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AN EN + CS | Yaris LE ETATS ee LE LE 2 Et es d LI Le. ny | D 5 e ALT HAE ‘4 V | VZ #60 É à : tT £ {1 CEE PT LIEH'PI HT SAOLAAM 4 ELLE ADAM A 1 AREA LL EN re mis last oh sal afin ml 0 | co! té + ÉTUDE GÉNÉRALE SUR LA PÊCILE AU GRAND CHALUT DANS LE GOLFE DE GASCOGNE Par M. Georges ROCHÉ. INTRODUCTION. Dans le golfe de Gascogne, il y a vingt ans environ, des chaloupes jaugeant au maximum 14 à 15 tonneaux allaient chaluter à des profondeurs qui ne dépassaient jamais 45 bras- ses d’eau (1) et prenaient de grandes quantités de poissons (2). L'engin n'avait pas plus de 9 à 10 mètres de longueur, sur 10 à 12 mètres de profondeur ; enfin la valeur de l’arme- ment était de 6000 francs environ. En raison du dépeuplement de nos eaux occidentales, les pêcheurs sont obligés d'aller aujourd'hui plus au large exploiter des parages plus profonds. Il leur faut donc pour résister à [a mer, pour travailler utilement à 55 ou (1) La brasse vaut 12,65. (2) « En sortant du pays Nantais, nous entrons en Poitou et nous trouvons d'abord les îles de Noirmoutier, l’île d’Yeu, l'ile de Bouin et les Sables- d'Olonne. Dans toutes ces îles il y a des barques de 2 ou 3 tonneaux, non pontées, dans lesquelles se mettent... jusqu'à sept hommes, savoir : un maitre, cinq matelots et un mousse. Depuis le commencement de novembre jusqu’au mois de mai, ils vont jusqu’à deux lieues du rivage pêcher avec leur drague. » — Duhamel du Monceau, Trailé général des Péches, 3° section, p. 74; Paris, 1769. ANN. SC, NAT: 200L. AR 2 GEORGES ROCHE. 60 brasses de profondeur, des bateaux relativement volumi- neux, qui puissent lenir devant les grosses houles et résis- ter aux violentes tempêtes de notre golfe de Gascogne. Mais il faut encore que ces bâtiments soient construits de façon à permettre un retour au port aussi rapide que pos- sible, alors que, la pêche faite, on doit songer à en assurer une rofilable vente. Dans ces dernières années, les constructeurs se 1n beau- coup préoccupés de développer et d'associer autant que pos- sible ces qualités de pêche, de résistance à la mer et de ra- pidité dans la navigation que les marins désiraient obtenir pour leurs ane Mais la jauge de ceux-ci atteint maintenant 18, 25, 30, 35 el même #5 tonneaux, tandis que le coût de l’armement va- rie de 12 à 15 et même 18000 francs. Les conditions économiques de la pêche au chalut ont donc été profondément modifiées. De plus, alors qu’en des parages peu éloignés et peu profonds les pêcheurs faisaient jadis d’abondantes récoltes, il leur faut maintenant rester au large souvent plus de huit jours pour obtenir un bien moindre ren- dement. Cependant, depuis quelques années, le commerce du Pors- son frais prend une importance sans cesse grandissante. La facilité des transports, l'emploi de la glace à bord des em- barcations de pêche, permettent la diffusion très large à l'intérieur du pays des produits que fournit l'Océan. À l'étranger tout particulièrement, les procédés modernes de capture des poissons comestibles, l’organisation des transports rapides et peu coûteux ont subi de successifs el considérables perfectionnements (1). Comme ressource alimentaire, le poisson frais est sûr de trouver de faciles débouchés. C’est ainsi que malgré la pêche intensive que font de la sole les Hollandais dans les mers ; (1) Dr Sauvace, Rapport au ministre de l'Agriculture sur la pêche dans l'Est de l’Angleterre 1886. — Georges Rocné, Revue technique de l’Expo- sition universelle de 1889, 9° partie, p. 354. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 3 septentrionales, ils viennent encore en acheter dans nos ports français. Il présente donc un intérêt immédial d'étudier aujour- d’hui le chalutage en eau profonde, de comprendre:la va- leur de cette branche de nos Pêcheries nationales, d’en connaître les procédés et les terrains d’exploitation, afin de pouvoir travailler utilement, dans la suite, à lui faciliter sa tâche et à élaborer une réglementation scientifique et éco- nomique de l’exploitation de nos eaux. Si d’une par!l, en effet, nous ne pouvons voir qu'avec plai- sir nos armateurs et nos marins s’ouliller en vue d’une récolte intensive des poissons comestibles, en haute mer, il appartient, d'autre part, aux pouvoirs publics de veiller à ce qu'il soit fait des études précises sur les causes de des- truction abusive des animaux intéressant l'industrie des Pêcheries. Depuis plusieurs années, les pêcheurs belges réclament avec insistance une interdiction temporaire du chalutage dans leurs eaux litlorales. Le jour est proche où il nous fau- dra, nous aussi, prendre des mesures peut-être violentes pour protéger ce qui restera des ressources alimentaires de nos eaux marines. Or, si une sage réglementation est nécessaire, elle doil être basée aussi sur une connaissance approfondie des con- ditions biologiques et des périodes de reproduction des ani- maux qui intéressent l’industrie des Pêcheries, de façon à préserver énergiquement des essaims de poissons destinés à acquérir une certaine valeur commerciale. Étant donnée l'importance considérable des armements actuels pour la pêche au chalut en eau profonde, étant donnt aussi que celte industrie est assez peu connue des nalura- listes el des gens de science qui lui peuvent cependant pré- ter un utile concours, j'ai cru bon de publier cette Étude générale, qui doit être le préliminaire de toutes les investiga- tions scientifiques entreprises sur un sujet d'aussi grande portée pratique. 2 GEORGES ROCHE. Dans ce travail, j'aurai donc à m'occuper des modifications apportées aujourd'hui dans la construction et l'outillage des bateaux chalutiers, puis à me livrer à quelques considé- rations sur leurs engins (le train de pêche). J’aurai ensuite à décrire les manœuvres et les procédés de la pêche, puis à examiner l'étendue et la nature des terrains qu’elle exploite. Je m'arrêlerai aussi sur la faune ichthyologique qui inté- resse la pêche au grand chalut, indiquant en passant quel- ques notions précises sur la nature des poissons comestibles, sur leur fréquence, les brasseyages et les régions qu'ils paraissent affectionner aux diverses époques de l’année, en même temps que j'énumérerai quelques-uns des êtres qui forment leur nourriture et dont j'ai pu constater la présence. J'aurai ensuite à envisager dans son ensemble l’industrie qui nous occupe à un point de vue économique général, puis à m'atiarder un peu sur les problèmes modernes posés par nos chalutiers : d’abord celui de la réglementation scienti- fique du chalutage, puis celui de la pêche dans des parages plus éloignés encore que ceux que nous exploitons mainte- nant tte Nous ne connaissons malheureusement que bien peu de chose sur les conditions océanographiques de nos espèces comestibles dont M. le professeur J. Thoulet préconise avec tant d'autorité l'étude. Ces recherches spéciales promettent de devoir être très mstructives et hautement intéressantes, mais elles exigent un outillage particulier et des conditions d'observation que je n'ai pu trouver à bord de simples bateaux de pêche comme ceux dont j'ai étudié les opérations au large. C’est en effet en vivant à bord des chalutiers à vapeur et des chalutiers à voiles, en suivant leur travail dans tout le golfe de Gascogne, à diverses époques de l’année, que J'ai pu recueillir les matériaux de ce travail (pendant les mois de juillet, août et septembre 1890, puis de mars et avril 1892). Cette étude affectant un grand caractère de généralité, je PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. Hi ne saurais, bien entendu, l'accompagner de statistiques dont j'aurais, du reste, à examiner la valeur. Je ne m'occuperai pas non plus de la pêche au petit chalut, si ce n’est afin de montrer quels dangers elle offre pour l’avenir de nos pê- cheries. Pour accomplir cette tâche souvent difficultueuse, j'ai dû recourir à beaucoup de bonnes volontés. Je ne saurais trop dire avec quelle amabilité et quel dévouement j'ai été aidé par MM. les commissaires de l'inscription maritime ainsi que par les pêcheurs et les armateurs de notre littoral (1). Je dois à leur inappréciable complaisance d’avoir pu tra- vailler utilement, je crois, en mer et dans les ports d’arme- ment : Arcachon, la Rochelle, Saint-Martin-de-Ré, les Sables- d'Olonne, Port-Breton (île d’Yeu), Le Croisic et Groix. Mais je veux aussi remercier respectueusement mon émi- nent maître, M. le professeur A. Milne-Edwards, qui m'a si bienveillamment encouragé dans cette étude, et dont la compétence si vaste et si éclairée m'a servi de guide au cours de mon travail. CHAPITRE PREMIER CONSIDÉRATIONS SUR LES BÂTIMENTS ET LE TRAIN DE PÊCHE. Il ne m'appartient pas de m'étendre bien longuement sur les constructions modernes usitées pour nos bâtiments cha- lutiers travaillant en eau profonde. Cependant, il ne me paraît pas dépourvu d'intérêt de rappeler que les formes (1) Je tiens à remercier tout spécialement mon maïtre M. Viallanes, di- recteur de la station zoologique d'Arcachon, M. Amédée Odin, directeur du laboratoire maritime des Sables-d'Olonne, M. Johnston, directeur de la So- ciété des pêcheries de l’Océan, M. Delon, administrateur de cette Société. Je veux enfin exprimer ma reconnaissance aux patrons pêcheurs qui m'ont prêté leur concours et dont j'ai partagé l'existence à la mer : MM. Mor- gand Redé (de Saint-Martin-de-Ré); Marraud et G. Rabilier, aux Sables- d'Olonne ; Pillart et Armand Moreau, au Croisic, Hubert Nexère, le Dreff et Joseph Gourong à Groix. 6 GEORGES ROCHÉ. adoptées plus généralement aujourd’hui pour ces bateaux, sont la grande Chaloupe el le Dundee. Le Dundee, que semblent préférer aujourd’hui les pêcheurs grésillons et sablais, offre de réelles qualités de résistance à la mer, son étrave élant lrès élevée et sa warangue très creuse ; il tient admirablement debout à la lame et offre beaucoup de résistance, par l'arrière, à l'assaut furieux des vagues en gros temps. Sa forme élancée lui permet aussi une réelle rapidité de navigation, pour se rendre sur le lieu de pêche et pour en revenir. Peut-être, à ce point de vue, est-il moins apte à la course cependant que le Dandy américain. Quelle qu’en soit du reste la forme, ces bateaux sont aujourd'hui construits d’une façon parfaite en divers ports : le Palais, le Croisic, la Rochelle et surtout les Sables- d'Olonne, où cette construction se fait en grand, avec des matériaux excellents et d’une façon très habile. Depuis quelques années le tonnage de ces embarcations ayant augmenté beaucoup, la jauge la plus courante est maintenant de 30 à 35 tonneaux, et il est construit, à l'heure actuelle, deux bâtiments de pêche, du type Dundee, ayant : l’un 45 et l’autre 50 tonneaux de jauge (1). Le bois de la charpente est liré des chênes roux de Vendée, la mâture du pitch-pin du Nord. La longueur totale du bâtiment atteint 54 pieds, celle de la quille est seulement de 38 pieds. Il est admis par les pêcheurs que, pour fuir la mer, le Dundee offre de grands avantages, alors que pour la tenir par tous les temps, la Chaloupe serait préférable. Il me semble aussi qu'en cela, comme en beau- (1) On pratique la pêche à la drague « à l'ile de Ré avec des bâtiments pontés, du port de 20 ou 25 tonneaux (8 à 10 de jauge) qu’on nomme fra- versiers, qui portent un grand mât, une vergue et un beaupré; une grande voile et deux trinquettes; et ces {raversiers vont à la pêche avec trois hommes et un garcon. Cette pêche commence vers la fin de septembre et se con- tinue jusqu’au mois de mai, et comme elle se fait toujours sous voiles, ils parcourent depuis la pointe de l’île, du côté ouest, jusque par le travers d'Olonne, ce qui fait une distance de 15 à 20 lieues. » (Duhamel du Monceau, Traité général des pêches, sect. IIT, p. 75.) PÊCHES DU :GOLFE DE GASCOGNE. 7 coup d’autres choses moins importantes, /4 mode joue un grand rôle dans les prédilections des chalutiers. Cependant, le système des warangues creuses est préférable à celui des warangues rondes, je crois, le bateau ne pouvant point se coucher sous la violence de la rafale, offrant moins de tendance à gîter. En dehors de ces formes de bâtiments, les pêcheurs nor- mands qui fréquentent aujourd'hui le port de la Rochelle emploient encore le Côftre, et les pêcheurs bretons du Finis- tère s’aventurent très au large avec leurs petites chaloupes de 28 pieds de longueur qui ne sont même pas pontées. L'aménagement d’un grand bateau chalutier, chaloupe ou Dundee, ne comporte aucun sacrifice fait au confortable. La plupart des embarcations n’offrent qu’une seule chambre qui est en même temps le poste de l'équipage (1). Cette chambre est placée tout à fait à l'arrière du bâtiment et communique avec la cale, qui occupe presque toute la longueur du navire et où se trouvent placées les glacières, les réserves de tilets, les pièces de rechange pour le grée- ment, etc. Sur le pont, qu’entoure un bastingage peu élevé, je n’ai guère à mentionner que le treuil à bras, lourde machine placée un peu en arrière du mât de misaine dans la chaloupe, en avant de ce mât dans le côtre et le Dundee, et pourvue de manivelles démontables. Chacun des bateaux travaillant isolément, et venant lui- même dans les ports de la côte vendre le produit de son travail, il est important aussi de leur assurer une marche suffisamment rapide. La forme Dundee, en raison de l’évi- dement de son arrière, de ses facons creuses, présente, en somme, de grandes qualités à ce point de vue. Devant m'appesantir un peu plus tard sur la Péche en société, qu'ont pratiquée beaucoup de nos chalutiers et qui est actuellement mise en usage par les Anglais et les Amé- (1) Aujourd’hui cependant quelques patrons se font ménager une cham- bre indépendante du poste. 8 GEORGES ROCHE. ricains, je ne saurais insister en ce moment sur l'utilité que pourraient offrir des vapeurs à marche rapide, venant sur le lieu de pêche recueillir le poisson à bord des voiliers pour le transporter à la côte. Par contre, je ne saurais manquer de m'arrêter un peu sur le chalutage à vapeur, tel qu'il est pratiqué au large de nos côtes de l'Ouest. | Autrefois, il existait dans le quartier de la Teste une en- treprise de chalutage à voile. Malheureusement, les dange- reuses passes du bassin d'Arcachon engloutirent toutes les embarcations jusqu’à la dernière. Cependant, les parages de la côte landaise et girondine étant fort poissonneux, il se fonda alors, avec un capital relativement faible, la « Société des Pécheries de l’Océan » qui, avec deux vapeurs d’abord, puis quatre, explora à grands bénéfices le plateau continen- tal de cette région. Aujourd'hui, elle possède cinq vapeurs de 60 à 80 ton- neaux : le Héron et le Cormoran d’abord, qui furent les deux premiers employés et qui sont d'excellents types de bateaux chalutiers, puis des vapeurs de plus fort tonnage : le Pingouin, le Pétrel, le Courlis. Depuis vingt-sept ans que dure cette exploitation, la So- ciété a eu à déplorer la perte de deux chalutiers du même type que le Aéron. L'un d’eux fit naufrage devant la Ro- chelle (Pélican), l’autre (A/batros) se perdit corps et biens en décembre 1891, sur la passe du bassin d'Arcachon, qui devient de moins en moins praticable, en raison de son ensablement. Les vapeurs de la Compagnie arcachonnaise sont de cons- truction anglaise et fournissent un très bon travail (1). (1) Deux chalutiers de plus petite taille ont été construits pour un armateur de Dieppe, aux Forges et Chantiers de la Méditerranée. « Les dimensions principales de ces bateaux sont les suivantes : Longueur entre perpendicu- Jaires 21%,50, largeur 5,50, creux sur quille 2,80, tirant d’eau moyen 1%,30. L'appareil moteur du type compound à condensation par surface est d'une force de 100 chevaux indiqués : les cylindres ont pour diamètre 0,36 et 0,58 respectivement avec une course de 0,30. La chaudière cylindrique PÊCHES :DU: GOLFE DE GASCOGNE. 9 En Angleterre et en Allemagne on a aussi mis en usage la vapeur pour le chalutage, même en 1885 un armateur de Berwick employa un vapeur pour la pêche à la grande ligne dans la mer du Nord (1). | Le premier chalutier construit par la « Grèmsby Steam Trawling Company » fut le « Zodiac » auquel elle adjoi- gnit bientôt |” « Aries ». Les excellents résultats donnés par ces vapeurs l’engagèrent, en 1883, à en faire cons- truire quatre autres, ayant une longueur un peu plus grande et pourvus d’une dunette (2). Ces derniers navires contiennent une glacière divisant la cale en deux chambres et placée un peu en arrière du mât de misaine. Au delà de la cale postérieure se trouvent la soute au charbon, puis la chaufferie et la chambre des ma- chines. Enfin, tout à fait à l'arrière est disposée la cabine occupée par les officiers du navire, le poste de l'équipage étant ménagé à l'avant du bâtiment. La chambre est fort spacieuse, en raison de l'élévation que lui donne la dunette. Cette description peut se rapporter dans ses grandes lignes au vapeur « Pingouin », de la Société des Pêcheries de l'Océan, si j'excepte cependant la glacière qui n'existe pas à bord des chalutiers de notre Compagnie arcachon- naise. Bien que je ne veuille aucunement rentrer dans les détails de construction des chalutiers à vapeur anglais qu’a décrits complètement M. J.-W. Collins, je ne puis oublier de mentionner qu'ils coûtent environ 100 à 125,000 francs, et qu'ils dépensent 4 tonnes de charbon par vingt-quatre heures. En outre, il leur faut trois hommes de plus pour à retour de flamme est timbrée à 5 kilos. Elle a 33"c de surface de chauffe. La vitesse est de 9 nœuds et la consommation de 823 grammes par cheval etpar heure. » (L. Piaud, Bateaux de Péche, — Revue technique de l’'Exposi- tion universelle, 5° partie, p. 250.) (1) A Dieppe plusieurs vapeurs pratiquent la pêche aux cordes dans la Manche. (2) Cozuins J. W., Suggestiors for employment of improved type of vessel in the market fisheries, with notes on British fishing steamers. Bulletin of. the U. S. Fish. commission, vol. VIII, 1888, p. 183. 10 GEORGES ROCHE. la manœuvre qu’à bord des voiliers. En Angleterre, encore, de petits vapeurs exclusivement employés à la pêche ont un tonnage beaucoup moins fort que ceux de Grimsby, bien que présentant les mêmes qualités de navigation et de pêche (Redway, de Milford-Haven). Autour d’ Héligoland, une trentaine de vapeurs allemands se livrent aussi aujourd'hui à la pêche du poisson frais. Ces navires dépendent du port de Geestmunde et sont de construction allemande ou anglaise. Ils se rapprochent sen- siblement, dans leur forme, des bateaux de la « Grimsby Steam Trawling Company ». Comme les chalutiers anglais et français, ils pêchent en toutes saisons. Leur valeur est de 150,000 franes environ; ils dépensent à peu près la même quantité de charbon que les chalutiers anglais. L'équipage est de 12 à 14 hommes dans ceux-ci, de 10 ou 11 hommes sur les vapeurs de pêche allemands, dont : un capitaine, un pilote, un mécanicien, deux chauffeurs, un cuisinier et quatre à cinq matelots et faiseurs de filets (1). À bord de nos chalutiers arcachonnais l'équipage est composé de : un patron, un mécanicien, trois chauffeurs, un mousse et six matelots, dont l’un d’eux fait fonction de se- cond. | L' équipage des pêcheurs grésillons, sablais el croisiquais “est de cinq matelots, un patron et un mousse. À la Rochelle il ne comporte que cinq personnes en tout. LE TRAIN DE PÉCHE. Les pêcheurs gagnant des parages de plus en plus éloi- gnés de la côte, et travaillant à des profondeurs de plus en plus considérables, les dimensions et le poids des engins ont été sensiblement augmentés. Je ne saurais, bien entendu, entrer dans le détail de la description du chalut, mais il me faut mettre en regard les (4) Rapport sur le développement de la pêche à Geestmunde. Revue des pêches maritimes, 1°" mars 1891, 3° série, n° 6, p. 273 PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 11 _ avantages et les inconvénients des appareils actuellement employés par nos chalutiers de l'Ouest pour la pêche en eau profonde. Le Chalut. — En lui-même, le principe de la pêche au chalut est simple. Ce mode de capture des poissons comes- üibles consiste à traîner sur les fonds marins, avec une vi- tesse convenable, une poche en filet que maintient béante une armature variable de forme et de constitution. Armature. — Cette armature, formée primitivement, pour les bateaux de très petit tonnage, d’un cadre rectangu- laire en fer forgé, est généralement constituée, aujourd’hui, suivant deux types principaux qui ont fait donner à l’engin tout entier les noms de chalut à patins ou de chalut à pierres. La branche de l’armature qui doit racler le sol est rem- placée dans les deux cas par une chaîne à demi tendue, de forme variable, quelquefois enveloppée de filin pour assurer qu'elle n’abimera pas les poissons plats que, dans sa course sous-marine, elle pourra rencontrer. L'autre branche longitudinale est formée par une perche, délimitant du reste la largeur d'ouverture du filet, et formée de deux pièces ajustées en bec de flûte par de forts cercles de fer. Mais la réunion des extrémités de la perche et de la chaîne est obtenue d’une facon différente dans le chalut à patins et dans le chalut à pierres. Dans le premier cas, de solides arceaux en fer forgé sont fixés aux deux bouts de la perche et assurent au filet une ouverture constante, traînant sur le sol, dans le cpalytage. à la façon des patins d’un traîneau. Dans le second cas, la chaîne et la perche sont réunies à chaque extrémité par deux chaînes, qu'écartent dans le milieu de leur longueur des montants de bois, appelés éche- lons, et auxquels sont attachées deux lourdes pierres. Perche. — Le diamètre de la perche employée par les chalutiers à voiles est de 10 à 12 centimètres. IL atteint 25 et 12 GEORGES ROCHÉ. 30 centimètres à bord des chalutiers à vapeur. Sa longueur, au maximum de 14 à 15 mètres, varie nécessairement sui- vant le tonnage du bâtiment pêcheur, et est égale à la lon- gueur de sa quille. Sa nature est également variable, elle peut être en chêne, en bouleau, en châtaignier. A bord des vapeurs, la perche est généralement en acacia. | Suivant la densité du bois dont elle est formée, elle pré- sente aussi des qualités diverses pour la pêche, élargissant plus ou moins l'ouverture du chalut suivant sa plus ot ou moins grande tendance à la précipitation. Dans le chalut à patins la largeur d'ouverture du filet étant déterminée par l’écartement des patins, la perche reste sensiblement rigide tout le temps du dragage. Il n’en est pas de même dans le chalut à pierres, comme nous le verrons un peu plus loin. Mais je veux faire remarquer ici toute l'importance qu'offre le choix de la nature du bois emplové à la fabrication des verques de filet dans ces deux types d'engins. IT va de soi que l’élasticité plus grande de ce bois expo- sera moins la perche à être brisée par la rencontre imprévue d’un récif sous-marin, s’il n’est pas très élevé, car faisant ressort, la perche le franchira. Par contre, si la force du trainage est suffisante, une perche résistante, adaptée sur un chalut à patins, fera sauter les têtes de roches qu’elle pourra rencontrer (alors que ce seront, bien entendu, des roches calcaires à texture peu compacte). En même temps qu'augmentaient les dimensions des en- gins de pêche, augmentait aussi leur poids. Autrefois, à la place de la lourde chaîne actuellement em- ployée et qui pèse 50 à 60 kilogrammes, existait seulementune ralingue de filin sur laquelle on fixait des morceaux de plomb. Aujourd’hui cette chaîne, de forme variable, est généra- lement munie de distance en distance de chaînons secon- daires qui ont fait donner à l’ensemble le nom de chaîne en guirlande ou de chaîne à sonnettes, et qui permettent encore PÊCHES DU GOLFE DE*GASCOGNE. 13 au chalut de travailler, alors qu’un accident quelconque vient à briser la ralingue principale. Autrefois aussi les pêcheurs ne chargeaient les chaluts à pierres qu'avec des cailloux de faible taille. Aujourd’hui les blocs de granit employés atteignent le poids de 55 kilo- grammes chacun (1). Dans le Chalut à patins, tel que l’emploient les pêcheurs normands qui sont venus s'installer à la Rochelle, et tel qu'il est employé aussi dans la Manche par les Trouvillais, les Dieppois, les Tréportais, etc., les deux patins pèsent en- semble 200 kilogrammes et la chaîne, 130 kilogrammes. Cette dernière ne présente pas de guirlandes, mais elle est renforcée par un fort câble de filin, qui la suit dans toute sa longueur el s'engage de quatre mailles en quatre mailles dans un anneau plus grand que les autres. La hauteur des palins est de 1*,40 à bord des chalutiers à vapeur, de 0,80 à 0,90 centimètres à bord des voiliers. Filets. — Bien que lesfilets fabriqués mécaniquement soient d'un prix moins élevé, les pêcheurs préfèrent les filets faits à la main qui sont, paraît-il, d’un bien meilleur usage. Ils présentent de fondamentales différences suivant les régions. Le filet du chalut normand (employé à la Rochelle) est conique, se lace par le fond et est muni d’un empéche simplement, tandis que sa face externe qui frotte sur le sol est protégée par des tabliers en f/et et même en cuir. Celui des chalutiers de Groix, d'Oran, du Croisic, des Sa- bles, de Saint-Martin-de-Ré, etc., est au contraire carré et muni d'arétes, dont l'utilité est incontestable et qui con- (4) « Le filet qu'on nomme «ragne est une espèce de chausse qui a sept brasses à son entrée et six brasses de profondeur. Aux deux extrémités de la partie de ce filet qui doit porter sur terre, les pêcheurs amarrent deux càblières ou pierres de 20 ou 25 livres, et le long de la corde qui borde cette partie du filet, ils mettent de distance en distance des bagues de plomb, qui font en tout environ 30 livres. Le quarentenier ou la corde qui borde la partie supérieure de la drague est garni de flottes de liège qui pèsent ensemblent deux livres environ ». (Duhamel du Monceau, Traité gé- néral des Pêches, sect. III, p. 75.) 14 GEORGES ROCHE. stituent un réel perfectionnement apporté à cet engin de pêche. Ces arêles sont formées par la soudure des deux faces opposées du filet suivant des lignes obliques parlant des bords latéraux et se dirigeant d’avant en arrière vers l’axe longitudinal ou antéro-postérieur de ce filet. Ces coutures symétriques sont au nombre de trois paires. Enoutre, perpen- diculairement à ces coutures obliques, il en part d’autres encore des bords latéraux du filet qui délimitent de nouveaux espaces dans les chambres secondaires, formées par les premières arêtes à l’intérieur de la poche entière. Aïnsi se trouve constituée, quand le filet est développé sous les eaux, une série de chambres angulaires placées au- tour d’un couloir central (embouqguement), où le poisson s'engage lorsque dans sa course le filet l’a capturé sur le sol sous-marin (partie péchante). Dès que l'animal sent le danger et qu’il veut s'échapper, il rencontre dans sa fuite une série de pièges dans lesquels il donne, et d'autant plusnombreux, évidemment, qu'il a été englouti plus profondément dans la course du chalut. Dureste, il ne faut nullement se dissimuler que tout individu qui à pénétré dans le chalut, n’est pas pour cela nécessairement capturé. Beaucoup s’échappent, étant pourvus d’un appareil locomoteur qui leur permet de fuir avec une rapidité que ne saurait atteindre le chalutage. Ces arêtes sont ainsi de sérieux obstacles à cette fuile. De plus, elles permettent une sorte d'isolement des êlres recueillis, et évitent ainsi, dans la durée de douze heures du land, un traînage de la masse des poissons, où ils s’abiment au contact les uns des autres, et au contact aussi des coquillages, des crustacés et des fragments du substratum que le chalut a enlevés en passant. Un autre avantage du filet carré, avantage dont on ne saurait trop vanter l’inappréciable valeur, est de conserver sous les eaux, sensiblement du moins, la largeur de mailles qu'il possède à bord, tandis que le filet pointu, en s’allon- PÊCHES DU. GOLFE DE: GASCOGNE. 15 geant par la vilesse du traînage, rapproche au fond de sa poche les cordelettes de ses mailles, au point de former en quelque sorte un sac hermétique. Ce dernier engin recueille donc sur les fonds beaucoup de vases, de coquillages, etc., de plus, il ne permet pas aux animaux de petite taille, de taille non marchande, de s'échapper. Outre l'inconvénient de ramener à bord beaucoup de choses inutiles, il présente encore le danger d’être inutilement destructeur. Mais il coûte beaucoup moins cher que le filet carré, el c'est ce qui le fait encore employer par les pêcheurs ainsi que le filet demi-pointu, qui présente, avec une constitution générale semblable à celle du filet carré se elc.), une largeur moins grande à sa Arte postérieure qu’à sa partie antérieure. Le filet carré coûte environ 250 à 300 francs ; le filet demi- pointu permet de réaliser une économie d’une cinquantaine de francs sur ce chiffre. Bien qu’il présente, en partie, l’in- convénient du filet normand, à savoir de resserrer les mail- les du fond de sa poche alors qu'il est traîné sous les eaux, les pêcheurs recourent à son emploi fréquemment. Les arê- tes dont il est muni, du reste, permettent un isolement des espèces comestibles qu’il recueille, en sorte qu'il ne s’amasse guère dans le cul-de-sac terminal que les détritus du chalu- tage. De plus, cette question d'économie n'est pas négli- geable. Un filet ne peut guère fournir dans le chalutage des voiliers qu'un travail de deux mois, et de quinze jours dans celui des vapeurs, en admettant, bien entendu, qu'il ne fasse pas d'avaries dans sa course sous-marine. Or, malheureu- sement, ce traînage du chalut sur le subsiratum océanique est un travail bien imprécis, pour lequel l'action du vent, de la mer, la dérive du bateau, défient, dans beaucoup de cas, les connaissances les plus pratiques du sol que peuvent avoir les meilleurs pêcheurs. Il n’est donc pas rare que le filet soit déchiré ou perdu sous les eaux, par quelque ré- cif profond ou quelque épave, d'autant plus que les pois- sons paraissant aujourd’hui gagner comme refuge les parages 16 GEORGES ROCHE. rocheux où la drague n'avait pas osé pénétrer jusqu'ici, les chalutiers s’aventurent sur ces fonds inexplorés qui leur fournissent d’excellentes pêches, si la bonne chance veut qu'ils ne rencontrent pas d’écueils profonds au cours de leur recherche. Or il est fréquent que leur tentative hardie n’obtienne que d'assez mauvais résultats et qu’ils endomma- gent fortement leur train de pêche. Il est du reste important que les pêcheurs connaissent suf- fisamment bien le #ravail du filet de facon à réparer eux- mêmes à bord cet engin pour les accidents de moindre importance qui lui peuvent advenir, tels que les déchirures partielles que peut produire une tête de roche, ou même la mâchoire puissante d’un squale capturé sur le sol. Les Grésillons sont particulièrement habiles en cet art. Il n'est pas rare même que, par beau temps, les équipages s’emploient à la fabrication du filet entotalité. Cette diminu- tion sensible du prix de l’engin permet aussi à ces pêcheurs de s’aventurer plus hardiment dans les parages poissonneux aux accores des bancs rocheux. Un filet carré présente environ 50 à 64 mètres carrés sur chacune de ses deux faces, avec une maille réglementaire de 0*,028 de côté ; lorsqu'il est monté, c’est-à-dire fixé sur l’ar- mature du chalut, il est sensiblement rectangulaire et sa plus grande dimension est antéro-postérieure. Il va de soi que le délacage de la poche est différent, sui - vant que l’on se trouve en présence du filet pointu muni seulement d’une empêche ou du filet à arêtes. Dans le premier cas, un grelin suiffé passé dans les mailles du fond de la poche ferme celle-ci au cours du travail, et 1l suffit de larguer le nœud marin qu'il forme pour que, sus- pendu au mât de charge à bord des vapeurs, ou simplement amené sur le pont à bord des voiliers, le filet laisse écrou- ler au dehors de luitout le butin qu'il renferme. Dans le second cas, il faut ouvrir poche par poche les es- paces que délimitent les arêtes. Ce travail est nécessairement un peu plus long que celui qu’exige la première méthode. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 17 Mais, en général, ce gain de temps obtenu avec le filet nor- mand n’est pas très considérable d’abord et ne présente qu'un avantage assez peu appréciable pour les voiliers qui, ayant halé le filet à bord, sont obligés de faire route afin de rega- gner les parages convenables à rejeter en draque, la dé- rive du bateau au cours de l’opération précédente les ayant poussés trop au large ou trop à terre. Le démaillage des poches formées par les arêtes se fait donc au cours de cette navigation et chacun des matelots a un poste déterminé pour cette opération qui est fort rapidement menée. Une remarque faite par tous les pêcheurs et assez peu explicable m'a élé signalée : les chambres délimitées par les arêtes du filet partant de son bord le plus rapproché du bateau contiennent toujours plus de poissons que celles du côté opposé. C'est là un fait constant auquel je n’ai pu jusqu'ici trouver une cause suffisamment nette et qui pour- rait peut-être présenter un petit intérêt à éclaircir. En somme il me paraît, qu’à de multiples points de vue, le filet carré à arêtes mérite d’être tout spécialement préco- nisé pour l’économie bien comprise de la pêche, d’abord, et en raison aussi des dégâts infiniment moins considérables comparativement à ceux causés par le filet normand, qu'il occasionne sur les fonds marins : ne capturant pas en pure perte des quantités de Jeunes poissons, invendables dans l’état où ils sont capturés et auxquels le temps permetirait d’ac- quérir une taille marchande. L'armature en fer de la grande drague, ou chalut primi- üf, est pourvue de deux bras rigides, en fer aussi, réu- nis angulairement à un anneau auquel est fixé le câble de traînage. Pour les engins à grandes dimensions ces bras sont cons- titués par deux longs câbles de métal ou de filin : la parte- dote. Câble et patte-d'oie. — Pour traîner sous les eaux leur volumineux appareil de pêche, les chalutiers à vapeur em- ANN. SC. NAT. ZOOL, XV, 2 _ 18 GEORGES ROCHE. ploient à l'heure actuelle un câble métallique analogue à celui dont se servent les Américains et les Anglais, et qui fut mis en usage par nos grandes explorations scientifiques françaises. Cette fune est reliée au chalut par une patte-d'oie, formée de deux câbles frappés aux extrémités de la perche, el qui varie de longueur suivant que l’on emploie le chalut à pa- tins ou le chalut à pierres. Dans le premier cas elle a environ trente brasses, el soixante dans le second. Après avoir essayé d'employer le câble métallique, les chalutiers à voiles viennent de l’abandonner complètement pour plusieurs raisons, sur lesquelles je crois utile d’insis- ter, espérant qu'avec le perfectionnement des appareils de halage, l'époque reviendra où les pêcheurs pourront uli- liser ce genre si économique de fune. Le câble en filin a, à bord des grands chalutiers, un dia- mètre de 0,048 et est formé de 4 torons constitués à leur tour de 3 lorons secondaires. Il pèse environ 192 kilo- grammes par 100 mètres, et présente une résistance de 19,000 kilogrammes. Le câble en fer, tel que l'ont employé beaucoup de cha- lutiers de nos côtes, possède un diamètre de 0,023 millimè- tres ; il est composé de six torons enroulés autour d'une âme en chanvre, formés eux-mêmes de douze fils d'acier enroulés ou non sur une âme en chanvre. Il pèse 120 kilo- grammes par 100 mètres et offre une résistance de 22,000 ki- logrammes. Le câble en filin coûte 136 francs par 100 kilogrammes, le câble d'acier coûte 125 francs pour le même poids. Il en résulte que la fune de cette dernière nature-ne revient au pêcheur qu'à 360 francs, alors que celle qu'il est obligé d'employer actuellement, lui coûte 625 francs. Outre ces avantages pécuniaires, le câble d’acier pré- sente des facilités de manœuvre notables, car il tient peu de place à bord et s’affale beaucoup plus rapidement et PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 19 facilement sous les eaux; mais il présente l'inconvénient d'exiger beaucoup d'entretien, de détériorer, en les usant, les bordages et le treuil; enfin, les pêcheurs ne savent Jja- mais exactement à quelle époque il n’est plus apte à servir; en sorte que, par quelque mer un peu forte, le câble usé ve- nant à se rompre, ils le perdent et perdent en même temps tout le train de pêche. Ce sont là de graves et coûteux inconvénients ; surtout si l’on songe que le câble en filin, alors même qu'on ne le peut plus employer pour draguer, peut encore servir pour le gréement du bâtiment. En somme, les pêcheurs jugent, en général, que le câble en filin leur faisant un bon usage durant quatre saisons de chalutage, il leur faudrait, malgré les avantages du câble en acier, pouvoir se servir de celui-ci au moins trois cam- pagnes pour qu'ils puissent réaliser un bénéfice avec son emploi. Or, d’après la moyenne des pertes de trains de pêche survenues à la suite de l’usure de la fune métallique, il paraîtrait, d’après leurs dires, que la durée de celle-ci — du moins avec la manière dont ils s’en servent actuellement — ne dépasserait pas deux saisons. Cetle considération pécuniaire, jointe aux dégradations survenues aux appareils de halage par l'emploi du cäble d'acier, a ramené presque tous les pêcheurs à l’usage de la fune en filin. Il m'a semblé bon d’appeler sur ce point l’attention des industriels, car 1l me paraît hors de doute que la fune mé- tallique offre de réels avantages pour la manœuvre du cha- lut : par son moins grand volume et son moins grand poids, et la facilité aussi avec laquelle, dans le halage à bord, elle peut être enroulée sur une bobine, placée dans la cale, au lieu d’encombrer le pont, ainsi que le fait le volumineux et lourd câble de filin. _ Les diamètres des deux branches de la patte-d’oie sont inégaux. Celui de la branche antérieure étant de 30 à 38 millimètres, celui de la branche postérieure n’est que 20 GEORGES ROCHE. de 25 à 30 millimètres, en raison de la moins grande force nécessaire pour celte partie du train de pêche. Les pattes-d’oie métalliques ne présentent pas de semblables différences. CHAPITRE II DESCRIPTION DE LA PÊCHE. Quelles que soient les prévisions du temps, les chalultiers de notre côte prennent la meret gagnent le large. Le bâtiment voilier étant, en somme, à la merci des vents et des courants, il faut une grande pralique de la mer au patron qui le dirige, pour traîner fructueusement son chalul. Aujourd’hui, l'appareil n’est guère immergé à moins de vingt-cinq ou trente brasses. Donc, en sortant du port on fait route vers les parages où la sonde donne cette profon- deur, en tenant compte, bien entendu, des enrochements profonds que l’on doit éviter. Sur le lieu de pêche on affale le chalut. Cette immersion se fait à peu près de la même façon pour le chalut à patins et pour le chalut à pierres. On fixe aux deux bouts de la perche les extrémités cor- respondantes de la patte d’oie, et le bateau étant amené en ralingue, c’est-à-dire debout au vent, on jette à la mer la poche du filet qui s'étale sous les eaux et dont on suit des yeux le convenable déploiement. Alors, on affale la perche à son tour, pendant que Ÿ na- vire élant amené au vent prend de la vitesse. On laisse en même re filer la branche antérieure de la patte-d’oie alors qu’on amarre, à l'arrière, la branche postérieure, de façon à faire décrire à la perche un secteur de 90°. Quand celle-ci est arrivée à la position verticale on laisse filer, en même temps, et d’une petite longueur, les deux câbles de la patte-d’oie, puis on les amarre subitement, de facon à forcer le filet à s'ouvrir par la résistance de l’eau. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 21 Cette ouverture convenable étant obtenue, on continue à filer les deux câbles ; puis on fait passer la branche posté- rieure en dehors des apparaux et on la fixe à la fune, par l’émerillon qui relie déjà celle-ci à la branche antérieure. Il ne reste plus maintenant qu'à filer le câble, dont on immerge environ trois fois la hauteur donnée par la sonde. Quand tout le câble a été filé, on l’engage dans un palan fort solide appelé « le chien », que l’on fixe sur le bastin- gage à l'arrière du bateau et dont on fait varier la distance au navire, suivant que le vent pousse celui-ci au large de l'appareil, ou sur l'appareil. Le temps qu'exige cette opération varie nécessairement suivant l’état de la mer et de l'atmosphère, et suivant aussi la profondeur où l’on opère. À bord d’un voilier ayant sept hommes d’équipage, cette immersion de l'appareil ne de- mande cependant jamais moins de vingt minutes. — Cinq minutes suffisent pour le mener à bien à bord d’un va- peur (1). (4) Sur les chalutiers à vapeur le treuil est placé un peu en arrière du mât de misaine, sur son axe est enroulée la fune qui, avant d’être reliée à la patte d’oie du chalut doit venir d'abord passer sur une bobine verti- cale, mobile sur son pivot, située au pied de la passerelle, dans l’axe lon- gitudinal du pont. De cette bobine la fune passe sur un galet placé à bâbord au niveau du treuil, dans une échancrure du bastingage ; alors elle suit extérieurement la muraille du navire et s'engage à l'arrière dans la mà- choire puissante d’un sfoppeur qui, dans le dragage, supporte tout le poids de l'engin et tout son effort. Pour mouiller le chalut, l'extrémité du câble ayant été ramenée en ar- rière ainsi que les bras‘de la patte-d’oie (en laissant en dedans d’eux les apparaux fixés au bastingage), on sonde. Le navire est alors amené de- bout à la mer et sur commandement les matelots précipitent la poche du filet qui s'étale sous l’eau, en raison de la vitesse acquise du bateau. Alors, et toujours au commandement, on immerge la poche, puis l’engin entier comme à bord des voiliers. La vitesse du bateau est suffisante pour empêcher le filet de s’embrouil- ler sur l’armature, elle est assez faible cependant pour que, sans précipita- tion, le capitaine puisse surveiller la tension de l'appareil sur le câble qu'il vient engager dans le palan-guide de l'arrière. Alors on met en route doucement et commence le dévidement de la fune qui exige de la part du mécanicien une active surveillance afin de fournir assez de càble et ne pas retarder la descente de l'appareil, ou pour ralentir à propos afin que le câble ne s’embrouille pas sur l’armature. 22 GEORGES ROCHÉ. Avec un vapeur aussi, qui peut prendre exactement la vitesse nécessaire à l’affalement convenable de son chalut, on n’a pas à s'inquiéter des courants marins. Il n’en est pas de même avec un voilier. Si le courant porte au vent, il devient difficultueux au possible d’immerger l’en- gin dont le filet tend à s’embrouiller sur l’armature et qui, entravé dans sa descente, s'engage parfois sous le bateau. Cet anlagonisme de l’action des vents et de celle des cou- ranis, constitue une difficulté souvent très grande pour la pêche au chalut. L Du reste le traînage de l’engin exige beaucoup d’habileté, en dehors d'une connaissance exacte du relief des fonds sur lesquels on travaille. Il faut en effet conserver une vitesse assez grande (2 nœuds, 2 nœuds et demi) pour capturer les poissons sur le substratum océanique; il ne faut pas non plus que cette vitesse soit trop considérable, et fasse aban- donner le sol au chalut, qui serait ainsi traîné entre deux eaux. Mais si un vapeur peut conserver dans son travail une même ligne de brasseyage, le voilier, lui, dérive constam- ment, si bien qu'ayant posé l'appareil par 30 brasses, Je suppose, il le lèvera par 35 ou par 25 brasses d’eau. Il faut donc au cours du trainage sonder fréquemment et augmenter la longueur de la touée, si cela est nécessaire. Mais lorsque les pêcheurs travaillent en des parages rocailleux, qui ne laissent que des bandes de terrain rela- tivement étroites où l’on puisse trainer le chalut : /e Passage par exemple, le chenal du Pilier, etc. (1), lorsque aussi ils fréquentent les accores rocheux, où le poisson est abondant, il leur faut souvent virer de bord sur la drague. Pour les vapeurs, cette opération est simple, l’homme de barre n'ayant qu'à faire décrire au bateau un cercle assez large pour ne pas revenir sur l'engin. À bord des voiliers, 1l faut que tout l'équipage prenne (1) Voir page 33, Les Terrains de péche. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 23 part à la manœuvre, qui varie du reste suivant l'état de la mer et suivant que le courant porte ou non dans le vent. Dans ce dernier cas, et s’il fait beau temps, on amène le bateau vent arrière, et hale le chien à toucher le bastingage. La fune plonge donc dans la mer de l’arrière du bâtiment. On la fixe à cet endroit, solidement. Alors on fait passer une partie de ce qui reste de câble à bord par-dessous la quille, et l’attire par un grelin sur l’autre côté du navire; puis on largue la bosse où la fune avait été fixée. Celle-ci passe ainsi sous le bateau, et se trouve traînée sur le bord opposé à celui où elle était avant la manœuvre. En même temps se fait le changement de posi- tion de la voilure, que l’on ménage soigneusement de façon à ne pas tourner trop vite el par conséquent à ne pas cha- virer le train de pêche en revenant au-dessus de lui (rer de bord loffe pour loffe). Cette manœuvre n’est du reste praticable que dans des conditions spécialement favorables de l'atmosphère et de la mer. En général, on manœuvre de la facon suivante : comme dans le cas précédent, le chien est amené à toucher le bastingage. Mais on bosse la fune à l’avant du bateau, et on fait passer une partie du câble restant sur l’autre bord, non plus en l’engageant sous la quille, mais en suivant extérieu- rement le bastingage. En larguant /e chien et la fune, en même temps que la voilure change de position, le navire change de direction, et le chalut se trouve engagé par son càble sur le bord opposé à celui où il était primitivement. On reste vent arrière jusqu à ce que le train de pêche aÿ/ évité. Il faut, en effet, faire décrire au navire un circuit assez considérable pour ne pas chavirer le chalut, et souvent l’état de la mer offre de sérieux obstacles à la réussite de ces manœuvres difficiles. La durée du traînage du chalut est quelque peu he suivant le temps Habit. et suivant aussi les pêcheurs. 24 GEORGES ROCHE. Les chalutiers de Saint-Martin-de-Ré et de la Flotte, laissent leur appareil dix-huit ou vingt heures sur le fond, ceux des Sables, du Croisic ou de l’île de Groix, ne le traînent que douze heures d’un seul land. Les vapeurs arcachonnais font des /ands de six à huit heures. Mais il faut tenir compte des enrochements profonds, des trous boueux, des colonies de madrépores, de bancs d’avicules, de pétoncles qui viennent interrompre le chalutage. | Malgré la grande pratique des fonds que possèdent nos chalutiers, il n’est malheureusement pas rare qu'ils fassent des avaries à leur train de pêche, avaries presque impossibles à prévoir souvent, car elles peuvent tenir à la dérive du bateau en gros temps, les poussant sur des parages dange- reux, avec une vitesse impossible à déterminer exactement, et tenant aussi à la facon même dont l’appareil aborde un récif. C’est en vérité un hasardeux et dur métier que celui de nos chalutiers, dont ne peuvent comprendre toute la diffi- culté que les gens qui ont vécu à bord des barques, de la vie même de nos marins. Durant les mois d'hiver où l’eau se prend en glace en tombant sur le pont du navire, où les agrès sont raidis par la gelée, on ne saurait s’imaginer les misères sans nombre des matelots. Il n’est pas rare qu'il leur faille passer trois jours sans dormir et sans manger autre chose que du pain. À quelque heure que ce soit du jour ou de la nuit, il leur faut passer à la manœuvre, et quelle manœuvre ! — sur une mer furieuse, tandis que le vent souffle en tempête. Si, lorsque les vents sont faibles et que la mer est relati- vement calme, les vapeurs fournissent un travail très rému- nérateur, il n’en est plus de même dès que la brise est un peu forte et que la mer est grosse. Le voilier, lui, pêche alors fort bien, suivant les mouve- ments de la lame et appuyé par sa voilure que l’on peut réduire aulant qu’il est nécessaire. Il faut une tempête d’une PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 23 viclence exceptionnelle pour que nos chalutiers de l'Ouest se décident à abandonner leur travail. Dans de semblables conditions, les vapeurs ne fournissent que de mauvais résultats, ballottés qu'ils sont par les va- gues, en raison de la position très inférieure de leur /esf, recevant les réactions du tangage avec une telle violence que leur hélice sort de l’eau, s’affole, et que ces secousses impri- mées au câble de drague font sauter le chalut sur les fonds et ne lui permettent pas de capturer quoi que ce soit. Par contre, dans la période des beaux temps et des calmes, leur pêche est rémunératrice, alors que pour les voiliers il faut souvent rester plusieurs jours à la mer avant de pouvoir immerger l'appareil. Que le bâtiment rencontre un écueil profond ou que, plus simplement, le chalutage soit terminé, on lève l’appareil. Alors on dégage la fune du chien, on adapte au treuil de longues manivelles, dont une extrémité repose sur une colonne de fer que l’on fixe au niveau de ce treuil sur le bastingage: cinq hommes se mettent à virer le câble, tan- dis que le patron le guide au sortir du rouleau et que le mousse le love sur le pont. Pour lever l’engin on laisse arriver le navire debout à la mer, et s'il fait beau temps on amène la misaine et le foc en ne conservant que la grand'voile à bord des chaloupes; les Dundees ne conservent que le fape-cul. Si, au contraire, la mer est grosse et le vent violent, on amène toutes les voiles et l’on installe seulement un foc au grand mât de facon à tenir debout au vent. En même temps on installe un cordage d’étai raidi au bout-dehors afin qu'il ne se brise pas en fouettant, quand le bateau passe dans les lames qui l’assaillent de l'avant. Lorsque, en virant, on amène sur le pont la manille de la patte-d’oie, la manœuvre diffère un peu suivant que l’on se trouve à bord d’un chalutier à vapeur ou d’un chalutier à voiles. Dans les deux cas le problème consiste maintenant à ame- 26 GEORGES ROCHÉ. ner l’armature à ses deux points d’attache — où nous l’avons vue avant son immersion — puis à tirer sur le pont le filet et le produit de la pêche. Il faut donc diviser les deux câbles de la patte-d’oie el amarrer sur les vapeurs les deux extré- mités du chalut aux bossoirs qui leur correspondent. Pour cela, on saisit par un fort crochet, fixé sur le pont, l'anneau qui termine le câble postérieur de cette palte-d’oie et on le dégage de la manille qui le relie à la fune. Celle-ci reste donc seulement fixée au câble antérieur. Sur le premier on noue un grelin que l’on fait passer en dehors des apparaux, fixés au bastingage, et que l’on engage sur une poulie de hauban au niveau du bossoir postérieur de l'appareil. Alors on remet le treuil en mouvement en dégageant le câble postérieur de la patte-d’oie du crochet auquel on l'avait fixé; cet enroulement, en tendant le câble antérieur, force le postérieur à retomber à la mer, mais au moyen du grelin que l’on a noué sur lui, on l’amène sur le pont de nouveau, au niveau du bossoir d’arrière cette fois, d’où, par un sys- tème de poulies très simple on le > @uade vers la poupée gau- che du treuil. Ainsi le treuil accomplit en même temps le double {travail d’enroulement des deux câbles dissociés de la palte d’oie, et bientôt l’on voit apparaître au-dessus des flots la perche sus- pendue à ses deux bossoirs. | Il faut maintenant amener à bord le filet et ce qu'il con- tient. | Bien entendu, si le fond de la poche est rempli de pois- sons, l'ouverture en est béante et la première chose à faire est de tirer à bord la chaîne qui forme ce que je pourrais appe- ler la Ævre inférieure de la gueule du chalut. Celle-ci, cepen- dant, n’élant pas tendue, il serait à peu près impossible de la saisir avec des gaffes si l’on ne faisait faire une demi- révolution aux patins de la monture. À la partie inférieure de ceux-ci se trouve fixée une pan- toire en câble métallique dont on a pris soin, avant l’immer- sion de l'appareil, de fixer l’autre extrémité à la perche par PÊCHES. DU GOLFE DE GASCOGNE. 27 _ un bout de filin. Lorsque la perche affleure le bastingage, deux matelots enjambant celui-ci engagent dans le crochet d'une poulie de hauban l'anneau de chacune des pantoires. On fait alors chavirer les patins qui, accomplissant une ré- volution de 180°, tendent la chaîne, et permettent à l’équi- page, en la saisissant avec des gaffes, de l’amener sur le pont. Il ne reste plus, dès lors, qu’à tirer à bord la plus grande partie du filet jusqu'à ce qu'on arrive au fond de la poche où se trouve entassé le produit de la pêche et dont un homme enserre la gorge dans un nœud coulant. Accrochée à un palan fixé à l’extrémité d’un espar dépendant du mâûl de misaine, cette poche est hissée à bord en s’aidant de la pou- pée droite du treuil. Enfin on délace le fond du filet et la masse grouillante des animaux capturés s'étale sur le pont du navire. Tout l'appareil est de nouveau disposé pour être im- mergé. À bord des voiliers, quand on a détaché le câble posté- rieur de la patte-d'oie, on ne le passe pas immédiatement à l'arrière et l’on continue à virer de suite le câble antérieur. Lorsque cet enroulement est terminé et que le chalut est suspendu à l’avant du bateau par l'extrémité antérieure de sa perche, alors seulement on passe la branche postérieure de la patte-d’oie en dehors des apparaux et on la guide, par l'arrière, vers la poupée gauche du treuil. Je dois dire du reste que, bien que ce travail soit plus long nécessairement, le poisson ne saurait guère s'échapper en raison de la révolution physiologique que lui fait subir sa brusque ascension et en raison aussi des arêtes dont sont munis les filets de nos chalutiers. C'est une pénible manœuvre que celle du levage du chalut qui exige, avec un équipage vigoureux, au moins une heure un quart d'efforts soutenus par beau temps. En gros temps, 1l faut compter de deux heures et demie à trois heu- res de travail; encore faut-il quelquefois renoncer à lever 28 GEORGES ROCHÉ. l'appareil et se tenir debout au vent, mouillé sur la dra- gue (1). À bord des vapeurs, cette opération du levage du chalut ne demande guère qu’un quart d'heure. Sur les voiliers on amène la perche à bord en en saisis- sant les deux extrémités par des palans fixés aux mâts. Si nous supposons que la vitesse de traînage du chalut soit la même dans les deux cas, — par exemple, 2 nœuds et demi — un vapeur fournira beaucoup plus de travail en vingt-quatre heures qu’un voilier, à condition, comme je l’ai déjà fait remarquer, que la houle ne soit pas trop grosse. Le voilier en effet, que la dérive sous le vent et par les courants pousse au large ou à terre, est obligé de faire roule dès qu'il a halé son chalut à bord, pour regagner les para- ges convenables et re7eter en draque, ainsi que je l'ai dit déjà. Le vapeur au contraire, qui a pu suivre tout le temps de son travail une même ligne de brasseyage, affale son appa- reil sur le lieu même où il vient de le lever. Du reste, s'il veut changer de région, la vitesse de 9 à 10 nœuds que peut lui imprimer sa machine lui permet de le faire rapidement. Une pareille vitesse est exceptionnelle pour les voiliers. De plus, avec le treuil à vapeur la manœuvre du levage du chalut et de son immersion ne demande guère que trente à trente-cinq minutes. Avec le treuil manœuvré à bras d'hommes, il faut beaucoup plus longtemps. C’est en oulre une opération si pénible que l’on ne la peut guère praliquer qu'une fois par jour. En sorte que, par vingt-quatre heures, les vapeurs four- nissent un travail de près de vingt heures sur la dra- gue et lèvent le chalut toutes les six ou sept heures, alors que les voiliers ne travaillent en pêche que douze ou qua- torze heures d’un seul /and (2). (41) Il faut tenir compte aussi de la direction des courants qui porte le navire sur le train de pêche ou au large de celui-ci. (2) Les chalutiers trouvillais ou tréportais, qui, dans la Manche, ne tra- vaillent nécessairement jamais à des profondeurs bien considérables, ne trainent le chalut que cinq heures d’un seultrait. Quand le temps n’est pas \ PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 29 Il y aurait cependant de grands avantages, au point de vue de la récolte et de la bonne conservation du poisson, à ce que les traits de chalut n’eussent pas une durée de plus de huit heures. Les animaux traînés seraient beaucoup moins abîmés ou s'’échapperaient en moins grand nombre ; mais l'énorme fatigue physique imposée à l’équipage par le halage de l'engin s'oppose absolument à la mise en œuvre de cette méthode. Une raison analogue fait que les chalutiers de Saint-Martin-de-Ré et de la Flotte, qui ont un équipage de cinq hommes seulement, ne lèvent l'appareil qu’au bout de dix-huit heures de traînage. Haleurs à vapeur. — Parmi les tentatives modernes faites en France pour faciliter la pêche en eau profonde, il faut signaler aussi l'emploi du haleur à vapeur. Là encore, on n’a pas vu se généraliser cet emploi qui n’a pas répondu non plus, il le faut dire, au succès attendu. Les haleurs installés sur les barques de la Société des Pécheries françaises, aujourd'hui dissoute, ont encore fonc- tionné jusqu'à ce qu'ils fussent usés; alors que dans la liquidation de cette Société, les bâtiments furent achetés par des pêcheurs de Groix. Mais ils n’ont pas été remplacés (1). Leur emploi est cenendant peu coûteux, pour le levage du chalut; il ne leur faut pas, non plus, plus de vingt minu- tes pour atteindre la pression nécessaire ; mais Les chalutiers ne peuvent guère être assimilés, dans leur travail, aux au- tres pêcheurs (aux haranguiers boulonnais, par exemple). C’est ainsi qu'ils ne peuvent pas compter absolument n’a- voir à se servir de leur treuil qu à une heure déterminée de la journée. Dans le irainage de l'appareil sur les fonds ma- rins, celui-ci peut rencontrer, tout à coup, un obstacle quelconque auquel il faut parer immédiatement, sous peine d'endommager le train de pêche. Il est donc nécessaire que trop défavorable, ils lèvent et affalent l’engin quatre fois par vingt-quatre heures. (1) Dans la Manche les chalutiers qui les avaient employés aussi ne s’en servent plus maintenant. 30 GEORGES ROCHE. l'on puisse immédiatement lever l’appareil. Or, si l’on a laissé tomber les feux, il est impossible de le faire. Si, au contraire, en raison de l'éventualité d’un accident de ce genre, on maintient toujours la chaudière en pression, alors la dépense devient relalivement coûteuse et les pêcheurs préfèrent recourir au halage à bras avec leurs treuils solides mais peu maniables, malgré toute la difficulté que présente leur manœuvre par les gros temps et malgré toute la fa- tigue qu’elle comporte par quelque temps qu'il fasse. Serait-il possible de construire un haleur à vapeur qui pût être aussi manœuvré à bras d'hommes? Je le crois, bien que cette question échappe à ma compétence. Pourrait-on aussi utiliser 1c1 un moteur à pétrole dont le coût est peu élevé, l’entrelien peu difficile, et qui peut être mis instanta- nément sous pression? En tout cas il est à désirer que l’art de l’ingénieur vienne modifier la méthode de halage actuel- lement employée. Les avantages du chalut à pierres et du chalut à patins sont appréciés de différentes façons de la part des pêcheurs. Bien que l'ouverture du filet, dans ce dernier engin, soit moins srande que celle du premier, au maximum d'extension — elle est beaucoup plus constante, ne variant pas suivant l’état de la mer. Or dans le chalut à pierres, la perche, sous la traction de sa longue patte-d'oie, subit une série de rac- courcissements et d’élongements (1) auxquels répondent des mouvements synchroniques de la chaine. C'est bien une sorte de labourage qui est ainsi pratiqué, mais qui varie nécessairement d'intensité, suivant que le roulis et le tan- sage impriment au navire, et conséquemment à la fune puis à la patte-d’oie, des secousses plus ou moins violentes. C'est ainsi que par gros temps, en ramenant leur chalut à bord, beaucoup de pêcheurs constatent que du sable s’est engagé entre les arceaux de fer qui maintiennent les deux pièces de la perche et celle-ci. Donc toute la perche, dans ce cas, a (4) Cette perche fait un arc de trois à quatre pieds de flèche. PÈCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 31 touché le fond ; elle a donc obstrué complètement l’ouver- ture du filet. Pareil accident n’est évidemment pas à craindre avec le chalut à patins. Du reste, les Grésillons qui, autrefois, ne se servaient que de ce dernier engin, après l'avoir abandonné pendant une vingtaine d'années, commencent à recourir maintenant, de nouveau, à son emploi. Tous les pêcheurs de la Manche emploient le chalut à patins. Les chalutiers à vapeur ne se servent que de cet appareil, qui est de meilleur usage pour le merlu et les poissons ne se tenant pas absolument sur le fond de la mer, en raison précisément de son ouverture constante (1). Glaçage du poisson. — Nos chalutiers à vapeur du Sud ne font pas usage de la glace à bord. Travaillant toujours, du reste, en vue les uns des autres et à des profondeurs sembla- bles, après le levage de chalut du matin, l’un d'eux hisse son pavillon et de tous les points de l'horizon les autres le rallient. Celui-là, en effet, doit rapporter aux Magasins de la Société des Pêcheries de l’Océanla récolte de toute la flottille. La Compagnie peut donc compter sur l’arrivée, à heure à peu près fixe, du poisson recueilli par ses cinq vapeurs ; poisson pêché depuis vingt-quatre heures au maximum et qui, par conséquent, n'a pas eu besoin d'être mis en glace pour être conservé. Il n’en est pas de même à bord des voiliers, qui restent cinq, Six, huit et même dix jours à la mer, suivant que le (1) A ce point de vue il est intéressant de rappeler que la pêche n’est pas également fructueuse pour toutes les espèces comestibles suivant l'intensité des radiations lumineuses qui pénètrent dans les eaux. Cette quantité de lumière varie du reste, ainsi que nous l’ont fait savoir les recherches de Fol et Sarrazin, puis celles du docteur Regnard, sui- vant l'éclat de la lumière solaire et la hauteur du soleil au-dessus de l’ho- rizON. Quoi qu'il en soit, alors que le fond des mers est plongé dans l'obscurité, les pleuronectes sont capturés en plus grande abondance. Au contraire, le merlu monte alors dans la masse des eaux et reste sur le substratum ma- rin durant le jour. Sa pêche est donc plus fructueuse à ce moment. L'étude de la biologie des poissons conservés dans des aquariums nous apprend aussi qu'ils mangent beaucoup plus la nuit que le jour. 32 GEORGES ROCHÉ temps les favorise plus ou moins, que les brises permettent de pêcher fructueusement et de revenir rapidement à terre, que le calme et la tempête interdisent subitement tout tra- vail et toute navigation, ou qu’enfin des vents contraires et changeants obligent les pêcheurs à louvoyer longtemps avant de pouvoir donner dans un port. Tous nos chalutiers à voiles emploient donc aujourd’hui la glace pour conserver le poisson. À bord se trouvent installés des /imbres, sortes de caisses en bois fort épais et divisées intérieurement par des lames de tôle horizontales. La glace employée est fabriquée dans les ports d’arme- ment mêmes et emportée à l’état de blocs volumineux. Le poisson ayant été débarrassé de ses viscères, puis lavé, est placé dans les compartiments de la glacière et recouvert d’un pelit lit de glace pilée qui subit le phénomène du regel et emprisonne les animaux qu'elle conserve à basse tempé- rature, à l’abri de tout contact de l'air. En été, la dépense de glace est nécessairement plus con- sidérable et il faut surveiller avec soin sa fusion lente. Nos chalutiers ont voulu employer aussi le système des appareils frigorifiques utilisés par les pêcheurs américains, et qui sont constitués essentiellement par des boîtes à doubles parois entre lesquelles on entasse des blocs de glace. Il paraît que cette méthode fournit d’assez bons résul- tats alors qu'on ne veut garder le poisson que deux ou trois jours à bord, mais qu'elle est fort défectueuse pour une plus longue conservation. En arrivant à terre les pêcheurs débarrassent le poisson de sa couche de glace, puis le lavent de nouveau avant de le porter à la poissonnerie où se fait la vente à la criée. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 39 CHAPITRE II LES TERRAINS DE PÈCHE. Suivant le facies et la nalure du sol sous-océanique varie la faune profonde et varie aussi, conséquemment, le rende- ment de la pêche au chalut. Au voisinage des enrochements paraissent se localiser les colonies d’hydraires et de bryozoaires, dont les touffes ser- vent d’asiles à des myriades d'espèces zoologiques que pà- turent les poissons comestibles. Sur les fonds de vases, des annélides comme les Ditrupa, les Marphyses, etc., vivant de débris organiques, forment la nourriture d'animaux intéressant encore l'industrie des pêcheries. Mais, s'il est ulile de connaître les variations de la faune suivant les fonds, il faut d’abord établir la nature de ces fonds eux-mêmes, qui, en dehors de leur influence sur la qualité de la pêche, sont plus ou moins praticables, suivant leur facies, aux engins de nos chalutiers. D'une facon générale, en dehors des enrochements côtiers, nous ne trouvons pas de hauts fonds sous-marins au large de notre littoral, siJ’excepte celui de Rochebonne. Le plateau continental dévale lentement sans présenter de grandes dé- pressions ni de rapides élévations. Plus l’on se rapproche du cul-de-sac formé par le golfe de Gascogne, et plus la zone littorale devient profonde (1). La côte dessinant une ligne se dirigeant sensiblement vers le N.-q.-N.-E., les lignes isobathes suivent au contraire la direclion S.-N. depuis Cap-Breton jusque par le travers du phare de Ferret, se dirigeant alors vers le N.-N.-0. Les cha- lutiers à vapeur, qui travaillent toujours à des profondeurs (1) Je prie Le lecteur de voir les points de repère dont je me sers sur la Carte générale du golfe de Gascogne et des attérages de la Manche, dressée par Robiquet, revue en 1890. ANN. SC. NAT. ZOOL. XV, 9 34 GEORGES ROCHE. sensiblement égales, conservent donc ces deux directions sui- vant qu'ils se trouvent au S. ou au N. des passes du bassin d'Arcachon. Au N.de la Gironde le plateau continental présente, entre Rochebonne et les îles charentaises, une série de vallonne- ments peu accentués auxquels les pêcheurs rochelais don- nent le nom de /e haut et le baisse. Mais si le sol présente peu de dépressions profondes, d’ac- cidents de terrain, il offre par contre de fréquents enroche- ments, constituant autant de dangers pour les chaluts et qui rétrécissent singulièrement le champ d’action de nos pêcheurs ; encore que, d’un autre côté, ils constituent des re- fuges naturels pour les espèces comestibles de poissons. Ainsi au large des côtes landaises et girondines, le sol sous-océanique sableux ou vaso-sableux est strié d’aligne- ments rocheux partant de notre littoral pour se diriger au S.-0. vers la côte d’Espagne; d’autres, au contraire, par- tant des mêmes points que les premiers, c'est-à-dire de Contis, du cap Ferret, de Cordouan, se dirigent vers le N.-0. En outre, au large des passes du bassin d'Arcachon, au large du feu de Contis, des roches éparpillées forment des écueils sous-marins contre lesquels viennent s’avarier les dragues par 40 et 50 brasses de profondeur. Dans l’O.-N.-0 du feu de Hourtins, s'étendent des graviers situés par 40 à 50 brasses de profondeur, où les filets sont mis en lambeaux, ainsi que dans un autre fond de graviers situé à 30 milles environ du premier, par 38 à 44 brasses, de l'O.-N.-0. à l'O. du phare de Cordouan. Ce sont là les parages qu’explorent aujourd’hui les chalu- tiers à vapeur d'Arcachon, de Biarritz, les vapeurs espagnols pêchant au gangui, les chalutiers à voiles de Royan et beau- coup de pêcheurs de la Rochelle et de l’île de Groix. Dans toute la région marilime située au nord de l’embou- chure dela Gironde, les défenses sous-marines deviennent de plus en plus nombreuses, au moins jusqu’à ce qu'on ail al- teint les fonds de 55 brasses. IT existe cependant plus à terre LL PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 39 des parages où l’on peut travailler fructueusement, à con- dition d'en connaître exactement l'étendue et la posi- tion. C'est ainsi qu'entre le haut plateau de Rochebonne et la côte de France se trouve /e Passage, région que les pê- cheurs ont ainsi dénonmée parce qu’en venant des Sables ou de la Rochelle ils peuvent, sur la drague, gagner sans acci- dent les parages du sud de notre golfe de Gascogne. Ce pas- sage, qui fut très poissonneux, se trouve compris avec son fond de sables roux entre la Pointe de Rochebonne, formée par un des enrochements qui rayonnent autour de ce pla- leau, et la Pointe de Chardonnière, nom que les pêcheurs, encore, donnent à des massifs rocheux serrés qui s'étendent en pointe mousse à 20 milles au large de l’île d'Oléron et du littoral de la Charente-[nférieure. Dans la partie la plus étroite de ce chenal, la largeur est de 6 à 7 milles et peut fournir, sur la drague, un travail de deux à trois heures. Les approches des dangers sont signalées comme toujours par un changement dans la nature du fond qui devient vaseux, puis sableux. C’est du reste là, comme partout, aux accores des roches que se tiennent de préférence la sole et la raie bouclée. Le Pussage se trouve à l’O.-N.-0.-q.-0. du phare de Chas- siron. À la pointe de Chardonnière se trouvent en outre des masses de coquilles sèches. Autour de Rochebonne se dessinent des enrochements profonds, ainsi que je l’ai dit il n’y à qu’un instant : d'abord la pointe de Rochebonne s'étendant au S.-S.-E. du plateau jusque dans l'O.-N.-0. du feu de Chassiron. Puis au N.-N.-E.et au N.-E. du ponton existent encore des écueils écarlés, tandis que dansle N.-0. des récifs profonds, plus serrés, semés dans un fond de gravier, s'étendent par 46 à 53 brasses formant l’enrochement de Banche- Verte, dont la pointe extrême se termine à l’0.-S.-0. de l’île d’Yeu. À ceile pointe on ne voit ni le grand feu de l’île d’Yeu ni celui du ponton de Rochebonne, mais seulement les projections 36 | GEORGES ROCHÉ. du phare des Baleines. Ses approches sont indiquées par la nalure vaseuse puis caillouteuse du sol. Dans le Sud existent encore des enrochements profonds, occupant ainsi une région où l’on ne peut traîner la drague, par un brasseyage de 50 à 52 brasses et sur une longueur de 7 milles. Pour gagner, par conséquent, les parages maritimes de la région vendéenne, les chalutiers n’ont donc que le Passage par 28 ou 30 brasses d’eau, ou encore la route au large du ponton par de plus grands brasseyages mais où les chances d'avaries ne sont pas nombreuses si l’on ne veut pas raser les enrochements de trop près. Aussi bien, quand, remontant vers des parages plus sep- tentrionaux, les bâtiments ont traversé le Passage, ils ren- contrent une assez grande quantité de pierres tabulaires auxquelles ils donnent le nom de Marzelles ; elles sont sim- plement posées sur le sol el non pas enchassées dans le sub- stratum; plongées par 35 brasses environ de profondeur, elles mettent les filets en pièces quand elles s’y engagent. Entre ces Marzelles et l'enrochement dont j'ai parlé qui s'étend à 6 milles à l'E.-N.-E. de Rochebonne, on trouve un fond de graviers où le chalut passe sans encombre, que l’on fasse route au N. ou à l'E. Du reste, 1l ne faut pas oublier que dans tous les endroits où le plomb de sonde revient en indiquant un fond gris de sable vaseux, 1l arrive souvent qu’on avarie le filet. Les vases sont presque aussi dangereuses que les rochers pour le train de pêche. Si nous continuons maintenant vers le Nord l'examen des fonds de la pêche au grand chalut, nous rencontrons les enrochements qui rayonnent autour de l’île d'Yeu. . Ceux entre autres, qui partent dans l’O.-S.-0. de cette ile et qui, plongés par 30, 35, 36, 37 brasses, se dirigent vers Banche- Verte. Cet alignement nous détermine avec Rochebonne, le Passage, les grandes îles charentaises, la côte vendéenne et l’île d’Yeu, une région de pêche dans PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. Es laquelle je ne m'occupe, bien entendu, que du terrain exploité par le grand chalutage. Outre les dangers que celui-ci rencontre aux accores du plateau de Rochebonne, et dont j'ai parlé déjà, il trouve aussi, dans la région méridionale des parages maritimes de l’île d'Yeu, des bancs rocheux situés d’une part à 32- 33 brasses et se dirigeant vers le N.-N.-0., puis, d’autre part, des enrochements affectant une direction parellèle à ces bancs, et situés par 40 brasses d’eau environ. Entre ces enrochements, et même enire le premier alignement rocheux madréporique et la terre, il peut se trouver que la pêche soit fructueuse. Cependant, aujourd’hui, on la consi- dère comme à peu près épuisée dans la région réellement poissonneuse, appelée le érou pirlon, et qui fut jadis très exploitée, précisément entre les côtes de l’île d'Yeu et la première ceinture rocheuse. | Partant du N.-0. du phare des Barges, et se dirigeant vers le S.-S.-E. de la pointe des Corbeaux (île d’Yeu), existe aussi un alignement de pierres plates, dès qu'on atteint les parages où la sonde donne 18 brasses d’eau. D'autre part, entre la pointe de Banche- Verte et l'enro- chement de l’O.-S.-0. du grand phare de l’île d’Yeu, ül existe un fond variable, plus généralement de sable roux semé de graviers, situé par 39 à 50 brasses, sur lequel les chalutiers peuvent passer en drague, pour gagner les parages du large, jusqu’à la vasière indiquée par toutes nos cartes marines. Aïnsi au large de tous ces dangers sous-marins, peuvent {travailler sans beaucoup de risques tous nos chalutiers; mais à la vérité, ce sont là des fonds peu poissonneux, qui ne fournissent pas la sole, le turbot, les poissons de valeur, ceux, en somme, qui donnent à la vente un chiffre rémunérateur. En sorte que, malgré les inconvénients du chalutage dans les régions semées d’écueils profonds, les pêcheurs préfèrent encore y travailler que de récolter moins, en courant aussi moins de risques au large. 38 GEORGES ROCHÉ. Si maintenant, gagnant toujours les parages septentrio- naux du golfe de Gascogne, nous dépassons l’île d’Yeu, nous trouvons, dans le N.-0.et le N.-N.-0. de celle-ci, des roches sous-marines dites pierres virantes, semant le sol en des parages poissonneux mais dangereux pour les engins. De l’île d’Yeu à Belle-[le, les fonds exploités par nos cha- lutiers de Groix, d'Auray, du Croisic, sont assez limités. Ce sont le chenal du Pilier et les Cardinaux (petits et grands). Le chenal du Pilier, quelque peu sinueux, est situé par des fonds de 28 à 38 brasses; il s'étend entre les roches du N.-0. de l’île d’Yeu et celles du S.-0. du Four (du Croisic); les pêcheurs reconnaissent sa position alors que, se trouvant dans la direction du N.-0. de l’île d’Yeu, ils voient le feu {secteur blanc) du phare du Pilier se perdre à l'horizon (à noyer l'eau). Ïl est semé de blocs calcaires et bien que son trajet ne soit pas absolument rectiligne, il se dirige sensible- ment au N.-0., vers le grand feu de Belle-Ile. Les profon- deurs les plus fréquentées par nos pêcheurs, dans cette ré- gion, sont celles de 30 à 34 brasses. Suivant la saison, nalurellement, varient les quantités de poissons prises aux divers brasseyages. En général, cependant, il paraîtrait que les parages situés plus près du large fournissent les meil- leures récoltes. Dans le chenal du Pilier, comme dans les Cardinaux, les animaux pêchés sont de grande taille et d’exceilente qualité, ce qui explique assez bien pourquoi, malgré les difficultés du travail en ces régions, beaucoup de pêcheurs mettent tant de ténacité à les fréquenter. Les petits Cardinaux, dont le fond est généralement sa- bleux ou vaso-sableux, communiquent avec le chenal du Pilier par une ouverture assez large, dans le massif rocheux que présente le plateau continental dans toute cette partie de notre littoral breton. Ils s’étendent dans le S.-0. d'Hedic (ancien phare), et en dedans de Belle-Ile, dès qu'on atteint 28 brasses, jusqu’à ce que, avec le même brasseyage, on arrive au S. d'Hedic. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 39 Des petits Cardinaux, on peut encore, en risquant bien il est vrai quelques avaries, s’aventurer par des fonds de 18 à 20 brasses, en suivant une route parallèle à la côte bretonne et passant en dedans du Four, pour gagner les parages du Croisic. Mais là encore il paraît que la pêche est épuisée. Les grands Cardinaux qui s'abouchent avec le chenal du Pilier aux mêmes points à peu près que les petits Cardinaux, bien qu’un léger exhaussement et une dépression du sol existent en celte région de conjonction, présentent un fond de gravier le plus généralement ; ils sont limités d’une part par la ceinture rocheuse profonde de Belle-Ile et d'autre part par des enrochements qui partent du chenal du Pilier, en se dirigeant vers le S. Ils ne semblent pas obstrués du côté du large, et sur la drague les pêcheurs peuvent gagner, de ces parages et sans obstacle, la vasière. Dans l’O. et l'O.-S.-0. de Belle-Ile on peut draguer, mais seulement quand on a atteint les fonds situés par 60 brasses; alors on gagne les parties moins profondes du sol sous-océa- nique, situées au large de Groix, en dehors de l’enrochement, dit grand banc de Groix qui s'étend à 6 ou 7 milles de cette île, sur une longueur de 10 ou 12 milles à partir du S.-0. au feu de Pen-Men. Au large de Groix, en allant vers l'Occident, la pêche est peu pratiquée par les grands chalutiers ; encore faut-il qu'il fasse un temps spécialement favorable pour qu'ils gagnent ces parages ({). Donc, en se tenant en dehors des accores rocheux de Belle-[le, du N.-0. de l’île d'Yeu et du plateau de Roche- bonne, sur des fonds situés par au moins 55 ou 60 brasses d'eau, les chalutiers peuvent gagner le golfe de Biscaye, pour travailler au large des côtes landaises. En suivant ce trajet ils ne courent pas de grands risques d’avaries, si j'excepte les inconvénients du travail dans la vasière qui (1) Dans cette région et au large des Glénans travaillent les chalutiers de Concarneau avec leurs petites embarcations non pontées. 40 GEORGES ROCHÉ. occupe, au large de nos côtes de l’ouest, une si vaste étendue sur les fonds situés par 90 à 120 mètres de profondeur. Mais il est encore un autre ordre de dangers profonds, dont il faut se défier. Tels sont par exemple les colonies d’avicules qui s’étendaient autrefois sur 10 milles de longueur (outre plusieurs autres petits bancs), par 50 brasses de pro- fondeur dans l’O. et l’O.-S.-0. de l’île d’Yeu. Ces colonies ont disparu dans celte région, mais on en trouve encore au large de Banche- Verte, dans le N.-0. du cap Ferret et dans l'O. de Contis (par 55 brasses). Des bancs de pétoncles aussi furent, et sont encore, des causes d’avaries pour les filets. Ainsi jusqu’en 1879, ils for- maient dans l'O.-N.-0. et l’O.-S.-0. de l’île d'Yeu, par 42 à 46 brasses, des amas si serrés qu'on ne pouvait tra- vailler dans ces parages. En 1880, ils avaient complètement disparu, mais depuis 1888 on en à retrouvé (toujours en bancs) dans l’0.-S.-0. de Rochebonne, à la place où se trouvait un excellent fond de sable fin, situé par 74 brasses de profondeur. En deçà de 70 brasses, du reste, on n’en trouve plus. Bien que les bancs d’Avicules endommagent les trains de pêche — et justement pour cette raison même — il est re- grettable de les voir disparaître, en ce sens qu’étant cou- verts de Bryozoaires, d’Antennulaires et d’Annélides, ils forment pour les poissons comestibles qui vivent au large, des sortes de pâturages où la drague ne les pouvait capturer el où par conséquent se trouvaient ainsi constitués des cen- tres de développement pour les espèces alimentaires. Outre la région dont j'ai essayé de donner les limites, 1l existe encore, au milieu même des parages rocheux, des espaces restreints où l’on peut encore trainer le chalut. Ces espaces sont plus particulièrement connus de certains pé- cheurs qui les exploitent, mais ne sont pas le théâtre des travaux de la majorité de nos chalutiers. Un autre inconvénient que rencontrent ceux-ci est causé par l'abondance, durant l'hiver et sur les fonds, d'un AA- PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 41 zostome (Rhizostomum Cuvieri) auquel ils donnent le nom de marmouille. Dès octobre, cette espèce gagne les profondeurs et envahit le substratum jusque par cinquante-cinq brasses au-dessous de la Gironde, et moins loin sur les côtes charen- taises et vendéennes où l’on n’en rencontre plus à vingt-huit brasses. Ces animaux se trouvent en telles quantités, qu'ils chargent rapidement le filet jusqu’à le faire crever. Au mois de mars ils abandonnent le fond et l’on peut revenir tra- vailler plus à terre. CHAPITRE IV FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE LA PÊCHE AU GRAND CHALUT. Dans une pareille étude, je ne saurais m'étendre très longuement sur la faune du plateau continental de notre golfe de Gascogne. Mais il me faut insister quelque peu sur les poissons qui font l’objet des travaux si pénibles de nos chalutiers et résumer brièvement les quelques connaissances précises que nous avons sur leur distribution topographique, sur leurs conditions biologiques et dont j'ai pu vérifier l’au- thenticité sur le lieu de pêche même. Je ne m'arrêlerai pas du reste, dans cette nomenclature, sur les espèces que la drague ramène à bord et qui, tout en présentant un réel intérêt scientifique, n’offrent aucun in- térêt économique pour les pêcheurs. Je ne pourrai davantage insister bien longuement sur les relations des poissons comestibles avec les animaux au mi- lieu desquels ils vivent. C’est là une étude très intéressante, qui rentre dans l’examen de la faune marine profonde de notre golfe de Gascogne, et qui doit faire l’objet d’un travail tout spécial. SÉLACIENS. Dans le groupe des Squares, les pêcheurs ne recueillent que les Aoussettes (Scyllium canicula, Scyllium. catulus), les 49 GEORGES ROCHE. jeunes Æmissotes {Mustelus vulgaris, Mustelus lævis) de 0,70 à 0,80 centimètres de longueur, le Milandre, l’Aiguillat (Acanthias vulgaris). Ces animaux sont, du reste, peu esti- més, de même que le Bouclé (Echinorrhinus spinosus), qui se rencontrait autrefois, en plus grande abondance dans les chaluts qu'aujourd'hui même, particulièrement au large de Rochebonne (1). | Le prix de ce dernier animal atteint encore quelquefois une valeur de 15 à 20 francs. Cependant, quelques industriels achètent maintenant dans certains ports de pêche, et particulièrement à la Ro- chelle, les foies de squales pour en extraire une huile em- ployée par la corroïierie — si bien que les pêcheurs ne rejettent plus ces animaux, ainsi qu'ils le faisaient au- trefois. Il serait à désirer, du reste, que l’on fit une destruction active de beaucoup de ces poissons. Car si les Roussettes, les Émissoles se nourrissent surlout de crabes, de pagures, d’annélides et de petits mollusques, la plupart des squales sont extrêmement déprédateurs et font de considérables ra- vages dans les bancs de poissons au moment de leur montée. Tels : le Lamie long-nez (Lamna cornubica) qui abonde dans les parages rocheux et les estuaires (Pertuis, accores des Baleines, les Bœufs, baies de Bourgneuf) et qui, à l’époque de la pêche de la Sardine, abîme ou détruit les filets avec sa puissante mâchoire; le Bleu (Carcharia glaucus) abon- dant au-dessous de Rochebonne en été surtout; la Liche (Scymnus lichia) ; le Pèlerin (Selache maximus), etc. Voici, du reste, la liste des squales que l’on rencontre dans le chalut au cours de la pêche en eau profonde: Grande Roussette ( Scyllium cani- | Émissole commune (Mustelus vulga- cula) (2). … ris). Petite Roussette (Scyllium catulus (3) | Emissole lisse (Mustelus lævis). (4) Les pêcheurs arcachonnais capturent et vendent quelque fois des Squatines (Squatina angelus) qu'ils appellent martrames. (2-3) Bretons, Arcachonnais, PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 43 Milandre (Galeus canis) (1). Aiguillat (Acanthias vulgaris) (2). Griset (Heæanchus Griseus) rare. Bouclé (Echiuorrhiuus spinosus) (3). Perlon (Heptanchus cinereus) rare. Le groupe des Rajidés (5) fournit un assez grand nombre d'espèces comestibles que les pêcheurs appellent communé- ment : Raie bouclée, raie lisse et raie blanche mais qui cor- respondent à des types très différents : Raïie bouclée (Raia clavata, Rondelet). | R, à queue courte (R. brachyura, La- R. radiée (Raia radiata, Donovan). font) (5). R. circulaire ( Raia circularis, R. Miraillet (R. miraletus, Rondelet). Couch) (4). ._ | R. àquatretaches(R. quadrimaculata, R. macrorrhynque (R. macrorrhyn-; Risso). chus, Günther). R. ponctuée (R. punctata, Risso). R. batis (R. Batis, Linné). R. estellée (R. asterias, Rondelet) (8). R. blanche (R. alba, Lacépède). | R. chardon (R fullonica, Rondelet). R. à petits yeux (R.microcellata, re R. ondulée (R. ondulata, Lacépède). tagu). Il est fréquent en outre de trouver dans le filet du chalut la Torpille marbrée (6) ( Torpedo marmorata) ainsi que Mylo- batis aquila (1) et Trygon vulgaris (8) plus particulièrement, toutefois dans les estuaires et les baies littorales. Les Raïes se tiennent de préférence sur les sables va- seux aux accores des enrochements. Elles sont en somme abondantes dans tout le golfe de Gascogne, et ne paraissent (1) Touillefranc. (2) Marrache, Arcachonnais; Touil à l’épine, Sablais, Grésillons. (3) Canille, Arcachonnais ; Chenille, Sablais, Grésillons. (4) IL arrive quelquefois aussi que les pêcheurs ramènent à bord des squales volumineux, capturés sur le sol marin. Ce fait est assez rare, car au cas où l’un de ces animaux vient à s'engager dans la poche du chalut il s'ouvre généralement un passage en déchirant le filet avec sa mâchoire puissante. (5) Les Raies bouclée, radiée, et circulaire sont communément comprises par les chalutiers sous la désignation générale de Raies bouclées. Quand elles sont de grande taille (ainsi que les autres poissons du même groupe du reste) 1ls leur donnent le nom d’Ailes posteaux dans le sud, de Poche- teaux aux Sables-d'Olonne, au Croisic, etc. La Raïe blanche, la Raïe macror- rhynque, la Raie batis, la Raïe estellée, la Raie à queue courte sont appelées par les pêcheurs de la même désignation de raies blanches ou raies lisses, quelquefois encore raies douces. (6) Tremble. (7) Mourine, Terre, Épervier, Aigle de mer. (Serre, Tire. 44 GEORGES ROCHÉ. pas présenter de bien grandes différences de taille suivant les brasseyages. Toutes ne sont pas non plus également communes dans les diverses régions que fréquentent nos chalutiers. Les Raïes dites douces et blanches se trouvent en plus grande quantité dans les Cardinaux et au large de Roche- bonne, bien qu’elles aient diminué de nombre depuis quel- ques années. Les Raies dites bouclées se rencontrent aussi à de faibles profondeurs sur les fonds sablo-vaseux au large du cap Ferret, de Hourtins, dans le Passage, à la pointe de Chardon- nière, dans les fonds gris existant entre les ceintures rocheu- ses de l’île d’Yeu, au large de Saint-Gilles, et dans les petits fonds côtiers entre Olonne et le phare des Barges. On les trouve également autour des enrochements de l'embouchure de la Loire : la Couronnée, la Lambarde, le banc de Gué- rande, etc. Aux mois de juin et juillet on rencontre de jeunes raies de 5 à 10 centimètres dans les herbiers du littoral où elles se nourrissent de crabes, de crevettes, de petits crus- tacés (1), de jeunes poissons et d’annélides. Le chalutage côlier avec des engins à petite maille en détruit de grandes quantités. TÉLÉOSTÉENS (2). TRACHINIDÉS. — Grande vive (Trachinus draco, Linné). — Cette espèce, peu estimée, dans le golfe de Gascogne, abonde surtout en été sur les fonds sableux où elle vit de crabes, de pagures, d’annélides et de jeunes poissons. Elle est moins commune dans la partie du golfe de Gascogne située au nord de l’île d'Yeu (3). Lopanpés. — Baudroie commune (Lophius piscatorius, (4) Mysis, Bodotrix, Hippolyte, Gammarus, etc. (2) En hiver, dans le Chenal du Pilier on capture au chalut quelques. esturgeons. (3) On prend souvent aussi dans le chalut : Callyonimus lyra (Jusant, Cra- paud) qui est rejeté à la mer. Le PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 45 Linné). — Espèce commune dont on prend de nombreux individus aussi bien près de terre qu’au large. Il semblerait même que ses plus volumineux spécimens se trouvent à des brasseyages peu considérables. Muuuinés. — Surmulet (Mullus surmuletus, Linné) (1). — Cet animal se rencontre par bancs dans les profondeurs qu'exploitent nos chalutiers, en hiver surtout, car lorsque arrive la belle saison 1l monte dans les eaux et est capturé, alors, aux filets dormants. Il paraît aussi se tenir en petits bancs car 1l arrive que, si plusieurs pêcheurs chalutent à peu de distance les uns des autres, certains capturent de grandes quantités de surmulets alors que les autres n’en prennent pas du toul. Cette espèce affectionne les fonds de sables grossiers. Au large des côtes vendéennes et charentaises, elle pré- sente deux époques de plus grande abondance en décembre d’abord puis en avril. Dans ce dernier cas les spécimens sont plus gros relativement et atteignent parfois le poids de 800 à 1000 grammes (2). Tricripés. — Ce genre fournit à l’industrie des Pêcheries en eau profonde plusieurs espèces inégalement estimées, mais assez abondantes en individus : Grondin rouge (Trigla pini, Bloch). | Trigle milan (Trigla milvus, Risso). Camard (Trigla lineata, Walbaum). | Trigle lyre (Trigla lyra,; Linné) (3). Morrude (Trigla cuculus, Risso). | Trigle Corbeau (Trigla corax, C. Bo- Grondin gris (Trigla gurnardus,| naparte) (4). Linné). | Le Tacaud (Gadus luscus, Linné). Les individus de grande taille appartenant aux espèces (1) Crapaud des pêcheurs. (2) Barbarin des pêcheurs. Parfois aussi on prend au-dessous de Rochebonne des individus de l’es- pèce Mullus barbatus (Linné). Dans le Passage, au mois de mai, on capture une grande quantité de Sur- mulets. (3) Les pêcheurs donnent la désignation commune de Grondin rouge aux espèces : Trigla piniT. lineata, T. cuculus T. milous T. lyra. (4) Sur la côte on donne le nom de pirlons aux Grondins gris et aux Trigles corbeaux. 46 GEORGES ROCHE. que les pêcheurs appellent Grondins rouges, en raison de leur coloration, se trouvent plus spécialement à de grandes profondeurs, dans le fond gris de la pointe de Banche verte et aux accores rocheux en général où ils vivent de jeunes poissons {souvent de leur espèce), de Galathées, Stenorrhyn- chus, Inachus, Eurynome, Portunus. On les trouve aussi sur les fonds sableux au large de nos côtes du sud-ouest. Les grondins gris montent dans les eaux à la fin de février et au commencement de mars; 1ls regagnent les fonds, du reste, si la température s’abaisse, sinon on ne peut plus les prendre qu’à la ligne. Ils sont peu estimés. Dans les enrochements qui avoisinent l'île d’'Yeu les pêcheurs capturaient autrefois à la ligne beaucoup de gron- dins rouges quand ils approchaient la terre. Aujourd'hui cette pêche n’est guère plus pratiquée (1). SCIÉNIDÉS. — Celte famille fournit peu d'animaux au grand chalutage du large. Ceux-ci se tiennent en effet près de terre, surtout le Maigre commun qui vit auprès des rochers hauts el à pic où l’on vient le capturer avec de petites embarcations. Ce Maigre commun (Sciæna aquila, Cuvier que l’on trouve cependant dans les chaluts au large de nos côtes de l’ouest et du sud-ouest (2) est surtout abondant dans les pertuis, sur la côte de Vendée où il atteint une taille considérable ; on en trouve aussi dans les enrochements de Belle-[le, mais bien que les abords de l’île d’Yeu soient très rocheux on ne l’y rencontre pas. Il paraît rechercher la sar- dine pour en faire sa nourriture (3). SCOMBRIDÉS. — La grande pêche recueille de grands bénéfices des espèces comestibles de cette famille, les Thons, les Maquereaux, etc. La pêche à la grande drague ne peut guère capturer que le Zée forgeron (Zeus faber, Linné) qui (1) Quelquefois aux abords des roches profondes on capture des Ras- casses (Scorpæna scrofa, Linné). — Le Bar ou Loubine est capturé à la côte. (2) Maigrot, Arcachonnais. (3) L’'Ombrine commune que les pêcheurs appellent Bourrugat (Arcachon) ou Beauregard, n’est que rarement capturée au large. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 47 vit au large de seiches, de petits poissons, de crustacés, d'annélides. Les pêcheurs l’appellent Poule de mer (Croisic) Saint-Pierre (Sables, la Rochelle), Rose (Arcachon). En été, par 25 brasses de profondeur, on prend des quan- tités de jeunes individus de cette espèce au large des côtes du sud-ouest. Les grands individus adultes se trouvent au large de Hourtins, de Rochebonne et de l’île d'Yeu (1). SPARIDÉS. — En hiver l’on rencontre au large, au voi- sinage des fonds rocheux d'assez nombreux individus de cette famille : le Pagel commun (Pagellus erythrinus, Cuvier et Valenciennes) qui n’est pas rare au sud de Rochebonne, le Rousseau (Pagellus centrodontus, C. Bonaparte) que l’on trouve dans tout le golfe. Mais l'espèce la plus estimée de cette famille est la Daurade (Chrysophrys aurata, Cuvier et Valenciennes) qui a beaucoup diminué d’abondance aujour- d'hui et que l’on trouve aux accores des enrochements de Rochebonne, de l’île d'Yeu (dans les mêmes régions où l’on capture les Grondins rouges) au mois d'avril plus particu- lièrement, et par 30 ou 40 brasses de profondeur. Cet animal se trouve cependant beaucoup plus près de la côte, de même que les autres Sparidés, dans les parages rocheux du littoral notamment, où les prennent les pêcheurs à la petite drague. En été ces poissons abandonnent les eaux profondes. La nourriture de la Daurade est surtout formée par de petits mollusques, des annélides et des crustacés. Gapipés. — Il est tout à fait exceptionnel que l’on trouve dans le chalut des Morues de l'espèce Gadus morrhua, Linné. Cependant, autrefois, les pêcheurs de Penmarch faisaient d’abondantes récoltes de cet animal, sur les hauts fonds dela Chapelle. Us le vendaient surtout aux Espagnols; mais cette pêche interrompue à l’époque des guerres de la Ligue n’a plusété reprise depuis (2). L'Églefin (Gadus æglifinus, Linné), est également fort rare. (4) En mars et avril, on capture quelques maquereaux par 30 brasses ‘ d’eau. (2) M. Guillard, exploration de la Jeanne. Lorient, 1887. 48 GEORGES ROCHÉ. Le Merlan (Merlangus vulgaris, C. Bo-| La Lingue ou Julienne (Lota Molva, naparte). CBp). Le Lieu (Gadus pollachius, Linné). La Motelle à trois barbillons (Mo- Le Colin (Gadus carbonarius, Linné).| tella tricirrata CBp). Le MErLU (Merlucius vulgaris, Costa). Le Tacaud, commun d'avril à novembre surtout, se nour- rit de crustacés et est pris en telles quantités parfois que l’on en fait du fumier. Celte espèce n’est point estimée, non plus que le Merlan qu'il accompagne sur les fonds sableux et rocheux par 30 à 40 brasses d’eau. | Le Merlan est beaucoup plus rare que le Tacaud au- dessous de la Gironde ; il présente deux saisons où il est plus abondant. D’avril à la fin de juin d’abord, puis de septembre à la fin de décembre. Il sert de pâture à beau- coup de poissons plus volumineux et entre autres au Merlu. Celui-ci est du reste l'animal qui intéresse le plus, dans ce groupe, l’industrie du chalutage en eau profonde, car le Colin qui est rare au sud de la Loire ne se trouve guère dans les dragues; le Lieu beaucoup moins commun aujourd’hui qu’autrefois aux abords des enrochements n’a jamais été pris cependant en quantités énormes (1); enfin la Lingue, qui se trouve plus fréquemment en mars au sud de l’île d’Yeu, dans le chenal du Pilier et aux accores de Banche-verte, n’est jamais très abondante et n'a pas une bien grande va- leur (2). Le Merlu, comme toutes les espèces migratrices, est sou- mis dans ses arrivages à des irrégularités très grandes. C’est ainsi qu'en février 1891 les vapeurs d'Arcachon en capluraient 3000 en vingt-quatre heures, alors qu'à la même époque de cette année-ci ils en prenaient seulement une centaine. Les causes de ces variations sont presque insoupçonnées, encore qu'il semble que les conditions de température des eaux doivent influer nettement sur les (1) Pour vingt Merlus on capture un Lieu. — Côtes du sud-ouest, chenal du Pilier, Cardinaux. (2) Autrefois on rejetait les Juliennes ou on les préparait comme la Mo- rue. Elles valent maintenant 3 fr. ou 3 fr. 50 pièce. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 49 migrations du Merlu comme sur celles de la Morue ou de la Sardine. Il est cependant à remarquer qu'autrefois — c’est-à-dire il y a une trentaine d'années — les pêcheurs landais allaient avec leurs pinasses poser des filets dormants sur la grande côte de Gascogne, à très peu de distance du rivage, et qu'ils prenaien{ alors de grandes quantités de ce poisson. Aujour- d’hui ces animaux n’approchent plus la terre, se tiennent au large et ne semblent pas venir à moins de 35 brasses de profondeur lorsqu'ils sont adultes. Le Merlu reste au fond le jour, mais monte dans les eaux lorsque vient la nuit. II peut alors être pris à la ligne et les pêcheurs de Maquereaux sur la côte de Bretagne connaissent bien cette particularité qu’ils mettent à profit. Les chalutiers recueillent donc moins de Merlus la nuit que le jour. Dans le golfe de Gascogne, on rencontre cet animal depuis le mois d'octobre jusqu’au mois de mai. Il n’est cependant pas également abondant dans toutes les régions de chalutage et paraît présenter plusieurs périodes d’arrivages, que les conditions climatériques et méléorologiques font varier d’é- poque et de durée. Cette année, par exemple, où les froids ont été tardifs, il est apparu dans la région de l’île d'Yeu quinze jours plus lard qu'il n’a coutume de le faire, de plus il s’est tenu très au large. En outre, et comme confirmation des principes enseignés par M. le professeur J. Thoulet, ainsi que des observations de M. le D° H.-E. Sauvage, la direction des vents influe aussi sur le lieu de pêche du Merlu. Après les périodes de forte brise continue de vents du Nord, 1l se trouve en plus grande quantité au large de nos côtes du sud-ouest. Les plus gros spécimens sont capturés dans les parties les plus septentrionales et les plus méridionales du golfe de Gascogne. Il est, du reste, plus rare aussi dans ces régions qu'au large de l’île d'Yeu, de Rochebonne et de la grande côte de Gascogne où il passe par bancs irréguliers. ANN. SC. NAT. ZOOL. XV, 4 50 GEORGES ROCHE. Dans le sud, on le trouve presque constamment d'octobre à mai; mais au-dessus de l'embouchure de la Gironde, il pré- sente deux périodes de plus grande abondance en novembre- décembre et en février-mars. Sa fraye a lieu en avril-mai. A cette époque il le faut aller chercher par 65 et 70 brasses. Cet animal vit surtout de poissons, de son espèce même quelquefois, et souvent de Tacauds, de Harengs, de Lançons (Ammodytes tobianus) et de Sardines. Au mois de mars 1892, j'ai rencontré de nombreux exemplaires de ce dernier animal dans les estomacs des Merlus capturés par 50 brasses de profondeur, au large de nos côtes de l'Ouest; M. Guil- lard, de Lorient, M. Nicolon, du Croisic, M. Odin, des Sables-d'Olonne, ont déjà fait la même constatation. Le Merlu est l’un des poissons qui, tout en intéressant le plus directement l’industrie du grand chalutage, présente les conditions biologiques les moins connues. Sa capture est soumise aux irrégularités les plus incertaines. Com- ment pourrait-il en être autrement du reste, puisque nous ne connaissons presque rien sur les conditions physiques, chimiques et dynamiques de la masse des eaux qui recou- vrent notre plateau continental, et où évoluent les bancs de poissons migrateurs. Pleuronectes. — Dans ce groupe, les animaux les plus fréquemment capturés par le chalut sont : La Limande commune (Limanda vul-| melanochira, Em. Moreau; Solea garis, Gottsche). lascaris, Risso; Solea cuneata, de la Le Carrelet (Platessa vulgaris, Gotts-| Pylaie) (2). che) (1). La Mère-Sole (Pleuronectes megasto- La Limande-Sole ( Platessa microce-| ma, Donovan) (3). phalus, Em. Moreau). La Sole-Perdrix (Microchirus. varie- Les Flets (Flesus vulgaris, Em. Moreau gatus, Em. Moreau (4). et Flesus passer, Em. Moreau). Le Turbot (Rhombus maximus, Risso). Les Soes (Solea vulgaris, Risso ; Solea | La Barbue (Rombus lævis, Rondelet). (1) La Targe : Sables, Croisic. (2) Sétau, Sablais; Langue d'avocat, Arcachonnais. (3) Mére-sole, pantoufle, géline, seulement recueillie depuis une dizaine d'années et vendue 1 fr. le kilogramme. (4) Autrefois n’était pas conservée, aujourd'hui est fort bien vendue. PÈCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 51 L’abondance de ces animaux varie suivant les régions et suivant les époques de l’année. C’est ainsi que la Limande est fort rare au-dessous de la Gironde ainsi que les Flets. Ces espèces sont du reste tou- jours prises en quantité moindre que la Sole et le Carrelet, sans avoir cependant la valeur de la première ; on les trouve sur les fonds sableux, vaso-sableux et même vaseux, où elles se nourrissent de petits individus appartenant aux genres Cardium, Tellina, Trochus, Gralathea, Gammarus et aussi de petits poissons. L'espèce de Sole dite à ventrales noires (Solea melanochira) paraît se cantonner spécialement dans les profondeurs de 10 à 30 brasses au large des côtes landaises, où elle fraye en mai. Les autres Soles se trouvent dans tout le golfe de Gas- cogne, aux accores rocheux plus particulièrement. On les trouve cependant en toutes saisons au sud de Rochebonne et de la Gironde, sur le plateau continental . sableux de cette région Aux abords de la côte, la Sole est de petite taille et fort abondante. À mesure qu’elle grandit, elle gagne de plus grandes profondeurs. Au large, elle est de grande taille (car il est commun que la paire en pèse 1 kilogramme), mais elle devient très rare. Dans la vasière on n’en trouve presque plus. Son goût et sa qualité varient suivant les fonds où elle est capturée; sur les fonds vaseux du sud, elle est grise et un peu molle, alors qu’elle est rousse, ferme, irès estimée sur le sol sableux du chenal du Pilier et des Cardinaux. Suivant les régions, varient naturellement les quantités de Soles capturées. Elles paraissent, comme tous les Pleu- ronectes, particulièrement abondantes au voisinage des enro- chements sur les fonds de sables fins, particulièrement à la fin de janvier, puis en février et mars. On en trouve en toutes saisons dans le Passage, à la pointe de Rochebonne, aux accores de Banche-Verte, où d2 | GEORGES ROCHÉ. elle abonde au mois de février. L’ouest de Rochebonne en fournit peu, le nord par contre en offre beaucoup. Autour de l’île d'Yeu, la Sole est assez grosse dans le N.-0., le N.-N.-0., le N.-0.-q.-N. | Mais les plus belles pièces et les meilleures aussi sont fournies par les Cardinaux et le chenal du Pilier. À moins de 30 brasses, la Sole est de taille relativement peu considérable. Il n’y a cependant rien d'absolu à ce sujet, du moins dans l’état actuel de nos connaissances en pareille matière. Les grandes Soles toutefois ne se trouvent jamais à la côte, dans le golfe de Gascogne. La Sole se reproduit certainement dans les herbiers du littoral et sur les hauts fonds rocheux, mais M. Guillard a ramené par plus de 100 brasses de profondeur des Soles très petites, très jeunes, évidemment écloses au large. En général, la So/e-Perdrix ne se rencontre guère à moins de 30 brasses. Le Turbot et la Barbue se rencontrent au contraire plus abondamment près de terre, en deçà de 40 brasses de pro- fondeur. Dans leur premier âge, ils paraissent essentielle- ment littoraux et nagent quelquefois dans les petites criques du rivage, à la surface des eaux. Ils sont encore assez nom- breux dans le chenal du Pilier (où ils étaient du reste plus abondants autrefois), entre Rochebonne et les Sables- d'Olonne, et aussi entre Hourtins et le cap Ferret; dans cette dernière région, ils sont de taille relativement faible. Depuis cinq ans au Croisic M. Nicolon, l’un des hommes les plus compétents en ce qui concerne les connaissances fauniques de notre plateau continental, a relevé un chiffre considérable d'observations sur le contenu des estomacs de Soles capturées sur des fonds el à des brasseyages dé- terminés. Il a constaté d'assez grandes variations dans les espèces malacologiques qui forment la nourriture de ces animaux. Comme nous le verrons un peu plus tard, cette question de la pâture des poissons comestibles est capitale. PÈCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 53 Dans les estomacs de Soles que j'ai observés moi-même, je ne puis que me borner, pour l'instant, à indiquer d’une façon générale les genres zoologiques dont j'ai constaté la présence : jeunes poissons, Loligo (jeune), Tellina, Trochus, Ditrupa, Terebella, Lepidonotus, Chætopterus, etc. Enfin j’ajouterai que, dans la partie la plus septentrionale de nos terrains de pêche (chenal du Pilier et Cardinaux) la taille des Soles est beaucoup plus considérable que dans le sud, pour les mêmes brasseyages. Ces régions peu pro- fondes (25 à35 brasses) fournissent en effet des poissons de cette espèce, ayant la même taille que ceux qui sont captu- rés par 60 ou 65 brasses au large des côtes landaises (1). CHAPITRE V INDUSTRIE ET ÉCONOMIE DE LA PÊCHE AU GRAND CHALUT. Durant toute la période de l’année où nos pêcheurs se consacrent au chalutage, leur travail a surtout pour but de capturer la Sole, dont le prix est fort rémunérateur (2). Le Merlu trouvant aussi des débouchés faciles, surtout dans nos provinces méridionales, les chalutiers le recherchent activement aux époques où 1l est le plus abondant. Je pourrais presque dire qu'ils n'apprécient guère la valeur de leur pêche que d’après le nombre de paires de Soles et le chiffre des Merlus qu’elle représente. Les autres poissons ne sont pris qu’en quantité peu considérable ou sont de faible valeur marchande. Certaines espèces donnent toutefois d’assez bons bénéfices. Tels : les Grondins rouges, le Rouget barbet, le Zée forgeron, la Daurade, le Pagel commun, le Lieu et quelques autres. (4) Dans les parages rocheux il n’est pas rare que les chalutiers capturent des Congres (Conger vulgaris, CG. Bonaparte). (2) Dans les poissonneries du littoral la grande Sole vaut 3 fr. le kilo- gramme, la petite 1 fr. 75 à 2 fr. Le prix courant est 2 fr. 50 au kilo, mais peut arriver jusqu'à # fr. D4 | GEORGES ROCHÉ. Autrefois, du reste, les pêcheurs ne prenaient pas la peine de recueillir ou de conserver beaucoup des poissons qui sont, à l'heure actuelle, expédiés sur les marchés de l'intérieur. La Baudroie, par exemple, la Grande Vive, le Grondin gris et même des Roussettes, le Milandre et l'A:- guillat. Enfin, la valeur crainte de Nude d'espitil comestibles varie quelque peu suivant les ports de venie. Ainsi les Aiaies, qui sont appréciées sur les côtes de la Manche et dans lapartie septentrionale du golfe de Gascogne, ne jouissent que de très peu de faveur sur le littoral gascon. Le commerce du poisson frais a pris une telle extension, que la pêche ne fournit jamais en quantité suffisante à la consommation. Les poissons de luxe plus particulièrement (Sole, Turbot, Barbue), sont toujours assurés de trouver un écoulement facile, en dépit du coût élevé de leur transport et des droits d'octroi dont ils sont frappés (1). Dans le golfe de Gascogne, durant la saison d'hiver, ce poisson frais est fourni presque totalement par la pêche au large qui fait l’objet de cette étude générale. Les petites embarcations qui travaillent à la côte recueillent le Par, le Mulle, etc., avec des filets dormants; celles qui promènent le chalut sur les fonds côtiers capturent un grand nombre d'individus jeunes, d’autres espèces ichthyologiques, dont le poids est faible et qui ne fournissent pas un bien considé- rable rendement. Distribution des Chalutiers dans le golfe de PR — La pêche à la vapeur est pratiquée dans le golfe par les cinq navires de la Société des Pêcheries de l'Océan et par trois bateaux de Biarritz. En outre, dix-neuf vapeurs espa- gnols du port de Saint-Sébastien mettent en usage le gangui (ou pêche aux bœufs), et viennent travailler jusque dans les parages de Rochebonne. . (4) C’est ainsi que pour une demande de 1000 kilogrammes de Sole, la So- ciété des Pêcheries de l'Océan ne pouvait fournir cet hiver que 400 kilo- grammes de ce poisson (proportionnellement). PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 55 Dans les quartiers de Royan, de la Rochelle, de l’île de Ré, des Sables-d'Olonne, de Saint-Gilles, de l’île d’Yeu, du Croisic, d'Auray et de l’île de Groix, existent des armements pour la pêche à la grande drague. Les parages maritimes situés au-dessous de l'embouchure de la Gironde sont fréquentés surtout par les chalutiers à vapeur et par des voiliers de Royan et de la Rochelle. Les autres pêcheurs y viennent aussi travailler quand les vents d’amont poussent leurs embarcations vers le sud. En général, du reste, les chalutiers adoptent plus spécialement une région de pêche. C’est ainsi que les Grésillons, qui arment & /a drague à la fin de novembre ou au commencement de décembre, se divisent en plusieurs groupes travaillant : les uns dans les Cardinaux et le chenal du Pilier, et venant vendre leur poisson au Croisic ou à Lorient ; d’autres, adoptant pour chaluter les fonds situés entre l’île d’Yeu et Rochebonne, et se rendant aux poissonneries des Sables-d'Olonne ou de la Rochelle; enfin, le reste exploitant les parages maritimes au sud de Rochebonne jusqu’au cap Ferret, et vendant leur récolte à la Rochelle encore ou même à Arcachon (1). Les chalutiers de la Rochelle, des Sables-d'Olonne, de l’île d'Yeu et du Croisic travaillent également dans des régions déterminées, mais reviennent vendre leur pêche à leur port d'attache, à moins que des vents contraires et persistants ne les forcent à gagner une autre poissonnerie de la côte. Les statistiques marines nous fournissant peu de rensei- gnements sur le nombre des embarcations qui pratiquent la pêche au large; le nombre des bateaux de pêche y est (1) Arcachon n'est guère accessible qu'aux vapeurs, ainsi que je l’ai dit déjà, en raison des difficultés qu'offre la passe d'entrée de son bassin. Encore arrive-t-il souvent l'hiver, dans les périodes de forte mer, alors aussi que les jours sont courts, que le bateau qui a fait le transport du poisson, ne peut que rarement revenir prendre son posle de pêche dans la même journée. Mais, d’un autre côté, Arcachon est desservi par des trains fréquents à marche rapide qui permettent de faciles expéditions dans le midi de la France : sur le littoral méditerranéen, en hiver; dans la région pyrénéenne, en été. 56 GEORGES ROCHE. indiqué sans préciser leur tonnage, en sorle que l’on com- prend, dans leur nombre et sans désignation spéciale, les grandes chaloupes et les canots à sardines ou à homards. Les quartiers d'armement les plus importants pour le grand chalutage sont, en somme, Z/a Teste (Arcachon) la Rochelle, les Sables et Groix. Les poissonneries les plus fréquentées sont celles dn Croi- sic, des Sables et de la Rochelle. Aux Sables, par exemple, la municipalité ayant fait cons- truire en 1884 une halle qui lui coûta 180,000 francs en chiffres ronds, la vente à la criée a produit en 1891 une recette de 99,000 francs par le prélèvement de 3 p. 100: sur chaque vente et la perception de 15 centimes par shan eune des dalles qu'occupent les pêcheurs. Valeur des statistiques des pêcheries à la grande drague. — Il est difficile d'apprécier dde ent le nombre des es- pèces comestibles capturées par le grand chalutage. Pério- diquement, toutefois, les armateurs reçoivent des adminis- trations de la Marine, des Ponts et Chaussées et de la Douane, des demandes écrites de renseignements sur les rendements de leur industrie (1). Bien que ces demandes spécifient que l’on veut, à titre officieux, des documents aussi précis que possible en vue du rapport annuel adressé au ministre du département pour la statistique des Pêches maritimes, il est fort rare que les intéressés répondent exactement. En tout cas, ils n’entrent pas dans le détail de leurs opérations et c'est un travail assez peu instructif, je crois, que de consul- ter la statistique des Pêcheries maritimes pour avoir une idée des fluctuations de la capture du poisson frais. C’est ainsi que pour des animaux de viviers {les Bars, par exem- ple) les négociants n’énumèrent qu’en poids la quantité de poissons récoltés — poids approché bien entendu, et inexact, je le puis affirmer — ce qui ne nous renseigne que très (4) Quelquefois les agents de ces administrations se bornent à co- pier simplement le rapport fourni par les bureaux de l'Inscription mari- time, PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 7 insuffisamment sur l’abondance de ces animaux, puisque la taille des individus est très variable. D'un autre côté, tous les pêcheurs qui travaillent en haute mer, à des brasseyages où ils savent ne devoir pas être incri- minés dans le procès des causes de destruction des espèces comestibles, accusent des quantités capturées supérieures à celles qu'ils prennent réellement. Ceux au contraire, qui tra- vaillent à terre, énumèrent leurs caplures à la pièce et non au poids et font subir au chiffre de la somme des êtres récoltés une réduction considérable. D’autres accusent des quantités faibles pour que la publication de ces chiffres n'engagent pas une société rivale ou de nouveaux pêcheurs à explorer les mêmes parages qu'eux; il en est aussi dont les affaires périclitent et qui majorent leur chiffre de récolte pour cacher leur situation véritable. En tous cas, comme plusieurs administrations viennent à des époques différentes poser les mêmes questions, les arma- teurs conservent une copie du premier rapport de facon à ne pas varier dans leurs déclarations subséquentes. — Et l'État reçoit ainsi trois fois la même réponse entachée d’une erreur absolument volontaire. Cette année (1892) les commissaires de l’'Inscription mari- time de notre côte ont à fournir une statistique détaillée des espèces zoologiques comestibles ou industrielles capturées par les pêcheurs de leur quartier ou vendues dans ce quartier même. Je ne crois pas cependant que l’on puisse obtenir de bien remarquables résultats pratiques et exacts de cette innovation. D'abord, le personnel nécessaire à l'évaluation précise des animaux capturés n'existe pas. Puis les noms donnés par les pêcheurs aux poissons varient suivant les pays et il ne se trouve pas un ouvrage pratique qui puisse mettre les offi- ciers de notre Inscription maritime au courant des synony- mies régionales de ces animaux. Enfin, les chalutiers eux- mêmes ne retiennent guère le nombre exact des pièces capturées et se trouvent, en tous cas, peu disposés à four- 58 GEORGES ROCHÉ. nir des indications précises aux gardes-pèche et aux gardes maritimes. En somme, je crois que l’on peut évaluer à 600, en majo- rant les chiffres, le nombre des embarcations de 18 à 40 ton- neaux de jauge qui pratiquent, durant l'hiver, la grande drague entre 20 et 80 brasses de profondeur, avec des cha- luts pointus ou carrés ayant une perche de 9 à 15 mèlres de longueur (1). | Armements pour la pêche au grand chalut. — L'arme- ment d’un bateau, chalutier peut être entrepris par le patron même du bateau ou par un pêcheur qui ne navigue plus, ou encore par un capitaliste, complètement étranger d’ailleurs au monde des pêcheurs. Dans le premier cas la pêche produit encore à l'heure ac- tuelle d'assez réels bénéfices. Non pas que ceux-ci soient jamais bien considérables, mais enfin ils assurent l'existence . des marins et leur permettent encore de mettre quelque ar- gent de côté. L’armement d’un bateau chalutier par un ancien pêcheur lui fournit aussi un certain intérêt; mais le rende- ment est soumis à bien des variations pour le capitaliste incompétent qui arme à la pêche au chalut (2). Et ceci, du reste, en comptant sur la meilleure foi du monde de la part des marins. (1) Bien que dans le golfe de Gascogne beaucoup de pêcheurs se livrent au chalutage durant toute l’année, tels que ceux de la Rochelle, de l’ile de Ré, de Royan, etc.,la plupart ne pratiquent cette pêche que d'octobre en avril. Les Grésillons n’arment même au chalut qu’en décembre; ils désarment au commencement de mai et se livrent, l'été durant, à la pêche du Germon avec beaucoup de marins sablais et croisiquais. Les autres chalutiers du Croisic, des Sables, de l’île d’Yeu et de Royan pratiquent l’été la pêche de la sardine. Cependant depuis quelques années les irrégularités d’arrivage de ce poisson ont été telles que beaucoup de chalutiers préfèrent se livrer toute l’année à leur dur métier. Jusqu'ici les vapeurs de la Société des pêcheries de l'Océan ont continué leur travail toute l’année au large des côtes landaises et girondines, encore que les résultats que fournit la campagne d'été ne fussent aucunement ré- munérateurs. | (2) « Les bourgeois qui fournissent la chaloupe, les filets, les agrès-ap- paraux etles vivres, lèvent les deux tiers du profit de la vente du poisson, l’autre tiers appartient à l'équipage. » (Duhamel du Monceau, Trait. génér. de Péches, 3° section, p. 74. Paris, 1769.) PÊCHES. DU GOLFE DE GASCOGNE. 59 En général, aux Sables-d'Olonne, sur le rendement de la pêche, on commence par prélever le tiers du montant de la vente pour couvrir les frais du bateau, etc.; on prend ensuite la dépense de la glace employée ; enfin on partage le reste entre l'équipage, le patron prenant deux parts pour lui (1) et le mousse n'ayant droit qu’à une demi ou trois quarts de part. Lorsqu'un patron est propriétaire de son bateau et de ses engins, il peut surveiller directement l'entretien et la ma- nœuvre de ceux-ci. Il discute sérieusement l’opportunité d’un trainage de chalut dans les fonds rocheux où la cap- ture peut être rémunératrice, mais où les chances d’avaries peuvent être nombreuses. Alors aussi qu'il arrivera avec un peu d'avance ou un peu de retard pour rentrer au port et vendre son poisson , il préférera perdre sur le chiffre de cette vente plutôt que d’abîmer son embarcation en risquant de toucher sur des fonds à l’entrée de ce port ou en forçant de voilure pour faire route. Lorsque, au contraire, il n'est plus intéressé que dans le gain, que toutes les dépenses de l’armement sont couvertes par un capitaliste, il ne prendra plus les mêmes ménage- ments; non pas de parli pris, bien entendu, mais par l’in- souciance très humaine que professe tout individu pour ce qui n’est pas sa propriété. De même on a essayé de remplacer, par un salaire men- suel, le gain proportionnel des pêcheurs établi d'après le chif- fre de la vente, d’après la part de pêche. À première vue, il semblerait que ce serait là une combinaison plus avanta- geuse pour le propriétaire du bateau qu'il dirige lui-même ou non son bâtiment. En réalité il n’en est rien. Pour la manœuvre, la résistance à la fatigue, le courage devant un élément démonté, le meilleur excitant est encore à l'heure actuelle (et sera toujours probablement) l'intérêt que peut trouver le marin dans le résultat monnayé de son travail. (1) Souvent le patron ne prélève qu’une partet demie et même une part seulement. 60 GEORGES ROCHE. À la Rochelle, cependant, quelques entreprises de pêche- ries, dirigées par de simples spéculateurs, paraissent réussir. Il est vrai qu’elles prélèvent immédiatement, pour l’arme- ment, la moitié du produit de la pêche. Dans ce cas ce sont les pêcheurs qui vivent misérablement — et ce n'est point là le résultat auquel notre société moderne doit viser, naturel- lement (1). | Au Croisic les conditions des pêcheurs sont analogues à celles des Sablais. À Groix les engagements des gens de mer ont lieu à la part, comme suit : 1° Conditions de Groix : le bâtiment, quatre parts; le pa- tron et les hommes, une part; le novice, trois quarts et le mousse, une demie. Quelques patrons prélèvent cependant aujourd'hui une part et demie; | 2° Conditions de la Rochelle : le patron prélève une part et demie. Les pêcheurs de l’île d’Yeu, travaillant presque tous pour le compte d’armateurs, gagnent en moyenne 348 francs pour leur campagne d'hiver. L'intérêt du capital engagé par l’armateur est de 39 p. 100. À bord des vapeurs de la Société des Pêcheries de l'Océan, les hommes composant l'équipage recoivent un salaire fixe de 100 francs par mois en outre d’une part proportionnelle de pêche {2). Le patron gagne 250 francs plus deux parts, le mécanicien 300 francs, chacun des trois chauffeurs 130 francs. De plus, le vapeur qui a fait la meilleure récolte (1) Sur le littoral de la Manche, à Trouville, à Dieppe, au Tréport, lorsque le patron n'est pas propriétaire de son bateau, l'armement pré- lève, en général, la moitié du profit de la vente. L’autre moitié est di- visée en quatre parts. Les pêcheurs et le patron recoivent chacun une part de pêche. Ce dernier recoit en outre, de l’armateur, 5 p. 100 sur le: montant des affaires. Le mousse gagne un salaire fixe qui atteint 15 fr. par semaine. Les équipages sont ici moins nombreux que dans le golfe de Gascogne. Ils comprennent quatre hommes et le mousse. Les parts de pêche sont donc plus fortes que pour nos chalutiers des côtes de l'Ouest. (2) Cette part est de 20 à 30 francs. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 61 reçoit une prime mensuelle partagée entre tous les hommes de l’équipage indistinctement. Je n'ai pas besoin d’insister sur la différence des excel- lentes conditions faites à ses marins par la Société des Pê- cheries de l'Océan et de celles que trouvent, à bord des voi- liers de beaucoup d’autres ports, les pêcheurs de notre côte; surtout si je rappelle qu’elle ne néglige rien pour mainte- nir en parfait état ses vapeurs et qu’elle n’abandonne jamais ses marins dans la maladie ou le besoin. Pêche en société. — A part les entreprises de chalutage à vapeur, nous ne voyons, nulle part, sur les côtes du golfe de Gascogne mettre en usage le système de la péche en société que pratiquent les Anglais et les Américains et qui permet aux chalutiers de réaliser une si grande économie de temps. Ainsi, les cinq vapeurs arcachonnais rentrent chacun à leur tour au port, ramenant le poisson récolté par toute la flottille. À l’époque dela pêche du Germon, les marins de Groix et des Sables se forment souvent en petites sociétés de 4 à 5 ba- teaux et viennent aussi chacun à leur tour vendre dans les porls de la côte. Autrefois il existait des sociétés de chalutiers (à Saint-Martin-de-Ré et à la Flotte, par exemple). Depuis que l'usage de la glace a été introduit à bord des embarcations de pêche, ces sociétés ont cessé d'exister. Elles offraient cependant bien quelques avantages. Elles comprenaient souvent cinq à six voiliers, quelquefois même un plus grand nombre, que commandait un chef de pêche élu par les équipages associés. Ces chalutiers travail- laient en vue les uns des autres, en une région qu'indiquait le chef. Lorsque la récolte était assez abondante, l’un des bateaux l’allait porter à une poissonnerie de la côte. Mais, pour occuper le poste de chef de pêche, il fallait, nécessairement, un homme très énergique, très autoritaire et très équitable. Or ce sont là des qualités que l’on trouve rarement réunies dans le même individu. Puis nos pêcheurs sont parfois d'assez médiocres naviga- teurs, et le bateau qui était venu apporter le poisson à la 62 GEORGES ROCHE. côte, mettait quelquefois plusieurs jours à retrouver la so- ciété d’embarcations dont il faisait partie. Enfin, les chalutiers tiennent à venir à terre périodique- ment plutôt que de rester un mois ou deux au large; et leur métier est si périlleux et si dur que l’on comprend faci- lement ce besoin qu'ils éprouvent, bien qu'il porte préju- dice à leurs intérêts pécuniaires. Dans la mer du Nord les Anglais pratiquent la pêche en so- ciété (fleeting) et la pêche par bateaux isolés (single boating). Dans le premier cas, l’escadrille formée par l'association, des chalutiers élit un capitaine (admural) qui détermine les fonds sur lesquels on va pêcher; puis, par un système de signaux, contrôle, dirige les opérations de tous les bateaux qu'il commande et qui travaillent dans la même direction que celui qu'il monte. Plusieurs transports à vapeur (steam- dérest) relient la flot- tille avec les ports de Londres, Yarmouth. Grimsby, Hull. « La pêche en société, dit le D' H.-E. Sauvage, commence dès le mois d'avril; on pêche généralement de cette époque au 15 mai dans les parages du Dogger's bank, puis on s'étend un peu vers l'Est, jusqu'aux îles du Texel; à partir d’octo- bre, les bateaux pêchent isolément et pour leur compte particulier. «Aussitôt que le poissonest pris, il est mis, avecune légère couche de glace, dans des boîtes en bois présentant sur chacune de leurs faces extrêmes deux trous-poignées pour permettre de les saisir avec des crochels et d'en opérer rapidement le déchargement. Les vapeurs récoltent les boîtes tout en pêchant eux-mêmes et, leur récolle faite, rentrent au port ; ils apportent aux bateaux, sans rétributions spé- ciales, de la glace concassée, des filets, des provisions de toute nature. Les bateaux qui pêchent s'engagent à rester en mer pendant une durée de deux, trois, quatre mois (1). » (1) Dr H.E. Sauvage, Rapport sur la pêche dans l’est de l'Angleterre. Bul- letin de l'Agriculture, 1887. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 63 Les Américains praliquent également cette pêche en so- ciété, avantageant les meilleurs pêcheurs et faisant suppor- ter à l'association les frais et les pertes des sinistres. À Yarmouth, 670 bateaux sont engagés, été et hiver, pour la pêche en société. Trente embarcations seulement prati- quent le chalutage pour leur compte particulier. À Hull, presque tous les bateaux pêchent en société du- rant l'été. En hiver, 150 ou 200 restent associés et 250 ou 200 travaillent isolément. À Grimsby il n’y a pas d’association l'hiver, mais l'été 300 bateaux praliquent la pêche en société et 100 restent indépendants (1). Ce fut la maison Hewet and C°, de Londres, qui, armant une nombreuse flotte à la pêche au chalut, organisa les pre- miers bateaux-transports rapides pour ramener le poisson frais sur les marchés de la côte. Ce furent d'abord d’excel- lents voiliers. Les mêmes armateurs employèrent en 1864 des vapeurs pour ce service, mais ce ne fut qu’en 1880 que l’on en fit usage à Hull. « Ces steamers ont naturellement été construits d’une façon conforme à leur utilité. Ils sont en fer, et ne sont pas extrêmement élancés : les qualités principales de pareils navires devant être de pouvoir tenir admirablement la mer et de pouvoir faire route par tous les temps » (2). De fait ils ne manquent jamais à leur service (3). (4) Report to the Board of Trade on the system of deep-sea trawl-fishing, as conducted in the North Sea. London, 1883. (2) J. W. Collins, loc. cit., p. 181. (3) « La longueur de l’ Australia (l’un des bateaux-transports, construits à Hull en 1887) est de 135 pieds, sa largeur 22 pieds 6 pouces et sa profon- deur 11 pieds. Avec 50 tonnes de lest, son tirant d’eau est de 4 pieds 10 pouces par l'avant el de 10 pieds 6 pouces par l'arrière. L'appareil mo- teur est du type compound à condensation par surface. Les cylindres ont respectivement 21 et 40 pouces de diamètre avec une course de 27 pouces. La surface de condensation est de 617 pieds carrés et la force de 380 che- vaux indiqués. La chaudière cylindrique à retour de flamme a 12 pieds de diamètre et 9 pieds 6 pouces de profondeur, avec une surface de chauffe totale de 1205 pieds carrés. Elle est timbrée à 80 livres. Aux essais ce bateau a donné 10,8 nœuds. La consommation est de 8 à 9 tonnes de charbon par vingt-quatre heures. 64 GEORGES ROCHE. A l'étranger encore, les bateaux pêcheurs et les baleaux- transports emploient des viviers pour conserver les poissons, et plus particulièrement les Pleuronectes. Ainsi, aux États-Unis, les embarcations sont pourvues de viviers dont la paroi supérieure est située au-dessous de la ligne de flottaison. Les viviers communiquent avec le pont par un puits d’un mètre, en relation lui-même avec le milieu liquide. C’est donc dans ce puits seulement que se font sentir les mouvements de l’eau, ce qui évite le ballottage du poisson. Presque tous les bateaux hollandais, surtout ceux qui se livrent à la pêche côtière, sont munis d’un réservoir dont la disposition diffère suivant qu’il s’agit du « bonschuit » ou du « lougre ». « Dans ce dernier bateau, le vivier consiste en un espace compris entre deux couples, fermé perpendiculairement à l'axe par une cloison étanche et percé de nombreux petits trous par lesquels l’eau entre et sort librement; au moment de la pêche du hareng, ces trous sont soigneusement bou- chés avec de l’étoupe. Dans le « bonschuit » le vivier n’oc- cupe qu'une partie de la cale et l’eau pénètre par ses ou- vertures; le vivier s'adapte au bateau par une sorte de douille sur un tuyau carré fixé au bateau lui-même. Autour de la cloison interne sont fixés des crochets destinés à sus- pendre par la queue les poissons plats qui, sans cette pré- caution, pourraient, en se plaçant sur les trous de commu- nication avec la mer, empêcher l’eau de se renouveler d’une manière continue. Ces réservoirs sont mobiles et se dé- montent au moment où l’on va commencer la pêche du hareng (1) » Les Danois, les Norvégiens se servent de réservoirs; beau- coup de bateaux anglais sont pourvus de réservoirs parfois attachés sur un des flancs du bateau, parfois disposés comme dans les bateaux à quille hollandais, (4) Dr H.-E. Sauvage, Rapport sur la pêche en Hollande. Bulletin de s Far i- culture, 1883. Paris. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 65 Assurances contre les sinistres et les avaries. Société de crédit mutuel. — Si l’on ne pratique pas dans le golfe de Gascogne la pêche en société, ce qui est évidemment regrettable, il s’est fait plusieurs tentatives de syndicat entre pêcheurs pour couvrir les frais de naufrages ou d’avaries. Quelques-unes ont pleinement réussi, et il existe aujour- d'hui aux Sables-d'Olonne deux sociétés mutuelles de secours en cas de sinistres maritimes survenant varmi les bateaux de pêche. L'une d'elles, « la Prévoyance », peut être considérée -comme le modèle de ces genres d'association; et j'en ai étu- dié, sur place, les principes et le fonctionnement, grâce à l’amabilité de son distingué président M. Amédée;Odin. Si des tentatives du même genre faites dans d’autres ports n’ont pas abouti, il ne faut pas en rendre responsables les hommes dévoués qui en ont pris l'initiative, mais bien les difficultés inhérentes au caractère des pêcheurs, à leur éducation sociale et à leur ignorance complète de lesprit de solidarité. A mesure que le tonnage des bateaux de pêche devenait plus important, les pertes Lotales ou les avaries atteignaient d'autant plus le patron dans ses ressources que son bateau représentait une valeur considérable pour laquelle il avait consacré lout son avoir. Les marins Sablais songèrent donc à garantir leurs instru- ments de travail contre les risques de la mer. Disons tout d’abord que la « Prévoyance » des Sables- d'Olonne n’a rien de comparable à une Compagnie d’assu- rances marilimes, véritable société financière constituée avec des capitaux souvent considérables, dont le but est de réaliser, au moyen de primes très élevées perçues sur des navires cotés et en bon état, des bénéfices plus ou moins importants. Cette Société, au contraire, se préoccupe fort peu de voir s’accroître son encaisse, elle n’a en vue qu’une chose : faire face, aussi souvent que se répètent les sinistres, au ANN. SC. NAT. ZOOL. XV, 9 66 GEORGES ROCHÉ. paiement de la somme pour laquelle chaque bateau nau- fragé était associé. En même temps son but est rigoureuse- ment défini. Dans le cas de perte totale, d’échouement à la côte, d'abordage en mer, elle paie immédiatement ou dans un court délai, au sociétaire, la valeur du bateau ou des avaries éprouvées par suite d'événements de mer de force majeure et reconnus comme tels par la société. Si l'application de ces articles fondamentaux de la Société paraît tout d’abord facile, il n’en est pas de même quand il s'agit de faire une enquête sur les conditions dans lesquelles est survenu le sinistre. Les obstacles les plus sérieux pro- viennent souvent du sociétaire qui les suscite en voulant toujours se faire indemniser dans des cas non prévus, ou qui ne sont pas réputés de force majeure. Il faut ajouter en même temps que le marin pêcheur, peu initié en général aux questions les plus simples de droit commercial, est sou- vent poussé à intenter une action à la Société devant les tri- bunaux, sur les conseils trop souvent intéressés d'hommes à qui il confie sa cause et dont il a souvent à déplorer d’a- voir suivi les conseils. Il importe de faire remarquer qu'à défaut de tribunaux de commerce, les tribunaux civils sont tenus de connaître des affaires maritimes, et que ces derniers négligent de faire des enquêtes et prennent irop peu souvent l'avis d'hommes compétents dans les délicates questions qui leur sont soumises. L’arbitrage, légalement institué pour ces sociétés, aurait pour résultat de maintenir leurs membres unis même dans les questions où des intérêts privés sont en jeu et de fournir des solutions plus conformes à l'équité que celles qui sont dictées par les tribunaux ordi- naires. L'État, de son côté, qui ne peut se désintéresser des questions qui touchent au bien-être des pêcheurs, au lieu d'accorder des indemnités individuelles aux sinistrés, pour- rait les verser dans les caisses des sociétés. Voici quelques chiffres qui montrent l'utilité de pareilles PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 67 associations. Je les emprunte à « la Prévoyance des Sables- d'Olonne » : ; Nombre des bateaux associés. . . . . . . . 60 Valeur des embarcations. . . . . . . ENENR | 286,620 fr. Indemnités allouées depuis la fondation. . . . 51,828 fr. ER ES MERS ERORRR O EOENO P 19,625 fr. Du 1” mai 1882 au 31 octobre 1891, celte Sociélé a in- demnisé 13 pêcheurs pour pertes totales de leurs embarca- tions, et 27 autres pour échouements, abordages, avaries. Depuis plusieurs années déjà M. Générat, commissaire de l'inscription maritime, s’est préoccupé de développer dans le quartier du Croisic les armements pour la pêche en eau profonde. La décrudescence effrayante de la pêche de la Sardine, la misère qui en résulte pour la population de la région, aussi bien que l’extension toujours grandissante de la pêche du poisson frais ontété les mobiles qui ont poussé M. Générat à engager les marins de son quartier à pratiquer une pêche qui leur peut assurer de bons revenus d’abord, et qui peut aussi, en raison de ses difficultés de manœuvre, de naviga- üon et de travail, contribuer à former à notre inscription maritime une pépinière de bons marins. Pour remplir cette mission d’excellent officier, il ne suf- fisait pas, du reste, d'engager seulement les pêcheurs à sui- vre une voie nouvelle pour eux ; il les fallait convaincre de la réussite qui devait couronner leurs efforts, mettre à leur disposition les moyens d’armer des bâtiments qui pus- sent pratiquer la grande drague et couvrir aussi en partie les frais — considérables — des désastres ou des avaries possibles. En dépit de l'opinion accréditée que les pêcheurs forment une population rebelle à l’idée d'association, M. le commis- saire de l’Inscription maritime du quartier du Croiïsic arriva, en ne ménageant, il est vrai, ni son temps, ni sa peine, à 68 | GEORGES ROCHÉ. former une Société d'assurance mutuelle analogue à celle dont j'ai parlé un peu plus haut. Mais il ne s’en tint pas là; et à celte association de secours en cas d'accidents il voulut adjoindre une Société de Crédit mu- tuel qui pût aider les pêcheurs à acquérir de nouvelles embar- cations dont ils pussent arriver à être propriétaires. — C'est là une idée nouvelle, de haute conception, que le Ministère de la Marine a sanctionnée de son approbation dès qu’elle lui a éle soumise, et qui ouvre pour l'économie des pêcheries une ère qui sera féconde cerlainement en heureux résultats. Ce m'est un devoir d’insister sur l’importance d’une sem- blable innovation, qui doit amener, en somme, le pêcheur à être propriétaire, quelque jour, du bâtiment qu'il dirige. — Or, n'est-ce point là le but vers lequel doivent tendre tous les efforts de notre société ? À Groix, il a été impossible d'obtenir la formation d’une Société d'assurance mutuelle, encore qu'on ait mis beau- coup de dévouement à faire réussir à diverses reprises des tentatives de ce genre. Comme les Grésillons forment, en somme, le noyau de nos grands chalutiers, on peut se deman- der quelles sont les raisons qui leur font repousser — à eux qui adoptent cependant la plupart des modifications utiles apportées à l’industrie de la pêche — une combinaison qui semble avantageuse. D'abord, il est rare qu'à Groix un patron soit entière- ment propriétaire de son baleau et de ses engins; plus généralement, les frais de l’armement sont couverts par plusieurs personnes. Par contre, un patron peut participer aux frais d'armement d’une ou plusieurs embarcations en dehors de la sienne. Si bien que c’est presque en actions que se trouve organisée la flottille des Grésillons et que, dans le cas d’avarie ou de sinistre, les frais sont supportés par une collectivité et non par un homme seul. De plus, de simples capitalistes ont aussi des actions dans les navires. Or, siles patrons qui sont propriétaires, ou les plus forts actionnaires des bateaux qu'ils montent, veulent bien accep- PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 69 ter, en principe. de faire parlie d’une société mutuelle d’as- surance, ceux qui ne possèdent qu’une faible part dans leur navire se désintéressent à peu près complètement de celte question. Enfin, certaines personnalités qui ont des actions dans un grand nombre de bateaux, trouvent que, pour eux, l'imposilion serait trop élevée, eu égard aux pertes causées par les accidents éventuels. Ce sont là, je crois, les raisons qui ont fait échouer tous les projets d'association entre pêcheurs, élaborés en 1858, 1859, 1861 et 1862, puis aussi en 1873 et 1875, par M. Millet, actuellement commissaire adjoint, el plus récem- ment encore par M. Chaussin, commissaire de l’Inscription maritime du quartier du Groix. CHAPITRE VI CONSIDÉRATIONS SUR LES CONDITIONS DE LA PÊCHE MODERNE AU GRAND CHALUT. Diminution de la richesse ichthyologique des eaux marines. — Destruc- tion causée par les arts trainants à petite maille. — Le chalutage en eau profonde. — Irrégularités des rendements. — Cantonnements. — Centres de pêche.— Théorie de la pêche plus au large. — L'enseignement technique et professionnel des chalutiers. — Les brevets de maître de pêche. « Nos eaux se dépeuplent, Le poisson devient rare! » Cette rumeur court sur nos côtes de l'Ouest; et voici qu'après avoir été si douloureusement éprouvée par le dé- sastre de la pêche de la Sardine, la population du littoral s'inquiète maintenant de l’appauvrissement très net des terrains du chalutage {1). A quoi devons-nous attribuer cette décrudescence du rendement de la pêche? Nos connaissances sur la biologie des poissons comesti- bles sont tellement imprécises, que l’on ne peut répondre scientifiquement à cette question. (4) Rapport au Ministère de l’Instruction publique sur une mission pour l'étude de la pêche au grand chalut, par Georges Roché. Paris, 1892. 70 . GEORGES ROCHÉ. Les pêcheurs, eux, s'accordent à admettre que le trai- nage des engins à petites mailles dans les herbiers et les frayères du littoral détruit des quantités de jeunes poissons, et j'aurai à examiner plus loin la valeur de leur argumentation. D'autre part, on a engagé les chalutiers à aller encore plus au large exploiter de nouveaux terrains de pêche. Jus- qu'ici ils n’ont pas paru se rendre avec beaucoup d’entrain à ces exhortations. [Il leur manque en effet des connais- sances exactes sur les fonds où on les engage à iravailler; il leur manque aussi, la plupart du temps, de suffisantes no- tions marines pour s’aventurer au large du golfe de Gascogne. : Je vais donc avoir à examiner ici, successivement : 1° les causes de destruction abusive du jeune poisson ; 2° l’idée de l’établissement des cartes de pêche; 3° la question de l’enseignement technique chez les pêcheurs. Les effets destructeurs du chalut à chevrettes. — En général, le poisson capturé à la côte est de taille bien inférieure à celui du large. C’est ainsi que la « Société des Pécheries de l'Océan » interdit à ses patrons chalutiers de travailler à moins de 30 brasses de profondeur, consi- sidérani que si, en deçà de cette limite, les Soles sont plus abondantes qu’au delà, elles sont aussi beaucoup plus petites et ne fournissent qu'un rendement peu rémunérateur. La Sociélé arcachonnaise considère, en somme, ce chalutage à la côte comme menaçant pour l'avenir même de la pêche. Mais on se livre sur nos côtes de l’Ouest à la récolte de la Crevette avec un chalut spécial, à mailles très étroites. La liste serait longue des méfaits que l’on peut reprocher aux arts traînants à petites mailles, en ce qui concerne l’é- norme destruction qu'ils causent. Ainsi cette année, au mois de mars, à la poissonnerie du Croisice, il a été vendu neuf cents paires de Soles au prix de 60 francs. Ces Soles capturées aux abords du rivage, auraient fourni évidemment, si on les avait laissées cinq mois de plus à la mer, un rendement de 5 à 600 francs (1). (4) M. Nicolon a établi l'augmentation de poids de la Sole, comparative- PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 71 Heureusement, dans ce quartier du Croisic même, l’au- torité maritime s’est préoccupée de cette licence fâcheuse. M. le sous-commissaire Générat à amené habilement les pêcheurs à comprendre tout le danger du traînage des petits chaluts dans les eaux littorales. Et d'eux-mêmes, aujourd'hui, ils viennent de demander l'interdiction de la pêche par ces engins, durant la période comprise entre mai et octobre. Beaucoup d’entre eux, du reste, ont demandé celte inter- diction avec l'espérance qu'elle modifierait les conditions désastreuses de la pêche de la Sardine, mais beaucoup aussi ont compris l'importance d’une pareille mesure pour la pêche en eau profonde. Il va se faire là, par conséquent, une expérience éminemment intéressante, d'autant plus importante surtout que les eaux où va porter l'interdiction forment une réserve considérable de jeunes poissons, dans des anses abritées où pénètrent, mélangées avec le milieu marin, les eaux de la Loire et de la Vilaine (1). Pour une pareille mesure, il serait du reste illusoire d'espérer que l’on pourrait, même avec un nombreux per- ment à l’accroissement de sa taille. Cette comparaison fournit le tableau suivant : Pour une longueur de 0,"20 — la paire pèse — 125 grammes. Le 22 Le 190 ss DT Æ 225 Æ 26 se 300 2 27 #2 325 23 29 di 425 ue 30 se 460-450 ah 31 LL. 525 de, 32 Li 650 mes 34 És 700 Æ 35 750 he 40 de. 1,225 S 43 ss 1,420 Or, le développement de cette espèce zoologique est fort rapide, et nous voyons qu'en comparant la Sole de 0,20 à celle de 0,40, l'accroissement du poids est de 10, celui de la taille étant de 2, (1) Cette région est protégée contre les grosses houles du large par les hauts plateaux rocheux des Charpentiers, Pierre percée, Raguenaud, la Banche, le banc de Guérande, le plateau du Four. 72 GEORGES ROCHÉ. sonnel de gardes-maritimes, en assurer l'observation si l’on recourait à une surveillance officielle. L70 Mais les pêcheurs ayant été amenés à réclamer d’eux- mêmes une protection efficace des eaux côtières, sont ainsi érigés en gardiens de la mesure prise. Il est impossible de mieux assurer un service de surveillance qu’en comptant sur la bonne volonté de ceux qui sont intéressés directe- ment à l'exercer. Il serait à désirer qu’une pareille interdiction fût instituée sur nos côtes vendéennes et charentaises, où les pêcheurs de Crevettes de Saint-Gilles, les chalutiers de la baie de l'Ai- guillon, les pêcheurs à la courtine des embouchures de cours d’eau détruisent inutilement des myriades de jeunes poissons. En 1890-1891, les pêcheurs d’Esnandes venaient au marché de la Rochelle offrir des quantités de petites Soles inven- dables dont on pouvait seulement faire du fumier. En novembre 1890, des pêcheurs Sablais prenaient près de la côte, en la région dite La Fosse, des Soles dont il fallait trois cents paires pour remplir un panier et qui ne mesuraient pas plus de 0,10 environ, invendables aussi par: conséquent. L'usage immodéré de la senne produit des effets ana- logues en beaucoup d’autres régions, auprès d'Auray notam- ment, de Quiberon, etc. Aux abords de Houat où existaient autrefois en grandes quantités les Bars et les Daurades, par 4 à 15 brasses d’eau, le sennage intensif et constant les a fait disparaitre. Du reste, aux Sables-d'Olonne en 1884, sur les instances de M. Maraud, chevalier de la Légion d'honneur, ancien pilote et grand chaluiier, une commission fut inslituée par M. Merlande, commissaire de l'inscription maritime dans ce quarlier. | Cette commission où entraient MM. Maraud, Rousseau- Méchin et Auguste Hervouët, ce dernier étant pêcheur de Crevettes, fit un certain nombre d'expériences dans la région côtière explorée par les chevrettières, et elle arrive à cette PÈCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 73 conclusion : que pour recueillir la valeur de 1 franc de Cre- vetles, l'engin traînant spécial détruit 20 litres de petits pois- sons à raison de six cents individus par litre. Or, l’on n'autorise, et à juste titre, pour le petit chalutage côtier que des engins ayant une maille de 0,025 de côté, pourquoi donc tolère-t-on qu'il soit fait usage d’un appareil beaucoup plus destructeur, sous le prétexte quelque peu ridicule en vérité, que le pêcheur de Crevettes ne peut vendre que celles-ci et doit rejeter à la mer les autres espèces zoologiques que son appareil ramène à bord? Dans quel état se figure-t-on que se trouvent ces espèces? et peut-on songer sérieusement que des animaux qui, en- tassés dans le fond d’une poche presque hermétique, auront été traînés plusieurs heures sur le sol avec une vitesse rela- tivement grande, sont vivants ou aptes à reprendre leur vitalité première quand on les rejette à la mer. Les pêcheurs de Crevettes ne se font, eux, aucune illusion à ce sujet, non plus que les pêcheurs à la courtine des embouchures de rivières ne s’en font en ce qui concerne la destruction énorme causée par leurs procédés de pêche. Ils vendent tout ce naissain et on en fait de l’engrais. Ce sont là des faits intéressants, surtout si l’on songe que toute une législation protecilrice existe pour nos frayères littorales, ainsi que, dans une circonstance récente, à la suite d’un rapport de M. l’Inspecteur général des pêches, M. le commissaire général Renduel, le fit remarquer (1). Enfin, à l'heure actuelle, et le cas était facile à prévoir, on trouve aussi de moins en moins de Crevettes dans ces pa- rages où le chalut a bouleversé les herbiers et les zones d’éclosion. | Il me semble donc qu'on devrait veiller à ce qu’il ne soit plus fait usage que du casier à Creveltes, comme il est employé sur la côte bretonne (dans l'intérêt même de la (5) Rapport sur l'emploi du gangui et la création des cantonnements dans le cinquième arrondissement maritime. (Journal officiel, 30 juil- let 1888, p. 43). 74 GEORGES ROCHÉ. pêche de ces animaux) et qu’il faudrait examiner sérieuse- ment les dégâts causés par les courtines à l'embouchure des cours d’eau : dégâts tels, que c’est à pleins tombereaux que l’on charrie pour amender les terres les jeunes poissons inutilement détruits par ces engins. 2 Destruction causée par la pêche au grand chalut. — Quant au chalutage pratiqué au large par les vapeurs ou les gran- des embarcations à voiles, son action destructive est beau- coup moins considérable, surtout si l’on songe avec quelle rapidité se régénèrent lé pâturages sous-marins qu'il se bouleverser. J'ai dit quels inconvénients offrait le filet pointu pour la conservation de la richesse ichthyologique de nos eaux. J'ajouterai que, récemment, pour obvier au danger de cap- turer en pure perte le frétin, les Anglais adaptent au fond de leurs filets un cadre rigide pourvu d’un grillage qui laisse passer le menu poisson et ne retient que celui d’une cer- taine taille. On a accusé aussi le chalutage à vapeur de ii « Société des Pêcheries de l’océan » de dévaster les fonds marins au sud de Rochebonne. En recherchant quels dommages l'emploi de bateaux à vapeur et de chaluts à grandes dimensions a pu causer sur les fonds poissonneux du plateau continental, on doit avant tout faire le calcul de la surface que ces vapeurs écrèment, durant une année, et dont ils bouleversent les colonies animales. Un vapeur travaillant environ vingt heures par jour, avec une vitesse moyenne de 2 nœuds et demi par heure et chalutant trois cents jours par an (exception faite des re- lâches et de la période des réparations) laboure le sol sous-marin sur une étendue de 33,480 heclares (1) environ. Les cinq vapeurs chalutent donc par année sur une surface de 167409 heclares. Or ce chiffre paraît bien infime en (4) En réalité les vapeurs ne travaillent guère que 250 à 270 jours par année. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 75 présence de la partie du sol sous-océanique sur laquelle s'étendent leurs invesligations. Ilest vrai, cependant, qu'ils travaillent plus spécialement à certains brasseyages; et qu’en ce qui concerne les fonds du large, ils ne les explorent guère qu’à des intervalles assez éloignés et surtout à l’époque du Merlu; qu'il est donc, conséquemment, certains parages dans lesquels l'on peut supposer que leurs opérations ont amené une dévastation locale du sol sous-marin. Mais, que peut être celle-ci en comparaison du vaste champ de recherches que leur offre le plateau continental qui dévale au large de nos côtes du sud-ouest ? De même, nous pouvons apprécier la surface labourée par les engins des chalutiers à voiles, dans tout le golfe de Gascogne. J'évalue à six cents (chiffre trop fort) le nombre des embarcations, de tonnage variable et dont les engins ont des dimensions inégales, qui pratiquent cette pêche, cent vingt jours par année. La surface ainsi dévastée par le chalut est de 1 600 lieues marines. Mais les voiliers ne travaillent en général que durant la saison d'hiver, et les pâturages sous-marins peuvent re- prendre leur vitalité première alors que les pêcheurs ne les exploitent plus. Cependant, si nous prenons encore pour exemple la Sole, il est une époque de l’année où sa pêche est éminemment fructueuse. Cette époque varie un peu suivant la latitude, mais s étend depuis le 15 février jusqu'au 15 mars. Les pê- cheurs récoltent alors cette espèce aux accores des enro- chements et les individus présentent des organes génitaux prêts pour la reproduction. La Sole étant en mouvement vers ce temps de fraye, au lieu de se tenir ensablée comme elle a coutume de le faire, est beaucoup plus facilement capturée. La pêche est fort destructive à cette époque de l’année, mais il semble que les 76 GEORGES ROCHE. dégâts qu’elle peut causer sur l’immense surface où elle s'exerce sont encore assez peu considérables, malgré tout. On accuse aussi le grand chalutage d’effrayer les poissons et de détourner les bancs d'animaux migrateurs. Il suffit de rappeler que l'année 1891 a présenté une abondance excep- tionnelle de Merlus, à moins de 40 brasses, pour juger du mal- fondé de cette assertion. En réalité nous connaissons si peu de chose sur le régime des espèces migratrices de nos eaux occidentales que nous ne savons qu'émettre des conjectures sur leurs irrégularités d’arrivages. Pour le Merlu, que je veux seul retenir ici, qui abondait autrefois à la côte et que l’on est obligé d'aller rechercher aujourd'hui au large, il arrive encore quelquefois qu'on le trouve en masses compactes, tout près du littoral. C’est ainsi qu’en 1889, le vapeur Cours fit une pêche de 600 Mer- lus, en trois heures, par 14 à 20 brasses d’eau, alors qu'on ne rencontrait que peu de ces animaux à 50 brasses de pro- fondeur. : Cantonnements et cartes de pêche. — Dans les périgrina- tions journalières, saisonnières ou annuelles auxquelles se livrent les poissons qui vivent sur le sol sous-marin, il faut faire entrer en ligne de compte, dans la causalité, le besoin de rechercher sa nourriture. C’est ainsi que suivant leur âge les poissons comestibles varient la composition de leur pâture, en même temps que varie la {aille des animaux qui sont leurs victimes. Alors qu'un substratum est épuisé, les poissons vont à la recher- che de parages plus hospitaliers. Aussi bien, d’après l’exa- men consciencieux d'une série bien comprise de dragages, M. Nicolon a pu acquérir la conviction que le sol sous-marin est semé de pâturages, où se localisent les animaux qui font l’objet de la pêche en eau profonde, jusqu'à ce que la nour- riture devenant insuffisante pour ceux-ci, il leur faut en rechercher d’autres répondant à leur voracité (1). (4) Rapport adressé à M. le chef du service de l'Inscription maritime à Nantes, 1892. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. TE Dans les premiers temps du développement, cette vora- cité des poissons comestibles est tout particulièrement re- marquable. Il ne paraîl pas douteux, du reste, qu'il faille aussi tenir largement compte des questions de température, de salure, de courants, de marée et de lumière, car les conditions de nourriture sont liées à loutes les autres. Beaucoup d'animaux vivant sur le plateau continental « n’ont qu’une aire d'extension déterminée » en sorte qu'il est possible, d’après l’examen du contenu des estomacs des poissons de dire en quels parages ceux-ci ont été capturés. Ce doit être un long travail que de diviser le tableau fau- nique de notre plaleau continental dans les zones qu’exploi- tent nos chalutiers, d'autant plus difficile aussi que les voi- liers ne peuvent conserver le même brasseyage durant leurs traits de chalut, et qu'il ne peul être tiré de profitables con- clusions sur la localisation des espèces que d’un très grand nombre de dragages qui se coupent les uns les autres. Cartes de pêche. — En dehors de ce tableau fauaique, dont s'inquiètent, presque uniquement à vrai dire les gens de science, qui seuls comprennent les relalions des poissons comestibles aux diverses périodes de leur existence avec le milieu physique et organique qui les environne, les pêcheurs désireraient posséder une carte des fonds marins s'étendant jusqu’à cent milles au large de nos côtes. Quand on a pu assis- ter aux opérations de ces vaillants hommes, en haute mer, que l’on a pu voir à quels accidents nombreux sont exposés les appareils qu’ils traînent sur les fonds sous-océaniques, on demeure convaincu de la justesse de leurs revendications. À la vérité, leur grande expérience et leur connaissance pratique du sol sous-marin ieur permettent de se diriger avec une suffisante précision dans la partie du golfe de Gas- cogne qu'ils explorent le plus ordinairement ; mais si, pour une raison quelconque, le poisson vient à faire défaut dans la région où ils travaillent, ils ne peuvent rechercher d'au- tres parages qu'en faisant courir les plus grands risques 78 GEORGES ROCHÉ. à leur train de pêche. Or, ils font ainsi de coûteuses expé- riences. De plus, les poissons récoltés varient suivant la nature ro- cheuse, sableuse ou vaseuse du fond sur lequel ils sont cap- turés ; ils varient aussi d’espèces et de dimensions suivant le brasseyage où ils se trouvent; ils varient enfin suivant la faune qui les entoure et qu'ils pâturent. M. Guillard engage vivement les chalutiers à gagner le large et à explorer les grandes profondeurs de 150 à 200 mè- tres à l'occident de notre golfe de Gascogne. Du reste, avec l'aide bienveillant de l'autorité maritime et de la municipa- lité de Lorient, il a pu faire quelques explorations en haute mer qui lui ont donné d'excellents résullats. Mais Les pê- cheurs, eux, qui ont à ménager leurs engins ne se décideront que difficilement, malgré tout, à suivre son exemple. Le terrain est nouveau pour eux; ils ne connaissent ni les enrochements, ni les colonies animales, ni les trous boueux qu'ils peuvent rencontrer et ils ont peur d’endommager leur train de pêche. Il s'impose donc que l’on procède aujour- d'hui à l'établissement d’une carte de chalutage compre- nant les parages fréquentés actuellement par nos pêcheurs, ceux aussi que signale M. Guillard et où, malgré le succès définitif de son entreprise, son filet a été déchiré deux fois pour 6 traits de chalut. J'avoue, du reste, que je désirerais voir une réglementa- lion protectrice protéger les zones d'éclosion et de dévelop- pement littorales, par conséquent assurer un rendement irrégulier des parages relativement peu profonds, et que je n'envisage pas sans quelque crainte l'éventualité d’une dis- sémination de nos chalutiers très au large. D'abord les dangers qu'ils auront à courir seront beaucoup plus redoutables; puis la fatigue physique qu’impose le levage du chalut sera considérablement augmentée en rai- son de la plus grande profondeur ; d'autre part, le poisson rémunérateur, celui qui mérite réellement d’être recherché de si pénible façon, est rare au large, très rare même; enfin PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 19 la route qu’auront à faire Les marins pour gagner un port de vente sera beaucoup plus longue et augmentera d'autant la perte de temps. - Je sais bien que si l’on installait des treuils mûs mécani- quement à bord des chaluliers, que si l’on employait en France des steamers-transports comme les Américains el les Anglais, il ne me resterait plus à faire valoir, comme ob- jection à la théorie de la pêche plus au large, que la rareté du poisson de « luxe » aux grandes profondeurs. Mais ces perfectionnements constitueraient une transfor- mation presque totale de l’Industrie'des Pêcheries en eau pro- fonde, et, malheusement, je ne prévois pas que ces innova- tions doivent s'introduire bientôt chez nous. De l'instruction technique et professionnelle des pécheurs- chalutiers. Brevets de maîtres de Pêche. — En raison précisé- ment des parages éloignés de la côte où doivent aujourd’hui travailler nos chalutiers, d’après les instances aussi de M. Guillard de Lorient, on a agité pendant quelque temps le projet de créer un brevet de maître de pêche. Il ne faut pas oublier en effet que le chalutage est un mode de pêche très spécial, qui ne se peut comparer à aucun autre. Une fois la drague affalée sous les eaux, le bateau est à la merci, en somme. des vents — d’où qu'ils soufflent — et des courants aussi. Sa vitesse ne peut être réglée que lors- qu il est actionné par la vapeur. En réalité un voilier ne fait que dériver sur son chalut, et il est difficile au patron de déterminer exactement l'endroit où il travaille s'il ne re- court fréquemment à la sonde et aux observations astrono- miques. Or, en ce qui concerne les relevés de la latitude et de la longitude, très peu de patrons sont capables de les faire. Ils ne se dirigent donc qu'avec la sonde et l'évaluation approxi- mative de la vitesse du bâtiment, quand ils n’aperçoivent pas de feux. Mais si nous supposons maintenant — ce qui est le cas le plus fréquent — que la mer soit assez houleuse et la brise fraiche, les erreurs de points deviennent dès lors 80 GEORGES ROCHE. pour ces braves gens impossibles à éviter. La plupart des naufrages, du reste, proviennent de ce que, surpris par les gros temps, les pêcheurs, ne sachant pas exactement où ils se trouvent, viennent atterrir en des parages dangereux, très éloignés souvent du port où ils veulent chercher un abri. De plus, pour la pêche elle-même, les chalutiers ne trou- veraient-ils pas une grande utilité à savoir exactement dans quelle région ils traînent leurs engins, puisque de nombreux obstacles sous-marins s'opposent à leur travail. Il ne serait pas nécessaire de fournir des connaïssances très étendues à ces hommes, mais des notions très pratiques, analogues à celles que l’on exige des patrons qui comman- dent les navires de nos pêcheurs d'Islande, à savoir, des connaissances portant sur : le gréement, la manœuvre de l’embarcation en drague et en navigation, les engins de pêche, l'usage du sextant, le calcul de la latitude par la hauteur méridienne du soleil et de la lune, le calcul de la variation, le calcul des marées, etc. Il leur faudrait aussi donner les connaissances d'histoire naturelle qui leur fassent comprendre tout le danger des chalutages intensifs à de faibles profondeurs et préviennent la destruction abusive des jeunes poissons. Ces brevets devraient être bien entendu facultatifs, pour le moment. Soumise à l'autorité compétente, au département de la marine, l'idée de créer des brevets de maître de pêche n’a pas été prise en considération. D'abord on a craint de créer ainsi une concurrence aux caboteurs et aux pilotes. Puis on a jugé qu'il faudrait donner dans la marine mili- taire un grade quelconque correspondant au diplôme con- féré aux pêcheurs brevetés; et l’on à craint qu'il n’y eût ainsi une augmentation des cadres disproportionnée avec le nombre des matelots de manœuvre. Enfin, l’on a dit que le brevet proposé n'aurait que l'utilité d'indiquer aux pêcheurs quels étaient les patrons les plus PÊCHES DU GOLFE DEÆ GASCOGNE. 81 habiles et qu'il n’était pas nécessaire d'intervenir en quoi que ce füt dans un choix qu'ils savent dès maintenant très bien faire eux-mêmes. Les raisons émises par les membres du Comité consultatif des Pêcheries et qui s'opposent à la création d’un brevet spécial de maître de pêche sont surtout basées sur des con- sidérations d'ordre évidemment militaire et hiérarchique. Du reste le diplôme conféré ne présente qu'un intérêt très secondaire. Il faut accorder au contraire une fort grande attention aux connaissances pratiques que l’on pourrait fournir aux pêcheurs, quel que fût le brevet qui pût témoigner de celles-ci. Puisque le département de la marine ne peut s'occuper d’une pareille instruction, il me semble appartenir au Comuté de l’enseignement technique et professionnel, institué au ministère du commerce, de mettre à l’étude la question de l’enseignement spécial des pêcheurs, quels qu’ils soient, et plus spécialement, dans le cas qui nous intéresse : des pê- cheurs chalutiers. D'abord l'instruction donnée à ceux-ci, qu'ils soient patrons ou matelots, leur offre des garanties de sécurité dans le travail et la navigation. Il ne suffit pas, en effet, que dans un port, comme celui des Sables-d'Olonne, qui arme 180 chaloupes à la grande drague, il y ait 10, 20, 30, 50 patrons habiles. On doit dési- rer que toutes les embarcations soient commandées par des hommes au moins capables de les diriger. En admettant — ce qui est très exact — que les pêcheurs connaissent les plus expérimentés patrons et recherchent les embarque- ments à bord de leurs bateaux, ceux qui sont à bord des autres bâtiments ne peuvent être laissés à la merci de l'ignorance d'un patron quelconque, n’offrant que l’insigni- fiante garantie d’être un marin inscrit définitif. Ceci ne serait pas humanitaire et serait aussi très inha- bile au point de vue économique. Avec l’enseignement élémentaire mais suffisant fourni aux ANN. SC. NAT. ZOO. XY, 6 S2 GEORGES ROCHÉ. chalutiers, la pêche ne saurait effectivement manquer de de- venir plus productive. J'ai la conviction qu'avec quelque culture intellectuelle, les chalutiers comprendraient vite toutes les modifications utiles qu'ils pourraient apporter à leurs procédés de pêche et à leur industrie, qu'ils se syndi- queraient, emploieraient les transports à vapeur et explore- raient méthodiquement les terrains de pêche (1). En résumé, je crois bon d'appeler très sérieusement l'attention : sur l’utilité incontestable qu'il y aurait à donner aux pêcheurs un enseignement professionnel analogue à celui que l’on fournit à beaucoup d'ouvriers; Sur la nécessité d'étudier scientifiquement nos eaux et nos sols de pêche, de façon à déterminer les cantonnements et frayères des poissons comestibles aussi bien que les épo- ques de la ponte ; Sur le besoin rigoureux que nous avons, dès maintenant, d'examiner les dégâts causés par les engins traînants à petites mailles. Ce ne sont pas les règlements qui font défaut, pour la protection de nos eaux. Mais ces règlements n’ont guère eu jusqu'ici de base rigoureusement scientifique. En général, ils ont été établis d’après les réclamations des pêcheurs, ap- partenant à des quartiers divers, et leur application est sou- mise aux coutumes et aux tntérêts immédiats de la population côtière dans les diverses régions maritimes. | Si, cependant, nous arrivons à déterminer d’une façon exacie des cantonnements spéciaux pour la nourriture et la fraye des poissons comestibles — et cette détermination est peut-être même tardive — dans le golfe de Gascogne, il en faudra ménager l'exploitation rationnelle sans qu'aucun intérêt privé puisse jamais lui nuire. Souvent on a appelé la pêche : l'agriculture de la mer. Il (1) Les jeunes pêcheurs sont, du reste, fort désireux d'être mis en posses- sion de cet enseignement pratique. PÊCHES DU GOLFE DE GASCOGNE. 83 y a pourtant cette différence entre les deux arts que l'un ne recueille que le fruit de ses semailles, surveillées avec un soin jaloux dans leur développement, alors que l’autre ârra- che à la nature les richesses qu'elle produit sans compter. Encore faut-il, cependant, que nous ne détruisions pas, par ignorance et cupidité, la merveilleuse fécondité des eaux marines. Dans ces dernières années, et suivant les exemples donnés par l'illustre Coste, beaucoup d'esprits très distin- gués se sont préoccupés de régulariser, par une reproduction artificielle habilement conduite, le rendement de la mer. A l'étranger, des expériences concluantes de pisciculture ma- rine ont déjà recu d’heureuses et considérables applications industrielles. J'ai pleine confiance dans les résultats pratiques que cette science nouvelle nous pourra fournir, son expérimentation devant être précise. On acclimatera et fera vivre en viviers beaucoup d'espèces marines de poissons comestibles, évidem- ment; on protégera contre les ennemis naturels de leur premier âge beaucoup d’autres animaux que l’on lancera à l'Océan, plus tard, pour qu'ils aillent repeupler les fonds appauvris par la pêche intensive. Mais que sont nos moyens d'action, en comparaison de ceux dont jouit la nature et qui peuvent fournir de si colossaux résultats à condition que nous ne les venions pas entraver ! Pour la population des côtes, aussi, la grande pêche offre un élément d'activité et d'existence que l'exploitation des viviers ne saurait fournir, en raison du petit nombre d’indi- vidus qui lui est nécessaire. Cette dernière industrie ne saurait cependant menacer celle des Pêcheries au large, puis- que nous ne pouvons maintenant suffire au commerce du poisson frais par la production de nos eaux océaniques. Aujourd'hui, enfin, la grande pêche est devenue la véri- table école de nos marins en raison de la décrudescence de Ja navigation à voiles, cabotage au long cours. 84 GEORGES ROCHE. Son étude scientifique et saréglementalion intéressent, en somme, l’économie de la population côtière, le commerce général français, puis enfin la cause supérieure de l’Inscrip- tion marine et par conséquent de la Défense nationale. GEORGES ROCHÉ. DESCRIPTION DE L'HYÆNA BREVIROSTRIS du Pliocène de Sainzelles près le Puy (Haute-Loire). Par M. MARCELLEIN BOULE, _ Vers 1845 un habile naturaliste du Puy, M. Aymard, dé- couvrit, dans les tufs volcaniques des environs de cette ville, à Sainzelles, un certain nombre d’ossements de Mammifères fossiles, parmi lesquels se trouvait le crâne complet d’une Hyène de taille extraordinaire. Cette pièce fut déposée au Musée du Puy et inscrite sous le nom d'Ayæna brevirostris, Aym. Elle fut signalée à l'attention des paléontologistes, par plusieurs notes d'Aymard (1). Dans un voyage au Puy, Gervais eut l’occasion de voir l’'Hyène de Sainzelles et de l’étudier. Il put en donner une courte diagnose dans la première édition de sa Paléontologie française (2). En 1853, Aymard publia une note détaillée sur le gise- ment de Sainzelles (3) et, l’année suivante, M. Pomel (4) enregistra l'Hyæna brevirostris dans son Catalogue. Malheu- (1) Annales de la Société d'agriculture, sciences et arts du Puy, t. XII, 1846. (2) Zoologie et Paléontologie françaises, 1° édition (1848-1852), p. 122. (3) Annales de la Société d'agriculture, sciences et arts du Puy, t. XVIII, p.51, 1853. | | (4) Catalogue des Vertébrés fossiles découverts dans les bassins de la Loire supérieure et de l'Allier, 1854. 86 MARCELLIN BOULE. reusement la brève descriplion de M. Pomel renferme plu- sieurs erreurs. Depuis celte époque, le nom de l’'Hyæna brevirostris a figuré dans toutes Les listes de Mammifères pliocènes du Pla- teau central. En 1863 (1) et en 1873 (2), M. Albert Gaudry a comparé l’'Hyæna brevirostris avec l Hyæna eximia du Miocène supé- rieur de Pikermi et du mont Léberon. Une visile au Musée du Puy avait permis à l’éminent professeur de se faire une idée très nelte des principaux caractères de l'espèce pliocène et de reclifier la diagnose de M. Pomel. C'est donc à tort que M. Weithofer (3), éludiant les H yènes fossiles du val d’Arno, a infirmé les renseignements donnés par M. Gaudry, ou du moins n’a pas cru devoir en tenir compte. M. Gaudry déclare pourlant, dans son travail sur le Léberon, qu'il a étudié la pièce originale. En somme, malgré toutes ces publications, l’'Æyæna bren- rostris attendait encore une description détaillée et accom- pagnée de figures. Lorsque j'ai entrepris de faire l’histoire géologique du Velay, j'ai dû étudier les nombreuses colleclions de Verlé- brés fossiles provenant de cette région, ainsi que les rapports stratigraphiques de leurs gisements. La descriplion complète de tous ces matériaux fera l’objet d’une prochaine publica- lion. La présente note est consacrée à l’élude de l’une des pièces les plus curieuses que renferme la collection du Musée de la ville du Puy. Lors de mes premiers voyages au Puy, le crâne d'Hyène trouvé par Aymard élait en mauvais état. Les ossemenlts recueillis à Sainzelles, très friables au moment deleur extrac- tion, avaient élé mal consolidés. Des couches de plâtre masquaient des caractères importants. Leur restauration . (4) Animaux fossiles et géologie de l’Attique, p. 89. (2) Animaux fossiles du Léberon, p. 18. (3) Die fossilen Hyänen des Arnothales (Denksch. der Kaïs. Akad. der Wis- senschaften. Math.-Naturwis. Classe, 55 Band, p. 342). L'HYÆNA BREVIROSTRIS. 87 inbabile faisait craindre que ces fossiles ne fussent perdus à brève échéance. La ville du Puy avant bien voulu confier le crâne d’Hyène au Muséum, M. Albert Gaudry l’a fait dégager et consolider par les artistes de cet élablissement. C’est sur le beau spé- cimen ainsi restauré et sur quelques autres débris qu'ont porté mes observations. NATURE ET AGE DU GISEMENT. Afin de bien établir l'horizon géologique auquel appar- lient l’'Ayæna brevirostris, Je crois ulile de résumer ce que j'ai dit ailleurs (1) du gisement fossilifère de Sainzelles. Cette localité se trouve à quelques kilomètres au nord- ouest du Puy. Le gisement” fossilifère est situé à une ving- taine de mètres au sud de la route du Puy à Saint-Paulien, tout près du point 807 de la carte de l’État-Major. Il est formé par des tufs volcaniques remaniés. Ceux-ci sont re- couverts par une nappe basallique antérieure au creuse- ment de la vallée et postérieure à d’autres produits volcani- ques, datant du Pliocène moyen. Les tufs à ossements ren- ferment des graviers plus ou moins anguleux et de petits cailloux. Il y avait plusieurs lits d’ossements superposéset, comme ces débris portent des traces nombreuses de dents de carnassiers, Aymard a supposé que ce lieu représentait un ancien repaire de fauves, ce qui est très possible. Aymard a publié une liste des animaux fossiles de Sain- zelles. Mais le regretté paléontologiste du Puy, privé de termes de comparaison, avait cru pouvoir donner à tous ces fossiles des dénominations nouvelles, sans les faire suivre de descriplions un peu complètes, ni de figures. La faune de Sainzelles, rectifiée d’après mes détermina- lions, est la suivante : (4) Marcellin Boule, Description géologique du Velay (Bulletin des services de la Carte géologique de la France, n° 28, 1892). On trouvera, dans ce mé- moire, une coupe du gisement de Sainzelles et de ses abords (fig. 60, p. 203). 88 MARCELLIN BOULE. Machairodus cf. crenatidens, Fabrini. Hyæna brevirostris, Aym. Felis sp. Cams sp. Elephas meridionalis, Nesti. Rhinoceros etruscus, Falc. Equus Stenonis, Gocchi. Hippopotamus major, Cuy. Cervus pardinensis, Cr. et Job. Cervus sp. Cervus Sp. Bos elatus, Cr. et Job. Bien que certaines des espèces ci-dessus se trouvent déjà dans des terrains du Plateau central de la France, qu’on regarde comme du Pliocène moyen, l’ensemble de celte faune possède un cachet plus récent et se rapporte au Plio- cène supérieur. Cette conclusion est d’ailleurs d'accord avec l’ensemble des données stratigraphiques sur la région. DESCRIPTION DES OS DE LA TÊTE DE L'Ayæna brevirostris. Tout d’abord le crâne du Musée du Puy se fait remarquer par des dimensions supérieures à celles qu'on observe sur toutes les autres espèces vivantes ou fossiles connues jusqu'à ce jour. Sa longueur, des condyies occipitaux au bord inci- sif, dépasse 0°,320, tandis que cette longueur est de 0,245 pour l’Hyæna eximia de Pikermi; 0°,245 pour un crâne d'Hyène de la caverne de Gargas et 0,240 pour un crâne d'Hyène tachelée actuelle. Seule l’Hyène du val d’Arno, décrite récemment par M. Weithofer sous le nom d’Ayæna robusta, se rapprochait, par sa taille, de l'Hyène du Puy, tout en lui restant notablement inférieure. C’est d’ailleurs, comme nous le verrons plus loin, la seule différence impor- tante offerte par les fossiles des deux localités. On pourrait croire que de pareilles dimensions témoi- gnent d’un accident purement individuel. Mais on a trouvé, à Sainzelles, des fragments du museau de deux autres in- dividus de la même espèce et qui ont des dimensions égales ou supérieures à celles des parties correspondantes du crâne complet. L'HYÆNA BREVIROSTRIS. 89 Ainsi, un premier caractère de notre Hyène consiste dans sa taille extraordinaire, qui en faisait un animal au moins aussi gros qu'un lion acluel (1). Le crâne fossile de Sainzelles est relativement plus déve- loppé en hauteur qu’en longueur. Il acquiert, par ce fail, un aspect trapu, ramassé et c’est probablement ce caractère qui a valu à l’espèce le nom de éreurostris. Tandis que chez les autres Hyènes vivantes ou fossiles, la région fronto-nasale est disposée en pente régulière et uni- forme, ici ceite région offre une courbure très prononcée; elle forme une dépression dominée par des bosses frontales. Une pareille courbure fronto-nasale se retrouve dans l’'Hyæna robusta. M. Weithofer a dit que ce caractère diifé- rencie l’'Hyène du val d’Arno des autres Hyènes de la même manière que l’Ursus spelæus se sépare des autres Ours. Cette comparaison est {rès heureuse ; on peut aussi l’appliquer à l'Hyène du Puy. Je ne vois pas de différences importantes, loutes propor- lion gardées, avec Les autres Hyènes, dans la forme des condyles occipitaux et de la partie postérieure du crâne, dans les trous auditifs, dans les temporaux et les pariétaux. L'individu étant mort âgé, les sutures des os crâniens se dis- tinguent difficilement. La crête pariélo-occipitale est très développée. L'apophyse paro-occipitale m'a paru relativement plus volumineuse. L’orbite avait peut-être un contour plus angu- leux dans sa partie antérieure. Le bord interne, ou fronto- maxillaire, était plus saillant et, en avant de ce bord, le maxillaire était creusé d’une dépression plus prononcée que dans les Hyènes actuelles. Les apophyses post-orbitaires sont brisées. La hauteur du corps du maxillaire, dans la (1) Quand on pense à la richesse de la faune mammalogique pliocène du Plateau central, ce développement des Hyènes est un fait tout naturel. Ces animaux avaient à débarrasser le pays des cadavres de deux espèces de Mastodontes, de l’Elephas meridionalis, des Rhinocéros, de l'Hippopotame et d’un grand nombre de Ruminants. 90 MARCELLIN BOULE. région d'origine de l’arcade zygomalique était plus considé- rable et le museau était plus raccourci que dans les autres Hyènes connues. Aulant qu'on puisse le dire dans l’élal de conservation où elle se trouve, la base du crâne n'offre pas de différences appréciables. Le fossile ayant été comprimé latéralement, on ne peut juger de la forme du palais. Mais le raccourcisse- ment de la face me porte à croire qu'il devait être large comme dans l’Æyæna robusta de M. Weithofer. La mandibule est lourde et {rapue. La hauteur verticale maximum de la branche dentaire se trouve au niveau de l'intervalle qui sépare la quatrième prémolaire de la carnas- sière. Cette hauteur diminue progressivement en avant el en arrière à partir de ce point. Le contour inférieur de la mandibule à donc une forme arrondie, tandis que chez l'Hyæna Perrieri et l'Hyæna eximia, le bord inférieur, de- puis le niveau de la carnassière jusqu’à la symphyse, est plus recliligne. La fosse massétérienne est profonde, déli- mitée par des crêtes très saillantes; sa paroï est creusée de sillons larges que séparent de fortes rugosités. Ce dernier caractère ne s’observe pas sur les mandibules d'Hyènes vi- vanies ou fossiles que possède le Muséum de Paris. Il se retrouve, au contraire, sur l’Hyæna robusta du val d'Arno. L'apophyse angulaire est aussi plus forte. L’'Hyæna brewrostris devait donc avoir des muscles masticateurs très puissants. DENTITION. Par sa dentilion, l'Hyæna brevirostris ressemble beaucoup à l’Hyæna Perrieri d'Auvergne et du val d’Arno. Comparés aux espèces vivantes, tous ces fossiles sont beaucoup plus voisins de l'Hyène tachetée ou de l’Hvène brune que de l'Hyène rayée. Maxillaire supérieur (PI. I, fig. ! et 2). Les incisives el la canine ne diffèrent de celles des autres Hvènes que par leurs plus fortes dimensions. L’intervalle séparant la canine L'HYÆNA BREVIROSTRIS. 91 des molaires est un peu plus développé que dans les Hyènes vivantes. La première prémolaire manque sur le crâne complel. Cette dent est conservée sur un beau fragment de museau qui fait également partie des collections de la ville du Puy. Elle n’est pas plus développée que dans les aulres Hyènes. Sa couronue ovale, gemmiforme, n'offre aucune particularité. La deuxième et la troisième prémolaires (2 pm et 3 pm) ressemblent aux prémolaires du type crocuta, mais elles sont encore plus épaisses. Le denticule médian présente un développement considérable, tandis que les denticules anté- rieur et postérieur sont sacrifiés ou considérablement réduits. La carnassière supérieure (4 pm) a une forme intermé- diaire entre les carnassières de l'Hyène tachetée et de l’'Hyène rayée. Son lobe postérieur esl un peu plus développé que dans l’Hyène rayée, beaucoup moins que dans l'Hyène ta- chetée. Le talon est volumineux, bien détaché. À son niveau l'épaisseur de la carnassière est, toutes proportions gardées, plus considérable que dans l'Æyæna crocuta, un peu moins que dans l’Æyæna striata. Les auteurs qui ont parlé de la tuberculeuse de L'Éyenee brevirostris (1) ont pris pour cette dent des fragments d’os de la voûte palatine noyés dans la gangue. Au moment de la restauralion, il m'a semblé reconnaître les traces d’un alvéole d'assez grandes dimensions. Mais je ne saurais l’affirmer et je préfère avouer mon ignorance relativement à la grandeur et à la forme de cette tuberculeuse. En se basant sur le reste de la dentition, on peut toutefois supposer que cette dent avait, comme dans l’Hyène du val d’Arno, des dimensions plus considérables que dans l’Hyène tachetée actuelle. Mächorre inférieure (PI. I, fig. 1 et 3). Les incisives res- semblent à celles des Hvyènes actuelles. Les canines sont énormes. La barre séparant la canine des molaires présente (1) Gervais, Paléontologie française, p. 122. — Pomel, Cataloque..., p. 58. — À. Gaudry, Léberon..., p. 18. 92 MARCELLIN BOULE. une longueur relalivement plus considérable que dans les autres Hvènes. Il n'y à pas de première prémolaire. Les deuxième, troisième et quatrième prémolaires sont, comme les prémolaires supérieures, dans le style de l’'Hyène tachetée et de l'Hyène des cavernes. Comme dans celles-ci les denticules antérieurs et postérieurs, surtout les denti- cules antérieurs, sont très réduits par rapport au denticule médian. La première prémolaire est, relativement aux autres, plus petite dans l’Hyène tachetée que dans l'Hyène rayée. Il en est de même dans l’A/yæna brevirostris. Toutes les pré- molaires sont ici plus épaisses et plus massives que dans les autres espèces. La carnassière est dépourvue de denticule au second lobe, comme l'avait parfaitement observé M. Gaudry et contraire- ment à l’assertion de M. Pomel. Elle est beaucoup moins allongée que dans l’'Hyène tachetée ; elle est aussi plus tra- pue. Le talon est plus développé ; il présente, comme dans l’Hyæna Perrieri, deux denticules bien nets. Cette carnassière ressemble beaucoup à celle de l’Hyæna eximia, de Pikermi. En résumé, les caracteres de la dentition, d'accord avec les caraclères des insertions musculaires,, dénotent une bête puissante, parfaitement organisée pour broyer des os. On peut dire que l'Hyæna brevirostris a été la plus hyène des Hyènes, comme l’Ursus spelæus a été le plus ours des Ours. MESURES. Cräne. Distance des condyles occipitaux aux incisives. 02,322 Hauteur du crâne, du trou auditif à la crête pariétale. 0 ,132 — de l’orbite au-dessus du bord alvéolaire de la CAPHASSIÈLE. EL CRE CPR à c'e 0 ,060 Mächoire supérieure. Diamètre principal de la canine CRETE IC 000 te AR PT OR TOR JCP2 LÀ APRES RER 0 ,024 loncueurde la dl" prémolaire 20. 5.....5....2% 0 ,008 — DÉMLPEDEEMO MATE Mere e ee + OR 0 ,022 Larccur de la Pr°)prémolaire; JE MERE LL . See 0 ,016 Loneueur de da 3° prémolairese.. 0e: .........120) 0 ,027 larpeur dela Be prémolaireie. saten.\ use 0 ,021 Doneueurde la CArMnAasSIÈré: 2: 2MRERX x. MPRRE 0 ,0445 L'HYÆNA BREVIROSTRIS. 93 Longueur du 3e lobe de la carnassière ............ 0,017 Largeur de la carnassière y compris le talon........ 0 ,025 Mächoire inférieure. Longueur comprise entre le bord alvéolaire antérieur de la canine et l'extrémité du Hauteur de la mandibule en arrière de la carnassière. 0 ,06% — entre la 4me prémolaire et lä carnassières.2 72514... 0 ,071 — au niveau de la 2° prémo- laicess rar LU ue LS 002,058 Épaisseur maximum de la branche dentaire........ 0 ,025 Diamètre principal de la canine près du collet....... 0 ,024 Distance comprise entre la canine et la 1e molaire Du nn SE FE... dé... 44 0 ,010 Eunsueurtfotale des molaires..,.2.......,..,...0, 0 ,100 premoltire Longueur, ..i0.44101.323217 0 ,019 — Ro es ue Li ete fn le éi9 0 ,0145 Je premolaire Longueur .:…..::. Éd ne ETS 0 ,026 = DE TUE es ALES PE 4" EE L'URSS 0 ,019 AP prémolseh Longueur ze. mana. 42 0 ,028 — EAU ee eu. à ER DE 0 ,017 PAÉMASSIEROM ÉOMSUBURE. ce nee à senc e de ose oo 0 ,030 — PSE a A ÉISAUL 9 LORS CARE RFA 0 ,015 — Ponenete dé (alon. 8... 26. 0 ,0045 RAPPORTS ET DIFFÉRENCES. Par sa dentition, l’'Hyæna brevirostris diffère essentielle- ment de l’'Ayæna striata actuelle et des formes fossiles voi- sines telles que : Hyæna Chæretis, Hyæna arvernensis, Hyæna prisca, etc. Nos comparaisons doivent porter sur les formes rentrant, comme l’Ayæna brevirostris, dans le type crocuta. Je dirai tout de suite que l’Ayæna robusta de M. Weit- hofer me paraît devoir être identifiée avec l’Ayæna brevt- rostris. La laille de l’'Hyène du val d’Arno, bien qu'inférieure à celle de l'Hyène de Sainzelles, s’en rapprochait suffisam- ment pour que nous puissions mettre la différence sur le compte des variations individueiles (1). Les caractères anato- (1) Nous ne connaissons pas les os du tronc et des membres de l’Hyæna brevirostris. Au val d’Arno, l’on a trouvé un avant-bras et une patte d'Hyène, avec tous les os soudés par la gangue en connexion naturelle. Le Muséum de Paris en possède un moulage étiqueté : « Membre antérieur droit d'Hyæna Perrieri. L'original est dans la collection Strozzi. Val d’Arno supé- rieur, » Ce moulage à été envoyé au Muséum de Paris par le Musée de Flo- rence, en 1880, en même temps que le moulage d’une mâchoire inférieure 94 MARCELLIN BOULE. miques sont identiques. J'ai pu faire la comparaison au moyen des moulages donnés au Muséum de Paris par le Musée de Florence et les différences que j'ai relevées ne mé- ritent pas d'être signalées. Je ne doute pas que si M. Weit- hofer avait pu étudier les échantillons originaux de l’'Ayæna brevirostris ou s'il avait eu plus de confiance en les assertions de M. Gaudry, il se fût dispensé de créer un nouveau nom spécifique pour l'animal du val d’Arno. L'Hyæna Perrieri d'Auvergne (identique selon moi avec l’'Ayæna topariensis de M. Weithofer) et très voisine de l’'Hyæna brevirostris. Mais outre que sa taille est de beaucoup inférieure, que la forme de la maudibule est différente, je relève encore sur la pièce originale de Croizet et Jobert, quelques traits particuliers concernant la dentition. La lon- gueur de la carnassière inférieure par rapport à celle des prémolaires est encore plus petite que dans l’Ayæna brevi- J'OSUTIS. On peut se demander si ces différences ont une valeur spécifique. Je crois que cela n’est pas douteux si on appré- cie l'espèce comme le font les zoologistes s’occupant des animaux actuels. Pour ma part, si le nom spécifique de üre- arostris n'avait pas été mis en cireulalion depuis longtemps, j'aurais préféré considérer l’'Hyène du Puy, qui est en Au- vergne d'un âge géologique plus récent que l’Ayæna Per- rieri, Comme une simple race issue de celle dernière espèce et remarquable par sa taille considérable, ainsi que par la forme de son crâne. d'Hyæna Perrieri, décrite et figurée depuis sous le nom d’Hyæna robusta par M. Weithofer. | Cette pièce dénote une Hyène d’une taille bien supérieure à celle de l’'Hyène tachetée et de l’Hyène des cavernes. Le cubitus a 0,314 de lon- gueur tandis que le cubitus de l’Hyæna spelæa de la caverne de Gargas n’a que 0®,245. Ces os sont moins lourds, moins gros à proportion que dans l’'Hyène tachetée et les métacarpiens sont relativement beaucoup moins allongés que les os de l’avant-bras. Malgré sa taille, cette Hyène pliocène devait donc être plus élancée que l'Hyène tachetée actuelle ou l’'Hyène des cavernes. Par suite de l'identité de l’Hyæna robusta, Weith. et de l’Hyæna brevirostris, ces considérations s'appliquent aussi à cette dernière espèce. L'HYÆNA BREVIROSTRIS. 95 L'Hycæna eximia du Miocène supérieur peut être considé- rée comme une forme ancestrale des Hyènes pliocènes du type crocuta. La carnassière inférieure a déjà perdu le den- ticule interne du second lobe ; elle est très voisine de la car- nassière de l'yæna Perrieri et de l'Hyæna brevirostris. Mais il y a une première prémolaire persistante à la mà- choire inférieure. Le talon de la carnassière supérieure est très effacé ; la luberculeuse a conservé de grandes dimen- sions et, dans leur ensemble, les dents sont plus élancées, moins épaisses, se rapprochant, par ce caractère, des types primilifs. L'Hyène des cavernes et l'Hyène tachetée actuelle consti- tuent deux races d’une même espèce (1), laquelle descend cerlainement d'animaux pliocènes voisins de l’Hyæna Per- rieri où de l’Ayæna brenirostris, mais s’en distingue par des caraclères témoignant d’une spécialisation plus avancée. C’est ainsi que la carnassière supérieure a son lobe posté- rieur beaucoup plus développé, que la tuberculeuse est ex- trêèmement réduite et que la carnassière inférieure à une lorgueur plus considérable en même temps qu'un talon plus petit. L'Hyène brune actuelle possède également beaucoup d’af- finités avec notre fossile, notamment au point de vue de ia forme des prémolaires. Cependant elle se rapproche davan- tage, par sa carnassière supérieure et sa tuberculeuse, de l’'Hyæna striata. La carnassière inférieure a presque cons- tamment un pelit denticule au second lobe, tandis que ce denticule est absent sur tous Les échantillons connus d’Hyæna brevirostris et d'Hyæna Perrieri. Dans les terrains du Tertiaire supérieur des Siwalik, on trouve plusieurs espèces d’Hyènes (2) rappelant les es- pèces du Pliocène et du Quaternaire européen. Là comme (1; A. Gaudry et M. Boule, Matériaux pour l'histoire des temps quaternaires, 4me fascicule. — Les oubliettes de Gargas. — Nous avons donné, dans ce travail, un tableau schématique figurant les affinités des diverses espèces d'Hyènes vivantes ou fossiles. (2) Voyez Lydekker, Paleontologia indica, série 10, vol. IT. 96 MARCELLIN BOULE. ici, il y avait des animaux à dentilion établie sur le plan de l’Hyæna striata et d'autres sur le plan de l'Ayæna crocuta. Les formes intermédiaires ne manquent pas non plus. Il est curieux de remarquer ce parallélisme dans l’évolution des carnassiers du type Hyène dans des contrées aussi éloignées ; d'autant plus que les formes de l'Inde et de l'Europe ne sont pas identiques, mais simplement représentalives. Les Hyènes des Siwalik se rapprochant le plus de l'Hyæna brevirostris sont l’Hyæna felina, Bose et l'Hyæna Colvini, Lydek., qui sont très voisines l’une de l’autre. L'Hyæna felina pouvait atteindre une taille assez élevée sans dépasser beaucoup la taille de l’'Hyène des cavernes. Elle ressemble à l'Ayæna brevirostris par la forme de sa man- dibule ; elle s’en éloigne, autant que j'aie pu en juger d'après les descriptions et les figures de M. Lydekker, par des ca- ractères qui la rapprochent, au contraire, de l’'Hyæna crocuta et de l’Hyène des cavernes. Il en est de même de l’Ayæna Colvini. CONCLUSIONS. Outre l'intérêt qui résulle de la connaissance d’une nou- velle espèce d'Hyène aussi remarquable que l’Ayæna brevi- rostris, l'étude de ce fossile suggère des réflexions d'une cer- taine portée philosophique. La recherche des affinités de notre Hyène avec les autres espèces du même genre décrites jusqu’à ce Jour nous a per- mis de constater combien les découvertes paléontologiques . rendent la distinction des espèces de plus en plus difficile. Les naturalistes, qui étudient les seuls animaux vivanis, éprouvent déjà beaucoup de difficultés à établir leurs classi- fications. Pourlant on comprend que beaucoup de zoolo- gistes et des plus illustres aient cru à l'existence réelle de l'espèce. La brièveté de notre vie fait que toul paraît im- muable autour de nous; il n’en est pas ainsi quand nous pouvons embrasser une longue succession de siècles comme celle que représentent les âges géologiques. Loin de nous L'HYÆNA BREVIROSTRIS. 97 apparaître avec des formes immuables et déterminées une fois pour toutes, nous voyons les êtres vivants modifier leurs caractères, réaliser peu à peu de nouvelles combinaisons, se fondre graduellement dans de nouveaux types. L'évolution devient un fait patent, un phénomène relevant directement de l’observalion. Le paléontologiste reconnaît alors, comme l’a dit mon excellent maître M. Gaudry, que « les espèces ne sont que des nuances par lesquelles les types ont passé dans leurs évolutions ». Quand on considère une série de formes comme celles que les naturalistes ont appelées Ayæna eximia, H. Perrieri, H. brewirostris, H. robusta, H. felina, H. Colvini, H. spelæa, H. crocuta, etc., est-il permis de conserver l'opinion que les espèces ont été créées de toutes pièces, une fois pour toutes, avec des caractères particuliers et immuables? Ces varia- tions d’un même thème, ces nuances, si bien ordonnées dans le temps, ne s’expliquent-elles pas plus simplement par des changements lents ei graduels ? EXPLICATION DE LA PLANCHE I. Fig. 1. — Tête d’'Hyæna brevirostris, vue de profil, aux 3/4 de la grandeur naturelle. Fig. 2. -— Molaires supérieures de l’Hyæna brevirostris. Fig. 3. — Molaires inférieures de l’Hyæna brevirostris. = ANN. SC. NAT. ZOOL. XV UNE NOUVELLE ESPÈCE DE MICROGALE DE MADAGASCAR Par M. A. MILNE-EDWARDS. M. O0. Thomas & fait connaîtres trois espèces de ce genre : Microgale longicaudata, Microgale Cowani et M. Dobsoni. Une quatrième espèce vient d’être trouvée par M. Sikora aux en- virons de Tananarive. L’unique exemplaire connu jusqu'ici a été envoyé à M. A. Grandidier, qui l’a offert au Muséum. Ce nouveau Microgale (7. crassipes) diffère des autres espèces par son apparence plus lalpoïde: 1l est lourd et trapu, au lieu d’être svelte et allongé. Ses oreilles sont plus petites que celles du M. Dobsoni. Ses pattes sont courtes et larges, à ongles forts et pointus et faconnés pour fouir la terre. La queue est moins allongée que chez le A. Dobson, elle est très grosse à sa base et presque nue. La couleur du poil est la même que chez le À. Cowani. Longueur de la tête, 0,027. Longueur du corps, 0,048. Longueur de la queue, 0,052. Largeur de la queue à sa base, 0,004. Longueur de la main, 0,011. Largeur de la main, 0,005. Longueur du pied, 0,015. Largeur du pied, 0,005. La dentition présente les mêmes caractères que chez le M. Cowan. SUR QUELQUES CAS DE MONSTRUOSITÉS OBSERVÉS CHEZ LES CRUSTACÉS DÉCAPODES Par M. dules RICHARD. Il y a chez les Crustacés supérieurs, au voisinage de la bouche, trois paires d’appendices appelés pattes-mâchoires. Ce nom suffit pour indiquer combien leurs fonctions sont différentes des pattes suivantes ou ambulatoires ; et, de fait, leur constitution et leur aspect sont tout différents. Cepen- dant l’étude morphologique de ces appendices dans la série des Crustacés nous montre neltement que les trois pre- mières paires de paltes thoraciques plus ou moins sembla- bles aux suivantes chez les Crustacés relativement inférieurs, tels que Îles Isopodes, se modifient au fur et à mesure qu'on se rapproche des Décapodes et que, parmi ces derniers, la différenciation atteint son maximum chez les Brachyures dont les pattes-mâchoires ne ressemblent plus en rien aux pattes suivantes. | Il peut arriver, que, pour une cause inconnue, un appen- dice parvenu chez une espèce au maximum de spécialisa- lion, revienne par un brusque retour en arrière à une forme ancestrale, montrant ainsi une des formes primitives par lesquelles l’appendice a passé avant d’avoir la forme perfec- lionnée que nous lui reconnaissons aujourd’hui. Il s’agit 1c1 en effet d’un véritable cas d’atavisme observé 100 JULES RICHARD. sur un tourteau femelle (P/atycarcinus pagurus, Linné), pro- venant de Concarneau, et que M. le professeur A. Milne- Edwards m'a très obligeamment communiqué. On constate que la patte-mâchoire gauche de la troisième paire est normalement conslituée (Fig. 1), c’est-à-dire qu’elle est formée d'un endopodite aplati accompagné de l’exopodite habituel, tandis que la patte droite de la même paire est complètement transformée, comme le montre la figure ci- contre (Fig. 1), en un appeudice qui ressemble beaucoup plus à une patte ambulatoire qu'à une pièce masticatrice. L’exopodite, en effet, fait absolument défaut. Quant à l’en- dopodite, un peu plus court que celui de la patte normale, il est blanc et presque entièrement glabre. La patte droite ne paraît pas placée à la même distance du plan médian que la patte gauche. Cette asymélirie n’est qu'apparente, et due à ce que l’endopodite élargi de la patte gauche s'étend davantage vers le plan médian du corps. On reconnail dans la patte modifiée les articles suivants : 1° Un coxopodite en tout semblable à celui de la patte normale : 2° Un basipodite qui, au lieu d’être un petit article trian- gulaire aplati est au contraire à peu près cylindrique el court ; QUELQUES CAS DE MONSTRUOSITÉS. 101 3° Un ischiopodite. Cette pièce, qui a dans la patte nor- male la forme d’une lame rectangulaire très longue, est ici un gros arlicle épais et court, un peu renflé du côté interne et beaucoup plus court que l'ischiopodite de la patte normale ; 4° Un méropodite long et épais, tandis que le méro podite normal est une lame carrée beaucoup plus courte ; 5° Un carpopodite court, très épais, portant extérieure- ment une petite saillie conique. La surface terminale du carpopodite est noirâtre et pré- sente un aspect cicatriciel, ce qui autorise à croire qu'il y avait encore deux articles (propodite et dactylopodite) mal- heureusement absents sur la pièce examinée. Par son aspect général et les dimensions relatives des articles qui la composent, la patte-mâchoire droite du Tour- teau observé ressemble donc à une patte ambulatoire. Cette anomalie a peut-être été provoquée par l’ablation accidentelle et partielle de la patte lorsqu'elle était nor- male. Cela expliquerait l'identité des coxopodites dans les deux pattes. Sur un autre tourteau femelle, j'ai pu observer, grâce encore à M. le professeur A. Milne-Edwards, un nou- veau cas semblable. Ici c'est la patte-mâ- choire gauche de la troisième paire (Fig. 2) qui est transformée, d’une façon moins mar- quée toutefois que dans le cas précédent, comme on peut le voir en comparant les figures 1 et 2. En revanche, la patte est pourvue des deux derniers articles; le dac- tylopodite se fait remarquer par sa forme en griffe recourbée, lisse, noirâtre, c'’est- à-dire qu'il est {rès semblable au dactylopodite des pattes ambulatoires, au lieu d’être formé par un petit arlicle poilu comme dans la patte-mâchoire normale (Fig. 1, patte gau- che). Un cas analogue et très intéressant de la iransforma- tion d’un appendice n’a encore été signalé (du moins à ma connaissance) qu'une seule fois chez les Crustacés par Fig. 2. 102 JULES RICHARD. M. A. Milne-Edwards, sur une Langouste dont un œil était remplacé par un long filament tout à fait semblable à la portion terminale d’une antennule. Le nombre des cas de monstruosités par transformation, assez grand chez les insectes, se réduit beaucoup chez les Crustacés. | À la série des monstruosités observées dans ce groupe, je : puis en ajouler quelques autres dont je doisla connaissance à M. le professeur A. Milne-Edwards. La première intéresse le dactylopodite de la cinquième patte gauche d’un Tourteau. Cet arlicle ne portant aucune autre arliculation que celle qui l’unitavec l’article précédent s’élar- git enunesorle de main terminéepar trois doigts de longueur à peu près égale, formée detroisdactylopodites soudés dans la première moitié de leur longueur, et terminés chacun par unongle rougenoirâtre brillant. Comme le montre la figure (Fig. 3) on reconnaît très nettement le dac- tylopodite normal qui est externe ; on voit aussi que les deux dactylo- Fig. 3. podites secondaires proviennent d’un même bourgeon interne qui s’est bifurqué comme si la duplicité monstreuse primitive (dactylopodite normal et bourgeon interne) avait entraîné la duplicité du bourgeon interne (dactylopodites secon- daires). Il est facile de voir que le dactylopodite normal est soudé par sa face interne avec le dactylopodite se- condaire externe et que ce dernier est accolé à la face externe du dactylopodite secondaire interne, comme Île montre l'examen des deux sillons latéraux de chaque dactylopodite. Observons encore que le dactylopodite nor- mal et le dactylopodile secondaire interne ont la même direction, tandis que celui du milieu, comme le montre la situation de ses sillons latéraux, a une direction contraire, QUELQUES CAS DE MONSTRUOSITÉS. 103 résultant de ce que les deux dactylopodites issus d’un bour- geon interne se sont soudés par leurs faces externes. Obser- vons en effet que la face interne (sur notre pièce) du dac- tylopodite médian est en réalité la face externe comme le montrent la situation des sillons latéraux de cette parlie, et la divergence des ongles des dactylopodites secondaires. Ce cas rentre dans le groupe des monstruosités par excès. Les anomalies de cette classe, nombreuses chez les Déca- podes, portent presque loujours sur les pinces, qui présen- tent une foule de particularités curieuses, dans le détail desquelles je ne puis entrer ici; ce sujet a du reste été traité assez récemment par M. Léger (1). Les anomalies par excès se rapportant à des appendices autres que les pinces sont beaucoup plus rares el se rédui- sent actuellement à sept. La première est celle décrite par Herklots et observée sur le dernier article de la patte gau- che de la deuxième paire chez Lithodes arctica, Lam. Voici la description qu'il en donne : « La patte droite et tous les (1) Note sur deux nouveaux cas de monstruosité observés chez les Langoustes (Annales des sciences naturelles, T° série, t. I, 1886, p. 109-125). M. Léger dans sa revision des monstruosités observées chez les Crustacés a omis les quatre cas intéressants d’anomalie par hermaphrodisme décrits par Kurz, chez Daphnia pulex, Daphnia Schœfferi et Alona quadrangularis voir Kurz, Ueber androgyne Missbildung bei Cladoceren, Sitz. k. Akad. d. Wissensch. Wien., LXIX, Bd., p. 40-46, 1874), ainsi que les monstruosités décrites par Delplanque en 1869 et en 1884, et les observations de Rehberg H., Beitrag zur Kennitniss der freilebenden Stüsswasser-Capepoden (Abhandl. na- turw. Verein zu Bremen, VI Bd., 1880, p. 535-536). Comme postérieurs au mémoire récapitulatif de M. Léger, il faut citer les travaux suivants : Léger, Observation sur une pince monstrueuse d'Astacus fluviatilis (Bull. Soc. philom. de Paris, 7° série, t. XI, n° 2, p. 112, 1886). Fischer, Sur une monstruosité du Crabe tourteau (Platycarcinus pagurus, Linné) (Bull. Soc. zool. de France, 13 mars 1888). Le Sénéchal, Sur quelques pinces monstrueuses de Décapodes brachyures (Bull. Soc. zool. de France, 22 mai 1888, p. 123). Richard, Anomalie de l'antenne droite chez Diaptomus cœruleus, Fischer, mâle (Bull. Soc. zool de France, 12 février 1889, p. 38-39). Nordqvist, Ueber einen Fall von androgyner Missbildung bei Diaptomus gra- cilis G. O.S. (Archiv. f. Naturgesch., 1889, pl. XII). Vosseler, Ueber einen Cyclops mit verkrüppelter Furka (Archiv. f. Natur- gesch., 1889, p. 123, pl. VE, fig. 16). 104 JULES RICHARD, « articles de la patte gauche, à l'exception du dernier, ont la « conformation normale. Le tarse gauche n’a qu'environ la «moitié de la longueur qu'il devrait alteindre ; 1l s’élargit «en une espèce de main, qui se termine par trois doigts, « Inégaux de grandeur, et non situés dans le même plan, car « celui du milieu se replie en arrière, tandis que l’antérieur « se porte en avant. Les épines manquent au bord supérieur « du tarse. Ce n’est qu’au doigt antérieur qu'on voit des ves- « tiges d’épines. » C’est évidemment cette monstruosité qui se rapproche le plus de la nôtre, avec des différences indi- quées dans la description précédente. Deux autres anomalies ont été décrites par M. Léger (1). Dans la première, le mérocérite de l’antenne droite d’une langouste porte un carpocérite normal et un carpocérite bifide; chaque partie de ce dernier portant un procérite comme le carpocérite normal, de sorte qu'on a trois procé- rites. Nous avons donc là une formation analogue à celle qu'on rencontre dans le dactylopodite de la cinquième patte gauche de notre Tourteau, avec cette différence que les car- pocérites normal et bifide sont tous les deux articulés et isolés l’un de l’autre. Une autre monstruosité a été observée par M. Léger sur la patte gauche de la quatrième paire d’une langouste. Le coxopodite très large porte un basipodite très développé et qui tend à se séparer en deux parties ; l’une antérieure bifide, l’autre postérieure simple, terminée par la série des articles qui constituent une patte; de chacune des deux parties du tronc ou bifide part également une série d’arti- cles formant une patte, de sorte que la patte gauche de la qua- trième paire est remplacée par trois pattes insérées sur deux basipodites plus ou moins distincts quisont eux-mêmes portés par un coxopodite unique. Le cinquième cas d'anomalie par excès se rapportant à des appendices autres que les pinces, a été signalé par (1) Loc. cit. QUELQUES CAS DE MONSTRUOSITÉS. 105 M. Stamati (1). L’écaille ou exopodite de l'antenne gauche présente du côlé interne un appendice bifurqué en forme de fourche, de sorte que l'extrémité libre au lieu d’être simple a l'aspect d’un trident. Il est à remarquer que dans les six cas précédents, l'appen- dice normal n’est jamais accompagné d’un seul appendice, _ mais loujours de deux appendices secondaires soudés en- semble à leur naissance (comme résultant d’un même bour- geon), et quelquefois aussiavec l’appendice normal. Tout se passe donc comme si la duplicité monstrueuse primilive, consti- tuée par la présence d’un bourgeon acces- soire à côté de l’appendice normal, en- traînait la duplicité de ce bourgeon lui-même. Un septième cas (le sixième a été décrit plus haut) est présenté par une des pattes ambulatoires du côté droit d'un Tourteau provenant de Concarneau (fig. 4). Le dactylopodite seul est anormal, tout le reste de la patte est identique à la même portion de la patte correspondante du côté opposé. Au lieu d’être allongé et terminé par un ongle bien déve- loppé, le dactylopodite est réduit à un moignon court, aussi large que long, terminé par quatre prolongements dont au- cun ne dépasse la longueur du moignon. Ils sont situés à peu près dans un même plan parallèle à la face élargie des autres articles; les deux prolongements médians sont parallèles et continuent la direction de l’article, le plus in- terne des deux n'atteint guère que la moitié de l’externe. Des deux prolongements extrêmes l’interne va obliquement en dedans, l’externe obliquement aussi, en dehors. De plus, ces quatre prolongements se terminent par un ongle noir plus ou moins développé et à peine indiqué par un point foncé sur le (1) Sur une monstruosité de l'Écrevisse commune (Astacus fluviatilis) (Bull. Soc. zoolog. de France, t. XII, n° 8, octobre 1888, p. 199-200). 106 JULES RICHARD. prolongement médian interne. I] faut ajouter que le prolonge- ment latéral externe (qui est la continuation du dactylopodite normal comme le montre la direction de son ongle) est bifide. Mais cette branche secondaire qui atteint du reste à peine 1 millimètre est invisible quand on regarde la face supé- rieure, cachée qu'elle est par l’ongle normal; elle passerait inaperçue ou simplement pour un tubercule insignifiant, si elle n’était pas nettement indiquée par son extrémilé d’un noir luisant. Du reste, la face supérieure du moiïgnon pré- sente quatre ou cinq tubercules plus ou moins marqués et dont certains, sinon tous, sont probablement des ongles sup- plémentaires avortés, et qui par cela même qu'ils ont une signification douteuse ne permettent pas d'interpréter d’une facon satisfaisante la division totale du dactylopodite. Je terminerai celte courte notice par la description de deux nouvelles monstruosités. Chez un Tourteau le dactylopodite de la pince gauche est bifide. En effet, vers le milieu de sa longueur totale il émet du côté interne, à 2 centimètres environ de sa naissance, un prolongement fortement pigmenté comme l'ongle normal. Cet ongle accessoire, légèrement courbé d’arrière en avant, ne dépasse guère en longueur la moitié de l’ongle externe (mesuré du point de bifurcation à son extrémilé), qui con- tinue directement le dactylopodite. Les surfaces d'union et de séparation des deux prolongements sont complètement lisses. Chez un jeune Homard [a pince gauche est normale; la droite est remplacée par deux petites pinces. Le coxopodite unique porte un basipodite dont la face antérieure est forte- ment ridée (résultat sans doute d’une mutilation) et qui pré- sente deux surfaces d’articulation petites ; l’une, supérieure, esl surmontée d’une petite patte ravisseuse ou pince qui était encore en place au moment de l'observation. Cette pince mesure 3,5 centimètres et paraît constituée par cinq arti- cles, daclylopodite compris; l’autre face articulaire est un peu externe et portait une petite pince semblable à la précé- QUELQUES CAS DE MONSTRUOSITÉS. 107 dente, mais un peu plus grande. Elle mesure, en effet, 4 cen- timètres et paraît formée de quatre articles plus ou moins distincts y compris le dactylopodite. Ces pinces présentent les parlicularités communes sui- vantes : elles sont toutes les deux molles, non incrustées ; les articulations des articles sont simplement indiquées par des sillons, mais elles ne peuvent jouer. Le dactylopodite lui- même n’est pas libre et ne présente qu'un sillon léger au point où 1l devrait être articulé. Bien plus, il est soudé sur toute la longueur de son bord opposable au même bord de l’autre moilié de la pince dont les deux branches ne sont ainsi séparées que par un sillon profond à chacune de ses deux faces. L’extrémité de la plus grande des deux pattes est un peu en mauvais étal, mais l’extrémité de chacun des doigts de l’autre patte est marquée par deux points pig- mentés indiquant un rudiment d’ongle. Ces deux dernières monstruosités se rapprochent d'unassez grand nombre de cas déjà connus, et sur lesquels je n’insis- terai pas ici, renvoyant le lecteur au mémoire de M. Léger déjà cité. CONTRIBUTIONS A LA FAUNE DE LA CHINE ET DU TIBET. (2€ SÉRIE). Par M. E. OUSTALET. Mgr Biet, évêque de Diana, qui avait déjà remis ou envoyé au prince d'Orléans un certain nombre d’Oiseaux du Setchuan dont j'ai donné la liste (Annales des Sc. nat., Zoologie, 7° série, 1891, t. XII), a remis en 1892 au Muséum d’autres spécimens provenant, comme les premiers, des envi- rons de Tà-tsién-loù et appartenant les uns à des espèces que j'ai signalées précédemment, les autres à des espèces nouvelles nice la faune du Setchuan el même pour la faune de la Chine. Je laisserai naturellement de côté les espèces de la première catégorie et je mentionnerai simplement comme se trouvant aux environs de Tà- tsién-loù les espèces suivantes : Bubo maximus Flem., Ruticilla Hodgsoni Moore, R. frontalis Vig., Babax lanceolatus J. V., Trochalopteron Ellioti J. V., Hypsipetes leucocephalus Gm., Lanius tephronotus Vig., (Tchra-tchra) Alauda urvensis L., Carpodacus thura Bp., Ardea cinerea L. et Fulica atra L., que M. A. David avait déjà rencontrées dans le Setchuan ou dans des provinces voisines. En revanche je signalerai, comme particulièrement intéressantes, les espèces suivantes : Ruticilla schisticeps Hodgs., Accentor rubeculoides Moore, A. fulvescens Severtz., Emberiza Godlewskii Tacz., Carpodacus dubius Przew. (Propasser dubius Dav. et Oust.), Motacilla citroloides Hodgs., Monti- fringilla Brandti Bp., Carpodacus Severtzowi Sharpe et Chrysomitris tibetana Hume, dont les cinq premières avaient déjà été signalées dans le Kan-sou ou dans le Tibet septentrional, mais non dans le Setchuan, et dont les quatre dernières n'auraient pas encore été rencontrées, sije ne me trompe, dans les limites du Céleste-Empire. Le dernier envoi fait par Mgr Biet au Muséum permet donc de porter de 36 à 76 le nombre des espèces actuelle- ment connues comme vivant aux environs de Tà-tsién-loù et-d'augmenter de 9 le chiffre de 807 espèces indiquées par M. A. David etpar moi comme formant le contingent de la faune ornithologique chinoise. J’ai pu constater également, par l'examen de nouveaux spécimens, que les Babax et les Tro- chalopteron des environs de Tà-tsién-loù appartiennent aux deux espèces désignées par J. Verreaux sous les noms de Babax lanceolatus et de Tro- chalopteron Ellioti et non des races particulières. LES AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE Par Ed. CHEVREUX et ÆE. L. ROUVIER. PREMIÈRE LISTE. Les Amphipodes qui font le sujet du présent travail pro- viennent des recherches effectuées par l’un de nous, en 1890 et 1891, aux environs de Saint-Vaast-la-Hougue, pendant un séjour au laboratoire de zoologie marine dirigé par M._Edmond Perrier, professeur au Muséum de Paris. Les plages et les rochers de Saini-Vaast et des îles voisines ont été explorés aux grandes marées, et de nombreux dragages ont été effectués avec l’embarcation du laboratoire, par des profondeurs de 10 à 35 mètres. Les résultats de ces premières recherches ne sont pas dénués d'intérêt. Deux des espèces recueillies, P/eustes bicuspis, Krôyer, et Podocerus cumbrensis Stebbing et Ro- bertson, sont nouvelles pour la faune française. Six autres espèces n'ont Jamais été signalées dans la Manche; ce sont : Lysianax longicornis, Lucas. Guernea coalita, Norman. . Metopa rubrovittata, G. O. Sars. Monoculodes carinatus, Sp. Bate. Gitana Sarsi, Boeck. Leptocheirus hirsutimanus, Sp. Bate. Quatre espèces, déjà recueillies sur la côte anglaise de la Manche, sont nouvelles pour la côte française : Urothoe elegans, Sp. Bate. Moœra Batei, Norman. Ampelisca lævigata, Lilljeborg. Microdeuteropus versiculatus, Sp. Bate. 110 ED. CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. Enfin, nous avons établi le nouveau genre Perrierella pour une espèce, déjà signalée sur nos côtes, mais qui avait été assimilée par erreur à une forme de l'océan Arclique, Aris- has tumidus, Krüyer. Il nous a semblé inutile d’encombrer ce travail de listes de synonymie, qui, pour être complètes, nécessiteraient plusieurs pages par espèce, el nous croyons ne pouvoir mieux faire que de renvoyer le lecteur à la bibliographie et aux tables de genres et d'espèces qui accompagnent le magnifique ouvrage de Stebbing sur les Amphipodes du Challenger; néanmoins, les principaux synonymes ont été brièvement indiqués. La distribution géographique a été au contraire traitée avec détails, et nous nous sommes surtout attachés à ne rien omettre de ce qui a été publié à ce sujet pour la faune française. Gen. TALITRUS, Latreille, 1802. 1. Talitrus locusta (Pallas). Syn. Talitrus saltator (Montagu), H. Milne-Edwards. Hab. — Dans le sable et sous les Algues rejetées par le flot, au niveau de la haute mer, et même un peu au-dessus. Les plus gros individus mâles, qui ne mesurent pas moins de 25 millimètres, sans les antennes, proviennent du sable de la pointe de Réville, où 1ls sont très abondants. Distribution. — Toutes les côtes atlantiques et méditerra- néennes d'Europe. Mer Noire (Czerniawski). Algérie (Lucas, Chevreux). Açores (Barrois, de Guerne). Gen. ORCHESTIA, Leach, 1814. 2, Orchestia mediterranea, Costa. Hab. — Très commune sous les pierres et les Fucus, en de nombreux points de la côte, au niveau de la haute mer. Se trouve aussi dans les parties à demi desséchées des fossés du fort, à La Hougue. Grube, dans ses Mittheilungen über die Meeres fauna von AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 111 Saint-Vaast-la-Houque, Saint-Malo und Roscoff, a déjà si- gnalé la présence de cette espèce à Saint-Vaast. Distribution. — Iles Brilanniques (Sp. Bate). Iles Anglo- Normandes (Kæhler). Roscoff (Delage). Le Croisic (Che- vreux). Naples (Costa). Adriatique (Grube, Heller). Mer Noire (Czerniawski). Algérie (Chevreux). Açores (de Guerne). 3. Orchestia Deshayesi, Audouin. Hab. — Mêmes localités que l'espèce précédente, mais beaucoup moins commune. Distribuhon. — Iles Britanniques (Sp. Bale). Hollande (Hoek). Boulonnais {de Guerne, Barrois). Le Croisic (Che- vreux). Naples (Costa). Adriatique (Heller). Mer Noire (Czer- niawski). Égypte (Audouin). Algérie (Chevreux). Gen. HYALE, Rathke, 1837. Syn. Allorchestes, Dana. 1849. Nicea, Nicollet, 1849. 4. Hyale Nilsoni (Rathke). Syn. Allorchestes Nilsoni, Sp. Bate (— SG‘). Hab. — Parmi les Algues, les Éponges, et les Cynthies, à la base de la tour du Dranguet, et sur- les rochers qui l’environnent. Trouvée aussi sur les rochers à Moules de la pointe de la Dent. Très commune à Gatteville. Couleur. — Les exemplaires provenant du Dranguet sont d’un vert uniforme; les yeux sont noirs. Distribution. — Toutes les côtes océaniques d'Europe. Adriatique (Heller). Gen. LYSIANAX, Stebbing, 1888. Syn. Lysianassa, H. Milne-Edwards. 5. Lysianax longicornis (Lucas). Hab. — Assez commune sur les rochers à Moules de la pointe de la Dent, au Nord de Tatihou, dans les anciens parcs à Huîtres, et à Gatteville. Plus rare à la base de la tour du Dranguet, parmi les Éponges, el à la Roche-à-l’Anglais, sur + 112 ED. CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. la chaîne de la bouée. Trois exemplaires ont été dragués au Petit-Nord, par 20 mètres de profondeur. _ Couleur. — Les exemplaires du Dranguet ont le corps jaune grisâlre, les yeux noirs. Ceux de Gatteville sont jaunà- tres, avec quelques taches blanches éparses. Distribution. — Liverpool (Walker). Belle-Ile, Prince de Monaco; le Croisie (Chevreux). Marseille (Marion). Cannes, M. Dollfus (Chevreux). Adriatique (Grube, Heller). Algérie (Lucas, Chevreux). Lucas a décrit le mâle de cetle espèce. Chez la femelle, les antennes inférieures ne sont pas plus longues que les supérieures. L’épine caractéristique qui termine. inférieure- ment le premier article du pédoncule des antennes supé- rieures est plus allongée chez le mâle, qui se distingue de la femelle par ses antennes inférieures plus longues que le corps, la forme plus aiguë de l’angle latéral de la tête, la grandeur des yeux, et les soies ciliées qui garnissent l’extré- mité des uropodes de la dernière paire. L'épine antennale est peu prononcée chez les exemplaires non adultes. Les mà- les sont beaucoup moins nombreux que les femelles. Gen. PERRIERELLA, Chevreux et Bouvier, 1892 (1). Corpus valde obesum, rotundatum. Epimera anteriora cor- pore multo minora, 1* paris minima. Antennæ pedunculs crassis et elongatis, flagelhis minimis. Epistomum parum pro- minens, labium superius rotundatum. Labium inferius lobis ad extremitatem acutis. Mandibulæ validæ, extremitate lata et recta, tuberculo molari angusto et elongato, palpo crasso profundius quam tuberculo molari affixo. Maxillæ 1° paris lobo exlerno robusto, spinis elongatis et selis munito, lobo interno bre et lato, spinis 3 crassis instructo, palpo valido, dentibus crenulatis ad apicem armato. Maxillæ 9° paris lobis latis et brevibus, spinis robustis armatis. Mazxillipedes lobo interno brevt et anqusto, lobo externo lato et rotundato, palpo (1) Perrierella crassipes, espèce et genre nouveaux d’Amphipodes des côtes de France (Bulletin de la Soc. zool. de France, février 1892.) AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 113 brevi et crasso, articulo 4° rudimentari. Pedes 1° paris manu sat magna, ovata, digito elongato. Pedes 3°-7* paris crassi et validi, articulo 5° in angulo inferiore interno acute pro- ducto. Uropoda 3% paris pedunculo brevi et crasso, ramis vix longioribus. Telson integrum, apice truncato. 6. Perrierella crassipes, Chevreux et Bouvier. (PI. IL, fig. 1-11). Syn. ? Aristias tumidus, Heller, Die Crustaceen, Pycnogoniden und Tunicaten der K. K. OEsterr.-Ungar. Nordpol-Expedi- tion (Denk. der Mathem.-Naturw. Cl. der Kaiserl. Akad. der Wissenschaften, 1875). Aristias tumidus, Bonnier. Catalogue des Crustacés de Concarnrau (Bull. scient. du dép. du Nord, 1867). — Chevreux, Nouvelles espèces d’Amphipodes du S.-0. de la Bretagne (Assoc. franc. Congrès de Toulouse, 1887). Lysianax andouinianus, Walker, Third Report on the higher Crustacea | ofthe L. M. B. C. District (Proc. Biol. Soc. Liverpool, vol. IIT, 1889). ? Lysianassa andouiniana, Bate et Westwood, British Sessile-eyed Crus- lacea. à -. — ,. : Marion, Esquisse d’une topographie zoologique du golfe de Marseille (Ann, du Mus, de Mar- seille, zool., t. I, 1883). Le corps, très épais, est lisse et régulièrement arrondi. La tête, haute et courte, à peine plus longue que le pre- mier segment du thorax, porte des lobes latéraux peu al- longés, mais extrêmement larges, presque rectangulaires. Les yeux, médiocrement grands, de forme ovale, sont situés bien au-dessus de l'angle des lobes latéraux; les cônes cris- {allins sont au nombre de vingt-cinq environ chez les exem- plaires adultes. Les épimères antérieurs sont beaucoup moins hauts que les segments correspondants du thorax, ceux de la première paire, remarquablement petits, étant en partie cachés par les suivants ; les épimères de la cin- quième paire sont beaucoup plus larges que hauts. Les angles postérieurs du troisième segment de l'abdomen se -prolongent en arrière en forme de lobes largement arrondis. Le pédoncule des antennes supérieures (fig. 2), est ro- ANN. SC. NAT. Z00L. XV, 8 114 ED. CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. buste et allongé. Le premier article est un peu plus long que l’ensemble des deux suivants, bien que ces derniers soient plus allongés que chez la plupart des Lysianassides. Le fouet, plus court que le pédoncule, comprend invaria- blement quatre articles chez tous les exemplaires examinés; le premier de ces arlicles, aussi long que l’ensemble des deux suivants, est garni de longues tigelles olfactives ; le dernier article se termine par une touffe de courtes soies. Le fouet accessoire, très grêle, bi-articulé, est plus court que le premier article du fouet principal. Les antennes inférieures (fig. 3) ne sont pas plus longues que les supérieures, et se composent d'un pédoncule assez robuste, dont le troisième article esl presque entièrement visible au-dessous de l’angle latéral de la tête, le cinquième article n’atteignant pas tout à fait la longueur du quatrième, et d’un fouet très grêle, presque rudimentaire, beaucoup plus court que le dernier article du pédoncule, et compre- nant invariablement quatre articles. _ L'épistome est peu proéminent, la lèvre supérieure régu- lièrement arrondie. La lèvre inférieure, très large, mem- braneuse, offre des prolongements latéraux longs et arron- dis, et des lobes très aigus, finement ciliés à: l’extrémité. Les mandibules (fig. 4), courtes et robustes, présentent une ‘extrémité tranchante large et droite, armée d’une petite dent crochue à l’angle externe. Une grosse dent arrondie existe du même côté, au-dessus du point d'attache du palpe. La dent molaire longue et étroite, accompagnée d’un ‘rang de soies, est située un peu plus près du bord tran- chant que le palpe. Ce dernier, gros et court, fixé non loin de la base de la mandibule, comprend trois articles, dont les deux premiers ne possèdent ni soies ni épines. L'article ter- -minal, beaucoup plus court que le précédent, porte deux épines el une rangée de soies fines el courtes. Les mächoires de la première paire (fig. 5), très puissantes, présentent un lobe externe bien développé, garni de nom- breuses épines simples entremêlées de soies très fines. Le AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 115 lobe interne, large et court, est armé de trois fortes épines barbelées. Le palpe, assez robuste, bi-articulé, se termine par quatre dents crénelées. Le lobe externe des mâchoires de la seconde paire (fig. 6), arrondi à l'extrémité, porle une rangée d'épines simples ; le lobe interne, un peu plus court, et de forme triangulaire, est armé de forles épines bar- belées. Les maxillipèdes (fig. 7), remarquablement larges, offrent plusieurs caractères très remarquables. Le lobe interne, extrêmement court, presque rudimentaire, est arrondi à son extrémité, qui porte deux courles soies. Le lobe ex- terne, bien développé, affecte la forme d’une lame de cou- teau, dont le tranchant correspondrait au bord interne. Le palpe, gros et court, dépasse à peine l'extrémité du lobe externe, et comprend lrois articles à peu près d’égale lon- gueur; le quatrième article, rudimentaire, est représenté par un petit tubercule à peine visible, à l’aide d’un fort grossissement, à l'extrémité du troisième. Les pattes de la première paire (fig. 8) sont assez robus- tes; l’article basal atteint à peu près la longueur des quatre suivants réunis. Le carpe, plus court et beaucoup plus large que la main, affecte une forme triangulaire. La main, assez grande, est ovale; ses bords postérieur et inférieur, finement crénelés sur toute leur longueur, ne sont pas nettement délimités ; le bord inférieur est armé de quatre dents coniques sur lesquelles le doigt long et mince vient s'appuyer. I Les pattes de la seconde paire (fig. 9), très allongées, sont relativement fortes. La main atteint un peu plus de la moitié de la longueur du carpe; elle est renflée à sa partie inférieure, qui se prolonge de façon à former avec le doigt une petite pince d’autant plus puissante que ce dernier est tridenté à l'extrémité. Le carpe et la main sont garnis de soies longues et touffues. Les pattes des cinq dernières paires, grosses et courtes, sont absolument glabres, et ne portent ni soies ni épines, 116 ED. CHEVREUX ET E. L BOUVIER. Le propode se termine au bord interne par un prolongement dentiforme aigu, qui se croise avec le doigt. Le troisième article, fortement renflé, se prolonge en arrière jusqu’à l'extrémité du carpe dans les patles des trois dernières pai- res. L'article basal des paties de la dernière paire (fig. 10), relativement étroit, un peu plus court que l’ensemble des quatre suivants, est légèrement crénelé au bord postérieur. Les uropodes, robustes el peu allongés, atteignent à peu près au même niveau ; leurs branches internes sont finement denticulées sur leurs deux bords, tandis que les branches externes le sont seulement au bord interne. Le pédoncule des uropodes de la dernière paire (fig. 11), large et court, ne dépasse pas la longueur de sa branche interne ; la bran- che externe, un peu plus longue, se termine par un petit article conique. Les branchés des trois paires nue ne portent ni soies ni épines. Le telson (fig. 11), beaucoup plus long que large, iron- qué à l’extrémité, présente en ce point une légère échan- crure; il n'y a aucune trace de fente, l’échancrure étant au contraire arrondie régulièrement. Les exemplaires recueillis en Méditerranée sont d’un blanc jaunâtre opaque, légèrement teinté de rose à la par- lie dorsale. L'ensemble de l'œil est blanc mat et le pig- ment des cônes cristallins noir. Les œufs sont d’un rose assez vif. Nous avons pu examiner un grand nombre d'exemplaires de diverses provenances de cette pelite espèce. Leur taille moyenne est de trois millimètres; les plus grands spécimens n’atteignent pas tout à fait qualre millimètres, mesurés de la partie antérieure de la tête à l'extrémité du telson. Parmi les exemplaires examinés, nous avons trouvé un grand nombre de femelles ovifères, mais aucun de nos spé- cimens ne réunit les caractères qui distinguent les mâles des Lysianassides. On sait que, dans cette famille, le dimorphisme sexuel, généralement très accentué, porte principalement sur la longueur du fouet des antennes inférieures et des AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 117 branches des uropodes de la dernière paire, et aussi sur la grandeur des yeux, et sur la forme des angles latéraux de la tête. Nous avons observé quelques spécimens (1) différant des autres par leurs yeux beaucoup plus grands, lesangles laté- raux de leur tête un peu plus étroits et plus allongés, enfin par le nombre et la longueur des tigelles olfactives des an- tennes supérieures ; tous les articles du fouet en portent, et celles du premier article, très allongées, atteignent l’extré- mité de l'antenne. Néanmoins, les antennes des deux paires ne sont pas plus longues, et leurs fouets n’ont pas plus de quatre articles. Nous pensons que ces exemplaires sont des mâles, mais nous n'oserions affirmer qu'ils soient adultes. L'habitat de cette espèce paraît s'étendre à toutes les côtes de France. Elle a été draguée à plusieurs reprises à Saint-Vaast-la-Hougue, sur les fonds de 30 mètres du Petit- Nord et du Grand-Nord. Le D° Topsent nous en a envoyé de nombreux exemplaires provenant de Luc-sur-Mer. L'un de nous l’a recueillie au voisinage des îles Glénans (Finistère). Enfin, le yacht Melita l’a draguée en rade de Brest, et en Méditerranée, à Saint-Tropez, Villefranche et Ajaccio. La plus faible profondeur à laquelle elle a été obtenue est 10 mètres (îles Glénans), la plus grande, 100 mètres (entrée de la baie de Villefranche). En 1875, Heller a décrit, comme étant la forme jeune d'Aristias tumidus Krüyer, un petit Amphipode qui est bien probablement un jeune exemplaire de Perrterella crassipes. La description et les figures de Heller concordent avec les nôtres, sauf en ce qui concerne les mandibules, les maxilli- pèdes el le telson. Chez la forme décrite par le savant zoolo- giste autrichien, d’après un exemplaire dont la provenance exacte n'est malheureusement pas indiquée, les mandibules n’offrent pas trace de tubercule molaire, et la lame interne des maxillipèdes manque totalement; nous avons pu nous (4) Les mâles sont infiniment moins nombreux que les femelles chez les Amphipodes de la famille des Lysianassidæ, 118 ED. CHEVREUX ET E. L, BOUVIER. assurer que les pièces buccales des jeunes exemplaires de notre espèce présentaient les mêmes caractères. L’échan- crure du telson, constante chez les jeunes comme chez les adultes de Perrierella crassipes, n’est pas indiquée, il est vrai, sur la figure 8, PI. IT, du mémoire de Heller, mais l’au- teur semblerait l'avoir entrevue, letelson n'étant, d’après lui, pas encore distinctement fendu (1). C'est aussi très probablement notre espèce que Sp. Bate a décrite sous le nom de Lysianassa audouiniana. Malheu- reusement il est impossible de se fier aux figures de l’ou- vrage de Bate et Westwood, et M. Walker, qui a récem- ment examiné au Brilish Museum les types des Lysianassides de Sp. Bate (2), a bien voulu nous écrire que l'unique exem- plaire étiqueté Lystanassa audouiniana élait en trop mau- vais état pour qu'il fût possible d’en tirer parti. Cet exem- plaire est, paraît-il, beaucoup plus petit comme taille que ne l'indique la descriplion de Sp. Bate, ce qui le rapprocherait de notre espèce. M. Walker nous informe en même temps de l'identité de Perrierella crassipes avec l’Amphipode cité par lui, sous le nom de Lysianar audouinianus, dans une de ses publications sur les Crustacés de Liverpool. Gen. ORCHOMENE, Boeck, 1810. 7. Orchomene Batei, G. O. Sars. Syn. Lysianaæ longicornis (Sp. Bate) (= G). Anonyx Edwardsi Sp. Bate (= Q). Hab. — Quelques exemplaires ont été recueillis à marée Lasse, en divers points de la côte : La Hougue — Éponges des anciens pares à huîtres du Rhun de Tatihou — Le Funnel, près Tatihou, zone des Pseudodidemnum. Cinq exemplaires ont été dragués au Petit-Nord, par 22 mètres, un autre au Grand-Nord par 20 mètres de profondeur. (1) Das Schwanzplättchen länger als breit, gegen das Ende hin verschmä- lert und noch nicht deutlich gespalten. (2) Voir Walker, The Lysianassides of the « British sessile-eyed Crustacea » Bate and Westwood (Ann. and Mag. of Nat. Hislory, février 1892). AMPHIPODES DE SAINT-VAAST=LA=-HOUGUE, 119 Couleur. — Les exemplaires de Tatihou ont le corps blanc rosé transparent; les yeux sont bruns. | Distribution. — Norvège (Boeck, G. O. Sars). Iles Bri- tanniques (Sp. Bate, Stebbing). Le Havre, M. Dollfus; Luc- sur-Mer, D° Topsent; Baie de Quiberon; Algérie (Che- vreux). Gen, BATHYPOREIA, Lindstrôm, 1855. 8. Bathyporeia pelagica, Sp. Bate (1). Hab.— Quatre exemplaires © , dragués par 15 à 20 mè- tres de profondeur, sur les fonds de sable coquillier et d’Algues rouges de l’anse du Becquet, près de Cherbourg. Distribution. — Norvège (G. O0. Sars). Iles Britanniques (Sp. Bate). Boulonnais (de Guerne). Le Croisic (Chevreux). Gen. UROTHOE, Dana, 1852. Syn. Egidia, Costa, 1853. 9, Urothoe elegans, Sp. Bate (2). Hab. — Cetle espèce n’est pas rare dans les dragages du Petit-Nord, par 20 mètres de profondeur ; quelques exem- plaires proviennent des fonds de sable coquillier de l'anse du Becquet. Couleur.— Corps blanc jaunâtre ; pigment des yeux noir. Distribution. — Iles Shetland (Norman). Eddystone (Sp. Bale). La Clyde, près Cumbrae (Stebbing)}. Le Croisic (Chevreux). Gen. AMPELISCA, Krôüyer, 1842. Syn. Araneops, Costa, 1853. Tetromatus, Sp. Bate, 1856-1857. 10. Ampelisca spinipes, Boeck. Hab. — Un exemplaire, dragué par 10 à 15 mètres sur (1) Les espèces européennes du genre Bathyporeia ont été récemment caractérisées d’une façon bien nette par le professeur G. 0. Sars (On account on the Crustacea of Norway. Amphipoda, part. 6). (2) Voir Stebbing, On the Genus Urothoe and on new Genus Urothoides (Transact. of the Zool. Soc. of London, vol. XIII, part. 1, 1891). 120 ED. CHEVREUX ET E,. L. BOUVIER. les fonds de sable coquillier et d’Algues rouges de l’anse du Becquet. Distribution. — Norvège (Boeck, G. 0. Sars). Hollande (Hoek). Luc-sur-Mer, D° Topsent ; Saint-Lunaire, M. Doll- fus; Belle-Ile et Golfe de Gascogne, Prince de Monaco; Iles Glénans ; Le Croisic (Chevreux). 11. Ampelisca lævigata, Lilljeborg. Syn. Araneops brevicornis, Costa. Ampelisca belliana, Sp. Bate. Hab. — Trois exemplaires de cette espèce ont été recueil- lis en grande marée sur le sable de la rade de Saint-Vaast, près des Zostères. Distribution. — Scandinavie (Bruzelius, Boeck, G. O. Sars). Shetland (Norman). Hollande (Hoek). Iles Britanniques (Sp. Bate, Walker). Belle-Ile et Golfe de Gascogne, Prince de Monaco ; Arcachon, M. Dollfus; Iles Glénans; Le Croisic (Chevreux). Marseille, Alger (Marion). Naples (Costa). Gen. STENOTHOE, Dana, 1852. 12. Stenothoe monoculoides (Montagu). Syn. Montagua monoculoides, Sp. Bate. Hab. — Très commune à Gatteville, en grande marée; trouvée rarement parmi les Éponges et les racines de Lami- naires, à la base de la tour du Dranguet. Distribution. — Norvège (Boeck). Danemark (Meinert). Iles Britanniques (Sp. Bate, Walker). Iles Anglo-Normandes (Kæhler). Le Havre el Saint-Lunaire, M. Dollfus (Chevreux). Roscoff (Delage). Concarneau (Bonnier). Le Croisic et Algérie (Chevreux). Açores (Barrois). 13. Stenothoe marina (Sp. Bate). Syn. Montagua marina, Sp. Bate. Hab. — Roche-à-l'Anglais, sur la chaîne de la bouée; rare. Un exemplaire a été dragué au Petit-Nord, par 22 mè- tres de profondeur. AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 121 Distribution. — Norvège (Boeck), Iles Shetland (Nor- man). Îles Britanniques (Sp. Bate, Walker). Iles Anglo- Normandes (Kæhler). Boulonnais (Bonnier, Hallez). Concar- neau (Bonnier). Le Havre et Arcachon, M. Dollfus; Belle- Ile, Quiberon et Le Croisic (Chevreux). Açores (Barrois). Gen. METOPA, Boeck, 1870. 14, Metopa rubrovittata, G. O. Sars. Hab. — Un exemplaire, dragué au Petit-Nord, par 20 mé- tres de profondeur. Couleur. — Corps blanc transparent, rayé transversale- ment et ponctué de rouge vif. Pigment des yeux rouge. Distribution. — Norvège (G. O. Sars). Hollande (Hoek,. Liverpool (Walker). Golfe de Gascogne, Prince de Monaco (Chevreux). L'unique exemplaire de cette rare espèce, précédemment recueilli sur la côte de France, a été dragué par l’Hirondelle, au large de Lorient, sur un fond de sable vaseux, par 180 mètres de profondeur. Gen. CRESSA, Boeck, 1870. 15. Gressa dubia (Sp. Bate). Syn. Danaia dubia, Sp. Bate. Cressa Schjüdtei, Boeck. Hab. — Nombreux exemplaires, dragués au Petit-Nord, par 20 mètres de profondeur. Distribution. — Norvège (Boeck, G. O. Sars). Iles Britan- niques (Sp. Bale, Stebbing, Walker). Boulonnais (Bonnier). Cette petite espèce a aussi été recueillie en 1889 à Luc- sur-Mer, par le D° Topsent.On ne la drague guère qu'au voi- sinage des rochers, et le trainage de fauberts sur les pla- teaux de roches sous-marines est le meilleur moyen de la capturer. Ce procédé a permis à l’un de nous d’en recueillir de nom- breux spécimens au Croisic en 1889, et à Antibes (Alpes- Maritimes) en 1891. 122 ED. CHEVREUX ET E, L, BOUVIER., Gen. IPHIMEDIA, Rathke, 1843. 16. Iphimedia obesa, Rathke, Syn. Microcheles armata, Krôyer, Hab, — Commune dans les dragages du Pelit-Nord, par 20 mètres de profondeur. Un exemplaire a été dragué au Grand-Nord, par 25 mètres. Couleur. — Corps blanc, avec des bandes jaune orangé sur le thorax, l’abdomen et les paites; pigment des yeux rouge. Grube avait déjà signalé la présence de cette espèce à Sain!-Vaast. Distribution. — Scandinavie (Rathke, Krüyer, Bruzelius, Boeck). Helgoland (Metzger). Iles Shetland (Norman). Hol- lande (Hoek). Iles Britanniques (Sp. Bate, Walker). Iles An- glo - Normandes (Kæhler). Roscoff (Delage). Le Havre, M. Dollfus;, Belle-lle, Prince de Monaco; Le Croisic (Che- vreux). Marseille (Catta, Marion). Cannes et Villefranche, M. Dollfus (Chevreux). Adriatique (Heller, Nebeski). Alger (Marion). Gen. GITANA, Boeck, 1870. 17. Gitana Sarsi, Boeck. Syn. Amphilochus Sabrinæ, Stebbing. Hab, — Un exemplaire dragué au Petit-Nord, par 22 mè- tres de profondeur; un autre au Grand-Nord, par 25 mè- tres. Distribution. — Spitzherg (G. 0. Sars). Norvège (Boeck, G. 0. Sars). Danemark (Meinert). Canal de Bristol (Stebbing). Golfe de Gascogne, Prince de Monaco; baie de Quiberon (Chevreux). Nous pouvons indiquer deux nouveaux habitais pour cette rare espèce. Le yacht Melita Va draguée à Sétubal (Portugal) et à An- tibes (Alpes-Maritimes). AMPHIPODES DE SAINT=VAAST-LA-HOUGUE, 123 Gen. GUERNEA, Chevreux, 1887. Syn. Helleria, Norman, 1868. Prinassus, Hansen, 1887. 18. Guernea coalita (Norman). Syn. Prinassus Nordenskioldi, Hansen. Hab. — Deux exemplaires, pris au filet fin de surface, à 8 heures du soir, dans la rade de Saint-Vaast. Distribution. — Groenland (Hansen). Iles Shetland et côtes d'Écosse (Norman). Saint-Jean-de-Luz, Guéthary el Cannes, M. Dollfus; Le Croisic (Chevreux). Le nom d'Aelleria, qui appartient, par droit de priorité, à un genre d'Isopodes terrestres, ne pouvant être conservé, a été remplacé par Guernea (1) dans un mémoire publié par l’un de nous(2). Vers la même époque, le D° Hansen (3) dé- crivait sous le nom de Prinassus Nordenskioldi, un Amphi- pode du Groenland, qui nous paraît identique à l'espèce de Norman. ee: Le mémoire mentionnant le nouveau genre Guernea, daté de 1887, ayant été présenté à la Société zoologique de France dans la séance du 28 décembre 1886, ainsi qu’en font foi les procès-verbaux publiés par la Société, nous pensons que Guernea doit avoir la priorité sur Prinassus. Ce même mémoire donne une courte diagnose d’une es- pèce décrite, sous le nom de Guernea lœvis, d'après un spécimen recueilli à Cannes par M. Adrien Dollfus. Guernea lœvis doit disparaître de la nomenclature. L'examen de nom- breux exemplaires de Guernea coalita, dragués en 1891 par le yacht Melita sur les côtes de Corse, et à Villefranche et Antibes, nous a permis de reconnaître que le spécimen de Cannes n'était qu'une forme jeune de cette dernière espèce. (1) Dédié à M. Jules de Guerne. (2) Ed. Chevreux, Catalogue des Crustacés amphipodes marins du Sud-Ouest de la Bretagne (Bull. de la Soc. zool. de France, t. XII, 1887). (3) Hansen, Malacostraca marina Groenlandiæ occidentalis (Vidensk. Meddel, _fra den naturh. Foren. Kjôbenhavn, 1887); 124 ED. CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. Gen. MONOCULODES, Stimpson, 1853, 19. Monoculodes carinatus, Sp. Bate. Hab. — Un exemplaire de cette espèce a été dragué au Petit-Nord, par 15 mètres. Distribution. — Norvège (Boeck, G. O0. Sars, Schneider). Iles Shetland (Norman). Iles Britanniques (Sp. Bate, Nor- man). Concarneau (Bonnier). Le Croisic (Chevreux). Gen. PLEUSTES, Sp. Bate, 1858. 20. Pleustes bicuspis (Krüyer). Syn. Paramphithoe bicuspis, Bruzelius. Calliopius bidentatus, Norman. non Pherusa bicuspis, Sp. Bate. Hab. — Un exemplaire de cette espèce, recueillie pour la première fois sur les côtes de France, a été dragué au Grand- Nord, par 35 mètres de profondeur. Distribution. — Sibérie (Stuxberg). Spitzhberg (G.0. Sars). Groenland (Kroyer, Hansen). Scandinavie (Bruzelius, Boeck, G. O. Sars). Iles Shetland (Norman). Saint-Andrews (Mac- Intosh). Liverpool (Walker). Labrador (Smith) (1).. L’Amphipode dragué à Saint-Vaast est bien l’Amphithoe bicuspis de Krôyer, et correspond absolument à la descrip- tion et aux figures qu’en a données M. Walker (2). Ainsi que ce naturaliste l’a constaté, Pleustes bicuspis, assimilé par Boeck à Pherusa bicuspis Sp. Bate, en diffère absolument. Nous avons pu comparer le type de Saint-Vaast à trois spécimens (un mâle et deux femelles) de Pherusa bicuspis provenant du Croisic. Chez cette dernière espèce les anten- nes sont à peu près d’égale longueur; les pattes des deux pre- (4) Au cours des essais de la Princesse-A lice, le nouveau yacht de S. A. le Prince de Monaco, un coup de chalut donné par 63 mètres, au large de Dartmouth, le 11 septembre 1891, a ramené un certain nombre d'Amphi- podes, qui ont été obligeamment communiqués à l’un de nous par M. le baron de Guerne; entre autres espèces intéressantes, il s’y trouvait un exem- plaire de Pleustes bicuspis. (2) Report on the Crustacea of Liverpool Bay (Proc. Biol. Soc., Liverpool, vol. II, 1888). AMPHIPODES DE SAINT-VAAST=LA-HOUGUE. 125 mières paires sont grêles, et le carpe n’est pas prolongé in- férieurement. Enfin, les uropodes de la dernière paire sont très allongés, leur pédoncule atteignant, chezle mâle, l'extré- mité des branches des uropodes précédents; il est un peu plus court chez la femelle. Le mâle est encore facilement reconnaissable aux volumineux calceoli qui garnissent le bord supérieur des deux derniers articles du pédoncule des antennes inférieures et la première moitié du flagellum. C’est certainement cette forme mâle que Sp. Bate a décrite sous le nom de Pherus acirrus, seconde espèce du genre, Pherusa bicuspis élant la troisième, et le premier de ces deux noms doit.seul être conservé (1). Gen. DEXAMINE, Leach, 1814. 21. Dexamine spinosa (Montagu). Syn. Amphithoe Marionis, H. Milne-Edwards. Hab. — Assez commune à marée basse dans la vase : de l’avant-port de Saint-Vaast. Un exemplaire a été recueilli à la Roche-à-l’Anglais, sur la chaîne de la bouée; deux autres, dans les dragages de l’anse du Becquet. Couleur. — Les exemplaires de l’anse du Becquet, rc- cueillis sur des Algues rouges, ont le corps et les yeux de la même couleur que ces dernières. Distribution. — Toutesles côtes d'Europe. Algérie (Marion, Chevreux). Açores (Barrois). Gen. TRITÆTA, Boeck, 1876. 29. Tritæta gibbosa (Sp. Bate). Syn. Atylus gibbosus, Sp. Bate. Hab. — Assez commune dans les dragages du Petit-Nord el du Grand-Nord, par 20 à 30 mètres de profondeur. Un exemplaire à été PT sur les murs des parcs à huîtres de Tatihou. | (4 ) Cette espèce devra prendre place dans le nouveau genre Apherusa, Walker, dont il sera question un peu plus loin. 126 ED. CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. Couleur. — Les exemplaires provenant du Petit-Nord ont le corps blanc transparent, légèrement teinté de rouge orangé; le pigment des yeux est noir. Distribution. — Norvège (Boeck). Iles Shetland (Norman). Iles Britanniques (Sp. Bate, Stebbing, Walker). Wimereux, Concarneau (Bonnier). Le Havre, M. Dollfus; Luc-sur-Mer D° Topsent ; Le Croisic (Chevreux). Tritaeta gibbosa se trouve aussi en Méditerranée; elle a été draguée en 1891, par le yacht Melita, au large de Saint- Tropez (Var). Gen. HALIRAGES, Boeck, 1870. 23. Halirages bispinosus (Sp. Bate). Syn. Paramphithoe elegans, Bruzelius. Atylus bispinosus, Sp. Bate. Hab. — Trois exemplaires, recueillis en grande marée à Gatteville ; un aulre dragué au Petit-Nord. Couleur. — L'exemplaire du Pelit-Nord est entièrement pourpre violacé ; le pigment des yeux est rouge. Distribution. — Scandinavie (Bruzelius, Boeck, G. 0. Sars). Danemark (Meinert). Kiel (Blanc). Iles Shetland (Nor- man). Îles Britanniques (Sp. Bate, Walker). Iles Anglo- Normandes (Kæhler). Le Havre, Saint-Lunaire, Arcachon, M. Dollfus (Chevreux). Concarneau (Bonnier). Belle-Ile, : Prince de Monaco; îles Glénans, baie de Quiberon, Le Croisic, Algérie (Chevreux). Gen. APHERUSA, Walker, 1891. Syn. Pherusa, Sp. Bate (non Bate et Wesiwood). 24. Apherusa Jurinei (H. Milne-Edwards). Syn, Amphathoe Jurinei, H. Milne-Edwards. Amphithoe norvegica, Rathke. Pherusa fucicola, Sp. Bate, Cat. Amph. Brit. Museum. Calliopius norvegicus, Boeck. non Pherusa fucicola, Bate et Westwood, Brit. sess.-eyed. Crustacea. Hab. — Très commun à Gatteville, à basse mer de grande AMPHIPODES DE SAINT=VAAST-LA-HOUGUE. 127 marée. Quelques exemplaires ont été aussi trouvés à la base de la tour du Dranguet, sur les rochers à Moules de la pointe de la Dent, et aux îles Saint-Marcouf, dans les flaques. Distribution. — Scandinavie (Rathke, Bruzelius, Boeck). Danemark (Meinert). Iles Britanniques (Sp. Bate, Walker). [les Chausey (H. Milne-Edwards). Le Havre, Saint-Lunaire, Guéthary, M. Dollfus ; Le Croisic, Algérie (Chevreux). M. Walker (1), ayant pu examiner les exemplaires étique- tés Pherusa fucicola Leach dans les collections du Bristish Museum, à constaté que les types sommairement décrits sous ce nom par Leach, et plus tard par Bate et Westwood, ne sont autres que des femelles de Gammarella brevicaudata (Gammarella Normani Bate et Westwood). D'autre part, Sp. Bate, dans son catalogue des Amphipodes du Bristish Mu- seum, a bien décrit, sous lenom de Pherusa fucicola, l'espèce dont nous nous occupons ici. Le genre Pherusa Leach, insuf- fisamment caractérisé du reste, ne correspond donc pas au genre Pherusa Sp. Bate, et c’est à juste titre que M. Walker propose le nouveau genre Apherusa (— Pherusa Sp. Bate). Apherusa Jurinei est identique à Calliopius norvegicus Boeck, et peut-être aurait-on pu classer cette espèce sous le nom de Calliopius Jurinei. I nous paraît préférable de réser- ver le genre Calliopius pour les formes, telles que C. /ævius- culus Krôyer, chez lesquelles le carpe des deux premières paires de pattes est prolongé inférieurement, et le propode largement développé. Gen. LEUCOTHOE, Leach, 1813. 25. Leucothoe spinicarpa (Abildgaard). Syn. Leucothoe articulosa, Leach. Leucothoe denticulata, Costa. Hub. — Assez commune au Petit-Nord et au Grand-Nord. par des profondeurs de 15 à 25 mètres, et dans les Éponges des anciens parcs à huîtres de Tatihou. (1) On Pherusa fucicola Leach (Ann. and Mag. of Nat. Hist., mai 1891 et juillet 1891). 128 ED. CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. Couleur. — Les exemplaires dragués au Petit-Nord ontle corps blanc transparent, les yeux rouge brique. Le pigment des yeux est noir chez les spécimens incomplètementadultes, provenant de l’île Tatihou. Distribution. — Groenland (Hansen). Scandinavie (Bruze- lius, Boeck). Danemark (Meinert). Iles Shetland (Norman). Iles Britanniques (Sp. Bate, Norman, Walker). Iles Anglo- Normandes (Kæhler). Luc-sur-Mer, M. Dollfus (Chevreux). Roscoff (Grube, Delage). Iles Glénans (Bonnier). Belle-Ile, Prince de Monaco; baie de Quiberon, Le Croisic (Chevreux). Marseille (Marion). Naples (Costa). Adriatique (Grube, Heller, Nebeski). Açores (Barrois). Gen. GAMMARELLA, Sp. Bate, 1857. 26. Gammarella brevicaudata, H. Milne-Edwards. Syn. Gammarella Normani, Bate et Westwood (= ©). Hab. — Commune sous les pierres, à Gatteville, et sur la côte septentrionale de l’île Tatihou. Couleur. — Les exemplaires provenant de Tatihou sont d’un vert jaunâtre; leurs yeux sont noirs. AE Distribution. — Mes Britanniques (Sp. Bate, Stebbing, Nor- man). Jersey (Norman). Saint-Malo (Grube). Roscoff (Grube, Delage). Concarneau (Bonnier). Morbihan (H. Milne-Ed- wards). Saint-Lunaire, Arcachon, Saint - Jean - de - Luz, M. Dollfus:; îles Glénans, M. de Guerne; Le Croisic, Algérie (Chevreux). Marseille (Marion). Naples (Costa). Adriatique (Heller). Açores (Barrois). Gen. GAMMARUS, Fabriciüs, 1775. 27. Gammarus locusta (Linné). Hab. — Assez commun sous les pierres, à l’île Tatihou et à Saint-Marcouf. Distribution. — Groenland (Krôvyer, Hansen). Spitzhberg (G. 0. Sars). Jan Mayen (Kælbel). Toutes les côtes d Europe. Algérie (Lucas, Chevreux). Açores, Prince de Monaco (Che- vreux). Labrador (Smith). | AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 129 28. Gammarus marinus, Leach. Syn. Gammarus Olivii, H. Milne-Edwards. Gammarus affinis, = Hab. — Commun sous les pierres au bas de la digue sep- tentrionale de Saint-Vaast, à l’île Tatihou, à la pointe de Réville, et aux îles Saint-Marcouf. Couleur variant du jaunâtre au gris verdâtre ; pigment des yeux noir. Distribution. — Toutes les côtes d'Europe. Algérie (Lucas, Chevreux). Cette espèce habile aussi les îles Canaries; l’un de nous en a recueilli de nombreux exemplaires sous les galets de la plage de Las Palmas, pendant le voyage du yacht Melita. Gen. MŒRA, Leach, 1813. 29. Mœra grossimana (Montagu). Syn. Gammarus Impostii, H. Milne-Edwards (= ). Mœra Donatoi, Heller (— ©) (1). Hab. — Assez commune sous les pierres, dans les anciens parcs à Huîtres de Tatihou, et parmi les rochers du nord de l’île ; trouvée dans les mêmes conditions, à la Hougue et à Gatteville. Couleur. — Les exemplaires de Tatihou et de la Hougue sont d’un beau rose uniforme ; les yeux sont noirs. Distribution. — Iles Britanniques (Sp. Bate, Norman). Iles Anglo-Normandes (Kæhler). Roscoff (Grube, Delage). Con- carneau (Bonnier). Le Croisic (Chevreux). Côte de Vendée (H. MÂne-Edwards). Marseille (Marion). Cannes, M. Dollfus (Chevreux). Adriatique (Heller). 30. Mœra Othonis (H. Milne-Edwards). Syn, Megamæra longimana, Sp. Bate (= Œ): Megamæra Othonis, Sp. Bate (— ©). Hab. — Trois exemplaires de cette espèce ont été dragués (1) Voir Barrois, Catalogue des Crustacés marins recueillis aux Açores, Lille, 1888. ANN. SG. NAT. ZOOL: XV. 9 130 ED. CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. par 25 mètres, sur les fonds de sable coquillier et d’Algues rouges de l’anse du Becquet; trois autres proviennent du Petit-Nord. Couleur. — Les exemplaires de l’anse du Becquet on! le corps presque transparent, avec quelques taches blanc mat à la partie dorsale ; le pigment des yeux est brun. Celte espèce avait été déjà recueillie par Grube à Saint- Vaast. | Distribution. — Norvège (Boeck). Iles Shetland (Norman). [lesBritanniques{Sp.Bate, Stebbing, Walker, Norman).Saint- Lunaire, M. Dollfus ; Concarneau, M. de Guerne ; Belle-Ile et Golfe de Gascogne, Prince de Monaco ; Quiberon et Le Croisic (Chevreux). Marseille (Marion). 31. Mœra Batei, Norman. Syn. Megamæra multidentata, Bate et Westwood. Hab. — Trois exemplaires, dragués par 10 à 15 mètres, sur les fonds de sable coquillier et d’Algues rouges de l’anse du Becquet. Distribution. — Guernesey (Norman). Liverpool (Fowler). Golfe de Gascogne, Prince de Monaco; Le Croiïsic (Chevreux). Gen. MELITA, Leach, 1813. 32. Melita palmata (Montagu). Syn. Gammarus Dugesi, H. Milne-Edwards. Hab. — Espèce commune sous les pierres, auprès des rochers de la pointe de Réville, sous la digue septentrionale de Saint-Vaast, et autour de l’île de Tatihou, principale- ment du côté nord. | Couleur. — Les exemplaires de Tatihou ont le corps et les pattes vert noirâtre ; les yeux sont noirs. Distribution. — Scandinavie (Bruzelius, Boeck). Danemark (Meinert). Helgoland (Metzger). Iles Britanniques (Sp. Bate, Norman). Hollande (Hoek). Iles Anglo-Normandes (Kæhler:). Toutes les côtes de France. Lac de Fusaro (Cosla). Adriati- AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA=HOUGUE. 131 que (Heller, Nebeski). Mer Noire (Czerniawski). Algérie (Che- vreux). Açores, Prince de Monaco (Chevreux). 33. Melita obtusata (Montagu). Syn. Gammarus podager, H. Milne-Edwards. Melita proxima, Sp. Bate (= var. Of). Megamæra Alderi Sp. Bate (— ©). Hab. — Cinq exemplaires, dragués au Petit-Nord, par 15 à 20 mètres de profondeur. Distribution. — Scandinavie (Lilljeborg, Bruzelius, Boeck). Danemark (Meinert). Iles Shetland (Norman). Hollande (Hoek). Iles Britanniques (Sp. Bate, Walker). Dunkerque (de Guerne). Côte de Bretagne (H. Milne-Edwards). Concarneau (Bonnier). Luc-sur-Mer, D' Topsent ; Le Croisic ; Arcachon M. Dollfus ; golfe de Gascogne, Prince de Monaco (Chevreux). 34, Melita gladiosa, Sp. Bate. Hab. — Deux exemplaires ont été dragués sur les fonds de sable coquillier de l’anse du Becquet, par 10 mètres de profondeur ; un autre, provenant de Gatteville, a été recueilli aux basses mers de grande marée. Couleur. — Les exemplaires de l’anse du Becquet ont le corps brun rougeâtre, les pattes et les antennes annelées de brun et de blanc, les yeux noirs. Distribution. — Iles Britanniques (Sp. Bale, Stebbing, Norman). Concarneau (Bonnier). Luc-sur-Mer, M. Dollfus ; Iles Glénans, M. de Guerne ; Belle-Ile et golfe de Gascogne, Prince de Monaco; Quiberon ; Le Croisic (Chevreux). Açores (Barrois). Gen. CHEIROCRATUS, Norman, 1845. 35. Cheirocratus Sundevalli (Rathke). Syn. Lilljeborgia shetlantica, Bate et Westwood. Hab. — Trois exemplaires de cette espèce ont élé dragués au nord du Petit-Nord, par 20 à 25 mètres de profondeur ; 132 ED. CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. un autre a été pris pendant les grandes marées, dans le sable de la rade de Saint-Vaast, près des Zostères. Couleur. — Le spécimen provenant du sable de la rade avait le corps blanc transparent, parsemé de nombreuses taches rougeâtres, les yeux noirs. Distribution. — Scandinavie (Rathke, Lilljeborg, Bruze- lius, Boeck). Danemark (Meinert). Iles Shetland (Bate et Westwood, Norman). Kiel (Blanc). Hollande (Hoek). Iles Britanniques (Walker, Norman). Saint Lunaire, M. Doll fus; Belle-Ile et golfe de Gascogne, Prince de Monaco; Le Croisic (Chevreux). C. Sundevalli a aussi été dragué par le yacht Melita sur les côles de Corse et de Provence. 36. Cheirocratus assimilis (Lilljeborg). Syn. Cheirocratus mantis, Norman. Hab. —— Dans le sable, près des Zostères de la rade de Saint-Vaast, en grande marée ; assez rare. Distribution. — Scandinavie (Lilljeborg, Bruzelius, Boeck). Îles Britanniques (Sp. Bate, Norman). Luc-sur-Mer, D° Top- psent ; Le Croisic ; Arcachon, M. Dollfus (Chevreux). Gen. MICROPROTOPUS, Norman, 1866, 37. Microprotopus maculatus, Norman. Hab. — Assez commun dans les flaques vaseuses de l'avant-port de Saint-Vaast, à marée basse. Distribution. — Norvège (Boeck). Danemark (Meinert). Hollande (Hoek). Iles Britanniques (Norman, Walker). Bou- lonnais (Hallez). Villers-sur-Mer, Arcachon, M. Dollfus ; Le Croisic (Chevreux). Acores, Prince de Monaco (Chevreux). Açores (Barrois). Gen. LEPTOCHEIRUS, Zaddach, 1844. 38. Leptocheirus hirsutimanus (Sp. Bate). Syn. Protomedeia hirsutimana, Sp. Bate. Hab. — Un exemplaire, dragué par 15 mètres de profon- AMPHIPODES DE SAINT-VAAST=LA-HOUGUE. 133 deur, sur les fonds de sable coquillier et d’Algues rouges de l’anse du Becquet. Distribution. — Iles Shetland (Norman). Banf, Écosse (Sp. Bate). Concarneau (Bonnier). Golfe de Gascogne, Prince de Monaco; Le Croisic (Chevreux). Marseille (Catta). Adria- tique (Grube). Gen. MICRODEUTEROPUS, Costa, 1853 (1). 39. Microdeuteropus gryllotalpa, Costa. Syn. Autonoe grandimana, Bruzelius. Hab.— Dans les flaques vaseuses de l’avant-port de Saint- Vaast, en grande marée; assez rare. Plus commun aux îles Saint-Marcouf. Distribution. — Scandinavie (Bruzelius, Boeck). Kiel (Blanc). Hollande (Hoek). Iles Britanniques (Sp. Bate). Iles Anglo-Normandes (Kæhler). Roscoff (Grube). Le Croisic ; Ar- cachon, M. Dollfus (Chevreux). Marseille (Marion). Naples (Costa). Adriatique (Grube, Heller, Nebeski). D'après Norman (2), l’'Amphipode décrit par Sp. Bate sous le nom de M. oryllotalpa serait un jeune mâle de M. ano- malus Rathke, et non M. gryllotalpa Costa, espèce caractérisée par la présence de quatre dents au prolongement du carpe de la première paire de pattes. Nous avons pu examiner de nombreux exemplaires de tous les âges de M. gryllotalpa, très commun dans les eaux stagnantes des parcs à Huîtres et des marais salants de la côte océanique de France, et _ nous avons trouvé tous les passages entre le jeune mâle, dont le carpe ne porte qu'une dent, et le mâle très adulte décrit par Costa et par Bruzelius. A tous les âges, M. gryllo- talpa ne possède qu’un article au fouet accessoire des an- tennes supérieures, ce qui concorde avec la description de Sp. Baie; M. anomalus en aurait au contraire de quatre à (1) C’est évidemment par erreur que Costa a écrit Microdeutopus, et nous croyons préférable d’orthographier correctement ce nom. (2) Last Report on dredging among Shetland Isles (British Assoc. for the Ad- vanc. of Science, 1868). 134 ED, CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. cinq, d'après Boeck. Il se peut donc que l’espèce décrite par Sp. Bate soit un jeune mâle de 37. gryllotalpa. 40. Microdeuteropus versiculatus, Sp. Bate (— Q) (1) Hab. — Sur le sable, près des Zostères de la rade de Saint-Vaast, aux basses mers de grande marée ; assez rare. Distribution. — Iles Shetland (Norman). Iles Britanniques (Sp. Bate, Stebbing). Baie de Quiberon (Chevreux). Arcachon, Villefranche, M. Dollfus (Chevreux). Adriatique (Nebeski). Algérie (Chevreux). Gen. AORA, Krôyer, 1845. 41. Aora gracilis, Sp. Bate (= Œ). Syn. Microdeutopus anomalus, Sp. Bate (= ©). Hab. — Très commune parmi les Éponges des parcs à Huîtres de Tatihou, dans les flaques vaseuses de l’avant-port de Saint-Vaast, et sur les rochers à Moules de la pointe de la Dent, aux basses mers de grande marée. Draguée au Petit- Nord, par 20 mètres, sable coquillier, et dans l’anse du Bec- quet, par 15 mètres. | Couleur. — Corps tantôt blanc jaunâtre, tantôt blanc rosé, invariablement ponctué de noir. Quelques exemplaires ont destachesrougeâtres sur les antennes. Pigment des yeux noir. (Boeck). Danemark (Meinert). Iles Shetland (Norman). Hollande (Hoek). Iles Britanniques (Sp. Bate, Walker). Dunkerque (de Guerne). Concarneau, (Bonnier). Luc-sur-Mer, D} Topsent: Le Havre, Arcachon, M. Dollfus ; Le Croisic; Belle-Ile et Açores, Prince de Mo- naco (Chevreux). Açores (Barrois). Gen. AUTONOE, Bruzelius, 1859. 42. Autonoe longipes (Lilljeborg). Syn. Microdeutopus Websteri Sp. Bate. Hab. — Assez commune dans les dragages du Petit-Nord. (1) Le mâle a été décrit et figuré par Stebbing, dans Ann. and Mag. of Nat. History, juillet 1874. AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 135 Quelques exemplaires ont été recueillis sur les murs des parcs à Huîtres de Tatihou, et sur les rochers à Moules de la pointe de la Dent, aux basses mers de grande marée. Couleur. — Les exemplaires du Petit-Nord ont le corps blanc jaunâtre, tacheté de noir, les antennes blanches, ou lègèrement teintées de rose, les yeux noirs. Distribution. — Scandinavie (Bruzelius, Boeck, G. O. Sars). Danemark (Meinert). Iles Shetland (Norman). Iles Britanni- ques (Sp. Bate, Walker). Iles Anglo-Normandes (Kæhler). Roscoff (Grube). Luc-sur-Mer, D° Topsent ; Saint-Lunaire, M. Dollfus ; Iles Glénans, M. de Guerne; Le Croisic (Che- vreux). Concarneau (Bonnier). Gen, GAMMAROPSIS, Lilljeborg, 1855. 43. Gammaropsis maculata Johnston (1). Syn. Eurystheus erythrophthalmus, Sp. Bate. Gammaropsis erythrophthalma, Lilljeborg. Hab. — Très commun dans les dragages du Petit-Nord par 15 à 25 mètres, et sur la chaîne de la bouée de la Roche-à-l’Anglais. Plus rare à la base de la tour du Dran- guet, et à Gatteville. Dragué par 10 à 15 mètres dans l’anse du Becquet, et par 16 mètres près des îles Saint- Marcouf. Couleur très variable. Corps généralement blanchâtre ou jaunâtre, parsemé de laches jaunes ou brunes ; presque tou- jours quelques taches rouges sur les antennes. Yeux d’un rouge vif chez les exemplaires bien adultes, violets ou noirs chez les jeunes. Distribution. — Norvège (G. O. Sars). Danemark (Meinert). Iles Shetland (Norman). Hollande (Hoek). Iles Britanniques (Sp. Bate, Walker). Iles Anglo-Normandes (Kælher). Saint- Malo (Grube). Luc-sur-Mer, D° Topsent ; Saint-Lunaire, Ar- cachon, M. Dollfus ; Iles Glénans, M. de Guerne ; Golfe de Gascogne, Prince de Monaco ; Le Croisic (Chevreux). Concar- (1) Voir Stebbing, Report on the Amphipoda collected by H. M. S. Challenger, p- 131. 136 ED. CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. neau (Bonnier). Marseille (Marion). Villefranche, M. Dollfus (Chevreux). Açores (Barrois). Gen. AMPHITHOE, Leach, 1815. 44. Amphithoe rubricata, Montagu. Syn. Amphithoe podoceroides, Rathke. Amphithoe littorina, Sp. Bate. - Hab. — Très commune parmi les racines de Laminaires, sur les rochers de Tatihou, des îles Saint-Marcouf, de Gatte- ville, et de la pointe de la Dent ; habite aussi les parcs à Huîtres de Tatihou. Couleur très variable, tantôt verdâtre, tantôt jaunâire ou rougeâtre; presque toujours une série de taches blanches à la parlie dorsale. Yeux rouges chez les exemplaires bien adultes, noirâtres chez les jeunes. Distribution. — Norvège ‘Boeck, Schneider, G. O0. Sars). Danemark (Meinert).. Kiel (Blanc). Iles Shetland (Norman). Iles Britanniques (Sp. Bate, Stebbing, Walker). Iles Anglo- Normandes (Kæhler). Toutes les côtes océaniques et médi- terranéennes de France. Açores (Barrois). Labrador (Smith). Gen. SUNAMPHITHOE, Sp. Bate, 1856-1857. 45. Sunamphithoe gammaroides (Sp. Bate). Hab. — Un exemplaire a été recueilli à la Roche-à-l’An- glais, sur la chaîne de la bouée; quelques autres, sur une bouée, à l'entrée du port de l’île Saint-Marcouf. Distribution. — Iles Britanniques (Sp. Bate, Stebbing, Walker). Iles Anglo-Normandes(Kæhler), Boulonnais(Hallez). Luc-sur-Mer, D°' Topsent; Le Croisic; Açores, Prince de Mo- naco (Chevreux). Açores (Barrois). 46. Sunamphithoe hamulus, Sp. Bate (— ©). Syn. Sunamphithoe conformata, Sp. Bate (= ). Hab. — Assez commune sur les murs des parcs à Huîtres de Tatihou. Distribution. — Norvège (Boeck). Iles Shetland (Norman). AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 137 Iles Britanniques (Sp. Bate, Stebbing). Boulonnais (de Guerne, Barrois). Wimereux, Concarneau (Bonnier). Saint- Lunaire et Arcachon, M. Dollfus; Concarneau; Le Croisic ; Açores, Prince de Monaco (Chevreux). Açores (Barrois). Gen. PODOCERUS, Leach, 1844. 47. Podocerus falcatus (Montagu). Syn. Podocerus pulchellus, Sp. Bate (— Gf très adulte). Podocerus pelagicus, Sp. Bate (— ©). Hab. — Très commun sur les bouées de la Roche-à- l'Anglais, du Cavendest, et de l'Hintar. Assez rare parmi les Algues et les Éponges, à la base de la tour du Dranguet. Assez commun à Gatteville, en grande marée. Couleur. — Les exemplaires du Dranguet ont le corps transparent, légèrement grisâtre, semé de nombreuses taches d'un gris rosé, et quelques taches roses sur les an- tennes. Distribution. — Norvège (Boeck). Danemark (Meinert,. Helgoland (Metzger). Kiel (Blanc). Hollande (Hoek). Iles Britanniques (Sp. Bate, Walker). Iles Anglo-Normandes (Kæhler). Toutes les côtes de France. Naples (Costa). Adria- tique (Heller, Nebeski). Algérie; Açores, Prince de Monaco (Chevreux). Açores (Barrois). 48. Podocerus cumbrensis, Stebbing et Robertson (1). Hab. — Seize exemplaires des deux sexes ont été dragués au Petit-Nord par 25 mètres ; trois femelles proviennent du Grand-Nord, même profondeur. Distribution. — La Clyde (Stebbing et Robertson). Baïe de Quiberon, où quatre femelles de cette petite espèce ont été draguées par l’un de nous sur les fonds de Corallines du banc de Houat. (1) On four new British Amphipoda (Transact. of the zoological Society of London, vol. XIIT, part. 1, 1891). 138 ED, CHEVREUX ET E. L, BOUVIER, Gen. ERICHTHONIUS, H. Milne-Edwards, 1830, 49. Erichthonius difformis, H. Milne-Edwards, Syn. Cerapus abditus, Sp. Bate (— ° adulte) (1), Dercothoe punctatus, Sp. Bate (— ©). Ha. — Très commun dans les dragages du Petit-Nord et du Grand-Nord, par 15 à 25 mètres de profondeur. Deux femelles ont été recueillies parmi les Éponges et les Cynthies, à la base de la tour du Dranguet. Couleur. — Assez variable. Corps généralement grisâtre ou Jaunâtre, pointillé de noir. Quelques taches rouges sur les antennes. Yeux d'un rouge vif chez les exemplaires adultes. Distribution. — Spitzherg (Goes). Scandinavie (Bruzelius), Boeck). Danemark {Meinert). Iles Shetland (Norman). Iles Britanniques (Sp. Bate, Stebbing, Walker). Estuaire de la Seine (Gadeau de Kerville). Luc-sur-Mer, D° Topsent; Le Havre, Arcachon, M. Dollfus; Le Croisic (Chevreux). Bre- tagne (H. Milne-Edwards). Concarneau (Bonnier). Lac de Fu- saro (Cosia). Adriatique (Heller, Nebeski). Açores, Prince de Monaco (Chevreux). Açores (Barrois). Labrador (Smith). Gen. UNCIOLA, Say, 1818. 50. Unciola crenatipalmata (Sp. Bate). Syn. Dryope irrorata, Sp. Bate (= G). Dryope crenatipalmata, Sp. Bate (= ©). Hab. — Un exemplaire a été dragué dans l’anse du Bec- quet, sur un fond de sable coquillier et d’Algues rouges, par 15 mètres de profondeur ; une femelle, portant des embryons dans la poche incubatrice, provient du nord du Petit-Nord, 20 mètres. Distribution. — Iles Britanniques (Sp. Bate, Stebbing). Dunkerque (de Guerne). Boulonnais (Bonnier). Luc-sur-Mer, D' Topsent; Le Croisic; Belle-Ile et golfe de Gascogne, Prince de Monaco (Chevreux). (1) Voir Stebbing, Report on the Amphipoda collected by H. M. S. Challenger, p. 595. AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 139 Bonnier a publié, en 1889, une étude très complète de cet Amphipode (1); après avoir démontré que les deux formes du genre Dryope, décrites par Sp. Bate, ne différaient entre elles que par le sexe, il les classe dans le genre Unciola Say, et les réunit sous le nom d’Unciola crenatipalmata. On sait que le genre Dryope, tel que Sp. Bate l’a défini, différerait du genre Unciola par l’absence de fouet accessoire aux antennes supérieures, la disposition subchéliforme des pattes de la seconde paire, et enfin par la présence de deux branches aux uropodes de la dernière paire. Ainsi que Bon- nier l’a parfaitement établi, les deux premiers de ces carac- ières différentiels sont erronés, les antennes supérieures des Dryope possédant un très petit fouet accessoire, et la plupart des espèces du genre Unciola ayant les paîtes de la seconde paire subchéliformes; mais nous ne pouvons partager l'avis de Bonnier au sujet du troisième caractère; la branche in- terne des uropodes de la dernière paire, qui serait rempla- cée, d'après lui, par un prolongement du pédoncule, existe réellement, bien qu’elle soit soudée à cet organe. Pour s’en rendre compte, il est indispensable d'isoler com- plètement l'uropode, de façon à l’examiner bien à plat (fig. 12). On voit alors facilement que le bord interne de cet organe ne présente pas une courbure régulière, de la base à l'extrémité, mais que cette courbure est brusquement inter- rompue aux trois quarts de sa longueur, et qu'il existe en ce point une dépression très accentuée; vu de ce côlé, l’uropode offre absolument l'aspect d’un pédoncule débor- dant sur une branche. Dans les figures 11 et 12, PI. XIII, du mémoire de Bonnier, on ne voit pas trace de cette dépres- sion, probablement parce que l’uropode, n'ayant pas été isolé, est vu de biais; pour cette même raison, il semble beaucoup plus étroit que sur notre dessin. Cette petite rectification faite, nous nous rangeons com- (1) Jules Bonnier, Les Amphipodes du Boulonnais. Première partie. Unciola crenatipalmata, Sp. Bate. (Bull. scient. de la France et de la Belgique, 1889, p. 229-254, pl. XII et XIII.) 140 ED. CHEVREUX ET E, L. BOUVIER, plètement à l’avis de Bonnier. Le nom de Dryope, employé en 1830 pour désigner un genre de Diptères, devant être écarlé, nous ne pensons pas qu'il y ait lieu de créer un genre nouveau pour l'espèce dont il est question ici, et nous la classerons, dans le genre Unciola, à côté d'Unciola crassipes Hansen (1), dont les uropodes de la dernière paire affectent une forme analogue (2). Gen. COROPHIUM, Latreille, 1800. 1. Corophium volutator, Pallas (3). Syn. Corophium grossipes, Linné. Corophium longicorne, Latreille. Hab. — Assez commun dans la vase de l’avant-port de Saint-Vaast, el dans le sable, à la base de la presqu'île du Crô. Très commun dans les marnes schisteuses qui forment l'extrémité élargie de cette presqu'île. Distribution. — Scandinavie (Bruzelius, Boeck). Dane- mark (Meinert). Iles Shetland (Norman). Kiel (Blanc). Hol- lande (Hoek). Iles Britanniques (Sp. Bate). Iles Anglo-Nor- mandes (Kæhler). Boulonnais (de Guerne, Barrois). Calvados (de Brébisson). Normandie {H. Milne-Edwards). Estuaire de la Seine (Gadeau de Kerville). Roscoff (Delage). Wimereux, Concarneau (Bonnier). Saint-Lunaire, M. Dollfus ; Le Croi- sic (Chevreux). Charente-Inférieure (H. Milne-Edwards, Bel- trémieux). Adriatique (Heller). 52, Corophium Bonellii, H. Milne-Edwards. Hab. — Assez commun dans les dragages du Grand-Nord, par 25 à 30 mètres. Trois exemplaires ont été dragués au Petit-Nord, par 22 mètres de profondeur. (4) Malacostraca marina Groenlandiæ occidentalis (Vidensk. Meddel. fra den naturh. Foren. i Kjôbenhavn, 1887). (2) Dans ses diagnoses d’Unciola wrorata et d'Unciola laticornis, Hansen dit, à propos des uropodes de la troisième paire : Ramo inleriore nullo, tandis que dans sa diagnose d’Unciola crassipes, il s'exprime ainsi : Ramo interiore non a pedunculo membrana articulari separato. (3) Voir Stebbing, Report on the Amphipoda collected by H. M. S. Challenger, p. 34. AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 441 Couleur. — Corps et antennes blanc jaunâtre, tacheté de brun foncé; yeux noirs. Distribution. — Norvège (G. 0. Sars). Iles Britanniques (Sp. Bate, Walker). Normandie (Gadeau de Kerville). Luc- sur-Mer, D' Topsent ; le Havre, Arcachon, M. Dollfus; Le Croisic (Chevreux). Mer Noire (Czerniawski). Gen. COLOMASTIX, Grube, 1861. 53. Colomastix pusilla, Grube. Syn. Cratippus tenuipes, Sp. Bate. Exunguia stylipes, Norman. Un exemplaire, dont la provenance exacte n'a pas été notée. Couleur. — Corps et antennes blancs; yeux rouges. Distribution. — Iles Brilanniques (Sp. Bate, Norman, Stebbing, Walker). Iles Anglo-Normandes (Kæhler). Roscoff (Grube). Le Havre, M. Dollfus; Luc-sur-Mer, D' Topsent; Le Croisic (Chevreux). Adriatique (Grube, Heller). Gen. PLATOPHIUM, Dana, 1552. 54. Platophium Darwini (Sp. bate). Syn. Cyrtophium Darwini, Sp. Bate. Hab. — Trois exemplaires ont été trouvés à Gatteville, dans les Algues rouges, à basse mer de grande marée; un autre à la base de la tour du Dranguet, parmi les Éponges, les Algues et les Cynthies. Couleur. — Corps rouge pourpre; yeux roses. Distribution. — Iles Britanniques (Sp. Bate, Stebbing). Roscoff (Delage). Concarneau, M. de Guerne; Le Croisic (Chevreux). Adriatique (Nebeski). Algérie (Chevreux) (1). (1) Platophium Darwini et Colomastix pusilla ont été récemment trouvés par l’un de nous en plusieurs localités de la côte méditerranéenne de France (Villefranche, Antibes, Saint-Tropez, Port-Vendres, etc.). 142 ED. CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. Gen. PHTISICA, Slabber, 1869 (1). 55. Phtisica marina, Slabber. Syn. Proto ventricosa, O. F. Müller. Proto pedata, Leach. Proto Goodsiri, Sp. Bate. Hab. — Assez commun au Petit-Nord, par 15 à 20 mè- tres, et, à marée basse, parmi les Zostères de la rade. Quel- ques exemplaires ont été dragués, par 10 à 15 mètres, dans l’anse du Becquet. On trouve souvent, à base mer de grande marée, des mues parfaitement conservées de celte espèce, dans les flaques vaseuses de l’avant-port de Saint-Vaast. Distribution. — Norvège (Boeck). Danemark (Meinert). Skagerrak, Jutland, Helgolard (Metzger). Kiel (Blanc). Iles Shetland (Norman). Hollande (Hoek). Belgique (Van Bene- den). Iles Britanniques (Sp. Bate, Stebbing, Walker). Toutes les côtes de France. Naples, Messine (Mayer). Adriatique (Gamroth). Alger, Gibraltar, Rio-Janeiro (Mayer). Açores, Prince de Monaco (Chevreux). Açores (Barrois). Gen. PSEUDOPROTELLA, Mayer, 1890. 56. Pseudoprotella phasma (Montagu). Syn. Protella phasma, Sp. Bate. Ægina phasma, Boeck. Hab. — Assez commune à la pointe de la Dent, sur les Hydraires qui garnissent les racines de Laminaires. Distribution. — Norvège (Boeck). Iles Britanniques (Sp. Bate, Fowler, Robertson, Walker). [les Anglo-Normandes (Kæhler). Wimereux (Giard). Pas-de-Calais (Hallez). Roscoff (Delage). Luc-sur-Mer, D° Topsent; Lorient; Le Croisic (Chevreux). Concarneau (Bonnier). Marseille (Marion). Ville- franche, M. Dollfus (Chevreux). Naples (Mayer). Adriatique (Heller). Mer Rouge (Kossmann,. (1) Voir Stebbing, Report on the Amphipoda collected by H. M. S. Challenger, p. 1718, note 1. AMPHIPODES DE SAINT-VAAST-LA-HOUGUE. 143 Gen. CAPRELLA, Lamarck, 1801. #7. Caprella linearis, Linné. Syn. Caprella lobata, Sp. Bate (— Gf adulte). Hab. — Un exemplaire, recueilli sur les Hydraires à la pointe de la Dent. Couleur. — Corps et antennes blancs tachetés de jaune, yeux rouge foncé. Distribution. — Islande (G. O0. Sars). Norvège (Boeck, Schneider) Danemark (Meinert). Skaggerrak (Metzger). Kiel (Blanc). Iles Shetland (Norman). Hollande (Hoek). Iles Bri- tanniques (Sp. Bate, Fowler, Robertson). Belgique (Pelse- neer). Îles Anglo-Normandes (Kæœhler). Dunkerque (de Guerne). Wimereux (Giard). Boulonnais (de Guerne, Bar- rois). Le Havre, 4. Dollfus (Chevreux).? Concarneau (Bon- nier) (1). Amérique du Nord (Mayer). 58. Caprella acutifrons, Latreille. - Syn. Caprella tabida, Lucas. Hab. — Les plus beaux exemplaires, appartenant à la variété éypica Mayer, ont été recueillis en grand nombre sur les chaînes des bouées du Cavendest et de l'Hintar. Quel- ques autres proviennent de la tour du Dranguet, de Gatte- ville, et de la bouée de la Roche-à-l’Anglais. Distribution. — (Groenland (Mayer). Iles Britanniques (Sp. Bate). Belgique (Van Beneden). Roscoff (Delage). Con- carneau (Bonnier). Le Croisic; Arcachon, M. Dollfus (Che- vreux). Marseille (Marion). Naples (Mayer). Messine (Haller). Adriatique (Heller). Algérie (Lucas). Açores, Prince de Monaco (Chevreux). Açores (Barrois). Espagne, Portugal, Afrique orientale, Japon, Chine, Amérique (Mayer). 59. Caprella acanthifera, Leach. Syn. Caprella acuminifera, Desmarest. (4) Voir E. Chevreux, Contribution à l'étude de la distribution géographique des Amphipodes sur les côtes de France (Bull, de la Soc. d’études scient. de Paris, 11° année, 1° semestre, 1888, p. 16). 144 ED. CHEVREUX ET E. L. BOUVIER. Hab. — Commune sur les Zostères de la rade, et sur les rochers, au voisinage de la tour du Dranguet. Assez rare à la pointe de la Dent, sur les Hydraires qui garnissent les racines de Laminaires. Un spécimen a été recueilli à Gatte- ville, et quelques beaux exemplaires sur une bouée, à l’en- trée du port de l’île Saint-Marcouf. Distribution. — Norvège (G. O. Sars). Iles Britanniques (Sp. Bate, Walker). Côle française de la Manche (H. Milne- Edwards). Wimereux (Giard). Roscoff (Delage). Luc- sur-Mer, D° Topsent; Saint-Lunaire, M. Dollfus; Le Croisic (Chevreux). Concarneau (Bonnier). Villefranche, M. Dollfus; Algérie (Chevreux). Mer Noire (Czerniawski). Naples, Espa- gne, Portugal (Mayer). Californie (Boeck). 60. Caprella tuberculata, Bate et Westwood (non Guérin). Hab. — Assez rare à la pointe de la Dent, sur les Hydrai- res qui garnissent les racines des Laminaires. Très com- mune, et de belle taille, à la Roche-à-l’Anglais, sur la chaîne de la bouée. Distribution. — Iles Britanniques (Sp. Bate, Robertson). Wimereux (Giard). Roscoff (Delage). Luc-sur-Mer, D° Top- sent; Le Croisic (Chevreux). Concarneau (Bonnier). Santan- der, de Linares (Mayer). EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE 1l. Fig. 1. — Perrierella crassipes Q. Fig. 2. — — Antenne supérieure. Fig. 3. — — Antenne inférieure. Fig. 4. — — Mandibule. Fig. 5. — — Mâchoire de la première paire. Fig. 6. — = Mâchoire de la seconde paire. Fig. 7. — — Maxillipèdes. Fig. 8. — — Patte de la première paire. Fig. 9. — — Patte de la seconde paire. Fig. 10. — — Patte de la septième paire. Fig. 11. — — Uropodes des deux dernières paires et telson. Fig. 12. — Unciola crenatipalmata. — Uropode de la dernière paire. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS DE L’AMÉRIQUE DU NORD Par le D' CHARLES GIRARD. INTRODUCTION. Nos recherches sur les Planariés et le Némertiens de l'Amérique du Nord, commencées en 1848, furent brusque- ment interrompues en 1860 par des évènements en coïnci- dence avec ceux qui troublèrent, pendant plusieurs années, la paix aux États-Unis. Ces recherches, poursuivies au milieu des travaux d’Erpé- tologie et d’Ichthyologie que nous avait confiés le gouver- nement fédéral de Washinglon, il en est résulté des obser- vations fréquemment interrompues et d’une excessive brièveté. C’est sous cette forme qu'elles firent l’objet de communications, tantôt à la Société d'hustoire naturelle de Boston, tantôt à l'Académie des sciences naturelles de Phila- delphe, selon les temps et les lieux. Le plan de l'ouvrage que nous avions conçu comportait trois parties : ANN. SC. NAT. ZOOL. XV, 10 146 CHARLES GIRARD. J. — L'EMBRYOGÉNIE DES PRINCIPAUX TYPES DE PLANARIÉS ÊT DE NÉMERTIENS. IT. — L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DE TOUS LES GROUPES. IIT. — LA ZOOLOGIE SYSTÉMATIQUE DES GENRES ET DES ESPÈCES, SUIVIE DE RÉFLEXIONS SUR LE RANG DE CES ANIMAUX DANS LE RÈGNE. | $ 1. — Sur la première de ces parties, nous avons publié en 1854 (1) le résumé de nos observations, faites en 1850, sur l’embryogénie d’un Planarié marin. La segmentation du vitellus y est complète ; le contraire étant la très grande exception. Celle-ci commence environ douze heures après la ponte et sa durée est à peu près de vingt-quatre heures, à compter du premier indice de division, jusqu'à sa transfor- mation en Morula. Une période de repos apparent succède au travail actif de la segmentation; puis le vitellus tout entier passe à l’état de Blastula, ou trochosphère, composée de cellules homogènes. La trochosphère, dépourvue de cils vibratiles, exécute dès lors un mouvement de rotation, tantôt très accéléré, tantôt ralenti, autour d’un axe idéal, retenue qu'elle est, au sein d’un liquide albuminoïde circonserit par une membrane ovariale transparente. La rotation s'effectue de droite à gauche, ou de gauche à droite indifféremment ; elle a également lieu dans le sens vertical, par rapport à l'observateur, d'avant en arrière, ou d’arrière en avant, encore indifféremment. Pour peu que l’on ait une demi-douzaine d'œufs dans le champ du microscope, on peut voir fous ces mouvements se produire simultanément, la même sphère changeant subitement de direction en passant de l’une à l’autre. Ces mouvements se continuent alors même que la (1) Embryonic development of Planocera elliptica. — Journ. Acad. Philad., II, 1854, in-4 (avec 3 planches). RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 147 trochosphère, à l’aide de manipulations, est sortie de la membrane ovariale. 8 2. — Édouard Desor avait eu l’occasion d'étudier l’em- bryogénie d’un Némertien (1), recueilli par nous dans la baie de Boston et subséquemment nommé Polia gracilis. Chez celte espèce la segmentation est irrégulière: elle commence le troisième, parfois le quatrième jour après la ponte, pour se terminer vers le cinquième jour et former la Morula le sixième. Au quaiorzième jour, le vitellus se met en mouvement autour d’un axe idéal, aidé en cela par la présence de cils vibratiles qui en recouvrent la surface. Ce mouvement s'effectue dans un liquide albuminoïde transpa- rent. Pressé hors de la poche ovariale, le vitellus n’en con- tinue pas moins ses mouvements dans l’eau ambiante, comme cela a lieu pour P/anocera elliptica, bien que ce dernier soit privé de cils vibratiles (fait qui tendrait à établir, qu'indé- pendamment du mouvement relevant de l’existence de ces cils, les sphères vitellaires possèdent une force intrinsèque, sous l'empire de laquelle elles peuvent se mouvoir pareille- ment). Le vitellus qui, jusqu'à ce moment-là, était resté homo- gène dans sa structure, tend dès lors à se diversifier, pour constituer deux couches dissemblables et se transformer ainsi en P/anula. Celle-ci abandonne l'enveloppe ovariale vers le vingt-quatrième jour après la ponte, pour vivre en liberté en plein élément. $ 3. — Sans les évènements auxquels allusion a déjà été faite, nous eussions étendu nos recherches à d’autres types marins de Némertiens et de Planariés, sans omettre l’em- bryogénie des Planariés d’eau douce, afin de rattacher leur histoire à celle de Phagocata gracilis, dont l’un des modes de reproduction s'effectue par voie de bourgeonnement. (1) On the Embryology of Nemertes, etc. — Boston Journ. Nat. Hist., VI, 1850, p. 1 (avec 2 planches). 148 CHARLES GIRARD. $ 4. — Ryder et Gissler ont publié en 1882, quelques observations embryogéniques sur les Planaires que l’on trouve, le plus fréquemment, rampant sur les Limules de l'océan Atlantique, au nombre desquelles on observe Bdel- loura candida. De leurs observations 1l résulte que ces animaux pondent leurs œufs renfermés, soil isolément, soit par couples de deux ou quatre, dans des capsules ovoïdes, indépendantes les unes des autres, ayant l’une de leurs extrémités terminée par un filament portant une sorte de disque qui sert d’adhérence aux corps environnants. La segmentation du vitellus n’a pas été observée, pas plus que sa transformation en Morula, Blastula ou Planula. Nous ignorons de même la durée de l’incubation. Les auteurs ci-dessus nous apprennent que les larves sortent, à un moment donné, de la capsule ovariale ou cocon par une rupture à son extrémité supérieure libre. La façon de pondre de ces Planariés est analogue à celle du Némertien Polia gracuis, ainsi qu’on le verra ci-après (p. 269). La seule différence consiste en ce que, chez ce dernier, les capsules ovariales sont reliées l’une à l’autre, en une chaîne continue, fixée par l’une de ses extrémités aux plantes marines flottantes sur leurstiges, au lieu d’être adhé- rentes isolément par leur extrémité filamenteuse à des corps solides. Le nombre des vilellus renfermés dans ces capsules est variable, chez le Némerlien, comme chez les Planariés. $ 5. — Les documents que nous tenions en réserve con- cernant l’anatomie et la physiologie, objels de la deuxième partie de l'ouvrage en perspective, ont été fortuitement égarés ou détruits durant la guerre de Sécession. Déposés, pendant notre absence de Washington, dans les caveaux du département des finances, ils ont manqué à l'appel, quatre ans plus tard, à la restauration de la paix. En ce qui concerne le système digestif, on trouvera quel- ques détails intéressants sur plusieurs espèces de Dendro- coélés. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 149 Les organes sexuels, dont nous avions fait une étude sur Planocera elliptica el Leptoplana variabilis, ressemblent dans leurs traits généraux à ceux que de Quatrefages a décrits et figurés pour des espèces marines de Polycelis, transférées depuis dans le genre Leptoplana. Nos connaissances sur les organes sexuels des Planariés d’eau douce sont dues aux recherches de Leidy sur Phagocata gracilis et que nous rapportons plus bas. Les Dendrocoélés et les Rhabdocoélés, la majeure partie du moins de ces derniers, sont monoïques, tandis que les Némertiens sont généralement dioïques. Mais les premiers, tout androgynes qu'ils soient, ne peuvent consommer indivi- duellement l'acte de la reproduction, à en juger par les observations de Dugès (1), Baer (2) et de Blainville (3) sur des Planariés d'eau douce d'Europe, où deux individus sont représentés accouplés, vraisemblablement se fécondant réci- proquement. Ils se présentent l’un à l’autre, avec la région postérieure du corps relevée à angle droit, s’adossant mu- tuellement, pendant que le reste du corps repose à plat, la tête de l’un dirigée à droite, celle de l’autre à gauche, presque en ligne directe. Le mode d’accouplement des Rhabdocoélés, s’il est d'usage dans ce groupe, n’a pas encore été constaté. Deux espèces sont vivipares, l’une marine, Fouia Warreni; l’autre d’eau douce, Mesostoma viviparum. La scissiparité des Microstomides d'Europe, qui à été l'objet d’études suivies de la part de plusieurs observateurs, de F. Wagler (4), pour ne citer que le plus récent, n’a été observée sérieusement que par Leidy sur les espèces améri- caines, et incidemment par Silliman. Chez les Némertiens, où les sexes existent à peu d’excep- lions près sur des individus distincts, l’un mâle, l’autre (1) Annales sciences natur., XV, 1828, pl. V, fig. 12, (2) Nov. act. Nat. cur., XIII, 1827, pl. XXXIIL, fig. 12. (3) Dict. sc. natur. Atlas Entoz., 1830, pl. XL, fig. 17. (4) Zool. Jahrb., 1890, p. 349. 150 CHARLES GIRARD. femelle, y a-t-il nécessairement rapprochement ou accou- plement de deux individus, l’un fécondant l’autre? Ou bien la fécondation s’opère-t-elle à l'instar de celle des Poissons ovipares ? C’est ce dont, à notre connaissance, aucun auteur n'a été jusqu ici le témoin. Le système nerveux, que nous avions étudié sur Plano- cera elliptica et Leptoplana variabilis, concorde, dans ses trails généraux, avec celui qu'a décrit et figuré de Quatre- fages chez des espèces marines analogues; mais, de même que Leidy, nous ne l'avons pas observé chez Phagocata gra- cilis, où il se confond, semble-t-il, avec la substance très élémentaire du corps. Relativement aux ocelles, leur structure varie dans des limites considérables, lorsqu'ils ne font pas défaut, comme c'est fréquemment le cas. Ils se manifestent chez un grand nombre comme une agglomération continue de substance pigmentaire, simple ou multiple. D’autres fois, la substance pigmentaire apparaît sous forme de petites sphères, au cen- tre desquelles on observe un petit noyau opalin. Enfin, il y en à qui sont composés d’un corps vitré, entouré d'une cupule noire, sorte de choroïde, dont la région postérieure, ou interne, reçoit un filet nerveux que leur envoient les gan- glions céphaliques. Cette structure des ocelles présente une analogie frap- pante avec celle des organes visuels atrophiés des animaux aveugles; nous voulons parler des recherches de Wyman sur les Poissons de la caverne Mammouih, et de celles de Poey sur ceux des cavernes de l’île du Cuba. Quant aux intéguments il n’y a que ceux de l’Aydrolimax griseus dont la structure anatomique ait été l’objet d’un examen microscopique. $ 6. — La troisième partie de nolre ouvrage se trouve incomplète par la perte de la plupart de nos dessins. Les notes que nous avions prises et publiées au moment de leur exécution, très brèves en elles-mêmes, devaient être com- RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 151 plétées ultérieurement à l’aide desdits dessins. Nous les re- produisons aujourd’hui dans leur brièveté première, plutôt que de les étendre de mémoire. Ce sont des jalons que nous relions entre eux dans l'espoir que quelque jeune naturaliste américain reprendra ces recherches pour les compléter et les mettre à la hauteur de nos autres connaissances sur l'histoire naturelle de la faune de l'Amérique du Nord. Car les mers qui baignent les côtes orientales et occiden- tales de ce vaste continent recèlent encore de nombreux genres et des espèces non moins nombreuses, inconnus, aussi bien que les eaux douces de ses lacs, fleuves et rivières, sans omettre la terre ferme. Une riche moisson sera la ré- compense de quiconque entrera dans la voie que nous au- rons à peine frayée. L'espèce remarquable recueillie par Leidy, au cours d’une excursion au Fort Bridger, celles ob- servées par Silliman dans le comté de Munrüe (N.-Y.) et celles non moins remarquables fournies par les draguages de l'Atlantique, en témoignent hautement. $ 7.— A notre arrivée aux États-Unis, en 1848, nos infor- mations sur cette branche de la zoologie étaient des plus res- treintes. En 1840, Haldeman signalait incidemment la première espèce, sous le nom de P/anaria gracilis, sur la troisième page de la couverture de son Supplément à la Monographie des Limniadæ. Le même naturaliste en caractérisa une deuxième espèce en 1843, dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences naturelles de Philadelphie, sous le nom de Æydrolimax gri- seus, dont le genre même était nouveau. En 1847, Leidy avait créé le genre Phagocata pour la première des espèces ci-dessus, et en décrivit deux nouvelles sous les noms de Planaria maculata et de Prostoma mar- ginatum. Le même auteur, en poursuivant ses recherches parallè- lement aux nôtres, fit connaître en 1851, la première es- 152 CHARLES GIRARD. pèce terrestre de l'Amérique du Nord, qu'il nomma P/4- naria sylvatica, laquelle devint, tôt après, le type de son nouveau genre /kynchodemus. Vers la même époque, il dé- crivit deux autres Planariés d’eau douce, donnant à l’un le nom de Planaria truncata, et à l’autre, celui de P/anaria fuhiginosa. 1 créa le genre Bdelloura pour deux espèces marines qu'il appela Bdelloura parasitica et Bdelloura rus- hca; mais la première avait préalablement reçu, de notre part, le nom de Vortex candida. I décrivit à nouveau, sous le nom de Catesthia stellato-maculata, l'animal que Hal- deman avait nommé Aydrolimax griseus, et en constata sub- séquemment l'identité parfaite. Enfin, parmi les Némertiens, Leidy fit le genre £mea, pour une espèce d'eau douce qu’il nomma Emea rubra. en décrivit quatre espèces marines, sous les noms de Me- chelia lactea, M. rosea, M. ingens et Nemertes socials. Stimpson, en 1857, érigea en genres nouveaux, deux espèces de Planariés d’eau douce par nous décrites sous les noms de Dendrocælum superbum, et D. pulcherrimum, en faisant de la première le genre (Galeocephala, et de la se- conde le genre O/igocehs. Parmi les espèces marines, 1l institua le genre T'yphlocolax pour l'espèce que nous avions décrite sous le nom de T'yphlolepta acuta, conjointement avec une espèce nouvelle du détroit de Behring qu'il nomma Typhlocolax acuminatus. Cette dernière innovalion ne nous a pas paru aussi heureuse que la première. Dans l’ordre des Némertiens, Stimpson en a fait connaître deux espèces, pro- posant pour l'une le genre Polina et pour l’autre, le genre E’mplectonema. Les dragages opérés de 1871 à 1887, par les soins de la commission fédérale, sur les côtes des États-Unis de l’At- lantique, ont fourni à Verrill et à Packard, l’occasion d'a- jouter un certain nombre de genres et d'espèces, des trois ordres de Turbellariés, à la faune de l'Amérique du Nord; ceux opérés par les naturalistes du « Challenger » dans les eaux américaines de l'Atlantique, ont doté la faune dont RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LÉS NÉMERTIENS. 193 nous nous occupons, d’un pelit contingent de genres et d'espèces des plus intéressants parmi les Némertiens. Plus récemment, en 1885, Leidy publia dans le « Muséum de Philadelphie » des observations nouvelles sur Phagocata gracihs et Planaria maculata et proposa le genre Procotyla pour une espèce d’eau douce jusque-là peu connue, qu'il avait nommée Procotyla fluviatilis. Leidy avait nourri l'espoir de réunir toutes ses observa- tions dans un travail d'ensemble sur ces animaux. Lorsque nous lui fimes part de notre intention de résumer nos pro- pres Recherches, il mit gracieusement à notre disposition tous les matériaux en sa possession, nous autorisant de les utiliser comme bon nous semblerait. Nous lui en témoignons ici toute notre reconnaissance (1). Verrill, de son côté, nous a fourni tous les documents relatifs aux espèces qu’il a fait connaître jusqu'ici et pour lesquels notre reconnaissance lui est également acquise. Nous espérons qu’il ne tardera pas à nous faire connaître toutes les richesses inédites de la belle collection, rassemblée par ses soims, du « Muséum de Yale University ». Grâce à l'extrême obligeance de M. le directeur du Mu- séum, le professeur A. Milne-Edwards, nous avons eu la satisfaction de consulter plusieurs travaux très importants, sans lesquels notre travail eût laissé beaucoup à désirer. $ 8. — Dans le fravail que nous publions aujourd’hui, les genres représentés dans l'Amérique du Nord, sont passés en revue dans l’ordre des milieux qu’ils habitent. Toute autre distribution n’eût offert de l'intérêt qu’autant que tous les genres exotiques y eussent été compris. Encore si la délimita- tion de ces derniers ne laissait rien à désirer, aurions-nous pu les grouper plus méthodiquement peut-être, sans trop nous étendre. Mais un grand nombre d’entre eux auraient exigé de (4) Depuis que ces lignes sont écrites, la mort est venue surprendre notre ami au milieu de ses travaux. 194 CHARLES GIRARD. notre part de longues digressions, que du reste, le défaut de matériaux frais aurait frappé d'avance de stérilité. En nous limitant néanmoins aux genres représentés dans l'Amérique du Nord, nous avons été contraint de faire de fréquentes incursions parmi les genres exotiques renfer- mant des espèces voisines, ou analogues aux espèces améri- caines. La délimitation des’ genres a été, de notre part, l’objet d’une constante et sérieuse préoccupation (persua- dés que de leur constitution dépendent les vrais progrès de la zoologie descriptive); nous avons dû remonter à leur origine afin d'en retrouver les types primitifs et faire rentrer dans leurs limites ceux qui s’en étaient écartés. C’est ainsi que nous nous sommes trouvé en présence de genres qui avaient perdu leur signification première, soit par négligence ou indifférence de la part de quelques zoologistes, quant à l’importance de ces groupes, soit par la crainte, chez d'au- tres, d’encourir le blâme de les multiplier outre mesure. Ces derniers recouraient alors à un expédient qui consis- tait à modifier, de fond en comble, les diagnoses d’anciens genres, qui permit de leur adjoindre de nouvelles espèces, souvent au détriment du type primitif. L'inconvénient de cet usage, c'était d'introduire dans la nomenclature des genres à significations mulliples, au gré de tel ou tel auteur; la conséquence, c'était un dédale au milieu duquel les carac- ières génériques perdaient toute netteté, sans que les es- pèces fussent mieux caractérisées. C'est au milieu de difficultés de cette nalure, que nous avons poursuivi notre travail. Nous sommes loin de les avoir surmonlées toutes, mais confiant que ceux qui vien- dront après nous achèveront l’œuvre commencée. CH. GIRARD. Paris, ce 1° mai 1892. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 1959 LES DENDROCOÉLÉS. Les uns sont terrestres, les autres vivent soit dans Îles eaux douces, soit dans les eaux salées. Par leur aspect gé- néral, ils rappellent les Mollusques nus, tant lerrestres qu’a- quatiques. Leur corps est toujours d’une mollesse extrême, et dans la généralité des cas, plutôt ramassé sur lui-même qu’allongé ou démesurément étiré. Il est dépourvu de toute enveloppe protectrice particulière, et ne présente au- cune trace de zoonites, ou anneaux transverses, articulés les uns sur les autres. Il est protractile et rétractile à des degrés divers, selon les genres et les espèces, et dans le cas de ré- tractation, qui est celui de l’inactivilé, ou de repos, il revêt une apparence trapue, avec quelques plis ou rides margi- nales, qu’à première vue on prendrait aisément pour des in- dices d’anneaux articulés; mais il suffit que l’animal se mette en marche, pour dissiper toute illusion à cet égard. Non seulement les rides marginales disparaissent, mais le corps progresse tout d’une pièce, comme chez les Mollusques gastéropodes et ne rappelant en rien les mouvements ondu- latoires des annelés, conséquence de la mobilité de leurs anneaux, qui jouissent, dans une certaine mesure, d’une im- pulsion propre. Leurs intéguments, vus au microscope, se montrent re- couverts de cils vibraliles, et, implantées dans la peau, des cellules renfermant de très petites verges ou flèches que l'animal, lorsqu'il est irrité, projette en avant sous forme de filaments. Ces cellules sont, selon toute vraisemblance, ana- logues aux cellules urticantes des hydres et autres cœlen- térés. Bien que ces planariés partagent la symétrie bilatérale, ordinaire chez la plupart des classes du Règne animal, leur appareil digestif se rapproche bien plus de celui des Cœlen- térés, ou radiaires. Comme chez les Méduses, l'estomac ne constilue pas une cavité distincte du corps, ou cœlum, et n’a 156 CHARLES GIRARD. pour issue que la trompe ou œsophage, par lequel la nour- riture y est introduite. L'estomac présente donc ce caractère remarquable de s'étendre à toutes les parties solides du corps, par trois branches principales, dont l’une est dirigée en avant, vers la tête ; les deux autres, une de chaque côté, vers la queue. Les branches principales se subdivisent en de nombreux ra- meaux ou culs-de-sac, donnant à l'ensemble de l'organe une disposition vasculaire, qui lui a valu l’épithète de dendriti- que, ou arborescente. | La bouche est centrale ou excentrique, soit en avant, soit en arrière, située à la face inférieure du corps et commu- nique avec un œsophage, sorte de trompe exsertile, généra- lement tubulaire, simple, libre et cylindrique, ressemblant à la trompe des Méduses, suspendue à l’intérieur de leur om- brelle, et s’ouvrant au fond de l’estomac. Lorsque l'animal veut prendre sa nourriture, la trompe est projetée hors de la bouche et promenée de ci et de là, dans toutes les direc- tions, à la recherche de sa proie. Les intervalles de l'estomac ramifié sont partiellement occupés par un appareil générateur bisexuel, s’ouvrant à l’ex- térieur en arrière de la bouche. Ce sont des êtres androgynes, soumis à l’accouplement réciproque, et ovipares. Chez certains d’entre eux, la multi- plication a lieu par voie de division de leur corps. Chez un autre, la reproduction paraît s'effectuer par bourgeonne- ment, sans que l’on puisse affirmer qu’elle n'ait pas lieu, entre temps, par ovulation. : Sur les vingt-neuf espèces de Dendrocoélés de l'Amérique du Nord, ci-après, l’une est terrestre ; quinze vivent dans les eaux douces et treize sont marines. Elles se répartissent dans dix-sept genres, dont douze ont des représentants dans les autres parties du monde, tandis que les cinq autres ne comptent, pour le présent, que des espèces américaines. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 197 LES DENDROCOÉLÉS TERRESTRES. Nous n’en connaissons jusqu'ici qu'une seule espèce propre à la faune de l'Amérique du Nord. Des recherches ultérieures sont appelées à nous en faire connaître d’autres, à n’en juger que par le nombre de celles déjà découvertes, dans les autres régions du globe. Genre RHYNCHODEMUS, Leidy. Sy. — Rhynchodemus, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 289. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 25. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 503. — Vaill. Hist. Ann., III, 1889, p. 650. Le corps est cylindrique, subfusiforme. La tête est con- linue avec le corps, s’atténuant antérieurement sous forme de trompe, capable de se redresser et se ployer en arrière et sans appendices tentaculiformes. Deux ocelles, un de chaque côté. En créant ce genre pour l'espèce américaine, Leidy y placa la suivante : RHYNCHODEMUS TERRESTRIS, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851. p. 289. — Fasciola terrestris, Müll. Verm. terr. et fluv. hist., I, 1773, p. 68. — Planaria terrestris, Müll. Zoo!. Dan. Prodr., 17176, p. 223. — Gmel. Syst. nat., 1789, 3092. — Dug. Ann. sc. nal., XXI, 1830, p. 82. — OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 55. — Dies. Syst. Helm., T, 1850, p. 206. — Geopluna terrestris, M. Schutz, Ann. and Mag. nat. hist., XX (2° ser.), 1857, p. 8. — Vaill. Hist. ann., IL, 1889, p. 650, pl. XX VIII. fig. 12, 13 et 14. Mosely en décrit une espèce de Ceylan sous le nom de : RHyncaopemus Tawaitsir, in Philos. Trans., 1874, p. 14, pl. X, fig. 4. Le genre Rhynchodemus a pour analogue, en Bohême, le genre Microplana de Vejdovsky. M. humicola, des environs de Beehlin, rappelle par son facies À. sylvaticus.. 158 CHARLES GIRARD. RHYNCHODEMUS SYLVATICUS, Leidy. PI. IN, fig. 1-7. Syn. — Planaria sylvatica, Leidy, Proc. Acad. nat. se. Philad., III, 1847, p. 248. Rhynchodemus sylvaticus, Leidy, Proc. Acad. nat. se. Philad., V, 1851, p. 241 et 289; X, 1858, p. 271, et The Mus. Philad., I, 1885, p. 52. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 25. Geoplana sylvatica, M. Schultze, Ann. and Mag. nat. hist., XX (2e ser.), 1851, p. 8. Le corps est uni et luisant, allongé, fusiforme, épais, se rétrécissant en avant, convexe en dessus, plat en dessous, atténué antérieurement en forme de trompe, dont l’extrémité est recourbée et obtuse. Il s’élargit en arrière, pour se ter- miner en pointe. La tête est continue avec le corps et porte deux ocelles noirs, globuleux, latéraux, légèrement proémi- nents et composés d’un corps vitré, entouré aux deux tiers postérieurs, d’un pigment noir choroïdien. La bouche, infère, est légèrement subcentrale en arrière; l’œsophage est en forme de tonnelet. L’estomac présente la disposilion dendritique habituelle en trois branches principales, l’une dirigée en avant, les deux autres latéralement en arrière. Le fond de la couleur est grisâtre ; une double raie fuligi- neuse s'étend de chaque côté de la ligne dorsale, avec une tache transversale de la même couleur près du milieu du corps, à l’opposé de la bouche. La région antérieure, en avant des ocelles, est de la même teinte fuligineuse que les raies qui se prolongent le long du dos, vers la queue. Les mouvements de cette planaire ressemblent à ceux des limaces ; comme ces dernières, elle laisse après elle une piste muqueuse. En marche, le corps s’allonge en se rétrécissant, et la région antérieure ou céphalique, s’étire cons deraee ment en se relevant en courbe. L'animal relève fréquem- ment le tiers antérieur de son corps en le dirigeant tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, comme s'il était en quête de quelque objet. La porlion recourbée est plane en dessous, avec les bords infléchis, et à l’état d’inaction, elle repose fré- quemment sur le dos (fig. 3). RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS, 159 Les mœurs de cet animal sont exclusivement terrestres, ne recherchant jamais l’eau et succombant à une immersion de peu de durée. Il paraît être carnivore, à en juger par l’avidité avec laquelle il se porte sur les mouches fraîche- ment écrasées qu'on lui présente. IL vit sous les pierres et les pots de fleurs des jardins de Philadelphie; sous les débris de bois mort, écorce et vieux troncs d’arbres des forêts, aux environs de la même ville. L'espèce est assez rare; cependant Leidy en a recueilli une douzaine d'exemplaires sur une claie de jardin à Newport (R.-[.), dont le corps est linéaire, subulé, en forme d’alène fendue dans le sens de la longueur, la tête plus pointue et l'extrémité postérieure plus obtuse que chez les individus des environs de Philadelphie (fig. 4 et 5). Les ocelles sont pareillement plus proéminents. Au quart antérieur du corps existe une légère constriction latérale (fig. 5 a). Les uns étaient couleur de crame foncée, avec les raies dorsales fu- ligineuses ; les autres présentaient une teinte cendrée légère, avec les raies dorsales noirâtres ainsi que la tache transver- sale du milieu du corps. D’autres exemplaires, encore recueillis par Leidy sur une montagne (Broad-Top) de la chaîne des Alleghany, dans l’ouest de la Pensylvanie, étaient semblables dans leur forme générale, à ceux de Newport, mais la tête est moins élancée et beaucoup plus obtuse, les ocelles moins proémi- nents et à peine perceptibles (fig. 6 et 7). La couleur, sur le vif, n'a pas été notée. Des observalions ultérieures nous apprendront si nous avons affaire à plusieurs espèces ou à de simples variétés. LES DENDROCOÉLÉS D'EAU DOUCE. Le corps de ces animaux, de consistance molle, à surface muqueuse, ou recouverte de mucus, se décompose avec une grande facilité. Leur forme générale est plutôt allongée que discoïde. Il n’y à pas de papilles dorsales, et rarement des 160 CHARLES GIRARD. tentacules céphaliques. La région antérieure, ou la tête, est souvent munie de petites expansions membraneuses laté- rales et aplaties, dont la structure ne diffère en rien de celle des intéguments, car elles n’en sont en définitive que des prolongemenis, rétraeliles à leurs heures. Dans la géné- ralité des cas, il existe une paire d’ocelles ; quelques espèces néanmoins en possèdent un plus grand nombre. Par l'aspect général de leur corps et dans certains de leurs mouvements, ces animaux rappellent les sangsues. Leurs habitudes sont exclusivement aquatiques, car ils ces- sent de vivre dès qu'ils se trouvent à sec. Dans leur élément, ils rampent ou glissent sur la surface plantaire, qui embrasse toute l'étendue du corps, comme chez les limaces. De même, à l'instar des Mollusques Gasiéropodes, ils passent des bords du récipient qui les retient captifs, le corps renversé, appliqué contre la surface de l’eau, dont la transparence permet d'observer les contractions musculaires de leur sur- face plantaire. Dans cette position, leurs mouvements s’ef- fectuent avec plus de lenteur qu'à la surface d’un corps solide : celui-ci leur offrant une résistance plus grande que la colonne d'air mobile en contact avec la surface de l’eau. Nous ne saurions dire si, en liberté, ces animaux ont re- cours à ce dernier mode de locomotion, n'ayant paseu l’occasion de le constater. La surface d’une rivière, d’un lac ou d’un étang, n'étant que rarement calme ou unie, leurs pérégrinations n’y rencontreraient pas la même sécurité. Ilen est dont les mouvements sont d'une grande agilité, allant et venant dans des directions les plus diverses. D’autres pro- gressent avec plus de lenteur. Les uns sont phytophages, les autres zoophages ; d’autres encore participent à ces deux genres de nourriture, selon les circonstances. Mais quelles qu’elles soient, les substances dont ils se repaissent doivent se présenter dans un état de dissociation, car leur orifice buccal est dépourvu d'appareil capable de triturer une substance tant soit peut solide, ou résistante. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 161 Genre HYDROLIMAX, Haldeman. SYN. — Hydrolimax, Hald. Proc. Acad. nat. sc. Philad., I, 1843, p. 166. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 573. Catesthia, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 290. Le corps est grèle, limaciforme, parenchymateux, d’une mollesse extrême, pourvu de cils vibratiles. La tête est con- tinue avec le corps, dépourvue de tentacules, mais parfois munie de chaque côté d’appendices angulaires, plus ou moins prononcés. La bouche infère, est grande et subter- minale; l’æœsophage, lorsque distendu, est en forme de cam- panile, ou d’amphore. Une paire d’ocelles, situés profondé- ment dans l’intérieur d’un espace transparent. L’orifice génital est silué vers le milieu de la face inférieure. 1. Hydrolimax griseus, Hald. PI. IIL, fig. 8-21. SyN. — Hydrolimax griseus, Hald. Proc. Acad. nat. sc. Philad., 1, 1843, p. 466. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 173. Catesthia stellato-maculata, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p- 290. Il ne saurait planer le moindre doute sur l'identité de Catesthia stellato-maculata avec l'espèce que Haldeman avait eu en vue, Leidy l'ayant établie lui-même, sur des individus que Haldeman lui avait transmis. Le corps est mou, muqueux, et sa surface entière cou- verte de cils vibratiles extrêmement petits. Sa forme géné- rale est cylindrique, ou fusiforme, offrant une ressemblance frappante avec celui d’une limace en mimature. Il est obtu- sément arrondi à sa région antérieure, plus ou moins acu- miné postérieurement, susceplible de se contracter de la moitié de sa longueur, pour devenir pyriforme ou sphéroï- dal (fig. 11). Les appendices angulaires céphaliques convergent entre eux, et parfois arrivent en conlacl l’un avec l’autre. Les es- paces incolores, sur les deux côtés de la tête, sont occupés ANN. SC. NAT. ZOOL. XYS 11 162 CHARLES GIRARD. chacun par un ocelle noir, profondément enfoui au-dessous de la surface. La bouche, grande et dilatable, s'ouvre sous la tête entre les deux appendices latéraux, et communique avec un très grand œæsophage musculaire et sphéroïdal, débouchant dans un estomac d’une grande capacité. Il existe de chaque côté un organe ramifié en forme de grappe, composé de corpus- cules mous, ovoïdes, granulaires ou arrondis, s'étendant de la pointe du pharynx à l'extrémité postérieure du corps. Ce sont vraisemblablement les ovaires, car sur deux indivi- dus, observés le 8 avril 1871, l’un portait {rois œufs ou co- cons, l’autre cinq, sphéroïdes, de couleur brune. Ils étaient groupés autour d’un petit orifice arrondi, probablement l'orifice génital, que l’on aperçoit par transparence par le dos, à peu près vers le milieu de la longueur du corps. La présence de ces œufs ou cocons occasionne une dilatation de la région du corps qu’ils occupent, tandis que la région postérieure se termine en pointe plus aiguë (fig. 20). Les mouvements de cet animal ressemblent à ceux d'une Limace. Sa longueur mesure de 4 à 5 millimètres. Il est ex- trêmement vorace, se repaissant de Dugesia maculata de sa propre taille. Haldeman en a observé qui mesuraient 13 mil- limètres, tachetés de gris en dessus, incolores en dessous et sur les côtés de la région antérieure. La face supérieure est d'un noir de fumée, tandis que la face inférieure est blanche; la ligne de démarcation entre ces deux teintes esttrès nette, élablissant entre elles un con- traste frappant. La ligne médiane du dos est parfois plus foncée que sur les côtés, ainsi PRE l'extrémité des appen- dices céphaliques. Cette coloration du dos se résout parfois en petites taches alternantes, très rapprochées, arrondies, polygonales et lon- gitudinalement elliptiques, que l’on discerne facilement au moyen d'une loupe ordinaire. Sous un grossissement plus fort, ces taches se présentent sous l’aspect d’un réseau de mailles délicates de cordes brunes, jaunâtres, irrégulière- RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 163 ment nouées, enchevêtrées de cellulesétoilées de pigmentnoir. Haldeman avait recueilli les individus qu’il a décrits sur les dépôts boueux d’eau tranquille d’une mare près de l’em- bouchure du Chicquesalunga, affluent du Susquahanna. Leidy a observé l'espèce à la face inférieure des pierres des rivières Schuylkill et Delaware, en aval de la ligne de basse marée. Il l’a retrouvée pareillement dans un ruisseau à l'embouchure de la crique Wissahicon (Pensylvanie!. 2. Hydrolimax bruneus, Grd. PI. IV, fig. 22-25. Syx. — Hydrolimax bruneus, Grd. Le Naturaliste, Paris, 1891, p. 80. Par son aspect général, cette espèce se différencie aisé- ment de la précédente. Le corps est allongé, spatuliforme, s’élargissant en arrière et se rétrécissant en avant, arrondi ou subtronqué à son extrémité postérieure, tronqué presque carrément à son bord antérieur. Il est déprimé, convexe ou légèrement bombé en dessus, tandis que la surface inférieure sur la- quelle l’animal rampe, est plane comme de coutume. La têle est obtusément trapézoïdale, plus large à son bord antérieur qu’à sa jonction avec le corps proprement dit ; ses appendices angulaires sont peu proéminents, ce qui donne au bord antérieur l’aspect légèrement ondulé ou bi- concave. Les ocelles, au nombre de deux, sont d’un noir in- tense et situés au fond d’un espace incolore, aux deux côtés d'un petit cæcum stomacal qui se projette entre eux en avant, simulant ainsi une petite croix à la base de la tête. L'orifice génital est situé en avant du milieu de la lon- gueur du corps; sa forme est elliptique. La région à laquelle il correspond est légèrement dilatée par la présence d'œufs ou de cocons en voie de développement. La couleur du corps est uniformément d’un brun foncé. tirant sur le noir. La région antérieure, jusqu aux ocelles, est d’une nuance plus claire. 164 CHARLES GIRARD. L'estomac dendritique ne s'aperçoit pas à travers la ma- tière colorante, très dense, des intéguments. En marche l'animal mesure environ 18 millimètres : au repos il se contracte pour un peu plus de la moitié de sa longueur, ce qui lui donne une apparence elliptique ou ovoï- dale (fig. 25). | Cette espèce a été découverte par Leidy en novembre 1857, dans un pelit ruisseau ayant sa source dans le parc de Fairmount, à Philadelphie. Genre PROCOTYLA, Leidy. Syx. — Procotyla, Leidy, The Museum Philad., 1, 1885, p. 50. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 23. — Dies. Sitzber. Acad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 517. La forme générale est allongée ou élancée, avec les côtés parallèles ou légèrement ondulés. La tête est tronquée ou subtronquée, avec des appendices auriculaires latéraux plus ou moins développés. Un suçoir à son bord antérieur. Ocelles variables en nombre. 1. Procotyla fluviatilis, Leidy. PI. IV, fig. 26-41. Sy. — Procotyla fluviatilis, Leidy, The Museum Philad., 1, 1885, p. 50. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 23. — Dies. Sitzber. Acad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 517. Celte espèce atteint à peu près la même taille que la Du- gésie maculée ci-après. Un seul individu, sur une centaine observés, s’est montré d’une taille double de l’ordinaire. Son corps est allongé, fusiforme, un peu ondulé sur ses flancs et modérément convexe en dessus. La région postérieure est obtusément angulaire. La tête, distincte du corps par une légère constriction, est plutôt tronquée qu'ondulée sur son bord antérieur (fig. 36-40). Ses appendices angulaires laté- raux sont proéminents et plus ou moins arrondis. Son bord antérieur est muni d’un sucçoir médian, en forme de calice ou de cupule protractile et rétractile (fig. 34 «& et à). {Les RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 165 ocelles, de forme et de grandeur variables, consistent or- dinairement en une paire située sur le milieu de la tête (fig. 27-30); mais leur nombre est sujet à de fréquentes variations (fig. 31-33). On en observe parfois de une à quatre paires, disposées sur deux rangées longitudinales. D’autres fois, leur nombre varie sur les deux côtés de la tête. Un in- dividu s’est présenté n'ayant qu'un ocelle du côté droit, et trois sur le côté gauche, et ice versa, un autre avec deux ocelles d’un côté, et cinq de l’autre. Chaque ocelle, quelles que soient sa forme et sa grandeur, se compose d'une cupule noire, renfermant un corps vitré transparent, communi- quant directement par sa région postérieure, avec un filet nerveux. Un même filet nerveux peut se dichotomiser, et porter un ocelle à l'extrémité de chaque branche (fig. 35). L'intestin est irrégulièrement ramifié, de couleur brune, ou d’un brun rougeâtre. Chez quelques individus, les bran- ches postérieures étaient plus ou moins anastomosées (fig. 41). La plus grande longueur des individus observés mesurait 12 millimètres et leur plus grande largeur, 3 millimètres. Immergé dans l'alcool très étendu, l'animal projette son disque-suçoir au dehors, sous forme de cloche (fig. 34). Dans ses mouvements, 1l fait usage de son sucçoir frontal pour adhérer aux surfaces des corps sur lesquels il progresse à l'instar des sangsues et des Bdelloures, qui emploient à cet usage leur disque caudal. La coloration est d’un blanc laiteux, quoique réflétant, entre temps, la couleur brunâtre de l'estomac dendritique (fig. 26). L'espèce se trouve en abondance dans les rivières Schuvikill et Delaware, principalement dans les fossés des prairies en communicalion avec ces rivières, en aval de Philadelphie. Elle est souvent adhérente aux tiges des plantes submergées, et fréquemment dans les gaines folia- cées des joncs. On la retrouve également dans les étangs limpides et les rivières d’autres régions de la Pensylvanie, du New-Jersey el de Rhode-Island, près de Newport. 166 CHARLES GIRARD. 2. Procotyla Leidyi, Grd. Syx. — Dendrocælum superbum, Leidy (non Girard), Proc. Acad. nat. se. Philad., V, 1851, p. 225. | Le corps est mince, plano-convexe, d’un blanc translu- cide, avec les côtés linéaires, presque parallèles. Il est anté- rieurement tronqué, les angles latéraux faisant légèrement saillie, obtusément angulaire à la région postérieure. La cavité cotyloïde de la tête est proéminente et s'ouvre au bord antérieur, présentant à l’état d’éversion, la forme d’un disque circulaire, supporté sur une grande contraction columnaire de la tête. Les ocelles, au nombre de deux, sont globulaires, composés comme dans l'espèce précédente, d’un corps vitré transparent, entourés, dans la moitié pos- térieure et interne, d’une choroïde noire, cupuliforme. L'æsophage est long, en forme de tonnelet; l'intestin est fine- ment et délicatement ramifié, de couleur brune, ou d’un brun noirâtre, que lui communiquent les aliments. La taille ordinaire est de 12 millimètres de long, sur une largeur de 1 millimètre et demi. Quelques individus atteignent 18 millimètres et au delà. Les plus grands ont la faculté de se rétracter à 6 millimètres sur 2 millimètres de largeur; ils sagnent peu en largeur, comparativement à ce qu'ils perdent en longueur. Lorsqu'on les irrite ou qu’on les saisit, 1ls sor- tent vivement leur acétabulum, au moyen duquel ils adhèrent sur les corps environnants, avec la ténacité d’une sangsue. On trouve cette espèce dans les fossés d'écoulement des rivières Schuylkill et Delaware, en aval de Philadelphie, rampant sur les plantes aquatiques. Genre PHAGOCATA, Leidy. Syx. — Phagocata, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., III, 1847, p. 248. — The Museum Philad., 1, 1885, p. 51. — Dies. Syst. Helm., I, 1850, p. 207. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 23. — Dies. Sitzber. Acad. wiss. Wien, XLIV, 1862, 506. Le corps est oblong, déprimé, convexe, à surface unie ou RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 167 lisse, contractile, muqueux, muni antérieurement de deux auricules membraneuses, une de chaque côté. Deux orifices à la face ventrale, l'un servant de bouche, l’autre de sortie aux produits des organes générateurs. Les ocelles sont au nombre de deux, ou plus nombreux, si PA. coronata doit rester dans ce genre, ce que l'avenir nous apprendra avec plus de certitude. Quoi qu'il advienne, Ph. gracilis en restera le lype. Il faut lui adjoindre, en toute évidence, l’espèce suivante : PHAGOCATA ARETHUSA, Grd. — Planaria arethusa, Dalyell, Observ. on Plan. 1814. p. 85, fig. 11-14. « Bien que la trompe soit naturellement unique, nous dit « Dalvyell, j'en ai vu une fois trois chez une Planaire mons- « trueuse d’une espèce différente de celle dont il s’agit ici, « lesquelles fonctionnaient activement toutes à La fois. » Il est plus que probable que cette planaire dite monstrueuse n'ait dû cette épithète que grâce à la présence de ses trois trompes et appartient en réalité à l'espèce arethusa, dont l'étude mériterait à tous égards d'être reprise comparative- ment avec l’espèce suivante. 1. Phagocata gracilis, Leidy. PI. V, fig. 42-47. Syn. — Planaria gracilis, Hald. Suppl. Monogr. Limniad. 1840 (p. 3 de la couverture). — Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist., III, 1850, p. 264. Phagocata gracilis, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philud., VIT, 1847, p. 248. — Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist., IIT, 1850, p. 363. — Dies. Syst. Helm., I, 1850, p. 207. — Grd. in Nordamer. Monatsb., If, 1851, p. 1. — Stimps. Proc. Acad. nat. Soc. Philad., IX, 1857, p. 23. — Leidy, The Mus. Philad., I, 1885, p. 51. En appelant sur cetle espèce l'attention de la Société d'his- toire naturelle de Boston dans sa séance du 30 mars 1850, nous fimes remarquer qu'elle constituerait ultérieurement le type d’un genre particulier, ignorant à ce moment-là, que Leidy l'avait déjà créé, dans une communication à l'A cadémie des sciences naturelles de Philadephie, en 1847. C'est par con- séquent avec une réelle satisfaction que nous avons adopté 168 CHARLES GIRARD. l'appellation générique proposée par le savant naturaliste américain, et que Diesing a consacrée de sa haute autorité. Sa forme générale est oblongue, limaciforme, convexe en dessus, plane en dessous, très contractile. Les côtés sont ordinairement parallèles et droits; ils deviennent convexes dans l’état de rétractation de l'animal. L’extrémité antérieure est munie, de chaque côté, d’un appendice auriculaire, de forme triangulaire et droite sur son bord frontal, lequel de- vient concave ou convexe alternativement, sous l’empire des contractions du corps et de la région céphalique quand l'animal se meut. L’extrémité postérieure se iermine assez abruptement en pointe. Il existe une paire d’ocelles, com- posés d’une masse oblongue, semi-transparente, avec un point pigmentaire d'un noir intense à sa partie postérieure interne. On observe deux ouvertures à la face ventrale ; l’une, l’orifice buccal, très dilatable, est centrale et mesure un peu moins que le tiers de la longueur du corps; l’autre, l’orifice génital, est située à distance égale de la bouche et de l’ex- trémité postérieure du corps. Comme tous les planariés, cet animal estandrogyne. Le pénisest un organe bulbiforme, situé entre l'ouverture buccale et l’orifice génital, avec son extré- mité dirigée vers cette dernière ouverture. Son extrémité est droite ou tordue; le bulbe est pareillement changeant, quelquefois allongé, d’autres fois aplali, ou augmenté en : largeur, au détriment de la longueur. Il est perforé avec une cavité dilatée à sa jonction avec le bulbe. Un testi- cule, quelque peu lobé, communique, par une portion ré- trécie, avec la base du pénis. L’organe femelle consiste en deux tubes sigmoïdes, ou oviductes, s'étendant de l’orifice génital un peu en avant de chaque côté du pénis. Le corps entier de l'animal esi composé d’une substance finement granulaire. Le seul indice de ce qui se rapproche- rait de la fibre musculaire serait la disposition en stries longitudinales de l’intégument, rendues plus distinctes par Le pigment noir, ainsi que l'aspect rayonné du pourtour de l'ou- verlure buccale. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 169 Les recherches de Leidy, non plus que les nôtres, n’ont pu tracer de distinction entre le système nerveux et la subs- tance générale du corps, dont la sensibilité est néanmoins très manifeste, soit par de simples attouchements, soit par de légères piqûres. Lorsque l'animal est irrité, ou simplement inquiété, 1l rejette une quantité considérable de mucus très lenace. L'animal a la facullé, à l'instar d’autres planariés, de reproduire les parties perdues par accident ou autrement. Coupé transversalement en deux parties égales, chacune d'elles redevient un être complet ; mais si l’on pousse plus loin la division, en trois ou quatre portions par exemple, dans la majorité des cas, les tronçons intermédiaires péris- sent, et quelquefois, les extrémités elles-mêmes ne survi- vent pas à l'opération. Les mœurs de cet animal sont, selon toute vraisemblance, zoophages, car il s’altaque de préférence aux substances animales mortes ou vivantes. La figure 45 nous montre deux individus en train de se repaître sur un tronçon de lombric. — 11 rampe sur les corps solides, ou renversé con- tre la surface de l’eau à la facon des Limnées. La couleur est uniformément noire ou d’un gris de fer très foncé. Chez quelques jeunes mdividus la teinte générale est couleur de brique. La production des œufs de même que la ponte sont en- core inconnues. Ces acles sont masqués, semble-t-il, par un phénomène de bourgeonnement, demeuré longtemps incompris, analogue à celui qui a lieu chez certains anné- lides et particulièrement au cas observé à l’isthme de Suez par M. Léon Vaillant ({) et qui a porté la lumière sur celui qui nous occupe ici. On ne lira peut-être pas sans intérêt les premières obser- vations faites à ce sujet et les réflexions qu'elles avaient suggérées : (4) Ann. se. nat., 5° sér., IT, 4875, p. 243. 170 CHARLES GIRARD. « Celte espèce, dit Leidy, est non seulement la plus remarquable de la famille, mais encore l'animal le plus singulier qui m'ait été donné d'observer. Aussi loin que s'étendent mes connaissances en zoologie, je crois, à celte seule exception près, qu'il n'existe aucun autre individu, ou animal simple connu, possédant plus d’un œsophage, passage ou communication avec l’estomac. Ainsi que le montrent les figures 43, 44-46, grossies, l'animal présente de nombreuses trompes, de même forme que la trompe conique des autres espèces; mais on en compte de trois à une couple de douzaines, selon l’âge et la taille de l’ani- mal. L'une de ces trompes est insérée à l’origine de la branche antérieure de l'estomac, comme c’est ordinaire- ment le cas chez d’autres planariés, tandis que les autres sont insérées le long de la moitié antérieure, au côté in- terne des branches postéro-latérales de l'estomac. Vues au microscope, dans la cavité buccale, à l’intérieur de l’ani- mal, sous une légère compression (fig. 43 et 44), les trom- pes sont très serrées et le mouvement dont elles sont douées les fait se déplacer réciproquement l’une l’autre. Lorsque l'animal veut prendre de la nourriture, 1l se contracte et fait sortir de la bouche, qui se dilate à cet effet, les trom- pes qui frétillent dans toutes les directions (fig. 46). Cha- cune séparément et toutes ensemble, ingurgitent de la nourriture, consistant en substances animales et végétales en décomposition. On peut voir l'animal se porter avec avidité sur des ironcons écrasés de vers de terre. Les nom- breuses trompes, dans leurs positions et leurs mouvements, remettent en mémoire les jeunes clepsines, attachées à leur parent, et se meuvent d’une facon analogue. Phagocaia gracilis, sous ce rapport, ressemble à un cœlentéré com- posé, ses trompes équivalent à autant de polypes commu- niquant entre eux par un canal alimentaire commun. Lors- que les trompes sont détachées du corps (fig. 47), elles se meuvent avec agilité comme autant d'êtres indépendants : elles s’allongent el se raccourcissent, avancent et reculent, RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 171 se tortillent en lous sens, à la facon d’un ver de terre sec- tionné, déployent leur bouche et avalent de la nourriture, qu'elles font passer au travers de leur tube, par une succes- sion de contractions ondulatoires, pour la rejeter par l'extré- mité opposée. « J'ai supposé que, sauf la trompe antérieure, les autres trompes étaient une progéniture de jeunes individus; mais de nouvelles observations sont nécessaires pour établir le fait. » (The Museum, Philadelphia, vol. 1, 1885, p. 51-52.) Un fait à noter dans la citation ci-dessus, c’est le nom- bre variable de ces soi-disant trompes, selon l'âge et la taille des individus qui les portent. Si ces trompes, ainsi dénommées, ne sont, comme nous le croyons maintenant, autre chose que des larves à l’état de bourgeons, il n'est pas surprenant que leur nombre ne soit pas toujours le même. Là où elles sont peu nombreuses, on peut admettre qu'une .certaine quantité d’entre elles se soient déjà déta- chées de la souche pour mener une vie indépendante; et, lorsque le cas se présente chez des individus, jeunes encore, et de plus petite taille, la progéniture doit naturellement être moins nombreuse. En 1847, époque à laquelle remontent les premières ob- servalions de Leidy, celui-ci eut pour un instant la pensée qu'il était en présence d’un phénomène particulier de reproduction; mais, il en revint immédiatement à l’idée qu'il avait affaire à des trompes alimentaires et entra dans quelques détails à cet égard. Il vit néanmoins qu’elles n'étaient pas toutes de même grandeur (fig. 46); les plus grandes, disait-il, atteignaient pleinement le liers de la longueur du corps. Les plus petites, ajoutait-il, se sont for- mées les dernières, mais arrivent bien vite à leur taille complète. En étudiant la même espèce, en 1850, sur des individus des environs de Cambridge (Mass.), nous avons observé les mêmes phénomènes, tout en leur donnant une interpréla- tion différente, devant la Société d'histoire naturelle de Bos- 172 CHARLES GIRARD. ton (1). Sans faire allusion à l'opinion de notre savant ami de Philadelphie, nous signalâmes simplement le fait comme un cas de viviparité, réservant tacilement sa discussion à une époque ultérieure, lorsque des recherches plus étendues nous mettraient à même de le faire avec fruit. Cette circon- stance ne s’est malheureusement pas produite. | Le fait, quelque étrange qu'il parût, n’eut pas le don d'at- tirer l’altention des naturalistes, et c’est ainsi que nous voyons Leidy, en 1885, rééditer l’opinion qu'il avait émise en 1847, mais concluant, en fin de comple, à la plausibilité d'un phénomène de reproduction. La question de bourgeonnement posée et admise, de nou- velles observations s'imposent en vue de compléter l’his- toire de ces bourgeons, que nous ne connaissons en réalité que d’une façon très incomplète, sous forme de tubes ouverts à leurs deux extrémités. Il n’exisie encore ni tête, ni queue définies. L’exirémité antérieure, tronquée, pré- sente une ouverture circulaire ou subcirculaire, pour l’in- iroduction des substances alimentaires qui trouvent une issue à l'extrémité postérieure, largement ouverte. IL y à loin, par conséquent, de cet état à celui de l'animal parfait, et ce sera une étude bien curieuse de suivre, étape par étape, la formation de la tête avec ses ocelles, la transfor- mation du canal alimentaire simple, en la forme dendriti- que de l’estomac, et le transfert de la bouche de l’extré- mité antérieure vers le milieu de la face inférieure. Pareille étude sera facilitée par l’abondance des matériaux que l'ob- servateur aura constamment à sa disposilion, car l'espèce est assez commune pour fournir en tous temps et en toutes sai- sons de quoi peupler un aquarium (2). On la rencontre dans la plupart des sources, ruisseaux, (1) Proceedings Bost. Soc. nat. hist., II, 1850, p. 363. (2) Ce travail était à l'impression lorsque parut celui de Woodworth « Sur la structure de Phagocatu gracilis » (Bull. Mus. Comp. Zool., XXI, 1891, p. 1, pl. I-IV). L'auteur conclut à une multiplicité de trompes et ne fait aucune allusion à la question du bourgeonnement qui demeure entière, telle que nous l'avons posée. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 173 fossés et étangs limpides des États-Unis du Nord-Est et du Centre. Sa limite géographique à l'Ouest n’est pas dé- terminée (1). 2. Phagocata coronata, Grd. PI. V, fig. 48-50. Syn. — Phagocata coronata, Grd. Le Naturaliste, 1891, p. 80. La forme générale du corps est allongée, lancéolée, avec la région céphalique tronquée, faiblement bilobée ou ondu- lée sur son bord antérieur, tandis que la région postérieure se termine en angle aigu. Les auricules latérales de la tête sont modérément développées. Les ocelles sont très nom- breux, disposés sur le pourtour de la tête en guise de cou- ronne et en groupes compacts, presque continus, au nom- bre d'une centaine environ, chez les adultes (fig. 49); tandis qu’un jeune individu, mesurant 4 millimètres en longueur sur 0**,750 de largeur, n’en présentait encore que seize, disposés sur un rang et en arc de cercle près du bord anté- rieur de la tête (fig. 50). L'œsophage est allongé et central ; l'estomac présente une structure dendritique analogue à celle de l'espèce précédente. La longueur du plus grand individu observé mesurait 8 millimètres sur 2 millimètres de largeur. Comme coloration, une teinte fuligineuse uniforme s’é- tend au corps tout entier, plus foncée le long de la région médiane du dos que sur les bords. Cette espèce a été découverte par Leidy le 3 août 1877, dans une source voisine du Fort Bridger (Wyoming). « De nombreux individus, dit-il, rampaient sur des plantes aqua- tiques. Plusieurs d’entre eux avaient la partie postérieure du corps, à partir de la bouche, manquante, l’œsophage, qui faisait saillie, se détacha subséquemment. » (1) Hallez considère cette espèce comme une forme tératologique ainsi que Polycelis nigra et P. polychroa, chez lesquels la présence d’un double pharynx (?) a été constatée. À ce compte il en serait de même de Planoria arethusa (Phagocata arethusa) où un phénomène semblable se rencontre parfois. 174 CHARLES GIRARD. Il eût été intéressant de suivre pendant quelque temps ces tronçons et voir s’il ne s'agissait pas d’un phénomène de multiplication par divisions spontanées, comme cela a lieu pour certaines espèces de Planaires si bien observées par Dalyell, dès le commencement du siècle. Leidy qui visitait, en touriste, la contrée à cette époque-là, beaucoup moins peuplée que de nos jours, n’eut pas l’occasion de poursuivre ses observations. Genre POLYCELIS, Ehrenbersg. SyYN. — Polycelis, Ehr. Symb. Phys. Evert., 1830. — Stlimps. Proc. Acad. nat. se. Philad., IX, 1857, p. 24. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 508. — Vaill. Hist. Ann. III, 1889, p. 651. « Ocellorum plurimorum serie frontali, » a dit Ehrenberg, qui désignait catégoriquement comme types, les P/anaria nigra et Pl. brunea de Müller et dont les ocelles, assez nombreux, sont disposés sur une série frontale simple et marginale. Stimpson ajoute au caractère tiré des ocelles, la bouche subcentrale postérieurement, l’œsophage cylindrique irès protractile et l'ouverture génitale située en arrière. Ce serait nous écarter trop du cadre de notre travail que d'entreprendre la revision complète de toutes Les espèces, soi-disant de Planaires, pour désigner celles qui parlici- pent aux caractères énoncés ci-dessus. Mais il nous incom- baït d’en dire quelques mots afin de justifier le retrait d’une espèce marine que nous avions primitivement placée dans le genre Polycelis. Les espèces suivantes, — enlre autres, — appartiennent à ce genre : 4° PozycELis NIGRA, Ehr. Symb. Phys. Evert., 1831. — Vejd. in Rev. biol. du nord de la France, 1890, p. 130. — Planaria nigra, Müll. Zool. dan., HI, 1788, p. 48, pl. CV, fig. 3 et 4. — Dalvell, Observ. on plan., 1814, p. 23, fig. 3, 4, d et 15. — Johnst. Philos. Trans., 1825, p. 254, pl. XVI, fig. 9-11. — Dug. Ann. sc. nat., XV, 1898, p. 143, pl. IV, fig. 10 et 15, et pl.M, fig. 14-10. — 6. Schm. Zeits. wiss. Zool., X, 1860, p. 26. 29 PouycELis BRUNEA, Ehr. Symb. Phys. Evert., 1831. — Fasciola brunea, RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 179 Müll. Verm. terr. et fluv. hist., 1773, p. 54. — Planaria brunea, Müll. Zool. dan. prodr., 1776, p. 221. — O. Fabr. Naturh. selsk. skrivt., IV, 1798, p. 64, pl. XI, fig. 43-45. — Johnst. Philos. Trans., 1822, p. 438, pl. XLIX, fig. 3, 12. — Baer, Nov. act. nat. Cuv., XII, 1827, p. 706, pl. XXXI, fig. 7. — OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 54. — Planaria fusca, Dug. Ann. sc. nat., XV, 1828, p. 143. 3° PoLYCcELIS POLYCHROA, Grd.— Planaria polychroa, O. Schmidt, Zeüts. wiss. Zool., XI, 1861, p. 3, pl. X, fig. 3, 5 et6.— Dies. Sitzber. Acad. wiss. Wien., XLIV, 1862, p. 497. — Hallez, Mém. Soc. Sc. Lille 4° sér. XVI, 1887, p. 20 et suiv. ; et Trav. et Mém. Faculté de Lille, II, 1892, p. 26. — Vaill. Hist. Ann. III, 1889, p. 651. Hallez considère cette espèce comme identique avec la précédente. 4° Po yceLis FELINA, Grd. — Planaria felina, Dalyell, Observ. on Plan., 1814, p. 42, fig. 8. — Johnst. Philos. Trans., 1825, p. 248, pl. XVI, fig. 3. 5° PoLYCELIS PANNICULATA, Grd. — Planaria panniculati1, Dalyell, Observ. on Plan., 1814, p. 37, fig. 6 et 7. - 6° PoLyCELIS CORNUTA, Grd. — Planaria cornuta, Johnst. Philos. Trans., 1822; p. 431, pl. XLIX, fig. 1, 7, 9, 10, 13, 16; et 1825, p. 248, pl. XVI, fig. 4, 2, 4-8. Johnston la dit très voisine, sinon identique avec Planariu felina de Dalyell. 7° POoLycELIS vicaNENsis, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 24. — Vejd., in Rev. biol. du nord de la France, 1890, p. 130. — Polycelis nigra b viganensis, Dies. Syst. Helm., I, 1850, p. 192. — Planaria viganensis, Dug. Ann. sc. nat., XXI, 1830, p. 84, pL. II, fig. 23-25. — Dumoul. Act. Soc. Linn. Bord. IV, 1830, p. 129. — Vaill. Hist. Ann. III, 1889, p. 651, pl. XXVIIE, figs. 11 et 11’. 8° PozxcELIs cATULUS, Grd. — Polycelis cornutus, O. Schm. Zeits. wiss. Zool., X, 1860, p. 25, pl. IL, fig. 1-3. Schmidt cite, avec un point de doute, Planaria viganensis de Dugès comme synonyme. De Quatrefages, en 1846, avait cru devoir modifier la diagnose d'Ehrenberg comme suit : Ocellis plurimus varie dispositi, afin d'introduire dans le genre cinq espèces ma- rines : Polycelis pallidus, P. modestus, P. laevigatus, P. fal- lar et P. higrinus. | eût été mieux inspiré de faire de celles-ci un genre à part, ce qui eût évité la confusion qui s’est pro- duite par la suite. Car, nous-même, entraîné par cet exem- ple, avions décrit, en 1850, une espèce marine sous le nom de Polycelis variabilis, que nous retirons aujourd’hui de ce genre. 176 CHARLES GIRARD. Diesing, en maintenant en 1830, aux premiers rangs dans le genre Polycels, les Planaria nigra et PL. brunea et en leur adjoignant Planaria viganensis, avait agi correctement ; mais il commettait une erreur d'y ajouter les sept espèces terrestres décrites par Darwin sous les noms de Planaria vaginuloides, pulla, elegans, nigrofusca, pallida, bilinearis et tasmanica. Ges espèces terrestres, pas plus que les espèces marines, ne pouvaient rester dans le genre Polycelis. Aussi Diesing avait eu l’heureuse inspiration d'en retirer les es- pèces de De Quatrefages, mais en les introduisant dans le genre Leptoplana, il à rendu ce dernier plus complexe, sur- tout en y ajoutant les espèces de Prosthiostomum, genre utile à conserver. M. Schultz, en 1857, avait fait un commencement d’épu- ration du genre Polycehs, en en séparant les espèces terres- tres pour en faire un genre à part du nom de Geoplana. Schmarda, en 1859, en reprenant le genre Polycelis avec son cortège d'espèces terrestres, d’eau douce et marines, se trouve dans la nécessité d’en élargir encore le cadre afin d’y faire entrer les espèces nouvelles qu'il avait à décrire. Néanmoins, il a conscience que ce groupement n’était point naturel et qu'il serait préférable de restreindre le genre Polycelis aux espèces chez lesquelles les ocelles sont dispo- sés sur un seul rang marginal. Il reconnaît en même lemps qu'entre le genre Polycelis, restreint aux espèces marines, et le genre Leptoplana, il n'existait qu'une légère différence ; les diagnoses qu'il en donne ne font que trop ressortir la nécessité de reprendre l'étude comparative de leurs espèces. Car le genre Leptoplana lui-même n’a plus de limites précises depuis que les espèces, placées jadis dans le genre Polycelis, y ont été introduites, sans compter de nom- breuses espèces nouvelles. Nous y plaçons provisoirement notre Polycelis variahilis, faute de mieux pour l'instant. En 1862, Diesing en énumère soixante-dix espèces, diversement groupées, d’après des caractères secondaires, mais il n’est pas allé jusqu’à établir des sous-genres. Son genre Centros- "A RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 177 tomus en est un démembrement heureux, avec Leptoplana lichenoides pour type. Le Lo Prosthiostomum, qui n'était dans l'esprit de son auteur qu'un démembrement du genre Polycehs, devait né- cessairement en partager les imperfections signalées ci- dessus. Leurs différences génériques consistaient dans la posilion de la bouche, médiane chez l’un, subterminale chez l’autre, avec l’orifice génital médian chez celui-ci, et postérieur chez celui-là. À tous deux s’appliquait la dispo- sition variable d'ocelles nombreux. Ici encore nous com- mimes une erreur en décrivant, sous le nom de Prosthios- tomum gracile, une pelite espèce américaine que nous retirons aujourd hui de ce genre. Plus tard lorsque Stimpson eut à en décrire neuf espèces nouvelles, des mers de la Chine et du Japon, il trouva dans *la disposition des ocelles un caractère générique nouveau, que l’on constate sur les P. arctum et P, elongatum, les types authentiques de ce genre. Stimpson a été moins bien avisé en plaçant notre P. gracile dans le genre Ælasmodes qui est à reviser. Ce dernier nous paraît également devoir être con- servé pour celles des espèces chez lesquelles les ocelles sont en pelit nombre. Genre PLANARIA, Müller. SYN. — Planaria, Müll. Zool. dan. Prodr., 1776, p. 221. — OErst. Entw syst. Plattew., 1844, p. 52. — Vaill. Hist. Ann. II, 1889, p. 650. Anocelis, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 24. — Vaill. Hist. Ann. II, 1889, p. 650. Le corps est déprimé, en forme d’ovale allongé, subtron- qué antérieurement, plus oumoins atténué postérieurement: La tête est continue avec le corps et dépourvue d’ocelles, sans auricules ni appendices d'aucune sorte. Les limites du genre Planaria n’ont jamais été définies ; de là les nombreuses espèces disparates qui ont été décri- les sous ce nom pendant plus d’un siècle. Müller qui le pro- posa en 1776, sans le caractériser autrement, y fit entrer ANN. SC. NAT. ZOOL. XV, 12 178 CHARLES GIRARD. dès cette époque toutes les Planaires connues, terrestres, marines et d'eau douce; y rapportant celles décrites par lui antérieurement sous le nom de Fasciola dans son Histoire des Vers terrestres et flunatiles. Dans son Prodrome, Müller éprouve néanmoins le besoin de grouper les Planaires, déjà nom- breuses, suivant l'absence, la présence et le nombre des ocelles. Le premier groupe comprend les espèces dépour- vues d'ocelles et, d'après les règles de la nomenclature auxquelles s’est rallié le Congrès international de Zoologe, c'est à ce groupe qu'il faut conserver le nom de P/anaria proprement dit. Il comprend : 49 PLANARIA STAGNALIS, Müll. Zoo!. dan. Prodr., 1776, p. 221. — Fasciola stagnalis, Müll. Verm. terr. et flun. hist., 1713, p. 54. — Anocelis stagnalis, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 24. « De forme ovale, allongée, de couleur brune, antérieurement pâle », vivant dans les marais palustres du nord de l’Europe. 20 PLanariA cæÆca, Dug. Ann. sc. nat., XXI, 1830, p. 83, pl. IL, fig. 20. — Anocelis cæca, Sümps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 24. — Vejd. in Rev. biol. du nord de la France, 1890, p. 130. « De forme aplatie, allongée, tronquée et même échancrée en avant, obtuse en arrière, de couleur blanchâtre », habitant les ruisseaux de peu de profondeur, au midi de l’Europe. C'est l'espèce que Stimpson a prise pour type du genre Anocelis. Cette première erreur lui en fil commettre une seconde en prenant pour type du genre Planaria, des es- pèces du deuxième groupe de Müller, auquel ce dernier accorde deux ocelles et dont nous avons fait le genre Duge- sia, que par suite, Stimpson n'a pas admis. Son genre P/a- naria, outre nos Dugésies, comprend encore trois espèces originaires de la Chine et du-Japon, que nous ne connais- sons pas suffisamment pour décider, dès à présent, si leur place est vérilablement dans le genre Dugesia ou si elles doivent constituer un genre à part. Les observations ci-dessus nous ont paru nécessaires pour justifier le genre Druigesia el révoquer le genre Anocelis. Une Planaire aveugle, Planaria cavatica, Fries, Zool. Anz., 1879, p. 151, habite les grottes de Falkenstein, retrouvée pareillement dans un puits à Munden (Hanovre) ainsi que dans les eaux souterraines de Lille. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 179 De l'Amérique du Nord nous mentionnerons les deux espèces suivantes : 1. Planaria fuliginosa, Leidy. Syx. — Planaria (Typhlolepta) fuliginosa, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 225. Anocelis fuliginosa, Stimps. Proc. Acad. nat. se. Philad., IX, 1857, p. 24. Le corps est ovale, dilaté et déprimé, modérément con- vexe en dessus, plat en dessous, d’une teinte uniformément fuligineuse. Il n'existe pas d’ocelles proprement dits; sur leur emplacement habituel, on observe une accumulation un peu plus dense de pigments noirs. La bouche, située à la face inférieure, est subcentrale en arrière; la trompe est simple, cylindrique, incolore, d'une longueur de 2 milli- mètres sur 1 demi-millimèire de largeur. Quant à l'animal lui-même, il mesure 8 millimètres en longueur sur 6 milli- mètres de largeur. Cette espèce a été recueillie par Leidy dans la crique Rancocas, très petit ruisseau déversant ses eaux dans la rivière Delaware à une douzaine de milles environ en amont de Philadelphie, près de Pemberton (État de New-Jersey). 2. Planaria tigrina, Grd. SYN. — Planaria tigrina, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist., IIT, 1850, p. 264, et Nordam. Monatsb., II, 1851, p. 2. Son corps est de forme lancéolée, allongée, se terminant en pointe postérieurement. L'unique individu que nous ayons eu l'occasion d'examiner avait été mutilé à la région antérieure, de sorte que nous ne connaissons pas le contour exact de la tête. Il mesurait encore 13 millimètres de lon- gueur sur 3 millimètres de largeur. Le fond de la couleur est brun foncé avec de grandes taches incolores sur toute l'étendue du corps, ponctué de taches noires plus petites et plus nombreuses dans le réseau circonscrivant les premières. L'espèce vit dans les eaux douces de peu de profondeur de l'Etat du New-Jersey. 180 | CHARLES GIRARD. Genre DUGESIA, Girard. Syn. — Dugesia, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist., III, 1850, p. 265; et Nor- damer. Monatsb., II, 1851, p. 2. Le corps est étroit et allongé, se terminant en pointe postérieurement. La tête, munie d’appendices auriculaires latéraux, est quelque peu distincte du corps et de forme triangulaire. Les ocelles, au nombre d’une paire, sont situés dans un espace transparent. Les espèces habitent les eaux limpides el courantes. Dédié à Antoine Dugès. Ce genre comprend les espèces européennes suivantes : 1° Ducesra conocepnaLa, Grd, Proc. Bost. Soc. nat. hist., III, 14850, p. 265. — Planaria gonocephala, Dug. Ann. sc. nat., XXI, 1830, p. 83, pl. I, fig. 22. — 0. Schm. Zeits. wiss: Zool., X, 1860, p. 26. 20 Ducesra Torva, Grd. — Fasciola torva, Müll. Verm. terr. et fluv. hist., 4773, p. 62. — Fasciola fusca, Pall. Spic. Zool., 1774, p. 21, pl. I, fig. 13. — Planaria torva, Mull. Zool. dan. Prodr., 1776, p. 222; et Zool. dan., III, 1788, p. 48, pl. CIX, fig. 5 et 6. — Johnst. Philos. Trans., 1822, p. 437, pl. XLIX, fig. 2, 6, 8, 14. — Baer, Nov. act. nat. Cuv., XIII, 1827, p. 705, pl. XXXIII, fig. 4-6 et 12-16. — O. Schm. Zeits. wiss. Zool., X, 1860, p. 26 et XI, 1861, p. 92, pl. X, fig. 2 et 4. — Vaill. Hist. Ann. III, 1889, p. 650, pl. XX VII, fig. 10 et 10". — Planaria subtentaculata, Drap. — Dug. Ann. sc. nat., XV, 1828, p. 4%, pl. IV, fig. 13, 16, 18, 19, 22-24, et pl. V, fig. 14. — Desmoul. Act. Soc. Linn. Bord., IV, 1830, p. 132. 3° Ducesia sAGITTA, Grd, — Planaria sagitta, O. Schm. Zeits. wiss. Zool., XL, 1861, p.13, pl. IL, fie. 6, 7 et 6, Commune aux environs de Corfou et de Céphalonié. 4° Ducesia Lucupris, Grd. — Planaria lugubris, O0. Schm. (non Sillim.), Leits. wiss. Zool., XI, 1864, p. 91, pl. X, fig. 4. — Planaria torva, O. Schm. (non Müll.), Zeits. wiss. Zool., X, 1860, p. 26, pl. IT, fig..5 et 6.- Environs de Gratz et de Berlin. C’est vraisemblablement ici la place des Planaria vruticiana et PI, albissima de Vejdovsky (Rev. biol. Nord de la France, 1890, p. 130). Les espèces américaines sont : RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 181 1. Dugesia maculata, Grd. PI. VI, fig. 51-58. SyN. — Planaria maculata, Leidy, Proc. Acad. nat, sc. Philad., TT, 1847, p. 251, et vol. V, 1851, p. 225 et 289; — Ann. et Mag. nat. hist. (2 sér.), I, 1848, p. 78. — Dies. Syst. Helm. I, 1850, p. 205. — Leidy, The Museum Philad,, 1, 1885, p. 50. — Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 70. Dugesia maculata, Grd, in Nordam. Monatsb., IT, 1851, p. 3. Le corps est mince, spatuliforme, un peu convexe en dessus, plat en dessous, à bords amincis, presque parallèles, La tête est trapézoïde, les appendices auriculaires assez saillants et érectiles. La région postérieure est subaiguë. Les ocelles sont proéminents et rapprochés; ils ont l’aspect d’une tache noire, cupuliforme, situés à la base de la tête, au bord interne de l’espace ovale, incolore et transparent. L'orifice buccal, infère, s'ouvre au tiers de la longueur du corps, mesuré de l'extrémité postérieure. La trompe, simple, tubuliforme, est grande et cylindrique. La structure de l’estomac ne représente rien de parti- culier en dehors de la disposition dendritique qu'il partage avec celui des autres espèces de ce groupe (fig. 56). Peut- être pourrait-on dire que son aspect est plus méandri- forme et les dichotomisations plus nombreuses. La surface supérieure du corps est brune, parsemée de taches indistinctes d'une teinte plus claire. Un espace oblong et transparent existe à l'arrière des auricules. La surface inférieure est uniformément d’un blanc translucide. La coloration est plus ou moins modifiée par le contenu de l'estomac, ordinairement brune, mais quelquefois verdâtre ou rougeâlre. En mouvement, lorsque le corps de l’animal se trouve à son maximum d'extension, sa forme générale est lancéolée, terminée en pointe postérieurement (fig. 53), tandis que la tête est triangulaire, plus ou moins aiguë. Les auricules sont de même plus ou moins proéminentes, ou obluses et fréquemment érectiles comme la têle entière elle-même. Au repos, le corps de l'animal est plus court et plus large, en forme d’ovale étiré (fig. 51). 182 | CHARLES GIRARD. L'espèce, selon toute probabilité, est nocturne dans ses mœurs, car durant le jour elle se tient immobile à la face inférieure des pierres, souvent rassemblée en nombre très considérable, en compagnie de divers autres animaux, tels que petites Sangsues, Clepsines, Hydres brunes, etc. Dans un vase rempli d’eau, elle glisse le long du fond comme une limace, puis remonte fréquemment les côtés, se renverse et nage le long de la surface de l’eau à la manière des Mollus- ques d’eau douce, tels que les Physes, les Lymnées, etc. Elle est assez commune en Pensylvanie; elle atteint une longueur de 12 millimètres environ (fig. 51); ordinairement et en marche, elle s’allonge en se rétrécissant proportion- nellement ainsi que le montrent les figures 53 et 54. On la trouve en abondance dans tous les fossés d'écoulement des environs de Philadelphie, entre les pétioles externes en décomposition, aussi bien qu'entre les pétioles internes et vivants des feuilles de l’Arum virginicum qui y croît en pro- fusion, de même que dans les fossés en aval de la ville. On peut distinguer les variétés suivantes : Var. a. fig. 55 et 56. — 13 millimètres en longueur : la tête forme un triangle plus caractérisé, finissant antérieu- rement en pointe plus aiguë, avec des auricules plus proé- minentes et la queue plus pointue. Maculée indistinctement de grisâtre, avec l'intestin noirâtre, brunâtre ou verdâtre, fré- quement avec une raie plus claire le long du dos. Habite de préférence la rivière Schuylkill, sous les pierres; ainsi que les ruisseaux et étangs limpides des environs de Newport (R.-L.). Var. 6. fig. 57. — 6 millimètres de longueur, dont la têle, en forme de fer de lance, présente des auricules moins proéminentes, sans espace lransparent à l'arrière, un col plus prononcé, un corps régulièrement ovale et postérieu- rement moins acuminé. Elle est aussi plus distinctement maculée. On la rencontre dans les mares qui communiquent avec la rivière Delaware, en aval de Philadelphie. Var. c. fig. 58. — 10 millimètres de longueur, dont la RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 183 forme générale est plus trapue, la tête plus raccourcie, les auricules peu prononcées avec de pelits espaces transpa- rents à l'arrière, et l'extrémité postérieure assez obtuse. La couleur est uniformément noire. Elle habile les mêmes localités que la variété 4, que l’on trouve fréquemment à ses côlés. 2. Dugesia gonocephaloides, Grd. SyN. — Dugesia gonocephaloïdes, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist, IE, 1850, p. 265, et Nordamer. Monatsb., II, 1851, p. 2. Planaria gonocephaloïdes, Sulim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 70. Très voisine de Ÿ. gonocephala, cette espèce en diffère néanmoins par la forme oblongue de l’espace transparent dans lequel les ocelles, au nombre d'une paire, sont situés. Les notes que nous possédions relativement aux autres caractères différentiels entre l'espèce française et l'espèce américaine se trouvant égarées, une étude comparative nouvelle s'impose sur des matériaux authentiques. La longueur des individus qui ont passé sous nos yeux, mesurait de 8 à 12 millimètres. | La couleur est tantôt jaunâtre, tantôt d’un brun noirâtre, maculée de blanc dans le jeune âge. L'espèce est très commune dans les ruisseaux et les étangs limpides des États du Massachusetts, New-York et du New- Jersey, et vraisemblablement dans d’autres localités non encore explorées sous ce rapport. 3. Dugesia Foremani, Grd. Syn. — Dugesia Foremani, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist., IV, 1852, p. 211. La forme générale de l'animal rampant, est oblongue ou ovale, mesurant un peu plus de 15 millimètres en longueur sur une largeur de 3 à 4 millimètres. Le corps, comme à l'ordinaire, est aplati, légèrement bombé au-dessus. La région antérieure est obtusément triangulaire, beaucoup moins aiguë que chez la Dugésie gonocéphaloïde ; la région postérieure est pareillement moins acuminée. Les espaces 184 | CHARLES GIRARD. transparents, dans lesquels les ocelles sont situés, sont presque circulaires, en quoi l'espèce se rapproche de la Dugésie gonocéphale. La couleur est généralement d’un noir foncé uniforme, tirant au brun ; mais jamais maculée. Même teinte en des- sous, quoique plus claire. L'espèce est abondante dans les ruisseaux de la rive droite du Potomac, aux environs de Washington. | Dédiée à notre ami le D' Édouard Foreman de Baltimore, attaché à l'institution Smithsonienne. 4, Dugesia modesta, Grd. SYN. — Planaria lugubris, Sillim. (non Schmidt), Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 70. Silliman a observé dans le comté de Monrôe (N.-Y.), mais sans la décrire autrement, une planaire qu'il considère comme identique avec Planaria luqubris de Schmidt, des environs de Gratz, qui elle-même appartient au genre Dugesia, dans lequel nous l’avons déjà placée (p. 180). Con- séquemment l'espèce américaine doit y figurer au même titre, et en attendant des renseignements plus précis sur ses caractères spécifiques, nous ferons remarquer que l'espèce avec laquelle elle paraît avoir le plus d’affinité, est D. maculata, var c. en particulier (fig. 58); elle en a l'aspect général sous le rapport de la forme el de la coloration. Genre DENDROCŒLUM, OErsted. Syn. — Dendrocælum, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 51. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 23. — Vaill. Hist. Ann: III, 1889, p. 650. — Hallez, Trav. et Mém. Faculté de Lille, II, 1892. Le corps est oblong, très déprimé, à bords droits, liné- aires. La tête, qui se confond avec le corps, est munie à chacun de ses angles d’une auricule tentaculiforme, don- nant au bord antérieur un aspect concave ou bilobé. Les ocelles sont au nombre de deux. L'une des espèces placées provisoirement dans ce genre en est dépourvue. La bouche RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 185 est située au milieu de la face inférieure. La trompe œso- phagienne est cylindrique el protraclile. Ce genre, créé pour Planaria lactea de Müller, était à l’origine l'unique espèce citée par OErsted sous le nom de : DENDROCŒLUM LACTEUM, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 52. — Planaria lactea, Müll. Zoo!. dan. Prodr,, 1776, p. 222. — Johnst. Philos. Trans., 1822, p.438, pl. XLIX, fig. #, 5, 11, 15, 17. — Hallez, Trav. et Mém. Faculté de Lille, IT, 1892. Nous yajoulâmes Planaria vitta de Dugès, comme suit: DENDROCŒLUM ViTTATUM, Grd, Proc. Bost. Soc. nat. hist., IT, 1850, p. 262. — Planaria vitta, Dug. Ann. sc. nat., XXI, 1830, p. 82, pl. IL, fig. 19. C'est par erreur que Stimpson place Fasciola fusca de Pallas dans le genre Dendrocælum; l'espèce nous paraît, au contraire, identique avec Fasciola torva de Müller, qui elle-même est une Dugésie (p. 180). Plusieurs autres espèces sont rapporlées à ce genre par divers auteurs. 1. Dendrocœlum truncatum, Grd. Syx. — Planaria truncata, Leidy, Proc. Acud. nat. sc. Philad., VI, 1854, p. 225. Cette espèce ne nous est connue que par la brève des- criplion qu'en donne Leidy, et que nous transcrivons ici : La forme générale du corps est sublinéaire, obtusément arrondie postérieurement, tronquée antérieurement, avec les appendices latéraux de la tête légèrement proéminents. Les ocelles, deux en nombre, sont réniformes, un peu plus longs que larges. La trompe æsophagienne est simple, cylin- drique, longue de 1 millimètre. La couleur de l’animal est d’un blanc noirâtre, translu- cide sur ses bords, avec une raie noirâtre, plus foncée, tout le long du dos. Cette espèce vit dans les ruisseaux d’eau courante des environs de Newark (État de Delaware). 186 __ CHARLES GIRARD. 2. Dendrocœlum percæcum, Pack. Syn.— Dendrocælum pereæcum, Pack. Zool. 1879, p. 142; et Nation. Acad. of sc., IV (1886), 1888, p. 28, fig. 6. La forme générale est ovale et allongée, l'extrémité pos- térieure se terminant en angle aigu, tandis que l'extrémité céphalique, dont la largeur diminue antérieurement, est angulaire sur son bord antérieur, que rend un peu con- cave la présence d’une auricule tentaculiforme ou lobaire à chacun de ses angles. La trompe œsophagienne est propor- tionnellement grande, cylindrique, obtuse à son extrémité. La longueur totale de l’animal mesure 5 millimètres ; il est entièrement blanc et dépourvu d’ocelles. Il se meut très activement dans tous les sens. Packard à recueilli cette espèce dans les ruisseaux des cavernes Mammouths et « Diamond cave ». Les deux espèces que nous avions désignées sous les noms de Dendrocælum superbum et D. pulcherrimum, sont devenues pour Stimpson les types des deux genres suivants : Genre Galeocephala, Stimpson. SYN. — Galeocephala, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 23. — Dies. Sitzber. Acad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 520. Le corps est oblong, antérieurement subauriculé; la tête confondue avec le corps, porte deux tentacules distincts des auricules. Les ocelles sont au nombre de deux. La bouche est subcentrale postérieurement. Avec un point de doute, l’auteur de ce genre lui rapporte la Planaire tentaculée de Müller : GALEOCEPHALA? TENTACULATA, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 4857, p. 23. — Planaria tentaculata, Müll. Hist. verm. terr. et fluv., 1773. Galeocephala superba, Stimps. Syn. — Dendrocælum superbum, Grd. (non Leidy), Proc. Bost. Soc. nat. hist., IT, 1850, p. 265; in Nordam. Monatsb., II, 1851, p. 2. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 187 Galeocephala superba, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 23. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 520. L'espèce atteint une longueur de 2 centimètres, son corps est allongé, les flancs linéaires et presque parallèles, avec l'extrémité postérieure arrondie. Les deux tentacules cépha- liques mentionnés par Stimpson avaient échappé à notre observation. Il en existe deux variétés : l’une d'un rouge, ou rose dé- licat; l’autre d’un blanc laiteux. Elles sont communes dans les ruisseaux el les étangs limpides des environs de Boston et de Cambridge (Mass.). | Genre OLIGOCELIS, Stimpson. SyN. — Oligocelis, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 24. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 507. Le corps est oblong, déprimé, antérieurement auriculé. La tête, continue avec le corps, porte six ocelles disposés sur {rois paires parallèles. La bouche est subcentrale pos- térieurement. Oligocelis pulcherrima, Stimps. SYN. — Dendrocælum pulcherrimum, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist, III, 1850, p. 265; in Nordam. Monatsb., I, 1851, p. 2. Oligocelis pulcherrima, Stimps. Proc. Acad. nat. se. Philad., IX, 1857, p.24. — Dies. Sizber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 507. La forme générale est allongée. La tête est subtronquée, avec deux appendices auriculaires assez développés; les ocelles sont presque marginaux. Les flancs sont parallèles et la région postérieure acuminée ou terminée en pointe. C’est la plus grande planaire d’eau douce de l'Amérique du Nord que nous ayons rencontrée jusqu'ici; sa plus grande lon- gueur est d'environ 2 ef demi à 3 centimètres. Sa couleur. d'un jaune blanchâtre, devient noirâtre lorsque le tube ali- mentaire est rempli d'aliments. Elle vit dans les ruisseaux et les étangs limpides de l’État du New-Jersey. 188 _ CHARLES GIRARD. LES DENDROCOÉLÉS MARINS. Leur aspect général est plutôt trapu qu’allongé ; les uns sont elliptiques, les autres discoïdes et d’autres encore cylindroïdes, La surface de leur corps est tantôt unie et nue, tantôt recouverte d’appendices ou tentacules papilliformes, La région céphalique, chez quelques-uns, est pourvue de deux tentacules, de forme et de grandeur variables, selon les genres et les espèces. La majorité possède des ocelles, en nombre très variable et diversement disposés, tandis que d’autres en sont dépourvus. Leurs habitudes sont essentiellement aquatiques, et de même que les Dendrocoélés d'eau douce, ils ne supportent pas impunément leur changement de milieu. Ils rampeni à la manière des Mollusques Gastéropodes ; mais ils s’aven- turent aussi en pleine eau, nageant à la façon des Annélides apodes, au moyen de contractions ondulatoires de leur corps aplati. Au surplus, un certain nombre d’entre eux sont péla- giques. En caplivité, nous les avons vus remonter les parois du vase et le traverser, d'un bord à l’autre, dans une posi- tion renversée, contre la surface de l’eau. Genre PLANOCERA, Blainv. Syx. — Planocera, Blainv. Dict. sc. nat., LVII, 1828, p. 579. — OErst. Entw. Syst. Plattw., 1844, p. 47. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 560. — Lang, Polycl., 1884, p. 434. Le corps est irès déprimé, dilaté, ovale ou elliptique, entier sur son pourtour, à surface unie, muni de deux tentacules rétractiles, insérés sur le tiers antérieur de la longueur. La tête est continue avec le corps et dépourvue d'ocelles. La bouche est placée au milieu de la face inférieure; l’œso- phage est tubuliforme et protractile. L'orifice génital est très reculé. Ce genre, confondu par quelques auteurs avec le genre Stylochus, en diffère néanmoins par un ensemble de carac- RECHERUHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 189 tères, au nombre desquels l'absence d’ocelles ne manque pas d'importance. D'ailleurs, l'accession de nouvelles espèces ont, de partet d'autre, montré la nécessité de maintenir leur séparation. L'espèce type a été recueillie par Quoy et Gaimard au cours du voyage de l’Astrolabe. Blainville, qui l’a décrite et figurée dans le Dictionnaire des Sciences naturelles, vol. LVII, 1828, p. 579, atlas des Entozoaires, pl. XL, fig. 18, sous le nom de Planocera Gaimardi, ne lui assigne pas d'habitat particulier. Les naturalistes auxquels on en doi la découverte n'en font nulle mention dans la partie zoologique dudit Voyage, ce qui donnerait à penser que l’espèce est pélagique. OErsted place dans ce genre les deux espèces suivantes, décrites par Mertens sous le nom générique de P/anaria. Toutes deux sont pélagiques, l’une provenant de la mer des Sargasses, l’autre ayant été rencontrée plus au sud par une latitude de 7° 48” Nord et entre 23° à 26° de longitude Ouest de Greenwich : PLANOCERA saRGassiCOLA, OErst. Entw. syst. Plattw. 1844, p. 48. — Pla- naria sargussicola, Mertens, Mém. Acad. Saint-Pétersbourg, 6° sér., vol. IF, 1833, p. 13, pl. I, fig. 4-6. PLANOCERA PELLUCIDA, OErst. Entw. syst. Plattew., 1844, p. 48. — Planaria pellucida, Mertens, Mém. Acad. Saint-Pétersbourg, 6° sér., vol. II, 1833, p. 8, pl. IL, fig. 1-6. Toutes deux portent des tentacules terminés par un ocelle ; l'une d’elles en possède même plusieurs à leur base. En cela elles diffèrent osténsiblement des Planocera Gaimard et PI. elliptica. Aussi Diesing a-t-il cru devoir en faire un genre à part sous le nom de Gnesioceros. Mais si ce genre est un desideratum, il n’y avait nulle nécessité de remplacer le nom de sargassicola par celui de Mertensi. _ PLANOGERA SARGASSICOLA à été décrit par Mosely (Quart. Journ. micr. Sc., XVII, 1877, p. 23, pl. I, figs. 9-11) sous le nom de Stylochus pelagicus. Lang (Polycl. Golf. Neap., 1884, p. 454) en a fait son Planocera pelagica, tandis que 190 CHARLES GIRARD. L. v. Graf. (Bull. Soc. Zool. Fr juin 4892) le place dans le genre Stylocho- plana sous le nom de S$. sargassicola. Une troisième espèce antérieurement décrite sous le nom de Peasia reticulata doit prendre place dans le genre P/ano- cera : elle est originaire des îles Sandwich, sans que nous sachions si elle est riveraine ou de haute mer : | PLANOCERA RETICULATA, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 561. — Peasia reticulata, Gray, Proc. zool. Soc. Lond., 1860, p. 37, pl. LXX, fig. 1 et 2. Elle na pas d’ocelles ; les tentacules, situés un peu en avant du milieu du corps, sont cylindriques, non rétractiles et s’atténuent en pointes obtuses. Le pourtour du corps est ondulé. En l'étudiant à nouveau peut-être reconnaîtra-t- on d’autres caractères d'une valeur générique qui nécessi- teront l'établissement d’un genre à part. Dans ce cas, le genre Peasia se trouverait tout indiqué; J. E. Gray qui l’a proposé, sans en donner la diagnose, réunissait sous cette dénomina- tion cinq espèces de Planariés originaires des îles San- diwch ; la première en ligne étant celle dont il est ici question, la deuxième et la cinquième appartenant au groupe Leptoplana, la troisième au genre T'hysanozoon et la quatrième au genre ÆEurylepta. Enfin parmi les Planariés de Ceylan décrits par Kelaart, il s'en trouve deux espèces appartenant soit au genre Planocera soit au genre /mogine, très voisins l’un de l’autre. 1. Planocera elliptica, Grd. PI. VI, fig. 59 et 60. - Syn. — Planocera elliptica, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist., IIT, 4850, p. 251; et Nordam. Monatsb., Il, 1851, p. 3. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 4862, p. 560. — Verr. Rep. invert., 1873, p. 338. La forme générale du corps est régulièrement elliptique, à pourtour entier, un peu plus large en arrière qu'en avant. La Lète se confond avec le corps qui porte une paire de len= RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 191 tacules filiformes, insérés à une distance de 2 millimètres du bord antérieur. La bouche est centrale, embrassant plus d'un tiers de la longueur du corps, qui mesure 16 millimè- tres sur 1 centimètre de largeur. La couleur consiste en une teinte jaune grisâtre ou rougeûtre. La ponte a lieu de la mi-mai à la mi-juin. L'animal, en pondant, rampe lentement sur la surface unie des corps sous- marins, pierres, bois ou algues. Il laisse derrière lui une plaque très mince de mucus durci, d'apparence gélatineuse, de la largeur de son corps, de longueur variable, selon la quantité d'œufs pondus. Ceux-ci sont disposés dans la susdite plaque, côte à côte, en rangées transversales sur une seule couche, isolés les uns des autres, circonscrits par une mem- brane ovariale ou coquillère, entourant une zone albuminoïde d une grande transparence et dans laquelle flotte le vitellus. On peut isoler cette plaque gélatineuse de la surface sur laquelle elle a été déposée, sans préjudice pour les œufs qui y sont englobés en conservant leurs places respectives. La quantité d'œufs, ainsi pondus, est très considérable. Leur incubation est de douze jours pleins (p. 146). L'espèce est commune sur le liltoral du Massachusetts, cù elle vit en eaux profondes. Nous l'avons observée dans les ports de Boston et de Beverly, ainsi que sur la plage de Chelsea, à marée basse. 2. Planocera nebulosa, Grd. SYN. — Planocera nebulosa, Grd. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VI, 1853, p. 367. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 560. — Verr. Rep. invert., 1813, p. 325 et 632, pl. XIX, fig. 100. Le corps est régulièrement elliptique, ne s’élargissant pas postérieurement comme chez l'espèce précédente. Il est muni de deux tentacules blanchâtres, rétractiles, d’une hauteur de 4 millimètres à l’état de protraction. La longueur du corps mesure 13 millimètres environ, sur une largeur de 6 millimètres et demi. Le fond de la couleur est d’une teinte hyaline foncée, 192 CHARLES GIRARD. avec un pommelé plus foncé encore, donnant à l’ensemble une apparence d'un gris sombre. Une ligne médiane d’un rouge brunâtre foncé, s'étend de la base des tentacules au bord postérieur du corps. Le dessous est gris, à l'exception de deux circonvolulions blanchâtres correspondant aux organes générateurs, que l’on aperçoit par transparence ; antérieurement d’une teinte rosée. Un liséré d'une teinte hyaline blanchâtre existe sur toute la périphérie, affectant les deux surfaces de l’animal. Cette espèce a été obtenue au moyen de la drague, au- dessous de la ligne de basse marée, sur un fond de sable mou et vaseux du port de Charleston (Caroline du Sud). Verrill, en parlant de cette espèce d’après des individus recueillis sous les pierres, à marée basse, « à Savin Rock » près de Newhaven, lui attribue une longueur de 20 milli- mètres sur 12 millimètres de largeur environ, pouvant devenir presque circulaire et s'étendre même en une longue forme elliptique. Elle est plate et mince avec les bords flexueux. La couleur est vert olivâtre en-dessus avec une raie médiane plus claire postérieurement ; vert jaunâtre en-des- sous. Les tentacules sont blanchâtres et rétractiles. Genre IMOGINE, Girard. Syn. — Imogine, Grd. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VI, 1853, p. 307. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 22. — Schmarda, Neue Wirbell. Thiere, 1, 1859, p. 35. — Lang, Polycl., 1884, p. 445. La forme générale du corps est elliptique, déprimée, dis- coïde, entière sur son pourtour. La têle est continue avec le corps et pourvue de deux tentacules cylindriques, terminés par un ocelle. Il existe sur le pourtour du corps une rangée de points ocellaires ou pigmentaires. Schmarda a décrit deux espèces de ce genre, originaires de Ceylan; il sera nécessaire de les comparer à celles décrites par Kelaart, afin de s'assurer si elles en sont dis- tinctes. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 193 Le véritable type du genre /Zmogine est l'espèce ci-dessous. Le nom générique rappelle un personnage de Shakespeare. Imogine oculifera, Grd. SYN. — Imogine oculifera, Grd. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VI, 1853, p. 367. — Stylochus oculiferus, Dies, Sitzber. Akad, wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 570. La forme générale du corps est subcirculaire, son diamètre * longitudinal mesurant environ 3 centimèlres sur une largeur de 2 centimètres et demi. La tête se confond avec le corps; les tentacules, insérés au tiers antérieur de la longueur, sont cvlindriques, renflés vers le sommet, sur lequel est implanté un ocelle noir et arrondi. Une série très dense de points noirs pigmentaires, ou ocellaires, existe sur la péri- phérie entière, en facon de guirlande. La surface du corps est terne, parsemée de taches rouges foncées. L'espèce a été recueillie sous les pierres, à marée basse, sur la grève de l’île Sullivan, près de Charleston (Caroline du Sud). Genre STYLOCHOPSIS, Stimpson. Sy. —- Stylochopsis Stimps. Proc. Acad. nat. se. Philad., IX, 1857, p. 22, La forme générale du corps est elliptique, à pourtour entier. La têle est continue avec le corps, qui porte deux tentacules munis d’ocelles assez apparents. Un groupe d’o- celles plus petits est situé au devant des tentacules. De très pelits points ocellaires ou pigmentaires marginaux au bord antérieur. Les deux espèces types de ce genre ont été observées par Stimpson à l’île Ousima, Japon méridional. 1. Stylochopsis zebra, Verr. Syn. — Stylochopsis zebra, Verr. Rep. of Comm. on Fish and Fisher. 1882 (1884), p. 666. La tête se confond avec Le corps, dont la forme est étalée etelliptique,un peuépaissie, ou quelque peu bombée en dessus. Les tentacules sont petits, situés près du bord antérieur et ANN. SC. NAT. ZOOL. XV, 13 194 CHARLES GIRARD. portent plusieurs pelits ocelles. On observe, en outre, au devant des tentacules un groupe de pelits ocelles, et des ocelles ou pigments marginaux, très petits, le long du bord antérieur. L'animal mesure 20 millimètres en longues sur une largeur de 12 millimètres. La couleur est brune, marquée de raies transversales étroites, d'un jaune pâle, ou blanchâtres, entières sur le milieu du corps, mais se bifurquant de plus en plus vers leurs extré- mités,. Cetle espèce a été observée par Verrill sur le rivage de « Great Harbor », ainsi que dans le détroit de Vineyard, en face de Menamsha, à 10 ou 12 brasses de profondeur. 2. Stylochopsis lateralis, Verr. Syn. — Stylochopsis lateralis, Verr. Reg. invert., 1873, p. 338, pl. XIX, fig. 99. | | Le corps est plat, à bords amincis, très changeant en sa forme, large, ovale, elliptique ou oblong, arrondi ou subtron- qué aux deux extrémilés, souvent avec les bords ondulés. Les tentacules sont petits, arrondis, oblus, translucides, pourvus chacun à leur face antérieure d’un groupe allongé d'environ dix ou douze ocelles noirs très petits. Les tenla- cules eux-mêmes sont situés à peu près au quart antérieur du corps, et séparés l’un de l’autre par un espace égal au quart de la largeur du corps. Les ocelles dorsaux, au nombre de huit, sont arrangés sur quatre groupes de deux chacun, au devant des tentacules. Les pigments marginaux sont nom- breux, petits, noirs, très apparents en dessous et en nombre plus considérable à la région antérieure, disposés sur deux rangées irrégulières ou davantage près du bord, et s’éten- dant en arrière jusqu'au milieu des côtés et au delà. La longueur de l’animal mesure 8 millimètres sur une largeur de 6 millimètres. | La couleur est verdâtre pâle ou jaune brunâtre, avec veines ou réliculations plus claires, et une raie médiane claire; postérieurement couleur chair en dessous, avec une RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 195 tache médiane claire et allongée, plus étroite au milieu, reflet des organes internes. La ponte s'effectue vers la mi-juillet. Les œufs petits et blancs sont très rapprochés les uns des autres, groupés en amas assez grands attachés aux parois du vase en verre où l'animal était tenu en captivité (Verrill). L'espèce vit sous les pierres entre la haute et la basse mer, depuis New-Haven jusqu’au détroit de Vineyard. Genre THYSANOZOON, Grübe. SYN. — Thysanozoon, Grübe, Akt. Echin. u. Würm. Adr. Meers, 1840, p. 54. — OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 46. — Schmarda, Neue Wirbell. Thiere, I, 1859, p. 29. — Lang, Polycl., 1884, p. 524. Eolidiceros, Quatr. Rech. anat. et phys., Il, 1846, p. 39. Le corps est déprimé, dilaté, sa surface supérieure tout entière couverte de nombreuses papilles; lisse en dessous. La tête, confondue avec le corps, est munie de deux tenta- cules auriculiformes au bord frontal, qui est légèrement concave. Les ocelles sont nombreux, situés à la base des tentacules. La bouche, infère, est subcentrale; l’œsophage protractile, est tubuliforme. Le type de ce genre est le 7. Diesingeri, Grube. Les caractères qu'on luiaattribués jusqu'ici se confondent avec ceux donnés au genre Æoldiceros. Il se pourrait, néanmoins, que sur une revision attentive des espèces, assez nombreuses, réunies actuellement dans ce groupe, on soit amené À conserver le genre Æ£ohdiceros pour un certain nombre d’entre elles. Thysanozoon nigrum, Grd. SYN. — Thysanozoon nigrum, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist., IV, 1852, p. 137. La forme générale du corps est oblongue, allongée; sa longueur totale mesure 40 millimètres environ sur 15 milli- mètres de largeur. Sa surface supérieure est entièrement 196 __ CHARLES GIRARD. recouverte de papilles nombreuses, de 3 à 6 millimètres de hauteur, cylindriques et de même couleur que le corps. Les tentacules céphaliques, proportionnellement courts, ne dif- fèrent des appendices dorsaux que par leur forme aplatie. La couleur est d'un noir uniforme en dessus; d’un blanc mat en dessous. | Cette espèce vit en eaux profondes; elle a été obtenue au moyen de la drague, au cap Floride. Genre PROCERODES, Girard. Syn. — Procerodes, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist., IL, 1850, p. 251; in Nordam. Monatsb., II, 1851, p. #. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 23. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 520. Le corps est régulier et symétrique, avec les flancs presque rectilignes. La têle se détache du corps par une sorte de col, ou d’étranglement. Deux tentacules à la région antérieure, avec un ocelle à leur base. Le type de ce genre est le P. Wheatlandi décrit ci-après. Stimpson a cru devoir y réunir les Planaria Ulvae de Oersted et Planaria frequens de Leidy. Mais l’un et l’autre appar- tiennent au genre ÂNeoplana, de l’ordre des Rhabdocoélés. Très voisin du genre Proceros, il en diffère néanmoins par une tête quelque peu détachée du corps, par la présence de deux ocelles seulement, et la forme générale du corps. grêle et élancée. Proceros cristatus, De Quatr. (Rech. anat. et phys.; IT, 1846, p. 39, pl. IT, fig. 7) se placé sur les confins de ces deux genres. Sous prétexte que le nom de Proceros fait doublé emploi en zoologie (1) Schmarda a jugé à propos de lui substituer (1) En principe il n'ést pas désirable que le même nom de genre soit employé plusieurs fois pour désigner des animaux différents; mais dans l'état actuel des choses, il serait funeste de remplacer par des noms nou- veaux, tous ceux qui font double ou triple emploi, d’autant que rien nè nous garantit contre l'éventualité de répéter un nom déjà existant. Il y a moins d'inconvénients à ce qu'un poisson, un coléoptère et un planarié portent un nom générique semblable, que ceux qui résulteraient de l’éven- tualité à laquelle nous venons de faire allusion. 11 en découlerait un chassé- croisé perpétuel au sein de la nomenclature; ce serait le chaos sans issue RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 197 celui de Prostheceraeus, et de réunir sous cette dénomi- nation, non seulement les espèces décrites par De Quatre- fages sous le nom de Proceros, ainsi que notre genre Procerodes, mais encore plusieurs espèces nouvelles, dont une terrestre. Les caractères zoologiques de cette dernière sont loin de justifier cette association. On pourra dès lors conserver le genre Prostheceraeus pour l'espèce terrestre qui figure en têle de la liste de Schmarda, avec les carac- tères suivants : « Corps oblong, lancéolé, convexe en dessus, postérieu- rement acuminé avec les flancs rectilignes; région anté- rieure coupée presque carrément et portant, sur son bord, deux tentacules courts et subuliformes. La tête ne se détache pas du reste du corps; les ocelles sont situés au bord interne et à la base des tentacules. La bouche s'ouvre au tiers anté- rieur de la face inférieure. » Le type du genre, Prostheceraeus terricola, est un habi- tant des forêls de Palmiers de la zone subalpine, où Schmarda l'a recueilli à la Passe de Quindiu, sur la route de Gallego (chaîne des Andes). On conservera ainsi les genres Proceros et Procerodes pour les espèces marines, avec les caractères génériques que leur assignent leurs auteurs. Diesing semble donner raison à Schmarda, en proposant le genre Leimacopsis pour Prostheceraeus terricola. En ré- tablissant les choses comme ci-dessus, le genre de Diesing demeure sans emploi. Procerodes Wheatlandi, Grd. SYN. — Procerodes Wheatlandi, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist., IT, 1850, p. 251; et Nordam. Monatsb., II, 1851, p. 4. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 520. — Verr. Rep. invert., 1873, p. 33. 5 La région antérieure est arrondie, tandis que la région postérieure est angulaire et tronquée. Les tentacules sont possible. L'étude de la zoologie est assez décentralisée de nos jours, pour laisser subsister les doubles emplois existants, mais sans les créer à plaisir. 198 __ CHARLES GIRARD. proportionnellement très développés. Les ocelles, au nombre de deux, sont situés à la base des tentacules. La longueur totale de l’animal ne dépasse pas 6 millimètres. Il se meut avec une grande agilité. Sa couleur est d’un brun es € tirant sur le jaune. Cette jolie petite espèce a été recueillie sur la plage de Mauchester (Mass.), à marée basse, en compagnie du D'Wheatland, de Salem, auquel nous l’avons dédiée. Stimpson l'a retrouvée à l’île du Ca Manan (Baie de Fondy), sous les pierres, près de la ligne de haute marée. Verrill l’a recueillie sous les pierres à marée basse dans la baie de Casco où elle est abondante. Genre EUPLANA, Girard. Corps allongé et lancéolé ; tête continue avec le corps et portant des ocelles assez nombreux, disposés sur plusieurs groupes pairs. Bouche infère et subterminale. Orifice des organes génitaux vers le milieu de la longueur du corps. Euplana gracilis, Grd. PESNEP He. 702: SyN. — Prosthiostomum gracile, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. hist. III, 1850, p. 252; et Nordam. Monatsb., II, 1851, p. 3. Le corps est élancé, allongé, linéaire lorsque l’animal est en marche; raccourci et de forme ovale dans l’état de repos : sa longueur totale n’est alors que de 4 milimètres et sa lar- geur au-dessous de 2 millimètres. Cette espèce est remarquable par l’exiguïté de son corps et la disposition des ocelles qui a lieu sur trois groupes pairs : le premier composé de deux paires, formant quadrangle; le deuxième groupe, d’une triple paire, formant deux trian- gles, et le troisième, de deux paires, très rapprochées. La couleur générale est d’un brun jaunâtre uniforme. Elle habite la baie de Boston, où elle n’est pas rare. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 199 Genre LEPTOPLANA, Ehrenb. Sy. — Leptoplana, Ehr. Symb. Phys. Evert., 1831. — OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 48. — Schmarda, Neue Wirbell. Thiere, I, 1859, p. 16. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 525. — Lang, Polycl., 1884, p. #75. — Vaill. Hist. Ann. III, 1889, p. 54. Le corps est déprimé, aplali, à surface unie, tantôt al- longé, lancéolé, diminuant graduellement d'avant en arrière où il se termine en pointe plus ou moins aiguë, tantôt large et étalé, arrondi, elliptique ou subelliptique. La tête est confondue avec le corps et dépourvue d’appendices tenta- culiformes ; elle porte de nombreux ocelles, disposés sur deux ou sur. quatre groupes à la région antérieure. La bouche occupe le milieu de la face inférieure. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit cei- dessus à l’égard de ce genre (p. 176). Quoi qu'il advienne, L. hyalina, de la mer Rouge, en demeurera le type; il re- présente les espèces de forme allongée et lancéolée, telle, entre autres, Planaria flexilis de Dalyell (Oôserv. on Plan. 1814, p. 5, fig. 1 et 2). 1. Leptoplana variabilis, Grd. SyYN.— Polycelis variabilis, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., III, 1850, p. 251; et Nordam. Monatsb., IL, 4851, p. 3. La forme générale du corps est oblongue, sublancéolée, mesurant 12 à 15 millimètres en longueur. La région anté- rieure est plus large que la région postérieure qui se termine en angle aigu. La disposition des ocelles varie d’un individu à l’autre, sans règle apparente. La couleur elle-même est sujette à variation, entre une teinte jaune verdâtre et celle d’un rouge orangé. La surface supérieure est recouverte d’un fin poinlillé rouge foncé; la face inférieure est unico- lore et comme d'ordinaire d’une teinte plus claire qu’en dessus. J | | La ponte, qui a lieu dans les mois de janvier et février, 200 CHARLES GIRARD. est analogue à celle de Planocera elliptica ; les œufs sont déposés, côte à côte, sur un seul plan dans des plaques gélatineuses. Mais Ia segmentation du vitellus, au point de départ, présente comme particularité, une analogie frap- pante avec le même phénomène chez les Mollusques nudi- branches. L'espèce vit en eaux profondes dans les ports de Boston et de Beverly (Mass.) où nous l’avons obtenue au moyen de la drague. L'espèce suivante représente celles dont le corps est plus ou moins étalé, arrondi ou elliptique et dont Leptoplana tremellaris est le type. 2, Leptoplana ellipsoïdes, Grd. PI. VI, fig. 61. Sy. — Leptoplana ellipsoïdes, Grd. in Stimps. Invert. of Grand Manan, p. 27, fig. 16. in Smiths. Contr. to Knowled. VI, 1854. — Verrill, sd" Journ. Arts and sc. (3° sér.), VII, 1874, pp. 43. 45 et 132. La plus grande longueur de l'animal est de 2 centimètres et demi, sur une largeur d'environ 1 centimètre et demi. Les ocelles sont très nombreux, très rapprochés, disposés sur quatre groupes, constituant deux paires; les groupes de la paire antérieure sont étroits, allongés dans le sens du diamèlre longitudinal de l'animal, tandis que les groupes de la paire postérieure sont arrondis, placés à l’arrière im- médial des précédents et plus distants l’un de l’autre. Les points ocellaires sont tellement serrés dans leurs groupes respectifs, que ceux-ci apparaissent comme des taches plus ou moins noires, ou d’un gris foncé, se détachant de la cou- leur du fond. Celle-ci est d’un brun jaunâtre en dessus, et grise en dessous. En captivité, l'animal quitte parfois le sol, sur lequel 1l rampe d'habitude, pour nager entre deux eaux, au moyen d'ondulations rapides de son corps, à la facon des Aplysies et cela pour plusieurs minutes consécutives. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 201 Cette espèce a été recueillie par Stimpson, à marée basse, sous des pierres, ainsi qu'à quatre brasses de profondeur, parmi les Nullipores et pareillement à trente brasses, sur un fond coquiller, dans la baie de Fondy. Verrill l’a signalée au cap Elisabeth, entre la haute et la basse mer, et sur divers autres points de la côte atlantique des États-Unis. 3. Leptoplana folium, Verr. Syn. — Leptoplana folium, Verr. Rep. invert., 1873, p. 338. Le corps est très plat, à bord aminci et ondulé, à contour changeant, ordinairement cordiforme ou foliacé, plus large et échancré postérieurement, avec le bord postérieur bien arrondi, un peu convexe sur les côtés, se rétrécissant en pointe obtuse à l'extrémité antérieure ; quelquefois oblong ou elliptique, peu rétréci antérieurement. L'échancrure pos- térieure est ordinairement très distincte, souvent profonde, et quelquefois, dans l’état de contraction, elle présente une petite pointe angulaire saïllante sur le milieu ; mais de temps en temps l’échancrure disparaît presque entièrement. Les ocelles sont disposés sur quatre groupes près de l'extrémité antérieure; les deux groupes postérieurs sont plus petits que les antérieurs et plus éloignés l’un de l’autre ; les groupes antérieurs sont très rapprochés, presque confondus sur la ligne médiane et composés de nombreux ocelles très petits et resserrés, moins distincts que ceux des deux autres grou- pes. La longueur totale mesure 20 à 25 millimètres sur une largeur de 10 à 15 millimètres. La couleur est pâle jaunâtre, couleur chair, veinée de lignes dendritiques de couleur chair plus foncée, ou blan- châtres. Une tache indistincte, pâle rougeâtre, s’observe en arrière des ocelles antérieurs. Une raie longitudinale blan- châtre, interrompue sur le milieu, traduit les organes in- ternes, avec une petite raie blanchâtre postérieurement. L'espèce a élé obtenue parmi les rochers et les algues, à 202 __ CHARLES GIRARD. la hauteur de « Watch Hill » par 4 à 6 brasses de profon- deur; de « Block Island » par 29 HR et de « Buzzard's Bay », par 25 brasses. Genre TYPHLOLEPTA, OErsted. Syn. — Typhlolepta, OErst. Entw. syst. Plattuw., 1844, p. 50. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 21. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 521. Typhlocolaæ, Stimps. Proc. Acud. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 21. Le corps est oblong, déprimé, élargi, entier sur son pour- tour; la tête est continue avec le corps, sans tentacules, ni ocelles. La bouche est subcentrale en arrière. L'ouverture génitale est postérieure, et le pénis dépourvu de stylet calcaire. Suivant OErsted, ce genre ne différerait du genre Lepto- plana que par l’absence d’ocelles et la structure de l’organe générateur mâle. Le type, Typhlolepta cæca, était l'unique espèce du genre à l’époque de sa création. Nous en avons décrit une deuxième, de la baie de Fondy et pour laquelle Stimpson à cru devoir créer un genre à part, avec une troisième du détroit de Behring, sous le nom de Typhlocolax, guidé sans doute par l’analogie d'habitat de ces deux espèces et leurs mœurs soi-disant parasites sur les Chirodota. La seule différence qui distinguerait les Typhlo- colax des Typhlolepta serait la terminaison en pointe des deux extrémités; or, cette différence ne s’observe que chez l'espèce du détroit de Behring, la région postérieure de celle de la baie de Fondy étant arrondie. Resterait le stylet cal- caire du pénis, mentionné par (Ersted, auquel Stimpson ne fait allusion que dans sa diagnose du genre Typhlolepta. Le corps aurait également plus d'ampleur chez le T. cæca que chez les deux autres espèces ; mais ce caractère seul n’a pas une valeur suffisante pour maintenir acluellement l'existence de ces deux genres. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 203 1. Typhlolepta acuta, Grd. Pos, — Typhlolepta acuta, Grd. in Stimps. Invert. of Grand Manan, p. 27. In Smiths. Contrib. to knowl., VI, 1854. Typhlocolax acutus, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 26. Le corps est déprimé, ovoïde, allongé, postérieurement arrondi, tandis que la région antérieure se termine en pointe, d’où son nom spécifique. La bouche, infère, est située un peu en arrière du centre. La longueur totale de l'animal mesure environ 2 millimètres. Le fond de la couleur est pâle, avec des taches rouges confluentes à la face supérieure, tandis que la face inférieure est unicolore. Celte espèce a été recueillie par Slimpson, en nombre considérable, rampant sur le corps de Chirodota læuis, à l’île du Grand-Manan dans la baie de Fondy. 2. Typhlojepta acuminata, Grd. Syn. — Typhlocolax acuminatus, Stimps. Proc. Acad. nat. se. Philad., IX, 1857, p. 26. Le corps très déprimé est grêle, un peu atténué antérieu- rement et ironqué à son extrémité, large et convexe au tiers postérieur de sa longueur, avec la région caudale acuminée, d'où son nom spécifique. La longueur de l'animal mesure 2 millimètres. Couleur de sang en dessus avec deux ou trois laches noires indistinctes sur le milieu du dos. Simpson a recueilli cette espèce sur le corps d’un Chirodota obtenu à une profondeur de 6 brasses, dans le détroit de Behring. LES RHABDOCOÉLÉS. Nos connaissances sur le groupe des Rhabdocoélés de l’Amérique du Nord sont encore fort restreintes, leurs recherches ayant été des plus limitées. Les Rhabdocoëélés exotiques à l'Amérique du Nord ont été l’objet de nombreux et d'importants travaux qui ont étendu le cercle de nos con- naissances, quant au nombre et à l’organisation de ces ani- 204 __ CHARLES GIRARD. maux ; mais la partie systématique, comme nous l’avons dit plus haut, est loin de répondre aux besoins actuels de Ja science. La plupart des genres étant mal compris el les règles de la nomenclature mal interprétées à leur égard, la réparlition en genres des espèces américaines s’esl ressen- Lies de ces imperfections auxquelles il ne nous a pas été pos- sible de remédier quant à présent. LES RHABDOCOÉLÉS D'EAU DOUCE. La première espèce d’eau douce qui ait été signalée, est celle que Leidy décrivit en 1847, sous le nom de Prostoma marginatum, que Diesing plaça subséquemment dans le genre Vortex. Leidy avait fait erreur en la plaçant dans le genre Prostoma de Dugès, lequel ne renferme actuellement qu'une espèce de Némertien d’eau douce. Nous-mêmes avions partagé celte erreur, lorsque en 1851, nous pu- bliâmes une liste des Planariés et des Némertiens de l’Amé- rique du Nord, dans le Nordamerikanischer Monatsbericht, . époque à laquelle l'ouvrage de Diesing ne nous était pas encore parvenu. Aujourd'hui sa véritable place nous paraît êlre parmi les Dérostomes de Dugès. Nous devons encore à Leidy la connaissance de cinq espèces, réparties dans trois genres: ÆEustoma, avec trois espèces; Anortha et Rhyncoscoler, chacun avec une espèce. Trois espèces des eaux saumâires ont été décrites par Schmarda en 1889, sous les noms de Derostoma elongatum, Rhynchoprobolus papillosus et Acnostomum crenulatum, la première appartenant au genre T'yphloplana, la seconde au genre ARhynchoscolex, la troisième au geure Acelis. Les Rhabdocoélés d’eau douce du comté de Munrôe (État de New-York), ont été en 1885, l’objet de recherches et d'études de la part de Wyllis A. Silliman. Dans cette aire restreinte, quinze espèces ont été observées, sans compter trois Planariés et un Némertien. Sur ces quinze espèces de Rhabdocoélés, répartis dans six genres, quatre ont été RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 205 considérées, à tort, comme identiques avec des espèces européennes; une cinquième est au nombre de celles que Leidy a signalées aux environs de Philadelphie ; les dix autres sont décrites comme espèces nouvelles et particulières à la faune de l'Amérique du Nord. Au total nous insérons dans notre travail vingt-trois espèces de Rhabdocoélés, dont vingt exclusivement d’eau douce. Celles-ci apprtiennent à treize genres, dont huil ont des représentants en Europe, et cinq qui ne comptent Jus- qu'ici que des espèces américaines. Genre TYPHLOPLANA, Ehrenb. SYN. — Typhloplana, Ehr. Symb. Phys. Evert., 1831. — OErst. Entw. syst. Platw., 1844, p. 71. — Dies. Silzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 210. Le corps est allongé, grêle, antérieurement arrondi, pôs- térieurement atténué. La tête est continue avec le corps et dépourvue d’ocelles. La bouche est centrale ou subcentrale en arrière. | Ehrenberg indiquait comme types de ce genre, les P/a- naria grisea, fulva et viridata de Müller, que Oersted réunit en une seule espèce, avec d’aulres encore, sous le nom de Typhloplana variabrilis. Typhloplana elongata, Dies. SyN. — Derostoma elongatum, Schmarda, Neue Wirbell. Thiere, 1, 1859, p. 7, pl Eifies 9 Typhloplana elongata, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 210. Le corps est allongé, aplati, presque rubané, diminuant graduellement vers l'arrière, mesurant 2 millimètres en longueur. L'ouverture buccale est elliptique. Le pharynx est allongé, en forme de tonnelet, un peu plus large postérieu- remeñt. Les mouvements de l'animal sont rampants; sa couleur est d’un gris rougeâtre. Schmarda a recueilli cette espèce dans les eaux saumä- tres des marécages de la Nouvelle-Orléans. 206 CHARLES GIRARD. Genre DEROSTOMA, Dugès. Syn. — Derosloma, Dug. Ann. sc. nat., XV, 1828, p. 141; et XXI, 1830, p. 76. — M. Schultz, Beitr. Naturg. Turbell., 1851, p. 30. — Graff, Monogr. Turbell., 1882, p. 367. La forme du corps est plus ou moins cylindroïde. La tête, continue avec le corps, porte deux ocelles. La bouche, sous forme de fente étroite, s'ouvre à la face inférieure près de l'extrémité antérieure. L’organe digestif est en forme de sac, avec un prolongement œsophagien antérieur. Il n’y a pas d'orifice anal. Le type de ce genre est Derostoma notops de Dugès. Il faut y rapporter l'espèce suivante : DEROSTOMA 11TTORALIS, Grd. — Vortex littoralis, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 64, pl. II, fig. 22 et 23. Derostoma marginatum, Grd. PI. VI, fig. 63. SYN. — Prostoma marginatum, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., IT, 1847, p. 251; Ann. and Magaz. nat. Hist. (2° ser.), I, 1848, p. 78. — Grd. in Nordam. Monatsb., II, 1851, p. 3. Vortex marginatus, Dies. Syst. Helm., I, 1850, p. 230. Gyrator marginatus, Graff, Monogr. Turbell., 1882, p. 335. Le corps est étroit, cylindrique, lancéolé, antérieurement tronqué, à bord subconcave et délicatement strié sur tout son pourtour. La bouche est grande, de même que Ia trompe, qui est oblongue, Les ocelles sont distants l’un de l’autre et formés chacun de deux masses arrondies de pigment noir, en contact l’une avec l’autre. La cavité digestive consiste en un vasie sac, s'étendant jusqu’au tiers postérieur du corps, avec un cæcum de chaque côté de l’œsophage. L’ori- fice génital est situé au quart de la longueur du corps, me- suré de l’extrémité postérieure. Le pénis est jaune et se compose d’une masse de granules arrondis, avec un spiculum de longueur moyenne, recourbé et en saillie à sa partie pos- térieure. La structure de l’appareil femelle a échappé jus- qu'ici à l'observation. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 207 La couleur est uniformément noirâtre. L'animal mesure 2 millimètres en longueur. Un seul individu a été trouvé inopinément par Leidy, parmi de nombreuses Dugésies ma- culées, récoltées aux environs de Philadelphie. | Genre VORTEX, Ehrenb. SyN. — Vortex, Ehr. Symb. Phys. Evert., 1831. — OErst. Entw. Syst. Plattw., 1844, p. 64. — M. Schultz, Beitr. Naturg. Turbell., 1851, p. 47. — O. Schm. Sitzber. Akad. wiss. Wien, IX, 1852, p. 496. — Graff, Monogr. Turbell. 1882, p. 349. — Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 64. Le corps est grêle et élancé, couvert de cils vibratles, antérieurement tronqué carrément, ou à bord légèrement arrondi, postérieurement atténué. La tête est continue avec le corps et porte quatre ocelles, disposés sur deux paires. La bouche est terminale ou subterminale. Le pharnyx, non protractile, est en forme de tonnelet à embouchure circu- laire. L'orifice génital est infère, subbasilaire. Le type de ce genre est Planaria truncata de Müller (Zool. Dan. WT, 1789, p. 43, pl. CVL, fig. 1) : 4. VORTEX TRUNCATUS, Ehr. Symb. Phys., 1831; et Abh. Akad. wiss. Berlin (4835), 1837, p. 178, pl. L, fig. 3 et 4. qui répond aux caractères génériques ci-dessus. On peut y adjoindre, entre autres, les espèces suivantes : 2. VorTEx QuaDriocuLATUS, Frey et Lenck. Beitr, Kenntn. Wirbell. Thiere, 1847, p. 49. | 3. VORTEX EMARGINATUS, Dies. Syst. Helm., 1, 1850, p. 230, 4. Vortex BENEDENI, O. Schm. Sitzber. Akad. wiss. Wien, IX, 1852, p. 496, pl. XLV, fig. 6. | 5. VORTEX PINGUIS, Sillim. Un autre groupe aura pour caractères, un corps fusi- forme, les extrémités antérieure et postérieure plus ou moins atténuées ou coniques, et muni de deux ocelles seulement. 4. VoRTEx BLODGETTI, Sillim. 2. VORTEX SsIMILIS, Grd. Et leurs analogues, 208 __ CHARLES GIRARD. 1. Vortex pinguis, Sillim. SyYN. — Vortex pinguis, Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 65, pl. IV, fig. 11-16. Le corps mesure 1,5 à 1,7 millimètres en longueur, sur une largeur de 0,2 millimètres. Il est tronqué antérieure- ment, tandis que son extrémité postérieure se termine en pointe. La tête, continue avec Le corps, porte une quantité de cils flagelliformes, ou filaments, qui se meuvent à la facon de palpes. Les ocelles sont assez éloignés du bord antérieur ; les deux paires sont très rapprochées l’une de l’autre avec tendance à se confondre en un seul amas pigmentaire, dé- pourvu de lentille, La bouche est située près du bord anté- rieur en avant des ocelles. Le pharynx, en forme de ton- nelet, avec un ourlet sur son pourtour, correspond au quart antérieur du corps. La couleur varie du brun au rouge, plus foncée sur la région médiane du corps que sur les extrémités. L'espèce, suivant Silliman, n’est pas rare dans la crique Blodgett, comté de Munrüe (N.Y.). 2, Vortex Blodgetti, Sillim. Sy. — Vortex Blodgetti, Sillim, Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 67, pl. IV, fig. 17-20. Petite espèce d'aspect presque fusiforme, atteignant une longueur maximum de 0,6 millimètres. La tête, continue avec le corps, porte sur son extrémité une quanlité de cils flabelliformes, ou filaments, comme chez V. pinguis. Les deux ocelles sont réniformes, assez éloignés du bord anté- rieur et pourvus de lentilles. Le pharynx, en forme de ton- nelet ou barillet, porte un ourlet sur son pourtour; des glandes salivaires unicellulaires s'observent à son point de jonction avec l'intestin. La couleur est d’un brun clair. Silliman a trouvé cette espèce dans la crique Blodgett, dont elle porte le nom. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 209 3. Vortex similis, Grd. Syn. — Vortex armiger, Sillim. (non Auct.) Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p2'67. Le corps qui mesure 6 millimètres en longueur, est arrondi antérieurement en cône surbaissé ; la queue est munie de papilles adhésives. La têle, continue avec le corps, porte deux ocelles réniformes, pourvus de lentilles et silués au devant du pharynx. L'orifice génital est situé près de l’ex- trémité postérieure. La couleur est d’un brun rougeûtre. Les quelques renseignemen{s qui précèdent, nous les devons à Silliman qui considère l'espèce comme identique avec Vortex armiger de O. Schmidt et de Graff, opinion que nous ne pouvons partager quant à présent. L'espèce vi dans les ruisseaux du comté de Munrôüe (N.-Y.). Silliman constate ne l'avoir pas FEnCOmOEE dans les eaux dormantes des étangs. Nous mentionnerons à la suite de ce genre une espèce ca- vernicole et aveugle, bien que persuadé qu’elle n’y est pas à sa véritable place, comme semble du reste le pressentir Packard qui nous la fait connaître sous le nom de Vortex? cavicolens, Pack. Sy. — Vortex? cavicolens, Pack. Amer. Naturl., XVII, 1883, p. 89; et Nation. Acad. of sc., IV (1886), 1888, p. 27, fig. 1. Le corps est allongé, étroit, ovale, lancéolé, se terminant assez brusquement en angle aigu postérierement. La région antérieure est étirée, de beaucoup la plus étroite, terminée par une petite tête arrondie sur son bord frontal, et se dé- tachant du corps par un col légèrement contracté. Les ocelles manquent complètement. Le pharynx est silué un peu en avant du milieu du corps; il est modérément al- longé, à contour ovale. L’orifice des organes génitaux est circulaire. ANN. SC. NAT. ZOOL. xv, 14 210 __ CHARLES GIRARD. L'animal est entièrement blanc et mesure 4 millimètres en longueur, sur 1,5 millimètre de largeur. Packard a recueilli cette espèce dans l’une des cavités de la caverne de Carter (Kentucky). Genre GYRATRIX, Ehrenb. SYN. — Gyratrixæ, Ehr. Symb. Phys. Evert, 1831. — Graff, Monogr. Turbell. 1882, p. 331. La forme du corps est élancée; la tête, continue avec le corps, porte deux ocelles, situés sur la région cervicale, et partant assez éloignés du bord frontal. La bouche esl ter- minale, le pharynx musculeux, cylindrique et rétractile. L'orifice génital est subbasilaire et l'anus terminal. Le type de ce genre est le GYRATRIX HERMAPHRODITUS, d'Ebrenberg, Abhand. Akad. Wiss. Berlin (1835), 1837, D. 148 DE EST. Gyratrix albus, Sillin. Sy. — Gyratrix albus, Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 63, pl. IV, fig. 10. Le corps est cilié, contraclile, fusiforme, diminuant gra- duellement de largeur vers la région antérieure, tandis qu'il s’arrondit postérieurement. Sa surface est recouverte de globules arrondis en lieu et place de rhabdites ou de pi- quants. La longueur, à l’état de repos, mesure 1,2 milli- mètre. La tête est continue avec le corps, très atténuée en avant, sous forme de cône pointu, munie de -deux ocelles noirs, pourvus de lentilles et silués aux côtés du cerveau. La bouche est terminale. Le pharynx, en forme de rosette, est situé au tiers antérieur de la longueur du corps et muni d'un ourlet sur son pourtour. La couleur est blanche ou grise; le contenu de l'intestin imprime parfois au corps une teinte jaunâtre. Silliman a recueilli cette espèce dans un étang de Clarkson, comté de Munrôe (N.-Y.). RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 211 Genre MESOSTOMA, Dugès. SyN. — Mesostoma, Dug. Ann. sc. nat., XXI, 1830, p. 76. — Schultze, Beitr. Naturg. Turbell. 1851, p. 52. — Graff, Monogr. Turbell, 1882, p. 285. — Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 56. Le corps est plus ou moins cylindroïde, déprimé et trans- parent. La tête, continue avec le corps, porte généralement deux ocelles, qui parfois font défaut. La bouche, infère, est siluée au milieu, ou près du milieu de la longueur du corps. Le pharynx annulaire est en forme de rosette. L’estomac a l'aspect d’un sac comme chez les Dérostomes. Une poche séminale et deux poches ovariales constituent les organes génitaux dont l’orifice est commun. Le type de ce genre est Planaria grossa de Müller, Mesos- TOMA GROSSUM, Dugès Ann. sc. nat. XV, 1828, 142. Des quatre espèces énumérées ci-après, deux seulement sont pourvues d’ocelles; les deux autres, outre l’absence d'ocelles, s’éloignent assez du type primitif pour constituer ultérieurement un genre à part. 1. Mesostoma gonocephalum, Sillim. Svx. — Mesostoma gonocephalum, Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, pa pl IV, fe:9: Le corps qui mesure 1,20 millimètre en longueur, est pos- térieurement acuminé; la tête, conique ou subtriangulaire, en est séparée par un léger étranglement ou constriction ; elle porte trois traînées de piquants ou rhabdites, l’une sur sa région médiane, les deux autres latéralement divergentes en arrière des ocelles. Ceux-ci sont réniformes, d’un rouge de brique, silués à la base de la tête et dépourvus de lentilles. Le pharynx, en forme de rosette, occupe une position assez avancée et communique avec un intestin diffus. La couleur orange de l’animal dépend essentiellement de globules adipeux que renferme l'intestin en grande quantité. 212 _ CHARLES GIRARD. Une pigmentation rouge orangé existe néanmoins dans les parois au corps. Cette espèce n’est connue que par quelques exemplaires recueillis par Silliman dans la partie du canal Erié du comté de Munrüe (N.-Y.). 2. Mesostoma Pattersoni, Sillim. SYN. — Mesostoma Pattersoni, Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 57, pl. II, fig. 6-12. Le corps cilié est arrondi, cylindrique et quelque peu ré- tréci vers l'extrémité antérieure qui est arrondie, tandis qu'il est plus épais postérieurement, où il se termine en pointe. Les plus grands individus observés mesuraient de 3 à 3,0 millimètres en longueur, sur une largeur à peu près de 0,6 millimètre vers le milieu ducorps. La tête est continue avec celui-ci. Les ocelles, situés au cinquième antérieur de la longueur du corps, se composent de granules pigmentaires isolés et par conséquent dépourvus de lentilles. La région préocellaire est recouverte de bâtonnets ou rhabdites. Le pharynx, en forme de rosette, correspond à peu près au milieu du corps. La couleur de l’animal est brunâtre, à l’exception de la région préocellaire, qui paraît grise, grâce à l'accumulation de bâtonnets ou rhabdites dont elle est pourvue. Cette espèce vit dans la crique Patterson, comté de Munrôe (N.-Y.), d'où Silliman l'avait obtenue. 3. Mesostoma cæcum, Sillim. SYN. — Mesostoma cæcum, Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 57, pl. IV, fig. 7 et 8. Le corps, qui est cilié, mesure 1,3 millimètre en longueur. La tête estconlinue avec Le corps quise termine en pointe aux deux extrémités. Elle porte deux trainées de rhabdiles; les ocelles manquent. Le pharynx, en forme de rosette, est presque central et aboutit à un inteslin qui occupe la majeure partie RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 9213 x du corps. Celui-ci ne porte à sa surface ni rhabdites ou piquants, ni soies roides, ni rien qui puisse être comparé à des organes palpébraux, d’où la conséquence du manque d'agilité de l'animal, qui fréquente les endroits obscurs. En fait, ajoute Silliman, on ne le rencontre que sous les pierres, dans la vase. La couleur est d’un blanc tirant au gris, l’intégument étant dépourvu de pigmentation ; la coloration est sous la dépen- dance de la nourriture de l'animal, laquelle consiste en roti- fères et animalcules analogues. L'espèce, d’après Silliman, paraît assez commune dans le comté de Munrôe (N.-Y.). 4. Mesostoma viviparum, Sillim. Syn. — Mesostoma viviparum, Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 59, pl. II, fig. 1-3. La têle est confondue avec le corps qui se rélrécit anté- rieurement, tandis qu'il est arrondi à sa région postérieure. Il mesure de 0,5 à 0,65 millimètre en longueur, sur une lar- geur d'environ 0,15 millimètre. Les fossettes ciliées parais- sent singulièrement fines et délicates sans être d’ailleurs com- parables à des soies roides ou à des filamenis flagelliformes. Il n’y a pas d’ocelles. Le pharynx, en forme de rosette, est situé en avant du milieu du corps. L'animal lui-même est iransparent, mais les algues qui vivent dans son parenchyme lui communiquent une teinte verdâtre. Sa surface est dé- pourvue de piquants ou rhabdites. Les embryons observés dans l’intérieur du corps ont la même forme générale que les adultes et ne montrent aucune trace d’ocelles. La naissance du pharynx y est indiquée par un petit cercle d’où partent de minuscules rayons. Cette espèce vit sur les Anacharsis el les Lemna dans la crique Blodgett, comté de Munrôe (N.-Y.), où elle n’est pas rare au dire de Silliman qui l’y a observée. 214 | CHARLES GIRARD. Genre MACROSTOMA, OErsted. Syn. — Macrostoma, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 72. — Schultze, Beitr. Naturg. Turbell, 1851, p. 56. — Graff, Monogr. Turbell. 1882, p. 239. — Sillim. Zeits. wiss. Zool., XL], 1885, p. 49. Le corps est linéaire, oblong et allongé. La tête est con- tinue avec le corps et porte deux ocelles. La bouche, infère, sous forme de fente étroite, longitudinale, est située en arrière des ocelles, et par conséquent éloignée de l’extrémité antérieure. Le pharynx esi ovale, annuliforme, composé de fibres musculaires simples et peu rétractiles. Les ovaires sont doubles et les testicules compacts. Le type de ce genre est le MacrostTomaA Hysrrix de OErsted. | 1. Macrostoma erinaceum, Grd. SyN. — Macrostoma hystrix, Sillim. (non Auct.) Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. #9. « Cette espèce, dit Silliman, est facilement reconnaissable aux deux ocelles noirs, munis d’une lentille simple, et par la terminaison courbée et aigue du pénis. Longueur environ 2 millimètres. » Il ajoute qu’elle est très commune dans tous les étangs et ruisseau du comté de Munrôe (N.-Y.), mais de beaucoup plus fréquente dans les eaux d’un faible courant. Les observations ci-dessus ne nous paraissent pas suffi- santes pour établir l'identité de l’espèce européenne avec celles des États-Unis d'Amérique. A cet effet il eût été dési- rable d'entrer dans une comparaison plus détaillée des carac- tères spécifiques, surtout lorsqu'il s’agit d'espèces dites « représentatives » d’un continent à l’autre. Aussi avons- nous préféré les tenir séparées, afin d'attirer sur elles l'attention des zoologistes, qui seront en mesure d’en faire une étude comparalive. Les caractères généraux attribués, par les auteurs, au RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 9215 M. hystrix sont : la forme allongée et cylindrique du corps, antérieurement tronqué, se lerminant postérieurement en une queue aplatie et spatuliforme. Suivant Oersted « les piquants dont le corps entier est revêtu, et d’où dérive le nom spécifique, sont cunéiformes et paraissent composés chacun de trois petites glandes intimement soudées l’une à l’autre ». Fréquente dans les marais tourbeux du Danemark. 2. Macrostoma sensitivum, Sillim. SyN. — Macrostoma sensilivum, Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 49, pl. IL, fig. 17. Le corps antérieurement arrondi, mesure 1 millimètre en longueur; sa plus grande largeur correspond au milieu de la longueur du corps qui va en se rétrécissant graduelle- ment en arrière vers la queue. Parmi les cils vibratiles ordi- naires, dont le corps est recouvert, on en observe de plus grands et plus espacés sur le pourtour du bord antérieur, vraisemblablement des organes palpébraux ou sensilifs, qui ont valu à l’espèce le nom qu'elle porte. La tête est continue avec le corps, munie qu’elle est de deux ocelles. L’intégu- ment a une apparence moins hérissée que chez l'espèce pré- cédente, les groupes de rhabdites ou piquants y étant plus pelits et plus clairsemés. La couleur est d'un gris blanchâtre, à reflets jaunâtres provenant du contenu de l'intestin. L'espèce vit dans les eaux du comté de Munrôe (N.-Y.) où Silliman l’a recueillie. Genre RHABDOSTOMA, Girard. Le corps est aplati, subcordiforme ou ovoïde, à surface uniformément ciliée; mais sans trace aucune de filaments ou cils flagelliformes, ni de rhabdiles ou piquants. La tête est continue avec le corps et dépourvue d’ocelles. La bou- che, très dilatable, est droite et s'ouvre au bord antérieur. Le pharynx est contenu dans une poche ou gaine, atte- 216 | CHARLES GIRARD. nant aux parois du corps au moyen de fibres musculaires. Ce genre diffère du genre Plagiostoma de Osc. Schmidt par la forme générale du corps, la direction ainsi que la situa- tion de la bouche, la structure du pharynx et l’absence d'ocelles. Rhabdostoma planum, Grd. SYN. — Plagiostoma planum, Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, pl. IV, fig. 1 et 2. Le corps est oblong, cordiforme, antérieurement {ronqué et postérieurement arrondi. Sa surface est uniformément ciliée, sans rhabdites, ni cils flagelliformes d'aucune sorte. La tête se confond avec le corps et ne porte pas d’ocelles. La bouche est droite, terminale et irès dilatable, offrant une grande latitude à l'expansion du pharynx. Celui-ci, poly- morphe, est renfermé dans une poche; il se compose d'un anneau externe et d'une couche musculaire longitudinale interne, attenant aux parois du corps au moyen de fibres musculaires rayonnantes, dont l'office consiste à le rame- ner en arrière après son extension. La longueur totale de l'animal mesure 1,5 millimètre; sa largeur est de 0,7 milli- mètre, Cette espèce s’est trouvée d’une façon inattendue dans l’a- quarium de Silliman; elle appartient en conséquence à la faune du comté de Munrôe (N.-Y.). | Genre AGELIS, Diesing. Syx. — Acelis, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 206. Le corps est grêle ; la tête continue avec le corps et dé- pourvue d’ocelles. La bouche est terminale; l’œsophage tu- buliforme, est protraclile et frangé sur son pourtour hibre. Otolithe globuleux, renfermé dans une capsule cervicale. Pénis cultriforme silué à l'arrière. Pas d’orifice anal. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 217 _ Acelis crenulata, Dies. Syn. — Acmostomum crenulatum, Schmarda, Neue Wirbell. Thiere, 1, 1859, 9, pl: I, fig. 2: Acelis crenulata, Dies., Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 206. — Verr. Rep. invert., 1873, p. 337. Le corps est cylindrique, d’une longueur de 1 millimètre, et d’une seule venue avec la tête. Le pharynx est cylindri- que, protraclile, portant six lobes ou franges sur son bord libre, qui a l’aspect d'être profondément découpé. L'otolithe est grand et sphérique; la capsule qui le renferme est trans- parente. Les ovaires constituent une grosse grappe sphéri- que vers la parlie postérieure du corps. Le pénis est court, cultriform et pourvu d'une double et faible courbure. Schmarda a recueilli cette espèce dans les eaux saumû- tres de Hoboken, sur la baie de New-York. Les Microsromipes constituent une petite famille natu - relle dans l’ordre des Rhabdocoélés, remarquable par le mode particulier de reproduction des espèces qui la compo- sent, lequel s'effectue par voie de divisions ou de segmenta- tions transversales de leur corps, étant au surplus dioïques, alors que les autres Rhabdocoélés sont monoïques. Genre MICROSTOMA, OErsted. SyN. — Microstoma, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 73. — Graff, Monogr. Turbell. 1882, p. 247. — Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 51. Le corps est allongé, linéaire, déprimé, cylindroïde, sub- transparent, marqué de divisions transversales distinctes et uniformément couvert de cils vibratiles. La tête est continue avec le corps et pourvue de chaque côté d'une fossette ciliée. Les ocelles au nombre de deux sont : ou pigmentés ou dé- pourvus de pigments. La bouche, supère, est terminale et dilatable. L'anus est situé au bord supérieur de l'extrémité caudale. Le type de ce genre est le MicrostToma LINEARE de OErsted — Planaria inearis de Müller. 218 | CHARLES GIRARD. Microstoma commune, Grd. Syn. — Microstoma lineare, Sillim. (non Auct.) Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 51. Cette espèce, pour être voisine de . lineare d'Europe, ne nous paraît néanmoins pas identique avec celte dernière, ainsi que le voudrait Silliman. Un trait qui pour n'avoir qu'une importance secondaire, mérite néanmoins d’être re- levé, c’est le fait que chez M. lineare, les ocelles sont dé- pourvus de pigment, tandis que ces mêmes organes sont pigmentés chez M. commune et, au surplus, situés un peu en avant des fossetles ciliées. La forme générale, régulièrement elliplique du corps chez M. lineare, la grandeur de son pharynx, qui occupe presque la moitié de la longueur du corps, les glandes par- ticulières qui recouvrent son intégument et aulres appen- dices extérieurs, sont autant de caractères qui exigent une comparaison étroile avec ce qui existe chez M. commune, avant que leur identité puisse être définitivement admise ou réfutée. Les individus isolés de A. commune, que l’on ne rencontre que rarement, mesurent 1,75 millimètre en longueur, tan- dis que les chaînes d'individus atteignent de 9 à 12 milli- mètres. | Silliman a rencontré cette espèce dans toutes les eaux du comté de Munrôe (N.-Y.). Genre EUSTOMA, Leidy. Syn. — Eustomum, Leidy, Proc. Acad. nat. se. Philad., V, 1851, p. 350. Le corps est allongé, déprimé, cylindroïde, couvert de cils vibratiles, marqué de divisions transversales distinctes. La tête est continue avec le corps et pourvue de chaque côté d’une fossette ciliée ; les ocelles font défaut. La bouche, en forme de cæcum, est située au-dessous du bord antérieur ; le pharynx est musculaire et en forme de tonnelet, non pro- RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 219 tractile. L’anus, ouvert avant la segmentation, s’oblitère après l’accomplissement de ce phénomène. 1. Eustoma caudatum, Leidy. Syn. — Microstomum (Eustomum) caudatum, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 350. Anotocelis caudata, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 236. Microstoma caudatum, Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 51, pl. IV, fig. 4-6. Le corps est long, étroit et linéaire, obtusément arrondi antérieurement, se terminant postérieurement en une queue relevée et étroite; la multiplication par segment oblige la queue du premier segment à surplomber ou de faire saillie sur le bord antérieur du segment suivant. La longueur de l'animal est de 1 à 2 1/2 millimètres; sa largeur de 1/10 de millimètre. Leidy signale cette espèce dans les marais et les fossés des environs de Philadelphie, et Silliman, dans les eaux dormantes et les petits ruisseaux du comté de Monrôe où croissent des Anacharsis et des Chara. 2. Eustoma philadelphicum, Leidy. SYN. — Microstomum (Eustomum) philadelphicum, Leidy,Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 14851, p. 349. Anotocelis philadelphica, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p.236. Le corps est linéaire, légèrement alténué postérieure- ment ; la tête est conoïdale, surmontée à son extrémité d’une pelite papille ovale; la queue est obtusément arrondie. Les fossetles ciliées sont hémisphériques, situées à la base du cône céphalique. La bouche est ovale, protractile; le pha- rynx, en forme de barillet; l'intestin étroit, cylindrique et dilaté à son origine. L'animal est incolore, translucide, couvert de cils vibra- tiles. Sa longueur est d’un demi-millimètre el sa largeur 1/20 de millimètre. L'espèce vit dans les eaux des marais et des fossés des en- virons de Philadelphie, où Leidy l’a recueillie. 220 | CHARLES GIRARD. 3. Eustoma variabile, Leidy.: Syx. — Microstomum (Eustomum) variabile, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 349. Anotocelis variabilis, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 236. Le corps est large, linéaire, obtusément arrondi à ses deux extrémités. Les fossettes latérales sont longitudina- lement ovales. L'intestin est très large. L'animal est in- colore, d’une longueur de 1 millimètre et d’une largeur de 1/30 de millimètre. Cetle espèce vit, avec la précédente, dans les marais et les fossés des environs de Philadelphie, où elle a été re- cueillie par Leidy. Genre STENOSTOMA, 0. Schmidt. SyN. — Stenostoma, O. Schm. Sitzber. Akad. wiss. Wien, IX, 1852, p. 503. — Graff, Monogr. Turbell. 1882, p. 253. — Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 95. Le corps est allongé, subfusiforme, uniformément cilié, s’atlénuant vers les deux extrémités, plus pointu en avant qu'en arrière. La têle, continue avec le corps, porte deux ocelles et des fossettes ciliées. Deux testicules compacts. Le type de ce genre est STENOsToOMA LEUcoPs de Oscar Schmidt — Derostoma leucops, Dugès. 1. Stenostoma neoboracense, Grd. Syn. — Stenostoma leucops, Sillim. (non Auct.) Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 55. Le corps, de couleur blanche, mesure de 1 à 3 millimètres en longueur. La tête est continue avec le corps qui se ter- mine postérieurement en pointe émoussée, comme dans l’es- pèce suivante, mais les fossettes ciliées sont un peu plus éloi- gnées de l'extrémité antérieure. L'espèce est très voisine de Sfenostoma leucops d'Europe avec lequel Silliman l’a identifiée, à tort, suivant nous. Elle RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 221 est très commune, selon ce dernier auleur, dans {outes les eaux du comté de Munrôe (N.-Y.). 2. Stenostoma agile, Sillim. Syn. — Stenostoma agile, Sillim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 53, pl. IT, fig. 13-16. Le corps est fusiforme, d’une longueur de 0,75 milli- tre, atténué sur ses deux extrémités. La tête légèrement séparée du corps, porte deux ocelles Lrès apparents. Les fossettes ciliées sont situées très près du bord antérieur. L'ouverture buccale correspond au premier cinquième de la longueur du corps. Le pharynx est allongé et cylindrique. La couleur est blanche; néanmoins, des individus isolés pré- sentent une teinte gris jaunâtre. Cette espèce a élé observée par Silliman dans la plupart des eaux du comté de Munrüe (N.-Y.) et principalement dans la crique Sandford. Genre ANORTHA, Leïidy. Syn. — Anortha, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 125. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 234. Le corps est très mou, déprimé et cilié. La tête est con- tinue avec le corps et dépourvue d'ocelles. La bouche est terminale, l'intestin droit avec une série de contractions et de dilations ; l’anus est terminal, simple et indistinct. Anortha gracilis, Leidy. Syn. — Anortha gracilis, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 125. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 234. Stenostoma gracilis, Graff, Monogr. Turbell. 1882, p. 225. Le corps est blanc, opalescent, très contractile, monili- forme résultant d’étranglements et de dilatations alternes, correspondant ordinairement à dix des segments dans les- quels l'animal peut se subdiviser, mais disparaissant plus ou moins dans l'extension du corps. Celui-ci est antérieu- 229 CHARLES GIRARD. rement semi-ovale, subaigu, et postérieurement allongé, cylindrique, oblusément arrondi à son extrémité. Les seg- ments présumés sont panduriformes, pourvus chacun pos- térieurement d’un nucléus nucléolé, clair et globuleux. La capacité de l'intestin est sujette à variations ; il est ordinai- rement dilaté dans la dilatation antérieure de chaque seg- ment présumé et très contracté dans les intervalles. La longueur de l’animal est de 4 millimètres. Sa structure entière est extrêmement simple, composée de capsules granulaires nucléolées; celles qui constituent la couche extérieure du corps sont pouruves de cils vibratiles. Leidy à rencontré celte espèce dans les marais des envi- rons de Philadelphie, rampant à la facon des Planariés sur différentes substances, ou plus fréquemment dans une po- silion verticale dans l’eau, sans mouvement apparent, mais conservant sa position à l’aide des cils vibratiles en activité et comparativement grands. Genre RHYNCHOSCOLEX, Leidy. Syn. — Rhynchoscoleæ, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 125. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 244. — Graff, Monogr. Turbell. 4882, p. #29. Le corps est cylindrique, mou, cilié, finement strié trans- versalement, antérieurement allongé en un appendice pro- boscidiforme. Bouche infère. Intestin simple et droit; anus terminal. La tête est continue avec le corps et dépourvue d’ocelles. 4, Rhynchoscolex simplex, Leidy. Sy. — Rhynchoscoleæ simpleæ, Leidy, Proc. Acad. nat. se Philad., V, 1851, p. 125. — Dies. Sitzber. Akad, wiss. Wien, XLV, 1862, p. 245. Le corps est blanc jaunâlre, opaque, antérieurement atténué en un appendice en forme de trompe, longue, cylin- drique et claviforme ; postérieurement abruptement rétréci, obtusément tronqué ou arrondi. La trompe présente de nom- breuses stries longitudinales et transversales. La têle est RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 223 continue avec le corps et dépourvue d’ocelles. La bouche, infère, s'ouvre à la base de la trompe. L'intestin est droit et ample. La longueur de l’animal est de 4 à 6 millimètres, sur une largeur de 2/6 de millimètre. L'espèce a été recueillie par Leidy parmi des fragments jaunâtres de matières végétales, au fond de ruisseaux d'eau limpide des environs de Philadelphie. 2. Rhynchoscolex papillosus, Dies. SyN. — Rhynchoprobolus papillosus, Schmarda, Neue Wirbell. Thiere,1,1859, pl Il, Ge.,25. Rhynchoscolez papillosus, Dies. Sitzber. Akad.wiss. Wien, XLV, 1862, p. 245. — Verr. Rep. invert., 1873, p. 452. Gyrator ? papillosus, Graff, Monogr. Turbell. 1882, p. 336. Le corps est oblong, allongé, arrondi en avant et dimi- nuant graduellement en arrière. Par sa forme générale 1l rappelle celle des T'yphloplana. H mesure 5 millimètres en longueur. La trompe est courte, arrondie, et recouverte extérieurement de papilles. L’orifice buccal est central. La couleur est d'un gris clair. Schmarda a recueilli cette espèce dans les eaux saumâtres de Hoboken, sur la baie de New-York. LES RHABDOCOÉLÉS MARINS. Les Rhabdocoélés marins qui nous restent à passer en revue, sont beaucoup moins nombreux que ceux d’eau douce. Nous en avons décrit deux espèces en 1850 sous les noms de Vortex candida et Vortex Warreni, et une troisième, en 1851, sous celui de Monocelis spatulicauda. L'année sui- vante nous proposâmes le genre Fovia pour V. Warrem. Leidy, en 1851, créa le genre Bdelloura pour deux espèces qu'il crut nouvelles, les Bd. parasitica et Bd. rustica, mais dont la première n’esi autre que celle que nous avions nommée Vortex candida. Le même, en 1855, décrivit une espèce du genre Mono- celis, qu'il appela 7. agihs, et une autre espèce à laquelle il 224 | CHARLES GIRARD. donna le nom de P/anaria frequens, et pour laquelle nous proposons aujourd'hui le genre Meoplana. Verrill, en 1874, enregistra Planarica affinis d'OErsted, dans la faune américaine, lequel appartient en réalité au genre Foua. Il signale en outre une espèce de Monocelis sans la dénommer. En tout neuf espèces américaines, appartenant à six genres dont cinq ont des représentants en Europe, tandis que l’autre est propre au Nouveau Monde. Genre FOVIA, Girard. Syx. — Fovia, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., IV, 1852, p. 211. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 24. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 501. Le corps est déprimé, oblong ou allongé, à bords linéaires, entiers. La têle est d'une seule venue avec le corps, et porte une paire d'ocelles. La région antérieure est subtronquée, et la région postérieure terminée en pointe conique ou arrondie. La bouche est terminale, de même que l’anus. En mentionnant pour la première fois l'espèce type de ce genre sous le nom de Vortex Warreni, nous fimes observer à la « Société d'histoire naturelle de Boston » que sa posi- tion neserait que provisoire dans le genre Vortex, ce dernier renfermant, à notre avis, des êtres si disparales que plu- sieurs d’entre eux nécessiteraient la création de genres nou- veaux. Aussi, dès que nos recherches furent plus étendues, nous avons proposé pour l'espèce en question, le genre Fovia, en attendant que d’autres espèces marines vinssent se ranger à ses côtés, dans cette nouvelle coupe générique. En 1857, Stimpson y ajouta deux espèces nouvelles, recueillies, l’une à Hong-Kong, l’autre à Avatscha (Kamts- chatka). Il y fit entrer Planaria affinis de OErsted, des eaux du Danemark, espèce que Verrill a cru reconnaître dans les eaux américaines. Sans pouvoir nous prononcer sur la validité de cette identification, nous le Ci- après sous la réserve de futures recherches. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 295 x Stimpson rapporte encore à ce genre Planaria littoralis de Müller : Fovra LITTORALIS, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 24. — Planaria littoralis, Müll. Zoo!. Dan. Prodr., 1776, p. 122. — OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, pl. I, fig. 6. | À cette occasion nous devons faire observer que OErsted, à la page 53, cite P/anaria littorahs ci-dessus comme synonyme de Planaria ulvæ ; tandis qu'il la représente comme espèce dislincte, planche I, fig. 6, sans en faire mention nulle autre part, dans le lexte de l’ouvrage. Il est résulté de cetle omission ou inadvertance, de la part du naturaliste danois, que Slimpson cite Planaria ulvæ de OErsted comme synonyme de Fovia htloralis, d'un côté, et de l’autre il inscrit Planaria ulvæ d'Œrsted, comme espèce à part dans le genre Procerodes. Nous avons déjà fait allu- sion à cette erreur à l’occasion de ce dernier genre. 4. Fovia Warreni, Grd.. Syn. — Vortez Warreni, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., LI, 1850, p. 264 et 363; — in Nordam. Monatsb., II, 1851, p. 4. Fovia Warreni, Grd. Proc. Bust. Soc. nat. Hist., IV, 1852, p. 211. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 24. — Vérr. Rep. invert., 1873, p. 339. La forme générale est allongée, les côtés presque paral- lèles et les extrémités antérieure et postérieure arrondies, La couleur est d’un brun rougeâtre, avec un pointillé rouge foncé sur toute la surface supérieure. | Cette espèce, qui est très commune le long du rivage de la baie de Boston, atteint une longueur de 4 à 6 millimètres. Nous l'avons aussi recueillie, en abondance, sur la plage de Chelsea (Mass.). Elle est vivipare : les individus de cette dernière localité renfermaient dans l’intérieur de leur corps; des larves très semblables dans leur forme à celle de l'animal adulte, avec cette seule différence que la région antérieure était plus atténuée. On n'apercevait encore aucune trace d’ocelles, bien que l’espace transparent qui les circonscrira ANN. SC. NAT. ZOOL, XV, 10 296 | CHARLES GIRARD. fût déjà très apparent. Peut-être ne leur manquait-il que la substance pigmentaire pour traduire leur présence. Le tube alimentaire se montrait sous la forme d’un canal central transparent, s'étendant d’une extrémité du corps à l'autre. Le corps tout entier se compose d’une substance cellulaire, pourvue de cils vibratiles. Dédiée au D° John C. Warren, l’un des fondateurs de la « Sociélé d'Histoire naturelle de Boston ». Verrill mentionne « une petite planaire rouge, étroite, oblongue, appartenant selon toute apparence à cette espèce, et recueillie à Woods’ Hole parmi les Zostères, de même que dans la baie de Casco. » — in ep. of Comm. on Fish and Fisher. 1871-72 (1873), p. 480 et 633. 2. Fovia affinis, Stimps. Syx. — Plunaria affinis, OŒErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 54. — Fovia affinis, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad. IX, 1857, p. 24. — Verrill, Amer. Journ. Arts and Sc. (3° ser.}, VII, 1874, p. 132. « Le corps est oblong, déprimé, antérieurement obtus, postérieurement arrondi, presque en forme de cône acu- miné. Brun en dessus, blanc en dessous. » Les caractères ci-dessus, empruntés à OErsted, reposent sur des individus recueillis, entre les pierres, près de la côte du Kallenbodstrand, où ils sont assez rares, paraît-il. Verrill ne donne pas la description de ceux qu'il a eus entre les mains et qui provenaient du cap Elizabeth, récoltés sur la plage, entre la haute et la basse mer. Genre BDELLOURA, Leidy. Syn. — Bdelloura, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 289. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 24. — Dies. Sifzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 518. Le corps est dilaté, déprimé, convexe, en dessus, posté- rieurement tronqué avec une dilatation discoïde en forme de ventouse, précédée d’un léger étranglement. La tête est con- RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 227 tinue avec le corps, dépourvue d’appendices tentaculiformes et munie d’une paire d'ocelles. La bouche, infère, est sub- centrale ; l’æœsophage protractile, est cylindrique. La dilatation discoïde de l'extrémité postérieure du corps sert à l'animal de point d'appui, ou d’attache, dans ses mou- vements, ou ses temps d'arrêt sur les corps environnants. … Leidy rapporte à ce genre Planaria longiceps de Dugès : . BpecLourA LoncGicers, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 289. — Planaria longiceps, Dug. Ann. sc. nat., XXI, 1830, p. 83, pl. IL, fig. 21. — Dies. Syst. Helm., 1, 1850, p. 207. Nous y ajouterons : | BDELLOURA LINULI, Grd. — Planaria limuli, Graff, Zool, Anz., II, 1879, p. 202. 1. Bdelloura candida, Grd, . SyN. — Vortex candida, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., IT, 1850, p. 264; et Nordam. Monatsb., Il, 1851, p. 4. - Bdelloura candida, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., IV, 1852, p. 211, — Gissler, Amer. naturl., XVI, 1882, p. 52. — Verr. Rep. invert., 1873, p. 340: Bdelloura parasitica, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 248 et 289. — Dies. Siézber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 518. En plaçant primilivement cette espèce dans legenre Vorter, nous avions pressenti qu'elle ne s’y maintiendrait que provi- soirement. Lorsque, peu de temps après, Leidy créa le genre Bdelloura, dans lequel il fit entrer deux espèces, il ne se doutait pas de l'existence de notre Vorter candida qui en fait partie, puisqu'il le décrivit sous le nom de Bdelloura para- sihea. Parasite, l'espèce ne l’est pas en réalité. On la ren- contre, il est vrai, la plupart du lemps, sur les tests des Limules, dont elle est peut-être le commensal, sans que cet habitat lui soit exclusif. Le fait est que ces animaux ne peu- vent vivre, flotiant au gré des ondes, et qu’il faut néces= sairement qu'ils s’attachent aux objets environnants, ani- maux où plantes marines. A ce titre, d’autres espèces de planariés mériteraient le nom de parasites. 228 CHARLES GIRARD. Le corps est lisse, mince, lancéolé ou spatuliforme, anté- rieurement rétréci et obtus sur son bord frontal ; les flancs sont très amincis, ondulés, quoique entiers. Il est tronqué postérieurement, à pourtour discoïde, presque aussi large que sur le milieu du corps; un léger étranglement marque la limite de la ventouse caudale. Deux ocelles réniformes, for- mant la paire, occupent la région antérieure. L'œsophage est simple, cylindrique, en forme de clochette ou de campa- nille, lorsqu'il s’allonge hors de la cavité buccale. La lon- gueur totale de l'animal mesure 15 millimètres sur une lar- geur de À millimètre et demi. Les individus les plus grands ont la faculté de se rétracter à 1 centimètre sur une largeur de 5 millimètres. Le corps est presque transparent, d’un beau rose pâle, ou d'un blanc laiteux. L’intestin, que l’on aperçoit par transparence des intéguments, est d’une légère teinte jaunâtre. | Les mouvements de l'animal s’opèrent soit en glissant sur un corps solide, à la facon des planariés en général, soit en y fixant son extrémité postérieure, au moyen de sa ventouse ; et, étendant la partie antérieure dans sa plus grande exten- sion, ilrarnène à lui la partie postérieure, qui abandonne brus- quement son point d’atlache, à l'instar des sangsues. D’autres fois l'extrémité postérieure restant fixée, la partie antérieure ondoie, de-ci de-là, dans toutes les directions. : Obtenue en grandes quantités sur la plage de Chelsea (Mass.), à marée basse, sur les tests des Limules {Po/yphemus occidentalis), que la mer en se retirant laisse à découvert sur la grève. Elle y adhère avec ténacité, de même qu à la face inférieure des couvercles branchiaux, sur les branchies elles- mêmes et autour des articulations des pattes. Leidy ét Verrill l’ont observée dans les mêmes conditions à « Egg Hahen » et « New-Haven ». John A; Ryder, en 1882, en explorant la baie de la Che- sapeake, oblint une Limule sur laquelle püllulaient de petites planaires qu'il prit pour de vrais parasiles. Leur grande diversité, encore à l’état de larves, lui donna à penser qu'il RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 229 élait en présence de deux ou trois espèces distinctes. Néan- moins il ne crut pas devoir les décrire sous des noms spéci- fiques particuliers, n'ayant pas eu le loisir, ni le moyen d'en faire une étude complèle. Alex. Agassiz, à l'examen duquel elles furent soumises, déclara que toutes ces variétés ne constituaient qu’une seule et même espèce et, au surplus, identique avec Planaria angulata de Müller. Nous verrons ci-après qu'il n’en est rien. Il résulle des observations de Ryder, que les planariés de la baie de la Chesapeake pondent leurs œufs renfermés dans de petites capsules, isolées les unes des autres, et fixées sur place par un disque supportant un filament auquel adhère ladite capsule, donnant à celle-ci l’aspect d’un minuscule champignon. Ces capsules, de forme ovale, aplaties sur l’un des côtés et convexes de l’autre, renferment chacune un, deux ou quatre embryons s’'échappant, à un moment donné, de l’ex- trémité libre qni se rompt pour la circonstance. | La segmentation du vitellus, qui n’a pu être observée faute d'instruments d'optique suffisants, était d'autant plus difficile à suivre que les capsules, chitineuses de leur nature, élaient encore obscurcies par une pigmentation irès dense. Elles étaient de diverses grandeurs ; les plus grandes mesu- raient ! millimètre et un quart. Il y en avait de trois types différents, qui donnèrent à penser, à première vue, à l'existence d'autant d'espèces distinctes. Peut-être la diffé- rence de grandeur élait-elle en rapport avec le nombre des embryons qu'elles renfermaient. _ Gissler, en la même année 1882, à fait des observations analogues, sur des larves récoltées sur des Limules dont il n'indique pas la provenance. Packard, consulté à leur égard, rapporta ces larves au Pdelloura candida. Les capsules ova- riales consistaient en une masse brune, homogène, bleuâtre et coriace, ovoïdes ou cupuliformes, quelques-unes pourvues d'une sorte de lèvre ou languette à l'extrémité, par laquelle elles étaient fixées en place. Les jeunes larves possédaient 298 suarrauu CHARLES GIRARD. déjà une paire d'ocelles, situés dans un espace oblong et transparent, qui disparaissait chez l'adulte au dire de Gissler, ce qui paraît élrange du moment que ces organes existent chez le Bdelloura candida adulte. Une larve qui mesurait 16 millimètres en longueur, 6 millimètres en lar- geur et 1 millimètre d'épaisseur, présentait des mouvements ordulatoires lents, assez semblables à ceux des Colimaçons. Les observations de Ryder et de Gissler ne nous paraissent pas en parfaite concordance, et les figures qui accompagnent leurs descriptions confirment nos doules à cet égard. Ou bien l'espèce est unique et dans ce cas elle serait très poly- morphe. Rien d'étonnant, néanmoins, à ce que plusieurs espèces se trouvassent partager un habitat commun, en société sur le corps des Limules. ; Quoi qu'il en soit, et dès à présent, nous pouvons dire que les Planariés observés par Ryder dans la baie de la Chesa- peake sont loin d'être identiques avec Planaria angqulata de Müller (1). Celui-ci est un Némertien, que OErsted (2) place dans le genre Cerebratulus et Diesing (3), dans le genre Meckelia. | Graff (4) qui fit, en 1879, une étude détaillée de planariés, analogues à ceux de Ryder et de Gissler, provenant de Limules de l'aquarium de Francfort-sur-le-Mein, démontra, sans beaucoup de peine, leur différence d'avec P/anaria angulata, et conséquemment les décrivit comme constituant une espèce nouvelle sous le nom de Planaria limuli « sem- « blable sous le rapport de la grandeur et de la couleur à « Planaria lactea (Dendrocælum lacteum), mais différente par « sa forme extérieure, son extrémité antérieure pointue, son extrémité postérieure tronquée et pourvue d'une grosse ventouse se détachant nettement du reste du corps ». Ce n'est pas, en effet, vers Dendrocælum lacteum qu ‘il ns) ” Len] La) (4) Zool. Dan. Prodr., 1776, p. 221. (2) Plattw., 1844, p. 94. (3) Syst. Helm., I, 1850, p. 268. (4) Zoolog. Anzeiger, 1879, p. 202. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 9231 faut regarder pour trouver des affinités génériques avec Planaria limuli, car, ainsi que nous l'avons vu ci-dessus, le genre Dendrocælum ne possède pas de ventouse caudale. Par ce dernier trait on a déjà reconnu le genre Bdelloura, lequel, à son tour, ne possède pas d’intestin dendritique. Les vraies affinités de P/anaria limuli répondent à celles de Pdelloura candida, aussi n’avons-nous pas hésité à la placer dans le même genre, les deux espèces étant très voisines. La ponte s'effectue de la même façon que chez l'espèce américaine, mais les capsules, ou cocons, comme Graff les appelle, contiennent un nombre beaucoup plus considé- rable d'embryons, allant parfois jusqu’à neuf dans le même cocon. | | De ce qui précède, il résulte le fait intéressant d’un pla- narié altaché au corps des Limules de la mer du Nord, analogue à ceux que l’on trouve sur les Limules de l’océan Atlantique. À 1AE 2. Bdelloura rustica, Leidy. Syx. — Bdelloura rustica, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 243. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLIV, 1862, p. 518. — Verr, Rep. invert., 1873, p. 340. Le corps est brunâlre, ou olivâtre, translucide, lancéolé, antérieurement rétréci et obtus. Il est tronqué postérieure- ment, avec les flancs parallèles, à part une légère constric- lion qui marque le disque terminal. Il est aminci sur ses bords, qui restent entiers, quoique ondulés. Les deux ocelles sont réniformes. L’œsophage est simple et cylindrique. La longueur de l’animal est de 4 à 6 millimètres sur une largeur de 1/2 à 1 millimètre. Ses mouvements sont sem- blables à ceux de l'espèce précédente. Lorsqu'il est en liberté, dans l’eau, il se meut avec une grande agilité et s'élève à la surface, à la facon des sangsues et des larves de Cousins. | | Celte espèce à été recueillie par Leidy à « Egg Harbor » (New-Jersey), attachée à des Ulva latissima. 232 . CHARLES GIRARD. Genre NEOPLANA, Girard. Corps allongé, postérieurement obtus ou tronqué. Tête continue avec le corps, tronquée ou subtronquée à son bord antérieur et munie de deux auricules et de deux ocelles réniformes. Planaria ulvæ de OErsted appartient à ce genre : * NEOPLANA ULVÆ, Grd. — Planaria ulvæ, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 53, pl. L fig. 6. 1. Neoplana frequens, Grd. SyYN. — Planaria frequens, Leidy, Journ. Acad. nat. sc. Philad. (2° ser.), IL, 1855, p. 143. Le corps en forme de spatule est convexe postérieurement et rétréci antérieurement. La tête, continue avec le corps, est tronquée el porle deux auricules et deux ocelles réni- formes, distants l’un de l’autre. La longueur totale atteint 3 millimètres sur une largeur de 1/3 de millimètre envi- ron. La couleur est noire en dessus, grise en dessous. Cette petite espèce, très active, est abondante sous les pierres près de la ligne de haute marée. Leidy l’a recueillie à la pointe Judith. | 2. Neoplana grisea, Grd. SyN. — Planaria grisea, Verr. Rep. invert., 1873, p. 339. Le corps est allongé, ordinairement oblong dans l’exten- sion, souvent long, ovale ou quelque peu elliptique, obtusé- ment pointu postérieurement. La tête est subtriangulaire au bord antérieur, souvent un peu proéminente au milieu; les angles sont un peu proéminents sans être allongés. Les ocelles, deux en nombre, noirs, sont entourés chacun d’une tache blanche réniforme. La longueur, dans l'extension mesure 12 millimètres sur une largeur de 3 millimètres. La couleur est vert jaunâtre ou grisâtre avec une raie cen- * | RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 233 trale blanchâtre sur le milieu du dos, et une teinte plus foncée en bordure. Le pourtour marginal de la têle est blanchâtre. | | | L'espèce vit sous les pierres entre la haute et la basse marée. Elle a été obtenue par Verrill à « Watch Hill » (Rhode-Island). | Genre DINOPHILUS, O0. Schm. SyN. — Dinophilus, O. Schm. Neue Beitr. Naturg. Würm., 1848, p. 3; et Silzber. Akad. wiss. Wien, XXIIL, 1857, p. 349. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 240. Le corps est grêle et allongé. La tête continue avec le corps est triangulaire, portant de longs cils sur son pour- : tour. La bouche a la forme d’une fente située transversale- ment près du bord antérieur. L'œsophage est amphoriforme, non protractile. Les ocelles sont au nombre de deux, réni- formes ou arrondis. Il n’y a pas d’otolithe. Les sexes sont séparés, L’anus, infère, est subterminal. Dinophilus borealis, Dies. Syn. — Dinophilus borealis, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 249. — Verrill, Proc. Amer. Assoc. Adv. of sc. (1873), 1874, p. 370. Plagiostomum boreale, O. Schm. Süzber. Akad. wiss. Wien, IX, 1852, p.499, pl. XLVI, fig. 12. « Le corps est cylindrique ou fusiforme, acuminé à son extrémité postérieure. Les ocelles sont arrondis et noirs chez les adultes. De couleur blanche avec trois larges raies trans- versales rouges ou brunâtres. » Ces caractères sont pris sur des individus provenant de l’île Loppen, l’une des Feroë, Norwège septentrionale. Verrill ne donne aucun renseignement sur ceux qu’il a re- cueillis dans la baie de Casco, entre la haule et la basse mer, de sorte qu'il peut planer des doutes sur l'identification ci-dessus. 28 _ CHARLES GIRARD. Genre MONOCELIS, Ehrenb. Syn. — Monocelis, Ehr. Symb. Phys. Evert., 1831. — OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 55. Le corps est de forme linéaire, un peu déprimé; la têle, continue avec le corps, porte un ocelle unique, situé sur la première moitié de la longueur du corps. La bouche est placée en arrière du milieu de la face inférieure. Le type de ce genre est Planaria rutilans de Müller, MonocELis RUTILANS, Ehr., ce que semblent ignorer des auteurs récents qui créèrent les genres Monops et Monotus à son détriment. La délimitation de ces genres et leurs carac- tères différentiels de Monocelis, restent à établir d’une manière plus précise. | Monocelis agilis, Leidy. SyN. — Monocelis agilis, Leidy, Journ. Acad. nat. sc. Philad. (2° ser.), IL, 4855, p. 143. — Verr. Rep. Invert., 18173, p. 317 Monops agilis, Dies. Sitzber. Ahud. wiss. Wien, XLY, 1862, p. 232. Le corps est elliptiquement allongé, antérieurement et postérieurement subaigu. Sa longueur mesure 1 et 1/2 milli- mètre et sa largeur 1/6 millimètre. La couleur est noire ou fuligineuse. L'ocelle est brun. ROLE | Cette espèce a été recueillie à marée basse par Leidy, à la pointe Judith, rampant sur les tests de Mytilus eduls. Ver- rill la signale à New-Haven dans les mêmes circonstances. Verrill(Amer. Journ. Arts and Sc.3°ser VII, 1874, p. 132) mentionne, sans la décrire, une espèce de Monocels, observée au cap Elisabeth, sur la plage, entre la haute et la basse marée. Genre MONOPS, Diesing. Sy. — Monops, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 230. Le corps est grêle et allongé, son extrémité postérieure RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 239 se terminant par un disque. La têle est continue avec le corps, ou en est légèrement distincte; elle porte un ocelle. La bouche est située au milieu de la face inférieure. Monops spatulicaudus, Dies. Syx. — Monocelis spatulicauda, Grd. in Nordam. Monatsb., IL, 1851, p. 4. Monops spatulicaudus, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 232. Monotus spatulicauda, Verrill, Amer. Journ. Arts and sc. (à° ser.), VIT, 1874, p. 132. — Graf, Monogr. Turbell. 1882, p. 425. Très petite éspèce dont le corps est filiforme, avec Ia région antérieure alténuée, tandis que la région postérieure se termine en loue de disque ou spatule. Sa longueur totale mesure 4 à 6 millimètres et sa largeur 1 et 1/2 milli- mètre. La couleur est uniformément d'un blanc sale ou grisâtre. | Elle a été recueillie par nous dans le port de Boston, où elle n’est pas rare. Verrill l’a retrouvée sur la plage du Cap Elizabeth, entre la haute et la basse mer. LES NÉMERTIENS. Le corps des Némertiens, lisse et couvert de cils vibra- tiles, jouit d’une protractilité et d’une rétractilité beaucoup plus étendues que celui des Planariés. La mollesse de ces animaux les rend d’une fragilité extrême, n'étant protégés par aucune enveloppe fibreuse ou chitineuse, analogue à celle des vers ou annelés, les Helminthes exceptés. Mais chez ces derniers, la présence de zoonites ou segments transversaux, les distingue à première vue des Némertiens. Et si chez quelques-uns de ceux-ci on observe des simulacres d’anneaux, il est facile de s'assurer par l'observation, que ce ne sont que de simples rides superficielles produites par l'état de contraction de leur corps et qui disparaissent dans l'état d'extension. | Les Némertiens ont une circulation complète, un tube digestif simple, une trompe exertile nue ou armée. L’intes- 236 CHARLES GIRARD. lin, généralement aveugle, n'est pas adhérent aux parois du corps. Ils sont dioïques en majeure partie, et les organes de la génération, dans les deux sexes, sont placés sur les côtés de la cavité abdominale, dont ils occupent presque toute l'étendue. Quelques-uns sont hermaphrodites et peut- être en est-il de vivipares. | Longlemps l’on avait cru que les Némerliens étaient des êtres exclusivement marins. C’est encore le cas pour la majeure partie. On en a découvert un petit nombre dans les eaux douces; et, plus récemment encore, des espèces dont les mœurs sont exclusivement terrestres. Sur les cinquante-deux espèces de Némertiens que nous connaissons actuellement dans l'Amérique du Nord, les îles Bermudes comprises, l’une est terrestre; {rois vivent dans les eaux douces, et quarante-huit dans les mers. Elles se répartissent dans vingt-six genres, dont dix-huit ont des représentants dans l’ancien hémisphère, tandis que les huit autres ne comptent, jusqu'ici, que des espèces américaines, LES NÉMERTIENS TERRESTRES. On en a signalé jusqu'ici quatre espèces; mais si l’on en juge par l'étendue de l'aire où elles ont été rencontrées, et aux circonstances qui ont présidé à leur découverte, nous devons nous attendre d’en voir augmenter le nombre dès que l'attention des explorateurs se reportera sur elles. La première espèce, découverte par Semper, dans les îles Palaos {archipel des Carolines), a élé décrite en détail en 1863, sous le nom de (Geonemertes palaensis, mais le genre n’a pas été l’objet d’une diagnose à part. La deuxième espèce a élé trouvée dans le terreau d'un vase contenant un Corypha australis, de la serre des pal- miers de Francfort. Sa patrie est donc sensément la même que celie de ce palmier. Graff, auquel le directeur de la serre susdite remit les exemplaires de cet animal, décrivit l'espèce avec détails très étendus en 1879, sous le nom de RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 237 Geonemertes chalicophora. Semper n'ayant pas caractérisé le genre, Graaf laissa les choses en l’état. Nous avons essayé de dégager des descriptions de ces deux auleurs, les traits génériques comme suit : GEONEMERTES, Semper. — Corps allongé, cylindrique, antérieurement tronqué, postérieurement acuminé. Tête continue avec le corps, portant six ocelles groupés à la région antérieure. Bouche située à la partie mférieure de la région antérieure. Trompe {rès protractle. GEONEMERTES PALAENSIS, Semper, Zeits. wiss. Zool., XIIT, 1863, p. 539, pl. XXXVIIT, fig. 5. — Kennel, Arb. Zool. Zoot. Inst., Wurzb., IV, 1877-1878, p- 364, pl. XIX. — Vaill. Hist. Ann. IIT, 1889, p. 610. Longueur : 2 à # centimètres, couleur d'un blanc rougeâtre transparent. La définition du genre précédent nous conduit à en créer un autre pour l’espèce décrite par Graf. LEPTONEMERTES, Girard. -—— Corps allongé, fusiforme, antérieurement elliptique, postérieurement acuminé. Tête continue avec le corps portant quatre ocelles disposés en quadrilaière sur le milieu de la tête. Bouche terminale ainsi que l'anus, | LEPTONEMERTES CHALICOPHORA. — (eonemerles chalicophora, Graff, Morph. Jarhb., V, 1879, p. 430, pl. XXV-XX VII. Longueur : 12 millimètres sur 2/3 millimètre de largeur: couleur d’un blanc 'laiteux, légèrement transparent. La troisième espèce, qui habite l'ile Rodrigue (océan Indien) a été décrite par G. Gulliver sous le nom de Tetra stemma rodoricianum. Une étude plus détaillée démontrera que ses affinités naturelles l’éloignent des Tétrastemmes pour la rapprocher des Géonemertes et autres genres de Némertiens terresires. La quatrième espèce est due aux recherches de Willemoës- Suhm, naturaliste du Challenger, qui l’a décrite en 1874, sous le nom de Tetrastemma agricola ; mais elle constitue, en réalité, un genre distinct. Elle habite les îles Bermudes, dont la faune se rattache à celle de l'Amérique du Nord. 238 CHARLES GIRARD. Genre NEONEMERTES, Girard. La bouche est située dans une fente longitudinale qui donne à la région céphalique un aspect bilobé. La tête continue avec le corps, porte quatre ocelles disposés en tra- pèze s sur sa région moyenne. | Mi. ( Neonemertes agricola, Grd. Sy. — Tetraslemma agricola, Willemoës-Suhm, Ann. and Mag. nat. Hist. (4e ser.), XIII, 1874, p. 409, pl. AVIL. — Hubrecht, Voy. Chall. Zool., XIX, 1887, p: 23 (vignette). | La tête ne se distingue pas du corps qui est grêle et allongé; elle porte deux paires d’ocelles sur sa région moyenne, formant quadrilatère lrapézoïdal ; la paire anté- rieure est située près de l’orifice donnant issue à la trompe, tandis que la paire postérieure, moins apparente, en est plus éloignée. Les ocelles eux-mêmes se composent de pig- ment finement granulaire. enfoui dans une substance inco- lore, dans laquelle les granules sont agglomérés el où cepen- dant on n’observe aucune trace de lentille régulière. On aperçoit au-dessous des ocelles, le système nerveux central composé de deux lobes, réunis par un anneau entourant la trompe. | | Les plus grands individus mesurent 35 millimètres en longueur sur 2 millimètres de largeur. Leur couleur est blanc laiteux. Leurs mouvements sont lents, imitant parfois ceux des chenilles : ils font sortir une trompe qu'ils fixent à quelque distance, où elle adhère au moyen des papilles dont elle est pourvue, puis atlirent leur corps en avant. Placés dans de l’eau salée, ils vivent l’espace de vingt-quatre heures, tandis que l’eau douce les tue en peu de temps. Willemoës-Suhm croit que l’espèce est vivipare, mais sans en être certain; elle vit sous les pierres à sec, parmi les Mangliers de « Hungary Bay ». RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 239 LES NÉMERTIENS D'EAU DOUCE. On en rencontre dans l'Ancien et dans le Nouveau Monde. Les premières espèces européennes furent découvertes par Dugès qui en décrivit deux en 1830, pour lesquelles il créa le genre Prostoma; mais l’une d'elles seulement, P. clepsi- noïdes, à élé retenue dans ce genre. L'autre, P. Jumbricoïdes, est placée, à tort suivant nous, dans le genre Tetrastemma. De Quatrefages en à découvert une autre espèce qu’il décrivit en 1846, sous le nom de Po/ia Dugesu, que Leidy fait entrer dans son genre £mea. M. Schultz en décrivit une espèce en 1851, sous le nom de Prorhynchus stagnalis, dont il fit un genre à part. En 1869, Czerniovsky signale un Némertien d’eau douce dans le lac Paléostome, dont l’histoire JLLIe Le est encore à faire. Fedschenko, en 1872, en mentionne deux espèces des environs de Tachkend, dans le Turkestan, l’une sous le nom de Prorhynchus rivularis, V'autre sous celui de Tetrastemma taranicum, mais dont les affinités génériques de cette der- nière, avec les Télrastemmes, ne nous paraissent pas éta- blies d’une manière certaine. En 1886, Kraeplin parle d'une espèce de Tetrastemma voisine, dit-il, du 7”, aguarum dulcium de Silliman, décou- verte dans les eaux d'alimentation de la ville de Hambourg, ce qui en ferait une espèce d'Emea. En 1888, Kennel signale un Némertien d’eau douce aux environs de Wurzbourg, rencontré subséquemment en Li- vonie, mais sans préciser davantage ses caratères z0010- giques. Celui que mentionne, en la même année 1888, Stuhl- mann, aux environs de Bergamovyo, n’est pas mieux déter- miné que le précédent. Enfin en 1892, du Plessis (Z00/. Anz. XV, 1899, p. 64) en a découvert une espèce dans le lac de Genève et à laquelle 240 | CHARLES GIRARD. il donne provisoirement le nom de Tetrastemma lacustre, nous en promeltant une description détaillée ultérieure- ment. L'histoire bibliographique des Némertiens d’eau douce est résumée, par M. Jules de Guerne, dans les Comptes rendus hebdomadaires de la Société de Biologie, avril 1892. La première espèce de l'Amérique du Nord, que Leidy décrivit en 1851, et nomma Æ£mea rubra, a de grandes affi- nités avec Prostoma clepsinoïides. | Une deuxième espèce américaine est celle que Silliman a décrite et figurée en 1885 sous le nom de Tetrastemma aqua- rum dulcium, laquelle paraît très voisine de l’Emea rubra, et que pour celte raison nous plaçons dans le même genre. De plus, Silliman en à trouvé une autre espèce dans les eaux douces du comié de Munrôe, et qu'il place dans le genre Prorhynchus, en la considérant comme idenlique avec celle des environs de Greifswald, que Schultz avait fait con- naître sous le nom de P. séagnalis. Mais Silliman adopte, à torl, le nom de P. fluviatihis, que Leydig substitue à celui de P. stagnalis, sous prétexte que l'espèce vit dans les eaux courantes et non dans les eaux dormantes. D’après Les règles de la nomenclature adoptées aujourd’hui, le nom de P. s{agnals restera pour désiguer l'espèce des environs de Greifswald, et le nom de fluviatilis sera aban- donné à jamais pour toute espèce qui pourrait appartenir au genre Prorhynchus. — L'espèce américaine, que nous croyons distincte de celle d'Europe, réclame ainsi un nom nouveau, et à cet effet nous proposons de la désigner sous celui de P. tenus. | | Schmarda en a décrit une espèce du lac de Nicaragua sous le nom de Nemertes polyhopla, mais dont les caractères s’éloignent assez des espèces marines pour justifier l'éta- blissement d'un genre à part, auquel Diesing a appliqué le nom de Polyhopla, en réservant pour l'espèce celui de nemertes. On pourrait désirer une plus heureuse appella- tion binominale. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 241 Ce qui porte à quatorze le nombre des Némertiens d’eau douce connus jusqu'à ce jour. De ce nombre dix appar- tiennent à l'Ancien Monde et quatre au Nouveau Monde. Genre EMEA, Leidy. SyN. — Emea, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 124 et 287. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 270. Le corps est linéaire et comprimé. La tête, continue avec le corps, est couverte de cils vibratiles et munie de deux fosseltes lenticulaires de chaque côté. Les ocelles, au nom- bre de deux à quatre paires, sont situés à la région anté- rieure et près des bords. La trompe est munie de stylets. La bouche est infère et terminale; le canal alimentaire est simple, et l'anus terminal. Leidy rapporte à ce genre l'espèce que de Quatrefages a décrite sous le nom de Pola Dugesu, munie d’une paire de fossettes et de six ocelles, disposés sur trois paires, el vivant dans le canal Saint-Martin, à Paris, où le savant français l'avait recueillie. Emea Ducesnr, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 288. — Polia Dugesiü, De Quatr. Rech. Anat. et phys., I, 1846, p. 211. 1. Emea rubra, Leidy. PI. VI, fig. 64-68. Sy. — Ermnea rubra, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1831, p. 124 et 288. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 270. Le corps est allongé, comprimé, se contractant irréguliè- rement. Les régions antérieure et postérieure sont arrondies, cette dernière plus large que la première. Les ocelles consis- tent en deux ou quatre paires de points noirs, placés sur une ligne, l’un derrière l’autre, de chaque côté de la tête. La première paire de fossettes latérales de la tête est située à l'opposé de l’espace interocellaire des deux paires anté- rieures d’ocelles; la deuxième päire de ces fosseltes est placée en arrière de la paire postérieure d'ocelles. La ANN. SC. NAT. ZOOL. xv, 16 249 CHARLES GIRARD. trompe est tortueuse et villeuse, portant à sa région infé- rieure une épine, ou dent anguliforme, et quatre autres épines rudimentaires de chaque côté, renfermées dans une gaine. La bouche est simple; l'intestin cylindrique, s’oblitère postérieurement. Lorsqu'on touche l'animal, ou qu’on l’ir- rile, 1l sécrète une grande quantité d'un mucus très tenace. L'appareil générateur consiste en deux tubes amples et très tortueux, placés de chaque côté du canal alimentaire et s’élendant à toute la longueur du corps. On observe parfois des individus femelles de la plus grande taille sans la moin- dre trace d’ovules, tandis que d’autres, mesurant de 4 à 8 millimètres en longueur, contenaient un nombre variable (3 à 18) de grands œufs, ou cocons, jaunes. L'intérieur du corps, dans les intervalles des viscères, est rempli de corpuscules ovoïdes. L'animal est couleur de chair rougeâtre, ou jaunâtre. Sa longueur ordinaire est de 2 à 12 millimètres sur une lar- geur de 2 dixièmes de mill. Il atteint parfois 20 millimètres de long sur 2 sixièmes de mill. de large. Il a la faculté de s’al- longer ou de se raccourcir de la moitié de sa longueur totale. L'espèce vit dans les marais, les fossés et les étangs sta- gnants des environs de Philadelphie, rampant soit sur des substances végétales en décomposition, soit sur le fond vaseux. Var. À. — Blanche, 4 millimètres de long sûr 2 douzièmes de mill. de large, vivant à la surface inférieure des pierres dans la rivière Schuylkill, en aval de Philadelphie. 2. Emea Süillimani, Grd. Syn. — Tetrastemma aquarum dulcium, Silim. Zeits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 70, pl. IT, 19-24. D'après Silliman, cette espèce serait très voisine, sinon identique avec la précédente, mais n'ayant pas, nous-même, la certitude absolue de cette identité, nous avons préféré la menlionner ici sous un nom particulier. D'ailleurs, elle ap- partient au genre Emea avant tout. La description détaillée et les figures qu’en donne l’auteur que nous venons de citer, RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 243 tant à l’état adulte qu'à celui de larve, permettront d'établir sur des bases solides l’étude encore imparfaite des autres espèces du même genre et des Némertiens d’eau douce en général. Les principaux caractères de cette espèce comparée à l’Emea rubra consistent dans la disposition des ocelles, ordi- nairement au nombre de six, sur trois paires. Il y en a ce- pendant quelquefois sept et jusqu'à huit, auquel cas la paire postérieure est faiblement développée et placée au-dessus du cerveau. Les deux paires antérieures conservent en tous cas la même situation respective et ne font jamais défaut. On les observe aussi chez les très ] jeunes embryons, où ils se développent plus tôt que les autres paires. Les fossettes ciliées sont situées un peu en avant du cer- veau. La bouche, en forme de fente, conduit dans un œso- phage dilatable. La trompe est logée dans un fourreau qui s’étend jusqu au dernier liers de la longueur du corps. De jeunes embryons, mesurant 0"*,3, étaient déjà pourvus d’une trompe et de six points ocellaires. Cette espèce vit dans tous les ruisseaux du comté de Munrôe (N.-Y.), quoiqu'elle y soil assez rare, et où Silliman l'a recueillie. On la rencontre, dit-il, sous les pierres en compagnie de planariés. Sa présence se révèle tout particu- lièrement lorsqu'elle est dérangée,; dans ce cas elle se ra- masse sur elle-même el prend une teinte rouge carmin. Lorsque l’animal se meut tranquillement sur les parois d’un aquarium, le corps déployant toute sa longueur de 10 à 12 millimètres sur un diamètre d'environ 0°*,6 à 08, ül revêl une légère teinte rouge chair. Genre PRORHYNCHUS, M. Schultz. SyN. — Prorhynchus, M. Schultz, Beitr, naturg. Turb., 1851, p. 60. — Leydig, Müller’s Archiv, 1854, p. 290. — Dies. Sitzber. Akuad. is. Wien, XLV, 1862, D 209— Sillim. Leits. wiss. Zool., XLI, 1885, p. 09. Le corps est allongé, filiforme et cylindrique; la tête, continue avec le corps, est munie de fossettes ciliées et dé- 244 | CHARLES GIRARD. pourvue d’ocelles. La bouche, terminale, tient pareïllement lieu, chez le mâle, d'ouverture à l'appareil génital, dont l’or- gane copulateur, chitineux, est styliforme. Le pharynx est simple, non évertile. Les organes sexuels femelles débou- chent près du bord antérieur, et sont dépourvus d’appareil accessoire. | _ Le caractère essentiel de ce genre, dit Schultze, réside dans la forme et dans la structure de la trompe, dont la partie armée est très rapprochée du bord antérieur, consé- quence de la non-évertilité du pharynx. Prorhynchus tenuis, Grd. SyN. — Prorhynchus fluviatilis, Sillim. (non Leydig), Zeits. wiss. Zool., XLÏ, 1885, p. B5. La longueur de cette espèce, d'après Silliman, ne dépas- serait pas 2 millimètres et sa laille resterait au-dessous de celle de l'espèce européenne, avec laquelle il l’identifie. Ces traits sont, à vrai dire, insuffisants pour caractériser l'espèce américaine; des observations ultérieures plus complètes nous apprendront si c’est à tort ou à raison que nous l’en- registrons ici sous un nom particulier. C'est un animal rare, que Silliman n’a rencontré que cinq à six fois dans divers ruisseaux du comté de Munrôe (N.-Y.). LES NÉMERTIENS MARINS. Les premières espèces américaines connues remontent à nos recherches. Nous en signalâmes d’abord quatre en 1851, pendant que Leidy, de son côté, en décrivit deux autres dans le courant de la même année, et postérieurement une troisième. Nous en ajoutâmes douze espèces nouvelles dans les trois années qui suivirent. Vers cette même époque Stimpson en décrivit quatre autres. Nous en devons deux aux recherches de Packard. Plus tard, Verrill en ajoutait une quinzaine à la liste, dont dix nouvelles, auxquelles il RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 245 faut joindre celles dues aux explorations du Challenger au nombre de quatre. Genre CARININA, Hubrecht. SYN. — Carinina, Hubr. Voy. Chall. Zool., XIX, 1887, p. 5. Ce genre a d’étroiles affinités avec le genre Carinella de Johnston (1), dont il ne diffère, d’après son auteur, que par «la présence d’un lobe cérébral postérieur dislinct et situé, ainsi que le reste du cerveau et des troncs nerveux, dans l'intégument, extérieurement au tissu musculaire du corps. Un canal cilié pénètre le susdit lobe postérieur cérébral. » Voilà un genre dont l’unique caractère différentiel d’avec ses congénères est strictement anatomique. Sans vouloir amoindrir, en quoi que ce soit, la valeur d’un caractère de celte nature, nous nous demandons si, en s’engageant dans celle voie, la zoologie ne perdrait pas un peu de son preslige. La seule espèce de ce genre, connue jusqu'ici, n'aurait pas été déplacée dans le genre Carinella, étant donnée l'identité des caractères zoologiques de ces deux genres. Carinina grata, Hubrecht. SyN. — Carinina grata, Hubrecht, Voy. Chall. Zool., XIX, 1887, p. 5, pl. I, fig. 1-3; pl. IT, IT, IV; pl. VE fig. 1-3; pl. XI, fig. 1 et 2. Deux individus de cette espèce ont été observés dans les eaux américaines de l'Atlantique, l’un à 1240 brasses, long. 72° 10" ; lat. 38° 34" N. ; l’autre à 1340 brasses, long. 65° 45”; lat. 41°14N. C'est, paraît-il, la plus grande profon- deur à laquelle on ait rencontré jusqu'ici des Némertiens. Parmi les copieux détails anatomiques que Hubrecht nous donne sur cette espèce, il signale un développement excep- tionnellement puissant de son tissu musculaire, qu’il consi- (1) Caractérisé par « un corps allongé, atténué d'avant en arrière; une tête plus large que le reste du corps, brusquement arrondie au bord anté- rieur; une bouche parfois assez petite; l’orifice de la trompe situé passa- blement en arrière de l’extrémité de la tête; presque jamais d’ocelles ». 246 CHARLES GIRARD. dère comme une conséquence de son séjour abyssal, pour faire contrepoids à la pression, supposée exister à ces pro- fondeurs. Quant aux traits extérieurs de l’animal dont il s’agit, l’au- teur dit qu’il n existe aucune trace de fentes longitudinales latérales, — si caractéristiques chez les Schizonémertiens — mais que l’on observait une rainure terminale en forme de croissant, marquée, chez l’un des individus capturés, d’une pigmentation plus foncée, et des cils plus abondants. On dis- ünguait facilement l’orifice de la trompe chez tous deux, et la bouche subterminale chez l’un seulement. Genre DREPANOPHORUS, Hubrecht. SYN. — Drepanophorus, Hubr. Voy. Chall. Zool., XIX, 1887, p. 15. — Vaill. Hist. Ann., II, 1889, p. 608. — Joubin, Arch. Zool. exper., 2e sér., VIII, 1890, p. 571. Les fentes céphaliques sont profondes, pourvues de den- telures secondaires. Les ocelles sont nombreux, gros et très développés. La bouche et la trompe ont chacune leur orifice particulier. Le fourreau de la trompe est très muscu- leux, communique avec des aréoles situés métamérique- ment sur les côtés, el munis de parois cellulaires ou membra- neuses. Hubrecht donne la description très complète des carac- tères anatomiques de quatre espèces de ce genre; l’une pro- venant des îles du Cap-Vert; deux autres des mers Aus- trales. La quatrième, qui est la suivante, appartient à la faune de l'Amérique du Nord. Drepanophorus Lankasteri, Hubr. Syn. — Drepanophorus Lankasteri, Hubr. Voy. Chall. Zool., XIX, 1887, p. 18, pl. I, fig. 22; pl. IX, fig. 1, 2 et 10; pl. X, fig. 2 et 4; pl. XII, Mg-5; pl. XIV, fig. 9 et 10; pl. XV, fig. 3. La longueur est de 30 millimètres sur 3 millimètres et demi de largeur. Obtenue dans les eaux de la Nouvelle- Écosse, à 85 brasses de profondeur. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 247 Genre CEPHALOTHRIX, OErsted. Sy. — Cephalothrix, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 81. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 254. — Vaill. Hist. Ann., IT, 1889, p. 619. — Joubin, Arch. Zool. exper., 2° sér., VIIT, 1890, p. 477. Le corps est très grêle, filiforme, arrondi, également ré- tréci aux deux extrémités. La têle, continue avec le corps, est cylindrique, légèrement atténuée antérieurement. Les ocelles sont nuls ou au nombre de deux, très petits, situés à l'extrémité de la tête el consistant en petites taches obscures de pigment. Ni fentes ni fossettes céphaliques. La bouche, infère, est située à une distance considérable de l'extrémité du museau. L’orifice de la trompe est situé à l'extrémité de la tête. Le type de ce genre est C. linearis, auquel on a associé plusieurs autres espèces exclusivement européennes. Cephalothrix linearis, OErst. SyN. — Planaria linearis, J. Rathke, Skrivter Naturhist. Selsk., V, 1799, psp II, fig. 11. Cephalothrix linearis, OErst. Entw. syst. Plaltw., 1844, p. 82. — Dies. Syst. Helm., I, 1850, p. 246; et Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 254. — M'Intosh, Monogr. Brit. Ann., I, 1873, p. 208, pl. IV, fig. 4 et 5. — Verrill, Amer. Journ. Arts and Sc. (3° ser.), VIT, 1874, p. 132 et 608 ; X, 1875, 40. — Joubin, Arch. Zool. Exper. (2° ser.), VIII, 1890, p. 477. Verrill a observé sur la plage du cap Élisabeth, dans la zone comprise entre les marées, un némertien qu’il rapporta d'abord au genre Borlasia sans le décrire (/oco citato, p- 132), pour l'identifier plus tard (4id., p. 608) avec Cepha- lothrir hinearis de OErsted. Subséquemment, le même auteur (l. c., X, 1875, p. 40) dit avoir recueilli l'espèce, à marée basse, dans la baie de Casco et dans le port de Noank, à une brasse et une brasse et quart de profondeur, sur un fond vaseux, parmi les zostères. [l est regrettable que Verrill n'ait pas saisi l’occasion de décrire minutieusement cet animal, sur lequel OErsted ne donne pas de détails. Il est néanmoins probable que l'animal 248 | CHARLES GIRARD. qu'il a eu en observation est identique avec celui que Fabri- cius a signalé dans la Faune du, (rroenland. Mais voici que Me Intosh nous dit quela même espèce se retrouve de- puis les Shetland aux îles de la Manche, et d’après Joubin elle existerait aussi à Perros-Guirec, à Roscoff et à Banyuls. — Ici l'identité entre l’animal américain et celui d'Europe nous paraît contestable jusqu’à plus ample informé, et pour en faciliter un examen comparatif ultérieur, nous donnons les traits principaux de ce dernier, empruntés à la des- cription de Mc Intosh : « Le corps, extrêmement grêle, mesurant environ 75 à 100 millimètres en longueur, est aplat, s'atténuant vers le museau, et davantage encore vers la queue. La tête est arrondie, légèrement atlénuée en une pointe émoussée, continue avec le reste du corps, et dépourvue d'ocelles, de sillons ou fissures. La bouche a l'apparence d’une fente située derrière l’œsophage. La couleur est pâle jaunâtre ou couleur de cuir, souvent pointillée de grains rougeâtres vers l'extrémité du museau. » | Genre CGOSMOCEPHALA, Slimpson. Sy. — Cosmocephala, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 165. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 266. Le corps est de longueur moyenne, déprimé, peu contrac- tile. La tête est continue avec le corps, ou légèrement dis- iincte, souvent ornée d’une tache angulaire ou lancéolée. L’orifice de la trompe est situé au bord inférieur frontal; la trompe est lisse. Chaque côté du cou est pourvu d’une fausse fissure, ou sillon linéaire incolore, peu marqué. Les ocelles sont peu apparents, la plupart du temps situés au bord antérieur et latéral de la tête. Outre l'espèce suivante, Stimpson en décrit une seconde originaire du Japon. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 249 1. Cosmocephala Beringiana, Stimps. SyN. — Cosmocephala Beringiana, Stimps. Proc. Acad. nat. se. Philad., IX, 1857, p. 165. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 266. Le corps est assez allongé et très déprimé. La tête est à peine distincte du corps, courte, plus étroite que ce der- nier, arrondie antérieurement et émarginée. Les ocelles sont nombreux et disposés de chaque côté sur deux groupes compacts. On observe à la face inférieure et médiane de la tête une pseudo-crevasse, ou fissure longitudinale. Il existe de chaque côté des pseudo-crevasses transverses presque confluentes sur le milieu de leur étendue. La couleur est fauve en dessus, orange pâle en dessous. Des taches angulaires blanches occupent la région fronlo- latérale, et une étroite bande pareillement blanche, convexe en arrière, s'étend transversalement sur le col. La longueur totale de l’animal mesure 75 millimètres sur une largeur de 3 millimètres. Stimpson à recueilli cette espèce dans le détroit de Behring. 2. Cosmocephala ochracea, Verr. SyN. — Cosmocephala ochracea, Verrill, Rep. Invert., 1873, p. 31 et 336, pl. XIX, fig. 95, 952. Le corps est allongé, modérément grêle, quelque peu aplati, quoique épais, à bords arrondis, obtus à ses deux extrémités ou subaigu postérieurement, plus large et sou- vent bouffi ou gonflé antérieurement ; légèrement et gra- duellement atténué postérieurement. La tête est continue avec le corps et obtuse ; de chaque côlé un léger sillon, ayant l'apparence d’une ligne blanchâtre, s'étend obliquement à travers la face ventrale et latérale de la têle, divergeant de la bouche et s’infléchissant quelque peu en avant et sur les côtés. Les ocelles sont nombreux, situés sur les côtés de la tête, au nombre de trois ou quatre de chaque côté, formant une rangée antérieure parallèle au bord; les autres forment 250 CHARLES GIRARD. deux groupes parallèles obliques, composés de deux ou trois ocelles dans chaque groupe et situés plus en arrière. L’in- tégument, transparent, laisse apercevoir très distinctement les organes latéraux internes (sexuels) volumineux et s’éten- dant à toute la longueur du corps, sous l'aspect pommelé d’un blanc jaunâtre terne. L'animal mesure 50 à 70 milli- mètres de longueur sur 2,5 à 3 millimètres de largeur. La couleur est jaunâtre terne, ou blanc jaunâtre, souvent nuancé de jaune plus foncé ou couleur orange antérieure- ment, avec la ligne médiane plus claire. Une tache interne rouge allongée, située entre les ocelles postérieurs, n’est autre chose que l'organe central de la circulation vu par transparence. | Cette espèce vit sous les pierres, entre les marées, de- puis New-Haven au détroit de Vineyard, où elle a été obser- vée par Verrill. Cosmocephala Stimpsoni, Verr. Syx. — Cosmocephala Stimpsoni, Verr. Amer. Journ. Arts and Sc. (3° ser.), VII, 1874, pp. #3, 45 et 132; et Proc. Amer. Assoc. Adv. sc. (1873), 18784, p. 363, 367, 370. Cette espèce, non encore décrite par son auteur, est indi- quée comme habitant les rivages de la baie de Casco (Maine), entre les marées; on la rencontre pareillement entre deux et quarante brasses de profondeur dans les mêmes localités. Une autre espèce, de couleur orange, est mentionnée par Verrill, comme vivant dans les mêmes parages que la précé- dente. | Genre NAREDA, Girard. Syx. — Nareda, Grd. in Stimps. Invert. of G. Manan, p. 28, in Smiths. Contrib. to knowl., VI, 1854. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 263. Le corps est allongé et subcylindrique; la tête est séparée du corps par un col légèrement prononcé. Une seule. paire d’ocelles arrondis. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 201 Des observations intéressantes ont été faites par Alex. Agassiz sur le jeune âge des espèces de ce genre (1), d'après lesquelles il appert que les transformations qu’elles subis- sent, ressemblent, à s'y méprendre, au mode de déve- lopement des Annélides. Il y aurait même des indices de zooniles qui disparaissent en approchant de l’âge adulte. L'observateur que nous citons a eu l’heureuse chance de suivre ainsi le développement d'une espèce assez loin, pour constater qu’elle différait spécifiquement de celle que nous mentionnons ci-après; sa tête étant arrondie sur son bord antérieur, près duquel les deux ocelles se trouvent placés. On peut dès lors lui donner asile dans le genre, en la dési- gnant sous le rom de !V. pulchella. Les observations d'Alex. Agassiz ont encore eu pour ré- sultat d'établir que les larves décrites par Loven (2), comme celles d’une Annélide, appartiennent en réalité à une espèce du genre ÂVareda, non encore décrite. Le genre comprendrait ainsi, à ce jour, deux espèces américaines, et une troisième du nord de l’Europe, dont l'état adulte reste à découvrir. Stimpson, en 1856, avait placé dans ce genre une espèce de Loo Choo (mer de la Chine), qu’il décrivit (3) sous le nom de Nareda serpentina; mais l’année suivante il en fit, avec justes raisons, le type d’un genre distinct sous le nom de Diplomma. Nareda superba, Grd. PI. VI, fig. 69. Syn. — Nareda superba, Grd. in Stimps. Invert. of G. Manan, p. 28, fig. 17, in Smiths. Contrib. to knowledge, VI, 1854. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 263. nd Le corps, d’une longueur de 5 centimètres, est atténué postérieurement. La tête a la forme d’un triangle équilatéral (4) Annals of the Lyceum of Natural History of New-York, VIII, 1867, p. 309. (2) K. Akad. Handl. Stock., 1840, p. 93. — Ann. sc. nat. (2° ser.), XVIII, 1842. (3) Proc. Acad. nat. sc. Philad., VII, 1856, p. 381. 252 | CHARLES GIRARD. ayant pour base le col, sur lequel les deux ocelles, très distants l’un de l’autre, sont situés. La couleur est rouge uniforme en dessus. Un liséré blanc sur le pourtour de la tête, entourant le cou comme d’un collier, sur lequel les ocelles se détachent en noir. La sur- face inférieure du corps est blanche. Cette espèce a été recueillie par Stimpson à « Hake Bay » dans l’île du Grand-Manan (baie de Fondy), à l’aide de la drague, à 35 brasses de profondeur. Genre TETRASTEMMA, Ehrenberg. SYN. — Tetrastemma, Ehr. Symb. Phys. Evert., 1831. — OErst. Entw. syst. Plattw., 184%, p. 84. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., 1857, p. 163. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 288. — Vaill. Hist, Ann. TITI, 4889, p. 611, Le corps, de moyenne grandeur, est filiforme, grêle el allongé, linéaire et déprimé. La tête est tronquée et conti- nue avec le corps ou légèrement séparée ; une fossette trans- versale de chaque côté; quatre ocelles disposés sur deux paires, distantes l’une de l’autre : l’une postfrontale au de- vani des fossettes, l’autre occipitale, en arrière des fossettes. La bouche est terminale et occupe une fente fronto-trans- versale. La trompe est protractile et papilleuse. Le type de ce genre esl T'etrastemma flavidum, auquel il faut adjoindre le T. assimile de OErsted. Siimpson en a décrit deux espèces sous les noms de T!. stigmatum et T. in- cisum, et à son avis, les Polia sanquirubra, coronata, vermi- cularis et humilis, de Quatrefages, en feraient également partie. Diesing partage cette manière de voir à l'exception de P. coronata qu'il laisse dans le genre Loxorrhachma où Schmarda l’a placée. 1. Tetrastemma vittatum, Verr. Syx. — Tetrastemma vittata, Verrill, Amer. Journ. Arts and Sc. (3° sér.), VII, 1274, p. 45, pl. VIL fig. 3; Rep. Invert., 1873, p. 185; et Proc. Amer. Assoc. Adv. se. (1873), 1874, p. 38, pl. IL, fig. 7 et 8. Le corps est fort et court, obtus à ses deux extrémités, RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 253 arrondi, un peu déprimé. La têle, obtusément arrondie, n’est pas distincte du corps. Les ocelles sont pelils, peu distincts et les deux paires très éloignées l’une de l’autre; la paire antérieure est située près du bord, avec les ocelles plus rapprochés l’un de l’autre que ceux de la paire posté- rieure. Une rainure, ou pli transversal très marqué, située entre les deux paires d'ocelles, se prolonge à la face infé- rieure. L'orifice de la trompe est terminal. La couleur du corps est d'un vert olivâtre foncé, brun verdâtre, ou noir verdâtre, souvent avec une raie longitudinale le long du dos. La tête est verdâtre, marquée de six raies, ou bandelettes longitudinales blanches, irradiant de l’orifice terminal et s'étendant en arrière jusqu’au sillon transversal, lui-même bordé d’une bandelette blanche, conslituant souvent un anneau blanc autour de la têle; deux de ces raies sont dor- sales ; deux sont ventrales, et une latérale de chaque côté. On observe parfois une de ces bandelettes, ou raies, le long de la ligne médiane de la face inférieure, mais moins dis- tincte. La longueur totale de l’animal mesure 25 à 40 milli- mètres et son diamètre, 7 à 8 millimètres. L'espèce vit dans la baie de Casco, où elle a été décou- verte par Verrill, sur un fond de boue, entre 3 et 20 brasses de profondeur. 2. Tetrastemma vermiculus, Ehr. Syn. — Tetrastemma vermiculus, Ehr. — Verr. Rep. invert., 1873, p. 184. Verrill a-t-1l réellement eu sous les yeux l’espèce que Ehrenberg a distinguée sous ce nom? L'avenir nous l’ap- prendra. Les deux paires d’ocelles sont assez distantes l’une de l'autre et ordinairement il existe une ligne obscure allant d’un ocelle à l’autre du même côté. Sur la tête, en avant des ocelles, on observe assez souvent des taches d’un blanc flo- conneux. La couleur de l'animal est grisâtre ou jaunâtre pâle. 254 | CHARLES GIRARD. L'espèce est commune, paraît-il, sur les piles des quais de Gloucester (Mass.). Verrill mentionne encore plusieurs espèces de Tetras- temma sans les dénommer, ni les décrire (Amer. Journ. Arts and Sc. (3° sér.), VII, 1874, p. 45 et 132), l’une de la baie de Casco et trois autres du cap Elisabelh, en sorte que nous ne saurions dire si elles appartiennent réellement à ce genre ou au suivant. | Genre HECATE, Girard. SyN. — Hecaie, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., IV, 1852, p. 186. La forme générale du corps est allongée, linéaire et subcy- lindrique, terminée en pointe postérieurement. La tête est allongée, arrondie à son bord antérieur et séparée du corps par un léger étranglement. Les fossettes ciliées sont plus ou moins distinctes et les ocelles, au nombre de quatre, constituent deux paires rapprochées, disposées en qua- drangle, rectangulaire ou trapézoïdal. À ce genre appartiennent, entre autres, les Tetrastemma fuscum et rufescens d'OErsted. Il est voisin du genre Proso- rochmus de Keferstein. 1. Hecate candida, Grd. SYn. — Fasciola candida, Müll. Verm. terr. et fluv. Hist., 1774, p. 58. Planaria candida, Müll. Prodr. Zool. Dan., 1776, p. 327. — Fabr. Faun. Groenland. 1780, p. 327; et Skrivt. Naturh. Selsk., IV, 1798, p. 62, tab. XI, fig. 11 et 12. Prostoma candidum, Dug. Ann. Sc. nat., XXI, 1830, p. 73, pl. IT, fig. 3. Tetrastemma candidum, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 88. — Mc Intosh, Monogr. Brit. Ann., I, 1873, p. 167, pL. IL, fig. 2 et 3, et pl. II, fig. 5..— Verr. Amer. Journ. Arts and Sc. (3° ser.), X, 1875, p. 40. Les exemplaires en la possession de Verrill provenaient les uns du port de Noank, par une brasse à une brasse et quart de profondeur, sur un fond boueux; les autres, de la baie de Casco. Aucun d’eux n'ayant été décrit, nous empruntons à Mc Intosh les détails qui suivent : RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 295 « Le corps, qui mesure 25 à 40 millimèlres en longueur sur à peu près 2 millimètres de largeur, est un peu aplali et rétréci à l'arrière de la têle et alténué vers la queue. La tête est aplatie, spatulée, plus large que le reste du corps dont elle est séparée par une contraction du col. Une raie pâle s’observe sur la ligne médiane antérieurement où 1 existe une légère entaille. Les ocelles sont disposés en carré. La couleur est jaune pâle, verdâtre ou rougeâtre. » D'après Mc Intosh, on trouve cette espèce depuis les îles Shetland à celles de la Manche. Des exemplaires con- servés au Musée britannique, comme provenant du Groen- land, sont du double plus grands que ceux des eaux britan- niques. 2. Hecate dorsalis, Grd. Syn. — Planaria dorsalis, Abbildg. in Müll. Zoo!. Dan., IV, 1789, p. 25, pl. 142, fig. 1-3. Tetrastemmu dorsalis, Mc Intosh, Monogr. Brit. Ann., 1, 1873, p. 172, pl. I, fig. 4, et pl. III, fig. 4. — Verr. Amer. Journ. Arts and Sc. 3° ser.), X, 1875, p. 40. Verrill a rencontré celte espèce dans les mêmes parages que la précédente : dans le port de Noank par une brasse à une brasse de profondeur, sur de la boue et parmi les zos- tères, et pareillement dans la baie de Casco. Il ne l’a pas non plus décrite, de sorte que nous recourons de nouveau à Mc [ntosh pour en retracer ici les traits principaux. Le corps mesure 6 à 9 millimètres en longueur sur une largeur de 2 millimètres ou un peu plus. Il est arrondi, presque cylindrique sur une seclion transversale, sauf un _ léger aplatissement à la surface ventrale, diminuant insensi- blement vers chaque extrémité. La tête est conique, un peu tronquée, légèrement rétrécie postérieurement vers les sil- lons céphaliques el un peu aplatie. Les ocelles sont disposés en carré. La couleur est brune ou brun rougeâtre pointillé de groupes de granules d'un blanc jaunâtre. Hubrecht la dit abondanie dans la zone des laminaires, 256 CHARLES GIRARD. entre les marées, et de 3 à 10 brasses de profondeur, depuis les îles Shetland à celles de la Manche. Une étude ultérieure d'individus des deux continents pourra seule lever les doutes que nous entretenons, quant à leur identité absolue. 3. Hecate elegans, Grd. SYN. — Hecate elegans, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., IV, 1852, p. 186. Tetrastemma elegans, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 294. — Schmarda, Neue Wirbell. Thiere, 1, 1889, p. 38. | La tête est légèrement distincte du corps et les ocelles ‘disposés en quadrangle subrectangulaire. La longueur du corps mesure 30 millimètres sur une largeur de 2 millimètres. La couleur est d’un brun noirâtre avec une raie jaune tout le long du dos, depuis le museau jusqu’à l'extrémité de la queue et pointillée de noir. Une raie blanchâtre entoure le cou comme d’un collier. Il en existe une variélé marbrée, à moins que nous n’ayons affaire à une espèce différente, L'occasion ne nous à pas été offerte de revenir sur ce sur durant notre séjour aux Élats-Unis. Celte espèce vit en eau profonde, dans le port de Boston, où nous l'avons obtenue au moyen de la drague. 4, Hecate serpentina, Grd. SYN. — Tetrastemma serpentina, Grd. in Nordam. Monatsb., II, 1851, p. 4, in Stimps. Invert. of Grand Manan, p. 28, in Smiths. Contr. to knowl., VI, 1854. La forme du corps est allongée, fusiforme ; la région an- térieure elliptique ou arrondie, tandis que la région posté- rieure est très acuminée. La tête, distincte du corps, porte quatre ocelles disposés en quadrangle. La longueur de l’ani- mal mesure 24 millimètres. Sa couleur est d’un jaune ver- dâtre uniforme. D'abord observée par nous sur la plage du port de Boston, celte espèce a été recueillie subséquemment par Simpson dans l’île du Grand-Manan (baie de Fondy), au niveau le plus élevé de la zone littorale, RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 297 5. Hecate arenicola, Grd. SyN. — Tetrastemma arenicola, Verr. Rep. Invert., 1873, p. 57 et 335, pl. XIX, fig. 98. Le corps est long, grêle et subcylindrique, légèrement déprimé, de largeur presque uniforme sur toute son éten- due, mesurant 100 à 120 millimètres en longueur. La tête est changeante en sa forme, ordinairement lancéolée ou subconique, aplatie, el se distingue quelque peu du corps par une légère constriclion du col. Elle est pourvue de quatre ocelles, ceux de la paire antérieure plus rapprochés l’un de l’autre que ceux de la paire postérieure. Les fissures lalé- rales constituent de longues et profondes fentes de chaque côté de la tête. La bouche est petite, souvent subtriangu- laire, et située à l'arrière immédiat des fissures latérales. La coloration est couleur chair foncée ou pâle purpurine. Cette espèce vit dans le sable sur la ligne de basse marée. Verrill l’a recueillie à « Savin Rock » près de New-Haven. 6. Hecate Kelleri, Grd. Syn. — Tetrastemmua elegans, Verrill, Amer. Journ. Aris and Sc. (3° ser.), X, 1875, p. 40 (non Hecate elegans, Grd). Nous inscrivons cette espèce à la mémoire de feu notre ami le D' William Keller, fondateur de la Nordamerikanis- cher Monatsbericht, publiée à Philadelphie. Le corps, long de 14 millimètres environ, est grêle, dé- primé, s’effilant vers la queue. La tête est plus large que le cou, obtuse et émarginée ; les ocelles, très apparents, sont disposés en quadrangle presque rectangulaire, les deux an- térieurs étant un peu plus rapprochés l’un de l’autre que les deux postérieurs. La couleur du corps est jaune clair, avec une large bande de brun foncé de chaque côté, laissant entre elles une large raie dorsale. Cette espèce a été obtenue par Verrill dans le détroit de l’île Fischer. Il en signale une variété du port de Noank, ANN. SC. NAT. ZOOL. AN 1 258 CHARLES GIRARD. d’un jaune pâle, avec bandes latérales indistinctes et ressem- blant plus ou moins à une traînée de petites taches. Genre POSEIDON, Girard. Syx. — Poseidon, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., IV, 1852, p. 186. Le corps est filiforme, cylindrique, très contractile, se terminant en pointe aux deux extrémités. La tête est con- fondue avec le corps et porte de nombreux ocelles, situés près de l'extrémité antérieure et disposés en groupes. Tetrastemma subpellucidum et Tetrastemma bioculatum de OErsted ont de grandes analogies, sinon des affinités avec les espèces ci-après de ce genre. Une étude ultérieure et comparative de ces espèces entre elles, nous dira si leur place est ici ou bien si elles comportent l’établissement d'un genre à part. 1. Poseidon Colei, Grd. SYN. — Poseidon Colei, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., IV, 1852, p. 186. Le corps est cylindrique ; les ocelles sont disposés sur deux groupes allongés. La couleur est d’un rouge jaunâtre uni- forme, irrégulièrement poinlillé ou tacheté de blanc. La longueur totale mesure 25 millimètres sur 2 millimètres de largeur. L'espèce est dédiée à M. Thomas Cole de Salem, (Mass.}, en compagnie duquel nous l'avons recueillie, à basse marée, sur la plage du port de Beverly (Mass.). Nous l’avons re- trouvée plus tard, dans les mêmes situations dans le port de Boston. 2. Poseidon affinis, Grd. SyYx. — Poseidon a/ffinis, Grd. in Stimps. Invert. Grand Manan, p. 28, in Smiths. Contrib. to knowl., VI, 1854. Nemertes affinis, Verr. Amer. Journ. Arts and Sc. (3° ser.), VI, 1873, D. 439; et VII, 1874, p. 39, 43 et 412; et Proc. Amer. Assoc. Adv. sc. (1873), 1874, p. 351, 355 et 363. Le corps est lrès grêle, presque filiforme, à peu près RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 259 5 centimètres de long lorsqu'il est étendu et en mouvement. Il ya deux groupes allongés d’ocelles près de l'extrémité an- térieure. Sa bouche, infère, est située à l'arrière des ocelles. Sa couleur est d’un rouge clair en dessus; blanche en dessous. Cette espèce habite la zone des laminaires, île du Grand- Manan (baie de Fondy). Bien que Verill ne soit pas explicite à ce sujet, nous rap- portons à cetle espèce celle qu'il enregistre sous le nom de Nemertes af finis, sans autorité ni commentaire. II l’a recueil- lie dans la baie de Casco (Maine), à la fois sur le rivage, entre les marées et à 110 brasses de profondeur. De même à 33 brasses par 6 milles à l'Est de l’île Séguin. Le même auteur cite pareillement un Polia affinis Grd. in Süimpson Zno. of Grand Manan, et dont nous n'avons jamais parlé sous ce nom, pas plus dans le mémoire de Stimpson qu'ailleurs. Serait-ce le même animal que Nemer- Les affinis ci-dessus mentionné ? Genre CEREBRATULUS, Renier. Syn. — Cerebratulus, Renier, Tav. class. degli anim., 1807, tav, VI — OErst. Entw. syst. Platt., 1844, p. 9%. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., 1857, p. 160. — Dies. Sitzber. Akad, wiss. Wien, XLV, 1862, p. 272. — Hubrecht, Voy. Chall. Zool., XIX, 1887, p. 37. — Vaill. Hist. Ann, NI, 1889, p. 616. — Joubin, Arch. Zool. exper., 2° sér., VIIT, 1890, p. 540. Le corps est grêle, plus ou moins aplali, de longueur moyenne, aminci sur ses bords et quelque peu dilaté pos- térieurement. La têle est continue avec le corps ou légère- ment distincte, oblongue ou allongée, à museau pointu, dépourvue d’ocelles et munie de fissures latérales très pro- noncées. La bouche est située au bord antéro-inférieur de la tête; l’orifice de la trompe est petit el terminal. L’anus occupe l'extrémité postérieure. Les espèces types de ce genre sont les C. bi/ineatus et C. marginatus, de Renier. Les nombreuses espèces placées dans ce genre depuis sa fondation rendent actuellement la diagnose générique des plus difficiles à établir. Aussi devons-nous considérer celle 260 | CHARLES GIRARD. que nous donnons ici comme provisoire et essentiellement perfectible. Beaucoup d’espèces en seront inévitablement retirées lorsque leurs caractères auront été plus minutieuse- ment analysés séparément et comparativement. 1. Cerebratulus impressus, Stimps. Syx. — Cerebratulus impressus, Stimps. Proc. Akad. nat. sc. Philad., 1857, p. 160. — Meckelia impressa, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, 277. Le corps est aplati, dilaté sur sa région moyenne, sub- anguleux à ses deux extrémités. La têle est quelque peu sub- tronquée et plus étroite que le corps. La longueur totale de l'animal mesure 8 centimètres sur 4 millimètres de largeur. La couleur du corps est d’un brun grisâtre en dessus, mar- qué de lignes ou sillons linéaires iransverses incolores; la tête est couleur chair, ponctuée de brun, près de ses angles antéro-latéraux. Celle espèce a été capturée par Stimpson dans le détroit de Behring. 2. Cerebratulus cylindricus, Pack. … Syn, — Cerebratulus cylindricus, Pack. Mem. Bost. Soc. nat. Hist., I, 1867, pe°291, phNIIE ig.44: Le corps est long, grêle, cylindrique, postérieurement déprimé, sans atténualion vers les deux extrémités, conser- vant ainsi une largeur uniforme sur toute son étendue. La tête est conique, et longues sont les fentes ou fissures qui en occupent les côlés. Un exemplaire de cette espèce a été obtenu à Belles- Amours (Labrador), à une profondeur de 8 brasses, sur un fond de boue (Packard). 3. Cerebratulus olivaceus, Pack. SyN. — Methelia olivacea, Rathke, Nov. Act. Nat. Cuv., XX, 1843, p. 287. — Dies. Syst. Helm., T, 1850, p. 264; et Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 280. Cerebratulus (Meckelia) olivacea, Pack. Mem. Bost. Soc. nat. Hist., 1, 1867, p. 291. Le corps est déprimé, arrondi en dessus, plat en dessous, RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 2061 dilaté à la région antérieure et allant en s'atténuant vers l'extrémité postérieure. Sa longueur mesure 12 centimètres et demi sur une largeur de 6 millimètres. Sa couleur est olivâtre avec un liséré blanc sur ses bords. Les exemplaires décrits par Rathke provenaient des envi- rons de Molde, en Norwège. Packard n’a pas jugé à propos d'ajouter quelques traits à la brève description ci-dessus, empruntée à Rathke. Si l'identité qu'il établit ne soulève aucun doute dans son esprit, il se peut qu'il n'en soit pas de même chez tous les zoologistes. Quand il s’agit d'espèces aussi répandues, on ne saurait entrer dans trop de détails. Il nous dit que l'espèce est commune au Labrador, l'ayant obtenue à « Salmon Bay» à une profondeur de 10 brasses, sur un fond de boue; à « Belles-Amours » à 8 brasses, sur un fond de boue molle, et à « Henly Harbor » à 20 brasses de profondeur. Meckelia olivacea de Stimpson (Proc. Acad, nat. sc. Philad., VI, 1855, p. 290) n’a rien de commun avec l’es- pèce dont il est ici question. Lorsqu'il s’aperçut que le nom spécifique faisait double emploi dans le genre Meckelia, 11 lui substitua celui de ofeaginus tout en transfé- rant l'espèce du cap de Bonne-Espérance dans le genre Cere- bratulus (Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 160). 4. Cerebratulus truncatus, Hubr. SyN. — Cerebratulus truncatus, Hubrecht, Voy. Chall. Zool., XIX, 1887, Drop L fig. 11 et 12. Deux individus de cette espèce ont été capturés sur le banc « le Have » (Nouvelle-Écosse) à une profondeur de 85 brasses. La bouche paraissait petite et rapprochée de l'extrémité de la tête, laquelle est plus ou moins tronquée. Les fentes céphaliques sont comparativement courtes, s’éten- dant vers la région antérieure, où leur réunion ne s'effectue pas néanmoins, mais laissant un petit intervalle dans lequel est situé l’orifice de la trompe. 202 CHARLES GIRARD. Un individn recueilli dans les eaux des Bermudes, est rapporté par Hubrecht à cette espèce. . Cerebratulus medulatus, Hubr. SYN, — Cerebratulus medullatus, Hubrecht, Voy. Chall. Zool., XIX, 1887, p.99. La drague du Challenger à ramené du même banc et de la même profondeur que l'espèce précédente, un tronçon auquel manquaient la tête et la queue, de sorte que son facies zoolo- gique demeure, jusqu’à nouvel ordre, inconnu, mais’ dont les caractères anatomiques du corps ont paru suffisamment tranchés, à Hubrecht, pour l’engager à en faire le type d’une espèce particulière. Du Banc « le Have » (Nouvelle-Écosse) à 85 brasses de profondeur. 6. Cerebratulus Spraguei, Grd. Svx. — Cerebratulus sp., Verr. Rep. Invert., 1873, p. 214 et 336. Le corps atteint 50 à 75 millimètres de longueur dans l'extension, sur 3 à 4 millimètres de largeur. Les fissures latérales de la tête sont longues et profondes. Les ocelles sont absents ou rudimentaires. La bouche est placée assez en avant. La trompe émerge d’un pore terminal. La couleur est vert olivâtre foncé, plus foncée antérieure- ment ; la tête porte un liséré blanc. Obtenue par Verrill à la hauteur de « Black Island » par 29 brasses de profondeur et de « Gay Head » par 19 brasses, dans de la boue molle. | Nous la dédions à notre excellent ami Ch. H. Sprague, de Malden (Mass.), en souvenir de notre vieille amitié. - Nous la mainlenons dans le genre Cerebratulus où Verrill a jugé à propos de la placer, en faisant observer qu'elle n’est pas sans quelque analogie avec les espèces du genre A stemma. RECHERCHES SUR LES-PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 263 7. Cerebratulus angulatus, OErst. Sy. — Fasciola angulata, Müll. Verm. terr. et fluv. Hist., 1774, p. 58. _ Planaria angulata, Müll. Zoo!. Dan. Prodr., 1776, p. 221. — Fabr. Fauna groent., 1780, p. 323; et Skrivter af naturh. selsk., IV, 1798, p. 53, pl. XI, fig. 1-7. Cerebratulus angulatus, OŒrst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 94. — M’Intosh, Monogr. Brit. Ann., TI, 1873, p. 195. — Joubin, Arch. Zool. exper. (2° sér.), VITE, 1890, p. 542. Le corps mesure de 37 centimètres à 1 mètre en lon- gueur sur une largeur d'environ 15 millimètres. Il est aplati, émoussé ou plutôt brusquement atténué antérieure- ment, avec les bords amincis quoique arrondis, de sorte qu'une coupe transversale, du corps contracté, est ellipli- que. La tête s’atténue en un museau émoussé avec une fis- sure céphalique de chaque côté et apparemment dépourvue d’ocelles. La bouche forme une grande fente à la (ge infé- rieure dans sa position habituelle. La couleur est d’un gris uniforme, plus foncé en dessus qu’en dessous, plus pâle sur les Denis Cette espèce primitivement signalée au Groenland a élé trouvée plus récemment sur les côtes britanniques, de France et d'Italie. Genre POLIA, Delle Chiaje. Sy. — Polia, Delle Chiaje, Mem. anim. senza verteb., If, 1825, p. 426. — De Quatref., Rech. anat. et phys., I, 1846, p. 113. — Joubin, Arch. Zool. empetala® Sér.), MILLE, 1890, p. 510. Le corps est de moyenne longueur, subcylindrique, un peu déprimé. La tête, munie d’ocelles, est continue avec le corps. Fentes latérales bien développées. Ce genre est encore mal défini. Les espèces sur les- quelles Delle Chiaje l’a fondé, manquant d’homogénéité, la diagnose générique est demeurée dans le vague et l’incer- tain. Ce défaut de précision a permis d'y introduire, par la suite, beaucoup d'espèces dont on aurait pu faire des genres 264 CHARLES GIRARD. à part si l’on avait eu pour guide, ou point de départ, une définition rationnelle du type primitif. La nécessité de subdivisions génériques se faisait sen- tir à chaque pas. Ainsi Diesing, en 1850, a proposé le genre Paseodiscus pour Pola delineata ; mais nous ne comprenons pas que Hubrecht ait choisi cette même espèce pour type de son genre Æupolia, bien qu’il y adjoignît trois autres espèces, dont deux néozélandaises et une japonaise. Leiïdv, de son côté, a créé le genre Emea, dans lequel Polia duge- sù a pu prendre place. Enfin, Stimpson a fait le genre Polina, pour l'espèce précédemment décrite par lui, sous le nom de Pola grisea, avec une espèce alors inédite de l'Australie. Mais il règne à l'égard de ces divers genres, une incer- titude qui ne prendra fin que du jour où les limites du genre Polia auront été arrêtées d’une facon précise. A cet effet, il est nécessaire de remonter aux espèces décrites par Delle Chiaje et de prendre les premières en ligne pour tvpes du genre. La diagnose de celui-ci une fois bien établie les genres qui s’en détacheront pourront à leur tour reposer sur des bases solides. C’est ainsi que, jusqu'à nouvel informé, l'Amérique du Nord ne compte aucune espèce du genre Poha proprement dit. | Genre POLINA, Stimpson. SyN. — Polina, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VIIT, 1857, p. 164. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 265. Le corps est irès contractile, déprimé, de moyenne lon- gueur; la tête en est plus ou moins distincte, mais sans étranglement cervical. Il n’y a pas de fossettes céphaliques. Les ocelles sont réunis sur quatre groupes. L'ouverture buc- cale est subterminale, au bord frontal inférieur. La trompe est lisse. Ce genre, un diminulif de Polia, a été établi sur une espèce de port Jackson (Australie), Polina rhomboïdals, RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS, 265 qui en restera Le type. Son auteur lui a adjoint, à tort peul- être, l'espèce suivante observée par lui, une année aupara- vant, sur les côtes de la Virginie et qu'il avait nommée Po/a grisea. Car en plus des quatre groupes d’ocelles attribués au genre, on en observe ici d’autres en séries longitu- dinales. | 1. Polina grisea, Stimps. SYN. —- Polia grisea, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VIT, 1856, 390. Polina grisea, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VIII, 1857, p. 164. — Dies, Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 265. Le corps est allongé et subeylindrique; la tête est sub- triangulaire, plus étroite que le corps duquel elle est séparée par un col neltement distinct. Les ocelles y sont disposés sur quatre groupes; une vingtaine en sus constituent deux séries longitudinales, une de chaque côté de la tête, tandis qu'il existe de chaque côté du col une tache rougeâtre, allongée et oblique, avec deux ou trois ocelles le long de son bord externe. La couleur de l'animal est grise; sa longueur me- sure 20 centimètres. L'espèce habite les fonds sablonneux de la zone littorale de la côte de la Virginie. Stimpson en a recueilli des exem- plaires dans le port de Norfolk. 2. Polina glutinosa, Verr. Syn. — Polina glutinosa, Verr. Rep. Invert., 1873, p. 30 et 337, pl. XIX, fig. 97. Le corps est plutôt grêle et allongé dans l’extension, ordi- nairement plus large sur le milieu de sa longueur et atténué aux deux extrémités. La tête, généralement obtuse, n'est pas distincte du corps; son pore terminal est de grandeur moyenne. L'extrémité postérieure est plus étroite, le plus souvent obtuse, ou légèrement échancrée. Les ocelles sont nombreux, variables en nombre, il y en a ordinairement huit ou dix de chaque côté, disposés sur trois paires de courtes rangées obliques et divergentes, deux à quatre dans 266 CHARLES GIRARD. chaque rangée. On ne distingue pas de sillons latéraux. Une ouverture terminale, ou anale, paraît exister à l'extrémité postérieure. La longueur totale mesure 25 à 30 millimètres dans l'extension, sur une largeur de 1*°,3 à 2 millimètres. L'intégument est mou et sécrète une grande quantité de mucus. Les organes de la reproduction s'étendent de chaque côté jusqu'à la tête. La couleur est d’un jaune terne, ou jaune pâle orangé, quelquefois d'un orange plus brillant, surtout à la région antérieure; ordinairement plus claire postérieurement, avec une ligne médiane foncée, ou ver- dâtre, à peine distincte. L'espèce vit sur la ligne de basse mer et jusqu’à six brasses de profondeur, depuis « Great Egg Harbor » jusqu'à New- Haven et au détroit de Vineyard, au dire de Verrill. N. B. — La place de cette espèce dans le genre Polrna ne nous paraît pas plus assurée que celle de P. grisea. Genre LINEUS, Sowerby. SYN. — Lineus, Sow. Brit. misc., 1804, p. 15. — H. Davis, in Trans. Linn. Soc. Lond., XI, 1815, p. 292. — Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad., IX, 1857, p. 469. — Mc Intosh, Monogr. Brit. Ann., 1, 1873. — Vaill. Hist. Ann., TI, 1889, p. 615. — Joubin, Arch. Zool. exper. (2° sér.), VIIT, 1890, p. 532. Borlasia, Oken, Lehrb. der Naëurg., 1, 1815, p. 365. Nemertes, Cuv. Règne anim., IV, 1817, p. 37. Le corps est plus ou moins déprimé, linéaire, très allongé, postérieurement atténué. La tête est distincte du corps, spa- tuliforme, généralement tronquée au bord antérieur. Les fentes latérales ont presque la même étendue que la tête ; les ocelles, variables en nombre, sont disposés sur le bord des fentes latérales. La bouche, infère, est ample et longi- tudinale, à lèvres mobiles. Ce fut une coïncidence regrettable que celle de la création, presque simultanée, des genres Borlasia et Nemertes, fondés tous deux sur la même espèce et qui servait déjà de type au genre Lineus. Cette circonstance, qui les frappait tous deux de caducité dès leur origine, a retardé de beaucoup l'étude RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 267 systématique des espèces nouvelles par leur emploi dans la nomenclature. Les auteurs continentaux, qui n'adoptèrent pas le genre Lineus, placèrent les espèces qui firent l'objel de leurs études, tantôt dans le genre Nemertes, tantôt dans les genres Borlasia et Meckelia, substituant ainsi ces appella- tions génériques, à celle que Sowerby avail proposée pour l'espèce la plus anciennement connue. Le type du genre Lineus est, par conséquent, Lineus lon- gissunus de Sowerby, ou « Sea Long Worm » de Borlase, es- pèce sur laquelle Montagu et Hugh Davis nous ont donné des détails dans lesquels ni Borlase, ni Sowerby n'étaient entrés. John Edward Gray mentionne, sous le nom de Zineus Beattiaer, une seconde espèce que Beattie rapportait au AVa- mertes Borlasü, mais dont il n’a pu donner de caractères spécifiques suffisamment définis. Stimpson en décrit une troisième espèce du Japon sous le nom de Zeneus piperatus, antérieurement placée par lui dans le genre Meckelia. Mc Intosh rapporte à ce genre, sous le nom de Lineus gesserensis, Planaria gesserensis de Müller (Zoo/. Dan. NH, 1788, p. 32, pl. LXIV, fig. 5 à 8). L'auteur anglais donne en outre pour synonymes à cette es- pèce, prématurémentselon nous, Planaria fusea de Fabricius (Faun. Groenl. 1780, p. 324) et Meckelia ohvacea de Rathke, confondant ce dernier avec Meckelia olivacea de Stimpson, du cap de Bonne Espérance, et qui n’a de commun que le nom avec l'espèce norvégienne (v. p. 261). Mc Intosch et Joubin mentionnent d’autres espèces de ce genre; Verrill y place une espèce américaine qu'il iden- tifie avec Nemertes olivacea de Johnston et Planaria viridis de Müller et de Fabricius. Reste à savoir maintenant si ces deux derniers auteurs ont eu la même espèce en vue, et que l’on retrouverait ainsi sur les deux continents. 268 CHARLES GIRARD, 1. Lineus gracilis, Grd. PI. VI, fig. 70-73. Sy. — Nemertes obscura, Desor, Bost. Journ. nat. Hist., VI (1848), 1850, p. 1 (fig.). Polia gracilis, Grd. in Nordam. Monatsb., II, 1851, p. 4. Polia obscura, Stimps. Inv. of Grand-Manan, in Smiths. Contrib. to knowl., VI, 1854. j - Nemertes viridis, Verr. (non Dies.) Rep. Invert., 1873, p. 334; et Amer, Journ. Arts and Sc. (3° sér.), VII, 4874, p. 132. | Lineus viridis, Verr. Rep. Invert., 1873, p.185; et Am. Journ. Arts and Sc,, (3° sér.), X, 1875, p. 40. Le corps est grêle, très allongé, diminuant graduellement d'épaisseur en arrière. Les plus grands individus mesurent de 15, 20 à 25 centimètres en longueur, avec un diamètre de 2 à 3 millimètres. Dans l’état de contraction, le corps est plus court et plus robuste, plus ou moins aplati et obtus à ses deux extrémités, les plus grands individus mesurant de 30 à 40 millimètres seulement en longueur et 4 à 5 millimètres en largeur. La tête est aplatie, plus ou moins abruptement arrondie et pourvue d’une rangée de petits ocelles noirs, variables en nombre et en grandeur, selon l’âge, et situés près du bord antérieur. Il y en a parfois trois de chaque côté, d'autres fois cinq d’un côté et quatre de l'autre; chez d’autres indi- vidus on en compte jusqu’à quatorze disposés sur un demi- cercle sur les bords de la tête. Les fentes latérales sont longues et profondes, s'étendant assez en avant jusqu'auprès du pore terminal. Celui-ci, dans certains états de contrac- tion, a l’apparence d’une légère fente ou entaille verticale, et d’autres fois paraît circulaire, transversalement ridé sur son pourtour. La trompe est longue, mince à sa base, cla- viforme vers son extrémité, la parlie terminale ridée ou plissée transversalement. La bouche est située en face ou un peu en arrière de l'extrémité postérieure des fissures laté- rales. Elle est ordinairement petite et elliptique avec une bordure de couleur plus claire, mais capable d'une grande dilatation lorsque l’animal avale une annélide presque de même taille que la sienne. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 269 La couleur varie considérablement; la face supérieure est d’un brun verdâtre, plus communément vert olivâtre foncé, ou vert noirâtre, un peu plus pâle en dessous. La têle est blanche ou tout au moins bordée d’une teinte plus claire que le reste de sa surface. Les jeunes sont tantôt d'un rouge de feu, tantôt d’un vert jaunâtre, ou olivâtre. L'individu au- quel Desor a donné le nom de Nemertes obscura, ne lui accor- dant que 25 à 50 millimètres de longueur, était dans un état atrophique et maladif par suite d'une captivité prolongée dans un vase de peu de capacité, où l’eau était plus ou moins stagnante. La figure qu'il en donne n’eût jamais permis de déterminer l'espèce. S'il n'existe aucun doute relativement à son identité spécifique avec Lineus gracilis, c'est le fait que l’exemplaire qui a élé l'objet des observations de Desor élait au nombre de ceux que nous avions recueillis nous- mêmes, alors que tous deux étions collaborateurs d’'Agassiz à Boston. Au point de vue zoologique, Desor dit simplement que l'espèce était voisine de Vemertes olivacea de Johnston, « ayant la même couleur vert foncé, sauf la tête, qui est d'un blanc sale, au lieu d’être rouge comme dans cette dernière ». La ponte de Lineus gracilis s’effeclue vers le milieu de février el se prolonge une quinzaine de jours environ. Les œufs sont déposés en filières gélatineuses jaunâtres, presque aussi volumineuses que le corps de l'animal, et fixées par l’une de leurs extrémités aux plantes marines, flottant comme celles-ci entre deux eaux. Au lieu d’être isolés Les uns des autres dans les susdites filières, les œufs sont réunis par groupes de trois à cinq dans des poches ou capsules pyriformes, contenant un liquide transparent, albuminoïde. Il s’en trouve rarement moins de trois, et parfois six, dans une même poche. Les poches elles-mêmes sont reliées entre elles, dans la filière, par une sorte de collet enroulé autour d’un axe central. L'incubalion est de vingt-quatre jours, au bout desquels la larve abandonne la poche ovariale pour s’aventurer dans le milieu ambiant. 210 CHARLES GIRARD. L'espèce vit sous les pierres et parmi les algues du rivage, dans la zone comprise entre la haute et la basse marée de la baie de Boston, de la baie de « Buzzard » et du détroit de Vineyard, ainsi que sur un fond rocheux par 4 à 6 brasses de profondeur de la baie de Casco, où Verrill l’a recueillie. Slimpson l'a pareillement observée dans la zone des algues vertes à l’île du Grand-Manan, dans la baie de Fondy. Elle paraît s'étendre plus au nord, jusqu'au Labrador et au Groenland où elle est mentionnée par Fabricius sous le nom de Planaria virids, que Müller avait précédemment donné à un animal analogue de la faune danoise. Reste à démontrer si ce dernier est réellement identique avec celui dont il esl ici question. 2. Lineus dubius, Verr. Syn. — Lineus dubius, Verr, Proc. U. S. nat. Mus., nov. 1879, p. 186. Le corps est très svelte, poslérieurement atténué, mesu- rant 50 à 75 millimètres en longueur. La tête est allongée et étroite. Les ocelles sont incolores, peu accentués, dis- posés sur une rangée latérale de douze environ, s'étendant en arrière de chaque côté de la tête, au delà des fentes laté- rales. La couleur est tantôt d’un vert clair, tantôt d’un vert olivâtre foncé. _ L'espèce a été recueillie par Verrill, sous les pierres, entre les marées, à Gloucester (Mass.). 3. Lineus pallidus, Verr, Syn. — Lineus pallidus, Verr, Proc. U, S. nat. Mus., nov. 1879, p. 186. Le corps est long et très svelte, subfusiforme, atténué pos- térieurement. Sa longueur atteint 100 millimètres, sur 0,5 à 0,75 millimètre de largeur. La tête est allongée, ordinaire- ment obtuse et plus large que le corps, mais très changeante. Les fentes latérales sont longues et profondes. La bouche est siluée très en arrière. Il n’y a pas d’ocelles. La couleur est ordinairement blanchâtre ou Jaune ochracé pâle, passant RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 271 au rougeâtre vers la tête, avec une ligne dorsale plus pâle et peu marquée. On remarque ordinairement deux taches dor- sales, pâles anlérieurement et au devant desquelles la tête devient jaunâtre. Cette espèce a été obtenue par Verrill, à la hauteur du cap Ann (Mass.) par 45 brasses de profondeur, sur un fond de boue. | Une autre espèce, que Verrill rapporte à Lineus com- munis de Van Beneden, a été observée par lui, depuis East- port (Me.) à « Long Island Sound », où elle est très commune sous les pierres, et parmi les coquilles sur les plages boueuses, entre les marées. Elle ressemblerait beaucoup à Lineus gracihs en sa forme et couleur; mais elle serait plus svelte, avec une tête plus allongée, et la bouche placée plus en arrière. Les ocelles sont noirs, souvent peu distincts chez les individus foncés, disposés sur une seule rangée latérale, de chaque côté de la tête. La couleur est ordinairement d’un vert olivâtre foncé ou noir verdâtre et variant du brunâtre au rougâtre terne. Elle serait, d’après Verrill, très voisine, sinon identique, avec Nemertes socialis de Leidy. BORLASIES ET NEMERTES. Nous avons rappelé ci-dessus comment les genres Borlasia el Nemertes se trouvaient êlre strictement synonymes du genre Lineus et que, comme tels, ils n'auraient plus dû avoir de raison d’être. Néanmoins, par déférence pour leurs au- teurs, des tentatives ont été faites pour leur constituer un état civil nouveau. | Johnston, en 1837, ne fut pas heureux sous ce rapport; les caractères qu'il leur octroya n'avaient aucune valeur générique, comme la suite de leur histoire en a fourni la preuve. OErsted, en 18%4, fut plus précis, el les caractères qu'il assigne à ces deux genres, sont assez tranchés, pour qu'à 272 | CHARLES GIRARD. l'avenir il ne fût plus possible de les méconnaître, ou de les confondre, soit entre eux, soit avec le genre Lineus lui-même. Mais de Quatrefages, en 1846, n'en tint pas compe. N’a- doptant pas le genre Lineus, il reprend le genre Borlasia de Oken, avec B. angliæ (Lineus longissimus) pour type, et lui reconnaît pour synonyme le genre Nemertes de Cuvier. Ayant ajouté deux espèces nouvelles au genre Borlasia (B. camilea et B. carmelina) reconstitue un genre Nemertes avec trois espèces, toutes trois nouvelles. Cet arrangement n'a pas tenu devant les progrès de la science : B. angliæ a fait retour au genre Lineus, auquel il appartenait par droit d'ancienneté; P. camilea est devenu le type du genre Emplectonema, et B. carmelina, {transporté dans le genre Meckeliu. Quant aux trois espèces de Nemertes, deux d’entre elles (N. balmea et N. peronea) appartiennent au genre Ommato- plea; la troisième seule (N. antonina) demeure provisoire- ment dans le genre Nemertes. Stimpson, en 1857, est revenu aux genres Borlasia et Nemertes tels, à peu près, que OErsted les avait restaurés. C'est sur ce terrain qu'il est urgent de se maintenir si l’on veut arriver à une bonne distribution des nombreuses es- pèces ballottées d'un genre dans l’autre. Genre BORLASIA, Auct. Sy. — Borlasia, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 83. — Schmarda, Neue Wirbell. Thiere, 1, 18%9, p. 40. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 248. Le corps est très long, filiforme, plus ou moins cylindri- que, très contractile. La têle est plus ou moins distincte du corps, dépourvue d’ocelles et de fentes latérales. La bouche est subterminale antéro-infère. La trompe, termi- nale, est protractile. L’anus, situé à l'extrémité postérieure, est terminal. Diesing ne nous paraît pas avoir saisi les caractères du RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 273 L] L genre Borlasia, à en juger par les cinquante espèces qu'il mentionne sous ce chef. Il y aura lieu d’en faire le triage pour délimiter le genre d’une façon plus rationnelle. Borlasia Kürtzi, Grd. SYN. — Borlasia Kürtzi, Grd. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VI, 1853, p. 366. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 251. Le corps est allongé, subcylindrique, un peu déprimé, mesurant 7 et demi à 10 centimètres en longueur. La têle est d’une seule venue avec le corps. La région antérieure est arrondie, elliptique lorsque l’animal est contracté et à l’état de repos ; elle devient conique lorsqu'elle se présente étendue dans l'état d'activité. La couleur est d'un rouge brunâtre uniforme en dessus; une teinte plus claire règne à la face inférieure. Cette espèce a été recueillie par le lieutenant J.-D. Kürtz, sur des bancs sablo-vaseux de la troisième région de la zone littorale du port de Charleston (Caroline du Sud). Genre NEMERTES, Auct,. Syn. — Nemertes, OErst. Entwo. syst. Plattw., 1844, p. 88. — Schmarda, Neue Wirbell. Thiere, I, 1859, p.44. — Dies. Sifzber. Akad. wiss. Wien, XLV; 1862, p. 297. — Joubin, Arch. Zool, exper. (2: ser.), VIIT, 1890, : Le corps est allongé, grêle, linéaire et déprimé. La tête est spatuliforme, plus ou moins distincte du corps et plus large, munie de fentes latérales. Des ocelles en nombre variable, disposés sur deux rangs, un de chaque côté. La bouche s'ouvre sous la tête. La trompe, relativement petite, est ter- minale et protractile. L’anus occupe l'extrémité postérieure du corps. Les Némertes diffèrent donc essentiellement des Borlasies par la présence de fentes céphaliques et la possession de nombreux ocelles. | Les espèces américaines sont encore mal connues et c'est avec hésitation que nous les enregistrons sous ce chef. ANN. SC: NAT: ZOOL, XV, 18 274 CHARLES GIRARD. 1. Nemertes socialis, Leidy. Syx. — Nemertes socialis, Leidy, Journ. Acad. nat. sc. Philad. (2° ser.), III, 1855, p. 143. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 298. — Verr. Rep. Invert., 1873, p. 30 et 334; — Amer. Journ. Arts and Sc. (3° ser.), VII, 1874, p. 135; el Proc. Amer. Assoc. adv. sc. (1873), 1874, p. 370, 373. Le corps est allongé, grêle, filiforme, aplati, antérieure- ment subaigu, obtus ou subaigu postérieurement. La tête ne se distingue pas du corps. Les ocelles, au nombre de deux à quatre paires, sont disposés longitudinalement de chaque côté de la tête. La longueur totale de l’animal dépasse 150 millimètres sur une largeur d'un demi-millimètre. Sa couleur est d’un brun cendré foncé ou noirâtre en dessus : un peu plus claire en dessous. L’extrémité antérieure est complètement noire. Cetle espèce a été observée par Leidy à la pointe Judith, où elle est très abondante, souvent en masses, autour des racines de corallines, sur la zone entre la haute et la basse mer. Verrill l’a rencontrée depuis « Great Egg Harbor » jus- qu'à New Haven et au détroit de Vineyard, où elle est très commune sous les pierres, entre les marées. 2. Nemertes Verrilli, Grd. Syn. — Nemertes sp., Verr. Rep. Invert., 1873, p. 335. Le corps est grêle et la tête n’en est pas séparée par une constriction quelconque. Les ocelles sont très nombreux, disposés de chaque côté de la tête én forme de grappe allon- gée. La longueur mesure 35 millimètres sur une largeur de 1,3 à 2 millimètres, Nous laissons cette espèce dans le genre Vemertes afin de ne pas compliquer sa synonymie, persuadé qu'une étude plus complète lui assignera une autre place. Verrill l’a recueillie en eaux saumâtres dans le port de New Haven, sur les pieux ou pilots d’un quai d’embarque- ment. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 279 Genre MACRONEMERTES, Verrill. Le corps est très allongé, un peu déprimé. La têle est confondue avec le corps et porte de nombreux ocelles ré- partis sur de petits amas ou groupes. Des fosseltes longitu- dinales à la face supérieure de la tête et des sillons trans- verses à la face inférieure, au devant de l’ouverture buccale, qui est allongée et siluée à une certaine distance de l’extré- mité du museau. Ainsi que pour le genre Ophionemertes, Verrill n’a pas cru devoir caractériser celui-ci. La diagnose que nous en don- nons ici repose sur la description de la seule espèce connue Jusqu'à ce Jour. Macronemertes gigantea, Verr. SYN. — Macronemerles gigantea, Verrill, Amer. Journ. Arts and Sc. (3° ser.), VI, 1873, p. 439, pl. VIL fig. 2; et VII, 1874, p. 412. — Proc. Am. Assoc. adv. sc. (1873), 1873, p. 390, pl. IL, fig. 5 et 6. Le corps est très allongé, presque grêle, un peu déprimé, antérieurement plus épais, diminuant graduellement vers la région postérieure, dont l'extrémité est très atténuée. La tête n'est pas distincte du corps, obtusément arrondie à son bord antérieur, avec pore terminal. Sa surface supé- rieure est pourvue de deux fossettes longitudinales, légère- ment sinueuses; tandis qu'à la face inférieure, on observe deux sillons transversaux, ou fossettes, peu distincts, au devant de la bouche, elle-même, en forme de fente longitu- dinale, assez éloignée de l'extrémité du museau. Les ocelles sont nombreux, disposés sur six petits amas ou groupes formant trois paires ; une paire, la plus grande, occupe le bord antérieur latéral de la tête, extérieurement au sil- lon céphalique; la deuxième paire, plus petite, est si- tuée à l'arrière de la précédente et dans les mêmes rapports vis-à-vis des sillons céphaliques; tandis que la troisième paire, pareillement petite, est placée en dedans des susdits 276 | CHARLES GIRARD. sillons, et face à face avec la précédente paire, dont elle n'est séparée que par ces mêmes sillons. - La longueur du corps, dans l'extension, mesure 3 mètres; son diamètre antérieur est de 7 à 8 millimètres. La couleur, à l’état vivant, est d’un rouge orangé brillant, en dessus ; couleur de chair en dessous. Cette espèce a élé capturée par 68 brasses de profondeur, sur une boue molle, à la hauteur du cap Élisabeth, dans le golfe du Maine et la baie de Casco. Genre OPHIONEMERTES, Verrill. Le corps est allongé, svelte et déprimé. La tête, de formé tonique, est distincte du corps et munie d’ocelles disposés sur un rang, simple antérieurement, pouvant se dédoubler latéralement. Ni fossettes latérales, ni sillons céphaliques. La bouche est terminale. Verrill n’a pas jugé à propos de donner une diagnose de ce genre, se bornant à la description de l'espèce ci-dessous, sans faire allusion aux caractères qu'il considérait comme génériques. En les énumérant, comme ci-dessus, nous avons fait entrer en ligne de compte la deuxième espèce, antérieure- ment placée par nous dans le genre Ommatoplea. 1. Ophionëemertes agilis, Verr. Syn. — Üphioñemertes agilis, Vérrill, Am. Journ. Arts and Sc. (3° ser.), VI, 1874, p. 45 et 412, pl. VIL fig. 1. — Proc. Amer. Assoc. adv. sc. (1873), 1874, p. 389, pl. IL, fig. 4. Amphiporus in Verr. Rep. Invert., 1873, p. 183. Le corps est svelte, légèrement déprimé, arrondi sur ses côtés. Sa plus grande épaisseur correspond au milieu de sa longueur ; il s’atténue graduellement vers l'extrémité posté- rieure, qui est grêle et obtuse. La tête est quelque peu sépa- rée du corps, changeante en sa forme, souvent ovale, quel- quefois subtriangulaire, généralement plus longue que large, rétrécie antérieurement, obtuse ou légèrement échancrée, RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 277 avec un orifice terminal. Les ocelles sont nombreux, res- serrés, disposés sur deux rangées latérales, une de chaque côté de la tête; simples et convergentes antérieurement, elles s’élargissent et se dédoublent postérieurement. On ob- serve, à l'arrière des ocelles, une rainure ou sillon recourbé à travers la région postérieure de la tête. Il n’y a pas de fosseltes latérales, ni de sillons céphaliques. La longueur de l'animal atteint 25 à 40 millimètres sur 1/5 à 2 milli- mètres de diamètre. | La couleur est d'un jaune hocracé pâle; l'intestin est légèrement rougeâtre. Les organes générateurs, d’un jaune plus clair, donnent aux côtés une apparence rélticulée. Cette espèce a été obtenue par Verrill dans la baie de Casco, golfe du Maine, entre 20 et 65 brasses de profondeur : sur un fond boueux, et dans la baie de Fondy, entre 40 et 90 brasses. 2. Ophionemertes Stimpsoni, Grd. BE VIS fe, 14 SyN. — Ommatoplea Stimpsoni, Grd. in Stimps. Invert. of Grand Manan, p. 28. — Smiths. Contr. to knowl., VI, 185%. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 256. — Pack. Mem. Bost. Soc, nat. Hist., I, 1867, p. 291. Amphiporus Stimpsoni, Verr. Rep. Invert., 1873, p. 18#. Le corps est déprimé, arrondi en dessus, plat en dessous, avec l'extrémité postérieure terminée en pointe. La tête est pointue ou conique, séparée du corps par une légère constriction cervicale. Les ocelles, au nombre de douze, six de chaque côté, sont petits el disposés sur une rangée simple, oblique et marginale. La bouche est terminale. L’a- nimal mesure 1°,80 à 3 mètres en longueur et au delà ; sa largeur, dans l’état d'expansion, est de 4 millimètres, et dans l’état de contraction, de 12 millimètres environ. La couleur est brune en dessus avec une marge blanche. Une bandelette blanche, étroite, convexe en avant, s'étend à travers le milieu de la tête, se confondant sur les côtés avec le liséré des bords. Une aire triangulaire, un peu étirée 278 CHARLES GIRARD. et de même niaté exisie de chaque côté de la région cer- vicale. Cette espèce est commune, sous les pierres, sur la ligne de basse marée de l’île du Grand-Manan (baie de Fondy), où elle a été recueillie par notre ami Simpson, auquel nous la dédions. Packard dit l’avoir obtenue à Anlicosti (Labrador) à une profondeur de 15 brasses. Genre EMPLECTONEMA, Stimpson. Syx. — Emplectonema, Stimps. Proc. Acad. nat. se. Philad., IX, 1857, p. 163. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 305. Le corps est très allongé, subfiliforme, déprimé. La tête est légèrement distincte du corps, mais sans étranglement cervical. Les ocelles sont nombreux. Des fossettes latérales de chaque côté de la tête. Le type de ce genre est Porlasia camilea, De Quatr. (Rech. Anat. et Phys. I, 1846, pl. X, fig. 4 et 5). Emplectonema viridis, Stimps. Syn. — Emplectonema viridis, Stimps. Proc. Acad. nat. sc. Philad// 0e, 1857, p. 163. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 306. Le corps est déprimé, linéaire, protéiforme ; la tête en est légèrement distincte, avec une paire de fossettes allongées; le bord frontal est échancré ou émarginé. Les ocelles sont disposés sur quatre groupes ; les groupes antérieurs, séparés, arrondis, avec les ocelles condensés ; les groupes postérieurs, marginaux, rapprochés des fosseltes, avec les ocelles épars. L'animal mesure 27 centimètres et demi en longueur, sur 10 millimètres de largeur. L'espèce habite le port de San-Francisco, en Californie, où Stimpson l’a recueillie. Elle est littorale et se tient sous les pierres. Genre ASTEMMA, OErst. Syn. — Astemma, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 82. Le corps est grêle, linéaire, subeylindrique ou déprimé. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 279 La tête, conique ou pointue, est continue avec le corps. Pas de fentes latérales distinctes sur les côtés de la tête. Les ocelles font défaut ou sont très indistincis. La bouche est terminale ou subterminale. L’orifice génital est très rappro- ché de l'extrémité antérieure du corps. Ce genre est voisin des Borlasies, mais il en diffère par de plus petites dimensions et par la forme tronquée de la tête. L'espèce type est PBorlasia rufifrons de Johnston ASTEMMA RUFIFRONS de OErsted. Nous y plaçons provisoire- ment les deux espèces suivantes, mentionnées brièvement par Verrill sans les dénommer. 1. Astemma resplendens, Grd. SyN. — Nemertes sp., Verr, Rep, Invert., 1873, p. 335. Le corps est allongé, de grosseur modérée et d’une lon- gueur d'environ 25 millimètres. La tête n'est pas distincte du corps. Il n’y a pas d’ocelles. La couleur est uniformément d’un rouge brunâtre brillant. L'espèce vit parmi les rochers, par 4 à 6 brasses de pro- fondeur, à la hauteur de « Watch Hill » (Rhode-fsland) où Verrill l’a recueillie. Des individus entièrement rouges avec deux taches de même couleur, mais plus foncée, à la région antérieure, ont été capturés par 25 brasses de profondeur, à la hauteur de « Buzzard's Bay » par le même auteur. 2. Astemma collaris, Grd. Syn. — Nemertes sp., Verr. Rep. Invert., 1873, p. 335. Le corps est grêle et svelte ; la tête n’en est pas distincte. Les ocelles sont imdistincts, à l’état rudimentaire et en appa- rence au nombre de trois environ, disposés sur une rangée de chaque côté, au bord antérieur de la tête. La couleur de la tête et du corps est rouge brunâtre en dessus, avec un anneau blanchâtre autour du cou, disparaissant sur le 280 | CHARLES GIRARD. milieu de la face supérieure. La longueur totale mesure 8 millimètres. L'espèce a été recueillie par Verrill à la hauteur de « Watch Hill » (Rhode-Island), en compagnie de la précédente par 4 à 6 hrasses parmi les rochers. Genre MICRURA, Ehrenberg. SYN. — Micrura, Ehr. Symb. Phys. Evert., 1831. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 258. —- Mc Intosh, Brit. Ann., I, 1873. Le corps est filiforme ou linéaire, déprimé ou subcylin- drique, et terminé par un petit appendice caudal. La tête est d’une seule venue avec le corps. La bouche s'ouvre sous la tête, et l'anus sous l’appendice caudal. Les ocelles sont en petit nombre, disposés sur une série frontale, s'étendant de chaque côté de la tête, ou bien manquent complètement. Le type de ce genre est Murura fasciolata, de la mer Adria- tique. | 1. Micrura affinis, Verr. SyN. — Micrura affinis, Verr. Proc. U, S. Nat. Mus,, nov. 1879, p. 186. La longueur de l'animal est de 125 à 150 millimètres, sur une largeur de 2 à 4 millimètres. Le filament caudal est grêle, acuminé et blanc. Les ocelles, variables en nombre, sont noirs et disposés sur une rangée marginale de chaque côté de la tête, les antérieurs étant les plus grands. La cou- leur en dessus est ordinairement d’un rouge vif ou brun rougeâtre ; blanc rosé en dessous. Le bord frontal de la tête porte un liséré blanc qui se prolonge en arrière en une sorte de pointe médiane. ) On trouve communément cette espèce depuis la baie du Massachuselts à celle de Fondy, où elle a été recueillie par Verrill à une profondeur de 10 à 100 brasses, sur un fond durei. Les deux espèces suivantes, qui ne sont pas oculées, ne rentrent peut-être pas dans ce genre, RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 281 2. Micrura inornata, Verr. - Syn. — Micrura inornata, Verr. Proc. U. S. Nat. Mus., nov. 1879, p. 1862. Le corps est fusiforme, modérément allongé, ayant sa plus grande épaisseur à la région antérieure, graduellement atté- nué vers la queue qui est un peu aplatie. Le filament caudal est blanc, très svelte et acuminé, parfois aussi long que le diamètre du corps. La longueur des plus grands individus observés était de 75 millimètres environ, sur une largeur de 0**,10 à 0,**12. La tête est obtuse, souvent aussi large et même plus large que le corps. Les fentes latérales sont profondes, s'étendant aussi loin que la bouche, la situation de celle-ci n'étant pas très reculée. Les ocelles manquent. La couleur de l'animal est d'un rouge cerise brillant et par- fois d’un rouge foncé, le milieu de la tête plus brillant que le reste; la queue est pâle. Cette espèce a été obtenue par Verrill à une profondeur de 45 à 110 brasses, sur un fond de boue, dans la baie du Massachusetts et dans le golfe du Maine. 3. Micrura albida, Verr. Syx, — Micrura albida, Verr. Proc. U. S. Nat. Mus., nov. 1879, p. 186. Le corps est arrondi antérieurement où se trouve sa plus grande épaisseur, atlénué et un peu aplati postérieurement avec un pelit et svelte filament caudal. La tête est obtuse, plus élroite que le corps. Les fentes latérales sont courtes et peu marquées. Les ocelles manquent. La couleur est blan- châire ou jaunâtre pâle, virant souvent au rouge clair vers la tête. Quelquefois grisâtre. L'espèce est commune dans le golfe du Maine et dans la baie du Massachusetts sur un fond de boue par 30 à 140 bras- ses de profondeur (Verrill). Genre AMPHIPORUS, Ehrenberg. SyN. — Amphiporus, Ehr. Symb. Phys. Evert., 1831. Le corps est filiforme, grêle et allongé. La tête est con- 282 CHARLES GIRARD. tinue avec le corps et porte de nombreux ocelles, disposés sur quatre traînées, deux de chaque côté de la tête, anté- rieurement convergentes, simulant deux arcs de cercle conligus sur le milieu de leur courbe. La bouche est presque terminale, de même que l'anus. Le type de ce genre est l'A mphiporus albicans, Ehr. de la mer Rouge. 1. — Amphiporus virescens, Verr. SYN. — Amphiporus virescens, Verr. Proc. U. S. Nat. Mus., nov. 1879, p. 1383. Le corps est long, svelte, ayant sa plus grande largeur à la région antérieure, s'atténuant graduellement vers l’extré- mité postérieure. La longueur des plus grands individus observés mesurait environ 40 millimètres. La tête est obtusément arrondie antérieurement, munie de nombreux ocelles disposés sur deux groupes allongés, un de chaque côté de la tête ; chaque groupe se compose de plusieurs ran- gées antérieurement, se réduisant en arrière en une seule rangée qui s’élend au delà de la tête et du col. La couleur est d’un vert pâle, d'intensité variable. L'espèce est commune dans les ports de New Haven et de Noank {Conn.) ainsi qu'à Wood’s Holl (Mass.) où Verrill l’a observée parmi les hydraires adhérents aux piles des quais. Il nous reste des doutes sur la présence dans ce genre des deux espèces suivantes. 2. Amphiporus roseus, Verr. Syn. — Planaria rosea, Müll. Zool. Dan., 1176.— Amphiporus roseus, Verr. Proc. U..S: Nat. Mus., nov. 4879,°p: 485. La longueur du corps mesure 50 millimètres ou davan- tage. La trompe est grande, finement papilleuse et rougeûtre. Des sillons transversaux s'étendent de chaque côté de la tête, RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 283 à l'arrière immédiat des groupes postérieurs d'ocelles. Les ocelles eux-mêmes sont disposés sur deux grands groupes, un de chaque côté de la tête; les antérieurs, qui sont les plus grands, un peu triangulaires, recouvrent les bords antérieurs et empiètent sur la tête, en avant comme en arrière, pour se terminer de chaque côté par un petit groupe subdorsal, plus marqué que le reste. À l’arrière immédiat de ceux-ci, on en observe encore deux groupes très apparents. La couleur du corps en dessus est ordinairement d’un rouge cerise foncé ou brun rougeâtre, variant de teinte entre l’ orangé et le brun chocolat; couleur de chair en dessous. L'espèce a été A par Verrill dans la baie du Mas- sachusetts et dans le golfe du Maine, par 20 à 100 brasses de profondeur, sur un fond de boue. 3. Amphiporus cruentatus, Verr. SyN. — Amphiporus cruentatus, Verr, Proc. U. S. Nat. Mus., nov. 1879, p. 184. Le corps est flasque et versatile, svelte, s’atténuant vers les deux extrémités ; la tête ne s'en détache pas distincte- ment. Le museau est muni de cils nombreux. Les ocelles sont au nombre de douze environ de chaque côté de la tête, disposés sur une rangée longitudinale interrompue, les anté- rieurs considérablement plus grands que les autres. Deux sillons transversaux peu marqués de chaque côté de la tête ne paraissant pas s'étendre à la face dorsale, mais les anté- rieurs font une courbure en avant — et les postérieurs en arrière — des ganglions. La trompe est longue, recouverte de papilles allongées et coniques, très denses. Il existe un simple stylet central et deux plus petits crochets de chaque côté. La couleur est d’une teinte saumon rougeâtre claire. Cette espèce a été capturée par Verrill, par 4 à 5 brasses de profondeur, dans le détroit de Vineyard. Une autre espèce de ce genre, que Verrill rapporte à l'A m- phiporus lachfloreus de Mc Intosh, a été recueillie par lui 284 | CHARLES GIRARD. sous les pierres à basse marée à Easlport (Me). Les plus grands individus mesuraient de 50 à 100 millimètres en longueur, ordinairement couleur de chair pâle, ou blan- châtre, ou grisâtre foncé. C’est une question à revoir, Genre HALLEZIA, Girard, Le corps est arrondi ou fusiforme; la queue épaisse ou émoussée. La tête est lancéolée, continue avec le corps, quoique délimitée par un sillon cervical annulaire. Les ocelles sont en petit nombre, tantôt indistincis, tantôt apparents. Il n’y a pas de fentes latérales. La bouche est située à la face inférieure, s'étendant de l’origine, ou base de la tête, à une certaine distance de l'extrémité du museau. Les types de ce genre sont Amphiporus hastatus et Amphi- _porus bioculatus de Me Instosh. 1. Hallezia hastata, Grd. Sy. — Amphiporus hastatus, Mc Intosh, Monogr. Brit. Ann., I, 1873, p. 162, pl. VIIL, fig. 2. — Verr. Amer. Journ. Arts and Sc. (3° ser.), X, 1875, p. 40. — Joubin, Arch. Zool. exper. (2° ser.), VIIT, 4890, p. 560. L'animal que Verrill a eu entre les mains provenait du détroit de « Black Island », capturé à une profondeur de 18 à 45 brasses. En l'absence de description de la part du zoologiste américain, nous empruntons à celle de Mc Intosh les traits caractéristiques de cette espèce, tout en faisant des réserves quant à son identité spécifique. Le corps, qui mesure environ 45 millimètres sur 1 milli- mètre et demi de largeur, est assez arrondi, se dilatant insensiblement d'avant en arrière, avec une légère diminu- tion vers la queue, qui est large et épaisse. La tête, brusque- ment arrondie, plus étroite que le corps, ressemble en sa forme à un court harpon, avec une élévation sillonnée médiane. Les ocelles sont indistincts, eu égard à leur situation profonde, et situés un peu en arrière de l'extrémité du museau. La bouche a l'apparence d’une dépression linéaire. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 289 La couleur est jaune brunâtre, pointillée de blanc sur le museau. | Mc Intosh a obtenu cetle espèce à 7 brasses de profondeur, dans le détroit de Bressay (Shetland). Joubin, qui en parle d'après des individus provenant de Roscoff et de la baie de Naples, signale des différences assez sensibles entre eux et ceux que décrit et figure Mc Intosh, pour nous meltre en garde contre une identification prématurée et sur laquelle nous conservons des doutes sérieux. 2, Hallezia bioculata, Grd. SYN. — Amphiporus bioculatus, Mc Intosh, Monogr. Brit. Ann., I, 1873, p. 163, pl. VIIL, fig. 3. — Verr, Amer. Journ. Arts and Sc. (3° ser.), X, 1875, p. 40. — Joubin, Arch. Zool. exper. (28 ser.), VIII, 1890, p. 566. Ce némertien a été capturé dans le port de Noank à une profondeur d’une brasse à une brasse et un quart, sur un fond de boue, et dans le détroit de « Fishers Island » à la profondeur de 7 brasses, sur boue et sable. Verrill, qui n’en donne pas de description, nous oblige à recourir à Mc Intosh pour tracer la physionomie de cette espèce, ce qui nous laisse des doutes quant à l'identité qu’il admet en prin- cipe. R La tête, qui se termine en un petit museau pointu, est limitée postérieurement par un sillon angulaire, dont le sommet est dirigé en avant, sillon qui se continue à la face inférieure. Deux ocelles, consistant en de simples masses de pigment noir, s’observent à la pointe extrême du museau. La bouche est indiquée par une raie située au devant du sillon céphalique. Le corps, qui mesure environ 15 millimètres en longueur sur un peu plus de 2 millimètres en largeur, est arrondi, fusiforme, augmentant de diamètre sur les deux premiers tiers de la longueur. La queue est émoussée. La couleur est d’une teinte terne orangée. McIntosh a rencontré celte espèce depuis le Shetland aux Îles de la Manche. La description qu’en donne Joubin d’après 286 | CHARLES GIRARD. des individus de Roscoff, diffère sensiblement de celle qui précède, à part leur taille beaucoup plus considérable. Genre NEESIA, Girard. SyN. — Amphiporus, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 95. — Dies. Syst. Helm., 1, 1850, p. 245. Le corps est de moyenne ou de petile dimension, grêle, linéaire, subcylindrique ou déprimé, diminuant plus ou moins de largeur d’avant en arrière. La tête est conique, plus ou moins pointue, continue avec le corps el dépourvue d’ocelles, ainsi que de fentes latérales. La bouche est très petite et terminale. L’orifice génital est situé près de l’extré- milé antérieure. L’anus est terminal ou subterminal. Ce genre correspond au genre Amphiporus de OErsted qui n'est point celui d’'Ehrenberg. Il diffère du genre Borlasia en ce que les espèces qu'ilrenferme sont beaucoup plus petites, avec une bouche minuscule située à l'extrémité du rostre, et la tête d'une seule venue avec le corps ; — différences mi- nimes, il est vrai, mais le genre Porlasia comprend déjà un nombre si considérable d'espèces variées que nous avons cru devoir établir cette division générique, afin d'attirer sur le groupe entier des Borlasies, l'attention ultérieure des zoo- logistes. | L'espèce type de ce genre est l’A mphiporus Neesü de OEr- sted, des îles Férüe, et que nous désignerons dorénavant sous le nom de ÂVeesia Neesiü. La description de Vemertes Neesü, Mc Intosh (Brit. Ann. 1, 1873 p. 178, pl. IL, fig. 6 et pl. VII, fig. 6) ne concorde nullement avec celle que donne OErsted de l'Amphiporus Neesu. Le corps de cette dernière espèce, d'une longueur de 22 centimètres et demi sur 4 millimètres de largeur, est déprimé, lancéolé, et pos- térieurement beaucoup plus étroit qu'antérieurement; tandis que Nemertes Neesu, qui atteint parfois 45 centimètres en longueur sur 6 millimètres de largeur et {rès aplati, con- 4 RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 287 serve un diamètre presque égal sur toute sa longueur, n'étant que légèrement atténué vers l'extrémité postérieure. Les exemplaires du Groenland, conservés au Musée britannique, dont le corps est court et épais, paraissent se rapprocher davantage de la description de l’'Amphiporus Neesu que de celle de Nemertes Neesu. De plus le premier est dépourvu d'ocelles, tandis que le dernier en possède de nombreux disposés sur deux groupes condensés, de chaque côté, un peu en arrière du museau. 1. Neesia groenlandica, Grd. SyN. — Amphiporus groenlandicus, OErst. Entw. syst. Plattw., 1844, p. 95. — Dies. Syst. Helm., I, 1850, p. 245. Borlasia groenlandica, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 149. Cette espèce est très imparfaitement connue ; OErsted la signale plutôt qu'il ne la décrit. Son corps est beaucoup plus arrondi que chez l'espèce précédente ; sa longueur est de 75 millimètres environ, et sa couleur d’un brun jaunâtre. Elle habite le littoral du Groenland. 2, Neesia sanguinea, Grd. SYN. — Amphiporus sanguineus, Grd, Proc. Acad. nat. sc. Philud., VI, 1853, p. 366. Borlasia sanguinea, Dies. Silzber, Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 249. En déterminant précédemment cette espèce nous n'avions que OErsted pour guide, ne nous doutant pas, à cette époque, que le naturaliste danois s'était complèlement mépris sur le genre Amplhiporus d'Ehrenberg, tel que cet auteur l’ävait constitué. Le corps est allongé, déprimé, élargi antérieurement, s’atténuant graduellement vers la région postérieure. Les flancs sont linéaires, mais ondulés lorsque l’animal est en mouvement. La tête, d’une seule venue avec le corps, est pointue à son extrémité. La bouche est petite et terminale, L'orifice génital, très allongé, est rapproché de l'extrémité antérieure. L’anus est presque terminal. 288 | CHARLES GIRARD. La couleur est d'un rouge de sang uniforme. Cette espèce vit dans la quatrième sous-région de la zone littorale du port de Charleston (Caroline du Sud). Genre RENIERIA, Girard. SyN. — Renieria, Grd, Proc. Acad. nat. sc. Philad., VI, 1853, p. 366. Le corps est allongé et subcylindrique. La têle, conique, est d’une seule venue avec le corps, sans le moindre indicé de séparation. Il existe une fissure longitudinale de chaque côlé de la tête, comme chez les Meckelies. L’orifice buccal est presque terminal, s’ouvrant à la face supérieure comme chez les Valencinies. Les ocelles manquent. À la mémoire de Stef. Andr. Renier ou Renieri. Renieria rubra, Grd. Syx. — Renieria rubra, Grd. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VI, 1853, p. 366. Cerebratulus ruber, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 274. Le corps est subcylindrique, un peu plus large que haut, mesurant 7 et 1/2 à 10 centimètres en longueur. La tête est conique, subtriangulaire, atténuée en avant. L’orifice buccal est étroit et allongé, rapproché de l'extrémité du museau. La couleur est d’un rouge de brique uniforme : plus claire en dessous. | Cette espèce a été obtenue, au moyen de la drague, sur des bancs de vase sablonneuse du port de Charleston (Caro- line du Sud). Genre LEODES, Girard. Syn. = Leodes, Grd. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VI, 1853, p. 866. Le corps est allongé, déprimé et atténué postérieurement. La tête est distincte du corps par une constriction du col et pourvue de fissures longitudinales, latérales. L'orifice buccal est terminal. Les ocelles manquent. | Ce genre, très voisin du genre Meckelia, en diffère néan- RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. . 289 moins par la présence d’un col rétréci, séparant la tête du reste du corps, et par la position de la bouche. Les mêmes caractères le différencient du genre Cerebratulus. Leodes striolenta, Grd. Syn. — Leodes striolenta, Grd. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VI, 1853, p. 366. Meckelia striolenta, Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, 283. Le corps mesure 15 centimètres en longueur sur 5 milli- mètres en largeur; un peu convexe antérieurement, il est déprimé postérieurement et plus large. La tête est un peu plus étroite que le corps, un peu allongée, oblusément pointue, atténuée et séparée du corps, par une constriction assez large mais peu profonde. La fente buccale est très longue, et les sillons latéraux du col, très profonds. L’extré- mité postérieure est tranchante et pointue. La région anté- rieure du corps est épaisse et arrondie latéralement, tandis que la région postérieure est comprimée, à bords lranchants. La couleur du corps est d’un rose foncé en dessus, avec une bandelette marginale de rose plus intense, de chaque côlé, et couvert de fines lignes longitudinales serrées, d’un gris foncé ou noiràtre, plus foncées antérieurement. Il est bordé aux deux tiers postérieurs de gris jaunâtre clair. La têle, d’un gris clair, porte des taches longitudinales noires, moins nombreuses vers les bords. La surface inférieure est rouge foncé avec des taches de gris foncé antérieurement, surtout sur les bords, et une ligne médiane blanche ; les taches disparaissent de la région postérieure, mais l’on y remarque une ligne médiane rouge bordée de jaunâtre. La queue est pâle, clarrsemée de petites taches. Chez les jeunes, toutes ces couleurs ont des teintes pâles, à l'exception de la tête, de sorte que l’on distingue neltement l'intestin, par transparence des intéguments, à sa couleur plus foncée. Cette espèce a été recueillie à marée basse, sousles pierres reposant sur de l'argile durcie, dans le port de Charleston (Caroline du Sud). ANN. SC. NAT. ZOOL. Xv, 49 290 | CHARLES GIRARD. Genre MECKELIA, Leuckart. Syn. — Meckelia, Leuck. Descr. Brev. anim., etc., 1828, p.17. — Schmarda, Neue Wirbell. Thiere, 1, 1859, p. #2. Le corps est allongé, déprimé et aplati. La tête, qui se confond avec le corps, est dépourvue d’ocelles. La région antérieure est triangulaire, munie de chaque côté d’un sillon marginal. La bouche est infère, grande, IGN ASS et bilobée. Les mœurs sont terricoles. | Les Valencinies se rapprochent de ce genre par leurs mœurs, mais elles en diffèrent par leur tête séparée du corps et l’absence de fentes latérales. Le type primitif de ce genre est MECKELIA SOMATOTOMUS du littoral français de la Méditerranée. Si, ainsi que le pense Joubin, cette dernière est identique avec Cerebratulus marginatus de Renier, l'espèce à la suite en deviendra le type. 1. Meckelia fragilis, Grd. Syx. — Meckelia fragilis, Grd. in Nordam. Monatsb., IT, 1851, p. 4. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 286. Le corps est très aplali, très mou, frêle, se réduisant en fragments au moindre attouchement. A l’état adulte, cette espèce dépasse 25 centimètres en longueur, sur une largeur deÿ millimètres. La couleur est uniformément orange pâle. Chez les très jeunes individus le corps est presque cylindrique, de couleur rosée postérieurement et d’un blanc mal antérieurement, avec une bandelette d’un rouge intense autour de la tête. Lorsqu'ils atteignent 16 centimètres en lon- gueur, leur largeur augmente en proportion sans toutefois s’aplatir encore ; leur couleur passe au rouge foncé, mais la tête conserve une teinte plus pâle. La bandelette rouge qui l’entourera plus tard n’est pas encore visible. La difié- rence entre Jeunes et adultes est si grande, qu’à première vue on les prendrait volontiers pour deux espèces distinctes. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 291 Meckelia fragilis vit enfouie dans les sables de la plage de Chelsea (Mass.), d'où il est difficile d'en extraire des individus entiers, eu égard à leur extrême fragilité. 2. Meckelia atra, Grd. SyN. — Meckelia atra, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., IV, 1851, p. 137. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 286. Le corps est plus ou moins déprimé, beaucoup moins toutefois que chez Meckelha fragilis. L'extrémité antérieure est plus proéminente que chez cette dernière espèce et d’une teinte plus claire, contrastant ainsi avec la couleur du reste du corps qui est d’un noir uniforme sur toute son étendue. La bouche est pyriforme, ayant son extrémité étroite dirigée en avant, tandis qu’elle est plus ou moins circulaire ou ovale chez M. fragiuis. La plus grande longueur de l'animal, con- servé dans l’alcool, mesure environ 15 centimètres. Cette espèce vit en eaux profondes; elle a été obtenue au moyen de la drague, au cap Floride. 3. Meckelia Pocohontas, Grd. Syn. — Meckelia Pocohontas, Grd. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VI, 1853, p. 366. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 278. Meckelia ingens, Leidy, Journ. Acad. nat. sc. Philad. (2 ser.), 1855, p. 143. — Dies. Sifzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 276. — Verr. Rep. Invert., 1873, p. 30 et 336, pl. XIX, fig. 96,96*; et Amer. Journ. Arts and Se, (3° ser.), VIL, 1874, p. 135. C’est la plus grande des espèces américaines du genre, connues jusqu'à ce jour. Son corps est très aplati. Verrill qui l'a étudiée sur le vivant a eu en sa possession des indi- vidus mesurant 4*,50 en longueur et dépassant 25 millimè- tres en largeur. Il les a vus se contracter à 90 centimètres et même à 30 centimètres, et devenir, de ce fait, presque cy- lindriques, avec un diamètre d'environ 15 millimètres. La région antérieure du corps est la plus large ; il diminue graduellement vers la région postérieure; celle-ci est aplatie et amincie, se terminant par un pelil appendice médian, grêle, pointu et contraclile, d’une longueur de 6 millimètres. 292 | CHARLES GIRARD. La trompe des plus grands individus mesurait 37 à 38 cen- timètres enlongueur sur environ 5 millimètresen diamètre, à sa plus grande épaisseur. La têle, en ses contours, est très variable; elle est tantôt lancéolée, pointue à son extrémité, avec les bords amincis et une contraction cervicale ; puis l'instant d’après, largement arrondie ; puis tronquée ou même profondément émarginée à son extrémité ; enfin elle devient insensiblement indistincte, confondant ses contours avec ceux du corps lui-même. La bouche est large et pa- reillement très changeante, passant par la forme elliptique à un ovale allongé, oblong ou circulaire en succession rapide. L'animal s’'aventure parfois en pleine eau pour nager ra- pidement à la façon du serpent ou de l’anguille, le corps étant placé de champ. Les spécimens que Verrill a eusentre les mains prove- naient du Fort Macon et de « Great Egg Harbor », de New- Haven et du détroit de Vineyard, entre la ligne de basse marée et 8 brasses de profondeur. Les observations de Leidy reposent sur un individu con- servé dans l'alcool, mesurant 42 centimètres en longueur, 12 millimètres en largeuret 6 millimètres environ d'épaisseur, recueilli sur un banc d'huîtres à la pointe Bessly (New- Jersey). Le corps est long et tæniforme, postérieurement rétréci. La têle est obtusément angulaire et déprimée; les fentes latérales sont profondes. La bouche est grande et située en dessous de la tête. L'ouverture génitale est'en forme de fente allongée. Uniformément couleur de crème. 3 Les exemplaires sur lesquels nous avons fondé cette espèce provenaient de la troisième et quatrième région de la zone littorale, le long des côtes des deux Carolines (du Nord et du Sud). Conservés qu'ils étaient dans l'alcool, ils mesuraient encore 90 centimètres, et l’on sait combien est grande leur rétraction dans ce liquide. Le corps élait très déprimé, aplati, très aminci à l’état frais : après l'im- mersion, le tiers antérieur était devenu subcirculaire, à bords arrondis, en contraste avec la région postérieure qui RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 293 conserve sa forme aplatie, et ses bords amincis. La tête élait conique, atténuée en avant et d’une seule venue avec le corps; les fentes latérales, longues et profondes, atter- gnaient l'extrémité du museau. Le pore lerminal qui donne issue à la trompe peut, en se contractant, simuler une fente verticale de peu de profondeur donnant ainsi à l'extrémité du museau une apparence quadrifide. L'orifice buccal est étroit et allongé, situé près de la région antérieure du corps. La couleur était d'un blanc jaunâtre uniforme postérieu- rement ; rougeâtre antérieurement. Le nom de cette espèce rappelle l’une des figures fémi- nines de la race rouge, la plus sympathique aux premiers colons dela Virginie et des Carolines. 4. Meckelia lactea, Leidy. Syn. — Meckelia lactea, Leidy, Proc. Acad. nat. se. Philad., V, 1851, p. 243, — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p.275. — Verr, Rep. Invert., 1873, p. D0 et 336. Le corps, très mou, est d’un blanc laiteux, lenticulaire sur une seclion transversale, convexe en dessus et en des- sous. À l’état d'extension il est très déprimé, plus particu- lièrement à la région postérieure; épaissi et arrondi à l’ar- rière immédiat de la tête; ses bords sont minces et ondulés. L’extrémité postérieure est mince et subacuminée. La tête est déprimée, conique, en forme de fer de lance, antérieu- rement obtuse, mesurant 2 millimètres en largeur à sa base; les fissures latérales ont 3 millimètres de long. La plus grande longueur de l’animal est de 150 millimètres sur 6 millimètres de largeur et 2 millimètres d'épaisseur. Il peut se rétracter à 50 millimètres de longueur, sur 4 milli- mètres de largeur et 3 millimètres et demi d'épaisseur. Lorsqu'il se meut dans l’eau, en toute liberté, il nage à la façon de l'anguille ; en pareil cas les surfaces élargies du corps prennent une position plus ou moins verticale. L'espèce vit dans le sable et la vase, sous les pierres, débris de coquilles, 'ete., sur les grèves découvertes à basse marée, 294 CHARLES GIRARD. le long dela côte de « Great Egg Harbor » (New-Jersey). Verrill qui a eu l'occasion d'examiner cette espèce, penche à croire qu'elle ne diffère pas de M. Pocohontas, dont elle ne serait que le jeune âge. Selon cet auteur elle se ren- contrerait jusqu'à 10 brasses de profondeur, depuis « Great « Egg Harbor » jusqu'à New-Haven et au détroit de Vineyard. 5. Meckelia rosea, Leidy. Syn. — Meckelia rosea, Leidy, Proc. Acad. nat. sc. Philad., V, 1851, p. 244. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 282. — Verr. in Rep. Comm. on Fish and Fisher. 1871-72 (1873), p. 56 et 356. Le corps, sur une section transversale, est oblong, con- vexe en dessus, aplati en dessous. Dans l'extension il devient cylindroïde, obtus postérieurement. La tête est déprimée, conique ou en forme de fer de lance. Les fissures latérales sont longues et profondes. La bouche est relativement petite et ordinairement arrondie. La trompe est très longue et grêle. L'orifice génital est distinct et arrondi. L’intégument est assez ferme et sécrète un mucus tenace auquel adhère un mince revêtement de sable, lorsque l’animal est retiré de son terrier. Sa longueur est de 150 à 200 millimètres, sur une largeur de 5 millimètres. Au dire de Verrill, sa couleur est rouge purpurin clair, ou rosé, et d’après Leidy le corps est d'une brillante couleur chair, plus pâle sur ses bords, avec une raie centrale plus foncée à la face inférieure; la tête étant blanche. | On trouve cette espèce en compagnie de la précédente dans la vase et le sable, sous les pierres, coquillages, etc., des grèves que la marée basse met à découvert, le long des côtes de « Great Egg Harbor », New-Haven et détroit de Vineyard, où Leidy et Verrill l'ont observée. 6. Meckelia Lizziæ, Grd. Syn. — Meckelia Lizziæ, Grd. Proc. Acad. nat. sc. Philad., VI, 1853, p. 367. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 277. Le corps est aplati, mesurant 1°,80 à 2,40 en lon- RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 295 gueur. La tête est assez courte et arrondie. L'orifice buccal est oblong, ovale et étroit antérieurement. La couleur est uniformément d’un blanc jaunâtre terne. Immersé dans l'alcool, le corps revêt le même aspect et subit les mêmes rétractions que chez M. Pocohontas, avec lequel cetle espèce a de grandes affinités. On la trouve sur les bancs sablonneux du port de Char- leston (Caroline du Sud). 7. Meckelia lurida, Verr. SyN. — Meckelia lurida, Verr. Rep. Invert., 1873, p. 214 et 336. — Amer. Journ. Arts and Sc. (3° ser.), VI, 1874, p. 439, et VII, 1874, p. 45, 412. Le corps est grand, fort et allongé, très déprimé sur toute son étendue, aminci postérieurement et quelque peu épaissi antérieurement. La tête est changeante en sa forme, sou- vent pointue ; fentes latérales longues. La bouche est grande et allongée. La trompe est longue et grêle. On observe chez quelques individus une papille caudale frêle et pointue. La longueur totale mesure 150 à 250 millimètres, sur une largeur de 10 millimètres et davantage. La couleur est d’un brun chocolat foncé, plus claire sur les bords. L'espèce a été observée par Verrill à la hauteur de « Gay Head », par 19 brasses de profondeur, sur de la boue molle; de « Buzzard’'s Bay », par 25 brasses; de « Block Island », par 29 brasses, sur une boue sablonneuse; de « Casco Bay », par 10 à 68 brasses. Génre BALANOGLOSSUS, Delle Chiaje. SyN. — Balanoglossus, Delle Ch. Mem. Stor. nat. anim. s. vert., III, 1841, p. 127, pl. V, fig. 1. — Kowalewsky in Mém. Acad. Saint-Pétersbourg, X, I, 1866, n° 3, pl. I-LIL. — A. Ag, Mem. Amer. Acad., IX, IL, 1873, p. 421. — Vaill. Aist. Ann., II, 2, 1890, p. 663. Stimpsonia, Girard, Proc. Acad. nat. sc. Philad., VI, 1853, p. 367. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 267. Le corps est allongé, subcylindrique, le dos dilaté ou dé- ployé sur une certaine partie de son élendue; diminuant et 296 | CHARLES GIRARD. s’aplatissant graduellement vers la région postérieure. Un collier, ou capuchon, en relief, entoure la base d’une trompe plus ou moins conique et perforée. La bouche est placée au-dessous de la base dela trompe. Les ocelles, qui existent chez la larve (Tornaria), disparaissent complètement chez l'adulte. Delle Chiaje a esquissé la véritable physionomie de ce genre en le disant « semblable à la tête d’un gland dont le sommet déborde une sorte de prépuce, ou ourlet en relief, à la suite duquel le corps se prolonge sous l'aspect d’une langue de bœuf ». Le type de ce genre est Palanoglossus clavigerus, du golfe de Naples, anatomiquement décrit par Kowalewsky, qui en distingue une deuxième espèce sous le nom de BP. mu- nutus, vivant dans les mêmes parages. 1. Balanoglossus Kowalewskyi, A. Ag. SYN. — Balanoglossus Kowalewskyi, À. Ag. Mem. Amer. Acad., IX, II, 1873, p. 421, pl. I-LIT. Balanoglossus aurantiacus, Verr. Rep. Invert., 1873, p. 333; et Amer. Journ, Arts and Sc. (3° ser.), V, 1873, p. 235. Le point intéressant de l’histoire de cette espèce, c’est l'identité spécifique de la larve Tornaria avec l'adulte Bala- noglossus, comme l’a démontré A. Agassiz dans une deserip- tion détaillée, accompagnée d’excellentes figures. = Verrill est allé trop loin, croyons-nous, dans l’identifica- tion de Simpsonia aurantiaca avec B. Kowalewskyi. Si l'1- dentité des deux genres est un fait hors de doute, celle des deux espèces est loin d’être démontrée. D'ailleurs cet auteur en convient lui-même puisqu'il avoue « qu'un nouvel examen d'individus vivants de celte espèce est nécessaire avant que son identité avec celle du Nord puisse être positivement établie ». Alors pourquoi préjuger la question en l’inscri- vant comme synonyme ? La trompe est allongée, légèrement pyriforme, un peu aplatie, arrondie ou pointue à la région antérieure. Ratla- chée au bord supérieur du collier, elle est arrondie posté- RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 297 rieurement et légèrement dentelée sur la ligne médiane supérieure. Sa base est assez grêle et sa partie antérieure taillée en biseau. L'espace entre la partie inférieure de la trompe et la cavité du collier constitue, à la base de la trompe, une avenue ou canal conduisant dans la bouche, grande ouverture elliptique, douée de peu d'expansion ou de contraction. La trompe est perforée dans son entier et percée antérieurement d’un petit orifice ; une seconde ouver- ture, de formation subséquente, est placée à sa partie inférieure, au devant immédiat de la bouche, comme pour y introduire les aliments qui passeraient au travers de la trompe. La trompe constitue l'organe principal de locomotion; l'eau et le sable y pénètrent par l’une des extrémités et en sortent par l’autre; elle agit à la façon d’un suçoir, qui se fixe pour attirer après elle Le reste du corps. La faculté locomo- trice du corps qui fait suite au collier consiste simplement à se torliller et à glisser, tandis que la force motrice réside tout entière dans la trompe et le collier. La trompe est ex- trèmement variable dans son contour et douée d’une grande extension et contraction, son corps tout entier étant pourvu de muscles à fibres longitudinales et transversales. Son con- duit n’a aucune communication avec la cavité du corps dans laquelle s'ouvre la bouche. À l'arrière immédiat de la trompe on trouve le collier, région du corps quelque peu semblable au collier des Sabelles et autres Annélides congénères. Son extrémité antérieure est profondément excavée, les bords faisant saillie de façon à masquer le grêle pédoncule qui l’unit à la base de la trompe. Elle est lisse à ses deux extrémités, antérieure et posté- rieure, et légèrement plissée sur la région moyenne supé- rieure. La bouche est largement ouverte et aboutit à l’œso- phage. La partie de ce dernier, flanquée des branchies, est à peu près deux fois aussi longue que le collier lui-même. Les branchies sont situées à l’arrière immédiat du collier, le long de la ligne moyenne du dos ; elles diminuent graduel- 298 CHARLES GIRARD. \ lement de grosseur postérieurement, pour disparaître entiè- rement à une distance considérable au delà du collier. La région dorsale moyenne du corps, à l'arrière des branchies, est un peu aplatie, le devenant davantage sur la plus pyandé partie de la distance occupée par le foie. Les organes génitaux sont situés entre le foie et la région antérieure du corps et constituent des poches irrégulières de chaque côté de la ligne médiane. Toute la surface du corps est densement couverte de petits cils. | La couleur de la trompe est d’un jaune rosé; celle du collier est de même teinte, mais un peu plus foncée. On trouve cette espèce à la basse marée, enfouie dans le sable siliceux des plages, à une profondeur de 300 à 350 mil- limètres. Les trous tubulaires qui lui servent de retraite sont revêlus d'une couche épaisse de mucus, formant une sorte de gaine d’un diamètre considérable. L'animal rejette par cel orifice des spirales elliptiques de sable d’un carac- tère particulier, indices irrécusables de sa présence en la localité. À. Agassiz en a recueilli à Beverley (Mass.), au détroit de Vineyard et à Newport. Verrill l’a obtenue à l’île Naushon. 2. Balanoglossus aurantiacus, Grd. Syn. — Stimpsonia aurantiaca, Grd. Proc. Acad. nat. sc. Philad., NI, 1853, p. 367. — Dies. Sitzber. Akad. wiss. Wien, XLV, 1862, p. 268. La description que nous donnons de cette espèce est tirée des « notes » prises par Stimpson sur le vif. Nous regretions que l’occasion ne nous ait pas été offerte d'observer l’animal vivant, car il est certains détails que notre ami n’a pas fait ressortir et dont l'importance est considérable, en présence surtout de la description plus complète de l'espèce précé- dente, qui passe pour identique aux Lie de quelques nee Le corps est allongé, subcylindrique, un peu comprimé, avec Le dos étalé, laissant apercevoir à sa surface un réseau RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 299 circulatoire qui remet en mémoire celui que l’on observe chez les Actéons. La région céphalique est munie d’une membrane annulaire ou collier, à surface lisse, recouvrant la partie antérieure du corps, constiluant une large ouver- ture terminale et subcirculaire, à périphérie entière mais ondulée, communiquant avec la cavité générale du corps et donnant issue aux produits de l'appareil générateur. On observe au bord supérieur du collier, ou anneau céphalique, un organe en forme d'entonnoir, ou plutôt corolliforme, au centre duquel est une trompe perforée et cylindrique à la parlie inférieure de laquelle se trouve la bouche. L'animal happe sa nourrilure au iravers de cette trompe, facililé en cela par le disque qui l'entoure, jouant le rôle de ventouse el à l’aide duquel il adhère plus fermement à sa proie. La longueur du corps est de 155 millimètres environ et probablement atteint une plus grande taille. Son diamètre iransversal et horizontal mesure à peu près 6 millimètres : sa hauteur ou diamètre vertical est plus grand que son diamètre horizontal. | Le fond de la couleur est tantôt d’une teinte purpurine à reflet brillant, tantôt verdâtre, avec de nombreuses bande- lettes transversales et irrégulières d’or limpide. _ Cette espèce a été recueillie, à basse marée, dans des cavités verticales pratiquées dans le sable du rivage du port de Charleston (Caroline du Sud). CLASSIFICATION. Au début de nos Recherches sur les Planariés et les Né- mertiens de l'Amérique du Nord, ces animaux comptaient parmi les Vers ou Annélides, dans l’embranchement des Articulés, qui comprenait alors trois classes : Vers, Crus- tacés et Insectes. 300 | CHARLES GIRARD. C'était en 1850 (1) : notre opinion était déjà faite, quant au retrait nécessaire des Planariés et des Némertiens de l'embranchement des Articulés et sur leur transfert dans celui des Mollusques. L'absence complète d’anneaux ou de zooniles, jointe à l’extrême mollesse de leur corps, nous paraissaient des arguments de premier ordre, auxquels venait s’ajouter l’embryogénie des Planariés, que nous avions étudiée sur les P/anocera elliptica et Leptoplana variabilis, offrant une ressemblance frappante avec celle des Gastéropodes nudibranches : Acreon, Eolis, Doris, Tri- ton, elc. Enfin l’analogie remarquable dans le mode de loco- motion des mollusques ci-dessus et des Planariés ; la pos- session de tentacules céphaliques et d’appendices dor- saux chez nombre d’entre eux, témoignent d'une proche parenté entre les Planariés et les Mollusques. Il est vrai que la généralité des Némertiens, par leur forme extérieure, rappellent plutôt les Vers ou Annelés (particulièrement les Vers intestinaux) que les Mollusques, mais la mollesse et la texture de leur corps, les rapprochent davantage des Planariés, pour maintenir leur place auprès de ces derniers. | Les progrès accomplis, par l'étude des animaux sans ver- tèbres, dans la deuxième moitié de ce siècle, ont corroboré notre manière de voir sur ce point fondamental. Les em- branchements cuviériens ont été profondément démembrés et subdivisés en plusieurs embranchements et sous-embran- chements, parmi lesquels la place assignée aux Turbella- riens (Planariés et Némertiens) se trouve éloignée des Arti- culés d'autrefois et rapprochée des Mollusques, entre les- quels et les Planariés, Lang vient de signaler à la « Société Helvétique des sciences naturelles », des affinités natu- relles, encore plus intimes. (1) Essai on the classification of Planaria and Nemertes, in Amer. Journ. of Arts and Sc. (2° sér.), XI, 1851, p. #1; et Proc. Amer. Assoc. adv. of sc., HIT (1850) 1851, p. 258. RECHERCHES SUR LES PLANARIÉS ET LES NÉMERTIENS. 301 Le moment ne nous paraît pas opportun pour entrer dans plus de détails à cet égard. APPENDICE Les genres et les espèces qui suivent, originairement comptés parmi les Planariés, ont élé rangés par la plupart des auteurs récents, parmi les Mollusques, à côté des Gasté- ropodes nus. — L'analogie du genre Miobe avec ces derniers, avait contribué, dans une large mesure, à forlifier notre opinion sur la place à assigner aux Planariés dans l’em- branchement des Mollusques. | Genre NIOBE, Girard. SYN. — Miobe, Proc. Bost. Soc. nat. Hist., IV, 1852, p. 211. Le corps est limaciforme, uni, convexe en dessus, plat en dessous. La surface plantaire est séparée du corps par un sillon latéro-marginal. Le bord frontal est légèrement con- cave. La tête, proportionnellement grande, se détache du corps par un col très étroit; elle porte une seule paire d’o- celles, sur sa région postérieure ou cervicale. A l’élat de repos, le corps se termine en pointe, avec un renflement sur sa région moyenne ou médiane. Planaria limacina de Oth. Fabricius appartient à ce genre : les caractères génériques ci-dessus y sont des plus accentués. | N10BE LIMACINA, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., IV, 1852, p. 211. — Pla- naria limacina, Olh. Fabr. Kongel, Danske Vidensk. Selsk. IT, 1826, p. 23, pl. If, fig. 1-6. Niobe zonata, Grd. Syn. — Niobe zonata, Grd. Proc. Bost. Soc. nat. Hist., IV, 1852, p. 211. La tête de celte espèce se détache un peu moins du corps que chez N. limacina. Sa longueur totale n’atteint pas 4 mil- 302 | CHARLES GIRARD. limètres. Sa couleur est rouge pâle ou rosé, avec des ban- delettes transversales blanchâtres. Elle a été obtenue, au moyen de la drague, dans FE eaux profondes du port de Boston. Le genre ÎNiobe prendra place, parmi les Gastéropodes nus, à côté du genre Limapontia de Johnston (Loud. Mag. nat. hist. IX, 1836, p. 79). Limapontia nigra paraît assez voisin de Planaria capi- tata de Müller (Zoo!. Dan. Prodr. 1776, p. 223) pour être considéré, par quelques auteurs, comme identique. Dans le cas contraire, elle constituera une seconde espèce du genre Limapontia, sous le nom de L. capitata. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE III Fig. 4-7. — Rhynchodemus sylvaticus. — Fig. 1-3. — Individu des environs de Philadelphie, sous un grossissement de 6 diam. ; fig. 1, vue du dos; fig. 2 et 3, de profil, la première, en marche avec la tête relevée, la der- nière, au repos, la tête reployée en arrière et reposant sur le dos. Fig. 4 et 5. — Individu de Newport, sous un grossissement de 2 diam. fig. 4; de 3 diam. fig. 5, et de 7 1/2 diam. fig. 58, montrant la disposition de l’œsophage et la structure de l'intestin. Fig. 6 et 7. — Individu des Monts Alleghany; fig. 6, grandeur naiure; fig. 7, grossiss. 3 diam.; fig. 7*, trois troncons plus fortement grossis, montrant l’œsophage, l'intestin et l'organe sexuel mâle. Fig. 8-21. — Hydrolimax griseus. — Fig. 8 et 9, grossiss. 3 diam. vues du dos et de profil; fig. 10, grossiss. 6 diam. vue du dos. Fig. 11. — La précédente contractée de la moitié de sa longueur. Fg. 12 et13. — Deux individus un peu rétractés, vus par la face inférieure sous un gross. de 8 diam. ; fig. 12, montre l'ouverture buccale. Fig. 44-19, — Individu de la rivière Schuylkill; fig. 14-16, sous un grossiss, de 3 diam. vues du dos, étendu et contracté; fig. 17, la tête légèrement rétractée, vue en dessous sous un grossiss. plus fort; fig. 18 et 19, inté- gument sous un grossiss. de 160 diam. montrant sa structure réticulée, Fig. 20: et 21. — individu de la crique Wissahicon contenant cinq cocons sphériques, vu sous un grossiss. de 4 et 8 diam. PLANCHE IV Fig. 22-25. — Hydrolimax bruneus. — Fig. 22, grand. nature; fig. 23 et 24, double grandeur, vues du dos et de profil; fig. 25, contractée de moitié; fig. 258, jeune, double grandeur. Fig. 26-41. — Procotyla fluviatilis. — Fig. 26, grossiss. 3 diam. vue du dos; fig. 27, grossiss. 6 diam. montrant la structure dendritique de l’estomac; fig. 28 et 29, têtes dont l’acétabulum est sorti; fig. 30-33, divers aspects de l’acétabulum et variabilité dans le nombre des ocelles; fig. 34 et 349, sous un fort grossiss. montrant l’acétabulum à l’état d’inaction et d’ex- pansion; fig. 35, ocelles sous un grossiss. plus fort montrant le filet ner- veux qui y aboutit : a, b, c, variétés de forme, d, un ocelle minuscule branché sur un plus grand, c, cinq ocelles portés sur autant de filets d’un tronc nerveux unique; fig. 36-40, aspects divers que peut revêtir le bord antérieur de la tête lorsque l’animal est en activité; fig. 41, moitié posté- 304 | CHARLES GIRARD. rieure d’un individu montrant des anastomoses entre la dichotomisation droite et celle de gauche, de l'intestin. PLANCHE V Fig. 42-47. — Phagocata gracilis. — Fig. 42, vue du dos sous un grossiss. de 3 diam. ; fig. 43 et 44, vues de la face inférieure, grossiss. de 9 diam. montrant les nombreux bourgeons logés dans l'intérieur du corps, sur les pourtours de la bouche; fig. 44, légèrement comprimée; fig. 45, deux individus vus, l’un de face, l’autre du dos, se repaissant sur un tronçon de lombric; fig. 46, un individu vu par la face ventrale, les bourgeons, de diverses grandeurs faisant saillie; fig. 47, cinq bourgeons détachés, sous un très fort grossissement, montrant une structure anatomique très élémentaire. Fig. 48-50. — Phagocata coronata. — Fig. 48, l'animal vu du dos sous un grossiss. de 4 diam. ; fig. 49, région antérieure du même individu sous un grossiss. de 16 diam. et fig. 50, celle d’un jeune individu montrant l’une et l’autre les nombreux ocelles et leur disposition. PLANCHE VI Fig. 51-58. — Dugesia maculata. — Fig. 51-54, types de l'espèce, trois vues du dos et une de profil grossiss. de 3 diam. ; fig. 55, var. a, vue du dos sous un grossiss. de 3 diam. ; fig. 56, le même individu, grossiss. 7 diam. montrant des anastomoses entre les branches postérieures de l'estomac. Fig. 59 et 60. — Planocera elliptica, vues du dos et trois quarts, double 5 wa debr. Fig. 61. — Leptoplana ellipsoïides, à l’état de repos et un peu contracté, vue du dos, double grandeur. Fig. 62. — Euplana gracilis, la tête grossie pour montrer le nombre et la disposition des ocelles. Fig. 63. — Derostoma marginatum, l'animal vu du dos sous un grossissement d’une vingtaine de diamètres. Fig. 64-68. — Emea rubra. — Fig. 64, l'animal vu du dos, sous un grossiss. de 7 diam.; fig. 65 et 66, deux têtes montrant la disposition et l'aspect divers des ocelles; fig. 67, une portion de la trompe; fig. 68, Le stylet. Fig. 69. — Nareda superba, vue du dos, double grandeur. Fig. 70-73. — Lineus gracilis. — Fig. 70, l'animal demi-grandeur; fig. 71, 72 et 73, disposition et variation dans le nombre des ocelles. Fig. 74. — Ophionemertes Stimpsoni, région antérieure montrant la forme de la tête el la disposition des ocelles. LISTE ALPHABÉTIQUE DES GENRES ET DES ESPÈCES Les synonymes sont en italique. LL TEL EI TTC RRRRRRRENNEE 216 | Baseodiscus delineatus ...... = _- GEPHUIAÉA 2: .. 4.2. APTE BSENOUERI SEL LE Le au 152, Acmostomum crenulatum....... API Meandidae : .::::15:fanna8t PRO... .......n 0 204 ue Mimi... à : ca a. Alu. IOUSICEpSL ES ne nn ANIEANS...-...... lasse L 282 ENS CUDATASUCE. pan 452, a DIMOHIAIUS. ........ 285 ==. FSU MR 2 ER 1e D TTOEUORTAIUS. -..._..:... 200 } Berlasta, OKEN :: 42: +u 0 soma — groenlandicus........... 291 Iborlisis -Auctr.. : :: 4 ssassamr D SENS... 5. 264 qu MOUBNT Te suvuse ae ae =. HICHÉOrTEUS ............ 2SA leur COMICS. 4.6 srmnane EE TEE... 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Bangéiossus.., in ue 208 — IMPTESSUS -.. ... +. ie. — aurantiacus, Grd....... 2081 0— Marginaius........... — aurantiacus, Verr....... 906]. — medullatus.:..,........ — elavigerus . ...,,. 140; 2961, — oleaginus...,......... 7 Howalewskÿi..., 2 JG, — OlIVACCHS- 2e 2.2 2e ner BIRUEUS, . :.:.1: 44000 OR Tube lo sous Éareudiseus.:...........10 he — Spragueh}....:.......: ANN. SC. NAT. ZOOL. xv, 20 306 Cerebratulus truncatus......…. 261 oemocephala. res 248 = Déeringianas PIERRE 249 — . OCR. Se Rie 249 — SMPSONL RCE 250 Dendrôcælunnfs "rie 184 — —lacteum:.:.:.....4...1 185 57 ADO PORC AE due cent e 186 — pulcherrimum...... 166, 187 =)" "Superbum :. "2 166, 186 — MPUNCALUMENT ET. CRARC RE 185 IAE DES EE PE MEME 185 DELUSIOMA SLR LE RMPET ARE 206 1 OlONTAUMAE TN ET NT 205 es à MEUOOUNS 2: Sans sense cn Un 220 ES MOTS ARCS TE NTI 206 = Marginaium ..}-::-.... 206 A MODOPEN. Create ee 206 Bio pus e RAA LEE: 223 —— IVUEANS PU OR ce 223 Danone CRUE PE RER 251 —— ÆPEDONHINA. 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D 174 —— Candida 22500000 259 = MUsSCRr ES PRO ETS 180, 185 — * Stage ls FNNONEERE 178 — * Lerrestris IP OTERSEE 191 ÉGONVONE ESS PE EL ES 180, 185 FOovia.. L'PROERRNERR 224 — affinis MER NES 226 + Aittoralis! PR | == "Warren 17 20 149, 225 Gäleocephala:... 17717 152, 186 ==" Superba:.#, 5e 152, 186 — tentaculata.. 2 > TA 159, -274 x VER A AT. OUEN 274 2: VIP een a dos AR 268 INÉDREMErTES TAN ANS de 4400 238 =. AGFICOIM Rte 24. EN EE. 238 Nébplanar 22.294000: 0 196, 232 +. freque MM 2rmnt 232 — * BEISCE MAN ARR OUNIT. 232 — à: OVER SN en PE | 232 Miôbe. /. 3382 2e 2eme) . 301 = .Jimaemam 00. Huron . 301 308 Miobézonata...si1ñaisbe 500 Oligocelis pulcherrima:." {#4 Ommatoplea balmea.......... peroned At anna D'UUMPSONT : ii. ah at El Ophionemertesssisbess aus ASS: 2. Sante. SÉIBPSONT. -2:: Heu Peasid rehiculata: 2.278 HhasoCala en. LOU arethusa.,. 221 NET coronata:.".. 40 BAGIUS à 20 02 lb Plagiostoma planum........... Piagiostomum boreale.......... PManaria/:....- 20e: affinis GALL PARTS PES ungUuIole.. EE Et arelhusi. 268280. Dunes SL LEP le brunet..... AUS EC CHU I TA ERRRRRMOR NET 2 capiiale..... SEGMURE. cavatica — ss COR ee er ects dorsalis. :. 2e eg... 3 Lean. fentes HOUSE RES frequens.... 0.110844 foliginosa....MRA3s. UD Enr 5e ee RAA fusen, Pal. LEUR. fusers., PADE.:.....ftaLere DESSETERSIS ler rsnele tee gonocephala gcnocephaloïides......... TÉAEULS - 22 à PE grisea, Müll grisea, Verr grossa .... CRC] CRC] CPR | linearis, Müll linearis, Rathke........ litloralis IICODS 2... lugubris, O. Schm.... . 187 187 272 272 211 276 276 277 CHARLES GIRARD. 301 | Planaria Zugubris, Sillim...... 184 — .maculata ....241000 152,.181 — . NOTE 0 0 eme nee DO 174 = NIJTO-[USCH.. 100 24,476 + pAUiAt.…...... "2 APPIOTEE 186 — panniculala #88 175 = pellucide. . EUR 189 +, 0D0lYCRTOL ER : JURRESR 175 = DUUGL. LPC 176 S TOSCE 22 22e BOITE 282 +. TUMIans..2. LEO TRREE 234 = SGA SO ERE EURE — ,SArgaSSicOlG NAN 189 — .stagnalis #40 178 — subtentaculata .......... 180 — sylualica ... 284 151, 158 =— .{asmanica. NM. 176 =. tentaculata. 22880 186 <— .lerrestris.... "M 2CRORRRRRE 157 — tigrina......1190704; 179 — LOT TE. msreior nee AE 180 — truncata, Müll.......... 207 — truncata, Leidy.... 152, 185 — UE sc 146, 225, 232 — vaginuloïides............ 176 — UIJUNENSIS OR 175 — iridain..” "TPE 205 vütA...….JIVS EME 185 — VUCIANG AIO NNERE 180 Planocera… 13004000 188 =— .eHiptica, 2-20 . 146, 190 — .Gaimardi.... "#8 189 =— .nebulosa...….-#02007 191 — pelagica...... "28 189 = _pellucida..._.## 189 = \reticulata...... "+ 190 — sargassicola. .....1#:1140. 189 BORA "ot 263 = ORNIS cime Re 259 — _,COTONAA A NII ISERE 252 — _delineals 131123638088 264 — Dugesii..........: Lu, 839,2241 = .Lgracuns : …. . : : 0 147, 148 + grise... 1 SERRE 265 — -humilis 20m 252 + .ObsSCUrTG..........""OtRE 268 — _.sanguirubra...…." 11180886 252 — .vermicularis #1" 252 PoHna.....:...::" 8 151, 264 = glutinosa..L4t ere. 265 — GriSCA sn En ie 265 — rhomboïdalis........... 269 LISTE ALPHABÉTIQUE DES GENRES ET DES ESPÈCES. Mivoelis...…...... time 174, 176 Srtibrunes.: IMMO . 174 rca tulus. Him . 415 OO DOQUER. se TRAME . 475 n ODFAUIUS CEA IEU LS . 475 Onde ee PO NE 175 AP. + à ce EURE TUE . 175 En M TIQUIUs Hi . UE E- MOMESUSEL MiLLUIon SN, 175 NEA 28e à Ro PIQUE, . 174 ER RUSE x RRQ ES), . 175 nc DolyChEAA 2 + SHC: . 175 pannieulalda..:: 21... 175 ET PNEUS = ends ee ou à à 175 — variabilis ..... 1155 170,499 IC ANENSIS |... - 175 One... ....... 240 A HEMIGRGOS SN Le. es « 240 RE OR ne actu een à 258 A AS... cc ce 258 ONE ne 258 Procerodes..... BAD er as do 196 — Wheatlandi............ 197 BNC LL... 196 RC RISIAUS:. .. 2. ue. 2 196 Beni"... ........ 153, 164 — fluviatilis.......... 153, 164 —— LLC RER 166 CORAN... .. <:. 239, 243 MURS". 0... 240, 244 TN PUR PISS 2 ue 2e Méta ace 239 US 239 ADILENUISS.. 210, 4. . 240, 244 Prosorachimus "4.2... 254 DÉOIHECEFEUS.. . ....:.. 2:00. 197 EL ICENICOId. ee. «0 ve. - 197 ProSiMoOstomunr. ;.....:...1. 176 EUR... ous. 24 de cc 444 nn COM ALUM. : ..... 4. 177 OMG... 177, 198 PEOS OR LS 239 EEE 2 un. eos «+ « à 254 —M'eélepSinoideutr. ........: 239 — lumbricoïides............ 239 — marginalum..... .. 151, 206 RÉHISPIA 2 30. ARRET it 288 ei TÜDES Les TR er 288 Hhabdosioma...: 02 102: 215 Es DIdHONI. :.-.. M 216 Rhynchodemus.....:..: 152, 157 RC HIVAICUS. … ge e E 158 TS DEMPESTIS. vues ec 5 at ee 157 309 Rhynchodemus Thwaïitsii...... 157 Rhynchoprobolus papillosus..... 223 Rhynchoscolex.... 9m . 222 —Ypapillosus ....<#000m8. 223 =, SIMPIER. :4 41 VIRGIN 222 PIENOSÉONMEME EE «Es ns AUOT 220 rh AU eue cut PLAQUE : 221 = SAR EDS ete en SAS BR, . 221 — Meucaps, Slim. AR 220 — Mleucops, 0/Scha.5.:.8 220 — . neoboracensé . IE . 220 Sémpsonias. 2 EEE L'ÉRRO. 295 TA CURE ES ee 295 Stylochoplana sargassicola..... 190 Sivlochonsisst 2e 02 Maine 193 A MU FES ue 194 En AO de nn ans. danpne 193 SAME Se RL sine 188 SN - DONNTERUS PSE TRE Nes 193 ne HE OICUS 2 ne sans 189 Hetrdstemmas. 22e 252 OMC Le See 238 — Aquarum-dulcium .. 240, 242 as 0 CLOUD ET ER 257 EL ASSUME: 2. Po Aa 252 =" bioculatunt. 1..." 258 RL IAUMR un ee de 254 = I'COTONRALHM 2. ete de» 292 NA OES OS A 0 rate ON à 255 UN CIPAONS A DIE. 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Amie" 179 emarginatlls... 21e 207 Typbhloplans.,..:......sMe 205 littoralis,. . ..,... 2808 206 = .elonsaia...-..... 448. 205 marginalus .…..... POUR 206 &—. variabilis .:-,.:1Ne0e- 205 pingnis ..4202407FE 207, 208 Valencinia .:...2:82U46.,»498l - 290 quadrioculatus ......... 207 Mariex....: 1002. (L .AOGUOEZ 207 SIMIRS LES CC EE 207, 209 = ACMISÉE, Autant. 209 truncaius...-.-Febhitee 207 — .armiger, Sillim....-....… 209 Warren... 2er 225 ETUDE SUR L'ACTIVITÉ É DU CŒUR CHEZ LES ARAIGNÉES Par WOLD. WAGNER. La question de la circulation du sang, chez les Araignées, a été l’objet de recherches approfondies de la part de M. E. Blanchard, de Claparède et d’autres auteurs. Néan- moins, beaucoup de points de détail avaient besoin d’obser- vations complémentaires. Le présent travail traite de cer- taines questions relatives à l’activité du cœur, chez le Sparassus virescens CI., Araignée de notre faune, la seule, à ma connaissance, pouvant servir favorablement pour ces recherches, à l’état adulte. Je ne m arrêterai pas à la des- cription des détails de la structure anatomique du cœur chez les Araignées et je me bornerai à exposer ce qui est indispensable pour comprendre le sujet de celte notice. Claparède (Étude sur la circulation du sang chez les Araignées. Ann. des sc. nat. 1864), qui a étudié le cours du sang sur une Lycose venant d'éclore, décrit de la manière suivante les orifices par lesquels passe le sang se HE du cœur aux organes : | | KE: € | «D'abord nous trouvons l'aorte Host naissant de l'extrémité antérieure du cœur, comme tous les ‘anato- 318 | WOLD. WAGNER. mistes qui ont éludié ce sujel l’ont reconnu. Mais ce n’est que d’une petite partie du cœur que le sang est chassé dans ce vaisseau. Lorsque la jeune Araignée est placée de profil, on reconnaît en effet que le seul cul-de-sac compris entre la première paire de boutonnières et la naissance de l’aorte envoie son sang dans ce vaisseau. Le courant pneumo- cardiaque, qui pénètre dans le cœur par cette boutonnière, se divise immédiatement en deux branches, dont l'une se courbe en avant pour gagner l'aorte, et l’autre se courbe en arrière pour continuer son chemin jusqu’à l'extrémité pos- térieure du cœur, recevant sur sa route des affluents par les boutonnières suivantes. Ce n’est donc, comme on le voit, que la plus courte partie du cœur qui chasse le sang dans le même sens que le cœur des autres Arthropodes. Il est vrai que si cette partie est courte, elleest en même temps la plus large du vaisseau dorsal. La partie postérieure du vaisseau dorsal est simplement tubulaire, et pourrait porter le nom d’aorte postérieure ou caudale (p.262 et 263). » Outre les vaisseaux décrits, Claparède en suppose d’autres, qui servent à refluer le sang. Voici ce qu'il en dit : « De dis- tance en distance, le cœur présente des dilatations ou plutôt des diverticulums latéraux disposés par paires. Ces diver- liculums ont la forme de larges cônes, dont la base se con- tinue dans la paroi du coude. Ils sont au nombre de trois paires, dont la dernière est beaucoup moins développée que les précédentes (p. 261). Ces diverliculums se pro- longent en bandes blanchâtres, qui contournent les côtés du corps et descendent vers la région ventrale de l'abdomen. Je considère ces bandes comme des artères. Je dois cepen- dant dire que ces organes, n'étant que d’un faible diamètre et reposant sur une masse vitelline peu transparente, je n'ai jamais réussi à voir des globules sanguins se mouvoir dans leur intérieur. Je ne puis donc avoir une certitude complète sur ce point (p. 263). Si donc ces organes sont des vais- seaux et non des ligaments, ce sont des artères et point des veines (p. 264). » ACTIVITÉ DU CŒUR DES ARAIGNÉES. 315 Suivant Claparède, le sang se déverse dans le cœur par les orifices veineux, qui sont situés au niveau de chaque paire de diverticulums. Il y en a trois paires, qui toutes servent à l’afflux du sang dans le cœur au moment de la diastole. Les observations d’autres naturalistes sont en dis- cordance avec l'opinion de Claparède; les uns, comme M. E. Blanchard, considèrent les vaisseaux laléraux du cœur comme des vaisseaux pneumo-cardiaques, ramenant le sang des organes respiratoires au péricarde, les autres considèrent seulement la première paire de vaisseaux laté- raux comme servant à l’afflux du sang dans le cœur; quant aux deux dernières, elles sont considérées par ces auteurs comme des artères. La dernière opinion est soutenue cependant par des au- teurs qui ont étudié le cours du sang, non sur des spéci- mens vivants, comme Claparède, ni même au moyen d'injec- tions, comme M.E. Blanchard, mais au moyen de préparations et de coupes d’Araignées, conservées dans l'alcool, c'esl- à-dire par la méthode la moins satisfaisante pour la solution des questions de ce genre. Il suffit de jeter un coup d'œil sur l’activité du cœur chez une Araignée vivante, pour douter de la justesse de cette opinion : le lumen de la veine, supposée pulmonaire, est si pelit, que la quantilé de sang qu’elle ramène ne peut suffire même pour remplir l'aorte, et cependant ce sang, après la contraction du cœur, suivant les auteurs — qui résolvent la question sur l’activité vivante de l'organe par des spécimens conservés dans de l'alcool — fournit du sang non seulement à l'aorte, mais encore à deux paires de vaisseaux latéraux et à l'artère pos- térieure | Au point de vue de ces considérations, l'opinion de M. E. Blanchard est au moins beaucoup plus rationnelle. Cependant elle est, de même que la précédente, en discor- dance complèle avec l’observation de la circulation du sang chez un individu vivant. Sous ce rapport le Sparassus vires- cens CI. présente un objet d'étude qui ne laisse rien de mieux 314 Jai WOLD. WAGNER. à désirer. Sur cette Araignée, on voit, d’une façon évidente, que les vaisseaux que Claparède supposait seulement être des artères (parce que chez les jeunes Araignées on n’y ob- serve pas de sang), le sont en effet. Par conséquent le sang s'échappe du cœur par huit vaisseaux : les artères antérieure et postérieure et trois paires de vaisseaux latéraux (artères la- térales). Ces dernières, de même que l’artère postérieure, se rendent aux organes de l'abdomen. L’artère antérieure (aorte thoracique) fournit le sang au céphalothorax. En ce qui con- cerne la question relative à la manière dont le sang parvient au cœur, est-ce Claparède qui a raison sous ce rapport où bien les anatomistes qui réfutent son opinion? Je ne puis tran- cher la question avec une certitude suffisante, c’est pour- quoi je ne m'arrêterai pas sur les données qui y ont rap- port, d'autant plus que cetie question est secondaire pour les observations dont il va être question. La forme et le calibre du cœur ne présentent pas un état constant ; l’une et l’autre varient suivant son activité. La figure 1 représente le cœur d'une Araignée à l’état de repos; le nombre de contractions par minule est à peu près 46. Dans cet état de son activité, le cœur est extérieu- rement divisé en trois parties : À, B, C ; et sa longueur est moindre que la moitié de la longueur de l'abdomen. La partie B est plus étroite que la partie A. Sur la limite de ces deux parties, prend naissance la première paire d’artères latérales (fig. 1, &. /1.). La partie B est suivie de la partie €, la plus petite de toutes les trois ; entre cette dernière el la partie PB, qui se trouve en avant, prend naissance la seconde paire d’artères latérales. Chez le Sparassus celte paire de vaisseaux est la plus grande ; bientôt après la naissance, elle se ramifie en deux gros vaisseaux (fig. 1, a. /2.). A l’extré- mité postérieure de la partie C prend d’abord naissance la troisième paire d’artères latérales (fig. 1, 4. /3.), ensuite vers J'extrémité du cœur — l'artère postérieure impaire (fig. 1, ao. p.), qui donne bientôt naissance à droite et à gauche aux rameaux latéraux (fig. 1,7. &.) et qui se ramifie ensuite en ACTIVITÉ DU CŒUR DES ARAIGNÉES. 319 tout un réseau de vaisseaux. Dans la partie qui se trouve entre l’extrémilé du cœur et sa ramification en deux ra- meaux (fig. 1, ao. p1.), on observe très nettement ses pulsa- tions, dépendantes de son activité. Au delà de sa ramitication en deux rameaux les pulsations ne sont jamais perceptibles. On n'’observe point de cloisons internes entre les {rois par- ties À, B, C. La figure 2 représente le cœur de l’Araignée dans un moment d’aclivité habituelle, par exemple, quand elle marche lentement, et que son pouls bat 90, et plus, par minute; la partie du cœur PB devient alors d’égale largeur avec la partie À, qui est restée invariable. Par suite de l’é- largissement des parties B et C le cœur a dû en même temps s’'allonger, parce que, à l’état de repos, lesdites parties, étant limitées par les lignes concaves des parois, se redres- sent et pendant le mouvement s'étendent et s’élargissent en même temps. La figure 3 représente le cœur à l’état d’excitation lorsque ses contractions atteignent 160-200 pendant une activité for- cée, après une longue course, ou une lutte. Ici la partie B est déjà plus large que la partie À ; en outre, elle est un peu élargie dans la direction de la partie €, c'est-à-dire est plus large à sa base qu’au sommet. La longueur du cœur dépasse la moitié de la longueur de l'abdomen. Les vaisseaux, et surtout l'artère postérieure, perdent de leur activité. Du cœur partent, comme il a été dit, trois artères paires et deux impaires. Les premières prennent naissance sur les côlés du cœur, les dernières, une en avant de cet organe, et l’autreenarrière.Les vaisseaux latéraux, et surtoutl’artère pos- térieure (fig. 3, 40. p.) n’augmentent pas en dimension pendant l'activité forcée du cœur, c’est-à-dire ne s’élargissent pas à leur tour, comme on pourrait s’y attendre, mais au con- iraire, se retrécissent. On peut s'expliquer ce phénomène, en partie du moins, par le fait que le cœur, en s’élargissant, fait rélrécir d'autant plus les parties du foie qui l’entou- rent, qu'il s’élargit plus considérablement lui-même. Les 316 | WOLD. WAGNER. figures 1, 2 el 3 en présentent une image parfaitement nette. Il est inutile de dire que le reflux du sang s'opère dans ces conditions par la voie de l’aorte antérieure ao. a, et cela d'autant plus considérablement que l’activité du cœur est plus forcée. La conformité au but de ce phénomène est irappante, car l’activité de l’Araignée se concentre exclusi- vement dans le céphalothorax et ses extrémités, qui reçoi- vent le sang de cette aorte antérieure. Nous voyons sur les figures 1, 2 et 3, ao. a, avec quelle conformité augmente le lumen de ladite artère à mesure qu'augmenlie l’activité du cœur. La plus grande quantité du sang s'élance là où se fait la plus grande dépense, par suite de l'activité forcée du cœur et, à ce qu'il semble, suns aucune adaptation spéciale. Le manque de régularité de ce reflux du sang entraîne bientôt, non seulement l’irrégularité de la circulation du sang, mais encore la mort de l’animal. L’Araignée, privée des 4 paires de pattes, de manière que la perte de sang par suite de l’opération n'ait pu avoir, par elle-même, des suites fâcheuses, mourait au bout de cinq jours, bien qu'elle se nourrit des mouches qu’on lui offrait. Son pouls, malgré toule la tranquillité de l’animal, ne tombail pas au-dessous de 160 ; déjà le troisième jour après l'opération, les origines de la 2° paire d'artères s’étiraient fortement, la coloration de l’abdomen recevait une nuance sombre et au bout de 4 à 5 jours, l’Araignée mourait, bien qu’elle eût absorbé une quantité suffisante de nourriture. L'activité du cœur s’effectue essentiellement, sinon exclu- sivement, au moyen de la partie C, surtout de son sommet, c'est-à-dire des parois »#m (fig. 2,3) dirigées vers la partie médiane du cœur Z. Les pulsations de cette dernière, si elles sont en action, ce qui n'est pas toujours visible, sont beau- coup plus faibles et semblent êlre sous la dépendance des contractions de la partie C, de même que l'artère posté- rieure. Pendant une activité très forcée du cœur, la partie B ne se contracte point, l'aorte est peu apparente, comme il ACTIVITÉ DU CŒUR DES ARAIGNÉES,. 317 est dit, et toute l’activité se concentre dans la partie C. L'activité normale et forcée du cœur. — Pour définir la première, c’est-à-dire l’activité dudit organe à l’état de repos de l’Araignée, on ne peut pas faire d'observations du- rant la journée. Quelque longue que soit la période de ces observations, nous avons des résultats différents. Chez 8 femelles, restées à l’état de repos pendant près de deux heures, le pouls étail comme l'indique le tableau sui- van : CAMES 355 JE cs Je oise 46 pulsations. ARR ten. Fée ee 56 — _ me da AU de does 63 — PEUUIAREURELRE SOUS. OISE PS ATELEUE 70 _ _—— Se ce ddr grue 72 — = SE ne ee is me eu ets 80 — _ OS 002 01.467.989 À 90 _— DA QE Sea ge Éh obèse 40 92 — Cette différence s'explique par la lenteur avec laquelle l'animal, excité par les battements du cœur, se tranquillise. Plus tard, je reviendrai encore sur ce sujet ; ici, je noterai seulement que, pour l’état de repos, qui permettrait d’ob- server un pouls normal, il faut attendre au moins de 5 à 7 heures. De là, on comprend la différence des nombres ; plus elle est grande, moindre est par conséquent l’espace de temps qui sépare le moment d’excilation du temps d’ob- servation, et inversement. Pour définir les battements normaux du cœur, j'ai fait mes observations sur une Araignée immobile, longtemps après la tombée de la nuit, c’est-à-dire après 5 à 7 heures de repos parfait. Les nombres trouvés de cette manière ont été à peu près identiques, et me permettent de supposer que le nombre normal des pulsations, par minute, chez les Araignées adultes, est 40, avec une température de 23° C. Ce nombre reste à peu près constant chez les individus exa- minés la première nuit après leur capture. Les Araignées qui ont été gardées en captivité de 6 à 7 jours, ayant leur genre L4 318 | WWOLD. WAGNER. de vie calme et avec une nourriture abondante, ont 30 pul- sations, et même moins, par minute. Lu rapidité avec laquelle le nombre de pulsations s'élève dans certaines conditions et la progression avec laquelle il baisse, sont égales pour toutes les Araignées, comme pour le pouls normal. Il suffit de faire le moindre mouvement en allant d’une place à une autre, pour que, chez toutes les Araignées, le pouls monte emmédiatement et jusqu'à 120 environ. Lorsqu'elles sucent la proie, et que les mouvements ne sont pas grands, mais conslants, le pouls atteint aussi 120 pulsations par minute, et reste dans cet état tout le temps du repas, etc.(1). Pendant des mouvements plus vifs et du- rables le pouls monte jusqu’à 170, 200, 230 pulsations et au- dessus. Le pouls redevient normal, et c’est la règle générale, bien plus lentement qu'il ne s’excite. On peut dire que l’excita- tion se produit subitement. Immédiatement après que l’Araï- gnée est en mouvement, le pouls monte subilement, en triplant et quadruplant parfois le nombre de contractions. Par contre, après que l’Araignée est à l’état de repos, le pouls baisse inégalement et irès lentement, comme il a été dit. Mes observations sur ce côté du phénomène m'ont donné les nombres suivants. Le pouls, provoqué par une série dé mouvements forcés, donne chez l’Araignée jusqu'à 180 pulsations; après être resté un certain temps à ce nombre, il baisse comme l'in- dique le tableau suivant : | Nombre Nombre de pulsations. de minutes. 180 10e Dout d'une MAMUMENR EX LE AMRECRRIR 00.08 1 160 (ad'bout d'une autretminute):254 :4421.14041. 400 1 150 — D Any : à 10 coups rapides, après quoi une pause, ou 3 à 4 coups, suivis d’une petite pause. Les coups lents et rapides se succè- dent irrégulièrement. Enfin, au boul de 1 à 3 minutes, com- mence la contraction de la partie BP el presque immédiate- ment après la partie À. Il est à propos de se rappeler ici, que le cœur isolé d'une grenouille, se trouvant sous la cloche avec du chloro- forme, s'arrête bientôt et que les oreillettes continuent à se contracter plus longtemps que les ventricules. À mesure que l'araignée revient à la vie, le pouls monte de plus en plus haut indépendamment des mouvements, et non brusquement, comme dans ces derniers cas, mais graduellement. Il atteint jusque 145 pulsations au bout de une à deux minutes. — 163 — La 10 470 Le — 172 — — 180 — Ayant atiemt ce moment, le pouls ne monte plus et se irouve un certain temps à la même hauteur, après quoi, il commence à baisser, si l’araignée qui était jusque-là couchée, sans mouvements, continue à resler tranquille. Dans le cas contraire, le moindre mouvement fait monter le pouls nota- blement, par exemple un léger mouvement de l’abdomen fait 324 WOLD. WAGNER. monter le pouls du coup de 170 à 200; nouveau mouve- ment jusqu à 240, etc. La chute commence seulement après que l’araignée re- vient à l'état de repos; elle s'opère moins régulièrement, mais avec la succession approximative à celle ci-dessus dé- crite : EXPLICATION DE LA PLANCHE VII À, partie antérieure du cœur; B, partie moyenne; G, partie postérieure; aoa, artère antérieure ou thoracique; 1ul, 2al, 3al, 1re, 2me, 3me paires d'artères latérales; aop, artère postérieure ; ra, ramifications latérales. Fig. 14. — Cœur de Spdrassus virescens C1., à l’état de repos. Fig. 2. — Cœur de Sparassus virescens CL., à l’état d'activité habite led Fig. 3. — Cœur à l’état d’excitation. Fig. #. — Cœur du même animal chloroformé. Fig. 5. — À, B, C, D, courbe représentant la marche du nombre de pulsa- tions. SUR UNE ESPÈCE NOUVELLE DÜ GENRE DECKENIA (HILGENDORF) RECUEILLIE PAR M. ALLUAUD AUX ILES SEYCHELLES Par MM. MILNE-ED WARDS et E. L. BOUVIER. M. Hilgendorf a décrit en 1869, sous le nom générique de Deckenia, des Thelphusidés très curieux recueillis par Von Decken dans les eaux douces du désert de Kudiano, à Zanzibar (1); M. Alluaud, de son côlé, vient de rapporter des Seychelles deux autres spécimens du même genre, mais ces spécimens appartiennent à une espèce tout à fait dis- {incte de la première, comme nous avons pu nous en con- vaincre en comparant nolre individu avec un de ceux qui ser- virent à M. Hilgendorf pour la création du nouveau genre (2). Nous avons pensé que la connaissance approfondie de deux espèces fort différentes, nous permettrait d'établir d’une manière précise la diagnose du genre Deckenia et les modi- ficalions morphologiques qui permettent de raltacher ce genre aux formes voisines de la famille des Thelphusidés. M. Hilgendorf a exactement caractérisé le genre Decke- nia dans une brève diagnose : Aperturæ efferentes bran- chiales in margine antico cephalothoracis sitæ, tubiformes. (1) F. Hilgendorf, Baron Carl Claus von der Decken's Reisen in Ost-Afrika ; 3° Band, 1 Abth., Crustaceen, p. 71, pl. I, fig. 1, 1869. (2) M. Hilgendorf a bien voulu nous envoyer en communication l’exem= plaire de Deckenia qui a servi à ses études. 326 MILNE-EDWARDS ET E. L. BOUVIER. Epistomium minimum. Habitus Thelphusæ. À cette diagnose on peut ajouter, comme caractères fondamentaux, la pré- sence d'une saillie très prononcée dans la partie médiane du bord frontal, et la posilion très caractéristique des antennes, qui sont logées tout entières à l’intérieur de la cavité orbi- taire, mais on ne peut considérer, avec Hilgendorf, l’épis- tome comme réduit, puisqu'il a un développement égal à celui qu’on observe chez les autres Thelphusidés. | Par leur aspect général, par la nature de leurs orne- ments, par la forme des pattes et par l’armature des doigts, aussi bien que par leur genre de vie dans les eaux douces, les Deckenia peuvent être à coup sûr considérées comme des Thelphusidés, mais ce sont des Thelphusidés qui se distin- guent à première vue des Thelphuses par la saillie médiane de leur bord frontal, et par les caractères tout à fait frap- pants de leurs cavités orbitaires. Ces dernières doivent leurs modifications spéciales aux transformations qu’a subies l’épistome et, par contre-coup, le pédoncule des antennes; lépistome s’est développé en avant dans ces parties laté- rales el, situé sur les côtés de la saillie médiane frontale, constitue la partie la plus interne du bord orbitaire infé- rieur, ainsi que la partie dorsale du tube branchial effé- rent. Grâce à ce cheminement en avant des ailes épisto- miennes, l’article basilaire de pédoncules antennaires s’est trouvé pour ainsi dire pincé entre ces ailes et la partie con- tiguë du bord orbitaire inférieur, si bien qu’au lieu de se trouver tout à fait en dehors de la zone orbitaire, comme on l’observe dans les Thelphuses, il appartient tout entier à cette dernière et entre pour une part dans la formation du plancher de l'orbite (1). _ En réalité, c’est aux modifications subies par l’épistome que les Declenia doivent la plupart de leurs traits caracté- ‘ (4) Dans une Thelphusa fluviatilis dont le céphalothorax mesurait 39 mill. de longueur, la largeur de l'épistome était de 41 mill. 1/2. Dans la Deckenia de M. Alluaud, la longueur du céphalothorax est de 36 mill. et la largeur de l'épistome de 10 mill. GENRE DECKENIA. 327 ristiques, et c’est sur ces modifications qu'il y a lieu d'in- sister ici. Quand on compare l'épistome d'une Deckenia à celui d’une Thelphuse, on est porté au premier abord à le considérer comme beaucoup moins étendu que celui de ces dernières. Cette impression est due à la position des ailes de l'épistome, dont on ne voit guère que les bords anté- rieurs à l'extrémité libre du tube efférent branchial; mais cette impression n’est pas exacte et ne résiste pas à un examen attentif. Dans une Deckenia et dans une Thelphuse de même taille, en effet, la largeur de l’épistome est très sensiblement la même; quant à la surface, elle est certai- nement plus grande dans le premier genre que dans le second, grâce au grand développemennt qu'ont pris les ailes épistomiennes pour former la paroi dorsale du tube effé- rent. La surface épistomienne se compose en effet, non seu- lement du petit lobe triangulaire médian et prébuccal, qu’on observe dans les Deckenia aussi bien que dans les Thel- phuses, mais de la surface dorsale des ailes de l’épistome, surface qui est très étendue, mais cachée en grande partie par le front, et visible seulement dans les parties qui forment la limite interne de la cavité orbitaire (1). En résumé la différence essentielle entre l’épistome des Deckenia et celui des Thelphuses, c’est le développement en avant des ailes épistomiennes dans le genre Deckenia; par suite de la saillie exagérée de ces ailes, la saillie médiane frontale s’est produite, la partie médiane et triangulaire de l'épistome s’est trouvée relativement en retrait, laissant libre un espace abrilé par la saillie médiane du front et destiné à recevoir les antennules (2). En raison de ce fait, ces der: nières sont mieux protégées dans Les Deckenia que dans les Thelphuses : quand on sort les antennules de la cavité qui les loge, on voit que l’avant-dernier article reste tout entier au-dessous du front dans les Deckenia, tandis qu'il fait sail- lie dans toute son étendue en avant du bord frontal chez les BIS, fig. 2: (2) PL 8, fig. 3, 398 MILNE-EDWARDS ET E. L. BOUVIER. Thelphuses. Au reste, les cavités antennulaires sont fort différentes l’une de l’autre dans les deux genres : dans les Thelphuses, elles sont séparées par une très épaisse cloison que forme une saillie triangulaire médiane et dorsale de l'épistome; dans les Deckenia cette cloison est au contraire assez mince et due à une saillie verlicale médiane de la [ae inférieure du front. La face inférieure de l’épistome reçoit fréquemment le nom d’endostome et se trouve déjà renfermée à l'intérieur du cadre buccal. Le contour général de l’endostome est évi- demment celui de l’épistome, mais les ornements en saillie du premier correspondent généralement aux ornements creux du second; c'est, en réalilé, par l’endostome que se trouve formée la goultière qui constitue la moilié dorsale du tube branchial efférent ; cette goullière se rétrécit beau- coup en avant, mais elle élaneit en arrière, passe en dessus de l’exopodite des mâchoires postérieures, et finalement aboutit dans la partie antérieure de la chambre branchiale. Chez les Thelphuses la gouttière branchiale efférente est nettement indiquée par l’orifice efférent, mais elle est fort large, peu profonde, mal limitée, et son orifice externe, au lieu d'atteindre le bord frontal de ia région orbitaire comme dans les Deckenia, reste au même niveau que la parlie mé- diane el verticalement saillante de l’épistome. Ces diffé- rences morphologiques ont pour conséquence une différen- ciation physiologique qui n’est pas sans intérêt; tandis que l'orifice rénal s'ouvre chez les Thelphuses tout à fait en dehors du cadre buccal et de la gouttière branchiale effé- rente, ce même orifice, chez les Deckenia, est en relation directe avec la même gouttière, par l'intermédiaire d'une fente comprise entre les parties les plus voisines du pté- rygostome et de la goutlière. De sorte que la sécrélion ré- nale n’esi qu'indirectement entrainée par le courant d'eau efférent chez les Thelphuses, tandis qu'elle est directement recueillie et entraînée par ce dernier chez les Deckema. La valve en gouttière, qui conslitue la partie ventrale du GENRE DECKENIA. 329 conduit branchial efférent, est formée par l'extrémité du palpe (mésognathe) des pattes-mâchoires antérieures (1). Assez fortement dilatée en avant, la partie terminale de ce palpe est convexe du côlé central, irrégulièrement concave du côlé dorsal et constilue elle-même une goullière qui vient irès exactement s'appliquer bord à bord sur la gouttière endostomienne pour former le conduit branchial efférent, Le mécanisme par lequel est rendue aussi parfaite que possi- ble la rencontre marginale des deux goutlières rappelle, jusqu’à un certain point, la disposilion qui facilile l’expul- sion de l’eau chez la Seiche. Si on examine en effet, le bord interne de la goutlière endostomienne, on voit que ce bord est très large et creusé d’un sillon qui s’allénue d’ar- rière en avant; si d'autre parl, on examine le bord corres- pondant de la goultière du palpe, on voit qu'il présente en relief la même forme et la même dimension que le sillon ; de sorte qu’au moment où le palpe se rapprochera de l’en- dostome, le bord interne du palpe viendra se loger dans le sillon endostomien, comme dans une rainure, et remplira exactement ce dernier. Du côté externe, la fermeture est moins hermétique; le bord du palpe se recourbe assez for- tement sur la goutlière, et vient occuper en partie l'espèce de fissure dans laquelle débouchent les produits de la sécré- tion rénale. Quoi qu'il en soit, quand les deux valves du con- duit branchial efférent sont appliquées l’une contre l’autre, on ne voit plus en avant qu'un orifice ovale situé entre le front et l'orbite, et c’est par là que se trouve expulsée l’eau qui à {raversé la chambre branchiale. Si l'appareil efférent branchial des Thelphuses ressemble assez peu en apparence à celui des Deckenia, il n’en est pas de même chez bon nombre d'Oxystomes. Chez les Matuta les deux conduits sont situés côte à côte, et plus ou moins confondus, ils sont limités inférieurement par les palpes peu excavés des pattes-mâchoires antérieures, et par le deuxième (1) PL 8, fig. 4 et ». l 3930 MILNE-EDWARDS ET E. L. BOUVIER. article des pattes-mâchoires postérieures qui vient se placer au-dessous du palpe et s'appuyer contre lui. Dans les Ca- lappa, les deux conduits sont très nettement séparés par une cloison épistomienne verlicale, les extrémités antérieures du palpe des pattes-mâchoires se creusent en une gouttière, aussi bien limitée au moins que celle des Deckenia; en outre, comme dans ce dernier genre, les pattes-mâchoires postérieures n’atteignent pas l'extrémité de la gouttière. Au point de vue de l'appareil efférent, on peut considérer les Dorippes comme des Calappes dont la cloison épistomienne a disparu. Qu'on le remarque bien, ces analogies sont bien plus physiologiques que morphologiques et ne viennent en rien compliquer l'étude des affinités de l'animal. Les Oxystomes dont nous venous de parler jouissent d’un appareil physiolo- giquement assez semblable à celui des Deckenia, mais mor- phologiquement, l'appareil efférent des Deckenia ressemble bien davantage à celui des Thelphuses. Ce qui caractérise, en effet un Oxystome, c’est la forme triangulaire du cadre buccal et par conséquent la réduction extrême du péris- tome et de la région antennaire. Or, le cadre buccal des Deckenia ne présente nullement la forme en triangle qu'on observe chez les Oxystomes, il est quadrangulaire comme celui des Thelphuses, mais se prolonge beaucoup plus en avant grâce au développement des ailes épistomiennes. D'ail- leurs nous avons suffisamment montré plus haut que l’épis- tome des Deckenia ne présente en aucune façon des dimen- sions plus réduites que celui des Thelphuses; c'est bien le péristome large et peu étendu des Cyclométopes et, malgré la réduction apparente que paraissent lui donner ses pro- longements efférents, il ne ressemble en rien à l’épistome des Oxystomes. L’épistome des Deckenia, ayant la même largeur que celui des Thelphuses, la région antennaire sera d’étendue à peu près égale dans Les deux genres, bien plus les orifices branchiaux efférents, dans les deux genres aussi, seront fort éloignés l’un de l’autre, et très en dehors GENRE DECKENIA. | 331 des antennules, tandis qu'ils sont rapprochés et confondus immédiatement en arrière de ces dernières chez les Oxys- tomes. M. Hilgendorf pense que les Deckenia, « par la forme du rectangle buccal et par la posilion des orifices efférents, res- semblent très visiblement aux Oxystomes en dépit de leurs affinités qui en font des Thelphusidés normaux comme le prouvent leur aspect général, les épines des pinces et Jusqu'au détail des sillons de la carapace. L'étude que nous avons faite nous montre au contraire que les Deckenia sont des Thelphu- sidés normaux, par la position des orifices efférents et par la forme du cadre buccal, aussi bien que par les détails du corps et l’aspect général de l’animal. Si nous insistons sur les caractères fondamentaux qui distinguent les Oxystomes des Cyclométopes du genre Dec- kenia, c’est pour montrer que ces caractères, en dépit d’ap- parences trompeuses, restent toujours les mêmes dans l'étendue d’un groupe naturel. Mais nous admettons, avec le savant carciniologiste allemand, que les caractères superfi- ciels, malgré leur importance qui paraît être secondaire, donnent souvent à l’animal une physionomie particulière qui permet souvent de déterminer d’une manière précise les affinités obscures de certains animaux. Par la position des orifices sexuels mâles à la base des pattes ambulatoires postérieures, par la forme générale et par les parties constitutives des appendices buccaux, les Deckenia ressemblent génériquement aux Thelphuses; toute- fois les podobranchies rudimentaires des pattes-mâchoires antérieures et postérieures nous ont paru faire défaut et le sillon transversal antérieur du sternum des Thelphuses n'existe pas dans les Deckenia. La fente inspiratoire des Deckenia, comme celle des Thel- phuses et de la plupart des crabes, est située sur le bord antérieur de l’article basilaire des pattes préhensiles,. La Deckenma de M. Alluaud est fort différente spécifi- guement de la Deckema imilatrix décrite par M. Hilgendorf : 332 MILNE-EDWARDS ET E. L, BOUVIER. pourvue d'une crête post-frontale continue, la première rap- pelle les Thelphuses du groupe de la Thelphusa nilotica, la seconde, au contraire, se rapproche du groupe de la Thel- phusa crassa, parce qu'elle ne présente pas de crête post- frontale. D'autres différences moins importantes méritent d’être si- gnalées (1). Dans notre espèce la carapace est finement gra- nuleuse en arrière et ornée de saillies en avant et surtout sur les côlés : elle n’est point sensiblement arquée dans le sens transversal, comme on l’observe dans la D. imitatrir. Toutes les régions de la carapace sont parfailement indi- quées ; ‘un sillon étroit, mais fort net, limite de chaque côté la région mésogastrique ; la région urogastrique est dépri- mée, surtout dans ses parlies latérales qui constituent deux larges sillons longitudinaux; elle se sépare de la région car- diaque par un sillon plus étroit, et de la région mésogastrique par un élranglement au milieu duquel se trouvent deux fos- settes allongées; quoique moins distinctement limitée, l’aire cardiaque, enfin, se distingue encore Parlaemesss à la sur- face de la carapace. L'espace frontal interorbitaire est assez étroit dans notre espèce el présente un certain nombre de saillies tuberculi- formes; son lobe médian est aussi tuberculeux sur les bords. Le bord supérieur de la cavité orbitaire, au lieu de se diri- ger obliquement en arrière comme dans la D. smtiatrix, se dirige légèrement en avant et aboutit à une dent extraorbi- taire parfaitement développée, mais plus obtuse que celle de la D. imitatrix. Dans les deux espèces, le bord infra-orbi- taire s’élend de la dent extraorbitaire à l’orifice branchial efférent, mais il est échancré à une faible distance de cet orifice, dans notre espèce, et au lieu d’être denté en scie comme dans la Ÿ. imitatrir, il présente une rangée de tuber- cules obtus et peu saillants; il est d’ailleurs beaucoup plus court, ce qui lient au développement transversal moins con- sidérable de la cavité orbitaire. (1) PPS ie de GENRE DECKENIA. 339 Les bords latéraux de la carapace sont régulièrement arqués et se prolongent un peu sur la face dorsale, mais ils sont armés de tubercules dentiformes, et sont beaucoup moins étendus que ceux de la Ÿ. imitatrix. À ce point de vue, les deux espèces sont fort différentes l’une de l’autre; la D. ünitatrir, ayant une forme sensiblement ovale, et notre espèce un contour plutôl quadrangulaire. Les bords lalé- taux commencent en avant par une dent épibranchiale ob- tuse et saillante qui sert aussi de point de départ à la crête post-fronlale; celle-ci est assez régulièrement crénelé; elle est interrompue au milieu par un sillon longitudinal qui occupe toule la région frontale, et latéralement aux angles latéro-antérieurs de la région mésogastrique. Au-dessous de l’orbile, sur la face inférieure du céphalo- thorax, on voit un sillon s'étendre, sous la forme d’une courbe régulière, de la dent épibranchiale à l'extrémité antérieure de l’épistome; ce sillon existe également dans la D. imitatrir, mais la ligne saïllante qui l'accompagne n’est pas ornée de fort granules comme on l’observe dans notre espèce. En dedans de cette ligne arquée s’en trouve une autre beaucoup plus courte; en dehors, enfin, se voient de nombreuses lignes saillantes qui se dirigent obliquement, en arrière et vers le haut; cinq de ces lignes se prolongent sur la face dorsale de la carapace, et la plus reculée d’entre elles atteint presque l'extrémité postérieure de l'aire car- diaque. Toutes ces lignes deviennent plus finement granu- leuses à mesure qu'on se rapproche davantage de la face dorsale. | Les pédoncules oculaires et les yeux sont assez sembla- bles dans les deux espèces, ils ne présentent pas les étran- glements qua représentés à tort le dessinateur dans la figure 1c, PI. I, du mémoire de M. Hilgendorf; la cornée est un peu plus dilatée dans la D. émitatrixr que dans notre espèce, mais elle ne présente pas l’exagération qu’on observe dans la figure ci-dessus. Dans les deux espèces d’ailleurs, elle est profondément échancrée. La cavité orbilaire de la 3934 MILNE-EDWARDS ET E. L. BOUVIER. D. imitatrix présente un sillon assez profond sur la partie du plancher de l'orbite qui est contiguë aux arlicles basi- laires des antennes ; ce sillon n’existe pas dans notre espèce. Nous ajouterons d’ailleurs que la cloison verticale qui sépare les antennules se: forme tout entière aux dépens du front, dans la Deckenia des Seychelles, tandis qu’elle est formée, mi-partie par une lame ascendante de l’épistome, mi-partie par une lame descendante frontale, dans la Deckenia imi- tatrix. | Dans notre espèce, le palpe mandibulaire présente une disposition remarquable qu’on n’observe pas dans la D. imuta- trix : le deuxième article du palpe s’élargit et fait fortement saillie en avant, sans atteindre toutefois l'extrémité de l’ar- ticle terminal. Dans les deux espèces le palpe des mâchoires postérieures se présente sous la forme d’un aiguillon beau- coup plus allongé que celui de la Thelphusa fluviatilis ; les autres appendices buccaux sont aussi très sensiblement les mêmes dans les deux espèces, toutefois, on observe dans la Deckenia de M. Alluaud, comme dans la Thelphusa fluvia- hs, un sillon longitudinal sur la face externe de l’ischiopo- dite des pattes-mâchoires postérieures; ce sillon n'existe pas dans la D. imitatrir. C'est par erreur que la figure 1 , PI. I, est indiquée comme représentant les patles-mâchoires antérieures; celte figure représente évidemment les anten- nules dont le fouet supérieur est mal dessiné. La patte préhensile gauche est beaucoup plus forte que la droite, et ces doigts sont relativement plus courts par rap- port à la longueur de la région propodale. Dans toutes deux . on observe une rangée de forts tubercules obtus sur la face inféro-interne du mésopodite, une grosse et forte épine sur le milieu du bord supérieur du corps, et sur tous ces arti- cles des saillies éparses qui manifestent déjà une tendance à se grouper en lignes transversales et qui se groupent généralement ainsi sur les deux articles précédents. Dans la D. imitatrix ces saillies sont à peine visibles à l'œil nu, les doigts des pinces sont fort longs, le mésopodite et le carpe GENRE DECKENIA. 339 sont ornés d’un certain nombre d’épines grêles et aiguës, la patte droite est toujours plus petite que la gauche. Les doigts des pattes ambulatoires sont élroits et allongés dans notre espèce, très comprimés latéralement et beau- coup plus courts dans la D. imitatrir, qui cerlainement doit être une espèce beaucoup plus nageuse. Dans la Deckema de M. Alluaud, les doigts de toules les pattes sont sembla- bles, ornés de deux rangées d’épines sur chaque bord et d’un filet saillant sur chaque face; dans la D. imaitatrix, on ne voit sur les bords qu’une seule rangée d’épines, les faces latérales sont unies, le doigt des pattes postérieurs, enfin, est plus court et plus large que les autres. Les appendices sexuels sont très sensiblement les mêmes chez les deux espèces; dans la nôtre toutefois, les fausses pattes sexuelles postérieures du mâle ne dépassent pas l'extrémité des fausses pattes antérieures ; tandis qu’elles les dépassent de beaucoup, et atteignent même le milieu de la base des pattes préhensiles chez la D. imatatrix. Les bords latéraux de l’abdomen du mâle sont sensible- ment rectilignes dans la D). ämitatrir, tandis qu'ils sont con- caves en dedans dans la Deckenia de M. Alluaud ; enfin, chez cette dernière espèce l'abdomen de la femelle nous paraît être beaucoup plus largement ovale que celui de la Deckenia imitatrix. Sous le nom de Deckenia Alluaudi, nous dédions cette nouvelle et très curieuse espèce à M. Alluaud qui l’a recueil- lie à l’île Praslin, dans le groupe des Seychelles. Comme nous l’avons dit plus haut, c’est très probablement une espèce moins aquatique et moins nageuse que la D. imita- trix. Nous en possédons deux spécimens, un mâle et une femelle ; la femelle a été saisie au moment de la mue et a perdu sa carapace ; le mâle, au contraire, est en fort bon état ; il est d'une couleur jaune noirâtre, qui devient franchement marron dans la moitié antérieure de la carapace. Voici les dimensions comparatives, des deux espèces, rele- vées sur des spécimens mâles : 336 MILNE-EDWARDS ET E. L, BOUVIER. Longueur maximum de la carapace ..,.,..,, Largeur. SR ete. COR RE. Longueur de la carapace depuis le milieu du front, jusqu'au niveau où se terminent en annere les bords Jatérauxee- 72002... Largeur du front jusqu'à la naissance du bord orbitaire SÜHRÉREURI RENE TM RE RE Distance entre l’orifice branchial efférent et la dent EXITAUTRMAITE L 22 secpc-:cte-t eee / Longueur du méropodile de la Dimensions| patte antérieure droite...,... relevées : / Lonsueur du Carpe....:....% sur le bord — de la portion palmaire supérieur. de la pince droite.. — des MOSS, LL 2e. Épaisseur des Corps.s ii AR NE SOPHPRS D. Alluaudi. 36 mill. 41 > D. imitatrix. 26 mill. 31 — Nous remercions vivement M. le professeur Hilgendorf : qui a eu l’amabililé de nous communiquer un spécimen de la Deckenia imilatrix, et de nous signaler quelques erreurs de dessin et de texte qui s'introduisirent dans sa description, alors qu'il ne pouvail pas la surveiller. C’est ainsi que les antennes ont élé divisées en un {rop grand nombre d'articles (fig. 1c, PI. I), qu'un segment de trop a élé ajouté à l'abdo- men de la femelie (fig. 1k), que l'épaisseur du corps a été donnée de 20 millimètres au lieu de 10, que la patte préhen- sile gauche, enfin a été indiquée à tort comme plus pelite que la droite. NOTE SUR L’EXISTENCE AU SÉNÉGAL D'UNE ESPÈCE NOUVELLE DE PROSOPISTOMA Par M. A. VAYSSIÈRE. Chargé d’un cours complémentaire à la Faculté des Sciences de Marseille. M. le D' Georges Colin, en explorant le Sénégal à environ 270 milles en amont de Saint-Louis, put recueillir en ce point le 14 décembre 1887 un assez grand nombre de petits Crustacés et de larves d’'Insectes ; parmi ces dernières, il s’en est trouvé une appartenant au genre Prosopistoma. C'est la première fois que ce curieux Orthoptère Pseudo- Névroplère, de la famille des Éphéméridés, est rencontré en Afrique. Les deux seules espèces connues jusqu'à ce jour proviennent, l’une (le Pros. foliaceum) de divers fleuves de l’Europe occidentale (la Seine, le Rhône, la Garonne, le Rhin et la Moldau), l’autre de quelques cours d’eau de l’île de Madagascar. Mon ami M. Jules de Guerne, pour lequel le D' Colin avait ramassé tous ces petits Arthropodes, à bien voulu me remettre le 1° juin 1892 cet unique individu. Comme ce Prosopistoma avait été monté en préparation dans la glycé- rine depuis quelque temps, j'ai préféré en faire l'étude tel quel, étude facilitée par la grande transparence de l'animal, plutôt que de m exposer à le détériorer en le sortant de la préparation. ANN. SC. NAT. ZOOL. XV, 22 338 A. VAYSSIÈRE. Au premier examen chez M. de Guerne, je ne pus que constater que nous avions affaire à une larve de Prosopis- toma, mais des observations ultérieures me firent remarquer un certain nombre de caractères différentiels qui me sem- blent être assez importants pour créer une nouvelle espèce. La diagnose spécifique ne pourra cependant être élablie d’une manière définilive que lorsqu'on aura pu étudier des individus adultes mâle et femelle de cette espèce. Toutefois, comme Je l'ai fait remarquer dans mon travail monogra- phique sur ce genre (Annales des Sciences naturelles, Zoolo- gie, 1° série, t. IX, p. 31), on peut provisoirement se contenter des caractères de la larve, car ceux-ci sont presque suffisants. Nous dédions cette nouvelle espèce à notre ami J. de Guerne. PROSOPISTOMA DE GUERNEÏT, À. Vayssière. États adultes et larvulaires inconnus. Larve-nymphale. — Prosopistoma à surface tégumentaire d'un aspect assez fortement écailleux; antennes longues, ocelles volumineux, yeux réduits ; la carapace thoraco-ab- dominale a une largeur maximum près de la moitié plus grande que ja longueur de sa suture médiane. Région cau- dale proportionnellement plus Iongue que chez les deux autres espèces ; les bords latéraux des septième, huitième et neuvième anneaux offrent des dentelures très marquées. Longueur totale de cet individu, près de 1! millimètre. Habite le fleuve Sénégal. Il n’est pas douteux que c’est un jeune individu arrivé à l’état de larve-nymphale depuis peu de temps, mais il est très probable qu’il ne dépasse pas la taille maximum (envi- ron de 4 à 5 millimètres) des larves du Prosopistoma folia- ceum, avec lesquelles il à beaucoup plus d’analogie qu'avec celles du Pr. variegatum. Pour mieux préciser les caractères spécifiques de cette NOTE SUR L’EXISTENCE AU SÉNÉGAL D'UN PROSOPISTOMA. 339 nouvelle espèce, je vais les reprendre un à un et m’étendre sur chacun d’eux en montrant les différences qu'ils présen- tent avec ceux des deux autres espèces de Prosopistoma. Quelques figures, accompagnant la présente Note, compléte- ront cette description. Téquments. — La surface tégumentaire chitineuse offre chez toutes les larves de Prosopistoma un aspect écailleux, peu accentué chez le variegatum, davantage chez le /oliaceum, et très marqué chez le de Guernei; la teinte générale de celte enveloppe chitineuse est d’un jaune ambré, pâle chez les deux dernières espèces, tandis qu'elle est très foncée chez celle de Madagascar. Antennes. — Ces organes offrent des différences considé- rables dans leur longueur, suivant l'espèce que l’on consi- dère, tout en ayant le même nombre d'articles. Chez le Pr. variegatum les antennes sont très courtes; cette petitesse est surtout due à l’état réduit du troisième article (1); les extré- mités libres de ces organes n’atteignent pas la moitié de la distance qui sépare leur point d'insertion des bords latéro- antérieurs du clypeus. Chez le fo/iaceum les antennes sont proportionnellement deux fois plus longues, puisque les extré- mités de celles-ci touchent les bords latéraux de la tête. Mais chez le de Guernei ces organes sont beaucoup plus longs (fig. 1 et 2), la moitié du troisième article et les trois derniers dépassant de chaque côté; dans la forme du troisième ar- cle, on observe aussi une différence marquée ; cet article, au lieu d’être à peu près cylindrique comme chez le /olia- ceum el le variegatum, est ici fusiforme et proportionnelle- ment très long; quant aux trois segments terminaux, ils semblent soudés entre eux. Ocelles. — Les ocelles sont à peu près égaux et assez (1) Je considère cet article comme étant le troisième à partir du poin d'insertion de l'antenne, bien que de prime abord il ne semble y avoir aut dessous de lui qu'un seul segment, parce que le 4 segment ou segment basilaire, en forme de tronc de cône, est contenu dans la cavité clypéenne et se trouve être caché en partie par le bourrelet qui limite les bords de l'anneau duquel sort l’antenne. 340 4. VAYSSIÈRE. grands comme chez le Pr. foliaceum (1), tandis que chez le Pr. variejatum ces organes sont réduits; il faut remarquer aussi que chez l'espèce nouvelle les ocelles sont presque aussi volumineux que les yeux composés, ce qui tient peut- être au jeune âge de l'individu. | Carapace. — Le thoraco-abdomen a été un peu comprimé par la lamelle couvre-objet ; malgré cela, si l’on compare 1a figure du de Guernei à celle du foliaceum, on est frappé du raccourcissement de la carapace de la nouvelle espèce et aussi de sa largeur maximum, abstraction faite de l’augmen- tation due à l’écrasement. La longueur de la suture médiane est ici environ les deux tiers de la largeur maximum, diffé- rence beaucoup plus considérable que celle constatée chez le Pr. foliaceum, où cette suture est les trois quarts de la lar- geur de la carapace ; enfin chez le Pr. variegatum, grâce à de nouveaux envois d'individus, j'ai pu me convaincre que les deux dimensions de la carapace sont à peu près les mêmes, ou bien offrent un léger avantage en faveur de la longueur de la suture médiane. Région caudale. — Si l’on constate chez le de Gruernei un raccourcissement de la carapace, par contre, les derniers segments abdominaux, ou du moins les septième, huitième : et neuvième, ceux que l’on aperçoit lorsque l’insecte est au repos, sont ici un peu plus longs que chez les deux autres espèces. L'ornementation de ces anneaux diffère également quel- que peu; leurs bords libres sont dentelés (fig. 3). Je pense que ce caractère est en rapport avec les dimensions plus considérables des écailles du revêtement chitineux; les par- ties libres des écailles des bords sont par suile plus proémi- nentes, ce qui produit ces dentelures; toutefois il est à re- marquer que ces dentelures font défaut ou sont moins accentuées dans les autres régions du corps. (1) C'est même cette grosseur, relativement très considérable, des ocelles qui avait fait dénommer cetle dernière espèce, punctifrons, par Latreille en 1833. NOTE SUR L'EXISTENCE AU SÉNÉGAL D'UN PROSOPISTOMA. 341 Pattes. — Les pattes sont de longueur inégale chez cette espèce comme chez les deux autres, inégalité peu considé- rable ; les plus petites sont celles de la première paire, les plus longues celles de la troisième. Cette différence de lon- gueur ne se remarque pas tout d'abord, 1l faut pour bien s’en rendre compte mesurer les pattes avec le micromètre ou en faire le croquis à la chambre claire. C'est même cette inégalité peu sensible qui m'a fait dire Fig. 1.— Prosopistoma de Guernei, vu par la face dorsale. — Grossissement, 54 fois en diamètre. Fig. 2. — Idem, vu par la face ventrale. Grossissement, 54/1. —On remarquera sur cette figure un certain déplacement de la lèvre inférieure que présentait la pré- paration et que j'ai respecté dans mon dessin. Fig. 3. — Extrémité de l'abdomen du même insecte pour montrer les dentelures des bords des 7°, 8° et 9° anneaux. Grossissement, 200/1. — {h, extrémité pos- téro-dorsale de la carapace; 0, orifice de sortie de l’eau après son passage dans la chambre respiratoire ; 6, sixième segment abdominal soudé à la carapace, mais que l'écrasement de celle-ci a fait ressortir en arrière ; 7, 8 et 9, les trois segments abdominaux libres; un dernier segment, 0, servant d’'organe pro- tecteurs aux trois soies s, peut se retirer presque complètemenl à l’intérieur du 9e. à la fin de la page 50 de ma monographie du genre Proso- pistoma : «Les différences qui existent entre les pattes des diverses paires sont peu sensibles, leurs dimensions sont les 342 A. VAYSSIÈRE. mêmes et il en est presque ainsi pour leur ornemeniation. » Chez les trois espèces il y a toujours une certaine inégalité entre les pattes, seulement elle varie d’une espèce à l’autre; ainsi chez le Pr. foliaceum la différence de longueur entre celles de la première paire et celles de la troisième paire n'est que de 1/7, tandis que chez le Pr. de Guernei cette différence atteint 1/5.— Les articles seraient proportion- nellement moins grêles que dans les paltes du foliaceum, sur- tout le tibia qui est relativement court et assez ventru dans toutes les pattes. Comme ornementation des pattes, je n’airien pu observer, sauf un poil rigide, un peu recourbé, implanté sur le bord interne du tibia près de son extrémité. Il faut espérer que les recherches d'Histoire naturelle poursuivies par plusieurs voyageurs dans ces régions afri- caines, nous procureront bientôt de nouveaux individus (larves et imagos) avec lesquels on pourra établir une déter- mination plus précise de cette nouvelle espèce de Proso- pistoma. | DÉTAILS ANATOMIQUES SUR L'APPAREIL GÉNITAL MALE DU CAVIA COBAYA Par M. DE POUSARGUES. En 1824, Prévost et Dumas (1) ont donné une description de l'appareil génital mâle du Cochon d'Inde, où les détails de forme et de position des différentes glandes annexes sont exposés avec la plus grande clarté. C'est cette même des- cription qui à été reproduite dans les divers traités de zoologie ou d'anatomie comparée qui ont élé publiés dans la première moitié de ce siècle. Depuis cette époque les progrès des méthodes d'investigation ont amené, tant chez. le Cobaye que chez beaucoup d’autres Mammifères, la découverte de nouveaux détails d'organisation, tels, pour ne ciler que le plus important, que l'existence de l’utérus mâle dont Weber le premier reconnut la valeur morphologique. À dater de cette époque, l'attention des naturalistes fut éveillée et se porta inévitablement sur cet organe rudimen- taire des Mammifères mâles, dont l’examen plus approfondi pouvait fournir des indices précieux sur leur évolution em- bryogénique. Aussi les animaux chez lesquels la vésicule wébérienne existait dans des conditions de facile recherche, furent-ils bientôt signalés, avidement disséqués, et partant (1) Prévost et Dumas, Observations relatives à l'appareil générateur des animaux mâles (Ann. sc. nat., L. I, 1824, p. 172). 344 .DE POUSARGUES. mieux connus. Tel n’a pas été le cas cependant pour le Cobaye. Dans un travail considérable publié au commence- ment de l'année 1892, M. Oudemans (1) passe en revue les glandes génitales accessoires des Mammifères des différents ordres. Dans les quelques lignes que cet auteur consacre à l'appareil reproducteur mâle du Cochon d'Inde, il omet les vésicules séminales, probablement comme ne méritant pas une mention spéciale ; mais, en parlant des glandes prosta- tiques, l'expression dont il se sert: « deux organes volumi- neux en forme de cornes », s’appliquerait bien plus exacte- ment aux vésicules séminales. Il résulte de cette omission et de cette confusion entre les deux glandes, une inévitable obscurité pour l'intelligence de leur mode de débouché dans l’urèthre. à Plus récemment, a paru un mémoire de M. Cannieu (2) traitant uniquement de l’appareil génital mâle du Cobaye. Les diverses glandes annexes y sont étudiées dans leur struc- ture et leurs rapports; mais, chose assez inexplicable, il n’y est pas question de l'utérus mâle, qui est complètement passé sous silence. De plus, il est certains points, notam- ment pour ce qui est de la position et des rapports des orifices des glandes prostaliques, sur lesquels je ne puis partager l’opinion de cet auteur. J'ai donc cru utile d'exposer le résultat de mes recherches sur le même sujet, tant pour compléter que pour rectifier les différentes descriplions qui ont élé données des glandes annexes de l’appareil générateur mâle du Cavia Cobaya, et de leur débouché dans le canal urogénital. Les vésicules séminales ont été trop bien décrites par les auteurs, pour que je m'y arrêle; quant à leur mode de dé- bouché dans l’urèthre, il en sera question plus loin. La prostate, ainsi que l'ont observé Prévost el Dumas, (4) Oudemans, Die accessorischen Geschlechtsdrusen der Saugethiere. Haar- lem, 1892. à (2) Cannieu, Recherches sur l'appareil reproducteur mâle du Cavia (Revue des sciences naturelles de l'Ouest, t. 11, n°5 1 et 2, 1892). APPAREIL GÉNITAL MALE DU CAVIA COBAYA. 345 forme deux masses symétriques de cæcums glandulaires, appliquées en haut et sur les flancs de l’urèthre. Ces deux masses, assez éloignées l’une de l’autre en avant, se re- joignent en arrière sur la ligne médiane, mais sans se con- fondre toutefois. Chacune d'elles, d'aspect confus, sous le tissu conjonctif lâche qui l'enveloppe, se laisse facilement dissocier en deux faisceaux juxtaposés: l’externe, formé de quatre fascicules de cæcums longs, minces, digitiformes, à peine ou non ramifiés et de calibre uniforme sur toute leur longueur ; l'interne, consistant en un grand nombre de culs- de-sac vésiculeux greffés les uns sur les autres, et répartis de même en quatre fascicules d’inégale importance. Ces deux sortes de tubes prostatiques s’éloignent moins par leur structure histologique, que n'aurait pu le faire supposer la différence très sensible que j'ai signalée dans leur forme extérieure. Chaque cæcum sécréteur de l’une et l’autre espèce de prostate présente dans la constitulion de ses pa- rois, en allant de l'extérieur à l’intérieur, les couches sui- vantes : 1° une couche mince de tissu conjonctif avec de rares noyaux épars ; 2° un lit d'une épaisseur assez considé- rable de fibres lisses circulaires ; 3° une nouvelle couche de tissu conjonctif très ténue; 4° un épithélium cylindrique, formé de grandes cellules pyramidales, dont les noyaux ova- laires, volumineux et à plusieurs nucléoles, se détachent nettement par leur vive coloration sur le protoplasma trans- parent et à peine teinté par le carmin. Néanmoins, la dispo- silion de l’épithélium permet de distinguer au premier coup d'œil les deux espèces de cæcums prostatiques. Ceux de la prostale externe ont, pour la plupart, leur lumière large- ment percée et bien dégagée ; car l’épithélium n’y forme que des feslons peu saillants, ou de légères ondulations. Dans les cæcums de la prostate interne, au contraire, l'épithélium pariétal se trouve réduit à quelques plages de peu d’étendue, lant les replis qui en émanent sont nom- breux, raméfiés et enchevêtrés, de telle sorte que la lumière des tubes s'en trouve, à certains niveaux, complètement 346 DE POUSARGUES. obsiruée. Parfois même, certains replis se joignent, s’unis- sent et forment de véritables travées, qui semblent diviser le cæcum primitifen deux ou plusieurs culs-de-sac secondaires. Il en résulte que la surface sécrétrice se trouve ainsi consi- dérablement augmentée. Ces différences de forme, de struc- ture et de position me paraissent suffisantes pour autoriser la distinction en prostate interne et prostate externe; ex- pressions dont je me suis d’ailleurs servi pour plus de clarté dans la description qui précède. Chaque fascicule de cæcums glandulaires se continue par un canal excréteur indépendant; ce qui donne huit canaux proslatiques pour chaque côté. Arrivés au bord supérieur de l'urèthre, ces canaux s'engagent entre sa muqueuse et sa couche musculaire interne et se serrent étroitement les uns contre les autres, en s’alignant parallèlement sur deux rangs de quatre comme les tuyaux d’une flûte de Pan. Pour se rendre compte de leur mode de débouché dans le canal uro- génital, il faut fendre la portion musculaire de l’urèthre tout le long de la ligne médiane ventrale jusqu’au col de la vessie. On aperçoit alors, immédiatement au-dessous de ce col, un repli membraneux de la muqueuse uréthrale, complètement lisse quand les liquides séminaux le distendent; au contraire, sillonné de nombreuses et fines plissures à l’état de vacuité. Ce repli, qui vient se rattacher inférieurement par une es- pèce de languette à la paroi dorsale de l’urèthre, est percé de trois orifices. Les deux orifices latéraux, symétriques, simulent deux longues boutonnières, dirigées de haut en bas et d'avant en arrière. C’est par ces orifices que se dé- versent directement dans l’uréthre, les produits des glandes prostatiques, et, en soulevant avec précaution la lèvre externe de chaque boutonnière, on peut apercevoir de chaque côté la lumière des huit canaux dont il a élé question plus haut, qui viennent émerger en ce point de dessous la mu- queuse uréthrale. | L'orifice médian, assez large, oblong, à grand diamètre antéro-postérieur, donne accès dans une cavité assez vasle, APPAREIL GÉNITAL MALE DU CAVIA COBAYA. 347 que M. Oudemans nomme vagin müäle. Je me suis assuré, par des dissections minutieuses, que les canaux prostatiques n'avaient aucune communication avec celte cavité: et sur ce point, je me trouve en complet désaccord avec M. Cannieu. Cette sorte de chambre se trouve presque complètement divisée en deux parties ou couloirs latéraux par une saillie longitudinale médiane, assez épaisse, qui s'élève de sa paroi dorsale à laquelle elle se rattache par une portion étranglée ou arête pédonculaire. A l’extrémité antérieure et au fond de chaque couloir la- téral, vient déboucher à plein canal la vésicule séminale correspondante. Cet abouchement se fait sans aucune transi- tion ; la continuité des parois est absolue; seule, la dispari- lion des nombreux replis de l’épithélium glandulaire des vésicules marque leur point de terminaison. La saillie longitudinale médiane est formée d’un tissu conjonctif assez dense, servant de support à l'utérus mâle et à la terminaison des canaux déférents. Ceux-ci, en effet, après être venus s’accoler sur la ligne médiane plongent dans la cavité ci-dessus décrite, entre la vessie en avant et les vésiculés séminales en arrière. À peu près au niveau du point de terminaison de ces dernières, ils diminuent très sensiblement de diamètre. Ainsi réduits et étroitement ad- hérents par leur paroi dorsale au tissu conjonctif dela saillie médiane, ils continuent leur course, toujours accolés, à peine séparés par une mince couche de tissu conjonctif in- tercalaire. Bientôt cette couche de tissu conjonctif interposé augmente d'épaisseur, les écarte l’un de l’autre en les reje- tant l’un à droite, l’autre à gauche de la ligne médiane. Après avoir cheminé quelque temps encore sur les flancs de la saillie médiane, ils se terminent chacun par un orifice qui s'ouvre dans le couloir latéral correspondant. Toute cette portion terminale, à diamètre réduit, des ca- naux déférents, qui, chez les Cochons d'Inde bien adultes, peut atteindre 0,015 de longueur, est complètement ca- chée et recouverte sur sa face ventrale par l'utérus mâle. 348 DE POUSARGUES. Cet organe, dont les dimensions sont plus considérables que ne l'indique Leuckart (1), «il mesure 0*,02 de l'orifice au sommet du grand lobe», est une espèce de poche aplatie, profondément bilobée à son extrémité antérieure. Sa por- ton basilaire est intimement soudée au tissu conjonctifinter- calaire que nous avons vu séparer l’extrémité terminale des canaux déférents. Quant à ses deux lobes antérieurs, ils reposent contre la paroi ventrale des canaux déférents pré- cisément au point où ils changent brusquement de diamètre. Invariablement, j'ai trouvé le lobe gauche d’un quart plus développé que le lobe droit. Une trame de tissu conjonctif les unit assez étroitement aux canaux déférents; et il est assez difficile de les en dégager. La cavité intérieure de l’uté- rus mâle s'étend jusqu'à l'extrémité de ses lobes ou cornes; elle est tapissée par une muqueuse présentant de nombreux plis longitudinaux, et s'ouvre sur la ligne médiane par un orifice en forme de V. En ce point, la hauteur de la saillie médiane s’atténue assez brusquement, et les deux couloirs latéraux se confondent immédiatement sous le repli de la muqueuse uréthrale. Par sa position et par ses connexions avec l'utérus mâle, les canaux déférents et les vésicules séminales, la saillie mé- diane constitue le « verumontanum » proprement dit; et le repli uréthral qui tombe au-devant de lui comme un voile, lui ménage en quelque sorte une espèce de vestibule, et le sépare de la cavité uréthrale. Chez le fœtus à terme, les dis- positions sont sensiblement les mêmes. Comme chez l'adulte, on y trouve trois orifices au fond de l’urèthre, mais ils sont ici linéaires et disposés comme trois fentes longitudinales parallèles. Les deux latérales correspondent aux bouton- nières prostaliques de l’adulte, et la fente médiane n'est autre que l’entrée du vestibule du verumontanum. En prali- quant des séries de coupes transversales au sommet de l'urè- thre, on peut suivre comme pas à pas le trajet des différents (4) Leuckart, article Vésicule prostatique, in Todd's Cyclopedia, vol. IV. APPAREIL GÉNITAL MALE DU CAVIA COBAYA. 349 canaux, et se convaincre de l'extrême similitude qu'ils pré- sentent avec les mêmes organes chez l'adulte. J’ai reproduit, en la schémalisant à peine, l’une des plus démonstratives de ces coupes. Il suffit d'y jeter un coup d'œil pour se faire une idée précise de la posilion des canaux prostatiques, du mode de débouché des vésicules séminales dans les couloirs latéraux du vestibule du verumontanum, et des rapports de position des canaux déférents et de l’ulérus mâle. Il résulle de cette disposition des orifices glandulaires, que le liquide testiculaire et le produit des vésicules sémi- nales se rencontrent dans le veslibule du verumontanum. Leur mélange passe de là dans l’urèthre sous forme d’un liquide assez épais, à la surface duquel la sécrétion prosta- tique coule comme un manchon. C’est du moins ce que semble prouver un fait que j'ai constaté fréquemment. Sur des pièces traitées par l'alcool, 1l arrive assez souvent que les liquides séminaux se trouvent solidifiés immédiatement après leur émission dans la portion musculeuse de l’urèthre. Ces moulages naturels, solidement attachés au verumon- tanum, ne présentent pas la même consistance dans toute leur épaisseur. Avec la pointe du scalpel, on parvient sans trop de difficulté à entamer les couches superficielles assez friables, mais on se bute bientôt contre une substance cen- trale qui a acquis, sous l’action de l’alcool, une consislance bien plus considérable. Dans les cas que je cite, la vessie demeurée complètement turgide n'avait pu laisser suinter, par le col fortement contracté, qu'une quantité négligeable d'urine. En raclant la couche corticale vers le sommet de l’urèthre, on met à nu les deux boutonnières prostatiques, et l’on peut apercevoir le cylindre central dur péné- trant dans le vestibule du verumontanum par l'orifice mé- dian. En résumé, les particularités anatomiques du sommet de l’urèthre chez le Cochon d'Inde, sont les suivantes : 1° Chaque prostate se subdivise en deux faisceaux juxta- posés de cæcums glandulaires différents de forme et de 300 DE POUSARGUES. structure. Ces deux faisceaux sont desservis par huit canaux excréteurs. 2° À l’intérieur et au sommet de l’urèthre, on observe, outre l’orifice du col de la vessie : | a. Deux orifices latéraux symétriques en boutonnières où viennent aboutir de chaque côté les huit canaux prosta- tiques ; b. Un orifice médian impair donnant accès dans le vesti- bule du verumontanum [vagin mâle (Oudemans)]. Dans cette cavité fermée aux canaux prostatiques, débouchent les vési- cules séminales, les canaux déférents et l’ulérus mâle. EXPLICATION DE LA PLANCHE Fig. 1. — Cavia cobaya adulte. — Face latérale droite du sommet de l’urèthre montrant les deux sortes de cæcums prostatiques. — (a), cæcums de la prostate externe rabattus; (b), cæcums de la prostate interne en place; (V.), vessie; (U.), portion musculeuse de l’urèthre ; (v.s.), amorce des vési- cules séminales; (c.d.), amorce des canaux déférents. Fig. 2. — Cavia cobaya adulte. — Urèthre fendu sur la ligne médiane ven- trale, et col de la vessie fendu sur ses deux faces antérieure et posté- rieure. — (c.d.), canaux déférents; (u.m.), sommet des deux lobes de l'utérus mâle; (V.), les deux moitiés du col de la vessie rabattues de cha- que côté; (Pr.), boutonnières prostatiques symétriques; (0.), orifice médian impair donnant accès dans le vestibule du verumontanum (vagin mâle, Oudemans), dont on voit la paroi antérieure plissée, à l’intérieur un caillot durci de liquides séminaux; (U.), parois musculeuses de l'urèthre. Fig. 3. — Cavia cobaya adulte. — Canaux prostatiques du côté droit non dissociés, et tels qu'ils viennent aboutir à la boutonnière prostatique dont la lèvre externe a été enlevée. — (a.), prostate externe; (b.), prostate interne; (V.), moitié droite du col de la vessie; (U.), parois de l’urèthre; (M.), fibres circulaires des parois du sommet de l'urèthre; (R.), lambeau du voile membraneux plissé qui ferme le vagin mâle en avant. Fig. 4. — Cavia cobaya adulte. — Les quatre canaux de la prostate interne dissociés. — Les lettres comme dans la figure 3; (Pr.), boutonnière pros- tatique. Fig. 5. — Cavia cobaya adulte. — Les quatre canaux de la prostate externe dissociés, après la section des quatre canaux de la prostate interne (b.). Les lettres comme dans les deux figures précédentes. Fig. 6. — Cavia cobaya adulte. — Vagin mâle ouvert sur la ligne médiane pour montrer le verumontanum. — (V.s.), débouché des vésicules sémi- nales; (c.d.), orifice des canaux déférents; (U. m.}), utérus mâle, ses deux lobes et son orifice en forme de V; (F.), frein du verumontanum, arrivant à peu près au niveau du bord supérieur de l'orifice du vagin mâle; (R.), voile membraneux ou paroi antérieure du vagin mâle, sectionné et rabattu ; (V.m.), cavité du vagin mâle découverte. Couloir latéral. Fig. 7. — Cavia cobaya adulte. — Utérus mâle ouvert montrant sa cavité profondément bifide et les replis longitudinaux de sa muqueuse. Les deux lobes sont un peu écartés de leur position normale. Lettres comme dans la figure 6. Fig. 8. — Cavia cobaya adulte. — L'utérus mâle à été enlevé pour montrer le rétrécissement de la portion terminale des canaux déférents et leur écartement pour venir se ranger sur les flancs du verumontanum. Lettres comme pour la figure 6. | Fig. 9. — Cavia cobaya (Fætus à terme). — Urèthre et vessie for:dus, pour montrer : (Pr.), boutonnières prostatiques; (0.), orifice encore linéaire 392 DE POUSARGUES. du vagin mâle; (v.s.), vésicules séminales; (c.d.), canaux déférents ; (V.), vessie; (G.), col de la vessie; (U.), urèthre; (c.), cæcums prosta- tiques. Fig. 10. — Cavia cobaya (Fœtus à terme). — Coupe transversale schématique du sommet de l’urèthre au niveau de la réunion des deux cornes de l'utérus mâle en une cavité unique (Grossissement, 29/1). — (a.), cæcums de la prostate externe; (b), cæcums de la prostate interne; (Pr.a.), canaux de la prostate externe ; (Pr.b.), canaux de la prostate interne; (U.), paroi uréthrale; (A.), section de l’arête pédonculaire du verumontanum; (c.d.), canaux déférents; (V.s.), derniers vestiges des vésicules séminales, communiquant largement avec les couloirs latéraux du vagin mâle (V.m.); (U.m.), cavité de l’utérus mâle ; (f.), tissu conjonctif reliant l’utérus mâle aux canaux déférents et dont l’ensemble constitue le verumontanum ; (V.), col de la vessie, dont la paroi postérieure vient buter contre le verumontanum; (f.L.), fibres musculaires longitudinales du col de la vessie; (f.c.), fibres circulaires, devenant obliques sur les flancs de l’urèthre. HENRI VIALLANES SA VIE ET SES TRAVAUX Par M. E.-L. BOUVIER Professeur agrégé à l’École supérieure de Pharmacie de Paris. a ——— ——_—_—_— — — —— a —— —— — — La mort vient de frapper, dans la pleine maturité de l’âge et du talent, un des meilleurs parmi les jeunes naturalistes français, M. Henri Viallanes, docteur ès sciences, directeur de la station zoologique d'Arcachon. Ceux qui ont suivi d'un œil attentif le mouvement des sciences naturelles pendant ces quinze dernières années, n’apprendront pas sans regret celte triste nouvelle : c'est un habile et sagace observateur qui vient de disparaître, un esprit droit et judicieux, un travailleur infatigable, en même temps qu’un serviteur pas- sionné du progrès scientifique. Sa perte laissera un vide sensible dans le monde des anatomistes et des histologistes; elle frappe cruellement les Annales des Sciences naturelles dont il était Le plus fidèle et le plus distingué collaborateur, les Sociétés philomathique et zoologique et la Saciété de Biologie qui le comptaient parmi leurs membres, ses nombreux élèves et ses amis, enfin et surtout son père, sa veuve el ses jeunes enfants, qui étaient en droit de compter longlemps encore sur son affection. Il est mort à trente-sept ans, à l’âge où l'avenir offre de brillants horizons et où il commençait à recueillir le fruit de ses longs et im- portanis travaux. I Viallanes naquit à Dijon, le 25 avril 1856. Il appartenait à une famille où le zèle et l'esprit scientifiques passaient de ANN. SC. NAT. ZOOL. XV, 23 354 __ E.-L. BOUVIER. père en fils comme un héritage : son aïeul paternel fut pendant près de trente ans professeur à l'École de médecine et de: pharmacie de Dijon, et son père exerce encore aujourd’hui les mêmes fonctions dans la même École. Instinctivement fidèle à ces traditions de famille, il montra, dès le jeune âge, un goût très vif pour les sciences naturelles : observa- teur exact, esprit ingénieux et piein de curiosité, il manifes- tait déjà toutes les qualités qu’on s’est plu à lui reconnaître dans la suile, surtout ce vif enthousiasme qui fut toujours le trait saillant de son caracière, et qui a fait de lui, on peut le dire, un des plus fervents naturalistes de notre époque. Ceux qui l'ont connu enfant se souviennent qu'à cet âge même, où le bonheur de la plupart est de Jouer et de s’ébaltre, ses jeux élaient sérieux et scientifiques : presque {ous ses jours de congé se passaient à des expériences d'électricité, surtout de galvanoplastie, qu'il exécutait avec une patience et une dexlérilé remarquables. Au reste, si le milieu savant dans lequel a grandi Viallanes influa certaine- ment sur ses goûts, il ne les a pas créés de toutes pièces, etil n'a même pu en modifier la tendance propre, tant ils étaient spontanés et irrésistibles. Son père, qui cultivait surtout la botanique, chercha en vain à le diriger de ce côté; c’est vers la Zoologie que se sentait naturellement entraîné Vial- lanes, et quand les herborisations communes étaient termi- nées, il courait à la recherche des animaux, faisant sur- tout la chasse aux espèces aquatiques, qu’il élevait et obser- vait ensuite à loisir dans de petits aquariums. C'est à ces aquariums que se réduisit d'abord son laboratoire personnel, et aussi à une collection de coléoptères qu'il entretenait avec beaucoup de soin; quelques plantes en herbier, quelques minéraux ou fossiles, qu'il se plaisail à ranger méthodique- ment selon ce qu'il avait vu dans le cabinet paternel, com- plétaient alors son bagage d'apprenti naturaliste. Ainsi s’écoulèrent ses années d'enfance, très calmes et très douces, partagées entre les tendresses d’une famille excellente et les occupations qu'il chérissait. HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 399 Toutes ses études classiques se firent à Dijon, sauf une année qu'il passa tristement à Dôle, pensionnaire au collège de Notre-Dame du Mont-Roland. Viallanes était aussi peu fait que possible pour l’internat. Nature affective et sensible à l'excès, quand il se trouvait quelques heures de trop loin des siens, il se sentait positivement perdu ; et la douloureuse im- pression qu'il éprouvait alors allait parfois jusqu’à se traduire par des larmes. Son âme, au contact de cette foule du collège, bruyante, turbulente et si naïvement égoïste, se repliait aussi- tôt et s’isolait ; il ne savait vivre que dans l'intimité de la vie familiale et parmi les amitiés de cœur : car il était aussi bon et fidèle ami que peu disposé aux camaraderies banales.Sonintel- ligence nes’ouvrait pas non plus volontiers à toute sorte d'ensei- gnement :les mathématiques, la philologie pure le laissèrent indifférent; il fallait que les matières enseignées fussent enhar- monie avec son tour d'esprit, maisil fallait surtout que le mai- tre voulüt bien gagner la sympathie de l'élève. Aussi n'est-ce guère que dans les hautes classes qu’il commença de donner sa mesure. Mieux qu'aucun autre, son professeur de philo- sophie le comprit, l’estima et sut par le charme de son en- seignement l’intéresser aux idées générales : c’était M. Espi- nas, l’auteur très distingué d'un livre sur les Sociétés animales, et qui fut depuis doyen de la Faculté des lettres de Bor- deaux. Son diplôme obtenu, Viallanes fit à l’École de Dijon sa première année de médecine et trouva dans ces nouvelles études tout l'attrait qu'on peut penser. Sa vocation était désormais assurée : avec une ardeur qui ne devait point se démentir, il se donna tout entier à l’étude de l'anatomie et des sciences biologiques. Les travaux de Pasteur, de Claude Bernard, de Darwin, qui remplissaient les journaux scien- üfiques du temps, avaient le don de le passionner, et ses meilleurs loisirs se passaient à ces lectures. Au mois de novembre 1876, il vint à Paris afin d’y ache- ver sa médecine et aussi pour aborder de front l'étude des sciences naturelles. ILeut la bonne fortune d'entrer au Muséum 3506 E.-L. BOUVIER. dans le laboratoire des Hautes-Études, alors dirigé par les deux Milne - Edwards : ces savants naturalistes eurent bien vite reconnu les brillantes qualités de leur nouvel élève: ils l’accueillirent paternellement, favorisèrent ses premiers essais, et Henri Milne-Edwaras le choisit bientôt (1877) comme préparateur de son cours à la Sorbonne. Pendant plusieurs années, Viallanes a été l'auditeur assidu et même, en quelque façon, le collaborateur de l’illustre savant, qui lui fit l'honneur de l’associer à certaines de ses recherches, et notamment à des expériences relatives aux effets de l’hyp- notisme sur les animaux. Les leçons magistrales que professait son maîlre étaient bien faites pour le confirmer dans la voie qu'il avait choisie. Les travaux préparatoires à l'usage des étudiants ne lui suffi- saient plus, et il tentait déjà quelques recherches person- nelles. C’est surtout à Marcellois, petit village des mon- tagnes de l’Auxois, qu'il a, auprès des siens, pendant les vacances, préparé ses premiers travaux originaux, dàrs un laboratoire qu'il avait installé iui-même et où il ne revenait jamais sans un singulier plaisir. Là, 1l parlageait son temps entre le microscope, la photographie, le dessin, l’explora- lion des ruisseaux et des mares; plein de force et de santé, il se retrempait dans les joyeuses réunions de la famille; et dans cette pure et saine atmosphère, rien ne lui semblait impossible. C’est vers ce pays, où la vie lui avait paru si bonne, qu'il tournait encore les yeux avec espoir quand la maladie impitoyable, il y a quelques mois, lui portait ses derniers Coups. En 1878, il se présenta aux examens de la licence ès sciences naturelles et fut reçu après de brillantes épreuves, bien qu'il n'aimât guère ces sortes de tournois, où le prix n’est pas toujours attribué au meilleur. Tranquille de ce côté, il aurait voulu s’abandonner à son penchant pour les investigations microscopiques; mais ses maîtres lui firent sagement sentir qu’il est imprudent de s'engager dans cetle voie, quand on n’a point préalablement acquis l’habileté de HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 397 la main et l’art des dissections précises par des travaux d'anatomie pure. Aussi est-ce par des essais sur l’organisa- tion des Vertébrés à sang chaud qu'il a débuté dans la car- rière, se formant ainsi un talent d’anatomiste qu'il trouva constamment à utiliser dans la suite. Entre temps, il conti- nuait, aux environs de Paris, l'étude des animaux aquatiques qu'il avait commencée, tout enfant, dans la Bourgogne; il explorait les bords de la Seine et de la Marne, fouillait les étangs de Meudon et de Chaville, pêchait au filet dans les mares, el accumulait les matériaux dont il sut tirer parti dans ses nombreuses recherches sur les Arthropodes. Il à étudié avec un soin extrême les mœurs et l'habitat des larves qui peuplent les eaux douces, et s’il n’a publié sur ce sujet qu’une courte monographie destinée à la Feuille du Jeune naturaliste, c’est qu'il se trouva bien vite absorbé par ses travaux sur le développement et l’histologie des animaux articulés. Dès qu’il eut donné des preuves suffisantes de son habileté d’anatomiste, il revint en effet à ses études préférées, el em- ploya la plus grande partie de son temps et de ses efforts à acquérir une technique microscopique aussi parfaite que possible. Il ne se tint pas satisfait quand il fut au courant des procédés en usage dans les laboratoires français, et particulièrement dans celui de M. Ranvier; très exigeant pour lui-même, il résolut de connaître aussi les méthodes pratiquées en Allemagne et sollicita, dans ce but, une mis- sion qui lui fut accordée. Il choisit pour maître M. le pro- fesseur Kôlliker, et passa près d’un an à Wäürzbourg dans le laboratoire de ce célèbre histologiste, dont il garda toujours le plus affectueux souvenir. Il fut d’ailleurs très cordiale- ment accueilli par le professeur et par les élèves, et il en- tretint avec plusieurs d’entre eux un commerce durable, notamment avec un privat-docent, M. Philippe Stôhr, qui avait été son maître et qui devint son ami. Sa mission lerminée, Viallanes revint en France avec une grande estime pour les méthodes enseignées dans les Uni- 358 E.-L. BOUVIER. versités allemandes, mais aussi avec un amour exalté pour son pays; l’enthousiaste qui sommeillait en lui se réveilla sur le sol étranger, et le jeune naturaliste que Ja science pure semblait seule préoccuper au départ, élail à son retour devenu un ardent patriote. Aussi bien, si l’on peut honorer son pays par les découvertes et le dévouement scientifiques, la France n’a pas eu de meilleur et de plus vaillant serviteur que Viallanes, car il lui a voué son talent tout entier et le meilleur de son existence. Admirablement préparé pour les travaux histologiques, il s’attaqua dès le début à un des points les plus délicats de l'organisation des Invertébrés, et, en 1881, soutint pour le doctorat en médecine une thèse très remarquable sur les terminaisons nerveuses motrices dans les muscles striés des Insectes; cette thèse altira sur lui l’atlention de plu- sieurs hommes éminents et lui valut un prix de l’Académie de médecine. Ses recherches furent quelque temps interrompues par une mission qui devait singulièrement élargir le cadre de ses connaissances zoologiques : il fut attaché comme auxiliaire aux deux expéditions du Travailleur (1881 et 1882) et put suivre, en celte qualité, toute la série des dragages qui fu- rent faits, sous la direction de M. A. Milne-Edwards, dans l'océan Atlantique et dans la Méditerranée. Cette expédition lui laissa le violent désir d'en recommencer d’autres; aussi fut-il tout heureux lorsqu'on lui proposa, quelque temps après, de prendre part à la mission du cap Horn. Mais des raisons de famille ne lui permirent pas ce lointain voyage, et il dut se contenter de procéder à l'examen rapide et aux premiers essais de classification des innombrables matériaux qu'avaient recueillis, pendant leur longue campagne, les zoo- logistes du Talisman (1883). En même temps, il conti- nuait les recherches histologiques qu'il avait commencées, et méritait, en 1883, le diplôme de docteur ès sciences avec sa thèse intitulée : Recherches sur l'histologie des insectes et sur les phénomènes qui accompagnent le développement post- HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 399 embryonnaire de ces animaux. Nous reviendrons plus loin sur ce travail, qui valut à son auteur une récompense que l’Aca- démie des sciences accorde rarement à des Jeunes, le grand prix des sciences physiques. Sur ces entrefaites, la place de répétileur au laboratoire des Hautes Études devint vacante, par suite du départ de M. Broc- chi, et l’on songea immédiatement à Viallanes pour l’occuper. Le titre était modeste, mais la fonction était importante, car les élèves se pressaient nombreux au laboratoire, et le poste exigeait un titulaire doué de toutes les aptitudes du profes- seur et de toute l’habilelé de l’anatomiste. C'est alors que l’auteur de celte nolice a fait, comme élève, la connaissance de Viallanes, et ce n’est pas sans un mélancolique souvenir qu'il se rappelle cette période de travail intense, où le Jeune répétiteur dépensait sans compter tant d'activité et de talent. Pendant six mois de l’année, tous les jours de la semaine, les étudiants arrivaient au laboratoire pour assister à la dé- monstration qui précédail toujours les exercices pratiques : c'était une conférence courte, précise, pleine de faits, illus- trée de schémas habilement tracés au tableau, et accompa- gnée de préparations que Viallanes effectuait lui-même de- vant tous; puis la dissection commençait, et, pendant des heures, on le voyait abandonner ses lravaux de recherches pour donner des conseils:aux élèves et suivre leurs premiers ESSAIS. | Il avait du professeur toutes Les qualités essentielles : la clarté dans l'exposition, La chaleur et la correction dans le discours, l’esprit de méthode surtout, qui lui permettaient de rendre aimables et atirayantes les questions les plus arides. En somme, il ne faisait que mettre en œuvre, dans le pro- fessorat, les remarquables aptitudes dont il était doué, el qui se retrouvent à un degré au moins égal dans les mé- moires qu'il publia par la suite, principalement dans le dernier. Plein de dévouement pour les élèves, il ne leur marchan- dait ni son temps, m1 ses conseils, et cherchait par tous les 360 E.-L. BOUVIER. moyens à leur rendre moins pénibles les débuts de la science. Il avait organisé des conférences hebdomadaires qu’il prési- dait lui-même et où les étudiants apprenaïent à tour de rôle à mettre de l'ordre dans leurs connaissances et de la préci- sion dans leurs idées. Ces conférences avaient également pour objet de développer chez les étudiants le goût et l’habi- tude des études personnelles; préparées huit jours à l’avance, elles nécessitaient quelques recherches bibliographiques et une analyse approfondie de travaux récents qu’on ne trouve pas résumés dans les ouvrages classiques; c’élait comme un apprentissage des travaux préliminaires auxquels tout savant doit se livrer avant de faire des recherches, et il faut croire que la méthode était bonne, puisqu'elle a donné le goût des sciences naturelles à bon nombre d'élèves du la- boratoire. Au début, la préparation de ces conférences se trouva sin- gulièrement entravée par la difficulté qu’éprouvaient les élu- diants à se procurer les mémoires originaux ou les recueils scientifiques dont ils avaient besoin : les bibliothèques uni- versitaires n'étant ouvertes que pendant la journée, aux heures occupées soit par les cours, soit par les travaux de laboratoire, il était bien difficile d'en profiter. Ce défaut d'organisation, qui existe encore aujourd’hui, avait depuis longtemps frappé Viallanes, et pour y remédier dans la mesure du possible, il conçut le projet, avec son ami Robin — enlevé, lui aussi, prématurément à la science — de fon- der une bibliothèque des Hautes Études à l'usage du Labo- ratoire. MM. Henri et Alphonse Milne-Edwards l’encoura- gèrent dans cette idée, et créèrent le noyau de la bibliothèque en la dotant d'un certain nombre d'ouvrages importants; pour le reste, les adhérents fournirent une souscription annuelle, fort modique, et purent dès lors emporter à domicile le mémoire dont ils avaient besoin. Cette bibho- thèque a rendu des services signalés aux jeunes natura- listes qui s’associèrent aux fondateurs pour la développer; elle a même survécu à ceux-ci, et les anciens souscrip- HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 361 teurs peuvent, aujourd'hui encore, y puiser à pleines mains. En dépit de ces occupations multiples, Viallanes trouvait dans un infaligable zèle le moyen de continuer ses recher- ches et d’en entreprendre de nouvelles; il était alors d’une santé robuste, et les longues heures de travail passaient sur lui sans provoquer la fatigue. C’est alors qu'il organisa de toules pièces, avec ses propres ressources, un laboratoire de photographie microscopique, où il se plaisait à introduire tous les perfectionnements de la technique et où il trouva même le moyen d’en réaliser plusieurs ; à l’époque où il fut créé, ce laboratoire aurait pu être cité à juste titre comme un modèle, et Viallanes sut en tirer le plus heureux parti pour l’accomplissement de ses travaux. Les savants étrangers qui ont eu l’occasion d'étudier ses mémoires ont tous été frappés de l'exactitude et de la netteté des dessins qui les accompa- gnent : « [Il a mis dans ses recherches, dit M. van Reess, beaucoup de soin et d'habileté; les nombreuses figures qui les accompagnent sont suggestives et caractéristiques; elles sont la preuve de l'excellence avec laquelle un grand nombre de ses coupes ont été réussies. » Et M. Metchnikoff de son côté, dans le travail mémorable qui servit de fondement à la théorie phagocvtaire, se plaît à louer les planches de Vial- lanes, et s'en est servi comme d'arguments en faveur de la thèse qu'il a soutenue avec tant d'éclat. Cependant Viallanes, qui aimait par-dessus tout la vie d'intérieur et de famille, songeail à choisir une compagne qui pût embellir son existence et le soutenir de son affection dans ses longs et austères travaux : il fonda un foyer, et irouva dans cette union lout ce qu’il pouvait souhaiter de bonheur. C’est ici le point culminant de la carrière de Viallanes. Désormais dans la plénitude de son activité, maître des meilleures méthodes, il se consacre tout entier, par une discipline persévérante dont les exemples ne sont pas très fréquents, à la solution d’un problème des plus délicats : la conslitution exacte du cerveau des Arthropodes. Sous le titre 362 E.-L. BOUVIER. d'Études histologiques et organologiques sur les centres ner- veux et les organes des sens des animaux articulés, il donxie aux Annales des Sciences naturelles les résultats les plus im- portants de ses recherches, et inaugure ainsi une série de mémoires qu'il devait continuer jusqu'à ses derniers jours. * Ces mémoires occuperont sûrement une place des plus ho- norables dans l’histoire de la science contemporaine; ils se distinguent par une méthode et par une unité de vue remar- quables ; les idées générales y sont sagement subordonnées à l'exposition des faits, et ces derniers sont soumis à une cri- lique rigoureuse, qui ajoute encore à leur relief et à leur pré- cision. Chacun de ces ouvrages fut le résultat de longues et minutieuses recherches et demanda au moins une année de travail assidu; avec la technique dont il disposait et sa par- faite connaissance de la question, Viallanes aurait pu sans doute avancer d’une allure plus rapide, mais il était fort difficile à lui-même, et sa probité de savant répugnail aux productions trop hâlives. Plongé dans ses recherches, qui chaque jour lui offraient de nouveaux attraits, il songeait moins que jamais à mesurer ses efforts, lorsque les premières atteintes de la maladie se manifestèrent. C'était pendant la belle saison de l’année 1887. Sentant lui-même la nécessité du repos, il décida de se rendre à Villefranche-sur-Mer, où il passa l'hiver avec sa famille, dans une villégiature forcée dont il crut d’abord de- voir se louer : « Depuis mon accident de l’été dernier, écri- vait-il à M. A. Milne-Edwards, je n'ai pas eu même l'ombre d’une indisposition. J'ai donc, en somme, lieu d’être satis- fait de mon séjour ici. En revanche, au point de vue scienti- fique, mon temps a été à peu près perdu; j'ai bien entre- pris des recherches sur le déveloopement de l’œuf de la Mante religieuse, mais elles sont loin de me satisfaire et il faudra que je les complète avant de les publier. » Il trouvait d’ailleurs à Villefranche une société faite pour lui plaire, grâce à la station zoologique qui l’accueillit de son mieux; el il y noua d'agréables relations avec trois natura- HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 303 listes distingués, MM. Korotneff, Barrois et Hermann Fol. Son séjour à Villefranche ne dura guère; impressionné peut-être par un accident soudain qui y avait encore troublé sa santé, il quitta cetle ville pour n’y plus revenir. Au retour, il laissa son appartement de la rue du Val-de- Grâce et s’en alla habiter Auteuil, dans une modeste villa qui lui offrait, à certains égards, lo avantages de la campa- gne. Très épris des exercices physiques, qui convenaient bien à sa singulière activité, il éprouvait un réel bien- être à parcourir chaque jour la longue distance qui le sépa- rait du laboratoire, et sentait peu à peu renaître ses forces el son courage, Fo la mort d’un de ses enfants vint le frapper au cœur et augmenter le désir qu'il avait depuis longtemps de quitter la capitale. Ce fut là le point de départ d’un exode qui devait défini- tivement éloigner Viallanes de Paris, et donner à ses études une orientation nouvelle. Désireux de concilier les exigences d'un organisme ébranlé avec son labeur de naturaliste, il cherchait une plage maritime qui convint à l’un comme à l'autre, et il se tint pour satisfait quand il eut visité Arca- chon, où il se fixa définitivement en 1890. Le voisinage de la mer, les vastes forêts de pins plurent à son imaginalion, qu'avait toujours vivement touchée la poésie de la nature ; aussi aimait-il à décrire, dans des leltres enflammées, ses longues courses sous les grands arbres et ses excursions plus lontaines aux bords luxuriants du lac de Cazeau. En même temps que l'enthousiasme, semblait — en apparence — revenir la santé; et s’il est douteux que le climat d’Ar- cachon ait favorablement agi sur la complexion de Viallanes, on doit reconnaîre du moins que cette station maritime sut lui plaire, et qu’elle exerça sur son moral une influence bienfaisante. Ce fut la plus active période de sa vie, la plus féconde, mais, hélas! aussi la dernière; avant de s’éleindre et de Fe paraître pour jamais, ses qualités naturelles semblèrent jeter plus d'éclat, et se manifesièrent sous les formes les plus di- 304 E.-L. BOUVIER. verses aux yeux de ses amis étonnés : il resta l’anatomiste et l'histologiste habile que nous connaissions, mais il se mon- tra en outre physiologiste ingénieux, biologiste pénétrant, organisateur intelligent et pratique. À peine installé à Arcachon, Viallanes devint un des tra- vailleurs assidus de la station zoologique de l'endroit ; 1l noua des relations étroites avec M. Durègne, qui en était le directeur, et avec le président de la Société qui l'avait fondée, M. le D° Hameau. A force de zèle et de sollicitude, M. Durègne était parvenu à faire connaître et apprécier la pelite stalion, qu’il avait faite hospitalière aux naturalistes de toutes les écoles et de tous les pays; il était fier à Juste titre de la vitalité qu'il lui avait donnée, et lorsque ses de- voirs d'ingénieur l’obligèrent à résigner ses fonctions, ül pensa rendre un dernier service à la station en proposant lui-même Viallanes comme directeur : « Quand on a remis notre œuvre commune en pareilles mains, disait-il aux membres de la Société, on peut se retirer satisfait. » M. Durègne ne se trompait pas; sous la direction de Vial- lanes, la station zoologique prit une impulsion nouvelle et attira dans ses laboratoires plus de travailleurs encore que par le passé, les collections s’enrichirent, le matériel s’ac- crut d'appareils nouveaux qui permirent aux chercheurs d'étendre le champ de leurs investigations. Autant pour le profil de la science que pour propager le renom et augmen- ter les ressources de l'établissement, Viallanes chercha à améliorer et à étendre le service des envois d'animaux, et il adressa, dans ce but, à un grand nombre d’universités, de lycées et de collèges une circulaire énonçant les avanta- ges scientifiques de la station. Les demandes devinrent plus nombreuses, parce que les envois étaient plus réguliers, et M. le professeur Giard écrivait au nouveau directeur : «Je vous félicite de la bonne organisation que vous avez donnée au service des envois; à ce point de vue, le laboratoire d'Arcachon l'emporte, à coup sùr, sur tous les autres. » Mais là ne se bornait pas l’ambition de Viallanes : il vou- HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 36) lait faire d'Arcachon un centre scientifique d’un caractère tout spécial, particulièrement destiné, à la différence de tous les autres laboratoires maritimes, aux recherches physiolo- giques et océanographiques. « Nos laboratoires ont toujours exercé, disait-il, un véritable attrait sur les physiologistes ; la plupart des travaux publiés en France, dans ces dernières années, sur la physiologie des animaux marins sont sortis d'Arcachon .… Ce mouvement s’accentue d'autant plus que nous sommes actuellement la seule station maritime amé- nagée en vue des éludes physiologiques. Les laboratoires de l'État semblent, en effet, avoir élé conçus dans un but diffé- rent. Pour ne citer que les deux plus importants, Banyuls et Roscoff sont dépourvus de gaz el ne possèdent ni cana- lisation d’eau douce, ni canalisalion d'eau de mer. C’est dire les difficultés qu’on y rencontrerait, si on voulait y entre- prendre des études physiologiques. La direction dans la- quelle il faut nous développer est done toute tracée : nous devons tendre à nous organiser définitivement pour des re- cherches physiologiques. Nous possédons déjà le plus impor- tant, c'est-à-dire l'aménagement général; mais il nous reste à compléter notre outillage, encore trop rudimentaire. » En même temps il réunissait lous les instruments nécessaires aux recherches océanographiques et cherchait à attirer l’attention des pouvoirs publics sur les bienfaits de cette fondalion nouvelle : « Sans envisager les intérêts de la science pure, disait-il, à ne voir que les résultats les plus prochains, les ostréiculleurs, les pêcheurs, Lous ceux qui vi- vent de la mer n'ont-ils pas un intérêt capital à connaître les condilions physiques qui règlent, par exemple, l’époque du frai des huîtres ou celle de l’arrivée de la sardine sur nos côtes? .… La Sociétéscientiftique d'Arcachon, ajoutait-il, a eu la gloire de créer la première un laboratoire marin ; c’est à nous encore que reviendra l'honneur d’avoir pour la pre- mière fois institué, en France, un service régulier d’obser- vation océanographique.» Ce chaleureux appel fut entendu : M. Thoulet a depuis plusieurs années déjà commencé à Ar- 366 E.-L. BOUVIER. cachon d'importantes recherches océanographiques, et c’est à Arcachon, sous la direction de Viallanes, que M. Georges Roché, nommé depuis inspecteur des pêches maritimes, a entrepris ses remarquables travaux sur les relations que présentent les zones de pêches avec la nature du fond sous- marin. À côté de ces projets à demi réalisés, il en faut signaler d’autres, demeurés à l’état d'ébauche, et qui devaient par- faire l’organisation scientifique de la station. Avant visité plusieurs fois le lac de Cazeau et effectué des pêches pour en étudier la faune, il avait songé à établir sur les bords de ce lac un laboratoire annexe, et il adressa même, dans ce sens, à l’administration supérieure un rapport sérieuse- ment étudié: «Arcachon, disait-il, est à quelques minutes de chemin de fer d’un des plus beaux lacs de France, le lac de Cazeau, dont la richesse zoologique est merveilleuse. C’est là l'emplacement tout indiqué d’une station zoologique la- custre, analogue à celles qui existent déjà en Amérique, en Allemagne et en Autriche, et dont en France nous ne pos- sédons pas même les rudiments. » Plusieurs naturalistes français, MM. Chevreux et de Guerne notamment, suivirent Viallanes dans ses excursions à Cazeau et l’encouragèrent de leur approbation; mais la maladie vint, et 1l fallut remettre à plus tard l'exécution d’un projet qui, plus que tout autre, demandait un grand déploiement d’aclivité. Maintenant qu’elle a perdu le directeur qui lui donna tant de gages de son dévouement, la station zoologique d’Arca- chon se sent atteinte dans ses œuvres vives, et n’envisage pas l'avenir sans inquiétude ; mais l'impulsion qu’elle a reçue fut trop puissante pour ne pas survivre à celui qui l'avait communiquée ; et l’on peut prédire encore de beaux jours à la station, si elle sait persévérer fidèlement dans les voies que Viallanes lui a tracées. Viallanes ne s’est pas contenté de doter la station zoolo- gique d'Arcachon d’une organisation forte et vivace, il a aussi attiré sur elle l’attention du monde savant par les HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 367 beaux et nombreux travaux qu’il y prépara. Dans les con- ditions de vie indépendante où il se trouvait, près de la mer qui lui fut toujours, comme il disait, souverainement apai- sante, il oubliait les soucis tumultueux de la ville, les sourdes inquiétudes de la maladie, et devant son esprit tout un champ de découvertes s’élargissait. Il semble qu'alors la nature, auparavant aperçue par fragments, lui fut révélée dans toute son ampleur ; les mystères de la vie, qui l'avaient captivé dès son enfance, lui apparurent, en face de l'Océan, ce foyer prodigieux de l’activité organique, plus sublimes et plus troublants. Il aurait voulu voir de ses yeux, à l’exem- ple de son vénéré maître Henri Milne-Edwards, la végétation magique des fonds sous-marins, saisir sur le fait la genèse de leurs habitants, reproduire, dans leur variété et leur richesse infinie, les nuances prestigieuses et les formes bi- zarres que présentent à foison la faune et la flore de la mer. Quels paysages pour les peintres, s’écriait-il, si Les peintres connaissaient le monde des eaux! Car ïl sentait aussi en artiste cette nature qu'il analysait avec les mé- thodes précises du savant. Ses recherches sur la filtration de l’eau par les Huîtres et ses observations, en partie inédites, sur les phénomènes respiratoires chez le Dauphin, sont le fruit de cette curiosité ardente qui le poussa tout à coup vers l’élude des êtres vi- vants. [l consacra dès lors une grande parlie de son temps à la physiologie expérimentale : « C’est une science qui m'a toujours plus séduit que l’anatomie contemplative, écrivait- il à son ami M. G. Doncieux, je n'avais pu m'y adonner faute d’une inslallation et d’un outillage convenables, mais je compte bien profiter des ressources du laboratoire d’Ar- cachon pour donner maintenant libre cours à mes goûts. » Aussi bien, il apportait dans ses expériences une ingénio- sité et un savoir-faire, qu'il devait autant à ses qualités na- tives qu’à sa longue habitude des manipulations délicates : son mémoire sur la formation des images dans l’œil com- posé des Insectes et des Crustacés pourrait servir de modèle 308 E.-L. BOUVIER. à bien des expérimentateurs, tant il est conduit avec une logique serrée, tant la netteté concise de la forme s’y allie à la rigueur des déductions. Dans la voie nouvelle où il s'était engagé, Viallanes fut vivement soutenu et encouragé par M. Jolyet, profes- seur de physiologie à la Faculté de médecine de Bordeaux, qui devint bien vile son collaboraleur et son ami. Les deux savants entreprirent, sur les nerfs cardiaques du Crabe, de longues et curieuses expériences qu'ils publiaient en com- mun, il y a quelques mois à peine, dans les Annales des Sciences naturelles ; ils recueillirent aussi de nombreuses observations sur le mécanisme de la circulation chez les Crustacés, travail inachevé, mais dont on peut apprécier la valeur d’après les fragments récemment publiés par M. Jolyet dans les Comptes rendus de la Société de biologie. Ce n’est là, du reste, qu'une parlie de l’œuvre exéculée par Viallanes, on sait en combien peu d'années, dans le domaine de la phy- siologie : il laisse après lui de nombreuses ébauches, et quand ses forces vinrent à le trahir tout à fait, il s’occupait encore à réunir les matériaux d'un long et curieux travail sur l’ac- tion comparée des poisons sur le cœur des différents ani- maux. | Malgré ses nouvelles fonctions et l’ardeur qu'il déployail dans les recherches physiologiques, Viallanes s’efforca de compléter et de parfaire ses travaux d’histologie; 1l tenait par-dessus tout à l'œuvre qui lui avait coûté tant d'efforts et valu de si beaux succès; et, comme s'il eût eu un pressenti- ment de l’avenir, il s’appliquait à la parachever en hâtant les derniers mémoires qui devaient en faire un tout bien pon- déré et homogène. Heureusement pour la science, le sort lui laissa, mais avec quelle parcimonie! le temps et le courage nécessaires pour toucher au but; et il eut la Joie de voir paraître successivement son mémoire sur le développement embryonnaire de la Mante, el le sixième mémoire de la série qu'il avait consacrée aux études histologique et organolo- sique sur les centres nerveux el les organes des sens des ani- HENRI VIALLANES. SA VIE. ET SES TRAVAUX. 369 maux articulés. Ces deux mémoires couronnent le monu- ment qu'il a élevé, avec autant de talent que de patience, à l'histoire du système nerveux et à la morphologie générale des animaux articulés; ce sont les plus remarquables de cette œuvre si complexe; le dernier surtout se distingue par des vues générales et des aperçus philosophiques qui le mettent hors de pair dans la longue série des productions scientifiques de notre époque. Il était déjà frappé par l’impitoyable maladie tandis qu'il rédigeait ce mémoire, et ce n'esi pas sans une visible mé- lancolie qu'il en traça les dernières lignes : « Les résultats que je viens de faire connaître, écrivait-il, sont le fruit de dix années d’un travail assidu ; beaucoup diront : l'étape est courte; c'esl aussi mon avis. Pourtant je ne regrette pas la route suivie, puisqu'elle m'a permis de passer tant d'heures loin des réalités et d'éclairer un peu quelques points obscurs de la science. » Quand parut le travail qu’il terminait ainsi, Viallanes était au plus mal; mais il croyait à sa guérison, et il salua comme une messagère d'espérance cette brochure où il avait mis le meilleur de sa science et de son talent. Ce fut le der- nier rayon dans son ciel assombri! La maladie allait par bonds, tantôt le plongeant dans une profonde tristesse, tan- {tôt lui laissant entrevoir des jours meilleurs, promis tout entiers aux recherches scientifiques. Il imaginait alors d'autres expériences, esquissait les plans de futurs travaux, puis le poids de la souffrance l’inclinait de nouveau aux pensées douloureuses : « Est-ce assez triste! écrivait-il à l’auteur de cette nolice, mes recherches ont déjà donné de bons résullats, elles en promettent de meilleurs encore, et voilà que l'instrument me tombe des mains!....» Il avait quitté depuis longtemps le laboratoire où les longues veil- lées, les coups de vent et les embruns avaient hâté le cours de la maladie ; il dut bientôt garder la chambre, et remettre à sa compagne dévouée le soin de sa correspondance. Bien que sa faiblesse fût extrême, il demanda à être ramené à ANN. SC. NAT. ZOOL. XV, 24 370 E.-L. BOUVIER. Dijon, où il espérait encore recouvrer la santé. Il y arriva vers la fin d'avril, et éprouva une sorte de soulagement à revoir cette maison paternelle où avaient coulé si doucement les heureuses années de son enfance ; l'espoir, qui ne l’avait jamais complètement abandonné, lui revint plus fort que jamais ; il rêvait une prochaine convalescence à Marcellois, entouré de sa famille, au milieu des champs et des bois qu'il avait si souvent parcourus, quand la mort vint mettre brus- quement un terme à ces illusions de malade. Il s’éteignit le 21 mai, laissant au désespoir ses parents, sa femme el ses quatre enfants, qui recueillirent son dernier souffle. Le des- ün, qui fut pour lui si cruel, épargna du moins à son cœur le déchirement suprême de la séparation, et 1l passa de cette vie dans l’autre sans avoir eu la douloureuse faculté de sen- tir lui échapper pour jamais tous les objets de son affec- tion : sa famille, ses amis, et la science. I L'œuvre scientifique de Viallanes n’est pas de celles qu’on résume en quelques lignes; bien qu’elle ait été le résultat d'une évolution naturelle et, pour ainsi dire, méthodique de son esprit, elle offre trop de variété pour être exposée dans un tableau unique et demande à être examinée sous ses mul- tiples aspects. C'est ainsi du moins qu’elle sera envisagée dans la suite de cette notice, avec les discussions qu’elle a produites, les problèmes qu’elle a soulevés. Le propre des œuvres fortes et originales, c’est de provoquer autour d’elles les contradictions aussi bien que les critiques bienveillantes ; celle de Viallanes n'aura pas échappé à cette loi; mais si elle a eu des adversaires dans le domaine des idées, elle n’a eu que des admirateurs dans celui de l’observation. C’est le meilleur éloge qu’on puisse faire de Viallanes comme obser- vateur, et c’est aussi le témoignage le plus frappant de sa haute probité scientifique. Anaiomie des Vertébrés. — Avant de publier les Leve HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 9171 d’embryologie et d’histologie qui devaient lui donner une place si honorable dans le monde savant, Viallanes débuta dans la carrière scientifique par des recherches sur l’ana- tomie des Vertébrés. On a vu plus haut comment il fut guidé dans cette voie par les deux Milne-Edwards, et quel profit il en tira pour ses études ultérieures. Ce sont les oiseaux qui lui offrirent les premiers sujets d'observation. Il publia, en 1878, un mémoire sur le tube digestif d'un Colombidé de la Nouvelle-Zélande, le Carpo- phage Goliath, et montra que l'intestin de cet animal, quoi- que d’une brièveté extrême, peut remplir un rôle efficace dans la digestion, grâce aux valvules conniventes et aux villosités très développées qu'il présente dans toute son étendue. La même année, il consacrait un second travail à l'étude des muscles peauciers d’un autre oiseau, le Lophorina superba, et entrant de plain pied dans le domaine de l’ana- tomie comparée, il prouvait que l'appareil musculaire qui communique aux plumes céphaliques de cet oiseau des mouvements étendus, n’est point une formalion spéciale, mais se rencontre, avec un développement plus faible d’ail- leurs, chez les autres animaux du même groupe. Ce sont aussi des considérations relalives à l’anatomie comparée qui donnent de l’intérêt à son mémoire sur les glandes salivaires d'un mammifère inférieur, l’£chidna hystrix :en découvrant chez cet animal des glandes parotidiennes à très long con- duit et semblables à celles de l’Ornithorynque, Viallanes établissait sans conteste l'homogénéilé frappante de l’ordre des Monotrèmes el montrait en même temps les analogies, d'origine vraisemblablement adaptative, qui donnent à l’'Echidna hystrix quelque ressemblance avec les Fourmi- liers. Le travail sur l’Échidné parut en 1880, dans les Annales des Sciences naturelles ; s'il est le dernier que l’au- teur publia sur l'anatomie des Vertébrés, il est aussi le plus parfait; et l’on peut apprécier à sa juste valeur le talent d’anatomiste dont Viallanes était doué, en Jjelant un coup d'œil sur les planches qui servent à illustrer ce mémoire. 51e E.-L. BOUVIER. Développement post-embryonnaire des Diptères. — Quand il publia son travail sur les glandes salivaires de l’Échidné, Viallanes se sentait déjà attiré par les phénomènes mysté- rieux qui se produisent chez les Insectes, pendant cette pé- riode curieuse où la larve, transformée en nymphe, se méta- morphose en insecte parfait. Grâce aux recherches de Weis- mann sur le même sujet, on savait déjà que la plupart des tissus de Ja larve sont soumis à des phénomènes d’histolyse, c’est-à-dire de disparition progressive, et qu'ensuite se pro- duisent des phénomènes d’histogénèse dont le résultat est de reconslituer les tissus définitifs de l’adulte. C’est le lien entre ces deux processus, en apparence si différents, qu’a cherché Viallanes, et l’on peut dire que s’il n’a pas complètement résolu le problème, un des plus difficiles du développement des êtres, il en a entrevu la solution, et a mis au service de la science une foule de matériaux dont les plus éminents ob- servateurs ont reconnu depuis l'importance. | Il y a lieu d'insister particulièrement ici sur ses recher- ches relatives à l’hislolyse, non seulement parce qu'elles ont été poussées très loin, mais surlout parce qu'elles l’ont conduit à des considérations générales qui durent paraître singulièrement hasardées à l’époque où illes formula. Comme s’il avait pressenti l'importance du rôle que jouent les leu- cocytes dans les phénomènes d’histolyse et d’histogénèse, il commença ses recherches en essayant de suivre les modifi- cations et le sort des leucocytes larvaires pendant la nym- phose; il les reconnut chez la chrysalide, el les considéra, peut-être avec trop de hâte, comme étrangers à la régression histolytique. On a trop insisté sur ce fait qu'il ne les suivit point dans leurs modifications : car s’il n'a pas vu en eux les agents essentiels de la métamorphose, au moins fut-il le premier (1) à attirer l'attention sur la vraie nature de l’hys- (4) Dans un travail important, publié en 1876, sur le développement post- embryonnaire des Insectes, M. Ganin a décrit, moins complètement que Vialianes d’ailleurs, l'histolyse des muscles des Diptères, et il a vu dans certains cas Les cellules mésodermiques libres, des leucocytes, pour la plu- HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 373 tolyse chez les Insectes. Nul n'a mieux mis en relief le rôle des cellules qui prolifèrent sur les faisceaux muscu- laires, et qui les détruisent peu à peu, en les rongeant, pour se disséminer ensuile dans les cavités de l'organisme. Il a observé justement que ces cellules s'accumulent surtoul dans les découpures profondes des muscles, et il en a conclu « que c’est devant l'envahissement de ces éléments nouveaux que la substance contractile disparaît comme si elle leur servait de nourriture ». Comme st elle leur servait de nour- rilure : voilà le fait qui l’a frappé et qui l’obsède pour ainsi dire, car il revient à plusieurs reprises sur celte observa- tion, lant il trouve étrange l'existence de cellules qui ser- vent à d'autres de pâture. Depuis, MM. Kowalewsky et van Reess ont amplement démontré que ces cellules envahis- santes, au lieu d’être musculaires comme le croyait Vial- lanes (1), sont constituées par de simples leucocytes, mais ils ont absolument confirmé ses observalions sur leur rôle dans la destruction des muscles, et ils les ciltent comme des exemples démonstratifs dela faculté phagocytaire. Les figures de Viallanes, dit de son côté M. Metchnikoff, montrent très neltement que, dans la mélamorphose des mouches, les cel- lules mésodermiques (leucocytes) se nourrissent aclivement aux dépens des tissus soumis à l'histolyse. Et s’il est vrai de dire que Viallanes a pris ces leucocytes pour des cellules musculaires superficielles redevenues embryonnaires, on doit reconnaître qu'il les a considérées, à juste titre, comme de vrais phagocytes, à une époque où M. Metchnikoff, lillustre part, pénétrer dans les muscles et se nourrir de leur substance; mais pour Ganin, ces cellules phagocytaires ne joueraient qu'un rôle accessoire dans l'histolyse. Le mémoire de Ganin étant écrit en russe, Viallanes n’en a jamais connu que des fragments, et il n’a pu malheureusement vérifier l'exactitude d'une observation qu'il ignorait complètement. (1) En considérant comme des cellules musculaires superficielles rede- venues embryonnaires les cellules phagocytaires qui détruisent les muscles des Insectes pendant l'hystolise, Viallanes se trompait sur la vraie nature de ces cellules ; mais il restait néanmoins dans le domaine du vraisemblable, puisqu'on a reconnu depuis, dans beaucoup de cas, que les cellules muscu- laires superficielles peuvent jouer un rôle important dans la phagocytose. 374 E.-L. BOUVIER. fondateur de la théorie phagocytaire, n’avait pas encore pu- blié ses mémorables travaux, et où il n’était pas sans mérite d'émettre, même sous la forme hypothétique, une opinion si peu conforme aux idées jusqu'alors admises. | Beaucoup ont considéré comme plus téméraire encore l'assimilation que fit Viallanes des phénomènes inflamma- toires avec ceux qu'on observe dans l’histolyse. Tandis que Samuel et Cohnheim attribuaient, comme aujourd'hui en- core la plupart des médecins, l’inflammation à une lésion de vaisseaux, qui deviendraient plus perméables et permettraient le passage des liquides et des globules sanguins, Viallanes attaque de front cette théorie et lui en oppose une autre singulièrement plus féconde. « Quand on irrite un tissu carlilagineux, osseux, conjonc- tif, etc., dit-il, celui-ci se détruit en obéissant à des lois générales parfaitement connues. Chaque cellule subissant une évolution régressive revient à l’état de cellule embryon- naire, et prolifère activement; devant l’envahissement de cet essaim de cellules nouvelles, la substance intercellu- laire est absorbée, e/le semble leur servir de pâture. Quand elle a complètement disparu, le tissu n’est plus représenté que par un amas de cellules embryonnaires. « En étudiant le mode de destruction des muscles de la larve, nous avons assislé aux différentes phases d’un pro- cessus assez analogue; en effet, nous voyons chaque élé- ment cellulaire du faisceau devenir une cellule vraie, puis celle-ci proliférer activement, la substance contractile se résorbant devant l’envahissement de ces éléments jeunes, . comme si elle était mangée par elle, et enfin disparaître en entier pour être remplacée par la masse des granules pro- duits qui se mulliplient sans cesse. « On se demandera sans doute pourquoi j'ai élé chercher mes termes de comparaison dans la pathologie du tissu osseux, cartilagineux, etc., au lieu de m'adresser à celle du issu musculaire, qui doit nous intéresser plus directement. C’est que la myosite franche, l’inflammation du faisceau HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 914 primitif lui-même, est un processus rare; bien moins connu, et qu'il est difficile de déterminer expérimentalement. Mais si peu nombreuses et si peu détaillées que.soient les observa- tions que j'ai pu trouver à ce sujet, elles suffisent amplement à nous montrer que la nature procède de même, qu'il s'agisse de détruire le tissu musculaire d’une larve pour obéir aux lois physiologiques du développement, ou bien que ce soit celui d’un animal quelconque qui doive disparaître sous l'influence d’une cause morbide. » On sait aujourd’hui que les cellules embryonnaires dont parle Viallanes ne tirent point leur origine des tissus qu’elles consomment, et que ce sont tout simplement des cellules amiboïdes irrégulières, des leucocytes pour la plupart, qui s'accumulent aux points enflammés ou en voie d’histo- lyse; mais cette rectification une fois faite, on est frappé par la hardiesse et l'exactitude des vues qu’émet si simple- ment l’auteur. Tous ceux qui ont lu les admirables lecons de M. Metchnikoff sur /a Pathologie comparée de l’inflam- mañon, en seront frappés; et s'ils se rendent un compte exact de l'influence que doit fatalement exercer sur les sciences naturelles en général, et sur la médecine en parti- culier, la théorie phagocytaire, ils se plairont à accorder un juste tribut d'éloge au jeune savant qui, au début de sa carrière, apporta le premier sa pierre au magnifique monument que M. Metchnikoff a depuis élevé à la science. Une fois disséminées dans l’intérieur du corps de la nym- phe, les cellules phagocytaires, maintenant bien nourries et riches en réserves nutrilives, abandonnent leurs réserves, ainsi que l’ont observé MM. Kowalewsky et van Reess, aux tissus persistants qui reconstitueront, par histogénèse, les organes définitifs. Ces tissus ont été désignés sous le nom de disques imaginaux et forment, dans chaque segment du corps, des masses sous-hypodermiques symétriquement situées et au nombre de quatre ; d’abord isolées et réduites, ces masses s'étendent peu à peu et deviennent confluentes, constituant alors la peau définitive et la plupart des organes 316 E.-L. BOUVIER. de l'adulte. Avant Viallanes', on connaissait parfaitement les disques de la tête et du thorax, mais l'abdomen paraissait en être dépourvu, .et l’on attribuait à l'abdomen de l'adulte une origine lrès différente de celle des autres parties du corps. Viallanes montra qu'il n’en est rien . « Il fut, dit Kowalewsky, le premier qui considéra comme de vrais disques imaginaux les épaississements hypodermiques de l’abdomen larvaire », et en comparant ces disques avec ceux de la tête et du thorax, il put tirer cette conclusion importante, que la reconstitution du corps tout entier de l’adulte s'effectue, dans les nymphes, suivant un mode unique dont les variations n’ont qu'une importance tout à fait secondaire. | Le système nerveux des Arthropodes. — Les recherches de Viallanes sur le développement des Insectes devaient l’entraîner dans une voie différente, et qu'il a parcourue avec fruit : l'étude du système nerveux des Arthropodes dans sa structure intime, et surtout dans ses rapporls avec la morphologie du corps. On peut dire que la plus grande partie de sa carrière scientifique a été consacrée à la solu- tion de ce problème très complexe, sur lequel il n’a pas. publié moins de treize notes et dix mémoires importants. Les exemples ne sont pas nombreux, de savants qui s’atta- chent, avec une telle persistance, aux questions les plus ardues et aux tâches les plus délicates; 1l faut un amour peu commun de la science, de l'esprit de suite, beaucoup de méthode, et surtout, ce qui est plus rare, un grand désinté- ressement, pour ne pas se rebuter de recherches qui sont du domaine de la science pure, et qui, même couron- nées de succès, ne provoquent point de retentissants éclats. Mais le désintéressement et la persévérance, comme la pré- cision et l’honnêteté scientifiques, étaient les qualités mai- tresses de Viallanes ; rencontrant sur son chemin un terrain âpre el hérissé d'obstacles, auquel maints naluralistes s’é- taient attaqués sans profit, 1l se mit résolument à l’œuvre, et, vaillant pionnier, ne l’abandonna qu'à la mort, après avoir HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 371 goûté toutefois la satisfaction à laquelle il tenait le plus, celle d’avoir fait œuvre utile en renversant les obstacles qui embarrassaient la route. Ses recherches sur la structure intime du système nerveux des Arthropodes touchent aux points les plus déli- cats de l’histologie ; les principales ont trait aux poils sensoriels qu'on observe sur le corps des Insectes et aux terminaisons nerveuses dans les muscles de ces animaux. Il établit le premier une distinction entre les lerminaisons nerveuses dans les muscles composés et celles dans les muscles simples; chez les premiers, dil-il, le cylindre-axe perce le sarcolemme et « émet des branches pour en former une arborisation terminale analogue à l’arborisalion terminale des Vertébrés » ; chez les seconds, au contraire, «il se décompose en fibrilles constitutives qui se divisent comme les poils d’un pinceau ». Il a, mieux que tout autre, débrouillé la structure extraordinairement compliquée des centres nerveux des Arthropodes en suivant, avec une palience infinie, les cylindres-axes issus des cellules ner- veuses; et c'est surtout à lui qu’on doit d’avoir aujourd'hui des notions à peu près exactes sur la fameuse substance poncluée, qui à si fort intrigué les observateurs, et qui se compose, en réalité, de cylindres-axes très fins, très irré- guliers de direction et groupés en un fouillis remarquable- ment serré. Le mot de substance ponctuée doit disparaître, observe-t-il justement, car il exprime seulement l’appa- rence grossière sous laquelle se moniraient, sur des coupes, certaines régions, avant qu'on eût appliqué à leur étude des méthodes convenables. Dans un autre mémoire : Sur quelques points du dévelop- pement embryonnaire de la Mante religieuse, il a singulière- ment modifié les idées relatives à l’origine des cellules nerveuses, en montrant qu’elles ne sont pas, comme on le croyait jusqu'alors, de simples cellules ectodermiques diffé- renciées : on voit bien, dit-il, le système nerveux se former aux dépens de deux bourrelets longitudinaux de cellules S 1. E.-L. BOUVIER, ectodermiques, mais ces cellules se divisent en deux couches, les unes superficielles, qui formeront l’hypoderme sous-jacent, les autres profondes qui donneront naissance aux cellules nerveuses, pour disparaître ensuite par dégéné- rescence. Viallanes attachait beaucoup de prix à cette découverte, qu'il eut, d’ailleurs, le plaisir de voir presque immédiatement confirmée en Amérique par M. Wheeler, et en Allemagne par M. Graber. | Les recherches de Viallanes sur la structure intime du cerveau des Crustacés et des Insectes ont été poussées très loin et représentent cerlainement, dans l’état actuel de la science, le plus bel ensemble d'observations méthodiques qu'on possède sur ce sujet difficile. La plupart de ces études sont des monographies très soignées, où la rigueur dans la description n’est égalée que par la précision des figures et par la critique serrée et judicieuse des observations. « Il faut, disait-il, avant de discuter, rassembler d’abord des do- cuments, c’est seulement ce que je m'’efforce de faire. Si J'ai adopté le style monographique, c'est pour ne pas m'exposer à détruire l'intérêt qui s’attachera un jour aux faits en mas- quant ceux-ci sous des généralisations hasardées. » Mais, après avoir étudié successivement le ganglion optique de la Langouste, de la Libellule et de plusieurs Diptères, lors- qu'il eut débrouillé l’organisation incomplète du cerveau des divers Insectes et consacré plusieurs mémoires au déve- loppement de cet organe, il crut arrivée l'heure de la synthèse, et dans son dernier mémoire, qui est une sorte de testament scientifique, un coup d'œil jeté sur le che- min parcouru, il expose en quelques pages saisissantes de clarté un ensemble d'idées générales sur la struc- ture et la morphologie comparée des centres nerveux céphaliques des Insectes et des Crustacés. Ces pages sont accompagnées de figures schématiques remarquablement soi- gnées ; et l’on doit en recommander la lecture, non seulement aux naturalistes qui voudraient se rendre un compte exact de ce qu'a fait Viallanes, mais surtout aux étudiants et aux HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 379 chercheurs, qui ont intérêt à connaître la structure des centres nerveux des Arthropodes et ses rapports avec la morphologie céphalique de ces animaux : tous les liront avec intérêt, el l’on peut assurer qu'elles trouveront leur place, presque sans modifications, dans les traités généraux de z00- logie et d'anatomie comparée. Ce n’est point ici le lieu de résumer les nombreuses découvertes de Viallanes sur la structure intime du cerveau des Arthropodes; il suffil de dire qu'il a utilisé ces décou- verles pour homologuer complètement le cerveau des Insectes à celui des Crustacés, et pour établir, d'une ma- nière qui me paraît bien définilive, la morphologie cépha- lique de ces animaux. Celte question a suscilé les travaux et les hypothèses des plus illustres naturalistes du siècle depuis Audouin et H. Milne-Edwards jusqu’à Strauss- Dürckheim et Huxlev. « Les naturalistes qui m'ont précédé ont formulé, dit-il, sur la morphologie du squelelte cépha- lique des Insectes un grand nombre d'hypothèses: je dirai même que toutes les hypothèses imaginables ont été épui- sées, car il m'a-paru impossible d'en imaginer une, si extra- vagantie qu'on le voudra, qui n’ait déjà été émise et défendue. Toutes ces hypothèses, ajoute-t-il, sont appuyées seulement sur l’examen du squelette céphalique, leur multiplicité démontre surabondamment que l'étude exclusive de celui-ci est insuffisante pour entraîner la conviction.» Et il s’adressa, pour résoudre la question, non seulement au développement, comme avait déjà tenté de le faire M. Künckel, mais aussi à tous les détails de l’organisalion interne. Pour Viallanes, le cerveau des Insectes se compose de trois paires ganglionnaires, procérébron, deutocérébron et tritocérébron, qui correspondent, point pour point, aux trois paires beaucoup plus évidentes qu’on avait signalées avant lui chez les Crustacés supérieurs. Aux trois paires ganglionnaires correspondent trois segments céphaliques, qui sont tous trois prébuccaux chez l’adulle, mais dont les deux premiers appartiennent seuls en réalité à la région 380 E.-L. BOUVIER. prébuccale. La première paire ganglionnaire (procérébron, innerve les organes du premier segment, les yeux; la se- seconde (deutocérébron) envoie des nerfs aux antennules des Crustacés ou aux antennes des Insectes; enfin la troisième (Lrilocérébron) innerve les antennes de la première paire et le labre chez les Crustacés, le labre seul chez les Insectes, les antennes de la deuxième paire ayant disparu chez ces animaux. C'est surtout à l'étude comparative minutieuse de la troisième paire ganglionnaire, celle qu'il appelle le tritocérébron, que Viallanes doit d’avoir pu établir d’une manière rigoureuse la morphologie céphalique des Insectes el des Crustacés; mais on n'a pas prêlé, il me semble, suffisamment d'attention aux arguments dont il s’est servi pour justifier ces homologies. C’est ainsi que dans les traités de zoologie ou d'anatomie comparée, même les plus récents, on voit loujours désignés sous le nom de ganglions mandibu- laires, les deux ganglions qui sont situés sur les connectifs œsophagiens au voisinage du point où se termine la com- missure transversale post-æsophagienne. Or Viallanes a dé- montré sans conteste que ces prétendus ganglions mandibu- laires sont destinés au labre et sans relation aucune avec les mandibules; qu'ils constituent un lobe postérieur isolé du tritocérébron chez les Crustacés; que ce lobe est soudé au cerveau et représente à lui seul le tritocérébron chez les Insectes, tandis qu'il en existe un second, uni au cerveau celui-là, qui est destiné aux antennes de la deuxième paire chez les Crustacés supérieurs. Quelles que soient d’ailleurs la forme et ia complexité du tritocérébron, il est toujours d’origine post-buccale comme sa commissure, qui est repré- senltée par la commissure post-œsophagienne signalée plus haut, et qui conserve indéfiniment sa siluation post-buccale primitive. Les homologies précédentes sont passées et resteront dans la science, mais elles se rattachent à quelques autres qu'on a vivement contestées et sur lesquelles, dès lors, 1l ne sera pas inutile d’atlirer l'attention. A l'exemple de Milne- HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 381 Edwards et de beaucoup de zoologistes, parmi lesquels il y a lieu de citer notamment M. Reichembach, Viallanes consi- dérait les pédoncules oculaires des Crustacés décapodes comme les appendices modifiés des premiers segments du corps; celte opinion a été combattue par plusieurs natura- listes, parce qu'elle est une de celles qui se prêtent le mieux aux divergences ; mais on à eu le tort de déplacer la question en ratlachant la segmentation de la tête au nombre des appendices qu’elle porte; il est clair, en effet, que la mor- phologie de cette région du corps est tout à fait indépen- dante du nombre des appendices céphaliques, car les seg- ments terminaux d'un animal, aussi bien en avant qu’en arrière, sont toujours beaucoup plus modifiés queles autres, et quand même ils seraient dépourvus d'appendices dis- lincts, on n'en saurail conclure qu'ils ne représentent pas des segments primilivement autonomes. C’est aussi l'opinion qui paraît devoir prédominer aujourd'hui, et, à ce point de vue, Viallanes ne s’est pas trouvé en désaccord avec la ma- jorité des naturalistes contemporains ; mais ses conclusions relatives à la position première du deuxième segment céré- bral, celui qui porte les antennules chez les Crustacés et les antennes chez les Insectes, n'ont pas joui de la même faveur. Pour tous les embryologistes ce segment est d'origine post- buccale, tandis que Viallanes le juge à tous égards nettement prébuccal; si bien que, si l’on admet l'interprétation de ses contradicteurs, on trouve que la partie prébuccaledelatêtene comprend pas plus d’un segment, au lieu qu’elle en compren- drait deux pour Viallanes. Si cette dernière interprétation pouvait passer pour inexacte, l’auteur de cette notice le dirait fort nettement ici, sachant combien Viallanes esti- mait la franchise; mais il ne paraît pas que les auteurs de l'opinion contraire, c’est-à-dire, actuellement, tous les zoologistes, aient apporté à l'appui de leur dire des argu- ments suffisamment fondés. L’ébauche des ganglions du deuxième segment céphalique et de ses appendices appa- raît, disent-ils, en arrière de l’œsophage; mais Viallanes à 382 E-L. BOUVIER. eu soin de faire remarquer qu’au début cette ébauche est située sur les côtés de la bouche, qu'elle passe plus tard en arrière, et que, dans tous les cas, ces deux moiliés sont réunies par une commissures prébuccale. On ne saurait nier, ajoute-t-il, que les appendices du deuxième segment appartiennent à la même partie du corps que les ganglions auxquels ils correspondent, et comme ces derniers sont re- liés par une commissure prébuccale, le segment qui le porte doit être lui-même considéré comme prébuccal. Ces argu- ments paraissent sans réplique, et l’on peut croire que les nombreux et savants contradicteurs de Viallanes seront amenés, par de nouvelles recherches, à se ranger à son opinion. Quoi qu'il en soit, on n’en est pas moins conduit à con- clure que la tête des Insectes, comme celle des Crustacés, se compose de six segments successifs et fusionnés, dont les trois antérieurs portent respectivement les yeux, les an- tennes de la première paire, et les antennes de la deuxième paire quand elles existent (comme c’est le cas chez les Crus- tacés); tandis que les trois postérieurs portent les mandi- bules et les deux paires de mâchoires ; la Ièvre inférieure des Insectes et son homologue, le labre des Crustacés, ne sont pas des appendices et appartiennent au troisième segment. Ces conclusions sont acceptées aujourd’hui par la irès grande majorité des naturalistes, et plusieurs d’entre eux, M. Saint- Rémy d’un côté, MM. Carl Vogt et Yung de l’autre, ont même adopté la nomenclature proposée par Viallanes. M. Saint-Remy a étendu aux Myriapodes les observations de Viallanes relatives aux Crustacés et aux Insectes, mais 1l a trouvé que le cerveau des Arachnides ne comprend que ‘deux paires ganglionnaires, ce qui réduirait à cinq segments, au lieu de six, la région céphalique de ces animaux. Vial- lanes n’a pas étudié les Arachnides proprement dits, mais il a consacré sa dernière étude monographique à la descrip- tion du cerveau de la Limule, qu’il a trouvé semblable à celui des Arachnides, au moins par le nombre des paires HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 383 ganglionnaires. Les recherches de Viallanes sur la Limule doivent compter parmi les plus belles et les plus originales de son œuvre; on a dépensé beaucoup de temps et de pa- tience à l’étude des centres nerveux de cet animal sans y pouvoir trouver, à un degré aussi grand, des ressem- blances fondamentales avec ceux des autres Arthropodes. Pour interpréter exactement les diverses parties du cerveau d’un animal aussi aberrant, et notamment ses corps pédon- culés qui sont énormes et ramifiés, il fallait une connaissance profonde, et que nul ne possédait mieux que Viallanes, de l'anatomie microscopique des autres animaux du même groupe. De ses recherches sur la Limule, et de celles de M. Saint- Rémy sur les Arachnides, Viallanes a conclu, comme les observateurs plus anciens, que les chélicères de ces animaux sont les homologues des antennules des Crustacés et des an- tennes des Insectes, encore qu'elles ne jouent aucun rôle dans l’olfaction. Cette opinion sera sans doute très vivement critiquée, aujourd'hui surtout que la mode semble être de considérer ces appendices comme des mandibules. Si nous observons toutefois que des zoologistes très sérieux, et de ceux qui connaissent le mieux l’organisation des Arthropodes, M. Saint-Remy d’un côté, MM. Korschelt et Heider de l’autre, font des chélicères les homologues des antennes des Crustacés, on voit qu'il y a lieu de ne pas considérer sans un examen sérieux les chélicères comme des mandibules. Bien plus, il semble que l’interprétation de Viallanes soit plus voisine de la vérité que toutes les autres; on sait en effet que les antennes des Insectes et les antennules des Crustacés sont innervées par la deuxième paire ganglionnaire dont la commissure est prébuccale; or, les ganglions des chélicères sont aussi réunis par une commissure ainsi placée, et cette commissure est même plus nette dans la Limule que dans les autres groupes d’Arthropodes, puisqu'elle est complètement isolée, ainsi que Viallanes a pu s’en convaincre par de soi- gneuses dissections. 384 E.-L. BOUVIER. Comme conclusion de toutes ses études sur l’organisation et notamment sur le système nerveux des Arthropodes, Vial- lanes a proposé une nouvelle classification de cet embran- chement qu'il divise en Anfennés et en Chélicérés, suivant que les antennes de la première paire sont de vraies antennes olfactives ou de simples chélicères. Dans le deuxième groupe se rangent la Limule et les Arachnides; dans le premier, les Myriapodes, le Péripate et Les Insectes, qui forment la subdi- vision des Biantennés, puis les Crustacés qui se rangent dans la subdivision des Quadriantennés. Cette classification est certainement très logique, au moins en ce qui concerne la Limule et les Arachnides, que Ray Lankester avait, en 1881, déjà proposé de réunir dans un même groupe; mais Vial- lanes à eu tort de dénier toute valeur systématique à l’appa- reil respiratoire des Arthropodes, car il est de toute évidence que les Crustacés, dont l'habitat est essentiellement aqua- tique et qui réalisent d’ailleurs le type le plus primitif des Arthropodes, forment la base de l’embranchement tout entier, et qu'ils ont servi de point de départ aux Chélicérés d’un côté, aux Biantennés de l’autre. La classification des Arthropodes en trois groupes, dont un pour les Crustacés, paraît s'imposer dans l'état actuel de nos connaissances ; mais il faut savoir gré à Vialianes d’avoir montré quels animaux doivent se ranger dans ces groupes, et comment tous ont conservé, malgré leurs genres d'adaptation très di- vers, une même structure morphologique fondamentale. Passant du cerveau au système nerveux central, Viallanes s’est efforcé de saisir les lois qui régissent les modifications de cette partie importante de l'organisme, et il a réussi à en formuler de beaucoup plus générales que ses prédécesseurs. Dans une étude sur le système nerveux central des Crustacés décapodes, l’auteur de cetle notice avait observé que la con- centration longitudinale de la chaîne ganglionnaire est inverse de la concentralion transversale ; Viallanes montre que ce principe s'applique en effet à un très grand nombre de cas, notamment au groupe mentionné plus baut, mais HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 38) qu'il n’est pas général et que la condensation de la chaîne nerveuse des Arthropodes est soumise à des lois quon peut formuler de la manière suivante : « 1° une chaîne ner- veuse dilatée longitudinalement ne représente jamais un état primitif, car elle résulte de l’étirement de connectifs tou- jours très courts chez l'embryon; 2° une chaîne nerveuse longiludinalement concentrée peut résulter : soit de la per- sistance d’une condition embryonnaire, soit du raccourcis- sement effectif d'une chaîne qui s'était dilatée pour salis- faire aux exigences de la vie larvaire. » La justesse de ces conclusions ne sera contestée par personne; elles résument en quelques lignes le plus clair de nos connaissances sur le système nerveux des Arthropodes, et comme telles pourront utilement servir de point de départ aux recherches futures. Les yeux composés chez les Arthropodes. — Les mémoires de Viallanes sur le système nerveux central des Arthropodes ne se limitent pas aux questions précédentes : presque tous ont également trait à l'étude du bulbe optique qui met l’œil en relation avec le cerveau; d’autres, d’un caractère plus spécial, s’occupent exclusivement de la structure et des fonc- tions de l'œil. C’est en traitant du développement post-embryonnaire des Insectes qu'il à été conduit à s'occuper de l’œil et du bulbe optique, dont il a décrit brièvement la structure et bien plus longuement l’ontogénie. Il a consacré à cette étude une grande parlie de sa thèse, et malgré la difficulté extrême du sujet, il a pu, comme l’a fait remarquer M. van Reess, arriver à des résultats d’une réelle importance. Ces résultats sont trop techniques pour être relevés ici : il suffira de dire que Viallanes à décrit dans sa thèse les parties fort compliquées qui composent l'appareil visuel; qu'il a retrouvé dans les larves aveugles toutes les parties qui constituent l'appareil de l'adulte clairvoyant; enfin, qu'il a montré com- ment ces parties s’éloignent progressivement du cerveau et ‘acquièrent peu à peu leur structure et leur disposition défi- nitives. AN. SC. NAT+ ZOOL. XV, 25 386 E.-L. BOUVIER. Depuis, 1l put reprendre l'étude de ces organes chez l'a- dulte et contribua plus que tout autre à faire connaître les détails intimes de leur organisalion. À l’époque où Viallanes effectua ses recherches sur l'œil des Arthropodes, un natu- raliste américain, M. W. Patlen, venait de publier, sur la morphologie de l'œil des Crustacés et des Insectes, un vo- lumineux travail qui semblait de nature à renverser de fond en comble les doctrines classiques que M. Grenacher avait intro- duites dans la science. Ce travail fit grand bruit : « Les na- turalistes, dit Viallanes, qui avaient quelque notion des dif- ficullés du sujet, réservèrent leur opinion; les autres, séduits par tant de nouveautés, accepièrent avec empresse- ment les conclusions de M. Patlien, qui trouvèrent place jusque dans les ouvrages de vulgarisation. » Viallanes, il est à peine besoin de le dire, resta prudemment sur la réserve, non pas que les nouveautés l’effrayassent, mais parce qu'il se trouvait en présence de recherches qui n’entraînaient point, tant s’en faut, immédiatement la conviction. L’œil com- posé des Arthropodes, d’après les observations de M. Gre- nacher, se compose, comme on sait, d'une infinité d’yeux élémentaires ou ommatidies, qui comprennent chacun de dedans en dehors uné cornée, des cellules cristalliniennes, de longs cônes cristalloïdes, et enfin une rélinule dont les relalions avec les centres nerveux n'avaient pas été fixées jusqu'alors; pour M. W. Paiten, au contraire, l'ensemble des cellules cristalliniennes, des cônes et de la rétinule ne formerait qu'une seule assise cellulaire, douée d’ailleurs de propriélés réliniennes, puisque les fibres nerveuses vien- nent s'épanouir dans la région externe correspondant aux cônes cristalloïdes. Ces cônes, en d’autres termes, au lieu de former un organe de réfraction analogue au cristallin, n'étaient plus, pour M. Patten, qu'un organe récepteur sensible à la lumière. En présence de ces observations, qui différaient étrangement de celles qu'il avait pu faire, Vial- lanes reprit l'étude de l'œil des Arthropodes, et put non seulement établir la justesse des vues de Grenacher, mais HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 387 trouver chez la Langousle les terminaisons nerveuses que n'avait pas aperçues ce dernier : elles sont situées à l’inté- rieur des cellules rétiniennes et non dans le cristallin, qui est bien réellement un simple appareil de réfraction. Ces résul- tats, et quelques autres de moindre importance, étaient le fruit d’un long et consciencieux travail dont il pouvait à bon droit être fier ; il n'hésita pas cependant à en abandonner tout le profit quand il sut qu'un autre Américain, M. Parker, l’a- vait devancé de quelques mois dans celte étude. Si cet inci- dent est relaté ici, ce n’est pas pour en faire à Viallanes un hommage que sa probité scientifique n'aurait point accepté, mais bien pour mettre en évidence la rigueur de ses obser- vations et le coup qu'elles ont porté à la théorie de M. Patten. Dans un mémoire annexé au précédent, on rencontre d’ailleurs quelques aperçus nouveaux, dont des recherches ultérieures permettront seules de déterminer l'importance. Ce mémoire est consacré à l'étude de la lame ganglionnaire de la Langouste, c’est-à-dire à l'étude histologique de la calolte nerveuse qui s'interpose sur le trajet des cylindres- axes à la base de l'œil. Dans cette lame ganglionnaire, Vial- lanes a signalé des organes spéciaux, constilués par un pro- toplasma aréolaire, qui répondent chacun à une ommatidie et qui sont traversés respectivement par le paquet des cylin- dres-axes de l’ommatidie correspondante. Entre ces organes, qu'il appelle neuwrommatidies, circulent les rameaux d'un riche plexus nerveux dont les fibres extrêmes sortent de la lame pour gagner les centres plus rapprochés du cerveau. Le rôle de ces organes est resté Jusqu'ici inconnu ; mais Viallanes a proposé, pour en expliquer le fonctionnement, une hypothèse ingénieuse dont le principe, vraisemblablement rationnel, est l’action que doivent exercer à distance les cylindres-axes excités sur le protoplasma des ommatidies et sur les fibres nerveuses avoisinantes. Au reste, si Viallanes n’a pas abusé des hypothèses, 1l se rendail un compile exact du rôle important qu'elles jouent dans la science. « Si j'en propose une, écrivait-il, c'est que les vues de l’espril sont utiles pour 388 E.-L. BOUVIER. grouper les faits acquis, et que souvent elles suscitent des recherches nouvelles. » Physiologie expérimentale et biologie. — I] aimait trop, d’ailleurs, les solutions précises pour s’en tenir aux hypo- thèses, et il n’était pas fait pour vivre dans les abstractions de la zoologie purement spéculative. Le jour où, installé à Arcachon, il voulut saisir et comprendre l’animal vivant et agissant, on put prévoir qu'il ne se bornerait pas à l’ob- servation passive des faits, et qu’il mettrait au service de la physiologie expérimentale les ressources de son esprit ingé- nieux et son impatiente activité. Dans la voie nouvelle où il s'engagea, avec combien d’habileté! il sut, comme tou- jours, s'éloigner des ornières; et tandis que la plupart des physiologistes s’efforcaient de résoudre les problèmes de la vie chez les Vertébrés supérieurs, lui, plus hardi et bien mieux avisé, s'adressa aux êtres à structure plus simple, et s’'attaqua résolument à l’étude des Invertébrés. Son premier travail physiologique se ratiache, par une filiation toute naturelle, aux études anatomiques qu'il avait si bien cultivées; il est le complément nécessaire de ses re- cherches sur l’œil des Arthropodes, et comprend de nom- breuses et très précises observations sur les conditions phy- siques de la vue chez les Insectes et les Crustacés. Ce court mémoire est un modèle de précision dans l’expérience et de clarté dans les déductions ; comme Exner, qui l’avait pré- cédé dans cette voie, il trouve que l'œil composé des Ar- thropodes, en raison de l’étroitesse des ommalidies, n’a pas besoin d’accommodation, qu’il est moins propre à aper- cevoir les objets de petite dimension que celui des Vertébrés, et qu'il doit donner aussi des images moins lumineuses et partant moins neltes; mais il établit en même temps que la mulliplicité des ommalidies, orientées dans diverses directions, doit en revanche le rendre plus propre à perce- voir le relief des corps et plus sensible aux déplacements de ces derniers. Il montra, en outre, que l'œil des Crustacés diffère essentiellement de celui des Insectes par la longueur HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 389 du foyer des milieux refringents, et par la présence d’un corps vitré qui vient s'interposer entre le cristallin et la ré- tinule. Ces corps vitrés étant confluents, tandis que les cristallins sont séparés les uns des autres par une gaine pigmentaire, Viallanes put, grâce à cette disposition, don- ner la caractéristique de l’œil composé dans l’un et l’autre groupe : « Un appareil constilué, disait-il, par une associa- tion de chambres noires indépendantes accolées l’une à l’autre, fournirait une association d'images séparées par des espaces obscurs, comme le sont les images rétiniennes des Insectes; un appareil formé d'une chambre noire unique, pourvue d'objectifs multiples, donnerait des images séparées par des pénombres, comme c’est le cas pour les images rétiniennes de Crustacés. » C’est encore aux centres nerveux qu'il a consacré, en col- laboration avec M. Jolyet, son second travail physiolo- gique, mais il a porté cette fois son attention sur les crabes et étudié les relations qui existent entre les centres nerveux et le cœur chez ces animaux. Le cœur des crabes est pourvu de nerfs frénateurs et de nerfs accélérateurs, dont l’origine a été très exactement fixée par les auteurs; les premiers naissent de la partie antérieure de la chaîne nerveuse, au niveau des ganglions mandibulaires et maxillaires, les. seconds un peu plus en arrière, c'est-à-dire des ganglions maxillaires postérieurs et de ceux qui sont en relation avec la première paire de pattes; au reste, ces nerfs n’ont pu être complètement suivis, et la méthode expérimentale seule a indiqué leur existence aux deux habiles physiologistes. Le travail précédent est consacré tout entier à la physio- logie pure; il fut bientôt suivi d’un autre, non moins re- marquable, où l’expérimentation plus simple, mais toujours ingénieuse, conduisit à des conséquences pratiques inté- ressantes, en même temps qu'à des considérations scientifi- ques d’un ordre élevé. Au laboratoire d'Arcachon, où furent effectuées toutes ces recherches physiologiques, Viallanes se trouvait placé. dans un milieu des plus favorables pour 390 E.-L. BOUVIER. étudier de près les pratiques de l’ostréiculture ; il eut vile fait de les connaître et d’en apprécier les côtés défectueux, mais il se garda de toute critique et se con- tenta, ce qui valait bien mieux, de chercher à les faire: disparaître. Avant observé que les Huîtres et les Moules: ont le pouvoir de précipiler rapidement, sous forme de grumeaux agglutinés, les matières suspendues dans l’eau qui constamment les traverse, il détermina par l’expé- rience la puissance de filtration de ces divers animaux et il trouva qu'une Huître française de dix-huit mois filtre cinq fois moins d’eau qu'une Huître portugaise du même âge, et trois fois moins qu'une Moule de taille moyenne. « Au point de vue ostréicole, disait-il, ces résul- {ats ont une grande importance; ils expliquent la cause du dépérissement des Huîtres dont les parqueurs se plaignent depuis quelques années et en indiquent le remède. IL y a dix ans environ s'est introduite à Arcachon la pratique qui con- siste à soutenir les digues des parcs à l’aide de cloison- nages de bruyère; ces derniers n’ont point tardé à se couvrir d’une population de Moules qui, pour le bassin, peut être estimée à plus de trois milliards. Ces animaux, dont l’impor- tance commerciale est nulle, font aux Huîtres une concur- rence que personne ne soupeonnait, puisqu'à eux seuls ils dépouillent de toutes particules nutritives un volume d’eau qui en contient assez pour alimenter neuf milliards d'Huîtres fran- çaises.» Etilconcluait à la suppression des Moules et des Hui- tres portugaises dans tous les parcs où l’Huître française peut se développer. « Les mêmes chiffres permeltent de compren- dre, disait-ilencore, l'importance du rôle queles Huîtres et les Moules ont joué et jouent encore dans l’économie des mers et l'édification des continents. Ces Mollusques qui, mieux que d’autres, supportent les changements de salure, constituent des colonies souvent immenses, élevées comme des barrières aux confins des eaux marines el des eaux fluviales. Ce sont des fillres puissants chargés de dépouiller ces dernières des matières solides qu’elles apportent à l'Océan. » Ces recher- HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 391 ches, ajoute-t-il, «expliquent certaines modifications éprou- vées pendant des durées de temps très limitées par des re- liefs marins; enfin elles montrent combien il serait impru- dent de considérer l'épaisseur respective de deux couches, même voisines, comme un Critérium du temps qu'elles ont mis à se créer ». Encouragés par les succès qu'il avait obtenus, et captivé aussi par l'observation des phénomènes vitaux, Viallanes se jeta de plus en plus dans cette voie nouvelle, où son esprit pénélrant trouvait davantage à s'exercer. Quoique frappé déjà par le mal qui devait l'emmener, il esquissait des plans de recherches et poursuivait au laboratoire de pénibles et palientes observations que la mort ne lui a pas permis d'achever. L'automne dernier, un Cétacé d'espèce rare, le Tursiops tursio, fut capturé vivant à Arcachon et élevé pen- dant trois mois dans le bassin du laboraloire ; 1l recueillit sur cet animal de nombreuses observations qu'il a dû classer pour en faire un manuscrit, puisqu'il demandait alors à Paris des renseignements bibliographiques sur nos connais- sances relatives aux habitudes des Cétacés vivants. Mais il ne put mener à bien celte dernière tâche, et c’est à son ami et collaborateur, M. Jolyet, que nous devons de connaître une partie des résultats auxquels il était arrivé. Notes et travaux divers. — En dehors des mémoires dont on vient de lire le résumé trop rapide, Viallanes a publié une série de notes, pour la plupart originales, qui témoi- gnent de son infatigable activité, comme aussi des ressources variées de son esprit. Deux de ces notes sont consacrées à l’étude histologique de certains tissus des Vers annelés; la première, à l’endothélium qui tapisse la cavité du corps des Lombrics; la seconde, au cartilage qui supporte l'appareil branchial des Sabelles. D’autres sont de courtes monogra- phies anatomiques destinées surtout, dans l'esprit de leur auteur, à faciliter aux Jeunes naturalistes les débuts dans la dissection. Ces dernières sont les ébauches éparses d’un ma- nuel d'anatomie macroscopique qu'il projetait d'écrire : à 392 E.-L. BOUVIER. | l'usage des étudiants et pour lequel il avait réuni, en colla- boration avec un de ses meilleurs élèves, M. Biétrix, des matériaux nombreux et d'excellents dessins. Dans. cette voie encore, Viallanes fut arrêté par la maladie; et de tout ce iravail accumulé, il ne restera que les quelques notes auxquelles il a été fait allusion, ainsi qu’un certain nombre de magnifiques tableaux de cours qui appartiennent au La- boratoire de zoologie anatomique, et qui furent dessinés d’après nature par un excellent arliste qu'affectionnait par- ticulièrement Viallanes, M. Hippolyte Noël. Ces tableaux et ces notes nous ramènent bien loin en arrière, à l’époque où Viallanes, entouré de nombreux élèves, élait chargé comme répétiteur des conférences de zoologie et de dissection au Laboratoire des Hautes-Études de MM. Milne-Edwards. Bien qu'il eût déjà publié quelques mémoires intéressants, 1l était alors au début de ses re- cherches histologiques et il cherchait, pour les rendre plus parfaites, à mettre en usage les méthodes et les procédés techniques les mieux appropriés à ce genre de travaux. La photographie lui apparut, dès l’abord, comme un puissant moyen d'étude, et aussi comme un des plus rigoureux et des moins sujets à contestation. Plusieurs des mémoires qu’il a publiés sont accompagnés de planches qui sont la repro- duction photographique pure el simple de ses meilleures préparations; d’autres sont illustrés par des figures dans lesquelles la photographie a joué un grand rôle, puisqu'elle donnait un ensemble rigoureusement exact dans lequel l’au- teur se bornait à faire ressortir les détails principaux. Dans le laboratoire photographique qu'il avait installé, il se te- nait constamment au courant des innovations, ou en prépa- rait de nouvelles. Aussi a-t-il été, plus que tout autre, un vulgarisateur de cette pratique, qui lui fut redevable d'améliorations en leur temps fort estimées. Il a décrit à la Société de biologie un appareil nouveau de photogra- phie microscopique, à la Société philomathique de Pa- ris une méthode de détermination du temps de pose; HENRI VIALLANES. SA VIE ET SES TRAVAUX. 393 enfin il a publié, en 1886, chez Gauthier-Villars, un manuel de Photographie appliquée aux études d'anatomie macrosco- “pique. Ce dernier ouvrage, qui est le fruit d’une longue ex- périence et d’études comparatives approfondies, diffère de tous les manuels similaires par un grand cachet d’origina- lité; il ne fut pas moins goûté à l'étranger qu’en France, et Viallanes eut le plaisir de le voir traduit en anglais peu de temps après son apparition. Tels sont, trop brièvement esquissés, les trails principaux de la vie et de l’œuvre scientifique de Viallanes. Il fut un observateur de talent, un penseur judicieux el sage, un sa- vant probe et désintéressé; la place enviable qu'il occupait parmi les naturalistes de notre époque ne lui sera pas con- testée, et on le citera parmi ceux qui eurent, au plus haut degré, la passion et le culte de la science (1). (1) L'auteur de cette notice s'est efforcé de faire ressortir, avec toute la sincérité possible, les qualités de cœur et d’esprit et l'évolution scientifique de celui qui fut à la fois son maître et son ami. S'il n’est pas resté trop inférieur à sa tâche, il le doit à tous ceux qui se sont fait un pieux devoir de luicommuniquersur Viallanes leurs impressions etleurs souvenirs. Il remer- cie bien vivement ces dévoués collaborateurs, qui ont tous connu et aimé le regretté naturaliste, et il se plaît à citer parmi eux, à côté du père de Viallanes et de son maitre respecté, M. A. Milne-Edwards, les amis qu’il affec- tionnait le plus, M. George Doncieux, M. Jolyet et M. Hippolyte Noël. M. George Doncieux est le plus ancien et le meilleur ami de Viallanes; il fut élevé avec lui; et il a bien voulu collaborer d’une manière très active à la première partie de cette notice et à la revision de l’ensemble. 1: 2} ie 3. 4. QT =? 14. LISTE DES TRAVAUX PUBLIÉS PAR HENRI VIALLANES. 19 ANATOMIE DES VERTÉBRÉS. — Note sur la disposition de la {rachée-artère chez deux espèces du genre Phonygama (Bulletin de la Société philomathique de Paris (1), t. IL, p. 106). — Note sur le tube digestif du Carpophage Goliath (Annales des sciences naturelles, LDolbgie (6), t. VIE, 5 pages et 1 planche, 1878). — Note sur les muscles peauciers du Lophorina superba (Ann. sc. nat., zool. (6), t. VIL 6 pages et 2 planches, 1878). — Observations sur 1es glandes salivaires de l'Échidné (Echidna hystrix) (Ann. sc. nat. , zool. (6), t. X, 6 pages et 1 planche, 1880). 2° HISTOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT POST-EMBRYONNAIRE DES INSECTES. . — Recherches sur les terminaisons nerveuses motrices dans les mus- cles striés des Insectes, 45 pages, 3 planches, Paris, 1881 (ASE couronnée par la Faculté de médecine de Paris). — Sur l'appareil respiratoire et circulatoire de quelques larves de Diptères (Comptes rendus de l’Académie des sciences de Paris, t. XG, p- 1180-1182, 17 mai 1880). . — Note sur les terminaisons sensitives dans la peau de quelques insectes (Comptes rendus Acad. sc. de Paris, t. XCI, p. 1089-1091, 27 décembre 1880). — Sur l’histolyse des muscles durant le développement post-embryon- naire des Diptères (Comptes rendus Acad. sc. de Paris, t. XCI, p. 416-418, 21 février 1881). — Note sur le mode de terminaison des nerfs dans les muscles striés des Insectes (Bull. Soc. philomat. de Paris (7), t. V, p. 91-94, 26 mars 1881). . — Note sur le développement post-embryonnaire des Diptères (Comptes rendus Acad. sc. de Paris, t. XCIIT, p. 800-802, 14 novembre 1881). . — Note sur les terminaisons nerveuses sensitives des Insectes (Bull. Soc. philomat. de Puris (7), t. VI, p. 94-98, 22 novembre 1881). . — Deuxième note sur le développement post-embryonnaire des Diptères (Comptes rendus Acad. sc. de Paris, t. XCIL, p. 977-978, 5 décembre 1881). . — Note sur la structure et le développement des centres nerveux et de l'appareil visuel des Insectes (Bull. Soc. philomat. de Paris(7),t. VI, p. 210-214, 24 juin 1882). — Recherches sur l’histologie des insectes et sur les phénomènes histo- logiques qui accompagnent le développement post-embryonnaire de ces animaux (Ann. sc. nat., zool. (6), t. XIV, 348 pages, 18 pl., 1883). Cet ouvrage se divise en trois parties : 4° Étude histologique 15. 16. LISTE DES TRAVAUX PUBLIÉS PAR HENRI VIALLANES. 9395 — des tissus de la larve et de l'imago à leur période d'état; 2 Étude des phénomènes de l'histolvse ou destruction des tissus et des systèmes larvaires ; 3° Étude des phénomènes de l’histogénèse ou formation des tissus et des systèmes de l’imago (téguments, muscles, appareil visuel). — Il servit à Viallanes de thèse pour le doctorat ès sciences et lui valut, en 1883, le grand prix des sciences physiques à l’Académie des sciences. Note sur un nouveau type de tissu élastique observé chez la larve de l’Eristalis (Comptes rendus Acad. sc. de Paris, t. XOVIIE, p. 1552- 4553, 22 juin 1884). Un nouveau type de tissu élastique observé chez la larve de l’Eris- talis (Ann. sc. nat., zool. (6), t. XVIT, 12 pages et 1 planche, 1884). 3° RECHERCHES SUR L'ORGANISATION DES CENTRES NERVEUX, SUR L'APPAREIL VISUEL, 17e 18. 19. 20. 21 . 22. 23. 24. 25. 30. 31. ET SUR LA MORPHOLOGIE CÉPHALIQUE DES ARTHROPODES. Note sur la structure des ganglions optiques et de l’œil des Crustacés - décapodes (Bull. Soc. philomat. de Paris (7),t. VII, p. 112, 1883, simple indication bibliographique). Note sur la structure intime du ganglion optique de la Langouste (Palinurus vulgaris) (Bull. Le philomat. de Paris (7), t. VII, p. 68, 22 décembre 1883). Le ganglion optique de la Langouste (Ann. sc. nat., zool. (6), t. XVII, 714 pages, 6 planches, 1884). Le ganglion optique de la Libellule (Ann. sc. nat., zool. (6), t. XVIIT, 34 pages, 3 planches, 1884). Sur la structure intime du ganglion optique de quelques larves de Diptères (Bull. Soc. philomut. de Paris (7), t.IX, p. 75-78, 25 avrii 1885). Le ganglion optique de quelques larves de Diptères (Ann. sc. nat., 201. (6 )), t. XIX, 34 pages, 2 planches, 1885). Note sur la structure de la substance ponctuée des Insectes (Bull. Soc. philomat. de Paris (7), t. X, p. 56, 12 décembre 1885). La structure du cerveau des Hyménoptères (Bull. Soc. philomat. de Paris (7), t. X, p. 82-83, 27 février 1886). La morphologie du squelette céphalique des Insectes (Bull. Soc. philomat. de Paris (7), t. X, p. 84-86, 13 mars 1886). Sur la structure interne du cerveau de la Guêpe (Association française, Nancy, p. 608-614, 1886). Le cerveau de la Guêpe (Ann. sc. nat., zool. (1), t. IL, 96 pages, 6 planches, 1886). Sur la morphologie comparée du cerveau des Insectes et des Crus- tacés (Comptes rendus Acad. sc. de Paris, t. CIV, p. 444-447, 14 février 1886). La structure du cerveau des Orthoptères (Bull. Soc. He de Paris, (1), t. XI, p. 119-126, 12 février 1887). I. Le cerveau du Criquet ; Il. Comparaison du cerveau des Crus- tacés et des Insectes; IIL. Le cerveau et la morphologie du sque- lette céphalique(Ann. sc. nat., zool. (7), t.iV, 120 pages, 6 planches, 1887). Sur la structure des centres nerveux du Limule (Limulus polyphemus) (Comptesrendus Acad. sc. de Paris, t. CXI, p. 831-833, 1°" déc. 1890). 396 E.-L. BOUVIER. 32. 33. 39. 40. 41. 43. — Sur quelques points de l’histoire du déveioppement embryonnaire de la Mante religieuse (Mantis religiosa) (Revue biologique du Nord de la France, 2° année, 11 pages, septembre 1890, et aussi Asso- ciation française, Limoges, p. 489-497, 1890). — Sur quelques points de l’histoire du développement de la Mante religieuse (Mantis religiosa) (Ann. sc. nat., zool. (1), t. IL, p. 283- 328, pl. XII-XIII, 1891). . — Sur la structure de l’œil composé des Crustacés-macroures (Comptes rendus Acad. sc. de Paris, t. CXIT, p. 1017-1019, 4 mai 1891). >. — Note relative à un travail de M. de Kerhervé sur les Moinia (Bull. Soc. zool. de France, t. XVI, p. 129-130, 12 mai 189). . — Sur la structure de la lame ganglionnaire des Crustacés décapodes (Bull. Soc. zool. de France, t. XVI, p. 168-176, 9 juin 1891). . — Contribution à l’histologie du système nerveux des Invertébrés. La lame ganglionnaire de la Langouste (Ann. sc. nat., zool. (7), t. XIII, p. 385-398, pl. XII, 1892). . — Recherches comparatives sur l’organisation du cerveau dans les: principaux groupes d'Arthropodes (Comptes rendus de la Soc. de biol., 4 pages, 30 avril 1892). — Études histologiques el organologiques sur les centres nerveux et les organes des sens des animaux articulés (Sixième mémoire). I. Le cerveau de la Limule (Limulus polyphemus) ; IL. Apercu SRE de l’organisation du système nerveux des Articulés. | 49 PHYSIOLOGIE. — Recherches anatomiques et physiologiques sur l’œil composé des Arthropodes. I. La morphologie de l’œil de la Langouste; II. Re- cherches expérimentales sur les conditions physiques de la vision chez les Insectes et chez les Crustacés (Ann. sc. nat., zool. (7), t. XIII, p. 349-384, pl. X et XI, 1891). — Recherches sur le système nerveux accélérateur et modérateur des Crustacés (Comptes rendus Acad. sc. de Paris, t. CXIV, p. 189-191, 25 janvier 1892 (en collaboration avec M. Jolyet). . — Recherches physiologiques sur le système nerveux accélérateur et modérateur du cœur chez le Crabe (Ann. sc. nat., zool. (7), t. XIV, p. 387-404, 1892 (en collaboration avec M. Jolyet). — Recherches sur la filtration de l’eau par les Mollusques et applica- tions à l’ostréiculture et à l’océanographie (Comptes rendus Acad. sc. de Paris, t. CXIV, p. 1386-1388, 7 juin 1892). 5° TRAVAUX DIVERS D'ANATOMIE ET D'HISTOLOGIE. . — Memento de dissection de l’Arion rufus (Feuille des jeunes natura- listes, p. 149-152, 1877). . — Notes sur l'anatomie de l’Écrevisse (Feuille des jeunes naturalistes, p. 121-124, 137, 152-153, 10° année, et p. 6-10, 11° année, ! planche, 1880 (en collaboration avec M. Robin). . — Anatomie et dissection de la larve de la Libellule (Feuille des jeunes naturalistes, p. 81-87, et 1 planche, 14° année, 188%). . — Sur le tissu cartilagineux de la Sabelle (Bull. Soc. ANNEE de Paris (7), t. X, p. 6-8, 14 novembre 1885). LISTE DES TRAVAUX PUBLIÉS PAR HENRI VIALLANES. 397 48. — Sur la structure du squelette branchial de la Sabelle (Ann. sc. nat., zool. (6), t. XX, 20 pages, 1 planche, 1886). 49. — Sur l'endothelium de la cavité générale de l’Arénicole et du Lombric (Ann. se. nat., zoo. (6), t. XX, 10 pages, 1 planche, 1886). 50. — Note sur la ponte d’une Seiche d’espèce indéterminée (Revue biolo- gique du Nord, p. 114-115, 1890). 6° PHOTOGRAPHIE MICROSCOPIQUE. 514. — Sur un appareil de photographie microscopique (Comptes rendus Soc. de biol., p. 404-405, 25 avril 1885). 52. — Sur une méthode de détermination du temps de pose en photo- graphie microscopique (Bull. Soc. philomat. de Paris (7),t.1X, p.79, 16 mai 1885). 53. — La photographie appliquée aux études d’anatomie miscroscopique, 4 vol. in-12, Gauthier-Villars. Paris, 1886. Quand il se présenta à la Société de biologie, en 1891, Viallanes publia une notice scientifique où sont très brièvement résumés la plupart des tra- vaux qu'il avait publiés jusqu’à cette époque. Cette notice de 8 pages, qui compte 35 numéros, a été imprimée chez Harambat, à Arcachon; elle a pour titre : Notice sur les travaux scientifiques de M. Henri Viallanes. 33 ‘ , (19980 " * + 4! ' | : l L IRC À 9 L & MERS L: set + db chu hd | à #E ‘#4 a fier) L EC inoé 5} < M qi D sé NO S +1 rh A 5e RE à L ‘ Lin 0 "+ "ANAL L |" ï | 4 id ts Ë 0 LE A F6 Ê Là | Lie thErti dE , ù e LE } cine #3 r + MS ë Fe N À - » + 2 h. «. leubsie wi ES ñ M4 hi sé AIS 1 sk ads ue ob. é se qi 02 ie vid «eue lunt a FN M 4 tas f nul .: a 1 sign À Wan F 2150 par #t#lr midian bb o0 2 whréc sl és 4 ; Sn à détoud PE i 2 | LA ph ARE ( PT. *h F tés fo ET né sk à A Jo Go a ” 1 2 ‘é AA VER PAS |: } Lo ? ; 4 FO TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME Étude générale sur la pêche au grand chalut dans le golfe de Gas- ner M Georres:ROChE: RE ae Description de l’'Hyæna brevirostris du pliocène de Sainzelles près EéPaviHaute- Loire), par Marcellin Boule..............…2"".2., Une nouvelle espèce de Microgale de Madagascar, par A. Milne-Edwards. Sur quelques cas de monstruosités observés chez les Crustacés déca- nn Jules Richgede ee. a uns einer ue affa san Contributions à la faune de la Chine et du Tibet, par E. Oustalet..... Les Amphipodes de Saint-Vaast-la-Hougue, par Ed. Chevreux et BE BOUVIET + + que SOC OPERA RE EPA OR RER CR ET EEE Re TE AE Recherches sur les Planariés et les Némertiens de l'Amérique du EE Charles Girard ce cn. Étude sur l’activité du cœur chez les Araignées, par Wold. Wagner... Sur une espèce nouvelle du genre Deckenia, recueillie par M. Alluaud, made ch -Boumiérhii.n eue dise dis Note sur l'existence au Sénégal d’une nouvelle espèce de Prosopis- PRE A VANSSIGEe.. 2... SEMRRONIAE RAI 5e 8 UE Détails anatomiques sur l'appareil génital mâle du Cavia Cobaya, par PROPRES RASOIR 2 ER IPN COTISARA 0 1€. Re Henri Viallanes, sa vie et ses travaux, par E.-L. Bouvier............ TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS Boure (Marcellin). — Description de l'Hyæna brevirostris du plio- cène de Sainzelles près Le Puy (Haute-Loire)... .............,..... Bouvier (E.-L.). — Henri Viallanes, sa vie et ses travaux............ Caevreux (Ed.) et Bouvier (E.-L.). — Les Amphipodes de Saint-Vaast- LE SE ERA REA Tate RP AE ER EE REC RP EN SN GiRARD (Dr Charles). — Recherches sur les Planariés et les Nemer- tiens de l'Amérique du Nord........... nt RER 85 98 99 108 109 85 393 145 400 E.-L. BOUVIER. Miine-Epwarps (A.). — Une nouvelle espèce de {Microgale de Mada- MASCAT , ea 2 cons Fée nee dre Dale cel els à DORE EEE ES Mixe-Enwarps (A.) et Bouvier (E.-L.). — Sur une espèce nouvelle du genre Deéckénii {Et il LL Ai ie. Oui LE. CRC RE RE PERS OusrTaLET (E:). — Contributions à la Faune de Ja Chine et du Tibet... Pousarçques (de). — Détails anatomiques sur l’appareil génital mâle du "Cavia "CoDaya: 2272425 00 CO ONNRRE se RicHarp (Jules). — Sur quelques cas de monstruosités observés chez les Crustacés décapodes..:f1.1..2102 1 02e 0: Roc#é (Georges). — Étude générale sur la pêche au grand chalut dans le golfe de Gascogne.......... 11 LIL NN SES M TEA VAYSsiÈRE (A.). — Note sur l'existence au Sénégal d’une nouvelle es- pÊCE de PrDSOpiSt0ma Tee PR EL Wozp. WAGNER. — Étude sur l’activité du cœur chez les Araignées... TABLE DES PLANCHES ET DES FIGURES DANS LE TEXTE CONTENUES DANS CE VOLUME Planche 1. — Hyæna brevirostris. Planche 2. — Perrierella Crassipes. Planches 3 à 6. — Planariés et Némertiens de l’Amérique du Nord. Planche 7. — Deckenia. Planche 8. — Activité du cœur chez les Araignées. Page 341. — Prosopistoma. Planche 9. — Appareil génital mâle du Cavia Cobaya. ERENERERAINENNRER NE. LR, 5240-93. — Conseiz. Imprimerie Crere. 98 325 108 343 338 311 un 7 1 LR PSE S ie AS ja of 007) 3 l enc NA 1€ C Ann. des à raie à 7 Zool. Tome XV HE CCRE gr. nat. LE 78 Çinrs Ann. des Science nat. 7° Série Hyæna brevirostris : Aym. : 2 de la gr nat. Zoo! Tome X a ee ROOLANRNE PIE Ann. des Sc Nat. 7° Série. Imp.Ed. Bry, Paris. Richard lith. Perierella Crassipes. G. Masson Editeur. #4 à Zoo/.Z Arn.des Se nat. 7° Svrie C0 ee où K 4 a se _ — Nico!et ith. yloalicus. SE Le Ain codemus mer dd Æ Figs. 1—2 La ” GTISCUS. D F tqs. ydrolimax SÊdes np LEMERCIER Paris. Ann.des Sc.rnat. 7! Surte. Zool. T'AT7 FL. Micolet lith. figs. 29 - 25 Hydrolimax braneus. Figs. 96 — 47 Procotyla fluviatilés. SÉdes Imp'*s LEMERCIER Paris. Zoo. JV PI 5 _Ann.des Sc.nad. TJ! Série. EEE . re ) 7? Jr Ne UC À \ a\ A / S L $ L Nicolet lit}. Phagocata gracilis. 1 Ÿ S Le. 1 7 S _ Tv ê - = + © Sa cu S S & Sé rase [Re À LA è d G a ss (Sa | Le) Ke a S Pad * 4 . 70 0 . Zoo. J'Y} nat. 7 Serie. , 2 _Ann.des St . ee ee mm MEET TT #HIFEIE Micolet lith. ns et Wemertieus. narLe Fla ’ S'Édes Imp'ESLEMERCIER Pr: on des Se. nat. 7“ Série = Zool Tome 15.PLVT - es | g —< | = DATA ee = PAT. = Ja. l.. — (æ © 40.1... © v— © ——< O 4 = Q ao.Z e—4 o ee E Un = = n D Y (3 os . nl ; = JL. Re Re = FE. CT æ) æ = 4 =) et © ES] 8 | ‘æ [æe = M. (==) © (æs) tent [a o e— (en) qi æ L: 4 Activité du Cœur des Araignées 5 des mp #% Temercier Paris ; sf + ra MURAT LC: L 24 Fun cdes 0c. Nat. 7° Série. AO 700 re, À Û SN - RE — DÉERSS. De ES + Richard hth. Imp. Ed. Bry, Paris. MDÉGkRemanAléaTe. G. Masson T Editeur. Ann.des Se.ral. 7 Serie. Zool. TXT. PI 9 G.Masson Edit, Paris. ne ” r ies T s ñ Sdes mp Lemercier, Paris Oryanes gerilarec du Co oaye à 2 . 7 ji: } ME. 0 ot 0 . LL ' M W À 11 MX - A D Dés à nue RE TETM De A à À nu (2. ART ni à “4 PSS RE AIT RE à AUOT \ 1 FN vw. 2 A Te EP MORT En 1 À ARS ik RU Let 4 AUS ! CR / : Ds TUE Ur LILI 354 0893