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ANNALES
DES
SCIENCES NATURELLES
SEPTIÈME SÉRIE
LOOLOGIE
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DES
NCIENCES NATURELLES
ZOOLOGITE
ET
PALÉONTOLOGIE
COMPRENANT
L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX
PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE
M. A. MILNE-ED WARDS TOME XI
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PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRIE DE L' ACADÉMIE DE MÉDECINE
120, Boulevard Saint-Germain, en face: de l'École de Médecine
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‘4
CONTRIBUTION
À L'ÉTUDE DE L'ANATOMIE COMPARÉE
DES RÉSERVOIRS AËRIENS D'ORIGINE PULMONAIRE
CHEZ LES OISEAUX
Par GEORGES ROCKHÉ.
INTRODUCTION.
Annexé à l'appareil pulmonaire de l'oiseau, on trouve un système de vastes poches — situées dans toutes les régions du corps — en libre communication avec l’air ambiant. Ce sont les Aéservoirs aériens qui sont constitués par une membrane celluleuse mince dans laquelle courent de rares vaisseaux d'origine aortique, retournant à la veine cave. Ta- pissés intérieurement par un revêtement épithélial analogue à celui des bronches, ils dérivent embryonnairement des di- verticules pulmonaires primitifs, et, chez l’adulte, sont mis en communication avec le milieu extérieur par des troncs bronchiques qui, traversant le poumon, sans se ramifier, dans toute son épaisseur, viennent s'ouvrir dans ces sacs. Ils affectent, du reste, une allure interstitielle, peuvent tou- jours être isolés ou disséqués des organes avec lesquels ils sont en rapports, et paraissent occuper toute la place qu'ils peuvent trouver, se glissant dans les fentes, les anfractuosités qu'ils rencontrent. Ce ne sont cependant pas, simplement,
ANN. SC. NAT. ZOOL. A1) 4." ART. N° #:
2 GEORGES ROCHÉ.
des lacunes inlerorganiques aérifères, mais bien des organes
définis, présentant des modifications spéciales suivant la
parenté ou les conditions biologiques des êtres. Au nombre de neuf, généralement, on les a dénommés suivant les posi- tions qu’ils occupent à l’intérieur de Fanimal : Thoracique ou Claviculaire, Cervicaux, Diaphragmatiques (antérieurs. et postérieurs), Abdominaux. Certains présentent des diver- ticules qui, sortant de la cage osseuse de l’animal, viennent s'épanouir sous les muscles locomoteurs, autour des articula- tions de l'épaule, de la hanche, sous les muscles de la face postérieure du cou. Enfin ces diverticules ou ces sacs eux- mêmes sont mis en communication soit avec les cavités de certains os longs (creux chez l’oiseau), soit avec la ca- vité vertébrale, soit avec le parenchyme lacuneux de beau- coup d’os plats, soit avec les mailles ou les poches du tissu conjonctif sous-cutané qui devient alors aérifère. Ainsi l’oi- seau se trouve complètement baigné par l’air exlérieurement et intérieurement, air renouvelable par les mouvements res- piratoires de l'individu.
Bien que variables dans le nombre, la forme et les rapports, ces réservoirs aériens existent chez tous les oiseaux, qu'ils soient Carinates ou Ratites, nageurs ou marcheurs, bons ou mauvais voiliers, sauvages ou domestiqués.
Un certain nombre d’anatomistes se sont occupés jus- qu'ici de ces organes ; mais bien que tous leurs mémoires aient un caractère de généralité, leurs investigations n’ont porté, en réalité, que sur un nombre fort restreint de types. Il en résulte que quoique l’on connaisse assez bien l’anato- mie descriptive de l’appareil aérifère, l’anatomie comparée en est à peu près inconnue. Et cependant il était de haut intérêt d’éclaircir ce point de l’histoire des sacs aériens avant d'en étudier la physiologie, qui ne saurait opérer sur des organes incomplètement connus dans leurs modifica- ions et leurs rapports. Malheureusement, les difficultés pratiques considérables que les auteurs ont rencontrées dans leurs recherches les ont arrêtés. J'ai donc voulu reprendre
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 3
cette question avec une technique telle que je puisse com- parer les volumes des sacs entre eux, et juger des variations analomiques de ces réservoirs chez les divers oiseaux.
Au cours de ce travail 1l m'a été permis de m'occuper du sujet toujours litigieux, en dépit d'excellents travaux, de la pneumatisation sous-cutanée. Enfin, je crois avoir apporté à la Physiologie expérimentale l’appoint d’observa- tions précises sur lesquelles elle se pourra baser dans l'avenir.
J'ai divisé en plusieurs parties cette étude de l'appareil aérifère des oiseaux examiné sur un grand nombre de types de tous les groupes ornithologiques.
J'exposerai d'abord d’une façon rapide l’Aistorique général de la question, me réservant de revenir sur chacun de ses points au cours de l'exposé de ces recherches. Puis j'indi- querai /a technique que j'ai cru devoir employer dans mes in- vestigations. Alors je reprendrai l'exposition de l’Analomie descriptive des organes aérifères, dans laquelle j'aurai l’oc- casion de signaler quelques dissemblances avec les descrip- tions admises jusqu'à ce jour. Cette exposition m'amènera à examiner les Variations générales de nombre, de volumes et de position des sacs aériens, puis le fait de /a pneumatisation sous-cutanée et intermusculaire. J'insisterai ensuite longue- ment sur les Variations de Volumes et de Rapports des Réser- voirs aérifères suivant les groupes ornithologiques et sur Les Variations de la pneumatcité suivant les Individus. Enfin, je terminerai par les quelques considérations physiologiques auxquelles m'a amené cette étude et qui diffèrent sensible- ment des idées reçues jusqu’à ce Jour.
C'est au laboratoire de une anatomique fe l'École pratique des hautes études que j'ai poursuivi ces recherches et c'est grâce à la direction aussi bienveillante qu'éclairée de mon éminent maître M. le professeur A. Milne-Edwards que j'ai pu me livrer à des investigations qui, souvent, ne laissaient pas que d’être difficultueuses ; qu’il me permette donc de lui adresser l’assurance de ma reconnaissance affec- tueusement respectueuse.
4 GEORGES ROCHÉ.
Je remercie bien sincèrement, aussi, M. le D’ Filhol des excellents conseils qu'il n’a cessé de me prodiguer; M. le D' Oustalet, de l’amabilité avec laquelle il m'a prêté l'appui de sa haute compétence pour la détermination des espèces zoologiques, souvent fort rares, que j'ai eues à ma disposition ; M. le D° Viallanes des soins qu'il a bien voulu me donner; M. le D° E.-L. Bouvier et M. le D' Cazin de la complaisance avec laquelle ils ont voulu me faire profiter de leur expé- rience au cours de mon travail.
Je veux également remercier M. Geoffroy Saint-Hilaire, directeur du Jardin d’Acclimatation, de l’affabilité avec la- quelle il a mis à ma disposition de nombreux et intéressants oiseaux ; enfin j'adresse à M. Hippolyte Noël, l'excellent ar- tisle, dessinateur au laboratoire, l'expression de ma bien sin- cère gratitude pour le dévouement avec lequel il a bien voulu corriger mes dessins.
HISTORIQUE.
Depuis l’époque où Coiter (1573) signala les différences qu'il venait de reconnaître entre l'appareil respiratoire des Oiseaux et celui des Mammifères, de nombreux et savants travaux ont élé publiés sur le même sujet (1). La description qué cet anatomiste donnait du poumon des Oiseaux et de ses annexes, encore qu'assez peu claire, ne laissait cependant aucun doute sur la découverte qu'il avait faite des vésicules aérifères. Plus tard, Harvey (1651) décrivit les réservoirs aériens, les deux diaphragmes et se livra même à quelques conjectures sur la physiologie de ces organes, leur attri- buant le rôle qu'on ne leur a plus contesté, d’être les agents principaux de la ventilation pulmonaire (2). Bien plus, il compara le système vésiculo-pulmonaire des Oiseaux à l'appareil respiratoire des Reptiles. Le sujet se trouva ainsi suffisamment éclairé par ce savant maitre pour servir aux
(1) Coiter, Exlernarum et internarum principalium humani corporis partium tabulæ, Nuremberg, 1623, p. 13. (2) Harvey, Exercitaliones de generatione animalium (Amst., 1651).
QT
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX.
recherches scientifiques. Les travaux d'Harvey furent con- firmés par ceux de Perrault (1666) qui étudia les réservoirs aérifères sur plusieurs Oiseaux de la ménagerie de Ver- sailles (1). Tels qu'il comprenait les rapports de ces organes, la description que Perrault en a donnée ne laissa pas que de présenter de nombreuses et regrettables lacunes. C’est ainsi qu'il ignora l'existence des réservoirs cervicaux el ne saisit pas exactement les relations des autres sacs aériens entre eux; mais il décrivil, d’une façon assez nette, les cellules diaphragmatiques et abdominales. Enfin, le premier, il si- gnala un antagonisme entre les vésicules moyennes et pos- térieures, aux différents temps de l'acte respiratoire ; anta- gonisme qui devait plus tard servir de base à la théorie du fonctionnement du poumon des oiseaux.
Méry (1672) nota, quelques années après (2), l’aération sous-cutanée du Pélican; plus tard encore, Pierre Camper (1773) s’occupa de la pneumaticité squelettique (3); puis vint Hunter (1774) qui reprit le sujet dans son ensemble, le remania, décrivit le sac claviculaire, indiqua les sacs cervi- caux, détermina le fait de la pneumatisation osseuse et sous- cutanée et se posa nettement la question des usages de ces réservoirs aériens (4).
Bien que, à juste titre, un certain nombre de ses vues phy- siologiques soient abandonnées, à l'heure actuelle, il n’en reste pas moins quelques données d’une heureuse conception et que confirment les recherches modernes, particulière- ment ses aperçus sur l'influence de l’appareil pneumatique dans l'effort.
Merrem (1783) fut le continuateur de l'œuvre d’Harvey et
(1) Perrault, Mémoires de l’Acad. des sc., t. III, 2€ partie, p. 165.
(2) Méry, Hist. de l'Acad. d. se., t. I, p. 151.
(3) Camper, Mémoires sur la structure des os dans les oiseaux (Acad. d. sce., Mém. des soc. étrang. pour 1772, Paris, 1776, t. VIII, p. 328).
(4) J. Hunter, An Account of certains receptacles of air in birds, wich com- municate with the lungs and are lodged both among the fleshy parts and the hollow bones of those animals (Philosoph. Transact., 1714, t. LXIV).
6 GEORGES ROCHE. :
de Hunter et résuma habilement leurs travaux (1) en les éclairant. Mais ce fut Michel Girardi (1784) qui décrivit le premier la nature, le trajet et la forme des diverticules sacculaires (2). C’est là que prend fin ce que Je pourrais appeler la première période de l’histoire de la découverte du système vésiculo-pulmonaire chez les Oiseaux. | Ainsi, après qu'ils furent signalés pour la première fois, deux siècles s’écoulèrent avant que l’on connût d’une façon à peu près exacte les rapports généraux des Réservoirs aériens avec le poumon et les organes splanchniques ou moteurs. Néanmoins, à la fin du dix-huitième siècle, après les intéressants travaux de Michel Girardi on savait que cer- taines bronches, traversant le poumon dans toute son épais- seur, s’ouvraient en de larges vésicules aérifères interor- ganiques. On savait aussi que quelques évaginations pneu- maliques sortant de la cage osseuse venaient s'épanouir sous les muscles locomoteurs, s’abouchaient même avec des lacunes intra-osseuses chez beaucoup d'oiseaux et avec des lacunes sous-cutanées du tissu conjonctif chez le Pélican. | Depuis cette époque jusqu’en 1847, où parut le très bon mémoire de M. le professeur Sappey (3), sur l’appareil res- piratoire des Oiseaux, les auteurs qui traitèrent des sacs aé- riens n'y apportèrent que l’appoint de nombreux détails de structure et de rapports, sans débarrasser le sujet de la ter- minologie compliquée qu’avaient adoptée les anciens mai- tres dans les dénominations sacculaires. Il faut même l’a- vouer, quelques-uns embrouillèrent singulièrement la ques- lion par des conceptions plus ou moins originales tant sur les rapports généraux que sur la physiologie de ces organes
(1) Merrem, Ueber die Luftwerkzeuge der Vügel (Samlung vermischter Ab- handlungen zur Aufklärung der Zoologie, Berlin, 1784, p. 323-332).
(2) Girardi, Saggo di osservazioni anatomische intorno agli organi delle respi- razione degli uccelli (Memoria di mathematica e fisica della Societa lialiana, Verona, 1784, t. Il, part. 2, p. 732).
(3) Sappey, Recherches sur l'appareil respiratoire des oiseaux, Paris, 1847.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 7
et arrêtèrent ainsi l’évolution des recherches sur un sujet qui était cependant élucidé.
Il convient pourtant de rappeler qu'Albers (1) et Vrolik (2) reprirent, en les confirmant, les investigations d'Hunter et que Schneider (3) et Nitzsch (4) firent d’heureuses obser- vations sur la pneumatisalion sous-cutanée.
Les leçons de Cuvier (5) — sur lesquelles je reviendrai dans la suite de ce travail — ayant singulièrement obscurei la ques- tion de la pneumaticité des oiseaux furent heureusement sui- vies des bons travaux de Colas (1825) (6) et de Jacquemin (7) en 1836 qui rétablirent en partie les données que l’on pos- sédait après Girardi, en les augmentant de nombreux dé- lails anatomiques, mais en rejetant comme faux le fait de la pneumatisalion sous-culanée.
Ce fut Richard Owen qui reprit ce dernier côté de la ques- tion et qui l’étudia d’une façon sérieuse chez le Fou de Bas- san et le Calao rhinoceros (8), tout en donnant aussi une bonne monographie de l’appareil vésiculo-pulmonaire.
Plus tard, Prechtl (9) fit remarquer que les leviers thora- ciques sont plus petits chez les oiseaux voiliers que chez les nageurs. Enfin, parurent presque en même temps les mé- moires de, Natalis Guillot (10) et de Sappey.
Le travail de ce dernier auteur résuma parfaitement toute la question. Avec une méthode d'une rigueur et d’une pré-
(4) J.-A. Albers, Versuche über das ethemhohlen der Vôügel (Beitr. zur Anat. und Phys. der Thiere, Bremen, 1802, p. 107).
(2) Vrolik, Camper’s und Hunter's Gedunkung über den Nutzen der Rürhen, Knochen bei Vôgeln (Reil’'s Arch.,t. VII, p. 468).
(3) Schneider, Vermischte Abhandl., Berlin, 1804, p. 137-160.
(4) Nitzsch, Osteografische Beitr. zur Naturgesch. der Vôgel, Leipzig, 1811.
(5) Cuvier, Anatomie comparée. 1805, 1'e édit., t. IV, p. 327 et suivantes.
(6) Colas, Essai sur l'organisation du poumon des Oiseaux (Jour Le complém. du Diction. ‘des sc. médic., 1825, t. XXIII, p. 97 et 290).
(7) Jacquemin, Mémoire sur la pneumaticité des Oiseaux, p. 285 à 338, 3 pl. in Nova Acta Leop. Carol. Nat. Cur., t. XIX, p. 2, 1842.
(8) Owen, Proceedings of Zool. Society (part. I, 1830-31). On the Anatomy of the Concave hornbüll, 1835. Transact. of Zool. soc. of Lond., I, p. 117.
(9) Prechtl, Untersuchungen über den Vôgel. Vien., 1846.
(10) Natalis Guillot, Mémoire sur l’appar. respirat. des Oiseaux (Ann. des sc. nat., 1846, 2° série, t. V, p. 25).
S GEORGES BROCHÉ.
cision exemplaire, il étudia, pièce à pièce, l'anatomie de l'appareil aérifère des oiseaux, dans le canard domestique qu'il prit pour type; il exposa nettement les rapports des sacs aériens avec les diaphragmes, qu’il décrivit exactement, l'absence de plèvre autour du poumon et la sphère d’aéra- tion des vésicules aérifères.
Il montra aussi que celles-ci ne pouvaient servir à l’héma- tose, comme l'avaient cru certains auteurs anciens, et essaya d'en établir la physiologie. Si les vues de l’auteur n’ont pas toujours été absolument justes, il n'en demeure pas moins avéré que son œuvre méthodique remit la question sur son véritable terrain scientifique, la débarrassa de la terminologie malheureuse qui en obscurcissait l’exposéet donna à chacun des réservoirs aériens sa véritable importance anatomique.
N. Guillot arriva à des conclusions analogues à celles de Sappey par un chemin différent (ayant étudié le Coq do- mestique). [Il exposa pourtant ses résultats avec une netteté beaucoup moins grande dans un mémoire obscur en plu- sieurs points. Il eut, cependant, quelques idées neuves, dont il ne tira malheureusement qu’un faible parti et qu’il ne pou- vait mener à bonne fin. Je veux parler de quelques mensura- tons volumétriques qu'il tenta sur plusieurs Oiseaux. Bien qu'il fûl intéressant d'établir les variations de volume dessacs aériens suivant les êtres, il était assez 1llogique de calculer ces volumes sur des organes insufflés et de forme si irrégu- lière qu'ils échappaient aux mensurations du compas. On peut, aussi, lui reprocher comme à Sappey de s’être refusé à admettre la valeur des recherches de Richard Owen, dont cependant les assertions méritaient une considération sé- rieuse, et de méconnaître le fait de la pneumatisation sous- cutanée.
Et c’est ainsi que, bien qu’à dater du mémoire de Sappey on püt considérer la question comme élucidée d’une façon générale, il demeura encore un certain nombre de points hlgieux. |
Ce fut M. le professeur A. Milne-Edwards, qui démontra
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RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 9
enfin d’une façon préremptoire la présence de l'air dans les lacunes du tissu conjonclif sous-cutané chez le Pélican, le Kamichi, le Calao, etc. (1). Avec une précision indiscutable, il put même élablir le volume de cet air ainsi emmagasiné chez le Pélican et le Fou de Bassan. Il confirma donc les assertions d'Owen d’une facon absolument irréfutable.
Plus tard, un certain nombre d'auteurs s’occupèrent en- core de l’anatomie des sacs aériens, arrivant en somme à des conclusions peu différentes de celles de Sappey. Campana (1873) étudia l'appareil aérifère du Poulet au point de vue anatomique et physiologique. Rempli d'excellentes observa- tions, fruit de patientes et laborieuses recherches, le mé- moire de Campana ne laisse cependant pas de présenter une grande obscurité d'exposition (2). Quoi qu'il en soit, on y découvre un certain nombre d'idées heureuses.
L'auteur essaya de pratiquer des injections de l’appareil pneumatique de l'oiseau, et bien que sa technique fût fort peu parfaite, elle lui permit de se rendre un compte plus exact des rapports de cet appareil que ne l'avaient pu faire les auteurs précédents. C’est ainsi que Campana signala et décrivit chez le Poulet un diverticule sterno-cardiaque du sac claviculaire, un dverticule postcardiaque du même réservoir et qu'il décrivit avec un soin minutieux et un luxe de détails inutile les rapports des prolongements cervicaux et des vési- cules aériennes. Du reste, il n’admit pas l'existence du dia- phragme, étant préoccupé constamment de déterminer des différences phylogénétiques entre les Oiseaux et les Mammi- fères.
Il eut aussi l’idée d'établir le volume de l’air occupé à l’in- térieur de l'oiseau et de faire le tableau de la répartition de cet air entre les différents sacs. Malheureusement, ici, les procédés mis en œuvre pour arriver à ces fins furent très
(4) Alph. Milne-Edwards (1865), Observations sur l'appareil respiratoire de quelques oiseaux (Ann. d. sc. nat., IL). — (1867), Note additionnelle sur l'appar. resp. de quelques viseaux (Ann. des sc. nat., VIL, p. 12). — (1884), Sur les sacs
respiratoires du Buceros rhinoceros (Compt. rend., 1884). (2) Campana, Physiologie de l'appareil respiratoire des oiseauæ, Paris, 1875.
10 GEORGES ROCHE.
défectueux et l’auteur lui-même n’accorda à ses résultats qu’une mince valeur.
C’est ainsi qu'après avoir tué une poule par asphyxie eu lui comprimant la trachée, il aspira l’air de l'appareil vésiculaire et le mesura. — Or quand on connaît la minceur et l’élas- Hicité des paroïs bronchiques et pulmonaires, on comprend facilement qu'il est impossible de faire le vide dans les orga- nes aérifères. — Après avoir ainsi établi, grosso modo, le volume total de l'air vésiculo-pulmonaire, Campana pratiqua une injection résineuse de cet appareil pneumatique respira- toire, et sans être assuré en quoi que ce soit de la répartition proportionnelle de la masse injectée dans les différents réser- voirs, il en ira des comparaisons volumétriques, par la me- sure densimétrique de chaque sac. On ne peut, logiquement, tenir bien grand compte de ses résultats. |
Au point de vue physiologique, il nia toute influence de l'appareil pneumatique sur la facilité et la puissance du vol. Il nia de même l'influence de la pneumatisation sque- lettique sur la force des leviers alaires et sur la résistance de la cage osseuse.
Néanmoins, son travail vise à une très grande précision expérimentale et je dois dire que si l’auleur n’a pas toujours été heureux dans ses déductions, il n’en a pas moins fait faire un grand pas à l’histoire des sacs aériens dont la des- cription, bien que particulière (n'ayant en vue que le poulet) n'avait jamais été donnée, avant lui, d’une façon aussi pré- cise.
Je dois rappeler aussi que, le premier, il signala la com- munication entre le sac claviculaire et les sacs diaphragma- tiques antérieurs à leur origine pulmonaire (1).
Hans Strasser, en analysant le mémoire de Campana, fit justement remarquer que cet auteur a eu le tort d'appliquer le cas particulier du poulet aux autres oiseaux, aussi bien pour la respiration au repos que pendant le vol élevé (2).
(1) Campana, loc. cit., p. 62. (2) Hans Strasser, Ueber die Luftsäcke der Vügel, Leipzig, 1877, p. 206.
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Strasser ne se borna pas non plus, comme ses prédéces- seurs, à l'examen de quelques individus seulement, mais exa- mina un plus grand nombre de types et se livra à quelques considérations très savantes sur les usages des sacs aériens.
C’est ainsi qu'il lui parut, entre autres choses, que leur seul but n’était pas de servir uniquement à la fonction res- piratoire et que l'extension diverticulaire ou sus-cutanée de l'appareil aérien devait répondre à un usage déterminé.
Il admit que les diverticules articulaires facilitaient le jeu des leviers, nota le développement relativement moindre de la musculature des oiseaux bons volateurs comparativement à celle des mauvais volateurs. Dans son intéressant mémoire, il rappela aussi que la facilité du vol n’est pas toujours en rapport avec la pneumaticité squelettique ; bien qu'il recon- nût que la diminution de poids amenée par la pneumatisa- tion de l’humérus püût faciliter le jeu alaire.
Ce fut là en somme un premier et bon travail d'ensemble essayé sur l'appareil aérifère des oiseaux.
M. le professeur Félix Plateau, de Gand, a été vive- ment préoccupé, lui aussi, de l'insuffisance des prépara- tions de sacs aériens non vidés préalablement du gaz qu'ils contiennent. En 1880 1l essaya donc une méthode qui per- mit d'injecter complètement l'appareil vésiculo-pulmonaire et que jai appliqnée, mieux vaut le dire de suite, sans grand succès. Cependant, je tiens à exposer complètement le procédé du savant anatomiste.
« Voici comment il faut opérer, dit-il, pour réussir com- plètement et à coup sûr : l’animal tué par le chloroforme ou la vapeur d’éther est couché immédiatement sur le dos: on met à nu l’humérus d’une des ailes, on le scie en travers et, par l'intermédiaire d’un tube en caoutchouc, on relie le moignon adhérent au corps, à un tube en verre vertical et ouvert d'environ 50 centimètres de long.
« Ceci fait, on injecte lentement par la trachée une solu- tion chaude de gélatine colorée. Le corps de l'oiseau gonfle ; bientôt on voit le liquide coloré pénétrer dans le tube ma-
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nomélrique vertical, signe certain que tout l'ensemble des poches aériennes est bien rempli. On continue cependant à injecter jusqu’à ce que la colonne liquide atteigne à peu près le haut du tube. On ferme ensuite la trachée par un moyen quelconque et on plonge l’animal toujours relié au tube de verre dans un baquet plein d’eau jusqu'à refroidissement total. »
Et l’auteur ajoute :
« Grâce au tube communiquant avec l’humérus pneuma- tisé, l’air sort des organes respiratoires au fur et à mesure que pénètre le liquide et ne forme jamais de coussins nulle part. Comme le tube est vertical l'injection ne s'étale pas et se refroidit sous une certaine pression. Enfin, comme le tube n’a pas plus de 50 centimètres de longueur, la tension à l'intérieur des poches, même pendant qu’on injecte, est trop faible pour amener des ruptures, jamais il n’y a d’ex- iravasation (1)... » |
Enfin le savant professeur conclut en disant qu'il a ainsi oblenu de « magnifiques préparations ».
Je dois avouer que je n'ai pas été très heureux dans les opérations que j'ai tentées avec la méthode de M. le pro- fesseur Plateau. Du reste, il me faut dire également que, bien que je doive peut-être faire porter le poids de mes insuccès à quelque imhabileté opératoire de ma part, il me paraît peu logique toutefois de chasser l’air en totalité de l'appareil vésiculo-pulmonaire par la seule ouverture 'humérale. De prime abord on doit se demander comment il est possible de chasser l'air des vésicules diaphragmatiques ou abdomi- nales — qui ne communiquent pas avec le sac claviculaire — par une ouverture faite à ce sac claviculaire. Enfin, pour tout dire, il paraît également illogique de mouler entière- ment ce sac claviculaire, lui-même, en ménageant la sortie de l’air de son intérieur par une ouverture qui se trouve en réalité vers la moitié de la hauteur de sa paroi.
(1) Félix Plateau, Procédé pour la préparation et l'étude des poches aériennes des oiseaux (Zoologischer Anzciger, HI, n° 57, 1880, p. 286).
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Je ne m'en veux donc pas trop de mes tentatives infruc- tueuses et je dois même dire que si J'ai essayé le procédé précédemment décrit, c'est que J'ai soupçonné un instant que s’il pouvait réussir c’est que toutes les vésicules aériennes communiquaient entre elles et que ce fait, au cas où il eût été vrai, eût été également nouveau.
En réalité les préparations ainsi obtenues ne sont pas plus exactes que celles de Campana. La seule colonne de liquide de 50 centimètres exerce une pression suffisante pour com- primer l'air résidual et donner l'illusion d’un moulage, mais encore une fois, il me paraît de toute impossibilité de chasser l'air du fémur, du sacrum, des sacs abdominaux, par une ouverture de la paroi du sac claviculaire qui ne communique pas avec eux.
Dans le cours de plusieurs fort bonnes monographies d’autres auteurs traitèrent aussi, en passant, l’anatomie des réservoirs aériens d'un certain nombre d'oiseaux.
Huxley (1882) étudia complètement l'appareil vésiculo- pulmonaire de l’Apteryx (1); Beddard (1884), celui du Scops (2); Filhol (1885), celui du Manchot (3); Cazin (1885), celui du Pétrel géant (4), etc... Enfin reprenant les obser- vations d'Hunter, de Nitzsch, d'Owen et de Boulart (5), Mile Fanny Bignon (6) vient de résumer en un bon mémoire ses recherches sur l'appareil aérien d'origine pharyngienne chez les différents oiseaux.
À part ce dernier travail, qui n'embrasse du reste qu’une partie restreinte de l’appareil aérifère, aucun des mémoires
(1) Huxley, On the respiratory organs of Apteryæx (Proceed. of zool. soc. Lond., 1882, III, p. 560).
(2) Beddard, Contribution to the Anatomy of Scopus umbrelta, in Proceed. Soc. Lond., p. 548.
(3) H. Filhol, Anatomie des Manchots, in Mission de l'Ile Campbell, t. IT, part. 2, p. 817.
(4) Maurice Cazin, Observations sur l'anatomie du Pétrel géant (Bibliothèque de l’École des hautes études, sect. des sc. nat., t. XXXI, art. 9, p. 11 et 22).
(5) Boulart, Journal de l’anat. et physiolog., 1879, t. XVIII, p. 467.
(6) Fanny Bignon, Contribution à l'étude de la pneumaticité chez les oiseaux. Thèse de la Faculté des sciences, Paris, 1889.
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précédents ne pouvait comporter un bien grand caractère de généralité.
Les individus étudiés par chaque auteur se trouvaient en nombre trop petit pour permettre des vues d'ensemble, et cependant c’est le reproche que l’on peut faire à la grande majorité de ces ouvrages de généraliser pour tous les oi- seaux les faits observés sur deux ou trois individus.
C’est ainsi qu’à l'heure actuelle, sur le vu des mémoires de Colas, de Guillot et de Sappey, un certain nombre de natu- ralistes mettent en doute la pneumatisation sous-cutanée, encore qu’elle ait été clairement démontrée par A. Milne- Edwards.
De plus avec l’idée admise que les sacs aériens avaient des volumes comparables chez les grands Rapaces et Les pe- tils Passereaux, il était difficile d'avoir une base solide pour établir la physiologie de ces organes.
L'Anatomie comparée des organes aérifères des oiseaux restait à étudier et c’est la tâche que j'ai entreprise.
TECHNIQUE.
Bien que présentant un certain nombre d'avantages, la méthode déjà ancienne, qui consistait à disséquer les réser- voirs aériens et leurs diverticules après les avoir remplis d’air par Insufilation, ne laissait pas que de présenter quel ques inconvénients.
L’extrême délicatesse des membranes sacculaires, leur facile déchirement par la dessiccation, étaient déjà des obs- tacles considérables à la réalisation de bonnes préparations anatomiques. De plus, la grande extensibilité de ces mem- branes limitantes des réservoirs — telle que, pour les vési- cules abdominales, elle amène celles-ci à un volume triple de celui qu'elles occupent dans le corps de l'oiseau — se prêlait à une dilalation anormale des cavités aériennes et faussait évidemment les rapports anatomiques.
Quant à évaluer, même grossièrement, les volumes rela-
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tifs des sacs aérifères il n’y fallait pas songer, leur forme irrégulière ne permettant, en aucune façon, une évaluation, même approximalive.
De prime abord il semblait qu'une injection de l'appareil pneumatique de l'oiseau devait répondre à ces desiderata. Aussi beaucoup d’anatomistes ont-ils cherché un moyen pratique de mouler ces cavités aériennes dans les limites des téguments de l’animal.
Mais ici surgissaient de nouvelles difficultés. Il ne fallait pas penser, bien que la chose ait été tentée, à pousser, pure- ment et simplement, une masse à injection solidifiable, par la trachée, dans l'appareil aérifère. L'air résidual contenu en assez grande quantité dans le système s’opposail bientôt à la pénétration de la masse en faisant « coussin ».
L'injection poussée par la irachée, après avoir brisé les humérus et les fémurs de l’individu, ne pouvait, du reste, guère mieux réussir, Car en admettant, ce qui n’est pas possible, que l’on parvint ainsi à mouler complètement les sacs claviculaire et abdominaux, il restait encore six vési- cules aérifères sur lesquelles il était de toute impossibilité d’ébaucher quelque étude que ce füt.
Une autre méthode consistait à injecter sac par sac les différentes vésicules aérifères en ménageant la sortie de l’air au moyen d’un trocart. Dans celte opération, outre les difficultés pratiques énormes qui s y rencontraient, on était impuissant à mouler les prolongements intra-osseux ou diver- ticulaires des sacs aériens, sans compter que par l’intermé- diaire des canaux bronchiques la masse à injection passait infailliblement d'un sac à l’autre et faussait les résultats. En outre. comme dans l’insufflation, les membranes sacculaires se prêtaient encore là à une dilatation anormale des cavités aériennes et, au seul point de vue anatomique, il était diffi- cile d'apprécier leurs rapports avec les organes environ- nants.
Plus tard, on essaya d’injecter l'appareil pneumatique de l'oiseau en le vidant d'air préalablement. Bien que rationnel
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dans sa conception, ce procédé rencontra des difficultés qu'il était facile de prévoir. Comme les parois d’un tube de caoutchouc s’accolent lorsque, après l’avoir bouché à une extrémité, on aspire l’air par l’autre, les parois des sacs et les conduits pulmonaires devaient s’accoler quand ils se trouvaient sollicités par l'aspiration de l’appareil à vide, d’une part, et par la pression atmosphérique d’autre part. De plus on s’exposait là à des déchirures qui, laissant passer la masse à injection, élaient les points de départ de beau- coup d'erreurs
Je ne veux pas dire que l'injection ne remplissail pas, en partie, l’appareil pneumatique, non plus que ces différents moyens ne permeltaient pas quelques investigations, mais celles-ci ne pouvaient être que tout à fait superficielles, et préférablement à tous ces procédés il valait mieux s’en tenir à la dissection de l’appareil insufflé d’air.
L'étude de l'anatomie comparée restait donc un travail très pénible, très difficultueux pratiquement el très peu scientifique dans ies résultats auxquels ils pouvait amener les observateurs.
Comme j'attachais une grande importance aux comparai- sons volumétriques des sacs, il fallait trouver un moyen qui permît d’injecter toutes les vésicules aérifères d’un oiseau sous une même pression et dans des conditions identiques afin d'obtenir des volumes comparables.
Pour atteindre ce but j'ai songé à faire le vide dans l’appa- reil aérifere de l'oiseau en même temps que je faisais le vide. autour de lui, de façon à ce que les parois des sacs et des canaux bronchiques ne fussent plus sollicitées que par la seule action de la pesanteur. Ainsi, on évitait les déchire- ments des membranes et on assurait la réalisation du vide interne; car le {ube qui était en communication avec la tra- chée de l’oiseau s’ouvrait dans celui qui communiquait avec la cloche sous laquelle je plaçäis l'animal, formant ainsi deux vases communiquants, dont l’un était l’individu à étudier et l’autre la cloche pneumatique ; ce dispositif, théoriquement,
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assurait l'égalité de la pression à l'intérieur de l'oiseau et autour de lui.
Voyons maintenant quelle forme j'ai dù donner à l’appa- reil injecteur. R
J'ai pris un tube de verre, D, terminé à l’une de ses extré- mités par un entonnoir E. Sur ce tube J'ai fixé par l'inter- médiaire d’un robinet à trois voies, R, un autre tube, AB,
perpendiculaire à D terminé par un robinet R', et sur lequel
j'ai greffé un troisième tube, C, parallèle à D.
Les tubes D et C traversent, à frottement dur, un bouchon de caoutchouc, fermant la douille d’une cloche à bords rodés placée sur une platine de verre dépoli.
Si maintenant nous venons à fixer à l'extrémité inférieure du tube D un conduit de caoutchouc, terminé par une ca- nule de verre et mettons celle-ci en relation avec la trachée d’un oiseau; si, d'autre part, nous adaptons à l'extrémité du tube AB un conduit le reliant avec une trompe à eau, les robinets R et R’ étant convenablement disposés, nous ferons ainsi le vide autour de l'animal et dans ses cavités aérifères.
Cette opération demande un temps variable suivant le ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 2. — ART. N° 1.
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volume de la cloche, mais‘elle ne sollicite aucune attention, la pression étant la même à l extérieur et à l'intérieur de l’a- nimal. | |
Quand le vide est aussi lets que possible, chose fa- cile à juger en intercalànt un barbotteur entre la cloche et la trompe, on remplit l’entonnoir d'une masse liquide à injection (1) et l’on ferme le robinet R’. Alors, on change la position du robinet à trois voies R, de façon à mettre en com- munication l’entonnoir et les cavités aériennes de l'oiseau dans lesquelles la masse à ice s'écoule rapidement. Cette opération ne demande qu'un temps fort court, mais elle exige une certaine attention, car le liquide pénètre sous une pression relativement forte et il est bon de graduer son arrivée de façon à ne provoquer aucune lésion des mem- branes. Quoi qu'il en soit, en laissant arriver lentement la masse, celle-ci pénétrant entre des organes placés dans le vide moule parfaitement les cavités interorganiques qui sont les réservoirs aériens et leurs diverticules. Enfin elle colore les prolongements aérifères intra-osseux, ainsi que les diverticules médullaires ou verlébraux. Bien plus, par ce moyen on peut suivre, en en colorant les cavités, la péné- tralion de l’air jusque dans le parenchyme des os plats comme les os des îles.
. Comme les ventricules cérébraux, les sacs aériens ne se peuvent décrire que par leurs parois. Leurs formes, dans l’état de vie de l’animal, sont du reste variables, soumises à de nombreuses influences et les moulages sur le cadavre sont impuissants à les rendre exactement.
L'insufflalion de ces sacs rend, à la vérité, plus frap- pants, par l’exagéralion qu'elle leur communique, les détails diverticulaires, mais elle détruit absolument les rapports et fausse évidemment les descriptions; sans compler qu’elle est totalement impuissante à permettre de suivre le trajet de ces diverticules et leurs prolongements « péri ou intra-osseux ».
: (1) Solution de gélatine:très étendue, colorée au bleu d’outremer.
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Les moulages, au contraire, permettent, sinon de se faire une idée rigoureusement exacte des réservoirs aérifères sur le vivant, du moins, de connaître suffisamment leurs rela- tions entre eux et avec les organes voisins. Au moment où la masse à injection les remplit, ils se trouvent limités dans leur évolution par les appareils qui les entourent et dont les dé- placements sont eux-mêmes limités par les téguments. — Toutefois, comme la masse pénètre à l’intérieur de ces ré- servoirs à une haute pression, ils se dilatent évidemment plus dans ces conditions qu’en l'état de vie.
Le moulage oblenu représente donc l'appareil rempli au maximum sans que cependant ses rapports soient sensible- ment modifiés, leur membrane d'enveloppe ne pouvant acquérir, comme par l'insufflation, une surface que son extensibililé lui permet, mais qui ne saurait êlre en rapport avec les limites qui lui sont accordées à l’intérieur de l'être vivant. Ainsi, en disséquant avec soin les couches musculo- cutanées, nous pouvons avoir une bonne idée de la forme extérieure des réservoirs aérifères, puis, en enlevant la masse qui moule un sac, nous pouvons parfaitement décrire les pa- rois de ce sac et les organes avec lesquels il est en rapport.
J'ajouterai aussi que, chaque fois qu'il m'a été loisible de le faire, j'ai employé l’insufflation comme méthode compa- ralive, afin de mieux voir les détails diverticulaires.
La facilité que j'en retirais pour l'étude d'anatomie des- criptive n’est pas le seul avantage que m'ait procuré ce pro- cédé par moulages. Sans figurer exactement la nature, tous les sacs d’un même individu étaient évidemment injectés à la même pression el conséquemment leurs volumes étaient com- parables. C'est ainsi que j'ai pu établir les rapports des volu- mes des différents sacs aériens d'un même animal. Pour cela je pesais l'oiseau avant de l’introduire sous la cloche à vide et je le pesais rempli de masse à injection. La différence des poids me permettait d'élablir, par un calcul très simple de densités, le volume occupé par la masse injectée, sans ténir comple, du reste, du poids de la petite quantité d’air
20 GEORGES ROCHÉ.
résidual contenu dans l’appareil respiratoire lors de la pre-
mière pesée. | J'avais donc ainsi le volume aérien intracavitaire total. En enlevant avec soin la masse contenue dans le sac abdominal, ou les sacs abdominaux, J'établissais, toujours
par le même moyen, la capacité des vésicules abdominales,
et ainsi de suite pour les autres réservoirs et diverticules;
enfin, en additionnant tous ces résultats et en retranchant
leur total du volume général, j'avais le volume occupé par l'air intra-osseux. Un autre problème se posait aussi à l'esprit.
- Quelle pouvait être exactement la zone d’aération de cha- que réservoir ?
_ Bien qu'on l'eüt délimitée d’une façon assez nette, je croyais, cependant, qu’elle pouvait être sujette à quelques variations, sans compter qu'au cas même où mes prévisions ne se fussent pas réalisées, 1l était intéressant de confirmer les résultats acquis, et de les confirmer d’une facon absolu- ment indiscutable.
J'ai donc eu recours à la méthode suivante. Ayant in-
jecté complètement un individu, je me créais ainsi un «type » auquel je pouvais comparer les pièces préparées ensuite. Puis
je détruisais les sacs abdominaux d’un deuxième individu et
en bouchais les ouvertures bronchiques, alors seulement je l'injectais. La pure et simple comparaison de cet oiseau avec le premier me montrait quelles élaient les parties du corps ou du squelette où n’avail pas pénétré l'injection, et par conséquent quelle était la zône d'aération des sacs abdomi- naux.
En détruisant, maintenant, les sacs abdominaux et dia- phragmatiques postérieurs d’un troisième individu, j'obte- nais, par comparaison avec la pièce précédente, lazone d’aé- ration des vésicules diaphragmatiques postérieures, etc.
Je ne saurais insister plus longuement sur le détail de ces opérations, dont on comprend facilement toute l’impor- tance étant donné que, jusqu'ici, aucune méthode plus ri-
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goureuse n'a pu permeltre d'étudier aussi soigneusement l'anatomie de ce groupe d'organes.
Enfin, pour les investigations anatomiques, j'ai cru bon, dans beaucoup de cas, de recourir à la méthode des coupes totales de l'individu injecté.
Dans ce but, je plaçais pendant quelques heures les oïi- seaux dans un mélange réfrigérant, de glace et de sel ma- rin, et lorsque la pièce devenait d’une consistance com- parable à celle du bois, je la sciais transversalement de façon à voir nettement soit les communications osseuses, soit les évaginalions diverticulaires dans leurs rapports avec les muscles ou le squelette.
Tels sont les moyens que j'ai mis en usage dans les re- cherches auxquelles je me suis livré et que je vais exposer.
ANATOMIE DESCRIPTIVE DES RÉSERVOIRS AÉRIENS.
Les descriptions qui ont été données, jusqu'ici, de l’appa- reil aérifère, tant par Sappey que par Campana et quelques autres anatomistes, n’ont pris pour base que le Cygne ou le Poulet.
Elles ne sauraient donc bénéficier d’un caractère quel- conque de généralité, et c’est pourquoi je crois bon de re- faire l’exposé méthodique de l'anatomie descriptive de cet appareil.
Sans viser, en quoi que ce soit, à la précision minutieuse - des détails comme l’a fait Campana — ayant au fond, comme but, de faire comprendre plus clairement l'anatomie com- paralive de l’appareil aérien — j'aurais, cependant, l’oc- casion de signaler quelques faits nouveaux ou peu connus el surtout de montrer combien les auteurs ont eu tort de généraliser leurs observations.
RAPPORTS GÉNÉRAUX AVEC LES DIAPHRAGMES.
Tout d'abord, et pour donner une idée générale de l’appa- reil aérifère, il nous faut considérer les réservoirs aériens dans leurs rapports avec les diaphragmes que M. Sappey
22 GEORGES ROCHÉ.
a décrits d’une façon très précise en même {emps que très claire. |
Ces diaphragmes forment deux plans dont l’origine est commune mais qui s’isolent bientôt. L'un va suivre la face inférieure du poumon et se porter de gauche à droite vers les angles antérieurs du sternum et vers les premières côtes sur lesquels il s’insère par des languettes musculaires ; l’au- tre se porte, obliquement, en bas, du rachis au slernum, divisant le tronc en thorax et abdomen.
Au demeurant, ces diaphragmes, s’insérant, à leur base commune, aux apophyses épineuses inférieures des ver- tèbres dorsales et décrivant une arcade, qui va s’insérant du rachis aux os du bassin, délimitent par l’un une cavité pulmonaire, l’autre formant une cloison thoraco-abdominale analogue au diaphragme des Mammifères. Le premier, mus- culaire à ses allaches, devient bientôt une large aponé- vrose triangulaire, adhérente au poumon par une petite cou- che de tissu lacuneux. Il est percé d'ouvertures qui donnent, à l’air bronchique, l'accès des sacs ‘aérifères. Le second, formé par deux piliers, s’insère au rachis par des fibres aponévrotiques auxquelles succèdent, en rayonnant, des fibres musculaires. Il s’insère aux os du bassin et au sternum, formant un plan convexe en avant et concave en arrière.
La cavité du tronc d’un oiseau se trouve donc divisée en trois cavités secondaires : l’une contenant les seuls pou- mons; la deuxième contenant le cœur, l’œsophage, les gros vaisseaux et des vésicules extra-pulmonaires; la dernière, formant l'abdomen, contenant les parties moyenne et posté- rieure du tube digestif et des vésicules aérifères.
Au seul point de vue de l'appareil aérifère, la cavité pul- monaire communique avec les deux autres qui sont distinctes entre elles.
Nous sommes ainsi amenés à diviser les sacs aériens en deux groupes : les sacs interdiaphragmatiques et les sacs posthaphragmatiques.
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Ceux-ci sont représentés par deux vésicules seulement,
mais leur volume égale, dans beaucoup de cas, comme nous le verrons plus tard, celui de tous les autres réunis. On les appelle : sacs abdominaux. Quant aux sacs interdia- phragmatiques on en dénombre sept qui ont été appelés par M. le professeur Sappey, en allant d’avant en arrière : cervicaux, thoracique, impair et reliant les deux poumons, haphragmatiques (antérieurs et postérieurs).
Ces derniers m'ont paru avoir reçu une dénomination capable d'induire en erreur, leurs rapports avec les dia- phragmes, sauf pour les réservoirs postérieurs, n'étant pas, en somme, beaucoup plus intimes que ceux de leurs congé- nères. Cependant, ne voulant pas créer de termes nouveaux, qui ne feraient qu'obscurcir l'exposé de notre sujet, nous continuerons à leur conserver leurs dénominations, nous con- tentant d’en signaler le peu de valeur. Toutefois, à l’exem- ple de H. Milne-Edwards, nous donnerons au sac thoracique le nom de claviculaire (1). 1
En résumé, à la classification des réservoirs aériens en : antérieurs, moyens et postérieurs qui répondait à une doc- trine physiologique qui n’est peut-être pas complètement exacte, comme nous le verrons plus tard, je substitue la division de ces poches en deux groupes : interdiaphragma- tiques et postdaphragmatiques, qui me paraît mieux ré- pondre aux données de l'anatomie.
De plus, je ferai remarquer que le poumon, His dif- férent, dans sa position et ses rapports, de celui des Mam- mifères, est dépourvu de plèvre, que ses mouvements sont très limités et que le jeu de pompe de l'appareil respiratoire est, ici, nécessairement dévolu aux vésicules qui séparent ces poumons des parties mobiles du thorax.
Voies par où passe l’air pour pénétrer dans les réservoirs aérifères.
Bien qu'il n'entre pas dans le cadre de ce travail d'étudier
(4) H. Milne-Edwards, Lecons d'anat. et de physiol. compar., t. I, p. 352.
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l'appareil pulmonaire proprement dit, non plus qué ses divi- sions bronchiques, je veux — el seulement pour lexposi- tion complète du sujet — schématiser l’ensemble des voies par lesquelles doit passer l'air pour venir remplir les poches qui nous occupent.
La irachée, après s’être divisée en deux grosses bronches, pénètre dans chacun des poumons vers son tiers antérieur.
Alors, la bronche semble se renfler, puis, fournissant des ramuscules, diminue de volume et se divise en deux canaux : l’interne va continuer le trajet du tronc principal et venir se terminer à la partie postérieure du poumon dans le ré- servoir abdominal, l'externe va se porter un peu en dehors et en avant, et s'ouvrir sur le bord externe de l'organe dans le réservoir daphragmatique postérieur.
Du renflement bronchique dont nous parlions, 1l n’y à qu'un instant, partent onze canaux, quatre de la paroi in- terne, sept de la paroi externe, nommés respectivement : bronches diaphragmatiques et bronches costales. Celles-ci vont se ramifier suivant un mode dans le détail duquel nous ne saurions entrer et constitueront une partie de la charpente aérifère de l'organe de l’hématosé.
Toutefois, deux des bronches diaphragmatiques ne lais- sent pas que de présenter pour nous un certain intérêt. La plus antérieure, aussi volumineuse, à sa naissance, que le tronc dont elle émane, se divise bientôt en trois branches dont l’une, se portant directement en avant, après avoir donné quelques ramifications penniformes, s'ouvre dans le réservoir cervical.
La troisième bronche diaphragmatique, en allant d'avant en arrière, a été appelée aussi grande bronche diaphragma- tique postérieure. Son volume est considérable. Après avoir donné de nombreuses divisions, elle s’ouvre dans le réser- voir daphragmatique antérieur par un orifice circulaire, non loin de sa naissance, tandis qu’un canal, émanant d'elle à sa parlie interne, et très près de son origine également, vient s'ouvrir dans le sac caviculaire.
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Ainsi se trouve constitué l'appareil qui permet à l’air de pénétrer dans les réservoirs extra-pulmonaires.
Orifices bronchiques des sacs aériens. — Chaque poumon, s'étendant du sommet de la poitrine à la région sacrée, pré- sente donc cinq ouvertures, elliptiques et béantes, dans la membrane translucide qui le recouvre et qu’on appelle « dia- phragme pulmonaire ». Bien que ce nombre cinq ne soit pas absolument constant et puisse être dépassé, un réser- voir ayant quelquefois deux ouvertures pulmonaires, nous exciperons de sa grande généralité pour la commodité de la description.
Nous dirons donc que chacune de ces ouvertures s'ouvre dans un réservoir spécial bien distinct de ses voisins, c’est- à-dire ne communiquant pas avec eux autrement que par l'intermédiaire des voies pulmonaires. La première, en allant d'avant en arrière, est située près de la ligne médiane tout à fait à la partie antérieure de l'organe ou vers le sixième de sa longueur, adhérente aux muscles cervicaux. C'est l’orifice pneumatique cervical. La deuxième, située près du bord externe du poumon, à peu près vers le tiers de son diamètre longitudinal, est placée un peu en dehors de l’entrée de la bronche dans le poumon. C’est l'ouverture qui donne à l’air l'accès du réservoir claviculaire. Un peu en dedans de la bronche et sur une ligne postérieure au trou précédent s’en trouve un troisième, béant dans le réservoir diaphragmatique antérieur. Un quatrième orifice plus grand que les premiers se trouve sur le bord externe de l'organe, vers son tiers postérieur et s'ouvre dans le sac diaphragma- lique postérieur. Enfin, sous l’arcade formée par le dia- phragme pulmonaire se trouve un dernier et très large orifice qui s'ouvre dans le sac abdominal.
Rapports généraux des sacs aériens entre eux. — Avec les poumons pour base commune, les réservoirs aériens sem- blent rayonner autour de cette base, appliquant leur mem- brane contre la membrane du sac voisin, autant que le per- mettent leurs rapports avec les autres organes.
26. ___ : : GEORGES ROCHE. a à -
Partant du sommet des poumons et embrassant la base du cou, sur sa face antérieure, on voit se développer les « sacs cervicaux », en avant d'eux, les recouvrant en parlie et formant des circonvolutions externes dans la fourche coracoïdienne se trouve le sac impair à deux ouvertures bronchiques latérales : « sac claviculaire ». En arrière de celui-ei et de chaque côté, car le cœur et ses gros vaisseaux les séparent, se développent les « sacs diaphragmatiques an- térieurs » adhérents à la membrane de l’interclaviculaire en plusieurs points et séparés de lui par les troncs veineux ou artériels de la base du cœur, en d’autres points. Appliqués face à face contre eux et s'étendant jusqu'au diaphragme thoraco-abdominal nous trouvons les « sacs diaphragma- tiques postérieurs » s'écartant, en avant, pour laisser la place du cœur, maïs se rejoignant sur la ligne médiane en arrière.
Tous ces réservoirs sont interdiaphragmaliques et recou- vrent complètement la face inférieure des poumons avec la- quelle leurs bases sont intimement en rapport et qu’elles semblent carreler, en quelque sorte.
Mais, en arrière du diaphragme thoraco-abdominal, pa- raissant sortir des poumons comme deux grosses bulles de savon d’un chalumeau, se développent les « sacs abdomi- naux » qui semblent plonger sur les réservoirs diaphragma- tiques postérieurs et accolent leurs membranes internes sur la ligne médiane, en affectant des rapports variables avec l'appareil digestif. Plus ou moins volumineux, plus ou moins irréguliers de forme, ils varient donc fréquemment de rap- ports avec les organes splanchniques.
Dès lors, connaissant bien la topographie générale de l'appareil aérifère, nous allons étudier d’une façon détaillée chacune de ses parties.
RAPPORTS DES SACS AÉRIENS AVEC LES ORGANES SPLANCHNIQUES OU MOTEURS.
Partant du sommet des poumons et embrassant la base
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 27
du cou, au devant de la colonne vertébrale, comme je le di- sais plus haut, se trouvent les sacs cernicaur.
Réservoirs cervicaux. — Ts sont séparés du sac clavicu- laire, qui les dissimule de prime abord, par l’œsophage.
Nous allons les étudier dans la Cresserelle (Falco tinnun- culus).
Ces réservoirs forment deux cavités distinctes, à parois propres, mais enveloppées dans une membrane commune dont on les peut dégager. Une cloison médiane sépare nel- tement ces deux sacs en laissant passer dans son épaisseur les deux artères carotides primitives. Ils se trouvent ainsi en rapport : en haut, avec les muscles prévertébraux; en bas, avec le sac claviculaire dont les séparent l’œsophage, la trachée, les veines jugulaires ; en dehors, avec le sommet des poumons et le plexus brachial (1).
En eux-mêmes, ces réservoirs n’occupent qu'un fort petit volume relativement à leurs congénères, mais ils présentent de nombreux diverticules et jouent dans la pneumalisalion du squelette un rôle considérable.
Diverticules de ces sacs. — Ils envoient, en effet, en avant et en arrière, et suivant l’artère vertébrale, de minces con- duits qui donnant à leur tour des canaux secondaires dans les espaces intervertébraux viennent gonfler de chaque côté de la ligne médiane et sous les muscles longs postérieurs du cou de pelits saccules au niveau de sept dernières vertèbres cervicales (2). Ces canaux 2ntra-transversaires donnent éga- lement de courts ramuscules qui s'ouvrent dans le corps des vertèbres dont ils aèrent le parenchyme osseux; de plus, au niveau des trous de conjugaison on voit se détacher de ces mêmes canaux de courts diverticules qui viennent former dans la cavité vertébrale un canal longitudinal superposé à la moelle (3). Aussi bien, je dois ajouter que jamais je n'ai vu de prolongation de ce canal dans la cavilé encéphalique.
(t} Planche L,4% 3, CY. (2) Planche II, fig. 4, DC. (3) Planche I, fig. 3, cm.
28 GEORGES ROCHÉ.
A la face inférieure du cou, un autre prolongement des réservoirs cervicaux, provenant de la jonction de deux di- verlicules des conduits latéraux, s'étend sous lés muscles de cette face inférieure jusque vers la troisième ou la deuxième vertèbre cervicale où il se termine en cul-de- sac (1). ,
Les vertèbres de la région dorsale sont également aérées par les réservoirs cervicaux. Tout d’abord le canal médul- laire médian se prolonge souvent en arrière jusqu'à l’ex- itrémité de la moelle { Buse, Cresserelle), mais il arrive que ce canal se termine au niveau de la première vertèbre dorsale dans le parenchyme osseux de laquelle il se perd (Chouette effraie). Cependant, le réservoir cervical envoie aussi un prolongement aérifère à cette première vertèbre dorsale. L'air, ainsi amené en cet organe, en sorl, passe dans un saccule intervertébral, situé sous les muscles dorsaux et qui s’abouche avec le corps de la deuxième dorsale. La chôse se répète pour les autres vertèbres de celte région.
Aïînsi, les réservoirs cervicaux pneumatisent les vertèbres cervicales et dorsales, mais ils pneumatisent aussi les côtes dor- sales par de courts ramuscules intervertébraux venant former une sorte de coussinet autour de l'articulation costale.
Réservoir claniculaire. — De tous les réservoirs le C/an- culaire est incontestablement celui dont il est le plus diffi- cile de donner une idée exacte (2).
Il semble dériver de deux diverticules bronchiques éma- nés de chaque poumon qui se seraient accolés d’abord l’un à l’autre et dont la cloison se serait ensuite résorbée. De plus, comme ce réservoir est traversé par l’œsophage, la trachée, nombre de gros vaisseaux el que sur tous ces organes la membrane sacculaire s’est repliée en leur for- mant une gaine, il en résulte que sa cavilé est très irréguliè- rement divisée.
Quoi qu'il en soit, on peut considérer à ce sac deux ré-
(1) Planche I, fig. 4, Co, nt. (2) Planche I, fig. 3 et 4, C.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 29
gions : l'une intrathoracique, l’autre exlrathoracique, com- muniquant entre elles.
C'est encore la Cresserelle que je vais prendre pour type dans celte étude.
Placé au sommet de la poitrine, limité en avant par une membrane tendue entre les deux branches de l'os furcu- laire, et souvent recouverte par un muscle (ÆRapaces), le sac claviculaire de forme tourmentée, irrégulière, envoie au niveau de l'articulation de l'épaule un certain nombre de diverticules qui en constituent la parlie extraltho- racique.
La partie thoracique du réservoir s'étend donc de la mem- brane limitante, tendue entre les deux branches de l'os furculaire jusqu'à la base du cœur et les gros vaisseaux qui en partent. Sur les côtés, elle est limitée par les clavicules, les premières côtes, le bord antérieur de l’omoplate, les apophyses transverses des vertèbres cervicales. En haut, elle est séparée des réservoirs cervicaux par l’œsophage, la trachée, les veines jugulaires, qui la traversent, enfin dans sa cavité on voit librement le larynx inférieur et ses muscles.
Diverticules du sac claviculaire. — De plus, de chaque côté du cœur dans l'espèce de trièdre déterminé par cet organe, le poumon et les deux premières côtes, cette poche cla- viculaire envoie une longue pointe, sorte de coin venant s'appliquer sur la face correspondante du sac diaphragma- tique antérieur et se prolongeant sur le bord du sternum jusqu'au niveau de l'articulation de la dernière côte sternale. Sur son trajet ce diverticule pneumatise les côtes sternales, el les parties lalérales du sternum lui-même. Appelons-le diverticule costal.
Diverticule précardiaque. — Ce n’est pas tout encore, car chez beaucoup d'oiseaux, la poche claviculaire envoie en avant du cœur — et quelquefois jusqu'à l'extrémité postérieure du sternum (Dentirostres), — un long diverticulum s'intercalant entre cet os, le cœur et les réservoirs diaphragmatiques et
30 GEORGES ROCHÉ.
prenant son origine claviculaire par des trous ménagés enire les artères sous-clavière et le cœur (1).
Ce civerticule perse le bréchet par deux trous médians chez l'animal que j'ai pris pour type.
Cellula cordis posterior. — En arrière du cœur et se pro- longeant, très postérieurement, entre les réservoirs dia- phragmatiques se trouve un autre diverticule claviculaire (2).
Voyons maintenant comment se trouve constituée la por- tion extrathoracique de ce réservoir. 6
Diverticule sous-pectoral. — Émanant de celui-ci par un trou situé entre le tendon du grand pectoral, la clavicule et le tendon interne du coraco-brachial, on voit se développer sous le musele « grand pectoral » un volumineux divercule (3). Celui-ci envoie sur les côtés du thorax par un orifice mé-
nagé entre l'artère sous-clavière et le muscle sous-clavier,
une large évaginalion; séparé de celle-ci par les artères sous- clavières et émanant aussi de la poche sous-pectorale, par un trou situé entre le coraco-brachial, l’humérus et l’artère thoracique, se voit un aulre diverticule qui se porte vers la têle de l’humérus qu'il pneumatise. |
Dans les parois de tous ces saccules, qui sont assez volu- mineux, comme on pourra s’en assurer plus tard, viennent se perdre de petits filets tendineux des muscles moleurs de l’aile.
Diverticule du gr sh rar — De notre sac claviculaire, encore, par un trou situé entre l'artère sous-clavière, Le tri-
ceps el le trapèze, se développe un autre saccule, s’étalant
sous le muscle grand dorsal et pneumalisant la clavicule, qui se prolonge entre les muscles biceps et triceps Jusque vers la moitié de l'humérus.
Diverticule du trapèze. — Séparé de ce saccule, à sa partie antérieure, par le trapèze et s’étalant sous ce muscle, s’é- tendant jusqu à l'extrémité postérieure des sacs cer vicaux et
(1) Cellula cordis posterior d'Owen. (2) Planche IV, Me AMeNS SD. PF: .+(3) Planche II, fig. 1, 2, 3.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 31
bordant ie prolongement sous-omoplatique du sac clavicu- laire, on voit encore sorlir de ce réservoir un diverticule par un orifice situé entre l'artère sous-clavière, le coraco-bra- chial et le muscle sous-épineux.
Diverticule sous-omoplatique. — Enfin de celui-ci part un prolongement qui va se porter, en arrière, sous l'omoplale, accolant sa face interne à la face postérieure et externe du sac cervical correspondant et recouvert par le muscle grand dorsal antérieur.
Bien que ce dispositif compliqué ne soit pas constant dans la série ornithologique et que même, dans la plupart des cas, l’appareil soit beaucoup plus simple, je liens à faire remarquer que chez cet animal doué, à un si haut point, de la puissance du vol, les différentes couches musculaires sont séparées, plan par plan, par des coussinets aériens.
Dans l'examen que je ferai plus tard, de la pneumatisation sous-cutanée, j'aurai l'occasion de parler du rôle que joue le sac claviculaire dans cette pneumatisation même ; mais si je laisse, à dessein, de côté, cette particularité, je crois bon, dès maintenant, de montrer combien diffère la description précédente de celles qui ont été relevées sur d’autres ani- maux tant par les auteurs que par moi-même, el je prendrai pour exemple le Canard tadorne (Anas tadorna).
Je signalerai d'abord, ici, l'absence du saccule précar- diaque que nous avons trouvé dans la Cresserelle, puis, nous verrons que les diverticules axillaires sont moins nombreux et moins développés que dans notre précédent exemple.
: Au nombre de trois, seulement, de chaque côté, ceux-ci ont été appelés sous-pectoral, sous-scapulaire et huméral.
Ces deux derniers, ont une origine commune, sortant du réservoir elaviculaire par un orifice ménagé en arrière du muscle petit abducteur de l’humérus. Le saccule sous- scapulaire s’élale alors sous l’omoplate, se développant dans le sens longitudinal et longeant la face postéro-externe des sacs cervicaux, tandis que le prolongement huméral s'avance dans l’angle du bras et du thorax, se mettant en rapport avec
32 GEORGES ROCHE.
la tête de l’humérus qu'il pneumatise. Quant au diverticule sous-pectoral, volumineux relativement aux précédents, il tire son origine du sac claviculaire par un trou ménagé sous la clavicule, puis il passe entre les parties directe et réfléchie du tendon du muscle grand pectoral et s'étale sous celui-ci (1). |
Il n'y à donc pas ici de prolongements aériens sous les muscles releveurs de l’aile. D’une façon générale l’ap- pareil diverticulaire du sac claviculaire est beaucoup plus simple que celui de la Cresserelle. Or, ce dispositif que je viens de décrire dans le « Canard tadorne » se retrouve chez un grand nombre d'oiseaux, chez de bons volateurs même, et J'ai choisi à dessein l'exemple d’un oiseau mi- grateur. Cependant je dois dire que le volume de ces prolon- gements axillaires est notablement plus considérable chez les individus qui volent longtemps que chez ceux qui volent peu ou mal.
Le saccule sous-pectoral, tout particulièrement, m'a paru varier suivant la puissance du muscle qui le recouvre.
Réservoirs diaphragmatiques. — Dans le Cresserelle, le fait qui nous frappe le plus dans l'examen des réservoirs dia- phragmatiques est l'inégalité de volume des poches anté- rieures et postérieures. Celles-ci, beaucoup plus petites que celles-là, s’avancent dans l’abdomen, en arrière de la der- nière côte. De chaque eôté, les sacs diaphragmaliques sont séparés par une cloison oblique, telle que les vésicules anté- rieures recouvrent la face ventrale des postérieures. Cepen- dant, comme ce dispositif n’est pas, à beaucoup près, le plus commun, je prendrai comme type, dans l’étude de ces poches, la Caille (Coturnix dactylisonans Meyer).
Ici, ces sacs, au nombre de deux de chaque côté, sont sé- parés par une cloison normale au plafond pulmonaire.
Sacs antérieurs. — Les réservoirs antérieurs se trouvent ainsi délimités, étant en rapport avec : les poumons, en
M) Planche IF, fis.13.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 33
haut; la première côte, et l'artère pulmonaire, de chaque côté, en avant ; les côtes, en bas; le foie, en dehors, ainsi que le cœur et le diverlicule précardiaque du sac clavicu- laire ; enfin, les réservoirs postérieurs, en arrière.
Sacs postérieurs. — Quant à ceux-ci, sous-costaux dans la plus grande partie de leur volume, ils sont compris entre les poumons, le foie, les côtes, avec, pour limites postérieure et antérieure, le diaphragme thoraco-abdominal et les sacs antérieurs. [ls se réunissent, du reste, sur la ligne mé- diane et inférieure du sternum. Enfin, ils se prolongent dans l'abdomen, en arrière de la dernière côte et tout spéciale- ment du côté gauche. Alors le réservoir diaphragmatique postérieur recouvre la face externe du sac abdominal corres- pondant dont iln’est séparé que par le diaphragme thoraco- abdominal.
Les rapports des sacs diaphragmaliques entre eux sont
_très variables. Dans la plupart des cas cependant, ils sont
séparés par une cloison normale au plafond pulmonaire, mais dans le Pygarque commun, le sac antérieur chevauche le postérieur, chezla Barge, le premier de ces réservoirs, se portant en arrière et en dehors, force le second à se re- porter en dedans et à reculer vers l’abdomen, enfin, comme nous le verrons plus tard, les réservoirs diaphragmaliques antérieurs peuvent manquer totalement.
Chambre cardiaque. — Si, maintenant, adaptant les diffé- rentes pièces que je viens de décrire, nous reconstituons, dans l’espace, la figure qu’affecte leur ensemble, nous ver- rons que le cœur, enfermé dans son péricarde, 0% ne pénètre cependant pas l'air, est contenu dans une cavité à parois aérifères.
Cette chambre pyramidale aura pour sommet le point de jonction sternal des sacs diaphragmatiques postérieurs, la base en sera le sac claviculaire, la face inférieure, le diver- tieule précardiaque ; les faces latérales, les quatre sacs dia- phragmatiques.
Le cœur est donc isolé de tous les autres organes, dans ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 3. — ART. N° A.
celte cavité, encore que celle-ci soil fort variable de forme, suivant la variabilité même des réservoirs qui la délimitent. C'est à peu près telle que nousla venons de décrire qu’elle se présente chez la Caille, mais chez les Palmipèdes, par exem- ple, où n'existe généralement pas de verticule précardiaque, elle ne saurait avoir de paroi aérifère inférieure.
Chez beaucoup de Passereaux dentirostres aussi, le cœur bat tout entier dans le sac claviculaire et son diverlicule pré- cardiaque. Néanmoins, la description que j'en ai donnée de- meure très générale, et 1l est intéressant de noter cette situa- tion du cœur dans une cavité à parois pneumatiques. |
Réservoirs abdominaux. — Chez la Cresserelle, les sacs ab- dominaux, se développant de chaque côté de la masse intes- tinale, finissent par se rejoindre sur la ligne médiane ven- trale, enveloppant ainsi complètement la partie postérieure du tube digestif, mais isolant le gésier el le foie qu'ils re- poussent contre les parois somatiques de l'abdomen. |
Ces viscères se trouvent ainsi compris entre les réservoirs abdominaux, et le diaphragme thoraco-abdominal, c’est-à- dire les réservoirs diaphragmatiques postérieurs.
Mais cette situation préintestinale des sacs postdiaphrag- matiques, encore qu'assez fréquente, n'est point constante, tant s’en faul. Or, comme c’est celle qui a toujours été dé- décrite jusqu'ici, je préfère m'adresser à un autre type et ce sera la Cigogne blanche (Ciconia alba), qui va me servir d'exemple.
Quand on a soin d’enlever les couches musculaires de l'abdomen sans toucher au péritoine, si l’on vient à insuffler d'air l'appareil pulmonaire de l’animal on voit que, dans la cavité péritonéale, quelques anses intestinales sont soulevées par deux vésicules que l’on voit se gonfler de chaque côté. Ces vésicules sont les sacs abdominaux. |
Si, maintenant, fendant le péritoine dans le sens de sa longueur, on met à nu les organes sous-jacents, on voit que ces vésicules forment de chaque côté deux larges poches bossuées, pourvues de demi-cloisons internes, laissant
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 19
comme des sortes de boutonnières qui donnent à l'air le libre accès des différents compartiments.
La partie antérieure du tube intestinal vient s'intercaler dans le prisme irrégulier formé par l'écartement du péri- toine et des sacs abdominaux sur la face inférieure de l’ab- domen, puis il descend à gauche, en déprimant le réservoir correspondant. Il se pelotonne, ensuite, à la face inférieure des vésicules pour venir enfin passer entre elles et se ter- miner au cloaque.
La membrane de ces sacs s’insère, à l’origine, autour de l'orifice bronchique situé au-dessus et en dehors de la face supérieure du foie; puis, en haut, elle suit le bord mousse du petit bassin en dehors, tandis qu’elle s’insère au bord externe du canal déférent en dedans.
Elle répond à la face inférieure du rein, aux différentes circonvolutions intestinales, mais à la face inférieure elle se replie sur le gésier auquel elle forme une sorte de demi- gaine. Ce gésier déprimant fortement le sac gauche, celui-ci est plus petit que le réservoir droit. Nous savons déjà que ceci est compensé par le plus grand développement du sac diaphragmatique postérieur correspondant. Enfin le foie, contenu dans une gaine biloculaire, recouvre aussi la partie antérieure de la face inférieure de ces vésicules.
Diverticules surrénaux.— Ces réservoirs abdominaux pous- sent au niveau des vertèbres sacrés un prolongement qui remonte au-dessus des reins, entre la face supérieure de ceux-ci, la surface osseuse de la cavité du bassin et les ver- tèbres lombaires. Ces diverticules sont très visibles et en- voient des petits prolongements pneumatisant les vertèbres lombaires et les os des îles.
Dans le Canard milouin (Anas fuliqula) on en voit très nettement parlir deux autres diverticules qui, sortant par les orifices osseux des vaisseaux cruraux, s’étalent en avant et en arrière de l’arliculation de la cuisse sous les muscles moteurs de celle-ci.
Ils sont inégaux, du reste, le postérieur étant plus grand
36 GEORGES ROCHE.
que l’antérieur. Ce dernier vient s'appliquer un peu au-des- sous du grand trochanter et, là, un trou donne à l’air l’accès de la cavité fémorale.
J'ai cru bon, dans cette étude, de prendre, pour l’exa- men de chaque sac, un type qui pût représenter, sinon le cas le plus général, du moins celui où les rapports avec les or- ganes sont les plus nets.
De plus, les descriptions qui ont été données de l'appareil aérifère ont été trop absolues. On s'est, certainement, beau- coup irop hâté de généraliser des descriptions d’organes très variables.
Cependant, je rappellerai que plus haut j'ai eu l’occasion de décrire /e diverticule précardiaque du sac claviculaire et de déterminer les prolongements costaux du même sac, pro- longements autrefois signalés par Owen et PERE esquissés par Campana dans le poulet.
Dans la suite de cette étude j'ai pu montrer aussi que les sacs diaphragmatiques étaient assez différents, chez les oi- seaux que j'ai pris pour type, de ceux autrefois délimités dans le Canard, par exemple. |
C'est ainsi que les sacs diaphragmatiques Di en dé- bordent fortement les dernières côtes en s’avançant dans la cavité abdominale, et pour n'être pas le premier à signaler ce fait, déjà constaté par Natalis Guillot, je crois avoir apporté l’appoint d’une observation rigoureuse et d’une description précise à l'étude de ces organes.
De même, j'ai eu l’occasion d'établir que la position des sacs abdominaux n'était pas constamment préinteslinale, mais souvent latéro-postérieure par rapport au tube digestif, comme le prouvent le type de la Cigogne et les nombreux animaux que nous rencontrerons dans l'étude de l'anatomie comparée de ces organes aérifères.
Enfin, au point de vue de la pneumatisation osseuse, J'ai pu élablir, rigoureusement, la ie d'aération sgueletfique de chaque sac.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 37
Pneumatisation -squelettique. — Dans la Buse commune (Buteo communis, L.,) et sans tenir compte de l’aération d’un certain nombre d'os de la tête étudiée par Mile Fanny Bignon (1), j'ai relevé la sphère d'aération osseuse de chaque sac et je la résumerai dans le tableau suivant :
Vertéhres certes... !. 4. ln suc sa | — 5 1: 2. SR Se dit er tale dorsale Rue. Le à M7 Fa 1
Réservoirs cervicaux.
Emule Le ES CM TA SI OR Fi nn SCORE ARMES RES ERRERe
ÉÉmicentietines RU kr lee Le Who >
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DR NOR: DCS ENTER EUR TI UE
Vertèbres lombaires et sacrées............. Réservoirs abdominaux. Fémur
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Bien que sujette à de nombreuses variations, cette sphère d'aération squelettique peut, je le crois, être établie de cette manière fondamentale, déterminée comme j'ai eu l’occasion de le dire dans l’exposé de la technique employée.
Volumes relatifs des diverticules. — De plus, je veux aussi montrer quels sont les volumes relatifs des différents diver- licules, et je prendrai comme type la Cresserelle, qui pré- sente, comme on se le rappelle, un appareil diverticulaire relativement compliqué.
L'animal, pesant 150 grammes, avait un volume aérifère
interne de 92 centimètres cubes, se répartissant de la façon suivante :
(1) Fanny Bignon, loc. cit., p. 31.
j
38 GEORGES ROCHÉ.
POUIMONS :-s 0200 à CPE EE Cle cc 0 Sacs Cer vicaire tr ARC ERRRMERRN ALAN. 3 Diverticules postcervicaux.........: ve » 0 SAC CLAVICUIAIEE PERRET UE » 4 Diverticules sous-omoplatiques....... » 1 — SOHEDECIOTAUX , : .. .:.... » 6
— sous-transversaires ...... » 5
— SOUSSLRAPDEZAIENS 1. 1e » 3
— ROME AMNRENNMENUT » 2
—. TUNIQUE APRES » 2 Divériculé précardiaque..:..2...:. » 1 — Dostcardiaque Ras... » (ÿ Sacs diaphragmatiques antérieurs .... » LES — postérieurs ... » 1
SSD TONMTAUX. 22 ROUEN 3 4 SE EAN TRE 1
PNA EC Ur ni 7
Avant de passer à l'étude des organes que je viens de décrire, dans les différentes classes et chez les divers indi- vidus de la série ornithologique, je veux m'arrêter quelques instants sur la doctrine professée par Cuvier au sujet des réservoirs aériens des oiseaux.
Théorie de Cuvier. — Cuvier les distinguait en ce/lules vides et en cellules pleines : celles-ci étant occupées par des organes, celles-là ne contenant que de l'air. Il en arrivait, en fin de compte, à considérer l’appareil aérifère de l'Oi- seau comme pénétrant dans toutes les parties du corps.
Se basant sur les rapports des vésicules aérifères avec le poumon, ce qui était logique, du reste, les auteurs (et sur- tout M. Sappey) qui se sont occupés de cette question ont beaucoup simplifié la doctrine du maître et détruit en partie ses conclusions.
Mais, quelle que soit l'autorité des savants qui ont déjà envi- sagé celte question, ilnous a semblé que nous devions recher- cher quelles avaient pu être les causes qui avaient amené le grand anatomiste à émettre une opinion qu'ont repoussée ceux qui vinrent après lui, à voir enfin quel était le bien fondé d’une description qui devait s'appuyer sur de bonnes préparations anatomiques.
A la vérité, la facon dont l’auteur envisage la question ne
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 39
laisse pas que de présenter une réelle obscurité. Tout d'abord, il dit exister de chaque côté du corps deux grandes cellules vides, divisées en loges par trois cloisons transversales incom- plètes, échancrées inférieurement pour la première et la der- nière, et supérieurement pour l'intermédiaire.
Bien certainement, Cuvier a voulu parler, là, des réser- voirs diaphragmatiques ét abdominaux, encore que les cloi- sons n’y soient en aucune façon incomplètes.
Nous croyons donc qu'il a constaté, antérieurement, l’exis- tence des sacs diaphragmatiques et, postérieurement, l’exis- tence des sacs abdominaux et des diverticules abdomino- cervicaux, dont nous reparlerons, chez l’Autruche.
Quant aux cellules pleines, c’est-à-dire contenant des vis- cères, je m'arrêlerai un moment sur la cellule du cœur.
Comme nous l’avons vu plus haut, le cœur, chez la majo- rité des individus, est complètement entouré de cellules aérifères et nous devons nous demander si, bien qu’inter- prétant mal ses résultats, Cuvier n'avait pas conslaté l'existence du diverticule précardiaque du réservoir clavi- culaire dont il n’est fait mention dans aucun auteur.
Ce cœur bat effectivement bien dans une chambre à parois preumatiques, de plus le sac claviculaire lui-même contient un certain nombre d'organes, la trachée, les bronches, le larynx inférieur, etc. Or Cuvier décrit sous le nom de cellule pleine cette vésicule précordiale.
Étant donné le manque de notions exactes professées alors sur les séreuses, nous ne croyons pas qu’en ce point, et ayant égard à l’époque, le savant anatomiste ait commis une aussi grosse faute qu'on l’a laissé entendre.
Plus tard nous verrons aussi que, chez l'Oie de Magellan, le gésier est compris entre le sac abdominal correspondant et un diverticule du sac diaphragmatique postérieur; que, dans la Cigogne magquari, le foie est enveloppé d’un di- verticule aérifère du sac claviculaire; mais nous devons dire que ces faits ne correspondent en aucune façon à ceux observés par Cuvier et que sa description de cellu-
40 GEORGES ROCHÉ.
les pleines, bien que parfois compréhensible, est fausse. Aussi bien, dans l’insufflation de l'appareil aérifère, la distension provoquée des vésicules aériennes amène une ten- sion des membranes supérieures des cellules pleines de Cuvier et donne l'illusion d’un gonflement qui leur serait propre et dénolerait l'accès de l’air à leur intérieur. Enfin, dans les vésicules abdominales de l’Autruche comme de beaucoup d’autres oiseaux, il est fréquent de trouver de fausses cloisons, contrairement à ce que dit Natalis Guillot qui n'a décrit que des vésicules distendues au maximum, ayant faussé tous leurs rapports entre elles et avec les organes voisins (1).
VARIATIONS GÉNÉRALES DE NOMBRE, DE VOLUME ET DE POSITION DES RÉSERVOIRS AÉRIENS.
Dans l’énumération que l’on faisait autrefois des sacs aériens, on en comptait un grand nombre. La raison en était que l’on élevait à ce rang quantité de diverticules ou de fausses divisions sacculaires. Puis on divisa ces organes en deux groupes : fhoraciques et abdominaux, et l'on décrivit, en détail, les plus petites poches que, souvent, des demi-cloisons seules séparaient de leurs voisines (2).
M. Sappey mit enfin de l’ordre dans ces descriptions, qui, pour être exactes, ne laissaient pas que de devenir fasti- dieuses, n’élant pas méthodiques, et depuis longtemps déjà, il est admis et enseigné universellement que les oiseaux sont possesseurs de neuf sacs aériens.
Variation de nombre. — Sur ce point, nous remarquerons que l’on s’est encore trop hâté de généraliser et que ce chif- fre neuf est loin d’être constant.
Cest ainsi que dans le Menure lyre (Menura superba) je n’en ai trouvé que sept. Plus tard j'ai élé amené à reconnai- tre que chez beaucoup de passereaux le même fait se repro- duit par une jonction des deux sacs diaphragmatiques anté- rieurs et postérieurs de chaque côté.
(4) Natalis Guillot, loc. cit., p. 43. (2) Nat. Guillot, loc. cit.
RE RS M a
— A
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. .41
Dans ia Cigogne blanche, par contre, j'en ai trouvé onze; un petit saccule à embouchure spéciale s’intercalant, en coin, entre les réservoirs diaphragmatiques postérieurs et les sacs abdominaux.
Dans le Cacatoës à huppe rose il n°y avait qu'un seul sac ab- dominal entouré par la masse intestinale et à deux ouver- tures bronchiques.
Owen dit que chez les Vautours le sac claviculaire est divisé en deux par une cloison médiane (1) et j'ai vérifié cette assertion dans le Vautour percnoptère.
Aussi bien, dans une même espèce il peut arriver, cela est naturel, de trouver une division du sac claviculaire qu’on ne rencontre pas chez tous Les types de cette espèce. Chez de vieux Pigeons j'ai pu constater qu'il y avait là un double diverticule à cloison franche, alors que, chez d’autres pi- geons, celte cloison n'existait pas.
Variation de forme. — La forme et les dimensions des réservoirs aériens sont encore extrêmement variables. Elles dépendent de celles des organes environnants et, jusqu'ici, je n'ai pas rencontré de ces vésicules si régulières que l’on s’est plu à décrire et à dessiner.
Du reste, l'insufflation, à laquelle nous avons eu souvent recours, modifie la forme de ces organes distendus et détruit certainement leurs rapports exacts; mais elle présente un réel avantage en exagérant la forme des évaginations diver- ticulaires ; exagération telle, la paroi des réservoirs étant éminemment extensible, que ces organes peuvent atteindre un volume triple de celui qui leur est dévolu dans l’état de nature, c’est-à-dire maintenus en position par les muscles et les viscères avec lesquels ils sont en rapports et dont la dissection les dégage.
Ainsi les sacs abdominaux présentent presque toujours une forme bossuée, irrégulière, qu'accentuent encore de petites brides musculaires et élastiques courant à leur sur- face.
(1) Owen, Anatom. compar., t. I, p. 211, Londres, 1866.
49 GEORGES ROCHE.
Le sac claviculaire se développe chez le Macareux (Mormon fratercula) au point de former trois énormes vésicules inter- coracoïdiennes dont les deux latérales se portent en arrière et de chaque côté du cou et viennent se rejoindre à la face postérieure de celui-ci.
Dans le Paon (Pavo cristatus) et beaucoup d’autres oiseaux le même fait se reproduit mais les deux vésicules latérales sont beaucoup plus petites, tandis que chez les Puses et presque tous les Rapaces il n'y a pas de tubérosités clavicu- laires aériennes de ce genre.
Variation de position. — Ce que nous disons de la grande variabilité de forme des sacs aériens, nous pouvons tout aussi bien le dire de leur position et de leur volume.
Par exemple les diverticules axillaires ou précardiaques du réservoir claviculaire peuvent être très développés, comme nous l'avons dit, chez la Cresserelle ou le Toucan et être fort petits, ou n’exister pas, chez le Pigeon ou le Macareur.
Nous verrons aussi que chez l’A utruche les réservoirs cer- vicaux envoient des diverticules jusque dans l'abdomen.
Quant aux sacs diaphragmatiques nous avons déjà esquissé quelques traits sur leurs variations de position, nous retien- drons surtout qu'ils peuvent s’avancer fort loin dans la cavité abdominale. Au contraire l’Apteryx présente des sacs abdominaux qui remontent assez haut dans la cavité thora-: cique, et la Foulque les a fort petits et situés à la partie anté- rieure de l'abdomen, plongeant dans le thorax sous les sacs diaphragmatiques postérieurs.
Variations de volume. — Enfin, les volumes des réservoirs aériens sont très variables, non seulement suivant les es- pèces, mais suivant les individus aussi.
L'âge, le sexe, l’état de hiberté ou de domestication... doi- vent contribuer, nous n’en doutons pas, à modifier l’appa- reil aérifère,. mais il ne pourrait entrer dans le cadre d’un travail semblable de suivre, point à point, ces modifica- lions, Le temps, un temps considérable seul, peut permettre d'envisager cette question sur toutes ses faces, car, encore
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RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 43
que je me fusse trouvé dans d'excellentes conditions de travail, il est évident que les animaux que j'avais à ma disposition étaient en nombre trop restreint dans chaque espèce pour que je puisse me livrer à ces investigations dont je crois cependant avoir étudié plus que les faits prin- CIpaux.
Variation dans la pneumaticité squelettique. — La pneu- maticité squeletlique est également très variable.
D'une façon générale, on peut dire que les oiseaux na- geurs ou plongeurs sont ceux qui ont le squelette le moins aérifère. Depuis la Frégate où tous les os sont pneumatisés sauf les mélatarsiens jusqu'au Pingouin où 11 n’y en à aucun, on trouve de nombreuses transitions.
Mais 1l me paraît intéressant de faire remarquer que l'hu- mérus qu'on enseigne être aérifère chez tous les oiseaux sauf l'Autruche (1) n’est pas davantage pneumatisé chez un grand nombre de types.
Dans les Tanasyptères, V'Opisthocôme Hoazin, la Fauvette grise, l'Etourneau commun, les Harles, les Macareux, la Mouette à tête noire, le Vanneau à crête, la Barge vulgaire, le Corlieu, l'Œdicnéme criard, les Foulques, lhumérus est mé- dullaire.
De même les clavicules qui m'ont paru presque constam- ment aérifères chez les grands Rapaces et les oiseaux bons volateurs ne le sont cependant pas chez les Mouettes, non plus que le fémur.
Du reste, il est admis depuis longtemps que la pneuma ticité des différents os varie suivant les espèces. Mais Je veux bien faire remarquer que l'humérus et le sternum, qui sont considérés comme étant constamment aérifères, ne jouissent pas plus de cette immunité que les autres os de la charpente sque- lettique.
Le sternum, par exemple, présente quelquefois un seul trou pneumatique antérieur et médian; chez les pelits Passe-
(1) Sappey, loc. cit., p. 37.
44 GEORGES ROCHE.
reaux, ce trou n'existe même pas et les lames latérales re- couvrent la partie antérieure de la cage thoracique, comme un plastron papyracé, dépourvu de toule aération.
Mais il est encore un autre point de l’anatomie de l’appa- reil aérifère des Oiseaux sur lequel je tiens à insister parce qu'il a été Le sujet de nombreuses contradictions de la part de différents anatomistes et que, en dépit de très sérieux tra- vaux, il trouve encore, à l'heure actuelle, un certain nombre d’opposants. Je veux parler de la pneumatisation sous-cuta- née des Oiseaux, pneumatisation poussée fort loin dans un certain nombre de types, plus restreinte dans beaucoup d’autres et totalement absente chez un grand nombre d'in- dividus.
Variable dans son développement, cette pneumalisation l’est aussi dans la nature des lacunes qu’elle développe sous la peau des Oiseaux, formant de vastes poches chez les uns (#lamant rose), ou un lacis très serré de fibres conjonctives chez les autres (Pélican).
Ceci dit, nous allons en commencer l’histoire.
DE LA PÉNÉTRATION DE L'AIR EN DES LACUNES SOUS-CUTANÉES.
Il y a déjà fort longlemps que Méry a signalé, chez le Pé- lican, la présence de l’air sous la peau de cet animal (1). Hunter en 1772, puis Schneider en 1804 (2) confirmèrent son observation, mais depuis cette époque de nombreux et très sérieux travaux, ayant trait à l'étude de l'appareil res- piratoire des Oiseaux, avaient sinon mis ce fait en doute du moins l'avaient considéré comme exceptionnel. Ainsi, pour tous les auteurs, l'extension des sacs aériens était limitée aux seuls diverlicules sous-musculaires à membrane propre.
Cependant M. le professeur A. Milne-Edwards (3), ayant repris celle question, établit, d’abord, d’une façon irréfu-
1)Méry, Hist de l'Acad a, sc; TL D Use 2) Schneider, Vermischte Abhandl., Berlin, p. 137. 3
) ) ) A. Milne-Edwards, Observat. sur l’app. resp. de quelques oiseaux (Ann. sc. nal., 1865, p. 135).
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RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 45
table le bien fondé de l'observation de Méry. Il constala, lui aussi, l'existence d’un réseau conjonctif sous-cutané chez le Pélican, établissant même que l’emmagasinement de l'air en ces lacunes pouvait atteindre 10 litres.
D'accord avec des observations semblables faites par Owen (1), il signala l'existence de faits analogues chez le Fou de Bassan et le Kamichi.
A la vérité il n'y à pas identité dans le dispositif anato- mique de ces deux êtres. Chez le premier les cavités pneu- matiques sous-cutanées sont parfaitement délimitées et ne présentent pas, comme chez le Pélican, un lacis de tissu conjonctif. Chez le second, on trouve un réseau cellulaire très serré autour du tronc et jusqu'aux extrémités des ailes, de la tête et des doigts des pieds.
Plus tard encore le même auteur (2) décrivit, chez le Ma- rabou du Sénégal (Argala Dubia), d'abord de grands réser- voirs aériens sous-culanés, à la base du cou, sur lesquels l’oi- seau repose son crâne lorsqu'il fait rentrer sa tête entre les épaules, puis un réseau aérifère compris entre la peau et les muscles des ailes jusqu’à l'extrémité de la main; enfin, des lacunes du tissu cellulaire allant jusqu’à l'extrémité des os du pied où le mélatarsien est creux.
Après avoir signalé, en outre, l'existence de trous pneu- matiques très développés dans les os du métacarpe et du métatarse aussi bien que dans les phalanges de l’aile et de la patte chez diverses espèces de Calaos, il établit définitive- ment d’après M. R. Germain que chez un Caluo bicorne les léguments sont séparés des muscles par une telle couche d'air qu'ils ne semblent adhérer au corps qu’à la lêle et à la queue. Enfin. en 1884, il donna une description complète de - ce système aérien chez le Buceros Rhinoceros (3).
(4) Owen, Proceedings of zool. Soc., part. I, 1831, part. IIT, 1835 et Tran- sact. of zool. Soc., E, p. 117, 1832.
(2) A. Milne-Edwards, Note add. sur l’app. resp. des oiseaux (Ann. des sc. nat., VII, 1867, p. 7).
(3) A. Milne-Edwards, Compt. rend., 1884, t. 99, p. 833.
46 GEORGES ROCHE.
Après les observations si consciencieuses de MM. A. Milne- Edwards et Owen il n’était plus possible de nier l'existence d’un réseau aérifère sous-cutané.
D'autre part, M. Boulari (1) avait décrit des sacs cervicaux d’origine pharyngienne chez le Marabou, le Fou de Bassan, et M'° Fanny Bignon, en étudiant ce système cervico-cépha- lique, signale en de nombreux points de son travail l’exis- tence de poches diffluentes sous la peau de nombreux oiseaux et d’origine également pharyngienne.
Cependant si, nous reportant à ce fait signalé autrefois par Natalis Guillot (2) et que j'ai vérifié moi-même que dans le Paon — et beaucoup d’autres oiseaux du reste — aux vésicules axillaires se trouvent annexées un certain nombre de petites poches débordant sur les côtés du muscle pec-
oral et s’étalant sur les faces latérales du thorax: nous
supposons que ces poches se développent beaucoup plus, il ne nous semblera pas plus illogique d'admettre l'existence de poches sous-cutanées que de diverticules sous-muscu- laires.
Aussi bien les faits, qui sont plus éloquents que tous les raisonnements déductifs, vont nous prouver, d’après ces re- cherches anatomiques, que la pneumatisalion sous-cutanée est un fait beaucoup plus fréquent qu'on ne l’a cru jusqu’à ce jour. |
Pour éviter l’objection que l’on eût pu me faire d’avoir provoqué des ruptures en injectant l’animal, ruptures qui eussent mis les sacs aériens en rapport avec le tissu con- jonctif sous-cutané, J'ai disséqué ces individus insufflés d'air seulement, ne me servant de l'injection que comme contre-
+ épreuve.
Pneumatisalion sous-cutanée du Flamant. — De tous les oiseaux que J'ai pu disséquer, le Flamant est incontestable- ment un des mieux doués au point de vue de l’appareil pneumatique, L’insufflation de l’animal, en effet, double le
(1) Boulart, Journal de l'anat. et de la physiol., 1879, t. XVII, p. 467. (2) Nat. Guillot, loc. cit., p. 54,
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 47
volume du cadavre, et lorsque après avoir plumé celui-ci on le gonfle en injectant de l'air par la {rachée on voit la peau se détacher du corps qui se trouve bientôl disparaitre au milieu d’un épais matelas aérien.
C'est ainsi que la face postérieure du cou, les épaules, la surface médiane du dos, la face postérieure des ailes et la face interne du bras et de la main sont les seules parties où l'air ne se répande pas sous la peau. Sur la face antérieure du cou s'étale donc un large coussin s’élenudant jusqu'à la 6° vertèbre cervicale. Cette poche qui contient la trachée et l’œsophage est volumineuse à sa base interclaviculaire et va en s’amincissant vers la partie antérieure du cou.
Je me demande même si l’ingestion volontaire, de la part de l'animal, d'air à l'intérieur de cette poche, ne lui serait pas un adjuvant lui permettant, dans le vol, d'avoir le cou maintenu allongé et rigide, économisant ainsi le travail des muscles cer- DICAUT.
Cette poche sous-culanée précervicale communique avec une jarge lacune présternale quadrangulaire s'étendant sur la face médiane de la poitrine, et recevant l'air de deux autres lacunes latérales en relation avec d'énormes poches axillaires, dérivant des diverlicules extrathoraciques du sac claviculaire. Dérivant encore de ceux-ci, par le saccule sous- omoplatique, se trouvent deux lacunes dorsales remontant en arrière de l’épaule sur les faces latérales du dos de l’animal.
Sur l'abdomen, maintenant se voit une lacune volumi- neuse tirant son origine des diverticules post-fémoraux des sacs abdominaux, tandis que la face externe de la cuisse et les régions sacrée et coccygienne sont occupées par des la- cunes sous-cutanées d’origine préfémorale.
Je dois ajouter du reste que la pneumatisation squelet- tique est fort grande, que seuls les os de l’avant-bras, de la main, de la jambe et du pied sont médullaires.
Ainsi, chez les Phœnicoptères, l’air se répand dans des poches sous-cutanées analogues à celles du Fou de Bassan, et non dans les mailles d’un tissu conjonctif aérifère.
48 GEGRGES ROCHE.
Il en est de même chez la Frégate (Tachypetes aquila) où, comme l’on sait — d’après des observations déjà anciennes — tous les os sont pneumatiques, sauf les phalanges des pattes (1), et où J'ai trouvé de longues poches d’origine cla- viculaire suivant toute la longueur de l'aile.
Le Phaéton à brins blancs (Paille en queue) m'a présenté un dispositif analogue, mais l'air ne pénétrait pas jusqu’à l’avant-bras, les poches se trouvant groupées autour de l’ar- liculation scapulo-humérale et sur les côtés du thorax.
Dans la Mouette à tête noire on trouve aussi de petites poches à la partie antérieure du dos.
Du Fou de Bassan je ne dirai rien, les auteurs qui se sont occupés de la pneumatisation sous-cutanée des oiseaux ayant presque tous disséqué cet animal et M Fanny Bignon en ayant donné récemment une description à laquelle je n’ai rien à ajouter (2). |
Des faits analogues ont été observés aussi chez les À /ba- tros, les Condors, les Urubus, nous avons pu recueillir des observations semblables dans le Héron, mais ici les faces latérales du thorax et de l’abdomen sont recouvertes par une couche de tissu conjonctif aérifère qui ressemble plus spécialement à celui du Toucan que nous examinerons un peu plus loin.
Le groupe des Cigognes est aussi fort intéressant à ce seul point de vue.
Cigogne blanche. — Après avoir écorché soigneusement une Cigogne blanche (Ciconia alba) on voit, autour de l’articu- lation scapulo-humérale, formant presque une seule poche, sur chaque côté de la paroi thoracique, de grosses vésicules aériennes accolées les unes aux autres (3j.
Constituant une sorte de bourrelet, on peut voir autour de cette articulation deux poches volumineuses, antérieure et postérieure, celle-ci présente en outre un énorme diver-
(1) H. Milne-Edwards, Anat. et physiol. comp., p. 359, t. IL. (2) Fanny Bignon, loc. cil., p. 58. (3) Planche II, fig. 1.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 49
ticule s’allongeant à la face inférieure du bras jusque vers le milieu de l’humérus. Les deux poches antérieures, droite et gauche, sont recouvertes en partie par le deltoïde, tandis que les postérieures sont, comprimées par les triceps. C’est de la vésicule postérieure que part en longeant le coraco- brachial et le triceps, puis passant au-dessus de l'articulation huméro-cubitale, un diverticule qui se rend à la main.
Enfin, en communication avec ces sacs volumineux de la base du bras, on trouve aussi d’autres vésicules volumineuses sous les muscles trapèze, grand dorsal postérieur et tenseur de la membrane alaire. Ces dernières, à leur tour, sont en communication avec une large poche sous-pectorale, beau- coup plus grande que celle des oiseaux de petit vol, et occu- pant les deux tiers de la surface du sternum.
Cette aération extra-thoracique occupe donc par rapport au muscle du mouvement alaire une situation toute parti- culière.
Le même dispositif se retrouve, à peu de chose près, dans la Cigogne évêque.
Chez la Cigogne magquari, J'ai trouvé des poches sembla- bles, mais présentant une extension sous le muscle trans- versal des côtes de chaque côté, ainsi considérablement dis- tendu. Pourvues d’une membrane propre, encore que fort mince, on peut apercevoir à travers leur épaisseur les côles protégées par une sorte de matelas d'air. Les différentes couches musculaires de l'abdomen se trouvent aussi séparées par des coussins aérifères.
Ainsi, chez cet animal, outre un réseau aérifère sous- cutané, l’on voit un réseau sous-musculaire s'étendant du sac claviculaire à l’extrémité postérieure de l'abdomen.
A côté de ces différents types si intéressants, je placerai l'Opisthocôme Hoazin pourvu d’un jabot volumineux et sous lequel le sac claviculaire envoie un large coussin aérien le séparant du thorax; enfin je puis aussi citer l’Ewrystomus afer (Leith.), qui est pourvu d’une très puissante aération sous-cutanée.
ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 4. — ART. N° 4.
50 GEORGES ROCHE.
Aération du Ramphastus carinatus. — Le Toucan que j'ai également eu l’occasion de disséquer mérite une mention spéciale, car il affirme les observations de MM. A. Milne- Edwards et Owen. |
Le long du cou, sur les faces thoraciques et abdominales, tapissant aussi le fourreau peaucier de l’aile et de la cuisse se trouve un lacis extrêmement fin de fibres conjonctives. Entre les couches musculaires de l'abdomen se glisse en- core une trame aérifère prolégeant la cavité péritonéale d’un matelas d'air.
Le réseau sous-cutané nous a semblé particulièrement in- téressant ; 1l y a là, en effet, deux sortes de dispositions : d’une part, avoisinant l'articulation de l’épaule, on voit s’é- tendre sur la partie antérieure comme sur la partie posté- rieure du thorax des sortes de poches diffluentes à membrane propre, bien qu'excessivement mince.
Au contraire, au voisinage de l'articulation fémorale et sur les faces antérieures et postérieures de l’abdomen et de la parlie inférieure du thorax, se trouve seulement ce lacis de fibres conjonctives dont j'ai parlé. Le point par où l'air pénèlre dans ces lacunes est situé dans ce cas au niveau de l’insertion du grand fessier sur le sacrum, au bord de cet os. |
Cette trame est excessivement fine, du reste qu’il me suf- fise de dire qu'une injection au bleu d’outremer s’est trouvée complètement décolorée en traversant ce réseau, alors qu'elle ne l’est pas sensiblement en passant au travers d’un linge fin.
Les muscles du dos, le grand dorsal par exemple, se trou- vent pour ainsi dire compris entre deux couches d'air, recou- vrant du tissu lacuneux aérifère alors qu'un tissu semblable les sépare encore de la peau.
Dans l’£pimachus speciosus j'ai relevé aussi de petits diver- ticules sous-musculaires.
Dans la Cresserelle j'ai déjà eu l’occasion de signaler le grand développement des diverticules sous-musculaires
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 51
avoisinant l'articulation de l'épaule; nous allons retrouver un dispositif semblable, bien que considérablement plus déve- loppé, chez le Pygarque commun.
Pygarque ordinaire. — Au-dessous du diverticule sous- pectoral, sortant du sac claviculaire, par un trou situé entre le sternum et la clavicule, émane un saccule qui, après s'être étalé sous le prolongement sous-pectoral et sur le sternum. déborde du muscle sur la face latérale du thorax. Ce di- verticule fournit des prolongements aérifères sous les muscles grands dorsaux, deltoïde, trapèze, sous-épineux et se conti- nue entre le biceps et le triceps, entre le court pronateur et le long fléchisseur du carpe (1)
Sur son trajet 1l fournit des gaines aérifères à la base des plumes de l'aile — comme le fait a été observé par M'° Bignon chez Cathartes atratus (2) — gaines qui ne s’ou- vrent en aucune façon dans les lumières des plumes elies- mêmes, #as qui doivent leur fournir un très solide point d'appui.
Autour du cou, jusque vers la deuxième vertèbre cervi- cale, se développe une autre large poche venant se jeter dans les diverticules dorsaux. Sous les fessiers, les muscles sacro- fémoraux, s’étalent aussi de larges coussins aérifères qui se prolongent sous le triceps. De plus, aulour de l’articula- tion coxale, dans l’angle de la cuisse et de l'abdomen, se trouve du tissu conjonctif aérifère, s'étendant de l’attache sternale de la dernière côte à l’extrémité postérieure de l'os des îles.
Conclusion. — La pneumatisation sous-cutanée et intermus- culaire des oiseaux est donc un fait, non seulement démontré, mais encore beaucoup plus fréquent qu’on ne l'a cru jusqu'à ce Our.
Je crois avoir démontré cette assertion par les divers exemples que j'ai eu l’occasion de décrire : le F/amant rose, le Frégate, le Phaéton à brins blancs, le Mouette à tête
(1) Planche I, fig. 2, D. A. Planche I, fig. 2. (2) Fanny Bignon, loc. cit., pl. I, fig. 1.
52 GEORGES ROCHE.
noire, les diverses Cicognes, les Toucans, le Pyqarque, etc.
Me réservant de revenir sur ce fait que ce mode de pneu- matisation doit répondre à une fonction spéciale chez les individus qui le présentent, je me contenterai, pour le mo- ment, de faire remarquer qu’un certain nombre d’entre eux sont doués à un très haut degré de la faculté de voler à voiles.
VARIATIONS DE VOLUMES ET DE RAPPORTS DES RÉSERVOIRS AÉRIFÈRES DES OISEAUX.
Dans cette étude comparative, nous examinerons d’abord comment se comportent les différents groupes ornithologi- ques au point de vue de l’appareil aérien, quitte à montrer d'un coup d'œil général les modifications de chacun des sacs dans toute la série de ces êtres.
PALMIPÈDES.
On sait déjà que chez ces oiseaux la pneumatisation sque- lettique est fort peu développée.
Jacquemin (1) avait autrefois remarqué que l’Apteno- dytes et le Sphénisque du Cap étaient même dépourvus de toute aéralion osseuse.
Owen (2), dans le Pingouin brachyptère, avait relevé la même observation.
J'ai pu noter, moi-même, que dans le Macareux (Mormon fratercula), les os ne sont pas pneumatiques.
Macareux. — Du reste, sè les PaLmipèDes ont, la plupart du temps, un squelette peu aérifère, us n'en présentent pas moins un très grand développement de leur appareil vésicu- laire, et ce même Macareux à squelette plein et à diverticule aérifères fort petits possède des sacs énormes.
Le réservoir claviculaire dont j'ai eu l'occasion de signaler plus haut le grand développement présente trois lobes qui
(1) Jacquemin, Mémoire sur la pneumaticité des oiseaux, p. 318. (2) Owen, Todd’s Cyclop. of Anat., t. I, p. 343.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. D3
proéminent dans la fourche coracoïdienne; l’un, médian, très volumineux, se porte en avant sur la face inférieure du eou ; les deux autres, latéraux, se portent de chaque côté et en ar- rière, ils sont d’une largeur telle qu'ils se rejoignent sur la ligne médiane postérieure.
Les sacs diaphragmatiques sont aussi très volumineux, sur- tout les réservoirs postérieurs qui, s'étendant très en arrière, appliquent leur face interne contre la face externe des sacs abdominaux.
Quant à ceux-ci, 1ls sont énormes, el présentent une asy- métrie frappante, la poche droite élant beaucoup plus petite que la poche gauche. Le lobe droit du foie est com- plètement recouvert par le sac aérien correspondant, quant au lobe gauche, il se trouve placé entre les deux vésicules abdominales.
Passant sur la face ventrale du sac diaphragmatique cor- respondant et occupant un volume considérable en avant des anses intestinales, on voit partir dela vésicule gauche un large diverticule. Cette vésicule semble ainsi divisée en deux parties : l’une, considérable, à la face ventrale de la masse intestinale; l’autre, relativement petite, s’ouvrant dans la grande par un orifice elliptique.
Quant aux diverticules sortant de la cage osseuse, ils sont très petits.
D'abord, les réservoirs cervicaux, qui sont, eux-mêmes, fort restreints, n’ont pas de prolongements sous les muscles « longs postérieurs du cou ».
Les diverticules sous-pectoraux et huméraux, bien que représentés, sont excessivement petits et les saccules sous- omoplatiques n'existent pas.
Ilest bien intéressant de constater en passant, que chez cet oiseau nageur et plongeur l'appareil vésiculo-aérifère semble se borner à jouer le rôle de flotieur, sans fournir de diverticules intra-osseux ou même de prolongements sous- musculaires.
Dans sa mission à l’île Campbell, M. le professeur Henri
D4 GEORGES ROCHÉ.
Filhol ayant eu l’occasion de recueillir un certain nombre de Manchots fit avec beaucoup de soin une excellente des- cription de l’anatomie de ces oiseaux (1). |
En ce qui concerne l'appareil aérifère seul, il note que les réservoirs abdominaux ne présentent pas ici de prolonge- ments fémoraux, que la pneumaticité squelettique est très faible et que les sacs diaphragmatiques postérieurs ont un vo- lume double de celui de leurs congénères antérieurs. Ainsi que l’on peut s’en rendre compte, la description que j'ai don- née plus haut des organes pneumatiques du Macareux corro- bore celle de cet éminent anatomiste.
Les Colymbidés m'ont fourni comme type d'étude les Gré- bes, et entre autres le Podiceps cristatus (L.).
Grèbes. — Ici, encore, les sacs cervicaux sont fort res- treints, mais l’aération squelettique est un peu plus grande que dans les Impennes.
Les réservoirs diaphragmatiques postérieurs sont aussi beaucoup plus grands que les antérieurs.
Par tous ces caractères, les Grèbes affectent une grande ressemblance dans leur appareil aérien avec les autres Pal- mipèdes.
Mais leurs sacs abdominaux sont petits, post-intestinaux, appliqués contre les parois dorsales et ressemblent d’une facon frappante à ceux de la Foulque que nous étudierons plus loin en parlant des Rallidés.
Du reste, les vésicules axillaires sont assez volumineuses chez les Grèbes et je ne puis m'empêcher, dès maintenant, de rappeler que si ces animaux ont des diverticules aérifères sous les muscles de l’aile, ce ne sont pas seulement des oi- seaux plongeurs, mais qu'ils volent souvent et avec une grande facilité — leur humérus, toutefois, est médullaire.
Si nous passons, maintenant, au groupe des Lamellros- tres, nous nous arrêterons en première ligne à l'examen du Flamant (Phænicopterus antiquorum L.).
(4) 1885, H. Filhol, Mission de l'Ile Campbell (Anatomie des manchots, t. LIT, apart. p, SL
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. D)
Outre la pneumatisation sous-cutanée et sous-musculaire, dont j'ai déjà fait mention, nous verrons que le sac clavicu- laire ne présente plus, comme dans le Macareux, trois lobes proéminents dans la fourche coracoïdienne. Il offre, par contre, un dverticule précardiaque, or, ce fait est rare dans l’ordre des Pal/mipèdes.
De plus, les sacs diaphragmatiques postérieurs qui, dans ce groupe, ne dépassent jamais la dernière côte, comme limite pos- térieure, débordent ici franchement de la cage thoracique, ce caractère rapprocherait les Flamants des Cicognes, comme le veut Weldon (1), mais ces sacs postérieurs sont plus grands que les réservoirs diaphragmatiques antérieurs et, de même que chez tous les Lamellirostres, les réservoirs abdo- minaux sont ici très nettement pré-inteslinaux.
Dansl’Oie Cravant (Bernicla brenta), le Cygne(Cygnus olor), le Canard sauvage, le Canard tadorne (Anas tadorna), ete... — en un mot chez les Lamellirostres, bons volateurs, les di- verticules sous-pectoraux du sac claviculaire sont fort larges et offrent insertion à de nombreuses fibres élastiques des mus- cles moteurs de l'aile. En outre, la face postérieure du cou montre sous les muscles de cette région de larges coussins aérifères, assez irréqulièrement disposés, du resle, compara- tivement à ceux des Rapaces et des Tofipalmes même.
Enfin, les réservoirs diaphragmatiques postérieurs y sont beaucoup plus grands que les antérieurs dont ils sont sé- parés par une cloison normale au plafond pulmonaire.
Mais, les Æarles nous présentent une disposition sensi- blement différente de celle que nous venons de voir dans l'appareil diverticulaire.
Les vésicules axillaires y sont fort petites, les prolon- gements postérieurs n'existent pas; de plus, le squelette est excessivement peu pneumatisé, l’Aumérus, le slernum, le fé- mur sont pleins, or, après les vertèbres ce sont les derniers os qui restent médullaires.
(1) Weldon, On some point ofthe Anatomy of Phænicopterus and ils allies, in Proceed. Zool. Soc, London for 1883, p. 638-652, t. LIX-LX.
56 GEORGES ROCHE.
Cependant, j'ai observé dans l’Ore de Magellan (B ernicla magellanica) un fait intéressant et qui mérite une mention spéciale.
Oie de Magellan. — Chez cet animal, en découvrant la ca- vité péritonéale, c’est-à-dire en dégageant l'abdomen des cou- ches musculaires qui le recouvrent, on distingue d’abord une poche énorme proéminant à gauche sur les vésicules aérifères abdominales et au travers de laquelle on aperçoit le gésier.
Cette poche de forme très irrégulière est soudée aux ré- servoirs abdominaux par des brides de tissu conjonctif ex- cessivement minces. En l’isolant avec précaution des organes avec lesquels elle est en rapport, on voit qu'elle recouvre tout le gésier sur lequel elle forme un vaste coussin d’air, recou- verte en avant par la partie postérieure et médiane du ster- num, débordant un peu la face inférieurc du foie et pourvue sur sa face interne de nombreux petits diverticules courts et larges.
Le réservoir abdominal gauche est beaucoup plus petit que son congénère du côté droit : chez tous les deux la forme est assez régulière présentant l'aspect d'une grosse larme batavique ; ces deux sacs s’accolent sur la ligne mé- diane et recouvrent complètement la face inférieure de la masse intestinale. Tout d’abord, je crus que le diverticule du gésier était une dépendance du sac abdominal gauche, mais quel n’a pas été mon étonnement en voyant que ce di- verticule restait gonflé par l'air, alors même que j'avais ou- vert ce sac abdominal. |
Du reste, je fus bientôt amené à voir qu'il provenait du réservoir diaphragmatique postérieur gauche dont il naissail par une large boutonnière (1 cent. 1/2), dans le diaphragme thoraco-abdominal.
Ce muscle présentait, aussi, des rapports sensiblement différents de ceux que nous lui avons trouvés chez les autres OISEAUX.
Ainsi, ne recouvrant pas cette vésicule du gésier, il formait deux plans disséquables. L'un, en rapport avec la face abdo-
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minale du sac diaphragmatique postérieur gauche, l’autre, se portant vers la membrane péritonéale du gésier et passant sous forme d'aponévrose très mince enire cet organe et le saccule aérifère.
Donc, chez l’'Oie de Magellan, le sac daphragmatique postérieur gauche présente un diverticule abdominal consi- dérabie. |
Frégate. — Dans le groupe des Totipalmes, le Pélican à déjà été étudié par M. A. Milne-Edwards et plusieurs autres auteurs de même que le Fou de Bassan (1), et je n'insisterai pas, ayant déjà eu l’occasion de signaler leur aération sous- cutanée.
Mais la Frégate (Tachyptes aquila) que j'ai disséquée mé- rite, incontestablement, de fixer notre attention.
Outre la pneumaticité intermusculaire que j'ai signalée dans cet animal et qui fournissait des coussins aérifères aux muscles releveurs de l'aile : grands dorsaux, trapèze, del- toïde, outre ses poches aérifères sous-cutanées, diffluentes sur les faces latérales du thorax et sur le dos, nous trouvons er un énorme diverticule sous-pectoral s'étendant jusque vers le cinquième postérieur du sternum et descendant jusqu'à la crête du bréchet.
Ici encore, les muscles du mouvement alaire sont donc pourvus de larges coussins pneumatiques, et le petit muscle pectoral est encore muni sur toute sa surface interne d’un diverticule aérifère.
Les sacs cervicaux envoient, en outre, six saccules symé- triques postcervicaux allant de la troisième à la neuvième vertèbre ; inversement aux animaux étudiés jusqu'ici, où ces saccules étaient dissymétriques et au nombre de quatre seu- lement.
Le sac claviculaire présente un large diverticule précar- diaque; les sacs abdominaux, relativement petits, ressem- blent assez comme forme, comme volumes et comme rapports
(1) A. Milne-Edwards, Owen, Schneider, Fanny Bignon.
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à ceux des Rapaces; enfin le squelette est pneumatisé au maximum, les seuls, os du métacarpe restant médullaires.
Phaéton & brins blancs. — Bien que la pneumatisation squelettique ne soit pas poussée aussi loin chez le Paille en queue (Phaëton æthereus), ce n'en est pas moins un oiseau très aérien.
Chez lui les réservoirs cervicaux ort larges envoient des prolongements à la face postérieure du cou, au nombre de quatre, symétriques. Deux grands, postérieurs, occupant la longueur de trois vertèbres, deux petits, antérieurs.
Le sac claviculaire est énorme et présente des prolonge- ments sous-pectoraux fort larges fournissant eux-mêmes, à leur origine, un petit diverticule qui s'applique sur le mus- cle petit pectoral.
Un deuxième diverticule extra-thoracique de ce sac, naïis- sant au devant de l’extrémité inférieure de la première côte, fournit l’aération intermusculaire ou sous-cutanée que j'ai notée chez cet animal.
Ici, pas de diverticule précardiaque, mais le sternum re- couvre la face inféro-postérieure du sac claviculaire et présente un trou pneumatique sur la ligne médiane du bré- chet. Cependant, en arrière du cœur, le diverticule postcardia- que du sac claviculaire se développe entre les sacs diaphragma- tiques et le péricarde de facon à accoler ses deux erpansions latérales sur la ligne inférieure médiane, enveloppant ainsi ce cœur d'une couche d'air.
Comme chez les autres Palmipèdes les sacs diaphragma- tiques antérieurs sont beaucoup plus petits que les réservoirs postérieurs et séparés d'eux par une cloison perpendiculaire aux poumons.
Les réservoirs abdominaux sont de forme très tourmentée et, comme chez la Frégate, soulèvent entre eux plusieurs anses inltestinales.
Mouette à tête noire. — Dans le groupe des Laridés, la Mouette à tête noîre nous montre aussi sur les faces latérales du thorax un réseau conjonctif aérifère gagnant la face su-
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périeure du dos et les côtés de l'abdomen en avant de l’arti- culation coxo-fémorale.
Au voisinage de l'épaule, se trouvent quelques poches minces et plates, émanées des vésicules axillaires, s’étalant sous les muscles grands dorsaux et transversaux.
Toujours dépendant des vésicules de l’aisselle, un autre diverticule émane du saccule sous-pectoral à son origine et s’é- tale sur toute la surface du petit pectoral en le séparant du grand.
Le sternum comme dans le Paille en queue présente un trou pneumatique antérieur à la face interne du bréchet; il est aéré, laléralement, en outre, par les diverticules cos- taux du sac claviculaire.
Les réservoirs diaphragmatiques nous présentent quelques parlicularités intéressantes aussi. C’est ainsi que chez eux la cloison intersacculaire est très oblique d’avant en arrière et de dehors en dedans, en sorte que les sacs diaphragmati- ques postérieurs ne se rejoignent pas en arrière du cœur sur la ligne médiane interne du sternum.
Les sacs diaphragmatiques postérieurs s'étendent, en outre, beaucoup en arrière des dernières côtes, notamment le sac droit, au rebours de ce qui se passe chez les autres oiseaux.
Les sacs abdominaux recouvrant la face antérieure de la masse intestinale sont accolés sur la ligne médiane. Ils sont multiloculaires et asymétriques, le réservoir de gauche étant plus grand que celui de droite. Cette asymétrie compense donc celle des réservoirs diaphragmaliques.
Quant à la pneumatisation squelettique, bien qu’elle soit développée dans les vertèbres, le sternum et même les côtes et les os du bassin, elle ne s'étend pas à la clavicule ni à l'humérus qui est fort long et fort mince.
Hans Strasser a relevé des observations semblables dans les Airondelles de mer.
Dans le groupe des Procellariens je n’ai pas eu l’occasion de disséquer de types, mais M. le D' Maurice Cazin a donné
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une bonne description de l'appareil aérien du Pétrel géant (Ossifraga gigantea Gm.,) il y a quelques années (1).
Entre autres choses, je vois qu'il signale ici un sac clavi- culaire non proéminent au dehors de la cage thoracique en même temps que des sacs diaphragmatiques postérieurs, thoraco-abdominaux et beaucoup plus grands que leurs congénères antérieurs.
Ces caractères rapprochent beaucoup cet animal des Toti- palmes grands volateurs.
Caractères généraux de l'appareil aérifère des Palmipèdes. — Des recherches précédentes nous sommes en droit de tirer plusieurs conclusions. |
Dans le groupe des PALMIPÈDES, la pneumatisation sque- lettique qui n'existe pas chez les /Zmpennes et les AZcidés apparaît et se développe chez les Lamellirostres.
Elle atteint son maximum chez les Totipalmes, où les ani- maux étudiés présentent une pneumaticité osseuse, sous- musculaire et sous-culanée très considérable.
Cette aération squelettique paraît enfin rétrograder dans les Laridés où persiste encore la pneumatisation sous-cutanée et intermusculaire.
Chez tous les Palmipèdes, sauf les Zmpennes et les À lcidés,
les sacs cervicaux sont ur larges et montrent de roles
diverticules.
Chez tous, le sac claviculaire est développé et sans diver- ticule précardiaque, d’une façon générale.
Dans cet ordre les sacs diaphragmatiques postérieurs sont plus grands que les antérieurs et leur cloison de sépa- ration est normale au plafond pulmonaire, sauf dans les Laridés où cette cloison est oblique. À
Enfin les sacs abdominaux y sont préintestinaux, excepté chez les T'ofipalmes où 1ls soulèvent quelques anses du tube digestif.
(1) 1885, Maurice Cazin, Observations sur l’anutomie du pétrel géant (Bi-
blioth. de l’'Éc. des H.-Ét., section des sciences naturelles, t. XXXI, art. 9, p. 11 et 22).
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ÉCHASSIERS.
Aux groupes des Charadridés et des Sco/opacidés corres- pondent un certain nombre d'animaux à pneumalicité sque- lettique faible.
Dans la première famille l'Œdicnème criard (Œdicnemus crepitans) et le Vanneau (Vanellus cristatus) ont les humérus médullaires.
Chez le Vanneau, en outre, j'ai constaté l'absence de di- verlicules supracervicaux, en même temps que l'existence d’un petit diverticule précardiaque du sac claviculaire sous l'origine antérieure du sternum.
Les sacs diaphragmatiques, à peu près égaux, ont un vo- lume total égalant à peu près le cinquième de l’aération générale et les sacs postérieurs, séparés des réservoirs anté- rieurs par une cloison oblique d'avant en arrière et de bas en haut, proéminent fortement dans l'abdomen en arrière de la dernière côte.
Les réservoirs abdominaux sont recouverts sur leur face ventrale par les anses de la masse intestinale et soulèvent le gésier sur lequel 1ls ne se replient aucunement.
Dans la famille des Scolopacidés, Hunter avait signalé au- trefois la faible aéralion osseuse chez la Bécasse, où l'hu- mérus et le fémur sont médullaires (1).
J'ai relevé la même observation dans la Bécassine (Galli- nago media), le Corlieu (Numenius phæopus), la Barge (Li- mosa rufa).
Barge. — Chez ce dernier animal les sacs cervicaux assez larges présentent de petits diverticules à la face postérieure du cou. |
Le réservoir claviculaire envoie des prolongements sous- pectoraux petits et montre un diverticule précaraque qui, bien que recouvrant le cœur, n’aère pas le sternum qui est plein.
(1) Hunter, Œuvres complètes; Owen, loc. cit.
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De chaque côté du cœur, et naissant du sac claviculaire par un trou situé entre l'artère et la veine sous-clavière, se trouve aussi un diverticule latéral bien développé s'étendant dans le thorax sur les côtés du sternum, entre les sacs dia- phragmatiques et le diverticule précardiaque, jusqu’à l’in- sertion de la dernière côte.
Chez la Barge, comme dans les Chevaliers et les Bécasses, les sacs abdominaux sont sous-intestinaux, ce sont aussi les premiers individus de l’ordre dans lesquels nous trouvons un développement un peu considérable des diverticules précar- daque et costaux du sac claviculaire.
Spatule, Ibis. — Dansla famille des Ardéidés nous voyons se développer considérablement la pneumatisation sque- lettique et intermusculaire.
Étudiés chez les Jbis (1bis religiosa, Ibis rubra) et chez la Spatule (Platalea leucorodha), les réservoirs aérifères pré- sentant une analogie frappanie aux points de vue des vo- lumes respectifs et de la disposition anatomique de ces or- ganes.
Les sacs cervicaux, fort volumineux, envoient à la face pos- térieure du cou de puissants diverticules sous les muscles de cette face el le long ligament releveur que j'ai décrit chez ces oiseaux (1).
Le sac claviculaire montre ici des diverticules costaux fort larges qui présentent une courte évagination sortant de la cage thoracique faisant saillie entre la première côle, la cla- vicule et le sternum. Chez les Ciconiadés nous verrons ce diverticule se développer sous les muscles du vol.
Les sacs diaphragmatiques symélriques, à cloisons obli- ques, sont fortement proéminents dans l’abdomen où les vésicules abdominales, post-inteslinales, sont également symé- triques. Le fémur y est médullaire, mais les différentes couches musculaires de l'abdomen sont séparées par des lacunes aérifères.
(1) Georges Roché, Bullet. de Soc. philom., Paris, 1889.
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Cette similitude de rapports el de volumes des sacs aériens nous à paru intéressante à signaler chez ces deux animaux si voisins au point de vue zoologique.
Nous savons qu'un autre animal, le Aéron (Ardea cinerea), est pourvu d’une large aération sous-cutanée.
Nous savons aussi que dans le groupe des Ciconiadés dont MM. Schneider, Owen, A. Milne-Edwards, Boulart et Strasser (1), ont étudié quelques animaux et dans lequel j'ai disséqué la Cigogne blanche, la Cigogne Maguari et la Ci- gogne évêque, l’aération intermusculaire est poussée fort loin.
Cigognes. — Mais ces oiseaux présentent aussi une assez grande analogie de rapports et de volumes sacculaires.
Chez tous les sacs cervicaux sont très développés et cloi- sonnés; les diverticules qu’ils envoient à la face postérieure du cou s'étendent, au nombre de six paires, de la deuxième à la cinquième vertèbre. Dans la région dorsale, aussi, cinq paires de diverticules se développent sous les muscles post- vertébraux.
Le sac claviculaire à diverticules nombreux et sur lesquels nous ne saurions revenir ne montre pas de saccule précar- diaque, mais il s'étend fort loin dans la cavité thoracique.
Le prolongement sous-pectoral est fort volumineux et reçoit dans sa membrane très résistante des filets d'insertion très solides, des muscles pectoral et coraco-brachial.
Les réservoirs diaphragmatiques à cloison très oblique sont relativement petils ; les antérieurs semblent chevaucher les postérieurs qui s'étendent fort loin dans l’abdomen.
Enfin, les réservoirs abdominaux sont postintestinaux et aërent les vertèbres sacrées el coccygiennes, en même temps qu'ils donnent de larges diverticules sous les muscles moteurs des pattes.
A côté de ces faits généraux, je dois dire que dans la
(1) Schneider, Marabou; Owen, Idem; A. Milne-Edwards, Tantale Ibis et Marabou; Boulart, Marabou, Cigogne blanche; Strasser, Jabiru (Mycteria senegalensis).
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Cigogne maguari (Ciconia americana) j'ai vu l'air émané du sac claviculaire pénétrer dans la cellule hépatique.
Ici, en avant du cœur et entre les sacs diaphragmatiques, le foie est enveloppé dans une cellule aérienne de deux loges à cloison incomplèle qui repose sur la face abdominale et antérieure du périloine.
Foulque. — Dans les Rallidés J'ai étudié la Foulque (Fu- lica atra), animal plongeur, dont le mode de vie est par conséquent bien différent de celui des individus étudiés jusqu'ici, nous allons voir que son appareil aérifère ne res- semble pas non plus à celui des oiseaux précédents.
Les poumons sont ici très allongés, à leur partie inférieure ils sont libres dans la cavité thoracique et ne montrent pas une incrustalion des côtes, dans leur parenchyme analogue à celle que nous avons toujours observée chez leurs congé- nères.
Les sacs cervicaux pelits n’ont pas de diverticules post- cervicaux.
Le réservoir claviculaire, faisant autour de la trachée, dans la fourche coracoïdienne, trois saillies analogues à celles que nous avons observées chez quelques Palmipèdes, quoique plus petites, nous montre un long diverticule précardiaque très développé en longueur, suivant la ligne médiane interne du sternum. à
Les prolongements costaux, aussi volumineux que le sac diaphragmatique antérieur, s'étendent de la première côte à la troisième. Quant au diverticule sous-pectoral il est nul.
Les réservoirs diaphragmatiques sont très inégaux. Les antérieurs ont un volume égalant à peu près quatre fois celui des postérieurs. Ils s'étendent de la troisième côte à la septième ; les derniers n’occupant que l’espace compris entire la septième côte et la neuvième, ne se rejoignant pas sur la ligne médiane pulmonaire.
Quant aux sacs abdominaux ils sont fort petits, d’un vo- lume égal à celui des réservoirs diaphragmaliques antérieurs, situés de chaque côté de la masse intestinale, à la partie an-
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térieure de celle-ci, séparés complètement l’un de l’autre. La cavité abdominale est ici entièrement remplie par le tube digestif, si nous exceptons le petit volume occupé par les sacs abdominaux qui ne s'étendent certainement pas plus loin que la moitié de chaque face latérale et qui remontent au contraire dans la cage thoracique.
Comme chez les Palmipèdes plongeurs, la pneumatisation squelettique est ici fort restreinte. Le fémur et l’humérus y sont médullaires ainsi que le sternum et presque tous les os, sauf, peut-être, les vertèbres cervicales et dorsales.
La description que je viens de faire de l'appareil vésiculo- pulmonaire d’une Foulque peut aussi bien s'appliquer à celui de Gallinula chloropus Lath., sauf en ce qui concerne les sacs abdominaux.
Ceux-ci affectent, en effet, dans ce dernier animal, des rapports quelque peu différents de ceux de Fulica atra.
Ils présentent d’abord une asymétrie frappante, le sac gauche étant plus volumineux que le sac droit. De plus ce _ sac gauche se développe sur les côtés de l'abdomen et s’in- tercale même entre la masse intestinale et les parois soma- tiques de cet abdomen. Enfin les deux réservoirs abdomi- maux s'étendent en arrière dans toute la cavité péritonéale.
Maissi,de Gallinula chloropus,je passe à Rallus qularis,Cuv., on voit alors s’accentuer les caractères que je viens de décrire.
Tout d’abord, je dois dire que les rapports du sac clavi- culaire restent essentiellementles mêmes, montrant de larges prolongements sous-costaux et un long diverticule précar- diaque.
Cependant nous retrouvons de profondes dissemblances dans le reste de l'appareil vésiculaire. C’est ainsi que les réservoirs diaphragmatiques sont égaux et séparés de chaque côlé par une cloison normale au plafond pulmonaire, carac- tère qui les rapproche des autres Échassiers et les éloigne des Foulques et des Gallinules. |
De plus les sacs abdominaux bien que petits sont égaux et franchement préintestinaux.
ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 5. — ART. N° À.
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Au demeurant, l’aération squelettique n’est pas plus dé- veloppée dans ce Râle que dans les genres précédents.
Ces quelques ARallidés présentent donc d'assez grandes dissemblances avec les autres Échassiers.
Nous retrouvons, il est vrai, chez eux une grande extension des prolongements sous-costaux du sac claviculaire — exten- sion beaucoup plus large, même que celle de leurs homo- logues chez ces mêmes Échassiers — mais nous voyons un prolongement précardiaque que nous n'avons pas trouvé chez les Ardéidés, les Scolopacidés, etc.
Les réservoirs diaphragmatiques ne sont égaux que dans le genre Aallus. Enfin, les sacs abdominaux qui sont postéro- latéraux, par rapport à l'intestin, chez Fulica atra, ten- dent à devenir préintestinaux chez (rallinula chloropus et le sont franchement dans Rallus qularis. |
En somme les Rallidés forment dans le groupe des Echas- siers, au point de vue de l'appareul aérifère, une famille bien spéciale, présentant, il est vrai, quelques grands caractères communs à l'ordre entier, mais en différant sous beaucoup de rapporis.
D'autre part, il semble que M upneeil vésiculaire soit aménagé chez les animaux de ce groupe d’une facon con- forme à leur mode de vie.
C’est de la sorte que dans les Gallinules et les Foulques, oiseaux plongeurs, il paraît que les vésicules aériennes jouent le rôle de flotiteur leur servant, mécaniquement, à reparaître à la surface liquide la tête en avant, le plus grand développement de l'appareil aérien se trouvant à la partie antérieure de la cage thoracique.
Dans les Râles, qui n’ont pas les mêmes habitudes, les sacs abdominaux acquièrent un développement comparable à celui de leurs congénères chez les oiseaux terrestres du groupe des Scolopacidés, par Det ils sont alors préin- teslinaux.
Caractères généraux de l'appareil aérifère des Echassiers. — Chez les ÉcHassieRs, nous voyons donc une faihle pneu-
Î
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matisation squelettique dansles CAaradridés, les Scolopacidés. Cette pneumatisation devient considérable et s'accompagne de lacunes intermusculaires chez les Ardéidés. Elle rede- vient nulle chez les Æalhdés et reparaît dans le groupe des À lectoridés, où le Kamichi a été étudié par M. le professeur À. Milne-Edwards (1).
Chez la plupart les sacs abdominaux sont post-intestinaux, débordant, toutefois, de chaque côté de la masse de l’appa- reil digestif et restant préintestinaux chez les Scolopacidés et les Rallidés non plongeurs.
Les sacs cervicaux y sont également volumineux, sauf chez les Charadridés, les Scolopacidés et les Rallidés.
Chez tous, le sac claviculuire volumineux présente des diverlicules costaux considérables dans la cage thoracique et chez quelques-uns seulement un diverticule précardiaque.
Chez tous, enfin, les sacs diaphragmatiques sont à peu près égaux — sauf quelques Rallidés — et séparés, de chaque côté, par une cloison oblique.
GALLINACÉS.
C'est sur un genre de cet ordre que Campana a étudié d’une façon si minutieuse l'appareil aérifère (2).
À côté de sa très sérieuse étude, je placerai donc les ob- servations suivantes prises dans différentes familles des Gal- linacés.
Pénélopidés, Hocco d'Albert. — Dans le groupe des Péné- lopidés, le Hocco d'Albert (Crax Alberti, Fras.) m'a fourni l’objet d’une bonne dissection.
Chez cet animal les sacs cervicaux sont assez volumineux,
mais n’envoient pas de diverticules à la face postérieure du cou.
Le réservoir claviculaire ne proémine pas dans la fourche claviculaire, mais occupe dans la cavité thoracique un vo- lume considérable. Il présente du reste un large prolonge-
(1) A. Milne-Edwards, loc. cit., 1865, p. 137. (2) Campana, Physiologie de la respir. des ois., Paris, 1875.
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ment précardiaque en même temps que de volumineux diverticules sous-costaux, s'étendant de chaque côté de la poitrine jusqu'à la deuxième avant-dernière côte.
Par contre les vésicules diaphragmatiques sont petites et à peu près équivalentes, si j'en excepte le sac postérieur gauche qui se prolonge un peu plus loin que son homologue, dans la cavité abdominale.
Les sacs diaphragmaliques antérieurs s'étendent de la deuxième avant-dernière à la dernière côte, les sacs posté- rieurs de la dernière côte jusque vers le tiers antérieur de la cavité abdominale.
Celle-ci est occupée par deux vésicules préintestinales légè- rement asymétriques, celle de gauche étant moins déve- loppée que celle de droite. Le gésier est complètement repoussé par ces réservoirs contre les parois somatiques de l’abdomen.
Dans les Hoccos, le fémur est médullaire, mais dans une Pénélope (Penelope purpurascens) j'ai trouvé cet os creux, ainsi que l’humérus, qui était déjà pneumatique dans les Hoccos, bien entendu.
Du reste, je dois dire que l'appareil aérifère de celte Péné- lope présentait une ressemblance frappante avec ce que Je viens de dire de celui des Hoccos, à cette différence près que l’asymétrie des réservoirs abdominaux était moins pro- noncée.
Ce grand développement du sac claviculaire des Pénélo- pidés a déjà été vu autrefois par Natalis Guillot dans le Din- don vulgaire (Weleagris gallopavo L.). Je l'ai retrouvé moi- même en dehors des deux types dont je viens de parler, chez l’Opisthocôme Hoazin (Opisthocomus cristatus, IIL.). Ici encore, les sacs diaphragmatiques sont asymétriques, le sac postérieur gauche s'étendant assez loin dans la cavité ab- dominale.
Quant aux réservoirs abdominaux, 11s n'envoient pas de diverticules en avant du gésier; ils sont préintestinaux, sou- levant, cependant, une anse du tube digestif.
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Le squelette est peu pneumatique et l'humérus est médul- laire.
Phasianidés. Faisan commun. — Le Faisan commun (Pha- sianus colchicus L.,) offre un réservoir claviculaire très ana- logue à celui des précédents dans son volume principal. Ce- pendant, il présente trois petites tubérosités interfur- culaires en même temps qu'un assez petit diverticule précar- diaque et des saccules extra-thoraciques restreints.
Chez lui, les sacs diaphragmatiques sont inégaux, mais ici ce sont les réservoirs antérieurs qui sont plus grands que les postérieurs, contrairement à ce qui a lieu chez les Pal- mipèdes. Ces sacs diaphragmatiques postérieurs sont fort écartés l’un de l’autre et ne se rejoignent pas sur la ligne médiane du poumon.
Les réservoirs abdominaux, préintestinaux, recouvrent tout le gésier d’un volumineux diverticule gauche.
L'aération squelettique est faible.
Paon. — Le Paon (Pavo cristatus) avait déjà été signalé autrefois par Natalis Guillot, comme ayant un sac claviculaire fort développé en même temps qu’il présentait des prolon- gements axillaires irréguliers, saillants, sur le bord latéral du grand pectoral et situés sous la peau des côtés du thorax.
J'ai relevé une observation semblable à celle de cet ana- tomiste.
Nous ajouterons que chez cet animal les réservoirs dia- phragmatiques postérieurs sont plus petits que les antérieurs et proéminent dans la cavité abdominale.
Les réservoirs abdominaux bien que pré-intestinaux repous- sent toutefois vers la paroi somatique le gésier tout entier, auquel ils ne fournissent même pas /a demi-gaine que l’on trouve chez d'autres Gallinacés.
Ici, l’humérus et le fémur sont creux, l’aération squelet- tique n'est loutefois pas poussée très loin.
Dans une femelle de Lophophore, cependant, j'ai trouvé des sacs abdominaux qui repoussaient plusieurs anses intes- tinales contre les parois somatiques de l’abdomen.
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Tétraonidés. Calle. — Natalis Guillot, encore, signale
dans la Perdrix grise et le Francolin une diminution du sac claviculaire. Ce fait exact se retrouve chez la Caille (Coturni dactylisonans, Mayer) où ce réservoir, petit, envoie un diverticule sous-pectoral également peu développé, en- core que le muscle correspondant soit volumineux et puis- sant.
Ici, contrairement à ce qui se passe dans la Perdnx grise, la cloison interdiaphragmatique est perpendiculaire au plafond pulmonaire et délimite deux sacs diaphragmati- ques : antérieur et postérieur de volume équivalent.
Les sacs abdominaux sont préintestinaux et fournissent une vésicule gauche recouvrant les trois quarts du gésier.
La pneumalisation squelettique est poussée assez loin; le fémur est plein, toutefois, mais l’humérus est creux, les côtes et les vertèbres sont puissamment aérées, de même que la clavicule, enfin le sternum et son bréchet sont pneu- malisés par un diverticule précardiaque fournissant deux irous à la ligne médiane interne de cet os.
PIGEONS.
Au point de vue de l’appareil aérifère les Pigeons présen- tent peu de différences avec les Gallinacés.
Pigeon domestique. — Dans le Pigeon domestique, par exemple, le sac claviculaire affecte des rapports analogues à ceux que } ai signalés dans le Hocco et le Faisan.
Les diverticules sous-pectoraux et sous-omoplatiques sont cependant assez volumineux.
Les sacs cervicaux y sont petits.
Quant aux réservoirs diaphragmatiques ils sont inégaux, les antérieurs étant plus grands que les postérieurs; de plus, ceux-ci sont asymétriques, celui de gauche étant plus tho- raco-abdominal que celui de droite; c’est ce que j'ai ren- contré dans les Pénélopes, les Faisans, les Paons.
Les vésicules abdominales sont aussi asymétriques, balan- çant l’asymétrie des sacs diaphragmatiques (la vésicule
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gauche étant plus petite que la vésicule droite) et soulèvent entre elles une anse intestinale.
Or, j'ai déjà noté cette asymétrie en parlant des Galli- nacés.
Quant à l’aération squelettique, elle est plus considérable chez le Pigeon que chez certains types marcheurs de Gal- linacés, mais dans une Columbidé marcheuse, Columba cya- nocephala, elle est tout aussi restreinte que dans le poulet. Ici les sacs abdominaux sont préintestinaux.
Du reste, dans cette colombe, le volume aérien total est moindre que dans le pigeon, qui est un oiseau relativement bon volateur, ses diverticules sous-musculaires sont égale- ment moins volumineux que dans ce même pigeon domes- tique, mais les rapports généraux des sacs sont les mêmes et ceux-ci ne diffèrent pas sensiblement de ce que nous avons vu dans les Gallinacés.
Didunculus strigirostris. — J'en dirai autant du Didun- culus strigirostris dont j'ai pu disséquer un individu conservé dans l'alcool.
Le sac claviculaire, chez cet animal, analogue à celui du pigeon domestique, n’envoie que de petits diverticules extra- thoraciques autour de l'articulation claviculo-humérale; les sacs daphragmatiques postérieurs proéminent dans l'abdomen.
Quant à l’aération squelettique, elle est peu développée, l'humérus est médullaire, cependant il m'a paru que le sa- crum et les os du bassin étaient pneumatisés.
Caractères généraux de l'appareil aérien des Gallinacés et des Pigeons. — La similitude des rapports de l'appareil aérien des GALLINACÉS avec celui des CoLUMBIDÉS ne m'auto- rise pas à séparer ces deux groupes dans ces quelques con- sidérations générales.
Dans ces deux ordres la preumatisation squelettique est relativement faible ;
Les sacs cervicaux ÿ sont restreints et ne présentent pas de diverticules post-cervicaux ;
Le sac claviculaire, muni d’un petit diverticule précardia-
72 GEORGES ROCHÉ.
que et de prolongements sous-costaux relativement volumi- neux, ne montre qu'un appareil appendiculaire restreint.
Mais les sacs diaphragmatiques ne présentent pas de rap- ports très constants dans tous les groupes.
Chez les Pénélopidés et les Tétraonidés, ils sont à peu près équivalents, mais chez les Phasianidés et les CoLuMBinés, les sacs antérieurs sont plus grands que les postérieurs. — Aussi bien, ces derniers sont asymétriques chez tous, le sac gauche s'étendant beaucoup plus en arrière que le sac droit; cette asymétrie est surtout prononcée dans les Phasianidés.
Les réservoirs abdominaux sont également asymétriques; ils sont aussi préintestinaux sauf chez quelques individus, où ils repoussent une anse intestinale contre les parois soma- tiques de l’abdomen.
PASSEREAUX.
- Chez les Calaos, nous avons eu l’occasion de signaler, d’après Owen et A. Milne-Edwards (1), une grande pneumati- sation sous-cutanée, accompagnée d’une aération squeletti- que poussée au maximum.
Cette pneumatisation Je l’ai retrouvée chez Toccus erythro- rhynchus accompagnée de celte énorme aération osseuse s'étendant à toutes les pièces du squelette. Comme dans le Buceros rhinoceros de Milne-Edwards, il n’est pas jusqu à la moindre vertèbre qui, dans le Toccus, ne soit pneumatisée.
Tanasyptera galatea. — Le Tanasyptère (Tanasyptera ga- latea) ne présente pas comme le précédent animal une pneu- maltisation squelettique et sous-cutanée poussée aussi loin.
Les sacs cervicaux, donnant une assez grande aération mé- dullaire, ne montrent pas de diverticules sous-musculaires.
Le réservoir claviculaire, bien que présentant un diverti- cule précardiaque, ne fournit pas d'aération au bréchel; ses prolongements costaux s'étendent fort loin dans la cavité thoracique.
(1) Owen, loc. t., A. Milne-Edwards, loc. cit.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 73
Les sacs diaphragmatiques postérieurs s'élendent fort loin dans l'abdomen, recouvrant les faces externes des sacs abdo- minaux presque jusqu’au cloaque.
Ceux-ci, soulevant ainsi plusieurs anses intestinales, 1s0- lent le gésier que ne recouvre aucune vésicule aérienne.
Le squelette est, du reste, peu pneumatique, les os du bassin, le sacrum et les vertèbres cervicales et dorsales, étant cependant aérés. Cette faible pneumaticité se retrouve chez Epimachus speciosus du groupe des Témwrostres.
Au groupe des Dentirostres correspondent des individus généralement peu aériens qui présentent pourtant dans la disposition de leur appareil vésiculaire des particularités intéressantes.
Corvidés. — Le Corbeau (Corvus corax) et la Pre (Pica rus- lica) ne nous présentent pas de saccules postcervicaux (1).
Le sac claviculaire, à trois tubérosités interfurculaires, en- voie un volumineux diverticule précardiaque qui enveloppe même complètement la pointe du cœur et, passant au-dessus du foie, atteint l'extrémité postérieure du sternum (2).
lei, de chaque côté de la cage thoracique, nous ne trouvons qu'un seul sac diaphragmatique, à deux embouchures bron- chiques, l’une située au point où se trouve normalement l'orifice du sac diaphragmatique postérieur, l’autre près de la bronche principale au point où se trouve l’orifice du sac antérieur chez les autres oiseaux. Ce sac proémine dans l'abdomen, en arrière de la dernière côte. Un dispositif et des rapports analogues existent dans le Martinet noir (Gyp- selus apus L.), du groupe des Fissirostres.
Quant aux sacs abdominaux, ils sont préintestinaux et soulèvent le gésier et Le foie contre le sac diaphragmatique correspondant pour le premier, et contre le diverticule pré- cardiaque pour le second.
L'aération squelettique n’est pas poussée très loin, l'humé- rus est creux, mais le fémur est plein.
(1) Planche IV, fig. 2, 3. (2) Planche IV, fig. 2, 3, DP.
74 | GEORGES ROCHÉ.
Nous retrouvons cette disposition dans le Geai (Garrulus glandarius) où toutefois les sacs abdominaux soulèvent quel- ques anses intestinales, dans la Mésange à têle bleue (Parus cæruleus), mais dans la Fauveite grise (Sylvia cinerea) V'hu- mérus est médullaire comme dans le Paradisier (Paradisea apode) et l'Etourneau (Sturnus vulgaris).
Chez celui-ci, réapparaissent deux sacs diaphragmatiques de chaque côlé, mais les réservoirs antérieurs s’allongent en forme de languette entre les sacs postérieurs et le saccule précardiaque.
Nous retrouvons che forme dans le Merle noir (Turdus merula), la Grive commune (Turdus musicus) et le Rouge-gor ge (Erythacus rubicula) où de plus l’humérus est plein.
Enfin dans le Menure lyre (Menura superba) il n’y a de nouveau que deux sacs diaphragme tiques proéminents dans la cavité abdominale.
Aussi bien, Natalis Guillot signale dans ce groupe un grand développement interfurculaire du réservoir claviculaire chez le Rossignol et le Tarin.
Les sacs abdominaux que nous avons trouvés préinteslinaux chez la Pie, soulèvent quelques anses inteslinales dans le Greai et le Freux, ils sont postintestinaux dans la Mésange, la Fauvette, l'Etourneau,le Rouge-gorge, puis ilsredeviennent préintestinaux dans le Merle et la Grive.
Alouette. — Dans l'Alouette des champs! LA dau arvensis) le sac claviculaire peu considérable donne pourtant un volu- mineux diverticule précardiaque en même temps qu'un pro- longement sous-pectoral relativement considérable.
Caractères généraux de l'appareil aérifère chez les Passe- reaux. — Les PASSEREAUX ne semblent pas nous présenter de caractères bien nets de rapprochement, au point de vue de leur. appareil aérifère, dans les différents groupes.
Nous voyons, toutefois, que chez les Lévirostres le groupe des Bucérotidés nous montre une assez grande pneumatisa-: lion sous-cutanée et squelettique.
Cette pneumatisation, nous ne la retrouvons plus dans les
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 75
autres groupes de Passereaur qui, même dans beaucoup de cas, ne sont que très faiblement aériens.
Le sac claviculaire présentant trois tubérosités interfurcu- laires, il est développé seulement dans un petit nombre de types, mais chez tous il présente un volumineux diverticule pré- cardiaque, atleignant chez le plus grand nombre la limite postérieure du sternum.
Les sacs diaphragmatiques mégaux, asymétriques, les posté- rieurs étant beaucoup plus grands que les antérieurs, peuvent même se réduire chez beaucoup à une seule paire de poches pour- vues de deux ouvertures bronchiques.
Quant aux sacs cervicaux ils sont petits sans diverticules sous-musculaires.
Enfin les réservoirs abdominaux nr'affectent pas une situa- tion anatomique constante, élant préintestinaux chez les uns, poslintestinaux chez les autres, et soulevant enfin dans un troisième groupe quelques anses seulement du tube digestif.
GRIMPEURS.
Par la nature et la disposition de leur appareil aérifère, un certain nombre de grimpeurs se rapprochent des Passe- reaux. Je vais en commencer l'histoire par l'examen d’un Toucan, le Rhamphastos carinatus.
Toucan. — Chez cet animal, les sacs cervicaux ne présen- tent rien de bien particulier si ce n’est qu'un petit diverti- cule en part pour äérer le lissu conjonctif lacuneux du cou. |
Le sac claviculaire, peu considérable en lui-même, présente des diverticules volumineux. Non que je veuille parler des saccules sous-pectoraux, toutefois, qui sont petits, mais les diverticules sous-omoplatiques et huméraux sont larges, le premier occupant toule la longueur de l'omoplate et le second étant recouvert par le grand dorsal postérieur qui le cintre.
En avant du cœur, d'autre part, et jusqu’à l'extrémité in- férieure du sternum, le sac claviculaire envoie un long diver- ticule en rapport avec le péricarde et la cellule hépatique
76 GEORGES ROCHÉ.
en arrière, le sternum, en avant, les sacs diaphragmatiques sur les côtés. Ce saccule précardiaque est donc ici considé- rablement développé. Une ligne de trous ménagés sur toute la longueur du sternum donne l’aération au bréchet aux dépens de cette cellule qui fournit ainsi de petits trous prheumaliques latéraux aux bords du sternum lui-même.
Les réservoirs diaphragmatiques présentent cette particu- larité que les antérieurs sont fort petits par rapport aux sacs postérieurs du même nom (1/5) qui s’étalent longuement sur les faces latérales de la cavité thoracique.
Les sacs abdominaux soulèvent entre eux quelques anses intestinales et montrent de volumineux diverticules surré- . Naux.
Nous retrouvons une disposition analogue chez le Coucou (Cuculus canorus).
Coucou gris. — Ici le sac claviculaire montre des prolon- gements sous-pectoraux volumineux en même temps que des diverticules précardiaque et postcardiaque. Ce dernier se prolonge même entre le foie et le cœur, au-dessus de l'œsophage du ventricule succenturié et de la partie anté- rieure du gésier.
Les sacs diaphragmatiques antérieurs sont petits compara- tivement aux postérieurs qui sont thoraco-abdominaux.
Les vésicules abdominales, elles, sont préintestinales et de volume relativement considérable. Du reste, l'appareil aérien général du Coucou est développé et la pneumatisation sque- lettique en est assez grande, encore que le fémur soit mé- dullaire.
Un Coua de Madagascar présentait un dispositif analogue à celui du Coucou gris dans son appareil vésiculo-pulmonaire.
Quelques considérations sur l'appareil aérifère des grim- peurs. — Bien que je ne puisse tirer de conclusions générales sur l'appareil aérien des GrImPeuRs, n’en ayant disséqué qu’un trop petit nombre d'individus, il m'est pourtant permis d'observer que, chez les animaux que j'ai étudiés, les sacs cervicaux élaient petits, que le sac claviculaire avait un volumi-
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. FT
neux diverticule précardiaque et que ses prolongements pecto- raux ne devenaient assez larges que dans les Coucous, vola- teurs bien supérieurs aux Toucans.
J'ai signalé ainsi un volume relatif plus grand des vésicules diaphragmatiques postérieures que des antérieures.
Enfin j'ai constaté que chez les Toucans les vésicules abdominales soulevaient quelques anses intestinales, alors qu'elles recouvraient complètement la masse digestive, sauf le gésier et le foie, chez les Coucous.
Ces différents caractères rapprochent en somme ces grim- peurs des Passereaux comme je le disais un peu plus haut.
Les Toucans affectent une disposition de leur appareil aérien analogue à celle des Bucérotidés pourvus comme eux d’une pneumatisation sous-cutanée ef munis de poches pneumatiques à rapports comparables.
D'autre part chez les Coucous comme chez les Toucans le sac claviculaire présente un volumineux diverticule précar- diaque ; le même fait existe chez les Passereaux.
Les sacs diaphragmatiques antérieurs sont plus petits que les postérieurs, c'est encore la même constalation que nous avons faile chez beaucoup de Passereaux, enfin les sacs cervi- caux sont petits, à petits diverticules, et Les sacs abdominaux ont des rapports variables avec le tube intestinal : ce sont toujours les mêmes particularités que nous avons observées chez les Passereaux.
RAPACES.
Dans la description que j'ai donnée comme type des sacs cervicaux et du sac claviculaire des oiseaux, j'ai pris comme sujet le Cresserelle.
Dans la suite de cette étude, nous avons eu à signaler des variations considérables chez les animaux des ordres précé- dents. Nous avons pu remarquer, surtout, que le sac clavi- culaire présentait souvent une portion appendiculaire extra- thoracique beaucoup plus réduite que celle de notre des- cription.
78 | GEORGES ROCHE.
Chez le Pigeon, par exemple, les diverticules axillaires étaient au nombre de trois seulement, un sous-pectoral, un sous-omoplatique, un troisième huméral. Certains Rapaces présentent une siructure semblable ; ceux à vol bas et peu puissant par exemple.
Hunter avait déjà noté, autrefois, la grande iéitit cité des os chez le Hibou et le Vautour fauve, il avait même remarqué que les trous pneumatiques du premier de ces ani- maux étaient proportionnellement plus petits que ceux du second. |
Owen avait également fait une observation semblable.
Il avait aussi noté que, chez les Vi/furidés, le sac clavi- culaire est divisé en deux réceptacles par une cloison médiane.
Plus tard, Natalis Guillot signala un grand développement des vésicules axillaires dans le Faucon, la Buse, le Cresse- relle en même temps qu'une réduction du sac claviculaire chez le Faucon (1).
Dans le Scops (Ephialtes scops) et l'Effraye(Strix flammea) nous avons aussi l’occasion de signaler un grand développe- ment de l’appareil pneumatique osseux, et nous constatons que l'appareil respiratoire, avec ses vésicules, est analogue à celui des oiseaux de proie diurnes, encore que les diverti- cules des muscles du vol soient beaucoup plus petits et que les sacs diaphragmatiques postérieurs soient plus grands que les antérieurs.
Vautour percnoptére. — Outre une aération sous-muscu- laire et sous-cutanée considérable, le Vautour percnoptère (Neophron percnoptera) nous montre de larges diverticules postcervicaux sous les muscles de la face postérieure du Cou. ta ol e Le réservoir claviculaire envoie de larges prolongements précardiaques, sous-pectoraux et sous-omoplatiques. Ces deux derniers groupes de diverticules présentent de puissants
(1) N. Guillot, loc. cit., p. 50.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 79
points d'attache aux muscles des mouvements alaires et oc- cupent : les saccules sous-pectoraux, un volume comparable à celui du Pygargue que nous verrons plus loin; les saccules sous-omoplatiques toute la longueur de l’omoplate.
Les sacs abdominaux soulèvent en avant d'eux quelques anses intestinales avec le gésier et le foie.
Pygarque. — Chez le Caracara comme chez le Pygar- que commun (Haletus albicilla) les diverticules sous-pecto- raux du sac claviculaire sont énormes.
Chaque saccule sous-pectoral beaucoup plus grand que chez les oiseaux moins bons volaieurs, s'étale sur le sternum dont 1l sccnpé presque la moitié de la longueur. Il descend de plus jusqu’à la crête du bréchet.
Dans le Pygargue, encore, les sacs cervicaux volumineux envoient aussi de volumineux diverticules postcervicaux, les sacs diaphragmatiques postérieurs comme chez tous les individus précédents séparés des antérieurs par une cloison très oblique, s'étendent fort loin dans la cavité abdominale.
Enfin, les sacs abdominaux repoussent en avant plusieurs anses du tube digestif.
Là aussi, comme chez les Vautours, la pneumatisation squelettique est poussée fort loin, les vertèbres coccygiennes y sont cavitaires.
C’est aussi ce que nous retrouvons dans la Buse (Buteo communis) où le saccule sous-pectoral est, cependant, assez petit.
Nous savons déjà comment se comporte celui-ci chez la Cresserelle (Falco tinnunculus); mais nous voyons de plus chez cet animal les sacs daphragmatiques antérieurs très volumineux chevaucher les postérieurs.
Les réservoirs abdominaux présentant de volumineux diver- ticules sacro-fémoraux (1).
Il en est de même dans le Buzard des marais (Circus cine- raceus).
(1) Le caracara présente des rapports sacculaires identiques à ceux des Falconidés et montre comme ceux-ci des sacs abdominaux préintestinaux.
80 3 GEORGES ROCHÉ.
Caractères généraux de l'appareil aérien des Rapaces. — Le groupe des Rapaces semble donc présenter, chez tous les oiseaux qui le composent, une très grande analogie de cons- titution dans son appareil vésiculo-aérifère.
Les modifications qu'offre celui-ci étant en somme en rapport avec le mode de vie des animaux, on peut cependant y reconnaître quelques grandes lignes.
Chez tous, la pneumatisation squelettue est poussée fort loin; chez beaucoup une pneumatisation sous-cutanée et sous- musculaire est fort développée.
Chez ious les sacs cervicaux sont volun ineux de même que leurs diverticules.
Chez la plupart — et surtout les plus puissants — le dévelop- pement des diverticules des muscles du vol et des pattes est con- sidérable.
Chez tous, les sacs diaphragmatiques sont inégaux, les antérieurs étant beaucoup plus grands que les postérieurs et paraissant chevaucher ceux-ci qui s'étendent dans la cavité abdominale, sauf chez les Rapaces nocturnes.
Chez presque tous enfin, les sacs abdominaux, relativement moins volumineux que dans les autres ordres d'oiseaux repous- sent contre les parois somatiques de l’abdomen quelques anses intestinales, en même temps que le foie et le gésier, sauf chez les Faucons et les Caracara où ces sacs abdomi- naux sont préintestinaux.
PERROQUETS.
Le groupe des Psiftacidés diffère sous plusieurs rapports des Grimpeurs au point de vue de lappareil vésiculo-pul- monaire.
Je vais prendre quelques exemples :
Ara militaire. — L'Ara militaire (A. militaris) nous montre des sacs cervicaux relativement bien développés, mais ceux- ci n’envoient pas de diverticules à la face postérieure du cou. sous les muscles très volumineux de cette région.
Par contre les prolongements dorsaux de ces sacs sont
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. Ss1
larges et forment quatre paires de saccules intervertébraux, en somme ils aérent la colonne vertébrale entière ainsi que les côtes dorsales.
L'aération des côtes sternales est fournie par des diverlicules latéro-thoraciques du sac claviculaire qui montre aussi un prolongement précardiaque qui s’étend jusque vers les trois quarts postérieurs du cœur en aérant le bréchet par une ligne médiane de trous pneumaliques.
Les sacs diaphragmatiques sont inégaux, les antérieurs étant beaucoup plus petits que les postérieurs qui sont thoraco-abdominau x.
Quant aux réservoirs abdominaux, relativement petits, ils sont pré-intestinaux, soulevant cependant quelques anses du tube digestif.
La pneumaticité squelettique est surtout développée dans les os plats et courts, mais le fémur et la clavicule sont médullaires .
Cacatua molucensis. — C'est, du reste, ce que nous retrouvons dans le Cacatoès à huppe rose (C. molucensis) où d’autres particularités rappellent la structure des organes aériens chez l’Ara militaire. |
Le diverticule précardiaque du sac claviculaire s'étend sous le sternum jusqu’au niveau du foie.
Les sacs diaphragmatiques postérieurs, plus grands que les antérieurs, s'étendent aussi dans l'abdomen. Ils sont séparés de ceux-ci par une cloison oblique telle que les vésicules antérieures s’intercalant entre le saccule précardiaque et leurs congénères postérieures, s’avancent jusqu’à la pointe du sternum.
Sur l'animal que j'ai disséqué je n’ai trouvé qu'une seule vésicule abdominale; sans pouvoir affirmer la constance du fait, je rappellerai que dans cette préparation la seule vési- cule abdominale qui existait était médiane, pourvue de deux ouvertures bronchiques et entourée par la masse intestinale qui l'enveloppait sur les côtés et en arrière où
elle la séparait du cloaque; dans le Æosa/bin, cependant, ANN. SC. NAT. ZOOL. XÉ,- 6. — ART, N° 4,
j'ai trouvé deux vésicules abdominales, très nettes et symé- triques.
Quelques considérations sur l'appareil aérifère des Perro- quets. — Je vais essayer maintenant de rapprocher ces observations de celles que J'ai faites sur d’autres animaux, et je dirai : ici, les sacs cervicaux n’ont pas de diverticules à la face postérieure du cou, c’est le même fait que nous avons trouvé chez les Grimpeurs; par la forme et la dis- position du sac claviculaire et de ses diverticules, par, l’iné-
galité des sacs diaphragmatiques où les vésicules antérieures
sont plus petites que les postérieures (celles-ci étant thoraco- abdominales) les Perroquets se rapprochent aussi des Grim- peurs.
Mais ces derniers caractères sont aussi ceux des Aapaces nocturnes.
Ce rapprochement avec les Rapaces nocturnes sera encore plus frappant si je rappelle le chevauchement des sacs dia- phragmatiques postérieurs par les antérieurs que nous trou- vons encore chez les Perroquets et surtout si nous songeons que l’aération squelettique es/ chez eux, comme chez ces Rapa- ces nocturnes, peu développée dans les os longs mais fort grande dans les os plats et courts qui forment la charpente de l'animal.
Cette conformité de structure dans l'appareil squelettique des Rapaces nocturnes et des Perroquets est frappante; tandis que la dissemblance du mode de pneumatisation osseuse de ces mêmes Perroquets et de celui des autres oiseaux grimpeurs est non moins évidente.
COUREURS.
Dans le groupe des Coureurs j'ai disséqué une A utruche chameau (Struthio camelus) et un Apteryx de Mantell.
Le premier de ces animaux était de taille beaucoup trop considérable pour que je me puisse livrer sur lui aux men- surations pratiquées sur les autres oiseaux. Néanmoins comme il avait fait autrefois l’objet des recherches de Perrault, de Méry, de Sappey j'ai saisi avec empressement l’occasion
= EE
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 83
qui m'était offerte de suivre les travaux de ces maitres.
La pneumatisation abdominale de cet individu était du reste considérable et formée par des vésicules non identi- ques à celles des autres oiseaux, comme va le prouver le résumé de cette dissection.
En arrière du diaphragme thoraco-abdominal existaient deux sacs très distincts de nature et de rapports (1).
Le premier, le plus antérieur, veux-je dire, adossé au diaphragme, recevait l’air par un large orifice et n’était autre chose que l’homologue du sac abdominal des autres oiseaux. |
Aussi bien, par rapport au volume de l’animal, il était de taille peu considérable, affectant une forme globuleuse et occupant le tiers antérieur seulement de la cavité abdo- minale.
De diverticules, de prolongements fémoraux, point.
Et cependant, je le répète, par ses rapports avec le pou- mon et sa position postdiaphragmatique, c'élait bien un sac abdominal.
La vésicule postérieure, elle, de forme beaucoup plus allongée, puisqu'elle avait une longueur double de celle du précédent s’étendait jusqu'à l'extrémité postérieure de l'abdomen où elle se terminait en cui-de-sac.
Par l'insufflation, elle se dilatait, sans cependant s’accoler à ses congénères du côté opposé. La surface était assez ir- régulière avec de nombreuses bosselures. |
Bien plus, en avant, elle présentait un diverticule, court et globuleux dans le sac gauche, allongé dans le sac droit, qui s’'appliquait sur la face postérieure du sac abdominal correspondant (2).
Il était donc intéressant de chercher les rapports de ces vésicules cloacales avec l'appareil respiratoire.
L'examen anatomique externe nous montre qu’elles sont
(1) Georges Roché, Bullet. soc. philom., 8° série, t. I, n° 2, p. 441.
(2) Le diverticule du sac droit longe le sac abdominal sur une partie de sa face inféro-externe.
84 GEORGES ROCHÉ.
bien distinctes des poches antérieures sur lesquelles elles plongent, leurs membranes en sont parfaitement isolables.
De plus, si l’on vient à pratiquer avec un trocart une ouverture dans un réservoir abdominal, on le voit s’affaisser en même temps que demeure gonflé le sac postérieur corres- pondant.
Celui-ci est donc absolument indépendant du sac aérien placé au-devant de lui, dans la cavité postdiaphragma- lique.
D'autre part, quelle voie le met en communication avec le poumon?
Les bronches y envoient-elles directement un canal aérien? Cette hypothèse doit être repoussée, « priori, par suite des rapports mêmes du poumon. Du reste, si, ayant pratiqué une ouverture dans la paroi de notre réservoir, on cherche par quel orifice l’air peut y pénétrer on se convainc facile- ment qu'il n’y a pas de voie de passage immédiate de l’air pulmonaire.
De fait, un trou situé dans l’angle des os ichiatiques met ce sac en communication avec les diverticules vertébraux des sacs cervicaux. |
Ici, les sacs cervicaux ne bornent donc pas leurs diver- ticules vertébraux aux prolongements dorsaux mais, suivant les gouttières vertébrales, s'étendent jusqu’à l'extrémité du COCCYX.
M. le professeur Sappey a déjà fort bien décrit ces prolon- sements vertébraux et coxo-fémoraux (1), mais avant lui, en 1666, Perrault a signalé dans l'abdomen de l’Autruche la présence des diverticules que nous avons décrits (2).
Ce dernier auteur paraîl s'être complètement mépris sur la nature de ces saccules, qu'il appelle « cloacaux ». M. Sappey en rappelant la description de Perrault semble douter de l'existence de ces sacs. Il dit, toutefois, que «si les cellules mentionnées par Perraultexistent », elles ne sont pas
{4) Sappey, loc. cit., p. 32. (2) Perrault, Mémoires de l’Académie des sciences, t. IIT, 2° partie, p. 125.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 89
une dépendance du poumon, mais un « simple prolongement de ce grand courant qui oscille de l’atlas au coccyx et qui, en refluant vers les muscles de la cuisse, remonterait dans le bassin pour se porter jusqu’au cloaque ».
Ces cellules aérifères existent bien réellement, de plus ce sont aussi des prolongements, des diverlicules supra- vertébraux, et l’on ne saurait s'étonner de la méprise de Per- raull, puisque cet auteur ne soupçonnait pas l'existence des Sacs CETVICAUX.
Le système aérien de l’Autruche par rapport à celui des autres oiseaux est assez peu considérable.
Mais chez l'Apteryx de Mantell 1 semble encore beaucoup plus réduit. Les parois sacculaires sont ici d'une épaisseur, d’une solidité toute spéciale et les sacs abdominaux peu étendus dans l'abdomen se cachent en avant sous les sacs diaphragmatiques postérieurs dans la cavité thoracique. Le système aérifère cervical est ici à peu près nul comme Huxley l’a constaté et comme je l’ai reconnu moi-même (1).
Chez les Coureurs que j'ai étudiés, le système vésiculo- aérifère est en somme relativement petit. Dans l'Aptéryx de Mantell la cavité abdominale ne présente pas, en outre, les poches aériennes volumineuses que J'ai rencontrées et dé- crites dans l’Autruche, où de plus les membres inférieurs sont largement aérés.
PNEUMATICITÉ COMPARÉE DES DIFFÉRENTS OISEAUX.
Jusqu'ici je ne me suis occupé en aucune facon de la comparaison de la pneumaticité totale des oiseaux des divers ordres et familles.
Il ya cependant intérêt à examiner les variations que peut subir le volume de l’air chez les différents individus de la série ornithologique.
M. le professeur Sappey (2) dit, dans son beau mémoire,
(1) Huxley, On the respiratory organs of Apteryx (Proceed. Zool. Soc. of London, 1882, II, p. 560-569). (2) Sappey, loc. cit., p. 50.
86 GEORGES ROCHE.
que les volumes des sacs aériens d'un grand Rapace et d’un Passereau sont relativement aussi grands; M. le profes- seur Marey, dans son remarquable ouvrage sur le Vo/ des Oiseaux (1), croit à un développement véritablement minime de la capacité aérifère de ces animaux.
Cette capacité est effectivement beaucoup plus développée que ne l’admel le savant maitre.
Mesurée au moyen de la masse à injection emmagasinée par l'appareil respiratoire et ses diverticules, j'ai pu établir approximativement — car ces opérations n’ont rien de la précision mathématique — que la pneumaticité, beaucoup plus grande que l’on ne le croit, est encore variable, sinon suivant l'ordre zoologique, tout au moins suivant le mode de vie des animaut.
J'ai donné plus haut un tableau de comparaison des volumes des sacs aériens de la Cresserelle et de leurs diver- licules, mais je n’ai pas insisté, me réservant de Le faire ici, sur le volume total de l’air occupé dans l'appareil vésiculo- pulmonaire et sur la répartition de cet air entre les diffé- rents réservoirs. |
Campana essaya le premier, il y a quinze ans de cela, une mensuration volumétrique des sacs aériens (2).
Dans toutes les opérations qu’il a entreprises à ce sujet, il affecta du reste de viser à une certaine précision, et nous devons reconnaître qu'il s’est rapproché beaucoup plus de la vérité que ne l’avait pu faire Natalis Guillot.
Du reste, je vais exposer rapidement un de ses procédés de mensuration.
Prenant une jeune poule à jeun depuis vingt-quatre heures, il lui la la trachée, à la fin d’une inspiration. L'animal ainsi asphyxié fut alors plongé dans un bain d’eau de façon à en connaître le volume. À ce moment l’auteur opéra plusieurs aspirations trachéales, de façon à vider l’oiseau de l’air con- tenu dans son appareil vésiculo-pulmonaire. La diminution
(4) Marey, Vol des oiseaux, Paris, 1889. (2) Campana, loc. cit., p. 204.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 87
de volume de l'individu donnait ainsi le volume de cet air : V.
Alors, il était poussé à l’intérieur de l'appareil vésiculaire une injection résineuse, pouvant donner des préparalions par corrosion. Le volume emmagasiné de masse à injection était V’.
Lorsque la pièce se trouvait corrodée l’opérateur établis- sait le volume relatif de chaque sac en pesant le moulage de chacun d’eux et rapportant ces poids à la densité de la masse. Il obtenait ainsi les volumes A, B, C, etc.; puis 1l rappor- tait Le volume V' au volume V et déduisait enfin les valeurs de À, B, C, etc...
Bien que paraissant fort logique et suffisamment précis pour les besoins de l'anatomie, ce procédé péchait par plu- sieurs points.
D'abord l'animal ainsi asphyxié ne pouvait en quoi que ce fût donner une mesure de l’air des sacs. L'air des diver- ticules externes ayant disparu ne pouvait permettre d'établir sûrement le volume V.
D'autre part, le vide, pratiqué comme le faisait Campana, ne permettait en aucune façon de débarrasser l'appareil vésiculo-pulmonaire de l’air qu'il contenait à beaucoup près; enfin, l'injection ne pourait se répartir d’une façon propor- tionnelle en des vésicules où l’air n’était pas à une pression uniforme.
ILest à noter qu’en cet instant je ne m'occupe spéciale- ment d'aucune doctrine physiologique, me cantonnant dans la critique d’un procédé d'investigation anatomique.
Mais il est indéniable et Campana, du reste, s’en rendait un peu compte, que les résultats obtenus par ce moyen ne pouvaient donner une idée, même approximative, du volume total de l’air intra-vésiculaire et de sa répartition entre les différents réservoirs.
Avec une méthode nouvelle et bien incontestablement plus précise j'ai voulu dresser le tableau de cette répartition intersacculaire de l’air dans l'oiseau.
88 GEORGES ROCIÉ.
Comme je l’ai dit plus haut, J'ai injecté tous les réservoirs d'un même individu, sur la même pression. Leurs volumes sont donc comparables entre eux sans prétendre, en quoi que ce soit, représenter la forme normale des organes sur l'être vivant. |
C'est la Cresserelle, entre autres animaux, que je vais prendre pour type dans cet examen; or en établissant le volume de l’air que peut contenir son seul appareil vésiculo- pulmonaire j'ai vu que : pour un poids de un kilo d'animal ce volume est de 613 centimètres cubes.
Ce résultat se trouve en contradiction avec ce que dil M. le professeur Marey : à savoir que si l’on suppose qu’un animal du poids de 5 kilos contienne un litre d’air dans un appareil aérifère et ses plumes on fait une supposition exagérée. $
Remarquons que le résultat que je viens d’énoncer ne vise que le seul système vésiculo-pulmonaire, que je ne tiens aucun compte du volume de l'appareil aérien cervico- céphalique, n1 de l'air des plumes et nous verrons que pour un poids de 5 kilos de cet animal la capacité des sacs aériens pulmonaires et de leurs diverticules serait d’un peu plus de Je Nbre.
Je sais fort bien que jamais l’oiseau ne se trouve rempli d'air comme dans l'expérience il se trouve rempli de masse à injection, mais la correction à faire subir au chiffre énoncé ne saurait en aucune façon le réduire à la proportion donnée par Campana. |
L'air occupe donc, dans les vésicules extra-pulmonaires, un espace relativement considérable et certainement plus volumi- neux que celui qu'on lui avait assigné jusqu'ici.
Volumes relatifs des sacs aériens. — Quels sont mainte- nant les volumes comparés des différents sacs aériens chez la Cresserelle?
Sans nous occuper de l’aération squeletlique, voici d’une façon brute les rapports volumétriques des différents réser- voirs avec leurs diverticules.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 89
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») Sacs cervicaux et leurs diver tiqules Li 41 Serre MO EE 0 8 Sac claviculaire et ses diverticules................... 5 2 417 Diaphragmatiques (antér. et postér.)................. 2 » Abdominaux et leurs diverticules.................... 7 »
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En étudiant l'anatomie comparée de ces organes nous verrons que ces rapports sont plus ou moins variables et que chez la plupart des oiseaux les sacs abdominaux occu- pent un volume égal à celui de tous les autres réunis.
J'ai cru bon aussi de dresser un tableau du volume de l'appareil aérifère de quelques oiseaux de façon à comparer leurs différents degrés de pneumaticité.
C'est le suivant :
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90 GEORGES ROCHÉ.
Cependant, bien qu'indiquant déjà une variation sensible de la capacité aérifère suivant les oiseaux, cette méthode n'est pas suffisamment rigoureuse, les animaux n'ayant certainement pas été tous injectés sous une pression iden- tique, égale à la différence entre la hauteur barométrique et la pression de l’air résidual contenu dans les cavités aéri- fères au moment de l'injection.
J'ai songé à appliquer à quelques individus qu'il m'était donné de disséquer la méthode usttée autrefois par M. le pro- fesseur À. Milne-Edwards (1) pour quelques oiseaux comme le Pélican, le Tantale, le Canard Milouin, etc.
Ainsi j'ai relevé l'abaissement de poids spécifique que fait subir aux oiseaux l'insufflation maxima de leur appareil aérien, dans les limites de leurs téquments.
Cette condilion est importante, et l’on ne saurait calculer
l’augmentalion de volume sur un animal écorché, car, bien que ne visant, en aucune façon, la précision des expériences de laboratoire, nous devons nous rapprocher autant que possible de l'état de nature. _ Or, les membranes sacculaires, celles des diverticules externes ou sous-musculaires sont éminemment extensibles et peuvent se développer d'une façon difficile à déterminer. Il serait donc impossible d'établir une comparaison sérieuse entre les différents volumes puisque rien ne pourrait per- mettre d'établir le point d'emmagasinement maximum.
Du reste, nous savons fort bien que jamais l'oiseau ne se trouve à l’état de vacuité d'air comme nous le trouvons sur le cadavre ni de réplétion comme celui auquel l’amène l’in- sufflation; mais en mesurant l’abaissement du poids spécifi- que nous mesurons la dilatabilité de ses poches extra-pulmo- naires et de leurs diverticules et nous pouvons dire que si tel animal peut emmagasiner une quantité d'air plus grande relativement que tel autre, c’est que ses réservoirs ont une capacité totale plus considérable que ceux de ce dernier.
(1) A. Milne-Edwards, Ann. des sc. nat., vol. I, 1865, p. 138.
:
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX.
Donc, ayant pris la densité d’un animal non insufflé, je
reprends
de nouveau cette densité lorsqu'il a été insufflé
au maximum.
La différence de: deux nous donne un chiffre aui, relevé chez beaucoup d'animaux, nous a permis de dresser le tableau suivant, qui montre les variations de l’extensibilité ou de la
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maxima des sacs aériens.
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op GEORGES ROCHÉ,
CONSIDÉRATIONS PHYSIOLOGIQUES.
Maintenant que nous venons de voir d’une façon aussi pré- cise que possible comment se comporte l'appareil aérifère dans les divers oiseaux, au point de vue anatomique, et au point de vue analomique seulement, le moment est venu, je crois, de nous servir des diverses notions que nous avons acquises chemin faisant et de nous demander de quelle utilité peut bien être cet appareil aérien même.
Non pas que je veuille assigner à ces organes un rôle que peut seule déterminer la physiologie expérimentale, mais il est fort clair que l’anatomie comparée étudiant des individus divers, vivant dans des milieux différents, ayant des habi- tudes différentes, doit, en signalant les variations de struc- ture de ces êtres, se demander si les conditions biologiques ne sont pas les causes de leurs modifications organiques.
En somme, à l'heure actuelle, la fonclion ou les fonctions des sacs aériens sont mal définies, presque inconnues et cependant ce ne sont ni les hypothèses ni les théories qui ont manqué pour tenter d'expliquer l'utilité de ces vésicules.
On croyait, autrefois, qu’elles avaient pour but de rendre l'oiseau spécifiquement moins lourd et qu’elles avaient une ‘influence incontestable sur le mécanisme de l'effort, sur le chant et surtout sur la respiration de l'oiseau.
Quoi qu'il en soit les opinions sont restées et restent encore flottantes sur tous ces points. L'appareil vésiculo-respira- toire étant en somme mal connu au point de vue anato- mique ne pouvait servir avec fruit aux expérimentations physiologiques.
Hunter admeltait autrefois que l'air introduit, dans l’accomplissement de la fonction respiratoire, à l’intérieur de l’oiseau, et jusque dans ses cavités osseuses, avait pour but d’alléger l'individu, en raison de la différence de tension de l'air interne et de l’air ambiant. Plusieurs auteurs à sa suite ont adopté cette manière de voir.
Cette différence est infime, 54 e/le existe, car l'air interne,
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 93
bien qu'à une température plus élevée que le gaz environnant, est aussi plus lourd, étant chargé de vapeur d’eau et d'acide carbonique.
C’est du reste ce qu'ont fait remarquer la plupart des auteurs qui se sont occupés de cetle question dont l’un a ajouté que, si jusqu’à ce jour, on a comparé l'oiseau à un homme qui nagerait en s’allégeant avec des ballons pleins d'air, il y a cette différence, suivant l'expression de M. Brasse (1 ), que « le nageur est dans un milieu plus dense que l’air, tandis que l'oiseau est dans l’air même qui remplit ses Sacs ».
Mais il était encore une autre fonction assignée aux vési- cules extra-pulmonaires : celle de servir de réservoir de gaz respirable lorsque l'oiseau vole très vite. (A cette époque on admettait que les côtes étaient immobiles dans le vol.)
Richard Owen, lui, pensa que les diverticules sous-mus- culaires n'étaient pas sans influence sur le mécanisme de l'effort. |
Enfin M. Sappey assigna aux réservoirs diaphragmatiques une part prépondérante dans l’exécution du chant si remar- quable chez beaucoup de ces animaux.
À toutes ces hypothèses j'ai voulu appliquer le contrôle des données qui, résultaient des recherches entreprises sur l'anatomie comparée de ces organes.
Nous avons donc à examiner comment se comportent les sacs aériens au point de vue de la fonction respiratoire elle- même, puis à envisager quel rôle ils peuvent jouer dans la locomotion de l'individu ; terrestre, aquatique ou aérienne (2).
Rôle dans l’aération pulmonaire. — Tout d'abord rappe- lons quels sont les volumes relatifs occupés par les différents sacs aériens chez un oiseau, le Pigeon domestique, par exemple ; ces volumes sont résumés dans le tableau suivant, exprimés en centimètres cubes.
(1) Léon Brasse, Compt. rend. Soc. biol., 8° série, t. V, p. 660. (2) Histoire de l'Académie des sciences, t. II, p. 63.
94 GEORGES ROCHÉ. Sacs cervicaux
Sac claviculaire Diverticules précostaux — précardiaque.... — axillaires
Sacs abdominaux
Diaphräagmatiques antérieurs Em POSÉRENTSRRSE
A l'examen de ce tableau on voit que la capacité aérienne du poumon et des sacs diaphragmatiques réunis est égale au liers à peu près de celle de toutes les autres vésicules.
Dès lors, on est en droit de se demander si la théorie du fonctionnement mécanique de l’appareil respiratoire des oiseaux (1) doit être admise comme rigoureusement scien- tifique.
Esquissée, autrefois dans une séance de l’Académie des sciences, en 1689, cette théorie de l’antagonisme des réser- voirs moyens avec les vésicules antérieures et postérieures, fut reprise par Girardi et un certain nombre d'auteurs; mais ce fut M. le professeur Sappey qui, le premier, la résuma, lui donna une forme acceptable et se basa pour son édifica- tion sur des expériences physiques et chimiques intéres- santes.
Dans ses Recherches sur l'appareil respiraioire des oiseaux, il dut:
«.…. Il existe, entre le Jeu des réservoirs moyens (dia-
(1) Sappey, loc. cit., p. 39,
CR RS
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 95
phragmatiques) et celui des réservoirs antérieurs el posté- rieurs, la plus remarquable opposition. »
Après expérimentalion, en effet, l’auteur a conclu que pendant l'inspiration les sacs diaphragmatiques se dilatent, alors que les autres se vident; tandis que pendant l'expira- tion les réservoirs diaphragmatiques s’affaissent, les autres se remplissant. |
Ainsi, pendant l'inspiration — période du bruit respira- toire — l’air est appelé dans le poumon et les sacs diaphrag- matiques, et cet air provient du milieu ambiant, par la trachée, ainsi que des sacs antérieurs et postérieurs. Pendant l'expiration l’air des poumons et des sacs diaphragmatiques est chassé, en partie dans le milieu extérieur, en partie dans les vésicules des extrémités. Évidemment le jeu de pompe de l’appareil costo-sternal doit faire appel d’air dans les vési- cules thoraciques et aérer les voies pulmonaires.
Mais il est nécessaire, évidemment, pour la vie de l’oiseau, que cet air inspiré soit en majeure partie tiré du gaz ambiant, or 4 résulte des comparaisons volumétriques auxquelles je faisais appel tout à l'heure, que les sacs diaphragmatiques ayant une capacité fort peu considérable par rapport à leurs congénères des extrémités, ne peuvent, si l'antagonisme signalé plus haut est réel, faire subir, à l'air de ces sacs mêmes, autre chose qu'un mouvement d'oscillation aux différents temps de l'acte respiratoire. Dans aucun cas ce jeu antagoniste des ré- servouwrs ne peut amener les sacs postérieurs et antérieurs à se vider où à se remplir pendant l'inspiration ou l'expiration.
D'autre part, M. le professeur Sappey ayant pris un tube de verre le couda deux fois à angles aigus, puis il introduisit une des extrémités de ce tube dans le sac claviculaire de façon à ce que celle-ci fût la terminaison supérieure de l'S ainsi formée. Dans la concavité inférieure 1l fit passer une goultelette de mercure et il constata que pendant l’inspi- ration, durant la dilatation thoracique, le mercure était attiré vers le corps de l'animal, repoussé, au conlraire, pen- dant l’expiralion.
96 | GEORGES ROCHE.
Le seul fait de la dilatation thoracique, sans nécessiter le passage de l’air, du sac claviculaire en d’autres vésicules, suffit à expliquer ce phénomène. Le sac claviculaire ayant des rapports fort intimes, comme nous le reverrons dans un instant, avec les parties mobiles du thorax, sa dilatation donne l'illusion d’une raréfaction du gaz à son intérieur.
Aussi bien, les considéralions volumétriques ne nous amènent pas seules à ces conclusions, Le analomi- que nous parle dans le même sens.
Chez le Canard, étudié par M. Sappey, dans les Palmi- pèdes en général, les côtes étant rejetées {très postérieure- ment, les sacs diaphragmatiques ne dépassent pas les limites du thorax, mais nous savons que ce fait est en somme assez rare et que, chez la plupart des oiseaux, les sacs diaphrag- matiques postérieurs sont le plus souvent thoraco-abdomi- naux.
Or, toujours si l'hypothèse admise est juste, comment vont se comporter ceux-ci ?
Pendant l'inspiration, la partie thoracique devra se dilater ; mais, en arrière, la portion du sac comprise seulement entre le diaphragme thoraco-abdominal d'une part et les parois de l'abdomen d’autre part, se conduira-t-elle de la même facon?
Il y a encore lieu de considérer le réservoir claviculaire qui, pour une grande proportion, est en rapport avec les par- ties mobiles du thorax.
Ainsi, nous savons que ses diverticules précardiaques et sterno-coslaux occupent un volume presque égal à sa capa- cité propre; lui-même, à part la petite po an proéminente dans la fourche coracoïdienne, est tout entier contenu dans lacavité thoracique.
Dans la période d’ inspiration ces cavités se dilatent évi- demment autant et tout aussi bien que les sacs diaphrag- matiques eux-mêmes.
Enfin les rapports du sac claviculaire avec le diaphragme pulmonaire sont en somme fort intimes et ne sauraient l'exclure de la faculté d’ampliation inspiratoire.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 97
Il nous reste donc à conclure, d'après les données que nous fournit l'anatomie, que l'étude du fonctionnement de l'appareil respiratoire doit être reprise d'une façon très rigoureuse.
Et nous dirons :
1° Que le faible développement des réservoirs diaphragmati- ques, comparé à celui des vésicules des extrémités, ne permet pas d'expliquer l'affaissement de ces dernières, ou leur réplé- tion, aux dhfférents temps de l'acte respiratorre ;
2° Que la situation presque constamment thoraco-abdominale des sacs diaphragmatiques postérieurs vient encore meltre en doute cette démarcation tranchée des réservoirs moyens et postérieurs ;
3° Que la présence des diverticules claviculaires intra-thora- ciques, aussi grands que la poche médiane sur laquelle ont porté les expériences, ne permet pas davantage cette ds- finction.
Hypothèse de Léon Brasse. — Dans une note présentée le 28 juillet 1888 à la Société de biologie, M. Léon Brasse attri- bue aux sacs aériens un rôle véritablement actif dans l’oxyda- tion hémoglobinique respiratoire (1).
Toutefois, pour être clairement comprise, cette hypothèse exige que nous entrions dans quelques considérations d'ordre purement chimique.
Dans différentes expériences de laboratoire, l’auteur a d’abord établi « que la tension de dissociation de l’oxyhé- moglobine crolssrit, avec la température » et que, nulle à 0°, cette tension est telle qu: l’oxyhémoglobine au-dessus de 0° ne se forme que si la tension de l’oxygène dans l'air ambiant est supérieure à sa tension de dissocialion.
Après avoir signalé le cas de mort chez un animal chauffé à 45° et dans les hyperthermies pathologiques, l’auteur examine le phénomène respiratoire chez les oiseaux. Il dit : « La tension de dissociation de l’oxyhémoglobine est la
(1) Léon Brasse, loc. cit., p. 661. | ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 7. — ART. N° d.
08 .. !: GEORGES ROCHE.
même à une température donnée quel que soit l'animal, et pourtant la température normale de l'oiseau est voisine de 45°, älors qu'un mammifère dont la température serait la même mourrait d'asphyxie ».
C’est là qu'il fait intervenir le rôle des sacs aériens. Com- parant le poumon des oiseaux à celui des mammifères, il dit qué l'acide carbonique que l’on trouve dans les vésicules de ces derniers animaux ne saurait se trouver dans les premiers où les vésiculés aérifères, comprimées pendant l'expiration par les couches musculaires, entre lesquelles elles se trou- vent comprises, chassent l’air résidual des voies respira- toires. |
À ceci nous ferons plusieurs objections. D'abord la tempé- rature des oiseaux est de 40° à 41° au lieu de 45 et la fréquence des mouvements respiratoires chez les oiseaux suffit seule au renouvellement de l'air correspondant à cette tempéra- ture UE |
Puis, les sacs aériens ne sont pas « silués, pour la majeure parte, entre les couches musculaires » ef ne sauraient se vider d’un coup, sans nuire considérablement à l'équilibre de l'être volant. |
Enfin, si les sacs aériens jouent un rôle dans le cas qui nous occupe, les seuls sacs thoraciques, en rapport avec les parties mobiles de la cage osseuse, peuvent avoir une action efficace, par leur influence sur la ventilation parfaite du poumon, que nous devons admettre comme nécessaire après les expériences chimiques rigoureuses de M. Léon Brasse.
Cependant il est bien certain que l’air accumulé dans les vésicules aérifères par les mouvements respiratoires, air répandu, chez beaucoup d'oiseaux, dans des lacunes sous- cutanées, et chez presque tous dans les diverticules osseux, doit avoir une influence sur la respiration des animaux plongeurs qui peuvent y trouver une réserve pour l’hé- malose. |
(1) 22 à 26 inspirations par minute au lieu de 12 à 15 comme chez les mammifères.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 99
L'augmentation de volume des sacs aériens thoraciques est évidemment fonction d'un perfectionnement de l'ap- pareil respiratoire, mais les diverticules externes et les sacs abdominaux répondent assurément à d’autres besoins n'ayant aucun rapport avec le phénomène de l’oxydalion hémoglobinique, comme l’a déjà justement fait remarquer Strasser. |
M. le professeur Sappey admet aussi que dans le chant des oiseaux les sacsdiaphragmatiquesjouentun rôle prépondérant. Il ne me semble guère possible de ne pas leur y ajouter le sac claviculaire, dont les rapports avec l’appareil costo-ster- nal sont aussi intimes que ceux des réservoirs diaphragma- tiques; particulièrement chez beaucoup de Passereaux où nous avons vu plus haut que le sac claviculaire envoyait sous le sternum un énorme diverticule alors que les réservoirs moyens de Sappey étaient réduits à une paire.
Du reste, ce n’est là qu’une simple réflexion qui m'est suggérée par l'examen anatomique, et que corrobore la possibilité d'imiter la voix d’un oiseau en insufflant sur un cadavre le sac claviculaire.
Mais il est un rôle que l’on a contesté et que l’on conteste encore aujourd'hui aux organes aérifères, Je veux parler de leur influence sur la locomotion des individus.
Influence de la pneumaticité sur la locomotion des oiseaux. — D'une façon générale, un certain nombre d'auteurs se refusent à admettre que la pneumatisation puisse faciliter en quoi que ce soit le vol des oiseaux.
Au sens où Hunter entendait ce rôle des sacs aériens, c'est-à-dire par la diminution de poids que l'air interne de l'oiseau fait subir à l'animal, rien n’est moins juste, nous le savons déjà ; et ce point de vue de la force ascensionnelle due à la différence des densités de l’air ambiant et de l'air interne est abandonné depuis longtemps.
Mais 1l nous est donné d'envisager la question sur une autre face.
Ün oiseau qui vole doit éprouver de la part de l’air une
100 GEORGES ROCMÉ.
résistance au moins égale à son poids; s’il n’en était ainsi, ‘il se précipiterait.
Cette résistance, on le sait, est fonction de l’air déplacé et de la vitesse du vol. Or, un oiseau qui vole peut être considéré comme formé de deux parties distinctes : wn appareil passif, le corps proprement dit de l'animal, un appareil locomoteur, propulseur, actif, les anles.
Il est incontestable que l'air introduit à l'intérieur de cet oiseau, en augmentant son volume, sans augmenter sensi- blement son poids, lui est un soulagement efficace dans l’effort du vol, la résistance de l'air se faisant sentir sur une plus grande surface.
Je prévois que l’on va m'objecter que ce développement de l’appareil aérien ne sera pas seulement un obstacle à la précipitation de l'individu, mais qu’il sera un obstacle aussi à sa progression ascendante ou horizontale. Mais si le poids et le travail propulseur croissent suivant le cube des dimen- sions linéaires, la résistance de l’air ne croît que suivant le carré de ces mêmes dimensions ; il nous faudra donc con- clure, avec Müllenhoff, que les oiseaux de gros volume, comme sur mer les gros navires, éprouvent moins de résistance dans leur progression et dépensent moins de travail.
_ Bien évidemment il doit y avoir un minimum de poids spécifique, car si celui-ci devenait trop faible l'animal serait à la merci des vents. Mais si l’on réfléchit que la masse en- traînée par l'oiseau dans l'atmosphère est considérable, eu égard à la densité du milieu, il est fort clair que jamais l’ap- pareil vésiculaire ne sera assez considérable pour être l’im- pedimentum dont certains auteurs croient les oiseaux affligés.
Du reste je me suis livré aux quelques spéculations qui précèdent, non pour juslifier, mais pour permettre de com- prendre les données que m’a fournies l'anatomie comparée.
Si nous jetons, effectivement, les yeux sur la courbe de pneumaticité que j'ai dressée plus haut, nous voyons que les oiseaux migrateurs ou chasseurs ont une capacité aérienne notamment plus considérable que ceux qui volent peu ou mal.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 101
Les Pygargues, les Vautours, les Flamants, les Pélicans, les Frégates, etc... tous animaux doués de la faculté du vol à voiles, sont pourvus d’un appareil aérien extrémement déve- loppé. Enfin, si nous regardons un Pélican prendre son essor, un Flamant se disposer à voler, nous les verrons gonfler d’air leurs lacunes sous-cutanées, amenant chaque animal à occuper un volume beaucoup plus considérable que celui qu'il avait au repos.
Influence de la pneumaticité sur le mécanisme de l'effort. — Dans son ouvrage sur le Vo/ des orseaux, M. le professeur Marey dit : « Il sera bien intéressant de rechercher si les muscles pectoraux des voiliers n'ont pas quelque particula- rité dans deur structure ou dans leur fonction qui les rende plus aptes à soutenir des efforts prolongés (1). »
Cette particularité n'est-elle pas justement la présence de coussins aériens plus ou moins volumineux sous ces muscles suivant la plus ou moins grande puissance alaire de l'animal?
C'est un fait incontestable et constant, que les oiseaux voiliers, bons volaieurs, capables de fournir de longues courses aériennes, sont pourvus de diverticules sous-mus- culaires beaucoup plus développés que leurs homologues chez les oiseaux marcheurs, percheurs ou plongeurs.
La Frégate et les Totipalmes, le Flamant, V Oie de Magel- lan, les grands Ardéidés migrateurs, les grands Rapaces nous ont présenté de larges coussins aérifères sous les mus- cles moteurs des ailes.
Il est hors de doute que les mouvements respiratoires, fréquents chez les oiseaux, ne font subir qu'une oscillation insensible à l'air de ces coussinets. La cage thoracique, et, par suile, la surface d'insertion des muscles du mouvement alaire, se trouvent donc augmentées dans des proportions plus ou moins notables mais variant suivant la puissance du vol chez les oiseaux. |
Je ne saurais insister sur la stabilité que l’appareil aérifère
(1) E.-J. Marey, Le vol des oiseaux, Paris, 1870, p. 337.
102 ___ GEORGES ROCHE.
donne aux animaux nageurs dans leur élément, mais je ferai remarquer que chez eux la pneumatisation sque- leltique est poussée beaucoup moins loin que chez les oiseaux volateurs. | 4
D'abondant, nous observons que cette pneumaticité est également plus développée chez les individus bons vola-, teurs que dans ceux qui ne le sont pas.
Le principe de mécanique qui veut qu'à poids égal une colonne creuse soit plus solide qu’une colonne pleine est appliqué ici dans toute son étendue.
C'est effectivement une excellente condition de résistance pour les leviers alaires ou thoraciques, pour l’axe verté- bral, elc... que cette pneumatisation osseuse ; mais 1l y a des exceptions à celte règle générale et Strasser a constaté que chez les Æirondelles de mer et les Mouettes cette aéra- lion squelettique est restreinte ; j'ai pu moi-même faire des observations semblables sur les Mouettes, les Bécasses, les Vanneaux etc... Cependant, Campana, dans son mé- moire, se refuse à admettre que la pneumaticité squelet- tique ait une influence sur la facilité de la locomotion chez les oiseaux. Il se base sur ce qu'il a trouvé le squelette du poulet aussi lourd que celui d’un Mammifère (1) com- parativement au poids de l’animal. Il serait facile de réfuter cette assertion en nous reportant à la pneumatisation osseuse des individus dont J'ai décrit, plus haut, l'appa- reil aérien, mais il est aussi simple de se rappeler le principe de mécanique auquel Je faisais allusion il n'y a qu'un instant (2).
Enfin, pour en finir avec le rôle de cette pneumatisation squelettique et intermusculaire, nous remarquerons que chez les animaux pourvus d’une grande puissance des membres inférieurs, comme les Autruches, les Aigles, les Pygar- ques, etc., les muscles moteurs de ces membres recouvrent des saccules aérifères.
(4) Campana, loc. cit., p. 297. (2) Strasser, Ueber die Luftsäcke der Vôgel, Leipzig, 1877, p. 206.
|
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 103
Les diverticules aériens doivent donc jouer un rôle incontes- table dans le mécanisme de l'effort chez les oiseaux, la compa- raison des puissances musculaires relatives des différents individus parle fort nettement dans ce sens, ainsi que le montrent ces recherches d'anatomie comparée.
Chez les oiseaux plongeurs, je veux aussi signaler un rôle assez spécial de vésicules aériennes, pour cela je citerai seulement deux exemples.
Le Manchot qui vient de plonger émergera à la surface de l’eau, la partie postérieure du corps en avant; une Foulque, au contraire, reviendra toujours à flot en présen- tant la tête au-dessus de la nappe liquide. Cette différence est due, comme on peut se le rappeler, à la simple disposi- tion des sacs abdominaux, irès volumineux dans le Man- chot, très pelits dans la Foulque. Le flotteur se trouve dans un cas contenu dans l’abdomen et, dans l'autre, dans l’es- pace interclaviculaire. ;
Dans cette revue que nous venons de faire des fonctions de l'appareil vésiculo-pulmonaire, j'ai voulu être sobre de détails, l'étude qui m'a suggéré ces considérations physiolo- giques n'étant pas, comme la physiologie expérimentale, de nature à entraîner la conviction absolue. |
Je me suis borné en somme, après avoir décrit les variations de l'appareil aérifère suivant les groupes zoologiques, à en montrer les variations suivant le mode de we des oiseaux.
Cependant de l’ensemble de cette partie de notre travail il se dégage un certain nombre d'enseignements précis:
1° La constatation d'une contradiction absolue entre les données que nous a fournies l'anatomie et les idées générale- ment recues aujourd'hui sur le fonctionnement mécanique de l'appareil respiratoire des oiseaux ;
2° L’admission d'une influence incontestable des sacs aériens dans le vol de ces animaux ;
3° L'affirmation d'une action certaine des diverticules aériens sous-musculaires dans l’économie du travail de la contraction.
104 ! GEORGES ROCHE.
- Enfin, je ne parlerai que pour mémoire de l’influence des réservoirs sur la facilité de la locomotion aquatique chez les animaux D plongeurs:
. RÉSUMÉ.
_ En somme, bien qu'ayant fait l’objet de savants et remar- quables travaux, la question de la pneumaticité des oiseaux n'avait élé jusqu’à ce jour que fort incomplètement élucidée. _ On connaissait fort bien, à la vérité, la constitution de l'appareil aérifère du Cygne et du Canard dont M. le profes- seur Sappey a donné une très bonne description, on possé- dait également un travail très documenté de Campana sur les organes vésiculo-pulmonaires du poulet. Ces mémoires résumaient, à peu près, toutes les connaissances acquises sur le sujet.
Quelques notes spéciales, cependant, sur divers individus de la série ornithologique, traitant, en passant, de l’appareil pneumatique, tendaient à faire penser que la disposition de ces organes vésiculaires n’était peut-être pas tout à fait aussi invariable qu'on le voulait croire.
Hans Strasser, de plus, avait indiqué des A teste dans la pneumaticité de quelques oiseaux et fait remarquer avec beaucoup de justesse que Campana a eu le tort de tirer des conclusions physiologiques sur le vol, d'observations prises sur le poulet.
Enfin, après les observalions de M. le professeur A. Milne- Edwards sur la pneumatisation sous-cutanée et intermus- culaire — observations corroborant celles de Richard Owen, — il n’était plus permis de douter que cette disposition ana- tomique fût une simple particularité, voire même d’origine pathologique. Cependant elle trouvait encore des Cons dicteurs.
L'histoire des organes aérifères des oiseaux reslait donc fort obscure.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 105
Il n'était évidemment pas plus logique de croire connaître exactement la constitution de l’appareil pneumatique d’après la monographie du poulet et du canard, qu'il n’est raison- nable de juger un livre dont on n’a lu qu'un chapitre pris au hasard. Cependant, on s’en tenait à ces descriptions particulières que l’on généralisait à tous les oiseaux; bien plus, on appliquait ces notions spéciales à l'étude physiolo- gique du vol et de la respiration. Nécessairement, les résul- tats oblenus restaient fort vagues, souvent douteux sinon complètement faux.
Des idées malheureusement trop répandues mettaient un sérieux embarras aux investigations anatomiques compara- lives sur les réservoirs aériens.
On a cru, et un certain nombre de très bons esprits scien- üfiques croient encore, que dans le groupe si homogène des oiseaux, l'appareil vésiculo-pulmonaire ne pouvait présenter que des variations sans importance anatomique où physiolo- gique. Bien que ne se basant que sur une vue de l'esprit et nullement sur l'observation, cette opinion a arrêté certai- nement bon nombre d’anatomistes.
Puis on admettait encore — toujours sur la foi de raison- nements spéculatifs —- que les sacs aériens n'élaient que de simples lacunes interorganiques sans autonomie spéciale, qu'ils ne formaient nullement dans leur ensemble un appareil homo- gène et que leur étude ne pouvait fournir aucune conclusion profitable tant à la zoologie descriptive qu’à la physiologte expérimentale.
Enfin les causes les plus directes du peu d'enthousiasme des auteurs, à se livrer à des recherches anatomiques sur l'appareil pneumatique, furent certainement les grandes dhfficultés pratiques qu’ils rencontrèrent dans ces inves- tigations.
Il faul reconnaître, du reste, que sans une technique précise, il était à peu près impossible, non pas d’étu- dier l'anatomie des organes aériens d’un oiseau quel- conque, #74is -de comparer entre eux les appareils aéri-
106 GEORGES ROCHE.
fères de plusieurs individus pris dans la série ornithologique.
J'ai donc dû m'assurer d'abord de cette technique.
Plus haut, j'ai exposé une méthode entièrement nouvelle, que J'ai appliquée à un grand nombre de dissections, sans cesser pourtant de me servir de l’insufflation aérienne comme procédé comparatif. |
Parmi les nombreux avantages que J'ai relirés de cette technique, je mentionnerai; 1° /a plus grande facilité que je trouvais ainsi à disséquer sur des moulages ; 2 la possibilité
de déterminer rigoureusement la sphère d'aération de chaque.
réservoir ; 3° la possibilité d'établir une comparaison entre les capacités pneumatiques de plusieurs oiseaux; 4° l'évaluation des volumes relatifs des vésicules d’un même animal, ete., etc.
Or, il est advenu qu’en mettant à côté l’un de l’autre les résultats de différentes dissections ?’at été amené à reconnaître que les sacs aériens d'un Passereau présentaient de notables
et profondes dissemblances avec ceux d'un Palmipède; que ceux d'un Totipalme présentaient avec ceux d'un Lamellrostre
un certain nombre de caractères distinctifs, mais aussi quel- ques grands caractères communs et qu’enfin les réservoirs aéri- fères des Totipalmes montraient une disposition, et des rapports semblables dans les limites du groupe avec des variations indi- niduelles, souvent peu importantes.
Dès lors, 0 devenait impossible de considérer l'appareil pneu- matique des oiseaux comme invariable dans la série ornitholo- gique, et de l’envisager comme l'assemblage de lacunes interorga- niques sans autonomie et sans homogénéité.
En un mot, il était patent que l'anatomie comparée des ré- servoirs aériens était entièrement à étudier et qu'il y avait là une lacune considérable dans nos connaissances scienti- fiques.
D'autre part, je me devais aussi demander si les organes aérifères qui variaient suivant les groupes ornithologi- ques ne variaient pas aussi suivant le mode de vie des oi- seaux ?
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 107
Et j'ai pu voir que, bien que présentant entre eux de nom- breux points de rapprochement dans leurs organes vésicu- lairés, les Rapaces bons volateurs et les Rapaces mauvais vola- teurs montraient d'assez profondes dissemblances, sinon dans la disposition, du moins dans le volume de ces vésicules et sur- tout dans la plus ou moins grande extension des appareils di- verticulaires. |
J'ai pu voir aussi que les grands volateurs, qu'ils soient Vautours, Cigognes ou Frégates, avaient des dispositifs ana- loques dans certaines parties de leurs organes aériens et que ceux-ci, tout en conservant les caractères fondamentaur des groupes respectifs : Vulturidés, Ardéidés, Totipalmes, m0n- traient un développement volumétrique et une extension diver- ticulaire comparables. |
Chez les Plongeurs, comme les Grèbes et les Foulques, j'ai retrouvé à côté des caraclères qu'imprimait la parenté les caractères d'adaptation, que donne la similitude dans le mode de vie.
Enfin chez les oiseaux aquatiques ou mauvais volateurs, j'ai vérifié cette assertion que leur pneumatisation osseuse est beau- coup plus restreinte que chez les bons volateurs.
L'appareil aérien varie donc profondément suivant les ordres de la classe des oiseaux,un peu moins suivant les Familles de ces ordres, un peu moins encore suivant les genres de ces Familles. Enfin, sans modifier les caractères génériques fondamentaux, le mode de vie influe sur le plus ou moins grand développement volumétrique de cet appareil et sur la plus ou moins grande extension de ses prolongements diverticulaires, intra-osseux, sous-musculaires ou sous-cu- tanés.
Ces dissemblances ou ces homologies présentent une constance remarquable dans toute la série ornithologique et je suis amené à dire que : l'appareil aérien fournit à la classifi- cation l'appoint de très sérieux caractères anatomiques aussi précis certainement que ceux que l'on tire des différents autres
108 GEORGES ROCHÉ,
organes splanchniques et beaucoup plus que ceux dérivés je organes téqumentaires.
Les réservoirs aériens sont une production caractéristique du feuillet endodermique de l’oiseau comme la plume est caractéristique de son feuillet ectodermique.
De même que la ténacité de cette plume varie suivant les conditions climatériques ou la puissance du vol de l'animal, de même le volume de l’appareil pneumatique varie suivant les conditions biologiques de cet animal ; mais ces vésicules ne gardent pas moins dans les rapports qu’elles présentent entre elles et avec les organes voisins un cachet spécial que leur imprime la parenté et qui peut évidemment servir d'adju- vant à la classification zoologique.
C'est ainsi que j'ai démontré que les Flamants, placés si longtemps parmi les Échassiers, présentent un appareil vési- culo-pulmonaire de Lamellirostres, tout en se distinquant de ceux-ci par une énorme pneumatisation sous-culanée.
Cette observation vérifie l'opinion des ornithologistes con- temporains qui placent les Flamants à côté des Lamelli- rosires dans le groupe spécial des Phænicoptéridés.
De même les Grèbes, en dépit de leurs caractères d'adap- tation, sont placés dans les Colymbidés et non pas à côté des Rallidés. Le Menure Lyre dont la place a été si longtemps incertaine se range d côté des Corbeaux par la structure de son appareil aérien; les Caracara prennent rang parmi les Faucons et non plus les Vautours.
Si les caractères que l’on peut tirer des organes aériens sont capables de permettre une telle élucidation de certains points de la classification zoologique, il est inléressant de voir qu'ils corroborent, ailleurs, les données sur lesquelles est basée cette classification.
C'est donc une œuvre nouvelle que cet essai d'anatomie com- parative des organes aérifères, essai qui, encore que n’envi- sageant pas la question dans tous ses détails, m'a permus, je crois, de poser d'une façon précise les principaux points de repère des recherches à venir.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 109
J'ai résumé les grandes données anatomiques, les grandes données seulement, qui se dégagent de ce travail dans le tableau suivant :
TABLEAU :
110
GEORGES ROCHÉ. _ Tableau général de l'appareil aérien
LS
c ad + ù z t = A. L 2 rN gere : - 7,
VÉSICULES AÉRIFÈRES.
Réservoirs Cervicaux.
LU ESP PLINACES PALMIPÈDES. ÉCHASSIERS. pee
Larges, volumineux|Volumineux; quel-| Peu développés. diverticules, sauf | quefois cloisonnés. [Pas de diverticules A lcidés, Impennes. Larges diverticules| post-cervicaux.
sauf : Charadridés,
Scolopacidés, Rallidés. [ Re EE Volumineux. Volumineux. Trois lobes interfur- Sans diverticule |Larges diverticules culaires. précardiaque. costaux. Petit diverticule Quelques excep- |Diverticule précar-| précardiaque. tions. diaque Petits prolon-
Réservoir claviculaire.
Réservoirs
diaphragmatiques.
Réservoirs abdominaux.
Pneumatisation Me
_SOuSs- rt
Larges prolonge- gements axillaires. ments extra-thora- ciques chez
bons volateurs.
chez quelques-uns. Larges prolonge- ments extra-thora- ciques chez bons volateurs.
Antérieurs > Posté-|
Postérieurs > Anté- Antérieurs rieurs. égalant à peu près rieurs. Cloison perpendicu- postérieurs Asymétriques.
sauf chez Rallidés |Cloison perpendicu- où : laire au poumon Antérieurs >> Posté- sauf rieurs. chez Tétraonidés. Cloison oblique.
7 Pan > Ame
| laire au poumon | sauf chez Laridés . rer males Œruer à
Préintestinaux Postintestinaux “sauf sauf chez les Totipalmes.|dans les Scolopacidés et quelques Rullidés.
Préintestinaux. Asy- métriques.
Faible pneumatisa- tion osseuse. Pas d'aération sous- cutanée.
Faible chez Charadridés et Scolopacidés. Considérable chez Ardéidés.
D Un ua À chez Impennes et Alcidés, apparaît et se développe chez Lamellirostres. Maxima chez les oive Nulle chez Rallidés. D Reparait
chez Alectoridés.
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX.
chez les oiseaux Carinates.
PE EDR DR RE es à Re
PASSEREAUX. GRIMPEURS.
Petits. Petits. Sans diverticules
post-cervicaux. chez Coucous.
Trois lobes interfur-
Petits diverticules | Volumineux diver-
111
RAPACES.
Volumineux. Moyennement déve- loppés.
ticules. Pas de diverticules.
Peu volumineux. Très large. Petit. culaires. Trois lobes interfur-| Prolongement pré- | Diverticule précar- Volumineux diver- culaires. cardiaque. diaque. ticule précardiaque.| Large diverticulé | Volumineux diver-| Petits prolon- Petits prolon- précardiaque. ticules gements axillaires. gements axillaires.| Prolongements sous les muscles axillaires petits,sauf du vol.
chez les Coucous.
Postérieurs >> Anté- rieurs. Asymétriques. Quelquefois un seul de chaque côté chez Dentirostres.
rieurs. Asymétriques.
Sans position anato-| Sans position
mique fixe. anatomique fixe. Pneumatisation Pneumatisation osseuse osseuse et sous-cutanée très] et sous-cutanée développée très développée chez Bucérotidés. chez Toucans. Aération Assez forte
osseuse faible
pneumaticité sque- chez tous les autres.
lettique chez Coucous.
Postérieurs > Anté-| Antérieurs >> Posté-|Postérieurs > Anté-
rieurs sauf rieurs. chez Nocturnes où : | Antérieurs chevau- Postérieurs > Anté-| chent postérieurs. rieurs. Antérieurs chevau- chent postérieurs qui sont thoraco- abdominaux.
Préintestinaux ou seulement quel- ques anses du tube digestif.
Relativement peu volumineux soulévent quelques anses intestinales
sauf chez Nocturnes où ils sont
préintestinaux. Pneumaticité sque-| Pneumatisation lettique squelettique, très développée |surtout développée chez tous. dans les os
Chez beaucoup pneumatisation in- termusculaire. Aération des os platset courts principalement développée chez Nocturnes.
plats et courts.
112 |. GEORGES ROCHE.
Que je vienne maintenant à envisager le sujet de plus haut. : Nous verrons alors que toutes les tentatives de généralisa- lion essayée jusqu’à ce jour étaient au moins prématurées.
Il est vrai qu'un certain nombre, un grand nombre même, d'oiseaux sont dépourvus de preumatisation sous-cutanée ou intermusculaire, mais un grand nombre d'autres sont doués de cette disposition spéciale. Owen, puis A. Milne-Edwards l'ont nettement démontré chez plusieurs types, Hans Stasser l’'admet el Je crois avoir fourni à cette partie de l'étude de l'appareil aérifère l'appoint de bonnes observations.
D'autre part, si certains individus n’ont pas de diverticule précardiaque du sac claviculaire, ce diverticule signalé par Campana existe ailleurs que dans le poulet et je puis même dire dans la majorité des individus.
Nul chez les Palmipèdes, \ apparaît dans les Echassiers où il est petit (sauf chez les Rallidés). |
Il devient plus grand chez les Gallinacés, atteint son maxi- mun dans les Passereaux et les Grimpeurs où il commence à rétrograder (chez les Coucous).
Il diminue encore dans les Rapaces et les Perroquets, tout en restant fort net.
Je pourrais faire des observations analogues à propos de tous les diverlicules et notamment des prolongements sac- culaires de l'aisselle, dont le développement semble plus di- reciement en rapport avec le mode de vie des animaux. Mais il me semble superflu d'insister sur une conclusion qui se dégage si nettement de la lecture de ce travail.
Mais à côté de ces importants résultats anatomiques, 4 élait intéressant aussi de voir si les dissections comparatives infirmaient ou confirmatent les données que nous possédons sur la physiologie de l'appareil aérifére.
La théorie, autrefois émise par Sappey sur le fonctionne- ment mécanique de l'appareil respiratoire des oiseaux, éta- blissait un antagonisme remarquable entre les sacs diaphrag- maliques et leurs congénères des extrémités.
%
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 113
En d’aulres termes : on admettait que ces réservoirs dia- phragmatiques amenaient par leur dilatation dans le phéno- mène inspiratoire, une déplélion des sacs extrèmes ; tandis que leur affaissement expiratoire amenait une réplétion de ces mêmes sacs antérieurs et postérieurs.
Or, cet antagonisme n'est pas en rapport avec des résultats anatomiques. D'une part, des considérations volumétriques font voir que les réservoirs diaphragmatiques augmentés des pou- mons occupent un volume trop restreint pour provoquer, au cas où la théorie serait exacte, autre chose qu'un mouvement d'oscillation dans l’air des sacs antagonistes. De plus, 7e crois avoir prouvé que, dans la grande majorité des oiseaux, /e sac claviculaire présente relativement aux leviers sterno-costaux des rapports aussi intimes que les sacs diaphragmatiques eux- mêmes, dans la presque totalité de son volume.
Chez un Dentirostre, par exemple, le réservoir claviculaire occupe {par son énorme prolongement précardiaque et ses diverticulescostaux), dans la cage thoracique, un volume bien supérieur à celui des sacs diaphragmatiques.
Chez un Rallidé, les seuls prolongements costaux du sac claviculaire sont aussi volumineux que les vésicules dia- phragmaliques antérieures.
Enfin, chez presque tous les oiseaux le sac claviculaire est absolument intra-thoracique, hormis ceux, assez peu nom- breux, où il forme une poche péri ou précervicale.
Quelles sont donc les raisons qui pourraient empécher ce sac de suivre d'une facon synchrône, les mouvements de dilatation ou de déplétion thoraciques aux mêmes titres que les sacs dia- phragmatiques, durant les différentes phases de l'acte respira- torre ?
Mais si, le sac claviculaire paraît généralement soumis à l’in- fluence des mouvements sterno-costaux, les vésicules diaphrag- matiques postérieures ne paraissent pas toujours étre soumises aussi directement à cette influence.
Elles sont en effet le plus généralement thoraco-abdomi-
nales, ce qui suscite une certaine difficulté pour l'explication ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 8. — ART. N° 2.
%
114 NE a: GEORGES ROCHÉ.
des mouvements synchroniques avec ceux de leurs con- génères antérieurs. Je ne bâtis aucune théorie, je me contente de signaler cette
opposition si nette entre les résultats fournis par l'anatomie com-
parée et ceux que nous a donnés la physiologie, el je dis que:
I. Si les réservoirs daphragmatiques sont seuls antagonistes des sacs extrêmes, ils ne peuvent provoquer dans l'air de ceux- ci autre chose qu'un mouvement d'oscillation.
IT. Les rapports anatomiques du réservoir claviculaire et de la cage thoracique sont, dans l'immense majorité des cas, aussi intimes que ceux des réservoirs diaphragmatiques, si bien qu'il paraît impossible de les séparer de ceux-ci au point de vue fonctionnel.
On s’accorde encore à admettre que les vésicules diaphrag- matiques jouent un rôle prépondérant dans le chant des oiseaux en fournissant l'air à leur larynx.
Or les oiseaux chanteurs par excellence sont précisément pourvus de sacs diaphragmatiques relativement restreints alors que chez eux le diverticule précardiaque du sac claviculaire atteint un énorme développement. Dans ce cas, encore, celui- ci ne saurait être séparé fonchionnellement de ses congénères diaphragmatiques.
J'arrive enfin à cette partie de mon sujet qui traite de l'influence de la pneumaticité sur la facilité et la puissance du vol.
La comparaison de la pneumaticité relative de divers oiseaux, par un procédé assez spécial, m'a permis de voir que les capacités aériennes des individus bons volateurs étaient supérieures à celles des mauvais volateurs.
J'ai remarqué de plus que les oiseaux voiliers étaient, le plus souvent, pourvus d'une énorme aération sous-cutanée.
I! semble donc assez net que l'air intra-sacculaire doit jouer un rôle, que je ne saurais déterminer, mais qui n'en existe pas moins, sur la facilité du vol de ces oiseaux.
A cela je veux ajouter la constance du. grand développe- ment des diverticules externes sous les muscles alaires des
RÉSERVOIRS AÉRIENS DES OISEAUX. 115
ndividus à vol puissant ; diverticules dont la dilatation aug- mente la surface d'insertion des muscles des leviers des ailes ; ef je suis amené à croire à l'influence de ces diverticules sur l'économie du travail musculaire par la répartition de celui-ci sur une plus grande surface.
Au cours de ce travail J'ai indiqué quelques autres par- ticularités moins importantes qui ne sauraient trouver place ici. |
Il apparaît donc que l'anatomie comparée des réservoirs aérifères (qui n'avait pas été étudiée jusqu'à ce jour), élait capable de fournir, tant à la zoologie qu’à la physiologie, de nombreux et très utiles renseignements.
1783.
1784.
1788. 1802. 1803. 1804. 1805.
1811. 1812.
[TANT AREAS . t = |
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EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE 1
Fig. 4. — Face inférieurc du cou de l'Iis ROSE, dont les muscles ont été dissé- qués pour montrer le canal cervical inférieur Ce. — Vi, vertèbres cervi- cales injectées; mc, muscles intervertébraux; fm, faisceaux musculaires abaisseurs du cou; àc, artères carotides; SC, sacs cervicaux.
Fig. 2. — Aération sous-musculaire et sous-cutanée de la face latéro-dorsale gauche du PYGARGUE COMMUN. — /, lacune aérifère ; dp, deltoïde posté- rieur ; tb, triceps brachial; gda, grand dorsal antérieur; gdp, grand dorsal postérieur; gf, grand fessier (rabattu); à, iliaque; le, triceps crural.
Fig. 3. — Coupe transversale du CorLrEu au niveau de l’avant-dernière vertèbre cervicale. — CV, sac cervical; C, sac claviculaire; em, canal médullaire; de, diverticule post-cervical; DsP, diverticule sous-pectoral; cr, vertèbre sectionnée; Me, muscles cervicaux inférieurs ; gP, grand pectoral; pP, petit pectoral ; sCl, clavicule; S, sternum; B, bréchet; OE, œsophage; T, trachée.
Fig. 4. — Coupe transversale du CorLiEu au niveau de la premiére vertèbre dorsale. — P, poumon; C, sac claviculaire ; DsP, diverticule sous-pectoral ; sv, vertèbre sectionnée; co, côte; S, sternum; OE, œsophage; v,v,v, vais- seaux de la base du cœur; pce, face postérieure du péricarde.
PLANCHE II
Fig. 1. — Diverlicules axillaires de la CRESSERELLE, vus sur leur face latérale et après avoir enlevé seulement les muscles grand dorsal postérieur, trapèze et tenseur de la membrane alaire. — pit. prolongement inter-tendi- neux; ph, prolongement huméral; pst, prolongement sous-trapézien; plp, prolongement latéral du diverticule sous-pectoral; mDp, muscle deltoïde postérieur ; cgD, grand dorsal; mCB, coraco-brachial ; mP, grand pectoral.
Fig. 2. — Diverticules axillaires de la CRESSERELLE, après avoir disséqué le grand pecroral. — Mêmes désignations que dans la figure précédente. psp, diverticule sous-pectoral; mpP, muscle petit pectoral; S, sternum; asc, artères sous-clavières; ath, artères thoraciques.
Fig. 3. — Diverticule sous-pectoral de l'ARA MILITAIRE pour comparer avec celui de la Cresserelle. — DsP, diverticule sous-pectoral; mP, muscle grand pectoral (rabattu); mpP, muscle petit pectoral; S, sternum.
Fig. 4. — Diverticules post-cervicaux de la MOUETTE À TÊTE NOIRE. — DC, diver- ticules post-cervicaux; mP, muscles longs postérieurs du cou.
120 | GEORGES ROCHÉ.
PLANCHE III
Fig. 1. — Prolongements sous-musculuires et sous-cutanés des diverticules axil- laires de la CiGoGNE BLANCHE. — SAsC, saccules axillaires sous-cutanés; dpT, diverticule péritrachéen; mgD, grand dorsal; mT, triceps humé- ral; MmP, grand pectoral.
Fig. 2. — Daverticules axillaires du PyYGaRGUE commun. — DsP, diverticule
_ sous-pectoral; DA, diverticule donnant l’aération aux lacunes des faces latérales et aux lacunes sous-musculaires; DL, diverticules inter-costaux ; C, cou; Fc, os furculaire; S, sternum; B, bréchet; f{P, faisceaux ten- dineux du grand pectoral; gP, grand pectoral; lp, lambeau de peau rabattu.
PLANCHE IV
Fig. 4 et 2. — Dissection des sacs aériens contenus dans la cavité abdominale de la Pre (fig. 1) comparativement à celle des mêmes organes chez le Gear (fig. 2). — AG, sac abdominal gauche; AD, sac abdominal droit; DG, sac dia- phragmatique gauche; DD, sac diaphragmatique droit; DP, diverticule précardiaque; G, gésier; F, foie; I, intestin.
Fig. 3. — Dissection des sacs aérifères du CoRBEAU FREUx. — Mèmes désigna- tions que dans les figures précédentes. — C, portion inter-furculaire du sac claviculaire ; M et N, points indiquant les lignes d'insertion des mem- branes qui cloisonnent plus ou moins complètement le diverticule pré- cardiaque; dsP, diverticule sous-pectoral; S, sternum dont le bréchet a été sectionné; gP, grand pectoral; pP, petit pectoral.
Fig. 4. — Représentation demi-schématique des sacs aériens de l'AUTRUCHE. — Mêmes désignations que dans les figures précédentes; DCA, diverticules
. cervico-abdominaux.
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CONSIDÉRATIONS
SUR
L'EMBRANCHEMENT DES TROGHOZOAIRES
Par M. LOUIS ROULE
$ 1. — Introduction.
[. J'ai été amené, dans un récent mémoire (19) consacré à l’élude du développement des Annélides, à examiner sous une nouvelle forme les relations existant entre ces animaux, les Mollusques, et les classes satellites. Le résultat de cet examen a été d'établir un embranchement nouveau, celui des Trochozoaires, destiné à renfermer toutes ces classes. Ce but _ n'est atteint qu’en démembrant l’ancien embranchement des Vers; certains des groupes ainsi créés (Plathelminthes, Né- mathelminthes, Chœtognathes) acquièrent une véritable aulo- nomie el deviennent indépendants, alors que l’ensemble des Vers annelés polymériques et monomériques doit êlre rap- proché des Mollusques pour former avec eux un seulet même lype.
Ce n’est point là une idée nouvelle et m’appartenant tout entière ; la nécessité d’une pareille division s’imposait pres- que, étant donnés les travaux publiés sur le développement des Vers durant ces vingt dernières années. Mais il parais- sait excessif, et il peut paraître excessif encore à un grand nombre de naturalistes de ranger sous un nom commun, en
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un même groupe, des formes aussi dissemblables et aussi éloignées les unes des autres que les Annélides et les Mollus- ques par exemple, ou que les Géphyriens armés et les Bryo- zoaires. Les relations entre ces diverses formes n’existent en effet qu'au début même de leur évolulion -embryonnaire: elles s’atténuent à mesure que cette évolution approche de sa fin, et sont souvent effacées chez l'adulte. L'organisation d’une Annélide est loin de correspondre à celle d’un Mol- lusque; tout ou presque tout diffère en elles, et c’est à peine s'il est permis de comparer entre eux les seuls organes excréteurs de ces deux sortes d'êtres.
Il faut cependant remarquer qu'il s’agit ici de la création d’un embranchement, c’est-à-dire d’un groupe primaire, ayant la valeur de celui des Vertébrés, par exemple, ou de celui des Échinodermes. Ilest donc naturel que les caractères propres à cet embranchement apparaissent de bonne heure chez la larve, et se montrent aussitôt après que l’arrangement orga- nique particulier aux Cœlomates ait pris naissance ; ils doivent se former hâtivement, et imprimer leur signification aux premiers processus embryonnaires. Aussi, les larves des ani- maux placés dans le groupe des Trochozoaires présentent- elles un certain nombre de dispositions communes, qui leur donnent à toutes un grand air de ressemblance. Puis, sui- vant les classes, chacune de ces larves subit une évolution ultérieure différente ; les homologies primordiales sont alors masquées peu à peu, et souvent l'adulte ne montre plus au- cune trace de l’ancienne similitude.
Il est inutile d'exposer ici les considérations qui détermi- nent à caractériser les principales divisions du règne animal par des faits tirés du développement embryonnaire. L’évolu- tion phylogénétique a procédé du simple au complexe ; c’est aux documents fournis sur elle qu'il faut seulement s'adresser lorsqu'il s'agit d'apprécier les rapports naturels des animaux entre eux; or, l’étude du développement embryonnaire est, dans la grande majorité des cas, le seul moyen mis à notre disposition pour savoir comment cette évolution s’est effec-
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tuée. Et, dans une pareille élude, il convient avant lout de s'adresser aux larves; car les embryogénies condensées ne montrent souvent que les processus ultimes de la genèse des or- ganes, les stades primordiaux étant omis ou à peine indiqués.
Il est nécessaire cependant d'examiner, au préalable, les deux procédés généraux suivant lesquels s’est effecluée l'évo- lution phylogénétique de la plupart des Cœlomates. Dans un cas, les Vertébrés par exemple, lastructure primaire des types ancestraux, reproduite chez les larves de certains d'entre eux, est conservée tout entière par l'adulte; elle se complique à l'extrême, mais persiste dans ses grands {raits. Aussi les adultes des diverses classes présentent-ils un plan organique constant; il suffit de les comparer entre eux pour apprécier en gros leurs relations naturelles. Il en est encore de même pour d’autres embranchements, mais non pour les Trocho- zoaires. Le plan organique des larves est conservé parfois, et détruit ailleurs; il en résulte de grandes dissemblances dans la structure définitive si l'on se borne à comparer entre eux les individus parfaits, alors que les embryons offrent des affinités indiscutables.
Ce fait n’est pas, du reste, particulier aux Trochozoaires; on le retrouve également chez les Chordés. Les larves des Tuniciers et celles des Vertébrés acrâniens sont presque semblables au début de leur formation; elles présentent les mêmes organes, produiis de la même manière aux dépens des mêmes feuillets blastodermiques, et placés de la même façon. Et pourtant les bandelettes mésoblastiques des jeunes Tuniciers se désagrègent, leur notocorde et la majeure partie de leur neuraxe se détruisent, alors que rien de semblable ne se manifeste chez les embryons de l’Amphioxus ni chez ceux des autres Vertébrés. Le résullat est connu; les Tuni- ciers et les Vertébrés adultes sont tellement différents les uns des autres que pendant {rès longtemps ils ont été placés dans des groupes distincts ; bien que tous deux dérivent d'un
même type ancestral, dont l’organisation est reproduite dans le développement larvaire.
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L'opposition entre la dissemblance de structure définitive et la similitude d'organisation larvaire n’est donc pas capable de créer une objection, puisqu'on la relrouve à un égal degré chez d’autres types de Cœlomates. Les Chordés ont été pris ici comme principal exemple; mais les Arthropodes permet- tent d’arriver au même but si l’on compare une Lingua- tule à un Trachéate, ouune Sacculine à un Crustacé normal. .
Rien ne s’oppose donc à ce qu’un embranchement naturel soit établi en s’aidant des seuls caractères embryonnaires, quelles que soient les différences présentées par les orga- nismes adultes. — Et quant au nom «TrocHoZoaïREs » donné à celui qui m'occupe, il dérive de l'expression « Trochozoon » adoptée par Hatschek (9) pour désigner l'ancêtre hypothé- tique des animaux appartenant à cet embranchement, ancêtre représenté dans la nature actuelle par la larve Trochophora commune à tous ces êtres.
IT. Il faut remonter jusqu’à une vingtaine d'années pour trouver, dans les travaux des embryogénistes, les premiers indices de la question qui m'occupe. Claparède et Mets- chnikoff (4) d’un côté, Kovalewsky (12) d’un autre, publièrent d’abord des mémoires sur les diverses formes de larves offertes par les Annélides; ils permirent ainsi de soupconner les relations existant entre ces larves et celles d’autres In- vertébrés, mais sans trop pouvoir les préciser. Il faut arriver jusqu’à un mémoire de Salensky (20), daté de 1873, et à une observation isolée faite par Semper (22) vers la même époque, pour trouver des indications nettes. Salensky, après avoir examiné en détail le développement des Rolifères, montre la ressemblance frappante établie entre ces êtres par- venus à l’élat parfait et les larves de Mollusques; Semper décrit un type de Rotifère pélagique, la Trochosphæra æqua- torialis, presque semblable à certains embryons libres de Mollusques et d’Annélides.
L'impulsion dans cette voie était ainsi donnée. Elle fut notamment suivie, en France, par MM. Giard et Barrois, et
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surtout par le premier de ces naluralistes. Vers 1876, M. Giard (6), après avoir exposé des recherches effectuées sur le développement de diverses Annélides, conclut en disant que les caractères offerts par les embryons de ces animaux les rapprochent intimement de ceux des Mollusques, car les concordances morphologiques sont nombreuses entre eux; le - savant professeur ajoute, au surplus, qu’il convient de cher- cher parmi les Rotifères les ancêlres communs aux Anné- lides et aux Mollusques. La même idée se retrouve dans les travaux publiés, vers la même époque, par M. J. Barrois (2), et consacrés au développement des Bryozoaires; ces êtres montrent, d’après cet auteur, de grandes affinités avec les Brachiopodes, et dérivent comme ces derniers d’un même type ancestral représenté par les Rotifères dans la nature actuelle.
Cette conception découle, selon toute apparence, de celle déjà admise par M. Giard; et, on le voit, ce dernier pro- clamait, en 1876, l'existence de relations étroites entre les larves des Annélides, des Mollusques, des Bryozoaires et des Brachiopodes. Ces quatre groupes représentaient autant de formes issues d’une même souche, et à celte souche ini- tiale correspondaient des êtres semblables, selon toutes pro- babilités, aux Rotifères.
C'était là une idée fort juste, comme l'ont prouvé les re- cherches effectuées par la suite; mais, forcément incomplète encore à cause de la pénurie des matériaux, elle ne permet- tait pas de créer sans objection un embranchement naturel destiné à renfermer toutes ces classes; non seulement les documents relatifs aux processus embryonnaires primordiaux étaient alors insuffisants, mais on ignorait presque en entier le mode de genèse de certains animaux voisins des Annélides, tels que les Géphyriens. Cependant M. Giard, désireux d’ex- primer d’une façon simple les rapports établis entre les An- nélides et les Mollusques, et soucieux de montrer combien les premiers de ces êtres diffèrent des Arthropodes à côté des- quels on les plaçait d'habitude, publia une classification des-
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linée à parlager en deux groupes l’ensemble des Cœlomates. Le premier de ces groupes, ou Aymenotoca, caractérisé par la présence d’une membrane amniotique, renfermait, entre autres, les Arthropodes et les Vertébrés; et le second, dési- gné sous le nom de Gymnotoca, présentait comme particu- larité principale d’être dépourvu de cette: membrane. Ce deuxième groupe contenait les Annélides, les Mollusques, les Rotifères, les Brachiopodes, et toutes les classes satellites; à côté d'elles se trouvaient en sus les Némathelminthes et les Chœtognathes.
Cette classification n'a pas élé trop suivie et ne doit plus être adoptée aujourd’hui. La présence ou l’absence d’une en- veloppe amniotique embryonnaire ne sont pas des carac- tères suffisants pour établir les principales divisions des Cœlomathes; certains Aymenotoca, les Ichthyopsidés par exemple, sont privés d’une telle enveloppe; et divers Gym- notoca, tels que les Géphyriens du genre Sipunculus, en possèdent une. L'apparition d’un amnios semble être plu- tôt le résultat d'une adaptation physiologique secondaire qu'un processus primordial du développement; et, en tous cas, elie est trop susceptible de varier dans un même embran- chement naturel pour qu'on lui accorde une aussi grande importance.
Mais, malgré cette objection, un grand progrès était réa- lisé, et on devrait même dire le plus grand; les Annélides venaient d’être séparées des Arthropodes pour se trouver rapprochées des Mollusques, leurs alliés directs; de plus, les classes satellites, et surtout les Brachiopodes et les Bryo- zoaires, étaient mises en leur véritable situation, celle qui leur revient dans une classification naturelle.
Cependant il devenait nécessaire, pour bien étayer une pa- reille conception qui conduisait à démembrer tous les anciens groupes des Invertébrés, d'étudier avec plus de précision que par le passé les premiers phénomènes du développement de ces animaux. Aussi, un grand nombre d’observaleurs se sont-ils appliqués à rechercher en quoi consistent ces pre-
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miers phénomènes; et parmi eux, autant au point de vue du nombre et de l'importance des observalions que de la nel- teté des idées générales, il convient de citer en première ligne M. Hatschek (9). Dans une série de mémoires consacrée à l’évolution larvaire du Polygordius, prise comme type d’em- bryogénie dilatée; puis à celle du Criodrilus, type d'embryo- génie condensée ; et enfin à l’ontogénie de diverses autres Annélides, des Bryozoaires, des Géphyriens, et des Mollus- ques, ce naturaliste a précisé mieux que ses devanciers la valeur des rapports reliant entre eux tous ces animaux. I] a montré que les formes larvaires de ces êtres doivent être considérées comme des modifications d’un iype unique auquel il donne le nom de Trochophora, et qui reproduit dans la nature actuelle l’organisation d’un ancêtre hypothétique, ou Trochozoon, dont proviendraient ces diverses classes.
Donc, en 1881-82, les faits paraissaient bien acquis; le stade Trochophora se retrouvait d’une manière constante dans le développement larvaire, et il était permis de conce- voir par approximation la nature des rapports naturels éta- blis entre les divers groupes de Trochozoaires. Mais, à cette époque, les frères Hertwig (10), avec leur théorie du cœlome, vinrent tout changer. Pour ces auteurs, on le sait, il convient d'accorder une très grande importance au mode de forma- tion du cœlome et aux processus génétiques des feuillets blas- todermiques. Ainsi les Brachiopodes, dont la cavité générale prend naissance par le procédé entérocælien, doivent-ils être séparés des Mollusques et des Bryozoaires ; et de plus, ces derniers animaux, étant munis d’un mésoderme mésenchy- mateux, ne peuvent rester à côté des Annélides dont le mé- soderme est épithélial.
C'était tout remeltre en question; et la grande autorité des frères Herlwig sur de pareils sujets contribuait pour beaucoup à faire accepter leurs opinions par bon nombre d’embryogénistes. — Les naturalistes se trouvaient donc en présence de deux appréciations bien différentes. L'une, basée de préférence sur l’aspect général offert par les larves, por-
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tait à placer lés Mollusques non loin des Annélides ; l’autre, appuyée sur des considérations tirées des processus évolu- lifs du mésoderme et du cœlome, engageait par contre à séparer ces deux groupes l’un de l’autre, et à les considérer _ comme n’ayant entre eux aucun lieu d'union. Il était néces- saire, pour résoudre cette difficulté, de rechercher d’abord si les procédés suivant lesquels se constitue le feuillet blas- todermique moyen sont vraiment les phénomènes principaux du développement embryonnaire, ceux auxquels il convient d'accorder la plus grande importance; et il fallait voir en- * suite si le mode de formation du feuillet moyen chez les An- nélides est aussi différent de celui offert par les Mollusques que le prétendent les frères Hertwig.
Hatschek, et plusieurs autres embryogénistes avec lui, avaient déjà présenté comme un fait constant l'existence d'initiales mésoblastiques chez les larves des Annélides, des Mollusques, et de la plupart des classes satellites ; mais il était utile de revenir sur ces observations, et de vérifier avant tout l'exactitude des assertions émises par les frères Hertwig. Les principaux travaux relatifs aux Annélides, et publiés depuis 1882 sur un pareil sujet, sont ceux de Sa- lensky (20) et de Kleinenberg (11). Les travaux du premier de ces auteurs tendent à faire croire que le mésoderme est un feuillet ambigu, n'ayant point d’origine déterminée, et pro- venant tantôt de l’ectoderme, tantôt de l’endoderme; les recherches du second, sans trop insister sur l’extrême début du développement du mésoderme, portent à rapprocher les Annélides des Méduses, et à considérer l’évolution ontogé- nétique de ces êtres comme une alternance de générations.
Les choses étaient donc plus compliquées encore qu’en 1881, moment où les frères Hertwig changeaient de fond en comble la manière suivant laquelle on doit envisager les faits embryogéniques. Il devenait nécessaire d'examiner avec attention l’origine du mésoderme et du cœlome chez les animaux en queslion, et de s’attacher de préférence à l’élu- cider pour ce qui touche aux Annélides, car là était le point
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controversé; les naturalistes sont en effel presque d'accord. au point de vue du développement des feuillets chez les larves, pour la plupart des aulres classes de Trochozoaires.
Je me suis appliqué à cette étude. Jai choisi comme objet de mes recherches une Annélide oligochæle appartenant à la famille des Enchytræidiens, el J'at essayé de résoudre le problème, c’est-à-dire d'élucider deux choses :
1° S'il est vrai, comme le veulent les frères Hertwig, que les deux procédés génétiques (entérocælien et schizocælien) du cœlome soient les particularités les plus importantes de toute embryogénie; et s’il en est de même pour les deux modes évolultifs (épithélial et mésenchymateux) du feuillet blastodermique moyen.
2° Si l’origine du cœlome et le développement du méso- derme diffèrent suivant que l’on s'adresse aux Annélides ou aux Mollusques.
Les réponses à ces deux questions sont exposées dans mon mémoire (19). I me paraît résulter de mes recherches que le cæœlome des Mollusques, comme celui des Annélides et de la plupart des groupes satellites (sauf peut-être des Bra- chiopodes), est un schizocæle; en outre, le processus évolutif du mésoderme n’est point un fait important, puisque le feuillet moyen de certaines Annélides (Polygordius) se constitue suivant le iype épithélial, tandis que celui de di- verses autres Annélides (£nchytræides) se développe suivant le type mésenchymateux, comme chez les Mollusques. La différence tient peut-être à l’abbréviation de l’embryogénie dans ce dernier cas; mais puisque la structure initiale du mésoderme est susceptible de varier, en un même groupe naturel, suivant la plus ou moins grande condensation des stades embryonnaires, 1l n'en est pas moins vrai qu'on ne doit lui accorder aucune importance principale.
Les différences établies par les frères Hertwig entre les Annélides et les Mollusques ne paraissent donc pas devoir être conservées ; et 1l est permis de revenir aux idées pre- mières de M. Giard et de M. Hatschek. Mais alors s'ajoutent
ANN. SC. NAT. ZOOL,. XX, Je =" ARTE AO
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aux conceptions primitives de ces deux naturalistes d’autres idées suggérées par des travaux plus récents; el il est pres- que possible, du moins à ce qu'il me semble, de concevoir avec assez de précision la valeur des relations naturelles existant entre les diverses classes qui rentrent dans le nouvel embranchement des Trochozoaires.
Ces classes sont les suivantes : Archiannélides, Hirudinées, Chétopodes, Sternaspidiens, (éphyriens armés, Géphyriens inermes, Créphyriens tubicoles, Bryozoaires, Brachiopodes, Rotifères, Amphineuriens et Mollusques.
S 2. — Étude des caractères de l’embranchement.
I. L’embranchement des Trochozoaires, tel que je le délimite, est caractérisé par la présence d’une larve Trocho- phora au début des développements dilatés (et l’on retrouve ces développements dans presque toutes les classes men- tionnées plus haut). Cette larve présente, comme particula- rités essentielles, trois dispositions principales, que l'on retrouve bien parfois chez les embryons d’autres animaux, mais toujours isolées et jamais rassemblées comme chez les Trochophora.
Ces dispositions tiennent :
1° À la forme extérieure de la larve. — L'ectoderme est recouvert en tout ou en partie de cils vibratiles, qui per- mettent au petit être de se déplacer et jouent ainsi le rôle d'organes locomoteurs. Fréquemment, ces cils ne forment point de revêtement continu à la surface du corps, mais se dis- posent en bandes circulaires cerclant la larve comme autant d’anneaux. Le nombre de ces anneaux, ou couronnes vibra- iles, est variable; mais l’une d’elles (couronne orale), placée au niveau de la bouche et l’encadrant parfois, ne manque presque en aucun cas. Souvent cette dernière se continue avec une bande vibratile longitudinale et ventrale qui s'étend jusque dans la région postérieure du corps.
2° Au mode de développement du mésoderme. — Le feuillet moyen dérive, sauf chez les larves de certains Brachiopodes,
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d'un petit nombre d'initiales; celles-ci appartiennent d'abord au feuillet interne (endoderme primitif, ou mésendoderme), puis elles le quittent pour pénétrer dans la cavité blasto- cœlienne lorsqu'elle existe, ou pour s’insinuer entre l’ecto- derme et l’endoderme définitif; chacune d'elles se segmente alors en un petit amas cellulaire, la bandelette mésoder- mique, qui donnera naissance aux éléments du mésoderme. D'habitude les initiales, au nombre de deux, sont placées symétriquement de part et d’autre de la ligne médiane; parfois elles sont en quantité un peu plus grande. Le cœlome schizocælien se creuse ensuite, soit dans les amas réguliers de blastomères qui proviennent de la division des initiales, soit entre les divers groupes d'éléments mésenchymateux qui dérivent de la dissociation des bandelettes mésoder- miques.
En outre, il apparaît, chez la plupart des Trochophora et quelque peu avant la formation des initiales, un mésenchyme blastocælien constitué par un assez grand nombre de cel- lules; ces dernières sont fournies d’une façon irrégulière par le mésendoderme, et rappellent ainsi celles qui produisent le mésoderme parenchymateux des Plathelminthes.
3° À la présence häâtive d'un appareil excréteur, ou rein céphalique. — Cet appareil est constitué par deux tubes symétriques, qui tirent le plus souvent leur origine de la région où les initiales mésodermiques ont pris naissance, el s'ouvrent au dehors tout en s'avançant dans le blastocæle. Plus tard, lorsque le cœlome commence à grandir au détri- ment de la cavité blastocælienne, ces tubes se mettent en rapport avec lui et débouchent dans son intérieur; le canal qui les parcourt est creusé dans le protoplasma même des cellules qui les composent, el doit être considéré comme un canal intracellulaire. Ces organes excréteurs embryonnaires, qui produisent plus ou moins directement ceux de l'individu parfait, n'ont pas encore été vus chez les larves de tous les Trochozoaires; on les a signalés seulement chez les Anné- lides, les Mollusques, les Géphyriens inermes et armés, les
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Bryozoaires et les Rotifères; mais leur présence paraît êlre constante, si l’on en juge d’après la dé nerae des appareils rénaux de l'adulte.
Ces trois caractères réunis donnent à la Fes Trochophora une originalité et une autonomie indisculables. [l est bien certain que chacun de ces caractères se retrouve isolé chez d’autres animaux que les Trochozoaires, mais en aucun cas on ne les voit rassemblés. La présence de cils vibratiles sur l’ectoderme est aussi une particularité des larves de Plathel- minthes et d'Echinodermes; mais, chez ces dernières, les cils sont rarement disposés en couronnes, et l’origine du mésoderme n'est plus la même; de plus, les larves d'Échi- nodermes sont privées de reins céphaliques. La genèse du feuillet moyen par un petit nombre d’initiales est vraiment spéciale aux Trochozoaires; les faits de ce genre signalés chez les Némathelminthes demandent à être mieux connus; et, en outre, les embryons de Nématodes, du moins ceux étu- diés jusqu'ici, ne portent point de revêlement vibratile compa- rable à celui des Trochophora. Enfin, un appareil excréteur, ou rein céphalique, se développe chez les embryons des Vertébrés; mais il prend naissance beaucoup plus tard que chez les larves de Trochozoaires, et les Vertébrés inférieurs, tels que l’'Amphioxus, en sont privés; de plus, les embryons ne portent point de couronnes vibratiles, et leur mésoderme ne provient pas de la segmentation d'un pelit nombre d’iniliales.
On le voit, chacun de ces caractères pris isolément ne suffit pas pour séparer la Trochophora des embryons d’autres animaux, mais il n'en est pas de même lorsqu'on les ras- semble. Cette larve acquiert alors une disposition organique spéciale, qui en fait un type à part, n'ayant rien de commun avec les autres larves, si ce n’est l’ensemble des particula- rités propres à tous lés Cœlomates. — Il reste maintenant à suivre ces trois caractères dans les diverses classes de Trochozoaires, afin d'en montrer d’abord la constance, et de signaler ensuite les moditications secondaires qu'ils sont susceptibles de présenter.
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Il. Le développement des Archiannélides à été bien étudié par Hatschek (9) et par Fraipont (5). Il résulle des observalions de ces deux naturalistes que la larve du Po/y- gordius, principal genre de celte classe, possède une large couronne vibratile placée à la hauteur de la bouche. Le mésoderme dérive de deux initiales, et se développe suivant le procédé épithélial; le cœlome ne contracte jamais de rapports avec la cavité archentérique, et doit donc être considéré comme un schizocæle. Enfin, le rein céphalique apparaît de bonne heure, se mel d’abord en relation avec le blastocæle sans pourtant communiquer avec lui, et finale- ment entre en connexion avec le cœlome à mesure que ce dernier se développe et s'agrandit en prenant la place du blastocæle.
L'évolution embryonnaire des Hirudinées, condensée le plus souvent, a été étudiée par un grand nombre de natu- ralistes; mais les recherches les mieux conduites, au sujet des processus primordiaux, sont dues à Salensky (20) et à Nussbaum (14%). Cetle évolution se passe presque entière dans la cavité d'un cocon protecteur; la larve n'étant point libre et se dégageant de son enveloppe à un état déjà bien avancé, les cils vibratiles de l’ectoderme ne prennent pas naissance, sans doute à cause de leur inutilité fonction- nelle dans ce cas particulier. Les feuillets blastodermiques se comportent de la même façon que chez les Chétopodes à développement abrégé; les premiers blastomères issus de l'ovule segmenté se différencient rapidement en un ecto- derme et un mésendoderme; de suite après, ce dernier se partage en endoderme définitif et deux initiales mésoder- miques (C/epsine complanata), ou en endoderme définitif et bandeletles mésodermiques pluricellulaires (Branchiobdella). Tout en se segmentant, les éléments du feuillet moyen s’in- sinuent entre l’ectoderme et l’endoderme. Le cœlome se creuse dans les bandeleltes par le procédé schizocælien; et le mésoderme lui-même évolue suivant un type transi- toire entre le mode épithélial et le mode mésenchymateux.
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Le caractère de cette transition est offert par la disposition régulière des éléments autour des cavités cœlomiques zooni- taires, disposition qui rappelle ainsi celle des vrais méso- dermes épithéliaux; mais qui en diffère par la superposition de ces cellules en plusieurs couches, et par la dissociation mésenchymateuse de certaines d’entre elles; ces dernières sont destinées à produire les tracius conjonctivo-musculaires de la cavité générale.
Le rein céphalique est disposé sur le même plan que celui de tous les Trochozoaires; il apparaît de la même façon et avec la même structure; mais, à cause de l’abbréviation du développément, 1l ne peut entrer en rapports avec un blasto- cœle absent, et se met de suite en relation avec les cavités cœlomiques zoonitaires.
Cette embryogénie diffère quelque peu de celle indiquée ci-dessus comme étant caractéristique; elle est incapable de meltre en doute les affinités des Hirudinées avec les Ar- chiannélides et les Chétopodes, car ces relalions sont déjà suffisamment établies par l'étude des formes adultes; mais elle tendrait à mettre en suspicion la valeur des particula- rités signalées plus haut comme propres aux embryons des Trochozoaires. Il faut se souvenir cependant que ces parti- cularités appartiennent aux larves issues de développements dilatés, les seuls importants à examiner en de pareilles queslions ; et l’on sait que toutes les dispositions larvaires sont modifiées dans le cas de développements abrégés : or, telle est ici la circonstance. Les cils ectodermiques ont dis- paru parce que l’embryon, étant renfermé dans un cocon, ne mène point une vie libre; ils étaient inuliles, et manquent aux jeunes Hirudinées actuelles. Quant aux caractères tirés de l’origine du mésoderme et de la présence des reins céphaliques, ils concordent avec ceux offerts par la plupart des Chétopodes ; on retrouve toujours les deux initiales pri- mordiales, ou les deux bandelettes qui dérivent de la seg- mentation de ces initiales; et les reins céphaliques ne font jamais défaut.
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Les Chétopodes présentent deux modes principaux de développement : l’un, dilaté, avec phases larvaires libres ; l'autre condensé, et semblable à celui des Hirudinées. Le premier se trouve de préférence chez les Polychætes, le se- cond chez les Oligochætes. Ces deux modes, réunis l’un à l'autre par toute une série d'intermédiaires, ont été étudiés, au point de vue qui m'occupe, par un grand nombre d’obser- vateurs.
Il semble résulter des recherches actuelles — pour ce qui touche le procédé avec phases larvaires — que l’origine du mésoblaste, celle du cœlome, et la structure du rein cépha- lique, concordent avec les faits correspondants déjà signalés chez les Archiannélides. Les couronnes vibratiles sont éga- lement bien formées; et parmi elles, la bande placée à la hauteur de la bouche ne manque presque jamais.
Il n'en est pas ainsi pour les évolutions abrégées. Les cils vibratiles n'apparaissent point (Oligochætes) lorsque l’em- bryon est renfermé dans un cocon protecteur semblable à celui des Hirudinées; et l’on trouve toutes les transitions entre les larves munies de cils vibratiles et celles qui en sont dépourvues. Cette absence de cils n'est donc pas primordiale; elle doit être considérée comme le résultat d’une action physiologique secondaire, el non comme un fait important, capable de battre en brèche la caractéristique des Trocho- zoaires donnée plus haut. De même que chez les Hirudinées, le rein céphalique apparaît de bonne heure, et se met de suite en relation avec le cœlome; car le blastocæle, s'il a existé, manque toujours au moment de cette apparition.
Les modifications les plus profondes touchent à l’origine du mésoderme. Dans le cas d’un développement dilaté, deux iniliales se séparent du mésendoderme ou endoderme pri- milif, et parviennent dans la cavité blastocælienne ; puis cha- cune d'elles produit une bandelette, qui continue à proliférer par la segmentation de ses éléments, et se transforme en une masse pluricellulaire emplissant le blastocæle entier. Au fur et à mesure de cette extension. le cœlome schizocælien se
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creuse dans la bandelette, grandit et prend la place, en tant que cavité, du blastocæle qui diminue progressive- ment et disparaît. Telle est, résumée à grands traits, la série des phénomènes successifs qui interviennent dans une évolution dilatée.
On retrouve ces mêmes processus dans les embryogénies abrégées, mais ils n°‘y sont plus tous représentés ; certains d’entre eux, et leur nombre varie suivant les types considé- rés, sont omis el n'apparaissent point; et cetle omission n'atieint jamais que les premiers processus, en commençant par celui du début. Lorsque le développement est fort peu condensé, la phase de genèse des initiales est seule absente ; lorsqu'il l’est beaucoup, non seulement ce premier stade n'est point retrouvé, mais aussi {ous ceux qui lui succèdent, jusqu’au dernier; celui-ci, caractérisé par la présence de bandelettes pluricellulaires volumineuses au milieu des- quelles se creuse le cœlome, est seul représenté. Entre ces deux extrêmes s'étale toute une série d'intermédiaires, dans lesquels l’omission devient de plus en plus grande à mesure que l’évolution est de plus en plus condensée, et cela à partir de la première phase des embryogénies dilatées.
Lorsque l’abréviation est portée à son maximum, chez un certain nombre d’Oligochætes par exemple, l'ovule segmenté se transforme en une planule compacte dont les éléments sont disposés en deux feuillets : l’un périphérique ou ecto- derme, l’autre central ou mésendoderme. Ce dernier se di- vise à son tour, par une véritable délaminalion, en un endo- derme définitif placé autour de la cavité intestinale qui se perce à ce moment, el deux volumineuses bandeleltes méso- dermiques intercalées entre ce feuillet interne et l’ectoderme. Ainsi, à la suite de cette condensalion que détermine la pré- sence d'une grande quantité de vitellus nutritif, {ous les stades primordiaux de la genèse du mésoblaste n'existent plus, et le dernier de ces stades persiste seul. Puis le cæœlome se creuse dans les bandelettes par le procédé schizocælien, et le feuillet moyen évolue lui-même comme celui des Hirudi-
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nées, suivant un mode tenant à la fois du type épithélial et du type mésenchymateux, mais où ce dernier prédomine.
Le développement des feuillets est peu connu chez les Sternaspidiens; tout ce que l’on en sait découle des recher- ches de Rietsch (18), et dénote une grande ressemblance avec les faits correspondants signalés chez les Chétopodes à pro- cessus quelque peu condensés. Il en est de même pour l’as- pect extérieur des larves et la disposilion des organes excré- teurs.
L'embryogénie des Géphyriens armés a été éludiée, en ces dernières années, par Hatschek (9) pour l’Échiure, et par Spengel (23) pour la Bonellie. Les observations les plus im- portantes, au point de vue qui m'occupe, sont celles de iatschek. |
Les larves des Échiures montrent la forme générale des Trochophora typiques; leur corps est entouré, au niveau de la bouche, par une couronne vibratile bien évidente. Les initiales mésodermiques prennent naissance de la même ma- nière et dans la même région que chez les Archiannélides ou chez les Chétopodes à développement dilaté, el évoluent sui- vant le même procédé; le cœlome est un schizocæle découpé en chambres par des cloisons segmentaires, et le mésoderme se conslilue, au moins dès le début, d’après le mode épithé- lial. Le rein céphalique apparaît de bonne heure, et présente des connexions semblables à celles signalées chez les larves d'Annélides.
La concordance estici frappante ; l'embryogénie des Échiu- res est en effet très dilatée; elle présente une succession de phénomènes comparable à celle déjà connue chez les Archian- nélides, et prouvant d’une façon indiscutable la constance des caractères propres aux 7rochophora. I n'en est plus ainsi pour les Bonellies, dont les œufs renferment une quantité assez grande de vitellus nutritif; un stade larvaire libre existe pourtant, et l'embryon se couvre de cils vibratiles. Le méso- derme proviendrait de l'ectoderme d'après Spengel, et appa- raîtrail en un point correspondant au blastopore des Trocho-
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phora; la comparaison des dessins publiés par cet auteur avec divers aspects offerts par les développements conden- sés des Chétopodes autorise à penser que la petitesse des élé- ments mésodermiques primordiaux l’a induit en erreur, car celte petitesse les rend presque semblables aux cellules ecto- dermiques voisines, et lendrait à faire croire qu’ils en pro- viennent. La vérité est sans doute que les éléments du feuillet moven dérivent de l’endoderme primitifcomme chezlesautres Trochozoaires; il en est du reste ainsi pour l'Échiure; et, dans l’état actuel de nos connaissances embryogéniques, on ne comprendrait pas que le même feuillet blastodermique eût des origines différentes chez des animaux aussi voisins l’un de l’autre que l'Échiure et la Bonellie.
IT. Les embryons des classes examinées jusqu'ici présen- tent, d’une façon constante, un mode spécial d'évolution du cœlome; celte cavité, au lieu de rester unique, se cloisonne avec régularilé, au moyen des dissépiments transversaux, en chambres placées à la file les unes des autres ; la présence de ces chambres, égales ou presque égales entre elles, donne au corps, dans la plupart des cas, un aspect annelé caracté- rislique. Souvent, chez les vraies Annélides par exemple, ces subdivisions secondaires de la cavilé générale — qui apparais- sent de bonne heure chez la larve — sont conservées durant toute la vie. Il n’en est pas de même pour les Sternaspidiens el les Géphyriens armés ; leurs dissépiments se détruisent peu après leur apparition, et le cæœlome de l'adulte devient unique après avoir élé segmenté au début.
Ce mode n'existe plus chez les embryons des classes qui restent à étudier. Que le mésoderme se développe suivant le type épithélial ou suivant le type mésenchymateux, le cœlome ne se cloisonne pas en métamères placés à la file. Il se divise bien en lacunes, et cela assez souvent, au moyen de travées conjonclives; mais la disposition de ces lacunes ne rappelle en rien celle des vrais métamères, bien que les travées de sé- paralion aient une origine semblable à celle des dissépiments
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d'Annélides, étant constituées de même par une trame con- jonctivo-musculaire que tapisse fréquemment un endothé- lium péritonéal.
Les recherches les plus complètes qui aient été publiées sur le développement des Géphyriens inermes sont dues à Hatschek (9); elles portent sur l’évolution des larves du Si- punculus nudus. Ces larves rappellent, comme aspect exté- rieur, les Trochophora des Annélides et des Géphyriens armés; seulement, une parlie de leur ectoderme produit une enveloppe amniotique, qui ne paraît pas exister chez les autres types de Trochozoaires, et dont l'embryon se sépare du reste hâtivement. Le mésoderme est engendré par deux iniliales, qui s’introduisent dans le blastocæle fort étroit, et donnent naissance aux bandelettes; le cœlome se creuse dans ces dernières sans entrer en connexions avec l’archenteron, et correspond à un schizocæle ; le feuillet moyen est nettement épithélial. Les reins céphaliques se délimitent au sein des bandelettes mésodermiques encore petites, puis deviennent les deux organes segmentaires de l'adulte.
Les trois caractères des Trochophora se retrouvent donc chez les larves des Siponcles; il en est de même pour celles du Phascolosoma elongatum Kef., si l'on en juge d'après quelques observations dues à Selenka (21). Mais, —et la segmentation inégale de l’ovule le montre dès Le début —il y aurait ici une légère condensation des processus, déterminée par la pré- sence dans l'œuf d’une certaine quantité de vitellus nutritif. Aussi, le feuillet moyen se conslitue-t-il par le mode mésen- chymateux, car les bandelettes se dissocient rapidement ; el l'enveloppe amniotique larvaire fait-elle défaut. |
Il est intéressant d'appuyer ici sur l'opposition existant entre les deux types embryonnaires du Siponcle et du Phas- colosome ; le feuillet moyen du premier se développe d’après le procédé épithélial, et leur cœlome ne contracte jamais de relations avec le blastocæle ; tandis que le feuillet correspon- dant des Phascolosomes se dissocie en ses éléments consti- tutifs, qui deviennent libres, et acquiert ainsi un caractère
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mésenchymateux indiscutable. De plus, le cælome des seconds doit, étant donnée cette origine, êlre considéré comme une persistance directe du blastocæle embryonnaire.
= Les larves de Phascolosomes possèdent une large couronne vibratile orale, et se rapprochent ne là des Trochophora d'Annélides.
Les divers aspects extérieurs présentés par les larves des Géphyriens tubicoles {Phoronis) sont seuls connus; ils rap- pellent, au moins ceux du début, les formes correspondantes des larves de Géphyriens inermes, abstraction faite de l’en- veloppe amniotique des Siponcles. Ces embryons libres, allongés, portent une volumineuse région préorale, qui de- viendra la trompe des Géphyriens inermes, mais ne produit rien de pareil chez les Phoronis. L’ectoderme est recouvert de cils vibratiles; et, par leurs caractères extérieurs, ces embryons sont de vraies 7rochophora semblables à celles des Phascolosomes ou des Siponcles.
Des différences importantes se manifestent ensuile. La région postorale émet un certain nombre de diverticules cylindriques extérieurs, comparables à de petits tentacules, et rappellant effectivement les tentacules des Bryozoaires ; plus tard, en cettemême région, un cul-de-sac, dirigé d’abord de dehors en dedans, se dévagine en entrainant le tube diges- tif avec lui, et devient le corps presque entier de l'adulte. Il y a donc ici une assez grande asymétrie de développement, puisqu'une petite partie du prosoma larvaire, unique et par suite impaire, produit le métasoma adulte. De telles dispro- porlions existent bien chez les Trochophora des autres Tro- chozoaires, mais jamais aussi accentuées.
Aïnsi, les Phoronis commencent par se rapprocher des Géphyriens inermes, puis se retournent vers les Bryozoaires, et enfin évoluent dans un sens à eux parliculier. Ces pro- _cessus indiquent sans doute la véritable siluation de ces êtres. Ils se sont dégagés d'un rameau commun aux Géphyriens inermes et aux Bryozoaires, mais avec ces derniers; puis se sont détachés de même de la souche des Bryozoaires, et ont
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revêtu alors une originalité propre. Ces différences se sont établies de bonne heure; car les relalions ne se montrent que chez les larves fort jeunes, et presque de suite après l'appa- rilion du stade Trochophora.
Il n'existe encore dans la science aucune observalion rela- live à l’origine des reins céphaliques. Mais si nos connais- sances sont encore imparfaites sur ce sujet, 1l n’en est pas moins vrai que les PAoronis, d'après l'aspect de leurs larves, le mode de développement de leur mésoderme, et la struc- ture de l'adulte, doivent être placés parmi les Trochozoaires,
Les formes extérieures des larves de Bryozoaires ont été étudiées par un grand nombre de naturalistes, et notamment par J. Barrois (2). Ces larves diffèrent assez les unes des autres par leur aspect; mais, comme l'ont montré Ray Lan- kaster (17)etl Balfour (1), il est possible de toutes les ramener à un même type, muni d’une couronne vibratile orale. Ces embryons libres ressemblent souvent d’une manière frap- pante à ceux des Annélides, el possèdent les caractères extérieurs propres aux 7rochopnora.
L'évolution du mésoderme a été suivie par Hatschek (9) sur la Pédicelline; les résullats obtenus par cet auteur sont les plus complets, à tous les points de vue, de ceux que nous possédons sur les Bryozoaires. Le mésendoderme se divise, dès le stade gastrula, en deux initiales mésodermiques et un endoderme définitif. Les initiales pénètrent ensuite dans le blastocæle fort étroit, — il serait même plus exact de dire qu'elles s'insinuent entre le feuillet interne et le feuillet externe, —et se partagent assez lentement en plusieurs cel- lules. À mesure que cette segmentation s'effectue, l’endo- derme se sépare de l’ectoderme par places, et les éléments mésodermiques deviennent libres dans la cavité blasto- cœlienne ainsi produite. Le feuillet moyen se développe donc suivant le procédé mésenchymateux.
La présence de reins céphaliques n'a élé reconnue que dans ces dernières années; et, étant donné le peu de com- plexité organique des Bryozoaires, ces appareils d'excrétion
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persistent chez l’adulte sans subir de bien grandes modifica- tions. Ces reins ont, d’après les observalions de S. F. Har- mer (8) sur les Loxosomes, un canal intra-cellulaire; ils appartiennent donc bien à la forme d'organes excréteurs parliculière aux rochophora.
Les jeunes Bryozoaires montrent, tout au commencement de leur évolulion, des relations indiscutables avec les Géphy- riens et les Annélides. Ces affinités disparaissent de bonne heure, et ne persistent guère que pour ce qui touche aux reins céphaliques; les larves subissent d'ordinaire une méta- morphose compliquée, qui modifie entièrement l'orientation des organes; et l’adulte lui-même présente une simplicité de structure qui l’éloigne de tous les types étudiés jusqu'ici, et donne à la classe entière une grande originalité d'aspect.
Les larves des Brachiopodes rappellent assez bien, au début de leur développement, certaines Trochophora d'An- nélides; puis cet aspect se modifie par l'apparition de deux étranglements transversaux qui divisent le corps en trois lobes. Ces lobes n'ont rien de commun avec les métamères des Annélides, car ils correspondent à des plis de l’ecto- derme, et n’intéressent pas le feuillet moyen; mais ils donnent une forme caractéristique à la larve quelque peu âgée.
Les documents relatifs à l’origine du mésoderme sont bornés à quelques observations faites depuis longtemps déjà par Kovalewsky (12). Le cœlome, au lieu de prendre nais- sance par le procédé schizocælien comme chez tous les autres Trochozoaires, naîtraitici aux dépens de l’archentéron gastrulaire; ce dernier envoie dans le blasltocæle deux invaginalions symétriques, destinées à s'isoler pour se trans- former en vésicules closes; puis ces vésicules grandissent en prenant la place du blastocæle, et produisent le cœlome avec le mésoderme. Ce mode d’accroissement est tout à fail semblable à celui observé par Halschek chez les larves d’'Archiannélides et de Siponcles : les ébauches du cœlome sont au nombre de deux; chacune d'elles est limitée par une couche unique de cellules mésodermiques ; et les premiers
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processus se bornent à une extension de ces ébauches. Mais la prime origine diffère suivant le cas; la cavité générale se creuse, chez les Archiannélides et les Siponcles, sans com- muniquer avec l’archentéron; tandis que celle des Bra- chiopodes provient de la cavité archentérique même, et doil en être considérée comme une dépendance. Le cœ- lome des premiers est un schizocæle, landis que celui des seconds est un entérocæle.
C'est là une exception remarquable à la règle déjà for- mulée pour l’origine du feuillet moyen chezles Trochozoaires. Il serait possible de l'expliquer, et les frères Hertwig l'ont fait (10) pour assimiler le cœlome des Annélides à un enté- rocæle modifié, en se représentant le mode particulier aux Brachiopodes comme primitif, et celui des Annélides comme une condensation du premier. Cetle condensation aurait eu pour effet d’omettre, dans la série des processus, l’appari- tion des diverticules archentériques, et de rassembler toutes les cellules limitant chacun de ces diverticules en un seul élément plus ou moins volumineux qui serait l’iniliale. J'ai été porté autrefois (19) à accepter cette hypothèse, mais de nouvelles considéralions m'empêchent de l’adopter dé- sormais. En effet, les larves des Archiannélides et des Si- poncles, pour ne citer que celles-là, subissent un développe- ment très dilaté, aussi dilaté que celui de la plupart des Brachiopodes. Il serait donc étonnant que l'évolution du feuillet moyen, nullement abrégée chez les seconds, le soit chez les premiers; et cetle parlicularité serait d'autant plus remarquable que les bandelettes mésodermiques des Ar- chiannélides sont semblables en tout aux vésicules enléro- cœliennes des Brachiopodes, et reproduisent sans nul doute, avec leur couche épithéliale unique entourant l’ébauche du cœlome, une disposition {rès primitive.
Il est nécessaire de remarquer ici deux choses. D'abord, cette grande ressemblance entre les Jeunes bandelettes mé- sodermiques des larves d’Archiannélides et les vésicules entérocæliennes closes des Brachiopodes; l’aspect général
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concorde, aussi bien que les rapports avec les deux autres feuillets blastodermiques et la structure histologique. Ensuite ce fait, que les observations de Kovalewsky ont été effectuées par (ransparence, et portent sur des stades assez éloignés les uns des autres; peut-être l’origine première des vésicules cœlomiques a-t-elle échappé au savant embryogéniste, et s'agit-il ici de communications secondaires, survenues après le moment où les bandelettes auraient élé produites par des initiales. Ces dernières prennent naissance de fort bonne heure chez les larves de Trochozoaires, et on les voit sou- vent se délimiter dès le stade gastrula; elles se segmentent parfois très vite pour engendrer les bandelettes. — Si l’on en juge d’après l’analogie existant entre les embryons des Bra- chiopodes et ceux des Annélides, au double point de vue de la forme extérieure des larves et de l'aspect des ébauches du feuillet moyen, il semble peu probable que de telles diffé- rences soient capables d'exister.
Il serait donc nécessaire de reprendre les observations de Kovalwesky sur le développement des Argiopes, des Téré- bratulines, et de comparer les résultats obtenus à ceux offerts par l'étude des Thécidies; chez ces dernières — dont l'embryogénie est, il est vrai, assezcondensée — le cœlome ne naraît pas provenir de l’archentéron, et se creuse dans des bandelettes mésodermiques tout comme chez les Annélides.
Les Brachiopodes sont, selon toute apparence, voisins des Bryozoaires; certains d’entre eux, les Lingules par exemple, passent par un stade comparable à un Bryozoaire adulte; les Rhabdopleura établissent presque, dans la nature actuelle, une transition entre les deux classes. Par suite, ces groupes d'animaux ne doivent point être séparés dans une classifica- ton naturelle. Mais cependant, malgré ces incontestables affinités, il est nécessaire d’avoir de nouveaux renseignements sur l'ontogénie de ces êtres, car les faits acquis jusqu’à pré- sent ne concordent pas du tout avec ceux qui devraient exister d’après ces relations. C’est le point faible dans mon étude des caractères propres aux larves des Trochozoaires ;
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et, jusqu'à plus ample informé, sous le bénéfice des réserves formulées plus haut touchant les observations de Kovalewsky, il faut bien convenir que si les trois caractères se retrouvent _chez loules les larves de Trochozoaires, l’un d’eux au moins manque à celles des Brachiopodes.
Les individus parfaits possèdent des appareils excréteurs établis sur le plan des vraies néphridies, et dérivant sans doute de reins céphaliques. Mais la présence de ces derniers n’a pas encore été démontrée de façon salisfaisante, car les modifications de forme extérieure ont été étudiées presque seules.
Les affinités des Rotifères sont maintenant bien connues L'adulte rappelle, par son aspect général, une 7rochophora dont la région orale se serait élargie en deux lobes compa- rables au voile des larves de Mollusques. L'origine du méso- derme n’est pas encore bien élucidée; d’après les quelques observations publiées sur ce sujet, il paraît provenir de quelques initiales. Le rein céphalique est représenté par les organes excréleurs de l'individu parfait, qui res- semblent à ceux des embryons d’Annélides et de Mollus- ques.
Les seuls renseignements que nous possédions sur le dé- veloppement des Amphineuriens sont dus à Kovalewsky (12). La larve, assez différente de celle des Mollusques, appartient cependant au type des Trochophora. Le mésoderme dérive d’un petit nombre d’imitiales formées de bonne heure, dès le stade gastrula. Le mémoire de Kovalewsky est muet sur ce qui touche au rein céphalique; mais, d’après l’analogie existant entre les appareils excréteurs des Amphineuriens du genre Chiton et ceux des Mollusques, il est probable qu'il existe, chez les larves des premiers comme chez celles des seconds, une paire de ces organes (1).
Les embryons libres des Mollusques sont caractérisés
… (4) Les travaux récents de Morine (Soc. nat, de la Nouveile Russie. Odessa, mai 1890) sont également muets sur la question des reins céphaliques de Chiton.
ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 10. — ART. N° 2.
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par la fréquente extension de la couronne vibratile orale en un voile bilobé, et la présence de deux organes destinés l’un à devenir le pied de l'adulte, l’autre (glande coquillère) à produire-les premiers rudiments de la coquille. Ce dernier pourrait être assimilé aux glandes cémentaires placées dans la région inférieure du corps des Rotifères et de certains Bryozoaires ou Brachiopodes.
Le mésoderme est produit par des initiales, au nombre de deux le plus souvent, qui tantôt apparaissent dès le stade gastrula, tantôt, par une légère abbréviation du développe- ment, un peu avant ce stade. Dans les deux cas, ces initiales, engendrées par le mésoderme, se segmentent avec rapidité; les éléments ainsi produits se séparent les uns des autres, deviennent libres dans le blastocæle; et l’évolution présente franchement le caractère mésenchymateux. Ailleurs, et sur- tout chez des formes primitives telles que la Patelle, chacune des initiales commence, d’après Patten (15), par donner naissance à une bandelette assez volumineuse ; celle-ci, placée entre l’ectoderme et l’endoderme, rappelle tout à fait celle des Zrochophora d'Annélides. Puis la dissociation mésen- chymateuse se fait encore sentir, car les cellules se disjoignent pour devenir libres dans la cavité blastocælienne. Étant donné ce procédé, il s'ensuit que les espaces laissés entre les tissus formés par les éléments mésodermiques, dont proviennent le système vasculaire et la cavité générale lors- qu'elle existe, correspondent à des portions persistantes du blastocæle primilif.
Les frères Herlwig (10) accordent, on le sait, une grande importance à celte origine, et la considèrent comme établis- sant une différence profonde entre les Mollusques et les An- nélides ; car la cavité générale de ces dernières ne contracte jamais de relations avec le blastocæle. Il est bon de remar- quer cependant que le mésoderme, chez ces deux groupes de Trochozoaires, apparaît toujours par le même moyen : un petit nombre d'initiales se divise pour produire des ban- delettes pluricellulaires compactes; et c'est après ce stade
EMBRANCHEMENT DES TROCHOZOAIRES. 147
commun qu'interviennent les différences. D'un côlé, le cœ- lome se creuse dans les bandelettes; de l’autre, les bande- leties se désagrègent, et leurs éléments, devenus libres, engendrent le feuillet moyen.
Ces dissemblances sont comparables à celles existant entre les Siponcles et les Phascolosomes, dans la classe des Gé- phyriens inermes ; le mésoderme des premiers est épithélial, et leur cœlome un schizocæle ; le mésoderme des seconds est d’abord mésenchymateux, et leur cœlome correspond à une persistance du blastocæle. Chez les Annélides même, le feuillet moyen des Polygordius se développe nettement sui- vant le mode épithélial, et celui des Oligochætes se manifeste souvent comme un vrai mésenchyme. Les divers procédés d'évolution du mésoderme et de la cavité générale n’ont donc ici qu'une valeur relativement secondaire, capable parfois de caractériser des classes, mais non l’embranche- ment entier. Le seul fait important est l’origine même de ce feuillet moyen, la façon dont il dérive du mésendoderme chez les larves à embryogénie dilatée; les particularités qui interviennent par la suite méritent une moins grande créance, car elles sont susceptibles d’un assez grand nombre de variations.
En somme, si l’on en juge d’après les recherches de la plupart des auteurs, le mésoderme des larves de Mollusques provient de deux initiales primitives. Certains naturalistes admettent que l’ectoderme prend part à la genèse du feuillet moyen; mais ils n'ont point fourni sur ce fait des preuves suffisantes, car ils n'ont pas vu des éléments eclodermiques se segmenter pour produire sur leur face interne des cellules destinées à tomber dans la cavité blastocælienne; ils se sont bornés à conclure d’après des ressemblances d'aspect et quelques rapports fortuits d'adhérence.
Deux reins céphaliques font leur apparition chez la plu- part des embryons de Mollusques, et notamment chez ceux des Céphalopores; mais on ignore encore la nature de leurs relations avec les organes excréteurs définitifs.
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IV. Ainsi, sauf un petit nombre d'omissions dues à la
rareté des fails acquis, les trois caractères des Trochophora
se retrouvent chez les larves des classes étudiées. Et ces caractères, relatifs à l’aspect extérieur, au développement du feuillet moyen, et à la présence hâtive d'appareils excré- Leurs pairs, existent presque constamment, avec une telle persistance qu’on doit nécessairement leur accorder une grande valeur dans une classification naturelle. Ils donnent en effet à toutes ces larves une physionomie commune, el portent à penser qu'elles représentent dans la nature actuelle un type disparu, dont proviendraient les Trochozoaires. Ces trois séries de particularités organiques me paraissent seules capables de caractériser les Trochophora. Hatschek (9) accorde pourtant une certaine importance à la disposition des couronnes vibratiles, et à la présence d’une petite ébauche nerveuse, ou plaque céphalique, située au sommet de la région préorale. Pour le premier point, il est certain que, dans la grande majorité des cas, une couronne placée au niveau de la bouche ne manque jamais; cependant je ne crois pas, contrairement à l'opinion de Balfour (1), qu’il soit né- cessaire d'accorder une grande valeur au fait de la position de cette couronne un peu en avant ou un peu en arrière de l'orifice buccal. La bande vibratile orale est assez large, chez les embryons de la plupart des Annélides, pour occuper un espace aussi étendu que le diamètre de la bouche, et sou- vent même plus étendu; aussi la bande se divise-t-elle en deux lèvres ciliées qui entourent cette ouverture. L'une de ces lèvres est donc préorale, et l’autre postorale; mais toutes
deux proviennent de la bipartition d’une couronne simple.
En outre, lorsque cette bande orale est étroite, elle ne se partage pas au niveau de la bouche, mais passe tout entière soit en avant, soit en arrière de cet orifice; dans le premier cas, elle est préorale, et postorale dans le second. Mais ce sont là sans doute des modifications secondaires, qui déri- vent de l'aspect primitif à couronne large, et suffisent tout au plus à caractériser certaines classes, sans que l’on puisse
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trop se baser sur elles pour établir des rapports ou des diffé- rences entre ces classes.
Le fait important est la présence de cils vibratiles ecto- dermiques, et disposés, peu après leur apparition, en cou- ronnes annulaires. L'une de ces couronnes, située à la hau- teur de la bouche, est la plus constante; elle se forme souvent la première lorsqu'il en existe plusieurs; elle est seule repré- sentée d'ordinaire lorsqu'on n’en trouve qu'une; et elle varie assez d'aspect, mais sans changer de connexions, car elle est toujours placée dans le voisinage immédiat de l’ouver- ture buccale. La raison d’une pareille constance est, selon toutes probabilités, purement physiologique; les courants d'eau produits par le jeu des cils doivent, en effet, être plus actifs autour de la bouche, pour amener dans cette dernière les petites particules qui vont servir de nourriture au jeune embryon; d’un autre côté, la région orale est souvent la par- lie la plus large du corps entier, et les cils, seuls organes locomoteurs, apparaissent en premier lieu là où ils exercent le mieux leur action.
Je ne pense pas non plus qu’il soit nécessaire d'accorder une grande valeur à la présence hâlive d'une plaque cépha- lique. Celle-ci est bien développée chez les larves d’Anné- lides, mais il n’en est pas tout à fait de même pour celles des Trochozoaires monomériques, et surtout des Mollusques. A la suite d’une légère abréviation de développement, la plaque céphalique impaire des Annélides ne se retrouve plus chez les Mollusques, car les ganglions cérébraux de ces der- niers dérivent de deux ébauches séparées l’une de l’autre. Celle évolution est évidemment secondaire; elle correspond, comme je l'ai montré dans un mémoire récent (19), à une simplification du processus primordial caractérisé par lexis- tence d'une plaque unique; mais il n’en est pas moins vrai que cette dernière ne se montre pas. Les Trochozoon, ancè- tres des Trochozoaires, possédaient probablement un gan- glion nerveux simple et impair dans la région préorale de leur corps; ce ganglion apparaît encore, avec ses caractères
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primitifs, chez les Trochophora de certains Trochozoaires ; mais il n’en est plus ainsi pour d’autres. On ne doit donc pas considérer la présence d’une plaque céphalique impaire comme caractérisant toutes les Trochophora actuelles, bien
qu’elle ait été une des particularités de structure propres aux
types ancestraux dont descendent les Trochozoaires. | Cette discussion conduit à admettre, en définitive, que l'embranchement des Trochozoaires se distingue des autres
par l'apparition constante, au début des développements
dilatés, d’une larve appartenant au type Trochophora. Cette forme d'embryon libre présente, comme caractères spé- claux, les trois dispositions suivantes :
1° Des cils vibratiles ectodermiques, souvent disposés en couronnes annulaires plus ou moins nombreuses ; l’une de ces couronnes, placée au niveau de la bouche, se fait remar- quer par sa persistance ;
2° Un mésoderme dérivant d'un petit nombre d initiales (souvent deux); et un cœlome schizocælien, ne provenant point de la cavité archentérique. Les Brachiopodes seuls feraient exception à cette règle : mais 1l convient sans doute de n’accepter qu'avec réserve les faits connus sur leur évo- lution embryonnaire;
3° Une paire d'appareils excréteurs, ou reins céphaliques, apparaît de très bonne heure dans le cours du développement.
V. Les caractères des Trochozoaires, déduits ainsi de
ceux offerts par leurs larves, sont donc bien déterminés ; mais
il est nécessaire, pour préciser leur importance, de les com- parer à ceux présentés par les embryons des Cœlomates ap- partenant aux autres embranchements ; une telle comparaison aura pour effet de nellement délimiter l’ensemble des Tro- chozoaires. Dans une pareille discussion, il est bon, je crois, de mettre à part d’une façon provisoire le groupe des Némathelminthes; nous ne possédons pas encore sur ces derniers des fails bien établis pour ce qui touche au déve- loppement des feuillets. 11 serait possible de suppléer à cette
JUS. À
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absence par des considérations tirées de la structure de l'adulte, mais la discussion ne reposerait pas sur des bases certaines ; le mieux est donc de s'abstenir.
Divers naturalistes rapprochent les Annélides des Verté- brés ; ils s'appuient pour cela sur lä segmentation du méso- derme en métamères, et sur la présence dans les deux cas d'appareils excréteurs semblables, évoluant presque de la même facon, car ils se munissent de canaux secondaires dont le nombre est en rapport avec celui des segments cœlomi- ques. On a même établi une certaine relation entre la dis- position organique des Vertébrés adultes et celle des Anné- lides : on trouve toujours chez ces êtres une moelle nerveuse allongée dans le corps entier, placée chez les premiers sur la face dorsale de l'individu, et sur la face ventrale chez les seconds; les Annélides seraient donc des Vertébrés ren- versés. Ces faits méritent un examen attentif, car ils déno- tent l’exislence d’une certaine conformité de structure; mais il est cependant permis de croire que ces affinités sont secon- daires, et proviennent de changements similaires effectués sur des organes d’origine différente. Ces changements se produisent de bonne heure dans le cours de l’évolulion, et les dissemblances premières sont par suite presque effacées.
Les ancêtres des Chordés, à en juger d’après les larves des Tuniciers, celles de l’'Amphioxus, et les embryons des Vertébrés craniotes, étaient bien distincts de ceux des Tro- chozoaires. Les gastrules de Chordés sont dépourvues de cils vibratiles ectodermiques ; ou, si ces cils existent, ils sont peu nombreux,nullement disposés en couronnes, et disparaissent souvent très vite. Leur mésoderme n’est pas engendré par des initiales ; leur cælome provient de dépressions archentériques, dont les parois forment le feuillet moyen; ce cœlome est donc un entérocæle vrai, et non un schizocæle. Enfin les appareils excréteurs, s'ils rappellent ceux de divers Trocho- zoaires, ne prennent naissance que fort tard chez l'embryon; les Tuniciers et l’'Amphioxus en sont même privés; el cette différence chronologique prend iei une grande importance.
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De plus, les Chordés possèdent de fort bonne heure une baguette rigide, produite par l’endoderme, et destinée à sou- {enir l’axe nerveux; cette baguette, ou notocorde, manque constamment aux Trochozoaires, car les appareils consi- dérés à diverses reprises comme similaires n’ont ni la même structure, ni les mêmes rapports.
Les Verlébrés et leurs groupes satellites ne doivent done point être rapprochés des Trochozoaires, car il existe de grandes dissemblances entre leurs larves; ces dissemblances sont primordiales, et apparaissent de suite après le stade gas-
trula. Les analogies ne viennent qu’ensuite, déterminées par. 4
une évolution parallèle du cœlome ; la cavité générale des Chor- dés et celle de certains Trochozoaires se divisenten segments placés les uns derrière les autres, et l’appareil excréteur se modifie, avec les organes des sens, pour s’accorder avec cette nouvelle disposition. Mais cette disposition commune est ac- quise d’une façon secondaire, et, du reste, elle ne se retrouve pas toujours; il n°y a donc point d’homologie réelle, car tout se borne à une ressemblance tardive dans quelques procédés évolutifs. :
Il est permis d'en dire aulant pour ce qui concerne les rapports de divers Trochozoaires avec les Échinodermes. On a rapproché parfois les Géphyriens inermes de ces derniers, en se basant sur la grande extension prise dans les deux cas par la cavité générale. Mais à cette concordance se bornent les relations; toutes les autres dispositions organiques diffè- rent. Les larves des Échinodermes possèdent bien des cils vibratiles, arrangés parfois en couronnes; mais leur cœlome provient de l’archenteron, correspond à un entérocæle, et l’on ne trouve point chez elles de reins céphaliques. En outre, une partie du cœlome évolue dans une direction dé- terminée, de manière à produire un appareil vraiment spé- cialaux Echinodermes et qui n'existe nulle part ailleurs, sauf peut-être chez les Enteropneustes : l'appareil ambulacraire.
Les Échinodermes sont donc bien éloignés des Trocho- zoaires en général et des Géphyriens en particulier ; la plus
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ou moins grande extension de la cavité générale est encore un caractère d'ordre essentiellement secondaire, qui n’al- tère en rien les importantes différences initiales.
_ Ilest tout aussi difficile, dans l’état actuel de la science, de rapprocherles Trochozoaires des Chœtognathes. Ces derniers montrent un développement de leur cœlome tel qu’ils s’éloi- gnent par là de tous les autres animaux, même des Chordés et des Échinodermes, dont la cavité générale est pourtant un entérocæle. Chez les larves de ces deux derniers types, l’ar- chentéron émet latéralement deux diverticules, qui se ferment et se transforment en vésicules closes; la cavité et les parois de ces vésicules produisent respectivement le cœlome et le mésoderme, la majeure partie de l’archentéron étant conser- vée pour devenir l'intestin. Le procédé est tout différent chez les Chœtognathes, bien que le résultat soit le même; la région antérieure de l’archentéron se divise en trois lobes,
dont les deux latéraux réunis à la région postérieure don-
neront naissance au cœlome, tandis que le petit lobe médian sera l'intestin; ce dernier n’est donc qu'une portion bien minime de l’archentéron primordial.
Ce développement si particulier de la cavilé générale éloigne aussi les Chætognates des Trochozoaires, et même des Brachiopodes. De plus, les larves de ces animaux sont dé- pourvues de reins céphaliques; et aucun fait n'autorise à rapprocher les Sagitta des êtres issus de la 7rochophora.
La division métamérique du corps de certains Trocho- zoaires avait autrefois conduit à grouper ensemble, sous le nom d’Articulés, les Annélides et les Arthropodes. Ces affi - nités sont pourtant comparables à celles déjà signalées pour les Vertébrés ; elles dérivent d’une évolution semblable exer- cée sur des organes d’origine différente. Les larves des Arthropodes, recouvertes par une cuticule assez épaisse, sont toujours privées de cils vibraliles ectodermiques; le méso- derme n’est point engendré par deux iniliales, contrairement à l’opinion de quelques naturalistes, mais représente dès les
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premiers stades embryonnaires un feuillet volumineux cons- Utué par un grand nombre de cellules; enfin, des organes excréleurs bâtis sur le plan des reins céphaliques font com- plètement défaut. Il n'existe aucune ressemblance, même des plus minimes, entre les jeunes larves des Arthropodes et celles des Trochozoaires ; il suffit de comparer un Nauplius, qui représente dans la nature actuelle l’état le plus simple du type Arthropode, à une Trochophora, pour apprécier les
différences d'aspect et de structure.
Les analogies résultent d’une évolution correspondante des tissus ectodermiques et mésodermiques. Chez divers Tro- chozoaires el chez la plupart des Arthropodes, ces tissus se partagent régulièrement en mélamères placés à la file les uns des autres ; et cette division donne au corps de l'adulte un aspect annelé presque identique. La segmentation n'a pourtant pas le même caractère dans les deux cas; elle s'exerce de préférence sur le cœlome et le mésoderme chez les Trochozoaires polymériques, sur l’ectoderme et la cuticule chez les Arthropodes. Le cœlome des premiers est d'habitude divisé en chambres distinctes qui correspondent aux anneaux extérieurs; celui des seconds ne présente point cet aspect, ou ne le présente que fort rarement, et se modifie en un système vasculaire ramifié. Le mésoderme des premiers conserve chez l'adulte un aspect segmenté ; celui des seconds n'offre rien de semblable, et la disposition des muscles prin- cipaux ne cadre guère avec les métamères extérieurs. En somme, la division métamérique du corps s'exerce de préfé- rence sur le feuillet moyen pour ce qui touche aux Annélides, et sur le feuillet externe pour ce qui regarde les Arthropodes.
Ainsi, ces ressemblances prêtent elles-mêmes le flanc à la critique. Il est également permis d’ajouter que la différen- clation zoonitaire est relativement tardive chez les Arthro- podes, puisque les Crustacés inférieurs, qui sont les plus simples de tous ceux vivant aujourd'hui et les plus voisins de la souche ancestrale, n’en montrent aucune trace; pas plus du reste que les larves, les Nauplius et Metanauplius,
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des Crustacés supérieurs. Cette évolution présente donc un tout autre caractère; et, de même que pour les Vertébrés, on doit la considérer comme ayant un simple rapport d’ana- logie avec les faits similaires connus chez les Annélides.
- Les relations des Trochozoaires sont plus étroites avec les Plathelminthes qu'avec tous les autres embranchements de Cœlomates; et leur nature a déjà été précisée par Fraipont (5) et par Hatschek (9). Les larves des Plathelminthes sont pour- vues de cils vibratiles ; si la présence précoce d'un appareil excréteur n’a pas été démontrée chez elles de façon suffisante, il n’en est pas moins vrai que l'organe correspondant de l'adulte rappelle, ou peu s’en faut, le rein céphalique des Rotifères, et par là des Trochophora. Les différences portent sur les origines du mésoderme et du cœlome.
Parmi tous les Plathelminthes dont le développement est connu, certaines Némertes présentent le mode le plus dilaté. Leur mésoderme se sépare du mésendoderme sous forme d’initiales comme chez les Trochozoaires; seulement, les ini- tiales sont ici très nombreuses, et prennent naissance sur toute la périphérie du mésendoderme. Elles tombent ensuite dans la cavité blastocælienne, s’y multiplient, et constituent de cette façon le mésoderme parenchymateux de ces ani- maux ; les espaces laissés entre ces éléments correspondent à des portions persistantes du blastocæle, et deviennent chez l'adulte les seuls représentants du cœlome.
Les différences sont faciles à préciser. D'un côté, chez les Plathelminthes, nombreuses iniliales qui naissent sur la pé- riphérie entière du mésendoderme, et ne se rassemblent point en bandelettes définies; d'autre part, chez les Trochozoaires, petite quantité d’initiales, formées symétriquement en deux points déterminés du mésendoderme, et produisant d’abord des bandelettes. Tantôt ces bandelettes conservent une dis- position régulière, et tantôt elles se désagrègent par la suite ; dans ce dernier cas, l’évolution ultérieure ressemble à celle des Plathelminthes. Il est permis cepéndant de concevoir que
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le procédé mis en œuvre chez les Trochozoaires est une lé- gère condensation du mode existant chez les larves de Pla- thelminthes. Il suffit, pour cela, de supposer que le nombre des initiales primitives a diminué, de façon à ramener sur une petite quantité d'éléments toutes les forces génératrices du feuillet moyen; et, en même temps, est inlervenue une ten- dance à la symétrie bilatérale, qui a donné au processus une plus grande régularité. Cette supposition est d'autant plus acceptable que certains Plathelminthes à développement quelque peu abrégé montrent une évolution du mésoblaste presque analogue à celle des Trochozoaires; chez divers Den- drocæles par exemple, le nombre des initiales est restreint. et ces initiales se séparent hâtivement du mésendoderme par un mode comparable sous beaucoup de rapports à celui signalé chez certains Trochozoaires.
Étant donnée cette assimilation, on est en droit d'admettre que les Trochozoaires sont voisins des Plathelminthes, el que les ‘7rochozoon, représentés encore dans la nature ac- tuelle par les Trochophora, appartenaient au même groupe que les ancêtres des Vers plats. Les Trochozoon répondent sans doute à une différenciation de ces êtres anciens dans un sens déterminé; ils ont revêtu une disposition organique propre, caractérisée par une diminution en nombre el un arrangement régulier des cellules du mésenchyme blasto- cœlien, el par une précocité spéciale dans la genèse des appa- reils excréteurs: les cils vibratiles, souvent rassemblés en couronnes, fait assez rare chez les larves de Plathelminthes, ont eux-mêmes revêtu ainsi un aspect particulier. Ces dis- semblances, pourtant assez minimes, ayant été accentuées plus encore dans la suite de l’évolution de ces êtres, il en est résulié que les animaux issus du 7rochozoon forment aujour- d'hui un embranchement défini, dont la structure s'éloigne beaucoup de celle des Plathelminthes, bien que l'étude des larves dénote l’existence des anciennes relations.
La nature actuelle renferme du reste des êtres, à structure fort simple, qui doivent sans doute êlre considérés comme
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des persislances du groupe ancestral commun ; leur organi- salion est devenue assez complexe à la vérité, mais elle a gardé pourtant un cachet de simplicité que les Plathelmin- thes et les Trochozoaires n’ont pas. Tels sont les Dinophilus. Ces derniers doivent, ce me semble, être placés de préfé- rence à la base des Annélides: mais il vaudrait mieux les regarder comme des souvenirs d’ancêlres communs aux deux embranchements. Ces ancêlres ont évolué dans di- verses directions; les uns ont produit les Plathelminthes, et d’autres les Trochozoaires; certains ont probablement disparu; mais plusieurs ont persisté en compliquant à peine leur structure initiale, et sont représentés dans la nature actuelle par des êtres très simples à caractères ambigus. Les Dinophilus se rapprochent beaucoup des Gastérotri- ches; ceux-ci, autant qu'il est permis d’en juger d’après les récentstravaux de Zelinka (24), doivent être considérés comme des types fort peu élevés de Némathelminthes. Si l'étude attentive des premiers processus ontogénéliques ne vient pas renverser cette appréciation, les Némathelminthes provien- draient, selon toutes probabilités, des mêmes ancêtres que les Plathelminthes et les Trochozoaires. Ces trois groupes réunis formeraient alors, parmi les Cœlomates, un vaste ensemble, qui correspondrait à l’ancien embranchement des Vers, moins les Chætognathes et avec les Mollusques en plus. Les Vers,
ainsi remaniés, et renfermant les trois embranchements des
Plathelminthes, des Némathelminthes et des Trochozoaires, seraient opposables aux Arthropodes et aux vrais Enterocæ- liens tels queles Chætognathes, les Péripates, les Échinoder- mes et les Chordés (Entéropneustes, Tuniciers, Vertébrés).
_$ 3. — Classification des Trochozoaires.
I. Avant la publication par les frères Hertwig de leur cé- lèbre théorie du cœlome, un grand nombre de naturalistes admettaient, sans trop pouvoir la préciser encore, l’exis- tence de relations entre les Annélides, les Géphyriens, les
Bryozoaires, les Brachiopodes, les Rotifères et les Mollus-
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ques. On divisait alors tous ces êtres en polymériques et mo-
nomériques, les premiers renfermant les Annélides dont le .
corps est partagé en plusieurs mélamères, et les seconds toutes les classes caractérisées par l'absence de ces méta- mères. Celte division est fort juste ; et, comme on le verra plus loin, elle exprime vraiment des différences importantes
dans le mode d'évolution des organes.
M. Giard (6) avait proposé cependant une classification plus précise. Il scindait ses Gymnotoca, dépourvus de mem- brane amniotique, en quatre groupes : les Mollusques, les Annélides, les Brachiopodes et Les Ciliés. Cet essai était sur- tout important en ce que l’auteur admetlait pour la première fois l'existence de classes, alors confondues avec les autres, ét qu’il est nécessaire de distinguer ; telles sont les Néomé- nides ou Amphineuriens, et les Archiannélides. Mais cette classification est encore imparfaite, à mon sens, par plus d’un côté ; les Chæœtognates, par exemple, sont placés parmi les Annélides ; le groupe des Géphyriens est encore unique ; les
Gastérotriches sont mis dans les Ciliés à côté des Rotifères
et des Bryozoaires. Il est enfin inutile de faire ressortir encore une fois l’impropriété du mot « Gymnotoca » cpplore pour nommer l’embranchement entier.
Il me paraît convenable, étant donné l’état actuel de la science, de revenir à l’ancienne division des Vers annelés et de leurs classes satellites en Monomériques et Polymériques. Les différences qui se mamifestent entre ces deux groupes sont primordiales; elles portent sur le mode de développe- ment du feuillet moyen et du cœlome, et apparaissent dès le stade Trochophora. Les Polymériques présentent comme ca- ractère particulier la segmentation précoce de leur méso- derme et de leur cœlome en métamères réguliers placés à la file ; chezles Monomériques, par contre, une telle segmenta- lion n'intervient jamais, et la cavité générale reste unique ou seremplit irrégulièrementdetravées conjonctivo-musculaires.
Les anciennes classes des Vers annelés ne peuvent plus être acceptées sans subir des modifications; plusieurs d’en-
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tre elles doivent être démembrées. Les Annélides sont tout d’abord divisées en Archiannélides (Polygordius, Pro- todrilus\, el Annélides véritables ; ces dernières elles-mêmes sont partagées en Annélides achètes et Annélides chétopodes. Les Sternaspidiens sont retranchés des vrais Chétopodes pour conslituer une classe nouvelle. Enfin les Géphyriens comprennent eux-mêmes trois formes distinctes les unes des autres, et assez importantes pour mériter le nom de classes : les Géphyriens armés, les Géphyriens inermes, et les Gé- phyriens tubicoles.
Une telle systématique de l’embranchement des Trocho- zoaires paraît exprimer le mieux, du moins à notre époque, les affinités et les différences existant entre ces divers grou- pes; et j'ai déjà publié (19) un tableau de classification conçu suivant ces idées. Ce tableau, avec l'arbre phylogénétique qui l’accompagne, diffère beaucoup de ceux publiés en 1876-78 par M. Giard ; et ce, contrairement à l'opinion exposée depuis peu par cet auteur (Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 13 janvier 1890). Tout en rendant un juste hommage au savant professeur, et en reconnaissant qu'il a été le premier parmi les naturalistes soucieux de préciser les relations naturelles des diverses classes de Trochozoaires, il faut bien convenir que les études embryogéniques récentes ue permettent pas d'accepter en entier sa classification.
Les Gymnotoca, caractérisés par l'absence d’enveloppe amniotique, et renfermant les Chæœtognates, les Gastérotri- ches, même les Nématodes, ne correspondent point aux Tro- chozoaires tels que je les délimite. La division des premiers en quatre types (Mollusques, Annélides, Brachiopodes, Ciliés) ne rappelle en rien la scission des Trochozoaires en Mono- mériques et Polymériques, ni le partage de ces deux sous- embranchements en classes secondaires. Enfin, M. Giard conserve intacte la classe des Géphyriens. Il n'existe donc, ce me semble, aucun rapport entre sa classification et la mienne, du moins dans la facon de grouper; car, Je tiens à le répéter, M. Giard a été le précurseur en pareille matière,
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et toutes les opinions acceptées aujourd’hui sur un tel sujet dérivent de celles qu'il a défendues.
IT. Les TrocHozoaiREes sont donc divisés en Trochozoaires Monomériques et Trochozoatres Polymériques; les différences entre ces deux sous-embranchements portent sur les pre- miers stades de l’évolution des bandelettes mésodermiques. Chez ceux-c1, les parois des bandelettes émettent de bonne heure, et avec régularité, des cloisons transversales qui dé- coupent le cœlome naissant en chambres placées les unes derrière les autres; ce processus aboutit à une disposition annulaire, dans laquelle les chambres deviennent les cavités des anneaux, et les cloisons produisent les dissépiments qui limitent ces cavités en avant ef en arrière. Tel n’est pas le cas des Trochozoaires monomériques; les parois des bande- leties ne forment point de cloisons placées régulièrement à la file, maisse bornent à doubler l’ectoderme et l’endoderme ; assez souvent, les bandelettes se désagrègent en tout on en partie, soit pour donner naissance à des tractus conjonctivo- musculaires qui divisent le cælome en sinus plus ou moins nombreux, soit pour produire quelques éléments isolés et libres dans le liquide de la cavité générale.
Les deux modes de développement du mésoderme, épi- thélial et mésenchymateux, se retrouvent dans chacun de ces sous-embranchements. Ainsi, chez les Polymériques, le feuillet moyen des larves de Po/ygordius se constitue entiè- rement suivant le procédé épithélial ; il en est de même au début pour celui des larves de Géphyriens armés, puis le feuillet se désagrège en partie et devient mésenchymateux ; enfin, le mésoderme des embryons d’Oligochætes est presque toujours mésenchymateux. Des faits semblables existent chez les Monomériques. Parmi les Géphyriens inermes, le feuillet moyen des larves de Siponcles est épithélial, celui des larves de Phascolosomes est mésenchymateux. Les Mollusques sont caractérisés par une dissociation très précoce de leurs ban- delettes, si hâtive parfois que ces bandelettes n’apparaissent
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même pas, leurs éléments se séparant les uns des aulres de suite après avoir été engendrés par les initiales ; les Mollus- ques présentent donc, comme l'ont bien fait remarquer les frères Hertwig (10), une accentuation très prononcée du mode mésenchymateux.
Dans les comparaisons entre l’organisation des Trocho- zoaires Polymériques et celle des Monomériques, il ne fau- drait pas admettre tout à fait, comme on a l'habitude de le dire, que le corps des seconds correspondit à un seul anneau du corps des premiers. Les anneaux ne sont pas des entités ayant la valeur intégrale d'un organisme distinct, d’un indi- vidu vrai; ils correspondent à des fragmentalions du méso- derme, qui entraîne la répétition en série linéaire d'organes semblables et semblablement placés; mais c'est tout. Les appareils qui dépendent de l’ectoderme et de l’endoderme sont toujours uniques comme ceux des Monomériques, sauf les appendices locomoteurs. Le tube digestif est simple; le système nerveux l’est également, car la moelle ventrale ne prend pas toujours l'aspect annelé par la présence de gan- glions correspondant aux somites, et reste presque cylindri- que chez les formes inférieures d’Annélides. On ne doit donc pas accorder, à ce point de vue, une importance trop con- sidérable à la segmentation mésodermique, puisqu'on la voit s'arrêter parfois — chez les Géphyriens armés par exem- ple; — et, de plus, les métamères déjà formés se détruisent.
Les relations sont ici comparables à celles existant entre les Tuniciers et l’Amphioxus; le feuillet moyen des seconds se partage en somites, et non celui des premiers; pourtant, il est certain que le corps d’une larve de Tunicier ou celui d’une Appendiculaire est l’équivalent du corps entier d’une larve d’Amphioxus, et non d’un seul de ses segments. Il est donc nécessaire de considérer la fragmentation mésoder- mique des Trochozoaires comme un fait d'ordre relativement secondaire, déterminant parfois des répétitions d’organes suivant un ordre déterminé, mais ne produisant pas une telle spécialisation des appareils de l’économie qu'il soit néces-
ANN. SC. NAT. ZOOL. X4, 11, — ART. N° 9.
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saire de considérer chaque anneau comme un véritable individu. |
IT. On vient de lire que les somites mésodermiques de certains Trochozoaires se détruisent peu après leur appari- lion; celte particularité, qui intervient de bonne heure dans la série des processus, contribue à diviser les PoLYMÉRIQUES en deux groupes opposés; les métamères des uns sont con- servés tels qu'ils apparaissent chez les larves, et donnent à l'adulte un aspect franchement annelé ; ceux des autres sont rapidement détruits, et l’individu parfait, n'en montrant plus aucune trace, possède, comme les Monomériques, un méso- derme simple et un cœlome non segmenté. Cette dissem- blance de structure définitive, jointe à la différence du mode de développement des couches mésodermiques, permet, dans une classification naturelle, de diviser en deux séries le sous-embranchement des Polymériques : les Po/ymériques intacts où à métamères conservés, et les Polymériques dé- truits où à métamères désagrégés.
Les POLYMÉRIQUES INTACTS où ANNÉLIDES renferment un certain nombre de formes qu'il est possible de ranger sous deux titres : les Archiannélides et les Annélides vraies ou Euannélides. Les Archiannélides sont évidemment, comme leur nom l'indique, des types primitifs; toute leur organisa- tion le démontre, et l'étude de leur développement conduit au même résultat. L'adulte est dépourvu de soies; ses ap- pendices se bornent à deux antennes; les somites sont dis- posés avec une régularité remarquable, et chacun d'eux contient une cavité spacieuse ; les néphridies sont des tubes droits, nullement pelotonnés sur eux-mêmes, et tous ca- pables de fonctionner comme conduits sexuels; enfin, l’évo- lution embryonnaire, très dilatée, montre avec nelteté la série entière des processus qui mènent de la Trochophora à l'individu parfait. Les Archiannélides ne renferment dans la nature actuelle que deux genres principaux : les Po/ygordius et les Protodrilus.
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Il n’en est pas ainsi pour les Annélides vraies. Le corps de l’adulte est dépourvu dans certains cas de soies et d’ap- pendices, mais alors les cavités métamériques sont souvent vcsiruées par des tractus conjonctivo-musculaires, el les néphridies, très allongées, sont repliées sur elles-mêmes en un peloton; de plus, les glandes sexuelles possèdent des conduils vecteurs, qui dérivent sans doute de quelques né- phridies transformées, mais n'ont plus rien de commun avec les organes excréleurs de l'individu parfait. Dans d’autres cas, le corps de l'adulte offre parfois une simplicité qui rappelle celle des Archiannélides; mais il existe loujours des soies disposées avec régularité sur les anneaux; et d’or- dinaire les individus, pourvus de nombreux appendices extérieurs (antennes, cirrhes, parapodes), présentent dans leurs organes des sens et leurs néphridies une complexité que les Archiannélides n’offrent jamais.
En opposant les uns aux autres ces divers caractères, on aboutit aux diagnoses suivantes :
Archiannélides. — Corps dépourvu de soies; appendices réduits à deux antennes; néphridies simples et non pelo- tonnées ; cavités métamériques non obstruées par des tractus conjoncüifs; glandes sexuelles nullement spécialisées et dé- pourvues de conduits vecteurs propres. En outre, grande simplicité de structure des organes.
Evuannélides. — Corps pourvu ou dépourvu de soies. Dans le premier cas, l’opposition avec les Archiannélides est effec- tuée par ce seul caractère. Dans le second cas, l'opposition est faite par l’absence d’appendices, l'allongement et le pelotonnement des néphridies, l’obstruction des cavités segmentaires, et la spécialisation des glandes sexuelles mu- pies de conduits vecteurs particuliers.
Je n'ai fait nulle mention, contrairement à Fraipont (5), et dans cet essai de diagnoses laxonomiques, des rapports d’adhérence établis entre l’ectoderme et la moelle nerveuse. Un certain nombre d’auteurs, parmi lesquels Pruvot (16), ont en effet montré que souvent cette moelle est soudée à
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l’ectoderme chez la plupart des Annélides vraies, au moins par places; et moi-même (19) j'ai retrouvé, chez diverses Oligochætes (Enchytræides), une disposition du système ner- veux semblable à celle signalée chez les Archiannélides.
IV. Les Annélides vraies ou Evannélides doivent être subdivisées suivant que le corps présente des soies (Chéto- podes) ou n’en porte pas (Achëètes); cette division, qui con- duit à séparer les Hirudinées des autres Annélides, est en effel très naturelle, car elle porte non seulement sur la ma- nière d'être des appendices locomoteurs, mais encore sur les diverses aulres dispositions organiques.
Les Hirudinées ou Achètes présentent les caractères sui- vants : « absence de soies et d’appendices, présence fré- quente de ventouses servant à la fixation du corps, cavités segmentaires souvent obstruées par des tractus conjonctivo- musculaires, glandes sexuelles spécialisées ». Les Hirudinées se rattachent aux Archiannélides par un type à structure bien peu complexe, l’Histiiobdella ou Histriodrilus, éludié par Fraipont (5); cet animal montre une simplicité orga- nique fort grande, tout en présentant déjà une spécialisation assez accentuée dans le sens Hirudinée. |
Les Chétopodes sont ainsi caractérisés : « Corps muni de soies et parfois d'appendices (antennes, cirrhes), dépourvu de ventouses; cavités segmentaires libres le plus souvent. » La classe des Chétopodes contient les deux sous-classes des Oligochætes et des Polychetes, dont les différences sont bien connues, et sur lesquelles il est par suite inutile d’insister; ces différences portent de préférence sur lesglandes sexuelles, munies de conduits vecteurs propres et localisées dans une région déterminée chez les Oligochætes, dépourvues de ces canaux et éparses chez les Polychætes. En outre, les soies des seconds sont portées par des parapodes, et leur corps présente des appendices; ces appendices manquent aux pre- miers, et leurs soies sont directement insérées sur le corps.
Il serait peut-être convenable de grouper sous le nom
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d'Archichétopodes certaines formes inférieures telles que les Saccocirrus,les Polyophthalmus, ele. ; les autres genres cons- titueraient alors la sous-classe des Euchétopodes, divisée ensuite en Oligochætes et Polychætes. Seulement une ob- jection s'établit, qui porte sur la présence chez les Oligo- chæœtes de types à structure fort simple, aussi simple que celle des Saccocirrus, sauf pour ce qui a träit aux glandes sexuelles et à leurs conduits vecteurs. Le mieux est donc, dans l’état acluel des choses, de conserver l’ancienne division des Chétopodes en Oligochætes et Polychætes, tout en si- gnalant la présence, à la base de ces deux groupes, de formes peu complexes et voisines des Archiannélides.
Les Myzostomes ne sont point compris dans cette classifi- cation. Malgré les études de Nansen (13) et de Graf (7), il est bien difficile d'apprécier les relations naturelles de ces êtres avec les autres animaux en se basant sur leur seule structure anatomique. L’embryogénie est à peine connue; les observations de Beard (3) ont bien montré que la larve appartient, d’après son aspect extérieur, au type Trocho- phora; mais là se bornent nos connaissances.
V. Si les Polymériques détruits rappellent les Polymé- riques intacts par le début de leur développement, la suite de l’évolution et la structure de l'adulte les en éloignent par contre beaucoup. Les bandeleltes mésodermiques com- mencent par se diviser en somiles souvent nombreux; mais les dissépiments se détruisent ensuite, les cavités segmen- aires communiquent les unes avec les autres ; aussi l'individu parfait possède-t-il un cœlome unique et non mélamérisé, semblable à celui des Trochozoaires monomériques. Une autre concordance avec ces derniers provient du nombre des né- phridies; 1l existe d'habitude, chez les Polymériques intacts, une paire de ces appareils par somite; le contraire a lieu pour les Polymériques détruits. L’adulte ne possède au maximum que deux outrois paires de ces organes; et parfois même, deux ou trois de ces néphridies sont complètement atrophiées.
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Les POLYMÉRIQUES DÉTRUITS Ou PSEUDANNÉLIDES contien- nent deux classes : les Sernaspidiens et les Géphyriens armés. Les premiers ont été jusqu'ici rangés parmi les An- nélides, et rapprochés tantôt des Oligochætes, tantôt des Palo il semble nécessaire de les en séparer. Diverses Annélides montrent bien parfois, en certaines régions du corps, une atrophie locale de plusieurs dissépiments; mais cette atrophie n'’atteint pas toutes les cloisons segmentaires comme il en est pour les Siernaspis, ni les néphridies, qui sont au nombre d’une paire chez ces derniers. Les Ster- naspidiens sont intermédiaires sous plusieurs rapports entre les Annélides et les Géphyriens armés; leur structure dénote sans doute l’ancienne existence de types disparus, apparte- nant au groupe des Chétopodes, et qui auraient engendré les Polymériques détruits. Le corps des S/ernaspis présente une disposition annelée bien reconnaissable ; il est formé de trente et un somites, parfois distincts les uns des autres, ailleurs confondus; il porte des soies nombreuses rassemblées en certains cas par groupes semblables à des rames de Chéto- podes; la musculature elle-même et les centres nerveux présentent une disposition métamérique. Par tous ces carac- tères, les Sternaspis se rapprochent des Annélides ; mais par leur cœlome nullement divisé en segments au moyen de cloisons transverses, par la présence d’une seule paire de néphridies, par leur tube digestif enroulé sur lui-même, ils doivent être considérés comme très voisins des Géphyriens armés.
Leur véritable situation est ambiguë ; un tableau phylogé- nétique les montrerait enire les Chétopodes et les Géphyriens armés, car ils correspondent probablement à une persistance, dans la nature actuelle, de ces formes anciennes dont les dissépiments se délruisaient peu à peu en faisant disparaître la métlamérisation mésodermique. Mais toute classification est quelque peu systématique; les Siernaspis, avec leur cœlome simple et leur unique paire d'organes excréleurs, sont des Polymériques détruits, et 1l faut donc les ranger
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EMBRANCHEMENT DES TROCHOZOAIRES. 167
dans ce groupe; en réalité, ils établissent une transilion entre les Annélides et les Géphyriens armés.
Toute trace de la segmentation primitive a disparu chez ces derniers, et la larve seule en montre des vestiges. L’adulte ne rappelle en rien une Annélide par son organisation, {out contribue à l’en séparer; les quelques soies placées à la surface du corps, sans se grouper jamais en rames, sont les seuls représentantsalaviques des appareils existant autrefois.
Il est probable, si l'on en juge d’après les Sternaspis, que les Géphyriens armés proviennent des Chétopodes à struc- ture déjà bien complexe. Les dissépiments embryonnaires sont fort nombreux (quinze, en moyenne, chez les larves d'Echiurus), et ce fait dénote que les Polymériques détruits sont issus de Polymériques intacts munis d’une quantité de métamères relativement grande.
Les diagnoses des deux classes de Polymériques détruits peuvent êlre formulées de la façon suivante :
Sternaspidiens. — Corps divisé extérieurement en anneaux : soiles nombreuses, rassemblées par groupes symétriques, ou rames, vers les deux extrémités de l'animal.
Géphyriens armés. — Corps non annelé; soies rares, non rassemblées en rames, et placées d'habitude vers l’orifice externe des néphridies ou vers l'extrémité postérieure de l'individu.
VI. Les TROCHOZOAIRES MONOMÉRIQUES s'écartent beaucoup des Polymériques, et ces différences se présentent hâtivement dans la série des processus; les bandelettes mésodermiques des premiers ne se partagent jamais en somites par des cloi- sons transversales, contrairement à ce qu'il en est pour celles des seconds. Il en résulte de grandes dissemblances d'aspect entre les individus parfaits; le corps des Monomériques n’est point annelé extérieurement, les centres nerveux ne sont pas modifiés en longues chaînes de ganglions, le cœlomeest unique ou divisé irrégulièrement en sinus par des travées conjonc- tives; enfin les néphridies sont en petit nombre, une paire
RS
168 LOUIS ROULE.
le plus souvent, deux paires au plus. Parfois même l’unique paire est atrophiée en partie, l’adulte ne possédant qu’un seul organe d’excrétion. Ces néphridies sont bâties sur le plan de leurs similaires des Polymériques, et font communiquer de même le cœlome avec le dehors, quelle que soit la structure définitive acquise par la cavité générale du corps.
Îl est permis de se demander si les Monomériques pro- viennent de Polymériques déjà bien évolués dans le sens du mésoderme segmenté, ou si ces deux sous-embranchements sont distincts l’un de l’autre dès le début, dès les Trochozoon ancestraux; les premiers auraient alors conservé des bande- lelles simples, tandis que les seconds partageaient les leurs en somites; tous deux auraient ensuite subi leur évolution parallèle sans se confondre désormais. |
On pourrait apporter à l’appui de la première opinion le fait présenté par les Polymériques détruits, dont le méso- derme commence par se diviser, puis cette scission ne conti- nue pas chez l'adulte ; il n y aurait qu'à supposer une exagé- ration de ce procédé destructif, qui s’exercerait alors de fort bonne heure chez les larves. Il ne me semble pas cependant qu'une telle appréciation mérite d’être acceptée. Plusieurs Monomériques présentent une embryogénie très dilatée ; or, d'une manière constante, l'examen des faits montre les.ban- delettes et le cæœlome poursuivant leur évolution, sans jamais offrir, même à l’état rudimentaire, des cloisons semblables aux dissépiments des Polymériques.
Il est aisé de comparer, à ce point de vue, le développe- ment d’un Siponcle à celui d’un Polygordius ou à celui d’un Échiure, car, dans les trois cas, le feuillet moyen se conslilue suivant.le mode épithélial. Les deux bandeleltes mésodermi- ques du premier restent uniques et ne se segmentent pas; la cavité cœlomique grandit peu à peu sans se diviser; cette sim- phicité continue sans modification jusqu’à l’âge adulte. C’est le contraire pour les deux autres genres; les bandelettes se parlagent de bonne heure en somites, et de même le cælome:;
celte disposition se conserve souvent jusqu’à l’état parfait, et.
Se és
EMBRANCHEMENT DES TROCHOZOAIRES. 169
se détruit ailleurs, mais elle n’en à pas moins existé. Et il suffit, pour se convaincre à la fois de la valeur et de la préco- cilé de ces différences, de comparer deux jeunes larves par- venues au même stade, l’une appartenant au premier genre et l’autre aux deux derniers; l’aspect dissemblable offert par le mésoderme et le cæœlome montre bien que ces différences sont primordiales et s’établissent dès la Trochophora.
Partant, il faut admettre que les Polymériques et les Mo- nomériques sont deux rameaux issus d’une même souche, el n'ayant de rapports entre eux que grâce à leurs ancêtres communs représentés dans la nature actuelle par la larve Trochophora ; is proviennent tous deux des Trochozoon dis- parus, et ont évolué à part l’un de l’autre en suivant une marche parallèle.
Le sous-embranchement des Trochozoaires Monomériques contient une certaine quantité de types bien connus, et dont il est inutile par suite de discuter les caractères. Ces lypes sont : les Géphyriens inermes, les Géphyriens tubicoles, les Bryosoaires, les Brachiopodes, les Rotifères, les A mphineu- riens et les Mollusques. Ces derniers ont subi de telles différen- cialions, ont donné lieu à des formes si variées et si nom- breuses, que leur valeur est à elle seule presque égale à celle de tous les autres réunis; mais, au point de vue morpholo- gique strict, leur plan organique est assez constant pour être opposable à celui de chacune des autres classes, sans mériter une plus grande importance. |
Les différences existant entre ces divers groupes ne sont pas égales entre elles, au contraire. Il est possible de distin- guer dans ce sous-embranchement, et d'une façon assez na- turelle, trois séries principales, dont la première renferme les Géphyriens inermes; la seconde les Géphyriens tubicoles, les Bryozoaires et les Brachiopodes; et la troisième les Roti- fères, les Amphineuriens et les Mollusques.
Cette dernière série (Æotifères, Amphineuriens, Mollus- ques) est caractérisée par la présence chezles larves d'un cer- tain nombre de particularités que l’on neretrouve pas ailleurs.
170 | | LOUIS ROULE.
Telles sont l'élargissement de la couronne vibratile orale en un voile, la présence d’un pied ventral, et souvent celle d’une glande d’origine ectodermique placée sur le pied ou aux en- virons du pied ; cette glande est destinée à sécréter du mucus ou à fournir la première ébauche d’une coquille cuticulaire. Les animaux rangés dans cette série méritent donc le nom de Vécirères (VELATA), étant donnée l'existence assez répan- due de ce voile larvaire.
Le voile et le pied manquent aux larves des êtres placés dans la seconde série (Géphyriens tubicoles, Bryozoaires, Brachio- podes): cependant un pédoncule basilaire servant parfois à la fixation du corps et muni d’une glande annexe rappelle assez le pied des Rotifères; mais cet organe n'existe pas toujours, et, dans tous les cas, le voile n’est point représenté. En outre, des appareils spéciaux, qui manquent aux Vélifères, naissent autour de la région orale, et se montrent d'habitude chez les larves encore fort jeunes; ces appareils sont des tentacules, saillies cylindriques et allongées de la paroi du corps, dis- posées en un cercle tout autour de cette région orale. La pré- sence de tels appendices permet d'accorder aux trois classes de la seconde série le nom commun de TENTACULIFÈRES (BracniaTA); cette série correspond aux PBrachiostomata de Carus, plus les Géphyriens tubicoles.
Ces animaux se distinguent en outre des autres Monomé- riques par un dernier caractère relatif au mode d’accrois- sement de l'individu. Étant donné le corps de la larve, ou prosoma, une région déterminée de ce corps, voisine de la bouche, s'accroît seule pour produire la majeure partie du corps de l'adulte, du metasoma. Cette absence d'équilibre dans le développement ultérieur re se retrouve point chez les Vé- lifères ; elle existe aussi chez les Géphyriens inermes, mais avec un caractère différent.
Les larves des Géphyriens inermes, parfois munies d’une enveloppe amniolique, ne possèdent ni voile, ni pied, ni ten- tacules ; les individus parfaits portent bien des tentacules péribuccaux, mais ces derniers apparaissent beaucoup plus
EMBRANCHEMENT DES TROCHOZOAIRES, 171
tard que chez les Tentaculifères vrais, et occupent une région plus restreinte. Le prosoma présente aussi des défauts d’équi- libre dans son extension; la partie inférieure du corps s’ac- croît plus que les autres, de sorte que l'anus, d’abord posté- rieur ou peu s’en faut, devient médian, et finalement anté- rieur; de même que chez les Tentaculifères, la symétrie du métasoma ne répond pas entièrement à celle du prosoma, seulement la région métasomique n’est point la même dans les deux cas.
L’extrémité orale du corps se transforme en une trompe rétractile, que manœuvrent des muscles volumineux, spé- ciaux aux Géphyriens inermes. Cette trompe prend naissance hâtivement; on la voit représentée, avec ses muscles, chez des larves qui viennent de quitter à peine leur amnios; il est donc permis de caractériser la troisième série des Mono- mériques avec cet organe, et de la désigner sous le nom de RHYNCuIFÈRES (/hyncata).
Les Géphyriens inermes sont d'ordinaire placés à côté des Géphyriens armés, et il faut bien reconnaîlre que les adultes se ressemblent sous beaucoup de rapports; la cavité générale est ample, l'intestin enroulé en spirale, les centres nerveux sont conformés de la même manière. Il existe cepen- dant un certain nombre de caractères, tirés de l’étude des individus parfaits, qui dénotent les différences découlant des origines distinctes : la trompe des Géphyriens armés, nulle- ment rétractile, est une simple extension de la région anté- rieure du corps; l’ectoderme porte des soies; l'anus est terminal, d'où la conclusion que le métasoma ne correspond point ici à celui des Géphyriens inermes. Les dissemblances sont bien plus nettes encore en s'adressant aux larves; les bandelettes mésoblastiques des seconds ne sont jamais méta- mérisées, et le contraire arrive chez les embryons des pre- miers. Les concordances sont fortuites; elles portent seule- ment sur la grande extension prise par la cavilé générale, sur l’absence de tractus conjonctifs dans cetle cavité, et sur l'enroulement spiralaire de l'intestin ; ces concordances n’ont
172 LOUIS ROULE.
aucune valeur en pareil cas, car elles correspondent à des modifications similaires s’exerçant assez lard sur des organes dont l’évolution imitiale était différente.
VIT. Le résultat de cette longue discussion serait atteint à mes yeux s’il m'était donné, non pas d'entraîner la convic- tion entière des naturalistes —, ce serait trop demander peut-être —, mais de faire comprendre que les opinions déjà anciennes relatives aux affinités des Annélides et des Mol- lusques doivent êlre acceptées et amplifiées même, contrai- rement aux assertions des frères Hertwig et de leurs élèves. J'ai essayé d'exposer mes idées sous une forme systématique, en groupant suivant une nouvelle méthode les animaux que j'ai étudiés. Je n’ai pas la prétention de croire cette méthode conforme à la réalité des choses; j'ai simplement tâché d'exprimer lesrelations naturelles quiexistent entre plusieurs animaux, et d'approcher ainsi le plus possible de la véritable série phylogénétique des êtres, telle qu’elle s’est établie dans le cours des âges. |
CONCLUSIONS.
Les conclusions de ce mémoire seront courtes. Elles se borneront à rappeler d’abord les caractères des divisions effectuées dans l’embranchement des Trochozoaires, et à les condenser ensuite sous forme de tableaux. Le premier de ces tableaux donnera la place probable des Trochozoaires parmi les Cœlomates ; le second résumera la classification de ces mêmes Trochozoaires: enfin, le troisième essaiera de montrer sous une forme graphique les affinités possibles existant entre les divers groupes, et d'indiquer peut-être, par ce procédé, la manière suivant laquelle l’évolution des Trochozoaires s’est accomplie autrefois.
Embranchement des TROCHOZOAIRES (7rochozoa). Cet embranchement est caractérisé par l'apparition constante, au début des développements dilatés, d’une larve appartenant au
EMBRANCHEMENT DES TROCHOZOAIRES. 173
type 7rochophora. Cette forme embryonnaire présente elle-même, comme caractères spéciaux, les trois dispositions suivantes : 1° Des cils vibratiles ectodermiques, souvent disposés en cou- ronnes annulaires plus ou moins nombreuses; l’une de ces couronnes, ou couronne orale, placée au niveau de la bouche, se fait remarquer par sa persistance.
2 Un mésoderme dérivant d'un petit nombre d'initiales (sou- vent deux); et un cœlome schizocælien, c'est-à-dire ne provenant pas de la cavité archentérique. Les Brachiopodes seuls feraient exception à cette règle, mais il convient sans doute de n’accepter qu'avec réserve les faits connus sur leur évolution embryonnaire.
3° Une paire d'appareils excréteurs, ou reins céphaliques, apparaissant de très bonne heure dans le cours du dévelop- pement.
1 Sous-embranchement : POLYMÉRIQUES (Polymeria).
Bandelettes mésodermiques produisant hâtivement et suivant une marche régulière des cloisons verticales (dissépiments) qui divisent le cœlome en segments.
— Are Série : POLYMÉRIQUES INTACTS (Polymeria intacta) ou ANNÉ-
LIDES. Cloisons cæœlomiques (dissépiments) persistant chez l'adulte et déterminant une segmentation annulaire du corps.
I. Type des Archiannélides.
Corps dépourvu de soies; appendices réduits; néphridies simples et non pelotonnées; cavités métamériques non obstruées par des tractus conjonctifs ; glandes sexuelles non spécialisées et dépourvues de conduits vecteurs pro- pres. — Une seule classe : Archiannélides.
IT. Type des £'uannélides achètes.
Corps dépourvu de soies et d'appendices ; présence fréquente de ventouses servant à la fixation du corps; néphridies pelotonnées; cavités segmentaires souvent obstruées par des tractus conjonetivo-musculaires; glandes sexuelles spécialisées, munies de conduits vecteurs propres. — Une seule classe : Hirudinées.
II. Type des £'uannélides Chétopodes.
Corps muni de soies et parfois d'appendices, dépourvu de ventouses; cavités segmentaires libres le plus souvent. — Une seule classe : Chétopodes.
— 2° Série : PoLyMÉRIQUES DÉTRuIS (Polymeria destructa) ou | PSEUDANNÉLIDES.
174 LOUIS ROULE.
Cloisons cœlomiques (dissépiments) disparaissant chez l'a- dulte, et laissant simple la cavité générale du corps. IV. Type des Sternaspidiens.
Corps divisé en anneaux extérieurement; soies nombreuses, rassemblées en rames vers les deux extrémités de l'indi- vidu. — Une seule classe : Sternaspidiens.
V. Type des Géphyriens armés.
Corps non annelé; soies rares, non rassemblées en rames, et placées d'habitude vers l’orifice externe des néphridies ou vers l'extrémité postérieure de l'individu. — Une seule classe : (réphyriens armés.
2e Sous-embranchement : MONOMÉRIQUES (Monomeria). Bandelettes mésodermiques ne produisant point régulièrement de cloisons verticales deslinées à diviser le cœlome en seg- ments; cavité cæœlomique simple, ou partagée en sinus. — 3° Série : REYNCHIFÈRES (hyncata).
Région orale du corps de la larve modifiée en une trompe rétractile qui persiste chez l'adulte; région postérieure du corps de la larve s’accroissant plus que toutes les autres et formant la majeure partie de l'individu parfait.
VI. Type des Géphyriens inermes.
Caractères de la série. — Une seule classe : Géphyriens inermes.
— 4° Série : TENTACULIFÈRES (Prachiata).
Région orale du corps de la larve nullement modifiée en trompe rétractile, portant de bonne heure des tentacules cylindriques, et s’accroissant plus que les autres pour former la majeure partie de l'individu parfait.
VIL. Type des Géphyriens tubicoles.
Organisation générale assez complexe; tentacules directe- ment insérés sur le corps; un appareil sanguin clos et distinct de la cavité générale; point de manteau. — Une seule classe : Phoronidiens.
VIII. Type des Pryozoaires.
Organisation générale simple ; tentacules insérésdirectement sur le corps, sauf chez les Æhabdopleura; pas d'appareil sanguin ni de manteau. — Une seule classe : Bryozoares.
IX. Type des Brachiopodes.
Organisation générale assez complexe; tentacules insérés sur des prolongements de la paroi du corps, ou bras; pas d'appareil sanguin distinct de la cavité générale; un manteau. -— Une seule classe : Brachiopodes.
EMBRANCHEMENT DES TROCHOZOAIRES. 175
— 5° Série : VÉLFÈRES ( Velata).
Région orale de la larve nullement modifiée en trompe et ne portant point de tentacules; couronne vibratile orale sou- vent élargie en un voile bilobé; présence fréquente d’un pied ventral et d’une glande placée sur le pied ou aux environs du pied.
X. Type des Aotifères.
Organisation générale fort simple; corps de très petite taille; couronne vibratile conservée à l’état adulte; un seul ganglion nerveux. — Une seule classe : Roffères.
XI. Type des Amphineuriens.
Organisation générale complexe; corps assez grand: cou- ronne vibratile absente chez l’adulte; plusieurs ganglions nerveux rassemblés dans la région antérieure du corps, et émettant deux paires de longs nerfs latéraux; un test formé en majeure partie de spicules calcaires développés dans les téguments. — Une seule classe : Amphineuriens.
XII. Type des Mollusques.
Organisation générale complexe; corps assez grand; cou- ronne vibratile absente chez l'adulte ; plusieurs ganglions nerveux rassemblés dans la région antérieure du corps, et unis à d’autres ganglions situés dans les régions moyenne ou postérieure; corps nu, ou possédant une coquille correspondant à une cuticule calcaire. — Cinq classes :
Solenoconques, formant à elle seule le sous-type des Pré- mollusques.
Lamellibranches, Gastéropodes, Ptéropodes et Céphalopodes, formant par leur réunion le sous-type des £'umollusques ou Mollusques vrais.
Premier tableau montrant la position des Trochozoaires parmi les Cœlomates.
Plathelminthes. \ ©: YEN EL Ty .. à Némathelminthes. TROCHOZOAIRES. F RRREN A C RRRRSS Arthropodes......... Arthropodes.
Chætognates. Echinodermes. Entérocæliens vrais.. / Entéropneustes ou Hémichordés. Tuniciers ou Urochordés. , Vertébrés ou Céphalochordés.
** SAUTATTHA
SAUAATINOVELNEL
ressesseseesseseeseeese: {(SOPI[QUULPNOSd) SLINULAHC
‘(soprrauuy) SLOVINI
*sapodo49}d *sanbsnpowunT *S2p0d04915D2) sDyo * SHNÜSNTION | ‘sanbuosou?0s —"sonbsnpowpug | | Si ne ce re à 2e *SUOTINOUTUAU Y "S9I9F1}04 : *‘sopodory9viq e *SOTILOZOÂI Plessis ee os vel e sep Eee 96.9, + : ® ‘SO[001qn} SsU9mAyd9") | : ‘soiout suoAyd99 peseresessenseseeseeseteeetes eee COUAAIHONAHU DE *“soue SUuorrA 91) l *SUOTPIASEUTI9IS *sa1@y9h0q ** sopodozouyn ‘‘sopodojou) *S91@900U0 | ° + + SHOITANNVOT ‘SOQUIPNIIH °°°" "SOFU2V “SOPIJDUUCIUIIY ‘°° SHUIANNVIHONVY © E=
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EMBRANCHEMENT DES TROCHOZOAIRES. 177
Troisième tableau.
Sternaspidiens Mollusques Chélopodes Géphyriens armés | Hirudinées. Braopodiches Amphineu- riens Archiannélides Géphyriens inermes Bryozoaires Géphyriens tubicoles | | Rotifères
D —
Qt &
Trochozoon (larve Trochophora).
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CRUSTACÉS
RARES OÙ NOUVEAUX
DES COTES DE FRANCE
ET PARTICULIÈREMENT
CEUX DE LA BRETAGNE
Par M. HESSE (1).
38° ARTICLE.
DESCRIPTION D'UN NOUVEAU CRUSTACÉ DE L'ORDRE DES C?#rrhi- pèdes pédonculés DE LA FAMILLE DES Lépadiens DU GENRE
Anañfe.
Je viens reprendre les recherches que j'avais depuis long- temps mises de côté et continuer les études que j'avais déjà faites, sur les transformations que subissent les Crustacés Cirrhipèdes pédonculés pour alteimdre leur état complet de transformation. |
Cette occasion me permettra de revendiquer les droits qui me reviennent à la découverte de l’origine cirrhipédienne des Sacculinidés, faite par moi il y à vingt-deux ans (2), droits qu'ignorait cerlainement M. de Lacaze-Duthiers,
(1) Les deux mémoires qui vont suivre avaient été envoyés à la rédaction des Annales des sciences naturelles par M. Hesse peu de temps avant la mort de ce regretté savant. Les planches ont été corrigées par lui mais il n’a pu revoir les épreuves du texte.
(2) Annales des sciences naturell es, 1866, t. VI, 10° article, p. 337 à 343 pl. XEL.
RE
180 M. NESSE.
quand il les attribuait à un de ses élèves, M. Delage dont les recherches sont tout à fait récentes (1). L'historique de la question se trouve établi dans la suite de ce mémoire.
Voici le nouveau crustacé dont je donne ci-après la des- cription :
CIRRHIPÈDE PÉDONCULÉ ÉCHANCRÉ. Cirhipedes pedunculatus laciniatus (nobis).
Il est de la taille ordinaire (2) des crustacés qui appartien- nent à sa catégorie, et qui, je pense, ont aussi sa manière de vivre et de se propager. 3
Je me crois donc dispensé d’en faire la description, si ce n'est de signaler une particularité qui peut être spéciale à
lindividu qui est en question; je veux parler d’une petite
échancrure qui se trouve à la base dorsale de sa coquille (3) et qui est, peut-être, particulière à son espèce, ce que Je n’ai pas vérifié, attendu que je n'ai eu que cet individu à ma disposition, mais que je crois, dans tous les cas, de peu d'importance.
Ce crustacé, à l’âge embryonnaire, ne se distingue pas de ses congénères (4), après cette mélamorphose, il n'offre encore rien d’exceptionnel; son corps est de forme ovale et allongé et tout à fait disposé à faciliter sa natation. L'enve- loppe dans laquelle 11 est renfermé est très mince, et laisse voir facilement, par sa transparence, son contenu (5).
Vue en dessus, .sa féte se distingue dureste du corps par un sillon circulaire, qui l'environne et au milieu duquel est son bord frontal, où l’on aperçoil deux larges taches rouges ét plates qui sont les yeux, elle ne présente aucun appendice saillant qui remplace les an/ennes; son corps se termine en pointe aiguë, parlagée en deux par une raie mé-
1) Revue scientifique, 18 août 1888, n° 7, p. 209. 2) PL. 5, fig. 4.
) PL. 5, fig. 2.
)P1. 5, Üg. D ELE
) PL 5, fig. 5 et 6.
ÉL'RRAE Or RÉ S ÉR
CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 181
diane qui la sépare, et par une autre transversale qui en limite la longueur.
Vue en dessous (1) la tête offre, à son bord frontal, une petite lame plate et triangulaire, ayant la forme d’une visière (2) qui semble destinée à abriter les yeux.
Plus bas, on aperçoit, des deux côtés, les trois paires de pattes qui sont courtes et robustes, garnies de poils ou d’é- pines rigides.
A la base de celle-ci, on voit le #wbe rostral qui est fort, cylindrique et s’abaisse sur le thorax duquel il s'approche ou s’écarte, à volonté, dans la direction verticale. Il est pourvu, en haut, de chaque côté, de deux yeux et son extré- milé inférieure présente une ouverlure large et ronde au milieu de laquelle on aperçoit le sucoir qui lui sert à pomper sa nourriture.
L'extrémité inférieure du corps se termine aussi par une sorte de canal cylindrique accompagné, de chaque côté, par une lame qui le protège et le maintient.
A cet état de chose, survient un degré de transformation plus avancé (3) dans lequel je n’ai figuré l'embryon qu’en dessous. |
Le bord frontal est remarquable par sa largeur qui repré- sente une légère échancrure au milieu et des deux côlés, se termine en pointe légèrement relevée et forme l'oreille.
Un peu plus bas, et aussi au milieu de la tête, on voit une petite plaque circulaire au milieu de laquelle se trouve un œil.
Des deux côtés sont rangées latéralement des paltes ro- bastes et garnies de pointes aiguës, au nombre de six, dont les deux premières sont simples et les quatre autres biramées.
À la base de ces pattes, et conséquemment au milieu du corps, se trouve le /ube buccal qui est très gros, présentant, à la moitié de sa lougueur, un rétrécissement, suivi d’un
6 (2) PL. 5, fig. 17. (3) PL 5, fig. 7
182 M. HESST,
élargissement et terminé enfin par l'ouverture circulaire de celle-ci.
La carapace ovale finit en pointe aiguë, divisée en deux parlies égales accolées l’une à l'autre (1).
À la phase dont je viens de donner la description, succède celle que voici et qui est infiniment plus compliquée. Elle doit précéder celle où, probablement, comme dans les autres espèces, elle correspond aux formes Cypridiennes qui sont les dernières. |
Vue en dessous, car je ne l'ai dessinée que de côté, l'animal présente, au bord frontal, deux énormes appendices plats, terminés en pointes aiguës avec une légère ouverture ovale au centre, qui est celle des organes auditifs (2).
Un peu plus bas, au milieu de la carapace, se trouvent les pattes qui sont très longues et relativement assez grêles, particulièrement les premières qui sont simples, suivies des deux autres pattes latérales doubles, garnies de pointes aiguës très robustes et dont les plus courtes el les dernières sont armées de pointes crochues et barbelées (3).
A la base des premières pattes et au milieu du corps, on aperçoit une petite plaque ronde, armée, de chaque côté de son bord supérieur et inférieur, de deux petits appendices pointus et au centre desquels se trouve l'œil.
En dessous, et également au milieu du corps, se présente
le tube buccal qui est cylindrique et assez long et gros, pré-
sentant, àsa parlie moyenne, un rétrécissement latéral suivi d’un élargissement et terminé, à son extrémité, par une large ouverture arrondie, au milieu de laquelle on aperçoit le suçoir (4). |
Le reste de la carapace finit en pointe el donne attache à un très gros et très étroit prolongement caudal, barbelé sur les bords et bifurqué à son extrémité.
CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 133
Cette exlrémilé, très grosse, est formée d'un tube ar- rondi, terminé par deux appendices accolés et cylindriques au centre desquels sont deux petites tiges minces et barbe- lées (1).
On aperçoit aussi, derrière celle-ci, un autre appendice de la même forme et presque de la même grandeur, qui part de sa base et est légèrement incurvé au milieu (2).
Le même crustacé, vu de profil, et au même grossisse- ment, présente les dispositions suivantes :
On aperçoit d’abord les deux appendices frontaux qui, vus dans cette posilion, semblent doubles et affectent la forme d'une fourche (3).
Un peu plus bas, on aperçoit les pattes latérales dont j'ai parlé en décrivant l’autre surface et la carapace ovale et pointue qui, à son extrémité inférieure, donne attache aux deux prolongements longs et grêles dont j'ai donné la des- cription (4).
Le reste du corps ne présente rien de parliculier; on aperçoit seulement, dans la région frontale, un petit point rouge qui est /'œil.
Habilat. — Trouvé en grande quantité, le 5 octobre 1868, sur la carène d'un navire marchand, venant du Brésil et arrivé à Brest où 1l a débarqué sa cargaison.
& 1.
Le Cirrhipède que je viens de décrire forme-t-il une espèce parlicubère à raison de l’échancrure qu'il présente à la base de son pédicule, ce qui aurail l'avantage de lui permettre, en se renversant en arrière, de faciliter l'ouverture de ses valves ou, comme Je l'ai dit, serait-il une exception due au hasard, ce qui n’a, du reste, que peu d’intérêtet caractériserait seu- lement cette espèce ?
) PI. 5, fig. 16. } PE 5, fig. 9 eb 40: ) PL. 5, fig. 10. DER fie. 40.
184 M. HESSE.
Je n’en ai recueilli qu’un seul individu, ne me doutant pas qu'il pourrait m'en fournir d’autres de divers âges, et ceux que j'ai obtenus n’ont fait que confirmer ce que J'avais déjà observé; à savoir que les larves, qui sortent de leur œuf pour subir leurs différentes métamorphoses, les termi- nent par celle de Cypris, qui est, selon moi, l’avant-dernière de celles auxquelles ils soient soumis et qui, par leur forme ovale, allongée et pointue des deux bouts, leur facilite leurs mouvements (1), mais je ne crois pas que ce soit dans le but que leur assigne M. le professeur Delage dans son ouvrage sur les évolutious de la Sacculine et je n’admets pas non plus que ces êtres qui sont nés hermaphrodtes, c'est-à-dire pos- sédant les deux sexes réunis, puissent à volonté en changer comme de carapace el que le sexe féminin ne parlageraitl pas cet avantage; alors l’hermaphrodisme n’existerait plus.
Une telle perturbation dans un ordre de choses que je crois immuable serait d’autant plus inexplicable qu’elle ne me paraît justifiée par aucune nécessité, et, d’ailleurs, à quel signe peut-on reconnaître leur sexe?
J’ai du reste suivi avec une grande patience et une non moins grande ténacité les diverses transformations subies par un Cwrhipède qui, dans l’ordre de la classification, n’est pas éloigné des Sacculines et conséquemment doil avoir de nombreux rapports, dans leur transformation, avec eux, et en a aussi effectivement : je veux parler du Scalpel oblique. Or celui-ci, après avoir subi quatre à cinq métamorphoses, a atteint celle de Cypris qui est la seule qui ait précédé sa transformation complète en Cirrhipédien.
On ne voit pas de raisons suffisantes selon moi, du moins, pour condamner ces malheureuses larves à s'exposer à des dangers qui, dans un état de choses ordinaire, et que je dirai naturel et logique, leur avait été évité.
Elles ne sont pas, en effet, outillées de manière à pouvoir exéculer, sans faligues et sans dangers, des travaux qui sont
(1) Cette forme est en effet La plus favorable, attendu que c’est celle des bateaux et qu'elle leur permet de naviguer plus facilement.
PT I ER TE RE
CRUSTACÉS DES COTES DE FRANCE. 185
évidemment au-dessus de leurs forces et dont la nécessité ne me parait pas justifiée, attendu qu'elles ont continuelle- ment ouvertes et à leur disposilion les larges ouvertures cloacales, toujours béantes, qui leur éviteraient des peines infinies.
Que dire aussi de l'intervention de cette armée, de cet élat-major, de petits mâles et gros mâles, de ces mâles larvaires complémentaires où pygmées quiseraient soumis à ces corvées et négligeraient nécessairement le personnel féminin avec lequel ils paraissaient cependant si intimement liés que leur séparation semblait impossible ?
Pour mon compte, je trouve la chose difficile à résoudre.
Mais ce qui est, je crois, non moins difficile à expliquer, c'est l'existence d’une larve que j'ai publiée dans les Annales des sciences naturelles de 1866, pages 346 à 360, sous le nom de Sacculidine du Cancer mænas, tome VI, planche 12, quin'a pas été probablement trouvée, puisqu'elle n’a pas été décrite par M. Delage (1), si habile et si minutieux observateur, et cependant elle valait la peine qu’on y fil attention, car c’est à elle que je dois d’avoir été le premier à découvrir l’origine cwrhipédienne de ces crustacés si bien déguisée sous l’enve- loppe des Sacculidines ?
Il ne me reste plus que quelques observations peu impor- lantes à faire sur l’ouvrage de M. Delage, dont j'apprécie le mérite ; je ne m'arrêterai qu’à une chose, qui m'a paru la plus saillante et qui existe à la figure 2 de la planche XXII, représentant un Vauplius, après la première mue, auquel il donne pour antenne, À, les deux premières pattes thora- ciques, n° 10 et 11, alors que celles-ci, qui du reste occu- pent leurs places normales, à l’extrémité latérale du bord frontal, sont indiquées comme des cornes T, il y a évidem- ment une erreur, mais qui n’en commet pas?
Dans les recherches longues et minutieuses qu'il a en- treprises, pour produire un travail aussi complet que le sien,
(1) D'autre part, M. Delage fait mention de ce crustacé dans son évolution des Sacculines, p. 435, article 10, t. IV, 1866.
186 | M. HESSE.
il n'a pas rencontré la larve pourtant bien visible el remar- quable de la Sacculine du Cancer Mænas dont il connaissail cependant l'existence et la forme, puisqu'il la mentionne dans son index bibliographique, page 435, n° XXV, 5° série, 6-11, et qui méritait cependant, je crois, son attention, d’au- tant, comme je l’ai dit, qu'elle m'a servi à découvrir les choses les moins attendues.
Ici se bornent les observalions que j'ai cru devoir publier afin de rappeler la découverte que j'ai faite autrefois des origines crhipédiennes des Sacculines.
EXPLICATION DE LA PLANCHE 5.
Fig. 1. — Cirrhipède échancré adulte, vu de profil et réduit à la moitié de sa taille ordinaire.
Fig. 2. — Petite échancrure qu'il porte à la base dorsale de sa coquille.
Fig. 3 et 4. — Jeunes larves, très amplifiées, vues à leur sortie de l’œuf.
Fig. 5 et 6. — Les mêmes, mais à un état de croissance plus avancé.
Fig. 7. — Autre larve, mais beaucoup plus grossie, vue en dessous, mon- trant son tube rostral très développé.
Fig. 8. — Extrémité, terminée en pointe, de son abdomen.
Fig. 9. — Larve beaucoup plus grande et dans un âge plus avancé, vue en
dessous, et montrant ses oreilles très longues, ses six pattes latérales, armées de poils rigides et d’épines crochues et très fortes et, au milieu du thorax, son rostre buccal tubiforme et sa carapace terminée en pointe par un appendice caudal barbelé, doublé en dessus, d’un autre prolonge- ment caudal semblable, qui est également de la même longueur et comme lui barbelé sur les côtés.
Fig. 10. — La même, au même grossissement, vue de profil, laissant voir Eire facilement ses antennes, ses pattes et les deux longs appendices qui terminent la carapace.
Fig. 11. — L’extrémité du rostre, vu en dessus, très grossi, montrant la trompe qui se trouve au milieu, accompagnée latéralement de deux fortes griffes.
Fig. 12. — La même parlie de l'extrémité du rostre sortie de son invagina- ons avec trois fortes griffes crochues, vue en dessous.
Fig. 143. — Appendices auriculaires, très grossis et vus à plat.
Fig. 14 et 15. — Pattes latérales très grossies.
Fig. 16. — Extrémité très amplifiée de l’abdomen de la larve 9, dans laquelle on voit la terminaison de deux petits prolongements tubifor mes, desquels sort une petite tige mince et garnie de poils.
Fig. 17. — Sorte de petite lame plate, placée horizontalement en dessus des yeux de l'embryon et leur servant comme de visière.
Cia
RECHERCHES
SUR LES MÉTAMORPHOSES
QUE SUBISSENT
LES CRUSTACÉS C/RRHIPÉDIENS PENDANT LA PÉRIODE EMBRYONNAIRE
Par M. HESSE.
39° ARTICLE,
DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE LERNÉE BRANCHIALE DU CHABOISSEAU DE MER A LONGUES ÉPINES,
Il n’est pas, je crois, dans toute la Carcinologie, de crus- tacés dont les débuts embryonnaires soient aussi extraordi- naires et aussi inattendus que ceux des Cirrhipèdes. On ne doit donc pas s'étonner qu'ils soient si peu connus et que nous commencions seulement à en découvrir les nombreuses singularités. Quoi de plus surprenant, en effet, que celles par lesquelles les Scalpels obliques sont obligés de passer, pour remplir les conditions de transformation qui leur sont imposées, telles, par exemple : celle de C/ypéoïde ou Con- chylioide, et enfin celle de Trapézoïde qui est l’avant-der nière de celles auxquelles ils sont soumis!
Si, de celles-ci, nous passons à la larve de la Sacculina Carcin, nous la voyons soumise à des obligations du même genre, Car, après avoir séjourné aussi dans une coquille cypridienne, elle l’abandonne {out à coup, pour occuper
188 M. HESSE,
une carapace large et déprimée, qui a quelque rapport avec celles des Peltocéphales.
Ces rigoureuses conditions sont aussi imposées à la Lernée branchiale; qui l'aurait cru? car elles sont encore plus singulières pour ce crustacé, à raison de leur bizarre existence.
Enfin, je l’ai aussi trouvée obligatoire pour la Lépadine analfe échancrée, qui figure dans mon 38° article.
Ces découvertes, qui sont dues à des études longues et persévérantes, n'ont pas pu se faire immédiatement ; mais successivement, et à une certaine distance l’une de l’autre, et conséquemment elles sont dispersées et nécessitent des recherches que je voudrais simplifier.
J'ai, en conséquence, prié M. le directeur des annales de
vouloir bien m'accorder la permission de réunir ces extraits
dans un seul article, de manière à les rendre plus faciles à consuller.
Comme je m'y atlendais, M. Milne-Edwards a accueilli, avec sa bienveillance habituelle, la demande que je lui ai adressée : je vais donc en profiter pour utiliser, autant que possible, les résultats que j'ai obtenus dans mes recher- ches.
Ainsi que je viens de le dire, elles ne comprennent que trois Cirrhipèdes,\ Anatife échancrée ayant paru dans le 38° ar- ticle, celui que je publie actuellement ne contient que :
1° Le Scalpel oblique ;
2° La Sacculina Carcini ;
3° La Lernée branchale du Gade petit.
SCALP EL OBLIQUE OÙ SCALPEL VULGAIRE.
Ce fut le 29 mars 1859 que je présentai à l’Académie des sciences le mémoire dans lequel je lui faisais connaitre les métamorphoses que subissent les Scalpels obliques dans leurs périodes embryonnaires.
Ce travail fut soumis à l'examen d’une commission dési-
MÉTAMORPHOSES DES CIRRHIPÉDIENS. 189
onée à cet effet, et il fut inséré dans le tome XI des Annales des sciences de 1859, pages 160 et suivantes (1).
A cette époque, dont la date est déjà bien éloignée, je ne me doutais pas des suites que cette découverte devait produire plus tard, en me mettant sur la trace d’aulres transforma- lions, non moins extraordinaires; mais, poussé par le désir d'en obtenir d’autres, je continuai avec patience mes recherches.
Une de mes plus curieuses surprises fut d'abord l’appari- tion surprenante de la larve de ce crustacé dans une coquille bivalve, ayant la plus grande analogie avec celles qui ha- bitent les Ostracodes ou Cypridiens (2). Je crus à une erreur et je fus obligé de vérifier scrupuleusement le fait avant d'y croire. Mais elle fut encore plus grande lorsque je vis à la partie antérieure el latérale de la coquille (3) et des deux côtés, une ouverture circulaire qui, étant plus large de dia- mètre que celle de l'œil, lui permettait de pivoter sur lui- même. Cette évolution Imattendue et ce regard fixe considé- rablement grossi par le microscope me produit un singulier effet. Ce mouvement de rotation a lieu de gauche à droite (4).
Je remarquais aussi la force musculaire des deux pre- mières palles qui sont terminées par une sorte de sabot ayant la forme de ceux des so/zpèdes (5), or cette force, qui me semblait relativement considérable si on la compare surtout à la gracilité des pattes natatoires (6) de ce même individu, s'explique facilement lorsqu'on connaît l'usage auquel elles sont, l’une et l’autre, destinées el qui sont bien différentes. |
Les deux pattes antérieures, en effet, dans le mouvement de culbute que subit le corps lorsqu'il passe de la position
(1) Cette commission se composait de MM. Dumas, Milne-Edwards et de Quatrefages.
+Ü
Le
a
Fe p) 6:00, GR CRE 1 oO: CG ©
190 M. HESSE.
horizontale à la verticale (1) doivent offrir une résistance assez ferme pour supporter le poids de cette évolution subite et en assurer désormais la solidité. Il est, en outre, à remar- quer que chez les autres Pédonculés, ceux qui ont des points d'attache, les ont terminés par un épatement qui s'étale sur le corps sur lequel ils se fixent, mais chez ceux-ci c’est par un pincement à l’aide duquel ils saisissent la tige qui les supporte (2).
Ainsi que je l’ai dit dans mon premier mémoire, le Scalpel oblique à une manière de vivre qui lui est propre; il se fixe particulièrement sur les tiges d’un polypier qui croît sur les valves de la grande coquille de Saint-Jacques, Pecten Maxi- mus et est conséquemment toujours submergé, ce qui n’exisle pas pour certaines autres espèces.
SACCULINA CARCINI (3).
Ce fut en 1865 que je découvris, par la similitude de certaines de leur transformations, la parenté qui existe entre ce crustacé et les autres Cirrhipédiens, dont je vais donner la description, ou plutôt la renouveler, car je lai déjà fait connaître à cette époque.
Voici ce que je disais alors et qui est encore exact au- jourd'hui. | |
« La présence des embryons dont nous venons de parler, sur un Sacculinien, au milieu des œufs de celui-ci, dans un état d'incubation plus ou moins avancé, peut-elle nous autoriser à admettre que ceux-ci, comme les autres, appar- tiennent à ce parasite? nous le croyons. La suite prouvera si nous avons bien préjugé. Nous donnons, dans fous les cas, les circonstances dans lesquelles nous avons fait cette découverte, laissant, naturellement, à chacun, le droit d’en apprécier les probabilités. »
(AJUPI. 46, Mie ne
2) PL 6, fig. 40.
(3) PL. 6, fig.12retmes
n
MÉTAMORPHOSES DES CIRRHIPÉDIENS. 191
Et, en effet, la suite a prouvé que J'avais raison et d’au- tres découvertes sont venues confirmer la solulion de ce difficile problème. Il suffit, d’ailleurs, pour en être con- vaincu, de jeter un coup d'œil sur la planche 1, figures 12 et 13, que je joins à l’appui de cet article et de consulter, en outre, pour les comparer, la planche XI, figures 8 et 9 de 1866, contenue. dans les Annales des sciences, pages 321 et suivantes : en comparant toules ces larves les unes aux autres, il me semble impossible de nier la parenté.
LERNÉE DU GADE PETIT.
Je ne pense pas quil soit difficile de constater l’origine Cirrhipédienne de la Lernée du Gade petit, si l'on consulte les planches que j'ai publiées dans les Annales des sciences naturelles (1) et le texte qui les accompagne, dans lequel il est dit, en parlant de la sixième phase que subit cette Lernée :
« Dans celte transformation l'embryon subit des méta- morphoses tellement radicales et si complètes que nous eussions douté nous-mêmes, qu’elles pussent appartenir à la même espèce, si nous n'eussions pris les précautions les plus minutieuses pour éviter toutes Les causes d'erreur. Son aspect est totalement changé; il me semblait être en pré- sence d’une larve de Cirrhipède.
« Il a tout au plus 1 millimètre de longueur. »
Ainsi, comme on le voit, ce rapprochement avait déjà été fait, depuis longtemps, et ne saurait, je crois, être contesté.
Voir la nouvelle planche et toutes les figures qu'elle pré- sente (2).
CONCLUSION.
D'après ce qui précède, je crois qu’il y a lieu de conclure : 1° Que parsuile de la parité qui existe entre le Scalpel oblique
(4) Annales des sciences naturelles, 1870, n° 4, p. 43, pl. [, fig. 7. (2) PL 7, fig. 4 à 9.
192 M. HESSE.
et la Sacculina Carcini, qui tous deux, dans une phase de leur transformation, habitent une coquille bivalve, il y a lieu de considérer ces faits comme étant la preuve suffisante de leur proche parenté.
2° Que les crustacés de la Sacculina Carcini et ceux de la Lernée branchiale du Gade petit, ainsi que ceux de l’Anatife échancrée, ayant, dans la série de leur métamorphose, adopté la forme d’un carapace, longue, déprimée, et ayant des rap- ports de conformalion nombreux et évidents avec celles de Peltocéphales il y a lieu, également, de les considérer comme appartenant à cette catégorie.
LERNÉE BRANCHIALE DU CHABOISSEAU DE MER A LONGUES ÉPINES. COTTUS BUBALIS (nOÛIS).
Mäle. — Inconnu.
Femelle (1). — Elle est de taille et de grosseur moyenne, moins grande que celle de la Lernée, de la Morue, mais un peu plus grande que celle du Gade Petit. Elle mesure de 12 à 145 millimètres de long.
Sa tête est allongée et très infléchie à son extrémité ros- trale (2).
Elle porte, au sommet frontal, un très long et très grêle appendice radiciforme, qui est presque verlical, qui sert de tige et donne attache à un grand nombre de petites bran- ches, lesquelles se bifurquent aussi, et, à raison de leur gracilité et de leur croisement, produisent un effet gra- cieux (3).
Le cou est de longueur ordinaire et légèrement courbé en dehors, du côté dorsal, et est suivi du corps, qui est aussi infléchi de ce côté et est suivi de l'abdomen qui, beaucoup moins gros, est terminé en une pointe arrondie à son extré- mité.
Les œufs forment, comme d'habitude, deux groupes ren-
(4) PL 7, fig. 10.
(2) PI. 7, fig. 41. (3) PL 7, fig. 40.
MÉTAMORPHOSES DES CIRRHIPÉDIENS. 193
fermés dans des tubes de grosseur moyenne el recourbés en dedans de manière à former des anses.
La couleur du corps est très éclatante, d’un rouge de sang caillé ; elle fait ressortir celle du vaisseau dorsal, qui est d’un jaune très vif et suit, dans son trajet, la courbure du corps, et est encadrée d’une ligne noire (1).
Dans cette espèce, comme dans ses congénères, la fé/e est protégée par une sécrétion d'une matière cornée, assez épaisse el d’une grande solidité, formant cuirasse, ou plutôt un casque, présentant, en avant, une ouverture par laquelle sort l'extrémité du rostre, et sur son sommet sert de base, très solide, à des expansions ramusculées qui s’en- foncent, comme des racines, dans les parlies crochues des branchies (2).
La sécrélion de cette matière qui enveloppe aussi la base du cou est si abondante que, faute d'emploi, elle forme, souvent, des {ubérosités ou des expansions dont j'ai figuré une dans le dessin de la tête que j'ai donné.
Je ne sais si cette Lernée est rare; c’est la première fois qu’elle a été trouvée dans la bouche d’un poisson très connu sur nos Ccôles, mais aussi très redoulé, à raison des nom- breuses épines dont il est couvert et qui produisent des blessures très douloureuses et difficiles à guérir, ce qui lui a valu le nom de Poisson du diable.
Habttat. — Trouvé ie 25 mai 1882 dans la bouche spa- cieuse du Chaboisseau de mer à longues épines : Coëtus Bubalis.
(4) PL 7, fig. 10. (2) PL 7, fig. 11.
ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 43. — ART N°3
EXPLICATION DES FIGURES.
PLANCHE 6
Fig. 1. — Larve du Scalpe! oblique vue en dessus, arrivée à sa troisième pé- riode de transformation et considérablement grossie, vue en dessous et au même grossissement.
Fig. 2. — La même, vue en dessous et au même grossissement.
Fig. 3. —- La même, très grossie, vue de profil, dans sa quatrième période, renfermée dans sa coquille, dont une valve a été enlevée pour permettre de bien la voir dans cette position.
Fig. 4. — La même, au même grossissement, mais ayant les deux premières pattes sorties de la coquille ainsi que les propulsives qui sont derrière.
Fig. 5. — L’œil des mêmes, très amplifié et vu de face, avec l'indication, par une petite flèche, de son évolution sur place qui s'opère de gauche à droite.
Fig. 6. — Première patte du même très amplifiée, vue de profil, montrant sa force musculaire, et terminée par une petite articulation ayant la forme des sabots des solipèdes et accompagnée d’un petit appendice en forme d’ergot.
Fig. 7. — Patte propulsive ou natatoire de celte larve, avant qu’elle subisse une autre transformation, et devienne alors préhensile et se divise en beau- coup de petits articles qui lui facilitent le moyen de saisir les objets au passage en se refermant sur elle-mème.
Fig. 8 — Pattes latérales doubles de la larve lorsqu'elle n’est encore qu'à sa troisième période de transformation; elle est remarquable par le grand nombre d'articles dont elle est formée et les piquants très forts et très aigus dont elle est hérissée.
Fig. 9. — Larve très grossie et parvenue à sa sixième période de transfor- mation, et qui conserve encore son extrémité supérieure, à l’état rudimen- taire et son teste galéoïcle, et, à sa partie inférieure, par suite de la culbute qu’elle a faite, les deux pattes antérieures qui étaient alors les premières, et dont j'ai donné le dessin au n° 6. On voit aussi, tout à fait en haut et en travers, une portion considérable de la précédente enveloppe; enfin le corps déjà presque formé de l’adulte est revêtu, dans certains endroits, des pièces calcaires, qui sont déjà où elles doivent être placées.
Fig. 40. — Scalpel oblique, adulte et de grosseur naturelle, renfermé dans sa coquille et représenté fixé, suivant son habitude, dans sa position ver- ticale sur la plante marine désignée sous le nom de Antenaria indivisa.
Fig. 11. —- Larve de la Sacculina Carcini, renfermée dans une coquille Cy- pridienne, vue à un très faible grossissement.
Fig. 12. — La même, très grossie, arrivée à la métamorphose qui précède l’avant-dernière, vue en dessus.
béni ©
MÉTAMORPHOSES DES CIRRHIPÉDIENS. 195
Fig. 13. — La même, vue au même grossissement, mais représentée en dessous.
Fig. 14. — Première palte de ce crustacé très grossie, vue de profil.
Fig. 15. — Deuxième patte double du mème et au même grossissement, armée de crochets très forts et barbelés.
Fig. 16. — Dernière patte double du même, au même grossissement, armée
d’une sorte de trident.
PLANCHE 7
Fig. 1. — Larve de la Lernée branchiale du Gade Petit, très grossie, vue en dessus. Fig. 2. — La même au même grossissement, vue en dessous.
Fig. 3. — La même très amplifiée et ayant atteint sa sixième transformation qui précède la dernière. Cette figure est la reproduction de celle que j'ai déjà donnée dans les Annales des sciences naturelles en 1870, p. 2 à 30, fig. 7, article n° 4.
Fig. 4. — Bouche très grossie, vue de face, de l'embryon de la même es- pèce.
Fig. 5 et 6. —- Charpente cartilagineuse de celle-ci, vue de face et sous deux aspects différents.
Fig. 7. — Extrémité inférieure de l'abdomen du même, qui est environnée d'une bordure de pointes aiguës et recourbées en dedans.
Fig. 8. — Larve très jeune et très grossie à l'aspect vermiforme d'une Lernée branchiale du Gade Petit, représentée fixée à une arcade bran- chiale.
Fig. 9. — La même dans un état de transformation beaucoup plus avancé et ayant la tête de l'adulte presque formée.
Fig. 10. — Lernée branchiale très grossie du Chaboisseau de mer à longues épines, vue de profil.
Fig. 11. — La tête de la même, encore plus amplifiée, représentée de profil ayant sur le côté de la joue une petite protubérance en loupe.
Fig. 12. — Extrémité très grossie du rostre de ce crustacé, à l’état adulte, laissant apercevoir dans l'intérieur, des deux côtés, des griffes et au milieu l’orifice buccal.
Fig. 143. — Première patte très grossie el en forme de tenaille de la larve de la Lernée branchiale du Gade Petit.
NOTE SUR LA MÉGAPODE DE LA PÉROUSE
Par M. KE. OUSTALET.
Les collections envoyées au Muséum en 1888 et 1889 par M. Alfred Mar- che, chargé d'une mission scientifique aux îles Mariannes, renferment une trentaine de Mégapodes appartenant à l'espèce que Leroy et Gaimard ont décrite et figurée sous le nom de Megapodius La Pérousii. Cette espèce, comme j'ai eu l’occasion de le dire dans ma Monographie des Mégapodiidés (Ann. des Sc. nat., 1881, 6° série, t. XI, art. n° 2, p.128 et Bibl. des Hautes Etudes, 1881, t. XXII, art. n° 1, p. 138) n’était représentée jusqu'à ces derniers temps dans les collections publiques que par la dépouille, conservée dans les gale- ries du Muséum d'histoire naturelle, d’un jeune individu tué par M. Bérard sur l'ile de Tinian (Mariannes) au mois de décembre 1820. Désormais, grâce à M. Marche, nous connaissons les adultes de cette forme qui ne se place pas seulement à côté du Megapodius senex (Rartl.) des îles Peleu ou Palaos comme je le supposais, mais qui doit probablement être identifié à cette dernière espèce. Les Mégapodes de La Pérouse adultes, mâles et femelles, offrenten effet à peu près les mêmes dimensions que les Megapodius seneæ, la longueur totate étant de 0,250 à 0%,260 en moyenne, la longueur de l'aile de 02,169 à 02,189, celle de la queue de0,070 à 02,075, celle du tarse 02,052, celle du doigt médian 0%,033 à 0®,038. Ils portent aussi les mêmes livrées, d'un brun noirâtre, avec quelques reflets olivâtres surles ailes, un camail d'un gris schisteux mal défini, et une calotte grisätre. Le manteau paraît être d’une nuance un peu plus sombre et la calotte d’un gris cendré un peu moins clair que chez les Megapodius senex acquis en 1875 par le Musée de Paris, mais ces légères différences n’ont évidemment pas une valeur spé- ciñique et pourraient tout au plus servir à caractériser deux races locales. Sur quelques spécimens on voit nettement que la peau de la gorge était d’un rouge vif et que les pattes et unepartie du cou avaient chez l'oiseau vivant une couleur rouge ou orangée.
La plupart des exemplaires que j'ai sous les yeux viennent de l’île Saypan ou Seypan, voisine de Tinian, quelques-uns seulement ont été tués sur l'ile Pagon.
Je n’ai pas besoin d'insister sur l'intérêt que présente la découverte d’une même espèce de Mégapodes dans les deux archipels des Palaos et des Ma- riannes. La présence de ces Gallinacés semble démontrer que ces iles for- maient jadis, avec les Carolines occidentales, partie d’un seul et même con- tinent.
RECHERCHES ANATOMIQUES
SUR LE
SYSTÈME ARTÉRIEL
DES CRUSTACÉS DÉCAPODES
Par M. E.-L. BOUVIER.
INTRODUCTION.
Je tiens à indiquer 1e1 la raison d'être de cetle étude afin de ne pas êlre taxé de témérité par ceux qui connaissent les travaux publiés sur le même sujet et notamment le magni- fique mémoire d'Audouin et Milne-Edwards. J'ai cherché à connaître les modifications progressives du système artériel dans l’ensemble du groupe afin de dégager les principes généraux qui les expliquent ou qui en découlent et de mettre en évidence les transformations anatomiques provoquées par l'adaptation. Je voulais ainsi trouver le trait d'union qui, au point de vue du système artériel, rattache les Décapodes aux autres Crustacés; le problème était d'autant plus délicat qu'il pouvait ne pas comporter de solution précise ; on verra néanmoins, par la suite, qu'il méritait d’être posé et soumis à l'étude (1).
(1) Claus écrivait en 1884: « Maintenant que nos connaissances sur la circulation des Edriophthalmes ont recu un puissant développement sous l'influence des minulieuses recherches récentes, il serait grand temps de retourner aux Podophthalmes, en partie pour combler les lacunes, en partie pour comparer et accorder les notions nouvellement acquises sur les groupes inférieurs et les données précises que nous possédons sur les Malacostracés supérieurs. » Zur Kenntniss der Kreislaufsorgane der Schizo- poden und Decapoden. Arbeit, aus dem zool. Institut in Wien, 1884, t.V, p. 1.
198 E.-L. BOUVILR.
Ce travail est composé de glanures qui ont échappé par mégarde à de nombreux et sagaces observateurs; toutes n’ont pas le même intérêt, mais beaucoup se rapportent à des faits complètement nouveaux et quelques-unes ont très réellement une assez grande importance. Du reste, les obser-
vations réunies dans ces pages sont loin d’ épuiser la question,
et je me réserve de les complèter prochainement dans un travail pour lequel j'ai amassé déjà d'assez nombreux ma- tériaux.
L'étude du système artériel des Crustacés décapodes présente une difficulté matérielle qui conduit fatalement à des travaux incomplets. Pour injecter les Crustacés, il faut avoir dés animaux vivants, sinon l'injection ne passe pas, arrêtée qu’elle est par le coagulum épais que forme le sang immédiatement après la mort. Les animaux conservés dans l'alcool ne peuvent par conséquent donner que des rensei- gnements peu précis, toujours insuffisants, et comme un très grand nombre de Crustacés très intéressants n'habitent pas nos côtes, on se trouve en présence de hatus qu’on ne saurait combler avec la meilleure volonté du monde. Sou- vent même les animaux de nos côles ne peuvent arriver à Paris vivants qu'avec de grandes difficultés et seulement en hiver; j'ai reçu de Marseille des Galathées nombreuses el de très belle taille, mais 1l élait toujours impossible de les in- jecter au moment où Je les avais à ma disposition. |
J'ai eu recours aux divers procédés d’injection usités jus- qu'ici; le chromate de plomb, le bleu soluble et la gélatine ont été tour à tour employés suivant la laille des individus et suivant le point précis sur lequel je voulais diriger mes
recherches. Les injections au bleu soluble n'ont d'utilité que:
pour l’élude des vaisseaux très fins; dans les gros vaisseaux la masse s'échappe à la moindre perforation et colore vive- ment en bleu les tissus environnants. Les masses au chro- male de plomb présentent le même défaut, mais très sensi- blement alténué; elles ont d'ailleurs l'avantage de trancher sur les {issus ef de pénétrer moins facilement dans les lacu-
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 199
nes. Les masses à la gélaline sont toujours excellentes et ce sont bien certainement les meilleures de loutes quand on éludie des vaisseaux d’un certain calibre.
Je dois dire toutefois que J'ai employé surtout les masses au chromate de plomb; on les prépare très commodément el l’on peul toujours avoir, pour peu qu’on s’en donne la peine, une injection fraîche et complètement dépourvue de gru- meaux. M. Delage s’est servi de celle masse pour étudier le système artériel des Edriophthalmes el J'ai trouvé comme lui qu’elle peut pénétrer jusque dans les plus fines arlérioles. Il est bon de veiller aux dissolutions fillrées d’acétale de plomb et de bichromate de potasse qu'on emploie pour pré- parer la masse. Durant l'hiver de 1887-88 il m'arriva fré- quemment de ne pas réussir du tout des injeclions pour lesquelles je croyais avoir pris toutes les précaulions néces- saires. Voici quelle était la cause de ces échecs successifs : j employais des solulions saturées et fillrées de bichromate et d’acétate, pendant la nuit ces solulions formaient dans leur intérieur des aiguilles cristallines souvént imperceplibles qui persislaient plus ou moins longtemps pendant le jour et perforaient les vaisseaux dès que la masse y élait lancée. Il sera bon par conséquent, en hiver surtout, d'employer des solutions un peu au-dessous de la saturalion et, dans tous les cas, si l’on emploie des solulions saturées, on devra d’abord les chauffer légèrement pour peu qu'il fasse froid dans le faboratoire.
Les Crustacés soumis à l'étude appartiennent aux espèces suivantes (1) :
1° Macroures : Crangon commun ou Crevetle grise (Cran- gon vulyaris, Fabr.); Palémon squille ou Crevetle rose (Pa- læmon squilla, Fabr.); Néphrops norwégien (Vephrops Nor- wegicus, Linn.); Ecrevisse commune {As{acus fluniatilis, Doi Homard commun (Æomarus vulgaris, Milne-Ed.);
(4) Pour ne pas mulliplier outre mesure. les chapitres de cette étude, nous avons rangé une partie des Anomoures dans les Macroures (Pagures), l'autre dans les Brât hyures {Porcellanes),
200 E.-L. BOUVIER.
Langousie commune (Palinurus vulgaris, Lair.); Scyllare ours (Scyllarus arctus, Fabr.); Bernard-l'Ermite (Pagurus Bernardus, Fabr.).
2° Brachyures : Porcellane à pinces plates (Porcellana platycheles, Penn.); Atélécycle ensanglanté (Afelecyclus cruentatus, Desm.); Coryste denté {Corystes dentatus, Lair.);
Grapse varié (Grapsus varius, Lalr.); Thelphuse des rivières
(Thelphusa fluviatilis, Belon); Portune étrille (Portunus pu- ber, Linn.); Crabe enragé (Carcinus mænas, Baster.); Plaly- carcin pagure ou Tourleau (Platycarcinus pagurus, Linn.);
Xanthe rivuleux (Xantho rivulosus, Risso); Eriphie front . épineux (£riphia spinifrons, Herb.); Pise de Gibbs (Pisa
Gbbsü, Leach.); Inachus scorpion (/nachus scorpio, Fabr..);
Sténorhynque faucheur (Stenorhynchus phalangium, Penn.) ;
Maïa squinade (Maïa squinado, Rond.).
Ces animaux ont élé achetés en petit nombre sur le mar- ché de Paris; la plupart proviennent d'Arcachon d’où ils m'étaient envoyés par M. Durègne, les autres viennent de Marseille et quelques-uns ont été recueillis au laboratoire maritime de Saint-Vaast-la-Hougue. Tous mes remercie- ments à M. Durègne et à la Société zoologique d'Arcachon, à MM. Marion el Vayssière de la Facullé des sciences de Marseille, ainsi qu'à mon excellent ami, M. Malard, sous- directeur du laboratoire de Saint-Vaast. Je remercie éga- lement MM. les professeurs Perrier et Milne-Edwards; j'ai fait surtout ce travail dans le laboratoire du premier, mais Jai puisé mille renseignements dans la bibliothèque du second et j'ai profité des dessins originaux, publiés ou inédits, de son illustre père.
Avant d'indiquer les lignes principales de ce travail, il sera bon de donner un aperçu général sur le système arté- riel des Crustacés décapodes. Du cœur partent deux grou- pes d’artères les unes antérieures el les autres postérieures; les artères antérieures sont au nombre de cinq deux paires d'arlères et une artère impaire. Cetle. dernière est connue sous le nom d’artêre ophthalmique, elle naît du milieu du
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 201
-bord antérieur du cœur; immédiatement sur ses côtés se
voient les origines des deux artères antennaires el enfin, sur la face ventrale du cœur, mais au voisinage de son extré- mité antérieure, se trouvent les deux artères hépatiques. Sur le bord postérieur du cœur, on voit deux artères dont l’une plonge plus ou moins verticalement du côté ventral et reçoit le nom d'’artère sternale, landis que l’autre se dirige en arrière sur la face dorsale de l'abdomen et joue le rôle d'artère abdominale supérieure. L'artère sternale se bifurque quand elle esl arrivée sur le côté ventral de la chaîne ner- veuse ganglionnaire, dans la région du thorax; les deux branches de sa bifurcation suivent la ligne médiane ven- trale en sens opposé; la portion thoracique (artère maxillo- pédheuse) se dirige en avant et se bifurque au niveau de l’œso- phage pour se terminer dans les appendices buccaux; quant à la branche abdominale elle se rend en arrière, suit la face ventrale de l’abdomen et reçoit pour cette raison le nom d’artère abaominale inférieure. Nous verrons plus loin quelles relations peuvent s'établir entre ces différents troncs vascu- laires.
Ce mémoire sera divisé en trois chapitres; dans le pre- mier nous étudierons la partie antérieure du système artériel (arlères ophthalmiques, antennaires et hépatiques); dans le second la partie postérieure (arlères abdominales et artère sternale)el le cœur ; enfin dans le troisième nous comparerons les Crustacés décapodes à leurs larves et aux autres Crus- tacés pour lirer de ces comparaisons les conséquences qui en découlent directement.
$ I. — Partie antérieure du système.
Nous étudierons successivement dans ce chapitre l'artère ophthalmique, les arlères antennaires et les artères hépa- tiques.
Artère ophthalmique (0). — L'artère ophthalmique a son origine sur la ligne médiane, au bord antérieur du cœur; elle se dirige en avant sans dévier ni à droite, ni à gauche et
202 E.-L. HOUVENR.
sans cesser d'êlre superficielle; elle passe au-dessus du:
cerveau auquel elle envoie au moins une branche descen- dante qui plonge dans son milieu, puis elle se: bifurque el les deux branches de la bifurcation se rendent chacune à
l'œil du côté correspondant.
Le plus souvent, sinon toujours, on aperçoit une dilatation sur l’artère entre le cerveau et le bord antérieur de l'estomac.
Cette dilatation n’est pas toujours également développée
même dans les différents individus de la même espèce et les variations qu'on observe à ce sujet doivent êire attribuées, très probablement, à la quantité de masse injeclée qui a été
poussée dans les vaisseaux. Autant il est facile d'isoler l'artère aphthalmique dans sa partie comprise entre le cœur :
et le bord antérieur de l'estomac, autant 1l est difficile d'isoler la dilatalion sans la léser; en fait il y a une adhé- rence inlime entre ses parois et les muscles stomacaux antérieurs et cette adhérence donne à la dilatation l’ap- parence d’un sinus plutôt que d’un canal parfaitement limité; ordinairement on en voil partir un cœcum qui se termine sur la paroi stomacale. La dilatalion est plus sen- sible chez lés Macroures que chez les Brachyures; on l’aper- coit très nettement dans l'Écrevisse (PL VII, fig. 14; PI. IX, fig. 11), le Palémon, le Homard, la Langouste, et beaucoup moins bien dans le Pagure, dans les Porcellanes, le Tourteau (PL. XI, fig. 31) et le Maïa, elle est assez nette dans les Por- tunes, mais c'est à peine si elle apparaît dans les Corysles, el je n'ai jamais pu la mettre en évidence chez les Inachus. Chez les Pagures l'artère forme un renflement piriforme à sa sortie du cœur (PI. XT, fig. 26).
L’artère ophthalmique est ordinairement beaucoup plus développée chez les Brachyures que chez les Macroures el ces différences dans le volume de l'artère correspondent à des différences dans son champ de distribution. Chez les Brachyures, en effet, l'artère ophthalmique, dans sa porlion comprise entre le cœur et la dilatalion pré-stomacale, éme! toujours un certain nombre de branches qui prennent parfois
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 203
une assez grande importance. Dans le Tourteau par exemple, ou voit en moyenne (PI. XI, fig. 31), dans celte région, six paires de petiles branches qui se ramifient dans la membrane tégumentaire dorsale et, au niveau de la dilatation, une autre branche beaucoup plus puissante (Z) qui se distribue dans les muscles antérieurs de l'estomac. Dans l’Inachus scorpion ces branches sont au moins aussi importantes et on en voit deux assez fortes se rendre dans les mêmes muscles; il en est de même dans le Maïa, dans le Slénorhynque et à un moindre degré peut-être dans les Corystes, les Grapses, le Crabe en- ragé et les Porcellanes. Dans le Porlune étrille les branches sont nombreuses mais courtes, fines el peu ou pas rami- fiées. Nous devons ajouter en outre que chez les Brachyures un ou deux rameaux se détachent de l'artère ophthalmique avant sa bifurcation el irriguent la partie médiane du front QRsEX. fie. 1.0
Chez les Macroures, comme je l'ai fait observer plus haut, l'artère ophthalmique a un moindre développement, sauf toutefois chez les Langoustes, les Scyllares et les Né- phrops. Il ne m'a pas été possible d'étudier assez complèle- ment ces deux derniers genres pour savoir si l’artère oph- thalmique se ramifie avant d'atteindre la dilatation, mais J'ai parfailement observé, dans la Langousle, une assez grosse branche qui en part et se ramifie au-dessus de l’es- tomac. D'ailleurs le front, représenté ici par un rosire, nest pas irrigué par l’arlère ophlhalmique, mais par les artères antennaires.
L'artère ophthalmique de l'Ecrevisse a élé signalée pour la première fois par Thomas Willis (4) qui la désigne sous le nom d'arlère carolide (arteria carotis) et figure une sorte de difatalion en arrière du cerveau. Elle ne paraît pas avoir été aperçue par Swammerdam (2) dans le Pagure, où elle est
(1) Thomas Willis, De anima Lrutorum quæ Hominis vitalis ac sensitiva est, exercitaliones duæ, Londres, 1672.
(2) Jean Swammerdam, Histoire naturelle des Insectes, traduite du Biblia naturæ. Collection académique, partie étrangère, ( V, p. 122,
204 | E.-L. BOUVIER.
pourtant très visible même sans injection; Rœæsel (1) la signale de nouveau dans l'Écrevisse, Herbst (2) la décrit à peu près exactement dans les Crabes et tous les auteurs plus rapprochés de nous la mentionnent à leur tour sans toutefois l’étudier en détail. Bojanus (3) la figure dans l’Ecrevisse, avec deux branches latérales aussi grosses qu’elle, ce qui provient {rès certainement d’une erreur. La description la plus complète de l’artère ophthalmique des Crustacés décapodes est due à H. Milne-Edwards (4). Cette artère, dit-il, « passe au-dessus de l’estomac, aux parois duquel elle fournit quelques branches, gagne la région fron- tale de la tête, et y envoie une branche impaire, puis donne naissance à une paire de vaisseaux qui sont les artères ophthalmiques proprement dites, et qui pénètrent dans les pédoncules oculaires pour se distribuer aux différentes par- ties de l'appareil de la vision. L’arlère se recourbe ensuite en bas, devient récurrente, fournit des ramuscules au cer-
veau et va se terminer au devant de l’œsophage, près de la
lèvre supérieure. » Cette description convient bien aux Crabes, mais beaucoup moins aux Macroures; je dois faire observer en outre que le prolongement œæsophagien de l’ar- tère ophthalmique m'a toujours échappé, mais on verra plus loin qu'un prolongement analogue, sinon identique, est formé par les artères antennaires. Il n’est fait mention nulle part de la dilatation dont j'ai parlé plus haut et dont je signalerai plus loin l'importance.
Artères antennares (a).— Les artères antennaires ont leur origine sur le bord antérieur du cœur, immédiatement sur les côtés de l’arlère ophthalmique. Elles sont d’abord super- ficielles comme cette dernière et peuvent même s’apercevoir
(4) Rœsel, Der monatlich herausgegeben Insecten Belustigung, Nürnberg, 1755, Dritter Theil.
(2) Herbst, Versuch einer Naturgeschichte der Krabben und Krebse, Berlin und Stralsund, 1790.
(3) Bojanus, Zweifel über das Gefässsystem des Krebsen. Isis, 1882, t. X-XI.
(4) Milne-Edwards, Lecons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'homme et des animaux, t. IT, 1858. |
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 205
sans dissection ; on les voit diverger (PI. VIT, fig. 1) et passer au-dessus de l'extrémité antérieure des glandes génitales (0), elles plongent ensuite dans le foie (F) sur les côtés de l’esto- mac (E), atteignent la carapace un peu en arrière des an- tennes et envoient leurs derniers prolongements dans la lèvre inférieure. Chemin faisant elles irriguent les glandes génitales, la membrane qui tapisse la carapace, les parois de l'estomac et les muscles de l'estomac (À et P), le grand muscle mandi- bulaire (L), une partie de la glande verte (PI. VIIT, fig. 2), les deux paires d'antennes, le front ou le rostre et toujours les yeux. |
Les artères antennaires donnent naissance à plusieurs branches stomacales toujours importantes. C’est de la bran- che stomacale antérieure (PI. VIT, fig. 1, /) que naïssent, une de chaque côté, les artérioles du front ou du rostre (r). Dans les Brachyures, ces artérioles irriguent seulement les parties latérales du front, sa région centrale étant toujours desservie par un prolongement de l'artère ophthalmique (PI. IX, fig. 10). Chez les Macroures, au contraire, l'artère ophthal- mique ne joue aucun rôle dans l'irrigation du rostre et ce sont les deux artérioles dont nous venons de parler qui s'y rendent seules; dans l’'Ecrevisse, dans le Homard, dans la Langouste et probablement chez tous les Macroures qui ont un rostre bien développé, les deux artérioles s'’anastomosent dans le rostre et envoient un rameau impair à son extrémité (PI. VIIT, fig. 1).
Quand les yeux sont médiocrement développés, la bran- che oculaire (PI. VIF, fig. 1, #; PL IX, fig. 10, w’) de l'artère anlennaire est à peu près aussi développée que celle issue de l'artère ophthalmique, et dans certains cas même (Crabe enragé, Maïa squinade) peut être plus développée. Quand l'œil, par contre, prend un grand développement, comme dans les Pagures et surtout dans les Néphrops, c’est le contraire qui se produil et l’on voit la branche ophthalmique prédo- miner beaucoup sur l'artère antennaire. Dans l’'Inachus scor- pion, l'œil ne reçoit qu'une seule branche artérielle, mais il
906 E.-H. BOUVIER.
n'en est pas moins irrigué par l'artère antennaire el par l'artère ophthalmique. On voit en effet (PL. IX, fig. 16) les deux branches issues de la bifurcation de cette dernière (0) se confondre à plein canal avec les extrémités des artères an- tennaires (a) et le rameau destiné à l'œil se détacher du point où s'établit l’anastomose ; il y à par conséquent une irriga- tion mixte provenant du mélange du sang des deux artères.
Après avoir irrigué les antennes et les yeux, les artères antennaires très réduites se prolongent du côté interne
et, sur la ligne médiane en avant du cerveau, anastomosent
parfois leurs extrémités. C’est [à du moins ce que j'ai pu obser- ver constamment chez l'Écrevisse el plus nettement encore dans le Scyllare ours où le prolongement artériel est sensi- blement plus développé. Dans l'Écrevisse on observe (1) une disposition des plus intéressantes (PI. VIIL. fig. 2); du point où se réunissent les extrémités des deux artères antennaires, on voit partir un prolongement impair (7) qui se dédouble parfois etaboutit en arrière sur la paroi antérieure de l'œsophage(OE): là il se bifurque et se met directement en relation avec les rameaux œsophagiens qui proviennent de la bifurca- tion antérieure de l'artère maxillo-pédieuse. Par ce pro- cédé, © se forme une sorte de collier vasculaire périæsopha- gen, morphologiquement et fonctionnellement semblable au collier du même nom que Delage a signalé chez les Edriophthalmes (2), mais beaucoup moins important au point de vue physiologique puisqu'il a de bien moindres dimensions. On verra en effet que les rameaux œsophagiens, issus des deux branches de la bifarcation antérieure de l’artère maxillo- pédieuse, se ramifient abondamment et forment une espèce de réseau sur les parois de l’œsophage; c’est par l’inlermé- diaire des grosses artérioles de ce réseau que s’effectue la communicalion entre le système dorsal et le système ven- tral ; dans cerlains cas, qui pourraient êlre attribués, il est
(4) E.-L. Bouvier, Sur la circulation de l'écrevisse (Bulletin de lu société scientifique du Nord et de la Belgique, 1888).
(2) Delage, Contribution à l'étude de l'appareil circulatoire des crustacés édriophthalmes marins (Arch. zool. exp., 1881, t. IX).
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SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 207
vrai, à des injections incomplèlement réussies, le lronc récurrent formé par la réunion des artères anlennaires communique seulement avec une des branches de la bifur- calion de l'artère maxillo-pédieuse.
Il est probable que cette disposition importante doit se ren- contrer chez les Macroures ei peut-être chez quelques Bra- chyures sinon chez lous; malheureusement, il n'est pas facile de la metlre en évidence, soit parce que les injections ne sont pas toujours assez bien réussies, soit parce que Îles individus soumis à la dissection ne sont pas assez nom- breux. C’est une étude à reprendre et je me borne pour le moment à consigner ici les résullats que j'ai oblenus en di- rigeant mes recherches dans cetle voie :
« 4° Chez les Crabes (Étrille, Tourteau, etc.), je n'ai pu conslater de relation en avant entre le système dorsal et le système ventral, et ceci n'a rien de surprenant si l’on admet que le collier vasculaire de l'Écrevisse résulle d'une réduc-
tion du collier vasculaire des Edriophthalmes. Tout le monde
s'accorde en effet à reconnaître dans les Brachyures des Crus- lacés décapodes plus différenciés que les Macroures dont ils dérivent certainement ;
2° Chez les Scyllares el, autant que j'ai pu en juger, chez les Langoustes, les arières antennaires, à peu près à mi-che- min entre leur origine dans le cœur el la base des antennes exlernes, émeltent sur le bord inférieur un rameau qui se dirige du côté externe, irrigue le muscle mandibulaire, le con-
lourne, envoie des artérioles au conneclif cérébroïde et aux
muscles situés au-dessus du labre, puis se termine sur la face inférieure de l’œsophage en se mellant en relalion avec son congénère du côlé opposé. Malheureusement, je n’ai pas eu beaucoup d'animaux de ces deux genres à ma disposilion, mais Je ne doute pas qu'on arrive à trouver des relations entre les ramifications de cette anaslomose œsophagienne et les arlérioles œsophagiennes issues de l’extrémilé antérieure de l'artère maxillo-pédieuse » (1;
(4) E.-L. Bouvier, Sur l'aupareil circulaloire des Maïa, Grapsus, Steno-
208 E.-L. BOUVIER.
Ajoutons pour terminer que des rameaux terminaux des artères anltennaires se rendent au cerveau et à ses connectifs ; dans l'Écrevisse, notamment, on voit partir du tronc récur- rent issu de la réunion des artères antennaires, une branche ascendante qui se rend au cerveau et paraît marcher à la rencontre de la branche descendante issue de l'artère ophthalmique. Le même tronc récurrent envoie en outre des rameaux aux conneclifs qui rattachent le cerveau au gan- glion sous-æsophagien.
IL est facile de trouver les homologies des arlères ophthal- miques et antennaires des Crustacés décapodes ; ces trois artères correspondent exactement au tronc impair qui a été désigné par Milne-Edwards dans la Squille (1), et, par M. De- lage, chez les Mysis (2) et chez les Edriophthalmes sous le nom d’artère céphalique. Les troncs vasculaires, qui sont espacés chez les Crustacés décapodes, sont réunis et confon- dus en un seul tronc chez les Édriophthalmes, les Schizo- podes et les Slomatopodes. D'ailleurs, chez les Édriophthal- mes, le tronc commun se mel en relation directe, par un collier vasculaire péri-æsophagien, avec le vaisseau ventral, tandis qu'il se termine dans la têle chez les Mysis et chez les Squilles. Les homologies se poursuivent jusque dans les dé- tails et l’on doit considérer comme des formations de même nature la dilatation que Delage a signalée sur l'artère cépha- lique des Amphipodes et des Schizopodes et celle dont j'ai parlé plus haut en traitant de l'artère ophthalmique des Déca- podes. En ce qui concerne la dilatation de l’artère ophthal- mique, il ne sera pas inulile de parler de la dilatation cor- respondante figurée par Delage chez les Schizopodes sur le trajet de l'artère céphalique de ces animaux. « Au niveau du bord inférieur de l'estomac, dit-il en parlant de cette der- nière, elle subit un léger enfoncement, el là, de chaque côté, rhynchus, Pagurus, etc. (Bulletin de la société philomatique de Paris, 7° série, 4 nee TS Histoire naturelle des crustacés, t. I et pl. IX.
(2) Yves Delage, Circulation et respiralion chez les Crustacés Schizopodes (Arch. zool. exp., 2° série, t. I, 1883).
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SYSTÈME ARTÉRIEL DES GRUSTACES. 2()9
elle émet une sorte de grosse branche qui, immédiatement, se termine en cul-de-sac en s'appliquant exactement sur la paroi stomacale. L’observalion par transparence montre par- faitement l'origine de ces deux troncs, mais jamais, même sur les individus les plus propices, je n ai réussi à voir un globule s'y engager. L'injection donne des résultats plus nets encore... toujours ils se présentaient sous l’aspect d'un tronc gros et court, n'émetlant aucune branche, mal limité à sa terminaison... Il faut opler entre trois hypothèses : ou bien ce tronc s'ouvre dans les voies veineuses, ou bien 1l se résout en artérioles extrêmement fines, ou bien il se résout en cul-de-sac. » Les deux premières hypothèses étant inad- missibles, puisque les injections les plus fines ne dépassent pas le cul-de-sac, il ne reste que « la troisième qui consiste à admettre sur un point de l’aorte une sorte d'anévrisme. » On
pourrait appliquer presque mot à mot la description précé- dente aux Crustacés décapodes; comme M. Delage, je n'ai
Jamais pu faire passer une goutle d'injection en dehors du renflement, malgré son apparence de cœcum, mais Je dois ajouter que le plus souvent ce n’est pas deux troncs, mais un seul tronc en cul-de-sac, qui va s'appliquer contre l'estomac.
Il existe toutefois une différence essentielle entre les Schi-
_zopodes et les Décapodes au point de vue des relations des
artères antérieures avec le système. Chez les Mysis (1), l'ar- tère céphalique traverse le collier nerveux œæsophagien en arrière du cerveau, tandis que chez les Décapodes le point d'anastomose des arlères antennaires se trouve en avant du cerveau, l'artère ophthalmique passant d'ailleurs au-dessus de ce dernier organe. D'après Delage, l'artère céphalique des Isopodes présente les mêmes relations que celle des Mysis, mais l’auteur fait observer en outre que chez les Amphipodes et chez les Lœmodipodes celte arlère se divise verticalement
en. deux branches qui entourent le cerveau, disposilion:qui
(4) Yves Delage, loc. cit., p. 111. | ANN. SC. NAT. ZOOL. XX = CR
A
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parait être intermédiaire entre celle des nn et celle des Décapodes. | 16 Depuis Thomas Willis, lous les auteurs qui ont étudié les Décapodes ont signalé 1e arlères antennaires, mais un seul s'est rendu compte des rapports étroits qu’elles présentent
‘avec les yeux et le rosire. Krohn (1) dit en effet, er parlant de l'Écrevisse : « J'ai vu également que l’œil n’est pas seulement
desservi par l'artère ophthalmique, mais aussi par : une branche spéciale de l'artère antennaire, que cette dernière,
à Ja base du rostre médian, se confond avec l’artère de
même nom du côté opposé et que du point d'anastomose une artériole médiane se dirige jusqu’à la pointe. » Cette observation date de 1834; lous les savants qui ont étudié l'Écrevisse ou les autres Crustacés décapodes l’ignoraient absolument puisqu'il n’en esl fait nulle mention dans leurs travaux; je dois ajouter que je l’ignorais moi-même au mo-
ment où je fis mes premières recherches sur l? appareil circu-
latoire de l’Écrevisse.
Artères hépatiques (h) ..— Les artères hépatiques ont été éludiées avec suffisamment de détails par Audouin et Milne- Edwards (2) dans le Maïa, le Tourteau et le Homard. Dans tous les cas, ces artères ont leur origine sur la face inférieure du cœur un peu en arrière des artères antennaires; elles se
dirigent obliquement en avant et en dessous dans la sub-
stance du foie, puis envoient chacune un gros tronc en avant et en arrière. Dans le Maïa, Milne-Edwards a montré que les artères se confondent sur la ligne médiane et envoient deux irones en avant et trois en arrière. Un certain nombre d’au- teurs et notamment Villis et Rœsel, ne signalent pas les artè- res hépatiques dans l’Écrevisse, ce qui tient sans doute à la situation profonde de ces vaisseaux. Swammerdam (3)a représenté, dans une figure, les artères
(1) À. Krohn, Ucber das Gefässsystem der Flusskrebses, Isis, t. XX VII, 1834.
(2) Audouin et Milne-Edwards, Recherches anatomiques et physiologiques sur La circulation des Crustacés, p. 36#+ et 367.
(3) Jean Swammerdam, loc, cit., pl. VI, fig. 6.
SYSTÈME ARTÉRIEL: DES CRUSTACÉS. 211
hépatiques du Bernard-l'Ermile sans toutefois indiquer leur parcours ni signaler leur distribulion. Cette omission n'a rien d'étonnant si l'on se reporte à l'époque éloignée où écrivit Swammerdam, mais 1l est assez étonnant qu'elle n'ait pas élé relevée par les observateurs plus récents. On sait en effet que le foie du Bernard-l'Ermite prend un développement énorme et qu'il est refoulé presque tout entier dans la région abdominale dont il occupe la plus grande partie. Celte dis- position étant connue, on doit se demander si les artères hé- patiques accompagneront le foie dans sa marche récurrente et se prolongeront jusque dans l'abdomen; or il n'en est rien, les artères hépatiques (PI. X, fig. 25 ; pl. XE, fig. 26) restent à leur place normale et continuent à se diriger en dessous et en avant ; c'est à peine si quelques-unes de leurs premières artérioles serendent aux premiers canalicules biliaires, toutes leurs ramifications importantes se distribuent dans la région gaslrique. On verra plus loin quelles sont les artères qui envoient leurs rameaux dans le foie.
Cette observation, curieuse en elle-même, dépasse la por- tée d’un fait de détail. Les vaisseaux persistant dans leur po- sition normale quand se déplacent les organes qu’ils devraient irriguer, on peut conclure qu'il y a #ndépendance absolue entre les artères et les organes qu’elles desservent normalement, ce qui permet de supposer que les glandes telles que le foie se forment avant les vaisseaux puisqu'elles ont: pu se dépla- cer et se localiser dans l'abdomen sans entraîner ceux-ci avec elles. Ces réflexions, bien entendu, s'appliquent aux Crustacés décapodes; des observations de même nature pourront seules montrer si elles ont la même valeur pour les autres animaux. |
Ces considérations ne seront pas inutiles pour interpréter les homologies des artères hépaliques ; on devra se rappeler, en eflet, que tout vaisseau qui irrigue le foie n’est pas néces- sairement l'homologue des artères hépaliques des Crustacés décapodes normaux. C’est ainsi que, chez les Squilles, les nombreux vaisseaux qui naissent sur les côtés du vaisseau
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PE? x. E.-1: HBOUVEIRE.
dorsal se rendent à la fois aux membres et aux tubes hépa- tiques et ce serait une singulière erreur de les considérer comme avant une analogie quelconque avec les artères hé- paliques des Décapodes En fait, chez les Squilles, il. est ires difficile de trouver les homologues des arlères hépati- ques, mais si l’on tient compte de leur position en avant
du cœur on devra considérer comme telles les deux vais-
seaux désignés par Claus (1) sous le nom d’arlères latérales antérieures el considérées à tort, par Milne-Edwards comme des artères antennaires (2). Je sais bien qu'on pourrait objec- ter que ces artères latérales n'irriguent nullement le foie, mais Je répéterai que ce n’est pas la fonelion qui peul servir de base aux homologies et je rappellerai encore l’'anomalie apparente offerte par le Bernard-l'Ermite.
Chez les Mysis, il y à à la lois homologie physiologique et morphologique puisqu'on trouve deux artères hépatiques (3) sur le bord antérieur du cœur ; on doit croire toutefois que la concentration des vaisseaux n’est pas complètement ache- vée chez les Schizopodes, car Claus (4) signale dans les Sirielles trois troncs hépatiques impairs situés en arrière de la paire hépatique normale et 1l ajoute que « le grand nombre des vaisseaux hépatiques chez les Mysidés rappelle les deux ou trois paires de vaisseaux qui parlent du cœur des Hypéridés (Oxycephalus) et qui se répandent sur les tubes hépatiques » ; il esl naturel, ajoute-t-1l, de considérer les vaisseaux impairs des Sirielles comme le résultat de la fusion de vaisseaux pairs sur la ligne médiane. » M. Delage ne men- lionne pas, dans les Mysis, les troncs impairs signalés par Claus, mais il fait mention de deux paires de vaisseaux dont il n'a pu exactement indiquer la distribution.
Les artères hépatiques des Edriophthalmes ont élé bien
(1) Claus, Die Kreislaufsorgane und Blutbewegung der Stomatopouen (Arbeit. aus dem zool. Inst. Wien., t. V, 1884, p. 8).
(2) Milne-Edwards, loc. cit., p. 377.
(3) Delage, loc, cit pre:
(4) Claus, Zur Kenntniss der Kreislaufsorgane der Schizopoden und Decc- poden (Arbeit. aus dem zool. Inst. Wien., t. V, 1886, p. 10).
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décrites par Delage chez les Isopodes ; elles sont formées à droile comme à gauche par un rameau qui se détache des artères latérales antérieures entre les deuxième et troisième artères thoraciques. Ce rameau peut être considéré comme une artère hépatique normale mais non différenciée des son origine.
$ II. — Le cœur et ses vaisseaux postérieurs.
Le cœur (C).— Je n'ai nullement l'intention de refaire une élude complète du cœur; le sujet a été Traité depuis long- temps el il ne me resle qu'à étudier les détails qui n'ont pas altiré suffisamment l'allenlion de mes prédécesseurs. Je rappellerai néanmoins que cel organe à une forme nelte- ment quadrangulaire, qu'il se prolonge en arrière dans une espèce de dilatation (bulbe de certains auteurs) chez les Macroures, enfin qu'il communique avec la cavité péricar- dique par six boutonnières paires dont deux (Macroures) et quelquefois quatre (Brachyures) sont franchement dor- sales.
Tous les vaisseaux qui naissent directement du cœur sont munis, à leur origine, de deux paires de valvules demi-cir- culaires, une dorsale et une ventrale. Ces valvules ne sont pas toujours faciles à mettre en évidence et l’on fera bien de s'adresser à un animal de grosse taille, un Maïa, un Tourteau, un Homard ou une Langousie; dans (ous les cas. quel que soit l'animal choisi comme sujet d'étude, il faudra toujours commencer par l'étude des valvules de l'artère slernale parce quelles sont de beaucoup les plus grandes et ressemblent absolument à celles des aulres artères.
Dans la Langouste (PI. X, fig. 21), parmi les Macroures, un seul tronc naît de l’extrémilé postérieure du cœur; il est très gros à son origine et séparé de la cavilé de ce dernier par deux valvules (v, v’) qui présentent des relations toutes particulières. Elles sont semi-lunaires comme celles qu'on observe chez la plupart des Décapodes, el on les voit se ren- contrer à droile et à gauche suivant une ligne qui indique
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leur point d'attache latéral aux parois de l’artère. D'ailleurs leur attache basilaire se fait directement à la sortie du cœur de sorte que leur bord libre est situé en arrière de cette at- tache. Entre le repli valvulaire et les parois de l’artère on aperçoit des voiles musculaires charnus qui rattachent ra- dialement les valvules aux parois arlérielles ; ces voiles sont au nombre de trois, un (7) pour la valvule ventrale et deux latéraux pour la valvule dorsale. Ils ne se limitent pas à la ré- sion des valvules, on les voit en effet se prolonger en arrière, en s’atténuant, et aboutir à une espèce de saillie circulaire formée par la paroi de l’arlère. Ces voiles servent de freins aux valvules et les empêchent de se rabattre en dedans quand le sang artériel est chassé dans les vaisseaux. L’artère abdominale inférieure (d), d’un calibre très considérable, fait naturellement suite au trone commun; elle ne s’en sépare nullement par des valvules et le sang passe directement et sans aucun obstacle de la cavité de l’un dans la cavité de l’autre. En outre, sur la face ventrale du tronc, on voit l’ori- fice béant (e) de l’arlère sternale (s), absolument dépourvu de valvules, généralement situé à gauche entre le voile de la valvule inférieure et le voile latéral gauche de la valvule supérieure, plus rarement à droite entre le voile inférieur et le voile latéral droit. Dans le premier cas, qui est le plus fréquent, l'artère sternale passe à gauche de l’intestin ; elle passe à droite dans le cas contraire.
Chez tous les Macroures (PI. VIIL, fig. 4) que j'ai étudiés la disposition est très sensiblement la même que celle qu'on observe dans la Langouste; les variations sont relatives à l'étendue des voiles, qui peuvent devenir rudimentaires, et à la forme des valvules, qui tendent de plus en plus à la forme demi-circulaire. Du reste, dans tous les cas, il n’y a jamais de valvules en arrière de celles que nous venons de citer, d'où l’on peut conclure que, <hez les Macroures, il ne part qu'un seul tronc artériel de l'extrémité postérieure du cœur.
Tout autre est la disposition qu'on peut constater à l’ex- trémité postérieure du cœur chez les Brachvures. Dans le
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Tourteau (PI. X, fig. 20), par exemple, on voit naître un tronc énorme (d) qui plonge entre les lobes du foie et re- présente l'artère slernale; à son origine on aperçoit deux grandes valvules demi-circulaires, l’une dorsale {v), l’autre ventrale (v'), qui ne contractent que frès peu d’ahérence sur leurs bords et se raltachent au cœur par leur base. Entre ces valvules el les parois artérielles, je n'ai pu apercevoir ni les voiles caractéristiques de la Langousle, n1 la sail- lie circulaire à laquelle devraient se rattacher ces voiles, mi enfin l’orifice béant d'une artère quelconque. Par contre, en avant des valvules, entre leur point d'attache et les muscles du cœur, il n’est pas difficile de voir un orifice beaucoup plus petit (e), el si l’on injecte par cet orifice, ou si l’on suit le canal auquel 1l donne entrée, on voit que c’est le point de départ (s) de l'artère abdominale supérieure. Deux valvules semi-lunaires protègent également cet orifice et ressemblent en tous points aux valvules de l'artère sternale; elles sont évidemment plus petites, mais il est toujours facile de les meltre en évidence. La disposition qu’on observe dans le Tourteau se manifeste avec la même évidence dans le Maïa, dans l’Étrille, dans les Corystes et en général dans tous les Crabes que J'ai étudiés: les seules différences sont relatives à l’orifice de l'artère abdominale supérieure qui peut se trou- ver à droile ou à gauche, près du point où se terminent les valvules, où à une faible distance de ce point. Dans tous les cas, on est conduit à la conclusion générale suivante : chez les Brachyures, deux artères partent de l'extrémité postérieure du cœur : Yune de ces artères est l'artère sternale, l’autre est l'artère abdominale supérieure.
Je n’ai rien de particulier à dire sur l’origine des vais- seaux qui naissent en avant du cœur; les valvules qu'on y observe ne sont jamais très développées, mais 1l m'a paru résulter dé leur étude que celles siluées aux orifices des artères hépatiques sont plus grandes que les autres.
Il n'est pas de question qui ail donné naissance à plus de controverse que l’élude du cœur des Cruslacés décapodes.
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Willis, S“ammerdam el Ræsel ne signalent ni le péricarde, ni les fentes du cœur, ni les valvules siluées aux orifices artériels; Willis considère d'ailleurs comme une oreillette (auricula cordis) le prolongement postérieur du cœur de l'É- crevisse. De Geer (1) se contente de renvoyer à Rœæsel: Herbst (2) paraît avoir fait quelques observations plus sé- rieuses ; s’il donne pour l’Écrevisse la figure insuffisante de Rœsel, 11 a soin d’ajouter qu'un « autre vaisseau (l'artère sternale) naît du cœur au même point » que l'artère abdomi- nale supérieure, ce qui n'est pas absolument exact comme on l’a vu plus haut; il fait en outre observer que les deux mêmes vaisseaux se détachent de l'extrémité postérieure du cœur dans les Crabes. Il est utile d'ajouter que Herbsi n’a nullement étudié les valvules des orifices artériels, ce qui enlève toute rigueur à ses observaiions, et qu'il n’a pas si- gnalé davantage les fentes en boulonnières et le péricarde. Les travaux de Cuvier ne font guère avancer la question; le savant anatomiste n’a nullement débrouillé la circulation des Cruslacés et 1l considère les deux fentes dorsales du Ho- mard (3) comme les orifices de deux veines qui ramèneraient au cœur le sang des branchies. Kohler (4) indique également ces deux perforations, mais il ne parle nullement de leur fonction. Suckow signale non seulement ces deux fentes, mais il figure en outre les deux veines branchiales annoncées par Cuvier; Desmarets (5) a soin d'ajouter que les valvules man- quent absolument dans le cœur.
En 1825, Lund (6) décrit pour la première fois les trois paires de boutonnières dans le cœur du Homard; en 1827
(1) De Geer, Mémoire pour servir à l’histoire des Insectes, Stockholm, 1778, vol. VI.
(2) Herbst, Versuch einer Nalurgeschichte der Krabben und Krebse, Berlin und Stralsund, 14790.
(3) G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VE.
(4) Kohler, Observationes nonnullas anatomicas in appendices genilalium ranarum luteus et in systema vasorum cuncri astaci. Diss. inaug., Tubingue, relie |
(à) Desmarets, Considérations générales sur la classe des Crustacés.
(6) Lund, Zweifel an dem Daseyn eines Circulationsystems bey den Crustacen, Isis, 4825, t. XVI-XVIL.
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 217
Audouin et Milne-Edwards (1) ne signalent que deux boulon- nières qu'ils considèrent à tort comme les orifices des veines branchio-cardiaques, mais ils signalent les valvules à l’orifice de toutes les artères. En 1828, Strauss-Durckheim (2) intro- duit pour la première fois dans la science carcinologique la notion de péricarde, mais 1l a tort de désigner ce péricarde sous le nom d'oreillette, car ses parois ne sont pas conirac- liles, comme il le reconnaitra d’ailleurs plus tard (3); en 1830 Lund et Schultz (4; précisent encore davantage et disent très nettement que les conduils branchiaux s'ouvrent dans le péricarde et non pas dans le cœur. Ces idées furent consa- crées de nouveau par Krohn en 1834.
Aulant que je puis en juger par mes recherches, ces der- niers travaux sont en accord avec la vérité et ne demandent qu'à êlre précisés par des observalions ultérieures. Ils sont, en effet, acceptés par la plupart des auteurs plus modernes, par Siebold et Stannius (5), par Gegenbaur (6), par Claus (7), par Huxley (8), etc., ce qui n'empêche pas certaines notes discordantes de se produire. D'après R. Owen (9), il n'v aurait de valvules qu’à l’origine de l'artère sternale et Île retour du sang au cœur serait assez compliqué ; Lemoine (10) signale également les deux valvules de l'artère slernale, mais il dit qu'il n'a pas constaté les autres « avec la même certi-
(1) Audouin et Milne-Edwards, loc. cit., p. 358.
(2) Strauss-Durckheim, Considérations générales sur l'anatomie comparée des animaux articulés, 1828.
(3) Strauss-Durckheim, Traité pratique et théorique d'anatomie comparative, Paris, 1842, t. II. |
(4) Lund und Schultz, Forgesetzte Untersuchungen über dus System des Kreislaufes bey den Crustaceen, Isis, 1830, n° 23.
(3) Siebold: et Stannius, Nouveau manuel d'anatomie comparée, Paris, t. }, 1850.
(6) Gegenbaur, Manuel d'anatomie comparée, Paris, 1874.
(7) Claus, Traité de zoologie, trad. francaise, 1884.
(8) Huxley, The anatomy of invertebrated animales, London, 1877, et L'Écre- visse, Introduction à l'étude de la zoologie, Paris, 1880.
(9) R. Owen, Lectures un the comparative anatomy of the invertebrate ani- mals, London, 1843.
(19) Lemoine, Recherches pour servir à l'histoire du système nerveux, mus- culaire et glandulaire de l'Écrevisse (Ann. se. nat., 5° série, t. IX, 1868).
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Lude »; Dogiel (1) ne décrit de valvules qu'aux orifices des: arlères sternales et « céphalique » (ophthalmique?). Enfin, plus récemment encore, Bela Dezsü (2) mentionne huit paures de fentes dans le cœur, cinq du côté dorsal et trois du côté veniral. Je dois ajouter que ce dernier auteur est seul de son opinion el qu'il m'a été impossible de retrouver autre chose que les six fentes normales. Quant à la nature exacte des valvules et aux différences qui séparent si neltement les Brachyures des Macroures, je ne crois pas qu’on les ait étudiées jusqu'ici dans l'adulte.
Claus (3) a traité cette question en s'occupant de l'appareil circulatoire des larves, et il trouve que chez ces dernières l'artère abdominale supérieure el l'artère sternale ont des origines distinctes dans le cœur; il ajoute d'autre part que chez les Brachyures adultes l'artère se détache directement de l'artère abdominale supérieure, ce qui est exactement l'inverse des résultats auxquels je suis arrivé. Il m'est impos- sible de critiquer celte dernière opinion, car Je ne connais pas les arguments sur lesquels elle repose; quant à celle relative aux larves, elle paraît parfaitement établie, ce qui tendrait à prouver que les Brachyures présentent, sous ce rapport, un caractère larvaire qui fait défaut aux Ma- croures. |
L’artère sternale étant distincte, au moins dans la larve, Claus fait justement observer qu’on ne saurait considérer, avec Audouin et Milne-Edwards, l'artère abdominale supé- rieure comme une branche de l’artère sternale, lorsque celle- ci ne prend plus son origine dans le cœur. Cetle observation est complètement juste, et au lieu de dire, comme je l'ai fait autrefois (4), que l'artère abdominale supérieure est une
(1) Dogiel, De la structure et des fonctions du cœur des Crustacés (Arch. de physiol. normale et pathologique, 1877, 2° série, t. IV).
(2) Bela Dezsô, Ueber das Herz des Flusskrebse und des Hummers (Zool. Ant., 1878).
(3) Claus, Zur Kenntniss der Kreislaufsorgane der Schizopoden und Deca- poden (Arbeit aus dem zool. Instit. Wien., 1884, t. V, p. 26).
(4) E.-L. Bouvier, loc. cit, p. 67.
SYSTÈME .ARTÉRIEL DES. CRUSTACÉS, = MBA 9
branche de l'artère sternale, il est plus logique de considé- rer, chez les Macroures, l'artère sternale comme une branche de l’arlère abdominale supérieure.
Artère sternale (s). — L’artère sternale est le tronc impair qui met en relation le système artériel dorsal avec le système artériel ventral; elle se dirige de l'extrémité postérieure du cœur vers le plancher sternal, et passe sur les côtés de l'in- testin, ce qui lui donne une position nettement asymétrique. Delage (1) fait observer que l'artère sternale des Mysis passe toujours à gauche du tube digestif, mais il n’en est pas de même ici et nous disons, avec Audouin et Milne-Edwards (2), qu'elle peut indifféremment passer à droite ou à gauche. En plongeant du côté ventral, elle passe entre les lobes du foie el entre les glandes génitales, se recourbe en avant el finit par atteindre le système ganglionnaire ventral.
Chez tous les Macroures et chez les Brachyures qui appar- liennent aux tribus des Notopodes (Porcellane), des Oxys- tomes (Calappe, Atélécycle, Corvyste) et des Catométopes (Grapse), elle traverse le système nerveux ({) dans la région thoracique (PI. XI, fig. 32); il en est encore de même chez certains Cyclométopes (Portune, Carcin, Platycarcin, Xanthe); mais ceux qui se placent au sommet de la tribu (Eri- phie) présentent la même disposition que le Maïa et que tous les autres crabes de la tribu des Oxyrhynques (Pise, Inachus, Slénorhynque). L’artère sternale, en effet, ne tra- verse plus la masse nerveuse {horacique; elle passe en ar- rière et ne présente plus que des rapports de contact avec le système nerveux.
Un échange de note fâcheux m'avait fait à tort attribuer aux Xanthes (3) ce curieux caractère, qui est propre aux Eriphies ; je tiens à relever ici cette erreur.
(1) Delage, loc. cit., p. 114.
(2) Audouin et Milne-Edwards, Loc. cit., p. 365.
(3) E.-L. Bouvier, Sur l'appareil circulatoire de Maïa, Grapsus, etc. (Ball. soc. phil. de Paris, 1" série. t. XII, n° 2.) Le système nerveux des Crustacés
décapodes et ses rapports avec l'appareil circulatoire (Ann. se. nat., 7e série, t. VII.
(RS)
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Chez les Macroures, l'artère sternale traverse le système nerveux entre les ganglions qui correspondent aux troisième el quatrième paires de pattes thoraciques; cette disposition se reconnait encore chez les Brachyures les plus voisins des Macroures, mais elle devient moins netle chez les autres el l'on n’aperçoit plus qu’un disque nerveux, perforé ou non suivant que l’artère sternale traverse la masse nerveuse ou passe en arrière. On a cru jusqu'ici que l'artère sternale donnait toujours naissance à l'artère abdominale supérieure, mais J'ai montré plus haut (voy. p. 214 et 215) qu'il n’en est ainsi, en réalité, que chez les Décapodes macroures; chez les Brachyures, l'artère abdominale supérieure se détache du cœur indépendamment de l'artère sternale. D'ailleurs, chez tous les Crustacés décapodes elle se divise du côté ventral en deux branches médianes dont l’une se dirige en avant et forme une partie de l'artère marillo-pédieuse tandis que l'autre pénètre dans l'abdomen et joue dans cette région le rôle d'ar- tère abdominale inférieure (1). Cette règle ne souffre au- cune exception si l’on range à part les Pagures. Dans les espèces dont le système nerveux est perforé par l'artère sternale, la bifurcation se produit au-dessous de la chaîne ganglionnaire, entre celle-ci et le plastron sternal; dans les autres (Maïa, Eriphie, etc.), la bifurcalion s'effectue en arrière de la masse ganglionnaire et quelquelois (Maïa, Stenorbynque) assez loin au-dessus de cette masse (PI. IX, fig. 14). La
Les artères dont nous venons de parler sont seules signa- lées par les différents auteurs, mais on croirait à Lort que
l'artère sternale n’en donne pas d’autres. Elle émet en réalité
un certain nombre d'arlérioles plus ou moins fines qui se rendent, soit aux parois slernales, soit aux organes environ- nants et notamment aux glandes génitales.
J'ai étudié spécialement ces vaisseaux dans le Pagure,
(4) Le vaisseau médian formé d'avant en arrière par l'artère maxillo- pédieuse et l'artère autennaire correspond à lous égards à l'artère préner- vienne |Delage) des Crustacés isopodes,
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 221
dans les Porcellanes et dans le Tourteau, mais on ne saurait douter qu'ils se rencontrent également ailleurs.
Le cœur des Crustacés décapodes paraît dériver Indirecte- ment du cœur beaucoup plus complexe des Crustacés phyllo- podes ; chez ces derniers (Apus, Branchippe), 1l se présente sous la forme d'un long vaisseau dorsal muni d'un grand nombre de fentes en forme de boutonnières. Il a très sensible- ment encore le même aspect, mais avec un nombre moindre de boutonnières, chezla plupart des Édriophthalmes, enfin il ne conserve plus que deux paires de boutonnières chez les Schizopodes (1), mais ilreste toujours allongé etatteint lextré- mité postérieure du (horax dans les Mysis et la dépasse même dans les Sirielles (2). Les Stomatopodes ont conservé, beau- coup plus que les Schizopodes, le cœur allongé et muni de nombreuses valvules des Phyllopodes; les Squilles, en effet, sont munis d'un très long vaisseau dorsal qui s'étend sur presque toute la longueur du thorax et de l'abdomen, pré- sente en général une paire de boutonnières par segment et, dans chaaue segment, émel une paire au moins de vais- seaux latéraux. Mœckel (3) paraît avoir le premier comparé d’une manière exacte le cœur des Crustacés décapodes avec celui des Stomatopodes : « La plus grande partie, ditl, de la porlion postérieure du cœur,'dans les Slomatopodes, représente l'aorte postérieure (artère abdominale supérieure des Décapodes) ». Tout récemment, Claus (4) est arrivé à la même conclusion, mais il l’a exprimé d’une manière diffé- rente; après avoir décrit [a forme élargie et quadrangulaire de la chambre antérieure du vaisseau dorsal chez les larves de Squille, il s'exprime dans les termes suivants : « Par sa forme et par les artères qui en partent, cetle porlion élargie et quadrangulaire du cœur, réunie à la courte région du
(1) Yves Delages, loc. cit., p. 107.
(2) Claus, Zur Kenntniss der Kreislau/sorgane der Schizopoden und Decu- poden (Arbeiït. aus dem z0ol. Institute d’'Univ. Wien., 4884, t. V, pl. I, fig. 1).
(3) Mœckel, Traité général d'anatomie comparée, t. IX.
(#) Claus, Die Kreislaufsorgane und Blutbewegung der Stomapouen (Arbeit. aus dem zool. Institut. Wien., t. V, 1884, p. 9. |
2929 E.-H. BOUVKIER.
vaisseau qui correspond au segment des pieds mâchoires et émet une puissante paire d’arières latérales, produit l'effet d'un cœur de Zoé, si bien que, pour cette raison et pour d’autres qui viennent lui donner un appui, je n'hésite pas à considérer cette partie comme l'équivalent morphologique du cœur des Décapodes. »
Il est vrai que cette région du vaisseau dorsal ne présente qu'une paire de boutonnières, mais nous devons faire observer que le nombre des boutonnières est loin de correspondre tou- jours à celui des segments (voir les Édriophthalmes) el que, chez les Mysis notamment, on trouve seulement deux paires de boutonnières, bien que le cœur soit l’homologue absolu de celui des Crustacés décapodes.
Cette dernière assertion est absolument confirmée par les travaux déjà cités sur l'appareil circulatoire des Sch120- podes; et il nous suffira de dire qu’on trouve notamment, chez ces Crustacés, une artère slernale qui ressemble abso- lument, par ses relations avec le cœur et par les branches qu'elle émet, à l'artère sternale des Décapodes. Chez les En ds avant le remarquable travail de Claus, on ne connaissait ni système artériel ventral, ni artère ster- nale destinée à mettre le cœur en relation avec ce dernier système; Claus a établi le premier point avec une grande évidence et, en ce qui regarde le second, il considère comme l'artère sternale un rameau qui part de l’une des artères situées à l’extrémité postérieure de la première chambre cardiaque. Ce rameau plonge du côté ventral et se mel en relation avec l'artère venirale; si l’on admet l’hypothèse très rationnelle de l’auteur, qui considère la première cham- bre comme l'équivalent du cœur des Crustacés décapodes, on voit que ce rameau d'anastomose occupe en effet la position exacte de l’artère sternale.
L’artère slernale a été signalée pour la première fois par Swammerdam dans le Pagure ; Herbst dit qu'elle passe sous le système nerveux avant de se diviser; Cuvier, dans ses Leçons d'anatomie comparée, ne paraît pas soupconner l’im-
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portance des relalions qui existent entre celte artère et les centres nerveux, mais il figure et décrit la perforation qui lui livre passage dans l'Écrevisse et dans le Crabe enragé, il ajoute que celte perforation n'existe pas dans le Maïa. C’est Audouin et Milne-Edwards qui ont le mieux étudié cette ar- tère, aussi bien dans ses relations avec le système nerveux que dans les vaisseaux qu'elle émet; c’est à tort toutefois qu'ils considèrent le Maïa comme dépourvu d'artère abdomi- nale inférieure, nous verrons en effet que le vaisseau décrit par eux sous le nom d’artère abdominale supérieure (1) n’est rien autre chose que l’artère abdominale inférieure.
Artère maxillo-pédieuse(m). —On désigne sous le nom d’ar- ière maxillo-pédieuse le vaisseau médian ventral qui recoit le sang de l’arlère slernale et qui s'étend depuis l’œsophage jusqu'à l'extrémité postérieure du thorax ou au voisinage de cette extrémité. Elle irrigue-le plastron (PI. VIIT, fig. 5) et les parois sternales, les pattes thoraciques et les appen- dices buccaux, l’œsophage et la région de l'estomac qui s’en rapproche le plus, une partie de la glande urinaire, les branchies et la partie du système nerveux qui est lagée dans le thorax. Les artérioles qui vont aux branchies sont toujours très fines, et ne peuvent être confondues avec les grosses veines afférentes branchiales ; les artérioles du système ner- veux sont plus pelites encore mais elles sonttrès nombreuses, fortement ramifiées et entrelacées, si bien qu’on peut consi- dérer les centres nerveux comme enveloppés d’un lacis vas- culaire d'une richesse extrême. Dans les injections poussées très loin, le névrilème prend assez vivement la couleur de Pinjection, tant est grande l'abondance de vaisseaux san- guins qui le traversent.
Presque tous les vaisseaux dont nous venons de parler naissent des troncs sanguins qui se rendent aux appendices thoraciques et buccaux. Ces troncs sanguins sont, en effet, de beaucoup les plus importants et ils se détachent plus ou
(4) Audouin et Milne-Edwards, loc, cit., p. 365.
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moins régulièrement par paires de l'artère maxillo-pédieuse. Chez les Macroures (PI. VIT, fig. 5) on voit se détacher suc- cessivement et isolément, de l'extrémité postérieure de l’ar- tère à l'extrémité antérieure, les paires artérielles des cin- : quième (p°), quatrième (p'), troisième (p°), deuxième (y?) et première (p') paires de pattes thoraciques, puis les paires des pattes mâchoires (r°, r”, r'), celles des mâchoires (s°, s') et enfin celle des mandibules (»). La même disposition existe encore chez quelques Crabes rangés dans le groupe intermé- diaire des Anomoures; dans la Porcellane à pinces plates, par exemple, les deux pattes postérieures sont beaucoup plus petites que les autres et rejetées en arrière, la paire artérielle qui leur correspond (PI. X1, fig. 32, p°) a une indépendance absolue et se trouve à une distance relativement très grande de la paire artérielle destinée à la quatrième paire de pattes. Du reste les autres artères pédieuses de la Porcellane sont Lrès rapprochées les unes des autres; elles diffèrent en cela des artères des Macroures qui sont toujours assez éloignées.
Le raccourcissement du thorax, dans les Brachyures, sa largeur très grande, et l'importance des appendices qu'il porte donnent à l'artère maxillo-pédieuse et aux branches qui en parlent un calibre très considérable; on s'explique ainsi comment les paires artérielles pédieuses sont situées côle à côte chez eux ou au moins. peu éloignées l’une de l’autre. Ce rapprochement est si grand que les deux paires artérielles postérieures sont réunies à droite et à gauche dans un tronc commun qui se hifurque bientôt el émet les branches destinées à chacune des deux paires de pattes. J'ai observé cette disposilion aussi bien dans les Corystes, dont le thorax est assez allongé, que dans le Tourteau (PI. XI. fig. 27 et 28, p*, pr”) où il est très large; les arlères pédieuses postérieures sont très rapprochées, mais dislinetes dans le Maïa ; elles sont au contraire confondues dans le Sténorhynque (PL. IX, fig. 14). Au point de vue du rapprochement des paires artérielles pé- dieuses, les Porcellanes établissent une transition naturelle entre les Macroures et les Brachvures.
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS, 295
Une autre distinction doit être établie entre les Crustacés décapodes dont le système nerveux est traversé par l'artère sternale et ceux, tels que les Maïas, où elle passe en arrière de la masse nerveuse, concentrée alors dans la région thora- cique. Dans les premiers (Macroures et Lous les Brachyures les moins élevés dans la série), l'artère slernale forme l’ar- tère maxillo-pédieuse entre les branches artérielles de la troi- sième et de la quatrième paire; chez les autres (Eriphie, Maïa et tous les Oxyrhynques) elle paraît simplement se recourber en avant et émet successivement d’arrière en avant toutes les paires artérielles dont nous avons parlé. Cette différence en entraîne une autre; dans le premier cas, l'artère abdominale inférieure est le prolongement nalurel du tronc maxillo- pédieux qui se trifurque en arrière pour former celte arlère et la paire pédieuse postérieure; dans le second, l'artère abdominale inférieure se trouve être un tronc distinct, qui lire son origine de l'artère sternale assez près du cœur, et ne présente aucune relation directe avec le tronc maxillo- pédieux, à moins qu'on ne choisisse arbilrairement son ori- gine pour déterminer le point où l'artère sternale se con- tinue dans l’artère maxillo-pédieuse.
La trifurcation qui termine er arrière l'artère ris pédieuse est généralement {rès régulière en ce sens que la dernière paire pédieuse est symétriquement siluée par rap- port à l'artère abdominale inférieure; mais il peut ne pas en être toujours aussi. Dans le Crabe enragé (PI. VITE, fig. 9), par exemple, l'artère maxillo-pédieuse se bifurque en arrière, l'un des troncs irrigue les deux dernières paires de pattes d'un côté; l’autre, beaucoup plus gros, se bifurque à son tour et émet l'artère abdominale inférieure ainsi que le tronc commun des deux dernières paires de pattes du côté op- posé. Dans les Pagures (PI. XI, fig. 26), la trifurcation pos- térieure n'existe généralement pas, ce qui tient à la disparition complète de l’artère abdominale inférieure (1).
(1) L’artère abdominale inférieure est réduite à un court rudiment, destiné au premier segment abdominal, dans les Paguristes (Paguristes maculatus).
ANN« SC. NAT: ZOOL. XI, AD. — ART. N° 5.
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À son extrémité antérieure, l'artère maxillo-pédieuse se bifurque en arrière de l'æsophage, qu’elle embrasse alors comme une fourche (PI. VIII, fig. 2). Les deux bran- ches de la bifurcation irriguent tous les appendices buc- caux en même temps qu’elles envoient de puissants rameaux à la glande verte (G), à l'œsophage (0E), à l'estomac. Dans l'Écrevisse, ce sont les deux branches œsophagiennes an- térieures qui vont s’anastomoser pour former un collier vasculaire périæsophagien, avec le vaisseau récurrent (r) formé par les extrémités réunies des artères antennaires. Des artérioles variables en nombre et en importance se ré- pandent en avant, et sur les côtés, dans les régions voisines occupées par les muscles et les ligaments antérieurs des corps. | Herbst paraît avoir signalé le premier l’arlère maxillo- pédieuse ; il signale les deux vaisseaux qui, dans les Crabes, partent de l'extrémité postérieure du cœur : « Le premier, dit-il, plonge perpendiculairement vers le pont qui se trouve de côté ventral du test, 1l se dirige en avant et après qu'il est arrivé sous la masse nerveuse, se divise en deux rameaux avant de se prolonger en avant. » Kohler signale également celte artère dans l’Ecrevisse et Bojanus décrit et figure ses anastomoses avec deux grosses branches stomacales qu'il attribue à tort à l'artère ophthalmique. Audouin et Milne-Edwards ont surtout exactement étudié cette artère, mais aucun auteur ne signale les différences importantes qui existent entre l'artère maxillo-pédieuse des Brachyures et celle des Macroures.
Les artères abdominales. — On connaît l’origine de l’artère abdominale supérieure (d) et de l'artère abdominale infé- rieure (4) chez les différents Décapodes; nous allons mainte- nant étudier ces vaisseaux d’une manière complète en nous élevant progressivement des Macroures aux Brachyures les plus élevés dans la série; nous mettrons en évidence, dans le paragraphe suivant, les conséquences auxquelles peut conduire cette étude progressive.
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1° Macroures. — Audouin el Milne-Edwards ont très exactement décrit l'artère abdominale supérieure du Ho- mard, au moins dans sa partie antérieure, celle qui précède le sixième anneau de l’abdomen; ils ont montré qu'elle donne naissance à une paire de branches latérales dans cha- cun des cinq premiers anneaux, que ces branches envoient immédiatement des rameaux longitudinaux sur le tube di- geslif, et se prolongent en dehors dans les muscles princi- paux et jusque dans les pattes abdominales, enfin que l’ar- tère se bifurque dans le sixième anneau et envoie séparément chacune de ses branches dans les deux derniers segments de l'abdomen. Ils ont également bien étudié son artère abdominale inférieure ; ils ont montré notamment qu'elle n'irrigue guère que la faible couche des muscles ventraux et la chaîne nerveuse abdominale; toutefois ils ont représenté avec trop de régularité les branches qui en partent, et ils ont omis surtout d'indiquer les relations que contractent en arrière les deux artères de l'abdomen.
Avant d'étudier ces relations qui constituent une partie importante de cette étude, il ne sera pas inulile de jeter un coup d'œil sur les mêmes artères dans les autres Ma- croures. En général, l'artère abdominale supérieure est aussi grosse au moins que l'artère sternale, et celle-ci envoyant la plus grande partie de son sang dans le thorax et dans ses appendices, il en résulte que lartère abdominale inférieure présente toujours un calibre très réduit, en rapport du reste avec le faible développement des parties qu'elle doit irriguer. Toujours l'artère abdominale supérieure se divise en bran- ches paires et latérales, à peu près comme dans le Homard, toujours aussi les branches ont la même distribution, mais l'artère abdominale inférieure n’émetjamais que de faibles ar- térioles latérales, assez irrégulièrement disposées, toujours assez nombreuses el destinées d’ailleurs aux mêmes parties que celles du Homard. Ces conclusions reposent sur l'étude des types les plus importants du groupe, Crangons, Palémons, Néphrops, Homards, Ecrevisses, Langoustes, Scyllares.
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En étudiant l’Écrevisse, et examinant la manière dont pénètre la masse injectée dans les différents vaisseaux, je fus amené à chercher les relations qui existent entre les deux artères principales de l’abdomen et cela me conduisit à chercher les mêmes relations dans tout l’ensemble de l’or- dre. Chacun sait que l’arlère abdominale inférieure de l'É- crevisse est un des vaisseaux les plus difficiles à injecter et on peut dire, presque sans crainte de se tromper, que l’in- jection a bien réussi quand on voit par iransparence, à travers l'abdomen, cette artère colorée par la masse. Or, il m'était arrivé plusieurs fois de ne pas injecter l’artère abdominale inférieure dans sa partie la plus voisine du thorax et cepen- dant on pouvait voir parfois une portion de sa partie poslé- rieure occupée par l'injection. Il était facile d'en conclure qu'il y avait communication en arrière entre l'artère dorsale et l'artère ventrale, mais il pouvait se faire que la communi- cation füt peu importante et peut-être accidentelle. Pourm'en assurer je plaçai une seringue dans l’artère dorsale, Je fis une ligature autour de la canule et je poussai l'injection en arrière sans trop de précipitation; je vis alors la rame cau- dale s’injecter et en même temps l'injection revenir d’arrière en avant par l'artère ventrale. Convaincu par ce procédé, j'étudiai par la dissection la partie postérieure des deux ar- tères, et voici ce que j'observai.
L’artère abdominale supérieure de l'Écrevisse (PL. VII, fig. 6) se bifurque ordinairement un peu avant d'atteindre le sixième anneau. Chacune de ses branches émet alors l’ar- tère latérale du cinquième anneau («), plonge ensuite dans les muscles sur les côtés de l'intestin, émet une artère laté- rale {u°) qui se bifurque pour aller, d’une part dans les appen- dices du sixième anneau et d'autre part dans le telson, enfin se prolonge du côté ventral au-dessous de l'intestin (l) et, en arrière du dernier ganglion nerveux, se met en relation directement avec son homologue du côté opposé. Ainsi se forme un collier vasculaire péri-rectal, dont l’une des bran- ches est {oujours importante, l’autre pouvant se réduire
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beaucoup ou même s’alrophier complètement. Dans tous les cas on voit l'artère abdominale inférieure, à son ex- trémité, déboucher à plein canal dans ce collier et mettre ainsi en communication le système dorsal avec le système ventral. Il résulte de ce fait que l'irrigation du telson et des lames latérales de la nageoire est complètement mixte, puis- qu'elle s'effectue par le sang du collier péri-intestinal qui réunit l'artère dorsale à l’artère ventrale.
Le collier vasculaire péri-intestinal se forme à peu près de la même manière et offre les mêmes relations dans les Né- phrops, et probablement aussi dans les Scyllares; dans les Langoustes (PI. XI, fig. 36), il présente une forme parlicu- lière en ce sens que son arceau dorsal s’étend en arrière tandis que son arceau ventral s'étend en avant, d’ailleurs la bifurca- lon ne se produit qu’assez loin dans le sixième anneau, et l'extrémité de l’arlère abdominale inférieure se fait remarquer par les nombreuses petites artérioles qui en partent.
Dans le Homard, le collier péri-intestinal m'a paru fort grêle et très irrégulier dans l’arceau ventral qui le met en re- lation avec l’artère abdominale inférieure; Je dois avouer d’ailleurs que je n'ai pas étudié un assez grand nombre d’in- dividus pour affirmer que l'important collier de l’'Écrevisse n'existe pas. Dans le Crangon (PI. IX, fig. 17), des injections plusieurs fois répétées m'ont toujours montré, dans le cas où elles élaient le mieux réussies, un collier péri-intestinal irrégulier, ce collier se prolongeait en avant dans une fine artère ventrale (} munie de branches assez nombreuses qui n'arrivail jamais à rencontrer la portion antérieure injectée de l’artère abdominale inférieure.
Je considère ces deux tronçons ventraux comme des parties de l'artère abdominale inférieure ; on s'explique aisément la lacune qui les sépare si l’on songe que l'artère est très fine et qu'elle reçoitla masse à injection par ses deux extrémités, ce qui fait refluer le sang dans la région moyenne de l'artère.
2° Circulation abdominale du Bernard-l Ermite (PA X.
230 E.-L. BOUVIER.
fig. 25; pl. XI, fig. 26). — Nous savons déjà que les artères hépatiques (2) du Bernard-l'Ermite sont détournées de leur fonction ordinaire et nous savons aussi que l'artère abdominale inférieure n'existe pas, l'artère maxillo -pé- dieuse (m) se terminant, sans prolongement aucun, au niveau des deux dernières paltes thoraciques (1). Il était dès lors in- léressant d'étudier en détail l'irrigation de l'abdomen qui renferme, comme on sait, la plus grande partie du foie (F), la totalité des glandes génitales (T) et la presque totalité de leurs conduits (v). Voici les résultats auxquels je suis arrivé.
L’artère abdominale supérieure (d), très développée, se di- rige vers l’abdomen en occupant une position relativement su- perficielle au-dessus du tube digestif et entre les cæcums hé- patiques formés par la portion antérieure très réduite du foie. Elle franchit l’étroit corselet formé par la réunion de l'abdomen au thorax, plonge dans le foie tout en restant assez superficielle et, un peu plus loin, se bifurque en deux branches d’inégale importance. La branche la plus faible (4) reste à peu près au même niveau, mais oblique à gauche et émet chemin faisant de nombreuses branches très rami- fiées qui se distribuent dans le foie, dans les glandes gé- nitales sur le tube digestif et envoient des rameaux dans les fausses pattes abdominales situées du côté gauche. La branche la plus importante (4) plonge obliquement du côté ventral, continue à émettre des branches hépatiques et atteint la couche musculaire ventrale qui représente à elle seule tous les muscles abdominaux du Pagure. Elle suit alors le côté dorsal de celle couche, émet d'assez nom- breuses branches, et finalement la traverse brusquement, atteint le côté ventral, circule entre celui-ci et la chaîne nerveuse, etfinalement atteint l’avant-dernier anneau où elle paraît se terminer en arrière du dernier ganglion nerveux.
(1) Dans la région antérieure de l'abdomen la chaîne nerveuse est irriguée par une fine artériole qui naît de l’artère maxillo-pédieuse, entre les artères des deux dernières paires, et qui envoie aussi un prolongement en avant.
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 231
Dans cette dernière partie de son trajet (c), elle occupe exac- tement la même position que l'artère abdominale inférieure des autres Macroures, et on l’aperçoit par transparence sur les individus fraichement injectés.
Quand elle occupe encore le côté dorsal des muscles abdominaux, la branche principale de l'artère abdominale supérieure émet de nombreux rameaux qui se rendent pour la plupart dans la couche musculaire ; l'un d'eux est beaucoup plus important que les autres; il s'enfonce dans la masse charnue et irrigue spécialement cette espèce de saillie colu- mellaire qui s’est développée sur la face ventrale de l'abdomen des Pagures, pour remplacer sans doute, jusqu’à un certain point, le muscle columellaire des mollusques qui occupaient la coquille. Avant de plonger sous les muscles ventraux, la branche émet en arrière un rameau assez important (e) qui a très sensiblement la même distribution que la portion pré- cédente, en ce sens qu’elle irrigue essentiellement les mus- cles et beaucoup moins le foie. Enfin, quand la branche a atteint le côté ventral, elle continue (c) à se répandre dans les muscles, sur les téguments, dans la chaîne nerveuse et c’est ainsi qu’elle atteint l'extrémité postérieure du dernier gan- glion abdominal.
En cet endroit (PI. IX, fig. 13) elle se recourbe en avant, et revient dans la direction du foie où elle (c') se ramifie, avant de se terminer à peu près au niveau du point où s’épanouis- sent les dernières artérioles issues de la branche accessoire de l'artère abdominale supérieure. J’ai observé parfois des relations secondaires, et en général assez peu importantes, entre ce prolongement récurrent et le nrolongement supra- musculaire formé par la branche avant qu’elle plonge dans les muscles (1).
Dans l’arceau qu’elle forme en se recourbant en avant, la branche émet un certain nombre de rameaux importants qu'il importe de bien étudier. Avant de se recourber, elle
(1) E.-L. Bouvier, Sur l'appareil circulatoire des Maia, Grapsus, Stenorhyn- chus, Pagurus, etc. (Bull. soc. philom. de Paris, 7° série, t. XII, p. 72).
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282 E.-L. BOUVIER.
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donne naissance à un gros tronc qui envoie d’abord un | À rameau en avant, un autre en arrière dans le telson, et se he: prolonge dans l’appendice, en forme de crochet, du côté | droit. Un peu plus loin, dans l’anse même de l’arceau, on voit naître deux rameaux, dont l’un irrigue la portion termi- nale de l'intestin (1), tandis que l’autre se dirige en avant sur la face ventrale de ce dernier. Enfin, au point de rebrousse- ment, nait encore un autre tronc qui se comporte comme à celui du côté droit, mais possède des dimensions plus 1 importantes, puisqu'il irrigue essentiellement l’appendice | du côté gauche, beaucoup plus développé que celui du côté | droil.
Aïnsi, dans le Pagure ermite, on voit un même vaisseau, l'artère abdominale supérieure, iriquer à lui seul, en même temps que les parties auxquelles il se rend normalement, des ie | organes qui reçoivent leurs vaisseaux, chez les autres Déca- | podes, des artères antennaïres et des latérales postérieures (glande génitale), des artères hépatiques (foie) et de l'artère ab- dominale inférieure (région ventrale de l'abdomen) (1). Et ceci jusiifie encore, au moins pour les Décapodes, l'exactitude du principe déjà signalé plus haut, à savoir qu’il existe une indé- pendance absolue entre les arières el les organes qu'elles desservent.
‘ Si maintenant on cherche à expliquer la disparition de | l'artère abdominale des Pagures, on se trouve en présence ; de diverses hypothèses dont deux surlout paraissent méri- ter de nous arrêter, puisqu'elles sont en rapport direct avec les faits observés chez les Pagures et chez les autres Déca- podes. On sait que l'artère abdominale inférieure est tou- jours très réduite chez les Macroures et qu’elle irrigue seu- lement une faible couche de muscles ventraux et la chaîne nerveuse abdominale; on pourrait se demander dès lors si.
ES
ll. la suppression des muscles ventraux n’aurail pas entraîné la
| | (1) J'ai montré depuis qu’il en est de même dans le Pagure strié (Pa- pu | gurus Slrialus) et dans le Cénobite diogène (Cænobita diogenes) (Bull. Soc. phil. de Paris (8), t. IT, p. 181 et 196).
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suppression de l'artère qui les irrigue. Je ne crois pas l'hypothèse bien sérieuse d’abord parce que nous savons, par l'exemple même du Pagure, que les vaisseaux persistent très bien et changent de fonction quand leurs organes dis- paraissent, ensuite parce que les muscles développés dans l'abdomen du Pagure paraissent renfermer des muscles ventraux très développés (1).
Il vaut mieux croire, ce me semble, que les Pagures ont conservé inlact le caractère des larves qui sont, comme l’a montré Claus, dépourvues d’artère abdominale inférieure. On sait du reste que les Mysis gardent également ce carac- tère larvaire. S'il en est ainsi, il est probable que les Pa- gures commencent à habiler les coquilles à une époque où ils ont encore un certain nombre de caractères larvaires et notamment l'appareil circulatoire incomplet dans la région de l'abdomen. Dans cette hypothèse, le contact de l'abdomen contre la columelle de la coquille aurait pour conséquence d'empêcher le développement de l'artère abdominale infé- rieure. à
L'étude de la larve pourrait peut-être expliquer cette disparition ou au moins servir de critérium aux hypothèses précédentes; malheureusement lappareil circulatoire des larves nous est incomplètement connu et nous ne possédons qu'une figure de Claus représentant une larve de Pagure avec le système circulatoire ventral (2). Dans cette larve, 1l est vrai, on voit l'artère maxillo-pédieuse se lerminer par une bifurcalion au niveau du dernier ganglion thoracique, mais la larve ne présente que trois paires de pattes el ne possède probablement pas encore un appareil circulatoire complètement développé. Il est possible d’ailleurs que des études sur l'appareil circulatoire des Thalassinidés soient capables d'éclairer la question; c’est ce que je pourrai dire
(1) Je serai bientôt en état de donner des détails précis sur la manière dont les muscles ventraux des Macroures s'atrophient et se modifient pour arriver aux muscles des Pagures.
(2) Claus, Zur Kenntniss der Kreislaufsorgane der Schizopoden und Decapo- den (Arbeïit. aus dem zool. Instit, Wien., t. V, 1884, fig. 55).
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sous peu quand j'aurai terminé un certain nombre de recher- ches sur les Thalassinidés (1).
L'appareil circulatoire des Pagures n’a guère été étudié que par Swammerdam (2), dans un travail où sont simple- ment signalés quelques troncs artérielé issus du cœur, deux en avant et deux en arrière: 1l est assez étonnant que Meckel{3) se soit borné à reprendre l’opinion de Swam- merdam sans y rien ajouter. Milne-Edwards a dû étudier le Pagure, mais il n’en donne qu’une figure d’anatomie générale (4) dans laquelle se voient représentés le cœur et une partie de l'artère abdominale supérieure. C’est à tort qu'on a négligé l'étude de ce curieux Crustacé ; elle est des plus suggeslives et met d’ailleurs en évidence un certain nombre de particularilés anatomiques impor- tantes. | |
3° Brachyures. — Les Porcellanes sont les Crabesles plus voi- sins des Macroures, mais elles présentent déjà des caractères totalement différents. Dans la Porcellane à pinces larges (PI. X, fig. 23) l’arlère abdominale supérieure a uñ volume infini- ment plus considérable que l'artère abdominale inférieure (d/) et ressemble en cela à celle des Macroures. Elle émet d'abord quelques rameaux qui se rendent dans la membrane dorsale sous la carapace, pénètre dans le premier anneau abdominal et aussitôt se bifurque pour donner deux grosses branches la- lérales qui suivent les côtés du tube digestif et se prolengent
(1) Pendant le dépôt de ce travail j'ai eu l’occasion de montrer : 1° que dans un Thalassinidé, la Gébie deltura, l'artère abdominale inférieure ne s'étend pas au-delà du quatrième anneau abdominal, toute la partie supé- rieure de l'abdomen se trouvant irriguée par l’artère abdominale seule (Sur l’organisation de la Gebia deltura. Bull. soc. philomath. de Paris (8), t. IE, p- 46); 2° que chez des Paguriens assez voisins encore des Thalassinidés, le Paguriste maculé, par exemple, il existe encore un rudiment de l'artère abdominale inférieure dans le premier anneau, et que la branche dorsale de l'artère abdominale inférieure irrigue les deux derniers anneaux (Va- riations progressives de l'appareil circulatoire artériel chez les Crustacés ano- moures, ibid., p. 179).
(2) Swammerdam, loc. cit., p. 122.
(3) Meckel, Traité général d'anatomie comparée, 1837, t. IX.
(4) Le règne animal distribué d’après son organisalion (Crustacés, Atlas, pl. !
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 235
jusqu’à l'extrémité du telson. Ces deux branches émettent sur leur bord externe des rameaux sensiblement pairs qui se rendent en dehors dans les anneaux et dans les appendices qu’ils portent; en dedans elles offrent de nom- breuses ramifications, pour la plupart très petites, et desti- nées aux parois de l'intestin, aux ganglions nerveux ainsi qu'aux muscles faiblement développés de la région dorsale. L’artère abdominale inférieure occupe très sensiblement la ligne médiane ventrale; dès qu’elle atteint le deuxième segment abdominal, elle envoie un puissant rameau vers la droite, et ce rameau débouche à plein canal dans la branche droite de l'artère abdominale supérieure, au niveau du point de départ de la patte antérieure; un peu plus loin, un rameau égal se rend à la branche gauche, à peu près au même niveau. Ces anastomoses constituent, avec les deux artères dorsale et ventrale, un collier péri-intestinal à peu près localisé dans le deuxième anneau: après qu'elle les a formées, l’artère ventrale se continue en arrière sans occuper aussi exactement la ligne médiane, elle envoie quel- ques autres rameaux anastomotiques aux branches de l'artère dorsale et vient se jeter, par sa terminaison principale, dans l’une ou l’autre des deux branches, vers l'extrémité posté- rieure du cinquième anneau. Outre ses rameaux d’anasto- mose, elle émet de nombreux ramuscules essentiellement destinés au tube digestif et aux muscles ventraux ; ces ramus- cules contractent de nombreuses relations et forment à vrai dire un réseau intestinal ; en arrière du cinquième anneau, les fines branches terminales de l’artère ventrale se confon- dent si bien avec les ramuscules internes de l'artère dorsale, qu'il est matériellement impossible de déterminer la portion du système qui appartient à l’un ou l’autre de ces deux vaisseaux (1).
(1) La Galathée porte-écailles (Galathea squammifera) a une circulation abdominale absolument semblable à celle des Porcellanes; mais n'ayant pas eu.jusqu'ici plus d’un échantillon vivant, il m'a été impossible de mettre en évidence les relations de l'artère abdominale inférieure avec les deux
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Quoique plus éloignés des Macroures que les Porcellanes, les Corystes ont un appareil circulatoire qui se rapproche notablement de celui des premiers. Dans le Coryste denté (PI. X, fig. 19), en effet, on constate non seulement une prédo- minance excessive de l'artère (d) dorsale sur l'artère ven- irale (d'), mais ces deux vaisseaux occupent en outre à peu près exactement la ligne médiane abdominale, jusqu’au milieu du cinquième segment; à partir de ce point, l'artère dorsale se di- vise en deux branches latérales, comme dans les Porcellanes, et l'artère ventrale cesse de rester distincte par le procédé que nous indiquerons plus loin. D'ailleurs, dans le deuxième anneau, l'artère ventrale se bifurque et envoie sa branche la plus importante soit à droite, soit à gauche dans le vais- seau, issu de l’artère dorsale, qui se rend à la patie du côté correspondant. C’est à partir de ce point que se fait le mélange du sang entre les deux vaisseaux principaux de l'abdomen, et il ne sera pas inutile de remarquer que ce mé- lange s'effectue à la même place dans les Porcellanes. Dans beaucoup d'individus, j ai observé au même niveau une petite branche qui réunissait l’artère ventrale au vaisseau destiné à la patte du côté opposé ; il se forme alors un collier péri-intestinal asymétrique.
Avant de pénétrer dans l'abdomen, l'artère dorsale émet une paire de gros vaisseaux qui se rendent en arrière dans la membrane tégumentaire de la carapace; elle donne en- suite, en dehors de quelques artérioles secondaires, une paire de troncs deslinés aux cinq premiers anneaux de l'abdomen. À partir du cinquième anneau, on le sait, l'artère se bifurque, et ses branches, placées sur les côtés de l’in- testin, émettent des rameaux plus petits el plus nombreux, tant internes qu'externes. Les branches issues de l'artère abdominale se rendent aux pattes abdominales, aux anneaux abdominaux, à l'intestin et aux muscles dorsaux peu déve- loppés ; dans les deux derniers anneaux, ils irriguent la face
branches de l'artère abdominale supérieure (Observations préliminaires sur l'anatomie des Galathées, Bull. soc. philomatique de Paris (8), t. II, p. 56).
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 237
dorsale comme la face ventrale, ce qui tient à la disparition
de l'artère ventrale dans le cinquième anneau.
L’artère ventrale n’émet pas des branches aussi réguliè- rement que l'artère dorsale; ses ramificalions sont nom- breuses, et destinées surtout à la face ventrale de l'inteslin. Elles présentent les dispositions caractéristiques survantes : une paire de branches au moins se distribue au premier anneau, une très forte branche (celle dont 1l a été question plus haut) débouche dans l'artère dorsale au niveau du deuxième anneau; dans chacun des deux anneaux suivants, une ou deux paires de rameaux se rendent dans les bran- ches paires correspondantes de l'artère dorsale, enfin dans le cinquième anneau, l'artère se termine par une bifurcation dont les branches, déjà très petites, présentent les mêmes rapports, et envoient en arrière quelques artérioles sur la portion terminale de l'intestin. Ajoutons, et ceci est impor- tant, que les deux artérioles du premier anneau, dans le mâle, se rendent aux pattes correspondantes; dans le premier anneau par conséquent, c'est l'artère ventrale qui irrigue les appendices, parlout ailleurs en arrière l’irrigation est mixte. — Comme de coutume, les artérioles intestinales s’anasto- mosent fréquemment en réseaux.
Les Atélécycles sont très voisins des Corystes et il suffira de jeter un coup d'œil sur leur appareil circulatoire pours’en convaincre. Dans l’Atélécycle ensanglanté (PI. X,fig. 18), par exemple, l’artère ventrale (9) suit à peu près exactement la ligne médiane mais se prolonge Jusque dans le sixième seg- ment abdominal; l'artère dorsale (d) se poursuit, comme dans les Corystes, jusque dans le cinquième anneau avant de se bifurquer, mais elle n’occupe plus la ligne médiane et se place, tantôt sur le côté droit, tantôt sur le côté gauche de l'intestin ; elle devient, en un mot, complètement asymétrique et cette disposition a pour résultat de rendre également asymétriques les deux branches qui la prolongent Jusqu'à l'extrémité de l’abdomen, et les rameaux pairs qu’elle distri- bue dans chacun des segments. Les anastomoses qui existent
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entre l'artère dorsale et l'artère ventrale sont nulles ou très peu développées dans les cinq premiers segments; dans le sixième, l'artère ventrale se recourbe assez brusquement à droite ou à gauche, et débouche à plein canal dans la bran- che de l'artère dorsale siluée sur le côté correspondant; un prolongement de l'artère se poursuit un peu plus loin en arrière et se jette dans la branche du côté opposé. La pre- mière paire de paltes du mâle ma paru généralement irriguée par le vaisseau dorsal; toutefois, dans un individu, l'artère dorsale irriguait la patte du côté droit et l’arlère venirale celle du côté gauche. Dans tous les cas, il y a là une différence essentielle avec les Corysles.
Dans le Grapse varié (PI. XI, fig. 34) l'artère ventrale (d/) n’est pas sensiblement moins symétriquement siluée que dans l'espèce précédente ; mais elle s'ouvre déjà dans l'artère dor- sale au niveau du cinquième anneau, ce qui rappelle les Corystes. Quant à l'artère dorsale (d'), son asymétrie est frappante dès l’origine et se complique encore par la suite. Rejelée à droite ou à gauche de l'intestin, elle se bifurque dès le troisième anneau; une de ses branches semble conti- nuer l'artère sur le même côté de l’intesiin, l’autre passe obliquement d'avant en arrière sur le dos de cet organe et le suit parallèment dès qu’elle atteint Le côté opposé. L’artère dorsale émet une paire de troncs principaux externes dans chaque segment, soit directement, soit par l'intermédiaire des branches issues de sa bifurcation. Comme de coutume ces branches externes se rendent aux anneaux et aux pattes abdominales correspondantes, comme de coutume aussi les branches de l’artère émettent sur leur face interne des ra- meaux plus petits qui se distribuent de la même manière que dans les types précédents.
Quant à l’artère ventrale, elle n'émet pas d’anastomoses importantes avant le cinquième anneau; arrivée là, elle se bifurque comme l'artère dorsale en deux branches inégales qui reviennent un peu en avant et se jettent l’une à droite, l'autre à gauche, dans la branche correspondante de l'artère
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 239
dorsale. Il ne sera pas inutile d'ajouter à cetle description que l’arlère ventrale envoie ordinairement une forte branche enarrière, à partir du deuxième anneau et que, chez le mâle, elle fournit les troncs nourriciers de la première paire de pattes. L’artère dorsale, d’ailleurs, avant de pénétrer dans l'abdomen, émet un certain nombre de branches impor- tantes chargées de l'irrigation des téguments dorsaux posté- rieurs.
Dans l'ivrigation de l'abdomen, les Portunes se font re- marquer par un certain nombre de caractères parfaitement tranchés : l'artère dorsale, déjà sensiblement asymétrique dans le premier anneau de l'abdomen, devient complètement asymétrique dans le second, se place sur un des côtés de l'intestin el se bifurque dans le cinquième anneau; l'artère ventrale se trifurque dès le premier anneau, sa branche médiane, de beaucoup la plus grêle, se poursuit plus ou moins régulièrement en arrière sur la face ventrale de l’in- testin, tandis que ses deux branches latérales, beaucoup plus importantes, vont se jeter dans l'artère dorsale ou dans ses rameaux essentiels au niveau du deuxième segment.
Dans les individus mâles que j'ai éludiés, du Portune ridé (Portunus corrugatus) (PI. X, fig. 22), le prolongement médian de l’arlère ventrale se suivait distinctement en arrière, sur la ligne médiane, jusque dans le sixième seg- ment, et se metlait en relation, par d'assez nombreuses anas- tomoses, avec les rameaux pairs de l'artère dorsale. Si l’on considère que ce prolongement médian est très grêle à son origine et qu'il reçoit des branches anastomoliques presque aussi importantes que lui, on sera porté à conclure qu'une parlie du sang de l'artère dorsale reflue dans l'artère ventrale et sert à l’alimenter. Les deux troncs latéraux de la bifurcation antérieure se comportent à peu près de la même manière l’un et l’autre; le droit envoie un fort rameau dans la première patte du mâle et va se jeter dans la branche de la deuxième patte, issue de l’artère dor- sale; le gauche se comporte de même, mais, en raison de
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l'asymétrie de l'artère dorsale, il va se jeter directement dans ce dernier vaisseau et ferme ainsi le collier vasculaire péri-intestinal.
Dans les mâles du Portune étrille, la disposition est très sensiblement la même, mais le prolongement médian de l'artère ventrale se continue moins loin en arrière, et ses deux rameaux latéraux vont rejoindre les branches laté- rales de l'artère dorsale. En dehors de la distribution qui leur est propre, et qui se rattache à l'irrigation des qua- tre paires de fausses pattes, les femelles ressemblent beau- coup aux mâles, mais se font remarquer par une division peut-être plus rapide du prolongement médian de l'artère ven- irale. Je n’insiste pas sur les autres différences que j'ai obser- vées, car elles sont du domaine des variations individuelles.
Il n’est pas difficile de reconnaître dans le Crabe enragé (PI. VITE, fig. 7 et8) un plan d'irrigation construit sur le même type que celui des Portunes. L’asymétrie de l’artère dorsale (d) se prononce énergiquement dès le bord postérieur du thorax, et l’on voit ce vaisseau occuper le côté droit ou le côté gauche de l'intestin, aussitôt qu'il a pénétré dans le premier anneau abdominal, et presque aux points où 1l émet les deux branches puissantes (a, a) destinées à cet anneau et à la membrane de la carapace. Arrivée dans le cinquième segment, l'artère se bifurque, suivant le procédé maintenant devenu normal, une des branches continuant l'artère sur le même côté de l’intes- üin, l’autre se dirigeant transversalement du côté opposé, par- dessus l'intestin, et suivant ensuite ce dernier.
L'artère ventrale est également asymétrique dès le pre- mier anneau. Elle émet d’abord une branche assez impor- tante qui se dirige du côté de l'intestin opposé à l’artère dorsale ; cette branche envoie d'abord en arrière un fin pro- longement médian qui continue l'artère ventrale dans sa di- rection, elle donne ensuite l'artère nourricière de la pre- mière patte du mâle et se jette, plus en arrière, dans la branche de l'artère dorsale destinée à la deuxième patte du même côté. Après avoir émis cette branche importante,
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 241
l'artère ventrale se dirige du même côlé que l'artère dorsale, émet chemin faisant l'artère nourricière de la première patte du même côté dans le mâle, donne même naissance à l’ar- tère de la deuxième palte et débouche ensuite, à plein canal, dans l'artère dorsale.
Le collier vasculaire péri-intestinal est donc très forte- ment indiqué dans le Crabe enragé mâle, il se complique d’ailleurs d’anastomoses secondaires issues du fin prolonge- ment médian dont j'ai parlé plus haut. La femelle ne pré- sente pas de différences appréciables, en dehors de celles exigées par la présence de pattes plus nombreuses et de la suppression des pattes antérieures du mâle.
Le Tourteau (Platycarcinus pagurus) (PI. XI, fig. 29 et 30) est un des meilleurs types pour l'étude des relations impor- tantes qui s’élablissent dans l'abdomen entre l’arlère dorsale et l'artère ventrale. Comme dans la plupart des cas, sinon toujours, ces relations sont multiples et conduisent à la for- malion de plusieurs colliers vasculaires péri-inlestinaux, mais ici ces colliers sont nombreux, au nombre de {rois ou quatre au moins, et toujours très faciles à mettre en évidence. Les relations les plus importantes entre les deux artères s’é- tablissent dans le troisième segment; l’anse anastomotique esténorme eton 14 voit très bien, par transparence, même sur de très petils tourteaux, quand l'animal est bien injecté.
L'artère dorsale {d) du Tourteau, au moment de pénétrer dans l'abdomen, émet deux très grosses branches (4, a’) qui se ramifient abondamment sur toute la région postérieure des téguments, sous la carapace. Comme dans la plupart des au- tres Crabes, quelques ramifications de ces branches se dis- tribuent dans le premier segment abdominal, mais le Tour- leau présente cette particularité que les deux pattes anté- rieures du mâle sont irriguées par ces rameaux.
A peine a-t-elle atteint le premier segment, l'artère dor- sale se place un peu en dehors de la ligne médiane et.se prolonge en arrière Jusqu'à l'articulation qui sépare le deuxième et le {roisième anneau; arrivée là elle se place
ANN: SC: NAT. ZOOL: XI, 16. — ART. N° à.
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complètement sur le côté de lintestin et se bifurque à l’ex- trémilé postérieure du cinquième anneau; les deux branches de la bifurcalion se rendent comme de coutume à droite et à gauche de l'intestin et se prolongent en s’atténuant jusqu'à l'extrémité de l'abdomen. Quant à l’artère ventrale (d), elle occupe rigoureusement la ligne médiane jusqu’au point où se bifurque l'artère dorsale ; à partir de ce point, elle devient très réduite, irrégulière et se perd progressivement dans les mailles du réseau vasculaire qui enveloppe linteslin ter- minal.
L’arlère dorsale et l’artère ventrale restent isolées et sans aucune relation dans le premier segment de l’abdomen ; dans
le deuxième, une paire d’arceaux vasculaires chez la femelle
(fig. 29) et un arceau seulement chezle mâle (fig. 30) rattachent directement les deux vaisseaux sur les côtés de l'intestin; dans le troisième c'est l’inverse qui se produit, 1l v a deux arceaux dans le mâle et un seul dans la femelle, mais ces arceaux ont
une importance considérable; dans le quatrième et dans le.
cinquième il y a deux arceaux chez le mâle et chez la femelle ; enfin dans les anneaux suivants, des relalions nombreuses, mais variables et beaucoup moins importantes, s’établissent entre les deux vaisseaux par l'intermédiaire du réseau péri- intestinal. En général les arceaux d’anastomose partent du vaisseau ventral et débouchent à plein canal dans la branche du vaisseau dorsal qui se rend à l’appendice de l'anneau cor- respondant. Une mention spéciale doit être attribuée à l’ar- ceau unique ou à l'un des deux arceaux du troisième seg- ment; cet arceau esl aussi gros que l'artère ventrale et il se jette dans la branche appendiculaire issue de l’arlère dorsale et qui est au moins aussi grosse que lui. Il est à remarquer qu’en arrière des points où elles se mettent en relation par cetle branche et par l’arceau, l’arlère dorsale et l'artère ven- trale diminuent considérablement de volume. On verra plus loin l'importance de celte observalion.
L'Eriphie front épineux (PI. XI, fig. 33) ressemble beau- coup au Tourteau par la position générale des deux artères
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 243 abdominales, mais elle en diffère considérablement par le moins grand nombre et l'importance beaucoup plus faible des anastomoses qui les mettent en relation. L'artère dorsale (7) suit exactement le même trajet que celle du Tourteau, mais elle se bifurque un peu plus tôt et les deux grosses branches latérales qu'elle émet à son entrée dans le premier segment ne contractent aucune relation avec les appendices de la premère paire dans le mâle.
J'ai constaté quelques différences secondaires entre les mâles et les femelles ; je ne crois pas qu'elles soient dues à une dissection insuffisante, car j'ai eu un assez grand nombre d'individus à ma disposilion et j'ai fait tout mon possible pour en tirer le meilleur parti. Dans le mâle (fig. 33), l'artère ven- irale se prolonge très régulièrement, ét sans diminuer beau- coup de calibre, jusqu'au milieu du cinquième anneau, elle se dirige alors du côté opposé à l'artère dorsale et débouche dans la branche correspondante issue de la bifurcation de cette artère. Quelques anastomoses moins importantes peu- vent être mises en évidence dans le troisième segment. Chez la femelle, on observe à l'extrémité postérieure du troisième segment un arceau assez considérable qui met en relation les deux vaisseaux abdominaux; toutefois l’artère ventrale se continue jusqu'à la naissance du sixième segment, elle se bi- furque à ce niveau, envoie ses deux branches dans les branches correspondantes de l'artère venirale et se prolonge en arrière sous la forme d’une grêle artériole. Les faibles et peu nombreuses branches anastomotiques, qui précèdent celles que nous venons de citer, n’ont pas assez d'importance pour être mentionnées 1ci.
Nous avons vu dans les Porcellanes, et à un moindre degré dans les Corysies et les Atelecyelus, une artère ventrale très réduite et une artère dorsale beaucoup plus développée: cette différence entre les deux vaisseaux diminue progressivement à mesure qu on s'élève des Grapses aux Portunes et au Crabe enragé; dans le Tourteau, et à moindre degré peut-être dans les Eriphies, cette différence s'est alténuée dans des
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proportions considérables. 11 est probable que ce mode par- üiculier de lranslormation continue à évoluer quand on s'élève aux formes qui séparent les Maïas des Tourteaux, dans tous les cas nous arrivons dans le Maïa squinade à con- stater une différence en sens inverse : l'artère abdominale supérieure a un calibre beaucoup plus faible que l'artère abdo- minale inférieure et la prédominance de cette dernière est
si grande que Milne-Edwards l'avait seule aperçue; il la
considérait comme l’arlère abdominale supérieure et ne trouvait pas de représentant à l'artère abdominale infé- rieure (1). L’arlère dorsale (abdominale supérieure) du Maïa (PI. X, fig. 24 et pl. IX, fig. 12) prend directement son ori- gine dans le cœur, comme chez tous les Brachyures, à droite ou à gauche de la. base d'insertion de l'ar- tère sternale. Son calibre est proporlionnellement trois ou quatre fois plus faible que celui de l'artère abdominale inférieure (d) dont nous parlerons plus loin. Avant de pénétrer dans l’abdomen, elle émet un certam nombre de rameaux peu importants destinés aux téguments, aux glandes génitales et même aux parois du tube digestif; elle alteint ensuite le premier segment et devient dès lors complèlement asymétrique en ce sens qu'elle se place soit à droite soit à gauche du tube digestif. D'ailleurs elle ne se prolonge pas très loin sous la forme d’artère indé- pendante . arrivée vers le milieu du deuxième segment, elle débouche à plein canal dans un des troncs appendiculaires de l'artère ventrale, mais elle envoie en arrière une branche accessoire qui est parallèle à cette dernière et qui finit par s'y jeter à son tour dans le quatrième ou dans le cinquième segment.
L’artère ventrale prend son origine sur l'artère sternale à une assez grande distance en arrière et au-dessus de la masse ganglionnaire; elle se bifurque en deux branches
» (4) Audouin et Milne-Edwards,, Recherches anatomiques et physiologiques sur la circulation des Crustacés (Ann. sc. nat., t. Il, 1827, p. 365).
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 345
inégales et sensiblement parallèles dès le premier segment, mais la branche la plus faible, assez considérablement atté- nuée il est vrai, finit par rejoindre la branche principale en arrière, à peu près au niveau du point où celle-ci reçoit la branche accessoire de l’artère dorsale. Ainsi reconstituée et présentant des dimensions encore assez fortes, l'artère ven- trale se dirige en arrière et se divise en deux branches qui suivent les côtés de l'intestin terminal jusqu'à l'extrémité de l'abdomen.
L'artère ventrale émet une paire de rameaux principaux par segment, comme l'artère dorsale des Brachvures précé- demment étudiés ; ce sont ces rameaux qui irriguent toujours les appendices abdominaux. Dans le premier anneau les appendices (individus mâles) sont exclusivement irrigués par l'artère ventrale, mais dans les anneaux suivants il y a anastomoses à plein canal entre les rameaux principaux de l'artère ventrale et les branches les plus importantes de l'ar- tère dorsale. Ces anastomoses constituent une série de trois ou quatre colliers vasculaires péri-intestinaux; l'irrigation est mixte, dans les anneaux correspondants el, à vrai dire, l'artère ventrale n'existe plus guère sous la forme de vaisseau indépendant en arrière du deuxième segment. Les figures 12, PI. IX et PI. X, fig. 24) mettront en évidence un grand nombre de détails qui occuperaient trop de place dans une descriplion.
Quelques différences de second ordre s’introduisent, sous la forme de variations individuelles, dans le type général qui vient d'être esquissé. Dans le mâle (PI. IX, fig. 12), par exemple, on observe parfois que les deux branches de l'artère ventrale (4'), issues de la bifurcation du premier segment, ont un volume presque égal, se prolongent très loin en arrière, se mettent en relation par des branches transversales et se réu- nissent à l'extrémité du cinquième anneau à peu près au point où se bifurque définitivement le tronc ainsi reconstitué. Par- fois aussi les deux branches ne se mettent pas en relation par des anastomoses transversales bien importantes elil faut ajou- ler que dans quelques individus je n'ai pas vu l'artère dor-
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246 d E.-L. BOUVIER.,
sale (d) envoyer, en arrière du second anneau, la branche ac- cessoire signalée précédemment. Dans la femelle, les varia- 1 tions m'ont paru beaucoup moins considérables; j'ai vu par- Il fois Ja branche la moins importante, formée par la première bifurcation de l'artère dorsale, se terminer dans la patte du 1 troisième anneau et se relier avec l’autre branche par des 1 anastomoses secondaires; j'ai observé aussi, comme dans | le mâle, une réduction excessive de la branche accessoire | formée par l'artère ventrale, mais les autres variations . étaient sans grande importance et rentraient dans le type général représenté par la figure 24, pl. X.
| Dans tous les cas, on arrive à tirer de cette étude une conclusion singulièrement frappanle, c’est que l'artère ven- irale, ayant acquis le volume et les proportions dévolus d’a- bord à l’artère dorsale, a pris en même temps ses fonctions, ï son asymétrie, et son mode de division, tandis que l'artère j dorsale, de son côlé, se comporte à peu près exclusivement j comme l'artère ventrale des autres Brachyures. On peut ex- 1 primer ce fait curieux en disant que dans le Maïa l'artère dor- 1 sale et l'artère ventrale ont interverti leurs dimensions et leurs . rôles, et pour se convaincre de la vérité de cette proposition, fl il suffira de jeter un coup d'œil sur la série des figures qui il représentent la circulation abdominale dans les Maïas et dans ll les autres Brachyures.
Les Slénorhynques ne diffèrent pas essentiellement des Il Maïas sous le rapport de l'appareil circulatoire abdominal. | Dans le Sténorhynque faucheur, l'artère dorsale est beau- 1 coup plus petite que l'artère ventrale, mais il n’y a peut- 1 être pas autant de différences entre les deux vaisseaux que dans le Maïa. Elle émet d’abord une paire de rameaux des- tinés aux léguments et aux organes de la région thoracique | postérieure, elle pénètre dans l'abdomen en suivant à peu 1} près la ligne médiane et débouche à plein canal dans une des deux branches latérales de l'artère ventrale. Je n’ai pas | observé la branche accessoire citée dans le Maïa, mais x l'abdomen du Sténorhynque est très petit, d’une étude fort
SYSIÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 217
difficile el 1l peut se faire que cette branche m'ait échappé. Dans les individus que j'ai étudiés, l'abdomen n'avait pas { centimèlre de longueur, sa largeur était de quelques mil- limètres à peine.
L'artère ventrale se divise dans le premier segment en deux branches parallèles un peu inégales. C'est Ja branche la plus faible qui recoit en général le vaisseau dorsal; l'autre se bifurque à l'extrémité du cinquième anneau et les deux troncs issus de cette ramification définitive se poursuivent jusqu'à l’extrémilé de l'abdomen à droile ou à gauche de l'intestin. La branche la moins importante de la première bifurcation vient se jeter dans le tronc du même côlé qui paraît en êlre la continualion. La même disposition s'ob- serve à quelques différences près dans certains individus de Maïa et la figure que Milne-Edwards a consacrée à cet animal donnerait une {rès bonne idée générale de la circulation abdominale des Sténorhynques si l'artère dorsale se trouvait représentée (1). On trouve fréquemment, dans les Sténo- rhynques, d'importantes anastomoses lransversales entre les branches issues de la bifurcation première; on a vu qu'une pareille disposition pouvait se présenter aussi dans le Maïa.
Avec les Pises (PI. XT, fig. 35), nous paraissons rétrogra- der el retourner aux Brachyures des autres familles. Dans la Pise de Gibbs, en effet, l'artère dorsale l'emporte sur l'artère ven{rale, la différence n’est pas très grande, il est vrai, mais elle existe très nettement et mérite d’être signalée. Concur- remment à ce fait, il faut en citer un autre qui parait être la conséquence du premier, si l’on en juge du moins par les dispositions observées chez les autres Brachvures : l'artère ventrale et l'artère dorsale se mettent directement en relation dès la naissance du second anneau, mais la première envoie en arrière un prolongement assez grêle qui se continue sur la ligne médiane et se jette, vers le milieu du sixième segment, dans l’une des branches de la bifurcation terminale de l'ar-
M) Milne-Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, pl. V, fig. 4.
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| tère dorsale. Cette dernière se place sur l’un des côtés de | l'intestin dès son entrée dans l’abdomen ; elle émet d’abord | une forte branche qui se continue du côté opposé jusque dans le troisième anneau; arrivé dans le deuxième anneau, if | elle se réunit à l'artère ventrale et le {ronc commun ainsi } formé présente celte particularité importante qu'il est à | peine aussi gros à lui seul que l'un des deux vaisseaux. Dans le troisième anneau ce tronc commun envoie du même côté un gros prolongement jusqu’à l'extrémité du cinquième { anneau ; il passe d’ailleurs du côté opposé et se bifurque (} définilivement, suivant le mode normal, vers le milieu de l | ce dernier anneau. L’arlère ventrale irrigue les pattes du 1 premier anneau chez le mâle, tous les autres appendices ! sont irrigués par l’artère dorsale. D'ailleurs quelques varia- D 07 tions de second ordre peuvent s’introduire, surtout chez la | femelle, dans le schéma général que nous venons d'indiquer; 1 on pourrait toutefois donner une notion assez exacle de la 1 circulation abdominale des Pises en disant qu'elle se présente | sous la forme naturelle d’un appareil transitoire entre celui des Eriphies et celui des Maïa: pour êlre plus précis, on ll pourrait la comparer à la circulation abdominale renversée des Maïa. (rénéralisation et conséquences. — A la suite de celte longue étude sur la circulalion abdominale, un fait important se dégage au premier abord et prime complètement tous les aulres: c’est la présence chez tous les Décapodes, à l'excep- tion des Paqures, de deux artères abdominales, l’une supé- N rieure, l’autre inférieure. Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, grâce aux travaux antérieurs, le Maïa n'échappe b pas à cette règle et l’on doit considérer comme une artère abdominale inférieure le gros vaisseau considéré jusqu'ici comme une artère abdominale supérieure, cette dernière se trouvant représentée sous la forme d’un petit vaisseau mé- dian qui tire directement son origine du cœur, el qui n'avait pas élé aperçu jusqu'ici. Tous les Crabes de la famille des Oxyrhynques, dont j'ai pu me procurer des
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SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 249
exemplaires vivants, Slénorhynques, Inachus, Pises, sont absolument conformes à la règle et ne diffèrent du Maïa que par des détails relativement peu imporlants.
Une autre loi non moins évidente se dégage également de l'étude précédente; on peut l’exprimer en disant que, chez tous les Décapodes, des communications 1mportantes mettent en relation immédiate l'artère abdominale supérieure et l'artère abdominale inférieure. Ces communicalions s’établissent de la manière suivante : en un point de l'abdomen, variable suivant les groupes, les deux artères se mettent en relation, à droite et à gauche, par des anneaux vasculaires latéraux qui forment souvent autour de l'intestin un ou plusieurs col- liers vasculaires péri-inteslinaux. Par l'intermédiaire de ces arceaux, les artères débouchent l’une dans l’autre à plein canal ; du reste les arceaux ne sont ordinairement pas égale- ment importants à droite et à gauche ; l’un est dans la plu- part des cas beaucoup plus réduit que l’autre, parfois même cel arceau devient très grêle et doil se réduire même, très rarement il est vrai, à de fines anastomoses qu'il n’est pas toujours possible de mettre facilement en évidence.
Les relations anatomiques entre les deux artères s'établissent toujours en arrière de la chaine ganglionnaire nerveuse. Chez les Macroures, en effet, les deux vaisseaux communiquent enlre eux dans le sixième segment abdominal, immédiate- ment en arrière du dernier ganglion nerveux, il en est à plus forte raison de même dans les Brachyures, puisque les gan- glions de la chaîne nerveuse, chez ces animaux, sont tous ensemble réunis dans une seule masse située dans la région thoracique. La Porcellane à pinces plates, toutefois, fait ex- ceplion à la règle que nous venons de citer; les relalions les plus importantes entre les deux artères s’établissent en avant du dernier ganglion nerveux, ce qui tient uniquement à ce fait que l’évolution du système nerveux, dans. cette espèce, est en retard sur l’évolution de l'appareil circulatoire ; la Porcellane à pinces plates a, comme on l'a vu, un appareil circulatoire de Brachyure, mais elle possède en même temps
250 E.-L. BOUVIER..
une chaîne ganglionnaire abdominale comme les Ma- croures (1). Il n’en serait évidemment pas de même dans la Porcellane à longues cornes (Porcellana longicornis), puis- que dans cetle espèce, la chaîne ganglionnaire abdominale s’est retirée tout entière dans le thorax. Si maintenant on se demande quelle est la raison des anastomoses précédentes, on sera naturellement enclin à l'attribuer au grand aplalisse- ment de l’abdomen et l’on admettra que les deux vaisseaux, ayant à trriquer des parties très voisines (les faces dorsale et ventrale), se confondent au moment où elles vont pénétrer dans ces parties. Pour vérifier celte hypothèse 1l suffira de jeter un coup d'œil sur les principales anastomoses abdominales. Dans les Macroures, où l'abdomen est renflé sur toute sa lon- gueur, sauf en avant de la rame caudale, le collier péri-intes- tinal se forme justement à la base de cette rame dans le sixième anneau abdominal et l'on voit les nombreuses arté- rioles de la rame partir des arceaux qui forment le coller sans qu'il soit possible de les atlribuer avec plus de raison à une artère qu'à l'autre. D'un autre côlé, à peine l'abdomen se réduit-il en une mince lamelle, qu'on voit les anastomoses ou le collier devenir immédiatement plus nombreux et plus rapprochés du premier anneau abdominal. Dans la Porcel- lane à pinces plates le collier le plus important se forme déjà dans le deuxième anneau abdominal, sans préjudice d'un cer- lain nombre d’autres anastomoses plus ou moins importantes reJetées plus loin en arrière, et pourtant cetle Porcellane ressemble encoreénormément aux Macroures, par son système nerveux et par sa rame caudale; mais 1l a suffi que l'abdomen devint lamelleux pour que l’on passäât brusquement au dé- placement antérieur et à la mulliplication des anastomoses.
Avant d'avoir étudié les Porcellanes je supposais qu'il serait possible de trouver une progression dans le déplace- ment des anastomoses les plus importantes et je pensais
(4) E.-L. Bouvier, Le système nerveux des Cruslacés décapodes et ses rap- porés avec l'appareil cireulatoire (Ann. sciences nat., 7 série, t. vis, pl. VI, fie. 9).
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 251
qu'elles devaient d’autant plus s'avancer en avant qu'on se rapprochait davantage des Brachyures les plus élevés dans la série (1). Les Porcellanes montrent qu'il n’en est pas ainsi et cela tient à l'aplatissement brusque de l'abdomen dès qu'on atteint le type de brachvyure ; toutefois cette règle d’évolulion n’est pas complètement fausse, autant du moins que j'ai pu en juger d'après mes recherches.
Les Atélécycles, les Corystesetles Grapsus se rapprochent assez élroitement Porcellanes. Dans les Atélécycles, la fusion des deux artères s’effeclue à plein canal dans le sixième an- neau (PI. X, fig. 18); d’ailleurs quelques anastomoses de moindre imporlance existent entre les deux vaisseaux dans les segments antérieurs, quelquefois même la fusion se pro- duit à l'extrémité postérieure du cinquième anneau. Dans les Grapses, la fusions’établitencore dans le cinquième anneau (PL. XI, fig. 34), elle s'effectue au contraire dans le deuxième chez les Corystes (PI. X, fig. 19), mais des anatomoses im- portantes existent en outre dans les trois anneaux suivants.
Entre les Maïas et les formes que nous venons de citer se placent comme des intermédiaires naturels, les Careins, les Portunes, les Platycarcins et les Eriphies. Dans les Eriphies l’anastomose la plus importante s’établil à l'extrémité pos- térieure du cinquième anneau (PI. XT, fig. 33), chez les Pla- tycarcins dans le troisième (PI. XI, fig. 29, 30), chez les Carcins (PI. VIT, fig. 7 et 8) et chezles Portunes (PI. X, fig. 22) dans le deuxième. L'irrégularité réapparaît par conséquent ici. Elle fait place au contraire à une confirmalion absolue dès qu'il s’agit des Crabes de la famille des Oxyrhynques, c'est-à-dire de ceux qui se placent naturellement au sommet de la série ; dans les Maïas (PI. IX, fig. 12), les Sténorhynques et les Pises (PL. XI, fig. 35) la première anastomose, de beaucoup la plus importante, se réalise dans le deuxième an- neau et l’on observe en même temps quelques anastomoses postérieures de moindre importance.
(4) E.-L. Bouvier, Sur l'appareil circulatoire des Muïa, Grapsus, Sténor- hynques, Pagurus, etc. (Bull, soc. philom. de Paris, 7° série, t. XII, p. 68).
DE E.-L. RBOUVIER.
La transformalion de l'abdomen en lamelle, chez les Bra- chyures, a entraîné une modification curieuse qu'il est né- cessaire de signaler ici. On sait que chez les Macroures l'irrigation de l'abdomen par ses artères est complètement Sy- métrique, les deux vaisseaux abdominaux occupant rigou- reusement la ligne médiane. On avait admis jusqu'ici qu'il en est de même chez les Brachyures, car la figure du Maïa, donnée par Andouin et Milne-Edwards, représente en effet une irrigation symétrique de l’abdomen. En réalité, l’asy- métrie la plus complète existe dans la distribution des artères abdominales des Brachyures, mais cette asymétrie se déve- loppe progressivement et frappe inégalement les deux ar- ières. Comme elle est due, en effet, à l’aplatissement de l'abdomen, elle se manifeste d’abord dans l’artère dorsale, qui est généralement grosse et descend de la face dorsale sur les côtés de l’intestin ; l'artère ventrale n’est frappée que plus tard, car elle est très petite chez les Brachyures
‘inférieurs et peut occuper sans prendre beaucoup de place
la face ventrale de l'intestin. Ces considéralions se trouvent justifiées d’ailleurs par un ensemble de détails qui lui don- nent un caractère de vérité très frappant; ainsi chez les Bra- chyures les derniers segments de l'abdomen présentent toujours une circulation irrégulière et excentrique ou au moins un dédoublement des vaisseaux parce que ses seg- ments sont beaucoup plus minces que les autres ; ainsiencore, et pour uneraison contraire, l’asymétrie est très rare dans le premier et parfois même dans les deux premiers anneaux de l'abdomen ; enfin on remarquera que l’artère dorsale devient immédiatement asymétrique, comme l'artère dorsale, aussitôt qu'elle prend un volume égal ou supérieur à celle-ci (Maïa, Sténorhynque). Dans les Pisa, sa portion antérieure est très grosse, et présente une asymélrie très marquée, mais le fin prolongement qu'elle émet resle sur la ligne médiane et se prolonge très loin en arrière, sur le côté ventral de lin- teslin.
Nous avons dit plus haut que l'asymétrie des artères ab-
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 253
dominales, chez les Brachyures, se développe assez progres- sivement à mesure qu'on s'éloigne des Macroures. Il est frappant, en effet, de voir les deux artères rester très sen- siblement médianes et parallèles jusqu’au milieu du cin- quième segment dans les Corysles (fig. 19), et présenter une disposition assez peu éloignée de la précédente (surtout pour l'artère ventrale) dans les Atélécycles (fig. 18). Dans les Grap- ses (fig. 34) l'artère ventrale garde à peu près la même dis- position que dans les deux genres précédents, mais l'artère dorsale est déjà neltement asymétrique dès l’origine de lab- domen. Il en est à peu près de même dans les Portunes (fig. 22), les Carcins (fig. 7 el 8) et les Platycarcins (fig. 30), mais l’asymélrie se prononce déjà dès les premiers anneaux et dans les deux artères, chez tous les Oxyrhynques que j'ai étudiés et chez ces derniers, ce sont encore les Pises qui présentent la plus faible asymétrie dans l'artère ventrale (fig. 35). Du reste, la progression dans l’asymétrie n’est pas aussi parfaite qu'on pourrait le croire, puisque l'évolution est ici compliquée par le phénomène rapide el brutal de l’aplatissement abdominal. C’est ainsi que les Eriphies se rapprochent beaucoup, à cet égard, des Atélécyales, c'est ainsi encore que les Porcellanes (fig. 23) se font remarquer par la bifurcation rapide de l'artère dorsale et par l'irrégu- larilé assez grande de l’arlère ventrale.
Une autre disposilion non moins générale est en rapport avec l’aplatissement de l'abdomen et avec l'asvmétrie qui en résulte : c'est la bifurcation plus ou moins rapide, chez tous les Brachyures sans exception, de l'artère abdominale supé- rieure. Généralement cette bifurcation se produit à la nais- sance du sixième anneau abdominal, région où l’abdomen commence à être dépourvu de pattes el à être plus mince que partout ailleurs; quelquefois pourtant elle est beaucoup plus rapide et se produit dès le premier anneau (Porcellane); dans les Pises la bifurcation terminale est précédée par une autre bifurcation importante qui se produit dans le premier anneau; chez les autres Oxyrhynques (Maïa, Sténorhynque)
254 E.-L. BOUVIER.
c'est l'artère ventrale qui présente la même disposition, car elle à pris le développement et les fonctions de l'artère dor- sale des autres Brachyures.
Dans l’épais et volumineux abdomen des Macroures, l’ar- ière abdominale supérieure a un rôle prépondérant en ce sens qu'elle irrigue la plus grande parlie de l'énorme masse musculaire qui remplit les anneaux; c’est elle aussi, comme on salt, qui émet les artères des fausses pattes abdominales et, quand l’occasion s'en présente (Pagures) les artères des glandes génitales et du foie rejetés dans celte région. L’ar- itère ventrale, par contre, n’a qu'une imporlance réduite, la région qu'elle irrigue se limitant à peu près à la chaîne ner- veuse et à la couche mince des muscles venlraux.
En dépit de la suppression parlielle des causes qui l’ont produite et notamment de la disparition presque totale des muscles abdominaux, la prédominance de l'artère dorsale sur l'artère ventrale, chez les Brachyures les plus voisins des Macroures, persistera par un phénomène naturel d’hé- rédité. C’est ainsi que dans les Porcellanes, et à un moindre degré dans les Corystes, dans les Atélécycles et dans les Grapses les dimensions relatives des deux artères seront très sensiblement les mêmes que dans les Macroures.
Ilest clair toutefois que cet état ne saurait persister à me- sure qu’on s'élève dans la série ascendante des Brachyures. Du moment que les muscles importants qu'elle irrigue chez les Macroures ont à peu près complètement disparu, l'artère dorsale n’a et ne peut plus avoir qu'un rôle très faible à jouer. Elle doit donc se réduire dans des proportions consi- dérable et ses proportions devront tendre à se rapprocher des proportions beaucoup plus faibles de l'artère ventrale C’est ce que l’on constate, en effet, mais on va voir que l’ex- plication tirée de l’atrophie des muscles est complètement insuffisante pour donner la raison des transformations rela- lives qui se produisent dans les artères dorsales et ventrales de l'abdomen des Brachyures.
La réduction des muscles, en effet, ne s'est pas unique-
LE
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 9255
ment produite sur les muscles irrigués par l'artère dorsale, elle a également frappé, dans une certaine mesure, la por- tion des muscles ventraux en relation avec l'artère ventrale. Le dernier vaisseau, par conséquent, devrait se réduire dans des proportions correspondantes et si l’on songe aux faibles dimensions qu'il présente chez les Macroures, on est porté à conclure que sa réduction le rendrait beaucoup plus faible encore et pour ainsi dire imperceptible, au moins dans les petites espèces.
Or l'observation montre que non seulement 1l n’en est pas ainsi, mais que l'artère ventrale, à mesure qu'on s'élève dans la série des Brachyures, s'accroit dans des proportions égales à la diminution subie par l'artère dorsale; ce que l’on peut exprimer sous une forme plus succincte en disant que le volume de l'artère ventrale est à peu près exactement l'inverse du volume de l'artère dorsale.
C’est là en réalité, non une hypothèse, mais un principe parfaitement établi par les faits. Nous savons déjà que les artères dorsale et ventrale des Porcellanes présentent, par hérédité, des proportions à peu près semblables à celles que nous ont offertes les Macroures : nous savons aussi que chez les Corvstes (PI X, fig. 19) et les Atélécycles, et à un degré un peu plus faible déjà dans les Grapses, ces proportions n'ont pas très sensiblement changé. Dans les Portunes (PI. X, fig. 22) et dans les Carcins l'artère ventrale a notablement augmenté de calibre, mais l'artère dorsale a diminué d’au- tant; les différences s’atlénuent bien plus encore dans les Platycarcins (PL. XI, fig. 29 et 30) et restent à peu près les mêmes dans les Eriphies. Aussitôt que nous entrons dans la famille des Oxyrhynques nous voyons les différences s’atté- nuer d’abord dans des proporlions énormes, puis changer finalement de sens : dans les Pises (PI. XE, fig. 35) l'artère dorsale est encore un peu plus grosse que l'artère ventrale, mais 1l n'y a pas de différence bien grande entre le volume des deux vaisseaux; dans les Sténorhynques on voil déjà l'artère ventrale prédominer sur la dorsale et enfin, dans le
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Maiïa (PI. IX, fig. 12 et pl. X, fig. 15), l'artère ventrale prend un développement si considérable aux dépens de l'artère dorsale que celle-ci n'avait pas été aperçue jusqu'ici par les observateurs qui ont étudié cet animal.
Je liens à faire observer, encore une fois, que ces varia- tions de calibre des deux artères ne sont pas relatives et dues seulement à la diminution progressive de l’artère dorsale; elles sont aôsolues el correspondent réellement à une dimi- nution progressive de ce dernier rameau et à une augmenta- tion égale de l’autre. C’est ce que montrent lrès nettement les figures diverses qui donnent une idée de l'irrigation ab- dominale dans un cerlain nombre de Crutacés; toutes re- présentent l'abdomen sous les mêmes dimensions el si les va- riations des artères étaient relatives le calibre de l'artère ventrale, au lieu d'augmenter, devrait plutôt diminuer un peu.
Pour chercher la seconde cause, et à mon avis la plus importante, des variations inverses de volume présentées par les deux artères abdominales, 1l faut s'adresser à un phénomène physiologique tiré de la circulation du sang. Le Tourteau, le Crabe enragé et les Portunes serviront d'exemples typiques pour expliquer ce phénomène.
On sait que, dans le Tourteau (PI. XI, fig. 29 et 30) l'a nastomose la plus importante s'effectue dans le troisième anneau. Elle se produit par l'intermédiaire d’un arceau vas- culaire qui réunit l'artère ventrale à l'artère dorsale et émet chemin faisant les artères de la patte du même côté. En ar- rièré du point où nait cet arceau, l'artère dorsale a plutôt diminué de volume et en arrière du point où elle le reçoit l'artère ventrale a pris des proportions beaucoup plus faibles. Les mêmes faits peuvent se conslaler, avec une évidence
peut-être encore plus grande, dans les Portunes et mieux en-
core, ou au moins sous une forme plus simple, dans le Crabe enragé (PI. VIIL, fig. 7 el 8). On pourrait en dire autant de tous les Crabes appartenant aux familles aulres que celles des Oxyrhynques et même des Pises parmi les Crabes de cette dernière famille.
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 257
Pour expliquer ces faits on ne peut choisir qu'entre deux hypothèses: ou bien l’arceau anastomotique conduit le sang du vaisseau dorsal dans le vaisseau ventral, ou bien ille con- duit dans une direction inverse. Dans l’une ou l’autre hypo- thèse, il devra nécessairement se produire un reflux du sang en avant parce que les deux vaisseaux, en arrière de l'arceau anastomotique, sont moins dévéloppés qu’en avant.
Il n’est pas possible d'admettre un reflux du sang en avant dans le vaisseau dorsal, ou en d’autres termes, l’arceau anastomotique ne conduit pas le sang du vaisseau ventral dans le vaisseau dorsal. Une pareille disposition, en effet, serait absolument contraire à tous les phénomènes circula- toires, car elle aurait pour résultat de refouler immédiate- ment dans le cœur, et sans qu'il ait servi, le sang chassé dans l’artère dorsale au moment de la diastole. Observons en effet que chaque contraction du cœur envoie, directement chez les Brachyures, indirectement chez les Macroures, une certaine quantité de sang dans l’artère dorsale; si l’arceau anastomotique conduisait du vaisseau ventral dans le vaisseau dorsal, le sang chassé par le cœur serait refoulé vers cet or- gane au moment même où il vient d'en sortir, et il ne pour- rait y pénétrer sans forcer les valvules.
On arrive à une conclusion logique si l’on admet, au contraire, que l’arceau anastomotique fait refluer le sang de l'artère dorsale dans l'artère ventrale. Les contractions du cœur chassent le liquide nutritif, en parlie dans l'artère dor- sale, en partie plus grande dans l'artère sternale. Le sang de l'artère sternale se dirige en arrière et en avant, une petite quantité s’engage dans l'artère ventrale, mais la masse princi- pale se distribue dans l’artère maxillo-pédieuse où elle trouve des voies largement ouvertes. Le sang de l’artère dorsale, de son côté, se dirige en arrière, se continue en partie dans les anneaux postérieurs de l’abdomen, en partie aussi passe dans l’arceau anastomotique et atteint l'artère ventrale ; en ce point, commeje l'ai dit plus haut, 1l ya nécessairement un re- flux momentané, mais ce reflux n’a aucun inconvénient fonda-
ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 17. — ART. N° 5,
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mental parce que le sang de l’artère ventrale trouve une vaste issue en avant dans l'artère maxillo-pédieuse. Il est à peu près
certain, d'ailleurs, que le reflux estmomentané et se produitau moment de la contraction du cœur pour cesser aussitôt après.
Le mécanisme dont je viens de parler peut se réaliser chez tous les Crustacés décapodes, car 1l est la conséquence même des anastomoses importantes qui mettent en relation l'artère dorsale avec l'artère ventrale. On doit se demander néanmoins si le reflux présente une certaine intensité ou même s’il existe chez les Décapodes macroures. Il est utile de noter, en effet, que chez ces derniers les arceaux anastomoti- ques, autant du moins qu'on peut en juger d’après leurs dimensions, paraissent destinés surtout à conduire le sang dans la nageoire caudale. En outre, et cette observalion ne manque pas d'importance, l'artère dorsale ne part pas direc- lement du cœur, c’est une simple branche de l'artère sternale, de sorte que les deux vaisseaux abdominaux sont également en relation avec des voies largement ouvertes parfaitement capables d’atténuer l'effet du reflux.
Mais si le reflux dans le vaisseau ventral a une influence faible ou nulle chez les Macroures, on ne saurait contester son importance et son influence chez les Brachyures. Et bien qu'il ue soit pas, comme je l'ai dit, un inconvénient fondamental pour la circulation, il n’en est pas moins vrai qu'il donne naissance, dans la portion de l'appareil cireula- toire où 1lse produit, à un état d'équilibre instable dont la Suppression où au moins l'atténuation serait trés AHERATERSE
pour l'organisme.
Or il est clair que l’atténuation se produira d'autant mieux que l'artère dorsale se réduira davantage el correspondra à une arière ventrale plus développée; dans ces conditions, en effet, l'artère dorsale apportera une force d’impulsion moins grande et le reflux aura un calibre plus large pour s’atiénuer dans l’artère ventrale. C’est dans ce sens, comme on l'a vu plus haul, que s'établit l’alténuation chez les : Bra- chyures; elle. atteint son maximum dans les Crabes de la
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SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 259
famille des Oxvrhynques et notamment dans les Sténorhyn- ques el dans les Maïas, genres qui sont caractérisés par la prédominance énorme de l'artère ventrale sur l'artère dor- sale (PI. IX, fig. 12; pl. X, fig. 29). L'exemple du Maïa nous montre qu'il n’y aurait qu'un pas à faire pour arriver à la suppression complète de l'équilibre mstable, ce serait la suppression de l'artère dorsale, déjà très réduite, qui en est la cause. Il est possible que certains Oxyrhynques présentent cette disposition, mais je ne l'ai pas observée jusqu'ici; dans tous les cas, c’est la voie ouverte à l’évolution pour ces ani- maux, el il ne paraît pas douteux qu'ils la parcourent com- plètement {ôt ou tard.
En résumé, l'artère dorsale, chez les Brachyures, s’atténue beaucoup plus rapidement que ne l’exigerait la disparition d’une grande partie des muscles qu'elle irrigue ; l'importance qu'elle perd est acquise par l’arlère ventrale qui, en même temps, acquiert ses propriétés. Nous savons en effet que les appendices abdominaux des Macroures sont irrigués par l'artère abdominale supérieure et l’on avait pensé jusqu'ici qu'il en est de même chez les Brachyures; or l’observa- tion et, on peut ajouter, les conclusions qui précèdent, prou- vent qu'il n’en est pas constamment ainsi chez ces derniers. L’artère dorsale perd ses fonctions en même temps que son importance et l’on voit l'artère ventrale finalement irriguer les appendices abdominaux. Cela se produit d’abord assez irrégulièrement au début; les appendices du premier an- neau, chez le mâle, sont irrigués par l'artère dorsale dans les Atélécycles, les Platycarcins (fig. 29 et 30) et les Eri- phies (fig. 33) ; ils sont irrigués au contraire par l'artère ven- irale dans les Corystes, les Grapses, les Portunes (fig. 22) et les Carcins (fig. 7 et 8). Chez les Oxyrhynques, c’est toujours l'artère ventrale qui envoie des branches aux premiers ap- pendices abdominaux du mâle (fig. 12 et 35). En général, les anastomoses importantes se produisent dans le deuxième ou dans le {troisième segment, de sorte que ces anneaux et ceux quisuiven{ sont irrigués par un sang mélangé. On pourra
260 E.-L. BOUVIER.
par conséquent esquisser l'irrigation générale de l’abdomen en disant que /es appendices abdominaux sont toujours irriqués par l'artère abdominale supérieure chez les Macroures ; chez les Brachyures les appendices de là première paire (mâles) sont tantôt irriqués par l'artère abdominale inférieure, tantôt par l'artère abdominale supérieure, tandis que les appendices et les anneaux postérieurs recoiwent en général un sang mixte formé par le mélange dusang des deux artères. Dansles Porcellanes (fig. 23) les appendices de la première paire (mâles) reçoivent déjà un sang mixte; dans les Eriphies (fig. 33) et les Atélécycles ils reçoivent à peu près uniquement le sang de l’artère dorsale, car l’anastomose importante s'établit seulement dans le cin- quième (Eriphies) ou dans le sixième segment (Atélécycles).
J'aiouterai, pour terminer ces considérations générales, que l'artère abdominale supérieure, avant de pénétrer dans l'abdomen, émet une ou plusieurs branches qui se distri- buent dans les téguments de la carapace, dans les museles voisins, sur le tube digestif et dans les glandes génitales; que l'intestin est recouvert d’un réseau étroit de fines arté- rioles formé par les deux artères, enfin que le système ner- veux, quand iise continue dans l'abdomen, présente lui-même une irrigation assez riche.
Inutile d'ajouter que les considérations précédentes ne s'appliquent en aucune manière au Bernard-l'Ermite. Étant dépourvu d’artère abdominale inférieure, ce singulier ani- mal constitue une anomalie remarquable dans le groupe si homogène des Crustacés décapodes.
Des artères latérales postérieures (a'). — Nous donnons, avec Claus, la dénomination précédente à une paire artérielle importante qui naît de l’artère abdominale supérieure ou de l'artère sternale à une faible distance en arrière du cœur.
Chez les Macroures, les artères latérales postérieures nais- sent au voisinage immédiat du cœur et correspondent à peu près, par leur position et leur irrigation, aux artères laté- rales antérieures ou arlères antennaires.
Dans l'Écrevisse (PL. VIIL, fig. 1, 3 et 4: pl. IX, fig. 11),
nn
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 261
par exemple, une de ces arlères se délache de l'artère ab- dominale supérieure immédiatement en arrière des valvules (Hg. 4) qui limitent celle-ci vis-à-vis du cœur, l’autre se dé- tache de l'artère sternale au voisinage immédiat de son ori- gine. Ces deux artères sont par conséquent symétriques el correspondent absolument, par leur position et par leur na- iure, aux artères latérales postérieures signalées par Claus dans la larve phyllosome.
Chez les Pagures, qui se rapprochent déjà davantage des Brachyures, ces artères se détachent de l’artère abdominale supérieure à une distance du cœur déjà beaucoup plus con- sidérable; chez les Dromies celte distance s’exagère encore et prend la même valeur que chez les Brachyures normaux. J'ajouterai que chez ces derniers, comme dans la Dromie, ces artères ne se délachent ordinairement pas au même niveau de l'artère abdominale supérieure.
Une remarque importante doit être faite relativement à la distribution de ces vaisseaux. Elles irriguent (PI. VIII, fig. 1, 3 et 4) la partie postérieure des glandes génitales, les muscles postérieurs des parois de la chambre branchiale et la région la plus reculée de la membrane thoracique. Deux de leurs branches méritent d’êlre signalées ; elles suivent (PI. IX, fig. 4), l’une à droite, l’autre à gauche, le bord pos- térieur de la carapace et reviennent en avant à une faible distance de son bord inférieur. Cette branche va plus ou moins loin en avant, mais ses rameaux débouchent toujours directement dans les lacunes nombreuses qui occupent la membrane {égumentaire de la carapace.
La distribution des artères latérales postérieures n’est pas la même chez les Brachyures que chez les Macroures. Chez ces derniers, c’est l’une ou l’autre des deux artères qui envoie seule des branches à la membrane tégumentaire; il en est encore de même dans la Dromie commune qui, sous ce rapport, a conservé les caractères des Macroures (1); chez
(1) E.-L. Bouvier, Observations sur l'anatomie de lu Dromia vulgaris. Bull. Soc. philomat. de Paris, 8° série, t, II, p. 20 et p. 44.
262 E.-L. BOUVIER.
les Brachyures, au contraire, chacune des artères latérales postérieures émet une branche propre pour la membrane de la carapace. |
Il est de toute évidence que les artères latérales posté- rieures des Crustacés décapodes adultes sont les homolo- gues des artères de même nom signalées par Claus dans les larves des mêmes animaux. Il est bon de remarquer que, sous le rapport de ces artères, les Crustacés macroures se rap- prochent davantage des formes larvaires que les Crustacés brachyures.
_ Celte remarque en appelle une autre non moins impor- | tante, car elle permet d'établir, d’une manière à peu prè | | péremptoire, que l'artère sternale des Crustacés est tout sim- E. plement une artère latérale modifiée dans son importance et HN. dans ses fonctions. Chez les Macroures, en effet, l’artère ster- _ nale et l'artère latérale postérieure du côté opposé sont. symétriques à leur origine comme 1l convient à deux artères latérales proprement dites ; mais l'artère latérale postérieure, qui se détache de l'artère sternale, représente morphologi- f quement la portion primilive et essentielle de l'artère laté- rale qui, en se modifiant, a donné l'artère sternale. Quant aux différences de distribution des deux artères latérales postérieures, chez les Macroures et chez les Anomoures, on doit les attribuer aux modifications subies par l'artère la- térale qui s’est transformée en artère sternale.
Les différences qui, au point de vue des artères latérales postérieures, séparent les Brachyures des Macroures, sont en rapport avec les stades évolutifs de ces animaux; il est assez naturel, en effet, que les artères latérales postérieures s’isolent plus ou moins de l’artère sternale qui a changé de
Le à fonctions; il est plus naturel encore de voir ces deux artères, 1 devenues identiques après qu'elles se sont séparées de l’ar- tère sternale, régulariser leur trajet et prendre une distri- ù bution identique comme on l’observe dans les Brachyures. ÿ | Notons pour terminer que les artères latérales posté- 1 | rieures, malgré les branches importantes qu’elles envoient à
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 263
la membrane {égumentaire de la carapace, ne jouent pas le principal rèle dans l'irrigation de celle-ci. Des branches plus nombreuses et aussi importantes naissent des artères antennaires, et on voit même deux vaisseaux assez forts naître en avant de l'artère maxillo-pédieuse el se rendre dans la même membrane. Les dernières branches de tous ces vaisseaux débouchent directement dans les innombrables lacunes qui sont creusées dans la membrane, si bien que l'on doit considérer celle-ci, dans la région branchiale, comme un organe d'hématose d’une puissance extrême, dont l'efficacité doit êlre considérable à toute époque, mais surtout après la mue. On se rendra compile de | l'importance de l'irrigation de la carapace, en examinant la | fig. 11, pl. IX, relative à cette partie du système artériel dans | l'Écrevisse (1).
| Comparaison et historique. — Au point de vue du cœur, des artères abdominales et de l'artère sternale, les divers Malacostracés présentent des rapports très différents avec les Crustacés décapodes.
Parmi les Edriophthalmes (2 ), les Amphipodes ressemblent aux Crustacés qui nous occupent par la position du cœur dans le thorax, et par l’artère abdominale qui en sort en arrière. Cette artère correspond par sa position et par son origine à l'artère abdominale supérieure des Décapodes, mais elle ne lui correspond nullement par les vaisseaux qu'elle émet. D'ailleurs les Amphipodes sont dépourvus d'artère prénervienne et n'ont par conséquent rien qui re-
(1) Des recherches recentes m'ont permis d'établir que la respiration dans la carapace est intense chez tous les Crustacés décapodes et que deux vaisseaux ramènent au péricarde le sang quis’y est hémalosé (Sur un cercle circulatoire annexe chez les Crustacés décapodes, Bull. Soc. philomat. de Paris, 8° série, t. II, p. 135). Avec les Crabes terrestres, ces deux vaisseaux deveinnent très importants, mais ils se réduisent beaucoup chez les Pa- guriens terrestres du genre Cénobite, qui présentent d’ailleurs des organes contractiles à la base de l'abdomen et une respiration abdominale (Sur la respiration et quelques disposilions organiques des Paguriens terrestres du genre Cénobite ; Bull. soc. philomath. de Paris, 8° série, t. II, p. 194).
(2) Delage, Contribution à l'étude de l'appareil cir eulatoire des Cr ustacés Édriophthalmes marins (Arch. z0ol. eæp., 1881, t. IX)»
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présente la longue artère médiane et prénervienne qui est formée, chez les Décapodes, par l'artère abdominale infé- rieure en arrière, par l'artère maxillo-pédieuse en avant. Les Lœmodipodes et les Asellotes hétéropodes ressemblent assez aux Amphipodes sous ces divers rapports.
Malgré la position abdominale du cœur et l’absence d’une artère abdominale postérieure typique, les Isopodes se rappro- chent assez des Crustacés décapodes, surtout si l’on admet, comme on l'a vu plus haut (p. 22), que la partie postérieure de leur cœur allongé peut donner naissance à l'artère abdo- minale supérieure. On trouve une longue artère préner- vienne, mais elle n’émet pas de vaisseaux pour les pattes et ressemble en cela à l'artère abdominale inférieure; l'irri- gation des appendices se fait au moyen d’artères latérales issues du cœur qui, chez les Crustacés décapodes, sont en partie remplacées fonctionneliement, et peut-être aussi mor- phologiquement, par l'artère sternale et l'artère maxillo- pédieuse.
Il existe également une artère prénervienne chez les Slomalopodes (1), mais elle n'irrigue aucun appendice. Ces derniers reçoivent directement leurs vaisseaux du cœur (artères latérales), aussi bien dans le thorax que dans la région de l’abdomen. Si l’on admet avec Claus que le cœur des Décapodes est représenté par la première chambre du cœur de la Squille, que tout le reste du cœur forme la partie antérieure et principale de l'artère abdominale supérieure, déjà représentée en arrière sous la forme de l'artère médiane du telson, enfin que le rameau (de la deuxième paire latérale) qui rattache le cœur à l’artère prénervienne (artère sternale de Claus) est l'homologue de l'artère sternale, on sera con- vaincu qu'il existe peu de différences essentielles, au point de vue du système artériel postérieur, entre les Slomatopodes et les Décapodes.
Chez les Schizopodes, d’après Delage et Claus, on arrive
(1) Claus, loc. cit., p. 9.
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presque à l'identité absolue; l'artère sternale existe et pré- sente ses rapports normaux, 11 exisle aussi une artère maxillo-pédieuse et une artère abdominale supérieure qui émettent des branches semblables à celles des Décapodes, mais on ne {trouve pas d’artère abdominale inférieure. A ce point de vue, le Bernard-l'Ermite parait s'être arrêté au stade des Mysis. |
L’artère abdominale supérieure fut signalée déjà par Tho- mas Willis, mais l'artère abdominale inférieure, en raison de ses dimensions plus faibles, est restée longtemps ina- perçue; Rœsel a même pris la chaîne ganglionnaire ventrale pour ce vaisseau. La même erreur fut reproduite par Herbst dans les Macroures, probablement d'après Ræœsel, mais le même observateur a signalé l'artère maxillo-pédieuse des Crabes, sans indiquer du reste son prolongement abdominal inférieur. Cuvier a également signalé l'artère maxillo- pédieuse dans le Bernard-l'Érmite, mais il ne paraît avoir aperçu nulle part l'artère abdominale inférieure. C’est Bo- janus qui a signalé pour la première fois tous les vaisseaux de l'Écrevisse. Lund (1) décrit également tous les vaisseaux du Homard, mais il altribue à l'artère abdominale inférieure l'irrigation des paltes abdominales. Audouin et Milne-Ed- wards ont rectifié cette erreur et comparé la circulation artérielle dans le Maïa, le Tourteau et le Homard; leurs observations sont d’une justesse et d’une précision absolues, sauf toutefois en ce qui concerne la circulation abdominale du Maïa, ainsi que je l'ai montré plus haut. Quelques années après, Krohnr (2) a signalé l’anastomose postérieure des deux artères abdominales dans l'Écrevisse, et il considère l'artère abdominale inférieure comme une branche anastomotique secondaire entre les deux troncs principaux issus de l’extré- mité postérieure du cœur, l'artère sternale et l'artère abdo- minale inférieure. Du reste Krohn ne généralise pas son
(1) Lund, Zweifel an dem Daseyn einer Circulationssystem bey den Crustaceen, Isis, 4825, t. XVI-X VII. (2) Krohn, Ueber das Gefässystem der Flusskrebse, Isis, 1834, t. XXVIL.
2066 E.-L. BOUVIER.
observalion et personne après lui n’en a eu connaissance ou n'en à soupçonné la valeur; elle n’est signalée dans aucun des travaux postérieurs, il n’en est fait mention dans aucun des traités généraux parus depuis (Siebold et Stanmius, Owen, Milne-Edwards, Gegenbaur, Règne animal allemand, Claus), ni dans la monographie de l’Écrevisse de Huxley. Les travaux les plus récents, ceux de Carl Vogt (1) et de Vays- sière (2), n’en fontaucune mention et je dois ajouter que moi- même, au moment où je fis mes observations, j'étais loin de soupçonner les faits observés par Krohn.
$ III. — Étude historique et comparative de la circulation chez les Crustacés décapodes.
Comparaison avec les formes larvaires. —— Nos connais- sances sur le système artériel des larves de Crustacés déca- podes sont exclusivement récentes ; elles se trouvent toutes renfermées dans un important mémoire publié par Claus, il y a quelques années {3;.
Le savant observaleur à successivement étudié le phyllo- some, les autres larves de Macroures, les larves des Pagures et celles des Brachyures.
Le système artériel du phyllosome ressemble complète- ment, dansses traits généraux, à celui des autres Décapodes et le cœur est déjà pourvu de trois paires de boutonnières. Les seuls traits qui méritent de nous arrêter sont les sui- vants : les artères antennaires sont abondamment ramifiées sous la carapace et, près de leur origine, envoient une paire de branches puissantes sur le bord postérieur de celle-ci; elles émettent en outre les deux artères mandibulaires et se réunissent en avant du cerveau par une anastomose trans- versale ; enfin, à l’origine de l'artère abdominale supérieure, on voit se détacher une paire d’artères latérales postérieures
(1) Carl Voght et E. Yung, Trailé d'anatomie comparée pratique. Crustacés, 12° livraison.
.{2) Vayssière, Atlas d'anatomie des Invertébrés, Paris, 1887.
(3) Zur Kenntniss der Kr eislaufsorgane der Schizopoden und ce Arbeilen aus dem zooôl. Wien, 188%, t. V.
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qui envoient quelques rameaux au tube digestif, et se rami- fient surtout dans les muscles dorsaux du thorax.
Si l’on compare cet appareil circulatoire avec celui des Crustacés adulles, on n’y peut relever qu'une seule diffé- rence un peu importante, l'irrigation des mandibules par des branches des artères antennaires, et non par les rameaux antérieurs de l’artère maxille-pédieuse. L'irrigation du bord postérieur de la carapace par deux branches issues des mêmes artères, et non, comme chez l'adulte, par les pre- miers rameaux de l'artère abdominale supérieure, tient tout simplement au faible développement en arrière de ce bou- clier qui recouvre à peine, dans le phyllosome, les premiers anneaux thoraciques. D'ailleurs, les artères qui se rendront en arrière à la carapace sont déjà représentées dans la larve par les deux artères latérales postérieures, dont la distribu- tion est exactement la même que celle des rameaux thora- ciques de l’arlère abdominale supérieure dans les Décapodes adultes, avec cette différence toutefois, qu’elles n'irriguent pas encore la portion postérieure de la carapace. Quant à l’anastomose antérieure des deux artères antennaires, elle n'offre rien de particulier, puisqu'on la retrouve chez les Macroures adultes. f
Les larves zoé et mysis des Décapodes macroures et à plus forte raison les mégalopes des Brachyures présentent, comme le phyllosome, un système artériel normal de décapode adulte, la chaîne ganglionnaire est déjà même traversée par l'artère slernale entre les mêmes ganglions que chez ces derniers.
Dans les larves des Macroures, l'artère maxillo-pédieuse se forme avant les paires appendiculaires qui en émanent; ces dernières apparaissent successivement d'avant en arrière avant même que les pattes thoraciques soient articulées, enfin l'artère abdominale inférieure ne se produit qu’à un âge plus avancé. Ce dernier fait présente une grande importance si l’on considère que les Mysis ressemblent à peu près complè- tement à des larves de Macroures encore dépourvues d’arlère
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268 _E.-L. BOUVIER.
abdominale inférieure; nous avons montré d’ailleurs que les Pagures conservent ce caractère larvaire pendant toute la durée de leur existence. En somme l'artère abdomi- nale inférieure se présente à nous comme un vaisseau dont la marche évolutive est la même que celle des Crustacés déca- podes ; absente dans les Mysis et dans les jeunes larves de Décapodes, elle est très réduite dans les Macroures et pré- domine sur tous les autres vaisseaux de l’abdomen dans les Brachyures les plus différenciés.
Ajoutons ici que les mandibules sont irriguées par les branches des artères antennaires chez les larves des Ma- croures comme chez le phyllosome, et qu'on observe fré- quemment chez elles, comme chez les adultes, une asymé- trie marquée entre les artères appendiculaires qui se déta- chent à droite et à gauche de l’artère sternale. Observons en outre que les artères des pattes thoraciques sont presque toutes situées en arrière de l'artère sternale dans les larves, el que leur déplacement progressif, vis-à-vis de cette der- nière, est due à une croissance ultérieure.
Chez les autres Crustacés décapodes, en comprenant dans cel ensemble /es Thalassinidés, les Paquridés et les Bra- chyures, les différences avec l’appareil circulatoire des larves de Macroures sont surtout relatives à l’origine des vaisseaux appendiculaires formés par l'artère maxillo-pédieuse. Dans les larves du Pagure et de la Gébie, au lieu d’un seul tronc à droite et à gauche pour les deux paires antérieures de pieds-mâchoires, on observe deux paires de troncs distincts, un pour chaque paire ; les vaisseaux des trois paires de pattes thoraciques antérieures sont, en outre, très rappro- chés les uns des autres. Dans les larves de Porcellanes, on observe en avant une concentralion des vaisseaux plus grande que dans les Macroures, car une paire de troncs irrigue à elle seule les mâchoires postérieures et les deux paires de pieds-mâchoires antérieures; du reste cetle con- centralion se fait sentir plus fortement encore en arrière, et c'est une seule paire de troncs artériels qui dessert, en se
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ramifiant, les pieds-mâchoires postérieurs et les quatre paires antérieures de pattes thoraciques. Dans les larves mégalopes des autres crabes, on trouve seulement en arrière des vaisseaux de la deuxième paire de pattes « une seule paire d’artères qui se rendent à la troisième paire de pattes et vraisemblablement, par des branches latérales, aux pattes des deux dernières paires. »
Je n'ai pu observer aucune règle constante dans le groupe- ment des artères pédio-maxillaires des Brachyures, mais on a vu plus haut qu’il n’en est pas de même pour celles qui se rendent aux pieds thoraciques; les artères pédieuses, qui naissent par troncs communs dans les larves, se séparent peu à peu et finissent par devenir indépendantes; chez les Porcellanes toules sont séparées, mais chez les Brachyures, les deux dernières, de chaque côté, partent encore d'un | tronc commun. |
Comparaison avec les Arthropodes et les autres Crustacés. — Nous avons comparé précédemment, vaisseau par vaisseau, les artères des Décapodes à celles des autres Crustacés qui leur ressemblent le plus; nous allons maintenant examiner ces questions dans leur ensemble et en Lirer des conclusions | plus générales. | D'abord quels sont les caractères qui distinguent le sys- | tème artériel des Crustacés décapodes? Ce sont, à n’en pas | douter, la présence d’une artère siernale, la réduction du | cœur et du nombre des paires artérielles qui en partent, enfin l'existence d’une artère prénervienne formée, dans le thorax, par l'artère maxillo-pédieuse et dans l'abdomen par l'artère abdominale inférieure. Quels sont maintenant les Crustacés qui se rapprochent le plus des Décapodes par les caractères précédents? On ne peut douter davantage que ce ne soient les Mysis ; elles ont aussi une artère sternale, très peu d’artères latérales, et une artère prénervienne, limitée, il est vrai, à la région thoracique. À ce point de vue les Mysis ressemblent aux formes larvaires des Crustacés décapodes.
Les Stomatopodes, représentés par les Squilles, s'éloi-
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gnent déjà beaucoup plus du type décapode. Leur cœur, beau- coup plus allongé que celui des Mysis, occupe toute la longueur du thorax et de l'abdomen, il présente de très nombreuses artères latérales et des fentes également nom- breuses ; enfin l'artère prénervienne occupe toute la longueur du corps, mais elle n'irrigue pas plus les appendices thora- ciques que les appendices abdominaux, et elle se rattache à la région antérieure du cœur par une anastomose qui repré- sente, d'après Claus, une artère sternale incomplètement différenciée.
Si l’on considère les Édriophthalmes, on trouve que les Isopodes se rapprochent assez notablement des Décapodes par leur appareil circulaloire, plus ou moins que les autres Crustacés du même groupe, les Amphipodes et les Asellotes hétéropodes. Ils ont en effet une artère prénervienne, des anastomoses antérieure et postérieure entre cette artère et la portion dorsale du système artériel, des artères latérales qui peuvent se ramener à celles des Décapodes, enfin deux artères abdominales qui correspondent, par leur position et par leur irrigalion, à l'artère abdominale supé- rieure de ces derniers. Les Amphipodes ont un âppareil cir- culatoire beaucoup plus simple qui se réduit à une ou trois (Talitre) artères antérieures, correspondant aux artères anté- rieures des Décapodes, et une artère postérieure correspon- dant à l’arlère abdominale supérieure; l'artère sternale et l'artère prénervienne n'existent pas. Il en est de même chez les Asellotes hétéropodes, et ces caractères viennent se joindre à la posilion du cœur qui est thoracique, à la position de l’appareil branchial qui est semblable à celui des Mysis, enfin à la nalure du sinus artériel ventral qui est artériel et peut être regardé comme une artère prénervienne non encore endiguée.
Il nous faut maintenant serrer de près cette question, car elle est actuelle plus que toute autre et a donné naissance aux opinions les plus divergentes. Ces opinions se trouvent bien résumées par Delage dans son travail sur l'appareil cir-
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culatoire des Édriophthalmes (1). Delage fait des Asellotes hé- téropodes, el notamment des Tanaïs, un groupe fondamental duquel ont dérivé, d’une part les Podophthalmes par l’in- termédiaire des Cumacés, de l’autre les Isopodes par l'in- termédiaire des Anthuridés, enfin les groupes des Læœmodi- podes et des Amphipodes par l'intermédiaire des Corophiés. Delage fait observer que Gegenbaur va plus loin que lui dans celle voie, en ce sens qu'il place les Tanaïs parmi les Podo- phthalmes, et les Cumacés parmi les Édriophthalmes. Dans un travail récent, Claus (2) fait dériver phylogénétique- ment les Édriophthalmes d’une part, les Cumacés et les Schizopodes de l’autre, d'un type schizopode primilif (Urschizopodes), qui aurait également donné naissance à un troisième rameau, celui des Stomatopodes.
Sans rien préjuger sur les origines phylogénétiques des Crustacés décapodes, que d’autres plus au courant sont mieux en élat de traiter, je veux simplement apporter ici quelques idées personnelles qui permettront peut-être de jeter un certain jour sur ces rapports si compliqués.
Pour juslifier autant que possible la comparaison que j'ai faite du système circulatoire des Crustacés décapodes et de celui des Isopodes, il me semble que trois questions sont sur- tout à débattre, celles des artères latérales, de l'artère pré- nervienne et de l'artère sternale. Ces deux dernières se lient intimement entre elles.
Les artères latérales des Isopodes sont, en réalité, aussi nombreuses que les paires thoraciques qu'elles irriguent, bien qu'en réalité les quatre paires antérieures naissent de chaque côté d’un tronc commun; on doit même ajouler que l'aorte céphalique contient virtuellement une paire d’artères latérales puisqu'elle donne naissance aux arlères anten- naires, non seulement chez les Édriophthalmes, mais aussi chez les Schizopodes et les Stomatopodes. Chez les Schizo-
(4) Delage, loc. cit., p. 146-150.
(2) Claus, Neue Beiträge zur Morphologie der Crustaceen (Arbeit. aus dem zool. Instit. Wien., t. VI, 1885.
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podes, ces artères sont beaucoup moins nombreuses et se ré- duisent aux artères hépatiques, et à trois troncs impairs qui naissent sur la face ventrale du cœur dans les Sirielles, et que Claus considère comme des artères latérales fusionnées sur la ligne médiane. Chez les Décapodes, les seules artères latérales antérieures sont les artères antennaires et les ar- tères hépatiques, ce qui tient simplement à la réduction du cœur dans le sens de la longueur et à l'existence d’une artère sternale très développée.
Dans les Stomatopodes, le cœur tout entier, à l’exceplion de sa partie antérieure, est un long vaisseau dorsal qui se transforme chez les Décapodes en l'artère abdominale su- périeure. Les nombreuses artères latérales issues de ce vaisseau, dans la région abdominale, représentent alors, morphologiquement et fonctionnellement, les paires abdomi- nales issues de cette artère; quant aux paires thoraciques, elles se réduisent en nombre et en importance grâce à l’exis- tence de l’artère sternale et à la réduction de la région tho- racique, elles se réduisent en réalité à deux artères plus ou moins symétriques, que Claus a vu se détacher à la base de lartère abdominale supérieure dans les phyllosomes, mais qui sont en général plus éloignées du cœur chez les Décapodes adultes. Ces deux artères, trouvées par Claus dans le phyllosome, sont absolument constantes, elles irriguent, comme on sail, toute la région postérieure dorsale du thorax.
Chez les Isopodes, deux relations importantes s’établis- sent entre le système vasculaire dorsal.et l'artère préner- vienne, la première par un collier péri-æsophagien qui rat- tache l'aorte céphalique à cette dernière, la seconde par deux grosses branches anastomoliques qui rattachent la dernière paire thoracique à la même artère ventrale (1). Claus sup- pose que l’artère sternale des Décapodes provient de cette dernière anastomose, qui se serait développée asymétrique- ment, et aurait finalement conduit tout le sang à l'artère
(1) Delage, loc. cit., pl. I, fig. 2.
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prénervienne, produisant ainsi la suppression du collier vas- culaire péri-æsophagien (1). Il considère ainsi l'artère ster- nale comme un rameau démesurément grossi d’une ar- tère latérale, il en donne pour preuve le rudiment d’artère sternale formé de cette manière chez les Stomalopodes, et il pense que l'artère sternale des Décapodes présentera peut-êlre des varialions instruclives, dans ses rapports, chez
les différents genres qui constituent le groupe.
Mes recherches justifient complètement l'hypothèse de Claus relalive à l'origine de l'artère sternale. Dans l'Écre- visse, en effet, la disposition presque typique des Isopodes est conservée, en ce sens que le collier vasculaire péri-æso- phagien se rencontre encore concurremment avec l'artère sternale; seulement, comme cetle dernière est très puis- sante, le collier s’est réduit dans des proportions telles qu'on ne l’avait pas aperçu jusqu'ici.
Deux dispositions essentielles distinguent, il est vrai, l'appareil circulatoire des Isopodes et celui des Décapodes: la première est relative à la disposition de l’aorte céphalique. la seconde à l'irrigation des appendices de la région thora- cique. L’aorte céphalique des Isopodes, avant de se jeter dans l'artère prénervienne, passe en arrière des ganglions cérébroïdes, tandis que les arlères antennaires de l'Écre- visse, qui lui correspondent en partie, s’anastomosent en avant du cerveau et forment un {ronc récurrent prénervien avant de former le collier en relation avec l'artère maxillo- pédieuse. Mais les autres Édriophthalmes, Amphipodes et Aselloles hétéropodes, nous indiquent eux-mêmes un pro- cessus qui a pu conduire d’une forme à l’autre; chez ces der- nières, en effet, l'aorte céphalique se bifurque en arrière du cerveau et l'entoure d’un collier vertical, avant de se recour: ber en arrière (2). Des modifications de même nature se pro- duisent d’ailleurs chez les autres Arthropodes et sont
(4) Claus, Zur Kennitniss der Kreislaufsorgane der Schizopoden und Deca- poden (Arbeit. aus dem zool. Instit. Wien., t. V. 1885, p. 26). (2) Delage, loc. cit., pl. VE à XIE. ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 18. — ART. N° 5,
274 E.-L. BOUVIER.
relatives à la manière dont s’endigue le courant sanguin : dans le Scorpion, le collier vasculaire et l’artère ventrale (1) sont situés au-dessus de la chaîne nerveuse (2), tandis que, dans la Limule (3), le collier vasculaire et l'artère ventrale entourent le collier nerveux et la chaîne qui lui fait suite. La différence entre l'irrigation des appendices thoraciques s'explique par des considérations d’un autre ordre. L’artère sternale, se développant de plus en plus, finit bientôt par former un conduit naturel dont l'importance a causé l’airo- phie de certaines artères latérales, et la modification des autres (artères hépatiques); c'est elle alors qui conduit dans l'artère sternale, par une voie commune, tout le sang destiné aux appendices thoraciques. J'ai montré plus haut comment
un changement de fonction analogue s’effectuait dans l’in-
térieur même du groupe des Brachyures; on voit en effel, chez ces derniers, l'artère abdominale supérieure perdre de plus en plus en importance, et abandonner presque totale- ment l'irrigation des appendices abdominaux à l'artère abdo- minale inférieure.
RÉSUMÉ.
Les résultats personnels auxquels je suis arrivé dans cette étude peuvent se résumer de la manière suivante.
L’artère ophthalmique, avant d'atteindre le bord antérieur de l’estomac, émet toujours un certain nombre de rameaux, non seulement chez les Brachyures, mais aussi chez certains Macroures ; arrivée à ce niveau elle présente une dilatation plus ou moins développée, et probablement homologue de celle observée par Delage chez les Amphipodes et chez les Schizopodes; enfin elle envoie un prolongement au milieu du front chez les Brachyures, mais non chez les Macroures.
(1) E. Blanchard, L'organisation du règne animal (Arachnides, Paris, 4853). (2) M. Houssaye considère cette artère comme un sinus, dans le Scorpion. (3) A. Milne-Edwards, Anatomie des Limules (Ann. se. nat., 5° série, t. XVII,
1872-73).
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SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 275
Les artères antennaires ou artères latérales antérieures irriguent toujours les yeux en même temps que les artères ophthalmiques; elles sont également chargées de l'irrigation du front ou du rostre, à l'exclusion de l'artère ophthalmique dans Les Macroures, conjointement avec celte dernière chez les Brachyures. Leurs prolongements frontaux s’anastomo- sent fréquemment dans les Macroures dont le rostre est bien développé; d’ailleurs, chez la plupart de ces derniers, elles ne se Lerminent pas après avoir irrigué les trois paires d'appen- dices céphaliques, mais elles se réunissent par un rameau transversal, bien développé surtout dans les Écrevisses, les Langoustes, les Scyllares, ete.
Dans l'Écrevisse, ce rameau transversal se continue en arrière dans un prolongement récurrent qui se met en rela- tion avec les branches œsophagiennes les plus importantes
issues de la bifurcation antérieure de la porlion maxillo- pédieuse de l’arlère prénervienne. Il y a là une communica- ton qui met en relation le système artériel ventral avec le système dorsal el qui correspond au collier vasculaire péri- œsophagien des [sopodes. L’artère sternale des Crustacés correspond d’ailleurs, morphologiquement et fonctionnelle- ment, aux branches anastomoliques importantes qui mettent en relation les artères thoraciques postérieures des Isopodes avec l’arlère prénervienne, de sorte que l'Écrevisse présente encore les deux dispositions les plus typiques de l'appareil circulatoire des Isopodes. On comprend d’ailleurs que le collier s'atténue et disparaisse à mesure que se développe l'artère sternale; c'est pourquoi on doit s'attendre à le ren- contrer encore chez d’autres Macroures, mais moins proba- blement chez les Brachyures.
La glande verte est irriguée à la fois par les artères an- tennaires et par les branches antérieures de l'artère maxillo- pédieuse.
Les artères hépatiques du Bernard-l'Ermite conservent leur position normale, mais elles se distribuent surtout à l'estomac et ne desservent que quelques lubes hépatiques
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276 E.-L. BOUVIER.
antérieurs; le foie est irrigué, à peu près dans son en- tier, par l’arlère abdominale supérieure. On peut conclure de ce fait qu'il y a indépendance absolue entre les artères et les organes qu'elles desservent normalement, que le foie se forme avant les artères puisqu'il peut se déplacer sans elles, enfin qu'on ne peut déterminer toujours les homo- logies réelles d’un vaisseau en s'appuyant sur les organes qu'il irrigue. C’est ainsi que l'artère hépatique des Crus- tacés décapodes se présente à nous comme lhomologue na- turel d’une paire d’artères latérales semblables à celles qu on observe dans les Isopodes, les Schizopodes et les Stomato- podes, bien que ses fonctions soient loin d'être exactement les mêmes.
Il existe deux valvules aux orifices de toutes les artères dans le cœur. Du reste, ces artères ne sont pas en même nombre chez tous les Crustacés décapodes ; chez les Ma- croures, en effet, l’artère sternale se détache de l'artère abdominale supérieure, tandis qu’elle a, chez les Bra- chyures, une origine cardiaque distincte de cette dernière. À ce point de vue, et en tenant compte des découvertes de Claus sur les larves, les Brachvyures conservent un carac- tère larvaire qui disparaît chez les Macroures. |
L’artère sternale traverse toujours le système nerveux au même point (c'est-à-dire entre les ganglions qui correspon- dent aux pattes thoraciques de la troisième et de la qua- trième paires); toutefois chez tous les Brachyures placés en haut de la série (Oxyrhynques et Cyclométopes à partir des Eriphies), elle passe en arrière de la masse ganglionnaire, sans la traverser, disposition qui a pour résultat la concen- iration maximum du système nerveux.
Les arlères thoraciques, issues de l'artère maxillo-pé- dieuse, sont beaucoup plus rapprochées les unes des autres chez les Brachyures que chez les Macroures. Ce caractère doit être attribué au grand développement du thorax, surtout dans le sens transversal; 1l peul être d’origine ancestrale, car on trouve que ces vaisseaux se détachent par groupes
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 977
d'un petit nombre de troncs communs, dans les larves, dispo- sition qui se conserve chez les Brachyures adultes, {ous caractérisés par la réunion des deux paires thoraciques pos- lérieures en une seule paire.
Tous les Décapodes, à l’exceplion des Pagures, sont pour- vus de deux artères abdominales, une supérieure et une inférieure ; c’est à tort qu'on avait considéré les Maïas et les Crabes du sommet de la série comme dépourvus de cette dernière, car elle est de beaucoup la plus développée et on l'avait prise pour l'artère abdominale supérieure.
Des communications importantes mettent en relation im- médiate l'artère abdominale supérieure et l'artère abdomi- nale inférieure ; elles se présentent sous la forme d’arceaux vasculaires plus ou moins symétriques el loujours péri- intestinaux, et s'établissent loujours en arrière du dernier ganglion, chez les Macroures dans le sixième segment abdo- minal, chez les Brachyures dans des segments beaucoup plus antérieurs. Dans la Porcellane à pinces plates, toutefois, les anastomoses importantes sont antérieures au dernier ganglion nerveux, ce qui tient uniquement à ce fait que l'évolution du système nerveux, dans celle espèce, est en retard sur l’évolution de l'appareil cireulatoire ; cette Por- cellane, en effet, a un système nerveux de macroure et un appareil circulatoire de brachyure. Il n'en serait évidem- ment pas de même dans la Porcellane à longues cornes.
L'existence de ces anastomoses importantes est due au grand aplatissement de l’abdomen ; les deux vaisseaux ayant à irriguer des parties très voisines (les faces dorsale et ven- trale) se confondent au moment où 1ls vont pénétrer dans ces parties et les irriguent en commun; c’est ce qui Juslifie la position reculée des anastomoses dans les Macroures et leur position beaucoup plus antérieure dans les Brachyures.
La transformation de l’abdomen en lamelle, chez les Bra- chyures, a détruit complètement la symétrie qu'on observe dans les deux artères abdominales : l'artère abdominale su- périeure a été rejelée la première sur un des côtés de l'in-
278 E.-L. BOUVIER.
testin, puis l'artère abdominale inférieure, de beaucoup la plus petife au début, a subi le même déplacement, à mesure qu'elle gagnait en importance; en outre, comme l'abdomen devient plus lamelleux encore dans les deux derniers an- neaux dépourvus d'appendices, on voit l’artère abdominale la moins importante disparailre dans cette région, et l’ar- ière la plus importante se bifurquer pour passer à droite et à gauche du tube digestif.
L’artère abdominale supérieure des Macroures est énor- mément plus développée que l'artère abdominale inférieure, ce qui tient au grand développement des muscles dorsaux el aux appendices qu’elle irrigue. On doit s'attendre dès lors à voir cette artère diminuer dans les Brachvyures, et c’est ce que l'on observe, en effet; mais on devrait également voir diminuer l'artère abdominale inférieure, car la chaîne nerveuse ventrale a disparu et les muscles ventraux superficiels se sont considérablement réduits. Or il n’en est pas ainsi, l’artère abdominale inférieure, à mesure qu'on s'élève dans la série des Brachyures, s'accroît dans des proportions égales à la diminution subie par l’ar- tère abdominale supérieure ; mais ces modifications dans le volume des deux artères s’établissent progressivement, et on les voit se manifester à peine chez les Brachyures les moins élevés dans la série, grâce au phénomène naturel de l’'hérédité.
Pour expliquer cette divergence entre l'hypothèse et la réalité, il faut invoquer un phénomène d’une autre nature. En arrière des points où l’anastomose la plus importante mel en relation l’artère abdominale inférieure el l’artère abdomi- nale supérieure, on voit ces deux vaisseaux diminuer de volume. Il y a par conséquent reflux du sang en avant dans l’une ou l’autre artère; or le reflux ne peut s'effectuer du côté dorsal, car le sang serait reconduit au cœur d’où il vient; le reflux s'effectue par conséquent plus ou moins dans le sens de l'artère abdominale inférieure. Il s'établit dans ce vaisseau un état d'équilibre instable qui diminuera
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d'autant plus ‘que l’artère dorsale sera moins développée. La conclusion, c'est que l'artère abdominale inférieure et l'abdominale supérieure doivent éprouver des variations progressives et c'est ce que l’on observe, en effet. Pour ne ciler que deux exemples, les Porcellanes, qui sont à la base des groupes des Brachyures, ont, comme les Macroures, une artère abdominale inférieure très réduite el une artère ab- dominale supérieure {rès développée; dans le Maïa, c'est le contraire qui se produit et l'artère abdominale inférieure prédomine à {el point sur l'artère abdominale supérieure qu'on l’a confondue jusqu'ici avec le dernier anneau. Aussi, dans la plupart des Brachyures, et surtout dans les types supérieurs, voit-on les pattes abdominales irriguéés par l'artère abdominale inférieure ou par un sang mixte issu de la fusion des deux vaisseaux.
L'artère abdominale inférieure se présente par conséquent comme un vaisseau dont la marche évolutive est la même que celle des Crustacés décapodes. Dans les Pagures, elle ne se développe pas, de sorte que ces Crustacés conservent les caractères des Mysis et le caractère embryonnaire observé par Claus dans toutes les larves de Crustacés décapodes. On doit supposer, par conséquent, que les Pagures ont logé leur abdomen dans une coquille à une époque où cette artère n'étail pas encore développée et que le contact de la face ventrale de l'abdomen avec la coquille a opposé un obstacle au développement de l'artère.
Somme toute, les faits connus portent à conclure, avec Claus, que le système artériel des Crustacés décapodes ressemble surtout à celui des Edriophthalmes isopodes. Leur système artériel comprend plus d’artères latérales qu'on ne le suppose généralement, car on doit ajouter, au nom- bre des paires latérales connues jusqu'ici, une paire d’artères lalérales postérieures qui se distribuent dans la portion dor- sale postérieure du thorax, et qui naissent au voisinage du cœur dans le phyllosome et dans les Macroures, mais un peu plus en arrière, dans les Décapodes brachyures.
EXPLICATION DES PLANCHES.
LETTRES COMMUNES
À, muscles antérieurs de l’estomac; G, cœur; D, canal déférent; E, estomac ; F, foie; G, glande verte; I, intestin postérieur; L, muscle mandibulaire; 0, ovaire; OE, æsophage; P, muscles postérieurs de l'estomac; R, cæ- cum rectal; T, testicule; V, canal déférent, oviducte.
«, artère antennaire ou latérale antérieure; a’, artère latérale postérieure; c, branche de l’art. lat. post. qui se rend à la carapace; d, artère abdo-
: minale supérieure; d/, artère abdominale inférieure; m, artère maxillo- pédieuse ; 0, artère ophthalmique; pt, p?, p5, p*, p°, artères des pattes ambulatoires 1, 2, 3, 4, 5; s, artère sternale (1); {, renflement de l'artère ophthalmique,
PLANCHE VIII
Fig. 1, — Astacus fluviatilis (femelle). — Irrigation dorsale des organes con- tenus dans le céphalothorax. — #, artère stomacale postérieure; {, artère stomacale antérieure; r, ses branches qui s’'anastomosent dans le rostre; g, artères ovariennes, 1
Fig. 2. — Astacus fluviatilis. — Trrigation dans la région antérieure et ven- trale du céphalothorax. — e, branche des antennes externes; #, branche des yeux; /, branches de l'artère antennaire destinée à la glande verte; l’ hranches de l'artère maxillo-pédieuse destinées à la glande verte; r, rameau impair qui fait communiquer à leurs extrémités les artères an- tennaires et maxillo-pédieuse.
Fig. 3. — Astacus fluviatilis (mâle). — Irrigation des organes dorsaux dans la région postérieure du céphalothorax et dans la région antérieure de l'abdomen (une teinte rouge claire indique la position du cœur); uw, branche du premier segment abdominal; 4, grand rameau intestinal anté- rieur de cette branche; u?, branche du deuxième anneau abdominal; v, art. des testicules et du canal déférent.
Fig. 4. — Astacus fluviatilis. — Valvules et troncs artériels de l'extrémité postérieure du cœur (ce dernier, et l'artère abdominale supérieure en partie, sont ouverts sur la ligne médiane dorsale de sorte que la valvule dorsale v a été partagée en deux moitiés); v', valvule ventrale; e, orifice de l'artère sternale; e’, orifice de l'artère latérale gauche; r, voile qui rattache la valvule ventrale aux parois ventrales de l'artère abdomi- nale supérieure,
(1) À la suite d’une fausse indication dans la fig. 20, pl. X, la lettre s représente l'artère abdominale supérieure et la lettre a l'artère sternale.
SYSTÈME ARTÉRIEL DES CRUSTACÉS. 281
Fig. 5. — Astacus fluviatilis. — Artère maxillo-pédieuse et partie antérieure de l'artère abdominale inférieure; e, branche œsophagienne; g, branches qui vont aux muscles latéraux du sternum; r!, r?, r#, artères des pattes mächoires 1, 2 et 3; s!,s?, artères des mâchoires 1 et 2; v, artères mandi- bulaires; let n (comme dans la fig. 2); w, branche du labre.
Fig. 6. — Astacus fluviatilis. — Irrigation dans la portion terminale de l’ab- domen, pour montrer les relations anastomotiques entre les artères abdo- minales supérieure et inférieure ; u* et uÿ, branche artérielle des quatrième et cinquième segments abdominaux: wÿ, branches de la bifureation de l'artère abdominale supérieure.
Fig. 7. — Carcinus mœnas (mâle). — Irrigation de l'abdomen vue du côté ventral.
Fig. 8. — Carcinus mœnas (mâle). — Irrigation de Fabdomen dans un autre individu.
Fig. 9. — Carcinus mœnas. — Artère maxillo-pédieuse, — (Mêmes lettres
que dans la fig. 5.)
PLANCHE IX
Fig. 10. — Carcinus mœænas. — Irrigation dans la partie antérieure du cépha- lothorax. — /, branche stomacale antérieure; s, branche destinée à la membrane de la carapace; u, branche de l’artère ophthalmique destinée à l'œil; u', branche de l'artère antennaire destinée à l'œil ; v, branche de la glande verte; æ, branche des antennes externes; x’, branche des an- tennes internes; y, branche de l'artère antennaire destinée à l'œil; z, branche allant sur la face antérieure de l'estomac.
Fig. 41. — Astacus fluviatilis. — Irrigation de la membrane qui tapisse la carapace. — n', rameau tégumentaire de l'artère désignée par n dans les fig, 2et 5 de la pl. VIT; e,branche des antennes externes; v, branche de la glande verte; !, artère stomacale antérieure; u, prolongement de l'ar- tère antennaire, destiné aux antennes internes et aux yeux.
Fig. 12. — Maïa squinado (mâle). — Irrigation de l'abdomen, vue du côté ventral. Fig. 13. — Eupagurus Bernhardus. — Yrrigation dans la portion terminale
de l'abdomen. — €, branche infra-musculaire de l'artère ventrale; €’, pro- longement (figuré trop épais) de cette branche qui revient en avant dans l'abdomen (voir la fig. 25, pl. X et la fig. 26, pl. XI).
Fig. 44. — Sfenorhynchus phalangium. — Artère maxillo-pédieuse.
Fig. 45. — Scyllarus arctus. — Anastomose des artères abdominales à l’ex- trémité de l'abdomen.
Fig. 16.— Inachus scorpio. — Irrigation dans la partie antérieure du céphalo- thorax.
Fig. 17. — Crangon vulgaris. — Irrigation dans la portion terminale de l’ab- domen, — k, artère ventrale.
PLANCHE X
Fig. 18. — Atelecyclus cruentatus (femelle). — Irrigation de l'abdomen, vue du côté ventral.
Fig. 19. — Corystes dentatus (femelle). — Irrigation de l'abdomen, vue du côté ventral.
Fig. 20. — Platycarcinus pagurus. — Partie postérieure du cœur ouverte pour
282 E.-L. BOUVIER.
montrer les valvules de l'artère sternale et l’origine de l’artère abdomi- nale supérieure. — Lettres de la fig. 4, pl. VIIL (Il y a deux erreurs de lettres, d représente l'artère sternale; 5, l'artère abdominale supérieure.)
Fig. 21. — Palinurus vulgaris. — Valvules et troncs artériels de l’extrémité postérieure du cœur. (Lettres et disposition comme dans la fig. 4, pl. VIIL.)
Fig. 22,23 et 24. — Irrigation de l'abdomen vue du côté ventral. — Portunus corrugatus (mâle), fig. 22; Porcellana platycheles (mâle), fig. 23; Maïa squi- nado (femelle), fig. 24.
Fig. 25. — Eupagurus Bernhardus (mâle). — Irrigation générale du corps, à l'exclusion de la partie ventrale du céphalothorax. — h, artères hépatiques transformées en artères pariéto-stomacales ; b, artère dorsale issue de la bifurcation de l’artère abdominale supérieure; b', artère ventrale issue de la bifurcation de la même artère; ce et c', comme dans la fig. 43, pl. IX; e, branche supra-musculaire de l'artère ventrale.
PLANCHE XI
Fig. 26. -— Eupagurus Bernhardus. — Figure schématique indiquant la dis- tribution des principaux troncs artériels. (Voir les lettres communes et celles de la fig. 25, pl. X.) n, branche musculaire et nerveuse; r, tronc des pattes mâchoires; s, tronc maxillo-mandibulaire. Ces deux troncs se détachent presque du même point.
Fig. 27 et 28. — Platycarcinus pagurus. — Artère maxillo-pédieuse dans deux individus différents. — rt, r?,rè, artère des pattes mâchoires 1, 2, 3; st, s?, artères des mâchoires 1, 2; v, artères mandibulaires; w, artère du labre. |
Fig. 29 et 30. — Platycarcinus pagurus. — Irrigation de l'abdomen, vue du côté ventral, fig. 29 dans la femelle, fig. 30 dans le mâle. Fig. 31. — Platycarcinus pagurus. — Artère ophthalmique. — (La branche
cervicale, qui plonge en dessous, n’est pas représentée dans la figure.) /, branche frontale; g, artères de l'œil; k, artère des muscles antérieurs de l'estomac.
Fig. 32. — Porcellana platycheles. — Artère maxillo-pédieuse (figure ren-
versée). — {, collier nerveux thoracique, schématiquement représenté. Fig. 33, 34 et 35. — Irrigation de l’abdomen, vue du côté ventral. — Eriphia spinifrons (mâle), fig. 33. — Grapsus varius (femelle), fig. 34. — Pisa Gibbsii (mâle), fig. 35. Fig. 36. — Palinurus vulgaris. — Anastomose des artères abdominales à l'extrémité de l'abdomen,
SUR QUELQUES POINTS DE L’HISTOIRE
DU
DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE
DE LA MANTE RELIGIEUSE (MANTIS RELIGIOSA).
Par M. H. VIALLANES.
Les recherches d'anatomie comparée que je poursuis depuis plusieurs années sur le cerveau des Insectes m'ont conduit, en ce qui concerne la morphologie générale de ces animaux, à des résultats déjà importants et qui dans leurs plus grandes lignes peuvent se résumer ainsi (1) :
« Le cerveau de l’Insecte est Le résultat de la fusion plus ou moins intime de {rois paires de ganglions primordiaux. »
« La première paire forme le protocérébron qui innerve les yeux; la deuxième le deufocérébron qui innerve les an- tennes ; la troisième le #rifocérébron qui innerve le labre. »
Il en résulte comme conséquence nécessaire que le sque- lette céphalique de l'insecte compte trois zoonites prébuc- caux, le premier innervé par le protocérébron et portant les veux, le deuxième innervé par le deutocérébron et portant les antennes, le troisième innervé par le tritocérébron et portant le labre.
Bien que mes recherches aient été comparalives, puis-
(4) Voyez mon précédent travail : Études histologiques et organologiques sur les centres nerveux et les organes des sens des animaux articulés, cinquième mé- more, I. Le cerveau du criquet. II. Comparaison du cerveau des Crustacés et des
Insectes. III. Le cerveau et la morphologie du squelette céphalique {Ann. sc. nat., 1887 et Bibliothèque de l'École des Hautes Études, t. XXXIV, art. n° 3)
284 H, VIALLANES,
qu'elles se sont étendues non seulement à divers types d'In- secles, mais encore aux Crustacés, mes conclusions pour- tant peuvent encore donner lieu à des critiques : on peut me reprocher de les avoir tirées exclusivement de l'examen des animaux adultes, alors qu'aujourd'hui on tend de plus en plus à regarder le mode d'évolution embryonnaire des organes comme le criterium de leur valeur morphologique.
Personnellement je n’attribue pas aux études embryolo- giques le rôle prépondérant, même presque exclusif, que liant de naturalistes veulent leur accorder; pourtant J'ai pensé qu'il serait intéressant de faire connaître le mode d'évolution des parties si complexes composant le système nerveux des Insectes et que malgré quelques tentatives nous connaissons encore seulement à sa période d'état.
La morphologie du squelette dermique et des appendices est si intimement liée à celle du système nerveux central, qu'on ne saurait en séparer l'examen. J’éludierai donc dans le présent travail : 1° le mode de formalion des zoonites et des membres; 2° le mode de formation du système nerveux central. |
J'allongerais inutilement mon travail si je voulais m'éten- dre sur la partie bibliographique du sujet; il me faudrait pour cela rendre compte d’environ soixante-dix mémoires dont les plus importants sont dus à : Bobretzky, Bütschli, Carrière, Graber, Grassi, Hatschek, Heider, Korotneff, Kowalesky, Metschmikoff, Packard, Patten, Vœltzkow, Weissmann, Wheeler, Witlaczil.
Je me contenterai de renvoyer le lecteur au récent et important ouvrage de M. K. Heider (1) qui lui fournira la liste complète et l'analyse détaillée de ces travaux. Quant à moi, afin de ne pas faire double emploi, je me contenterai de citer ou de critiquer mes prédécesseurs au cours du texte el seulement quand besoin sera.
J'ai pris pour sujet d'étude la Mante religieuse {Hants
(1) Karl Heider, Die Embryonalentwiklung von Hydrophilus piceus, Iéna, Fischer, 1889.
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 285
religiosa). Mon choix a été déterminé, non seulement par les commodités techniques exceptionnelles qu'offre l'étude de cet Insecte, mais aussi parce que j'espérais que ce type, en raison de son développement direct, en raison aussi de l'an- cienneté géologique et de l’infériorité relative du groupe auquel il appartient, se prêterait mieux que d’autres à la solu- tion de plus d’un problème de morphologie. N'est-ce point déjà l'étude des Orthoptères qui m'a permis de débrouiller le plan d'organisation du cerveau des Insectes?
La ponte des Mantes a lieu en septembre, l’éclosion en juin, on peut donc recueillir des oothèques pendant tout cet intervalle. C’est seulement vers la fin du développement, quand le jeune insecte est complètement formé et déjà solide, qu'on peut extraire de l’oothèque l'œuf encore vivant pour le traiter par les réactifs. Avant cette époque, on ne peut songer à extraire les œufs de l’oothèque sans les avoir au préalable solidifiés en coagulant leur vitellus. Voici comment je procédais d'ordinaire. Les oothèques entières étaient plongées pendant quelques minutes dans l'alcool bouillant, puis transportées dans l’alcoo!l à 70° où je les conservais. Les embryons étaient éludiés non seulement à l’aide de coupes pratiquées selon les trois dimensions, mais encore examinés dans leur entier par réflexion et par transparence. Ce dernier mode d'examen, qui fournit des renseignements particulièrement précieux, exige que l'embryon soit isolé et complètement débarrassé de tout le vitellus nutritif. Je suis arrivé à effectuer celte dissection même pour les embryons les plus jeunes mesurant à peine un demi-millimètre; c’est une question d'habileté manuelle et de patience.
DESCRIPTION SOMMAIRE DES STADES OBSERVÉS.
J'ai observé un grand nombre de stades du développe- ment embryonnaire de la Mante, relativement aux points spéciaux que je me propose d'étudier aujourd’hui l'examen
IN
d'un nombre de stades relativement restreint est seule né- cessaire. Afin de permettre au lecteur de suivre plus aisé- ment mes descriptions, je vais énumérer ceux-ci en les caractérisant rapidement.
STADE 1. — Longueur de l’embryon 0*”",8. La gouttière primitive n’est pas encore complètement fermée en avant; l'embryon ne présente encore aucune trace de métamérisa- thon (fig. 7).
STADE 11. — Longueur de l'embryon 0""*,87. Les zoonites antennaire, mandibulaire, et maxillaire [ sont indivi- dualisés, le reste de la plaque ventrale est encore indivis (Hg. 6)
STADE it, -— Longueur de l'embryon 1**,15. Les antennes apparaissent comme deux pelits mamelons; l’invagination buccale commence à se constituer; les zoonites mandibu- laire, maxillaire 1, maxillaire Il, thoracique [I et thoraci- que [T, sont différenciés; le reste de la plaque ventrale étant encore indivis (fig. 5).
STADE 1V. — Le troisième zoonite thoracique est A cié, le labre commence à se manifester.
STADE v. — Longueur de l'embryon 1**,58. Le labre com- mence à faire saillie ; l’orifice buccal est nettement circon- scrilt; les deux premiers zoonites abdominaux sont indivi- dualisés (fig. 4).
STADE vi. — Longueur de l’embryon 1°°,91. Le labre recouvre l’orifice buccal ; les antennes s'étant allongées leur extrémité atteint le zoonite mandibulaire. Les paltes thora- ciques se touchent sur la ligne médiane. L'abdomen comple- tement segmenté commence à s’infléchir à son extrémité caudale.
STADE VI. — Longueur de l'embryon 1**,95. L'extrémité du labre atteint le zoonite de la mâchoire. L’extrémité des antennes atteint le zoonite de la deuxième mâchoire. La première mâchoire, simple moignon au stade précédent, est maintenant divisée en trois branches. La deuxième mâ- choire n’est encore divisée qu’en deux branches.
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 287
STADE vi. — Longueur de l'embryon 2"°,0. La deuxième mâchoire est divisée en trois branches.
STADE 1x. — Longueur de l'embryon 2°",0. L'extrémité du labre atteint la base des premières mâchoires. L'extrémité des antennes atteint le premier anneau thoracique.
STADE x. — Longueur de lembryon 2*",3. L'extrémité du labre atleint le premier zoonite thoracique. L'extrémité des antennes atteint le premier zoonite abdominal. Aux pattes la division du tarse en articles est bien manifeste. Les tégu- ments de la tête s'étant fermés en arrière, celle-ci n’est plus adhérente au vitellus nutritif.
STADE x1. — Les yeux commencent à se pigmenter.
Grâce à ces courtes diagnoses, les observateurs qui me suivront et qui voudront contrôler mes résultats trouve- ront aisément des embryons identiques à ceux qui ont servi à mes recherches.
Il
MÉTAMÉRISATION DE LA PLAQUE VENTRALE ET FORMATION DES MEMBRES.
STADE 1. — Examinons un embryon arrivé à cel état de développement (fig. 7). Il ne présente encore aucune trace de segmentation transversale. Nous remarquons seulement que sa partie antérieure est très élargie, pour constituer les lobes procéphaliques (fig. 7, /pc), où apparaîtront les yeux, les antennes et le labre ; tandis que de sa partie pos- térieure rélrécie naîtront les autres appendices céphaliques et les zoonites qui les portent, c’est-à-dire le thorax et l'abdomen. La gouttière primitive est maintenant presque complètement fermée, et c'est seulement à son extrémité antérieure (fig. 7,0) qu'elle reste encore ouverte. La gouttière primitive en se fermant a donné naissance au mésoderme (fig. 7, »), qui se montre à nous comme s'étendant depuis l'extrémité caudale de l'embryon jusqu'à l'ouverture anté- rieure de la gouttière primitive.
288 H. VIALLANES.
STADE 1. — La forme générale de l'embryon (fig. 6) ne s’est pas sensiblement modifiée, toutefois nous remarquons que les lobes procéphaliques se sont plus nettement individuali- sés. La plaque mésodermique présente maintenant une métamérisation des plus nettes. Sa partie antérieure s'étant divisée en trois bandes transversales complètement indivi- dualisées. La première est le segment antennaire (fig. 6, an), la seconde le segment mandibulaire (fig. 6, md), la troi- sième le segment maxillaire [. La partie postérieure de la plaque mésodermique n’est pas encore segmentée transver- salement, mais elle présente déjà des étranglements qui imdi- quent la prochaine formation des segments: maxillaire IL, thoraciques 1, [Il et IT (fig. 6, 27°, p', p°, p°).
Un seul membre se manifeste, c’est l'antenne qui appa- raît comme une très légère proéminence du segment an- tennaire. ;
STADE it (fig. 5). — La segmentation de la plaque méso- dermique continue à s'effectuer d’avant en arrière, trois nouveaux segments se sont formés, ce sont les segments : maxillaire 1, thoracique I et thoracique II. La partie posté- rieure indivise de la plaque mésodermique présente un étranglement transversal qui indique la prochaine indivi- dualisation du segment thoracique TTL.
La bouche commence à se manifester comme un enfon- cement de l’ectoderme situé immédiatement en avant du seg- ment mandibulaire. Les antennes sont encore actuellement les seuls membres en voie de formation, elles apparaissent comme des mamelons à droite et à gauche de la bouche, mais non en arrière de celle-ci. Si au lieu de nous conten- ter d'examiner un embryon par transparence, nous l’exami- nons par réflexion, ce qui permet d’en apprécier bien plus exactement le relief, nous constaterons que les mamelons antennaires sont réunis l’un à l’autre par un bourrelet sail- lant (fig. 5, a) passant en avant de la bouche.
Ce bourrelet est fortement imcurvé et sa concavité diri- gée en arrière embrasse l’orifice buccal. Si nous supposions
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 289
redressé ce bourrelet aux extrémités duquel se voient les mamelons antennaires, ceux-ci deviendraient neltement pré- buccaux. Cette constatation ne nous donne-t-elle pas lieu de penser que les antennes, bien qu’elles apparaissent au niveau de la bouche {c'est-à-dire dans une région du corps qui ne peut être appelée ni prébuccale ni post-buccale), sont réellement prébuccales, bien que déviées de leur situation originelle par suite du développement excessif des lobes procéphaliques?
Ce mouvement de translation en arrière des mamelons antennaires devient bien manifeste si nous examinons des élats plus avancés, qui vont nous montrer les mamelons antennaires occupant une situation nettement post-buccale. Pourtant les antennes n'en appartiennent pas moins à un zoonile prébuccal ainsi que le démontre surabondamment l'étude du système nerveux tant à sa période d'état qu'au cours de son évolution.
STADE 1V. — Le troisième anneau thoracique, qui au stade précédent n'était pas encore individualisé, est maintenant complètement distinct. Les antennes n’ont changé ni d’as- pect ni de situation. Immédiatement en avant de la bouche sur la ligne médiane, nous voyons l’exoderme se soulever en un petit mamelon si peu saillant encore qu’on aurail peine à le reconnaître si les cellules qui le forment en rai- son des phénomènes de division dont elles sont le siège, ne retenaient plus fortement les matières colorantes. Notons que ce mamelon qui va devenir le labre est parfaitement circulaire, et que rien dans sa forme ne peut nous donner lieu de supposer qu’il résulte de la soudure de deux parties pri- milivement distinctes.
STADE V. — Le labre fait maintenant une notable saillie en avant de la bouche et il s’est étendu transversalement. Le mamelons antennaires ont grandi; par suite de l’ac- croissement des lobes procéphaliques ils sont rejetés en arrière et leur situation est devenue nettement post-buc- cale. C’est l'examen d'états analogues à celui que nous décri-
vons maintenant qui à décidé la plupart des embryolo- ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 19. — ART. N° 6.
290 HI. VIALLANES.
gistes à considérer, à tort croyons-nous, l'antenne comme un membre post-buccal. | |
Les mandibules, les deux paires de mâchoires, les trois paires de pattes commencent à se développer et apparaissent comme des mamelons saillants. |
Les deux premiers zoonites abdominaux sont individuali- sés, mais un étranglement que présente la partie caudale encore indivise de la plaque mésodermique annonce la pro- chaine différenciation du troisième zoonite abdominal.
CONCLUSIONS.
De l’examen des quelques stades que nous venons de dé- crire peuvent se dégager quelques considérations morpho- logiques :
1° Chez l’embryon de la Mante, nous constatons que les zoonites apparaissent les uns après les autres en se différen- ciant régulièrement d'avant en arrière;
2° Les antennes apparaissent avant tout autre appendice;
3° Dans un travail précédent, j'ai, en me basant sur l’étude du système nerveux, soutenu à l'encontre de la plupart des embryologistes, que l'antenne appartenait à un zoomite prébuccal. L'étude du développement des membres n’infirme aucunement mon Opinion, puisque au début nous voyons l'antenne apparaître non pas en arrière de la bouche, mais à côté de celle-ci. La situation post-buccale qu’occupe l’an- tenne aux stades plus avancés est secondaire et paraïil liée au développement excessif des lobes procéphaliques ;
4° Le labre apparaît bien après l'antenne:
5° Rien dans l'étude du développement de la Mante ne nous donne lieu de penser que le labre puisse être regardé comme résultant de la soudure de deux membres. Chez cet Insecte, c’est un organe impair dès l’origine. |
Mais je veux être le premier à faire remarquer qu'il ne faudrait point attribuer aux faits que je viens de faire con- naître une importance exagérée, car, ainsi que le dit Bal-
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 291
four (1) : «les observations sur l’ordre d'apparition des appen- dices sont encore trop rares pour permettre d'établir aucune généralisation. Dans un grand nombre de cas tous les appen- dices apparaissent à peu près en même temps, par exemple chez l'Hydrophile, mais il n’est pas certain que cela soit vrai pour tous les Coléoptères. Chez l’Abeille, selon Bütschli, les appendices apparaissent simullanément, mais d'après Kowa- lesky, les appendices buccaux apparaissent d'abord, puis les antennes et plus tard les appendices thoraciques. Chez les Diptères les appendices buccaux se forment d’abord, et simultanément avec eux ou un peu plus tard, les antennes. Chez les Hémiptères et les Libellulides, les appendices thora- ciques sont les premiers à se former et la seconde paire des mâchoires fait son apparition avant les autres appendices céphaliques. » Cette observation de Balfour n’a pas cessé d’être vraie.
III
ne ER Dr
DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL.
Chez les Insectes le syslème nerveux central se déve- loppe aux dépens d’une paire d’épaississements ectodermi- ques ou bourrelets primitifs qui s'étendent d’un bout à l’au- tre de l'embryon depuis l'extrémité caudale jusque dans les lobes procéphaliques. Dans leur région antérieure ces bour- relets se différenciant et se soudant sur la lignée médiane forment les parties si complexes qui composent le cerveau. De chaque côté de la bouche le bourrelet primitif consli- tuera en se transformant le connectif correspondant de l’an- neau œsophagien. Plus en arrière dans chaque zoonite le bourrelet se transforme en un centre ganglionnaire qui s’unit ensuite à son congénère par une commissure transverse. Entre les ganglions qu'ils forment ainsi dans chaque zoonite, les bourrelels primilifs se transforment pour constituer les
(1) Balfour, Traité d'embryologie, trad. franc., t. I, p. 382.
292 _ M. VIALLANES.
connectifs qui unissent longitudinalement tous les segments de la chaîne ventrale.
Telle est dans ses traits généraux l’histoire du développe- ment du système nerveux des Insectes. Mais si en dehors de ces grandes lignes qu'on ne discute plus aujourd'hui, nous voulons entrer plus avant dans le détail des faits, nous ne trouvons guère que des renseignements insuffisants ou erronés, malgré les récentes recherches de Patten, Heider, Wheeler. Si j'ai pu aller plus loin que mes prédécesseurs, Je le dois aux facilités toutes spéciales qu'offre l'étude de la Mante, je le dois aussi à mes recherches antérieures qui m'ont permis d'acquérir une connaissance particulière de la structure des centres nerveux des Arthropodes.
Formation des cordons nerveux embryonnaires (bourrelets primitifs). (cer- veau et chaîne ganglionnaire) se développe aux dépens d’une paire d’épaississements eclodermiques appelés cordons ner- veux embryonnaires ou bourrelets primitifs.
Ces bourrelets primitifs s'étendent d’un bout à l'autre de l'embryon depuis le lobe procéphalique jusqu’à l’extré- mité caudale. Les deux bourrelets primitifs sont à l’origine complètement séparés et ce n’est qu'à une époque relati- vement tardive qu'ils s'unissent sur la ligne médiane en des points qui correspondront aux commissures trans- ver'ses.
Au stade VI les bourrelets primitifs sont complètement constitués; l'examen du diagramme (fig. 3) dans lequel ils ont été indiqués par une teinte ombrée nous montre bien leur forme et leur disposition.
Nous remarquons que l'extrémité antérieure des bourre- lets primilifs très élargie et fortement recourbée en dehors présente trois renflements séparés les uns des autres par des étranglements. |
Le premier renflement qui doit être considéré comme la partie terminale du bourrelet primitif sera désignée au cours de ce travail sous le nom de premier lobe protocérébral (lig.3,
En. A Te me :
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 293
lp1), le second sous le nom de deuxième lobe protocérébral (fig. 3, /p9).
En arrière du troisième renflement le bourrelet primitif se continue jusqu’à l'extrémité caudale de l'embryon et court parallèlement à la ligne médiane sans présenter encore trace de segmentation.
A un stade plus avancé, ainsi que le montre le diagramme (fig. 2), le troisième renflement du bourrelet primitif, s'é- tranglant en deux nouveaux points, s’est divisé en trois segments qui sont, en allant d'avant en arrière, le froisième lobe protocérébral (Mig. 2, [p3), le lobe deutocérébral Mig. 2, lde), le lobe tritocérébral (fig. 2, /tc). En arrière de ce dernier le bourrelet primitif s’étrangle de distance en distance au niveau de l'intervalle des zoonites.
Tel est l'aspect général sous lequel se présentent les bour- relets primitifs; mentionnons avant d’aller plus loin ce fait intéressant qu'ils se développent non d’une seule pièce et par tous leurs points à la fois, mais progressivement d'avant en arrière, aussi avant toutes les autres parties du bourrelet primitif voyons-nous apparaître le premier lobe protocé- rébral qui constitue l'extrémité antérieure de celui-ci. De même les modifications histologiques qui transforment le bourrelet en un centre nerveux suivent le même ordre d’ap- parilion et se propagent également d'avant en arrière.
Avant d'étudier celles-ci, disons d'abord sommairement comment les choses se passent, il sera ensuite plus facile au lecteur de me suivre dans l'exposé détaillé des faits.
A l’origine le bourrelet primitif n’est qu'un simple épais- sissement de l'exoderme, c’est-à-dire une région de ce feuil- let dont les cellules sont devenues columnaires et ont aug- menté de volume. Bientôt ces cellules se multiplient et se divisent en deux couches, l’une superficielle (dermatogène), l’autre profonde (gangliogène). A une période plus ou moins tardive, suivant la région considérée, la couche des cellules dermatogènes se sépare de la couche des cellules ganglio- gènes et devient l'hypoderme.
29% H. VIALLANES.
Les cellules gangliogènes en se multipliant donnent nais- sance aux cellules ganglionnaires. Entre ces dernières se dé- veloppe une substance fibrillaire qui constituera les connec- tifs, les commissures, les tractus fibreux, les nodules de substance ponctuée qui entrent dans la constitulion définitive du système nerveux.
Tels sont dans leur généralité les phénomènes histogé- niques qui s’accomplissent d’un bout à l’autre des bourrelets primitifs. Les modifications organogéniques dont elles sont concurremment le siège sont très considérables, je les résume sommairement.
Le premier lobe protocérébral formera toute la région dis- tale du ganglion optique, c’est-à-dire la lame ganglionnaire, le chiasma externe, la masse médullaire externe.
Le deuxième lobe protocérébral formera la région proxi- male du ganglion optique, c’est-à-dire le chiasma interne, la masse médullaire interne et le tractus (nerf) optique.
Le troisième lobe protocérébral se soudant sur la ligne médiaue avec son congénère formera toutes les parlies du protocérébron comprises entre les tractus optiques.
Le lobe deutocérébral et son congénère s’unissant sur la ligne médiane par une commissure sws-æsophagienne {or- ment le deutocérébron.
Le lobe iritocérébral et son congénère s’unissant sur la ligne médiane par une commissure sous-æsophagienne for- ment le tritocérébron. |
Plus en arrière, dans chaque zoonite, les bourrelets primi- üfs s’unissent sur la ligne médiane pour constituer les gan- glions de la chaîne ventrale.
Origine du premier lobe protocérébral.— Si sur des coupes successives nous examinons des embryons aux Stades I et IT, nous reconnaissons que l’exoderme ne présente encore au- cune trace de différenciation annonçant la prochaine forma- lion des bourrelets primitifs.
Mais, au Stade III, dans les lobes procéphaliques l’exo- derme commence à se différencier et l’on peut déjà recon-
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE, 295
naître l’'ébauche de la partie céphalique des bourrelets pri- milifs. À cette période du développement examinons une coupe transversale (fig. 8) passant un peu au-dessous de la bouche. (Sur la fig. 5, représentant un embryon dans son ensemble, la ligne zx indique le plan par lequel passe cette section.) |
Dans la partie la plus externe du lobe procéphalique nous reconnaissons que l'ectoderme s’est épaissi et que ses cel- lules se sont séparées en deux assises. L’assise superficielle est destinée à former la plaque optique (fig. 8, po), l’assise profonde va former le segment antérieur du bourrelet primi- Uif auquel nous avons donné le nom de premier lobe protocé- rébral (fig. 8, lpf).
En dedans de cette région l'ectoderme commence à s’é- paissir, mais sans s’être encore divisé en deux couches dis- tinctes, c’est là l'ébauche du deuxième lobe protocérébral (fig. 8, {p2) dont nous étudierons le développement dans un chapitre suivant.
Stade V.— Examinons sur une série de coupes transver- sales pratiquées à cetle phase du développement la partie externe des lobes procéphaliques. La coupe (fig. 10) qui passe un peu au-dessus de la bouche (1) et les coupes suivantes (fig. 11 et 12) nous montrent le premier lobe protocérébral ({p4) complètement séparé de la plaque optique (po) par une fente profonde ; il s’est en effet produit entre ces deux parties une sorle de délamination.
Le premier lobe protocérébral est maintenant complète- ment individualisé et séparé de l’ectoderme ; toutefois, par une partie relativement étroite de son bord interne, il se continue et s’unit avec l’'ébauche du deuxième lobe protocé- rébral (/2) non encore séparé de l’exoderme, c’est ce qu’on reconnait aisément sur les figures 10 et 11. La coupe (fig. 12) passant en arrière de cette étroite union nous montre le
(1) Sur le dessin d'ensemble (fig. 4) d’un embryon arrivé au stade V, le plan de cette section est indiqué par la ligne wv; les plans par lesquels sont menées les sections 41, 12 et 13 par les lignes xx, yy et zz.
296 IH. VIALLANES.
premier lobe protocérébral complètement séparé des par- ties voisines.
Des changements histologiques importants sont survenus au stade IV et ont produit une différence de structure bien marquée entre la plaque optique et le premier lobe proto- cérébral. La plaque optique est maintenant composée de cellules petites très nombreuses et à protoplasma peu abon- dant. Quant au premier lobe protocérébral, il est comme au stade précédent toujours formé d’une seule assise de cel- : lules, mais celles-ci ont pris des caractères particuliers : elles sont remarquablement volumineuses et très riches en proloplasma.
C'est surtout sur la figure 12 qu’on remarque combien l'aspect histologique du lobe protocérébral (/p1) diffère de celui de la plaque optique (po).
Développement de la plaque optique. — Bien que Je ne veuille pas aujourd'hui suivre en détail l’évolution de la plaque optique, je désire pourtant donner sur le développement de celle-ci quelques renseignements uliles au lecteur qui voudra suivre les diverses phases que parcourt le Mines nerveux avant d'atteindre son état parfait.
Dès l’origine, la plaque optique se continue par son bord externe avec l’amnios (an); c'est ce qu'on peut aisément constater en examinant les coupes 8, 10, 11, 13 Gës, 14, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 23, 24, 25 empruntées aux stades IT, IV, V, VI, VIE, VII, IX. Cette continuité cesse à partir du stade X, la plaque optique de droite étant complètement soudée sur la ligne médiane en haut et en arrière avec sa congénère de gauche pour fermer la boîte crânienne, ainsi que nous le montrent les figures 26, 27, 28, 29, 35, 36 et 39.
Aux débuts de l’évolution elle présente dans toute son étendue la même structure et la même épaisseur, plus tard les bords libres de celle-ci s’accroissent et s’infléchissent en dedans. La plaque optique se trouve alors divisée en deux régions, une région principale ou optogène (po), et une
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 297
région réfléchie ou dermatogène, po' (fig. 13 bis, 14, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 23, 24, 25).
La région optogène est lrès épaisse, en achevant son développement elle deviendra l’œil composé ; la région der- malogène est au contraire très mince, elle se soudera en haut et en arrière avec sa congénère pour former les tégu- ments de la partie supérieure et postérieure de la boîle crâ- nienne.
Développement du premier lobe protocérébral. — Nous l'avons dit plus haut, le premier lobe protocérébral est à l'origine formé par une seule assise de jeunes cellules déta- chées de l’exoderme par délamination. Ces éléments remar- quables par leurs grandes dimensions et l’abondance de leur protoplasma vont concourir d’une manière endrecte à la for- mation des cellules nerveuses ou ganglionnaires, aussi les désignerons-nous sous le nom de cellules ganghogènes (fig. 11 et 12, Ipf).
Les cellules gangliogènes, peu nombreuses au début, s'ac-
croissent etse multiplient, mais sans changer de caractère et en restant toujours disposées sur une seule assise, c’est ce que nous reconnaissons en examinant des coupes prati- quées au stade VIT (fig. 14, 15, 16, /pf).
Au stade VIT, les cellules gangliogènes ont cessé de pro- duire des éléments semblables à elles-mêmes; par leur face profonde elles donnent naissance à des éléments beaucoup plus petits qu’elles, très pauvres en protoplasma, à noyau très fortement colorable par le carmin et que nous désigne- rons dès maintenant sous le nom de ce//ules nerveuses ou ganglonnaires. Aussitôt formées ces dernières se mullti- plient elles-mêmes très activement.
Grâce à cette prolifération, le premier lobe protocérébral de simple lame qu'il était au stade précédent est maintenant devenu un massif cellulaire, fortement convexe du côté de la plaque optique, et au contraire concave en dedans (fig. 19, 20; 24, 23) 4}:
Il se compose alors de deux couches cellulaires bien dis-
298 IX. VIALLANES.
lincies; l’une superficielle, c’est-à-dire répondant à la face convexe, formée par une seule assise de cellules gan- glhiogènes (fig. 19, cg); l’autre profonde formée au contraire par plusieurs assises de cellules ganglionnaires (fig. 19, cg). | |
En même temps que la couche des cellules ganglionnaires se constitue, se développe une assise de substance très fine- ment fibrillaire. Celle-ci apparaît d’abord sur la face interne et concave du premier lobe protocérébral; elle est pour ainsi dire sécrétée (qu’on excuse la comparaison) par la surface libre de la couche des cellules ganglionnaires.
La substance fibrillaire (sf) une fois produite ne tarde pas à s'accroître, en même temps elle s’avance par suile d'une sorte d'invagination au milieu de la couche des cellules ganglionnaires. Les figures 19, 20, 21 et 23 rendent bien compte de cela. L’enfoncement de la substance fibrillaire me semble avoir pour cause la multiplication des cellules
ganglionnaires dont la masse toujours croissante déborde
celle-ci et tend à l’englober.
C'est en effet ce qui se produit; au stade VIIT (fig. 24) nous constatons que la substance fibrillaire est entourée de toutes parts par une écorce de cellules ganglionnaires, pour constituer ainsi un nodule central à l’intérieur du premier lobe protocérébral.
Transformations du nodule fibrillaire central. — Le nodule fibrillaire après que les cellules ganglionnaires ont achevé de l’englober se montre sous l'aspect d’un corps aplati oc- cupant le centre du premier lobe protocérébral et ne présen- tant encore aucune trace de différenciation (fig. 24, nf).
Mais bientôt, au stade IX (fig. 25) le nodule se divise par un étranglement en deux parties, l’une distale (fig. 25, /g), l’autre proximale (fig. 25, me).
Au stade X (fig. 27 et 28) le nodule fibrillaire a subi des transformations qui permettent dès maintenant de reconnaître avec une entière certitude les parties du ganglion optique qu’il est appelé à constituer. La partie distale (fig. 27
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 299
et 28, /4) du nodule a pris une texture finement striée qui nous fait reconnaître en elle la couche interne ou de sub- stance ponctuée de la lame ganglionnaire. La partie proxi- male du nodule s’est divisée en deux régions bien faciles à distinguer dès maintenant grâce aux quelques noyaux (dont j'ignore d’ailleurs l'origine) qui viennent d’appa- raîlre dans leurs points de contact. Ces deux régions sont : l'une, le chiasma externe (fig. 27 et 28, che); l’autre la masse #7nédullaire externe (fig. 27 et 28, me). Le chiasma externe, qui est comme on le sait un faisceau de fibres entre-croisées deslinées à unir la lame ganglionnaire à la masse médullaire externe, présente dès maintenant sa texture définitive.
La masse médullaire externe montre déjà celte double striation qui deviendra si caractéristique chez l'adulte et qui est due à ce que les fibrilles qui la composent se croisent presque toutes à angle droit.
Pendant que les transformalions que nous venons de dé- crire s'accomplissent dans le nodule central de substance fibrillaire et déterminent aux dépens de celui-ci la différen- ciation de la lame ganglionnaire, du chiasma externe, et de la masse médullaire externe; l'écorce cellulaire qui enve- loppe le nodule subit des modifications concomitantes très importantes et que nous allons faire connaître. Cette écorce se compose, nous l'avons dit, d'une couche de cellules gan- ghogènes et d’une couche plus profonde de cellules gan- glionnaires. Voyons de quels phénomènes chacune de ces parties va être le siège.
Déchéance vitale des cellules gangliogènes. — Au moment où 1l se constitue en se séparant de l’exoderme, le premier lobe protocérébral est formé par une simple assise de grandes cellules à protoplasma abondant que j'ai décrites sous le nom de cellules gangliogènes (fig. 14, 15, 16, /p1). Celte assise cellulaire produit des éléments qui diffèrent des siens propres et s'accumulent à sa face profonde; ce sont des cellules ganglionnaires (fig. 19, cy"). Les cellules gangliogènes per-
300 HI. VIALLANES.
dent leur puissance formatrice dès qu’elles ont produit un certain nombre de cellules ganglionnaires, alors elles dégénèrent tandis que les cellules ganglionnaires se multi- pliant activement déterminent dorénavant à elles seules l'accroissement du premier lobe protocérébral. C'est ce dont le lecteur se convaincra aisément en examinant com- parativement des coupes pratiquées aux stades VII, VIIT, IX et X.
Au stade VIT le premier lobe protocérébral a l'aspect d'un corps réniforme dont le grand axe est antéro-postérieur et dont le bord convexe est externe : c’est ce que montre bien le diagramme (fig. 3, /p1). Une coupe transversale pratiquée à cet état du développement, nous montre toute la surface convexe du lobe formée par l’assise (cg) de cellules ganglio- gènes, laquelle recouvre complètement la couche de cellules ganglionnaires à laquelle elle a donné naissance (fig. 19).
Au stade VIIT les cellules ganglionnaires se sont multi- pliées alors que les cellules gangliogènes ont définitivement cessé de s’accroître. Aussi ces dernières sont-elles débor- dées ne les cellules ganglionnaires et ne recouvrent-elles plus qu’une partie restreinte de la surface du lobe protocé- rébral (fig. 24).
Au stade IX le premier lobe nRo SE INALé s’est beaucoup accru grâce à la prolifération des cellules ganglionnaires. Quant aux cellules gangliogènes depuis longtemps inertes elles ne constituent plus qu’une bande étroite (fig. 25, 6pl), étendue d'avant en arrière sur la surface externe du premier. lobe protocérébral. Cette bande pressée de part et d'autre par la multiplication incessante des cellules ganglionnaires com- mence à se plier longitudinalement sur elle-même en forme de gouttière pour s’enfoncer comme un coin dans la masse des cellules ganglionnaires.
Au stade X ce mouvement d'inflexion est achevé et la bande que forment les cellules gangliogènes est complète- ment repliée en une gouttière dont les lèvres se touchent presque (fig. 26, 27, 28, 29, pl). Aussi celte gouttière vue
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 301
sur des coupes transversales se montre-t-elle sous la forme de la lettre U. Elle est complètement enfoncée au sein de la masse des cellules ganglionnaires.
Ce n’est pas seulement dans sa forme générale que la bande de cellules gangliogènes a subi d'importantes modi- fications, ses éléments eux-mêmes se sont modifiés dans leur intime structure. Ils montrent des signes évidents de décré- pitude ; beaucoup de cellules gangliogènes ont déjà disparu, les autres sont en voie d’atrophie; celles qui subsistent encore sont devenues columnaires, leur protoplasma s’est réduit et comme desséché, leur noyau s’est allongé et s’est rapetissé, si bien qu’elles présentent maintenant une ressem- blance des plus manifestes avec les cellules hypodermiques d'un Insecte adulte.
Il y a plusieurs années déjà en étudiant la structure du ganglion oplique de quelques larves de Diptères (1), j'ai dé- couvert celle curieuse gouttière d’aspect hypodermique enfoncée ainsi qu'un coin au sein de la masse des cellules nerveuses. Je l’avais appelée bouwrrelet périlaminaire pour rappeler les rapports de situation qu'elle affecte avec la lame ganglionnaire. C'est un nom qu’on peut lui conserver. Lors de mes premières recherches j'avais vainement tenté de découvrir la signification morphologique de cette singulière formation.
Aujourd'hui, je suis allé plus avant, je viens de dire quelle était son origine, j'ai pu de plus déterminer sa des- linée et reconnaître qu'au cours du développement, elle était appelée à disparaître, par suite d’une atrophie com- plète et d’une résorption de ses éléments.
Au stade XI (fig. 39, ôpl), elle est arrivée à sa dernière élape et n’est plus représentée que par quelques noyaux airo-
(1) Recherches sur l’histologie des Insectes et sur les phénomènes histologiques qui accompagnent le développement post-embryonnaire de ces animaux (Ann. se. nat., 6° série, t.- XIV, 1882) et Études histologiques et organologiques sur les centres nerveux et les organes des sens des animaux articulés. Troisième mémoire. Le ganglion optique de quelques larves de Diptères (Ann. sc. nat., 6° série, t. XIX).
ES nn
302 HI. VIALLANES.
phiés, un peu plus tard ces derniers vestiges ont totalement disparu.
En résumé le bourrelet périlaminaire doit être considéré comme le reliquat de la couche des cellules gangliogènes.
Transformation de l'écorce ganglionnaire du premier lobe protocérébral. — Aussitôt que la substance fibrillaire a été englobée par les cellules ganglionnaires pour devenir un nodule central, des différencialions se manifestent dans cette écorce cellulaire.
Dans l'écorce cellulairese creuse un profond sillon qui court d'avant en arrière, parallèlement au bourrelet périlaminaire.
L'étroite bande d’écorce comprise entre ce sillon et le bourrelet périlaminaire formera la couche externe ou cellu- laire (/g') de la lame ganglionnaire. C’est ce dont le lecteur se rendra bien compte en examinant au stade VIIT, la figure 24 au stade IX, la figure 25, au stade X, les figures 26, 27, 28, 29 et au stade XI, la figure 39.
En même temps qu'elle s’individualise la couche externe de la lame ganglionnaire revêl les caractères qui la distin- guent chez l'adulte, ses cellules qui resteront toujours de taille extrêmement réduite s’ordonnent en files régulières comme des grains de chapelet (fig. 29, /9).
Après que la couche cellulaire de la lame ganglionnaire s’est ainsi individualisée, le reste de l'écorce se différen- cie à son tour, mais tardivement et seulement après le stade X.
Au stade XI (fig. 39) nous remarquons qu'un nouveau sillon s’est creusé dans l'écorce; celle-ci se trouve ainsi divisée en trois parties bien distinctes me', me”, me .
La partie me’ (fig. 39) recouvre le chiasma externe, elle est constituée par des cellules petites à protoplasma très ré- duit dont les prolongements s’insinuent entre les fibres du
chiasma et pénètrent dans la face distale (1) de la masse médullaire externe.
(4) C'est-à-dire la face qui s’unit aux fibres du chiasma externe, la face proximale est celle qui s'unit au chiasma interne.
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 303
La partie me” (fig. 39) recouvre le bord antérieur de la masse médullaire externe, elle est composée de cellules volu- mineuses à protoplasma abondant dont les prolongements s'enfoncent dans le bord externe de la masse médullaire externe et cheminent dans la substance de celle-ci parallèle- ment à ses faces distale et proximale.
La partie me” (fig. 39) recouvre le chiasma interne, elle est composée de cellules très pelites; les fibres émises par ces dernières s’insinuent entre les fibres du chiasma interne et vont gagner la face proximale de Ia masse médullaire externe.
Développement des fibres post-rétiniennes. — Chez l'Insecte adulte l’œil composé est réuni au ganglion optique par des fibres connues sous le nom de fibres post-rétiniennes. Ces fibres sont tantôt écarlées les unes des autres et comme dissociées, tantôt groupées en un faisceau serré présentant l'aspect d’un vrai nerf. Dans tous les cas, elles partent des ommatidies, se dirigent vers le ganglion optique, s’insinuent entre les cellules de la couche externe de la lame ganglion- naire, pour s’enfoncer ensuite dans la couche interne (fibrillaire) de cette même lame.
La plaque optique qui formera l’œil composé, et le pre- mier lobe protocérébral dont la lame ganglionnaire n’est qu'une partie s'étant différenciés par suite du dédoublement de l’exoderme en deux feuillets, on peut être tenté de consi- dérer les fibres post-rélintennes comme des étirements pro- toplasmiques unissant les cellules de la plaque optique à celles du premier lobe protocérébral et ayant persisté malgré l’écarlement de ces deux parties.
C’est une hypothèse séduisante et qui apporterait un ap- pui à la théorie démodée de Hensen sur la formation des nerfs par élirements proloplasmiques.
Quoique mon esprit ail été à l’origine prévenu en faveur de cette hypothèse, je n’ai pu rencontrer un seul fait qui tende à la confirmer.
Examinons la série des coupes transversales pratiquées
30% H. VRALLANES.
chez un embryon arrivé au stade V. Sur la figure 10, la pla- que optique po est complètement séparée du premier lobe prolocérébral /p1. Les coupes suivantes pratiquées plus en arrière (fig. 11 et 12) nous montrent également ces deux parties parfaitement distinctes l’une de l’autre, pourtant tout à fait en dehors elles sont encore en contact sur un point; nous pourrions supposer qu'en ce point de très courts filaments protoplasmiques les unissent l’une à l’autre.
L'observation du stade VI (fig. 13, 14, 15, 16, 17) nous montre que le lobe protocérébral s’est davantage écarté de la plaque, toutefois sur un point très étroit (fig. 14) Le CE entre ces deux parties subsiste encore. |
Mais examinons le stade VII, et parcourons toute la série des coupes qu'il a fournies ; aucune d'elles ne nous montre une apparence qui puisse nous faire supposer qu'il a per- sisté un tractus protoplasmique, un trait d'union quelcon- que entre le lobe protocérébral et la plaque optique (fig. 19, 20, 21), partout ces deux parties sont largementécar- tées l’une de l’autre.
C'est seulement beaucoup plus tard, au stade X, ul ap- paraissent les fibres post-rétiniennes. A ce moment ae se montrent sous l’aspect d’un tractus fibrillaire (fig. 29, fpr) légèrement pigmenté, unissant la lame ganglionnaire à la plaque optique en train de se transformer en œil composé.
En somme, je crois pouvoir affirmer que les fibres post- rétiniennes ne sont point des tractus protoplasmiques, per- sistant entre le premier lobe protocérébral et la plaque optique. Eneffet, ces deux parties se montrent, à un moment du développement, complètement séparées l’une de l’autre, et les fibres post-rétiniennes n'apparaissent que plus tard.
Il est probable que les fibres post-réliniennes ont un ac- croissement centrifuge et une origine analogue à celle des nerfs ordinaires. C'est-à-dire qu'elles naissent de la lame ganglionnaire pour s’avancer vers la plaque optique et sy terminer.
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 305
Translation de la lame ganglionnaire. — Nous venons de montrer comment le premier lobe protocérébral, à l’origine simple assise de cellules, s’est peu à peu transformé pour donner naissance aux fibres post-rétiniennes, à la lame gan- glionnaire, au chiasma externe, à la masse médullaire externe, et aux divers groupes de cellules annexées à cette dernière. |
Il nous reste à faire connaître les importants change- ments de position dont ces parties deviennent le siège peu avant l’éclosion de l’Insecte alors que depuis bien longtemps elles ont acquis individuellement la structure qu’elles doi- vent conserver toujours. Ces changements de position parais- sent avoir surtout pour point de départ une translation cen- trifuge de la lame ganglionnaire.
. Si nous examinons au stade X, alors que toaite les par- ties du ganglion optique sont Miaées: une coupe lransver- sale (fig. 27, 28, 29) de la tête d’un embryon de Mante, nous constatons que le ganglion optique présente dans l’arrangement des parties qui le composent une disposition identique à celle que j'ai décrite chez quelques larves de Diptères appartenant aux genres Musca, Eristalis, Stra- homys (1).
Chez l’embryon de la Mante comme chez la larve des Dip- tères sus-mentionnés, ce qui caractérise le ganglion opti- que, c’est que les parties qui le constituent, au lieu d’être écartées et disjointes, comme cela s’observe chez les Insectes adultes, sont resserréc: et agglomérées en une masse com- pacte.
J'ai montré que chez les Diptères, au cours du dévelop- pement post-embryonnaire, au moment de la métamor- phose, les parties constitutives du ganglion optique s’écar- tent et se dissocient. Un phénomène tout à fait identique se produit chez la Mante un peu avant l’éclosion. Les fibres
(4) H. Viallanes, Études histologiques et organologiques sur les centres ner-
- veux et les organes des sens des animaux articulés, 3° mémoire. Le ganglion op-
tique de quelques larves de Diptères (Ann. sc. nat., 6me série, t. XIV). ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 20. — ART. N° 6.
306 H. VIALLANES.
post-rétiniennes se raccourcissent beaucoup, la lame gan- glionnaire entraînée au dehors, en raison de ce raccour- cissement, émigre (1) hors du premier lobe proto-cérébral dans l'écorce duquel elle était encastrée, elle se met en contact presque immédiat avec la limitante interne de l'œil composé el s’élale en dedans de celle-ci.
Dans ce mouvement de translation en dehors, la lame gan- glionnaire s’écarte de la masse médullaire externe qu’elle touchait presque ; aussi les fibres du chiasma externe s’al- longent-elles beaucoup.
Entraînée par le même mouvement, la masse médullaire externe s'éloigne, elle aussi, de la masse médullaire interne, il en résulle une élongation des fibres du chiasma interne.
En même temps que la lame ganglionnaire émigre el se transporte en dehors, la masse médullaire externe subit un mouvement de rotation et ses faces principales deviennent sensiblement parallèles à la lame.
Je regrette de ne pouvoir publier dans ce travail le dessin d'une coupe du ganglion optique d’une Mante adulte, ce qui aurait permis de comprendre plus aisément le mouvement ‘de translation que je viens de décrire; le lecteur pourra com- bler cette lacune indépendante de ma volonté, en se repor- tant à mon dernier travail sur le cerveau des Insectes (2); il y trouvera, à la page 22, le dessin de la coupe du ganglion optique du Caloptenus, qui a une configuration presque absolument identique à celui de la Mante.
Je ne veux pas clore ce chapitre sans faire remarquer au lecteur que cette similitude constatée dans la constitution du ganglion optique d’une larve de Diptère et d'un embryon de Mante nous conduit à formuler une conclusion intéres- sante, à savoir : que le ganglion optique d’une larve de Mouche, d’Eristale ou de Stratiome est un ganglion typi-
(4) Ce mouvement commence à se produire au stade X, il est déjà très manifeste sur la figure 39.
(2) H. Viallanes, Etudes histologiques et organologiques sur les centres ner-
veux et les organes des sens des animaux articulés, 5° mémoire. Le cerveau du Criquet (Ann. sc. nat. zool., 7° série, t. IV).
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 307
quement embryonnaire, dont l’évolution s’est arrêlée durant la vie larvaire, pour reprendre normalement son cours au moment de la métamorphose (1).
Tous les anatomistes qui se sont occupés de l'étude mor- phologique des Arthropodes ont considéré l’écartement des parties constitutives du système nerveux comme un état pre- mier, leur concentration comme un état secondaire. En ce qui concerne la première région du cerveau, cette hypothèse est en contradiction formelle avec les faits; plus loin nous verrons que relativement au reste de la chaîne nerveuse, elle ne peut être admise qu'avec de grandes réserves.
Développement du deuxième lobe protocérébral. — L'évolu- tion du système nerveux se poursuit, comme nous l'avons dit, régulièrement d'avant en arrière, aussi voyons-nous le deuxième lobe protocérébral commencer son évolution un peu après le premier. L'examen des diagrammes (fig. 3,2, et 1) fournis par les stades VI VII, et VIIT, montre bien la forme et les rapports du deuxième lobe protocérébral aux diverses phases du développement embryonnaire.
Le deuxième lobe protocérébral qui doit former, comme nous l'avons dit, la masse médullaire interne, est le siège de phénomènes histogéniques un peu différents de ceux que nous avons observés dans le premier lobe protocérébral; ces différences, quand on les analyse soigneusement, sont en réalité très minimes et proviennent simplement de ce que le deuxième lobe protocérébral se sépare de l’exoderme alors qu'il a presque complètement achevé son développement ; tandis que le premier lobe protocérébral se sépare de l’exo- derme alors qu'il n'est encore représenté que par une simple assise de cellules.
(4) La dilatation post-embryonnaire du ganglion optique ne s’observe pas seulement chez des Insectes à métamorphose complète, dans un précédent travail j'ai montré que chez la Libellule, au moment de la nymphose, le gan- glion optique se dilatait par suite de l'émigration et de la translation de la lame ganglionnaire vers la périphérie. Voy. H. Viallanes, Études histologiques et organologiques sur les centres nerveux et les organes des sens des animaux articulés, 2° mémoire. Le ganglion optique de la Libellule (Ann, sc. nat. z0o1., 6e série, t. XVIII).
308 H, VIALLANES.
Cette hâtive séparation d’avec l’exoderme est propre au premier lobe protocérébral et, dans tout le reste de la chaîne nerveuse, les choses se passent comme dans Île deuxième lobe. Aussi la description que nous allons donner des phénomènes histogéniques dont le deuxième lobe est le siège s’'applique-t-elle également au troisième lobe protocérébral, aux lobes deutocérébral et tritocérébral et à tous les gan- glions de la chaîne ventrale.
Dans la région où doit se former le deuxième lobe proto- cérébral, l’exoderme s’épaissit par suite de l'accroissement de ses cellules qui prennent en même temps une forme co- lumnaire (fig. 8, /p2). Bientôt ces cellules, se divisant, se disposent sur plusieurs couches et forment ainsi un épais massif cellulaire (fig. 10 et 11, /p2) dont les éléments sont primitivement tous semblables les uns aux autres. Maïs une différenciation ne tarde pas à se produire; les cellules de la couche superficielle restent relativement petites (elles méri- tent le nom de cellules dermatogènes) ; les cellules de la couche profonde grandissent beaucoup, ce sont les cellules gangliogènes. C’est ce qu’on reconnaît déjà très netiement au Stade VI (1). |
Au stade VIT, cette différenciation en cellules dermato- gènes (d) et gangliogènes (cg) est complète et bien manifeste dans toute l'étendue du deuxième lobe protocérébral (fig. 19, 20, 21). En même temps qu’elles se différencient d'avec les cellules dermatogènes, les cellules gangliogènes produisent par leur face profonde des éléments plus petits qu'elles, à protoplasma réduit et à noyau très riche en chromaline; ce sont les cellules ganglionnaires (fig. 15, cg’). Ces éléments se multiplient eux-mêmes rapidement et s'accumulent en une couche épaisse, si bien que le deuxième lobe protocérébral ({p2) se montre en coupe sous l’aspect suivant : immédiate- ment en dedans de la couche des cellules dermatogènes (d) se trouve la couche des cellules gangliogènes (cg); puis, en
(4) Voyez fig. 45 en {p2, d (cellules dermatogènes), g (cellules gangliogènes) et aussi sur les figures 14 et 46 (mêmes lettres que pour la figure 15).
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 309
dessous de cetle dernière, un épais massif de cellules gan- glonnaires (cg').
C'est ce qu'on constate également d'une manière tout à fait netle sur la coupe sagittale n° 37.
Au cours du développement, la couche des cellules derma- togènes se modifie peu à peu et forme l'hypoderme qui re- couvre la partie correspondante du deuxième lobe protocé- rébral. Quand cette modification est achevée, la couche des cellules gangliogènes s’écarte de celle des cellules derma- togènes transformées en hypoderme, et la séparation du centre nerveux d'avec les téguments est complète et défini- tive. C'est ce dont on se rend aisément compte en exami- nant des coupes pratiquées aux stades VII, VIII, IX, X (ig.21, 24,25, 27).
Dans le deuxième comme dans le Rremien Le prolocéré- bral les cellules gangliogènes n’ont qu’une existence éphé- mère ; dès qu'elles ont produit un certain nombre de cellules ganglionnaires elles cessent de se multiplier et dépérissent. Devant l’envahissement des cellules ganglionnaires dont la multiplication très rapide détermine l'accroissement du cen- tre nerveux, la couche des cellules gangliogènes est dislo- quée et dissociée (fig. 24). Puis ces cellules gangliogènes dégénèrent ; beaucoup d’entre elles sont déjà résorbées au stade IX (fig. 25), si bien qu’au stade suivant on en décou- vrirail à peine quelques derniers débris (fig. 26).
Quant à la substance fibrillaire, elle apparaît dans le deuxième lobe exactement comme dans le premier lobe; c'est-à-dire qu’elle se montre d’abord sur la surface profonde de la couche des cellules ganglionnaires, puis refoulée et débordée par la multiplication de ces éléments, elle s'enfonce au milieu d'eux par suite d’une sorte d’invagination pour former ainsi un nodule central.
C'est ce que nous montre bien nettement la coupe sagil- tale n° 37, praliquée chez un embryon arrivé au stade VII. J'altire tout parliculièrement l’attention du lecteur sur cette préparation qui, bien que rigoureusement dessinée d’après
310 H. VIALLANES.
nature, peut pourtant être considérée comme un véritable schéma de la structure embryonnaire des centres nerveux de l’Insecte. Cette coupe passant par le deuxième lobe pro- tocérébral (/»2) et par le troisième lobe protocérébral (/p3) nous montre ceux-ci formés par trois couches superposées parfaitement distinctes et qui sont, en allant de dehors en dedans : 1° les cellules gangliogènes (cg) disposées sur une seule assise en dedans de la couche également simple des. cellules dermatogènes (d) ; 2° la couche des cellules ganglion- naires (cg') ; 3° la couche de substance fibrillaire (s/).
Le nodule fibrillaire central du deuxième lobe protocéré- bral deviendra la masse médullaire externe aisément recon- naissable au stade X (fig. 27, 28, 35, mu). Au stade suivant (fig. 39, mu) cette masse a revêlu sa forme et ses caractères définitifs et est déjà comme chez l'adulte divisée par une ligne parallèle à sa face distale en deux parties ou capsules.
Quant aux cellules ganglionnaires qui ont pris naissance dans le deuxième lobe protocérébral, elles formeront les groupes de cellules dont les prolongements se perdent dans la masse médullaire externe.
Le chiasma interne (c’est-à-dire le faisceau de fibres entre- croisées qui réunit la face distale de la masse médullaire in- terne, avec la face proximale de la masse médullaire interne) apparaît sous forme d’un faisceau fibrillaire dans l’étran- glement qui sépare le premier lobe du deuxième lobe proto- cérébral (fig. 25, 28, 35, 39, ch).
De même le actus optique, c’est-à-dire l’ensemble des fibres qui réunissent la masse médullaire interne aux parties plus profondes du cerveau se forme dans la partie étranglée qui sépare le deuxième du troisième lobe protocérébral (He 2 SSD MO GOOM
Développement du troisième lobe protocérébral. — Les dia- grammes 3, 2, 1, empruntés aux stades VI, VII, X, nous montrent bien la forme et les rapports que le troisième lobe protocérébral (/p3) présente aux différentes époques du développement.
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 311.
Le troisième lobe protocérébral est le siège de phéno- mènes identiques à ceux que nous avons décrits pour le deuxième lobe. Ici comme dans le reste du système nerveux les cellules gangliogènes, après s'être différenciées d'avec les cellules dermatogènes, donnent naissance aux cellules ganglionnaires quise multiplient activement. (Voir les coupes pratiquées aux stades V, VI et VIT, fig. 10, 11, 12, 15, 16, 19/2024 po.)
Comme dans le deuxième lobe protocérébral, la substance fibrillaire (fig. 22, sf) se forme à la surface profonde de la couche des cellules ganglionnaires pour être plus tard englo- bée au sein de ces éléments et former ainsi un nodule fibril- laire central. |
Les deux bourrelets primitifs d’où dérive tout le sys- tème nerveux central restent complètement séparés l’un de l’autre encore après Le stade VI. (Voyez (1) le diagramme 3.)
C'estseulement à partir du stade VIT que les bourrelets pri- milifs commencent à se souder de distance en distance sur la ligne médiane pour constituer les commissures transversales.
La première soudure qui s'effectue entre les deux moitiés de l’ébauche du système nerveux est celle qui réunit le troi- sième lobe protocérébral avec son congénère. Au stade VII (fig. 2) cette soudure est la seule qui se soit encore produite : voici comment elle s'effectue :
Après que la substance fibrillaire a commencé à se for- mer contre la surface profonde du troisième lobe protocé- rébral, celui-ci se soude sur la ligne médiane avec son con- génère à l’aide d'un mince tractus formé seulement de quelques cellules ganglionnaires et à la face interne duquel se continue la substance fibrillaire (fig. 21, cé). Ainsi s'établit une union entre le lobe protocérébral de droite et celui de gauche (2).
(4) Une coupe sagittale bien orientée, pratiquée selon le plan médian avant le stade VII, ne rencontre aucune partie de système nerveux, les deux bourrelets primitifs étant partout écartés de la ligne médiane (fig. 38).
(2) Heider dans son travail (Die Embryonalentwikelung von Hydrophilus
MA H. VIALLANES.
Le nodule fibrillaire du troisième lobe prolocérébral, son congénère, la soudure qui les a réunis, se modifient au cours du développement et ordonnant les fibrilles qui entrent dans leur constitution, se transforment et se différencient pour donner naissance à toutes les parties du protocérébron com- prises entre le tractus optique de droite et celui de gauche et dont les principales sont chez l'adulte : les lobes protocéré- braux (proprement dits), les corps pédonculés, le protocérébron moyen, le pont des lobes protocérébraux (1).
Au stade 11 toutes ces parties sont déjà très nettement différenciées, sur la figure 39; nous pouvons distinguer les lobes protocérébraux /pc, la tige du sPRDS pédonculé cp, le corps central cc.
Développement des lobes deutocérébraux et tritocérébraux. — Les phénomènes histogéniques que nous avons vu se produire dans le deuxième et dans le troisième lobe proto- cérébral se propagent de proche en proche d'avant en arrière.
Ils se manifestent d'abord dans le lobe deutocérébral /de (fig. 1,2, 17, 23, 29, 30, 34, 35, 36), celui-ci et son congé- nère, se réunissant sur la ligne médiane par une commissure sus-æsophagienne, formeront l’ensemble du deutocérébron. Il est à remarquer que cette commissure est très intimement
piceus) prétend (p. 85-56) que la commissure qui réunit les deux moitiés du ganglion sous-æsophagien provient non seulement de la soudure directe de ces deux moitiés primitivement séparées. Mais qu'en outre une invagina- tion ectodermique, se produisant sur la ligne médio-dorsale en même temps que cette soudure se constitue, vient se mettre en contact avec cette der- nière et concourir à sa formation.
Je doute beaucoup que l'interprétation de M. Heïider soit exacte, même en ce qui concerne l'Hydrophile; l’invagination dont il parle ne serait-elle point simplement une formation appartenant au squelette dermique, et affectant seulement avec le système nerveux des rapports de voisinage ?
Dans tous les cas, rien de semblable ne se produit chez la Mante, car chez cet Insecte l’union des deux lobes proto-cérébraux est complète et défini- tivement achevée, alors que les lobes pro-céphaliques ne sont pas encore soudés sur la ligne médiane pour fermer en arrière la boîte crânienne.
(1) Voir pour la description de ces parties mon travail : Études histolo- giques et organologiques sur les centres nerveux et les organes des sens des ani- maux articulés, 17 mémoire. Le cerveau du Criquet (Ann. sc. nat. zool., 1887).
on Er
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 313
appliquée contre la commissure des lobes protocérébraux el se confond avec elle (fig. 33, c). C'est seulement tout à fait à la fin du développement que chaque lobe protocérébral se différencie en deux parties qui sont le lobe olfactif el le lobe dorsal.
Les mêmes phénomènes histogéniques se poursuivent dans les lobes tritocérébaux /{c (fig. 1, 2, 31, 32,34, 35, 36), qui s'unissent l’un à l’autre sur la ligne médiane par une commissure sous-æsophagienne. Cetle commissure tritocéré- brale (ctc) est désignée depuis longtemps sous le nom de com- massure transverse de l'anneau æsophagien par les anatomistes qui avant mes recherches en ignoraient la signification mor- phologique. Sur les coupes transversales n° 31 et n° 32, la commissure tritocérébrale céc est comprise dans le plan de la section ; sur la coupe sagittale n° 33, elle est transversale- ment AAA
Plusieurs embryologistes et entre autres M. Patten, pour ne citer que le plus récent, regardent le zoonite qui porte le labre comme situéen avant du zoonite qui porte les antennes.
Cette opinion basée exclusivement sur l'examen des par- ties extérieures de l'embryon, et sans que ses défenseurs aient eu connaissance des recherches qui m'ont amené à conclure à l'existence chez l’Insecte de trois zoonites prébuc- eaux ; le premier portant les yeux, le deuxième les antennes, le troisième le labre; cette opinion, dis-je, est en opposition évidente avec les faits que nous fournit l’histoire du déve- loppement du système nerveux.
Sans parler de l'examen des coupes transversales succes- sives qui pourrait tromper, ne suffit-il pas de considérer les diagrammes 1, 2 et 3, la coupe sagittale 34, les coupes laté- rales 35 et 36 pour se convaincre que : 1° les lobes protocéré- braux /p1, /p2, [p3, innervant les yeux se développent à l'extrémité antérieure du bourrelet primitif ; 2° le lobe deuto- cérébral (/dc) innervant l'antenne se développe immédiate- ment en arrière de ceux-ci; 3° le lobe tritocérébral /{c inner- vant le labre en arrière du lobe deutocérébral.
314 H. VIALLANES.
Développement du système nerveux viscéral impair. — Le système nerveux viscéral impair d’un Insecte adulte se compose de trois ganglions médians, réunis l’un à l’autre par un filet nerveux qu’on appelle le nerf récurrent ; le plus antérieur de ceux-ci, le plus connu de tous, el qu’on désigne sous le nom de ganglion frontal est relié au système nerveux central par une paire de filets nerveux connus sous le nom de racines du ganglion frontal (chacune de celles-ci réunis- sant ce ganglion frontal au lobe tritocérébral correspondant).
Les trois ganglions qui composent le système nerveux vis- céral impair se développent aux dépens de la paroi du sto- modeum, qui s'invagine sur la ligne médio-dorsale pour les former. Cetle invaginalion s’oblitère en se séparant du stomodeum, et entre ses cellules qui deviennent des cellules nerveuses apparaît la substance fibrillaire qui constitue la partie centrale du ganglion (c'est ce qu'a décrit M. Heider; toutefois cet auteur n’a observé que le ganglion frontal, les deux autres ganglions viscéraux lui ont échappé).
La coupe sagittale n° 33, pratiquée suivant le plan mé- dian chez un embryon au stade X, fait bien comprendre la disposition du système nerveux viscéral embryonnaire, qui se montre appliqué sur la face postérieure ou dorsale du stomodeum; sur cette figure on reconnaît le ganglion frontal 4/, le deuxième ganglion viscéral gv2, le troisième ganglion viscéral gv3; ces trois ganglions sont réunis l’un à l'autre par le nerf récurrent nr.
La coupe transversale pratiquée au même stade (fig. 22) et intéressant le stomodeum s, et le troisième ganglion viscé- ral gv3, nous montre bien les rapports de ces deux parties.
Tandis que chez l’Insecte adulte le ganglion frontal se trouve reporté très en avant du cerveau, et que par consé- quent les racines qui le réunissent à celui-ci ont une lon- gueur relalivement considérable; chez l'embryon, au con- traire, le ganglion frontal (fig. 31, 9/) est très rapproché des lobes tritocérébraux lc, par conséquent les racines (fig. 32,rv), qui l’unissent à ceux-ci, sont très courtes et inti-
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 319
mement appliquées contre la face antérieure de lœæso- phage 0e ; de plus ces mêmes racines sont proportionnelle- ment beaucoup plus volumineuses que chez l'adulte; il en résulle que l’ensemble constitué par le ganglion frontal et ses deux racines forme une sorte de pont traversant l'anneau œsophagien en avant de l’œsophage (fig. 1, /g). C’est là une disposition tout à fait analogue à celle qui s'observe chez les Myriapodes et qu'a décrite M. Saint-Rémy (1).
Développement des nerfs. — Les nerfs sortent des centres nerveux sous forme de bourgeons arrondis à leur extrémité; ils croissent du centre à la périphérie, et s’avancent en se divisant en rameaux secondaires vers les points du corps où ils doivent se terminer.
Le deutocérébron donne naissance aux nerfs antennaires ; (fig. 30, an) ; le tritocérébron aux nerfs du labre (fig. 31, n), le ganglion mandibulaire aux nerfs des mandibules, etc.
Développement de la chaîne ventrale. — La chaîne ven- trale se développe aux dépens de la partie post-orale des bourrelets primitifs (diagramme 3, 4pr). Dans chaque z00- nite les bourrelets primitifs forment un renflement (dia- gramme 2, 0pr). Chacun de ces renflements, devenant le siège de phénomènes histogéniques identiques à ceux que nous avons décrits dans les lobes cérébraux, se {ransforme en un centre ganglionnaire qui s’unit sur la ligne médiane avec son congénère par une double commissure {ransver- sale. Entre les ganglions qui naissent ainsi dans chaque zoonile, les bourrelets primilifs se transforment pour cons- tituer les conneclifs qui unissent longitudinalement les seg- ments successifs de la chaîne ventrale.
Je ne veux pas entrer dans plus de détails à ce sujet, mais seulement attirer l’attention du lecteur sur l’aspect très intéressant, au point de vue morphologique, qu'offre la chaine ventrale examinée chez un embryon au stade X. (Voir le diagramme n° 1, dans lequel la substance blanche
(1) M. Saint-Rémy, Recherches sur le système nerveux des Arthropodes tra- chiates (Arch. zool. exp., 2€ série, t. V bis, 1890).
316 HI. VIALLANES.
ou fibrillaire à été figurée en gris foncé et la substance grise ou cellulaire en gris clair.)
La chaîne ganglionnaire s'étend depuis la bouche jus- qu’à l’anus a ; elle est composée de 15 segments qui sont : le ganglion mandibulaire md, le ganglion de la première mâ- choire mr1, le ganglion de la deuxième mâchoire #72, ou lèvre inférieure, les 3 ganglions thoraciques #h 1, 2, 3, et les 9 ganglions abdominaux ab 1-9. Chacun de ces ganglions est logé dans le zoonite correspondant.
Le gauglion mandibulaire et les deux ganglions maxil- laires sont fusionnés en une masse unique (ganglion sous- œsophagien), mais des étranglements qui intéressent à la fois la substance grise et la substance blanche marquent bien leur limite (1).
Tous les autres ganglions de la chaîne ventrale sont par- faitement distincts les uns des autres. Mais tandis que chez l'adulte la substance grise ou cellulaire revêt seulement les ganglions, ici les conneclifs aussi bien que les ganglions sont englobés par celte substance.
Chez l’adulte chaque ganglion se compose de deux masses médullaires se touchant sur la ligne médiane, ici au con- traire les ganglions sont formés de deux masses médullaires symétriques très écartées de la ligne médiane et réunies par une commissure individualisée. Celte commissure est com- posée de deux faisceaux, très nettement distincts dans les trois segments thoraciques et dans les premiers segments abdominaux.
En somme, chez l'embryon l’ensemble des parties de sub- stance blanche qui entrent dans la constitution de la chaîne ventrale représentent donc une échelle de corde. Les con- nectifs figurent les montants, les commissures les échelons, les masses ganglionnaires les nœuds. L'ensemble de cette échelle de substance blanche est nové au sein des cellules qui composent la substance grise.
(1) Voyez aussi fig. 38, md, mæl, mx2.
‘.
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 317
Si j'insiste sur la disposition que présente la chaîne gan- glionnaire de l'embryon, c’est pour montrer dans quel défaut peuvent tomber les anatomistes qui veulent faire de la dila- tation longitudinale de la chaîne nerveuse le cHitériur de l'infériorité d’un type zoologique.
À en juger par les documents que nous fournit l’'embryo- logie, ce qui caractérise la chaîne nerveuse primitive, c’est d’avoir chacun de ses segmenislogé dans les zoonites corres- pondants ; ses commissures transversales dilalées; ses connec- tifs courts et entièrement revêtus de cellules ganglionnaires.
Bourrelet ectodermique intraganglionnaire. — Avant de clore le présent travail, il me reste à décrire une curieuse formation ectodermique que je désignerai sous le nom de bourrelet intra-ganglionnaire, elle apparaît au cours du déve- loppement pour disparaître avant l’éclosion. Ce qui me décide à parler aujourd’hui de cet organe transitoire, c'est qu'il affecte les rapports de situation les plus intimes avec le système nerveux central, bien qu'il ne paraisse concourir en aucune manière à la constitution de celui-ci.
Immédialement en dedans de la plaque optique, l’ecto- derme, sur un point très nettement limilé, se déprime sur une fossette bien facile à constater au stade VII, même par la simple observation de l’embryon préparé 2» toto et observé soit à la lumière directe soit à la lumière réfléchie (1).
Au point que nous indiquons l’ectoderme s’invagine en forme de doigt de gant; et cette invagination que nous dési- gnerons sous le nom de bourrelet intraganglionnaire (fig. 19, big) s’insinue entre le premier et le deuxième lobe protocé- rébral (2).
Un peu plus tard, au stade IX, celte invaginalion s’étran- glant à son point d’origine se sépare de l’exoderme et reste complètement indépendante des téguments de l'embryon; en même temps sa cavité s’est oblitérée. Le bourrelet intra- ganglionnaire (fig. 25, big) se présente alors sous l'aspect
(4) Voir le diagramme (fig. 2, big). (2) Voir les figures 20, 21 et 24 big.
318 H. VIALLANES.
d’un boudin cylindrique plein, formé de cellules d'apparence hypodermique fortement tassées les unes contre les autres ; il est contourné sur lui-même, et son extrémité effilée est venue s'appliquer contre le chiasma interne (c/21) et se loger dans l’espace compris entre la masse médullaire interne (mi) et la masse médullaire externe (me) (1).
Après le stade X, le bourrelet intraganglionnaire entre en voie de régression, et au stade XI il n’est plus représenté que par quelques cellules resserrées entre la masse médul- laire interne et la masse médullaire externe (fig. 39, big).
J'ai pour la première fois découvert dans le ganglion op- tique des larves de Mouche, de Stratiome, d’'Eristale, la for- mation que nous venons de décrire en la désignant sous le nom de bourrelet intraganglionnaire (2).
Chez les Diptères précités, un peu avant la métamor- phose, le bourrelel intraganglionnaire se présentait exacte- ment avec le même aspect et les mêmes rapports anato- miques que ceux qu'on remarque chez un embryon de Mante arrivé au stade X; il avait par conséquent perdu toute connexion avec les téguments. Aussi n’ai-je pu lors de ces premières recherches acquérir aucune donnée sur son origine, sans d’ailleurs avoir réussi davantage à suivre son évolution.
Aujourd'hui, grâce aux présentes recherches, nous con- naissons, du moins pour la Mante, toute l’histoire de l’évo- lution du bourrelet intra-ganglionnaire. Mais quelle est la signification morphologique de cet organe transitoire? Le champ est ouvert aux hypothèses et surtout aux recherches comparatives qui seules peuvent décider.
Le bourrelet ‘intra-ganglionnaire ne serait-il pas le rudi- ment d’une trachée ou d’une glande céphalique (3)?
(1) Voyez aussi les figures 27, 28, 35, 36, big et le diagramme (fig. 1), big.
(2) H. Viallanes, Etudes histologiques et organologiques sur les centres ner- veux et les organes des sens des animaux articulés, 3° mémoire. Le ganglion optique de quelques larves de Diptères (Ann. sc. nat. zool., 6° série, t. XIV).
(3) M. Patten dans ses recherches sur le développement de l’Acilius (Studes onthe Eyes ofthe Arthropods. Journal of Morphology, vol. IT, n° 1, july, 1888); et M. Heider dans son travail sur le développement de l’hydrophile (Embryonal-
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 319
RÉSUMÉ.
Le système nerveux central (cerveau et chaîne ganglion- naire) se développe tout entier aux dépens d’une paire d'é- paississements ectodermiques ou Dourrelets primitifs qui s'étendent des lobes procéphaliques à l'extrémité caudale de l'embryon. Par suite du développement, les bourrelets primi- tifs se différenciant et se soudant sur la ligne médiane for- meront en avant de la bouche le cerveau, en arrière de la bouche la chaîne ventrale. |
A leur extrémité céphalique, les bourrelets primitifs sont élargis, incurvés en dehors, et segmentés en cinq lobes qui sont :
Le premier, le deuxième et ie troisième lobe protocérébral (destinés tous trois à constituer le protocérébron); le Zobe deutocérébral (destiné à former le deutocérébron) ; Le lobe tri- tocérébral (desliné à former le tritocérébron). Plus en arrière les bourrelets s’étranglent de distance en distance au niveau de l'intervalle des zoonites.
Développement du premier lobe protocérébral. — Dans la région où doil apparaître ce lobe, l’ectoderme après s'être épaissi se sépare par délamination en deux couches qui s’'écartent aussitôt l’une de l’autre. La couche superficielle appelée plaque optique va former l’œil composé; la couche profonde constituera le premier lobe protocérébral.
Les cellules disposées sur une seule assise qui à l’origine constituent tout le lobe protocérébral, méritent le nom de cellules gangliogènes ; elles donnent endirectement naissance entwikelung von Hydrophilus piceus, Iéna, 1889) ont décrit et figuré (Patten, loc. cit, p. 131 et suiv., pl. IX, fig. 20 et 25 gv'. Heider, loc. cit., p. 42, fig. 5) une invagination ectodermique exactement semblable comme situation et comme aspect à celle que je viens de faire connaître chez la Mante. Ils pré- tendent que cette invagination concourt à former une partie des cellules nerveuses du ganglion optique. Ni chez la Mante, ni chez les larves de Dip- tères, je n'ai rien vu qui puisse me donner lieu de penser que le bourrelet
intra-ganglionnaire puisse concourir en quelque manière à la constitution des éléments du système nerveux.
320 | ‘EH. VIALLANES
aux cellules ganglionnaires. Celles-ci se multiplient active- ment; quant aux cellules gangliogènes, elles ont bientôt
terminé leur rôle ; car aussitôt les premières cellules gan-
glionnaires formées, elles entrent en dégénérescence et sont détruites.
Les cellules ganglionnaires se multiplient, produisent entre elles de la substance fibrillaire, et alors le lobe proto- cérébral se trouve formé par un nodule fibrillaire central revêlu d’une écorce ganglionnaire.
Le nodule fibrillaire central se différenciant et ordonnant ses fibrilles se divise en {rois régions distinctes qui sont : la couche interne où fibrillaire de la lame ganghonnaire, le chiasma externe, la masse médullaire externe.
L’écorce ganglionnaire du lobe protocérébral se différen- cie pour former la couche interne ou cellulaire de la lame ganglionnaire et les différents groupes de cellules ganglion- naires qui envoient leurs prolongements à la masse médul- laire externe.
À une période relativement tardive, des fibres nerveuses (fibres postrétiniennes) se constituant entre la lame ganglion- naire et la plaque optique établissent une communication entre ces deux parties. (RAIN
Au cours du développement, la lame ganglionnaire émigre hors du lobe protocérébral où elle a pris naissance et où elle était encastrée pour venir s’étaler en arrière de l’œil comme un écran. Pour suivre ce déplacement de la lame ganglion- naire les fibres du chiasma externe s’allongent beaucoup, alors qu’au contraire les fibres posirétiniennes se raccour- cissent. ;
Développement du deuxième lobe protocérébral. — Tandis que le premier lobe protocérébral se sépare de l’exoderme alors qu’il est encore formé seulement par une seule assise cellulaire, le deuxième lobe au contraire reste uni avec l’ecto- derme presque jusqu'à la fin du développement ; à part cette légère différence, les phénomènes histogéniques sont les mêmes dansle premier et dans le deuxième lobe protocéré-
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 321
bral. Toutes les autres régions des bourrelets primitifs se comportent exactement comme le deuxième lobe.
Le deuxième lobe protocérébral constituera la masse mé- dullaire interne.
Le chiasma interne qui réunit cette dernière à la masse médullaire externe se forme dans l’étranglement qui sépare le premier d’avec le deuxième lobe protocérébral.
Le tractus ou nerf optique qui réunit la masse médullaire interne au cerveau proprement dit se forme dans l’étrangle- ment qui sépare le deuxième d’avec le troisième lobe proto- cérébral.
Développement du troisième lobe protocérébral. — Le troi- sième lobe protocérébral au cours du développement s’unit avec son congénère en avant de l’œsophage et se soude à lui. Les deux lobes protocérébraux ainsi unis sur la ligne mé- diane vont former, en se différenciant, toutes les parties du protocérébron comprises entre les tractus optiques et qui sont : les lobes cérébraux, les corps pédonculés, le protocéré- bron moyen, le pont des lobes cérébraux.
Développement des lobes deutocérébraux et trilocérébraux. — Les phénomènes histogéniques que nous avons vus se produire dans les lobes protocérébraux se propagent de proche en proche d'avant en arrière, ils se manifestent d’a- bord dans le lobe deutocérébral. Les deux lobes deutocéré- braux s’unissent sur la ligne médiane par une commissure sus-æsophagienne.
Les lobes tritocérébraux se différencient à leur tour, ils se réunissent sur la ligne médiane par une commissure sous- æsophagienne. |
Développement de la chaîne ventrale. — La chaîne ventrale se développe aux dépens de la partie post-orale des bourre- lets primitifs. Dans chaque zoonite les bourrelets primitifs présentent un renflement. Ces renflements devenant le siège de phénomènes histogéniques identiques à ceux que nous avons décrits dans les lobes cérébraux se transforment en un centre ganglionnaire qui s’unit sur la ligne médiane avec son
ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 21. — ART. N° 6,
399 HI. VIAELANES.
congénère par une commissure originairement double.
La chaîne ventrale compte chez l'embryon 15 ganglions distincts : 3 céphaliques post-oraux {1), 3 thoraciques, 9 ab- dominaux.
Ce qui caractérise la chaîne nerveuse embryonnaire, c’est d’avoir chacun des ganglions qui là composent logé dans le zoonite correspondant ; les commissures transversales dou- bles et dilatées ; les connectifs longitudinaux écartés, courts et revêtus de ue ganglionnaires.
Développement des nerfs. — Les nerfs sorlent des centres nerveux sous forme de bourgeons arrondis à leur extrémité, ils croissent du centre à la périphérie et s’avancent aimsi vers les parties du corps où ils doivent se terminer.
Système nerveux viscéral impair. — Le système nerveux viscéral impair se compose de trois ganglions médians réunis l'un à l’autre par un nerf impair (nerf récurrent). Ces gan- glions se développent tous trois aux dépens de la paroi dor- sale du stomodeum qui pour les former s’invagine sur la ligne médiane.
Le premier ganglion viscéral connu sous le nom de gan- ghon frontal s'unit aux lobes tritocérébraux par une paire de racines originairement très courtes. Aussi chez l'embryon l’ensemble constitué par le ganglion frontal et ses deux ra- cines représente-t-il exactement la formation décrite chez les myriapodes sous le nom de pont stomatogastrique.
Bourrelet ectodermique intraganglionnaire. — Nous décri-
vons sous ce nom une formation transitoire qui affecte les
rapports les plus intimes avec le système nerveux bien qu’elle ne prenne aucune part à la constitution de celui-ci.
Au cours du développement en un point du lobe procé- phalique voisin de la plaque optique, l’ectoderme s’invagine en doigt de gant. Cette invagination, qui est le bowrrelet intraganglionnaire, s'insinue entre la masse médullaire in- terne et la masse médullaire externe. Puis cette invagination
(4) Le ganglion mandibulaire, celui de la 4re mâchoire; celui de la 2° mä-
choire ou lèvre inférieure.
DÉVELOPPEMENT DE LA MANTE. 323
s'élranglant à son point d’origine se sépare de l’exoderme ; plus tard elle entre en dégénérescence et disparait.
Cette formation représente peut-être une trachée ou une glande céphalique transitoire.
NOTE ADDITIONNELLE.
Le résumé du présent travail a été lu à l'Association fran- çaise pour l'avancement des sciences et imprimé dans les comptes rendus de cette association (Congrès de Limoges, 9 août 1890); il a également été publié par la Revue biolo- gique du nord de la France, t. W, septembre 1890.
Le développement des parlies si complexes qui compo- sent le cerveau des Insectes n'avait jamais été poursuivi. Cette lacune a été comblée par moi, de plus l'étude de la Mante m'a révélé un fait histologique inattendu. Contraire- ment aux idées reçues, les cellules nerveuses ne dérivent pas directement des cellules ectodermiques; c’est autrement que les choses se passent: de l’ectoderme se différencient de grosses cellules à caractère très spécial que j'ai appelées gangliogènes ; elles donnent naissance aux cellules nerveuses définitives, puis meurent et sont résorbées.
Mes recherches, reprises tout récemment par M. Whee- ler (1), ont été confirmées de la manière la plus complète. Je dois ajouter d’ailleurs que M. Wheeler à pleinement re- connu mes droits de priorité.
(4) Neuroblasts of Arthropods embryo (Journal of Morphology, Vol. IV, num. 3).
Li
324 HE. VIALLANES.
EXPLICATION DES PLANCHES.
Fig. 1. — Diagramme du système nerveux central d’un embryon de Mante au stade X. La substance blanche ou fibrillaire est teintée en gris foncé, la substance grise (formée de cellules ganglionnaires) en gris clair. Le premier lobe protocérébral lp1 est distingué par des hachures simples; me, masse médullaire externe; {g, lame ganglionnaire; fpr, fibres post- rétiniennes ; bpl, bourrelet péri-laminaire ; /{p2, deuxième lobe proto-céré- bral; mi, masse médullaire interne; [p3, troisième lobe proto-cérébral; ldc, lobe deuto-cérébral ; tc, lobe trito-cérébral; cte, commissure trito- cérébrale; gf, ganglion frontal; gv2?, deuxième ganglion viscéral impair; ni, nerf viscéral impair sectionné; md, ganglion mandibulaire; mæ1, gan- glion de la mâchoire ; mx?, ganglion de la lèvre inférieure ou deuxième mâchoire; th1, th2, th3, premier, deuxième, troisième ganglions thora- ciques ; abl, ab2, ab3, abk, ab5, ab6, ab7, ab8, ab9, premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième ganglion abdominal; a, anus; big, bourrelet intra-ganglionnaire.
Fig. 2. — Diagramme du système nerveux d’un embryon au stade VII. Les contours de l'embryon sont indiqués par un simple trait; {p, lobe pro- céphalique; an, antenne; æ, œsophage; !, labre; md, mandibulaire; mæxl, première mâchoire; mæ2, deuxième mâchoire; p1, première patte thoracique. L’ébauche du système nerveux est teintée; ses parties cellu- laires en gris clair, ses parties fibrillaires ou de substance blanche eu gris foncé ; {pl, premier lobe protocérébral marqué par des hachures simples (c'est la seule partie du système nerveux actuellement détachée d'avec l’exoderme); big, point où s’invagine l'exoderme pour former le bourrelet intra-ganglionnaire; /p2, deuxième lobe proto-cérébral; /p3, troisième lobe protocérébral; cf, commissure transverse des lobes protocérébraux; ldc, lobe deutocérébral; le, lobe tritocérébral; bpr, bourrelet primitif.
Fig. 3. — Diagramme du système nerveux d’un embryon au stade VI. Les contours de l'embryon sont indiqués par un simple trait; [p, lobe pro- céphalique; æ, œsophage; an, antenne; md, mandibulaire; mx1, pre- mière mâchoire ; mx2, deuxième mâchoire; pl, première patte thoracique. Les bourrelets primitifs sont teintés en gris; le premier lobe protocé- rébral lp1, qui est la seule partie du système nerveux actuellement déta- chée d'avec l’exoderme, est marquée de hachures; [»2, deuxième lobe protocérébral ; {p3, troisième lobe protocérébral; bpr, bourrelet primitif.
Fig. 4. — Embryon au stade V débarrassé des membranes embryonnaires, du vitellus nutritif et examiné par transparence. [p, lobe procéphalique; l, labre; b, bouche; an, antenne; md, mandibulaire; mæl, première mâ- choire ; mx2, deuxième mâchoire; pl, p2, p3, premier, deuxième et troi- sième patte thoracique; abl, ab2, ab3, premier, deuxième, troisième z00- nite abdominal, vv, plan par lequel passe la coupe n° 10; ææ, plan par lequel passe la coupe n° 11; yy, plan par lequel passe la coupe n° 12; zz, plan par lequel passe la coupe n° 13. :
EXPLICATION DES PLANCHES. 325
Fig. 5. — Embryon au stade III, préparé comme le précédent; lp, lobes procéphaliques ; a, bourrelet saillant passant en avant de la bouche et réunissant les mamelons antennaires; b, bouche; an, antenne ; md, z00- nite mandibulaire; mæ1l, zoonite maxillaire I; mx2, zoonite maxillaire IF; p1,p2, p3, premier, deuxième, troisième zoonite thoracique; æx, plan par lequel passe la coupe n° 8; yy, plan par lequel passe la coupe n° 9.
Fig. 6. — Embryon au stade II, préparé et observé par transparence comme les précédents. lp, lobe procéphalique; an, antenne; md, zoonite mandi- bulaire; mæ1, zoonite maxillaire I; mx2, zoonite maxillaire Il; p1, p2, p3, premier, deuxième et troisième zoonite thoracique.
Fig. 7. — Embryon au stade I, préparé comme les précédents; lp, lobe procéphalique; 0, partie antérieure de la gouttière primitive encore ou- verte; m, plaque mésodermique.
Fig. 8. — Coupe transversale (1) d’un embryon au stade III passant par le plan ææ (voy. fig. 5); am, amnios; ec, ectoderme; celui-ci n'a encore dans la région médiane aucune transformation, dans la région latérale il s’est épaissi pour commencer à former l'ébauche du système nerveux; po, couche de cellules ectodermiques qui deviendra la plaque optique; pi, couche de cellules ectodermiques qui deviendra le premier lobe proto- cérébral; {p2, région de l’ectoderme qui formera le deuxième lobe proto- cérébral; m, mésoderme.
Fig. 9. — Coupe transversale d’un embryon au stade II passant par le plan yy (voy. fig. 5); am, amnios ; ec, ectoderme s'épaississant de chaque côté de la ligne médiane en bp pour former les bourrelets primitifs; m, mésoderme.
Fig. 10. — Coupe transversale d’un embryon au stade V, passant par le plan vv (voir fig. 4); am, amnios; po, plaque optique; lpi, premier lobe protocérébral; {p2, deuxième lobe protocérébral; {p3, troisième lobe protocérébral; ec, ectoderme; m, cellule mésodermique.
Fig. 41. — Stade V; coupe transversale passant par le plan xx (voir fig. 4); am, amnios ; po, plaque optique; /p1, lp2, lp3, premier, deuxième et troi- sième lobe protocérébral; ec, ectoderme; b, invagination buccale de l'ec- toderme ou stomodéon; m, mésoderme.
Fig. 12. — Stade V, coupe transversale passant par le plan yy (voir fig. 4); am, amnios; po, plaque optique; lp1, premier lobe proto-cérébral; [p2, deuxième lobe proto-cérébral; ec, ectoderme; b, paroi postérieure du stomodéon; m, mésoderme.
Fig. 13. — Stade V, coupe transversale passant par le plan zz (voir fig. 4) et coupant les mandibules ; ec, ectoderme; bp, bourrelet primitif commen-
_ çant à se différencier; m, mésoderme.
Fig. 13 bis. — Stade VI, coupe transversale de la partie antérieure des lobes procéphaliques; am, amnios; po, plaque optique; m, cellule mésoder- mique; pl, premier lobe protocérébral; ec, ectoderme.
Fig. 14. — Stade VI, coupe transversale pratiquée en arrière de la précé- dente ; am, amnios ; po, plaque optique; {p4, premier lobe protocérébral; lp2, deuxième lobe protocérébral; d, cellules dermatogènes; cg, cellules gangliogènes ; ec, ectoderme; m, cellule mésodermique.
Fig. 15. — Stade VI, coupe transversale pratiquée en arrière de la précédente ; am, amnios; po , partie non optogénique de la plaque optique; po, partie
(1) Excepté pour les figures 31 et 32 toutes les coupes transversales sont orien- tées de même, la face neurale en haut.
326. MH. VIALLANES.
optogénique de la plaque optique ; lp, premier lobe protocérébral; /p2, deuxième lobe protocérébral; {p3, troisième lobe protocérébral; d, cel- lules dermatogènes; cg, cellules gangliogènes ; cg’, cellules ganglionnaires ; l, labre ; œ@, œsophage ; m, mésoderme.
Fig. 16. — Stade VI; coupe transversale pratiquée en arrière de la précé- dente; am, amnios; po’, portion non optogénique de la plaque optique; po, portion optogénique de la plaque optique; lp1, lp2, lp3, premier, deuxième, troisième lobe protocérébral; d, cellules dermatogènes; cg, cellules gangliogènes ; ec, ectoderme; m, mésoderme; !, labre; æ, œso- phage.
Fig. 17. — Stade VI; coupe transversale pratiquée en arrière de la bouche; am, amnios; po’, partie non optogénique de la plaque optique; lp1, pre- mier lobe protocérébral; lde, lobe deutocérébral; !, labre; an, antenne; ec, ectoderme; m, mésoderme. \
Fig. 18. — Stade VI; coupe transversale pratiquée en arrière de la précé- dente, entre la mandibule et la première mâchoire; am, amnios; ec, ecto- derme; bp, bourrelet primitif. Ë
Fig. 19. — Stade VIT; coupe transversale de la région antérieure des lobes procéphaliques; am, amnios; po’, portion non optogénique de la lame optique ; po, portion optogénique de la lame optique; big, bourrelet intra- ganglionnaire; ec, ectoderme; {pl, premier lobe protocérébral; lp2, deuxième lobe protocérébral; {p3, troisième lobe protocérébral; sf, substance fibrillaire ; d, cellules dermatogènes; cg, cellules gangliogènes ; cg', cellules ganglionnaires.
Fig. 20. — Stade VIT; coupe transversale pratiquée en arrière de la précé- dente; am, amnios; po’, région non optogénique de la plaque optique; po, région optogénique de la plaque optique; big, bourrelet intra-ganglion- naire; ec, ectoderme; lpl, premier lobe protocérébral; /p2, deuxième lobe protocérébral; [p3, troisième lobe protocérébral; d, cellules derma- togènes; cg, cellules gangliogènes; cg', cellules ganglionnaires; sf, subs- tance fibrillaire; m, mésoderme.
Fig. 21. — Stade VIT; coupe transversale pratiquée en arrière de la précé- dente ; am, amnios; po’, portion non optogénique de la plaque optique; po, portion optogénique de la plaque optique; big, bourrelet intra-gan- glionnaire ; ec, ectoderme ; æ, œsophage; {p1, lp2, lp3, premier, deuxième, troisième lobe protocérébral; d, cellules dermatogènes; cg, cellules gan- gliogènes; cg’, cellules ganglionnaires; sf, substance fibrillaire; cé, com- missure transverse des lobes proto-cérébraux,; m, mésoderme. .
Fig. 22. — Portion d’une coupe transversale pratiquée à travers un embryon au stade X; st, stomodéon; gv3, troisième ganglion viscéral impair.
Fig. 23. — Stade VII; coupe transversale pratiquée en arrière de la sec- tion n° 21; am, amnios; po’, portion non optogénique de la plaque op- tique ; po, portion optogénique de la plaque optique; ec, ectoderme; æ, œsophage; m, mésoderme; [p1, lp2, lp3, premier, deuxième, troisième lobe proto-cérébral; d, cellules dermatogènes; cg, cellules gangliogènes ; cg’, cellules ganglionnaires; sf, substance fibrillaire.
Fig. 24. — Stade VIIT; coupe transversale passant par le premier et le deuxième lobe proto-cérébral; am, amnios; po’, portion non optogénique de la plaque optique; po, portion optogénique de la plaque optique: big, bourrelet intra-ganglionnaire; ec, ectoderme; {g', couche cellulaire de la lame ganglionnaire; bpl, bourrelet péri-laminaire; eg, cellules ganglion- naires; nf, noyau fibrillaire du premier lobe protocérébral; chi, chiasma
EXPLICATION DES PLANCHES. 327
_interne; mi, masse médullaire interne; d, cellules dermatogènes; {p2, deuxième lobe protocérébral; m, mésoderme. Fig. 25. — Stade IX ; coupe transversale intéressant le premier, le deuxième et le troisième lobe protocérébral; am, amnios; po', portion non optogé- nique de la plaque optique ; po, portion optogénique de la plaque optique ; lg', couche cellulaire de la lame ganglionnaire; {g, couche interne de la lame ganglionnaire ; bpl, bourrelet péri-laminaire ; che, chiasma externe ; me, masse médullaire externe; chi, chiasma interne; big, bourrelet intra- ganglionnaire; lp2, deuxième lobe protocérébral; to, tractus optique; lp3, troisième lobe protocérébral; d, cellules dermatogènes; cg, cellules gangliogènes; cg', cellules ganglionnaires ; ec, ectoderme; m, mésoderme. Fig. 26. — Stade X; coupe transversale de la partie antérieure de la tête d’un embryon; po', portion non optogénique de la plaque optique; /g', couche externe cellulaire de la lame ganglionnaire ; {g, couche interne de lame ganglionnaire ; me, masse médullaire externe; bpl, bourrelet péri- laminaire; [p3, troisième lobe protocérébral. Fig. 27. — Stade X; coupe transversale pratiquée en arrière de Hi précé- dente ; po’, portion non optogénique de la plaque optique; po, portion optogénique de la plaque optique; fpr, fibres post-rétiniennes; /g', couche externe de la lame ganglionnaire; /g, couche interne de la lame gan- glionnaire ; bpl, bourrelet péri-laminaire; che, chiasma externe ; me, masse médullaire externe; mi, masse médullaire interne ; big. bourrelet intra- ganglionnaire; to, tractus optique; cg', cellules ganglionnaires; d, cellules dermatogènes devenues cellules hypodermiques; /p3, troisième lobe protocérébral. Fig. 28. — Stade X; coupe transversale pratiquée en arrière de la précé- dente; po’, portion non optogénique de la plaque optique; po, portion optogénique de la plaque optique; fpr, fibres post-rétiniennes; /g', couche externe de la lame ganglionnaire; {g, couche interne de la lame gan- glionnaire ; bpl, bourrelet péri-laminaire ; che, chiasma externe ; me, masse médullaire externe; chi, chiasma interne; big, bourrelet intra-ganglion- naire ; mi, masse médullaire interne; fo, tractus optique; {p3, troisième lobe protocérébral; cf, commissure transverse du troisième lobe proto- cérébral et de son congénère. Fig. 29. — Stade X; coupe transversale pratiquée en arrière de la précé- dente ; po’, portion non optogénique de la plaque optique; po, portion optogénique de la plaque optique; fpr, fibres post-rétiniennes; {g', couche externe de la lame ganglionnaire; {g, couche interne de la lame gan- glionnaire; che, chiasma externe ; me, masse médullaire externe ; {p3, troi- sième lobe protocérébral ; {de, lobe deutocérébral; æ, œsophage. Fig. 30. — Stade X ; coupe transversale pratiquée en arrière de la précé- dente; gf, ganglion frontal; an, nerf antennaire; de, lobe deutocérébral; æ, œsophage. Fig. 31 (1). — Stade X; coupe transversale pratiquée en arrière de la précé- dente; lée, lobe tritocérébral; cte, commissure tritocérébrale; gf, gan- glion frontal; n, nerf; n, nerf du labre; æ, œsophage. Fig. 32 (2). — Coupe transversale pratiquée en arrière de la précédente; léc, lobe tritocérébral; cfc, commissure tritocérébrale ; cæ, connectif œsopha-
(1) Par suite d'une erreur du graveur cette coupe a été orientée la face neurale
en bas.
(2) Même observation que pour la figure précédente.
328::.- H. VIALLANES.
gien; 7, racine du pion frontal; gf, sANEAOR frontal à peine effleuré par le rasoir.
Fig. 33. — Stade X,; : coupe sagittale passant par le plan médian; l, labre; b, bouche; sf, stomodeum : c, commissure transverse des lobes proto- cérébraux et PT dus. gf, ganglion frontal; gv2, deuxième gan- glion viscéral; gv3, troisième ganglion viscéral; nr, nerf récurrent; ct, commissure tritocérébrale transversalement coupée; gso, ganglion sous-
æsophagien formé par la réunion des ganglions mandibulaire et maxil-
laires ; thl, premier ganglion thoracique.
Fig. 34. — Stade X; coupe sagittale pratiquée en os de la précédente et passant par le connectif œsophagien; {, labre; mx, lèvre inférieure; lpe, lobe protocérébral; lde, lobe deutocérébral: lte, lobe tritocérébral ; cœ, connectif œsophagien; md, ganglion mandibulaire; mx!l, ganglion de la mâchoire; mx2, ganglion de la lèvre inférieure; th1l, premier ganglion thoracique.
Fig. 35, — Stade X; coupe latérale de la tête d’un embryon; po, portion op- togénique de la plaque optique; po', portion non optogénique de la plaque optique; /g', couche externe de la lame ganglionnaire; {g, couche interne de la lame ganglionnaire; che, chiasma externe; me, masse médullaire externe ; bpl, bourrelet péri-laminaire ; chi, chiasma interne ; big, bourrelet ‘intra-ganglionnaire; mi, masse médullaire interne; fo, tractus optique; Ip3, troisième lobe protocérébral; de, lobe deutocérébral; lte, lobe tri- cérébral; md, ganglion mandibulaire; æ, œsophage.
Fig. 36. — Stade X; coupe latérale pratiquée en arrière de la précédente; po, portion optogénique de la plaque optique; po', portion non optogéni- que de la plaque optique; bpl, bourrelet péri-laminaire; big, bourrelet intra-ganglionnaire; pl, premier lobe protocérébral; mi, masse médul- laire interne; to, tractus optique; lp3, troisième lobe protocérébral; cé, commissure transverse des lobes proto et deutocérébraux; lde, lobe deutocérébral; lie, lobe tricocérébral; æ, œsophage.
Fig. 37. — Stade VIT; coupe sagittale passant par l'autenne; am, amnios; po', portion non optogénique de la rétine; po, portion optogénique de la rétine; d, cellules dermatogènes; an, antenne; md, mandibule; [p1, pre- mier lobe protocérébral; [p2, deuxième lobe protocérébral; lp3, troi- sième lobe protocérébral; cg, cellules gangliogènes; cg', cellules gan- glionnaires ; sf, substance fibrillaire; m, mésoderme.
Fig. 38. — Coupe sagittale passant au voisinage du plan médian, un peu avant le stade VIE, alors que les lobes protocérébraux ne se sont pas encore soudés sur la ligne médiane; ec, ectoderme; {, labre; sf, stomo- déum; m, mésoderme; la coupe étant un peu oblique rencontre au- dessous de la bouche un des bourrelets primitifs bpr; d, cellules derma- togènes; cg, cellules gangliogènes ; cg’, cellules ganglionnaires.
Fig. 39. — Coupe transversale de la tête d’un embryon au stade XI; po’, portion non optogénique de la plaque optique; fpr, fibres post-réti- niennes; {g', couche externe de la lame ganglionnaire; {g, couche interne delalame ganglionnaire; bpl, résidu du bourrelet péri-laminaire dégénéré; che, chiasma externe; me, masse médullaire externe; me', me”, me”, groupes de cellules ganglionnaires associées à la masse médullaire externe; chi, chiasma interne ; big, résidu du bourrelet intra-ganglionnaire dégé- néré; mi, masse médullaire interne; to, tractus optique; lpc, lobe proto- cérébral; cp, tige du corps pédonculé; ce, corps central.
RC CS
L'ÉVOLUTION DES GORDIENS
Par A. VILLOT.
Les Gordiens représentent certainement, parmi les Hel- minthes, un type aberrant des plus curieux et des plus difficiles à expliquer. Leur évolution était encore lorsque j'ai commencé à m'en occuper, il y a vingt ans, une véritable énigme ; et ce n’est pas sans peine que je suis enfin parvenu, tout récemment, à en démêler les diverses phases.
Les résultats de mes recherches, publiés dans une série de Notes et de Mémoires, de 1872 à 1890, sont la fidèle expression des difficultés que j'ai successivement rencontrées et des progrès que j'ai réalisés chaque année dans cette longue et laborieuse étude. — Il fallait y faire la part de l'erreur et de la vérité; et, après avoir soumis mes observa- tons au contrôle de l'expérience, il restait à résumer les faits définitivement acquis.
De nombreux travaux sur le même sujel, qui ont paru à l'étranger, dans ces derniers temps, méritaient aussi d’être soigneusement examinés. Ces publications, qui émanent de savants distingués, ne sont en grande partie que la confir- mation pure el simple des résullals auxquels j'étais moi- même arrivé depuis longtemps; mais, sur un certain nombre de points, leurs auteurs déclarent formellement ne pouvoir partager ma manière de voir. Les causes de ce désaccord sont multiples, et j'ai déjà eu l’occasion, à plusieurs reprises, d'appeler sur elles l’attention des juges compétents; mais vai cru devoir revenir, encore une fois, sur ces questions
330 A. VILLOT.
litigieuses. Je Les discute de nouveau, en toute liberté, mais aussi avec l’impartialité et les égards que l’on se doit entre collègues. Je pense qu’une critique sérieuse et de bonne foi, qui vise les choses et non les personnes, ne peut que profiter à la science.
Toutes mes recherches sur l’organisation et le développe- ment des Gordiens ont été faites à Grenoble, dans mon labo- vatoire particulier; mais je m'empresse d'ajouter que j'ai reçu de Paris les encouragements les plus flatteurs. MM. les professeurs E. Blanchard et À. Milne-Edwards m'ont donné bien des preuves de leur estime et de l'intérêt qu'ils pren- nent à mes travaux. Je prie ces savants éminents, ces mai- tres dévoués, dont le bienveillant appui ne m'a jamais fait défaut, d'agréer l'expression de ma vive reconnaissance.
L'évolution des Gordiens, considérée dans son ensemble, comprend trois grands stades de développement : l'état embryonnaire, l’état larvaire proprement dit et l’état adulte. À l’état embryonnaire et à l’état adulte correspondent deux formes entièrement différentes. L'état larvaire proprement dit représente un état intermédiaire, qui établit le passage de la forme embryonnaire à la forme adulte.
$ 1. — État embryonnaire.
Synonymie. — Première forme larvaire et deuxième forme larvaire, Villot, 1874. — Embryonalform, Linstow, 1878. — Embryo, Leuckart, 1879. — Première forme larvaire, Villot, 1881. — Stadio di larva, Camerano, 1887. — Erste oder embryonale Larvenform, Linstow, 1889.
Grube (1) est le premier observateur qui ait étudié Île développement embryonnaire des Gordiens. Il a décrit en 1849, mais d’une manière superficielle et sur certains points inexacte, l’embryogénie du Gordius aquaticus. Les figures qui accompagnent son travail sont très grossièrement exécu- tées. Elles représentent le nidamentum, la segmentation du vitellus, l'embryon dans l'œuf el l'embryon hors de l'œuf. Le
(1) Ueber einige Anguillulen und die Entwicklung von Gordius aquaticus (Ar- chiv für Naturgeschichte, t. XXIX, p. 374; taf. VIL, fig. 1-10).
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 331
lube digestif, dans sa partie postérieure, et les contours gé- néraux de l'embryon y sont assez bien indiqués; mais les détails de l'armature sont à peine reconnaissables. L'auteur, après avoir décrit les faits qu'il lui avait été possible d’obser- ver, arrive à celte conclusion : « So lückenhaft diese Mit- theilungen sind, so geht doch aus ihnen hinlänglich die grosse Uebereistimmung in der Entwicklung der Gordien und Ascariden und die grosse Verschiedenheit in der Gestalt zwischen den jungen und den erwachsenen Gordien hervor. »
Les observalions de Grube sur l’'embryogénie des Gordiens furent confirmées en 1850 et 1851 par Leidy (1). Le natu- raliste américain décrivit le nidamentum, le développement de l'œuf et de l'embryon du Gordius varius. Sa description est assez détaillée, mais n’est pas accompagnée de figures. Il fait remarquer aussi combien la forme embryonnaire de cette espèce est différente de son état adulte. « The perfect Embryo of Gordius varius differs so much from the parent that it 1s no possible to recognise the latter in the former. »
Meissner, dans ses Beiträge zur Anatomie und Physiolo- ge der Gordiaceen (2), a décrit et figuré le développement embryonnaire du Gordius tolosanus (G. subbifurcus, Siebold). Meissner parait avoir ignoré l'existence des Notes de Leidy et n’est pas d'accord avec Grube sur plusieurs points relatifs à la structure de l'embryon.
Le fait est que les observations de Meissner, aussi bien que celles de Grube et de Leidy, laissaient fort à désirer. Ces trois auteurs n’ont donné qu'une description très superfi- cielle de la segmentation de l’œuf et des formes de l'embryon. Grube a assez bien représenté le tube digestif, mais Meissner l'a entièrement méconnu. Les curieux détails de l’armature céphalique de l'embryon leur ont, à tous trois, complète-
(1) Notes on the Development of the Gordius aquaticus (Proceed. of the Acad. of Nat. Sc. of Philadelphia, t. V, p. 98-100). — Leidy a aussi publié des ob- servations relatives à l’embryogénie des Gordiens dans un Mémoire ayant pour titre : « The Gordius or Hairworm » (Americ. Entomol. and Botanist, vol. II, p. 192, 1870).
(2) Zeitsch. für wissensch. Zool., Bd. VII, p. 121; taf, VI, fig. 28-29.
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ment échappé; ils ne décrivent que deux rangs de piquants, au lieu de trois, qui existent en réalité. Les figures qui accom- pagnent Fo. descriptions sont d’ailleurs très médiocres.
Tout cela élait à revoir et à reprendre en détail; et c’est ce que j'ai fait en 1872.
Dans ma Monographie des Dragonneaux (1), publiée en 1874, j'ai décrit et figuré la structure de l'œuf qui vient d’être pondu et toutes les phases de la segmentation du vitellus. J'ai fait connaître le mode de formation des deux feuillets blastodermiques, qui n'avaient pas encore été décrits, ainsi que les diverses phases de l’évolution de l'embryon. J'ai, de plus, donné les caractères distinctifs de l’embryon de trois espèces de Gordiens : G@. aquaticus, Gr. tolosanus et G. gra- hanopolensis.
Camerano (2) est le seul auteur qui, depuis la publication de ma Monographie des Dragonneaux, se soit occupé du développement embryonnaire des Gordiens. Son travail, qui paraît avoir été rédigé trop rapidement, ajoute peu de chose à nos connaissances et contient quelques inexactitudes, que je crois utile de relever, afin qu’elles n'induisent pas en erreur les observateurs qui viendront après lui.
Camerano ne fait aucune allusion aux publications de Grube et de Leidy sur le même sujet; il prétend que nous sommes, Meissner et moi, les seuls auteurs qui aient observé avant lui les premiers moments de l’évolution des Gordiens. Il m'a paru nécessaire de rappeler ici les droits de priorité de Grube, car les conclusions de Camerano sont absolument identiques à celles que Grube formulait dès 1849. Nous vou- lons parler de l’analogie qui existe incontestablement entre le développement embryonnaire des Gordiens et celui des Ascarides.
La manière dont Camerano décrit l’ovule mür, a la
(1) Archives de z0ol. expér. et génér., t. III, p. 201-209; pl. VII et VII bis, fig. 31-56.
(2) 1 primi momenti della Evoluzione dei Gordii (Estr. dalle Memorie della Reale Accad. delle Scienze di Torino, serie IX, t. XL, tav. I-IT, 1889).
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ponte, et l'œuf déjà pondu, est parfaitement conforme à la description que j'ai moi-même donnée en 1874, dans ma Monographie des Dragonneaux. J'ai signalé dans l'œuf des Gordiens l'existence d’une membrane vitelline ; et Camerano n'a fait, sur ce point, que confirmer mon observation. Il désigne les deux couches du chorion sous le nom de « membranes périvitellines » (Strati perivitellini). Cette modification de la nomenclature ne me paraît pas heureuse, car les deux membranes en question n’entourent point di- rectement le vitellus.
Après avoir reproduit le passage de ma Monographie des Dragonneaux où je parle des globules polaires, Camerano dit : « Le cose dette dal Villot ora riferite si allontanano talmente da ciô che si observa nello sviluppo delle uova dei Gordii rispetlo alla formazione e al numero dei globuli po- lari che viene spontaneo il domandarsi che cosa pud il Villot aver considerato come globuli polari. » J'ai considéré comme globule polaire ce que tout le monde désigne sous ce nom; et les figures qui accompagnent ma description ne laissent aucun doute à cet égard. J'ai étudié les globules polaires de plusieurs espèces de Gordiens, mais toujours après la ponte, c’est-à-dire pendant la segmentation du vitellus et le développement de l'embryon. J'ai pu constater ainsi que « le nombre, la forme et le volume de ces globules sont très variables. » L’un d'eux dépasse toujours de beaucoup les aulres par ses dimensions; il mesure en diamètre 0"*,004 chez le Gordius aquaticus, 0**,006 chez le Gordius wolaceus. Les autres sont de moitié plus petits.
Cette multiplication des globules polaires est évidemment postérieure à leur émission et résulte d’un processus de division des deux globules primitifs; mais je laisse indécise la question de savoir si ce processus de division représente une vérilable segmentation ou un simple phénomène de désagrégalion. Celte multiplicité des globules polaires n’a d’ailleurs rien d'insolite, et il n’y aurait rien d'étonnant à ce qu’elle fût le résultat d’une vraie segmentation, car on en
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connaît bien d’autres exemples (1). Quant au mode de for- mation des globules polaires, il était complètement inconnu à l’époque où j'écrivais ma Monographie des Dragonneaux ; et Camerano lui-même veut bien reconnaître qu'il m'était impossible de tenir compile en 1872 des travaux de Bütschli et d’Auerbach, qui n’ont paru qu’en 1873 et 1874. Camerano a comblé cette lacune de mes observations; et c’est certai- nement une des parties les plus intéressantes de son récent travail (2).
Une autre partie non moins nouvelle est celle où il traite de la formation du noyau vitellin (3). On se demandait en- core en 1872 si la vésicule germinative disparaît ou persiste dans l’œuf fécondé; et l’on s'explique très bien que j'aie pu prendre le noyau vitellin pour une réapparition de la vési- cule germinative. Je n'ai pas parlé de deux pronuclei, cela va sans dire; et Camerano, en les cherchant dans mes dessins, s’est donné une peine bien inutile. La figure 33 de ma Mo- nographie représente le noyau vitellin en voie de division.
Relativement à la segmentation du vitellus, Camerano (p. 16) fait la remarque suivante : « Nelle uova da me osser- vate, ho trovato la segmentazione totale, ma lungi assai della regolarità che il Villot ammette e disegna nelle sue figure. Le due prime sfere di segmentazione sono spesso assai diseguali, e negli stadi ulteriori della segmentazione : questa si fa disegualmenie rispetito al tempo per le varie sfere. » C’est un fait très positif et que j'ai observé bien avant Camerano. Voici ce que je disais en 1881, dans mes Mou- velles recherches sur l'organisation et le développement des Gordiens (p. 6) : « Les deux premiers globes de segmentation sont d’abord très inégaux; et l'inégalité affecte à la fois les protoblastes et la matière vitelline. Le gros protoblaste mesure environ 0°*,060 de diamètre, tandis que le petit n’a
(1) Voir Sabatier, Contribution à l'étude des globules polaires et des éléments éliminés de l'œuf en généul (Revue des sciences naturelles, 3° série, t. IL, p. 417-418, 1884).
(2) T1 primi momenti della Evoluzione dei Gordii, p. 13-14; tav. I, fig. 13-21. (3) Ibid. p. 15-16; tav. I, fig. 22-24.
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que 0"",040, ce qui fait une différence de 0"",020. Mais le plus petit finit toujours par atteindre le volume du plus gros, et leur égalité se trouve parfaitement établie avant qu'ils se divisent pour former les quatre premiers globes. » Cette inégalité initiale des deux premiers globes de segmentation montre que les œufs des Gordiens sont en réalité amplublas- tiques et non point archiblastiques ; ce qui a pour la suite du développement des conséquences importantes.
La manière dont Camerano interprète mes observations sur la formation des feuillets blastodermiques est absolu- ment inexacte (p. 16) : « Secondo il Villot adunque si ayrebbe nelle uova dei Gordii una morula come risultato della segmentazione; la morula si dividerebbe in due fo- glietti per delaminazione. » Je n’ai dit nulle part que la formation de l’ectoderme et de l’endoderme soit le résultat d'une délamination. L'origine de ces deux feuillets remonte plus haut, puisqu'elle est ébauchée dès la formation des deux premiers globes de segmentation. Ainsi qu'on l’observe chez tous les œufs à segmentalion inégale, les cellules de l’ectoderme proviennent du petit globe de segmentation et les cellules de l'endoderme du gros globe de segmentation. L’Amphiblastula des Gordiens est constituée, ainsi que je l'ai dit dans ma Monographie, par « deux sphères concen- _triques : l’une périphérique, l’autre centrale. » Ces deux sphères concentriques ne tardent pas à se différencier : « Les vésicules cystoblastiques qui constituent la couche périphé- rique perdent bientôt le peu de granulations vitellines qui leur adhéraient encore, et forment dès lors une couche de cellules embryonnaires à contours polyédriques, contenant chacune un protoplasme hyalin et un gros noyau réfringent. Cette couche de cellules embryonnaires tranche, par sa iransparence, sur la sphère opaque qu’elle enveloppe. L'opa- cité de cette dernière lient aux granulations vitellines qui adhèrent encore aux vésicules cystoblastiques qui la com- posent. » La figure 39 que je donne à l'appui de ma des- cription est très claire, très lisible, et ne pouvait, ce me
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semble, donner lieu à aucune méprise. Cette figure est accom- pagnée de l'explication suivante : « Division du germe en deux sphères concentriques : l’une transparente, composée de cellules embryonnaires à contours polyédriques (ecto- derme); l’autre opaque, composée de cystoblastes encore entourés de globules vitellins (endoderme). »
IL suffit de comparer les figures 38, 39, 40 et 41 de ma Monographie avec les figures 46, 47 et 48 de Camerano pour se convaincre que nous avons, l’un et l’autre, vu les mêmes choses. Mais Camerano a donné des faits observés une interprétation qui diffère beaucoup de la mienne. Il s’ex- prime ainsi : « Alla fine della segmentazione, le cellule non costituiscono una sfera, men bensi una lamina. » Cette lame, qui, au dire de Camerano, représenterait à elle seule la Sterroblastula des Gordiens, correspond évidemment à notre ectoderme. Quant à l’endoderme, Camerano le fait provenir de l’ectoderme par voie d’invagination. C’est ainsi, dit-il, que la S'erroblastula des Gordiens se transforme en Cælogastrula. Les figures 49, 50, 51, 52, 52 et 54, que Ca- merano donne à l’appui de son interprétation, correspondent à celles que j'ai moi-même données dans ma Monographie sous les n° 42 et 43. Mais si, au lieu d’arrêter ses observa- tions à la formation du blastoderme, Camerano les avait poursuivies jusqu’au développement complet de l'embryon, . il aurait vu qu'il ne s’agit point ici de la formation de l’en- doderme, mais bien d’une cavité d’invagination, dans la- quelle se développe la tête, le rosire et l’armature cépha- lique de l'embryon. Il n'existe, dans le développement embryonnaire des Gordiens, aucune phase que l’on puisse assimiler au stade de Cælogastrula.
Les seules modifications que le blastoderme ait à subir pour constituer l'embryon sont les suivantes. Les cellules embryonnaires du feuillet ectodermique sécrètent la culi- cule, pendant que l’endoderme se divise en deux parties par différenciation et délamination de ses éléments. La partie la plus profonde de l’endoderme constitue l'intestin. La par-
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tie périphérique représente le mésoderme, qui reste à l'état de masse cellulaire jusqu'au moment du passage de l'état embryonnaire à l’élat larvaire. Entre l’ectoderme et et le mésoderme se trouve un vide, qui représente la cavité du corps de l'embryon et correspond à la cavité de segmen- tation du vitellus (Blastocæle).
La forme embryonnaire des Gordiens, que j'ai le premier décrite et figurée d’une manière exacte, dans une Monogra- phie des Dragonneaux (1), publiée en 1874, ne ressemble en rien à la forme adulte et ne se laisse même rigoureuse- ment comparer à aucun autre type du règne animal (2). Il faut, pour s’en faire une idée, se représenter par la pensée un ver rond, de taille microscopique et parfaitement trans- parent, dans lequel on peul distinguer trois parties : une tête, un corps et une queue. La têle est essentiellement constituée par une calotte conique, armée d’une triple cou- ronne de piquants, et se prolonge en avant sous la forme d’une trompe cylindrique, dans les parois de laquelle se trouvent implantés trois forts slylets. Les deux parties de la tête sont également rétracliles et peuvent, au gré de l’ani- mal, se retirer dans l’intérieur du corps ou être projetées au dehors. Les stylets de la trompe sont mus par trois mus- cles longitudinaux, qui s’insèrent d’une part à la base de chacun des stylets et viennent se fixer de l’autre sur l’étran- glement bien marqué qui sépare le corps de la queue. Ces trois muscles spéciaux déterminent les mouvements de pro- action et de rétraction de la trompe, qui sont complètement indépendants de ceux qu’exécute le reste de la tête. Le corps : et la queue sont séparés par l’étranglement dont je viens de parler, et se distinguent de la tête par des plis frans- versaux, que l’on pourrait prendre, au premier abord,
pour de véritables anneaux. Ces plis n’affectent en réalité que les téguments.
(1) Archives de zool. expér. et génér., t. III, p. 206-209; pl. VIT bés, fig. 49-56. (2) Ses analogies avec les Acanthocéphales et les Kinorhynques (Echino- deres) sont purement superficielles.
ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 22, — ART. N° 7.
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La longueur et la forme de la queue, ainsi que les dimen- sions des diverses pièces de l’armature céphalique, sont d’ailleurs très variables ; et l’on peut iirer de ces différences. d'excellents caractères distinctifs, qui permettent toujours de reconnaître la forme embryonnaire de chaque espèce.
La forme embryonnaire des Gordiens a été observée soil dans l’œuf, c’est-à-dire à l’état d'embryon proprement dit, soit à l'état de ver parasite, enkyslé dans les tissus de diffé- rentes espèces d'animaux.
Le D' von Linstow (1) prétend qu'il existe un hôte spécial pour la forme embryonnaire de chaque espèce de Gordiens : « Wir hätien somit zu suchen die Embryonalform von Gordius subbifurcus (2\ in Ephemera-Larven, die von G. gratianopolensis in Chironomus, die von G. tolosanus in Cobitis barbatula und die von G. aquaticus in Limnæa ovala. »
C'est ce que je ne puis admettre. On connaît aujourd'hui parfaitement la forme embryonnaire de chacune des espèces. de Gordiens cités par von Linstow. Je les ai décrites el figurées dans une Monographie des Dragonneaux (3), et xl n’est plus possible de les confondre. Or l'expérience prouve, aussi bien que l’observalion, que les embryons de ces es- pèces s’enkystent dans le premier animal venu. Les em- bryons des G. aqualicus, tolosanus et gratianopolensis s'en- kvstent indifféremment dans les larves d’Insectes, chez les Hirudinées, les Poissons et les Batraciens. L’embryon du G. aquaticus, que Leydig (4) à trouvé enkysté dans le mésen- tère de la Grenouille rousse (Rana temporaria), a été ob servé par moi dans les larves des Culicitipulaires (T'anypus, Corethra, Chironomus), aussi bien que dans le paren-
(1) Helminthologisches (Archiv für Naturg.L.Jahrg., 1 Bd., p. 137-138, 1884).
(2) Linstow reconnaît maintenant que le G. subbifurcus, Sieb. n’est qu'un synonyme du G. tolosanus, Duj. (Archiv für mikroskop. Anat., XX XIV Bd., p. 248, 1889).
(3) Archiv. de z0ol. expér. et génér., t. KIT, pl. VIIL, fig. 57-62.
(4) Zoologische Notizen. Helminthologisches (Zeilsch. fur wissensch. Zool., Bd. IV, p. 385-387; taf. XIV, fig. 8-7, 1853).
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chyme de la Nephelis octoculata, que dans la muqueuse intestinale des Poissons (Cobitis barbatula, Phoxinus lævis, Petromyzon Planeri), que dans le pied des Mollusques gas- téropodes pulmonés (P/anorbis, Lymnaæa), que dans le tissu adipeux de la larve de l'Æydrophilus piceus; et il s’y trouve associé, chez ces divers hôtes, aux embryons du G. {0/0- sanus et du G. gratianopolensis. Je puis même leur adjoindre aujourd’hui l'embryon du G. violaceus (1), que j'ai découvert en 1884. D’autres embryons de Gordius, encore indéter- minés, s’observent aussi en leur compagnie. Ces faits ne sont pas difficiles à vérifier, etje m'étonne qu'on les conteste sans avoir même essayé de les contrôler.
— Reste la question de savoir ce que deviennent ces embryons enkystés.
Meissner (2), après avoir constaté que les embryons de Grordius tolosanus qu'il avait fait enkyster dans des larves d'Éphémères n'y subissaient aucune métamorphose, fut amené à supposer que ces embryons, pour se transformer en larves proprement diles, devaient passer avec leurs hôtes dans le corps de certains Insectes carnassiers.
Telle est aussi l'opinion de von Linstow, qui a, à plusieurs reprises, exprimé sa conviction à cet égard. Cet éminent helminthologiste place les Gordiens parmi les Némathel- minthes à double forme larvaire; et le passage de la pre- mière forme larvaire à la seconde serait déterminé, d’après lui, par une migration passive. L'embryon du Gordius aquaticus, par exemple, s’enkysterait tout d’abord dans un Mollusque (Lymnée ou Planorbe). Puis cet embryon enkysté passerail avec son hôte, à titre d'aliment, dans le tube digestif d’un Insecte carnassier, Coléoptère (Dytiseus, Harpalus, Carabus) ou Orthoptère (Manhs), lraverserail l'intestin pour venir se loger dans le corps adipeux de-son nouvel hôte, et subirait là sa métamorphose. Le Gordius
(1) Bulletin de la Société des sciences natureiles du Sud-Est, t. IT, p. 75. (2) Beiträge zur Anatomie und Physiologie der Gordiaceen(Zeitsch.für wissensch. Zoo!.,Bd. VII, p. 136-137, 1856.
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tolosanus, dont Linstow s’est plus particulièrement occupé dans ces derniers temps, aurait un développement analogue. « Für Gordius tolosanus, dit von Linstow (1), muss ich den Entwicklungsmodus annehmen, dass die kleinen, embryo- nalen Larven eingekapselt in Wasserlarven von Ephemera, Corethra, Chironomus und Tanypus, die grossen aber in der Leibeshôühle von Laufkäfern leben, welche im Frühling ins Wasser fallen, wodurch die Gordien wieder in ihr eigent- liches Element gelangen. » |
Cette manière d'expliquer l'évolution des Gordius est actuellement la seule que l’on puisse considérer comme classique. Elle a élé adoptée par la plupart des helmintho- logisies, et elle se trouve exposée dans tous les Traités généraux de zoologie. Leuckart, dans la deuxième édition de son grand ouvrage sur les Parasites de l'homme (2), l’a reproduite, en lui donnant l’appui de son incontestable autorité.
Mais, bien que cette hypothèse soit très généralement acceptée, J'ai cru et je crois encore devoir la rejeter, parce que l'expérience ne la justifie point. Meissner, qui, le pre- mier, a eu l’idée de ce double parasilisme et de cette migra- tion passive, n’est pas parvenu à les réaliser expérimentale- ment. Il le reconnaît d’ailleurs en termes très précis : « Ich fütterte Wasserkäfer mit Ephemera-Larven, konnte aber von Gordien keine Spur auffinden. » Et cependant ces larves d'Éphémères étaient littéralement farcies d’embryons de Gordius. J'ai repris, pour mon édification personnelle, ce thème d'expériences, en le variant de toutes les manières, et le résultat a toujours été le même, c’est-à-dire purement négatif.
Mes expériences ont élé faites dans les conditions sui- vantes : ;
Première expérience. — Une larve de Dytiscus marginalis dévore un Nephelis octoculata contenant de nombreux em-
(4) Archiv für mikrosk. Anat., Bd. XXXIV, p. 252. (2) Die Parasiten des Menschen, Bd. I, p. 46 et 105, 1879.
LU
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 341
bryons de Gordius gratianopolensis à l'état d'enkystement. Pas d'infestation.
Deuxième expérience. — Deux Carabus monilis, æ et 9, sont nourris avec des mouches et de la viande couvertes d'embryons libres de Gordius violaceus. Pas d'infestation.
Troisième expérience. — Un Dytiscus marginalis Q esl nourri avec des Lymnées contenant de nombreux embryons de Gordius aquaticus à l'état d’enkystement. Pas d'infesta- ion.
Quatrième expérience. — Un Carabus monilis Q est nourri avec des Planorbes contenant des embryons enkystés de Gordius violaceus. Pas d'infestation.
Cinquième expérience. — De nombreuses larves de Musca vomitoria sont alimentées avec de la viande couverte d’em- bryons de Gordius violaceus. L'examen microscopique le plus minutieux démontre que ces larves et les nymphes en provenant ne contiennent ni larves, ni embryons de Gordius.
Le résultat négatif de notre troisième expérience est par- ticulièrement significatif; car celte expérience se trouvait précisément dans les conditions considérées par Linstow comme celles du développement normal de la larve du Gor- dius agquaticus.
L'impossibilité bien constatée d’infester des Insectes car- nassiers par voie de l’alimentation au moyen d'embryons de Gordius préalablement enkystés dans le corps d’autres ani- maux m'avait convaincu, dès 1874, que les Insectes ne jouent pas normalement dans l’évolution des Gordiens le rôle d'hà- tes intermédiaires. Je considérai leur parasitisme chez les Insectes comme tout à fait exceplionnel, et je rangeai tous les cas de ce genre sous la rubrique générale d'anomalie d'habitat. Je m'expliquais ce parasitisme exceptionnel de différentes manières, selon que l'hôte élait un Insecte car- nassier ou un Insecte herbivore, un Insecte aquatique ou un Insecle terreslre. J'émis en même temps l’idée que les em- bryons de Gordius enkystés dans les larves d'Insectes devaient, pour se développer normalement, passer dans
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l'intestin d'un animal vertébré. Je supposai que les embryons enkyslés dans la muqueuse intestinale des Poissons prove- naient, par suile d’une migralion passive, des embryons enkystés dans les larves des Culicitipulaires. Cette migration passive me paraissait toute naturelle. Les Poissons, en effet, sont très friands de ces larves d'Insectes; et les deux hôtes successifs se trouvant des animaux aquatiques, je m’expli- quais de la manière la plus simple le retour à la vie libre des individus adultes. 40 J'ai reconnu depuis que celte interprétation des faits est en réalité plus spécieuse que fondée. Les Insectes sont bien les hôtes normaux des Gordiens; et il reste toujours à dé- montrer que ces vers peuvent se développer chez les Verté- brés. Ce que j'ai désigné, dans ma Monographie des Dra- gonneaux (1), sous le nom de deuxième forme larvaire ne mérite pas plus que ma première forme larvaire le nom de larve proprement dite. [l s’agit, dans l’un et l’autre cas, d’embryons enkystés. Or, on ne s'explique pas la nécessité d’un second enkysiement si le changement d’hôte doit dé- terminer le développement du parasite. D'autre part, les embryons enkystés dans la muqueuse intestinale des Poissons ne donnent en cet élat aucun signe de développement. Il faut donc supposer que la métamorphose ne commence que lors- que l'embryon sort de son kyste et passe à l’état libre, soit dans l'intestin du Poisson (2), soit dans l’eau, après avoir quitté son hôte. La difficulté esl reculée, mais non résolue. L'hypothèse d’un chargement d'hôte et d’une migralion
(1) Archiv. de z0ol. expérim. et génér., t. IV, p. 209-220, 1874.
(2) Zschokke, dans ses Recherches sur l’organisation et la distribution zoolo- gique des vers parasites des poissons d'eau douce, p. 81-82, rapporte avec doute au Gordius aquaticus un ver rond trouvé en février dans l'intestin d’un Thy- mallus vulgaris. Ce ver lui paraît avoir beaucoup d’affinités avec l’embryon des Gordius, et il le considère comme une véritable larve, établissant le passage de la forme embryonnaire à la forme adulte. Il est bien regrettable que Zschokke, faute d'un matériel suffisant, n’ait pas fait une étude plus complète de ce ver intéressant et surtout qu'il ne l'ait pas figuré. On ne peut, en citant son observation, que s'associer aux réserves qu’il formule lui-même.
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passive est d’ailleurs insuffisante pour expliquer le parasi- tisme des Gordiens chez les Insectes; car tous les Insectes infestés par ces vers ne sont pas des Insectes carnassiers. Les Gordiens adultes trouvés dans la cavité abdominale des Orthoptères herbivores (Grillons, Locustes, Criquets, etc.) ne sauraient provenir d’embryons préalablement enkystés chez d’autres animaux. L'infestation des Insectes carnassiers où herbivores, dont les larves vivent sur le sol ou dans le sol, s'explique très bien, au contraire, par des inondations natu- relles ou artificielles. La plupart des Insectes terrestres, carnassiers ou herbivores, qui sont infestés par les Gordius vivent dans les prairies ou dans les terrains bas et maréca- geux, naturellement exposés à être submergés par les crues des ruisseaux ou des rivières. Les prairies artificielles sont soumises, pendant toute la belle saison, à des arrosages mé- thodiques. Or ce sont là, on le comprend de reste, d’excel- lentes occasions dont les embryons des Gordius doivent pro- fiter (1). Puisque ces embryons peuvent se développer dans un Insecte herbivore, aussi bien que dans un Insecte carnas- sier, dans un Insecte terrestre, aussi bien que dans un Insecte aquatique, on ne voit pas la nécessité d’un changement d'hôte et d'une migration passive.
Tout tend à démontrer que les Gordius, comme les Mer- mas, se développent dans un seul et même hôte; et c’est ce que je soutiens depuis longtemps (2).
Aujourd'hui je vais plus loin, et j'affirme que l’enkyste- ment de l'embryon ne représente pas une phase nécessaire de l’évolulion des Gordiens.
Je m'explique maintenant cet enkystement d’une manière tout autre qu'on ne l’a fait jusqu'ici.
(1) J'en faisais la remarque en 1881, dans mes Nouvelles recherches sur l'organisation et le développement des Gordiens, p. 17; et les observations faites par Camerano, aux environs de Turin, sont venues confirmer ma manière de voir (Ricerche intorno al Parassitismo ed al Polimorfismo dei Gordiüi, P- FA 1887).
(2) Sur l’organisation et le développement des Gordiens (C. R. de l'Académie
des sciences, t. XC, p. 1569-1571, 1880).
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L’embryon des Gordiens, une fois sorli de l'œuf et devenu libre dans l’eau, se met en quête de l'hôte aux dépens duquel doit s’effeciuer son développement ultérieur. Tout animal qui, normalement ou accidentellement, subit le contact de: l’eau, setrouve, par cela même, exposé aux attaques de l’em- bryon des Gordiens. L'infestalion est toujours le résultat d’une migration active. L’embryon pénètre dans son hôte de vive force, à l’aide de l’armature céphalique dont il est pourvu. C’est un spectacle curieux, qu'il est facile de se procurer lorsqu'on possède des embryons vivants et des lar- ves aquatiques d'Insectes susceptibles d’être examinées au microscope par transparence. On peut suivre ainsi toutes les phases de cette migration, et voir comment ce parasite infiniment pelit parvient à perforer les lissus de son hôte. Sa manière de faire n'est pas sans analogie avec celle de la Taupe, qui chemine dans le sol. L'embryon, dont la tête se trouve normalement invaginée dans le corps, com- mence par faire saillir brusquement sa calotie céphalique. Les piquants dont celle-ci est armée pénètrent dans les tissus puis, en se renversant, les écartent et s’y fixent. Après avoir pris ce point d'appui, le petit ver met en jeu les muscles qui font mouvoir sa trompe; et celle-ci, grâce à sestrois stylets, s'enfonce profondément dans la plaie béanie. Cela faut, il relire le tout, pour recommencer la même manœuvre. Iln°v a rien d'étonnant à ce qu’un petit animal aussi bien armé puisse s’insinuer de cetle façon dans le corps gélatineux d’un Mollusque ou dans les tissus peu résistants d’un Tétard, d'un jeune Poisson ou d’une larve d’Insecte nouvellement éclose. IL se peut d’ailleurs qu'il profite, pour simplifier sa tâche, des orifices naturels de son hôte, fosses nasales, bou- che ou anus. Des milliers d'animaux se trouvent ainsi infes- tés d'embryons de Gordius. Mais il s’en faut cerlamement de beaucoup que ces embryons, une fois parvenus dans le corps d'un animal, aient tous la chance d'y trouver les conditions biologiques nécessaires à leur évolution. Nombre d'entre: eux se fourvoient, et sont obligés, pour ne pas périr immé-.
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diatement, de s’entourer d’une enveloppe protectrice. Telle est, selon moi, la véritable signification de l’enkystement des Gordiens. Ceux qui s’enkystent ne se développent pas et sont perdus pour la reproduction. Les embryons enkystés n'en sont pas moins de véritables parasites. Ils vivent aux dépens des tissus qui entourent leur kyste, et ne meurent, comme tant d’autres parasites à l’état d'enkystement, qu'a- près avoir séjourné dans leur hôte un temps plus ou moins long. |
Le kyste qui protège l'embryon des Gordiens, pendant celte dernière phase de son existence, est constitué par une membrane résistante, parfaitement transparente el qui se laisse facilement isoler des {issus environnants. Sa forme est ordinairement très réguhère, ovalaire ou arrondie, et sa surface est le plus souvent lisse; mais elle peut aussi, chez cerlaines espèces (Gr. aquaticus), présenter des plis ou bour- relels concentriques, qui ne sont en réalité que de simples déformations du kyste. La membrane constituante du kyste est plus ou moius épaisse el paraît formée de plusieurs cou- ches superposées. Cette membrane est de nature conjonctive el a tous les caractères histologiques des formations cuticu- laires. Elle subit à la longue les mêmes modifications chimi- ques que les cuticules : elle se chitinise. C’est sur la paroi interne du kyste que se manifeste tout d’abord cette chitini- sation. La matière chitineuse apparaît sous la forme de pelites granulations jaunâtres, dont le nombre et le volume vont toujours en augmentant, et qui finissent en s’agglomé- rant, par constituer de véritables concrétions, d’un brun plus ou moins foncé. Le kyste perd bientôt sa transparence et devient granuleux : il se dilate et prend des dimensions qui égalent le double ou même le triple de son volume primitif. Lesconcrétionschilineuses envahissent peu à peu tout l'espace compris entre la paroi du kyste et l'embryon. Celui-ci, pressé et refoulé de toute part, tombe lui-même en dégénérescence, se fragmente, el finit par disparaître entièrement. Du kyste et de l'embryon, il ne reste en dernier lieu qu'un amas de
{
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matière chitineuse, de forme irrégulière et de coloration noi- râlre, qui, en raison de sa grande consistance, n’est point facilement résorbée par le tissu ambiant. Ces traînées chiti- neuses persistent longtemps dans le corps adipeux des Insec- tes el dans la muqueuse intestinale des Poissons.
$ 2. — État larvaire proprement dit.
Synonymie. — Zwischenzustand oder Puppenzustand, Leuckart, 1879. — Deuxième forme larvaire, Villot, 1886. — Larve, Villot, 1887.
On a ignoré jusque dans ces derniers temps par quel mode de développement s'effectue la métamorphose de l'embryon des Gordiens. |
Meissner, dans ses Beiträge zur Anatomie und Physiologie der Gordiaceen (1), formule ainsi ses conjectures à cet égard : « Der Gordius Embryo ist eine Larve, welche be- trächtliche Metamorphosen erleiden muss, um die Gestalt eines nematodenartigen Wurms zu erlangen; jedoch muss ich sogleich hier schon angeben, dass ich trolz später zu beschreibender Bemühungen leider nicht im Stande war, diese Metamorphosen zu beobachten, so dass auch durch Beobachtung wenigstens die Môglichkeit nicht ausgeschlos- sen ist, dass jener Embryo eine Amme wäre, was aber wohl im hohem Grade unwahrscheinlich ist. Die Annhame eines Generationswechsels bei einer Gordiacee würde jeder Stütze entbehren, wärend mit der Metamorphose der Gor- dius sich am Mermis anreïhet, wenn auch die Bedeutung dieses Vorganges für beide sehr verschieden ist, sofern bei Mermis nur ganz unlergeordnete kleine Veränderungen, vielleicht nur das Abwerfen des Schwanzstachels der Larve das reife Thier charakterisiren, wärend sehr durchreifende und besonders frühzeilig eintretende Verwandlungen bei jener Gordiuslarve stattfinden müssen. »
Leuckart (2), en 1879, constate aussi cette lacune de nos.
(1) Zeitschr. für wissensch. Zool., Bd. VII, p. 129-130, 1856. (2) Die Parasiten des Menschen, Bd. I, p. 146 (zweite Auflage).
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 347
connaissances : « Die Veränderungen, welche Gordiusem- bryonen ihrer definitiven Bildung entgegenführen, sind bis jetz leider noch unbekannt. Wir müssen das um so mehr bedauern, als sie uns vielleicht mit Verhällnissen bekannt machen, welche die sonderbare und vielfach auffallende Metamorphose der Echinorhynchen (1) den gewühnlichen Entwicklungsvorgängen näher rückt, als das bisher geschehen ist. Eintsweilen müchten wir übrigens bei der Beurtheihung der wervandschaftlichen Beziehungen auf diese Eigenthüm- lichkeiten nur geringes Gewicht legen. Wissen wir doch zur Genüge, dass die Entwicklungsgeschichte auch sonst bei nahe stehenden Thieren nicht selten sehr verschiedene Wege einschlägt, hier vielleicht direct und rasch ihrem Ziele entgegeneilt, dort durch Melamorphose und Genera- lionswechsel hindurch erst auf Umwegen ihren Abschluss findet. Und in letzer Instanz reducirt sich auch die Entwic- klungsweise der Echinorhynchen auf eine Metamorphose, eine Metamorphose allerdings, wie sie kaum gründlicher und wollständiger gedacht werden kann, da im Laufe derselben so ziemlich Alles, was der ausgebildete Wurm besitzt, auf Kosten des Vorhandenen neu gebildet wird. »
Il s'agissait de découvrir l’état intermédiaire qui établit le passage de la forme embryonnaire à la forme adulle. Dans l'ignorance où l’on était des conditions biologiques de la métamorphose, on ne pouvait employer l'expérience pour se procurer des Gordiens en cet état de développement: il fallait se résoudre à les chercher par l’observation directe.
J'ai eu le bonheur de faire cette découverte; et il n’est pas inutile de dire par quel enchaînement d'observations et d’inductions je suis enfin parvenu à trouver la larve des Gordiens.
En explorant, au printemps de l’année 1884, un ruisseau des environs de Grenoble, dans lequel j'avais l'habitude de recueillir de nombreux exemplaires de Gordius violaceus,
(4) Vergl. darüber meince Untersuchungen, Parasiten, Bd. IT, S. 841, ff.
348 | A. VIELOT.
Je remarquai à la surface de l’eau plusieurs cadavres de Procrustes coriaceus. Ces Insectes avaient dû hiverner, s'être accouplés dès les premiers beaux jours et, leur ponte effec-. tuée, avoir péri de leur mort naturelle. Je supposai que les Gordius violaceus, trouvés à la même époque à l’état libre, dans ce même ruisseau, devaient être sortis du corps de semblables Insectes. Ce qui n'était encore pour moi qu’une simple conjecture devint une réalité, lorsqu'au printemps suivant, en 1885, j'eus Le plaisir de trouver un Gordius vio- laceus encore en moitié engagé dans l’abdomen d'un Pr0- crustes coriaceus. Ce ver parasite était non seulement adulte, mais déjà vieux. [l ne m'en fournissait pas moins une pré- cieuse indicalion. Je savais dès lors d’une manière posilive que le Gordius violaceus se développe dans le lissu adipeux du Procrustes coriaceus; et je pouvais espérer de trouver dans ce même Coléoptère, à un autre moment de l’année, l’état larvaire proprement dit du Gordius violaceus. Je savais, d'autre part, que les femelles du Gordius violaceus s’accouplent et pondent dans le courant du mois d’avril. Des œufs de cette espèce, poudus dans mon laboratoire, s'étaient développés sous mes yeux; et j'avais pu constater que vers le milieu du mois de mai l’éclosion des embryons était déjà commencée. Il était plus que probable que la migration de ces embryons s'effecluait dans le courant de Pété, et que ceux-ci infestaient, à ce moment de l’année, les larves du Procrustes coriaceus. Je devais trouver, en automne, dans l’Insecte parfait la larve du Gordius violaceus. L'obser- vation confirma complètement mes prévisions. Dix-sept Procrustes coriaceus furent recueillis et ouverts par moi dans le courant des mois de septembre, d'octobre et de novembre 1885 ; et j'eus la satisfaction de trouver dans cinq d’entre eux de nombreux exemplaires de Gordius violaceus à l’état larvaire proprement dit. Ces vers parasites se trouvaient dans la cavité abdominale de l’Insecte qui les hébergeait, enroulés en peloton autour de ses viscères.
J'ai décrit ces larves en 1886, dans ma Æevision des Gor-
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 349
diens (1), et en 1887, dans mon Mémorre sur l’Anatomie des Grordiens (2); mais l'importance de ces données paraîil avoir échappé aux auteurs qui ont écrit depuis sur l’organisation et le développement de ces intéressants Helminthes. Vej- dovsky (3), parlant de mon Mémoire sur l'Anatomie des Gordiens, s'exprime ainsi : « Die Arbeit Villot’s liefert somit keine neuen Beiträge zur Kenntniss der Gordiiden. » Lins- low (4), dans son récent travail sur le développement el l'organisation du Gordius tolosanus, cite mon observalion, mais en me reprochant de n'avoir pas su en apprécier la portée et la signification : «In seinen neuen Arbeit, Anatomie des Gordiens, giebt Villot an, selber zahlreiche Larven von Gordius violaceus in 5 Exemplaren von Procrustes coriaceus gefunden zu haben, ohne sich weiter auf die Tragweite und Deutung dieses Fundes einzulassen. »
On me permettra donc d'insister iei sur cette partie importante de mes recherches.
La larve proprement dite des Gordiens ressemble beau- coup, à première vue, à l’état jeune de la forme adulte. Les dimensions et la forme générale du corps sont à peu près identiques ; mais on remarque une différence notable dans la coloration des téguments. La larve est, d’un bout à l’autre, d’un blanc pur. Tous ses tissus sont mous, et si peu cohé- rents, qu'on doit, pour ne pas rompre le ver en le déroulant, prendre les plus grandes précaulions. Cette mollesse et cette friabilité des tissus de la larve sont la conséquence de l’im- perfection de leur développement et de l’abondance des élé- ments graisseux qu'ils contiennent. C’est un véritable état pulpeux, très caractéristique.
L'étude anatomique de la larve offre un grand intérêt, non seulement pour préciser la définition de l’état larvaire,
Annales des sciences naturelles, z0o1., T° série, t. I, art. n° 5, p. 311-312. Annales des sciences naturelles, zool., 7° série, t. II, art. n° 4, p. 490,
3 Zool., Bd. XLVI, p. 212, 1888. (4) Archiv für mikrosk. Anatomie, Bd. XXXIV, p. 251, 1889.
193
320 A. VILLOT.
mais encore pour la détermination des tissus et des organes des individus adultes. Si l’organisation de ces derniers a été si discutée, cela tient en grande partie à l'ignorance où l’on était relativement à la structure de la larve.
[] n'existe chez la larve qu'une seule couche cuticulaire, très mince, entièrement anhiste et toujours lisse, c’est-à- dire dépourvue de papilles et d’aréoles. Cette couche cuti- culaire représente la cuticule primitive, celle de l’embryon. Elle se prolonge à l’extrémité antérieure sous la forme d'un rostre, de dimension microscopique, qui peut encore sin- vaginer et se dévaginer au gré de l'animal. Ce rostre est encore armé des trois stylets de l'embryon, et il se meut à l’aide des trois muscles spéciaux dont nous avons déjà parlé en décrivant l'embryon.
Au-dessous de la cuticule se trouve une couche cellulaire, que nous désignerons, comme tout le monde, sous le nom d’Aypoderme. Ce mot, ainsi que l'indique son étymologie, n’exprime qu'un simple rapport de position, une connexion. C'est un synonyme de celte autre dénomination, non moins employée, de «couche sous-cutanée ». Pour le zoologiste qui ne veut pas se payer de mots, il s'agit de déterminer la nature de cette couche cellulaire sous le triple point de vue de l’embryogénie, de l’histologie et de la physiologie.
L’hypoderme représente le feuillet externe du blasto- derme, c’est-à-dire une couche de cellules embryon- naires (1). Mais ces éléments embryonnaires ne tardent pas à se différencier. Nous avons vu qu'ils produisent par sécré- tion la cuticule de l'embryon; nous verrons plus loin qu'ils sécrètent aussi la cuticule caractéristique de l’état adulte. On peut donc considérer cette couche sous-culanée ou hypo-
(1) Il est d'usage de classer le tissu blastodermique parmi les épithéh\ums. C’est là le résultat, croyons-nous, d’une regrettable confusion. Les cellules blastodermiques sont de véritables cellules embryonnaires, c’est-à-dire des éléments indifférents, mais susceptibles d'évoluer de différentes manières. Les cellules épithéliales, au contraire, représentent des éléments définitifs. On peut les considérer comme des cellules blastodermiques qui, par suite d’un arrêt de développement, restent à l’état embryonnaire.
ÉVOLUTION. DES GORDIENS. 391
dermique comme la matrice des téguments; el c’est là une manière de voir sur laquelle tout le monde est d'accord. Il s’agit seulement de savoir si cette couche de cellules em- bryonnaires ne subit point d’autres différenciations. Or, j'ai démontré que le système nerveux se rattache à l’hypoderme par les rapports de ses éléments histologiques. Le système nerveux périphérique, le plexus ventral et le système ner- veux central font, en effet, intégralement partie de l'hypo-
derme, et ne représentent autre chose qu'une différenciation
fibrillaire du protoplasme des cellules embryonnaires qui constituent le feuillet externe du blastoderme. C'est là la thèse que je soutiens depuis longtemps et que j'ai présentée pour la première fois en 1874, dans ma Monographie des Dragonneaux (1). Mais quelques erreurs de détail s'étaient glissées dans ma description. Je les ai relevées et rectifiées dans mes publications subséquentes (2).
Ces faits élaient trop nouveaux, dérangeaient trop les idées reçues, pour être admis sans conteste. Les observa- teurs qui sont venus après moi n'ont tenu aucun compte de
mon interprétation ou bien l'ont déclarée complètement
inadmissible.
Vejdovsky, dans son Mémoire sur la Morphologie des Gordiens (3), considère mon opinion comme dépourvue de fondement et formule la sienne de la manière suivante : « Die Hypodermis kann immer als eme sensorielle Schicht angesehen werden, wie es auch bei vielen Annulaten, deren Bauchstrang mit ihr in engem Zusammenhange steht, der Fall ist; nichtsdestoweniger betrachten wir dieselbe als eine cuticulabildende Matrix, die in ihren verschieden Gestaltungs verhältnissen immer von einer Epithelschicht ableit bar ist.»
(1) 4rchiv. de z0ol. expérim. et génér., t. IL, p. 187-188; pl. VI bis, fig. 29.
(2) Nouvelles recherches sur l’organisation et le développement des Gordiens (Ann. des se. nat. zool., 6° série, t. I, art. n° 3, p. 27-32, 1881). — Sur l’ana- tomie des Gordiens (Ann. des sc. nat. z0ol., 7° série, t. IL, art. n° 4, p. 192-194, 1887).
(3) Zur Morphologie der Gordiiden (Zeits. f. wissensch. Zool., XLIIL Bd,., p. 380, 1886).
359 | A. VILLOT.
Camerano, dans ses /icerche intorno alla Anatomia ed Istologia dei Gordn, publiées en 1888, discute longuement la question de savoir si la couche sous-cutanée des Gordiens est de nature épithéliale ou de nature nerveuse, comme je le soutiens. Il pense que la structure cellulaire de cette couche ne peut laisser aucun doute sur sa nature épithéliale. Il propose, en conséquence, de donner à /? PARLE des au- teurs le nom d’épiderme. |
Michel, qui, postérieurement aux recherches de Camerano a publié une Note sur cette question controversée (1), est du même avis que le zoologiste de Turin. L'attribution, faite par moi, d’une nature nerveuse à la couche sous-cutanée, lui semble tout à fait inadmissible. Les préparations qu'il a obtenues montrent, d’après lui, qu'une telle interprétation ne saurait être appliquée à une couche aussi nettement cel- lulaire. Il rejette, comme Camerano, l’ancienne dénomina- tion d’hypoderme, el veut aussi appliquer à la couche sous- cutanée le nom d’épiderme.
J'ai répondu aux critiques de Camerano et de Michel dans une Note sur l’hypoderme et le système nerveux périphérique des Gordiens (2). Cette Note préliminaire avait simplement pour but de montrer que la structure cellulaire de la couche sous-cutanée n’a rien d'incompatible avec la nature nerveuse que je lui attribue. Mais il paraît que je n’ai pas encore réussi à me faire comprendre, puisque Camerano disait, au mois d'avril 1889 : « I resultati del Michel sono importanti, poichè vengono a confermare in modo indubitato la natura epidermica dello strato cellulare dell integumento dei Gordi e non ipodermica modificata, come sostenne il Villot e come sostiene tuttora in una nota recente pubblicata nei Compt. Rendus Fe -18 febbraio 1889) in riposto alla nota del Mi- chel.
Il me faut donc, à mon grand regret, revenir encore sur
(1) De l'existence d'un véritable épiderme cellulaire chez les Nématodes et spé- cialement les Gordiens (C. R. Acad. des sc., t. CVIT, p. 1175-1177, 1888). (2) C. R. de l’Acad. des sciences, séance du 11 février 1889.
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 353
ce point. Je n'ai jamais contesté que les Gordiens puissent, à un certain moment de leur existence, avoir un hypoderme entièrement formé de cellules bien distinctes. « Cela n’estpas douteux, disais-je en 1881, dans mes Nouvelles recherches sur l'organisation et le développement des Gordiens (1), puis- que {ous les tissus des animaux ne sont primitivement représentés que par des cellules embryonnaires. » En 1887, dans mon Mémoire sur l'anatomie des Gordiens (2), j'ai dé- crit l'hypoderme cellulaire de la larve du Gordius violaceus. C'est aussi un fait très positif que des traces de celte struc- lure cellulaire persistent dans l'hypoderme des individus adultes. Je conserve, parmi de nombreux dessins exécutés par moi en 1872 et restés inédits, des figures qui le prou- vent péremptoirement. La structure cellulaire de l'hypo- derme des Gordiens a d’ailleurs été constatée bien avant cette époque par Meissner, et elle l’a été depuis par Bütschli, von Linstow et Vejdovsky. Camerano et Michel n'ont fait que confirmer des observations déjà bien anciennes. Tout cela est certainement aujourd'hui hors de discussion; mais tout
cela ne prouve nullement que les cellules de l’hypoderme
des Gordiens soient des cellules épithéliales, encore moins des cellules épidermiques. Je crois donc que Camerano et Michel se font grandement illusion lorsqu'ils affirment avoir, par leurs observations, « définitivement fixé la véritable struc- ture de l’épiderme des Gordiens, et renversé les erreurs sur sa constitution protoplasmique ou nerveuse. » Pour en ar- river là, il faudrait avoir démontré que ces soi-disant cellules épidermiques ne subissent aucune évolution. Il faudrait sur- tout avoir prouvé que le protoplasme des cellules de l'hypo- derme ne se différencie pas en fibrilles, et que les dites fibrilles hypodermiques ne sont point en rapport de continuité avec les éléments du système nerveux périphérique des Gordiens. Tant qu'on ne nous aura point fourni cette preuve, nous nous croirons en droit de persister dans notre manière (4) Annales des sciences naturelles, 6° série, t. XI, art. n° 3, p. 28.
(2) Annales des sciences naturelles, zool., 7° série, t. IT, p. 193. ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 23. — ART. N° 7.
304 A. VILLOT, .
de voir. Celle-ci serait-elle si difficile à admettre? Serait-il donc si élonnant de voir des cellules ectodermiques se transformer en éléments nerveux? Je trouve, je l’avoue, la chose toute naturelle; et ce que l’on sait aujourd’hui du mode de formation du système musculaire des animaux infé- rieurs ne me paraîl pas sans analogie avec la manière dont je m'explique le développement du système nerveux des Gordiens. Les « myoblastes » des auteurs modernes ne sont autre chose que des cellules embryonnaires dont le proto- plasme passe à l’état fibrillaire et se transforme en éléments musculaires. Ces myoblastes peuvent aussi, par leur juxta- position, former une couche cellulaire d'apparence épithé- liale, ainsi que Korotneff l’a observé dans l’ectoderme du périslome de la Lucernaire (1). La nature de ces myoblastes des Cœlentérés a été aussi fort discutée. Kleinenberg les a décrits sous le nom d'éléments neuro-musculaires, landis que Korotneff y voit des éléments épithélio-musculeur. Ce faux épithélium de l’ectoderme de l’Hydre et de la Lucernaire me semble parfaitement comparable au faux épithélium de l’ectoderme des Gordiens; et 1l est certainement beaucoup plus facile d'admettre la nature nerveuse de ce dernier que la nalure musculaire du premier.
L’hypoderme de la larve du G. violaceus est constilué par de grandes et belles cellules prismatiques, à contours hexa- sonaux. Ces cellules mesurent en hauteur 0**,030, et en largeur 0**,010. On remarque à l'intérieur de chaque cel- lule un fort beau noyau ovalaire, qui mesure dans son grand axe 0**,010, et un nucléole, qui a 0**,02 de diamètre. Le carmin colore vivement le noyau, mais n’agit point sur le nucléole, qui conserve toujours une teinte jaunâtre, très caractéristique. |
Examiné par sa surface sous-cuticulaire, l’hypoderme a tout à fait l’aspect d’un épithélium pavimenteux. Les limites des cellules, représentées par leurs bords adossés, sont par-.
(1) Histologie de l'Hydre et de la Lucernaire (Archiv. de z0ol. expérim. et gé- nér., t. V, p. 380; pl. XV, fig. 8).
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 399 .
faitement nettes. Le protoplasme, qui entoure le noyau, paraît granuleux. Quant aux noyaux, ils s'offrent à l’obser- valeur sous divers aspects, qui correspondent à autant de phases de leur évolution. Le noyau de la cellule hypodermi- que est pourvu d’une membrane d'enveloppe et représente une véritable vésicule, au sein de laquelle s’élabore la subs- tance chitinogène. Cette matière demi-fluide, en s’accumu- lant à l’intérieur du noyau, le distend de plus en plus, et ce dernier, à mesure qu'il grossil, refoule vers la périphérie le protoplasme de la cellule. Il en résulte, pour chaque cellule, un accroissement notable de son volume; mais il s’en faut de beaucoup que toutes les cellules s’accroissent en même temps et qu'elles atteignent toutes la même taille. Cette évolution du noyau de la cellule hypodermique joue le prin- cipal rôle dans la formation des aréoles cuticulaires chez les espèces qui en sont pourvues. Ainsi que Michel l'a reconnu le premier, chaque aréole cuticulaire correspond à une cel- lule hypodermique. Les limites de l'aréole sont formées par la paroi du noyau vésiculisé, et les espaces interaréolaires représentent la bordure de protoplasme refoulé par le noyau. La cuticule larvaire, détachée avec soin de la couche hypo- dermique, porte à sa face inférieure l'empreinte des cellules sous-jacentes; et il est facile de voir que les traits de cette empreinte coincident parfaitement, soit pour la forme, soit pour les dimensions, avec les aréoles de la cuticule de l’a- dulle. On peut aussi observer sous la cuticule embryonnaire de la larve l'ébauche de la deuxième cuticule. La substance chilinogène, sécrétée par le noyau, commence à sourdre dans les interslices cellulaires, et vient s’étaler, sous forme d'anneau, à la face supérieure de chaque cellule. Il se forme ainsi, entre l'hypoderme et la cuticule embryonnaire, une couche de plus en plus épaisse de substance chilinogène, qui refoule et comprime Ja couche hypodermique (1). Aussi
(1) C'est à l'extrémité céphalique et au voisinage de l’orifice ano-génital que se montrent, chez la larve, les premiers linéaments de la deuxième cu-
ticule; mais on n'y distingue encore aucun indice de structure fibrillaire. Ils consistent uniquement en un amas de substance granuleuse.
396 A. VILLOT.
voit-on celle-ci diminuer graduellement d'épaisseur à mesure que se développe la matrice de la seconde cuticule. Les noyaux des cellules hypodermiques, après avoir sécrété la substance chitinogène, se flétrissent. el prennent, par suite du retrait de leur enveloppe, une forme éloilée. C'est la forme sous laquelle on les observe dans l’hypoderme des individus adultes. C’est aussi en cet état que je les ai décrits et figurés en 1874, dans ma Monographie des Dragonneaux(1) et en 1881, dans mes ]Vouvelles recherches sur l'organisation et le développement des Gordiens (2). Mes dessins sont, tou- tefois, un peu schématiques, en ce sens qu'ils représentent des anastomoses qui n’existent point en réalité. Les rapports que j'ai figurés entre les noyaux et les papilles cuticulaires sont aussi purement schématiques. Il n’existe, non plus, aucun rapport de continuité entre les noyaux étoilés et les fibrilles protoplasmiques dont je parlerai plus loin. Je reconnais donc avoir fait erreur lorsque j'ai considéré ces noyaux comme de véritables cellules de nature nerveuse. Ils ne jouent pas davantage le rôle de vésicules aquifères, que je leur aï en- suite attribué. [ls ont, ainsi que me l’a montré l’étude de l’hypoderme larvaire, pour véritable et unique fonction de sécréler la substance chitinogène, qui constitue la matrice des formations cuticulaires.
Pour étudier les transformations du protoplasme des cellules hypodermiques, il faut pratiquer des coupes, soit longitudinales, soit transversales. On arrive ainsi à se con- vaincre que les soi-disant granulations protoplasmiques ne représentent autre chose que la coupe optique de véritables fibrilles, disposées dans le sens de la hauteur des cellules (3). C'est là un fait absolument certain, et que l’on peut vérifier
(1) Archiv. de zool. expérim. el génér., t. III, pl. VI bis, fig. 29 et 30.
(2) Ann. des sc. nat. zool., 6° série, t. XI, pl. IV, fig. 10.
(3) Des formations fibrillaires analogues ont été observées dans les cel- lules hypodermiques des Échinorhynques à l’état larvaire. Mais il s'agirait, dit-on, de fibres musculaires, et non point de fibres nerveuses. Voir J. Kaï- ser, Ucber die Entwicklung des Échinorhynchus gigas (Zool. Anzeig., n° 257, p.417, 1887). |
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 357
aussi bien sur l’hypoderme de la larve que sur l’hypoderme de l’adulte. Je l'ai signalé en 1881, dans mes Nowvelles recherches sur l'organisation et le développement des Gordiens (p. 28) et confirmé en 1887, dans mon Mémoire sur l'ana- tomie des Gordiens (p. 193). J'avais reconnu dès lors que ces fibrilles sont de nature nerveuse; mais ce n’est qu’en 1889, que j'ai pu observer leurs véritables connexions avec le système nerveux périphérique (1). Ces fibrilles nerveuses viennent s’insérer sur les cellules ganglionnaires du réseau périphérique, qui se trouve situé entre les cellules hypo- dermiques et le périmysium (2).
Les diverses parlies du système nerveux sont déjà parfai- tement constituées chez la larve, ef je ne puis rien ajouter à la description que j'en ai donnée dans mes précédentes publications. Je me bornerai à relever une assertion com- plètement inexacte que je trouve à ce sujet dans le récent travail de Vejdovsky {3) : « Ich führe nähmlich als den ersten Beobachter des Nervensystems der Gordiiden Bütschli an, welcher es thatsächlich ist, indem er den Bauchstrang in seiner Arbeit « Giebt es Holomyiarier » 1873 annäherungs- weise richtig abbildet und als « Bauchstrang » deutet. » C’est Meissner, n'en déplaise à Vejdovsky, qui a le premier décrit et figuré le système nerveux central des Gordiens. « Mais je dois faire remarquer, disais-je dans ma Monographie, que son « Nervenstrang » ne représente en réalité que la parlie cellulaire du véritable cordon ventral; et qu'il place à tort l’autre partie sous le nom de « Bauchstrang » en dehors du système nerveux. Il n’a point vu les fibres trans- versales qui rattachent son Bauchstrang à son Nervens- trang, et que, par conséquent, il n’y avait pas là deux cor-
(1) Sur l’hypoderme et le système nerveux périphérique des Gordiens (C. R. de l’Acad. des sc., séance du 11 février 1889).
(2) Cette couche nerveuse sous-hypodermique se trouve déjà indiquée dans mes Nouvelles recherches sur l'organisation et le développement des Gordiens, pl. IV, fig. 9.
ne über Gordiden (Zeitsch. für wissensch. Zool., XLVI Bd,, p. 213, 1888).
‘358 nr A. VILLOT.
dons distincts, mais un seul et même cordon entièrement nerveux. » Les déterminations de Meissner furent, comme on le sait, généralement critiquées, et notamment par Ley- dig, Schneider et Grenacher. Bütschli, dans le travail cité: par Vejdovsky, ne iranche point cette question litigieuse. [1 ne la discute même pas dans son texte, où l’on ne trouve: aucun passage concernant Le système nerveux des Gordiens.. L'expression de «Bauchstrang », qu'il applique au cordon: ventral dans l'explication de ses figures, n’a par elle-même: aucune significalion physiologique. Quant à l’unité anato- mique de l’organe en question, elle avait déjà été reconnue par Grenacher. Il suffit d’ailleurs de comparer les figures de: Bülschli avec les miennes, pour se convaincre que le natura-- liste allemand était encore bien loin de se faire une idée: exacte de la structure histologique du cordon ventral des. Gordiens. La détermination physiologique de cet organe, telle que je l’ai donnée dans ma Monographie, parut même très originale. Claus, dans son Traité de Zoologie (1), s'ex-- prime ainsi : « Le (ordius présente un cordon ventral très. développé, qui correspond à une ligne médiane, el qui joue peut-être le rôle d’un cordon élastique. » Quelques lignes. plus loin, il caractérise la famille des Gordaüdes de la ma- nière suivante : « Formes allongées, filiformes, sans papilles: buccales ni champs latéraux, avec un cordon ventral, que: récemment M. Villot a considéré comme un système ner-. veux. » Küchenmeister et Zürn, dans leur 7raié des para-- sites de l’homme (2), citent aussi, comme une opinion tout: à fait particulière, ma déterminalion physiologique du: cordon ventral des Gordiens : « Der Bauchstrang der Gor-. diaceen wird von Villot als Nervenstrang gedeutet. » On: peut s'étonner, après cela, que Vejdovsky vienne aujourd'hui: revendiquer pour Bütschli le mérite d’avoir, le premier, exactement interprété la nature physiologique de cet organe. C’est à moi qu’appartient aussi la découverte des nerfs du.
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(1) Traduction française, publiée en 1878. (2) Die Parasiten des Menschen, Zweite Auflage, p. 384.
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sillon ventral et du réseau ganglionnaire périphérique.
Le mésoderme, qui, ainsi que je l'ai déjà dit, représente la partie périphérique de l'endoderme, n'est encore con- stitué au début du développement larvaire que par des cel- lules embryonnaires. Ces cellules, qui sont fort petites el peu nombreuses chez l'embryon, prolifèrent beaucoup chez la larve et y prennent un rapide accrroissement. Leur paroi s’'épaissit; leur contenu se charge d'éléments graisseux; et leur noyau passe à l’état granuleux. En se multipliant, ces cellules se pressent les unes contre les autres et forment une masse compacte (Zellkôrper), qui occupe tout l’espace compris entre le svstème nerveux et l'intestin. La cavité primitive du corps de l'embryon (Blastocæle) est dès lors complètement oblitérée (1).
Les cellules embryonnaires de la périphérie du méso- derme se iransforment en myoblastes et constituent par leur ensemble la couche musculaire (muscle cylindrique). J'ai fait connaître en 1881, dans mes Nouvelles recherches sur l’organisation et le développement des Gordiens (2), et en 1887, dans mon Wémoire sur l'anatomie des Gordiens (3), toutes les phases de cette évolution. Je me bornerai à in- sister ici sur quelques points encore controversés. Je dois faire remarquer avant tout que les figures du muscle cylin- drique données par Vejdovsky (4) et Camerano (5) ne repré- sentent point l’état normal des fibres musculaires. Les vides figurés correspondent à la cavité des fibres musculaires arti- ficiellement distendues. Cetle modification est due à l’action des réactifs employés et à ce fait que la substance muscu- laire de la fibre adhère très fortement au périmysium. Le seul
(4) Camerano prétend à tort que les cellules mésodermiques peuvent encore proliférer chez l'adulte. Vejdovsky, qui avait aussi admis dans son premier travail cette tardive prolifération, avoue dans le second qu'il n’a pu trouver chez l'adulte aucune cellule mésodermique en voie de division.
(2) Ann. des sc. nat. z0ol., 6e série, t. XI, p. 32-36, pl. V, fig. 21-22.
(3) Ann. des sc. nat. zoo!., 7e série, t. Il, p. 196-199.
(4) Zur Morphologie der Gordiiden, taf. VU, fig. 48. — Studien über Gor- - diiden, taf. XVIIL, fig. 7.
(5) Ricerche intorno dis Anatomia ed Istologia dei Gordii, tav. V, fig. 2
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avantage que présente cette allération de l’état normal est de mettre en évidence l'existence du noyau de la fibre muscu- laire. Celui-ci, qui est, comme la fibre elle-même, très aplali dans le sens transversal, se montre alors par côté, c'est-à-dire sur une surface égale à l'épaisseur de la coupe, qui est toujours beaucoup plus considérable que la largeur du noyau. Le noyau de la cellule embryonnaire persiste dans la fibre musculaire entièrement développée. Ce fait, que jai méconnu dans mes précédentes publications, me paraît aujourd'hui parfaitement démontré et hors de discussion. Mais ce que je persiste à nier, c’est l’existence de noyaux intermusculaires, admise par Vejdovsky. Le noyau est toujours situé à l’intérieur de la fibre musculaire, jamais en dehors. Je mainliens aussi que les fibres du muscle cylindrique sont solidement enchâssées dans un cadre de substance conjonctive, auquel j’ai donné le nom de périmy- sium. Gelte substance conjonctive résulte, ainsi que je lai montré en 1881, de la fusion des enveloppes des cellules embryonnaires qui constituent les fibres musculaires, et rattache intimement le muscle cylindrique au parenchyme. Cette particularité de structure, que j'ai le premier signalée et décrite, a été retrouvée tout récemment par Camerano. Le naturaliste de Turin s'exprime ainsi : « Fra le fibre mus- colari e l’epidermide esiste, a giudicare da quanto si scorge con ingrandimenti molloforti{(ob.1/12 Zeiss, oc. 4)unostrato sottilissimo nel quale sono, per dir cosi, impiantate le fibre. In questo strato corrono filamenti nervosi che discendono dalla lamina mediana del cordone nervoso ventrale e che si portano ai muscoli stessi (1). Con minore evidenza ho scortoil penetrare di questa sostanza fra le varie lamine muscolari. » Vejdovsky n’en continue pas moins, dans ses Siudien über Gordiüden, à affirmer « dass es kein Perimysium giebt. » Il est cependant bien facile de se convaincre de l’existence du périmysium. Il suffit de faire des coupes transversales et de
(1) Ce sont ces filets nerveux, qui traversent le perimysium, que j'ai dé- crits en 1887 sous le nom de canalicules aquifères..
les colorer au picrocarminate d'ammoniaque. On obtient la double coloration. Les fibres musculaires prennent la cou- leur de l'acide picrique, tandis que le périmysium prend celle du carmin, le contraste et les limites de ces deux tissus deviennent ainsi bien évidents. Camerano dit que, à son avis, les muscles des Gordiens ont beaucoup d’analogie avec ceux des Nématoïdes. C’est ce que je soutiens depuis long- temps et ce que j'ai répété déjà bien des fois. Mais, si ces analogies sont très réelles, il n'existe pas moins, ainsi que j'ai eu soin de le faire remarquer, des différences impor- tantes entre le système musculaire des Gordiens et celui des Nématoïdes. La transformation de la cellule embryonnaire en fibre musculaire est beaucoup plus complète chez les Gordiens que chez les Nématoïdes.
La partie du mésoderme qui ne s’est pas différenciée en fibres musculaires constitue le parenchyme. Celui-ci forme chez la larve, avant le développement des organes génitaux, une masse compacte de cellules embryonnaires, dans la- quelle ne se trouve aucune espèce de cavité (1). Les grandes et belles cellules du parenchyme prennent, par suite de leur compression réciproque, une forme cubique et se disposent par rangées transversales très régulières. Mais je ne saurais voir dans cette disposition, comme le veut von Linslow, l'indice d’une division en segmenis.
L'appareil génital, chezle mâle comme chezla femelle,ne re- présente autre chose qu'un développement spécial du c/oa- que (2), et non point de l'intestin, comme le disent à tort Vej-
(1) Vejdovsky prétend que ces données sont maintenant, par suite des progrès de l’embryogénie, entièrement dépourvues d'intérêt et absolument inadmissibles. Je reconnais bien volontiers que ce processus de développe- ment, que j'ai fait connaître en 1874, n’a plus aujourd'hui l'attrait de la nouveauté; mais ce n’est pas une raison, ce me semble, pour en contester la réalité. Il existe encore aujourd'hui, comme il y a vingt ans, des vers cavitaires et des vers parenchymateux, et toutes les subtilités de la « théorie du cœlome » n’empêcheront pas les Gordiens d’avoir un parenchyme et d’être dépourvus d’une véritable cavité du corps.
(2) Le cloaque des adultes est déjà représenté chez l'embryon par une dilatation particulière de l'appareil digestif, Dans ma Monographie des Dra-
3562 10 A. VILLOT.
dovsky et Camerano.Ce développements’effectue dela manière -la plus simple. Il est le résultat de la prolifération des cellules épithéliales et du bourgeonnement de la cuticule du cloaque. L'appareil mâle se compose d’un cloaque, de deux canaux déférents et de deux tubes testiculaires. Le cloaque, dont j'ai donné une figure très exacte dans mes Nouvelles recher- ches sur l’organisation et le développement des Gordiens (PL V, fig. 16), est formé par la cuticule, l’hypoderme et le muscle cylindrique, qui se trouvent en quelque sorte refoulés dans l'intérieur du corps. Les cellules hypodermiques se trans- forment en glandes monocellulaires et sécrètent un liquide qui se mêle au sperme au moment de l'éjaculation. Ce liquide se solidifie au contact de l’eau ou de l’alcool. Il n’est pas rare de voir, sur des échantillons conservés dans l'alcool, le sperme faire saillie à l’orifice ano-génital sous la forme d’un cordon analogue aux cordons ovigères dont nous par- lerons plus loin. Le muscle du cloaque, que j'ai décrit en 1874 et 1881, n’a été exactement représenté n1 par Vejdow- sky, ni par Camerano, ni par von Linstow. Cela tient tout simplement à ce que ces naturalistes n’ont pas eu sous les yeux des coupes transversales ou longitudinales passant rigoureusement par les axes de cet organe. La figure 47 de _Vejdovsky (1) et la figure 10 de von Linstow (2) représentent un système de fibres tendineuses disposées en x, qui a pour fonction de maintenir en place le cloaque, lorsque celui-ci vient à se contracter. Ces éléments fibrillaires ne sont point de nature musculaire, comme le croient Vejdovsky et von Linstow. Ce sont des éléments du parenchyme, modifiés et transformés en fibrilles élastiques, ainsi que je l'ai dit en 1887, dans mon Mémoire sur l'anatomie des Gordiens (p. 208). Malgré les affirmations contraires de Vejdovsky (3), cet
gonneaux, j'ai confondu sous la même dénomination l'intestin et le cloaque de l'embryon.
(4) Zur Morphologie der Gordiiten, p. 418-419.
(2) Ueber die Entwicklungsgeschichte und die Anatomie von Gordius tolosanus, Duj., p. 256.
(3) Studien über Gordiiden, p. 211.
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appareil de fixation est bien de même nature que celui qu'on observe à l'extrémité antérieure du corps, au voisinage de l’'œsophage. Camerano (1) partage ma manière de voir à cet égard. J'ai dit en 1887 dans mon Mémoire sur l'anatomie des Gordiens, p. 208-209, qu'il n'existe chez ces vers ni bourse copulatrice, ni pénis, et j'ai expliqué comment Vejdovsky, qui prétend avoir vu ces organes, avait été induit en erreur par ses préparations. C’est encore un point sur lequel je suis parfaitement d'accord avec Camerano. « Anzitutto — dit le zoologiste de Turin — 10 debbo dire che, per quante estremità posteriori di maschi di G. tolosanus, G. Preslü, G. Rose, _G. Villoti, io abbia ridotto in sezioni sottilissime, non mi venne mai fatto di osservare nè il pene, nè la bursa copu- latrix descrilte dal Vejdovskvy, e riguardo a queste parli io sono pienamente d’accordo col Villot nel ritenere le descrizioni del Vejdovsky fondate sopra una erronea inter- pretazione di alcuni preparati. » Linstow ne s'exprime pas autrement : « Aeussere Copulationsorgane. wie Vejdovsky sie beschreibt und abbildet, habe ich bei der von mir un- tersuchten Art in keinem Falle gefunden; die Bursa halte ich für verhärtete Spermamasse, den Cirrus für ein Kunst- product. »
Les deux canaux déférents s'ouvrent dans le fond du cloa- que et se trouvent logés dans l'épaisseur du muscle con- stricteur de cet organe, ainsi que le montrent la figure 23 de ma Monographie des Dragonneaux et la figure 16 de mes Nouvelles recherches sur l'organisation et le développement des Gordiens. Grenacher, dans son travail sur l’anatomie du genre (ordius (fig. 18), avait déjà représenté les orifices des canaux déférents. Les observations de Grenacher et les miennes ont été, sur ce point, confirmées par Vejdovsky, en 1886; mais le naturaliste de Prague n’a nullement le droit de s’attribuer la découverte de ces organes, ainsi qu'il a fait encore tout récemment.
(4) Ricerche intorno alla Anatomia ed Istologia dei Gordii, p. 50.
304 A. VILLOT.
Après avoir traversé le muscle du cloaque, les canaux déférents s'élargissent el constituent les deux tubes testicu- laires, qui se prolongent dans la région dorsale jusque vers l'extrémité céphalique, où ils se terminent en cæcum effilé. Les deux tubes testiculaires sont, chez la larve, non seule- ment formés, mais déjà en pleine aclivité de production. On trouve dans leur intérieur de nombreuses grappes de cellules spermatogènes. Ces grappes se forment par bour- geonnement endogène de la paroï du tube testiculaire. Celle- ei est conslituée, comme {out le reste de l’appareil, par une cuticule externe et une couche interne de cellules épithélia- les. Ce sont ces cellules qui, par leur prolifération, produi- sent les grappes spermatogènes. Linstow, dans son récent travail sur l’organisation du Gordius tolosanus (1), a décrit et figuré les grappes spermatogènes, qu’il a observées sur de jeunes individus adultes de cette espèce. Il est donc aujour- d’hui parfaitement démontré que les deux tubes dorsaux des Gordiens mâles sont bien les organes producteurs du sperme et méritent par conséquent le nom de fubes testiculaires que nous leur donnons.
L'appareil femelle se compose d’un cloaque, de deux ovi- ductes, de deux tubes ovariens et d’un réceptacle séminal.
Aïnsi que je l’ai établi en 1887, dans mon WMémorre sur l'anatomie des Gordiens, le cloaque (Uterus de Meissner) se divise en deux parties bien distinctes, auxquelles j'ai donné les noms d’uférus et de vestibule.
L’utérus (Uterus de Grenacher et de von Linstow, Atrium de Vejdovsky, Diverticolo cloacale de Camerano) est parfai- tement caractérisé par sa silructure aussi bien que par son usage. Sa paroi, qui est constituée, comme celle de l’intes- tin, par une cuticule externe et une couche interne de cel- lules épithéliales, se replie à l’intérieur de l'organe sous forme de lamelles rayonnantes. Ces refoulements internes de la paroi de l’utérus ont été aussi mal décrits que mal
(4) Archiv f. mikroskop. Anatomie, Bd. XXXIV, p. 262-263; taf. XV, fig. 26.
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interprétés par les auteurs. Vejdovsky (1), qui a pris leur axe cuticulaire pour un canal central, les considère comme des glandes colossales (colossalen Atrialdrüsen). Came- rano (2) parle aussi de « ghiandole voluminose », mais sans les décrire; et le dessin auquel il renvoie dans son texte ne peut donner aucune idée de la structure des glandes en question. Linstow (3) les décrit et les figure sous les noms de « pilzfürmige Bildungen » el de « Netzwerk einzelliger Drü- sen ». Vedjovsky et Camerano veulent distinguer dansl'utérus deux parlies : une partie supérieure, non glandulaire, dans laquelle s’effectuerait la fécondation des ovules ; et une partie inférieure, glandulaire, qui sécréterait le liquide destiné à former les enveloppes propres de l'œuf. C'est une manière de voir que je ne puis partager. La division en question ne me paraît pouvoir se justifier ni au point de vue analomique, ni au point de vue physiologique. La partie supérieure de l’utérus a absolument la même structure que la partie infé- rieure. On trouve dans l’une et l’autre les lamelles rayon- nantes dont nous avons expliqué le mode de formation. Les glandes monocellulaires qui forment le revêtement interne de ces refoulements de la paroi de l'utérus ne sont point loca- lisées dans la partie inférieure de l'organe; elles existent aussi dans sa partie supérieure, et se montrent même dans les cornes de l’utérus, qui ne représentent autre chose que le renflement terminal des oviductes (4). Si l’on attribue à ces glandes monocellulaires la fonction de sécréter le liquide destiné à former les enveloppes de l'œuf, 1l faut admettre que ces enveloppes se forment déjà dans les cornes de l’uté-
(4) Zur Morphologie der Gordiiden (Zeitsch. f. wissensch. Zool., Bd. XLIIT, p. 416-417; taf. XV, fig. 29). — Séudien über Gordiiden (Zeitsch. f. wissensch. £ool., Bd. XLVI, p. 210-211).
(2) Ricerche intorno alla Anatomia ed Istologia dei Gordii, p. 48, tav. II, Nr d. Entwicklungsgeschichte u. d. Anatomie v. Gordius tolosanus Duj., p. 260, taf. XV, fig. 18-19.
(4) Il m'est impossible de reconnaître, comme le désire Vejdovsky, que c’est son travail qui a attiré mon attention sur les cornes de l'utérus. Ces
parties n’avaient pas échappé à mon observation. Je les ai figurées en 1881, dans mes Nouvelles recherches sur l'organisation des Gordiens, pl. V, fig. 12.
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rus; ce qui rendrait absolument impossible la fécondation de l'œuf par les spermatozoïdes. Il est d’ailleurs facile de s'as- surer par l'observation que les œufs que l’on trouve dans l'utérus ne sont pas encore revêlus de leur chorion. Il est donc bien évident que l’interprétation de Vejdovsky et de Camerano n’est pas l'expression de la réalité. Ainsi que je l'ai dit en 1887, dans mon Mémoire sur l'anatomie des Gordiens, l'utérus est uniquement une poche ou chambre de féconda- lion. Les lamelles rayonnantes servent d’abri aux sperma- tozoïdes, qui se logent entre leurs replis; et je pense que le liquide sécrété par les glandes monocellulaires qui revêtent ces lamelles joue le rôle d’une prostate. Ce liquide doit servir à délayer le sperme et à développer l’activité des sper- matozoïdes. Les ovules en cheminant dans l’étroit canal formé par l’extrémité des lamelles rayonnantes se trouvent en contact avec les spermatozoïdes et sont fécondés.
Le vestibule (cloaque de Grenacher, de Vejdovsky, de Camerano et de Linstow) est aussi parfaitement caractérisé, soit par sa structure, soit par sa fonction. Cette partie du cloaque est évidemment formée par un refoulement des té- guments. La cavité du vestibule est, en effet, revêtue des deux formations cuticulaires qui constituent les téguments. Quant aux cellules hypodermiques, elles sont représentées par des glandes monocellulaires. Les tubes excréteurs de ces glandes monocellulaires traversent la cuticule fibreuse et viennent s'ouvrir par un pore situé à l'extrémité d’une papille formée par la cuticule embryonnaire. Ces glandes monocel- lulaires sécrètent le liquide qui, en se coagulant, constitue les enveloppes propres de l’œuf (chorion) et sert ensuite à aggluliner les œufs pour former le cordon ovigère (nida- mentum). D’après Vejdvosky, la partie du cloaque que je désigne sous le nom de vestibule sert uniquement à l'émission des œufs; etil se borne à nier purement etsimplement tous les détails de structure que j'ai fait connaître. Il prétend « dass von der drüsigen Beschaffenheit dieses Epithels keine Rede sein kann, somit auch nicht von den Poren, etc. » Pour
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 367
Camerano, il y aurait lieu de distinguer entre les espèces. Chez les espèces qui n'ont qu’un veslibule plus ou moins court, il ne se produirait, d’après Camerano, aucune sécré- tion destinée à former le cordonovigère. Tel serait Le cas des Gr. tolosanus, violaceus, Preslii, Rosæ, Villoti. Quant au Gor- dus gratianopolensis, pour lequel une pareille négation ne saurait êlre émise, Cameranc pense que son vestibule, que J'ai décrit le premier, n’est point l’homologue du vestibule des espèces précitées. « À mio avviso, — dit le zoologiste de Turin — mentre mi pare poco conveniente di dare il nome di ves/ibolo all tratto a cui lo dà il Villot nel G. £olo- sanus e nell altre specie per le ragioni che già sopra esposi mi pare conveniente di conservare questo nome al tubo o meglio allimbuto, che nel G. tricuspidatus femmina tien dietro all'apertura cloacale o ano-genitale. Nel femmine del G. tolosanus, del G. affinis, del G. pustulosus ed in allre spe- cie affini l’aperlura ano-genitale è collocata in un solco più o meno profundo : se roi immaginiamo che le pareli laterali e dorsali del solco si allunghino, verremo facilmente ad avere un tubo o un imbuto simile a quello che si trova nelle fem- mine del G. tricuspidatus. Questo tubo, od imbuto, merila veramente 1l nome di vestibolo cloacale. Il solco posteriore delle femmine delle specie di Gordius ora menzionate sar- ebbe questo vestibolo allo stalo rudimentale. » Je crois que Camerano est, sur ce point, complètement dans l'erreur; et il ne me paraît pas difficile de réfuter son argument. Je dois d'abord faire remarquer qu'il existe un nidamentum chez toules les espèces de Gordius, et que chez le G. gratianopo- lensis aucune sécrétion particulière ne contribue à la for- mation du cordon ovigère. Le nidamenlum de toutes les espèces de Gordiens est constitué par une sorte de réseau chitineux, dans les mailles duquel les œufs, revêlus de leurs enveloppes propres (chorion), se trouvent emprisonnés. La forme, la couleur et la consistance du nidamentum varient avec les espèces ; mais la structure et le mode de formalion sont toujours les mêmes. D'autre part l’homologie que. Ca-
368 A. VILLOT.
merano essaye d'établir entre le vestibule du G. gratianopo- | lensis et les lobes rudimentaires des femelles à extrémité | postérieure bicuspidée {groupe des Diakides de Diesing) n’est point fondée. Les lobes rudimentaires des espèces en ques- tion correspondent aux trois grands lobes du G. gratianopo- lensis, et à rien autre chose. L’orifice ano-génital du G. gra- hanopolensis se trouve silué, comme d'ordinaire, au point où les trois lobes se réunissent pour former un anneau com- plet. C’est en effet là que se trouve le ganglion caudal, dont les connexions sont constantes et dont les deux branches entourent toujours l’orifice ano-génilal. Ce que Camerano a pris pour cet orifice chez le G. gratianopolensis représente, en réalité, le rétrécissement qu’on observe chez toutes les es- pèces entre l'utérus et le vestibule. Le grand développement que présente le veslibule du G. gratianopolensis est accom- pagné d’une réduction proportionnelle de l'utérus, ainsi que cela a toujours lieu. Il existe d’ailleurs des intermédiaires : entre les espèces à vestibule très développé et les espèces à vestibule très réduit. L'étude du vestibule du G. aguaticus est parliculièrement instructive à cet égard.
Contrairement aux asserlions de Vejdovsky, le cloaque de la femelle n’est pourvu d'aucun muscle spécial. Mais le pa- renchyme qui entoure l'utérus et le vestibule se présente avec des caractères lout particuliers que J'ai décrits et figu- rés en 1881, dans mes Nouvelles recherches sur l’organisation et le développement des Gordiens (1). Une substance fonda- mentale, d'apparence cartilagineuse, se condense entre les cellules du parenchyme, qui se trouvent de la sorte empri- sonnées dans des capsules rigides dont le diamètre se rétré- cit de plus en plus. Au voisinage de la paroi de l'utérus et du vestibule la substance fondamentale prend une structure fibrillaire, et les cellules primitives ne sont plus représentées que par des noyaux allongés, très aplatis. C’est ce que Vej- dovsky a décrit et figuré comme couche musculaire. Ces
(1) Ann. des sc. nat., zool., 6 série, t. XI, p. 41-42, pl. V, fig. 12-14, 17-18.
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fibrilles élastiques constituent autour de l’orifice ano-génital
une sorte de sphincter, qui à probablement pour fonction de régulariser l'émission du cordon ovigère et de prévenir les déchirures qu’une distension excessive pourrait occa- sionner.
Les oviductes et les tubes ovariens ne représentent autre chose que le prolongement des cornes de l'utérus. Leur structure est, à l'origine, absolument la même; et il n’y a, à ce point de vue, aucune délimitation à établir entre ces parties. Les oviductes ne diffèrent des tubes ovariens que par leur fonction, leur calibre plus petit et leur direction, qui est perpendiculaire à l'axe longitudinal du ver. Les ovi- ductes se dirigent transversalement de la région dorsale vers la région ventrale où se trouvent placées les cornes de l’uté- rus. Les tubes ovariens sont situés dans la région dorsale, et s'étendent dans toute la longueur du corps du ver. Ils se terminent, à peu de distance de l'extrémité antérieure, en cæcum effilé. Chaque tube ovarien a sa paroi propre, dans laquelle on distingue : 1° une couche externe, très mince, de nature cuticulaire ; 2° une couche interne, beaucoup plus épaisse, formée de cellules épithéliales. Vejdovsky, dans ses Studien über Gordiüden (1), a reconnu que les tubes ovariens ont une paroi propre; mais il ne considère ces organes que comme de simples réceptacles des œufs (Eibehälter). Pour Grenacher et Camerano, ce sont des oviductes. Linstow, dans son récent travail, leur a donné le nom de « Eier- säcke », et leur fait jouer un rôle analogue. Ce sont en réa- lité les véritables ovaires, ainsi que je l'ai établi dans ma Note sur l'ovogenèse des Gordiens (2). Ce qui avait fait jus- qu'alors méconnaître leur véritable nature, c’est que les ovules ne se développent pas dans la cavité du tube ovarien, mais bien dans des diverticulums latéraux, auxquels j'ai donné le nom de grappes ovigères. Comme le prouvent leur structure et leur mode de développement, ces grappes ovigè-
(4) Zeits. f. wissensch. Zool., Bd. XLVI, p. 205, taf. XVII, fig. 7. (2) C. R. Acad. des sc., séance du 2 septembre 1889.
ANN. SC. NAT. ZOOL. X1, 24. — ART. N° 7
370 ‘ A. VILLOT.
res se rattachent intimement au tube ovarien et en font inté- gralement partie. Elles se forment par bourgeonnement exogène de la paroi du tube ovarien. Elles sont avec le tube ovarien en parfaite continuité de tissus ; et leur cavité propre n’est que le prolongement de la sienne. La paroi de la grappe ovigère correspond à la cuticule du tube ovarien; et les ovu- les qu’elle contient ne sont autre chose que des cellules épi- théliales, isolées et modifiées. Je ne puis donc, en aucune façon, partager sur ce point l'opinion de Vejdovsky, qui veut réserver le nom d’ovaires aux grappes ovigères. Celles-ci ne représentent en réalité que des dilatations du tube ovarien dans lesquelles se forment et se développent les œufs. L’ovo- genèse est très précoce chez les Gordiens. A la fin du déve- loppement larvaire, les grappes ovigères sont déjà remplies d’ovules. Ces grappes ovigères, de plus en plus distendues par les ovules qu’elles contiennent, refoulent devant elles le parenchyme, la couche musculaire, l’hypoderme et les tégu- ments, encore peu résistants, et viennent faire hernie à la surface du corps de la larve.
Le réceptacle séminal, découvert par von Siebold, mé- connu par Meissner, retrouvé par Grenacher et décrit depuis par Vejdovsky (1), par moi et par Camerano, est un organe homologue aux oviductes et aux tubes ovariens. Il se forme, en effet, de la même manière, c’est-à-dire par refoulement de la paroi du fond de l'utérus. Sa paroi propre est aussi constituée par une cuticule externe et une couche interne de cellules épithéliales. Mais les cellules de la couche interne ne tardent pas à subir d'importantes modifications. Les limi- tes des cellules disparaissent, etil ne reste plus qu’un pro- toplasme granuleux, dans lequel se trouvent irrégulièrement distribués de gros noyaux vésiculeux. La structure histolo-
(4) La description que Vejdovsky à donnée du réceptacle séminal dans son premier travail est tout à fait inexacte. J'ai relevé en 1887, dans mon Mémoire sur l'anatomie des Gordiens, les erreurs commises sur ce point par le naturaliste de Prague. Mais cela n’a pas empêché Vejdovsky de dire en 1888, dans son second travail, que je m'étais borné en 1887 à reproduire sa description de 1886.
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gique décrite et figurée par Camerano (1) se rapporte au (Gr. tolosanus, dont le réceptacle séminal reste à son premier stade de développement. Ma descriplion donnée en 1887, dans mon Mémoire sur l'anatomie des (rordiens (2), est faite, au contraire, d’après le réceptacle séminal du G. aguaticus, dont les éléments cellulaires sont toujours très modifiés. Les deux descriptions sont d’ailleurs parfaitement exactes et se complètent l’une l’autre. Grâce à son enveloppe cuticulaire, la paroi du réceptacle séminal est très élastique. Aussi est- elle notablement plissée tant que l'organe reste vide ; mais lorsque celui-ci vient à se remplir de sperme, ses plis dispa- raissent. Sa forme est alors celle d’un sac ou mieux d’une bouteille, dont le goulot se trouve tourné vers l'utérus. La paroi du rélrécissement auquel j'ai donné le nom de co/ du réceptacle reste toujours plissée.
Les auteurs ne sont point d'accord au sujet des homologies de l'appareil mâle et de l'appareil femelle. J’ai montré en 1887, dans mon Mémoire sur l'anatomie des Gordiens (3), que l'utérus et le vestibule représentent par leur ensemble le cloaque de la femelle, c’est-à-dire un organe homologue à l'organe désigné sous ce nom chez le mâle. J'ai appuyé cette détermination sur ce fait que, chez la femelle, les oviductes et l'intestin viennent s’ouvrir dans l'utérus, absolument comme les canaux déférents et l'intestin dans le cloaque du mâle. Si l'intestin de la femelle ne s'ouvre pas au fond du cloaque, comme chez le mâle, mais seulement dans la partie postérieure de l'utérus, cela tient uniquement, ainsi que je l'ai dit, au développement spécial que prend l'utérus pour se meltre en rapport avec le réceptacle séminal. Tel n’est point l'avis de Vejdovsky (4). Le professeur de l’Université de Prague apprécie ma manière de voir dans les termes sui- vants : « Villot wiederholl noch seine Ansicht, dass das von
Ricerche intorno alla Anatomia ed Istologia dei Gordii, p. 47, tav. V, fig. 14. Ann. des sc. nal., zool., 7° série, t. II, p. 203-204. P. 204-207.
(4) (2) (3). ;
(4) Sfudien über Gordiiden (Zeitsch. f. wissensch. Zool., Bd. XLVI, p. 210).
372 ù A. VILLOT.
mir als Atrium bezeichnete Organ eine weibliche Kloake vorstellt, in welcher er zwei Bestandtheiïle : « Uterus » und « Vestibulum » unterscheidet. Es ist ihm offenbar unklar geblieben, dass das Atrio-Receptaculum aus dem Enddarme aur durch Ausstülpung in die Leibeshôhle entstehen und der Rest des Enddarmes sich zur Kloake gestalten konnte. » Camerano (1) s'exprime à ce sujet d’une manière analogue : «€ À mio avviso, l’atrium di Vejdovsky (l'utérus di Villot », è da considerarsi come una dilatazione a mo’ di diverticolo laterale dell” ullimo tratto del canal digerente; dilatazione che accoglie le aperture degli ovidotti e quella del receptacu- lum seminis. » |
La manière dont Vejdovsky et Camerano expliquent la formation de l’utérus est absolument inadmissible ; et il suf- fit pour en démontrer l'impossibilité de rappeler que l'intestin s'ouvre dans l'utérus, et non point dans le vestibule, comme le supposent Vejdovsky et Camerano. Linstow confirme ma manière de voir en ces termes: « Nach Camerano soll das Diverticolo cloacale eine Erweiterung des Darms sein, in den die Ausgänge der Geschlechtsorgane eintreten, was sich aber umgekehrt verhält, denn der Darm tritt in das hinterste Ende des Üterus. » Les canaux déférents et les oviductes, tels que je les ai délimités, sont évidemment homologues. Mais, pour les ovaires et les testicules, il se présente une difficulté. Si l’on admet, avec Vejdovsky et Camerano, que les grappes ovigères représentent à elles seules les ovaires, 1l faut les considérer comme les homologues des tubes testiculaires. Il reste alors les tubes ovariens (Eibehälter de Vejdovsky, Ovi- ductes de Grenacher et de Camerano), dont on ne peut plus trouver les homologues chez le mâle, et qui deviennent, par conséquent, des organes propres à la femelle. Mais c'est à une conclusion à laquelle on ne peut s'arrêter. Les tubes ova- riens (Eibehälter de Vejdovsky, Oviductes de Grenacher et de Camerano), par leur situation dorsale et leurs rapports
(1) Ricerche intorno alla Anatomia ed Istologia"dei Gord'i, p. 42.
SR
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 313
avec les vérilables oviduetes, correspondent évidemment aux tubes testiculaires ; et il suffit, pour compléter le parallèle, d'assimiler les grappes ovigères aux grappes spermatogènes. L'appareil mâle et l'appareil femelle sont, en somme, mode- lés sur le même plan et constitués par un même nombre de parties. Toute la différence consiste danslemode de formation des diverticulums des tubes testiculaires et des tubes ova- riens. Ceux des tubes testiculaires (grappes spermatogènes) se forment par bourgeonnement endogène ; ceux des tubes ovariens (grappes ovigères) se forment par bourgeonnement exogène. Cette différence est due très probablement au vo- lume bien différent des produits mâles et des produits femelles. Les grappes ovigères, en se développant à l'inté- rieur des tubes ovariens, les auraient complètement obsirués ; et les ovules, parvenus à maturité, se seraient trouvés dans l'impossibilité d'arriver aux oviduetes et d’être évacués.
Le développement des organes génitaux nécessite de nota- bles modifications dans le parenchyme. Les tubes testiculai- res, les tubes ovariens et le réceptacle séminal pénètrent peu à peu dans le parenchyme et viennent se loger dans des cavi- tés creusées à leur usage. Ces cavités, qui se développent en même temps que les organes génitaux, se forment, comme toutes les autres cavilés du parenchyme, par modification et destruction des cellules mésodermiques. C’est le processus ordinaire de la dégénérescence granulo-graisseuse. Ces cavi- tés de régression du parenchyme, destinées à loger les tubes testiculaires, les tubes ovariens et le réceptacle séminal, sont au nombre de deux chez le mâle et de cinq chez la femelle. IL existe en effet chez la femelle, en outre des deux cavités dorsales destinées aux tubes ovariens, deux grandes cavités latérales (1), qui contiennent les grappes ovigères, et une cavité ventrale affectée au réceptacle séminal. Vejdovsky et Camerano donnent aux parties du parenchyme qui séparent
(1) Les cavités latérales communiquent avec les cavités dorsales par des lacunes transversales, découvertes par Grenacher. Ces lacunes transversales logent les pédicules des grappes ovigères.
374 A. VILLOT.
les tubes testiculaires, les tubes ovariens et le réceptacle séminal, le nom de mésentères; mais c’est: là une dénomina- tion impropre, dont l’inexactitude est démontrée par l'étude du développement. Il ne s’agit point du cloisonnement d’une cavité générale préexistante, mais bien de cavités indépen- dantes, creusées ultérieurement dans la masse compacte, préexistante, des cellules du parenchyme. Ces soi-disant « mésentères » ne représentent autre chose que la parlie du parenchyme, que la régression n’a pas fait disparaitre. Ils persistent chez le mâle pendant toute la vie, mais dispa- raissent chez la femelle dans les derniers temps de son exis- tence, ainsi que nous le montrerons plus loin. Les parois des cavilés du parenchyme que nous venons de décrire sont formées de cellules embryonnaires, et ont été prises pendant longtemps pour les parois mêmes des organes qu'elles abri- tent (1). Les E'ierstochsläuche de Meissner, les £iersäcke de Vejdovsky et les Ovaie de Camerano représentent les cavités latérales du parenchyme, qui logent les grappes ovigères. Les Hoden de Meissner, les Samensäche de Vejdovsky et les Tes- ticoli de Camerano ne sont point les véritables tubes testicu- laires, mais bien de simples cavités du parenchyme, homo- logues à celles dont nous venons de parler. On a aussi ignoré jusqu’à ces derniers temps que les oviductes de Gre- nacher et de Camerano, les Æzbehälter de Vejdovsky, nos
tubes ovariens, ont des paroïs propres. Vejdovsky croyait encore en 1886 que la paroi du réceptacle séminal est for- mée par le parenchyme.
L’intestin conserve chez la larve son diamètre normal et ne donne encore aucun signe d’atrophie. Il est immédiate- ment entouré par le parenchyme el présente une large cavité centrale. La cavité péri-intestinale dont nous parlerons en décrivant l’état adulte fait complètement défaut à la larve.
La description que je viens de donner de l’état larvaire des Gordiens prouve qu'il n'existe dans le développement
(1) C’est une erreur que j'ai moi-même commise dans toutes mes publi- cations antérieures à ma Note du 2 septembre 1889.
de ces vers rien que l’on puisse assimiler au processus de la génération alternante. C’est maintenant un fait bien acquis. Leur développement s’effeclue par une véritable métamorphose, qui n’est pas sans analogie avec celle des Mermis et des Échinorhynques. Les ressemblances, toute- fois, n’excluent pas les différences. Les Gordiens sont des vers dont l’organisation primitive n’a pas été aussi profon- dément modifiée par le parasitisme. Leur larve possède un appareil digestif complet. Mais la particularité la plus remarquable que présente la larve des Gordiens consiste dans le développement très précoce des organes génitaux. Ceux-ci ont déjà pris chez elle une importance qu'on n'est pas babitué de rencontrer dans un Helminthe à l’état larvaire.
$ 3. — État adulte.
Synonymie. — Jeunes et adultes, Villot, 1874. — Das geschlechtsreife Thier, Leuckart, 1879. — Deuxième forme larvaire et état adulte, Villot, 1881. — Adultes, jeunes et vieux, Villot, 1886. — Giovani ed adulti, Camerano, 1887. — Larve und das geschlechtsreife Thier, Linstow, 1889.
L'état adulte des Gordiens est essentiellement caractérisé par la maturité des produits de la génération (ovules et spermatozoïdes). On ne trouve plus, chez les mâles, de grappes spermatogènes, mais seulement des spermalozoïdes, qui s'accumulent dans les parties moyennes et postérieures des tubes testiculaires. Les ovules passent de la cavité des grappes ovigères dans celle des tubes ovariens. Ce passage est la conséquence toute naturelle de leur développement, de l'accroissement de leur volume, de leur pression réci- proque et de l’élasticité de la paroi des grappes ovigères. Celles-c1 se resserrent à mesure qu’elles se débarrassent de leur contenu, et laissent entre elles et le parenchyme, qui les entourait primilivement, un vide de plus en plus grand. Il s’en faut d’ailleurs de beaucoup que tous les ovules con- tenus dans chaque grappe ovigère puissent passer dans la cavité des tubes ovariens. Il n’y a, en réalité, que les ovules situés à la base de la grappe qui effectuent ce passage el
310 | A. VILLOT.
qui soient utilisés pour la reproduction. Les ovules situés à l'extrémité distale sont trop fortement éfranglés par la paroi de la grappe pour pouvoir se déplacer. Ils ne peuvent que se détacher de leur pédoncule; et lorsque celui-ci vient à se rompre, 1ls tombent dans la cavité de régression des grappes ovigères. Ces deux cavités latérales n'ayant aucunorifice qui les mette en rapport avec les oviductes, les ovules détachés de l'extrémité distale des grappes ovigères ne peuvent être ni fécondés, ni évacués. Ils restent dans les deux cavités de régression des grappes ovigères, qu'ils obstruent même quelquefois presque entièrement. Ce sont ces ovules, deve- nus libres, mais encore entourés de la paroi de la grappe ovigère, que Meissner a décrits en 1856. Ce qu'il a pris pour une membrane vitelline n’est autre chose que la paroi de la grappe ovigère, et le soi-disant micropyle correspond à la déchirure de cette même membrane. Vejdovsky, dans ses Studien über Gordüden (1), a décrit et figuré les divers stades de régression des grappes ovigères; mais il n’a pas su interpréter les phénomènes qu'il a observés. Les grappes ovigères en rain de se vider sont pour lui des ovaires en voie de formation ; et il considère leur cavité de régression comme une véritable cavité du corps (Leïibeshôhle, Cœlom). Cette cavité primitive se comble, d’après lui, au fur et à mesure que les ovaires se développent. Il pense que les _ovules ne séjournent pas dans les grappes ovigères (ovaires de Vejdovsky), mais passent directement, dès qu'ils sont formés, dans les tubes ovariens (Eibehälter de Vejdovsky). Cela suffit pour nous montrer que lé naturakiste de Prague a pris les choses tout à rebours.
À ces caractères physiologiques, d’une observation plus ou moins difficile, viennent se joindre des caractères mor- phologiques, qui permettent toujours de reconnaître si un (rordius est adulte ou non. |
Les plus apparents de ces caractères morphologiques sont
(1) Zeitsch. f. wissensch., Zool., XLVI Bd., 2 Heft, p. 200-205, taf. XVIII, fig. 6-10.
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 371
fournis par les formalions cuticulaires. Les téguments, qui étaient restés chez la larve à l’état embryonnaire, ne se développent que chez les individus déjà parvenus à l’état adulte. Une nouvelle cuticule se forme, sous la cuticule embryonnaire, aux dépens des cellules du feuillet ectoder- mique (1). Cette deuxième cuticule, qui est beaucoup plus épaisse que la première, se présente d'abord comme celle- ci sous la forme d’une masse homogène; mais cette sub- stance amorphe ne tarde pas à se différencier en fibres élastiques (2), qui s’entre-croisent et se superposent, de manière à former un certain nombre de plans, diversement orientés et traversés par les terminaisons des nerfs périphé- riques. La cuticule embryonnaire, qui reste loujours à l’état anhiste, subit en même temps les modifications qui lui sont propres. Elle se soulève sur certains points, et les parties ainsi soulevées forment, en se développant, les aréoles et les diverses sortes de prolongements désignés sous le nom de poils ou de papilles. Ces prolongements reçoivent dans leur intérieur les terminaisons nerveuses et se transforment ainsi en de véritables organes du tact (3). Toutes ces papilles n'apparaissent point simultanément, mais se développent
(4) Les observations que j'ai pu faire sur le mode de développement des formations cuticulaires confirment pleinement la manière de voir de Leydig. Les deux cuticules des Gordiens appartiennent au groupe des fissus de la substance conjonclive, et n’ont aucun rapport avec le tissu épidermique auquel on les a comparées dans ces derniers temps.
(2) J'ai reconnu, dès 1874, la nature histologique de ces fibres: et Came- rano, après avoir appliqué à leur étude toutes les ressources de la technique moderne, n’a fait que confirmer mes conclusions.
(3) Certaines papilles se distinguent des autres par leur forme, leurs dimen- sions et leur réfringence. Ces papilles sont plus longues et affectent la forme de filaments ou de tubes à parois très minces. Vues de face, ces papilles prennent Faspect de simples pores cuticulaires, et ont souvent été prises pour de véritables orifices en rapport avec les canalicules de la cuticule fibreuse. Elles contiennent d’ailleurs, comme les autres papilles, un tube nerveux provenant du réseau périphérique. L'eau parait pénétrer dans ces tubes nerveux avee la plus grande facilité et les dilate beaucoup, de sorte que l’on croirait, dans certains cas, avoir sous les yeux un véritable appareil aquifère. Je ne sais si cette pénétration de l’eau dans les terminaisons ner- veuses des Gordiens est normale ou pathologique. Mais il n’y aurait rien
d'impossible à ce que ces papilles spéciales, qui sont chez certaines espèces très régulièrement distribuées, fussent des organes des sens d’une nature
318 A. VILLOT.
les unes après les autres et deviennent de plus en plus nombreuses à mesure que le ver avance en âge. Chez les espèces à cuticule aréolée, ces papilles sont disposées en bordure autour des aréoles, dont les formes se trouvent ainsi déterminées d’une manière très régulière. Les papilles cuticulaires prennent un développement particulier dans le voisinage de l’orifice ano-génital et constituent des appa- reils spéciaux, qui jouent dans l’accouplement le rôle d'organes excitateurs (brosses copulatrices, etc.). :
La chitinisation progressive des deux cuticules détermine chez les individus adultes des changements de coloration, de consistance, de forme et de structure. Les téguments passent successivement du blanc pur au blanc jaunâtre, au fauve, au brun et même au noir plus ou moins intense. La dureté et la résistance aux agents chimiques augmente aussi au fur et à mesure des progrès de la chitinisation. Chez les espèces à cuticule lisse, la cuticule embryonnaire se bour- souffle, et il se produit entre elle et la deuxième euticule des vides qui peuvent donner lieu à diverses illusions d’op- lique et qui ont été prises à lort pour de véritables aréoles (G. aquaticus, G. gratianopolensis, G@. Feæ). Chez les espèces à cuticule aréolée, les dimensions des aréoles s’accroissent avec le degré de chitinisation de la cuticule embryonnaire. Les aréoles sont d’abord parfaitement arrondies; mais, à mesure qu’elles se développent, elles tendent à prendre une forme polyédrique, en raison de leur compression réei- proque. La forme elliptique n’est qu'une altéralion de la forme arrondie. On ne lobserve que chez les cuticules fai- blement chitinisées; et elle provient simplement d’un éfre- ment de la cuticule. La largeur des espaces clairs, inter- aréolaires, est toujours en raison inverse de celle des aréoles; et elles dépendent, l’une comme l’autre, de l’état de déve- loppement de la cuticule (1). La deuxième cuticule, souvent
particulière, qui auraient pour fonction d'apprécier les qualités de l’eau dans laquelle vivent les individus adultes. (4) La largeur des espaces inter-aréolaires paraît plus ou moins grande,
[2 … | 1
ÉVOLUTION DES ‘GORDIENS. 379
désignée sous les noms de cuticule fibreuse (Faserschicht, faserige Cuticula, Strato fibrillare), se modifie aussi sous l'influence de la chitinisation. Les fibres élastiques qui la constituent, se resserrent et déterminent le plissement de l’ensemble des téguments. Les plis se présentent sous la forme d’ondulations, qui se coupent obliquement comme les fibres elles-mêmes qui les occasionnent. Il en résulle une sorte d’aréolalion irrégulière, qu’il ne faut point confondre avec les véritables aréoles, dont nous avons expliqué plus haut le mode de formation. Enfin, il n’est pas jusqu’à la forme générale du corps qui ne soit elle-même modifiée par la chitinisation des téguments. Celle-ci, ne s'effectuant pas en même temps sur toute la surface du corps, pro- duit, sur la zone limite des parties déjà chilinisées, des dépressions dues à la différence de consistance. L’extré- mité antérieure paraît ainsi plus ou moins effilée, plus ou moins renflée. L’extrémité postérieure des femelles peut être aussi plus ou moins effilée, plus ou moins renflée, plus ou moins profondément divisée par un sillon médian. Les deux lobes de l’extrémité postérieure des mâles sont plus courts chez les jeunes que chez les vieux, et présentent chez les premiers une échancrure bien marquée sur leur bord interne. En somme, on ne peut considérer comme entièrement développés et définitivement fixés dans leurs formes que les individus adultes dont la cuticule est entiè- rement chitinisée.
Ce développement postlarvaire et le polymorphisme (1) qui en résulte chez les adultes sont évidemment de la plus grande importance pour la détermination des espèces. Il est essentiel de ne pas prendre pour des caractères spéci-
selon que l’on met au point le sommet ou la base des aréoles. Les diffé- rences de ce genre tiennent uniquement aux conditions de l'observation.
(1) Les différences de taille, souvent très considérables, qu'on observe entre les divers individus d’une même espèce de Gordiens sont en rapport avec la taille de l'hôte qui a hébergé la larve parasite. La taille du ver adulte peut aussi, croyons-nous, varier pour un même hôte, selon que celui-ci héberge une seule ou plusieurs larves.
380 Adi. VILLOT.
fiques de simples différences d'âge. Il ne suffit donc pas, pour s’assurer de la valeur réelle d’un caractère, d’avoir constaté que ce caractère appartient à un individu bien adulte, c'est-à-dire apte à se reproduire ou déjà accouplé, il faut encore avoir reconnu que cet adulle est entièrement développé, c'est-à-dire pourvu d’une cuticule entièrement chitinisée. Il faut avoir soin : 1° de n’opposer les uns aux autres que des individus de même sexe el de même âge, c'est-à-dire ayant leur cuticule au même degré de chitinisa- tion; 2° de subordonner entre elles les diverses phases de la chitinisation de la cuticule des individus appartenant à la même espèce. Il est d’ailleurs facile de reconnaître le degré de chitinisation de la euticule à la teinte plus ou moins claire, plus ou moins foncée des téguments (4). L’atrophie de l’appareil digestif chez les Gordiens adultes, c'est-à-dire au moment même où ces vers vont redevenir libres, « paraîl paradoxale, car ordinairement nous voyons le développement du iube intestinal pendant la vie libre, et sa rétrogradation pendant la vie parasite » (Gegen- baur). La cause de cette interversion est cependant fort simple. L'atrophie de l’appareil digestif des Gordiens est la conséquence nécessaire du développement de leurs
(1) Ces règles taxonomiques, que j'ai énoncées pour la première fois en 1886, dans ma Revision des Gordiens, et sur lesquelles je suis revenu à plu- sieurs reprises, n’ont pas recu tout d’abord l’accueil qu'elles méritaient.
Camerano dans ses Osservazioni sui caratteri diagnostici dei Gordius, publiées en 1887, disait : « Io credo che quando un Gordius ha le uova o gli sperma- tozoi completamente maturi e pronti ad essere emessi; e sopratutto poi quando è già avvenuto l’accopiamento (il che si riconosce nelle femine. esaminando il receplaculum seminis), esso debba venir considerato come in- teramente adulto e che quindi i caratteri che egli presenta debbano avere importanza di carattere specifici. » Vejdovsky, dans ses Séudien über Gor- diiden, est du même avis et dit encore, en 1888 : « dass ein Gordius mit ge- fülltem Receptaculum, mit Eibehältern und Samenleitern kein Entwick- lungsstadium vorstellen kann. » Mais Camerano, dont il invoque le témoi- gnage à l’appui de son assertion, a reconnu lui-même l'exactitude de ma manière de voir. Le naturaliste de Turin, dans ses Riserche sopra à Gordii d'Europa e descrizione di due nuove specie, publiés en 1888, a adopté mes conclusions relativement au polymorphisme des Gordiens adultes. IL est aujourd’hui parfaitement démontré que les Gordiens peuvent se reproduire bien avant d’avoir atteint le terme de leur développement morphologique.
ÉVOLUTION DES: GORDIENS. 381
téguments. Ce qu'on avait considéré jusqu'à ces derniers temps comme l'orifice buccal des individus adultes ne représente autre chose, ainsi que Je l'ai montré en 1886, que la cavilé d’invagination du rostre de la larve. Cette cavité se montre encore après la formation de la cutieule fibreuse ; mais, lorsque commence la chilinisation de cette cuticule, elle se remplit de matière chitineuse, qui en se durcissant l’oblitère complètement. La tache Jaunâlre qui la représente alors finit elle-même par se confondre entiè- rement avec la teinte générale de la cuticule, de sorte qu'il ne resle plus trace de ce soi-disant orifice buccal. L'intestin ne pouvant plus recevoir aucun aliment du dehors, par suite de l’oblitération de la cavité d’invagination du rostre larvaire, cesse de fonctionner et s’atrophie. L’œsophage tombe en dégénérescence et finit par disparaître entière- ment. L'intestin proprement dit se contracte et n’occupe plus qu’une partie de la cavité du parenchyme qu'il rem- plissait chez la larve.
L'appareil digestif, qui a cessé de remplir ses fonctions de nutrition, est suppléé par le parenchyme. Les éléments constitutifs du parenchvme des Gordiens adultes sont de deux sortes. Les uns, {très modifiés, forment le tissu con- jonctif ou cartilagineux qui sert d’enveloppe au cordon ven- tral el au cloaque des femelles. Ces partiés du parenchyme jouent, par conséquent, le rôle d'organes de soutien et de proleclion. Quant aux autres éléments du parenchyme, ils restent à l’état de cellules embryonnaires. Ces cellules, qui absorbent, tant que dure l’état larvaire, une grande quantité de matières nutritives, constituent une réserve alimentaire, destinée à subvenir aux besoins du ver lorsque celui-ei ne peut plus recevoir d'aliments du dehors. Ces cellules embryonnaires entourent les ovaires ei les testicules ; et les matières nutritives qu’elles contiennent sont absorbées en grande parlie par le développement des ovules et des sper- matozoïdes (1). Lorsque les produits de la génération sont
(4) J'ai représenté dans ma Monographie des Dragonneaux, pl. IX, fig: 69-70,
382 _ A. VILLOT.
arrivés à l’état de maturité, les cellules du parenchyme sont presque entièrement épuisées et vides pour la plupart. Elles entrent alors en dégénérescence. Des granulations grais- seuses apparaissent dans leur intérieur. Les cellules en même temps se déforment et se tassent les unes contre les autres. Leurs parois finissent par être résorbées, et il ne reste plus à leur place qu’une matière jaunâtre, granuleuse, de nature graisseuse. Les cellules du parenchyme qui sont tout d'a- bord frappées de dégénérescence sont celles qui entourent l'intestin; et c'est ainsi que se forme la cavité péri-intestinale des Gordiens adultes. Cette cavité du parenchyme, signalée pour la première fois par Schneider (1) en 1866, fut décrite et figurée de nouveau par Vejdovsky (2) en 1886; mais ni Schneider ni Vejdovsky ne purent se rendre compte de son usage. Vejdovsky la considère comme un tube excréteur (Exkrelionsrühre), et donne à la matière granuleuse qu’elle contient le nom de masse sécrétée (Sekretmasse). Linstow vient de la décrire sous le nom de cavité du corps (Leibes- hôühle). J'ai fait connaître en 1889, dans une Note spéciale (3), la véritable signification histologique de cette cavité, son mode de formation et son usage. Je pense que la matière graisseuse qui provient de la dégénérescence du parenchyme et qui s’accumule dans la cavité péri-intestinale peut encore servir de nourriture aux individus adultes, vivant à l’état libre, pendant les derniers temps de leur existence.
La régression du parenchyme prend chez la femelle une extension beaucoup plus grande que chez le mâle. Indépen- damment de la cavité péri-intestinale, dont je viens de
le contenu des cellules du parenchyme qui avoisinent les tubes ovariens et les tubes testiculaires. Seulement j'ai eu le tort de considérer ces cellules du parenchyme comme des ovules et des cellules spermatogènes en voie d'évolution. Vejdovsky a aussi observé ces éléments; il les décrit dans ses Studien über Gordiiden, p. 193; mais il ne se prononce point sur leur signi- fication. |
(1) Monographie der Nematoden, taf. XVE, fig. 10.
(2) Zur Morphologie der Gordiiden (Zeilsch. f. wissensch., Zool., Bd. XLIIT, p. 406).
(3) C. R. de l'Acad. des sciences, séance du 17 avril 1889.
ÉVOLUTION: DES GORDIENS. 383
parler, il se forme chez la femelle adulte une autre cavité de régression située sur la ligne médiane, au-dessus des tubes ovariens. Celte cavité dorsale (Rückenkanal), que Vej- dovsky a comparée au vaisseau dorsal des Annelés (!), ne tarde pas à s'étendre aux dépens de la partie du paren- chyme qui sépare les deux tubes ovariens, et finit par se fusionner avec les deux cavités de régression des grappes ovigères ; de sorte qu'il ne reste plus, de la masse compacte du parenchyme primitif, que l'enveloppe du cordon ventral et une couche périphérique de cellules embryonnaires qui revêt intérieurement le muscle cylindrique (Epithelschicht de Vejdovsky). Il est difficile de constater cet état du paren- chyme tant que les ovaires se trouvent distendus par la masse des ovules; mais la disparilion de toule la partie centrale du parenchyme devient bien évidente après la ponte. Les deux tubes ovariens avec leurs grappes ovigères attenantes, vidées et flétries, n’adhèrent plus au paren- chyme que par certains points de leur parlie dorsale, qui correspondent à l'insertion des grappes ovigères. Tubes ovariens et grappes ovigères paraissent comme suspendus à la voûte d'une seule et unique cavité. La formation de cette large cavité centrale représente, ainsi que je l'ai montré dans ma Note du 2 septembre 1889, le dernier stade de la régression du parenchyme des Gordiens. Cette cavité de régression ne correspond nullement à la cavité primitive du corps de l’embryon (Blastocæle). Elle en diffère non seulement par son mode de formation, mais encore par ses connexions, puisqu elle est circonscrite par le parenchyme et le muscle cylindrique, qui appartiennent tous deux au corps cellulaire mésodermique. La véritable cavité du corps (Blastocæle), qui s’oblitère chez la larve, par suite de la formation du mésoderme, se {rouve au contraire circonscrite par l’ectoderme. Il n'existe chez les Gordiens adulles ni Cœlome, n1 rien que l’on puisse assimiler aux mésentères des vers cæœlomates.
La structure des téguments, l'atrophie de l'appareil
984 A, VILLOT.
digestif et la régression du parenchyme, tels sont les carac- 4ères morphologiques de l’état adulte des Gordiens (1).
On pourrait croire, en lisant les auteurs, qu'il existe chez les Gordiens un rapport nécessaire entre l’état adulte et le retour à l’état libre. Linstow (2) prétend même que les organes génitaux ne se développent qu'après la cessation de la vie parasite. Nous avons vu qu'il en est tout autrement. Les organes génitaux se développent chez la larve parasite; et il s’en faut de beaucoup que le retour à l’état bibre coïn- cide toujours avec la maturité des ovules et des spermato- zoïdes. La vérité est que les Gordiens adultes peuvent être observés aussi bien à l’état parasite qu'à l’état libre, et qu'on s'expose à l'erreur lorsqu'on prend le genre de vie pour base de la distinction des larves et des adultes. Les exemplaires de G. tolosanus trouvés à l’état parasite et décrits par von Linstow sous le nom de « Larven » étaient parfaitement adultes, ainsi que le prouvent la structure de leurs téguments, l’atrophie de leur intestin et la régression de leur parenchyme. La coupe de leurs organes génitaux que Linstow a figurée (Taf. XV, fig. 16) a été faite sur la partie postérieure des tubes ovariens, c’est-à-dire dans la région où il n'existe point de grappes ovigères. Il n’est donc pas étonnant que Linstow n'ait point vu d’ovules; mais 3l a eu le tort de conclure que les ovules n'étaient pas encore développés. S'il avait étudié des coupes prises dans la partie antérieure des ovaires, 1l aurait trouvé les ovules et se serait aperçu de son erreur. Les figures 27, 28, 29, 30 et 31 de la PI. XVI, qui sont faites d’après des coupes pratiquées sur une femelle reconnue par lui comme adulte, ne représentent point le développement des organes génitaux. Les coupes 27, 28 el 29, prises à des niveaux différents du corps, montrent les divers élals des grappes ovigères, tels qu'on
(1) Linstow décrit et figure des ocelles chez Le G. tolosanus adulte. Je n'ai pu les retrouver. . (2) Ueber die Entwicklungsgeschichte und die Anatomie von Gordius tolosanus, Duj. (Archiv für mikrosk. Anat., Bd. XXXIV, 1889).
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 385
peut les observer chez ia larve aussi bien que chez l'adulte. La coupe 30 montre le passage des ovules dans la cavité du tube ovarien, avant la ponte. La figure 31 représente la régression des grappes ovigères, après la ponte.
Le parasitisme des Gordiens adulles chez les Insectes (1) est un fait connu depuis longtemps et aujourd’hui hors de doute. Il est certain aussi que les Gordiens adultes trouvés à l'élat parasite dans le corps des [nsecles n’y sont point entrés après leur développement. On les trouve dans la cavité abdominale de leurs hôtes, enroulés autour des in- testins, c'est-à-dire dans des conditions identiques à celles que nous avons signalées pour les larves; et il est bien évi- dent qu'ils se sont développés sans changer d'habitat. Les Insectes sont bien, comme Je l'ai déjà dit, les hôtes normaux des Gordius. Mais si je partage maintenant en cela la manière de voir de von Linstow, je n’en reste pas moins en désaccord avec lui sur plusieurs points secondaires de la question.
J'ai toujours douté et Je doule encore que tous les vers parasites des Insectes actuellement inscrits dans nos cata- logues helminthologiques sous le nom de Gordius appar- tiennent réellement à ce genre. Il y a probablement parmi eux beaucoup de Mermis. Tel est aussi l'avis des juges les plus compétents. « Je crois, disait Dujardin (2), que beau- coup d’'Helminthes filiformes, longs de 10 à 20 centimètres, indiqués comme ayant vécu dans le corps de diverses che- _nilles, dans des sauterelles, des forficules, des blaps, des carabes, etc., etc., pourraient bien être aussi le Mermis, que sa couleur de plus en plus noirâtre, suivant le degré de développement des œufs, a fait confondre avec le vrai Gordius, et qu’on a pu faire vivre pendant longtemps dans l'eau pure. » Siebold, dans une série de Mémoires publiés dans le Stettin. entomologische Zeitung, de 1832 à 1858, en-
(4) Je réunis sous le nom d’Insectes, pour en former une des classes du Règne animal, les Hexapodes ou Insectes proprement dits, les Arachnides et les Myriapodes. ;
(2) Ann. des sc. nat., t. XVIIT, p. 135, 1842.
ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 25. — ART. N° 1.
386 A. VILLOT..
treprit la revision de tous les vers filiformes trouvés à l’état parasite chez les Insectes. Il rapporta les uns au genre Gor- dius, d'autres au genre Mermis; mais, par suite de l’insuf- fisance des descriptions, il fut obligé d’en laisser un plus grand nombre sous le nom de Filaires, sans vouloir dire pour. cela qu'ils appartinssent réellement au genre Filaria. Ces « Species inquirendæ », c'est-à-dire non déterminées, furent inscrites par Diesing dans son Systema Helminthum sous le nom générique de Gordius. Diesing ne justifie en aucune façon cette atlribulion; 1l dit même expressément, en parlant de ces soi-disant Gordius trouvés chez les Lépi- doptères, qu’ils pourraient bien être des Mermis : « Gordios larvarum et imaginum longe plurimos Mermidis fortasse esse generis gravis mihi est suspicio. » Toutes ces espèces nominales de Gordiens, introduites dans la nomenclature par Diesing, ont été énumérées par von Linstow dans son Compendium der Helminthologie sous le couvert du nom de Siebold, dont l'autorité est ici invoquée bien à tort. Rien ne prouve, je le répète, que ce soient de véritables Gordiens; et comme ces soi-disant espèces sont absolument indéter- minables, il vaudrait mieux, je crois, les rayer purement et simplement de nos Catalogues helminthologiques. Bien que les genres Gordius et Mermus soient de nos jours parfai- tement caractérisés et délimités, de véritables HMermis, lrouvés à l’état de parasite, sont encore souvent désignés sous le nom de Gordius par des Entomologistes, peu fami- liers avec la systématique des Helminthes. C’est ce dont j'ai pu me convaincre par les envois de plusieurs de mes cor- respondants.
Je ne puis, non plus, admettre avec Linstow qu'il ee un Adte spécial pour chaque espèce de (rordius. Nous sommes certainement bien loin de connaître les hôtes de toutes les espèces de Gordiens; mais l'étude des espèces dont nous connaissons les hôtes nous permet parfaitement d'affirmer, d'une manière générale, que les Gordiens n’ont pas d'hôtes spéciaux. On sait maintenant très posilivement que le
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 387
G. aquaticus se développe aussi bien chez les Coléoptères que chez les Orthoptères et les Myriapodes. Il est également certain que le G. tolosanus n’est pas un ver parasite propre aux Coléoptères, puisqu'on l’a aussi trouvé dans la cavité abdominale d'une Araignée (Drassus fuscus). 11 est par cela même impossible de soutenir que telle espèce d’Insecte est toujours et nécessairement l'hôte de telle espèce de Gordius. Les hôtes d’une même espèce de Gordiens peuvent appartenir non seulement à des espèces différentes, mais même à des genres, à des familles, à des ordres bien dis- tincts et pris indifféremment dans l’une des trois sous- classes de la classe des Insectes.
Dans le lien naturel qui rattache le parasite à son hôte, on voyait autrefois une cause finale: on n’y voit plus aujour- d’hui que des conditions d'existence et de développement. Ces conditions peuvent se trouver réalisées chez des ani- maux bien différents; et le parasite les utilise partout où il les rencontre, sans s'inquiéter du rang sérial, ou des affi- mités zoologiques de l'être qui les lui offre. Il n’en existe pas moins, dans certains cas, un rapport nécessaire entre les conditions d’existence de lhôte et les conditions de développement et de reproduction du parasite. Lorsque celui-ci, pour se développer, a besoin de passer successive- ment dans deux hôtes différents, 1l est nécessaire qu'il y ait entre ces deux hôtes des rapports tels que le premier puisse et doive normalement devenir la proie du second. Si l’hôte intermédiaire est un herbivore, il faut que l'hôte définitif soit un carnassier. Ce dernier devant jouer ensuite le rôle d'agent disséminateur des œufs et des embryons du parasile, il est indispensable qu'il vive lui-même dans le même milieu que l'hôte intermédiaire. Mais tel n'est pas le cas des Gordiens. Ceux-ci n'ont point d'hôtes intermédiaires et ne se repro- duisent pas dans le corps de l'animal qui leur fournit l’ali- ment nécessaire à leur développement ; c'est pour cela qu'ils n’ont pas d'hôtes spéciaux.
Le retour à l’état libre n’a, chez les Gordiens, d’aulre
388 A. VILLOT.
but que de rendre possibles l’accouplement et la ponte, qui doivent s'effectuer dans l’eau. Cette deuxième et dernière migration est toujours, comme la première, une migration active. Encore faut-il, pour qu'elle ait lieu, qu'elle soit pos- sible. Si l'hôte est un Insecte aquatique, la migration s'effectue tout naturellement et au gré du parasite; mais si l'hôte est, comme cela arrive souvent, un Insecte terrestre, le parasite est obligé d'attendre une occasion favorable. J'ai énuméré en 1881, dans mes /Vouvelles recherches sur l’orga- nisalion et le développement des Gordiens (1), les diverses circonstances, d'ordre purement physique, qui peuvent favoriser la mise en liberté des Gordiens adultes. Elles me paraissent très naturelles et suffisamment générales pour donner une explication rationnelle du phénomène. Mais leur réalisation est évidemment aléatoire. Elle peut être plus ou moins prématurée, plus ou moins tardive, eu égard au développement du ver parasite. Aussi les Gordiens adultes peuvent-ils se trouver dans l’eau et même s'y reproduire bien avant que leurs téguments soient entièrement déve- loppés. Il y a dans ce cas Progenèse ou, comme disent les naturalistes italiens, Veotema. Cette particularité de l’his- toire des Gordius, sur laquelle j'ai le premier attiré l’atten- tion des observateurs, en 1886, dans ma Revision des Gor- diens, ne peut être attribuée ni à un arrêt de développement, ni à l'influence du milieu. Elle est, chez ces vers, la consé- quence du développement très précoce des organes géni- taux, qui est évidemment héréditaire, et de circonstances accidentelles qui mettent fin au parasilisme avant le com- plet développement des téguments.
Des migrations passives peuvent survenir avant ou après la mise en liberté du parasite et interrompre le cours nor- mal de son évolution. Il doit arriver souvent que des Gor- diens adultes passent avec leurs hôtes dans le tube digestif des Vertébrés carnassiers. Les Poissons en général et par-
(1) Annales des sc. nat., Zool., 6° série, t. XI, art. n° 3, p. 17-18.
ÉVOLUTION DES’ GORDIENS. 389
ticulièrement les Salmonides, qui font une grande consom- mation d'Insectes et viennent chercher à la surface de l’eau ceux qui y tombent accidentellement, contiennent fréquem- ment dans leur intestin des Gordiens adultes, dont la pré- sence dans cet organe peut très bien s'expliquer ainsi. Le même désagrément peut arriver aussi à des Batraciens, des Reptiles, des Oiseaux et des Mammifères qui se nourrissent d’Insectes, et s'expliquer de la même manière. L'eau dans laquelle les Gordiens adultes vivent à l’état libre peut éga- lement amener ces vers dans l'intestin de certains Mammi- fères. Le gros bétail, qui s’abreuve aux sources, dans les mares ou dans les bassins de fontaines, est naturellement exposé à s’infester de la sorte. L’un des plus anciens noms donnés à notre Gordius aguaticus n’a pas d'autre origine. Aldrovande nous dit dans le septième livre de son Traité De animalibus Insectis, chapitre X : « Germanis nescio qua ratione appellatur, ein Wasser Kalb, id est vitulus aquaticus, nisi quod à vitulis per ætatem incautioribus nonunquam in aqua bibalur, magno etiam vitæ periculo. » L'homme lui-même n’est pas à l'abri de pareils accidents. C’est une croyance populaire, répandue sur tous les points du globe, que les Gordiens adultes, vulgairement connus sous les noms de Dragonneaux ou de Crins vivants, peuvent être les parasites de l’homme. Les anciens auteurs sont aussi una- nimes sur ce point ; et des observations précises, faites dans ces derniers temps, ne laissent plus aucun doute à cet égard (1). Mais on n’a pas encore pu se mettre d'accord sur le point de savoir comment et sous quelle forme des Gordius peuvent s’introduire dans le corps de l’homme. Il semble au premier abord impossible d'admettre que l’homme puisse, involontairement et à son insu, avaler avec sa boisson un ver qui à pour le moins 10 à 12 centimètres de long sur
(1) Voir à ce sujet mes diverses publications sur les Gordiens, ainsi que les deux Notes suivantes, publiées en Italie : Fiori e Rosa, Un caso di paras- sitismo di Gordius adulto nell’ uomo (Comunicazione alla R. Accad. di Medicina,
1881); Cerruti e Camerano, Di un nuovo caso di parassitismo di Gordius adulto nel uomo (Giornale della R. Accad. di Medicina, 1888).
390 _. A. VILLOT.
près d’un millimètre de large. Aussi avais-je supposé, dans mes précédentes publications, que les Gordiens trouvés à
l’état adulte dans l'intestin de l’homme provenaient d’em-
bryons avalés avec la boisson et ensuite développés dans l'organe même où ils s'étaient enkystés. Camerano, à qui mon explication avait paru très vraisemblable, avait cru pouvoir l'appliquer aux cas de ce genre récemment observés. Le naturaliste italien a en outre émis l’idée, beaucoup plus. bardie, qu'un tel parasitisme peut être le résultat de l'usage de légumes crus et plus particulièrement de salades récol- tées dans les prés elinfestées d’embryons de Gordius. Came- rano pense que ces mêmes embryons, qui doivent être abondants dans les réservoirs où viennent s’abreuver les bestiaux, mis au pâturage dans les régions alpestres, peu- vent se développer aussi chez ces animaux; et il ne consi- dère point celie supposilion comme une hypothèse trop hasardée (1). Quoi qu'il en soit, il est bien évident que ce n'est là qu’une hypothèse, dont la réalité ne pourrait êlre démontrée que si l’on réussissait à trouver chez ces animaux et chez l’homme de véritables larves de Gordius, enkystées. ou libres dans des cavités closes (2). Tant qu'on n’aura point fait cette découverte, il me paraît tout aussi vraisemblable. et beaucoup plus rationnel de supposer que les Gordiens adultes trouvés dans l’intestin de l’homme y ont été intro- duits, à l’état adulte, avec la boisson. L’habitude qu'ont les. enfants, et même de grandes personnes, de boire à pleine gorgée au robinet des fontaines, me paraît suffire pour expliquer comment ces personnes peuvent avaler et s'in- fester de Gordiens adultes sans s’en douter le moins du monde. Des Gordiens adultes peuvent-ils supporter sans
(4) Ricerche intorno al Parassitismo ed al Polimorfismo dei Gordii, p. 7-8, 1887.
(2) Le Gordius aquaticus est indiqué par Linstow (Compendium der Hel- minthologie) comme ayant été trouvé à l’état larvaire (larva) dans le crâne du Cobitis fossilis et du Petromyzon fluviatilis, ainsi que dans le canal verté- bral de la Grenouille rousse (Rana temporaria). Je ne sais par qui ces obser- vations ont été faites; mais je suppose qu'il s’agit d'embryons enkystés et non point de véritables larves.
rire eriréraeiiiahé
ÉVOLUTION -DES+ GORDIENS. 391
périr la lempérature élevée du corps d’un Mammifère ou d'un Oiseau? Nous n'avons sur ce sujel intéressant que les expériences, déjà anciennes, faites par Bacounin. Ce natu- raliste prétend qu'une chaleur de 30 à 32 degrés suffit pour tuer les Gordius, el que dans une eau dont la température s'élève à 25 ou 26 degrés, ils perdent tout mouvement. J'ai remarqué, en effet, que ces vers tombent dans une espèce de torpeur dès que l’eau qui les baigne perd sa fraicheur naturelle; mais je crois que, pour causer leur mort, il faudrait une chaleur bien supérieure à celle du corps humain. L'eau des ruisseaux et des mares peut, en été, s'échauffer beaucoup; et il ne paraît pas que cette élévation de la température ait pour résultat de faire périr les Gor- dius qui vivent dans ces eaux. Ces vers craignent beaucoup plus la sécheresse que la chaleur; car il suffit ordinaire- ment d'une courte exposition à l'air (quelques minutes ou quelques secondes) pour causer leur mort. Les Gordiens sont, d'autre part, parfaitement protégés par leurs tégu- ments chitineux contre l'aclion des sucs digestifs. Pour toutes ces raisons, je considère les Gordiens adulles comme parfaitement capables de vivre longtemps dans le tube di- geslif des Vertébrés. Je suis d’ailleurs persuadé qu'ils font tous leurs efforts pour en sortir, et qu'ils sont le plus souvent évacués soit par la bouche, soit par l'anus. Les nausées et les vomissements que provoque d'ordinaire leur présence dans l'estomac tiennent sans doute aux mouve- ments qu'ils exécutent pour reconquérir leur liberté (1). Je pense qu'il ne faut admettre les Gordiens dans la liste des parasites des Verlébrés qu’à titre exceplionnel et accidentel; mais je ne vois aucune raison pour en faire des Pseudo- parasites, comme le veut Linstow. Les Gordiens des Verté- brés méritent le nom de Parasites tout aussi bien que ces
(4) Ces mouvements ne sont guère possibles que lorsque l'estomac est à vide ; et c'est ce qui explique l’intermittence des phénomènes pathologiques qu'ils occasionnent. Les vomissements qui amènent l'évacuation du ver
parasite ne donnent ordinairement que d’abondantes mucosités sans trace de substances alimentaires.
392 | ja: VILLOT.
nombreux Helminthes dont parle Van Beneden, qui passent
avec leurs hôtes temporaires d'estomac en estomac jus-
qu'au moment où ils trouvent celui qui doit servir de ber- ceau à leur progéniture. Le but à atteindre, pour les Gor- diens, c’est le retour à la vie aquatique; et les migrations accidentelles dont nous venons de parler ne sont, pour ainsi dire, que de simples épisodes de leur évolution.
Bien que les conditions qui déterminent le retour à l’état libre soient indépendantes de la volonté du ver, dans la plupart des cas, et puissent, comme on vient de le voir, se compliquer de migrations accidentelles, les individus adultes de chaque espèce apparaissent chaque année dans les eaux de nos pays à une époque fixe. Le G. violaceus se montre dès la fin de mars; mais c’est en avril qu’on le trouve Île plus communément, et il ne disparaît que vers la fin du mois de mai. Le G@. afjinis et le G. pustulosus apparaissent en avril. Le G. tolosanus et le G. gratianopolensis abondent en juin. Le (Gr. alpestris n’est encore que peu développé au mois d’août. Le (. aquaticus est une espèce que l’on rencontre presque en toute saison ; Je l’ai recueilli de mars à novembre. Une femelle que j'avais capturée au commencement de novembre 1872, pondit en captivité des œufs qui se développèrent et me donnèrent des embryons que je pus conserver pendant tout l'hiver (1). Camerano (2) a fail en 1889 une observation analo- gue. Ce n’est point, comme le croit le naturaliste de Turin, un cas dereproduction précoce pour cette espèce. Le G.aquaticus se reproduit d'ordinaire au mois de septembre; mais des individus adultes, mis tardivement en liberté pendant l’au- tomne, peuvent s’accoupler beaucoup plus tard, c’est-à-dire en hiver ou au printemps suivant. Le G. gemmatus, qui ha- bite les mêmes localités que le G&. aguaticus, se montre aussi en septembre.
Les Gordiens adultes, une fois libres dans l’eau, n’ont pas
(1) Monographie des Dragonneaux (Arch. de zool. expérim. et génér., t. IT, p. 65). (2) 1 primi momenti della Evoluzione dei Gordii, p. 1, 1889.
“br D
—_
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 393
une vie sédentaire. Les individus des deux sexes, à la recher- che les uns des autres, accomplissent pour se réunir de nou- velles migrations. Ils s’abandonnent aux cours d’eau, el pas- sent avec eux de la montagne dans les plaines. Ils habitent successivement les ruisseaux et les torrents, les lacs et les rivières. Beaucoup s'accouplent en route. Les chaleurs de l'été, en occasionnant la baisse des eaux, les obligent de s'arrêter où ils se trouvent. Pour échapper à la dessiccation qui les menace, ils se réfugient dans les bassins des cascades, dans les dépressions du lit des torrents et des ruisseaux, où il reste toujours un peu d’eau. Ils se réunissent ainsi sur des espaces très resireints en nombre souvent considérable. Ils ont d’ailleurs l'habitude de s’enrouler les uns autour des au- tres, et forment par leurs replis enchevêtrés des pelotons inextricables (1).
Les individus des deux sexes, appartenant à la même es- pèce, se reconnaissent au toucher, et ne manquent pas de s’accoupler dès qu'ils se rencontrent.
Je ne crois pas nécessaire de répéter ici ce que j'ai dit ailleurs sur le mode d'accouplement des Gordiens, sur la manière dont s’opèrent la fécondation et la ponte. Je renvoie le lecteur à ma Monographie des Dragonneaux (p. 200-201) et à mes Nouvelles recherches sur l’organisation et le dévelop- pement des Gordiens (p. 3-6), où tout cela se trouve exposé en détail. Je n’ajouterai qu’une observation aux descriptions données dans ces deux publications. Le 26 juin 1883, je fus témoin de l’accouplement d’une femelle de G. tolosanus avec un mâle de G. gratianopolensis. La femelle pondit plusieurs jours après, et quelques œufs présentèrent des signes de dé- veloppement (segmentation). Je ne saurais affirmer que cette
(1) Ce n’est donc pas sans raison que Linné a donné à ces vers le nom de Gordius, Phrygien célèbre dans l’histoire par sa manière de nouer le lien qui fixait le joug au timon de son char. Mais il n’est pas nécessaire de re- courir au procédé brutal d'Alexandre pour dénouer les pelotons des Gor- diens. Il suffit d'attendre que les vers veuillent bien se dérouler; ce qui ne manque pas d'arriver lorsque, au retour de la pêche, on les met dans un aquarium ou dans un simple bocal rempli d’eau fraîche.
394 A. VELLOT.
femelle de G. {olosanus n’ail pas été fécondée auparavant par un mâle de son espèce; car d’autres femelles appartenant à la même espèce et capturées en même temps, qui ne s'étaient pas accouplées avec le G. gratianopolensis G, pondirent également. Il n’en reste pas moins démontré que des accou- plements entre individus d'espèces différentes peuvent avoir Leu; et il n’y aurait rien d'impossible à ce qu'il se produisit de la sorte de vérilables hybrides. C’est une question inté- ressante, qui mérilerait d’être étudiée, et qui ne pourra être résolue que par des expériences nombreuses et suivies avec Soin.
Vejdovsky (1) prétend que les femelles les plus jeunes sont celles quiontterminé leur ponte, etqu'il faut considérer comme vieilles celles qui n’ont pas encore pondu. Cette singulière manière d'interpréter les faits repose sur une erreur que nous ne pouvons nous dispenser de relever. Vejdovsky suppose que le parenchyme se régénère chez les femelles qui ont pondu, et qu'il se forme ainsi, aux dépens d'un nouveau parenchyme, de nouveaux ovaires. Cela est absolument impossible. Le parenchyme à une origine embryonnaire et ne peut prendre toul son développement que dans les condilions spéciales où se trouvent les larves parasites. Un ver adulte, dont l'intes Un s’est atrophié et qui à épuisé toules ses réserves alimen- taires ne peut, lorsqu'il s’est reproduit, que se désorganiser el mourir. Tel est le cas des Gordius. Les femelles, épuisées par l’ovogenèse, déformées el flétries par suite de l’évacua- tion des œufs, périssent aussitôt que leur ponte est terminée. La manière dont Vejdovsky a compris l’évolution de l'ovaire et du parenchyme des Gordiens est précisément l'inverse de
la réalité. Ce qu'il a décrit comme phases du développement
n’est autre chose qu’une série de stades de régression (2).
(4) Zur Morphologie der Gordiiden (Zeitsch. f. wissensch. Zool., XLIIT Bd., p. 388-394, 1886).
(2) Le G. tolosanus que Vejdovsky a décrit et figuré dans ses Sfudien über Gordiiden comme jeune femelle est, ainsi que le prouvent le développement de ses téguments et la régression de son parenchyme, une vieille femelle qui avait terminé sa ponte et dont le réceptacle séminal s'était complète-
7
ds y té Eporenristé
ÉVOLUTION DES GORDIENS. 395
Le nombre des individus de chaque espèce qui parvien- nent chaque année à se reproduire et à parcourir le cycle en- lier de leur évolution est bien minime eu égard au nombre immense d'embryons produits par la ponte d’une seule femelle. Aussi les Gordiens à l’état adulte ne sont-ils com- muns nulle part. Ils ne sont pas, non plus, également répan- dus dans tous les pays; et dans les mêmes localités, diverses circonstances les rendent plus ou moins rares. Il existe, en effet, un rapport nécessaire entre la propagation d’un para- site et celle de son hôte. Si la reproduction de l'hôte s'effectue dans de mauvaises conditions, les chances de développement diminuent pour le parasite; elles augmentent au contraire, si, par suite de circonstances favorables, le nombre des in- dividus propres à servir d'hôtes devient plus considérable. Le développement des Gordiens qui vivent à l’état parasile chez les Insectes dépend d’ailleurs en grande partie des conditions météorologiques. Un printemps et un automne pluvieux faci- litent leurs migrations. La sécheresse aux mêmes époques de l’année est au contraire pour eux une cause de mort pré- maturée, presque inévitable. Si l'hiver est très rigoureux, les larves d’Insectes qui hébergent les Gordius périssent en grand nombre; et avec elles doivent périr aussi leurs parasites, qui se trouvent mis en liberté beaucoup trop tôt. Ceci nous explique pourquoi, certaines années, il est si difficile de se procurer des Gordiens, dans les localités mêmes où d’ordi- naire on en trouve le plus.
L'état de conservalion des échantillons soumis à l’étude n'étant point sans influence sur la netteté et la valeur des résultats obtenus, je crois nécessaire, pour terminer ce ré- sumé général de mes recherches, d'indiquer en quelques mots la meilleure manière de recueillir et de préparer les Gordius. Les Dragonneaux sont des vers {rès difficiles à ma- nier. Leur corps, normalement imprégné de l’eau dans la-
ment vidé. Sa petite taille (0",08) ne prouve rien, puisqu'on sait aujourd'hui que des individus adultes de même âge et de même espèce peuvent différer beaucoup sous ce rapport.
396 A. VILLOT.
quelle il est plongé, se ride et se dessèche à l’air avec une grande rapidité. Il importe par conséquent, si l’on veut les conserver vivants pour les recherches, de les faire passer aussi rapidement que possible de l’eau du ruisseau dans celle d’une fiole préparée d’avance et préalablement débouchée. Il est nécessaire aussi de renouveler l’eau de temps en temps, jusqu’au moment où l’on peut les placer dans l'aquarium qui doit les recevoir. Ils paraissent souvent entièrement privés de vie, lorsqu'ils arrivent à destination: mais souvent aussi leur mort n’est qu'apparente. L’eau fraîche, souvent renouve- lée, les ranime peu à peu; et en quelques heures, ils ont repris toute leur vitalité. On peut les garder ainsi à l’état de vie pendant plus d’un mois. Les échantillons destinés aux col- lections ou à des recherches d'anatomie se conservent très bien dans l’alcool à 18° Cartier. C’est, selon moi, le meilleur des liquides préservateurs. La glycérine, que l’on pourrait être tenté d’y ajouter, ne contribue en rien au bon état de conservation ; et elle a, comme on sait, l'inconvénient de ren- dre toutes les manipulations très désagréables. Il faut avoir bien soin, en faisant passer le ver de l’eau dans la liqueur préservatrice, de ne pas lui donner le temps de se dessé- cher: et si cela arrivait, il convient de le remettre dans l’eau pour quelque temps. Les vers déformés que l’on plonge dans l'alcool sont fixés et ne reprennent plus leurs formes norma- les : l’eau reste désormais sans action sur eux. Ces détails paraîtront peut-être superflus à beaucoup de personnes; mais je suis persuadé que les naturalistes qui voudront bien suivre mes indications seront satisfaits des heureux résultats qu'ils obtiendront. La plupart des Gordius qui figurent ac- tuellement dans les collections publiques sont tellement dé- formés qu'ils ne ressemblent plus à rien; et j'ai souvent regrelté, en recevant des envois de mes correspondants, de ne pouvoir en üirer parli par suite de la détérioration des échantillons. Il est possible d'éviter toute déformation; et il suffit pour cela de prendre les précautions que je viens de recommander.
EXPLICATION DES FIGURES
PLANCHE 14.
Fig. 1. — Gordius violaceus. — État larvaire proprement dit. Coupe longi-
tudinale de la cuticule et de l'hypoderme. Cette coupe montre : 1° la cu- ticule embryonnaire; 2° les cellules hypodermiques en voie de modifica- tion. Le protoplasme de ces cellules se transforme en éléments nerveux. Les fibrilles nerveuses, parallèles au grand axe de Ja cellule hypoder- mique, sont en rapport avec une couche de cellules nerveuses sous-ja- centes (réseau sous-hypodermique). Hartn., Obj. 8, Oc. 4.
Fig. 2. — Gordius violaceus. — Etat larvaire proprement dit. Cellules hypo-
dermiques, vues par leur face externe. Les fibrilles nerveuses en voie de formation, vues en coupe optique, ont l'aspect de simples granulations protoplasmiques. Hartn., Obj. 8, Oc. 4.
Fig. 3. — Gordius violaceus. — État larvaire proprement dit. Cellules hypo-
dermiques modifiées, vues de face. La modification porte sur le noyau, qui s’est considérablement élargi, en refoulant les fibrilles nerveuses contre la paroi de la cellule. Celle-ci s'est elle-même notablement agran- die. Ces modifications de l'hypoderme larvaire sont la cause détermi- nante des modifications analogues que subit la cuticule embryonnaire des adultes. Les noyaux vésiculisés des cellules hypodermiques servent de moule aux futures aréoles de ja cuticule externe; les fibrilles ner- veuses (protoplasme transformé) correspondent à la bordure de papilles interaréolaires. Hartn., Obj. 8, Oc. 4.
Fig. 4. — Gordius violaceus. — État larvaire proprement dit. Hypoderme,
vu de face. Modifications que subissent les cellules hypodermiques lors- qu'elles commencent à sécréter la matière amorphe et réfringente qui doit constituer la deuxième cuticule des adultes (cuticule fibreuse). Le noyau des cellules hypodermiques prend une forme étoilée. La matière sécrétée, chitinogène, s’accumule au pourtour des cellules, dont les parois limitantes tendent à disparaître. Hartn., Obj. 8, Oc. 4.
Fig. 5. — Gordius aquaticus. — Vieil adulte, Coupe transversale, montrant :
1° la cuticule embryonnaire ou première cuticule; 2° la deuxième cu- ticule ou cuticule fibreuse; 3° les fibrilles nerveuses et les noyaux des cellules primitives de l'hypoderme; 4° les cellules nerveuses du réseau périphérique; 5° les nerfs du plexus ventral; 6° les cellules ganglion- naires du cordon ventral; T° les fibrilles nerveuses longitudinales dudit cordon, coupées en travers et constituant de la sorte le soi-disant « réti- culum nerveux »; 8° les fibrilles nerveuses transversales du même cor-
don, qui partagent les fibrilles longitudinales en trois faisceaux distincts ;
398 | A. VILLOT.
9° la membrane cuticulaire, très mince, qui représente l'enveloppe propre du système nerveux. Hartn. , Obj. 8, Oc. 4.
Fig. 6. — Gordius aquaticus. _—_ Jeune adulte. Cette coupe transversale montre : 1° la cuticule embryonnaire ou première cuticule; 2° la deuxième cuticule ou cuticule fibreuse ; 3° l’hypoderme ; 4vle périmysium, dans lequel les fibres musculaires se trouvent enchâssées; 5° les fibres
musculaires, coupées en travers. Coloration double par le picrocarminate
d'ammoniaque. Le périmysium a pris la couleur rouge du carmin. Les fibres musculaires sont colorées en jaune par l'acide picrique. Hartn., Obj. 8, Oc. 4
Fig. 7. — Gordius violaceus. — Jeune adulte. Coupe transversale, montrant : 4° la cuticule embryonnaire ou première cuticule; 2° la deuxième cuti- cule ou cuticule fibreuse; 3° l’hypoderme; 4° le périmysium et les fibres musculaires. Cette figure est faite d’après une préparation colorée au picrocarminate et montée dans le baume de Canada. Quelques-unes des fibres musculaires sont notablement distendues dans leur partie infé- rieure, et laissent apercevoir le noyau du myoblaste, coupé en travers. Hartn., Ob]j. 8, Oc. k.
Fig. 8. — Gordius violaceus. — Jeune adulte. Fibre musculaire séparée du périmysium, pour montrer les détails de sa structure. On voit: 4° les fibrilles longitudinales constituant la substance propre de la fibre mus- culaire, coupées en travers; 2° la cavité centrale de la fibre musculaire; 3° la coupe transversale du noyau du myoblaste. D’après une préparation analogue à celle qui est représentée figure 7.
Fig. 9. — Ascaris simpler (Rudolphi). — Coupe transversale montrant la cuticule, l’hypoderme et le système musculaire. Cette figure doit être comparée à la figure 7. Elle permet d'apprécier, d’un simple coup d’œil, les différences qui existent entre la fibre musculaire des Nématoïdes et celle des Gordiens. Hartn., Obj. 8, Oc. #.
Fig. 10. — Gordius aquaticus. — Jeune adulte. Coupe transversale, prise à l'extrémité antérieure, au-dessous du ganglion céphalique. Les deux cu- ticules, l’'hypoderme et le système musculaire n’ont pas été figurés. On ne voit que le parenchyme, la coupe de l’intestin et celle du cordon ven- tral. Il n’existe point encore, dans cette partie du corps, de cavité de régression; mais les cellules de la partie centrale du parenchyme ont déjà subi la dégénérescence graisseuse. On remarque que ces cellules en voie de dégénérescence forment deux zones distinctes, qui correspondent à deux stades différents de leur régression. C’est autour de l'intestin que la dégénérescence est la plus avancée. Hartn., Obj. 7, Oc. 3.
Fig. 11. — Gordius aquaticus. — Jeune adulte. Coupe transversale, prise au-dessous de la précédente et montrant les mêmes organes. La cavité péri-intestinale est déjà formée, mais elle se trouve encore en partie obstruée par la matière graisseuse provenant de la dégénérescence des cellules du parenchyme. Hartn., Obj. 7, Oc. 3.
PLANCHE 15.
Fig. 12. — Gordius violaceus. — Jeune adulte. Fragment d’une coupe trans- versale prise au-dessous du ganglion céphalique. Cette coupe montre l'extrémité antérieure des deux tubes ovariens, l'intestin et le cordon ventral. Il est à remarquer qu'à ce niveau il n’existe encore aucune trace de la cavité péri-intestinale. Les cellules du parenchyme forment une
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EXPLICATION DES FIGURES. 399
masse compacte, qui entoure immédiatement tous les organes. Hartn., Obj. 7, Oc. 3.
Fig. 13. — Gordius violaceus. — Jeune adulte. Fragment d’une coupe trans- versale, prise à l'extrémité antérieure. Cette coupe montre les mêmes organes que la précédente, c’est-à-dire une partie du parenchyme, les deux tubes ovariens, l'intestin et le cordon ventral. Il est à noter que les deux tubes ovariens ont, à ce niveau, un diamètre plus grand et une cavité centrale. Il existe, en outre, un commencement de cavité péri- intestinale. Les cellules du parenchyme qui forment la paroi de cette cavité sont en voie de destruction et indiquent, par cela même, le mode de formation de la cavité péri-intestinale. Hartn., Obj. 7, Oc. 3.
Fig. 14. — Gordius gratianopolensis. — Etat adulte. Fragment d’une coupe transversale, prise au niveau du col du réceptacle séminal. Cette coupe montre une partie du parenchyme, l'extrémité postérieure des deux tubes ovariens et l'intestin. Les cellules du parenchyme situées au-dessus des tubes ovariens sont en voie de destruction, pour former la cavité dorsale (Rükenkanal). Elles ne sont plus représentées que par leurs noyaux, qui ont été vivement colorés par le carmin. La cavité péri-intestinale est en- core bien distincte dans cette partie du corps. Hartn., Obj. 7, Oc. 2.
Fig. 15. — Gordius gratianopolensis. — Etat adulte. Fragment d’une coupe transversale, prise au niveau du réceptacle séminal. Cette coupe montre, comme la précédente, une partie du parenchyme, la cavité dorsale (Rüken- kanal), l'extrémité postérieure des deux tubes ovariens et la cavité péri- intestinale. Celle-ci est très développée dans cette partie du corps et loge le réceptacle séminal. La cavité dorsale (Rükenkanal) montre encore, dans son intérieur, quelques débris de cellules du parenchyme, ainsi que des groupes de noyaux provenant de ces mêmes cellules. Hartn., Obj. 7, Qc. 2.
Fig. 16. — Gordius gratianopolensis. — État adulte. Cellules du parenchyme, prises dans la partie moyenne du corps. Ces cellules forment la paroi de la cavité de régression des grappes ovigères. La plupart de ces cellules contiennent encore dans leur intérieur les éléments graisseux provenant de la dégénérescence de leur protoplasme. Quelques-unes sont déjà vides et complètement épuisées. Le noyau des unes et des autres est très ré- duit et se montre toujours adossé à la paroi de la cellule. Hartn., Obj. 8, Oc. #.
Fig. 47. — Gordius violaceus. — État larvaire proprement dit. Fragment d'une coupe transversale, prise dans la partie moyenne du corps. On voit dans ce fragment de coupe une partie des grappes ovigères, l'intestin et le cordon ventral. Les éléments du parenchyme entourent tous ces or- ganes. L'intestin n’est nullement atrophié. Il est pourvu d’une large cavité centrale, et on ne remarque dans le parenchyme aucune trace de cavité de régression. La paroi externe de l'intestin se trouve en contact immé- diat avec les éléments du parenchyme. Hartn., Obj. 7, Oc. 3.
Fig. 18.— Gordius violaceus. — Etat larvaire proprement dit. Fragment d’un ovaire, isolé du parenchyme qui l’entourait. Tube ovarien et grappes ovi- gères attenantes. Hartn., Ob]. 4, Oc. #.
Fig. 49. — Gordius violaceus. — Etat larvaire proprement dit. Extrémité. distale d’un lobule d'une grappe ovigère. Chaque ovule est entouré par la membrane cuticulaire qui constitue la paroi de la grappe et se rattache à cette dernière par un pédicule. Hartn., Obj. 8, Oc. #4.
Fig. 20. — Gordius violaceus. — Jeune adulte. Coupe transversale, prise à
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400 A. VILLOT.
l'extrémité antérieure. Les deux cuticules, l'hypoderme et le système R musculaire n’ont pas été figurés. Le cordon ventral et les deux ovaires | sont entourés par le parenchyme. Sur l’un des ovaires, on voit que la paroi du tube ovarien est en continuité parfaite de tissu avec la paroi de | la grappe ovigère, et que la cavité de cette dernière n’est que le prolon-
gement de la cavité du tube ovarien. Cette disposition n’est visible que
grâce à ce fait que la coupe passe exactement par le pédicule de la grappe
ovigère. Il n’en est pas de même pour l’autre ovaire; de sorte que Le tube
ovarien et la grappe ovigère paraissent ici indépendants l’un de l'autre.
C'est le cas qui se présente Le plus souvent à l'observateur. Les ovaires
n'ayant dans cette partie du corps qu'un faible développement, il existe
une très large cavité péri-intestinale. Hartn., Obj. 7, Oc. 3.
PLANCHE 16.
Fig. 21. — Gordius violaceus. — Jeune adulte. Fragment d'une coupe trans- versale, prise au niveau du réceptacle séminal. Les deux cuticules, l’hy- poderme et le système musculaire n’ont pas été figurés. On voit l’un des ovaires, représenté par le tube ovarien et une grappe ovigère. La coupe ne passant pas par le pédicule de la grappe, celle-ci semble indépen- dante du tube ovarien. La grappe ovigère est en voie de régression, et il existe déjà, entre elle et le parenchyme, un certain vide (cavité de régres- sion de la grappe ovigère). Il est à remarquer que l’extrémité distale de chaque lobule de la grappe ovigère se termine en forme de mamelon. Ce mamelon est constitué par la paroi de la grappe, qui se resserre au fur et à mesure que les ovules abandonnent la cavité de la grappe pour passer dans celle du tube ovarien. Ce dernier est déjà plein d’ovules. On voit en outre, sur cette coupe, une partie du parenchyme et de la cavité | péri-intestinale. Hartn., Obj. 7, Oc. 3.
Fig. 22. — Gordius gratianopolensis. — Femelle adulte, en train de pondre. Fragment d’un ovaire, isolé du parenchyme et pris à l’extrémité anté-
_rieure du corps. La grappe ovigère attenante au tube ovarien est en voie de régression. La plus grande partie des ovules qu’elle contenait dans sa cavité a déjà passé dans le tube ovarien. La paroi de ses trois lobules s’est ridée, ce qui donne lieu à une sorte d'apparence cellulaire. Ge ne sont point des cellules qui constituent cette paroi, mais bien une mem- brane élastique, de nature cuticulaire. L’apparence cellulaire est simple- ment due au plissement de cette membrane. Le pédicule de la grappe ovi- sère est encore plein d’ovules. On voit l'insertion du pédicule sur le tube ovarien, et l’orifice qui permet aux ovules de passer de la cavité de la grappe ovigère dans celle du tube ovarien. Hartn., Ob]j. 7, Oc. 4.
Fig. 23. — Gordius aquaticus. —- Vieille femelle, ayant terminé sa ponte. Fragment d’une coupe transversale, prise dans la partie moyenne du corps. Ce fragment de coupe appartient à la région dorsale. On y distingue la cuticule, l’hypoderme, le muscle cylindrique et le parenchyme, qui se trouve réduit à l’état d’une simple couche de cellules. Toute la partie centrale du parenchyme a été résorbée et n'est plus représentée que par une large cavité de régression. A la voûte de cette cavité se trouvent sus- pendus les deux ovaires, complètement vidés et flétris. Hartn., ObJ. 4, Oc. 4.
Fig. 24. — Gordius aquaticus. — Vieille femelle, ayant terminé sa ponte. Fragment d’un ovaire comprenant le tube ovarien et une grappe ovigère.
EXPLICATION DES FIGURES. 401
Les deux lobules qui constituaient cette grappe sont complètement vides. Leurs parois portent les cicatrices formées par la rupture des pédicules des ovules périphériques. Ces ovules, ainsi que je l'ai dit, ne peuvent, par suite de l’étranglement de leur pédicule, passer dans la cavité du tube ovarien et sont nécessairement perdus pour la reproduction. Harin., Obj. 7, Oc. 4.
Fig. 25. — Gordius violaceus. — Jeune adulte. Fragment d’une coupe trans- versale, passant par la partie antérieure de l'utérus et l'oritice du col du réceptacle séminal, On voit au-dessous de l'intestin la cavité de régres- sion du parenchyme, dont la paroi se trouve revêtue d'une couche de matière granuleuse provenant de la dégénérescence des cellules du parenchyme.
Fig. 26. — Gordius gratianopolensis. — État adulte. Coupe des oviductes et des cornes de l'utérus. Hartn., Obj. 4, Oc. 3.
Fig. 27. — Gordius gratianopolensis. — État adulte. Invagination de la paroi de l'utérus, ayant l'aspect d’une glande en grappe. Les cellules épithé- liales (glandes monocellulaires) sont isolées les unes des autres et n'adhèrent que par leur partie supérieure au refoulement de la mem- brane cuticulaire qui leur sert de soutien. Grossissement non déterminé.
Fig. 28. — Gordius aquatieus. — État adulte. Coupe longitudinale, dans laquelle on voit une partie du réceptacle séminal, le col de ce réceptacle, l'utérus et Le vestibule. On remarquera la parfaite continuité de tissu qui existe entre ces diverses parties du cloaque de la femelle. A noter aussi ce fait important que l'intestin vient s’ouvrir dans l'utérus, et non dans le vestibule. L'extrémité postérieure du vestibule constitue l’orifice ano- génital. Hartn., Obj. 4, Oc. 3.
Fig. 29. — Gordius aquaticus. — État adulte. Refoulements internes de la paroi de l'utérus. Les refoulements sont essentiellement constilués au dehors par la membrane cuticulaire et au dedans par l’épithélium de l'utérus. Ce sont ces cellules épithéliales qui représentent l'élément sé- créteur de cette partie de l'organe (glandes monocellulaires). Grossisse- ment non déterminé.
Grenoble, le 23 octobre 1890.
ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 26. — ART. N° 7.
SUR LES BRANCHIES DES PAGURIENS Par E.-L. BOUVIER
Nos connaissances sur les branchies des Paguriens sont dues presque tout entières à Boas, à Claus, à Henderson et à Smith, mais elles se limitent à un petit nombre de genres et, en ce qui concerne la constitution des lamelles branchiales, manquent peut-être de précision. Voici quelques no- tions recueillies sur les Pagures du Travailleur, du Talisman, de la Melita, du Blake, au Hassler et de l'expédition de l'ile Campbell, qui ne manqueront certainement pas d’éclaircir leur histoire.
Formules branchiales. — Les formules branchiales appartiennent à quatre types différents dont le premier se rattache directement au type thalassi- nien des Aœius, par suppression des pod branchies et de l'arthrobranchie des pattes-mâchoires de la 2° paire.
Dans le 1° type (5 paires d’arthrobranchies et 4 pleurobranchies im- paires) se rangent : les Pylocheles A. Milne-Edwards, Mixtopagurus A. Milne- Edwards, Pagurus (Fabr.) Dana, Aniculus Dana, Cancellus H. Milne-Edwards, Cœnobita Latr., Birgus Leach. Les branchies antérieures, dans les trois derniers genres, sont plus ou moins rudimentaires.
Dans le 2° type (5 paires d’'arthrobranchies et 3 pleurobranchies im- paires) : les Paguristes Dana, Xylopagurus À. Milne-Edwards, Munidopagurus A. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, Clibanarius Dana, Diogenes Dana, Cal- cinus Dana et la Glaucothoe carinata Heud.
Dans le 3° type (5 paires d’arthrobranchies et 1 pleurobranchie) : Parapa- qurus Smith, Sympagurus Smith, Eupagurus bicristatus À. Milne-Edwards, Pylopagurus A. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, Tomopagurus À. Milne-Ed- wards et E.-L. Bouvier, Spiropagurus Stimpson, Anapagurus Henderson, Catapagurus Smith, Eupagurus Brandt, Porcellanopagurus Filhol et Glau- cothoe Perontii H. Milne-Edwards.
Dans le 4° type (5 paires d’arthrobanchies, pas de pleurobranchie) se trouve seul l’Ostraconotus A. Milne-Edwards.
Structure des branchies. — Les branchies sont filamenteuses et quadrisé- riées (Fibribranchiata de Henderson) chez les Pylocheles, Mixtopagurus et Parapagurus; elles sont bisériées et ordinairement foliacées (Laminibran- chiata, etc.) dans tous les autres genres cités ci-dessus. Toutefois les lamelles branchiales se divisent ordinairement à leur extrémité, sur une longueur plus ou moins grande, chez les Paguristes et les Spiropagurus ; on trouve même chez certains Sympagurus (S. nudus A. Milne-Edwards), d’après A. Milne-Edwards, un filament rudimentaire à côté du filament principal.
Conclusions : 1° Les modifications dans le nombre des branchies sont in- dépendantes, dans beaucoup de cas, de l’adaptation pagurienne plus ou moins prononcée de l’animal (comparez Pylocheles et Pagurus) et des modi- fications apportées ensuite à cette adaptation (comparez Pylocheles et Birgus).
2° Les modifications dans la structure des branchies sont au contraire régulièrement progressives et se prêtent mal, par conséquent, aux groupe- ments de la systématique. Les formes à lamelles intermédiaires (Paguristes, Spiropagurus, Sympagurus) rendent ces groupements impossibles ou anor- maux. Il n’est pas naturel, par exemple, de ranger dans des genres dis- tincts les Parapagurus et les Sympagurus.
3° Les formes cancériennes se font remarquer par le nombre très réduit de leurs branchies, et l’une d’entre elles, l'Ostraconotus, est à ce point de vue beaucoup plus modifiée que Les Lithodes.
4° Les (Glaucothoës ne forment pas un groupe homogène.
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TABLE DES MATIÈRES
Auricce n° 1. — Contribution à l’étude de l'anatomie comparée des réservoirs aériens d’origine pulmonaire chez les oiseaux, par Georges Roché....., Î Arrice n° 2. -— Considérations sur l’'embranchement des trochozoaires, par Louis Roule, ..... RAI ET PES CPR APE TS PRO - ARE 121 AnTicLe n° 3. — Crustacés rares ou nouveaux des côtes de France et particu- nérementiceux dé Eroliene, par Me HeSsé 2, 4. QU as eee asus ds 179 Auricce n° 4. — Note sur la mégapode de La Pérouse, par Oustalet....... - 196 ARTICLE n° 5. — Recherches anatomiques sur le système artériel des crus- tacés décapodes, par M. E.-L. Bouvier.............. Re Re « LÉÉ 197 ARTICLE n° 6. — Sur quelques points de l’histoire du développement em-
bryonnaire de la maute religieuse (Wantis religiosa), par M. Viallanes. 283 ARTICLE n° 7. — L'évolution des gordiens, par A. Villot...... le NE ne à 329 ARTICLE 0° 8. — Sur les branchies des paguriens, par M. E.-L. Bouvier..... «409
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