembre). Vers le Pont-d’Aubenas, des champs étaient cou- verts par i^^^5o à 2 mètres de sable ou de limon. Dans la plaine d’Aubenas, il semblait que l’Ardèche avait changé son cours de place, le cours ancien ayant été obstrué par des rochers et surtout par des arbres. Au pont de Vallon, le 22 septembre, à 6 heures du matin, la crue atteignait 9^10; à 8 heures, i?t mètres; enfin à midi elle arrivait à son maximum de 17^^60. Au Pont-d’Arc, les eaux que l’arche naturelle entravait dans leur marche s’élevèrent jusqu’à 21 mètres et refluèrent dans la Gombe-d’Arc, leur ancien lit. Dans le seul arrondissement de Largentière, il y eut 20 victimes : les dommages furent évalués, pour le Vivarais entier, de 10 à 12 millions pour les particu- liers et à 2 millions 1/2 pour l’Etat. Il y eut des crues d’au- tomne en 1896 et de printemps en 1897 assez fortes, mais elles furent bien inférieures à la crue de 1890. ★ Nous avons vu (chap. iv) qu’il était impossible à l’homme d’empêcher ces considérables et brusques précipitations d’eau ; mais on peut, en tout cas, régulariser l’écoulement de cette masse d’eau. La pluie une fois tombée sur les pentes des montagnes, il faut qu’elle aille le moins vite possible dans les torrents, c’est- à-dire qu’il faut multiplier les obstacles devant elle. Dans le Haut-Vivarais, ces obstacles sont constitués par les bois, les prairies et les terrasses ; dans le Bas-Vivarais, il n’y a guère que les seules terrasses construites par les paysans, pour main- tenir sur les pentes un peu de terre végétale. Bien qu’elles soient fort nombreuses et qu’elles jouent à merveille le rôle de modérateurs dans les inondations, ces terrasses sont mal LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS IO7 heureusement trop rares ; elles ne se trouvent que là où les pentes ne sont pas trop abruptes, et assez rapprochées des habitations. Il faut donc que les paysans maintiennent avec soin celles qui existent, et même il serait bon qu’avec le temps ils réparassent les anciennes terrasses construites par leurs pères, et dont on voit les ruines sur le flanc de bien des montagnes vivaraises. Après les terrasses maintenues et multipliées, il y aurait les rigoles à flanc de coteau. M. de Mardigny^ repousse ce procédé sous prétexte que ces rigoles devraient être creusées dans des rochers inattaquables autrement qu’à la poudre^ et que d’antre part elles seraient bien vite emportées par les eaux sauvages ou comblées par les matières arrachées aux parties supérieures du versant. Construire des rigoles dans de telles conditions serait évidemment bien puéril. Le grand tort de ceux qui ont fait la critique des moyens de défense proposés a été de les condamner a priori^ sous prétexte que tel on tel système n’est pas appli- cable dans tout le pays. En vérité, ce n’est pas un système que l’on doit adopter, mais bien plusieurs, chacun d’eux étant appliqué là où il peut rendre des services. Aussi ne condam- nons pas le procédé des rigoles à flanc de coteau ; mais, pour que les matériaux arrachés ne viennent pas les combler, il faudra combiner ce système avec deux autres, les plus impor- tants de tons : le reboisement et l’enherbement. Si le déboisement du Tanargue et du Goiron n’a eu aucune influence (ou bien peu) sur les précipitations d’eau de cette région, il n’en est pas de même pour ce qui est du régime des torrents. La pente des versants, l’imperméabilité du sol et la masse d’eau tombée occasionnèrent de tout temps des inon- dations, mais le pays entier y prêtait moins d’attention : « Les inondations, dit M. de Mardigny ne sont pas plus fréquentes qu^autrefois... Autrefois, les inondations étaient acceptées 1 De Mardigny, op. cit., p. 19. 2 De Mardigny, op. p. 34. io8 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE comme des fléaux envoyés par la Providence et passaient à peu près inaperçus au milieu de guerres, de pestes et de famines incessantes. Les populations d’ailleurs se plaignaient moins, parce qu’on n’eût pas écouté leurs plaintes, ni surtout songé à les indemniser ; enfin la presse n’existait pas et personne dans le Nord ne s’inquiétait des inondations qui pouvaient se pro- duire dans le Midi. » 11 est certain cependant que la montée et la descente des crues étaient plus longues, et même il est pro- bable que le niveau de l’étiage était moins bas qu’aujourd’hui. Les documents épigraphiques nous montrent une batellerie bien organisée sur l’Ardèche, là où passent aujourd’hui à peine quelques barques de touristes et au prix de quelles difficultés L Le devoir des particuliers et des communes serait donc de reconstituer les forêts anciennes, si la terre végétale n’avait été en nombre d’endroits arrachée et entraînée par les tor- rents. Néanmoins, il faut reboiser partout où cela est encore possible. Le reboisement a été poussé d’une façon fort active. Depuis 1880 environ, il n’est guère de communes dans la montagne, à qui on n’ait enlevé plusieurs centaines d’hectares de terrain pour y planter des arbres (sapins, mélèzes, pins à crochets, pins mugho^, etc.). Les chiffres suivants, empruntés au Rap- port du Conservateur des Forêts au Conseil général de l’Ardè- che (2® session, 1896) marquent bien le progrès accompli dans l’œuvre du reboisement : l’Etat a dépensé dans les périmètres de reboisement : ^ Ch. Leuthéric, Le Rhône, t. II, p. 5oy. 2 Dans les reboisements qu’ils ont faits, les Trappistes de Notre-Dame des Neiges ont employé des mélèzes, des épicéas, des sapins, des pins noirs d’Autriche, et diverses essences de pins. Les essais ont dû être recommencés plusieurs fois, les plantations ayant été détruites par les troupeaux trans- humants et par les gelées. Des semences de bouleaux et de sycomores ont complètement échoué. Dans la montagne le chêne croît lentement, mais il paraît résister au froid pourvu qu'il ne soit pas exposé au nord. Quant au hêtre, il réussit très bien. (Cf. Rapport adressé en juillet 1862 par le prieur de Notre-Dame des Neiges au Procureur impérial de l’Ardèche.) LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS I O9 En 1889 .... l‘r. 28.464,80 — ^890 .... 4*-8o6,5o — 1898 40-842, o5 — 1894 .... 49-852 » — *898 .... 4o.5y8 » Malheureusement, les communes se prêtent mal à ces travaux dont elles ne voient pas les elïets heureux se manifester sur-le- champ. Généralement, il faut que l’Etat impose sa volonté et déclare d’utilité publique l’expropriation des terrains assignés aux périmètres de reboisement. Bien plus, nombre de paysans de la montagne se font un malin plaisir de couper les jeunes arbres ou de faire paître leurs chèvres dans les plantations nou- velles. L’Etat ne doit donc pas compter sur l’initiative privée pour l’aider dans sa tâche. D’ailleurs lui seul peut consentir à semer aujourd’hui pour ne récolter que dans cinquante ou soixante ans ; ce n’est pas notre génération qui profitera des bienfaits du reboisement. J’ai vu sur le Mézenc et sur le Tanargue des plantations de quatre ans qui avaient à peine I mètre à i“5o au-dessus du sol. L’administration forestière s’estime heureuse quand ces jeunes plantations ne gèlent pas ; souvent les jeunes pins paraissent vigoureux dès leur sortie de terre, mais dès qu’ils émergent des hautes herbes des sommets, un coup de vent froid passe sur la montagne qui détruit toutes les têtes des arbres et le travail fait est à recommencer. Il ne faut pas se décourager : il faut reboiser partout où cela est possible, non pour soi, mais pour ses lils. Il faut encore combiner le reboisement avec le gazonnement , ou l’enherbement qui est, à mon avis, presque aussi utile. Les herbes retiennent l’eau mieux que les racines des arbres trop distancées entre elles ; elles retiennent aussi mieux la terre et les particules fines du sol. Cependant il ne faudrait pas créer des prairies sur des pentes trop prononcées ; les gazons de montagne forment une sorte de feutre serré sur lequel feaii glisse très rapidement sans pénétrer dans le sol. Ce n'est donc pas un gazon que l'on fasse pâturer aux troupeaux qu'il faut I lO GÉOGRAPHIE PHYSIQUE établir^ mais une sorte d’embroussaillemeiil des versants ; ce procédé a de plus l’avantage de donner des résultats complets au bout de trois à quatre années b Après avoir par le reboisement, par renherbement, par des rigoles à flanc de coteau, retenu les eaux sauvages quelque temps sur les pentes, il faudra empêcher les torrents de joindre tous ensemble leurs eaux dans un seul el même flot dévasta- teur. On a proposé dans ce but deux systèmes : les barrages de petites ou de grandes retenues. Cet emploi des barrages semble, en effet, très rationnel pour opérer, au moment du maximum des crues, des retenues que l’on rend à la rivière au moment de la décroissance. Avec le système des petites retenues, il faudrait organiser une série d’escaliers dans le cours supérieur du torrent, ana- logues à ceux qui ont été établis par Surell dans les Hautes- Alpes. Dans l’état actuel du sol du Vivarais, ces petits barrages seraient en quelques instants remplis de pierres, de terre et d’arbres ; et je comprends l’objection de M. de Mardigny. Mais dans soixante, quatre-vingts ou cent ans, quand les pentes auront été reboisées ou embroussaillées, ces dangers d’en- vasement ne seront plus à craindre, et je ne vois pas pour- quoi l’on n’appliquerait pas alors les barrages de petites retenues. Quant aux barrages de grandes retenues que M.de Mardigny préférerait aux autres (sans toutefois les admettre^), ils me semblent impossibles dans l’état présent et peu utiles dans l’avenir. De tels barrages ne devront noyer ni villages, ni cul- tures ; ils devront s’appuyer fortement sur une base de rochers. En tenant compte de tant de conditions indispensables, M. de Mardigny ne trouve, pour le Doux, que les cinq points sui- vants : 1 P, Demontzey, Traité pratique du reboisement et du gazonnement des mon- tagnes, ch. XI, p. 3oo etsq., Paris, Rothschild, 2eédit., 1882. ' De Mardigny, op. cit., p. 3p et suiv. LES COURS d’eau ET LES INONDATIONS II I 2° 3° 5° Réservoir de Freyssène. . retenant 2.5oo.ooo m.c. (20 m. de haut.) — — Monteil — 5.000.000 — (20 - ) — — Bouton — 3.000.000 — {16 ) — — Boucieu-le-Roi — 4.000.000 — (20 - ) — des Etroits .. . — 7.500.000 — (3o - ) Total 22.000.000 mètres cubes. Pour l’Erieux, il désigne : 1® Réservoir du Sauzet . . . retenant 3. 000. 000 m.c. (25 m. de haut.) 2° — de Saint-Sauveur — 5.000.000 — (20 — ) 3® — — Pontpierre . — 10.000.000 — (20 — ) Total . . . . 18.000.000 mètres cubes. Pour l’Ardèche, il n’a reconnu que deux points seulement : 1° à 800 mètres en amont du pont suspendu de Ruoms : ce bar- rage, de 1 5 mètres de haut, retiendrait 20 millions de mètres cubes ; 2^ au Rocher Pointu, à 23 kilomètres à l’aval du Pont - d’Arc: ce barrage, de 3o mètres de haut, retiendrait 35 millions de mètres cubes. Cela est fort bien, à première vue ; mais qu’est-ce que 22 millions de mètres cubes dans les inondations du Doux, ou 18 millions dans celles de l’Erieux, et surtout 55 millions dans celles de l’Ardèche. Les barrages du Doux, de l’Erieux et de l’Ardèche ne pourraient rendre des services qu’au moment des crues moyennes. Quant à ceux de l’Ardèche, en particulier, ils serviraient encore à la navigation du Rhône, dans les cas, heu- reusement rares, où les crues du Rhône coïncident avec celles de EArdèche. Mais la plus grande partie du bassin de l’Ardèche, celle qui souffre des inondations, serait en dehors de leur action bienfaisante. En résumé, ces barrages de grandes retenues sont peu iililes, et ceux de petites retenues sont impossibles dans l’état actuel. Eaut-il alors, comme M. de Mardigny, se décourager et pré- tendre qu’il n’y a rien à faire? En attendant cent ou cent cin- quante ans, que les pentes soient boisées et gazonnées et qu'on I I 2 frÉO GRAPHIE PHYSIQUE établisse les petites retenues, il faut laisser aux eaux libre cours, il faut leur faciliter le passage. On s’illusionne involontairement quand on voit ces torrents à l’étiage; on ne croit pas que ce filet d’eau pourra grossir, couvrir des champs, renverser des ponts, détruire des routes et des maisons. Rempli malgré soi d’une trompeuse confiance on construit des ponts aux piles trop rapprochées ou peu solides, on élève des murs dè propriété dans le lit majeur du torrent. D’autres, remplis de bonne vo- lonté, mais peu prudents, plantent des arbi*es sur les rives ou construisent des digues en pierres sèches pour protéger leurs champs. Mais qu’il survienne une crue exceptionnelle; les ponts mal construits formeront barrage, puis céderont, et leurs débris iront grossir la masse des rochers entraînés par les eaux. Les arbres, sur les rives, retiendront quelque temps le torrent dans son lit, mais si l’un d’eux est arraché, il sera en- traîné et ira faire barrage entre deux rochers; l’eau se précipi- tera à la place qu’il occupait, tourbillonnera, enlèvera la terre végétale et déposera des graviers. Les digues mal faites pré- cipiteront le torrent en aval, ou bien, entraînées, elles l’encom- breront de leurs débris. Ainsi bien des dommages causés par les torrents du Vivarais doivent être attribués à la sottise des riverains. Il faut donc jeter sur ces torrents des ponts solides suspendus ou soutenus par des piles largement espacées. Il faut leur abandonner résolument leur lit majeur^ fût-il à sec pendant de longs mois. Avec ces seules précautions (en attendant le résultat des travaux préventifs) les eaux s’écouleront comme un tourbillon, mais, ne trouvant pas d’obstacle devant elles, elles ne détruiront pas les travaux péniblement élevés par l’homme. CHAPITRE VI GÉOGRAPHIE BOTANIQUE ET ZOOLOGIQUE Le terme de Géographie botanique du Vivarais n’est pas synonyme de Flore du Vivarais. Sans doute le géographe doit posséder une statistique florale de la région qu’il décrit aussi complète que possible ; mais son rôle ne se borne pas à donner une liste des espèces végétales. Il lui faut rechercher quels végétaux sont réunis en association dans une station donnée ; définir la physionomie particulière de cette association, et sur- tout expliquer pourquoi ces plantes se réunissent, comment elles règlent leur existence d’après le milieu où elles vivent, c'est-à-dire comment les conditions géographiques agissent pour déterminer les formes du paysage au point de vue végé- tal. La géographie botanique d’une région est donc intimement liée à toutes les parties de sa géographie physique. L’évolu- tion géologique, la nature du sol (sables, argiles, roches), sa composition chimique (terrains siliceux ou calcaires), le cli- mat surtout (intensité de la lumière solaire, chaleur, humidité de l’air, pluies), tous ces agents extérieurs conditionnent des formes biologiques de végétation, dont l’association donne au paysage un aspect vrainent caractéristique h L’étude de ces associations végétales présente, dans le Vhva- i Cf. D'' Oscar Drude, Manuel de Géographie botanique (traduit par G. Poi- rault, 1893-1897, Paris, P. Klincksieck. Cf. Dr Engen Warming, Lehrhuch der ôkologischen Pflanzengeographie (Eine Erführung in die Kenntniss der Ppanzenvereine) traduit du danois par Emil Knoblauch (Berlin, Borntrac- ger, 189G). Univ. de Lyon. — Bourdin. 8 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE ii4 rais, un assez grand intérêt, car les agents extérieurs dont l’action est si puissante sur les végétaux y sont très variés et fort complexes, ainsi que nous l’avons vu précédemment. Le Vivarais doit, par conséquent, être divisé en plusieurs zones de végétation nettement différenciées les unes des autres. La première zone s’étend du nord au sud, des pentes méri- dionales du Pilât à Ghâteaubourg et à la montagne de Grussol; et de l’est à l’ouest, des bords du Rhône jusqu’à une altitude moyenne de 5oo mètres, au pied des hauts contreforts des Rou- tières. Elle est en quelque sorte le prolongement du Lyonnais dans le Vivarais, car le relief, le sol (terrain siliceux), et le climat y sont sensiblement pareils au relief, au sol et au climat du Lyonnais. G’est la partie du Haut-Vivarais la plus cultivée ; aussi les associations végétales naturelles ont-elles été profon- dément modifiées par l’homme. A ce point de vue même, cette zone mérite le nom de zone du froment et de la vigne. Au milieu de ces cultures on trouve quelques plantes qui se ren- contrent en abondance au nord du Pilât. Ge sont : Orlaye à grandes fleurs (Orlaya, grandiflora HofTm.). Linaire fluette (Linaria minor Desf.). Patte de lièvre (Trifolium arvense L.). Trèfle des prés (Tr. pratense L.). Trèfle des champs (Tr. campestre Schreb.). Trèfle incarnat incarnatum L.). Saponaire à fleurs rouges (Saponaria vaccaria L.). Grépide fétide (Crépis fœtida L.). Salsifis des prés (Tragopogon pratensis L.). Passe-rage cham^èive (Lepidium campestre Rob. Br.)... etc. Mais lorsque des versants trop rapides près des torrents, ou l’affleurement de roches dures ont empêché toute culture, les associations végétales naturelles reparaissent. Toute cette par- GÉOGRAPHIE BOTANIQUE ET ZOOLOGIQUE Il5 tie du Haiit-Yivarais est semée de petits bois ou plutôt de taillis, qui s’accrochent sur les pentes des ravins. On y trouve : Chêne blanc [Qaercus pedunculala Ehrb.)* Erable champêtre (Acer campesire L.). Viorne (Viburnam lenium L.). Cerisier commun (Cerasus vulgaris Mill.). Prunellier ou Pelossier (Prunus spinosa L.). Aubépine polygyne (Cratægus oxyacanthus h.). Chèvrefeuille blanc jaunâtre (Lonicera xylosteuni L.) Rose rubigineuse (Posa ruhiginosa L.). Ronce rustique (Ruhus fruticosus L.), etc. Dans les landes on rencontre des associations de: Genévrier commun (Juniperus communis L.), Genêt griot (Genista purgans D. G.). Bruyère commune (Erica vulgaris L.), etc., etc. Toutes ces plantes appartiennent à la flore du centre de la France; d’où vient cependant que cette première zone du Haut- Yivarais présente, au point de vue végétal, une réelle origina- lité? C’est qu’à ces plantes lyonnaises se réunissent, dans la même association des espèces nettement méridionales. Dans les taillis, ce sont : Le Pistachier térébinthe (Pistacia terebinthina L.), 3-5 mètres. L’Erable de Montpellier (Acer monspessulanum L.). L’Alisier ou Sorbier Alouchier [Sorbus aria Krantz). Le Chèvrefeuille d’Etrurie (Lonicera etrusca Santi). Le Cerisier Mahaleb (Bois de Sainte-Lucie) (Cerasus Coryni- bosa L.). et dans les landes incultes : Le Chardon Marie ( Carduus Marianus L.). Le Chardon du Vivarais (Carduus Vivariensis Jord,).., etc. Toutefois ces plantes méridionales ne se remarquent que i Il6 • GÉOGRAPHIE PHYSIQUE près des bords du Rhône, jusqu’à 3oo ou 35o mètres d’alti- tude. ♦ La deuxième zone est plus étendue que la première : elle comj^rend non seulement toutes les Routières, mais encore le massif du Mézenc et les Gévennes vivaraises, au-dessus de 5oo mètres. Elle se différencie nettement des zones inférieures sous l’influence de l’altitude et du climat, et surtout parce que le sol y est siliceux tandis que dans les zones inférieures du Ras-Yivarais, il est calcaire. Elle comprend deux sous-régions : i*^ celle des châtaigniers; 2® celle des hêtres et des pâturages. Dans les Routières et le massif du Mézenc, la zone du châ- taignier est très boisée ; les bois sont étendus, mais les essences sont peu nombreuses. Ce sont, en grande majorité, des pins, au feuillage noir, aux troncs droits, serrés les uns contre les autres, dégarnis de branches à leur partie inférieure. Dans les Gévennes, au contraire, la zone du châtaignier est peu boisée, car on a planté des châtaigniers, au feuillage brillant, aux troncs noueux et larges, très espacés, partout où l’escarpement des pentes n’était pas trop abrupt. Mais comme dans ces Gé- vennes schisteuses, les abrupts sont fréquents, on n’y voit pas comme dans le Haut-Vivarais le curieux contraste de châtai- gniers et de pins, mais plutôt celui des châtaigniers et du rocher nu, à pic et déchiqueté. Sous ces arbres aucun tapis végétal caractéristique ne peut vivre. R n’en est pas de même sur le bord des chemins ou dans les landes incultes. Là les associations végétales sont composées des mêmes petites plantes, d’espèces vulgaires, que l’on trouve dans tous les terrains siliceux des basses monta- gnes du centre de la France. Ge sont : Camomille des champs (Anthémis arvensis L.). Camomille des collines (A. collina Jord.). Séneçon visqueux (Senecio viscosus L.). Saponaire faux-basilic éSajDona/’m ocymoides L.). GÉOGRAPHIE BOTANIQUE ET ZOOLOGIQUE I ï 7 Marg'iierite matricaire (Pyrelhram parlheiiium Sm,). Orpiii à fleurs réfléchies (Seduni reflcxiim L.). Oseille de brebis (Riiinex aceloselliis L.). Œillet prolifère (Diant/ius prolifer L.). Vulpie à queue d’écureuil (Vulpia sciiiroides Gmeb). Cotonnière d’Allemagne (Filacfo (jermanica L.). Coronille à fleurs panachées (Coronilla varia L.). Fétuque glauque (Festaca glauca Schrad.), etc., etc. Il faut encore ajouter à ces plantes quelques espèces que l’on trouve dans les Gévennes vivaraises, mais non dans les Boutières : Leucanthemum palmatum Lam. (jolie radiée, au feuillage élé- gant). Muflier à feuilles d’asaret (Antirrhinum asarinum L.). Adénocarpe des Gévennes (A. cehennensis Delile). Chardon du Vivarais (Carduus vivariensis Jord.). Violette du Vivarais (Viola vivariensis Jord.), etc. A cette région on peut rattacher la partie basaltique du Goiron, sur les pentes duquel se trouvent de véritables coulées de magnifiques châtaigniers, là où les débris volcaniques se sont amassés et ont donné naissance à un sol siliceux. Au-dessus de la région des châtaigniers, jusqu’à 1 5oo mètres environ, s’étend celle des hêtres et des pâturages. A cette région appartiennent: les Boutières granitiques ou granulitiques ; 2° le Mézenc volcanique; 3° les Gévennes schisteuses. Dans chacune de ces trois parties, les associations végétales sont assez différentes pour constituer des paysages caractéristiques. Dans les Boutières et sur les plateaux de saint-Agrève et de Devesset, les bois de hêtres, mais surtout de pins, sont localisés dans les terrains dont la pente excessive ne permet pas de travailler le sol, ou loin des villages. Ils n’occupent qu’une faible superficie tandis que les champs de seigle et les pâtu- rages s’étendent à perte de vue. Au bord des bois, on trouve en abondance des genêts et des digitales pourprées. On ren- contre encore, dans les cultures: I I 8 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE Ortie chanvre (Galeopsis noclosa, Moench.). Thé d’Europe (Veronica officinalis]j,). Gnavelle annuelle (Scleranthus annuus L.). Gnavelle vivace (S. perennis L.), etc. et dans les prairies les graminées suivantes : Agrostide commune (Agrostis vulgaris \^’ilh.). Gauclie flexueuse (Aira flexuosa L.). Fléole ou Timothy-Grass (Phleum pratense L.). Avoine jaunâtre (Avena fïavescens L.). Flouve odorante (Anthoxanthiim odoralnm L.). Grételle (Cynosuras crisiatiis L.), etc. Les prairies des montagnes lyonnaises, celles meme du Pilât, ont une flore bien plus riche et plus intéressante. Autour du Mézenc, sur le grand plateau désert que viennent brusquement interrompre les sucs pbonolitiques, on ne rencon- tre que quelques bois, plantés par l’Administration des forêts : le hêtre est plus abondant que vers Saint-Agrève. On voit aussi des plantations plus étendues, mais encore peu élevées, de sapins. Quant au tapis végétal de cette région, il est d’une grande pauvreté : la roche volcanique, grise ou blanchâtre, affleure sans cesse, et la terre végétale, peu épaisse, ne nourrit qu’une herbe courte que paissent des troupeaux de moutons. Les Gévennes vivaraises, au-dessus de la zone du châtai- gnier, sont une des régions les plus boisées du Vivarais. Là se trouvent les grandes forêts de Mazan et de Bauzon, composés en grande partie de hêtres ou fayards (Fagus sylvatica L.) et de sapins. Au-dessus de i5oo mètres environ s’étend la zone subal- pine du Vivarais, qui renferme les hauts sommets des massifs du Mézenc et du Tanargue. La flore arborescente a presque totalement disparu : tandis que le sol est couvert par un tapis végétal, assez court, mais très serré et d’un vert foncé. Ces hauts pâturages du Vivarais renferment: GÉOGRAPHIE BOTANIQUE ET ZOOLOGIQUE I I Anémone de printemps (Pulsatilla Mill.), Renoncule à feuilles de platane (Banunculus plalanifolius Boule d’or (Trolliiis europæas L.). Arnica de montagne (Arnica montana L. ^). Centaurée pectinée (Centaurea peclinaia L.). Alchémille des Alpes (Alchimilla alpina L.). Hellébore blanc [Veratrum album L.). Jasione vivace (Jasione perennis hdim..). Campanule à feuilles de lin (Campanula linifolia Lam.). OEillet hérissé (Dianthus hirtus Vill.). Luzule en épi (Luzula spicata D. C.\ Ail à tunique réticulée (Alliurn victoriale L.), Safran printanier (Crocus vernus AIL). Orchis noir ou Petite brunette (Orchis nic/er L.). Orchis blanc (Orchis albidus Scop.). Fétuque brunâtre (Fesiuca spadicæah.). Herbe grasse (Ping uicula vulgaris L.). Emphraise officinale (Euphrasia officinalis L.). Pédiculaire chevelue (Pedicularis comosa L,). Violette du Vivarais (" Wo/ci vivariensis L.), Violette des Sudètes (Viola sudelica Willd.). Silène des rochers (Silene rupestris L,). Réglisse de montagne (Trifolium alpinum L.). Solidage de montagne (Solidago monticola Jord.), etc., etc. Il faut mentionner à part le séneçon à feuilles blanches (Senecio leucophyllus, D. C.) aux fleurs jaunes en corjmbe compacte, une des espèces les plus rares de la flore française, et que l’on ne signale que sur le Mézenc et dans les Pyrénées orientales. Dans les endroits humides, comme vers la source de la Loire au pied du Gerbier de Jonc, on trouve des assoeiations a égé- tales un peu difTérentes où les plantes sont généralement plus hautes que les précédentes. Ce sont: Aconit tue-loup (Aconitum lycoctonum L.). Arabette des Cévennes (Arabis cebennensis D. C.). ‘ L’arnica est très commun à Mazan et à Notre-Dame des Neiges. 120 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE Girse des ruisseaux (Cirsam rivulare Link.). Laitron de Plumier (Sonchus Plamieri L.). Luzule de Desvaux (Liizula glahrata Des vaux.). Paturiu des bois (Poa silvatica Vill.). Mélampyre des bois (Melampi/rum silvaticum L.). Jonc filiforme (Juncus filiformis L.). Linaigrette à larg'es gaines (Eriophorum vac/inaium L.). Géranium noueux (Géranium iiodosum L.). Buplèvre renoncule (Buplevrum ranunculoideum L.). Laurier de Saint-Antoine (Epilobium spicatum Lam.), etc., etc. Enfin à l’abri des rochers, qui les protègent des vents froids, on voit quelques arbustes : Ronce des rocailles (Rubus saxatilis L.). Rose à feuille de boucage (Posa pimpinelli folia L.). Genévrier nain (Juniperus alpina Glus.). Airelle à fruits noirs (Vaccinium myrlillus L.). Airelle à feuilles glauques (V. ulicjinosum L.). Arbousier raisin d’ours (Arbiitus uva ursi L.). Ghèvrefeuille à fruits bleuâtres (Lonicera cærulea L.). Ghèvrefeuille à fruits noirs (Lonicera nigra L.). Laurier des Alpes, Rois -Gentil (Daphné mezereum L.). Saule à feuilles d’arbousier (Salix myrsinites L.). ★ Jusqu’ici nous n’avons étudié que les deux zones du Vivarais les moins chaudes, par suite, soit de la latitude, soit surtout de l’altitude, et qui, de plus, comprennent presque uniquement des terrains siliceux. Les deux zones que nous allons examiner maintenant sont les plus méridionales, les plus chaudes de la province, et enfin elles sont situées sur un sol calcaire. On saisit combien grande sera la différence entre ces deux zones et les précédentes; aussi le voyageur qui voit dans les asso- ciations végétales du Haut-Yivarais un prolongement de la végétation lyonnaise, reconnaît-il au contraire dans le Bas- Yivarais une préface du Midi et du Bas-Languedoc. La troisième zone s’étend des bords du Rhône ou de GÉOGRAPHIE BOTANIQUE ET ZOOLOGIQUE 12 1 l’Ardèche jusqu’à une altitude moyenne de 3oo mètres. C’est la zone du mûrier, de l’olivier et de la vigne. La deuxième, au- dessus de 3oo mètres, est la zone du mûrier et de l’amandier, que l’on pourrait aussi appeler la zone du maquis. Toutefois les associations végétales ne se présentent point d’une façon uniforme depuis le Pouzin jusqu’à Saint-Just-d’x\rdèche ou aux Vans. Déjà dans l’îlot calcaire de Ghâteaubourg nous remarquons des taillis épais de : Marabout ou arbre à perruque (Rhus cotina L.). Nerprun alaterne (Rhamnus alaternus L.). Chêneau kermès (Q a ercus coccifera L.). Jasmin jaune (Jasminam fruticans L.). Cytise long (Cy Usas elongalus h.)., etc., etc. Un peu au sud, les taillis de la montagne de Crussol, au- dessus des vignobles de Saint-Péray et de Guilherand, ren- ferment les mêmes essences, et en outre : Cytise à feuilles séniles (C y lis as sessilifolias L.). Cytise argenté (Cyiisas arc/enteus L.). Chêne yeri (Qaercas t/eo: L.) que les paysans nomment léoazé corruption évidente de Vyease. A côté de ces taillis, au milieu des rochers et des débris de roches, on remarque : Gesse à petites feuilles ( La thyi' a s setifolias L.). Psoralea bitumineuse (Psoralea bilaminosa L.). Arabette de murailles (Arabis maralis Bertol.). Séneçon gaulois (Senecio gallicas Vill.). Vélar du Midi (Erysimam australe Gay.). Le bassin du Payre, de l’Ouvèze, du Lavaizon, au nord du ïeil, ne renferme pas de maquis: les dépressions sont occupées par les cultures ; les berges des terrains sont abruptes ; seules les parties élevées des Gras présentent des associations végé- tales naturelles. Sur ces landes incultes, où l’on aperçoit de 1 22 GÉOGRAPHIE PHYSIQUE loin en loin quelques mûriers à l’abri des rochers, ou quelques chênes verts, on ne trouve qu’un maigre tapis végétal, com- posé de : Liseron de Biscaye (Convolvulus cantahricush,). Lin de Narbonne (Linum iiarhonense L.). Genêt épine -fleurie (Genista scorpia L.), Lotus hérissé (Lotus hirsutus L.). Lavande épineuse (Lavandula spicata L.). Goride de Montpellier éCorw monspeliensis L,). Gupidone bleue (Catanance cærulea L.), etc., etc. Les pentes septentrionales du Coiron, en mettant à part les parties recouvertes de débris de basaltes, que nous avons rattachées à la zone du châtaignier, nous présentent le même aspect désolé que la région des Gras. Sur les marnes secon- daires si abondantes en ce point, l’érosion a tant de puissance, qu’aucune végétation importante ne peut s’établir. La flore s’y appauvrit donc de plus en plus, et l'on ne trouve guère que des genêts^ des aubépins, des pruneliers, des chardons, des menthes, des ellébores, etc., etc. Nous n’avons pas signalé d’oliviers dans les cultures de cette partie septentrionale de la première zone calcaire. Cette absence provient du fait de l’homme et non de la nature, car on trouvait l’olivier en ce point, il y a à peine im siècle. Au sud du Coiron, nous retrouvons de même les deux zones précédentes, au-dessus et au-dessous de 3oo mètres d’altitude. La première surtout renferme des cultures, au milieu desquelles nous distinguons l’olivier, la vigne et le mûrier. Au milieu des champs, nous rencontrons: Glaïeul des moissons ( Gladiolus segelalis Gawl.). Sauge verveine (Salvia verbenaca L.). Garance voyageuse (Ruhia peregrina L.). Mais les parties qui ne peuvent être cultivées, surtout par suite de la sécheresse du sol, sont couvertes de taillis, ou de maquis absolument semblables à ceux de la deuxième zone. GÉOGRAPHIE BOTANIQUE ET ZOOLOGIQUE \1?) Ainsi les collines de Viviers, de Bourg-Saint-Andéol, sont hérissées de buissons de chênes verts, de chênes kermès, de buis, de genêts épines-fleuries, de térébinthes, et aussi d’arbres de Judée (Cercis siliqiiosa L.) et de Sumac à feuilles de myrtes (Coriaria myrtifoliah.). Dans le bois de Païolive, entre les rochers ruiniformes, poussent de magnifiques chênes rouvres sessiliflora Smith) et surtout de nombreux arbrisseaux : Pistachier Térébinthe terehinihus L.)* Fusain d’Europe (Evonymus europæus L.). Cornouiller sanguin (Cornus sanyuinea L.). Petit houx (Ruscus aculealus L.), etc. , etc. Ce sont les mêmes associations végétales qui composent les grands bois et les taillis que l’on rencontre entre l’Ardèche et le Rhône, et surtout le bois de Laoul. Enfin vers le Pont-d’Arc^ un des points les plus chauds et les plus humides du Vivarais, on traverse de nombreux taillis de grenadiers (Granatum puniceum L.). -f ^ x\insi les conditions physiques du sol, du climat, ont amené dans le Vivarais la présence de zones de végétation nettement séparées les unes des autres. S’il nous était possible de com- parer ces formes biologiques de végétation du Vivarais avec celles de provinces voisines, nous verrions que la flore du Vivarais a plus de points de comparaison avec celle des Pyré- nées qu’avec celle des Alpes, et surtout qu’elle se rattache d’une façon très immédiate à la flore primitive du Massif Central'. La raison d’être de cette relation se trouve dans Fhistoire du sol: car le Massif Central fut longtemps isolé de tout autre continent. Il ne se relia aux Pyrénées qu’au début des temps ^ Cf. O. Meyran, Flore du Plateau Central, dans les Ann. de la Soc. botan. de Lijon, t. XIX, p. 83 et suiv. 1893 94. GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 124 tertiaires ; mais ce ne fut qu’à la fin de cette époque géologique qu’il fut réuni d’une façon complète avec les Alpes. S’il nous a été j^ossible d’esquisser la géographie botanique du Yivarais, nous sommes presque dans l’impossibilité d'indi- quer les grandes lignes de la géographie zoologique de cette province. Gela se comprend sans peine par ce fait que les animaux ont une bien jilus grande facilité de migration que les plantes, et que les animaux, mammifères, oiseaux, poissons ou autres, que nous voyons dans le Vivarais, ne présentent aucune diffé- rence avec tous ceux que l’on rencontre dans la vallée du Rhône. Les loups sont extrêmement rares: il y en a quelques-uns dans les bois des Routières, dans la forêt de Rauzon, dans celles qui sont proches du Mézenc, et dans les maquis du canon de l’Ardèche. Mais il y a plusieurs années qu’on n’en a pas tué un seul dans le Vivarais. Les ours ont disparu du Vivarais, mais ils y furent nom- breux autrefois, et le massif du Mézenc fut certainement leur dernier refuge. Les appellations locales en font foi : telles sont — la montagne de l’Ourseyre dans la commune de Sagnes et Goudoulet, le rocher de l’Ours au Réage, le village de Saint- Julien d’Ursival, la rivière de l’Orsane affluent de la Glueyre, le hameau de l’Oursière dans la commune de Génestelle, la vallée des Ours près de Lamastre. Partout, dans les montagnes et dans les rochers calcaires, on trouve les renards, les fouines, les écureuils, etc. Tous les animaux domestiques de la vallée du Rhône se rencontrent en tous les points du Vivarais. R y a une exception à faire pour le lapin, qui n’a pu être acclimaté à Notre-Dame des Neiges. Les lièvres sont abondants partout, surtout dans les fourrés de la montagne. Tous les oiseaux de passage qui descendent du nord vers GÉOGRAPHIE BOTANIQUE ET ZOOLOGIQUE 125 le midi de FEurope, àFautomne se voient à ce moment dans le Vivarais : canards, bécasses, grives, alouettes, cailles, etc. Ainsi, vers les bords du canon de FArdèche on voit à Faii- tomne s’abattre par milliers des grives litornes (Turdus pilaris) qui viennent manger les fruits du genéYvier (Juniper us oxyce- drus macrocarpa) et qui restent là jusqu’à ce que la dernière baie ait disparu. Les oiseaux qui demeurent toute l’année dans le pays sont également ceux que Fon voit rester sédentaires dans chaque contrée de la vallée du Rhône : Rouge-gorge, Pinson. Mésange, Perdrix rouge. Merle. Pie. Cul blanc (Motteux). Tourterelle. Fauvette. Bergeronnette. Diverses variétés de grimpeurs. Perdrix grise. Corbeau. Martin-pêcheur. Derne. Pic-vert, etc. Le Vivarais s’est vanté de posséder la perdrix bartavelle: en réalité la bartavelle du mont Gharay n’est qu’une perdrix rouge ordinaire, avec ses i8 pennes à la queue, alors que la vraie bartavelle en a i6 seulement. Il est cependant un oiseau que Fon ne voit jamais au nord de Saint-Remèze et du bois de Laoul: c’est le percnoptère des Pyrénées (Neophron percnopterus)^ petit vautour au corps blanchâtre et aux ailes brunes. Ce vautour tournoie dans l’air, épiant dans les eaux de FArdèche le passage d’un poisson mort ou d’une immondice dont il fait sa proie. ■k Les poissons de la partie inférieure du cours des rivières vivaraises sont, en général, les mêmes que ceux du Rhône : aloses, brochets, tanches, lamproies, etc. Ils remonteraient GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 126 certainement plus haut si des barrages naturels ne venaient pas bientôt les arrêter. Dans le cours moyen des torrents, les poissons dominants sont ceux que l’on réunit sous le nom générique de poissons blancs; le véron, le goujon ou becque-rocher (ainsi nommé parce qu’il se tient toujours près des pierres), la loche (dans les eaux tranquilles et peu profondes), le barbeau, le durgan, la soif ou soffie, et la lampo. Enfin l’on trouve quelques truites. Dans les eaux vives du cours supérieur des torrents, la truite règne en maîtresse: après elle viennent, en importance, les poissons blancs et quelques anguilles dans les rares endroits où les torrents sont un peu plus calmes. Mais le braconnage détruit rapidement ces poissons, surtout quand il emploie l’explosion de cartouches de dynamite, ou l’empoisonnement d’un ruisseau ou d’une rivière. En résumé il est impossible d’établir, d’une façon rigou- reuse, la distribution géographique des espèces animales dans le Vivarais. y. DEUXIÈME PARTIE GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE Les différentes parties de la Géographie physique du Viva- rais, si intimement liées entre elles, ne peuvent pas seules nous donner une idée complète et précise de cette région natu- relle. Il faut y joindre un élément nouveau et puissant, l’homme : car si chaque pays imprime sur les habitants quelque chose de sa propre nature, cette impression est peu de chose auprès de l’action considérable exercée à son tour par l’homme sur son pays. CHAPITRE PREMIER LES HABITANTS Les habitants du Ahvarais sont loin d’appartenir tons à une seule et même race. Cependant parmi eux on rencontre peu de types croisés et mêlés, comme on serait en droit d’en attendre dans un pays situé dans la vallée du Rhône^ le long d’une de ces grandes voies naturelles de communication que suivirent tant de migrations de peuples. Bien différent en cela des plaines méridionales, largement ouvertes aux influences extérieures, ou des montagnes du Lyonnais ou du Beaujolais, dont les vallées ofiraient des voies de pénétration aisées aux envahisseurs, le ViA^arais a été côtoyé seulement parles grandes invasions, et ses races ont vécu pures de tout abâtardissement, protégées par Tescarpement de ses montagnes, par le petit nombre et l’âpreté de ses A^allées. Le Haut-A^ivarais possède une race d’hommes dont les carac- tères physiques peuvent être assez nettement définis. Bs sont tons brachycéphales, mais leur indice céphalique^ varie entre 88 et 85, suivant leur localisation^. L’indice 85 se trouve sur les bords du Rhône et sur les bas plateaux d’Annonay, Saint- ^ L’indice céphalique s’obtient en divisant par le diamètre antéro-postérieur le diamètre transverse multiplié par loo. 2 II est regrettable que mes observations, faites avec un compas de mensu- ration, système Chantre, soient peu nombreuses. Mais, d’une part, il était inutile d’en faire dans les villes où la population est trop mêlée ; et d'autre part, les paysans, toujours méfiants à l’égard d’un étranger, se prêtaient rare- ment à des mensurations dont ils ne comprenaient pas l’utilité. LES HABITANTS 129 Félicien et Vernoiix. Dans les hauts contreforts des Boutières, il s’élève à 88, et à la limite du plateau du Velay (Saint-Agrève Saint-Bonnet-le-Froid), il redescend un peu à 86 ou 87. Tous ont les cheveux châtains et les yeux de couleur fon- cée. Il faut excepter le canton de Saint-Martin de-Valamas où l’on remarque, d’une part quelques blonds ayant les yeux foncés, et d’autre part beaucoup de châtains ayant les yeux bleus. En mettant à partie canton de Serrières (T^^685) la moyenne de la taille pour les riverains du Bhône et les habitants des bas plateaux est de i""65. Dans la haute vallée de la Cance, dans les cantons de Saint-Félicien et de Lamastre, elle est de i“63 ; dans la haute vallée de l’Erieux, elle s’abaisse à 1^628 au Cheylard, et à à Saint-Mar tin-de-Valamas. Elle est encore de F^62 5 dans le canton de Saint-Agrève. Il résulte de ces données que c’est dans la région où la taille est le moins élevée que l’on rencontre l’indice céphalique le plus fort, et quelques types blonds ou ayant les yeux bleus. On est donc en droit de supposer que les habitants des hauts contreforts des Boutières, et en particulier ceux de la haute vallée de l’Erieux, sont d’une race sensiblement différente de celle des bas plateaux ou de la vallée du Rhône, car l’âpreté du pays et la mauvaise nourriture qui, à la rigueur, pourraient expliquer la petitesse de la taille, sont sans effet sur les autres caractères physiques. * * 4 Dans le Bas-Vivarais, on trouve également plusieurs races juxtaposées, sans que d’importants mélanges aient altéré sen- siblement les unes ou les autres. On distingue par des termes différents les hommes des Cévennes et ceux du bas pays : les premiers sont les Padzels, Pagels ou Pageaux, les autres sont les Royols. Le premier terme signifie paysans, habitants des p^'igi romains, et par suite désigne des hommes plus gros- siers et d’une civilisation plus arriérée que les autres. Les Umv. DK Lyon. — Bourdin. 9 l3o GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE Royols sont les descendants des gens soumis jadis au roi de France, alors que la rive gauche du fleuve était terre du Saint Empire Romain Germanique ou Terre d Empire y comme disent encore les rares mariniers du Rhône. La différence est grande entre le Padzel et le Royol, mais elle ne vient pas seu- lement du fait que Tun vit dans la montagne, froide et âpre, dure à travailler, tandis que l’autre jouit d’un climat plus doux, et vit sur un sol plus fertile, plus facile à labourer. Elle tient à une réelle différence de races. Les Padzels sont brachycéphales, leur indice céphalique près du Mézenc et des sources de l’Ardèche ou de la Reaiime est de 89 ou 90. Leur taille est plus élevée que celle des habi- tants de Saint-Martin-de-Valamas ; la moyenne est de i“638 pour le canton de Rurzet, 1^1^648 pour Montpezat, 1^649 pour Thueyts, pour Valgorge. Leurs cheveux sont châtains et leurs yeux de couleur foncée ; un assez grand nombre cepen- dant ont les yeux gris ou bleus. Les traits du visage, très accentués en général dans le Haut-Vivarais, ont chez les Pad- zels quelque chose de lourd et d’inachevé, surtout chez les femmes. Les yeux sont petits, la figure est large et aplatie. Le pays occupé parles Royols est de tout le Vivarais celui où il est le plus difficile de distinguer nettement les races jux- taposées. En effet, dans un même village, on rencontre fré- quemment des types très différents : les uns brachycéphales, les autres sous-brachycéphales, d’autres enfin nettement doli- chocéphales. Mais, après quelques observations faites snr ces types divers, je crois pouvoir donner les conclusions sui- vantes. Les habitants des cantons d’Aubenas, Largentière, les Vans, ont un indice céphalique assez élevé, de 86 à 88 ; leur taille moyenne est de i^^66. Dans les cantons de Joyeuse et de Vallon, à côté de brachycéphales semblables à ceux des cantons voisins, on trouve quelques dolichocéphales ayant un indice céphalique variant entre 77 et 80. Cet aceident ethnographique dans le Vivarais est fort curieux et mérite d’être approfondi. Déjà, en LES HABITANTS l3l 1870, Ollier de Marichard et Primer-Bey avaient émis Tliypo- thèse que les environs de Vallon étaient occupés par des des- cendants d’une ancienne colonie carthaginoise'. Quelles qu’aient été l’ardeur archéologique et la conscience de ces deux auteurs^ leurs affirmations relèvent plus du roman que de la science véritable ; aussi restons-nous fort sceptiques à l’égard de ces prétendus Carthaginois qui seraient venus fonder une colonie à 200 kilomètres dans l’intérieur de la Gaule, alors que leurs compatriotes se maintenaient toujours sur les bords de la Méditerranée comme des grenouilles autour une mare^ sui- vant l’expression antique. Il ne faut pas croire que des Libyens soient venus là, parce que le torrent qui traverse cette région s’appelle Vlhie et qu’un autre voisin se nomme le Liby : ce sont là des étymologies comme en faisaient les bons grammai- riens du XVI® et du xvii® siècle, mais ce n’est pas une base sérieuse pour appuyer une hypothèse ethnographique. D’autre part, le D’’ Francus signale dans la même région, et en particulier à Balazuc et àRuoms, des descendants de Sarra- sins, ayant gardé toute la pureté de leur race. Cette hypothèse d’une tribu africaine dans le Vivarais n'a rien qui doive nous surprendre outre mesure. Les Sarrasins ont au moyen âge occupé longtemps le Languedoc ; repoussés par Charles Martel et les premiers Carolingiens, ils durent laisser derrière eux, en quelques points fortifiés, des tribus qui avaient su s’imposer par la force, ou qui, de mœurs moins belliqueuses, cultivaient en paix le sol que la guerre leur avait donné, sans vexer désormais leurs nouveaux voisins. Tels durent être les Sarrasins du Vivarais. D’après le D’’ Francus, ils étaient des Berbères, du nord de l’Afrique, que leur zèle de néophytes avait entraînés à la suite de quelques conquérants arabes contre les ennemis de l’Islam. Pour vérifier cette hypothèse, il importait tout d’abord de ^ J. Ollier de Marichard et Pruner-Bey, Les Carthaginois en France, Mont- pellier, Goulet, 1870. GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 182 connaître avec précision les caractères propres à la race ber- bère. Le Berbère, tel qu’on peut l’observer de nos jours, est dolichocéphale; son indice céphalique est de 74,4- ^ taille au-dessus de la moyenne, des cheveux noirs, droits et abondants, des yeux brun foncé, le front droit, présentant à la base une dépression transversale, la crête sourcilière assez développée, le nez échancré à la racine, busqué et non aquilin, les oreilles écartées, le teint bistre, les membres longs, les attaches des pieds et des mains très souples malgré la rudesse des travaux agricoles. Or chacun des individus adultes que j’ai observés présentait quelques-uns de ces caractères : aucun ne les possédait tous réunis. Chez les enfants seuls on retrouva un plus grand nombre de caractères typiques. Il résulte de là que l’hypothèse des Berbères du Yivarais, sans être absolument prouvée, peut être provisoirement admise. Mais il ne faudrait rien exagérer, car ces traces sont bien faibles, et les individus sur lesquels on les observe sont bien rares. Néanmoins, on est en droit de se demander pourquoi ces Berbères dégénérés ont gardé si longtemps quelques caractères de leur race, pourquoi ils ne se sont pas mêlés davantage aux populations voisines. Sans doute le souvenir de leur origine étrangère dut se conser- ver longtemps dans le pays ; puis, quand ce souvenir se fut effacé, un autre fait dut intervenir qui les préserva de tout mélange. Jusqu’au début de ce siècle, les garçons épousaient les filles de leur propre village, et non pas celles d’un village voisin, où on les aurait accueillis comme des intrus. Telle était la vieille coutume, perdue aujourd’hui, que m’ont racontée plusieurs vieillards du Bas-Vivarais. Près des bords du Bhône, à Saint-Bemèze, Gras, Valvi- gnères, la population redevient entièrement brachycéphale ; cependant son indice céphalique est 85 environ. La taille moyenne est de i m. 67. La couleur des cheA^eux est générale- ment châtain et celle des yeux très foncée. Les traits du v isage sont fort accentués. Les populations du Goiron et de ses contreforts, au nord et LES HABITANTS l33 au sud, ne diffèrent pas des Royols du Bas- Vivarais, et des riverains du Rhône dans le Haut-Yivarais. Ils sont brachycé- phales avec rindice 85 ou 86; la moyenne de leur taille est I m. 66 aussi bien à Saint- Pierreville qu’à Saint-Jean-le-Gen- tenier. Cependant la moyenne du canton de Ghomérac est I m. 677. Si nous résumons tous les caractères que nous venons d’énumérer, nous trouvons dans le Vivarais : une popula- tion de petite taille, de brachycéphalie moyenne, dans la vallée supérieure de l’Erieux ; les Padzels des Gévennes viva- raises, très brachycéphales ; 3® une population peu brachycé- phale, grande, sur les bas plateaux du Haut-Vivarais, dans le Goiron et le Bas -Vivarais ; 4^ dans les parties les plus fertiles de la moyenne vallée de l’Ardèche et le long du Rhône, de rares sous-brachycéphales ou sous -dolichocéphales, les uns probablement d’origine gauloise, les autres présentant quel- ques caractères de la race berbère. D’où proviennent les trois premières de ces races? Sur ce point, nous ne pouvons faire que des hypothèses. Il semble que les populations les plus anciennes soient celles de la haute vallée del’Erieux. Elles ont quelques points de ressemblance avec la race qui construisit les dolmens. Gette population s’était établie à l’embouchure des torrents du Haut-Vivarais, à Serrières, Soyons, Ghâteaubourg, et surtout près deTErieux, à Saint-Fortunat, Privas, Ghomérac et dans le Bas-Vivarais. Une première invasion d’une race très brachycéphale les refoula dans les Boutières et dans les Gévennes vivaraises. A la fin de l’époque néolithique, une seconde race brachycéphale ehassa devant elle les premiers envahisseurs et s’établit dans les régions les plus basses, les plus aisées à travailler. Les Padzels et les habitants des Boutières seraient les descen- dants des premiers envahisseurs mêlés à la population des dol- mens ; les habitants des bas plateaux descendraient des der- niers envahisseurs. Ges trois populations réunies formèrent une tribu de la grande famille celtique. GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE Quelles furent les vicissitudes éprouvées par elles pendant les temps historiques, il est difficile de le dire avec précision, car elles ne jouèrent qu’un rôle de comparses dans les grands événements qui agitèrent notre pays, depuis l’invasion gauloise jusqu’à nos jours. Cependant le Vivarais subit le contre-coup de tous ces événements^ D’après Amédée Thierry^, les Belges auraient envahi le Bas- Vivarais, au iii® ou iv® siècle avant Jésus-Christ, et refoulé les Celtes dans la montagne. On ne saurait douter de celte inva- sion ; mais quels sont les témoignages d’après lesquels les Celtes auraient été refoulés? L’historien n’ayant, pour ap- puyer son dire, aucune source écrite, nous sommes obli- gés de recourir aux indications de l’ethnographie . Les Gaulois étaient dolichocéphales, avaient les cheveux blonds et les yeux bleus. Or, ce type ne se retrouve pas dans le BasAdva - rais ; mais dans la moyenne vallée de l’Ardèche, quelques indi - vidus sont sous-brachycéphales ; d’autres, brachycéphales, ont des cheveux blonds, d’autres les yeux bleus. D’après ces données assez vagues, il est permis de conclure que les Gaulois ne vinrent pas dans le pays en nombre suffisant pour en chasser les habitants. Ils s’établirent au mileu des Celtes soumis, et peu à peu, par des unions fréquentes, s’assimilèrent à eux, de telle sorte qu’on retrouve aujourd'hui chez un même individu les caractères physiques du vainqueur et ceux du vaincu. Ces Gaulois, chefs militaires des Celtes, organisèrent le pays qui prit le nom à'Helvie. Les Helviens avaient pour capitale Aps {y Alba Helviorum des Romains). Dans leurs montagnes 1 Cf. dom Dévie et dom Vaissette, Histoire générale du Languedoc (réédi- tion sous la direction de MM. Mabile et Molinier), Toulouse, 187-2-74, in-4®, 3 vol. (chez Privât). — L’abbé Bouchier, Histoire du Vivarais. — Fauriel, His- toire du Midi de la France. 2 Am, Thierry, Histoire des Gaulois, t. I, pp. 36 et 2i5, 9® édition, 1874 LES HABITANTS I 35 boisées et abruptes, ils s’étaient moins amollis que les habitants de la Narbonnaise ; aussi résistèrent-ils plus longtemps à l’in- vasion des Romains de la Provincia. Vaincus, ils durent subir le joug ; bien plus, les Helviens de la région d’Aps devinrent de vrais Romains par les mœurs et la culture intellectuelle. Rs tracèrent des routes à travers cette partie de l’Helvie : l’une descendait vers le Rhône, l’autre montait au Nord, vers les Fontes Collarionis (Rochemaure), Ratiana (Raix), Soyons et Lyon ; la troisième passait par Montpezat et, de là, se rendait dans le pays des Arvernes. Aussi les ruines romaines sont-elles nombreuses aujourd’hui dans le Ras-Vivarais, surtout à Aps. On a retrouvé des colonnes milliaires, le long des routes, et des médailles, même aux environs de Montpezat. Des cultes nou- veaux furent apportés par les Romains : ce furent, d’abord le culte officiel, comme le prouvent les ruines d’autels d’Aps, puis les cultes orientaux, ce qui est attesté par le fameux bas-relief de la fontaine de Tournes, où avec beaucoup de bonne volonté on devine les traits du dieu Mithra Au III® siècle après Jésus-Christ, un compagnon de saint Pothin et de saint Irénée, le diacre Andéol, vint prêcher le christianisme dans THelvie. Il subit le martyre sous l’empereur Sévère, dans le municipe des Rergoïates qui prit bientôt le nom de Rourg-Saint Andéol. A cette période de prospérité succéda une longue suite de guerres désastreuses. Jusqu’à l’avènement de la dynastie caro- lingienne, le Yivarais fut ravagé, au moins dans sa partie méri- dionale, par les Germains envahisseurs, les Vandales, les x\lains et les Goths qui, en 4o5, détruisirent la capitale, Aps, mais ne restèrent pas dans le pays. Vivarium (Viviers), port d’Aps sur le Rhône, ne tarda pas à prendre le rang de la capitale détruite et à se substituer à elle. Les évêques s’y installèrent, et, pour la protéger contre des incursions ^ Cf. Mistral, Lou Poèmo dou Rose, chant VII, La Fontaine de Tournes, LXI, Paris, A. Lemerre, 1897. l36 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE conlirmelles, ils la fortifièrent sur son rocher, au-dessus du Rhône. Après avoir été disputé entre les Francs, les Wisigoths et les Burgondes, le Yivaraisfut envahi parles hordes sarrazines, bientôt refoulées, non sans avoir laissé quelques tribus dans pays. De Charlemagne à Philippe le Bel (i3o8) s’écoule une époque troublée : non pas qu’il y ait alors de grandes guerres comme au temps des invasions, mais le Yivarais est partagé en plusieurs régions que les hasards d’une guerre lointaine, un héritage, une donation, font passer d’une maison à l’autre. Les archevêques de Lyon revendiquent la région d’Annonay et de Tournon : les évêques de Yalence sont maîtres de la partie comprise entre le Doux et l’Erieux ; les comtes du Yivarais possèdent la montagne au pied du Mézenc ; dans le Bas-Yivarais, des barons protégés par de puissants châteaux forts, Mirabel, Sampzon, Yallon, Salavas, Brison, etc., se disputent le pays où cherchent à s’imposer les évêques de Yiviers. De 879 à 924 (mort de Louis l’Aveugle), ces diverses parties du Yivarais relèvent du roi de Provence. Mais à partir de 924, tout le midi de la province, depuis l’Erieux, relève des comtes de Toulouse, tandis que le nord est rattaché au royaume de Bourgogne transjuraneb Enfin les rois de France mettent fin à cette anarchie. En 1271, Philippe le Hardi réunit le Bas-Yivarais au domaine royal, et, en i3o8, Philippe le Bel y réunit le Haut-Yivarais. Dèslors, le pays prend conscience de son unité. Les Etats du Yivarais se constituent pour la défense des intérêts communs. Les Etats se composèrent à l’origine de douze barons : Crussol, Montlaur, Lavoulte, Tournon, Largentière, Boulogne, Joyeuse, Ghalençon, la Tourette, Annonay, Yogué et Aubenas. Plus ^ Ph. Van der Haeghen, Rehcerches historiques concernant la souveraineté des Empereurs d'Allemagne sur le Yivarais, du ix<^ au xiv^ siècle (Béziers, 1860). LES HABITANTS I 37 tard, il y eut trois nouvelles baronnies : Pradelles, la Gorce et Viviers. Enfin à la suite du grand mouvement communal du xiP siècle, les municipalités importantes obtinrent leur entrée aux Etats du Yis^arais. Chaque baron^ à tour de rôle, présidait une année les séances des Etats b Le Yivarais, appauvri, eut à soufïrir de toutes les guerres faites dans le midi de la France, jusqu’au milieu du xvi® siècle. Fig. ï3. — Ruines du château de Crussoi (près de Saint-Pcray ). Alors les idées de la Réforme pénètrent dans cette province, ^ Cf. 2 manuscrits inédits de Challamel (né à Villeneuve de Berg, en i;63); 10 Essai sut' V antiquité des Etats du Yivarais et sur tes changements (ju ils éprouvèrent en différents temps, ms. in-4°, p. ; 2° Xotes et observations chronologiques pour servir à V Histoire du Yivarais, mss. iu-p', p. 418. Cf. Les Yoyages du D' Erancus, cités p. 5, et, du même auteur ; Les Mule- tiers du \ivarais, du Yelay et du Gévaudan, 2® édit., le Puy, 1889 ; Essai histo- rique sur le Yivarais pendant la Guerre de Gent Ans, 1890 ; Aote sur l origine des Eglises du Yivarais, d’après les vieux cartulaires et d'autres documents, 2 vol., 1890-93; Notice sut' Saint-Alban-sous-Sampzon , 189! ; Notice sut' l :er, 1894; Notice sur le Gheylard, 1894, etc. i38 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE et y furent aceueillies avec faveur, comme l’avaient été les doctrines des Pauvres de Lyon ou Vaudois, et des Cathares ou Albigeois au moyen âge. Cependant les évêques de Viviers firent en sorte qu’il y eût peu de protestants dans le Vivarais, sauf entre le Doux et l’Erieux, région qui appartenait à l’évêque de Valence, Jean de Montluc, connu pour sa tolérance reli- gieuse. Malheureusement pour le pays, les protestants du Midi, chassés de tous côtés par la lutte religieuse, se réfugièrent et se fortifièrent dans les montagnes du Vivarais, faciles à défendre. Ils y furent poursuivis par les troupes catholiques, et le Vivarais fut bientôt la proie des soldats des deux armées. Les deux partis déposèrent enfin les armes, mais les protes- tants demeurèrent nombreux dans le pays et y entretinrent les passions religieuses. Ils s’étaient rendus maîtres de quelques places, les Vans, Vallon, Villeneuve-de-Berg, Privas, Saint- Agrève, qui jalonnaient la route du Gard aux Boutières par la vallée déserte de l’Ibie et le Coiron. Ce fut au milieu de ces discordes intestines que naquit, à Villeneuve-de-Berg, celui qu’on nomma le Père de l Agriculture française^ Olivier de Serres. Les guerres cessèrent sous Henri IV, mais le fanatisme n’était point mort. Aussi quand Bichelieu voulut détruire le péril protestant^ les protestants du Vivarais se soulevèrent : mais Privas, le centre de leur résistance, assiégé par Louis XIII lui-même, fut pris et rasé (mai 1629). La ville renaquit bientôt de ses cendres. Soixante ans plus tard, les mauvais jours reparurent: le Vivarais comme tout le Languedoc dut subir les dragonnades. Après la révocation de TÉdit de Nantes ( i685), les protestants vivarais n’émigrèrent pas^, ils se révoltèrent. Ils furent, parmi les Camisards, ceux qui se soumirent le plus tard. Mais alors ils furent définitivement vaincus. Dès lors, protestants et catholiques, tout en se haïssant comme jadis, ne se combattirent plus les armes à la main. Avant la réunion des états généraux de 1789, dans les assemblées de bailliages, les députés du Haut et du Bas-Viva- LES HABITANTS 189 rais furent unis dans leurs réclamations ^ Leur province presque entière fut transformée par la Constituante en un seul département, celui de l’Ardèche, et Privas, centre géo- métrique du département nouveau, fut choisi pour chef-lieu. L’union était définitive entre les deux parties extrêmes de la province Après avoir reconnu les différentes races qui habitent le Vivarais, et retracé leur histoire depuis la domination romaine jusqu’à nos jours, nous allons étudier leur répartition, leur mode d’habitation, leur caractère et leurs mœurs. Le département de l’Ardèche^ possède actuellement 363. 5oi habitants^. Sa superficie étant de 5556 kilomètres carrés, la répartition moyenne de la population est de 65,4 habitants par kilomètre carré, alors que, sur une surface égale, la France possède en moyenne 71,5 habitants^. 11 est intéressant d’étu- ^ Cf. Henri Vaschalde, Le Vivarais aux Etals Généraux de il 89, gr. in-8°, Paris, 1889 ; L'Ardèche à la Convention nationale ; Les Volontaires de l'Ardè- che de il 92. - Si Ton connaît les grandes lignes de l'histoire du Vivarais, on en ignore absolument les détails. Les Archives départementales et la Collection du Languedoc à la Bibliothèque Nationale renferment un nombre considérable de documents qui n’ont jamais été consultés ou qui l’ont été sans aucune méthode. J’ai relevé, entre autres, sur le catalogue des Archives à Privas, plusieurs centaines de pièces du plus haut intérêt relatives aux guerres de religion. Ce serait un sujet complètement neuf pour un historien con- sciencieux. 2 La différence est si faible entre le Vivarais, région naturelle, et le dépar- tement de l’Ardèche, division administrative, que je crois pouvoir, sans erreur appréciable, appliquer au premier les statistiques faites pour le second. Recensement de 189G. •’ Ces chiffres ne doivent pas nous induire en erreur, car cette moyenne de 71,5 est obtenue grâce à des départements comme la Seine (densité : G55o hab parkil. car.), le Nord(3oo hab. par kil. car.), le Rhône (282 hab. par kil.car.), etc. Mais la densité moyenne des départements où ne se trouve aucun grand centre industriel ou commercial n’est pas supérieure à celle de l’Ardè- che. Bien plus, sur 86 départements, 5o environ ont une densité moindre. GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE i4o dier en détail la densité de la population, sinon par commune, au moins par canton. Nous trouvons les chiffres suivants : i^ Dans la chaîne des Boutières : CANTONS LE CHEYLARD S'^-MARTIN DE V. S‘-AGRÈVE SATILLIEU ANNONAY Nombre d’iia- bitauts. . . . i3.3i8'’«^ IQ 980*’^'’ 10 928^^^' 10 727*^^^ 28 906*^^^ Superficie. . . 17.324'*®^'' 20 23ü^®‘^*' 17 3 12'*®®^- 17 170*^^*^^ 19 537^*®*^^- Densité par ki- lomètre carré 5Qhab 63hab. (J2bab 1 /Jjbab Dans les hautes vallées du Doux et de TErieux, la population est peu dispersée, car, si les sources sont fréquentes, les champs, en raison de rescarpement des pentes, sont localisés dans les dépressions. Les maisons sont groupées par hameaux, souvent aussi importants que le centre administratif de la commune. 2° Sur les bords du Rhône, et dans les plateaux granitiques du Haut-Yivarais : CANTONS SERRIÈRES FÉLICIEN TOURNON S*^-PÉRAY VERNOUX LAMASTRE Nombre d’habitants 9 328^ab io.G48’‘“^- 16. 565^“^ 9 757^®'’- 9 952*'®^- iG Superficie . 1 1 3 1 14 623^'®^'^ 18.844'’®®^ i4 987''®®^- i3.884^®®‘ 20 ooo^®®*- Densité par kil carré. 82''>ab. 2^hab. gyhab 65hab, y |bab. 8ihab. Dans cette région, la densité de la population est supérieure à la moyenne du département. Cela tient à la grande dissé- mination des hameaux sur un territoire bien arrosé, et plus facile à travailler que la chaîne des Boutières. On rencontre fréquemment ici des maisons isolées au milieu des châtaigniers. LES HABITANTS 1^1 3° Dans les contreforts septentrionaux du Coiron: CANTONS S^-fiERREVILLE LA VOULTE CHOMÉRAC PRIVAS Nombre d’habitants. lo I ü.624’’^’’ 8 2 G3 I 8, Superficie i/f 526^‘^ct. iG.266'*'^ct. 10.597^®'^*- 2 0 QOybect. Densité par kilomè- tre carré (55hab. y ^hab. pobab. Quoique la densité moyenne de ces cantons soit aussi élevée que celle des bas-plateaux de Saint-Félicien et de Yernoux, la répartition des habitations y est complètement différente. Sur le plateau du Coiron, couvert de pâturages et de quelques champs de céréales^ les villages et hameaux ont peu d’impor- tance. Au contraire, entre Saint -Pierreville et Privas, les habitations sont nombreuses et très dispersées au milieu des champs et des châtaigniers, le sol étant assez fertile et les sources abondantes. La région stérile des Gras est presque déserte. Ce sont uniquement des raisons industrielles (carrières, min es, usines métallurgiques, moulinages ou filatures) qui expli- quent les agglomérations de Ghomérac, de Lavoulte, du Pouzin et du Teil. Mais partout où le basalte affleure, la dispersion des habitations reparaît : ainsi à Saint-Bauzile, le chef-lieu de la commune se compose de l’église^ de la mairie et d’une auberge. 4° Dans les massifs du Mézenc et du Tanargue : CANTONS BURZET ' j COUCOURON MONTPEZAT 1 THUEYTS ANTRAIGUES VALGORGE « S ,s K a c 'A 1 5/} Nombre d'ha- bab. hall. bab. bab. bab bab. bab bitants. . . OC LC; G 354 9 179 14 G92 9 ^>79 4.G9I liect. liect. be^t. beot. bec't. 1 cct . bect. Superficie. . 10.72/, 1 4 217 22 823 I 2.544 i5.9Gi i3.458 17.50', Densité par bab. bab. bab. liab. bal). liab. b .•> Il . kil. carré. . T) I 40 117 Gi 31 2.5 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 1^2 Cette région est, de tout le Vivarais, celle où la densité est la plus faible. Sur le plateau de Lachamp -Raphaël et de Mézilhac la dispersion des habitations est extrême, car les pâturages sont nombreux et excellents, et les sources abon- dent. Il y a là comme un semis de fermes isolées. Mais vers le Gerbier de Jonc et le Mézenc, le sol, couvert de phonolites, est tellement stérile que Ton marche sur de longs espaces sans rencontrer une ferme. Le plateau de Saint-Girgues en Montagne et de Mazan, froid, couvert de forêts et de pâtura- ges, est également peu habité. Quant aux vallées supérieures des affluents de droite de l’Ardèche, profondément encaissées, on n’y trouve pas de fortes agglomérations. Ainsi, Yalgorge est formé de 6 hameaux, le Villard, Saint-Martin, le Cham- bon, Freyssenet, Gballaye et Ghassanet, échelonnés dans la vallée de la Beaume, et séparés les uns des autres par une distance de 5oo à looo mètres. La mairie est au Yillars, les deux églises, où l’on célèbre alternativement les offices du dimanche, sont à Saint-Martin et au Ghassanet. L’impor- tance de la densité de la population dans le canton de Thueyts provient du fait que les terrains carbonifères offrent peu d’es- carpement et ont permis une plus grande dispersion* des habi- tations. 5 O Dans les Cévennes et le Bas-Yivarais proprement dit : CANTONS ROCHExMAURE VIVIERS BOURG ST-ANDÉOL V. DE BERG VALLON AUBENAS LARGENTIÈRE JOYEUSE LES VANS Nombre habit. habit. habit. habit. habit. habit. habit. habit. habit. d’habitants 6,2i3 II /,25 O 00 23 , 188 1 I , 2 l5 13,623 l5 ,020 liect. hott. hcct. liect. llCCt. liect. hect hcct. hcct. Superficie. I2,GoO i5 ;4§7 27,695 25,704 24,885 i5 , 266 i3,oi3 25,162 29,275 Densité habit. habit. habit. habit. habit. habit. habit. habit. habit par kil. c. 49 73 38 43 38 i5i 86 54 5i LES HABITANTS 143 Dans cette région, la densité de la population est encore très faible. Les habitations sont groupées très diversement, suivant la plus ou moins grande fertilité du sol. En général, les agglomérations sont ici plus accentuées que partout ail- leurs dans le Yivarais, et sont comme des oasis au milieu d’immenses landes privées d’eau. En quelques points d’une fertilité remarquable, dans les dépressions d’Aubenas, de Villeneuve de Berg, de Joyeuse et de Vallon, comme le long du Rhône, les fermes sont dispersées loin des centres. Il résulte de ces tableaux que, en mettant à part les villes importantes, la population est beaucoup plus dense dans le Haut-Vivarais que dans le Bas-Vivarais, et que la haute mon- tagne, dans l’une et l’autre région, est bien moins peuplée que les plateaux. Fig. 14. — Village de Bala;suc. [Vue prise delà rive clrolle de FArdèche.) i44 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE ★ 4 ¥ D’après les divers recensements faits pendant ce siècle, le chiffre de la population subit actuellement une décroissance rapide. 890000 16569 38852 V OC ,387 174 31 34378 880000 / •' 385835 •■-..■r-'- /31 19614 380277 s 37686 37 5402 3^0000 7 ''V 3 71269 \ 36oooo / 364416 Î3501 3 35oooo ^ r 5376 2 340000 .*8 4073- 33oooo / 8419 820000 f • • 3 10000 ; • 3ooooo /3C >4339 ; 290000 / 0801 280000 / 370000 ^66 260000 Db ic 00 <5 00 mm «0 00 0 00 OC Oi 00 ** Années L - 0 00 0 00 M 00 « 00 mm tm CO CO «O cc eo 00 V}- 00 «5 10 00 « t>. 00 t>. 00 Uw 00 1896 1 Diagramme du mouvement delà population dans le département de V Ardèche. Ainsi le Vivarais, après avoir vu croître sa population jus- LES HABITANTS 145 qu’en 1861, se dépeuple peu à peu. En trente-cinq années, il a déjà perdu 25.028 habitants. Nous verrons plus tard les causes profondes de ce dépeuplement récent, mais il faut reconnaître dès maintenant que les départements voisins, la Drôme, l’Isère, la Haute-Loire, où il n’y a pas de grande ville industrielle ou commerçante qui puisse attirer à elle les habitants des mon- tagnes, subissent la même marche décroissante dans le chiffre de leur population. Le Vivarais ne compense pas cette perte d’hommes en atti- rant à lui les étrangers. C’est en effet une des régions de la France où on en compte le moins. En 1891, il y en avait 533 (3o5 hommes et 228 femmes). Le département delà Drôme en comptait i54i, celui de l’Isère 85y8, celui de la Loire 3492, mais celui de la Haute-Loire n^en comptait que 33o. Les 533 étrangers du Vivarais se répartissaient ainsi : Allemands ... 5i Espagnols. . . 28 Autrichiens . . ii Suisses. ... 88 Belges .... 48 Divers .... 29 Italiens .... 278 Il y en avait 277 qui étaient employés dans des industries, 53 dans le commerce, 27 dans des professions libérales,, les autres étaient ou agriculteurs ou sans profession. Le recense- ment de 189611e mentionne que 479 étrangers dans le dépar- tement de l’Ardèche. * De même que la densité de la population, le type des habi- tations varie dans le Liant et le Bas-Yivarais. Partout la mai- son porte l’empreinte du sol et du climat. Dans la chaîne des Bo Litières, les maisons sont faites en granité et en granulite, et ne sont jamais crépies, car l’altitude du pays, son éloignement des voies ferrées d’Annonay ou de Lamastre, empêchent les habitants de se procurer à bon marché la chaux qui leur serait nécessaire. De là vient l’aspect grisâtre des villages ou hameaux. Les toits sont fortement inclinés Umv. nF Lyon — BouuniN. 10 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 146 pour empêcher la neige de stationner trop longtemps ; ils ne sont jamais couverts en tuiles, mais avec de larges et minces feuillets de phonolite nommés lauzes^ que l’on va chercher au mont Signaux, vers Fay-le-Froid ou au Mégal. Les cheminées ne sont pas construites en briques, mais en pierres ; aussi sont- elles larges et paraissent écraser les toits de leur masse. Les habitants prétendent que les variations très brusques delà tem- pérature amènent irrémédiablement au printemps la fracture des briques et des tuiles. Cependant, depuis quelques années, des briques et des tuiles mieux cuites et plus résistantes ont été introduites avec succès dans le pays. Nombre de maisons sont encore couvertes de chaumes. En raison de la prédominance des vents froids du nord- ouest, la façade principale est presque toujours tournée vers le sud. Pour protéger mieux encore la maison contre le froid, un épaulement de terre s’élève en pente inclinée et gazonnée jusqu’à mi-hauteur de la façade nord, et parfois jusqu’au toit. Ce système de protection rend les maisons un peu humides en été, mais en revanche très chaudes en hiver. D’ailleurs les murs extérieurs ont, en moyenne, 80 centi- mètres d’épaisseur. La maison est de forme rectangulaire, et, en général, a 12 ou 1 5 mètres de longueur^ sur 7 ou 8 de lar- geur. La hauteur moyenne est d’environ 5 ou 6 mètres au- dessus du sol. La partie gauche de la maison est réservée à l’habitation familiale. La porte d’entrée ouvre sur une grande salle qui, dans tout le Vivarais comme chez une grande partie de nos paysans français, sert à la fois de cuisine, de salle à manger et de chambre à coucher. Dans un coin, un ou deux • lits, parfois dissimulés dans le mur, où ils sont fermés comme des placards ; au milieu de la chambre, une table-pétrin et des bancs de bois. Une petite porte intérieure fait communiquer cette salle avec l’étable qui occupe la partie droite de la maison. Le bétail pénètre dans l’étable par une porte cintrée et large : une petite lucarne, à droite de cette porte, donne un demi-jour et un peu d’air à l’intérieur de l’étable. De la salle commune, LES HABITANTS i47 un escalier intérieur, droit, mène à l’étage supérieur, où se trouve un débarras, transformé chez les paysans riches en seconde chambre à coucher. A droite de celle chambre et au-dessus de l’étable, est la grange, où l’on entasse le foin, la paille, le bois, et parfois même le grain. On y accède, de l’exté- rieur, par un plan incliné, en terre, C[ui continue à droite l’épaulement dont nous avons parlé. De la sorte, les chariots peuvent apporter les récoltes jusqu’à l’intérieur même de la grange. Sous la salle commune est parfois creusée une cave; mais d’ordinaire le vin est placé dans un réduit ménagé sous l’épaulement de terre, derrière la maison. Ces maisons laissent bien à désirer, au point de vue de la salubrité; aussi rencontre-t-on fréquemment dans la région des cas d’ostéite tuberculeuse. Heureusement, depuis quelques années, grâce aux efforls louables des instituteurs, les nou- velles maisons ont des ouvertures plus grandes, l’étable et la grange, tout en continuant à faire partie de la maison, sont séparées de l’habitation familiale par un mur plus épais. Mais les paysans restent fidèles au chaume ou à la lauze. Entre la chaîne des Boutières et le Rhône, l’habitation n’a plus le même caractère d’uniformité que nous avons trouvé dans la haute montagne. C’est la région des gros bourgs et des villes : Annonay, Lamastre, Vernoux, Tournon. Les voies ferrées de Saint-Rambert d’Albon à Annonay, de Tournon à Lamastre et de Lavoulte-sur- Rhône au Cheylard, ont fait sortir le pays de la routine traditionnelle, et d’autre part une aisance un peu plus grande , un besoin plus général de confortable et d’hygiène ont fait disparaître en partie des villages les anciennes maisons-types. On peut cependant signaler quelques carac- tères qui distinguent ces habitations de celles de la montagne. Derrière les maisons, les épaulements de terre ont disparu, carie elirnat est ici plus clément; mais souvent l’on conserve le plan incliné qui mène à la grange. L’inclinaison des toits diminue aux approches du Rhône, c’est-à-dire à mesure que la quantité de neige est moins grande pendant l’hiver. De plus, les GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE i48 toits sont tous couverts de tuiles, et les cheminées sont faites en briques. Malgré la proximité des voies ferrées^ très peu de maisons sont crépies. Nous retrouverons ce caractère dans tout le Yivarais, même dans les pays calcaires. La région volcanique du Mézenc et du Coiron sert, au point de vue de l’habitation, de transition entre le Haut et le Bas- Ahvarais. Le village de Lachamp-llaphaël, à i33o mètres d'alti- tude, peut être pris pour type de l’habitation des environs du Mézenc. Les murs ont un aspect élrangement bigarré, dû à la différence de couleur des moellons de basalte et de gneiss grani- toïde que réunit un mortier blanc. Les maisons sont encore moins hautes qu’à Saint-Agrève : 4 mètres environ au-dessus du sol. Les toits sont plus inclinés encore, tant la neige est abon- dante en hiver: ils ne sont plus couverts de chaume, mais uni- quement de lauzes phonolitiques de très grandes dimensions. Les maisons n’ont jamais qu’un rez-de-chaussée, que surmonte une mansarde basse, simple débarras toujours inhabité. Aussi, vues du dehors, ces maisons ont l’air de véritables huttes. L’intérieur n’enlève pas au voyageur cette première et mauvaise impression. Ouest frappé tout d’abord par l’épaisseur des murs, exigée par le poids énorme de la toiture de pierres. La salle commune est a peine séparée de l’étable par une mince cloison. Pendant les longs froids de l’hiver, l’étable fournit ainsi à la famille une chaleur que le foyer, mal alimenté, ne lui donnerait pas, sur- tout quand la hurle souffle sur ces hauts plateaux et pénètre par les portes et les petites fenêtres mal jointes. Pendant plu- sieurs mois, bêtes et gens vivent de la sorte, dans ce demi- jour venu d’étroites lucarnes, et respirent le même air tiède et humide. Dans la salle commune, les lits sont fermés comme des placards: ce sont des caisses de bois, où l’on amasse des feuilles de hêtre. Les montagnards prétendent que ces cou- ches sont très douces et très chaudes; en tout cas, comme le reste de l’habitation, elles laissent fort à désirer au point de vue de l’iiygiène, car elles sont d’iino malpropreté repoussante. LES HABITANTS *49 Entre le Mézenc et l'Erieux, l’habitation présente les mêmes caractères, mais affaiblis. Les maisons, généralement cons - truites au fond des vallées étroites que les rayons du soleil n’ont pas le temps d’assainir, sont humides. De là proviennent les cas de goitre que l’on observe en plusieurs points, de même qu’aux environs de Désaignes et de Lamaslre. Les maisons du versant méridional du massif du Mézenc servent de transition entre la hutte de Lachamp-Uaphaël et la maison plus confortable du Bas-Vivarais. Dans la région de Burzet, le climat a déterminé une forme particulière de l’habi- tat. Les maisons sont beaucoup plus hautes que sur le plateau ; elles ont de 9 à 1 1 mètres de haut. La plupart, construites avec les pierres roulées par les torrents, présentent l’aspect d’un da- mier, à cause de l’alternance des granités clairs et des basaltes noirs. Les toits sont toujours très inclinés, mais avancent d’en- viron i“5o sur la façade, qu’ils protègent ainsi des rafales de pluies, ordinaires dans ces régions. Au rez-de-chaussée, il n’y a que l’étable voûtée (ce caractère est nettement méridional). Un petit escalier mène au premier étage où sont les chambres à coucher et la cuisine-salle à manger. Il arrive parfois qu’une salle unique sert à ces différents usages, comme dans le Haut- Yivarais, mais moins fréquemment. Un deuxième étage, au- quel on aceède par un escalier intérieur, contient le foin, le bois, etc., et est éclairé par une petite fenêtre ou fenes- troii. L’habitation, dans le Goiron, a des caractères qui la ratta- ehent également à celles du Haut et du Bas Ahvarais, de même qu’à la région de Lachamp-Baphaël. On trouve dans les murs une bigarrure plus grande que vers le Mézenc, par le mélange du basalte noir et des calcaires blancs. Les murs sont plus élevés que dans la montagne, les toits sont beaucoup moins inclinés et avancent peu sur les murs de façade. C’est dans le Bas-Vivarais que l’habitation a gardé le mieux son originalité. Dans le haut massif du Tanargue et sur le pla- teau de Mazan, cette habitation ressemble beaucoup à celle de GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 1 5o Lachamp-Raphaël ‘ . Les maisons y sont aussi pauvres et malpro- pres, aussi basses, et leurs toits sont aussi fortement inclinés. Mais ces toits sont couverts ici avec des lanzes, non plus depho- nolite, mais de micaschistes, plus lourdes encore. Beaucoup de maisons ont des toitures en genêts, qui, bien faites, peuvent durer une vingtaine d’années, mais sont sujettes à de fré- quentes réparations. Les murs sont construits en gneiss ou en Fig. i5. — Hameau au milieu des châlairjniers (près dWnfrairjues). micaschistes : ces pierres sont toujours de petites dimensions. Cependant les pierres angulaires sont presque toujours d’une roche granitique que les habitants vont chercher soit dans le massif du Tanargue, soit dans celui du Mézenc ; il en est de même pour les portes et pour les lucarnes qui servent de fenê- tres. D Ordinaire les maisons n’ont qu’une seule porte : on pé- nètre d’abord dans l’étable, qui occupe le plus grand espace dans la maison, car dans ce pays pauvre le bétail est la seule ^ Cf. D*’ Francus, Voyage autour de Valgorge, p. 356. LES HABITANTS i5i richesse du paysan. Dans un coin de Félable esL la salle com- mune réservée à la famille : celte salle est séparée de l’étable par une simple claie, qui parfois ne s’élève pas jusqu’au pla^ fond. La cheminée est vaste ; sous son manteau s’abrite la fa- mille entière, dans les longues veillées d’hiver où la neige retient le paysan prisonnier dans sa demeure. Dans un coin de la salle est la table-pétrin, un ou deux escabeaux^ une ar- moire renfermant tout le linge de la maison, et les lits-pla- cards contre le mur. Au-dessus de ce rez-de-chaussée, bas et obscur, est la grange ou fenière. Telles sont les maisons-types dans les communes de Mayres, Loubaresse, Goucouron, Val- gorge, etc. Celles qui sont situées au fond des vallées sont hu- mides et malsaines. De là proviennent les maladies scrofuleuses, dont beaucoup d’enfants de cette région sont atteints, en gé- néral, jusqu’à l’àge de la puberté. Les régions de Saint-Laurent-les-Bains, de Joyeuse et des Vans servent de transition entre les Gévennes et le Bas-Viva- rais proprement dit, au point de vue de l’habitation h Si les murs sont toujours en micaschistes les pierres angulaires sont généralement en grès triasique. Un petit espace devant la mai- son est enclos de murs et sert de basse-cour. Le rez-de-chaussée est voûté ; on y loge les bêtes et surtout le vin, car le bétail est ici assez rare. Le premier étage est habité par la famille ; on y accède d’ordinaire par un escalier extérieur qui aboutit à un vaste balcon couvert, appelé onto^ sur lequel est la porte d’en- trée de la maison. La température de l’été explique l’existence de ce balcon, véritable chambre extérieure, abritée du soleil. Le paysan s’y tient volontiers: au plafond on suspend le Cf?Aie/’o, panier où l’on fait sécher les fromages. Il arrive parfois que^ l’escalier est intérieur; mais alors il n’est pas droit, comme dans le Haut-Vivarais, mais en forme de vis, d’où son nom de visetto. Les portes, comme les fenêtres, sont généralement ornées d’une moulure. Les toits sont toujours couverts de ^ Gf. D'' Francus, Voyage dans le midi de V Ardèche, p. 222 et suiv. GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE i5a lauzes de micaschistes, et très rarement de tuiles. Dans la grande chambre du premier étage estime immense cheminée nommée chauffage^ profonde de 2 à 3 mètres ; au fond du chauffage est le foyer. Les fenêtres sont bien plus largement percées que dans la montagne. La plupart des caractères de l’habitation de ces moyennes montagnes se retrouvent dans la région de ^hlleneuve -de-Berg, de Vallon, de Saint- Just-d’ Ardèche, etc. Le balcon couvert se nomme le couraclou ou le laoiizo. Le toit est peu incliné, cou- vert en tuiles de teinte gris rose. Gomme les murs sont en cal- caire blanchâtre et que la plupart des maisons ne sont pas cré- pies, les villages ou hameaux du A ivarais méridional, éclairés par un soleil éclatant, semblent se confondre avec les rochers trop souvent dénudés dans cette région. Les maisons ont, en général, 8 mètres de haut, 6 mètres de large et 8 ou 10 mètres de long. En résumé, la majorité de la population des Boutières, du Mézenc et des Gévennes, aux prises avec un climat rigou- reux, avec un sol pauvre ou peu fertile, mène une existence précaire dans des habitations malsaines et malpropres. Nom- breux sont les enfants qui meurent en bas âge, dans ces demeures obscures, mal aérées ethumides delamontagne. Nom- breux aussi sont les montagnards qui, ayant fini leur service dans l’armée active, restent dans les villes, ou dans les campa- gnes des plaines et de la vallée du Rhône. Peut-être revien- draient-ils au pays s’ils devaient y trouver un intérieur moins repoussant. G’estlà sans doute une des multiples causes de la dépopulation de la montagne vivaraiseh ^ Je n’ai décrit jusqu’ici que des maisons de paysans. Il serait difficile en effet de retracer les caractères d’une maison-type de rentier, d’industriel ou de commeiçant. Les bourgeois, comme les nobles, sont peu nombreux dans le Vivarais, et, d’autre part, leurs habitations ont perdu toute originalité du jour où ils ont adopté les types de l’habitation des villes, où l’on recherche avant tout le confortable et l'hygiène, au détriment du pittoresque et de la tradition. LES HABITANTS l53 ★ •¥■ if- Le paysan du Vivarais n’a plus aujourd’hui de costume qui lui soit propre, aussi bien dans les villages de la montagne qu’au voisinage des petites villes ou sur les bords du Rhône. Ce- pendant quelques femmes, près du Mézenc, ont gardé le petit chapeau de feutre noir, à calotte basse et arrondie, aux bords rabattus en dessous, comme on le rencontre encore dans tout le V elay. Jadis le padzel portait un bonnet, blanc ou rouge, avec un liséré bleu à la base, ou bien à raies blanches et bleues. Ce bonnet, tissé à Annonay, avait à peu près la forme de l’an- cien bonnet phrygien. Je Fai vu porté encore par des vieillards, mais seulement à l’intérieur des maisons : le padzel préfère le feutre large pour sortir. Autrefois également les hommes portaient une culotte courte ou hrayo et des guêtres appelées boulouvarl. Aujourd’hui avec sa blouse bleue, son large feutre et ses sabots on ne distinguerait plus le paysan vivarais du paysan dauphinois. ★ Si le paysan vivarais a perdu les costumes traditionnels de sa province, a-t-il gardé le caractère de ses ancêtres? Pierre Marcha, l’auteur des Commentaires du Soldat du Vivarais^ contemporain des guerres de religion, nous dit que : « ce peu- ple est doux et obligeant sur tous les autres de France )), quoi- que le pays soit raboteux et rude. Et il ajoute : « La franchise, la société et l’honnête conversation y sont autant pratiquées qu’au reste de la France, et si la religion prétendue réformée, dont le pays est mi-parti, n’y avait produit les premières pointes de rébellion, on y aurait été trop heureux... » Ce ca- ractère de bonté et de douceur est indiqué encore dans ces lignes de l’abbé Roux, qui, à la lin du siècle dernier, correspon- dait avec l’auteur de V Histoire naturelle de la France méri- dionale, t. A III, p. Ô2 : « Tout le monde convienl, dit-il, que le caractère et le s^énie des «ens de la monlaone des Cévennes O D O GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE i54 et des Boutières est le même ; tous plus robustes et jadis plus portés à la révolte et à se battre que ceux du reste du Viva- rais: mais, avec tout cela, fort bans en les prenant par la dou- ceur, fort obligeants et prêts à se sacrifier pour ceux qui les savent bien prendre. . . » Mais ce trait de caractère n’excluait pas Topiniâtreté, et sur ce point il y avait une différence très marquée entre les habitants du Mvaraiset ceux des Cévennes, comme l’écrit l’intendant Basville, dans ses Mémoires^ : (( Ceux des Cévennes sont légers, capables de toute impression, faciles à émouvoir, mais ils rentrent facilement dans leurs devoirs : tandis que les gens du Mvarais réfléchissent plus longtemps à ce qu’ils ont à faire ; mais, quand ils ont pris parti, ils sont opiniâtres. C^est pourquoi les révoltés du Advarais ont plus donné de peine pour être soumis que ceux des Cévennes. » Le 1 6 germinal an IX, le préfet de l’Ardèche, citoyen Charles- Ambroise Cafarelli, dans un rapportai! Conseil général, louait ses administrés en ces termes : Si, pour être agriculteur, il suffît de se livrer aux travaux les plus rudes, de s^exposer aux plus cruelles fatigues pour arracher avec violence du sein de la terre des produits qu’elle refuse, pour diviser le flanc des montagnes en échelons, le soutenir par des terrasses, élever murailles sur murailles, transporter à une hauteur considé- rable les pierres pour les construire, les terres pour les garnir, les fumiers pour les engraisser, et les arbres qui doivent par leurs feuilles et leurs fruits compenser tous ces travaux, certes, citoyens, il est dans la République bien peu d’agriculteurs plus habiles que ceux de l’Ardèche ! Il n’en est point de plus labo- rieux !» A la même époque, Marzari Pencati adresse aux Ardéchois les mêmes éloges^: « Tel est le caractère du paysan 1 A. Poncer jeune, Mémoires historiques sur Annonay et le Haut-Vivarais, 2 vol. in-8o, p. 3i,i8il5 (contenant des extraits des Mémoires de Basville). 2 Marzari Pencati, op. cit., p. 86 « Tal é in generale il carattere del contadino vivarese che mi si assicura essere ancora più pronunciato neU’alta, ossia occidental parte délia provincia : .... bravo in guerra, non dotato d’industria, ma in compenso laborioso » LES HABITANTS i55 Vivarais, plus prononcé encore, m’a-t-on dit, dans la partie montagneuse c’est-à-dire occidentale de la province. Le Viva- rais est brave à la guerre: il n’est pas industrieux, mais en revanche laborieux. » Tous ces traits de caractère, signalés il y a un, deux ou trois siècles, nous les retrouvons chez les Ardéchois d’aujourd’hui. L’Ardéchois a l’intelligence lente. Les habitants de la vallée du Rhône et des provinces méridionales, qui ont l’esprit plus vif, se rient de lui. Mais l’Ardéchois les laisse dire, et avec raison, car il a, grâce à cette lourdeur d’esprit, des qualités solides, qui font sa force et le préservent de nombreuses fautes. Il se laisse entraîner et égarer bien moins que les paysans à l’intelligence plus vive : il étudie avec soin les projets qu’on lui présente, et les retourne en tous sens. S’il les adopte, ce sera en toute connaissance de cause ; il sera sûr de ne pas aller à l’aventure, et rien ne pourra le détourner de la décision prise. Car il est, avant tout, tenace et persévérant. La nature du pays maintient chez lui ce trait de caractère. Le sol est pauvre, dur à travailler : l’inondation vient souvent détruire le résultat d’un pénible labeur. Qu’importe ! ne faut-il pas faire vivre sa famille? et il recommence sa lourde tâche, parce qu’il faut l’accomplir, quel que soit le prix qu’elle lui coûte. Si, par ce labeur constant, il est parvenu à économiser quelque argent, il n’ira point le gaspiller en quelques instants. La rude peine avec laquelle il l’a acquis lui en fait connaître tout le prix. Il le place rarement en rentes ou en valeurs, car il se méfie: il le dépose à la Caisse d’Epargne, en attendant de pouvoir le transformer en un lopin de terre ou en une maison- nette. Mais l’habitant de la montagne n’est pas seulement économe. Dans sa lutte corps à corps avec la terre, il devient âpre au gain et veut sans cesse acquérir; il se méfie du voisin qui pourrait lui ravir un peu de son bien. Il se montre alors astucieux et de mauvaise foi. Des hommes jadis, dans les Gévennes vivaraises, contribuèrent à développer en lui le goût i56 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE de la chicane : c’étaient les patrocineurs^ agents d’affaires, qui prenaient en main la direction des procès, les faisaient durer aussi longtemps que possible, et les faisaient naître à l’occasion. Si le montagnard ardéchois est moins processif aujourd’hui, cela tient uniquement à ce qu’il a traversé durant ces dernières années une période de crise, agricole et financière, qui l’a assagi et rendu plus prudent. Grâce encore à sa lourdeur d’esprit, le paysan ardéchois est resté attaché aux vieilles traditions, avec une fidélité qui le rend estimable. Le mari ne laisse guère sa femme travailler aux champs, sauf au moment de la rentrée des récoltes. La femme, surtout sur les plateaux du Haut-Mvarais et dans le Bas-Vivarais, s’occupe uniquement des soins du ménage on de l’éducation des vers à soie : elle prend part à toutes les affaires, et quelquefois même c’est elle qui les dirige. Peu de nos cam- pagnes françaises présentent autant de moralité. Les crimes sont rares et les délits eux-mêmes ne sortent guère de la caté- gorie de ces petits délils ruraux imputables à tous les paysans du monde. Ce n’est que depuis quelques années seulement que l’alcoo- lisme fait quelques victimes dans le Yivarais, et encore n’est- ce qu’aux environs des villes ou vers les usines. D’ailleurs les chiffres sont probants^ : Dans le département de l’Ardèche, il se consomme environ y25o hectolitres d’alcool par an ; en les répartissant entre les 363. 5oo habitants du pays, nous trouvons comme quantité moyenne annuelle 2 litres par habitant. Dans les départements voisins nous trouvons, dans la Haute-Loire 2 litres par habitant, dans la Drôme 2 litres et demi, dans la Loire et le Gard 3 litres et demi : quand on songe que dans la Seine-Inférieure, la consommation annuelle d’alcool est de 1 3 litres et demi par habitant, on peut ranger les Ardéchois parmi les paysans les plus sobres de la France. Sobre et travailleur, l’Ardéchois n’est pas débauché. La pro- ^ Statistiques annuelles du Ministère de l’Agriculture. LES HABITANTS I 57 portion des naissances illégitimes est d^environ 2 pour 100. En 1895, sur 9262 naissances, il y eut 9067 enfants légitimes et 195 enfants naturels. Il est évident que ces différents traits de caractère ne sont pas identiques au nord et au sud. On peut dire en général qu’il sont plus fortement accentués dans la montagne et qu’ils s’atténuent à mesure que l’on descend vers les centres indus- triels ou commerciaux et vers la vallée du Rhône, au contact journalier des étrangers et des ouvriers venus du dehors. Il est possible cependant de préciser les points extrêmes. C’est dans la haute vallée de l’Erieux, dans la partie la plus sauvage, la plus isolée de l’Ardèche que l’on trouve les paysans les plus fanatiques, les plus attachés aux vieilles traditions. Par contre, de Villeneuve-de Berg à Bourg-Saint-Andéol, en des- cendant la vallée de l’Ardèche, on trouve une population vraiment méridionale de caractère. On y a conservé le jeu de paume et surtout les farandoles. Nulle part le paysan n’est plus gai, plus affable. Viviers au contraire, à quelques kilomètres au nord de Bourg-Saint-Andéol, dans une région plus aride, est vraiment ardéchois : les figures y sont moins expressives, les yeux moins vifs; et le voyageur, arrivant du midi, saisit bien vite cette différence ; dans la vieille cité épiscopale, guin- dée et triste, il regrette la joyeuse ville bourguésane. Il est encore un trait de caractère qui, mieux que les précé- dents, distingue les habitants du Vivarais de leurs voisins. C’est le fanatisme qu’ils apportent dans les questions reli- gieuses. En effet, les descendants des combattants des Guerres de Religion ont gardé entre eux la même haine que leurs an- cêtres, et nombre de personnes m’ont affirmé que la présence des gendarmes dans certains chefs-lieux de canton était indis- pensable pour empêcher les luttes religieuses de redevenir san- glantes. Il y a dans tout le V ivarais environ 5o. 000 protes- tants, et Soo.ooo catholiques. Les uns et les autres, surtout dans la montagne, pratiquent fidèlement les devoirs extérieurs de leur religion, et assistent nombreux soit à la messe, soit au i58 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE prêche. Les protestants ne sont pas dispersés dans tout le Yiva- rais. On en rencontre fort peu au nord du Doux: au contraire, ils sont nombreux entre le Doux et rOuvèze, autour des bourgs de Saint- Agrève, le Cheylard, Yernoux, Saint-Pierreville et Privas . Saint-Pierreville, dans ce bassin de l’Erieux supérieur, si rude de mœurs et où les passions religieuses sont les plus Fig. i6. — Vue de Vcrnouæ. (A gauche, le temple protestant; à droite, l’église catholique). vives, est le centre de la secte des Momiers, protestants qui n’admettent pas de ministres, et écoutent tous ceux qui ont ou croient avoir l’inspiration. Yers Saint- Agrève, on rencontre encore des béguins et des béguines, reconnaissables au petit ruban bleu qu’ils portent à leur chapeau ou à leur coiffe. Dans cette partie du Haut-Yivarais, l’Armée du Salut a, depuis quelques années, recruté quelques adhérents parmi la popu- lation protestante. Au sud du Goiron, on rencontre encore de nombreux protestants, à Yilleneuve-de-Berg, le long de la vallée de l’Ibie, à Yallon et aux Yans. Il n’est guère de famille LES HABITANTS nombreuse dans la montagne, parmi les paysans catholiques, où l’on ne trouve un des enfants soit Frère de la Doctrine chrétienne, soit prêtre, ou une fille Sœur de Charité, etc. Les enfants des familles protestantes s’efforcent de devenir facteurs, ou d’acquérir les diplômes d’instituteurs ou d’insti- tutrices, etc. De là vient qu’une grande partie des fonction- naires subalternes du département sont protestants. Ce fait contribue à graver plus profondément dans l’esprit des habi- tants que républicain est synonyme de protestant, et que réactionnaire signifie catholique. ★ De tout temps le Vivarais a été l’une des provinces où les jDrogrès de rinstruction primaire ont été les plus lents et les moins parfaits^ Dans les vingt années antérieures à 1789, nombreux étaient les conjoints qui ne savaient pas signer leur acte de mariage: 65 pour 100 pour les hommes; 87 pour 100 pour les femmes. En 1882, le nombre des conscrits illettrés était encore de 64 pour 100. Un progrès considérable a été accompli depuis cette époque. C’est ainsi que l’on remarque en 1888, en 1894 et en 1 8g5^ : Années Conscrits illettrés Sachant lire seulement Sachant lire et écrire Ayant une instruction primaire développée Bacheliers 1888 1^3 Vo 0 0 Vo 62,5 C* Vo 1894 01 0 0 2,7 Vo 00 ■0 0 00 0 0 0 0 1895 Vo 0 0 9)7 Vo 0 0 CO Vo ^ Cf. Baudrillart (op. cit., p. 52o). ~ Ces chiffres ont été calculés d’après les listes des Conseils de révision, r(ui sont, pour les statistiques, une source officielle. Néanmoins il importe de i6o GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE Il résulte de ce tableau que rinslruction primaire n’est pas moins développée dans le Vivarais que dans la majorité des départements français. C’est parmi les padzels et dans les hauts contreforts de la chaîne des Boutières que rinslruction est le plus négligée, car le pays y est si pauvre, que les enfants y travaillent la terre dès qu’ils sont assez forts pour porter la hotte et manier la bêche. Dans les régions de pâturages et dans les parties fertiles du Bas-^dvarais il n’y a pas un seul illettré. Dans les communes où habitent des protestants, ceux-ci se font généralement remarquer par leur ardeur à s’instruire. D’après les rapports de l’Inspecteur d’Académie au Conseil général, les écoles primaires du département de l’Ardèche comptaient en : Élèves . . . . 1883 1890 1893 1894 62.878 61.819 60.527 60.867 En 1895, il y avait6i.33o élèves, dont 21.398 suivaient les cours des écoles privées, et 39.932 ceux des écoles publiques, laïques ou congréganistes. L’enseignement secondaire compte peu d’élèves dans le Vivarais : d’une part la bourgeoisie y est trop peu nombreuse, et d’autre part le paysan est trop pauvre pour diriger ses fils vers les carrières libérales. De 1887 à 1897, on peut compter en moyenne, par année: Elèves au Lycée de Tounion 260 — au Collège de Privas . 120 — au Lycée de Jeunes filles de Tournon . . i4o — dans les Institutions secondaires libres . iio ne pas en faire une base sérieuse de raisonnement, car souvent des jeunes gens sc disent illettrés, et ne le sont pas. Ainsi au Conseil de révision de iHqj, douze conscrits d’une commune du Ilaut-Vivarais se déclarèrent tous illettrés, et parmi eux était le fils de l’instituteur. LES HABITANTS l6l •k ^ ♦ En résumé;, ce qui caractérise avant tout le paysan ardéchois, c’est son énergie et sa ténacité : cela seul suffît à le rendre digne d’estime et de sympathie. Lorsque dans les grandes villes les idées vont à pas de géants, lorsqu’on voit les progrès des sciences, de l’industrie, accompagnés de la disparition des vieilles croyances, de l’immoralité, de l’alcoolisme, on se prend à porter envie à la vie mâle et saine, un peu étroite, de ces arriérés. Avec les Bretons, avec les Auvergnats, ils sont derrière leurs montagnes de granité comme une réserve de bon sens et de santé, à côté de notre folie et de notre anémie. Umv. de Lyox. — Bourdin. Il CHAPITRE II AGRICULTURE t L’agriculture consiste dans Tutilisation, par le travail, des forces physiques agissant sur un certain nombre de plantes domestiquées ; elle comprend aussi l’ex- ploitation de quelques espères d’animaux, domesti- qués également, et fournissant des produits consom- mables. » Léon Say et Chailley-Bert (Nouv. dict. d'Écon. politique, art. Agriculture) Les besoins de l’existence et la poursuite des richesses ont rendu l’homme industrieux, c’est-à-dire capable d’utiliser tous les produits que le sol lui offrait naturellement et de les trans- former à sa guise. Mais 'tous les hommes n^ont pas à un égal degré cette faculté admirable. Avec la lenteur de leur intel- ligence, les habitants du Vivarais se sont, pour la plupart, adonnés à l’une des branches les plus simples de l’industrie humaine, à l’agriculture. Nous étudierons successivement ses trois conditions indispensables : la terre, le travail, et le capital, et nous verrons ensuite leur action commune sur les plantes et les animaux domestiqués. ★ I® La terre, — Le sol est la couche superficielle de l’écorce terrestre dans laquelle se développent les racines des végétaux. Ce sol, objectif du cultivateur, est formé, la plupart du temps, aux dépens du sous-sol, ameubli, décomposé par les influences atmosphériques. Il en résulte qu’une même formation géolo- gique devra donner naissance, en général, à des terres agri- AGRICULTURE l63 coles de qualités analogues^ parce qu’elles contiennent les mêmes éléments dans des proportions à peu près uniformes. La grande variété que nous avons indiquée parmi les forma- tions géologiques du Vivarais aura donc pour conséquence de profondes différences entre les sols du Haut et du Bas- Vivarais. La plus grande partie du Vivarais est composée de roches primitives et de roches éruptives, dont les éléments consti- tutifs sont des silicates. Le quartz est jDresque inattaquable par les agents atmosphériques ; mais d’autres silicates, comme le feldspath et le mica, peuvent être aisément décomposés, et, suivant la proportion de leurs éléments, donner des sols de propriétés agricoles différentes. Le feldspath et le mica décom- posés donnent, outre la silice, beaucoup dépotasse, mais très peu de chaux et d’acide phosphorique. Or, ces deux sub- stances étant indispensables pour constituer un sol fertile, il résulte que les terres granitiques, gneissiques ou micaschis- teuses sont, par nature, des terres pauvres. Les efforts de l’homme devront donc consister à leur donner précisément ces éléments qui leur font défaut. Voici l’analyse d’une terre granitique, faite par M. de Gas- parin, aux environs d’Annonay h La partie attaquable par les acides se composait de : Acide phosphorique 0,087 pour 100 Potasse o,‘25o — Chaux » — Magnésie 0,214 — Sesquioxyde de fer 8,670 — Alumine 2,468 — Eau combinée 1,620 — Acide carbonique 0,286 — Matières organiques. . . . . . 2,246 — Ces mêmes caractères se retrouvent dans les terrains pri- maires et même secondaires qui ont été formés parla sédimen- ^ Risler, Géologie agricole, vol., p. 87. GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 164 tation des éléments désagrégés des roches primitives. Les terres granitiques sont en général arénacées ou sablonneuses. Mais il existe de grandes différences dans la fertilité de ces diverses terres granitiques. Elles tiennent : à ce que cer- taines roches contiennent plus de feldspath que d’autres ; 2^^ à ce que des sommets ont été ravinés par les pluies et ont perdu une partie de leur terre arable, tandis que les vallées et les plaines ont recueilli tout rhumus de la montagne. Lorsque le feldspath domine, l’argile formée par sa décomposition donne un sol peu arénacé et plus fertile. C’est le cas des gneiss des environs d’Annonay, de Saint-Félicien, de Mazan.Ge fait s’ob- serve aussi près de Saint- Agrève où les terres argilo-siliceuses, plus fortes, portent le nom de varennas. Mais partout où le sol est arénacé, les fonds de vallées seuls permettent une cul- ture quel que peu productive. Les sommets sont dénudés ou abandonnés aux châtaigneraies et aux bois. Les terrains calcaires composent la partie basse du Yivarais, de Grussol à l’embouchure de l’Ardèche. Les terrains jurassi- ques et crétacés renferment beaucoup plus de chaux et d’acide phosphorique que les terrains primitifs et primaires ou même triasiques. A ils devraient être jdIus fertiles. Mais la composition chimique du sol n’est pas seule à agir sur le déve- loppement des végétaux, le climat joue un rôle non moins important, comme le dit M. Duclaux ^ : « Pour le végétal comme pour l’homme, la nature géologique et le relief du sol ont moins d’importance que le degré de chaleur, de l’humidité moyenne, que le régime des pluies aux diverses saisons, bref, que l’en - semble des conditions d’ordre météorologique. Les pluies surtout sont importantes en ce qu’elles apportent à la fois l’eau, sans laquelle aucune vie n’est possible, et la tempéra- ture » Or ici l’eau fait défaut la plupart du temps, parce que le sol est fissuré de toutes parts. Quelques parties fertiles se distinguent au milieu des landes ou garrigues^ comme des ^ Duclaux, Annales de Géographie, p. 6, 1894-95. AGRICULTURE l65 oasis dans le désert ; partout où la décomposition du sol et le ruissellementont amené, dans les dépressions humides ou bien au fond des vallées, une couche épaisse de terre arable, des fermes apparaissent au milieu d’une riche végétation. Tels sont : le Boudenas, au nord de Vogué', la plaine de Vallon, les dépressions de Saint-Bemèze, de Gras, etc., sur le plateau crétacé. Telles sont encore les parties cultivables du bois de Païolive, et les environs immédiats du Pont d’Arc Il convient de mentionner des sols calcaires au nord de Crussol et de Ghâ- teaubourg, jusqu’à Serrières. Ges terres, appelées terres blanches ^div\e^ habitants, sont en général situées à flanc de coteau. Leur origine n’a pas encore été définitivement expli- quée. A Gornas, M. Gadoret, au quartier dit du Galvaire, a relevé au calcimètre 53 pour loo de carbonate de chaux. A Vion, M. Gadoret a trouvé de même du phosphate de chaux en grande abondance, mais ce gisement est inexploitable, car il est trop pauvre en acide phosphorique ; il renferme cependant 4o pour 100 de chaux. L’analyse d’une terre blanche à Ser- rières a donné de même 25,63 pour loo de sels calcaires. Dans les sols résultant de la décomposition des basaltes, les plantes calcicoles et silicicoles vivent aisément. La faculté que ces terres possèdent d’absorber beaucoup de chaleur, en raison de leur couleur foncée, permet aux cultures d’y atteindre une 1 Voici en quels termes Baudrillart (op. cit., p. 534) parle du Boudenas : « Il est impossible de voir une végétation plus luxuriante que celle du Bou- denas au printemps. On croit sentir la terre se gonfler, et il s'en dégage comme des bouffées de vie et de chaleur, et, si la main de l'homme n'y mettait ordre, les arbres et les plantes y formeraient en peu d’années un fouillis inextricable. Les mûriers y sont magnifiques » 2 De Vogué: « Leseaux (de l’Ardèche) apportent, contre les espaliers de cet entonnoir à l’abri de tous les vents, un limon fertile qui en fait une véritable serre chaude Les micocouliers, les grenadiers y portent fruit; des vignes sauvages s’enroulent jusqu’à la cime des genévriers et des cyprès. Je n'ai vu pareille opulence de végétation que dans quelques vallons du Caucase et de Crimée. » (Notes sur le Bas-Vivarais, Rev. des Deux-Mondes, p. 4^4? sept. 189a ) i66 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE altitude plus grande que sur les autres montagnes. C’est ainsi que l’on trouve de l’orge à Lachamp-Raphaël, du blé à Mirabel. Mais cette fertilité n’existe que là où le basalte a été décom- posé en quantité suffisante, les seules régions basaltiques vraiment riches sont les dépressions où les eaux ont amené la belle terre rouge noir du Goiron. Partout ailleurs le plateau basaltique semble désert. C’est ainsi que le décrit Marzari- Pencati^ : « Quelques pruniers et autres plantes arborescentes, aux alentours des habitations seulement, donnent de la vie à ce désert sans arbres... » Mais, dans les dépressions, la terre est d’une fertilité peu commune, de là l’orgueil de certains propriétaires d'avoir H/l domaine en Coiron! Peu de châtai- gniers sont plus beaux que ceux qui poussent à l’intérieur de la Coupe de Jaujac. Sur les pentes basaltiques du mont Toulon, au-dessus de Privas, à côté des Gras stériles, on remarque des cultures de blé, d’avoine, de sainfoin et de luzerne; sauf du côté du nord, on y trouve d’excellents produits de pêchers, d’abricotiers, de cerisiers, d’amandiers et de mûriers’. En résumé, voici les conditions agricoles de la terre, dans le Vivarais : I® Les terres granitiques, riches en potasse, mais pauvres en chaux et en acide phosphorique, sont peu fertiles en général. Elles sont de plus situées dans les parties les plus froides du Vivarais. Mais elles rachètent une partie de ces désavantages par l’abondance des sources. 2^ Les terres calcaires, riches en chaux et en acide phospho- rique, pourraient être fertiles, mais privées d’eau, elles per- dent tout le bénéfice de leur fertilité. De plus, le ravinement a entraîné la terre végétale dans les dépressions, et c’est là seulement que de belles cultures sont possibles. ^ Marzari Pencati : « Alcuni prugni, e qualche altra pianta arborea ravi- vano, nei contorni delle abitazioni soltanto, questo deserto privo di arbori... » (Op. cit.. p. 75.) 2 A. Boitel, Agriculture générale, p. 186 et suiv., 1891. AGRICULTURE 167 3*^ Les terres basaltiques, également amassées dans les dépressions, sont susceptibles de donner naissance à une riche végétation quand le climat est favorable. C’est donc le Haut-Vivarais, région de fertilité très moyenne^ qui est, dans son ensemble la plus riche de la province. C’est dire assez quelle est la pauvreté naturelle de ce pays, et quels efforts considérables l’homme devra accomplir pour en tirer même sa subsistance. ★ 2° Le travail. — Risler dit dans sa Géologie agricole (pre- mier vol., p. 26) : « Plus la population est dense et concentrée sur certains points, plus l’agriculture des zones qui entourent ces centres de consommation peut et doit devenir intensive, c’est-à-dire appliquer sur une certaine surface du sol une grande somme de travail et de capitaux... » Or, il résulte des tableaux que nous avons donnés de la densité de la population dans les différents cantons, qu’il est bien peu de points où cette densité est supérieure à la moyenne de la France. Il semble donc que nulle part l’agriculture du Vivarais ne pourra être intensive. Cependant il est peu de régions où le cultivateur donne une plus grande somme de travail. Si les résultats sont médiocres en apparence, cela tient à la pauvreté du sol, à la difficulté avec laquelle ce sol peut être travaillé, et enfin à l’absence de capitaux suffisants h Il est de toute importance, non seulement pour régulariser le régime des torrents, mais pour l’agriculture, de maintenir la terre végétale sur les pentes trop déclives. Pour atteindre ce but, les paysans du Vivarais ont élevé sur les versants de leurs montagnes, partout où ils trouvaient encore ce sol culti- vable, des terrasses superposées, étroites, allongées, retenues par des murs de soutènement en pierres sèches. L’on ne sau- ^ La superficie totale du territoire agricole de l’Ardèche étant de 524.520 hec- tares, la superficie cultivée est de 879.964 hectares. i68 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE rait croire la somme de labeur et surtout de ténacité patiente qu’exige, non pas seulement la construction de ces terrasses, mais surtout leur entretien. Vers Largentière, on voit des murs de soutènement qui ont de 8 à lo mètres de haut, et dont les blocs de base sont d’une grosseur énorme. Il arrive parfois que les pluies torrentielles détruisent partiellement ces ter- rasses; il faut alors, pendant une année, remonter les pierres, la terre même, non pas sur une voiture, mais à dos d’homme. Dans le Haut-Vivarais, les terrasses se nomment des échamps^ des relais ou chambas, et, dans les Gévennes vivaraises, des faysses ou accols^. Chaque terrasse a i mètre ou 2 de largeur en moyenne, il est par conséquent impossible de s’y servir d’une charrue pour travailler la terre. Le paysan doit y faire son travail avec la pioche ou la bécarre à deux pointes. S’il néglige de reconstruire immédiatement une terrasse éboulée, plus il attend, plus ce travail devient difficile, car la terre descend peu à peu jusqu’au bas' de la vallée. En parcourant aujourd’hui le Vivarais, on voit nombre de ces terrasses détruites, où s’accrochent des buissons, témoins de l’abandon où elles sont laissées. Nous en verrons bientôt la raison. Sans doute des murs cimentés résisteraient mieux, mais ils retien- draient trop d’humidité, et d’autre part le prix de la chaux est tel dans la montagne que le paysan est incapable de faire la dépense nécessaire. Le maintien de la terre sur les pentes n’est pas le seul tra- vail du paysan. Il lui faut amender le sol pour modifier sa constitution, le fumer et l’irriguer avec soin pour augmenter sa puissance productive. A ce point de vue, des progrès consi- dérables ont été accomplis. Ces progrès sont dus, non seule- ^ Pour transporter à Vaccol la terre et les pierres entraînées par les pluies, le paysan se sert d'une hotte : un petit sac de toile, rembourré de paille, dont il se fait un coussinet, lui sert à supporter le faix. Ce sac se nomme le saccol. De là, le dicton du Bas-Vivarais : Per loLi poïs d’accol, lou saccol ! AGRICULTURE 169 ment à renseignement agricole officiel, mais encore aux syn- dicats et à l’initiative de quelques agriculteurs dévoués K Le paysan vivarais ne dispose pas de grands moyens pour se lancer dans la voie qu’on lui trace : mais il devient de moins en moins incrédule aux données de la science, il commence à prendre confiance dans ce qu’on lui enseigne. Cependant si un inventeur aventureux le séduit par une offre trompeuse, il devient alors défiant, réfractaire même à toutes les expé- riences, et, suivant la loi de l’hérédité, il retourne souvent à ses anciens procédés. Néanmoins, ceux qui ont vu le Vivarais il y a quarante ans ne le reconnaîtraient plus au milieu des transformations qui se sont opérées^. ^ Les syndicats agricoles sont : 1° La Société ardéchoise d’Encouragement à rAgricnltiire, subdivisée en trois syndicats régionaux : Privas, Aubenas et Annonay. Celte Société, qui compte 3ooo membres est subventionnée par l’Etat; 2° Le syndicat d’Annonay et du Haut-Vivarais. 3“ Le syndicat d’ Aubenas et du Bas-Vivarais. Ces syndicats publient chaque mois des BulJetins, où sont étudiées les questions agricoles intéressant la région. Ils vendent à bon compte à leurs adhérents des semences, des plants de vignes, des engrais chimiques, etc. Il faut ajouter deux Sociétés d’Elevage : 1° La Société de Privas ; 2^ Celle de l’arrondissement de Tournon. Il y a dans le département de l’Ardèche, quatre professeurs d’agriculture : 1° le professeur départemental à Privas, et trois professeurs attachés à des écoles primaires supérieures, à Bourg-Saint-Andéol, Aubenas et Annonay. Dans les régions viticoles, des cours de greffage sont faits le dimanche par des horticulteurs et des viticulteurs. Les professeurs d’agriculture distri- buent, après examen, des diplômes de Maîtres Grefîeurs. Enfin, depuis quelques années, l’enseignement agricole se fait dans cer- taines écoles primaires, et même quelques instituteurs ont des champs d’expériences près de leur école. ^ Parmi les améliorations accomplies de 1882 à 1892 (enquête décennale de 1892), il faut citer : Défrichement de landes 2012 hectares Défrichement de bois 38o — Beboisements 453 — Drainage de terrains humides 4d — Dessèchements de marais 22 — GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 170 Dans la montagne, les instruments de travail sont encore bien primitifs, mais dans les plaines et les larges vallées on trouve des fermes qui possèdent un outillage des plus complets et des plus perfectionnés : machines à vapeur,, fixes ou locomobiles, houes à cheval, machines à battre^, semoirs mécaniques, rateaux et faneuses à cheval, etc. L’amélioration du matériel agricole, dans les dix dernières années, a surtout porté sur le perfectionnement des charrues, et sur l’emploi plus fréquent des bineuses et des scarificateurs. Mais ces améliorations ont été faites uniquement parles grands propriétaires. Pour éviter l’épuisement du sol, qu’ils ne pourraient com- penser par une fumure suffisante, les paysans du Vivarais em- ploient les assolements suivants : I® YersDevesset, Saint- Agrève et au pied du Mézenc, après l’écobuage, on épuise le sol par des céréales pendant trois ou quatre ans^ puis on laisse pendant plusieurs années l’herbe re- couvrir le sol, transformé en pâturage^. Irrigation de terres labourables 268 hectares. Irrigation de prairies naturelles .... 420 — Arrosage de terres maraîchères 33 — Reconstitution du vis^noble : D en cépages français 975 — en cépages américains greffés ou non. 3400 — ^ L’usage des batteuses semble inconnu aux petits propriétaires. Le long du Rhône, et dans le Bas-Vivarais, des chevaux tournant en manège sur les gerbes détachent le grain; ou bien un rouleau en pierre promené sur Faire égrène le blé, mais en même temps mutile la paille. Dans la montagne, on bat le blé au fléau. ^ Risler. Géol. agricole, i®*’ vol., p. i35. L’écobuage consiste à enlever de larges plaques de gazon de près de 5o centimètres de côté, que l’on redresse en manchons pour les laisser sé- cher au soleil et à l’air pendant l’été. Une fois le gazon sec, on y met le feu, et il brûle lentement en produisant une fumée épaisse et âcre. Ces amas d’herbes sèches enflammées se nomment des yssards. Dès que l’yssard est éteint, on épand les cendres sur le champ que l’on veut ensemencer. « Cet usage, dit M. d’Albigny (Excurs, au Mézenc, p. i23), est très ancien sur ces plateaux dénudés et froids II a été toléré, malgré les inconvénients qu’il présente en dégazonnant de vastes espaces et en facilitant ainsi leur ravi- nement par les pluies et la fonte des neiges. L’effet en serait absolument AGRICULTURE lyi 2° Dans les contrées granitiques pauvres, on suit l’assole- ment triennal : 1*'° armée. 2® — . 3« — . Pommes de terre ou bien Seig'le d’hiver — Seigle de printemps — Pommes de terre. Avoine. Seigle. 3° Dans les terres granitiques plus riches et dans une partie du Bas-Yivarais, l’assolement est quadriennal : i'’® année. 2*^ — . . 3« — . . Plantes sarclées. Blé ou Seigle d’hiver. Trèfle ordinaire ou Colza. Blé ou Seigle d'hiver. 4" Enfin dans les terrains où le trèfle peut être remplacé par le sainfoin, ce dernier occupe le sol pendant deux années, on a alors les soles suivantes : année. Plantes sarclées. 2« — . . . . . Blé ou Seigle d’hiver. 3« — . . Sainfoin. 4" — . . Sainfoin. 5® — . . . . . Blé ou Seigle d’hiver. 6« — . . Seigle ou Avoine. Les assolements ne peuvent contre-balancer Pépuisement du sol sans les engrais. Depuis quelques années, des paysans ont compris que le fumier de ferme n’était pas assez abondant et que certains sols avaient, plus que d’autres, besoin des sub- stances chimiques nécessaires à la végétation. Les syndicats ont donné aux paysans àbas prix des engrais chimiques, dans de petits sacs pour qu’ils fissent des essais. Néanmoins il y a en- core de grands progrès à accomplir, à ce point de vue. La ma- jorité des paysans se contente du seul fumier de ferme, négligé désastreux, si l’écobuage se pratiquait partout ailleurs que sur un sol par- faitement horizontrl, d’où l’humus ne peut être entraîné dans les ravins et les cours d’eau... » GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 172 devant les portes des écuries, privé par les pluies d’une partie de ses principes fertilisants. Le colmatage n’a lieu que sur les bords du Rhône, et dans la plaine de Vallon où l’on profite des grandes crues de l’Ardèche. Enfin l’irrigation préoccupe fortement les paysans les moins routiniers du Vivarais. Dans le Haut-Vivarais, l’irrigation consiste, non pas à arroser un terrain déjà fréquemment mouillé par les pluies, mais à empêcher les ruissellements, que Eon voit sourdre dans l’arène granitique, de former de petits marécages. C’est surtout dans le Bas-Yivarais et au pied du Goiron que l’irrigation est utile, pour donner au sol cette eau qui seule lui rendrait toute sa fertilité. C’est là en effet que l’irrigation est le plus développée. « Partout où jaillit \ où suinte seulement une source, quelque rapprochée qu’elle soit du sommet de la montagne, quelque prononcée que soit la déclivité du terrain, la source est utilisée pour l’arrosement. La roche vive est attaquée avec vigueur, et bientôt, sous les coups répétés du pic et du marteau, elle s’entr’ouvre et revêt la forme d’un canal ; des aqueducs portés sur des maçonneries, ou quelquefois de simples troncs d’arbres creusés, assujettis sur les deux bords du ravin, complètent l’œuvre si pénible- ment commencée... » Ces petits canaux appartiennent à des propriétaires isolés : mais ce qui est plus intéressant encore, c’est la création de canaux importants, dépendant d’associations en vue d’irrigations communes. Le premier essai date de i83o^ et fut fait dans le pays de Borne, près de Sainte-Marguerite-la- Figère, pour arroser les châtaigniers. Ce premier canal, ou béalière, avait 2 ou 3 kilomètres de longueur et coûta II. 000 francs. Mais la grande impulsion date de iSôy. Des propriétaires se réunirent en syndicats, ettracèrent eux-mêmes le plan de leurs canaux sans recourir aux ingénieurs. Ces canaux ne fonctionnent que du i®^ avril au i®^ octobre : à cette i O. de Valgorge, Souvenirs de V Ardèche^ t. II, p. 3oi, ' Cf, Francus, Voyage dans le midi de V Ardèche, p. 27a. A. AGRICULTURE dernière date Feau va directement à la rivière. Chaque canal a son surveillant spécial, à raison de 2 5o à 3oo francs par an. Les murs sont faits en pierres sèches; mais ils tiennent parfaitement Feau, grâce aux mottes de gazon et au lit de feuilles qui en for- ment le fond. Les principaux de ces canaux sont les suivants : CANAUX ARROSANT Parant et Froment . . . 33 hectar( De Vogué 36 — De Rosières (5 km,). . . 5o — De Vesseaux 6 — De Chambonas . , , . i6 — De Lagorce ..... 7 — De Ribes, de Saint-Laurent-du-Pape, e s (débit : 100 litres par seconde). — i44 — — — 83 — — (i4oo mètres de longueur). (1700 — — ,c., etc. Un syndicat est formé de même pour utiliser les eaux du Mialan à Firrigation. Ainsi aucun de ces grands canaux n’existe encore dans la partie basse du Bas-Vivarais ; c’est là sans doute que se porte- ront peu à peu les efforts des agriculteurs. Déjà Ovide de A^al- gorge souhaitait ce progrès, quand il écrivait ces mots U « Vallon n’a rien à envier aux contrées les plus favorisées. N’existe-t-il pas un vieux proverbe, qui dit : Si le Yivarais était un mouton. Vallon en serait le rognon? Avec un canal d’arrosage qu’il serait facile d’établir en dérivant une faible partie des eaux de F Ardèche, au moyen d’un barrage placé à l’entrée de la plaine de Vallon,... on ferait de ce pays déjà si riche l’un des pays les plus fertiles du monde. » Ce n’était là qu’un souhait platonique. Mais la question a été reprise vers 1 882, lorsque le Ministère de l’Agriculture institua une Commis- sion pour chercher une solution aux desiderata de tout le Midi, relativement aux Canaux dérivés du Rhône. Un projet, pour l’utilisation des eaux du Rhône au développement de l’agriculture, fut alors sérieusement élaboré, et ce n’est pas la faute des ingénieurs si, après des études multipliées et con- ^ O. de Valgorge, op, cit., t. R, p« 45. I 74 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE sciencieuses, on ne l’a pas encore exécuté. D’après les premiers projets \ le Bas-Vivarais, auquel on attribuait 700 litres par seconde, était arrosé par une prise à faire dans l’Ardèche même, à Saint-Martin, au moyen d’une machine de 491 chevaux, relevant le plan d’eau de 4^ mètres. Un projet plus récent admet une dérivation du Rhône faite à Cornas. L’eau répandue sur le Bas-Vivarais, ce serait la richesse pour ce pays qui meurt d’une soif inassouvie, et qui renferme cependant dans son sein des trésors que l’eau seule peut faire sortir. 3® Le capital. — Si l’agriculture vivaraise reste essentiel- lement extensive (sauf en de rares points privilégiés), avec une pareille somme de travail, la cause en est le peu de ferti- lité du sol^ et aussi l’absence de capitaux. « L’agriculture a, avec la circulation des capitaux et avec le bien-être général de la population des connexions telles qu’elle peut être prise pour une sorte de baromètre économique^... » La richesse du paysan, c’est sa terre, son champ. Or, dans le Vivarais, le prix de la terre est peu élevé. Les chiffres suivants donneront une idée de la valeur vénale de l’hectare de terre. Les terres ont été classées en 5 classes suivant leur qualité: supérieure, bonne, moyenne, médiocre ou mauvaise^. Ire Classe 2e Classe 3e Classe 4e Classe 5e Classe Terres labourables . . Prés et herbages . . . Vignes ^ . ( Taillis 1 Futaies . . . . francs 3400 4200 65oo 1100 1400 francs 2600 3 100 5ooo 85o I i5o francs i5oo 2000 2800 5oo 700 francs 1200 1600 2100 45o 5oo francs 600 1000 i5oo 35o 420 ^ Gf.A. Léger, Les canaux dérivés du Rhône : solution morcelée et progressive. Lyon, 1882-83, Cf. Documents publiés par la Commission des Canaux dérivés du Rhône, instituée par le Ministre de l’Agriculture (Paris, i883 et 1884). 2 Léon Say et Chailly Bert, Nouv. Dict. c/’Lcon. po/iL, art. Agriculture. ^ Ces chiffres sont presque tous inférieurs à ceux donnés par l’enquête décennale de 1892. AGRICULTURE 175 Les chiffres suivants précisent ces différentes valeurs, en plusieurs cantons du Yivarais. 1° Terres labourables : A la limite du Bas-Vivarais et des Gévennes dans une région fertile : A Largentière . . 5.5oo fr, A Joyeuse . . . 4-5oo fr. AValgorge. . . 3. 200 Aux Vans . . . J^.ooo dans la zone calcaire, arrosée, à Viviers, sur les bords du Rhône: 2800 francs; à Thuyets, dans la montagne, mais dans des terres basaltiques, 2.800 francs; à Saint-Agrève, dans les varennas^ i5oo à 2000 francs. 2° Prairies naturelles : Aux Vans . . . 5 000 fr. A Valgorge . . . 4.000 fr. A Lavoulte . . . 2,800 A Viviers . . . 2.5oo A Saint'Agrève . 3. 000 Dans quelques communes où des irrigations sont possibles, ces prairies arrosables se vendent de 8 à 12.000 francs l’hectare. 3° Châtaigneraies : A Largentière . . 2.000 fr. A Privas 1.400 fr. A Saint-Pierreville 1 .200 A Lamastre. I.IOO AValgorge. « 1 .000 Murer aies : A Largentière . « 3.800 fr. Aux Vans . . 3.5oo fr. A Joyeuse . • 5.000 A Val gorge . . 2.200 A Privas. • 2.400 A Tournon . . . 1.800 Landes : A Largentière . • 5oo fr. A Valgorge. . 35o fr. A Joyeuse . • 3oo A Rochemaure 0 0 A Saint-Agrève • i5o 6° Vignes : A Annonay . • 4.200 fr. A Aubenas . 5.000 fr. ASerrières. . 3.800 Aux Vans . . 4.000 A Tournon . 10 à 1 2.000 A Joyeuse . 3.800 A Privas. 5. 55o A Vallon . 3.5oo On peut conclure de ce tableau : 1° que c’est dans la partie GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE J 76 irriguée du Bas-Yivarais que la valeur vénale de la terre est la plus élevée ; 2° qu’elle décroît rapidement à mesure que Ton s’élève sur la montagne. Mais alors que dans toute la France la valeur de l’hectare de terre s’est accrue, de 1 85 1 à 1881 , de 33, 17 pour 100, dans le Vivarais cette valeur a décru de 4771 pour 100. Nous en indiquerons plus tard les raisons, mais nous pouvons en con- clure dès maintenant à une diminution du capital, dans le Vivarais, au moment précis où ce capital serait utile pour faire d’indispensables améliorations. Une conséquence dérive nécessairement de la présence d’un faible capital chez le paysan vivarais, c’est que le Vivarais sera un pays de petite propriété. En efPet on y considère déjà comme grande propriété celle dont l’étendue est de 20 à 3o hectares: c’est dans la montagne que l’on trouve les propriétés les plus étendues. Ainsi, sur 77.021 exploitations agricoles, dans le département de l’Ardèche, 28.000 renferment moins d’un hectare. Il y a en outre: i® 87.500 exploitations de i à 10 hectares, dont la contenance moyenne est de 4 et la contenance totale de 168.750 hectares ; 2® 10. 100 exploitations de 10 à 40 hectares, dont la contenance moyenne est de 19 h. 65^ et la contenance totale de 1 98. 5oo hectares ; 3^ 1.421 exploitations au-dessus de 40 hectares, dont la contenance moyenne est de 98 h. 83, et la contenance totale de i4o.45i hectaresh Toutes les propriétés ne sont pas cultivées par le propriétaire lui-même: néanmoins le Vivarais est une des régions fran- çaises où l’on rencontre le plus de propriétaires exploitant ^ Les mesures de superficie les plus usitées sont ; I® Dans le Bas-Vivarals, le journal et la séterée ; 2° Dans le Haut-Vivarais : la quarte pré (798 mèt. car.) — la quarte terre ou quarte d’espère (798 mèt. car.) — (4 quartes terres = une séterée) — Dôme (pour les vignes) 638 mèt, car. 30 Dans la haute montagne : la métentcha (1000 mèt. car.). La quarte est la surface exigeant i double décalitre de semence; et la métentcha, la surface exigeant 5 métents de seigle, ou 8 doubles-décalitres. AGRICULTURE 177 leurs terres. C’est un pays de culture directe au premier chef^ Non seulement le Yivarais renferme un grand nombre de cultivateurs exploitant leurs terres, mais la proportion des propriétaires (60,75 pour 100) y est supérieure à la moyenne de la France (50,99 pour 100^). Ce fait aune grande impor- tance au point de vue économique, et ne doit pas être laissé dans l’ombre. C’est là en effet le signe d’une aisance plus géné- ralement répartie. De plus, au point de vue moral, il est bon d’être son maître et de ne devoir son bien-être qu’à soi-même, qu’à ses propres efforts. Malheureusement ces petits pro- priétaires n’ont pas de capital-argent qu’ils puissent utiliser à améliorer leurs propriétés : ils sont par suite condamnés à la routine et à la médiocrité. Dans l’état actuel des choses, ils mènent la même vie au jour le jour que les fermiers ou les métayers. Mais l’avenir leur réserve sans doute une situation meilleure. Lorsque, d’ici quelques années, le crédit agricole sera définitivement organisé, le petit propriétaire verra certai- nement son sort s’améliorer, car il pourra enfin se procurer ce capital-argent dont l’absence le paralyse aujourd’hui. Nous avons vu que 89,25 pour 100 des cultivateurs vivarais n’étaient pas propriétaires du sol qu’ils travaillent. Ce sont: les fermiers et les métayers, 2^ les salariés. D’après l’enquête décennale de 1892, les fermiers dans le Vivarais sont 70 pour 100 et les métayers 80 pour 100, alors que la moyenne pour la France est de 78 pour 100 pour les fermiers, et de 27 pour ijoo pour les métayers^. Depuis Culture directe . Culture indirecte. . ViVABAIS FrA'CÜ 85,26 pour 100 79?7d pour loo 14,74 pour 100 20,24 pour loo Vivarais France ^ Non propriétaires . . . . 3q,25 pour loo 49>o^ pour loo ^ Le nombre des métayages et colonats est de 3oi4 (enquête décennale de 1892), et leur étendue moyenne est de 4 hect. 84 cent. Le nombre des fermages est de 9887 et leur étendue moyenne est de 1 1 hect. 5o cent. Univ. de L\on — Bourdin. 12 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 178 quelques années le métayage progresse au détriment du fer- mage : cette évolution dans Féconomie rurale est curieuse à étudier. Quelle était autrefois la condition du fermier dans le Yiva- rais? Il prenait à bail une ferme^ moyennant une rede- vance en argent: les baux de ferme se faisaient en général, à assez longue échéance. Les vignes n’étaient pas encore pbyl- loxérées, les vers à soie n’étaient pas atteints de maladies, les cocons se vendaient bien. Si une année mauvaise survenait, le fermier pouvait espérer que Fannée suivante il aurait une meilleure récolte. Mais depuis une trentaine d’années, les maladies de la vigne, du ver à soie, la diminution du prix de vente des cocons et des autres produits agricoles ont restreint singulièrement les bénéfices du fermier, qui souvent gagne uniquement de quoi nourrir sa famille, mais non le prix de sa ferme. De plus le père de famille peut moins compter sur ses fils pour l’aider dans son travail: beaucoup, à la fin de leur service militaire, se placent comme cochers ou domestiques à Privas, à Valence, ou à Lyon, etc. Si le fermier est obligé de les remplacer par des salariés, il lui est de plus en plus difficile de mettre de côté le prix de sa ferme. Delà résulte la diminution du nombre des fermiers. La plupart sont endettés et n’osent plus s’engager pour de longues années. C’est dans le Bas- Vivarais, qui a eu le plus à souffrir de la crise agricole, que les fermiers sont en plus petit nombre. La plupart de ceux que l’on ren- contre encore se trouvent dans- le Haut- Vivarais, dans les régions des pâturages, de châtaigneraies et de céréales. Les métayers, qui font des baux à mi-fruits, ont donc profité de la diminution du nombre des fermiers. Enfin il est des cultivateurs qui, ayant de nombreux enfants capables de travailler la terre, mais ne possédant pas des champs suffisamment étendus pour les occuper tous, louent des terres à d’autres propriétaires. Ce système n’est qu’une variété du fermage. AGRICULTURE I79 Voici quel est, en moyenne, aujourd’hui le prix de location des terres par hectare : Ire Classe 2e Classe 3e Classe 4e Classe 5e Classe Francs Francs Francs Francs Francs Terres labourables . . I 20 90 60 40 25 Prés et herbages . . . 25o 160 100 70 5o Vignes ........ 5oo 35o 200 120 70 . ( Taillis i Futaies .... 40 3o 20 20 10 60 40 3o 2 5 1 1 Il y a des terres d’alluvions^ dans les plaines du Rhône, de Vallon et de Largentière, qui se louent 260 à 3oo francs. On peut donc dire que la valeur moyenne locative de l’hectare est, pour le Vivarais, de 60 à 70 francs. Parmi les salariés agricoles, il faut distinguer: i® les jour- naliers, 2° les domestiques de ferme h L’emploi de ces salariés devient de jour en jour plus onéreux pour les propriétaires, en raison de l’élévation du prix de la main-d’œuvre. Le désir de vivre dans les grands centres, le goût du luxe ont atteint les campagnes, et rendent la population moins sédentaire qu’au- trefois. On va se fixer à la ville dans l’espoir d’y trouver un salaire élevé, et la main-d’œuvre, à la campagne, se fait de plus en plus rare. Les ouvrières agricoles font également défaut. Presque toutes vont travailler dans les filatures ou les moulinages de soie, ou se louent comme domestiques de maison. La consé- quence de cette transformation économique est que les salaires ont monté progressivement depuis le commencement du siècle, à peu près d’un tiers tous les trente ans. Cette proportion a même été dépassée pour les ouvriers que l’on occupe à l’édu- cation des vers à soie. Vivarais France I Journaliers pour 100 pour 100 Domestiques de ferme. . . 56,95 pour 100 56,8g pour loo l8o GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE Voici quelle a été l’élévation du salaire pour les journaliers : 1835 1854 1865 Nourri fr, 0 70 fr. I 00 fr. I a5 Non nourri fr. 1 3o fr. I 5o fr. I 90 En 1882, les salaires des journaliers étaient: NOURRIS NON NOURRIS Hommes Femmes Enfants Hommes Femmes Enfants Été fr. I 46 fr. 0 88 fr. 0 60 fr. 36 fr I 52 fr. I 07 Hiver. . . . fr. 0 98 fr. 0 68 fr. 0 43 fr. I 84 fr. I 32 0 oc 0 Ils sont aujourd’hui de : NOURRIS NON NOURRIS Hommes Femmes Enfants Hommes Femmes Enfants Été fr. i 5o fr. I » fr. 0 75 fr. 2 5o fr. I 75 fr. I 25 Hiver. . . . fr. I 25 fr. 0 80 fr. 0 5o fr. 2 25 fr. I 5o fr. I » C’est un usage presque général dans le Vivarais de ne pas nourrir les journaliers. S’ils sont payés à la tâche, leur salaire est plus élevé, et varie suWant leur activité et la nature du travail. Pour la période des vers à soie, un homme se loue de 60 à 70 francs par mois, nourri et logé, ou bien reçoit 3 fr. 25 à 3 fr. 5o par jour, non nourri. Les femmes se louent à 45 francs par mois, nourries et logées, ou reçoivent 2 fr. 5o à 2 fr. j5 par jour, non nourries. A deux ou trois époques de l’an- AGRICULTURE I 8 I née, les gens de la montagne descendent se louer pour le temps court des fenaisons, des moissons et des vendanges, leur faucille ou leur faux à la main, des sabots aux pieds et leurs souliers sur le dos. Les faucheurs et les moissonneurs reçoivent par jour 3 francs à 3 fr. 25 nourris ou bien 4 francs à 4 fr- 5o, non nourris. Le marché conclu, le maître ofPre au moissonneur du tabac et un litre de vin, puis emporte sa faucille pour qu’il ne puisse revenir sur sa parole. Les vendangeurs sont payés ha- bituellement 3 fr. 5o et les femmes 2 fr. 5o, non nourris. Les domestiques de ferme (y362, d’après l’enquête décennale de 1892) sont payés à l’année : un maître-valet reçoit de 4^0 à 5oo francs ; un valet de ferme, de 270 à 3oo francs ; un charre- tier, de 3oo à 820 francs ; une fille de ferme, de 180 à 220 francs ; un berger de 120 à 140 francs. Il faut compter aussi parmi les domestiques de ferme les bergers des grands troupeaux qui vont estiver près du Mézenc. Ces bergers sont presque tous de la Haute-Loire, car le paysan ardéchois se prétend trop laborieux pour rester cinq mois chaque année dans les hauts pâturages, à suivre paresseusement des bœufs ou des moutons. Le docteur Francus donne de curieux détails sur la loue de ces bergers, à Villeneuve-de-Berg^ « Au 1^" mai et à la Saint- Michel, les bergers affluent à Villeneuve pour louer leurs ser- vices à l’année. Ils apportent leurs sonnailles ; quelques-uns en ont de 3o à 40, ce sont les plus considérés, car cela prouve qu’ils ont dirigé un grand troupeau. Ces braves gens apportent aussi leur fifre, leur fouet et leur carnier. Le berger des par- jades est ordinairement payé 20 francs par mois et nourri. » L’indication de ces différents salaires ne nous donne qu’une idée vague de la sitution financière des ouvriers agricoles. On s’en rend un compte beaucoup plus exact, si l’on cherche à établir, par approximation, le budget d’une famille rurale. Supposons (cas le plus ordinaire) une famille de 5 personnes : ^ D'' Francus, Voyage au pays helvien, p. 101. 182 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE le père^ la mère, deux filles employées à la filature ou au mou- linage de la soie, et un troisième enfant à l’école. Les recettes et les dépenses peuvent être évaluées ainsi : RECETTES DÉPENSES 180 journées du père à 2,5o. Francs 45o Loyer, impôts, prestations. Francs 1 10 Revenu d’un petitlopin de terre 35o Nourriture 1069 40 journées de la mère à 1,75. 70 Vêtements 180 200 journées de la mère à la fa- brique à 1,25 25o Dépenses diverses. . . 80 280 journées de la fille aînée à la fabrique à i,3o. . . . 280 journées de la fille cadette à la fabrique à i,3o . . . Total des recettes. 364 364 1848 Total des dépenses. 1429 Il ne reste donc que 419 francs pour l’épargne. C’est bien peu de chose si l’on songe aux accidents de toutes sortes qui peuvent empêcher les uns ou les autres de travailler, aux chô- mages de rusine, etc, h Le budget du petit propriétaire et celui du fermier peuvent s’estimer de même. Le paysan peut encore élever un ou deux porcs, ou bien une once de vers à soie, ce qui est le cas le plus fréquent. Ces petits revenus supplé- mentaires peuvent être considérés comme autant à ajouter à l’épargne, si l’année a été bonne, ou bien compensent les pertes, si l’année a été mauvaise. Néanmoins, le paysan du Vivarais peut avec raison se dire pauvre. Pendant les années désastreuses, de iByS à 1888, où la vigne fut détruite parle phylloxéra, et ouïes maladies rendirent pro- ^ Jusqu’à ces dernières années, par exemple, le sort de l’agriculture s’était sensiblement amélioré dans la moyenne vallée du Doux, vers Lamastre. Mais depuis deux ans la mévente des porcs et des pommes de terre a arrêté ce progrès, et les paysans de cette région se trouvent aujourd’hui dans une situation très précaire. AGRICULTURE i83 blématique la réussite des vers à soie, le salaire des enfants occupés dans les fabriques de soies préserva seul les familles des petits cultivateurs de la plus noire misère. Il fallut, bon gré mal gré, que le paysan vivarais trouvât dans l’économie, dans un emploi plus intelligent de ses ressources, quelquefois dans ses privations, les moyens d’équilibrer son budget. Il se résolut à entrecouper ses champs de mûriers d’autres planta- tions, ce qu’il n’eût jamais fait auparavant. Il économisa sur sa nourriture. Aujourd’hui encore la seule viande consommée en général par le paysan est la viande salée, que l’on ne sert que deux ou trois fois par semaine. La boisson ordinaire est l’eau ; le dimanche le paysan boit du vin au cabaret. S’il est quelque peu aisé, il boit de la piquette faite avec du marc de raisin. Gomme il consomme ses propres récoltes, le prix de la nourriture en famille ne dépasse pas o fr.Sy ou 58 par jour et par personne. ★ Si nous résumons ce que nous avons dit des trois conditions essentielles de l’agriculture, terre, travail et capital, nous trou- vons un sol pauvre et peu fertile, un travail acharné, patient, qui commence à peine à se dégager de la routine ; et enfin des propriétés morcelées à l’infini et, par suite, l’absence presque complète de capital-argent disponible. Nous allons retrouver, dans l’étude des cultures, l’influence de ces trois conditions, c’est-à-dire une culture maigre, que le travail peut avec peine obtenir et que le manque de capitaux empêche d’améliorer. ★ Le Vivarais renferme presque toutes les cultures que l’on rencontre sur le sol français. Il le doit à sa situation, à son sol, à son climat, et aussi à un certain état d’esprit propre à beaucoup de paysans, qui veulent faire produire à leurs champs tout ce qui est nécessaire à leur consommation. Cet état GÉOGRAPHIE ÉGONOxMIQUE i84 d’esprit est fâcheux, car il réduit une partie de notre sol agri- cole à ne donner que des produits médiocres. De la sorte, il est vrai, le paysan n’est jamais complètement réduit à la misère quand un fléau ou une crise économique détruit une partie de ses produits ou en entrave la vente. Mais cette douce médiocrité où le paysan végète n’est plus permise aujour- d’hui. Il en est de l’agriculture comme de l’industrie ou du commerce. Elle doit se défendre contre la concurrence étran- gère avec le même soin, agir avec la même vigueur, user des mêmes procédés, produire beaucoup et à bon marché, si elle ne veut pas être supplantée sur nos propres marchés par les produits étrangers. Ce n’est pas en voulant récolter de tout dans une terre pauvre que l’on arrivera à ce résultat. De là vient que le Vivarais a un commerce agricole incomparable- ment inférieur à celui qu’il devrait et qu’il pourrait avoir, ★ Céréales. — Les céréales cultivées dans le Vivarais sont le froment, le seigle, leméteil, l’orge, l’avoine, le maïs, le sarra- zin elle millet. Le tableau suivant indique dans quelles pro- portions cette culture se trouve avec la population, la superfi- cie agricole, etc. Pour 100 habitants de la population totale. Céréales 27 hectares Moyennî En France 4® — loo — — agricole. 108 — — 219 — 100 hectares du territoire total. . . 19 — — 29 — 100 — — agricole 20 — — 3o — 100 — de terres labourables. 64 ~ — 58 Ainsi quand, en France, loo habitants ont pour se nourrir le revenu de \o hectares de céréales, dans le Vivarais ils n’ont que le revenu de 27, c’est-à-dire un tiers de moins. Or, la France AGRICULTURE i85 ne suffisant pas à sa consommation en céréales, on peut con- clure que, sous ce rapport, le Vivarais est encore plus déshé- rité. a) Froment. — Le blé ou froment ne dépasse guère l’alti- tude de 600 mètres. Les statistiques relatives au blé sont assez dificiles à établir, surtout dans la région montagneuse, où le paysan donne le nom de blé, non seulement au froment, mais encore à l’orge ou au seigle. La surface ensemencée en froment était, en 1862, de So.ooo hectares^; en 1882, de 36.000. Elle s’est élevée, en 1896, à plus de 38. 000. D’après l’enquête décennale de 1882, le rendement moyen par hectare était de 16 hl. 26, il est actuellement de i3 à i4 hectoli- tres. La valeur moyenne de l’hectolitre est de 18 à 20 francs. On trouve du froment dans le Haut-Vivarais, sur la rive du Rhône et dans les terres argileuses de Peaugres, Golombier-le- Gardinal, Annonay, et dans tout le Bas-Vivarais jusqu’à 600 mètres d'altitude. On a essayé d’en obtenir dans les varennas des environs de Saint-Agrève, mais le rendement est trop faible et trop incertain pour qu’on puisse donner suite à cette tentative. Grâce aux engrais chimiques, on cultive depuis quelques années du blé à Vernoux, où il n’y avait autrefois que du seigle. Les endroits où le blé est de meilleure qualité senties terres argileuses du Haut-Vivarais, et les terres basal- tiques ; tel est le fameux blé d’Andance, près de Ghomérac. Tel est encore le blé de Yilleneuve-de-Berg, dans la plaine qui sépare Villeneuve du mont Julian. Gette région seule rapporte en moyenne 3o.ooo francs de blé, outre celui qui est consommé sur place. G’est à Villeneuve-de-Berg que beaucoup de pro- priétaires du Bas-Vivarais viennent chercher leurs semences. Par contre, dans les environs de Viviers, Bourg-Saint-Andéol^ les Vans, le blé est de médiocre qualité, et ne rapporte guère ^ Je tiens à faire remarquer que, dans la suite de cette étude économique, je ne donne pas exactement les chiffres indiqués par les statistiques offi- cielles. La précision de ces statistiques, de l’aveu même de ceux qui sont chargés de les dresser, est absolument illusoire. i86 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE plus de 7 hectolitres à l’hectare. Les blés les plus ordinaire- ment cultivés dans le Haut-Yivarais sont la Touzelle et la Saissette. On a introduit récemment le blé inversable de Bor- deaux. b) Seigle, — Le seigle est le blé des pays pauvres du Yivarais ; il donne encore d’excellents résultats au-dessus de cette limite de 600 mètres où s’arrête le froment. C’est, par excellence, la céréale des terres granitiques ; aussi appelle-t-on ces terres dans le patois du Yivarais des ségalas ou ségalades. Sur les pentes du Mézenc, on trouve du seigle jusqu’à i56o mètres d’altitude. D’après l’enquête décenale de 1892, la surface cul- tivée en seigle était d’environ 46.000 hectares ; elle est aujour- d’hui de 53.000. Le rendement moyen en grains à l’hectare est de i3 à 14 hectolitres. Ce rendement assez élevé tient à ce que le seigle est cultivé surtout dans la région montagneuse où tout le travail est fait à bras ; néanmoins des engrais meilleurs l’élèveraient encore'. La valeur moyenne de l’hectolitre est de i3 à i5 francs. On a introduit récemment, dans le Haut- Yivarais, le seigle de Schlanstaedt, dont le chaume, dans les bons terrains, peut atteindre 2™5o de hauteur. c) Méteil. — La surface cultivée en méteil (mélange de blé et de seigle), en 1882, était de 200 hectares environ: elle a plus que doublé aujourd’hui. Le rendement moyen par hectare est de 14 à i5 hectolitres; la valeur moyenne de l’hectolitre de grains est de 16 à 17 francs. Cette culture qui se fait surtout dans les moyens plateaux du Haut-Yivarais est sans importance. d) Orge. — La surface cultivée en orge, en 1882, était de 58oo hectares; elle est aujourd’hui supérieure à 7000. Cet accroissement provient de la création de brasseries de bière dans le Yivarais; les orges d’hiver, cultivées sur le plateau vol- canique du Coiron, sont en effet très estimées pour cet usage. Le rendement moyen par hectare est de 14 à i5 hectolitres. La valeur moyenne de l’hectolitre de grain est de 1 1 francs. e) Avoine. — La surface cultivée en avoine, en 1882, était de 12.600 hectares environ: elle n’est plus aujourd’hui que de AGRICULTURE I 87 8000. L’avoine exclusivement cultivée est l’avoine grise, dite de pays. Cette culture, qui se fait surtout dans les pays graniti- ques, n’occupe jamais de grandes étendues. En général, chaque propriétaire ne récolte que la quantité nécessaire aux besoins de sa ferme. Le rendement moyen par hectare est de 16 à 17 hectolitres; la valeur moyenne de l’hectolitre de grains est de 9 à 10 francs. L’orge et l’avoine ne s’élèvent pas aux mêmes altitudes que le seigle, et ne dépassent guère 900 mètres. Cependant, dans les terres volcaniques et dans les varennas^ elles peuvent atteindre 1000 mètres: mais alors la moisson ne se fait guère avant la mi-août. Le froment, le seigle, l’orge et l’avoine sont les céréales les plus généralement cultivées dans le Vivarais. Le maïs, le sarra- zin, le millet occupent des surfaces bien moindres. f) Maïs. — La surface cultivée en maïs n’était que de 5oo hectares en 1882: elle est aujourd’hui supérieure à 1900 hec- tares. Le rendement moyen par hectare est de 14 à i5 hecto- litres ; la valeur moyenne de l’hectolitre de grains est de 1 3 à i5 francs. Le maïs se trouve surtout dans la région calcaire ; il ne s’élève guère au dessus de la limite du froment; il mûrit difficilement dans le Haut-Vivarais. Dans cette surface de 1900 hectares, n’est pas compris le maïs semé pour fourrage; dans ce cas il atteint des altitudes bien supérieures à 600 mè- tres, mais on le rencontre surtout dans les régions qui ont peu de grands pâturages et où le bétail est peu abondant. g) Sarrazin. — La surface cultivée en sazzazin était de près de 190 hectares, en 1882 ; elle est aujourd’hui d’environ 25oo heetares. Le rendement moyen par hectare est de i4 à i5 hec- tolitres ; la valeur moyenne de l’hectolitre de grains est de 10 à 12 francs. Le sarrazin, ou blé noir, réussit bien dans les terres granitiques; mais il craint les gelées d’automne, aussi ne s’élève^t-il jamais à une grande altitude. h) Millet. — La surface cultivée en millet était de 58o hec- tares environ en 1882 ; elle s’est élevée depuis à plus de 45oo i88 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE hectares. Le rendement moyen par hectare est de 12 à i3 hec- tolitres ; la valeur moyenne de l’hectolitre de grain est de 1 2 à 14 francs. Dans le Yivarais cette culture est restreinte à la rive du Rhône. Le millet à balai, ovl sorgho^ est, depuis quelques années, cultivé avec succès dans la partie la plus méridionale du Vivarais : cette culture semble être venue du Gard. D’après Baudrillart^ « en septembre on enlève les feuilles sèches qui servent à faire du fumier et même à nourrir les bestiaux ; on coupe la canne, on enlève la graine au moyen de peignes en fer fixés à un soliveau et l’on fait sécher la graine et le balai au soleil. La graine se vend en moyenne 6 francs l’hectolitre, et la paille 25 francs les 100 kilogrammes, de sorte qu’un hec- tare ensemencé de millet à balai peut produire 800 à 85o francs. » Autres grains alimentaires. — D’après l’enquête décen- nale de 1882, la surface cultivée en haricots, pois, etc. , était estimée ainsi : Surface cultivée en 1892 Rendement moy. à l’hectare Prix moyen de l’hectolitre Haricots 5i2 liect i4-i5 liectol. 24-25 francs Fèves et fèveroles. . . 347 — i4 — 20 — Pois 356 — 16-17 — 23-24 — Lentilles 7 — 10 — 33-34 — Néanmoins il est impossible d’estimer, même approximati- vement, l’étendue de ces cultures, car elles sont généralement dispersées au milieu d’autres cultures, parfois dans les mûre- raies et les vignes, et surtout dans les jardins potagers près des habitations. Les paysans ne cultivent que la quantité nécessaire 1 Baudrillart, Populations agricoles de la France [3^ série, p. 536). AGRICULTURE 189 à leur consommation. Les chiffres donnés j)ar l’enquête de 1882 sont donc évidemment erronés. ■k Pommes de terres. — La pomme de terre, qui joue dans l’ali- mentation du paysan un rôle si important, occupe une grande superficie de terres labourables. Sa résistance au climat, son adaptation facile au sol ont fait que la pomme de terre se trouve, comme les céréales, dans tout le Vivarais, à Saint-Agrève comme à Bourg-Saint- Andéol. Il n’est pas un propriétaire qui ne prenne grand soin de cette culture ; c’est pour elle surtout que l’on fume fortement le sol, et qu’on le remue profondément à la bêche. Elle est la nourriture indispensable ; de là le pro- verbe : Quand tartifle y a, canaille se (quand il y a des pommes de terres, les pauvres gens ont leur nourriture assurée). La pomme de terre est connue depuis longtemps en Viva - rais. Olivier de Serres, au début du xvii® siècle, l’appelle car- toufle'^ . Ce mot, rapproché de l’allemand Karteuffel, et du patois vivarais tartifle^ laisse à supposer qu’elle a dû venir dans le Vivarais de l’Allemagne, et qu’elle n’est pas indigène. Lorsque les auteurs de V Histoire du Languedoc., entre lySq et 1763, demandèrent aux curés du Vivarais quelles étaient les productions de leurs paroisses, tous signalèrent la pomme de terre. Les curés de Saint-Maurice-sous-Chalencon, de Saint- Michel-de-Ghabrillanoux, de Saint- Etienne -du -Serre, de Saint- Péray, la nomment truffe ou pomme de terre. Tous affirment que cette culture a préservé souvent leur paroisses de la famine, très fréquente auparavant à cause des entraves mises à la cir- culation des grains. D’après la lettre du curé de Saint-Alban- d’Ay, c’est dans cette paroisse qu’auraient été semées les pre- mières pommes de terre du Vivarais. Nous avons ainsi la ^ Cf. O. de Serres, Théâtre d’ Agriculture et Mesnage des Champs, liv. VI, édition de 1676 (Lyon, chez Jean Briiysel), p. 5oo. GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 190 preuve que cette culture 'était déjà très répandue dans, cette province, avant que Parmentier l’eût généralisée en France La surface cultivée en pommes de terre est aujourd’hui d’environ 29.000 hectares ; le rendement moyen par hectare est de 82 à 83 quintaux. La valeur moyenne du quintal est de 5 à 6 francs. En considérant la superficie occupée par cette cul- ture, pour 100 hectares de terres labourables, l’Ardèche est le premier département de la France ; et le troisième au point de vue de la production (pour 100 hectares de terres labourables). Or la méthode de culture est aujourd'hui identique à ce qu’elle était au siècle dernier ; il semble donc qu’en la perfectionnant, le Yivarais pourrait y trouver une source importante de revenus. On cultive la pomme de terre surtout dans les terres grani- tiques. La variété la plus usitée est Y Arly rose. Depuis quel- ques années, on cultive beaucoup des espèces à grand rende- ment pour l’alimentation du bétail : Richters Imperator , Canada., Institut de Beauvais., Géante bleue., etc. ★ ♦ ¥ Betteraves. — La betterave cultivée dans le Yivarais est la betterave fourragère. La superficie ensemencée est environ de 900 hectares aujourd’hui. Le rendement moyen par hectare est de 160 quintaux : la valeur moyenne du quintal est de 2 à 3 francs. La betterave fourragère se rencontre, comme la pomme de terre, aux altitudes les plus diverses. Depuis deux ou trois ans on a introduit près du Rhône et dans des terres argileuses (Serrières, Peaugres, Golombier-le-Gardinal) la cul- ture de la betterave à sucre, qui semble devoir donner d’heureux résultats. ★ -¥■ Plantes textiles. — Les plantes textiles sont très rares dans i Bibliothèque Nationale : Collection du Languedoc, t. XXIV, XXV et XXVI, cité par Baudrillart éop. cit., p. 5i6 et 517). AGRICULTURE ^9» le Yivarais. C’est à peine si l’on trouve encore aujourd’hui quelques champs de chanvre. On en rencontrait bien davan- tage autrefois, dans les terrains d’alluvions du Rhône et des principales rivières. Les anciens actes notariaux^ mentionnent constamment des chenevières ou chanahéries : on croit que le nom du Teil aurait été donné à ce village parce qu’on y teillait le chanvre en grande quantité. Le nom du Pic de Che- navari (Pic des Chenevières), près du Teil, est une autre preuve de l’importance de cette culture. ★ Plantes oléagineuses. — Dans les plaines d’alluvions et sur les coteaux, surtout dans le Haut-Vivarais qui n’a pas d’oliviers. 1000 hectares environ sont cultivés en colza. On ne trouve dans la région, ni navette, ni œillette. ■k ^ ¥ De même que les céréales, les arbres fruitiers subissent l’influence du sol et de l’altitude, et sont répartis dans des zones agricoles nettement déterminées. ^ ¥ Olivier. — L’olivier ne se rencontre plus guère aujourd’hui au nord du Teil: cependant Marzari Pencati, au début de ce siècle, prétend en avoir vu dans toutes les basses vallées du Vivarais.^ jusqu’à une altitude de i6o mètres. Il est certain que dans le Haut-Vivarais la rive du Rhône pourrait encore pro- duire des oliviers, car on peut en voir quelques-uns sur le coteau de l’Ermitage, en face de Tournon. Mais cette culture a été abandonnée parce qu’elle n’était pas assez rémunéralrice, et qu’il était beaucoup plus avantageux de cultiver la vigne. ^ D’’ Francus, Voyage autour de Privas, p. 4^3. GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 192 Aujourd’hui l’olivier se rencontre dans tout le Bas - Yivàrais, jusqu’à une altitude de 100 à i5o mètres, depuis le Teil, Aube- nas et Largentière, dans les endroits bien exposés. Dans les terrains riches, on les dispose en bordures ou en lignes, avec cultures intercalaires (vignes, céréales). Dans les terrains cail- louteux (les plus fréquents), ils sont plantés seuls. Ce système de cultures était le même au temps de Marzari Pencati^ : «Dans les bonnes olivettes, un plant n’est jamais distant d’un autre plant de plus de i5 pieds. Entre les lignes, on plante de gros pieds de vignes distants entre eux de 20 pieds. » Les variétés d’oliviers les plus répandues dans le Bas -Yivarais sont : le verraou, le houtignaou et le vermillaou . En 1882, la surface plantée était d’environ 38o hectares. Elle est aujourd’hui sensiblement la même. La valeur moyenne de l’hectolitre est de 20 à 22 francs ; un hectare produit en moyenne 5 à 6 hectolitres d’olives, donnant 17 a 18 kilo- grammes d’huile, et 4 kilogrammes de tourteaux ou res- sences. Dans le Bas- Yivarais, l’huile d’olive est de bonne qua- lité, mais elle a un goût de fruit assez prononcé, qui provient uniquement de sa préparation défectueuse. ★ Noyers. — Les noyers sont beaucoup moins nombreux qu’au trefois dans le Yivarais. On en a coupé un grand nombre pour les envoyer dans les grandes villes aux ébénistes ou aux armuriers. De plus, la plupart de ceux qui restent encore dépérissent sous l’influence d’un champignon nommé dans le pays le pourridié (Roesleria hypogea). Les noyers se trouvent surtout dans le Haut-Yivarais, plantés isolément dans les ^Marzari Pencati : « Nei buoni oliveti, una planta non è più di i5 pied! distante dalP altra in qualunque dei quattro sensi. Vi si piantano sotto delle linee di grossi e vicini ceppi di vite 20 piedi T una dalP altra lontane » (Op. cit.y p. i5o). AGRICULTURE IqS terres labourables ou en bordures. On n’en rencontre, dans le Bas- Vivarais, que dans les endroits humides. D’après l’enquête de 1882, la production moyenne des noix dans le département était de 6q5o hectolitres : mais la récolte est moins importante aujourd’hui. L’hectolitre a une valeur moyenne de 10 à 1 1 francs. Autrefois presque toutes les noix étaient transformées en huile consommée dans le pays : un hectolitre de noix donne en moyenne 12 litres d’huile. Mais depuis quelques années les paysans trouvent plus de profit à expédier, hors du Vivarais, les plus belles noix, comme noix de table. ★ Autres arbres fruitiers. — Le pommier est cultivé surtout dans les cantons de Lamastre, Saint-Agrève et Saint-Félicien, en verger, dans les prairies et les pâturages. L’abricotier est peu cultivé ; mais, par contre, le pêcher et le cerisier sont l’objet de l’attention d’un grand nombre de culti- vateurs ; leurs primeurs donnent lieu à de nombreuses transac- tions commerciales. On les rencontre dans toute la plaine du Rhône depuis Lavoulte jusqu’à Serrières, et sur les collines bien exposées. Saint-Fortunat (dans la vallée inférieure de l’Erieux), Andance, Saint-Etienne-de-Valoux, Saint-Désirat, Champagne et Serrières sont les centres les plus importants pour ces primeurs. Cette culture est fort ancienne dans cette région, si l’on en juge parle passage suivant, écrit vers i56oL (( (Dans les conventions avec les vignerons) les maîtres des vignes vers Tournon et Mauves. . . retiennent les sarments et toutes les amandes, s’il y a plusieurs amandiers, et se parta- gent ensemble les autres fruits, comme figues, pêches, abri- cots, aubergines, grenades, pommes et poires de la Saint- Jean, Manuscrit inédit de J. Pélisson, premier Principal du Collège de Tournon (L’antiquité de la famille de Tournon), appartenant à M. de Gallier, président delà Société d'archéologie de la Drôme, cité par Baudrillart (op. ci(., p. 5i3). Unit, de Lyon. — Bounnix 13 I 94 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE cerises et grillottes, et semblables fruits dont les vignerons font un grand argent, car ils sont plus beaux et meilleurs et mûris- sent plus tôt qu’en Dauphiné et au pays bas, et on les porte à Lyon et au Puy, où ils se vendent au poids de l’or, si grande envie chacun a, auxdites villes, d’en avoir, et s’en font des présents comme fruit nouveau. Les riches ont, outre leurs vignes, de beaux vergiers... » Dans les vallées des Cévennes on trouve aussi de nombreux arbres fruitiers, pommiers, poi- riers, etc., mais surtout des pruniers. Ces derniers, dans ces gorges si bien abritées produisent abondamment, et la fabri- cation des pruneaux est une des industries agricoles les plus lucratives de cette région. Le Bas-Vivarais produit surtout des amandes; dans ces terrains trop secs, l’amandier réussit assez bien. En 1882, Yilleneuve-de-Berg a exporté pour 65. 000 francs d’amandes, expédiées pour la plupart à Verdun pour les dragées et à Montélimar pour le nougat Gras retire de ce produit presque autant que Villeneuve, et Saint-Remèze fait une récolte annuelle évaluée à une trentaine de mille francs. Dans ces dernières années, bien des mûriers vers Saint-Remèze ont été remplacés par des amandiers. En 1882, la production totale des pommiers et des poiriers a été de 30.949 hectolitres, celle des pêchers et des abricotiers de 1640 hectolitres; celle des pruniers et des cerisiers de 857.4 hectolitres. Depuis cette époque, le nombre des arbres fruitiers a beaucoup augmenté , et le chiffre de la production est sensiblement plus élevé. D’après l’enquête de 1892, la production des pommiers et poiriers est devenue 55. 000 hectolitres : celle des pêchers et abricotiers, 6790 hectolitres ; celle des pruniers 8555 hec- tolitres; et celle des cerisiers, 13.916 hectolitres. La culture des arbres fruitiers et surtout des primeurs réussit fort bien dans le Haut-Vivarais ; elle y est très rémunératrice. Pourquoi ne la développerait-on pas? Un grand nombre de versants, bien exposés, abrités des vents du nord, n’ont pour AGRICULTURE 195 toute végétation que de maigres plantes insuffisantes à la pâture des moutons. Ils ont porté, il y a une trentaine d’années, quelques pieds de vigne française qui ont été détruits par le phylloxéra; depuis, ces parcelles de terre ont été abandon- nées, parce que Taccès en était difficile, et que le transport du fumier et la main d’œuvre devenaient trop onéreux; ou bien elles ont été transformées en luzernières qui auraient besoin de fumures énergiques pour prospérer. Dans les deux cas, ces terrains produisent peu ou rien. Ce serait, je crois, un moyen de les bien cultiver que de les planter en arbres fruitiers et d’y essayer la culture extensive en plein vent, où les arbres sont laissés en végétation complète. ★ ¥ ^ Vignes, — Toutes les races d’hommes qui ont habité le Vivarais y ont trouvé la vigne : mais ce n’est guère qu’au temps de l’occupation romaine que la vigne fut cultivée en vue de la fabrication du vin. Pline (XIV, iii, 7-8) dit que cette culture avait été introduite depuis peu de temps dans le pays des Helviens (Vivarais) comme chez les Arvernes et les Séqua- niens. La vigne des Helviens était même renommée dans l’antiquité pour sa résistance aux variations climatériques et pour la qualité de ses produits. Une variété fut transplantée dans la Narbonnaise, où elle prit le nom de nnrbonnique ; une autre passa dans le pays des Voconces (département de la Drôme) et y devint célèbre, sous le nom de vigne helviemie ou helvénaque, car elle produisait un vin de paille (vinuni dulce) très recherché (Pline, XIV, iv, 10). Le Gartulaire de l’abbaye de Sainte-Chaffre de Monastier^ indique qu’à la date du août g58 ou 969 une donation, consistant en vignes et jar- dins, fut consentie par un nommé Samuel et sa femme Adal- gude, de la villa Girana, située à Saint -Péray. Les minutes de ^ Roger Vallentin, Notes historiques sur le vignoble de Saint-Pérny . GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 196 Jean du Sala, notaire à Valence en 14 i 5, font mention de la vente d’une vigne entre Saint-Péray et Cornas. La vigne ne prit une véritable extension dans le pays qu’à la fin du XVI® siècle. Le passage suivant, emprunté au manuscrit de J. Pélisson (cf. supra^ p. 198, note) prouve la renommée du vignoble des environs de Tournon, dès i56o : « Il ne se cueille point de vin si délicat ni friand qu’aux terroirs de Medves (Mauves) et de Tournon, ni qui soit plus renommé, car il se jDorte à Rome et se vend presque autant qu’on veut, et les princes de la cour de France, et le roi lui-même en achètent tous les ans : de quoi se fait beaucoup d’argent. . . » A la même époque, Annonay possédait un vignoble d’une réelle impor- tanceL Mais, au début de ce siècle, ce vignoble était en partie détruit, sans doute en raison de la qualité inférieure de ses produits. On a prétendu aussi que, des chemins ayant été tracés dans tout le nord du Vivarais, les côtes du Rhône, jusqu’alors couvertes de bois, furent transformées en vignobles : cette concurrence aurait rendu la culture de la vigne peu pro- fitable à Annonay, et amené beaucoup de propriétaires à arra- cher leurs vignes. Le Bas-Yivarais était aussi un pays de vignobles. Les regis- tres des notaires d’Aubenas, Privas, Rochemaure, Largentière, les Vans, etc., indiquent, au xiv® et au N'y® siècle, une telle quantité de terres cultivées en vignes, qu’on peut se demander si la production du vin, dans le Vivarais, n’était pas plus consi- dérable alors qu’à notre époque, même avant le phylloxéra. Les raisins de ces vignes étaient renommés, d’après Olivier de Serres: « En Vivaretz, aux quartiers de Joyeuse et de Lar- gentière, on garde les raisins un couple d’années dans des feuilles de figuiers dont ils sont enveloppés un à un ; desquels sont faits de petits paquets comme des saucissons de Milan, où ainsi mignardement ployez se maintiennent fort nettement. Les gens du pays appellent ces paquets Supplications et Gibes ^ Baudrillart, op. ci(,,p. 5i2. AGRICULTURE *97 et à Paris, où quelquefois les marchands y en apportent^ Vire- cots'^. » Dansla région de Yilleneuve-de-Berg, où se trouvait le Pradel, propriété d’Olivier de Serres, les vignes étaient nom- breuses: leurs vins étaient connus sous le nom de Montfleury . Au commencement de ce siècle, la vigne prit une importance sans cesse croissante. La surface cultivée en vigne était: En 1825, de 14.929 hectares. En i85o, de 28.4i3 hectares. — 1840, — 22.895 — — 1862, — 82.901 — A cette dernière date, la récolte variait entre 35o et Syo.ooo hectolitres. Voici quelle était alors la répartition de la vigne, dans les trois arrondissements du département. 1840 1852 Privas 7.089 hectares. 9.260 hectares. Tournon 5.798 — 6.112 — Largentière 9.508 — i3 920 — Total 22.3y5 hectares. 29 652 hectares. En 1869, le phylloxéra fit son apparition dans le Vivarais et détruisit le vignoble de la rive du Rhône, de Saint-Just-d’Ar- dèche au Teil. En iSyS, il avait envahi tout le vignoble de Villeneuve-de-Berg, et les côtes du Rhône jusqu’à Tournon. L’année suivante, les vignes de Vallon, de tout le Bas et le Haut-Vivarais étaient atteintes. On arracha alors une partie du vignoble vivarais qui fut réduit : En 1872, à 25.710 hectares — 1882, à 12.000 — — 1884, à moins de . . . 10.000 — A cette date, on ne récolta que ySoo hectolitres de vin (Syô.ooo en 1862). Alors des hommes actifs et éclairés prirent l’initiative de la reconstitution du vignoble vivarais. Ce furent ^ Cf, O. de Serres, Théâtre d’agriculture chap, XIII, p. 214. , édit, de 1675 (Lyon), livre III, GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 198 MM. Seibel (à Aubenas), L. Glaron (à Vallon), Ch. Froment (à Grospierres), Perrin (à Saint-Lager-Bressac), Ozier (à Mauves), Jolivet (à Vions), de Brézenaiid (à Quinlenas), Jabou- let (à Cornas), etc. Grâce à eux, grâce à Timpulsion donnée par la Société ardéchoise d^encouragement à l’agriculture, et parles syndicats agricoles, grâce aux cépages américains gref- fés, le vignoble vivaraisse reconstitue rapidement. Aujourd’hui, la superficie du vignoble est déjà remontée à 17.000 hectares environ. La vigne, dans le Vivarais, ne se rencontre guère au-dessus de 4bo où 5oo mètres ; elle peut atteindre une altitude supé- rieure dans les bonnes expositions, comme dans la haute vallée de la Cance, où elle atteint 65o mètres. Elle est localisée surtout sur les côtes du Rhône, et, à l’intérieur du pays, dans les terres d’alluvions. En raison de l’absence d’un capital suffi- sant pour miner le sol et se procurer les engrais nécessaires, la reconstitution de la vigne subit un temps d’arrêt qui ne pren- dra fin que le jour où le paysan aura économisé quelque argent dans ce but, ou quand le crédit agricole le lui aura avancé. Si la surface cultivée en vignes est moins étendue qu’autre- fois, la culture est faite d’une façon plus judicieuse et plus pro- ductive. Il y a peu de temps encore, les vignes, dans la région de Privas, Aubenas et Largentière, étaient plus ou moins éle- vées sur souches échalassées, sur le versant des coteaux ; dans les plaines ou les terrains à pentes douces, elles étaient dis- posées en souches basses, sans échalas, sur deux ou quatre rangées espacées d’un mètre, au milieu de cultures interca- laires. Celles du Haut-Vivarais étaient élevées et échalassées sur souches. Actuellement, toutes sont échalassées; depuis i885 ou 1886, quelques grands propriétaires les conduisent horizontalement sur 2 ou 3 fils de fer. La culture méri- dionale proprement dite, en souches basses, n’est plus pratiquée que par quelques propriétaires des environs de Bourg- Saint-Andéol . AGRICULTURE ‘99 De nombreux viticulteurs, surtout dans le Haut-Yivarais, ont maintenu leurs plants français, le Camay, le Pineau, la Roussane, le Chasselas, etc., grâce au sulfure de carbone et à un travail assez onéreux. Aussi longtemps que le vin de la région pourra se vendre 4^, 5o ou 55 francs rhectolitre, la culture des vignes françaises sera encore suffisamment rému- nératrice. Mais du jour, peu éloigné, où la production méri- dionale aura atteint ses anciens rendements, et où le prix du vin se sera notablement abaissé, les viticulteurs du nord du Yivarais seront obligés de planter des cépages américains gref- fés. Déjà autour d’Annonay, on reconstitue le vignoble àPaide des cépages suivants : Riparia Cloire de Montpellier (dans les terres profondes et fertiles), Rupestris monticola (dans les terres caillouteuses et peu profondes), Solonis (dans les terres argileuses et humides). Le Clinton, cépage américain produc- teur direct, est même très abondant dans les vallées du Doux et l’Erieux, où il profite de l’épaisseur de la couche arable et de la fraîcheur du sol. Dans les sols rocheux du Ras-Yivarais, le maintien des vignes françaises par le sulfure de carbone était difficile, pour ne pas dire impossible. En effet, le sulfure de carbone se dif- fuse immédiatement entre les pierres et dans les fissures du sous-sol et n’a aucune action sur le phylloxéra. Quant au sulfo- carbonate de potasse, le manque d’eau en entrave souvent l’emploi. Pour cette raison, le vignoble du Ras-Yivarais est composé presque uniquement de variétés françaises greffées sur des plants américains. Reaucoup de vignes, replantées dès les premiers temps de vogue de la vigne américaine, sont même composées de plants américains producteurs directs, le Jac- quez, rOthello, le Clinton, etc. Dans les terres d’alluvions récentes, facilement irrigables, aux Yans, à Yallon, le Clinton végète avec une vigueur extraordinaire. R donne des récoltes de loo, 120 et même i5o hectolitres à l’hectare; s’il est sujet à roïdium, il est presque indemne du mildiew, qui atteint géné- ralement les plants français dans les terres humides. Mais le 200 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE vin qu’il produit a un goût fort désagréable ; heureusement sa belle couleur le fait rechercher pour les coupages. En somme, le vignoble ardéchois reconstitué donne des pro- duits très différents, dans le Haut et dans le Bas-Vivarais. Au nord, les produits sont moins abondants, mais de bien meil- leure qualité ; dans le sud, au contraire, les vins sont abondants, mais d’un goût rarement agréable, vins épais destinés au cou- page. La production moyenne est de 8 à lo hectolitres, sur les coteaux, par hectare, et de 20 à 25 hectolitres en plaine, dans le Haut-Vivarais. Dans le Bas-Vivarais, le rendement moyen est de 40 à 5o hectolitres par hectare. Parmi les vins de bonne qualité du Haut-Vivarais, les plus estimés sont ceux de Saint-Péray, de Cornas, de Saint- Joseph, de Tournon et de Ghâteaubourg, qui font partie des vins connus sous le nom de côtes du Rhône. Les cépages les plus usités sont : la Syrah, pour les vins rouges; la Roussane et la Marsanne, pour les vins blancs. Les vins rouges sont riches en couleur, ont du corps et un bouquet particulier fort agréable, à ce point que les marchands de vins de Bour- gogne viennent acheter les vins de Cornas ou de Saint-Joseph, etc., pour en faire des pomards, etc. Ces vins se conservent d’ailleurs fort bien et s’améliorent en vieillissant. Le vin de Cornas, en particulier^ devient excellent lorsqu’il a dépassé vingt ans. Le vin de Saint-Joseph vieillit moins ; il a toute sa perfection à cinq ans; passé cet âge, il s’affaiblit et finit par se gâter complètement. Ces vins sont encore achetés, comme vins de l’Ermitage, par les marchands de Tain, sur la rive gauche du Rhône. Actuellement le Cornas vieux se vend 120 à i5o frans Phectolitre. Le premier des vins des Côtes du Rhône est sans contredit le vin blanc de Saint-Péray. La réputation du saint-péray mousseux ne date que du commencement de ce siècle. Les trois frères Faure, ayant pour caviste un Champenois, eurent grâce à lui l’idée de champaniser leur vin. En quelques années leur industrie progressa rapidement : ils surent faire apprécier AGRICULTURE 20 I leur saint-péray mousseux à l’étranger ; ils devinrent bientôt de grands propriétaires et eurent les moyens d’acquérir les meilleurs coteaux de la région. Après eux, tous les grands viti- culteurs de Saint-Péray utilisèrent leur récolte à la prépara- tion du vin mousseux. Saint-Péray fut une des premières régions replantées après la crise du phylloxéra. Aujourd’hui la colline qui domine le cours du Mialan est couverte de vignes renommées (coteau Gaillard, le Prieuré, Thioulais, Solignas, Malgazon, les Sapettes, coteau de Hongrie, Bellevue). Le saint-péray mousseux a le goût de violette^ comme le chantait au début du siècle le poète Désaugiers, dans de fort mauvais vers. Il gagne beaucoup à avoir quelques années de bouteille; les meilleurs saint-péray sont même ceux que le temps a émoussés ; il est fâcheux que, dans le commerce, on ne paraisse pas apprécier le saint-péray autrement que comme vin mousseux. Ovide de Valgorge^ prétend qu’à dix-huit ans ce vin joue le madère à s’y tromper. Le saint-péray sec se vend de 8o à loo francs l’hectolitre, et mousseux de 2 fr. 5o à 3 fr. 5oIa bouteille. Parmi les vins du Bas-Vivarais, aucun n’a gardé la réputation des anciens crus des Gras, d’Alissas, de Montfleury ; seul le vin de Montjau, près de Bourg- Saint-Andéol, a gardé quelque renom local. Trois vers de patois vivarais le célèbrent ainsi : E nosté bouon vin de Mounjoou Que mount’ à la teste, faï riré E chanta coum’ un roussignoou. * Figuier. — Dans la zone occupée par la vigne, on trouve un arbre fruitier qui, plus qu’elle, redoute les froids de Fhiver : c’est le figuier. On le rencontre en petit nombre dans le Elaut- Vivarais,le long du Rhône, autour d’Annonay et dans les parties ^ 0. de Valgorge, Souvenir de l'Ardèche, t. I, p. 140. 202 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE les plus chaudes des vallées du Doux et de TErieux. Mais, dans toute cette région, on ne le voit guère dans les champs ; il est généralement en espalier contre les murs des habitations. Dans le Bas-Yivarais, le figuier est plus abondant : presque toutes les fermes ont des figuiers contre l’escalier extérieur des maisons, mais on en voit beaucoup, soit dans les champs, soit accrochés dans les fentes des rochers, comme dans le bois de Païolive ou au-dessus de la fontaine de Tournes. Les figues sont ici de meilleure qualité que dans le Haut-Vivarais, et très recherchées des Padzels de la montagne. 'k Airelle. — En dehors de la zone du Augnoble et de celle des autres arbres fruitiers, on trouve V airelle., cette petite baie noire succulente que le touriste aime à rencontrer dans la montagne. Dans le Yivarais, l’airelle ne se trouve guère au- dessous de 1000 mètres. On ne la récolte que dans la chaîne des Boutières : ailleurs on l’abandonne aux bergers. Les enfants ramassent les baies avec une sorte de rateau : ces baies leur sont achetées un sou la livre, et elles sont revendues sèches i franc le kilogramme. Pendant la crise du vignoble, on en faisait une boisson que l’on vendait aux paysans pour remplacer le vin : aujourd’hui l’airelle sert seulement à colorer les vins légers et à leur donner un goût piquant qui en relève la qualité. Pendant la saison, on expédie chaque semaine de Saint - Bonnet le-Froid une quarantaine de quintaux d’airelle fraîche à LyonL Dans le Bas-Yivarais, les enfants et les bergers des Gévennes récoltent les framboises sauvages. Ils les portent surtout à Aubenas, à Largentière, à Joyeuse. On estime à dooo kilo- grammes la quantité de framboises amenée, chaque année, dans chacune de ces trois villes. ^ Dr Francus, Voyage.., au mont Pilât, p. 2o3. AGRICULTURE O 20J * Châtaignier. — Au-dessus de la zone du vignoble jusqu’à une altitude moyenne de 800 mètres se trouve la zone du châ- taignier. Le châtaignier est par excellence l’arbre des versants vivarais, et des terres siliceuses. Cette culture est une des plus importantes de la montagne, et même, dans les Gévennes viva- raises, le châtaignier nourrit plus de monde que les céréales : sans ses fruits, beaucoup de ces hautes vallées seraient inha- bitables. En effet, il pousse sur des versants où il serait bien difficile d’établir, soit des prairies, soit des cultures de céréales. Depuis une trentaine d’années, le châtaignier souffre, non pas d’épuisement, mais d’une maladie spéciale qui s’attaque aux racines, le fait végéter puis mourir. Aussi la superficie cultivée, au lieu de croître, est-elle en diminution sensible. Les châtai- gniers occupaient : En 1840. . 8.13g hectares. En 1882. . 4o-363 hectares. — i852. . 58.558 — — 1892. . 3g.54o — — i865. . 49.49^ — — ^^97- • 40.900 — — 1872. . 57.900 — Les châtaignes du Vivarais sont connues dans le commerce sous le nom de marrons de Lyon. Ce sont: la Gombale, la Sardonne, la Bouche-Rouge, la Bouche de Bacon, etc. Les plus beaux marrons sont ceux de Saint-Pierreville et ceux de Vesseaux, sur les pentes du Goiron : quant aux châtaignes proprement dites, les plus appréciées sont celles du pays de Borne et celles de Lamastre. Ges variétés, très délicates et très recherchées, se vendent presque le double des châtaignes ordinaires: elles sont remplacées en beaucoup d’endroits par des espèces plus robustes et plus productives. Les très beaux marrons de l’Ardèche se vendent 20 à 22 francs les 100 kilo- grammes: les marrons de deuxième qualité, 16 à 18 francs; et les châtaignes, de 8 à i5 francs, selon l’abondance des récoltes. 2o4 géographie économique Les marchés d’AubenaS;, de Largentière, de Privas et de Saint- Pierreville sont réputés les plus considérables pour cette vente. * ■¥■ Bois et Forêts. — Au-dessus de la zone des châtaigniers se trouve celle des arbres forestiers. Malgré le déboisement considérable accompli depuis trois ou quatre siècles dans tout le Yivarais, les bois et les forêts y sont encore en grand nombre. Les contrées les plus boisées sont les suivantes: Dans le Haut-Vivarais, la vallée supérieure de la Cance, les sommets du Pyfara, du Grand Felletin, le contrefort entre la Cance et r Ay ; les versants des montagnes entre Saint-Agrève et le Mézenc ; la vallée supérieure du Mialan ; enfin la plupart des sommets de 4^0 à 1200 mètres sont couverts de taillis peu étendus; 2° Dans le Bas-Yivarais, les vallées supérieures de la Fontollière (forêt de Mazan), de l’ Ardèche (forêt de Bauzon), du Lignon (bois du Tanargue ou des Chambons); la vallée de ribie; le plateau crétacé entre Saint-Bemèze et Bourg-Saint- Andéol (bois deLaoul), la vallée inférieure de l’Ardèche. Dans le Bas-Yivarais, en dehors des points indiqués, on ne trouve pas un seul bois. Les forêts du Haut- Yivarais comportent les essences sui- vantes: I® dans les parties les moins élevées, le chêne, le bouleau^ l’érable^ le frêne, etc.; 2® vers 900 et 1000 mètres, le hêtre et les sapins. Quant aux pins, on en trouve dans la plupart des bois et à des altitudes très diverses. Il en est de même pour les forêts du Bas-Yivarais: dans celles qui sont situées sur le plateau crétacé, on ne trouve donc ni hêtres, ni sapins, mais par contre on y rencontre en abondance les chênes verts, les chênes rouvres, les alisiers, etc. D’après le rapport du Conservateur des forêts de l’Ardèche, à la deuxième session du Conseil général, de 1896: 19.820 hectares, dans le département, sont soumis au régime forestier. Les forêts domaniales de Mazan et des Chambons comprennent 2o5 AGRICULTURE 3534 hectares, et les forêts communales, 10.795. Enfin TEtat possède 499* hectares de périmètres de reboisement. Les forêts domaniales de Mazan et des Chambons sont des débris de l’ancienne forêt de Bauzon \ qui couvrait jadis toute la partie occidentale du Bas-Vivarais et que les défrichements ont réduite considérablement. La forêt la plus étendue du Vivarais est le bois de Laoul (1996 hectares): il appartient à Bourg-Saint-Andéol, depuis qu’au XIII® siècle dona Yierna le légua en toute propriété à cette ville. Ses produits constituent à peu près seuls les res- sources de la commune. Les coupes, réglées d’après un amé- nagement dressé par Eadministration des Eaux et Forêts, ont produit : En i883. . i6.58o francs, 1884. . ig.Soo — 1885. . 19.850 — En outre, la ville vend aux habitan ts l’autorisation de récolter les glands: cette vente rapporte environ 200 francs. L’adju- dication de la récolte des truffes est faite d’ordinaire pour 5oo francs: celle des herbes industrielles (thym, lavande) pour 100 francs : enfin le droit de pâturage dans les clairières produit en moyenne i5oo francs, à i franc par mouton, et 5 francs par bête de somme. La ville accorde gratuitement le droit de ramasser le buis, le bois mort, les herbes, les bruyères pour l’élève des vers à soie. ^ Cf. d’Albigny : « Cette belle forêt de Bauzon... fut pendant longtemps le principal centre d’approvisionnement du bois de construction et de chautYage de toute la contrée avoisinante, et surtout du bassin du Puy alors très dépourvu de bois de charpente et de combustible minéral. « La marine de l’Etat venait puiser dans cette forêt, formée de sapins magnifiques et de hêtres énormes, les pièces nécessaires aux constructions navales. Les transports étaient aussi difficiles que longs et coûteux pour extraire des flancs de la montagne de Bauzon les pièces de charpente et les bois de chaufTage qu’on demandait à cette région forestière n (Excursions nu Mézenc, p. 142.) En 1886. . 28.160 francs. 1887 . . 32.000 — 206 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE ★ -f 4 Pâturages et prairies. — Au delà des forêts de hêtres et de sapins, il n’j a plus que des pâturages. Ces pâturages, dits herbages alpestres, occupent une superficie assez restreinte, qui peut être estimée de 2.600 hectares environ. Ils produisent une herbe petite, fine, très nourrissante^ qui leur donne le premier rang parmi les pâturages du Vivarais. A ces herbages aljDestres, il faut joindre les herbages pâtu- rés en coteaux et les herbages pâturés en plaine. Les uns et les autres occupent ensemble une superficie de 14.000 hectares environ. Dans les premiers;, on fait les foins au mois d’août, et il n’y a pas de regains : dans les seconds, on fait deux coupes par an quand la saison est favorable. Les herbages pâturés en coteaux ou en montagne, nombreux vers la chaîne des Bou- tières et autour du Tanargue, donnent un foin presque aussi renommé que celui du Mézenc. Soulavie^ en parle en ces termes : « La qualité du foin de ces montagnes est très propre à l’engrais des animaux. Les prés nourrissent beaucoup de plantes aromatiques ; Fherbe y est déliée et fine, elle ne vient jamais fort haute. On charrie ce foin dans les granges sur des traîneaux que les bœufs montent jusqu’au toit de la grange; et quand ce foin est fermenté, il ne forme plus qu’une masse qu^on coupe avec la hache... » Quelle que soit la qualité de ces herbages, ils ne suffiraient pas à nourrir le bétail du Vivarais: heureusement de nom- breuses prairies se rencontrent depuis le niveau du Rhône jusqu’à la zone des forêts. Les prairies irriguées j3ar les crues des rivières occupent i3.ooo hectares environ, et celles irri- guées par des canaux, 10.000 hectares. Quant aux prairies non irriguées, leur superficie est d’environ 19.000 hectares. Les unes et les autres sont plus abondantes dans le Haut que dans le Bas-Vivarais ; cependant les foins y sont nota- ^ Soulavie, Histoire de la France méridionale, t. III, p. 227. AGRICULTURE 207 blement inférieurs. Dans le liaut-Vivarais, pauvre en chaux et en acide phosphorique, les graminées dominent: tandis que dans le Bas-Vivarais, ce sont les légumineuses, plantes plus nutritives. De plus le rendement moyen des prairies du Haut- Vivarais est de 2000 à 25oo kilogrammes par hectare (foin et regain), tandis qu’il est de 3ooo à 35oo kilogrammes dans le Bas-Vivarais. Les prairies artificielles ont un rendement hien supérieur ; aussi les trouve-t-on dans toutes les régions du Vivarais où le paysan plus instruit s’essaye à une culture moins extensive, c’est-à-dire autour des villes et gros hourgs, et le long du Bhône. Ces prairies sont ensemencées en luzerne, en sainfoin ou esparcette, et en trèfle. Ce dernier se rencontre seul dans les parties élevées. Le rendement moyen du sainfoin est de 45oo kilogrammes par hectare ; celui du trèfle, de 58oo kilogrammes ; celui de la luzerne, de 63oo kilogrammes. Cette dernière occupe la plus grande superficie (5ooo hectares environ) : le trèfle en occupe 4^00, et le sainfoin 25oo. ★ •f ^ Bétail. — Tous ces herbages, toutes ces prairies, naturelles ou artificielles aident le paysan à élever son bétail. Par suite, le Haut-Vivarais et les massifs du Mézenc et du Tanargue sont surtout des régions d’élevage. Avant 1789^ le bétail était plus rare dans le Vivarais qu’il ne l’est aujourd’hui, a L’intendant Ballainvillers ne compte dans la plaine que 3ooo bœufs ou mules pour le labourage, 3ooo mauvais chevaux, mules ou ânes pour le transport. La race ovine prospérait sur les hau- teurs, mais les dévastait ; les troupeaux de moutons sont éva- lués à 36.000 têtes, enfin il fallait ajouter 10.000 chèvres et 3o.ooo porcs... » Aujourd’hui encore, le Vivarais est une des régions de France les plus pauvres en gros bétail. ^ Baudrillart, op, cit., p. 617. 2o8 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE Toutes les races d’animaux qui se trouvent actuellement sur son territoire ont été formées par des croisements multipliés de sujets venus de provinces voisines avec les races indigènes abâtardies. La reproduction a lieu sans aucune méthode ration- nelle de sélection ou de croisement. Les cultivateurs ont la mauvaise habitude de mener leurs animaux femelles aux repro- ducteurs les plus rapprochés de leurs exploitations, sans se soucier aucunement de leur conformation, de leurs qualités, de leur race^ de leur âge, ni de leurs tares. a) Espèce bovine. — L’espèce bovine est représentée par loS.ooo têtes environ (53.ooo vaches, 12.000 bœufs, soit de travail, soit à l’engrais, et 3o.ooo veaux, bouvillons, génisses ou taureaux) . On voit combien le nombre des bœufs est restreint eu égard à celui des vaches. La cause en est que les régions où le labourage à la charrue est possible sont peu nombreuses dans le Vivarais; aussi le petit propriétaire qui n’a pas de terres labourables suffisamment étendues pour occuper une paire de bœufs préfère avoir des vaches qui, non seulement l’aident dans le travail de la terre, mais lui donnent encore du lait. Les pâturages des Gévennes vivaraises et du Mézenc n’ont fourni pendant longtemps que des animaux chétifs et malingres ; mais depuis quelques années, ces animaux, mieux soignés et mieux nourris, ont attiré l’attention des éleveurs. Les bœufs et les vaches de cette partie du Vivarais appartiennent à la race dite du Mézenc. Le type de cette race est de haute taille, les naseaux sont roses, le poil couleur froment. Il a beaucoup de finesse et de très bonnes qualités laitières. M. Aymard, qui a fait des études paléontologiques dans le Yelay, ne craignait pas d’affirmer que le type bovin pur du Mézenc avait la plus étroite parenté avec le bos primigenius. M. le professeur Sausson croit que (( la race du Mézenc est une variété de la race vendéenne »; M. Gornevin, de l’Ecole vétérinaire de Lyon, la considère « comme une variété de la race Schwyz ^ », etc... Quelle que ^ D’Albigny, Excursions au Mézenc, p. 65 et 66. AGRICULTURE 209 soit sa parenté on son affinité avec des races étrangères^ il est certain que ce type (sauf de rares exceptions) offre tous les caractères de la dégénérescence. Il présente, en effet, des sym- ptômes nombreux de rachitisme ; un air souffreteux, une poi- trine étroite, une culotte rétrécie, des reins déprimés, enfin une maigreur indiquant les causes de ce dépérissement, dû sur- tout au manque de soin et à une alimentation insuffisante. Hors des pâturages peu étendus, mais très riches, des terres volca- niques, ces animaux ne trouvent que des herbes beaucoup moins nourrissantes ; leur ossature diminue alors rapidement, ce qui a fait dire à quelques écrivains que le type du Mézenc était de petite taille. Des concours d’animaux de race pure du Mézenc, comme celui du Puy (2v5 septembre 1897), prouvent la fausseté de cette assertion. Les éleveurs des Gévennes et du Mézenc ne se contentent pas de nourrir cette race locale sur leurs vastes plateaux. Ils reçoivent encore des bœufs achetés sur les marchés voisins et destinés à fengraissement ; la plupart appartiennent à la race d’Aubrac. Les bœufs d’Aubrac présentent les mêmes caractères de dégénérescence que ceux du Mézenc. Dans la région d’An- nonay, on trouve quelques types de la race de Salers, variété de la grande race auvergnate ; ce sont surtout des vaches dont les qualités laitières sont très recherchées. Ces trois races ne se trouvent à fétat pur que chez quelques grands propriétaires. Dans le reste du Vivarais, il n’y a tîu longtemps que des sujets de métissage ou de croisement ; mais depuis quelques années, on a introduit avec succès, surtout dans le Plaut-Vivarais, la race tarentaise (de Bourg-Saint-Mau- rice) qui s’adapte fort bien au sol et au climat. C’est dans le Bas- Vivarais que l’élevage de l’espèce bovine est le moins actif. b) Espèce ovine. — L’espèce ovine est représentée par 25o.ooo têtes. Les femelles, donnant non seulement de la laine, mais encore des agneaux, sont beaucoup plus nombreuses que les mâles : en effet, il y a environ 100.000 agneaux et agnelles, 90.000 brebis, 5o.ooo moutons et 8000 béliers. Ces animaux Univ. de Lyon. — Bourdin. 14 2i0 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE sont loin d’appartenir à une race unique : ils sont le produit de croisements divers, faisant retour tantôt à la race auvergnate, tantôt à la race pyrénéenne. Pourtant on peut distinguer deux types distincts : Pun^ aux membres courts, au corps trapu, appelé communément petite race; l’autre aux membres longs, ou grande race. Cette dernière offre de nombreux points de ressemblance avec les moutons de Larzac. Mais, en général, ces bêtes à laine sont petites et leur laine est grossière. Les moutons et brebis du Vivarais et une partie de ceux du Gard vont estiver vers le Mézenc, sur les pacages communaux ou dans quelques grandes fermes. Le revenu que les communes ou les propriétaires tirent de ces affermages temporaires est assez important : c’est ainsi que Ghaudeyrolles, sur le versant ouest du Mézenc, se fait jusqu’à 2000 francs de revenu en nour- rissant ces moutons, qui montent en juin et descendent en septembre L Cependant les moulons transhumants sont de moins en moins nombreux dans le Vivarais ; les propriétaires se sont rendu compte que, si ces animaux engraissent les pâtu- rages par leur fumier, il les épuisent aussi rapidement ; car, en broutant, ils meurtrissent les herbes et en arrêtent la végétation pour plusieurs années. Les plus grands troupeaux de moutons transhumants se nom- ment des parjades ou des oveillas'. D’après le D^’ Francus^, (( il y a des entrepreneurs généraux de parjades qui reçoivent les troupeaux des propriétaires et ont leur personnel à eux pour les soigner. Le propriétaire leur donne i ou 2 francs par bête. L’entrepreneur afferme les pâturages qu’il ne paye jamais bien cher, car on tient surtout au fumier. Le berger doit rapporter à l’entrepreneur ou au propriétaire la peau des bêtes mortes dans la saison... » Les moutons du plateau crétacé vivent dans ^ P. d’Albigny, Excursion au Mézenc, p. 69. 2 De là, le nom à.' oveillard ou obeillard ou même abeillard, employé pour désigner le berger. ^ D'' Francus, Voyage au pays helvien, p. loi. AGRICULTURE 2 I I les maquis des bords de l’Ibie et du bois de Laoul. Ils y passent toute Tannée, hormis quand il y a de la neige ou que le temps est trop froid. Ils se nourrissent de serpolet, de cytise, de lavande, de thym, de frigoule, etc., aussi ont-ils une chair excellente. Ce sont surtout des animaux de boucherie. Les trois quarts du nombre des moutons et brebis sont tondus chaque année et donnent en moyenne 25oo quintaux de laine. c) Espèce caprine. — La chèvre est d’une immense res- source dans les régions pauvres du Yivarais; aussi le départe- ment de TArdèche occupe-t-il un des premiers rangs parmi les départements français pour le nombre des chèvres. L’espèce caprine y compte iSo.ooo têtes environ. C’est dans le Bas- Vivarais que les chèvres sont les plus nombreuses : on n’en voit pas de grands troupeaux, mais il n’y a pas de petit pro- priétaire ou de journalier qui n’ait 5 ou 6 chèvres, qu’un enfant ou une vieille femme mène le long des routes ou dans les gari- gues. Plusieurs villages de cette région portent le sobriquet de mange- chèvres. La réglementation du pâturage des chèvres est aujourd’hui très sévère, car ces animaux, en broutant les pousses des jeunes arbres, ont souvent détruit des plantations faites en vue du reboisement de la montagne. d) Lait^ fromages et beurre. — Les vaches, brebis et chèvres, dont nous venons de parler, produisent par an 6oo à 660.000 hectolitres de lait (d’après V Annuaire statistique de la France , 17® vol., 1897) : l’hectolitre se vend en moyenne*20 francs. Dans les pays d’élevage, le paysan fabrique beaucoup de beurre et de fromages, mais cette fabrication est individuelle et il n’y a pas de fromageries coopératives comme en Suisse d en Franche-Comté, etc. La fabrication du beurre et du fro- mage laisse complètement à désirer : les petits propriétaires, ayant peu de bétail, conservent la crème fort longtemps et la laissent aigrir avant de pouvoir la transformer en beurre. De là résulte que le beurre est presque toujours de médiocre qualité. Dans le Haut-Vivarais, les deux principales sortes de fro- 2 12 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE mages sont : i® la forme ou fourme^ faite avec du lait de vache écrémé ; 2® le fromage de chèvre, bien supérieur comme qualité et qui porte le nom de rigotte vers les bords du Rhône et de pigodon àdcns les Routières. Les meilleurs fromages du Bas-Vivarais viennent du côté de Sainte-Eulalie : ils se vendent un tiers de plus que ceux de Lachamp-Raphaël et de Mézilhac. On fait aussi de bons fro- mages vers Saint-Etienne-de-Lugdarès, mais ils sont portés au marché de Langogne. e) Espèce porcine. — L’espèce porcine est représentée dans le Yivarais par i iS.ooo têtes environ. Les porcs sont répartis dans tout le Yivarais. Rs appartiennent à une race ditet/w formé par le croisement de la race ibérique avec la race cel- tique. Le porc, dans le Yivarais, est par excellence l’animal domestique du petit artisan rural : mais il est généralement très mal entretenu. f) Animaux de basse-cour . — Avec les porcs, il n’est pas de ferme qui ne. possède quelques animaux de basse-cour. Yoici quel en est aujourd’hui le dénombrement approximatif : Poules . . . . 360.000 (c4o) Oies. I.OOO (5, ») Canards . 7«5oo (1,80) Dindes. . . . 4-3oo (5,5o) Pintades . . . . 65o (2,10) Pigeons . . . 29.000 (0^70) Lapins. 125. poo (i.3o) Ces cbifPres, qui n’ont été établis que par approximation, ne semblent pas s’être sensiblement modifiés depuis 1882. g) Espèce chevaline. — L’espèce chevaline est représentée par 12.800 têtes. La grande majorité de ces chevaux n’appar- tient à aucune race bien définie ; ils sont tous de taille moyenne et servent aux transports. Dans la montagne du Bas-Yivarais, on voit des chevaux de petite taille, à la tête courte, que l’on nomme communément chevaux de montagne. La race cheva- ACxRIGULTURE 2 1 3 line s’améliore depuis quelques années, grâce aux étalons de demi-sang des haras de rElai; il y a dix de ces étalons dans les stations de Privas, Aubenas et Aunonay. Les chevaux du Viva- rais, comme le dit M. d’Albigny^, «s’ils n’ont pas été déformés par un travail prématuré et s’ils ont reçu les soins d’un éleveur intelligent, font d’ordinaire un bon usage. Les principales causes d’une production laissant à désirer, sur nos plateaux d’élevage, c’est presque toujours l’obstination à tirer parti de juments trop vieilles, trop fatiguées, impropres à la reproduc- tion, et l’habitude dérivée du même principe d’exploitation à outrance des animaux comme du sol, d’employer trop tôt les poulains comme les jeunes bœufs aux travaux ruraux. , b) Espèce mulassière. — Le nombre des chevaux diminue de plus en plus dans le Yivarais, leur nourriture devenant trop onéreuse pour le paysan appauvri. On les remplace en général par des mulets et des ânes. L’espèce mulassière est représentée par 8000 têtes. Les mulets proviennent en général du Midi ou du département de la Drôme. Leur endurance explique leur grand nombre dans le Bas-Vivarais, où le foin est rare. Une paire de bons mulets ou de bonnes mules vaut couramment 2000 à 2000 francs. i) Espèce asine. — Les ânes sont communs chez les petits propriétaires. Leur nombre total, de 8260 en 1882, est aujour- d’hui de 35oo, Le type le plus communément répandu est un mélange des variétés de la Gascogne commune, du Poitou et de la variété commune de la race africaine. C’est encore dans le Bas-Yivarais que les ânes sont le plus nombreux. Apiculture. — Les communes de Sampzon, la Bastide -de- Virac, Orgnac, la Gorce, Gras, Saint-Remèze, Bidon et Bourg- Saint-Andéol forment ce qu’on appelle le royaume du miel ^ P. d’Albigny ; Excursion au Mézenc, p. 25. GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 214 vivarais. Ce miel, jaune ou blanc, très parfumé, n’est assuré- ment pas inférieur au miel de Narbonne : et cela se comprend, puisque la plus grande partie du miel vivarais est vendue sous le nom de miel de Narbonne, de même que les châtaignes du Vivarais sont transformées en marrons de Lyon. Les ruches sont rustiques, difficiles à surveiller. Elles sont formées, le plus souvent, d’un tronc d’arbre mal équarri. Tou- tefois quelques apiculteurs, depuis une dizaine d’années, ont tenté avec succès l’introduction dans le Vivarais de ruches perfectionnées (système Layens ou système Dadant) et ont vu leurs efforts couronnés de succès. Le nombre des ruches d’abeilles en activité est d’environ 20800. La production totale peut être approximativement évaluée à 80.000 kilogrammes de miel et de cire. Ce sont les communes de Gras et de Bidon qui en produisent le plus. ★ Truffes. — Les mêmes communes des cantons de Vallon et de Bourg-Saint-Andéol sont celles du Vivarais qui produisent le plus de truffes. On n’en trouve d’ailleurs que dans les terrains calcaires. La recherche des truffes se fait avec des chiens à Ghomérac et dans les environs. Dans les autres localités truf- fières, on emploie le porc ; toutefois, le chien semble devoir être de plus en plus utilisé. D’après O. de Valgorge \ la truffe du Vivarais ne le cède en rien à celle du Périgord : « Sa forme est raboteuse ; sa grosseur varie depuis celle d’une noix jus- qu’à celle d’une pomme, et quand elle a atteint son plus haut point de maturité, elle est d’une couleur noire très foncée. » Le canton de Vallon, à lui seul, en expédie de 1200 à 1 5oo kilo- grammes par an; la plus grosse part vient d’Orgnac et de la Gorce. Dans le GraSy près de Privas, on trouve des truffes aussi parfumées que celles de la Gorce, mais dans tous les autres ^ O, de Valgorge, Souvenirs de V Ardèche, t. II; p. 49* AGRICULTURE 2i5 cantons calcaires, les truffes sont moins abondantes et de qua- lité inférieure. La production totale du département de l’Ardèche est évaluée à i5 ou 16.000 kilogrammes, dont la moitié est consommée dans le pays. Cette production pourrait être considérablement augmentée, carie Bas-Yivarais renferme d’immenses surfaces incultes qui se prêteraient admirablement à cette culture. ★ ^ ¥ Sériciculture. — L’élevage du vers à soie est une des branches de l’agriculture qui sont le plus rémunératrices pour le paysan du Vivarais. Je dis que c’est une branche de l’agri- culture et non pas de l’industrie, car, alors que dans l’industrie les forces mises en jeu dépendent toutes de la volonté de l’homme, ici l'homme est pour peu de chose dans la fabrication du cocon. Sans doute il a planté le mûrier, il a fait choix des graines, il les a mises à éclosion et il a nourri les vers, mais il n’en est pas moins vrai que c’est l’insecte qui a fait la plus grande part du travail. Le ver à soie se nourrissant exclusivement de feuilles de mûrier, la culture de cet arbre doit nécessairement avoir dans le Vivarais une très grande importance. Les anciens paysans appelaient le mûrier V arbre d'or^ et ils avaient raison, car aujourd’hui encore, à une époque de crise séricicole, il est, pour le Vivarais, une des sources de revenus les plus sûres. Sa culture a été introduite dans le Bas-Vivarais sans doute au XV® siècle, et de là s’est étendue rapidement dans le Haut- Vivarais, car à la fin du xvi® siècle, Olivier de Serres le signale à Bourg-Saint- Andéol, à Serrières L En 1701, une ordonnance de Basville, intendant du Languedoc, morigène les habitants qui, découragés par le peu de profit de cette culture, coupaient leurs mûriers et refusaient d’en planter d’autres. L’ordonnance ^ Cf. O. de Serres, Théâtre cV Agriculture, édit, de 1676 (Lyon), liv. XV, chap. XV, p. 398 et suiv. 2 I 6 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE défend formellement de détruire les mûriers existants et ordonne d’en planter de nouveaux. Elle enjoint même aux communes du Languedoc « de prendre livraison de 18.000 plants de jeunes mûriers qui se trouvaient à la pépinière de Vallon en Vivarais et en fixe la répartition entre elles^ ». Dans le Vivarais, le mûrier ne s’élève guère au dessus d'une altitude moyenne de 400 mètres, c’est-à-dire qu'on le trouve seulement sur la rive du Rhône et dans les basses ou moyennes vallées des principaux torrents ou rivières. Il réussit aussi bien dans les sols siliceux que dans les sols calcaires ; il réclame avant tout une couche épaisse de terre arable, où ses racines puissent sVnfoncer directement : aussi peut-on, sans grand danger, cultiver près de lui des plantes dont les racines soient peu profondes. Il exige encore quelques labours et fumures. Mais ces soins peu importants se trouvent aujourd’hui négligés : en nombre d’endroits, on a placé sous les mûriers des cultures qui, comme la luzerne, leur sont nuisibles. Les engrais ne venant pas compenser l’épuisement du sol, celui-ci s’anémie, pour ainsi dire, et les arbres végètent. On s’explique aisément que le nombre des mûriers dans le Vivarais soit de beaucoup inférieur à ce qu’il était, il y a cinquante ans, surtout si l’on songe que les maladies des vers à soie et la mévente des cocons ont décidé beaucoup de propriétaires à remplacer leurs mûriers par des amandiers, par des vignes, etc. A ce sujet, les opinions les plus contradictoires ont été émises. D’après M. Natalis Rondot, les mûriers actuellement vivants pourraient à peine faire face à la moitié de l’ancienne production. Suivant M. Louis Rondon, « la quantité de feuilles de mûrier a diminué dans la proportion de 35 à 5o pour 100, suivant les zones ». Au contraire, M. D. Armandy croit qu'on n’a arraché que le quart, le tiers au plus des mûriers, et qu’on est loin d’employer toutes leurs feuilles, dont 25 ou 35 pour 100 ^ Cf. D'’ Francus, Voyage autour de Valgorge, p, 255. AGRICULTURE 217 restent sur les arbres ^ M. FougeiroP est d’avis que l’on a arraché fort peu de mûriers, mais que ces arbres produisent peu parce qu’ils sont mal cultivés, le paysan n’étant pas encouragé dans son travail. Après avoir parcouru le pays et avoir interrogé les paysans eux-mêmes, je ne me rallie entiè- rement à aucune de ces opinions. En réalité, partout on a arraché les mûriers malades, que l’on peut, à mon avis, estimer au tiers du nombre total. Mais la production de feuilles a-t-elle diminué d’autant? Assurément non; car, malgré certaines affirmations erronées, on a replanté beaucoup de mûriers, mais en certains points seulement. Sur la rive du Rhône, surtout dans le Haut-Yivarais^ la culture de la vigne et des arbres fruitiers a définitivement supplanté celle du mûrier : mais dans les régions où la vigne ne peut espérer de grands rendements, comme vers Lamastre, Privas, ou autour des anciens grands centres séricicoles, Aubenas, Largentière, les Vans, on a replanté activement ; si bien que la production de feuilles de mûriers ne doit pas avoir diminué de plus d’un cinquième. Il faut environ 1000 kilogrammes de feuilles pour élever une once de graines de vers à soie; mais comme un mûrier à haute tige n’en produit que i5o, il est nécessaire de posséder au moins huit à dix mûriers pour pouvoir faire une éducation bien petite. Aussi la plupart des petits propriétaires sont-ils obligés d’acheter une partie des feuilles dont ils ont besoin, et les cultivateur& de mûriers se sont naturellement divisés en deux catégories distinctes : les uns cultivent le mûrier unique- ment pour en vendre la feuille ; les autres pour leurs éducations personnelles. La production totale des feuilles, en 1898, dans le département de l’Ardèche, a été estimée de 520.480 quin- taux. ^ Natalis Rondot, V Art de la Soie, t. I, p. loi (2® édition). 'Journal officiel : Discours à la Chambre des Députés, séance du 4 j^^hn 2i8 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE Les espèces les plus usitées dans le Vivarais sont les variétés du mûrier blanc : le moretti, le inulticaule, le mûrier rose, le mûrier Ihou, etc. Quelques espèces venues d’Italie et du Japon sont depuis un ou deux ans introduites, avec succès, dans les terres calcaires épuisées. La récolte des feuilles se fait au printemps, au fur et à mesure de la croissance des vers à soie ; en général à la lin de mai et dans la première quinzaine de juin. C’est ce dépouille- ment de l’arbre qui empêche sa culture dans la région à une altitude supérieure à Joo mètres, car il faut qu’il reçoive assez de chaleur pour pouvoir reconstituer son feuillage avant les froids de Lauiomne. Il demande pour cela au moins deux mois pendant lesquels la température demeurera supérieure à i3 degrés L Dans la région chaude de Vallon et de Bourg- Saint-Andéol, on ne se borne pas à ramasser les feuilles du printemps pour les vers à soie, on récolte encore celles de l’automne pour les vaches, les chèvres, afin de suppléer à l’absence de fourrage. Les paysans les donnent fraîches au bétail, ou bien ils les font sécher dans des hangars ou sur les claies des magnaneries. Le sériciculteur ne doit pas seulement acheter une partie des feuilles de mûrier nécessaires à l’éducation des vers à soie, il doit aussi se procurer les œufs de ces vers, ou les graines. Ces graines se vendent par onces ^ au prix moyen de dix francs l’once ; mais, dans le Vivarais, il est de tradition de ne payer la graine^ comme la feuille, qu’après la vente des cocons. La production de la soie est ainsi à la portée des bourses les plus ^ Cf. Pariset, Les Industries de la Soie, p. i5 (Lyon, Pitrat, 1890). 2 N. Rondot ; « L’once est restée, pour les œufs de vers à soie, Lunité en usage dans l’industrie de l’élevage. C’est en 1849-50 qu’on prit l’habitude de diviser le kilogramme en 40 onces, soit de compter l’once à 25 grammes. Le graineur donne a5 ou 3o grammes de graines par once, suivant que la graine est plus ou moins abondante. On a même donné quelquefois 35, 4«» 45 grammes. L’once est donc une unité de convention admise pour 25 gram- mes, mais qu’il serait peut-être plus vrai de compter pour 3o grammes. » (L'Art de la Soie, 2® édition, t. I, p. 35 et 36, note.) AGRICULTURE 219 modestes. C’est surtout le petit cultivateur qui, si l’hiver a été rude ou s’il a manqué de travail, élève au printemps une ou deux onces de graines pour en retirer quelque bénéfice. Autre- fois le paysan choisissait lui-même, parmi ses cocons, les plus beaux, faits par les vers les plus vigoureux, et opérait lui-même le grainage, c’est-à-dire recueillait les œufs qu’il réservait pour l’éducation de l’année suivante : avec 10 kilogrammes de cocons, on obtenait i5 onces de graines. Mais vers 1848 et i85o apparurent les différentes maladies du ver à soie, surtout la pébrine ^ et la flacherie. La sériciculture semblait dès lors compromise dans le Vivarais, comme dans tout le midi de la France, quand, vers i865. Pasteur trouva le moyen de recon- naître au microscope les graines qui renfermaient les germes pernicieux. Cette nouvelle méthode de sélection, appelée grainage cellulaire^ sauva la sériculture vivaraise, et permit de combattre efficacement les maladies du ver à soie^. Alors se fondèrent dans le midi de la France et en Corse des maisons de grainage qui se procurent de bons cocons, non conta- minés, et vendent les œufs. Il y a peu de graineurs dans le ^ Pariset : « Les savants établirent que les vers pébrinés ont tous leurs organes envahis par des corpuscules ovoïdes se multipliant au détriment de l’organisme; que ces corpuscules existent dans les déjections des vers pébrinés, contaminent les feuilles données en nourriture, et pénètrent ainsi dans les corps des vers sains qui deviennent immédiatement pébrinés; que les mêmes corpuscules se retrouvent dans la chrysalide, dans le papillon, et même dans l’œuf, si le ver pébriné a pu vivre jusqu’à l’état de chrysalide ou de papillon ; que le remède est dans la sélection des papillons, et dans la séparation des pontes des papillons sains, conservées seules pour la graine, » (Les Industries de la Soie, p. 29.) ~ Le procédé de Pasteur fut difficilement accepté dans les campagnes Pasteur lui-même disait à Lyon, en 1878 : « C’est le propre de la vérité de triompher peu à peu des obstacles qui essaient d’arrêter sa marche. Vous n’avez oublié, Messieurs, ni la vivacité des attaques dont mon procédé a été l’objet, ni l’ardeur convaincue de la défense. La période d’apaisement est arrivée, parce que la lumière se fait chaque jour plus vive. Pour moi, de toute cette polémique, je ne garde ni fiel, ni amertume! . .. ». (Mémoire sur la Sériciculture, présenté au Congrès de Lyon, en 1878, publié dans le Moniteur des Soiés de 1878.) 220 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE Vivarais^, mais dans chaque village séricicole un paysan sert d^intermédiaire entre les éducateurs et les graineurs et prélève un léger bénéfice sur ses placements de graines. Pendant longtemps, les graineurs vendirent des cartons de graines d’origine japonaise ; aujourd’hui on en vend peu, car les anciennes races françaises, grâce à une sélection attentive et continue, ont été complètement reconstituées. Les graines une fois achetées, le sériciculteur les fait éclore artificiellement. Autrefois, les femmes les mettaient dans de petits sachets et les portaient dans leur corsage : la chaleur du corps suffisait à l’éclosion, mais souvent la transpiration l’entravait. Plus tard, on eut recours à des étuves, et c’est encore le procédé généralement employé dans les petites exploitations. Dans la région de Bourg-Saint-Andéol, on fait éclore généralement les graines au moyen de veilleuses placées dans une armoire. On se sert encore d’étuves en toile, à double paroi, que l’on nomme castelets^ munies de lucarnes sur les côtés, afin que l’air s’y renouvelle, et chauffées par-dessous avec une ou plusieurs veilleuses. Les locaux où se fait l’éducation du ver, après réclosion, se nomment les chambrées ou les magnaneries. Les chambrées laissent à désirer sous le rapport de l’aération et de la propreté. Les murs ne sont pas blanchis, les cheminées, dont le foyer sert à maintenir la température au degré voulu, sont mal établies et laissent souA^ent la fumée se répandre dans le local. Les magnaneries sont au contraire bien tenues, bien éclairées et bien aérées. Le rez-de-chaussée comprend le magasin aux feuilles et une chambre vaste avec des échelles pour supporter les claies. Or, dans le VAarais, il n’y a presque pas de magna- neries, mais surtout des chambrées ; et même la plupart du temps la chambrée n’est autre que la cuisine,, la salle commune de la maison d’habitation. Par suite, il n’y a que de petites éducations qui puissent y réussir : 2 onces au plus. ^ On ne peut guère citer que la maison P. Deydier, à Aubenas. AGRICULTURE 22 I En raison de cette difficulté de faire de grandes éducations, les propriétaires qui ont à leur disposition beaucoup de feuilles de mûrier donnent à leurs voisins des vers à élever, à moitié, par petites chambrées. « Il faudrait, dit Baudrillart^, que la récolte réussît bien peu pour qu’elle ne suffît pas à payer au propriétaire les frais de culture de ses mûriers et l’usure de son matériel: si les eliambrées réussissent tant soit peu, il en tire un bon revenu. L’éducateur, à moins d’insuccès exceptionnel, tire du produit de sa chambrée, au minimum les frais de sa nourriture pendant l’éducalion et le plus souvent arrive à qua- drupler le prix de sa journée. C’est un cheptel vivant d’un nouveau genre. » Le département de l’Ardèche occupe un des premiers rangs pour la qualité de ses cocons. Elle doit ce privilège à la nature de son sol; car, dit Nat. Rondot^ (op. cit.^ t. I, p. p3) « on récolte sur les terrains granitiques et sur les terrains schisteux des cocons qui fournissent des soies légères, luisantes, élasti- ques et nettes ». Les cocons récoltés sur d’autres sols, dans les vallées ou les plaines, sont certainement inférieurs : la soie ^ Baudrillart, op. cit., p. 649. Tableau de la production uis 1871 : de la soie dans le dép; artement de l’Ardèche 1871 . , 1 .540 194 kilogr. 1884 . 1.380.748 kilogr. 00 . 1.570.440 — i885 . 1.406.484 — 1873 . . . 1.542 527 — 1886 . i.8io.6i3 — 1874 . . 2.101.199 — 1887 . 1.578.366 — 1875 . . 1.961.534 — 1888 . 2.070.035 — 1876 . . I 445.641 — 1889 . 1.414-087 — 1877 . . . 2 103.900 — 1890 . 1.610.176 — 1878 . . I . 181 .2i5 — 1891 . 1.292.266 — CO . 713 980 — 1892 . 1.653.366 — 1880 . . . 1.370.269 — 1893 . 2.274.769 — 1881 . . 2.081.749 — 1894 . 2-249-719 — 1882 . . . 2 008.784 — 1895 . 2.190.334 — 00 00 ICC . 1.537.756 — 1896 . 2.123.790 — (Statisti(|ue publiée par le Syndicat de rünion des marchands de soie de Lyon). 222 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE est en général lourde, terne, duveteuse, peu nerveuse et peu régulière. Avec ses 2. 2 00.000 kilogrammes de cocons frais(en moyenne), Tx^rdèche est aujourd’hui le second département français pour la quantité des cocons récoltés : le Gard occupe le premier rang, avec 2.85o.ooo kilogrammes. Après eux viennent la Drôme (1.800.000 kilogrammes) et Vaucluse (i.43o.ooo kilo- grammes). Au début de ce siècle, la production de la soie dans le Vivarais était bien inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui ; l’extension rapide de la sériciculture ne date que de 1820. Le maximum de la production fut atteint en i8Ô2; puis le total diminua, et même en i865 tomba à ce qu’il était en 1800 : il remonta alors brusquement et se maintint entre i million 1/2 et 2 millions, sans subir de variations notables. Le prix du kilogramme de cocons frais a subi des variations bien plus grandes. Au début de ce siècle il était de 3 francs. Jusqu’en i8Ô2, alors que la production totale de la France passait de 4 millions de kilogrammes à 24 millions, il s’éleva à peine à 4 fr. 10. Après i852, les récoltes étant chaque année plus compromises, les prix s’élevèrent : ils atteignirent leur maximum, 8 francs en i85y. De 1857 à i865, date du mini- mum de la production, ils oscillèrent entre 6 et 8 francs. Dès Statistique du prix des cocons fr. c. 1871 .... • 5 12 1872 .... • 6 76 1873 .... • 6 1 5 00 • • 5 25 1875 .... • 4 89 1876 . i . . • 5 17 1877 .... • 4 84 1878 .... • 5 04 • • 00 • 5 » 1880 , . , . • 4 29 1881 .... • 4 i3 1882 .... • 4 i3 i883 .... • 3 90 1884 .... • » aces françaises, depuis 1871 : i885 . fr. c. 1886 . .... 3 64 1 887 . . . . . 3 X 1888 . . . . . 3 29 1889 . . . . . 4 1890 . . . . . 4 25 1891 . . . . . 3 i3 1892 . .... 3 38 1893 . . . . . 5 21 1894 . . , . . 2 i5 1895 . .... 2 65 1896 . . . . . 2 75 1897 . . . . . 2 60 1898 . . . . . 3 lo AGRICULTURE 228 lors, les récoltes devenant meilleures, les prix suivent une marche descendante. En 1897, ils ne sont plus que de 2 fr. 5o à 2 fr. y5. Si le département de FArdèche est le deuxième pour la pro- duction des cocons, il est seulement le troisième pour le nom- bre des sériciculteurs et vient après le Gard et la Drôme. Gomme les sériciculteurs de FArdèche ne font pas d’éducations beaucoup plus grandes que ceux de la Drôme, il faut bien admettre qudls obtiennent plus de succès qu’eux. En effet, le Vivarais a fait à ce point de vue des progrès évidents : Fonce de 2Ô grammes qui, vers 1869-1870, produisait en moyenne i5 kilogrammes de petits cocons A^erts, d\m rendement de i4 kilogrammes pour i de soie, produit aujourd’hui en moyenne de 35 à 40 kilogrammes de beaux cocons jaunes d’un rende- ment de Il kilogrammes pour i de soie. Ces progrès sont dus : 1® à l’initiative de l’Etat, qui a créé des inspections, organisé des concours, des magnaneries mo- dèles, notamment celle d’Aubenas fondée en 1881 ; 2” à l’ini- tiative privée qui a pris les formes suivantes : Syndicat des fîlateurs et mouliniers de la Drôme et de FArdèche, leçons de grainage cellulaire, distribution gratuite de semences pures, hivernage gratuit des graines confectionnées par les proprié- taires. En somme, depuis vingt-cinq ans, la sériciculture se main- tient péniblement, le nombre des mûriers ne s’accroît plus, les maladies du ver à soie inquiètent toujours les sériciculteurs qui ne les combattent qu’à force de précautions, enfin le prix des cocons s’abaisse presque chaque année. Un tel état de choses devait forcément préoccuper les pouvoirs publics, qui s’efforcèrent de soutenir cette branche de l’agriculture jadis si prospère. Pour cela il fallait préciser nettement les causes de cette décadence : pourquoi les paysans ne produisent-ils pas davantage? Tous furent unanimes à répondre que la vente des cocons n’était pas suffisamment rémunératrice ; 2° pourquoi les prix baissent-ils sans cesse? On se heurtait là à un problème GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 224 économique de la plus haute importance. Le succès de la séri- ciculture est évidemment attaché à la prospérité de la fabrique de soieries; or, précisément au moment de la crise séricicole, le tissage subissait une crise analogue. La soierie cessait, en grande partie, d’être une industrie de luxe : l’étoffe de soie, peu à peu^ s’était démocratisée^ il fallait qu’elle fût à la portée des petites bourses. Aussi les étoffes riches se faisaient-elles de plus en plus rares, cédant la place à d’autres d’un genre banal et d’une exécution facile. D’autre part, à la même époque, les puissances étrangères, surtout l’Italie, la Suisse et l’Allemagne, se mettaient à fabriquer elles-mêmes ces étoffes de soie à bon marché et fermaient à la France de nombreux débouchés. A ces conditions économiques défavorables s’en ajouta une autre plus redoutable encore. La sériciculture française ne fournissant que le cinquième de la soie employée par le tissage, l’importation des soies étrangères s’imposa comme une néces- sité. Or, cette importation se trouva alors facilitée par l’ouver- ture de ports chinois et japonais au commerce européen, par le percement du canal de Suez, par l’établissement des câbles télégraphiques. Les soies orientales vinrent faire concurrence aux soies françaises sur nos marchés et peu à peu s’établit ce qu’on pourrait appeler un prix international des soies, sensi- blement inférieur aux anciens prix auxquels étaient habitués nos sériciculteurs. Dans de telles conditions, les fabricants lyonnais se trouvè- rent dans l’impossibilité de payer les soies un prix aussi élevé qu’autrefois. Telles étaient les causes de l’abaissement rapide du prix des cocons, lorsque le Gouvernement, en 1891, chercha le moyen d’accroître notre production de soies. Deux systèmes se trou- vèrent en présence : i^^ le système du droit d’entrée, frappant de O fr. 5o par kilogramme les cocons étrangers à leur entrée en France ; 2° le système des primes, accordant o fr. 5o au pro- ducteur par kilogramme de cocons frais. C’est ce dernier système qui fut adopté, après une longue discussion : la loi AGRICULTURE 225 accordant les primes à la sériciculture fut promulguée pour cinq ans, le 1 3 janvier 1892; elle a été prorogée d’un an au mois de juin 1897^. Le Yivarais toucha de la sorte, annuellement, un peu plus d’un million de primes. Une once de graines (moyenne des éducations vivaraises) produisant environ 40 kilogrammes de cocons, le sériciculteur va, chaque année, rece- voir chez le percepteur environ 20 francs de primes; cette somme l’aide à payer une partie, soit de ses impôts, soit de ses dettes. C’est un appoint très apprécié dans les petits ménages ruraux. On ne peut plus, comme autrefois, compter sur la sériciculture pour réaliser de véritables bénéfices. Mais j’ai entendu la plu- part des sériciculteurs vivarais désirer que cette médiocrité durât longtemps. Malheureusement elle ne semble pas devoir durer. La concurrence étrangère, la diminution con- tinue du prix des étofPes de soie doivent forcément abaisser encore le prix des cocons ; aussi, la situation des séricicul- teurs semble-t-elle devoir devenir de plus en plus précaire. L’établissement des primes n’aura donc fait que reculer une échéance désastreuse, mais il ne l’aura absolument pas supprimée. ★ ¥ ¥ En résumé, l’agriculture est en progrès, dans le Vivarais. Seule, la sériciculture ne peut plus revoir les beaux jours de j85oà 1860, et même est appelée à une décroissance rapide. Mais les rendements en céréales, en pommes de terre, en pri- meurs ont été considérablement augmentés et surtout sont sus- ceptibles de devenir plus importants encore. La vigne et les châtaigniers, après une crise momentanée, donnent des ^ A la suite d’une nouvelle discussion au Parlement en mars 1898, il a été décidé « qu’à partir de l’exercice 1898 et jusqu’au 3i décembre 1908, il serait alloué aux sériciculteurs, une prime de 60 centimes par kilogramme de cocons frais ». Univ. de Lyox. — Bourdin ir> ^20 GÉOGRAPHIE ECONOMIQUE récoltes bien supérieures à celles du début de ce siècle ; enfin le bétail n’a jamais été aussi nombreux qu’aujourd’hui. Dans ce solde fertilité moyenne, le paysan vivarais trouvera donc toujours une réserve de richesses qui lui permettra de traverser, sans trop en souffrir, les crises économiques futures. CHAPITRE III INDUSTRIE De même que le Vivarais est un pays de petite propriété, de même il est un pays de petite industrie : les grandes exploita- tions y sont la minorité. II en résulte que l’industrie vivaraise, sauf de rares exceptions, manque trop souvent de capitaux, qu’elle est médiocrement outillée et qu’elle végète. Nous étu- dierons successivement : les industries extractives et la trans- formation des matériaux extraits du sous-sol ; 2"^ les eaux miné- rales ; 3° la transformation des produits agricoles : distilleries, étoffes, filatures, moulinages, tanneries, papeteries, etc. Le sous-sol du Vivarais renferme en plusieurs points des matières susceptibles d’être utilisées par l’industrie, mais aucune n’a une grande valeur intrinsèque. Ce sont : la houille, les minerais de fer, de zinc, etc., les calcaires hydrauliques, des sables, des argiles et des matériaux de construction. Le bassin houiller de Prades est exploité depuis la fin du xviif siècle. La concession des mines fut accordée le i3 octobre 1774; mais en 1806, le bassin fut divisé en: concession de Prades etNieigles et 2^^ concession de Jaujac. La première, seule, qui appartient à la Société Nouvelle des Mines de Prudes- Nieigles et Sumène (capital 85o.ooo francs), peut être considé- rée comme exploitée. En i8q5, elle a occupé 187 ouvriers dans 228 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE les mines et 79 au jour et produit 3 1.882 tonnes de houille. La concession de Jaujac, qui n’a employé que 2 ouvriers et a pro- duit 43 tonnes de houille, peut donc être considérée comme nulle. Elle n’est appelée, d’autre part, à aucun avenir, car les sondages ont montré le peu de profit qu’il y aurait à exploiter des couches trop minces et dont la houille est médiocre. La situation de la Compagnie de Prades-Nieigles n’est pas très prospère. La production de ces dernières années a été : En 1888. . 28.189 tonnes. En 1892. 1889. . 28.798 — 1898. 00 0 82.459 — 1894. 1891. . 86.855 — 1895. 80.790 tonnes. 28.278 — 82.285 — 81.882 — D’après les ingénieurs, elle ne s’élèvera plus, et même la Comjiagnie sera heureuse si cette production ne diminue pas rapidement. Le charbon de Prades est maigre, anthraciteux et convient fort bien pour le chauffage dans les poêles modernes à combustion lente. Mais on n’en expédie guère dans ce but : il est réservé à un autre usage. En effet, ce charbon est éminem- ment propre à la cuisson des chaux hydrauliques et ciments ; la proximité de la région du Teil, la facilité des moyens de trans- ports, ont fait que le charbon de Prades est envoyé au Teil presque en totalité. Les houilles consommées dans la province viennent du Gard dans le Bas-Yivarais et du bassin de la Loire dans le Haut-Vivarais. Enfin, les houilles anglaises font une sérieuse concurrence aux unes et aux autres. * Si la situation des mines de houille est médiocre, celle des autres mines est absolument misérable. D’après le rapport de l’ingénieur en chef des mines du département (2® session du Conseil général, de 1896), il y avait 26 concessions, autres que celles de houille : INDUSTRIE 2 2() 0 I Mines de lignite 2 inexploitées. 2» — de fer . 1 2 9 inexpL et 3 expi. 3<^ — de pyrite de fer. 2 — 4° — d’antimoine I — 5° — de calamine I — 6° — de plomb, zinc .... 8 5 inexpl. et 3 expL Les gisements de fer du Vivarais se trouvent dans les étages triasiques et jurassiques, depuis Soyons jusqu’au Chassezac ; les plus importants sont ceux de Lavoulte et de Privas. En i865, toutes les concessions exploitées avaient produit 25 1 .008 tonnes, en 1888, elles ne donnaient plus que gS.Sdo tonnes; en 1889, 66.840 tonnes, et en 1890, 62.083 tonnes. A cette date, la con- cession de Lavoulte fut abandonnée et n’a plus été exploitée depuis. Après 1890, les 3 concessions de Privas (Veyras, le Lac et Saint-Priest) donnèrent : En 1891. . 65.o32 tonnes En 1898. . 4^-200 tonnes. 1892. . 61.919 — 1894. . 23.6o5 — Ces 23.6o5 tonnes se répartissent ainsi : Veyras .... 17.460 tonnes. Le Lac .... 3.548 — Saint-Priest. . . 2.597 — En 1 895, la Société concessionnaire des mines de Privas ayant liquidé, la production du minerai de fer du Vivarais fut réduite à zéro. Dans le courant de l’année 1896, les travaux ont repris et alimentent en partie, aujourd’hui, les hauts fourneaux du Pouzin. La production, en 1896, a été de 18.879 tonnes, répar- ties ainsi : Veyras .... 11.979 tonnes. Le Lac .... 4 9^0 — Saint-Priest. . . 1.960 — D’après les ingénieurs, si les mines de Privas produisaient par année 60.000 tonnes, comme il y a environ trente ans, elles seraient certainement épuisées au bout de vingt-cinq ans. 23o GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE Le minerai de fer de Privas doit, sons le rapport de la richesse, être divisé en trois catégories^ : i° le minerai agathisé, sili- ceux, fort dur, dont le rendement moyen est d’environ 6o à 68 pour 100 ; 2° le minerai en feuilles, qui renferme 3o à 43 pour 100 de fer; 3° le minerai pauvre, également en feuilles, mais mêlé à de minces feuillets de calcaire marneux, et ren- dant 18 à 28 pour 100. Le minerai de Privas présente le grand Fig, 17. — Mines de fer de Privas (Concession de Veyras). À \ avantage de pouvoir être fondu avec une faible quantité de ^ castine. ★ On trouve du plomb argentifère^ mêlé à d’autres métaux . (zinc, cuivre, etc.), dans plusieurs localités du Haut-Vivarais : (Talencieux, Brossanic) et du Bas-Vivarais (Ghassiers, Lauriers, Montréal, Dompnac, Saint-Mélany, Sablières, Thines, Sainte- * Cf. Ov. de Valgorge, Souvenirs de VArdèche, t. II, pp. 94 et q5. INDUSTRIE 23 I Margiierite-la-Figère, Mayres) et surtout à Largentière. Les mines de Largentière, connues et exploitées depuis le x® siècle, ont été abandonnées au xv®. Une Société marseillaise reprit l’exploitation vers 1874; la teneur en argent était, en moyenne, de 3oo grammes pour 100 kilogrammes de plomb. Mais la Société fit faillite et les mines furent bientôt fermées. Au mois d’août 1896, je pus pénétrer avec deux anciens mineurs dans les galeries abandonnées depuis vingt ans et souvent comblées par des éboulements. Les échantillons ramassés, concordant avec les affirmations de tous les anciens mineurs, permettent de croire que les mines de Largentière sont encore très riches et mériteraient d’être exploitées si rargent-métal avait conservé la valeur de l’argent-monnaie. * Une Société pour l’exploitation des minerais de zinc et de plomb de Saint-Gierge-la-Serre vient d’être constituée au mois de juin 1897. Des machines à vapeur et électriques seront utili- sées pour le forage des galeries. ★ * ¥■ Un seul des minéraux trouvés dans le Vivarais a une réelle valeur intrinsèque : c’est l’or, dont on rencontre des paillettes nombreuses dans l’Erieux, l’Ardèche, le Rhône, etc. Les or- pailleurs, ou ramasseurs de paillettes d’or de TArdèche^ lavaient les sables aurifères sur des tables couvertes d’une étoffe ^ros- O sièreL II y avait jadis des orpailleurs près de Désaignes, sur le Doux et sur les bords de la Beaume, du Ghassezac, etc. Sur les rives du Rhône vivarais, on recueillait aussi le précieux ^ La plus grosse pépite d'or trouvée en France, et qui figura à l’Exposition universelle de 1889, à Paris, avait été découverte dans la commune de Gra- vières (aux Avols) dans un terrain situé à une centaine de mètres au-dessus du lit actuel du Ghassezac. Cette pépite pesait 543 grammes. GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 232 métal. Mistral^ nous décrit ainsi une orpailleuse au confluent du Rhône et de T Ardèche : « A genoux ou debout, dans les délais- sées de l’eau, — sur le rivage, tout le jour, assidue, — avec son petit crible de fer, elle sassait, — entremêlées aux sables et aux graviers, — les paillettes d’or que, ténues et rares, — l’Ardèche charriait après les pluies. — Lavées et relavées, les paillettes légères — de là s’attachaient, luisantes, à la laine — d’une peau de mouton ; et bien contente, — la pauvre, de gagner sa piécette — de douze à quinze sous, un jour dans l’autre. » Il restait encore quelques orpailleurs il y a une quinzaine d’an- nées ; mais le métier, très pénible, était trop peu lucratif. -f -f Des métaux dont nous avons parlé, le fer seul est travaillé dans le Yivarais. L’usine de Lavoulte est la plus ancienne des usines métallurgiques du pays, après les coutelleries de Mont- pezat. Elle occupait, il y a dix ans, 900 ouvriers et possédait 6 hauts fourneaux, produisant en moyenne 5o.ooo tonnes de fonte par an. Il y avait encore des hauts fourneaux, à Soyons; des forges à Burzet, à Saint-Pierre-le-Colombier ; une fonderie de cuivre et une fabrique de machines agricoles à Tournon; des ateliers de construction mécanique à Viviers. Mais au- jourd’hui les mines étant presque toutes inexploitées, ces usines se sont fermées les unes après les autres. Dès le mois d’avril 1889, l’usine de Lavoulte ne faisait plus que des mou- lages de seconde fusion ; depuis elle a été achetée par la Com- pagnie de l’Horme et le travail a complètement cessé. 1 Mistral; « D’ageinouioun o drecho dins li semo, — aqui de long, tout lou jour, abarouso — emé soun crevelet d’aran pasavo — entremesclo au savéu em’i graviho — li pampaieto d’or que, raro e téuno — l’Ardecho carrejavo après li plueio.— Lavado e relavado, li paiolo — se retenien, lusénto, sus la bourro — d’uno péu de môutoun ; e bén couténto, — pecaire, quand gagnavo sa peceto — de douge o quinge sou, un jour dins l’autro. » (Lou Poemo dou Rose, ch. V, XLV.) INDUSTRIE La seule usine métallurgique du Vivarais^ à Theure actuelle, est celle du Pouzin, qui appartient à la Nouvelle Société des Usines de UHorme et de la Bu ire. L\isine du Pouzin fut fondée en i845: six hauts fourneaux furent construits jusqu’en i86i, et furent tous allumés en 1862 et i863. La production était alors de 70 à 80.000 tonnes. Depuis lors, les six hauts fourneaux n’ont jamais été allumés ensemble. En 1890, il y en rig. 18. — Usine du Pouzin. avait trois, qui produisirent 19.218 tonnes de fonte d’affinage, et i3i tonnes de fonte de moulage. En 1893, les deux hauts fourneaux allumés produisirent 16.841 tonnes de fonte d’affi- nage^ et 1073 tonnes de fonte de moulage. En 1894, seul haut fourneau allumé produisit à peine 8 164 tonnes de foule d’affinage, et 1707 tonnes de fonte de moulage. Jusqu’en 1896, il n’y eut plus qu’un haut fourneau en activité; aujourd'hui, il V en a deux en feu. L’usine du Pouzin emploie le minerai de Privas: on y joint aussi du minerai des Pyrénées, qui contient du manganèse, et GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 234 qui, mélangé à celui de Privas, donne des fontes fines, La castine, pour aider la fonte du minerai, est prise dans les Gras qui dominent le Pouzin. La fonte du Pouzin est envoyée soit à l’usine de l’Horme, près de Saint- Etienne, soit à celle de la Buire, à Lyon. ★ On extrait de l’argile, à l’Arzalier, près de Montpezat; à SainLGirgues ; au Teil ; à Saint-Sernin, etc., et l’on eu fait soit des briques, soit des tuiles. Aux Ollières, àLabégude, à Salavas, on fabrique des poteries. A Vernoux et sur la côte du Rhône, on fabrique des briques et des poteries. La région du Mézenc et du Gerbier-de-Jonc retire quelques bénéfices de l’exploitation du phonolite, dont les lauzes servent aux toitures des maisons dans la montagne. Mais cette exploi- tation baisse chaque année, à mesure que se répand l’usage des tuiles. L’extraction de la baryte et du tripoli est presque sans importance et n’enrichit guère le Yivarais. *. ¥ Il n’en est pas de même pour les pierres de taille et de con- struction, et pour les calcaires hydrauliques. La bande étroite des calcaires jurassiques, de Berrias à Grussol, est jalonnée de belles carrières de pierres. Les principales sont celles de Grussol, de Gruas, du Pouzin, d’Alissas, de Privas, du Teil, de Ruoms, etc., et surtout de Ghomérac. Leur production peut être estimée au total à 70.000 tonnes. Le calcaire de Grussol se présente sous la forme de strates dont la longueur et la largeur répondent pleinement à toutes les exigences de combinaison et d’appareil : dalles de 8 ou 10 centimètres d’épais- seur, et à côté des blocs de 20, 3o, 5o centimètres et même l 60 d’épaisseur, sur une largeur proportionnée L Les car- ^ O. de Valgorge, Souvenirs de l'Ardèche^ 1846, t. I, p. 160. INDUSTRIE 235 rières de Grussol sont au nombre de quatre : celles de Grussol et de Guilherand, à l’est de la montagne : celles de Beauregard et de Saint-Estève, à l’ouest. Il y a une trentaine d’années, on avait commencé à Grussol l’exploitation de pierres litho- graphiques. Ges pierres furent alors reconnues supérieures à celles de Munich. L’exploitation dut être abandonnée, en raison du manque de capitaux : si elle était reprise, cette région de Saint-Péray serait la plus riche de tout le Vivarais. La pierre de Ghomérac est exploitée soit comme simple pierre de taille, soit comme marbre. Le marbre de Ghomérac est un calcaire compact, grisâtre, injecté d’ammonites et hélem- nites plus foncées. Ge n’est guère que depuis 1820 que l’on a eu ridée d’exploiter ce calcaire comme marbre : il est trans- porté brut de Ghomérac à Loriol, ou à Livron, à Valence, à Montélimar ou à Bourg-Saint- Andéol, où il est scié et poli. A Bourg-Sain t-Andéol il est même sculpté dans l’usine Baussan. Il faut encore citer près du Rhône, dans le Haut-Vivarais, des carrières de granité, d’où l’on tire des matériaux d’endi- guement (33. 400 tonnes) et des remblais de mines (26.i5o tonnes). ¥ ^ Les carrières qui exigent le plus de capitaux pour être exploitées, et qui sont aussi les plus rémunératrices, sont celles de calcaire hydraulique. « Autrefois \ dans toute la région calcaire, chaque propriétaire avait son four à chaux et fabriquait son mortier. On y voit, pour ainsi dire, à chaque pas les restes de deux espèces de fours: les fours à chaux présentent l’aspect d’un cône renversé; ceux qui sont en pointe, au contraire, servaient slux bouscatiers (bûcherons) à faire du charbon... » A Vernoux, un four à chaux a été exploité jusqu’au début de 1897; mais on a dû l’éteindre^ car il ne pouvait soutenir la concurrence des chaux du Teil. ‘ D’’ Francus, Voyage au Bourg-Saini- Andéol , pp. i3 et 14, Privas, 1886. 236 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE Nulle part le calcaire hydraulique ne se présente dans de plus belles conditions d’exploitation qu’entre Cruas et Viviers : aussi dans cette région se trouvent plusieurs usines de chaux hydraulique très prospères ; mais les établissements de MM. Pavin de Lafarge ont plus d’importance que tous les autres réunis h Les carrières qui alimentent les usines de Lafarge sont ouvertes dans le calcaire à Criocères, d’un gris bleu ou d’un jaune clair, qui appartient à l’Urgonien inférieur. L’abatage des blocs se pratique suivant deux méthodes : L’abatage extraordinaire, au moyen de grosses mines dont la charge peut atteindre lo.ooo à 12.000 kilogrammes de poudre : une galerie est forée dans le banc inférieur et arrêtée à une profondeur déterminée. Elle se retourne alors à angle droit, puis s’enfonce en puits jusqu’à la chambre à poudre * 2® l’abatage ordinaire, au moyen de la mine Courbebaisse, à l’acide libre ou avec siphon. Les blocs de calcaire abattus sont ensuite débités et cassés en fragments d’une épaisseur moyenne de 6 centimètres et amenés par wagonnets dans les fours, dont le gueulard est à hauteur même du sol de la carrière. Les fours des usines Pavin de Lafarge sont des fours coulants à feu continu : ils sont au nombre de 100. Ils sont formés de deux troncs de cône raccordés par leur grande base et légèrement arrondis, de manière à donner un ensemble presque ovoïde. Ils produisent chacun 17 tonnes de chaux en crottes par jour. La chaux vive, sortant des fours, est transportée dans les salles d’extinction, opération très importante qui est faite par aspersion avec relè- vement à la pelle. La chaux éteinte est ensuite passée dans une grille à maille de 6 centimètres, destinée à retenir les incuits et blutée pour séparer le grappier^ qui est soumis à une espèce de décortication entre des paires de meules d’écarte- ment différent : le résultat de ces deux moutures, passé au ^ Cf. Comptes rendus mensuels 893) de la Société d'indust. minér. du S.-E. p. 91 et suiv. Cf. D'’ Francus, Voyage au Bourg -Saint- Andéof p. 27 et suiv INDUSTRIE blutoir, est réuni à la chaux dont il augmente un peu l’indice d’hydraulicité. La chaux est ensuite mise en sacs plombés de 5o kilogrammes et expédiée. Elle se vend à l’usine de 12 fr. 5o à i4fr. Soles looo kilogrammes. Les usines Pavin de Lafarge ne produisent pas seulement de la chaux hydraulique, mais encore du ciment. Ce ciment est tiré du grappier, partie de la chaux trop siliceuse pour s’éteindre dans l’eau, et qui donne un ciment portland artificiel de première qualité, à prise lente. Le prix du ciment à l’usine est de SS à 38 francs les i ooo kilogrammes. Cette exploitation de chaux et ciments a progressé rapide- ment. L^évêque de Viviers concéda, en 1749? carrières à un M. Pavin, moyennant une hure de sanglier et un verre de vin blanc. En i83o, l’usine n’avait que 2 fours à chaux. La réputation de la chaux de Lafarge fut commencée par d’impor- tantes fournitures faites en i832 et i83Sà l’arsenal de Toulon et aux ports de Cette et de Marseille. En 184S, il y avait déjà 10 fours à chaux; en 18S2, il y en avait 20, produisant So. 000 tonnes, employéespar les chemins de fer de Marseille à Lyon, et par les ports de Marseille et d’Alger. En 1860, MM. Pavin de Lafarge inventèrent leur ciment, et cette décou- verte donna à leur usine une plus grande importance. En 1862, ils traitaient pour 12.000 tonnes avec la Compagnie du canal de Suez ; en 1878, il y avait 33 fours et 42 en 1886. Les projets de Freycinet en 1887 firent encore prospérer l’usine : aussi, pour suffire à toutes les demandes, autant que pour éviter les concurrences, la Société Pavin de Lafarge s’annexa en 1887 les usines du Teil, de Cruas, de Meysse et de Mêlas. La production de ces usines réunies est aujourd’hui, par an, de Soo.ooo tonnes de chaux et de 36. 000 tonnes de ciment. Toutes ces usines occupent environ 2000 ouvriers ; la plupart sont des gens du pays. Leurs femmes sont généra- lement employées à coudre les sacs destinés à l’exportation de la chaux. Rien n’est étrange comme une visite dans ces usi- nes du Teil : tout est blanc, couvert d’une fine poussière de a38 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE chaux, qui vole partout, recouvre toutes les maisons, les arbres et les gens. Hommes et femmes, la figure et les vêtements blancs, ont les cheveux entourés d’un morceau d’étoffe qui leur donne une allure étrange : sous ce masque blafard, tous les ouvriers semblent phtisiques. Une odeur âcre vous prend sans cesse à la gorge et vous poursuit pendant des kilomètres. Des capitaux énormes sont engagés dans cette exploitation gigantesque ; mais une grande part des bénéfices que retire la Société Pavin de Lafarge sert à l’amélioration du sort des ouvriers : cantines pour les ouvriers célibataires, boulangeries et épiceries coopératives pour les autres, cité ouvrière propriété de l’usine, livrets de caisse d’épargne, écoles pour les enfants des ouvriers, sociétés de secours mutuels, etc., tels sont les avantages dont la Société fait jouir ses ouvriers. Aussi la région du Teil, jadis aussi pauvre que les Gras vivarais, est aujourd’hui une des plus riches de la vallée du Rhône. Les grappiers et les incuits des usines de Lafarge alimentent une industrie autre que la fabrication des ciments. C’est celle des carrelages et des mosaïques artificielles de Bourg-Saint- Andéol, où l’usine F. Lauzun occupe 200 ouvriers. ★ jf- ¥ La présence des sables granitiques au pied des montagnes permit, au xiv® siècle, l’établissement de plusieurs verreries dans le Vivarais L II y en avait alors une à Lachamp-Raphaël et une à Burzet. Les propriétaires de ces deux usines, Salvatge et Veyrier, portaient, suivant l’usage, le titre de nobles hommes. Ces verreries ont disparu. Il n’y en a plus qu’une seule, dans le Vivarais, à Labégude, près de Vais. La production journa- lière de la verrerie de Labégude, à l’aide de trois équipes, travaillant chacune huit heures, est de 18.000 à 20.000 bou- ^ D'’ Francus, Voyage au mont Pilât, p. 169. INDUSTRIE 2 3() teilles, qui sont destinées aux exploitants des eaux de Vais. 4 millions de bouteilles sortent, par an, de la verrerie. La couleur foncée du verre, que l’on recherche pour les eaux de Vais, est obtenue par une quantité déterminée de basalte mêlé au sable. Ce dernier est pris dans le lit même de l’Ardèche, près de l’usine, où il est remonté par un plan incliné, ★ Le sous-sol du Vivarais offre encore d’autres richesses, très abondantes, et d’une exploitation plus facile : ce sont les eaux minérales. J’ai indiqué (cf. première partie, chapitre ii) comment ces sources minérales avaient leur raison d’être dans la nature volcanique d’une partie du Vivarais. Les sources bicarbonatées sodiques sont de beaucoup les plus nombreuses; on en trouve à la fois dans le Haut et dans le Bas-Vivarais. Dans le Haut-Vivarais, ces sources sont très dispersées : ce sont celles de Ghanéac, de Saint-Julien-du-Gua, de Marcols, de Saint-Fortunat, de Saint-Sauveur, de Montagut — dans le bassin de l’Erieux — ; et celle de Désaignes, près du Doux. Les sources bicarbonatées sodiques du Bas-Vivarais sont réparties suivant deux groupes: celui de Vais, avec les sources de Vais, Labégude, Saint- Andéol-de Bourlenc, Génestelle, Antraigues, Ayzac, Nejrac, etc. ; 2° celui du ■ Tanargue, avec les sources de Rodes, Beaumont, Sanilhac, Saint-Laurent-les-Bains, etc. Les sources bicarbonatées cal- ; ciques se trouvent près du Rhône, à Tournon, à Saint-Georges i et à Gelles-les-Bains. Enfin la source de Saint-Mélany est nettement sulfureuse. ^ Vers 1845, on ne connaissait à Vais que cinq sources, mais ^ à cette date, à la suite d’une étude sur les eaux de Vais publiée 4 par le D^’ Dupasquier, de Lyon, la station prit un rapide ’ développement. Les propriétaires des environs s’empressèrent de faire exécuter des sondages, et de 1869 à 1877 demandèrent et obtinrent la plupart des autorisations d’exploitation des X GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 240 sources connues aujourd’hui. D’autres sondages furent faits avec succès dans le reste du Yivarais. Un certain nombre de ces sources autorisées est l’objet d’une exploitation assez active. Vais tient le premier rang parmi ces stations thermales du Vivarais. D’après une étude du D^‘ Y. Ollier^ les sources bicarbonatées fortes de Vais peuvent être mises en parallèle avec les sources de Yicby, et possèdent même des propriétés médicales plus actives que ces dernières. Deux sources (Saint- Louis et Dominique) sont ferro-arsenicales. La plupart des sources de Vais appartiennent à quatre sociétés connues sous les noms de Société Générale, Centrale, des Yivaraises, des Délicieuses. L’hydrothérapie est appliquée à Vais dans deux établissements. Le plus important est le grand établissement thermal de la Société des Eaux minérales de Vais: fondé en 1845, et complété, en i885, par un Institut liydrothérapique ; il possède cinquante-sept cabines, dont cinq sont affectées aux bains de la source Saint-Louis. L’établissement Duplan et C*^, qui exploite les sources Parincourt, est également bien amé- nagé et possède vingt-six baignoires. Autour de ces deux éta- blissements se sont élevés des hôtels nombreux ; un casino est en construction. Vais prend de plus en plus les allures d’une ville d’eaux, fréquentée surtout par des habitants du Lan- guedoc et de la Provence. La présence de tous ces étrangers est une richesse pour le pays. Mais jusqu’à présent Vais a tiré sa principale importance de l’expédition des bouteilles d’eau (3.600.000 bouteilles par an). Dans ce nombre la source Saint- Jean entre pour i .5oo 000. Les eaux de la Bégude (la Fortifiante, Saint-Laurent, Saint- Joseph, etc.) sont également mises en bouteilles et expédiées. Les eaux de Neyrac sont assez fréquentées. Six sources y ont un débit quotidien de 4o5i litres. Les unes sont froides (i5 à ^ V. Ollier, médecin consultant à Vais, Des principaux groupes qu'on peut établir dans les Eaux de Vais et de quelques-unes de leurs spécialisations (Lyon, A. Vingtrinier, 1868), p. 16. INDUSTRIE 2 4 ï i8"), les autres thermales (20^*, 21 26*’5) ; toutes sont légè- rement ferrugineuses. Ces eaux s’emploient en boissons, en bains et en douches. Il s’en exporte une assez grande quantité comme eaux de table, bien que le fer qu’elles contiennent ne permette pas d^en user indifféremment. Dans le groupe du Tanargue, il n’y a que deux stations où les eaux minérales soient exploitées : Saint-Laurent-les-Bains et Saint-Mélany. A Saint-Laurent, deux établissement exploi- tent deux sources chaudes (53^5), débitant ensemble 8240 hec- tolitres d’eau par vingt-quatre heures. Ce sont des eaux bicar- bonatées sodiques, qui paraissent agir, comme moyen curatif, surtout par leur thermalité. On les emploie en boissons, bains de baignoire et de piscine, douches, étuves. La source de Saint-Mélany se distingue nettement par sa composition des sources volcaniques du Vivarais. Elle est sul- furée sodique et exploitée sous le nom caractéristique de fon- taine de l’œuf. Dans le Haut-Vivarais, trois sources sont exploitées à Saint- Sauveur de Montagut : Tune d’elles, celle de Maléon, est uti- lisée pour un petit établissement de bains. Les sources de Saint-Georges et de Gelles-les-Bains ont été exploitées il y a une cinquantaine d’années. Mais elles ne l’oiil plus été du jour où est mort le D' Barrier qui leur avait donné, par son zèle, un court instant de renommée. Les eaux de Désaignes, près de Lamastre, sont l’objet d’une assez forte exploitation, environ 2 5oo bouteilles par jour, pendant cinq à six mois de l’année. Elles sont exportées surtout vers Lyon, et vendues sous le nom d’Eaux de César. Les habitants du Vivarais ne sont pas moins habiles à trans- former, par leur industrie, les produits agricoles, qu’à extraire de la terre toutes les richesses dont nous venons de parler et à les mettre en œuvre. Des minoteries transformenl en l'arine la plus grande partie Umv. DE Lyon — Bourdin* 16 242 GEOGRAPHIE ÉCONOMIQUE des céréales du Vivarais. Ces minoteries sont plus nombreuses dans le Haut-Vivarais, qui produit des céréales en plus grande abondance. En outre, les torrents, plus réguliers que dans le Bas-Vivarais, permettent d’utiliser une force motrice puissante et peu coûteuse. Les minoteries d’Annonay font à elles seules un chiffre d’affaires de 2 millions. Les autres principales mino- teries sont à Pranles, Saint-Priest, Roiffieux, Villevocance, Privas, et dans le Bas-Vivarais, àLagorce, Buoms, Viviers, etc. ★ C’est dans la montagne et sur le bord des torrents que les scieries à bois débitent les arbres des forets vivaraises. 33 scieries se voient à Borne, Mayres, Meyrat, Mazan, et, dans le Haut-Vivarais, à Saint- Julien-Vocance, à Vocance, \ anose, Satillieu, Saint-Marcel-lez-Annonay, etc. *■ * * Une industrie nouvelle, ou peu ancienne, est celle des mar- rons glacés. Une Société se forma dans ce but à Privas, il y a une vingtaine d’années, mais elle périclita, faute d’argent. Depuis quelques années, une Société nouvelle, plus riche, se forma et reprit cette exploitation, aujourd'hui très prospère. L’usine des marrons glacés de l’Ardèche fabrique aussi des fruits confits et des confitures. Une autre usine de confitures s’est installée récemment à Viviers, elle s’est fait une spécia- lité de confitures de cerises. Les exportations de ces deux maisons se font surtout vers Marseille et l’Amérique. * Nous avons vu que la production de l’orge était assez im- portante dans le VRarais. Une partie de cette céréale est em- ployée, dans le pays même, à fabriquer de la bière. Il existe 5 brasseries dans le Vivarais : 1 à Joyeuse, 2 à Ruoms et i à Annonay. Joyeuse produit environ 320 hectolitres de bière, INDUSTRIE Ruoms 1600 heclolilres et Annonay 2900. Quoique les prix de vente soient soumis à des fluctuations diverses, on peut établir ainsi le prix de Fhectolitre en gros : 40 francs à Joyeuse, 36 francs à Ruoms et 34 francs à Annonay. * ¥ ¥ Nous arrivons maintenant à une industrie fort ancienne, mais qui se développe très rapidement depuis une dizaine d’années : c’est la fabrication de l’alcool. Cette industrie s’ex- plique fort naturellement par la nécessité où se trouvèrent les paysans d’utiliser les marcs de raisins après la fabrication du vin. C’était un revenu de plus, indépendamment du plaisir qu’éprouve tout propriétaire à boire de l’alcool distillé par lui. Les bouilleurs de cru étaient donc nombreux autrefois. Leur nombre diminua naturellement au moment de l’invasion du phylloxéra. En 1882, il n’y en avait que 180, produisant 2761. 60 d’alcool. Mais en 1891, leur nombre s’était relevé à 1 332, produisant 34y hl. 5o; en 1892, il était de 5oo6 (965 hectolitres) ; enfin en 1896, de 6965, produisant i583 hecto- litres, répartis ainsi : 23 d’alcool de vins, idop d’alcool de marcs, de lies, etc. ; 261 d’alcool de fruits. A côté des bouilleurs de cru, qui distillent les produits de leurs propriétés, on trouve 7 bouilleurs ou distillateurs de profession. La distillerie la plus importante est celle du Pou- zin. Fondée en i885, elle s’est installée dans une ancienne fila- ture de soie, abandonnée et acquise à bon marché. Elle distille non seulement les marcs de vin, les vins et les fruits, mais encore les graines, les mélasses et les pommes de terre. Elle occupe 20 ouvriers; elle a produit : En i885 . . 4-45o hectol. En 1891 . 1886 . 8.575 — 1892. 00 00 K i2.4i3 — 1893 . 1888. . 15.624 — 1894 . 1889 . 14.280 — 1896 . 1890 . . 11.337 — 4.552 hectol. 7.764 — 13.327 — 8.012 — 10.000 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 244 Il faut signaler aussi plusieurs petites distilleries de plantes aromatiques dans la région des Gras et près des Vans. Les plantes distillées sont surtout : la lavande mâle, la lavande commune ou aspic et le thym rouge ou farigoule. Mais la pro- duction est tout à fait minime. Avec une jDartie des alcools fabriqués dans le Yivarais, on faisait autrefois du vinaigre. Une vinaigrerie s^était établie à Ruoms, mais elle est fermée depuis février 1889. Elle avait produit, en 1888, 3 16 hl. de vinaigre. Le travail qui consiste à séparer les différentes baves du cocon du ver à soie et à les réunir pour former un fil, c’est- à-dire la filature de la soie, se fait dans le Yivarais. Diaprés M. Rouher, la filature est une femme et de Veau chaude! La définition, très irrespectueuse, est peu précise : cependant, Uhabilité de l’ouvrière et la qualité de l’eau employée jouent le premier rôle dans la filature. L’eau crue, chargée de sels de chaux, abîme le fil de soie, tandis que l’eau des sols granitiques lui donne du brillant et un toucher particulier. Ceci explique le succès obtenu jadis par les filatures du Yivarais, situées au bord des torrents, aux eaux claires, descendus des Routières ou du Mézenc. Le paysan sériciculteur se faisait même, à l’occa- sion, filateur : si, pour une raison quelconque, les cocons n’avaient pas trouvé d’écoulement à un prix suffisamment rémunérateur, aussitôt sa femme, qui était le plus souvent une ancienne fileuse, filait sa propre récolte. Avec quelques pierres, un peu d’argile, une bassine, un tour et deux ou trois quintaux de houille, la petite usine s’élevait et fonction- nait en vingt-quatre heures. Deux ou trois fillettes se relayant au tour ou à la bassine formaient tout le personnel h Les soies ainsi filées étaient de qualité inférieure et se nommaient 1 F’rancus, Voyage à travers V Ardèche et la Haute-Loire, i®'" vol., p. i44- INDUSTRIE 245 paquetailles^ parce qu’elles étaient enfermées dans un petit paquet, et mises en réserve dans l’armoire. Les paquetailles rapportaient alors plus au paysan que la vente des seuls cocons. Mais aujourd’hui, les soies filées sont à si bon marché que le paysan n’y trouverait plus aucun avantage, et cette filature familiale a complètement disparu du Vivarais. La filature industrielle existe encore, mais sa situation devient de jour en jour plus précaire. D’après une statistique publiée par la Chambre de commerce de Lyon en 1889, il y avait à cette date 41 filatures dans le département de l’Ardèche et 23oo bassines h Or aujourd’hui il n’y a plus qu’une filature dans le canton d’Aubenas ; la filature de Bourg-Saint-Andéol est fer- mée. Tous les autres cantons ont vu disparaître quelque usine. Cependant le nombre des bassines n’a pas diminué (2808 en 1897). La raison en est dans la prime à la filature dont nous devons dire quelques mots. Le sort de la filature est intimement lié à celui de la sérici- culture, et la crise qui détruit cette dernière l’éprouve cruelle- ment. Nous avons vu comment la démocratisation de l’étoffe de soie et la concurrence étrangère avaient amené une baisse considérable dans le prix des cocons frais. La filature subit le contre-coup de cette même révolution économique. De même ^ Ces filatures étaient ainsi réparties : dans le Haut-Vivarais Canton de Lamastre. . — de Lavoulte. — de Tournoi!. , , — de Saint-Pierreville. — de Privas — de Chomérac . — de Rochemaure . . 2® Dans le Bas-Vivarais : Canton de Largentière . — d’Aubenas. . . . — des Vans .... de Villeneuve-de Berg — de Viviers. de Bourg-Saint-Andéol 3 4 4 1 3 I usine 5o bassines 5 — 271 — 1 — 100 — 2 _ 90 — 397 — 282 — 149 — 392 liassines 1 2f) — 26.“) — i3 -- 107 — 18 usines I GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 246 que notre sériciculture peut à peine lutter avec les pays pro- ducteurs de cocons, nos filatures ne peuvent pas lutter sur le terrain du prix de main-d’œuvre avec les filatures étrangères. En Chine et au Japon, la journée de l’ouvrier fileur se paie de 65 à y5 centimes. En Italie, on donne environ i fr. 20 pour une journée de travail de quatorze à quinze heures. En France, les femmes gagnent de 38 à 40 francs par mois, c’est-à-dire I fr, 5o par jour, et elles ne travaillent que dix heures chaque jourh Telle était la raison de la disparition de nos filatures vers 1890. En effet, le filateur italien, par exemple, venait sur nos marchés acheter les mêmes cocons que le filateur fran- çais : lorsqu’il les avait emportés en Italie et filés, la soie qu'il en retirait lui coûtait 4 fr- 5o par kilogramme de moins qu’au filateur français. Il pouvait revenir ensuite sur nos marchés, et mettre son prix de vente 4 fr- plus bas que le nôtre, sans perdre un centime. Si bien que la sériciculture produisait une quantité de cocons bien inférieure à la consommation du tis- sage, et cependant nos filateurs n’avaient pour s’occuper qu’une petite partie de ces cocons français, le reste étant em- porté dans les filatures étrangères (10 pour 100). A la suite d’une laborieuse discussion au Parlement en 1891 , le gouvernement promulgua en janvier 1892 un décret accor- dant aux filateurs français /^oo francs de primes par bassine pour les filatures à quatre bouts et par an. On croyait que le nombre des bassines augmenterait en même temps que la production des cocons serait accrue grâce à la prime à la sériciculture, etqu’ainsi on mettrait obstacle à la concurrence, en permettant à nos filateurs d’abaisser leurs prix sans compro- mettre leurs bénéfices annuels. ^ Il faut avouer qu’il y a quelques années les u fileuses » ou « fabriqueuses » de l’Ardèche travaillaient couramment treize et quatorze heures par jour, et encore aujourd’hui, quand le travail est pressé, quelques contremaîtres ne craignent pas de violer des règlements formels, en trompant, par exemple, les ouvriers sur l’heure du réveil. La dernière loi, d’avril 1898, fixe à 60 heures par semaine la durée du travail dans les filatures de soie. INDUSTRIE 247 D’après les industriels du Yivarais qui ont eu l’obligeance de me donner leur avis sincère sur cetle question, les primes ont sauvé momentanément la filature de soie. Les filatures à deux bouts ne touchant que 100 francs de prime par bassine, les industriels ardéchois ont mis toutes leurs filatures à quatre bouts. Or la prime de 400 francs par bassine leur paie presque la totalité du prix de la main- d’œuvre. Ce serait là un avantage considérable, si les pays d’Extrême Orient n’avaient pas encore sur nous une supé- riorité incontestable. En effet, la Chine et le Japon ont un outillage excellent, ^ bien supérieur au nôtre ; de plus, ils ont plusieurs récoltes de cocons, grâce à l’égalité du climat. Leurs soies arrivent donc sur les marchés bien filées et en quantités considérables. On comprend alors que l’établissement des primes n’ait pu rendre à la filature ardéchoise son ancienne importance ; mais il est certain que ces primes l’ont préservée de la disparition com- plète qui la menaçait et lui permettent au moins de végéter. C’est ce qu’a reconnu le Parlement quand, au mois de mars 1898, il a accordé, jusqu’au 3i mai 1908, 400 francs de primes par bassine à plus de trois bouts filant des cocons in- digènes, et 340 francs par bassine à plus de trois bouts filant des cocons étrangers. Etablir des droits d’entrée sur les soies grèges étrangères n’aurait pas produit un résultat différent : le bas prix de la main-d’œuvre à l’étranger aurait toujours permis aux filateurs italiens, chinois ou japonais de payer ces droits, et de lutter sur nos marchés contre les filateurs français. A côté de la filature vivaraise qui se meurt, il nous faut placer le moulinage de la soie, qui, sans être prospère, se maintient cependant par ses propres forces. Le moulinage fut introduit dans le Yivarais au temps de Colbert, sous le nom de 248 rrÉOGRAPHŒ ÉCOxNOMIQUE « filature » . Une première usine fut fondée à Ghomérac par un habitant de Bologne, Pierre Benay. En idyS, une seconde usine, plus importante, était fondée au Pont-d’Aubenas h L^Ar- dèche est aujourd’hui le département français qui renferme le plus de moulinages. En 1889, il y en avait 264, répartis ainsi : P Dans le Haut-Yivarais : Canton d’Annonay . . . Moulinages. 6 Tavelles. 3.282 Broches. 20.680 — de Ghomérac. . • 21 7.338 72.943 — de Lamastre .... . 2 36o 2.744 — de Lavoulte .... 5 2. 220 1 7.606 — du Gheylard .... . 1 1 4.653 37.731 — de Privas . 52 22.257 194.396 — de Rochemaure . . 4 924 6.583 — de S*-Martin- de-Valamas. 3 1.627 p.o3o — de Saini-Pierreville . . . 25 I 2.078 1 18.393 — de Satillieu 1 . 287 2.263 — de Serrières .... . 1 i55 479 — de Tournon . , . . 1 462 5.214 — de Vernoux .... . 4 2. 408 19.688 2*^ Dans le Bas-Yivarais : Canton d’Antraigues '. 20 6.624 69.860 — d’Aiibenas . 55 17.922 192.789 — de Burzet 9 3.181 33.479 — de Joyeuse .... . I 396 4.25o — de Largentière. . 7 4.773 4i .5o2 — de Vans I 344 3.596 — de Monpezat .... 5 1 .654 i4-33i — de Thueyts .... • »9 6.915 66.098 — de Vallon . I 489 4.683 ~ de Villeneuve-de-Berg 5 1.754 1 7.040 — de Viviers .... 5 1 .5o4 0 Ci GO Total 04.607 967.268 ^ 1 D’’ Francus, Voyage autour de Privas, p. 72, 2 Cf. La Fabrique lyonnaise de Soieries et l'Industrie de la Soie en France (1789-4889): Exposition universelle de 1889 (Lyon, Pitrat, 1889, p, 92)- Imprimé par ordre de la Chambre de commerce de Lyon. Le département de l’Ardèche renferme aujourd’hui 274 moulinages avec 108.587 tavelles et 996.003 broches. INDUSTRIE ^49 Cet état de choses n’a pas sensiblement changé depuis 1889. Les mouliniers supportent mieux que les tilateurs la concur- rence étrangère, parce qu’ils ont en général un outillage assez perfectionné, et surtout parce qu’ils travaillent exclusivement à façon, tandis que la filature est presque toujours une spécula- tion au-dessus des forces financières du filateur. De plus, comme les soies ouvrées de l’étranger sont frappées à leur en- trée en France de droits assez forts, ils moulinent beaucoup de grèges étrangères, les soies françaises ne suffisant pas à les occuper. ★ Les rapports constants qui existent entre le Yivarais produi- sant les cocons, filant et ouvrant les soies, et la fabrique lyon- naise ont amené forcément ces fabricants à établir des usines de tissage dans le Yivarais, du jour où ils ont dû abaisser le prix de la main-d’œuvre. La région où furent installés les mé- tiers mécaniques est celle où les torrents offrent aisément la force motrice nécessaire, et aussi celle qui est la plus rapprochée de Lyon, c’est-à-dire le Haut- Yivarais. Les usines de tissage sont plus rares dans le Bas-Aùvarais : on peut en juger d’après le tableau suivant dressé en 1889. F Haut- Yivarais : Gantons. Usines. Métiers. D,’Annonay 3 268 De Ghomérac 2 88 Du Gheylard. . . i 200 De Privas i 53 De Saint-Martin-cle-Valamas .... i 80 De Satillieu ......... i 52 2® Bas- Yivarais : De Larg-entièi’e i 160 De Thueyts i 100 Total Il 1001 Il y a aujourd’hui 14 usines de tissage. renfermant 2 5o géographie ÉGONOxMIQUE 1289 métiers. La situation n’a donc pas sensiblement changé. ★ ¥ ^ Il existait, il y a quelques années, une industrie de la soie^ plus ancienne dans le Yivarais que le tissage mécanique ; c’était celle des dentelles de soie L Mais cette industrie, venue du Puy et du Velay, n’occupa jamais que les femmes des can- tons les plus montagneux. L’industrie dentellière ayant subi une crise, lors de l’invention des métiers mécaniques, on sub- stitua aux articles riches (les Ave, les Pater, les Chapelets) que l’on destinait aux ornements sacerdotaux, des articles fa- ciles et à bas prix. La matière première ne fut plus la soie, mais le fil de coton et parfois même le crin. Aussi cette industrie n’est plus guère rémunératrice, car il faut travailler beaucoup pour retirer un maigre profit. Autrefois, une bonne dentellière se faisait environ 5 francs par jour : aujourd’hui, il lui est dif- ficile de gagner plus de i fr. 5o à 2 francs. Le nombre des den- tellières diminue peu à peu ; mais dans les pays les plus pau- vres de la montagne, où l’on recherche les plus petits bénéfices, dès qu’une fille a huit ou dix ans, on lui fait faire de la den- telle. Les vieilles femmes en font aussi, et par leur patient tra- vail apportent un peu d’aisance dans ces pauvres ménages. * Si la sériciculture a amené la création de nombreuses indus- tries dans le Vivarais, l’élevage des moutons a eu un résultat analogue. On a de tout temps filé la laine des moutons, dans la montagne. Aujourd’hui encore, il y a 23 filatures de laines, au Gheylard, à Vernoux, au Pont-de-Saint-Agrève, etc., contenant 2406 broches actives. La laine, une fois filée, on en faisait jadis des étoffes appelées ^ Cf. Dr Francus, Voyage à travers V Ardèche et la Haute-Loire, aevol., p. 472 et suiv. INDUSTRIE 25i ratines . Celte fabrication occupait surtout pendant la mau- vaise saison environ 2000 paysans, répartis dans 3o villages du Haut-Yivarais. Annonay était alors le centre de cette indus- trie, Aujourd’hui encore, il existe 72 métiers de drap, la plu- part à bras, à Annonay, Saint-Félicien, Lamastre, Aubenas, Jaujac, Villeneuve-de-Berg. ¥ H- A côté de ces usines de tissage de soie ou de laine, on a créé des industries connexes, attirées par le bon marché de la main- d’œuvre et l’existence d’une puissante force motrice. Telles sont les fabriques de cotonnades de Saint-Agrève, les usines d’impression de foulards auGheylard, à Saint-Jean-de-Muzols, à Tournon. * ¥ + La mégisserie^ industrie importante du Yivarais, s’explique dans le pays par la présence des nombreuses chèvres delà mon- tagne. Elle estcomplètementlocalisée à Annonay, où elle compte 3o ateliers différents. La mégisserie consiste à transformer les peaux brutes de chevreaux, d’agneaux, de chèvres ou de moutons, en peaux souples, susceptibles de recevoir la teinture et de subir des façons, soit pour fabriquer des gants, ou des chaussures, soit pour quelques autres usages spéciaux. L’industrie de la mégisserie, à Annonay, produit annuelle- ment 7.200.000 peaux, d’une valeur totale de i5 à 20 millions de francs. Cette production est absorbée par les fabriques de gants de Paris, Grenoble, Chaumont, Milhau, Niort, Lunéville, le Mans, et par la fabrication étrangère. Toutes les peaux tra- vaillées à Annonay ne sauraient être fournies par le seul ^Tva- rais : depuis cinquante ans, Annonay s’approvisionne de peaux dans toutes les parties du monde. La mégisserie occupe à Annonay environ 2000 ouvriers, qui se divisent en trois catégories : 1^ les ouvriers de rivière payés à la journée, à raison de 4^ centimes l’heure, pour un travail 252 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE de dix heures par jour ; 2° les palissonneurs ou ouvriers de palisson, qui gagnent de 3o à francs par semaine, et tra- vaillent aussi dix heures par jour; les apprentis qui, sans aucun stage, gagnent dans la première année i fr. 5o par jour. La fabrication a fait de sensibles progrès depuis une cin- quantaine d’années : les machines à vapeur font mouvoir au- Fig. 19. — Barrage du Ternaij. jourd’hui les appareils qui foulent les peaux, les broient ou les habillent^ etc. Mais, malgré ces améliorations, malgré la création du barrage du Ternay, la mégisserie annonéenne est en décadence. C’est le manque de capitaux qui en est la cause. Il J a quelques années encore, le mégissier achetait les peaux, les faisait travailler dans son usine et les vendait aux fabricanis de gants. Aujourd’hui, ce sont ces derniers qui achètent les peaux : les mégissiers annonéens ne travaillent plus à leur compte^ mais à façon ^ pour le compte des gantiers. La mégis- serie belge, très bien outillée, où les salaires sont peu élevés. INDUSTRIE 253 OÙ Ton emploie des femmes dans les usines, où les heures de travail sont plus nombreuses, a porté à Annonay un très grave préjudice. D’autres industries sont dérivées de la mégisserie. Les poils enlevés aux peaux m égissées sont triés par couleur et vendus en balles de 8oà 120 kilogrammes, à raison de 120 a 160 francs les 100 kilogrammes blancs, et Ù2 à 60 francs les 100 kilogrammes gris. Les noirs valent 40 francs les 100 kilogrammes. Les laines sont de même triées et vendues. Tous ces résidus donnent un revenu annuel de 7 à 800 000 francs environ. Les blancs d’œufs inutilisés par les mégissiers sont achetés par les fabricants d’albumine. L’albumine sèche est employée dans les usines de cotonnades imprimées. Gomme la mégisse- rie d’Annonay consomme 10 à 12 millions d’œufs, la quantité de blancs transformés en albumine sèche est donc assez impor- tante. De même, les débris de peaux sont vendus à des fabricants de colle. Enfin le parun^ formé des débris de peaux, de farine, d’alun, d’œuf et de sel, se vend à Annonay et au dehors aux papetiers, aux cartonniers, aux fabricants de toiles, etc. Une bonne partie est employée sur place pour la nourriture des porcs et des volailles. ★ 4 ^ On a dit bien à tort que la papeterie d’Annonay était dérivée de ce travail des peaux. Sans doute, le papier a succédé aux vélins^ mais il ne s’ensuit pas que les anciennes parcbemineries se soient transformées en papeteries. Dès le xiii^ siècle, en France, on fabriquait le papier, à bras, dans d’immenses cuves, dans les régions où l’eau était très pure, surtout en Bretagne et en Auvergne. Ce fut d’Auvergne qu’au début du xvi*^ siècle la famille Schelle, alliée plus tard aux Montgolfier, apporta ses cuves à Annonay, où les eaux de la Cance et de la Deume con- venaient fort bien à la fabrication du papier. Cette industrie prospéra, et les papeteries furent nombreuses à Annonay et / a54 GEOGRAPHIE ECONOMIQUE dans le Yivarais. H y a quelques années, elles étaient groupées autour de deux centres : Annonay et Aubenas. Les établissements les plus importants sont à Annonay L Ces papeteries fabriquent une grande variété de papiers, dont les principales sortes sont, dans Tordre de leur valeur marchande : le papier à calquer, parchemin, à dessin, photographique, à lettres, de registre, de couleur, d’impression, etc. La réputa- tion de ces papeteries tient à la bonne qualité des eaux, à la perfection du collage, à la solidité des pâtes. Elles produisent annuellement 3.5oo.ooo kilogrammes de papiers, d’une valeur moyenne de i25à i3o francs les loo kilogrammes, et d’une valeur totale de 5 millions 1/2 de francs. Ces usines emploient une force d’environ 700 chevaux-vapeur. Les papeteries du canton d’ Annonay sont actuellement : i^ la Société anonyme de ^dda- Ion, ancienne manufacture Canson et Montgolfier (3 usines réunies à Vidalon) ; 2.^ Joannot et (2 usines : Faya et Mar- maty) ; 3^ Montgolfier (i usine à Saint-Marcel-lez-iVnnonay) ; 4® Montgolfier frères et Montgolfier et (2 usines : à Pont- de-la-Pierre etàGrosberty, parBoulieu). La papeterie annonéenne groupe autour d’elle une impor- tante population ouvrière. Les usines de Yidalon ont même une organisation qui rappelle ce que nous avons dit des usines de Lafarge, Les employés sont admis à recevoir un bénéfice sur l’inventaire; les contre-maîtres en reçoivent un, partie sur l’inventaire, partie sur la fabrication ; les ouvriers sont inté- ressés sur la production, sur les économies de déchets, sur l’entretien de quelques-uns des instruments de travail, et enfin ils reçoivent une sorte de haute solde graduée en raison de leur ancienneté dans l’établissement ou de leur habileté dans le travail. Les salaires distribués annuellement aux ouvriers papetiers d’ Annonay s’élèvent au chiffre de 5oo.ooo francs. Les papeteries d’ Aubenas étaient moins nombreuses que ^ Renseignements dus à l’obligeance de M. Dijoux, ingénieur-directeur des papeteries de Vidalon-lez-Annonay. industrie 2 55 celles d’Aniionay^ mais elles n’en avaient pas moins une grande importance. La papeterie du Pont-d’Aubenas fabriquait des pa- piers de i^^^35 de largeur, occupait une centaine d’ouvriers et produisait environ 3oo.ooo kilogrammes de papiers par an. La papeterie Vérny, à Malpas, près de La Bégude, occupait 4oo ouvriers. Enfin, l’usine de Nieigles fabriquait du papier de pliage et d’emballage. De ces trois papeteries d’Aubenas, au- cune ne travaille aujourd’hui : elles n’ont pu lutter contre la concurrence faite par Annonay. La papeterie d’Annonay, en effet, maintient son ancien renom, et possède presque le monopole de certains papiers riches. Aussi, les tarifs prohibitifs de certaines nations, et sur- tout de la Russie, ont été impuissants à entraver l’importation chez elles des papiers d’Annonay. CHAPITRE IV COMMERCE Des deux chapitres précédents sur Tagriculture etTindustrie, il ressort que le Vivarais est loin de produire tout ce qui est utile à sa consommation, tandis que certains autres de ses pro- duits dépassent de beaucoup les exigences de cette consom- mation. De la nécessité d’importer les uns et d’exporter les autres résulte un commerce extérieur et intérieur assez actif. Mais il est presque impossible d’évaluer approximativement la valeur de ce trafic. Examinons d’abord où et comment il se fait. Les deux grands marchés agricoles du Vivarais sont : La- mastre au nord et Aubenas au sud. Leur importance vient de ce qu’ils servent d’intermédiaire entre les bas plateaux et la montagne, et surtout de ce qu’ils sont situés au centre de deux régions agricoles très différentes. Lamastre est le grand marché des céréales, des châtaignes, des porcs et des veaux, et Aubenas celui des cocons. A côté d’eux, il y a beau- coup d’autres marchés agricoles qui ne sont pas sans impor- tance ; tels sont : Annonay, Tournon, Saint- Agrève, Saint- Pierre ville et Privas, dans le Haut- Vivarais ; Sainte-Eulalie Villeneuve-de-Berg, Loubaresse et les Vans, dans le Bas-Viva- rais. Chacun d’eux, dans ses foires, fait un important trafic des produits des environs : bétail, châtaignes, céréales, cocons, etc. On voit ainsi qu’il n’y a pas un seul grand centre commer- COMMERCE 207 cial. La faute eu est au relief du Vivarais, qui découpe le pays en bandes orientées de l’ouest à Lesl, sans qu’il y ail de communications faciles du nord au sud. C’est pour cela que Lamas tre et Aubenas, situés tous deux en deux points exceptionnels oii viennent converger plusieurs vallées, ont pris plus d’importance que les autres bourgs agricoles. On comprend encore pourquoi le ^ ivarais, n’ayant pas un centre commercial, n’a pas pu avoir un réel centre administratif. Le véritable lien commercial des différentes parties du Mvarais est assurément la vallée du Rhône. Là sont la grande route et la voie ferrée de Lyon à Nîmes par le Teil. Là viennent se rac- corder les routes et voies ferrées qui pénètrent dans rintérieur du pays en remontant péniblement les vallées des torrents. Ce sont : 1° La ligne de Saint-Rambert-d’Albon à Firminy, par Pey- raud, Bidon, x\nnonay, Boulieu et Saint-Marcel-lez-Annonay ; Univ. de Lyon. — Bourdin. 17 Fig'. 20. — Pont su/' le Duzoïi (/'oute de Tou/'/ton à Lamast/'e). 258 GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 2° La ligne de Livron à Privas, par le Pouzin^ Saint-Làger- Bressac et Ghomérac ; 3° La ligne du Teil à Alais, par Yilleneuve-de-Berg, Vogué, Ruoms ; 4° L’embranchement de Vogué à Nieigles-Prades, par Aube- nas ; 5^" L’embranchement de Saint-Sernin à Laraentière (inau- guré en 1896) ; 6® L’embranchement de Tournon à Lamastre ; 7'" L’embranchement de Lavoulte-sur-Rhône au Gheylard. D’autres voies ferrées en projet doivent compléter ce réseau : G du Gheylard à Yssingeaux, par Saint-Agrève ; 2° de La- mastre au Gheylard ; 3° de Privas à x\ubenas ; de Nieigles- Prades au Luc, sur la ligne de Langeac à Vîmes. Les études de ces projets sont terminées : on attend l’approbation de l’administration supérieure. Si les voies ferrées sont nombreuses, les routes le sont égale- ment. On en a construit beaucoup dans la montagne, qui avait été longtemps déshéritée à ce point de vue. Aujourd’hui, le paysan peut se rendre aisément aux foires et aux marchés, y vendre ses produits ou acheter ce qui lui est nécessaire. La longueur des routes est actuellement, dans le département de l’Ardèche : 496 kilomètres de routes nationales. 858 — routes départementales. 283 — chemins de grande communication. 1.470 — chemins d’intérêt commun. 6.780 — chemins vicinaux ordinaires. Le réseau de routes projeté est à peu près terminé, et il n’est plus de communes où l’on soit forcé de transporter les produits à dos d’homme ou de mulet. Gependant, on constate encore que dans de nombreuses localités les chemins de grande com- munication, d’intérêt commun et vicinaux traversent le lit de nombreux ruisseaux et torrents sans aucune garantie de sécu- COMMERCE 259 rite. Le retard apporté à rachèvement du réseau est dû assu- rément aux difficultés naturelles, mais aussi, et pour une large part, aux rivalités cantonales ou locales. ■k ¥ ^ 1° Exportation. — Le Vivarais exporte du bétail (bœufs, moutons, porcs, veaux), du miel, des châtaignes, des truffes, du vin des côtes du Rhône. Tous ces produits sont achetés par les départements limitrophes. Le Vivarais envoie du beurre dans le Midi ; des primeurs en Angleterre et à Paris; des bois de construction et de chauffage dans toute la vallée du Rhône ; du bois de noyer, à Paris ; des plantes médicinales, du plomb argentifère à Marseille ; de la fonte aux usines de THorme et de la Ruire ; des pierres de taille, du marbre dans toute la vallee du Rhône ; de la chaux et du ciment du Teil dans le monde entier ; des eaux minérales dans toute la France ; des soies ouvrées à Lyon ; des papiers dans toute la France ; des poils de chevreaux pour les fabriques de couver- tures, de feutres, de Roanne, de Cours (Loire) et d’Angleterre, ★ 2° Importation. — Les objets d’importation sont en pre- mier lieu, des grains, pour subvenir à Falimentation d’un pays qui ne produit pas suffisamment pour sa consommation. Ce sont ensuite des soies grèges étrangères destinées à être ou- vrées ; puis des cokes et houilles ; des bestiaux, venus des dé- partements de la montagne, ou des moutons du (nird ; du sel, les denrées coloniales, les peaux d’Annonay et enfin toutes les étoffes, articles d’ameublement, de porcelaine de verrerie, de librairie, etc., que le Vivarais est loin de fournir. En général, les produits importés viennent du Midi, et les produits exportés prennent la direction de Lyon et du Nord. GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE 2 Go 'k Il y a, semble-t-il, et sans qu’on puisse donner de chilires précis, un léger excès du total de l’exportation sur celui de l’importation. Mais il ne faut pas se laisser égarer par de telles indications. Cette plus-value de l’exportation est due à la chaux du Teil, aux papiers d’Annonay, etc., industries qui n’enri- chissent qu’un petit nombre d’individus. Mais dans le reste du Vivarais, le paysan cède son vin, sa soie ou ses châtaignes pour avoir du blé. Il ne fait qu’un éclumcfe et le prolit est presque nul pour lui. CONCLUSION Il est peu de régions, dans notre France, qui fassent naître des impressions plus diverses et plus difficiles à définir que le Yivarais. Les contrastes les plus étranges y frappent sans cesse le voyageur : tout à la fois pays de montagnes et pays de plaines, pays granitique et pays calcaire, le Vivarais est baigné par le Rhône large et majestueux , et ravagé par des torrents impétueux ; son sol produit ici l’olivier, là le châtaigner. Mais ce sont les seuls contrastes qui provocpieni rétonnement : rien n’excite vivement l’admiration. Le géologue peut trouver en Bretagne des terrains primi- tifs plus développés ; en Auvergne, de plus belles masses volcanicjues ; dans le Jura , des terrains secondaires plus étendus. Le botaniste rencontre autour de Lvon et de Nîmes des flores plus riches. L’alpiniste trouvera le Mézenc bien mesquin en songeant au massif admirable du Pelvoux ; les plaines du BasAdvarais ont de triomphantes rivales. De là est né un peu de dédain pour celte région. Mais 2Ô2 CONCLUSION il n’en reste pas moins vrai que la réunion de ces beautés moyennes et de caractères très divers donne au Vivarais une originalité qui a bien son charme. Au point de vue économique, ce pays ne semble pas appelé à un grand avenir, car l’homme ne pourra jamais, avec tout son génie, ni modifier ce relief abrupt, ni adoucir le climat. Néanmoins, le Vivarais peut être pris pour type de la moyenne des départements français. TABLE DES MATIERES Introduction I PREMIÈRE PARTIE. — Géographie physique. Chapitre premier. — Aperçu géologique A. — Terrains primitifs R. — Terrains primaires, secondaires et tertiaires. C. — Terrains volcaniques et terrains quaternaires. Chapitre II. — Orogénie. A. — Plissements hercyniens (époque primaire). R. — Epoque secondaire G. — Plissements alpins. — Éruptions volcaniques. Chapitre III. — Le Relief. A. — Haut-Vivarais B. — Mézenc, Coiron C. — Bas-Vivarais. Chapitre IV. — Le Climat Chapitre V. — Les Cours d'eau et les Inondations . . A. — Haut-Vivarais B. — Bas-Vivarais Chapitre VI. — Géographie botanique et zoologique. . 1 1 I 2 1 3 ^9 19 H) 24 28 3() 38 43 49 58 81 86 O 9^ 1 1 3 SECONDE PARTIE. — Géographie économique. Chapitre premier. — Les Habitants — II. — Agriculture — III. — Industrie — IV. — Commerce . ........ Conclusion 1 28 1 62 227 256 26 1 Lyon. — lmp. Pitrat Aine, A. REY Suce., 4, rue Gentil. — 1 1 4 0CT.98 Librairie GAUTHIER-VILLARS^ 55, quaides Grands- Augustins. (Suite.) Sur la représentation des courbes gauches algébriques, par Léon Aütonne, ingénieur des Ponts et Chaussées, maître de confé- rences à la Faculté des Sciences . 3 fr. Sur le résidu électrique des condensateurs, par L. Houluevigue, maître de conféren- ces à la Faculté des Sciences ... 3 fr. Synthèse d’aldéhydes et d’acétones dans la série du naphtalène au moyen du chlorure d’aluminium, par L. Rousset, docteur ès sciences, chef des travaux de chimie géné- rale à la Faculté des Sciences . . 3 fr. Recherches expérimentales sur quelques acti- nomètres électro-chimiques, par II. Ri- GOLLOT, docteur es sciences, chef des tra- vaux de physique à la Faculté des Scien- ces 5 fr. Librairie J. -B. BAILLIÈRE, et Fils, 19, rue Hautefeuille. Recherches anatomiques et expérimentales sur la métamorphose des Amphibiens anoures, par E. Bataillon, professeur à la Faculté des Sciences de l’i niversité de Dijon, avec 6 pl. hors texte . . 4 fr. Anatomie et Physiologie comparées de la Pholade dactyle. Structure, locomotion, tact, olfaction, gustation, action derma- toptique, photog-énie, avec une théorie gé- nérale des sensations, par le D*" Ra[)liaël Dubois, professeur à la Faculté des Scien- ces, 68 fig. dans le texte et 15 pl. hors texte 18 fr. Sur le pneumogastrique des oiseaux, par E. Couvreur, docteur ès sciences, chef des travaux de physiologie à la Faculté des Sciences, avec 3 planches hors texte et 40 figures dans le texte, . . . 4 fr. Recherches sur la valeur morphologique des appendices superstaminaux de la fleur des Aristoloches, par a. Ma'soux, élève de la Faculté des Sciences, avec 3 planches hors texte 4 fr. Etude stratigraphique sur le Jurassique infé- rieur du Jura méridional, par Attale Riche, docteur ès sciences, chef dés travaux de géologie, avec 2 planches hors texte. 12 fr. Etude expérimentale sur les propriétés attri- buées à la tuberculine de M. Koch, faite au laboratoire de médecine expérimen- tale et comparée de la Faculté de Méde- cine, par M. le professeur Arloing, M. le D*' Rodet, agrégé, et M, le D^ Gourmont, agrégé, avec 4 planches en couleurs ... 10 fr. Histologie comparée des Ebénacées dans ses rapports avec la Morphologie et l’histoire généalogique de ces plantes, par Paul Parmentier, professeur de l’Université, avec 4 planches hors texte ... 4 fr. Recherches sur la production et la localisa- tion du Tanin chez les fruits comestibles fournis par la famille des Pomacées, par A. Mayoux, élève de la Faculté des Sciences, avec 2 planches hors texte. 3 fr. Etude sur le Bilharzia hæmatobia et la Bilharziose, par M, Lortet, doyen de la Faculté de médecine, et M. Vialleton, pro- fesseur à la Faculté de médecine de l’Uni - versilé de Montpellier, avec 8 planches hors texte et 8 figures dans le texte. 10 fr. La Botanique à Lyon avant la Révolution et l’histoire du Jardin botanique municipal de cette ville, par M. Gérard, professeur à la Faculté des Sciences, avec 9 figures dans le texte et 1 planche hors texte 3 fr. 50 Physiologie comparée de la Marmotte, par Raphaël Dubois, professeur à la Faculté fies Sciences, avec 119 fig. et 125 planches hors texte . . 15 fr. Etudes sur les terrains tertiaires du Dau- phiné, de la Savoie, et de la Suisse occi- dentale, par H. Douxami, docteur és scien- ces, professeur au Lycée de Lyon. 1 vol. in 8° avec 6 planches hors texte et 31 figures 6 fr. Recherches physiologiques sur l’appareil respiratoire des oiseaux, par J.-M. Soum, docteur ès sciences, professeur au Lycée de Bordeaux. 1 vol. in-8® avec 40 figures dans le texte 3 fr. 50 Résultats scientifiques de la campagne du Caudan dans le golfe de Gascogne (août- septembre 1895), par R. Kœhler, pro- fesseur de zoologie à la Faculté des Sciences. Fascicule I. 1 vol. in- 8® avec 6 pl. . 6 fr. Fascicule IL 1 vol. in-8® avec 11 pl. 6 fr. Fascicule III. 1 vol. in-8° avec 21 pl. 20 fr Anatomie pathologique du système lym- phatique dans la sphère des néoplasmes malins, par le D^ G. Regaud, chef des travaux, et le D^ F. Barjon, préparateur d’anatomie générale et d’histologie à la Faculté de médecine (Mémoire couronné par l’Académie de médecine), avec 4 pl. hors texte 5 fr. Recherches stratigraphiques et paléontolo- giques dans le Bas-Languedoc, par Frédé- ric Roman, docteur ès sciences, prépara- teur de géologie à la Faculté, avec 40 fi- gures dans le lexte et 9 planches hors texte 8 fr. Étude du champ électrique de l’Atmosphère, par Georges Le Gadet, docteur ès-sciences, assistant à l'Observatoire de Lyon, avec 3 figures et 10 planches dans le texte. 6 fr. Lyon. — lmp. Pitrat Aimé, A. REY Suce., 4, rue Gentil. — 17911 ANNALES DE L'U N I VEl^SlTÈ DE LYON Fasc. XXXIX LES FORMES ÉPITOQUES ET L’ÉVOLUTION DES CIRRAIULIENS PAR Maurice CAULLERY et Félix MESNIL Maître de Conférences de Zoologie à rUniversité de Lyon. Chef de Laboratoire à l’Institut Pasteur (Paris) AVEC SIX PLANCHES HORS TEXTE EN NOIR ET EN COULEURS PARIS LIBRAIRIE J.-B. BAILLIÈRE el FILS 19, Rue Hautefeuille LYON A. REY, IMPRIMEUR- ÉDITEUR Rue Gentil, 4 1898 æw À** 9- im» lü il