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BERTHMELOX SÉCRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES Lue dans la séance publique annuelle de l'Académie des Sciences du 21 décembre 1891. TP, MESSIEURS, Le savant dont je me propose de vous entretenir aujour- d'hui, Henri: Milne Edwards, est une figure curieuse et ori- ginale entre toutes celles des naturalistes français : il se distingue à la fois par son origine, par l’époque où il a dé- buté, par ses découvertes, son enseignement, les élèves qu’il a formés, et par l'influence prolongée qu'il a exercée sur l’histoire naturelle, dans le cours de sa longue existence, entièrement dévouée à la science et à la patrie. Il a occupé une grande place dans noire Académie et rendu aux études zoologiques, aussi bien qu’à l'instruction supérieure, des services qui ne seront pas oubliés. Sa vie offre les péripéties Les plus intéressantes. Fils d’un étranger, d'un Anglais, 1l s’empresse de se rattacher à la France, donnant ainsi une nouvelle preuve de cette puis- ANN, SC. NAT. ZOOL. XIII, 1. — ART. N° À. 2 M. BERTHELOT. sance assimilatrice qui a toujours fait l’une des forces de notre nation. La preuve était d'autant plus décisive que le jeune Edwards paraissait tout d’abord assez riche pour na- voir jamais besoin de lirer parti de son titre de citoyen fran- çais. Il n'en fut cependant pas ainsi, pour le bien de l'esprit humain et l'honneur de notre pays. La nécessité poussa notre futur confrère dans la carrière scientifique où il de- vail prendre une situation si considérable. C'était vers le premier tiers du siècle qui touche auJour- d’hui à sa fin. Les grands fondateurs de la zoologie moderne au xix° siècle, Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, allaient al- teindre le terme de leur carrière. Après une lutte demeurée célèbre dans l’histoire des sciences, Cuvier l'avait emporté, et ses élèves, restés presque les seuls directeurs de l’ensei- gnement, suivaient la trace du maître et s’efforçaient de com- pléter d’après ses principes les cadres d’une doctrine qui semblait désormais assise sur des bases inébranlables et cantonnée dans le domaine définitif de la fixité des espèces. La classification fondée sur la méthode dite naturelle, et appuyée par les observations de l'anatomie comparée, était alors réputée le but ultime de la zoologie. À ce moment commence à se dessiner la figure de Milne Edwards. Son Æistoire naturelle des Crustacés paraît, à pre- mière vue, un simple développement des traditions de Cu- vier. Mais il y introduit tout un ordre de notions nouvelles et fécondes, tirées de la physiologie, qui modifient profon- dément la conception du principe dominant alors, celui de la subordination des caractères : Miine Edwards fait appa- raître à côté un autre principe, fécond en conséquences, celui de la division du travail, et il concourt ainsi à inaugurer ce vaste mouvement d’études et de théories, qui a fait éclater le cadre conventionnel des classifications, mis en doute et rendu purement relative cette fixité des espèces, la pierre d'angle du système de Cuvier, posé enfin les grands pro- blèmes de la genèse et de la transformation progressive des types des êtres organisés. Si la lumière n’est point faite el ne NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 5 se fera jamais complètement sur les questions d'origine, ce ne sera pas moins la gloire des générations scientifiques qui se sont succédé depuis cinquante ans, que d’avoir mis ces queslions au premier rang, en brisant les moules d’un dogma- tisme trop exclusif. Sans doute, l'esprit sagace et tempéré de Milne Edwards se refusa parfois à aborder ces problèmes dans toute leur étendue ; mais il n’en a pas moins le grand et durable hon- neur d'avoir pris une part personnelle à leur élaboration et d'y avoir introduit quelques-unes des données fondamentales. On manquerait à sa mémoire en gardant le silence et je de- manderai la permission de dire tout à l'heure ma pensée à cet égard : le temps d’hésiter est passé. Partout, dans le monde civilisé, ces questions sont incessamment agilées, et ce serait affaiblir l'autorité même de l’Académie et de la science française par une timidité excessive que de nous abstenir d’en parler. Quelque incertaines et obscures qu'elles puissent sembler, elles intéressent à un trop haut degré la philosophie et la deslinée humaine, pour que nous puis- sions refuser de les présenter ici, avec la gravité et les ré- serves que commandent le respect de la vérité et la dignité de la science. Henri Milne Edwards naquit à Bruges, le 23 octobre 1800 ; c'est le 20 Juillet 1885 que nous l’avons perdu, et sa longue vie à été remplie par des travaux profitables à l'humanité. Il était le vingt-huitième enfant de William Edwards, plan- teur et colonel de milice à la Jamaïque. Son père s'était marié deux fois; après avoir quitté les colonies, puis résidé quelque temps en Angleterre, il vint s'établir en Belgique. Ce fut là que naquit notre confrère, et il bénéficia du lieu de sa naissance, qui faisaiten ce moment partie de la France, pour réclamer après 1814 le titre de citoyen français. Ainsi le génie sympathique et hospitalier de la France a su dans À M. BERTHELOT. tous les lemps gagner l'affection des étrangers qui habitent son sol, et les associer par un lien national à sa propre des- tinée ! elle tire à la fois parti des qualités propres des races qui cultivent son sol et de celles des races voisines, qu'elle a toujours eu l'art et l'énergie d’assimiler par un attrait vo- lontaire. Peu d'acquisitions de ce genre ont été plus fruc- tueuses que celle des Edwards. L'amour de William pour notre patrie devait être bien fort, car il avait résisté à une dure épreuve, William ayant été emprisonné pendant sept ans par la police impériale, pour avoir facilité l’évasion de quelques Anglais internés à Bruges. Une fois mis en liberté en 1814, il vint résider à Paris, et réclama pour son fils le bénéfice de la loi qui le reconnaissait citoyen français. * Cependant, en raison de sa captivité, il n'avait pu présider à la première éducation de son fils Henri; celle-ci fut di- rigée par un frère aîné, plus âgé de vingt-quatre ans et ap- pelé William comme son père. Ce William Edwards, lui aussi, à marqué parmi les physiologistes de son temps; il es l’un des fondateurs de la Société ethnologique de Paris et ül a laissé le souvenir d'expériences’ intéressantes. Nous ne saurions douter qu'il n'ait, par son exemple et par la direc- tion de son esprit, exercé une influence considérable sur la vocation de Henri. On raconte que ce dernier, dès l’âge de onze ans, ayant reçu en cadeau l’Æistoire des Animaux de Buffon, en essaya l'analyse : premier indice de celte curio- sité qui rendit plus tard son intelligence constamment prête à accueillir les découvertes nouvelles. — Élevé dans l’aisance, marié dès l’âge de vingl-trois ans avec une personne aimable et distinguée, Mademoiselle Laure Trézel, fille d'un colonel qui est devenu plus tard général et ministre de la guerre, il ne semblait pas, dans ces circon- stances, que Henri Edwards dût être jamais appelé à payer _desa personne pour la culture des sciences. S'il avait ac- quis à ses débuts le diplôme de docteur en médecine, ce fut, ce semble, par suite du même principe en vertu duquel NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 5 son père, fidèle aux idées de Rousseau et du xvirr° siècle, lui fit apprendre un métier manuel. Henri vivait entouré d'amis de son âge, curieux et instruits comme lui. C'était alors un riche et jeune amateur, curieux d'art, de peinture, et surtout de musique : nous lui avons connu jusqu'au bout ces goûls délicats, dans les soirées qu'il donnait aux sa- vants, au Muséum. Pendant les premières années de la Restauration, l’esprit français, sortant de la longue compression militaire de l'Empire, prenait un nouvel essor. De toutes parts et dans toutes les branches, il se formait des groupes d'hommes in- telligents, empressés à conquérir le domaine renouvelé de l'esprit et de la liberté. Tandis que William Edwards était plus particulièrement lié avec les savants physiologistes el anatomistes, Béclard, Laennec, Breschet, Magendie, son frère Henri cultivait à la fois les médecins et les artistes : 1l rencontrait surtout ces derniers dans un lieu où les souve- nirs de la génération présente n'iraient pas les chercher, à la Sorbonne. Cet antique asile des théologiens était affecté en ce mo- ment aux logements des peintres et des sculpteurs, logements transformés depuis en laboratoires et amphithéâtres, que notre temps abat à leur tour, pour reconstruire sur une échelle plus grandiose les Facultés nouvelles. Peut-être nous sera-t-il permis de saluer d’un dernier regret les vieux édifices qui ont abrité pendant deux siècles des générations animées d’un esprit si divers, mais également vouées à la culture de l'idéal. C'est là que Milne Edwards se plaisait dans la fréquenta- tion des artistes, el semblait destiné à passer sa vie que un dilettantisme élégant. Mais la fortune en avait décidé autrement, et l’amateur éclairé allait se transformer en un savant de premier ordre. Ce fut, comme il arrive d'ordinaire, sous la pression de la nécessité, Duris urgens in rebus egestus, 6 M. BERTHELOT. que la métamorphose se fit. En 1825, par suite de circon- stances de famiile, la situation de Henri changea subitement. Il dut abandonner un héritage qui constituait la partie prin- cipale de son avoir, et il fut obligé de demander au travail les ressources nécessaires aux besoins de sa famille. La pu- blicalion d'ouvrages élémentaires de médecine et de matière médicale parut y suffire d’abord. À ce moment, il rencontra une aide dans le concours des amitiés dévouées qu'il avait su conquérir, en se liant avec des jeunes gens distingués, tels que Dumas, Adolphe Brongniart, Audouin, qui n'ont pas tardé à devenir, eux aussi, des illustrations scientifiques. Ils se sont retrouvés plus tard confrères, au sein de notre Académie. L'aide amicale donnée à Edwards se manifesla à la fois dans la poursuite des recherches originales et dans la carrière de l’enseignement. Parlons d'abord de cette dernière, qui devint pour lui une véritable vocation. En 1832, Milne Edwards est nommé pro- fesseur d'hygiène et d'histoire naturelle à l'École centrale des arts et manufactures, école où Dumas, l’un de ses fon- daleurs, exerçait une influence prépondérante. Milne Ed- wards avait décliné l'année précédente l'offre d’une place dans l’enseignement en Belgique, au moment de la fonda- tion du nouveau royaume. Îl fit une dernière fois l'emploi pratique de ses connaissances médicales, en soignant les malades, par pur dévouement, lors de la grande épidémie de choléra de 1832. Mais il s'était dès lors tourné d’un autre côlé, et il manifestait de plus en plus son double talent de professeur et d'écrivain. Chargé un moment d'un cours d'his- toire naturelle au collège Henri IV, il ne fit que traverser l’enseignement secondaire. Dès la fin de 1837, il n’y profes- sait plus personnellement, comme je puis le certifier par mes souvenirs privés d'élève du collège Henri IV à cette époque : son mérite et ses travaux l’appelaient plus haut. En effet, il fut nommé le 5 novembre 1838 membre de l’Aca- démie des sciences dans la section de zoologie, en rempla- cement de Frédéric Cuvier, et il succéda en 1841 à son amt NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 7 Victor Audouin, dans la chaire d’entomologie du Muséum, qu'il échangea en 1861 contre celle de mammalogie. Il y joi- gnit en 1844 le titre de la chaire de la Faculté des sciences, dont il faisait la suppléance depuis 1838, et son esprit d'ordre et d'équité bien connu ne tarda pas à le faire dési- gner en 1849 comme doyen : il occupa cette double fonction de professeur et de doyen à la Sorbonne jusqu'au dernier jour de sa vie, en ayant constamment accompli les devoirs publics et privés, avec une extrême activité, en personne, sans lacune et presque sans remplacement. Rappelons, pour compléter son cursus honorum, qu'il fut nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1834, et grand officier dans sa vieil- lesse ; et qu'il appartenait à la Société royale de Londres, aux Académies de Saint-Pétershbourg, Berlin, Vienne, Bruxelles, Boston, Philadelphie, etc., bref, à la plupart des grandes sociétés savantes. Des honneurs de tous genres, les uns of- ficiels, les autres, plus précieux, rendus par les savants, ses pairs, dans les diverses parties du monde, entourèrent et vinrent de jour en jour récompenser sa longue existence, remplie par la recherche de la vérité. Sa vie privée ne demeura pas toujours aussi heureuse : elle fut traversée par plus d’une de ces crises douloureuses auxquelles nul homme ne saurait être soustrait. J'ai dit les premières difficultés qu'il rencontra au point de vue matériel, et comment ces difficultés ne firent que donner à la vocation scientifique de notre confrère plus d’élan et plus d'énergie. Jours heureux où il se reposait d’un travail quotidien par des voyages de vacances consacrés à des études originales sur les animaux marins, dans leur propre domaine, aux bords de la mer, à Granville, aux îles Chausey, à Saint-Malo, à Cancale, au Mont-Saint-Michel ! Il observait sur place, disséquait les animaux frais et les des- sinait à mesure, d’un crayon souple et sûr. Ces travaux étaient exécutés avec d'autant plus d’entrain qu'il les accomplissait en compagnie de son ami Audouin : tous deux jeunes, ardents, accompagnés par des femmes 8 M. BERTHELOT. dévouées, qui n'avaient d'autre idéal que celui de leurs ma- ris, et qui dessinaient et peignaient en aquarelle les animaux capturés chaque jour. Les Annales des Sciences naturelles ont gardé la trace de cetle double collaboration; elle a donné lieu aux travaux les plus intéressants sur les crustacés, les anné- lides, les ascidies, les polypes et zoophytes divers. L'alliance de Milne Edwards avec le général Trézel lui permit en 1834 de pousser jusqu en Algérie ces recherches, qu'il avait déjà étendues aux côles de Provence et d'Italie. Mais sesjoies de famille n’allaient pas tarder à se changer en tristesses. Sur dix enfants qu'il avait eus, la plupart mou- rurent en bas âge; et s’il a eu le bonheur de voir son fils Alphonse, son élève d’abord, puis son émule, lui succéder au Muséum el devenir son confrère à l'Académie: si ses filles, mariées successivement avec le fils de Dumas, lui ont donné la satisfaction de voir grandir sous ses yeux les héritiers de deux noms illustres; sa vie n’en a pas moins étéassombrie de bonne heure par l'état de santé de sa femme bien-aimée, associée pendant vingt ans aux-jours de luttes comme aux jours de succès. En 1839, elle fut atteinte d’une affection de poitrine qui l’emporla au bout de trois ans, malgré les soins touchants et assidus que lui prodigua l'affection de son époux. Il chercha des consolalions dans le travail et dans l’ami- lié des jeunes savants qui l’entouraient et dont il dirigeait les travaux : de Quatrefages, Blanchard, Lacaze-Duthiers, Marion et bien d’autres peuvent témoigner de la sympathie qu’il avait pour la jeunesse et du zèle qu'il ne cessa de-ma- nifester dans ses encouragements. | Si Mine Edwards ne montrait pas la fougue de langage el l'audace de vues théoriques de quelques-uns de ses con- temporains, lels que de Blainville, il n’en savait pas moins exciter chez ses auditeurs la curiosité, sans laquelle il n’est point de recherches vraiment originales, et l'enthousiasme, qui soulient le chercheur à travers les obscurilés et les mé- comples de ses longues investigations. NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 9 En 1844 il fit avec MM. de Quatrefages et Blanchard un voyage en Sicile, voyage demeuré célèbre dans l’histoire de la zoologie. Il n’hésita pas à descendre en scaphandre au fond de la mer, à la profondeur de 8 mèlres, pour étudier les animaux marins, Aujourd’hui c’est là un exercice devenu courant au laboratoire de Roscoff, sous la direction de notre confrère, M. Lacaze-Duthiers, et les sondages du Ta/isman ont révélé à M. Alphonse Milne Edwards bien d’autres mys- tères. Mais il y a cinquante ans l'initiative était hardie, les appareils moins parfaits, leur pratique moins connue, el il y avait quelque audace chez un savant à s’enfoncer ainsi pour la première fois dans les abîmes des eaux, afin d'y sur- prendre les secrets de la vie. En même lemps, au cours de son existence ordinaire à Paris, Milne Edwards faisait de sa maison du Muséum un centre pour les savants; il les réunissait autour de lui dans des soirées amicales, dont les hommes de mon âge ont con- servé le souvenir. On élait assuré d'y rencontrer une élite de gens de premier ordre, Français et étrangers. Les An- glais, attirés par la communauté d’origine, y venaient vo- lontiers et l’on écoutait avec respect ces hommes dévoués à la science, honneur de leur pays; c’étaient les modèles vi- vants de la destinée à laquelle chacun de nous se proposait de consacrer sa vie. Au milieu de ces groupes on voyait cir- culer la figure fine et aimable de Milne Edwards, attentif à lémoigner, par une parole appropriée, sa sympathie à cha- cun, aux Jeunes comme aux vieux, el à dire son mot, presque toujours caractéristique, dans les discussions scientifiques engagées autour de lui. Cette vie sociable et animée, où il se complaisait, fut in- _terrompue en 1856 par une grave affection d'estomac. Milne Edwards avait été Loute sa vie d’une complexion délicate et en lutte avec la maladie. La crise d’alors fut d’abord réputée mortelle. J'ai encore la mémoire présente de cette figure, Jjaunie par l’ictère, où les veux brillaient de tout l'éclat de la vie intellectuelle. 10 M, BERTHELOT. Il triompha en effet de la maladie, en parlie, on peut le dire, par le ressort de sa volonté. Non seulement il ne se laissa pas aller au mal; mais ce fut à ce moment même qu'il entreprit la rédaction de son vaste ouvrage sur la physiologie et l'anatomie comparées, ouvrage qui devait l’occuper pen- dant vingt-quatre ans. Grand exemple de force intérieure et qui prouve que l’homme ne doil jamais s’abandonner, quelles que soient les menaces et les épreuves de sa vie matérielle ou morale | Cependant Milne Edwards continuait à servir la science et l’enseignement. Au Muséum, comme à la Sorbonne, on voyait partout ce petit homme, décidé, bienveillant, tou- jours au courant même du dernier détail administratif aussi bien que scientifique, toujours prêt à prêcher d'exemple. Ceux qui l’ont connu dans les conseils de l’Université n’ont pas oublié avec quelle atlention bienveillante 1l surveillait le développement des jeunes savants : ils se rappellent ces car- nets, ces fiches individuelles, où les travaux et les litres de chacun se trouvaient consignés chaque jour avec une con- science infatigable. [l avait au pe haut degré le sentiment et l’amour du bien. Voilà comment il a laissé une race profonde dans l’his- toire de la Faculté des sciences de Paris et aidé à celte trans- formation qu'elle a éprouvée depuis vingt ans, aussi bien que l’enseignement supérieur tout entier : tous deux ont été re- nouvelés sous une impulsion à laquelle plus d’un, parmi les personnes qui m'entendent ici, a apporté son concours et son dévouement. Je citerai comme exemple de l’inilialive de Milne Edwards ces bourses d'études, si fécondes pour le pu- blic de nos Facullés et l’encouragement des jeunes voca- lions : il en avait ébauché dès 1849 l'institution, à l’aide de mesures partielles, écartées bientôt par la réaction violente de celle époque, mais reprises plus largement trente ans après, par la féconde initiative du gouvernement républicain. Dans un ordre différent, mais non moins utile, les voyages scientifiques de Milne Edwards el de ses élèves au bord de la NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 11 mer ont été le prélude de la création de ces slalions de z00- logie maritime, que le zèle des Lacaze-Duthiers, des Pou- chet, des Bert, des Sabatier, des Marion, des Giard, a ré- pandues comme un cercle d'honneur tout autour de nos côtes, et que les étrangers n’ont pas tardé à imiter. Milne Edwards, renfermé dans l'ordre essentiellement scientifique, ne chercha jamais à étendre ses services et son autorilé dans les régions politiques. Cependant il sut aussi accomplir virilement, au moment voulu, ses devoirs de eltoyen. Quand vinrent les jours sinistres du siège de Paris et que la ville fut cernée par l’ennemi, Milne Edwards, déjà éprouvé par la perle d’un de ses gendres, tué à Gravelotte, ne se hâta pas moins d'apporter à la Défense nationale un concours patriotique, dont l'unanimité, parmi les savants, fera dans l’histoire l’honneur de la science française et de l’Académie. | Lorsque les obus s’abattirent sur le Muséum, il demeura à son poste, parcourant Jour et nuit le Jardin des Plantes, afin de pourvoir immédiatement à toutes les nécessités. Un jour vint, plus douloureux encore, où il dut aller chercher au fort de Bicêtre le fils d’un ami dévoué, le jeune Des- noyers, blessé à mort, et il conduisit lui-même par la bride la voilure d’ambulance sur un chemin où pleuvaient les projecliles ennemis. Tels sont les incidents dont a été traversée l'existence des hommes de notre temps, non moins troublée peut-être que celle des savants du xvr siècle par la guerre étrangère et par la guerre civile. La paix rétablie, il reprit le cours de son enseignement el la publicalion de son vaste ouvrage. Quand l’œuvre fut terminée, une grande joie l’attendait. Ses disciples, amis et admirateurs, sous la présidence de M. de Quatrefages, lui offrirent une médaille d'honneur à cette occasion. Milne Edwards était octogénaire, comblé d'honneurs et d'années : il avait débuté par un premier mémoire près de soixante années auparavant, en 1823, el il devait poursuivre ses tra- 12 M, BERTHELOT. vaux encore pendant cinq ans, attendant le terme de la vie humaine avec la sérénité d’un sage et nous donnant ce bel exemple d'une existence active et utile jusqu’au bout; il montrait ainsi que l'exercice incessant de l'intelligence, loin d’épuiser l’homme, le soutient au delà du terme commun et le préserve contre la décadence, par la mise en œuvre con- tinue de ses facultés et l’austère volonté de remplir cons- tamment son devoir. Lui aussi est mort comme l’empereur romain, en répétant cette noble parole : Laboremus, Il Le moment est venu d'examiner l’œuvre scientifique de Milne Edwards : il a été pendant longtemps le chef de l'École française en histoire naturelle; la plupart des savants qui la constituent aujourd’hui sont ses élèves ; il est donc nécessaire de passer en revue les travaux spéciaux el les ouvrages d'ensemble qui ont établi sa réputation, et de dire la part qu’il a prise au mouvement scientifique de son temps, les idées générales auxquelles il s’est attaché; sans taire les lacunes qu'elles ont pu présenter sur certains points, par suite de l'esprit même de rigueur pratique et, peut-être, de timidité (héorique qu'il a porté dans ses dé- ductions. | | Je parlerai d’abord des travaux spéciaux. Ils ont porté principalement sur l'étude des animaux marins : crustacés, annélides, mollusques, zoophytes. Entrepris au début avec la collaboration d'Audouin, ils furent poursuivis par Milne Edwards seul, et ils ont donné l'impulsion à une vaste série d'études zoologiques, qui se continuent de nos jours et dont la fécondité semble inépuisable, comme celle de la vie elle- même. Jusque-là, on éludiait principalement les animaux morts, desséchés ou conservés dans l'alcool : les inconvé- nients de cette manière de procéder étaient moindres peut- êlre pour les animaux lerrestres, dont les contours sont plus précis et mieux limités par la grande différence de den- NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 13 sité du milieu où ils ont vécu. Mais les êtres marins se com- portent autrement : leurs tissus et leurs organes, soutenus pendant la vie par l’eau dans laquelle ils sont immergés, et dont ils diffèrent à peine par la densité, sont susceptibles après la mort de variations bien autrement étendues dans leurs formes et dans leurs dimensions. Aussi jusque-là s’était-on attaché de préférence à l’étude morphologique des parties dures ou squelettes, tels que les coquilles des mollusques, les carapaces des crustacés, les supports soli- difiés des rayonnés. Les organes intérieurs, à la vérité, avaient été examinés avec soin, à l'exemple de Cuvier; mais ils l’étaient sur des sujets gardés dans des liquides qui déforment, contractent et dénalurent la plupart des tissus, sans parler de l’action dissolvante qu'ils exercent sur cer- lains produits. Tous ces objets demeuraient donc mal connus el les fonctions auxquelles les organes concourent l’étaient plus mal encore. Ce fut tout un ordre nouveau qui se révéla, lorsque les naturalistes, et Milne Edwards l’un des premiers, allèrent étudier les êtres marins, non plus dans les collections, mais sur place, au sein de la mer, et dans les conditions mêmes de leur existence. Ce nouveau genre d'études marqua l’un des traits caractéristiques de l’œuvre de Milne Edwards et, à sa suite, de l'Ecole fran- çaise : je veux dire l'alliance intime et incessante de la phv- siologie avec l'anatomie. La science a été renouvelée par suite de la prépondérance graduelle des points de vue dévoilés par cette alliance, sur les considérations de pure classification, qui avaient AOMINE JUS sous l’ impulsion de Linné, de Jussieu et de Cuvier. C'est en 1827 que Milne Edwards publia, en commun avec Audouin, ses Zecherches anatomiques et physiologiques sur la circulation dans les crustacés, recherches qui firent sensation et obtinrent de l’Académie le prix de physiologie expérimentale en 1828. Suivirent aussilôt des études sur la respiration des crustacés, sur les modifications de l'appareil branchial, destinées à permeltre la vie des crustacés ter- 14 M. BERTHELOT. reslres; des recherches sur le système nerveux des crustacés, sur leur système musculaire, sur leur distribution géogra- phique, réglée, d’après l’auteur, par cette double considé- ration de l'existence de plusieurs centres distincts de création et de l'aptitude inégale des espèces à la nage, com- binée avec les conditions purement physiques de tempéra- ture. Plus on se rapproche de l’équateur, plus les espèces sont variées et élevées en organisation. Dès 1831, Milne Edwards prélude par des recherches sur l'organisation et la classificalion des crustacés décapodes à une œuvre de plus longue haleine, son Histoire naturelle des Crustacés, dont je parlerai tout à l’heure. Il revenait encore en 1851 sur la morphologie si HSE UNE de ces mêmes crustacés décapodes. ‘ L'étude des annélides accompagne naturellement celle des crustacés : la plupart ont les mêmes habitudes, et parfois même ils leur servent de proie. Aussi, dès 1829, Milne Edwards et Andouin s’occupent-ils de décrire les espèces qui habitent les côtes de la France, et d'en renouveler la classification. En 1837, Milne Edwards s’altache à l'examen. de la structure de l’appareil de circulation et du mécanisme de cette fonction chez les annélides. En 1845, il revient sur l'étude des myrianides et il décrit le mode de multiplication de ces êtres singuliers; 1l dit comment leur avant-dernier anneau se développe et se sectionne en plusieurs anneaux distincts, en constituant un nouvel animal, qui demeure pen- dant un cerlain temps uni à son générateur, avant de s’en séparer pour affecter une existence indépendante. Souvent même, avant que cette séparation ail lieu, il devient à son tour le point de départ d'un sectionnement semblable et de la production d'un troisième être, pareil à lui-même et à son aïeul, et ainsi de suile : de telle façon que l'on peut oblenir ainsi jusqu’à six jeunes allachés en série, à l’extré- mité postérieure de l'individu souche qui leur sert d’ancêtre commun. L'histoire des mollusques, et particulièrement celle des NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 19 ascidies, doit également à Milne Edwards des contributions importantes, de 1826 à 1845. Il observa notamment chez ces animaux la circulation, plus parfaite et plus développée que chez les insectes, et qui offre dans cerlains cas une particularité remarquable. Le sang ne se meut pas seule- ment dans des vaisseaux à parois propres, slrictement limités par des membranes parliculières; mais 1l continue sa marche dans un système de lacunes, ménagées entre les divers organes, où les sucs alimentaires viennent se mélanger directement à la masse du liquide nourricier. M. de Quatre- fages poursuivit ces premières observations dans des tra- vaux dont je n’ai pas à développer ici le caractère propre et l'originalité. Une grande discussion ne tarda pas à s'en- sager entre Lereboullet et d’autres savants sur la question du phlébentérisme, — c'est le nom que M. de Quatrefages donna à sa découverte, — et il en résulta des modificalions profondes aux idées jusque-là reçues sur les caractères véri- tables de la circulation et de la nutrition chez les animaux inférieurs. Les zoophytes ne pouvaient échapper à la nouvelle mé- thode inaugurée par l'observation des êtres marins. Après avoir débuté en 1828 par des essais sur les polypes, les flustres et les éponges, Milne Edwards reprend et appro- fondit ses études en 1833, 1835, 1837. Il examine d’abord les méduses, regardées jusque-là comme une sorte de masse gélatineuse presque amorphe; en réalité, leur structure est des plus compliquées, leur iranslucidité empêchant de dis- tinguer, à première vue du moins, les détails multiples de leur organisation. Dans les recherches sur les alcyonites, exécutées sur la côte d'Algérie, le savant naturaliste met en évidence la structure singulière de ces polypiers, qui renferment à la fois des organes propres aux Jeunes individus placés vers les surfaces terminales et des organes collectifs existant seulement pour la communauté, mais communiquant avec les cavités digestives des individus : de telle façon que tous 16 M. BERTHELOT. profitent de la nourriture absorbée par chacun d'eux et qu’il s'établit un système circulatoire commun entre les individus d'une même agrégation. Tant les modes de la vie sont di- vers, et ses mécanismes difficiles à renfermer dans une même formule systématique! Par ses études sur lanatomie du corail en 1838 et surtout sur l’histoire naturelle des coralliaires, Milne Edwards préludait ainsi aux beaux tra- vaux qui ont commencé à fonder la réputation de notre con- frère Lacaze-Duthiers. | Mais je m'arrête dans cette longue énumération des tra- vaux spéciaux de Milne Edwards : pour les rapporter tous et pour les analyser, pour en montrer le rôle historique et l'importance dans le développement des sciences naturelles, il faudrait un temps plus long que celui dont je dispose au- jourd'hui, et, je n’hésite pas à le dire, une voix plus auto- risée. Cependant je ne puis passer sous silence deux Mé- moires, qui ont attiré l'attention de leur temps à des titres tout à fait distincts. Je veux parler d’abord du travail re- latif à la production de la cire des abeilles. Un grand débat s'était engagé entre les chimistes agronomes sur l’origine de la graisse chez les animaux, débat lié avec une question plus étendue, celle de l’origine même des principes immé- diats des êtres vivants. Les uns pensaient que les végétaux seuls fabriquent des matières grasses: introduites par les aliments dans le corps des animaux herbivores, elles passent ensuite dans les tissus de ces animaux, impuissants par eux: mêmes à les former. Telle fut l'opinion soutenne au début par la plupart des bons esprits, et notamment par Boussin- gault, qui Jouissait en ces questions d'une juste autorité. D’autres, Liebig notamment, pensaient au contraire que les mécanismes chimiques fondamentaux qui président à la pro- duction des principes immédiats sont en principe les mêmes chez les végétaux et les animaux, et ils apportaient à l’appui diverses preuves, tirées précisément de la production des corps gras. Mais ces preuves élaient indirectes et jugées in- suffisantes par leurs adversaires. Une longue controverse se NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 17 poursuivit : elle ful tranchée, non par l'étude du mécanisme même qui engendre les corps gras, mécanisme qui est resté, même au jour présent, ignoré ; néanmoins le résultat défi- nitif peut en être connu, d'après la délermination du poids relatif des corps gras contenus dans l’organisalion el dans les aliments, chez les mammifères el chez les oiseaux en particulier, aux diverses périodes de leur existence, spécia- lement dans les conditions de l’engraissement des animaux domestiques. _Milne Edwards, associé avec Dumas, apporta une dé- monstration ingénieuse et élégante, tirée de l’étude des in- sectes. Il s’agit de la production de Ia cire que les abeilles fabriquent en si grande abondance. En déterminant par comparaison la dose de corps gras préexistante dans le corps des abeilles, dose relativement minime, et en nour- rissant une ruche exclusivement avec du sucre, nécessaire à la fabrication de leurs gâteaux, les auteurs établirent que la cire est fabriquée aux dépens des éléments du sucre, c'est-à-dire sans le concours d’un corps gras fourni par l’a- limentation. La preuve était rigoureuse; jointe avec celles que l’on apporlait d'autre part, elle entraîna la conviction de tous, même des contradicteurs. IL est un autre Mémoire de Milne Edwards dont il con- vient de parler, comme propre à manifester la direction élevée de son esprit ; ce travail se rattache à la première période de sa carrière, celle où il était encore parlagé entre sa vocation scientifique et ses études médicales. C’est une publication faite en 1829, en commun avec un économiste philanthrope, Villermé, relative à l'influence de la tempéra- ture sur la mortalité des nouveau-nés. Les auteurs y mon- trent combien les enfants nouveau-nés sont exposés à périr sous l'influence des variations de température et surtout du refroidissement, leurs organes élant encore inaccoutumés à réagir contre le milieu ambiant. Or les règlements relalifs à la présentation obligatoire des nouveau-nés devant l'officier de l’état civil, aussi bien qu’à leur baplème à l’église, les ANN. SC. NAT. ZOOI. XIIT, 2. — ART. N° À 190 M. RBERTRHELOT. exposent à un refroidissement, d'autant plus dangereux que la température extérieure est plus basse. Les auteurs mani- festent cette cause de mortalité par la statistique comparée en diverses saisons et en diverses localités, et ils réclament la réforme de ces règlements meurtriers et la substitution d'un certificat authentique à la présentation directe de l’en- fant. Leur opinion élait fondée et leurs preuves irréfra- gables ; mais il n’est pas facile de lulter contre la routine et les usages reçus. La réforme n’eut pas lieu, et il fallut une génération encore pour qu'elle fût acceptée comme tolé- rance ; ce n’est que de nos jours que le principe même ena été définitivement adopté. | [II Mais c’est assez parler des mémoires et travaux spéciaux de Milne Edwards. Certes les recherches originales et parti- culières d’un savant sont la base nécessaire de son œuvre : el c’est principalement par de telles recherches qu'il ac- quiert autorité. Cependant elles ne constituent pas l’œuvre tout entière, ni même souvent sa partie essentielle. Celle-ci repose plutôt sur les ouvrages d'ensemble accomplis par l’auteur, par la réunion de ses travaux isolés, et sur les idées générales dont il à été le promoteur. Cette sanction n’a pas manqué à Milne Edwards. Dès le commencement de sa carrière, il avait écrit des traités de vulgarisation, trailés élémentaires, utiles surtout à l’enseignement, mais où se trouvent déjà énoncées les vues et les lois naturelles aux- quelles son nom est resté attaché. Ces vues furent principalement développées dans des ou- vrages d'un caractère plus original et qui sont restés dans la science, tels que : l’Aistoire naiurelle des Crustacés, com- posilion d'ensemble où se trouvent réunis et coordonnés les résultats de la première parlie de son existence scienti- fique ; l’/ntroduction à la zoologie générale et les Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'homme et des NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 19 animaux, vaste encyclopédie naturelle en quatorze volumes, où il expose les iravaux de ses contemporains et discule les systèmes généraux qui ont eu cours dans la science du xix° siècle. L'Histoire naturelle des Crustacés a élé écrite dans les premières années du règne de Louis-Philippe, peu de temps après la mort de Cuvier et sous l’inspiration des grandes discussions qui venaient de s'élever entre lui et Geoffroy Saint-Hilaire, sur l'unité et la corrélation des systèmes or- ganiques dans les espèces animales. Milne Edwards apporte à ces théories de philosophie naturelle son contingent de faits nouveaux et de vues originales. [1 s'attache à la com- position anatomique du squeleite tégumentaire d’un grand type zoologique, celui qui est constitué par les cruslacés, squelette dont les parties homologues remplissent les desti- nations les plus diverses : locomotion, préhension, mandu- calion, vision et tact, respiration, génération, etc. Le corps du crustacé type, d’après lui, serait composé de vingt et un zoonites, ou animaux élémentaires, dont l’association cons- titue l'animal entier : chacun de ces zoonites est supporté par un tronçon spécial de la charpente solide, ou dermo- squelelte; il comprend un anneau central et des parties ap- pendiculaires, formant une double série de-membres. Si les zoonites demeuraient semblables les Va autres, on in: ne : 4 ne AU structure au sein des résidus de zoonites ntfs. el par suite parmi les zoonites contigus. Tantôt les anneaux contigus se soudent et se confondent, leur soudure demeu- rant signalée par la persistance de certains sillons, ou lignes de moindre résistance. Ou bien quelques-uns d’entre eux perdent, à un certain moment, des organes qui existaient — 20 M. BERTHELOT. dans les premiers temps de la vie. C’est ainsi que la nageoire caudale des jeunes crabes disparaît chez l'adulte. Les crus- tacés, voués à une existence parasitaire, offrent, à cet égard, les plus étranges suppressions el déformations, ne retenant au bout d’une certaine période que les organes de nutrilion appropriés à leur genre de vie particulier, ces or- ganes d'ailleurs se trouvant parfois, en compensation, monsirueusement développés. Ces avortements, ces arrêts de développement, ces atrophies ne se produisent pas seule- ment sur les zoonites, mais aussi sur leurs éléments anato- miques eux-mêmes. En effet, chaque zoonite à son tour est formé de plusieurs parties distinctes, ou sclérodermites, qui procèdent, eux aussi, par soudures, arrêts de développe- ment, atrophies. Par opposition, on observe également le développement excessif d’un élément déterminé, qui tend à prendre une prépondérance relative ; en grandissant, 1l s’é- tend et il chevauche sur les parties voisines. Il se mulliplie lui-même, tantôt par une simple répétition, tantôt par un dédoublement proprement dit de ses fragments typiques. Mais la nature ne se limite pas dans un procédé unique pour alleindre son but. Il peut arriver encore que cet élé- ment prépondérant grandisse par un développement confus, simultané, uniforme dans ses Aie parties. La variété des EN à te d'un même type onde 4 1e . les es et dans les: sd Edwards, cegroupe à la fois si vaste et si homogène des crus- tacés. On y apprend à connaître, non seulement la forme et la nature des organes, mais aussi comment ces organes MD. Le ; agissent; c est-à-dire que l'étude de la structure est toujours intimement liée avec celle de la fonction et de son mécanisme. C'était là une innovation, après Cuvier qui s’élail attaché NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 91 surtout à distribuer le règne animal d'après son organisation, c'est-à-dire d’après son anatomie. Milne Edwards étendait étrangement le cadre de la zoolo- gie de son temps en y introduisant la physiologie : ce fut l’une de ses caractéristiques originales, et l’une des consé- quences de la nouvelle méthode d'étude qu’il avait inaugurée, en allant examiner sur place et à l’état vivant les animaux marins. L'examen des animaux inférieurs offre, à cet égard, des ressources immenses et quin avaient pasélé tout d’abord bien comprises, lorsque les naturalistes s’attachaient surtout à l'étude des vertébrés, où les appareils organiques sont d’or- dinaire distincts et spécialisés par leur fonction. Chez les êtres inférieurs, la machine se simplifie de plus en plus; l'organe ordinaire a des fonctions multiples et le caractère essentiel des fonctions tend à se manifester d’une facon en quelque sorte plus radicale. En même temps qu'il poursuivait ces recherches origi- nales, Milne Edwards était conduit, par le caractère même de son professorat à la Faculté des sciences, à embrasser l’ensemble du règne animal dans un cours constamment tenu au courant des découvertes incessantes des zoologistes, Il pensa qu'il était utile et nécessaire de tirerdese$ notes per- sonnelles pue œuvre Es ferme, + | re ce I à la conscience du travail de Milne Edwards el à l'étendue de ses conceptions. Dans cette œuvre magistrale, l'auteur aborde première- ment l'étude de tous les systèmes organiques affectés aux diverses fonctions dans la série animale. Il procède suivant une méthode d'exposition historique et progressive, pleine 29 M. BERTHELOT. d'intérêt et propre à enseigner la marche suivie par l'esprit humain dans la recherche de la vérité. En étudiant chaque système organique, Milne Edwards en expose les transforma- tions innombrables, le progrès ou la dégradation parmi les types généraux d'organisation, suivant l'importance relative de la fonction à laquelle ce système est affecté, enfin il en monire l'adaptation aux conditions si diverses de l’existence. A celte occasion, il aborde successivement les grands pro- blèmes soulevés par l’étude de la vie, de son origine et de ses manifestations; problèmes que nul siècle peut-être n'a agités avec plus de suite et de profondeur que le nôtre. Peut- être pourrait-on reprocher à Milne Edwards d'avoir parfois manqué d’audace dans la discussion de ces vastes questions : son esprit sagace et mesuré se portait de préférence vers les solutions moyennes. Certes, il ne refusait pas de reconnaitre l'évidence des faits et des relations d’origine que la géologie nous révèle; mais il ne voulait pas s'engager dans la voie conjecturale des systèmes et des théories par lesquels on à cherché à expliquer les descendances animales. Tout en re- connaissant cette vérité que les animaux actuels dériventdes animaux qui ont vécu dans les tenrps géologiques, 1l se hâte d'ajouter que nous ne saurions expliquer la production d'êtres Re de. . "1 une ions IAE) nouvelle el comme A de ses mains la ser l’idée préconçue de tel ou tel ant dans cette machine encoreinerte , par contre, il ajoute aussitôt que les propri an Le la malière, soit inerte, soit vivante, lui semblent insuffisantes pour donner un tel résultat, el que l'intervention d’une puissance supérieure lui ai néces- saire. En somme, il demeure fidèle à la conception d’autre- fois, qui regarde la vie comme « une force organisatrice de la matière pondérable » : l'organisalion de l’être vivant n’é- tant pas réputée la cause de la puissance vitale que celui-ci NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 23 possède, mais au contraire une conséquence des propriétés de celte force. Milne Edwards ne s’est pas associé à ces vues nouvelles de notre temps, quiassimilent l’évolution de la vie à celle d’une flamme permanente, suivant une comparaison bien souvent reproduite depuis les poètes antiques ; c’est-à-dire à une ap- parence purement cinématique, à un certain système de mouvements coordonnés, centralisés par des conditions purement mécaniques dans une direction unique et entrete- nus par la consommation d'une énergie indépendante de cette direction même. A cette conception fondée sur des faits empruntés exclusivement au monde physique et matériel, et qui tendrait à faire envisager l'unité de tout être vivant comme une illusion, et l’homme lui-même, comme une simple résultante de sa construction organique ; à cette con- ceplion, dis-je, Les philosophes adonnés à létude du monde moral en opposent une autre en apparence contradictoire, fondée sur les fails de conscience, qui envisage l'unité psy- chologique comme primordiale et le monde extérieur comme déterminé par nos propres idées et n'ayant point d'existence plain en dehors de noires ls Entre c ces vues el ces faiblesse de notre aan Mais D rca -nous d’ à re- pousser jusqu à la recherche ets de refuser même de poser de semblables problèmes, soit en invoquant le mysticisme, négateur de l’objet fondamental de toute science, soit aû nom de ce scepticisme profond qui tend à s'en S aujourd hui des esprits fatigués. | Quoi qu'on puisse dire et penser à cet Deard, ce ne sont pas ces redoutables problèmes dont notre savant confrère s’est occupé de préférence et sur lesquels il a marqué son empreinte. Telle n'est pas d’ailleurs la destination d’un ou- vrage fondé sur l'exposé des travaux d'autrui. Un livre ency- clopédique, avec quelque talent qu'il soit rédigé, comporte = 24 M. BERTHELOT., de la part de son auteur un certain sentiment de sacrifice et d’abnégation : s’il rend les plus grands services à la génération présente, il ne tarde guère, par ie coursnécessaire des années, à se trouver incomplet et dépassé. Pendant la longue série d'années consacrées à sa publication, la science éprouve des changements considérables, qui ne sauraient que s’accentuer davantage, à mesure que l’on s’éloigne des premiers jours de l'impression. Cela est inévitable en raison du nombre tou- jours croissant des travailleurs, de la diversité des langues et des nations, chacune envisageant la science sous le point de vue le plus conforme à son génie particulier et à ses tra- dilions. Il y a plus: les individualités cherchent aujourd'hui . à s’accuser davantage qu’autrelois. Le savant, une fois formé et mis au courant des méthodes, préfère souvent atlribuer à celles-ci toute sa reconnaissance plutôt que de se ranger sous la bannière d’un maître. En raison de ces circonstances diverses, un livre d'ensemble et de compilation, avec quel- que soin qu'il soit élaboré, ne saurait guère dépasser la géné- ration pour laquelle il a été rédigé : {ôt où tard il sera rem- placé par un ouvrage du même genre, plus au courant tdes travaux du jour “ destiné, lui aussi, à une réputation tran- sitoire, A8, IV û { | auxquelles lg mr une expression durable et défi- nilive ee quelque doctrine peut prétendre à ce caractère au milieu de la "mobilité incessante et de la transformation con- tinue des connaissances humaines ! En effet, Milne Edwards a été conduit, par ses travaux infatigables et par son ensei- gnement oral, sans cesse perfectionné, à exprimer certaines idées générales sur les mécanismes qui président aux méta- morphoses innombrables des organes et aux fonctions corré- latives ; il a résumé ces idées dans un petit volume des plus NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 25 remarquables, publié en 1858 et intitulé : Zntroduction à la zoologie générale, ou Considérations sur les tendances de la nature dans la constitution du règne animal. Ce titre, à lui seul, caractérise l’homme et l’époque. En effet, on ne parle plus guère aujourd’hui de la nature envi- sagée comme un être réel, ayant un caractère, des tendances et des volontés, à la façon d'un individu moral. Les notions mécaniques, à tort ou à raison, se sont substiluées à ces énoncés sentimentaux. Mais le fond des idées n’en conserve pas moins toute sa valeur. En réalité, quel que soit le langage employé, il s’agit toujours d'examiner et de constater les mêmes relations essentielles entre les systèmes organiques el les fonctions ; or ces relations résultent des fails, je veux dire, de l’examen des êtres vivants et des phénomènes dont ils sont le siège. Seulement, au lieu d'y chercher les inten- lions préconçues d’un finalisme particulier, parfois un peu puéril, le savant y constate avec admiration l'harmonie et la coordination générale, et la régularité permanente des lois naturelles, qui sont la condition même de la persistance des êtres vivants, lant comme individus que comme générations successives. à Parmi ces relations nécessaires, l’une#dés plus et des plus intéressantes a élé découvérie par Milne Ed- wards, qui en a développé les conséquences ave. une sagacité singulière : c’est le principe de la division du tra- vail, qu’il a reconnu d’abord dans ses études sur les*crus- tacés et qui préside à la fois au développement des types des espèces animales et à leur perfectionnement. | Rappelons-en le point de départ. Deux lois, d'après Milne Edwards, se manifestent dans les organismes ani- maux : la tendance à la variation, ou loi de variété, et la loi d'économie, en vertu de laquelle cette variation s'ef- feclue pour chaque type dans un cadre donné, en épuisant toutes les combinaisons comprises entre ses limites. Mais, _et c'est ici surtout que commencent les vues originales de noire auteur, les variations elles-mêmes ne se produisent simples 26 M. BERTHELOT. pas au basard; elles ont lieu suivant un principe semblable à celui qui préside à la mécanique industrielle et à l’orga- nisation des sociétés humaines, le principe de la division du travail. Ce principe est en quelque sorle emprunté à l'économie politique. Dans les sociétés humaines qui débutent, chaque homme est obligé de pourvoir isolément à tous ses besoins; il doit se procurer lui-même sa nourriture, construire son habi- lation, fabriquer son vêtement, et tous les objets néces- saires à sa vie, à sa santé, à sa défense personnelle. Chez les peuples civilisés, au contraire, chaque membre de l’as- sociation se consacre à l'exécution d’une portion détermi- née de ces travaux, mais il l’exécute avec plus d'économie et de perfection : la machine sociale se coordonne et se hiérarchise en se perfectionnant. Transportons ces notions dans l’ordre de l’animalité. Tout être vivant est apte à se nourrir et à se reproduire ce sont là des fonctions fondamentales communes aux végé- taux et aux animaux. Ces derniers se distinguent parce qu'ils ont en outre l'aptitude à sentir et à se mouvoir; ces fonclions étant Le . ve à amener la persis- ments! ©" Fm EP onaliques. Le même tissu s'empare de l’aliment-poun le digérer; le même tissu se contracte, se dilate, respire aux dépens du milieu aqueux ambiant; le même tissu paraît affecté par les sensations de lumière et de chaleur ; le même tissu se multiplie et se reproduit, en vertu d’un fractionnement spontané ou accidentel. Coupons en morceaux un polype hydraire : chaque fragment isolé esl apte à continuer sans transition une existence indivi- NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. di duelle, pareille à celle de l’ensemble primitif. On voit par là que la fonction existe avant l'organe. Loin d'en être le produit, c'est elle, au contraire, qui va le façonner pour une destination donnée. En effet, à côté de ces animaux si simples, tels que les éponges ou les polypes hydraires, nous en rencontrons d’autres où chaque fonction commence à être réservée à des engins parliculiers. La digestion s’ef- féctue dans des cavités spéciales, et la génération s’accom- plit suivant des modes distincts; puis la circulation, la respiration, la motilité, les sensations acquièrent succes- sivement leurs appareils propres et chacun de ceux-ci se divise à son tour en parties différentes, affectées à l’accom- plissement de l’un des actes dont l’ensemble constitue la fonction générale. C’est ainsi que la digestion, accomplie d’ bed dans une cavité intérieure pourvue d’un tissu identique avec celui qui constitue la surface générale du corps, exige bientôt une cavité spéciale, un estomac d’abord adventif et temporaire, mais qui devient chez d’autres espèces permanent. Il ne tarde pas, à mesure que l’on monte dans la série animale, à être pourvu d'orifices d'entrée et de sortie, de position constante et de forme déterminée. Puis l’appareil digestif se partage en plusieurs régions, l’ane destinée à l'introduction de l'aliment, l’autre à son élaboration chimique, une der- nière à l’'absorplion des sucs nourriciers. La forme de cha- cune de ces régions se subdivise encore : on voit apparaître des organes préhenseurs, chargés de saisir la proie; d’au- tres organes chargés de la diviser et de lui faire subir une première préparation mécanique. Des glandes spé- ciales se montrent, qui fabriquent des agents chimiques, destinés aux transformations des divers groupes d’ali- ments. D'autre part, le transport des matériaux digérés, au lieu de s'effectuer au contact et par diffusion à travers les tissus, donne lieu à un nouvel appareil, qui va les transporter partout, le système vasculaire; et ce dernier, en vertu d’une spécialisation croissante, développe un 28 M. BERTHELOT. double courant, qui distribue les liquides jusque dans les. organes les plus éloignés, où ils abandonnent leurs éléments nutritifs, et qui les ramène au centre pour y reprendre leur vertu première : de là résultent les vaisseaux et le cœur, qui se partagent encore en parlies différentes, accom- plissant chacune un acte distinct, On voit par là louie l'étendue des applications du nou- veau principe, el comment il préside à la division du travail organique, réparti entre des fonctions multiples, exécutées chacune par des appareils propres, lesquelles résultent du développement spécialisé de telle ou telle partie : celle-ci est affectée désormais à une destination unique, tandis qu’elle devient insuffisante, sinon même absolument inaple pour les autres. Hâtons-nous d'ajouter que cette fonction par- lielle demeure nécessairement coordonnée avec les autres fonctions, dans l'acte physiologique d'ensemble dont elle accomplit une fraction; c’est-à-dire que le système complet se particularise dans ses organes spéciaux, en se centra- lisant toujours davantage dans son ensemble. Ces dispositions ont pour résultat un travail mieux fait, accompli d’une façon de plus en plus parfaite; c'est ainsi que le principe de la division du travail a pour consé- quence à la fois le perfectionnement des organes particu- liers, en vue de leur destination spécialisée, et l'élévation du type de l'animal entier et du rôle qu'il remplit dans la nature. Poussons plus loin encore, el le principe de la division du travail va nous permettre de pénétrer au cœur de la philosophie zoologique. Du moment où l'organe ne crée pas la fonction et où il est, au contraire, modifié et adapté par elle, la forme de l'organe el son existence même ne présententplus, au point de vue dela classification, cette valeur absolue que l’on avait cru parfois pouvoir leur attribuer; il n’est plus permis de parler de caractères dominateurs et prépondérants. La valeur zoologique d'un même caractère anatomique varie au contraire continuellement, lorsqu'on NOTICE HISTORIQUE SUR HENRI MILNE EDWARDS. 29 passe d’un groupe d'animaux à un autre. [l varie même dans les portions similaires d'un même animal, suivant la diver- sité des fonctions que l'organe est appelé à remphr. On voit par là comment le principe nouveau, un peu vague à première vue, prend une nettelé et une impor- tance croissantes, en raison de l’enchaïînement de ses dé- ductions. Les applications qne l’on peut faire de ce prin- cipe fécond sont innombrables et infiniment diversifiées, _et l’on peut dire qu’il domine le lableau entier des espèces animales. Hâtons-nous d'ajouter que le perfectionnement ainsi entendu est souvent relatif. Si les mollusques, en général, sont supérieurs aux insectes par leur appareil digestif et leur circulation, ils leur sont, au contraire, inférieurs par les organes de la locomotion et par l’activité de leur vie générale. Dans un ordre plus restreint, si l’homme est su- périeur au chien par son intelligence, il a cependant des organes olfactifs moins développés; sa faculté de vision est également fort inférieure à celle de la plupart des oIseaux. On pourrait faire encore d’autres réserves. En effet, nous avons assimilé le principe de la division du travail dans les organismes animaux à ce qui se passe dans l’histoire de l'humanité. Mais si l'on compare les so- ciétés animales aux sociétés humaines, on voit que la division fonctionnelle du travail social est souvent poussée plus loin parmi les premières que parmi les hommes : chez les fourmis, chez les abeilles, le travail de la reproduction de l'espèce est séparé du travail d'entretien de la société. Certains êlres, un seul parfois, sont réservés au rôle géné- raleur. [l n'y a qu'une seule femelle dans une ruche d’a- beilles, tandis que la société est nourrie et soutenue par l’activité des ouvrières, rendues stériles en raison de l’atro- phie des organes de la génération. Ce serait là, pour un esprit systématique, une supériorité des sociétés animales ; mais je n'insiste pas. J’ai voulu seulement montrer ce que 30 M. BERTHELOT. ces mots de perfectionnement dans la série animale ont de relatif et, à cerlains égards, de conventionnel. Quoi qu’il en soit, ces conventions n’enlèvent rien à l'im- portance du principe de la division du travail et à l’inté- rêt de ses déductions générales. C’est l'honneur de Milne Edwards d'avoir montré toute la portée de ce principe el d'en avoir suivi les applications avec une finesse d’aperçus, une logique de méthode, une force de déduction incom- parables. Quelque étendue que soit l’œuvre d’un savant, quelque autorité personnelle qu’il ait pu avoir de son temps, son nom ne demeure devant la postérité que s’il est attaché, soit à la découverte ou à la démonstration de quelque fait éclatant, soit à la mise en lumière de quelque idée géné- rale et au développement de ses conséquences dans l’en- semble d’une science. Milne Edwards a eu cette bonne fortune, ce talent, cette gloire durable : c'est par là que son nom restera parmi ceux des premiers naturalistes francais du xix° siècle. RECHERCHES SUR LES ORGANES DES SENS ET SUR LES SYSTÈMES TÉGUMENTAIRE, GLANDULAIRE ET MUSCULAIRE DES APPENDICES DES ARACHNIDES Par M. Paul GAUBERT,. INTRODUCTION. Les organes appendiculaires des Arachnides ont été l’objet . de nombreuses études, qui ont eu surtout pour but d'établir leur homologie avec ceux des autres Arthropodes; mais on n'a pas montré d'une façon péremptoire l'homologie des ar- ticles constituant ces appendices, aussi les auteurs sont” ils en désaccord sur ce point. En me basant sur l’élude du squelette tégumentaire et sur la disposition des muscles des organes appendiculaires, j'ai pu résoudre cette question. Je suis arrivé à démontrer que la forme générale des appen- dices est la même chez tous les Arachnides et qu'il existe une forme primitive unique donnant par des modifications secondaires dues à la locomotion et à la manducation, celle des pattes-ambulatoires et celle des pattes-mâchoires chez les différents ordres. La couche chitinogène présente des modificalions signa- lées par MM. Schimkewitsch, Dahl, Bertkau. Au lieu d’être 39 PAUL GAUBERT., formée par une masse plasmique avec des noyaux, elle peut en certains endroits devenir nettement cellulaire. Les auteurs ne sont pas d'accord sur la fonction de ces cellules. M. Dahl admet que celles qui existent sur les mâchoires des Arai- gnées sont sensitives et spécialement destinées à percevoir les sensations olfactives, M. Schimkewitsch pense qu’elles sont glandulaires. Il était intéressant de résoudre cette question. Pour cela j'ai examiné le produit de ces cellules et en même temps j'ai constaté leur présence sur un grand nombre d’autres points du corps. La couche chitinogène transformée en cellules glandulaires peut se développer en tubes et pénétrer ainsi dans les tissus. Elle forme alors des glandes plus ou moins développées : Celles des appendices sont: 1° les glandes venimeuses qui n'existent que chez les Araignées ; 2° la glande du rostre; 3° les glandes maxillaires ; 4° des glandes que j'ai décou- verles chez des Mygales et qui se trouvent placées dans le qualrième article des pattes. Elles ont été l’objet d’une étude spéciale. Sur les appendices des Arachnides, on trouve des organes des sens dont la structure n’a pas été éludiée d’une façon suffisante. Ce sont: Des organes découverts par M. Bertkau chez les Araignées et placés généralement à l'extrémité des articles des appen- dices. Extérieurement, ils sont constitués par des bandes de cuticule très mince, ayant environ de 0,1 à 0,01 de millimè- tre de longueur et une largeur au moins vingt fois plus faible. Elles recouvrent une fente de même dimension traversant la cuticule. Sur les deux tiers de sa longueur, la fente s’élar- git légèrement et forme un pore tubuleux recouvert extérieu- rement par la bande de chitine qui s’est élargie. Ces bandes sont généralement très rapprochées les unes des autres et l'ensemble a la forme d’une lyre, aussi je l’ai désigné sous _ le nom d’organe lyriforme. Les organes lyriformes, malgré la fonction très impor- tante que lui accordent certains auteurs (celle de l’audition), RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 33 n'ont pas été étudiés. On n’a montré leur présence que chez quelques Araignées et on n'a déterminé ni leur forme, ni leur position. C’est cette étude que j'ai entreprise et, en même temps, Je les ai découverts chez des animaux appar- tenant à d’autres ordres et chez lesquels ils se présentent avec des formes différentes. En outre, j'ai fait quelques ex- périences pour établir leur fonclion. Un autre organe non moins imporlant que les précédents est le peigne qui est particulier aux Scorpions. L’élude des terminaisons nerveuses situées à l’extrémilé des lamelles n'avait pas encore été faite. Il en est de même de celle des raquettes coxales des Galéodes. Cela a été l’objet d’une partie de ce travail. Un organe sensoriel que j'ai observé à l’extré- mité des palpes et de la première paire de pattes des Ga- léodes a élé aussi étudié. D’autres questions ont été abordées : l'influence de la circulation du sang sur le mouvement des appendices et des poils articulés et la locomotion des Arthropodes. Chez les Arachnides on trouve un fait curieux, qu’on a signalé depuis longtemps chez les Vertébrés et en particulier chez l’homme, cest qu'à chaque ondée sanguine envoyée dans les pattes, correspond une légère oscillation du membre si celui-ci est sans point d'appui, de telle sorte que chez ces animaux on peut compter les battements du cœur en examinant les oscillations d’une patte. Les pièces buccales ont été étudiées complètement, j'ai examiné la structure des lames pharyngiennes des Arat- gnées el celles d’autres pièces semblables qui existent chez les Phalangides, les Phrynes, les Scorpions, mais qui sont adhérentes aux pièces latérales de la bouche. L'ordre que je suivrai est le suivant : CHAPITRE [®. — Téquments. Cuticule: couche chitino gène; appendices des téguments. CHAPITRE Il. — Modifications de la couche chitinogène Glandes. CHapitRe [IL — Organes des sens. Organes lyriformes ; ANN. SC. NAT, ZOOL, XIIL, ds — ART, N° 9, 34 PAUL GAUBERT. peigne; raquettes coxales : organes de l'extrémité des palpes et des patles. CHAPITRE IV. — Système appendiculair e. Pièces buccales; pattes ambulatoires. CHAPITRE V. — Remarques sur la Dconiein des arthro- podes. CHaPitTRE VI. — Jnfluence de la turgescence sur le mouve- ment des articles et des poils articulés. Résumé. Ce travail a été exécuté au laboratoire de mon éminent maître, M. le professeur A. Milne-Edwards, qui non seule- ment a facilité mes recherches en m’aidant constamment de ses savants conseils, mais qui m'a encore fourni tous les moyens pour les mener à bonne fin. Qu'il me permette de lui offrir le témoignage de ma profonde reconnaissance. J'adresse aussi tous mes remerciements à M. le professeur Filhol pour les conseils éclairés qu'il m’a constamment pro- digués et pour la bienveillance avec laquelle il a mis des matériaux à ma disposition; M. le D' Viallanes el M. le D’ Bouvier, pour les excellentes Indications qu'ils m'ont fournies. Je tiens aussi à remercier M. E. Simon, le savant see mologiste, de l’'amabilité avec laquelle il m'a initié à la dé- termination, toujours très délicate, des Arachnides, de m'avoir indiqué les points qui pouvaient me donner des ré- sultats et d’avoir mis à ma disposition les animaux de sa riche collection, et M. Brongniart de l’affabilité avec laquelle il m'a procuré beaucoup de matériaux, indispensables à mes recherches. CHAPITRE PREMIER STRUCTURE DES TÉGUMENTS. Les léguments des Arachnides, comme ceux des autres Arthropodes, sont formés de deux couches : une couche externe dure, formant le squelette de l'animal, désignée sous RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 39 le nom de cuticule et une couche interne donnant la pre- mière et appelée matrice, couche. chitinogène, hypoderme. Je ne rappellerai pas les nombreuses discussions qui ont eu lieu au sujet de la nature de ces deux parties, J'admets après de nombreux auteurs que la couche chitinogène correspond à l’épiderme des aulres animaux. CUTICULE. La cuticule a été étudiée par divers observateurs qui ont constalé qu’elle présentait à l'extérieur de nombreux des- sins variables avec le point examiné. Leydig (1) a montré que les lignes formant ces dessins sont dues à des épaississements de la cuticule. Ceux-ci ont élé étudiés par Tréviranus (2) et plus récemment par M. W. Wagner (3). Pour étudier ces dessins, on peut observer au micros- cope la chiline provenant de la mue ou celle qu’on oblient en trailant les animaux par la polasse concentrée qui dissout les tissus. M. W. Schimkewitsch (4) décrit trois couches dans la culi- cule de l'Epéire diadème : une couche externe, une couche interne se colorant par l’hématoxyline et formée de plusieurs autres couches, et entre les deux une troisième plus mince que les précédentes el ne se colorant pas par l’hématoxy- line. Celle-ci prendrait un grand développement aux points d'inserlion des fibres musculaires. J’ai fait de très nombreu- ses coupes sur l'enveloppe chitineuse et jamais Je n'ai pu mettre en évidence la couche décrite par W. Schimkewitsch. La couche interne est beaucoup plus épaisse que l’externe. Elle présente des stries parallèles parcourant toute la lon- gueur de la coupe el formant, si on examine une coupe trans- (1) Leydig, Zum feincren Bau der Arthropoden (Müller's Archiv, p.381,1855). (2) Tréviranus, Ueber d. inneren Bau der Arachniden, p. 20, 1812. (3) W. Wagner, La mue «les araignées {(Annules des sciences naturelles, 1888, Hiseme, tt. VE, p.293). (4) W. Schimkewitsch, Sur l'anatomie de l'Epéire diadème, p. 1 (Ann, des sciences nat., 1884 et Zoo!. Anz., p. 234, 1881). 30 PAUL GAUBERT. versale d'un appendice, des circonférences concentriques. Lavallée (1) a étudié ces stries sur le test des Crustacés décapodes. I a constaté qu’elles se continuent dansla cuticule qui unit les arlicles, cuticule qui est beaucoup plus mince que celle du reste des téguments. Lavallée ne croyait pas que ces stries représentent des couches superposées les unes aux autres, car, dit-il, on ne peut pas les séparer. Chez les Aranéides, on peut s'assurer facilement que les stries repré- sentent la ligne de séparation des couches concentriques; ces dernières se continuent dans tout l’animal, pouvant se détacher les unes des aulres, comme le montrent beaucoup de coupes. Elles ont pour but de donner plus de solidité au squelelte que s'il était formé d’une seule couche. Dans la région des articulations, au lieu d’avoir une cou- che externe, dure, cassante et épaisse, on n'a qu'un grand nombre de couches minces, très flexibles et très résistantes. Elles se séparent très facilement les unes des autres. MUE. Les Arthropodes, ayant le corps entouré par une enveloppe chilineuse qui n’est pas Îrès extensible, ne pourraient pas s’accroître.s’ils ne se débarrassaient point de leur squelette externe devenu trop petit pour en prendre un plus grand. Chez les Araignées, ce phénomène a été étudié par M. W. Wagner (2). Il a constaté que la ligne de rupture de la chi- tine était toujours la même, pour des animaux déterminés. Quelle est la cause de cette rupture, c'est ce que J'ai 11 essayé de déterminer par les expériences suivantes : On plonge dans l’eau bouillante des Araignées ayant sé- journé pendant longtemps dans l'alcool concentré. Il faut avoir bien soin qu'elles soient intactes, c'est-à-dire qu'aucun membre ne soit arraché et que l’enveloppe chilineuse ne (1) Lavallée, Sur le test des Crustacés décapodes (Ann. des sc. nalurelles, 3e série, t. VII, 1847, p. 366). (2) W. Wagner, La mue des araignées (Annales des sc, naturelles, 1888, t. VI, 7e série). RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. Me présente pas de solution de continuité. J'ai expérimenté sur de grosses Néphiles, qui ont élé mises à ma disposi- tion par M. le professeur A. Milne-Edwards. Au bout de quelques minutes, la ruplure des téguments se fait brusque- ment suivant une ligne droite qui séparerait la partie ven- trale de la partie dorsale de l’abdomen. C’est suivant cette ligne, d’après M. Wagner, que les téguments se séparent généralement. L'expérience réussit aussi sur des animaux vivants, mais avec beaucoup moins de sûreté. Elle réussit mieux si on ajoute à l’eau des sels élevant la température d'ébullition de l’eau. Avant de mettre les animaux dans l’eau bouillante, on pratique une incision dans la cuticule de l'abdomen; la rupture des téguments ne se produit plus. De ces deux expériences on peut déterminer l’action qui provoque la rupture de l'enveloppe. Dans la première, l'animal se trouve enveloppé par une couche de chiline en- tièrement close et dépourvue d’élaslicité. Les tissus et l'alcool subissent sous l'influence de la température de l'eau bouil- länte une augmentation de volume, qui à un moment donné provoque la rupture de la cuticule. | Dans la seconde expérience, les vapeurs d'alcool ire se dégager et les tissus de l'abdomen peuvent sortir plus ou moins à l'extérieur par l'ouverture qu’on a pratiquée. Au reste sur des animaux conservés dans l'alcool, cette dernière action est peu considérable, car les tissus sont contractés et occupent un volume un peu moindre que celui de la cuticule; cependant au bout d'un certain temps ils peuvent augmenter de volume par suite de l'absorption de l’eau. Chez l'animal vivant, l'action mécanique est exercée par la pression due à l’augmentation de volume du corps. Pourquoi la ligne de rupture est-elle toujours la même ? Il est probable qu’elle se produit là où la résistance de la chitine est la plus faible et qu'il se passe quelque chose d’ana- logue à ce qui a lieu pour la rupture des membres. On sait que chez les Araignées les pattes se rompent entre le coxo- 38 PAUL GAURERT. podite et le basipodite et chez les Phalangides entre le basi- podite etle méropodite. Cetle ruplure étudiée par Wagner (1) se fait non seulement sur l'animal vivant par suite d’aclions réflexes (Frédéricq (2), Contejean (3)), mais aussi sur les animaux conservés dans l’alcoo!, lorsqu'on exerce une faible traction sur le membre, ce qui prouve que la cuticule est beaucoup moins résistante aux points où se rompt la RES que dans le reste du tégument. Tout ce qui précède est relatif aux Aranéides, mais on peut l'appliquer aux autres Arachnides. Les Phalangides ont en général la couche externe de chi- line beaucoup plus compliquée que celle des Aranéïdes. Les dessins qui sont à l'extérieur se montrent plus variés el les épaississements sont généralement plus saillants. Chez les Tr oqulus, la couche externe est encore beaucoup plus 1r- régulière, surtout dans le méropodite. Les Phrynes et les Télyphones ont la culicuie EE à celle des Araignées. Les Scorpions et les Galéodes mon- trent aussi deux couches dans la cuticule. Beaucoup d’au- teurs ont désigné la couche externe sous le nom d’épi- derme, et la couche interne sous celui de derme. COUCHE CHITINOGÈNE. Historique. — La couche chitinogène des Araignées a été décrite par Leydig (4) comme formée par une couche plas- mique renfermant de nombreux noyaux et il la considère comme étant de nature conjonctive. Mais Haeckel (5) a mon- tré que chez les Crustacés elle correspond à l’épiderme des autres animaux et il en est évidemment de même chez tous les Arthropodes. (1) W. Wagner, Régénération des membres perdus (Bull. de la Société impé- riale des naturalistes de Moscou, 1887). (2) L. Frédéricq, Sur l’autotomie ou mutilation par voie réflexe comme moyen de défense chez les animaux (Arch. de zool. eæp., 2€ série, t. I, 1883, p. 413- 426, et Nouvelles rech. sur l'autotomie. Ac. de Belgique, 7 nov. 1891. (3) Ch. Contejean, Comptes rendus de l'Ac. des sc., 27 octobre 1890. (4) Leydig, Zum feineren Bau der Arthropoden (Mull. Arch., p. 381). (5) Haeckel, Die Gewebe der Flusskrebses (Arch. fur. Anat. p. 519., 1857). RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 39 M. Schimkewitsch (1) donne une description analogue à celle de Leydig, mais sur quelques points du corps il a vu que l’hypoderme prend un caractère cellulaire très net. Cela a aussi été constaté par M. Bertkau (2) et M. Dähl (3). M. Schimkewitsch a observé, chez l’Épéire diadème, une membrane mince de nature conjonctive, limitant à l'intérieur la couche chitinogène et qu'il assimile à tort à la membrane basale de Haeckel (cuticule interne de Graber). Elle est identi- que à la couche de tissu conjonctif enveloppant tous les tissus. Pour étudier l’hypoderme des Aranéides, on prend une Épéire diadème et on enlève sur la parlie dorsale de l’abdo- men un fragment de peau qu'on plonge aussitôt dans l'alcool absolu pour le fixer. On peut le colorer ensuite par le picro-carmin. Avec un pinceau, on enlève les cellules du foie qui sont restées adhérentes à la préparation. Celle-ci est ensuite examinée dans la glycérine. La cuticule qui adhère à la couche hypodermique est incolore, dépour- vue de poils et transparente, aussi ne gêne-t-elle point l'observation. On peut du reste la séparer de l’hypoderme. Celui-ci se montre formé de protoplasma au milieu duquel se trouvent de nombreux noyaux. Jamais je n'ai pu observer aucune trace de division cellulaire. L’épaisseur de l’hypoderme est très variable. Elle est faible dans la région de l'abdomen et plus épaisse sous la cuticule des pattes, des chélicères et du thorax, et en gé- néral son épaisseur est en rapport avec celle de la cuticule. Cependant, à l'insertion des muscles, elle est très faible, d’après M. Schimkewitsch, et j'ai constaté qu’on trouvait au début un noyau correspondant à chaque fibre musculaire. Sous les mâchoires, comme il a été dit plus haut, la couche chitinogène subit des modifications considérables. Elle est formée par des cellules très allongées, plus larges (1) Schimkevwitsch, Anatornie de l'Epéire, p. 8. ve Bertkau, Ueber den Verduuungsapparat der Spinen. Arch. m. An. p. 431, (3) Dahl, Das Gehür und Geruchsorgan der Spinnen in Arch. f. mikr. Anat., 24 Bd. 1885 et Zur Anatomie der Araneen in Zool. Anz., Bd. 8, p. 242. 40 PAUL GAURBERT. à leur base qu'à leur sommet, pourvues d’un gros noyau et d'une membrane qui les renûü très distinctes. Leur ensemble présente beaucoup d’analogie quant à la forme avec le tissu palissadique des feuilles. La cellule est remplie par du pro- toplasma granuleux. A l'intérieur, la couche conjonctive qui leur sert de base est plus épaisse que dans le reste du corps et est pourvue de noyaux. La cuticule qui les limite à l’ex- térieur est épaisse cl percée d'un nombre considérable de pores très fins. Les couches concentriques que nous avons vues dans la cuticule sont ici peu évidentes. M. Schmkjewitsch, qui a étudié ces cellules chez l'Epéire, a remarqué qu'elles étaient disposées de façon à être grou- pées autour de plusieurs points, de telle sorte que la limite intérieure est sinueuse. M. Bertkau (1) a constaté une dis- posilion semblable chez l’Atvpus. MM. Schimkewitsch, Dahl, Bertkau, admeltent que ectle couche de cellules forme une seule bande placée du côté interne des mâchoires. J'ai constaté que chez la Tégénaire domestique, chez les Lycoses, il existe deux bandes : une interne, correspondant à celle qui a été décrile par M. Schimkewitsch chez l'Épéire diadème et une exlerne plus pelile que la’ précédente. Elles enve- loppent en partie les glandes maxillaires de Campbell, Les Theraphosidæ ont des mâchoires rudimentaires, excepté les Afypus. Le premier article des palpes est pres- que identique à l’article basilaire des autres paltes, aussi chez le Cyrtauchenius Walkenaeri, le Pachylomerus ædifica- {orius et chez d'autres animaux appartenant à la même famille et que j'ai examinés, on ne trouve pas ces cellules. Elles existent chez les Atypes. On ne s'accorde point sur [a fonction ie ces cellules. M. Schimkewitsch croit que ce sont des cellules glandu- laires, mais il ne donne aucune preuve à l'appui de son hypothèse. M. Bertkau pense qu'elles sont analogues à celles que l’on (1) Bertkau, Ueber den Verdauungsapparat der Spinnen (Mull. Arch. p.431). RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. _ 41 trouve sur d’autres points du corps, el Dahl admet que ce sont des cellules nerveuses ayant la propriété de percevoir les sensations olfactives. Il appuie son hypothèse sur une description qu'il donne des cellules. D’après lui, chacune d’elles serait reliée par sa base à un filament nerveux. Mais celte disposition n'existe pas. J'ai observé chez des Épéires diadèmes, que j'avais dans un bocal en verre placé sur ma table de travail, que ces ani- maux plaçaient l'extrémité des pattes entre les mâchoires et les froltaient contre ces dernières de façon à les appuyer sur la région des cellules. Si à ce moment on coupe l’extré- mité de l’appendice ambulatoire, on constate, lorsqu'on l’'examine au microscope, qu'il est enduit d’une très faible couche de matière assez réfringente et enveloppant l’ar- licle. Elle existe aussi sur les mâchoires. M. E. Simon m'a dit avoir observé que les grosses Mygales de l'Amérique méridionale avaient les poils de la scopula couverts d’une substance qui les collait aux doigls. Ce liquide doit être le même que celui qu'on observe sur les Épéires. Ces fails sont donc en contradiction avec l'hypothèse de Dahl, Du reste, les terminaisons nerveuses, comme les décrit cet auteur, sont trop différentes de ce qui existe habituelle- ment chez les Arachnides pour que sa description soitexacte. J'ai constaté que l’hypoderme présentait des modifica- tions semblables sur les parties latérales du pharynx, c’est-à- dire au-dessous de la cuticule joignant les lames pharyn- giennes supérieure et inférieure et sur le bord de la lèvre inférieure. Ici, les cellules sont identiques à celles de la mâchoire, mais par suile de leur situation versent leur sécrétion dans le tube digestif. (PI. I, fig. 4 et 5.) Chez les autres Arachnides, la couche chilinogène pré- sente des modifications semblables. Sur le Phalangium opilio, on constate que sur l’oviscapte de la femelle elle est formée de cellules très nettes, cubiques. Sur le troisième article des pattes du même animal et à son extrémilé proximale, des coupes transversales montrent 49 PAUL GAUBERT. que la couche hypodermique est formée de cellules très grandes ayant une hauteur considérable, renfermant un pro- toplasma clair et un gros noyau. Ces cellules sont limitées intérieurement par une couche épaisse de tissu conjonetif leur servant de support. Elles renferment aussi de nom- breuses granulations pigmentaires situées près de la cu- üicule. Ces dernières sont très répandues dans l’hypoderme des Phalangides. (PI. I, fig. 3.) . Chez les Scorpions, l’hypoderme est formé de cellules fort nettes dans le voisinage de la région des poils énormes qui se lrouvent sur les paltes. Les Galéodes présentent aussi des modifications. Sur les Raquettes coxales, l’hypoderme, vers le milieu de la palelte, est formé de cellules qui paraissent être glandulaires. PRODUCTIONS TÉGUMENTAIRES. Les productions tégumentaires sont de diverses natures. Elles peuvent être rattachées à deux groupes bien distincts : les productions internes, comprenant les tendons, et les productions externes formées par les s pois les tubercules, les griffes, etc. TENDONS. Les tendons sont formés par des prolongements internes de la cuticule. Chez les Arachnides, ils sont généralement très allongés, cylindriques et se ramifient à leur extrémité qui est en rapport avec les fibres musculaires. Ils sont en- tourés à leur origine par une couche d’hypoderme, couche qui va en diminuant graduellement d'épaisseur. M. Wagner, dans son travail sur la mue des araignées, a étudié leur structure et leur développement. Il a constaté que par suite de leur formation, ils renfermaient une cavité dans leur inté- rieur. La couche chitinogène produit le nouveau tendon qui enveloppe l’ancien; aussi, au début, la cavité du tendon est assez grande, elle diminue plus tard. M. Wagner décrit des RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 43 stries longitudinales dansles tendons de la Tarentule; celles-ci n'existent pas chez toutes les Araignées, elles manquent dans les petits tendons. Les tendons sont généralement cylindriques, mais quel- quefois ils peuvent être un peu ovales. Les petits tendons et les ramifications ne renferment pas de cavité visible dans leur intérieur. On doitse demander si la cuticule des tendons présente la même siructure que celle qui forme le squelette externe, c’est-à-dire si elle est formée de couches concentri- ques, dont l’inlerne correspondrait à l’externe du tégument. Les couches concentriques ne sont pas en évidence comme celles de ce dernier, cependant chez les Tégénaires, j'ai _ constaté que les tendons placés dans le méropodite et se fixant à la base du carpopodite comprenaient deux couches distinctes. | Les tendons sont très développés chez les Phalangides, les Galéodes, les Scorpions, les Phrynes et les Télyphones. Chez ces animaux, les tendons sont cylindriques et ne présentent pas des couches concentriques bien évidentes. Cependant, chez le (raleodes barbarus, j'ai pu observer deux couches con- centriques. La plus épaisse est interne et il est probable quelle correspond à la couche externe des téguments. PRODUCTIONS EXTERNES. Sur les téguments des Arachnides, on trouve de nom breuses productions culiculaires; tantôt ce sont de simples papilles (Phrynes), tantôt des formations en forme de cône (épines des pattes des Phalangides, dents de l'article basi- laire des chélicères chez les Araignées), lantôt ce sont des poils qui peuvent prendre toutes les formes (poils aplalis et ovales des Attides, poils filiformes des Galéodes), elc. Je n'insiste pas sur la morphologie de ces productions, les nombreux auteurs qui se sont occupés de la classification _ des Arachnides se sont servis de. tous les caractères exté- rieurs et ont décrit tout ce qu’il y avait d'intéressant à , Connaître sur ce sujet. 44 PAUL, GAUBERT. Je ferai cependant remarquer que certains poils des Aranéides sont très remarquables au point de vue physio- logique, ce sont ceux qu'on à désignés sous le nom d’épines. Ils sont courts, forts et en lame de sabre. Ils présentent le fait très intéressant d'être mobiles : de la position couchée sur l’article et dans la direction de celui-ci, ils peuvent se dresser en restant toujours dans le même plan et devenir perpendiculaires à l’article. La manière dont ils sont articulés ne leur permet pas de dépasser cette position. Le mouve- ment de ces épines ne se fait pas, comme on pourraitle sup- poser, sous l'influence des muscles, mais sous l’action de la lurgescence de l’appendice. Je n’insiste pas plus longtemps sur le mécanisme qui fait agir ces poils, devant revenir plus loin là-dessus; je ferai seulement remarquer qu'ils se dressent tous en même temps et que tous leurs mouvements sont simullanés. Ces épines se relèvent chaque fois qu'on saisit l'animal; elles constituent pour lui un appareil de protection, qui est assez puissant. Il est peu probable qu'ils aient un rôle sensilif, car tant que l’Araignée ne fait que courir, saisir sa proie, etc., en un mot tant que sa vie n'es pas en danger, les épines restent abaissées, ce qui ne devrait pas avoir lieu; du reste, j'ai vainement cherché des termi- naisons nerveuses à leur base. En revanche Dahl (1) attribue à certains poils une fonction {très importante, celle de l'audition. Ces poils possèdent à leur insertion un grand entonnoir et sont placés sur le tarse des Araignées. Ils sont simples à leur extrémité libre ou bien garnis de dents. Sous l’influence des ondes sonores ils peu- vent entrer en vibration. Ce fail ne prouve pas qu'ils puis- sent transmettre à l’Araignée les ondes sonores. Tous les corps, dans certains cas, se mettent à l'unisson d'un autre corps en vibralion et cela a lieu aussi bien avec une substance minérale qu'avec une substance qui fait partie d’un être vivant. Il est probable que si on examinait les (4) Dahl, Das Gehôür und Geruchsorgan der Spinnen (Arch, mikr. Anat., XXIV Bd., p. 1-10), RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 45 poils qui sont inconteslablement protecteurs, ceux-ci se mettraient à vibrer à l'unisson d’un autre corps produisant un son déterminé. M. W. Wagner(1), qui a fait une étude des poils sensitifs, n’admet pas l'hypothèse de Dahl. Les poils sensitifs sont surtout répandus sur les appendices des Arachnides. Chez le Buthus australis, j'ai constaté sur l’avant-dernier arti- cle des patles, la présence de deux rangées de poils sen- sitifs, une de chaque côté de l’article. Si on les touche légèrement avec un pinceau très fin, le Scorpion retire aussitôt sa patte ; si, au contraire, on promène Île pinceau sur le reste du corps, l'animal ne perçoit aucune sensation. Du reste, les poils du Scorpion sont presque tous sensitifs, et ne se trouvent que sur les appendices ; le reste du corps en est totalement dépourvu. Distribution des poils sur les différents tépuments des Araignées. — La distribution des poils n’est pas la même sur les divers téguments. M. W. Wagner admet que les poils sont répartis d’une facon uniforme au début; en étudiant VÉpéire diadème, je suis arrivé à des résultats différents. Le premier tégument est dépourvu de poils, cela est facile à expliquer, puisqu'il est constitué par la membrane de l’œuf. Le second, qui appartient réellement à l’animal et qui est le premier produit, en présente quelques- uns. Ils sont coniques, formés par une seule couche de chiline et sont placés à l'extrémité distale des articles, au lieu d’être répartis uniformément sur la surface des tégu- ments de la patte. Ils prennent alors la disposition qu’on trouve chez certains Hydrachnes. Les poils en forme de scie qui se trouvent placés au-dessus des griffes chez l'animal adulte n'existent pas à ce stade. Le troisième tégument ou plutôt le deuxième offre des poils situés sur toute l'étendue des articles et les poils dentés sont aussi développés de telle sorte qu'ils sont disposés comme chez l'adulte. On con- (4) W. Wagner, Poils auditifs (Bulletin de la Société impériale des natura= listes de Moscou, p. 119-134, 1888). 46 PAUL GAUBERT. state aussi la présence des épines qui manquaient sur le précédent. 2 1 Griffes. — Les griffes des Arachnides ont la structure des poils et en particulier celle des épines. Dugès (1)les a homolo- guées avec raison aux premiers. Elles diffèrent de ceux-ci par la présence de muscles leur donnant le mouvement. Quand la griffe est unique comme celle qui termine les chélicères, les tendons des muscles s’insèrent directement à sa base, et alors on la considère comme l’homologue d’un article; lors- quil y à plusieurs griffes, comme, par exemple, à l’extrémité des pattes des Araignées, les tendons se rendent à la base d'une cupule ou d’un plateau chitineux qui supporte toules les griffes et alors celles-ci se meuvent simultanément. On ne les considère pas comme un arlicle et on dit que les Araignées ont sept arlicles à leurs paltes. Je montrerai plus lard qu'on doit considérer le plateau qui porte les griffes, comme un vérilable article, article qui est très court. Les griffes des Aranéides sont bien connues, elles ont été étudiées par les observateurs qui se sont occupés de la clas- sification de ces animaux. Elles sont chez les Araignées au nombre de deux ou de trois. On en trouve deux beaucoup plus développées que la troisième, qui est placée au-dessous des précédentes et qui est impaire. Quand elle manque elle est remplacée par une touffe de poils ayant une disposilion spéciale et désignée sous le nom de scopula. La forme des griffes et le nombre de dents qu'elles por- tent varient avec les familles. Elles sont fortes et avec des dents courtes et coniques chez les Mygales, les Atlides, et en général chez les Araignées qui ne filent pas de Loile et qui courent. Elles sont grèles, elfilées et avec des dents aiguës chez les Araignées qui font des toiles (2). Les palpes ne portent qu'une griffe dentée, griffe qu (1) Dugès, Observations sur les aranéides (Ann. des sc. nat., 2? série, t. VI, p. 172, 1836). | ; (2) Blanchard, C. R. Ac. des sc., 9 déc. 1867. Vol. 65, p. 974. RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 47 diffère de celle des chélicères par la présence d’un plateau a sa base. Je n’insiste pas davantage sur les griffes, je rappellerai seulement que celles des Chélifères sont décrites comme n'ayant pas de dents. J’ai constaté qu'elles en ont généra- lement une ou deux très pelites et situées vers la base de la griffe. Dufour (1) a décrit la première paire de pattes des Galéo- des comme étant dépourvue de griffes, aussi en fait-il une paire de palpes, et admet-il que les Galéodes sont des animaux hexapodes. J'ai observé à l'extrémité de l’article terminal deux petites griffes dépourvues de dents et divergentes. Elles sont mo- biles et des muscles agissant par l'intermédiaire de tendons les mettent en mouvement. Les autres paires de pattes portent des griffes tout à fait remarquables : elles sont formées par deux articles, le pre- mier étant pourvu de poils el ayant la constitution des autres articles de la patte. Structure des poils. — La structure des poils a été étudiée par M. Schimkewitsch (2) et surtout par M. Wagner (3). Ce dernier auteur distingue dans le poil la tige, qui est la partie libre, et le radix qui s'enfonce dans les téguments. Il a éludié surlout les poils sensitifs et leur mode d’articu- lation. . M. Schimkewitsch a montré chez l'embryon et M. Wagner chez les adultes que les poils proviennent d’une seule cellule qui, s’allongeant beaucoup, produit la chiline du poil. La structure du poil est la même que celle du squelette, c’est- à-dire qu'il est formé de plusieurs couches concentriques. On peut le voir très facilement chez les Lycoses. M. W. Wagner admet que la couche interne seule de la chitine (1) Dufour, Anatomie, physiologie et histoire naturelle des Galéodes. — Mé- moires des savants étrangers. — C. R. Ac. sc., 1862, p, 356. (2) Schimkiewitsch, Anatomie de l'Epéire, p. 8. (3) Wagner, Poils auditifs (Bulletin de la Société imp. des naturalistes de Moscou, année 1888, p. 121 et suiv). 48 PAUL GAUBERT. rentre dans la formation du poil et il ne dit pas si elle. forme plusieurs couches. Sur les épines, j'ai constaté que la couche externe est très développée, et elle présente des stries longitudinales. (PI. 1, fig. 13.) En résumé le poil est formé d’une couche externe ana- logue à celle du squelelte et une couche interne présentant la même constitulion que celle des téguments. La cuticule articulaire des épines est lrès mince et est formée aussi de couches très minces superposées, se continuant avec celles de l’article. CHAPITRE II SYSTÈME GLANDULAIRE DES APPENDICES. Nous avons vu que la couche chilinogène, formée d’une manière générale par une masse plasmique, peut êlre constituée en certains points par des cellules très nettes. Celles-ci peuvent être glandulaires sans quitter la posilion normale de l’hypoderme (cellules glandulaires des mâchoires, des pattes des Phalangides, de la lèvre inférieure des Âraignées); mais dans certains cas la couche chitinogène envoie des prolongements tubulaires à l’intérieur des tissus el forme des glandes acineuses plus ou moins développées ; telles sont les glandes des filières, les glandes venimeuses, les glandes maxillaires, les glandes patellaires et la glande du rostre. Je ferai une élude spéciale de ces glandes, à l'exception de celle des filières. LH GLANDE DU ROSTRE. À la face antérieure du rostre et vers son extrémité vient déboucher une glande qui a élé signalée pour la pre- mière fois par Wasmann (1) chez la Mygale et par Siebold et Leydig chez les Araignées dipneumones. Son existence a (1) Wasmann, Beiträge zur Anatomie der Spinnen Abhandlung aus dem Ge- biete der Naturw. Hambourg, Bd. I, p. 140. RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 49 été plus tard niée par M. Plateau(1), mais MM. Schimkewitsch, Mac-Leod et Bertkau l'ont signalée de nouveau el ont étudié sa structure. M. Schimkewitsch (2) l’a décrile chez l'Épéire diadème comme formée par un tube glandulaire situé dans le rostre et venant déboucher à sa face dorsale par un conduit divisé en deux lobes. M. Mac-Leod (3) est arrivé aux mêmes résultats que l’au- teur précédent et a constaté que la glande prenait un grand développement chez l'Argyronète aquatique. M. Bertkau (4) l’a étudiée chez l’Atypus. Tous ces auteurs décrivent la glande comme étant formée par un tube unique. En étudiant la Tégénaire domestique, les Lycoses, j'ai constaté que le tube glandulaire, d’abord sim- ple près de l’orifice extérieur, se divise en deux canaux qui remontent vers la parlie supérieure du roslre et sont d'égale longueur. Chacun d’eux présente à l’intérieur un canal chilineux formé par une imvagination de la cuti- cule externe. Les canaux de la glande se réunissent en un seul, venant déboucher au-dessous d’un repli chitineux qu'on a désigné sous le nom de luette. Chez les Hetero- poda venatoria (Araignée de l'Amérique méridionale ap- partenant à la famille des Thomisidæ), au-dessus de l’orifice se trouve un long prolongement chiltineux en forme de lan- guelle. - Les cellules glandulaires sont très allongées, et ont la forme d'un cône. À leur base elles présentent un noyau volumineux et celui-ci est entouré d'un protoplasma hyalin, tandis que le reste de la cellule contient un protoplasma granuleux, se colorant fortement par le carmin boracique. (1) Plateau, Recherches sur la structure de l'appareil digestif et sur les phéno- mônes de la digestion chez les Aranéides dipneumones (Bulletin Ac. Belg., XLIV, p. 141, 1877). (2) Schimkewitsch, Anatomie de l'Epéire, p. 41-42. (3) Mac-Leod, La structure de l'intestin antérieur des Arachnides (Bulletin de l'Acad. des sc. de Belgique, 1884, t. VIIL, p. 384). (4) Bertkau, Ueber den Virdauungsapparat der Spinnen(Mull. Are. p. 423) ANN. SG. NAT. ZOOL. XII, 4. — ART, N° 9, 50 PAUL GAUBERT, Le canal chitineux tapissé par les cellules présente des. pores semblables à ceux que nous avons trouvés sur les mâchoires, ils sont cependant moins nombreux et plus larges. À l’intérieur des cellules glandulaires, le tissu con- jonctif est très développéet se continue avec celui qui limite intérieurement la couche chitinogène ; du reste les cellules glandulaires, continuant la glande, ne sont autre chose que des cellules hypodermiques modifiées. (PI. T, fig. 8.) On n'a pas donné la fonction de cette glande; comme je l'ai dit plus haut, j'ai constaté que l’Epéire diadème frotte l'extrémité de ses pattes contre ses mâchoires et sur le rostre, et qu’en examinant la patte immédiatement après on trouve sur elle un enduit analogue à celui qu’on observe sur le rostre. GLANDES MAXILLAIRES. Les glandes maxillaires ont été observées par M. Campbell, qui les a signalées le 17 juin 1880 à la Zinnean Society of London. M. W. Schimkewitsch les découvrit quelque temps après el les a décrites dans les Annales des Sciences natu- relles (4884). | Ces glandes sont formées par un nombre variable d’acini venant déboucher séparément à la base des mâchoires et en dehors de la cavité buccale. Sur des coupes transversales, on voit que les cellules qui les forment sont {rès allongées, avec un gros noyau à leur base et tout à fait semblables à celles qui constituent la glande du rostre. Elles sont limi- iées extérieurement par une couche épaisse de tissu con- jonctif qui sert de support à la glande. (PI. T, fig: 2 gm.) J'ai constaté la présence de ces glandes chez des Thera- phosidæ ayant des mâchoires tout à fait rudimentaires et qui sont dépourvues des bandes cellulaires. Il est très probable que le produit de ces glandes a le même rôle que celui de la glande du rostre et des bandes glandulaires des mâchoires, car les Épéires frottant les extrémités deleurs pattes sur ces parties enlèvent la sécrétion. RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 51 GLANDES VENIMEUSES. _ Les Aranéïides possèdent des glandes qui viennent débou- cher par un long canal à l'extrémité et à la face convexe du crochet. Chez les Dipneumones elles sont placées dans le céphalothorax, mais chez les Tétrapneumones, elles se trou- vent dans l’arlicle basilaire des chéliceres. Les animaux du premier groupe ont aussi au début de la vie le corps de la glande logé dans le premier article des ché- licères, mais à mesure que l'animal grandit, il vient se placer graduellement dans le céphalolhorax (Wagner) (1). Les premiers analomistes qui se sont occupés de Ja structure des Araignées ont reconnu la présence de ces olandes. Celles-ci sont formées par une partié sécrélante qui à chez beaucoup d’espèces une forme cylindrique, el d’un canal excréteur très long. Quelquefois la glande est fixée en arrière au céphalothorax par un filament de lLissu conjonclif. Cela a été constaté par Dugès (2) et par M. E. Blanchard (3) chez la Mygale et chez la Ségestrie. Ce filament n’a pas élé décrit pour les autres espèces. La forme de la glande a été décrite par beaucoup d'auteurs: le travail le plus complet est dû à M. Bertkau (4) qui a décrit des formes très inléressantes. La struclure histologique de la glande a été étudiée par H. Meckel (5), Siebold (6), Leydig (7), MM. W. Schimke- witsch (8), Mac-Leod (9) et A. Horn (10). (1) Wagner, Mue des araignées, p. 383, Ann. sc. nalt., 1888. (2) Dugès, Règne animal de Cuvier (PI. IL, fig. 6.) (3) E. Blanchard, Organisation du règne animal, Arachnices (PI. XVIT, fig. 1.) (4) Bertkau, Ueber den Bau und die Function der Oberkiefer bei den Spinnen (Arch. f: Nat., p. 92-126, 1870). (5) H. Meckel, Mikrographie einiger Drüsenapparate der niederen Thiere, in Müller’ Archiv, 1846, p. 35. (6) Siebold, Anat. comp., t. I, p. 525. (7) Leydig, Traité d’histologie de l’homme et des animaux, p. 121. (8) Schimkewitsch, Anatomie de l'Epéire, p. 47. (9) Mac-Leod, Notice sur l'appareil venimeux des Arantides (Arch. biol., À, pp. 573-581). (40) A. Horn, Unfersuchungen über die Giftirüsen. Ber. ob, Ges. Giessen Bd, 24, p. 5. PAUL GAUBERT. (y [RS H. Meckel conslate que le corps de la glande est formé par. une membrane propre, tapissée à l’intérieur d'une couche de cellules sécrétant le venin, el à l'extérieur par un muscle enroulé en spirale. Siebold observe que les fibres musculaires de la glande présentent une strialion très nette, chez les Lycosa, Drassus, Tegenaria el Mocryphantes, landis qu'elles sont lisses chez les Epcira, Thomisus, Clubiona, Mygale. Leydig montra que chez toutes les Araignées les fibres musculaires élaient sitriées et que la strialion élait mise en évidence par le séjour des fibres dans certains liquides, tels que l'alcool. En outre il a étudié le tissu conjonctif enveloppant le muscle et les cellules glandulaires. Mac-Leod décrit les glandes venimeuses, comme limitées à l'extérieur par une couche mince de Ussu conjonctif, enveloppant la couche de fibres musculaires. Au-dessous de ces dernières, se lrouve une autre couche plus épaisse, servant de support aux cellules glandulaires et en même temps de limite aux fibres. Les deux membranes conjonc- lives sont réunies l’une à l’autre par des {ravées de tissu conjonclif séparant les fibres musculaires de telle sorte que ces dernières se trouvent entièrement enveloppées par du tissu conjonclif. Il a en outre constaté la présence de prolongements dans l'intérieur de la membrane interne. Le canal excréteur aurait la même structure que la glande ; dans les grosses espèces, 1l renfermerait quelques fibres musculaires. Les cellules sécrétrices ont une forme variable dans les différentes espèces el souvent sur le même individu. M. Schimkewitsch est arrivé aux mêmes résultats que M. Mac-Leod et a observé sur les fibres musculaires des glandes la raie de Krause. Pour étudier les glandes venimeuses, on les enlève en sai- sissant les chélicères avec des pinces et en arrachant ces derniers. La glande est ensuite plongée dans de l'alcool ab- solu ou dans l'acide osmique. Ce procédé est préférable RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 53 à une injection dans le céphalothorax, car la pénétration de l'agent fixateur est plus rapide et il s'écoule à peine quelques secondes entre le moment où les glandes sont dans le corps de l’animal, et le moment où elles sont dans l’al- cool absolu ou dans l'acide osmique. On pratique la coloration en masse et par les procédés ordinaires on coupe la glande au microtome ou bien on l’examine entière au miscrocope. Elle se présente sous la forme d’un tube enveloppé par des fibres enroulées en spi- rale et présentant une strialion longitudinale très nette, si on examine la glande d’une Tégénaire. Sur des fibres isolées de Nephila qui avaient séjourné pendant des années dans l'alcool, on peut observer une striation transversale. A de forts grossissements, on voit bien les disques blancs et obscurs, et au milieu des premiers on voit une bande obscure connue sous le nom de raie de Krause et que M. Schimkewilsch a signalée chez l'Epéire diadème. Les fibres musculaires n’entourent pas complèlement ce tube. Elles laissent à l'extrémité où prend naissance le canal sécréteur un espace qui est en forme d’enlonnoir et qui a été indiqué par M. Mac-Leod. Nous venons de voir que les fibres des glandes sont striées, mais que la striation n’est pas loujours très nette. Ce fait se présente pour d'autres muscles du corps des Arachnides. Treviranus, Brandt et plusieurs autres auleurs ont décrit une couche musculaire située au-dessous des téguments de l'abdomen et formée par des fibres placées côte à côte. Cel- les-ei présentent des caractères identiques à celles des glan- des venimeuses de certaines Araignées. La strialion longilu- dinale est on ne peut plus nette, mais la striation transversale ne l’est pas du lout. Elle est encore moins évidente que dans les fibres des glandes venimeuses. Cela ne doit pas élonner, si on songe que ces fibres ont le même rôle physiologique. Elles compriment des masses molles qui offrent peu de ré- sistance, aussi on a là des fibres embryonnaires qui doivent se contracter moins rapidement que celles qui donnent des 54 PAUL GAUBERT. mouvements rapides el qui agissent sur des organes résis- tan(s. Même chez les grosses espèces, telles que les Nephila, des Lycoses, je n'ai jamais observé des fibres musculaires entourant le canal excréteur. Les fibres musculaires ont habituellement une section carrée; cependant chez les Zila X.-notata, elle est losan- gique. Elles renferment des séries de noyaux en forme de bâlonnets dans leur intérieur (Mac-Leod). Tissu conjonchf. — Les résultats auxquels je suis arrivé difièrent de ceux de M. Mac-Leod. Pour étudier ce tissu, je crois qu'il est bon de s'adresser à des objets qui ont macéré longtemps dans l'alcool et qui ont été plus ou moins bien fixés. Quand la fixation est réussie, le tissu conjonclif est uni intimement au issu musculaire et au tissu glandulaire, et comme il est en lames excessivement minces, il est dif- ficile de l’étudier. | Dans des objets contractés, les fibres musculaires ont sur- tout subi la contraclion, de telle sorte qu'elles se sont iso- lées du tissu conjonctif et mettent ce dernier en évidence. Par la même raison les cellules glandulaires se sont dé- truites. Ce procédé ne vaut évidemment rien si on veut étudier la structure même du tissu conjonclif,maisil est excellent pour l'examen de sa disposition anatomique. (PI. I, fig. 10 et 11.) Sur des coupes, on observe une membrane épaisse ser- vant de support aux cellules glandulaires, mais contraire- ment à la description de M. Mac-Leod, on peut voir que les fibres musculaires sont limilées à l’intérieur par un emem- brane conjonctive très mince, qui se continue avec celle qui sépare les fibres. Ces dernières ont donc, comme toutes les fibres musculaires, un périmysium interne el il n’y a pas de sarcolemme général, nom sous lequel M. Schimkewitsch désigne le tissu conjonciüif enveloppant l’ensemble du mus- cle, et la membrane qui supporte les cellules glandulaires n’est pas commune à ces dernières et aux fibres musculaires. La partie de la glande non recouverte par les fibres el le RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. DO canal excréteur possèdent la membrane propre de la glande. Cellules. glandulaires. — Elles ont été bien étudiées par M. Mac-Leod, qui a montré qu’elles pouvaient prendre toutes les formes, depuis la forme cylindrique jusqu’à la forme allongée d’une glande monocellulaire. Leur base est polygonale (PL. I, fig. 12): pour la voir il faut examiner au mieroscope une glande entière d’une petite Araignée, d’une Dyctina viridissima, par exemple. Elles sont plus évidentes si on l’a traitée par l'acide acétique. Elles se présentent sous l’as- pect d'une mosaique. On peut les voir dans le canal et dans la région dépourvue de fibres; mais dans le premier el dans une partie de cette dernière, elles sont beaucoup moins hautes et ne sont pas glandulaires. Donc la glande et son canal sont formés d’une membrane de tissu conjonctif, tapissé intérieurement d’une couche de cellules qui ‘sont un peu aplaties dans celui-ci, allongées et modifiées dans la glande. M. Schimkewitsch (1) a montré que la glande pro- venait d’une invagination ectodermique pleine. Le produit des glandes que nous venons d'étudier joue le rôle de venin. Il donne très rapidement la mort aux insectes, même lorsqu'ils n’ont été mordus que par une patte. Sur les Vertébrés, même très petits, l’action n’est pas énergique. Du- gès (2)a fait desexpériences sur lui-même. Il a constaté que la morsure de la Ségestrie perfide donne une sensation assez vive pour mériter le nom de douleur et qui se prolonge pen- dant cinq à six minutes. Il se produit une rougeur érysipé- lateuse ; au bout d’une heure et demie tout disparaît, sauf la trace des piqûres. J'ai répété les expériences de Dugès avec l’Epéire diadème et la Tégénaire domestique, et je suis arrivé aux mêmesrésultats. La douleur et l’action provoquées par le venin sont donc beaucoup plus faibles que celles qui résultent de la piqûre d'animaux de même taille, tels que les Guêpes, les Abeilles. (4) Schimkewitsch, Matériaux pour la connaissance des Aranéides (Mém. Ac. des sc. de Saint-Pétersbourg, supp. au t. LIT, n° 15). (2) Dugès, Observations sur les Aranéides (Ann. des sciences naturelles, 2e série, t. VI, 1836, p. 212). 56 PAUL GAUBERT. L'action du venin sur des animaux de la même espèce est très efficace. Une morsure d’une Epéire diadème donne la mort à une autre Épéire el même assez rapidement. Donc, en résumé, j'admettrai, après Dugès, que ce venin agit surtout sur les Arthropodes et à une action peu con- sidérable sur les Vertébrés. Cependant on a attribué à la morsure de la Tarentule une action sur le système nerveux. Il est démontré aujourd'hui que cette opinion est erronée. Cependant il existe une Araignée réellement venimeuse, c’esl le Latrodeclus Katipo, qui vit à la Nouvelle-Zélande. La sécrélion des glandes venimeuses doit avoir un cer- tain rôle dans la digestion. Elle doit renfermer des ferments qui modifient les liquides que l’animal absorbe par succion. GLANDES PATELLAIRES. Chez le Cyrtauchenius Walkenaeri, le Pachylomerus ædfi- catorius, araignées appartenant à la famille des Therapho- sides, j'ai découvert dans le quatrième article des pattes am- bulatoires et, à son extrémité périphérique, des tubes glandu- laires, en nombre variable, mais généralement il en existe une dizaine environ. Îls sont placés dans le voisinage du nerf qui traverse l’arlicle, et sont réunis ensemble par du tissu conjonclif (pl. EL, fig. 6). Ces tubes sont sinueux et sont obli- ques par rapport à l’axe de l’article, de telle sorte qu’en cou- pant l’article dans un plan parallèle à celui de la patte, on obtient la coupe transversale des tubes. Ces tubes glandulaires sont simples ou bien ramifiés. Ils débouchent séparément à l'extérieur, à la face dorsale et à l'extrémité distale du quatrième article. La glande est donc composée de plusieurs systèmes canaliculaires. Sur une coupe transversale on voit que le tube glandu- laire est formé par des cellules disposées en cercle, limitant à l'intérieur un canal très étroit. Celles-ci sont courles et ont un gros noyau à leur base. Par leur forme elles diffè- rent des cellules glandulaires des glandes maxillaires et de la glande du rostre. Ces dernières sont très allongées el ont RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 07 la forme d’une pyramide dont la hauteur est considérable par rapport aux dimensions de la base. Chaque tube glan- dulaire est limité à l'extérieur par une couche de tissu con- jonctif. [ls arrivent dans les deux tiers du quatrième article et on en trouve même à la base du cinquième article. L'épi- thélium de la glande est en continuité avec la couche hypo- dermique, el par conséquent est une modilicalion de celte dernière. Les glandes pédieuses n'existent pas chez toutes les Arai- gnées. Elles paraissent manquer chez les Dipneumones, du moins je ne les ai pas trouvées chez celles que j'ai étudiées. CHAPITRE TI ORGANES DES SENS DES APPENDICES. Sur les appendices des Arachnides se trouvent placés des organes des sens dont la fonction n'est pas bien connue el qui sont de nature différente par leur forme el leur structure dans les divers groupes. Ces organes sont : 1° Les organes lyriformes, existant chez les Aranéides, les Phalangides, les Pédipalpes et les Chélifères ; 2° Les peignes des Scorpions: 3° Les raquettes corales des Galéodes ; 4° Un organe que j'ai découvert à l'extrémité des palpes el de la première paire de pattes (deuxième paire de palpes de certains auleurs) chez les Galéodes. Nous allons passer en revue ces différents organes. ORGANES LYRIFORMES. Indépendamment des productions étudiées dans les cha- pitres précédents, les téguments présentent des organes qui doivent avoir une certaine importance, car ils ont une grande fixité dans leur forme et leur position el apparaissent dès le début de la vie aclive de l'animal. DS PAUL GAUBERT. Historique. -— M. Bertkau (1) en 1878 a découvert sur le corps des Araignées des fentes isolées ou groupées ensem- ble et alors placées à l'extrémité distale des articles. Il décrit un renflement placé au milieu de la fente recou- verte par une fine membrane et recevant une fibre ner- veuse. M. Dahl(2) (1883) décrit un organe placé à l'extrémité dis- {ale du sixième article. Il a observé des fentes parallèles tra- versant la cuticule, et décrit au-dessous d'elles un vaisseau. M. Schimkewitsch (3) (1885) donne la disposition de cet or- gane sur les pattes de l'Epéire diadème. [1 constate que sur les palpes il présente des positions différentes de celles qu'il a sur les pattes et qu'elles ne sont pas les mêmes pour cha- cune de ces dernières. Il décrit cet organe comme formé d’un cadre chilineux qui peut êlre incomplet et des bords duquel partent des cordes parallèles et striées. Il donne en outre sa structure chez la Lycose et décrit des filets nerveux se ren- dant à ces organes et en communication avec des cellules ganglionnaires, mais 1l n’a pas vu la réunion de ces der- nières avec le nerf pédieux. En outre M. Schimkewitsch (4) a décrit sur la face infé- rieure du céphalothorax des pores qui sont analogues à ceux des organes lyriformes, mais dont il n’a pas reconnu la nature. | M. Bertkau (5) (1885) rappelle ce qu'il a donné sur la structure de ces fentes. M. Wagner (6) (1888) reconnaît que cet organe présente à l'extérieur une membrane très mince, qui d’après lui mas- (1) Bertkau, Versuch einer naturlichen Anordnung der Spinnen nebst Be- merkungen zu einzelnen Gattungen in Arch. f. Nat., 1878, p. 354. (2) Dahl, Archiv. j. micr.anat., 1885, p. 1-10. (3) Schimkewitsch, Sur un organe des sens des Araignées (Zool. Anz. n° 201, 1885, p. 154). (4) Schimkewitsch, Recherches sur l'anatomie de l'Epéire (Ann. des sc. nat., 183%, pr) (5) Bertkau, Bemerkungen zu Schimkewitsch's Notiz (Zool. Anz., t. VII, pp. 537 et 538). (6) Wagner, La mue des Araignées (x), p. 295. LS RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. D9 querait les renflements arrondis qui se frouvent au milieu des cordes et qui avaient été auparavant signalés par M. Bertkau. Telles sont les données que l’on possédait sur ces organes lorsque j'ai entrepris leur étude. Les résullats que J'ai ob- tenus ont été communiqués en partie à la Société philo- mathique. J'étudierai d’abord les fentes qui sont situées sur le céphalothorax el je passerai ensuite à l’élude des organes qui se lrouvent sur les appendices et qui alleignent un degré de perfeclion plus élevé. ORGANES DU CÉPHALOTHORAX. J'ai dit plus haut que M. Schimkewitsch avait décrit, sur le plastron de l’Epéire diadème, des pores placés symé- triquement sur les bords de la face inférieure du céphalo- thorax et disposés en six groupes, irois de chaque côté. Il a donné en outre des coupes de ces pores. Ces pores sont beaucoup plus allongés qu'il ne l’indique. Ils se présentent sous la forme d’une fente très allongée, présentant un élar- gissement en forme de canal à son milieu. J'ai constaté la présence de ces fentes (PI. LE, fig. 16) chez loules les Araignées et généralement elles présentent à peu près partout la même disposition, cependant Je vais passer en revue les différentes familles. Theraphosidæ. — L'animal étudié est le Cyrtauchenius Walkenaeri, qui vit en Algérie. Sur un exemplaire, j'ai trouvé les {rois groupes de fentes signalées par M. Schimkewitsch sur l’Epéire diadème, mais chaque groupe était réduit à une fente unique. Sur un second échantillon, j'ai aussi conslalé la présence de ces fentes, mais chaque groupe en renferme deux. Il est probable que le premier animal était plus Jeune que le second, du reste il était plus pelit. Ces fentes ont vers leur milieu une dilatation considéra- ble en forme de canal, qui est placée sur les côlés de la fente. Elle ne se trouve qu'au-dessous de la dernière couche de chitine qui est ici très mince et qui forme une membrane 60 PAUL GAURBERT. empêchant la communication complète de l'extérieur avec l'intérieur. Les fentes présentent la position et la direction suivantes. Les fentes du premier groupe sont placées sur les bords du plastron entre la première et la deuxième paire de pattes. Elles sont parallèles au bord du plasiron où s'articule la pre- mière paire de pattes. Le deuxième groupe de fentes est placé entre la seconde el la troisième paire de pattes, à une faible distance du bord. Elles sont dirigées vers la pointe postérieure du plastron. Les fentes du troisième groupe sont situées vis-à-vis l’ar- liculalion de la troisième paire de pattes ; elles sont dirigées de façon à former, avec celles du côté opposé, un angle plus grand que celui de la parlie postérieure du plastron. Ces fentes ne sont pas absolument disposées symétrique- ment par rapport à l’axe médian du plastron. leur direction seule l’est, ou du moins elles sont parallèles à la ligne symé- trique des fentes opposées. Quelquefois deux fentes du même groupe sont tellement rapprochées l’une de l’autre, qu’elles communiquent ensemble par leur canal, qui est alors unique pour les deux fentes (PL. E, fig. 16 ts). Chez la Mygale aviculaire, on trouve aussi ces {rois grou- pes de fentes. Chacun d’eux en renfermait trois chez l’ani- mal que J'ai observé. Les fentes sont remarquables par le erand diamètre du canal. Attidæ. — Animaux examinés : Affus arcuatus, Synageles venator, Salticus scenicus, Eresus cinnaberinus, etc. Chez ces animaux J'ai constaté la présence de trois groupes de fentes qui présentent la même situalion et la même direction que celles des Theraphosides. Cependant le canal est en pro- portion moins large que dans les fentes des animaux de la famille précédente. T'homisidæ. — Animaux étudiés : Thomisus citreus, Heteropoda venatoria, Micrommata smaragdina, ete. Les fentes sont disposées comme dans les familles précé- dentes, mais elles sont plus nombreuses, trois ou qualre à RECITERCHES SUR LES ARACHNIDES. 61 chaque groupe, et sont de grandeur inégale. Généralement les plus petites sont celles qui sont placées plus avant vers le centre du plastron. Le canal médian situé au milieu de ja fente est ici très étroit. Drassidæ. — Animaux étudiés : Clubiona pallidula, Dras- sus lividus, etc. Le premier et le troisième groupe ont chacun trois fentes, le second en a deux. Lycosidæ. — Animaux examinés: Lycosa saccata, Dolo- medes fimbriatus. Lycosa ingens, ete. Le plastron présente les mêmesfentes que dans les familles précédentes. A gelenidæ. — Animaux examinés : Tegenaria domestica, Teg. parietina, Cœlotes atropos, etc. Mêmes caractères que chez les animaux précédents. Argyronelidæ. — Animal examiné : Argyroneta aquar- tica. Rien de particulier. Dysderidæ. — Animal examiné: Dysdera erythrina. Le plastron présente aussi les trois groupes de fentes, celles- ei sont très allongées, très étroites et au nombre de une ou deux pour chaque groupe. Scytodidæ. — Animal examiné: Scytoda thoracica. Trois groupes de fentes très étroites avec un canal d’un diamètre double de la largeur de la fente. Ces fentes ont une forme identique à celles qui constituent les organes [vriformes com- posés des appendices. Pholcidæ. — Animal examiné : Pholcus phalangoïdes. Les fentes sont semblables à celles des Scytodes. Epewidæ. — Animaux étudiés : Epeira diademata, E. um- bratica, Argiope Bruennichü, Zilla X notata. La disposition des fentes de l’Épéire diadème a élé exactement décrite par M. Schimkewitsch. Seulement elles sont beaucoup plus allongées qu’il ne l’indique. Disposition des fentes sur les divers téquments. — Le pre- mier tégument de l’Araignée est formé par la membrane de l'œuf {1), aussi il ne possède pas ces fentes. Mais le second, (4) Simon, Histuire des Aranëid-s, 1864, p. 40. 62 PAUL GAURBERT. qui esl la première enveloppe chitineuse propre à l’Arai- gnée, en est pourvu. Elles sont disposées sur trois régions comme chez l'adulte, mais chacune d'elles ne renfermait chez l'animal examiné qu'une seule fente. Le tégument suivant présente les mêmes groupes de fentes : l'antérieur et le postérieur en ont deux, tandis que celui du milieu est toujours réduit à une seule. Les tégu- ments de l'adulte présentant un plus grand nombre de fentes, on peut en conelure que leur nombre va en augmentant avec l’ordre de succession des mues. D’après les descriptions précédentes, on voit que les fentes sont disposées d'une façon uniforme chez tous les Aranéides, et qu'il est très difficile de les distinguer en s'appuyant sur les caractères de celles-ci. On peut seulement en conclure 1° que le nombre des fentes est moins considérable chez les Tétrapneumones que chez les Dipneumones; 2° que les fentes du groupe médian sont moins nombreuses que celles des groupes antérieur et postérieur, et 3° que le nombre des fentes va en augmentant avec le numéro d'ordre des tégu- ments; cependant deux téguments successifs peuvent avoir le même nombre de fentes. Structure des fentes. — Elles sont décrites par M. Schim- kewitsch (1) comme ayant des bords épaissis et présentant une largeur plus considérable dans la couche inférieure de la culicule. Cette dilatation en forme de canal ne se trouve qu’au milieu de la fente, comme Je l'ai dit plus haut. La fente ne met pas en communication l'intérieur avec l'extérieur, par suite de la présence d’une fine membrane la recouvrant à l'extérieur. Dans la partie élargie de la fente arrive une ter- minaison nerveuse dont il sera parlé plus loin. ORGANES LYRIFORMES DES APPENDICES. Sur les appendices, les fentes que nous avons vues isolées sur le corps se groupent de façon à former des organes par- (4) Schimkewitsch, Anatomie de Epéire diadème, p. 7, RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES, 63 faitement déterminés. M. Schimkewistch (1) a décrit ceux de l'Épéire diadème, mais la forme et la position qu'il leur accorde sont inexacles. Voici Les résultats qu'il a donnés : Fuce supérieure des pattes : Le premier article est dépourvu d'organes. Le deuxième article de la première et de la deuxième paire de pattes n’a pas d'organes, mais sur la (roisième el sur la quatrième paire on trouve un crgane simple. Le troisième article de toutes les palles a un organe sim- ple, mais sur les pattes antérieures 1l est placé près du bord antérieur, et sur les deux paltes postérieures près du bord postérieur. Sur le quatrième article de la première et de la deuxième paire de pattes, il existe un organe simple qui est placé près du bord antérieur du bout distal, mais il n'existe pas sur la troisième el sur la quatrième paire de pattes. Sur le cinquième article, la disposition de ces organes est la même que sur le précédent. Face inférieure des pattes : Sur le premier et Le troisième article, ces organes n’exis- tent point. Sur le deuxième article, on trouve un organe simple près du bord antérieur du bord distal, sur les deux pattes anté- rieures de chaque côté, ct près du bord postérieur sur les deux pattes postérieures. Le quatrième et le cinquième article des deux paites antérieures de chaque côté ont un organe double, et sur les pattes postérieures, un organe simple. Les deux organes sont placés près du bord distal. Sur le sixième article de toutes les pattes il y a un organe simple placé sur la surface antéro-postérieure de l’article. Sur les palpes ils sont distribués de la façon suivante : Sur le premier article, un organe simple sur la face infé- rieure près du bout proximal de l’article. (1) Schimkewitsch, Sur un organe des sens des Araignées (Zool-Anz., 1885), p. 464 et 465. 64 PAUL GAUBERT. Sur le deuxième article, un pareil organe est placé sur la face supérieure près de l'extrémité distale. Sur la face inférieure du troisième article se trouve un or- gane double au milieu du bout distal. Les articles quatrième et cinquième des palpes sont pri- vés de ces organes. D’après mes observalions la disposition de ces organes est la suivante (PI. I, fig. 44 et 15): / Premier article des pattes et des palpes. — Un organe à la face inférieure et àl’extrémité distale. Deuxième article. — Trois organes, un à la face supé- rieure, un à la face inférieure el Le troisième à la face pos- térieure. Troisième article. — Deux organes placés à l'extrémité dis- tale, un à la face antéro-dorsale, l’autre à la face dorso-pos- térieure. Quatrième article. — Trois organes placés généralement vers le milieu de l’arlicle. Cinquième article. — Trois organes à l'extrémité distale. Sixième article. — Un organe à la face supérieure et à l'extrémité distale de l’article. Cet organe a élé signalé et décrit par M. Dahl. Sephième article. — Pas d'organes, cependant on trouve quelquefois des cordes isolées. | Les quatre paires de paltes ont des organes semblables et les quatre premiers articles des palpes ont des organes placés comme ceux des pattes. | Telle est la disposition générale des organes lyriformes sur les membres des Aranéides. Les variations qu'ils pré- sentent sont peu considérables. On voit, d’après ce qui précède, que mes résultats diffèrent beaucoup de ceux de M. Schimkewitsch. Ces organes sont très difficiles à voir, à cause de leurs faibles dimensions el surtout parce qu'ils se confondent avec le reste de la couche de chiline. Pour étudier ces organes, on peul, lorsque l’Araignée est RÉCHERCHES SÜR LES ARACHNIDES. 65 petite et que les téguments des paltes sont transparents, les observer directement sous le microscope, mais il vaut nieux se servir des léguments provenant de la mue, ou encore d’une patte qu'on à traitée par la potasse ou la soudé. caustique jusqu'à destruction complèle des lissus et que l'on colore par l’hématoxyline. Ces organes seront éludiés dans les différentes familles. i Famille des Eperidæ. Premier article des pattes. — L’organe, placé à l'extrémité distale et à la face inférieure du premier article (PI. IF, fig. 2), est formé par deux ou trois bandes placées à une faible distance l’une de l’autre et dirigées parallèlement à l’axe de l'article. Ces bandes sont d’une longueur de 0**,2 environ. Elles présentent vers le milieu un renflement. Cet organe présente les mêmes caractères sur les quatre paires de pattes. Deuxième article. — Organe de la face supérieure ou dor- sale (PI. IT, fig. 8). — Il est placé à une faible distance de l'articulation et est constilué par deux parties: une formée de neuf fentes de longueur inégale. La plus longue se trouve au milieu de l’organe, les autres vont en diminuant graduel- lement de longueur à partir de celle-là. Elles ne sont pas rigoureusement parallèles et forment entre elles un angle très aigu, ayant son sommet vers l’arliculation. Elles présen- tent un renflement placé vers leur extrémité proximale. L'autre moitié est formée de huit cordes, dont les plus longues sont au milieu de l'organe; elles font, comme celles de l'organe précédent, un angle très aigu; leur longueur moyenne est moindre que celle des fentes précédentes. Cette partie est celle qui se trouve le plus près de l'articulation. Organe de l'articulation (PI. IF, fig. 3). — Il présente un caractère tout à fait parliculier. Les fentes, au lieu d'être groupées comme dans Îles organes précédents, sont isolées et l'organe présente beaucoup d’analogie avec les fentes du céphalothorax. On peut dire qu'il est dissocié. Nous verrons que cet organe présente de nombreuses variations ANN. SC. NAT, ZOOL. XIII, 5. — ART. N°2, 66 PAUL GAUBERT. quand on l’examine dans différentes espèces, et qu’on trouve tous les degrés entre l'organe tout à fait dissocié, à cordes complètement isolées, et l’organe ordinaire, semblable à celui que l’on trouve sur les autres articles. L'organe que nous venons d'étudier se trouve près de l'articulation à la face postérieure, à la face antérieure, et diamétralement opposé à celui-là on trouve des fentes isolées semblables à celles qui viennent d'être décrites. L'organe de la face inférieure n'existe pas chez l'Épéire diadème. | Troisième article. — À l'extrémité distale du troisième arlicle se trouvent deux organes, un à la face antérieure et l’autre à la face postérieure. Organe de la face antérieure (PI. IL, fig. 12). — Il est formé de huit à dix fentes parallèles et est placé au-dessus de l’apo- physe articulaire. La première fente, celle qui est située vers la face dorsale et qui est en même temps la plus rapprochée de l'extrémité distale de l’article, est la plus longue. La longueur des autres va en diminuant graduellement à me- sure qu’on s'éloigne de celle-là. La plus grande est trois fois plus longue que la plus courte. Ces:cordes sont à peu près parallèles à l'axe de l’article, mais vers leur extrémité dis- tale elles sont légèrement courbes. La convexité est tournée vers la face dorsale. Ces fentes présentent une dilatation en forme de canal dont le diamètre est double de la largeur de la fente. Elle est placée aux deux tiers de la longueur en partant de l'extrémité distale. En réunissant ces canaux par une ligne on obtient une courbe dont la concavité regarde la face inférieure et l'extrémité distale de l’article. Organe de la face postérieure (PI. Il, fig. 10). — Il est, comme le précédent, situé près de l’articulation. Les fentes les plus longues sont ici placées vers la face inférieure et elles vont en diminuant de longueur à mesure qu'on s’ap- proche de la face dorsale. L’organe a la même forme que celui de la face antérieure, seulement il présente une dispo- sition inverse. Il se présente comme si on avait fait faire RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 67 une rotation de 180° au premier. Il est formé de neuf ou dix cordes présentant une dilalation vers les deux tiers de leur longueur à partir de l’extrémilé distale. Elles sont un peu courbes, comme celles de l’autre organe. J'ai rencontré chez l'Épéire diadème cet organe ayant la même forme que celui de la face antérieure, mais celle disposition est une anomalie et est très peu fréquente. Quatrième article. — Sur le quatrième article, on trouve trois organes, un à la face antérieure el deux à la face pos- térieure. Organe de la face antérieure (PI. IE, fig. 4). — C'est le plus simple des trois. Il est formé par cinq ou six cordes parallèles, à peu près d’égale longueur et formant par leur ensemble un parallélogramme. Elles sont parallèles au plan qui passerait par la charnière du troisième et du quatrième arlicle et le bord inférieur de l'extrémité distale du qua- trième arlicle. Il peut arriver qu'elles soient un peu courbes. Chaque fente porte une dilatalion vers les deux tiers de son extrémité distale et, comme elles sont d’égale longueur, la ligne, en joignant ces dilalalions, est une droite. Chez l'É- péire diadème cel organe est placé vers le tiers de l’article à partir de l'extrémité distale. Les deux organes de la face en/éro-postérieure (PI. TH, fig. 1) sont placés l’un à côlé de l'autre, n'étant séparés que par une bande étroite. Ils sont à peu de distance du bord articulaire, auquel ils sont réunis par une large bande de cuticule transparente comme la culticule articulaire et dé- pourvue de poils. Un épaississement chitineux se trouve vers leur extrémité distale. Celui qui est situé vers la face supérieure (A) est en rapport direct avec la plaque chitineuse dont je viens de parler. Il est formé de douze à vingt fentes augmentant de longueur à mesure qu'on se rapproche de la face inférieure. Les plus longues sont les cinquième, sixième et septième; les hui- ième, neuvième el dixième sont un peu plus courtes. Les canaux sont près de l'extrémité proximale. 68 | PAUL GAUBRER. : L'organe (B) qui est le plus rapproché de la face inférieure a une forme rectangulaire, dont la longueur est parallèle à l'axe de l’article. Les cordes sont dirigées parallèlement à la diagonale du | rectangle et par conséquent ne sont pas parallèles à l’axe de l’article. D’après cette disposition, les cordes du milieu, qui sont très rapprochées de la diagonale, sont les plus longues et vont en diminuant de longueur à mesure qu’on s'approche des angles opposés. Elles présentent un renfle- ment vers l'extrémité distale et la ligne qui joint ces dila- tations forme une ligne brisée à peu près parallèle aux bords du rectangle. La membrane qui recouvre ces fentes est striée transversalement et les renflements sont peu visibles. Cet organe possède un grand nombre de cordes : on en compte Jusqu'à vingt. LAND Cinquième article. — Un organe à la face antérieure el deux à la face postérieure. Le premier est formé par une dizaine de fentes parallèles à l'axe de l’article et droites. Celles qui sont situées du côté dorsal sont les plus fonce et vont en diminuant de lon- gueur à mesure qu'on s'approche ‘de la face inférieure. Leur ensemble forme un triangle ayant pour base la grande corde, et pour sommet opposé le milieu de la petite corde. Les lement sont placés vers les deux tiers de l’extré- milé distale. L’organe est placé à 1 millimètre environ du bord articulaire. | s NTM TUE Les organes de la face postérieure sont aussi très rappro- chés des bords de l’extrémité de l’article. Celui qui est le plus rapproché de la face dorsale est formé de dix cordes environ parallèles à l’article el d’inégale longueur; les plus longues sont celles qui sont placées du côté dorsal : l'organe a par conséquent la forme triangulaire comme celui de la face antérieure. Les canaux présentent aussi les mêmes rapports de position. Unis par une ligne, celle-ci présente Sa concavité vers l'articulation. Le plus petit côté du iriangle est formé par la ligne joignant les extrémilés proxi- RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 69 males des cordes, tandis que dans l'organe de la face anté- rieure, c'est celui qui esl formé par la ligne joignant les ex- trémilés distales. F. | Les fentes du troisième organe sont moins nombreuses que dans les précédents : il y en a généralement cinq ou six et elles sont plus rapprochées du bord articulaire. Elles forment un triangle isocèle ayant pour base la plus grande corde, qui est toujours située du côté dorsal, el pour sommet le milieu de la petite. Les fentes de cet organe sont plus droites et un peu plus courtes que celles des deux organes précédents. Les organes du cinquième article, bien qu'ils aient une forme. à peu près semblable, peuvent donc être distingués l’un de l’autre. | Organes du sixième article. — Un organe lyriforme se trouve placé à l'extrémité distale du sixième article et transversalement, comme l’a indiqué M. Dahl. Il est placé à la base d’un prolongement du bord articulaire de lar- licle et que je désigne sous le nom de gaine, un peu plus sur la face antérieure que sur la face postérieure. Les fentes qui le constituent sont au nombre de quinze environ, elles sont plus larges. Dans les organes précédemment dé- erils, un renflement médian existe toujours, mais il est moins apparent, à cause de la largeur de la fente, qui se présente comme un losange très allongé. Les fentes qui sont les plus rapprochées du bord articulaire sont les plus écartées. Il peut en exister deux sur la même ligne. Les autres sont parallèles, très rapprochées, étroites, el offrent un canal placé sur les deux tiers de leur longueur à parür de l'extrémité postérieure de la corde. Si nous nous rappe- lons que les autres organes avaient des fentes dont le renflement élait placé aux deux tiers de la longueur à partir de l'extrémité distale, on peut en conclure que l’extré- mité postérieure de l'organe {ransversal du sixième article correspond à l’extrémilé distale des autres organes. Très souvent, à la face inférieure du même arlicle, on 70 PAUL GAUBERT, trouve une fente isolée, dirigée parallèlement à son axe et: tout près du bord articulaire. On a là un organe très simple, réduit à une seule corde. Mächoires et palpes. — Près de la ligne de raccorde- ment des mâchoires avec les palpes el sur celles-ci, se trouve un organe (PI. Il, fig. 9) composé d’une dizaine de cordes presque parallèles et placées transversalement. Les plus longues sont celles qui sont situées vers l'extrémité dis- tale de la mâchoire, elles vont en diminuant graduellement de longueur. Les premières sont plus espacées que les autres. Le renflement se trouve à peu près au milieu des fentes. Vers l’extrémilé libre de la mâchoire, à une petite dis- tance de la crête dentaire, on trouve des fentes isolées placées au milieu d’une zone claire assez grande. Le deuxième, le troisième et le quatrième article des palpes sont semblables à ceux des pattes, aussi ne doit-on pas s'élonner de {rouver les mêmes organes avec des dispo- sitions identiques. Cependant, comme ces arlicles sont plus petits, les fentes sont un peu plus courtes et quelquefois leur nombre est moindre que sur les organes des pattes. Sur le cinquième article, on ne trouve aucun organe formé par des fentes groupées. Cependant celles-ci existent et sont placées à la face dorsale dans l’axe de l’article : elles sont au nombre de cinq à huit et de grandeur inégale. | À l'extrémité du sixième article, tout près des griffes et à la face inférieure, on trouve deux ou trois fentes isolées di- rigées un peu obliquement par rapport à l'axe de l’article. Chélicères. — A l'extrémité distale de l’article basilaire des chélicères et sur la face externe se trouvent deux organes lyriformes (PI. Il, fig. 11). L'un d'eux, le plus rapproché de la face dorsale, présente une dizaine de fentes dirigées vers les pointes du crochet. Les plus longues se trouvent vers le côté externe et elles vont en diminuant graduellement de longueur à partir de celles-là. L'ensemble de l'organe présente donc une forme triangulaire ayant pour base la grande corde qui serait le RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. TA plus grand côté. Le plus pelil, formé par une ligne joignant les cordes, est silué près du bord distal de l'article basilaire, Le second est formé par le même nombre de fentes ayant une direction différente. Leur direction fait un angle droit avec celle des premières. La ligne joignant les canaux est parallèle à l’axe de l’article. Les fentes les plus allongées sont les plus rapprochées de l'articulation, elles sont plus écar- tées que les autres. _ Telles sont la forme et la position des organes Iyriformes chez l’Épéire diadème. Mes recherches ont portésur d’autres animaux apparlenant à celte famille : le Z//a X notata, l’£peira umbratica, les Nephila, les Gasteracantha, ele. Les -organés se présentent toujours avec les mêmes formes, du moins quant à la disposition générale. L’organe qui se trouve à l’arliculation du deuxième article est toujours dissocié. On ne peut guère se servir de ces organes pour la dis- tinclion des espèces ni pour celle des genres. Cela ne doit pas être impossible, mais il se présenterait de grosses difficul- tés. D'abord, pour étudier ces organes, il faut avoir un gros- sissement assez grand, ce qui n’est pas pratique pour déter- miner rapidement les espèces, mais ce n’esl qu'une difficulté matérielle. Les organes présentent chez loules les espèces et chez tous les genres les mêmes formes; les variations que nous trouvons dans les diverses espèces de la famille des Epeiridæ sont de même nature que celles que l’on trouve sur les mêmes organes appartenant à des pattes différentes et à des téguments différents. Je dois rappeler que ces varia- tions n’ont aucune importance. Ainsi l'organe qui se trouve à la face antérieure du quatrième article, de rectangu- Jaire peut devenir triangulaire, et c'est celui qui varie le plus. Au début de mes recherches, j'espérais trouver de bons caractères, en me. basant sur cet organe, pour classer les genres et les espèces dont la position zoologique est discutée par les arachnologues, mais j'ai été bientôt déçu, lorsque j'ai vu que des animaux appartenant à des familles éloignées avaient des caractères peu différents. A plus forte raison 12 PAUL GAUBERT. les différences entre les organes des animaux appartenant à la même famille devaient-elles être de peu d'importance. Bien que les variations de famille à famille soient peu considérables, je vais les passer en revue el essayer ( de mon- trer les différences qui SA présentent. Lee Famille des Dan de Animaux étudiés : None Degeeri. Sundevall et P. maxillosa, Hahn. La famille des T elragnatidæ est très voisine de celle des E peiridæ, aussi ne trouve-t-on pas de différences sensibles entre les organes que nous observons sur les appendices de ces animaux el ceux que nous avons trouvés sur l’Epéire dia- dème. L'organe du premier article des pattes ne présente généralement qu'une seule fente, au lieu de deux ou trois comme chez l'Épéire. Celui de a du deuxième article est dissocié comme dans la famille des £peiridæ et les organes du qualrième arliele se trouvent placés au Liers de la re eu parlant de l'articulation avec le ARE articles Fumille des Agelenide. Animaux étudiés: Tegenaria domestica, L. T. murina, Walckenaer, Agelena labyrinthica, L. La disposition des organes lyriformes est la même que chez les £peiridæ; on constate nus ns ue rences. L'organe de la face antérieure du quatrième arlicle, au lieu d’avoir la forme d’un parallélogramme ou d'un PE est ovale, la ligne qui joint l'extrémité des cordes est courbe au lieu d’être droite. En outre, les fentes ne sont pas aussi droïtes que chez l'Epéire diadème; aussi les organes, bien qu'ayant la même forme typique, sont plus irrégu- liers, et généralement elles sont plus nombreuses, même pour des animaux En les mêmes dimensions que l'Épéire diadème, RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 19 _ La différence la plus considérable qui existe porte sur les organes du deuxième article des pattes. On constate la pré- sence d’un organe à la face inférieure de l’article et celui qui est placé à l'articulation, chez la Tégénaire domestique, n’est pas dissocié. Il tend à l’être chez un animal de [à même famille,:le Cælotes atropos. Chez celui-ci les fentes ne soni pas parallèles, elles font un angle plus ou moins grand entre elles et viennent se rejoindre à leur extrémité distale, c’esl- à-dire sur l’apophyse articulaire. Il y a donc un commence- ment de groupement. | Famille des Lycosidæ. PTE étudiés : Lycosa ingens, L. saccata, Dolomedes nue iatus, etc. _ Les organes lyriformes des Evycosides se Ron Lan de ceux des Tégénaires. Sur les chélicères, indé- pendamment des deux organes existant chez toutes les Arai- gnées et dont les cordes de l’un sont parallèles à l’axe et celles de l’autre lui sont perpendiculaires, on trouve des fentes isolées près de la face inférieure des chélicères. Elles sont moins allongées que celles qui se trouvent sur l’organe et sont au nombre d'une dizaine environ (PI. IL fig. 16). _L'organe placé à la face postérieure de l’article est formé par cinq ou six fentes isolées et parallèles. Il est donc sem- blable à celui des Epéires. 5 Le second article nous présente encore deux autres orga- nes. L'un d’eux est constitué comme celui de l’Epéire, c'est-à- dire formé de deux parties; mais la différence entre la longueur des fentes des deux moitiés est beaucoup plus considérable que chez l’Epéire. L'autre organe, qui n'existe pas chez l'Epéire, mais qui se trouve chez les Tég génaires, est ici représenté el a une forme ovalaire. Les organes du quatrième article sont placés près de l'extrémité distale. Celui de la face antérieure est formé par des fentes assez longues et droites. Les organes du cinquième article ne sont pas triangulaires 74 PAUL GAUBERT. comme dans l’Epéire, mais se rapprochent de ceux de la. Tégénaire. Famille des Drassidæ. Animaux examinés : Drassus lividus, Clubiona pallidula, etc. Les organes sont identiques à ceux des familles précéden- tes. Ceux des chélicères sont cependant un peu plus allon- gés et on trouve, à quelque distance de l'articulation de l’article basilaire avec les griffes, deux ie isolées avec un renflement au milieu. Chez le Clubiona pallidula, j'ai ot à la face inférieure du cinquième article une fente isolée parallèle à l'axe de l'article. Re | Les organes du quatrième article se trouvent placés à son milieu. La bande de chitine dépourvue de pigment, unis- sant les deux organes de la face postérieure à l’arliculation, est très étroite. L'organe de la mâchoire est composé d’un nombre de cordes beaucoup moindre que celui des Tégénaires, on en compte trois, qualre, cinq seulement. Des fentes très cour- tes et isolées se trouvent près de la crête dentaire. Elles sont dirigées suivant la longueur de la mâchoire. La striation transversale de la membrane qui recouvre les fentes, et que M. Schimkewitsch a signalée dans s l'Epéire diadème, est ici très visible. Famille des Thomisidæ. Animaux examinés : Heteropoda venatoriau, Thomisus citreus, etc. Chez l’Heteropoda venatoria, qui est une Araignée de forte taille, les fentes sont nombreuses. L’organe du premier ar- licle des pattes en a trois. Celui qui est à la face dorsale du deuxième article en a une quarantaine environ. Celui de l'articulation, placé à la face postérieure, en a neuf qui vont en divergeant à parlir de Dee arliculaire : 1l y a donc une tendance à la dissociation. Je n’ai pu meltre en évidence RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 79 l'organe de la face inférieure du trochanter, il est probable qu’il manque comme chez l'Epéire. Les organes du quatrième article sont très rapprochés du bord distal. Les caractères des autres organes sont les mêmes que dans les familles précédentes. Les organes du 7'omisus citreus ne diffèrent en rien de ceux de l’Heteropoda venatoria, si ce n’est que les cordes sont un peu moins nombreuses. L'organe de la face inférieure du deuxième article manque el celui de la face dorsale est ovoïde. Famille des Dysderide. Animaux étudiés : Dysdera erythryna, Segestria perfida, etc. Les organes lyriformes sont formés d’une manière générale par de longues cordes presque droites et moins nombreuses que dans les familles précédentes. L'organe du premier arlicle est formé de deux ou trois bandes. | | Sur le deuxième article se trouvent trois organes. L'un à la face antéro-supérieure, près de l'articulation, est formé de quatre cordes isolées parallèles à l’axe de l’article et d'une longueur à peu près égale. Les deux autres sont à la face postérieure, mais tandis que nous avons vu que, dans les autres familles, ils élaient _ formés d'un grand nombre de cordes, ici on en irouve quatre ou cinq seulement. Sur le troisième article, les organes ont la forme que nous avons étudiée précédemment. À la face antérieure du quatrième article, nous trouvons un organe formé de cinq fentes parallèles et à une petite dis- tance l’une de l’aulre. A côté, ou comme nous le verrons chez le Cyrtauchenius Walkenaeri, nous trouvons une fente isolée parallèle aux précédentes (1"° patte). À la face postérieure, on trouve deux autres organes placés 16 | PAUL GAUBERT, à une petite distance de l'extrémité proximale de l’article et réunis à l'extrémité distale par une longue et élroite bande de chitine incolore, Leur position les distingue donc des ani- maux que nous avons déjà étudiés. :. Sur le cinquième article, on trouve trois organes {rian- gulaires semblables à ceux de l'Epéire. Sur le sixième article l'organe transversal à à quaire ou cinq fentes placées au même niveau. Les palpes éccnteat es mêmes organes que les pattes, mais les fentes sont moins nombreuses, Famille des Scytodide. Animal ‘examiné : Scytoda on L'organe de la face inférieure du premier Rone est remarquable par le grand nombre de fentes qui le compo- sent : onen ‘trouve sept à huit au lieu de deux ou trois comme dans les Araignées étudiées jusqu'ici. Elles sont de longueur inégale et les plus longues sont celles qui sont placées vers la face antérieure. Sur les palpes le même organe n’est formé que par deux fentes. a AE 0 D D 0 co ez Animal examiné : Pholcus phalangioides. Sur le premier article et à la face supérieure près de l'extrémité distale, on trouve un organe formé comme chez les Scylodes de cinq ou six cordes très date >S avec un renflement bien évident. LA | Les organes du second article sont au Aube de trois, deux à la face postérieure et un à la face antérieure. Céli qui se trouve près de l’apodème d’articulation postérieur est formé par un nombre restreint de cordes, celui qui est vers la face supéro-postérieure en à beaucoup moins. Ces deux organes diffèrent par leur forme de ceux de l’Epéire dia- dème, L’organe de la face antérieure est situé près de RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 71 l’apodème d’articulation et les fentes sônt parallèles au bord libre et incliné de l’article, de telle sorte qu'au lieu d'être parallèles à l'axe, elles font avec celui-ci un angle assez grand, de 30° environ. Ceux du quatrième se trouvent très près du bord disfal. Les deux organes placés à la face inféro- -postérieure sont un peu différents de ceux de l'Epéire, ils ont moins de cor- des, et celui qui est placé vers la face inférieure possède à son extrémité distale une bande épaisse de chitine. Les autres organes ne présentent rien de particulier. Famille des Theridionidæ. Animaux étudiés : Diplocephalus tristatus, Ther idium piclum, etc. Les organes sont identiques à ceux des Pholcidæ, cepen- dant l'organe du second article est ici formé par quatre ou cinq bandes isolées, tandis que chez les PAolcus le même organe n est pas de Comme les Theridionidæ sont des animaux de pelite taille, le nombre de cordes est généra- lement plus faible que chez les animaux appartenant aux autres familles. Ainsi les organes : du troisième article n ont que quatre ou cinq fentes, au lieu de neuf. | Famille des Hersilidæ. imite étudié : Hersilia caudata. Les organes Ivriformes de cet animal présentent quelques particularités intéressantes. Sur le premier article on trouve un organe formé de deux ou trois fentes, sur le second il y en à trois. Celui qui est placé sur Pod d’articula- tion est formé pardes cordes isolées, généralement au nom- bre de cinq. L'organe de la face antéro-supérieure est constitué par un très grand nombre de bandes formant un triangle, les plus longues sont celles du milieu. Celui de la face inférieure est différent quant à la posi- tion de ceux que nous avons éludiés. Vers le milieu du tro- 78 PAUL GAURBERT. chanter se trouve un épaississement chitineux (ransversal, d'où partent des bandes allant vers l'extrémité distale de l’article, de telle sorte que l’organe paraît être dirigé en sens inverse des autres. Les organes du quatrième article sont placés près de l'extrémilé distale. Le sixième arlicle de l’ÆAersihia est divisé en deux par- lies, on ne trouve aucun organe à l'extrémité distale de la première, mais sur celle de la seconde existe l'organe transversal des autres Araignées. La disposition des organes lyriformes nous montre donc que c’est le sixième arlicle qui s’est divisé en deux. À l’extrémilé du septième article, on lrouve une bande placée dans l'axe de l’arlicle et isolée. Nous avons vu que sur les palpes on en trouvait plusieurs à l’article terminal. Famille des Theraphosidz. Les organes lyriformes existent chez les Araignées létra- pneumones avec la même disposition que chez les Araignées dipneumones. Les parlicularilés qu'ils-présentent ne son! pas plus importanles que celles qu'on a vues dans les aulres familles. Comme les Mygales présentent une taille const: dérable on peut voir leurs organes avec un grossissement assez faible, de quarante diamètres environ. 1° Chélicères. — L'article basilaire des chélicères chez les Mygales est généralement plat vers l’intérieur, sa forme est différente de celle des Araignées dipneumones ; cepen- dant les deux organes que nous avons vus à la face interne des chélicères de ces dernières existent, mais avec une posi- tion différente (PI. IT, fig. 13). Près de l'extrémité distale de l’article basilaire se trouve un organe (PI. Il, fig. 14) à cordes transversales ayant la forme de celui qui lui correspond chez les autres Araignées. Les cordes sont au nombre de huit et vont en diminuant de longueur en s’éloignant du bord articulaire. RECHERCHES SUR LES ARACHNICES. 19 Le renflement est placé aux deux tiers de la longueur des fentes à partir de l'extrémité dorsale. Le second organe (PI. IT, fig. 14), au lieu d’être placé à côté du précédent, comme dans les familles que nous avons éludiées, en est éloigné. Il se trouve sur le bord dorsal de la face interne et est formé généralement par huit cordes placées dans l’axe de l’arlicle. Nous voyons donc que les cordes de cet organe sont perpendiculaires à celles du premier, comme chez les autres Araignées. Leur direction est restée la même bien que la posilion d'un de ces organes ait changé. La forme de l’organe est celle de celui qui est placé à la face antérieure du troisième article. Paîtes ambulatoires et Palpes. — L'organce placé à la face antérieure du quatrième article présente une particularité que nous avons rencontrée chez la Dysdère érythrine. Chez le Cyrtauchenius Walkenaeri, à côté de l'organe prin- cipal, formé comme celui des autres Araignées, on trouve deux ou trois cordes parallèles séparées du premier par une distance égale à la moilié de leur longueur (PL. IT, fig. 6). On ne doit point voir dans ces cordes un organe supplémen- taire, mais bien une dissociation analogue à celle que nous avons trouvée dans un des organes du deuxième article des patles ou des palpes. Il est à remarquer que les Dysderidæ et les T'heraphosidæ ont un appareil respiratoire présentant des caractères communs. Les animaux de la première famille ont deux poumons et deux trachées, ceux de la deuxième famille ont celles-ci remplacées par des poumons. M. Bertkau les range dans le même groupe, celui des Tetrasticta, par opposition à celui des Trishicta, n'ayant que trois ouvertures respiratoires. Les animaux de ce dernier groupe possèdent aussi deux trachées, mais elles n’aboutissent pas à la partie postérieure du corps et les deux ouvertures sont confondues en une seule. À la face dorso-latérale du second article se trouve un organe de forme triangulaire et présentant une profonde échancrure, à son extrémilé distale. Dans l'échancrure se 80 _ PAUL GAUBERT. trouve une baguette chitineuse très épaisse dirigée dans l'axe de l’article. Les cordes sont très nombreuses (PL F, fig. 18). * L'organe de la face inféro-postérieure est triangulaire. Les plus longues fentes se trouvent à la parlie inférieure et vont en diminuant graduellement de longueur à mesure qu'on s'éloigne de cette dernière. ‘ A Ja face postérieure du troisième article l'organe [yri- forme a beaucoup plus de cordes que celui qui lui correspond dans les autres familles ; aussi, bien que sa forme géné- rale soit la même, il est plus large à son extrémité proxi- male. | Les organes du quatrième article sont, comme ceux des Dysderidæ, placés à une faible distance de l’extrémité cen- trale. Ils sont reliés au bord articulaire périphérique par une bande longue et étroite de chitine incolore. Cetle dispo- sition les rapproche des Dysderidæ. Les autres organes n’offrent rien de particulier. Cepen- dant ceux du cinquième article ont une forme beaucoup plus arrondie que ceux des autres Araignées. Telles sont la disposition et la forme des organes lyri- formes dans les différentes familles. d'Aranéides, on voit qu'elles offrent peu de variations. ORGANES LYRIFORMES DES TÉGUMENTS SUCCESSIFS. L'étude des organes Iyriformes vient d’être faite sur des animaux adultes et qui possédaient leur enveloppe défini- tive. Il est intéressant de savoir si la disposition et la forme de ces organes sur la couche de chitine de l'animal sont variables avec le tégument. Le premier tégument, comme je l'ai indiqué plus haut, est formé par la membrane vitelline de l’œuf (Balbiani), par conséquent il est dépourvu de ces organes. Le deuxième tégument est à vrai dire le premier té- gument de l’Araignée, du moins c’est le premier qui est produit par la couche chilinogène. Il présente des carac- tères parliculiers, quant à la forme des griffes et des poils : RECHERCHES SUR LES ARACHNIDÉS. 81 aussi est-il facile de le distinguer des suivant(s. Les organes lyriformes existent à ce stade, mais leur nombre est consi- dérablement réduit. | Surles pattes on n’en trouve que deux. L'un d’euxest placé à la face supérieure el dorsale de l'extrémité distale du sixième article. Cet organe, comme nous l'avons vu, persiste chez l'adulte et esl formé de quatre ou cinq fenles seulement. L'autre est placé au milieu du qualrième article et est formé par quatre ou cinq cordes. Telle est la disposition des organes lyriformes sur le premier légument de l’£Epeira diademata. Elle est la même chez le Dyctina viridissima, ete. Ce tégument n'offre pas une longue durée, au bout de deux ou trois jours 1l s’en forme un nouveau. Celui-ci pré- sente les mêmes organes que nous avons trouvés chez l’a- dulte. Leur forme est la même, le nombre des fentes seul est réduit. Les téguments suivants présenteront des dispositions ana- logues à celui que nous venons d'étudier, le nombre de fentes va en augmentant avec l’ordre du tégument. On com- prend facilement que ces variations, bien que ne portant que sur le nombre de fentes, rendent très difficile l'emploi de ces organes comme moyen de déterminalion des genres ou des espèces. ORDRE DES PHALANGIDES. Chez les Phalangides, on trouve comme chez les Ara- néides des organes Îvriformes, mais ils sont heaucoup moins nombreux, et à cause des téguments épais et forte- ment colorés en brun, il est assez difficile de les étudier au microscope. Généralement les fentes, bien que groupées à des points fixes, ne sont pas aussi rapprochées les unes des autres que chez les Araignées el ressemblent aux groupes que nous avons trouvés sur la face inférieure du céphalo- thorax des Aranéides. Les organes lyriformes des Phalangides ne présentent pas ANN. SC. NAT. ZOOL. KI, 6. — ART N9 2: 82 PAUL GAUBERT. la fixité que nous avons trouvée chez les Araignées. cu disposition varie avec les familles. Famille des Phalangüda. Animal étudié. — Phalangium opilio. Pattes. — Sur l'article basilaire des pattes et à la face inférieure se trouvent des fentes transversales parallèles et à une cerlaine distance les unes des autres. Elles sont de grandeur inégale et présentent un renflement à leur milieu. Dans certains cas, elles peuvent se rapprocher beaucoup les unes des autres et alors elles présentent une ressemblance parfaite avec les organes lyriformes des Aranéides. Sur le deuxième article, je n’ai pas constaté la présence de fentes. Sur le troisième, on trouve de distance en distance des fentes isolées et placées transversalement sur l’axe de l’ar- ticle. Elles sont généralement assez grandes, leur dimension peul atteindre jusqu’à un quart de millimètre de longueur. À l'extrémité proximale de cet article et chez le Phalan- gium cornutum, j'ai constaté la présence de deux groupes de fentes placées transversalement et parallèles entre elles (PL IT, fig. 17). L'un d’eux est placé vers la face supérieure et l’autre vers la face inférieure. Ces fentes sont plus courtes que celles qui sont sur le reste de l’article el présentent un canal assez large. Les autres fentes de l’arlicle sont tout à fait isolées; l’une d'elles est placée près de l’arliculation, une autre au tiers environ de la longueur de l’article et l’autre aux deux tiers. Elles sont un peu courbées en S et vers leur milieu on trouve un pore. La troisième paire de pattes ne porte d'organes que sur le premier article. Cet organe est semblable à celui des Ara- néides. Les fentes, au nombre de trois ou quatre, sont très rapprochées l’une de l’autre et sont placées à l'extrémité distale. Sur le {troisième article de la 4° paire, les fentes sont RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 83 moins nombreuses que sur la première paire de pattes. Les autres pattes sont semblables aux précédents, aussi il est inutile de décrire leurs organes. Les palpes ne présentent pas Les bandes que nous trou- vons sur les pattes ambulaloires, ce qui distingue les Pha- langides des Aranéides chez qui nous avons frouvé des or- ganes identiques. Chélicères. — Des fentes parallèles existent aussi sur Îles chélicères et présentent la disposition suivante : Du côté in- terne de l’article basilaire el à peu près vers son milieu, on trouve quatre ou cinq fentes placées transversalement et à peu de distance les unes des autres. Elles ont les mêmes caractères que celles des pattes ambulatoires qui ont été décriles. IL est à remarquer que chez les Phalangides les bandes sont placées transversalement à l’axe de l’article au lieu d'a- voir la même direction que ce dernier comme chez les Ara- néides. Famille des Troqulidæ. Les Trogules sont des Phalangides, qui présentent une organisation inférieure à celle des Faucheurs et qui se rap- prochent des Acariens. Ils présentent des organes lyri- formes et les fentes sont plus nombreuses, mais semblables à celles du Phalangium opiho. Le type examiné est le 770o- qulus rostratus. Chélicères. — A l'extrémité distale du premier article des chélicères, un peu au-dessous de l’apodème d’articulation et parallèlement au bord terminal de l’article, on trouve géné- ralement une corde isolée présentant un renflement à son milieu. Vers le milieu de la face antérieure se trouvent cinq ou six fentes parallèles à la première. Elles sont placées à une assez grande distance l’une de l’autre, de telle sorte que les dernières arrivent jusqu au milieu de l’article. Elles ne pré- sentent pas la même longueur. 84 PAUL GAUBERT. À côté de cette série et vers la face dorsale, on en trouve une autre formée par des fentes plus courtes et alternant avec les premières. À l'extrémité distale et à la face dorsale du second article se trouvent quatre ou cinq fentes parallèles au bord de l’ar- ticulation. | À l'extrémité proximale et du côté interne du même article se trouvent des fentes à direction transversale à son axe. Sur l'animal examiné, elles sont au nombre de quatre, les plus longues sont du côté interne. Pattes ambulatoires. — Celles-ci ont des fentes qui sont isolées et placées transversalement comme chez le Phalan- gtum opilio, mais elles présentent une disposition différente. Leur étude est très difficile, car les téguments du Trogulus rostratus sont peu transparents, et la couche externe de chitine est très irrégulière. Elles ne se trouvent pas grou- pées sur l'extrémité basilaire du troisième article, ni sur le premier, mais sont disposées de façon à êlre assez éloignées les unes des autres. ORDRE DES PSEUDOSCORPIONS. Nous trouvons dans la famille des Chelifer des fentes iden- tiques à celles que nous avons trouvées chez les Aranéides et chez les Phalangides, ce qui les rapproche de ces deux or- dres. Du reste les recherches récentes de Croneberg (1) sur l'anatomie de ces animaux montrent qu'ils s’éloignent beaucoup par leur organisation des Scorpions, auxquels plusieurs auteurs veulent les rattacher, et qu'ils se rappro- chent au contraire des Phalangides. | Les fentes sont placées sur les palpes, les Foie ambula- toires et le thorax. Palpes. — Sur le quatrième article des palpes, à la face supérieure et près de l'extrémité proximale se trouvent trois fentes (PI. If, fig. 18 et 19), atteignant une longueur assez (4) Anatomie des Pseudoscorpions (Bulletin de la Société impériale de Moscou, 1887). LE RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 89 grande, disposées transversalement, parallèles et à une faible distance l’une de l’autre. Elles présentent un renflement à leur milieu. Elles sont de grandeur inégale, la plus longue est vers l'extrémité distale. Ces fentes sont identiques à celles que l’on trouve sur le plastron des Aranéides. Pattes ambulatoires. — Sur le troisième article et à l’ex- trémité centrale, on trouve trois ou quatre fentes sembla- bles à celles des palpes et également disposées. ORDRE DES PÉDIPALPES. Les Pédipalpes sont des Arachnides qui se rapprochent beaucoup des Araignées. Ils forment deux familles : celle des Télyphones et celle des Phrynes. On doit s'attendre à trouver chez ces animaux des organes semblables à ceux des Aranéides. Famille des Phrynes. J'ai observé le Damon Grayi, qui à été mis à ma disposi- lion par M. Eugène Simon. A l'extrémité distale du second article des pattes, à la face postérieure, et près de l’apodème d'’articulation, on trouve un organe ayant une douzaine de cordes environ. Elles sont dirigées approximativement dans l’axe de l’article, cependant elles font entre elles un angle assez faible et vont en convergeant vers l'extrémité distale. Les fentes sont très étroites et à une faible distance les unes des autres, celles qui sont vers la face inférieure sont plus écartées que les autres. Elles présentent un élargissement d’un diamètre double de celui de la fente, el placé près de l'extrémité proximale. L'organe lyriforme des Phrynes (PL. IT, fig. 20) est donc tout à fait semblable à celui des Aranéides, mais tandis que chez ces dernières nous en avons trouvé un grand nombre, chez les Phrynes il n’en existe qu’un seul sur chaque patte. Famille des Télyphones. J'ai étudié le Te/yphonus caudatus. Les appendices de ces 806 PAUL GAUBERT. animaux présentent des caractères tout à fait particuliers quant à la disposilion des organes lyriformes. Nous avons vu précédemment que ces fentes pouvaient être groupées (Aranéides et Phrynes) ou qu'elles pouvaient être isolées tout en étant parallèles (Aranéides); chez les Télyphones, les fentes se trouvent sur les cinq premiers articles des pattes (PL. IV, fig. 4), par conséquent plus nombreuses que chez les Phrynes, mais elles sont disposées au hasard tout en étant parallèles à l’axe des articles et sans un ordre déter- miné. Le T'elyphonus caudatus nous présente la couche de chitine ayant des taches plus claires que le reste de l’en- veloppe, c’est au milieu de ces laches qu'on rencontre les fentes. Les unes sont grandes, les autres beaucoup plus petites, et leurs dimensions ne paraissent pas être sou- mises à des règles fixes. Elles présentent comme toujours une dilatation placée à peu près au milieu de leur longueur. CONCLUSIONS. De cette étude, il résulte que les organes Ivriformes sont répandus chez les Aranéides, les Phrynes, les Télyphones, les Phalangides et les Chélifères ; les Galéodes, les Scor-. pions et les Acariens en sont dépourvus. La forme la plus simple de ces organes se trouve réalisée chez les Télyphones. Ils sont formés par une membrane recouvrant une fente. Les fentes sont disposées sans ordre sur les articles, mais elles sont toujours parallèles à l’axe des articles qui les portent. Chez les Chélifères, nous trouvons un degré de plus de su- périorité : les cordes sont toujours isolées, mais elles tendent à se placer par groupes de trois ou quatre et leur posilion est parfaitement déterminée. Les Phalangides ont des cordes ntistes à comme celles des Chélifères ; mais sur le premier article des paltes on en trouve qui sont placées à une très faible dislance les unes des autres. Les Phrynes ont des organes formés par plusieurs cordes RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 87 placées les unes à côté des autres. Chez ces animaux, l’or- gane atteint son plus haut degré de complication. Chez les Aranéides, nous trouvons toutes les formes que nous avons vues dans les ordres précédents, depuis l'organe compliqué des Phrynes jusqu'aux cordes isolées et disposées sans ordre des Télyphones, seulement celles-ci sont assez rares (fentes isolées des mâchoires). Ces animaux nous pré- sentent un fait remarquable, la multiplicité et la fixité de ces organes. Généralement, dans les deux règnes animal et vé- gétal, la fixité des organes est en raison inverse de leur nombre. Ici, malgré la pluralité des organes [yriformes, nous trouvons une très grande fixité. Le tableau suivant résume ce qui précède. Linguatules. | Tardigrades. Acariens. Scorpions. Galéodes. disposées au hasard, Télyphones. groupées, parallè- { Phalangides. Dépourvus d'organes lyriformes.......... Arachnides. Cordes les, largement es- pacéesetayantune Pourvus positionpixe er Chélifères. d'organes formés par des cordes lyriformes. très rapprochées les unes des autres et un seul àchaque pattes ne etre . Phrynes, Organes semblables à ceux des Phrynes mais très nombreux. En outre des cordes ISDIÉRS AMAR CEE Aranéides. Structure. — M. Dahl à donné la structure de l'organe lyriforme qui se trouve à l'extrémité distale et à la face dor- sale du sixième article. Sur une coupe, il représente les fentes comme traversant la cuticule de part en part, la couche chitinogène correspondant à l'organe est plus gra- nuleuse que dans le reste du corps et au-dessous d'elle se trouve un vaisseau. M. Bertkau décrit des terminaisons nerveuses allant à 88 PAUL GAUBERT. chaque fente. A l'extrémité de chaque terminaison ner- veuse se trouve une petile tige chilineuse s'appuyant sur la membrane qui limite la fente à l'extérieur. Sur des coupes transversales el en série, J'ai constaté que le nerf >» se délache de celui du membre el arrive dans la région de l'organe (PI. I, fig. 21). Là il envoie des prolonge: ments {», présentant sur leur trajet une cellule gn, analogue à celle qui existe dans les terminaisons nerveuses du peigne du Scorpion et des raquettes coxales qui seront décrites plus loin. Le prolongement se rend dans le canal qui se trouve aux deux liers de la longueur de fente. Au-dessous des organes lyriformes, la couche chitinogène présente de légères modifications, elle est plus épaisse que dans le reste du membre et est formée par des cellules avec des noyaux que l’on trouve placés entre les terminaisons nerveuses. On peut mettre plus facilement cette struclure en évidence, en examinant l’hypoderme qui se trouve au-dessous d’un organe lyriforme. On voit un nerf appliqué contre la matrice envoyer les prolongements décrits ci-dessus. FONCTION DES ORGANES LYRIFORMES, Les auteurs qui ont étudié les organes lyriformes se sont préoccupés de leur fonction. M. Bertkau en fait des organes des sens et il suppose que ceux qui se trouvent sur les palles el qui sont formés par plusieurs bandes placées les unes à côté des autres perçoivent les sons. Dahl, qui n’a étudié que l'organe placé à l'extrémité du sixième article des pattes des Araignées, pense qu'il sert à restaurer la soie. Celte hypothèse n’est plus admissible, car, comme je l'ai montré, les organes Iyriformes existent chez les Phrynes, les Pha- langides, etc., animaux ne produisant pas de soie. L’hypo- thèse de Carl Vogt et Yung, qui en font un organe facilitant l'échange des gaz du corps avec le milieu extérieur, n est pas plus fondée que la précédente. MM. Carl Vogt et Yung doi- vent s'être basés sur la coupe de l’organe Ivriforme donnée par M. Dahl : cel auteur a représenté un vaisseau au-dessous RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 89 des fentes, vaisseau qui n’existe pas généralement chez les Aranéides et jamais chez les animaux à trachées {rès déve- loppées (Dysdères). On sait que le développement de l’appa- reil cireulatoire est en rapport avec la localisation de la res- piration. Quand celle-ci est localisée dans les poumons ou dans les branchies, l’appareil circulatoire est très développé, il l'est au contraire très peu quand la respiration se fait dans tout le corps et c’est ce qui arrive dans la respiration irachéenne. Chez les Dysdères, l’on trouve des poumons et des trachées allant dans tout le corps de l’animal, sans se ramifier; l'appareil circulatoire, comme l'a montré M. E. Blanchard, a par conséquent subi une grande sim- plification et cependant les organes Iyriformes présentent chez les Dysdères la même disposition que chez les Mygales qui ont un appareil circulatoire bien développé. Puisque la forme et la posilion des organes Ivriformes ne sont nulle- ment influencées par les modifications des appareils circula- loire et respiratoire, on peut affirmer qu'ils ne contribuent en rien à l'échange des gaz. M. W. Schimkewitsch leur attribue le même rôle que celui dont jouissent les pores chordotonales de Graber et qui existent chez les Insectes adultes et chez leurs larves; ce rôle serait celui de l'audition. Mais, même chez les [nsecles, il n'est pas démontré d’une façon suffisante. M. Wagner partage l'opinion de Bertkau et de Schim- kewitsch, mais comme ces auteurs, il n’a donné, à ma con- naissance, aucune preuve à l’appui de celte hypothèse. J'ai fail des expériences pour mettre en évidence la fonc- tion de ces organes. Jene crois pas qu'ils servent à l'audition. Leur disposilion ne paraît pas concorder avec celle fonelion. En effet ils existent en grand nombre sur les pattes, sur les palpes, sur les chélicères, sur le céphalothorax, on trouve même des bandes sur la face inférieure de l'abdomen, en un mot sur tout le corps de l'animal. On aurait donc des êlres relativement élevés en organisation, ayant les organes de l'ouïe disséminés sur les diverses parties de l’individu, ce qui 90 PAUL GAUBERT,. est en contradiction avec les faits connus. En outre, aucune expérience n’a été faite jusqu’à présent, montrant que les araignées perçoivent les sons par ces organes el même il n’a pas été donné de bonnes preuves prouvant que ces animaux entendent. Les expériences que j'ai faites montrent que les organes lyriformes ont une fonction toute différente. On re- couvre les organes de plusieurs Lycoses ou Tégénaires d'une légère couche de vernis. Les organes étant très pelits sont in- visibles même avec un grossissement de 40 diamètres, mais leur posilion est bien déterminée et on vernit la partie qui renferme l'organe. L'opération doit être faite avec beauconp de soin, on doit chercher à recouvrir le moins de surface pos- sible, et à ne pas gêner le mouvement des articles. On place ces Lycoses ainsi préparées et les Lycoses n'ayant subi aucune opération dans un grand bocal de verre placé hori- zontalement. À une de ses extrémités on met des objets qui peuvent servir d’abri aux Araignées et on a soin de faire aller ces dernières dans cette partie. Lorsqu’elles sont toutes à l’état de repos, on chauffe légèrement en mettant la partie du bocal Jes renfermant dans de l’eau chaude. Quand la température commence à s'élever ‘les Araignées n'ayant subi aucune préparation abandonnent leur retraite et se diri- gent vers l’autre partie du bocal, celles qui ont les organes lyriformes vernis ne cherchent à fuir qu'un moment après, lorsque la température est plus élevée. Les organes Iyri- formes permettraient donc aux araignées de percevoir les sensations de chaleur. Si on examine la structure des organes lyriformes on se rend compte tout de suite qu'elle leur permet de remplir cette fonclion. En effet, tandis que la couche de chitine est épaisse sur tout le corps, elle est très mince dans les organes, et les terminaisons nerveuses qui arrivent au-dessous d'elle sont pour ainsi dire en contact immédiat avec l'extérieur. Il est en outre probable que ces organes perçoivent des sensalions du même ordre, telles que l'humidité et peut-être toutes les sensations générales, mais je n’ai pas réussi à faire des expériences concluantes. RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 91 PEIGNE. La dernière paire d’appendices des Scorpions prend une forme très curieuse, tout à fait caractéristique, rappelant celle d’un peigne, nom sous lequel on les désigne. Pour La- treille (1) elle serait portée par le premier anneau de l’abdo- men, mais M. E. Blanchard a montré qu'elle était ratlachée au dernier anneau du thorax. Historique. — La forme extérieure du peigne a été décrite d'une façon tout à fait sommaire par les anciens auteurs. Savigny (2) l’a assez exactement figuré. Meckel (3) le décrit comme un corps plat, ayant de courtes dents et se composant de trois parties, en allant d'avant en arrière. La plus antérieure est composée de trois articles dont le plus interne est le plus long et le plus fort. La deu- xième portion contient une vingtaine de petits disques. La troisième partie est formée de dents. Treviranus (4), Duméril (5), Dufour (6), ont aussi donné la description de ces organes. M.E. Blanchard (7), chez Scorpio occitanus, distingue une partie plane et allongée, amincie el arrondie au bout, offrant une ligne longitudinale qui règne dans toute sa longueur et figurant ainsi deux lames étroites entièrement unies. L’une et l’autre ont une arliculation basilaire, mais l’antérieure seule s’insère sur le sternite dans loute sa longueur, la pos- térieure n'y est insérée que par son angle antérieur, elle demeure libre dans le reste de son étendue, ce qui permet à l’appendice de se rapprocher de la ligne médiane du corps. La première lame, outre son article basilaire qui est oblong, ) Latreille, Règne animal de Cuvier, t. IV, p. 267. ) Savigny, Description de l'Égypte. Arachnides, pl. VII, fig. 1. ) Meckel, Anat. comp., t. II, p. 134. ) Treviranus, Ueber den inneren Bau der Arachniden. Nurnberg, 1812, pl. I, fig. 5, p. 3. (5) Duméril, Zoo! analyt., p. 290. (6) Dufour, Étude anatomique et physiologique des Scorpions. Mém. de l’Ac. s (1 (2 (3 (4 des Sc. — Savants étrangers, t. XIV, p. 634. 7) Blanchard, L'organisation du règne animal. Les Arachnides, p. 21. 92 PAUL GAUBERT, ne présente que deux articulations, l’une vers le milieu, l'autre vers les rois quarts de sa longueur. La lame postérieure, outre son article basilaire, qui est une fois moins large que haut, offre en outre huit divisions formant autant de lignes arquées, Au bout inférieur de la lame postérieure s'implantent des tiges contiguës les unes aux autres (lamelles ou dents du peigne). M. E. Blanchard décrit en outre un article basilaire très court à chaque lamelle, M. E. Simon (1) donne une bonne descriplion morpholo- gique du peigne. Il distingue dans cet appendice trois séries de pièces. Une dorsale comprenant une pièce basilaire très allongée, une seconde plus courte et parallèle à la troisième qui est terminale. La seconde série formée par des pièces mé- dianes s’arrêle à la base de la troisième pièce dorsale. La troi- sième série est composée par les pièces basilaires des lamelles, On voit donc que les naturalistes se sont surtout occupés de la forme extérieure du peigne et qu'ils ont laissé de côlé l'étude anatomique. Celle-ci était cependant indispensable pour connaître la fonction de ces organes. Le peigne présente de nombreuses variations quant à sa forme générale et à ses dimensions. Il peut avoir un grand nombre de dents (Bufhus australis) ou bien un petit nombre (Scorpio). La description suivante s'applique à celle du premier ani- mal (PI. TT, fig. 1) : Le peigne est constitué par plusieurs pièces : d’abord une pièce dorsale et articulée P,, avec le thorax, ayant la forme d'une gouttière et limitant sur ses parties latérales les tissus du peigne. Une pièce latérale P,, placée au-dessous de la précédente et venant se placer à sa partie postérieure au même niveau que la précédente, de telle sorte que la pièce du côté opposé se trouve réunie à celle qui lui correspond. Les auteurs décrivent cette pièce comme formée de deux autres, (1) Eugène Simon, Les Arachnides de France, t. VII, 1879, p. 85-86. RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 93 l’une d’elles semblable à la pièce dorsale el lui faisant suite. Cela a lieu en appareuce, mais ces deux pièces unies inti- mement sont presque immobiles l’une par rapport à l’autre; et enfin une pièce terminale en forme de gouitière comme la première et arrondie à son extrémité libre (P,). À la face supérieure du peigne, c’est-à-dire à la face qui est appliquée contre le corps, se trouvent, au-dessous de la seconde et quatrième pièce, des plaques qui ont un bord ar- rondi vers les lamelles et un bord droit vers l’intérieur du peigne. Elles alternent avec les lamelles et leur nombre est égal à celui de ces dernières. Ces plaques sont réunies par de la cuticule articulaire. A ces plaques alternent des pièces ayant la forme trian- gulaire et enveloppant la base des lamelles comme une gaine. Elles ont leur sommet à la base des dents du peigne. La base opposée à ce sommet est arrondie, les deux autres bords sont droits de telle sorte que leur forme est celle d’un sec- teur. À Ja face inférieure ou externe on trouve des éminences alternant avec les lamelles et portant trois poils allant en divergeant. Toutes les plaques sont soudées entre elles par de la cuticule articulaire, ce qui permet au peigne de se plier plus ou moins. Système musculaire. — Les muscles (PI. IT, fig. 1 »2,) don- nant le mouvement général au peigne sont fixés d’une part sur le céphalothorax et d'autre part sur la première pièce du peigne. Îls s’insèrent directement sans l'intermédiaire de tendons et sont au nombre de quaire. [ls ont pour rôle de donner le mouvement dans tous les plans au peigne. Dans cet organe on trouve plusieurs séries de muscles. L'une d'elles est formée par les muscles se fixant d’une part au bord libre ou antérieur du peigne et d'autre part à la base de lamelles. Chacun d’eux (2) est composé de cinq ou six fibres musculaires à strialion transversale très nette. Elles s’insèrent directement sur les téguments du bord anté- rieur, et par des tendons très courts et formés par le péry- misium des fibres musculaires, à leur autre extrémité. 94 PAUL GAUBERT. Les muscles qui agissent sur les deux premières dents viennent du céphalothorax, ils sont réunis en un seul à leur point d'insertion sur ce dernier. Tous ces muscles sont parallèles et dirigés à peu près dans l'axe des dents du peigne et en même nombre que ces der- nières. Chez le Buthus australis que j'ai examiné, il y avait trente-deux dents et trente-deux muscles. Une autre série est formée par des musclestransversaux (m.) s’insérant, d’une part, sur le bord de la plaque dorsale et d'autre part sur les plaques lalérales. Quand on examine le peigne au microscope et placé sur une des faces, on voit les points d'insertion disposés comme l'indique la figure. Dans la partie distale du peigne, qui est formée par la plaque terminale, ces muscles se montrent comme ceux de la pre- mière série, © est-à-dire qu'ils paraissent être parallèles aux faces du peigne. | Une troisième série comprend des muscles », et m, placés près du bord antérieur du peigne. Ils ont pour rôle de faire mouvoir les trois pièces limitant le peigne dans sa partie dépourvue de dents. L'action de ces muscles et celle de ceux de la deuxième série impriment au peigne une torsion légèrement en spirale. Chez les Scorpions dont le peigne offre un nombre très restreint de dents, le système musculaire est beaucoup moins développé, mais on trouve loujours ces trois groupes de muscles. Terminaisons nerveuses. — Au peigne se rend un nerf ve- nant de la chaîne ganglionnaire ventrale arrivant jusqu'à l'extrémité de l’organe et placé assez près du bord anté- rieur. Au niveau de chaque lamelle, ce nerf envoie une branche qui arrive à son extrémité, à laquelle il se termine par un ganglion. Si on examine au microscope une lamelle on voit que celle-ci présente à son bout libre et à sa face inférieure de petites éminences coniques, lrès minces, très courtes, et disposées régulièrement. C'est au-dessous de celte région que se lrouve le ganglion. Sur des coupes trans- RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 95 versales on constate que celui-ci renferme des cellules gan- glionnaires disposées en chapelets allant du nerf à la couche chitinogène. Les chapelets sont sur une coupe longitudinale de la lamelle au nombre d’une vingtaine environ et chacun montre de cinq à dix cellules. Chaque cellule possède un noyau volumineux. Entre les séries de cellules on voit passer des fibres nerveuses. (PI. II, fig. 2 et 3.) Du ganglion{G), partent des prolongements nerveux (/), tra- versant la couchechitinogène (H), qui esttrès épaisse etse ren- dant à la base des éminences coniques (p), signalées plus haut. Ces dernières recouvrent un pore analogue à celui des poils, mais plus petit; il est rempli par le protoplasma de la couche hypodermique. Chaque prolongement présente sur son trajet, mais un peu plus près du ganglion que de sa terminaison périphé- rique, une cellule nerveuse fusiforme (9), offrant, comme celles du ganglion, un gros noyau. | Entre le ganglion et la couche chitinogène se trouve la cou- che conjonelive (fc), qui limite celle-ci à l'intérieur et qui est dans cette région très développée. Les noyaux de la première sont disposés au hasard entre les lerminaisons nerveuses. Fonctions du peigne. — On à émis un grand nombre d’hy- pothèses sur la fonction de cet organe. Duméril pensait que c'étaient les organes de la respira- tion qui à ce moment n'étaient pas connus. Meckel, se basant sur ce que chez le Scorpio europœus le peigne est plus développé chez le mâle que chez la femelle, en fait un organe servant à l’accouplement. Treviranus admet que ces organes sont le siège de la sensualité. Tulk (1) croit que les peignes servent à décrasser les palpes, les tarses et le bout de la queue. Dufour pense qu'ils servent à la copulation et en par- ticulier comme organe d’excitation. (1) Tulk, Annals of nat. hist., XV, p. 56. =, 96 PAUL GAUBERT. M. E. Blanchard suppose qu'ils servent à l’accouple- ment. « Si l’on lient compte de la position qu'occupent «les appendices pectiniformes de chaque côté de l'ori- « fice génital, si l’on songe que l’accouplement ne peut « avoir lieu que le mâle et la femelle placés ventre à ventre, « que la longueur du corps et la surface unie du tégument « sont des obstacles à cette juxtaposition, on demeure « presque convaincu que les appendices pectiniformes ser- « vent simplement aux deux individus à se soutenir dans « la situation nécessaire, les lamelles du peigne s enchevè- « trant les unes dans les autres. » Cambridge admet aussi que ce sont des organes d’ac- couplement. Mais jusqu'à présent aucune Dee the n'était venue confirmer cette hypothèse. M. Brongniart et moi (1) avons montré que ces organes servaient à maintenir les deux indi- vidus pendant l’accouplement et qu'il est incontestable à cause de la structure des lamelles, de leurs éminences coniques à la base desquelles aboutissent des terminaisons nerveuses, que ce sont des organes de tact et d’excitation. En outre on peut voir facilement que lorsque l’animal veul monter sur un obstacle, et qu'il est placé de facon à n'être appuyé que par ses parties antérieure et postérieure, les peignes sont alors mis en mouvement pour venir toucher ce dernier. RAQUETTES COXALES. Dufour (2) a désigné sous le nom de raquettes coxales de petits appendices qui sont portés par la quatrième paire de pattes. Ils sont au nombre de cinq de chaque côté : deux sur le premier article, deux sur le second et un sur le troisième. Dufour a étudié la forme extérieure de ces organes et il dis- (1) Charles Brongniart et Gaubert, Étude sur les fonctions de l'organe pec- tiniforme des Scorpions (C. R. Ac. des sc., 28 déc. 1891). (2) Dufour, Anat. physiol. et Hist. nat. des Galéodes. Mém. des savants étrangers, 1862, p. 363. RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 97 Ungue une partie cylindrique qu'il désigne sous le nom de pétiole, et une partie élargie supportée par la première, en forme de secteur, la palette. Cet auteur n’a pas donné la structure de ces organes, il dit seulement que la palette renferme dans son intérieur une masse pulpeuse et que le bord convexe se termine en biseau. Van Hasselt (1) a donné une descriplion morphologique des raquettes coxales et en même temps il à décrit à leur intérieur des trachées et des fibres musculaires dans le pé- liole. J'ai eu l’occasion d’éludier des Galeodes barbarus que je dois à l'extrême obligeance de MM. Filhol et le général Derrécagaix. J'ai constaté que, comme l'avait indiqué Van Hasselt, on trouvait à l’intérieur des raquettes une trachée traversant le pétiole et se ramifiant dans la palette de manière à ame- ner l'air dans toutes les parties des tissus. On peut l’obser- ver facilement en examinant à un fort grossissement la pa- lette par transparence. En même temps, on observe un gros nerf parcourant le péliole, se divisant à son entrée dans la palelte en un grand nombre de branches qui se rendent au bord libre et convexe de la palette (PL II, fig. 4). L'ensemble de ces ramifications présente la forme d’un éventail. Si on fait des coupes transversales de la palette et suivant la direction des nerfs, c'est-à-dire allant du sommet de la palette au bord libre, on constate ce qui suit : Les ramifications du nerf N, pendant une partie de leur trajet, ont les tubes nerveux qui les constituent unis en- semble, ensuite ils se séparent plus ou moins (Pl. IT, fig. 5) et se réunissent de nouveau. Quand ils arrivent près du bord libre ils présentent des cellules nerveuses (9), une par chaque tube, et à ces dernières font suile des prolongements ner- veux (#9) arrivant à une éminence conique (e), très courte. Les éminences sont placées sur une autre beaucoup plus grande (4) À. W. M. Van Hasselt, Siudien oven de Galeodiden of Solpugiden en hunne protaangsels in Tijdschr. Ent., 1884, p. 99-112. ANN. SC. NAT. ZOOL, XIII, Ÿ. — ART. N° 9, 08 PAUL GAUBERT. située au fond d’une goutlière dont les bords se touchent presque. La structure histologique des raqueltes coxales permet d'affirmer que ce sont des organes sensoriels et probablement un organe du tact. Mais comment se fait-il que les agents extérieurs agissent sur ces éminences coniques placées au fond d’une rainure assez profonde ? Je suppose que quand l'animal veut percevoir des impres- sions du dehors au moyen de ces organes, il a le pouvoir de faire dévaginer la goutlière et de mettre ainsi les éminences coniques en contact avec le milieu extérieur. À l'appui de cette hypothèse, J'ai fait les expériences suivantes : On plonge une raquelte coxale dans une dissolution de potasse pour délruire les issus, ou bien on la laisse séjourner un certain temps dans l’eau pour les ramollir; on pousse ensuite une injection d'un liquide quelconque, d’eau par exemple, dans le pétiole et on fait sortir à l'extérieur les éminences coniques. Le bord libre du pétiole se termine alors en biseau comme l'avait indiqué Dufour. Je montrerai plus loin l'influence de la turgescence sur le mouvement des articles et des poils articulés chez quelques Arthropodes et en particulier chez fes Araignées. [l est très probable que la Galéode, par le même mécanisme, doit faire sortir les cônes sensilifs protégés ordinairement au ones de la eee, sans qu'il existe aucun muscle. ORGANE SENSORIEL PLACÉ A L'EXTRÉMITÉ DES PALPES ET DE LA PREMIÈRE PAIRE DE PATTES DES GALÉODÉS. À l'extrémité des palpes et de la première paire de pattes des Galéodes, se trouve un organe présentant la constitution suivante : Il est formé par des tubes chitineux insérés sur le sque- lette externe, ouverts aux deux extrémités et placés à l’inté- rieur de celui-ci. À l'extrémité interne le tube est surmonté d’une sphère creuse dont le diamètre est triple de celui du tube (celui-ci est d'environ 1/100 de millimètre). A la sphère fait suite un cylindre d’un diamètre intermédiaire entre ce- RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 09 lui de la sphère et celui du tube et d’une longueur un peu plus grande que le diamètre de la sphère. Au cylindre fait suite un entonnoir dont la grande ouverture est à l'extrémilé libre. L'ensemble de l'appareil a la forme d’un battant de cloche. Ces tubes sont au nombre d’une quarantaine environ etilest très difficile de les voir. Pour le mettre en évidence, on [raite par la potasse caustique la partie de l’'appendice portant l'organe et on l’examine sous le microscope avec un fort grossissement. Il faut une certaine habitude pour voir les tubes, à cause de leur finesse, de leur faible coloration et de leur constitution qui est la même que celle du reste de la cuticule avec laquelle ils se confondent. On peut aussiles 1s0- ler avec des aiguilles très fines. Les tubes débouchent à l'extérieur el metlent en commu- nicalion l’intérieur de la patte avec l'extérieur. Leurs points d'insertion forment sur la patte ou sur le palpe un losange dont la grande diagonale est placée dans l'axe de l’article, et sur cette dernière el vers l'extrémité proximale on en observe quelques-uns, de telle sorte que la surface d'insertion a la forme d’un cerf-volant (PI. IIT, fig. 8). Pour connaître la slructure des tissus en rapport avec ces tubes, il faut avoir recours à des coupes transversales el longitudinales. On constate alors que la couche chitino- gène prend une épaisseur plus grande au-dessous de l’organe et qu’elle renferme presque entièrement les tubes. Elle n’est pas formée de cellules distincies, mais d’une masse plas- mique avec des noyaux. Dans le voisinage arrive un nerf qui est celui de l’appendice. Il envoie des fibres qui pré- sentent une cellule nerveuse semblable à celles qui existent sur le trajet des terminaisons nerveuses dans les raqueltes coxales et viennent aboutir à l'orifice de l’entonnoir. Le cylindre, la sphère et le tube sont remplis d’air, du moins chez les Galéodes mortes, et il est probable qu'il en est ainsi chez ces animaux vivants. Je n'ai pas eu à ma disposition des Galéodes vivantes, elles meurent avant d'arriver à Paris, malgré loutes les précautions qu'on peut prendre. Aussi je 100 PAUL GAUBERT. n'ai pas eu l'occasion de faire des expériences permeltant, d'établir leur fonction. La sphère remplie d'air rappelle les résonnaleurs el amène à penser qu'on a peut-être là des organes de l'audition, mais ce n’est là qu’une hypothèse. CHAPITRE IV SYSTÈME APPENDICULAIRE. On sait que les appendices des Arthropodes se trouvent placés par paire sur chaque segment du corps, du moins lorsqu'on s'adresse aux animaux de cet embranchement les plus simples en organisation. Mais chez ceux qui sont élevés dans la série, les somites se soudent plus ou moins entre eux el alors il est difficile de déterminer les segments portant les appendices. En même temps la partie posté- rieure ou abdomen est dépourvue de ces derniers. Les somites antérieurs peuvent se réunir et former deux parties : la tête et le thorax, et alors la première porte les organes appen- diculaires servant à la mastication et la seconde les mem- bres locomoteurs, ou les deux parties peuvent être réunies et ne former qu'un seul tronçon, le céphalothorax, portant tous les appendices. Aussi pour faciliter la comparaison de ces derniers, M. le professeur A. Milne-Edwards {1) les divise en deux groupes, d’après les relations avec le système nerveux. Je cite le texte du savant professeur. « Les recher- ches anatomiques de M. E. Blanchard sur les Arachnides montrent combien l'origine des nerfs affectés à certains appendices peut nous guider avec sûreté dans la détermi- nation des homologies, et en m’appuyant sur des considéra- tions du même ordre, je diviserai la série des membres, ou, ce qui revient au même, la série des segments qui portent les appendices, en un groupe procéphalique et un groupe postfrontal ou sternal. Les premiers de ces segments reçoi- ” (4j À. Milne-Edwards, Recherches sur l'anatomie des Limules (Ann. des se. nat., 1872, 5e série, t. XVII, p. 52). RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 101 vent leurs nerfs des ganglions cérébroïdes ou sus-æsopha- giens; les autres sont pourvus uniquement de nerfs prove- nant des ganglions sternaux ou post-æsophagiens. » La comparaison des appendices des Arachnides avec ceux des autres Arthropodes est ainsi facilitée. La première paire, qui forme à elle seule le premier groupe et qu'on désigne sous le nom de chélicères, correspond aux antennes des Insectes et des Myriapodes. En effet ceux-ci n'ont qu’une seule paire d’appendices procéphaliques qui constituent les antennes et qui ne servent pas directement à la manducation comme les organes correspondants des Arachnides. Ces derniers sont considérablement éloignés de leur forme pri- milive et disparaissent chez les Limules, comme l’ont montré les savantes investigalions de M. le professeur A. Milne- Edwards. « Chez les Arachnides, il y a aussi une paire de membres procéphaliques, mais, au lieu de constituer des antennes comme d'ordinaire, ces appendices sont employés à former des armes défensives ou des instruments de préhension désignés par les entomologistes sous le nom de chélicères, et cette déviation de la forme normale indique une tendance à l'avortement; car il est de règle que l'existence d’un organe déterminé est plus constante quand celui-ci est con- formé de la manière normale que lorsqu'il a subi des modi- fications profondes, à raison desquelles il est en quelque sorte dénaluré. » Les appendices antérieurs du second groupe se modifient pour servir à la manducation et les postérieurs subissent des modifications en vue de la locomotion. Savigny, en observant la bouche des Insectes, reconnut que les organes appendiculaires qui rentraient dans sa composilion prove- naient des modifications d’un type primitif qui donnait aussi les membres locomoteurs. Un générateur unique donne donc naissance à tous les appendices. Les observations de Savigny ne portaient que sur quelques Insectes, aussi son hypothèse avait besoin d’autres confirmations. Elles furent 102 PAUL GAUBERT. données par un anatomisle et un zoologiste de premier ordre, -H. Milne-Edwards (1), qui montra d’une facon péremploire la transformation des organes appendiculaires chez les Crus- tacés. Brullé (2) fit plus tard des recherches analogues, sur les Insectes, les Myriapodes et les Arachnides. Depuis celte époque d’autres observateurs ont apporté des matériaux à l'appui de l'hypothèse de Savigny, je crois cependant qu'il restait à établir plus nettement les homologies entre certains articles des membres et à montrer d’une façon délaillée les modifications qu'ils subissent avec leur fonclion. Je me suis basé surtout sur l'étude du système musculaire, qui est, Je -crois, la meilleure base sur laquelle on puisse faire de pareilles recherches. -_ J'étudierai d’abord les organes appendiculaires qui ser- vent à la manducation et ensuite ceux qui servent à la -Jocomotion. IA) APPENDICES BUCCAUX. Les pièces buccales des Arachnides sont, d’une manière générale, constituées sur un type commun. Elles sont for- mées par des pièces paires el des pièces impaires. Les recher- ches embryologiques et morphologiques ont montré que “celles-ci sont paires, du moins à l’origine. Cependant cela n’est pas établi d’une façon péremptoire pour tous les types. La paire antérieure ou procéphalique est formée par les chélicères et, comme nous l'avons indiqué plus haut, corres- pond aux antennes des Insectes et des Myriapodes. Certains auteurs, et en particulier Balfour, en étudiant l’embrvyologie des Aranéides, ont montré que les nerfs innervant les ché- licères ont une origine analogue à celle des nerfs des mandi- bules des Insectes, aussi ils les homologuent à ces dernières. Alors les Arachnides n'auraient pas d'antennes, et la pre- mière paire de pattes ambulaloires serait équivalente à la deuxième paire de mâchoires des Insectes. (1) Milne-Edwards, Histoire naturelle des Crustacés. (2) Brullé, Recherches sur les transformations des appendices dans les Arti- culés (Ann. des sc. nat., 3° série, t. II, 1844). RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 103 Tout récemment, M. A. Jaworowski (1) aurait apporté des preuves excellentes en faveur de l'hypothèse de Balfour. Les Arachnides, d’après cet auteur, auraient des antennes à l’état embryonnaire et elles disparaîtraient plus tard. Dans son travail, il décrit aussi des appendices abdomi- naux qui subissent le même sort. 222 EC ARANÉIDES. Les pièces buccales des araignées sont conslituées par les chélicères, qui sont des pièces paires, le rostre et la lèvre inférieure, pièces impaires et les mâchoires qui font partie des appendices ambulatoires, comme l’a montré M. E. Blan- chard. | Chélicères. — Les chélicères des Aranéides sont placés en avant du céphalothorax et sont formés de deux articles : l’article basilaire (cubital de Savigny) et la griffe(digital, Sav.). Cette dernière est mobile dans un plan vertical comme chez les Theraphosidæ ou dans un plan transversal, et alors les pointes sont dirigées l’une vers l’autre (Dipneumones). Près de l'extrémité du crochet et du côté externe, débouche le canal excréteur des glandes venimeuses, par un orifice en forme de fente (Mygale) ou plus ou moins arrondi. La forme extérieure des chélieères a été donnée par de nombreux observateurs et en particulier par M. Bertkau (2) qui a publié un travail très complet sur ce sujet. Avant de décrire la musculature des Chélicères, il est indispensable de donner quelques détails sur les muscles en général. Les muscles des Arachnides s'insèrent directement sur les téguments par leurs deux extrémités ou, et c’est le cas des muscles des appendices, à une extrémité par des ten- dons, celle-ci étant mobile. Comme le tendon d’abord simple (4) A.Jaworowski, Ueber die Extremitaten bei den Embryonen den Arachniden und Insecten (Zool. Anz., 1891, p. 164). (2) Bertkau, Ueber den Bau und die Function der Oberkiefer beiden Spinnen und ihre Verschiedenheit nach Familien und Gattungen (Arch. für Naturg., 1870). 104 PAUL GAURERT. se subdivise pour donner des ramifications et que les fibres musculaires s’insèrent à des niveaux différents, le muscle a la forme d’un cône allongé. H. Milne-Edwards (1) a signalé depuis longtemps ce fait chez les Crustacés et on peul dire qu'il existe chez tous les Arthropodes. Le nombre des tendons par lesquels s’insère un muscle sur les téguments est variable. [Il est en rapport avec la dis- tance du point d'insertion. Lorsque celle-ci est faible, comme dans les muscles du quatrième artiele des appendices ambu- latoires, les divers tendons s’insèrent directement sur les téouments. Chez les Acariens, les Chélifères, où les muscles des appendices sont très courts, beaucoup de fibres mus- culaires s’insèrent isolément sur l'article par un tendon assez court. Quand là distance qui sépare le muscle du point mobile est considérable, les divers tendons ne s’insèrent pas séparément, ils se réunissent en un tendon unique. Cela a lieu pour les tendons des griffes siluées à l'extrémité des paltes ambulaloires. D’autres exemples séront cilés quand nous étudierons la museulature. Les muscles des Arachnides, comme ceux des autres Arlhropodes, sont striés, bien que Donnadieu (2) ait décrit les fibres musculaires des Tétranyques comme étant dépourvues de stries. Les fibres musculaires des Araignées, comme l’a montré Arndl, représentent un élat embryonnaire des fibres slriées,. Elles possèdent à l’intérieur un grand nombre de noyaux qui sont placés dans l’axe et en plusieurs rangées qui peu- vent alteindre le nombre de six. Les noyaux sont aHongés et très rapprochés les uns des autres. Ces fibres musculaires possèdent un sarcolemme qu'il est très difficile de mettre en évidence à cause de la position des noyaux situés au centre el non entre la membrane cellu- laire et la fibre. Les fibres musculaires sont séparées par (4) H. Milne-Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. I, p. 152. (2 \ le 09, 1810. RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 105 une couche très mince de tissu conjonctif possédant des noyaux généralement placés aux points de réunion des lames conjonctives. M. W. Schimkewitsch décrit dans le sarcolemme un noyau, mais il est probable qu'il a pris cette couche conjonctive pour le sarcolemme. On a donné le nom de périmysium à la couche conjonclive qui entoure la fibre muscülaire. | L'ensemble de fibres musculaires se réunissant à un tendon est enveloppé par une autre couche de tissu conjonc- tif plus épaisse que la précédente et ces faisceaux muscu- laires sont eux-mêmes enveloppés par une autre couche con- jonctive. Celle-ci porte lenom de périmysium externe, tandis que l’autre porte le nom précédent de périmysium interne, Les ramifications des tendons ne sont pas disposées de la même facon dans les différents ordres d'Arachnides. Chez les Aranéides, les branches terminales sont placées sans ordre, au contraire chez les Scorpions et les Galéodes elles se trouvent sur le même plan, mais sur une coupe transver- sale on peut reconnaître facilement à quels animaux on a affaire, car les tendons des muscles des Scorpions sonl isolés les uns des autres, tandis que ceux des Galéodes sont réunis par des lames de tissu conjonclif. On a vu plus haut que chaque tendon est enveloppé par la couche chitinogène; celle-ci présente à l'extérieur une couche mince de {issu conjonctif; chez les Galéodes, elles est réunie à la couche du tendon voisin, ce qui n’a pas lieu chez les Scorpions. Muscles du crochet. — Les mouvements du crochel s’exé- culent toujours dans le même plan. L'article basilaire pré- sente deux prolongements arrondis que Lyonnet a désignés sous le nom d’apodèmes d'articulation et qui pénètrent dans une cavilé correspondante creusée dans la chitine du crochet. Ce mode d’articulation est très fréquent dans les muscles des Arthropodes. On comprend facilement, d'après cette disposition, que les mouvements de la griffe ne puissent se faire que dans un seul plan, c'est-à-dire qu'elle cst un gin- glyme angulare, 106 PAUL GAUBERT. Strauss-Durkheim (1) a décrit un extenseur el un fléchis- seur du crochet chez la Mygale. M. le professeur E. Blan- chard (2) donne quatre muscles, deux extenseurs et deux fléchisseurs. M. Schimkewitsch décrit chez l'Épéire diadème deux séries de muscles : un muscle extenseur et un groupe de fléchisseurs formé de trois muscles. J'ai étudié la musculature du crochet chez la Tegenaria domestica, elc., et j'ai constaté que les muscles du crochel sont au nombre de deux. L’extenseur placé en dehors s’in- sère à la face supérieure de l'extrémité proximale du crochet par l'intermédiaire de un, deux ou trois tendons, mais géné- ralement un seul, celui-ci se ramiliant à l'extrémilé par laquelle il est fixé aux fibres musculaires. Le nombre des tendons est variable avec les espèces. Le muscle fléchisseur est placé chez les Dipneumones du côté interne, il est beaucoup plus volumineux que le précé- dent et c'est lui qui contribue à donner la forme à l’article basilaire. Il s’insère à la face interne du crochet par un ou plusieurs tendons puissants et directement à la base du pre- mier article. Chez le Lycosa saccala, 1 n'existe qu'un seul tendon qui se ramifie bientôt en donnant un grand nombre de branches; chez l’Épéire diadème il y a trois tendons, ce qui donne l’apparence de trois muscles, chez le Pholeus phalangoides 11 y en a deux, chez le Lycosa ingens trois. On ne doit pas considérer l’ensemble des fibres musculaires s’insérant sur chaque tendon comme formant un muscle particulier (Schimkewitsch), mais comme une parlie du muscle fléchisseur. Muscles de l’article basilaire. — Ces muscles ont été élu- diés par Tréviranus, Strauss-Durkheim, Brandt, Wasmann, M. E. Blanchard chez la Mygale, par Kessler chez la Lycose, ct par M. Schimkewitsch chez l'Épéire diadème. (4) Strauss-Durkheim, Mémoire sur l'anatomie comparée des Arachnides, lu à l'Académie des sciences, le 1°" juin 1829. (2) E. Blanchard, L'organisation du régne animal (Arachnides, p. 221). RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 107 L'arlicle basilaire présente des mouvements variés, mais peu étendus. I est arliculé au corps de lanimal par un anneau complet de cuticule articulaire, de telle sorte qu'il peul se mouvoir dans tous les sens, aussi les muscles qui agissent sur lui sont très nombreux. Slrauss-Durkheim en décrit neuf et M. E. Blanchard sept chez la Mygale. M. W. Schimkewitsch en a signalé six chez l'Épéire dia- dème. J'ai étudié la musculature chez le Tegenaria muralis, le Dychina viridissima, V'Attus arcuatus, le Pholcus phalan- godes et j'ai conslaté qu'il existait six muscles dislincls. Mais ces muscles peuvent se diviser el présenter à une de leurs extrémités deux ou plusieurs insertions distinctes. Le fait est général chez les Arachnides, et d'ordinaire il y à d'autant plus de tendons distincts que le muscle est plus court. ROSTRE. Au-dessous des chélicères et entreles mâchoires, se trouve une pièce impaire, molle et couverte de poils, c’est le rostre, désigné encore lèvre supérieure, camérostome, labre. Sa face inférieure, formée par une lame chitineuse et plane, constitue la voûte du pharynx. Le plancher de celui- et est formé par une pièce impaire qui est la lèvre infé- rieure. Le rostre est dirigé verlicalement et est généralement deux fois plus long que large. À son extrémité exlerne il porle des poils, qui dans la plupart des Araignées sont den- lelés. J'ai observé que chez le Pholcus phalangoïides ces poils existent, mais qu'ils sont cylindriques, allongés, dé- pourvus de dents et se terminant par une surface arrondie. Dans l’un et l’autre cas, ces poils sont disposés symétri- quement et à l'extrémité terminale du rostre. La face inférieure ou voûte du pharynx est la plus Intéres- sante, car elle fait partie de l'appareil digestif et c’est sur elle qu'ont porlé mes recherches. Elle est formée par une lame chilineuse à structure compliquée. Elle à élé étudiée 108 PAUL GAUBRERT. par Tréviranus (1), Lyonnet, Dugès, Blanchard, Kessler, Plateau, Schimkewitsch, Mac-Leod. | Lyonnet (2) a observé la gouttière médiane de la lame. Dugès (3) a décrit la lame pharyngienne antérieure (c’est le nom que lui a donné M. Plateau) de la Mygale maçonne; YS J il a constaté une goutlière médiane et des stries transver- sales. M. E. Blanchard (4) a donné les mêmes résultats. Kessler (5), qui a étudié une Araignée dipneumone, la Lycose, décril aussi la gouttière médiane, les stries irans- versales et en outre de chaque côté des cils. Plateau (6) pour la Tégénaire, Schimkewitsch Jour P 5 | l'Épéire diadème, Mac-Leod (8) arrivent aux mêmes Ar que Kessler. # Tétrapneumones. — Les animaux étudiés sont le Cyrtau- chenius Walkenaeri, le Pachylomerus ædificatorius et uve espèce du genre Mygale, et la description qui suit se rap- porte surtout au Cyrlauchenius. On prépare la lame pha- ryngienne, en traitant le roslre par la potasse qui dissout les tissus. On l’isole du reste de l'organe et on la place sur une lame. En l’examinant au microscope, on observe une gout- lière avec des bords fortement épaissis, se joignant à l'extrémité distale de la lame et de là allant en divergeant irès légèrement jusqu'à l’origine de l’œsophage. Elle est placée sur l'axe longitudinal de la lame et ses bords sont (1) Treviranus, Ueber den inneren Bau der Arachniden, p. 20: (2 ur Mémoires du Muséum, t. XVIII, 1829. (Fig. 4, pl. XXI.) (3) Dugès, Règne animal de Cuvier (Les Arachnides, par Dugès et Milne- Edwards, pl. IL, fig. 3). — Sur les Aranéides (Ann. des sc. nat,, 2° série, t. VI, 4836, p. 178). (4) 4) Blanchard, L'organisation du Règne animal (Les nn pans) (5) Kessler, Beiträge zur Naturg. und Anat. de Genus Lycosa (Bull. de la Société des naturalistes de Moscou, 1849, vol. II, p. 510). (6) Plateau, Recherches sur la structure de l'appareil digestif et sur les phé- nomènes de la digestion chez les Aranéides (Bull. Ac. Roy. de Belgique, année 1877, p. 140). (7) Schimkewitsch, Anat. de l’Epéire diadème (Ann. des sc. nat., 6° série, t. XVII, p 4). (8) Mac Leod, La structure de l'intestin antérieur des Arachnides (Bullet, de lAcud., de Belgique, 188%, t. VIIT p. 377). RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 109 fortement foncés (PI. IT, fig. 10). [ls sont constitués par la cuticule externe. La gouttière est située au-dessous de la lame chitineuse comme l'indique une coupe transversale. Vers l’orifice æso- phagien, des bords de la goutüère part de chaque côté, et au même niveau, un prolongement chitineux (a) qui ne s'étend pas très loin. Le fond de la goutlière est tapissé par des écailles chiti- neuses. De chaque côté, se trouvent des bandes de cuticule très étroites, perpendiculaires à la goutlière et figurant un dessin qui est représenté par la figure 10. Ces lignes chiti- neuses, bien quelles paraissent se terminer aux lignes d’in- tersection, sont continues et vont de la goutlière, qu'elles recouvrent en parlie, au bord opposé de la lame. Ce qui prouve que les bandes transversales de chitine, bien qu'elles parais- sent courtes, s'étendent sur toute la largeur de la lame, c'est que sur beaucoup de préparalions traitées longtemps par la potasse caustique, elles perdent leur position primitive, et alors on les voit s'étendre de la gouttière aux bords de la plaque, et forment des inflexions nouvelles différentes des premières. M. Schimkewilsch les décrit comme formées par la couche interne; chez l’Épéire diadème, j'ai constaté que ces épaississements sont formés par la couche externe. En dehors des bandes chitineuses et à l'angle du pharynx se trouve une zone de poils (p) qui n'ont jamais été signalés chez les Tétrapneumones. Ces poils sont très larges à leur base el vont en diminuant rapidement de diamètre. Ils sont recourbés à leur extrémité et inclinés vers le bord distal de Ia ‘ lame. Ils vont en diminuant graduellement de longueur à mesure que l’on s'éloigne de l’orifice de l’œsophage et finis- sent par disparaître ; ils sont alors remplacés par des écailles chitineuses. Il est très probable que ces poils servent à re- tenir et à empêcher les substances de pénétrer dans l’œso- phage, ce qui aurait lieu par suite de la succion. Dipneumones. — La structure de la lame pharyngienne supérieure est un peu plus simple chez les Araignées 110 PAUL GAUBERT. dipneumones que chez les tétrapneumones. On conslate toujours la présence de la gouttière (PI. IT, fig. 11), des lignes chitineuses et des poils latéraux, mais on ne voit Ja- mais de prolongement latéral des bords de la goutlière. Les diverses parties de la lame présentent quelques variations que je vais signaler. Lycosidæ. — Kessler a étudié celle de la Lycose, mais il n'en à donné qu’une descriplion peu précise. La zone de cils et les lignes chitineuses ne sont pas exactement représentées. La zone des cils est beaucoup plus large qu'il ne l'indique sur sa figure. Ceux-ci sont semblables à ceux de la Mygale. Les bords de la gouttière présentent des stries irès fines. Elle est recouverte par le prolongement des épaississements chitineux transversaux. À son extrémité distale(PI.IIE, fig. 12), elle présente une disposition particulière qui permet de la distinguer de toutes les autres. Elle laisse à son milieu une bande étroite la faisant communiquer avec l'extérieur et celle bande est unie aux bords. Cela tient à ce que tous les épaississements transversaux n'arrivent pas sur la gouttière. Atthidæ. — Les lignes chitineuses sont plus larges que chez les Lycoses et la ligne diagonale ést presque invisible. La goultière est recouverte en partie par le prolongement des lignes chitineuses qui se recourbent légèrement vers l'ex- trémilé libre de la lame et qui sont bifurquées à leur extré- mité. Elles ne sont pas d’égale longueur, de telle sorte que le bord de la fente qu’elles laissent au milieu est légèrement frangé. La zone de cils est très étroite; ceux-c1 sont crochus el assez forts. = À gelenidæ. — La lame pharyngienne antérieure de la Tegenaria domesthica a été étudiée par Plateau. Elle présente la même structure que celle de la Lycose, mais on ne voit pas la disposition spéciale de la soutièe que j'ai signalée plus haul. Epeir idæ. — La lame pharyngienne est identique à celle des animaux de la famille précédente, mais les lignes chiti- neuses transversales sont plus larges. RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 111 Drassidæ. — Même disposilion que chez les Tégénaires, mais la goultière est entièrement fermée près de l’œsophage, dans la région où les bandes chitineuses transverses n’exis- tent pas. Les autres familles ne nous présentent rien de parti- culier. | Muscles du rostre. — Le rostre est soumis à l'influence d'un muscle s'insérant d'une part à sa base et d’autre part à la partie dorsale médiane du céphalothorax, derrière les yeux. L'insertion des fibres musculaires se fait directement sur le squelette sans l'intermédiaire de tendons. Ce muscle est élévateur. On trouve en outre un muscle pair s’insérant à la base du rostre du côté externe et d'autre part sur les portions antérieures de la lame aponévrolique. Ces muscles ont été décrits par M. E. Blanchard chez la Mygale et par Schimkewitsch chez l'Épéire diadème. À l’intérieur du rostre se trouvent des fibres musculaires transversales et horizontales, qui ont une direction pa- rallèle à celle de la lame pharyngienne et qui s’insèrent di- rectement sur les téguments. M. Schimkewitsch, qui les a signalées le premier, croit qu'elles agissent sur la glande du rostre, tandis que M. Mac-Leod pense qu’elles servent de constricleur à l'intestin buccal. J'admets l'interprétation de M. Mac-Leod, car chez la Tégénaire domestique, la Dysdère érythrine, elc., les fibres {transversales existent dans une partie qui ne renferme pas la glande du rostre. En outre, les deux faisceaux de fibres musculaires décrits sous le nom de muscle antérieur et de muscle postérieur par M. Schimkewilsch sont confondus en un seul chez beaucoup d’Araignées. LÈVRE INFÉRIEURE. La lèvre inférieure, languette sternale, languette, est une pièce impaire placée en avant du plastron el au-dessous du rosire. Sa face externe est formée par une couche de chiline {rès dure et présente vers son extrémité libre deux groupes 112 _ PAUL GAUBERT. de poils symétriques, insérés à une égale distance les uns des autres et peu nombreux. Sa face supérieure forme le plancher du pharynx, aussi Pla- {eau lui donne le nom de lame pharyngienne postérieure. Elle présente des caractères différents dans les diverses familles el atteint son plus haut degré de complication chez les The- raphoside. Theraphosidæ.— La lame pharyngienne inférieure présente sur son axe longitudinal une goultière dont les bords vont en divergeant vers l’orifice œsophagien. Elle a été décrite par Dugès (1) chez le Ctenizza et par tous les auteurs qui ont étudié le pharynx des Mygales. Des lignes transversales, perpendiculaires à la gouttière, mais plus fines que celles de la lèvre supérieure et ne présentant pas de lignes obliques comme celles-ci, s'étendent des bords de la gouttière à un épaississement chitineux en forme de fer à cheval et parallèle aux bords libres de la lèvre. Sur une coupe transversale on voit le cadre formé par un épaississement de la cuticule et plongé dans le lissu sous-jacent à la lame. Les bords de la goutlière viennent se Joindre sur l’axe médian. | La lame pharyngienne postérieure est dépourvue de cils, elle est réunie latéralement à la lame supérieure par une couche de chitine très mince qui porte les cils. Araignées dipneumones. — Kessler, Plateau et Schim- kewitsch ont montré que la lame pharyngienne inférieure des Araignées dipneumones ne présentait pas de gouttière. Mais chez les Pholcidæ el les Scytodidæ j'ai observé une disposition intermédiaire entre celle des Mygales et celle des autres Araignées. On a toujours l’épaississement chili- neux en fer à cheval décrit plus haut et qui existe chez toutes les Araignées, mais en outre une tige chitineuse partant du milieu du fer à cheval et se divisant en deux branches allant en divergeant (PI. II, fig. 15). Supposons que ces deux bran- ches se rapprochent un peu plus l’une de l’autre et nous au- rons la gouttière des Mygales. | (1) Dugès, Règne animal (Arachnides. PI. IIL fig. 3). RECHÉRCHES SUR LES ARACHNIDES. 1148 Dans les autres familles, je n'ai jamais {rouvé que le cadre chitineux en fer à cheval entre les bords duquel se trouvent, chez toutes les Araignées, des épaississements chi- lineux transversaux parallèles et plus fins que ceux que l’on trouve à la lame supérieure. J'ai constaté, chez une Lycose, qu'ils sont transversalement striés, et que leur diamètre va en augmentant à mesure qu ils sont plus près du cadre. Chez les Drasses, le cadre chitineux, au lieu d’être arrondi vers le bord libre de la lèvre, forme un angle {rès aigu (BEI, fig. 12). Dans les autres familles, nous ne {rouvons rien de parti- culier. En résumé, la lame pharyngienne postérieure présente une gouttière longitudinale chez les Araignées tétrapneumones. Les Araignées dipneumones sont dépourvues de cette gout- lière, mais les Pho/cidæ et les Scytodidæ présentent une disposition intermédiaire. MACHOIRES. Les mâchoires sont formées par le grand développement de l’article basilaire de la deuxième paire d’appendices. Du côté interne et près de l'extrémité distale elles pré- sentent une touffe de poils, et sur le bord externe une crête chilineuse qui est armée de dents et qui a été signalée pour la première fois par Miss Staveley (1). Blackwall (2) a exa- miné des productions analogues chez les Mygales. Ces dents sont plus ou moins longues et plus ou moins inclinées sui- vant les espèces, elc. Beaucoup de Mygales ayant des mâchoires rudimentaires en sont dépourvues. Je ferai remarquer que le développement des mâchoires est en rapport avec la direction des griffes. Chez les Tétra- : (4) Miss Staveley, Note on the Presence of Teeth on the Maxillæ of Spiders (Annals and Mag. Nat. His., 3 rd. ser., vol. XVII, 1866. p. 389). (2) Blackwall, Remarks on the Falces and Maxillæ of Spiders (Annals and Mag. Nat. Hist., 3 rd. ser., vol. XIX, avril 1867). ANN. SC. NAT. ZOOL. XIII, 8. — ART. N° 9. 114 PAUL GAUBERT, pneumones, lesgriffes agissent dans un plan vertical, de telle sorte que l’animal peut appliquer avec elles la proie contre l'ouverture buccale et la maintenir dans cette position; chez les Dipneumones, les griffes étant placées transversa- lement ne peuvent servir qu’à retenir la proie; aussi les mâ- choires se sont-elles développées pour la tenir fixée contre l'orifice buccal. Nous voyons donc les mâchoires suppléer les griffes dans cette catégorie de fonctions. Il est facile de voir que le développement des mâchoires est en rapport inverse de celui des palpes. Dans l’intérieur des mâchoires se trouvent des glandes acineuses dont j'ai déjà parlé. Muscles des mâchoires. — Les muscles ont été soigneuse- ments décrits par M. E. Blanchard chez la Mygale, par Kessler chez la Lycose, et par M. Schimkewitsch chez l’E- péire diadème. Treviranus, Meckel, Strauss-Durkheim en avaient signalé quelques-uns. | M. E. Blanchard décrit huit muscles agissant sur les mâ- choires et M. Schimkewitsch quatre. Chez la Tégénaire do- mestique, J'ai trouvé les mêmes muscles que cet auteur a décrits chez l’Epéire diadème. Deux de ces muscles s’insèrent sur le céphalothorax et les deux autres sur les apodèmes de la lame aponévrotique. Par leur autre extrémité, ils s’insèrent à la base des maxil- les. Plus tard, on verra que ce sont les muscles homo- logues de ceux qui agissent sur les pattes, mais ils sont plus puissants. Les observalions qui précèdent ont porté sur divers ani- maux appartenant à toutes les familles d'Aranéides, et nous avons vu que les variations n'étaient pas considérables. Les plus importantes sont celles qui se trouvent chez les Théra- phosides, où on irouve des mâchoires rudimentaires et des griffes dirigées en avant. L'appareil musculaire doit être à peu près le même, et si M. E. Blanchard a décrit chez la Mygale un nombre de muscles beaucoup plus considérable que celui que l’on trouve chez les Dipneumones, cela tient RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 115 à ce que les muscles se divisent en faisceaux par suite de leur mode d'insertion. On a vu que le muscle fléchisseur du crochet des chélicères pouvait être en un seul faisceau, en deux ou même davantage, et cependant on sait que tous ces groupes secondaires de fibres musculaires agissent de la même façon. PÉDIPALPES. Les pièces buccales des Phrynes sont semblables à celles des Aranéides. Les chélicères sont constitués, comme ceux des Théraphosides, par un article assez fort et une griffe re- courbée se dirigeant en avant. Cependant les deux pièces buccales impaires, la lèvre supérieure et la lèvre inférieure, sont organisées différemment de celles des Araignées. La lèvre supérieure est rudimentaire et la lèvre inférieure est formée par une lame étroile, allongée et très dure, portant des épines plus ou moins longues sur toute sa surface. Elle a l'apparence d’un stylet et ne contribue en rien à la forma- tion de la partie antérieure du tube digestif comme celle des Aranéides. Les mächoires, placées latéralement et formées par le grand développement de l’article basilaire des palpes, jouent le rôle d'appareil masticateur. Elles présentent du côlé interne une face plane (PI. ITE, fig. 16), recouverte de poils dirigés vers la partie inférieure, où se trouve une lame chiti- neuse plane (PI. IT, fig. 17), de forme parabolique et offrant la structure suivante : vers le milieu, c’est-à-dire dans l’axe lon- gitudinal de la mâchoire, se trouve une goultière semblable à celle qui est placée au milieu de la lèvre supérieure des Araignées et à la goutlière que M. Mac-Leod a décrite sur les mâchoires des Phalangides et des Scorpions, et qu'il a désignée sous le nom de pseudo-trachée par analogie avec ce que Dimmock avait décrit chez les Diptères sous le même nom. La lame est tapissée par des baguettes chilineuses transversales, un peu inclinées sur la pseudo-trachée. Quand on a enlevé la membrane mince qui couvre toute la surface de la lame, on voit que chaque baguette est formée par une 116 PAUL GAURBERT. série d’autres baguettes plus courtes qui semblent s'emboi-. ter les unes dans les autres (PI. II, fig. 18). Elles ont la forme d’un trapèze isocèle dont la hauteur serait très grande par rapport à la longueur des bases. La lame de la mâchoire vient s'appliquer exactement sur celle qui est opposée. Les aliments, étant dirigés entre les deux lames par les poils qui sont disposés à cet effet, peu- vent être broyés plus ou moins, avant de pénétrer dans l'o- rifice buccal. Les palpes sont considérablement modifiés et présentent une disposition bien éloignée de celle des pattes et des pal- pes des Aranéides. Ils seront étudiés avec les pattes ambu- latoires. L L'appareil musculaire des pièces buccales des Phrynes a été décrit par M. Blanchard (1). Il présente beaucoup d’a- nologie avec celui des Aranéides, aussi il est inutile de le décrire. Télyphones. L'appareil buccal des Télyphones a été décril très exac- tement par M. E. Blanchard, j'ai étudié le système muscu- laire de ces animaux, mais plus tard, lorsque j'examinais les pseudotrachées et Les lames qui les portent, chez les Ara- chnides, je n'avais plus de Télyphones, mais je crois que ces animaux sont aussi munis de râpes. PHALANGIDES. Les pièces buccales des Phalangides sont différentes de celles des Aranéides, à l'exception des mâchoires. Chélicères. — Les chélicères sont triarticulés, et sont ter- minés par une pince servant à saisir et à relenir la proie. Ils sont dépourvus de glandes venimeuses. Leurs muscles ont été figurés par M. E. Blanchard, malheureusement les planches ne sont pas accompagnées du texte. (1) Blanchard, Organisation du Règne animal (Arachnides, p. 182 et 183). RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 117 Les muscles qui font mouvoir le premier article et qui donnent le mouvement général du membre sont situés dans le céphalothorax et sont au nombre de six. L'article basilaire est réuni sur toute son extrémité au reste du corps par la membrane articulaire de telle sorte que les muscles peuvent le faire mouvoir en tous sens. La cavité du premier article est remplie par les muscles agissant sur le second. Ces muscles sont au nombre de quatre : un abaïsseur, un extenseur et deux muscles latéraux. Le muscle extenseur est le plus puissant, il est placé à la partie supérieure de l’article basilaire. Il s’insère par trois ou quatre tendons à l'extrémité proximale du second article el à sa face supérieure, et d’autre part directement sur laface dorsale du premier article, par faisceaux distincts, de telle sorle qu'on serait porté à croire qu'il y a plusieurs muscles. Le muscle abaïisseur est placé à la face inférieure el s’in- sère de la même facon que l’extenseur. Il est un peu plus faible que ce dernier. Les muscles latéraux sont placés l’un du côté interne, l'autre du côté externe. Ils s’insèrent aussi par des tendons sur le second article et directement sur le premier. Ils sont antagonistes et donnent le mouvement latéral. Ces deux muscles sont beaucoup plus faibles que les deux précédents. La griffe, que forme le troisième el dernier article, est soumise à l'influence de deux muscles antagonistes placés dans le deuxième article. Tous les deux s’insèrent par plu- sieurs tendons à sa base et le muscle fléchisseur est beau- coup plus puissant que l’extenseur. Chez le P. cornulum, l'article qui les renferme présente en arrière et à sa partie dorsale un développement extraordinaire qui a fait donner le nom à l’espèce, et qui forme une surface d'insertion très grande pour les fibrès musculaires. Comme je l'ai mon- tré pour les Aranéides, chaque faisceau ne doit pas êlre pris pour un muscle parlieulier. 118 PAUL GAUBERT, Mächoires. — Comme chez tous les Arachnides, elles sont formées par le grand développement de la partie an- téro-interne de l’article basilaire des palpes. Leur forme est assez semblable à celles des Aranéides. Elles s’en distinguent cependant par la présence d’un canal situé sur le bord externe et désigné par M. Mac-Leod (1) sous le nom de pseudo-tra- chée. M. Mac-Leod à décrit les filaments chilineux, parais- sant enroulés en spirale, qui tapissent ce canal. Le canal est placé immédiatement au-dessous de la chitine de la màû- choire, qui présente une surface presque plane parcourue par des épaississements transversaux perpendiculaires au canal sur les bords duquel ils s'arrêtent. Du côté opposé au canal, cette bande striée est limitée par une ligne de poils très serrés et assez courts. On a donc là quelque chose d’ana- logue à ce que nous avons trouvé chez le Phrynes, avec cette différence que la goultière est chez ces derniers animaux placée au milieu de la lame. Ces filaments n'avaient jamais élé signalés. | | Chez le Troqulus rostratus, les mâchoires présentent aussi des pseudo-lrachées, différant de celles des Phalangium par l’absence de filaments qui tapissent le canal des Fau- cheurs. En outre, de chaque côté de la gouttière, on trouve la bande présentant des stries transversales, tandis qu'elle s arrèlait à la pseudo-trachée, chez les Phalangium. | Je ne décris pas les autres pièces buccales, n'ayant aucune observation nouvelle à consigner. SCORPIONIDES . = Chélicères. — Les chélicères sont à trois articles comme chez les Phalangides en forme de pince; elles servent à rete- nir et à broyer les aliments qui sont totalement absorhbés. Muscles. — La musculature du Scorpion a été décrite par M: E. Blanchard (2) et plusrécemment par Miss Beck, qui ne s'est occupée que des muscles du corps. Ce dernier travail (4) Mac-Leod, Bull. de l'Acad. de Belgique, t. VII, p. 382. (2) Blanchard, L'organisation du Règne animal (Arachnides, p. 31 et 52). RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 119 a élé fait sous la direction de Ray-Lankester (1), qui a voulu élablir la comparaison des Limules et des Scorpions en s’ap- puyant sur le système musculaire. M. E. Blanchard a étudié l'appareil musculaire du Scorpio occitanus. Mes recherches ont porté sur le Buthus australis. Les résultats auxquels je suis arrivé sont identiques à ceux de M. Blanchard. Mächoires. — Klles sont ici au nombre de deux paires. La première paire est homologue de celles des Aranéides, des Phalangides, etc. N'ayant rien à présenter sur la morphologie externe, je passe à la description des muscles. Je dois faire remarquer que les mâchoires formant corps avec l’article basilaire des palpes, leurs muscles donnent le mouvement général à ces derniers. Cela est vrai pour tous les Arachnides. Les palpes étant ici très puissants et lourds, les muscles qui s’insèrent à la base sont eux-mêmes très volumineux. Ils sont situés dansle céphalothorax et sont au nombre de six. La deuxième paire de mâchoires est formée par l’article basilaire de la première paire de pattes. Elles présentent à leur surface interne, qui est un peu concave, une goultière presque cylindrique, cependant un peu plus large à la base et décrite par M. Mac-Leod sous le nom de pseudo-trachée chez le Buthus europæus. J'ai observé le Bufhus australis et j'ai constaté que comme chez les Phrynes, ce canal se trouve au milieu d’une surface plane recouverte par des séries de lamelles chitineuses, transversales, rectangulaires, placées les unes à la suite des autres, semblables à celles des Phrynes, mais plus courtes. Les lamelles d’une rangée alternent avec celles de la rangée voisine. Elles sont recouvertes par des filaments chitineux paral- lèles et ayant la même direction que les rangées placées au- (1) E. Ray-Lankester, On the muscular and endosquelettal Systems of Li- mulus and Scorpio (Trans. Zool. Soc., XI, p. 311-384). 120 PAUL GAUBERT. dessous, c’est-à-dire qu’ils sont transversaux. Ces lamelles et les filaments n’ont pas élé signalés. Il est très probable que les pseudo-trachées et les bandes striées des scorpions sont des appareils identiques à ceux des Phrynes. Les pièces impaires sont au nombre de deux. Lèvre supérieure. — Elle est semblable à celle du Scorpio occitanus décrite par M. E. Blanchard. Lèvre inférieure. — Cette pièce située au-dessous de la précédente ne présente rien de particulier. GALÉODES. Les chélicères des Galéodes sont formés de deux articles. L'article basilaire est très puissant et porle à sa partie anté- rieure et supérieure un prolongement qui recouvre le second arlicle et forme avec ce dernier, qui est en forme de griffe, une pince très puissante. Des tubercules de forme variable se trouvent sur les mors de la pince. Dufour (1) les a dési- gnés sous le nom de dents et chez le G&. Dastisquet il en dé- crit trente-deux. Il leur donne les noms d’incisives, de ca- mines et de molaires. Sur le premier article, se trouve à la face supérieure un appendice sélifère que Dufour voudrait assimiler, mais avec doute, aux antennes des Insectes. Il n’admet pas que les ché- licères des Galéodes soient les homologues des antennes, aussi les désigne-{-il sous le nom de mandibules. Les muscles et le système tégumentaire de la Galéode ont élé bien représentés par M. E. Blanchard (2), mais le texte n accompagne malheureusement pas les planches. Le premier article des chélicères peut se mouvoir dans tous les sens, aussi 1l est arliculé avec le corps par un anneau souple de cuticule articulaire. Six muscles agissent sur lui, (1) Dufour, Anatomie, physiologie el histoire naturelle des Galévdes (Mémoires des savants étrangers, vol. XVII, 1862, p. 349). (2) KE. Blanchard, L'org. du Règ. an. (Arachnides, PI, XXVI, fig. 6, 7,8 et 9), RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 121 ils s’insèrent à sa base et sur des prolongements internes de la cuticule. L'article basilaire renferme les muscles de la griffe. Ceux-ci sont très puissants. M. E. Blanchard a représenté plusieurs faisceaux de fibres. Il y en a en effet plusieurs qui s’insèrent par de nombreux tendons. Les plus forts et les plus nombreux s’insèrent à la face supérieure de la griffe et appartiennent au muscle fléchisseur, qui est beaucoup plus développé que l’extenseur. Mächoires. — Elles sont, comme toujours, produites par le développement de l’article basilaire de la deuxième paire d’appendices. Leurs dimensions sont moindres que celles des Scorpions et présentent ceci de particulier, c’est qu’elles sont soudées du côté interne par leur base à l’appendice mé- dian et impair. Je n’ai pas constaté sur elles la présence des pseudo-trachées. Bostre. — Cetle pièce médiane à reçu différents noms : labium haustelhforme de Fabricius, labium liguliforme, lan- guette sternale, camérostome de Latreille, rostre de Dufour. Elle a été bien étudiée par Savigny et surtout par Dufour, PSEUDOSCORPIONIDES. Les chélicères présentent une forme qui a beaucoup d’ana- logie avec celle des Galéodes. Ils sont formés de deux arti- cles : un article basilaire, dont la base est cachée par le repli antérieur du céphalothorax, et une griffe mobile, grêle, for- mant avec le prolongement du premier une pince. Celle-ci a les deux branches horizontales, la mobile est placée dans la partie inférieure. Cette dernière présente chez les Obisinæ une apophyse chilineuse, dentée à son extrémité, dirigée du bord interne vers le bout de la griffe et désignée par M. E. Simon (1) sous le nom de galea. Comme chez les Galéodes, les chélicères des Pseudo-Scorpions présentent des appen- dices qui sont au nombre de deux. (4) E, Simon, Les Arachnides de France, t, VIT, p. 4, 1876: 122 PAUL GAUBERT. Le premier est le flagellum. C’est un appendice porté par l'article basilaire et au bord interne, et formé par une tige mince qui se ramifie en plusieurs branches, simples ou rami- liées, recouvertes par des poils disposés régulièrement. La fonction de cet organe n’est pas établie d’une façon positive. M. À. Stecker, qui l’a découvert, admet qu'il est le siège de l’olfaction. Pour M. E. Simon, il est analogue à celui des Galéodes. Le second appendice est inséré à la base interne du doigt mobile et dirigé en avant. Il est formé par une lame mince, verticale, dentée sur son bord supérieur. Il a été signalé pour la première fois par A. Tulk, qui le compare au peigne des Scorpions. Depuis il a été décrit par Menge, A. Stecker et par M. E. Simon qui a donné une description très claire et de bonnes figures des pièces buccales si compliquées des Chélifères. | Cet organe a été désigné sous le nom de serrula; sa fonc- lion est inconnue. On peut étudier par transparence les muscles des chéli- cères. À la base de l’article basilaire s’insèrent des muscles fixés au thorax et donnant le mouvement général aux ché- licères. Le premier article renferme le muscle extenseur et fléchisseur de la griffe inférieure. Les muscles des Chélifères étant très courts, les fibres musculaires s’insèrent par un tendon distinct très court. ACARIENS. De nombreux observateurs ont étudié la composition des pièces buccales des Acariens. Les travaux les plus impor- lants sont dus à Dugès, Dujardin, Claparède, Haller, etc. J'ai étudié, pour établir la comparaison des organes ap- pendiculaires des Acariens avec ceux des autres Arachnides, le Trombidium du Faucheur ; je n’ai pas obtenu de résultat. Les chélicères sont formés de deux articles, un basilaire allongé et une griffe. Le premier peut se mouvoir dans tous les plans ; il renferme les muscles fléchisseur et extenseur RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 123 de la griffe, dont le mouvement est un ginglyme angulaire. Les muscles sont formés par des fibres musculaires qui s'insèrent sur la griffe par un tendon formé par le périmy- sium de la fibre et il y a autant de tendons que de fibres mus- culaires. Ces fibres sont striées comme l’a indiqué Pagenstecher {1) pour le Trombidium lolosericeum, mais Donnadieu, dans un travail plus récent que celui de cet auteur, donne chez les Tétraniques une organisation de l'appareil musculaire qui paraît douteuse (2) : « Ce sont des faisceaux de matière con- tractile qui ne présentent pas de traces de fibres. Ces fais- ceaux, d'apparence unie et lisse, s’insèrent ets’entre-croisent sur l'extrémité des différen(s articles. Ils sont assez nombreux el leur insertion se fait suivant des zones circulaires qui peu- vent être prises pour des rides de la peau. » J'ai observé des individus appartenant à toutes les familles de la classe des Acariens, et j'ai toujours trouvé des résultats analo- gues à ceux de Pagenstecher. PATTES AMBULATOIRES. Les pattes ambulaloires des Arachnides ont généralement sept articles; ce nombre peut être réduit {Chelifer, quelques Acariens) ou être augmenté par suite de la subdivision du dernier ou plus rarement de l’avant-dernier (Hersilia). Différents noms ont été donnés aux articles par les divers auteurs, le tableau suivant représente les principaux : Savigny. Milne-Edwards. E. Blanchard. a iele ts 212. Radical. Hanche. Coxopodite. Hanche. 2 DEPART Exinguinal. | Cuiète Basipodite. Trochanter. 25 hottes Fémoral. " Méropodite. Cuisse. PE its. hu. Génual. | Jambe Carpopodite. Jambe. RE : Tibial. » Propodite. 1er ) articles PR 1e phalange. Acrdactylopodite. 2° du RME NE. ,300., 9e — 2e _ 3er M'tarse. (1) Pagenstecher, Beitrage zur Anatomie der Milben, vol. I, p.7, Leipzig, 1860. (2) Donnadieu (A. L.), Recherches pour servir à l'histoire des Tétraniques, p- 63, Lyon, 1875. 124 PAUL GAUBERT. Beaucoup de naturalistes désignent le quatrième article des Aranéides sous le nom de patelle. Les articles ayant le même numéro d'ordre ne sont pas homologues dans les différents ordres d'Arachnides. Dans l'exposé qui suil, j'étudierai les modificalions entraînées par le mode de locomotion ; elles portent sur les derniers arti- cles. Cette étude, jointe à celle du système musculaire, per- mettra d'établir l’homologie des articles. Je vais commencer par l'étude des Aranéides sur lesquels ont porté principalement mes recherches. ARANÉIDES. Toutes les pattes ambulatoires des Araïgnées sont cons- truites sur le même type. Le coxopodite est court et s’arli- cule avec le céphalothorax de facon à se mouvoir dans tous les sens bien que les mouvements soient peu étendus. À sa face antérieure se trouve toujours une baguette chitineuse placée dans le sens de l’article et qui présente un prolonge- ment très épais, arrondi, s’enfonçant dans une cavité creusée dans l'enveloppe du deuxième article. Elle va en diminuant d'épaisseur à mesure qu’elle s'approche du céphalothorax. Les muscles qui le font mouvoir donnent le mouvement général à la patte. Ils sont situés dans le céphalothorax el sont au nombre de quatre (PI. IV, fig. 24). Ils ont été décrits par M. Schimkewitsch chez l'Épéire diadème, Voici leur dis- position chez le Dyctfina viridissima. 1° Un muscle s’insérant directement sur la face inférieure de la lame aponévrolique depuis l’apodème inférieur jusqu’à une faible distance de la ligne médiane (m') et à la face inférieure du coxopodite par l'intermédiaire de tendons. La forme de ce muscle se rapproche beaucoup de celle d’un cône ayant sa base sur la lame aponévrotique et son sommet à la base de l’article basilaire. Sa fonction est de faire abaisser l’appendice. 2 Un muscle s’insérant par des tendons sur l’apodème inférieur de la lame aponévrolique et à la face supérieure RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 195 du coxopodite (m°). Il présente comme le précédent une forme conique et lève la patte. M. Schimkewitsch, chez l'Épéire, lui attribue ce rôle. 3° Un muscle (m°) s’insérant d’une part par des tendons à la face inférieure du coxopodite et d'autre part directement sur la face latérale du céphalothorax. Il est conique comme les précédents et a sa base sur ce dernier. Son action est de faire mouvoir la patte en arrière. Le quatrième muscle (m!) s’insère directementsur le cépha- lothorax, mais au-dessus du précédent, à peu de distance de la ligne médiane dorsale et par des tendons sur la face latérale du coxopodite. Il donne le mouvement latéral à l'article en la portant en avant. Le coxopodite renferme les muscles qui font mouvoir le second article. Ils sont au nombre de quatre (PI. IV, fig. 1). Kessler en a décrit deux chez la Lycose, et M. Schimkewitsch en donne quatre chez l'Épéire. Chez les Araignées tétrapneumones, Meckel en décrit quatre et M. E. Blanchard deux. Chez le Dyctina wridissima, le Tegenaria domestica, le Zilla X-notata, le Cyrtauchenius Walkenaeri, etc., j'ai trouvé les quatre muscles. Ce sont : 1° Un abaisseur placé dans la partie inférieure de l’article. Il s’insère par des tendons (T) à l’exlrémité in- férieure du basipodite et directement sur le coxopo- dite (PI IV, fig. 1). Les tendons se ramifient en un grand nombre de branches qui deviennent de plus en plus minces: 2° Un extenseur, placé dans la partie supérieure, s’insère de la même facon que le précédent ; 3° Deux autres muscles donnant le mouvement latéral et antagonistes. [ls s’insèrent l’un à la face antérieure el l’autre à la face postérieure du trochanter. J'ai dit plus haut que le coxopodite s’articulait avec le basipodite par un seul point, de telle sorte que le mouve- ment peut ainsi se faire dans tous les sens. L'articulation se 126 PAUL GAURERT. fait de la façon suivante. A la face antérieure du premier arlicle, se trouve une tige chitineuse, placée suivant l'axe de l’article et terminée à son extrémité périphérique par un tubercule arrondi s’enfonçant dans une cavité correspon- dante creusée dans la cuticule du second article. Nous allons voir que dans les articles suivants les deux articles succes- sifs s’articulent par deux apodèmes d’articulation, et alors le mouvement ne peut se faire que dans le plan perpendicu- laire à la droite joignant les charnières. Ce mouvement se fait en ginglyme, c’est-à-dire dans un seul plan. Basipodite. — Cet arlicle est toujours très court. Il ren- ferme les muscles agissant sur le méropodite. Ces muscles sont faibles, bien qu'ils aient à donner le mouvement au reste de la patte. Par suite de l'articulation des deux articles, ceux-ci font un angle droit, de telle sorte que le méropodite a une direction à peu près verticale lorsque l'animal ne fait aucun effort musculaire. La cuticule articulaire jouit d’une certaine élasticité pour produire cet effet, nous verrons plus tard qu’elle a une action considérable dans le mouvement des articles et des poils articulés. Le méropodite étant maintenu à peu près vertical par une action passive, et dans les divers exercices de l’Araignée, cette position variant peu, on comprend que les muscles puissent être faibles. Ces muscles sont : Un élévateur dont les fibres musculaires s’insèrent direc- tement sur la face inférieure du basipodite et par des ten- dons à l'extrémité et à la face supérieure du troisième ar- ticle. Le muscle étant très court les tendons vont s’insérer directement sur les téguments. | Un abaisseur s'insérant sur le méropodite au même point que le précédent, mais à la face inférieure du premier ar- ticle. Ce muscle est beaucoup plus long que le précédent, mais il est beaucoup plus faible; il est cylindrique et n’est formé que par quelques fibres musculaires. Cependant, à RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 127 cause de la longueur de ces dernières, il peut imprimer un mouvement FLE assez grande due. Meckel a décrit chez la Ne sale deux élévateurs triangulaires et un petit fléchisseur. Strauss-Durkheim a décrit quatre muscles : deux extenseurs et deux fléchisseurs; M. E. Blan- chard, trois. M. Schimkewitsch chez l'Epéire diadème, Kessler chez la Lycose, décrivent dans tous les articles suivant le premier deux muscles entre-croisés, maïs il n’en est pas ainsi. Méropodite. — Le méropodite est l’article le plus déve- loppé des paties ambulatoires. Il s'articule avec le carpopodite en envoyant deux prolongements arrondis placés vers sa face supérieure, prolongements qui s’enfoncent dans une ca- vité correspondante du quatrième article. [1 présente à sa face inférieure une forle échancrure qui permet au reste de la pate de se plier et de s'appliquer presque contre lui. La cuticule articulaire présente vers son milieu une bande transversale en forme de fer à cheval (PI. IV, fig. 1 /), for- mée par de la chitine fortement épaissie et très résistante, sur laquelle viennent aboutir de chaque côté un gros tendon et d’autres plus pelits. Par ses deux extrémités elle se fixe dans une échancrure creusée dans le carpopodite. Lorsque les muscles s'insérant sur ces tendons n’agissent pas, la bande vient s'appliquer contre le bord inférieur du carpopodite. Cette disposition, quin a jamais été signalée, est spéciale aux Aranéides. Les muscles renfermés dans le méropodite n'ont été élu- diés que chez la Mygale. Meckel donne deux muscles, le fort fléchisseur à deux têtes, occupant presque tout l’article, et un petit extenseur. Strauss-Durkheim décrit trois muscles à la fois extenseurs et .fléchisseurs, suivant qu'ils s’allongent ou se contrac- tent. Cela est évidemment en contradiction avec tous les faits connus. M. E. Blanchard décrit dans la cuisse un muscle la main- tenant étendue sur le trochanter (j'ai montré plus haut que 198 PAUL, GAURBERT., l'extension était due à une action passive)el qualre muscles | agissant sur la jambe. | Chez les Araignées dipneumones je suis arrivé aux résul- tats suivants : La partie inférieure de l’article est remplie par un muscle s’insérant par deux têles à la face inférieure du basipodite. L'insertion se fait par l'intermédiaire de tendons, et je ferai remarquer que c'est le seul muscle des appendices qui s’in- sère par des tendons à son extrémité proximale. Ce muscle correspond au musele à deux têtes signalé par Meckel chez la Mygale. Par son autre extrémité ce muscle s’insère sur le quatrième article. Il plie le méropodite sur le basipodite et en même temps il est fléchisseur de la jambe. Dans la plus grande partie de son trajel 1l est divisé en deux branches. Donc, chez les Dipneumones, contrairement à ce que donne M. E. Blanchard pour les Mygales, on a dans le méro- podite un muscle qui fléchit celui-ci sur le basipodile et qui vient ajouter son action au fléchisseur placé dans le second article pour contre-balancer l’action passive qui élève la cuisse et l’action de l’extenseur. Un autre muscle, le fléchisseur; s’insère d’une part aux tendons pairs qui prennent naissance sur la bande chitineuse en fer à cheval dont il a été parlé plus haut, et d’autre part directement à l'extrémité proximale et à la face dorsale du méropodite. | Ce muscle est divisé en deux parties vers son insertion par les tendons. Les fibres musculaires s’insérant sur les petits tendons placés vers la face dorsale des gros tendons se fixent par leur autre extrémité sur la partie supérieure de l’article et à peu de distance de l’article, de telle sorte qu’elles for- ment un muscle très court. Carpopodite. — Le carpopodite est un article court dont le diamètre augmente à parlir de son extrémité proximale. II s'articule avec le propodite par un apodème d’articulation placé à sa face supérieure. Le restant des deux articles est uni par un anneau très court de culicule, de telle sorte que RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 199 les mouvements du propodite, bien que plus variés que ceux du earpopodite, ont très peu d'amplitude, aussi les deux ar- ticles paraissent-ils être toujours en ligne droite. Le mou- vementse fait latéralement mais d'une façon inégale. Aux deux paires de pattes antérieures il est plus étendu en avant qu'en arrière; cest l'inverse pour les pattes postérieures. Meckel décrit les muscles du carpopodite comme ayant une disposition analogue à ceux du méropodile, il en est de même d’après cet auteur des articles suivants. Strauss-Durkheim décrit cinq muscles. M. E. Blanchard admet deux extenseurs et deux fléchis- seurs. D'après les mouvements du propodite, nous devons trouver des muscles différant de ceux des autres articles. et de ceux qui sont décrits par les divers auteurs. Nous avons um muscle placé à la partie antérieure et un autre à la partie postérieure du carpopodite. Ces muscles s’in- sèrent d’une part par plusieurs tendons à l'extrémité proxi- male et sur les faces latérales du propodite, et d'autre part, directement sur les téguments de l’article qui les ren- ferme. L'un porte les articles suivants en avant et l’autre en arrière. Ces muscles s'insérant par un grand nombre de tendons,on pourrait être porté à admettre plusieurs mus- cles, mais comme je l'ai dit plus haut les muscles courts s'insèrent par plusieurs tendons, tandis que les fibres mus- culaires agissant sur un article placé à une grande distance réunissent leurs tendons en un seul. Le carpopodite renferme en outre des fibres musculaires qui agissent sur les tendons fléchisseurs des muscles du premier dactylopodite et des fibres musculaires qui abaïssent légèrement le propodite. Le premier fait est très important, car il nous permettra de montrer que la division de l’article donnant le propodile.et le méropodite est secondaire. Propodite. — Le propodite est un article allongé, géné- ralement aussi long que le méropodile. Il s'articule avec le premier dactylopodite par un bord assez large; on ne voit ANN. SC. NAT. ZOOL. X111, 9. — ART. N° 92. 130 | PAUL GAURERT. pas d’apodème articulaire développé comme celui de Ja cuisse. La réunion des deux articles se fait à la face infé- rieure par une large bande de cuticule articulaire de manière que les mouvements du dactylopodite sont assez étendus. [ls n'ont lieu que dans un seul plan qui se confond avec celui du mouvement du méropodite. | . Il renferme deux muscles, l’un extenseur et l’autre fléchis- seur, S'insérant par des ibn sur le premier. dactylopo- dite. | Premier dactylopodite. — Cet article est moins long que le précédent. Îl renferme les muscles du crochet. Ceux-ci ont été décrits par Strauss chez la Mvygale. Ils agissent par l’in- termédiaire de longstendons connus depuis longtemps chez les Mygales et signalés récemment par M. Wagner chez la Lycose; ils se fixent l’un à la face inférieure des griffes, l’autre à la face supérieure. Le premier, qui appartient au muscle fléchisseur, est beaucoup plus gros que le second, ce qui in- dique que le muscle fléchisseur est plus fort que l’exten- seur. Les fibres du muscle fléchisseur s’insèrent en partie sur le propodite, ce qui a une certaine importance pour l'homologie des articles. Les fibres musculaires chez les jeunes Epéires diadèmes arrivant jusqu'aux griffes, les ten- dons sont très courts. Deuxième dactylopodite. — Cet article ne possède pas de muscles propres comme l’a reconnu Meckel, son mouvement est passif. Il s'articule avec l’article précédent d’une façon particulière. Ses bords latéraux présentent deux apodèmes articulaires, allant se placer sur le premier dactylopodite qui offre à sa face supérieure un prolongement entourant la base de l’article comme le ferait une gaine (PI. IV, fig. 5), aussi est-ce sous ce nom que je l'ai désigné. 11 a pour fonc- tion de limiter en arrière le mouvement du seplième article et est élastique. L'animal repose pour ainsi dire comme sur des ressorts. Les Araignéesmarchant d’une façon différente, nous devons trouver des modifications dans la forme et les dimensions de. la gaine, qui permet de donner aux mou- RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 131 vements du dernier article plus ou moins d'amplitude. Passons en revue quelques types appartenant aux diverses familles. La gaine présente son plus grand développement chez les Tégénaires (PI. IV, fig. 5). Le dernier article offre une grande mobilité, landis que chez certaines Araignées 1l ne peut dans la plus forte extension que se mettre en ligne droite avec le premier dactylopodite, il se relève ici davantage et est retenu par la gaine. Chez les Tégénaires nous avons en outre une disposition spéciale dans le dernier article. On observe, à une faible dis- tance des griffes et sur la face inférieure, une bande très étroite de cuticule articulaire. Les bords de cette bande sont sinueux el les saillies qu’ils présentent dans la culicule arti- culaire sont vis-à-vis celles du côté opposé. L'article peut flé- chir légèrement suivant cette ligne, de telle sorte qu’on a là un commencement de division du dernier article. Une dis- position semblable, mais avec division complète, existe sur le dernier article des Hersiha. Chez le Lycosa saccata (PI. IV, fig. 6), et en général chez toutes les Araignées appartenant à la famille des Lycosides, la gaine existe, mais elle est un peu moins développée que chez les Tégénaires. Le deuxième dactylopodite est forte- ment échancré à sa partie supérieure. Chez les Clubiones, les Drasses, la gaine est encore moins développée que chez les Lycoses et le dernier article offre encore une échancrure à sa face supérieure (PI. IV, fig. 8). Il se fléchit très peu en arrière. Les Epéires (PL. IV, fig. 7), les Néphiles, et tous les ani- maux appartenant à cette famille offrent une gaine plus courte. La partie inférieure du sixième article avance même plus en avant que la partie supérieure, l’article présente deux échancrures sur les parties latérales. Le mouvement du dernier article est très limité et ne se fait pas du tout en arrière. | Chez les Dyctines on a une gaine très courte, le reste 132 PAUL GAUBERT. du sixième article est coupé Fa un plan perpendiculaire à l'axe. Les Attides (PI. IV, fig. 9) et les Mygales n’ont pas de gaine, les deux articles sont coupés transversalement suivant un plan perpendiculaire à l'axe. Le mouvement du dernier ar- ticle est très restreint. Chez les Thomises (PI. EV, fig. 10), les Pholques, con- trairement à ce qu'on observe chez les animaux précédents, la face inférieure du sixième article s'avance beaucoup plus que la face supérieure ou gaine, une modification corres- pondante se produit dans le septième article. | Le mouvement de celui-ci est très restreint, ils is très peu vers la face inférieure et pas davantage vers la face supérieure, on peut même dire ctiespitesqé immobile. Cependant chez les Pholques il jouit d’une certaine mobilité, il peut se redresser beaucoup vers la face supérieure. | La disposition de l’articulation du sixième article avec le septième nous permet de reconnaître les familles. Chez les Agelenides, les Lycosides, les Clubionides, les Dysderides, la gaine s’avance plus en avant que le reste de l’article, chez les Epéirides la gaine se prolonge autant que la face inférieure et l’article présente deux échancrures latérales. Chez les Dyctinides on trouve une gaine très peu embrassante, le reste de l’article est coupé droit; chez les Théraphosides et chez les Altides, les deux articles sont coupés par un plan trans- versal à l’axe de l’article. Chez les Thomisides, les Pholcides,les Scytodides, la face inférieure de l’article s'avance plus que la gaine. Cette modification de l'articulation est en rapport avec la mobilité de l’article. Celle-ci va en Gr à mesure que la gaine diminue d'importance. Est-elle en rapport avec la rapidité de la course, le milieu _ dans lequel vit l’Araignée, son mode de lotomoHsae Les Tégénaires, les Lycoses montrent une grande agilité à la course, mais ne sautent pas; la souplesse du dernier arti- cle leur permel de prendre comme point d'appui tout ce qui RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 133 se présente sous leurs pattes, mais cette flexibilité les empêche de prendre sur le sol un point d'appui assez puissant pour faire des sauts. Nous verrons que chez les Phalangides la souplesse du dernier arlicle est encore plus grande et que l'animal peut se mouvoir sur les surfaces les plus irrégu- lières, mais qu'il ne peut jamais faire de bonds. Les Saltiques, au contraire, font des sauts, leurs pales sont courtes el le dernier in offre peu de bb tés Pour bondir l'animal a besoin de produire sur le sol une réaction égale. à la force qui transportera son corps à une distance déterminée, pour cela 1l faut que ses pattes soient rigides dans leur partie terminale, sinon une partie de la force se- rait perdue si les leviers étaient flexibles. La même explica- lion peut s'appliquer aux Mygales, celles-ci ne sautent pas, mais elles creusent des terriers et elles ont besoin d’avoir à l'extrémité de leurs pattes une certaine force. Modifications des muscles des pattes chez les Araignées. — Les muscles des pattes ambulatoires des Araignées sont les mêmes dans les différents types. Les variations ne portent que sur leur forme. Chez les Lycoses et surtout chez les Sal- tiques, les muscles du méropodite sont très developpés et renferment un grand nombre de fibres musculaires, aussi l'article au lieu d’être cylindrique est renflé dans sa partie dorsale, surtout vers l'extrémité proximale. Les tendons présentent généralement les mêmes dispositions, et sont en même nombre, mais comme je l'ai dit plus haut le même muscle peut s'insérer par un nombre variable de tendons et j'ai montré le rapport quil y avait avec la longueur du muscle. Les muscles du Pholcus sont très longs, aussi le nombre des tendons est plus restreint que chez les Lycoses par exemple, du moins pour les muscles des pattes. Ils se ramifient à leur base et à chaque ramification s’insère une fibre musculaire, mais en outre on trouve des fibres qui s’insèrent sur la longueur du tendon principal, qui peut lui- même être divisé en plusieurs tendons secondaires suivant le même trajet. 134 PAUL GAUBERT, Pattes-mächoires. — La transformaïion des pattes ambu- latoires en pattes-mâchoires n’est nulle part aussi évidente que chez les Aranéides et en particulier chez les Mygales, aussi presque tout ce qui a été dit pour les pattes ambula- toires s'applique aux pattes-mâchoires. Il a été décrit plus haut les mâchoires et les muscles qui les font mouvoir; nous avons vu qu'ils étaient identiques à ceux de l’article basilaire des paites. Le basipodite du palpe est semblable à celui des pattes et, comme lui, il est mis en mouvement par quatre muscles. M. Schimkewitsch n’en décrit que deux chez l'Epéire diadème : le fléchisseur et l'extenseur. J’ai pu constater la présence de deux mus- cles latéraux qui sont formés par ÉlqUEs fibres muscu- laires. seulement. Le coxopodite, le méropodite, le carpopodite, et Le pro- podite sont semblables, mais il n'existe qu’un seul dactylo- podite terminé par une griffe. Chez le mâle adulte, le palpe est modifié par un organe d’accouplement, mais je ne m'oc- cuperai pas de ces modifications. M. E. Blanchard, en s’ap- puyant sur la disposition des muscles, admet que le pro- podite ne s’est pas développé, j'arrive à des conclusions différentes en m'appuyant sur les considérations suivantes. Les muscles qui agissent sur le cinquième article du palpe sont identiques à ceux du même article de la patte. Les muscles placés dans cet article et qui agissent sur le sixième sont les mêmes dans les deux appendices. En outre nous avons vu que chez l'Epéire diadème on trouve dans le cin-. quième article des pattes ambulatoires des fibres muscu- laires s'insérant sur le tendon du muscle fléchisseur des griffes. Ces fibres musculaires, nous les trouvons aussi dans le même article du palpe. Nous pouvons en conclure que les cinquièmes articles du palpe et de la patte sont homolo- gues. Le sixième article du palpe renferme une grande partie des muscles des griffes. Ceux-e1 sont surtout placés dans sa partie proximale, l’autre n'étant parcourue que par les deux tendons. Nous voyons donc que cet article a la RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 135 même conslitulion que les deux articles réunis des pattes ambulatoires. Le second diétylôpodite de ces dernières ne possède pas de muscles propres, comme je l'ai dit plus haut, il con- tient à sa base le prolongement des muscles des griffes. Il y à là une division du dernier article du palpe en deux parties, division analogue à celle du sixième article des pattes ambulatoires de l'Hersilia, une division semblable commence à se faire dans le dernier article des Tégénaires. Le palpe d’un Aranéide estune véritable patte, qui ne sert à la locomotion que dans des cas accidentels, patle qui ne s’est par conséquent pas modifiée dans sa partie terminale comme les autres qui servent à porter l'animal. En étudiant les Phalangides et les autres Arachnides nous trouverons des arguments venant à l'appui de cette hypo- thèse. PHALANGIDES. Les pattes des Phalangides ont beaucoup de ressemblance avec celles des Aranéides; les différences ne portent que sur le premier et les derniers arlicles. Les coxopodites sont ici soudés, du moins dans la plus grande partie de leur face dorsale, avec le céphalothorax ; 1l en résulte que le mouve- ment de l'article basilaire est très restreint et les mouve- ments latéraux peuvent seuls s’effectuer. Le dernier article des pattes ambulatoires est divisé en un grand nombre de segments secondaires. J'ai montré dans le chapitre précédent que le palpe des Aranéides représentait un état primitif des paites; il en est de même chez les Phalangides, les palpes de ces animaux sont semblables à ceux des Aranéides, c’est-à-dire qu'ils sont constitués par six articles. Cela nous prouve qu'entre les Phalangides et les Aranéides il y à un certain degré de parenté et qu'ils doivent avoir des ancêtres communs s'ils ne descendent pas l'un de l’autre. Coxopodite. —- Le coxopodite renferme les muscles qui 136 : PAUX GAURBERT. agissent sur le second article. Comme chez les Araignées ils sont au nombre de quatre, mais ils sont plus développés. Ils agissent de la même façon que ceux de ces animaux. Les uns et les autres s’articulent sur le basipodite par des tendons plus ou moins nombreux. Basipodite. — C’est un article court ayant la forme d'un tronc de cône et offrant ainsi une forme un peu différente de celle que l’on trouve dans l’article correspondant des Arai- gnées. Il renferme deux muscles, l’élévaieur et l’abaisseur du méropodite. Grâce au mode d'articulation, le méropodite fait un angle droit avec le basipodite et se maintient presque vertical en s’inclinant vers la face dorsale. Il en résulte que le muscle fléchisseur est beaucoup plus puissant que l’exten- seur dont l’action s'ajoute à celle qui relève le iepin et qui est passive. Méropodite. — Le méropodite est ofblabie à ne des Aranéides. C’est un article allongé dirigé chez le vivant à peu près verticalement. Il s'articule avec le basipodite d’une facon un peu différente, la cuticule articulaire du côté in- férieur étant beaucoup moins bien représentée, Avec le carpopodite le mode d’ärticulation est identique à celui des Aranéides, mais on ne trouve pas au milieu de la cuticule arliculaire cet épaississement en fer à cheval où venaient s’insérer de chaque côté les tendons des muscles de l’article. Des différences plus considérables existent dans la disposition des muscles. Nous ne trouvons pas chez les Phalangides le muscle placé à la face ventrale et qui s’in- sérait sur le basipodite par un tendon. Les deux muscles qui se trouvent dans l’article et qui agissent sur le carpopodite s’insèrent à une assez distance de l'extrémité proxi- male. Carpopodite. — Cet article est semblable à celui des Ara- néides; comme chez ces derniers il est court et va en augmentant de diamètre à partir de son extrémité centrale. Il est tronqué par un plan oblique à l'axe, la partie supé- rieure s’avançant plus que l’inférieure: les muscles qu il RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 157 renferme donnent le mouvement latéral au propodite. Ils sont placés de chaque côté de l'article et sont un peu obliques, par rapport à l'axe. Ayant le même volume ils doivent agir avec la même énergie. On trouve en outre quelques fibres musculaires qui abaissent le propodite, Propodite. — {1 est identique comme forme à celui des Aranéides, Les muscles agissant sur le sixième article sont contenus dans son intérieur et offrent la disposition que nous avons trouvée chez les Araignées, Premier dactylopodite. — Sa forme et la disposition des muscles qu'il renferme sont identiques à ce qui existe chez les Araignées. Deuxième dactylopodite. — 11 est ici formé par un grand nombre d'articles qui vont en diminuant de longueur à mesure qu'on s'approche de l'extrémité de la patte. Ceux-ci sont cylindriques et les derniers ont un diamètre presque égal à leur longueur, À leur face inférieure et à l'extrémité distale, on trouve généralement une épine. [ls sont unis par dela culicule articulaire qui forme un anneau plus large à la face supérieure qu’à la face inférieure et très peu déve- loppé sur les bords latéraux. Ces articles sont dépourvus de fibres musculaires de telle sorte que leur mouvement est passif; ils sont traversés par les longs tendons des griffes. Quelle est la cause qui a produit la division du deuxième dactylopodite en un grand nombre d'articles ; c’est ce que je vais essayer d'expliquer, mais avant je rappellerai que dans les palpes des mêmes animaux nous trouvons un seul dactylopodite qui correspond aux deux derniers des pattes. | Chez les Phalangides les pattes avaient primitivement six arlicles comme les palpes. Le dactylopodilte s’est divisé en deux chez les Aranéides et chez les Phalangides. Mais tandis que chez les premières la division en est restée là ou du moins qu'elle n’a eu lieu qu’une autre fois et encore imparfaitement chez les Tégénaires et complètement chez les Hersilia, chez les seconds elle a eu lieu un très Li 138 PAUL GAUBERT. grand nombre de fois, et elle est due au genre de vie et au mode de locomotion de ces animaux. Les Faucheurs courent assez rapidement sur les fenillés, sur les murailles, sur le sol et en général sur les surfaces les plus irrégulières. Leurs pattes étant très longues, si le dernier article était rigide, l'animal trouverait difficilement, chaque fois qu'il aurait besoin de poser la patte, un point d'appui, à moins qu'il ne se meuve sur une surface plane, ce qui est très rare. Je suppose pour la facilité de l’exposi- lion que le Phalangium marche sur cette dernière. Le der- nier dactylopodite repose sur le sol et se fléchit par suite du poids de l'animal ; jusque-là, il n’y a aucune difficulté, les articles pourraient être rigides comme chez le Pholcus Phalangoïdes; supposons maintenant que nous mettions un obstacle, en rapport bien entendu avec les dimensions de l'animal, et que celui-ci soit obligé d'y appuyer une de ses pattes comme cela arrive constamment. Si le dernier article était rigide, le Phalangium devrait d’abord élever la patte d’une façon exagérée pour appuyer son extrémité sur l’obs- tacle et une fois la palte appuyée il aurait le corps incliné du côlé opposé à la patle, ce qui gênerait ses mouvements. Aussi le Pholcus phalangoïdes, qui a les pattes aussi longues que celles du Faucheur, ne marche qu'avec une extrême difficulté quand on le place sur une surface irrégulière, tandis que sur une surface plane il va assez vite. Mais si la patte est flexible, son extrémité trouvera tout de suite sur l'obstacle un point d'appui et le bras de levier est pour ainsi dire, par suite de la flexion, allongé ou raccourci suivant les circonslances. Done pour que ces animaux soient agiles, il faut à cause de la longueur de leurs pattes” qu'ils puissent trouver sans aucune difficulté des points d’ap- pui et cela entraîne la flexibilité de la patte. Nous trouvons une disposition semblable chez certains LUS ji pourvus de longs appendices. Chez le Zrogulus rostratus, les paites sont beaucoup plus courtes que chez les Phalangium, mais leur forme générale RECHERCHES SUR ÎES ARACINIDES. 139 est la même. Les palpes sont semblables à ceux de ces derniers animaux et les pattes offrent aussi la division du deuxième dactylopodite, mais elle est poussée beaucoup moins loin. Dans les deux premières paires le dernier article se divise en deux articles secondaires, et en trois dans les deux paires postérieures. Le nombre des divisions va donc en augmentant de la partie antérieure du corps à la partie pos- lérieure. La flexibilité du dernier article des pattes ne permet pas aux Phalangides de sauter, aussi ces animaux s'emparent de leur proie en la chassant à la course et ne bondissent jamais sur elle à l’improviste. La première paire de pattes présente à son article basilaire un développement qui forme une deuxième paire de mâchoires. J'ai dit plus haut que le palpe des Phalangides était iden- tique à celui des Araignées et qu'il possédait six articles, cependant il.y a une différence, chez le mâle il ne se mo- difie jamais en organe copulateur. Les muscles qui font mouvoir les articles sont les mêmes que ceux des pattes, aussi il est inutile d'y revenir. Le basipodite atteint un grand développement, il est beau- coup plus long que celui des pattes et que l’article corres- pondant des palpes des Aranéides. IL est à remarquer que le dernier article des pattes tend à senrouler sous l'influence d’une cause passive, vers la face inférieure. Cette force d’enroulement fait équilibre à la force produite par le poids du corps de l’animal. Chez le Lithobrus, qui est un Mvyriapode, on observe les mêmes ré- sultats. Le dernier article du Pholcus présente aussi une tendance à se fléchir de façon à former une courbe à conca- vité tournée vers la face inférieure. Les muscles des patles des Phalangides ont élé étudiés d'une façon inexacte par K. Lindemann {1), qui donne en même temps le mécanisme du mouvement des articles. (1) K, Lindemann, Zoologische Skizzer (Bull. soc. nat. de Moscou, XXXVIF, p. 531-539, année 1864). 140 PAUL GAUBERT, Il ne parle pas des muscles faisant mouvoir le coxopodite et le basipodite, mais il donne un muscle situé dans ce der- nier et qui agit sur le méropodite. | Dans le méropodite, il figure un tendon traversant lactiélé et joignant le basipodite à l’extrémité proximale du carpo- podite. Sur ce tendon s’inséreraient deux sortes de muscles. Les fibres musculaires de l’un vont de l’extrémité proximale du tendon au tégument de la face supérieure de la patte. Celles du second muscle, s’insèrent, d’une part, sur l’extré- mité distale du tendon, et d’autre part sur la face dorsale de l'article de façon à avoir une direction qui croise celle des fibres du premier muscle. Dans le carpopodite, K. Linde- mann décrit un muscle, le muscle patellaire, dont la direc- tion des fibres qu’il présente est exacte. Les muscles des autres articles et des griffes ne sont pas réprésentés. On voit que cette description est bien différente de celle que j'ai donnée et qu'elle est même, du moins pour le troi- sième article, tout à fait inexacte. + si 4 Dans le même travail Lindemann donne la deserttion des muscles d’une espèce de Théridion. Chez ces animaux la disposition des fibres musculaires serait la même que celle qu'il a donnée pour les Phalangides. ( PÉDIPALPES. Phrynes. Les Phrynes se rapprochent beaucoup des Avineides par leur forme. Leurs pattes ambulatoires, à exception de celles de la première paire, ont une constitution peu différente de celle des Araignées. Leur forme extérieure a été étudiée par les divers naturalistes qui se sont occupés de ces animaux au point de vue taxinomique el surtout par M. E. Blanchard qui à donné de ces animaux une monographie complète dans son remarquable ouvrage Sur l'organisation du règne animal. Coxopodite. — L'article basilaire s’insère à la face. infé- rieure du céphalothorax, presque sur sa ligne médiane. I] RECHÉRCHES SUR LES ARACHNIDES. 141 présente à sa face antéro-inférieure un épaississement chitineux, semblable à celui qui à été décrit chez les Aranéides. À son extrémité périphérique, cette tige se renfle et le renflement est creusé d’une cavité dans laquelle pénè- tre une apophyse articulaire située sur le second article. Le mode d’articulation est donc un peu différent de celui des Araignées. En outre 1l existe un point opposé, où les tégu- ments des deux articles forment une autre articulation, mais celle-ci leur permet de se mouvoir latéralement, de telle sorte que le basipodite peut effectuer des mouvements dans tous les sens. Ils sont produits par quatre muscles disposés comme chez les Araignées, et renfermés dans le coxopodite. Ils s’insèrent par de nombreux tendons, dispo - sés parallèlement et silués presque dans le même plan, du moins ceux de la partie postérieure. Les muscles latéraux sont beaucoup plus faibles que les deux autres. Basipodite. — C’est un article court, s’articulant par deux apodèmes d’articulation avec le méropodite, qui est mis en mouvement par deux muscles disposés comme ceux des Aranéides. M. E. Blanchard (1) en a décrit trois : un flé- chisseur, un extenseur et un élévateur. Méropodite. — Article cylindrique renfermant les muscles du carpopodite. Ceux-ci sont disposés comme ceux des Aranéides, aussi 1l est inutile de les décrire. Le carpopodite est semblable à celui des Araignées, mais le mouvement dans un plan vertical peut s'effectuer avec beau- coup plus de latitude que chez ces animaux. Il renferme des fibres musculaires courtes agissant sur le protopodile et dis- posées comme celles qui ont été décrites chez les Araignées. M. E: Blanchard décrit tout différemment les muscles renfermés dans la cuisse et dans la jambe : « Les muscles logés dans la cuisse exercent leur action sur le tarse lui- même. Le fléchisseur occupant le côté interne de la cuisse est peu volumineux et offre un long tendon d’origine qui (4) E. Blanchard, L'organisation du Règne animal(Arachniles, p.183, 1861). 149 PAUL GAUBERT. traverse la jambe et s’insère à la base du premier article tarsien. Le muscle antagoniste, l’extenseur, remplit la plus grande partie de la cuisse, traverse également la jambe pour agir directement sur le tarse ; ses points d'attache, du reste, s'étendent sur ces deux pièces de telle manière que le tarse et la jambe ne peuvent avoir aucun mouvement indépendant. » On peut se rendre très facilement compte de l'insertion des tendons de la cuisse sur lextrémité proximale du carpopodite ou jambe et non sur le tarse en traitant la patle par la potasse et en l’examinant au microscope. La mème préparation permet de voir la direction des tendons des muscles de la jambe tels que Je les ai décrits chez les Araignées. | Propodite. — Cet article présente une longueur égale à celle du méropodite; son diamètre est plus faible et va en diminuant graduellement de longueur, à partir de son extré- mité centrale. [l renferme les muscles qui agissent sur l’ar- ticle suivant et en outre, comme chez les Araignées, quelques fibres musculaires qui se fixent sur les tendons des griffes. M. E. Blanchard dit : « Chacun des articles du tarse a sur le précédent une certaine mobilité qu’il reçoit de deux muscles; mais ces muscles sont extrêmement faibles ; ceux qui agissent sur les crochets sont pourvus d’un tendon d'une assez grande longueur. » mr Premier dactylopodite (PI. IV, fig. 4). — I renferme la plus grande partie des griffes et s'articule avec le deuxième dactylopodite de la même manière que les articles corres- pondants des Lycoses. ê Deuxième dactylopodite. — Cet article n’est pas simple, il est subdivisé en (rois autres, d’une assez grande mobilité mais dépourvus de muscles. L'article du milieu est divisé en trois petits articles ayant une mobilité fort restreinte. Il est intéressant de retenir la disposition des muscles agissant sur les griffes et sur les autres articles, car elle permettra d'établir l’homologie des articles. La première paire de pattes est considérablement modifiée. RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 143 Les quatre premiers articles sont semblables à ceux des trois autres paires de pattes, bien que le troisième article soit plus long et plus mince. Les différences portent sur le pro- podite et les dactylopodites. Ces trois articles sont ici _subdivisés en un grand nombre d’autres de telle sorte que la palte ressemble à une antenne de Crustacé. IL est évident que cette patte ne sert pas à la locomotion mais qu'elle se trouve modifiée en un organe tactile. Pattes-mächoires. — Le premier article des patles-mà- choires est, comme il a éte dit plus haut, développé en mâchoire. Il renferme les muscles agissant sur le deuxième article, muscles qui sont identiques à ceux des pattes ambu- latoires. | Le basipodite est aussi semblable à celui des pattes am- bulatoires, mais l’axe d’articulation avec le méropodite est tout à fait oblique et le mouvement du méropodite est plus limité ; en outre, on ne constate pasla présence de l’épaississe- ment transversal en fer à cheval sur la cuticule articulaire. Le méropodite diffère de celui des pattes par l'absence d'épine postérieure et par le plus grand développement de la _cuticule articulaire, ce qui permet à l’article suivant de s’a- baisser davantage et de s'appliquer exactement sur le troi- sième article. [Il s’élargit vers son extrémité distale où la face inférieure est plane et de chaque côté de celle-ci partent des épines allongées et très aiguës qui allernent avec celles du méropodile. Cela forme un organe puissant de préhen- sion en même temps qu'il permet à l'animal de retenir soli- dement sa proie. Cet article renferme deux muscles qui agissent sur l’arti- cle suivant, ce sont : un extenseur et un fléchisseur s’insé- rant d'une part par des tendons à l'extrémité de l’arlicle qu'ils font mouvoir et d'autre part à l'extrémité proximale de l’article qui les contient. Le cinquième article est court et renferme les muscles de la griffe qui est simple et qui présente la forme de celle des chélicères. 144 PAUL GAUBERT. Les Aranéides et les Phalangides nous ont montré des palpes présentant une grande analogie avec les pattes; chez les Phrynes, les différences sont plus considérables: Cepen- dant, nous pouvons établir l’homologie des articles et mon- trer la signification de certains d’entre eux, tels quelecarpo- podite, mais avant Je vais éludier les membres des Tély- phones qui nous fourniront un nouvel élément pour résoudre le problème de l’'homologie des articles. TÉLYPHONES. Les articles basilaires des trois dernières paires de pattes ambulaloires sont en partie soudées au thorax; leurs muscles sont semblables à ceux des Phrynes. On ne trouve pas à la partie antérieure du coxopodite cetle tige articulaire que nous avons vue chez les Phrynes et chez les Aranéides. Le basipodile est beaucoup plus allongé que chez les Phry- nes, mais en revanche, les autres le sont beaucoup moins à l'exception du carpopodite. Les muscles, renfermés dans le basipodite, sont Rire et n'ont pas la forme HÉRSLIaRe que l’on a vue chez les animaux précédents. Nous ne trouvons pas chez le T. caudatus, Lucas, entre le second et le troisième article cette bande Le pisse transversalement sur l'articulation. M. E. Blanchard (1) décril pour chaque patte deux éléva- teurs prenant leur insertion au bord supérieur du trochan- ter et attachés au bouclier céphalothoracique de manière à porter l’appendice en avant ou en arrière; en outre, il suppose que les petits muscles, ayant une direction abso- lument verticale allant de l’origine des pattes aux côtés du bouclier céphalothoracique, paraissent. agir comme élévateurs et servir au moins dans certains cas à resserrer la cavité thoracique en déprimant sa paroi dorsale. Selon toute apparence il y aurait là une disposition propre à (4) E. Blanchard, Organisation du Règne animal (Arachnides, p. 146). RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 145 exercer une influence sur la marche du sang veineux. Les muscles extenseurs s'étendent de la partie inférieure du trochanter aux cloisons de la cavité thoracique. Les articles suivants n'offrent rien de particulier. Je ferai seulement remarquer que le propodite peut s’abaisser plus : que l’article correspondant des Phrynes, des Phalangides et des Aranéides. Le premier daclylopodite est très court et le deuxième est divisé en {rois articles, dont celui du milieu est le plus pelit. Les muscles des griffes se trouvent non seulement dans . le premier dactylopodite, mais aussi dans le propodite. La première paire de pattes des Télyphones est modifiée comme celle des Phrynes. Ses trois premiers articles sont semblables à ceux des autres pattes, bien qu’ils s’insèrent au-dessus, mais il n'existe pas de carpopodile et le deuxième dactylopodile est divisé en huit articles secondaires dont le premier et le dernier sont les plus longs. Les griffes man- quent. Ces pattes comme celles des Phrynes ne servent pas à la locomotion, mais elles doivent servir d’organe de tact. Les pattes mâchoires sont ici considérablement modifiées et s’éloignent beaucoup de la forme des pattes ordinaires. Nous avons maintenant toutes les données pour établir l'homologie des articles des pattes ambulatoires et des pattes- mâächoires des Aranéides, des Phalangides et des Pédipalpes. Les trois premiers articles sont homologues. Leur forme, leurs proportions, leur fonction et leur système musculaire sont tellement semblables dans les trois groupes qu'il n’y a aucun doute à cet égard. Il n’en est pas de même du quatrième article ou carpopodite. Nous avons vu que celui-ci existait aux pattes ambulatoires et aux pattes-mâchoires des Aranéides et des Phalangides, aux pattes ambulatoires des Phrynes et que chez les Télyphones il manquait non seulement aux pattes-mâchoires, mais aussi à la première paire de pattes ambulatoires. Si nous considérons le quatrième article de la première paire de pattes des Télyphones et le même article ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, A0. — ART. N° 2. 146 PAUE, GAUBERT. des palpes des Phrynes, nous voyons qu’à son extrémité proxi- male, il s'articule avec le méropodite comme le fait le carpopo- dite des autres pattes avec ce dernier, et avec l’article suivant comme le fait le propodite avec le premier dactylopodite. En outre, nous voyons que le carpopodite des Aranéides et des Phalangides, ne donne surtout que le mouvement laté- ral qui est peu étendu, et que généralement le carpopodite et le propodite forment pour ainsi dire un même article. Chez beaucoup d’Aranéides les muscles agissant sur le premier dactylopodite, viennent s’insérer sur la face inférieure des téguments du carpopodite, ce qui prouve l’union intime des deux arlicles. Il est très probable qu'au début, le quatrième arlicle renfermail seulement les muscles agissant sur le pre- mier dactylopodite. Pour donner le mouvement latéral au membre, le qua- trième article a présenté des flexions latérales par suite du développement de la cuticule articulaire, et plus tard le mou- vement d’abord passif a été soumis à l'influence de la volonté par le développement des fibres musculaires. Le mouvement latéral n'ayant pas eu lieu dans la première paire de pattes des Télyphones et dans le palpe des Phrynes, la division de l’arlicle ne s’est pas produite. De ce qui précède, il en résulte que le carpopodite et le propodite des pattes ambulaloires correspondent à un article qui était primitivement simple. Quant aux dactylopodites, qui sont iei divisés en plusieurs autres articles, en se basant sur des considérations sembla- bles on verrait qu’ils proviennent d’un article unique aui a élé subdivisé par suite des besoins de la locomotion en un grand nombre d’autres. En résumé nous voyons que les Pédipalpes, les Aranéides et les Phalangides forment un groupe parfaitement déterminé ayant des membres construits sur le même iype et présen- tant tous des organes lyriformes. Nous admettrons que la jambe est constituée par le quatrième et le cinquième arlicle, que le tarse est formé par l’ensemble des autres articles, mais nous ne réunirons pas le second et le troisième pour RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 147 en faire la cuisse comme Savigny. Nous admettrons, après M. E. Blanchard, la hanche, le trochanter et la cuisse, qui ne correspondent nullement à ce que nous trouvons chez les ver- tébrés, aussi faut-il leur accorder une tout autre significa- lion. Je reviendrai là-dessus quand je comparerai les appen- dices des Arachnides à ceux des autres Arthropodes. SCORPIONS. Les muscles des appendices des Scorpions ont élé étudiés par M. E. Blanchard chez le Scorpio occitanus (1). Mes ob- servations ont porté sur le Buthus australis (PT. IV, fig. 2). — Les muscles qui agissent sur le premier arlicle sont dans le thorax. La hanche ou coxopodite renferme quatre muscles. Celui de la face ventrale de l’article est fixé d’une part à l’ex- trémité proximale et à la face inférieure du trochanter, par de nombreux tendons (sept à huit environ) qui se ramifient beaucoup à leur extrémité en rapport avec les muscles. Il Joue le rôle de fléchisseur. L'anlagoniste de ce muscle est placé à la face supérieure, il présente des insertions el une forme analogues. On trouve deux muscles placés sur les faces latérales, et dirigeant le trochanter, l’un en avant, l’autre en arrière. Ils sont plus faibles que les précédents et comme eux présen- tent de nombreux tendons. Le coxopodite des Scorpions renferme donc les mêmes muscles que celui des Aranéides. M. E. Blanchard décrit un fléchisseur, un extenseur et un élévateur chez le Scorpio occitanus. Le basipodite est pius long que celui des Aranéides. Il s’arlicule avec le méropodite par deux apodèmes d’articula- tion de telle sorte que le mouvement de ce dernier est un ginglyme angulaire. M. E. Blanchard a décrit deux muscles dans le trochanter, J ai constaté la présence de ces deux muscles chez le Buthus. (i) E. Blanchard, loc. cit., p. 32-35. 148 PAUL GAUBERT. Ce sont un fléchisseur, placé à la partie inférieure et ayant de nombreux tendons à l'extrémité périphérique, et un ex- tenseur fixé aussi par des tendons et placé à la partie supé- rieure de l'article. Le méropodile ou cuisse est allongé, il s'articule avec l'article suivant par deux apodèmes d’arliculation, de telle sorte que ce dernier ne se meut que dans un seul plan. M. E. Blanchard a décrit deux muscles, un extenseur et un fléchisseur. Ce dernier comprend trois muscles bien distincts et qui n'ont jamais été décrits. 1° Un muscle ayant de nombreux tendons, et occupant la partie inférieure de l’article. 2° Un muscle pair inséré par un lendon très long, sur le quatrième article et un peu au-dessus des tendons du muscle précédent. Il est situé dans la partie latérale et inférieure de la cuisse. | | 3° Un muscle pair est placé au-dessus du précédent et s’insérant aussi par un seul tendon sur la jambe, Tous ces muscles s’insèrent par des tendons à leur extré- mité centraleet directementsur les téguments du méropodite. Le muscle extenseur, placé dans la partie supérieure, s’in- sère par des tendons ramifiés à l'extrémité dorsale et cen- irale du quatrième article et sur le méropodite, mais alors directement. Il est moins volumineux que la série des mus- cles fléchisseurs. Le quatrième arlicle diffère considérablement de celui des Aranéides, des Phalangides et des Phrynes. Comme nous le verrons plus loin, il correspond au carpopodite et au propodite de ces animaux. Nous avons vu en effet que, chez ces derniers, la jambe s’élait divisée en deux pour don- ner le mouvement latéral. Ici cela n’a pas eu lieu, celui-ci est donné par le premier dactylopodite qui s’est divisé en deux. M. E. Blanchard a décrit deux muscles dans cet article, un extenseur et un fléchisseur. Les muscles du Buthus australis présentent la même disposition. Le cinquième article renferme les muscles donnant le RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 149 mouvement latéral au sixième. Il a la même forme que le carpopodite des Araignées et s'articule avec le suivant de la même facon. M. E. Blanchard à décrit deux muscles dans son intérieur, l’un d'eux dirige le sixième article en avant, l’autre en arrière. En outre, on trouve dans cet arlicle, du moins chez le Buthus australis et il est probable que cela existe chez tous les Scorpions, des fibres musculaires du musele fléchisseur des griffes, ce qui prouve que la division du cinquième arlicle en deux autres est identique à celle de la jambe des Aranéides, des Phalangides et des Pédipalpes. Le sixième article ne renferme pas de muscles pour agir sur le septième et dernier article. Les mouvements de celui-ci sont passifs comme ceux de l’article correspondant des Aranéides. Les muscles qui agissent sur les griffes sont au nombre de deux, un extenseur ayant un tendon court et grêle, et un fléchisseur ayant un tendon beaucoup plus gros et beaucoup plus long. Ce dernier traverse le septième, le sixième et se termine dans le cinquième article, tandis que celui de l’extenseur n'arrive qu'à l'extrémité du sixième article. Si on compare une patte de Scorpion avec une patte d’Ara- néide, on constate que les trois premiers articles sont homo- logues, mais la jambe ne s’esi pas divisée en deux articles pour donner le mouvement latéral; de telle sorte qu'elle est semblable à celle de la première paire de pattes des Tély- phones ; la division à eu lieu dans le premier dactylopodite. On voit encore que la forme générale de la patte est la même que chez les Araignées, c’est-à-dire qu'elle forme avec sa projection sur le sol un quadrilatère ayant pour côtés, la cuisse, la jambe et le premier dactylopodite. Chez tous, le dernier article est placé en dehors du quadrilatère et est plus ou moins incliné sur le sol. Chez la plupart des Scor- pions, il est appliqué sur le sol de telle sorte que l'extrémité de l’avant-dernier le touche par l'intermédiaire d’une épine droite, conique et assez forte. Les patles-mâchoires sont beaucoup plus éloignées du 150 PAUL GAUBERT. type primilif que celles des autres Arachnides, à l'exception: des Chelifer; elles sont transformées en organe de préhen- sion. Les quatre premiers articles sont identiques à ceux des pattes, avec cette différence que le premier s’est modi- fié en mâchoire. Les deux derniers forment une pince très puissanle. [1 est probable que l’avant-dernier correspond au cinquième, au sixième et au seplième arlicle des pattes et que l’autre correspond aux griffes. Les muscles de la griffe des palpes se trouvent entièrement dans cet arlicle, et ceux des griffes des pattes dans les trois derniers decesappendices. En outre j'ai montré pour d’autres animaux que la division qui donnait le dernier dactylopodite était secondaire et qu'elle était due à la locomotion. Chez les Scorpions nous avons vu que la division du dactylopodite pour donner le mouvement latéral était aussi secondaire. GALÉODES. La forme générale des pattes ambulatoires des Galéodes diffère de celle des Arachnides que nous avons étudiés par la présence d'articles supplémentaires ajoutés au coxopo- dite. Les pattes-mâchoires ne possèdent que le coxopodite et le basipodite, comme les autres animaux appartenant à ce groupe, mais la première et la seconde paire de pattes ont un article supplémentaire donnant à l'article suivant des mouvements obliques. Ces trois articles donnent à la patte toutes les directions possibles. Ceux qui suivent sont tous dans le même plan. | La troisième et la dernière paire de pattes sont pourvues de deux segments supplémentaires. En outre les pattes postérieures portent des organes spéciaux, désignés par Dufour sous le nom de « raquettes coxales », et au nombre de cinq : deux sur le premier article, deux sur le second et une sur le troisième. Ces faits sont connus depuis longtemps et ont élé observés par les zoologistes et en particulier par Savigny. Je vais examiner la disposition des muscles en commencant par le RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 151 palpe, qui se rattache beaucoup plus à la forme des pattes des autres Arachnides, que ces derniers appendices des mêmes animaux. Les pattes-mâchoires présentent six articles. Le pre- mier forme des mâchoires qui sont peu développées; il renferme des muscles agissant sur le basipodite et présen- tant la même disposilion que ceux des Arachnides, étudiés plus haut. Ils offrent des tendons situés dans le même plan, comme ceux des Scorpions, mais différant de ceux de ces derniers en ce qu'ils sont réunis les uns aux autres par du tissu conjonctif. Le basipodite ne présente rien de particulier, il renferme deux muscles, un extenseur et un fléchisseur identiques à ceux des Araignées. Le carpopodite n'existe pas. Nous trouvons deux dactylopodites comme dans Ts pal- tes des Aranéides. Le premier renferme des muscles agis- sant non sur des griffes mais sur une formation toute spé- ciale observée pour la première fois par Dufour (1), dont je cite textuellement la description : « Le bout terminal du palpe antérieur paraît formé par une membrane blanchâtre, mais lorsque l'animal est irrité, cette membrane, qui n’est qu'une valvule repliée, s'ouvre pour donner passage à un disque ou plutôt à une cupule arrondie d’un blanc nacré. Cette cupule sort et rentre au gré du Galéode comme par un mouvement élastique. Elle s'applique, et paraît adhérer à la surface des corps, comme une ventouse; son contour, qui semble en êlre la lèvre, est marqué de petites stries perpendiculaires au centre, et l’on voit, par ses contractions, que sa texture est musculeuse..….….. Cel organe ne sert-il au Galéode que pour s’accrocher el grimper? Est-il destiné à saisir les petits insectes dont il fait sa nourriture? Est-il le réceptacle ou l'instrument d’inoculation de quelques ve- nins, etc.? » J'ai observé sur le Galeodes barbarus un tendon (4) Dufour, Annales générales des sciences physiques de Bruxelles, t. V pl. LXIX, fig. vir—1820. ? 152 PAUL GAUBERT. fixé à la base de cette vésicule. Il se ramifie à son autre extrémité el sur ces ramificalions viennent aboutir les fibres musculaires qui sont dans le premier dactylopodite et dans le propodile. Ce muscle en se contractant fait rentrer la vésicule et elle peut avoir alors le rôle de ventouse comme le supposait Dufour, mais sa texture n’est pas musculeuse, comme il le croyait. D’après la disposition des muscles qui agissent sur cette membrane, il est incontestable qu’elle ne sert au Galéode que pour s’accrocher ou grimper. J'ai fait des coupes dans le dernier article et jamais Je n'ai constaté la moindre trace de glande. Celui-ci, comme son homologue existant chez les pattes des Aranéides, est dépourvu de muscles. 1 À côté de la vésicule se trouvent les tubes qui ont été dé- crits avec les organes des sens. Nous voyons donc que le palpe des Galéodes est presque construit sur le modèle d’une patte ambulatoire d’Aranéide. Le carpopodite manque et la griffe est remplacée par un organe jouant le rôle d'ampoule. La disposition des muscles est la même, cependant les tendons sont beaucoup plus nombreux chez les Galéodes et à cet égard ils se rapprochent de ceux du Scorpion. Paites ambulatoires. — Les pattes ambulatoires ne sont pas semblables entre elles. | La première paire est beaucoup moins développée que les suivantes, elle semble dépourvue de griffes, que les auteurs n’ont pas signalées ; aussi Dufour (1) les désigne sous le nom de palpes postérieurs. GPA Ils diffèrent des palpes antérieurs par la présence d’un article supplémentaire, analogue à l’ischiopodite des Crus- tacés, et par deux petites griffes simples, situées à l'extré- mité du dernier article à la place de l'ampoule. Comme les palpes, ils sont pourvus des tubes chitineux internes, disposés comme dans les palpes. (1) Dufour, Anatomie, physiologie et histoire naturelle des Galéodes (Mém. des savants étrangers, t. XIV, p. 356). RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES, 153 La deuxième paire de pattes offre un ischiopodite comme l'appendice précédent, les autres articles sont aussi sem- blables, mais le tarse a un article de plus et en outre les deux griffes qui terminent la patte sont articulées et formées de deux pièces. Les muscles de ces appendices présentent la même dis- position que dans les palpes. La troisième et la quatrième paire ont un article de plus à leur origine et ne présentent rien de particulier dans le reste du membre. Nous voyons donc que le type primitif des organes appen- diculaires des Galéodes se trouve réalisé par les palpes, qui ont, à peu de chose près, [a constitution d’une patte d’Ara- néide, et que la complication se produit d'avant en arrière. La division d’un des articles primitifs pour donner le mou- vement latéral ne s’est pas faite sur le quatrième article comme chez les Aranéides, ni sur le cinquième comme chez les Scorpions, mais sur le troisième; nous allons voir que chez les Chélifères on trouve des faits analogues. PSEUDOSCORPIONIDES. Les pales ambulatoires des Pseudoscorpions offrent beau- coup d’analogie dans leur forme générale avec celles des Ga- léodes. Elle a été mise en évidence par M. E. Simon (1) qui la prend en considération pour rapprocher les deux ordres. Il s'appuie en outre sur la ressemblance des pièces buccales. Chez les Pseudoscorpions, nous voyons en effet la forma- tion d’un article supplémentaire. Ainsi, chez les Obisinæ, les pattes antérieures sont formées d'un coxopodite, d’un basipo- dite, d’un méropodite, d’un article analogue à celui des Scor- pions et des Galéodes, et d’un tarse divisé à son extrémité en plusieurs articles, mais qui peut être simple. Les pattes postérieures présentent les mêmes articles, mais le méropodite à subi une division et on a une partie (1) E. Simon, Arachnides de France, t. VIF, p. 7, 154 PAUL GAUBERT. courte, placée près du basipodite et homologue à l'article supplémentaire des pattes antérieures des Galéodes. La seg- mentalion n’est cependant pas complète, et il n'existe pas dans la première division des muscles agissant sur la seconde. Il est à remarquer que le plan de division est oblique à l’axe de l’article comme celui qui chez les Scorpions et les Ara- néides, sépare les deux segments pour donner le mouvement latéral. Cet article supplémentaire, désigné par M. E. Blanchard sous le nom de trochantin, n’existe qu'aux deux paires de pattes postérieures, chez les Obisunæ el les Garypinæ, mais dans les autres familles de Pseudo-Scorpions, ilse trouve sur toutes les patles, et en même temps il est plus distinct, sur- tout sur les derniers organes appendiculaires. Done comme chez les Galéodes, les Télyphones, etc., nous voyons que la différenciation va en augmentant de la partie antérieure à la partie postérieure du corps. | Les muscles des Pseudo-Scorpions sont très courts, aussi la plupart des fibres musculaires s’insèrent-elles directement par un tendon très court. ACARIENS. Chez les Acariens, on ne trouve pas les pattes ambula- loires disposées sur le type de celles des Arachnides que nous venons d'étudier. Nous avons chez les Trombidions sept articles (PI. IV, fig. 23), qui se meuvent dans le même plan et qui ont à peu près les mêmes dimensions. Les muscles qui agissent sur eux ont des tendons très courts el se trou- vent dans l’article précédent, à l'exception du muscle flé- chisseur du cinquième article qui s'insère par son extrémité centrale au milieu du troisième. | Nous avons vu que le dernier article des pattes ambula- loires était dépourvu de muscles chez les animaux que nous avons étudiés jusqu'ici. Il n’en est pas de même chez les Acariens. Le mouvement de l’article terminal, qui a des muscles extenseurs et fléchisseurs, n’est pas passif. Les deux RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 195 muscles des griffes ont des tendons courts el se trouvent entièrement dans le dernier article. Bien que les articles des organes appendiculaires semblent se répéter, c’est-à-dire qu'ils ne présentent pas entre eux des différenciations, on peul les homologuer avec ceux des Aranéides. . Le premier artiele et le second représentent le coxopodite et le basipodite. Le troisième et le quatrième, comme je l'ai dit plus haut, sont parcourus par un muscle agissant sur Île cinquième, aussi 1ls doivent constituer le méropodite, qui se serait subdivisé comme celui des Chélifères. Le cinquième a une position, sur l'animal vivant, horizontale et doit re- présenter l’article horizontal, c’est-à-dire la jambe des autres Arachnides. Quant aux deux autres, ils représentent l'ar- licle descendant, mais le dernier article a été pourvu de muscles. | Cela ne doit pas nous étonner, les Acariens sont des ani- maux parasites, tirant leur origine d'animaux plus parfaits, ayant les pattes ambulatoires constituées comme celles des Arachnides que nous avons étudiés plus haut. Le parasi- tisme en a fait des êtres ayant plutôt besoin de moyens de fixation puissants que de perfectionnements en vue de la locomotion. Ce but a été atteint en mettant le dernier arlicle qui devait avoir, primitivement, des mouvements passifs, sous l'influence de la volonté. Les griffes peuvent agir ainsi avec plus de sûreté. Les pattes des Acariens varient beaucoup quant au nombre de leurs articles, celles des plus inférieurs en organisation sont celles qui en ont le moins, toujours on voil tous les articles pourvus de muscles. e CONCLUSIONS. Il résulte des éludes précédentes, que les pattes-mâchoires représentent le type le plus primitif des appendices chez les Aranéides, les Phalangides, les Galéodes. Chez ces animaux les palpes sont des pattes ambulatoires 156 PAUL, GAUBERT. simplifiées; ils se rapprochent beaucoup de l'appendice générateur unique ayant donné naissance à tous les autres. Chez les Phrynes ce membre a évolué dans un sens beau- coup plus adapté à la manducation. Il en est de même chez les Télyphones, où il s'éloigne encore davantage du type pri- mitif. Chez les Scorpions et les Chernètes, bien que ces animaux forment deux ordres éloignés l'un de l’autre, la modification a eu lieu dans le même sens, et l’on trouve une pince didactyle à l'extrémité de chaque palpe. Les Arachnides du premier groupe ont un palpe sem- blable, mais les pattes des Galéodes diffèrent considérable- ment de celles des Phalangides et des Aranéides. Tous les Arachnides supérieurs ont des pattes ambula- toires offrant des caractères communs : elles forment avec leur projection sur le sol un quadrilatère (PI. IV, fig. 11) plus ou moins rapproché du rectangle. Les modifications qui les différencient sont dues au mouvement latéral; celui- ei ne s’est produit que tardivement, il n'existe pas chez les animaux les plus simples; une patte ayant la forme typique sera composée de la façon suivante : un article ba- silaire ou coxopodite, un basipodite, un article dirigé verticalement, la cuisse; un article horizontal, la jambe, un article dirigé verticalement mais en sens contraire de la cuisse (ce dernier par des divisions secondaires donne d’autres articles), et enfin les griffes. Cette forme caracté- rise les pattes des Arachnides supérieurs et nous verrons plus loin qu’elle est bien différente de celle des Insectes. Chez les Aranéides (PI. IV, fig. 12 et 13), les Pédipalpes el les Phalangides (PI. IV, fig. 14), l’article horizontal ou jambe se subdivise en deux pour donner le mouvement latéral; chez les Scorpions (PL. IV, fig. 15), c’est dans l’article . cendant que se produit la division, et chez les Galéodes (PL. IV, fig. 17, 18 et 19), et quelques Pseudo-Scorpio- nides (PI. IV, fig. 16), cette dernière se fait à la base de l’article ascendant ou cuisse. Les Acariens ont des pattes ayant un nombre d'articles RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 157 égal à celui des Arachnides supérieurs, mais tous les ar- ticles se meuvent dans le même plan; en outre, les muscles des griffes se trouvent dans le dernier article qui n’est pas passif, comme chez les Aranéides, les Phalangides, etc. ; il est pourvu de muscles placés dans l'article précédent. La forme générale de la patte est différente : au lieu d’avoir un quadrilatère on a un polygone ayant six ou sepl côtés. Ceux qui sont formés par les articles de la patte ont à peu près la même longueur. La forme des organes appendi- culaires des Acariens est due à ce que les divers articles sont beaucoup moins différenciés que ceux des autres Arach- nides, les articles paraissent se répéter. Cependant, j'ai montré que celte simplification était secondaire et que les membres des Acariens provenaient d'appendices organisés comme ceux des autres Arachnides. COMPARAISON DES APPENDICES DES ARACHNIDES AVEC CEUX DES AUTRES ARTHROPODES. Je ne vais pas m'arrêter à l'homologie des appendices buc- caux des Arachnides, avec ceux des autres Arthropodes ; on a vu plus haut que le problème de la signification des pièces buccales était très difficile à résoudre ; cependant, grâce à l’origine des nerfs se rendant à ces dernières, on avait pu établir les homologies. Je veux seulement comparer la forme des pattes ambulatoires et établir l’homologie des articles. Insectes. — Les pattes des Insectes ont une forme aussi constante que celles des Araignées, cependant elles peuvent présenter quelques modifications dues à l’usage auquel elles servent (pattes ravisseuses des Mantes religieuses, etc., ete.). Elles sont formées (PI. IV, fig. 20), par un article basilaire et un trochanter identiques à ceux des Araignées, un fémur qui a aussi la même forme que chez ces derniers animaux, mais au lieu d'être dirigé verticalement comme chez ces der- nières, il est oblique. L'article suivant est aussi oblique et présente à son extrémité trois ou quatre articles formant ce qu'on appelle le tarse. 158 PAU GAUBERT. La patte forme avec sa projection sur le sol non pas un quadrilatère, mais un triangle qui se rapproche beaucoup du triangle isocèle. À première vue, il est très facile de distinguer une patte d'Insecte d'une patle d'Arachnide. Le mouvement latéral est donné seulement par les deux premiers articles, de telle sorte que ceux qui constituent le reste de la patte ne se sont pas subdivisés. ia fonction est donc plus localisée chez les Insectes que chez les Arachnides. Chez ces derniers, le mouvement la- téral est donné non seulement par les deux premiers articles, mais aussi par un des arlicles qui composent la patte. Les derniers articles des pattes, chez les Insectes, ne sont pas pourvus de muscles, leur mouvement est passif. Les griffes ont des tendons très longs qui viennent jusque dans le qua- trième article. Donc les trois premiers articles des pattes des Arachnides peuvent être homologués aux trois premiers des Insectes. | Le quatrième de ces derniers animaux correspond à l’ar- ticle horizontal et à l’article descendant des Arachnides. Les premiers articles des Insectes peuvent se souder lors- que les mouvements doivent se faire dans le même plan (pattes sauteuses des Orthoptères). Quel est l’appendice le mieux conformé pour la locomo- tion ? Les pattes des Insectes sont plus courtes, plus simples que celles des Arachnides, les mouvements sont plus loca- lisés, aussi, elles paraissent être mieux appropriées à la lo- comotion; cependant certains Arachnides ne le cèdent en rien pour la rapidité de la marche, aux Insectes. Aussi je crois que les deux types de pattes se sont constitués dès l’o- rigine et que chacun d'eux peut arriver au même degré de perfection en conservant toujours des caracteres du type primitif. Myriapodes. — Les Myriapodes sont caractérisés par un grand nombre de paires de pattes, d’où leur nom. Celles-ci sont formées par un nombre variable d'articles qui ne sont pas aussi différenciés que ceux des Insectes ou des Arach- RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 159 nides. Encore trouve t-on de nombreux degrés dans leur différenciation suivant qu’on s'adresse à des Chilopodes ou à des Chilognathes. Chez les premiers on ne trouve qu'une seule paire de pattes sur chaque anneau, chez les seconds on en trouve deux paires aux anneaux médians et postérieurs, aussi les pattes de ces derniers étant plus nombreuses sont plus simples et sont formées par une série d'articles qui ne sont pas différenciés. Les pattes des Chilopodes présentent des différences dans leurs articles terminaux. Ils peuvent être divisés en un grand nombre d’autres articles très courts et identiques à ceux des Phalangium. Comme eux, ils sont dépourvus de muscles el leur mouvement est passif. Cela se rencontre chez le Scu- higera araneoides, qui a des pattes assez longues. Crustacés. — Les Crustacés formant une classe très riche en formes variées, les appendices locomoteurs de ces ani- maux présentent de nombreuses variations, aussi je n'éta- blirai des comparaisons qu'avec les Crustacés décapodes. Les appendices ambulatoires de ces derniers ont beau- coup d’analogie avec ceux des Arachnides (PL IV, fig. 21), le coxopodite et le basipodite sont homologues, mais chez les Crustacés on trouve un article supplémentaire, l'is- chiopodite. Nous avons vu que la plupart des Arachnides en étaient dépourvus, mais on le trouve chez les Galéodes, qui même en présentent deux aux pattes postérieures et chez certains Chélifères, mais alors il n'est pas tout à fait autonome. M. J. Demoor (1) pense que c’est cet article qui rend défectueuse la marche des Crustacés. « La patte des Crus- tacés, dit-il, est défectueuse pour la marche, à cause de la présence nécessaire de l'articulation du carpopodite avec l'ischiopodite. Cette arthrose est indispensable pour pro- duire l’horizontatilé fonctionnelle de la patte, qui chez les Hexapodes et les Octopodes, dérive de la structure générale (1) Recherches expérimentales sur lu locomotion des Arthropodes, in C.R. Ac, sc., t. CXI, p. 839. 160 PAUL GAUBERT. des articles et de la combinaison des jeux articulaires. » Rien ne prouve que ce soit cet arlicle supplémentaire qui donne un degré d’infériorité à la marche des Crustacés. Chez les Galéodes on trouve un et même deux de ces articles, et cependant toutes les descriptions qui se rapportent à ces animaux les représentent comme se mouvant avec une grande agilité. En outre, chez les Crustacés, il existe dans le reste de la patte un article donnant le mouvement latéral, par consé- quent, on ne trouve pas entre les paltes ambulatoires de ces animaux et celles des autres Arthropodes, des différences quant à la produclion des divers mouvements. Le méro- podite des Crustacés correspond à celui des Arachnides et le carpopodite qui renferme les muscles faisant mouvoir dans un plan latéral l’article suivant, est analogue à celui des Aranéides, des Phalangides et des Pédipalpes. À cet ar- ticle fait suite le propodite qui est assez long et qui est suivi du dactylopodite. Donc les articles terminaux dans les pattes ambulatoires des Crustacés décapodes sont considérable- ment réduits quant à leur nombre, ce qui donne à cet appen- dice une forme caractéristique différente de celle des Arach- néides et des Insectes. La multiplication de ces articles terminaux n'a pas eu lieu, car les Crustacés décapodes sont généralement lents dans leurs mouvements, aussi je crois que s'ils ont une marche plus défectueuse que celle des Ara- chnides, ou des Insectes, il faut l’attribuer non à la pré- sence de l’ischiopodite, comme le prétend M. J. Demoor, mais au petit nombre des articles terminaux des pattes. En outre, ces dernières forment, si on excepte les trois premiers arti- cles, avec leur projection sur le sol, un triangle dont la base est très longue par rapport à la hauteur. Chez les Insectes, nous avions aussi un triangle, maïs la hauteur était en proportion beaucoup plus considérable. Chez les Crustacés, les points d’appui se trouvent très éloi- gnés du corps de l'animal. Pycnogonides. — Les pattes ambulatoires des Arthro- RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 161 podes, qui se rapprochent le plus de celles des Arachnides par leur nombre et leur forme, sont celles des Pycnogonides (PL. IV, fig. 22). Elles possèdent trois articles à leur origine : la hanche, le trochanter, et un article supplémentaire homologue de l’ischiopodite des Crustacés. Dans les articles qui suivent, aucun d’eux ne donne le mouvement latéral. CHAPITRE V REMARQUES SUR LA LOCOMOTION DES ARTHROPODES. M. Carlet (1) a montré que dans la locomotion des Arach- nides, les membres se meuvent dans l’ordre indiqué par le tableau suivant : 8 1,2, 3, 4,5, 6,7, 8, indiquent la position des pattes d’après la disposition naturelle, 1, 2, 3, 4 vont presque simultané- ment. La patte 1 à une avance très faible sur 2 et ainsi de suite. Les pattes 5, 6, 7, 8 sont au repos quand les autres sont en mouvement et réciproquement. Suivant M. Carlet, on peut considérer chaque paire de pattes comme apparte- nant à un bipède. Ils sont ici au nombre de quatre : le pre- mier et le troisième vont au pas, le second et le quatrième vont aussi au pas, mais pas avec les bipèdes précédents. De telle sorte que les bipèdes vont au pas avec ceux qui ont le même rang, celui-ci étant considéré comme pair ou impair. Cette règle est assez fréquente chez les Arthropodes, M. Carlet a donné pour les Insectes le tableau suivant qui indique l’ordre du mouvement des pattes : ie 2 3/6 (1) Carlet, Sur la locomotion des Insectes et des Arachnides (CA AE 1879, p. 1124). | ANN. SC. NAT, ZOOL. XIII, 11, — ART. N° 2, 162 PAUL GAUBERT. Chez les Chilopodes on obtient les mêmes résultats. Jai observé le Lithobius forficatus, Linné. Le inouvement des membres peut êlre représenté par le tableau suivant : O indique la position des pattes, le {rait qui Les réunit dési- gne les paltes qui vont simullanément ou plutôt presque en même temps. Pour les observer, il faut examiner l'ordre du mouvement des membres antérieurs. Cela est rendu facile si l’on blesse l’animal ou si on l’engourdit légèrement, car alors il marche plus lentement. On arrive au même résultat en attachant au moyen d’un fil, à la partie postérieure du corps, un objet dont le poids est en rapport avec la force de l'animal. Chez tous les Arthropodes, la locomotion ne se fait pas ainsi. M. Bavoux a fait sur les lules du Gabon des observa- lions inédites. On sait que les Chilognates ont deux paires de pattes à chaque anneau; celles de chaque paire vont si- multanément chez les Tules. M. Carlet (1) a en outre observé que chez les Chenilles les paltes d'une même paire vont toujours ensemble. M. Carlet (2) a étudié la locomotion chez des Insectes qu'il a rendus tétrapodes en enlevant une paire de pattes. Sur les Araignées j'ai enlevé les pattes qui accomplissent des mouve- ments simultanés de façon à ne laisser que celles qui agissent simultanément. Ces dernières se comporteront comme si l'animal n’avait eu loute sa vie que deux paires de pattes. Le tableau suivant représente l’ordre du mouvement des pattes : (1) Carlet, Sur le mode de locomotion des Chenilles (C. R. Ac. sc., t. CVIÏ, 1888, p. 131). (2) Carlet, De la marche d’un insecterendu tétrapode (C. R. Ac. sc., t. CVIT, p. 565-566, 1888). RECHÉRCHES SUR LES ARACHNIDES. 163 indique la place des pattes enlevées et 1, 2, 3, 4 les pattes qui restent. 1 et 4 vont ensemble quand 2 et 3 sont au repos. Nous avons vu dans les chapitres précédents que les palpes des Aranéides se rapprochaient beaucoup des pattes. Ils peuvent servir à la locomotion et cela à lieu quand on a arraché de ces dernières. L'ordre de locomotion est repré- senté par le tableau suivant : a et à représentent les palpes, dans leur position naturelle, 1,2, 3, 4 ont la même signification que dans les tableaux précédents. Les membres se meuvent donc dans le même ordre que ceux des Insectes. Ce procédé peut être employé pour obtenir l’ordre du mouvement des membres chez les Myriapodes. CHAPITRE VI INFLUENCE DE LA TURGESCENCE SUR LES MOUVEMENTS DES ARTICLES ET DES POILS ARTICULÉS. Indépendamment de l’action des muscles fléchisseurs et exlenseurs, les articles peuvent encore se mouvoir sous l’in- fluence de deux forces antagonistes, l'une due à la turges- cence des appendices et l’autre à l’élasticité de la cuticule articulaire unissant les articles. On peut mettre facilement le fait en évidence, par l'expérience suivante. Après avoir enlevé une patte à une Araignée, à un Faucheur, ou à une Scolo- pendre (ce qui est facile, car les membres de ces animaux s’arrachent sans difficulté, et la section se fait entre le pre- mier et le second article chez les Araignées et entre le second et le troisième chez le Faucheur), on comprime avec une pince la cuisse; aussitôl le carpopodite se lève, entraînant avec lui le propodite et ensuite le premier dactylopodite, 164 PAUL GAUBERT. c'est-à-dire l’article descendant. Le dernier article se re- dresse à son tour ainsi que les griffes. Les poils articulés se relèvent aussi en allant du centre vers la périphérie. Dès qu'on cesse de comprimer la patte, les articles s'abaissent, l'ascendant, l’horizontal et le descendant forment un triangle dont ils sont les trois côtés. Les griffes et les épines s’abais- sent aussi. Si au lieu de comprimer le méropodite, on exerce une pression sur un des articles suivants, l’action est iden- tique, on fait étendre les articles qui suivent le point pressé. L'expérience réussit non seulement sur les Aranéides, mais aussi sur les Phalangides, les Scorpions, les Pédipalpes, les Scolopendres, et sur la plupart des Arthropodes. L'action qui fait tléchir les articles est passive, du moment qu’elle se produit seule, sur une palte arrachée. Il est in- conltestable qu'elle n’est pas due à la contraction des mus- cles, puisqu'elle agit lorsque ceux-ci sont altérés. Pour montrer d’une facon péremptoire que l’action qui élève les articles est bien due à la turgescence des membres on fait les expériences suivantes : On comprime avec une pince ou même avec Îles doigts le _méropodite d'une Araignée quelconque, les articles se re- dressent, et alors on sectionne avec des ciseaux l’article des- cendant. Aussitôt il sort par le bout central du liquide san- guin et l’article s’abaisse. Le liquide de la patte a diminué de volume dans le tronçon qui reste et n’agit plus pour rele- ver cet article. De quelle façon agit-1l? Nous avons vu en étudiant les organes appendiculaires, que les articles étaient limités par des tubes résistants de cuticule, mais qu'ils étaient réunis les uns aux autres par de la cuticule souple. Quand le contenu du membre est faible, les articles peuvent être pliés les uns sur les autres, mais lorsqu'il devient plus considérable, la pate est CHHEte d'augmenter de volume et cela ne peut avoir lieu qu’en étendant les articles, qi présentent alors le volume maximum. … Les articles terminaux des pattes de Phalangium, au lieu de se redresser, s’enroulent. Cela est dû à ce que l’anneau RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 165 de euticule articulaire réunissant les articles est plus large à la facesupérieure qu’à la face inférieure. Le sang agit davan- tage sur cette partie que sur celle qui lui est diamétralement opposée et les anneaux au lieu d’êfre en ligne droite forment un angle très petit. Comme il y a beaucoup d'anneaux et que l’action agit du même côté ces derniers forment une ligne polygonale qui peut s’enrouler. Un fait semble contredire l'explication précédente et il se produit dans la même expérience. Quand on sectionne l’ar- licle descendant, l’article horizontal s’abaisse un peu, mais si on presse le méropodite plus près de l'articulation, il se redresse comme dans le premier cas. Îl reste même redressé si on coupe la jambe très près de l'articulation. On peut ce- pendant se convaincre que l’action est toujours due à la pression du sang contre les parois de la cuticule articulaire, car dans ce cas ce sont les muscles qui remplissent la cavité du méropodite et qui sont à demi fluides. Ils agissent par leur compression sur la cuticule articulaire ; leur fluidité n’est cependant pas assez grande pour qu'ils s’échappent par la section de l’article, comme le fait le sang. Si les faits précédents laissaient à l'esprit quelques doutes, l'expérience suivante les enlèverait. Avec une seringue à injection on introduit un liquide dans la patte, par le bout central. Les articles et les poils arti- culés se dressent comme dans le cas précédent. On obtient les mêmes résultats sur une patte dont Les tissus ont été enlevés par la potasse caustique, la patte étant remplie de liquide, quand on presse sur l’un des articles on fait rele- ver les articles suivants. | On presse le thorax d’une Araignée de manière à diminuer son volume, on force le liquide qu'il contient à passer dans les pattes et par conséquent on augmente le volume et la pression du sang de ces dernières, aussi les articles et les poils articulés se relèvent. Toutes ces expériences montrent d’une façon incontes- table que les articles et les poils peuvent se relever sous l’in- 166 PAUL GAUBERT, fluence de l'augmentation du volume et de la pression du sang, c’est-à-dire de la turgescence des appendices. Elles ont été faites sur des animaux morts ou bien sur des vivants, mais qui alors étaient soumis à certaines conditions n'exis- tant pas à l’état normal. Voyons si l'examen d'animaux vivants, mais sur lesquels on n’agit pas, nous conduit aux mêmes résultats. On prend une Araignée, une Tégénaire domestique, par exemple, et on la tient entre les doigts de façon à ne pas la comprimer et à lui faire le moins de mal possible. Elle cherche à se dégager mais, au bout d'un moment, voyant que ses efforts restent inutiles, elle ne fait aucun mouve- ment. On met une de ses pattes de façon qu’elle n'ait aucun point d'appui et qu'elle soit légèrement en extension, on constate que son extrémité oscille légèrement à chaque con- traction du cœur. Chez les Tégénaires, le cœur est placé à la partie antérieure et dorsale de l'abdomen et lorsque l'animal est assez gros, surtout si on a affaire à une Tégé- naire femelle et remplie d'œufs, les téguments sont trans- parents el on peut voir et compter le nombre des pulsations cardiaques. On s'assure que leur nombre, par minute, est le même que celui des oscillations de l'extrémité de la patte. Nous avons donc chez les Arthropodes, un phénomène qui est connu depuis très longlemps chez l'Homme et chez les Mammifères et qui a été découvert par Weber. L'amplitude des oscillations est assez grande pour qu’on puisse l'inscrire sur un cylindre enduit de noir de fumée. On peut constater le même phénomène chez des jeunes Araignées. Ces dernières sont transparentes tant qu'elles possèdent leur premier tégument, aussi Claparède a pu sur de jeunes Lycoses étudier la circulation du sang. En exami- nant sous le microscope de jeunes Epéires diadèmes qui sont transparentes bien que M. Schimkewitsch ait affirmé le contraire, car il devait s'adresser à des animaux qui n'étaient pas assez jeunes, ou bien des Lycoses, on peut suivre le trajet des globules sanguins. À chaque ondée sanguine correspond RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 167 une légère oscillation des membres; il faut pour cela que l'animal soit placé sur le dos et que les pattes ne soient pas repliées contre le corps de façon à avoir un point d'appui. Si plusieurs pattes sont dans une position convenable pour pou- voir osciller, leurs mouvements se font simultanément. Pour augmenter la quantité de sang qui est dans les ap- pendices, il faut que le liquide sanguin chassé par le cœur dans les artères des pattes, ne puisse pas revenir totalement dans le cœur ; il doit s’accumuler dans ces dernières. Voyons quelle est, d’une manière générale, la disposition de l’appa- reil circulatoire chez les Aranéides. Les magnifiques travaux de M. E. Blanchard (1) et de Cla- parède (2) nous ont montré que cet appareil était formé par un cœur, placé à la partie antérieure de l’abdomen et d'où part en avant une artère traversant le pédicule et se divisant en deux branches latérales. Chacune de ces dernières envoie une artère dans chaque appendice. Il n'existe pas de veines; le sang, une fois sorti des artères, passe dans des lacunes interstitielles. Schimkewitsch (3) décrit des fibres muscu- laires autour de la membrane anhiste des artères. Je ne crois pas que celles-ci soient entourées par une couche de fibres musculaires, du moins dans les pattes, et en outre j'ai constaté que chez les Araignées le vaisseau est toujours uni intimement au nerf du même membre; cela avait été constaté par M. E. Blanchard chez les Scorpions. Des lacunes se trouvent dans le céphalothorax des Araignées. En diminuant la cavité de ce dernier le sang est obligé de rester dans les membres, de s’y accumuler par suite de la diminution du volume des lacunes thoraciques, et alors les membres sont mis en extension. (1) Blanchard, L'appareil circulatoire et les organes respiratoires dans les Arachnides (Ann. des sc. nat., 3° série, t. VIIL, p. 316-351, 1849 et Organisa- tion du règne animal, Arachnides). (2) Claparède, Études sur la circulation du sang chez les Aranéides ns des se. nat., 5° série, t. II, p. 259-274, 1864). (3) Schimkewitsch, Recherches sur l'anatomie de l'Epéire (Ann. des sc. nat., p. 72, 1884). 168 7 PAUL GAUBERT. Quels sont les muscles qui diminuent la cavité du céphalo- thorax? | Hi à Sur les apodèmes supérieurs de la lame aponévrotique(/. a.) s’insèrent des muscles (M) qui vont se fixer sur les parois laté- rales du céphalothorax. En se contractant, ils rapprochent ces dernières et diminuent ainsi la cavité de celui-ci. On pourra objecter que les muscles s’insérant directement sur le thorax et par des tendons sur la lame aponévrotique, c'est cette dernière qui est mobile, mais ce mode d’inserlion des muscles bien qu'il soit très répandu n'a pas toujours lieu, ainsi nous avons vu des muscles agissant sur l’article basilaire des pattes, s’insérer directement sur lui bien qu'il représente le point mobile, tandis que l'insertion du point fixe se fait par des tendons sur la lame aponévrotique. En outre, on ne voit pas à quoi pourraient servir ces muscles. [ls n'ont pas de muscles antagonistes, le thorax reprenant sa forme primitive par suite de l’élasticité de Ia cuticule. M. E. Blanchard a décrit chez les Télyphones des muscles paraissant resserrer dans certains cas la cavilé thoracique en déprimant sa paroi dorsale. [ls pourraient donc produire la turgescence des membres. Quel rôle joue la turgescence dans les mouvements qu’ac- complit l'animal? Je ne pense pas que celui-ci utilise cette aclion dans l'acte dela locomolion, elle doit cependant servir à l’époque de la mue pour accomplir les premiers mouve- ments. Les téguments du céphalothorax sont souples et une faible contraction des muscles signalés plus haut diminue- raient facilement son volume. En outre, à cette période de la vie de l’animal, les muscles des membres ont leurs tendons soumis à la mue et les téguments sont très peu résistants. Les poils articulés sont toujours soumis à l'influence de la turgescence et à celte action seulement, car ils sont dépour- vus de fibres musculaires. Les articles tendent à s’abaisser par suite de l’élasticité de la cuticule articulaire qui diffère ainsi par ses propriétés physiques du reste de la cuticule du corps de l’animal. Cette RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES, 169 différence dans les propriétés du test chilineux est une nouvelle preuve que la cuticule, comme l’a indiqué M. le pro- fesseur Pouchet (1), n’est pas une sécrétion des cellules hypodermiques, mais un véritable élément anatomique, RÉSUMÉ. Il résulte de ce travail des faits nouveaux que je vais rap- peler ici. La cuticule des Arachnides est formée de deux couches el non de trois comme l'affirme M. W. Schimkewitsch, l'interne est constituée par plusieurs lamelles superposées parallèles et continues sur toute l'étendue du squelette. La rupture de l'enveloppe chilineuse, lorsque la mue se produit, est due à une action purement mécanique, provo- quée par la pression venant de l'augmentation du volume de l'animal, action qui est facilitée par la fragilité de la cuticule qui a subi un commencement de dessiccation. Les cellules hypodermiques allongées, pourvues d’un gros noyau, forment deux bandes sur les mâchoires. Elles ne pré- sentent pas de prolongement interne et ne sont pas de nature nerveuse, comme l'a dit M. Dahl, mais sont glandulaires. Elles sécrètent un liquide visqueux dont l’action s'ajoute sans doute à celle du produit des glandes maxillaires et du rostre. Ces deux bandes n'existent pas sur les mâchoires des Araignées tétrapneumones ayant des mâchoires rudi- mentaires. On trouve un hypoderme ainsi modifié du côté interne de la cavilé pharyngienne et à l'extrémité de la lèvre inférieure. La couche chitinogène des Phalangides présente des mo- difications semblables à celle des Aranéides, j'ai constaté qu'à l'extrémité proximale du troisième article, l’hypoderme est formé par de grosses cellules, très allongées, dans le sens du diamètre de l’article et possédant un gros noyau à (1) Georges Pouchet, Sur la nature du test des Arthropodes ques Soc. de Biolog., 1888, P- 687). FD 170 PAUL GAUBERT. la base. Elles sont nettement glandulaires. Sur l’oviscapte de la femelle, la couche chitinogène est aussi formée de cellules distinctes, mais celles-ci sont beaucoup plus petites que celles de l’article basilaire des pattes et ne sécrètent aucun liquide. L'hypoderme des Galéodes et des Scorpions présente des modifications de même nature. Sur les raquettes coxales, il est formé de cellules nettement glandulaires ; il est aussi formé de cellules distinctes à l'origine des grosses épines qui se trouvent sur les pattes. La structure des poils est la même que celle des tégu- men{s. Ils sont formés par une série de couches concentri- ques dont l'exlerne peut porter des ornementalions. Les griffes ont la même constitution que‘les poils. Les auteurs ont nié la présence des griffes sur la première paire de pattes des Galéodes et Dufour s'élait basé sur leur absence pour dire que celte paire d’appendices élaient des palpes, et il admettait que les Galéodes étaient des animaux hexapodes. J'ai constaté qu'il y a à l'extrémité du dernier article deux petites grilles, non dentées, mobiles et soumises à l’action de muscles agissant par l'intermédiaire de longs tendons. Les tendons s’insérant sur les téguments sont des pro- ductions internes de la couche chitinogène, aussi sont-ils formés par les deux couches que l’on voit sur le squelelte externe. Ils sont cylindriques et se ramifient à l’extrémilé qui sert d'insertion aux fibres musculaires. À l'étude des téguments on peut rattacher celle des glan- des, car celles-ci proviennent des modificalions de la couche chitinogène. Nous avons vu que celle-ci peut devenir glan- dulaire sans subir aucun changement de position (bandes glandulaires des mâchoires chez les Aranéides, anneaux glandulaires de l'extrémité proximale du troisième article chez les Phalangides, etc.). Lorsque la substance sécrélée doit être plus abondante, l’hypoderme s’invagine à l’inté- rieur des appendices et forme alors des glandes plus ou moins {ubuleuses ; ces glandes sont : les glandes venimeuses, RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 171 les glandes maxillaires, les glandes du rostre et les glandes pédieuses que j'ai découvertes chez certaines Mygales (Cyr- tauchenius Walkenaeri, Pachylomerus ædificatorius). Les glandes venimeuses sont enveloppées par une couche de fibres musculaires séparées les unes des autres par un périmysium. Elles ne sont pas limitées intérieurement par la couche conjonclive supportant les cellules comme l'indique Mac-Leod et n'ont pas le sarcolemme général décrit par Schimkéwitsch. | | La glande du rostre présente de nombreuses variations, elle est formée par deux ou trois lobes (Lycosa ingens). La sécrétion est employée par l’animal à enduire l'extrémité des pattes d'un liquide visqueux. J'ai constaté la présence des glandes maxillaires chez les Tétrapneumones ayant des mâchoires rudimentaires, comme les Cyrtauchenius. La sécrétion de ces glandes a le même usage que celle de la glande du rostre. Dans le quatrième article (patelle) des pattes des Cyrtau- chenius Walkenaeri, j'ai observé des tubes glandulaires réunis au nerf du membre par du tissu conjonctif et venant débou- cher à l’extrémité dorsale et distale du quatrième article. Ces tubes sont formés par des invaginalions de la couche chitinogène. [ls sont simples ou ramifiés à leur extrémité libre. Ils renferment des cellules glandulaires, assez grosses, pourvues d'un noyau volumineux el limilant intérieurement un canal d’un très faible diamètre. A l'extérieur, elles sont supportées par une couche épaisse de tissu conjoncetif. Ces gtandes peuvent êlre désignées sous le nom de glandes patellaires. Comme organes des sens appartenant aux appendices, 1l _a été décrit : 1° les organes lyriformes ; 2° les peignes des Scorpions; 4° les raquettes coxales; 4° un organe nouveau que jai découvert aux extrémités de la première paire de pattes et des palpes des Galéodes. Les organes Iyriformes sont formés de bandes parallèles, très minces, recouvrant une fente traversant la cuticule. Sur 102 PAUL GAUBERT. leur trajet, ces bandes présentent un élargissement circulaire correspondant à un élargissement de la fente. Ces bandes peuvent être disposées au hasard comme chez les Télypho- nes, ou bien être placées à des points déterminés. Elles ont de un dixième à un centième de millimètre de long et une largeur vingt fois moindre. Quand elles sont placées à des points fixes, elles peuvent être très rapprochées l’une de l’autre ou bien êlre assez éloi- gnées (Phalangides, Chélifères). Ces organes ont été découverts chez les Aranéides par Bertkau, j'ai constaté leur présence chez les Phrynes, les Télyphones, les Phalangides et les Chélifères. Chez ces ani- maux, le nombre de ces organes est très restreint par rap- port à celui qui existe chez les Araignées. Schimkewitsch à donné la distribulion de ces organes chez l'Épéire diadème. Sa description est loin d’être exacte, car il décrit des organes différents sur les diverses pattes et sur les palpes, tandis que ces appendices portent générale- ment les mêmes organes, excepté les palpes qui n'en ont pas à l'extrémité distale du cinquième article. Leur répartition est la suivante : Sur le premier article on trouve un organe formé de deux ou trois bandes, à la face inférieure et à l'extrémité distale. Le deuxième en porte trois à l'extrémité distale. Le troisième en a deux à l'extrémité distale, un à la face antérieure et l’autre à la face postérieure. Le quatrième en porte trois placés au milieu de l’article, deux très développés et réunis l’un à l’autre par leur extré- mité distale, sont placés à la face postérieure ; le troisième, beaucoup plus petit, est à la face antérieure. Le cinquième article possède lrois organes à l'extrémité distale, un à la face antérieure et deux à la face postérieure. Le sixième a un seul organe placé lransversalement sur l'extrémité distale et à la face supérieure. Les mâchoires sont pourvues d’un organe placé à leur base et près de l’organe du palpe. REÉCHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 173 Sur les chélicères on trouve deux organes placés à l’extré- mité distale de l’article basilaire. Sur la face inférieure du céphalothorax se trouvent trois groupes pairs d'organes lyriformes, ( Chez toutes les Araignées, les organes [vriformes présen- lent une disposition semblable. Les différences que l’on trouve dans les diverses familles sont très faibles, cependant quelques-unes permettent de caractériser certaines familles. Elles portent sur le groupement des bandes qui peuvent être très rapprochées les unes des autres ou être isolées. Chez les Phrynes, les organes Iyriformes ont la même forme que ceux des Araignées, mais sont beaucoup moins nombreux. On n’en trouve qu'un seul sur chaque patte; il est situé sur le second article. Les bandes sont isolées et disposées au hasard sur les cinq premiers arlicles. Chez les Phalangides les fentes sont généralement placées transversalement, elles se trouvent sur les chélicères et sur le troisième article des autres appendices. Chez les Chélifères les bandes sont semblables à celles des Phalangides, elles se trouvent groupées sur le quatrième article des palpes et sur le second article des pattes. Du nerf venant de celui de l’appendice partent des pro- longements allant aboutir à la base du canal, mais avant sa terminaison, 1l se trouve sur leur trajet une cellule nerveuse comme dans toutes les terminaisons nerveuses. Les organes lyriformes ne sont pas des organes auditifs, comme l'ont dit Bertkau, Wagner, Schimkewitsch, n1 des organes servant à restaurer la soie (Dahl), mais des organes percevant les sensations calorifiques et peut-être aussi d’autres sensations générales. Le peigne des Scorpions est un organe qui est pourvu d’un appareil musculaire très compliqué et que j'ai déerit dans ce travail. Il permet de donner à l'organe des mouve- ments de torsion et en même temps de faire mouvoir les lamelles. L’extrémilé de ces dernières est le siège du Lacl. 174 PAUL GAUBERT. Elles présentent des éminences coniques produites par une faible élévation de la culicule et recouvrant un pore dans lequel pénètre un prolongement nerveux en rapport avec une cellule nerveuse. Celle-ci est elle-même reliée à un ganglion qui se trouve à l'extrémité de la lamelle et qui termine le nerf, Le nombre des pores et des éminences coniques est très considérable. Le ganglion est séparé de la cuticule par la couche chilinogène renfermant les terminaisons nerveuses. Celle-ci est formée par une masse plasmique et des noyaux sans apparence de cellules distinctes. Les noyaux des celluies nerveuses qui sont disposées en chapelets sont très volumi- neux et montrent des nucléoles dans leur intérieur. Il suffit d'examiner un Scorpion se mouvoir pour être convaincu que les peignes sont des organes tactiles; mais en outre ils jouent un rôle dans l’accouplement. J'ai constaté sur les raquettes coxales la présence d'un nerf venant du nerf de la patte et allant dans chaque ra- quette. [Il traverse le pédoncule et se divise au sommet de la lame. Chaque division arrive sur le bord courbe el libre. Celui-ci présente une gouttière et au fond de cette der- nière se trouvent des éminences coniques à la base des- quelles arrivent trois ou quatre terminaisons nerveuses. Celles-ci présentent avant d'arriver au cône une cellule nerveuse semblable à celle que nous avons vue dans les lamelles du peigne des Scorpions, mais on ne trouve pas de ganglion comme à l'extrémité des lamelles, elles sont en relation avec les fibres nerveuses venant du nerf du pédon- cule. [l est probable que quand l'animal veut percevoir des sensations externes avec les raquettes coxales, il fait déva- giner la rainure et amène les éminences coniques à l’exté- rieur. Celte action est produite par la turgescence des membres. À l'extrémité des palpes et de la première paire de pattes des Galéodes j'ai observé un organe formé de tubes chiti- neux au nombre d'une cinquantaine.environ partant de l'extrémité distale et se rendant dans l’intérieur des tissus. LA RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 175 Ils mettent en communication l’intérieur de la patte avec l'extérieur. À leur extrémité libre, c’est-à-dire à l’intérieur de la patte, ils sont surmontés d’une sphère creuse d’un dia- mètre triple de celui du tube. À la sphère fait suite un tube d’un diamètre un peu plus grand que celui du premier et d’une longueur double du diamètre de la sphère. Enfin on lrouve un entonnoir. L'ensemble a la forme d’un battant de cloche. Tous ces tubes sont plongés dans la couche chitino- gène qui prend une épaisseur considérable par rapport à celle qu’elle possède dans le reste du corps. À chaque enton- noir arrive une fibre nerveuse qui présente une constitution _ semblable à celles que l’on trouve dans les fibres des raquettes coxales. Les pièces buccales des Arachnides présentent beaucoup de différences d'un ordre à l’autre. J'ai étudié les muscles qui les font mouvoir, les lames pharyngiennes des Aranéides et les pièces qui leur sont tout à fait semblables par leur structure mais qui se trouvent sur des appendices latéraux : ce sont les pseudo-trachées et les lames qui les portent. Ces dernières n’ont jamais été signalées et en outre j'ai observé les premières chez les Phyrnes. La lame pharyngienne supérieure des Araignées présente une goutlière recouverte par des filaments chitineux qui s'étendent transversalement sur la lame. Ils sont continus, mais présentent plusieurs points d’inflexion, ce qui donne l'apparence d'une autre série de stries coupant les filaments. De chaque côté de la lame, près de l'angle interne du pharynx, on voit des cils chitineux recourbés vers ie haut, très larges à leur base, diminuant graduellement de lon- gueur à partir de l’orifice œsophagien. La lame pharyn- gienne supérieure présente chez tous les Aranéides, la même structure, cependant quelques modifications de la gouttière permettent de distinguer les familles. La lame pharyngienne inférieure est plus simple. Chez les Tétrapneumones elle offre une gouttière à son milieu. Cette dernière n'existe pas chez les Dipneumones, mais j'ai observé 176 PAUL GAUBERT. que chez les Pholcidæ et les Scytodidæ, on trouve un épais- sissement chilineux médian, partant de l'extrémité distale et se dirigeant après s'être divisé en deux branches diver- gentes formant presque une large gouttière, vers l’œsophage, ce qui les rapproche à ce point de vue des Theraphosidæ. _ Chez les Phalangides, les Scorpions, on a décrit sur les mâchoires des gouttières, désignées sous le nom de pseudo- irachées. Je les ai observées chez les Phrynes. Elles se trou- vent au milieu d'une surface parcourue par des filaments chi- tineux analogues à ceux qu'on trouve sur les lames pharyn- giennes des Aranéides. Chez les Scorpions el les Phrynes ces bandes chilineuses sont larges et formées par des lamelles placées les unes à la suite des autres, disposées comme les pavés de bois. Il est probable qu'on a là des appareils jouant le rôle des lames pharyngiennes des Aranéides. Système musculaire. — Le système musculaire des appen- dices, présente une grande uniformité. Les muscles s’insè- rent directement sur les téguments par leur extrémité fixe et par des tendons à leur extrémité mobile. Les tendons sont d'autant plus nombreux que le muscle est plus court. On peut observer ce fait sur le même animal et sur des espèces différentes ayant des dimensions inégales. Chez les Acariens et dans beaucoup de muscles des Pseudoscorpions, chaque fibre musculaire s’insère à Den eut LE un tendon. Les tendons d’un même muscle sont isolés et disposés sans ordre les uns par rapport aux autres (Aranéides), ou bien ils sont parallèles, situés dans le même plan, dans la plus grande parlie de leur trajet. Dans ce cas ils peuvent être libres ou bien réunis les uns aux autres par aus Ussu con- jonctif (Galéodes,. | Il serait difficile de résumer la disposition des muscles dans les appendices, je ferai seulement remarquer que le dernier article des pattes étant dépourvu de muscles, son mouvement est passif. Cela n’a pas lieu chez les Acariens, qui ont les muscles des griffes dans le dernier article, tandis RECHERCHES SUR LES ARACHNIDES. 171 que dans les autres Arachnides ils se trouvent placés dans les deux ou trois segments terminaux. La disposition des muscles a une grande importance, car elle permet d'établir l’homologie des articles des pattes am- bulatoires avec ceux des palpes et l’homologie qui existe entre ceux des pattes des Arachnides appartenant à des ordres différents. Les organes appendiculaires des Arachnides sont carac- téristiques. Ils forment avec leur projection sur le sol, un quadrilatère qui se rapproche beaucoup du trapèze. Le troi- sième article dirigé verticalement peut êlre désigné sous le nom d'article ascendant, le quatrième article horizontal et le cinquième article descendant. Les deux premiers ne pré- sentent aucune modification. Ce sont les trois derniers, qui par leurs divisions secondaires donnent naissance à la forme des paltes telle que nous l’observons chez les animaux des différents ordres. Les modifications sont produites pour permettre à une partie de la patte d'exécuter un mouvement latéral et en même temps pour rendre plus flexible le dernier article. Chez les Aranéides, les Phalangides et les Pédipalpes, c’est l’article horizontal qui se divise en une partie proximale, formant le carpopodite et une partie formant le propodite, pour donner le mouvement latéral. Chez les Scorpions, c’est l’article descendant qui subit la division. Chez les Galéodes et les Pseudo-Scorpions, c'est l’article ascendant. Chez les Acariens, les articles sont identiques, ils ne pré- sentent pas de modifications bien apparentes et semblent se répéler. Il en résulte que les membres des Arachnides, bien que présentant en général le même nombre d'articles, ceux-ci ne sont pas homologues, à l'exception des deux premiers. D’autres modifications ont lieu dans les articles terminaux par suite du mode de locomotion. L'article descendant se ANN. SC. NAT. ZOOL. XIII, 12. — ART. N° 2. 178 PAUL GAUBERT. divise à son extrémité libre de facon à donner un, deux ou un très grand nombre d'articles qui ont un mouvement passif. Dans les palpes des Aranéides et des Phalangides, la division de l’article descendant n’a pas lieu, et par consé- quent on a là une forme primitive de la patte ambulatoire. J'ai montré qu'en se basant sur le mode d’articulalion du dernier arlicle des paltes des Aranéides, on pouvait arriver . à distinguer les familles. Chez les Télyphones, les Phrynes, les Pseudo-Scorpions, les Scorpions, les palpes se sont modi- fiés en vue de la manducation et le dernier article renfer- mant les muscles de la griffe mobile correspond à l’article descendant des pattes. Les palpes des Galéodes ressemblent beaucoup à ceux des Aranéïides et des Phalangides, 1l ne leur manque que la division de l’article horizontal, et ensuite l’ar- ticle descendant est divisé en deux comme dans les pattes des Araignées. Indépendamment de l’action des muscles, les articles peuvent être mis en mouvement par la turgescence des ap- pendices. Celte action a pour but de les mettre en extension. L'action antagoniste a son siège dans l'articulation et est due à la cuticule articulaire. Les poils articulés (épines) ne sont soumis qu'à l'influence de ces deux actions. La lurges- cence est établie par la contraction des muscles qui se fixent d’une part sur la lame aponévrotique et d’autre part sur les parois latérales de la cavité céphalo-thoracique. À chaque syslole cardiaque, le sang est chassé dans les membres et le fait osciller légèrement, de telle sorte que ceux-ci lorsqu'ils sont en extension et sans point d'appui pro- duisent des oscillations simultanées, on peut ainsi compter les contracüions du cœur. | ADDENDA M. J. Demoor dans un très intéressant travail sur la marche des Insectes et des Arachnides (Arch. de Biol., t. X, p. 603, publié le 31 mars 1891) attribue au Scorpion une allure différente de celle qui a été donnée par M. Carlet pour l'Épéire diadème. Il pense que l'allure des animaux observés par cet auteur avait probablement été modifiée, par suite du volume de leur abdomen chargé d'œufs, et qu'ils doivent au contraire présenter le système de mouvement du Scorpion. J'ai fait de nouvelles observations, non sur des Aranéides à abdomen très gros, mais sur des Tégénaires dont j'ai enlevé _ l'abdomen en sectionnant le pédicule. Malgré cette mutila- lion considérable l'animal, réduit à son cephalothorax, con- tinue à marcher pendant quelque temps et on peut alors conslater que l’ordre des mouvements des membres est le même que celui qui a été indiqué par M. Carlet. Le Trombti- dium holosericeum L. m'a fourni les mêmes résultats, bien que la forme du corps soit très différente de celle des Araï- gnées. Tout récemment, M. Ph. Bertkau {Uôer sinnesorgane in den Tastern und dem ersten Beinpaar der Solpugiden. Zool. Anz., 11 janvier 1892) a décrit un organe placé à l'extrémité des palpes et de la première paire de pattes des Galéodes. Je ferai remarquer que Jai publié une descriplion sommaire de cet organe, dans le Bulletin de la Société zoologique de France, 28 juillet 1891. M. Bertkau ne doit pas en avoir eu connais- sance, EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE I Fig. 1. — Coupe transversale du tégument d’une Tegénaire domestique. — c,, cuticule externe; c,, cuticule interne ; m, hypoderme. Fig. 2. — Coupe transversale des mâchoires de Lycosa ingens. — cg, couche glanduleuse ; 6, culicule; m, hypoderme; gm, glandes maxillaires; tc, tissu conjonctif. Fig. 3. — Coupe transversale de l'extrémité proximale du méropodite chez Le Phalangium opilio. — m, hypoderme formé de cellules glandulaires pourvues d’un gros noyau; n, nerf; tr, trachées. Fig. 4. — Coupe transversale de la lèvre inférieure d’une Lycose. — a, cel- lules glandulaires ; b, lame pharyngienne inférieure. Fig. 5. — Dyctina viridissima; coupe transversale du pharynx. — 0, cavité pharyngienne ; g, gouttière de la lame pharyngienne supérieure {s; a, cel- lules glandulaires; li, lame pharyngienne inférieure. Fig. 6. — Coupe longitudinale du 4%° article d’une patte de Cyrtauchenius Walkenaeri. — g, tubes glandulaires coupés transversalement; n, nerf du membre ; te, tissu conjonctif; m, muscle. Fig. 7. — Un de ces tubes glandulaires grossi. — fe, tissu conjonctif limitant extérieurement le tube; cg, canal glandulaire; c, cellule glandulaire avec un gros noyau g. Kig.8.— Coupe transversale du rostre de Lycosa ingens. — a, cuticule; c, ca- naux chitineux excréteurs; d, cellules glandulaires; À, hypoderme : lc, {issu conjonclif. Fig. 9. — Les mêmes cellules grossies. — éc, tissu conjonclit limitant exté- rieurement les cellules; n, noyau, au milieu d’une masse claire. Fig. 10. — Coupe longitudinale de la couche musculaire d’une glande veni- meuse de Nephila. — a, couche conjonctive supportant les cellules glan- dulaires; b, pérymisium; m, fibre musculaire. Fig. 11. — Coupe transversale montrant des fibres musculaires superposées et séparées par le pérymisium. — Les lettres ont la même signification que dans les figures précédentes. Fig. 12. — Cellules glandulaires des glandes venimeuses d’une Dyctina viri- dissima vues par transparence. Fig. 13. — Coupe transversale des téguments passant par une épine. — €, Ca Cas Ci» Cx, Couctes de cuticule; h, hypoderme, se prolongeant dans la cavité du poil. Fig. 14. — Patte de Cyrtauchenius Walkenaeri, — Face postérieure montrant les organes lyriformes a. EXPLICATION DES PLANCHES. 181 Fig. 45. — La même. — Face antérieure. Fig. 16. — Plastron de Clubione pallidula, montrant les cinq groupes de bandes À, B, C; p, une de ces bandes. Fig. 46 bis. — Deux fentes du plastron ayant un canal commun c. Fig. 17. — Organe lyriforme de Lycosa saccata, placé sur le 2e article près de l’articulation. — f, fentes; p, canal; c, bord distal de l’article. Fig. 18. — Organe lyriforme placé à la partie inférieure et à l'extrémité distale du 22e article de Cyrtauchenius Walkenaeri. — c, bord distal; d, tige chitineuse. Fig. 19. — Organe placé à la face dorsale du 2° article chez le Cyrtauchenius Walkenaeri. — c, extrémité distale. Fig. 20. — Organe de la face antérieure du 32€ article chez le Cyrtauchenius Wulkenaeri. — c, extrémité distale. PLANCHE II Fig. 4. — Organe lyriforme double placé à la face antérieure du 4e article chez la Tégenaire domestique. — €, bande de cuticule articulaire; A, or- gane placé vers la face supérieure de la patte; B, organe placé vers la face inférieure. Fig. 2. — Organe de l'extrémité distale du 1°* article (Dyctina viridissima). Fig. 3. — Organe placé près de l'articulation du 2e avec le 3e article, chez les Lycoses. — f, fentes isolées. Fig. 4. — Organe lyriforme placé sur le 4%e article et à la face antérieure (Epeira diadema). Fig. 5. — Le même organe chez une Zilla X notala. Fig. 6. — Le même organe chez une Araignée tétrapneumone montrant deux bandes séparées. Fig, 7. — Organe de la face antérieure du 5% article chez une Tegenaria muralis. — ce, bord distal. Fig. 8, — Organe placé sur la face dorsale et à l'extrémité distale du 2ne article {Lycose). Fig. 9. — Organe des mâchoires (Tegenaria domestica). Fig. 10. — Organe de la face postérieure du 32° article chez une Epéire diadème. Fig. 11. — Organes de la face interne des chélicères chez la Lycose. — c, ex- trémité distale de l’article ; B, organe placé près de la face supérieure. Fig. 12. — Organe de la face antérieure du 3%° article chez une Tégénaire domestique. Fig. 143. — Chélicère de Cyrtauchenius Walkenaert (face interne) montrant les deux organes lyriformes A et B. Fig. 14. — L'organe de la face dorsale B. Fig. 15. — L'organe de la face inférieure A. Fig. 16. — Extrémité distale de l’article basilaise des chélicères chez une Lycose montrant des cordes isolées. Fig. 17. — Extrémité proximale du 3€ article des pattes de Phalangium opilo montrant des cordes isolées. Fig. 18. — Palpe de Chelifer montrant un organe lyriforme en A. Fig. 49. — Article grossi montrant les trois bandes b de l'organe chez le même animal. Fig. 20. — Organe lyriforme de Damon Grayi (Phryne). — c, extrémité dis- tale. 182 PAUL GAUBERT. Fig. 21. — Coupe transversale d'un organe lyriforme chez une Tégénaire domeslique. — n, nerf; f, fente; {n, terminaisons nerveuses; gn, cellule nerveuse; À, noyaux de l’hypoderme; m, muscles; fe, tissu conjonctif. Fig. 22. — Coupe transversale du peigne passant par une lamelle. — N, nerf parcourant le peigne; n, nerf de la lamelle terminé par un ganglion g; tc, tissu conjonctif; M, muscle. PLANCHE I Fig. 4. — Peigne de Buthus australis. — P,, P,, P,, P,, pièces du peigne; 1, lamelles; p, partie des lamelles portant les éminences sensitives ; m, Ms Mo, Mas M, Ms, les différents muscles agissant sur les pièces du sque- lette du peigne et sur les lamelles. Fig. 2. — Coupe longitudinale d’une lamelle passant par le plan du peigne. — N, nerf venant directement du tronc nerveux qui parcourt le peigne; cg, cellules en chapelet du ganglion G terminant le nerf; f, terminaison nerveuse aboutissant à la base d’une éminence conique; g, cellule ner- veuse ; h, couche chitinogène; n, noyau de la couche chitinogène; ch, cu- ticule; te, issu conjonctif. Fig. 3. — Une partie de la figure D grossie. — Les lettres ont la même signification. Fig. #. — Raquette coxale examinée au microscope avec un grossissement suffisant pour montrer le nerf N, la trachée t et les ramifications du nerf en éventail allant se terminer au bord libre de la palette. Fig. 5. — Coupe transversale d'une raquette coxale de Galeodes barbarus. — N, nerf; f, terminaison nerveuse présentant une cellule nerveuse g;e, émi- nence conique sensitive, placée au fond de la gouttière go; ch, couche de chitine; h, hypoderme; gl, hypoderme modifié en cellules glandulaires; tr, trachée; te, tissu conjonctif. : Fig. 6. — Montre les terminaisons nerveuses de la figure précédente, mais avec un grossissement plus fort. Fig. 7. — Coupe longitudinale de l'extrémité de la 1'° paire de pattes des Galéodes. — N, nerf; T, tubes en battant de cloche; f, terminaisons ner- veuses montrant sur leur trajet une cellule nerveuse g; h, hypoderme; n, noyau de l’hypoderme. Fig. 7 bis. — Tube en battant de cloche. —- sp, sphère; cy, cylindre; e, en- tonnoir. Fig. 8. — Extrémité de la 1'° paire de pattes montrant l'insertion des tubes. Fig. 9. — Lame pharyngienne supérieure de Cyrtauchenius Walkenaeri. — g, goultière; p, poils. Fig. 9 bis. — Poils de la lame grossis. Fig. 10. — Lame pharyngienne supérieure de Tegenaria domestica. Fig. 411. — Gouttière de la lame d’une Lycoside. Fig. 12. — Lame pharyngienne inférieure de Clubiona palludila. Fig. 13. — Lame pharyngienne inférieure du Pholcus phalangoïdes. Fig. 14. — Filaments transversaux placés sur la lame pharyngienne supé- rieure d’une Epéire diadème, traitée par la potasse caustique. Fig. 15. — Face interne de la mâchoire du Dumon Grayi. — p, poils; a, lame plane analogue à la lame pharyngienne supérieure des Aranéides. Fig. 16. — Cette lame grossie, montrant une gouitière g et des bandes transversales L. EXPLICATION DES PLANCHES. 183 Fig. 17. — Bandes transversales formées d’une série de lamelles plus pelites. Fig. 148. — Les bandes transversales de la 2€ paire de mâchoires du Buthus australis. PLANCHE IV Fig. 1. — Patte d’Araignée montrant les tendons des muscles. — Tf, tendon du muscle fléchisseur des griffes; Te, tendon du muscle extenseur; T,f, tendon du muscle fléchisseur du 1 dactylopodite; T}, nombreux tendons du muscle qui fait mouvoir latéralement le propodite; T,f, ten- dons des muscles fléchisseurs du carpopodite; T,ef, tendon du muscle extenseur du carpopodite et fléchisseur du méropodite; T, tendon du muscle fléchisseur; T,, tendon du muscle extenseur; T,, tendon du muscle faisant mouvoir le membre en avant; T,, tendon du muscle qui donne le mouvement latéral en arrière. Fig. 2. — Patte de Damon Grayi montrant la division secondaire du dernier article et les tendons des muscles extenseurs et fléchisseurs. Fig. 3. — Patte de Buthus australis montrant la disposition des tendons. — Tf, tendon fléchisseur des griffes; Te, tendon extenseur; T;!, tendons des muscles faisant mouvoir latéralement l’avant-dernier article; T,c, tendon du muscle extenseur du 5€ article; T,f, tendons fléchisseurs; T,c, ten- dons extenseurs du 4e article ; T.f, tendons fléchisseurs; T,c, tendons du muscle extenseur du 3° article; T,f, tendons du fléchisseur ; Te, ex- tenseurs; T.f, fléchisseurs ; T,la, tendon du muscle faisant mouvoir la patte en avant; T;lp, tendon du muscle faisant mouvoir la patte en ar- rière, Fig. 4. — Patte de Telyphonus caudatus, montrant les tendons des muscles extenseurs el fléchisseurs des griffes et les organes lyriformes ol. Fig. 5. — Tegenaria domestica. — A, 6% article; B, 7% article; g, gaine; ol, organe lyriforme. Fig. 6. — Lycose. Fig. 1. — Epeire diadème. Fig. 8. — Clubione. Fig. 9. — Attide. Fig. 10. — Pholque. — Dans ces figures, les leltres À, B, g et ol ont la même signification que dans la figure 5. Fig. 11. — Forme primitive des appendices des Arachnides. — a, article ascendant; b, article horizontal: c, article descendant. Fig. 12. — Palpe d’Aranéide. — L'article horizontal s’est divisé en deux b, et b, pour donner le mouvement latéral, Fig. 13. — Patte d'Aranéide. — L'article horizontal s'est divisé en deux b, et b, pour donner le mouvement latéral et l’article descendant a subi le même sort pour faciliter la locomotion. Fig. 14. — Patte de Phalangium. — L'article horizontal est semblable à celu des Araignées, mais l’article descendant a subi à son extrémité un nombre plus considérable de divisions. Fig. 15. — Patte de Scorpion. — L'article horizontal n'est pas divisé. C’est l'article descendant qui se divise en c, et ce, pour donner le mouvement horizontal et en €, pour faciliter le support du corps. Fig. 146. — Patte de Chelifer. — C’est l’article ascendant qui subit un com- mencement de division pour produire le mouvement latéral. 184 PAUL GAUBERT. Fig. 17. — Palpe de Galéode. — Aucun article ne s’est divisé pour donner le mouvement latéral. Fig. 148. — Deuxième paire de pattes des Galéodes. — L'article ascendan s’est divisé en deux pour produire le mouvement latéral. Fig. 19. — Quatrième patte de Galéode. — L'article ascendant s’est divisé en trois parties pour produire le mouvement latéral. Fig. 20. — Figure schématique de la patte d'un Insecte. — Elle forme un triangle avec sa projection sur le sol. Fig. 21. — Patte ambulatoire d’un Crustacé décapode. Fig. 22. — Patte d'un Pycnogonide. Fig. 23. — Patte de Trombidium, moutrant la disposition des muscles. Fig. 24. — Coupe transversale passant par le céphalothorax d'une Dyctina viridissima. — m,, muscle abaisseur des pattes; m:, muscle élévateur; m,, muscle dirigeant la patte en avant; m,, muscle dirigeant la patte en arrière ; M, muscle rapprochant les parois du corps; mp, muscles dilata- teurs de l'estomac; la, lame aponévrotique; cæ, cœcums du tube digestif. Les fibres musculaires contractant l'estomac et le système nerveux ne sont pas représentées, OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES SUR EBS' PAGURIENS RECUEILLIS par les expéditions du Travailleur et du Talisman Par MM. A. MILNE-EDWARDS et E. L. BOUVIER. Les matériaux mis en œuvre dans cette étude prélimi- naire ont élé recueillis par le Travaulleur et le Talisman dans la partie de l’océan Atlantique comprise entre le golfe de Gasgogne, les îles du Cap Vert, la mer des Sargasses et les Açores, ainsi que dans le bassin occidental de la Médi- terranée. Nous avons également décrit les Paguriens peu nombreux, mais fort intéressants, que M. le commandant Par- fait a récoltés à Monrovia et à l’île de Prince, enfin nous tien- drons compte à plusieurs reprises, pour donner plus d'in- térêt aux considérations générales sur la faune pagurienne de la région qui nous occupe, des spécimens recueillis par S. À. le Prince de Monaco à bord de l’AHirondelle, et de ceux récoltés par M. Chevreux pendant l'expédition de la goëlette Melita. Les Paguriens du Travailleur et du Talisman (y compris ceux que nous a communiqués M. le commandant Parfait) ne forment pas moins de 34 espèces, dont 16 étaient inconnues ; elles se répartissent entre 12 genres dont 3 sont nouveaux et présentent, comme nous le verrons plus loin, un assez 186 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. grand intérêt pour la science. Si nous tenons compte des Paguriens recueillis par la Melita, le nombre des espèces s'élève à 43 et comprend 22 formes nouvelles, enfin, si nous ajoutons à cette faune les spécimensrecueillis par l’ Hirondelle, nous arrivons à un lolal de 44 espèces parmi lesquelles 23 sont inédites. Dans un travail antérieur (1), nous avons exposé les obser- vations générales auxquelles donnaient lieu les représentants de la faune pagurienne recueillis, dans la mer des Antilles et dans le golfe du Mexique, par le Blake, le Hassler el par le naluraliste américain Stimpson. Les expéditions françaises du Travailleur, du Talisman, de la Melita, et celles de l’Airondelle, présentent les analogies les plus grandesavec les expédilions américaines car elle ont exploré comme elles, presque minutieusement et en multipliant les coups de dra- gue, un espace relativement restreint. C’est là leur intérêt propre qui prête, comme on le verra plus loin, à des obser- valions comparatives dont on ne saurait nier l'importance. Bien différents sont les matériaux de recherches rassemblés par le Challenger ; récoltés durant un voyage de circumna- vigation, el provenant de coups de drague fort éloignés les uns des autres, ils ont l'immense avantage de donner une idée générale de la distribution des faunes dans les différentes mers du globe, mais ils ne nous renseignent que fort impar- faitement sur les caractères spéciaux de la faune pour une ré- gion déterminée. Entre l'expédition anglaise et les expéditions françaises réunies, il est toutefois un caractère commun que ne présentent pas les expédilions américaines du Blake et du Hassler ; ces dernières ont exploré à peu près exclusivement les profondeurs, les autres sont allées des profondeurs à la côte el ont réuni par conséquent des récoltes mixtes dont les éléments divers, un peu hélérogènes, doivent être préala- (1) A. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, Observations générales sur les Pa- guriens recueillis dans lu mer des Antilles et le golfe du Mexique par le Blake et le Hassler, sous la direction de M. Alexandre Agassiz (Bull. soc. phil. de Paris, sér. 8, t. IL, p. 102, 1891). PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 187 blement soumis à un triage méthodique si on veut les faire servir à de fructueuses comparaisons. D'ailleurs, parmi les expéditions françaises ou monégasques, toutes ne présentent pas ces caractères mixtes au même degré; c’est ainsi que la Melita a localisé principalement ses recherches dans la région côtière et subcôtière; l’Airondelle a envoyé la drague à des profondeurs moyennes ou peu considérables, enfin le Travailleur et le Talisman, à part quelques exceptions, ont dragué de préférence dans les abysses, à des niveaux par conséquent de même ordre ou même bien inférieurs à ceux qu'avaient abordés le Blake et le Hassler. Si malgré leurs recherches dans les régions abyssales, le Travailleur et le Talisman ont ramené à la surface un bon nom- bre d'espèces connues, el considérées jusqu'ici comme côtières ou subcôlières, il faut attribuer ce résultat au champ de distribution bathymétrique fort étendu de ces espèces, qu on a trouvées à des niveaux où certainement elles n’au- ralent jamais été soupçonnées. Îl y a là, en d’autres termes, une zône moyenne relativement profonde où viennent se mé- langer les Paguriens abyssaux et ceux de la région subcô- tière; cette zône ne paraît exister ni dans les Antilles, ni dans le golfe du Mexique, car le Blake et le Hassler n'ont recueilli qu'un très petit nombre d'espèces déjà connues au voisinage des côtes ; ou bien, si cette région existe, elle est située à des profondeurs si faibles qu’elle est à peu près complètement restée en dehors des niveaux qu'ont atteints dans leurs dragages le Plake et le Hassler. Moins nombreuses et moins variées que celles du Cha/- lenger el surtout du Blake, les formes nouvelles ou peu con- nues, qui proviennent du Travailleur et du Talisman, présen- tent pour la plupart un grand intérêt scientifique. Les plus nombreuses en individus appartiennent à deux genres nouveaux pour lesquels nous proposons les noms de Nemaiopagurus et de Catapaguroides. Au point de vue des organes reproducteurs, et même par la plupart des caractères morphologiques el anatomiques, ces deux genres appar- 188 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. tiennent au groupe des Anapagurus, Spiropaqurus, Catapa- qurus, Paqurodes, dont les mâles sont pourvus de tubes sexuels qui servent de prolongement exlerne aux canaux déférents. Mais c’est ici qu'on peut observer clairement la plasticité étonnante des Paguriens : tandis queles genres pré- cités n'ont qu'un tube sexuel dont la forme et la posilion présentent d’ailleurs la plus grande variété, les Nematopa- qurus et les Catapaguroides se font remarquer par la pré- sence de deux tubes sexuels dont le droit est toujours beau- coup plus développé que le gauche. Ce dernier a une forme des plus caractéristiques et rappelle à s'y méprendre les tubes sexuels coniques qui caractérisent les Cenobita com- pressa et perlata. Est-ce à dire que les deux genres nou- veaux présentent des affinités, même relativement éloignées, avec les Paguriens subaquatiques du genre Cenobita? En au- cune manière ; par lous leurs caractères essentiels, ils font partie du même groupe que les Sprropagurus, Anapaqu- rus, elc., et comme eux se rattachent directement aux formes eupaguriennes; tandis que les Cénobites, comme l’a fort bien montré M. Boas, n ont d’affinités réelles qu'avec les Paguriens du genre Pagurus (1). Ge tube sexuel gauche est court, conique, infléchi en dedans sur la hanche du côté opposé; ses parois sont relativement épaisses et formées évidemment par un prolongement des tégu- ments chitineux de la hanche gauche sur le canal sexuel un peu saillant. Très différent est le tube sexuel du côté opposé : dans les Catapaquroides, c'est une longue saillie peu arquée qui se recourbe à droite sous la base de l’ab- domen, et embrasse parfois le bord externe de la hanche opposée (C. acutifrons); dans les Nematopaqurus, au con- traire, le tube sexuel, d’abord nettement conique, se ré- trécit {très rapidement et prend la forme d’un filament grêle qui se prolonge assez loin sous l’abdomen et se pe- lelonne même à son extrémilé. (1) J.-E.-V. Boas, Studier over Decapodernes Slægtskabsforhold (Vidensk. Selsk. Skr., 6te Rœkke, naturvid. og math. Ald. 4, Bd. IX, p. 190, 1880). PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 189 Les Nematopagurus se font remarquer par un autre ca- ractère qui mérite d’être signalé ici. Leur premier anneau abdominal est muni, chez la femelle, d'une paire de fausses pattes sexuelles qui, par leur forme et leur position, rap- pellent à s'y méprendre les appendices homologues des Pylopagurus. Ainsi se trouve justifiée, par un nouveau caractère, la place que nous avions attribuée (1) aux Pa- guriens aquatiques à tubes sexuels, à la suite des Pagu- riens munis de fausses pattes paires sur les anneaux an- lérieurs de l’abdomen. Les Nematopaqurus établissent une transition fort naturelle entre les äeux groupes. Nous avons pu d'autre part, en étudiant les très nom- breux spécimens du genre Sympagurus, assister à la dispa- rition progressive des deux paires de fausses pattes anté- rieures qui caractérisent ce genre, et trouver ainsi le passage normal des Paguriens munis de fausses pattes paires, aux nombreuses formes dérivées qui en sont dépour- vues. Déjà un Pagurien du Plake, le S. arcuatus, nous avait offert une réduction dans le nombre de ces appendices, en ce sens que ceux de la première paire se trouvaient seuls représentés; dans le Sympaqurus (Eupaqurus ?) bicris- tatus nous assistons à de singulières variations dans le déve- loppement et le nombre de ces appendices pairs ; ils peu- vent, suivant les individus, se réduire à la première paire ou à la dernière, ou même disparaître complètement à l'exception de la fausse patte gauche, toujours très réduite, de la deuxièmepaire. Cette dernière fausse pattesubsiste seule, avec sa réduction caractéristique, dans le Sympagurus (Eu- pagurus ?) ruñcheles, sibien que nous trouvons dans ce genre toutesles modifications possibles de l'appareil sexuel constitué par les fausses pattes des deux premiers segments abdomi- naux.Au reste, l’étude des Sympagurus du Talisman et de l’Hi- rondelle nous à permis de montrer combien élait fragile la barrière artificielle qu’on a voulu établir entre les Sympagurus (4) A. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, loc. cit., p. 107. 190 MILNE-EDWARDS et E.-L, BOUVIER. elles Parapagurus, en se basant sur la forme et le nombre des éléments branchiaux. Chez les Parapaqurus, ces éléments se composent de quatre rangées de saillies filiformes qui de- vraient se réduire à deux et devenir foliacées chez les Sympa- qurus; or plusieurs Sympaqurus parfaitement caractérisés (S. nudus) se font remarquer, non-seulement par leurs lamelles branchiales presque filiformes, mais par la présence sur le bord externe de ces lamelles d’un bourgeon plus ou moins saillant, qui représente à tous égards les filaments plus allongés des deux rangées externes des Parapagurus. Si l'on joint à ce fait la présence, chez la plupart des Paquristeset des Spiropaqurus, de lamelles branchiales nettement bifides à leur extrémité , on arrive à celte conclusion, déjà formulée par l’un de nous {1}, que les modifications dans la structure des branchies, en raison même de leurs variations régulière- ment progressives, se prêtent aussi mal que possible aux groupements de la zoologie systématique. D’autres formes, très différentes des précédentes, nous donnent de très curieux renseignements sur les différents élats que peut présenter, suivant les genres ou les espèces, l'adaptation pagurienne. Parmi ces formes, les Cancellus méritent à coup sûr d'occuper le premier rang. Sous le nom de Cancellus Parfaiti, nous avons décrit (2) un crus- lacé qui se cache dans les cavités des pierres ou des coral- lines, ferme l’orifice de sa loge avec ses pinces appliquées l'une contre l’autre, devient à peu près symétrique, enfin revêt les caractères si prononcés et si bizarres du Pagurien des Antilles que l’un de nous a désigné sous le nom de Pylo- cheles (3). Et pourtant il n’y a aucune affinité directe entre ces deux sorles de crustacés; le Pylocheles a une symétrie primitive et il a conservé cette symétrie en se logeant dans (4) E.-L. Bouvier, Sur les branchies des Paguriens (Ann. sciences naturelles sér. 7, t. XII, p. 400, 1891). (2) A. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, Sur les Paguriens du genre Cancel- lus (Bull. soc. philom. de Paris, sér. 8, t. IIT, p. 66, 1891). (3) A. Milne-Edwards, Études préliminaires sur les Crustacés du Blake (Bull, Mus. Comp. Zoôl., vol. VIIT, art. vint, p. 38, 1880). PAGURIENS DES PROFONDEURS DE L\ MER. 191 les pierres; c’est, en un mot, un macroure symétrique qui s’est adaplé au genre de vie des Paguriens. Le Cancellus, au contraire, est un C/ibanarius, c’est-à-dire un Pagurien à coquille qui, en adoptant le même abri que les Pylocheles, a dû recouvrer presque totalement la symétrie qu'il avait perdue; c’est le sosie, pour ainsi dire, du Pylocheles, mais un examen sommaire suffit pour montrer qu'il na rien de commun avec ce dernier. Tout autre est le mode d'adaptation de beaucoup de Pa- guriens plus ou moins localisés dans les grandes profon- deurs. Vivant à un niveau où les coquilles deviennent fort rares et obligés, par les nécessités de la croissance, de choisir une demeure de plus en plus grande, ils vivent en commen- salisme, soit avec des Actinies simples, soit avec des co- lonies d’Épizoanthes. Fixés sur ia coquille qui a servi de premier abri au Pagure, les polypes croissent en même temps que ce dernier, dissolvent la coquille et finalement protègent seuls le crustacé dont ils suivent la croissance. D'ailleurs, ce curieux mode d'adaptation est loin de s’ap- pliquer à tous les Paguriens abyssaux d’une même espèce, et 1l n'appartient pas en propre aux espèces abyssales; on sait en eflet que plusieurs Paguriens de nos côtes, el no- tamment le Paquristes maculatus, sont fréquemment logés dans des éponges marines (Suberites) qui ont résorbé, tota- lement ou en partie, la coquille primitivement choisie par le crustacé. | Qu'elles soient nues ou recouvertes par un organisme étranger, les coquilles choisies par les Pagures appartien- nent à la forme dextre, et ont si bien influé sur l’organisation de l'animal qu’elles ont fait disparaître, dans la grande majorité des cas, toutes Les fausses pattes abdominales du côté droit, à l’exception de la dernière. On ne connaît pas jusqu'ici de Paguriens normalement logés dans des co- quilles sénestres, mais un heureux coup de drague du Ta- lisman nous à permis de constater que les Paguriens savent au besoin trouver un abri dans les coquilles de cette forme. 192 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. Parmi les spécimens du Paguristes Marocanus (1) qui furent ramenés par le filet, s’en trouvait un logé dans la coquille sénestre du Fusus Marocanus. La coquille était juste à sa laille, et il avait dû nécessairement enrouler son abdomen dans un sens qui ne lui était pas habituel; il n’offrait d’ail- leurs aucune autre particularité remarquable, et ressemblait complètement à ses congénères plus nombreux que proté- geaient des coquilles dextres. C'était probablement un anima! fourvoyé, mais sa présence dans le Fusus suffit pour mon- trer que les Pagures ne sont pas inaptes à se loger dans des coquilles sénestres. Les Glaucothoés de grande taille recueillies par le Travailleur, le Talisman et la Melita, seront certainement complées parmi les espèces les plus-précieuses des collec- tions françaises. Leurs représentants jusqu'ici connus sont d'une rareté extrême : ils se réduisent à quatre, deux appar- tiennent à la collection du Muséum de Paris ét constituent les types de la Glaucothoe Peronu de H. Milne-Edwards, le troi- sième, Glaucothoe carinata Hend., a été dragué en Australie parle Challenger (2), etle quatrième (Glaucothoe rostrataMers.) appartient à la faune de Madère. C’estaux deux premières es- pècesqu'appartiennent les spécimens assez nombreux des ex- péditions françaises ; ils ont permis à l’un de nous d'établir que les glaucothoés de grande taille ne forment pas un genre dis- tinct mais représentent, comme les plus petites, des larves de Paguriens presque arrivées au terme de leurs modifications. Chaque espèce de pagure doit avoir sa glaucothoé propre, mais 1l est possible que les glaucothoés de deux espèces plus ou moins voisines présentent des différences assez faibles pour qu'on les ait réunies sous le même nom spécifique. Quoiqu'il en soit, l'étude minutieuse des glaucothoés de grande taille nous à permis au moins de déterminer approximativement (1) A. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, Sur les modifications que subissent les Pagures suivant l’enroulement de la coquille qu’ils habitent . soc. philo- math. de Paris, sér. 8, t. III, p. 151, 1891). (@YE =D. Poe Les nee sont-elles des larves de Dour es? (Ann. Sciences nat., sér. 7, t. XII, p. 65, 1891). PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 193 les genres dans lesquels on doil naturellement les ran- ger; c’est ainsi que la Glaucothoe carinata nous parait être la larve d’un Pagurien du genre Clibanarius, tan- dis que la Glaucothoe Peront, qui est une larve abyssale, doit certainement appartenir aux genres Parapagurus ou Sympaqurus. Pour les Paguriens comme pour beaucoup d’autres ani- maux des profondeurs, on ne trouve pas de relation apparente entre les caractères organiques et l'habitat plus ou moins abyssal ; les yeux sont en général bien développés et, si la coloration fait défaut en général, ou du moins est peu accen- luée, il n’est pas rare de rencontrer dans ces conditions des animaux où elle prend une intensité (rès grande. Mais ces anomalies, en apparence très singulières, s'expliquent aisé- ment par les propriétés photogéniques de certains orga- nismes des profondeurs. Si la lumière du soleil ne pé- nètre pas dans la mer au-dessous de 400 mètres, on sait positivement aujourd hui que beaucoup d'êtres abyssaux sont phosphorescents et projettent sur les grands fonds une lumière vague et diffuse, analogue à celle que produisent, dans les beaux jours, les organismes pélagiques de nos mers. En fait, tous les Paguriens jusqu'ici connus ont des organes visuels plus ou moins développés, et quelques-uns même se font remarquer par la dimension vraiment très grande de leur surface cornéenne. Le Parapagurus pilosimanus, par exemple, qui descend indifféremment de 500 à 4000 mètres, a les yeux aussi grands que la plupart des Paguriens de nos côtes, ilen est de même pour le Sympaqurus gracilipes et pour le Catapaguroides megalops, espèces qui se trouvent à des profondeurs où ne parviennent généralement pas les rayons lumineux du dehors. D’autres Paguriens (Nematopaqurus lon- gicornis, Eupagurus carneus, etc.) habitent au contraire des fonds silués au-dessus et au-dessous de 400 mètres, et sont capables par conséquent de percevoir avec les mêmes or- ganes la lumière du soleil et celle qu'émettent autour d'eux les organismes abyssaux. Il est cependant une espèce qui se ANN. SC. NAT. ZOOL. XIII, Â3. — ART. N° 3. 194 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. fail remarquer entre toutes les autres par une réduction considérable dans le développement des yeux ; cette espèce, à laquelle nous avons donné le nom de Catapaguroides microps, ne remonte pas au-dessus de 960 mètres; elle a des pédoncules oculaires courts et une cornée des plus réduites, mais elle n’est pas aveugle et en cela res- semble absolument à tous les autres Paguriens jusqu'ici connus. La distribution bathymétrique, d’une manière générale, est en rapport étroit avec les groupements génériques et spé- cifiques qu'on a introduits dans le groupe des Pagures. Les Sympagurus par exemple, sont toujours des organismes abyssaux : les trois espèces recueillies par le Talsman ne remontent pas au-dessus de 400 mètres et peuvent des- cendre jusqu'à 1600; parmi les trois autres que le Blake a draguées dans la mer des Antilles, l’une (S. arcuatus) remonte jusqu’à 200 mètres, l’autre (S. pilimanus) jusqu’à 300 et la troisième (S. pictus) se trouve aux mêmes niveaux que ses congénères des eaux orientales de l'Atlantique. Il en est très sensiblement de même pour les Catapaquroides et, à un moindre degré, pour les Parapagqurus; les Paguriens de ce dernier genre, en effet, se trouvent, à l'exception d’un seul (P. latimanus Hend.), au-dessous de 200 mètres et le plus souvent se rencontrent par des fonds situés bien au-dessous de 400 mètres. Parmi les espèces localisées dans les profondeurs, l’une des plus curieuses est sans contredit le Parapaqurus pilosi- manus ; cette espèce, qu'on a rencontrée Jusqu ici dans toutes les mers chaudes et tempérées du globe, se fait remarquer par une indifférence presque absolue aux variations du milieu extérieur; très commune dans les eaux américaines par des fonds de 500 mètres, elle peut descendre au-dessous de 4,000 mètres sans présenter de modifications sérieuses, el rappelle par conséquent la Fungia symmetrica, un polype plus insensible encore aux différences bathymétriques. Con- trairement aux autres espèces, cel inléressant pagurien PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 195 serait-il seul incapable de varier? Nullement, car il pré- sente des variations extrêmement nombreuses, mais ces variations n’ont aucun rapport avec la distribution verticale et proviennent de causes multiples, qui pour la plupart nous sont entièrement inconnues. Comme nous l'avons fait observer en étudiant les Paguriens du Blake et du Hassler, les formes les plus voisines des Pagu- riens que l’on pourrait considérer comme ancestraux, sont : celles qui ont conservé totalement ou en partie les fausses pattes paires et les filaments branchiaux des Macroures; les plus mo- difiées, et par conséquent les mieux adaptées à la vie pagu- rienne,sont celles où ces fausses pattes sont devenuesimpaires, en même temps que les filaments branchiaux étaient rempla- cés par des lamelles branchiales plus ou moins larges. Entre ces deux groupes s’intercale naturellement, comme nous l'avons montré à plusieurs reprises, les Paguriens dont les mâles sont pourvus de tubes sexuels sur les hanches des pattes thoraciques postérieures. En comparant entre eux les différents Paguriens du P/ake et du Æassler, nous avions trouvé que les espèces pourvues d’appendices paires com- prenaient 61 p.100 de la récolte, les espèces munies de tubes sexuels 18 p. 100 et lesautres le reste, c’est-à-dire 21 p.100. Et nous avions cru pouvoir conclure de ces résultats que « la faune pagurienne des profondeurs est surtout constituée par des espèces plus ou moins voisines des formes macrouriennes, ces espèces disparaissant progressivement à mesure qu'on se rapproche des côtes ou elles font place à d'autres très éloignées des formes primitives. » Nous faisions remarquer d’ailleurs que cette loi s'applique aux profon- deurs moyennes, les seules qui aient été explorées par le Blake, mais qu'elle devait s'appliquer vraisemblable- ment aussi aux formes plus profondément situées dans les abysses. Pour vérifier cette loi et lui donner un plein caractère de généralité, nous avons, dans le tableau suivant, comparé niveau par niveau les Paguriens recueillis, d’un côté par les MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. 196 = OS 20 = ON oosslsssslsessieseses e. . . NS los NS IGN ESS MN IN MmNIM AG SSeeleeo— somnmSlssat ND eo ‘S099ds9 sop [0307 91quou 1 97 10 sorred 59778 || sossney 9p 79 {|syonxos soqnz 9p sanaznod9p sa2odsa sop 91QUOU 9[ 2ju9 LHOddavyu GN T- 210 © © = T CO 00 ©n S © co © cO © co CO œ) . 2 or“ ŒH À 2 © ‘sa9adso sop q | 1407 o1quou 979 ‘sorred soyed SsSN] © 79 S[Onx9S Soqn ® saJodso sop 21QUOU 9[ 24709 LuOddVu4 GO CO GO =# Gi La 20 © 20 € | © SH CO — NO = | GI GI D CN M © NN = © © MON =) = = NO = M Y Ir 20 © | HN © CO MO | © © (eY] (qe) ON ‘UAWOPIE,[ 2P SAN9 119 XNVauUur S9[ Ans 9P soyzed sorantu quos Inb ns op d soatvd sanorsn SHOdS4 no aun juo nb SHIHASA *saadsa sop 18307 91quiou 97 79 sosred soyyvd sossnez % sa2odso sop a1qUOU 9[ 91jU9 LHOddvu ‘S[Onx9s soqn? 10 sourd soyyed sossne] iu quo,u mb SHOHASY ‘S[9nX9S San} de V7 GE 2 YÿL 0G GE GE ‘TIVLOL ... 1010 T\ ‘SSSLIG 08 2P tt: :*SOSIRÜOULIT — snssop-nt °::"souieorotue ‘dxg{ juaquouwrox mb +++: 1080) saoads “5 Fr. 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Une étude attentive de ce tableau fait découvrir des diffé- rences assez grandes entre les diverses expéditions. Toutes vérifient et justifient complètement la loi que nous avons formulée plus haut, mais toutes ne la meltent pas également en relief. C’est ainsi que les expéditions américaines, qui plus que les autres paraissent lui donner son vrai caractère, la faussent au contraire dès qu'il s’agit des espèces côtières : si elles ont l'avantage de montrer que, dans les régions tout à fait abyssales, les espèces les plus voisines des formes ma- crouriennes existent seules ou presque seules, elles attribuent par contre une importance beaucoup trop faible aux formes côlières, Il est manifeste, en effet, que ces dernières espèces, au lieu de constituer les 16 centièmes de la faune totale des Antilles, en forment vraisemblablement la majorité, et si les dragages du Blake ne mettent pas ce fait en évidence, c’est qu'ils ont été effectués trop loin de la zone côtière. pour recueillir en nombre suffisant les espèces qui s'y trou- vent. À ce point de vue, les expéditions françaises, el celle du Challenger, donnent une idée beaucoup plus exacte de la distribulion bathymétrique, ce qui tient, comme nous l'avons dit au début de cetle étude, aux niveaux très différents qu’elles ont explorés depuis la côte jusque dans les abysses. Pour donner un tableau exact de la distribution bathy- métrique il faudrait connaître, non seulement toutes les espèces, mais tous les niveaux qu'habitent ces espèces, et le nombre proportionnel des individus qui les représen- tent, qu'un tel tableau ne puisse être maintenant dressé, cela est trop clair, mais on peut tenter au moins de s’en rapprocher le plus possible. C'est ce que nous avons essayé MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. 198 LG°0 €7 0 LY O0 EF d : tn) (0) (er 8 G 7 8% 0 CS 0 9& 0 l H y 8€ 0 69° 0 1e 0) € & € FE 0 19) (0) 0G'0 G L € 00 '0 00‘ F: 0G°0 (ÿ V L 00 0 00 0 00 F 0 0 [ LG°0 €7'0 LY'0 €] 9 ‘ ÿ 6 0 09 0 0€ 0 7 € Go 8€ "0 C9 0 G& 0 € & & 0%°0 09°0 0% 0 (o [' ü C& 0 GL 0 0G°0 } [! ra ‘s929ds9 s2p 1803 a1qwou 9] 39 SORX9S soqn} ‘UawWOop{E.] 2P sandroqUe *so.adso Sop 12307 91quou 9179 SDS D ED *S[ONX9S Son} IU [PJ0} 21{wWOu 9] 39 ‘S[OnNX9S San] 9P 9p 79 [Sen x9s soqnz % no d ‘soarvd XNEAUUL S9] ANS saoaied s977ed soared ann = soyed sossnez op ee. : soyed sossne] soyyed sossne] sorunu È SISSnE]J 9p soged sossne] ® Se a : soated sanoisn|d sonAanod9p sa29dso sop oaquou o Le tu quo,u nb no sooodso sop 9IQUOU 91 91709 not SHDHASA SHIHASA oun quo \nb QI{WOU 9[ 21} LuOddvu LUOdd Vu SHIHdSAH ea — (OGOPSUIOW — Dee 200 — GT nn OUI = 8 + (é Æ 9 OUR en & ee OUUE ce y |'sosseiq 000% juousro3qe Imb sooadsy A ET I ap snssop-nv juejuowuoi nb sa9ods gp lrresceeecese. eo . Le men 1 0 he 1 @ eee... — 9p9eq A ++:2+22: S08S0IQ 008 20 snssop-ne so9An043 939 sed quo u mb ‘IVLOL SHITASA ‘Xeyeaqro eubsnf ouSejoug op ojurod er sindop onbru®r}w.l Ju931qeu nb seuusosdouns ssoadsse s9p onbrajawmAqIeŒ uo1NATTFSIŒ PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 199 de faire dans le second tableau qui donne une idée de la distribution bathymétrique de lous les Paguriens connus dans les eaux européennes de l'Atlantique, depuis la pointe de Bretagne jusqu’au niveau de Gibraltar. Nous n'avons pas tenu compte des individus, parce que leur nombre propor- tionnel devient presque indéterminable quand on se rappro- che de la région côlière, mais on verra, par l'exemple suivant, combien plus frappante deviendrait la loi de distri- bution, s’il était possible d'accorder une part exacte à cel élément de comparaison. Dans la région comprise entre la pointe de Bretagne et Gibraltar, les espèces qui ne remontent pas (autant qu’on le sait du moins) au-dessus de 200 brasses sont au nombre de quatre : Parapaqurus pilosimanus, Sympagqurus bicrista- tus, Catapaguroides microps et Eupaqurus ruber. Or c'est par centaines qu’on comple les représentants de la première espèce dans les Paguriens recueillis par les expéditions fran- çaises, le Sympagurus bicristatus n’estguère moins abondant, le Catapagquroides microps, est représenté par cinquante indi- vidus au moins, tandis que l’Æupaqurus ruber est repré- senté par un seul ; si bien que si nous tenions compte du nombre des représentants, la première colonne horizontale du tableau précédent devrait être modifiée de la manière suivante : Individus qui ont une ou plusieurs paires de fausses pattes aux anneaux anté- miourside l'abdomen... its: 250 \ Individus appartenant à des espèces dont | les mâles ont des tubes sexuels....... DO ATO AMEN. 301 Individus sans fausses pattes paires ni | He SExTelS nel an. dr... M. 1 Rapport entre le nombre des individus à fausses pattes paires et le nombre total. 0.83 (au lieu de 0.50). Rapport entre le nombre des individus à fausses pattes paires et à tubes sexuels épée nombrerto tal eo 0.996 (au lieu de 0.75). Rapport entre le nombre des individus sans fausses pattes paires ni tubes sexuels et le nombre total......,..... 0.004 (au lieu de 0.25). Un des résultats les plus remarquables des expéditions du 200 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. Travailleur et du Talisman sera d'augmenter singulière- ment la richesse de la faune pagurienne des mers euro- péennes, au moins dans la région comprise entre le golfe de Gascogne et le détroit de Gibraltar. Les espèces nouvelles pour cette région sont les suivantes : Parapagurus pulosimanus. Sympagurus bicristatus. Nematopagurus longicornis. Anapagurus bicorniger, À. curuidactylus, À. brevicarpus. Eupaqurus carneus, E. variahilis, ÆE. sculptimanus FE. ruber. Une de ces espèces, le Nematonaqurus longicornis, s'en- gage dans la Méditerranée et vient s'ajouter à la faune de cetle mer, en compagnie de l’Anapagurus lævis qu’on avait cru, avant l'expédition du Travarlleur, localisé dans l'océan Atlantique. Presque toutes ces espèces remontent jusque dans le golfe de Gascogne, et toutes, à l'exception d’une seule (£upaqurus ruber) descendent dans les eaux tropicales de l'Atlantique, atteignent les îles Canaries, le cap Vert et souvent même les côtes françaises de là Séné- gambie. Il en est ainsi, non seulement pour ces espèces, mais pour beaucoup d’autres depuis longtemps connues dans les eaux européennes : le Paquristes maculatus atleint Madère, l'Eupaqurus cuanensis les Canaries, l'Eupaqurus Prideauxi les îles du Cap Vert, l'Anapagurus læns, l’'Eupaqurus sculptimanus et l'E. exrcavatus le Sénégal, enfin le Piogenes pugilator descend au moins jusque sur la côte de Libéria. Jamais, à notre connaissance, ne s'était mieux affirmé le caractère mixte, mais surtout subiropical de la faune du golfe de Gascogne ; les espèces typiques de la côte africaine y sont encore nombreuses, mais ne paraissent guère remonter au-delà; l’£upaqurus carneus, seul, en dehors des espèces cosmopolites, s'aventure vers le nord et atteint la mer d'Ir- lande où il ne paraît compter, d’ailleurs, qu'un nombre restreint de représentants. D'autre part, la faune médilerra- néenne perd de plus en plus son aulonomie et paraît se pré- PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 201 senter comme une simple modification de la faune subtropi- cale de l'Atlantique oriental: ses espèces considérées comme les plus caractéristiques, le Diogenes pugilator, V'Eupaqurus sculptimanus, V'Eupaqurus cuanensis, le Calcinus ornatus, franchissent le dédroit de Gibraltar, si bien qu'aujourd'hui deux espèces seulement, l'£wpaqurus tinndus et l'E. Chere- ghini, paraissent exclusivement localisées dans les eaux méditerranéennes. Si l’on suit vers l’ouest les Paguriens dragués par le Tra- vailleur et le Talisman, on les voit, la profondeur crois- sant, disparaître de plus en plus, et finalement se réduire à deux espèces, Le Paraqurus pilosimanus etV’Eupaqurus bicri- status. Dans les Antilles, dont la faune pagurienne nous est maintenant très bien connue, se rencontrent seules ces deux espèces de l’ancien continent, toutes les autres sont diffé- rentes el appartiennent même pour la plupart à des genres différents. Il n'existe probablement pas une région du globe, sous la même latitude, ou la faune pagurienne soit plus dis- semblable. La variété des formes est d’ailleurs beaucoup plus grande et, parmi ces formes, la plupart sont absolument in- connues dans les eaux orientales de l'Atlantique, ou y sont d’une rareté extrême. Il y a lieu d'insister sur ces différences. Dans les Antilles el le golfe du Mexique, la faune des profondeurs est représen- iée par les genres Pylocheles, Mixtopaqurus, Tomopagurus, Pylopaqurus, Munidopagurus, Xylopaqurus, Catapagurus, Anapagurus, Spiropaqurus, Paquristes, Sympaqurus, Para- paqurus, Eupaqurus, Clibanarius el Ostraconotus ; dans les mers explorées par les expéditions françaises, elle se limite aux genres Vematopaqurus, Catapaguroides, Anapagurus, Pagquristes, Sympagarus, Parapagqurus et Eupaqurus;soitsepl genres au lieu de quinze. Les genres communs aux deux faunes sont au nombre de cinq seulement, mais présentent, par le nombre de leurs représentants spécifiques, des diffé- rences très grandes. Les Paguristes, qui prennent dans la faune profonde des Antilles uneremarquable prédominance, 202 MIELNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. sont peu nombreux dans l'Atlantique oriental et représentés par deux espèces plutôt subcôtières qu'abyssales ; les £u- paqurus, au contraire, tiennent une place importante dans nos régions et sont réduits à un très petit nombre de re- présentants dans les eaux américaines ; il en est de même des Anapaqurus; quant aux Parapaqurus et aux Sympaqurus, ils sont spécifiquement en nombre égal sur les deux côtés de l'Atlantique, mais leurs représentants, au moins pour le genre Sympaqurus, appartiennent à des espèces absolument différentes. Existe-t-il du moins quelques analogies entre les genres différents des deux mers? Pas davantage. Les Pylocheles, Mixtopaqurus, Tomopaqurus, Pylopaqurus, Munidopaqurus et Xylopagurus de la mer des Antilles, ne sont représentés par aucune forme correspondante en decà de l'Océan; quant aux Catapaqurus américains, ils n'existent pas dans nos mers et les seules formes auxquelles on puisse les comparer sont les Nemaiopaqurus el les Catapaquroides. Ces deux genres peuvent être considérés, à plus d’un titre, comme les jormes représentatives des Catapaqurus du nouveau continent, de même que les Eupaqurus, par leur abondance du moins, occupent au voisinage de nos côtes la même place que les Pylopaqurus dans la région des Antilles et du Mexique. Ce sont là toutes les analogies (et l’on voit combien elles sont restreintes), entre les eaux profondes des deux côtés de l’Atlan- tique. Car la présence de deux espèces communes, le Parapa- gurus puosimanus et le Sympagurus bicristatus, esl loin d'avoir l'importance qu’on pourrait lui supposer dans la quéstion qui nous occupe. La première espèce, en effet, par le fait même qu elle est cosmopolite, ne prouve rien en faveur d’une analogie quelconque entre les deux faunes; quant à la deuxième, elle ne compte qu’un très petit nombre de repré- _ sentants aux Antilles, tandis qu’elle est plutôt commune dans les eaux profondes de ce côté de l'Océan. Si l’on observe que les dragages récents de l'A /batross, dans les profondeurs de l'océan Pacifique entre le détroit de PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 203 Panama et le golfe de Californie (1), ont fait connaître une faune dont les analogies avec celle de la mer des Antilles sont des plus accentuées, on se voit porté à conclure que les deux côtés de l'Atlantique ont été séparés à une époque où n’exis- tait pas encore le détroit de Panama. Depuis, la mer des Antilles a conservé un grand nombre de formes plus ou moins voisines des types paguriens à physionomie ma- crourienne, mais ces formes ont évolué dans nos mers et se sont éloignées davantage de celles plus primilives qui leur avaient donné naissance. De nos jours, la barrière qui sépare les deux côtés de l'Atlantique est représentée par une chaine de montagnes et par une vallée sous-marines qui occupent côte à côle l'axe de l'Atlantique; la chaîne de montagnes se trouve par une profondeur moyenne de 1 000 à 2 000 brasses, mais elle présente des cônes saillants à la surface des flots, les Açores, l’île Saint-Paul, l’Ascension, qui jalonnent pour ainsi dire son parcours. C’est en deçà de cette chaîne, au moins sur une partie de son étendue, qu'ont été effectués la plupart des dragages des expéditions françaises ; au delà se rencon- tre la vallée sous-marine qui atteint des abîmes de 4000 bras- ses ; elle est située au voisinage immédiat de la mer des Antilles et les îles les plus orientales de cette mer doivent être considérées comme les pointes saillantes qui couronnent le flanc oriental abrupt de cette vallée. Il est probable que cette dépression représentait l'Océan Atlantique, sous la forme d'une mer longue et élroite, aux époques secondaires où existait encore une communication directe entre le Paei- fique et la mer des Antilles; probablement aussi elle avail des relations avec cette mer, comme le prouve l'existence d’un certain nombre de formes représentatives ; mais elle était déjà profonde et ses dépressions, quoique moins accentuées que celles d'aujourd'hui, devaient former une barrière effi- cace entre les faunes de ses deux versants. (4) Three letters from Alexander Agussiz, etc... (Bull. Mus. Comp. Zool., PANXI pp. 180,1891). 204 MILNE-EDWARDS et E.-H. BOUVIER. Ainsi se trouve établi, par l'étude minutieuse d’un seul groupe, le caractère archaïque de la faune abyssale, et les différences profondes qui séparent les faunes des deux côtés de l’Atlantique. Suggérées depuis quelques années par l'étude générale de divers animaux des profondeurs, ces observa- tions prennent, pour le groupe qui nous occupe, un grand ca- ractère de précision, et comme telles méritaient de trouver place dans cette étude générale de la faune pagurienne des abysses. GENRE PARAPAGURUS. Parapaqurus pilosimanus, S.-J. Smith. Parapagurus pilosimanus, S.-J. Smith, Stalk. eyed Crust. Atlantic Coast North America, p. o1 (in Trans. Connecticut Academy, vol. V, 1879). Eupagurus Jacobii, À. Milne-Edwards, Bull. Mus. Comp. Zool., vol. VIN, art. VII, p. 42, 1880. Parapagurus abyssorum (A. Milne-Edwards), J.-R. Henderson, Anomura, Challenger, Zool., vol. XXVIT, p. 87, pl. IX, fig. 2, 1888. Les très nombreux spécimens recueillis le Travailleur et le T'alisman nous ont permis d'établir l'identité spécifique du P. pilosimanus et du P. abyssorum. Cette espèce devient dès lors cosmopolite dans toutes les mers chaudes et tempé- rées, depuis le 53° degré de lat. Sud (port Otway en Pata- gonie, Challenger), jusque dansles eaux sub-polaires (Pocock). C'est le seul pagurien qu’on rencontre dans les grandes pro- fondeurs, et il peut descendre au-dessous de 4000 mètres; mais il remonte aussi jusqu'à 500 mètres sans subir de mo- difications appréciables, et présente ainsi une indifférence à la pression qu’on rencontre bien rarement chez les autres animaux. | | Le Par. abyssorum et sa variété scabra Hend., doivent être considérés comme une simple variété du P. pilosimanus ; cette variété se distingue par les traits suivants : Granules forts, très nombreux, parfois spinuleux sur les pattes antérieures ; des rugosités et des granules sur la par- tie inférieure du carpe, du propodite et du méropodite des pattes ambulatoires ; rostre ordinairement subaigu et bien PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 205 développé, à saillie longitudinale dorsale nulle ou très réduite, front nettement marginé jnsqu'à la pointe du rostre ; peu de poils sur la face dorsale des pédoncules oculaires ; prolongement externe du deuxième article des pédoncules antennaires ordinairement long et souvent infléchi en dehors, un denticule aigu à l’angle antéro-interne du même article. Telle qu'on la connaît jusqu ici, cette variété, à laquelle nous donnerons le nom d’abyssorum, comprend comme l’es- pèce typique des spécimens à doigs médiocres et des spéci- mens à doigts très allongés. Elle seule descend au-dessous de 4000 mètres, mais elle peut remonter aussi jusqu'à 1000 mètres. On trouve tous les intermédiaires entre les spécimens les plus caractéristiques de cette variété et ceux de l'espèce typique. L'espèce et sa variété ont été draguées par le Talisman dans les eaux du golfe de Gascogne ; elles peuvent donc être considérées l’une et l’autre comme appartenant à la faune européenne et française. GÊNRE SYMPAGURUS. Sympagurus graciipes, À. Milne-Edwards. Sympagurus gracilipes À. Milne-Edwards, Bull. Soc. Zool. de France, t. XVI, p. 132, 1891. Cette espèce, trouvée d'abord dans les parages des Acores par l'Airondelle, à été draguée par le Talisman dans les eaux de l'Atlantique, depuis le cap Cantin, sur la côte du Maroc, jusqu'aux îles du Cap Vert. Elle habite par des pro- fondeurs de 400 à 1 000 mètres. Sympaqurus bicristatus, À. Milne-Edwards. Eupagurus bicristatus, À. Milne-Edwards, Bull. Mus. Comp. Zool., vol. VII, art. VIN, p. 43, 1880. Comme nous l'avons fait observer dans l'étude des Pagu- riens du Blake, cette espèce n'appartient nullement au genre Eupagurus, et aurait été certainement rangée dès l'origine parmi les Sympagurus, Si on avait pu y observer des appen- 206 MILNE-EDW ARDS et E.-L. BOUVIER. dices sexuels pairs. Or l'étude des {rès nombreux spécimens recueillis par le Travailleur et le Talisman nous a permis de constater que certains spécimens présentent les deux paires de fausses pattes sexuelles, ou la paire postérieure seule- ment, tandis que d’autres n’ont plus qu’une fausse patte sexuelle (la gauche) ou même en sont dépourvues (?). Très rare dans la mer des Antilles où elle a élé draguée par le Blake, cette espèce est commune dans l'Océan Allan- tique entre les Acores ({irondelle), Vigo, et les îles du Cap Vert. Elle habite des profondeurs moyennes depuis 410 jus- qu'à 1590 mètres. Grâce aux recherches du Taliësman, cette espèce vient s'ajouter à la faune européenne, elle a été ramenée en effel par la drague entre Vigo et Oporto, et dans la rade de Cadix. Sympagurus ruticheles À. Milne-Edwards. Eupagurus ruticheles À. Milne-Edwards, Bull. Soc. Zool. de France, t. XNI, p. 133,:1891. Cette espèce appartient au genre Sympagurus, tel qu'il a été défini plus haut, et se rapproche surtout des spéeci- mens du S. cristatus dont la fausse patte sexuelle gauche est seule développée. Cette fausse patte sexuelle, dans l’es- pèce qui nous occupe, est d’ailleurs réduite à un moignon im- parfait et probablement sans usage. C’est un organe rudi- menlaire en voie de disparition. Celte espèce a été trouvée par l’Arrondelle et le Talisman aux Acores, el par le Travailleur à Madère. Elle habite les profondeurs de 400 à 600 mètres. Ed GENRE PAGURISTES. Pagquristes maculatus Risso. Pagurus oculatus, Fabr. Spec. Insect., I, p. 507, 1781. Cancer oculatus, Herbst., Krabben und Krebse, IX, p. 24, pl. 23, fig. 4, 1796. Pagurus maculatus, Risso, Hist. nat. Eur. mérid., p. 39, 1826. Paguristes maculatus, W. Stimpson, Proc. Acad. nat. Se. Philad., p. 236, 1858. Les nombreux spécimens recueillis par le Travailleur et le PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 207 Talisman appartiennent lous à une variélé qu’on peut distin- guer de l’espèce typique de la manière suivante : Anneaux transverses d’un rouge intense à la base du doigt et du propodite des pattes ambulatoires, large lache rouge de même couleur sur le méropodite des mêmes palles, el sur- (out sur la face interne des pinces, immédiatement en arrière de l'articulation du doigt; pinces largement dilatées à la base et ordinairement couvertes sur leur face externe, comme le carpe, d'un duvet serré qui fait en grande partie défaut sur les doigts, mais qu'on retrouve sur une partie de la face interne. Cette très jolie variélé, pour laquelle nous proposons le nom de rwbro-picta, habite les eaux marocaines et souda- naises de l'Atlantique par 100 à 150 mètres de profondeur ; on la trouve aussi à Madère. Elle représente dans ces latitudes méridionales l'espèce typique qui, en dehors de la Méditer- ranée, ne paraît pas s'étendre au sud de Cadix (Melita). Paquristes marocanus À. M.-Edw. el Bouvier. Paguristes marocanus A. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, Bull. soc. philo- math. de Paris, Ser. 8, t. III, p. 152, 1891. 4 Partie de la carapace située en avant de la suture cervi- cale beaucoup plus longue que celle située en arrière; aire cardiaque élargie dans sa partie antérieure; aire gastrique parfaitement limitée en avantet sur les côtés, nue, mais ornée de quelques ponctualions; rostre acuminé et aussi saillant que les dents lalérales, dont il est séparé de chaque côté par une profonde échancrure; parties latérales du front arquées et très obliques; écailles ophthalmiques séparées par un faible intervalle, assez longues, acuminées, munies de poils serrés et très longs sur le bord interne ; pédoncules oculaires assez forts, plus étroits à l'extrémité libre qu’à la base, un peu plus longs que la dislance qui sépare les deux dents la- térales; avant-dernier article des pédoncules antennu- laires un peu plus long que le précédent et articulé avec le suivant au niveau de la cornée ; pédoncules des antennes 208 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. externes armés d’une épine en dedans et en dehors sur le bord antérieur du deuxième article; acicule armé de quatre épines sur le bord externe et d’une pointe terminale qui atteint le milieu du dernier article, fouet terminal à peme plus court que les pédoncules oculaires et inséré sur les pé- doncules au niveau de la cornée; pattes antérieures sub- égales, la droite un peu plus forte, toutes deux étroites, même au niveau des mains qui sont armées de quatre ou einq épines sur le bord supérieur du propodile, et qui se termi- nent par des doigts relativement longs mais faiblement ongu- lés; pattes ambulaloires des deux paires suivantes assez fai- bles, peu pileuses sur les bords, et terminées par des doigts plus longs que le précédent article. Couleur rougeâtre avec des aires irrégulières blanchâtres. Longueur du céphalotho- rax 3 millimètres et demi. Cette espèce a des affinités éloignées avec Les P. brevicornis Guérin et Gamianus H. Milne-Edwards, dont elle se distingue au premier abord par la forme du front, par les dimensions des pédoncules oculaires, par la forme el par les ornements des écailles ophthalmiques. Ce pagure a été trouvé dans les eaux soudanaises, au large du cap Bojador et du bane d’Arguin par des profondeurs de 130 à 290 mètres. Un individu, qui occupait la coquille sé- nestre du Fusus marocanus, élait absolument semblable à ceux logés dans des coquilles dextres. Paquristes hispidus, nov. sp. Région de la carapace située en avant du sillon cervical beaucoup plus longue que celle située en arrière; aire car- diaque courte, fort étroite, un peu dilatée en avant; aire gastrique à peine limitée en avant par deux sillons arqués; des lignes droites ou courbes, ornées de granules subaigus, sur les aires hépatiques. Rosire aigu, peu marqué, beaucoup _ moins saillant que les dents latérales qui sont acuminées et séparées des flancs de la carapace par un bord frontal obli- que et armé de quelques faibles denticules. Pédoncules ocu- PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 209 laires assez grêles, régulièrement rétrécis de la base au som- met: cornée réduite; écailles ophthalmiques contiguës, longues et découpées en trois lobes aigus. Base de l’ar- ticle terminal des pédoncules antennulaires située au ni- veau de la cornée, vers le milieu du dernier article des pédoncules antennaires. Acicule large, aigu, armé de trois épines sur le bord interne et de deux sur le bord ex- terne; deux épines plus fortes à l'angle antéro-externe du deuxième article des pédoncules antennulaires et une autre à l’angle antéro-interne du même article. Fouet antennaire très court. Pattes antérieures courtes, égales, semblables. Une rangée de cinq ou six fortes épines sur le bord supérieur du carpe, et une autre tout à fail en dehors sur la face externe du même article; face externe des pinces ovalaire, armée d'épines médiocres irréguhèrement sériées; quatre épines beaucoup plus fortes au bord supérieur du propodite, une griffe cornée courte et obtuse à l'extrémité des doigts. Pattes ambulatoires peu comprimées et terminées par des doigts arqués, onguiculés, un peu plus longs que le propodite. Une rangée de fortes épines sur le bord supérieur du carpe des pattes ambulatoires de la première paire. Couleur générale d'un blanc sale. Des soies courtes et facilement caduques, sur la carapace; des soies et des poils assez nombreux sur les pates. Se distingue aisément des P. érevicornis et gamia- nus par la forme du front et des écailles ophthalmiques. Deux spécimens recueillis à Libéria par M. le comman- dant Parfait, Dans le plus grand, le céphalothorax a 4 milli- mètres de longueur. GENRE NEMATOPAGURUS, NOV. gen. Ce genre représente dans nos mers les Cafapaqurus des eaux américaines, mais il s’en distingue par la présence, dans les mâles, de deux tubes sexuels sur la hanche des pattes thoraciques postérieures. Le tube gauche est court, conique, et infléchi en dedans sur la hanche du côté opposé; le tube droit est conique et épais à sa base, mais il s’atténue bientôt ANN. SC. NAT. ZOOL. XIE LAN = x ART. N° 3. 210 MILNE-EDWARDS ct E.-L. BOUVIER. et se transforme en un long filament dont l'extrémité libre est plus ou moins enroulée. Les femelles sont pourvues d’une paire de fausses pattes sexuelles sur le premier anneau de l'abdomen. Ce dernier caractère rapproche les Nemato- paqurus des formes moins modifiées où existent des fausses patles paires chez les mâles comme chez les femelles. Ce genre, qui est nouveau pour les mers européennes, se trouve dans l'Atlantique comme dans la Méditerranée. Il n’esl jusqu'ici représenté que par une seule espèce. Nematopagurus longicornis, nov. sp. Partie de la carapace située en avant de la suture cervicale longue, calcifiée, ornée de quelques touffes de poils médio- cres sur les côtés de l'aire gastrique; partie postérieure presque tout entière membraueuse, à aire cardiaque dilatée en arrière. La saillie médiane frontale est large, faible, arron- die et se prolonge transversalement au-dessus des denis laté- ralés: à peine plus saillantes, celles-ci sont lronquées en avant et armées d’un faible denticule externe. Pédoncules oculaires très dilatés antérieurement el plus courts que la largeur du bord frontal: cornée grande avec une toufle de soies dans l’échancrure ; écailles ophthalmiques largement séparées, étroites, triangulaires, obluses en avant, avec une spinule subterminale. Pédoncules antennulaires un peu plus longs que les pédoncules oculaires. Deuxième article des pédoncules antennaires munis d’un très long prolongement externe qui est acuminé et armé de deux denticules; une spinule à l'angle antéro-interne du même article. L’acicule est long, acuminé, sigmoïde, il dépasse ordinairement un peu l'extrémité des pédoncules antennaires et davantage en- core celle des pédoncules oculaires. Fouet antennaire très allongé. Pattes antérieures longues et ornées de touffes éparses de longs poils ; une série de spinules serrées sur les deux bords de la face externe du carpe, sur le bord supérieur du propodite et sur le milieu de la face externe du même article ; les divers articles de la patte gauche sont sensible- PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 211 ment aussi longs, mais beaucoup plus étroits que ‘éeux de la droite. La main est un peu infléchie au bord inférieur, et la rangée de spinules du bord supérieur est à peine distincte. Pattes ambulatoires plus longues que les pattes antérieures, ornées de nombreux faisceaux de poils médiocres; carpe armé d’un dénticule aigu à l'extrémité antérieure du bord supérieur; doigts onguiculés, très peu arqués, un peu plus longs que le propodite. Le tube sexuel droit est très allongé, grêle, mais fort dilaté à la base; le gauche est court et vient se recourber en crochet sur la face ventrale du précédent. Couleur blanchâtre, généralement avec des taches rouges, dont une assez constante sur Ja face externe des pédoncules oculaires. | Cette très curieuse espèce est non seulement européenne, mais française et méditerranéenne ; elle a été trouvée par le Travailleur et le Talisman depuis le nord de l'Espagne {au large de Barquero), jusqu'aux îles du cap Vert, et dans la Mé- diterranée par le Travailleur non loim de Toulon. On la pêché par des profondeurs de 75 à 800 mètres. | GENRE CATAPAGUROIDES, nov. gen. Les Paguriens de ce genre ont deux tubes sexuels comme les Nemaïopaqurus, mais les femelles sont dépourvues d’ap- pendices pairs sur le premier anneau de l’abdomen. Le tube sexuel gauche est semblable à celui des Nematopagurus, mais Le droit est fort, arqué, infléchi sous la base de l'abdomen et dirigé de droite à gauche. Il est médiocrement développé et présente une courbure assez faible. Les autres caractères sont ceux des VNematopaqurus et des Catapaqurus. Ce genre nouveau comprend trois espèces dont une seule est représentée dans les mers européennes. Catapaguroides microps, nov. sp. Carapace courte, large, nue, peu calcifiée, divisée en deux. parties de longueur presque égale par la suture cervicale. Saillie verticale du front assez forte, arrondie, et plus sail- 212 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. lante que les dents latérales qui sont subaiguës. Pédoncules oculaires singulièrement réduits en longueur et en largeur: rétrécis au niveau de la cornée qui est courte, et qui n’atteint ni l'extrémité antérieure de l’arlicle basilaire des pédoncules antennulaires ni celle du deuxième article des pédoncules antennaires; écailles ophthalmiques petites, triangulaires, aiguës, largement séparées. Les pédoncules antennaires sont allongés et atteignent le milieu du dernier article des pédoncules antennulaires. L'acicule est inerme, presque nu, et dépasse à peine l'extrémité du pénultième article des pédoncules; le deuxième article a un prolongement externe très développé; le fouet est long, très comprimé dans le sens dorso-ventral. Les pattes antérieures sont médiocres, inermes, presque nues; la gauche est un peu plus courte et plus faible que la droite; les pinces sont plus longues que le carpe; leurs doigts sont plus courts que le propodite dans la patte droite, un peu plus longs dans la patte gauche. Les pattes ambulatoires sont très longues, lisses, presque nues, grêles et terminées par des doigts arqués et inermes, qui sont ornés au bout de quelques longs poils, et à peu près aussi longs que les deux articles précédents réunis. Leur propodite est armé en avant, sur le bord inférieur, d’une longue épine articulée autour de laquelle se trouvent quelques soies assez fortes. La râpe unisériée des pattes de la quatrième paire se compose de sept ou huit écailles; le tube sexuel droit du mâle est falciforme et ne dépasse guère le bord externe de l'article basilaire de la patie opposée; le prolongement sexuel du côté droit est court el conique. 1928 La couleur est blanche avec de vagues reflets irisés. Cette espèce se rapproche surtout du Pagurodes inarmatus Hen- derson, dont elle diffère par la cornée plus réduite et par l'acicule beaucoup plus court. Cette espèce s’élend dans les eaux de l'Atlantique depuis la latitude du cap Finistère, au nord-ouest de l'Espagne, jusqu'au cap Mazaghan sur la côte du Maroc. Elle habite des profondeurs de 960 à 2,200 mètres. PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 213 Le C. microps vient s'ajouter aux représentants de la faune européenne. Catapaquroides megalops, nov. sp. Diffère surtout de l'espèce précédente par ses pédoncules oculaires dilatés en avant, terminés par une grande cornée et presque aussi longs que la largeur du bord frontal. L’acicule atteint l'extrémité des pédoncules antennaires ; les soies sont peu nombreuses mais assez longues sur le fouet antennaire, de longs poils sont épars sur les pattes, des spinules forment une série longitudinale sur le milieu de la face externe du carpe et sur le bord supérieur du propodite, enfin les doigts des pattes ambulatoires sont à peine plus longs que le propodite. Il y a plusieurs épines articulées sur la partie antérieure du bord inférieur du propodite; le tube sexuel du côté droit est arrondi et légèrement élargi à son extrémité. La coloration est blan- châtre. Cette espèce a été draguée sur la côte du Maroc par 636 mètres de profondeur, et aux Acores par 360 mètres. Catapaguroides acutifrons, nov. sp. Les pédoncules oculaires sont un peu dilatés en avant el se terminent par une cornée très grande, dont le bord anté- rieur dépasse le milieu des pédoncules antennulaires et l’ex- trémité des pédoncules antennaires; ils sont aussi longs que la largeur du bord frontal. Le rostre est grand, acuminé, muni d'une saillie longitudinale dorsale; les dents latérales sont courtes et acuminées. Ecailles ophthalmiques ovales, à épine subterminale ; prolongement externe du deuxième article des pédoncules antennaires acuminé et plus long que la partie basilaire de l’article, pointe de l’acicule située au niveau du dernier article des pédoncules; fouet terminal orné de poils nombreux mais assez courts. Pattes antérieures inégales el fort dissemblables, mais munies de longs poils épars; cinq longs denticules aigus sur le bord inféro-in- 214 _ MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. térne du méropodite de la droite, des épines au bord su- périeur du carpe et une forte saillie (semblable à celle de l'Eupaqurus timidus) sur le bord inféro-externe du même article; des épines nombreuses sur la face externe de la main droite et sériées sur le bord supérieur. Deux rangées longitudinales de spinules réduites sur le carpe et sur le propodite de la patte gauche. Pattes ambulatoires plus courtes encore que dans le C. megalops, ornées de longs poils; doigts hauts, faiblement onguiculés, à peu près de la lon- gueur du propodite, armés de soies raides sur le bord infé- rieur. Une forte épine articulée à la base et en avant sur le bord inférieur du propodite. Tube sexuel droit, presque grêle, et assez long pour embrasser, en se recourbant, le bord externe de là hanche du côté opposé. Couleur générale jaune paille. Longueur du céphalothorax, 3 millimètres et demi. Dragué aux Canaries par le Travailleur. GENRE ANAPAGURUS. Anapagurus lævis, W. Thompson. Pagurus lœvis W. Thompson, British Assoc., 1843, p. 267. Eupagurus lœvis W. Stimpson, Proc. acad. nat. sc. Philad., p. 74, 1858. Anapagurus lævis J.-R. Henderson, Crustac. Clyde., p.28 (in Trans. nat. hist. soc. Glascow, 1886). Les très nombreux spécimens que nous avons étudiés nous ont permis de déterminer les variations considérables de cette espèce et d'étendre le champ de sa distribution. Grâce aux dragages du Travailleur, on sait aujourd’hui qu’elle s'étend dans la Méditerranée (Toulon, Corse, Sardaigne) et sur les côtes océaniennes de l'Espagne et du Maroc. Elle a été trouvée jusqu'ici depuis les îles Shetland jusqu'au Sénégal (Welita); elle habite les profondeurs moyennes entre 20 mètres et 550 mètres. ; Anapagurus curvidactylus Ed. Chevreux et E.-L. Bouvier. Anapagurus curvidactylus Ed. Chevreux et E.-L. Bouvier, Bull. soc. zool. de France, T. XVI, p. 253, 14891. - Recueillie par la Melita au Sénégal, cette espèce se PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 215 trouve représentée par un spécimen de Barquero, dans les dragages du Travailleur. Ce spécimen, qui est d'assez grande taille, a la main droite large et couverte de gra- nules. | | Cette espèce, qui vient s'ajouter à la faune européenne, a été draguée par 815 mètres au Sénégal (Melia) et par 200 mètres au nord de l'Espagne. Anapaqurus brevicarpus, nov. sp. Pédoncules oculaires de même forme que ceux de l'A. Hyndmanni, et présentant par rapport aux appendices céphaliques les même dimensions relatives que ceux de l'A. /œvis. Carpe de la patte antérieure droite à peine plus long que le méropodite, plus court que la portion palmaire du propodite et armé de 4 ou 5 spinules au bord supérieur. Main droite semblable à celle de l'A. Hyndmanni, mais ornée à la base, sur sa face externe, d'un fort tubercule, comme dans l'A. /œvis. Pattes ambulatoires complètement inermes et terminées par des doigts hauts, à peine plus courts que le propodite. Longueur du céphalotorax 3 milli- mètres 5. | _ Deux spécimens femelles dragués, l’un au nord de l’Es- pagne par 150 mètres de profondeur, l’autre au nord du banc d’Arguin par 135-250 mètres. Cette espèce vient s'ajouter à la faune européenne. Anapagqurus bicorniger, nov. sp. Celle très curieuse espèce se fait remarquer surtout par les deux cornes coniques et par les deux écailles triangulaires et très développées que porte l’anneau ophthalmique; elle est en outre caracrisée par un dimorphisme sexuel très remarquable, le méropodite de la patte antérieure droite du mâle élant armé, sur la face inférieure, d’un éncrme tubercule denticulé, granuleux et pileux. Au reste les pattes antérieures ressemblent beaucoup à celles de l'A. Zœvis, et la droite présente même ordinairement une saillie allon- 216 MILNE-EDWARDS et E-L. BOUVIER. gée sur la face externe, à la base de la pince. Les pattes ambulatoires sont grêles, inermes, et terminées par des doigts minces, presque aussi longs que les deux articles précédents réunis. Couleur générale blanchâtre. Longueur moyenne du céphalothorax 3 millimètres 5. Les nombreux spécimens du Talisman ont tous été dragués dans le golfe de Cadix, par 100 mètres de profondeur. Cette espèce nouvelle paraît donc jusqu'ici localisée dans les eaux européennes. GENRE EUPAGURUS. 1° Espèces dont les müles sont encore munis d'une fausse patte impaire sur le deuxième segment abdominal. Eupaqurus sculptimanus Lucas. Pagurus sculptimanus Lucas, Expl. scientif. de l'Algérie, Zool. 1, Crustacés, Ÿ D: 32 DLL RT8#9; Eupagurus sculptimanus W. Stimpson, Proceed. Acad. nat. sc. Philad., p.74, 1858. Cette espèce, qu'on croyait jusqu'ici localisée dans la Méditerranée, a été trouvée par le Travailleur à Madère, par le Talisman aux Canaries el par la Melita à Gorée. Elle peut être presque côtière ou descendre (Travailleur et Ta- lisman) à 150 mètres de profondeur. Eupaqurus cuanensis W. Thompson. Pagurus cuanensis W. Thompson, Rep. British Assoc. advanc. Science, p. 267, 1843. Eupagurus cuanensis W. Stimpson, Proc. Acad. nat. Sc. Philad., p. 73, 1858. Pagurus spinimanus H. Lucas, Expl. scientif. de l'Algérie, Zool. I, Crustacés. p. 29, pl. IL, fig. 3, 1849. - Eupagurus Lucasi GC. Heller, Crust. südl, Europa, p. 163, pl. V, fig. 10, 1863. Cetle espèce s'étend depuis les îles Shetland et les envi- rons de Bergen jusqu'aux îles Canaries (Travailleur, Me- lita); elle pénètre dans la Méditerranée où elle avait été décrile à tort sous le nom d’Æ. Lucasi. Ordinairement sub- côtière, elle peut descendre jusqu'à 90 mètres de profondeur (M. G. Roché). PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 217 Eupagurus excavatus, Herbst. Cancer excavatus Herbst, Krabben und Krebse, t. Il, p. 31, pl. XXII, fig. 3, 1796. Pagurus eæcavatus Bosc, Hist. nat. des Crustacés, t. 11, p. 78, an X. Eupagurus excavatus E. Miers, Ann. and Mag. nat. Hist. (ser. 5), t, VII, p. 280, 1881. Pagurus angulatus A. Risso, Hist. nat. des Crustacés de Nice, p. 58, pl. I, fig. 8, 1846. Eupagurus angulatus W. Stimpson, Proceed. Acad. nat. sc. Philad., p. 75, 1858. Var. meticulosus Roux. Pagurus meticulosus Roux Crust, Médit., pl. XLIT, 1828, Eupagurus meticulosus W. Stimpson, Proceed. Acad. nat. sc, Phil,, p. 75, 1858, Eupagurus tricarinatus À.-M. Norman, Report Brit. Assoc. advance. Science, p. 264, 1868. Eupagurus excavatus var. meticulosus J.-R. Henderson, Anomura, Challenger, Zoology, t. XXVII, p. 62, 1888. L'espèce typique est représentée, dans les matériaux que nous avons étudiés, par deux spécimens dragués dans la baie de Cadix (60 mètres de profondeur, Talisman), et par quelques autres recueillis dans le golfe de Gascogne (entre 75 et 84 mètres) par M. Georges Roché. Quant à la variété meliculosus, elle comprend de nombreux spécimens dragués par le Travailleur et le Talisman dans la même baie de Cadix et sur la côte du Maroc jusqu’au cap Mazaghan, entre 60 et 120 mètres ; d’autres individus ont été recueillis par M. Roché dans le golfe de Gascogne, entre 82 et 105 mè- tres. L'espèce habite les eaux de l'Atlantique depuis les îles Shetland (Norman) jusqu'au Sénégal (Miers ?). 2° Espèces dont les mâles sont dépourvus de fausse impaire sur le deuxième segment abdominal. Eupaqurus variabilis nov. sp. Celle espèce, qui a dû être confondue plus d’une fois avec VE. excavatus, en diffère par les caractères suivants: 1° il y a chez le mâle trois fausses pattes impaires au lieu de quatre; 2° la pince gauche est dépourvue de toute excava- tion et sa carène est peu saillante ; 3° au voisinage du bord 218 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. supérieur du propodite, la face interne de la pince droite pré- sente une ligne de granules ou de denticules qui est séparée de ce bord par un espace uni; 4° le prolongement externe du deuxième arficle des pédoncules antennaires atteint ou dé- passe la base du dernier article; 5° la face inférieure du méropodide de la patte antérieure droite est munie de poils très courts. —En dehors de ces caractères essentiels, les variations de l'espèce sont considérables, surtout en ce qui concerne les carènes et les deux excavations de la pince droite. Plus petite en général que l’£. excavatus, cetle espèce est autant européenne qu'africaine; elle a été draguée par le Travailleur et le Talisman en de nombreux points du golfe de Gascogne, sur la côte portugaise et au sud jusqu'au banc d’ Arguin. Elle habile des profondeurs moyennes M 140 jusqu'à 1560 mètres. | Eupagtirils triangularis Ed. Chevreux et E.-L. Bouvier. Eupagurus triangularis Ed. Chevreux et E.-L. Rouvier, Bull. soc. zool. de France, t. XVI, p. 353, 1891. Cetle espèce, qui est côtière ou subcôtière, a été trouvée par le Talisman aux îles du cap Vert, et par la Melita au Sénégal. Eupaqurus Prideauxi Leach. Pagurus Prideauxi Leach Malac. Podophth. Brit., pl. XXVI, fig. 5 et 6, 1815. Pagurus Prideauætii H. Milne-Edwards, Ann. sc. nat. (ser. 2),t. VI, p. 268, 1836. Eupagurus Prideauœii W. Stimpson, Proc. Acad. nat. sc. Philad., p. [75, 1858. Pagurus Bernhardus A. Risso, Hist. nat. Crustacés de Nice, p. 55, 1816. | Pagurus Bernhardus O.-G. Costa, Fauna Regno Napoli, Paguridæ, p. 3, 1838. Pagurus solitarius À. Risso, Hist. nat. Europe méridionale, t, V, p. 40, 1826. Cette espèce a été draguée par le Travailleur et le Talis- man, depuis le nord de l'Espagne jusqu'aux îles du cap Vert, où elle avait élé signalée déjà par la Gazelle; elle peut remonter au nord jusqu'à Hardanger (G. O. Sars). Elle’ habite les fonds compris entre 20 et 250 mètres. PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 919 Eupagur!us Bernhardus, Linné. Cancer Bernhardus Linné, Mus. Lud. Ulr., 454 et Syst. naturæ (Edition Gme- ln}, t. 1, pars. IV, p. 2982. | Pagurus Bernhardus Fabricius, Species Insectorum, t. I, p. 506, 1781. Eupagurus Bernhardus W. Stimpson, Proc. Acad. nat. sc. Philad., p. 74, 1858. Pagurus Ulidiæ W. Thompson Report brit. Assoc. adv. Science, p. 267, 1843. Quatre spécimens dragués par le Travailleur au nord de Barquero, et un autre beaucoup plus grand des îles Berlin- gues. L'espèce, qui est très rare dans la Méditerranée, remonte au nord jusque dans la région boréale d’où elle redescend au Japon (Stimpson) et aux Etats-Unis. Ordinai- rement côtière et subcôlière, elle peut atteindre des fonds de plus de 250 mètres. Eupaçqurus carneus R.-I[. Pocock. R.-I. Pocock, Ann. and Mag. nat. Hist. (ser. 6), t. IV, p. 428, 1889. Cette espèce est représentée par de nombreux spécimens dragués entre 200 et 1360 mètres depuis le nord de l'Espagne jusqu’au cap Bojador. On ne possédait jusqu'ici que les deux spécimens femelles dragués dans la mer d’Ir- lande et décrits par M. Pocock. Eupaqurus pubescentulus nov. sp. Front et appendices céphaliques à peu près comme dans VÆ. variabilis, mais les dents latérales du front sont plus saillantes, etles pédoncules oculaires sontmoins brusquement dilatés en avant. Face externe du carpe el de la main droite couverte de granulations petites, nombreuses, nettement sail- lantes et presque spinuleuses, entre lesquelles la surface lisse est garnie de poils serrés un peu plus courts que les granula- tions. Face externe de la main plutôt triangulaire qu'ovoïde, et presque deux fois aussi longue que large, doigts un peu plus courts que le propodite et croisés à l'extrémité ; carpe à peu près aussi long que la portion palmaire, avec une rangée irrégulière de spinules sur le bord supérieur; méropodite 220 MICNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. armé en dessus, sur son bord antérieur, de cinq longs den- licules aigus, et de 4 ou 5 épines plus réduites à la partie antérieure du bord inféro-externe. Patte gauche plus courle et beaucoup plus petite que la droite; carpe un peu moins long que la main qui est surmontée d’une carène médiocre et faiblement spinuleuse ; une rangée de spinules plus forte sur la face externe du carpe; un fort denticule aigu en dessus sur le bord antérieur du méropodite, et deux ou trois épines sur le bord inféro-externe. Les pattes ambulatoires dépassent à peine l'extrémité de la grande pince; elles se terminent par des doigts arqués, assez grêles el presque aussi longs que les deux articles précédents réunis. Le bord supérieur du carpe des pattes ambulatoires antérieures est armé d’une série de denticules. Couleur uniforme blanc grisâtre. Lon- gueur du céphalothorax, 11 millimètres. Cette espèce a été trouvée au large des côtes du Soudan, entre le cap Bojador et le Sénégal, de 115 à 355 mètres de profondeur. | Eupaqurus trreqularis nov. sp. Saillie médiane du front arrondie, à peine moins saillante que les dents latérales frontales qui sont acuminées. Pédon- cules oculaires presque aussi longs que la largeur du bord frontal, un peu dilatés äu niveau de la cornée qui atteint l'extrémité des pédoncules antennaires et le milieu du dernier article des pédoncules antennulaires. Ecailles ophthalmi- ques très séparées, grandes, subtriangulaires, acuminées. Deuxième article des pédoncules antennaires armé d’une spinule au bord antéro-interne, et d'un prolongement ex- terne long et aigu qui atleint la base du dernier et très long article. Les acicules, allongés et acuminés, atteignent presque le bord postérieur de la cornée. Main droite courte, massive, ovalaire, fortement renflée sur les deux faces, plus large que le carpe et un peu plus longue que les deux articles précédents réunis. Doigts beaucoup plus courts que le propodile et ornés, comme toute la face PAGURIENS DES PROFONDEURS DE LA MER. 291 externe, de saillies plates, basses, irrégulières, que séparent d'étroites dépressions, l'ensemble figurant une mosaïque irré- gulière ; des denticules aigus sont irrégulièrement distribués sur la face externe du carpe et groupés en une rangée plus forte au bord supérieur. — Palte gauche presque aussi lon- gue que la droite, mais fort étroite ; main un peu plus longue que le carpe, renflée et ornée en mosaïque sur sa face externe; quelques denticules épars sur la face externe du carpe. Pattes ambulatoires médiocres, comprimées, à propo- dite allongé mais néanmoins un peu plus court que les doigts qui sont fortement onguiculés, assez forts, ornés de soies raides sur le bord inférieur et de poils assez longs sur le bord supérieur. La couleur générale est constituée par un mélange de surfaces rouges et blanches, qui se disposent sur la plupart des appendices en forme d’anneaux transversaux. Longueur du céphalothorax, 6 millimètres 2. Un spécimen femelle, recueilli par le T'a/isman au large du cap Blanc, par 120 mètres de profondeur. Eupaqurus pulchellus nov. sp. Saillie rostrale du front large, arrondie, à peine indiquée ; dents latérales bien développées et obtuses. Appendices céphaliques à peu près semblables à ceux de l'espèce pré- cédente, mais les pédoncules oculaires, l’acicule et le pro- longement externe du deuxième article des pédoncules antennaires sont relativement un peu plus courts; le pro- longement externe est denticulé sur son bord interne, enfin les écailles ophthalmiques sont courtes, ovalaires et très peu saillantes sur leur base. Par sa forme générale et par les dimensions relatives de ses articles, la patte antérieure droile rappelle celle de l’Æ. erreqularis, mais la main est plus régulièrement ovalaire ; elle est armée d’une rangée de denti- cules aigus sur le bord inférieur, et de denticules plus petits et assez nombreux sur toule l'étendue de la face externe qui est assez fortement convexe les mêmes denticules se rencontrent sur la face externe du carpe, mais on trouve une 299 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. rangée de forles spinules sur le bord externe de cet article. On observe quelques denticules aigus sur le bord antérieur et en avant sur le bord inféro-externe du méropodite. Patte gauche plus courte et beaucoup moins forte que la droite, avec une rangée irrégulière de denticules aigus sur le carpe, et une autre plus régulière sur une saillie longitudinale médiane de la main, enfin une troisième sur le bord infé- rieur. Pattes ambulatoires médiocres, à doigts assez grêles, el plus longues que le propodite; les antérieures avec une rangée de denticules aigus sur le bord supérieur du carpe et du propodite, les postérieures inermes, mais à doigts un peu plus allongés. Couleur générale blanc jaunâtre, avec des aires rose ou orangé en divers points du corps et des appendices. Longueur moyenne du céphalothorax de 4 à 6 millimètres. Draguée par le Talisman aux îles du Cap Vert, entre 70 et 106 mètres. | Eupaqurus ruber nov. sp.? Partie médiane du front arrondie, à peine plus saillante que lès dents latérales frontales qui sont'acuminées. Pédoncules oculaires courts, larges, régulièrement mais faiblement dilatés d’arrière en avant ; bord antérieur de la cornée sensiblement au niveau de la base du dernier article des pédoncules anten- nulaires, et du tiers terminal du dernier article des pédoncu- lesantennaires. Ecailles ophthalmiques assez longues, étroites, lancéolées, largement séparées. Deuxième article des pédon- cules antennaires formé par une base courte, armé d’une spinule à l'angle antéro-interne et muni d’un prolongement externe beaucoup plus long que terminent deux pointes inégales. L’acicule dépasse la cornée et se termine de la même manière que le prolongement externe. Pince de la palte droite ovale, à doigts croisés, armée d'une rangée de fortes spinules sur le bord supérieur du propodite, d’une autre plus faible au bord inférieur, et d’une troisième dans la région médiane longitudinale et un peu saillante de la PAGURIENS DES. PROFONDEURS DE LA MER. 223 face externe. Quatre spinules sur le bord supérieur du carpe, une très longue en avant, trois autres un peu plus faibles en arrière; une courte rangée de denticules aigus sur la face externe du même article, el quelques denticules beaucoup plus forts sur le bord antérieur du méropodite. Patle antt- rieure gauche plus faible et plus courte, avec une rangée de denticules aigus sur la face externe du carpe et de la main, et quelques rares denticules au bord inférieur du propode. Pattes ambulaloires grêles, presque inermes, terminées par des doigts à peu près aussi longs que les deux arlicles précé- dents réunis. Couleur rougeâtre. Un spécimen unique dragué par le Travailleur, à 1600 mètres de profondeur, dans le Fe de Gascogne. C'est un Jeune dont le céphalothorax a 2 millimètres de lon- gueur, ses orifices sexuels ne sont pas développés, mais les fausses pattes impaires existent déjà et nous font croire àun mâle. Cette espèce se distingue si fort de toutes celles con- nues jusqu'ici que nous avons Cru pouvoir la fonder sur un jeune qui, d’ailleurs, paraît avoir acquis déjà tous les carac- tères D losiques de l'adulte. GENRE PAGURUS. Pagurus striatus Latreille. Cancer arrosor Herbst, Krabben und Krebse, t. Il, suppl., p. 170, pl. XLIIT, fig. 1, 1796. Pagurus shrigosus Bosc, Hist. nat. des Crustacés, t. IT, p. 77, pl. XI, fig. 3, an X. Pagurus Striatus P.-A. Latreille, Hist. nat. des Crust. et des Ins., t. V, p. 163, au XI. Pagurus incisus Olivier, Encyclop. méthod., t. VIIL, p. 641, 1811. . De petits spécimens de cette espèce cosmopolite ont été dragués en grand nombre par le Travailleur et le Talisman, depuis la baie de Cadix jusqu'au banc d’Arguin et aux îles du Cap Vert, par des fonds de 15 à 355 mètres. On la con- naît au Sénégal depuis 1881 (Miers). 294 MILNE-EDWARDS et E.-L. BOUVIER. Pagqurus caldus Risso. Pagurus calidus A. Risso, Hist. nat. Europe mérid., t. V, p. 39, 1826. Pagurus callidus H. Milne-Edwards, Ann. sc. nat. (ser. 2), t. VI. p. 271, 1836. Pagurus setubalensis F. de Brito Capello, Appendice, p. k#, fig. 1 et 1a (in Jorn. Scien. Lisboa, n° 1, 1875). Pagurus Diogenes O.-G. Costa, Fauna Regno Napoli, Paguridæ, p. 5, pl. W, fig. 2, 1836. D'après les dragages du Travailleur et du Talisman, cette espèce est commune à Madère et aux îles du Cap-Vert depuis le littoral, mais surtout entre 50 et 100 mètres de longueur. Elle a été signalée sur les côles portugaises par de Brito- Capello et au Sénégal par Miers. Elle était surtout connue dans la Méditerranée. Pagurus granulimanus Miers. Pagurus granulimanus, Miers, Ann. and Mag. nat. History (ser. 5), vol. VII, p.276, pl. XVL fig. 3, 1881. Signalée au Sénégal par Miers, où elle a été retrouvée par la Melita, cette espèce, d’après les recherches du Talisman, se trouve aussi aux îles du Cap Vert par 10 mètres de pro- fondeur. Elle est côtière ou subcôtière. GENRE DIOGENES. Diogenes pugilator Roux. (Voir pour le synonymie de cetle espèce, plus connue sous le nom de D. varians, un travail récent publié par l’un de nous dans les Mémoires de la Soc. :ool. de France, 1. IN, p- 393). | d Celle espèce se trouve signalée depuis les côtes anglaises de la Manche jusqu'à Kotonou et à Monravia où elle a été trouvée par M. le commandant Parfait. L'espèce typique a été recueillie par le Travailleur à Barquero; les spécimens de Monrovia appartiennent à la variété intermedia et quelques- uns de Kotonou à la variété gracilimana. C’est une espèce côtière. 1Q to (Se PAGURIENS DÉS PROFONDEURS DE LA MER. GENRE CALCINUS. Calcinus Talismani, nov. sp. Cette espèce se distingue du Calcinus tibicen Herbst (Calc. sulcatus H. Milne-Edwards) par l’absence de tout sillon sur le propodite des pattes ambulatoires postérieures et par l'angle latéral du front qui est beaucoup plus saillant; du Calc. Her- bsti de Man (Calc. tibicen H. Milne-Edwards) par les pédon- cules oculaires plus longs que le bord frontal, par la forme et les ornements des pinces qui sont dépourvues de la rangée de saillies basses et squammiformes qu’on observe dans Île Cale: Herbsti sur la face interne près du bord inférieur ; du Calc. obscurus Simpson, enfin, par ses pattes antérieures granuleuses et par le front plus large de la carapace. Toute- fois, quand on connaîtra mieux le C. obscurus, on devra peut- être y rattacher l'espèce qui nous occupe. La disposition des couleurs est très sensiblement la même que dans le C. thbicen, Herbst. Longueur du céphalothorax, 11 milli- mètres. Deux spécimens recueillis par le Talisman aux iles du Cap Vert. GENRE CANCELLUS. Cancellus Parfaiti À. Milne-Edwards el E.-L. Bouvier. Cancellus Parfaiti À. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, Bull, soc. philomath. de Paris (ser. 8),t. III, p. 70, 1891. Le Cancellus Parfaiti est une espèce côtière ou subcé-- üère, qui ressemble étrangement aux Pylocheles de la mer des Antilles. Elle a été recueillie par le commandant Parfait à Annobon et à l’île du Prince. FORMES LARVAIRES : GLAUCOTHÉS. Glaucothoe carinata Henderson. Glaucothoe carinata J.-R. Henderson, Anomura, Challenger, Zoology, t, XX VII, p. 84, pl. IX, fig. 1, 1888. Trouvée d'abord par le Challenger au nord de l'Australie, ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, 15. — ART. N° 3. 296 MILNE-EDWVARDS et E.-L. BOUVIER. cette larve côtière ou subcôtière a été recueillie par la Melia au Sénégal et parle Talisman près du banc d’Arguin. | Glaucothoe Peronu H.Milne-Edwards. Glaucothoe Peronii H. Milne-Edwards, Ann. sc. nat., t. XIX, p, 334, pl. 1830. Cette larve qui appartient probablement aux genres Para- paqurus où Sympaqurus, à été draguée par le Talisman au large de la côte du Sahara, depuis le tropique jusqu'au cap Blanc. Elle se trouve à des profondeurs comprises entre 930 et 1 230 mèlres. On ne sait à quelle profondeur ont été trouvés les deux spécimens qui ont servi de types à H. Milne- Edwards. | ÉTUDE ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DE QUELQUES VERS ANNELÉS Par ET. JOURDAN, Chargé d’un cours complémentaire à la Faculté des sciences, Professeur à l'Ecole de Médecine de Marseille. Les anatomistes sont aujourd'hui assez bien fixés sur la structure des organes des sens dils supérieurs, c'est-à-dire de la vue et de l’ouie des principaux types de la série des Invertébrés. Il m'a semblé qu'il n'en était pas de même pour ces terminaisons nerveuses sensilives, dispersées à la surface des téguments ou dans des organes appendiculaires, auxquelles on attribue les fonctions du toucher, du goût ou de l’odorat. Sur ce point les descriptions sont plus incer- laines et à l'exception des Arthropodes pour lesquels on s'accorde à localiser des fonclions sensitives à la base de poils de formes variées, on peut dire qu'il existe encore de grandes lacunes dans nos connaissances sur la structure de ces lerminaisons nerveuses. Il nous a paru aussi que la physiologie comparée élait encore pauvre sur ce sujet en recherches méthodiques et ayant le caractère de précision qu’exige la physiologie con= temporaine. Je sais bien que ces observations offrent des difficultés nombreuses et de plusieurs ordres, mais j'ai pensé que si celle voie doit solliciter l'attention des obser- 228 ÉT. JOURDAN. valeurs futurs, ces études physiologiques exigeraient des bases anatomiques. C'est cette pensée plutôt que des préoc- cupalions de morphologie pure, qui m'a engagé à poursuivre les recherches auxquelles je me livre depuis plusieurs an- nées sur les lerminaisons nerveuses sensitives des Inverté- brés de différentes classes et en particulier de ceux qui ap- partiennent au groupe des Vers. | Déjà, dans mon mémoire sur l’histologie des Échinoder- mes du groupe des Holothuries, j'ai été le premier à décrire les cellules sensitives en bâtonnet des tentacules des Holo- thuries, à signaler les éléments nerveux qui existent! à leur base et à expliquer ainsi la sensibilité si délicate de ces ap- pendices. J'ai pu aussi décrire dans l'épaisseur de la ven- touse terminale des ambulacres un plexus nerveux en rap- port avec les longues cellules fusiformes qui garnissent leur surface et démontrer que ces organes servent à la fois à la locomotion et à la perception des contacts. Enfin, l'existence dans la couche conjoncetive des tégu- ments d'un plexus nerveux émanant des nerfs ambulacraires nous a permis d'attribuer aux téguments généraux une sen- sibilité générale vague, sans doute, mais qui avait sa atliré l'attention des observateurs. Depuis, mes recherches ont porté sur les représentants d’un autre groupé, sur les Vers et en parliculier sur les Vers annelés. Dans ma monographie anatomique du Siphonostoma dplochoetos j insiste sur la structure des antennes, sur la présence d’un nerf dont les éléments se mêlent aux pieds des cellules à cils vibratiles qui garnissent la gouttière de la face ventrale de ces organes. Je signale aussi les diffé- rences qui existent dans leur siructure entre les papilles glandulaires dépendant des téguments généraux et qui sont perdues dans l’étui muqueux et celles qui appartiennent aux parapodes el accompagnent les faisceaux de soies dans leurs mouvemen{s de locomotion. En étudiant la peau de la face ventrale d’une annélide de la famille des Aphroditiens, l’Hermione hystrix, j'ai décrit ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 229 les verrues qui garnissent les téguments de ce Ver, ainsi que les nerfs qui vont se terminer dans ces organes appendicu- laires el qui en font tout autant de pelits appareils sensilifs. Mes recherches sur les élytres et les cirrhes du même Veret sur ceux de la famille des Polynoïdiens m'ont permis de faire connaître la structure des terminaisons nerveuses que l'on rencontre à l'extrémité et à la surface de ces organes du toucher. J'ai exposé dernièrement la structure des organes sensitifs et glandulaires de la peau des Siponculiens. Enfin, dans un dernier mémoire, se rapporlant aux re- cherches que je poursuis dans cette voie et s’adressant aux Annélides du genre Eunice, j'ai décrit la structure des yeux et des antennes de ces animaux et aussi de cet organe à fonction énigmatique connue des zoologistes sous le nom d'Organe de la nugue. J'ai pensé que ces résultats devaient être complétés par des observations s'adressant aux représentants d’autres familles ; de façon à ce que mes travaux sur ce sujet puis- sent former un ensemble de recherches sur les animaux de qe groupe et être utilisés comme point de comparaison avec ce que l’on connaît déjà ou avec ce que des recherches ulté- rieures feront connaître chez d’autres animaux. J'ai été guidé dans mon choix par l’analomie comparée, par le mode d'existence des animaux que j'ai observés et aussi par des considérations d’une autre nature. J'ai dû, en effet, m'adresser de préférence à des espèces communes, à celles par exemple que je pouvais trouver sur le marché; on sait, en effet, que la récolte des animaux marins n’est pas une chose aisée sur les côtes dépourvues de marées. J'ai employé le lerme de terminaisons nerveuses sensi- lives, de préférence à celui d'organes du loucher, parce que je crois que la distinction fonclionnelle de ces appareils nerveux terminaux en organes du toucher, du goût et de l'olfaction n'est pas possible et que sans doute l'avenir nous montrera que chez les Invertébrés ces sensations sont sou- 230 ÉT. JOURDAN, vent perçues par un seul el même organe ou par des organes ayant la même structure. J'ai étendu mes recherches aux Annélides tubicoles d genres Hermella et Spirographis, mais sur ce point mes ré- sultats sont moins positifs; il est en effet impossible de irouver au niveau des branchies céphaliques des groupes de cellules spécialement sensitives; 11 semble que chez ces Vers tous les éléments épithéliaux qui recouvrent ces organes sont également aptes à percevoir les contacts. _ Voici la liste des espèces dont les épithéliums sensitifs sont décrits dans ce mémoire : Æhynchobolus siphonostoma Clap. (Glycera siphonostoma D. Ch.), Syllis spongicolla Gr., Hesione sicula D. Ch., Arenicola Grub CIl., Hermella alveolata Lam. Je crois devoir rappeler ici, dans ce travail qui termine les recherches que je poursuis tn cette direc- lion depuis plusieurs années, quels sont les genres de Vers annelés qui ont déjà fail Est de mes observalions et chez lesquels j'ai étudié les terminaisons nerveuses dans plusieurs mémoires : Hermione hystrix Kbg., Pontogenia chrysocoma Clap., Polynoë Grubiana Clap., Polynoë torquata Clap., Eunice torquata Qual., Eunice Harassi Quatr., Marphysa sanquinea Quat., Siphonostoma diplochoetos Olto. Enfin, dans un travail paru récemment dans ces Annales, j'ai étudié au même point de vue les téguments des Siponcu- liens suivants : Sipunculus nudus D. Ch., Phascolosoma elon- gatum Kfsin, Phascolion Strombi Theel., Aspidosiphon scuta- tum Muller. Je crois avoir poursuivi ce travail d'analyse sur un nom- bre d'espèces assez grand pour être autorisé à supposer que des observations nouvelles et plus étendues nous apporte- ront des résullats analogues confirmatifs et incapables sans doute de modifier nos idées sur ce sujet, mais je crois aussi qu'elles ne nous feront connaîlre aucun fait important nou- veau. C'est ce qui m'engage à clore avec cette élude mes recherches sur ce sujet. ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 231 RHYNCOBOLUS SIPHONOSTOMA Clap. Glycera siphonosioma Delle Chiaje. Nous croyons devoir adopler pour cette espèce le nom générique nouveau qui à élé proposé par Claparède. Gel au- teur fait remarquer que le genre Glycera a été créé pour une espèce privée de mâchoires, (Glycera unicornis de Savigny, Audouin et Milne-Edwards; depuis lors on a fait entrer dans ce genre une série d'espèces qui sont pourvues de mâ- choires en crochet ; le zoologiste génevois propose de con- server le nom générique de (rlycera pour les espèces émaxil- lées el de former pour les autres le genre Rhyncobolus. Celte opinion nous paraît raisonnable et nous l’adopterons volontiers. L'espèce que J'ai pu étudier se confond par ses caractères avec celle que cet auteur désigne sous le nom de Rhyncobolus siphonostoma ((rlycera siphonostoma de delle Chiaje). Les auteurs qui se sont occupés de l’anatomie de ce Ver ont classé parmi les organes des sens, divers appendices des téguments. A. de Quatrefages signale les papilles de la trompe dont il a décrit pour la première fois les filets ner- veux (1) el Claparède (2), dans la description qu'il donne de celte espèce, dit à propos du même organe : « La trompe est couverte de papilles fort singulières, longues de 0°,10 et très rapprochées, les unes sont coniques, les autres en massue, toutes sont semées à leur sommel de petites verru- cosités circulaires percées d’un pore tubulaire. Ces organes paraissent comparables aux organes tactiles des Néréides. » Claparède rappelle que Keferstein et avant lui Audouin et Milne-Edwards ont signalé à la base du lobe céphalique deux boutons à peine saillants et rétractiles que ces auteurs ont désignés sous le nom de tentacules verruciformes et qui (1) A. de Quatrefages, Études sur les types inférieurs de l'embranchement des Annelés (Ann. sc. naturelles, 3° série, t., XIV, 1850) et Annélides des suites à Buffon. (2) Claparède, Annélides chétopodes du golfe de Naples. Genève, 1868, 239 ET. JOURDAN. remplissent, sans doute, des fonctions sensitives. Enfin, il indique les cils raides qui garnissent les cirrhes dorsaux sans parler de leurs fonctions. Parmi ces organes dils sensitifs la trompe mérite surtout d'attirer l'attention. Il suffit, en effet, d'observer ces animaux pendant un court espace de lemps au moment où ils pro- jettent leur pharynx, pour voir que la surface de cet appa- reil et celle des parois du corps ne peuvent êlre comparées au point de vue de la sensibilité tactile. Les annélides du genre Glycera lancent leur trompe à une distance qui est presque égale à la longueur totale de leur corps. Il semble que l'animal va faire saillir de son ouverture buccale son tube digestif tout entier, aussi à l'état de repos qui correspond à l'attitude habituelle de ce Ver, on peut voir par transparence le tube digestif proprement dit refoulé dans la région postérieure et y décrivant des replis nombreux. Les Glycères restent habituellement enroulées en spirale et elles ne projettent leur trompe que lorsqu'elles sont vivement excitées ; elles réagissent aux impressions extérieures d’au- tant plus facilement qu’elles y sont moins habituées el qu'elles sont plus vigoureuses ; aussi, après un jeune un peu prolongé el un séjour même assez court dans un aquarium est-il très difficile d'obtenir la projection du pharynx de ces animaux même en les excitant très fortement. Cette trompe est avant tout un organe de préhension des aliments, mais il n’esl pas douteux que lorsqu elle est pour- vue à son extrémité de crochets chitineux, comme dans l'espèce que nous étudions, elle ne soit capable de devenir un organe d'attaque et de défense qui doit êlre efficace, erâce à la vivacité avec laquelle cet organe est lancé. Nous ‘venons de voir que Claparède considérait les petites verrues de la surface de ce pharynx comme des organes peut-être tactiles, mais cette opinion pouvait être considérée comme une simple hypothèse; elle n'est en effet accompagnée d’au- cune description qui l’appuie, aussi avons-nous pensé qu'il élail nécessaire de faire de cet organe une élude attentive. ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. AE J'ai examiné la structure générale du corps de la trompe ct ensuite celle de son extrémité qui, à cause de la présence des crochets, de ses relations avec l'extrémité de l’œsophage et de son aspect particulier, nous paraissait devoir faire l'objet d’une observation spéciale. Je me suis appliqué à étudier cet appareil en extension lorsqu'il est saillant; il esl alors plus facile à examiner et il subit mieux l’action des réactifs. Il faut pour cela employer des produits qui, tout en fixant bien les tissus el en conservant inlacts les éléments anatomiques, agissent cependant avec une rapidité suffisante. Une méthode qui nous a souvent donné de bons résultats et que nous avions déjà employée avec succès ailleurs, par exemple dans le cours de nos recherches sur l'anatomie du Siphonostoma diplochoetos, consiste à injecter dans la cavité sénérale une certaine quantité d’une solution d'acide osmi- que à 0,50 p. 100. Ce procédé demande seulement dans le cas particulier qui nous occupe des précaulions particulières, il faut avoir soin en enfonçant l’aiguille de ne pas aller au delà de la cavité générale et de ne pas piquer en même temps le pharynx : si l’on a observé cette précaution indispensable il arrive quelquefois que l’animal, sous l'influence de cette vive exeitalion lance son pharynx et alors en poussant l'injection au même instant on fixe immédiatement les Lissus ; la trompe est saisie en extension. Mais il faut, le plus souvent, agir d'une façon un peu différente et qui bien que plus brutale, conduit cependant à un résultat identique. Au moment où l’'Annélide projette sa trompe, on la saisit avec des pinces à pression un peu en arrière du segment céphalique ; la lymphe de la cavité générale qui distend la trompe ne pouvant plus refluer en arrière, cet organe reste tendu et on peut le fixer par injection ou par immersion dans les réactifs. Dans le cas parliculier qui nous occupe et après avoir essayé différents mélanges, nous avons reconnu que l’acide osmique nous don- nait les meilleures préparations et nous l'avons employé de préférence. Nos pièces étaient ensuile traitées par la méthode classique. 234 ET. JOURDAN. La trompe considérée dans son ensemble peut être com- parée à deux tubes enfermés l’un dans l’autre et soudés par l'un de leurs bouts, par celui qui correspond à l'extrémité bucale de l'organe; tandis que par l’autre extrémité ces tubes se continuent l’un, l'extérieur avec les parois du corps, l’autre l'intérieur avec Le tube digestif. La paroi intérieure qui fait partie de l'appareil digestif n'offre aucun intérêt, elle se continue avec cet appareil et elle en possède la structure. La paroi externe ou légumentaire, celle qui peut être con- sidérée comme un prolongement des téguments est beaucoup plus curieuse; l'examen rapide, même à l'œil nu de la sur- face de la trompe, monilre qu'elle à un aspect veloulé qui cesse seulement près de l'extrémité où un peu en arrière des crochets, on aperçoit une mince bande lisse dépourvue d’ap- pendices saillants. Sur les coupes transversales ces téguments proboscidiens comprennenlles couches suivantes : une couche épithéliale qui renferme des cellules, des fibrilles et qui a contribué à l'édification des papilles, et des assises musculaires. Les muscles que nous pouvons négliger sont disposés en couches circulaires et en faisceaux longitudinaux au nombre de dix- huit. Ce système est recouvert par l’épithélium cutané et par les éléments qui se sont différenciés à ses dépens. En allant du dehors en dedans, on {rouve une cuticule {rès mince sur- montée par les papilles et reposant sur une assise fibrillaire épaisse (pl. 5, fig. 1). L'épiderme ou hypoderme des auteurs semble faire défaut, mais à un examen attentif on aperçoit au-dessous de la cuticule une assise irrégulière de noyaux disséminés sans ordre; quelques-uns, bien qu'ayant des caractères semblables, sont placés plus profondément. Il est fort difficile de se rendre compte de la structure des cellules auxquelles ces noyaux appartiennent; ce n'est que.par la méthode des dissociations qu'il est possible d'arriver à une interprétation ralionnelle à laquelle nous avons été conduits du reste par l’étude des couches épithéliales externes de plusieurs autres espèces. Déjà dans mon mémoire et dans ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 235 ma note préliminaire sur les élytres de l’Hermione et des Polynoë, j'ai décrit pour la première fois des fibrilles dépendant des couches épithéliales externes et qu'il n'était pas possible de confondre avec les tissus conjonctifs ou mus- culaires, J'ai pensé qu'il fallait les rattacher à l’épithélium ectodermique dont elles dérivaient et je les ai désignées sous le nom de fébrilles épidermiques. Les assises épithéliales de la trompe des Glycères et les fibrilles que l'on y remarque me paraissent correspondre à un état plus évolué d'éléments anatomiques de la même catégorie. L’épiderme n’est plus re- présenté sur les coupes que par des noyaux disposés irrégu- lièrement suivant une seule assise sous-cuticulaire. Ces noyaux sont plongés au sein d’un stroma de fibrilles dignes d'attirer l’attention. Ces fibres présentent des aspects qui ne permettent pas de les confondre avec les autres éléments anatomiques de ces Vers, elles se distinguent facilement des fibres contractiles des gaines musculaires de la trompe, sur ce point loute confusion est impossible, l’'hésitation ne sau- rait exister qu'entre deux interprétations : fibrilles de fais- ceaux conjonclifs dissociés et fibres nerveuses. Jai recherché sur ces fibrilles les réactions classiques des fibres conneclives et mes conclusions sur cepoint sont néga- lives. [Lest impossible aussi de confondre ces éléments avec ceux que l’on comprend en histologie sous le nom de tissu conjonctif. L'aspect seul de ces fibrilles et leur situation immédiatement au-dessous d’une cuticule suffiraient d’ail- leurs pour nous confirmer dans cette opinion (pl. 5, fig. 1, 2 et 3 /en et /n). La seule interprétation possible serait donc celle d’après laquelle il faudrait admettre que ces éléments sont nerveux. Cependant à priori il est difficile de supposer que ces fibrilles si nombreuses et entre-croisées en couches serrées sont toutes adaptées à ces fonctions. Sans doute plusieurs vont se rendre aux papilles qui couvrent la surface des téguments de la lrompe, mais beaucoup courent sous la cuticule sans pénétrer dans les organes sensitifs de la surface; ces fibrilles paraissent former une trame indépen- 236 ÉT. JOURDAN. dante portant dans ses mailles les noyaux sous-cuticulaires. L'ensemble représente donc un épiderme qui serait réduit à une couche nucléaire et à un stroma fibrillaire. Nous savons que les centres nerveux des animaux supé- rieurs renferment, à côté des cellules et des fibres nerveuses, des éléments dits névrogliques qui pendant longtemps ont été considérés comme conjonctifs. Des recherches récentes et en particulier celles de M. Ranvier permettent d'inter- préter différemment ces éléments anatomiques. On admet que les cellules de la névroglie sont des élémerts ectoder- miques qui ont donné naissance, sur leurs bords, à des for- mations exoplasliques sous forme de fibrilles. Ces fibrilles et leurs cellules ne remplissent dans les centres nerveux des animaux supérieurs que le simple rôle de tissu de soutien. Une comparaison s’est naturellement présentée à mon esprit au sujet de cet épithélium à formations explastiques librillaires des élytres de l’Hermione et de la trompe de Glycère et les tissus névrogliques des animaux supérieurs. Les différenciations histologiques des couches ectodermi- ques qui, chez les animaux supérieurs se sont effectuées seulement au niveau du sillon primitif pour conduire à l'édification des éléments nerveux et névrogliques peuvent, chez d’autres animaux, se manifester ailleurs; des tissus à facies névroglique peuvent naître indépendamment des cen- tres nerveux et chez les Glycères en particulier, on com- prend que les couches épithéliales de leur pharynx si pro- traclile, soumises sans cesse à des tiraillements et à des mouvements d'extension brusques et rapides se sont trans- formées dans leur aspect et ont donné naissance à des tractus protoplasmique qui sont devenus, dans je cas particulier qui nous occupe, de véritables fibres qui ont fini par se diffé- rencier du protoplasma primilif de la cellule. La surface de la trompe est couverte partout à l'exception de son extrémité, par des papilles très petiles qui lui donnent un aspect velouté. Ces papilles affectent deux formes, les ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 234 unes sont cylindro-coniques, les autres sont en forme de *errues (pl. 5, fig. 1, 2, 3 et 4). Ces dernières rappellent par leur aspect sur les coupes les papilles fungiformes de notre langue, mais elles sont beaucoup plus petites. Toutes ces papilles sont étranglées à leur base et elles reçoivent de nombreusesfibrilles qui émanent de lacouchesous-cuticulaire correspondante. Le corps de ces papilles est constitué par une substance protoplasmique granuleuse renfermant quel- quefois des granulations pigmentlaires groupées autour d'un ou de plusieurs noyaux. Ce protoplasma cellulaire et les noyaux qui y sont contenus correspondent à une ou plusieurs cellules de soutien dont il est impossible de voir les limites (pl. 5, fig. 3 et 4 no). Cette cellule qui forme et remplit ainsi la papille ne semble pas recevoir de fibrilles des couches sous-jacentes. Au centre de ces mêmes petits organes on trouve des novaux plus petits, fusiformes el fortement colorés par les réactifs. Il est facile de voir que ces noyaux sont contenus chacun dans une cellule fibrillaire à laquelle ils appartiennent (pl. 5, fig. 3 cs). Ces cellules et ces noyaux forment au centre de la papille une sorte de faisceau toujours constitué, ilest vrai, par un petit nombre d'éléments. Les pieds de ces cellules fibrillaires pénètrent et vont se perdre au milieu des éléments de la couche fibril- laire et comme ils ne se distinguent par aucun caractère parliculer, il est difficile de savoir ce qu'ils deviennent. Il est cependant probable qu'après un trajet irrégulier dans l'épaisseur de cette couche les prolongements basilaires de ces cellules se continuent avec les fibrilles qui se délachent à intervalles irréguliers des nerfs de la trompe; le pha- rynx protractile des Glycères est en effet très riche en nerfs. Les intervalles qui séparent les faisceaux musculaires longitudinaux sont occupés chacun par un groupe de fibres nerveuses (pl. 5, fig. 1 w), ces fibres se séparent du nerf en formant des rameaux plus petits qui s’en détachent obli- quement et dans certains cas favorables on peut constater 238 ET. JOURDAN. que ces pelits rameaux nerveux vont se perdre dans l’épais- seur de la couche fibrillaire. Cette couche de là trompe apparait ainsi comme une sorte de région mixte commune aux prolongements basilaires des cellules épithéliales fibril- laires des papilles, aux éléments de soutien à fibrilles tangen- tielles que j'appelle cellules à facies névroglique et enfin aux fibres émanant des nerfs proboscidiens. Il est impossible de vouloir préciser davantage et de distinguer parmi ces fibrilles celles qui sont purement épithéliales, celles qui dépendent des cellules fibrillaires et celles qui corres- pondent aux nerfs dissociés. Mais s’il nous est difficile d’é- tablir une dislinction entre les éléments qui entrent dans la constitution de la couche sous-cuticulaire, nous pouvons au contraire distinguer dans les cellules qui font partie des papilles, des éléments étroits el allongés en forme de mince bâtonnet et les cellules de soutien à noyau sphérique dont j'ai déjà parlés. Les premiers peuvent être considérés sans difficulté comme cellules sensitives ; sur ce point il est per- mis d'être affirmatif et lorsqu'on considère aussi le grand nombre de nerfs qui sont contenus dans l'épaisseur de la trompe des Glycères, on peut en conclure que l’on est en présence d'un organe exceptionnellement bien doué au point de vue des fonctions de relation. Les papilles de la trompe sont donc de véritables organes sensitifs et le pharynx de ces animaux nous apparaît déjà comme un organe bien dévié des fonctions de préhension des aliments qui iui sont dévo- lues dans les genres voisins. Cet appareil a acquis un nou- veau rôle qui, chez les représentants des autres familles, est rempli par des organes appendiculaires tels que an- tennes. tentacules, cirrhes tentaculaires qui, ici, font com- plètement défaut. L'étude de l'extrémité de la trompe va, d’ailleurs, nous confirmer dans cette opinion. La disposilion des crochets chilineux dont cet organe est pourvu et celle du follicule épithéhal qui lui donne naissance, n'offrent rien de particulier; les muscles forment aussi à ce même niveau des groupes particuliers; nous ne nous arrête- ÉPITHÉLIUMS SÉENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 939 rons pas à les décrire. La disposition des éléments nerveux nous semble plus intéressante à étudier, les nerfs forment 1c1 un véritable collier, ainsi qu'il est facile de le constater sur les coupes longitudinales (pl.5, fig. 5 enu); de plus on trouve, ap- parlenant à ce faisceau de fibres nerveuses, des groupes de gros- ses cellules qui lui donnent ainsi le caractère d’un véritable centre nerveux proboscidien. Ces cellules sont même grou- pées en ganglions, mais ilest difficile de savoir si ce ganglion ést ventral ou dorsal, l'extrémité de la trompe est parfaite- ment circulaire et la symétrie générale du corps des Vers annelés y est difficile à démontrer; de plus, cet organe est toujours plus ou moins contourné sur lui-même lorsque l'a- nimal le projette et il est impossible de retrouver le point de cette circonférence qui correspond à la face dorsale ou à la face ventrale du Ver. Les couches épithéliales changent aussi de caractère à ce niveau, les papilles disparaissent complète- ment à quelques millimètres en arrière des crochets et cette _ modification est visible, à l’œil nu, à la disparition de l’as- pect velouté el au changement que présente la surface de cet organe. La cuticule s'amincit, des cils vibraliles apparaissent à sa surface, les cellules épithéliales à fibrilles deviennent des éléments cylindro-coniques n’offrant plus aucun intérêt el elles se continuent sans limites bien définies avec l’épithélium œsophagien; on remarque seulement sur les coupes longitu- dinales de la trompe à ce niveau (pl. 5, fig. 5 s) au milieu de la zone à cils vibratiles un mamelon conique qui correspond sans doute à la section d'un bourrelet saillant tout autour de l'orifice de la trompe. Au niveau de ce mamelon épidermique les cellules épithéliales se modifient encore, les unes restent cylindriques, les autres transformées en longues cellules minces et fusiformes correspondent par leurs extrémités périphériques à des trous dont la cuticule est percée, tandis que par leurs bases elles se mettent quelquefois en relation avec des cellules ayant les caractères des éléments nerveux des Invertébrés (pl. 6, fig. 7). Il semble que les éléments sensitifs, qui ailleurs étaient contenus dans les papilles, se 240 ET. JOURDAN. sont groupés en un organe plus volumineux el ayant une autre apparence D olosiques La présence d'éléments nerveux et sensilifs aussi AA tants dans l'épaisseur et à la surface de la trompe n'exclut pas a priori l'existence de dispositions anatomiques con- courant ailleurs à l’accomplissement des mêmes fonc- tions. Nous avons recherché la présence de cellules en bâtonnel à la surface générale des téguments et au niveau des parapodes qui sont courts et peu développés el aussi dans l'épaisseur du segment céphalique si curieux et en forme de tentacule conique que possèdent les Glycères. Les parapodes sont pourvues de cirrhes dorsaux et ven- traux. Ces cirrhes sont fort courts et portent à leur extré- mité de petits cils rigides qui ont été vus par Claparède sur l'animal vivant, mais qu'il m'a été impossible de retrouver sur les coupes. Nous avons figuré l'apparence que présentent ces petits organes sur une section passant par l'extrémité et conduite suivant l’axe. On voit que le cirrhe tout entier esl constitué par de longues cellules dont les extrémités basi- laires entrent en relation avec l'extrémité d’un nerf qui émerge directement de la chaîne ventrale; ici le fait est facile à constater et nous avons pu le vérifier sur plusieurs de nos coupes; souvent on voit entre les cellules épithéliales et l’ex- trémité du nerf des groupes de cellules nerveuses à deux prolongements, les unes petites, les autres plus grosses, mais toujours bien distinctes des gros éléments granuleux, ceux-ci ne sont aulre chose que des cellules glandulaires fréquentes surtout dans le lobe ventral (pl. 5, fig. 6). Les cellules épithéliales de ces appendices n’offrent rien de par- Uüculier et il serait facile d'en trouver d’identiques sur d’au- ires points des téguments. Ces cirrhes dorsaux dont je viens d'exposer la structure rappellent complètement par les rap- ports des divers éléments anatomiques qui entrent dans leur constitution, les antennes des Euniciens (1). (1) Ét. Jourdan, Annales des sciences naturelles, 1887. ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 241 Le segment céphalique des Glycères diffère complèlement de celui des autres Annélides. Il semble plutôt correspondre à un appendice céphalique impair {el qu'une antenne mé- diane qu'à un véritable lobe céphalique, ce n'est qu’en constatant à l'extrémité antérieure de ce lobe céphalique l'existence de trois petites antennes que l'on arrive à une interprétation plus vraie. En éludiant ce segment à l’aide de coupes exécutées pa- rallèlement et perpendiculairement à l'axe de l'organe, on voil qu'il contient à sa base un groupe de cellules nerveuses qui représentent un ganglion cérébral bien réduit, et on re- marque aussi que les longues cellules épithéliales qui rem- plissent en avant de ce ganglion le lobe céphalique tout en- tier y envoient de nombreux prolongements basilaires, mais il est impossible de distinguer parmi ces cellules des élé- ments en bâlonnet semblables à ceux des papilles de la trompe. Il semble que le petit nombre de cellules nerveuses du ganglion cérébroïde s'explique si l’on tient compte de l'existence du ganglion situé près de l'ouverture de la trompe et que l’on pourrait appeler ÂMasse ganglionnaire proboscidienne. | Quant aux tubercules ou antennes rudimentaires, ils cor- respondent à des organes complètement alrophiés et n'of- frant plus aucun intérêt anatomique. SYLLIS SPONGICOLA Gr. Je ne trouve pas dans les auteurs qui se sont occupés particulièrement de l'anatomie des Annélides de description spéciale des organes des sens de ces Vers. Claparède signale la longueur des organes appendiculaires dorsaux de celte espèce sans parler de leur structure. Cette Syllis possède comme ses congénères une paire d'organes visuels silués im- médiatement au-dessus du cerveau en contact ici encore avec les cellules nerveuses au milieu desquelles ces organes semblent enclavés. Ces yeux n’ont pas une structure spé- ciale, ils sont conformes par leur disposition générale aux ANN. SC. NAT, ZOOL, x, 16 242 _ ÉT. SOURDAN. yeux que j'ai déjà éludiés attentivement chez le Siphonos- toma diplochoetos, leur description n’entre pas d’ailléurs dans le cadre de ce mémoire. ; Il est difficile quelle que soit la région du corps que l’on examine de lrouver au milieu des cellules de l'épithélium cutané des éléments pouvant par leurs caractères être con- sidérés comme sensilifs, c'est-à-dire des cellules en bâton- net, fusiformes et à cils tactiles, semblables à celles que nous décrirons bientôt chez les Arénicoles. En éludiant néanmoins des coupes successives passant au niveau des commissures périæsophagiennes et en suivant sur des cou- pes les nerfs qui se délachent au niveau de chaque segment dé la chaîne nerveuse ventrale, on voitquesur certains points ces fibres nerveuses affectent avec l’épithélium cutané des rapporis étroits, le nerf semble se dissocier et ses éléments constitulifs vont se perdre à la base des cellules épithéliales sans que celles-ci soient modifiées et sans qu'elles se diffé- rencient des éléments épithéliaux ayant un simple rôle de proteclion qui recouvrent le corps tout enlier. Ces relations sont surtout évidentes au niveau du segment céphalique sur les points qui correspondent au collier péri-æsophagien, mais elles apparaissent aussi nettement dans le cirrhe ven- tral qui est formé tout entier par de longues cellules cylin- driques disposées en éventail. | Les cirrhes dorsaux ont chacun l'aspect d’un long fils- ment grêle moniliforme ; en les étudiant sur des coupes trans- versales et longitudinales, on voit qu’ils ont la constilution suivante. Au centre existe un faisceau de fibrilles nerveuses émanant dé la chaîne nerveuse ventrale. Tout autour et au- dessus de la cuticule on rencontre deux sortes d'éléments. On remarque d’abord de grandes cellules claires, ovoïdes qu'il est facile d’interprèter comme éléments glandulaires identiques à ceux de la surface générale du corps ; entre ces cellules à fonctions bien déterminées on aperçoit des cellules minces, cylindriques qui ne diffèrent en rien dé celles du reste de la peau, Les fibres nerveuses du nerf du cirrhe vont ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 943 sans doule aboutir à ces cellules, mais PILE. rapporls exacts nous ont échappé. | Des relations semblables existent entre les nerfs qui se détachent de la chaîne nerveuse au niveau de chaque seg- ment et l’épithélium cutané de la face ventrale. Les cellules épilhéliales n’offrent dans cetle région rien de particulier dans leur aspect, elles ont la forme d’un corps cylindro- conique dont la base serait appliquée contre la face interne de la cuticule et dont le sommet filiforme irait se conlinuer et se perdre dans l'épaisseur du filet nerveux. Souvent ce prolongement basilaire filiforme se divise et au lieu d’un seul filament on en rencontre plusieurs qui peuvent eux- mêmes se diviser de telle sorte que la cellule paraît en rela- tion avec les fibres nerveuses par plusieurs racines. Ces fila- ments basilaires ne tardent pas à prendre tous les caraclères des fibrilles nerveuses, et il est impossible de les en distin- guer (PI. 6, fig. 8). On peut conclure des lignes précédentes que dans le genre Syllis ou du moins chez la Syllis spongicola, l'épithélium or- dinaire à forme cylindrique et de protection peut remplir des fonctions sensilives et qu'ici, comme d’ailleurs dans plu- sieurs autres genres, il est impossible de conslater la pré- sence d'éléments cellulaires épithéliaux qui par leurs formes en bâtonnet puissent être considérés comme adaplés spécia- lement aux fonclions sensitives. HESIONE SiCULA Delle Chiaje. Cette belle Annélide si remarquable à ses teintes tigrées a été étudiée attentivement par la plupart des zoologisles qui ont pu s'occuper des Vers annelés. Les yeux de cette espèce, semblables à ceux des Euniciens, possèdent un cristallin bien développé et sont disposés au nombre de deux paires dans la région céphalique. En avant de ces organes visuels, on remarque trois antennes {rès courtes, coniques qui dif- férent des cirrhes en ce qu’elle sont composées de deux ar- ticles qui sont : un article basilaire et un article terminal, 244 ET. JOURDAN. Ces articles diffèrent légèrement entre eux par leur struc- ture. L'article basilaire est constitué par les couches sui- vantes; au cenlre on trouve un axe de soulien qui supporte une couche musculaire el un faisceau de fibres nerveuses disposées immédiatement au-dessous d'une couche épithé- liale qui ne diffère en rien de celle du reste du corps. Cette porlion basilaire porte un article terminal cylindrique dans l'axe duquel vient se terminer le nerf de l’antenne. Ce nerf est en relalion avec des cellules épithéliales semblables à celles que nous allons décrire dans le cirrhe. Les cirrhes tenlaculaires sont fort longs ainsi que les cirrhes dorsaux qui ont l'aspect d’appendices filamenteux annexés aux parois du corps de l'animal. Ces cirrhes pos- sèdent la structure des appendices similaires que nous avons éludiés dans l’espèce précédente. Ils se composent d'un nerf axial accompagné de quelques cellules nerveuses et entou- rées d’un manchon de cellules épithéliales. Ces cellules sont toutes du type des cellules cylindro-coniques à prolonge- ment basilaire en pointe allant se perdre à la surface du nerf. Parmi elles on en distingue seulement quelques-unes plus peliles et pigmentées ; les-éléments glandulaires font complètement défaut (PI. 6, fig. 9). A la base de la couche épithéliale et en contact avec le nerf, on remarque quelques cellules mal caractérisées et qu'il nous est impossible d’as- similer complètement aux éléments ayant une situation sem- blable que nous avons décrits dans un autre mémoire, dans l'épaisseur des antennes des Euniciens. Claparède a signalé à la surface des cirrhes lentaculaires des mouchets de cils rigides disposés en couronne à la surface de ces organes au niveau des points étranglés. Nous n’avons pu retrouver sur nos coupes ces cils qui élaient peut-être tombés à la suite du passage de nos pièces dans différents réactifs. Nous ne saurions non plus établir une distinction au point de vue des fonctions sensitives entre les cellules élroites à pigment, à noyau presque cylindrique et les autres cellules épithé- liales à protoplasma plus clair et à noyau arrondi. J'ai ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 249 figuré ces deux sortes d'éléments dans le dessin de ma coupe longitudinale (PI. 6, fig. 9), mais je ne saurais établir de dislinclion entre eux au point de vue des fonclions sen- sitives. Les cellules étroites et à pigment sont, tantôt dis- persées, tantôt groupées en faisceau sans qu'il soit possible de voir à la surface de la cuticule au point où elles abou- tissent des appendices de quelque nature que ce soit. ARENICOLA GRUBII Clap. Les téguments des Arénicoles comprennent les assises que l'on rencontre habituellement chez toutes les Annélides et qui sont en allant de dehors en dedans : la cuticule, l’épi- derme, les couches musculaires. De ces différentes couches une seule nous intéresse, c’est celle que les auteurs dési- gnent sous la dénominalion d'hypoderme et que nous préfé- rons appeler épiderme pour mieux élablir ses homologics avec les couches semblables qui se rencontrent ailleurs. Cet épiderme offre ici comme chez beaucoup de Vers annelés des caractères différents suivant le point des léguments que l'on éludie, mais cependant tous les éléments qui le consli- tuent paraissent dériver d’un type commun, la cellule cylin- drique. Ces cellules épithéliales cylindriques se présentent avec un caraclère classique au niveau des papilles pharyn- giennes et des téguments généraux au point qui porte les soies ; mais le plus souvent l’apparilion, au sein de ces élé- ments de protection, de cellules glandulaires à mucus, mo- difie beaucoup l'aspect général de l’épiderme et la forme des éléments qui le constituent. Ces cellules épithéliales s’allongent beaucoup et se transforment en cellules fili- formes étroites, en bâtonnet, avec un pied qui finit par ac- quérir la minceur d’une fibrille et une extrémité périphé- rique plus épaisse. La forme de ces cellules est d’ailleurs capable de se modifier légèrement suivant les régions (PI. 6, fig. 10). A ces éléments épithéliaux de recouvrement se mé- lent le plus souvent un grand nombre de cellules glandu- laires à mucus, Celles-ci ont l'apparence de corps irréguliè- 246 ÉT, JOURDAN. rement ovoides, quelquefois un peu renflés en massue, leur contenu est divisé en glomérules; le protoplasma et le noyau sont le plus souvent masqués et difficiles à voir. Ces cellules fusiformes et glandulaires mélangées en pro- portions différentes suivant la région recouvrent à elles seules toute la surface du corps; je dois cependant signaler encore l'existence de corpuscules pigmentaires qui siègent dans ces éléments ou même dans les intervalles qui les séparent. Ces granulations très fines, colorées fortement en noir par l’os- mium, se dislinguent des pigments que l’on a l'habitude d'observer chez les Invertébrés par l’égalilé de leurs dimen- sions ; elles sont souvent groupées en amas volumineux dans les intervalles qui séparent les pieds des cellules. J’admet- trais volontiers que leur existence est indépendante de celle des cellules épithéliales et qu’elle correspond à la présence de parasites végétaux qui donnent à la région céphalique de ces Vers une couleur foncée passant quelquelois au brun. Les cellules fusiformes sont implantées perpendiculairement à la surface des téguments, elles s’étalent un peu à leur base pour former une membrane basale qui les sépare des vaisseaux el des muscles sous-jacents; elles sont surmontées par une mince cuticule (PI. 6, fig. 10). Le plus souvent, on ne trouve à la surface de la cuticule ou dans l'épaisseur de l'épiderme aucun élément qu'il soit permis de considérer comme sensilif. La région céphalique offre cependant de nombreuses cellules de deux catégories qui doivent prendre place parmi les organes des sens. On remarque que les téguments, en arrière et de chaque côlé de la masse de cellules et de fibres nerveuses correspondant au ganglion sus-æsophagien, changent d'aspect el se dépri- ment en fossettes qui sont garnies de cils vibratiles. Les cel- lules glandulaires manquent complètement à ce niveau, les éléments à cils vibraliles existent seuls : ils sont étroits, al- longés, filiformes et il est possible de distinguer à la base de ces cellules épithéliales des éléments qui offrent les carac- tères habituels des cellules nerveuses des invertébrés; quel- ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 247: quefois-même, ainsi que cela est visible sur la figure qui accompagne ce mémoire, un filet nerveux pénèlre au-dessus de la basale et ses fibres se mêlent au pied des cellules à cils vibratiles (PI. 6, fig. 11). Ces fosseltes à cils vibratiles correspondent ainsi par leur situalion et leur structure aux organes de la nuque que j'ai décrits chezles Euniciens et que plusieurs auteurs ont signalés ou décrits dans différentes classes de Vers annelés. La minceur de la cuticule à leur niveau, l’existence des cils vibratiles, la forme de ces élé- ments, la présence à leur base de cellules et de fibres ner- veuses, et enfin leur silualion auprès du cerveau nous aulo- risent à voir dans ces organes des appareils sensitifs dont le: rôle exact reste à délerminer. ou, db av] Ces fossetles à cils vibratiles ne sont pas les seules régions; des téguments qui méritent d'être considérées comme sensi : tives. On {rouve, en effet, d’autres éléments en bâtonnet, élroits, qui sont groupés en faisceaux disséminés au milieu des éléments épithéliaux cylindriques et glandulaires de la région céphalique (PL. 6, fig. 12cs). Ces cellules fort minces, et qu'il est presque impossible d'isoler les unes des autres, por- tent à leurs extrémilés des cils rigides disposés en forme de brosse à la surface de la cuticule au point où l’on rencontre ces faisceaux de cellules en bâtonnet. Ces cils courts et raides ne sauraient se confondre avec ceux qui garnissent les fosseltes vibratiles, je crois qu'ilest permis de leur altri- buer un rôle plus précis et de considérer les cellules aux- quelles ils apparliennent comme entrant dans le groupe des organes du toucher. Certains appendices céphaliques .de quelques Vers annelés, de ceux par exemple du genre Mar- physa, portent, en effet, des pinceaux de cils semblables à ceux que je viens de décrire. On sait aussi que certains cils des Cœlenterés désignés sous le nom de palpocils et carac- térisés par leur rigidité, leur longueur et leur immobilité sont considérés comme étant l'apanage des cellules sensi- lives. On peut donc admettre que ces groupes de cellules en bâtonnet des Arénicoles, réunies en faisceaux et pourvues 248 ÉT. JOURDAN. de cils immobiles, entrent dans la catégorie des cellules sensilives. Lorsqu'on examine des Arénicoles vivant dans un aqua- rium au moment où elles cherchent à s’enfoncer dans le sable, on voit qu'elles projetlent de leur bouche une trompe courle qui s'épanouit immédiatement en enlonnoir; l'animal applique la face interne de cette trompe à la surface des corps qu'il rencontre comme s'il voulait les palper, et on comprend comment, à l’aide des mouvements de contrac- tion et d’expension de cel organe, il peut s’enfoncer dans le sable, écarter les DAT TNISS qui le gènent dans sa marche et arriver enfin à s’y enfoncer à la facon d’un Lombric. Nous venons de voir que la face externe de cet organe pro- tractile renferme des cellules sensitives ; on peut se deman- der si la face interne ou pharyngienne du même organe en contient également. Il semble d'abord et à un examen superficiel que la réponse à celte question est facile, la face interne de ce pharynx est en effet hérissée de papilles assez grosses pour qu'on puisse les distinguer à l'œil nu, et on pourrait supposer que ces pelils organes eu des cellules sensitives, analogues sans doute à celles que je viens de décrire chezles Glycères. [ n’en est rien cependant, el il est impossible de démontrer parmi les cellules cylindriques qui recouvrent ces petites papilles, la présence des éléments sensilifs en bâtonnet que nous avons rencontrés ailleurs ; quelques-unes de ces cellules possèdent néanmoins avec le système musculaire sous-jacent des rapporls qui mérilent d être signalés. L’axe de la papille est parcouru par quelques fibres musculaires, qui par leurs extrémités périphériques arrivent au contact de la base des cellules épithéliales, là elles se creusent, s’évasent en coupe et enchässent une cellule cylindrique. L’épithélium a donc des rapports étroils avec le système musculaire des papilles, mais il est difficile de dire quels sont ceux qu'il affecte avec les éléments nerveux de cet appareil ; on voit bien quelques fibres nerveuses monter dans l’épaisseur de ces papilles, ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 249 mais il est difficile de dire comment elles se comportent lors- qu’elles entrent en contact avec l’épithélium. Les Arénicoles possèdent encore un autre organe des sens dont la nature est alors bien déterminée. J'ai déjà publié au sujet de cet organe, qui n'est autre qu'un Otocysle, une note que je crois nécessaire de compléter ici. De Quatrefages et Claparède ont signalé autrefois la présence d’un organe audilif chez les Annélides ; mais les recherches de ces z0olo- sistes ont porté plutôt sur la morphologie et sur les rapports de ces capsules audilives que sur l’étude de leur structure interne qui était d’ailleurs difficile à exécuter avec les moyens d’observalion que l’on possédait alors. En examinant des coupes successives du segment cépha- lique des Arénicoles, on rencontre sur quelques-unes de ces sections les capsules auditives faciles à reconnaître, grâce à la présence de leurs petits corpuscules calcaires. Ces Otocystes sont placés dans l'épaisseur des téguments, éloignés de l'hypoderme et plongés au milieu des faisceaux musculaires. [ls ne sont pas en contact immédiat avec les commissures œsophagiennes, mais simplement réunis à elles par plusieurs nerfs. Ils sont placés du côlé de la face dor- sale. Ces Otocystes présentent une forme sphérique, ainsi que le démontrent nos coupes toujours parfaitement circulaires. Le diamètre de la cavité de l'Otocyste mesure 14 centièmes de millimètre, et le diamètre de la sphère constituée par sa capsule externe est égal à 22 cenlièmes de millimètre. La différence entre ces deux chiffres indique l'épaisseur des parois de la capsule auditive. Ces parois sont constituées par une couche de cellules fusiformes, par un réseau de fibrilles disposées en plexus serré, el enfin par une coque conjonc- tive. Les cellules forment la plus grande partie de l’épais- seur de la capsule : elles sont très minces, en fuseau, légè- rement renflées vers le milieu de leur hauleur, au point où est silué le noyau : elles augmentent également d'épaisseur vers leur extrémité interne où elles sont surmontées d’un 250 ET. JOURDAN. plateau épais. Les plateaux de toules ces cellules se soudent et constituent ainsi une cuticule qui, sur les coupes, se détache souvent des cellules qui lui ont donné naissance. Il nous a été impossible de voir nettement une couche de cils vibra- tiles : c’est à peine si sur les pièces les mieux fixées par un séjour prolongé dans l’acide osmique, nous avons pu en dis- linguer quelques indications. Les cellules s’effilent à leur base et se courbent dans différentes direclions. Tous ces prolongements basilaires s'anastomosent et forment ainsi un réseau très délicat de fibrilles, qui par leur réunion consli- tuent à la base de la couche épithéliale une vérilable pelile zone intermédiaire enlre les fibres nerveuses et les pieds des cellules ; on y distingue quelques rares noyaux. Ce plexus repose lui-même sur la coque conjonclive formée par une membrane mince et dense, présentant des perforations à travers lesquelles le plexus basilaire se mel en rapport avec les fibres nerveuses. | Les Otolithes sont toujours sphériques ; le nombre et les dimensions de ces corpuscules sont sujets aux plus grandes varialions. Les Arénicoles ne sont pourvues d'aucun organe appen- diculaire saillant dans lesquels on puisse localiser comme chez la plupart des aulres Annélides errantes des fonctions sensilives ; les lignes précédentes montrent cependant que ces Vers possèdent dans leurs téguments des groupes de cellu- les sensilives bien caractérisées. La situation de ces éléments sur le lobe céphalique est en rapport avec le mode d'existence de ces Vers; les cellules à pinceau de cils remplissent, lorsque ces animaux s'enfoncent dans la vase, la fonction de véritables éléments exploraleurs. Les Otocysles sont capables de percevoir les vibrations du sol dans lequel l'animal pénètre, el il n’est pas douteux que dans leurs mouvements de migration ces animaux ne possè- dent des moyens d'exploralion qui leur révèlent cerlaines qualilés du milieu dans lequel ils vivent. ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 251 HERMELLA ALVEOLATA Lam, Nous avons pensé que dans ces recherches sur les appa- reils sensitifs des Vers annelés, nous ne devions pas borner nos observations aux Annélides errantes, mais qu'il était nécessaire d'examiner aussi les disposilions similaires qui existaient sans doute chez les Annélides sédentaires. Parmi celles-ci, quelques espèces remarquables par la beauté de leurs panaches branchiaux, telles que le Sprrographis Spal- lanzanii, semblaient devoir mériter de préférence mon alten- tion ; mes recherches ont cependant porlé sur une autre espèce, l’Hermella alveolata, Lam., qui manifestait des phé- nomènes de sensibilité aussi nets. Il m'élait d’ailleurs plus facile d’avoir cette dernière espèce en parfait élat de conser- valion, et il me paraissait plus aisé de localiser chez elle la perception des contacts, justement grâce à l'absence d'appen- dices saillants trop volumineux. J'ai étudié successivement les appendices, tels que les cirrhes péribuccaux et les branchies; j'ai examiné aussi l'épithélium qui protège les parois du corps de cet animal, sans arriver, ainsi qu on va le remarquer, à des résultats posi- tifs bien nets. J'ai cependant eu soin de mulliplier les prépa- rations; c’esl ainsi que J'ai débité un seul individu en plus d’un millier de coupes, afin de pouvoir examiner toules les régions du corps. Les cirrhes péribuccaux dont Je vais décrire d’abord la structure demandent à être éludiés vivants et sur des coupes transversales et longitudinales. L'examen de ces organes, détachés de l’animal encore en vie, nous montre qu'ils sont recouverts d'un grand nombre de cils vibratiles auxquels sont mêlés quelques flagellums qui se dislinguent des cils vibra- liles ordinaires, parce qu'ils sont beaucoup plus gros ; leurs mouvements indépendants des ondulations des cils plus courts qui les entourent sont plus lents. Lorsque le cirrhe est encore bien vivant, ces différences sont difficiles à voir, mais elles apparaissent lorsque les mouvements vibratiles 252 ÊT, JOURDAN. de ces pelits appendices se ralenlissent ; les cils ordinaires battent moins vite, leurs oscillalions s'arrêtent, alors que celles des flagellums persistent encore ; les mouvements de ces derniers s'arrêtent après ceux des cils. Les ondula- tons des cils décrivent à la surface des ceirrhes un mou- vement spécial, ainsi que de Quatrefages l'a signalé pour la première fois dans la monographie anatomique de cette espèce, travail auquel les procédés histologiques actuels permettent seuls d'ajouter quelques détails nouveaux. L’exa- men de ces organes appendiculaires vivants ne nous apprend rien au sujet de leur structure, il faut recourir à l'examen des coupes transversales qui sont les plus intéressantes. On dis- tingue sur ces sections en allant de dehors en dedans une assise de cellules dont les cils vibratiles sont encore bien con- servés ; ces cils sont distribués sur la face la plus large du cirrhe ainsi que sur les deux faces latérales, ils manquent au niveau de la parlie de cet organe qui est saillante en carène (PI. 6, fig. 16), les cellules sont aussi à ce niveau beaucoup plus basses et moins nombreuses. Il est difficile de distinguer parmi ces cellules ciliées celles qui portent les cils ordinaires et celles qui portent les flagellums ; on remarque seulement que quelques-unes sont plus volumineuses, et que leur protoplasma homogène se colore plus fortement en noir par l'acide osmique. Toutes sont disposées suivant une seule assise ; elles se terminent à leur base sur une couche homo- gène et sans structure avec laquelle les pieds de ces cellules se continuent directement. Cetle assise forme la seconde des couches qui entrent dans la constitulion des cirrhes, elle repose elle-même sur une zone ayant un aspect identique, et qui n’en diffère que par la teinte plus intense qu’elle prend sous l'influence des agents colorants. Il est très difficile d'in- terpréter cette nouvelle couche sans mulliplier les observa- tions et sans contrôler les uns par les autres les résultats que l'on obtient à l’aide de méthodes différentes. En étudiant des coupes longitudinales, des coupes transversales et des pièces empruntées à un animal vivant, on arrive à admettre que ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 253 cette assise correspond à une membrane basale plus épaisse, dépendant de la couche épithéliale interne qui tapisse le ca- nal dont le cirrhe est creusé (PI. 6, fig. 16 2). Ces cellules sont beaucoup plus basses, irrégulières dans leurs contours, elles sont séparées de la basale interne par quelques fibres musculaires longitudinales disséminées. La basale à laquelle elles donnent naissance se distingue sur les pièces examinées par {transparence à son épaisseur plus considérable. Ces deux couches apparaissent avec plus de nettelé encore après l’ac- lion de la potasse caustique à 40 pour 100. Ce réactif détruit les cellules épithéliales, mais les couches sous-jacentes sont à peine modifiées, elles deviennent seulement un peu plus transparentes, et se comportent comme les cuticules ou les basales des Vertébrés. Le canal dont les cirrhes sont creusés est en communica- tion avec la cavité générale et ne correspond pas à un vais- seau sanguin. Je crois même que les vaisseaux manquent com- plètement dans ces appendices, qui peuvent être considé- rés comme des formations purement épithéliales, d’abord creusées en goultière et transformées ensuile en un tube par- failement clos, par rapprochement et soudure des bords. Il n'est donc pas étonnant que nous ne trouvions pas place dans ces organes épilhélaux pour des formations conjonclives telles que les vaisseaux sanguins. Les éléments nerveux sont rares au niveau des cirrhes: il m a été impossible de démontrer sur les coupes l'existence d’un filet nerveux isolable ; on arrive seulement à distinguer à la base des couches épithéliales à cils vibratiles, les sec- lions de quelques fibres nerveuses dispersées au milieu des pieds des cellules, mais ces éléments ne se groupent jamais en faisceau, ils correspondent par leur nature et leur dispo- sition aux éléments similaires que nous avons rencontrés dans les tentacules du Sphonostoma diplochoetos, également au niveau de la zone à cils vibraliles. Nous n'avons pu suivre le Lrajet suivi par ces éléments nerveux el le point où ils allaient aboutir. 254 A © ÉT. SOURDAN. Les branchies qui chez les Hermelles sont situées comme chez les Annélides errantes, au niveau de la région dorsalé et par paire e dans chaque segment offrent une structure géné- rale, qui mériterait une étude attentive surtout. à cause des rapports que ces branchies présentent avec l'appareil glandu- laire. Cetle disposilion anatomique pourrait faire l’objet d’un travail intéressant, mais celle question s'écartant de celles que nous traitons dans ce mémoire, nous la laisserons de côté. L’épithélium qui recouvre ces branchies appartient au type des épithéliums mHrAMIes, un groupe de fibres nerveuses conslitue un filet nerveux à la base de ces cellules épithé- liales, mais il est impossible de distinguer ici encore les rap- porls qui unissent les cellules épithéliales avec les extrémités nerveuses. Cet épithélium vibralile se continue à la face dor- sale du même Ver où il prend mème un développement remar- quable (PI. 6, fig. 15). Ces cellules à cils vibraliles sont tte par leurs grandes dimensions, par le pigment qui existe au sein de leur proloplasma, au-dessus du noyau el aussi par la longueur de leurs cils qui prennent ici des dimensions tout à fait exceplionnelles. Je ne crois pas que ces cils possèdent des fonclions sensilives, j'admets plutôt . ‘ils sont surtout moteurs, mais la beauté de ces éléments m'a engagé à signaler leur existence. Les appendices des Hermelles ne peuvent donc pas être considérées comme des organes d’une grande sensibilité tac- tile ; aussi ai-je recherché alors sur les téguments la présence des cellules sensitives, et j'ai rencontré, au niveau de la face venirale, près du point d'implantation des parapodes, des cellules étroites en bâtonnet, qui se continuent directement avec des fibres nerveuses (PI. 6, fig. 13, ces); ces cellules sont dispersées au milieu des autres, elles peuvent être plus ou moins nombreuses, suivant les régions examinées, mais elles ne se réunissent jamais en un organe distinct. Ces cel- lules en bâlonnet au lieu d'aboutir à des fibres nerveuses se continuent quelquelois avec les extrémités de fibrilles mus- culaires qui plus loin se groupent en une individualité anato- ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 255 mique. Nous avions déjà constaté des relations semblables au niveau des papilles de la trompe des Arénicoles : je si- gnale encore ici ces relalions curieuses qui mérileraient d'être étudiées attentivement. Nous n'avons donc rencontré chez les Hermelles aucun organe sensiiif, 1l existe bien des éléments analomiques carac- térisés comme aptes à remplir spécialement celte fonction, mais ces cellules ne se groupent pas en appareil dislinet. Nous ne rencontrons sur les appendices qui ornent le seg- ment céphalique ou les parois du corps de ces Vers, rien de semblable comme structure aux antennes, lentacules ou pal- pes des Annélides erranles. Des études s'adressant à d’autres espèces seraient peut-être capables de modifier nos idées à cel égard, mais d’après ce qu'il nous a élé possible de voir sur les branchies du Sprro- graphis, je serai assez porlé à admettre que les sensations générales, telles que l'ébranlement du tube, ou l’agitalion insolite de l’eau dans laquelle vivent ces animaux peuvent êlre perçues par l'animal par l'intermédiaire de cellules épi- théliales qui ne diffèrent en rien des cellules cylindriques de proleclion. CONCLUSION. Il me paraît ulile de résumer en quelques lignes, à la fin de ce mémoire, les conclusions générales qui résultent de l'ensemble de mes recherches sur les terminaisons nerveuses sensilives des Vers annelés. J'emploie le terme général de terminaison nerveuse sensi- live, de préférence à la dénomination spéciale d'organes du toucher, du goût ou de l’olfaction, parce que je crois que dans l'état actuel des données de la Physiologie et de l’Anatomie comparée, il est téméraire de vouloir préciser davantage et de dire par exemple que tel type de terminaison nerveuse appartient au sens du toucher, tel autre au sens de l’olfac- tion ou du goût : ces diverses sensalions, ainsi que je l'ai 256 ÉT. JOURDAN. déjà dit, peuvent sans doute être perçues par une même forme de terminaison nerveuse. | On doit admettre d'abord comme un fait établi que les nerfs sensitifs se terminent en contact avec un épithélium et non dans l'épaisseur des couches sous-jacentes. Cette termi- naison se fait le plus souvent dans les appendices dont la surface du corps de ces animaux est pourvue, lels que an- tennes, tentacules, palpes, cirrhes céphaliques dorsaux et ventraux, élytres, papilles; mais quelqnefois ces nerfs abou- tissent à un point quelconque des parois du corps indépen- dant de ces appendices : Syllis, Hermella. Ces fibres nerveuses pénèlrent dans l’épithélium, et elles peuvent se mettre en relation avec des cellules du type des bâtonnets olfactifs des Vertébrés, leurs fonclions sensitives sont alors cerlaines. J'ai déjà demontré ce fait chez les Holo- thuries, et je crois inutile de rappeler mes observations sur les Vers des genres Polynoë, Hermione, Siphonostoma, Gly- cera, Arenicola. Dans ce dernier genre, ces cellules s’asso- cient et leurs cils rigides forment des brosses sensitives. Ce premier mode de terminaison nerveuse peul porter le nom de Terminaisons nerveuses sensilives à cellules en bélonnets. Dans un grand nombre de cas on voil que des associations de cellules épithéliales à cils vibraliles, reçoivent à leur base des fibres nerveuses qui pénètrent au milieu d'elles et se mettent en rapport avec leurs prolongements basilaires. Je cilerai les fossettes vibratiles des Arénicoles, les organes de la nuque des Euniciens, les tentacules des Siphonostomes. Ce deuxième type pourrait s'appeler : Terminaisons nerveuses sensitives à cellules à cils vibratiles. La fonction motrice des cellules à cils vibratiles ne saurait exclure pour moi la capa- cité de percevoir les sensations. Enfin, dans un grand nombre de cas, il est impossible de distinguer les cellules épithéliales auxquelles les nerfs sensi- fs aboutissent des éléments cylindriques de recouvrement. Par la méthode des dissociations on arrive cependant à acquérir la certitude que ces cellules, que rien ne dislingue, se ÉPITHÉLIUMS SENSITIFS DES VERS ANNELÉS. 251 continuent à leur base avec les prolongements polaires des cellules nerveuses, comme dans les antennes des Euniciens et aussi dans les cirrhes des Hesioniens. Je propose de dési- gner cette troisième forme de terminaison nerveuse, par la dénomination de Terminaisons nerveuses sensitives à cellules cylindriques. Ge terme indique bien que ces cellules ne sont caractérisées par aucune particularité anatomique, elles ne diffèrent pas de celles du reste du corps. On voit ainsi qu'il est impossible de caractériser un organe comme sensilif d'après la nature seule des cellules épithé- liales qui le limitent ; ce n’est que par une étude attentive, par l'examen de sa structure, par les rapports des divers élé- ments qui entrent dans sa constitution, que l’on arrive à reconnaître qu'il appartient aux organes de la vie de relation. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 5. Trompe et Cir ïhe dorsal de Rhynchobolus siphonostoma. Clap. Fig. 4. — Coupe transversale à travers les parois externes de la trompe de Rhynchobolus siphonostoma, Clap. — ne, noyaux des cellules épithéliales à * fibrilles épidermiques ; fen, fibrilles épithéliales et nerveuses mélangées ; n, nerf; fl, fibres musculaires longitudinales; ps, papilles coniques à cellules sensitives fusiformes ; pf, papille fongiforme renfermant aussi des cellules fusiformes plus épaisses dont les prolongements basilaires vont se perdre dans la couche de fibrilles. Gr. 225. Fig. 2. — Une cellule épithéliale avec fibrilles épidermiques. — n, noyau; p, protoplasma ; fe, fibrilles épidermiques. Gr. 410. Fig. 3: — Une papille sensitive conique de la trompe vue d’après une coupe passant suivant l'axe. — ce, noyaux des cellules épidermiques (hypo- derme des auteurs); fen, fibrilles épithéliales et nerveuses mélangées ; beaucoup de ces dernières proviennent de la dissociation du filet ner- veux n; cs, cellules sensitives en forme de fibrilles; no, noyaux de la cellule de soutien de la papille. Gr. 550. Fig. 4. — Une papille fongiforme du même organe. — cs, cellules sensi- lives: no, uoyau de la cellule de soutien. Gr. 550. ANN. SC. NAT. ZOOL. XUT, 17 258 ET. JOURDAN. Fig. 5. — Coupe longitudinale passant par l'extrémité de la trompe immé- diatement au-dessous des crochets. — cv, cellules à cils vibratiles ayant remplacé les éléments à fibrilles épithéliales; enn, collier nerveux pro- boscidien et cellules nerveuses qui l'accompagnent; bs, bourrelet sensi- tif paraissant résulter de l'agrégation des cellules sensitives qui ailleurs sont dispersées dans les papilles. Gross. 180. Fig. 6. — Coupe longitudinale passant par l'axe d’un cirrhe dorsal de la même espèce; n, nerf; cn, cellules nerveuses ; ces, cellules sensitives; cg, cellules glandulaires. Gr. 400. | PLANCHE 6. Épithéliums sensitifs de Rhynchobolus siphonostoma Glyceraet autres Annélides. Clap. Fig. 7. — Éléments du bourrelet sensitif; ce, cellules épithéliales; cs, cel- lules sensitives fibrillaires ; en, cellules nerveuses. Gr. 410. Fig. 8. — Téguments en coupe transversale et nerf de la face ventrale de Syllis spongicolæ ; ces, cellules épithéliales ; n, nerf cutané. Gr. 550. Fig. 9. — Coupe longitudinale des bords d’un cirrhe dorsal de l’Hesione ‘sicula; ces, cellules épithéliales sénsitives ;-en, cellule nerveuse ; n, nerf. Gr. 480. Fig. 40. — Téguments du segment céphalique de l’Arenicola Grubiü; cu, cu- ticules ; e, cellules épithéliales ; cg, cellules glandulaires ; b, basale. Gr. 300. Fig. 11. — Coupe des téguments du segment céphalique du même ver au niveau des fossettes vibratiles. — cv, cellules à cils vibratiles; v, cils vi- bratiles ; cn, cellules nerveuses. Gr. 550. Fig. 12. — Coupe des téguments du segment céphalique du même ver au niveau d'un groupe de cellules sensitives. — cu, cuticule ; cg, cellules glandulaires ; cs, cellules sensitives; cf, groupe de cils tactiles. Gr. 550. Fig. 13. — Groupe de cellules sensitives de l'Hermella alveolata en rapport à leur base avec des cellules nerveuses; ces, cellules épithéliales sensi- tives ; fn, fibres nerveuses ; cg, cellules glandulaires. G. 550. Fig. 14. —— Groupe de cellules épithéliales de l’Hermella alveolata se conti- nuant par leurs pieds avec des fibrilles musculaires; ce, cellules épithé- liales ; b, membrane basale très épaisse; fm, fibrilles musculaires, allant se grouper plus loin en un faisceau commun. G. 550. Fig. 45. — Épithélium vibratile de la face dorsale des parois du corps de l’'Hermella alveolata ; cv, cellules vibratiles avec nombreux grains de pig- ment : v, cils vibratiles remarquables par leur longueur exceptionnelle ; m, fibres musculaires. G. 550. S Fig. 16. — Coupe transversale à travers un cirrhe péribuccal de la même espèce. — cv, cellules à cils vibratiles ; be, membrane basale externe; bi, membrane basale interne; m, fibres musculaires longitudinales ; cei, cel- lules épithéliales internes; fn, fibres nerveuses disséminées à la base de l’épithélium à cils vibratiles. G. 550. OBSERVATIONS ANATOMIQUES L'HYPEROODON ROSTRATUS Par E.-L. BOUVIECR L'Hypéroodon qui fait l’objet de cette élude a été cap- turé à Saint-Vaast-la-Hougue (Manche), où il vint échouer le vendredi 28 août, à la pointe du jour. Des ouvriers employés aux travaux du fort l’apercurent vers cinq heu- res du matin au voisinage de la pointe du Cro, presqu'île fort étroite qui part de la Hougue et qui s’avance, comme un long bras, dans l’anse de Morsaline. Ils le virent s’égarer de plus en plus près du bord, renverser les barrières des parcs à huîtres les plus rapprochés de la presqu'ile, puis s’envaser et toucher le fond après avoir quitté ces parcs; à moilié plongés dans l’eau, ils l’accostèrent avec précaution, lui donnèrent quelques coups de couteau, puis, quand ses mou- vements furent en partie paralysés par la faiblesse et par le poids du corps affaissé, ils lui passèrent un harpon et, au moyen d'un câble, le fixèrent au rivage pour le soustraire au flot descendant. L'animal fut encore agité de mouve- ments convulsifs, d'un violent coup de queue il creusa un {trou large et profond sur le bord d’un pare, puis, à bout de forces, s’affaissa inerte entre six el sept heures du malin. 260 E.-L. BOUVIER. Il fut considéré comme épave et, en vertu des règlements maritimes, mis en vente dans la même journée. Aucun acheteur ne s'étant présenté, et le Muséum d'histoire natu- relle de Paris ayant abandonné tous ses droits, l'animal revenait légalement aux sauveteurs, après avis conforme des autorités supérieures de la marine. Comme les formalités nécessaires pour obtenir l'abandon d’une épave sont tou- jours assez longues et nécessitent au moins quelques jours, on pouvait craindre que l’aulorisation n'arrivât qu'après décomposition plus ou moins avancée du ca- davre. Il n’en fut heureusement pas ainsi : grâce à l’aimable et intelligente iniliative de M. Dubois, commissaire de marine à Saint-Vaast, l'autorisation provisoire de commencer les recherches fut immédiatement accordée. À quatre heures du soir, au laboratoire de Tatihou, nous élions prévenus de l’échouement par les soins du directeur, M. le professeur Edmond Perrier. J’entrai immédiatement en pourparlers avec les sauveteurs et le lendemain matin, à l'heure du flot des- cendant, on procédait aux premières études. Tousles organes élaient parfaitement intacts et l'intérieur du corps avait presque entièrement conservé sa chaleur naturelle. | C'était une femelle d’assez grande taille, échouée à quel- que cent mèlres à peine du lieu où furent capturés, le 19 août 1886, les deux individus de même sexe qu'étudia M. Henri Gervais. Elle faisait probablement partie d’une Game de quatre individus, qui s'était disloquée en approchanl des côtes de la Manche. Le lendemain 29 août, en effet, trois Hypéroodons franchissaient le Raz de Blanchard et s'égaraient dans les eaux basses au voisinage de la Hague. « Ce jour-là, dans la matinée, dit le commandant Henri Jouan (1), on les avait aperçus, engagés entreles gros rochers balisés qui forment l'entrée du port de Goury; des embarca- tions avaient réussi à leur barrer le chemin vers la pleine mer, et à les approcher d'assez près pour que ceux qui les (4) Henri Jouan, Les Hypéroodons de Goury (Mémoires de la Société nationale dés sciences naturelles et mathématiques de Cherbourg, t. XX VII, 1891, p. 281). OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 261 montaient leur jetassent des nœuds coulants autour du corps de manière à pouvoir les remorquer dans le port, en même temps qu'ils les frappaient à coups redoublés avec les avi- rons, les gaffes el Lous les instruments contondants et tran- chants qu'ils avaient sous la main. Tout cela, bien entendu, ne s’accomplit pas sans de grandes difficultés et sans danger pour les chasseurs : un coup de queue aurait mis leurs frêles bateaux en pièces, mais une circonstance heureuse leur vint en aide. La marée était presque basse, de sorte qu’à mesure qu on gagnait l’intérieur du port, les mouvements des ani- maux étaient de plus en plus gênés, et enfin paralysés quand ils échouèrent. Epuisés par les efforts qu'ils avaient faits, par les coups qu’ils avaient reçus, perdant du sang en quan- lité telle que toute l’eau du port en était rougjie, ils ne tar- dèrent pas à mourir. » On sait, depuis Eschricht (1), que les Hypéroodons femelles sont beaucoup plus nombreux que les mâles, surtout dans les échouements: cette observation ne manque pas d’à-propos ici, car les trois célacés de Goury élaient du même sexe que la femelle de Saint-Vaast. À l’exceplion du système nerveux et du squelette, j'ai porté mon attention sur la plupart des organes de l'animal, mais je suis loin d’avoir fait des études, même relativement complèles, sur chacun d’eux. L’anatomie des Cétacés de grande taille est longue et singulièrement pénible ; malgré un travail acharné on avance peu dans la dissection, et comme il faut se hâter, car la décomposilion est rapide, on n'arrive en somme qu'à des résultais partiels plus ou moins impor- tants. Ainsi s'expliquent les vastes lacunes qu’on peut relever dans la plupart des travaux sur les Cétacés, sinon dans tous. Dans une étude comme celle qui va suivre, le mieux est de porter la plus minutieuse attention sur les caractères consi- dérés comme variables par les différents auteurs, sur ceux qui sont sujets à contestation, de chercher à étendre le champ des notions acquises déjà sur l'animal que l’on étudie, en insistant, autant que faire se peul, sur ceux qui sont susceptibles d'éclairer les affinités de ces animaux et leur 262 E.-L. BOUVIER. degré d'adaptation. C’est ce que j'ai essayé de faire. Mon intention était d'abord d'étudier, avec détails, l'appareil cir- culatoire à peu près complètement inconnu jusqu'ici des Hypéroodons; la plupart des modifications de cet appareil sont le résultat d’une adaptalion très prononcée à la vie aquatique, et comme telles sont susceptibles de nous éclairer sur les affinités vraies de ces animaux. J'ai fait de mon mieux pour obtenir quelques résullats, et bien que ce soit là une des parties les plus imporlantes de ce travail, je suis loin d’êlre satisfait. Les étudiants du laboratoire de Tahitou, MM. Coupin, Molliard, Roy, Marlin et Bordage, ainsi que M. Malard, sous- direcleur, se sont mis gracieusement à ma disposition pour m'aider dans les recherches. Je remercie tout particulière- ment M. Roy, qui m'a servi de second pendant les travaux les plus pénibles et les plus rebutants, et qui a relevé pour moi de nombreux croquis et des notes; une grande partie des dessins qui accompagnent ce mémoire ont été tracés d'après ses propres croquis. Je remercie également M. le professeur Perrier qui avail mis à ma disposition tous les instruments du laboratoire de Tatihou, et M. Mille- rand, entrepreneur des travaux du fort de la Hougue, auquel j'ai dû le gros matériel nécessaire à des recherches de cette nature. CARACTÈRES EXTÉRIEURS. Forme et dimensions. — La forme de l'Hypéroodon a été indiquée dans de si nombreux mémoires qu'il serait parfaite- ment oiseux de la décrire ici; je rappellerai seulement que le front très saillant s’abaisse assez brusquement, un peu en avant de la commissure des lèvres, pour former un mufle rostriforme allongé, que le corps se rétrécit beaucoup à la base de la nageoire caudale, enfin que cette dernière, au lieu de présenter une échancrure au milieu de son bord postérieur comme chez les autres Cétacés, est en cel endroit au contraire légèrement saillante. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 263 Je tiens seulement à attirer l'attention sur la forme de la proéminence frontale qui, malgré ses variations, est avec le rosire très caractéristique de l’espèce qui nous occupe. Dans une note pleine d'intérêt, le capilaine David Gray a signalé le développement progressif de celte proéminence, qui devient d'autant plus saillante chez le mâle que l’âge est plus avancé. Il n'est pas fait mention dans cette note des variations que présente la proéminence chez la femelle, mais un adulte de ce sexe esl figuré (1) avec une saillie très obtuse el beau- coup moins développée que celle du mâle le plus jeune figuré par l’auteur. Dans la femelle que j'ai étudiée, comme dans celles échouées à Goury (2), la saillie frontale était beau- coup plus forte et formait un angle presque droit avec le ros- tre ; elle présentait à peu prèsla forme et les dimensions qu’on peut observer dans la femelle représentée par Vrolik (3), avec cette différence toutefois que le faible étranglement situé au niveau de l’évent élait un peu moins prononcé. D'où l’on peut conclure que la protubérance frontale présente aussi des varialions chez la femelle, mais des variations individuelles qui, contrairement à celles du mâle, ne sont nullement en safport avec l’âge. b'iners Les dimensions de l'individu étudié dans ce mémoire sont les suivantes : Longueur totale (de l'extrémité du rostre au milieu de la nageoïire caudale)............................. 1220 Hauteur maximum (à 0,55 en arrière du bord posté- rieur dé la naseoire pectorale). ...,........,.,..,.4. 1155 HHNEHPABnveAU de l'anus........:........,..,.... 1 20 — à la base de la nageoïire caudale............ 0 40 Largeur maximum au niveau de la plus grande hau- de de Me ce muse mon 4 410 largeur'au niveautde l'anus. nu, LI RON, 0 65 (4) David Gray, Notes on the Characters and Habits of the Bottlenose Whale (H, rostratus) (Proc. zool. Soc., 1882, p. 728, fig. 5). (2) H. Jouan, Op. cit., p. 283. (3) W. Vrolik, Natuur- en ontleedkundige beschouwing van den Hyper vodon (Naturkund Verhandel. Holland. Weteresch., 5° Deel, 1° Stuk, 1848, pl. I, fig. 1), (4) L'animal étant couché sur le flanc, et par conséquent un peu alaissé, cette dimension est probablement un peu trop faible et la hauteur maxi- mum trop grande. 264 E.-L. BOUVIER. Largeur à la base de la nageoïre caudale............ 0. 22 —- ‘totale dela mageoire caudale:. 2. 200 Distance longitudinale du bout du rostre à la commis- sure desriémrestionr ducesens.L asc 1 Lette 0 65 , Hauteur du rosfre 4sa base.…............+ re 0 30 Distance verticale de la commissure des lèvres à la Higneldorsdlesthétaie etaient Les 'FROMRRUNTE 0 50 Mae de l'œil au-bout du rostre.-:......tt... 1 14 — du bout du rostre à l'insertion antérieure des nageoires pectoraäles. 44442. | AN PSE. 14 90 Largeur des nageoires pectorales à la base........... 0. 32 Longueur des nageoires pectorales sur le bord an- érieur UC SUCRE CRE RENE PR ER ERA O0 80 Distance du bord postérieur de la nageoire caudale au bord postérieur de la nageoire dorsale............ 2 20 Distance du bord postérieur de la nageoiré une au chitoris.storetaninen. ét CO CH METIERS 21 | 20 Pls, évent, organes sensoriels. — Deux plis caractéristiques se voient sur la face ventrale dans la région céphalique de l'Hypéroodon. Ils forment une courbe convexe du côté interne, divergent d'avant en arrière et s’avancent en avant à peu près jusqu'au niveau de la commissure des lèvres. La corde de la courbe formée par chacun de ces sillons me- surait 40 centimètres; les deux sillons étaient distants en avant de 09 centimètres et de 32 en arrière. La surface comprise entre eux formait une voussure peu prononcée qui, au fond des sillons, venait rencontrer en pointe la surface convexe formée par les parlies plus externes. La coupe transversale de ces sillons ressemble par conséquent à celle des sillons ventraux que j'ai pu observer (1) dans un jeune de Balænopiera rostrata ; mais il est probable qu'ils ont une forme plus constante et qu’ils se prêtent beaucoup moins à la distension des parties avoisinantes. L'orifice auditif externe, normalement situé, se trouvait au milieu d’une aire arrondie plus claire que le reste des tégu- ments. Cette aire mesurait 4 à 5 millimètres de diamètre ; quant à l'orifice auditif, il était si étroit qu'on aurait pu à peine y faire entrer une très petite tête d’épingle. (4) E.-L. Bouvier, Les Célacés souffleurs. Lille, 1889, p. 32. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 265 Les commissures des paupières élaient distantes de 5 cen- timèires à peine et le globe de l’œil avait des dimensions re- lativement réduites, comme dans la plupart des autres ani- maux du groupe. Eschricht (1) en 1849, et il y a quelques mois, Jouan (2), ont relevé les opinions très divergentes qu’on à émises au sujet de la forme de l’évent, etilss’étonnent avec raison de la multiplicité de ces divergences. Dans l’'Hypéroodon femelle de Saint-Vaast, l’évent formait une fente concave en avant, plus arquée au milieu que sur les bords ; sa corde mesurait 20 centimètres de longueur, et sa flèche 4 à 5. Il avait en un mot la forme que lui ontattribuée Wesmael (3), Vrolik, Eschricht, W. Thompson, Turner et tout récemment I. Jouan. A part les faibles déformalions qu’elle peut subir, je suis porté à considérer cette forme comme constante, et je pense, avec Eschricht, que c’est une erreur de consi- dérer l’évent de l’'Hypéroodon comme concave en arrière. D'après les observations récentes de Carlsson, il n’en serait pas de même dans le fœtus, où l'évent formerait un trou arrondi qui s'ouvre sur la tête un peu à droite de la ligne médiane (4). TÉGUMENTS ET PEAUCIER. Téguments. — Les téguments de l’Hypéroodon se compo- sent, comme chez les autres Cétacés, d’une couche dermi- que épaisse el remplie de graisse (lard), et d’un épiderme superficiel. Celui-ci est d'une épaisseur assez faible; par ses couches pigmentaires profondes, il donne à la peau de (4) D.-F. Eschricht, Untersuchungen über die Nordischen Wallthiere, Aster Band, 1849, p. 31. (2) H. Jouan, op. cit., p. 283. (3) G. Wesmael, Notice zoologique sur un Hypéroodon (Nouveaux mémoires de l’Acad. roy. de Bruxelles, t. XIIT, 1841, p. 6, pl. IT, fig. 3). On trouvera dans la notice une liste de tous les travaux dont je ne fais pas mention dans ce mémoire. (4) A. Carlsson, Zur Anatomie des D de diodon (Bihang till Svenska Vet.-Akad. Handlingar, Band 13, Afd. IV, n° 7, 1888, P: 18). Le fœtus étudié par Carlsson mesurait 0,91 de longueur. 266 | E.-L. BOUVIER. l'animal la coloration qui lui est propre. Cette couleur est généralement d’un gris noirâtre, mais la bosse frontale est plus claire et l'on trouve sur la face ventrale des marbrures blanches nombreuses qui remontent un peu sur les flancs pour se prolonger jusqu'à la naissance de la queue. Ces marbrures sont plus abondantes sur la région mammaire et donnent aux lèvres leur couleur blanchâtre. Les sillons sous-mandibulaires et les nageoires présentent la même teinte gris noirâlre que le reste du corps. L’épiderme se lermine superficiellement par une cuticule translucide et presque incolore qui s’enlevait aisément. Les poils et les parasites externes faisaient absolument défaut. | : Peaucier. — Carlsson a seul décrit quelque-uns des mus- cles de l'Hypéroodon, mais il a laissé complètement de côté l'étude des muscles peauciers. La description suivante com- blera, je le sais, très imparfaitement cette lacune, mais elle aura du moins l’avantage de montrer que les muscles sous- cutanés de l'Hypéroodon sont presque aussi bien déve- loppés que ceux des Cétodontes, et par conséquent son mieux que ceux des Mysticètes. De tous les muscles peauciers, les plus commodes à étiier sont ceux qui recouvrent les mamelles et qui constituent une paire comme ces organes. Des deux côtés, le peaucier mammaire recouvre complètement la mamelle correspon- dante, soit par sa masse musculaire proprement dite, soil par ses extrémilés aponévrotiques très développées ; ses fibres s’irradient de la face ventrale à la face dorsale en pas- sant par-dessus la mamelle, et sont disposées par conséquent à la manière d’un éventail. Les extrémités aponévroliques inférieures s’insèrent dans la région tendineuse ventrale et, en se dirigeant vers le haut, finissent par atteindre la glande mammaire. Dans sa parlie antérieure, cetle dernière esl surtout recouverte par ces aponévroses ventrales du peau- _cier, les parlies charnues du muscle se trouvant presque tout entières au-dessus de la mamelle; à mesure qu’on 1 OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 26 s'avance en arrière, on voit la partie musculaire croître en épaisseur, s’avancer de plus en plus sur la mamelle et finir enfin par la recouvrir complèlement. Les aponévroses dor- sales du muscle vont se fixer, soit dans là lame conjonctive qui se trouve à la base du lard, soit dans la couche tendi- neuse qui recouvre les muscles sous-jacents. Le peaucier des flancs, qui paraît être Ia continuation du peaucier mammaire, a une étendue et souvent une épaisseur beaucoup plus grande que ce dernier. Il a de longues extrémités aponévrotiques dorsales et se sépare des muscles sous-jacents par une lame fibreuse, formée de faisceaux entrelacés et aplatis, qui rappelle la lame de même nature qu'on trouve à la base du lard. Le peau- cier des flancs paraît avoir une extension à près peu égale à celle que Murie a observée dans le Globicéphale (1). On peut le suivre en arrière Jusqu'à 2°,80 du bord posté- rieur de la nageoire caudale, et en avant jusqu’à une faible distance de la commissure des lèvres, suivant une ligne longitudinale qui passe au-dessous de l'œil. Il s’avance très loin du côté dorsal, beaucoup moins du côté ventral (2), au moins en arrière; mais 1l s'étend plus loin en avant de ce clé et on peut le suivre dans la région mandibulaire au- dessous des mâchoires; on le rencontre encore sur les flancs au voisinage de l’œil. Le muscle se renfle progressi- vement à partir de ses extrémités antérieure et postérieure, dorsale et ventrale; à 3°,80 du bord postérieur de la nageoire caudale, vers le milieu des flancs, il ne mesure pas moins de 4 centimètres d'épaisseur. Les extrémités tendineuses postérieures se prolongent-elles sur toute l’éten- due de la queue jusqu'à la nageoire caudale, comme l’ont observé Delage dans la Balænoptera musculus (3), Murie (4) J. Murie, On the Organisation of the Caaing Whale (Globicephalus melas) {Trans. zool. Soc., vol. VIII, 1872-74, fig. 57 et 58). (2) D'après la figure de Murie le muscle peaucier serait dépourvu d’apo- névroses ventrales dans la plus grande partie de son étendue. (3) Y. Delage, Histoire du Bulenoptera musculus (Arch. 2001. exp., vol. HI (bis), 1885, p. 3). 268 E.-L. BOUVIER. dans le Globicéphale et Stannius dans le Marsouin (1)? c'est probable, mais mes recherches ne sont pas suffisantes pour me permettre de l’affirmer. Lard. -— Les faisceaux conjonctifs qui traversent la masse du lard sont, comme on sait, d'autant plus abondants qu'on se rapproche des couches profondes; de 1à une différence très marquée dans les quantités de matière grasse que ren- ferme le lard en ces différents points ; il est très riche en huile au voisinage de la surface, et il suffit de faire des en- tailles peu profondes dans la peau pour voir le liquide perler, puis couler sur la cuticule ; plus en dedans au contraire, l'huile est moins abondante et l’on arrive finalement à la couche profonde, tendineuse et continue, qui sépare le lard des tissus sous-jacents. C’est la couche profonde et tendi- neuse qui rend si pénible le dépècement du lard. L’épaisseur du lard est très variable aux différents points du corps. Les mesures suivantes ont été prises aux points où elle acquiert son plus grand développement : Au-dessous et à un peu plus de 10 centimètres en arrière 4de l'œil. MR LES ER te À ADD D WAR 10 cent. Sur la ligne médiane dorsale à quelques décimètres cntarrière tte l'ŒrR AURONT PLATE MEETURE 9 — Sur la ligne médiane dorsale au-dessus de l'œil... 10 — Sur les flancs, au niveau des nageoires pectorales, AU PONETeNATS EU AMAR IEEE EEE LEP 8 — À quelques décimètres en arrière des sillons sous- mandibulaires.e. Cr TR 1 — Un peu éntdenors dimontide MENUS PEAR CPE EEE 6,9 Au milieu, entreles deuxsillonssous-mandibulaires. 5 — Le lard devient de plus en plus mince à mesure qu'on se rapproche des extrémités du corps et disparaît presque com- plètement sur la queue. Cependant on voit toujours une substance huileuse couler de la peau quand on pratique une incision dans le tégument des diverses nageoires. Le lard est parcouru par des vaisseaux sanguins dont les (1) Stannius, Beschreibung der Muskeln des Tümmlers (Delphinus phocæna). (Müller’s Archiv für Anat. und Physiol., 1849, p. 2.) à A OBSERVATIONS SUR L HYPEROODON ROSTRATUS. 269 troncs principaux sont verlicaux dans les coupes verticales et paraissent espacés d’un centimètre environ sur les coupes transversales. Tissu à spermaceti. — Nous ne possédons actuellement que les renseignements Les plus vagues sur l’extension et sur la nature du tissu à spermaceli de l’'Hypéroodon. Deslong- champs englobe dans une même description toute la proémi- nence frontale. Cette proéminence est composée, dit-il, d’un « feutre à interstices assez lâches dans le voisinage des os, interstices que je ne puis mieux comparer qu'aux lacunes de ces grosses éponges dont on se sert pour nettoyer les appartements, mais qui se resserrent el deviennent plus étroites en se rapprochant vers la circonférence de la proéminence, sans arriver néanmoins à une ténuité aussi grande que celle qu'acquiert le tissu sous-épidermique dans les autres régions du corps. Tous les interstices sont rem- plis de matière huileuse qui coule à la moindre incision ; mais je n’ai point vu de cavités ou réservoirs particuliers ren- fermant des collections d'huile ou d’adipocire »(1). W. Thomp- son observe qu’ « au-dessous de la couche du lard, dans l'avant-tête, se trouve une substance grasse dont découle en grande quantité une huile pure et limpide » (2). Le capitaine David Gray fait simplement observer que l'huile à spermaceti se trouve dans la bosse frontale, enfin W. Kükenthal dit que « les points où la substance huileuse se trouve en plus grande quantité sont compris entre les deux saillies énormes des mâchoires supérieures » (3). Voici maintenant ce que J'ai observé. Si l’on étudie la couche de lard dermique en allant d’arrière en avant, on s'aperçoit qu’elle devient de plus en plus fibreuse à mesure (1) Eudes-Deslongchamps, Remarques zoologiques et anatomiques sur l'Hy- péroodon, p. 9 (Mém. Soc. linn. de Normandie, vol. VIT, 1842). (2) W. Thompson, On (he Occurrence of the Bottle-headed Whale, Hyperoodon bidens Flem., and Remarks thereon (Ann. and Mag. of nat. History (2) vol. XIV, 1854, p. 350). (3) W. Kükenthal, Einige Notizen über Hyperoodon rostratus Lilljeborg und Beluga leucas Gray (Archiv für Naturg., Jehrg. LV, 1889). 270 E.-L. BOUVIER. qu’on se rapproche dela bosse frontale, et qu’elle acquiert son maximum de consistance en avant et sur les flancs de cette bosse. En même temps apparaît au-dessous de cette couche un tissu membraneux, qui par ses larges alvéoles remplis de graisse ressemble assez bien au lissu spongiforme dont parle Deslongchamps. C'est le tissu à spermaceti; il est peu fibreux, souvent rougeâtre (grâce à l'abondance ou à l'hé- morrhagie des vaisseaux sanguins) et, à la première incision, laisse couler en abondance une huile transparente et légè- rement jaunâtre, dans laquelle, par un fort refroidissement, se déposent des lamelles de spermaceti. Ce tissu spécial commence à quelques décimètres en arrière et au-dessus de l'œil et se prolonge, en passant au-dessous de cet organe, sur la plus grande partie des mandibules, mais surtout sur la partie postérieure el supérieure de la mandibule inférieure, où il se sépare très facilement des os sous-jacents ; enfin il se prolonge dans l’espace comprisentre les crêles mandibulaires supérieures et il oceupe la partie in- férieure de cet espace. En réalité, c’est une très faible por- tion du tissu à spermaceti qu'on observe entre ces deux crêtes, la plus grande partie se trouvant étalée au-des- sous du lard sur les mandibules, et sur les joues au niveau des yeux. À quelques décimètres au-dessous et en avant de l'œil, le tissu à spermaceti forme au-dessous du lard une couche de 15 centimètres; à quelques décimètres en ar- rière de la commissure des lèvres, il atteint la même épais- seur que le lard, c’est-à-dire 5 centimètres environ; enfin à ce niveau et un peu plus en arrière, il se répand en une couche plus ou moins épaisse entre les deux branches de mandibule. | Quelle est la vraie nature du tissu à spermaceli? appar- tient-il au lissu graisseux du lard, dont il serail une mo- dification, ou bien s'est-il formé aux dépens d’un tissu grais- seux semblable à celui que Stannius (1) décrit entre le (4) Stannius, loc. cit, p. 2. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. A: peaucier et les muscles sous-jacents dans le Marsouin ? Bien que cette dernière opinton soit contraire à celle admise Jusqu'ici, je la considère comme plus exacle que la pre- mière, et voici pourquoi. Quand on fait la dissection du peau- cier dans la région oculaire postérieure (PI. IE, fig. 15), on voit le muscle (y) s’atténuer de plus en plus et finir en biseau très allongé au-dessous de la couche (/) du lard; or on aper- çoit qu'en ces points, sur une longueur plus ou moins con- sidérable, le tissu à permaceli {s) s’avance en arrière au- dessous du peaucier, si bien qu'on peut observer sur une coupe transversale faite à ce niveau, le lard et Le tissu à spermaceli, souvent {rès épais l’un et l’aulre, séparés par une couche parfaitement définie de muscle peaucier. Celle observalion peut être aisément faite en de nombreux points de la tête, et me paraît tout à fait propre à établir que le lissu à spermaceli se forme au-dessous du peaucier, mais non aux dépens du lard. | Bosse frontale. — Quant à la bosse frontale, elle n’est nullement formée de spermaceli, comme on pourrait le croire, mais se compose essentiellement d’un tissu fibreux, très dur et fort épais, dans lequel se trouve cependant une assez grande quantité d'huile; c’est ce tissu qui forme en réalité la plus grande parlie de l’espace compris au-dessus des saillies osseuses des maxillaires supérieurs. Le lard qui recouvre la bosse forme une couche très fibreuse, peu épaisse et peu grasse, presque aussi résistante que l’intérieur de la bosse. Sur les flancs, cette couche est très nettement séparée du tissu fibro-graisseux sous-jacent par des muscles contigus ou séparés ; fixés sur les maxillaires supérieurs ces muscles s’irradient ensuite du côté dorsal et surtout vers l’évent, pour se terminer par des extrémités aponévrotiques qui se confondent avec le tissu fibreux de la bosse. Sur la paroi antérieure de la cavité de l’évent, le lard n'existe plus à vrai dire, en tant que corps graisseux du moins, remplacé qu'il est par une couche très fibreuse assez épaisse sur laquelle viennent s’insérer les faisceaux les 279 E.-L. ROUVIER. * plus postérieurs des muscles. Ces derniers alteignent leur: maximum d'épaisseur sur les flancs et en arrière au voisi- nage de l’évent ; ils sont très certainement en rapport avecles divers mouvements que doivent effectuer les parois nasales. C'est en dedans de l'enceinte externe formée par les mus- cles que se trouve la masse principale du tissu fibreux qui constitue la bosse. Blanchâire et assez huileux dans sa partie centrale, ce tissu est formé de fibres entre-croisées dont la direclion principale paraît être dorso-ventrale; il est tra- versé à la base el latéralement par quelques tractus mus- culaires rougeûtres et limité latéralement par les muscles de l’évent; il se confond largement en dessus avec le lard frontal. Est-il une modificalion de ce dernier, ou appartient- il à une couche sous-cutanée comme le lissu à spermaceti ? c'est une question que de nouvelles Lasns TUE permettront seules de trancher. Les lecteurs qui voudront comparer cette description de la bosse frontale, copie presque textuelle de notes relevées de visu à Saint-Vaast, seront frappés des analogies qu’elle présente avec celle qu'a donnée Deslongchamps de la même région du corps. Les analogies relatives aux muscles de l’évent, que Deslongchamps considère comme les abaïsseurs de l’aile du nez, sont surtout très grandes et: l’on doit con- sidérer comme à peu près établies aujourd’hui, la forme et les fonctions de ces muscles. Deslongchamps ne fait pas mention des rapports des muscle avec le lard et le tissu fibreux de la bosse, mais il donne sur le rôle probable de cette dernière, des nolions qu’on lira avec intérêt dans son mémoire sur l'Hypéroodon (1). + SM ES Dans le Globiceps, la bosse frontale, presque aussi déve- loppée que celle de l’'Hypéroodon, est, d’après Murie, « formée surtout par un puissant amas d’une matière grasse semi-oléagineuse. Cetle malière est exlérieurement recou- verte par le mince derme, au-dessous duquel se trouve un lissu (1) Eudes-Deslongchamps, loc. cit., p. 8-10, OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 213 fibreux épais et serré. Ce tissu devient moins abondant à mesure qu'on se dirige vers l’intérieur; ses fibres s’espacent les unes des autres et permettent à une sorte de graisse d'apparence cartilagineuse (gristly-looking) de se déposer entre elles. Plus profondément encore, la densité de la graisse graduellement diminue et finalement est remplacée par une graisse très molle (very soft blubber) qui, devenant à son tour légèrement plus ferme, se mêle aux fibres du pré- tendu muscle prémaxillaire. La direction principale des fibres qui s'entre-croisent dans la graisse est transver- sale (1). » Il y a là, à coup sûr, tous les éléments de la bosse frontale de l’Hypéroodon, mais ces éléments sont-ils disposés de la même manière, on ne saurait le dire. Dans tous les cas, la graisse n’est ni dure ni molle dans l’Hypé- roodon, mais bien liquide ; d’ailleurs Île vrai tissu aréolaire, qui paraît correspondre à la graisse (blubber) décrite par Murie, n'existe qu'à la base et en arrière de la bosse ; enfin les fibres m'ont paru surtout, comme à PRIS SEAERE S irradier dans le sens dorso-ventral. APPAREIL DIGESTIF. Cavité buccale. — Dans le spécimen que j'ai étudié, comme dans tous les Hypéroodons, le palais est garni de papilles cor- nées que Lacépède eut le tort de considérer comme des dents. Les vraies dents sont au nombre de deux el cachées en avant dans la gencive de la mâchoire inférieure. La bouche étant insuffisamment entr'ouverte, je ne pus les trouver d’abord sur l'animal ; c’est plus tard, quand les diverses parties du squelette furent séparées pour êlre soumises à la macéralion, qu'on put les découvrir dans Pintérieur des tissus. Ces deux dents, qui sont souvent saillantes chez le mâle (2), paraissent être toujours cachées dans la femelle. On sait du reste, depuis (4) J. Murie, loc. eit., p. 249, plaXXXII, fig. 26. 5 (2) Eudes-Deslongchamps, loc, cit., p. 4, trouva chez le mâle deux dents saillantes. — Dans le mâle étudié par jacob, les dents n'étaient le visibles au dehors. ANNs: SC: NAT. ZOOL. XHL, 18 À AT 274 E.-L. BOUVIER. Eschricht, que la dentition de l’Hypéroodon est beaucoup plus complète el qu’on peut trouver en arrière, dans l’inté- rieur des deux gencives, une série de dents rudimentaires qui ont permis récemment à Max Weber (1) de considérer l’'Hypéroodon comme un animal hélérodonte {les deux dents antérieures plus grosses élant considérées comme des canines), au contraire de tous les autres Cétacés non ziphioïdes, qui sont homodontes. Estomac (PI. 7, fig. 1 et 2). — Tel qu’on l’oberve dès qu’on vient d'ouvrir l'abdomen, l'estomac de l’Hypéroodon se pré- sente (fig. 1) sous la forme de deux sacs énormes séparés vers le milieu du corps par un étranglement et réunis par le mésentère. Comme nous le verrons plus loin, le sac (9) situé à gauche ne présente aucune division à son intérieur, mais celui de droite (p) est beaucoup plus complexe et ne comprend pas moins de neuf compartiments. Le premier sac communique en avant avec l’œsophage, le dernier com- munique à gauche avec la dilatation duodénale. | L'Hypéroodon de Sainit-Vaast se prêlait naturellement à l'étude de la forme extérieure de l'estomac, car il était dilaté par les gaz et ressemblait assez bien à deux panses de Ruminants accolées. Le sac gauche avait presque la même dimension que celui de gauche, et se présentait sous la forme d’une outre dilatée un peu plus longue que large; cette outre était dirigée d'avant en arrière et un peu de gauche à droite; plus étroite au niveau de l’œsophage, elle se dilatait remarquablement en arrière. Extérieurement il présentait, en l’exagérant un peu, la forme renflée qu’on lui voit dans la figure qu’en a donnée Turner (2), et il n’offrait pas tout à fait la forme allongée et relativement étroite que Max Weber (3) a observée dans un estomac arüficiellement distendu. 11 mesu- rait 60 centimètres sur 32; affaissé sur lui-même, il n'avait (1) Max Weber, Studien über Säugethiere. Ein Beitrag zur Frage nach dem Ursprung der Cetaceen, p. 196, 1886. (2) W. Turner, Additional Observations on the siomach in the Ziphioid and Delphinoid Whales (Journ. of Anat. and Phys. (sér.9), vol. IIE, fig. 2 et 3, 1889). (3) Max Weber, loc. cit., p. 59 et pl. II. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 274 plus que 50 centimètres de longueur. Le sac droit avait sen- siblement la forme d'une cornemuse dont le bord antérieur et concave, formé par l'insertion du mésentère, était dirigé en avant; son bord postérieur était irrégulier et présentait six bosselures inégalement apparentes, qui correspondaient cha- cune à un ou deux compartiments internes. La bosselure droite était de beaucoup la plus considérable, elle corres- pondait au compartiment terminal de l'estomac et se mettait en relation à droite et en avant avec le duodènum. Il est probable qu'un degré particulier de distension puisse faire prédominer ce compartiment sur ceux qui précèdent et donner à l'estomac non préparé une division apparente en trois parties. Max Weber signale en effet, comme Baussard, trois divisions stomacales extérieures, tandis que Jacob et Deslongchamps n’en ont comme moi vu que deux. Je séparai l'estomac des autres viscères et je le fis transpor- ter au laboratoire de Tatihou où 1l fut imprégné de bichlorure de mercure ct conservé, entre chaque manipulation, dans du sel marin. Pour l’étudier je séparai avec le scalpel son enve- loppe mésentérique, de façon à bien mettre en évidence les bosselures produites par les derniers compartiments; Je faisais une perforation sur la face postérieure ou convexe de chaque compartiment, dont j'étudiais ensuite la relation et la forme par un sondage avec le doigt ou la main. Je rem- plissais ensuite le compartiment de zostères, et Je le séparais du compartiment voisin en divisant en deux, avec le scalpel, la lame mitoyenne. Cette dernière opéralion se fait avec la plus grande facilité, encore que les vaisseaux soient com- muns aux deux moitiés qu’on sépare dans la lame; elle mon- tre très nettement que les lames mitoyennes sont formées de cloisons primitivement doubles, mais secondairement unies par du tissu conjonctif et par des vaisseaux d’origine vraisem- blablement mésentérique. Nous neserions pas élonnés sil’on observait dans le fœlus de simples dilatations à la place des compartiments de l'estomac, et il est fâcheux que Carlsson, qui en a eu un à sa disposition, n’ait pas porté son attention 276 4 E.-L. BOUVIER. sur ce sujet; dans tous les cas, si ces dilalations sont déjà remplacées dans le fœtus par une concrescence en cloison mitoyenne des parois voisines des dilatalions, on devra admettre que la disposition signalée ici a dû exister au moins dans les formes ancestrales qui ont directement donné nais- sance à l’Hypéroodon. C’est évidemment la conclusion à la- quelle est arrivé Max Weber quand il dit, en parlant de l'estomac de l’Hypéroodon, que cet estomac « est relative- ment simple, malgré sa complication apparente, parce que, anatomiquement parlant, toutes les subdivisions de sa por- tion pylorique (nous verrons plus loin qu’elles sont au nombre de 9) ne sont dues à autre chose qu'à des plissements (Faltenbildung) très développés, semblables à ceux qu’on observe, beaucoup moins saillants, dans la portion intesti- nale » (1). Le premier compartiment communiquait avec le suivant par un orifice silué sur la face droite non loin du bord pos- térieur et le dernier s’ouvrait en avant dans la dilatation duo- dénale. Les orifices qui font communiquer entre eux deux compartiments successifs ne sont pas situés, comme on pourrait le croire, près du bord antérieur de l'estomac; ils sont percés un peu en arrière de ce bord, dans chaque la- melle mitoyenne, en un point d’ailleurs variable suivant la position des divers compartiments. Je n’ai pas retrouvé, sur le bord antérieur, les deux compartiments (4et 6) représentés par Weber dans son schéma de l'estomac de l’Hypéroo- don (2), el il m'a paru que tous présentaient leur partie renflée en arrière et leur partie rétrécie en avant. La disposition curieuse représentée par le savant anatomiste ne se trouvant signalée par aucun observateur, on est en droit de se deman- der si elle n’est pas le résultat d'une variation individuelle; elle ne paraît pas caractéristique du genre Hypéroodon et n'appartient pas d’ailleurs aux autres Ziphoïdes étudiés jus- qu'ici. Mon attention n'ayant pas élé spécialement attirée (1) Max Weber, loc. cit., p. 60. (2). Max Weber, loc. cit., p. 99. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 274 sur ce sujet, il peut se faire que la disposition figurée par Weber m'ait échappé, mais ce que Je puis affirmer c’est que les compartiments, séparés comme je l'ai dit plus haut, se succédaient en chapelet comme on les voil représentés dans la figure 2, planche 7, copie exacte d’une préparation d’en- semble qui fut exposée plusieurs jours el examinée par tous les travailleurs, au laboratoire de Saint-Vaast; les divers compartiments étaient remplis de zostères, ce qui rendait très sensibles leurs volumes relatifs, en altérant toutefois la forme de segment sphérique qu'ils présentaient avant la pré- paration. Les dimensions suivantes, relevées sur l'estomac ainsi préparé, donneront une idée suffisamment exacte du volume des compartiments successifs : compartiment. .:..... 66 centimètres sur 34. 2° a Ni 3.2... de gros comme une orange. 3° ne gros comme un œuf de casoar. 4e = (NL LR ES RERO TERRE 1W21Rcentimetres,. Sun 12: 5° PT NP OP DOS 22 — — 13. 6° D -...., 25 — — 19. Te A MIT AIR 1526 — — 20. 8° Mn ue. . 24 — — 24. DE — HSE 23 — — 24. 10e > sheet LEE APE à EEE 42 — — 34. Je pus aisément faire entrer dans le 1* compartiment la masse entière des zostères comprise dans les neuf autres. Le premier compartiment est beaucoup plus long que large; dilaté comme 1l se trouvait quand j'ouvris l’animal, il présentait en largeur des dimensions plus grandes que celles figurées par Weber. Ilse rétrécit sensiblement au point où arrive l’æœsophage et l’on passe brusquement, au cardia, de la muqueuse æœsophagienne, cornée el facilement caduque, à la muqueuse lisse, molle, épaissie, richement glandulaire et fortement vascularisée du premier compartiment. Celte muqueuse forme des plis nombreux, circonvolutionnés et en apparence très irrégulièrement disposés; en fait, ils se groupent autour de trois centres qui occupent la face posté- rieure du compartiment, au voisinage de sa grande cour- 278 E.-L. BOUVIER. bure. Au milieu de chacun de ces centres se trouve un lobe saillant, espèce de languette qui sert de point de départ aux premiers replis ; ce lobe est assez peu saillant dans le centre postérieur, il l’est davantage dans le centre moyen(35 millim. de largeur sur 11 de hauteur) et plus encore dans le pre- mier. Quand les parois du compartiment sont affaissées, le centre moyen est à 20 centimètres du centre postérieur et à 12 du centre situé en avant. D'une manière générale, on peut dire que les replis sont concentriques et disposés en ellipse autour du lobe de chaque centre ; à mesure qu'ils s’en éloignent l’ellipse s’allonge, ies plis deviennent peu à peu parallèles et finalement prennent des formes et des disposi- tions fort irrégulières. Au voisinage du cardia et de l’orifice qui conduit au 2° compartiment, les replis sont bas et peu serrés ; ils abondent au contraire et prennent leurs dimen- sions maximum dans la région des lobes. Leur aspect n'est pas sans analogie avec celui que présentent les circonvolu- lions cérébrales. Les neuf autres compartiments (pl. 7, fig. 2, compart. 2 à 10) qui constituent l'estomac croissent en dimension du premier au dernier, le pénultième toutefois étant un peu moins développé que le précédent. Leurs parois sont beau- coup plus minces que celles du premier; elles sont complè- tement lisses et ne présentent aucune circonvolution interne; deux faibles replis, sans analogie d’ailleurs avec ceux du pre- mier compartiment, se voyaient néanmoins dans le compar- timent 9, sur la cloison mitoyenne qui sépare ce comparti- ment du dernier. Les compartiments ? à Z ne formaient à eux trois qu'une seule bosselure dont la paroi était adhérente en partie à celle du premier compartiment ; de beaucoup le plus petit, le compartiment 2? communiquait avec le précédent par un orifice large de 5 centimètres environ; tous les autres ori- fices de communication étaient beaucoup plus petits et. le dernier, celui qui joue le rôle de pylore, mesurait au plus 3 centimèlres de diamètre. Entre les chambres 4 et à se OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 279 trouvait (pl. 8, fig. 9) du côté antérieur, limité par deux replis saillants, un espace commun aux deux compartiments. Cet espace commun, que je n'ai pas considéré comme un com- parliment spécial, présente tous les caractères du compar- timent 4 représenté par Max Weber. Si on lui accordait cette valeur morphologique, l'estomac de l’Hypéroodon serait formé de 11 compartiments au lieu de 10. J'ai consacré la plus minulieuse attention à la recherche de tous les compartiments stomacaux de l'Hypéroodon; je ne crois pas en avoir laissé d’inaperçus et tous ceux que j'ai étudiés ont été mis en évidence et séparés de la manière la plus nette. J’insiste sur ce point, car jusqu'ici on n’est guère d'accord sur le nombre des compartiments de l’animal. Hunter (1), Vrolik et Turner (2), en comptent 7, Jacob en décrit 9 et n’en figure que 8, Eschricht et Max Weber en signalent 9, Eudes-Deslongchamps 8 ou 9. Le travail de Tur- ner esl postérieur à tous ceux que Jje cite ici, et 1l ne men- lionne cependant que 7 chambres. Est-ce une anomalie ou le résultat d’une dissection incomplète? on ne saurait le dire ; mais certainement les résultats ci-dessus ne permettent pas de conclure à une variation dans le nombre des comparti- ments stomacaux de l'Hypéroodon. Quand on aura étudié des spécimens plus nombreux, avec toute l’attention que réclame cette dissection assez délicate, les divergences relevées dis- paraîtront probablement ou pour le moins se réduiront dans une mesure très considérable. Turner, en étudiant le Mésoplodon (3) et Max Weber (4) en comparant l'Hypéroodon aux autres Cétacés, sont arrivés (1) J. Hunter, Observations on the Structure and Economy of Whales (Phi- losoph. Transact., vol. LXXVII, p. 407, 1787). (2) B. Turner, Additional Observations on the stomach in the ziphioid and delphinoid Whales (Journ. of Anat. and Physiol., vol. XXIIT, p. 470, 1888). (3) B. Turner, The Anatomy of a second specimen ofSowerbys Whale (Meso- plodon bidens) from Shetland (Journ. of Anat. and Physiol., t. XX, p. 62, 1886). (4) Max Weber, Studien ‘iber saügethiere, p. 60, 1886. Voir aussi, du même auteur, un important travail comparatif (Anatomisches über Cetaceen) dans le Morphologisches Jahrbuch, 1888, p. 637-651. 290 . E.-L. BOUVIER. concurremment à une explication rationnelle de l'estomac des Cétacés. Le 1% compartiment de l'estomac des Ziphioïdes est le véritable compartiment gastrique et l’homologue du 2° compartiment de l'estomac des Cétacés non ziphioïdes ; les autres compartiments pyloriques, peu nombreux chez ces derniers, correspondant à ceux qu’on observe en très grand nombre (13 chez le Microptéron, d’après Turner) chez les Ziphioïdes. Quant au premier compartiment des Cétacés non ziphioïdes, c’est une simple dilatation œsophagienne qui Joue le rôle de panse. Fntestin. — Immédiatement au-dessus du dernier compar- timent stomacal commence le duodénum sous la forme d’une vaste poche assez semblable à une cornemuse. Cette dilata- ton duodénale (PI. 7, fig. 1 et 2, d, PI. 8, fig. 7) existe chez la plupart des Cétacés et atteint ici 30 centimètres de lon- gueur sur 12 de largeur maximum ; elle se dilate un peu vers son tiers postérieur, puis se rétrécit brusquement pour se continuer dans le duodénum proprement dit. Elle pré- sente avec le dernier compartiment stomacal les mêmes relations que deux comparliments stomacaux successifs ; si bien qu'une cloison mitoyenne, au centre de laquelle se trouve l’orifice pylorique, la sépare du 10° compartiment. La dilatation duodénale diffère des autres parties de lin- testin, et ressemble aux compartiments pyloriques (2 à 10) de l'estomac, en ce qu’elle est absolument lisse à l'intérieur, sauf vers son extrémité distale où elle présente (pl. 8, fig. 7), à 2 centimètres en avant de l’orifice (?) qui conduit à l’intes- ün, un grand repli demi-cireulaire (v). Ce repli a 10 centi- mètres de longueur; il forme une sorte de valvule en nid de pigeon assez profonde, dont la concavité regarde l’orifice intestinal. Ce dernier est un peu plus large (4 centimètres de diamètre), et plus facilement dilatable que l’orifice pylo- rique (p); il présente aussi une valvule (v) en nid de pigeon parallèle à la précédente, mais beaucoup plus réduite. Par leur position et leur profondeur relativement grande, ces valvules doivent s'opposer très efficacement au reflux des OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 281 malières situées dans l'intestin. Ces replis valvulaires ne sont signalés ni par Turner, ni par Deslongchamps, les seuls au- teurs qui aient, à ma connaissance, donné quelques détails sur la dilatation duodénale de l'Hypéroodon. L'inteslin est relativement plus court chez l’Hypéroodon que chez les autres Cétacés, à l'exception peut-être du Pia- taiste : dans l'individu que j'ai étudié, il mesurait 28°,50 du pylore à l'anus. Le rapport de la longueur de l'intestin à celle du corps était : Dans le spécimen femelle que j'ai étudié....... de 114%3;09 — mâle étudié par Deslong- EL NT MSN 8 LA RARES ARE HER E PEUT EERER RS 1 3,46 Dans le spécimen femelle étudié par Vrolik.... ds 0 — — — Max Weber. HAN Ces différences ne sont pas sexuelles et ne présentent d’ail- leurs aucune relation avec les dimensions de l’animal, tous les individus étudiés ci-dessus ayant des dimensions à peu près semblables. Sont-elles dues à des divergences ou à des er- reurs dans le mesurage? C'est peu probable, car l'opération s’effectue sans difficulté. Pour ma part, je détachai soigneu- sement le mésentère des parois intestinales, afin d’éviler tout repli, et j’étendis l'intestin sur la cale du petit port de Tatihou où Je pris les mesures très exactement et à loisir. Je n'ai pu par conséquent trouver pour l'intestin une lorgueur trop faible, et cependant le rapport auquel j'arrive est plus petit d'une unité que celui trouvé par Max Weber. J’en conclus que l'intestin de l'Hypéroodon peut présenter des variations considérables chez des individus de même taille, et que le rapport entre sa longueur et celle du corps n’a rien de spé- cifique. Il en est très probablement de même chez les autres Cétacés. L'intestin de l’Hypéroodon, comme celui des autres Cétlodontes, est dépourvu de cœcum el ne présente aucun élargissement terminal semblable à un rectum. Eudes-Des- longchamps a remarqué, au contraire, qu'il se rétrécit à mesure qu'on se rapproche de l’anus, observalion dont je 282 as E.-L. BOUVIER. puis certifier la parfaite exaclitude. En arrière de la dilata- tion duodénale, je lui trouvai en moyenne un diamètre de 7 centimètres, tandis qu'à 22 mètres environ du pylore il devenait nettement plus étroit et ne mesurait pas plus de 4 centimètres de diamètre. Je ne reviendrai pas ici sur la description, fort bien faite par d’autres (1), des replis valvulaires et des alvéoles qui donnent à la muqueuse intestinale de l'Hypéroodon, et des autres Ziphioïdes un aspect si particulier. Les replis forment un réseau compliqué, dont les alvéoles sont subdivisées en loges de plus en plus petites. Si l'intestin est relativement court, la surface d'absorption est très grande, et l’on peut dire qu à ce point de vue l’Hypéroodon ne le cède en rien aux Cétacés à très long tube intestinal. Le réseau alvéolaire est loin d’avoir la même disposition et la même importance sur toute la longueur de l'intestin. À mesure qu'on se rapproche de la partie grêle, les alvéoles sont de moins en moins profondes, de moins en moins sub- divisées ; les replis qui les séparent ont une tendance à se diriger longitudinalement et, à 1°,50 en avant de l'anus, ont définitivement acquis celte direction. Ils sont alors reliés entre eux par des plis transversaux peu $aillants, si bien que l’en- semble des replis figure assez bien une série d’échelles irré- gulières plus ou moins effacées à mesure qu'on avance en ar- rière, et lout à fait rudimentaires à 30 centimètres en avant de l’anus. Les parois intestinales restent complètement lisses jusqu’à 5 ou 6 centimètres de l’orifice anal, mais, à partir de ce point, sont tapissées de glandes qui débouchent par groupes dans des cryptes. Les glandes rectales et leurs cryptes ont été peu étudiées jusqu'ici; ces dernières sont de grandeur très variable, mais toujours assez profondes, et certaines d’entre elles ne mesurent pas moins de 10 millimètres de diamètre (2). On les observe en grand nombre jusqu'à l'anus. (1) Hunter, Deslongchamps, Vrolik, Eschricht. (2) Vrolik a consacré de belles figures (pl. XIV et XIII) aux diverses parties du tube intestinal et aux cryptes muqueuses. C’est le seul auteur OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 283 Foie et pancréas. — Le pancréas est une glande longue, mais peu épaisse, qui s'étend depuis la face dorsale du pre- mier compartiment stomacal jusqu’à la dilatation duodé- nale ; il se rattache très intimement aux parois de celte der- nière, au moins du côté dorsal. Le joie (PI. 7, fig. 3) est constitué par deux grandes masses allongées d’avant en arrière, et siluées du côté dorsal immédiatement en arrière du diaphragme. Ces deux masses sont sensiblement de même volume, mais diffèrent assez par leur forme. La masse droite est divisée en deux lobes très inégaux, l’un dorsal (d) relativement très réduit et en contact immédiat avec le sinus de la veine cave, l’autre ventral (D) beaucoup plus développé; ce dernier ne mesure pas moins de 75 centimètres de longueur. La masse gauche (@) est indivise ; elle a 80 centimètres de longueur et dépasse un peu en largeur le grand lobe droit. Le conduit hépatique rejoint le canal pancréalique dans l'intérieur du pancréas, au point où ce dernier est en con: nexion élroite avec la paroi duodénale; le canal hépato-pan- créatique résulte de la jonction des deux précédents et mesure 14 centimètres de longueur; ilest logé, depuis son origine jusqu’à son orifice, dans les parois de la dilatation duodénale. Au début, il s'engage simplement dans cette paroi si bien qu'il reste sur la face externe en contact avec le pancréas; dans cette région, sa paroi interne est lisse, mais présente un certain nombre de petits orifices qui ser- vent probablement d'issue aux produits sécrétés par des glan- dules pariétaux. Plus loin les orifices glandulaires dispa- raissent ou au moins ne sont plus apparents, mais les parois cessent d'être lisses et se recouvrent de plis fins et abon- dants. Le canal se dilate un peu avant de s'ouvrir dans le duodénum et, dépassant un peu l’orifice, se conlinue sous la forme d’un cul-de-sac en avant de ce dernier. La dila- lation terminale et le cul-de-sac figurent d'autant mieux qui se soit occupé de cette dernière question, mais mes observations con- cordent complètement avec les siennes. 284 E.-L. BOUVIER. une ampoule de Waïer qu'en cet endroit le canal (PI. 8, fig. 7 c) fait saillie sur la muqueuse duodénale. L'orifice hépato-pancréalique (PI. 8, fig. 8, o) est situé sur cette saillie, parallèlement à l’axe du canal, sous la forme d’une fente allongée rejetée sur l’un des bords de la saillie; assez étroit et long de 8 centimètres environ, il présente sur son bord antérieur un épaississement semi-lunaire (€) très sail- lant et, en arrière, un autre épaississement (é) plus long mais moins accusé. La saillie sur laquelle il se trouve est à 8 ou 9 centimètres au-dessus de l’orifice qui conduit de la dilatation duodénale dans l'intestin; elle se prolonge et reste visible en avant sur une longueur de 5 à 6 centimètres. Au voi- sinage de son orifice, le canal hépato-pancréatique a un dia- mèlre assez fort et admet aisément un crayon à son intérieur. Nos connaissances sur le foie et sur le conduit hépato- pancréatique se réduisatent à quelques notions dues à Vrolik et tout récemment à Turner. Les détails que jai observés sont loin d’être complets, mais tels qu’ils sont ils permet- tent d'élablir quelques comparaisons entre l’Hypéroodon et les autres Célacés. L'Hypéroodon, en eflet, diffère des autres Célacés par là séparation profonde de ses deux lobes et par la présence d’un lobule annexé au lobe droit; il Leur ressem- ble au contraire par la présence d’une ampoule de Water. Proie. — On sait que les Cétacés ziphioïdes, comme le Cachalot, sont teuthophages c’est-à-dire se nourrissent de Céphalopodes. J'ai {rouvé dans tous les compartiments de l’estomac, dans la dilatation duodénale et, sur une très faible longueur, à la naissance de l'intestin, des becs de Calmar en assez grande abondance. Comme Vrolik l’a décrit et figuré (1) ces becs s’engainaient les uns dans les autres irès solidement, de manière à former des arceaux dont quelques-uns attei- gnaient 6 à 7 centimètres de longueur, et comprenaient un assez grand nombre de becs. Cette disposition curieuse a évidemment une origine toute mécanique, et doit être (1) Vrolik, loc. cit., p. 86 et pl. IX, fig. 28. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 285 attribuée aux contractions de l'estomac, contractions qui mettent en mouvement les becs décharnés et leur permet- tent de s’engainer ainsi. Deslongchamps (1) n’a pas trouvé de becs sur tout le reste de la longueur de l’inteslin, et moi-même je n’en ai trouvé qu'un seui, parfaitement conservé d’ailleurs, au-delà des limites que j'ai citées. Il se trouvait très loin du pylore, dans la région où se rétrécit sensiblement l'intestin. Probablement ce bec provenait d'une capture déjà ancienne dont les restes avaient été presque lotalement expulsés; les autres, ceux que j'ai signalés dans l'estomac et à la naissance du duo- dénum, venaient d'animaux plus récemment caplurés et devaient être expulsés plus tard. Au reste, à part Deslongchamps, les divers auteurs qui ont étudié l’Hypéroodon ne s'occupent pas du contenu de l'intestin. « L'intérieur du tube intestinal, écrivait Deslong- champs, était enduit d’une malière jaune brunâtre semblable à celle que contenait la portion droite de l'estomac; je n°y ai point {rouvé de becs de céphalopodes, n1 de débris de poissons, ni matières fécales solides ou liquides ». L’intes- tin de l’Hypéroodon de Saint-Vaast élait un peu plus rem- pli; il contenait une malière semi-fluide, d’abord jau- nâlre, puis de plus en plus foncée et plus épaisse à mesure qu'on se rapprochait de la partie rélrécie; en cet endroit le contenu de l'intestin devenait pâteux, vert noirâtre, et disparaissail complètement à mesure qu’on se rapprochait de l’anus. Deslongchamps et Vrolik n’ont trouvé que des restes de Céphalopodes dans le tube digestif de l’'Hypéroodon, mais Eschricht (2) signale en outre une Holothurie et un squelette de poisson, Max Weber (3) des os, des otolithes de morue et d’un autre poisson de la famille des Gades. Kükenthal (4) 4) Deslongchamps, loc. cil., p. 13. 2) Eschricht, loc. cit., p. 41. 3) Max Weber, loc. cil., p. 66. 4) Kukenthal, loc. cit., p. 165. sal ait ( ( 2806 E.-L. BOUVIER. a trouvé un Céphalopode encore bien conservé dans l’œso- phage d’un Hypéroodon. | Je n’ai pas trouvé trace de parasite à l’intérieur du tube digestif. APPAREIL RESPIRATOIRE. Larynx. — M. Eug. Dubois (1) a consacré au larynx de l’'Hypéroodon et des autres Cétacés une étude fort remar- quable et très complète; mes observations ultérieures sur le Dauphin et celles que j'ai faites cette année sur l’Hypé- roodon, justifient complètement cetle élude à laquelle je renvoie par conséquent. Les deux sacs laryngiens anfrac- tueux que j'ai signalés dans le Dauphin, et que M. Dubois avait antérieurement décrits dans ce dernier animal et dans l’'Hypéroodon, étaient très développés dans l’Hypéroodon de Saint-Vaast. Mais je n’ai observé, dans la paroi molle du larynx, aucune des masses glandulaires que j'ai décrites dans le Delphinus delphis. J'ai étudié les cartilages et la muqueuse laryngienne de l’'Hypéroodon. M. Dubois décrit en outre la musculaiure et l'innervation des diverses parties dü larynx. Bronches. — Max Weber (2j a montré que le système bronchial du Globicéphale, dans sa partie extra-pulmo- naire, se compose d’une bronche épartérielle deslinée à la partie antérieure du poumon droit et issue de la partie moyenne de la trachée, et de deux bronches hypartérielles. Ces dernières proviennent de la bifurcation terminale de la trachée et se divisent ensuite avant de pénétrer, l’une dans le poumon droit, l’autre dans le poumon gauche. J'ai retrouvé une disposition absolument identique dans l'Hypéroodon de Saint-Vaast, la branche épartérielle des- (1) Eug. Dubois Ueber den Larynx in Studien über Saügethiere de Max Weber, p. 88. Le mémoire de M. Dubois, et par conséquent celui de M. Weber, ne sont pas cités dans mon travail sur les Cétacés soufleurs. (2) Max Weber, loc. cit., p. 82. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 287. tinée au poumon droit mesurait 4 centimètres de diamètre et plongeait dans le poumon sans se diviser. Quant à la bronche hypartérielle droite, elle avait 7 centimètres de diamètre, émetlait bientôt en avant une grosse branche et, immédiatement avant d'entrer dans le poumon, une branche plus petite qui se divisait aussitôt. Entre les points où plon- geaient les deux bronches du poumon droit se voyaient trois branches artérielles issues de la ramificalion du tronc droit de l'artère pulmonaire. La bronche hypartérielle destinée au poumon gauche, donne deux branches latérales avant de pénétrer dans le poumon; le tronc principal plonge dans le poumon plus en avant que labronche ñypartérielle droite ; malheureusement mon étude du poumon gauche est très incomplète et je n’ai recueilli aucune notion sur les artères qui s’y rendent; c’est en me basant sur les observations de Max Weber que je considère sa bronche comme entière- ment hypartérielle. Poumons et bronchioles. — Dans l'animal Fe Saint-Vaast, les poumons étaient revenus sur eux-mêmes, et comme ils sont très élastiques chez les Célacés, ils étaient loin de remplir la vasie chambre thoracique. Cette dernière mesu- rait environ 1*,20 de longueur, non compris les prolon- gements latéraux silués l’un à droite, l’autre à gauche du diaphragme ; or le poumon droit mesurait seulement 72 cen- timètres de longueur sur 39 de largeur maximum, et le poumon gauche était un peu moins long mais Son einent plus large. Les poumons des Cétacés sont dépourvus de vrais lobes; toutefois, dans l'Hypéroodon de Saint-Vaast, le poumon gauche présentait en arrière, contre la colonne vertébrale, un prolongement étroit de 4 à 8 centimètres et long de 25 ; ce prolongement grêle était muni sur son bord interne de lo- bules irréguliers en rapport immédiat avec les vertèbres: ce prolongement est-il normal ou tératologique , ou bien provient-il d’une modification post mortem produite par le sang au moment de l’asphyxie ? Je penche pour celte der- 2838 E.-L. BOUVIER. nière hypothèse, tout en appelant l'observation des natu- ralistes sur ce point particulier. | Ainsi que l’a montré R. Owen (1), les anneaux carlilagi- neux des Célacés se prolongent jusque sur les ramifications ultimes des bronches. Dans l’Hypéroodon, je les trouvais encore sur les bronches les plus fines, à peine visibles à l'œil nu, qui conduisent au lobule pulmonaire terminal. À mesure que les ramificalions se réduisent en diamètre, les anneaux se séparent et s’éloignent de plus en plus, deviennent incom- plets, s’envoient souvent des anastomoses {ransversales, obliques ou même longitudinales et, dans les plus fines rami- fications, se réduisent fréquemment à de simples noyaux. Dans les diverses préparations que j'ai pu faire, le lobule terminal, ouvert et étalé, n'avait pas 1 millimètre de lon- gueur; sa paroi se subdivisait en chambres elles-mêmes subdivisées et l’ensemble formait un réseau alvéolaire des plus délicats. APPAREIL CIRCULATOIRE. Cœur (PL. 8, fig. 10). — Le cœur de l’Hypéroodon de Saint-Vaast mesurait 57 centimètres de longueur et 47 de largeur. La largeur est évidemment trop grande, car l’or- gane était affaisé et à peu près vide quand j'ai relevé ces dimensions. Comme Deslongchamps l’a remarqué « ses parois étaient assez peu épaisses, » mais contrairement à cet auteur, j'ai trouvé celles du ventricule droit sensiblement plus fortes que celles du ventricule gauche. Quant à la cloison inter-ventriculaire, elle était puissante et en certains points ne mesurait pas moins de 8 centimètres d'épaisseur. Les valvules sigmoïdes, au nombre de {rois comme de cou- tume, élaient d'une épaisseur très faible : on n’observait aucun reph valvulaire aux orifices des deux veines caves dans l'oreillette droite. Pour la disposition des muscles et des piliers valvulaires à (H)R, Owen, Anatomy of Vertebrates, t. IIX, p. 578, 1866. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 289 l’intérieur du cœur, je renvoie aux travaux très détaillés d'Eschricht (1) et surtout de Vrolik (2). Système artériel (PI. 8, fig. 10). — L’arlère aorte se dilate à la base et forme un énorme sinus aorlique (A) large de 18 centimètres; à son orifice ventriculaire, l’aorte a un diamètre de 10 centimètres, mais quand elle a émis les artères de la tête et des nageoires elle n’a plus que 6 centi- mètres et demi de diamètre. En cet endroit elle est située en avant du tronc des artères pulmonaires (p) et se met en relation avec ce dernier par un ductus arteriosus (d) long de 5 à 6 centimètres et gros de 1 à 2. Ce conduit n’était pas complètement fibreux dans l'animal que j'aiétudié; il avait encore une lumière sur toute son étendue et laissait passer une sonde de 3 à 4 millimètres de diamètre. Immédiatement en avant des valvules sigmoïdes, le bulbe aortique émet une artère coronaire à chacune des extré- mités de son diamèlre transversal. L’artère coronaire anté- rieure (a) passe au-dessus de l’artère pulmonaire, puis revient du côté ventral pour suivre la face antérieure du cœur. Pen- dant cette dernière partie de son trajet elle est siluée sur la ligne médiane et en parlie ou totalement cachée par la veine coronaire (v); celle dernière prend naissance sur cetle face et remonte en grossissant, sur la face opposée, pour débou- cher dans l'oreillette gauche. Quant à l'artère coronaire pos- térieure (p), elle se dirige d’abord en sens inverse de la pre- mière, atleint la face dorsale du cœur, puis revient transver- salement vers la pointe de l'organe. Le bulbe émet ensuite le tronc brachio-céphalique droit (6) qui mesure 4 à 5 centimètres de diamètre, la carolide gau- che (c), puis la sous-clavière gauche (s) qui ont l’une el l'autre un diamètre de 2 centimètres et demi. Entre ces deux derniers vaisseaux naissent de l'aorte deuxartères (x, y)quise dirigent (1) D.-F. Eschricht, Undersügelser over Hvaldyrene. Fjerde Alfhandling. Om Nœbhwalen. (Kong. Danske Vidensk. selsk. nat. og math. afhandl., t. XI, 1845, p. 345). (2) Vrolik, Loc. cit., p. 103-104, pl. XI, fig. 37 et 38. ANN. SC. NAT. ZOOL. XIII, 19 290 _E.-L. BOUVIER. | vers la tête, et dans lesquelles on peut à peine faire entrer le petit doigt. — Eschricht (1) et Vrolik paraissent seuls avoir étudié les vaisseaux de la crosse aortique; ils ne signalent qu’une de ces deux artères et ne font pas mention des artères coronaires, mais la concordance de mes observations avec les leurs est complète, pour les artères essentielles issues du tronc aorlique. Ces artères présentent la disposition nor- male caractéristique des Mysticètes; elle est très différente, comme on sait, de celle qu'on observe chez les Cétodontes non ziphioïdes. Chez l’'Hypéroodon, comme chez les autres Cétacés, les ar- tères intercostales des paires antérieures (une lacune dans mes notes ne me permet pas d’en fixer le nombre) ne nais- sent pas directement de l'aorte dorsale, mais sont rempla- cées par des branches de la thoracique interne. D'après Carlsson (2) les artères intercostales proprement dites, celles qui naissent directement de l'aorte, auraient, dans le fœtus, un tronc commun pour chaque paire. Dans l'adulte que j'ai étudié, ces artères (PL. 7, fig. 4, a) se déla- chaient au contraire séparément du tronc aortique et par conséquent présentaient la disposition normale des Mysti- cètes, celle que j'ai mise notamment en relief dans l'étude de la Balænoptera rostrata (3). Je reviendrai plus loin sur l’im- portance phylogénétique et physiologique de cette FES tion. L'animal étant couché sur le flanc, ii dorsale se trouvait cachée, à une profondeur très grande, entre les deux muscles psoas, si bien qu’il m'a été impossible d'étudier exactement la disposition de beaucoup d’artères abdomi- nales. On verra plus loin, cependant, que j'ai pu relever des observations intéressantes sur les artères rénales (voyez appareil urinaire) et sur les artères génitales (voyez plexus génital). : (4) Eschricht, Undersôgelser, etc., p. 345. (2) Carlsson, loc. cit., p. 20. THRE (3) E.-L. Bouvier, loc, cit.; fig..5 et p.400. +. © € 7 5. €, OBSERVATIONS. SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 991 Plexus : thoraciques : artériels (pl. 7, fig. 4, p). — Les plexus thoraciques de l’Hypéroodon se perdent en avant dans la région du cou, comme ceux des autres Cétacés, mais prennent un assez faible développement en arrière où ils sont médioerement larges et où 1ls ne dépassent pas les côtes de la sixième paire. À ce point de vue ils montrent beaucoup plus d analogie avec les plexus des Mysticèles qu'avec ceux des Cétodontes ; on sait, en effet, que les plexus thoraciques des Cétodontes se prolongent jusqu’à la dernière côte, tandis que chez les Mysticètes, et notamment dans la Balænoptera rostrala où Jai pu les étudier (1), ils sont très réduits et localisés à peu près dans la région des cinq premières côtes. . Si l'on observe maintenant que les Célacés à plexus ré- duits (Mysticèles et Hvpéroodons) sont précisément ceux dont les artères intercostales (i) naissent par des troncs séparés de l’aorte, tandis qu'au contraire les artères d’une même paire naissent d'un seul tronc chez les Cétacés à plexus allongés (Delphinidés, Narval), on sera porté à conclure qu'ilexiste des relations étroites entre l’étendue des plexus et la disposition des artères à leur origine (2). C’est, comme on sait, le sang des intercostales qui remplit presque: seul le fin lacis artériel des plexus, c’est lui qui doit dilater les parois épaisses et fort élastiques des artérioles du lacis, pour ètre ensuite comprimé peu à peu et chassé dans l'organisme par ces mêmes parois, alors que l'animal est plongé dans l'eau, loin du milieu respirable. Or, le sang pénétrera bien mieux dans le lacis si la vilesse du sang est très grande dans les artères intercostales, et comme le sang avance plus rapidement dans les gros vaisseaux que dans les petits, il est naturel que les intercostales d’une même paire se réunissent en un tronc impair, avant de pénétrer dans le plexus qu’elles (1) E.-L. Bouvier, loc. cit., p. 98 et 99, fig. 5 (2) E.-L. Bouvier, Quelques observations nouvelles sur l’organisation des Cétacés. Compte rendu sommaire des séances de la Soc. philomathe, 1891- 1892, n° 6, p. 2. | 299 E.-L. BOU VIER. contribuent à former. La disposition des artères intercos- tales des Delphinidés est à ce point de vue fort curieuse; ce sont, en effet, les artères intercostales les plus antérieures qui ont à former la partie la plus développée du plexus, et ce sont elles aussi qui naissent par un tronc impair allongé ; les postérieures, qui traversent le plexus dans sa partie la plus réduite, tantôt naissent isolément de l'aorte, comme dans le Dauphin, tantôt ne forment que des troncs communs beau- coup moins allongés (1). Dans les Mysticèles (Balénoptères), les artères intercostales issues de l’aorte ne traversent pas les plexus enfin, dans l’Hypéroodon, elles ne traversent (2) que sa partie postérieure la moins développée, ou même n'ont aucune relation avec eux. | Les artères intercostales et lombaires du fœtus disséqué par Carlsson ne naissaient pas directement de l’aorte, mais étaient formées par la bifurcation de troncs impairs issus de ce dernier vaisseau. Cette disposition qui, d’après l’auteur, aurait pour but de faciliter la marche du sang vers les mus- cles est, comme on voit, fort différente de celle décrite ci- dessus. En ce qui concerne les artères intercostales, que j'ai seules étudiées chez l’adulte, elle me paraît tout à fait bizarre, et ne peut guère s'expliquer si on ne la considère comme une de ces varialions individuelles assez fréquentes chez les Célacés. ) Le plexus gauche étant congestionné et gorgé de sang noir, ilm'’a été impossible de l’étudier ; mais J'ai pu faire quelques recherches sur le plexus du côlé droit. J’ai pu voir notam- ment, vers le bord externe du plexus, une grosse artère qui prend part à sa formation, mais qui le dépasse en arrière ef irrigue les muscles intercostaux. Cette grosse artère me paraît correspondre, par sa position et par son rôle, à l'ar- tère mammaire (M) de la Balenoptera rostrata; elle se rat- tache en avant à deux troncs dont l’un me paraît être la sous-clavière et l’autre la thoracique interne. Mais ces déter- (1) E.-L. Bouvier, loc. cit., p. 97, fig. &. ORSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 293 minations, surtout les deux dernières, sont loin d’être pré- cises. L'animal étant couché sur le flanc gauche, je devais disséquer, couché sur une planche et renversé, le plexus du côlé droit; la position était horriblement pénible et, malgré la meilleure volonté, il ne m'a pas élé possible de pousser mes recherches comme j'aurais pu le faire dans un laboratoire. Veines et sinus veineux. — Le plexus du côté droit est éga- lement parcouru dans toute sa longueur et à une faible dis- tance de la colonne vertébrale par une très grosse veine (V) qui se jetle dans la veine cave antérieure; cette veine Joue en arrière, et peut-être sur toute sa longueur, le rôle de col- lectrice des intercostales, mais elle reçoit surtout trois gros troncs () au moins des veines situées à l’intérieur du canal céphalo-rachidien. Ces troncs transversaux traversent les trous intervertébraux et débouchent à plein canal dans la grosse veine. Cette disposition rappelle, jusqu’à un certain point, celle signalée par Breschet (1) dans le Marsouin. Dans ce dernier animal, les veines neurales, bien développées et au nombre de deux, s’envoient des anastomoses et se réunissent en avant entre la troisième et la quatrième côte, c'est-à- dire à peu près au niveau où se trouvent les troncs trans- versaux de l'Hypéroodon:; le tronc veineux commun quitte le canal neural, arrive à droite dans la région antérieure de la cavité thoracique et, se dirigeant vers la ligne médiane, s'ouvre avec la jugulaire commune dans la veine cave anté- rieure. Îl en est à peu près de même dans l’'Hypéroodon, seulement la veine rachidienne, au lieu de sortir en un seul point, émet un certain nombre de troncs latéraux qui se réunissent & droite dans la veine longitudinale étudiée plus haut. Le sinus de la veine cave inférieure (PI. T, fig. 3, s) est très développé dans l’Hypéroodon, comme chez tous les autres Célacés. Il commence immédiatement en arrière du diaphragme et s’étend un peu moins loin en arrière (1) Breschet, Histoire anatomique et physiologique d'un organe de nature vasculaire découvert dans les Cétacés. Paris, 1836, p. 19. 294. | __ E.-L, BOUVIER. que les lobes du foie. Bourré de zostères, il atteignait un: diamètre de 25 à 30 centimètres et se rétrécissait assez brusquement, si bien que la veine cave, au niveau du bord antérieur des reins, était à peine assez large pour admettre le bras à son intérieur. Au voisinage du foie la veine porte était également très développée mais 1l m'a été impossible de déterminer ses dimensions. Vrolik, qui a porté ses investigations de ce côté, a été plus heureux que moi : « Le calibre de la veine porte, dit-il, est remarquablement grand, d'où l’on peut déduirequ’une grande quantité de sang veineux est conduite au foie. Fort près de l'entrée de la veine dans le sillon transversal, j’ai mesuré sa circonférence et je l'ai trouvée égale à 35 centimètres. Ce calibre consi- dérable est en rapport, comme le fait remarquer le profes- seur Schrôder van der Kalk, avec la longueur du canal intestinal et avec la quantité de sang qui y circule (1). » Le sang des veines du système ot vient s’accumuler dans deux sinus hépatiques bien développés, mais plus réduits cependant, toutes proporlions gardées, que ceux dont jai donné la description en étudiant le Dauphin (2). Dans le grand lobe droit, le sinus (d') occupait à peu près exacte- ment l’axe du lobe et constituait une vaste chambre, moins longue cependant que la moitié de la longueur du lobe, mais assez large cependant pour admettre le bras. La veine sus- hépatique formée par ce sinus débouchait immédiatement dans la veine cave inférieure (c) au niveau du diaphragme. Le sinus (9') du lobe gauche n’était pas moins développé que le droit; un peu moins large que ce dernier il élait sensible- ment plus long et dépassait en arrière le milieu de l’axe du lobe. Il était plutôt situé du côté ventral de ce dernier et (1) Vrolik, loc. cit., p. 95. Peu au courant de la langue hollandaise, je dois la traduction de ce passage et de quelques autres à l’obligeance de M: le. professeur Max Weber, à qui je suis heureux de Hédeuiel ici mes vifs remerciements. ( (2) E.-L. Bouvier, Sur deux sinus veineux situés dans le foie du Delphinus delphis (Bull. Soc. philomathique de san La 8), t. I, p. 60, 1888-1889). Voir aussi Les Cétacés souffleurs, p. 112, fig. HA ENU OBSERVATIONS SUR L'HYPÉROODON ROSTRATUS. 295 débouchait dans la veine cave inférieure en avant du dia- phragme, et par conséquent aussi en avant de Ia veine sus- hépalique du lobe droit. Quant au petit lobe du foie, sa veine sus-hépatique ne forme pas à vrai dire de sinus, et débouche directément dans le sinus de la veine cave inférieure, en arrière du diaphragme. Les divers sinus hépatiques ont les parois criblées d’ori- fices de dimensions très variables : ces orifices sont les extré- mités des veines hépatiques de premier ordre el viennent déverser le sang dans la vaste cavité des sinus. D'ailleurs toutes les veines efférentes du foie ne se réunissent pas dans ces réservoirs; un certain nombre d’entre elles, dans chaque lobe du foie, s'ouvrent directement dans les parties contiguës du sinus de la veine cave. Le plexzus veineux du psoas, qui prend un si grand déve- loppement chez les Delphinidés, fait défaut chez l'Hypé- roodon comme chez les Mysticètes (1). À ce point de vue, par conséquent, comme par tous les autres caractères de l’appa- reil circulatoire, l'Hypéroodon se rapproche beaucoup plus des Myslicètes que des Cétodontes delphinoïdes. Quant au plexus péritonéal dorsal il m'a paru faire également dé- faut ou du moins il doit être fort peu développé, car J'ai pu étudier avec beaucoup de soin le ligament large dans toute son étendue. On sait d’ailleurs qu’il est également fort ré- duit dans le Dauphin. Les veines rénales (PI. Il, fig. 11, v), seront éludiées plus loin, en même temps que l'appareil urinaire. APPAREIL URINAIRE. Les reins el leurs vaisseaux (PI. 8, fig. 11). — Les reins (R) de l’'Hypéroodon sont silués un peu en arrière du sinus de la veine cave, ils sont symétriques et presque en contact sur la ligne médiane. Assez brusquement arrondis en avant, ils se rélrécissent progressivement en arrière et sont surtout 6 Det de n'ai pas trouvé de pleæus du psoas, dans us jeune APBAIRNE rostrata que j'ai étudiée, loc. cit. EN. , \ 296 E.-L., BOUVIER. convexes du côté externe. Leurs très nombreux lobules sont de petite taille, et les plus grands n’ont pas un diamètre bien supérieur à 15 millimètres. Ces lobules ont la même struclure macroscopique que ceux des autres Célacés, aussi crois-je devoir renvoyer, pour cette partie de la description, au mémoire ancien de Hunter (1) et à celui beaucoup plus récent et beaucoup plus complet de Beauregard et Boulart (2. Dans l'Hypéroodon de Saint Vaast la capsule conjonctive des reins était fort adhérente aux globules et, malgré les plus grandes précautions, il ne m'a pas été facile de la séparer complètement du rein, comme j'avais pu aisément le faire sur les Dauphins et sur les Marsouins. Chaque glande rénale mesurait 66 centimètres de longueur el 25 centimè- tres de largeur maximum. ARE Carlsson a décrit (3), dans le fœtus d'Hypéroodon, deux paires d’artères rénales qui naissent chacune de l'aorte par un tronc impair, comme les artères lombaires et inter- costales ; ces paires artérielles sont situées l’une et l’autre dans la région antérieure des reins et d'importance à peu près égale. Dans l'Hypéroodon adulte de Saint Vaast, je n’ai rien pu observer de semblable: il y avait une paire d'ar- ières rénales (a) qui plongeaient en avant dans le rein et se ramifiaient dans le tissu rénal jusqu’en arrière. Dans les deux tiers antérieurs de la glande, l'artère rénale est irès peu profonde et se dirige obliquement vers la face externe ; elle plonge ensuite davantage, revient vers la face interne, passe au-dessus de l’uretère et finalement se divise en deux bran- ches assez importantes. Peu après avoir pénétré dans le rein, elle émet un rameau important destiné à la partie antérieure de l'organe; plus en arrière elle ne donne jamais que des rameaux beaucoup plus réduits. L’artère rénale est loin d'avoir un calibre en rapport avec les dimensions du rein, (1) J. Hunter, loc: cit., p. 412. (2) Beauregard et Boulart, Recherches sur les appareils génito-urinaires des Balænides (Journ. de l'Anat. et de la Physiol., 1882). (3) Carlsson, loc. cit., p. 21 et pl. IL, fig. 40. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 297 car elle est tout au plus grosse assez pour admettre le petit doigt, quand elle pénètre dans l'organe. J’ai cherché en vain une autre artère et je n’en ai pas trouvé de quelque impor- tance, si bien qu'il faut admettre que l'Hypéroodon n'a qu'une paire d’artères rénales comme les autres Célacés, et que le fait observé par Carlsson doit être rangé parmi les anomalies individuelles, assez fréquentes d’ailleurs dans les animaux de ce groupe (1). Les veines rénales principales (v) forment également une paire et sont beaucoup plus grosses que les artères : elles ne mesurent pas moins de 2 à 3 centimètres de diamètre. Carlsson les a figurées dans le fœtus comme naissant d’un tronc impair, mais elles sont parfaitement séparées chez l'adulte, où elles suivent d’ailleurs un trajet sensiblement pa- rallèle à celui des artères. Chaque veine rénale pénètre dans le rein un peu en arrière de l’artère du même côlé, passe au-dessous de cette artère, la suit du côlé externe, mais plonge bien plus profondément dans le tissu rénal et finit en arrière par passer au-dessus d'elle en revenant vers la face interne. Chemin faisant elle émet d’assez grosses branches, dont une plus forte pour la partie antérieure du rein. Une autre veine (v') beaucoup plus réduite (on y fait à peine entrer un crayon), sort des reins vers le milieu de leur face interne et se rend directement dans la veine cave. Enfin, dans la partie postérieure des glandes, se trouvent quelques veines plus pelites qui se distribuent surtout dans la capsule, pour se continuer ensuite dans la partie dorsale du ligament large. Je n’ai pu suivre ces veines jusqu’au vaisseau collec- teur où elles se réunissent. Uretères (PL. 8, fig. 11). — Chaque uretère (v) forme un (1) Je n'ai trouvé qu’une paire d'artères rénales dans le Marsouin; il y en avait deux grosses à droite, une grosse et plusieurs petites à gauche dans un Dauphin que j'ai étudié (Loc. cit., p. 103); enfin, Boulart et Beauregard en signalent, dans la Balænoptera musculus, une grosse et une petite de chaque côté. D'après Meckel, dont j'adopte ici l'opinion, il y aurait normalement une paire d’artères rénales chez les Cétacés et la multiplicité de ces vais- seaux serait un caractère individuel, 298 Si + ÆE.-L BOUVIER.: canal longitudinal qui suit le rein dans les deux tiers posté- rieurs de son étendue. C’est sensiblement à la limite du tiers antérieur el du liers moyen que l’uretère se différencie en un canal autonome (), formé par la réunion de plusieurs canaux urinifères plus ou moins élroits qui viennent de la partie antérieure du rein. Au point où 1l commence ainsi l’uretère ne mesure pas moins de 15 millimètres de diamètre; il se dirige en arrière presque superficiellement, el émerge complètement du tissu rénal à peu près à la limite du tiers moyen et du tiers postérieur. Entre ces deux limites le canal grossil peu à peu, reçoit à peu près au même niveau deux faibles conduits (c) issus de la partie moyenne du rein et, plus en arrière, un autre conduit plus grand {d) qui dessert tout le lobe postérieur (1). Il est curieux de voir l’uretère recevoir, alors qu’il est déjà complètement diffé rencié, un certain nombre de grands canaux urinaires qui, en réalité, sont des uretères de premier ordre parce qu'ils communiquent plus ou moins directement avec les bassinets de chaque lobule rénal. On retrouvera d’ailleurs, très pro- bablement, une disposition de même nature chez beaucoup d'autres aa Devenu superticiel, l’urelère n’est plus recouvert que par la capsule rénale et il quitte bientôt Le rein pour se diriger en arrière. Logé dans la partie dorsale du Higament large il passe au-dessus de la corne utérine correspondante, atteint la matrice el les parties latérales du plexus qui recouvre en arrière le vagin, puis devient lransversal et aboutit à la vessie (PL. 8, fig. 13, v) un peu en avant du museau de lanche utérin. Dans son trajet à l’intérieur des reins l’urelère est large et formé par des parois minces ; il garde la même gros- seur mais épaissil déjà ses parois dans la région du rein où il-devient superficiel; plus en arrière il s’épaissit de plus en plus et, comme son diamèlre se réduit légèrement 0 oi | mA TpE ir Rares. Quelques observations nouvelles sur l'organisation des Cétassss {Compte rendu sommaire des séances de. la Soc. RASE UE 2 n°16, D: 12)e HISISS x ir OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 299: d'augmenter, il a un calibre de plus en plus faible et peut à peine recevoir un crayon quand il débouche dans la vessie. Vessie urinaire et canal de l’urèthre (PI. 8, fig, 14). — La vessie urinaire des Cétacés esl toujours relativement très réduite ; dans l’'Hypéroodon de Saint-Vaast elle avait 26 cen- limètres de longueur, et une largeur maximum beaucoup plus faible, comme on le voit dans la fig. 13. À son sommet arrondi, c’est-à-dire à la partie antérieure, vient se fixer de chaque côté un cordon fibreux (c): ce cordon se rattache aux artères hypogastriques et représente les artères ombi- licales atrophiées du fœtus. Comme dans la plupart des Cétacés adultes, et notamment dans le Dauphin et le Mar- souin (1), ces artères ne présentaient pas la moindre per- foration interne, mais le fait ne paraît pas être constant, car Scotl et Parker (2) signalent encore dans le Ziphius une faible lumière dans le cordon. A l’intérieur, la vessie présentait de nombreux plis longitudinaux, et en avant formait un rétrécissement brusque (PI, Il, fig. 12, c), beau- coup moins large que la partie de l'organe siluée immé- diatement en arrière. Scott et Parker ont signalé un rétré- cissement pareil dans leur Ziphius et ils le considèrent à Juste titre comme une portion rétrécie de l’ouraque ; dans Pilypéroodon, ce rélrécissement ne se laissait nullement entrevoir à l’extérieur, dû qu'il était à un très grand épais- sissement (e) des parois de la vessie, un peu en avant de son extrémité antérieure. Les parois vésicales mesuraient là 25 millimètres d'épaisseur ; en avant elles s’atténuaient très vite, si bien que le sommet de la vessie, entre les artères ombilicales atrophiées, n’atleignait pas plus de 3 à 4 mil- limètres d'épaisseur. Dans cette dernière région, qui se traduit au dehors par une sorte de bouton apical sur lequel viennent se fixer les artères ombilicales, se trouvait de chaque côté une en on étroite (4) et relativement très . (1) E.-L. Bouvier, loc. cit. p. 105. ‘ (2) J.-H. Scott and T.-J. Parier On a specimen of Ziphius nn obtained near Dunedin (Trans. zool. Soc., t. XI, part. 8, 4889, p. 247). 300 E.-L. BOUVIER. profonde, en rapport exact avec le point d'attache de l'artère ombilicale imperforée correspondante (01. I] ne sera pas sans intérêt d'étudier la vessie des autres Cétacés, afin de constater si cette disposition très curieuse est commune à tous les représentants du groupe. Les uretères (PI. 8, fig. 13 w) débouchent dans la vessie à son extrémilé postérieure. Au lieu de traverser oblique- ment ses parois, comme on l’observe chez les autres Mam- mifères, ils y plongent directement mais présentent à leur orifice une sorte de repli, en forme de valvule semi-lunaire. Ces orifices sont fort réduits dans la vessie non gravide, et 1l faut un sondage pour lesbien metlre en évidence. La vessie (v) se rétrécit progressivement un peu en avant du point où débouchent les uretères ; aussitôt après elle devient fort étroite et passe insensiblement au canal de l’u- rèthre (w’). En ce point, qui correspond au col de la vessie, les parois ne paraissent pas s’épaissir, ce qui me porte à croire que la vessie est dépourvue en arrière de sphincter vésical. Le canal de l'urèthre (w') est large et présente un calibre de plus de 1 centimètre de diamètre; ses parois sont fort épaisses et paraissent avoir la même structure que celles de la vessie. Le méat urinaire occupe sa place normale, en arrière et à la base du clitoris. APPAREIL GÉNITAL. Organes génitaux externes. (PI. 8, fig. 5). — J'ai éludié les organes génitaux externes plusieurs jours après l'échoue- ment de l'animal, aussi présentent-ils quelques dispositions probablement anormales qu'on doit attribuer à la turges- cence des lissus congestionnés. La vulve rappelle à peu près exactement par sa forme la figure qu’en a donnée Vrolik. C’est un long orifice ovale qui devient fort étroit en avant où il aboutit au mont de Vénus, beaucoup moins en arrière où il se termine à l'anus. Il est limité sur toute son étendue par les grandes lèvres (L); celles-ci forment en avant une fente d'autant. moins pro- OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 301 fonde qu’on se rapproche davantage du mont de Vénus, elles sont séparées en arrière par un large repli interposé entre l’orifice du vagin et l'anus. Rembourré de lard comme les grandes lèvres, ce repli plonge en avant dans le conduit vaginal et, dans toute son étendue, présente des rides trans- versales probablement très variables, car elles n’ont pas été représentées par Vrolik. Sur les flancs du repli, les grandes lévres présentent également quelques plis transversaux, mais en avant, sur les bords de la fente prévaginale, se voient de nombreux replis longitudinaux. C'est au milieu de ces derniers replis que viennent se perdre en avant les petites lèvres (1). En arrière, entre ces dernières, se trouve le clitoris (c) dont la forme doit certaine- ment varier beaucoup, suivant l’état dans lequel se trouve l'animal après la mort, si j'en juge par les différences qu'il présente dans le spécimen de Saint-Vaast el dans celui qu'a étudié Vrolik. D’après la figure et la description de Vrolik (1), le clitoris forme une longue saillie subcylindrique dont la pointe obluse se recourbe en avant ; dans l’Hypé- roodon de Saint-Vaast, c’est une sorte de pyramide trian- gulaire peu saillante dont une arête est médiane et anlé- rieure et dont les deux arêtes latérales limilent une face postérieure située en avant du méat urinaire. Le clitoris élait peu saillant et ne présentait pas à son sommet la fossette aveugle qu'a signalée pour la première fois Max Weber; peut-être toutefois faut-il considérer comme un rudiment de celte fossetle une surface plane trian- gulaire un peu déprimée que j'ai observée au sommet de l'organe. Au reste, l’état des individus doit influer beaucoup sur la forme des organes génitaux externes, et pour connaître leur disposilion exacte il sera bon de répéter les observations sur un grand nombre de spécimens. Dans la femelle dont il donne la description, Vrolik signale sur Île bord antérieur de l’orilice vaginal deux saillies muqueuses mamillaires (2) (4) Vrolik, loc. cit., p. 109, pl. XV, fig. 50, (2) Vrolik, loc. cit., pl. XV, fig. 60, ff. 302 er _ E.-L. BOUVIER. séparées sur la ligne médiane et normalement cachées par les petites lèvres; dans l'Hypéroodon de Saint-Vaast, ces deux saillies étaient fort réduiles et confluentes sur la ligne médiane; à leur point de rencontre se trouvait, recou- vert par la muqueuse, un prolongement charnu assez sem- blable au clitoris par sa forme et son développement. Ce prolongement avait une pointe obiuse et des faces latérales arrondies; sur son bord antérieur se trouvait une petite saillie rougeâtre terminée en pointe obtuse. Ces deux saillies latérales et le prolongement médian sont, à mon avis, des excroissances anorz#males ou simplement exagérées formées par les plis de l’orifice vaginal. La figure dessinée d’après nature reproduit très exactement la disposition des organes génitaux externes au moment où J'ai pu les étudier en détail. La fente vulvaire mesurait 56 centimètres de longueur. Comme dans la Balænontera Sibbaldi décrite par Turner (1), on voyait en avant un mont de Vénus très distinct dont les dimensions étaient très sensiblement les suivantes : LORSUEUPAEOANMET TENEERERCERE RUE TEA 20 cent. Largeur maximum à la base........ AA A A re 15 — Il était un peu déprimé sur sa face ventrale el mesurait 5 centimètres de hauteur. Organes. génitaux internes (PL. 8, fig. 13 et 14). — Le vagin (V) est un conduit long de 65 centimètres! environ (il mesurait 89 centimètres dans le spécimen de même taille qu'a étudié Max Weber), il se dilate dans sa partie moyenne et se rétréeit beaucoup en arrière, au voisinage du museau de tanche qui sert d'oriice à l'utérus. Quand ses parois furent ouvertes et étalées elles présentaient les dimensions suivantes : R . À quelques centimètres en avant de l'orifice ELEC LS RTL M NE EN NU EE ane 28 cent. ALAN 1 TOUS SORTE Ne RU RE ARE E 35 — Pres du museauide tanche th MERE NERE 5e (4) W. Türner, An account of the great Finner Whale (Bulænoptera Sibbaldii) stranded at Longniddry (Trans. Roy, Soc. of Edinburgh., t. XXVI, 1872). OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 303 _ Dans les deux tiers postérieurs de sa longueur, sa mu- queuse élait parcourue par des plis longitudinaux fins et très nombreux qui devenaient plus larges, plus élevés et beau- coup moins abondants dans le tiers antérieur, pour se réduire à 13 immédiatement en avant du museau de tanche. Dans ce dernier tiers, les plis formaient à des niveaux suc- cessifs des replis plus ou moins saillants (fig. 14x,7, z) qui, à chaque niveau, rappelaient assez la disposilion du museau de tanche. Caractéristiques des Cétacés el de quelques Ongulés, le Rhinocéros par exempie, ces groupes de replis sont d'autant plus saillants qu'on se rapproche davantage de l'utérus, les groupes postérieurs étant fort réduits et n’oc- cupant qu'une faible partie de la circonférence du vagin. Dans l'Hypéroodon de Saint-Vaast, ces groupes étaient au nombre de trois et tous formés par des replis très peu sail- lants; le groupe postérieur (2) était à peine sensible et ses replis étaient localisés du côté ventral, le groupe suivant (y) était déjà un peu plus étendu, quant au troisième (x), il fai- sait le tour tout entier du vagin et se composait de replis un peu plus saillants. Les replis qui forment une espèce de ro- sette autour du museau de tanche élaient de grande taille; ils ne mesuraient pas moins de 4 à 5 centimètres de longueur. Ces observations ne sont pas sans intérêt, car elles mon- trent qu'il y à une différence anatomiaue considérable entre le museau de tanche probablement dit et les groupes annu- laires de replis vaginaux. Le premier. est toujours très accentué, les seconds peuvent s’atténuer beaucoup et varier en nombre suivant l’état de l’animal, et probablement même suivant les individus d’une même espèce. Vrolik, qui a con- sacré deux splendides figures aux replis vaginaux de l'Hy- péroodon, en représente six groupes presque tous complets et formés de replis très saillants ; tandis qu'il n’y en avait que trois, dont deux très incomplets, dans la femelle de Saint-Vaast. Mais celte dernière avait dû mettre bas peu de jours avant son échouement ; son vagin et l'utérus étaient remplis d’une mucosilé sanguinolente et. ses. mamelles 304 E.-L. BOUVIER. élaient gorgées de lait. Je suis porté à croire que les replis vaginaux avaient dû s’atténuer beaucoup avant el pendant la sorlie du jeune, mais je crois aussi que tous les groupes postérieurs n'avaient pu totalement disparaître, et qu'ils étaient certainement moins nombreux dans l'Hypéroodon de Saint-Vaast que dans celui étudié par Vrolik. Entouré par les replis dont j'ai parlé plus haut, le mu- seau de tanche (/) proprement dit donne accès dans le corps de l’utérus (w); il est relativement fort étroit etne mesure pas plus de 7 à 8 centimètres de diamètre, quand on le distend avec la main. Le corps de l'utérus (u) est plus large, mais il se rélrécit dans sa partie antérieure ; sa muqueuse forme des plis aussi nombreux au moins que ceux du museau de tan- che; dans la partie la plus rapprochée du vagin la muqueuse présente une sirialion muqueuse longitudinale comme celle des parois vaginales, mais en avant celte striation s’atténue et disparaît pour faire place à une teinte rougeâtre el à une structure glandulaire très nette. : L'utérus de l’Hypéroodon est bicorne comme celui des Ongulés, des Carnivores et de tous les Cétacés; du museau de tanche au point externe le plus antérieur de la bifurca- tion, 1l mesurait 25 centimètres de longueur. La portion im- paire du corps de l'utérus se continue directement, comme chez tous les animaux du même groupe, dans la corne qau- che (g) qui seule reçoit le fœtus, tandis que la corne droite (d) paraît simplement se greffer sur la parlie antérieure du corps utérin. Silué à 7 centimètres environ du point externe de la bifurcation des cornes, l’orifice (a) qui conduit dans la corne droite est fort réduit et laisse tout au plus passer trois doigts ; au même niveau la corne gauche est déjà plus large car on peut facilement y faire entrer quatre doigts. Depuis l’orifice de la corne droite dans le corps utérin jusqu’à la bifurcation des cornes, c’est-à-dire sur une longueur de 7 centimètres, se trouve un septum médian commun aux. deux cornes; plus loin celles-ci deviennent indépendantes etse dirigent du côté externe en décrivant une courbe à con- OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 305 vexité antérieure. Les plis du corps de l’ülérus se continuent dans l’une et l’autre corne, mais sont moins nombreux vers leurs deux extrémités rétrécies; les parois de la corne gau- che avaient une teinte rougeâtre comme la partie anté- rieure du corps ulérin, grâce sans doute à la riche vascu- larisation qui se développe dans toutes ses parties pendant le déveluppement du fœtus. On n’observait rien de semblable dans la corne droite qui, cependant, étail à peine moins grande que la gauche. A l'extrémité externe, chaque corne se recourbe un peu en avant et paraît former un eul-de-sac au fond duquel la muqueuse présente 5 ou 6 languetles saillantes que Max Weber a également observées (lolbenformige Falten (1)). En écarlant ces lobes, on aperçoit l'orifice fort étroit de l’oviducte (o) correspondant. Ce canal commence sous la forme d'un entonnoir allongé qui peut admettre au plus une sonde de 3 à 4 millimètres; il s'engage dans le ligament large, décrit plusieurs sinuosités, et se rélrécit si bien qu'on peut à peine y faire pénétrer une sonde de 1 à 2 millimè- tres ; 1l s’élargit ensuite de nouveau, devient assez large pour laisser entrer un doigt, et finalement s’épanouit pour former le très large entonnoir à bords flexueux qui constitue la trompe (t) de l'oviducte. L'ovaire (o) est silué en dedans et un peu en arrière de la trompe correspondante, au voisinage du bord externe de la corne utérine ; il avait la forme d’un rein à hile externe et mesurail 10 centimètres de longueur (13 centimètres dans l’exemplaire de Max Weber) ; il ne présentait aucune trace des sillons et des anfractuosités que Beauregard et Boulart ont observés dans leur grand fœtus de Balænoptera Sibbaldii. Max Weber (2) a justement fait observer que l'ovaire des Uélacés, contrairement à celui des Porcins, n’est point recouvert par une poche périlonéale, et qu'on trouve simplement au point d'attache de l'ovaire, un prolon- (1) Max Weber, loc. cit., p. 156. (2) Max Weber, loc. cit., p. 158. ANN. SC. NAT. ZOOL. XI, 20 306 E.-L. BOUVIER. gement en forme de gouttière de la cavité des trompes. Plexus artériel génital (pl. 8, fig. 13 et 14). — Le Ziga- ment large de l’Hypéroodon forme un long entonnoir à pointe postérieure : dorsalement il se railache aux reins et contient le rectum et les uretères; il soutient et relie du côté ventral l'utérus et ses cornes. L’oviducte chemine à l'intérieur du ligament et les trompes sont formées elles-mêmes par une vaste invagination de ce derneir. Il est nécessaire de bien saisir cette disposition si l’on veut con- naîlre les relations exactes du plexus génital artériel. Quand on suit les artères ombilicales imperforées (c), de- puis leur point d'attache sur la vessie, on les voit se diriger en arrière parallèlement à cette dernière, suivre la portion du plexus située sur la face ventrale du vagin, plonger dans ce plexus, se diriger en dehors, passer entre {es uretères (u) et Les parois vaginales {(v), puis remonter iransversalement du côlé dorsal pour se fixer à une artère qui correspond pro- bablement à l’artère iliaque interne (artère hypogastrique de Stannius). Cette artère (i), dans laquelle on peut à peine faire entrer le doigt, m'a paru former à elle seule le canal afférent de l'énorme plexus génital. Elle se dirige latéralement en ärrière, plus ou moins ap- pliquée contre la face dorsale du vagin, puis se divise en deux branches dont l’une (d) continue la direction de l'artère, tandis que l’autre (r) se recourbe et revient en avant. La pre- mière, qui est de beaucoup la plus faible, forme un plexus réduit en avant et autour du rectum vers la région posté- rieure du vagin, mais ne prend aucune part directe à la for- mation du plexus génital. C'est à la branche antérieure et récurrente (r) qu'est dévolu ce rôle; on la voit se ramifier peu à peu et finalement se perdre au milieu des innombra- bles artérioles flexueuses et anastomosées qui constituent la masse tout entière du plexus (p). Jamais ces artérioles ne. deviennent très petites et l’on en trouve peu qui aient moins d'un millimètre de diamètre. Comme dans les plexus thora- ciques, elles gardent des parois fort épaisses, très dilatables OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 307 et bien propres à chasser peu à peu, en revenant sur elles- mêmes, le sang artériel qui vient s’y accumuler. Le plexus génital artériel de l’'Hypéroodon est certaine- ment le plus important de l’organisme après les plexus ihoraciques ; on le voit déjà sur les côtés du vagin, un peu en arrière des uretères, où il se présente sous une faible épaisseur; il devient plus développé en avant, entoure Île corps et les cornes de l’utérus, et remplit tout le ligament large dans l’espace sensiblement triangulaire qui est com- pris entre ces deux parties de l'utérus. C'est dans cet es- pace qu'il acquiert ses plus grandes dimensions et je l'ai vu en certains points mesurer jusqu'à 5 centimètres d’épais- seur. En dehors de cette limite, il s'étend peu sur le liga- ment large ; on n’en trouve pas trace au voisinage des reins non plus qu’en avant, dans la partie dorsale du ligament qui constitue la paroi dorsale du vaste entonnoir péritonéal. Le plexus génital à été fort peu étudié. Beauregard et Boulart n'en font pas mention chez les Balénoptères, mais on l’a décrit chez quelques Célacés, et notamment chez le Dauphin, où 1l tire son origine d’artères génitales complète- ment indépendantes des artères hypogastriques (1). Mamelles (PI. 7, fig. 6). — La femelle qui fait l’objet de celte étude ayant mis bas depuis peu, ses mamelles étaient fort étendues mais ressemblaient d'ailleurs, dans leurs traits essentiels, à celles des autres Céiacés. Cachés au fond d’une poche longue de 10 centimètres (f), ies mamelons assez saillants se trouvaient à 15 centimètres en avant de l'anus et à 8 centimètres sur les côtés de la vulve. En arrière, les glandes (M) s’étendaient sensiblement jusqu’au niveau de l'anus (a) et en avant à 1°,15 de cet orifice; leur largeur maximum se trouvait un peu en arrière du milieu et atteignait 22 centimètres ; l'épaisseur n’élait pas très con- sidérable et ne dépassait guère 3 à 4 centimètres : le bord externe élait à peine convexe, mais le bord interne l'était beaucoup plus. Le) (1) E.-L. Bouvier, loc. cit., p. 105. 308 E.-L. BOUVIER. Chaque glande était traversée par un canal collecteur {c) rectiligne qu'on pouvait suivre jusqu’à 10 centimètres en- viron de lextrémité antérieure. En cet endroit, le canal élait assez large pour admettre l'index et recevait plusieurs canaux divergents issus des parties antérieures de la glande ; à parlir de ce point jusqu’à une faible distance de la fente mammaire, il augmentail progressivement mais lentement de calibre, et recevait d'assez nombreux troncs latéraux qui tra- versaient obliquement ses parois. Avant d'arriver au mame- lon, il débouchait à plein canal dans un réservoir (R) long de 10 à 15 centimètres el large assez pour admettre aisé- ment les cinq doigls réunis. Dans ce réservoir venaient s'ouvrir deux autres conduits (4, d) un peu plus faibles et des petits canaux assez nombreux. Ces derniers desservaient Les parlies postérieures de la mamelle, les deux autres étaient de courts et larges vestibules où venaient déboucher les canalicules des parties élargies de la glande; l’un de ces conduits, le plus grand, desservait la partie interne de l’or- gane, l’autre la partie externe. Situé au-dessous et un peu en avant de la fente mam- maire, le réservoir se rétrécissait assez brusquement du côté ventral et venait s'ouvrir par un canal au sommet du mamelon. Les parois contractées de ce canal ne me per- mirent pas d'introduire un crayon dans son orifice. N'ayant malheureusement pas porté spécialement mon attention sur les parois internes de ce canal je ne puis dire si de fins conduits lalicifères viennent y déboucher directe- ment, comme Klaatsch l’a observé dans le Globiocephalus melas; Max Weber (1) ne fait pas davantage mention de ces conduits annexes, mais 1l a observé un double canal, avec un orifice externe commun, dans un embryon de Balænop- tera rostrata, et il signale en outre des saillies épithéliales voisines qui appartenaient probablement au champ glandu- laire, mais dans lesquelles les conduits ne s'étaient pas déve- (1) Max Weber, loc. cit., p. 45. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 309 loppés. Il y a évidemment là, chez le fœtus comme chez l'adulte, matière à observations intéressantes, et ce n’est pas le moindre mérite du travail suggeslif et original de Max Weber, d’avoir montré l'intérêt et la nécessité de ces obser- valions. D’après Max Weber le mamelon à conduit unique des Cétacés serait une formation secondaire et dériverait du mamelon normalement multicanaliculé des Carnivores; pour Ryder au contraire, ce mamelon serait primitif et appartiendrait à la même catégorie que celui des Ongulés el notamment de la vache. Au sommet du mamelon de l’Hypéroodon se trouvaient quatre ou cinq papilles dures et très saillantes. Ces papilles pleines sont ordinairement bien plus nombreuses chez les autres Célacés, et notamment chez le Marsouin où R. Owen les aconsidérées à tort comme traversées par les conduits laticifères (1). Lait. — Toutes les parties de la glande mammaire étaient certainement gorgées de lait quand l’'Hypéroodon vint échouer dans la baie de Morsaline. Quand, le lendemain, Je commençai la dissection de la glande mammaire, le liquide perlait à l’orifice du mamelon, et l’on pouvait en faire sortir une faible quantité en comprimani très fort les parties voisines de la glande. Quand le lard et le paucier recouvrant furent enlevés, 1l était beaucoup plus facile d'en recueillir une grande quantité par compression etde fait, les conduits et le réser- voir en étaient remplis. Une incision faite en un point quel- conque de la glande provoquait partout un écoulement de sang et de lait. Comme Thompson (2) l’a fait justement re- marquer, le lait esl crémeux et jaunâtre, ou plutôt blanc jau- nâtre. Nous en recueillimes dans un tube et au bout de quel- ques jours la partie grasse, qui était montée à la surface, lormait une couche très épaisse et presque solide. On sait d’ailleurs que le lait de tous les Cétacés est infiniment plus (1) R. Owen, On the Anatomy of Vertebrates, vol. II, p. 777, 1868. « The nipple is perforated by numerous lacteal ducts. » (2) W. Thompson, loc. cil., p. 349. 310 E.-L. BOUVIER. riche en matière grasse que celui des autres Mammi- fères. D'après le D' Thiercelin (1), le lait de Baleine a une saveur âcre el huileuse et quelques onces suffisent pour purger assez fortement. Je n'ai pas pris en assez grande quantité du lait d'Hypéroodon pour éprouver ses propriétés purgatives, mais j'en ai goûté, comme la plupart des étudiants qui m'ai- daient dans la disseclion, et nous lui avons trouvé tous une douce et agréable saveur de noisette peu mûre. Il est vrai que notre animal élait en parfait état de conservation, et: que la chaleur animale s’élait conservée à peu près intégra- lement dans les muscles et dans les organes internes. On considère généralement comme purgalif le lard et la chair de l’Hypéroodon. D’après le capitaine Holbôll les Groënlandais, ayant fait main basse sur un Hypéroodon. s’emparèrent de la chair et du lard qu'ils trouvèrent «très agréables au goût, mais si fortement purgatifs que le lard fut rejeté tout à fait intact et presque en un clin d'œil, mais sans causer de douleurs et sans autre conséquence grave» (2). D’après Otto Fabricius, le nom d’Anarnak que donnent à l’Hypéroodon les Groënlandais exprime très crûment les propriétés remarquablement purgalives de l'animal. | Les Groënlandais sont grands mangeurs et probablement peu difficiles sur le choix de la nourriture. Manger du lard de Cétacé est peu appétissant mais la chair n'a rien qui répugne. On en prépara au laboratoire de TFatihou, tout le personnel en consomma des quantités assez grandes et per- : sonne ne fnt incommodé. D'ailleurs la chair de Marsoum était couramment vendue autrefois sur nos marchés et beaucoup de marins la mangent encore aujourd’hui. Quoi- qu'il en soit, si la chair de l’'Hypéroodon est purgative, elle ne l’est qu’à haute dose, je puis l’affirmer; elle me parut à peu près insipide, n'ayant pas d'autre goût que celui de la (1) Dr Thiercelin, Journal d'un baleinier, t. I, p. 32. Paris, 1866. (2) Eschricht, loc. cüt., p. 195. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 911 marinade dans laquelle or l’avait mise en macération pen- dant plusieurs jours (1). Quelle est l’époque de la parturition chez l'Hypéroodon ? D’après le D' Kükenthal, qui a vu en mai et juin des femelles accompagnées de leur jeune, elle se trouverait approximati- vement vers mars ou avril mais cette conclusion ne saurait être considérée comme absolue. La femelle de Saint-Vaast venait de mettre bas, comme le prouvait péremptoirement la réplélion des mamelles et l’allération des organes génitaux internes ; les trois femelles de Goury se trouvaient probable- ment dans le même état: « la tuméfaction très prononcée de la région anale, dit le commandant Jouan, semblait indi- quer que la bête avait du lait, et une matière blanc-jaunûâtre, épaisse, d'apparence crémeuse ou plutôt purulente, en tous cas d’un aspect qui ne donnait pas l’envie d'y goûter, qui coulait de ces parties déjà attaquées par la pourriture, pou- vail bien en être » (2). Enfin le 19 août 1886, les deux femelles abandonnées par le flot étaient en état de gestation et l’un des fœtus, recueilli par M. le D' FH. Gervais, fut envoyé au Muséum d'histoire naturelle. Ainsi la femelle peut mettre bas jusqu'à la fin d'août. L'Hypéroodon aurait-il la faculté, comme le Cachalot d’après Jackson, de mettre bas à toute époque, ou bien serait-il caractérisé par une longue période de parturition ? Je penche plutôt pour celte dernière hypo- thèse, qui se trouve être un fait dûment constaté pour cer- taines espèces, et nolamment pour la Baleine de Californie. Dans l’Hypéroodon, la parlurition peut se produire indiffé- remment pendant six mois (avril-aoûl) c'est-à-dirependantune période plus longue que chez la plupart des autres Cétacés. COMPARAISON DE L'HYPÉROODON AVEC LES AUTRES CÉTACÉS. Les Ziphioïdes étant les moins bien connus de {ous les Cétacés, et l'Hypéroodon pouvant être considéré comme une (1) Il est possible toutefois que le vinaigre de la marinade ait fait perdre à la chair une partie de son goût et de ses propriétés purgatives. (2) H. Jouan, loc. cit., p. 285. 3+#192 E.-C. BOUVIHER. de leurs formes les plus normales, il ne sera pas sans intérêt de comparer son organisation, aujourd’hui assez bien étudiée, à celle des Cétacés des autres groupes. L'Hypéroodon présente un certain nombre de caractères qui permettent de le ranger, comme tous les Ziphioïdes, parmi les Cétodontes. Il est dépourvu de fanons et présente au moins deux dents à la mâchoire inférieure, le conduit des fosses nasales débouche au dehors par un seul évent, l’asymétrie du corps et surtout du crâne est extrêmement accentuée, le sternum est en relation avec plusieurs paires de côtes, les os des membres postérieurs font complète- ment défaut, la cavité du larynx présente, du côté ventral, deux ventricules alvéolaires qui ressemblent complètement à ceux du Delphinaptère et qui rappellent en outre le sac laryn gien réduit des Grampus et des Mésoplodons, les sinus vei- neux du foie sont bien développés, l'intestin ne présente pas trace de cæcum, les muscles peauciers prennent un déve- loppement qu'ils n’ont pas chez les Mysticètes, enfin le cer- veau est arrondi en avant et peu développé dans le sens transversal. Mais on peut rencontrer déjà, parmi ces caractères, des analogies plus ou moins marquées avec les Mysticètes ou avec les Mammifères terrestres. D'après Max Weber, l’Hy- péroodon est encore nettement hétérodonte, comme les Mammifères terrestres qui ont servi de formes ancestrales aux Cétacés ; les deux grosses dents cachées ou saillantes qu'il porle en avant sur la mâchoire inférieure gardent encore bien nettement les caractères des canines, et l’on doit assi- miler à des molaires rudimentaires les nombreuses dents cachées qu’on a pu observer en arrière des premières. Les côtes rappellent bien plus celles des Mammifères terrestres que celles des Cétodontes, car au lieu d’être franchement osseuses dans toute leur étendue, elles s’articulent avec le sternum par une partie cartilagineuse commune à tous les Ziphioïdes. Si d'autre part, avec E. Dubois, nous comparons les ventricules laryngiens aux ventricules de Morgagni des OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 519 Mammifères terrestres, et au sac laryngien des Mysticètes, nous en arrivons à conclure que si la présence même de ces ventricules permet de comparer l'Hypéroodon à certains Cétodontes, elle permet aussi de le rapprocher des Mysticètes, malgré les différences de forme et de dimension qui existent entres ces ventricules et le sac laryngien proprement dit. D'autres caractères montrent, plus nettement encore, les relations étroites qui existent entre l’Hvypéroodon et les Mysticètes. On sait que le nerf olfactif, par exemple, manque absolument chez les Cétodontes et se rencontre assez bien développé chez les Mysticètes ; or ce nerf a élé signalé depuis longtemps par Eschricht (1) dans l’'Hypéroodon, et l’obser- vation du savant cétologiste s’est trouvée tout récemment confirmée par Guldberg (2). On arrive à des résulltals de même nature quand on compare les nageoires antérieures dans les deux groupes. « Les Cétacés à phalanges peu nom- sont ceux qui présentent les muscles des doigts les plus développés », dit Max Weber (3) : les Mysticètes, qui ont en général de 16 à 20 phalanges, ont conservé une musculature de la main très manifeste ; chez l'Hypéroodon, où le nombre des phalanges se réduit à 15, Siruthers (4) a observé des muscles digitaires presque semblables à ceux des Balénop- tères, tandis que dans les Delphinidés, qui présentent en moyenne de 20 à 30 phalanges, les muscles de la main n’ont jamais été signalés jusqu'ici. Les rapports des bronches avec les artères pulmonaires ne sont pas sans prêter à desrappro- chements de même nature. L’ Hypéroodon, en effet, comme l'Epiodon {uu autre Ziphioïde) et quelques Cétodontes aber- rants (Plataniste, Cachalot, etc.,) n’a de bronche épartérielle (1) D.-F. Eschricht, Undersügelser over. Hvaldyrene Fjerde Afhandlung. Om Nœbvalen (Kong. Danske Vidensk. Selsk. nat. og. math. afhandl., t. XI, p. 360, pl. VIII, fig. 1, 1845). (2) Guldberg, Ueber das Centralnervensystem der Burtenwale (Forh. vid. selsk Christiana, t. V, 1885). (3) Max Weber, loc. cit., p. 174. (4) J. Struthers, Account of rudimentary finger muscles found in a toothed Whale (Journ. Anat. and Physiol., vol. IX, p. 114-119, 1874). Turner a retrouvé des muscles semblables dans un autre ziphicide, le Mesoplodon. 314 E.-L. BOUVIER. que du côté droit; en cela 1l se rapproche des Balénoptères, et tient le milieu entre les Baleines, dépourvues de bronches épartérielles, el les Delphinidés typiques (Dauphin, Mar- souin) qui en présentent deux, une à droiteet une à gauche (1). Bien plus frappantes encore sont les analogies qui exis- tent entre l’Hypéroodon et les Mysticètes au point de vue de l'appareil circulatoire. Chez les Mysticètes les artères issues de la crosse aortique sont disposées comme chez l'Homme, car elles se composent successivement d’un tronc brachio- céphalique droit, d'une artère carotide gauche et d’une artère sous-clavière gauche. Il en est de même dans l’'Hypé- roodon, tandis que chez les Cétodontes, la carotide gauche naît de la sous-clavière gauche, et la thoracique interne du même côlé, au lieu de prendre son origine dans cette dernière, se détache directement de l'aorte. Un peu plus en arrière dans la cavité thoracique, on voit les artères intercostales aortiques de l'Hypéroodon, comme celles des Myslicètes, se délacher séparément de l'aorte, etne prendre qu’une part restreinte à la formation des plexus thoraciques ; ces plexus sont d’ailleurs très réduits, surtout chez les Mysticètes; enfin, dans la cavité abdominale, les plexus vei- neux du psoas ne sont pas encore développés. Si, comme chacun l’admet aujourd'hui, la plupart des plexus des Cétacés, et notamment ceux de la cavité thora- cique, sont des organes d'adaptation qui permettent aux animaux dont la respiralion est aérienne, de plonger lon- guement dans l’eau, on ne saurait considérer tous les Cétacés comme également adaplés à la vie aquatique. À ce point de vue, les Mysticètes sont évidemment ceux dont l’adapta- lion est la moins parfaite, mais l’'Hypéroodon n’est passen- siblement beaucoup mieux adapté et, dans tous les cas, ne réalise point le type parfail de l’adaptation à la vie aquatique, tel qu’on le rencontre chez les Delphinidés. La réduction des plexus chez les Mysticètes et chez les (4) Max Weber, loc. cit., p. 85. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. A Ziphioïdes est-elle, comme je l'avais cru d’abord {1), une preuve concluante en faveur de l’origine terrestre des Céta- cés? Non évidemment, car les partisans de l'hypothèse con- traire seraient en droit de prétendre que les Mysticètes et les Ziphioïdes, en respirant plus fréquemment à l'air, n’ont pas besoin de plexus aussi développés et s’acheminent peu à peu vers la forme terrestre. C’est par un ensemble de faits, qui ont été magistralement mis en lumière par Max Weber, qu’on peut établir l’origine terrestre des Cétacés, et cette origine une fois admise, on se rend très bien compte des variations progressives du développement des plexus chez les divers Cétacés. C'est à Max Weber également qu’on doit des idées pré- cises sur la position zoologique des Ziphioïdes. « Ils for- ment vraisemblablement, dit-il, un très ancien rameau latéral des Odontocètes, mais on ne doit pas, comme cela arrive trop souvent, les considérer comme des formes de pas- sage entre les Odontocètes et les Mystacocètes ». Les Céto- dontes et les Mysticètes, en d’autres termes, forment deux rameaux divergents issus d'une forme cétacéenne ancestrale dont les caractères adaptatifs étaient encore faiblement marqués, et c’est grâce à leurs relations plus immédiates avec cette forme ancestrale que les Ziphioïdes, quoique ap- partenant au rameau des Cétodontes, présentent avec les Mysticètesles analogies si nombreuses que j'ai relevées plus haut. RÉSUMÉ. Les grands Cétacés sont des animaux rares, et d’une étude pénible, sur lesquels les documents anatomiques sont très peu nombreux et souvent assez divergents. Le but des naturalistes doit être par conséquent de multipher les ob- servations, même sur des organes déjà étudiés, afin de pouvoir déterminer la limite, encore inconnue Jusqu'ici, (4) E.-L. Bouvier, Compte rendu des séances du Congrès international de Zoologie, p. 232, 1889. 316 E.-L. BOUVIER. des variations individuelles inhérentes à ces animaux. C’est ainsi que dans ce mémoire on trouve des descrip- lions d'organes qu'un ou plusieurs auteurs avaient déjà étu- diés : le tube digestif, le larynx, le cœur, la crosse aortique et les organes génitaux. Je confirme de tous points les recher- ches de Vrolik sur l'intestin, de Dubois sur le larynx, d’'Es- chricht sur l'origine des troncs artériels brachiaux et cépha- liques, de Max Weber sur les organes génitaux internes et, d’une manière générale, de Vrolik sur les organes génitaux externes. Mais je pense que la forme, les rapports et le nombre des comparliments stomacaux sont encore à étudier, que les caractères du chioris sont encore mal connus, et que l'étude des replis vaginaux laisse encore beaucoup à désirer au point de vue des variations individuelles. Je crois néanmoins avoir apporté un contingent d'observations nouvelles sur chacun de ces organes en donnant la disposition des circon- volutions à l’intérieur de ia première poche stomacale, en décrivant le trajet du canal hépato-pancréatique et les replis valvulaires de la dilatation duodénale, en montrant que le nombre des compartiments stomacaux peut s'élever à dix, en observant la disparition‘plus ou moins complète des replis vaginaux chez la femelle de l’Hypéroodon, en étudiant l’origine et la distribution des artères et des veines coronaires, enfin en observant les caractères du ductus arteriosus. Mes observations sur le muscle peaucier, le tissu à sper- maceli, les mamelles, le lait, les reins et sur l'appareil cir- culatoire sont, je crois, absolument nouvelles pour l'Hypé- roodon et d’un intérêt d’ailleurs très inégal. Les mamelles et le lait ne paraissent pas présenter de caractères parti- culiers, le peaucier rappelle beaucoup celui des Célodontes, enfin le tissu à spermaceti présente, avec le muscle peaucier, des rapports très particuliers dont l'étude demande à être poussée plus loin, mais qui me le font considérer comme irès différent du lard. OBSERVATIONS SUR L'HYPEROODON ROSTRATUS. 347 Les rapports de l’uretère avec les canaux urinifères, la structure et Les relations de la vessie m'ont permis de relever un certain nombre d'observations intéressantes qui gagne- raient à être étendues à d’autres Cétacés. Le plexus génital est très développé mais présente des relations différentes de celles des Dauphins. Par contre, les autres plexus sont absents (plexus du psoas) ou réduits (plexus thoraciques) comme chez les Mysticèles et, comme chez ces derniers aussi, les artères intercosiales sont complètement distinctes à leur origine sur l'aorte. Un tronc veineux, situé dans la chambre thoracique, paraît représenter le tronc azygos qui se trouve normalement enfermé dans la colonne verté- brale chez les autres Cétacés. J’ajouterai enfin qu’en comparant le résultat de mes propres observations avec celles des autres auteurs, on peut affirmer aujourd'hui que la période de parturition peut durer six mois chez l'Hypéroodon, depuis le commencement du prin- temps jusqu’à la fin de l'été. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE 7 Fig. 4. — Estomac de l'Hypéroodon de Saint-Vaast, naturellement gonilé par les gaz. 9, œsophage. g, 1 compartiment de l'estomac ou compartiment gastrique. », ensemble des 9 compartiments pyloriques. d, dilatation duodénale. Fig. 2. — Estomac dont les divers compartiments ont été dégagés des adhérences mésentériques et séparés les uns des autres. Les comparti- ments sont numérotés de 1 à 10 à partir du 1‘", qui est le compartiment gastrique. d, dilatation duodénale. La figure est relevée d’après une pré- paration d'ensemble dans laquelle les divers compartiments étaient rem- plis de zostères. Fig. 3. — Figure à demi schématique représentant les lobes du foie vus du côté ventral, et les rapports des sinus hépatiques avec la veine cave. Les sinus hépatiques et une partie du sinus de la veine cave sont figurés en pointillé. G, lobe gauche du foie. D, grand lobe droit. d, petit lobe droit. d', sinus veineux du grand lobe droit. g', Sinus veineux du grand lobe gauche. s, sinus de la veine cave inférieure. €, veine cave inférieure, M, diaphragme. Fig. 4. — Figure schématique représentant le plexus thoracique droit de l’'Hypéroodon. Les numéros 1 à 8 désignent le numéro d'ordre des côtes. V, veine azygos avec ses branches transversales v qui viennent du canal neural. p'iplexus: M, artère mammaire interne. A, aorte dorsale. i, artères intercostales aortiques. Fig. 5. — Vulve de l'Hypéroodon. L, grandes lèvres. l, petites lèvres. c, clitoris. v, entrée du vestibule vaginal. a, anus. i—- EXPLICATION DES PLANCHES. 319 Fig. 6. — Mamelle du côté droit avec le canal et le réservoir mis à dé- couvert. M, mamelle. f, fente mammaire gauche. €, canal principal. d, canal accessoire interne. b, canal accessoire externe. R, réservoir (citerne). 0, orifice du réservoir sur le mamelon. v, vulve. a, anus. PLANCHE 8. Fig. 7. — La dilatation duodénale ouverte. D, dilatation duodénale. P, 10° compartiment de l'estomac. p, orifice pylorique. i, orifice conduisant de la dilatation (D) dans l'intestin (1). v, valvule semi-lunaire située en avant de cet orifice. v’, valvule semi-lunaire de l’orifice. ce, extrémité duodénale du canal hépato-pancréatique. Fig. 8. — Extrémité du canal hépato-pancréatique montrant son orifice (0), en forme de fente longitudinale, et son cul-de-sac postérieur (s), ainsi que les épaississements semi-lunaires (s, s') des bords de l’orifice. Fig. 9. — Schéma pour montrer les rapports des compartiments stoma- -caux # et 5; v et v’ sont les septa qui s’avancent dans leur intérieur. Fig. 10. — Cœur et troncs aortiques (face ventrale). V, ventricules. O, oreillettes. | À, crosse aortique dilatée en sinus. P, artère pulmonaire. b, tronc brachio-céphalique droit. ce, carotide gauche. s, Sous-clavière gauche. æ et y, deux petites artères indéterminées. a, artère coronaire antérieure. », artère coronaire postérieure (en pointillé). v, veine pulmonaire. d, ductus arteriosus perforé. Fig. 11. — Les reins. Le rein droit est seul disséqué pour montrer les vais- seaux qui s’y rendent, le trajet et les relations de l'uretère. R, reins. | U, uretères. b, extrémité antérieure de l’uretère. c, paire d'orifices de deux gros canaux urinifères qui débouchent dans l’uretère. d, orifice du canal urinifère postérieure. a, artère rénale. v, grande veine rénale. v', petite veine rénale. Fig. 12. — Extrémité antérieure ouverte de la vessie. c, chambre antérieure de la vessie. A0 | E.-L. BOUVIER. o, cordons imperforés qui représentent les artères ombilicales. d, dépressions qui occupent le fond de la chambre antérieure au point d'attache des cordons. e, épaississement postérieur des parois de la vessie. Fig. 43. — Appareil génito-urinaire de la femelle, vu du côté ventral. Les reins sont enlevés et les plexus figurés ; ie vagin et l'utérus sont figurés en point.llé. V, vagin. Ü, corps de l'utérus. g, corne utérine gauche. d, corne utérine droite. O, ovaire. 0, oviducte. t, trompe de Fallope. p, plexus génital dans le ligament large. c, cordon imperforé représentant les artères ombilicales. D, VesSsLe. u, uretères. u’, canal de l’urèthre. Fig 14. — Appareil génital de la femelle vu du côté dorsal. La partie anté- rieure du vagin V, le corps de l’utérus U et la corne utérine gauche g, sont ouvertes pour montrer les plis internes et les relations du corps de l'utérus avec la corne droite d, par l'intermédiaire de l’orifice a. s, Septum qui sépare en avant la corne droite de la corne gauche. t, replis très saillants de l’orifice utérin. æ, Y, 2, replis vaginaux disposés plus ou moins complètement en anneaux. ce, cordon imperforé qui représente les artères ombilicales. i, artère iliaque interne. d, sa branche rectale. i, branche antérieure qui va former le plexus génital p. Fig. 15. — Coupe des téguments et du tissu sous-jacent, dans la région post-oculaire où se trouve déjà le tissu à spermacetr. l, lard. p, peaucier qui vient ici se terminer en biseau. s, tissu à spermaceti. m, muscles sous-jacents. CONTRIBUTIONS À L'ÉTUDE DE LA COUCHE SOUS-CUTICULAIRE DES NÉMATODES ET PARTICULIÈREMENT DU GENRE ASCARIS (*) Par M. LEON JAMMES. 8 I. — Introduction. Ce mémoire est consacré à l'étude histologique de la couche sous-cuticulaire des Ascaris. Les traités classiques décrivent dans cette couche deux parties bien dislinctes : l'appareil nerveux et la substance granuleuse. L'appareil nerveux des Ascaris se compose d’un certain nombre de nerfs aboutissant à un anneau œsophagien et de quelques ganglions situés en divers points du corps. Les au- teurs diffèrent sur Le nombre de nerfs, ils ne sont pas entière- ment d'accord sur la structure de l’anneau et décrivent un nombre variable de ganglions. C’est ainsi que Bütschli (1) décrit, en arrière de l’anneau œsophagien, deux nerfs, l’un dorsal, l’autre ventral, situés dans le plan médian et s’éten- (*) Ce travail a été fait dans le laboratoire d’embryclogie de la Faculté des sciences de Toulouse, dirigé par M. Louis Roule. Il constitue une des parties d’un ensemble de recherches que poursuit l’auteur en ce moment sur le développement et l'organisation des Nématodes, (4) Les chiffres placés à côté des noms d'auteurs sont des numéros d'’or- dre correspondant à ceux de l'index bibliographique placé à la fin du mé- moire. ANN. SC. NAT. ZOOL. XIII, 21 322 LEON JAMMES. dant jusqu'à l'extrémité anale. Dans cette dernière région se trouvent, en outre, d’après lui, deux nerfs latéraux n'occu- pant environ que le tiers postérieur de l'animal. Ce système de nerfs serait réuni par des commissures iransverses. En avant del’anneau œsophagien, un certain nombre de nerfs se dirigeraient vers l’extrémité céphalique. Schneider(13) et Leuckart (8) admettent la présence de quatre nerfs en ar- rière de l’anneau œsophagien et de six en avant du même organe. Les nerfs postérieurs seraient localisés dans les champs latéraux et les lignes médio-dorsale et ventrale ; les six nerfs antérieurs seraient placés, deux dans les champs latéraux et quatre entre ces derniers et les lignes médio- dorsale et ventrale (nerfs submédians de Schneider). Leuc- kart (8) a suivi les nerfs placés en arrière de l'anneau œso- phagien sur une longueur d’un pouce; il admet leur continuité jusqu'à la partie postérieure de l’animal. Vogt et Yung (17) de leur côté, après avoir reconnu que les nerfs dé- crits par Leuckart, toujours très fins, ne peuvent être élu- diés que sur des coupes, avouent « n'avoir Jamais obtenu de coupes montrant clairement ces nerfs au delà d’un centi- mètre en arrière de l'anneau œsophagien. Plus loin, ajoutent-ils, la substance nerveuse se confond tellement avec la substance granuleuse des champs latéraux qu'il est impossible de les distinguer. — Nous avouerons, aussi, n’a- voir pas vu nettement, sur nos coupes, le nerf dorsal admis par Leuckart. » Cobb (2) décrit seize nerfs, dont huit en arrière et huit en avant de l’anneau œsophagien; à en juger par le dessin qui accompagne son étude, il semble n'avoir suivi les nerfs postérieurs que sur un assez court espace en arrière de l'anneau œsophagien. Ce dernier a été souvent étudié; sa présence est incontestable. Aux points d’où partent les nerfs, il porte des amas de cellules décrits sous le nom de ganglions. Le nombre de ces groupes ganglion- naires varie avec les auteurs ; cela se conçoit aisément, car les cellules sont répandues dans tout l'anneau et, à part un groupe remarquable par sa constance et connu sous le COUCHE SOUS-CUTICULAIRE DES ASCARIDES. 129 nom de ganglion ventralet deux amas latéraux, elles forment, par leur rapprochement ou leur éloignement, des combi- naisons variables, expliquant les descriptions diverses qui out été données. Les ganglions des autres régions du corps varient également en nombre. L'un d’entre eux, le plus ré- gulièrement signalé, est placé dans la région anale (gan- glion anal). Bütschli (1) décrit trois masses nerveuses dans la même région. Quelques autres cellules sont signalées en d'autres points du corps, sur l'œsophage, par exemple et dans la région céphalique. J’aurai l’occasion de m'en oc- cuper dans les paragraphes qui vont suivre. La substance granuleuse est ainsi nommée à cause de la présence, dans son sein, d’un nombre considérable de gra- nules. Ceux-ci sont réfringents et noyés dans un réseau fi- brillaire. Cette masse granuleuse est répandue tout autour de l’animal, au-dessous de la cuticule, et forme un bourrelet épais sur les lignes latérales, dorsale et ventrale ; elle prend part à la formation de l'anneau œsophagien. On pense que cette substance a une origine cellulaire el que son aspect, à l’état adulte, est dû à une dégénérescence ; il est générale- ment admis qu'’âgée, elle ne contient plus aucune cellule. La vraie cause de cette dégénérescence semble encore peu connue. D’après le rapide exposé qui précède, 1l semble que la connaissance du système nerveux des Nématodes soit atta- chée à l'isolement des nerfs et des ganglions, de la substance granuleuse. Les auteurs ont en effet cherché à localiser les principaux nerfs et à établir leur position exacte ; là est peut- être la cause de l'obscurité qui entoure la connaissance ana- tomique de ces organes. J'espère établir dans ce travail la présence de nombreuses cellules au sein de la masse gra- nuleuse ; j'essaierai ensuite de comparer la structure histo- logique de la substance granuleuse à celle du système ner- veux actuellement décrit et ce rapprochement apportera peut-être une lueur nouvelle sur la constitution de la couche sous-cuticulaire (comprenant le système nerveux des au- 324 LEON JAMMES. teurs et la substance granuleuse). Le système nerveux est formé par des cellules et des fibrilles; la substance granu- leuse est constituée par un enchevêtrement de cellules, de filaments et de granulations. Or, une étude atlentive décèle le mélange intime de ces substances ; des procédés histolo- giques délicats révèlent l’homologie et peut-être l'identité de leurs éléments. De son côté, la morphogénie permet de concevoir, à la place d’un appareil nerveux et d’un eclo- derme distincts, l’existence d’un tissu épithélio-nerveux remplissant la double fonction de relation et de défense. Ces fails permettent de concevoir une nouvelle structure de l'appareil de relation des Ascaris, car la masse sous-cu- ticulaire peut être considérée comme formée par des élé- ments épithélio-nerveux ; le système nerveux décrit Jusqu'ici n'étant qu’une condensalion de cette masse en divers points du corps. Une structure analogue a été déjà signalée par Villot (16) chez les Gordudés. Dans ses Nouvelles recherches cet auteur s'exprime, à ce sujet, de la façon suivante : « Or je puis affirmer que l’hypoderme des individus bien adultes est beaucoup plus complexe qu’on ne l’a figuré jusqu'ici. On y distingue, comme dans le cordon ventral dont il est le prolongement périphérique, un véritable réseau de fibres el de cellules. » Et plus loin : « Ce réseau hypodermique se trouvant en relation intime avec le système nerveux, je n’hé- site pas à lui attribuer les mêmes fonclions. » Ayant repris, à l’aide des méthodes histologiques les plus précises, les recherches de Villot, j'ai eu la satisfaction de voir mes ob- servations concorder avec les siennes ; les affinités existant entre les Gordiidés et les Nématodes vrais m'ont ensuite engagé à faire des observations sur ce dernier groupe. Je n’exposerai ici que les résultats fournis par ce second travail. Il est surprenant que le tissu décrit par Villot chez les Gor- _ diüdés n’ait point encore été reconnu chez d’autres Néma- todes ; cela tient probablement aux difficultés opposées par sa structure et à l'insuffisance des procédés employés. COUCHE SOUS-CUTICULAIRE DES ASCARIDES. 395 Celte étude a pour but de mettre en évidence un certain nombre de faits qu'il est possible de grouper autour de deux principaux : 1° Constitution cellulaire de la couche granuleuse ; 9° Identité de structure de la couche granuleuse, des ganglions nerveux et de l'anneau œsophagien. | $ IL — Technique histologique. La partie essentielle de ce travail étant destinée à établir la présence de cellules et leur répartition dans des régions de la couche sous-cuticulaire (celle-ci correspondant à l’en- semble du sysième nerveux et de la substance granuleuse) considérées jusqu'ici comme en étant dépourvues, je décrirai d’abord les méthodes qui m'ont permis de mettre ces élé- ments en évidence ; je dirai ensuite quelques mots des pro- cédés qui conduisent à admettre l'identité de structure de la masse granuleuse et des régions nerveuses des auteurs. État frais. — L'élude des Ascaris frais, sans autre prépa- ration qu'une coloration par le vert de méthyle en solution aqueuse, m'a fourni quelques observations intéressantes ; mais la partie la plus importante de ce travail a été faite sur des animaux soumis, au préalable, à de plus longues mani- pulations. Fixateurs. — n’est pas rare de voir un Ascaris vivant, au sorlir de l'intestin de son hôte, éclater à la suite d’un changement brusque de température. Le même fait se pro- duit également quand on soumet l’animal entier à l'influence de certains réactifs. Ce phénomène est causé par la résis- tance du liquide naturel interne de l'animal à la pression qu'exerce sur lui la paroi du corps en voie de contraction. Or, si l’on songe d’une part à la position de la couche sous- cuticulaire entre la cuticule externe et le liquide du corps interne ; de l’autre à la texture lâche de cette même couche, on comprendra combien son écrasement est facile, et, par suite, combien il est nécessaire de suivre une technique per- mettant d’éviler un semblable accident. L'expérience m'a 326 LÉON JAMMES,. conduit à renoncer aux fixateurs agissant lentement ou à chaud. Il paraît préférable de traiter la couche sous-cuticu-. laire à la température ambiante et avec un fixateur à action rapide. L’acide osmique répond fort bien à cette manière de procéder. Ranvier (12) le signale comme un fixateur de premier ordre ; il n’est cependant pas dépourvu de défauts : l’un d’entre eux, très important dans la présente étude, est de tendre à diminuer le volume des éléments histologiques. Pour obtenir un fragment bien fixé, il faut prendre un animal vivant que l’on maintient à l’aide de deux paires de ciseaux, en deux points dont la distance, toujours assez pelite, me- sure la longueur du fragment que l’on veut spécialement étudier ; plonger ensuite, avec le fragment désigné, l’extré- mité des ciseaux dans la solution osmiquée et, des deux mains à la fois, trancher l'animal. La fixation de l'anneau ainsi obtenue est instantanée et des plus satisfaisantes. Dissociants. — L'alcool au liers et quelques autres disso- ciants, concurremment employés, ont mis en évidence quelques détails intéressants, notamment de petits corps implantés dans la cuticule et qui seront décrits dans les pages suivantes. Les dissociations ont également facilité l'étude d’un pseudo-épithélium perçu bien souvent sur la face in- terne de la cuticule et sur lequel les coupes, seules, peuvent aisément induire en erreur. | Colorants. — En outre du vert de méthyle déjà mentionné, le carmin’au borax, le carmin chlorhydrique, l’hématoxy- line de Delafield, l’hématoxyline éosinée et le bleu de quino- léine ont été employés dans cette étude. Des deux carmins, le carmin chlorhydrique est celui qui m’a donné les colora- tions les plus belles. Je possède un certain nombre de coupes colorées par ce réactif, et provenant d'animaux fixés par le sublimé acétique à chaud. On ne voit que très rare- ment des cellules dans les couches sous-cuticulaires ainsi _ préparées ; elles sont tassées et la consistance lâche que j'ai obtenue plus tard est remplacée par une texlure serrée, très difficile à analyser. L'influence du fixateur s’est fait sentir COUCHE SOUS-CUTICULAIRE DES ASCARIDES. 32 ici. Les mêmes colorants, employés avec l’acide osmique, ont donné de bien meilleurs résultats. L’hématoxyline de Delafeld et l’hématoxyline éosinée ont fourni les prépara- tions les plus nettes ; ces produits ont été employés concur- remment avec l'acide osmique. C’est grâce à l'usage combiné de ces derniers réactifs que j'ai pu reconnaître, d’une façon certaine, la présence d’un grand nombre de cellules dans la couche granuleuse. Le bleu de quinoléine a une grande puissance colorante ; sous son influence les noyaux des cel- lules se colorent en beau violet et le protoplasme en bleu, mais la coloration du noyau ne dure pas. Cette impuissance du colorant à donner une teinte persistante aux noyaux des cellules m'a décidé à en restreindre l'usage. J’ai eu donc recours, le plus souvent, aux solutions d'hématoxyline ; elles ont été doublemeut utiles par la netteté de leur action et [a permanence qu'elles donnent aux résultats. Enfin la simili- tude que ] admets pour la structure de la substance granu- leuse, des ganglions nerveux et de l'anneau œsophagien est basée sur un certain nombre d'observations, parmilesquelles les effets identiques que l’on obtient sur ces diverses parties, par l’imprégnation au chlorure d’or. $ IIT, -— Constitution cellulaire de la couche granuleuse. D'après Vogt et Yung (17) la couche granuleuse « peut être considérée comme la matrice des zones cuticulaires. Elle est molle, irrégulièrement épaisse, essentiellement granuleuse, adhérente par sa face interne à la couche musculaire, entre les faisceaux de laquelle elle s’insinue. Une structure cellu- laire ne peut y êlre reconnue, et lorsqu'elle en présente l’ap- parence, celle-ci est due à l’entre-croisement de fibrilles qui, cà et là, constituent une sorte de réseau dans son épaisseur. On admet toutefois qu'à son origine cette couche a dû être composée de cellules, car on y rencontre des noyaux cellu- laires dispersés, et, selon Leuckart, elle montre réellement à sa face inlerne, chez quelques Nématodes, une simple couche de petites cellules. Cette couche est continue tout 328 : LÉON JAMMES. autour du corps, et de chaque côté elle s’épaissit considé- rablement ainsi que le long des faces ventrale et dorsale, pour former des bourrelets divisant les champs muscu- laires ». rl Si l’on tient compte de cette description, on ne devra rencontrer, dans son épaisseur, que les cellules correspon- dant aux ganglions voisins de l’anneau œsophagien, recon- aus par la plupart des auteurs, aux trois amas de la partie postérieure du corps admis par Bütschhi (1) et quelques au- tres placées sous la cuticule de l'extrémité céphalique, que ce même auteur considère comme ganglionnaires. Il est né- cessaire d'ajouter que plusieurs naturalistes ont cru recon- naître la présence d'éléments cellulaires immédiatement au-dessous de la cuticule de divers Nématodes. C’est ainsi que Meissner (11) en 1856, Bütschli (1) en 1873, Michel (10) en 1888 ont décrit un épithélium continu appliqué contre la cuticule ; Vejdovsky (15), en 1888, a décrit des cellules cy- lindriques dans les régions extrêmes du corps, mais il ad- met l'existence d’une masse protoplasmique plus ou moins diffuse avec noyaux épars, dans la région moyenne. J’ap- porte une nouvelle opinion sur cette structure si discutée, mais comme elle est le résultat d’un travail long et conscien- cieux, je n'hésite point à la donner, espérant qu’elle pourra contribuer à élucider la question. Mes coupes montrent d’une façon certaine que les cellules sont nombreuses dans la couche granuleuse des Ascaris ; mais celles-ci ne forment point un épithélium continu ; elles ont une répartition irrégulière autour du corps et forment un tissu d'aspect cellulo-fibreux dont j'essaierai tout à Fheure de déterminer la nature. | Je vais décrire en premier lieu un certain nombre de coupes pratiquées sur l'anneau œsophagien et dans son voi- sinage; cet anneau correspond à la région la moins discutée du système nerveux et ilme paraît avantageux de le choisir comme point de départ. La substance nerveuse est d’ail- leurs bien plus facile à suivre en procédant ainsi; c'est, en COUCHE SOUS-CUTICULAIRE DES ASCARIDES. 329 effet, dans la région pharyngienne qu’elle est le plus appa- rente. J’étudierai ensuite la même substance dans la partie postérieure du corps et consacrerai enfin quelques mots à sa structure dans l’espace compris entre l’anneau et l'extrémité antérieure du corps. À. — Une première coupe, transversale, pratiquée sur un A. mégalocéphale, et passant par le milieu de l'anneau œso- phagien, montre un enchevêtrement de fibrilles qui forment par leur ensemble la bague entourant l'œsophage. On dis- tingue, noyées dans ce lacis, un certain nombre de cellules munies de prolongements; on y remarque également des granulations en tout semblables à celles de la couche sous- cuticulaire. Aux points où l'anneau œsophagien est en regard des champs latéraux et des lignes médio-dorsale et ventrale, les cellules sont particulièrement nombreuses. Elles forment là des amas bien souvent étudiés et décrits sous le nom de ganglions par Bütschli (1) et Leuckart (8) notamment. — De l'anneau œsophagien se détachent, rayonnant vers la péri- phérie, huit bandes dont la structure est en tout semblable à celle de l’anneau æsophagien. Ces bandes donnent à la coupe l’aspect d’une roue munie de huit larges rayons régu- lièrement disposés, deux rayons quelconques voisins limitant un angle de 45°. Le nombre de ces bandes est exactement celui qui serait nécessaire pour expliquer la disposition des nerfs admise par Schneider (13); les rayons intermédiaires aux rayons normalement horizontaux et verticaux corres- pondraient dans ce cas à la racine de ses nerfs submédians. Mais la même coupe montre les rapports de ces bandes avec la substance de la couche granuleuse et 1l est évident qu’il existe, entre ces deux parties, une parfaite continuité. Villot (16), que j'ai déjà cité, a constaté le même fait chez les Gordiidés : « J’ai démontré dans ma monographie, écrit- il dans ses Nouvelles recherches, qu’il existe des rapports de continuité entre le cordon ventral et l’hypoderme. On voit très nettement que les fibres du plexus ventral ne sont autre chose que les prolongements d’une partie des cellules du 330 LÉON JAMMES. cordon ventral et que ces prolongements se continuent dans l’hypoderme ». | B. — Cette deuxième coupe (A. mégalocéphale) passe un. peu en arrière de l’anneau œsophagien et sectionne oblique- ment quatre bandes reliant cet anneau aux lignes latérales, médio-dorsale et ventrale. La section de l’une de ces bandes montre, du côté de l’æsophage, de grosses cellules irrégu- lières, émeltant des prolongements:; ceux-ci vont se perdre dans le lacis fibrillaire qui les entoure. Dans le reste de la section se trouvent d'autres cellules plus petites, disposées sans ordre. Les mêmes faits s’observent sur les trois autres bandes existant dans la même préparation. Les fibrilles qui constituent ces zones rayonnantes, en arrivant sur la paroi du corps, s'incurvent el se répandent entre la cuticule et la couche musculaire : elles contribuent d'une manière évidente à former la couche granuleuse dans laquelle on distingue un cerlain nombre de cellules parfaitement nettes. | C. — Ceite préparalion (A. mégalocéphale) a été faite sur un fragment distant de cinq centimètres environ de l'extré- mité céphalique, sur une portion de la couche granuleuse voisine d'un champ latéral. Des cellules apparaissent. Elles sont bipolaires et fusiformes; quelques-unes d’entre elles placées dans le champ latéral sont plus arrondies. D. — Je décrirai maintenant une série de coupes prali- quées sur le milieu du corps d'un Ascaris suilla dans les espaces compris entre un champ latéral et les lignes médio- dorsale et ventrale. Les premières coupes de cette série portent des cellules isolées. Les suivantes présentent quel- ques cellules placées bout à bout, constituant des files dont la longueur varie d’une coupe à l’autre : elle augmente d’abord, diminue ensuile pour revenir finalement à la lon- gueur minima du début. Ces files cellulaires étaient juxta- posées dans la couche granuleuse ; c'est donc une véritable plaque de cellules qui à été coupée. Ce résultat obtenu à diverses reprises sur A. suilla et sur d’autres espèces m'a permis (6) d'écrire il y a plus d'un an : « Des coupes prali- COUCHE SOUS-CUTICULAIRE DES ASCARIDES. 331 quées Le long du corps, à différents niveaux, montrent, dans la couche granuleuse, de petits lits de cellules souvent dis- posés sur plusieurs rangs, mais ne formant jamais un épithé- lium continu. Ces cellules présentent des aspects variables : rarement cubiques, quelquefois arrondies, le plus souvent aplaties parallèlement à la paroi du corps, elles portent un nombre variable de prolongements. Ce sont ces prolonge- ments qui, sur les coupes, contribuent à donner à la couche son aspect fibrillaire et feutré. » Mes recherches n'ont fait depuis que confirmer cette manière de voir. E. — Les coupes pratiquées dans des régions plus rappro- _ chées de l'extrémité caudale des Ascaris ont donné des résultats en tout semblables aux précédents. F. — La région anale est particulièrement riche en cel- lules. Je n'ai pu, comme Butschli, répartir ces éléments en trois groupes distincts, mais leur nombre et leur volume sont suffisants pour expliquer que les auteurs aient pu voir là un ou plusieurs ganglions nerveux « dont les relations avec le reste du systèmenerveux sont encore hypothétiques.» (Carl Vogt.) G. — Je rappellerai que, chez les Ascaris femelles, la . région de la couche granuleuse, voisine du pore sexuel est parliculièrement riche en cellules. H. — La structure de la couche granuleuse, dans l’espace compris entre l'anneau œsophagien et l'extrémité antérieure du corps, est tout à fait comparable à lastructure déjà décrite, de la partie postérieure au même anneau. Je signalerai seu- lement la présence d'éléments que je n'ai observés que dans cette région et qui seront décrits dans les pages suivantes. Si l’on veut se faire une idée exacte de la couche granu- leuse il faut fendre et étaler un Ascaris, puis détacher toute la masse musculaire. On se trouvera ainsi en présence d’une couche formée par un réseau de fibres dans lequel se trou- vent irrégulièrement disposées des plaques cellulaires. Ces plaques forment autant d’îilots, d'importance variable, dont les plus petits sont réduits à une seule cellule. Ces cel- J32 LEON JAMMES. lules sont, le plus souvent, munies de prolongements qui se perdent dans le réseau fibrillaire ambiant. On aperçoit, en outre, noyées dans la masse fibreuse, de nombreuses granulations. Rapport de la couche granuleuse avec la cuticule. — Pour comprendre les rapports de la couche granuleuse avec la cuticule, il est indispensable d’avoir recours à l'étude com- binée de coupes et de dissections. La méthode des coupes, employée isolément, peut amener des mécomptes et ce ne serait que par la comparaison attentive des aspects offerts par des sections pratiquées suivant des directions variées que l'on pourrait, peut-être, établir la structure de la région de contact des deux couches en présence. Les coupes transver- sales montrent assez fréquemment, au-dessous des trois cou- ches décrites d'ordinaire dans la cuticule des Ascaris, une zone étroite dont l'aspect, souvent homogène, prend, dans certaines circonstances, une apparence scalariforme qui rap- pelle de très près la coupe d’un épithélium. Complétant Pillu- sion, quelques granules semés çà et 1à donnent l'impression de noyaux cellulaires. Cette zone correspond par sa position à l’épithélium sous-cuticulaire décrit par quelques auteurs chez divers Nématodes, mais, dans le cas particulier des . Ascaris, je crois ne pas devoir croire à son existence. Sur des coupes obliques par rapport à l’axe longitudinal de l'animal, les petits traits correspondant aux pseudo-cloisons cellulaires sont, en effet, plus espacés ; cet écartement tient, comme on le verra tout à l'heure, à un fait purement géo- métrique. Dans les sections longitudinales, la striation a presque entièrement disparu et, seules, persistent deux lignes parallèles à l’axe antéro-postérieur de l’Ascaris, cor- respondant aux limite supérieure et inférieure du prétendu épithélium. J'ai eu l'explication très simple de cet aspect par l'examen attentif de dissections pratiquées sur des Ascaris préalablement imprégnés au chlorure d’or. Ces dissections ont mis en évidence des fibres longitudinales, serrées, adhé- rant à la cuticule. Ce sont probablement les sections de ces COUCHE SOUS-CUTICULAIRE DES ASCARIDES. 309 fibres qui, sur les coupes transversales, donnent l’impression de cloisons intercellulaires et les petits corps simulant ïes noyaux ne sont autre chose que des disques délachés de quelques-unes de ces fibres et appartenant à la coupe précé- demment séparée. Il est bon d'ajouter que la présence de stries sur les coupes transversales ne paraît pas constante et que, parfois, la zone scalariforme paraît se dédoubler, for- mant ainsi deux couches concentriques entre lesquelles apparaît, sur les coupes, un espace vide très apparent. Je dois placer ici la description de certains éléments que j'ai déjà signalés comme particulièrement distincts dans la région céphalique. Ce sont de très petits corps globuleux, plongés dans la couche granuleuse. Ils émettent d’une part, dans l'épaisseur de la cuticule, une lame mince que l’on analyse aisément sous le microscope, en faisant varier la vis micrométrique. Cette lame est mince, aplatie, elle a la forme d’un fuseau ou d’un losange allongé dont la grande diagonale est parallèle à la surface cuticulaire, la petite étant perpendiculaire à ce même plan. Ces lames ne traver- sent point toute l'épaisseur de la culicule, et j'insiste sur ce fait qu’elles n’atteignent jamais la surface externe. Ces mêmes éléments émettent, du côté opposé à la lame intra- cuticulaire, un petit nombre de prolongements qui se perdent dans l'épaisseur de la couche granuleuse, mêlés aux filaments nombreux qui constituent celle-ci. Le chlorure d’or, agissant sur ces éléments, ne colore point d'une façon uniforme les diverses parties qui les constituent : la lame intra-cuticulaire conserve une teinte assez claire se rapprochant de celle de la cuticule; cette coloration tient probablement à la nature même de la lame. Les prolongements opposés à cette lame prennent, au contraire, une teinte sombre qui se dégrade à mesure que l’on se rapproche du globule central. On dis- tingue, enfin, à l’intérieur de ce dernier, une lache sombre qui constitue peut-être le noyau de cet élément. Lorsqu'on examine, au microscope, la face interne d’une portion de cuticule prise dans la région céphalique d’un 194 LEON JAMMES. Ascaris, on voit ces corps disposés régulièrement le long des lignes correspondant aux anneaux externes de la cuti- cule. On a l'impression d’un champ couvert de sillons paral- lèles, sur lesquels sont placés des corps volumineux à leur base, coiffés de prolongements qui rappellent les branches d’un végétal et plongeant dans la cuticule une racine aplatie qui développe sa plus grande longueur dans le sens des stries cuticulaires. Il paraîtrait assez naturel de considérer ces éléments comme les générateurs de la cuticule ; leur position engage même à les considérer comme liés à son annulation. Il ne m'est point permis, toutefois, d’être encore irop aîffirmalif sur celte question, j'espère la traiter ulté- rieurement d’une façon plus complète. Certains auteurs ont décrit, dans la même région, chez divers Nématodes, des corps qu’ils ont considérés tantôt comme des organes de sécrétion, tantôt comme des organes de respiration; c'est ainsi, par exemple, que M. le professeur Marion (9) donne de certaines cellules qu'il a rencontrées chez le Thoracos- ioma Zolæ la description suivante: « Ces vésicules ont une forme toute particulière: elles se composent d’un corps irré- gulièrement ovoïde et d’un canal très court, engagé dans les téguments et venant s'ouvrir à l'extérieur au milieu de la cuticule: cette disposition reproduit assez bien l'aspect d’une bouteille à court goulot. Les parois du corps de ces vésicules sont épaisses et l’on aperçoit, dans le sens de leur grand axe, une ligne vers laquelle convergent d’autres stries latérales obliques, comme si cette poche élait puissamment musculeuse. Ces vésicules seraient-elles les organes excré- teurs des cellules nucléolées jaunâtres qui les entourent ? ou bien n’ont-elles avec ces dernières aucune relalion directe? » — Villot a décrit des organes analogues chez les Gordidés. — De semblables éléments ont été signalés chez les Ascaris et c’est pour cette raison que j'ai insisté tout à l'heure sur un caractère important des éléments que J'ai décrits et con- sistant en ce fait que la portion intra-cuticulaire ne commu- nique pas avec l'extérieur, qu’elle ne l’atteint jamais, au COUCHE SOUS-CUTICULAIRE DES ASCARIDES. 480 moins à l’état adulte, et que, par cela même, il n'existe point un pore pour la meltre en relation avec le dehors. De leur côté, la forme et la nature des diverticules plongés dans la substance granuleuse ne plaident point en faveur d’une nature excrétrice des éléments auxquels ils apparliennent. Pour toutes ces raisons je suis amené à considérer ces élé- ments comme des corps cellulaires, en rapport intime d’une part avec la cuticule, de l’autre avec la substance granu- leuse ; de nature probablement épithéliale et jouant sans doute un rôle important dans la production de la cuticule. Un mot sur les rapports de la couche granuleuse avec le système musculaire. — Leuckart admet pour quelques Né- matodes l'existence d’une couche épithéliale située tout contre les cellules musculaires; dans mon étude du groupe des Ascaris je n'ai jamais pu constater l'existence de cet épithélium. La couche granuleuse m'a loujours paru être immédiatement en contact avec la couche musculaire. J’a- jouterai, enfin, que l’on aperçoit, quelquefois, de fines rami- fications paraissant provenir de la couche granuleuse et pénétrant à l’intérieur des cellules musculaires. Elles ont été déjà décrites chez les Ascaris Mégalocéphale et Lumbricoïdes par Joseph (7) en 1882. IDENTITÉ DE STRUCTURE DE LA COUCHE GRANULEUSE DES GANGLIONS NERVEUX ET DE L'ANNEAU ŒSOPHAGIEN. Dans son important travail sur les « parasites de l’homme ». Leuckart (8) a donné un dessin schématique du système nerveux central des Ascaris. On obtient la reproduc- tion de ce schéma en découpant, sur un animal préalable- ment étalé, l'anneau œsophagien et les quatre zones, latéra- les, médio-dorsale et ventrale. Cette opéralion supprime toute communication des bandes nerveuses au-dessous des champs musculaires. Or la première impression qui se dégage de mon étude comparée du système nerveux et du tissu de la couche gra- nuleuse des Ascaris est une impression de continuité. Il 336 , LEON JAMMES. semble impossible de tracer une ligne de démarcation entre ces deux substances, je crois même reconnaître entre elles de grandes ressemblances. L’anneau œsophagien, les amas ganglionnaires et la masse granuleuse, sont également cons- titués par un lacis de fibrilles contenant des cellules et des granulalions. Cette similitude apparaît d’une façon très nette sur les coupes décrites dans les pages qui précèdent. Toutefois l'existence de ces caractères communs n’impli- que point l'identité des tissus en présence. L’anneau œso- phagien et les amas ganglionnaires d’une part, le tissu gra- nuleux de l’autre, ont peut-être des fonctions physiologiques bien différentes ; s’il en est ainsi, leurs cellules respectives doivent présenter des caractères morphologiques et chi- miques distincts. Les seules variations observées sont des variations mor- phologiques de la plus minime importance ; elles portent sur l’aspect changeant du corps des cellules, toutes polyé- driques d’ailleurs et munies de prolongements. Ces diffé- rences de forme tiennent certainement à la position diffé- rente des cellules dans la couche granuleuse. Il n’est point facile, en raison des conditions multiples dont il faut tenir compte, d'appliquer une théorie mathématique à cette struc- ture; cependant si l’on considère la coupe transversale d’un Ascaris limitée extérieurement par une paroi flexible et très peu extensible (cuticuie), doublée intérieurement d’une couche flexible et extensible (couche granuleuse), d’épais- seur uniforme et ne présentant pas les épaississements des zones dorsale, ventrale et latérales ; si l’on réduit toutes les tractions exercées dans le plan de la section, sur la couche granuleuse, à un petit nombre correspondant aux résultantes de toutes les autres, on voit que la couche granuleuse doit prendre l'aspect indiqué sur la figure 6 (Planche IX). Les portions de la couche granuleuse placées dans les champs latéraux et les zones médio-dorsale et ventrale, sol- licitées par des forces obliques dont la résultante est dirigée vers le centre de l'animal, prennent une épaisseur plus COUCHE SOUS-CUTICULAIRE DES ASCARIDES. 331 grande que dans les régions placées au-dessous des champs musculaires. La résultante qui tend à éloigner la substance granuleuse de la cuticule agit naturellement sur les éléments cellulaires qu’elle contient et, par suite, ces derniers devront prendre des formes différentes de celles qu'affectent les cel- lules placées au-dessous des champs musculaires. Celte es- quisse {rès incomplète montre qu'en admettant une origine et une nature commune de tous les éléments cellulaires de la couche granuleuse, ces éléments devront pour des raisons purement mécaniques affecter des formes et des aspects dif- férents. J'aurai l’occasion de développer ces idées d’une façon beaucoup plus complète et plus précise dans le travail que je prépare sur l’anatomie et le développement des Né- matodes. D'autre part, les imprégnations au chlorure d’or révèlent les propriétés communes de toutes ces cellules : sous lin- fluence de ce réactif elles prennent, d’une manière uniforme, la teinte sombre caractéristique des éléments nerveux. Cette série de faits montre, d'une facon évidente, que le système nerveux décrit jusqu'ici chez les Ascaris est, mor- phologiquement, très peu distinct du issu constituant la masse granuleuse ; elle autorise même à admettre quil n'existe aucune différence essentielle entre ces deux sub- stances. Il est regrettable que M. Villot (16) ne se soit point attaché, plus qu'il ne l’a fait, à démontrer la nature ner- veuse du tissu qu'il a décrit sous la cuticule des Gordiidés ; je pense, contrairement à ce que dit Michel (10), que celte structure nerveuse existe et je ne puis croire avec Vejdowsky (15) qu’elle est inadmissible ; mes propres obser- vations sur les Gordudés, mes recherches plus importantes sur d’autres Nématodes et particulièrement sur les Ascaris m engagent à admetire, au contraire, que chez les Néma- todes, en général, elle est des plus probables. Pour con- server la répartilion du lUssu nerveux, telle que la décrit Leuckart (8), il faut, en effet, admettre qu'il existe, intime- ment uni à ce tissu, un deuxième tissu présentant la même ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, 22 338 LEON JAMMES. structure, les mêmes formes cellulaires, les mêmes réac- tions chimiques. Cela est peu aisé à comprendre. Il est plus uaturel de penser que ces tissus conslituent une nappe uni- forme, d'aspect cellulo-fibreux, de nature neuro-épithéhale, répandue tout autour de l’animal. CONCLUSION Les conditions biologiques dans lesquelles vivent les As- caris permettent de concevoir, chez ces animaux, la forma- tion du tissu neuro-épithélial que l'étude histologique révèle. Que l'œuf des Ascaris subisse, comme l’ont admis quelques naturalistes, les premières phases de son dévelop- pement chez un hôte intermédiaire, ou qu'il passe directe- ment chez l'animal qu'il habitera adulte, il évolue, dans les deux cas, en un milieu (cavité ie ne où toutes les sub- stances albuminoïdes, féculentes, graisseuses, sont modifiées et transformées de façon à être assimilables. La résistance aux agents de la digestion nécessite pour l'œuf la présence d'une enveloppe imperméable assez résistante pour que les toxines mortelles du milieu ambiant ne puissent Le pénétrer. Cet appareil protecteur est de nature chitineuse ; sa puis- sance est telle que l'on a pu voir l’accroissement des em- bryons se poursuivre dans l'alcool, l'acide chromique, l’es- sence de térébenthine. Protégé par cette enveloppe, l’œuf évolue et donne naissance à un embryon pourvu de trois feuillets. L’ectoderme possède au début une constitution cellulaire normale ; plus tard il devient, d’après tout ce que l’on sait du développement des Nématodes, la couche gra- nuleuse des auteurs. Ces phénomènes longtemps ignorés sont a bien connus, grâce aux observations de Hallez (5) sur quelques Ascaris, d'Osman Galeb (3) sur les Oxyures, de Bütschli (1) sur Cucullanus elegans, de Gœthe (4) sur Rhabditis nigrove- nosa, de Strubell (14) sur Heterodora Schachtii... Au boul d’un certain temps, les sucs intestinaux finissent par ra- COUCHE SOUS-CUTICULAIRE DES ASCARIDES. 339 mollir la coque de l’œuf. Le jeune sécrèle alors, pour le moment où il ne va plus être en sûreté dans sa première demeure, un nouvel appareil protecteur destiné à le rendre invulnérable. À cet effet, longtemps avant de sortir de l'œuf, il se recouvre d’une cuticule mince et anhiste ; il subit ensuite une première mue à l'intérieur de l'œuf ou même un simple accroissement. Bientôt après il prend sa liberté. La cuticule soustrait alors le jeune Ascaris à l’action dissolvante des sucs digestifs, elle répond fort bien aux be- soins provoqués par le milieu qu'il habite. Ces dernières transformations ont été observées notamment par Hallez (5\ sur les Ascaris lumbricoïde et mégalocéphale. Cette production cuticulaire, inerte, exerce une influence directe sur l'organisme qu’elle protège : elle provoque un arrêt dans l’évolution de l’ectoderme cellulaire primitif. En supprimant de très bonne heure la plupart de ses relations avec l'extérieur elle rend toute division de travail extrème- ment difficile ; les différenciations anatomiques distinguant le système nerveux du reste de l’ectoderme n'apparaissent point et cet appareil de relation par excellence reste, à l’état rudimentaire, confondu avec l’ectoderme dont il provient. C'est dans la région céphalique et autour des orifices anal et sexuel que se trouve la plus grande quantité de cel- lules ; dans les parties intermédiaires à ces régions, celles-ci dégénèrent, s’atrophient et se transforment en fibrilles. C’est dans cette régression qu’il faut chercher la cause des variations observées dans le nombre et la position des cel- lules de la couche granuleuse. Abondantes et uniformément réparties chez le jeune embryon, elles forment d’abord une couche continue. De bonne heure un grand nombre d’entre elles, jouant un rôle de protection, n’ont plus. à cause de la présence de la cuticule, aucune raison de subsister. Elles di- minuent en nombre, persistant de préférence dans les ré- gions qui correspondent à l’'ébauche du système nerveux. Elles sont plus rares chez l'adulte ; on les retrouve, surtout, 340 LEON JAMMES. dans les régions nerveuses des auteurs. Elles n’en existent pas moins dans les autres parties de la couche granuleuse, leur présence me paraît incontestablement établie. Des con- sidéralions analogues sont applicables à un grand nombre d’autres Nématodes. Si l’on s'adresse à ceux d’entre eux qui sont le plus libres, et qui par conséquent doivent posséder le système nerveux le mieux développé, on constate que cet appareil est assez variable et que très probablement les fonclions y sont peu localisées. M. le professeur Marion (9) a distingué parmi les Nématodes libres deux types de col- liers nerveux, l’un composé de plusieurs ganglions distincts réunis par des commissures, l’autre en forme d’anneau plein dépourvu d’étranglements. Ces anneaux donnent naissance à deux troncs longitudinaux qui d’après cet auleur doivent parcourir toute la longueur du corps, enfermés au milieu des muscles tégumentaires. Ces animaux possèdent des organes de vision, du tact, bien localisés et probablement même des vésicules auditives. Toutefois cet appareil nerveux semble, en dehors des points sensoriels, assez peu délimité; après avoir exposé certains phénomènes de dégénérescence assez fréquents chez les Nématodes marins et au cours desquels une partie de l’animal vit pendant que la deuxième partie est en décomposition, le même auteur s'exprime ainsi : « Il serait peut-être permis de conclure de ces observations que la vie n’est point étroitement localisée chez ces animaux, chaque point du système nerveux manifestant des actions lentes à s'exercer comme à s’éteindre. » Ces observalions de Marion font penser à une substance nerveuse uniforme, ré- pandue aulour de l'animal. Je crois avoir établi l'existence de cette substance chez les Ascaris. L'ensemble des faits qui précèdent permet de considérer, chez les Ascaris, le système nerveux décrit par les auteurs et la couche granuleuse comme formés par un seul et unique tissu ayant pour base des éléments neuro-épithéliaux. Ces derniers. sont pourvus d’un nombre variable de prolonge- ments donnant à l’ensemble un aspect fibrillaire et feutré. COUCHE SOUS-CUTICULAIRE DES ASCARIDES. 341 Les éléments neuro-épithéliaux sont inégalement répartis dans la couche granuleuse et forment par leur accumulation en divers points les ganglions nerveux des auteurs. Cette constitution analomique et histologique de la couche granuleuse paraît liée à la présence d'une épaisse euticule, et semble d'autant plus accentuée que l'adaptation au parasitisme est plus étroite. Elle n’est, en dernière analyse, qu'une manifestation nouvelle de l'influence des milieux sur les êtres vivants. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE . 1872. Bürscazr (0.), GET et Horomyanier. — Zeüitschr. für wis s. zool. 1876. Beiträge zur Kenntniss des Nervensystems der Nematoden. — Arch. für mikrosk. Anat., t. X. 4876, In, — Zur Entwickelungsgeschichte des Cucullanus elegans. — Zeïtschr. für wiss. zool., t. XX VI. . 1888. 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Marion. — Recherches anatomiques et physiologiques sur Les Nématoïides non parasites marins. — Ann. des sc. nat. . 1888. MicueL. — De l'existence d'un véritable épiderme cellulaire chez les Nématodes et spécialement chez les Gurdiens. — GC. R. Ac. des se, 349 LÉON JAMMES. (41). 1856. Meissxer. — Zur Anatomie und Physiologie der Gordiaceen. — Zeitschr. f. w. zool., t. VII. 12). 4889. Ranvier. — Trailé technique d’histologie. — Paris. (13). 1868. ScanEIDER. — Monographie der Nematoden. Berlin. 14). 1888. STRUBELL. — Untersuchungen über den Bau und die Entwickelung des Rübennematoden Heterodera Schachtii. — In Biblioth. Z. (15). 1888. VerDowsxy. — Studien über Gordiiden. — In Zeit. W. Z. (16). 1874. Vizcor. — Monographie des Dragonneaux. — Arch. de zool. exp. 1880. In. — Sur l'organisation et le développement des Gordiens. — C.R. Ac. des sc. 1881. In. — Nouvelles recherches sur l’organisation et le développement des Gordiens. — Ann. sc. nat., t. XI. 4887. In. — Trois notes sur le développement, l'anatomie, la déterminatior. et la révision des Gordiens. — Ann. sc. nat. 1888. In. — Encore un mot sur le développement et la détermination spécifique des Gordiens adultes. — In zool. Anzeig. (17). 1888. Vocr et Yunc. — Trailé d'anatomie comparée. — Paris. EXPLICATION DE LA PLANCHE IX Fig. 1. — Coupe pratiquée sur un Ascaris mégalocéphale. La section passe un peu en arrière de l’anneau œsophaÿien. On a représenté une des bandes seulement qui relient l'anneau à la couche granuleuse. €, m, æ, cellules musculaires de l’œsophage; m, m, m, coupe transversale de trois cellules musculaires périphériques; c g, couche granuleuse; 6, cuticule. Fig. 2. — Coupe de la-couche granuleuse intéressant la ligne médio-dorsale pratiquée sur un À. suilla. Cette préparation contient un nombre relative- ment considérable de cellules bien nettes. m, c g, ce, même signification que précédemment; b d, bourrelet interne dorsal. Fig. 3. — Trois coupes en série provenant d’un A. suilla, montrant des files cellulaires au sein de la couche granuleuse. Le fragment préparé a été détaché de la région moyenne du corps. m, c g, ce, mêmes désignations. Fig. 4. — Diverses cellules isolées choisies en divers points du système nerveux œsophagien et de la couche granuleuse. : Fig. 5. — Aspect des éléments implantés dans la cuticule de la région antérieure du corps. La face supérieure du dessin correspond à la surface de contact de la culicule avec la couche granuleuse. Fig. 6. — Dessin montrant, d’un facon schématique, les insertions, sur deux points différents de la couche granuleuse, des fibres musculaires et leur action sur les champs latéraux et les lignes médio-dorsale et ventrale. ANALYSE D'UN MÉMOIRE INTITULÉ DU DÉGUISEMENT DES DÉCAPODES OXYRIYNOUE À L'AIDE D'ADAPTATIONS SINGULIÈRES DU CORPS Par Carl W. S. AURIVILLIUS (1). Les observations qui ont donné lieu au mémoire dont est présentée ici l’analyse ont été faites à la station maritime de l’Académie royale des Sciences de Suède à Kristineberg pen- dant jes étés de l’année 1880 et des années suivantes: l’at- tention de l’auteur fut attirée sur ce sujel par les habitudes de deux espèces très communes sur les côtes scandinaves, les Æyas araneus et Hyas coarctatus (Leach) dont la face dorsale est le plus souvent presque entièrement cachée par les organismes étrangers. L'auteur étendit ensuite ses re- cherches aux autres Oxyrhynques scandinaves (Stenorhyn- chus rostratus (L.), Inachus dorsettensis (Penn.) et Z.'dorhyn- chus (Leach), Eurynome aspera (Penn) et fenuicornis (Malm). Les organismes constituant le revêtement des Crabes sont {ous sédentaires, ce sont des Algues de l’ordre des Floridés, des Éponges, des Hydroïdes, des Annélides tubicoles, des Bryozoaires, des Balanes ou des Ascidies. Ils vivent tous (4) Die Maskirung der Oxyrrhynchen Decapoden durch besondere An- passungen ihres Kürperbaues vermittelt. Eine biologisch-morphologische Studie. Mit 5 Tafeln. Kgl. Svenska Vetenskaps Akademiens Handlingar. Band XXII, n° 4. Stockholm, 1889. 344 WW. S. AURIVILELEUS. dans une profondeur exactement correspondante à celle où se trouvent les Crabes. | La première question à résoudre était celle-ci: « Le Crabe est-ul actif ou passif relativement à son revêtement d'orga- nismes élrangers ? Pour se renseigner à cet égard, quelques exemplaires de Hyas, préalablement nettoyés de leur revête- ment étranger, furent mis en observation dans un aquarium dont le fond était couvert d’une foule d’Éponges (Amorphina panicea, Pallas). Aussitôt ces Crabes, contrairement à leur habitude de lenteur accoulumée, parurent très agités, cou- rant d’un côté à l’autre de l’aquarium, puis bientôt à l’aide de leurs pinces ils arrachèrent de petits fragments d'Éponges qu’ils approchèrent des pattes-mâchoires et finalement pla- cèrent sur la face dorsale du céphalo-thorax ou des pattes ambulatoires, en les y frottant avec un mouvement râpant. Quelquefois, après quelques vains efforts, le Crabe trans- porte de nouveau le morceau à ses pattes-mâchoires, et réitère seulement ensuite ses tentatives pour l’attacher. L'animal répète ces manœuvres jusqu'à ce que l’Éponge reste fixe et à demeure au point où il a voulu la placer. C'est en continuant à agir de la même facon et au moyen du même procédé, que l’Hvas parvient à changer complète- ment son apparence et à se confondre avec les objets qui l’environnent. [l va sans dire que si le fond de l'aquarium est couvert de Floridés, de Bryozoaires ou d'Hydroïdes, il procède de même. On le voit par ces expériences, le Crabe est donc bien actif relativement au revêtement formé d’or- ganismes étrangers qui recouvrent son corps. Et c’est donc à bon droit que l'acte par lequel il change à la fois sa forme et sa couleur peut porter ce nom de Déguisement. Les Annélides tubicoles et les Balanes qu'on rencontre souvent en des points que les pinces du Crabe n'atleignent pas, et qui existent chez beaucoup d’autres Décapodes que les Oxyrhynques, ont une tout autre origine, et proviennent de la fixation fortuite de larves de ces animaux sur la cara- pace du Crabe, comme onles trouve fixées aux écailles de Mol- DU DÉGUISEMENT DES DÉCAPODES OXYRHYNQUES. 345 lusques ou sur tous les objets durs du fond de la mer. Pour les Ascidies composées les expériences prouvent pour elles une double origine : d’une part certames pro- viennent d’une colonisation spontanée, d'autre part d’autres colonies sont fixées par le Crabe même. Il arrive d’ailleurs quelquefois aux Oxyrhynques, surtout chez les Crabes qui se sont déjà déguisés sur tous les points que leurs pinces peuvent atteindre, de compléter leur revê- tement en dehors de ces limites par la croissance des colo- nies primitives dont ils sont revêtus ou par la formation de colonies nouvelles. | Une seconde question consistait à savoir à quel point le déguisement d’un Oxyrhynque est en rapport avec les oh- jets qui l'entourent. En laissant quelques Crabes, déjà déguisés par un revête- ment de Floridés, dans un aquarium dont le fond était couvert d'Éponges, ces Crabes ne tardèrent pas à changer leur revêtement de Floridés contre un revêlement d'É- ponges. D'une série d'expériences faites en ce sens, il résulte que le Crabe S’accommode toujours quant au déguisement aux objets qui l'environnent. Quand cependant le fond est couvert de diverses sortes d'organismes, on peut constater qu'il s’a- dresse toujours à ceux dont 1lest déjà primitivement revêtu. Une étude minutieuse des Oxyrhynques scandinaves permet de voir que la faculté qu'ils possèdent de se déguiser est une conséquence de certaines adaptations singulières, à savoir : 1° La présence de crochets de chitine en forme de hame- cons sur certaines parties des pattes ambulatoires et du cé- phalo-thorax ; barbelés de leur côté concave, ces hameçons sont très propres à retenir les objets qui y sont placés. 2° La mobilité singulière de la première paire de pattes thoraciques leur permet d’atteindre avec les pinces toules les régions du céphalo-thorax et des pattes pourvues de crochets. Si on compare ces palles aver celles d'un autre Crustacé 340 XV. S. AURIVILLIUS. brachyure, d’un Carcinus mœnas par exemple, on voit que cette extrême mobilité tient en grande partie de la forme même des articles des pattes et surtout de la forme de leurs surfaces articulaires. 3° La présence de glandes sécrétrices à la première paire de pattes-mâchoires {et peut-être aux maxilles). C’est du produit de la sécrétion de ces glandes que le Crabe enduit les morceaux d'Algues, d’Eponges, etc., qu'il attache après les poils en crochet de son corps. La présence de ces glandes explique l'habitude de ces Crabes de porter toujours à leur bouche les morceaux qu'ils veulent transplanter sur leur dos ou sur leurs pattes thora- ciques. Il est facile d’ailleurs de s'assurer que cette ma- nœuvre n'a pas pour but la nutrition du Crabe, puisque au sortir des pattes-mâchoires les morceaux d’Algues, d'É- ponges, elc., sont complètement dans le même état qu'au- paravant. Tandis qu'on ne relrouve pas ces adaptations singulières dans les autres groupes de Brachyures, Aurivillius a eu loc- casion de constater leur présence dans 59 espèces (appar- tenant à 34 genres) d'Oxyrhynques extra-scandimaves qui se trouvent actuellement dans les collections du Muséum d'histoire naturelle de l'État à Stockholm et dans celles de l'Université d'Upsal. Il semble donc qu'on puisse attribuer à tous les animaux faisant partie de ce groupe cette singulière propriété de pouvoir se déguiser à leur guise, chose d’ailleurs déjà pro- bable d’après les observations de M. le D' Sluiler sur un Cho- rinus de Batavia (1) et de MM. les D Schmidtlein et Græffe sur plusieurs Oxyrhvnques de l’Adriatique et de la Méditer- ranée. Bien qu'il existe des différences considérables dans l’ar- rangement des crochets dans les divers genres, uneremarque (1) M. Sluiter a eu la bonté de me communiquer récemment, par lettre, qu'il a observé le déguisement aussi chez d'autres oxyrhynques de la mer de Java (Aurivillius, octobre 1889). DU DÉGUISEMENT DES DÉCAPODES OXYRHYNQUES. 347 générale digne d’attirer l'attention est celle de la mobilité des pattes ambulatoires de la première paire qui toujours, comme nous l’avons fait remarquer, s'adapte très exacle- ment à la répartition des poils en crochets, de sorte que ceux-ci ne s'étendant que sur le rostre les pinces ne peuvent se mouvoir plus en arrière qu'à la base du rostre, tandis que si au contraire les pinces peuvent décrire sur le dos une certaine courbe on voit que les poils en crochets s'é- tendent sur une zone limitée également par la même courbe. Ainsi on peut conclure infailliblement de la position des crochets à la mobilité des pattes ambulatoires de la pre- mière paire el vice-versa. Les genres qui se rapprochent l'un de l’autre par d’autres caracières se rapprochent également par le degré d'adapta- lion au déguisement ; en quelques cas même l’affinité peut êlre élucidée avec certitude rien que par ce caractère. Quelle est la cause vraisemblable du déguisement des Oxy- rhynques ? Sans doule elle doit provenir de l’inertie de ces animaux, qui non seulement les expose à leurs ennemis, mais encore les empêche de chercher leur nourriture. Quant au but il semble être double | 1° D'une part le déguisement donne au Crabe une protec- lion contre ses ennemis (La manière d'agir du Crabe, très différente suivant qu'il est déguisé où non, nous en on une preuve évidente) ; 2° [ ui facilite l'acquisition de la resta par contre l'opinion soutenue par cerlains auteurs que ce revêtement servirait lui-même à la nourrilure du Crabe semble être en- lièrement fausse. | Le Crabe paraît prendre grand soin de son travestisse- ment: 11nettoie sa plantation, transplante certains morceaux, jamais il ne semble faire usage des matériaux qu'il retire ainsi de sa carapace pour s'en servir en guise denourriture, et s’il les approche quelquefois de ses pattes-mâchoires c’est pour les enduire de salive et les greffer ensuite ailleurs. 348 WW. S. AURIVILLIUS. Ainsi déguisé et grâce à la singulière mobilité de ses pinces-mâchoires l'Oxyrhynque saisit les Annélides ou les Crustacés dont il fait sa nourriture et qui trompés par son apparence s’approchent sans défiance de lui. De ce résumé, il est facile de conclure que le déguisement des Crustacés oxyrhynques est bien différent des divers cas de mimétisme qu'on observe. 1° Chez les Lophobranches et les Caprellides, où il résulte de la forme du corps. Chez les Patelles, les Chitons, les Galathea tridentata, Pandalus propinquus, Arcturus longicornis où il provient de la couleur de la coquille ou de la carapace. 2° Du mimétisme des Molgules (M. arenosa et occulta), des Ascidia conchilega, Terebella conchileqa, Sabella pavoniæ, qui ne provient que d’un apport d'objets étrangers effectué une fois pour toutes; 3° Du mimétisme des Gadus callarias, Pleuronectidæ, des Hippolyte gaimardi où la couleur du corps varie par l’en- tremise de chromoblastes ; 4° Enfin de celui des Crançgon vulgaris el des jeunes P/euro- nectes qui pendant un repos complet prennent une couver- ture fortuite qu'ils sont obligés d’äbandonner aussitôt qu'ils se meuvent. Chez les Oxyrhynques, et par suite de l’activité même de l'animal, il ya un véritable déguisement permanent prove- nant d'adaptations tout à fait singulières ; une sorte de vête- ment étranger qui non seulement change la couleur du corps, mais souvent même modifie sa forme en rapport avec les objets qui l'entourent; et ce vêtement lui-même peut d’ail- leurs être modifié, changé, au gré de l'animal, suivant le caractère du fond, ce qui, je crois, forme pour ce groupeune faculté d'adaptation unique parmi les animaux de la mer. RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES SUR L'ŒIL COMPOSÉ DES ARTHROPODES Par M. H. VIALLANES, Directeur de la Station zoologique d'Arcachon. Ï LA MORPHOLOGIE DE L ŒIL DE LA LANGOUSTE. Chacun sait que l'œil composé des Arthropodes est formé par la réunion d’un grand nombre de petits organes connus sous le nom d’yeux élémentaires ou ommatidies. À la suite des travaux de Müller (1), de Gottsche (2), de Cla- parède (3), de Leydig (4), de Weissmann (5), de Schultze (6) et surtout après la publication de l'important ouvrage de M. Grenacher (7), on était en droit de considérer l’omma- (1) Müller, Zur Physiologie der Gesichtsinnes, Leipzig, 1826. (2) Gottsche, Beîtrag zur Anatomie und Physiol. des Auges der Fliegen und Krebse (Muller’s Arch. f. Anat. u. Phys., 1852, p. 483-492). (3) Claparède, Morphologie des zusammengesetzten Auges bei der Glieder- thiere (Zeit. f. Wiss. Zool., 10 Bd., 1860). (4) Leydig, Das Auge der Gliederthiere, Tubingen, 1864. (5) Weissmann, Die nachembryonale Entwickelung der Musciden (Zeits. f. Wiss. Zool., 14 Bd., 1864). (6) Schultze, M., Untersuchungen über die zusammengeselzten Augen der Krebse und Insecten, Bonn, 1868. (7) Grenacher, Untersuchungen über das Sehorgan der Arthropoden, Gôt- tingen, 1879. J'allongerais bien inutilement cet article si je voulais citer et analyser tous les travaux ayant trait au sujet, le lecteur trouvera ces renseignements très complets dans l’ouvrage de M. Grenacher, ainsi que dans les mémoires de M. Patten et de M. Parker, cités plus loin. 390 H. VIALLANES. tidie comme un organe bien connu, si non dans tous les détails, au moins dans les traits généraux de son organisa- Lion. : En 1886, un naturaliste américain, M. W. Patten, publia sur la morphologie de l’œil des Crustacés et des Insectes le résultat de recherches qui semblaient de nature à renverser de fond en comble l'édifice élevé grâce à tant d'efforts. Les naturalistes qui avaient quelque notion des difficultés du sujet réservèrent leur opinions ; les autres séduits par lant de nouveauté acceptèrent avec empressement les con- clusions de M. Patlen qui trouvèrent place jusque dans les livres de vulgarisation. Examinons rapidement (1) quel était l'état de nos connais- sances sur Ja structure de l’ommatidie avant le travail de M. Patlen. Nous emploierons dans cet exposé la nomencla- ture de M. Grenacher, qui doit être adoptée, car ce natura- liste est le premier qui ait fait des organes visuels des Arthropodes une étude comparalive. | Pour les prédécesseurs de M. Pailen l’ommatidie se com- pose de deux parties anatomiquement et physiologiquement distinctes ; la première est un appareil dioptrique, formé par un ensemble de milieux réfringents; la seconde est un appa- reil sensitif, c’est-à-dire chargé de transformer les vibrations lumineuses en vibrations nerveuses. L'appareil dioptrique est formé par les parties suivantes qui sont en allant de dehors en dedans : la cornéule, les cel- lules cristalliniennes, le cône cristalloïde. La cornéule est une membrane chitineuse transparente, plus ou moins convexe en dehors. CHU Les cellules cristalliniennes, au nombre de quatre, sont sous-jacentes à la cornéule, elles sont disposées en croix, c'est-à-dire se touchant suivant l’axe de l’ommatidie. Le cône cristalloïde, d'aspect très réfringent, a la forme (4) Pour raccourcir cét exposé nous prendrons pour type les Crustacés Décapodes, sans nous occuper des modifications que présente l’ommatidie dans les autres groupes zoologiques. ŒIL DES ARTHROPODES. 391 d’un cylindre terminé en pointe à son extrémité interne. Il est constitué par quatre segments accolés suivant l'axe. Chacun de ceux-ci se trouve en dehors en contact immédiat avec la cellule cristallinienne correspondante. L'appareil sensilif ou rétinule a la forme d’une colonne, en contact par son extrémité distale avec la pointe eftilée du cône; par son extrémité proximale s'appuyant sur la mem- brane basale. La rétinule comprend comme parties princi- pales : 1° le rhabdome ; 2° les cellules réliniennes. Le rhabdome est un corps fusiforme, d'aspect réfringent ; il est formé par sept segments ou rhabdomèéres, soudés sui- vant l’axe de l’ommatidie. La surface libre de chaque rhabdomère est revêtue par une cellule allongée, dont le protoplasma est chargé de pigment, et qu'on désigne sous le nom de ce/lule rétinienne. Ajoutons pour terminer que la rétinule et une portion plus ou moins élendue du cône sont extérieurement revêlues par des cellules pigmentaires. Nous venons de rappeler dans ses traits généraux la struc- ture de l’ommalidie d'un cruslacé supérieur, telle du moins qu'on la décrivait avant M. Patten. Disons de plus qu'on s'accordait d'après Les données de M. Grenacher à considérer la cornéule comme une production de la face externe des cellules cristalliniennes et le cône cristalloïde comme une sécrétion de la face interne de ces mêmes cellules; quant aux rhabdomères on regardait chacun d’eux comme le pro- duit d’une différenciation du protoplasma de la cellule réti- nienne correspondante. En 1886, fut publié le volumineux travail de M. Patten (1) sur l’œil des Mollusques et des Arthropodes. Voici succinc- tement résumés les résultats que lui fournirent l’étude des Insectes (Mantis) et des Crustacés (Penæus, Galathea, Pale- mon, Paqurus) : La cornéule est sécrétée non point, comme le veut Gre- (i) William Patten, Eyes of Molluscs and Arthropods (Mitth. aus 96 Zool. Station zu Neapel, t. VI, 1886. 02 H. VIALLANES. nacher, par les quatre cellules cristalliniennes; mais bien par deux cellules particulières minces et aplaties qui correspon- dent à l'hypoderme. M. W. Patten désigne sous le nom de cellules cornéagènes ces éléments qui avaient échappé aux précédents invesligateurs. Au-dessous on trouve un groupe de quatre cellules {rès allongées accolées les unes aux autres suivant l'axe. Elles sont en contact par leur extrémité distale avec les cellules cornéagènes el par leur extrémité proximale avec la mem- brane basale. Ces éléments auxquels M. W. Patten donne le nom de 'élinophores ont pris en raison de leur fonction une forme particulière, ils sont renflés à leur extrémité externe et amincis à leur partie moyenne et à leur base. Leur portion basilaire allongée et étroite correspond au rhab- dome de M. Grenacher, tandis que leur extrémité renflée n'est autre chose que le cône cristallinien de ce même au- teur. La colonne formée par le groupement des rétinophores est enveloppée par un certain nombre de cellules pigmen- tées ; celles qui recouvrent la partie basilaire de cette colonne répondent aux cellules rétiniennes de M. Grenacher, mais n'ont point la signification morphologique particulière que ce dernier leur avait attribuée. Les naturalistes qui ont précédé M. Patten, arrêtés sans doute par les difficultés techniques, ne nous fournissaient aucun renseignement sur le mode de terminaison des nerfs dans l’ommatidie; le naturaliste américain s’est efforcé de combler celle importante lacune. D'après lui, les quatre rédi- nophores seraient groupées de manière à ménager entre elles un canal axial. Ce dernier serait parcouru par des fibres ner- veuses qui se termineraient par un système de fibrilles déve- loppées dans le rhabdome et dans la substance même de l’an- cien cône cristalloïde. Celui-c1 ne serait donc plus un organe de réfraction, analogue au cristallin des vertébrés, mais un organe récepteur sensible à la lumière. M'étant moi-même occupé de l'étude de l'œil des Arthro- ŒIL.DES ARTHROPODES. 303 podes (1), le travail de M. Patten ne pouvait me laisser indifférent. La nouveauté des conclusions m'’étonna d’au- tant plus que ce naturaliste avait employé des procédés de fixation et de teinture ne différant par rien d’essen- tel de ceux dont l'usage est courant. Dès que les circons- tances me le permirent, je repris l'étude du sujet, m’adres- sant particulièrement à la Langouste dont l'étude est plus facile. Par le seul emploi des procédés usuels connus, je ne tardai pas à constater ce fait important : que le cône cristal- loïde n'est point comme le prétend M. Patten en continuité de substance avec le rhabdome, mais se termine au con- traire par quatre filaments qui vont s'attacher directement à la membrane basale. | Cetle simple constatation suffisait à ruiner la théorie des rétinophores pour nous ramener à l’ancienne doctrine. Voulant alors contrôler les recherches de M. Patten sur les terminaisons nerveuses dans l’ommatidie, je suivis scrupuleusement la technique indiquée par ce savant, mais sans jamais obtenir de préparations où les filets nerveux fussent assez différenciés des parties voisines pour rendre impossible toute confusion. Je cherchai alors et fus assez heureux pour découvrir une méthode permettant d'obtenir des préparalions absolument démonstratives ; leur étude me prouva que M. Patten s'était également mépris sur le mode de terminaison des nerfs dans l’ommalidie. En mai 1891 je communiquai à l’Académie des Sciences de Paris (2) le résultat de ces recherches. Peu après. M. Parker m'envoya son important travail sur l’histologie de l'œil du homard (3) paru en 1890 et dont je n'avais pas eu connaissance. Sur plusieurs points M. Parker m'a de- (1) H. Viallanes, Recherches sur l’histologie des Insectes et sur les phénoménes histologiques qui accompagnent le développement post-embryonnaire de ces am- maux (Ann. sc. nat. zool., 6° série, t. XIV). (2) H. Viallanes, Sur la structure de l'œil composé chez les Crustacés Macroures (Comptes rendus Acad. sc., Paris, 4 mai 1891). (3) Parker, The histology and developpement of the eye in the Lodster. (Bull. Mus. comp. Zool., vol. XX, n° 1, mai 1890.) ANN. SC. NAT. ZOOL. xuI, 23 394 H. VIALLANES. vancé; avant moi 1l a reconnu que le cône cristalloïde va s'attacher à la membrane basale; de plus 1la montré que les nerfs ne se terminent point dans le cône comme le pré- tend M. Patten, mais bien dans le rhabdome. Plus récemment M. Parker {1) a publié un nouveau tra- vail sur l’œil des Crustacés considéré dans l’ensemble du groupe. Ce mémoire important surtout au point de vue comparalif, contribue lui aussi à réduire à néant les théories de M. Palten. Si à mon tour je fais connaître mes propres observations, c'est que J'ai pu, armé de méthodes plus parfaites découvrir un certain nombre de faits importants qui avaient échappé à M. Parker. | Je ne puis terminer cet aperçu historique sans faire remarquer que M. Paiten (2), en présence des observations de M. Parker a été le premier à reconnaître que la théorie des rétinophores était insoutenable. [Il en propose une autre qui bien qu’ingénieuse ne semble guère plus viable que son aînée ; Je crois donc inutile de la reproduire ici. PROCÉDÉS D'ÉTUDE. Au point de vue des recherches qui font l’objet de ce travail, les dilacérations fournissent des renseignements très insuffisants ; elles peuvent être employées comme pro- cédé de contrôle, mais les coupes seules permettent d’ac- quérir une notion exacte de la structure de l’ommatidie. Fixation. — La fixation de l'œil des Crustacés n'ofire aucune difficulté spéciale; l'alcool absolu donne à lui seul des résultats très satisfaisants, toutefois je lui préfère une solution aqueuse de sublimé, additionnée d’acide acéti- que (eau distillée 100; bichlorure de mercure 5, acide acéti- (4) Parker, The compound eyes in Crustaceans. (Bull. Mus. comp. Zool., vol. XXI, n° 2, may, 1891.) (2) Patten, Is the Ommatidium a Haïr-Bearing sense Bud? (Anat. Anzeig., Jahrg. V, n° 13, july 1890.) ŒIL DES ARTHROPODES. 3959 que 5). La pièce après avoir macéré quelques heures dans ce liquide est plongée dans l'alcool à 70°, où on doit la laisser au moins trois ou quatre heures avant de procéder aux opérations subséquentes. Les yeux fixés comme nous venons de l'indiquer doivent êtres étudiés, les uns encore pourvus de leur pigment, les autres débarrassés de celui-ci : Dépigmentation. — Une dépigmentation parfaite est la plus grande difficulté que présente l'étude de l’œil des Arthropo- des ; tous les décolorants connus étant susceptibles d’altérer les tissus s'ils agissent trop longtemps ou à dose trop massive. J'ai essayé toutes les méthodes indiquées par les auteurs sans en trouver de satisfaisantes. Les unes étaient im- propres à détruire le pigment particulièrement résistant des cellules rétiniennes, les autres, trop énergiques, n’enlevaient ce pigment qu’au préjudice de la bonne conservation des tissus. Je me suis arrêté au procédé suivant qui n'offre point ces inconvénients. On prépare une éprouvette fermée par un bouchon de caouichouc, lequel est traversé par un tube à boule, deux fois recourbé et garni de mercure pour faire soupape. Au fond de ce vase on dépose des cris- taux de chloralte de potasse et quelques gouttes d'acide chlorhydrique, mélange qui dégage d’abondantes vapeurs de chlore, on plonge alors dans l’éprouvette un tube à essai à moitié rempli d’un mélange par parties égales d'alcool absolu, de glycérine et d’eau (1); puis on ferme avec le bou- chon. Le chlore se dissout peu à peu dans le mélange gly- cériné et agit sur le pigment qui en quelques heures disparait complètement, sans que les Lissus aient en rien souffert. La dépigmentation terminée, la pièce est plongée dans de l’al- cool à 90° qu’on renouvelle souvent afin d'éliminer les der- nières traces de chlore. (1) Si au lieu du mélange indiqué, on emploie l’alcoul seul, il se forr e un corps détonnant qui fera voler l’éprouvette en éclats; j’en ai fait l'ex] é- rience à mes dépens. 356 IH, VIALLANES. Coloration. — Les pièces qu'on destine à être examinées sans être débarrassées du pigment seront avantageusement colorées par le picrocarminate de Ranvier, elles seront en- suite déshydratées, infiltrées de paraîftine, puis débitées en coupes suivant les méthodes ordinaires. Mais les prépara- tions ainsi obtenues ne permettent pas d'aller au delà des faits déjà connus. Pour étudier le mode de terminaison des nerfs dans l’ommatidie, 1l faut avoir recours à la méthode suivante que jai découverte après bien des tentatives infructueuses, et qui consiste à former au sein des éléments nerveux une laque cuivreuse d'hématoxyline. Voici comment il faut procéder : Au sortir de l'alcool, la pièce dépigmentée est plongée pendant douze heures dans une solution de sulfate de cuivre (eau distillée 100; sulfate de cuivre pur (1) destinée à la mordancer. Elle est ensuite lavée pendant cinq ou six heures. dans l’eau distillée fréquemment renouvelée; puis immergée dans la teinture suivante qu’on doil préparer seulement au moment de s’en servir : eau parfaitement distillée 75 centi- mèires cubes ; alcool absolu 25 centimètres cubes; hémato- xyline cristallisée 05°,25. Après douze heures d'immersion, on relire la pièce en évitant l'emploi de tout instrument mé- tallique, pour la plonger directement dans une solution de sulfate de cuivre au centième (eau 100, sulfate de cuivre pur 1); après douze heures elle à acquis sa teinte défini- tive. On la lave alors très soigneusement pendant plusieurs heures pour éliminer complètement le sel de cuivre, puis on la déshydrate en employant des bains d'alcool de plus en plus forts et toujours parfaitement neutres. La pièce est ensuite imbibée de chloroforme (1), puis infiltrée de paraffine. Les coupes fixées sur la lame à l’aide de l’eau albumineuse sont montées dans du baume de Canada desséché dissous par le chloroforme ; les autres vernis que j'ai essayés (1) Les huiles essentielles doivent être évitées, elles altèrent la couleur. ŒIL DES ARTHROPODES. 391 étant moins favorables à la conservation de la couleur. Les tissus traités par cette méthode ont une superbe cou- leur bleu de Prusse foncé, cette teinte porte presque exclusi- vement sur les cylindraxes, le protoplasma et les noyaux des cellules nerveuses ; tandis que le tissu conjonctif prend une teinte si légère qu’on peut à peine reconnaître ses noyaux. Malheureusement les préparations ainsi obtenues sont peu durables ; même en les conservant à l'obscurité, après quel- ques mois leur couleur commence à pâlir, puis peu à peu finit par s’effacer. OBSERVATIONS PERSONNELLES. À l’aide d’un rasoir fendons en deux, selon son méridien un œil de langouste enlevé à l'animal vivant; examinons la surface de section à l’aide d’une loupe mais en évitant l’em- ploi de tout liquide additionnel. L’œil composé est limité en dehors par une membrane chitineuse, épaisse, transparente, qui se continue avec le tésument du pédoncule oculifère, c’est la cornée à facettes que tout le monde connaît. En dedans l’œil est limité par une membrane résistante fortement pigmentée qu'on désigne, à Lort peut-être, sous le nom de basale. L'espace compris entre ces deux membranes se montre formé de trois zones bien tranchées et faciles à distinguer à l'œil nu. La première sous-jacente à la cornée est chargée d’un pigment noir mat qui lui donne une apparence abso- lument opaque. Si nous dilacérons un fragment de la subs- tance de cette zone, nous reconnaissons au sein du pigment, des corps cylindriques d'aspect homogène et extrêmement réfringents ; chacun de ceux-ci est un cristallin, ou si l’on veut, la porlion cristalline d’un cône. La deuxième zone de beaucoup la plus épaisse est formée par une humeur visqueuse, parfaitement {ransparente, plus 398 H. VIALLANES. réfringente que l’eau, mais moins réfringente que les cris- tallins et rappelant par ses propriétés physiques le corps vitré des vertébrés. Cette humeur examinée au sortir de l'œil encore vivant, semble parfaitement homogène, même avec un fort grossissement; mais dès que les altérations cadavériques commencent à se manifester, elle se montre formée par des filaments plongés au sein d’une subs- tance amorphe. Nous le verrons plus loin, chacun de ces derniers appartient à un cône et sera décrit sous le nom de partie vitrée du cône. Si sur l’animal vivant ces filaments ne sont pas visibles, c’est que leur indice de réfraction est égal à celui de la substance qui les enveloppe. Au point de vue physiologique nous devrons donc considérer la deuxième zone de l'œil comme un milieu parfaitement homogène. La troisième zone se distingue par son aspect opaque d’un blanc crayeux; cette teinte est due à un phénomène de dif- fraction, là en effet existent un grand nombre de cellules pigmentées qui vues à la lumière transmise sont noires, tandis qu’à la lumière réfléchie elles sont d’un beau blanc nacré. En dilacérant sous le microscope la substance de la troisième zone on y découvre des corps fusiformes naturel- lement colorés en rose, ce sont les: rhabdomes. Cette teinte qui sous l'influence de la lumière s’efface au bout de quel- ques minutes, est due à une substance colorante analogue à l’érytropsine du bâtonnet optique des vertébrés. Maintenant que nous connaissons de l’œil composé, ce que peut nous apprendre un examen rapide des tissus frais, étudions sur des coupes préparées comme je l'ai indiqué plus haut chacune des parties constituantes de lomma- tidie. Cornéule. — Elle a un contour quadrilatère, sa surface externe est à peine bombée; en la teignant par le picrocar- minate on reconnaît qu'elle se compose de deux couches dont l’externe est plus fortement colorable (pl. X, fig. 14, c). Cellules cornéagènes. — Au-dessous de chaque cornéule on trouve deux cellules cornéagènes (fig. 1a, cc); celles-ci se ŒIL DES ARTHROPODES. 399 touchent suivant une ligne diagonale réunissant deux angles opposés du contour de la cornéule, lequel est carré comme nous l'avons dit plus haut. Les cellules cornéagènes sont extrêmement amincies vers le centre de la cornéule; ajou- tons que chacune d'elles est pourvue d’un noyau ova- laire. | Cellules crisiallinennes. — Elles sont au nombre de quatre, toutes situées sur un même plan et disposées en croix au- dessous des cellules cornéagènes. Dans leur partie axiale elles sont plus épaisses qu’à la périphérie et s’enfoncent ainsi comme un coin entre les deux cellules cornéa- gènes (fig. 1°, cer). Leur protoplasma se colore assez intensi- vement par le carmin, chacune d'elles est pourvue d’un noyau arrondi. N'oublions pas de remarquer que chez l'animal vivant les cellules cornéagènes, comme aussi les cellules rétiniennes, sont parfaitement transparentes et que leur noyau est invi- sible. Au point de vue physiologique ces éléments doivent donc être considérés comme un milieu parfaitement trans- lucide. Cône. — Dans le cône on peut reconnaître trois régions nettement limitées, et jouant chacune un rôle physiologique particulier. Ce sont en allant de dehors en dedans : 1° la par- tie cristalline ; 2° la partie vitrée ou calice; 3° la partie ter- minale. Partie cristalline du cône (pl. X, fig. 1°, cr). — Pour plus de simplicité et pour rappeler son rôle physiologique, nous désignerons cette partie sous le nom de cristallin. Cet or- gane a la forme d’un prisme losangique ; son extrémité distale immédiatement appliquée contre la face profonde des cellules cristalliniennes est plane, son extrémité proxi- male est arrondie en demi-sphère. La subslance du cris- {allin est solide et possède un indice de réfraction très élevé ; observée à l’état frais elle semble tout à fait homogène. Mais si nous étudions le cristallin sur des coupes transversales après fixation et coloration, nous reconnaissons qu’il est for- 300 H. VIALLANES. mé par quatre segments accolés comme l'indique la figure 2, deux de ceux-ci opposés l’un à l’autre sont plus volu- mineux. À ce niveau l’ommatidie manifeste donc une symé- trie déjà nettement bilatérale; ce caractère s'accentuera encore bien davantage lorsque nous approcherons de la basale. Chacun des segments du cône répond à une des cellules cristalliniennes et semble sécrété par elle. Malgré son homogénéité optique le cristallin se colore inégalement par les tentures; sa partie distale fixe énergi- quement le picrocarminate, sa partie moyenne se colore un peu moins et sa partie proximale est encore plus légèrement teintée. Il est bien rare que le rasoir passe exactement par l’axe d’une ommatidie; cette circonstance explique l’apparente irrégularité de l'extrémité proximale du cristallin examiné sur des coupes longitudinales (pl. X, fig. 1°, cr). Partie vitrée du cône ou calice. — Examinons l’'ommatidie sur une coupe longitudinale (fig. 1°, et 1°), nous reconnais- sons que l'extrémité proximale du cristallin est reçue dans une sorte de calice (pl. X, fig. 1*et 1° v) qui se prolonge en s’amincissant jusqu’à la zone interne de l’œil composé. La substance du calice est demi-fluide, parfaitement trans- parente et homogène, mais son indice de réfraction est beaucoup moins élevé que celui du cristallin. Les calices sont séparés les uns des autres par une substance demi- fluide, ayant le même indice de réfraction ; aussi ces der- niers ne sont-ils pas visibles à l’état frais. L'ensemble formé par les calices et la substance qui les englobe constitue la zone moyenne de l'œil; celle-ci doit être considérée au point de vue physiologique comme un milieu optiquement homogène. Si nous observons les calices sur des or fixées et colorées, nous reconnaissons qu’ils se teignent plus forte- ment que la substance ambiante. Sur les coupes nous remarquons que les calices sont for- més de quatre segments accolés ; chacun de ceux-ci ré- ŒIL DES ARTHROPODES. 301 pondant à un des segments du cristallin (pl. X, fig. 1* »). Partie terminale du cône. — M. Grenacher et les auteurs qui l’ont précédé pensaient que le cône se termine au contact de la rétinule ; ce n’est point ainsi que les choses se passent. Dès qu'ils ont atteint la rétinule, les quatre segments qui constituent la partie moyenne du cône se dissocient, pour se prolonger chacun sous forme d'un filament {énu, qui s'insinuant entre les cellules réliniennes va s'attacher à la basale. Cette disposition est facile à voir sur une coupe lon- gitudinale (pl. X, fig. 1” /), on la reconnaît plus nettement encore en suivant les coupes successives pratiquées à tra- vers la rétinule (pl. X, fig. 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,13 /). En approchant de la basale, la symétrie bilatérale du cône, déjà manifeste dans sa portion cristalline, s’accentue encore davantage. Les quatre filaments se disposent comme les arêtes d'un prisme losangique fortement comprimé ; de plus, deux de ceux-ci deviennent plus grêles (pl. X, fig. 9 f). Ce sont là des détails sur lesquels nous aurons à revenir en dé- crivant la rétinule. Rétinule. — Les rétinules qui par leur ensemble consti- tuent la troisième zone de l’œil composé sont formées cha- cune par le rhabdome et par les sept cellules réliniennes qui enveloppent celui-ci. Rhabdome. — En raison de ses dimensions réduites, et surtout de son asymétrie, il est difficile d'obtenir de cet organe des coupes longitudinales propres à démontrer sa structure ; en revanche les coupes transversales sont des plus instructives (pl. X, fig. 3,4,5,6,7 rm). Le rhabdome a la forme d’un fuseau (pl. X, fig. l°rA) dont l'extrémité proximale finit brusquement, dont l’extrémité distale se termine au contraire par une pointe effilée. Les coupes (pl. X, fig. 3, 4 r.) nous montrent cetle dernière transversalement sectionnée. Le rhabdome est pourvu de sepl côtes minces et très saillantes dont le bord libre s'élargit et s'étale en deux ailettes secondaires; comme s’il était nécessaire que la surface du rhabdome soit aussi 302 H, VIALLANES. étendue que possible. Les coupes transversales (pl. X, fig. 5 et 6 r}) montrent bien cette disposition. Vers l'extrémité proximale le bord des côtes reste simple et arrondi pour se continuer directement avec un cylindre-axe (pl. X, fig. 7 rm); c’est une disposition sur laquelle j'aurai à reve- nir en décrivant le mode de terminaison des nerfs dans le rhabdome. Des considérations tirées de l’analtomie comparée me donnent lieu de penser avec M. Grenacher que le rhabdome n’est point une individualité anatomique, mais bien le résul- tat de la fusion de sept rhabdomères, répondant aux sept côtes dont nous venons de parler. Chez la Langouste J'a- voue n'avoir pu trouver de trace manifeste de cette soudure; les sept côtes et la partie axiale qui les réunit m'ont tou- jours semblé ne faire qu'un tout homogène. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, le rhabdome à l’état frais se montre coloré en rose par l’érythropsine, de plus il présente une striation transversale sur la signification de laquelle je suis loin d’être fixé. | Sur les pièces colorées par l’hématoxyline cuivreuse, le rhabdome se colore en bleu foncé exaclement comme les cylindre-axes ; cette similitude de coloration est telle qu'il est alors impossible de distinguer une limite précise entre la substance du rhabdome et celle des cylindre-axes qui s’y terminent. | | Cellules rétiniennes. — La surface libre de chaque rhab- domère est directement revêtue par le protoplasma d'une cellule rétinienne, ces dernières sont par conséquent au nombre de sept (pl. X, fig. 1°r et 3-9r). Du côté externe elles s'étendent jusqu’à la zone vitrée en englobant l’extré- mité effilée du rhabdome, en dedans leur protoplasma s'é- tend jusqu'à la basale en enveloppant les sept cylindre-axes destinées au rhabdome. | Les cellules rétiniennes possèdent un noyau rejeté vers leur extrémité distale; elles semblent dépourvues de mem- brane d’enveloppe ; leur protoplasma est rempli d’un pigment ŒIL DES ARTHROPODES. 363 brun dont les grains se déplacent sous l'influence de la lumière, comme l'ont établi les intéressantes expériences de Mile Micheline Stefanowska (1). Les cellules rétiniennes sont intimement soudées les unes aux autres; leur délimitation est facile à reconnaître (pl. X, fig. 3-8 r) excepté pourtant au voisinage immédiat de la basale; là en efïet leur union est si intime qu’il semble que leurs masses protoplasmiques soient entièrement fusionnées (pl. X, fig. 9r). Les quatre filaments terminaux du cône affectent des rapports intimes avec les cellules rétiniennes; ils s’insinuent entre celles-ci pour gagner la membrane basale où ils s’at- tachent. On comprend facilement leur disposition en exami- nant les coupes transversales (pl. X, fig. 3-9 /). Terminaisons nerveuses dans l’ommatidie. — De chaque rhabdomère part un cylindre-axe qui se dirige vers la mem- brane basale; puis iraverse celle-ci pour s'unir à la lame ganglionnaire. L'hématoxyline cuivreuse donne à la subs- tance du cylindre-axe et à celle du rhabdomère une teinte si pareille qu'il est impossible de fixer une limite bien tranchée enire ces deux parlies. Ce caractère à lui seul suffirait pres- que à nous démontrer la nature nerveuse du rhabdome. La coupe transversale (pl. X, fig. 7) nous montre les sept cylin- dre-axes s’unissant aux rhabdomères correspondants. Suivons un cylindre-axe de dedans en dehors; nous cons- tatons que dès qu'il a traversé la basale il pénètre au sein du protoplasma de la cellule rélinienne correspondante au rhabdomère auquel il est destiné. C’est ce qu’on reconnaît aisément sur une coupe transversale menée à égale distance de la basale et du rhabdome (pl. X, fig. 8). Au voisinage du rhabdome les cylindre-axes coupés trans- versalement se montrent disposés en un cercle régulier comme le sont les rhabdomères eux-mêmes (fig. 8), mais au voisinage de la basale cetle symétrie perd son caractère (4) La disposition histologique du pigment des yeux des Arthropodes sous l'influence de la lumière directe et de l'obscurité complète. (Recueil zoologique Suisse, t. V, no 2, 1890.) 304 NH. VIALEANES. rayonné pour devenir bilatérale (pl. X, fig. 9). Le plan de symétrie passe par un des cylindre-axes, que nous appellerons antérieur ou impair (fig. 9 a); les six autres étant disposés par paires. Nous distinguerons donc pour une même ommatidie : Le cylindre-axe antérieur impair (fig. 9 à); le premier, le deuxième et Le troisième cylindre-axe de droite (fig. 9, I, EP, Il’); le premier, le deuxième et le troisième cylindre-axe de gauche (fig. 9, 1, IL, INT). Notons que le deuxième cylindre-axe est écarté du premier el en revanche très rapproché du troisième. Membrane basale — Bien que n'étant point fixé sur la nature histologique de la membrane qui limite l'œil composé je lui conserve pourtant le nom de basale pour ne pas rom- pre avec une tradition. Elle est solide, fortement imprégnée de pigment, plus épaisse aux points qui correspondent à l'axe des ommatidies (pl. XI, fig. 13). La basale est percée de larges trous, fermés par une membrane très mince, et destinés à livrer passage aux cylin- dre-axes qui se rendent aux rhabdomères. Ces trous forment un dessin pentagonal très régulier, dont la symétrie n’a rien de commun avec celles des rétinules qui est heptagonale comme nous l'avons dit plus haut: Pour comprendre la disposition des trous de la basale, il est nécessaire d'examiner la figure 15 qui la représente d’une manière un peu schématique. Les trous s'y montrent en clair; les gros points noirs représentent la projection des rhabdomes; les lignes noires, la projection des cylindre-axes qui se rendent à ceux-ci (pl. XI, fig. 16). Cette figure mieux que toute description fera comprendre l’arrangement des lrous, disons seulement que ceux-ci sont disposés de manière à aux des pentagones dont le centre répond à la projection des rhabdomes. Distinguons un de ceux-c1 par la lettre À et les quatre qui l’environnent immédiatement par les lettres B, C, D, E. Désignons par les chiffres, 1, 2, 3, 4, 5, les trous qui en- vironnent immédiatement le rhabdome A. ŒIL DES ARTHROPODES. 369 Le trou 1 donne passage au cylindre-axe impair ou anté- rieur (a) du rhabdome A. Le trou 2 donne passage à trois cylindre-axes qui sont : le 1°" cylindre axe droit du rhabdome À ; le 2° et Le 3*° cy- lindre-axe gauche du rhabdome B. Le trou 3 symétrique au précédent donne passage à trois cylindre-axes qui sont : le 1* cylindre-axe gauche du rhab- dome A ; le 2*° et Le 3*° cylindre-axe droits du rhabdome C. Le trou 4 donne passage à trois cylindre-axes qui sont : le 2° et le 3*° cylindre-axe droits du rhabdome A; le 1” cylindre-axe gauche du rhabdome E. Le trou 5 symétrique au précédent donne passge à trois cylindre-axes qui sont : le 2*° et le 3°° cylindre-axe gauches du rhabdome À ; le 1° cylindre-axe droit du rhabdome D; Pour corriger ce que cette deseription a d’un peu sché- matique, je prie le lecteur de jeter un coup d'œil sur la figure 14 dans laquelle tous les trous de la basale ont été rigoureusement dessinés à la chambre claire; il y remar- quera quelques inégalités : souvent deux trous normalement séparés se fusionnent en un seul, d'autrefois un trou ordi- nairement simple est cloisonné en deux. Terminons en disant que la gaine des tubes nerveux dis- paraît au moment où ceux-ci traversent la basale ; Les cylin- dre-axes avant d'atteindre le rhabdome plongent donc à même dans le protoplasma des cellules rétiniennes. Répartition du pigment dans l'ommatidie. — Les cellules cornéagènes, les cellules cristalliniennes et le cristallin sont à leur périphérie entièrement revêtus par une gaine pigmentée d’un noir qui semble absolument opaque même sur les coupes très minces (fig. 16). Dans la zone moyenne de l’œil répondant à la partie vitrée: des cônes, on ne trouve pas trace de pigment. Dans la troisième zone les espaces compris entre les réli- nules sont remplis par des cellules pigmentées, rappelant par leurs propriétés optiques, celles du tapis de l'œil des mammifères. Ces cellules vues par réflexion sont d’un blanc 366 H. VIALELANES. nacré, observées par transparence elles sont au contraire d’une teinte brune foncée. C’est à la présence de ce pig- ment que l'œil de la Langouste doit ses reflets chatoyants (pl X, fig. 10, 114,42; p). Les cellules rétiniennes elles aussi sont chargées de pig- ment, celui-ci se présente sous l'aspect de granules brun foncé extrêmement pelits répandus au sein du protoplasma. Ils font défaut dans l'extrémité externe de la cellule; plus en dedans ils envahissent complètement le protoplasma et donnent à celui-ci une apparence tout à fait opaque (1) (fig. 10, 11, 12). N'oublions pas d'ajouter que la répartition du pigment dans la cellule rétinienne varie suivant qu'on examine un animal exposé à la lumière, ou conservé dans l'obscurité. Mais ce point dont l'importance physiologique est considérable demande encore de nouvelles recherches. Les cylindre-axes se chargent de pigment même avant d'atteindre la basale. j Le rhabdome lui-même n’est pas complètement dépour- vu de pigment, sa surface externe en est envahie; aussi sur des coupes non décolorées les sinuosilés de ses contours sont elles en parties masquées. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. L'œil composé limité en dehors par la cornée à facettes, en dedans par la membrane basale, est formé par la réunion d’un grand nombre de petits organes connus sous le nom d’yeux élémentaires ou ommatides. L’orimatidie comprend en allant de dehors en dedaas : | 1° La cornéule; c’est une membrane chitineuse, transpa- rente très légèrement convexe; 2° Les cellules cornéagènes; au nombre de deux, elles sont appliquées contre la face interne de la cornéule qu'elles semblent sécréter; ÈS (1) Voyez aussi le schéma (PI. XI, fig. 16). ŒIL DES ARTHROPODES. 307 3° Les cellules cristalliniennes; au nombre de quatre, dis- posées sur un même plan sont situées en dedans des cel- lules cornéagènes; par leur face profonde elles répondent chacune à un des segments du cône qu'elles semblent sécréter ; 4° Le cône est dans toute son étendue formé par quatre segments; en dehors ceux-ci s’accolent aux cellules cristal- liniennes, en dedans ils vont s'attacher à la basale. Tant au point de vue anatomique qu’au point de vue physiologique, on peut distinguer dans le cône trois parties qui sont en allant de dehors en dedans; a. la partie cristalline ou cris- tallin ; b. la partie vitrée; c. la partie filamenteuse. a. La partie cristalline du cône ou cristallin se présente sous l'aspect d'une baguette très réfringente arrondie en demi- sphère à son extrémité proximale. Chaque cristallin est à sa surface enveloppé par une gaine pigmentaire parfaite- ment opaque qui le sépare de ses voisins. b. La partie vitrée du cône qui fait suite à la partie cris- talline est formée par une substance semi-fluide bien moins réfringente. Dans leur partie vitrée les cônes voisins ne sont pas séparés les uns des autres par du pigment; mais bien par une substance demi liquide dont l'indice de ré- fraction est égal au leur. Par leur partie vitrée les cônes concourent donc à former une zone transparente optique- ment homogène, séparant la couche des crislallins d'avec celle des rétinules. c. Parte filamenteuse du cône. — En arrivant au contact des cellules rétiniennes les quatre segments qui par leur accolement constituent le cône, s’écartent l’un de l’autre et se prolongent sous forme de filaments extrêmement grêles qui vont s'attacher à la membrane basale. 9° La rétinule est formée par le rhabdome et par les sept cellules réliniennes qui enveloppent celui-ci. Le rhabdome coloré sur le vivant en rose par la chroma- lopsine est un corps fusiforme terminé à son extrémité dis- tale par une pointe effilée, sa surface porte sep: côtes 308 HI. VEALEANES. longitudinales très saillantes qui sont les rhabdomères. Le rhabdome est entièrement enveloppé par les sept cel- lules rétiniennes, accolées l’une à l’autre et répondant cha- cune à un des rhabdomères.. La partie la plus externe des cellules rétiniennes ne contient pas de pigment, leur partie interne en est au contraire abondamment pourvue. Les rélinules sont séparées les unes des autres par des amas pigmentaires réfractant fortement la lumière, ressem- blant par conséquent à ceux qui entrent dans la constitution du /apis de l'œil des mammifères. 6° Terminaison des nerfs dans l’ommatidie. — La membrane basale est percée de trous livrant passage aux tubes nerveux qui se rendent aux ommatidies. Ces lrous sont disposés en pentagones; leur symétrie ne rappelle donc en rien celles des rétinules qui est heptagonale. La figure 15, mieux que toute descriplion fera comprendre cette arrangement. À chaque ommatidie sont destinés sept cylindre-axes. En traversant la basale ils se dépouillent de leur gaine; puis chacun d’eux s'enfonce dans le protoplasma d’une des cel- lules réliniennes pour aller s'unir au rhabdomère corres- pondant, avec la substance duquel il se fusionne. Ainsi que je le montrerai dans’la seconde partie de ce travail, les résultats auxquels je suis arrivé sont de nature à jeter un jour nouveau sur la physiologie de la vision chez les Articulés. | Au point de vue morphologique ils re sont point sans intérêt puisque j'ai pu faire connaître la structure de l’'omma- tidie avec plus de délail qu'aucun de mes prédécesseurs. J’ajoulerai qu'en présence des observations de M. Parker, des miennes propres et de l’aveu même de M. Patten, nous devons rejeter la théorie des élinophores qui au début fut accueillie avec tant d'enthousiasme ; tout ingénieuse qu'elle a pu paraître à quelques-uns, elle n’avait d'autre fondement que des erreurs d'observation ; 1l serait donc à souhaiter qu'elle cessât d’encombrer plus longtemps les traités et les manuels de zoologie. ŒIL DES ARTHROPODES. 369 Il RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LES CONDITIONS PHYSIQUES DE LA VISION CHEZ LES INSECTES ET LES CRUSTACÉS. L'élude de la vision peut êlre poursuivie dans deux di- reclions différentes; suivant que l’on considère l’œil simple- ment comme un appareil d’oplique, ou que l’envisageant dans ces rapports avec le reste de l'organisme, on veul dé- terminer le parti que lanimal sait lirer des impressions visuelles. Dans le premier cas on fait de l’ophthalmologie physiologique, et dans le second de l’ophthalmologie psych- logique. L'ophthalmologie physiologique est l'étude de l'œil en tant qu'instrument d'oplique, elle s'appuie sur la connais- sance des propriétés physiques des divers milieux réfringents ; son but principal est de déterminer, le lieu de formation el la qualité des images rétiniennes. De telles recherches pour- raient au besoin être entreprises sur l'œil séparé du reste de l’organisme. L'ophthalmologie psychologique poursuit un br différent, son but est de déterminer quelle sensation ou quel acte réfléchi provoque chez un animal la vue de tel ou {el objet. On fait de l’ophtalmologie psychologique quand on inter- roge un aveugle-né récemment opéré sur ses sensations vi- suelles, ou bien lorsque comme M. Plateau, M. Forel, M. John Lubbock, on cherche à délerminer quelle action peut déterminer chez un animal la présence de tel ou tel corps lumineux. Bien qu'en contact sur plusieurs points, ces deux branches de l’ophtalmologie ne se prêlent qu'un médiocre appui. Un exemple entre cent le fera comprendre; fout paysan, qu'il soit myope ou presbyte, distingue à grande distance un champ d'orge d'avec un champ d'avoine, alors que la graine ANN. SG. NAT. ZOOL. XIII, 24 310 H. VIALLANES. commence seulement à germer; je m'y trompe une fois sur deux, bien que m'y étant quelque peu exercé. Cela ne prouve pas que mon œil en {ant qu'instrument d'optique vaille moins que celui des campagnards, mais montre seulement que le paysan et moi avons appris à observer des objets différents. Voici un autre exemple plus typique encore; Sir John Lubbock est parvenu à apprendre à son chien à distinguer un cerlain nombre de caractères alphabétiques; beaucoup d’autres animaux de la même race ne pourraient probablement arriver, même sous la direction d’un tel maitre, à distinguer la leltre À d'avec la lettre B; cela prou- verail-il que les caractères A et B forment sur la réline de ces derniers non des images bien distinctes, mais seulement des taches confuses. $ij'ai insisté sur cepoint, c'est que plusieurs naturalistes, entre autres M. Plateau, ont cru pouvoir tirer de leurs re- cherches psychologiques celte conclusion que les corps lumi- neux forment dans l'œil des Insectes seulement des images imparfaites. Parce qu'un Insecte se heurte contre un morceau de carton qu'on place sur sa route, est-on en droit d'affir- mer que ce carton n'a point formé d'image netle sur la ré- tine, cela prouve seulement que l’Insecte n'a pas su voir l'objet qui lui était présenté (1). À nous-mêmes n’arrive- t-il bien souvent de ne point apercevoir des objets qui crèvent les yeux? est-ce parce que ces objets n’ont point formé d'image nette sur notre réline? C’est bien plutôt par- ce que nous n'avons pas su les regarder. | Chez les animaux aussi bien que chez l’homme, les or- ganes des sens reçoivent du monde extérieur un nombre in- fini d'impressions; parmi celles-ci l'être fait un choix in- conscient, et perçoit seulement celles que l'instinct, l’habi- lude ou Do raisonné lui ont appris à percevoir. Si je me suis arrêté à parler des iravaux de M. Plateau, (41) S'il s'agissait d'audition au lieu de vision, je dirais que les expériences du savant belge prouvent que les Insectes n ‘entendent pas le même re gage que nous. ŒIL DES ARTHROPODES. ANA c'est seulement pour faire remarquer que les résullals aux- quels ce savant est arrivé ne sont de nature ni à infirmer non plus qu'à confirmer ceux que peut fournir l'examen des propriétés physiques de l’œil. Au point de vue psycho- logique, les recherches de M. Plateau ont un intérêt réel, mais elles ne sauraient nous renseigner, ni sur le mode formation des images rétiniennes chez les Articulés, ni sur les qualités de celles-ci. Ce sont ces points seulement que je me propose d'examiner. Les physiologistes ont acquis une notion précise du mé- canisme de la vision chez les Vertébrés, seulement du jour ou le père Scheiner (1) eut l’idée d'observer directe- ment l'image rétinienne. Cette célèbre expérience a été et demeure le fondement de l'ophtalmologie. Toute considération sur le mode de fonctionnement de l'œil composé des Arthropodes doit sous peine d’être con- damnée d'avance s'appuyer sur les mêmes bases expéri- mentales. À vrai dire l’idée n’est pas neuve, elle date de Lœwenhœæk qui fit les premières tentatives dans cette direc- tion; depuis elle fut reprise par Brants (2), Gotische (3), Dor (4), plus récemment enfin par M. Exner (5). Les résultais auxquels sont arrivés ces savants sont loin de concorder en tous points, de plus ils sont l’objet de doutes et de vives critiques, aussi je crois utile de rendre à mon tour comple des expériences que J'ai faites sur les (1) Scheiner, Oculus sive fundamentum opticum 1619 (cité d'après H. Milne Edwards, Lecons sur la physiologie et l'anatomie comparée, t. XIT, p. 269). (2) Brants, Vuer hel Gezigtswirktuig der gelede Dieren (Tijdschrift voor Natur- lijke Geschiedenis en Physiologie, 1819, t. X, p. 12). (3) Gottsche, Beitrag zur Anatomie und Physiologie des Auges dr Krebse until Fliegen (Muller s Archiv f. Anatomie, 1852, p. 483). (4) Dor, De la vision chez les Arthropodes (Bib. univ. de Genève, 1861, t. XI. (5) Exner, Die Physiologie der facettirlen Augen von Krebsen und Insecten, Leipzig, 1891. — Mon travail, déposé à l'imprimerie en janvier 1892, était déjà composé lorsque j'ai eu connaissance du travail de M. Exner, qui chez le Lampyris a pu observer et même photographier l’image rétinienne. Mes recherches pourtant ne sont pas double emploi avec celles de ce savant, puisque le premier, Je suis parvenu à observer l’image rétinienne des Crus- tacés dont l'œil présente comme nous le verrons des conditions très parti- reuliènes. JT H, VIALLANES. images réelles qui se forment dans l'œil des Crustacés et des Insectes Mais au préalable, il ne sera pas inulile de rappeler les trails généraux de l'organisation de l’ommatidie dans ces deux groupes. Constitution de l'œil composé des Insectes. — Les omma- tidies qui composent l'œil des Insectes, comprennent chacune un appareil dioptrique et un appareil sensitif (pl. LT, He Lu): L'appareil dioptrique est constitué par la cornéule (c), les cellules cornéagènes (cc), les cellules cristalliniennes (cer) etle cône cristallin (cr); sur le vivant toutes ces parties ont un indice de réfraction très élevé et sont parfaitement translu- cides, par leur ensemble elles constituent un système réfrin- gent biconvexe. L'appareil sensitif est formé par la rélinule, qui s'appuie d’une part contre la face interne du cône, d’autre part con- tre la membrane basale (4). La rétinule est composée de sept cellules rétiniennes (7) remplies de pigment qui enveloppent enlièrement un rhabdome (r2); ce dernier est formé par l’ac- colement plus ou moins intime de sept rhabdomères ou bâtonnets. Ainsi que me l'ont montré des recherches récen- tes el qui seront prochainement publiées, de chacun de ceux- ci naît un cylindre-axe qui.perce la basale pour aller gagner le ganglion optique. | Ajoutons que les ommatidies sont dans toute leur étendue entièrement séparées les unes des autres par des gaines pig- mentées absolument opaques (p). Images rétimennes observées dans l'œil composé des Insec- tes. — L'observation directe des images rétiniennes n’est point difficile si l’on choisit une espèce qui se prête bien à ces expériences : j'ai employé exclusivement l’Hydro- phyle (4. piceus). Sur l'animal vivant, à l’aide d’un rasoir bien affilé, on enlève une portion de la demi-sphère que représente l'œil composé; la calotte ainsi oblenue est déposée sur une lame de ŒIL DES ARTHROPODES. 313 verre, la cornée tournée en bas. Le tout est porté sur la pla- tine d’un microscope éloigné de 3 ou 4 mètres d’une fenêtre sur laquelle on a braqué le miroir plan, puis on observe à l’aide d’un grossissement d'au moins 150 à 200 diamètres. Sur les bords de la calotte les cônes se montrent sec- tionnés ou renversés sous l'effort du rasoir; mais plus au centre, ils sont en place et intacts, le rasoir ayant seule- ment rencontré l’extrémité distale des cellules rétiniennes. Les cônes vus ainsi par leur extrémité interne se montrent comme des cercles très brillants séparés par des intervalles que le pigment rend absolument noirs et opaques. Pour nous metire à l'abri de toute cause d'erreur observons un cône dont l'extrémité proximale ne soit pas complètement à nu, mais encore obseurcie de pigment; de la sorte nous serons certains d'observer des cônes indubitablement in- tacls, puisqu'une petite portion des cellules rétiniennes leur est restée adhérente. | Mettons au point sur l'extrémité proximale du cône : nous verrons qu'à ce niveau se forme une image réelle très bril- lante de la fenêtre sur laquelle est braqué le miroir. Cette image, que le microscope montre droite, et qui par consé- quent est en réalité renversée, n’est point, comme on a voulu le dire, une représentation plus ou moins confuse des. corps extérieurs. | Pour donner une idée précise de celle-ci, il suffit d'exa- miner la figure 18, qui la représente exactement dessinée à la chambre claire ; l’œ1il préparé comme je viens de le dire était à 0",04 du miroir, la distance de la fenêtre à ce dernier était de 3°,18 : les rayons allant dela fenêtre à l'œil parcou- raient donc une distance de 0,"04 + 3",18, soit 3",32. Dans ces conditions, je pouvais Îrès exactement dislinguer sur l'image rétinienne les croisillons de la fenêtre, qui mesu- raient seulement 0,03 d'épaisseur. Mais il élail presque impossible de reconnaître l’image de morceaux de papier noir collés sur les vitres lorsque ceux-ci avaient moins de 3 centimètres de diamètre. JT H. VEALELANES. L'image rétinienne est très brillante, mais très petite: ainsi les croisillons de la fenêtre, distants l’un de l’autre de 0®,47, élaient sur l’image rétinienne séparés seulement par un intervalle de 0**,005 que j'ai pu mesurer approximati- vement {1}; comme dans les expériences précédentes, la distance de l’œil de l’Insecte à la fenêtre élant de 3°,32. Les chiffres fournis par cette expérience permettraient de calculer le foyer des milieux réfringents au moins d’une manière approchée. | -L'angle embrassé par l'image rélinienne est assez étendu j'ai déterminé sa valeur de la manière suivante, ayant appli- qué contre les vitres deux bandes étroites de papier noir, J'ai écarté celles-ci l’une de l’autre jusqu’à ce que leurs ima- ges fussent tangentes au bord de l’image rétinienne ; les bandes de papier purent être éloignées l’une de l’autre de 2",80, sans cesser toutes deux d’être visibles. Par un sim- ple calcul trigonométrique, il était aisé de déterminer l’an- gle embrassé par l'image rétinienne : je l'ai trouvé égal à 45° et quelques minutes. L'image rélinienne est parfaitement circulaire, elle est fortement convexe et se forme sur la face interne du cône ; comme chez les Vertébrés, elle coïncide donc avec la face interne des milieux réfringents. L'image rétinienne de deux corps inégalement distants de l'œil se forme sensiblement au même niveau: on peut donc voir en même temps ces deux corps avec netteté sans déplacer l'objectif; on sait qu’il n’en serait pas de même pour l’œil d’un Vertébré. On comprend aisément quil en soit ainsi chez l'Insecte en raison de l’étroitesse d'ouverture du système réfringent. Nous venons d'examiner l’image rétinienne, € 'esl-à-dire l'image réelle formée par l'association de la cornéule et du (1) Je me suis servi pour cela d'une chambre claire. Pour obtenir une mesure exacte, il aurait fallu employer un oculaire micromètre de précision ; malheureusement, travaillant à l’aide de mes seules ressources, cet instru- ment et bien d’autres me font défaut. ŒIL DES ARTHROPODES. 30 cône. Si l’on enlève ce dernier, on constate que la cornéule à elle seule peut former une image réelle des corps extérieurs, en raison de sa forme convexe. Il est très facile d'examiner les images cornéennes, la pièce préparée comme nous l'avons dit pour l'examen des images rétiniennes peul être employée ; il suffira de la dé- barrasser des cônes en la froltant et la lavant légèrement à l’aide d’un pinceau imbibé d’eau salée. Les images cornéennes (fig. 19) comme les images réti- niennes sont séparées les unes des autres par de larges espaces que la présence du pigment rend complètement opaques. L'image cornéenne se forme un peu en arrière de la face interne de la cornéule, elle est un peu plus grande et beaucoup moins convexe aue l’image rétinienne, ce qui s'explique aisément, l’ablation du cône ayant nécessairement allongé le foyer du système dioptrique. En résumé, les expériences que nous venons de rapporter nous conduisent aux conclusions suivantes : | | 4° Dans chaque ommatidie se forme une image rélinienne réelle et renversée des corps extérieurs; | 2° Cette image est assez étendue, car elle embrasse un angle d'environ 45°. 3° En raison de la brièveté du foyer des milieux réfrin- sents cette image est très petite bien que très nette; 4° L'image rétinienne se forme sur la face interne du cône c'est-à-dire au contact de celui-ci avec la rélinule: 5° Le lieu de formation de l’image rétinienne semble res- ter le même quelle que soit la distance des objets extérieurs qui la produisent; ce qui s'explique par l’extrême étroitesse d'ouverture des milieux réfringents, qui ne dépasse pas quelques centièmes de millimètre ; 6° Les ommatidies sont complètement séparées les unes des autres par des gaines pigmentées. L’œil composé peut donc être considéré comme une association de petites cham- bres noires pourvues d'objectifs à foyer très court et constant. 310 H. VIALKLANES. La figure 17 rend bien compte du lieu de formation de l’image dans l’œil des Insectes. Tmages rétiniennes des Crustacés. — En se plaçant au point de vue exclusivement morphologique, il est aisé de Ponant l'œil des Crustacés à celui des Insectes ; mais, il n’en est plus de même si l’on envisage le côté physiologique de la question. | Chez l'Insecte le cristallin est en contact immédiat avec la rétinule, de plus chaque ommatidie est complètement séparée de ses voisines par une gaine pigmentée. Chez le Cruslacé les cristallins au contraire sont très éloignés des rélinules et l’espace intermédiaire est rempli par une sorle d'humeur vitrée. Comme pour l’insecte, les cristallins sont séparés les uns des autres par des gaines pigmentées, il en est de même pour les rétinules; mais en revanche l'humeur vitrée ne présente aucun cloisonnement répondant à la li- mite des ommalidies; c’est done un milieu optiquement ho- mogène s'étendant sans interruption dans tout l'œil com- posé, el séparant la couche des cristallins d'avec celle des rélinules. L'observation des images, réliniennes aisée chez les Insec- tes, est beaucoup plus difficile chez les Crustacés et je ne suis arrivé à le réaliser qu'après de longs tâtonnements. Disons de suite que chez les Crustacés ces images se forment au contact du corps vitré et des rétinules, pour les observer il faut donc enlever ces dernières sans alté- rer la surface du corps vitré. Cette opération, qu’on pra- tique à l’aide d’un pinceau imbibé d’eau salée, m’a réussi seulement chez le Crabe commun: (Carcinus mœnas), j'ai échoué dans les tentatives que J'ai faites sur la Langouste, le Homard, le Néphrops; chez ces derniers en effet on ne parvient pas à enlever les rélinules sans endommager le corps vitré. Prenons un œil de Crabe débarrassé de la membrane basale et des rélinules, placons-le sous le microscope la cornée en bas; braquons le miroir plan sur une fenêtre et ŒIL DES ARTHROPODES. AT-1 examinons la préparation avec un grossissement de 100 à 150 diamètres. Nous reconnaissons que sur la face interne du corps vitré chaque ommalidie projette une image réelle et renversée à contour circulaire montrant très nettement les croisillons de la fenêtre, comme l'indique la figure 20 dessinée avec un grossissement de 170 diamètres, l'œil du Crustacé étant placé à 3",32 de la fenêtre. Les images réliniennes du Crabe sont moins lumineuses que celles de Harophie, mais elles sont à peu près aussi nettes, puisqu à la distance de 3°,32, des croisillons de la fenêtre n ayant que 0°,03 d’ épaisseur s’y peignaient nette- ment; elles sont moins convexes et embrassent un angle moins étendu. [1 serait difficile de préciser la mesure de celui-ci, car au lieu d’être parfaitement limitées et de se déta- cher sur un fond noir comme chez l'Insecte, les images réliniennes du Crustacé sont estompées sur leurs bords et séparées les unes des autres non par des espaces obscurs, mais par une légère pénombre. On s’explique aisément qu'il en soit ainsi : Chez l'Insecte l'image rélinienne se forme sur la face interne du cristallin, et la rélinule est en contact immédiat avec celui-ci. Chez le Crustacé Le foyer du cristallin étant très long, il faut que la rétinule soit écartée de ce dernier pour coïncider avec le lieu de formation de l’image rétinienne; l'intervalle compris entre les cristallins et les rélinules est rempli par le corps vitré. Tandis que nous comparions l'œil composé de l’Insecte à une association de petites chambres noires parfaitement séparées l’une de l’autre et pourvues chacune d'un objectif à très court foyer, nous comparerons l'œil composé du Crustacé à une chambre noire unique pourvue d'un grand nombre d'objectifs à long foyer. Un appareil constitué par une association de chambres noires indépendantes accolées l’une à l’autre fournirait une association d'images séparées par des espaces obscurs comme le sont les images rétiniennes des Insectes ; un appa- 378 H. VIALLANES. reil formé d’une chambre noire unique pourvue d'objectifs multiples donnerait des images séparées par des pénombres comme c’est le cas pour les images rétiniennes des Crustacés. La figure 16 rend bien compte du lieu de formation des images dans l'œil des Crustacés. Chez l’Insecle nous avons pu après l'ablalion des cônes crislallins observer la formation d’une image cornéenne. Il est facile de répéter celle expérience chez le Crabe. La figure 21 donne l'aspect des images cornéennes de cet ani- mal, elles sont plus grandes que les images réliniennes, leur contour est hexagonal et limité par des lignes noires qui répondent aux cloisons pigmentaires séparant les omma- lidies au niveau des cellules cornéagènes. Examen comvaratif des images rétiniennes chez un Verté- bré et chez un Insecte. — Chez l'homme quand on veut déter- miner l’acuité visuelle, c’est-à-dire les plus petites grandeurs perceptibles, on se sert de petits objets, par exemple de fs noirs lendus qu’on éloigne de l'œil jusqu’à ce qu'ils cessent d'être perçus par l'individu en expérience. Ne pouvant interroger les animaux, notre seule ressource, lorsque nous voulons comparer leur acuité visuelle, est d’exa- miner comparativement les qualités de leurs images réti- niennes ; c’est ce que j'ai fait chez l'Hydrophile et chez la Grenouille. Un œil d'Hydrophile préparé comme nous l'avons dit fut placé sous le microscope. Une épingle à insecte mesurant 0*®,3 fixée sur un support et disposée de manière à se pro- filer sur le ciel bien lumineux fut éloignée de l'œil de l’Insecte jusqu'à ce qu'elle cessâtl d’être visible sur l’image rétinienne, ce qui arriva lorsque celle distance fut de 135 millimètres. Un œil de Grenouille auquel j'avais enlevé un lambeau de la choroïde tout en respectant la rétine afin de le rendre propre à l'observation de l’image rélinienne, fut placé sous le microscope et substitué à l’œil d’'Hydrophyle. Les condi- tions d’éclairement n'ayant pas varié, la même expérience ŒIL DES ARTHROPODES. 379 fut répétée. L’épingle cessa d’être visible sur l’image réti- nienne de la Grenouille seulement à une distance de 725 mil- limètres. Ainsi tel corps perceptible pour la Grenouille aurait un diamètre apparent trop pelit pour former une image au fond de l’œil de l’'Hydrophile. L'image rétinienne du Verlébré est donc beaucoup Le parfaite que celle de l’Insecte. Nature de l'excitation rétinienne. — Les physiologistes, qui souvent s'attachent d’une manière trop exclusive à l'étude des animaux supérieurs, admettent que l'excitation rétinienne a pour point de départ une action directe de la lumière sur les bâtonnets. Effectivement chez les Vertébrés ces éléments sont disposés de telle manière qu'ils peuvent être atteints directement par les rayons lumineux ; mais il suffit d’exa- miner d’autres groupes pour se convaincre que cette condi- tion anatomique n’est pas toujours réalisée. Examinons par exemple les Gasléropodes pulmonés (/e- lix, Limaz) : leur œil est fondamentalement constitué comme celui des Vertébrés, il en diffère seulement par le mode d'orientation de la rétine. Chez le Verlébré la couche des bâtonnets est tournée en dedans tandis que chez les Mol- lusques elle est tournée en dehors; aussi chez ces derniers les bâtonnets sont-ils séparés de la face interne du corps vitré, qui est le lieu de formation des images réliniennes, par une couche pigmentée analogue à la choroïde; les bâlonnets sont donc à l'abri de l’action directe des rayons lumineux, ceux-ci ne peuvent les impressionner qu'indirectement, c'est- à-dire en agissant d'abord sur les cellules pigmentées. Une condition analogue est réalisée chez les Insectes, puisque l’image rétinienne se forme non sur les bâtonnets, mais à la surface des cellules pigmentées dites cellules réli- niennes qui enveloppent ceux-ci. Ces dernières semblent donc être l'intermédiaire obligé à la transformation de la vibralion lumineuse en influx nerveux. Comparaison des impressions visuelles chez les Arthropodes 380 H, VIALLANES. et chez les Vertébrés. — Maintenant que nous connaissons au moins dans leurs traits généraux les conditions physiques de l'œil composé, nous devons nous demander en quoi les sensalions visuelles de l'Arthropode peuvent différer de celles du Verlébré. Tandis que l’œil des Vertébrés peut être comparé à à une chambre noire ordinaire pourvue d’un seul objectif, l'œil composé peut être assimilé à une chambre noire munie d'un grand nombre d'objectifs. | Laissant de côté toute considération psychologique, considérons l’œil seulement en lui-même et voyons quels avantages ou quels inconvénients peut offrir l’un ou l’autre système. Nous ferons ce parallèle, en supposant bien entendu que les éléments percepteurs possèdent dans tous les cas une sensibilité identique. : Les milieux réfringents de l'œil du Vertébré ont un foyer plus grand que celui de ’ommatidie, ils formeront denc ure image rétinienne plus grande; par conséquent le Vertébré percevra des corps trop petits pour être perçus par l’In- secte, à la même distance bien entendu. C'est d’ailleurs ce qui ressort clairement de l'examen comparatif que nous avons fait des images rétiniennes. L'ouverture pupillaire du Ve she étant considérable, son œil admettra plus de lumière que ne peut le faire une om- matidie; toutes choses égales d’ailleurs, l'intensité lumi- neuse de l’image rétinienne sera donc plus grande dans le premier que dans le second cas; il en résulte que tel corps qui n émettrait pas assez de lumière pour impression- ner la rélinule de l’Arthropode pourra en émettre assez pour impressionner la rétine du Vertébré. : Le Vertébré ne peut voir simultanément d’une manière distincte deux points inégalement éloignés, son œil doit. s’'accommoder pour chaque distance. L'ommatidie est dépour- vue d’appareil d’accommodation, et d’ailleurs il ne semble pas nécessaire qu elle en possède; car en raison de l'étroi- tesse de leur ouverture, du peu d’étendue de l'angle qu'ils ŒIL DES ARTHROPODES. 381 embrassent, les milieux réfringents de l’ommatidie forment l'image rétinienne toujours sensiblement au même point, quelle que soit la distance des corps considérés. C'est ce que nous avons constaté expérimentalement, au moins dans des limites très étendues. Nous avons signalé les inconvénients que présente l’œ1l composé, voyons les avantages qu'il peut offrir. Les ommatidies ne sont point parallèles entre elles, mais au contraire orientées comme les rayons d’une sphère. Les quelques centaines d'images qu’un même corps peut former dans l’œil composé seront donc toules différentes les unes des autres; en combinant ces impressions multiples comme nous Le faisons dans la vision binoculaire, lArthropode pourra done avoir la sensation du relief des corps. Cette sensation est probablement plus parfaite que chez le vertébré, puisque l’'Articulé voit un même corps sous plus de cent aspects. Voici une autre circonstance où la supériorité de l'œil com- posé me paraît évidente; un corps lumineux sans diamètre appréciable apparaît devant notre œil: quel que soit son éclat, c'est un seul élément rétinien qui sera impressionné ; ce même corps formerait dans l'œil composé quelques cen- laines d'images, ébranlerait un même nombre d'éléments rétiniens, et partant l'impression ressentie serait sans doute plus vive. Mais c'est surtout à la perception du mouvement des objets que l'œil composé semble bien approprié. Un homme est placé dans une chambre obscure, un corps lumineux sans diamètre apparent se déplace suivant l’axe de son œil : ce corps semblera immobile, car son 1mage ne cessera de {om- ber sur un même élément rélinien. L’Arthropode placé dans les mêmes conditions pourrait au contraire appré- cier les mouvements de ce corps; en effet ce dernier, lors- qu'il sera très éloigné, formera son image dans un grand nombre d'ommatidies; le nombre des ommatidies impres- sionnées diminuera s'il vient à s'approcher. En résumé, des expériences et des considérations précé- 382 H. VIALLANES. demment exposées, il semble résulter que nous pouvons per- cevoir des objets trop petits ou trop peu lumineux pour être distingués par les Arthropodes; en revanche, l'œil de ces animaux paraît mieux approprié que le nôtre à la percep- tion du relief et du mouvement des corps. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. 1° Chez l’Insecte, dans chaque ommalidie, se forme une image réelle et renversée des corps extérieurs; elle coïncide avec la face interne du cône cristallin, laquelle esl en con- tact immédiat avec la rélinule. Bien que très petile, l'image rétinienne est nette; elle embrasse un angle d'environ 45°. 2 Chez le Crustacé il en est de même, le cristallin forme sur la rétinule une image réelle et renversée des corps exté- rieurs. Mais dans ce type les milieux réfringents ayant un foyer très long, la rélinule est éloignée du cristallin. L’in- tervalle qui sépare ces parlies est rempli par une substance analogue au corps vitré des Vertébrés. | 3° Chez les Crustacés comme chez les Insectes 1l ne sem- ble pas que la lumière agisse directement sur les bâtonnels:; ceux-ci en effet ne peuvent êlre impressionnés que par l'in- termédiaire des cellules rétiniennes pigmentées à la surface desquelles se forment les images. : 4° Les images rétiniennes des Arlhropodes sont beaucoup moins parfaites que celles des Vertébrés. En revanche l'œil de ces animaux paraîl mieux approprié à la perception du relief et du mouvement des corps. Ce travail a été fait à la station zoologique d’Arca- chon. \ EXPLICATION DES PLANCHES, PLANCHES X et XI Fig. 1. — Coupe longitudinale de l’œil de la Langouste après dépigmenta- tion (grossissement 190d). En raison de l’exiguité de la planche on a dû supposer l'ommatidie brisée vers le milieu de la partie vitrée du cône en deux parties 44 et 1b. — c, cornéule; ce, cellules cornéagènes; ccr, cel- lules cristalliniennes; cr, portion cristalline du cône; v, portion vitrée du cône; f, filaments terminaux du cône; r, cellules rétiniennes; rh, rhab- dome ; cy, cylindre-axes se rendant aux rhabdomères après avoir percé la basale; p, cellules pigmentaires; b, membrane basale. Les chiffres 2, 3, 4, 5,6, 7, 8, 9, indiquent les niveaux auxquels ont été pratiquées les coupes transversales portant ces mêmes numéros. Fig. 2. — Coupe transversale de la partie externe du cristallin. Fig. 3. — Coupe transversale de la partie externe de la rétinule, les sept cel- lules rétiniennes enveloppent l'extrémité terminale du rhabdome rh; f, filaments terminaux du cône. Fig. 4. — Coupe transversale pratiquée plus en dedans. — rh, rhabdome ; f, filaments terminaux du cône. Fig. 5. — Coupe transversale pratiquée plus en dedans. — rh, rhabdome; rhm, rhabdomères; f, filaments terminaux du cône. Fig. 6. — Coupe transversale pratiquée plus en dedans. — rh, rhabdome:; rhm, rhabdomères; f, filaments terminaux du cône. Fig. 7. — Coupe transversale pratiquée vers l'extrémité proximale des rhabdomes. — rh, rhabdome; rhm, rhabdomères; f, filaments terminaux du cône. Fig. 8. — Coupe transversale pratiquée entre l'extrémité proximale du rhabdome et la basale. — 7, cellules rétiniennes; cy, cylindre-axes; f, filaments terminaux du cône. Fig. 9. — Coupe transversale pratiquée aussi près que possible de la basale; le protoplasma des sept cellules rétiniennes s’est fusionné en une masse communequi en globe les cylindre-axes y; f et f”, filaments terminaux du cônes a; cyhindre-axe impair, l’, Il, I, 497, 22e et 3e cylindre-axes de droite; [, LE, LIT, 1er, 2e et 3e cylindre-axes de gauche. Les figures 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 sont toutes empruntées à des pièces dépig- mentées puis colorées à l'hématoxyline cuivreuse. Fig. 10, 11, 12. — Coupes transversales de la rétinule à différents niveaux, le pigment étant conservé, coloration au picro-carminate. —p, pigment ré- fractant la lumière; r, cellules rétiniennes chargées de pigment; rh, rhab- dome. 304 H. VIALLANES. Fig. 143. — Coupe transversale de l’œil composé, tangente à la basale. Pièce dépigmentée puis colorée à l’hématoxyline cuivreuse. A droite la mem- brane basale est comprise dans la coupe, à gauche le rasoir a au contraire rencontré la partie basilaire des rétinules. — b, membrane basale; tr, trous de la membrane basale livrant passage aux cylindre-axes; cy, cy- lindre-axes coupés transversalement; », rétinules; f et f, Hémour ter- minaux du cône. Fig. 14. — Coupe parallèle de la membrane basale. — tr, trous livrant passages aux cylindre-axes, lesquels sont figurés par des points noirs; cy, cylindre-axes; fet f', points d'attache des filaments terminaux du côneavec la basale. Afin de rendre la figure plus facile à comprendre on a repré- senté par des lignes pointillées la projection du trajet des cylindre-axes. Les points de réunion de ces lignes correspondent aux axes des omma- tidies. Fig. 15. — Figure schématique représentant la membrane basale et les rhabdomes en projection horizontale. — Les gros points DONS A, B, C, D, E, représentent la projection des rhabdomes; 1, 2, 3, 4, 5, trous de la membrane basale; a, cylindre-axe antérieur ou ne Te a Il’, URL LEE 2e et 32€ cylindre-axes de droite; L, IL, IH, 42", 2ne et 3e cylhindre-axes de gauche; f et f’, point d'attache des filaments terminaux du cône à la entiere basale. : Fig. 16. — Dessin schématique de deux Émialrdics de Crustacé. — L’om- matidie À montre la disposition anatomique des parties; c, cornéule; ce, cellules cornéagènes, cer, cellules cristalliniennes; cr, cristallin; p,pigment enveloppantles cristallins; v, partie vitrée du cône; v', humeur semi-fluide dans laquelle sont plongées les parties vitrées des cônes; L partie filamenteuse du cône; p', pigment enveloppant les rétinules; , cellules rétiniennes ; rh, rhabdome; b, membrane basale; cy, cylindre- axes se rendant aux rhabdomes. — L’ ommatidie B montre la marche des rayons Jumineux, le corps ab forme son image renversée en ab’. Fig. 17. — Dessin schématique de deux ommatidies d'Insecte. — L’omma- tidie À montre la disposition anatomique des parties; c, cornéule; ce, cel- lules cornéagènes ; cer, cellules cristalliniennes; «r, cristallin; r, cellules rétiniennes; rh, rhabdome; b, membrane basale; cy, cylindre-axes se rendant au rhabdome; p, pigment enveloppant les ommatidies. — L'om- matidie B montre la marche des rayons lumineux, le corps ab forme son image renversée en a'b". | Fig. 18. — Images rétiniennes de l’Hydrophile, vue au microscope, le miroir Dlan étant braqué sur une fenêtre situé à 32,32; grossissement 550 dia- mètres. Fig. 19. — Images cornéennes de l’'Hydrophile, vues au microscope, le miroir plan étant braqué sur une fenêtre située à 32,32; grossissement 550 diamètres. Fig. 20. — Images rétiniennes du Crabe (Carcinus mœnas), vues au micro- scope, le miroir plan étant braqué sur une fenêtre située à 3,32; grossis- sement 170 diamètres. Fig. 21. — Images cornéennes du Crabe observées dans les mêmes condi- tions. CONTRIBUTION L'HISTOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX DES INVERTÉBRÉS LA LAME GANGLIONNAIRE DE LA LANGOUSTE Par M. El. VEALLANES, Directeur de la Station zoologique d'Arcachon. Si nous connaissons d’une manière relativement précise la structure microscopique des nerfs et de leur terminaison périphérique, en revanche nous n'avons que des données très insuffisantes, souvent même plus hypothétiques que réelles sur l’orgamisation intime des centres nerveux des ani- maux vertébrés ou invertébrés. Le sujet est d’un haut intérêt; les observateurs n’ont pas fait défaut, et pourtant ce chapi- tre de l’histologie demeure le plus obscur de tous. Bien que depuis plus de dix ans l’étude du système nerveux soit ma préoccupation la plus constante, je n’ai publié de mes recher- ches que ce qui à trait à l'anatomie proprement dile; j'ai laissé de côté les observations histologiques très nombreuses que jai faites, tant le sujet me semblait périlleux et tant je trouvais difficile d'obtenir des préparations qui ne don- nassent prise à aucune critique. L'étude que je viens de ter- miner de la /ame ganglionnaire me décide à quitter cette réserve; Je ne prétends point que les résultats fournis par l'examen de ce seul organe doivent être généralisés, mais il me semble qu'il y a là un point de départ important pour des recherches futures. ANN. SC. NAT. ZOOL. XII, 29 380 H. VIALLANES. Les principaux résultats de ce travail poursuivi dans les laboratoires de la station zoologique d'Arcachon ont été sommairement communiqués à la Société Zoologique (1) le 9 juin 1891, je les publie aujourd’hui in-extenso en Les com- plétant et les accompagnant de planches. Personne n’a pu feuilleter un des nombreux traités de phy- siologie ou d'anatomie, édités dans ces dernières années, sans connaitre le vieux cliché traditionnellement inséré en tête du chapitre traitant de l’innervation, et que l’auteur manque rarement de donner pour un schéma de l'organisa- tion des centres nerveux. Ce cliché représente une fibre ner- veuse centripète se jetant dans une cellule dite sensitive, laquelle s’unit à une cellule dite motrice; de cette dernière part enfin une fibre centrifuge destinée aux muscles. Ce schéma est l'expression non de faits observés, mais seule- ment d'hypothèses passées à l’état d’axiomes; il est solide- ment établi sur un seul point: à savoir la continuité des cylindres-axes centrifuges avec des cellules centrales : tout le monde peut le constater. Maïs aucun anatomiste n’a observé l'union directe de deux cellules centrales entre elles, et pas davantage l'union d'un cylindre-axe centripète avec une cellule centrale. Certes, je ne suis pasle premier à constater ce désaccord entre les faits et les doctrines. Pour les. Invertébrés, Leydig d’abord, d’autres à sa suite ont montré que la théorie classique n’était plus soutenable. Pour les animaux supé- rieurs, Gerlach, Bellonci, Golgi, ont sapé la vieille doctrine et, plus récemment, mon illustre maître le professeur Kælliker, en publiant ses remarquables études sur la struc- ture de la moelle, leur a donné le dernier coup. Après avoir détruit, pouvons-nous reconsiruire ; sommes-nous en mesure de donner un schéma plus satisfaisant de la struc- ture des centres nerveux ? Plusieurs ont tenté de le faire, (4) H. Viallanes, Sur la structure de la lame ganglionnaire des Crustacés déca- podes (Bull. Soc. zool. de France, t. XVI, p. 168, 9 juin 1891). HISTOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX. 387 ei parmi eux il faut citer en première ligne M. Fridtjof Nan- sen (1), auquel nous sommes redevables d’une importante étude comparalive sur l’'histologie du système nerveux, con- sidéré dans les principaux groupes du règne animal. M. F. Nansen a-t-il réussi dans sa tentative, le nouveau schéma qu'il donne de la structure des centres nerveux est- il applicable à tous les cas où même à un cas déterminé? Je me permets d'en douter; c’est qu’en effet le savant norvé- gien n’a pas entrepris ses recherches en toute liberté d’es- prit. Il à admis 4 priori que le système nerveux était néces- sairement uniformément constitué el cru suffisant de débrouiller l’arrangement des parties en un point déterminé de la chaîne nerveuse, pour imposer à l’ensemble du sys- tème le résultat obtenu de la sorte. Aïnsi, en traitant des Arthropodes qui ont été un de ses objets d'étude favori, M. Nansen s'occupe seulement des ganglions de la chaîne ventrale, et passe sous silence les parties si remarquables qu on trouve dans les régions optiques et olfactives du cer- veau. Pourtant l'aspect microscopique de ces parties est bien fait pour dérouter celui qui n'aurait jamais observé que des ganglions ventraux. Cetie généralisation précipitée est une faule de méthode commise par bien d’autres avant M. Nan- sen; elle m'a frappé dès le début de mes recherches. J'ai résolu de procéder autrement, d'étudier une à une chacune des régions du système nerveux, sauf à comparer ensuite ces observations isolées, pour en tirer des conclusions plus générales. Aujourd'hui je publierai seulement les observations faites par moi sur une des parties Îles plus curieuses du ganglion optique et connue sous le nom de /ame ganglionnaire. La seule description de cet organe prouvera déjà que la théo- rie de M. Nansen, en admettant même qu'elle soit exacte pour quelques régions du système nerveux, doit en tout cas perdre ses prétentions à la généralité. (1) The structure and combination of the histological elements of the central nervous system. (Bergens Museum aarb., 1886.) 388 H. VIALLANES. La lame ganglionnaire s'étale comme une sorte d'écran nerveux en dedans de l’œil composé; par sa face distale elle recoit les fibres (fibres post-rétiniennes) qui sortent des om- matidies; par sa face proximale, elle donne naissance aux fibres du chiasma externe, lesquelles vont s’unir aux parties plus profondes du ganglion optique. La lame ganglionnaire est donc un centre exclusivement sensilif, une sorte de gan- glion de relai interposé sur le trajet de fibres sensorielles ; cette circonstance rend son étude particulièrement instruc- tive, puisque nous sommes assurés de rencontrer exclusi- vement des fibres de même nature. | Dans les recherches précédemment publiées par Bel- lonci, par M. Berger (1) et par moi (2), les détails four- nis sur la structure de la lame ganglionnaire sont tout à fait insuffisants ; la disposition générale des parties constituantes du ganglion optique ayant été la préoccupation principale, la structure intime fut négligée. Un seul observateur fit une tentative dans ce sens ; M. Hickson (3) étudia la structure in- time de la lame ganglionnaire chez un Crustacé (Carcinus mænas) et chez quelques Insectes. M. Hickson était imbu d'idées théoriques préconçues, ses méthodes d'investigation étaient mal appropriées au sujet, aussi n’a-t-il fait qu'ajouter des erreurs au peu qu'on savait. Je ne crois donc pas utile d'entrer dans l’analyse détaillée de ses recherches. Il me suffira de dire que ce naturaliste n’a pas même soupçonné l'existence des organes que je décrirai sous le nom de neu- romatidies et qui jouent pourtant dans l’organisation de la lame ganglionnaire un rôle prépondérant. Mes observations ont porté sur plusieurs espèces; pour (1) Berger, Untersuchungen über den Bau des Gehirns und Retina der Arthro- poden (Arbeiten des Zoolog. Instituts zu Wien., Bd I, Heft.Il, 1878). (2) H. Viallanes, Études histologiques et organologiques sur les centres nerveux et les organes des sens des animaux articulés, 17 mémoire : Ganglion optique de la Langouste (Ann. sc. nat. zool., 6° série, t. XVII). (3) Hickson, The eye and optic tract of Insects. (Quarterly Journal of micr. science, 1885.) HISTOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX. 389 auJour d’hui je parlerai seulement de la Langouste (Palinurus vulgaris) dont l'étude est plus aisée. Le lecteur trouvera dans mon travail sur le ganglion op- tique de la Langouste (1) les renseignements les plus précis sur la situation et les rapports anatomiques de la lame gan- glionnaire ; mais afin de lui éviter cette recherche je repro- duis ci-contre le dessin d’un pédoncule oculifère disséqué. La lame ganglionnaire se présente sous l'aspect d’une mince calotte hémisphérique située entre la membrane basale de l'œil et la masse médullaire externe du ganglion optique. Fig. 1. — Pédoncule oculifère de la Langouste ouvert par sa face supérieure et débarrassé des muscles qui le remplissent, l’œil et la portion externe du gan- glion ont été sectionnés suivant un plan horizontal. — 4, cornée à facettes; b, couche des cristallins; c, corps vitré; d, couche des rétinules ; e, couche des fibres post-rétiniennes : f'chiasma externe; 9, masse médullaire externe ; k, masse médullaire interne; à, masse médullaire terminale ; 4, nerf optique; /, lame ganglionnaire. Pour étudier la structure de la lame ganglionnaire il con- vient de procéder de la manière suivante; après avoir déta- ché de l’animal vivant le pédoncule oculifère, on pratique sur celui-ci une fenêtre latérale, puis on le plonge tout en- tier dans le liquide fixateur. J'avais d’abord employé l'acide chrom o-acéto-osmique de Flemming, depuis j'ai reconnu qu'il était préférable de se servir d’une solution aqueuse sa- turée de sublimé et additionnée d’acide acétique dans la MNOHEL 390 H. VIALLANES. proportion de 5 p. 100 ou moins encore d’alcool à 90° addi- tionné de 6 p. 100 d’acide acétique. Au bout de quelques heures la fixation étant terminée, on lave soigneusement, puis on isole le ganglion optique auquel reste adhérente la lame ganglionnaire; on colore alors la pièce en masse par l’'hématoxyline cuivreuse, puis on inclut et on coupe au mi- crotome le tout selon la méthode que j'ai indiquée dans un travail précédent à propos de l’étude des terminaisons ner- veuses dans l’ommatidie (1). L'hématoxyline cuivreuse a, comme je l'ai dit, la remar- quable propriété de colorer exclusivement les cylindres- axes, le protoplasme et le noyau des cellules nerveuses, tandis que sont ménagés les éléments conjoncüfs. Avant de décrire la structure intime de la lame ganglion- naire, il est nécessaire de rappeler‘en deux mots la consti- tution des tubes nerveux qui pénètrent dans cet organe. Ces tubes, d’ailleurs, n’ont rien de spécial et leur description pourrait aussi bien s'appliquer à tous les tubes qui entrent dans la constitution du système nerveux. Un tube nerveux est formé par une gaine tubuleuse ren- fermant un contenu proloplasmique. La gaine, mince, anhiste, est très peu colorable par l’hématoxyline, dans son épaisseur on trouve de petits noyaux aplalis assez espacés. Le contenu protoplasmique, très colorable par l’hématoxy- line cuivreuse, présente exactement l'aspect et les carac- tères histochimiques du protoplasma des cellules nerveuses typiques; aussi sommes-nous en droit de le considérer comme analogue au cylindre-axe des Vertébrés, et PER de le désigner sous ce même nom. À l’état frais le cylindre-axe remplit complètement la ca- vité du tube, mais en présence de plusieurs réactifs coagu- lants, il se contracte comme Île ferait sous les mêmes in- fluences, le protoplasma d’une cellule ganglionnaire. Le cylindre-axe, ainsi contracté, se présente sous l’aspect d’un (1) H. Viallanes, Recherches anatomiques et physiologiques sur l'œil composé des Crustacés et des Insectes (Ann. sc. nat. zool., T° série, t. XIII, p. 356). HISTOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX. 391 filament très fortement coloré par l’hématoxyline, séparé de la gaine par un espace annulaire parfaitement incolore ig. 3 et 4). Le cylindre-axe montre une striation longitu- dinale des plus manifestes; faut-il avec M. Nansen, ad- mettre que cet aspect provient de ce que le cylindre-axe serait constitué par un faisceau de tubes extrêmement fins dit éubes primifs? Pour moi, je ne l’oserais, n'ayant jamais obtenu de préparations qui m'’aient convaincu, et de plus estimant que les arguments fournis par M. Nansen à l'appui de sa thèse, ne sont pas à l’abri de très sérieuses critiques. Il importe peu d’ailleurs, il s’agit là d’un point de détail sans influence sur l’ensemble des résultats que je vais ex- poser. La lame ganglionnaire, par l’arrangement de ses parties reflète l’organisation de l’œil composé : elle est constituée par la réunion d’un grand nombre de petits organes rangés les uns à côté des autres avec beaucoup de régularité (fig.1). Chacun d’eux répond à une des ommatidies et est traversé par les sept cylindre-axes qui naissent de celle-ci1(1). J'ai dû chercher un nom pour désigner ces petits organes, je propo- serai celui de rneurommatidie. En plus des neurommatidies, nous aurons à examiner pour achever l'étude de la lame : 1° la gangue névroglique qui les enveloppe; 2° les plexus nerveux développés entre elles ; 3° les cellules ganglionnaires qui concourent à constituer la lame ; 4° les vaisseaux sanguins chargés de la nutrition de toutes ces parties. En pénétrant dans la couche externe de la lame, les cylin- dres-axes confondent leur gaine propre avec la substance névroglique qui constitue cette couche (pl. XIL, fig. 2). Des recherche comparatives dans l’exposé desquelles je ne puis entrer, me laissent supposer que les cylindres-axes, en tra- (4) H. Viallanes, Sur la structure de l'œil composé des Crustacés macroures (Comptes rendus Acad. sc. Paris, 4 mai 1891). — Recherches anatomiques et physiologiques sur l'œil composé des Crustacés et des Insectes (Ann. sc. nat. zool., se sér., t. XIII, p. 349) 392 H. VIALLANES. versant la neurommaiidie, conservent leur gaine propre; dans le cas particulier je n’oserais être affirmalif. Chez la Langouste, sur des coupes transversales (pl. XIT, fig. 8-11), j'ai vu au centre de la neurommatidie, les cylindres-axes groupés en un faisceau serré et englobés par une substance irès peu colorable; substance qui représente probablement les gaines cylindre-axiles fusionnées et confondues. Au sortir de la neurommatidie, les cylindres-axes traversent l'assise névroglique qui constitue la couche interne de la lame (pl. XIL, fig. 1 et 2, C) pour gagner, sous le nom de fibres du chiasma externe (fig. 1, che), les parties plus pro- fondes du ganglion optique. Revenons à la neurommatidie, examinons celle-ci sur une section transversale (pl. XIT, fig. 10). Au centre nous reconnaissons les cylindres-axes réunis en un faisceau par la substance peu colorable que je signalais plus haut. Le faisceau ainsi formé est lui-même enveloppé par une substance protoplasmique très colorable, ayant l'aspect fine- ment fibrillaire et les réactions histochimiques des cellules nerveuses typiques, mas ne renfermant rien qui ressemble à un noyau (pl. XIT, fig. 2, no et fig. 7-11). A la périphérie, cette substance protoplasmique s’étire en tractus ramifiés, se soudant par leurs extrémités à la paroi de la neurom- matidie. Cette paroi est formée par une mince couche de cette même substance protoplasmique. Les espaces libres ou vacuoles (fig. 7 et 8) situés entre les tractus sont remplis par un suc limpide ne fixant pas les réactifs colorants, el auquel se trouve mêlée une substance irès finement granu- leuse (fig. 9 à 11). En somme, la neurommatidie peut être considérée comme une masse protoplasmatique à structure aréolaire, traversée de part en part par les cylindres-axes qui proviennent de l'ommatidie correspondante. L'examen d’une série de coupes parallèles aux faces de la lame ganglionnaire nous fournit de très utiles renseigne- ments sur les aspects variés que présente une neurommatidie HISTOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX. 393 suivant le niveau auquel on la considère. La coupe 7 rencon- tre les ommatidies à leur partie tout à fait externe, nous voyons qu'en ce point les tractus protoplasmiques sont très rares, on n en compte guère plus de 4 ou 5, il en est encore de même pour la section suivante (pl. XIL, fig. 8). Sur la coupe 9, le nombre des tractus reste sensiblement le même, mais la masse proloplasmique est plus volumineuse et de plus la substance granuleuse commence à apparaitre (pl. XII, fig. 9 g). La section 10 nous montre les tractus beaucoup plus nombreux, et la masse protoplasmique très accrue; ces caractères s’exagèrent encore sur la coupe suivante qui correspond à la partie tout à fait interne des ommatidies (pi. XIE, fig. 11). Ganque névroglique de la lame ganglionnaire. — Les élé- ments nerveux qui constituent la lame ganglionnaire, sont plongés au sein d’une gangue de substance névroglique remplissant les espaces qui séparent les neurommati- dies (1); elle forme ainsi un revêtement épais en dehors et en dedans de l’assise constituée par l’ensemble de ces petits organes (pl. XIT, fig. 1, À et C). La substance névro- glique est transparente, à peine colorable par l'hématoxy- line, elle montre un aspect stratifié, bien reconnaissable surtout dans la région externe de la lame (fig. 2, et 5, 6, 7); elle renferme de petits noyaux (fig. 1, 2 et 5, #n) dépourvus de protoplasma apparent et très peu colorables par l’héma- toxyline. En raison de ce double caractère, ces noyaux ne peuvent Jamais être confondus avec les cellules ganglion- naires typiques et pas davantage avec les petites cellules à protoplasma réduit, connues sous le nom impropre de « noyaux ganglionnaires ». | (1) Les neurommatidies sont renflées à leurs deux extrémités et se tou- chent presque, à ce niveau la gangue névroglique est très peu abondante (pl. XIL, fig. 7, 8, 9 et 11) tandis qu'elle l'est bien davantage à la partie moyenne (fig. 10). D'ailleurs les neurommatidies sont plus ou moins rap- prochée l’une de l’autre, selon le point de la lame que l’on examine. Pour exécuter les figures 1 et 2 j’ai choisi une région où les neurommatidies étaient très peu serrées. 394 H. VIALLANES. Notons pour terminer que la substance névroglique est identique à celle qui forme la gaine des tubes nerveux ; nous devons donc considérer cette dernière simplement comme une expansion de la substance névroglique qui englobe les éléments de la lame. Plexus nerveux de la lame ganglionnaire.—Dans la couche moyenne de la lame ganglionnaire est développé un riche plexus nerveux, dont les branches entrecroisées dans tous les sens et circulant entre les neurommatidies (fig. 10, pl). ont tous les caractères des cylindres-axes typiques; mais ils sont dépourvus de gaine propre, et plongent à même dans la gangue névroglique de la lame. On s’en rend surtout bien comple en examinant les points où 1ls sont transversalement sectionnés, chacun d'eux se montre alors comme un petit cercle bleu foncé (fig. 2, pl!) enveloppé d'une zone tout à fait incolore, directement limitée par la gangue névroglique; c'est encore, une des raisons qui me font considérer cette dernière comme une expansion de la gaine des tubes ner- veux. J'ai souvent rencontré des aspects laissant supposer que les rameaux ultimes de ce plexus se terminent dans cette névrologie par des pointes effilées, je n’oserais affirmer l'exactitude de mon interprétation. En {out cas, rien ne donne lieu de supposer que les branches du plexus s’unis- sent d'une manière quelconque aux neurommalidies ou aux cylindres-axes venus des ommatidies. Du plexus se déta- chent des cylindres-axes qui se dirigent vers la face interne de la lame (fig. 2, p/”), sortent de cette dernière en se revé- tant d’une gaine propre, et vont gagner les parties plus pro- fondes du ganglion optique en se mélangeant avec les fibres du chiasma externe. | Cellules ganglonnaires de la lame. — Aux éléments précé- demment décrits sont associées des cellules ganglionnaires. Toutes sont unmipolaires, leur protoplasma, relativement abondant, se colore avec intensité sous l'influence de l’héma- toxyline; leur noyau est volumineux, arrondi et pourvu HISTOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX. 395 d’un gros nucléole très fortement colorable. Les cellules ganglionnaires se répartissent en trois catégories quant à leur situation. Les premières (pl. XII, fig. 1 et 2, cgf) sont situées en dehors de la couche externe de la lame; elles occupent les interstices compris entre les faisceaux des fibres post-ré- tiniennes; leur prolongement s'enfonce dans la couche externe de la lame, mais je n’ai pu le suivre jusqu’à sa ter- minalson. Les deuxièmes (fig. 1 et 2, cg2) sont plongées au sein de la substance névroglique qui forme la couche externe de la lame, le prolongement se dirige vers le plexus nerveux; je n'ai pu m'assurer s'il se terminait là. Les troisièmes (fig. 1, c93), dont le nombre est très réduit, sont appliquées contre la face interne de la lame, leur pro- longement se rend au plexus nerveux pour se mélanger et peut-être s'unir aux fibres de celui-ci. Vaisseaux de la lame. — La lame est irriguée par un riche plexus de petits vaisseaux à parois propres plongés dans la gangue névroglique. La plupart de ceux-ci se dirigent de dedans en dehors et se fraient un chemin en écartant les neurommatidies (pl. XIT, fig. 1 et 2 v). Hypothèse sur le rôle physiologique de la lame ganglion- naire. — La lame ganglionnaire, comme nons l'avons dit, est formée par la réunion d’un grand nombre de petits or- ganes répondant chacun à une ommatidie et que, pour cette raison, nous avons désignés sousle nom de neurommatidies. La neurommatidie n’est autre chose qu'une masse proto- plasmique à structure aréolaire, présentant les mêmes réac- tions histochimiques que le protoplasma des cellules gan- glionnaires. La neurommatidie est traversée de part en part par les sept cylindres-axes venus de l’ommatidie correspon- dante, et qui gagnent ensuite Les parties plus profondes du ganglion optique. Entre les neurommatidies, mais sans s'unir directement 396 H. VIALLANES. avec elles, circulent les branches d’un riche plexus nerveux, duquel se détachent des fibres qui sortent de la lame pour gagner les centres plus profonds. | Telle est dans ses traits essentiels l'organisation des par- tes constitutives de la lame. Nous ne pouvons émeltre que des hypothèses sur leur rôle physiologique. Si j'en propose une, c'est que les vues de l'esprit sont utiles pour grouper les faits acquis, et que souvent elles suscitent des recherches nouvelles. Voici donc l’hypothèse qui me semble le plus propre à expliquer le mode de fonctionnement des parties qui composent la lame ganglionnaire : Les sept cylindres-axes qui traversent la neurommatidie peuvent agir à distance, par érduction, sur la substance pro- toplasmique qui la constitue. Aïnsi l’état moléculaire de cette substance subit des modifications corrélatives à l’inten- silé des courants traversant les cylindres-axes inducteurs. La substance de la neurommatidie, agissant à son tour par induction sur les fibres du plexus, y délermine la production de courants nerveux. Si l’on admet que ces parties jouissent de telles propriélés, le rôle physiologique de la lame ganglionnaire sera facile à comprendre. Un corps lumineux a formé son image sur la partie sen- sitive d'une ommatidie ; les sept cylindres-axes qui en par- tent vont transmetireaux centres cérébraux sept impressions distincles, qui pourront renseigner l’animal d’une manière relativement précise sur la forme du corps lumineux. L'in- flux nerveux qui parcourt les cylindres-axes, agissant par induction, a excité le protoplasma de la neurommatidie et y a déterminé un état moléculaire spécial. Si Le corps lumi- neux, en se déplaçant, quitte le champ visuel de l’ommali- die, l'influx nerveux cesse de parcourir les cylindres-axes, et le protoplasma de la neurommatidie, n'étant plus excité, reprend son état premier. Un corps lumineux se déplaçant devant l'œil déterminera donc une excitation, successivement dans chacune des neu- LL EXPLICATION DE LA PLANCHE XII. 397 rommatidies répondant aux ommatidies dont le champ vi- suel aura été traversé. Si, comme nous l’avons supposé, le protoplasma des neu- rommatidies peut agir par induction sur les branches du plexus, des courants nerveux s’y développeront au voisinage de chaque neurommatidie excitée, et gagneront ensuite les centres plus profonds par les voies que nous avons indiquées. Le plexus pourra donc être le point de départ de sensations susceptibles d’avertir l'animal des déplacements d’un corps lu- mineux avant même que la forme de ceux-ci ait été perçue. Cette hypothèse me paraît expliquer le rôle physiologique de la lame ganglionnaire; au moins nous permet-elle de comprendre la raison d’être de dispositions anatomiques inconcilhables avec les doctrines classiques. EXPLICATION DE LA PLANCHE Xl Fig. 4. — Coupe perpendiculaire de la lame ganglionnaire. A, couche externe; B, couche moyenne; C, couche interne; fpr, fibres post-réti- niennes ; cg!, cellules ganglionnaires de la première catégorie; cg?, cellules ganglionnaires de la deuxième catégorie; cg*, cellules ganglionnaires de la troisième catégorie; nn, noyaux de la névroglie; no, neurommatidies ; pl, plexus nerveux; che, fibres du chiasma externe; v, vaisseau sanguin. — Gross. : 360 diamètres. Fig. 2. — Portion d’une coupe analogue à la précédente mais grossie 612 tois; for, fibres post-rétiniennes ; nn, noyaux de la névroglie; cg?, cel- lules ganglionnaires de la deuxième catégorie; no, protoplasma de la neurommatidie ; pl, plexus nerveux de la lame; pl’, fibres du plexus coupées transversalement; pl”, fibre née du plexus et sortant de la lame pour se rendre à la masse médullaire externe; v, vaisseau sanguin; A, couche externe de la lame; B, couche moyenne; C, couche interne. Fig. 3. — Coupe transversale d’un faisceau de fibres post-rétiniennes; cy, cylindres-axes; g, gaine des tubes nerveux; nn, noyaux de la gaine des tubes. — 612 diamètres. Fig. 4. — Coupe transversale d’un faisceau de fibres post-rétiniennes au 398 H. VIALLANES. niveau des cellules ganglionnaires de la 4" catégorie; cy, cylindre- axe; g, gaine d’un tube nerveux; cg!, cellule ganglionnaire. — 612 diam. Fig. 5. —- Coupe parallèle à la surface de la lame et intéressant la portion la plus externe de celle-ci; f, faisceau de fibres post-rétiniennes péné- trant dans la lame et transversalement sectionné; n,névroglie; nn, noyaux de la névroglie. Fig. 6. — Coupe parallèle pratiquée non loin de la surface externe de la lame ganglionnaire; f, faisceau de fibres transversalement sectionné ; n, névroglie; nn, noyau de la névroglie. Fig. 7. — Coupe pratiquée en dedans de la précédente et intéressant la partie la plus externe des neurommatidies; f, fibres axiales de la neurom- matidie; p, protoplasma de la neurommatidie; n, névroglie ; n=n, noyau de la névroglie. — 612 diamètres. Fig. 8. — Coupe pratiquée en dedans de la précédente; j, fibres axiales de 1 neurommatidie ; p, protoplasma de la neurommatidie; n, névroglie. — Gross. : 612 diamètres. Fig. 9. — Coupe pratiquée en dedans de la précédente; elle correspond au niveau où les ommatidies sont le plus larges et se touchent presque par- tout, excepté pourtant aux points de passage des vaisseaux; f, faisceau nerveux axial des neurommatidies ; p, protoplasma des neurommatidies ; g, Substance granuleuse qui remplit partiellement leurs vacuoles. — 612 diamètres. C Fig. 10. — Coupe pratiquée en dedans de la précédente, elle correspond à la parlie moyenne des neurommatidies; f, fibres axiales de la neurom- matidie; p, protoplasma de la neurommatidie; 4, substance granuleuse remplissant partiellement les vacuoles de la neurommatidie ; pl, plexus nerveux développé entre les neurommatidies ; n, névroglie; nn, noyau de la névroglie. — Gross. : 612 diamètres. Fig. 11. — “Donne pratiquée en dedans de la précédente et intéressant la ae interne des neurommatidies; f, faisceau axial des neurommatidies ; p, leur protoplasma ; g, substance granuleuse remplissant leurs vacuoles :; n, névroglie; nn, noyaux de la névroglie. — Gross. : 612 diamètres. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME Notice historique sur Henri Milue Edwards, membre de l’Académie des Sciences, lue dans la séance publique annuelle de l’Académie des Sciences du 21 décembre 1891, par M. Berthelot, secrétaire perpé- Ra eadEmiIe des Sciences enniie. meute 2 LR Recherches sur les organes des sens et sur les systèmes tégumentaire, glaändulaire el musculaire des appendices des Arachnides, par M. Paul HELENE Ge à do ve e RASE En ER PEN PIE PR RSS Observations préliminaires sur les Paguriens recueillis par les expédi- tions du Travailleur et du Talisman, par MM. A. Milne-Edwards et nel. BONE de 2 DRAM SRE TE Etude sur les épithéliums sensitifs de quelques Vers annelés, par Ét. Jourdan, chargé d’un cours complémentaire à la Faculté des sciences, professeur à l’École de Médecine de Marseille.................... Observations anatomiques sur l’Hyperoodon rostratus Lilljeborg, par TR Dee dd A Nul se os 0 Contributions à l'étude de la couche sous-cuticulaire des Nématodes et particulièrement du genre Ascaris, par M. Léon Jammes.......... Analyse d’un mémoire intitulé du déguisement des Décapodes oxyrhyn- ques à l’aide d’adaptations singulières du corps, par Carl W.S. Au- UE AL du A A Recherches anatomiques et physiologiques sur l’æil composé des Ar- thropodes, par M. H. Viallanes, directeur de la Station zoologique IL LTOESR ONE ABOU A, PARA TR en een Contribution à l’histologie du système nerveux des Invertébrés. La lame ganglionnaire de la Langouste, par M. H. Viallanes, directeur de la ADO UE dEMrCRChoEn.e 00. LS MR eue ee eee TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS AuriviLuius (Carl W. S.). — Analyse d’un mémoire intitulé du déguise- sement des Décapodes oxyrhynques à l'aide d’adaptations singulières To COS RS Lee RON NRER PR CURE CEE OPERA BerTHecor. — Notice historique sur Henri Milne-Edwards, membre de 343 400 H. VIALLANES. lMcadémie des 2SCreN CES MN. . 1, 7 SR NE ER Bouvier (E.-L.). — Observations anatomiques sur l'Hyperoodon rostra- US SLHNebOnS PRE CU RE EE : GAUBERT (Paul). — Recherches sur les organes des sens et sur les sys- tèmes tégumentaire, glandulaire et musculaire des appendices des Arachnides ..... SA le à à een nl à it ee SU VE AI DUREE James (Léon). — Contributions à l’étude de la couche sous-cuticulaire des Nématodes et particulièrement du genre Ascaris.............. Jourpan (Ét.). — Étude sur les épithéliums sensilifs de quelques Vers APTE SE TELE FN ete de DO Re MIRE Ce Mizxe-Epwarps (A.) et Bouvier (E.-L.). -- Observations préliminaires sur les Paguriens recueillis par les expéditions du Travailleur et du TOSMANt. SENIOR RS MR NUL RGB ERREUR PSE AR ASE ViaLLANEs (H.). — Recherches rene et physiologiques sur l'œil composées Ar LRropodési er AU ET MP ONE NE REre ViaALLANES (H.). — Contribution à l’histologie du système nerveux des Invertébrés. La lame ganglionnaire de É Langouste.. Pr eee TABLE DES PLANCHES ET DES FIGURES DANS LE TEXTE CONTENUES DANS CE VOLUME : PI. 1 à 4. — Glandes et organes sensitifs des Arachniles. PI. 5 et 6. — Épithéliums sensitifs des Annélides. PI. 3 et8. — Anatomie de l'Hyperoodon. PI. 9. — Couche cuticulaire des Nématodes. PI. 10 et 11. — OEil des Crustacés et des Insectes. PI. 12. — Lame ganglionnaire de la Langouste. Ra \ ii A na & ê Re ee. des Setene. nat. 7 Serre. de ti Zoo. Tome 13, PL.z. . Gaubert del, Tim y re Glandes et organes Lyriformes des Arachnides Znp.Lemererer et L'© Paris Zoo. ZJome 17, PL. AE Gaubert del formes des Arachrides : 2 La anes 1 Org ze PATiS. Znp.Lemercier et € SALE (5 ral V0 Tome 18,21 3 SERIES ES EN PREND RS KT LR L 2 AVANT Part ‘as To ————__——— Eure) LES (ef ENT Se orne Fa Æinly we: Gaubert del, LACS , des Arachn Organes SERSUSS mp. Lemercier et C® Paris Zool Tome 13 Pr Gaubert del, ; Æinméy se: A Ippendices des Arachnides . Imp.Zemercter et C te Paris. D ET — Zool.T XIII, PL.5 rl 7}, pu se 4 ue [Nan NS "at F1 À Î Et 1 del. : Ro Epitheliums sert a des Annclides Trompe et Cirrhe dorsal de siphonostoma. Clap. Imp.Zemercer, Paris Zool.T. AN, PL, 6 EN ASE DRE HD es nee 07 Vi A £ KES Ni FA a æÆ ” | 1 À] à 4: ù Si #1 LÀ Ai U\E 4 [l Jet Jr Mico des Anneélr , Aestone. Sylles. Arerucola. Hermella S 24) Imp LemercierParis ÆEpitheliums sens Rhynco bolu Ft Jourdan del Ann.des Se.nat. 7 *Série Zoot.T XIL.PL 1. ere OH EM EE ee, EL.Bouvier ad.natdel, Ch.Richard ht. Anatornie de L'AÀ ypreroodon Imp .Lemercier Paris . Ann.des Senat.7* Série D LT AIT PIS EL Pouvier ad. nat del Ch. Richard lit2. | Analomue de L'Hyperoodon . Imp. Lemercier, Paris. Ann.des Sc.rat. 7 ° Serie. di. Zol TA PL. L.Jammes del Couche sous-cuticulaire des Nematodes SE des Imp.Lemercier, Paris. ST AN HE oi nn An nr SR SE is Re SÈ D mr F. Viallanes del. Oeil des Crustaces, et des Insectes Imp Lemercier Paris Nicolet lith Pi. des $Sc.naL: 7° Série b FH .Viallanes del. Oeil des Ürustacés, et des Insectes Imp. Lemeroier Paris. Zoo TATI PL17 = ss CR Ve ni 2 Se À Zool. T. AN. PL 12. Ann. des Sc.nat. 7 * Serce. COST Lex É es LE j;) LOT ik j (3; ‘ 4 AT) Ç Fe 7 a : fi ô 1 r a et" V4 > ÿ s< Park 2 ’ fi fr Le) { ! 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