d L va: SDNNES \ at ' ù : A 1. Li 2 | A Sans à 4 At o mA a tou ‘ AUS} sieur DE 0e LEA 1 | à }À CN RE il tab LÀ L} gun ! ar qu or DIU AA at b act à NUL HV PME ; Vida JUS ht ue ou in RAR AA N M Fu Ra que Là ie L LAXTANCA ( L la eu mA : 144 Hu # ne jh Mae y " it 4 UNE a QUE 4 LENEC An Q } Sp hat À rs e HE RE Ne RAM UUT Ée à SR A NTELNES MONS pi Fi Û "s : AE “ Fans ‘ RS ANRETUE \ | Dix mi ù M. ” A CERN N'YA) k RAR ste A4 hf pe He t14Y] + (ui: AA ET PR AE SLT AE Et nt … NAS CNT 7 ha! ARS it à En à 14, u 4 À our | eo nf A! } PAPE Ÿ LA ü Var di “. DM NES LA NA] pa Hat à rot “ ti: tie li al Er it ee CARNET LU AUS Tr MP hs A ee A CURRENT et N ou DUPE ‘ f ' F4 { A Net Wu He 14e 4 : Das pr A É NT pont PA Wie CN 4 HAS CO d in Let w vf ‘ ' At) io WE sal : RAA PA # H ÿ Cè 4114 os LA a 11449 ty 1 , ù - d sur Re d PET A à pt de + nés Le 3 Et s2 etes ? CR à PL UIRPCEN HO Men i jeta UAR ‘# cn qu Mae à sd : HE AH he RE (02 ab AU js j CE Fa W di AU Fab qu He (2 5 hr: (4! 4 w æ 1e RTE | te mditn ant Vie Aa Gt fa im RQ D'ON RU RU [HOME vi v+.,5 ot AA (à He " | 4 Hs u ul nee x à q ou mt: à ut # ! he 1} x ! : ne " HAS tar “a \h") tn ah hi a LIRE nee CRE RCE VE DFE “ Ni y à PA RÉCIT AG A LPRUT CL IPTC En Le mie dE Eh A PotE à « D jveu 5 ra à 4e " CRETE EU EE RO TE Pénal Ÿ Fri 007 d'e h Ti ai DE è HAN: OU EL 200LDGI hr (NA A ANNALES . DES SCIENCES NATURELLES HUITIÈME SÉRIE ZOOLOGIE Droits de traduction et de reproduction réservés. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE ET PALÉONTOLOGIE COMPRENANT L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE M. A. MILNE-EDWARDS TOME PREMIER PARIS MASSON ET C*, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain 1396 & AE 8 «à x 6 TART ji t: FU ; l Co AOE sise ti d'en vi | AIRE Ti Por % s* LE (0 UN (SX Ci Ç SUR LA CLASSIFICATION DES LITHODINÉS ET SUR LEUR DISTRIBUTION DANS LES OCÉANS Par M. E.-L. BOUVIER. Ce mémoire est destiné à servir de complément à celui que j'ai publié l’année dernière sur la morphologie générale et les affinilés des Lithodinés (94). Dans ce dernier travail j'avais admis sans conteste les classifications de Brandt(49,50) et de Stimpson (29) parce que je les trouvais, comme aujour- d’hui encore, absolument satisfaisantes, et je m'étais borné à comparer minutieusement les nombreuses formes que j'avais entre les mains avec celles qu'ont figurées et décrites les autres observateurs. Mais comme les groupements géné- riques de Brandt el de Stimpson ont été fortement modifiés par M. Schalfeew (92) dans un opuscule qui m'avait échappé, et par M. Benedict (94) dans un travail tout récent, je crois qu'il est bon de réunir actuellement, dans un tableau d’en- semble, toutes les espèces connues de la sous-famille, et de montrer quelle valeur peuvent avoir les modifications gé- nériques qu'on à voulu y introduire. Il ne sera pas moins ulile, je pense, de jeter un coup d'œil sur la réparlilion des Lithodinés ; malgré les problèmes que soulève cette question, aucun naturaliste ne s’en est occupé depuis Brandt (49), et c'est un sujet presque neuf que j'ai abordé en développant ce chapitre dans la dernière partie du présent mémoire. CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. . A. Hapalogastrica. — Hapalogaster inermis. — Dans le ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, 1 ; 2 ‘E.-L. BOUVIER. travail auquel j'ai fait allusion ci-dessus, M. Schalfeew a dé- critet figuré un certain nombre d'Hapalogastriques nouveaux, entre autres une espèce qu'il désigne sous le nom d’Hapalo- gaster Brandti (92, p. 330) et qu'il considère comme assez semblable, sinon identique, à l’H. inermis Slimpson. Un exemplaire mâle de celte dernière espèce se trouvant dans la collection du Muséum, je l’ai attentivement comparé à la fi- gure et à la description que M. Schalfeew a données de son H. Brandt; 1 y a corrélation absolue dans tous les carac- tères et l’on peut affirmer que les individus décrits sous le nom d'A. Brandti, appartiennent réeliement à l'espèce de Stimpson. Ce lithodiné paraît se trouver sensiblement au même degré d'évolution que l’Æapalogaster cavicauda, en ce sens que la partie médiane de son 2° segment abdominal n’est occupée que par des nodules faiblement calcifiés, mais comme il s'en distingue : 1° par la disparition complète, chez la femelle, des pièces eupaguriennes droites des trois seg- ments suivants (femelle étudiée par M. Schalfeew) ; 2° par l’atrophie également complète, chez le mâle, des pièces droite et gauche de ces segments (mâle du Muséum) ; 3° par la présence de nombreux petits nodules sur toute la surface dorsale comprise entre le 2° et le 5° segment abdominal (mâle du Muséum), on est en droit de conclure qu'il se trouve à un stade évolutif un peu plus avancé que l’Hapalo- gaster cavicauda. Distinchion des genres Dermaturus ef Hapalogaster. L’OE- dignathus Gill (Benedict) est un Dermaturus. — Ce dernier caractère mérite d'attirer l'attention, car il distingue fort nettement l'Hapalogaster cavicauda de l'A. 1nermis ; dans la première espèce, la membrane dorsale des segments abdomi- naux 3, 4 et 5 est mince, transparente, sans {race de no- dules chitineux et de calcification, en dehors des pièces eu- paguriennes ; — dans la seconde il est épais, coriace, opaque et totalement serti de nodules plus ou moins calcifiés. En dehors de cette différence qui s'explique vraisemblablement par l'évolution un peu plus avancée de l’Æ7. inermis, il en est CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 3 d'autres plus frappantes qu'on est en droit d'attribuer à des différences dans le mode d'adaptation, c’est-à-dire dans les habitudes et le genre de vie de ces animaux. Les téguments de l’Æ. cavicauda sont minces et peu consistants, la carapace et le rostre sont aplatis, les pattes sont larges, déprimées et susceptibles de se juxtaposer étroitement les unes contre les autres, les pinces sont à peine convexes sur la face externe et sensiblement triquètres, enfin l’axe d'arti- culation du propodite avec le carpe se dirige verlicalement du bord interne de la face supéro-externe au bord interne de la face inférieure, et permet par conséquent aux pinces soit de se mouvoir dans un plan horizontal, suit de venir loger la partie interne de leur base dans une dépression de la face externe du carpe. Tous ces caractères sont ceux des Porcellanes, et prouvent manifestement que l’Æ. cavicauda présente le genre de vie et le mode d'adaptation de ces ani- maux ; assez semblable d'aspect à la Porcellana longicornis de nos côtes, il doit se blotlir comme elle au-dessous des pierres immergées, en d'étroits espaces où 1l se tapit en s’a- platissant le plus possible ; c'est là qu'il passe vraisembla- blement son existence presque entière, abrité autrement que les Pagures, mais en somme aussi efficacement, et pré- sentant comme eux une carapace mince, que découpe en arrière et sur les flancs un réseau de lignes où toute trace de calcification à disparu. Bien différentes sont l’apparence et la slruclure externe de l’Hapalogaster inermus : la carapace de cette espèce est assez convexe, surlout au niveau de la région gastrique, et ne diffère nullement, à ce point de vue, de celle des Crabes proprement dits ; le roslre est renflé en carène du côté dor- sal ; les pattes ambulatoires sont subcylindriques et inca- pables de se juxtaposer étroitement, par de larges faces in- clinées, commecelles de l’Aapalogaster cavicauda ; les pattes antérieures ne sont pas plus déprimées que les précédentes ; les pinces sont très convexes sur leur face supéro-externe et ne présentent pas la surface plane inféro-externe qu'on A : E.-L. BOUVIER. observe dans l'Hapalogaster cavicauda ; enfin l'axe d’arti- culation du propodite avec le carpe, au lieu de se diriger verticalement, comme dans celte dernière espèce, du bord interne de la face supérieure au bord interne de la face inféro- externe, s'étend très obliquement du bord interne au bord externe de la face supérieure et ne laisse aux pinces que des mouvements obliques de haut en bas et de dehors en dedans, qui ne ressemblent en rien aux mouvements horizontaux si caractéristiques de l'A. cavicauda. Elant donnés ces carac- ères, on peut affirmer que l’A.inermis n’habite nullement sous les pierres comme l'A. cavicauda ; c’est un crustacé libre chez lequel a dû se modifier très rapidement, pour protéger l'animal, la carapace molle el aréolée des Pagures ; aussi se fait-il remarquer par la calcification et l’épaississe- ment prononcés de ses téguments et on ne peut retrouver chez lui, à aucun degré, les lignes simplement chitineuses qui forment un réseau sur la partie postérieure et sur les flancs de la carapace des Paguriens et de l’Hapalogaster cavicauda. Sinous passons maintenant aux autres représentants de la tribu des Hapalogastriques, nous n’aurons pas de peine à voir que les uns sont franchement porcellaniformes comme l'A. cavicauda el doivent se Llapir comme lui sous les pierres, tandis que les autres ont la carapace renflée, les té- guments épaissis, les pattes subcylindriques de l’Æ. inermus et doivent, à coup sûr, errer librement comme lui à la ma- mière de presque tous les Crabes. Au premier groupe appar- liennent manifestement l'A. dentata de Haan, l'Aapalo- gaster Mertensi Brandt dont le Muséum possède un assez bel échantillon el certainement aussi l'A. Greibnitzki Schalfeew ; dans le second viennent se ranger l'Aapalogaster inermis Simpson étudié plus haut,le Dermaturus hispidus Simpson, dont j'ai pu faire une étude approfondie (94, p. 172, 174, fig. 16) et, autant qu'on en peut juger par les figures de M. Schalfeew, le Dermaturus Mandti Brandt et l'Œdigna- thus. Gulli Benedict; il y aura lieu, toutefois, de faire: un CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 5: examen plus approfondi de ces deux dernières espèces. On pourrait appeler Hapalogastriques porcellaniformes les Crustacés du premier groupe el Hapalogastriques cancé- riens ceux du second, mais puisque des noms particuliers ont été proposés par Brandt pour ces types, Je crois qu'il vaut mieux désigner sous le nom générique d'Japalogaster Brandt toutes les espèces porcellaniformes et sous celui de Dermaturus Brandt toutes celles qui présentent l’habitus et le genre de vie des Crabes libres. Dans le premier genre viendraientse ranger sûrement l’Ha- palogaster dentata (Lomis dentata) de Haan, l'Hapalogaster cavicauda Sümpson, l'H. Mertensi Brandt et l'A. Greibnitzki Schalfeew ; dans le second lAapalogaster inermis Shimpson, le Dermaturus hispidus Sümpson, et, probablement aussi, le Dermaturus Mandti Brandt et l'Œdignathus Gilli Be- nedict. | Si cette classification modifie la position générique de quelques Hapalogastriques, c’est que les diagnoses proposées par Brandt pour ses deux genres Æapalogaster (50, p. 269) et Dermaturus (50, p. 260) n'étaient pas suffisamment pré- cises et ñe tenaient pas un compte suffisant des traits essen- tiels de la structure de ces animaux ; aussi les naturalistes n'ont-ils jamais pu les appliquer correclement et Stimpson, malgré son habileté, en vint même à placer son 1. inermis dans le genre Hapalogaster, malgré les ressemblances étonnantes et les étroites affinités qui le rattachent au Dermaturus his- pidus. | Frappé par ces faits, et constatant lui-même que certains caracières d’ÆHapalogaster (dilatation de l’avant-dernier ar- ticle des pattes-mâchoires externes) et des Dermaturus (absence de dents latérales sur le céphalothorax et de plaque médiane impaire sur le second segment de l'abdomen)se trou- vaient réunis chez cerlains Hapalogastriques, entre aulres chez l’Hapalogaster cavicauda Simpson et l'A. inermis Simpson (4. Brandtii Schalfeew), M. Schalfeew a rejeté complètement la classification de Brandt, et a confondu les 6 E.-L. BOUVIER. deux genres en un seul pour lequel il a conservé le nom d'Hapalogaster. Poussant au contraire la division des genres à l’extrème, M. Benedict a proposé de former un genre spé- cial, qu'il pelle Œdignathus (94, p. 487), pour les formes qui ont, commele Dermaturus inermis, les arlicles terminaux des maxillipèdes externes très dilatés. En fait M. Schalfeew et M. Benedict n’ont vu qu'un côté de la question ; le premier a entrevu les analogies qui exis- tent entre quelques-unes des espèces précédentes, le second n’a vu que leurs différences, mais ni l’un ni l’autre n’ont tenu compte des caractères adaptatifs sur lesquels j'ai suffisam- ment insisté ci-dessus. Ces caractères ont une importance fondamentale, car ils nous montrent, comme je le disais antérieurement (94, p. 173 et 199), que les Hapalogaster forment, dans la tribu des Lithodinés, un rameau parlicu- lier qui ne paraît conduire à aucune forme connue, tandis que les Dermaturus se modifient progressivement et, par l'intermédiaire du D. hispidus, conduisent aux Néolithodes et aux Lithodes typiques. Ces relations phylogénéliques ne me paraisseni guère discutables, mais M. Schalfeew les mettrait tout à fait hors de conteste s’il voulait bien examiner les spécimens femelles d'Hapalogastriques que possède le Muséum de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg ; on sait, en effet, que les femelles d’ÆJapalogaster sont dépourvues de fausses paltes sexuelles sur le premier segment abdominal, tandis que les Lilhodinés normaux (Ostracogastri- ques) en présentent loujours une paire ; celte paire de fausses paltes existe-t-elle chez les représentants femelles du genre Dermaturus? je le suppose, mais en le constatant lui- même, M. Schalfeew soumettrait à une vérification rigou- reuse, les hypothèses formulées sur l’origine des Ostraco- gastriques (Bouvier, 94, p. 180), et rendrait ainsi un réel service à la science. A jfinités du genre Placetron Schalfcew ; son identité avec le genre Lepeopus Benedict. — S'il ya eu lieu de criliquer la réunion en un seul genre des deux formes adaplatives CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 7 différentes auxquelles nous avons conservé les noms de Dermaturus et d’Hapalogaster, 11 est juste de reconnaître, par contre, que M. Schalfeew a été heureusement inspiré quand il a proposé la formation du genre nouveau Placetron (92, p. 333) pour un Hapalogastrique curieux provenant, comme {ous les aulres représentants du même groupe, des régions septentrionales du Pacifique. Le Placetron Wossnesenskiü Schalfeew (92, p. 333, fig. 6) se distingue des Dermaturus et des Hapalogaster par ses pattes allongées, par ses pinces subégales et terminées en pointe cornée, et par le tubercule qu'il présente sur la face sternale entre la base d'insertion des pattes antérieures ; mais ce qui le caractérise surtout, el ce qui permet de lui attribuer une place à part dans le groupe, c'est la structure de sou 2° segment abdominal dont les deux pièces margi- nales deviennent coniluentes et occupent, avec les deux pièces latérales, la surface dorsale tout entière du seg- ment. Par la soudure en pièces définitives contiguës des nodules calcifiés de ce segment, de même que par l’a- irophie complète, chez la femelle, des pièces eupagu- riennes droites des 3 segments suivants, le P/acetron Wossnesensku se place exactement au même stade évolutif que l’AJapalogaster dentata de Haan et le Dermaturus hispidus Slüimpson; mais les nodules ne se sont pas soudés de la même manière, ils ont conslilué sur le second segment abdominal deux énormes plaques latérales qui ont envahi la surface entière du segment au détriment de la pièce médiane qui a ainsi complètement disparu. Cette disposition anormale nous donne la confirmation de ce fait (Bouvier, 94, p. 178) que les pièces définitives de l'abdomen des Lithodi- nés (segments 2 à 5), sont des formations secondaires sans homologie aucune avec les pièces abdominales des Paguriens ; elle nous montre en outre que les Placetrons, malgré leur ressemblance exlérieure avec les Dermuturus, ne sauraient conduire comme eux aux Lithodinés ostracogastriques : de même que les Phyllolithodes dans ce dernier groupe, les 8 E.-L. BOUVIER. Placetron représentent des formes aberrantes dans Îla tribu des Hapalogastriques ; leur point de départ est proba- blement le même que celui des Dermaturus, mais ils ont évolué dans un sens différent et ils forment de la sorte, aujourd’hui du moins, un genre complètement isolé dans la sous-famille des iii die Le Lepeopus forcipatus Benedict (94, p. 488), espèce pour | laquelle M.Benedict a élabli très récemment le genre Lepeo- pus, ne se distingue guère du P/acetron Wossnesenskü que par son angle antéro-latéral un peu plus saillant, et par la longueur plus réduite de ses chélipèdes qui arrivent seule- ment jusqu’au milieu du propodite des pattes ambulatoires antérieures, au lieu d’atteindre son extrémité ; lous les autres caractères paraissent identiques..Les deux espèces habitent les eaux américaines du Pacifique subarctique et peut-être y aure-t-il Heu plus tard de les réunir en une seule. Dans tous les cas, bien que M. Benedict n'ait pas étudié en détail le 2° segment abdominal, qu'il se contente de décrire comme très étendu, les deux espèces appartiennent certai- nement au même genre, et comme la dénominalion de Placetron est antérieure à celle de Lepeopus, ce dernier nom générique doit disparaître. B. Ostracogastrica. — Neolithodes. — M. Benedict (94, p. 480-482) a décrit également deux Lithodinés qui ne diffèrent de la Neolithodes À gassizi Smith que par des carac- ières spécifiques el qui appartiennent cerlainement, comme elle, au genre Veohthodes A. Milne-Edwardset E.-L. Bouvier. L'une de ces espèces, la Lithodes Goodei, paraît tout à fait identique à la Neolthodes Grimaldi À. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, et doit être identifiée avec elle. M. Benedict a consciencieusement comparé la L. Goodei à la Neolithodes À gassizi elil a très Justement démontré que ces deux espèces sont distinctes, que la seconde se trouve sous une latilude plus méridionale que la première et à des profondeurs moins grandes, enfin que plusieurs exemplaires décrits par M. Smith et par M. Verrill sous le nom de L. Agassizi CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 9 apparliennent en réalité à la première des deux espèces précitées. De ce fait, la Neolithodes Grimaldi (— Lithodes Goodei) se trouve signalée dans beaucoup de points qu’on croyait occupés par la N. Agassizi, mais, contrairement à celte dernière espèce, elle reste localisée tout de mème au voisinage des côtes orientales de l'Amérique du Nord. La Lithodes diomedeæ Benedict, qui habite au large des côles chiliennes, est une espèce très voisine de la Neolitho- des Grimaldii dont elle se distingue surtout par les doigts plus grêles des pinces et par la présence d’une très grande épine sur l'ischiopodite des pattes ambulatoires. M. Benedict ne décrit pas l’abdomen de cette espèce, mais comme :l relève les différences qui la distinguent de la précédente, on est en droit de croire que l’abdomen est identique dans les deux espèces, et qu'elles appartiennent l’une et l’autre au genre Veolithoudes. | Paralithodes. — Les Paralithodes ressemblent aux Neoli- thodes et se distinguent des Lithodes par la présence de cinq pièces distinctes sur le 2° segment abdominal, mais elles s'éloignent des premières et se rapprochent des secondes par le développement presque constant d’une saillie rostrale dorsale, et par l'existence d'une série de pièces marginales et de trois pièces latérales sur les côtés de la surface abdominale qui correspond aux segments 3 à 5. La présence d’un acicule bien développé les distingue à la fois des Lithodes et des Néolithodes. Il est fâcheux que M. Benedict n’ait pas indiqué les carac- tères de l'abdomen dans les nombreuses espèces nouvelles qu'il altribue au genre Lithodes. Je pense toutefois que deux d’entre elles, la L. Rathbuni (94, p. 482) etla L. cahfor- niensis (94, p. 483) doivent se ranger dans le genre Para- lhithodes, et non parmi les Lithodes, parce quelles sont munies d’un acicule et d'une saillie dorsale bien développée. J'en dirai autant de la L. turritus (99, p. 320) Ortmann, qui présente le même caractère, mais dont on ne connait pas l’abdomen. 10 E.-L. BOUVIER. Lithodes. — Dans le genre Lithodes la pièce centrale du 2° segment abdominal se fusionne avec les pièces latérales et celles-ci, très fréquemment, se fusionnent à leur iour avec les pièces marginales ; dans ce dernier cas le segment ne paraît plus formé que par une seule pièce. Les autres segments abdominaux ressemblent à ceux des Paralithodes et la saillie rostrale est toujours bien développée. L’acicule reste à l’état rudimentaire dans ce genre, toutefois il est bien développé 2 fois sur 20 dans la L. antarctica (Bouvier 94, p. 181) et M. Faxon l’a observé sur l'antenne droite (93, p. 167) mais non sur l'antenne gauche, dans l'unique exemplaire qui soit connu de la Z. panamensis. Il est à noter que les pièces marginales du 2° segment abdominal sont encore distinctes dans ces deux espèces, comme dans les Paralithodes, et que, dès lors, la présence anormale d'un acicule, chez certains de leurs représentants, trouve son explicalion naturelle dans l’atavisme. Ainsi composé, le genre Lithodes comprend, outre les formes que J'ai signalées dans mon précédent mémoire, les trois espèces suivantes : L. panamensis Faxon (93, p. 166), L. Couesi et L. æquispina Benedict (94, p. 481). Je ne pense pas que M. Benedict (94, p. 483) soit dans le vrai quand il identifie la L. spinosissima Brandt avec la P. camitschatica Tilesius; on sait en effet (voir Bouvier 94, PI. XII, fig. 3 à 3°) que la L. camuschatica présente à la base du roslre une saillie dorsale rudimentaire, d’ailleurs terminée par deux pointes ; or, d’après la diagnose de Brandt (49, p. 172) la L. spinosissima se fait remarquer par sa saillie dorsale simple; si bien qu'il est sage, jusqu’à plus ample informé, de considérer les deux espèces comme par- failement distinctes. Je laisse l'espèce de Brandt dans le genre Lithodes, mais il est fort possible qu'on soil amené, quand on la connaîlra mieux, à la ranger avecles Paralithodes, comme la P. camtschatica. La L. æquispina et la L. Couesi, que M. Benedict (94, p. 481) signale dans la mer de Bebring, sont des espèces CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 11 représentalives, et peut-être de simples variétés de la L. maia. Cette observation s'applique surtout à la L. Couesi dont les caractères spécifiques pourraient bien n’être que de simples variations individuelles de cette dernière espèce. D'après M. Benedict, en effet, la L. Couesi se distingue de la L. maia : 1° par sa saillie dorsale qui est bifide plutôt que bifurquée; 2° par les épines basilaires de cette saillie qui sont situées un peu plus en avant que dans la ZL. ma; 3° par le 2° segment de son abdomen qui porte des tuber- cules au lieu d’épines; 4° par ces tubercules qui sont plus rapprochés que les épines de la L. maia. Mais si l’on observe : 1° que M. Benedict signale lui-même des spécimens de Z. Couesi dont le rostre est bifurqué (94, p.482); 2° que la posi- tion des épines basilaires de la saillie rostrale varie beaucoup dans la L. maia (Comp. : Milne-Edwards 49, PI. 37, fig.1 et Leach 15, Tab. XIV, fig. 1); 3° qu’on peut observer tous les passages entre les vraies épines et de simples lubercules aigus, non seulement dans la L. maia, mais dans la L. antarc- tica et probablement dans d’autres espèces de Lithodes, — il y a quelque raison de penser que la L. Couesi n’est qu'une variélé de L. maia propre à la mer de Bebring. Nous serons probablement fixés sur ce point auand M. Bene- dict aura donné les figures et décrit compièlement ses nou- velles espèces de Lithodes. Pour terminer les observalions relatives à ce genre, j'ajou- terai qu'il y a lieu de conserver à la Lithode qui habite la région froide et tempérée de l'Atlantique septentrional le nom de L. maia que lui avait donné Linné. Cette espèce, en effet, à élé parfaitement figurée par Leach en 1815 sous le nom de L. maia (15, Tab. XIV) et le nom de L. arctica, sous lequel l’a désignée Lamarck, ne remonte pas au delà de 1818 (18, p. 240). Acantholithus. — M. Ortmann (99, 322) a fait justement observer que Stimpson (59, p. 231) avait mal précisé les caractères du genre Acantholithus, parce que l'abdomen de VA cantholithus (Lithodes) Aystrir se lrouvail inexaclement 12 | E.-L. BOUVIER. figuré dans de Haan (50, Tab. XLVIT, fig. 1°). J'ai moi- même attiré l'attention sur ces inexactitudes dans mon pre- mier mémoire sur les Lithodinés (94, p. 183). Partant de ce fait, et considérant que l’Acantholthus hystrix présente, comme les Paralomis, deux séries de {rois pièces latérales et une série intermédiaire de trois pièces médianes, M. Ortmann a supprimé le genre Acanthohthus et rangé l'espèce de de Haan dans le genre Paralomis. Il ne me paraîl pas utile d'adopter la modification pro- posée par M. Orlmann. Sans doute les pièces latérales et médianes de l'A. Aystrix sont semblables à celles des Para- lomis, mais Stimpson avait considéré comme caractéristi- que des Acantholithes l’acicule bizarrement tronqué de cette dernière espèce (Antennarum aciculum truncatum) et j'ai fait remarquer pour ma part (94, p. 183) que les Acan- tholithes se distinguent des Paralomis, non seulement par leur test extraordinairement épineux, mais par la fusion des pièces marginales du 3° segment abdominal avec les pièces latérales correspondantes. A l’aide de ces trois caractères, le genre Acaniholithus pourra toujours se distinguer aisé- ment du genre Paralomis auquel, d’ailleurs, 1! semble avoir donné naissance. Echidnocerus et Paralomis. — Tout récemment M. Bene- dict (94, p. 484-486) a modifié moins heureusement encore la classificalion proposée par Stimpson; ayant examiné un exemplaire de Paralomis granulosa Jacq. et Lucas, il a cru y trouver tous les caractères essentiels du genre £chidnocerus, et comme ce dernier genre a été proposé par While en 1848, tandis que le genre Paralomis ne remonte pas au delà de 1856, comme, d'autre part, l'espèce qui a servi de type pour former le genre Paralomis est précisément l'espèce que M. Benedict considère comme un Æchidnocerus, ce naluraliste en conclu: 1° que le nom de Paralomis doit disparaître; 2° qu'il faut créer une dénomination générique nouvelle pour désigner les autres espèces du même genre. D'ailleurs, comme ces espèces lui paraissent appartenir à deux {ypes essentiellement CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 13 différents, il remplace la dénomination de Paralomis par celles de Leptolithodes et de Pristopus. Au premier de ces genres appartiendraient la Paralomis aculeata Henderson, la P. aspera Faxon, la P. longipes et deux espèces nouvelles que M. Benedict désigne sous les noms dé Leptohthodes multi- spinosa et de L. papillatus ; au second genre apparliendraient la P. formosa Henderson et une espèce nouvelle pour laquelle M. Benedict propose le nom de Pristopus Verriul. La Paralomis granulosa Jacq. et Lucas se rangerait, bien entendu, parmi les Échidnocères. Avant de contester l’observation qui a servi de point de départ aux modificalions introduites par M. Benedict dans la classification des Lithodinés, il me paraît nécessaire de dire que les conséquences qu'ilen a lirées sont fort contesta- bles et, dans tous les cas, peu propres à simplifier la svsté- matique du groupe.Admettonsuninstant que la P. granulosa, le type primitif du genre, soit bien réellement un Échidno- cère, il n’en demeure pas moins que M. Henderson a donné, en 1888, une diagnose du genre Paralomis el qu'il a appli- qué cette diagnose à deux espèces fort différentes des Échidnocères, la Paralomis aculeata et la P. formosa. Afin de ne pas compliquer inutilement la nomenclalure zoologi- que, M. Benedict aurait mieux agi, ce me semble, en con- servant le nom de Paralomis pour ces formes et en plaçant -la P. granulosa avec les Echidnocerus. I] y a là des questions -de priorilé et une simplification qui ne laissent subsister aucun doute. | En second lieu, même en admeltant la nécessité de créer une dénomination générique nouvelle, on ne voit pas trop pour quelles raisons M. Benedict en a proposé deux au lieu d'une seule. Sans doute, il est intéressant de constater que les Pristopus diffèrent des Leptolithodes par leurs appen- dices plus comprimés et munis de rangées d'épines moins nombreuses; mais ce caractère est-il suffisant pour distin- -guer des genres? et n'a-t-il pas plutôt une valeur purement “spécifique? En lui attribuant une importance qu'il n’a cer- 14 E.-L. BOUVIER, mA {ainement pas, M. Benedict en est arrivé à séparer la P. formosa Henderson, de la P. aspera Faxon, malgré leurs affinités qui sont très grandes, el à rapprocher cette dernière de la P. aculeata et de la P. longipes qui n’en sont certai- nement pas plus éloignées. Au reste, l'observation qui a servi de point de départ à la réforme proposée par M. Benedict est loin d’être suffisam- ment fondée. La P. verrucosa se rapproche bien des Échidno- cères par un cerlain nombre de caractères, notamment par la forme anguleuse de ses pattes ambulatoires qui peuvent se juxtaposer élroitement, et par le lobe interne saillant du carpe de ses chélipèdes ; mais, à côté de ces caractères com- muns, combien de différences essentielles! Les pattes am- bulatoires de la P. verrucosa, surtout chez les adultes, sont remarquablement plus longues et plus grêles que celles des Échidnocères ; le lobe du carpe des chélipèdes, au lieu d’être développé en une lame interne très saillante et propre à recouvrir les appendices buccaux, n’a que des dimensions fort restreintes et ne sert que très imparfaitement à ce dernier usage; la face externe du même article ne présente aucune trace de la gouttière respiratoire qui est toujours plus où moins accenltuée chez les Echidnocerus, les pinces ne paraissent pas se loger, comme dans ce dernier genre, entre les articles basilaires hauts et écarlés qui rattachent les pattes antérieures au thorax; la carapace est triangu- laire, ovoide ou cordiforme au lieu d’avoir la forme penta- gonale ou heptagonale qu’elle présente chez les Échidno- cères; l'acicule n’a qu’un petit nombre d’épines; le rostre, enfin, est toujours plus ou moins aigu et ne présente pas les formes lourdes et obtuses qu’on observe dans ce dernier genre. Un des caractères essentiels des Échidnocères est le déve- loppement latéral exagéré qu'acquiert la carapace depuis le milieu de la région gastrique jusqu'au milieu des régions branchiales ; en ces points, elle s'étend sur les côtés sous la forme d'un toit qui recouvre une grande parlie des CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 15 méropodites des paltes ambulatoires. Grâce à ces expan- sions, la carapace devient plus large que longue el acquiert la forme heplagonale que j'ai signalée plus haut : les deux côtés antérieurs de l’heptagone s'étendent obliquement du bord frontal jusqu'au niveau du tiers postérieur de l'aire gasirique ; les deux suivants, presque parallèles entre eux et à l'axe du corps, dépassent un peu en arrière le milieu de l'aire cardiaque, les trois derniers, enfin, sont constitués, en arrière par le bord postérieur, sur les côlés par des lignes comprises entre ce dernier et les bords parallèles de la cara- pace. On n'observe rien de semblable dans la Paralomis verrucosa, et c’est à peine si ses bords latéraux sont plus aigus que dans les autres Lithodinés. Il est d’ailleurs un caractère qui distingue nettement tous les Paralomis, y compris la P. verrucosa, des divers repré- sentants du genre Échidnocère. Chez les Paralomis les pièces marginales du 3° segment abdominal sont soudées aux pièces latérales correspondantes, tandis qu'elles sont com- plètement indépendantes de ces dernières chez les £chidno- cerus. Ce caractère prouve que les Paralomis sont à un stade évolutif plus avancé que les Échidnocères ; il est facile à constater et se prête aisément à la distinction des deux genres. Pour terminer cette élude relative aux Paralomis, j'ajou- ierai que l'examen comparatif de nombreux exemplaires de P. verrucosa Dana (52, p. 428) et de P. granulosa Jacq. et Lucas (53, p. 94) m'a permis de constater, conformément aux prévisions de Miers (81) et de M. Henderson (88), que les deux espèces sont parfaitement identiques, et comme le nom de P. verrucosa est antérieur à celui de P. gr ram c’est ce dernier qui doit disparaître. Cryptolithodes, Rhinohthodes, Phyllolithodes. — Les Cryp- tolithodes présentent le même mode d'adaptation que les Echidnocerus, mais leur carapace est bien plus dilatée laté- ralement, leur rostre est très aplali, et toute trace de crête et de goutlière respiraloire disparaît sur le carpe de leurs 16 E.-L. BOUVIER. chélipèdes. Ce genre comprend actuellement cinq espèces dont deux seulement sont bien connues, la C:. typica Brandt et la C. sitchensis Brandt ; la C. brevifrons Miers et la C. expansa Miers paraissent très voisines de la C. {ypica et la C. alta fissura Sp. Bate ne se distingue par aucun carac- ière de la C. sitchensis. Les Rhinolithodes sont des Paralomis dont toutes les pièces marginales de l'abdomen se sont confondues avec les pièces latérales. Parmi les trois espèces de ce genre, deux sont très voisines et présentent sur la face dorsale du rostre une saillie analogue à celle des Lithodes, ce sont la L. Wossnesenski Brandt et la L. cristatipes Faxon; la À. biscayensis M. Edw. et Bouv., qui est la troisième espèce du genre, est certaine- ment à un stade d'évolution moins avancé. car elle n'a pas encore de saillie roslrale et présente à sa place une paire d’épines assez éloignées. Quant aux PhAyllolithodes, ils diffèrent de tous les Litho- dinés connus par les lacunes noduleuses des pièces de l’abdo- men, et se rattachent sans doute directement aux Hapalogas- triques.Ce genre ne comprend jusqu'ici que deux espèces, la P. papillosa Brandt et la P. bicornis Sp. Bate. Celle dernière est certainement fort peu différente de la P. papillosa, mais la description qu'en a donnée Sp. Bate (64, p. 666) est trop succincte pour qu’on puisse décider si les deux espèces sonl identiques. C.Genera et Species. — Pour compléter cette étude sur les Lithodinés, je crois utile de relever ici toutes les es- pèces actuellement connues de la sous-famille, en indiquant leurs caractères essentiels, leur répartition en surface et en profondeur, et en signalant les meilleures diagnoses et les principales représentalions qui en ont été données. PREMIÈRE TRIBU. — HAPALOGASTRICA. Brandt 50, p. 259. Carapace peu convexe et d'apparence quadrilatère, à front large, rarement couverte de spinules et ordinairement dépour- vue sur la face dorsale de tubercules ou d’épines; 2° segment CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 17 abdominal largement visible du côté dorsal el constitué par une paire de pièces marginales et une paire de pièces latérales entre lesquelles se trouvent une pièce ou des nodules calcifiés ; face dorsale des trois segments suivants formée par une membrane unie, ou serlie de fins nodules. dans laquelle se trouvent parfois, surtout dans les femelles, des pièces presque toujours semblables, par leur consis- tance, à celles des Pagures. Rostre ne dépassant pas les yeux, large, triangulaire et infléchi vers le bas Tous les représentants de ce groupe paraissent litloraux ou sublittoraux et localisés, jusqu'ici, dans le Pacifique seplentrional. Deuxième TriBu. — OSTRACOGASTRICA Brandt 50, p. 259. Carapace convexe, ovalaire ou triangulaire, parfois pen- tagonale ou heptagonale ; front étroit, surface dorsale rare- ment unie, ordinairement ornée de tubercules, de verru- cosilés ou de forles épines; 2° segment abdominal peu visible du côté dorsal et toujours complètement couvert par une paire de pièces marginales, une paire de pièces latérales et une pièce médiane qui sont distinctes ou complètement fusionnées ; face dorsale des {rois segments suivants munie de pièces dures et calcaires qui se sont substituées aux pièces chilineuses des Hapalogastriques, et qui sont presque toujours accompagnées de gros nodules calcifiés. Rostre dépassant toujours les yeux, rarement plat et tronqué en avant, le plus souvent grêle, aigu, arqué, et muni de tuber- cules ou d’épines. Les Ostracogaslriques sont représentés dans la plupart des océans. Leur distribution bathymétrique est très variable. ANN. SC. NAT. ZOOL. p 2 18 SLT SD 'IIX 1 ‘a ‘Sy ‘1x ‘1 ‘997 ‘d ‘76 ‘anog (man9s|— "9098 19 ? 008 ‘#U ‘IA ‘Id *“XeJ0uJ0]PUd99 np XNP19/P] SPAOG Sap un9eu9 ANS JUAMeIN9s XN9P 79 ‘soourd s2p SUJ2YX9 PIOG OT ANS SJU9P op Seq ‘SUas so snoy suep sogiedos Jo sogrjod s917 quos Inb s9991d * [R10))T -ny np ‘1109) ouroopuanl'£6r ‘d ‘08 SROg — ‘L ‘SI En du (a ne re Se TD op soared xnop onb eu eJEUL 9] ‘c-e XNBUIWIOPR SJU9LUS9S S2p Spioq -oxqeqoidg |-uon : auu40/09 apnpp |uosduns ,2pn201002 ‘H xn9p S2p UN9e49 INS SQNST}UO9 S9091d SI017 JUO SE[[OUZ 97] "SAYIO180 ‘1 “de sonpou sep Jed ‘ouerpauu UorSgi es suep ‘29970414 jeurwopqe juawmSes 2% *SPICMPAH-OUIIN WOU “GIR ‘À ‘OS UCEF 9P S2WOT — “(sxed) 98e ‘d ‘36 Mooyjeuos ‘997 ‘d ‘76 1oranog ‘01 ‘d ‘v 8ç uosdæun]s : 698 *d ‘og purig “JPUPI HALSVIO'IVAVH — ‘I ‘U99) -sonbrayseSo[edeH S9p nqI1} UI 9p So2adsx { (88 ‘d ‘76 10rpouog) sanodurg juowo[qeqoid xneuruy | ‘soxroqepnque sajjed sop ajrpodoid np 9]8}SIP 9}W91/X2,] ssoddoea9p sou sourde sto4 { (go1pouag soude p) oourtu o0ed -e109 ‘oquosqe ‘yuonbasuoo 1ed ‘se inbouerpou 89914 ET R 994 -19591 U01$91 P[ JUOW9J9[AUO9 JUISSIULCAU9 [PUIWOPAR FUAU -Sos 0% ND Soje9Je] sa9e1d so ‘jejuozriou juessreied adivo 9[ 20AP UOIJE[NOIJIE.P 9XE ANo[ [P9IJIOA SU9S 9] SUEP STI ‘JIL °U99 ‘[PUITWOpqR JU9MS9S 101 9 *M9O9JIPU9S 047990] d ans s9orpuodde,p axred oun,p sanaanod juetwe1q :-P[JAUOSIEIA JUOS SO[[OUE] S9'T ‘9JPIIP JUAWAIPI Sa] SouI93X9 S9podifIIXPU Sp 9[91JJP JOIUI9P E.-L. BOUVIER. 18 -OU quouejqeqoud soourd ‘sojoi$ zosse J9 sonsuo] S97}2q *SJUPII9 JUOW9]{R{OId XNEUWIUY ‘soatoqenque s9qed sep aJrpodoid np 9IM94)x9,[ ® SeJinu no saJjInpoi soutda sop ‘o9lojeo sal} J9 oquejsis91 o9ede1r9 (SIOIIOP 599 9p oampnos e[ ep 97ns92 rnb oueipou 20914 eun ed 9dn990 no seupou sop ed rqeaue ‘nu 9179 qnod mb ueIPAU ofjeAJOQUI 9818 un Jed soozedgs sinofnoz jeuImop -qe JuowS98 2% NP S91P19/8, S299Id ‘SAOU9P U9 SuUEP9P 9P 79 sq U9 qneu 9Pp 981IIP JueJ9 2d189 a] 2948 HOIE[NOTIC,P 2XE AN9[ ‘SUBPAP U9 S10U9P 9p J9 SEQ U9 Jney op Sojrqou soourd ‘soqueamms soyjed sop 9Jru91x0 | SuIou no snjd juessed -9p qe euones o[ onb pueis snjd duooneoq J1o1p anadtoq) | ‘II U99 JPUCIY SNANMJOULI(T -JURAY ‘G-Ç XNPEUIUIOPAE SJUILUSIS S9P 9[PSIOP aUPIQUOU E[ SUEP SJI9[P9 SUIOTU NO sSnjd sanp -ou Ssjrod xnoiquou op sanofnoy juawueqe« -oid 97S1X9 I] ‘XNVI97PI SPIOQ S9S ANS UNI 99edeieo ‘se[PIqOuBIG SaIIE S9] ANS S2sNOUTJI49 sauSi] 2p nAINOd9IP JS L ‘alnoriadns 998} EL up spioq xnop soç Jiun nb exe un quearns od1e9 o[ 20AP JUE[NOIJIE,S S998J XN9P & SaouId : sax9A -u09 99edeieo J9 So]]ed — ‘Soqeln Sop snJI{eH -soJI9rd Sa] SNOS Juotaqeqoid JuEoIU 28 XNEWIUY eurwopqe Juotu$es #wj 91 Ans soorpuodde,p sonaunodop Soleua ‘S91T0FEINQUIE soyyed sop ayrpodoid np 2INATI9AUE 9J1091X9 | e 2[qISUOS uoIq ou1d9,p sed :97erp SaUT07X sapodiftxeu Sop 9[91J18 JOIULIP-JUEAY ‘GE € *[ ‘U99 “Jpuesg 42)s06070dny xXneuIWIOpqe SJUOUSOS S2p 2[PSIOP OUPIQUOU E] SUCP ‘JUEAR U9 srojied jues ‘soqnpou 9p Stq ‘29ede1e9 ®] S9p 994 ‘QOUIUI S94] JS9J ‘SOJUPAINS S9JJPd Sp 9JIW91X0,[ FUSUWOIEUTPIO quessed9p 39 oyones e] onb purrs Sn|d Jtoap apadrjou) ‘[PJUOZHOU SU9S 9] SUPP JIOARNOU 9S 9P gourd ef e Jeuued mb 39 2U197X9-OJJUI 2987 E[ 9p OUJ9JUI pIOQ ne 94N91I9dNns 9987 eJ op eudoqur pioq np EA nb juoryiea oxe un JUeEAINS ad189 9[ 994 quepnonae,s ‘sosjonbraz surouw no snjd soouid ‘sogwrad9p S94} oovdeueo 79 Sa7jed — ‘SoUe[99104 S2P SnJIqEH Ê XNPJ9JEI SPIOQ SO] Ans sJU9p sep no sourde sp Jo sojeryouriq SaJte SOT ANS NPSSSAI U9 SOSTIPIEO TON sauSIl ‘SHAÔIULSVIOTVAVH SA AAIUL V'I HA SHUNAHY 19 CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. *SUOSSI0q AU AN AO Qu A nets DR ee DES Je : sdurg) Koxoy| ‘1x “1 “ec ‘d ‘76 “Anog | ( 191pnJ9 © Saone, “jeu np eve RO 00 Éuep non EU CE A SC La ae SJUAUUSOS $9] Ans S9091d 9P Std ‘SoNuIds SasNn9IQuOu 9p 9J10AN09 J80 Fa Q RTS l'oovdeuvo VI 'IBUTMOPAR Juotusos ,2 9j Ans omedtur oueIpou 20914 ouf] ‘(86 M99] PS RS LE LOL | RE tance et is | É Sur. ge JU TOUT ou... D Pa PAR NES AE PET RARE D me S Le fl GR £ SJuouSog) SOIBSIOASUBIY SOYIIO SOUSI] SANBUO 9P S0QUI0 a 1purag) porkquia sont :2yl‘o6 Jpurig pur ‘q )SN% 10 oovderro {s1oyop uo oxo4tu00 aurod R n0 JL01p aynor0e w -SDy J9 buruyog 2P do 1 ‘de : ICITP UOU SoU9/X9 SsoT0y9eu-s97}ed SOp 9[9TIE JO[UIp-JUEAY | ° © °°" STUuAUr * 91 onb osouyo oxjne sed Lee) te re °LSY ‘d'r6 J91p9u9g | -vçoud 1S9,U ‘Jorpauog ‘IN ed 91199P JU9t97 “(OIPIUOG ‘IN B &- ‘(76 J9Ipouog) vysy |1719 (Snyieustp4o) ‘aq ! -o1dmoour ‘a09ds9 9799 *xnenuras So[n9ooq |” op snyIDub B & ‘9 “ds [-n1 9P QUO JI01P podauo ‘sooorpou soure -1PH0) SIOU2p ue “a S0P UBJIUII9P SO91Ir9 SoUSIt ep oguio o0edee) 9X9A 009 J9 JUId ES fit titre tee"squemtes saqor ouenb no “IP UN-LU9S 2109 CS ‘2 519 & | SI01} 9p gU0 091puodde 499 ap odueo np Jo 971p | -19 : quear u9 597 | = E "(6 Mo)! #9 "26e ‘d ‘6 Mooylegos |-odoagut np ouxoqut proq :Xnopnueis soquo | -enp soarogoyu | 5, -JP49S) HS ‘(09 uos YPUDUT 491SD60p dm] = -19q0} 9P pui so nb Jroup podTouo e7 ans -soyed sop LS -duns) j95nq ep 1onoq|'e#8 "d ‘09 uosdung su Jus ‘sootpuodde so] ins sonSoyeue sjuaurouto SO[OTJIR JIAIUI9P _ ‘JDuortquados anbyion |-taur (xogseSoreder) ‘q SOP ‘Soule[Noit) onbsord SOIT S9P JUEJUI] | J9 AOTUIOP-JUPAY *c ‘ds \39 Sagnbue soi sogrito souS$tf op oguo aoedeuen }/ | "L8y ‘A ‘y6 Jorpouogr snynuPipTo — 98€ À ‘36 Moojeuog (saved) v7sbo0dop — *&L11 ‘4 ‘j6 ATANOG ‘OL ‘d ‘pge uosdturnS 098 ‘d ‘og jpueag "IPUBIA SAUALVAUA( — ‘I] ‘u9Y at He Eee | PP SITE SURND. JUOU | ro oomd |‘: ‘SIJeTde ju *+tt+: +990 /0IP9 PI 9P XNPAI9 ‘(6 M99J[PU96) xe{pey -o[qeqo1d 3s9,u) 9€ 99 eI HA tds -91901p90u. Saorpuad | -B] SPIOG S9I ANS need op O7 3 SOMTSA Te: DY| DE o D 6e Mao) 1800 sons e | -dV ‘souonbrx nod AUI9JX9 PI0Œ 9 Ans Sosnoiq -S01Y 22 Duiutyog 9p “ay -IRU9S #Y21UQ0u9 °J] Es WE quos 1nb soourd sop SOU ou US sop no SJu9p ee 46 _9UI9)x9-0419dn8 0987 SO( ‘JT01P 9109 np ounone ‘949 ‘(ungsny np ‘T109) osrers rs ADN D DÉSERT LUS ee 9199 np sansrjuoo s9091d “UE 9140107 :(36 ‘JIPU9S) FPT MES Sen ail ‘‘‘ogroup oourd | op ‘ooedeuvo ej op Stoug sole] sôt 28m (ce 0 € xefpey où (ce ‘Jreuos|;0 ‘36 AoJieuos ‘698 d)e 2 Sourd9,p |j9 soyyed sop spaoq XNPUIHOPE SJUOIBES SOT ans ‘O8 A4) CANS OIL: ‘7427d0s |"0$ JPUTAG tt A H ‘JSUOT Som9s Y | So ans sourdo s0ç SOIPUI S0L 7049 S001d op SE JD np ‘juouto Uoboy Due à ‘(86 Moa7ieuos)(; ASLIV) is a a| tt tte soajonbu quourogoueay | xne on$rjuoo oxredur ouerp RARE EL-OEr OS 9IU0]0r) #à & El {soourd ja sijexde sou soorpueddy au 9991 aun ed norpru ne :(v8g uos ms) tpours|12 © ‘Id ‘GIè SUP SET Sinopite 3597 ‘oovdeueo e[ op | 989044 jeutuopqe queues 0 A A FR “2 ut St (io soyzed sep Sp10Q So] ans sju9p s04 E.-L. BOUVIER. 20 JIA 009 | *OIL91JUT 52P0YI2T ‘IA ‘U99 “JPUPIG S2D0yIY0ADd °A ‘U9r) ‘ANOGJ9 ‘MPHS2P0YF00N *xneuioue sosrejdmexe sonbjonb zoo nes ‘nu no 911PJUaTIPNI 2[N910Y ‘ONBUOT S917 JUIMOIEUTPIO 9[PSIOP ATI[IES SUNP Iunuwu 941/S04 ‘Sayln[e9 sonpou sp Jed 29dn990 21090 59 aurIpoum orjJed Ane] seu ‘Sal9Te S9091Ÿ SIO1 9 SOIEUISIUU saoard sop 9199 enbeuo ep juequesoid squeamms xneurwuopqe squomuSos s101] so ‘olqied u9 no Ju9we18707 JUAUNOTSNE 8$ jeurmopqe juomuses ,& np sa9gid burs 897 cesse -9dd0[2A9P U9IŒ 91N919V ‘9[8SIOP OI -]I8S 9UN,p IUNU JU2ANOS 21S0OY ‘SOUIOIE9 SINPOU sop 4ed o9dn990 97sa1 aueIpau otjaed dnoj SIP ‘saqeioqe s0991d € 39 So[eUISIEU saoaid S9p 9109 onbreuo ap quaquasaid c-8 XneuIwWopqr sjuotuses S97 Mn sain 3 sue ciolelaia ls lecn sie e nie oo ie pales epehetelepereiesene diese Nr ONE -joue supratput sonbjonb suep Jnes ‘sonuuo sao9adsa So] Suep 9oJfPJuomuipna 91N919V SAIT -1seq souido,p o4red eun,p net[Iu np queied ‘ngre ‘o[duis 913S0Y "Sa[[2WJ S9[ ZoU9 auones e S99n/ls sa99id si01} J9 Sa] S9[ SUCP sogied9s Sa[e19} -e] s99o1d soqrod sonbjenb 140] anod ‘aJpnpe. ZaU9 ‘juepnos 9$ SuIe)J99 JUOP ‘SYJI9180 Sa]Npou | | s.-(-sopeuiseu sa9a1d sep adwuo2 nuoz sed quamaqeqoad eu Jnogne,] ste ‘2225500 S2p0y] -100N PI 2p Juomuses 0% 2] SUPP S9991d € onb peine Lu jt ‘O1 d ‘ee yus soide q) ‘sejour -sip soangns sop ded soodedes seu ‘sonsrjuo9 quos jeurmopqe juowuges ,& np s0991d but so ‘our ue 1}ede quourarea ‘xneuidg no ap SJI2ANOI9I JUOS 6-6 XNEULWOPAE sjuauugos $9T "AI ‘U99 “Jpueig s2poyruonhyd | XNeulWopqe sjuowSes SOp So|C19ET 599 “ouerpou uorssaadop epuojoid aun,p 29$n949 39 S9$S0Q 9p 2Tun a1d sep naijruu ne SaH19189 So[npou s9p 1Ed 29dn990 asnautiquau 2118 ou/(] œu 998de1v9 { S99PI[OJ S9{O[ 9P AUIO 2N919Y ‘CE PE & -sonbr11SUS309841S0 o[[ : aS20/bun o1gwuogon |snyndiouo] (sndoade) ‘q fl ‘(J01pauag) WeurID -88% ‘d ‘76 J21pP9U94 ‘6 ‘ds (86 mooyregos)|"29-09"88 "666 ‘d 66 "M90] OJ[ : 2S07p |-IBU9S 22YSU9S9USSOM ‘d aefpey sop nqti} I 9P S91U97) sessesssesseee: *911078Nquue 97704 a1atmaud e[ ep oyrpododd np net] -IUT 9] JUSUWE]N9S JUAUSI9FFE 9J101P oouId ®[ 9P SJ#10p SOJ : S9ITPFI{IO -PJ1x9 Sau1d9 S2P 914] 9}1W941X9,T dnoonesq op essedop mb oqurod aun 9ouw:OJ [21978[-OI9JUE ojour/T nosesesessssesese ete: 9J107EINQUIE ayjed axarmeud ®] 2P oyrpodouid np a[PJSIP 9710917X9,[ nod un quassed -9p 9JI01p 9ouId EI 9P s1SI0P SI (saateqIqio-ta7x9 Seurd9o S2p 21011 -gque 9JI091X9,/ dnooneeq sed assedop ou 39 sn3qo S9414 759 a9ed -bJR9 ®[ 9P [019781-019JUE o#ue,T *L8Y ‘d ‘76 1°Ipeu94 sndoadeg = ‘ggg ‘d ‘&6 Moaj[euos *M99JI8U9S NOULAOV'Id — ‘III ‘U99 *SO[PUI SO] ZoU9 [qq 9p U9II { S9[[2 9] S9[ Z9U9 UoOPAE,] ap g-£ sJuotu$os Sap a19ne5 PI0Œ a[ Ans son$1JU09 S299Id g 2p 2119 ouq ‘Souirda 8 e Ç 9p JUEAB ua guide J9 o1g1de U9 JI04p ‘ryeqde soxiogepnque sajjed sep ayrpod -oJaum {99ede1P9 8] INS S21{99quI SUIOUW 39 sanSuo Sn[d jueJ9 sous -I] s99 ‘jura ua Sagtfro 79 sagnb -1e SOUSI] 9P 2UA0 S97} :SPIOG SAT ans sjuep 2p onadnod9p a9edeser 21 CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. ‘IX "U99 "Jpurag Sopoy1707dhu) ‘IX ‘U99 "OJUAM SA4990UPUY9T *Y ‘099 "IPUtI S2POYJHOULYU "XI U99 ‘AJ S2407D4Dq "ITA ‘U29 ‘uosduS sny]70yjuno R | | | | 1 PI NN OR Cr OCR AT S auUrIpauu 9991d PJ 99AP SUPIPIUI SO[NPOU S2[ 9 ‘sojuepuodsaii09 s9104978 S9991d Xne Ju9p -N0S 9S SOIJPUISIPU S999Id S9'T ‘owJeur FXN9IOUUEI O[N910Y ‘soJPd So] Jjuauwme} -a[duoo onbsoid queuyoro 79 sogddoyoa -9p JU9W9INSOUYP 298 /PA89 EI 9P S9]P19 -e[ Suorsuedxo ‘onbroxj surow no snjd jo ‘otiour ‘owu407i99} ‘o8ae] ‘JPId 94780 Peeseeseeeeesereeeeeteserereteeeee oui] -OUJUR9Y S9] SUPP AUWIUO9 UUOPP.] 9pP S9991d ‘SNSSHP U9 JU9ANOS 99 SPIOŒ Xn9P s9s dns Xnouldg ‘oulPINSUPIIY 9[N919Y ‘oUWIOJIMOI0d0 97949 9107 SUN P SUPPIP u9 ‘9lloJPJIds9i 94191}}n08 oun,P Ss1049pP u9 IUNU Sapadrauo s2p adue) ‘snpuojuo9 j9 songe siojaed ‘oseq Ano] RP SJU29S919 -109 JU9ANOS SoUuIOJIUIdS Ssonoiaqn} XN9P SUIOU NnP,P 9SP{ PS P IUNU : SNJ{O S94} 39 ‘IY99qur nod ‘jano9 ‘onbruoo 94504 CE TE ce à dE ne Si -U9A 91jjtes aun,p sromaed | À B Po © ©. QUI 91S0Y ‘sojmuepuod | So spEeË -S9J109 Sa[P49JU] Sa991d sa] ÉÉRE G = 994 S9n07J JUAUUOISN] 9$G np Er e € XNPUIWHOPE SJUAUIS9S son se SOP So[PUISJIPU S9991d S9T œ ENT 8 E ‘‘‘apno4aqny unpnoaquu } À D oO DS -Ids oun,p snossop-uo qu | 3552525 -NUU SI0JA8A SIPU ‘9PSIOP RCE OTJIIPS 9P nAImod9p 94] LME EN -SOY ‘ojuepuodsar109 ou | ALDe se -g1e{ 9991d 7 R quopnos | STE 98 [PUIWOpAR JUoS08 1€ | FEES np Soeurs Jeu S99g1d sa | m ® 0... CCC CR CC ‘"JueITIesS a[u949qn} UN,P SnOSS9P U9 IUNU 91JS0Y "S9JU2SI9AID S9[BuIWUO) sourd? XN9P 9p Iunut 79 gnbuozj a[no1oy ‘sourda sasno1iq -WOU S91} 39 SanSuO 9p amie JS9/L'S21qIT quam99[du09 ju97S942 G RP £ XNPUIUOP \-qe sjuawuSos sop soeursieu saogld $s97T | 1 seressssstesee-anbuoJ 19 18[4 ‘2810, JUSTA9P inb oxjsoi 97 aed Jo o9oedeie9o t[ 9p So[ea91el suotsuedxa sor 4ed 108 ‘9J949 97407 UN,P SUCP -op uo J9 ‘ouroqeardsoi 2191]Jn08 OUN,P SIOU9P uo runwu 59 mb soouid sop od1eo o[ aed 7108 ‘soS9qoxd quos xneoonq sootpuodde soç ‘soyed s9p 9Seq ®[ 9P SNssop-UP J0} U9 9npua}o suTow no su[d 49 onguoy onb ose] snjd sanofnoy ‘9I1P[PAO JU9TMOIPSIIASUPI} NO 9[EU0SPXOU ‘JEU -oSejquod sovdeien — ‘suordde[e) s9p suJiqeH *:++::S9pn0S SUIOUI NO SU[ S9]NPOU 9p 998 -uei oun 164 so91ed9s U9WOPAR.] 2P SAUPIPAUL s9991q ‘xnvoonq soorpuodde so] xogojoud ® juomuojeroods sed ques ou Jo o4to7eatdsor 0491} -Jn08 op sed eut ‘a}0PIIIPS 2UI9AUI 97919 UN, P \ nAINOd JUIW9IPI S91} 89 Soinonmoque s9772d | | ( sop oduvo 97 ‘soxtoyeqnque sajjed sp oseq E[ 2p snssap-ne J10} U9 sed JUPPU9)9,8S AU 79 ‘onsuoy onb oSxer snjd nod un quotwaiez s94} ‘oxtepn#ueti} NO 9UUOJIPI09 ‘OIIP[EAO FUIT -RUIpnJSUOI 20ede41e9 — ’SapOuJlT S9P SNJEH .P 3e ‘sayuepuodso1199 JUN JUOS SJUPAINS XNPU dops 1195 oun ol JUSU9JILI 7S9 91/S01 9'T ‘SO[NpOU SIP IpnySuOT 9 1948 S99 d g op eçeu [9948 saguuoIsn] wonboiz sajeu 2S € S9"] JU9W9[2107 JUSUUOISNF 9S [EUIWMOPAE JUSWSSS 4% np s292a1d Ç S9'T Qui S9991 4 JUu9ANOS SIUBIP a D aid sa S9PI9]E[ S99 -IW0 pqe sue "9ddoçsA9p uslq 9[n919Y ‘9[PSIOP 2IJIIPS UN,P IUNU Jed sogiedes 1. “o4te}uomuipna stojonbronb ‘eçduis xnoqnuids 9]N919Y ‘’SeJs1]us Jueun|osqe uawmopqr.] 2P Se[PI97PL S99914 E.-L. BOUVIER. 22 ‘(76 J01pau0g) 0CY L'S ‘FEI où 2P ‘IIIU) np $9]99 S2Pp 954] ny ‘(276 *ANOG 79 ‘MPA-"IN) 2ANON ‘UO0EG |-AML ‘(76 191994) oct e (£8 uIWS)|-0Jr JIPd JOMONQUEN OIL] *wu 008 ep [ep o841e, ne ‘(98 us) ‘(76 ‘pou9g ‘y8 US) ‘pns ne Shd\o6£-0€£ 19 ‘(78 JUS) ‘(0 ge ‘anoglolt-06€ ‘(88 ‘&8 WIUuS) j9 SPAPMPA)|'N ‘JL o1$-06£ IL AIPM “LU LATI |-P[0Q 2184 EI 2P 2848] ny 9ANIN-0LM0L|: JPJU2p1900 anbyuDIIy (88 Peas uosiopuer)[uosiopuoy) S9100 ‘(68 ü 0061 ‘(88 [uIUS) *N ‘AI opt-£e Ied ujruis) ‘uw |‘stio7jep de9 np 954] ny 0011-00L 2eql: ‘uoruuoidas anbrun]1y 08% ‘d ‘6 yorpouog | ‘*‘soxroyepnque soJ7ed sep o9y1pod | &IpawWOrp (S2POUMT) *N jORNSN ans ourd9 9puras s91} ouf *6LY "A ‘76 91m | -AU94 29/00) SapOy}] = *Q IST PISI "OU IIIXXX dede Mes nd \ ‘LS INAIOA ‘2% 39 1 ‘SU ‘nd 8e) ‘d ‘gs ‘ () ce ‘d COUR UUR ie ton p ‘id ‘8 cd ‘68 us **-*‘ojeloneiq uo1$9ai onbeyo ans sourdo sonsuor burn ‘saqjed $s99 ans souida say oaquo sajnuids sonbjonb (Saedhazessob y sapoynrq= | stojaed ‘souicyepmque soyed sep ; ‘4 Sy À oupodoruosi | ans sourda sapjod 9€ | L'id ‘LLI ‘à ‘ÿ6 401an0g | 9-t SU [IL ‘14 “16 19 &9 ‘d ‘Dy6 % Où ‘d ‘76 xotA -n0G ‘1-47 APH-N °V, aprounus (S2POUTT) 'N | CS ses e - | AFS e ANT C ‘8 "d ‘&g quums (sred) iz15sDÜY (SopOqWI) °N "oI[IP] 9PUPAS S91} 9P SNPIAIPUL So] Zoo jues ‘s9#uoe 5917 sd109 np saurd9 79 a43soy ‘saubupui49 -Qns Ssoxiojequque soyed ‘o9ed -PJP9 P[ ANS SUIOU ne ‘souIda Sa] od}u9 sojuuids 9p nAdnod9p J59L | “tete: :"SoJl0)P[Nnque 597784 S9Pp 9JIpOdOIqoSI ] ans sourdo sayred ep ‘soSuoyje nad sdaoo np seurda 39 910 ‘ser -ede zosse sourogeçnque Saqzed ‘o[eryoueiq uo1S91 onbeyo ns uouraue oUIeZIP aun,p 24quou ne juos mb sourdo say axjue sopnutds 9p gu10 JS2J 08 J0 GLE ‘À 6 Jorpoueg Je ‘8 ‘d ‘gs qu (saed) sapoyng = ‘16 ‘d ‘D 76 ‘OR ‘d ‘76 JSTANOG ‘T-'H 79 SPIPMPAH-OUIN °V *IOTANOG J9 SPIPMPH-QUTIN ‘V SAGOHITTIONN — ‘À ‘U9Y serons °°GNSS99010À ‘(99 ‘r9 o7e4 ‘dS) ‘IL ‘À ‘99 ‘(79 og) |(Ho4 pewmbsg ‘Joan00/jo ‘y99 ‘d ‘79 0784 4 lsuor 6 no 2 gp tonu soareuu sodjout 8j |-ueA : 2s2»)bun aiquoyon |Siu4091Q (Snx99018394) ‘d pa SiNoIOe nquae s977ed {sa ane Co, ere |:(76 SPIPAPH= I) 1009) 'E0 SeonT 7 DEL 7607 |.nrroA ooedeie) ‘odieo np ouioui LS ae Fe SION “88 |areq 19 e5ue10 o1req ‘ (gç|-nuvub ‘4 = "e "Sy'IIX Id paoq 91 ans sourda 9 no ç ep ou our 697780 -SHJO \ uOsI9puar)|seonT Je ‘hoeg {ze vu (e10ptqns |-2q) n94-2p-axu0 7 : 2nb19 no JRI0JUT |-24HJuD pnS np anbiuuy ‘(76 Ip ‘(76 ‘pouog)|-auog) gorÂqua sel sep SOIJAUI DOI [9848 NV : ÉuUYII 9p 40 ‘L81'd'#é ‘iotAnoOG {91 ‘87 ‘IAX 1d'sèer ‘d'‘és eueq ,DS09NA1IQ (S2POUT) ‘dd ( *98# ‘A ‘76 = -IR J9 9JUEIIIES 97949 AUNP IUNUL JS9 II ‘ourogepnque 9724 III -91d R[ 9p J510p np 2seq e[ JU -291, 9ssed9p J101p 9padt2u9 9'T ASS ans rss OT UT NT) -se5 ouido agrod oun ‘osnanbnixoa aoedeuro ‘oduo np 9uiaqur paoq ne sourd9 son£$uo] £ 9P IUNU JS9 II ‘aliojepnque 97724 axgtwuoud ®j 2p ee np nou 9] dnoonvoq | se assed9p ou J104p 9padtjouo 927 / | S91} 39 SE S911 Sa, -n919qn} 9P NO s9J18 -090JI19A 9P 9J19AN09 ooedeieo ‘souido # no £&9P SIOU2P U® IU -nu ‘n$re ‘‘inSaer1} JuowansuOr 2[0019Y 21 NÉS. DES LITHODI CLASSIFICATION D den NE ete 100 SULIUIO S91] JU9UI \ -OIPUIPIO 9[N0190, 9P SeNUIds ‘JICY | ‘(sc uosdtwur}S) 09S1oue4y ‘64 ‘à ‘gs uos }-xed oxtopexrdsor jeuen ‘xnonuis 99ed -UUS : 2240/7909 970] |-duS ,S2/Durwpu0/ *T |-C4AR9 EI 9p XNEAYJP] SPIOF ‘So[N99qnN} no soutdo S9J1N09 XIS 9P ‘[ESLOP 9109 np ‘oseq es P 9IUNU 9[P1JS0X 9JUI0Oq (e “tresse -"Jou 2988 9110}PII/SOI JEU . k pe é .qg\-t9 ‘so1uep JU9UOIQTNoQAIIT 992de1V9 (86 uoxeg)|‘uoxeg) 7opuauo onbyio| y] ne on EN na S91J90 006 |-24 NP 2/D01dou UorbaY |‘66 UOXE] P2PoW01p ‘TI 91194 oun.p sIOjaed Jo oseq vs e sourd n € . ‘ . -9,p a41ed oun p e1Untœ 2[P41JS01 9}UI0q MAUR D: Ca Mer EN len ARES ‘d ‘og uosdærg soude q) ‘29edeuvo e[9p XNPA19]P[-019JS0Ù Ssapnodoqn) Sspuris SP UPYAIU DE UNUIXEUI 9JJQUIRI(T “(oo ‘“duns)! ‘(09 uosdærg ‘ge suoq ‘1e ‘A ‘og uosdur]g sinoyoodsopl-qi9) oostouesj-ues opligr “d ‘ec suoqqin snu Jed guoddyljoreg : atuuo/09 any] |-puagos (snuruyiou97)) ‘4 ‘(99 ‘org ‘ds)'ouea ‘(8$ "YLT °d'‘ér jpueag °°"; """""aredur jo UCIPOUL UN Juop uosdtung ‘(67 jpurig)lpunmy sopoyruoydorr —|sopnoroqny s1047 aed oguitwuaoy orp[res is (er opUM I: erquni|#8 ‘er OU ‘IIX Id : 61 ‘og /ajanoo oun oseq es Re queAe osnJqo -07 aan np onuonoql'ix ‘Id ‘y8r ‘A ‘76 ‘AorA | o]P4JS0I ajuI04 ‘oovdeieo ej op sojeu LU : Dyuaut0 onbyiorq|-n0g TI 19 17 ‘Id ‘2 ‘d|-97er-o4pque sjuop op exred oderword np agouoruquandes uorboy |‘87 OJNUA ,S224DQ10 ‘H \EI 9: NUOAIU NE WNUUIXEU 91JQ9UUBI(T *8y ‘d ‘66 SUOGAIT SAUIYAOUID —= RE —, teteessesess see SOINOTIOIUE saojjed sap 1n199 Jo sopodrrouo S9p odueo of o4ju9 JUoprA9Y IRUR9 UN] "210909 J1848[9,s nb 99RdPIP9 PJ ANS JU9SINPYI 98 S9[N919q07 SOL : SPAOG SO[ ANS onb soquuids op eu opnore réreseseseseset cos -IOu9 SUOISUOUI( ‘S9JUPAIMS s93}ed s9p In[99 jo sopadryauo sop odaro 9[ o1juo quoxvd -de 591} [EURO op seq ‘osnour -1d9 no osnopnooqnz o99ed -PI69 : SNSSOP U9 J9 SPAOG 598 dns soquurds 9p J19An09 a[u9r9y Cyr ‘A ‘er jpurag sopoyzuoydor = ‘#81 ‘d ‘76 Aotanog 69 ‘d ‘gs uosdurs ‘Ly ‘d ‘87 oYUM *OJUAMA SAUBDONGIHO — ‘IX ‘U99) Re PET Ur RAS Le dr VAS DC S9[N919qn} 9P 29010 99Pde489 ‘ so]uTA -ins sojjud sop eypodord np 39 odreo ‘(86 np ‘ojipodoiou np anomoque pioq “(86 uoxex)|uoxeg) 7vyuoruo onby1o ‘97 *d /o7 ans Soj9do soxqne p ‘sopadr|auo sop S91]QUI 099 |-04 np a70ordoug uorboy |‘e6ç uoxeg sodipmsiuo ‘y |od1vo np spaoq Sp Un9ry9 Ans 19 9J1P -Od019U 91 ANS 979419 gun :siou9p u9 XU9P J9 SUPPOp u9 Sa[nurds Xnop 9948 9UIOJIAIÜS 9[N919e ‘JUEAE U9 99JU9P 9] -291}J94 anberd aunqjuey9e9 ‘I01p 9150 ‘1e **69PodI[au9 Sp 9d4189 np J k ". 9UI9JUI-0I9ANS piOU 9] ANS 97949 UN (ex 1purag) ef LT °C 67 ouuodqns opou a queams sogsodsrp "PEH ONE CMNIS DYS077 |PUBIE FYSUISAUSSOAT U, | soimurds op saa8ver op luno oureqns | -UUI 7) 9[N919 : JNEU 9[ SA9A 9STIIP 91JS0Y : "tt" ‘soanonmgque soyyed sp od4e9 9] Ans SuUIOU ne 97949 ouf] ‘2[PAJUOA oUiIOFIurds of -]18S aun JUE4989 9[dUuIS 21150 EE OT BA BU SANTO D | . \ At ç (Im) 11e d 99 19 “c99 juaweues Xne19}P[ SPiOQ :say}ed (aœnasny np ‘I09)l'd ‘#9 oqeg ‘ds nunssy 3 osrel8ue arquoon ‘(99/-D290 ‘9 — ‘98 ‘8ÿ ‘IIX S9T ANS IU 9984189 e[ JNS Ssafn9 yo ‘oyeg de) zoanooueA | ‘11 “8 ‘x “14 ‘ég1 “d | 12007 2P sed ‘sosnjqo 99ede1e9 Se 4 ‘ . 4 [RL 9P 99919 { sopuorord saxq so4ie} Ep ERS PAGE NOM Eee) Ad -[QI0 SaINJOUEU99 { JUEAP U9 9X9A L ONU ane MPION EF URI, SUeUons 9 ETS 9JU9p11} JU9monFeA 21350 sa peeeessseeeeee:9npu079 An 2/00] 99ede189 t] Cd ans soquop xnesoqer spaoq ‘saged | °P nee Dal ” ‘(45 'sduns) (#9 So[ dns Jo sojedogey suorsued ? °I 120 UR 688$ 4 © S99lieu S9P |97Pg) 9IUIOJI) 2JNEH -xXo Sey ans soqnodoqn sonbjonb | 1° JURA Ue 90 & d ms JNNTI9J |J9 JoAnOOULA ‘(LG uOS yx cd | yerqouerq quecmoyuoz ap go opex | U021+ MEINOEUEAP RAROTIEASO . -usueoaru |-durg) oroquoy op ateql‘gze ‘d ‘ze uosdurg }-97eç enbrajses 97949 ej onb ou -enb 359 91S01 97 ce DE D ‘6 Jpuvig)l'(67 3puezg) efe9zoq ent 4e ‘d ‘ec je ‘eur “d }op ‘sosna[nozoqu} Je sangre zosse Si de EE L IUJONT |-eq : auuo/yn) apnop ‘er pueig vordh ‘9 |'anberparo quewieqqueu np 49 enbray RC = -se8 Juomepuoar np $2919 ‘SapUOJ / Lu -o1d nod-Ss91} S91IPJIQIO Sani -0e499 { JUPAE U9 9X9AU09 nod un at Qu NO SJU9P 9p NnAIMOA9P 917S0U : Sa[ ‘Iy99qui S91} 91}S0Y (6z jou ‘g7 q! sesseestese---ndh} *79 I 2P SUISIOA S91} ‘SISIN S91d à 4 -2,([ ‘20edeze9 PJ 2p AnoH9JUE PI0G np P[ep ne elfes SJOIN) 420n0oUD4 27] |‘6L SIN Suou/raauQ ‘9 | sed Jr] ou J9 o1IP[NSUPIH} JUOWYSNJ{O JS9 91/01 9T .. SP FPE FER ARE DSTI) ee Rips sr avisfee LE fan Ur sn[d J9THTUOPLI “( nd 91,9-jn9d eaanod uo oyponbe 994 »o1df ‘9 ®j e[qeiques sinaqre,q) 62 LY *soouid sains ® u9 À [I SIP ‘sa[n249qn} 2p Sanaumodap juos 29edezes Sdar) uodpr np PAON |'61 SIN vSurdre ‘9 e[ 2P Se[PJ9J0] suoIsUPAX9 S9] {SJU9p JUomgInISEO Je sonbie jua mere] -n$94 99ede1e9 e[ 9p XNLI9JEI SpIOg ‘Iy99qut aurad e 39 enbuox 21304 “88 ‘d ‘re doranog {69 ‘d ‘es uosdæuns 61] °d ‘67 Jpueig ‘JPULIG SAGOHLITOLAXUT) — ‘[IX ‘U99) 28 ESPÈCES Distribution bathyÿmétrique en mètres. fapalogaster cavicauda. | Sublittorale dentata ..... Mertensi .... Greibnizkii.. Jermaturus inermis.... GA 5 :.. Mandti...... hispidus .... Placetron Wossnesenski. Phyllolithodes papillosa Neolithodes Agassizi... Paralithodes brevipes.. Lithodes antarctica.... Acantholitbus hystrix .. Paralomis longipes.... forcipatus... bicornis..... Grimaldii ... diomedeæ... camtschatica. turritus ..... Rathbuni.... califoruiensis panamensis.. MAR... +. + Couesi. ..... æquispina... tropicalis.... Murrayi..... spinosissima. multispina.. papillata.... aculeata..... Verrilli ..... Yerrucosa ... formosa..... aspera...... Rhinolithod. hiscayensis Echidnocerus cibarius., Cryptolithodesexpansa. — Wossnesenski. cristatipes... selimanus. .. diomedeæ... foraminatus. brevifrons... typica. ..... sitchensis ... 700-1900 805-2300 ? Subliltorale » Sublittorale ! 400 300 Sublittorale 900-1100 1000 Sublit. 500 600-1400 150-750 860 570 2 350 1400 1500 ? 573 1200 Sublittorale 1100 1200 1480 Sublittorale 600 Sublittorale » 900 Sublittorale me PACIFIQUE [ATLANTIQUE a CS CR +, & mr? 8 E- É = eZ = cd a KE _ sel == | =£ = le.2 S = = SRIRALS LS NS [e) Tu Les = SR PR | ss RSS It eus ES pu ee) l'ôle nord 70° pl EE ! | | LATITUDE NORD TT Lo 6ù LT 400 30° Équat. 469 50° 2 000 LATITUDE SUD Re 60° 30 E.-L. BOUVIER. DISTRIBUTION DES LITHODINÉS. Distribution géographique. — West peu d'animaux dont la distribution géographique soil aussi curieuse et digne de recherches que celle des Lithodinés ; elle avait frappé Brandt en 1849, à une époque où l’on croyait ces animaux localisés dans l’hémisphère boréal, et cet habile naturaliste avait parfaitement démontré leur extrême abondance dans les régions du Pacifique les plus voisines de la mer de Behring. Depuis lors le groupe s’est enrichi de nombreuses formes nouvelles, dont plusieurs proviennent des profon- deurs de ja mer ou des océans de l’hémisphère austral, mais la distribution géographique des Lithodinés n'a fait l'objet d'aucun travail nouveau. C’est pour combler cette lacune que j'ai rédigé le présent chapitre de ce travail et dressé le tableau ci-joint dans lequel sont condensées toutes nos connaissances sur la distribution des Lithodinés, en profondeur, comme en surface. En premier lieu, 1l résulte de l'examen du tableau précé- dent que les Lithodinés sont localisés presque tous dans l'hémisphère boréal, et qu'ils occupent en très grande majo- rilé les régions de cet hémisphère qui sont baignées par le Pacifique ; sur les 49 espèces du groupe actuellement connues, 43, en effet, se trouvent dans l'hémisphère boréal et 37 dans les parties du Pacifique situées dans cet hémisphère. Il est intéressant de constater d'autre parti que 20 espèces sur 49, soit près de la moitié des espèces du groupe, occu- peut les parties les plus froides du Pacifique, et que 29 sont répandues dans les eaux froides ou tempérées de cet océan, c'est-à-dire depuis Le 70° jusqu’au 30° degré de latitude nord. Au sud du 30° degré, au contraire, les Lithodinés deviennent d’une rarelé extrême dans le Pacifique ; on en trouve 6 au plus depuis le 30° degré jusqu’à l'équateur, et 4 seulement dans toute l'étendue des mers indo-pacifiques australes. On observe d’ailleurs que les espèces indo-pacifiques sont localisées presque toutes au voisinage des côtes améri- CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 31 caines ; à l’est, c’est à peine si l’on en compte 5 au nord de l'équateur et 2 au sud, encore faut-il ajouter que les 5 espèces du premier groupe (Hapalogaster dentata, Paralithodes brevi- pes, P. camtschatica, Acantholhthus hystrir et Cryptolithodes eæpansa), distribuées depuis le Kamtschatka jusqu'au Japon, se rencontrent pour la plupart dans la mer de Behring, et que les 2 espèces méridionales (Zithodes Murrayi, Para- lomis aculeata), localisées à l'extrême sud de l'océan Indien, sont en réalité des formes antarctiques et paraissent appar- tenir à la même aire de distribution que les 4 espèces de l'Amérique australe (Neolithodes diomedeæ, Lithodes antarc- tica, Paralomis verrucosa, Paralomis formosa). On peut en dire autant des 8 espèces jusqu'ici connues dans les eaux de l'Atlantique ; les deux qui sont situées au sud de l’équa- teur (Paralomis verrucosa, P. formosa) occupent les parties les plus méridionales de l'Atlantique el font partie du groupe des espèces de l'Amérique australe ; quant aux -6 espèces situées au nord de l'équateur, elles se rattachent à celles de la mer de Behring par la Lithodes maia qui remonte, d’après Brandt (49, 172), jusque dans les mers bo- réales de l'Amérique, quant à leurs formes (ropicales (Lithodes ferox, L. tropicals), elles dépassent à peine la zone tempérée et ne paraissent pas s'étendre au delà du 22° degré de latitude septentrionale. Il est bon d'ajouter que la plupart de ces espèces sont localisées au voisinage de l’ancien continent (L. ferox, L. tropicalis, Rhinolithodes biscayensis), que deux autres (L. maia et Neolthodes agassia) paraissent habiter les eaux orientales et occidentales de l’Atlanlique et qu’une seule espèce, la Neolithodes Grimaldu, paraît propre aux régions américaines, dont elle occupe les parties tempérées les plus septentrionales. Si nous passons maintenant des espèces aux genres, nous arrivons à mettre en évidence d'autres faits non moins intéressants. En premier lieu, on observe que tous les genres sans exception se trouvent dans l'hémisphère boréal, tandis que trois au plus [(Neolithodes, Lithodes el Paralomis), 32 E.-L. BOUVIER. ont été signalés dans l'hémisphère austlral. Cinq genres seulement sont représentés dans l’Atlantique, deux dans sa région australe({Paralomis et Lithodes) et trois dans sa partie boréale (Neoliüthodes, Lithodes, Rhinolithodes) ; par contre tous les genres de la sous-famille ont été signalés dans l'océan Pacifique el tous, à l’exceplion d’un seul (}Veo- hthodes), dans les régions de cet océan qui appartiennent à l'hémisphère boréal, voire même dans les parties les plus septentrionales de cet océan, c’est-à-dire entre le 60° el le 40° degré de latitude nord. Bien plus, tous les Hapalogas- triques, sans en excepler un seul, son! localisés dans cette région, et ce fait a bien son intérêt si l’on songe que les Lithodinés de ce groupe sont les plus primitifs de tous et rattachent la sous-famille à celle des Pagurinés. Distribution bathymétrique : explication de la distribution géographique des Lithodinés. — Après avoir établi les faits qui précèdent, 1l nous reste maintenant à chercher une explication ralionnelle qui permelte de les relier entre eux et qui rende compte, par conséquent, de la distribution géographique actuelle des Lithodinés : 1° Les Lithodinés ont eu pour berceau la partie septen- trionale du Pacifique. — La sous-famille des Lithodinés ayant actuellement des représentants dans presque toutes les mers du globe et sous presque toutes les latitudes (à l'exception des latitudes absolument polaires), on est en droit de se demander si les différentes formes qui la cons- lituent ont pris leur origine et ont évolué dans les espaces qu'elles occupent actuellement, ou si elles ont eu pour berceau une région déterminée dont elles se seraient éloi- gnées peu à peu en continuant leur évolution. Il ne sera pas difficile d'établir que la première de ces hypothèses est inadmissible, et que la seconde permet seule d’expliquer tous les faits relalifs à la distribution géographique des Li- thodinés. En premier lieu, si les Lithodinés avaient évolué sur place, à partir d’une forme pagurienne commune répartie CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. RS: dans toutes les mers du globe, on comprendrait bien diffi- cilement que la sous-famille eût pu atteindre le remarquable degré d’homogénéité qu’elle présente aujourd'hui. Quels que soient, en effet, la latitude ou la longitude qu’elles occu- pent actuellement, les différentes formes génériques de la sous-famille ne présentent aucune différence essentielle, et les représentants qui les constituent se distinguent simple- ment les unes des autres par des caractères spécifiques. La Rhinolithodes biscayensis du golfe de Gascogne est très voi- sine des Rhinolithodes du Pacifique tropical; la Zathodes antarctica est extrêmement voisine des Lithodes du Pacifi- que septentrional et de la L. maia de l'Atlantique, enfin la Paralomis formosa, qu’on trouve au large de la Plata, est, en somme, fort peu différente des Paralomis du Pacifique et de la Paralomis aculeata que le Challenger a pêchée dans l'extrême sud de l'océan Indien. Une ‘autre considération non moins importante, c'est l’extrème abondance des représentants de la sous-famille dans les régions froides ou tempérées du Pacifique septen- trional, et leur rareté de plus en plus grande à mesure qu’on s'éloigne de cette région. Nous avons vu précédemment que tous les genres y sont représentés, sauf peut-être le genre Neolithodes, et que leurs formes spécifiques y sont plus nom- breuses que dans tout le reste des océans. Cette distribu- tion particulière des genres et des espèces de la sous-famille ne peut guère s'expliquer par le développement sur place, et s'explique parfaitement, au contraire, si l’on admet que le Pacifique seplentrional a servi de point de départ à la sous-famille. Cette dernière opinion se justifie et apparaît comme l’ex- pression rigoureuse de la réalité quand on remarque que les Hapalogastriques, c’est-à-dire les représentants les plus pri- mitifs de la sous-famille, se trouvent tous, sans exception, dans les eaux froides ou tempérées du Pacifique septen- trional, et qu’en dehors de cette région, on n’en a signalé nulle part dans les océans. | ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, 3 94 E.-L. BOUVIER. C’est donc dans le Pacifique, et dans le Pacifique septen- trional déjà largement ouvert pendant la période secon- daire, qu'ont pris naissance les représentants primi- tifs de la sous-famille des Lithodinés. C'est là, aussi, comme le montre leur histoire, qu'ils ont parcouru le cycle entier de leur évolulion, depuis les Hapalogaster et les Dermaturus, jusqu'aux Echidnocerus et aux Cryptoli- thodes, donnant naissance à tous les genres qui constituent la sous-famille, genres qui se trouvent encore tous, nous l'avons vu plus haut, abondamment représentés dans cette région du globe. Issus des Eupaguriens, c’est-à-dire des Pagurinés plus spécialement propres aux mers froides, les Lithodinés ont eu pour berceau les parties de l'Océan où ces Crustacés constituent encore la très grande majorité de la faune pagurienne; c’est là qu'a été le centre principal de leur évolution et c’est de ce point qu'ils sont parlis pour se disséminer, en évoluant peu à peu, dans, toules les autres régions marilimes où on les trouve aujourd’hui. 2 Les Lithodinés n'ont quêre pu se différencier des Eupa- guriens avant le commencement de l'époque tertiaire. — L'ori- gine des Anomoures est encore enveloppée de l'obscurité la plus grande, mais on sait pourtant que ces Crustacés ne peu- vent pas remonter au delà du jurassique, c’est-à-dire au delà de l'époque où firent leur apparition et se mulliplièrent abondamment leurs ancêtres plus ou moins directs, les Homaridés (1). Toutefois, si l’on observe que les Thalassi- nidés et les Prosoponidés, qui dérivent des Homariens comme les Anomoures, sont déjà représentés, les premiers dans les couches turoniennes (Ca/lianassa Archiaci A. M.- Edwards) et cénomaniennes (C. cenomaniensis A. M.-Ed- wards) (2), les seconds dans l’oolithe inférieure (3), on est (1) À. Oppel, Palæontologische Mittheilungen, 1862. (2) A. Milne-Edwards, Monographie des Décapodes macroures fossiles de la famille des Thalussiniens. — Ann, des Sc. nat., zool., sér. 4, t. XIV, p. 332, 339, 1860. (3) H. von Meyer, Die Prosoponiden oder Familie der Maskenkrebse. — Pa- læontographica, B. VIT, 1860, p. 183. CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 30 en droit de penser que les Anomoures les plus primitifs ne remontent certainement pas au delà de celte dernière époque. Or les Lithodinés se rangent parmi les Anomoures dont l'évolution est la plus avancée, et ils sont apparus certaine- men! beaucoup plus tard que les Anomoures primilifs. Si l’on considère qu'avant d'acquérir leur forme la plus simple et la plus pagurienne, celle que présentent aujourd'hui les Dermaturus et les Hapalogaster, ils ont dû passer d’abord par le stade de pagurien encore symétrique, puis par un aulre plus ou moins analogue à celui des Parapagurus, enfin par celui d'Eupagurien plus ou moins différencié (Bou- vier, 94, p. 208), on acquerra la conviction qu'ils ne peuvent guère remonter au delà de l'éocène, et qu'il est peu probable qu’on en trouve quelques représentants fossiles dans les couches du crélacé supérieur. | C’est donc pendant la période tertiaire que les Lithodinés, localisés jusqu'alors dansles eaux du Pacifique septentrional, ont pu commencer à se disséminer dans les autres océans, et c’est évidemment dans le Pacifique, depuis longlemps ouvert, qu'ils ont commencé à se répandre ; nous examine- rons plus loin s'ils ont émigré aussi dans l’océan Indien et par quelle voie et à quelle époque ils ont pu gagner l'océan Atlantique. 3 Émigration dans l'océan Pacifique. — Aucun obstacle matériel ne s’opposait, pendant toute la durée de la période terliaire, à l'émigration des Lithodinés vers le Pacifique austral, mais les habitudes de ces Crustacés ne se prêlaient pas à un déplacement immédiat suivant cette direction. Les Lithodinés, en effet, sont tous des animaux adaptés aux eaux froides ou tempérées : toutes leurs espèces littorales se rencontrent sous des latitudes comprises entre le 60° el le 36° degré de latitude, aussi bien dans l'hémisphère aus- tral que dans l'hémisphère boréal, et toutes celles qui se rapprochent davantage de l’équateur vont chercher des ré- gions froides ou tempérées dans les profondeurs de l'Océan. 36 E.-L BOUVIER. Or les Lithodinés primitifs (Hapalogastriques) sont (ous des animaux de rivage ou sublittoraux; ils sont localisés dans les parties les plus ee lee du Pacifique et se montrent, aujourd'hui encore, complètement rebelles à une émigralion vers le sud; leurs espèces les plus méridionales, l'Hapalogaster dentata et le Placetron forcipatus, ne dépas- sent pas, en effet, le 34° degré de latitude septentrionale. Si la dissémination vers le sud est actuellement interdite aux Hapalogastriques, elle devait l'être bien plus encore pen- dant l’éocène el le miocène, c'est-à-dire à des époques où les climats brûlants dépassaient, de beaucoup, leur limite septentrionale actuelle. Aussi, les Lithodinés tertiaires, avant de commencer leur exode, durent-ils s'adapter peu à peu à l'existence dans les profondeurs de la mer, et donner naissance aux formes plus ou moins abyssales qui appartien- nent aux divers genres de la tribu des Ostracogastriques. Certains genres de cette tribu, les PAylolithodes qui se rapprochent beaucoup des Hapalogastriques, et les Crypto- hithodes qui sont les plus différenciés de tous les Lithodinés, paraissent avoir été réfractaires à ce genre d'adaptation et sont restés sublittoraux, mais tous les autres s’y sont prêtés plus ou moins, et ont fourni aux profondeurs un certain nombre de leurs espèces Les plus typiques. À quelle époque s’effectua cette émigration vers les pro- fondeurs ? il est difficile de le dire exactement, mais si l’on songe aux différences qui existent entre les Ostracogastriques et les Hapalogastriques, on est en droit d'admettre qu'elle ne peut guère remonter au delà de l’oligocène ou du miocène. C'est alors que commença cette émigration vers le sud qui a semé des représentants de la sous-famille sous presque toutes les latitudes du Pacifique, et qui leur a fait atteindre l'extrémité la plus méridionale de l'Amérique antarclique. Abondamment représentés dans le Pacifique septentrional jusqu au 30° degré de latitude N., les Lithodinés sont devenus de moins en moins nombreux à mesure qu'ils descendaient dans les profondeurs et s’éloignaient de leur centre de dis- CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 37 persion: On en connaît cinq espèces (Lifhodes panamensis, Paralomis longipes, P. aspera, Rhinolithodes cristatipes et Echidnocerus diomedeæ), que V’Albatross a recueillies dans les profondeurs tropicales du Pacifique, au sud de l'équateur : une autre a été pêchée au large des côtes du Chili (Neolthodes? diomedeæ) et deux sont depuis longtemps connues à l'extrême sud de l’Amérique (Lithodes antartica, Paralomis verrucosa); ces dernières, habitant des régions froides, ont pu quitter les profondeurs de la mer, et redevenir sublittorales comme les Lithodinés primitifs. On n'a pas trouvé jusqu'ici de Lithodi- nés dans le Pacifique austral, entre l'équateur et le 40° degré de latitude S., mais il ne faut pas oublier que cette partie de l'Océan est restée jusqu'ici peu explorée, et que la région correspondante de l'hémisphère boréal, où les Lithodinés paraissaient ne pas exister, en a donné cinq espèces, dans une seule campagne, aux naturalistes de l’A/batross. Dansleur dissémination à travers le Pacifique, les Lithodi- nés ont suivi presque tous la côte américaine, bien peu se sont aventurés au large des côtes asiatiques ; 37 espèces, en effet, se trouvent acluellement dans le Pacifique oriental, 12 seulement dans la parlie occidentale de cet océan; encore ces dernières sont-elles toutes localisées vers le nord, la plus méridionale d’entre elles, l'Aapalogaster dentata, se trouvant sur la côte japonaise de Simoda, c’est-à-dire par 34° environ de latitude N. Il est possible que des dragages dans cette partie du Pacifique, dans la Polynésie et au large de la Nouvelle-Zélande fassent connaître un cerlain nombre d'autres Lithodinés ; mais les recherches infructueuses de M. Filhol, au large de l’île Campbell, permettent de croire que ces espèces ne seront pas bien nombreuses, et il y a lieu de considérer comme un fait définitivement établi l'extrême prédominance des Lithodinés dans le Pacifique oriental. : À quoi attribuer ce fait, sinon à l'existence du grand continent sino-australien qui a longtemps exisié dans ces régions et qui s’est fragmenté, de plus en plus, pendant toute 38 E.-L. BOUVIER. la durée de la période tertiaire, pour former la Nouvelle- Zélande, l'Australie, les îles Malaises, etc.? Tandis que le Pacifique oriental, pendant la seconde moilié de la période tertiaire, se trouvait dans un état assez semblable à celui qu’il présénte aujourd’hui, le Pacifique occidental, au contraire, était le siège de mouvements orogéniques importants et ces phéromènes ont dû suffire, ce nous semble, à empêcher les _ Lithodinés d’émigrer vers le sud en suivant cette voie. & Émigration dans l'océan Indien et dans l'Atlantique du sud. — C’est à l'existence du continent sino-australien, et surtout aux phénomènes orogéniques dont il a été le siège pendant la période tertiaire, qu’on peut altribuer l’absence, jusqu'ici à peu près complèle, de Lithodinés dans l’océan Indien. Cet océan, qui se creusa pendant la période crétacée, élait séparé du Pacifique par une région peu favorable aux émigrations ; aussi les Lithodinés ne paraissent-ils pas v être parvenus par celle voie, et c’est en allant de l’ouest vers l'est dans les mers du sud, que ceux de l’Amérique australe semblent s’y diriger aujourd’hui. C’est ainsi que s'explique la présence, au large de l’ile du Prince-Édouard, d’une Lithode (L. Murrayi) et d'une Paralomis (P. aculeata), les seuls repré- sentants de la sous-famille qu’on puisse attribuer aujour- d'hui à la zone océanique indienne ; c’est en suivant une voie un peu différente, mais en partant du même centre austral, que d’autres formes ont pu parvenir dans l’Atlanti- que du sud jusqu’au large du Rio de la Plata où ils sont acluellement représentés par une espèce du genre Paralo- mis (P. formosa). Au reste, la Paralomis verrucosa semble, par sa distribulion géographique, donner la preuve que l'émigration s’est bien effectuée suivant la direction indiquée plus haut, c’est-à-dire de l’ouest à l’est, depuis la pointe australe de l'Amérique; cetle espèce, qui existe dans le Pacifique près de la côte patagonienne, s'étend au sud jusqu'au détroit de Magellan et à la Terre de Feu; elle se retrouve d’ailleurs plus à l’est et, d’après Cunningham, serait très commune aux îles Falkland, c’est-à-dire dans la CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 39 partie la plusaustrale de l’Atlantique. Il est fort probable, je me hâte de l’ajouter, qu'une émigration a dû se produire aussi vers l’océan Indien, dans la direction de l’est à l’ouest à travers les mers australes, mais comme on ne connaîl dans ces mers aucune espèce de Lithodinés, comme aussi la distance qui sépare l'océan Indien de l’Amérique australe est beaucoup plus grande à l’ouest qu’à l'est (90 degrés de longitude au lieu de 50), il me semble rationnel d'admettre que les rares Lithodinés de l'Atlantique du sud et de l'océan Indien sont venus de l'Amérique australe en se dirigeant de l'ouest à l'est. 5° Émigration dans l'Atlantique septentrional. — Trois voies possibles s’ouvraient aux Lithodinés pour parvenir dans l'Atlantique sepientrional : 1° une voie australe allant de*l’Allantique du sud vers l'Atlantique du nord; 2° une voie inter-américaine par le détroit de Panama ; 3° une voie boréale par les mers Glaciales arctiques. Il est peu utile de démontrer que l'émigration ne s’est point produite par la première de ces voies : l'absence complète de Lithodinés sur toute la côle orientale de l’'Amé- rique, depuis le Rio de la Plata jusqu'au cap Hatteras (du 39° degré lat. S. au 35° lat. N.) et le trajet démesuré qu'au- raient dû parcourir les espèces depuis le Pacifique du nord jusqu’à l'Atlantique septentrional, en passant par l'Amérique du Sud, tout semble établir que la dissémination des groupes ne s’est pas effectuée suivant cette direction. Il serait plus rationnel d'admettre que les Lilhodinés sont arrivés dans l'Atlantique septenirional en traversant le dé- iroit de Panama avant l'émersion de l’isthme actuel. Mais rien ne semble établir qu'il en a été ainsi, car les dragages multiphiés du Blake n'ont pas fait connaîlre un seul repré- sentant de la sous-famille dans toute l’étendue de la mer des Antilles et du golfe du Mexique. Bien plus, la plupart des Lithodinés de l'Atlantique ont été rencontrés au voisinage de l'Afrique septentrionale (Li/hodes ferox, L. tropicalis) ou des côtes d'Europe (Rhinolithodes biscayensis), les autres 40 E.-L. BOUVIER. (L. maia, Neolithodes Agassizi) se rencontrent aussi bien à l’est qu’à l’ouest de l'Atlantique, mais ne s’aventurent pas au sud des côtes de la Caroline du Nord, enfin la seule espèce qui soit exclusivement américaine, la V. Grimaldu, s'avance encore moins loin vers le sud et ne dépasse guère la latitude de New-York. En fait, il est fort possible qu’à l’époque pléistocène, c’est-à-dire au moment où l’isthme de Panama s’est probablement formé, les Lithodinés n'avaient pas encore atteint, dans leur émigration vers le sud, la latitude de l’isthme, et c’est là, peut-être, une raison qui per-. met d'expliquer l'absence de tout représentant de ce groupe dans la mer des Antilles et dans le golfe du Mexique. Il résulte de ce qui précède que les Lithodinés sont par- venus dans l'Atlantique septentrional en passant par l'océan Glacial arctique; vers la fin de l’époque miocène (âge torto- nien), en effet, et pendant une grande partie du pliocène, des communications s’établirent entre ces mers et permirent aux espèces boréales de s’aventurer vers le sud. Pour profi- ter de cette voie, les Lithodinés du Pacifique septentrional s’avancèrent dans la mer de Behring, où ils sont encore nombreux aujourd'hui, et franchirent le détroit du même nom, qui élait déjà, vraisemblablement, ouvert à cet époque. Mais cette émigration fut plus partielle encore que celle dirigée vers le sud. À l’époque pliocène, comme de nos jours, les glaces polaires encombraient déjà les mers sep- tentrionales de l’Asie et de l'Amérique, et rendaient à peu près impossible la dissémination des espèces franchement littorales. Seules les formes adaptées à la vie dans les pro- fondeurs purent se propager peu à peu dans les mers boréales et, en fait, ce sont les seules qui soient parvenues dans l'Atlantique. Une de ces espèces, la Lithodes maia, a laissé des représentants dans les profondeurs polaires qu'ont suivies les Lithodinés pour arriver dans cet océan ; à l’ouest, on la trouve, en effet, d’après Brandt (49, p. 172), dans les mers boréales de l'Amérique et du Groenland ; à l’ouest, d'a- près Sars (86, p. 3), au delà du 70° degré de lat. N. et jusque CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 41 dans la mer de Barentz, c’est-à-dire entre le Spitzherg et la Nouvelle-Zemble. Dans toutes ces régions, elle habite ordi- nairement des profondeurs de 200 à 400 mètres, mais, dans la zone tempérée, elle se rapproche plus fréquemment de la surface ; d’après Henderson, elle est commune dans les cha- luts des pêcheurs de la Clyde (86), el Van Beneden (86, 135) la cite sur les côtes de la Belgique parmi les espèces sublittorales. Est-ce par les mers polaires de l'Asie ou par celles de l’Amérique que s’est effectuée l’émigration de cette espèce et de celles qui ont servi de départ à la faune litho- dienne de l'Atlantique ? Il est bien difficile de le dire, mais il est fort possible que l’émigration ait suivi ces deux routes opposées, et tout fait même prévoir que la drague rencon- trera des Lithodinés sur le trajet de l’une et de l’autre. La mer Glaciale rosso-asiatique est, il est vrai, beaucoup plus longue que la mer Glaciale américaine, et le continent s’y avance à des latitudes plus polaires (77° au lieu de 71°), mais on sait, depuis les voyages de M. Nordenskiüld, qu’elle est beaucoup moins encombrée par les glaces, ce qui permet de croire qu’elle offre un accès plus facile aux Lithodinés er- rants. Dans tous les cas, la Lithodes maia nous est connue assez loin dans l’une et l’autre direction ; signalée au Groen- land, dans les mers arctiques américaines, et entre la Nouvelle-Zemble et le Spilzberg, dans la partie rosso-asia- tique de l’océan Glacial, elle sera certainement trouvée dans d’autres régions polaires plus rapprochées du Pacifique, et tout nous porte à croire qu alors, il sera permis de l’iden- tifier avec la Lithodes Couest et peut-être avec la L. æqui- spina, espèces qui la représentent actuellement dans la mer de Behring et qui ont, à coup sûr, la même origine qu'elle. Étant données nos connaissances actuelles, les Lithodinés ne dépassent guère au sud, dans l'Atlantique septentrional, le 22° degré de latitude; toutefois rien ne prouve qu'ils ne fran- chissent pas l'équateur, et qu'on ne puisse rencontrer, sous les latitudes de l'hémisphère austral, des espèces venues des 49 E.-L. BOUVIER. mers antarcliques et d’autres des mers subpolaires boréales. Mais il semble, dès aujourd’hui, que ces deux courants d’é- migralion n'affectent pas le même côté de l'Atlantique : les Lithodinés du nord, évitant la mer des Antilles et les très grandes profondeurs qui l’avoisinent à l’est, se répandent vers l’ancien continent et émigrent en se tenant au large des côtes d'Europe et d'Afrique ; les espèces venues du sud, au contraire, se bornent à continuer leur déplacement au voisinage des côtes de l'Amérique; arrivées à la Terre de Feu, en suivant le Pacifique, elles se dirigent vers l'équateur, en longeant la côte américaine de l'Atlantique el forment, par suite, un courant d'émigration exactement inverse de celui qui vient des mers boréales. En résumé, l'examen altenlif de la distribulion géogra- phique el bathymétrique des Lithodinés permet de mettre en évidence les faits suivants : 1° Les Lilhodinés recherchent tous les eaux froides ou tempérées ; dans les régions tropicales, ils trouvent ce milieu favorable au fond de l’Océan et s’éloignent toujours des ri- vages ; dans les régions tempérées ou froides, ils peuvent habiter, au contraire, les profondeurs ou le voisinage des côtes. 2° Les Lithodinés primitifs (Hapalogastriques) sont tous littoraux ou sublittoraux, et beaucoup de formes qui en dé- rivent (Phyllohthodes, Cryptolithodes, la plupart des Echidno- cerus, etc.) sont restées, comme eux, au voisinage du litto- ral ; les espèces actuellement abyssales, sont, par conséquent, des formes émigrées qui se sont progressivement éloignées du rivage. Des faits analogues s’observent dans la sous- famille des Galathéinés; on sait, par contre, que les an- cêtres des Lithodinés, les Paguriens, paraissent avoir émigré des profondeurs vers la côte. 3° Les premiers représentants de la sous-famille n’ont guère dû apparaître avant le début de la période tertiaire; ils ont eu pour berceau le nord du Pacifique, et c’est encore dans celte région de l'Océan que la sous-famille présente CLASSIFICATION DES LITHODINÉS. 43 toutes ses formes primitives et la très grande majorité de ses représentants. 4° Pour se répandre dans les autres mers, les Lithodinés ont suivi d'abord la voie qui s’ouvrait largement devant eux, celle du Pacifique; mais avant de se diriger vers le pôle austral, en parcourant cet océan, ils ont dû s'adapter d’a- bord à une existence abyssale. Certains ne s’y sont pas prê- tés et, restant franchement subliltoraux, n’ont pas dépassé la zone tempérée du Pacifique septentrional; les autres, après avoir gagné les profondeurs, se sont dirigés vers le sud, et ont atteint l'Amérique australe, où ils ont pu redevenir sublittoraux. Dans celte émigration, les Lithodinés ont suivi la parlie la plus stable du Pacifique, celle qui confine à l'Amérique ; la région sino-australienne de cet océan ayant élé, pendant l’époque tertiaire, le siège de bouleversements nombreux, ils l’ont probablement évitée, et, dans tous les cas, ne paraissent pas dépasser le Japon méridional. 5° L'océan Indien n’ayant pu recevoir de Lithodinés par celte voie, ceux-ci paraissent s’y être dirigés en suivant les mers australes de l’ouest à l’est, à partir de l'Amérique du Sud ; au reste, on ne connaît pas encore de Lithodinés dans l'océan Indien proprement dit, et les espèces qui s’en rap- prochent le plus ne dépassent pas l'île du Prince-Édouard. 6° D’autres Lithodinés de l'Amérique australe ont pénélré dans Atlantique du sud en se dirigeant vers l'équateur, au large de la côte américaine. Quant à l'Atlantique septen- trional, il fut envahi, à partir du pliocène, par des Lithodi- nés venus des régions arctiques du Pacifique, et notamment de la mer de Behring ; les espèces littorales, à cause des glaces polaires, ne purent pas s'engager dans cetle voie, et celles adaptées aux profondeurs en profitèrent seules pour parvenir dans l'Atlantique ; elles évitèrent la mer des Antilles el les abysses voisines, se dirigèrent vers l’ancien continent et arrivèrent ainsi au large des côtes africaines. Si bien que les Lithodinés ont envahi et envahissent encore l'Atlantique, suivant deux routes diamétralement opposées, l’une occi- 44 E.-L. BOUVIER. dentale, dirigée du sud au nord au voisinage du nouveau continent, l’autre orientale et dirigée du nord au sud au large de l’Europe et de l’Afrique. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE C. SPENCE BATE. 66. Vancouver Island Crabs. — Naturalist in Vancouver Island and British Columbia, vol. II, 1886. l:-BHLL. 53. À. History of the british stalk eyed Crustacea, 1853. P.J. van BENEDEN. 61. Recherches sur la faune littorale de la Belgique; Crustacés, 1861. J.-E. BENEDICT. 94. Description of new Genera and Species of Crabs of the Family Litho- didæ, with Notes on the young of Lithodes camtschaticus and Lithodes brevipes. — Proceed. U. S. Nat. Museum, vol. XVII, n° 14016, 1894. J.-E.-V. Boas. 80. Studier over Decapodernes Slægtskabsforhold. — Vid. selsk. Skr., 6 Rœkke, Natur. og Math., Afd. I, 2 (avec résumé en français), 1880. E.-L. Bouvier. 94. Recherches sur les affinités des Lithodes et des Lomis avec les Pagu- ridés. — Ann. des sc. nat. ZLool., sér. 7, t. XVIII, 189%. - 95. Sur la distribution géographique des Lithodinés. — Bulletin du Mu- séum d'histoire naturelle, n° 2, 1895. J.-F. BRANDT. . 49. Die Gattung Lithodes, Latreille nebst vier neuen ihr verwandten von Wossnesenski entdeckten, als Typen einer besondern Abtheilung (Tribus Lithodea) der Edwards’schen Anomuren. — Bull. phys. math. Acad. St-Pétersbourg, t. VII, n° 14, 1849. 50. Vorlaüfige Bemerkungen über eine aus zwei noch unbeschriebenen Gattungen und Arten gebildete Unterabtheilung (Hapalogastrica) der Tribus Lithodina; begleitet.von einer Charakteristik der eben genann- ten Tribus der Anomuren. — Jbid., t. VIII, n° 16-17, 4850. 53. Ueber eine neue Art der Gattung Cryptolithodes (Cr yptolithodes sit- chensis). — Ibid., €. XI, n°5 15-16, 1853. R.-0. CunNiINGHAM. 71. Notes on the natural History of the strait of Magellan and West Coast of Patagonia, 1871. J.-D. Dana. 52. Crustacea, part. [. — United States Exploring Expedition 1838- 1842) under the command of Charles Wüilker, vol. XIII, 1852. ‘W. DE Haan. 50. Crustacea. — Siebold, Fauna Japonica, 1850. & C7 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. W. Faxon. 93. Albatross 4891. Preliminary description of new species of Crustacea. — Bull. Mus. comp. Zoûl., vol. XXIV, 1893. H. Firxo. 85. La vie au fond des mers, 1885. 85 a. Mission de l'ile Campbell, Zoologie, 1885. W.-P. G1BBoNS. - 54. Description of Cfenorhinus setimanus. — ,Proc. Calif. Acad. nat. sc., t. I, 154 (non consulté). HERBST. 82. Versuch einer Naturgeschichte der Krabben und Krebse. 1‘ Band, 1782. J.-R. HENDERSON. 80. The Decapod and Schizopod Crustacea of the Firth of Clyde. — Proc. Nat. hist. Soc. Glascow, sér. 2, t. 1, 1886. 88. Report on the Anomura. — Challenger, Zool., vol. XX VII, 1888. JAcQuINOT et Lucas. 53. Crustacés. — Voyage au pôle sud sur l’Astrolabe et la Zélée, t. III, 1853. J.-P.-B.-A. LAmARcr. - 18. Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, t. V, 1818. P.-A. LATREILLE. 6. Genera Crustaceorum et Insectorum, t. I, 1806. W.-E. Lac. 15. Malacostraca podophthalmata Britanniæ, 1845. À. Miie-Epwanps. 83. L'expédition du Talisman. — Bulletin hebdomadaire de l'Association scientifique de France, 1885. 91. Crustacés. — Mission scientifique du cap Horn, 1882-1883, t. VI, Zoo- logie, 4891. A. Mine-Epwanps et E.-L. Bouvier. -. 9%. Neolithodes, genre nouveau de la sous-famille des Lithodinés. — Bull. Soc. zool. de France, t. XIX, juillet 1894. 94 a. Crustacés décapodes provenant des campagnes du yacht l’Hirondelle (4886, 1887, 1888). 1" partie; Brachyures et Anomoures. — Résultats des campagnes scientifiques de l'Hirondelle, Fasc. VII, 1894. H. MizNE-Enwanps. 37. Histoire naturelle des Crustacés, t. II, 1837. 49, Crustacés. — Règne animal de Cuvier, 2° édition, t. XII (atlas), 1849. H. Muxe-Enwanps et H. Lucas. 41. Description de Crustacés nouveaux ou peu connus conservés dans la collection du Muséum d'histoire naturelle. — Archives du Muséum, t. Il, 1841. E.-J. Mrers. - 79. On a Collection of Crustacea made by Capt. H. C. St-John in the Corean and Japanese seas. — Proc. Zool. Soc. London, 1879. - 81. Crustacea. — Account of the zool. Collection made during the Survey of H. M.S. « Alert » in the Straits of Magellan and on the Coast of Patago- nia; Ibid., 1881. NiIcOLET. 49. Crustaceos y Aracnidos. — Historia fisica y politica de Chile, Zool., t. IT, 1849. 46 E.-L. BOUVIER. A. ORTNANN. 92. Die Decapoden-Krebse der Strassburger Museum, 1V Th. Die Abthei- lungen Galatheidea und Paguridea. — Zoologisch. Jahrbüch., B. VI, 1892. E. PERRIER. 86. Les explorations sous-marines, 1886. F. RICHTERS. 84. Beitrag zur Kenntniss der Krustaceenfauna des Behringsmeeres. — Abhandl. Senckenberg. Nat. Gesell., B. XIII, 1884. G.-0. Sars. 86. Crustacea, IL. — The Norwegian North-Atlantic Expedition 1876-1878, Zoology, 1886. 88. Bidrag til Kundskaben om Decapodernes Forvandlinger. — Archiv. f. Math. og Naturv., 1888. P. SCHALFEEW. 92. Carcinologische Bemerkungen aus dem Zoologischem Museum der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften. — Mélanges biologiques du Bulletin de l’Académie impériale des sciences de St-Pétersbourg, t. XII, 14892. S.-J. SMITH. 82. Blake, report on the Crustacea. — Bull. Mus. comp. Zoül, vol. X, 1882. | 83. Preliminary Report on the Brachyura and Anomura dredged in deep water off the south Coast of New-England by the U. S. Fish Commis- sion in 1880-1882. — Proceed. U. S. Nat. Mus., vol. VI, 1883. _ 84. Report on the Decapod Crustacea of the Albatross dredgins off the east Coast of the United States in 1883. — Report Comm. of Fish and Fisheries for 1883-1884. 86. Report on the Decapod Crustacea of the Albatross dredgins off the east Coast of the U. S. during the Summer and Autumn of 1884. — Report Comm. of Fish and Fisheries for 1885-1886. W. STIMPSON. 57. Crustacea and Echinodermata ofthe Pacific shores of North America. — Journ. Boston Soc. Nat. Hist., vol. VI. 58. Notes on North American Crustacea, n° 1. — Annal. Lyc. nat. Hist., New-York, 1858. 58 a. Prodromus, Pars VII, Crustacea Anomoura (Extrail des Proc. Acad. Nat. Sciences, décembre 1858). 60. Notes on North American Crustacea, in the Museum of the Smithso- nian Institution, n° 11. — Ann. Lyceum of Nat. Hist., New-York, 1860. W.-G. Ticesius. 15. De cancris camtschaticis, oniscis, etc. — Mém. de l'Ac. imp. des sciences de St-Pélersbourg, t. V, 1815. A. WuiTe. 48. Description of Echidnocerus cibarius, a new species and subgenus of Crustacea. — Proceed. Zool. Soc., 1848. 56: Some remarks on Crustacea of the genus Lithodes, with a brief des- cription of a species apparently hitherto unrecorded. — Ibid., 1856. ÉTUDE DES PHÉNOMÈNES DE SURVIE DANS LES MUSCLES APRÈS LA MORT GÉNÉRALE Par M. TISSOT. INTRODUCTION Ce travail a pour but l’étude des différents phénomènes qui ont lieu dansles muscles après la mort générale ou après leur extraction du corps de l’animal. Une première série de recherches a trait aux manifeslations de l’activité du mus- cle après la mort généraie et aux relations de cette activité avec la rigidité cadavérique. Ces recherches contiennent quelques faits nouveaux relatifs aux phénomènes électriques de la contraction musculaire. Dans une deuxième catégorie d'expériences, j'ai étudié quelques-unes des conditions dans lesquelles se produit le phénomène de la rigidité cadavérique, et j'ai cherché à éta- blir des faits qui puissent nous éclairer sur la nature de ce phénomène et sur la valeur des deux hypothèses qui ont été proposées pour l'expliquer. Ce sujet n'avait pas l’aitrait de la nouveauté, car le nombre des physiologistes qui se sont occupés de la question depuis Louis, Nysten, etc., esl con- sidérable, mais il présente l'attrait de l'inconnu; ce que nous savons actuellement sur la rigidité cadavérique est en effet fort peu de chose en comparaison de ce qu’il nous reste à con- naître. C’est la raison qui m'a engagé à aborder ce sujet. Dans une dernière série de recherches, j'ai étudié les 48 M. TISSOT. échanges gazeux avec l’air des muscles isolés du corps. L’obs- curité qui règne encore sur celte question tient particuliè- rement à l'ignorance presque complèle des condilions expé- rimentales dans lesquelles les observateurs se sont placés jusqu'ici. Une première série de recherches à eu pour but de déterminer ces conditions. J'ai élabli ainsi un certain nom- bre de faits qui ont servi de base à d’autres expériences dans lesquelles j'ai fait varier cerlaines conditions expérimentales, telles que l’état d'activité du muscle (travail ou repos) la température extérieure, etc. Un des principaux buts de cette catégorie d'expériences a été de déterminer les rapports qui existent entre l'absorption de l'oxygène et les manifestations de l’activité des tissus. Ces recherches m'ont permis en outre d'établir quelle signification il faut attribuer, à ce même point de vue, à l’exhalaison d’acide carbonique par le mus- cle. On verra, par l'exposé de mes expériences à ce sujet, qu'elles constituent un groupement de faits qui, tous, parlent dans le même sens et apportent leur confirmation aux con- clusions que j'en ai Uirées. Ce travail a été fait dans le laboraloire de pathologie com- parée du Muséum, sous la direction de M. Chauveau. Je prie mon maîlre d’agréer l'expression de ma vive reconnais- sance pour la sollicitude avec laquelle il a guidé mes recher- ches et pour la bienveillance qu’il n'a cessé de me témoigner depuis le jour où il a bien voulu m'accueillir dans son labo- ratoire. Je le prie en outre de croire à ma profonde gratitude pour les moyens matériels divers qu'il m'a procurés el pour tous les soins avec lesquels il a cherché à favoriser mes re- cherches. C’est grâce à eux que j'ai pu exécuter ce travail dans des condilions exceptionnelles. Je suis profondément reconnaissant à M. le professeur Miloe-Edwards, directeur du Muséum, de la bienveillance qu'il m'a témoignée. Je ne saurais trop le remercier d’avoir contribué pour une large part à me fournir les moyens de faire ce travail, et de lui avoir donné l'hospitalité dans les Annales des sciences naturelles. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 49 J'adresse à mon ami M. Ch. Contejean mes plus vifs remerciements pour les conseils qu'il m'a constamment prodigués et pour le concours qu'il ma prêté dans de très nombreuses circonstances. Je n'oublierai pas la com- plaisance avec laquelle il à cherché à faciliter mes re- cherches. Je dois aussi des remerciements à M. Henri de Varigny et à M. Phisalix pour l’amabilité avec laquelle ils m'ont aidé dans mes expériences. Je tiens àexprimer ma vive gratitude à mon ancien maître, M. le professeur Charbonnelle Salle, sous la direction duquel mes premières recherches ont été commencées. Je n'oublie- rai pas avec quelle bienveillance il a dirigé mes premières études et a mis à ma disposition toutes les ressources de son laboratoire. C'est grâce à ses excellentes leçons et à ses ex- cellents conseils que j'ai pu commencer ce travail et le con- tinuer avec fruit. J'éprouve un grand plaisir à témoigner à l’un de mes anciens maîtres, M. le professeur Surleau, ma vive recon- naissance pour les soins qu'il a pris de mes premières études. Il m'a irailé avec une bienveillance qui m'a vivement touché. Je le prie d’agréer l'hommage de mon affectueux dévouement. CHAPITRE PREMIER PERSISTANCE DE L'EXCITABILITÉ ET DES PHÉNOMÈNES ÉLEC- TRIQUES DE LA CONTRACTION MUSCULAIRE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. l. — Persistance des phénomènes électriques de la contrac- tion musculaire. — Il est admis par tous les physiologistes que la contractilité et l’excitabilité du muscle ont disparu lorsqu'il a perdu la propriété de se contracter sous l’in- fluence des excitations électriques et mécaniques. Il est admis aussi qu'un nerf est mort lorsque son excitation ne détermine ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, À 50 M. TISSOT. plus de contraclion dans le muscle. Les expériences qui sui- vent ont pour but de démontrer que, lorsque le myographe ne donne plus d'indications, si sensible qu'il soit, il se produit encore dans les muscles des phénomènes intimes accompa- gnés de modifications dans leur état électrique. M. d’Arsonvai le premier a atliré l’ailtenlion sur ce sujet, et démontré, à l'aide de son myophone (1), que le bruitrotatoire des muscles persiste longtemps, jusqu'à dix heures après la disparition des contractions décelables par le myographe. Les expériences que j'ai faites m'ont montré : 1° Que les phéno- mènes électriques de la contraction musculaire peuvent persister long- temps après la dispari- tion des secousses déce- lables au myographe. 2° Que le nerf peut en- core provoquer l’appa- rilion du courant d’acti- vilé dans le muscle assez longtemps après qu'il a perdu la propriété de le faire contracter. 3° Qu'une excitation Fig. 1. insuffisante pour déter- miner une contraction musculaire détermine cependant l’apparilion du courant d'activité. Ces expériences m'onten outre fourni l'occasion d'étudier quelques autres points de la physiologie des muscles. Mes observations ont été faites sur le gastrocnémien de la grenouille, et à l’aide du dispositif suivant : On sectionne la palte d’une grenouille et on la fixe sur (1) À. d'Arsonval, Sur la durée de l’excitabilité des nerTs * et des muscles après la mort. (C. R., juin 1893.) PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 91 une plaque de liège D soutenue par un pied isolant D'{fig. 1). Le gastrocnémien est découvert, son tendon est délaché, puis on le dispose sur une gouttière c soutenue par un pied iso- lant c’. Au tendon est relié un fil passant sur la poulie E; ce fil est lui-même en relation avec un myographe placé en A et avec un poids P. Deux électrodes impolarisables de d’Arsonval sont appliquées, l’une sur le corps charnu du muscle, l’autre sur le tendon (B' B’). Le sciatique préparé est disposé sur les crochets d’un excitaleur H fixé sur la plaque de liège D. Les électrodes B. B' sont reliées à un galvanomètre. L’excitalion du nerf est faite par une série de courants in- duits très rapprochés; cette excitalion détermine dans le muscle frais un très court tétanos. Les courantsinduits sont donnés par un appareil à chariot actionné par un ou deux éléments Daniell. Mes observations portent sur le courant d'action pha- sique du muscle (1) provenant d’une excitation indirecte, excitation du nerf. Ce courant étant observé au galvano- mètre et les courants induits étant très rapprochés, je n'ai observé que la phase atlerminale du courant, c’est- à-dire un courant dirigé dans le muscle de la partie charnue au tendon. L’amplitude du premier arc d’im- pulsion du galvanomètre est prise comme mesure de ce courant. Expérience 1. — Le gastrocnémien d’une grenouille et le scia- tique sont préparés comme il vient d’être dit plus haut. Le muscle est tendu par un poids de 5 grammes. Le nerf est excité toutes les 15 minutes. On inscrit la contraction à chaque exci- tation et on lit la valeur de la déviation du galvanomètre. Dans cette expérience, j'ai vu le courant d'action persister 3 heures un quart après la disparition des secousses. Si nous représen- tons graphiquement les résultats obtenus, nous obtenons la courbe suivante : {1) Hermann, Handb. d. Phys. d. Bewegungsapp. 1, p. 217. 52 M. TISSOT. Echelle du Galvanometre. Persistance du courant d'action après la mort apparente du nerf. Fig. 2. — À, courbe de la contraction musculaire; B, courbe du courant d'action. Cette expérience montre que le nerf est resté vivant trois heures après sa mort apparente. La courbe montre en outre l'accroissement du courant d’aclion corrélatif de l’accroisse- ment des secousses pendant la période d'hyperexeitabihté qui précède la mort du nerf, phénomène déjà observé par Du Bois-Reymond. Expérience II. — Même dispositif que dans l'expérience précé- dente. On recherche quelle est la valeur minimum du courant nécessaire à déterminer une contraction et, cette valeur connue, on excite le nerf par un courant encore plus faible, mais en don- nant une courte durée aux excitations afin d'éviter que l'addition latente de celles-ci provoque une secousse. On observe alors l'apparition du courant d'activité à chaque excitation. Cette expérience vient, à l’appui de la précédente, montrer que, malgré qu'il ne se produise dans le muscle aucun chan- sement de forme appréciable, il se produit dans son intérieur des modifications qui donnent naissance à un courant. Je donnerai encore une nouvelle preuve de ce fait dans une expé- rience citée plus loin et faile dans des conditions différentes (Exp. IV). ExPÉRIENCE III. — On décapite une grenouille ; on découvre le gastrocnémien (seulement ce muscle), de manière à l’exposer aux causes de dépérissement; mais on le maintient constam- ment à l'humidité. Le nerf est ainsi placé dans de meilleures couditions que le muscle pour la conservation de son excitabilité. Lorsque les contractions musculaires ont disparu par excitation directe, on dispose le gastrocnémien comme dans les expériences précédentes, puis on excitele sciatique (coupé et chargé sur les PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 53 crochets de l’excitateur). À chaque excitation, on observe l’appa- rition du courant d'activité du muscle. Dans une expérience, j'ai vu le courant d'action persister 13 heures après la mort apparente du muscle. Dans cette expérience, il y a à la fois persistance de la vie dans le muscle et dans le nerf après qu'ils ont cessé de la manifester par des phénomènes apparents au myographe ou à l'œil. Expérience IV. — On prépare le gastrocnémien d’une gre- nouille ; le fémur est solidement fixé à une pince appliquée sur » D Y | | \ il À L \ \ \ \\ \ \ À (4 LA (A { , L f Pal Lal 8 \ | | | E | | / Échelle du Galvanomètre. Fig. 3. — À, courbe de la contraction musculaire; B, courbe du courant d'action. la plaque D (fig. 1). Le sciatique est isolé, coupé et chargé, puis le muscle est tendu par un poids croissant. On excite le nerf toutes les 2 minutes environ. On observe au début une augmen- tation du courant d’activité concordant avec une augmentation de la hauteur des secousses. La traction augmentant, la con- traction et le courant d'action diminuent. En C, les contractions 54 M. TISSOT. ont disparu, alors que le courant d’action persiste encore, ct diminue progressivement jusqu’en D, où il devient nul. La trac- tion continuant encore, on observe alors l'apparition d’un nou- veau courant, de sens contraire au premier. À partir de E, ce courant diminue, puis disparaît, la distension du muscle étant à son maximum et ce dernier élant devenu inexcitable par l’in- termédiaire du nerf. | Notons, dans celte expérience, la présence du courant d'activité alors que les contractions musculaires ont déjà disparu. | Quant au courant de sens contraire observé en DEF, il doit être rapporté à la variation positive observée par M. d’Arson- val (1), courant qui se produit lorsqu'on élire un muscle. Mais dans ce dernier cas, le muscle ne joue qu'un rôle passif, tan- dis que le courant que J'ai observé se produit dans un muscle en état d’aclivité, el tend à montrer que le muscle peut, dans certaines conditions, s’allonger sous l'influence d’une excita- tion. On peut encore constater directement ce fait en suspen- dant d'emblée au muscle un poids plus considérable que celui qu'il peut soulever ; à la première excitation, on pourra obser- ver la variation positive. Mais je Liens à dire ici, que souvent on ne l’observe pas et qu’on constale l’apparition du cou- rant d’action, sans doute parce que le poids choisi n'est pas assez lourd. Je ne puis parler de ces fails sans citer les expériences de Weber et donner une nouvelle confirmation d’un fait contesté et nié : l'allongement possible du muscle sous l’in- fluence d’une excitation. En résumé je conclurai de celte série d'expériences : 1° Que les nerfs en élat de mort apparente peuvent engen- drer dans le muscle la production du courant d’aclivité. 2° Que les muscles ayant déjà perdu toute contractilité répondent à l’excitalion de leur nerf par un phénomène élec- tromoteur. (1) A. d’Arsonval, Relations entre la tension superficielle et certains phéno- mènes électriques d’origine animale. (Arch. de physiologie, 1889.) PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 99 3° Qu'un courant trop faible pour déterminer une contrac- tion détermine néanmoins l'apparition du courant d'activité. Un autre fait intéressant à remarquer dans ces expérien- ces est que le courant d'activité du muscle paraît résulter de l’activité physiologique de ce dernier et non d’une modi- fication dans ses propriétés physiques. Ce fait concerne plus particulièrement les théories de la contraction musculaire dont il ne sera pas question ici. IT. — Persistance de la contractilité dans les muscles après la mort générale, et dans l’état de rigidité cadavérique. — I est admis par tous les physiologistes que l’excitabilité musculaire disparaît en général 3 ou 4 heures après la mort chez les mammifères ; et l’on donne comme signe absolu de la perte de l’excitabilité, l'apparition de la rigidité cadavérique. Je n'insisterai pas sur l’énumération des fails remarquables de longue persistance de l’excitabilité, faits qui sont exposés dans les traités de physiologie. Je me borneraï à dire qu'au- cune des recherches faites sur ce sujet jusqu'à ce jour n’a trait à la persistance de l’excitabilité dans les muscles rigi- des. Aucune des manifestations vitales essentielles n’a encore été constatée dans ces derniers. Les expériences qui suivent ont pour but de démontrer que les muscles en état de rigidité peuvent rester excitables, même par l'intermédiaire de leur nerf. Dans l'exposé de ces recherches, je passerai successi- vement en revue l’excitabilité indirecte et l’excitabilité di- recte (électrique, mécanique et chimique). EXCITABILITÉ INDIRECTE Un muscle peut être complètement rigide avant que son nerf ait perdu son excitabilité, et même avant qu'elle ait diminué sensiblement. Pour démontrer ce fait, je fais l'expé- rience suivante : ExPÉRIENCE V. Juin 1894. — Plusieurs grenouilles sont strychninisées par une faible dose de strychnine (2 à 3 dixièmes de milligramme); on les décapite lorsque les convulsions ont b6 M. TISSOT. cessé. La rigidité survient au bout d’un temps variable, quel- quefois au bout d’une heure. On conserve dans un Re frais celles dont la rigidité a été la plus précoce et on interroge toutes les heures l’excitabilité du nerf sciatique. J'ai pu, dans ces con- ditions, obtenir par l'excitation de ce nerf, de fortes contrac- tions du gastrocnémien, six heures après l’apparition de la rigidité, et j'aurais vu l’excitabilité persister plus longtemps, si la nuit n'avait mis fin à mon observation. Dans cette expérience, le sciatique était coupé et chargé sur une pince pour éviter toute dérivation du courant excitateur, et j'ai employé des courants dont la dérivation était insuffisante à faire contracter le gastro- cnémien, lorsque les électrodes étaient appliquées sur la cuisse. EXCITABILITÉ DIRECTE Excilabilité électrique. — Les muscles rigides peuvent encore conserver pendant assez longtemps leur excitabilité aux courants électriques. Le fait s’observe surtout sur les animaux chez lesquels la rigidité a apparu rapidement. Voici plusieurs expériences à l’appui de ce fait : Expérience VI. 9 février 1894. — Un chat est tué par inha- lations de chloroforme à 2 h. 30 m. À 3 h. 30 m., la rigidité commence à se produire dans tous les membres. À 4 h. 20 m., rigidité déjà très forte. À 4h. 35., Hide totale de tout le corps. Les muscles dé tendon d'Achille donnent, par l'excitation électrique, de fortes contractions. Les muscles des membres antérieurs sont encore excitables. À 5 h. 10 m., les muscles des membres antérieurs sont deve- nus inexcitables. À 6 h., gastrocnémien encore excitable, mais pas totalement ; une partie du muscle ne répond déjà plus à l'excitation. À 6h. 25 m., le courant excitateur provoque encore à la sur- face du muscle de nombreuses contractions fibrillaires. À 6 h. 40 m., disparition de Pexcitabilité. Il y a donc eu. dans ce cas une persistance de deux heures PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 1 dans l’excitabilitéaprèsla rigidification complète des muscles. Ce phénomène est constant chez le cheval, chez lequel la rigidité survient en général brusquement après la mort, au bout d'une demi-heure à une heure. ExPériexce VII. 17 mars 1894. — On sectionne le bulbe d’un cheval à 3 h. 45 m. Il tombe sur le côté droit. À 4 h., on perçoit déjà une rigidité assez forte dans le membre postérieur droit reposant sur le sol (1), et une rigidité notable des mâchoires. - À 4 h. 15 m. Patte postérieure droite totalement rigide; la gauche en voie de rigidification. La rigidité débute dans les deux pattes antérieures ; elle est plus considérable du côté droit. 9 h. Patte postérieure gauche totalement rigide. 5 h. 30. Patte antérieure droite totalement rigide. 5 h. 40. Patte añtérieure gauche totalement rigide. 6 h. Le muscle bifémoro-calcanéen, totalement rigide depuis 4 h.15 m., est découvert et excité électriquement. Il donne de fortes contractions en masse. 6 h. 50 m. Excitabilité en voie de disparition dans le bifémoro- calcanéen, persistante dans les muscles des membres antérieurs. 1 h. 15 m. Excitabilité disparaît dans les muscles des pattes antérieures. La persistance de l'excitabilité dans le muscle bifémoro- calcanéen a donc élé environ de 2 heures 35 minutes après la rigidification complète. Mais celte persistance peut être beaucoup plus longue. M. Chauveau l’a vue souvent se prolon- ger jusqu à 5 heures après l’apparilion de la rigidité. Chez la grenouille, cette persistance peut atteindre douze heures. Excitabihité mécanique. — Lorsque l’excitabilité électrique est perdue, le muscle rigide peut encore conserver l'excita- bilité mécanique. M. Chauveau l’a vue persister jusqu’à 15 heu- res après l’apparition de la rigidité chez le cheval. J'ai cons- (4) Dans cette observation, comme dans une foule d’autres, j'ai toujours vu le côté du corps qui repose sur le sol, devenir rigide plus rapidement que l’autre côté et acquérir une rigidité plus considérable. 58 M. TISSOT. taté souvent une persistance de 3 ou 5 heures chez le chat, le chien ; Je ne cilerai pas d'expériences faites sur ces animaux, mais sur le fœtus qui se prête mieux à l’étude du phénomène. Exrérience VIII. 17 mars 1894. — Une chatte en gestation est tuée par le gaz d'éclairage à 1 h. On extrait immédiatement 5 fœtus d’une longueur de 8 centimètres, avec l’amnios intact dans lequel on les conserve, en les mettant dans un endroit frais. | Je décrirai la succession des phénomènes chez deux fœtus (1). Fœtus n° 1. — 17 mars. Mort à 1 h. 15 m. 3 h. 15 m. Excitabilité électrique disparait. 8 h. soir. Pas traces de rigidité. 18 mars, 8 h. matin. Rigidilé manifeste et très nette (2), excitabilité mécanique très vive. 19 mars, 8 h. Excitabilité mécanique faible, mais encore nette. Elle oui à 10 h. Fœtus n° 2. — 17 mars. Mort à 1 h. 20 m. k h. 10 m. Excitabilité électrique disparaïl. 18 mars, 8 h. matin. Rigidité très nelte, excitabilité méca- nique très vive. 20 mars. Excitabilité mécanique disparait à 2 h. En résumé, chez 3 fœtus, l’excitabilité mécanique a per- sisté de 25 à 27 heures après le moment où la rigidité a été constalée. Chez les deux autres, elle a persisté environ 53 ou 54 heures au minimum, après ce moment. — Remarquons aussi dans cette expérience le temps assez long qui s’est écoulé jusqu'à l'apparition de la rigidité. Ce temps a dé- passé 7 heures. La rigidité a été retardée, parce que les fœtus ont élé refroidis après la mort; si en effet on les laisse dans le corps dela mère, là où leur température se conserve assez longtemps notablement au-dessus de la température extérieure, on les voit devenir rigides au bout de trois à cinq heures. (1) Ces deux fœtus ont présenté les deux chiffres extrêmes comme per- sistance de l’excitabilité. (2) La rigidité s’est produite pendant la nuit. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. D9 Un fait frappant dans l'expérience précédente est le con- (raste qui existe entre la disparilion assez rapide de l’excita- bilité électrique et la longue persistance de l’excitabilité méca- nique. En effet, chez le fœtus, l’'excilabilité électrique disparaît plus rapidement que chez l'adulte, tandis que l’ex- citabilité mécanique persiste beaucoup plus longtemps que chez ce dernier; je terminerai par quelques mots sur les caractères de la contraclion des muscles du fœtus: Une per- cussion faite sur un point quelconque du corps, à travers la peau, détermine presque aussitôt la formation d’un bourre- let très apparent qui soulève le tégument. Si la percussion porle sur un muscle découvert, on voit se produire une con- traction en masse, avec formation d’un bourrelet au point touché; celte contraction est lente et dure de 20 à 30 secon- des ; le muscle peut rester contracté assez longtemps jusqu'à 20 ou 30 minutes. Chez le fœtus n° 2, le deuxième jour après la mort, en percutant le biceps brachial, je faisais naître fa- cilement une contraction qui déferminait une flexion de l'avan{-bras sur le bras d'environ 70°; cette flexion se produi- sait lentement, mais en moins d’une demi-minute. Quant à la rigidité du fœlus que j'ai constatée dans celle expérience, rigidité qui est niée, j'en parlerai dans le cha- pitre suivant. Je m'appuierai aussi sur celte expérience pour montrer que le muscle rigide peut rester longtemps vivant, puisque dans le cas actuel, cette persistance de la vie a dépassé deux jours. | Excitabilité chimique. — Les museles devenus inexcitables électriquement et mécaniquement peuvent encore conserver l'excitabilité à certains agents chimiques tels que le chloro- forme, l’éther, l’'ammoniaque. Le mode d'action de ces agents n'est pas encore connu, aussi ai-je cherché à l’étudier assez complètement. On sait que l’action prolongée des vapeurs de chloroforme sur le muscle y détermine un raccourcissement lent analogue à la rigidité. Le muscle parvenu à cet élat ne revient pas sur lui-même et devient inexcitable. Mais c'est 60 M. TISSOT. là ce qu'on oblient en faisant agir le chloroforme pendant | l | | | | | | | | | | | l | | | | | | l | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | [ | | | | I | | | [ | | | | [ l | | l | l | | l | 3 Fig. 4. — Action du chloroforme sur les muscles de la grenouille. 1henre 2h longtemps sur le muscle. J'ai remarqué que la sensibilité du muscle au chloroforme va en augmen- tant après la mort et que cette sensibi- lité peut atteindre une telle intensité que le moindre conlact avec les vapeurs de chloroforme détermine immédiate- ment une contraction énergique el beaucoup plus rapide que sur le mus- cle frais. J’ai pu ainsi, en faisant agir les vapeurs de chloroforme pendant un temps très court, obtenir des séries de contractions. Je cite .une expé- rience. ExPériencE IX. — Grenouille décapitée le 25 janvier à 2 heures. Le 29 janvier, disparition de l’excita- bilité électrique et mécanique. Le 1°° février à midi, la rigidité n’a pas encore apparu. On fait agir le chloro- forme sur le gastrocnémien pendant deux ou trois secondes seulement, et on ins- crit la contraction sur un cylindre faisant un tour en 24 heures. L’excilation est ré- pétée quatre fois. On obtient cinq con- tractions de moins en moins intenses, avec retour du muscle sur lui-même (I, Il, IL, IV, V), une sixième excitation faite dans les mêmes conditions que les autres reste sans effet. On continue à ins- crire la courbe du muscle. Il entre en rigidité pendant la nuit, à partir de 7 h. du soir, comme le montre le tracé (à par- tir de A). Le lendemain, on excite de nouveau le muscle à plusieurs reprises. On obtient PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 61 trois contractions décroissantes d'intensité (VI, VII, VIII). Une quatrième excitation est sans effet. Au bout de 40 minutes, on excite de nouveau le muscle, et on obtient une faible contraction (IX, fig. 4). Les faits suivants ressortent de celte expérience : 1° Le muscle normal excité par le chloroforme en vapeurs, après s'être contracté, peut revenir sur lui-même, incom- plètement c’est vrai, mais en grande partie ; 2° Après ces excitations répélées par le chloroforme, le muscle a conservé la propriété d'entrer en rigidité ; 3° Il peut y avoir de nouvelles contraclions après l’appari- tion de la rigidité. Je ferai remarquer de plus que ces séries de contractions ont de l’analogie avec les tracés de la fatigue musculaire. Je crois qu'il s’agit là d’un phénomène d’excitalion et non d’un phénomène de coagulation de la myosine par la vapeur de chloroforme, comme on l'admet généralement. J'ai répété très souvent, du reste, l'expérience suivante : Je faisais agir le chloroforme sur un muscle frais pendant le temps juste suffisant pour provoquer un fort raccourcissement ; et je cons- talais qu'après ce raccourcissement, le muscle avait conservé son excitabilité électrique, malgré la persistance duraccour- cissement. Il est curieux de remarquer aussi que la contraction du muscle se continue après que l'excitation a cessé, et qu'elle ne prend fin qu’au bout de quelques minutes, quelquefois un quart d'heure et une demi-heure! Si ces contractions étaient dues à la coagulation des albu- minoïdes par le chloroforme, on se demande pourquoi cette coagulation ne se produirait que dans les premiers temps de la rigidité, alors qu'il persiste toujours dans le muscle des al- buminoïdes coagulables! Je crois qu'il est plus exact de dire que le chloroforme agit en excitant le muscie, et qu'il y dé- termine une contraction de forme particulière. J'ai dit plus haut que la sensibilité du muscle au chloro- 62 M. TISSOT. forme s'accroît après la mort. Il existe une période d'hy- fe SD Ar ÉLFC OS SA AT Fig. 5. — a, début de l’action du chloroforme. I. Muscle frais. — II. Muscle d’une grenouille tuée depuis deux jours. — IT. Muscle d’une grenouille tuée depuis quatre jours (encore excitable électri- quement). — IV. Muscle d’une grenouille tuée depuis six jours (commençant à entrer en rigidité). — V. Muscle d’une grenouille tuée depuis huit jours (ri- gide depuis trois jours). perexcitabilité, depuis le moment où l’excitabilité électrique Fi | | VA Fig. 6. — a, début de l’action du chloroforme. I. Muscle frais. — 11. Muscle d'une grenouille tuée depuis cinq jours (excitable électriquement). — III. Muscle d’une grenouille tuée depuis cinq jours (inexci- table électriquement depuis vingt-quatre heures). — IV. Muscle d’une gre- nouille tuée depuis six jours (muscle dans lequel la rigidité est commencée à peine). PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 063 décroît et va disparaître jusqu'à la rigidificalion complète du muscle. ILy a décroissance progressive à parlir de ce moment. Fig. 7. — a, début de l’action du chloroforme, I. Muscle frais. — II. Muscle inexcitable électriquement, sur le point d'entrer en rigidité. — LIT. Muscle rigide depuis deux jours. Il n’est pas possible de démontrer ce fait sur un seul mus- cle, car l'action trop souvent répétée du chloroforme le tue, et les dernières contraclions obtenues ne peuvent plus êlre Fig. 8. — ab, début de l’action du chloroforme. I. Muscle en repos. — II. Muscle fatigué, comparées aux premières. Il faut s'adresser à des muscles diffé- rents. Voicicomment j'ai réalisé l'expérience : On prend cinq grenouilles de même taille et de même espèce (Rana tempo- raria) et on les tue successivement à un jour d'intervalle. On a 64 M. TISSOT. ainsi des muscles dans toutes les périodes d’excilabilité, jus- qu'au muscle complètement rigide. Le cinquième jour, on dispose cinq gastrocnémiens sur un myographe portant cinq leviers absolument comparables comme longueur, poids Fig. 9. — a, début de l’action du chloroforme. I. Muscle en repos. — II, Muscle fatigué. tenseur, elc. On recouvre les cinq muscles d’une cage en verre et on les excite par le chloroforme. L’excitalion. est ainsi identique comme durée et comme intensité pour tous les muscles. Les tracés obtenus dans ces conditions Fig. 10. — Ligature et fatigue. Fig. 11. — Ligature des vaisseaux. a, début de l’action du chloroforme. — I. Muscle en repos et normal. — II. Muscle fatigué et dont les vaisseaux ont été ligaturés. démontrent neltement Le fait énoncé plus haut (fig. 5, 6, 7). J'ai vu de même qu'un muscle fatigué devient plus sensible au chloroforme qu'un muscle en repos. La ligature des vais- seaux, le desséchement, etc., toutes les conditions de dépé- PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 65 rissement m'ont paru agir dans le même sens. J'ai fait ces dernières expériences en opérant sur les deux gastrocnémiens d’une même grenouille, tétanisant l’un et laissant l’autre au repos (fig. 8, 9, 10, 11). | J'ai répété les mêmes expériences avec l’ammoniaque qui, au contraire du chloroforme, est un dissolvant des albumi- noïdes. J'ai obtenu de même des contractions des muscles rigides. Ces contractions s’affaiblissent à partir de la mort Fig. 12. — a, début de l'action de l’ammoniaque (vapeurs). I. Muscle frais. — II. Muscle entrant en rigidité. — III. Muscle rigide depuis un jour. — IV. Muscle rigide depuis deux jours. — Muscle rigide depuis trois jours. de l’animal, mais elles persistent encore plusieurs jours sur le muscle rigide (fig. 12). Je n'ai pas vu de période d’hyperexcitabilité, et plutôt une diminution de sensibilité à cet agent par la faligue. Phénomènes électriques et calorifiques pendant la contrac- tion. — J'ai étudié les phénomènes électriqueset calorifiques qui se produisent pendant la contraction déterminée par l’action du chloroforme sur le muscle rigide. Un gastrocnémien de grenouille est isolé et relié à un gal- vanomètre de Thomson; le courant musculaire est recueilli par deux électrodes impolarisables de d’Arsonval. On constate ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, Ô » 65 M. TISSOT. alors dans le muscle qui se contracle un courant de même sens que le courant d’action du muscle frais. Si d'autre part on relie le galvanomètre à deux aiguilles thermo-électriques piquées, l’une dans un muscle rigide, l’autre dans un muscle tué par la chaleur, et qu’on fasse arri- ver sur ces muscles de la vapeur de chloroforme {qui doit être rigoureusement en équilibre de lempéralure avec l'air ambiant), on constate la production d’un courant mdiquant un échauffement dans le muscle rigide. Je n’ai pas encore étudié d'une manière complète l’ se bilité chimique des muscles des mammifères. J'ai vu cepen- dant que les muscles rigides sont encore excilables par le- chloroforme. Dans deux cas, j'ai encore déterminé une con- traction au bout de vingt-six ou vingt-huit heures. CoNcLUSIONS DU CHAPITRE Î. — De l’ensemble de toutes. ces expériences, on peut dégager les fails suivants : 1° Alors que la contractilité a entièrement disparu dans. les muscles, on peut encore y constater des phénomènes. d'activité physiologique, tels qu’un courant d'action succé- dant à une excitation : 2° Le muscle devenu complètement rigide, même de- puis fort longtemps, peut conserver son excilabilité aux agents électriques, mécaniques et chimiques. Chez le che- val, ce fait est la règle; on le remarque aussi presque toujours chez le chat et le chien. D’après Catherine Schi- piloff (1), on observerait quelquefois une persistance de: l'excitabilité mécanique pendant quelques minutes après. le début de la rigidité. Je dirai que ce fait est plutôt la règle que l'exception chez les mammifères, à part le lapin, le cobaye, où la contractilité disparaît très rapide- ment et avant l'apparition de la rigidité, comme l'a vu C. Schipiloff. Je dirai de plus que, très souvent, ce n'est. pas pendant quelques minutes, mais pendant des heures (1) Catherine Schipiloff, Recherches sur la nature et les causes de la rigi- dité cadavérique. (Rev. méd. de la Suisse romande, 1889.) PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. O7 qu'on peut observer la persistance de l’excitabilité dans les muscles. J'ai montré qu'on pouvail l’observer pendant plus de deux jours chez le fœtus ; 3° Sans faire aucune hypothèse sur la nature de la rigi- dité cadavérique, on peut dire qu’elle n’est pas imcompati- ble avec la persistance de l’excitabilité dans les muscles: s'il est vrai que la rigidité est due à la coagulation des albu- minoïdes du muscle, ce dernier peut néanmoins conserver ses propriélés vitales pendant un certain temps et malgré cette coagulation ; 4° Les muscles rigides peuvent rester excitables et très longtemps à certains agents tels que le chloroforme et l’am- montaque. Ce fait est en contradiction avec les observations de Catherine Schipiloff (1), qui dit que le chloroforme n’exerce pas la moindre action sur les muscles qui ont perdu l’exci- tabilité mécanique. Mais cet auteur a fait ses expériences à l’aide d’un procédé qui manque de sensibilité. Ces re- cherches doivent, en effet, être faites à l’aide de la méthode graphique si l’on veut qu'elles donnent des indications précises. CHAPITRE II SUR LES CONDITIONS DANS LESQUELLES SE PRODUIT LE PHÉNOMÈNE DE LA RIGIDITÉ CADAVÉRIQUE. Je ne m'étendrai pas sur l'historique de cette question; il est donné dans tous les traités de physiologie. Je ne ferai que citer en passant les travaux de Louis, Nysten, Sommer. J'arrive directement aux deux théories qu'on a données pour expliquer le phénomène de la rigidité cadavérique. Brown- Séquard, dans toute une série de travaux, cherche à montrer que l’état de rigidité est dû à une contraction musculaire permanente, que les muscles rigides son! doués de vie jus- (1) Catherine Schipiloff, Étude sur la contractilité des muscles Séries. (Rev. méd, de la Suisse romande, 1894.) 68 LH ré M. TISSOT. qu'au moment où la putréfaction s’en empare, et que la rigidité n’est pas due, « même en parlie », à la coagula- tion des matières albuminoïdes (1). D'autre part, Kühne(2), dans ses recherches sur la coagulation du plasma muscu- laire, attribue la rigidité cadavérique à la coagulation des albuminoïdes du muscle. Nous sommes ainsi en présence de deux théories, l’une faisant de la rigidité un phéno- mène purement physiologique, l'autre l’attribuant à un phé- nomène purement chimique. Sans vouloir prendre parti pour l’une plutôt que pour l’autre, j'ai recherché les con- ditions, très mal connues, dans lesquelles se produit le phé- nomène; Jai déjà montré dans le chapitre précédent, qu'il n’est pas incompalible avec la persistance de l’excitabilité dans les muscles et même dans les nerfs. J’examinerai successivement les points suivants : 1° La rigidité est-elle un phénomène général? 2° À quel moment apparaît-elle après la mort? 3° Durée de la période de développement et de la période d'état de la rigidité. Influence du travail, de l’inanilion. 4° Significalion des mouvements spontanés d'élongation et de raccourcissement des muscles rigides. 5° Action du système nerveux sur la production de la rigidité. 6° Certaines substances qui sont utilisées dans le {ravail musculaire varient-elles pendant l’état de rigidité? 7° Causes de la disparition de la rigidité. (4) Brown-Séquard, Gaz. méd., Paris, n°5 17, 24, 27; 1851. — — n°39; MS. — — no 42, 1857. — Journ. de la physiologie, t. I, 1858. — —— — t. II, 14859. — C. R., t. CIIT, 1886. sé C. R.,t. OV, p. 556, 1887. — Arch. de physiologie, 1889, p. 675. — — 1889, p. 726. .— — 1890, p. 628. —— — 1892, p: 119. (2) Kühne, Untersuchungen über das Protoplasma und die Contractilität. Leipzig, 1864. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 69 La rigidité est un phénomène général chez les animaux. — L'immense majorité des observateurs l’ont toujours vue se produire chez tous les animaux. Cependant, Bichat dit que la rigidité manque après la mort par asphyxie; John Hunter, qu’elle manque également après la mort par fulgu- ration; il est de plus admis généralement que le fœlus ne devient pas rigide. Cependant, Mende (1) dit que la rigidité ne manque chez le fœtus humain qu'avant le septième mois. Dans les observations que j'ai faites, j'ai toujours vu les fæœ- tus du chat et du chien devenir rigides. J’en ai examiné de diverses longueurs, depuis 3 centimèlres jusqu’à 7 et 8. J'ai montré précédemment que la rigidité apparaît tardivement lorsque le fœlus a été refroidi après son extraction du corps de la mère, mais que celte rigidité se produit toujours, que le fœtus soit encore inclus dans l’amnios ou qu'il en soit extrait. À une époque rapprochée de la naissance, la rigidité de- vient considérable et il est impossible de la méconnai- tre. Chez les fœtus moins âgés, elle est moins nelte, à cause du faible développement du système musculaire et de la moindre résistance des os. Il est certain qu'on se trouve là dans des conditions défavorables à l'observation du phé- nomène, et que si la rigidité est plus faible, c’est surtout parce que les os sont cartilagineux et n'offrent pas une résistance suffisante à la rétraction des muscles. Malgré cela le phé- nomène est encore très net; les membres ne peuvent pas être mis dans une position quelconque. Sitôt qu'on les déplace de leur position, ils la reprennent instantanément, comme le ferait un ressort. Il y a de plus une certaine résistance au déplacement qui n’existe pas dans le fœtus non rigide. Quant aux animaux tués par asphyxie, ils deviennent toujours rigides, sans exception; ils le deviennent souvent plus vite que les animaux tués d’une autre manière, et la rigidité peut y acquérir une intensité plus considérable. : (1) Mende, Handb. d. gericht, Med., IL S. 278; III S. 405. Leipzig, 1819. 70 M. TISSOT. : Dans la mort par fulguration, la rigidité apparaîtrait et disparaîtrait rapidement, d'après Brown-Séquard, el ce serait pour cetie raison qu’on l’a méconnue. Elle a été du reste conslatée chez des individus fulgurés (Tourdes). En résumé, on peut dire en général que la rigidité apparaît chez tous les animaux; on ne connaît jusqu'ici aucune condition dans laquelle elle ne se produise pas. Époque de l'apparition de la rigidité. — Lorsqu'on tue un animal en pleme santé, la rigidité des membres et des mà- choires ne devient perceptible à la main qu’au bout d’un certain temps, variable de une heure à trois heures en général, chez le chien et le chat. Aussi est-il admis par tous les physiologisies que, chezles mammifères, la rigidité débute un certain temps après la mort, de une heure à irois dans la grande majorité des cas. Ce fait n’est pas exact ; la méthode graphique, appliquée à ces recherches, montre que le phéno- mène se passe d’une aulre manière. Des expériences ont déjà été faites par celte méthode par Schläfer et Walker (1). Ces auteurs ont trouvé que la rigidité commence; chez la grenouille, {rois heures à quatre heures et demie après dispa- rition de l’excitabilité dans le muscle, et qu'elle s'établit complètement en cinq ou sept heures à partir de ce moment. Ces faits sont exacts et j'ai oblenu les mêmes résultats chez la grenouille. Mais il n’en est pas ainsi chez les mammifères. En effet, chez ces derniers, la rigidité commence à se pro- duire immédiatement après la mort. Je me suis servi du chien et du chat pour inscrire ces phénomènes. Aussitôt que l'animal est mort, un membre postérieur est fixé solidement en plusieurs points, cuisse, genou, pied. Cette fixation doit être absolue, afin d'éviter que les mouvements des autres muscles retentissent sur le myographe et viennent modifier la courbe. Le tendon du gastrocnémien est ensuite délaché et relié au myographe. Le tracé est pris sur un cylindre faisant (1) Cités par Hermann, Handbuch der Physiologie der Bewegungsapparate, I, p. 144. | PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 71 un tour en vingt-quatre heures. Les tracés oblenus (fig. 13 et 14), montrent que la rétraclion du muscle commence aussitôt que le tendon est relié au myographe. Quant au temps qui s'écoule jusqu’à la rétraction complète du muscle, Fig. 13. — 3 novembre 1894. — Chien normal, mort par section du bulbe. Inscription commencée cinq minutes après la mort. il est variable avec l’état de l'animal au moment de la mort, avec le genre de mort, avec la température exté- rieure. L'influence de ces conditions sur la rigidité appa- rente des muscles a été déjà bien étudiée et je n'insisterai pas davantage sur ce point. Fig. 14. — 3 août 189%. — Chat empoisonné par la vératrine. Inscription com- mencée en À, 10 minutes après la mort. (Durée du raccourcissement, un peu plus de 3 heures et demie.) Ce qui nous intéresse plus particulièrement est de savoir quelles sont les relations qui existent entre la durée de l’exci- tabilité du muscle après la mort, et la durée de l’élat de rigi- dité. Brown-Séquard a fait voir que l’excitabilité musculaire el la rigidité persistent beaucoup plus longtemps chez les in- DA. : M. TISSOT. dividus morts subitement que chezles individus morts après de longues maladies. Il a montré que la rigidité est d'autant plus durable que l’excitabilité est plus considérable au moment de la mort. Il est certain que ce rapport existe, mais il y a là deux faits, reconnaissant peut-être la même cause, mais ne pouvaut pas s'expliquer l’un par l’autre; la longue durée de l’excitabilité du muscle après la mort ne nous dit pas pourquoi la rigidité est plus prolongée. Prenons comme exemple un animal mort après une grande fatigue; nous voyons l’excilabilité disparaître rapidement et la rigi- dité apparaîlre avec rapidité. La cause de ces deux faits est ici bien connue : c’est le travail musculaire. Mais quel est le mécanisme de ce phénomène ? Il est aussi obscur que celui de la fatigue musculaire. On a dit qu'il résulte de ‘action, sur le muscle, d'un sang pauvre en oxygène, riche en acide carbonique et en produits de désassimilation. Ainsi, à l'appui de celte hypothèse, M. Ch. Richet fait l'expériencesuivante(1): il coupe le sciatique d'un lapin et tétanise l'animal, puis il le tue. Il voit alors la patte dont le sciatique a élé coupé, devenir presque aussi vile rigide que l’autre, bien qu'elle ait échappé aux convulsions des autres membres. À celte expérience, je ferai l’objection suivante : La section seule du sciatique est insuffisante pour énerver la patte. La masse des adducteurs (2 adducteurs et droit interne) est innervée par le nerf oblurateur. Le nerf fessier supérieur innerve le muscle tenseur du fascia lata ; le triceps fémoral est innervé par le nerf crural. Tous ces muscles participent donc aux contractions générales du corps, malgré la section du scia- tique. | J'airépété cette expérience sur le chien, mais en sectionnant les trois nerfs : sciatique, crural et obturateur. L'animal est télanisé par la strychnine. On lui fait la respiration arüficielle pour prolonger la durée du tétanos, puis on le tue par la section du bulbe. Dans ces conditions on voit le membre (4) Ch. Richet, Physiologie des nerfs et des muscles. Paris, 1882. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 13 énervé devenir rigide beaucoup plus tard que l’autre. Ainsi, dans une expérience, la rigidité a commencé à être apparente dans le membre énervé au bout de deux heures et demie, tandis que dans l’autre, elle élait complète au boul de deux heures et quart. Elle n’a atteint son maximum d’inten- sité dans le membre énervé qu’au bout de quatre heures. — Les mêmes résultats avaient déjà été obtenus, du reste, par Brown-Séquard. ILest bien probable que, si les produits excrémentiliels for- més dans le muscle entrent en cause dans le cas de rigidifi- cation rapide après la mort, ce n’esi que pour une bien fai- ble partie. Chez les animaux morts d’inanition, ou tués après une inanition prolongée, la rigidité cadavérique survient brus- quement et disparaît rapidement, et cela d'une manière d’au- tant plus accentuée que l’inanition a duré plus longtemps. Le tableau suivant est un résumé de quelques observations relatives à ce sujet : : DURÉE de l'état de DURÉE de l'inanition. (sal [ea e] ne) DATES 2 GENRE DE MORT 2 © = F4 de la rigidité. rigidité. développement 30 mai 1894. | Chien.|Tué par le chloroforme. 12h. 1/2 |72leures|24 jours. 24 juin — — |Tué par section du bulbe.|2 heures.| 5 — |38 — 24 juin — | Chat. |Tué parle gaz d’éclairage.|1l — 8 — |24 — 25 juin — — [Mort d’inanition. 1 — 32 — |56 -— III ER ERN NTRR = NN VPO M EE TELE 13 déc. — — — 1/2 heure|5 jours|22 — 1£janv.1895.| — — 1,2 — 4 — 126 — D fév. — — -— 4 b. 1/4 On peut comparer ces chiffres à ceux du tableau suivant, résumant des observations faites sur des animaux tués dans leur état normal : 74 M. TISSOT. DURÉE 7e 2 : du dévelop- DURÉE ESPÈCE GENRE DE MORT de l’état de pement de la icidité rigidité. TEE 24 juin 1894... Section du bulbe : A1 jours. 8 juill. — ... — 4 9 41Nanv.1895... Tué par le gaz d'éclairage. - 47 12 févr. — ... | — — 3 h. 15 2 août 1894... Section du bulbe : 17 1 déc. =... — : 23 29 nov. — ... Hémorragie aut 18 Ainsi, nous voyons l’inanilion avoir la même action que le travail sur la durée de la rigidité et sur la rapidité de son développement. La rigidité des animaux morts d’inanilion est beaucoup moins intense que celle des animaux tués dans leur état normal et la rélraction des muscles est moins considérable. re D'autre part, Brown-Séquard a montré que si, chez un animal, on fait cesser la rigidilé, on constate le lendemain qu elle a réapparu. Ce fait est exact, lout au moins dans les premiers Jours de la rigidité ; chez les animaux morts d’ina- nition, je n'ai Jamais vu cette réapparilion se produire. En résumé, nous arrivons à un résultat analogue (appa- rilion rapide et courte durée de l’état de rigidité) par deux procédés différents : travail et inanition. Je me suis demandé si ces deux causes n’agissent pas sur le muscle de la même manière, en le privant de certaines substances propres à entretenir la vie, ou à fournir du travail ; je veux parler des hydrocarbonés du muscle, graisse et glycogène. Suivant celte hypothèse, la rigidité durerait d'autant moins que le muscle contiendrait moins de glycogène, c’est-à-dire que celte substance devrait diminuer dans les muscles après la mort. Si, d'autre part, l’état de rigidité est un élat de con- iraction, un élat d’activilé du muscle, cette diminulion du glycogène doit sûrement être observée, d’après ce que nous savons actuellement à ce sujet relativement aux muscles encore excilables. C’est ce qui m'a amené à faire le dosage de la malière glycogène dans les muscles rigides. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 7 Dosage de la matière glycogène dans les muscles rigides. — D'après Nasse (1), le glycogène disparait rapidement des muscles après la mort. Ce physiologiste n’en retrouve plus que 25 p. 100 après la mort. Au contraire, d’après Bæœhm (2), les muscles rigides contiennent autant de glycogène que les muscles frais; cet auteur dit que, toutes les fois qu’on a observé une diminution, il ya eu des phénomènes de putré- faction dans les ul D’après A. Gautier (3) le glycogène disparaît totalement des muscles conservés à l'abri de la putréfaction. Cet auteur se sert dans ses expériences de viande de bœuf extraite sans aucune précaution d'asepsie; celte viande, refroidie pendant son transport au laboratoire, est plongée dans une solution d'acide cyanhydrique à 0,5 p. 100, « destinée à enlever les microbes superficiels ». Je crois cette immer- sion dans une solution d'acide cyanhydrique tout à fait Insuf- fisante pour empêcher une putréfaction. Du reste, les rai- sons suivantes montreront que, dans les expériences de M. A. Gautier, 1l y a eu des phénomènes de putréfaction. En effet, 1l trouve dans les gaz dégagés par le muscle, de l'azote et de l'hydrogène. Or, ces gaz ne se produisent que dans des muscles putréfiés ; un muscle totalement exempt de microbes ne dégage jamais que de l'acide carbonique ; du reste, le dégagement d'hydrogène observé par M. Gau- lier se produit à partir du troisième jour, moment où, en général, la putréfaction commence à se manifester netle- ment. On se demande pourquoi, si ce dégagement d’hydro- gène caraclérisait certains ,phénomènes de vie dans le muscle, il ne se produirait pas dès le premier jour (4). MAO MNaSSe Arch Nes DhusoL, AT ip, M869 et. XIV, p.21; 1877. (2) Bæœhm, Ueber das Verhalten des Glycogens und der Milchsaure im Mus- kelfleisch. (Arch. de Pflüger, t. XXIIL, 1883.) (3) A. Gautier, Le fonctionnement anaérobie des tissus animaux. (Arch. de Phys., 1893.) -(&) J'ai démontré, du reste, par des expériences communiquées au récent congrès scientifique de Bordeaux (1895), que les muscles ne dégagent jamais ni azote ni hydrogène lorsqu'ils sont mis à l’abri des germes de l’air. 16 M. TISSOT. Dans mes expériences, je me suis placé dans des con- ditions où la putréfaction ne peut pas se produire, et en laissant les muscles dans la situation qui est la plus favo- rable à la disparition du glycogène, si celle-ci doit se pro- duire ; c’est-à-dire en laissant les muscles dans le corps de l'animal et les retirant au moment de s’en servir. Je mon- irerai en effet, plus loin, que tant qu'un muscle est rigide, il ne contient pas de microbes. Voici le procédé que j'ai employé pour mes dosages de glycogène : Les muscles extraits du corps sont aussitôt hachés en très fins morceaux et soumis à l’ébullition avec de l’eau distillée, puis exprimés à la presse. On fait rapidement sécher le résidu à l’étuve, puis on le réduit en poudre fine. Cette poudre est de nouveau épuisée par l’eau bouillante, puis exprimée. Les extrails réunis sont additionnés de salive et de 2 p. 100 d’acide cvanhydrique, puis portés pendant six heures à l’étuve à 30°. Ensuite on chasse l'acide cvan- hydrique, on additionne le bouillon de sulfate de soude et d'acide acétique, et on porte le Lout à l’ébullition. On filtre, et dans la liqueur ainsi obtenue on dose la glycose par la liqueur de Fehling. Voici les résultats oblenus dans plu- sieurs expériences (1) : GLYCOGÈNE ‘ ESPÈCE pour 100 gr. de muscle. à AUSSILOt Apres TAROT EEE APREPEERT 08r,33 Chat............. 2 jours St dee Rés h nie 06", 34 HE es ot EN dau Vi LÉ AANRS RUES ae | LS ERA 2 PS joe le NE E Chien... TE Lo ne AussHôt apres da mon... cet O8r,36 NA PS CRIE PRE ATEN: 08,36 (1) Le dosage est fait sur un muscle aussitôt après la mort de l'animal, puis il est répété, plusieurs jours après, sur le muscle similaire de l’autre membre. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS.LA MORT GÉNÉRALE. 71 Ainsi donc, la quantité de glycogène reste invariable dans les muscles après la mort. Ce fait rend fort invraisemblable l'hypothèse d’après laquelle le muscle rigide serait un muscle en état d'activité. | Mouvements spontanés d'élongation et de raccourcissement des muscles rigides. — Dans plusieurs mémoires cilés au commencement de ce chapitre, Brown-Séquard a décrit dans les muscles rigides des mouvements spontanés d’élongation et de raccourcissement qui, d’après lui, seraient des modi- ficalions actives des muscles et seraient des indices de per- sistance de la vie. On verra, dans le paragraphe suivant, que, chez les animaux morts d'inanition, la rigidité dispa- raît dans les muscles avant que la putréfaction y ait fait son apparition. Ce fait m'a conduit à penser que, si l’on empêchait la pulréfaction de se produire dans un muscle, on verrait la rigidité cesser au bout d’un certain temps dans ce dernier. J'ai fait dans ce but des expériences qui m'ont amené à cerlaines considérations sur les mouvements spon- tanés d’élongation et de raccourcissement. Voici la description de l’une des expériences en question : Expérience. — Un muscle de l’avant-bras du chat, le grand pal- maire, est extrait aseptiquement, puis suspendu dans un tube stérilisé A (fig. 15) fermé par deux bouchons de caoutchouc B et C. Le bouchon B est traversé par un tube de verre D effilé à son extrémité el portant un anneau de cuivre E auquel est soudée une tige en argent F recourbée en crochet. Dans l’intérieur du tube D est placée une mèche de coton dont une portion est tassée à la partie inférieure du tube pour empècher l’écoulement trop rapide de l’eau placée dans l’intérieur de ce dernier. Un autre tube H empêche la pénétration des germes de l’air dans l’eau placée en J. Le muscle suspendu, au crochet F, est relié à un fil métallique très fin K, passant dans l’intérieur du tube T, et qui est en relation lui-même avec un levier multiplicateur I, coudé à angle droit. Ce lévier, en relation avec le myographe M, est soudé à un axe horizontal Q, très mobile sur les 2 pièces L et P, fixées à la planchette N. Les mouvements du muscle sont ins- 78 M. TISSOT. crits sur un cylindre faisant un tour en 8 jours. On adapte au tube T un tampon de coton R solidement fixé et à travers lequel passe le fil K sans être gèné dans ses mouvements. Tout l'appareil ainsi constitué est slérilisé avant l'expérience, le tube A étant fermé par les 2 bouchons B etC. Le muscle étant extrait aseptiquement est ensuite rapidement fixé au cro- chet Fet au filK, puis le tube D rempli d’eau salée stérilisée à 7,5 p. 1000 ; de l'eau est mise à la partie inférieure du tube À, en V: les fils de la mèche de coton viennent s'appliquer à la partie supérieure du muscle et le maintien- nent constamment humide. En outre, l'eau placée en V sature continuelle- ment d'humidité l'atmosphère du muscle. Par ce procédé, j’ai pu con- server des muscles pendant plusieurs mois sans qu'ils présentent de traces de putréfaction ou de dessiccation. Sur ces muscles, j'ai enregistré des mou- vements spontanés d'élongation et de raccourcissementplus ieurs mois après. leur extraction du corps. Le tracé qui suit (fig. 16) a été pris à partir du soixante-douzième jour d'expérience. | J'ai reconnu que ces mouvements sont uniquement dus à des modifications hygrométriques de l’air environnant le muscle, bien que cet air paraisse constamment saturé de vapeur d'eau. Jenai réussi à supprimer ces mouvements qu en déterminant à la sur- PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 79 face du musele un écoulement d'eau très lent, mais continu ; ils réapparaissent aussitôt que l'écoulement cesse et qu'on se con- tente de maintenir le muscle humide. Le tracé suivant (fig. 17) montre le fait avec toute netteté. Fig. 17. — Mouvements d'élongation et le raccourcissement d'un muscle extrait du corps, et mis dans une atmosphère saturée d'humidité. — En AB, CD, EF, GH, un courant d’eau, extrêmement lent, coule à la surface du muscle. Dans les autres parties, le muscle est simplement en contact avec l'air saturé d'humidité. En somme, le muscle est un corps extrêmement sensible aux variations hygrométriques; aussi, bien que Brown-Sé- quard ait prélendu le contraire, il faut se demander si les courbes qu’a obtenues ce physiologiste ne sont pas dues sim- plement à cette cause. Je dirai en terminant que je n’ai pas atteint le but que je me proposais dans ces expériences. Les muscles ont toujours paru rester continuellement en rigidité dans mon appareil. Mais la disparition de la rigidité est peut-être masquée par les mouvements décrits plus haut, et 1l est nécessaire que ces expériences soient reprises en évitant toute modification hy- grométrique dans l’appareil. C’est un résullat que je n'ai encore pas pu obtenir. Cause de la disparition de la rigidité cadavérique. — XI est admis que la putréfaclion est la cause de la disparition de la rigidité. J’ai voulu voir si des muscles étant mis dans des conditions défavorables à la putréfaction, 1ls ne cesseraient pas d'être rigides avant que les microbes y aient fait leur apparilion. Pour ces recherches, je me suis servi d'animaux morts d'inanition ou tués après une inanition prolongée. J'ai pensé que, chez ces animaux où la rigidité est toujours de courte durée, j'avais plus de chances d'observer le fail que je cherchais. Les animaux étaient placés dans un lieu très frais (glacière du laboratoire) aussitôt après la mort. 80 ; M. TISSOT. |. Chaque jour, avant et après la disparition de la rigidité, je faisais des cultures dans du bouillon, de fragments des mus- cles de l’animal, jusqu'au moment où ces cultures se déve- loppaient. Par ce procédé et chez les animaux placés dans de telles dise j'ai vu : . 1° Qu'il n’y a jamais de microbes dans les muscles rigi- de (chez un animal qui n'est pe mort de maladie infec- lieuse) ; 2° Qu'iln'y a jamais de microbes dans les muscles au mo- ment où la rigidité disparaît, et qu'il s'écoule un certain temps, souvent fort long, entre la dispar ition dela rigidité et la pullulation microbienne. Ces faits sont mis en évidence par les expériences sui- vantes : Expérience I. 30 mai 1894. — Chien eninanition depuis 21 jours ; on le tue à 9 h. par inhalations de chloroforme. Il est totalement rigide à 11 h. 1/2. La rigidité dure environ 72 h. et disparait le 2 juin à 10 h. du matin. Les microbes ont fait leur apparition dans les muscles le 4 juin, c’est-à-dire environ 48 h. après la dis- parition de la rigidité. Expérience II. 25 juin 1894. — Chat mort à 8 h. du matin après 56 jours d’inanition ; rigidité complète à9 h., disparue le 26 juin à 5 h. du soir. Les cultures des muscles n’y ont décelé la présence de microbes qu’à partir du 29 juin à 5 h. du soir, c’est-à-dire 3 jours après la disparition de la rigidité. Expérience IT. 24 juin 1894. — Chat en inanition depuis 24 jours, tué à 9 h. par le gaz d'éclairage; il est complètement rigide à dix heures ; la rigidité cesse à 6 h. du soir. Les microbes font leur apparition dans les muscles le 28 juin, à 6 h., c’est-à- dire environ 4 jours après la disparition de la rigidité. Expérience [V. 21 juin 1894. — Chien en inanition depuis 38 jours, tué à 10 h. par section du bulbe. La rigidité est com- plète à midi et cesse à 5 h. Les cultures des muscles restent stériles jusqu’au 25 juin, # jours après la disparition de la rigidité. Expérience V. 16 juillet 4894. — Chat en inanition depuis 35 jours ; mort pendant la nuit, du 15 au 16 juillet. La rigidité constatée à 8 h. remontait à plusieurs heures ; elle a cessé le PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 81 17 juillet à 6 h. du soir; je n'ai trouvé des microbes dans les muscles qu'à partir du 21 juillet, c’est-à-dire 5 jours après. Ainsi, d’après ces expériences, le muscle peut cesser d’être rigide sans que la putréfaction intervienne. Je ne pré- tends pas qu’on ne puisse jamais trouver de microbes dans les muscles pendant la rigidité, mais le fait que j'ai constaté me permet de conclure que la putréfaction, quand même elle existe, n’est pas la véritable cause qui fait cesser la rigidité. Cette cause réside dans le muscle lui-même et non dans une cause extérieure. On a dit aussi que la rigidité cesse par dissolution des albuminoïdes par les acides formés dans le muscle. Je dirai d’abord qu'il n’y a pas d’acide libre dans le muscle, ou qu'il n’y en a qu'une si faible quantité (acide lactique) qu'elle est négligeable au point de vue qui nous occupe. Je dirai d'autre part que les expériences que je viens de décrire montrent aussi que les acides ne jouent aucun rôle dans la disparition de la rigidité. On sait, en effet, que les muscles des animaux soumis à l’inanition restent alcalins après la mort (CI. Bernard) ; la rigidité a donc cessé, dans mes expériences, sans que la putréfaction ou un acide inter- viennent. | Action du système nerveux sur la rigidité cadavérique. — Plusieurs auteurs ont cherché à démontrer que le système nerveux exerce une influence sur la durée du développement de la rigidité. Les premières recherches dans ce sens furent faites par Munk (1), qui conclut de ses expériences qu’un muscle dont le nerf a été coupé près de sa terminaison, conserve plus longtemps son excitabilité et se rigidifie plus tard qu'un muscle dont une longue portion de nerf a été conservée; ces conclusions ont élé infirmées par Hermann et ses élèves (2), Bleuler et Karl Lehmann. (4) Munk, Ueber die Abhängigkeit des Absterbens der Muskeln von der Länge ihrer Nerven. (Arch. f. Physiol., 1880.) (2) Bleuler et Karl Lehmann, Pflüger’s Archiv., 1878. ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, 6 82 \ | A. TISSOT. Je n'ai pas répété ces recherches sur la grenouille comme les auteurs précédents, car j'ai vu qu’elles ne peuvent avoir aucune signification. En effet, dans les nombreuses expé- riences que j'ai faites sur la rigidité des muscles de la gre- nouille, j'ai presque toujours remarqué que, dans les mus- cles intacts, la rigidité apparaîl plus tôt d’un côté du corps que de re La question a été reprise par Eiselberg (1) sur les mam- mifères et les oiseaux; il confirme les expériences de Munk, et dit qu'un muscle se rigidifie plus tard lorsque son nerf a été coupé. J'ai répété ces expériences. Sur un grand nombre de chiens, j'ai sectionné la totalité du plexus brachial, immé- diatement après la mort. Je n'ai jamais pu constater la moindre différence entre la rigidité des deux membres. Du reste, on ne voit guère l'influence que pourrait avoir la sec- tion du nerf sur le muscle, si l’on se rappelle que la tonicité de la moelle disparaît, chez les mammifères, une à deux minutes après le dernier baltement du cœur. En face de celle mort rapide des centres nerveux, il est impossible d'admettre que la section ou l'intégrité du nerf, chez les mammifères du moins, puisse avoir une action TUE sur la rigidité. D'autres auteurs, Max Bierfreund (2), Gendre (3), ont dit que le système nerveux central exerce une influence sur la durée du développement de la rigidité. Je répéterai que ces faits ne sont pas plus admissibles que les précédents. Cer- taines expériences, comme celles de Bierfreund, qui ont été faites sur l'animal encore vivant, n'ont pas la signification que leur auteur leur a attribuée. Les différences observées résultent d’une modification apportée dans le muscle, pen- dant la vie, sous l'influence d’une section ou hémisection de (1) Eiselberg, Zur Lehre der Todténstarre. (Pflüger’'s Arch.,t: XXIV.) (2) Max Bierfreund, Unter Joie über die Todtenstarre. (Pflüger's Arch. 4 XLTIT, p.195.) (3) À. ‘Gendre, Ueber un Einfluss der Centrainer RENE a 54 Todten- starre. RE s Archiv., t. XXXV, 1884.) PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 83 la moelle. Pour qu'une expérience de celle nature soit con- cluante, il est indispensable de la faire après la mort. Or, la section ou hémisection de la moelle, faite après la mort, n’a aucune action sur la rigidité des membres, et ne peut en avoir aucune, pour les raisons que j'ai données plus haut. C’est du moins le résultat de mes expériences. ConcLusIONS DU CHAPITRE II. — De l'ensemble des faits ex- posés dans ce chapitre, je tirerai les conclusions suivantes : 1° La rigidité cadavérique est un phénomène général ; elle survient aussi bien chez le fœtus que chez l'adulte ; 2° La rélraction des muscles commence immédiatement après la mort ; R | 3° La malière glycogène n’est pas utilisée par les muscles rigides ; 4° L'inanition, comme le travail poussé à la fatigue, accé- lère l’apparilion de la rigidité et en diminue la durée; mais tandis que cetle dernière est souvent plus considérable qu’à l'ordinaire chez les animaux fatigués, elle devient beaucoup plus faible chez les animaux morts d’inanilion ; 5° La putréfaction n'est pas la cause qui fait cesser la rigidité cadavérique. Cette cause réside dans le muscle lui-même ; 6° Les mouvements d'élongation ou de raccourcisse- ment spontanés des muscles rigides, observés par Brown- Séquard, sont peut-être dus à des phénomènes purement physiques et ne peuvent êlre considérés comme une ma- nifestation vitale de ces muscles; l’absence de toute di- minution dans la proportion du glycogène des muscles est incompatible avec cette opinion aussi bien qu'avec celle qui fait de la rigidité cadavérique une contraction mus- culaire ; | | 7° Le système nerveux, central ou périphérique, n’exerce aucune action sur la durée du développement de la rigidité. 84 M. TISSOT. CHAPITRE HI ÉCHANGES GAZEUX DES MUSCLES EXTRAITS DU CORPS. C’est Krimer le premier qui observa la production d'acide carbonique par les muscles isolés du corps (1); ce fait fut confirmé par Du Bois-Reymond {cité par Leibig). Les pre- miers {ravaux importants sur la question sont de Leibig (2) et de Valentin (3). Ces deux auteurs n’étudièrent les échan- ges gazeux des muscles qu'à l’état de repos. Matteucci le premier (4) montra que pendant le travail le muscle isolé du corps et placé dans l’air, dégage plus d'acide carbonique et absorbe plus d'oxygène qu'à l’état de repos. Toutes ces expériences sont enfin reprises par Hermann (5). Cet auteur accuse la putréfaction d’être la seule cause des échanges gazeux du muscle. Il conclut de ses recherches que l’oxy- gène n’exerce aucune action sur le muscle et que ce gaz est absorbé par les microbes qui se développent à sa surface. Il confirme l’exaclitude des observations des auteurs précé- demment cités, mais il leur donne une signification diffé- rente. Il confirme une hypothèse émise antérieurement par Du Bois-Reymond (6) : Si, pendant la contraction, la quan- tité d'oxygène absorbée augmente, c’est parce que le mou- vement incessant du muscle met constamment sa surface en contact avec de nouvelles couches d'air. Danilewsky (7) donne plus tard une nouvelle confirmation de cette hypo- thèse. (1) Krimer, Physiologische Untersuchungen. Leipzig, 1820. (2) G. Liebig, Ueber die Respiration der Muskeln. (Arch. für Anat. und Phys., 1850.) (3) Valentin, Ueber die Wechselwirkung der Muskeln und der sie umgebende Atmosphäre. (Arch. f. phys. Heilk., t. XIV, 1855.) (4) Matteucci, Recherches sur les phénomènes physiques et chimiques de la contraction musculaire. (C. R.,t. XLII, 1856.) (5) Hermann, Untersuchungen über den Stoffwechsel der Muskeln.Berlin,1867. (6) Du Bois-Reymond, De fibræ muscularis reactione, etc. Berolini, 1859. (7) Danilewsky, Centralbl. f. med. Wiss., 1874, p. 721. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 85 En somme, suivant l'opinion d'Hermann, tous les phé- nomènes d'échanges du muscle isolé du corps sont dus à la putréfaction, et si ce muscle était exempt de microbes, il n’absorberait pas d'oxygène. D'après une expérience de P. Bert (1) les échanges gazeux du muscle deviendraient très faibles lorsqu'on empêche la putréfaction de se produire à sa surface. Voici cette expé- rlence : Il dispose 3 morceaux de viande de même grosseur dans 3 cloches, l’un normal et n'ayant subi aucune préparation, un autre agité au préalable dans une solution d'acide phé- nique et le troisième agité dans une solution de chloral. Il constate au bout de 16 jours la production d’une forte quantilé de gaz par le premier muscle (l'air fait explosion en débouchant la cloche); les 2 autres n’ont dégagé que peu d’acide carbonique el absorbé peu d'oxygène. J'objecterai à cette expérience que les substances antisep- tiques employées tuent les muscles en même temps que les microbes, et qu’il devient impossible, par ce fait, d’en tirer une conclusion physiologique. Je montrerai du reste plus loin, mais par un procédé différent, qu'en l'absence de pu- tréfaction, les échanges gazeux du muscle avec l'air sont loin d’être aussi faibles que l'indique P. Bert. Pour terminer cette énumération de travaux, je citerai les expériences de M. Regnard (2), sur lesquelles je reviendrai à propos de l’action de la température sur les échanges gazeux des muscles. Vu l’état de la question, 1l était nécessaire de la repren- dre complètement dès l’origine, en évitant les causes d’er- reur auxquelles les auteurs que je viens de citer ont été exposés. Îl fallait en premier lieu éviter la putréfaction dans ce genre d'expérience, et délerminer le rôle qu’elle joue (4) P. Bert, La pression barométrique, p. 881 et suiv. (2) Regnard, Rech. exp. sur les var. path. des combustions respiratoires. Thèse, Paris, 1878. 86 0 7 M. TISSOT. dans Les échanges gazeux des muscles avec l’air. D'autre part, ces recherches nécessitent la plus grande précision dans l'analyse des gaz. On verra plus loin qu'avec les méthodes Fig. 18. que j'ai employées, et avec les instruments que j'avais à ma disposilion, J'ai obtenu toute l'exactitude désirable dans mes recherches. Certaines expériences ont été failes par deux méthodes se contrôlant muluellement : analyse eu- diométrique et dosage de l'acide carbonique en poids. : PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 87 Avant de commencer lexposé de ces expériences, je dé- crirai l’eudiomètre de précision de M. Chauveau, instru- ment avec lequel ont été failes toutes les analyses de gaz publiées dans ce travail. La figure 18 représente une vue générale de cet appareil. Cet instrument est composé essentiellement des parties suivantes : 1° Un tube mesureur destiné à effectuer les mesures sur le gaz en expérience ; 2° Un laboratoire dans lequel s'effectue l'absorption de l'acide carbonique et la combinaison de l’oxygène à l'hydro- gène par l'étincelle électrique; 3° Un tube d'aspiration, destiné à amener le gaz à analyser dans le mesureur ; 4° Un robinet à 3 voies rectangulaires (en T) per- mettant de faire commu- niquer ensemble les 3 parties précédentes; 5° Un tubecomparateur, destiné à effectuer au- lomaliquement les cor- rections de te re et de pression; 6° Une lunette servant à faire les lectures de vo- lume sur les tubes gra- dués. Mesureur. — C’est un tube en Y (fig. 19) dont une branche A est graduée . ét reliée au robinet à 3 voies R. L'autre branche B s'ouvre librement à l'air. La partie C du tube est fixée sur la plaque D, puis reliée par un tube en caoutchouc au ré- servoir à mercure E, qui peut être élevé ou abaissé. Le ca- libre intérieur du HR est de 8 millimètres environ; dans la 88 M. TISSOT. gradualion, faite en demi- centimètres cubes, les plus petites divisions ont sensiblement entre elles un écartement de 1 mil- limèlre, et représentent des vingtièmes de centimètre cube. Le 0 de la graduation correspond au trait de repère 0 (1). Laboratoire. — 1] est constitué par un réservoir A (fig. 20) en communication : d’une part avec le robinet B parle LED >?) SEL TE = m Q 20 Ds tube C; d'autre part par le tube E avec le réservoir D, rem- pli d'une solulion de potasse ; enfin en dernier lieu avec le réservoir mobile à mercure F, par le tube G. Le réservoir à potasse D porte à sa partie inférieure un tube bifurqué (4) Le mesureur et le comparateur sont immergés dans une cuve à eau (voir fig. 18). Par ce moyen, on est sûr que les gaz contenus dans le mesu- reur et dans le comparateur sont à la même température. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. S9 dont une branche H sert à l'introduction de la potasse, et dont l’autre I communique avec le réservoir à mercure K mobile sur le plan incliné L. Les robinets M, N, P, servent à établir ou à interrompre les communicalions avec les différents réservoirs. Le tube C porte à sa partie inférieure un trait de repère 7. Sur les côlés du réservoir À sont appliquées deux pièces métalliques e, e, en relation avec des fils de platine pénétrant dans l’intérieur du réservoir, et destinés à la production de l'étincelle qui fera détoner le mélange d'oxygène et d’hy- drogène. Tube d'aspiration. — Ce tube (R, fig. 20), en relation avec le ro- binet à 3 voies B, se rend à la cuve à mercure S. Son extrémité libre amincie et recourbée per- met l'extraction absolument com- plèle du gaz contenu dans une cloche U de forme appropriée. La cuve à mercure S est en commu- nication avec le réservoir T, qui peut être abaissé ou élevé, de ma- nière à découvrir la pointe du tube aspirateur ou à l'immerger. Comparateur. — C'est un tube en Ÿ semblable à celui décrit pré- cédemment (mesureur), mais dont une des branches A est fermée et dont l’autre B s'ouvre librement à l'air; ce tube a exactement le même calibre intérieur que le mesu- reur, et la branche A porte une gradualion analogue à celle décrite pour ce dernier (fig. 21). Dans la branche A, on a enfermé un volume d’azote pur tel que, si la pression atmosphérique était de 0*,760 et la température 0°, Le volume de ce gaz sec serait exactement de 5 centimètres cubes. Le volume occupé par cette masse gazeuse à un moment quelconque donne facilement la variation de 90 ei _ M. TISSOT.. volume subie par les 5 centimètres cubes d’azote à la tempé- rature et la pression actuelles. Les volumes du mesureur et du comparateur étant mesurés à la même température et à la pression atmosphérique, le volume du gaz analysé sera ramené à 0° et 0®,760 par un calcul très simple. Si par exem- ple le volume lu au comparateur est de 5", 4 et le volume lu au mesureur 12”, on ramènera ce dernier à 0° et 760 mil- D UXS le 5.4 La correction de tension de la vapeur d’eau est faite en même temps que les corrections de température et de pres- sion, les gaz contenus soit dans le comparateur soit dans le mesureur étant toujours saturés de vapeur d'eau. Dans le comparateur, on a introduit en même temps que l'azote une très petite quantité d’eau qui comble l’espace angulaire compris entre la paroi de verre et le ménisque de mercure (fig. 22). La même opération est faite à chaque analyse pour le mesureur. limètres en effectuant le calcul suivant : D = MN, Do Min It A Fig. 22. Lunette. — C’est une lunette ordinaire portant un niveau N (fig. 23). Elle est supportée par 2 pièces B et C appliquées sur la pièce D. Une vis E (fig. 24) fixée dans une pièce F qui permet de lamanœuvrer, s'engage dans la pièce C sur laquelle PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 91 elle se visse. La pièce D servant de point d'appui à la pièce F, on voit qu’en faisant tourner celle dernière, on élèvera ou on abaissera C, et par suite l’extrémilé H de la lunette, l’autre extrémité K restant à peu près immobile. En tournant, la vis entraîne avec elle la pièce L mobile sur un arc À, divisé en 100 parties (en pratique, c’est la partie L' qui, poussée par le doigt, fait mouvoir la vis E et déplace l’axe optique de la lunetle dans un plan verli- cal). — Le tout est réglé de 2 sus telle sorte que, le trait de Re Se repère tracé sur la partie L LS L coïncidant avec le 0 de la Fig. 94. graduation de l'arc, et l’axe oplique passant par un trait de graduation A (fig. 25) du comparateur ou du mesureur, cet axe vient exactement passér par le trait de graduation suivant, C, lorsqu'on amène L' de 0 à la division 100 (fig. 23). On comprend donc facilement que, le ménisque de mercure occu- pant la position intermédiaire B (fig. 25), si la partie L’ (fig. 23) est déplacée de manière à amener l’axe optique de la lunette à passer par le sommet du ménisque, le che- min parcouru sur l'arc divisé indiquera la distance AB en | I MGAG | unités égales à 100 (fig. 25). Or, dans la graduation du mesu- cc 20 reur et du comparateur, une division AC a la valeur de ; Li | | 2000 divisions de cet arc indiquent des demi-millièmes de centi- mètre cube. | L’axe optique de la lunette est donné par 2 fils rectangulai- res placés dans son intérieur, l’un horizontal, l’autre vertical; voici maintenant la manière d'effectuer les lectures : la lunette étant placée sur le côté gauche de l’eudiomètre (fig. 26) est dirigée vers un miroir E placé en arrière, et dans lequel se . Ainsi, les Donc une division de l’arc a une valeur de 99 M. TISSOT. reflètent les images du comparateur et du mesureur. Les gra- duations de ces tubes sont placées du côté du miroir, sur la face F. La lunette est d’abord mise horizontale à l’aide des vis À etB, puis elle est déplacée verticalement et l’axe optique amené le plus prèspossible du ménisque de mercure au niveau duquel on veut faire la lecture. Cela fail, en tournant légè- rement la vis C, on amène facilement l’axe optique à coïn- cider avec le trait de graduation convenable (A, fig. 25); puis, par la manœuvre indiquée plus haut, on recherche Ia valeur de AB. Fig. 25. Fig. 26. En déplaçant la vis CG, on modifie quelque peu l’horizontalité de lalunelte, mais d’une quantité si faible, qu’il est impossible d'en apprécier l'influence sur les leclures. L'appareil nous élant connu, je vais décrire le manuel opératoire de l'analyse d’un mélange gazeux. Il faut en pre- mier lieu mettre l'appareil en marche, ce qui consiste : 1° A remplir l’ampoule D d'unesolution de potasse à 10 p.100 (fig. 20). 2° À disposer une petite quantité de cette solution sur le mercure du réservoir A. ù 3° À remplir d'un gaz inerte el à la pression atmosphéri- que, l’espace compris entre le trait de repère r et le robinet B. Ces opérations s'effectuent de la manière suivante : On PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 93 ajuste un tube de verre sur le tube de caoutchouc V, puis on le relève verticalement (1); on fait communiquer le réservoir A avec l'extérieur par le robinet B, puis on verse de la potasse par le tube de verre après avoir ouvert le robinet M : lors- qu'on juge que l’ampoule D en contient une quantité suffi- sante, on verse du mercure dans le tube, de manière à en remplir la branche H, et éviter le contact prolongé de la potasse avec le robinet M. Cela fait, on ouvre N et on fait glisser le réservoir K le long du plan incliné L jusqu'à ce que quelque peu de potasse ait pé- nétré dans le réservoir A. Il ne reste plus: 1° qu’à obtenir dans ce dernier un mélange d'air et d'hydrogène en proporlions | convenables, et à le faire déto- | ner ; 2° à élever le réservoir F > — Position 2 jusqu'à ce que la potasse vienne | affleurer au trait de repère 7. Ces deux opérations sont décri- tes plus loin. L'appareil est ainsi prêt à fonctionner ; les 4 robinets M, N, P, B, sont fermés. Le ro- binet B est dans la position 2 Fig. 27. {fig. 27). Voici les opéralions successives que l'on a à effectuer dans une analyse : 1° Transvasement du gaz à analyser dans le mesureur. 2° Première mesure de volume. 3° Transvasement du gaz du mesureur dans le laboratoire pour l’absorption de l'acide carbonique. 4° Transvasement du gaz du laboratoire dans le me- sureur. 5° Deuxième mesure de volume. Position 1 Position 3 (1) On a au préalable fait arriver du mercurejdans la branche I jusqu’au niveau de la bifurcation, puis on a fermé Net P. 94 Has M. TISSOT. 6° Introduction dans le mesureur d’une certaine quantité d'hydrogène. | 7° Mesure de ce volume den oi 8° Passage de l'hydrogène dans le laboratoire. 9° Détonation. 10° Transvasement du résidu du laboratoire dans le mesu- reur. 11° Mesure du résidu. Toutes ces opérations peuvent êlre ramenées à trois. Il suffit de décrire les manœuvres 1, 3 et 4 pour connaître la manière d'effectuer une analyse. À. Introduction du gaz à analyser ou de l'hydrogène servant à l'analyse. — Je ne ferai que d'indiquer sommairement les opéralions conséculives à effectuer : Immerger la pointe du tube aspirateur. Élever le réservoir du mesureur jusqu’au niveau du som- met du tube, le robinet KR étant la position 1 (fig. 27). Fermer ce robinet (position 2, fig. 27), lorsque le mercure sort par la pointe du tube aspirateur. Placer sur ce dernier une cloche contenant le gaz à analy- ser, comme le montre la figure 21, puis découvrir la pointe du tube aspirateur en abaissant T. Mettre le robinet B dans la position ! et abaisser progres- sivement Le réservoir du mesureur jusqu’à ce qu’on ait la quan- tité voulue de gaz ou la totatilité du contenu de la cloche. Laisser pénétrer, à la suite du gaz, le mercure dans le tube aspirateur jusqu’au robinel et fermer celui-ci (position 2). Ouvrir doucement le robinet et manœuvrer en même temps le réservoir du mesureur de manière à faire arriver le mercure au trait de repère correspondant au 0 de la gradua- tion du mesureur. | L'affleurement étant établi, mettre le robinet en position 2. Mettre le gaz à la pression atmosphérique en manœuvrant le réservoir du mesureur et déterminant l’affleurement exact des sommets des deux Ut au fil honequtel de la lunelte. L PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 9 Lire le volume. Lire immédiatement après le volume du comparateur en ayant soin de répéter auparavant la manœu- vre précédente. | B. Transvasement du gaz dumesureur dans le laboratoire. — Élever ie réservoir du mesureur pour mettrele gaz en pression assez forte. Ouvrir le robinet B (position 1) et le fermer (position 2) au moment où le mercure a rétrogradé jusque vers lui. Mettre le robinet B dans la position 3. Ouvrir le robinet P (fig. 20). Le gaz pénètre dans le labo- ratoire et le mercure s’abaisse dans celui-ci. On élève alors progressivement le réservoir du mesureur jusqu’à ce que le mercure arrive à la partie supérieure du tube. Si l’on cherche à absorber l'acide carbonique, il faut déterminer la rentrée du gaz dans le mesureur, puis le chasser à nouveau dans le laboratoire. Cette manœuvre, répétée plusieurs fois, a pour but de bien mélanger le gaz contenu dans les tubes de communication, avec celui du la- boratoire, et de déterminer ainsi une absorption complète de l’a- cide carbonique. : Si c’est l'hydrogène qu'on transvase dans le laboratoire, on Fig. 28. le refoulera complètement dans celui-ci et on fera arriver le mercure jusqu’en a (fig. 28), à une pelite distance du coudé formé par le tube 4. On met ensuite le robinet B (fig. 20) en position 2 ; avant de faire passer l’étincelle, il faut ouvrir le robinet P et, par l'intermédiaire du réservoir F, mettre en dépression de quelques centimètres de mercure le gaz du laboratoire. : C. Transvasement du gaz du laboratoire dans le mesureur. — L’absorption de l’acide carbonique ou l'explosion ayant eu lieu, on abaisse le réservoir du mesureur, et on élève celui 96 hi M. TISSOT. du laboraloire (F, fig. 20. Le robinet P reste ouvert). On met le robinet B en position 3. Le gaz passe dans le mesureur. On abaisse, rapidement d’abord, puis lentement, le réservoir de celui-ci jusqu'à ce que la potasse vienne affleurer au irait de repère r (fig. 20); à ce moment, on ferme le robinet P ; le robinet B restant ouvert, on amène le gaz à la pression atmosphérique dans le mesureur, puis on amène le robinet B à la position 2 d’abord, puis à la position 1, pour laisser pénétrer le mercure jusqu’au trait de repère 0, el enfin à la position définitive 2. On rétablit la pression atmosphérique dans le mesureur el on fait la lecture. D. Opérations complémentaires, après chaque analyse effec- tuée et avant chaque analyse à effectuer. — Après chaque analyse, il faut procéder au renouvellement de la potasse. L'analyse étant terminée et l'appareil étant danslemêmeétat qu'à la fin de la série d'opérations C, on abaisse le réservoirF. On ouvreles robinels N et P (fig. 20). La potasse de l’am- poule D arrive dans le laboratoire et le remplit, en se mélan- geant à celle de l'analyse précédente. Quand elle arrive au bas du réservoir À, on élève F, la potasse rentre dans l’am- poule D; quand le mercure arrive au niveau de la pointe du tube intérieur du laboratoire, on ferme P. Si l’on juge qu'il reste encore trop de potasse, on fait ar- river doucement le gaz du mesureur (résidu de l'analyse précédente) dans le laboratoire, en laissant fermé le robi- net P, et N ouvert. Une nouvelle quantité de potasse rentre dans l’ampoule D. On ferme N quand on juge convenable la quantité de potasse restante. Après chaque analyse, et ces dernières opérations étant terminées, 1l faut ramener l’affleurement de la potasse au trait (fig. 20), si l’analyse suivante doit être faite de suite. S'il doit s’écouler un temps plus long jusqu’à la prochaine analyse, le résidu est partagé entre le mesureur et le labo- ratoire, et mis à la pression atmosphérique. Indications complémentaires. — IL est nécessaire d'employer PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 97 une solution de potasse dont la concentration ne dépasse pas la proportion de 10 p. 100, afin d'avoir une solution qui sature le gaz d'humidité. Pour contenir les gaz à analyser, il est bon d'employer des cloches analogues à celle de la figure 20; leur extrémité re- courbée et amincie permet facilement, par une adaptation parfaite sur l'extrémité du tube aspirateur, d'extraire la tolalité de leur contenu. Il est nécessaire de déterminer, par plusieurs analyses de l'air, la valeur de l'hydrogène employé. En présence des faits exposés en tête de ce chapitre, 1l était nécessaire de reprendre complètement l'étude de la question, en évitant cerlaines causes d'erreur dont Hermann, seul, s'était préoccupé jusqu'ici. Je veux parler de la putré- faction en premier lieu. Les premières expériences que j'ai faites ont eu pour but de rechercher l'influence qu’elle exerce sur les échanges gazeux des muscles, ou plutôt d'étudier les perturbations qu’elle amène dans l'observation de ces échanges. J’ai établi ainsi un certain nombre de faits qui ont servi de base à tout ce travail el à la suite desquels j'ai étudié les points suivants : 1° L’absorption de l'oxygène parle muscle est-elle un phé- nomène vital? | 2° Quelle est la signification du dégagement d'acide car- bonique ? | 3° Quelles sont les sources de l'acide carbonique produit par le muscle isolé du corps? 4° Y a-t-1il un phénomène de respiration dans le muscle placé dans l'air ? | 9° Que deviennent les échanges gazeux d’un muscle pen- dant les jours qui suivent son extraction ? 6° Influence du travail musculaire et des variations de tem- pérature sur ce phénomène de respiration. 1° Aclion comparée de l'oxygène et des gaz inertes sur l'excitabililé musculaire. ANN. SC. NAT. ZOOL. PT 98 M. TISSOT. Je ferai successivement exposé méthodique de ces diffé- rentes questions. INFLUENCE DE LA PUTRÉFACTION SUR LES ÉCHANGES GAZEUX DES MUSCLES ISOLÉS DU CORPS. La putréfaction qui se fait à la surface des muscles isolés du corps est-elle la cause de leurs échanges gazeux avec l’air? En d’autres termes, un muscle absorberait-il de l’oxygèneet dégagerait-il de l'acide carbonique s’il était exempt de micro- bes? Pour résoudre cette question, j'ai extrait aseptiquement des muscles du corps d’un animal et je les ai disposés dansun appareil stérilisé permettant de faire l'analyse des gaz envi- ronnant les muscles. Cette expérience servant de base à ce travail, je l’ai faite par deux méthodes se contrôlant mutuelle- ment : dosage de l’acide carbonique en poids, et analyse eu- diométirique. Dosage de l'acide carbonique en poids. — On extrait asep- liquement un muscle du corps (1), et on le dispose sur un châssis en ar- gent (2) (fig. 30). Ce dernier est intro- duit dans un flacon stérilisé A (fig. 31) portant deux bouchons à l’'émeri (B, C) munis chacun d’une tubulure G, F dans laquelle s'engage un tampon de colon stérilisé D, E. Ces bouchons per- (4) L'opération est faite avec de grandes précautions et surtout très rapi- dement. Le châssis en argent est enfermé dans une boîte stérilisée dont le couvercle est soulevé pour y poser le muscle. Le châssis est ensuite intro- duit dans le flacon stérilisé, et on dépose quelques gouttes d’eau salée sté- rilisée à la surface du muscle. (2) J'ai employé un châssis en argent pour éviter l’oxydalion qui se pro- duirait avec le fer ou le cuivre. Il offre en outre l'avantage de déceler l'acide sulfhydrique et d'indiquer si le muscle se putréfie. Il él muni d'un lacis de fils fins qui supportent le muscle. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE 99 mettent d'introduire dans le flacon le châssis portant le muscle. Cela fait, les bouchons sont lutés extérieurement avec du suif ; puis on produit à l’aide d’une trompe un cou- rant d’air se dans l’appareil. L'air qui arrive par la tubulure C a déjà passé: 1° Dans des tubes en U contenant des fragments de potasse ; 2° Dans un flacon témoin à eau de baryle (1). A sa sorlie du flacon par la tubulure B, cet air passe : !° Sur une série de tubes à acide no où 1l se dessèche ; 2° Sur un tube témoin (tube en U) à robinets, contenant des fragments de verre imbibés d'acide sulfurique ; | 3° Sur deux tubes à robinets contenant des pastilles de potasse : 4° Sur un tube en U à robinets contenant des fragments de verre et de l’acide sulfurique ; | 5° Dans un barboteur contenant de l'acide sulfurique pour empêcher le reflux de la vapeur d’eau dans le dernier tube ; 6° Dans un flacon témoin à eau de baryte. Les tubes à acide sulfurique et à potasse sont soigneuse- ment essuyés avec un linge fin et sec et tarés à un dixième de milligramme près avant chaque expérience, puis intercalés dans l’appareil et pesés aussitôt l'expérience terminée. Avant chaque expérience, l'appareil est purgé complète- ment, à l’aide d’un fort courant d’air, de tout l’acide carbo- nique qu'il contient. Expériexce I. 20 juillet 1894. — Un chat est tué par section du bulbe (2). Aussitôt après la mort, on extrait aseptiquement un faisceau de muscles de la cuisse, et on les dispose dans l’appa- reil. On pèse chaque jour la quantité d'acide carbonique dégagée par le muscle pendant 6 h. ; on répète l'expérience jusqu’à ce (1) Ce barboteur est séparé du flacon contenant le muscle, par un barbo- teur à acide sulfurique, afin d'empêcher le reflux, sur l’eau de baryte, de l'acide carbonique dégagé par le muscle. (2) La difficulté d'obtenir des muscles de batraciens aseptiques m'a con- traint de m'adresser aux muscles des mammifères. 100 | M. TISSOT. qu’on ne trouve plus que de faibles quantités d'acide carbonique. Voici les résultats (1) : POIDS VOLUME TEMPÉRATURE de CO? trouvé. COR REREARE 0 pendant l'expérience. ,760. 08r,009% Leo 75 190,2 08r,0052 900,63 200 8 0ër,0038 10e 92 210 0r,0034 4ec,72 20,3 08r,0029 Lee 47 240 5 08r,002 4ec 01 24° Osr,0013 Occ,67 200,4 08r,0007 Occ,33 200,8 os | Ainsi, un muscle extrait aseptiquement du corps dégage donc des quantités décroissantes d'acide carbonique pendant les jours qui suivent son extraction. C’est là un résultat exac- tement opposé à celui obtenu par Valentin (2). Sije répète mon expérience en me mettant dans les mêmes conditions que ce physiologiste, j'obtiens le même résultat que lui, croissance progressive de la quantité d'acide carbonique dégagée, ainsi que le montre le tableau suivant : POIDS MOULE TEMPÉRATURE DE de CO? trouvé. ne 5 pendant l'expérience. DAYS terre 08r,0067 300,4 180,2 D sde te Tibet Gi 08",0105 SCORE) 180 DR are Orr,0119 Gcc,05 14055 DONC RE A EMA HER, à O8r,0213 10cc,82 180,4 Lg RES OR 7 06r,0319 166,21 170,2 h ee AU EUR PNR 08r,0333 16cc,92 189,6 La représentation graphique de ces résultats (fig. 32) (1) L'expérience est faite dans une salle dont la température varie peu, comme le montrent les tracés de température publiés à la fin de ce cha- itre. (2) Valentin, Ueber die Wechselwirkung der Muskeln und der sie umgebende Atmosphäre (Arch. f. phys. Heil., t. XIV, 1855). PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 1Â01 montre si nettement l'influence de la putréfaction qu'il est inutile d’insister plus longtemps sur ces faits. Dosage par la méthode eudiométique des qaz absorbés ou dégagés par le muscle placé dans l'air. Fig. 31. Expérience II. — Dans celte expérience comme dans la précé- dente, j’ai extrait un muscle du chat aseptiquement et je l’ai dis- posé dans un flacon stérilisé ; puis j'ai analysé chaque jour les gaz en contact avec le muscle ; je ne décrirai pas plus longue- ment ici cette expérience, ni l'appareil qui a servi à la réaliser ; cet exposé est fait très en détail à la page 132. Je donnerai seu- lement ici une représentation graphique des résultats de l’ex- périence, les chiffres obtenus étant donnés à la page 143. Cette courbe confirme les résultats de l'expérience précé- dente ; j'en tirerai les conclusions suivantes : 102 M. TISSOT. 1° Un muscle exirait du corps absorbe de l’oxygène et dégage de l’acide aa is indépendamment de toute pu- tréfaction. 2° La putréfaction qui se fait à la surface anse mo- difie complètement et dénature leurs phénomènes d'échanges avec l'air. (Fig. 32. — A, courbe de l'acide carbonique dégagé; B, courbe de l'oxygène absorbé. Ces deux faits étant connus, je passerai à l'étude de l’ab- sorplion d'oxygène et du dégagement d'acide carbonique par le muscle. L'ABSORPTION D'OXYGÈNE PAR UN MUSCLE EXTRAIT DU CORPS EST UN. PHÉNOMÈNE VITAL. A. Le muscle mort n'absorbe plus qu une faible quantité d'oxygène. J'ai fait une première série d'expériences en tuant les muscles par la chaleur. Des expériences de ce genre ont déjà été faites par Hermann, qui a conclu de ses recherches que le muscle tué par la chaleur absorbe de l'oxygène comme le muscle frais. Je ne ferai que citer les objections, fort justes | PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 103 d’ailleurs, que fit P. Bert à ces expériences. Il reproche à Hermann d’avoir mis ses muscles dans une atmosphère qui n'était mesurée qu'à la fin de l’expérience, alors qu'elle avait varié de volume sous l'influence des échanges du muscle. Cetle cause d'erreur a été supprimée dans mes recherches. Voici de quelle manière j'ai opéré : On mesure rigoureusement un certain volume d'air que l’on introduit dans une cioche placée sur le mercure, dans un verre à expérience (fig. 33). On cuit une patte de gre- nouille pendant un certain temps dans de l’eau distillée portée à une température dé- terminée, puis on l’introduil sous le mer- cure et on la fait passer dans la cloche à gaz. On l'y laisse une heure et demie, après quoi on la retire à l’aide d’un crochet mé- tallique introduit sous le mercure, puis on fait l'analyse de l'air. Il y a plusieurs cau- ses d'erreur dans ces expériences : il faut éviter qu'il reste, sur les parois du verre à expérience, des bulles d'air qui pourraient se détacher et rentrer dans la cloche. Il faut avoir soin, d'autre part, avant d'introduire la patie dans cette dernière, de l’agiter sous le mercure afin d’en détacher les bulles d'air qui pourraient y être adhérentes et être entraînées avec elle. La même manœuvre doit être répétée en retirant la patte. Si l’on prend loutes ces précautions, on ne mo- difie pas sensiblement le volume de l'air de la cloche par les manœuvres employées. Les différences qu’on pourrait constater sont absolument négligeables vis-à-vis des résul- tats donnés par les expériences. Les pattes des grenouilles sont toujours préparées de la même manière. La peau est enlevée, le train postérieur dé- taché, puis les pattes séparées au niveau du pubis ; on en dé- tache ensuite le pied au niveau de l'articulation tarso-méta- tarsienne. Certaines expériences ont été faites en comparant les Fig. 33. 104 DT re M. TISSOT. échanges gazeux des deux pattes de la même grenouille, l’une normale, l’autre cuite, ou toutes deux cuites à des tem- pératures différentes. Dans d’autres, j'ai comparé les échan- ges de paites provenant de grenouilles er qe mais de même taille (1). Expérience [. 27 décembre 1894. — Les deux pattes d’une même grenouille sont préparées, l’une cuite à 70° et l’autre aban- donnée à l’air pendant ce temps ; puis toutes deux, l’une fraîche et excitable, l’autre cuite, rigide et inexcitable, sont introduites sous le mercure dans deux cloches contenant deux volumes sen- siblement égaux et connus d’air ; on les y laisse un heure et demie, puis on les retire et on analyse les gaz. Voici les résultats obtenus : ce se s É 2 = “ * d = © do Æ ee ÉNEE = o © 2. Euse | Ses | 22e | es 2 ES se R ET H2SE RUE < Ê a AE Sr A 2.9 > E > © > ER B F 20 FE 26, K + GE CCR z S:® ENST De SE So * & a = a d En = d w [el | = = 5 = Es à A É T “ D _— © « | cc ce. cc. ce cc: ce Paite normale... 125512 1195207102 619 2,425 | 0,215 | 0,193 Patte cuite à 70°..| 42,503 | 12,678 | 2,617 | 2,615 | 0,002 | 0,160 Aïnsi, la patte cuite à 70° n'a absorbé que 0,002 d’oxy- gène, tandis que la patte fraîche en a absorbé 0",215. ExPrérience II. 5 janvier 1895. — Une patte de grenouille est cuite pendant cinq minutes à 60° ; l’autre reste normale. Une patte d’une deuxième grenouille est cuite à 44° pendant 20 minu- tes; les deux pattes cuitessont rigides et inexcitables, quand onles metdansles cloches. Durée de l'expérience : une heure et demie (2). (1) Ces grenouilles capturées au même moment étaient restées constam- ment dans les mêmes conditions (dans le même bassin). Si l’on compare les échanges gazeux de deux pattes prises sur deux grenouilles de même taille, on voit qu'ils sont sensiblement les mêmes. Les faibles différences qu’il pourrait y avoir sont du reste de peu d'importance en face des résul- tats obtenus dans mes expériences. (2) Tous les volumes donnés dans ce tableau, ainsi que tous ceux don- PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 105 “A = : Ge] cn à ; © E © 5 8 EPS 5 e S Z Eos à 25,9 £ ©.2 E8.2 à 8 80 SSL JA x LEE ÈS E SP 2 œ ” > = &] < 59 EE PAM MER LOS ere: E 55 Due © 2 re E — © < Rs RS Re SE a cc. cc. cc. cc. cc. ec. Patte normale....| 12,334 | 12,267 | 2,581 | 2,353 | 0,226 | 0,167 Patte cuite à 44°..| 12,237 | 12,510 | 2,564 | 2,555 | 0,006 | 0,265 — à 60°..| 12,321 | 12,551 | 2,579 | 2,370 | 0,009 | 0,195 Même résultat que dans l'expérience précédente : les pattes cuites n'ont absorbé que 0,006 et 0,009 d'oxygène, tandis que la patte fraîche en a absorbé 0°,226. _ Expérience LI. — Les deux pattes de la mème grenouille sont soumises, l’une à une température de 50° pendant 15 minu- tes, l’autre à 42° pendant 40 minutes. Toutes deux sont rigides et inexcitables quand on les met dans les cloches. nb ce dure une heure et demie. Clans © S o e e Se ne € Re = = £ S © À ao.2 Éeo 1.0.2 £ & Ê ro ® 38% S SE SEE s & £ = © “D CREATS) # D & < © Ê = S s 2, AG x sd © = 5 © > Co 2 © # © * à mn 'S dE £ Ë = = à ; S £ 5 ——…—— | | ——— | ————— | ————— | ——— cc. cc. . cc. cc. cc. [æ] (e] Patte cuite à 30°..| 12,424 | 12,747 | 2,600 | 2,588 | 0,012 | 0,338 — à 420..| 42,386 | 12,680 | 2,592 | 2,566 | 0,026 | 0,313 On voit, d’après ces trois expériences, que les quantités d'oxygène absorbées par un muscle normal et par un mus- | 9 cle cuit sont entre elles dans le rapport approximalif = 23 | QU 1 nés dans le reste de ce travail, sont ramenés à 0°, à la Fe de 02,760 et à l’état sec. 106 Rs M. TISSOT. Pour les muscles soumis à des températures inférieures à 42°, on constate constamment une absorption d'oxygène dont la valeur dépend du temps pendant lequel le muscle a été chauffé, et de la température à laquelle on l’a soumis. Elle est d'autant plus faible que le chauffage a été plus long ou fait à une température plus élevée. Il est en effet difficile de tuer un muscle à une tempéralure inférieure à 40°. J'ai vu plusieurs fois des muscles, soumis à une température de 40°, présenter encore des traces d’excitabilité au bout de 25 à 30 minules; dans d’autres cas, des muscles soumis à une température de 36 ou 37° se sont encore montrés excitables au bout de 40 minutes et même d'une heure. | Quelle que soit la température à laquelle on soumet le muscle, on remarque qu'au moment où son excilabilité dis- paraît, il est encore capable d’absorber une quantité notable d'oxygène. Les deux expériences suivantes renseignent sur l'influence de la durée du chauffage et du degré de la tempé- rature. Expérience IV. 11 janvier 1895. — Cette expérience est faite sur les deux pattes de deux grenouilles de même taille. Une patte est conservée normale. Les trois autres sont soumises à une température de 40°, l’une pendant 25 minutes, la seconde pen- dant une heure, la troisième pendant une heure et demie. Cha- que patte est laissée ensuite en contact avec l'air pendant une heure et demie dansune cloche à gaz. Voici les résultats obtenus: Ex pa] Le) û £ # À A =) - ë 8 S k =: £ 2 Bo & 2e En 2 6 S Fo Ed, a = .° #3 0 ,2 Be] A = RNA) ES KE CNT D = < Æ © a © © n ‘oO = oo m < ED H £ Te Kk GS © © © = © «© SU LE # © % © # ® © = 3 C3] Co] 2 £ a © = = = Co m D > = > CREER | CSSS SSSR SR | nn CC. CC. cc CC CC. | À ji Patte normale....| 12,309 | 12,329 P. cuite 25 m. à 40°! 12,224 | 12,575 | 2,558 | 2,504 | 0,054 | 0,364 — Ah.à 400.) 12,233 | 12,437 | 2,560 | 2,520 | 0,040 | 0,300 — 4h.4/2à400.| 12,223 | 12,000 | 2,558 | 2,532 | 0,016 | 0,224 D © El (er) à (we) re > ee 12 (JE) Si cs © 1 Q RS (SE PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 107 Il y a donc d’autant moins d'oxygène absorbé par le muscle que la durée du chauffage a été plus longue. Expérience V.9 janvier 1895. — On prend trois grenouilles de même taille et on prépare 5 pattes. L'une est conservée à l’état normal ; les cinq autres sont soumises pendant 25 minutes à des températures différentes : 40°, 39°, 38°, 36°. Les cinq pattes sont ensuite mises dans des cloches pendant une heure et demie. VOLUME PRIMITIF de l'atmosphère VOLUME iprès l'expérience. OXYGÈNE avant l'expérience. OXYGÈNE . après "expérience OXYGÈNE ABSORBÉ, ACIDE GARBONIQUE Patte normale.... Patte cuite à 36°..| 12,448 | 12,504 | 2,605 2,498 0,107 0,199 Ainsi donc, le muscle absorbe d'autant moins d'oxygène qu'on l’a soumis à une température plus élevée, et d’autant moins aussi que le chauffage a élé plus prolongé. Je terminerai cette série d'expériences en disant qu'elles n'ont pas été choisies parmi les plus favorables ; en effet, assez souvent, on peut voir la capacité d'absorption pour l'oxygène devenir presque nulle rapidement dans des muscles soumis à des températures assez basses, vers 37° par exem- ple. Ce fait est du reste en raie avec une dispari- tion plus rapide de l’excitabilité. En voici un exemple : Expérience VI. 4 janvier 1895. — Les deux pattes d’une même grenouille sont soumises, l’une à une température de 37°, l’autre de 40°, pendant 25 minutes, puis ensuite placées dans les cloches pendant une heure et demie. 1082 !. M. TISSOT. [7 ke [el | E CE à © . À = (o] (-] = = Re © a © 5 =] © EU k El = Êus ZE PE UrnNE mn £ à E d'A 5 © a <.2 3 © © A a to &,2 P à FE | a = 2 NAN des CRE A A © © 0 # > "© 7 DT) m4 < bn = = 5 À 4 & # a À, = oO ©, = #4 © CR £ a © re] = [8] (cb) © (2) =] 5 — # ee = > a) La e Le & « ___—_— ns cc. CC. CC. CC. cc. cc. Patte chauff. à 370.| 42,421 | 12,665 | 2,600 | 2,589 | 0,011 | 0,292 — à 400.| 12,414 2,604 | 0,005 | 0,350 La patte chauffée préalablement à 37° n’a donc absorbé que 0*,011 d'oxygène, tandis qu’une patte fraîche et normale en absorbe environ 0°*,200. En résumé, je tirerai de cette série d'expériences les con- clusions suivantes : 1° Un muscle chauffé à une température supérieure à 42 ou 44° perd rapidement la HENt d'absorber L oxygène de ik air ; } 2° Dans un muscle chauffé à 40° ou à une température inférieure, la propriété d’absorber l’oxygène devient d'autant plus faible que la durée du chauffage est plus prolongée ; 3° Dans des muscles soumis pendant le même temps à des températures différentes inférieures à 40°, la capacité d’ab- sorplion pour l'oxygène se conserve d'autant plus longtemps et est d'autant plus considérable que la température est moins élevée ; 4° En face ke différences constatées entre les échanges gazeux d’un musele cuit et d’un muscle normal, on est auto- risé à conclure que l’absorption de l'oxygène par le muscle est un phénomène vital et que ce phénomène disparaît pres- que complètement dans le muscle mort. On pourrait objecter aux expériences précédentes que si le muscle cuit n’absorbe plus d'oxygène, c’est, non parce qu'il est mort, mais parce que certaines substances capables de fixer de l’oxygène ont été modifiées par la chaleur. Pour me renseigner à ce sujet, j'ai cherché à obtenir un muscle mort PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 109 par un procédé quine modifie en rien sa conslilution chimique. J'ai réalisé cette condition dans l'expérience suivante : Expérience VIL (1). — Un muscle de la cuisse du chat est extrait aseptiquement et placé dans un flacon stérilisé A (fig. 34) dont les deux bouchons à l’émeri B, C, sont munis de tubulures G,F, dans lesquelles est introduit un tampon de coton stérilisé ; le mus- cle étant mis en place, les bouchons sont lutés au dehors, puis on fait passer pendant 3 heures un courant rapide d'hydrogène pur dans le flacon ; au bout de ce temps, ce dernier ne renferme plus qu’une quantité d'oxygène inappréciable par les procédés eudio- A LUTTE ANUS a AYATAVA TA au. : I me Fig. 34. métriques. Les extrémités F et G des tubulures sont alors lutées, puis tout l’appareil est immergé dans l’eau pendant deux mois. Au bout de ce temps, on remplace l'hydrogène par de l'air, et on laisse le muscle en contact avec ce dernier pendant 24 heures. L'air est ensuite analysé. On trouve alors que le muscle a absorbé 0,322 d'oxygène, et qu'il a dégagé 0,096 d'acide carbonique. Dans les nombreuses HQE que j'ai faites sur le même muscle (biceps fémoral) Va toujours constalé que, mis en contact avec l'air pendant les 24 heures qui suivent la mort de l'animal, ce muscle absorbe de 7 à 10" d'oxygène. En prenant le chiffre le plus faible, T*, on voit que le muscle maintenu pendant deux _ mois dans l'hydrogène, puis ensuite placé 24 heures dans l’air, a ré Fi absorbé à ce moment au minimum 24 fois 35) moins d'oxy- gène que s’il y avait été placé immédiatement après la mort de l'animal. L'expérience suivante renseigne du reste exactement à ce sujet. Expérience VIII. — Dans cette expérience (2), deux muscles (1) On trouve à la page 132 la description détaillée de la méthode et de l'appareil qui a servi à effectuer cette expérience. (2) Cette expérience, faite surtout dans un autre but, est décrite très com- plètement à la page 142. 110 SE M. TISSOT. similaires des cuisses d’un chat furent extraits aseptiquement et placés dans des flacons stérilisés ; l’un d'eux fut laissé à l'air pendant 24 heures, et on rechercha la quantité d'oxygène absor- bée et d’acide carbonique dégagée. L'autre fut traité comme il estindiqué dans l’expérience précédente et laissé pendant 21 jours dans l'hydrogène. Au bout de ce temps, on remplaca l'hydrogène par de l’air et on rechercha la ous d'oxygène absorbé. Voici les résultats obtenus : Orete Acide carbonique absorbé. dégagé. a. Muscle placé dans l'air aussitôt après la MONA AMEN NME PRR RMS CRRR RER 5cc,000 Tce,090 b. Muscle maintenu dans l'hydrogène el placé dans l'air 21 jours après la mort.. Occ,187 Occ,110 Ainsi, dans cette expérience, le muscle à n’est soumis à aucune manipulation qui puisse altérer sa constitution chimi- que ; d'autre part, on a empêché la fixation de l'oxygène par les substances oxydables du muscle en le plaçant dans une atmosphère d'hydrogène. Si donc l’absorption de l’oxy- gène par le muscle n’élait qu’un simple phénomène d’oxy- dation sans relation avec les phénomènes physiologiques, on devrait la voir se produire aussi bien dans le muscle à que dans le muscle «a el à peu de chose près avec la même inten- sité. Or, nous voyons qu'il n'en est pas ainsi. Le muscle a a absorbé 5 centimètres cubes d'oxygène, tandis que le muscle 6 n’en a absorbé que 0“187.— Commeilest infiniment probable (bien qu’on ait prétendu le contraire, et sans aucune preuve à l'appui) qu'un muscle extrait du corps est mort au bout de 21 jours (et à plus forte raison au bout de 2 mois), je crois pouvoir conclure des deux expériences précédentes : 1° Que le muscle mort n'absorbe qu'une faible quantité d'oxygène par rapport au muscle vivant (le muscle 4. a absorbé 27 fois moins d'oxygène que le muscle a); 2° Que la quantité d'oxygène absorbée par le muscle à nous indique la part qui, dans les 5 centimètres cubes d’oxy- oène absorbés par le muscle a, revient aux phénomènes Vive D purement chimiques d'oxydalion. Le rapport Dig NOUS PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. All renseigne donc sur la part relative que prennent les phéno- mènes d'ordre physiologique, à l'absorption d'oxygène par le muscle. alt B. La quantité d'oxygène absorbée par le muscle diminue lorsque l'excitabilité diminue. Je démontre ce fait par l'expérience suivante : Expérience IX. — Je coupe le train postérieur d’une grenouille et j'en sépare les deux pattes au niveau du pubis en les laissant recouvertes de leur peau. Je tétanise l’une jusqu'à épuisement pendant 15 ou 20 minutes ; l’autre reste au repos. Au bout de ce temps, j'enlève la peau des deux pattes et je les fais passer dans deux cloches contenant des volumes d’air sensiblement égaux et mesurés avec le plus grand soin. Au bout d’une heure et demie, j'analyseles gaz. Voiciles résultatsobtenus dans trois expériences: Oxygène Acide carbonique absorbé. dégagé. cc. cc. HPartemonmales sel. HE 0,221 0,255 A PR à A 0,200 0,424 TP ADEMATEN TT 1. ae doute 0,222 0,303 UE Manibnéonmant fl en 0408 0,401 Vo RORMMÉ. LE: 3 NUS. 0,220 0,269 unie ANNNNLAUE 0,183 0,357 On voit que, dans chaque expérience. il ÿ a moins d'oxy- gène absorbé par la patte fatiguée que par la patte normale. Quant aux chiffres d'acide carbonique, qui suivent une variation inverse, j'en parlerai plus loin. Pour démontrer d'une manière absolument complète que l'absorption d'oxygène par le muscle est un phénomène vital, il me reste à citer les faits suivants dont la démonstra- tion sera donnée plus loin : 1° Lorsque le muscle est soumis à une température crois- sante, l'absorption de l'oxygène croît jusqu'à un certain degré qui est optimum et à partir duquel elle décroît rapide- ment si la température continue à s’élever ; 2° L'augmentation qui se produit dans l'absorption d’oxy- gène pendant le travail musculaire est due à l’activité du muscle ; | : | 1192 M. TISSOT. 3° Le muscle reste plus longtemps excitable dans un milieu oxygéné que dans un milieu privé d'oxygène. En résumé, je rappellerai les deux faits suivants qui vont être utilisés dans une nouvelle série d'expériences : 1° L’absorption d'oxygène par le muscle est une des ma- nifestations de la vie. Elle cesse dans le muscle morl; 2° L’absorption de l'oxygène suit fidèlement les variations de l’excilabilité du muscle et peut servir de mesure à celle dernière. SIGNIFICATION DU DÉGAGEMENT D ACIDE CARBONIQUE COMPARÉE A CELLE DE L'ABSORPTION DE L'OXYGÈNE. D’après Valentin, Matteucei, les muscles de la grenouille iso- lés du corps et placés dans l'air absorbent plus d'oxygène qu'ils n’en rendent à l’état d'acide carbonique. D'après Her- mann, il faudrait voir, dans l’absorption d'oxygène d’une part, dans la productioz d'acide carbonique d'autre part, deux phénomènes absolument distincls, sans rapport l'un avec l’autre ni avec les phénomènes d’activilé du muscle. Mes expériences m'ont montré, en effet, qu’il n’y a pas de rapport constant entre CO* et O* et qu’à l’état de repos, ce rapport peut être indifféremment plus petit que 1, égal à 1 ou plus grand que 1. Ainsi, dans deux expériences faites dans des conditions identiques, sur les deux pattes de deux grenouilles différentes, mais, de même taille, il m'est arrivé d'obtenir les résullats suivants : Oxygène absorbé. CO2 dégagé. ERA ARE RER AU LCR PRES ARTS RSR RAR AN Occ,220 Occ,269 SU TT RS A SES RQ Es 0cc,226 0ce,467 NAN2 Ainsi, dans le premier cas, TD > 1 et dans le second CO° Sole (0° De telles différences sont certainement placées sous l’in- fluence de causes bien déterminées. J'ai cherché à les éta- blir à l’aide de plusieurs séries d'expériences destinées à me A _ = — PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 113 renseigner sur les relations qui existent entre l’activité des absorptions et des exhalaisons gazeuses du muscle isolé et l’activité de ses propriétés physiologiques survivantes. J’ex- poserai d’abord les expériences qui avaient pour but essen- tiel de démêler la signification générale du dégagement d'acide carbonique et dont les résullats d'ensemble sont exprimés dans les propositions suivantes : 1° La quantité totale d'acide carbonique dégagée par un muscle placé dans l'air n’a aucun rapport avec les phénomè- nes d'activité physiologique dont le muscle isolé est encore le siège : 2° Seule, la quantité d'oxygène absorbée est en relation avec les phénomènes physiologiques des muscles. Les faits qui justifient ces propositions appartiennent à plusieurs catégories d'expériences visant en même temps d'autres points. Je me bornerai à citer mainlenant celles qui se rapportent plus spécialement de l'objet actuel. ExPÉRIENCE X. — On prépare les six pattes de trois grenouilles de même taille, et on les introduit chacune, sous le mercure, dans une cloche contenant un volume d'air connu; les six cloches sont placées dans des étuves à des températures différentes. Au bout d’une heure et demie, on retire les pattes et on analyse les gaz en recherchant seulement la quantité d'acide carbonique pro- duite. Voici les résultats obtenus : Température. ni cc. PR PTE Au SN, aitu Le 0,170 DONS OMS. DAME AM NDS. 4 1127 RAA TUE 0,389 Us ONE PAUL es Mn pete à Mob be 0,438 EU ee OPEL EREERE LE! M PSE 0,691 CPR RE ua LS 0,145 DO F EST RTE RUE LOS AT ORR 1 LE a 3 0,776 Si l’on ne considérait que les chiffres inscrits dans ce tableau, et si, selon la manière de voir de la plupart des physiologistes, le dégagement de ce gaz était pris comme témoin de l’activité des phénomènes physiologiques, on serait ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, 9 114 M. TISSOT. amené à celte conclusion absurde que c’est quand le muscle est tué par la chaleur qu'il a la plus grande activité physio- logique. Exprérience XI. — La même expérience est répétée en faisant, cette fois, le dosage de l’oxygène seulement. Les résultats obtenus sont bien différents, comme l'indique le tableau suivant : Température. - Oxygène absorbé. cc. À Do D Re nt AE Le REG C - 0,210 ATEN AE JR PU ON SESCPEIS PHP t Res 0,296 SV I OR «a CIE 0,480 DORE ANR AR ue Fo Pt 0,477 RTE RSS LRU CN OUR ARS SRE 0,418 190 Qu sperme De dé Reel etes cr 0,105 Ainsi, la quantité d'oxygène absorbée par le muscle croîl d'une manière considérable jusqu’à un certain degré qui est l’optimum (vers 33°); elle décroît ensuite brusquement si la température continue à s'élever. Au delà de 42°, tem- pérature incompatible avec la conservation de l’excitabi- lité du muscle, l'absorption de l’oxygène cesse bientôt com- plètement. D'après ces deux expériences, qui ont été répélées plu- sieurs fois avec le plus grand soin, toujours avec les mêmes résultats, 1l y a désaccord complet entre les indications fournies par les quantités d'acide carbonique exhalées et celles d'oxygène absorbées. La quantité d’acide carbonique totale dégagée par un muscle isolé du corps ne saurait donc être prise pour la mesure de l’activité physiologique de ce muscle. L’absorption de l’oxygène est seule liée étroi- tement à la manifestation de cette activité, l'absorption élant au maximum quand l’activité musculaire bat son plein, au minimum quand celle-ci est éteinte ou sur le point de s'éteindre. D CR 0 6 PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 115 PART RESPECTIVE QUE PRENNENT LES ACTIONS PUREMENT PHYSIQUES ET LES ACTIONS PHYSIOLOGIQUES AU DÉGAGE- MENT D'ACIDE CARBONIQUE. Je viens de démontrer que la quantité totale d'acide car- bonique dégagée par un muscle isolé du corps n’a aucun rapport avec les phénomènes d'activité vitale dont il est en- core le siège. J’ai à faire voir maintenant que cet acide car- bonique provient de deux sources : 1° D'un phénomène purement physique : dégagement de l'acide carbonique préformé et contenu dans le muscle à l’état de dissolution ou de combinaison très instable; | 2° D'un phénomène physiologique : production d’acide carbonique sous l'influence de l’activité vitale du muscle ; La première proposition est établie par les faits suivants : A. Le muscle mort, comme par exemple le muscle tué par la chaleur, dégage encore de l'acide carbonique. Expérience XII. — Une patte de grenouille débarrassée de sa peau est plongée dans l’eau à une température déterminée et pendant un temps suffisant pour tuer les muscles. On retire ensuite la patte et on l’introduit dans une cloche placée sur le mercure et contenant un volume d'air connu. On l’y laisse une heure et demie, puis on la retire et on analyse le gaz. On voit alors que cette patte n'a pas absorbé d'oxygène, mais a dégagé de l'acide carbonique. Voici un tableau qui renseigne sur les quanlités de ce gaz dégagées par plusieurs pattes de grenouille soumises préalablement à des températures différentes pendant le mème temps. Deux expériences ont été faites en remplaçant l'air par de l'azote, afin de montrer que le phénomène se produit aussi bien en l’absence d'oxygène. 116 M. TISSOT. | | ; Exp. 1 | Exr.IT | Ex». III | Exr. IV ÉDÉMMIS EME MS ee note ce oc Air Azote Air Azote Température à laquelle la patte a été Et LS OR CERN REPARER RIRES 50° 53° 0° 90°- Durée de l’action de la tempéra- HE APN annee a tone à lire cs Uiniele 15: 15! 15" 15: Nature du gaz dans lequel la patte a DÉBRP M Meen ne ne dette de Occ,33 | 0,20 | 0,16: | Occ,096 Ces chiffres montrent bien que le muscle tué par la cha- leur produit en effet de l'acide carbonique, mais qu'il en dégage d'autant moins que la température à laquelle on l’a préalablement soumis a été plus élevée. J’ai observé que la durée du chauffage exerce une influence analogue à celle de son.intensité. En effet, dans les expériences faites pour éludier cette Influence, j'ai toujours constaté que la quantité d'acide carbonique se montre d'autant plus fai- ble que l’action de la chaleur a été plus prolongée. Les expériences citées antérieurement et relatives à l’absorp- tion d'oxygène par le muscle cuit, donnent la démonstration de ce lu D'après ces résultats, le muscle dégagerait d'autant moins d'acide carbonique qu'on en a au préalable chassé davantage par la chaleur. Cetle interprétation appelle une démonstration directe. L'expérience suivante ajoute ses en- seignements à ceux qu'on trouve déjà dans quelques-unes de mes expériences antérieures. B. La quantité d'acide carbonique dégagée par un muscle isolé du corps est d'autant plus grande qu'on le soumet, pen- dant le dégagement, à une température plus élevée. Exrérrexce XIII. — Six pattes de grenouilles de même taille sont mises dans six cloches placées sur le mercure et contenant des volumes égaux d’air ou d'azote. On les soumet, dans des étu- ves, à des températures différentes, Au bout d’une heure et demie, PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 117 on analyse les gaz. Voici les résultats d’une expérience faite sur six pattes placées dans l'azote : Acide earbonique Température. dégagé, cc, RATE A SA PE eh NA, 0,150 D RÉ ee eu 0,218 Sas Daen Torre Bd HAN 0,340 CNE SIT ONE PSP RAR LEE NAME 2 PRE 0,567 GORE A UT RS 0,656 HDPNNE REA C3 ULTRA RE OT DA STARS 0,694 C. Un muscle encore vivant, isolé du corps, dégage d'autant plus d'acide carbonique qu'il en contient une plus grande quan- lité préformée dans son intérieur. Expérrence XIV. — Pour démontrer ce fait, je sépare les deux pattes d’une grenouille au niveau du pubis en les laissant recou- vertes de leur peau. Je tétanise l’une jusqu’à épuisement pen- dant 15 à 20 minutes ; l’autre reste au repos. Au bout de ce temps j'enlève la peau des deux pattes et je les fais passer dans deux cloches contenant deux volumes sensiblement égaux et connus d’air. Au bout d’une heure et demie, j’analyse les gaz. Voici les résultats obtenus dans trois expériences : Oxygène Co? . absorbé. dégagé. CC. cc. EX | WPattemormalé.imbiusie 0,221 0,255 HR ENRA, EP At tau es en 0200 0,424 CRT OT ANIEE 4e SUN MERE EX 0,222 0,303 ER PE EN an 0,194 0,404 ( HO MNA ler er NE MERE 0,220 0,269 Exp. OL. } D 0,183 0,357 Aïnsi, dans chaque expérience, la quantité d'oxygène ab- sorbée est plus faible dans la patte tétanisée préalable- ment, ce qui est bien en rapport avec la diminution de l’excitabilité dans ce membre. Au contraire, la quantité d'acide carbonique dégagée a augmenté d’une manière con- sidérable. Ce résultat est facile à comprendre, si l’on con- sidère que cette patte avait élé tétanisée et que l’acide car- bonique produit pendant le travail s'était accumulé dans les muscles. Il y avait donc une plus grande quantité d'acide car- bonique préformée dans ce membre que dans l’autre. 118 + M. TISSOT. En résumé, les résultats de ces diverses expériences mon- trent que le muscle mort dégage de l'acide carbonique et que certaines conditions (chaleur, accumulation de gaz) exer- cent sur le dégagement la même action que dans le cas d'une simple solution d'acide carbonique. On est donc bien là en présence d’un phénomène d'ordre purement physique. Quant à la seconde proposition énoncée au commence- ment de ce paragraphe, c’est-à-dire la participation de l’ac- tivité physiologique du muscle à la production de l'acide carbonique, elle est établie par toute une série d'expériences exposées dans la suite de ce travail. J'en donnerai d’abord une démonstration directe par le fait suivant : D. Un muscle placé dans l'air dégage plus d'acide carbo- nique qu'un muscle identique (le muscle similaire du même animal) placé dans un gaz inerte et privé complètement d'oxygène. Expérience XV. — Les deux pattes d’une même grenouille sont introduites dans deux cloches placées sur le mercure et conte- nant deux volumes égaux de gaz, air dans l’une, hydrogène dans l’autre. Elles sont ainsi placées dans les mêmes conditions, à la même température. La nature seule du gaz diffère. On les y laisse une heure et demie, après quoi on les retire et on ana- lyse les gaz. Voici les résultats obtenus dans plusieurs expé- riences analogues : ACIDE CARBONIQUE ie die DIFFÉRENCE ne = S Re dans dans l'air. | hydrogène. Exp D) APR ENIE OS PU ve MUHER 0,182 0,143 0,069 (DES RULES: dan AR DES DR NA LEA à 72 LI NN AE 0,180 | 0,137 | 0,043 RDC OINT AS LE CAIRN QC ER 0,302 0,208 0,094 HR MES ER ANS NEA RES 0,210 | 0,149 | 0,061 Il y a donc une certaine quantité d’acide carbonique dé- PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 119 gagée en plus dans l'air, et elle est due à l’action de l'oxygène sur le muscle, ou, en d’autres termes, elle résulte des phé- nomènes d'activité de ce dernier. Je puis donc conclure qu’il existe bien réellement un phénomène respiratoire dans les muscles extraits du corps et placés dans l'air. Hermann nie l'existence de ce phéno- mène, en disant que l'absorption d'oxygène d’une part, la production d'acide carbonique d’autre part, sont deux phénomènes totalement indépendants et sans rapports con- stants l’un avec l’autre. Cette raison, qui est fort juste si l’on considère le phénomène comme Hermann l’a fait, c’est- à-dire en envisageant la totalité de l’acide carbonique pro- duit par le muscle, n’a plus sa raison d’être si l’on déduit de cette quantité totale la part qui revient aux actions purement physiques, part qui ne suit en aucune manière les variations de l’activité musculaire. Si, en effet, l’on envi- sage ainsi le phénomène, on ne se trouve jamais en pré- sence des discordances signalées précédemment entre les indications fournies par les quantités d'oxygène absorbées d’une part, et celles d'acide carbonique produites d’autre part. Ces quantités varient toujours dans le même sens et donnent toujours des indications identiques. On trouvera la démonstration complète de cette assertion dans les expé- riences qui suivent sur le travail musculaire et sur l’ac- tion de la température sur les échanges gazeux du muscle dans l'air. Ces faits montrent que c’est bien à tort que la plupart des physiologistes ont considéré comme un quotient respi- ratoire le rapport © de l'acide carbonique total dégagé par le muscle, à l’oxygène absorbé; nous avons vu en effet que ce rapport n’a aucune signification physiologique. En résumé, je conclurai de celte série d'expériences : 1° La quantité totale d'acide carbonique dégagée par un muscle extrait du corps n’est pas en relation avec les phénomènes physiologiques et ne saurait être prise comme 120 | M. TISSOT. mesure de leur activité. Seule, la quantité d'oxygène absorbée peut êlre utilisée dans ce but. 2° La quantité totale d’acide carbonique dégagée par un muscle provient de deux sources : a. D'un phénomène purement physique : dégagement de l'acide carbonique préformé dans le muscle. b. D'un phénomène physiologique : production d’acide carbonique sous l'influence de l’activité vitale du muscle. 3° Il se produit, dans un muscle placé dans l'air, un véritable phénomène de respiralion. À ÉCHANGES GAZEUX DES MUSCLES A L'ÉTAT DE REPOS ET À L'ÉTAT DE TRAVAIL. Matteucei a vu le premier qu'un muscle placé dans l'air absorbe une plus grande quantité d'oxygène et dégage plus d'acide carbonique lorsqu'on le fait travailler (1). J’ai déjà parlé au commencement de ce chapitre de l'hypothèse que fit Du Bois-Reymond sur ces phénomènes : Celte augmen- tation dans l'absorption d'oxygène serait due à ce que le muscle en se contractant, met sans cesse sa surface en contact avec de nouvelles couches d’air. Hermann (2) et Danilewsky (3) ont cherché à montrer la réalité de cette hypothèse. D’après les expériences de ces deux physiolo- oistes, un muscle agité simplement dans l'air, se conduirait vis-à-vis de l'oxygène comme un muscle à l’état de travail. J'ai répété ces expériences, mais en évitant certaines causes d'erreur dont les auteurs précédents ne se sont pas préoc- cupés. La principale est d’avoir mis des muscles dans une atmosphère qui n’était mesurée qu'à la fin de l'expérience. Mes expériences ont été faites comparativement sur les deux pattes d'une même grenouille, placées dans des cloches, sur le mercure, et contenant des volumes d’air sensible- (1) Matteucei, Recherches sur les phénomènes physiques et chimiques de la con- traction musculaire. (C. R., XLII, 1856.) (2) L. Hermann, Unters. über den Stoffwechsel der Muskeln. Berlin, 1867. (3) Danilewsky, Centralbl. f. med. Wiss., 1874, p. 721. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 121 ment égaux el rigoureusement mesurés auparavant. Les pattes sont préparées comme dans les expériences précé- dentes ; l’une est laissée en repos; la cloche renfermant l’autre patte est saisie avec une longue pince et agitée for- tement. Il faut surtout éviter de prendre la cloche avec les doigts pour pratiquer cette agitation, car, par ce procédé, on échauffe l’air de la cloche et par suite le muscle; je montrerai plus loin qu’une élévation de température de deux ou trois degrés suffit pour augmenter notablement l'absorption d'oxygène et l& production d'acide carbonique. — Au bout d’une heure à une heure et demie, les gaz sont analysés. Voici les résultats obtenus dans deux expériences : Expérience [. 26 janvier 1895. — Une patte est agitée forte- ment pendant 40 minutes. L'expérience dure 1 h. 10 minutes. Température pendant l'expérience 18°. après VOLUME DRE l'expérience. VOLUME PRIMITIF de l'atmosphère après l'expérience. OXYGÈNE avant l'expérience. OXYGÈNE OXYGÈNE ABSORBÉ, cc. Palleasitées, : :2 12,708 ren repos” 12,160 Expérience IL. 23 janvier 1895. — Une patte est agitée pen- dant 40 minutes ; durée de l’expérience : une heure et demie. Température 18°. Æ © a] [sl = © Ê je, A È & 5 Ê € 5 À 8.2 FA ox 0 mu © & DÉ E © S'A CEE = © % de 5 29 . o F2 " à. a © 20 É £ FUN STE 6: E = A, & © = o = de & à ———— CC. cc. - CC: cc. CC. Patte agilée....…. 12,230 | 12,243 2,294 | 0,266 | 0,273 Ü — en repos....| 12,218 | 12,236 2,286 | 0,271 | 0,274 | 199 M. TISSOT. Dans ces deux expériences, l'agitation a été incompara- blement plus considérable que pendant le travail musculaire, et cependant il ne s’est produit aucune modification dans les échanges gazeux des muscles agités. Du reste on peut démontrer encore d’une autre manière que l'hypothèse de Du Bois-Reymond est inadmissible. Si l’on fait travailler un muscle en le tétanisant d’une manière continuelle. on voit augmenter notablement les proportions d'oxygène absorbé et d'acide carbonique produit, bien que, dans ce cas, l’agi- tation du muscle soit nulle ou à peu près. La véritable cause de l'augmentation de l'absorption de l'oxygène doit être cherchée dans l'augmentation de l’acti- vité du muscle. Je passerai maintenant aux expériences ayant pour but l'étude des échanges pendant l'élat de travail. J'ai déjà indiqué plus haut comment il faut considérer la quantité totale d'acide carbonique dégagée par le muscle et comment on doit envisager le rapport D: Je ferai l'application de ces principes dans l'interpréla- Uon des expériences qui suivent. Ces expériences ont été faites sans précaulions d’asepsie, mais dans des conditions qui mettent à l'abri des causes d'erreur dues à la putréfaction, c’est-à-dire pendant un temps assez court variant de une heure à une heure et demie (voir page 98). Une difficulté est l'impossibilité de faire deux expériences comparatives sur un même muscle; en effet, un muscle n'est pas comparable à lui-même à deux moments différents. J'ai donc dû m'adresser à deux muscles similaires d’un même animal, les deux pattes d'une même grenouille, par exemple. D'autre part, il était nécessaire de comparer simultané- ment, dans chaque expérience, 4 muscles mis dans les condilions suivantes : 2 PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE 193 a. Muscle en repos dans l’air. b. — entravaill — €. — en repos dans un gaz inerte. d. — en travail — Cette comparaison était indispensable pour arriver à 2 connaître le rapport —-. J'ai donc dû m'adresser à deux 0° | animaux différents. Pour avoir des muscles aussi semblables que possible, j'ai pris des grenouilles de même taille, sou- mises depuis longtemps aux mêmes conditions (1). On peut constater sur de telles grenouilles, que les pattes absorbent sensiblement la même quantité d'oxygène et dégagent à peu près la même quantité d'acide carbonique. D'ailleurs, les échanges gazeux varieraient-ils d’une grenouille à l’autre, que cela nous importe peu. Il suffit qu'ils soient exactement identiques dans les deux pattes du même animal, et c’est ce qui a lieu si ces deux pattes sont mises exactement dans les mêmes conditions expérimentales. Souvent, j'ai oblenu des chiffres d'oxygène et d'acide carbonique ne différant que de 0,001 ou 0*,002 pour les deux pattes de la même grenouille. Cela connu, et pour éviter les erreurs possibles dues aux différences individuelles, j'ai fait varier la disposi- tion des paites dans les expériences, les deux membres d’un animal correspondant à a et c, ou bien à « et d, ou encore à a et b. Dans ces conditions, les résullals restent toujours les mêmes, quelle que soit la disposition adoptée. Une autre cause d'erreur réside dans la difficulté de faire travailler deux muscles d’une manière identique, l’un dans l'air, l’autre dans un gaz inerte. Je montrerai, dans une autre série d'expériences, que le muscle se fatigue plus vite dans l’hydrogène que dans l'air. Pour que le travail soit le même pour les deux muscles, il est nécessaire que les exci- tations ne soient pas trop fréquentes, ni d’une trop longue (1) Ces grenouilles, capturées au même moment, étaient restées depuis. ce temps dans le même bassin, en plein air. On sait quelle est l'influence de ces conditions sur l’excitabilité des nerfs et des muscles de ces ani-- maux. 124 M. TISSOT. durée. De plus, il ne faut pas que la durée du travail dans les deux muscles dépasse 10 à 15 minutes en général (1). — Passé ce temps, on voit les contractions devenir plus faibles dans l'hydrogène que dans l’air. _ Voici le dispositif que j'ai employé pour ces expériences : On introduit, dans 4 cloches placées sur le mercure, 4 volumes soigneusement mesurés et sensiblement égaux de gaz, deux volumes d'air et deux volumes d'hydrogène ou d'azote. Deux de ces cloches portent une électrode de platine (A, fig. 35). Cela fait, on choisit deux grenouilles de même taille ; on prépare les pattes comme dans les expériences précédentes , puis on les fait passer dans les 4 clochesen ayant soin de ne pas introduire de bulles d’air avec elles. On a soin d'autre part de les disposer de manière qu'elles ne s'appliquent pas contre les parois de la cloche et que toute leur surface soit en contact avec l’air ou l'hydrogène. Deux d’entre elles sont en relation, d’une part avec le mercure et d'autre part avec l'électrode de platine. Les deux électrodes sont reliées ensemble, puis on plonge dans le mercure des deux vases qui supportent les deux cloches, deux fils conducteurs reliés à un appareil d’induc- tion. Les excitations sont déterminées par un interrupteur placé sur le trajet du circuit. On voit donc que, par suite de cette disposition, les muscles sont soumis à des excita- tions égales en nombre et en intensité. Quant à la quantité (41) Il est facile de rester dans ces conditions en ne déterminant dans les deux muscles qu'une contraction ou un tétanos très court toutes les mi- nutes ou toutes les deux minutes. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 125 de travail produite, elle est variable d’une expérience à l'autre, et ne peut être appréciée, le muscle travaillant à vide. Il ne nous importe du reste que de savoir qu’elle est la même pour les deux muscles dans une même expérience. La durée de ces expériences a été de 40 minutes à une heure. Quand on a jugé le travail suffisant, les 4 pattes sont retirées, puis les gaz analysés. Voici les résultats de quelques expériences : Expérience I. 30 janvier 1894. — Disposition des pattes dans les cloches : ( Une patte en repos dans l'air. — en travail — 2 { Une patte en repos dans un gaz inerte. Grenouille n° Mir AS SE Grenouille n° 1 un L' expérience dure une heure 10 minutes. A ie pendant Pexpémence: 18". | Analyse des gaz. VOLUME après de l'atmosphère. l'expérience. OXYGÈNE avant l'expérience. OXYGÈNE après l'expérience. VOLUME PRIMITIF OXYGÈNE ABSORBÉ, cc. (AA cc. CG ce. CE a Repos...| 13,441 | 13,548 | 2,813 | 2,594 | 0,219 | 0,340 IEEE Travail. | 13,479 | 13,705 | 2,821 0,543 (Repos...| 13,27 | 13,528 it 0,244 Azole... | Travail. .| 43,344 | 13,890 | » 0,341 Les faits suivants ressortent de cette expérience : 1° Le muscle en repos dans l’air dégage plus d'acide carbonique que le muscle en repos dans l'azote, fait dont j'ai déjà parlé : 0,340 — 0,244 — 0,096. Cetle différence est encore plus accentuée entre les deux muscles à l’état de travail : 0,343 — 0,341 — 00,202. 126 #4 M. TISSOT. 2° L'excès d’acide carbonique produit pendant le travail par un muscle placé dans l'azote est plus faible que l'excès produit par le muscle similaire travaillant dans l'air. Excès de CO? pendant le travail dans l’azote : 0,341 — 0,244 — 0,097. | . Excès de CO? pendant le travail dans l'air : 0,543 — 6,340 — 0,203. Nous avons là tous les éléments nécessaires pour calculer DDR et a valeur du rapport œ * l'état de repos ou de travail. 3° État de repos. Oxygène absorbé — 0°c,219. CO? produit = 0,34 — 0,244 — 0ce,096. CD Rapport 07 mo État de travail. Oxygène absorbé —.0c,297. CO? produit = 0,543 — 0,341 — 0c°,202. CO 002 2 Rapport NE == 0,297 = 0,68. Ainsi, le rapport a est plus petit que l'unité dans les deux cas, mais il en est plus rapproché à l’état de travail. Expérience II. 2 février 4894. — Mème disposition des pattes que dans l'expérience précédente. Durée de l'expérience : 1 heure. Température : 18°. Le gaz inerte employé est l'hydrogène. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 127 Analyse des gaz. a nn © Œ 5 Endless. lveédal 2 Ë E es n J En OS & LD D = fe D = © 5 © # > 9 = 2 el & # E ET ER SANT, £ a 2 KL: ue © © 2 = (e) — _ on. “ > © | cc: cc. CC: cc. ce cc. Repos...| 13,280 | 13,495 | 2,780 | 2,625 0,155 | 0,309 Air ? ? ? ? ? y | ESRI Frac) 193110530932) 2780 [2.681 0,175 0;#27 Repos...| 13,539 | 13,780 » » » 0,267 Hydros Jaros. ; e l'Travail..| 13,607 | 13,916 | » : : 0,333 Ces chiffres confirment les résultats de l'expérience précé- dente. En effet : 1° Le muscle en repos dans l'air a dégagé 0,042 (0,309— 0,267) en plus du muscle en repos dans l'hydrogène. La dif- férence est encore plus accentuée pour les deux muscles à l’état de travail : 0,427 — 0,333 — 0°°,094. 2° L’excès d'acide carbonique produit pendant le travail dans l’air est plus grand que l'excès produit pendant le tra- vail dans l'hydrogène. Excès pendant le travail dans l’air — 0,427 — 0,309 — 02,118. Excès pendant le travail dans l'hydrogène — 0,333 — 0,267 — 0cc,066. Co° —, à l’état de repos : D 3° Rapport Oxygène absorbé — 0c,155. CO? produit —0,309 — 0,267— 0cc,042. CO? 0,042 O7 — ÿ 58 — 27. À l’état de travail : : Oxygène absorbé — 0,175. CO? produit — 0,427 — 0,333 — 0cc,094. 128 M. TISSOT. Ce rapport s’est rapproché de l'unité à l’état de travail. Expérience III. 4 février 1894. — Disposition des pates : Une patte en repos dans l'air. — — l'hydrogène. Une pAue en travail dans l’air. — l'hydrogène. Grenouille n° 1 Grenouille n° 2 Durée de l'expérience 1 heure. Température 15°. Analyse des gaz. : £ 2,2 = £e = 2 2 : c 5 Sd | 5 EE cc cc CC. CC cc Aire 13,702 | 13,730 | 2,868 | 2,748 | 0,150 Repos H drog 13,793 13,890 » » » PARTS 2EAR 13,690 | 13,857 | 2,865 | 2,682 | 0,183 Travail. | Hydrog..| 13,194 | 13,947 » » » Résultats : 1° Acide carbonique dégagé en plus dans ue que dans l'hydrogène : À l’état de repos — 0,182 — 0,113 — 0c,069. A l'état de travail =- 0,316 — 0,200 — 0ce,116. ° Excès d'acide carbonique pendant le travail Lu Le | 0,316 —0,182— 0cc,134. Excès d'acide carbonique pendant le travail dans l'hydro- gène — | 0,200 — 0,118 =0°%087. L'HiAES PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE.” 129 2 3° Rapport se à l’état de repos : 0? CO? 0,069 "02 0,150 Toi: A l’état de travail : CO? 0,146 OA ter ne Expériexce IV. 5 février 1892. — Même disposition des pattes que dans l’expérience précédente. Durée de l'expérience 1 heure. Température 16°. Analyse des gaz. dre È | < = « . 5 £ 8 8 8 = = A OR TENTE a , © EH LE a > Re nS Z S £ A a a UNE 2. AE -R ©. = © Li ©] = = ma © 3 = &o = > © 2 £5 = = = £ ° sa € 4 G 4 S Ca Z 2 pe] rs < © < © “ Æ oi] 1 A E e) ©) © OA on = — Es e É 6 (e] Q Q (e Q Q (e] Q (e] Q [el a EL) _ PERLE ARE Résultats : 1° Acide carbonique dégagé en plus dans l’air que dans l'hydrogène : A l’état de repos = 0,180 — 0,137 —0c,043. À l’élat de travail — 0,387 — 0,270 — 0c°,117. 2° Excès d’acide carbonique pendant le travail dans l’air : 0,387 — 0,180 —0°°,207. Excès d'acide carbonique pendant le travail dans l'hydro- gène : 0,270 — 0,137—0c°,133. ANN. SC. NAT. ZOOL. 149 158 ‘11221400 TONNNAM MISSOT: 2 3° Rapport — a : à l’état de repos: 02 CO? 0,043 —— 10) 28): 0? She (= a létatide travaille CO* D: Dans l'interprétation des résultats de ces quatre expérien- ces, j'ai admis que la différence entre les chiffres d'acide carbonique produit par le muscle dans l'air d'une part, et par le muscle similaire dans un gaz inerte, d'autre part, ré- sulte de l’action de l'oxygène sur le muscle et qu'elle repré- sente la portion d'acide carbonique due au phénomène res- piratoire dont j'ai parlé antérieurement. Les résultats sont identiques dans les quatre expériences. J’en lirerai les con- clusions suivantes : 1° A l’élat de repos comme à l’état de travail, un muscle dégage toujours plus d'acide OT Une dans l'air que dans un gaz inerle. 2° La différence entre les quantités d'acide carbonique produites à l’état de repos et à l’état de travail est plus con- sidérable dans un muscle placé dans l’air que dans un muscle placé dans l'hydrogène. | 3° Si, par la méthode indiquée dans Le paragraphe précé- dent, on recherche les quantités de gaz produites et absorbées dans le phénomène purement respiratoire, on voit que le 2 CO | | rapport -r est toujours plus petit que 1, mais qu'à l’état de travail il se rapproche de l'unité. ne [© mn PHÉNOMÈNÉS DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE 131 VARIATIONS DES ÉCHANGES GAZEUX D'UN MUSCLE ISOLÉ DU CORPS PENDANT LES JOURS QUI SUIVENT SON EXTRACTION. Des recherches ont déjà été faites par Valentin (1) sur ce sujet. Cet auteur montre : _ 1° Que les muscles extraits du corps dégagent toujours de l'acide carbonique et absorbent de l'oxygène. 2° Que la proportion de ces deux gaz croît constamment à partir du moment où le muscle est extrait. 3° Qu'il n’y a aucun rapport entre l’oxygène absorbé et l'acide carbonique dégagé. J'ai déjà parlé des objections que fit Hermann à ces expé- riences, tout en confirmant l'exactitude de ces dernières. Il est évident que, dans les expériences de Valentin, il y a eu putréfaction des muscles, puisque cet auteur ne s’est pas oc- cupé de cette cause d'erreur, et que, d’autre part, il trouve de l'hydrogène sulfuré, des carbures d'hydrogène dans les gaz dégagés par le muscle. J'ai montré déjà au commencement de ce chapitre : 1° Quel est le rôle de la putréfaction dans les échanges gazeux du muscle ; 20 nc de toute putréfaction, le muscle dégage de l’acide carbonique, et que la quantité de ce der- nier gaz va en décroissant régulièrement. Je me suis déjà servi des résultats de l'expérience que je vais décrire et qui montre 1° Qu'un muscle exempt de microbes absorbe l'oxygène de l’air et qu’il dégage de l'acide carbonique ; 2° Que la quantité d'oxygène absorbée par le muscle va en décroissant régulièrement à partir du moment de son ex- traction. Dans cette expérience, j'ai établi la comparaison du mus- cle placé dans l'air avec le muscle similaire placé dans l'hydrogène; pour qu'elle soit significative, il fallait que (1) Valentm, Ueber die Wechselwirkung der Muskeln und der sie umgebende Atmosphüre (Arch. f. physiol. Heilkunde, t. XIV, 1855). 192 - 21408 iü M. TISSOT. ces deux muscles soient placés dans des condilions abso- lument identiques et soient soumis aux mêmes manipula- tions. Il fallait de plus : | 1° Extraire aseptiquement les deux mucles et les enfermer dans des flacons stérilisés, renfermant l’un de l’air, l’autre de l'hydrogène ; 2° Analyser chaque jour l’air ou l'hydrogène des flacons ; ANR ER LATE Fig. 36. 3° Renouveler chaque jour ces gaz sans introduire de ger- mes sur les muscles. Toutes ces conditions ont été réalisées dans l'appareil que je vais décrire, el que la figure 36 montre dans son en- semble. Cet appareil se compose de trois parties : À. D'une boîle en zinc remplie d’eau, renfermant deux flacons analogues à celui décrit page 98, et dans lesquels on introduit les muscles en expérience (A, fig. 36); B. D'un système relié à ces deux flacons el permettant EE D RE EE PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 133. d'extraire pour l’analyse une partie du gaz de l’un ou de l’autre (B, fig. 36); C. De deux tubes en U, gradués, reliés aux flacons et fonclionnant comme voluménomètres (C, fig. 36). A. Pour la description de ces flacons, voir page 98. Ils ont la même capacité; les muscles sont placés dans ces flacons, comme :1l a été dit page 98, sur un châssis en ar- gent. Une tubulure de chaque flacon est reliée au système B (fig. 36), l’autre à un voluménomètre du système C. Tous deux sont placés côte à côte dans une cuve en zinc Fig, 57. remplie d’eau (4, fig. 37); quatre ouvertures percées dans deux parois opposées permettent l'introduction des flacons. Deux de ces orifices sont fermés par deux bouchons de caoutchouc a ; les deux autres, par deux manchons de caout- chouc c ligaturés d’une part sur une tubulure /, d’autre part sur le tube métallique £. La boîle est fermée à la partie supérieure par un couvercle de zinc muni d’un orifice o, per- mettant l'introduction d’un thermomètre T. On connaît ainsi exactement la température de l’eau de la cuve, et par suite du gaz contenu dans les flacons. B. Système destiné à l’extraction du gaz des flacons. — Il se compose d’un robinet à trois voies a (fig. 38) muni de trois branches; deux d’entre elles #, c, sont reliées aux tubulures m, m des flacons ; la troisième e est reliée au robinet « 134 M. TISSOT. ayant deux voies en L et 4 branches, e, 7, h, à. La bran- che À communique avec une trompe f, par un tube de caoutchouc ; la branche jf est coudée et communique avec Fig. 38. un réservoir à mercure 9, en relation lui-même avec un ré- servoir #; la quatrième branche : est un tube à dégagement qui se rend sur la cuve à mercure /. Position 1 Position 2 Position 3 Fig. 39. La clef du robinet a est percée de 3 voies formant entre elles un angle aigu et 2 angles obtus, de telle sorte qu’en la mettant dans les positions 1,2 ou 3 (fig. 39), on peut à volonté . PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 135 faire varier les communications entre les branches e, et c. En combinant le jeu de ce robinet à celui du robinet 4° on voit (fig. 38) qu'on peut : 1° Établir la communication d’un seul ou des deux ibout à la fois avec la trompe; 9° Établir isolément la communication du réservoir 9 avec l'un ou l’autre des deux fla- cons. e . C. Voluménomètre. — A EF k l’une des tubulures de cha- SN | que flacon est adapté un tube en U fonctionnant comme voluménomètre (fig. 40). L'une des branches à de ce tube s'ouvre librement à l'air; l’autre a porie à son extrémité supérieure un robinet C à 3 voies en T, qui est muni de deux tubulures d'et f. L'une de ces tubu- lures d est en communi- calion avec l'air libre (ou avec un appareil générateur d'hydrogène) ; l’autre, f, Rs à est en communication avec M das un des flacons contenant Fig. 40. les muscles mis en expé- rience. La branche a porte deux graduations placées côte à côte, l’une en millimètres, l’autre en centimèlres cubes et en dixièmes de centimètre cube. Les deux branches a et b ont exactement le même calibre. — Le tube ainsi constitué est fixé par sa partie 2 sur la plaque g. — L’extrémité # est reliée à une branche 7» d’un robinet à trois voies, par un tube de caoutchouc. L'autre vo- luménomètre est relié à la seconde voie »; la troisième voie du robinet communique avec le réservoir à mer- NIET Qi 130 | M. TISSOT. cure R, qui, par suite de celte disposition, sert successi- vement à faire fonctionner les deux voluménomètres. Ces deux dérniers sont immergés dans une cuve à eau (fig. 36) dont les parois sont formées par des glaces; il y a en plus dans cette cuve : 1° un thermomètre très sensible; 2° un fil à plomb construil avec crin de cheval très fin et destiné à régler la position du réticule de la lunette. Les lectures sont faites sur les voluménomètres à l’aide de la lunette décrite avec l’eudiomètre de précision (page 90). Elle est réglée de manière que les 100 divisions de l’arc gradué correspondent à un dixième de centimètre cube. La valeur du millimètre par rapport à l’arc divisé est calculée une fois pour toutes; après chaque lecture une correction est faite sur le chiffre obtenu. Je passerai sur les autres délails de comltnction de l’ap- pareil, détails dont on se rendra suffisamment pou ie sur la figure 36. Voici maintenant le manuel opératoire : Les deux muscles étant extraits aseptiquement du corps sont placés dans les deux flacons. Les bouchons de ceux-ci sont lutés extérieurement, puis les deux flacons placés dans la cuve en zinc destinée à les recevoir. Cette cuve est ensuite intercalée dans l'appareil. Les tubu- lures des flacons sont réunies à l’aide de tubes de caout- chouc, d’une part aux branches 4, c du robineta (fig. 38), d'autre part aux branches horizontales des voluméno- mètres. Ces ligatures, dont une est représentée ici (fig. 41), sont conslituées par un tube en caoutchouc «a main- tenu à chaque extrémité par plusieurs tours de bandes de caoutchouc à; le tout est recouvert par un manchon de caoutchouc c, ligaturé à ses deux bouts et rempli d’eau. Toute rentrée d’air est ainsi rendue impossible. Ces ligatures étant terminées, on établit les communica- Lions : PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS. LA MORT GÉNÉRALE. 137 1° D'un flacon avec l'air extérieur, et de l’autre avec un appareil générateur d'hydrogène, à l’aide des robinets à trois voies des voluménomètres ; 2° Des deux flacons avec la tubulure mtermédiaire e (fig. 38), puis avec la trompe f. Cette dernière est ensuite mise en marche. On fait ainsi passer un courant d'air dans l’un des flacons, et un courant d'hydrogène dans l’autre (1); quand on juge suffi- sant le balayage ainsi opéré(au bout de 1 heure 1/2 à 2 heu- ÉbS), 1° On tourne le robinet a (fig. 42) (sans arrêter le jeu de la trompe), de manière à éta- blir la communication isolée du flacon contenant l’hydro- gène, avec la trompe, puis, lorsque le courant a passé quel- ques instants, on ferme a’ et on arrête la trompe. On n'a ainsi que de l'hydrogène dans la tubulure e; on fait alors communiquer cette der- nière avec le réservoir g, puis on abaisse # (fig. 38). Une cer- taine quantité d'hydrogène pé- nètre dans le réservoir (2). — Cela fait, on ferme a’ (dans le sens de la flèche (fig. 43); Fig. 43. puis on fait communiquer g et1, on élève #, et le gaz est chassé dans une cloche E, placée sur le mercure; 2° On élève le réservoir # légèrement au-dessus du niveau du robinet a’ et on établit la communication entre e el g. Le mercure pénètre dans la branche e, puis vient jusqu'au Fig. 42. (1) Pendant le passage de ce courant, on chasse tout l'air d’un volumé- nomètre pour le remplacer par de l'hydrogène, en élevant et en abaissant le réservoir mobile. (2) On a préalablement chassé l’air du réservoir g et du tube à (Gg. 42) et ‘ tous deux ont été remplis de mercure. 138 M. TISSOT. trait de repère d (fig. 43) où on l’arrête en fermant le robinet a. Les deux robinels sont alors dans la position représentée par la figure 43; | 3° On abaisse le réservoir # (fig. 38), et on fait communi- . quer isolément le flacon rempli d'air, avec g. Le mercure de la branche e rentre en 4 avec une certaine quantité d'air. On tourne ensuite a’ pour établir la communication entre la trompe et le flacon. On fait passer à nouveau un courant d’air rapide pendant quelques instants, puis on répèle pour ce flacon les mêmes opérations qui ont été pratiquées pour l’autre. Ensuite, on laisse la pression atmosphérique se réta- blir dans le flacon, puis on ferme le robinet du voluméno- Fig. 44. mètre. Dans le flacon à hydrogène, la pression atmosphé- rique est établie à l’aide du voluménomètre correspondant ; l’horizontalité des niveaux du mercure dans les deux branches de ce dernier est établie à l’aide de la lunette, puis le robi- net est fermé. L'appareil se trouve alors dans la position représentée par la figure 44. Cette série d'opérations, bien que paraissant compliquée, se fait en 4 ou 5 minutes. Au moment où l’on ferme le ro- binet d’un voluménomètre, on note exactement l'heure, la pression atmosphérique et la température de l’eau dans la cuve en zinc. Ces données diffèrent naturellement pour les deux flacons, car on laisse 30 minutes d'intervalle entre le commencement de l’expérience pour chacun d'eux. On voit donc que dans chaque flacon, le volume de gaz contenu entre les parties À el Z est connu avec exactitude, la capa- PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 139 cilé de cet espace étant aussi connue (mesurée au volumé- nomètre). Les muscles sont laissés pendant 22 heures en contact avec l'atmosphère des flacons. Au bout de ce temps, on procède : 1° À une extraction de gaz pour l'analyse; 2° À la mesure de la variation de volume subie par le gaz des flacons ; | 3° Au renouvellement de l'atmosphère du muscle. 1° Extraction du gaz pour l'analyse et mesure de la varia- tion de volume. — On commence par l'extraction de l’hydro- gène. Le voluménomètre restant fermé, le flacon est mis en communication avec le réservoir g (fig. 38), après avoir baissé / au-dessous du niveau de a’ (1). Une certaine quan- tité d'hydrogène est recueillie en g, nuis chassée dans une éprouvette placée sur le mercure. On fait alors rentrer le mercure jusqu'au trait de repère d, et on ferme le robinet 4. On répète la même opération pour le flacon contenant de l'air ; 2° Mesure de la variation de volume. — Les robinets des voluménomètres restant toujours fermés, on met à la pres- sion atmosphérique le gaz qu'ils contiennent, et on lit à la lunette la division à laquelle se trouve le ménisque de mercure. Cela fait, on ouvre les deux robinets des volumé- nomètres, puis on rétablit à nouveau la pression atmosphé- rique. On lit la nouvelle division où est venu se placer le ménisque de mercure,et on note en même temps la pression atmosphérique et la température de l’eau de la cuve enzinc. La différence des deux volumes lus à chaque voluméno- mètre indique la valeur de la variation du volume du gaz introduit primitivement dans Le flacon correspondant. Cette variation de volume se compose : a. De la variation due aux échanges gazeux du muscle; (1) On aspire plusieurs fois de suite une certaine quantité de gaz dans le réservoir g, puis on le chasse à nouveau dans le flacon, dans le but de bien mélanger au restant du gaz celui des portions capillaires. 140 M. TISSOT. 6. De la variation due aux changements de température et de pression; c. De la variation due à l'extraction d’un certain volume de gaz pour l’analyse. _ Cette dernière est connue et donnée très exactement par l'analyse. La variation fotale de volume étant connue, on arrivera à connaître, par les calculs suivants, le volume du gaz contenu dans un flacon à la fin de l'expérience : 1° De la variation totale de volume observée au voluméno- mètre, on retranche le volume du gaz analysé ramené à la température £ et à la pression H, notées au moment des lec- tures. On obtient ainsi la variation de volume v due à l’ensem- ble des deux premières causes énoncées plus haut ; | 2° Le volume du gaz introduit primitivement est ramené à la température f et à la pression H; 3° On ajoute à ce volume (somme algébrique) la varia- tion de volume » calculée plus haul, on a ainsi le volume de gaz contenu dans le flacon à la fin de l'expérience, à la température { et à la pression H. On ramène ce volume à 0° et à 760 millimètres. À l’aide de la portion analysée, on trouve facilement la quantité d'oxygène absorbée par le muscle et d'acide carbonique produite. Quant au volume de gaz introduit dans le flacon au com- mencement de l'expérience, on l'obtient facilement à 0° et 760 millimètres, si l’on connaît la capacité du flacon entre les points À et d (fig. 45) et si l’on a noté la pression et la tempéralure au début de l'expérience. Pour mesurer la capacilé du flacon, en tenant compte du muscle, des tampons de coton, etc., on se sert des volu- ménomètres. Je ne parlerai que sommairement de cette opération qu'on trouve décrile dans les traités de physi- que : le flacon communiquant avec le voluménomètre, on amène le gaz à la pression atmosphérique, et on lit la divi- sion où le mercure vient affleurer (en B, fig. 45). Soit V, le volume de la masse gazeuse sous cette pression. — Dans une deuxième opéralion, on met le gaz en dépression, et PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 141 on lit la nouvelle division où vient affleurer le ménisque de mercure (en C). D'autre part, on mesure la hauteur CD de la colonne de mercure déprimante. Soit À cette hauteur et soit V, le nouveau volume occupé par la masse gazeuse. Si la pression atmosphérique H a été notée, et si nous sup- Fig. 45. posons qu’elle n’a pas varié entre les deux lectures (ce qui arrive toujours, l'opération durant en tout 2 ou 3 minutes), l'équation suivante nous donnera la valeur de V, : Ven H Or, V,=V,—+v, v étant la différence de volume BC cons- tatée entre les deux lectures ; on tire donc : Vi HA 149 M. TISSOT. De V,, on retranche la quantité OB, donnée par la gra- duation du voluménomèire (fig. 45). On connaît ainsi le volume du ilacon depuis le trait de repère d jusqu’au 0 de la graduation du voluménomètre. Dans une deuxième mesure, on calcule le volume de l’es- pace compris entre le robinet H et le 0 de la graduation; cette quantité, retranchée de V,, nous donne le volume de la masse gazeuse contenue dans le flacon entre d'et À, c’est- àa-dire la capacité du flacon entre ces deux points. Cette mesure s'effectue avec une grande précision, mieux que par n'importe quel autre procédé. Ainsi dans deux me- sures successives de la capacité d’un même flacon, j'ai ob- tenu les résultats suivants : 1r° mesure —#62t"590 RE Me = 100 CES Ce long exposé étant terminé, je vais donner le protocole d'une expérience. Expérience. 17 avril 1895. — Un chat est tué par section du bulbe, à deux heures. Aussitôt après la mort, on extrait asepti- quement à chaque membre postérieur le faisceau musculaire formé par les muscles demi-tendineux et demi-membraneux, muscles facilement isolables et qu'on détache exactement à leurs points d'insertion surlesos. Ces muscles sont placés dans les fla- cons stérilisés, puis intercalés dans l’appareil comme il a eté dit ; on fait chaque jour l’analyse du gaz qui entre dans les flacons, et l'analyse du gaz qu’on en extrait à la fin de l'expérience ; ; l’ex- périence dure chaque jour pendant 22 heures ; voici les résultats obtenus pendant les 15 jours qui ont suivi l'extraction des muscles : PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 143 LAVER CIE TR ÉRREE OETENEN ENDNL NPD SES NN REDON CORNERCRAS PE DNZIN ARTS ARNO CORRE SN Se MUSCLE PLACÉ DANS L'AIR. MUSCLE PLACÉ DIFFÉRENCE DANS L'HYDROGÈNE ee Re carbo- EE ue produit cons Acide carbonique | Acide ca bo nique de Es ur et dans abso dégagé. produit, ‘hydrogène. cc cc. cc. cc. ÉLUS 6 INA RENE 0,00 120 4,27 2,82 ARE NT 3,39 3,23 1,00 2 00 LE SNS 2,42 1,75 0,42 1,33 LKR RER 1,83 1,16 0,12 1,04 DT 1,47 0,86 0,06 0,80 HAS 1,15 0,52 » 0,52 PAIE CN 4° 0,91 0,48 0,48 GEAR UN 0,76 0,41 » 0,41 QU ee 0,68 0,33 » 0,33 1 OCR RS PERS 0,64 0,29 : 0,29 ENS Lt ane 0,51 0,23 » 0,23 1LEQR ie ae Re 0,47 0,17 » 0,17 PÉTER 0,32 0,16 » 0,16 mr ER CL 0,24 0,09 » 0,09 ASE SA RE 0,18 0,08 » 0,08 Si nous représentons graphiquement ces a. nous voyons (fig. 46) : 1 ] % % % % XX as nn Fig. 46. — À, courbe de l'acide carbonique dégagé dans l'air; B, courbe de l'oxygène absorbé : C, courbe de l’acide carbonique dégagé dans l'hydrogène. 1° Que l'absorption d'oxygène et le dégagement d'acide 144 M. TISSOT. carbonique par le muscle isolé du corps décroissent rapi- dement pendant les premiers jours, puis plus lentement pen- dant les jours suivants, pour devenir très faibles vers le treizième ou le quinzième jour ; 2° Que la quantité d'acide carbonique dégagée, plus con- sidérable d'abord que la quantité d'oxygène absorbée, dé- croît plus rapidement que celte dernière, et devient plus fai- ble qu’elle à partir du second jour; 3° Que la quantité d’acide carbonique dégagée dans A œ (ès ln Sy os snpsouscos COOPET De l É ee Res 7 Fig. 47. — A, courbe de l'oxygène absorbé; B, courbe de l’acide carbonique dégagé. l'hydrogène décroît brusquement, et devient nulle à partir du sixième Jour. Dans une publication antérieure (1), j'ai émis cette hypo- thèse, que peut-être le muscle dégageait plus d'acide car- bonique qu’il n’absorbait d'oxygène le premier jour, parce que, à .ce-moment, il entrait en rigidité, et qu'il se condui- sait comme un muscle à l’état de travail. Cette hypothèse n'a plus sa raison d’être, d’après la série de faits que j'ai exposés, el il devient évident que la seule raison qu’on puisse admettre est que, le premier jour, le muscle dégage la plus grande quantité de l'acide carbonique préformé dans son intérieur. Le fait devient du reste évident si, appliquant les (1) Recherches sur la respiration musculaire (Arch. de Physiol., 1894). PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 145 principes exposés dans ce chapitre, on recherche les quan- tités d'acide carbonique dues à l'action de l'oxygène sur le muscle. Si, à l’aide de ces quantités, indiquées dans le tableau précédent (différence entre l'acide carbonique pro- duit dans l’air et dans l’hydrogène) et à l’aide des quan- tités correspondantes d'oxygène absorbées, on établit deux courbes (fig. 47), on voit que le muscle absorbe toujours plus d'oxygène qu'il ne dégage d'acide carbonique. Pour compléter cette expérience, j'ai remplacé, le vingt- unième jour d'expérience, l'hydrogène contenu dans l’un des flacons par de l’air, et j'ai laissé le muscle en contact avec ce dernier pendant vingt-quatre heures, puis j'en ai fait l'analyse au bout de ce temps. Le muscle a absorbé 0,187 d'oxygène et dégagé 0,11 d'acide carbonique. J'ai parlé déjà, à la page 110, de la signification de ce résultat. ACTION DES VARIATIONS DE TEMPÉRATURE SUR LES ÉCHANGES GAZEUX DES MUSCLES ISOLÉS DU CORPS. Des recherches ont déjà été faites sur cette question par M. Regnard (1). Cet auteur a fait le dosage en poids de l’acide carbonique dégagé par des morceaux de viande sou- mis pendant douze heures à différentes températures. Il trouve que l’'oplimum du dégagement d'acide carbonique se trouve à 35°. Je ferai à ses expériences les objections suivantes : | 1° Il y a eu putréfaction à la surface des muscles et cette putréfaclion a atteint une importance d'autant plus consi- dérable que les expériences étaient faites à des températures voisines de l’oplimum pour la respiration et la végétation des microbes. J'ai montré que si l’on veut opérer sans asepsie, 1l faut faire des expériences très courtes, de une heure et demie environ; or, celles de M. Regnard ont duré douze heures. 2° M. Regnard n’a eu en vue dans ses recherches que la e (1) Regnard, Rech. exp. sur les var. pathol. des combust. respiratoires. Thèse. Paris, 1878. ; ; ANN. SG. NAT. ZOOL. 10 146 M. TISSOT. quantilé d'acide carbonique dégagée. Or, j'ai démontré dans ce travail que la quantité totale d'acide carbonique dégagée par un muscle ne peut pas être prise pour la mesure de son activité vitale. J'ai donné des expériences montrant pré- cisément que, sous l’action d’une élévation progressive de la température, le muscle peut dégager des quantités régulière- ment croissantes d'acide carbonique; ces expériences avaient une durée de une heure et demie. J'ai répété ces expériences, mais en recherchant l'action des variations de température : 1° sur l'absorption de l’oxy- gène ; 2° sur la quantité d'acide carbonique produite dans le phénomène respiratoire seul. Elles ont été faites pendant une courte durée pour éviter la putréfaction. Je me suis servi, comme dans de nombreuses expériences précédentes, de pattes de grenouille que j'introduisais dans des cloches placées sur le mercure et contenant un volume d'air mesuré d'avance. Dans toules ces expériences, j'ai eu soin de porter au préalable dans les étuves les cloches con- tenant les gaz déjà mesurés. Les patles n'étaient introduites . dans les cloches que lorsque le mercure s'était mis en équilibre de température avec l’étuve. Les pattes elles- mêmes étaient maintenues quelques instants à l’étuve, pour éviter que leur introduction dans les cloches ne détermine un abaissement de température; ce chauffage préalable provoque le dégagement d’une certaine quantité d’acide carbonique contenue dans les muscles ; aussi, les quantités totales de ce gaz dégagées par la suite peuvent êlre plus ou moins modifiées. | Voici le protocole d’une expérience : EXPÉRIENCE. — On prend six grenouilles de même taille. On prépare les membres postérieurs comme dans les expériences précédentes ; une patte de chaque grenouille est mise dans une cloche contenant de l’air, l’autre dans une cloche contenant de l'azote. Les douze cloches sont ensuite portées dans des étuves à des températures différentes ; les deux pattes d’une même gre- nouille placées l’une dans l'air, l’autre dans l'azote, sont soumi- PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 147 es à la même température. Au bout d’une heure et demie, les pattes sont retirées et les gaz analysés. Voici les résultats obtenus : = dote ie = 5 ra ae =" © = 1, | É GAZ 5 £ r.S ETUI APT ê 87 Ex a — &: = = 4 £ cc. cc. cc. cc. cc. cc. DAS PT NAIRe Le 13,005 | 12,952 | 2,722 | 2,512 | 0,210 | 0,126 Udzote.. 0428079) 432452 |» » » | 0,081 A SMS ja Perte 12,894 | 12,803 | 2,669 | 2,403 | 0,296 | 0,181 ‘| Azote.....| 12,571 | 12,698 | » » » | 0,110 er Aire. 12,645 | 12,434 | 2,647 | 2,167 | 0,480 | 0,247 ‘| Azote.....| 12,184 | 12,856 » » » | 0,108 = AR iv.{ air er 12,910 | 12,983 | 2,702 | 2,225 | 0,477 | 0,302 ‘( Azote.....| 12,738 | 13,096 » » » 0,330 RARE R FETES 12,684 | 12,877 | 2,655 | 2,237 | 0,418 | 0,560 Azote..... 12,691 | 13,074 » » » 0,384 PNR AUS DRE 13,010 | 13,392 | 2,723 | 2,618 | 0,103 | 0,495 Arotes 13,033 | 13,547 | » » » | 0,480 Si, à l’aide de ces chiffres, nous calculons les quantités d'acide carbonique produites par le phénomène respiratoire seul, le tableau suivant représentera les quantités de gaz absorbées ou dégagées dans ce phénomène : oo TEMPÉRATURE OXYGÈNE ABSORBÉ CO? PRODUIT RE PE cc. CC. MRC NE fe 2 HAT PEN US 0,210 0,045 MORIN RE Pre ir 5 0,296 0,074 ATP TP Rene CERIMRENGAREE 2 2 0,480 0,139 ROSE EN AMEN LAS BI LE 0,477 0,172 OURS PTS PURE PÉCII AENS PRET 0,418 0,176 DO er Se M AE one 0,105 0,045 La figure 48 donne une représentation graphique de ces résultats. | On voit donc que, lorsqu'un muscle (de batracien) est sou- mis à une lempéralure croissante, la quantité d'oxygène 148 HAT M. TISSOT. absorbée croît jusqu'à un certain degré qui est optimum ; elle décroît ensuite brusquement si la température continue à s'élever, pour cesser complètement au delà de 42°, tem- péralure incompatible avec la conservation des propriétés vitales du muscle. Quant aux quantités d Que carbonique, on voit qu les Re | | FAN RAS ENl DES PRCRERIETE | RE Re nn E RAT VOPRTR R EREAERR \ sk | | cie | | jæ | : | «| l B — = FAT KEe A | en + a 15° 21 | LI SDS a 429 Fig. 48. — À, courbe de l'oxygène absorbé; B, courbe de l'acide carbonique dégagé. suivent, à très peu de chose près, les varialions des quan- tités d'oxygène absorbées. + Pour déterminer exactement le point oplimum pour les muscles de la grenouille, j'ai dù faire plusieurs expériences en employant les deux membres d’un même animal dans chacune d'elles. Voici les protocoles de trois expériences : ExPéRIENCE Ï. — Une patte est soumise à une température de 36°, l’autre de 32°,3. Durée : une heure et demie. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 14149 I, m-©-6 2 20 » 0 A. ma a (HE (HE ec. ec. En cc. Patte à 36° NT 13,509 | 13,945 2,827 2,490 0,337 0,646 | — SAPIN SL 13,493 13,624 2,824 2,387 0,437 0,596 ExPÉRIENCE IL. — Une patte est mise à 33° et une autre à 35°; durée : une heure et demie. H a | 288 | See | sen £ 2 Æ 2 Se = 8 Fe 8 cc. CC. cc cc. Ce: cc. Patte 42-3500: Mood JU15,28/ 2,149 2,280 0,460 0,594 | MEET CIRE 13,192 | 13,273 | 2,761 | 2,283 | 0,478 sa | Expérience III. — Une patte est mise à 34°, une autre à 29°; durée : une heure et demie. E | e dur 8 | m2 $ E E = A É 0.2 a &.,2 4 © © GC] 3 CET 222: So SE 0 £ A 4 = Dep] « Es 2 © 4 2 5 4 à Ed à = 2 F7 © 7 © (7 #1 © [=] Li Æ et ? 2 (eb) [2] JU © = Gi = = < > Es ‘ cc. cc. cc, cc. 2,152 | 2,277 | 0,475 | 0,760 0,606 0,451 Si nous représentons graphiquement les résultats de ces trois expériences, nous voyons que l’optimum de l'absorp- tion d'oxygène se trouve à 32 ou 33° (fig. 49). Quant aux chiffres d'acide carbonique de ces trois 2530 riences, je n’en parlerai pas, puisque je n’ai pas établi de 150 M. TISSOT. comparaison avec un muscle placé dans un gaz inerte. Je n'ai pas encore déterminé la température optima pour l'absorption d'oxygène par les muscles des mammifères, mais les expériences que j'ai faites jusqu'ici m'ont montré que cet optimum est à une température plus élevée que pour Hi 299%, 50 M 318 Se D USM SEE PH E130 Fig. 49. les muscles des batraciens, et non à la même température comme l’a dit M. Regnard. Il se trouve aux environs de 38°. ACTION COMPARÉE DE L'OXYGÈNE ET DES GAZ INERTES SUR L'EXCITABILITÉ MUSCULAIRE. Les premières recherches sur ce sujet sont dues à Grève (1). Cet auteur vit que des muscles de grenouille pla- cés dans une atmosphère d'oxygène conservent plus long- temps leur excitabilité que des muscles placés dans l'air. L'année suivante, Alex. de Humboldt (2) confirma le fait el vit de plus que le muscle reste plus longtemps excitable dans l'air que dans l'hydrogène, que le cœur de la grenouille et d’autres animaux ayant perdu la propriété de se contracter spontanément dans l'hydrogène, se remet à battre si on le met dans l'oxygène ou dans l'air. Krimer (3) arriva à des (1) Grève, Vom Metallreize einem Prüfungsmittel des wahren Todes. Leip- zig, 1796, p. 94. :(2) Alex. von Humboldt, Versuche über die gereizte Muskel und Nervenfaser. Berlin, 1797. (3) Krimer, Physiologische Untersuchungen. Leipzig, 1820. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 151 résultats exactement opposés. Pour lui, le muscle meurt plus rapidement dans l'air que dans un gaz inerte, parce que « dans les gaz irrespirables, la force du muscle n’est pas aussi tt consommée que dans l'air, par l'influence de la respiration ». — Puis Tiedemann (1) et ensuite Liebig {2) confirment les résultats obtenus par Alex. de Humboldt. Hermann (3) répète ces expériences et conclut de ses re- cherches que l’oxygène n’exerce aucune action sur le muscle et n’a aucune influence sur la conservation de son excita- bilité. J'ai répété toules ces expériences en inscrivant les phé- nomènes. J'ai comparé la durée de l’excitabilité dans deux muscles similaires d’un même animal placés dans des con- ditions absolument identiques, l’un dans un gaz inerte, l’autre dans l'air. Voici la description de l’appareil que j'ai employé : Le muscle M (fig. 50) est suspendu dans une cloche B fermée par un bouchon de caoutchouc A {raversé par quatre tubes : l’un d’eux à d’étroit calibre est effilé et recourbé à son extrémité supérieure de manière à venir toucher le sommet de la cloche ; son extrémité inférieure porte un tube de caoutchouc C qui plonge dans le vase D rempli d’eau salée à 7,5 p. 1000. — L'autre {ube à porte aussi un tube de caoutchouc E plongeant dans le vase D. Ce tube est métallique ; on lui a soudé un fil métallique F relié à un appareil d'induction ; 1l supporte en outre une potence mé- tallique P à laquelle le muscle est suspendu. Le troisième tube ce, est dilaté en réservoir R à la partie supérieure ; sa partie inférieure porte un tube de caoutchouc ÿ qui se rend au réservoir R. R et R’ contiennent de l’eau salée. Dans le réservoir R, plonge un flotteur cylindrique en stéarine, suspendu à la (1) Müller’s Archiv. 1847, p. 496. ee à Liebig, Ueber die Respiration der Muskeln. (Arch. f. An. u. Phys., (3) L. Hermann, Untersuchungen über den Stoffwechsel der Muskeln. Berlin, 1867. 10200 4 ._ M. TISSOT. partie inférieure du muscle par un fil métallique /. Ce fil traverse complètement le flotteur et vient plonger, au des- sous de lui, dans l’eau salée. Cette disposition permet le passage du courant excitateur à travers le muscle, de la potence P à l’eau salée contenue dans le tube c. Le quatrième tube d, est un simple tube en U contenant NOR AN -È ACER". : Fig. 50. de l’eau salée, et destiné à maintenir sensiblement cons- tante la pression à l’intérieur de la cloche. Les deux réser- voirs R' contiennent de l’eau salée jusqu'à la même hauteur et sont reliés, par leur partie supérieure, à deux tambours à levier d’égale sensibilité. Chaque réservoir porte une élec- trode de platine e plongeant dans l’eau salée ; elle est réu- nie à celle de l’autre réservoir. La figure 51 montre com- ment s'opère le passage du courant dans l'appareil. Après cette description, on voit de suite que, à chaque contraction du muscle, c'est-à-dire à chaque mouvement PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 153 d'élévation du flotteur, le niveau de l’eau salée baissera dans le réservoir R’ et par suite le mouvement du muscle sera enregistré par le tambour à levier. On voit aussi que l'amplitude du mouvement enregistré sera parfailement en rapport avec la force de la contraction. Voici maintenant comment on se sert de l’appareil : Les deux muscles, les gastrocnémiens d’une même gre- nouille, sont mis en place, puis \ P recouverts par les cloches qui | À sont appliquées et lutées sur les k bouchons A, avec du suif. En- | suite, on fait simultanément, pour les deux muscles, les opé- | rations suivantes : li _ 1° On place une pince äpres- 1 F | sion sur le caoutchouc g el | sur le caoutchouc très court #4 + %W_ # Vs que porte le tube en U d. . — pri è 2° On aspire à l'extrémité du AA . tube C ; l’eau salée du vase D : ds = monte dans la cloche et la rem- re plit complètement, et vient finalement dans le tube a. Lorsque tout le gaz est sorti de ce dernier, on adapte l'extrémité du tube de dégagement d’un appareil à hydrogène, à l'extrémité du tube C ; l’hy- drogène se dégage dans la cloche et chasse l’eau salée dans le vase D. On peut répéter plusieurs fois l’opération pour être sûr que la cloche ne contient que de l’hydrogène. À la dernière opération, une légère couche d’eau est laissée au bas de la cloche, au-dessus du bouchon de caoutchouc. 3° Cela fait, on enlève les pinces placées sur les caout- choucs g et #, puis on fait arriver l’eau salée dans le réser- voir R jusque vers la partie supérieure du flotteur. Si les opérations sont faites sur le muscle qui doit rester dans l'air, on fait rentrer de l’air au lieu d'hydrogène dans la cloche, pour refouler l’eau salée qui la remplit. 154 M. TISSOT. Les deux fils F et F’ sont enfin reliés à un appareil d’in- duction. Un interrupteur placé sur le trajet du circuit per- met de déterminer les excitations à volonté. Le tableau suivant expose les résultats de six expériences : DURÉE DURÉE DURÉE de Lane de l’excitabilité |de la survie dans dans l’air. l'air. l'hydrogène pur. —_— 23 heures. 54 heures. 31 heures. DURE D — rue AFRO 23 — 6 — re 92 h. 1/2. 6. h. 1/2. = ARE MORE AAC 2% — 58 heures. 34 heures. | TES PAP ren EL ER ESS PRE a RS ire HITS 19 — Ainsi donc l’excilabilité persiste plus longtemps dans l'air que dans l’hydrogène. À ce tableau, je joindrai le tracé sui- vant, montrant avec toute netteté Le fait (fig. 52) : EE D 12 13 14. 15 in à | Ron ME M ; 4 2 ä LA 5 6 4 1 10 11 Fig. 52. — À, muscle dans l'hydrogène pur; B, muscle dans l'air. — Premier jour : ire contraction, 6 heures du soir. Deuxième jour : 2° contraction, 8 heures; 3° contraction, 1 heure ; 4° contraction, 7 heures. Troisième jour : 5° contrac- tion, 8 heures; 6e contraction, 1 heure; 7° contraction, 7 heures. Quatrième jour : 8° contraction et suivantes jusqu’à 6 heures du soir. Contraction toutes les deux heures. J'ai voulu savoir d'autre part si, le muscle travaillant d'une manière continue, il se fatigue plus vite dans l'hydrogène que dans l'air. Pour cela j'ai déterminé dans deux muscles placés dans ces gaz, des contractions fréquentes, répétées jusqu’à épuisement complet. J’ai obtenu des tracés absolument nets PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 155 (fig. 53), montrant que la fatigue apparaît plus tôt et d’une facon très notable, dans l'hydrogène que dans l'air. Ces expériences ont été failes sur des gastrocnémiens isolés de la grenouille depuis quelques instants seulement. Dans une autre série d'expériences, j'ai comparé la durée de l’excitabilité dans deux muscles placés l’un dans l’hydro- gène pur, l’autre dans une atmosphère d'hydrogène contenant Fig. 53. — À, muscle dans l'hydrogène pur, B, muscle dans l'air. une quantité variable d'air. Je n'ai pas employé le même procédé que dans les expériences précédentes, à cause de la difficulté d'introduire dans les cloches un mélange d'hydro- gène et d'air exactement connu. Je me suis servi d’un dispo- sitif déjà décrit à propos des échanges gazeux des muscles avec l'air (voir page 124 et fig. 35). On introduit les deux pattes de la même grenouille dans deux cloches munies d’une électrode de platine et placées sur le mercure ; l’une des clo- ches contient un mélange, préparé à l'avance, d'hydrogène et d'air. Le tableau suivant renseigne sur les résultats obtenus : DURÉE DURÉE de l'excitabi- de Cl AE CODE PÈ Ci de de la survie re Ne ns D HYDROGENE ET D AIR. " LES ER A Hragene POSE SR NT 7 | jhodrogene ; et d’air. ÊRFE Hydrogène. Air. et d'air. SE CC. cc. Expérience E::.:.:; 36 heures| 20 heures| 13,9 12 16 heures II 28 — 24 — 15,3 4116 x — .|20 — A7 — 15,5 0,48 3 — [25 — 24 — 15,45 0,49 4 — ET M HE 1 491h.1/2 16 h.4/2 | 15,5 0,25 | 3 24 heures| 17 heures| 16,5 0,2 4 — 18 — 16 — 15,8 0,1 2 M ue | Se 16,2 HO HO __. M. TISSOT. Ainsi, d’après ces expériences, la présence d'une quantité excessivement faible d'oxygène suffit pour prolonger l’excita- bilité (1). En résumé je conclurai de l’ensemble des expériences de ce paragraphe : 1° L'excitabilité du muscle se conserve plus longtemps dans l'air que dans un gaz inerte. 2° La présence de faibles quantités d'oxygène dans un gaz inerte exerce encore une action sur l’excitabilité. 3° Le muscle en travail se fatigue plus vite dans l'hydrogène que dans l'air. 4° Un muscle devient rigide plus rapidement dans un gaz inerte que dans l'air. Conczusions DU CHAPITRE III. — Il ressort clairement de l'exposé historique que j'ai fait de la question, que l'obscurité où se trouvait cette dernière était due à l’igno- rance presque complète des conditions expérimentales. Mes premières recherches ont eu pour but de déter- miner ces conditions. En premier lieu, j’ai montré l'in- fluence de la putréfaction sur les échanges gazeux des muscles isolés du corps; puis, isolant cette cause d’erreur dans les expériences, j'ai démontré que, contrairement à l'hypothèse d'Hermann, un muscle extrait du corps et com- plètement privé de microbes, absorbe de l'oxygène et dégage de l'acide carbonique. Dans une deuxième série de recherches, j'ai étudié la na- ture de ces deux phénomènes : absorption d'oxygène par le muscle, et dégagement d'acide carbonique. Relativement à l’absorption de l'oxygène, j'ai établi les faits suivants : 1° Le muscle cuit n’absorbe plus que des traces d’oxYy- gène ; | 2° Le muscle mort par l'extinction naturelle de ses pro- (1) Je dirai de plus que, dans toutes ces expériences, j'ai toujours vu le muscle placé dans l'hydrogène devenir rigide beaucoup plus vite que le muscle placé dans l'air. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 157 priétés vitales, en un mot le muscle mort et dont la consti- tution chimique n’a pas été modifiée, n’absorbe plus qu’une faible quantité d'oxygène. On peut établir, à l’aide d’un tel muscle, quelle part relative prennent les phénomènes physio- logiques et les phénomènes d'ordre physique à l'absorption de l'oxygène; | 3° La quantité d'oxygène absorbée diminue lorsque l’exci- tabilité diminue. Ces faits m'autorisent à conclure que l'absorption de l'oxygène par le muscle est une manifestation de la vie et qu'elle peut servir de mesure aux phénomènes d'activité. Relativement au dégagement d'acide carbonique, j'ai démontré : | | 1° Que la quantité totale d'acide carbonique dégagée par le muscle extrait du corps n’a aucun rapport avec les phénomènes d'activité dont il est encore le siège. Ces recherches m'ont fait voir que, si l’on suivait les idées admises par la plupart des physiologistes, les quantités d'acide carbonique exhalées par le muscle, indiqueraient souvent une augmentation d'activité, alors que cette activité a diminué ; 2° Que le muscle mort, comme le muscle tué par la cha- leur, dégage encore de l'acide carbonique ; 3° Que la quantité d'acide carbonique dégagée par le muscle est d'autant plus grande qu'on le soumet pendant le dégagement à une température plus élevée; 4° Qu'un muscle encore vivant, isolé du corps, dégage d'autant plus d'acide carbonique qu'il en contient une plus grande quantité préformée dans son intérieur ; 5° Qu'un muscle placé dans l’air dégage plus d'acide car- bonique qu'un muscle identique placé dans un gaz inerte. Cette série de faits m'a permis de dire que l’acide carbo- nique exhalé par le muscle provient de deux sources : 1° D'un phénomène purement physique : dégagement de l'acide carbonique préformé dans le muscle; 2° D'un phénomène physiologique : production d’acide 158 | M. TISSOT. carbonique sous l'influence de l’aclivilé vitale du muscle. Ces faits, tout en nous éclairant sur la signification de l’ab- sorption de l’oxygène comparée à celle du dégagement d'acide carbonique, nous montrent aussi que le rapport (ER 0° saurait être considéré comme un quotient respiratoire et qu'il n’a aucune signification physiologique. J'ai montré quel parti on pouvait tirer, en uülisant tous les faits cités Jusqu'ici, de la comparaison des échanges ga- zeux de deux muscles similaires placés l’un dans l'air, l’autre dans un gaz inerte. J'ai étudié, à l’aide de cette mé- thode, les échanges des muscles à l’état de repos et à l’état de travail. Voici les résultats auxquels je suis arrivé : 1° A l’état de repos, comme à l’état de travail, un muscle dégage toujours plus d'acide carbonique dans l’air que dans un gaz inerte ; 2° La différence entre les quantités d'acide carbonique produiles à l’élat de repos et à l’état de travail, est plus con- sidérable dans un muscle placé dans l’air que dans un mus- cle placé dans l'hydrogène; 3° Si l’on recherche les quantités de gaz produites et absorbées dans le phénomène purement respiratoire, on 0°? de repos, et qu'à l’état de travail il se rapproche de l'unité. Dans d’autres séries d'expériences, j'ai élabli les proposi- lions suivantes : | 1° Lorsqu'un muscle est soumis à une température crois- sante, la quantité d'oxygène absorbée croît jusqu'à un certain degré qui est optimum; elle décroît ensuite brus- quement si la température continue à s'élever, pour cesser complètement au delà de 42°, température incompatible avec la conservation des propriétés vitales du muscle (l'opti- mum est vers 32 ou 33° pour les batraciens); voit que le rapport est toujours plus petit que 1 à l’état (1) Envisagé comme on le fait habituellement. PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 139 2° Dans un muscle extrait du corps asepliquement et placé dans l’air : a. L’absorption d'oxygène et le dégagement d'acide car- bonique décroissent rapidement pendant les premiers jours, “puis plus lentement les Jours suivants, pour devenir très faibles du 13° au 15° jour; b. La quantité totale d'acide carbonique dégagée, plus considérable d’abord que la quantité d'oxygène absorbée, décroît plus rapidement que celte dernière (pendant les 4 ou à premiers Jours) et devient plus faible qu'elle à partir du 2° Jour; c. La quantité d'acide carbonique dégagée par le muscle similaire placé dans l'hydrogène, décroit brusquement et devient nulle le 6° jour; d. La quantité d'acide carbonique due aux phénomènes purement respiratoires du muscle placé dans l’air, suit une décroissance parallèle à celle de l’oxygène absorbé ; 3° L’excitabilité du muscle se conserve plus longtemps dans l'air que dans un gaz inerle; 4° La présence d'une faible quantité d'oxygène dans un gaz inerte exerce encore une action sur l'excitabilité ; 5° Le muscle en travail se fatigue plus vite dans un gaz inerte que dans l'air; 6° Le muscle devient rigide plus rapidement dans un gaz inerte que dans l'air. | CONCLUSIONS GÉNÉRALES En résumé, voici l’'énumération des faits mis en lumière dans ce travail; tous ne sont pas entièrement nouveaux, mais ] y ai ajouté les documents qui pourront servir dans leur interprétalion. 160 | M. TISSOT. Chapitre premier. — Dans ce chapitre, je me suis altaché à démontrer que l’excitabilité musculaire et la rigi- dité cadavérique ne sont pas deux phénomènes incompa- tibles l’un avec l’autre, et que, quelle que soit l'hypothèse admise pour expliquer la rigidité, l’excitabilité et la con- traclilité peuvent encore persister dans les muscles rigides. Dans une première série d'expériences, j'ai démontré : 1° Que les nerfs en état de mort apparente peuvent en- gendrer dans le muscle la production du courant d'activité; 2° Que les muscles ayant déjà perdu toute contractilité répondent à l’excilation de leur nerf par un phénomène élec- tromoteur ; 3° Qu'une excitation trop faible pour déterminer une contraction détermine néanmoins l'apparition du courant d'activité ; Dans une autre série de recherches, J'ai vu : 4° Que l'apparition de la rigidité cadavérique n'est pas une preuve de la mort des muscles; elle peut s'établir avant que l’excitabilité des nerfs ait disparu; l’excitabilité directe du muscle rigide (exeitabilité électrique, mécanique ou chi- mique) peut persister longtemps, pendant plus de deux jours (fœtus) ; 5° Certains agents chimiques : chloroforme, ammonia- que, agissant en vapeurs sur le muscle rigide, y délermi- nent une contraction lente d'autant plus faible que la rigi- dité est établie depuis plus longtemps. Il existe une période d’hyperexcitabilité pour les vapeurs de chloroforme ; 6° Les vapeurs de chloroforme agissent sur les muscles comme excitants et non comme agents coagulants. Il est pos- sible qu'il y ait les phénomènes de coagulation, mais ils ne sont que secondaires à l'excitation; | PHÉNOMÈNES DE SURVIE APRÈS LA MORT GÉNÉRALE. 1Â61 Chapitre deuxième. — 7° Ea rigidité est un phéno- mène général chez les animaux; elle ne manque jamais. Le fœtus devient loujours rigide ; 8° La rigidité commence à se manifester dans les muscles immédiatement après la mort; 9° Comme la fatigue musculaire, l'inanilion accélère le développement et diminue la durée de l’état de rigidité; 10° La matière glycogène ne diminue pas dans les mus- cles rigides ; 11° Le muscle est un corps extrêmement sensible aux variations hygrométriques; aussi doit-on se demander si les mouvements spontanées d’élongation et de raccourcisse- ment observés par Brown-Séquard ne sont pas dus à ces va- riations ; 12° La pulréfaction n'est pas la véritable cause de la dis- parition de la rigidité. Cette cause réside dans le muscle lui- même ; 13° Le système nerveux n’exerce aucune action sur le développement de la rigidité. Chapitre troisième. — 14° En l'absence de toute putré- faction, un muscle isolé du corps et placé dans l'air dégage de l’acide carbonique et absorbe de l'oxygène; 15° Il est nécessaire dans l'étude des échanges gazeux du muscle avec l’air, d'opérer en évitant la putréfaction ; 16° L’absorption d'oxygène par le muscle est un phéno- mène vital et étroitement lié aux phénomènes physiologi- ques ; | 17° La quanlité totale d'acide carbonique dégagée ne pré- sentant pas de relation constante avec les phénomènes physio- logiques du muscle. ne peul pas êlre prise comme mesure de son activité; seule la quantité d'oxygène absorbée peut êlre utilisée dans ce but ; 18° L'acide carbonique dégagé par le muscle provient de deux sources : 4. D’un phénomène physique: dégagement de l'acide préformé dans le muscle; 4. d’un phénomène physio- ANN. SC. NAT. ZOOL. EU 162 M. TISSOT. logique : production d'acide carbonique sous l'influence de l’activité vilale ; 19° on oirement aux conclusions d’ Hermann, il se pro- duit dans le muscle placé dans l’air, un phénomène de respiration avec absorption d'oxygène et production d’acide carbonique. Ce phénomène se produit en l’absence de toute putréfaction à la surface du muscle. Il peut être mis en évi- dence et étudié en comparant les échanges gazeux du muscle placé dans l’air à ceux d’un muscle identique placé dans un gaz inerte; 20° Si l’on étudie ce phénomène de respiration à Pétat 0} Lu considérablement inférieur à l'unité à l’état de repos, s’en rapproche notablement à l’état de travail ; 21° Lorsqu'un muscle est placé dans l’air et à une tempé- rature régulièrement croissante, ses échanges gazeux crois- sent jusqu à un certain degré qui est optimum (32 ou 33° pour les muscles des batraciens); au delà, ils décroissent rapidement pour cesser à peu près complètement lorsque la température est devenue incompatible avec la conservation de la vie; 22° Dans un muscle isolé du corps et abandonné à l'air (mais à l'abri de la putréfaction), les échanges gazeux dé- croissent régulièrement, rapidement d’abord et ensuite plus lentement, pour devenir très faibles vers le quinzième Jour. Le dégagement d'acide carbonique par un muscle placé dans l hydrogène décroît très rapidement et devient nul vers le sixième Jour; 23° L'excilabilité musculaire disparaît plus rapidement dans un gaz inerte que dans un milieu oxygéné. Le muscle en travail se fatigue plus vite dans gaz inerte que dans l'air. Ilse rigidifie de même plus vite dans l'hydrogène que dans l'air. de repos et à l’état de travail, on voit que le rapport ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS Par M. LOUIS ROULE Professeur à la Faculté des Sciences de Toulouse. PREMIÈRE PARTIE; DEUXIÈME ÉTUDE LA SEGMENTATION OVULAIRE ET LE FACONNEMENT DU CORPS CHEZ L'ASELLUS AQUATICUS L. $ 1. — Considérations générales. I. — J'ai décrit, dans un précédent mémoire (1), le dévelop- pement d’un Isopode : le Porcelho scaber. Il est utile de résumer, au préalable, les plus importantes de ses parlicu- larités, afin de pouvoir les opposer à leurs correspondantes d’un autre [sopode, l’Ase/lus aquaticus, dont les premières phases de l’embryogénie font l'objet du présent travail. De cette comparaison ressortiront plusieurs données essen- tielles, concernant l’embryologie générale des Crustacés. L'œuf du Porcellio contient une grande quantité de deutolécithe; celui-ci le compose pour la majeure part. Le blastolécithe est répandu dans sa masse ; mais une certaine quantité se condense à la surface de l’un des pôles ovulai- (4) Études sur le développement des Crustacés; première partie, première étude : le développement du Porcellio scaber Leach. — Ann. sc. nat. Zool,, XVIII, 1894. | 104 LOUIS ROULE. res, et y constitue une cicatricule. La fécondation opérée, cette dernière grandit, par l'annexion constante du reste du blastolécithe ; elle s'étale autour de l’ovule, et, ce faisant, elle se résout en cellules. Au moment où se terminent les effets de ces impulsions génétiques, l’ovule, ou plutôt son deutolécithe, est entouré par une couche cellulaire, qui n’est autre que le blastoderme. En résumé, l'œuf, dès son début, porte une cicatricule; et celle-ci se segmente seule pour produire le blastoderme. Ce dernier engendre les deux feuillets primordiaux : le protectoderme et le protendoderme. Pour ce faire, l’assise épithéliale, qui le constitue, se multiplie par sa face interne ; les éléments, qui prennent ainsi naissance, se répandent dans le vitellus sous-jacent. Le blastoderme s’est dédoublé, par ce moyen, en une couche épithéliale, sa persisiance directe, el un ensemble de cellules éparses, situées plus profondément, et plongées dans le deutolécithe; le premier est le protectoderme; le second, qui répond à un mésen- chyme d’une nature particulière, est le protendoderme. — Le protectoderme demeure tout entier en qualité d'ectoderme définitif. Le protendoderme, par contre, se dédouble à son tour, et se subdivise en endoderme et mésoderme. Pour cela, plusieurs de ses éléments, rassemblés en deux groupes symétriques situés dans la moitié antérieure de l'embryon, se rapprochent, s'accolent étroitement, et se disposent en rangées épithéliales; ces dernières, au nombre de deux comme les groupes dont elles dérivent, s'unissent par la suite, de manière à composer une vésicule impaire et mé- diane, placée dans l’intérieur même du corps : cette vési- cule est l’entéron, et sa paroi épithéliale, issue d’un mésenchyme primordial, répond à l’endoderme. Les autres cellules protendodermiques, qui ne prennent aucune part à cette genèse, demeurent dans leur disposition mésenchy- mateuse, et, en augmentant leur nombre par leur prolifé- ration incessanle, constituent le mésoderme. —J, Nüssbaum a publié tout récemment, d’une manière complète, ses DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 165 recherches sur le développement de deux Isopodes : la Ligia oceanicæ et l’'Oniscus murarius. Bien que ses études ne concordent point avec les miennes sur plusieurs points, et qu'il ne se soit pas rendu comple de ce façonnement des feuillets embryonnaires, les dessins, et les descriptions qu'il donne. permettent d'affirmer que les traits essentiels de l’évolution sont identiques à ceux trouvés par moi-même chez le Porcellio. Sans aller plus loin dans les détails de la genèse organi- que, le corps de l’embryon, d’abord globuleux comme l'ovule dont il provient, perd de ses dimensions dans un sens, et paraît augmenter, par conséquent, dans la direction contraire, qui concorde avec le futur axe longitudinal de l’économie. En d’autres termes, la forme extérieure du corps s’élablit, aux dépens de l’œuf sphérique, par la pré- pondérance constante d’un axe sur l’autre. Aucun déplace- ment ne se manifeste à cet égard; le petit être ne se recourbe point sur lui-même, et il abandonne sa coque, sans que sa taille en longueur soit devenue supérieure au diamètre de l’œuf. Les principes directeurs de l’embryogénie sont sembla- bles chez tous les [sopodes, et l’Ase//us ne s’écarte point, à _ leur sujet, du Porcelho ; le blastoderme engendre les feuil- lets de la même manière, et ceux-ci produisent les organes de la même façon. [Il est pourtant, entre eux, des différences de deux sortes, dont l’une touche à la segmentation de l'ovule, et l’autre à la forme extérieure du corps. La pre- mière dépend de la quantité du deutolécithe amassé dans l'œuf, et la seconde découle de l’espace laissé à l'embryon ‘ pour évoluer dans sa coque. Les qualités à cet égard diffè- rent d’un genre à l’autre; et les particularités, offertes par l’Asellus sous ces deux rapports, sont importantes en ce sens qu'elles expliquent des phénomènes plus complexes possédés par les Crustacés supérieurs, et au sujet desquels les interprétations, fournies jusqu'ici, semblent être erronées. | | | 166 LOUIS ROULE. IL. — Tandis que l’ovule des Porcellio est muni d'une cicatricule, celui des Ase/lus en est privé; le vitellus évo- lutif se mélange intimement au vitellus nutrilif, de manière à intéresser l’œuf entier dans la segmentation, et à rendre totale cette dernière. L’ovule se parlage en blastomères coniques, rayonnant autour d’un centre commun; chacun de ceux-ci possède un noyau, placé dans la zone externe du segment. Puis, lorsque cette scission préliminaire s'achève, le vitellus évolutif de chaque blastomère s’amasse dans la zone pourvue du noyau, et se sépare du deutolécithe plus interne, en devenant ainsi une cellule complète; en outre, cette dernière se subdivise, de manière à engendrer des éléments nombreux et pelits. Par ce moyen, la surface de l’ovule se recouvre d’une couche de cellules juxtaposées, qui composent le blastoderme. Ce phénomène ne s’accom- plit pas partout en même temps; il débute dans la région qui deviendra la tête de l'embryon, et progresse de là vers l'extrémité opposée de l'ovule, en avançant plus rapide- ment sur la face ventrale que sur la dorsale. Il est curieux de remarquer que ce commencement, et celte suite, concor- dent exactement avec les phases similaires, offertes par la cicatricule du Porcellio. La segmentation des Ase/lus se produit ainsi en deux temps successifs. Tout d’abord, se manifeste une segmenta- Uon totale, qui intéresse l’ovule entier, vitellus évolutif et vitellus nutrilif réunis. Puis vient une segmentation par- tielle, qui aboutit au faconnement du blastoderme ; le vitel- lus évolutif se sépare du nutritif, se porte à la périphérie de ce dernier, s’y subdivise en cellules, entraîne avec lui toutes les parcelles nucléaires, qu'il conserve, et donne l’assise blastodermique. — En somme, l’ovule fécondé subit une segmentation totale préliminaire, qui le convertit en mo- rule ; puis il présente une segmentation partielle et super- ficielle, qui le change en une planule lécithique, dont le blasioderme enveloppe la vésicule vitelline. Celle-ci est composée par l'union intime des parties internes des blas- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 167 tomères, chargées de vitellus nutrilif, et privées de noyaux. Le blastoderme de celte planule engendre les feuillets, qui produisent à leur tour les organes, de la même manière que chez le Porcelho ; au fur et à mesure de ces progrès de l’évolution, les ébauches des appendices apparaissent par paires sur les côtés du corps, et se perfectionnent. Le corps entier s'établit ainsi, dans sa structure intime comme dans son aspect extérieur; mais, contrairement au Porcellio, il demeure globuleux, du moins dans son début, et ne s’al- longe pas d'une manière progressive. La forme définitive de l’économie est donnée par un procédé spécial, et brus- que, dont les Porcellio sont privés. Au moment où les appa- reils internes commencent à se développer, et où plusieurs des paires de membres ont pris naissance, le corps se fend dans sa partie dorsale. Cette fente esi une dépression super- ficielle, longue et étroite, perpendiculaire au futur axe lon- gitudinal, qui pénètre dans l'embryon, et s'enfonce jusque vers le milieu de l’économie. Ensuite, lorsque ce phéno- mène s'achève, les deux régions, ainsi séparées par cette fente, s’écartent l’une de l’autre, en tournant autour de la partie ventrale du corps demeurée indivise, comme deux valves autour de leur charnière. Ce mouvement, qui serait gêné par la coque ovulaire si l'embryon conservait le même volume, s’accomplit grâce à la diminution de l'économie consécutive à la résorption du vitellus nutritif. De même que chez le Porcellio, et que chez tous les animaux, le deu- tolécithe, à cause de son hydratation plus grande, occupe une place plus considérable que les tissus qui découlent de lui. Ainsi, pour résumer les deux qualités essentielles des Asellus, en ce qui concerne leur développement : la segmen- lation, d’abord totale, se continue par une segmentation partielle, qui conduit à une planule lécithique; le corps, d'abord globuleux, prend son aspect définitif en se fendant dans sa région dorsale, et écartant l’une de l’autre les deux parts ainsi isolées. 168 | LOUIS ROULE. Plusieurs auteurs se sont occupés de l'embryogénie des Asellus ; seulement, leurs mémoires remontent à une tren- taine d'années, et les méthodes employées alors, comme l’état incomplet des connaissances acquises à cette époque sur le développement des êtres, ne leur ont pas permis d'approfondir les faits, ni de les meltre au point. Le pre- mier en date, de ces travaux, est dû à A. Dohrn; publié en 1867, il contient l’exposé entier de la série des phases, touchant les formes extérieures présentées par les em- bryons; la segmentation ovulaire est quelque peu écour- tée. Par contre, Ed. Van Beneden, dans une étude posté- rieure de deux ans à la précédente, examine avec une attention plus grande les phénomènes de la scission ovu- laire, et surtout ceux de la segmentalion totale préliminaire. — Depuis, à ma connaissance, aucun autre travail n’a été publié sur ces animaux. Il n’en a pas été de même pour des êtres voisins, et notamment pour les Amphipodes ; ceux-ci ont été l’objet de plusieurs mémoires, dont la plupart sont récents. Pourtant, les auteurs se sont attachés surtout à suivre l’évolution des feuillets, qui ne présente aucune par- ticularité spéciale, et au sujet de laquelle ils diffèrent d’opi- nion, pour négliger la segmentation. Les principales, des données relatives à celle-ci, sont dues à Ulianin et à Della Valle; elles dénotent une remarquable ressemblance de procédé avec les Asellus, qu'il importe de mettre en lumière, afin d'établir avec précision la série graduelle des altéralions des phases embryonnaires chez les Arthro- podes. Mes études ont été faites d'après deux méthodes : en examinant les œufs et les embryons par transparence, et en pratiquant des coupes dans divers sens. Ces dernières sont assez difficiles, à cause de la petitesse des objets ; elles m'ont permis de me rendre compte de la similitude parfaite, établie entre les Porcellio et les Asellus, au sujet de la genèse de leurs feuillets et de celles de leurs organes. L'examen par lransparence m'a donné des résultats plus DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 169 complets en ce qui concerne la segmentation et le façonne- ment du corps; comme ces deux points seuls sont traités dans ce mémoire, les dessins des planches expriment les faits acquis par ce moyen. — Dans cet examen, j'ai employé deux procédés. En ce qui touche l’aspect extérieur, je me suis borné à examiner les objets frais, et tels que je les relirais de la cavité incubatrice de la femelle. Au sujet de la connaissance des phénomènes qui s’accomplissent dans l'intérieur de l’œuf, je me suis très bien trouvé de la liqueur de Ripart et Petit, additionnée de vert de méthyle en faible quantité ; ce réactif, à la fois pénétrant, fixateur el colorant, m'a rendu d'excellents services. 8 2. — Segmentation de l'œuf. I. Considérations générales. — Ainsi qu'il a été établi dans le paragraphe précédent, la segmentation ovulaire s’accom- plil en deux temps : le premier temps se rapporte à une segmentation totale ; le second temps correspond à une segmentation partielle et superficielle. — La cause de ces deux faits doit être cherchée, sans doute, dans la teneur moyenne de l'œuf en vitellus nutritif. La quantité de ce der- nier est assez minime pour que le vitellus évolutif soit, au moment de la fécondalion, incorporé dans toute sa masse; comme ce blastolécithe est le seul qui se divise, il entraîne avec lui le deutolécithe, et le force à se segmenter. D'autre part, cette quantité est assez grande pour que, dans les phases ultérieures de l’évolution, le vitellus nutrilif soit une gêne pour l’autre ; celui-ci se sépare alors de celui-là, évolue pour son propre compte en engendrant les feuillets et les organes, et laisse le deutolécithe s’accumuler en une vésicule vitelline. La segmentation partielle du blastolécithe seul succède à la division totale préliminaire ; et le vitellus autrilif se borne à servir d’aliment. sans contribuer d’une manière directe à la production des cellules de l’orga- nisme. . | 170 LOUIS ROULE. IT. Premier temps de la segmentation, ou segmentation totale (figures 1 à 7, et 11 à 18). — L'ovule des Asellus est de petite taille ; au moment de sa fécondation, ses dimen- sions ne dépassent guère un demi-millimètre de diamètre. Sa substance est homogène, remplie de granulations ; elle est limitée à sa périphérie par une très mince couche dense elhyaline. Celte assise correspond à la condensation superfi- cielle du blastolécithe, disséminé, dans tout le reste de l’ovule, entre ces granules. La teinte générale est d’un jaune bistre assez clair. Tout en dehors se trouve une très fine membrane vilelline, qui se plisse, et disparaît d'ordinaire, dès les pre- mières phases de la segmentation. La figure 1 exprime l'aspect exlérieur d’un ovule ainsi conformé. La figure 2 montre, sur une coupe optique, un de ces ovules dès la première scission. Le noyau, placé au centre du vitellus, se scinde en deux; l’une de ses parls se coupe à son tour en deux tronçons ; et le protoplasme ovulaire se divise en deux segments. Ces derniers sont à peu près égaux, ou peu inégaux. — Les figures 2 et 12 se rapportent à une segmentalion un peu plus avancée. Chacun des blas- tomères précédents se seclionne à son tour; la scission nucléaire précédant toujours celle du protoplasme, de ma- nière que certaines des parties de l’œuf contiennent deux ou plusieurs noyaux. Il est à remarquer que les limites des blastomères ne parviennent point au centre de l’ovule ; ces éléments se séparent vers leur périphérie, mais demeurent unis, dans la région centrale, en une masse indivise. La segmentation continue ainsi par les mêmes procédés, en conservant toujours ses qualités d'égalité et de totalité. Les figures 3 et 13 montrent un état un peu plus avancé que le précédent ; de même les figures 4, 5, 14, 15, 16, se rap- portent à des phases postérieures à celui-ci. Les blastomères continuent à se scinder dans leur portion périphérique, de manière à augmenter en nombre. Leur surface extérieure, encore lisse, fait partie de la surface d’une sphère ; leurs parois de séparation, n’arrivant pas dans la zone centrale DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 171 de l'ovule, laissent cette dernière compacte, et rassemblée en un tout cohérent. Le vitellus nutritif continue à rester mélangé au vitellus évolutif, de telle sorte que toutes les régions de tous les blastomères soient semblables entre elles. — Parfois, la membrane vitelline disparaît en ce moment ; dans d’autres cas, elle demeure plus longtemps encore; la diversité à cet égard, fort grande entre les ovules d'une même ponte, n’a, du reste, aucune importance. Les choses changent quelque peu, lors des états qui sur- viennent immédiatement après. Par leurs divisions répétées, les blastomères sont arrivés à être très nombreux ; chacun d'eux possède l'aspect d'un cône, dont la base occupe la périphérie de l'œuf, et dont le sommet est tourné vers le centre. Chacun contient un seul noyau, placé non loin de la région superficielle. L'ovule entier consiste en un assemblage de ces éléments juxtaposés, serrés les uns contre les autres, et rayonnant également vers le centre. Sa surface extérieure est bosselée, car la base de chaque blastomère se soulève en une petite saillie. Le centre même de l'œuf est compact, car les plans de scission n’y pénètrent jamais. Les figures 6, 17 et 18 expriment la structure de l'œuf, parvenu à ce moment de son évolution. — Les deux sortes de vitellus sont encore mélangées l’une à l’autre ; seulement, le blastolécithe com- mence à se séparer du deutolécithe. Le premier tend à se porter vers les zones extérieures des segments coniques, qui contiennent les noyaux ; aussi, ces zones superficielles soni- clles plus transparentes, et moins chargées de granules, que les autres. Par contre, le vitellus nutritif se condense de préférence dans la partie centrale de l’ovule, qui prend, de ce fait, une teinte plus sombre et un aspect plus gra- nuleux. Le premier temps de la scission ovulaire est alors arrivé à sa fin. Il consiste en une segmentation totale et égale, qui converlit l’ovule fécondé en une morule. Celle-ci se compose d’une seule rangée de blastomères coniques, égaux et de structure identique, qui s’'irradient autour d’un point central 172 LOUIS ROULE. H - pour donner à l’ensemble sa forme sphérique. Chacun de ces éléments ne possède qu'un noyau placé dans sa région extérieure ; de plus, son vitellus évoluiif se transporte vers le noyau, qu'il enveloppe, et de manière à se séparer du deutolécithe. Par ce moyen, la zone extérieure du blastomère tend à s’isoler des parties internes, et à devenir une cellule complète, capable de se subdiviser et de proliférer. C'est dans l’accomplissement de cette constitution cellulaire superficielle, que consiste le second temps de la segmen- tation. | IT. Second temps de la segmentation, ou segmentation par- lielle et superficielle (figures 7 à 10, et 18 à 25). — Les figures 7 et 19 expriment la première phase de ce nouveau phénomène. Dans une région de l’ovule, qui correspond à la future tête de l’animal, le vitellus évolutif des blastomères se sépare du vilellus nutritif, entoure le noyau, et entre en prolifération rapide. Alors que le deutolécithe demeure inerte désormais, et n’est plus desliné qu'à servir d’aliment, le blastolécithe, ainsi reporté à la surface de l’œuf, conserve sa capacité génélique, et se subdivise en petites cellules. Ces dernières représentent le premier rudiment du blastoderme ; elles se distinguent avec netteté des autres blastomères par leur taille plus restreinte, et par leur aspect hyalin, car leur protoplasme est à peu près privé de granules. Elles compo- sent une sorte de calotte, qui occupe le pôle antérieur de l’ovule. — Celle calotte va grandir désormais, en s’adjoignant sans cesse de nouveaux éléments semblables à ceux qui la constituent, et formés par le même moyen aux dépens des autres blastomères. Elle finit ainsi par recouvrir entièrement la surface de l'œuf ; et, lorsque cette évolution se termine, le blastoderme se trouve achevé. Il est à remarquer que les premières indications de celui-ci se manifestent dans une région ovulaire, qui équivaut, par sa siluation, à la cicatri- cule de l'œuf du Porcellio. De même, l'extension du blasto- derme progresse avec plus de rapidité sur la face ventrale DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 173 que sur la face dorsale ; de telle sorte que cette assise primor- diale se complète, et se ferme, dans la partie dorsale de l'embryon. Les figures 8 et 20 montrent un état un peu plus avancé. La calotte blastodermique recouvre, à quelque chose près, toute la moitié antérieure de l'œuf. Ses éléments, dont cha- cun est muni d’un noyau, sont encore confondus avec le vilellus nutritif par leur base. Ce deutolécithe présente, à son tour, des phénomènes manifestes d'union ; ses diverses parts s'unissent les unes aux autres, pour constituer une seule masse compacle, uniformément granuleuse, qui deviendra la vésicule vitelline interne. — La membrane vitelline a tou- jours disparu, lors de cette phase. Mais l’œuf ne demeure pas à nu; il se recouvre d’une fine enveloppe cuticulaire, exsudée par les éléments du blastoderme. Cette cuticule est encore directement adjacente au blastoderme qui la produit. Elle ne tardera pas à s’en séparer, pour laisser entre elle et lui un espace appréciable, quoique fort étroit. La calotte blastodermique continue à progresser, et à entourer le deutolécithe, désormais bien établi dans son caractère de vésicule vitelline. Les cellules, dont elle est formée, sont disposées sur une seule rangée ; elles se séparent du vitellus nutritif par une membrane appréciable, et prennent de ce fait un aspect cubique. Leur ensemble recou- vre à la fois l'extrémité antérieure et la face ventrale de l'embryon. En outre, elles sont en voie de prolifération constante, et engendrent par leur face profonde des élé- ments qui, par suite de leur procédé génétique, se trouvent sous-jacents à elle-même, et plongés dans les zones exté- rieures de la vésicule vitelline. Ce fait se rapporte à la pro- duction des deux feuillets primordiaux aux dépens du blas- toderme. Ce dernier, ainsi que cela se présente chez le Porcellio, n'attend pas d’être complet pour se subdiviser ; il engendre le protectoderme et le protendoderme au fur et à mesure de son évolution. . : L'extension du blastoderme marche, suivant le même 174 LOUIS ROULE. mode, plus rapidement sur la face ventrale du corps em- bryonnaire que sur la face dorsale. Aussi, au moment où il est presque achevé, il s'offre comme une assise cellulaire, qui revêt l'extrémité antérieure, la face ventrale, et l’extré- mité postérieure de l’œuf, laissant libre la zone dorsale : celle-ci est encore constituée par des blastomères volumi.-- neux, semblables à ceux qui forment l'ovule lors du premier temps. Les mêmes phénomènes ne tardent pas à s'effectuer à leur égard ; et, en définitive, le blastoderme s'achève en se fermant dans cette région dorsale. Son mode de propaga- tion est donc identique à celui que possède la cicatriceule du Porcellio. Le second temps de la segmentation s'achève alors. Cette segmentalion est partielle, puisqu'elle intéresse seulement une portion des blastomères ; et elle est superficielle, car les zones extérieures de ces mêmes blastomères entrent seules en jeu, à cause de la localisation du blastolécithe qui s’ac- complit en elles. L’ovule qui, au moment de la terminaison du premier temps, consistait en une morule composée de gros blastomères coniques, est devenu une planule lécithi- que. Celte planule, enveloppée par une fine membrane cuti- culaire, est constiluée par un blastoderme externe, et une vésicule vitelline interne. Le blastoderme consiste en une seule assise de petites cellules qui, depuis leur première apparition, se mulüplient afin ae subvenir à la genèse des deux feuillets primordiaux. Les éléments intérieurs et épars, disséminés dans les zones superficielles de la vésicule vitel- line, représentent le protendoderme. Les éléments extérieurs qui, par leur siluation, continuent directement le blasto- derme initial, forment le protectoderme. L’ovule, dans sa segmentation, aboutit donc aux mêmes résultats que celui du Porcellio. Les procédés employés sont différents, mais Les effets se correspondent exactement, et la suite de l’évolution concorde de même. Les feuillets primordiaux engendrent les feuillets définitifs, et ceux-ci produisent les ébauches des organes, par des moyens identiques à ceux que j'ai décrits DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 175 au sujet du Porcellio; il suffit de se reporter aux descriptions données dans mon premier mémoire, pour connaître les phénomènes présentés par les Ase/lus à ce sujet. $ 3. — Développement de la forme extérieure du corps. Au moment où la segmentation vient de se terminer, le jeune embryon conserve la forme globuleuse, ou largement ovalaire, qu'avait l'œuf dont il provient. Cet aspect ne s’ac- corde pas avec celui du corps de l’adulte, car celui-ci est allongé. Le passage de l’un à l’aulre s'effectue chez le Porcellio par une diminution de taille dans le sens trans- versal, qui continue jusqu'au moment où l'individu possède son allure définitive. Il n’en est pas de même pour les A sellus ; le corps se fend dans sa région dorsale, et les deux moitiés s’écartent l’une de l’autre pour donner à l’économie son organisation finale. Les figures de la troisième planche, allant du n° 23 au n° 30, indiqnent les diverses phases de ce phénomène. Tout au début de cette série de faits, et alors que le blas- toderme laisse encore à nu une partie de la zone dorsale de la vésicule vitelline, l'embryon produit ses premières paires de membres. Celles-ci naissent dans la moitié antérieure du corps, et sur sa face ventrale; elles se forment les unes après les autres, la paire la plus antérieure étant la première en date. Chacun de ces membres consiste, comme ses simi- laires du Porcellio, en une petite saillie conique. De plus, les Asellus engendrent deux annexes dont les Porcellio sont privés; ces derniers sont également des saillies superfi- cielles, mais qui ne s’intercalent point dans la série des mem- bres, el demeurent toujours en dehors d'elle. Ils consistent en deux mamelons latéraux, et symétriques, placés sur les côtés du corps, à peu près à égale distance de la face dorsale et de la face ventrale. Le point où ils s’insèrent marque exactement le niveau où s’arrêtera la fente, qui par- tage la région dorsale de l'organisme en deux moitiés. Leur sommet libre porte trois petits lobes juxtaposés, à peu près 176 | LOUIS ROULE. égaux, dont la présence donne à l'appareil la forme d’une minuscule feuille de trèfle. Leur paroi est donnée par le protectoderme ; elle consiste en une assise de petites cel- lules. Leur intérieur ne contient pas de vitellus nutritif, contrairement aux membres véritables, et renferme un li- quide transparent. Ainsi établis, ces deux annexes com- posent ce que les auteurs nomment l'organe dorsal des Asellus. | Le blastoderme se ferme ae sur le pôle dorsal de l'embryon. Exactement dans la zone où il vient de se compléter, une dépression étroite et transversale, semblable à une mince fente, se manifeste, et s'enfonce dans le corps. Cetle dépression est allongée suivant la direction d’une ligne qui unirait les bases des deux pièces del’organe dorsal ; par- fois, elle est un peu oblique à ce dernier sens, mais, en somme, son orientation générale est celle qui vient d’être indiquée. Cette dépression est la première indication de la fente qui coupe en deux la parlie dorsale de l'embryon. La cuticule est devenue un peu plus épaisse que dans les phases précédentes. Au lieu de s'appliquer sur le corps, elle est soulevée par les appendices, et se trouve séparée de l’em- bryon, en laissant entre elle el lui un espace rempli par un liquide. Cet espace est plus ample dans la région antérieure de l’économie, où les membres sont plus volumineux, que dans la région postérieure. Les pièces de l'organe dorsal la soulèvent également, et se comportent comme les membres à son égard. Une nouvelle couche cuticulaire prend nais- sance en dedans de la précédente, et recouvre exactement l'organisme avec ses diverses parties. La première cuticule est ainsi devenue une sorte de fourreau, qui enveloppe l’em- bryon sans se mouler sur lui, et qui remplace la membrane vitelline disparue. Pendant que cette dépression dorsale s'établit et s’ appro- fondit, les paires de membres continuent à prendre nais- sance, en procédant avec régularité d'avant en arrière. Les deux paires les plus antérieures donneront les deux paires DÉVELOPJIEMENT DES CRUSTACÉS. 177 d'antennes ; celle qui les suit fournira les mandibules ; toutes les trois, un peu plus fortes que les autres, s’insèrent sur le corps à un niveau un peu plus élevé. En arrière, se disposent les paires d’appendices qui deviendront respecti- vement les mâchoires, les pattes thoraciques et les pattes abdominales. — Les deux pièces de l'organe dorsal gran- dissent beaucoup, et deviennent volumineuses. Toujours égales entre elles et symétriques, chacune s’insère sur le corps par une large base. Leur sommet continue à porter les trois lobes primitifs, rendus plus gros à leur tour; le lobe médian est à peu près sphérique, et Les deux latér aux l’encadrent à la façon de lames minces terminées par un bord presque tranchant. La première cuticule est soulevée par ces pièces comme elle l’est par les ébauches des mem- bres ; elle s'attache étroitement à leurs parois au niveau de la base des trois lobes, el s’écarte de là pour se tenir à une certaine distance du reste de l'organe. Tout en modifiant ainsi sa disposition extérieure, forba aisme embryonnaire conserve encore sa forme heriques el produit en dedans, aux dépens de ses feuillets, les ébau- ches des principaux organes. L’ectoderme s’épaissit dans la région antérieure de l’économie, et sur la ligne médiane de sa face ventrale, pour donner les premières indications des centres nerveux. Le proctéon et le stoméon, chargés de fournir respectivement l'intestin postérieur et l'intestin an- térieur, prennent également naissance aux dépens de dé- pressions ectodermiques, celui-là un peu plus tôt que celui- ci. Les phénomènes génétiques concordent entièrement à cet égard avec leurs similaires du Porcellio ; mais non pas en ce qui concerne la situation du proctéon dans l’économie du petit embryon. Le proctéon, au lieu de se percer exacte- ment sur l'extrémité postérieure du corps, se creuse sur sa face dorsale, au milieu même du bord postérieur de la dé- pression qui s’élablit sur cette face. Ce déplacement dans l’espace, des plus remarquables, est entraîné par le procédé du façonnement organique. Du moment où les deux parties ANN. SC. NAT. ZOOL. 42 178 LOUIS ROULE. de l’économie, séparées par la dépression, s’écartent l’une de l’autre pour devenir les deux extrémités du corps, celle qui se convertira en extrémité postérieure doit L PORS l'anus, et c’est ce qui arrive en effet. Le corps diminue ensuite de volume par le même phdotE que chez le Porcelho. À mesure qu'’augmente le nombre des éléments issus des feuillets, et destinés à fournir les ébau- ches des organes, le vitellus nutritifserésorbe, et lestissus qui prennent sa place occupent moins d'espace que lui. En somme, le corps de l'embryon se contracte, et cette con- traction se fait sentir de préférence au sujet de la fente dor- sale, qui s’amplifie. Cette fente descend jusqu’au niveau des deux pièces de l’organe dorsal, et coupe ainsi la région dor- sale de l'embryon en deux moitiés ; elle ne va pas plus loin, et laisse indivise la zone venirale. Par l'effet de la contrac- tion totale, qui entraîne l'augmentation de la fente, les deux moitiés dorsales s’écartent l’une de l’autre, en tournant au- : tour de la partie ventrale comme les deux valves d’une co- quille autour de leur charnière. Lorsque ce mouvement a pris une certaine extension, l'aspect extérieur de l'embryon se trouve complètement changé. Le petit être, au lieu de se présenter avec une forme globuleuse, apparaît recourhé sur lui-même, sa courbure regardant en haut. L'espace inter- posé à ses deux branches n’est autre que cette dépression première, limilée par l’ectoderme, qui s'agrandit sous l'effet de la contraction de l’organisme. Les figures 27, 30, et 29 précisent, avec plus de netteté qu'une description, les phases successives de ce phénomène. — En résumé, les embryons des Asellus arrivent à acquérir leur forme exté- rieure en se fendant dans leur région dorsale, un peu après que la segmentation s’est lerminée, et écartant l’une de l’autre Les deux moitiés ainsi délimitées. Le sommet inférieur de la dépression ne dépasse point les bases des deux pièces de l'organe dorsal. Üneligne, joignant ces deux pièces, constituerait une sorte de pivot virtuel, autour duquel les deux extrémités du corps tourneraient DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 179 pour s’écarter l’une de l’autre. Les auteurs ont émis diverses appréciations au sujet de cet appareil ; l'opinion la plus ac- ceptée est que ces deux pièces correspondent à des épines de Zoé modifiées. Il convient de remarquer tout d’abord, en cette occurrence, que le terme d’organe dorsal est fort peu mérité ; les deux éléments constitutifs sont, en effet, plutôt latéraux que dorsaux ; quant à les prendre pour des ai- guillons de Zoé, aucun fait ne motive une telle assertion. Les Zoé sont des larves secondaires, spéciales à certains des Schizopodes et des Décapodes, et faisant complètement dé- faut aux Édriophthalmes : d'autre part, la forme trilobée de ces appendices s'accorde mal avec une pareille comparaison. — Leurs connexions et leur forme semblent plutôt indiquer que la présence de ces appareils latéraux est liée au phéno- mène précédemment décrit. Il faut une certaine mobilité à l'organisme pour pouvoir accomplir l'écartement de ses deux extrémités ; de plus, 1l lui importe, dans ce mouvement, de n'être point gêné par ses enveloppes. Au moment où cette évolution s’accomplit, la membrane vitelline a disparu, et se trouve remplacée dans son rôle par une couche cuticulaire. D'après la façon dont cette assise se comporte à l'égard des pièces de l’organe dorsal, elle paraît être entraînée el sou- levée par ces pièces elles-mêmes. Autant qu'il est permis d’en juger en cette circonstance, ces dernières semblent jouer le rôle d’écarteurs, et ce nom leur convient sans doule. A mon sens, ces appendices latéraux sont chargés de main- tenir l'enveloppe cuticulaire à une certaine distance du corps, de manière que le mouvement des deux extrémités ne soit point gêné dans son amplification progressive. $S 4. — Particularités secondaires du développement. Les données principales, des phénomènes que j'ai ob- servés, ont seules été décrites dans les pages qui précèdent. Il est utile cependant de préciser certains détails de moindre valeur, afin de mieux montrer les relations et les diffé- rences du développement des Porcelho et de celui des 180 LOUIS ROULE. Asellus. La série des figures, annexées à ce ARE peut servir de guide en cette matière. La figure 1 se rapporte à un œuf non encore segmenté. Ce dernier est sphérique, ou largement ovalaire, et entouré par une fine membrane vitelline. Un espace étroit, rempli par un liquide hyalin et transparent, sépare cette membrane du vitellus. Celui-ci présente une structure uniforme ; il se compose de granules très nombreux, disséminés au sein d’une trame protoplasmique hyaline. Cette trame est le vitellus évolutif; c’est elle qui s’isole peu à peu des granules qu’elle contient, en les absorbant, pour donner les éléments figurés de l'organisme. Les considérations, déjà exprimées au sujet du Porcellio dans mon premier mémoire, sont applicables aux Asellus, et 1l est inutile de les exposer à nouveau. Le noyau fécondé occupe, à peu de chose près, le centre de l’ovule. La segmentation, dès son début, est totale. Pourtant, il convient de préciser la sigmification de cet adjectif. La segmentation est totale, parce que les deux sortes de vitellus sont intimement mélangées, et par suite également intéres- sées dans ce phénomène. Cependant, les plans de division, en partant de la surface de l’ovule et pénétrant dans son intérieur, ne parviennent pas Jusqu'au centre de ce dernier; ils s'arrêtent à une certaine distance de lui. La conséquence en est que cette région centrale demeure non segmentée. Cette altération est causée par le fait de la répartition, en plus grande quantité, du vitellus nutritif dans les zones internes de l’œuf que dans les parlies superficielles. Bien que le blastolécithe et le deutolécithe soient intimement unis, le premier est, dès le commencement, plus abondant vers le dehors que vers le centre ; aussi la segmentation est- elle plus nette dans la première région que dans la seconde. — Cette disposilion marque un passage de la segmentation totale et complète vers la segmentation partielle. On n'a qu’à supposer le blastolécithe encore plus abondant vers la périphérie que chez les Asellus, pour le voir s'’amasser, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 181 comme chez les Porcelho, en pelits îlots superficiels, dont le plus volumineux constitue une cicatricule. La majeure partie du vitellus évolutif occupant ainsi la surface de l’ovule, celle-ci se divise seule, la partie interne de l’œuf demeure inerte à cet égard, et la scission prend franche- ment les caractères de segmentation partielle. La figure 11 monire la coupe optique d’un œuf divisé en deux segments; la membrane vitelline n’est pas représentée. Cette figure dénote que la segmentation est quelque peu inégale. Le caractère d’inégalité n’est pas très marqué ; cependant, il existe entre les deux segments des différences appréciables de taille, qu'il est bon de signaler. Le noyau volumineux se scinde avant le vitellus, de telle sorte que l’un des segments contient deux parcelles nucléaires, alors que l’autre n’en renferme qu'une. — Les figures 2 et 12 indiquent de quelle manière la segmentation se continue; toutes les deux se rapportent au même ovule, représenté en relief dans la figure 2, et en coupe optique dans la figure 12. Les particularités déjà indiquées demeurent, en s’accen- tuant davantage. Les blastomères sont inégaux; bien que leurs différences à cet égard ne soient pas très grandes. Les plans de division ne pénètrent pas jusqu’au centre de l’ovule. Enfin, certains des blastomères contiennent deux ou plu- sieurs noyaux. Les plans de scission progressent toujours dans le sens radial, et vont de la périphérie vers le centre; 1l n’en est point de parallèles à la surface. Ce phénomène, en devenant de plus en plus prononcé à mesure que la divi- sion continue, et que les blastomères se rendent plus nom- breux et plus petits, donne à ces derniers la forme conique qu'ils possèdent en dernier lieu. Les figures 3 et 13 se rapportent à une phase un peu plus avancée, et montrent, comme les précédentes, le même ovule vu de profil et sur une coupe optique. Le nombre des blastomères, sur celle-ci, est de cinq. Les dissemblances de taille se trouvent assez grandes, pour que certains des segments soient de moitié plus petits que leurs voisins. Il ne 182 +17" LOUIS ROULE. convient pas d'accorder à ces différences une importance trop grande; elles découlent simplement de l’hétérochronie de la segmentation. Tous les blastomères du même œuf ne se divisent pas en même {emps; certains sont en avance, et d’autres en retard. Ceux-ci sont forcément plus gros que ceux-là, puisqu'ils n’ont encore effectué aucune scission dans leur masse. Ces irrégularités se retrouvent chez les autres Crustacés pourvus d’une segmentation totale, et même chez tous les animaux dont les œufs se partagent en entier ou presque en entier, bien qu’ils contiennent une quantité encore assez grande de viteilus nutrilif. Ces phénomènes ont souvent conduit les auteurs à accorder aux gros blas- tomères une prépondérance génétique sur les pelits, et même à les considérer comme destinés d’une manière exclu- sive à engendrer certaines parties du corps. Il suffit de comparer entre eux une grande quantité d’ovules apparte- nant à ces animaux, où les auteurs mentionnent la présence de telles initiales, pour se rendre compte que cette opinion est souvent exagérée. Les gros segments ne sont que des éléments quelque peu retardataires; ils se scindent après les autres, mais n'ont point de valeur particulière. Tous les blastomères sont égaux au sujet de leur capacité génétique, et tous concourent d’une manière égale à produire le blas- toderme. C’est seulement dans les feuillets embryonnaires issus de ce dernier, que les différenciations génétiques com- mencent à se manifesler, et que les véritables ébauches des organes prennent naissance. Les figures 4 et 5 expriment les reliefs d’ovules parve- nus à un état plus avancé. Les figures 14, 15, et 16 se rap- portent à des ovules appartenant aux mêmes phases, mais expriment leurs coupes optiques. Les particularités caracté- ristiques de celte segmentation, déjà indiquées lors des précédenis états, ne font que s'affirmer. La scission ovulaire continue à ne point pénétrer dans la région centrale; celle- ci demeure indivise, et les granulations vitellines s’y accu- mulent en plus grand nombre qu'ailleurs. Déjà la séparation DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 183 des deux vitellus commence à se préparer; le blastolécithe se porte vers les régions superficielles, et de préférence vers celle qui occupe la future extrémité antérieure de l'embryon, tandis que le deulolécithe se condense vers les zones cen- trales. Les blastomères montrent toujours des inégalités de taille, seulement moins fortes et moins accentuées, à cause de la plus grande petitesse de ces éléments. Comme leur mulliplication ne s’arrêle pas, certains d'entre eux renfer- ment plusieurs noyaux; cependant, cette supériorité de nombre commence à s’atténuer. De plus, ces noyaux, en- iraînés sans doute par le blastolécithe dans sa progression vers la surface, se rapprochent de la périphérie de l’ovule, et se placent à une faible distance d'elle. — La membrane vitelline subit, vers cette époque, les modifications qui amènent sa chute. Elle se plisse, se rataline, et se brise en fragments irréguliers, qui abandonnent le corps de l’em- bryon. Tantôt cette disparition est déjà faite au moment des présentes phases ; lantôt elle s'effectue un peu plus tard; mais, dans tous les cas, elle est terminée lorsque la pre- mière indication du blastoderme se manifeste. A son sujet, l'opposition entre les Porcellio et les Asellus est des plus curieuses; les premiers de ces animaux conservent leur membrane vitelline jusqu’à la fin de leur évolution embryon- naire, tandis que les seconds la perdent d’une manière hâtive, et se trouvent obligés de la remplacer, en tant que fourreau protecteur, par une enveloppe cuticulaire. Il est difficile de pressentir les causes d’une telle dissemblance : de savoir si elles concordent avec les conditions de milieu qui entourent les œufs placés dans la cavité incubatrice de la mère, ou bien si elles répondent à des phénomènes héré- “ditaires de mues, conservés chez les Asellus, et omis chez les Porcellio. faudrait, pour résoudre la question, connaître avec précision les faits similaires présentés par les types voisins de ces deux genres : ce qui n’est pas encore. La figure 6 montre, par le relief de l’ovule représenté, un aspect assez différent des précédents. L'œuf est converti en 184 LOUIS ROULE. une morule, semblable à celle que l’on est habitué à trouver dans le développement des autres animaux. Les blastomères dessinent, à la surface, des saillies arrondies et juxtaposées; au lieu d’être aplatis et surbaissés comme auparavant, ils sont nettement sphériques. Par l'effet de la projection de ces saillies les unes sur les autres, lorsqu'on examine un de ces ovules de face, tous ces mamelons paraissent chevaucher en parlie les uns sur les autres. On pourrait donc croire que chaque saillie correspond à une portion d’une sphère, et que les blastomères sont globuleux. Il n’en est pas ainsi dans la réalité. En étudiant une coupe optique du même œuf, semblable à celle qui est représentée dans la figure 17, on s’aperçoil que les blastomères conservent leur forme conique; seulement leur face externe, au lieu de rester plane, devient bombée, de telle manière que les bords soient en contre-bas de la partie centrale. Les blastomères se juxtaposent par ces zones abaïissées. Un tel aspect ne s’éta- blit pas d'emblée, à ce moment de la segmentation; 1l com- mençait à s'indiquer lors des phases précédentes; mais c’est surtout dans le cours de celle-ci qu’il s'affirme et se précise. La figure 17, qui montre une coupe optique, dénote, en surplus, la continuation des particularités déjà esquissées précédemment. Les lignes de scission ne parviennent pas jusqu’au centre de l’ovule. En cette zone interne, se trouve une masse de vitellus non divisé, où les granules du deu- tolécithe sont plus abondants qu'ailleurs. Mais les blasto- mères ont cessé d’être inégaux; ils sont tous semblables les uns aux autres, et presque rigoureusement identiques. Ce fait est sans doute une conséquence de leur grand nombre, et de la pelitesse de chacun d’eux. La première impulsion génélique de l’ovule commence à cesser d'exercer son in- fluence ; elle avait pour but d'entraîner la division de cel ovule, et accomplissait ce rôle avec quelques inégalités dans le temps et dans l’espace. Elle va disparaître bientôt, pour céder la place à un second mouvement évolutif, qui porte sur la séparation mutuelle des deux vitellus, et sur la genèse DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 185 du blastoderme. Aussi, les blastomères, étant tous formés, deviennent égaux, commme l’exigent, du reste, les condi- tions mécaniques de cette segmentation. En résumé, l'œuf, parvenu à cette phase, se présente comme un corps globu- leux, découpé sur son pourtour en petits segments coniques et juxtaposés, et indivis dans sa partie centrale. La structure caractéristiqne des planules d’Arthropodes a fait ainsi son apparition. Cette structure s’accentue davantage dans la figure 18, qui montre également, sur une coupe optique, un état plus avancé que celui de la figure 17. L'organisation essentielle demeure la même; seulement, les blastomères sont encore plus nombreux et plus petits. La séparation du blastolécithe et du deutolécithe commence à s'effectuer. Les parties su- perficielles et bombées de chaque segment contiennent le noyau, plongé dans un protoplasme relativement pauvre en granules, et constitué par du blastolécithe presque seul. Par opposition, les parties internes de ces blaslomères, qui se raccordent à la zone centrale de l’œuf, sont très riches en granulations, tout comme cette zone elle-même. Il suffit de supposer ces parties blastolécithiques et nucléées comme s’isolant des régions à deutolécithe, pour obtenir une couche cellulaire superficielle, enveloppant une masse interne de vitellus nutrilif, soit une vésicule vitelline. C’est, en effet, le phénomène qui va s'effectuer. Le premier temps de la segmenlation vient de s'achever, et le second va commencer. Les parties à blastolécithe se sépareront des autres, se sub- diviseront, et s’étendront pour composer le blastoderme. Seulement, ce phénomène ne se produit pas partout à la fois; il débute dans un point restreint de l'ovule, pour s'étendre de là, et d'une manière progressive, à toute la surface. La figure 7 montre le commencement de cette nouvelle évolution. Elle se rapporte à un œuf dessiné en relief. L’as- pect primitif n’a pas changé de beaucoup ; seulement, dans une région qui correspond par sa position dans l’espace à la 186 | LOUIS ROULE. future extrémité antérieure de l'embryon, les blastomères sont plus petits et plus transparents qu'ailleurs. La coupe optique de cet œuf, représentée par la figure 19, rend compte, avec précision, de ce qui vient de se passer. Le vi- tellus évolutif continue à suivre son mouvement de report vers la périphérie ; mais cette impulsion est plus active dans cette région antérieure que dans les autres. Le résultat en est que ce blastolécithe, toujours doué de la capacité de segmentation, continue à s’y diviser, alors que rien de sem- blable ne se produit ailleurs. Seulement cette faculté de scission se porte uniquement sur le blastolécithe, et ne touche pas au vitellus nutritif. Aussi, en conséquence, les parties externes des blastomères primordiaux, formées par ce vitel- lus évolulif, et contenant des noyaux, se subdivisent seules en petites cellules. Les parties internes, constituées par du deutolécithe, s'unissent intimement, en faisant disparaître leurs membranes de séparation ; elles composent une masse compacte, uniformément pourvue de granules nombreux, et complètement privée de parcelles nucléaires. Sur cetle coupe optique, l’œuf paraît alors divisé en deux zones bien nettes, dont l’antérieure, d’étendue restreinte, consiste en petites cellules blastolécithiques nucléées, distinctes Îles unes des autres, et confondues par leurs bases avec le vitel- lus nutrilif sous-jacent. Toutes les autres régions de l'œuf, de beaucoup les plus volumineuses encore, conservent la structure qu'elles avaient précédemment. Il est à remarquer que le vitellus nutritif, directement placé sous les petites cellules antérieures, est lui-même pauvre en granules, et composé presque entièrement par du plasma évolutif. Cela Uent à ce qu'il ne va pas tarder à s'organiser à son tour en cellules ; les éléments superficiels vont lui fournir des noyaux, el il donnera naissance aux éléments du feuillet primordial interne. | Les figures 8 et 20 se rapportent à un œuf plus avancé dans la même évolution. La figure 8 donne le relief de cet ovule. Les petits éléments à blastolécithe recouvrent presque DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 187 toute son extrémité antérieure. Ils y sont désignés par la lettre BJ. Ils y composent une calotte, bien reconnaissable à son aspect. Les cellules composantes sont plus restreintes que les autres, et, à cause de leur pauvreté en granulations, plus transparentes. Les blastomères du reste du corps de- meurent dans leur taille primitive et dans leur structure. La coupe optique de la figure 20 dénote que les relations des parties sont semblables à celles de la figure 19; seulemeni les espaces modifiés par la présence des petites cellules sont plus grands. Presque toute la moitié antérieure de l’ovule est recouverte par la calotte des éléments nucléés ; au-dessous, se trouve une zone indivise, également pauvre en granula- lions, qui passe peu à peu aux parties centrales de l'œuf; ces dernières sont toujours occupées par un deutolécithe très granuleux. Une modification intéressante commence à s'effectuer dans les zones encore munies des blastomères pri- mordiaux. Les lignes de séparation de ces segments pé- nètrent moins loin vers le centre qu’au moment des phases précédentes. Un tel fait dénote que ces blastomères s’unis- sent mutuellement par leurs parties profondes, et ne de- meurent isolés que par leurs régions superficielles. Ce mou- vement est le contraire de la première segmentation ; lors de celle-ci, les plans de scission pénétraient de la surface vers l'intérieur, et se propageaient suivant cette direction ; dans l’état présent, et par opposition, les blastomères déjà séparés se soudent entre eux, et cette liaison, qui effectue un retour vers l’état primitif, procède de l’intérieur vers la périphérie. Ce phénomène est un des résultats de l'isolement mutuel des deux vitellus. Les blastomères mis en cause ne tarderont pas à se recouvrir, à leur tour, d'une assise de pelites cellules composées de blastolécithe; leurs zones à vitellus nutritif s’uniront ici comme dans la partie antérieure. Seulement, le moment où commence ce dernier phénomène est avancé dans le temps; il n'attend pas, pour se produire, que les petites cellules superficielles aient fait leur appari- tion. Il se manifeste en premier lieu, et va en s’accentuant 188 LOUIS ROULE. davantage, de sorle que la coalescence est accomplie, ou peu s’en faut, lorsque les petits éléments périphériques se déli- mitent à leur tour. L’ovule commence déjà à présenter une indicalion de sa structure finale. Tout son vitellus nutritif se condense en une seule masse homogène et privée de noyaux, qui constituera la vésicule interne. Tout son vitellus évolutif devient superficiel, conserve les noyaux pour lui seul, et con- tinue à se diviser en cellules distinctes, qui composeront le blastoderme, et les feuillets primordiaux issus de ce dernier. Une phase, quelque peu plus avancée, est représentée par les figures 9 et 21. La figure 9 exprime le relief de l’ovule mis en cause; les petites cellules superficielles, constituées par du vitellus évolutif, recouvrent plus de la moitié antérieure de l’ovule; elles occupent toute la face ventrale, et re- montent même sur l’extrémité postérieure. La nature double des segments de l'œuf apparaît avec la plus grande netteté. L'’ovule est divisé en deux parts : l’une, désormais plus grande, se compose de petites cellules claires et transpa- rentes; l’autre, d’étendue plus restreinte, est formée par des blastomères maintenus tels qu'ils étaient lors du premier temps de la segmentation. Une fine membrane culiculaire commence à prendre naissance, et à envelopper l'œuf pour remplacer la membrane vilelline disparue; parfois, cette pellicule apparaît alors que cette dernière membrane n’est pas encore tombée ; une certaine diversité règne à cet égard parmi les ovules d’une même ponte. La coupe optique, des- sinée dans la figure 21, exprime d’une manière plus précise les modifications intimes qui s'effectuent. Celle figure montre les mêmes faits que la figure 20; seulement, la disposition propre aux petites cellules blastolécithiques s’élend sur une plus grande surface. D'autre part, ces cellules commencent à s’isoler du côté de l’amas vilellin qui leur est sous-jacent, et certaines d’entre elles offrent des contours complets. Elles diffèrent quelque peu de taille et de forme ; mais cette diver- sité ne paraît avoir aucune imporlance. Avant de se recou- vrir ainsi d'une paroi entière, leurs noyaux émettent des DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 189 parcelles de leur substance dans le vitellus placé immédia- tement au-dessous. Ce vitellus, composé en majeure partie par du blastolécithe, s'organise autour de ces éléments nucléaires, et se convertit en cellules. Par ce moyen, l’assise extérieure, tout en s'étendant autour de l’ovule, fournit des cellules situées en dedans d'elle. Celte assise n’est autre que le blastoderme ; à mesure qu’il grandit et s’amplifie, il se subdivise en ses deux feuillets primordiaux. Ces deux impul- sions génétiques, d'agrandissement propre et de dédouble- ment en feuillets, s’accomplissent d’une manière connexe, et progressent simultanément. Les phénomènes sont exactement semblables à ceux pré- sentés par les Porcellio. La seule différence porte sur l’ab- sence, chez ces derniers, de toute segmentation totale de l'œuf. Cette dissemblance écartée, les autres particularités du développement sont identiques. Le vitellus évolutif se sépare du vitellus nutrilif, et se porte à la surface de ce dernier ; cette émigration débute au niveau de ce qui sera l'extrémité antérieure de l'embryon, pour s'étendre de là aux autres parties de l'œuf, et se terminer sur la face dor- sale. Ce vitellus évolutif prend pour lui tous les noyaux issus de l'œuf fécondé, et se convertit en cellules complèles, su- perficielles, qui composent le blastoderme par leur ensem- ble. Tout en prenant ainsi naissance, et se faconnant, ce blastoderme se subdivise en deux plans cellulaires, l’un extérieur et l’autre interne. Le premier occupe exaclement la surface de l’ovule ; il se ramène à une assise épithéliale simple, et représente le protectoderme. Le second se com- pose de cellules, éparses dans le vitellus directement sous- jacent à la couche précédente; il est le protendoderme. Les phénomènes se répèlent donc dans le même ordre, et avec les mêmes qualités; ils sont essentiellement compara- bles, et des considérations, identiques à celles déjà expo- posées au sujet du Porcellio, leur sont à tous deux appli- cables. | D: Dante 4 Dans les figures 10 et 22, l'extension du blastoderme 190 LOUIS ROULE. approche de sa fin. La figure 10 montre le relief de l’ovule parvenu à cette phase; les gros blastomères primordiaux ne sont encore à nu que dans la région dorsale de l’ovule, où ils limitent un espace en forme de selle. Partout ailleurs, l'œuf est recouvert par les éléments du blastoderme, ou, pour être plus exact, du protectoderme. Ces cellules gar- dent le même aspect que dans les élats précédents ; elles sont petites, de teinte claire, et se laissent aisément distin- guer des gros blastomères dorsanx. — Dans la coupe opti- que de la figure 22, les divers mouvements génétiques, déjà indiqués auparavant, se retrouvent encore. Le blastoderme se dédouble sur place en ses deux feuillets; le vitellus nu- tritif chargé de gros granules constitue une volumineuse vésicule interne ; les plans de séparation des gros blasto- mères dorsaux diminuent de plus en plus d’étendue, et dis- paraissent presque entièrement. En somme, l'élat final de la planule, avec sa vésicule vilelline intérieure privée de noyaux, et son enveloppe superficielle de blastoderme dé- doublé en ses deux feuillets, se manifeste avec la plus grande précision. Les figures 23, 24 et 25 expriment la fin de cette évolu- lion, qui conduit à la genèse du blastoderme et de ses deux feuillets; il suffit de les comparer à leurs similaires des planches précédentes pour se rendre compte des modifica- tions apportées. Le protectoderme, le protendoderme, et la vésicule vitelline, sont établis comme leurs homologues des Porcellio, et vont continuer leur développement de la même manière. Les blastomères primordiaux sont encore à nu sur un faible espace dorsal, marqué par D{ dans les trois figu- res; mais cette zone ne va pas tarder à se recouvrir à son tour, et c’est précisément dans cetle zone, recouverte la der- nière, que se produit la fente divisant en deux moitiés le corps de l’embryon. Cette fente est désignée par la lettre F dans la figure 26, qui montre une coupe optique, comme la figure 25 placée en regard d'elle, et l'opposition de ces deux dessins indique les différencialions accomplies. Cette même DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 191 figure 26 montre l'ébauche du proctéon, indiquée par la lettre Pr, et placée sur la lèvre postérieure de la fente. — Dès ce moment, l’évolution embryonnaire de l’Ase/lus cor- respond rigoureusement à celle du Porcelño, en tant que genèse des feuillets et genèse des organes; à leur égard, tous les faits exposés dans mon premier mémoire se retrou- vent ICI. $ 5. — Résumé et conclusions. L’ovule des Asellus aguaticus, tout en contenant une quantité notable de vitellus nutrilif, n’en renferme pas assez pour empêcher une segmentalion totale. Le blastolécithe et le deutolécithe sont intimement mélangés, et aucune cica- tricule n'existe au préalable. La segmentation est totale, et atteint l’œuf entier. Les blastomères sont coniques, et juxta- posés sur une seule couche qui rayonne autour du centre de l’ovule ; pourtant, la scission ne pénètre point dans cette zone centrale, qui demeure indivise. — Par comparaison avec le Porcellio, les phénomènes du développement sont moins altérés. Chez celui-ci, en effet, le vitellus évolutif est, au moment de la fécondation, déjà distinct, et ramassé en une petite cicatricule; partant, toute segmentation totale lui fait défaut. Cette division préliminaire achevée, le blastolécithe s’isole du deutolécithe, et se porte à la surface de ce dernier pour constituer la couche superficielle de l’ovule. Il entraîne, dans ce mouvement, les noyaux des blastomères, les conserve avec lui, et se scinde en petites cellules, qui occupent la périphérie de l'œuf; la région entourée par elles, de beau- coup la plus volumineuse, privée de parcelles nucléaires, perd toute trace de division par la soudure intime de ses éléments, et, consiituée par du deutolécithe, compose une vésicule vitelline interne. Les cellules enveloppantes for- ment, à leur tour, le blastoderme, qui se dédouble immé- diatement en ses deux feuillets primordiaux. — Par compa- raison avec le Porcellio, cette phase est exactement 192 LOUIS ROULE. l'homologue de celle de l’extension de la cicairicule, et de sa conversion en blastoderme. Elle répond, de même, à une migration du blastolécithe vers la surface de l'œuf, à sa pos- session exclusive de toute la substance nucléaire, et à sa subdivision en cellules, qui s'étendent de proche en proche, en partant de l’extrémité antérieure de l'embryon, pour compléter leur assise sur la face dorsale de ce dernier. La membrane vitelline disparaît hâtivement, et se trouve remplacée par une couche cuticulaire : par opposition avec le Porcellio, où cette membrane persiste. Cetle cuticule naît au moment où les premières ébauches du blastoderme se manifestent, et parfois même un peu avant cette date; elle ne paraît donc pas correspondre, à cause de celte venue précoce, à une cuticule de mue d'un Nauplius. De sa pré- sence découlent, sans doute, deux phénomènes remarqua- bles. Le corps de l'embryon, enserré dans elle, et situé dans une cavité incubatrice remplie d’eau (à la suite de l'habitat de ces êtres), diminue de taille au fur et à mesure de la résorption du deutolécithe, mais moins que chez le Porcel- lio ; aussi, afin de passer de la forme globuleuse de l’œuf à sa propre forme allongée, il se fend dans sa région dorsale, prend ainsi, d'emblée, un aspect d’individu recourbé sur lui-même, et s'étale ensuite par l'éloignement mutuel des deux parties ainsi séparées. D'autre part, dans le but pro- bable de maintenir tendue l'enveloppe cuticulaire, et de l’éloigner quelque peu du corps pour qu’elle ne gêne point ce mouvement ni les diverses phases de la production des appendices, l’organisme embryonnaire engendre, aux deux bouts de la fente précédente, deux annexes rigides, étendus transversalement, à l’ensemble desquels les auteurs ont donné le nom d’organe dorsal, et qui paraissent jouer, au- tant qu'il est permis de juger en pareille circonstance, un rôle d’écarteurs. Ces pièces sont des annexes embryonnaires stricts, el particuliers à l'embryon; leur présence résulte d’une adaptation qui lui est propre, et elles ne se maintien- nent point jusqu'à l'organisme adulte. DES DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 193 Les considérations, relalives à la valeur de ces phéno- mènes, autant de ceux tenant au mode de segmentation que de ceux touchant à la formation du corps au moyen d’une fente de clivage, seront exposées dans deux prochains mémoires, dont le premier traitera du développement de la Crevette, et le second de l'Écrevisse. Il suffira de dire ici que la segmentation ovulaire des Ase/lus, de beaucoup la plus répandue chez les Crustacés, est, avec son procédé d'extension progressive du blastoderme par l’emprunt cons- tant du blastolécithe, intermédiaire entre la blastulation de certains des représentants de la classe et la planulation indirecte des Porcelho; elle équivaut à une planulation directe, arrêtée dans son développement pour céder la place à une planulation indirecte, et elle répond, d'autre part, à une blastulation dans laquelle les blastomères, à cause de l'abondance du deutolécithe, sont assez volumineux pour atteindre tous le centre de l’ovule. De son côté, la prépara- lion de la forme extérieure du corps par le moyen d’un clivage dorsal, et d’un écartement des parlies ainsi obte- nues, est une ébauche du clivage, plus précoce et plus profond encore, qui aboutit au même effet chez la Crevette et chez l'Écrevisse. En ce qui concerne ces derniers animaux, cette fente du clivage, à cause de sa production hâtive et de ses connexions premières, à élé considérée par les auteurs comme l’homologue d’une cavité gastrulaire : bien à {ort, car elle n'affecte aucune relation génétique avec les ébau- ches de l’endoderme, ni celles de l’entéron. Le rôle de cette fente, nettement établi au sujet de l’Ase/lus, car il est impos- sible de se méprendre, à son égard, sur sa genèse el sur ses rapports, demeure exactement conservé chez les deux genres sus-indiqués ; les seules différences portent sur la date de son apparilion, et sur ses procédés d'extension. Par toules ces qualités de développement, la connaissance de l’Asellus est donc nécessaire pour apprécier, avec jus- tesse, plusieurs des phénomènes principaux de l’évolution embryonnaire des Crustacés. ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, 13 EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE I Fig. 1. — Relief d’un ovule entier, recouvert de sa membrane vitelline Mo. Fig. 2. — Relief d'un ovule à 5 blastomères. Fig. 3. — Relief d’un ovule à 7 blastomères. Fig. 4. — Relief d’un ovule à 20-22 blastomères. Fig. 5. — Relief d’un ovule à 35-40 blastomères. Fig. 6. — Relief d’un ovule parvenu à la fin de la segmentation totale. Fig. 7. — Relief d’un ovule un peu plus avancé, dans lequel les petites cel- lules du blastoderme commencent à se former sur l'extrémité antérieure (à gauche, sur la figure). Fig. 8. — Relief d’un ovule quelque peu plus âgé, dont les petites cellules blastodermiques (Bl) forment une calotte plus étendue. Fig. 9. — Relief d’un ovule, dont la calotte blastodermique occupe plus de la moitié de la surface. Fig. 10. — Relief d’un ovule, dont la calotte blastodermique B ne laisse à nu qu’une minimè zone dorsale, constituée par les gros blastomères primordiaux Dt. La cuticule Cu commence à se déposer pour remplacer la membrane vitelline disparue. PLANCHE II Fig. 11. — Coupe optique d’un ovule à deux blastomères Fig. 12. — Coupe optique d’un ovule parvenu à la même phase que celui de la figure 2. Fig. 13. — Coupe optique d’un ovule parvenu à la même phase que celui de Ja figure 3. Fig. 14, 15, 46. — Coupes optiques d’ovules parvenus aux mêmes phases que ceux des figures # et 5. Fig. 17. — Coupe optique d’un ovule parvenu à la même phase que celui _ de la figure 6. La membrane vitelline existe encore. Fig. 18. — Coupe optique d’un ovule un peu plus avancé, et à blastomères plus petits que dans celui de la figure précédente. Fig. 19. — Coupe optique d’un ovule parvenu à la même pRRE que celui de la figure 7. Fig. 20, 21, 22. — Coupes optiques d’ovules parvenus aux mêmes phases que ceux des figures 8, 9 et 10. — Tout en augmentant d’étendue, le blastoderme se dédouble ; la lettre Pen désigne les éléments du proten- doderme, son feuillet primordial interne. EXPLICATION DES FIGURES. 195 PLANCHE III Fig. 23, 24, 25. — Structure d'un embryon, pris au moment où se facon- nent les ébauches des premières paires d'appendices et de l'organe dorsal; à figure 23 exprime la forme extérieure par une vue de dessus, et la figure 24 par une vue latérale; la figure 25 se rapporte à une coupe optique. — Cu, cuticule; At, 4?, A*, A+, paires des appendices; Dé, blas- tomères primordiaux; Bl, blastoderme et Pen, son protendoderme ; Og, organe dorsal des auteurs. — Par comparaison avec les figures 8-10 et 20-22, les cellules du blastoderme sont trop petites et trop serrées pour être appréciables dans l'aspect extérieur. La lettre Dé s'applique à tout le deutolécithe, tout aussi bien l’interne que celui des blastomères non encore recouverts. Fig. 26, 27, 28. — Structure d'un embryon un peu plus avancé que le pré- cédent, pris au moment où il engendre sa fente dorsale; la figure 26 exprime une coupe optique ; les figures 27 et 28 se rapportent à la forme extérieure, vue latéralement et par dessus. — Mêmes lettres que dans les figures précédentes ; le protectoderme commence à produire les ébau- ches du cerveau Ce et de la moelle ventrale Mv; F, fente dorsale, limitée par l’ectoderme ; Pr, proctéon vu en coupe dans la figure 26, montrant seulement son orifice externe dans la figure 28. Fig. 29, 30. — Aspect extérieur de deux embryons un peu plus avancés que le précédent; l'individu de la figure 30 est plus jeune que celui de la figure 29. — Mêmes lettres que dans les autres figures de la même plan- che; At! s'applique au premier appendice thoracique (péréiopode). — A la suite de la diminution totale de la masse du corps, consécutive à la résorption du deutolécithe, la fente dorsale F s’élargit, et le corps appa- raît replié sur lui-même. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE DES AUTEURS CITÉS DANS CE MÉMOIRE. BExEDEN (Ed. Van). — Bull. Acad. roy. de Belgique, 1869, t. II. Dour (A.). — Zeitsch. f. Wiss., Zool., 1867. NussBaux (J.). — Abh. Krak. Akadem., 1893. RouLe (L.). — Ann. s. nat., Zool., 1894. Uzranin. — Zeitsch. f. Wiss., Zool., 1881. VALLE (Della). — Fauna und Flora... Neapel, t. XX, 1893. 196 _ LOUIS ROULE. POST-SCRIPTUM. me Au moment de donner le bon à tirer de ce mémoire, je lis, dans le Zoologisches Centralblatt du dernier mois de septembre, un article consacré par M. R.S. Bergh à mon précédent travail sur le développement du Porcellio Scaber. J'ai répondu à M. R.S. Bergh, comme il convenait, dans le numéro de novembre-décembre de la Bibliographie anatomique; pour moi, de ce côté, une telle polémique a pris fin. — Je me permets, mainte- nant, de rappeler les termes de l’introduction générale placée au début de mon travail sur le développement du Cloporte : mon intention est de publier une suite d’études embryologiques sur les Crustacés, que terminera, tous les résultats de mes recherches présentes étant exposés, une discussion approfondie sur les faits observés par mes devanciers, sur les miens, et sur l'interprétation qu’il convient d'en donner. Mon étude sur l'embryologie du Palemon est à l'impression; celle qui suivra s'applique à l’Astacus; les deux dernières s'adressent au Cyclops et à l’Artemia. Dans l'exposé final, je résumerai les données saillantes du développement des Crustacés, telles qu'elles découlent de toutes les recherches, je les comparerai mutuellement, et, d’une manière impartiale, j'essaierai d’en tirer une conclusion générale ; les naturalistes auront ainsi les éléments nécessaires pour se prononcer en connaissance de cause. L. R. NOTE SUR L'ODONTOGRAPHIE DES GANOIDEI CHONDROSTEI Par M. N. ZOGRAF, de Moscou. k En 1870, E. D. Pœlzam, qui occupait alors la place de conservateur du Musée zoologique de l'Université de Kazan, décrivait chez des sterlets très jeunes, obtenus par la fécon- dation artificielle des œufs de ce poisson, des dents qui se trouvaient, selon lui, sur les maxilles, les mandibules, le vomer et les arcs branchiaux (1). Peu de temps après Pœlzam, l'existence de dents chez les jeunes sterlets fut signalée par le docteur Knoch (2) qui ne les avait aperçues que sur les maxilles et les mandibules et qui supposait qu'elles ne subsistent que pour un temps très court, vu qu’elles tombaient très facilement. En 1876, parut l'ouvrage classique du professeur Oscar Hertwig (3) qui signala que, chez certains Ganoïdes cartila- gineux, les dents des arcs branchiaux subsistent pendant toute la vie. Telest, par exemple, le sterlet Acipenser ru- thenus L., dont, suivant Hertwig, les dents branchiales ont l'apparence de cônes irréguliers assez larges (fig. 1), avec une large cavité intérieure extrêmement développée, d'assez minces parois de la dentine, dans laquelle on peut distin- (1) Procès-verbaux des séances de la Société des Naturalistes de l’Université de Kazan. 1'e année, 1869-1870. Kazan, 1870 (en russe). | (2) Bulletin de la Société Impériale des Naturalistes de Moscou, année 1871. (3) Morphologisches Jahrbuch, herausgeg. v. C. Gegenbaur. Zweiter Band, 1876. — Oscar Hertwig. Ueber das Hautskelet der Fische. 198 N. ZOGRAF. guer le commencement des canaux dentaires, et une mince couche d’émail au sommet. | AE La description faite par Hertwig est si exacte, sauf l’in- suffisance d'indications micrométriques, qu'il ne reste rien à y ajouter. En 1878, la littérature zoologique russe s'enrichit de deux ouvrages parus simultanément qui apportèrent beaucoup de données nouvelles à cette branche de l’odontographie. Ces ouvrages sont: une monographie classique sur l'histoire du développement du sterlet, publiée par M. le professeur V. Zalensky en deux parties, en 1878 et en 1880 (1), et parue également en abrégé dans les Archives de Biologie de 1881, et l'ouvrage d’un zoologue de Saint-Pétersbourg, M. P. Pavlow, consacré spécialement à l'étude des dents du sterlet (2). ! Ÿ . Tandis que M. le professeur V. Zalensky s'attache princi- palement à la structure et au développement de la dent, M. Pavlow apporte surtout son attention à son importance morphologique, sa disposition et ses dimensions. _ Suivant ces deux auteurs, à l’âge de 2 à 6 semaines, les dents du jeune sterlet sont disposées sur les parties sui-. vantes : les maxilles, les mandibules, les os palatins, le vo- mer et l’arc branchial antérieur (fig. 2). En 1887 jai fait paraître dans le Piologisches Cen- tralblatt deux notices consacrées aux dents des Ganoïdes carlilagineux (3). Dans ces notices, ainsi que dans la pre- mière livraison de mon grand ouvrage sur l’organisation des (1) Travaux de la Société des Naturalistes de l'Université Impériale de Kazan, t. VII, fasc. 3. — Histoire du développement du sterlet (Acipenser ruthenus), par le prof. V. Zalensky. — 1'° partie. Développement embryonnaire, 1878. — 2*partie. Développement post-embryonnaire et développement des organes, 1880 (en russe). (2) Travaux de la Société des Naturalistes de Saint-Pétersbourg (publiés sous Ja direction de A. Békétow, membre du conseil de la Société, t. IX, Saint-Pétersbourg, 1878). — P. Pavlov. Recherches sur les dents des sterlets (en russe). (3) N. Zograf. Ueber die Zähne der Knorpelganoide (Nachtrag. Biologisches Centralblatt, 1887). ODONTOGRAPHIE DES GANOIDEI CHONDROSTEI. 199 eslurgeons de la Russie (1), parue la même année, j'ai étendu le nombre des Ganoïdes cartilagineux armés de dents, après en avoir trouvé chez l'Acipenser ruthenus, chez les jeunes Acipenser stellatus, chez le Scaphyrhinchus Fedits- chenkoi Kessl. et le Scaphyrhinchus Kaufmannu Bogd. pro- venant de l’Asie centrale. Comme les dents se conservant pendant toute la vie chez les Ganoidei Chondrostei qui habitent les rivières de l'Asie orientale (Psephurus gladius) et, tout en n’existant guère qu'à l'état embryonnaire chez la forme la plus occidentale des esturgeons des rivières russes (Acpenser ruthenus), se rencontrent néanmoins chez les esturgeons de l’Asie cen- irale qui, bien qu'encore jeunes, se rapprochent davantage de l’âge adulte, j'émettais alors l'hypothèse que les formes d'esturgeons vivant dans les eaux siluées entre la Russie d'Europe et la Chine conservent leurs dents sinon toute la vie, du moins pendant un temps assez long. J'ai répété presque la même chose dans un article publié dans le journal anglais Nature (2), dans lequel j'atlirais l'attention sur l'intérêt qu'offrirait l’élude des esturgeons à ce point de vue dans les autres cours d’eau du globe. Depuis cette époque je n'ai pas cessé de recueillir des matériaux sur la question qui m'intéressait et, pendant ces dernières années, grâce à l’obligeance de M. l'étudiant P. Igratov et MM. Lidsky et A. Mestchersky, j'ai pu obtenir quelques esturgeons sibériens adultes (Acipenser Baerü Br.) d’une taille de 428, 516 et 611 millimètres, un jeune Sca- phyrhinchus d'environ un an et demi et un sterlet à peu près du même âge, ce qui m'a permis d'étendre considéra- blement et de compléter ce que j'avais écrit sept ans aupa- ravank. (1) N. Zograf. Matériaux pour servir à l'étude de l'organisation du sterlet (Acipenser ruthenus Z). Livr. I [Travaux du laboratoire du Musée zoologique de l'Université de Moscou, publiés sous la direction de A. P. Bogdanow, t. II, fasc. 3, Moscou, 1887 (en russe)]. (2) Nicholas Zograf. On some of the affinities between the Ganoidei Chon- drostei and other Fishes (Nature, 1888). 200. F N. ZOGRAF. À cela se borne probablement tout ce qui a été écrit sur un sujet aussi intéressant que l'étude des dents de ce groupe original des poissons. En passant à la description des dents des divers poissons appartenant aux Ganoïdes cartilagineux, je ne puis m’em- pêcher de regretter de n’avoir pas réussi à me procurer des dents de cette forme de l'Orient asiatique si intéressante, mais encore si peu éludiée, que l’on connaît sous le nom de Psephurus qladius et au sujet des dents de laquelle on sail qu’elles existent et qu'elles ressemblent à celles d'une autre forme parente, mais vivant de l’autre côté du Grand Océan, le Polyodon folium Lac. Sije n'ai pas réussi à obtenir de dents du Psephurus gladius, j'ai pu, grâce à l’obligeance de M. le docteur Gün- ther, de Londres, et M. le professeur Bogdanov, de Moscou, recevoir des dents conservées dans de l'alcool ou sèches du Polyodon folium et je les ai étudiées soit au moyen du polissage à l’état sec, soit au moyen de coupes après leur décalcination. Les dents de ce poisson, gigantesques en comparaison de celles des autres esturgeons, sont très petites ; elles attei- gnent en longueur 0,630 et même 0,8 de millimètre. Leur forme est conique et s’élargit considérablement vers le bas; les parois ne sont pas droites, mais un peu recourbées comme le cône d’un volcan ; elles passent progressivement dans une plaque osseuse qui,leur sert de base et qui chez le Po/yodon se rattache étroitement aux parties ossifiées de la mâchoire ou du palais. En ce qui concerne la disposition des dents du Polyodon, elles sont disposées sur la mâchoire (mari! lare et dentale mandibulæ) sur deux ou trois rangs ; sur les os palatins elles sont disposées en rangées inégales (1). Le niveau de consolidation des dents aux parties osseuses n'est pas régulier ; sur les os du palais et des maxilles les dents des rangs antérieurs sont un peu plus élevées que celles (4) Comme je n'ai pu endommager les exemplaires en ma possession, je ne peux rien dire des dents du vomer. ODONTOGRAPHIE DES GANOIDEI CHONDROSTEI. 201 des rangs postérieurs. C’est pourquoi, en pratiquant le po- lissage sur la limite de deux rangées de dents qui se tou- chent, on peut voir sur les préparations des dents voisines consolidées aux os à diverses hauteurs (fig. 3). Les dents ont une cavité relativement grande occupée par la pulpe et, comparativement à celte cavité, les parois sont d’une épais- seur très peu considérable. Chez la dent, dont la coupe est représentée par la figure 4 et dont la longueur est de 0,413 et la plus grande largeur de 0,206 de millimètre, la lon- gueur de la cavité est égale à 0,357 de millimètre, sa plus grande largeur de 0,131 de millimètre, l'épaisseur des pa- rois à l'endroit le plus épais est de 0,056 de millimètre et, à l'endroit le plus mince, de 0,028 de millimètre. La cavité de la pulpe dentaire communique directement avec les ca- naux de la substance osseuse de la mâchoire et des os pala- ins (V. fig. 3), par lesquels les vaisseaux et les fibres ner- veuses entrent dans la dent. Les parois de la dent du Polyodon apparaissent, dès le premier examen au microscope, comme sillonnées d’une foule de canaux dentaires, massés surtout vers la parlie su- périeure de la dent. Si l’on examine celle-ci à un petit gros- sissement, ces canaux paraissent peu nombreux, courts et formant peu d’embranchements ; mais il en est tout autre- ment si on les observe à un fort grossissement après les avoir préparés d'avance d’après la méthode de Ranvier. Les po- lissages minces, préparés d’après cette méthode, montrent, à un fort grossissement, que la dent se compose de deux couches ; une couche extérieure très mince, très ferme, sans structure et correspondant à la couche d’émail (fig. 4) et une couche intérieure d’une dentine plus épaisse. La couche d’émail (em.) est très mince et ne se voit bien qu'avec les plus forts grossissements (système homogène de Leitz à . elle ne s'étend pas sur toute la dent, mais recouvre seulement son sommet, tandis que les parties recouvertes par l’épiderme qui tapisse la surface de la mâchoire ou du 202 st | N. ZOGRAF. palais sont privées d’émail. Il n’est pas sans intérêt de savoir que la couche d’émail se remarque aussi sur les coupes dé- calcinées de la dent sous forme d’une enveloppe externe plus colorée (fig. 5). En tous cas la couche d’émail est ici beaucoup moins considérable que chez les Ganoïdes osseux, par exemple chez le Lepidosteus osseus (fig. 6). | La dentine n’est pas aussi simple qu’elle paraît à un fai- ble grossissement. On peut y distinguer deux couches : une couche intérieure et une couche extérieure. Ces couches semblent bien nettement délimitées, même à des grossisse- ments moyens, par exemple avec le système n° 6 de Lerlz, n° 7 de Hartnak, etc. À ces grossissements, la couche inté- rieure (vd. in.) semble sillonnée d’une foule de canaux se ramifiant considérablement et remplissant toute la subs- lance ferme et sans structure de la dentine, landis que dans la couche extérieure, on ne remarque pas ces canaux. Les plus forts grossissements montrent néanmoins que dans la couche extérieure de la dentine (vd. ex.), il existe également de minces ramifications de ces canaux, mais elles sont si ténues qu’elles n'apparaissent que lorsque la dent est im- bibée de bleu d’aniline et qu’on examine un mince polissage de la dent, traité soit par l'immersion à l’huile, soit par les plus forts systèmes d'immersion à l’eau. | Les ramificalions les plus ténues des canaux se recourbent dans la direction de la base de la dent et il m'a paru aussi bien sur les fins polissages que sur les coupes de la dent décalcifiée (fig. 5), qu’elles se réunissent l’une à l’autre en arc très fin, comme cela arrive pour les canaux dentaires du Lepidosteus osseus (fig. 6), ainsi que l’a démontré Agassiz (1), il y a près d’un demi-siècle. | Les canaux de la dentine sont beaucoup plus développés dans la partie supérieure de la dent que dans la parlie infé- rieure, voisine de la base ; dans la plaquette qui sert de base ces canaux font défaut et la plaquette elle-même a la struc- (1) L. Agassiz. Recherches sur les poissons fossiles. Neuchêtel, 1852, t. II. ODONTOGRAPHIE DES GANOIDEI CHONDROSTEI. 203 ture d'un os. Celle structure néanmoins, n’est pas semblable à la structure typique des os des vertébrés, mais elle appar- tient à un type d'os que l’on pourrait appeler substance osseuse particulière à la dentine, c'est-à-dire, sillonnée de canaux dans toules les directions et ne renfermant pas trace de corpuscules osseux. Celle substance osseuse à été décrite pour beaucoup de poissons par Kôülliker (1) et étudiée en détail dans la suite par Kôstler (2). Du reste la plaquette qui sert de base à la dent du Po/yodon est souvent si petile qu'il est très difficile de la distinguer des parois de la dent elle- même, qui vont en s'épaississant peu à peu. De tout ce que Je connais par les ouvrages traitant de l’'odontographie, c'est que les dents du Polyodon sont celles qui se rapprochent le plus des dents dermiques des Ganoïdes osseux, étudiées par Oscar Hertwig. On peut s’en convaincre en comparant nos dessins avec ceux de ce savant (3) (fig. 8, PI. IN, fig. 5 et 4, PI. IL); les plaquettes de base se distin- guent également par la quantité de corpuscules osseux et çà et là par le caractère dentineux de l’os. Heriwig a même réussi à voir sur un individu adulle des structures moyennes entre la dentine et l’os, ou bien rappelant la dentine à l’état de développement (PI. IE, fig. 5); l'émail ne recouvre éga- lement que le sommet de la dent en laissant complètement à nu la plus grande partie de ses parois (PI. TI, fig. 6). Si nous examinons maintenant la structure de la substance qui remplit la cavité de la dent, nous verrons que celte dernière est entièrement occupée par un tissu conjonctif mou (fig. 4 el 5). Dans le voisinage immédiat de la paroi de la dent se trouve une mince couche de substance qui, grâce à un long séjour dans l’alcool et à une décalcification pro- longée, ne présente pas une structure satisfaisante. Cette (1) Verhandlungen der physikaiisch-medicinischer Gesellschaf zu Würzburg, Band VIII. — Alb. Kôlliker. Ueber verschiedene Typen in der + | Structur des Skeletes der Knochenfische. (2) Zeitschrift für wissenschaftliche. Zoologie, Band XXX VII, 1882. — Max Kôstler. Ueber die Knochenverdickungen am Skelette von Knochenfischen. (3) Mor. Jahr. Band V. 204% N. ZOGRAF. substance pénètre aussi dans les canaux de la dentine, où elle se teint d’un carmin plus vif, tandis que la partie qui lapisse la paroi intérieure de la dent est moins colorée et qu'on n’y observe guère, disséminées çà et là, que des frag- ments plus fortement colorés (fig. 4). Dans la pulpe de la dent on peul distinguer cà et là les cel- lules et Les fibres du tissu conjoncüif (c£.); entre autres, on y remarque des vaisseaux (vs.)etles ramifications des nerfs (nr.). Passant maintenant aux dents du sterlet, je m'arrêterai d’abord à ce que M. Pavlov écrit à ce sujet. Suivant M. Pavlov, au fur et à mesure que le sterlet avance en âge, ses dents subissent quelques modifications. Pendant la période qui s'étend entre deux à six semaines après sa naissance, les dents des mâchoires commencent à tomber, tandis que leur nombre augmente sur le vomer, et principalement sur le palais et le premier arc branchial et que, en outre, elles apparaissent même sur le second arc branchial. Les dents des mâchoires sont disposées par ran- gées régulières, tandis que celles du palais, du vomer et des arcs branchiaux ne se trouvent pas dans un ordre déterminé. Elles ne sont pas fixées non plus d’une manière uniforme. Celles du palais, des branchies et du vomer sont fixées sur les cartilages au moyen des plaquettes dentaires, tandis que celles des mâchoires sont disposées dans des alvéoles spé- ciales. Il arrive souvent que les dents sont recouvertes d’une membrane mucilagineuse, de telle façon que leur extrémité seule apparaît à l'extérieur. Le nombre des dents varie de chaque côté : sur les maxilles, de 3 à 5 ; sur les mandibules, de 3 à 7; sur les os du palais, chez les alevins de 2 à 10 et chez les poissons adultes de 17 à 40; sur le premier arc branchial des alevins de 4 à 9, et chez les adultes de 5 à 28; sur le vomer de 4 à 9. Je suis d'accord avec M. Pavlov, excepté sur un point, les dents palatines. Sur les jeunes individus bien conservés, ces dents sont disposées sur deux arcs réguliers; sur chaque arc il y a trois rangées, dont l’antérieure possède des dents ODONTOGRAPHIE DES GANOIDEI CHONDROSTEI. 205 très peu développées et devant probablement bientôt dispa- raître, landis que les deux dernières rangées se redressent avec l’âge et deviennent très régulières (fig. 7). Passant ensuite à la description de M. le professeur Za- lensky, nous voyons qu'il dit que les dents du slerlet sont disposées sur les maxilles et les mandibules et sur les carti- lages palatins (1). Selon lui, les dents des mandibules et des maxilles sont disposées en rangs dans la proportion de — et la quantité de celles qui se trouvent sur la paroi supé- rieure du pharynx est ordinairement insignifiante. Quant à la structure de la dent à son plus haut stade de développe- ment, M. le professeur Zalensky la décrit ainsi : La dent forme un cône vide dont la paroi (chez un sterlet de trois semaines) se compose d’une couche assez épaisse de subs- tance uniforme et brillante, la dentine, dans laquelle il n'y a pas traces de structure et où les tubes dentineux font dé- faut (2). L’extrémité des dents, sans le secours de réaclifs, ne se distingue en rien du reste de la masse de la dentine : mais comme les réactifs, par exemple l'acide murialique, rendent l'extrémité de la dent plus émoussée et la séparent du reste de la surface par une dépression bien tranchée, il faut supposer que, sous l’aclion de cet acide, la couche périphérique qui recouvre le sommet de la denline se dissout el laisse à nu la superficie de cette dernière. La dent se tient sur un mamelon cutané d’origine mésodermique. Le mamelon dentaire, suivant M. Zalensky, se compose de grandes cellules semblables à celles de l’épithélie, en forme de polyèdre et intimement unies les unes aux autres (3). A l'extérieur, la dent est recouverte d’une petite gaine dentaire; ce fourreau, selon ce savant, est formé par l’exoderme, principalement par sa couche inférieure qui recouvre toutes les inégalités de surface du mésoderme et s'élève au-dessus du mamelon A) Loc. cit., p. 231 et 238. ) Loc. cil., p. 263 et 264. (2 (3) Loc. cit., p. 262. 206 N. ZOGRAF. date (1 . pénis le oéridure ñ la dent, les cellules de sa gaine croissent et deviennent cylindriques, en outre, les cellules supérieures sont plus grandes que les cellules inférieures. A la fin du développement ces cellules supérieures deviennent plus petites, et la dent toute formée perce le sommet de la gaine et fait pénétrer son extrémité pointue dans la couche dermique (2). Enfin, dans les stades où les dents atteignent leur plus grand do elles sont disposées sous la masse de la couche dermique ou du tissu conjonctif et les gaines dentaires ne sont plus reliées par une couche d’épiderme, mais disposées séparément autour de chaque dent (3). Revenant maintenant à mes propres recherches sur les dents du sterlet, je crois nécessaire de prévenir que les seuls malériaux que j'aie eus en ma possession se bornaient prin- cipalement à des sterlets de trois semaines, et encore entrès petit nombre, et à un bel exemplaire d’un peu plus d’un an. En tenant compte de celte circonstance et aussi du fait que les recherches de MM. Zalensky et Pavlov ont été failes avec beaucoup de soins, je ne pourrai pas ajouter beaucoup à ce que ces grands travaux nous font déjà connaître. Je commencerai par le nombre et la disposition des dents. Le nombre des dents du sterlet varie considérablement, ainsi que l'indique M .Pavlov. Tandis que M. le professeur Zalensky Ha 9:94 donne comme formule plus ou moins habituelle SEP J'ai GG F7 68 rencontré des exemplaires avec la formule 5.5. et 7 =. et autres formules ; d’ailleurs l'honorable savant lui-même, à la pl. X, fig. 95 de sa monographie, représente un sterlet avec PAT formule dentaire de BCE . Comme on le voit par ces formules, le nombre des dents maxillaires est le seul qui change, tan- 4) Loc. cit., p. 261. ( (2) Loc. cit., p. 264. (3) Loc. cit., p. 265. ODONTOGRAPHIE. DES GANOIDEI CHONDROSTEI. 207 dis que le nombre de celles des mandibules reste toujours le même, c'est-à-dire égal à dix. Les dents palatines sont de moindre dimension que celles de la mâchoire : elles sont situées sur les cartilages pala- tins, près de leurs limites postérieures, et séparées de l’ex- trémilé postérieure des. carlilages par une plaque cartilagi- neuse plus élevée. Si l'on débarrasse avec précaulion le palais d’un sterlet de trois semaines de son épiderme et de la partie de la peau qui recouvre les dents, on peut voir que les dents palatines sont disposées sur deux courtes rangées, contenant chacune de 4 à 7 ou 8 dents; de plus à de faibles grossisse- ments, on n’aperçoit que les plus grandes d’entre elles. Si au contraire on examine une préparation de ce genre à un fort grossissement, en avant de ces deux rangées on en dé- couvre encore une troisième, composée exclusivement des mamelons dentaires et des gaines qui les recouvrent. Tandis que les dents des deux derniers rangs se développent chez les sterlets plus adultes jusqu’à un certain âge, celles du rang postérieur embryonnaire ne croissent pas davantage. Du moins je ne les ai pas trouvées chez un sterlet ayant une longueur de 115 millimètres, de la tête à la queue, tandis que les dents des autres rangées s'étaient si bien conservées que j'ai pu enlever, au moyen d’aiguilles, l'enveloppe mucilagi- neuse qui les recouvrait à moitié et les laisser unies aux par- ties situées plus bas. L'âge d’unsterlet de cette taille, au dire de nos pêcheurs, dépasse une année, ce qui est en contra- diction avec l'hypothèse de M. le professeur Zalensky, suivant lequel les dents du sterlet ne se conserveraient pas au delà de l’âge de deux mois. Les traces de l'endroit où se trouvaient les dents palatines du sterlet restent visibles pendant toute la vie, sous forme de pelits paliers, situés sur les deux petites saillies arquées antérieures qui traversent en large tout le palais de ce pois- son. La figure 8 représente le palais d’un jeune sterlet, privé même de ses dents palatines; les paliers sont colorés en rouge (fig. 8 dé.). 208 G | _N. ZOGRAF. Les dents des mâchoires ont la forme caractéristique, avec sommel séparé par une dépression, que décrit M. le profes- seur Zalensky. Sur les dents palatines je n’ai pas aperçu de dépression, quel que soit le réactif employé, et elles ont plu- tôt une forme conique ôu rappelant celle d’un volcan, que l’on observe chez les dents du Polydon folium adulte ; il me semble que la dépression des dents de la mâchoire chez le sterlet est un phénomène habituel, qui n’est qu'accentué par les acides, mais n’est pas causé par eux. L'étude . dents, principalement de celles du pal à de forts grossissements donne beaucoup de résultats intéres- sants. La cavité de ces dents est très vaste et la paroi, for- mée par la dentine, très mince. Sur quelques dents, sur la surface intérieure de la paroi de la dentine, j'ai aperçu de légers enfoncements qui sont peut-être les points de départ des canaux dentaires; ces enfoncements sont si petils et si _ peu marqués qu'il m'a élé très difficile de les représenter sur les dessins. Les plus forts grossissements (système ho- mogène de Leilz à 1/16) montrent toujours sur les denis pa- latines, et quelquefois sur celles des mâchoires, une mince couche de substance transparente, réfractant la lumière plus fortement que la dentine et nettement séparée de celte der- nière ; celte substance n’est probablement pas autre chose que l'émail. Sur les dents des mâchoires l'émail tend à dis- paraître même sous l'action de l’alcool légèrement acidulé après sa coloration par le borax carmin, landis que sur les dents palatines il se conserve même après celte opéralion. Autant qu’on peut en juger par la description du dévelop- pement des dents faite par M. Zalensky dans sa monographie, l'attention de ce savant s’est surtout porlée sur les dents des mâchoires. C'est probablement pour cela qu'il n’a constaté la présence de l’émail sur les dents du sterlet que d’une ma- nière pour ainsi dire indirecte et non pas par l'observation immédiale. Les dents palatines sont un peu plus petites que celles de la mâchoire. Par exemple, chez un individu dont les dents ODONTOGRAPHIE DES GANOIDEI CHONDROSTEI. 209 de la mâchoire variaient de longueur entre 0,0752 et 0,0940 de millimètre, celles du palais ne dépassaient pas 0,0658 de millimètre et descendaient même jusqu’à 0,0061 de millimètre. La découverte des dents chez un exemplaire très jeune de sterlet et leur présence chez un Polyodon folium adulte, forme éloignée d’Acipenser ruthenus, tant par l'habitat que par l’organisation, m'ont conduit à tirer quelques conclusions et quelques hypothèses théoriques. Je me suis mis à obser- ver, autant que cela m'était possible, divers représentants des Ganoïdes actuellement vivants, tant au point de vue dela place qu'ils occupent dans le système qu’à celui de leur or- ganisalion et de leur distribution géographique. MM. Alénitsyne et M. Bogdanor (1) ont signalé ce fait in- téressant que les représentants du genre Scaphirhynchus, de ceux du genre Acipenser sont répartis d’une facon relative- ment très étendue sur l'hémisphère septentrional du globe terrestre. Se basant sur ce que les représentants du genre Scarphirhynchus se trouvent dans des régions aussi distantes l’une de l’autre que le bassin de la mer d’Aral et celui du Mississipi, ces savants en concluent la haute antiquité de cet animal, sa grande expansion durant les périodes an- ciennes et sa parenté avec des formes encore plus ancien- nes, telles que Cephalaspidæ. En mentionnant un grand nombre de poissons communs aux deux continents de l’hé- misphère boréal, M. Alémitsyne a passé, entre autres, sous silence le genre Polyodon qui compte des représentants aussi distants les uns des autres que, par exemple, le Po/yodon folium du bassin du Mississipi et le Po/yodon gladius du Yan-tse-Kiang. En tenant compte des considérations de M. Alénitsyne, parlant en son nom et au nom de M. le pro- fesseur Bogdanov. le genre Polyodon peut être regardé comme tout aussi ancien que le genre Scaphirhynchus, si (4) Travaux de la Société des Naturalistes de Saint-Pétersbourg, t. VIT. 1876. _—— V.D. Alénitsyne. Quels sont les phénomènes de l’histoire du globe qu'indi- quent les traits caractéristiques des esturgeons ? p. LIX-LX VIIT (en russe). ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, 44 210 N. ZOGRAF. l’on admet l'existence, pendant les anciennes époques zoolo- giques, d’un continent entre l'Europe et l'Amérique dans le grand Océan, ou même plus ancien encore si on admet, comme le fait M. Alénitsyne, l'existence d’un continent à la place de l'océan Atlantique. Partant de cette hypothèse que, dans la comparaison de deux animaux, l’un moins ancien et connu dans ses stades d'âge les moins avancés et l’autre plus ancien mais moins éludié, on peut par déduction supposer chez le second l’exis- tence, soit à l’âge adulte, soit dans le premier âge qui suc- cède à la vie embryonnaire, des indices qui sont caractéris- tiques pour le premier durant l'existence embryonnaire, Je m'attendais à trouver chez les plus anciens représentants des Acipenserides, c'est-à-dire chez les genres Po/yodon et Sca- phirhynchus, à l’état adulte ou dans les stades du dévelop- pement post-embryonnaire, des indices semblables à ceux de l’embryon du sterlet très jeune. Je comptais, entreautres, les dents comme faisant partie de ces organes supposés. Cette hypothèse s’est justifiée pour le Po/yodon à l’aide d’un fait connu depuis longtemps ; pour le Scaphirhynchus, mes hypothèses théoriques ont été confirmées par l'expérience, car il s’est trouvé que les dents existaient tant chez le Sca- phirhynchus Kaufmanni de l'Amou-Daria, que chez le Scaphirhynchus Feditschenkoï du Syr-Daria. Chez le Scaphirhynchus Kaufmannu, j'ai constaté l’exis- tence des dents aussi bien sur les individus jeunes que sur les individus adultes bien que pas encore très âgés. Chez le Scaphirhynchus Fellschenkor Kess!. Des dents ont été décou- vertes sur l'individu même qui avait servi à Kessler pour dé- crire cette espèce du genre Scaphirhynchus et qui avait été reconnu par notre regretté ichthyologue pour un individu adulte quoique encore jeune. La longueur du Scaphirhyn- chus Kaufmanniü possesseur de dents atteignait 380 milli- mètres, celle du Scaprirhynchus Fertschenkoi 315 millimè- tres; un Scaplurhynchus Kaufmannu de 465 millimètres n'avait déjà plus de dents. ODONTOGRAPHIE DES GANOIDEI CHONDROSTEI. 24 Chez les deux espèces de ce genre il ne reste que les dents du palais et celles des branchies. Les dents palatines sont disposées exactement comme celles du sterlel, c'est-à-dire dans les deux moitiés du palais, sur les deux cartilages palatins, non loin du bord postérieur, dont elles sont également séparées par une saillie carlilagineuse. La seule différence, c'est que les groupes de dents sont plus étendus, plus réguliers et beaucoup plus éloignés l’un de l’autre (fig. 9). Chez un jeune Scaphirhynchus Kaufmannü, long de près de 380 millimètres, j'ai compté 54 dents dans chaque groupe; celles-ci sont disposées sur trois rangs, à raison de 18 par rangée (voir fig. 10); les rangs antérieur et moyen sont occupés par les plus grosses dents, celui de derrière par les plus petites. Chez un individu, long de 115 millimètres, qui m'a servi pour la préparation repré- sentée par la figure 10, j'ai compté sur la rangée intérieure 18 et 20 dents, sur celle du milieu 18 et 18 dents et sur celle de derrière 15 et 17 dents. Chez un Scaphirhynchus Fedischenkoï adulle que j'ai étudié, le nombre des dents élait un peu moindre; elles étaient aussi disposées sur trois rangs, mais, au lieu de 18, il n'y en avait que 11 par rang de sorte que la quantité totale pour chaque groupe était de 39. Par leur structure, les dents de l’une et de l’autre forme rappellent étonnamment celle des dents embryonnaires du sterlet, tel qu'elle est décrite par M. le prof. Zalensky. Ces dents reposent sur des mamelons et sont recouvertes sur la plus grande partie de leur surface par l’épithélie, de même que celle du sterlet d’un mois. Si l’on examine d'en haut le groupe dentaire, à de très faibles grossissements, les dents apparaissent à peine visibles; cela provient, de même que pour les dents du sterlet, de ce qu’elles sont enfermées, dans leur partie la plus large, dans l’épiderme de la peau qui recouvre le palais; les extrémités des dents sont seules à découvert et font saillie à travers l'enveloppe. En outre, autour de ces extrémités, l’épiderme s’évase un peu el forme 219 À N. ZOGRAF. des fossettes assez visibles au centre desquelles les dents font saillie (voir fig. 11). La dent est facile à débarrasser des issus qui l'entourent pour subir une préparation tout en conservant sa gaine, c’est-à-dire l’épithélie qui la recouvre. Sur les coupes de dents décalcinées du Scaphirhynchus Kaufmannü, on voit bien que le tissu du mamelon qui rem- plit la cavité de la dent se prolonge sans interruption dans le lissu conjonctif de la peau de la bouche, mais les éléments qui constituent le tissu du mamelon ont une structure autre que le tissu conjonctif du cuir situé tant au-dessous de l’épithélie que dans les couches plus profondes. Il a l’appa- rence de cellules fusiformes; en outre, près de la paroi même de la dent, on remarque des fibres encore plus ténues, délicates et plates, qui portent les traces de leur origine cellulaire (fig. 11). Les dents du Scaphirhynchus Fedtschenkoï, ont à peu près la même struclure, avec cette différence qu’elles sont plus ténues et que l’épithélie forme autour d'elles un revêtement en forme de gaine qui descend jusqu'à leur base. Ici la pulpe de la dent porte un caractère encore plus embrvon- naire et sur la paroi, dans sa partie supérieure, on remarque les vestiges des canaux de la dentine (fig. 12). Enfin, l'émail des dents du Scaphirhynchus Fedtschenkoï est bien plus visi- ble que celui des dents du Scaphirhynchus Kaufmannu et de l'A cipenser rulhenus. Prenant en considéralion la position des dents sur le palais du jeune sterlet et du Scaphirhynchus, j'ai recherché s'il n’en existait pas aussi des vestiges sur les esturgeons adulles. Effectivement, dans les endroits qui correspondent aux saillies recouverles de dents du Scaphirhynchus, J'ai remarqué chez les sterlets, esturgeons stellifères, et autres de pelites saillies correspondant à celles qui portent des dents chez les formes que j'ai déjà citées. Au centre de ces saillies. chez les sterlets et les esturgeons stellifères, on re- marque un pelil palier dont l’épiderme se distingue du reste du palais par une plus grande sécheresse et des dimensions ODONTOGRAPHIE DES GANOIDEI CHONDROSTEI. 23 moindres des cellules et par une complète absence des organes en forme de coupe. En débarrassant le palais sur l'emplacement de ces saillies, des parties molles qui le recouvrent, on voit qu'au-dessous de ces saillies se retrouve précisément le rang postérieur des cartilages du palais avec sa saillie légèrement arrondie. Chez les individus très vieux, par exemple chez un Scaphirhynchus Kaufmannu ayant 850 millimètres de la tête à la queue, les saillies qui se trouvent sur l'emplacement des dents sont moins tranchées bien qu'elles ne disparaissent complètement comme cela a lieu, par exemple, pour les verrues qui recouvrent le palais. Chez un exemplaire âgé de Scaplarhynchus cataphractus du Mississipi, que j'ai en ma possession, à la place des saillies, il est resté deux paliers assez larges, débarrassés des nom- breuses verrues qui recouvrent le reste de la surface du palais. Encouragé par ces preuves apportées à mes hypothèses théoriques, en examinant avec le plus grand soin les repré- sentants du genre Acipenser proprement dit, je me suis efforcé de trouver une base permettant de conclure quelle est celle de nos espèces qui se rapproche le plus du type primitif, qui ressemble le plus au Scaplairhynchus et où l’on peut espérer trouver des dents à un âge plus avancé que cela n’a lieu pour le sterlet. En tenant compte de la largeur de la tête, de la grosseur des plaques stelliformes des tissus de l’épiderme, des piquants qui hérissent les plaques dorsales et latérales, ainsi que celles de la têle, je suis arrivé à conclure, d'une part, que l’esturgeon stellifère, Acipenser stellatus, se rap- proche beaucoup de ce type primitif abstrait du genre A cipenser ; d'autre part, le fort développement des plaques de l’esturgeon, sa diffusion dans les cours d’eau de l'Asie septentrionale (l’Acipenser Baeru, l'esturgon des cours d’eau de la Sibérie se rapproche beaucoup de l’Acipenser Gülden- städti) portent à croire que celte espèce est relativement ancienne parmi les poissons russes du genre esturgeon. 214 N. ZOGRAF. Dans l'espoir de voir mes hypothèses confirmées par les faits, j'ai fait tous mes efforts pour être à même d'étudier les jeunes esturgeons stellaires et autres. Je n'ai pas réussi à me procurer de petits esturgeons ordinaires; mais en ce qui concerne les esturgeons stellaires, grâce aux soins d’un de mes amis. M. A. S. Mestchersky, auquel je considère comme un devoir agréable d'offrir mes remerciements, j'ai pu obtenir un exemplaire d'esturgeon stellaire très jeune, d’une longueur de 150 millimètres environ. La tête de ce poisson était entièrement développée et bien caractéristique : cette têle est large et longue, le corps est recouvert de plaques claires en forme d’éloile, les plaques et les écailles de la tête sont dentelées. Malgré la mauvaise conservation de ce poisson, amené de Saralov dans de l’eau-de-vie faible, j'ai pu distinguer sur son palais les grandes saillies dentaires recourbées en arc (voir fig. 13) et, à ma grande satisfac- Hion, j'ai retiré de ces saillies quelques dents très petites, mais très bien formées (voir fig. 14). Je n'ai pu compter le nombre de ces dents, car, grâce à la mauvaise conservation, les tissus des saillies dentaires étaient tombés çà et là, aimsi que les dents. Comme je l’ai dit, elles étaient très bien for- mées. Malgré leurs petites dimensions {les dents de ce jeune esturgeon stellaire atteignaient à peine 0,0113 de mill., tandis que celles du Scaphirhynchus Kaufmannu vont jusqu'à 0,0272 de mill., celles du Scaphirhynchus Fedischenkoï jusqu'à 0,0395 de mill., celles du sterlet jusqu à 0,0940 de mill., celles de l’Acipenser Baeru jusqu’à 0,215 de mill. et enfin celle du Polyodon jusqu'à 0,84 de millimètre) qui dépassent à peine en longueur celles des dents d’un sterlet de trois semaines et sont considérablement moindres que chez le Scaphirhynchus et le Polyodon, les dents de l’esturgeon stellaire ont une plaque de base très bien développée et des dents bien formées. La paroi de cette dent est relativement très épaisse. Dans l'épaisseur de la dentline passent les canaux dentaires rami- fiés et sa superficie est recouverte d’une couche d’émail ODONTOGRAPHIE DES GANOIDEI CHONDROSTEI. 28G bien distincte. En ce qui concerne le palier, il se compose de la substance dentineuse mentionnée plus haut, qui a été si bien décrite par Kôlliker et Kôstler. Il est probable qu'à un âge un peu plus avancé les esturgeons stellaires perdent leurs dents; chez des poissons, dépassant trois ou quatre fois environ l’esturgeon stellaire en question, 1l n'y avait plus aucune trace de dents. Enfin, au commencement de cette année, J'ai réussi à étudier les dents d’un esturgeon, bien qu’appartenant à une autre espèce que celle des cours d’eau de la Russie d'Europe, c'est-à-dire autre que l’Acipenser Güldenstädta. J'ai déjà dit plus haut que cet esturgeon, qui appartient à l'espèce À c1- penser Baerü Br., et qui habite les cours d’eau de la Sibérie, m'a été envoyé d'Omsk, sur l’Irtysch, par un étudiant de mon cours, M. Ignatiev. Les exemplaires qu'il m'a envoyés avaient déjà atteint l’âge adulte, bien que leur croissance continue encore, car le plus grand d’entre eux mesurait 611 millimètres, tandis que les esturgeons de l’Irtysch atteignent près de 2 mètres et parfois davantage. Sur le palais de ces esturgneos, lisse et privé d’excrois- sances en forme de verrues, on apercevait très bien les deux paliers (fig. 15) avec les dents palatines. Je n'ai pas réussi à trouver de traces de dents sur leurs mâchoires, mais par contre, J'ai trouvé sur le vomer de ces poissons une petite dent peu développée (fig. 16). Quant aux dents palatines, il en manquait déjà beaucoup et on ne remarquait plus de régularité dans leur distribu- tion, ce qui a certainement pour cause l’âge avancé de ces poissons. Quelques-unes des dents étaient à moitié enfoncées dans l'épithélie, dans laquelle elles se maintenaient par leur base élargie el d'où n'émergeait que leur sommet (fig. 17); d’autres disparaissaient complètement dans l’épithélie, sans que leur extrémité fût visible à l'extérieur (fig. 18). La structure de ces dents rappelle tout à fait celle des 216 | N. ZOGRAEF. dents des autres poissons du genre esturgeon. Dans la paroi de la dent on distingue l'émail et la dentine, bien que celle-ci soit à l’état tout à fait embryonnaire, sans vestiges de canaux. À l'extérieur la dent est entourée des cellules de l’épithélie, qui se disposent sur sa paroi en une rangée sous forme de gaine et qui communiquent avec les cellules qui tapissent la surface interne de la cavité dentaire. La pulpe même se compose d’une masse friable de cellules fusiformes qui se prolongent directement en bas dans le tissu con- jonctif, à cet endroit celui-ei se rapproche par sa structure de la pulpe de la dent et se distingue du tissu conjonctif de la peau qui l'entoure. L'existence des dents chez les Scaphrhynchus, les sterlets et les esturgeons stellaires à différents âges me semble être un fait de quelque importance pour marquer la place que ces poissons occupent dans le système, surtout si on le met en ligne avec d’autres faits constatés par l'étude de l'orga- nisation de ces animaux, lels que la structure de la nageoire dorsale des sterleits très jeunes, celle de l’épiphyse des poissons du genre eslurgeon, la structure histologique de la vessie natatoire qui se rapproche de beaucoup de la structure histologique de l’intestin, la largeur considérable du canal qui fait communiquer la vessie avec le conduit de la nutrition et qui atteint chez les jeunes sterlets une telle largueur que la nourriture passe librement par ce canal pour pénétrer dans la vessie, enfin l'existence chez les indi- vidus jeunes, dans le conus arteriosus, outre les soupapes qui demeurent toule la vie, d’embryons de parois rappe- lant des soupapes non formées, etc. Partant de ce fait que, de tous les Ganoïdes, les Chon- drostei sont les seuls sur lesquels on constate, soit le déve- loppement insuffisant, soit l'absence de dents dans l’âge adulte, tandis que l’on trouve celles-ci dans presque toutes les autres formes lant vivantes que fossiles de ce sous- ordre, nous sommes en droit de conclure que la présence de dents embryonnaires ou formées à un âge plus ou moins CS | ODONTOGRAPHIE DES GANOIDEI CHONDROSTEI. 21 avancé chez les poissons du genre esturgeon est une consé- quence de l’atavisme, un phénomène héréditaire. S'il en est ainsi, nous pouvons pleinement en déduire que les ancêtres de nos esturgeons élaient armés de dents. En nous basant sur la présence ou l'absence de dents à tel ou tel âge, nous pouvons supposer que des formes d’esturgeons actuellement vivantes, les plus rapprochées des ancêtres, en d’autres termes celles qui se sont le moins écartées pour ces indices du type des ancêtres, sont les formes qui conservent Le plus longtemps leurs dents ou qui en ont de plus parfaites. Cela signifie, dans le cas qui nous occupe, que les genres Psephu- rus et Polyodon doivent se rapprocher davantage des ancè- tres que les espèces des genres Scaphirhynchus el Acipenser. Nous ne devons pas nous émouvoir du fait que, chez le Sca- phirhynchus et l’Acipenser, les dents sont plus développées sur le palais que sur la mâchoire, car nous observons chez quelques formes fossiles disparues des cas semblables d’un grand développement des dents sur le palais et sur la partie postérieure des mandibules, tandis qu’elles font complète- ment défaut sur les maxilles. Je citerai pour exemple, les Ganoïdes fossiles des couches mésozoaires supérieures et des couches tertiaires, tels que le Pycnodus ou le Gyrodus, chez lesquels on remarque un développement analogue des denis. D'un autre eôté, leur présence chez le sterlet très jeune, sur les mâchoires, le palais, le vomer et les branchies, indiquent une parenté avec les formes qui possédaient touies ces sortes de dents. De plus, en tenant compte de la pré- sence, chez les petits sterlets et esturgeons stellaires et chez l'A cipenser Baeri presque adulte, des dents palatines après disparition de celles de la mâchoire, nous pouvons conclure que l’Acipenser est plus rapproché du genre Scaphirhynchus que du genre Polyodon. Enfin, si nous considérons que, chez le Polyodon folium, ainsi que chez le Psephurus qgladius parent de cette forme et qui a été si peu étudié, les dents se conservent pendant toute la vie, que chez l'esturgeon de Sibérie, À cipenser 218 - _ N. ZOGRAF. Paerü, elles demeurent jusqu'à l’âge adulte, quoique encore peu avancé, que chez le Scaphirhynchus des deux espèces asiatiques il en est de même, tandis que chez l’Acipenser ruthenus et chez l'A cipenser stellatus, elles disparaissent dès que l’âge adulle commence, si nous tenons compte également de la distribution géographique de ces formes, nous pouvons conclure que, sur l’ancien continent, les dents des poissons du genre esturgeon se conservent d'autant plus longtemps qu'ils sont plus rapprochés de son littoral oriental {1). Ce fait, en corrélation avec cette circonstance que lorsque les dents disparaissent on voit également disparaître les indices qui montrent que l’organisation est relativement plus primitive, servira peut-être à indiquer que les poissons de l’ordre des Ganoidei Chondrostei sont d'autant plus près du type le plus simple, du type ancestral, qu’ils conservent le plus longtemps leurs dents. Pour vérifier et développer cette conclusion il faudrait faire des recherches sur des formes encore plus orientales, malheureusement difficiles à obtenir maintenant. Il serait surtout désirable qu'on étudiàt à ce point de vue les formes originales qui habitent le Yang-tsé-Kiang et l'Amour, formes probablement très diverses, mais que confondent entre elles les ichthyologues, même les plus sérieux (2). (1) On peut juger par l’exemple suivant de combien en réalité la distri- bution géographique influe sur l'existence des dents. L'Acipenser Baerii est considéré par quelques savants non pas comme une espèce spéciale, mais comme une variété d'Acipenser Güldenstädti ; et cependant je n'ai pas eu beaucoup de peine à trouver des dents chez un Acipenser Baerii d’une lon- gueur de 611 millimètres, tandis que malgré tous mes efforts il m'a été im- possible d'en trouver nichez un Acipenser Güldenstädti, ni chez un Acipenser stellatus Gm. d’une taille beaucoup moindre. (2) Cette note était déjà remise à M. le directeur de la partie zoologique des Annales, lorsque j'ai eu la chance de recevoir de la part de M. Le pro- fesseur Léon Vaillant un morceau de mâchoire du Psephurus gladius muni des dents. J'espère pouvoir bientôt achever mes études de cette précieuse particule et publier ces études dans ce même recueil. NE EXPLICATION DES PLANCHES 4 ET 5 Fic. 1. — Dent branchiale de sterlet adulle, suivant Hertwig (fort grossisse- ment). Fic. 2. — Tête de sterlet de deux semaines, de profil (suivant Pavlov). Gr. environ 20 fois; a, dents des mandibules; b, dents des maxilles; ce, dents palatines; d, dents du vomer; e, dents branchiales. FiG. 3. — Fragment de polissage à travers les mandibules du Poliodon folium, avec dents. Gr. 50 fois. 16. 4. — Polissage longitudinal d'une dent de Polyodon folium: ém, émail; vs. ex, couche extérieure de vasodentine; vs. in, couche intérieure; pl, pulpe ; os, substance osseuse. G. 200 fois. F16. 5. — Portion de polissage d'une dent de Lepidesteus osseus : ém, émail. Gr. 200 fois. Fic. 6. — Coupe transversale de dent décalcinée de Polyodon folium : em, émail; vs. ex, couche extérieure de vasodentine; vs. in, couche inté- rieure ; 4, couche adhérente à la paroi de la dent; cjt, tissu conjonctif; vs. Sg, vaisseaux ; nr, nerf. Gr. 200 fois. Fic. 7. — Quelques dents palatines d’un Acipenser ruthenus de 145 milli- mètres de long, débarrassées de l’épithélie. Gr. 250 fois. Fic. 8. — Palais d’un sterlet de 415 millimètres de long. Gr. 5 fois. Fic. 9. — Palais d’un jeune Scaphirhynchus Kaufmanii de 380 millimètres de long. Gr. 7 fois. Fic. 10. — Dents palatines d’un Scaphirhynchus Kaufmannii de 240 milli- mètres de long. Gr. 70 fois. Fi6. 11. — Coupe longitudinale d’une dent décalcinée de Scaphirhynchus Kaufmannii de 240 millimètres de long : ep, épithélie; ep. in, cellules intérieures de l’épithélie, disposées régulièrement; ds, dent; pl, pulpe; cjt, tissu conjonctif de la peau. Gr. 200 fois. Fic. 12. — Coupe longitudinale d’une dent de Scaphirhynchus Fedtschenko : ep, épithélie ; vd, vasodentine ; em, émail ; pl, pulpe; cj, tissu conjonc- tif; tb. ep, gaine. Gr. 250 fois. F1G. 13. — Palais d’un jeune esturgeon stellaire, Acipenser stellatus, Gr. 3 fois. F1G. 14. Dent palatine d’un jeune Acipenser stellatus. Gr. 380 fois. F1c. 45. — Palais d’un Acipenser Baerii de 611 millimètres de long. Grandeur naturelle. F1iG. 16. — Dent du vomer de l’Acipenser Baerii. Gr. 180 fois. FiG. 47. — Dent palatine d’Acipenser Baerii. Gr. 180 fois. Fic. 18. — Coupe d’une dent d’Acipenser Baerii : ep, épithélie; ep. tb, gaine; ds, dent; em émail; vd, vasodentine; a, parties molles adhérentes à la paroi; pl, pulpe; cjé, tissu conjonctif de la peau; cjt. pl, tissu conjonctif situé sous la poulpe. Gr. 320 fois, NOTE SUR UNE ESPÈCE ASIATIQUE DU GENRE Zapus (Coues). Par E. DE POUSARGUES. Zapus setchuanus (n. sp). Z. hudsonio similis ; sed gqulà lineâque ventrali medià a pectore ad anum de- currente fulvis ; pedibus longioribus caudäque breviore, ad apicem candidü. Habitat. Setchuan. La présence d’une prémolaire à la mâchoire supérieure, la forme du trou sous-orbitaire largement percé et garni d’une encoche à son angle inféro- interne, enfin le mode de conformation du pied composé de cinq doigts, tous fonctionnels auxquels correspondent autant de métatarsiens non soudés, sont autant de caractères qui ne laissent aucun doute sur l'identité générique du Rongeur qui nous occupe. Ses oreilles, à conque repliée, pré- sentent le même singulier mode d’occlusion du méat que chez le Z. hudso- nius, au moyen de clapets tragal et antitragal. Comme on peut en juger par le tableau suivant, ses proportions se rapprochent de celles du type améri- cain, sauf une infériorité sensible dans la longueur de la queue, et un plus grand développement des membres postérieurs. Z. setchuanus Z.hudsonius MESURES, ENMILLIMÉTRES. & 1 AC d’après vieux. adulte. semi-adulte. COUES Longueur de la tête et du corps. 100 80 70 85 = dela queue, CT 0860. La livrée du Z. setchuanus offre avec celle de son congénère américain de grandes similitudes. On retrouve sur le dessus et les côtés de la tète et du tronc, les trois zones longitudinales diversement colorées, la médiane brun noirâtre, chacune des latérales jaune orange. Le dessous du corps est d’un blanc pur, mais la teinte jaune des flancs s'étend sous la gorge qu'elle tra- verse, et de là se propage le long de la ligne médiane ventrale jusqu’à l'anus sous forme d’une étcoïte bande bien distincte, qui divise la teinte blanche inférieure en deux zones longitudinales symétriques, comme c'est le cas chez un autre type mammalogique bien différent Mustela (Gymnopus africanus) (Desm.). Les quatre membres sont blancs à leur extrémité; la queueécailleuse, gerbilhiforme est franchement bicolore, blanche en dessous, brune au-dessus sauf à son extrémité entièrement blanche sur une lon- gueur de 15 millimètres. — Trois dépouilles de ce Zapus, nommé Chan- hao-tse dans la province du Setchuan, ont été envoyées au Muséum par les missionnaires de Ta-tsien-lou, elles constituent une nouvelle preuve de la corrélation qui existe entre la faune du Tibet oriental et celle de l'Amé- rique du Nord. ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS Par J.-H. FABRE. Les insectes à transformations incomplètes, Orthoptères et Névroptères, sont parmi les premiers-nés de la faune ter- restre : leurs archives sont inscrites dans les schistes de la houille et peut-être même remontent au delà. Ces antiques ébauches de l’animalité sur la terre ferme n'ont pas laissé de nombreux documents ; d’ailleurs le peu qui nous en est parvenu ne nous dit rien et ne peut rien nous dire sur la caractéristique supérieure, celle des instincts. Comment vivaient ces aînés du monde entomologique ; par quels essais ont débuté les mœurs de l’insecte ? On soup- conne des rudesses, des étrangetés bannies de la faune actuelle, mieux pondérée; vaguement on entrevoit des usages à peu près inusités aujourd'hui. Il est fâcheux pour noire curiosité, que les feuillets fossilifères soient muets sur ce magnifique sujet. Heureusement une ressource nous reste : c'est de consuller les successeurs des insectes houillers. Sui- vant ioule probabilité, les saulerelles de notre époque ont gardé un écho assez fidèle des antiques mœurs. Elles peu- vent nous renseigner un peu sur la biologie primitive, qui régissait la bête dans les fourrés des fougères en arbre. Déjà la Blatte nous montre sa singulière coque, simu- lacre d'œuf monsirueux où les œufs réels sont enclos. La 992 J.-H. FABRE. Mante religieuse construit son nid exceptionnel, la #igno des Provençaux, l’oothèque des naturalistes, nid formé de matière glulineuse qui, sous les coups précipités de deux cuillers terminant l’oviducte, se gonfle en écume ainsi qu'une omeletle soufflée et se durcit en un matelas d’air ; avec un bruit d’ailes frôlées, imitant le souffle de la couleu- vre surprise, elle prend soudain une pose spectrale pour méduser le criquel, son habituelle proie ; dans ses tragiques amours, elle dévore son mâle comme le font l’araignée et la scolopendre, autres représentants du rude monde d’aulre- fois. L'Empuse, à l’état de larve, est bien la créature la plus bizarre qu’on puisse rencontrer sur les broussailles du Midi. Réaumur nous dit de quelle façon bizarre les Libellules s’ac- couplent; il nous raconte la curieuse industrie du Four- milion, chasseur blotti au fond d'un entonnoir mouvant pour piège. Ces quelques traits des mœurs de l'Orthoptère et du Né- vroptère, si disparales avec le genre de vie de l'insecte à métamorphoses complètes, plus récent d'origine et plus affiné d’attributs, suffisent pour donner l'éveil et nous aver- tir que l'étude de ces deux vieilles races pourrait bien nous révéler certaines particularités démodées aujourd’hui. Nous pouvons trouver là, en acte, quelques reliques d’un monde disparu. Telle idée m'est venue en m'occupant des Mantiens, don on trouvera l’histoire développée dans le cinquième volume de mes Souvenirs entomologiques. La Mante religieuse, l'Em- puse appauvrie, l'Ameles décolorée, pour ne parler que des insectes de mon voisinage, répondent très bien à mon at- tente par leur manière de vivre, inusitée ailleurs. Avec elles, je me trouve dans un monde à part que le scarabée et l'hy- ménoptère, le papillon et le diptère ne feraient pas soup- conner. De l’œuf, notamment, il ne sort pas une larve, mais un organisme transitoire, de {rès courte durée, qui ache- mine hors du labyrinthe du nid la larve véritable. Ici la naissance, l’éclosion, est pour ainsi double. La Cigale, autre ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS. 998 dérivé de l’entomologie primitive, possède elle aussi cette double éclosion. Elle sort de la brindille de bois où la mère a logé sa ponte, non sous la forme larvaire si bien connue, mais sous l’aspect d’un minuscule poisson, avec aviron ven- tral qui seconde la forme naviculaire dans le difficultueux glissement de sorlie. Ces étrangetés m'ont inspiré le désir de poursuivre mes observations plus loin et d'interroger une autre série des vieux âges. J'ai fait choix du locustien, l’orthoptère qui porte sabre et sait striduler. Que nous réserve d’inconnu non l’oviscapte lui-même, vrai plantoir avec lequel la pon- deuse met ses germes en lerre, mais la complexe machine du mâle; que peut nous apprendre encore l'organe du chant, appareil trivial sur lequel tout semble déjà dit ? Mes prévisions n'ont pas élé déçues: de part et d’autre j'ai appris beaucoup. Suis-je vraiment le premier à parler des faits que je vais exposer ? Je l’ignore et ne peux le savoir, isolé et dépourvu de livres comme je le suis dans mon hum- ble village. Si d’autres m'ont, en effet, précédé, qu'ils excu- sent ma tardive entreprise : revoir, et avec d’autres yeux, ce qui a été déjà vu, confirme, complète parfois, l'observation première. Si les prémisses, au contraire, me reviennent, je serais heureux d'ajouter à la biologie de l’insecte un nou- veau chapitre, non dépourvu d'intérêt. En fin juillet, je monte donc une ménagerie dont le prin- cipal sujet est le Dectique à front blanc (Decticus alhifrons Fab.), le plus gros des locustiens de ma région. Superbe bête d’ailleurs avec sa large face éburnéenne et son costume gris mouchelé. J'adopte pour volière une ample cloche en toile métallique reposant sur un lit de terre tamisée. La population est d’une dizaine où les deux sexes sont égale- ment représentés. La question des vivres quelque temps m'embarrasse. Le régime réglementaire semble devoir être végétal, comme nous l’enseigne le criquet, ce calamiteux consommateur de toute chose verte. J'offre aux captifs ce que mon enclos a 2924 J.-H. FABRE. de plus tendre, de plus savoureux en jardinage, feuilles de laitue, de chicorée, de doucette. D’une dent dédaigneuse, les Dectiques y touchent à peine. Ce n’est pas leur mets. Peut-être à leurs robustes mandibules conviendrait mieux quelque chose de plus coriace. Je fais essai de divers gra- mens, parmi lesquels le panic glauque (Setaria glauca), mauco du paysan provençal, mauvaise herbe qui infeste les champs après la moisson. Le panic est seul accepté, et encore ce n’est pas sur le feuillage que les affamés se jettent. Ils s’altaquent uniquement aux épis, dont ils grugent, avec une visible satisfaction, les semences encore tendres. L’ali- mentation est trouvée, provisoire du moins. On verra plus tard. Le matin quand les premiers rayons de soleil visitent la volière établie sur la fenêtre de mon cabinet, je sers la ration de la journée, une gerbe d’épis verts du trivial gra- men cueillie devant ma porte. Les Dectiques accourent à la javelle, s’y groupent; et là, très paisibles, sans la moindre noise entre eux, ils fouillent des mandibules, entre les soies des épis, pour extraire et grignoter les semences non mûres. On dirait un troupeau de pintades picorant le grain distri- bué par la fermière. Les épis dépouillés de leurs tendres granules, le reste est dédaigné, si pressante que soit la faim. Pour rompre un peu la monotonie des victuailles autant qu'il m'est possible en ce Lemps de canicule qui a tout brülé, je fais récolte d’une plante à feuillage épais, charnu, peu sensible aux ardeurs estivales. C'est le vulgaire pourpier (Portulaca oleracea), autre envahisseur des cultures dans les jardins. Le nouvel herbage est bien accueilli ; mais cette fois encore ce n'est pas sur les feuilles et les tiges juteuses que les Dectiques portent la dent, c’est uniquement sur les capsules gonflées de graines à demi formées. Ce goût pour les tendres semences me surprend. Anxruxoe, qui mord, qui aime à mordre, nous dit le grec. Un nom ne disant rien, simple numéro d'ordre, peut suffire au nomen- ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS. 295 clateur; à mon humble avis s’il à signification caractéristi- que tout en sonnant bien, il est encore meilleur. C’est ici le cas. Le Dectique, en effet, est par excellence un insecte enclin à mordre. Gare au doigt saisi par le vigoureux locus- tien : ilest pincé jusqu’au sang. Et cette forte mâchoire, dont je dois me méfier quand je manie la bête, n'aurait d'autre rôle que de mâcher des gra- nules sans consistance ; pareil moulin n'aurait à broyer que de petites semences non mûres! Quelque chose m’échappe. Si bien armé en mandibules, si bien doué en muscles mas- ticateurs gonflant les joues, le Dectique doit dépecer quel- que proie coriace. Cette fois j'ai trouvé le vrai régime, sinon exclusif, du moins fondamental. Des acridiens de belle taille sont lächés dans la volière. Au hasard de mes coups de filet sont intro- duites, tantôt l’une, tantôt l’autre, les espèces suivantes : Œdipoda cærulescens Lin. — Œdivoda miniata Pallas — Splhingonotus cærulans Lin. — Caloptenus italicus Lin. — Pachytylus nigrofasciatus de Géer — Truxalis nasuta Lin. Sont acceptés aussi, mais moins bien, quelques locustiens : Conocephalus mandibularis Charp. — Platycleis intermedia, Serv. — Enhippiger vitium Serv. Il est à croire que si les chances de capture m'avaient servi, toute la série acridienne et toute la série locustienne y auraient passé, à la seule condilion que la taille fût un peu avantageuse. Toute chair fraîche à saveur de sauterelle et de criquet est bonne pour mes ogres. La victime la plus fré- quente est le Criquet à ailes bleues. Il s’en fait, dans la volière,consommation lamentable. Voici comment les choses se passent : | Aussitôt le gibier introduit, tumulte dans la chambrée, surtout si les Dectiques jeûnent depuis quelque temps. Tré- pignements de ceux-ci qui, embarrassés de leurs longues échasses, gauchement se précipitent ; bonds désespérés des Criquets, qui s’élancent au dôme de la cloche et s’y main- liennent accrochés, à l'abri du locustien, trop corpulent ANN. SC. NAT. ZOOL. 15 296 | J.-M. FABRE. pour grimper là-haut. Quelques-uns sont saisis sur-le-champ dès leur entrée ; les autres, réfugiés sur les hauteurs de la coupole, ne font que retarder un peu le sort qui les attend. Leur tour viendra, et bientôt. Soit lassitude, soit tentation par la verdure qui est en bas, ils + hne et le Dectique sera aussitôt à leurs trousses. Harponné d’une façon quelconque par les pattes d'avant du vénateur, le gibier est blessé tout d’abord à la nuque. C’est toujours là, en arrière de la tête, que craque en pre- mier lieu la carapace du Criquet sous l’étau mandibulaire du Declique ; c’est toujours là qu'avec insistance fouille et mâche le prédateur avant de lâcher prise et de consommer après à sa guise. Coup de dent très judicieux. Le Criquet a Ja vie dure. Dé- capité, il bondit encore. J'en ai vus qui, rongés à demi, dé- sespérément ruaient et parvenaient, d’un suprême Ho à se dégager, se Jeter à distance. Au milieu des broussailles, ce serait pièce perdue. Le Dectique paraît au courant de l'affaire. Pour immobiliser au plus vite sa proie, si prompte à la fuite à la faveur de ses deux puissants leviers, il mâche, il extirpe d’abord les ganglions cervicaux, foyer principal de l’innervation. Est-ce là rencontre fortuite où n'intervient pas le choix de l'égorgeur? Non, car je vois le meurtre s’accomplir invaria- blement de la même façon quand la pièce possède sa pleine vigueur. Non, car si l’acridien est présenté à l’état de cadavre frais, ou bien s’il est affaibli, mourant, incapable de défense, l'attaque se fait par un point quelconque, le premier qui se présente sous les crocs de l’assaillant. C’est alors tantôt par un cuissot, morceau de choix, tantôt par le ventre, le dos, la poitrine, que le Dectique débute. La morsure préalable à la nuque est réservée pour les cas difficiles. Il y a donc, chez le locustien giboyeur, si obtus d’intellect, un art du meurtre, comme j'en ai vu ailleurs tant d’autres exemples, mais ici art grossier, du domaine du boucher plutôt que de l’ana- tomiste. | ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS. 297 Deux, trois Criquets à ailes bleues ne sont pas de trop pour la ration quotidienne d’un Dectique. Tout y passe, moins les ailes et les élytres, dédaignées comme trop arides. En outre. la picorée des graines tendres du panic alterne avec la ripaille de g‘bier. Ce sont de gros mangeurs que mes pensionnaires ; ils m'étonnent par leur goinirerie et encore plus par leur facile passage du régime animal au régime végétal. D’estomac complaisant, non spécialisé, ils pourraient rendre à l’agriculture quelques menus services s'ils étaient plus nombreux. Ils détruisent les acridiens, dont divers, même dans nos champs, sont mal famés ; ils grugent, dans l’épi non mûr, les semences de quelques plantes odieuses au cultivateur. Ils sont dignes d’être inscrits au livre d’or des insectes utiles, qualité rare parmi les orthoptères. Si méritoire que soit son modeste concours à la sauve- garde des biens de la terre, le Dectique n'aurait pas eu les honneurs de la volière si je n’avais soupconné autre chose chez ce représentant des antiques races. C’est dans le rap- prochement des sexes, me disais-Je, que doit se retrouver, s’il y a lieu, quelque souvenir des mœurs d'autrefois. Il est possible que le rut effréné de l’animalité primitive ait ici quelques restes de ses étranges mélhodes. Ce n’était pas, de ma part, imagination vaine ; nous allons le voir. C'est en août, dans l’après-midi, par un temps calme et chaud, lorsque le soleil a quitté la volière, que je suis témoin, à trois reprises, de l’accouplement du Dectique. Le mâle est dans une position fort insolite. Couché à terre sur le flanc ou sur le dos, il relève le bout du ventre agité de spasmes. La femelle, guindée aussi haut que le permettent ses échasses, étreint le mâle, pattes de-ci, pattes de-là, ovis- capte redressé. Les extrémités des deux abdomens convul- sivement s’accoinient par saccades et par simple juxtaposi- tion, autant que je peux en Juger. Un quart d'heure environ se passe dans ces préliminaires; puis on voit sourdre du ventre du mâle quelque chose 298 J.-H. FABRE. d’énorme, de monstrueux, hors de proportion avec l'animal. Par sa couleur d'un blanc d'opale, cela ressemble à deux baies de gui accolées. La femelle immédiatement se retire, portant appendue, sous la base de l’oviscapte, l'étrange ma- chine. L'autre, exténué par une dépense de matière dont le volume équivaut presque à la capacité de son ventre, gît à terre, immobile, comme foudroyé. Un moment, je le crois mort, tué par la commotion du rut. Il n’en est rien. Le gail- lard revient à lui, se redresse et décampe pour reprendre bientôt le cliquetis de sa cymbale. Laissons-le célébrer ses exploits et revenons à la femelle, qui lentement pérégrine, le ventre relevé afin de ne pas laisser traîner à terre et souil- ler la double perle opaline, faix précieux. Ce faix est un spermatophore, une burette qui doit main- tenant, par son propre jeu, verser la liqueur fécondante dans le réservoir séminal de la femelle, une machine éjaculatrice qui parachèvera ce que le rapprochement des sexes n'a fait que préparer. Semblable récipient est chose rare, infiniment rare, dans le monde actuel. À ma connaissance, les Cépha- lopodes et les Scolopendres sont les seuls doués aujourd’hui de ce mode bizarre de fécondation. Or, poulpes et mille- pattes datent les uns et les autres des premiers âges. Le Dectique, autre représentant du vieux monde, semble nous dire que l’élrange exception d'aujourd'hui pourrait bien avoir élé règle assez genérale au début, d'autant plus que nous allons retrouver des faits pareils chez les autres locustiens. | À trois reprises, disais-jJe, dans la volière attentivement surveillée, la rencontre des sexes s’est faile sous mes yeux. Une quatrième fois, je suis arrivé trop tard, mais néanmoins assez à lemps pour trouver le spermatophore appendu à l'orifice génital de la femelle. Ces quatre observations m’apprennent que la forme de l’ampoule fécondantie est su- jelte à varier. | Une fois, une seule, le spermatophore a l'aspect d’une grappe de nodosilés opalines symétriquement réparlies ; on ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS. 2929 dirait un paquet d'œufs d’escargot de belle taille, de l'Helir aspersa par exemple. Dans les {rois autres cas, sa forme est mieux d'accord avec la disposition de l'organe où il s’éla- bore. Quatre vésicules, étroitement conjointes, le composent : deux en haut, immédiatement sous l’oviscapte, d’un blanc mat et de la grosseur d’un grain de poivre; deux en bas, d'un blanc d’opale et de la grosseur d’un pois. Ces quatre nodosilés doivent certainement communiquer entre elles el former poche commune. Un court pédiculedematière hyaline, semblable à une gelée vitreuse, forme la base de l’appa- reil el s'engage dans le vestibule génital de la femelle. Ce n'est qu'après l’ablation du spermatophore qu'on pent juger de ce détail. Encore un mot sur l’accouplement. La femelle est en dessus, étreignant l’autre renversé sur le dos. Les pattes postérieures, à dimensions démesurées, lui tiennent le ventre hautement relevé, afin que le mâle ait en dessous le large nécessaire à ses manœuvres, consistant à produire et à fixer en lieu voulu le large pédicule vitreux du spermato- phore qui va surgir bientôt. Ces échasses, où la jambe et la cuisse ont chacune la longueur du corps entier environ, semblent ici et chez les autres locustiens, remplir un rôle important, celui de maintenir le ventre de la femelle à la hauteur réclamée par les fonctions du mâle étendu sur le dos et bourrant l’entrée génitale de sa gelée hyaline. Ce sont évidemment des organes pour bondir, mais ce sont aussi des échafaudages qui favorisent la mise en place du sper- matophore. Comme appareils de bond, elles ne répondent guère à l’exagération de leur longueur. Le Dectique est mé- diocre sauteur, non comparable au Criquet ; il sautille, court gauchement parmi les broussailles, mais ne bondit guère à distance, trop lourd pour un long élan. Je vois mieux l'utilité des échasses chez la femelle accouplée. Le spermatophore est appendu. Remis de son émotion, le mâle se retire à l'écart. Il ne tarde pas à faire entendre quelques brefs couplets, sans grand enthousiasme, il est 230 J.-H. FARBRE, vrai, mais enfin suffisants pour démontrer que le chant n'est pas toujours chez lui un appel aux femelles, mais bien une facon de témoigner sa joie de vivre. Que ferait-il d'une se- conde épousée, lui qui vient de se tarir les flancs pour son cadeau de noces! Si volumineuse machine ne se refait pas deux fois. Le rôle du mâle est fini, en effet. Le lendemain, je le vois grignoter le panic, ronger le Criquet. Au fort du soleil, 1l chante aussi vaillamment que jamais, sans dessein aucun de séduire une seconde fois quelque voisine. Et cela dure ainsi quatre à cinq semaines. Le dernier survivant de la volière est un mâle qui, de jour en jour plus muet, succombe enfin aux premières fraicheurs d'octobre. | Aussitôt après la séparation, la femelle gravement déambule. De temps à autre, elle se hausse sur ses pattes d’arrière et se boucle en anneau pour saisir des mandibules le faix séminal, le mordiller délicatement, le pressurer, mais sans déchirer l'enveloppe, sans amener le moindre épan- chement du contenu. Chaque fois, elle détache de la surface une parcelle qu'elle mâche et remâche avec lenteur el qu’elle finit par avaler. Ç Pendant une vingtaine de minutes, les mêmes faits se répètent. Puis le spermatophore est arraché d’une seule pièce, moins la base, tampon de gelée. L’énorme morceau, tenace et visqueux, non dessaisi un instant, est mâchonné, malaxé par les mandibules pendant près de trois heures et finalement dégluti sans le moindre résidu. Je n’ai vu d’abord dans l’horrible festin qu'une aberra- tion accidentelle, tant la conduite du Dectique était extraordi- naire, sans exemple connu ailleurs. Il a fallu me rendre à l'évidence. Quatre fois ï’ai surpris la mère trainant son. spermatophore, quatre fois je l’ai vue l’arracher bientôt et gravement l’ingurgiter après une longue manipulation sous les mandibules. C’est donc la règle: une fois son contenu ferlilisant parvenu à destinalion, ce qui exige un gros quart d'heure, la poche spermatique, peut-être friandise de haut ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS. 231 stimulant, est mâchée, savourée, avalée. Si c'est là, comme il est permis de le croire, un reste des antiques mœurs, avouons que l’insecte des forêts houillères avait de singuliers usages. Ce repas nuptial fini, il reste encore en place la base, le pédicule de l'appareil, base dont la partie la plus visible con- siste en deux mamelons cristallins de la grosseur d'un grain de poivre. Pour se débarrasser de cette espèce de tampon, le Dectique prend une curieuse atlitude. L’oviscapte est à demi implanté en terre, verticalement ; ce sera le prin- cipal bâton d'appui. Les échasses, rapprochant les tibias des cuisses, élèvent la bêle autant que possible et forment trépied avec le sabre. Les quatre pattes antérieures s’éta- blissent solidement sur le sol. Alors l’insecte se recourbe en dessous en anneau complet et vient, du bout des mandibules, travailler l'entrée génitale. Il débourre petit à pelit le vestibule obstrué. Sont extir- pés d’abord les deux nodules hyalins; puis viennent d’autres débris formés d’une substance semblable à une gelée trans- parente et demi-solide. Toutes ces ruines sont gravement avalées jusqu'aux moindres miettes. Rien ne doit se perdre. Enfin l’oviscapte est lavé, nettoyé, lissé du bout des palpes, Tout est remis en ordre, rien ne reste de l’encombrant far- deau. La pose normale est reprise et le Dectique se met à picorer les épis de Sefaria. Mon désirétait vif de m'emparer du spermatophore mis à l'instant en place et de le soumettre à l'examen du micros- cope pour m'informer de son contenu. Le petit nombre de mes sujets m'a fait résister à la tentation, désireux avant tout de savoir si l’extraordinaire festin était normal ou bien accidentel. Il sera toujours temps, me disais-je, d'examiner ce contenu dans le réceptacle de la femelle. Allons au plus pressé. Tout ce que je me suis permis, c’esi d’enlever une fois la poche spermatique d’entre les mandibules de l'in- secte qui la mâchonnait pour la déglutition. C'est une enveloppe de matière glutineuse, d’un blanc 232 J.-IN. FABRE. d’opale, peu consistante, sans élasticité, engluant le bout des pinces et d’un maniement peu commode comme le serait un flocon de mucosité. Je ne parviens pas à voir distinele- ment la quadruple cavité que semble annoncer la configura- lion de l'appareil. Les spermatozoïdes ont totalement émi- gré. Impossible d'en voir un seul. Le contenu consiste en corpuscules informes, ruines, poussière de l’étonnant édi- fice qui gonflait d'abord la besace. Adressons-nous alors aux femelles. L'une d'elles est sacri- fiée une demi-heure après la conjonction. Son réservoir sé- minal, d’un blanc mat, a la forme et la grosseur d’un fort pépin de raisin. Le contenu en est bien ce que l’architec- ture spermalique m'a jusqu'ici montré de plus singulier ; à peine rivaliserait avec lui le tourbillon de menus cylindres en filaments enroulés que lance le spermatophore de la Sco- lopendre. Le champ du microscope est semé d’innombrables frondes de fougère, de plumules étroites, très longues, gracieuse- ment flexueuses, portant pour barbes deux rangées de spinules fusiformes. Autour de ces frondes se groupent, s’épanouissent, comme autour de l’axe d’une inflorescence à prodigieuse fécondité, des myriades de cellules dans chacune desquelles rapidement tourne un spermatozoïde courbé en anneau. D'ici, de là, des cellules crèvent; des spermato- zoïdes se dégagent, se meuvent en serpentant, lournoient en hélice. Le spectacle est vertigineux. Le regard recule stupéfait devant cette prodigalité d'élégance et cet abîme de vie dans l’infiniment petit. Quel outillage pour qu'il y ait des saulerelles l’été prochain ! Ces plumules faligueraient le nombre sans résultat. Les unes entières, les autres fragmentées, elles sont confusément enchevêlrées sur le porte-objet ; mais il est à croire qu'un ordre délicat préside à leur arrangement dans le spermato- phore, et tout d’abord dans la bourse où ce dernier se fa- conne. Ouvrons un mâle pour voir au moins son officine. C'est une ample bourse didyme surmontée d'un double ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS. 233 faisceau de glandes tubulaires, blanches, tortueuses, au nombre d’une trentaine pour chaque faisceau. La double poche est hérissée sur toute sa surface d'innombrables et menus cæcums d’un blanc plus mat, formant comme une sorte de grossier velours. Le pédicule de la bourse est ample et très court. Là viennent déboucher les cordons déférents des testicules. Ceux-ci, volumineux ovoïdes déprimés, sonl d’un jaune citron et enveloppés d’une gaine de larges et bril- lantes {rachées. Ils contiennent déjà, mais moins accentuées, moins mûres que dans le réservoir séminal de la femelle, les frondes de fougère, support de la floraison spermalique, L'outillage masculin s'explique maintenant de lui-même. Les plumules à spermalozoïdes descendent. de leur organe générateur, pénètrent dans la bourse didyme, s’y groupent dans un certain ordre que ma pénurie de sujels ne m'a pas permis de reconnaître, s'y enveloppent d’un sac glutineux à quadruple compartiment, dont la matière est fournie à la fois par les longues glandes bare et par les courls cæcums figurant le duvet d’un velours; et voilà le spermatophore constitué, rappelant par sa division symétrique la poche di- dyme où 1l à pris naissance. Ce que vient de nous apprendre le Declique à front blanc doil se généraliser : les locustiens, en majorilé du moins si ce n’est tous, sont fécondés par l'intermédiaire d’un sper- matophore. Donnons les preuves de-ce fait, si remarquable. Mes volières sont nombreuses, peuplées isolément de l'une des espèces que me vaut le hasard des trouvailles. L'Éphip- pigère des vignes (£phaippiger vitium Serv.) est, de mes pen- sionnaires, celui qui répond le mieux à mes soins. C'est en fin août encore et dans l’après-midi que je surprends la fe- melle porlant son ÉCTEnREE appendu sous la base de l'oviscapte. À trois reprises, j'ai celte chance, mais sans pouvoir assister à l’accouplement qui, tout semble le dire, se fait suivant le mode usité du Dectique. Le sac spermatique est proportionnellement énorme et dépasse en largeur le ventre de la bête. C’est une grappe 934 J.-H. FABRE. sphéroïde, mamelonnée ainsi qu'une müre à grains volumi- neux. Sa couleur opaline etsa configuration rappellent un paquet d'œufs de colimacon, aspect que le Dectique m'a montré une fois, mais moins accentué. Un faible sillon mé- dian divise l’ensemble en deux moitiés symétriques, compre- nant chacune sept ou huit sphérules. Les deux nodosités si- tuées à droite el à gauche de la base de l’oviscapte sont plus translucides que les autres et contiennent un noyau d'un vif rouge orangé. L'appareil est fixé au vestibule génital par un large pédicule dont je n’entrevois que la base, empâte- ment de matière hyaline. Accrochée au grillage de la cloche, l’Éphippigère se re- . courbe de temps à autre en anneau et vient saisi du bout des mandibules une parcelle de son faix, parcelle qu’elle mâche lentement et finit par déglutir. C’est [à répétition de ce que nous à montré le Dectique. À de longs intervalles, {toujours sans rompre l'enveloppe el sans amener d’épanche- ment, se répèle la manœuvre de superficielle décortication. Souvent l’insecte quitte le treillage, descend à terre et marche sur un sol inégal, raboteux, récemment remué par ja pointe de mon couteau. Le spermatophore traîne alors parmi les rugosités : 1l englue des grains de sable, des par- celles terreuses qui augmentent notablement le poids de la charge sans que l’insecte paraisse y donner la moindreatten- tion. Parfois le charroi est laborieux, la masse s’étant collée à quelque lopin de terre inébranlable. Malgré l'effort déployé pour dégager l’objet, celui-ci ne se détache pas de son point de suspension sous l’oviscapte, preuve d’une adhé- rence de quelle solidité. Toute la soirée, tantôt sur le grillage et tantôt sur le sol, l'Éphippigère va et vient nonchalamment, d’un air assez embarrassé. Plus souvent encore, elle stationne, immobile. Le spermatophore se fane un peu, mais sans diminuer sen- siblement de volume. Les bouchées happées au début ne se répètent plus, et le peu qui a été enlevé n'intéresse que la surface. Le lendemain les choses en sont au même point. ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS. 335 Rien de nouveau non plus le surlendemain, sauf que le spermatophore se fane davantage tout en conservant ses deux points rouges presque aussi vifs qu'au début. Enfin, après quarante-huit heures d’adhérence, il se détache et tombe à terre sans l'intermédiaire de l’insecte. C’est une ruine aride, ratatinée, méconnaissable, abandonnée à la voirie et tôt ou tard butin des fourmis. Le Dectique dévore la poche séminale après une ving- taine de minutes de contact. L'Éphippigère se borne à la mordiller au début comme fait l’autre. Sans plus y toucher, elle la laisse pendant deux jours entiers se dessécher sur place, et se détacher seule une fois épuisée. Ces différences écarlées, le reste est à peu près pareil de part et d'autre. La ressemblance se maintient, plus intime même qu’on ne s'y attendrait, dans l’organisalion des mâles. Comme le Dectique, le locustien à cymbales est pourvu d'un sac didyme où se forme le spermatophore, sac où les testi- cules, d’un orangé pâle, déversent leur produit. Là débou- chent aussi, à la partie supérieure, de nombreuses glandes opalines, gonflées en tubes tortueux ; à la région inférieure et sur les flancs, une multitude, une toison d'appendices me- nus et courts, d'un blanc crétacé. Dans la région moyenne du bissac, ces glandules en poils creux sont d’un vif orangé. Là doivent s’élaborer les deux points rouges reconnus sur le spermatophore. En somme, qui a vu l’appareil mâle du Dectique connaît celui de l'Éphippigère, quelques menus détails écartés. Un troisième locustien m'a dédommagé en partie de mes iracas d'éducation. C’est le Phanéroptère en faulx (Phane- roptlera falcata Scop.). A diverses reprises, mais toujours dans des conditions insuffisantes pour une observation com- plèle, jai trouvé la femelle avec son spermatophore ap- pendu. C’est une ampoule diaphane, ovalaire, de 3 à 4 millimètres, supportée par un pédicule, fil de cristal presque aussi long que l’ampoule. Je ne surprends jamais l'insecte mordillant la petite outre séminale, ou bien la 236 J.-H. FARBRE. délachant. Comme pour l'Éphippigère, le spermatophore me semble ici devoir se dessécher sur place et tomber de lui-même après un contact prolongé. Si mon observation laisse beaucoup à désirer, elle affirme du moins le fait fon- damental, la présence d’un spermatophore. Les autres locustiens élevés en volière, Platycleis inter- media Serv. — Plaiycleis grisea Fab. — Xiphidion fuscum Fab. — Conocephalus mandibularis Charp. se sont abstenus pour des motifs qui m'échappent. Mais si l’observation directe est muette, l’analomie est pleinement affirmative. Chez tous, l'outillage masculin est construit sur un modèle identique. [ci et là, toujours bourse didyme hérissée d’un velours de glandules et surmontée de deux bouquets de gros tubes. D’après l’officine, on peut juger du produit. Dans cette bourse doit s’élaborer un spermatophore dont la matière enveloppante est fournie par la multitude de glandes tubuleuses. Aucune autre fonclion ne saurait êlre attribuée à cet appareil, si complexe de struclure et si constant d’une espèce à l’autre dans ses traits fondamentaux. La conclusion s'impose : chez les locustiens, la fécondation n’est pas directe ; elle se fait par l’intermédiaire d’un sper- matophore. Peut-être faut-il en dire aulant des grylliens. Vers 1855, si je suis bien servi par mes souvenirs, seuls documents dont je dispose, le regretté Lespès, professeur à la Faculté des sciences de Marseille, fit connaître le spermatophore du vulgaire grillon (Grillus campestris Lin.). Voilà le premier coup de pioche dans le filon que je me propose d'attaquer plus avant en saison propice. Pour aujourd'hui, j'ouvre une courtihère (Gryllotalpa vulgaris Latr.). Outre les organes essentiels de la mascu- linilé, à canal déférent plié en sinuosités serrées, Je trouve l'appareil accessoire suivant : ample poche hérissée de glandules et munie en outre de deux gros tubes d’un blanc de craie, dont l'extrémité libre s’enroule en colimacon. Ce sac, à loison glanduleuse, est l'équivalent de la bourse ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS. 237 didyme des autres; ces deux tubes à sommet hélicoïde représentent les deux bouquets de cylindres. Serait-ce trop s’aventurer que de prévoir un spermatophore d’après cette structure ? L'avenir pourrait bien coufirmer ce soupçon. Revenons au Dectique. La ponte suit de près l’accou- plement. Elle se fait par fractions, à mesure que les ovules mürissent. Les manœuvres de la pondeuse méritent d’être vues. Bien campée sur les six pattes, elle infléchit le ventre en demi-cercle et verticalement elle implante le sabre dans le sol qui, composé de terre Lamisée, ne présente pas sérieuse résistance. L’oviscapte descend donc sans hésitation et s'enfonce jusqu'à la base, ce qui correspond à la profon- deur d’une paire de centimètres. Pendant près d’un quart d'heure, immobilité. C’est le moment du dépôt des œufs. Puis le sabre remonte, et l'abdomen assez vivement oscille de droite et de gauche, ce qui imprime à l'outil un mou- vement transversal alternatif. Ainsi se racle et s'agrandit un peu le trou de sonde; ainsi se détachent de la paroi des matériaux terreux qui comblent le fond de la cavité. Alors l’oviscapte, à demi dégagé, tasse celte poussière. Il remonte un peu, puis brusquement plonge à nombreuses reprises, d’un mouvement brusque, saccadé. Pour tasser de la terre avec un bâton, dans un trou vertical, nous ne ferions pas autrement. Alternant ainsi l’oscillation trans- versale du sabre el les coups de refouloir, la pondeuse comble assez prestement le puits. IL reste à faire disparaître les traces extérieures du tra-. vail. Ici je m'attendais à voir agir les pattes, les antérieures surtout. Erreur. Les pattes gardent la position adoptée pour la ponte, et c'est la pointe du sabre qui seule gratte, balaie, égalise, fort gauchement il est vrai. Tout est en ordre. Le ventre et l’oviscapte sont ramenés dans la position normale. La mère s'accorde alors un mo- ment de repos et va faire une tournée dans le voisinage. Bientôt elle revient sur remplacement où je viens de la 238 J.-H. FABRE- voir pondre ; et très près du point primitif qu’elle recon- naît très bien, elle implante de nouveau son outil. Les mêmes fails exactement se répètent. Puis autre repos, autre reconnaissance à la ronde, autre retour aux lieux déjà ense- mencés. Pour la troisième fois le plantoir descend, à très faible distance des silos antérieurs. Cinq fois, dans une séance d’une heure à peine, et toujours en des points fort rapprochés l’un de l’autre, presque identiques, je la vois ainsi reprendre sa ponte après une courte promenade dans le voisinage. Les jours suivants, à des intervalles variables, le semis recommence un certain nombre de fois que je ne peux préciser. Pour chacune de ces pontes partielles, l’empla- cement change, tantôt ici et tantôt là, au hasard des lieux reconnus propices. Nécessitées sans doute par la maturation progressive des ovules, ces inltermittences, dont ne sont pas même -affran- chies les diverses pontes partielles, jettent une ombre de doute sur certaine image classique, reproduite en bien des livres et représentant la grande sauterelle verte (Locusta viridissima Lin.) dans l'acte de la ponte et confiant ses œufs à la terre en un seul amas. Est-ce bien ainsi que les choses se passent ? Je me permettrai d'en douter. Les locustiens sont des disséminateurs et non des entasseurs par paquets comme les acridiens. Ainsi l’affirment du moins le Dectique et l'Éphippigère, les seuls qui aient pondu dans mes vo- lières. | Je fouille les silos du Dectique. Pas de paquet, pas de loge non plus. Les œufs sont isolés. Tout au plus m'ar- rive-t-il, mais rarement, d’en trouver deux ou trois accolés ensemble. J’en recueille une soixantaine pour le total d’une seule mère. Ils sont d’un pâle gris lilacé. Même isolement pour ceux de l'Éphippigère, d’un gris cendré. Les uns et les autres sont des ellipsoïdes déprimés, mesurant de 5 à 6 millimètres de longueur sur 1 à 1 millimètre et demi de plus grande largeur. ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS. 239 Bref, mes deux locustiens, scrupuleusement observés en volière, sont des semeurs au plantoir, qui meltent leurs semences en terre une par une et non par groupes. Je ne vois pas de raison pour que la sauterelle verte et toute la série se comportent d'autre manière. L'image classique dont je parlais tantôt perpétue très probablement une erreur. Sous un autre aspect, celui du chant, les livres que je peux consulter sont plus défectueux encore. Ils parlent bien du »uroir, cette fine membrane vibrante qui reluit ainsi qu'une lamelle de mica ; mais comment cette cymbale est- elle mise en vibration? C’est ce qu'ils ne disent pas ou disent de façon fort vague, incorrecte. Friction des élytres, frottement mutuel des nervures, et c’est tout. Je désirais explication plus lucide. La boîte à musique d’une saute- relle doit avoir elle aussi mécanisme précis. Informons-nous donc, quitte à répéter peut-être des observations déjà faites, mais ignorées d’un solitaire. Et d’abord le Dectique à fond blanc. Sa chanson débule par un bruit sec, aigu, métallique, fort semblable à celui que fait entendre le tourde sur le qui-vive quand il se gorge d'olives. C’est une suite de coups isolés, 24 4, longuement espacés. Puis, par un crescendo graduel, le chant devient un cliquetis rapide où le 44 ti fondamental s'accompagne d'une sourde basse continue. En finale, le crescendo devient tel que la note métallique s'éteint et que le chant se trans- forme en un simple bruit de frôlement, en un /rrr-frrr-frrr de grande rapidité. Le virluose continue ainsi des heures durant, entrecou- pant ses strophes de silences. Dans sa plénitude, le chant peut se percevoir à une dizaine de mètres de distance si le temps est calme. Les femelles paraissent n’y faire aucune attention, du moins je ne surprends rien qui dénote chez elles satisfaction de dilettante. Que le bruit de frôlement provienne des nervures mutuel- lement frictionnées sur les deux membranes arides, c’est pos- 240 J.-H. FABRE. sible; mais le cliquetis si nettement scandé doit avoir, m'est avis, une autre origine. Examinons la chose de pres. _ Lesélytres du Dectique se dilatent à la base etforment sur le dos une dépression plane en triangle allongé. Voilà le champ sonore. L’élytre gauche y chevauche sur l’élytre droite et masque en plein, au repos, l'appareil musical de celle-ci. De cet appareil, la partie la mieux distincte, la mieux connue de temps immémorial, est le ro4r, ainsi dénommé à cause du brillant de sa fine membrane ovalaire, enchâssée dans le cadre d’une nervure. C'est la peau d’un tambour, d’un tympanon d’exquise délicatesse, avec cette différence qu'il résonne sans être percuté. Rien n’est en contact avec lui quand le Dectique chante. Les vibrations lui sont communi- quées, parties d’ailleurs. Et comment ? Le voici. Sa bordure se prolonge à l’angle interne de la base par une obtuse et large dent, munie à l’extrémilé d’un pli, plus saillant, plus robuste, plus brun que les autres ner- vures çà el là réparties. Je nommerai ce pli nervure de fric- tion. C’est là le point de départ .de l’ébranlement qui fait sonner le miroir. L’évidence se fera quand le reste de l’appa- reil sera connu. Ce reste, mécanisme moteur, est sur l’élytre gauche, re- couvrant l’autre de son rebord plan. Au dehors, rien de remarquable, si ce n’est — et encore quand on est averti — une sorte de bourrelet transversal, un peu oblique, que l’on prendrait tout simplement pour une nervure plus forte que les autres. Mais soumettons à l'examen de la loupe la face inférieure. Le bourrelet est bien mieux qu’une vulgaire nervure. C’est un instrument de haule précision, un superbe archet à cré- maillère, merveilleux de régularité dans sa petitesse. Jamais l'industrie humaine entaillant le métal pour les plus fines pièces de l'horlogerie, n’est arrivée à cette perfection. Sa forme est celle d’un fuseau courbe. D'une extrémité à l’autre, ilest gravé en travers d'environ quatre-vingts dents ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS. 241 iriangulaires, bien égales, en malière dure, inusable, d’un brun marron foncé. L'usage de ce bijou mécanique saute aux yeux. Si l’on soulève un peu sur le Dectique mort le rebord plan des deux élytres pour mettre celles-c1 dans la position qu’elles prennent en résonnant, on voit l’archet engrener sa cré- maillère sur la nervure terminale que je viens de nommer nervure de friction ; on suit le passage des dents qui, d’un bout à l’autre de la série, ne s’écartent jamais du point à ébranler ; et si la manœuvre est conduite avec quelque dexté- rilé, le mort chante, c’est-à-dire fait entendre quelques notes de son cliquelis. La production du son chez le Dectique n’a plus rien de caché. L’archet denté de l’élytre gauche est l'organe moteur; la nervure de friction de l'élytre droite est le point d'’é- branlement; la pellicule tendue du miroir est l’organe réson- nateur qui vibre par l'intermédiaire de son cadre ébranlé. Notre musique a bien des membranes vibrantes, mais tou- jours par percussion directe. Plus hardi que nos luthiers, le Dectique associe l’archet avec le tympanon. Ainsi se comportent les divers locustiens. Tous; Éphippi- gère, Conocéphale, Plalycleis, Phanéroptère, Xiphidion et les autres, ébranlent par Les dents d’un archet à crémaillère, situé à la face inférieure de l’élytre gauche, le rebord épaissi de l’élytre droite, ce qui met le miroir en trépidation sonore. | L'Éphippigère,quise prive d'ailes et réduit les élytres à deux écailles concaves emboîlées, est remarquable, entre tous les locustiens, par la puissance de son archet. Nulle autre part je n'ai {rouvé denliculations aussi nettement sculptées avec une rigueur géométrique. Cependant l’insecte chante en mode mineur, pourrait-on dire. Sa mélopée est traînante et comme plainlive. C'est ici affaire de cadence bien plus que d'instrument accordé sur un autre ton. Le coup d’archet de l'Éphippigère est lent; celui du Dectique est allègre. Enfin tous les locustiens sont gauchers; leur élytre gauche ANN. SC. NAT. ZOOL. I, 16 229 | S.-H. FABRE. porte l’archet et chevauche toujours sur l'élytre droite. D’après la seule espèce que la saison tardive me permette de consulter au moment où J'écris ces lignes, les Grylliens seraient, au contraire, droiliers; leur élytre droite chevauche- rait sur la gauche. De plus, les deux élytres, également vi- brantes, seraient l’une et l’autre pourvues d’archet. De leur double et mutuelle action, résulterait la puissance du chant, bien supérieur à celui des locustes. En attendant que je puisse interroger le vulgaire grillon noir, virtuose printa- nier, disons Ce que nous apprend son émule automnal, le grillon d'Italie (Œcanthus pellucens Scop.). Curieux insecte, en vérilé, fluet, débile, tout pâle, presque blanc, comme il convient à des habitudes nocturnes. Son chant, douce symphonie des soirées calmes el chaudes, depuis Juillet jusqu’en octobre, commence au coucher du soleil et se continue la majeure partie de la nuit. À la campagne, il est ici connu de tous, car le moindre fourré de broussailles jusqu'à l'entrée du village, a son groupe de concertants. Il résonne même dans les greniers où parfois l’insecte s'égare, amené avec les fourrages. Mais personne, tant les mœurs du pâle grillon sont discrètes, ne sait exactement la provenance de la sérénade, que l’on rapporte, bien à tort, au vulgaire grillon noir, à cette époque tout jeune et muet. Ce chant est un cri-1-1-1, cri-i-i-1 lent et doux, sans modu- lations lorsque rien ne trouble l’insecte établi sur le bas feuil- lage. Mais au moindre bruit, l’exécutant se fait ventriloque. Vous l’entendiez là, toul près devant vous; et voici que sou- dain vous l’entendez là-bas, à vingt pas de distance, conti- nuant son couplet assourdi par la distance. Vous y allez. Rien. Le son arrive du point primitif. Ce n’est pas cela encore. Le son vient cette fois de gauche, à moins que cene soit de droite, si ce n’est d’arrière. Indécision complète, im- puissance de s'orienter par l’ouie vers le point où stridule l'insecte. Il faut une belle dose de patience et de minutieuses précaulions pour capturer le chanteur à la clarté d’une lan- terne. Les quelques sujets pris dans ces conditions et mis en ÉTUDE SUR LES LOCUSTIENS. 243 volière m'ont appris le peu que je sais sur le virtuose qui déroute si bien notre oreille. Les élytres sont l’une et l’autre formées d’une ample mem- brane aride, diaphane, aussi fine qu'une blanche pellicule d'ognon, el apte à vibrer dans toute son étendue. Leur forme est celle d’un segment de cercle atténué au bout supérieur. Ce segment se replie à angle droit suivant une forte nervure longitudinale et descend en un rebord qui cerne le flanc de l’insecte dans l'attitude du repos. L'élytre de droite chevauche sur celle de gauche. Son bord interne porte en dessous, près de la base, une callosité d’où partent cinq ner- vures rayonnantes, deux dirigées vers le haut, deux vers le bas et la cinquième à peu près transversale. Cetle der- nière, légèrement rousse, est la pièce fondamentale, enfin l’'archet, comme le démontrent les fines dentelures dont elle est gravée en travers. Le reste de l’élytre présente quelques autres nervures de moindre importance, qui tiennent la membrane tendue sans faire partie de l'appareil sonore. L’élytre gauche, ou inférieure, a la même structure, avec cetle différence que l’archet, la callosité et les nervures qui en rayonnent occupent maintenant la face d’en haut. On constate en outre que les deux archets, celui de droite et celui de gauche, se croisent obliquement. Lorsque le chant à son plein éciat, les élytres, tenues hautement relevées et pareilles à une ample voilure de gaze, ne se touchent que par le bord interne. Alors les deux archets engrènent obliquement l’un sur l’autre, et de leur mutuelle friction engendrent l’ébranlement sonore des deux mem- branes tendues. Le son doit semodifier suivant que les coups de râpe de chaque archet se portent sur la callosité, elle-même rugueuse, de l'élytre opposée, ou bien sur l’une des quatre nervures lisses et rayonnantes. Ainsi s’expliqueraient en parlie les illusions produites par un chant qui semble venir d'ici, de là, d’ailleurs, lorsque le timide insecte se méfie. L'illusion des sons faibles ou forts, éclatants ou étouffés, et par suite de la distance, ressource principale de l’art du 244 J.-II. FABRE. ventriloque, à une autre source, facile à découvrir. Pour les sons éclatants, les élytres sont en plein relevées; pour les sons étouffés, elles sont plus ou moins abaïssées. Dans cette pose, leur rebord externe se rabat à des degrés divers sur les flancs mous de l’insecte, ce qui diminue d'autant l’éten- due de la partie vibrante et en affaiblit le son. L'approche ménagée du doigt étouffe l’éclat d’un verre qui tinte, et le change en un son voilé, indécis, qui semble venir du lointain. Le blême grillon connaît ce secret d’acous- tique. Il égare qui le recherche en appliquant sur les mol- lesses du ventre le rebord de ses lames vibrantes. Nos ins- truments musicaux ont leurs étoufloirs, leurs sourdines; celui de l’OEcanthe pellucide rivalise avec eux et les res en simplicité de moyens, en perfection de résullats. EXPLICATION DES FIGURES Fic. 1. — Spermatophore du Dectique à front blanc. FiG. 2. — Aspect microscopique du contenu du réceptacle séminal de là femelle après l’accouplement. Fic. 3. — Spermatozoïides hors de leurs cellules. Fi6. 4. — Spermatophore de l'Éphippigère des vignes. Fic. 5. — Organes mâles du Dectique à front Diane. Fic. 6. — Elytre gauche du Dectique à front blanc; a, archet vu par la face dorsale. Fic. 7. — Élytre droite ; n, nervure de friction ; m, miroir. FiG. 8. — Archet du Dectique à front blanc. Fic. 9. — Fragment de l’archet de l’Éphippigère des vignes, très grossi. SUR QUELQUES SINGES AFRICAINS APPARTENANT AUX GENRES COLOBUS Er CERCOPITHECUS Par E. de POUSARGUES. Au commencement de l’année 1895, le Laboratoire de Mammalogie du Muséum a reçu de points différents de l'Afrique, deux collections de Mammifères, importantes moins par le nombre que par la rareté des spécimens qu’elles contenaient, et dont mon savant et vénéré maître, M. A. Milne-Edwards, a bien voulu me confier l'étude. L'une de ces colleclions, qui nous occupera en premier lieu, avait été rassemblée sur la Côte d'Ivoire et dans le pays de Kong par les soins de M. Moskovitz, qui a mal- heureusement succombé aux attaques du climat meurtrier de cette région; la seconde provenait au contraire de cette partie de la Côte orientale d'Afrique, qui fait face à l’île de Zan- zibar, et avait été adressée au Muséum par M. Gierra, qui actuellement encore, explore avec persévérance el suc- cès le district d'Usambara, et la vallée du Pangani. Ce second envoi comprenail, entre autres Mammifères inté- ressants, deux exemplaires de Colobus palliatus (Pet.), que nous étudierons en dernier lieu, et dont l'examen m'a per- mis de reconnaîlre la validité, généralement méconnue, de cette espèce. S FE (æn) E. DE POUSARGUES. 1° NOTES SUR QUELQUES ESPÈCES DE SINGES, PROVENANT DU VOYAGE DE M. Max Moskovirz AU PAYS DE Konc. M. Max Moskovitz est mort le 920 septembre 1894, enlevé par une attaque de dysenterie au cours de son exploration au pays de Kong. Ce voyageur s'était préparé dans les laboratoires du Muséum à la mission qu'il devait remplir, et il n’a pas manqué de réunir des collections intéressantes dans ces régions peu connues. Parti de Grand Bassam sur la Côte d'Ivoire, il s'était dirigé vers Atakrou en remontant l’Akba, d’Atakrou à Adjakobou par les rapi- des de l’Akba et de la rivière Ba, d'Adjakobou à Bondou- kou par Zaranou, et enfin de Bondoukou à Kong où iül était arrivé le 17 mai 1894. Le 16 novembre 1893, M. Max Moskovitz et M. Daultier, son compagnon de route, écri- vaient à M. Milne-Edwards une lettre d’Aniasué pour lui annoncer l'envoi d’une caisse contenant des Mammifères. Cette caisse n’est parvenue au Muséum qu’au mois de jan- vier 1895, et cependant, grâce à l'excellente préparation des peaux, celles-ci n’avaient pas eu à souffrir de l'humidité, ni de l'attaque des Insectes. L'envoi de M. Moskovilz comprenait un certain nombre d'échantillons mammalogiques dont j'ai déjà donné l’énu- mération dans une notice parue dans le Bulletin du Mu- séum (1), je n'y reviendrai pas ici, et je ne m'occuperai que des Singes, dont l'étude m'a permis, d’une part de consta- ter sur une espèce plusieurs particularités intéressantes, d’un autre côté d’élucider certains points Jusqu'ici restés obscurs ou controversés concernant la validité de quelques autres, enfin d'émettre quelques vues sur le mode de répar- tition de ces animaux sur le continent africain. Il est à remarquer, en effet, qu'aucun des Singes de la collection Moskovilz n’a jamais été observé non seulement (1) Bulletin du Muséum d'Histoire naturelle, n° 3, p. 98, 1895. GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 947 sur des points de l'Afrique autres que les côtes de la Guinée supérieure, mais même dans des contrées assez voisines, telles que le Cameron, le Gabon et le Congo, dont la faune simienne nous est cependant bien connue grâce aux recherches des explorateurs français. Cette observation ne s'applique pas seulement aux cinq espèces que nous étu- dierons plus loin, elle est plus générale, et on doit l’éten- dre, les Anthropomorphes exceptés, à tous les Quadruma- nes, Colobes ou Guenons, Cercocèbes ou Cynocéphales, que l’on rencontre sur les côtes de la Guinée supérieure, ou pour mieux dire, à l'Ouest du Niger, où ils semblent pour ainsi dire avoir été parqués. Ces mêmes genres comptent, à l'Est de ce même fleuve, et dissiminées sur le continent africain, des espèces représentatives, mais distinctes, el 1l suffira d'examiner le tableau ci-joint, pour êlre frappé des affinités étroites et du parallélisme presque complet de ces formes locales. Deux types ont élé exclus de cette nomen- clature, c’est d’une part le C. a/bigqularis (Syk.), de l’autre, la variété 2gnitus du C. diana. Nous verrons ci-après ce que l’on doit conclure de la présence supposée de ce dernier sur la côte congolaise. Quant à la Guenon de Syke, les zoologistes discutent encore si les spécimens de l'Est afri- cain et de la Côte d'Or rapportés à ce type, doivent êlre considérés comme identiques (1). Deux hypothèses se pré- sentent pour expliquer celte indépendance presque abso- lue de la faune simienne des contrées situées à l'Ouest du Niger. Ou bien l’on doit faire intervenir une adaptation à des influences de milieu, et partant, supposer de chaque côté de cette grande artère africaine des différences dans le régime climatérique, dans la nature et la configuration du sol et dans la flore forestière, modifiant profondément les conditions d'existence; ou bien au contraire admettre, que par la largeur de son lit, coupé de chutes et de rapi- des, le Niger oppose à la dispersion des Singes une bar- (!) Sclater, Proc. Zool. Soc. London, p. 251, 506, 691 ; 1893 E. DE POUSARGUES. Sa “opexgsne onbuyy| (‘4099 ‘4) ‘snmvorod) , 6 + | “oSuon-otuissÂqy |(‘49S 12 ‘Y9nd) et MP ASAIDED 2109 (099 ‘J) ‘snoovaro >: *"saxeqdaoouin “onbiquezop-ieeuuss (an) *4) eh) ‘olqueFaU9S (009 ‘7) -xuruyds ‘o8u0") ('APH-N ‘V) sé | *a[eJuoTI0 nb (394) ‘snyuoçes ‘eu9q11|) (4099 ‘4) ‘snsou$rn} AE, ‘nsurqno- o8u0r) (‘yonq) ‘euosiqre ) $94990919") OSU0N-UOTUWL) (19) PTE "JO.P 9109 (29) ‘sdormæ | ‘TIN-neH-0$u09| (‘MPH-'N ‘V) ‘æzzv1q ‘JO.P 9109 (1) ‘euuip:*:"neqaeq :08U07-u0q01) (‘uuog) ‘seruosod|, 6 UOTE") (-qoagog) “euom| PMPATT OP 810) (Ie) ‘qpqdurs |-umyooueçou ‘ueJOP10Y (AU 39 ‘H) snjouoyauÂd "oIqQueSau9S (‘qorqog) ‘seed | rouoauyAus (|. HAORADe aruIsS AV sel ‘snæqus oIquesouss Faro Te Re Senbemulomen *‘0$u07)-U0q:) ‘]) *SUCJHOIU egurnr) 18M) ‘IUTIUN) ‘0d-0PUEUII; (Je) "srogyito ‘eu9qr] Cauor) ‘ajoxmnal" nonsourur ‘R[OSUY-S98T S9P UOI9Y (‘pny) ‘seruvosv ‘10,P 9307 (‘qeryos) ‘eysunejod / | *“oejuoro onbuyy “Jeqizuez ‘(oyonvs eau) OSU0") *08U0")-U0qE1) *09u0")-aruISsÂqY *2[VJU9LIO en br y *EJOSUY *uOqe) (394) 'snjerjuuon ÿ (29) Pur (APH-'N ‘V) LUOTIOUL M) ‘jueuusg ‘ddny) ‘ezarons (384) ‘snyeryred ("[9S) ‘sisuorosur (‘JeM) ‘seueyes HA4OIN NG LSAT V SHAILVLNASAUdAU SH944S4 ————————_—_— ‘I10.P 2199 (-u9g A) ul °°‘ ‘rauuniq | ‘10,P 9109 |(°50) ‘Aosruopnay ‘sus “oique)| (80) suufqnpmi-oui8tqa}) * * °°" "gua ‘AU09T-CIIOIS (‘MBUS) ‘SUOUISNIIS) ‘10P 2399 (4099 1) = *9U09"T-VI10IS| FS0) sas Me Se re Tu ‘OUO9"T-BIIQIS (III) “snwoo{od AAHDIN NQ LSHNOT V SHOAASA SNOILOAS SATIINKVA GENRES .COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 249 rière infranchissable, que ces animaux ne sauraient tour- ner du côté de la source de ce fleuve, sans rencontrer bientôt un obstacle plus insurmontlable encore, le désert sabarien. Celte dernière hypothèse me paraît la plus acceptable, et sera vérifiée et probablement confirmée par l'étude plus complète de la faune et de la flore encore mal connues des régions situées immédiatement sur la rive gauche du Niger, et comprenant l’Adamaoua arrosé par la Benoué, le Sokolo et le Bornou, situés mi-partie dans le bassin du Niger, mi-partie dans celui du Komadougou tri- butaire du lac Tchad. Du reste, des faits analogues à ceux que je viens d'expo- ser ont été signalés par A. R. Wallace (1), dans l’Améri- que du Sud, pour l’Amazone et plusieurs de ses aïfluents, entre autres, le Rio Negro, arrêtant, sur sa rive Nord, plu- sieurs Singes, Jacchus bicolor, Ateles paniscus, Pühecia sa- tanas, et même des Oiseaux, Galbula viridis, et sur sa berge Sud, Lagothrix Humboldti, et Macrocercus Maximiliani, Pteroglossus Beauharnaisi. Aussi, ce savant zoologiste pose-t-il en principe qu'une vallée ou un grand cours d'eau peuvent arrêter dans leur dispersion, non seulement cer- tains Mammifères, et plus particulièrement les Singes, mais aussi des Oiseaux et des Insectes. Ce même principe avait déjà été énoncé antérieurement par A. Murray (2), d'une facon plus explicite. « Les grands fleuves, dit cet auteur, sont un réel obstacle à la dispersion des espèces, quand la longueur de leur cours ne permet pas de les tourner faci- lement. » Nous n'avons pas à discuter ici, si cette loi est rigoureusement applicable à la généralité des Mammifères, il nous suffit de constater qu’elle est d’une justesse abso- lue en ce qui concerne les Singes. Aucun fleuve peut-être ne remplit mieux que le Niger les conditions émises par Murray ; la longueur considérable et la forme semi-circu- laire de son cours délimitent comme une sorte de parc (1) A. R. Wallace, Geograph. distrib. of animals, p. 12 et 13, vol. I, 1876. (2) Andrew Murray, Geographic. distribution of Mammals, p. 309, 1866. 250 + E. DE POUSARGUES. immense parfaitement clos. J’ai fait remarquer de plus, comment cette barrière hydrographique se trouve, en son point faible, vers son origine, renforcée par une large zone désertique qui prévient toute évasion. On peut donc dire que le Niger, limite à l'Est, une véritable province zoologi- gique simienne, qui a pour autres confins naturels au Nord le Sahara, à l'Ouest et au Sud l'Atlantique. Cette pro-: vince, absolument fermée, comprend non seulement les ré- sions encerclées dans la vaste boucle du Niger, et arrosées par d’autres fleuves assez importants tels que les Voltas et l’Akba, mais aussi les bassins des Rivières du Sud, de la Casamance, de la Gambie et du Sénégal. La collection de M. Moskowitz comprenait deux espèces de Colobes, Colobus verus (v. Ben.), Colobus fuliginosus var. rujoniger (0g.), et troisespèces de Cercopithèques, Cercopt- thecus petaurista (Schreb.), Cercopithecus Campbelli { Wat.). Cercopithecus diana (L.) que nous étudierons successive- ment. 1° Colobus verus (v. Ben.). Sous-genre Procolobus (Rochbr.) (4). Les indigènes de la Côte d'Ivoire nomment ce Singe À ssébé. L’exemplaire que le Muséum a reçu de M. Moskovitz mesure 60 centimètres pour la longueur de la têle et du corps, et 64 pour celle de la queue; c'est un magnifique mâle, à dentition complète, à fortes canines, parvenu par conséquent à sa pleine maturité, et se prêtant merveil- leusement à des études comparatives. L'examen que j'en ai fait, m'a permis de relever un cer- ain nombre de caractères, qui éloignent cette espèce de la plupart de ses congénères et dont l'importance m'a paru plus que spécifique (2). La tête osseuse présente en effet une (4) De Rochebrune, Faune de la Sénégambie (Supplément). Mammifères, p. 94 et 97, 1886-1887. (2) Suivant la loi de priorité, la dénomination de Lophocolobus que j'avais d’abord choisie comme terme subgénérique (Bull. du Muséum, n° 3, p. 98, GENRES -COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 251 conformation toule spéciale ; les figures (1 et 2) représentant réduites de moitié, la première, la tête osseuse du C. verus, la seconde, celle du C. satanas, peuvent déjà donner une idée de la dissembiance qui existe entre elles, mais l'étude des me- sures réunies et mises en parallèle dans le tableau suivant, et des deux figures schématiques (3 et 4), fera ressortir davan- SE 9 Frs 2. tage encore les différences de forme et de proportions que l'on observe entre le crâne du C'. verus el ceux des C. sdtanas et C. quereza adoplés comme lermes de comparaison. 1895), doit disparaitre, et le céder à celle de Procolobus sous laquelle M. de Rochebrune avait déjà distingué génériquement l’espèce qui nous occupe. 2521 | E. DE POUSARGUES. . MESURES EN MILLIMÈTRES GC VERUS | CG SATANSS CHGUMNEAS . Longueur maximum du crâne en ligne droite, de la crête occipilale à l’extré- mitémdespremaxillaires ..... 2 2ê6E 89,5 AA1 119 . Distance de l'extrémité des prémaxil- laires à la suture naso-frontale....... 32 41,5 45 . Distance en ligne droite de la suture naso-frontale à la crête occipitale....| 74 85 84,5 . Longueur de la face inférieure du crâne, de l’un des condyles à l’extrémité des prémaxillaires.: ?.L RER. à 68 90 96 . Longueur dela voûte palatine.......... 32 42 51 . Longueur maximum de la mandibule, de la symphyse au condyle.......... 61 80 88 . Hauteur du condyle au-dessus du bord inférieur de la mandibule........... 26,5 41 47 . Hauteur maximum de la tête osseuse au-dessus du bord inférieur de la man- HBUIEUS EME AIMER DAME ARR QU 68/5 ANS 91 Rapport entre les mesures (8) et (1).... 0,76 0,73 0,76 Rapport entre les mesures (6) et (1).... 0,68 0,72 0,74 1)het (8) 0,38 0,50 0,51 Comme l'ont observé très justement MM. de Roche- brune (1) et Jentink (2), la tête du C. verus se fait remar- quer par sa petitesse relative; les mesures ci-dessus nous montrent en effet qu'elle est inférieure de près de 3 cenli- mètres en longueur, et de plus de 2 centrmètres en hauteur à celle du C. quereza, différences qui sont hors de proportion avec celles qui existent entre les tailles respectives de ces deux espèces. Mais il existe un écart bien plus accusé dans les propor- tions des diverses parties constitutives de la tête osseuse. En établissant les rapports de la longueur à la hauteur totale pour les trois espèces en comparaison, nous les trouvons il est vrai, à très peu près égaux [rapport entre les mesures (8) et (1)}, et indiquant que leshauteurs équivalent environ aux trois quarts des longueurs. Mais l'égalité de ces rapports n’entraine nullement la similitude des crânes, car si nous (4) De Rochebrune, loc. cit., p. 102. (2) Jentink, Notes fr. Leyden Museum, vol. X, p. 8, 1888. GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 249 décomposons ces diverses mesures, nous trouvons chez le C. quereza, que sur les 91 millimètres de hauteur totale, 47, c’est-à-dire plus de la moitié, doivent être attribués à la hauteur de la mandibule jusqu'à son condyle, et qu'il n’en reste par conséquent que 44 pour la boîte encéphalique. De même chez le C. satanas, nous trouvons 41 millimètres, pour la hauteur du condyle mandibulaire, 40 seulement pour la boîte crânienne. Au contraire, chez le C. verus, pour 68 millimètres et demi de hauteur totale, on n'en compte que 26 et demi pour la hauteur du condyle, tandis que l'élévation du crâne au- Region Pere Rene faciale ct slelnare Moto Fig. 4. dessus de ce niveau est de 42. Ces disproportions exprimées dans le {tableau précédent par les rapports entre les me- sures (7) et (8), non seulement entraînent des différences con- sidérables dans la forme de la voûle crânienne chez ces diverses espèces, mais, d’autre part, influent puissamment sur la configuration du museau et la direction de la ligne faciale, comme on peut s’en rendre compte de visu sur les figures schématiques (3 et 4). Chez le C. quereza (fig. 4), la voûte crânienne, basse, déprimée, s'élève peu au-dessus du niveau de son articula- tion mandibulaire et ne s'étend que médiocrement en avant, tandis que le plan dentaire est au contraire très élevé par suite du grand développement en hauteur de la mandibule. 254 | E. DE POUSARGUES. Il résulte de cette disposition que toute la face depuis la suture naso-frontale, jusqu’au bord alvéolaire des incisives, se trouve entraînée en avant, suivant une direclion très oblique, et que le museau est extrêmement proclive et sail- lant. Chez le C. verus (fig. 3) le plan dentaire est bas, tandis que la capsule cérébrale vaste, renflée, globuleuse, présente une hauleur considérable au-dessus du condyle mandibu- laire, et une extension sensible en avant, d’où une direction moins oblique pour la ligne faciale qui se rapproche de la verticale, el un museau à peine proéminent, et comme tronqué. Des disproportions assez accusées s’observent également chez ces trois espèces entre les mesures prises suivant l'axe longitudinal du crâne ; mais elles sont dues, moins à des différences, appréciables cependant, dans la longueur rela- tive des régions masticatrices (mesures 5 et 6), qu'aux dis- semblances que l’on constate dans la forme et le développe- ment de toute la partie poslérieure de la boîte cérébrale. Chez le C. satanas el le C. quereza, les pariétaux s'éten- dent très peu en arrière, dès lors, le plan occipital qui les limite de ce côté, se redresse pour se rapprocher de la verticale, ce qui, chez ces Colobes, fait paraître le crâne comme tronqué dans sa région postérieure. On peut se faire une juste idée de celte disposition d’après la figure (4) où l'on voit la ligne occipitale prendre une orientation sensi- blement parallèle à celle de la ligne faciale. [1 en est tout autrement chez le C. verus, dont la voûte crânienne se pro- longe très loin en arrière et en bas, par suite du grand déve- loppement des pariétaux dans cette direction. L’occipital se trouve ainsi reporté à peu près au même plan que la face inférieure basale du crâne, el les deux lignes faciale et occi- pitale s’éloignent, chacune de son côté, du parallélisme auquel elles tendent chez les autres espèces, et qu’elles affec- tent même complètement chez le C. quereza. Cette disposi- lion toute spéciale contribue en même temps à augmenter chez le C. verus la capacité de la capsule cérébrale, dont le AZ R° GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 259 volume total se trouve à peu près égal à celui de toute la région faciale et mandibulaire. Ce rapport se trouve nettement indiqué sur la figure 3, où la ligne pointllée joignant le condyle de la mandibule à la suture naso-frontale coïncide presque avec la diagonale du rectangle circonscrit, et délimite de part et d'autre deux aires sensiblement équivalentes. Si l'on se reporte à la figure 4, l'on sera immédiatement frappé de l'énorme dis- proportion qui existe chez le C. quereza entre la région man- dibulo-faciale et la région encéphalique, laquelle n’équi- vaul même pas à la seule parlie faciale de la première. Ces différences peuvent d’ailleurs être parfaitement mises en évidence par l'expérience suivante : Les deux têles osseuses. celle du C. verus, et celle du C. quereza, étant placées sur un plan horizontal, et reposant sur leurs bords mandibulaires inférieurs, il suffit de la plus légère pression sur la partie postérieure du crâne pour faire osciller la têle du C. verus sur le talon de la mandi- bule et Ia faire basculer en arrière; tandis que la tête du C. quereza présente au contraire une stabilité beaucoup plus parfaite, son centre de gravité se trouvant reporté très en avant par suite de son mode de conformalion. Pour résumer les observations qui précédent, je dirai que les dissem- blances que l’on remarque entre la Lête osseuse du C. verus et celles du C. qguereza el de la plupart des autres Colobes, résultent de l'inégalité des proportions partielles, pour des proportions générales tout à fait ou presque identiques. Signalons de plus sur le dessus du crâne du C. verus, la présence d’une crête sagillale impaire médiane débutant à une petite distance (18**) en arrière de la ligne orbitaire, el formée par la réunion des deux arêtes émanant de l'angle supéro-externe des orbites. Chez les autres Colobes, même irès vieux, Jamais ces arêtes, limilant en haut les fosses temporales, ne convergent aussi rapidement; chez certains, elles courent parallèlement de chaque côté et à une assez grande distance de la ligne sagittale, jusqu’à la crête occi- 256 E. DE POUSARGUES. pitale (fig. 2); chez d’autres, elles convergent et se réunis- sent au point de rencontre des sutures interpariétale et pariélo-occipitale ; enfin, leur point de confluence peut être plus antérieur, mais la crête sagittale à laquelle elles donnent alors naissance, n’intéresse jamais les frontaux (C. Kirki, C. rufomitratus) (1). Chez le C. verus, les caisses audilives ne présentent pas cet aplatissement, et cetle sur- face rugueuse, mamelonnée, hérissée de pointes et d’apo- physes, que l’on remarque chez les autres Colobes; elles sont renflées, assez globuleuses, à surface presque lisse, et méritent le nom de bulles. Enfin la dernière molaire infé- rieure (fig. 1) compte six tubercules nettement formés, le postéro-interne est presque égal à l’externe; il est au con- traire généralement absent (fig. 2) ou à peine indiqué chez les autres espèces. | Aux membres antérieurs, chez le C. verus, les dimensions relatives des doigts et de leurs métacarpiens, même pour le pouce, sont celles que l’on remarque chez les autres Colobes, mais aux membres postérieurs, le deuxième et surtout le cinquième doigt, sont plus réduits, et leurs extré- milés dépassent à peine la première phalange des deux doigts médians. Si l’on ajoute à toutes ces différences d’une réelle importance la particularité signalée par M. Jentink (2) dans le nombre des vertèbres lombaires qui est six et non pas sept comme c’est la règle chez les autres représentants du genre, on conviendra que le C. verus mérite d’êlre dis- tingué subgénériquement de ses congénères, à plus juste Utre que le Talapoin (Wiopithecus) du reste des Cercopi- thèques. Les caractères extérieurs viennent, du reste, à l’appui des données ostéologiques. On ne trouve chez le C. verus ni de longs panaches temporaux, scapulaires ou pleuraux, ni de touffe caudale ; les teintes diffèrent également de celles qui (1) C. rufomitratus. — Peters, Monatsber. Akad. Wissensch. Berlin, p. 829, pl. 1, 1880. (2) Jentink, doc. cit, p. 7. GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 257 caractérisent les autres espèces. Le pelage d’un brun jau- nâtre sur le dessus et les côtés du corps, lavé de gris sur les membres et la queue, d'un blanc faiblement teinté de gris bleuâtre sur toutes les parties inférieures, présente une lon- gueur uniforme sur le tronc, puis devient plus court sur la têle et les membres, et presque ras sur la queue jusqu'à son extrémité. Les poils présentent sur le dessus de la tête une orientation toute particulière. Deux points ou centres de dispersion symétriques, assez rapprochés de la ligne médiane, s’observent sur le devant du front à une petite distance en arrière de la ligne sourcilière; il s’en échappe deux courants de poils dressés et tourbillonnants qui les contournent en arrière el viennent se heurter sur la ligne médiane en for mant. une crête peu élevée qui court le long du vertex et s’évanouit sur la nuque, d'où le nom de cristatus donné par Gray (1) à cette espèce. On peul se convaincre par tous ces détails, que Temminck n'avait pas tout à fait Lort lorsqu'il écrivait que le terme verus avail été bien mal choisi pour désigner cette espèce. Ce n’est pas là, en effet, un Colobe typique, et à part l’absence du pouce, on dirait plutôt d'un Semnopithèque égaré sur la Côte occidentale d'Afrique. La distinction subgénérique (Procolobus) de ce type aberrant, se trouve donc parfaite- ment légitimée. | Par les proportions des diverses parties du crâne, et la présence d’une arête sagittale osseuse le long de la suture interpariétale, deux espèces semblent se rapprocher du type Procolobus : ce sont le C. Xirki (Gr.)etle C.rufomitratus (Pet.). Les teintes du pelage chez ce dernier présentent même de réelles analogies avec celles de la livrée du C. Procolobus verus, et les poils du vertex affectent une disposition parli- culière de facon à former une crête, mais lransversale inter- auriculaire (2). Toutefois, ces deux types de l'Afrique orien- (1) J. E. Gray, Proc. Zool. Soc. London, p. 182 (pl. XV, fig. postérieure), 1868 (2) Peters, loc. cit., pl. I. ANN. SC. NAT. ZOOL. 0 258 E. DE POUSARGUES. tale ne sont encore connus que par un trop pelit nombre d'individus, pour que l’on puisse émettre à leur égard quel- que Ne certaine. Le C. Procolobus verus habite le long des Côtes de la Guinée, depuis Sierra-Leone jusqu’à la Côte d'Or, mais il doit y être sinon rare, du moins difficile à capturer. «M. Pel, écrivait Temminck, quoique ayant séjourné près de dix ans à la Côte de Guinée, n’a eu qu'une seule fois l'occasion de se procurer ce Singe. » Durant leurs récents voyages d'exploration (1) MM. Büttikofer, Stampfli et Sala n’ont pu en recueillir qu’un très petit nombre de spécimens, et l’'exemplaire qui fait le sujet de cet article est le seul que M. Moskovitz nous ait fait parvenir. 2° Colobus fuliginosus, var. rufoniger (Og. ; Nom indigène, Ta-ué. L’unique exemplaire femelle bien adulte que le Muséum doit à M. Moskovitz, présente tous les caractères qu Ogilby a assignés à son espèce C. rufoniger (2), dénomination que je n’admettrai pourtant ici qu'à titre subspécifique. On ne peul, en effet, attribuer plus d'importance aux seules diffé- rences d'intensité de coloraliion qui existent entre le C. rufo- niger, et le C. rufofuliginus, et je crois préférable de consi- dérer ces deux formes comme des variétés locales assez constantes, l’une sombre, l’autre claire, d’un même type spé- cifique, le C. fuliginosus (3) (0g.) = C. Temmincki (4) (Kubl.). Cette espèce a été assimilée par la plupart des zoologistes contemporains au bay monkey de Pennant, C. ferrugineus (Shaw.), et c’est sous ce dernier nom qu’elle a été récemment figurée (5). Contre cetle assimilation erronée, je ne puis (1) Büttikofer et Sala, 1880-1882. Stampfli, 1884-1886. Büttikofer et Slampfli, 1886 et 1887. Jentink (Zoologic. research. in Liberia). Notes fr. Leyden Museum, p. 1, vol. X. 1888. (2) Ogilby, Ménageries, p. 273, 1838. 3) Ogilby, Proc. Zool. Soc. London, p. 97, 1835. (4) Kuhl, Beitrag. z. Zoolog., p. 7, 1820. (5) Proc. Zool. Soc. London, pl. XLVIII, 1890. GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 259 mieux faire que de rappeler l'opinion des anciens auteurs qui s'étaient occupés de celte question, et l'avaient résolue de la manière la plus logique. Le bay monkey, type du C. ferrugineus, avait déjà disparu depuis longtemps, lorsque Ogilby publia ses Ménageries (1838), et ce Colobe ne nous est connu que par la courte diagnose de Pennant à laquelle nous sommes tenus de nous en rapporter scrupuleusement, faute de terme de comparai- -son directe. Celte diagnose est ainsi conçue : « Une couronne noire; dos de couleur bai sombre; face externe des membres noire; joues, face inférieure du corps el des membres d'un bai très clair; queue notre. » Le C. fuliginosus, au contraire, a la tête et le dos noirs (rufoniger) ou brun noirâtre fuligineux (ru/ofuliginus), la face externe des membres d’un rouge brique plus oumoinsintense, la queue de cette même teinte (ru/fofuliginus) ou plus ou moins abondamment lavée de noir (rufoniger). Les teintes sont donc absolument les mêmes chez ie C. ferrugineus et le C. fuligi- nosus ; mais, comme le fait remarquer très justement Ogilby, leur distribution est inverse, et le roux occupe chez l’un, la même situation que le noir chez l’autre (1). À l’appui de cette manière de voir, l’on peut encore citer l’opinion de Tem- minck, qui, au sujet du C. fuliginosus, s'exprime de la manière suivante : « Quelques naturalistes ajoutent encore à ces syno- nymes l’indication très succincte de Pennant de son bay monkey, mais les couleurs du pelage que l’auteur anglais signale en peu de mots, ne sauraient légitimer celte réunion (2). » Ce problème de l'identité des deux espèces ou de leur indépendance ne peut être résolu que de la manière sui- vante. De deux choses l’une : ou le Colobe visé par Pennant dans sa description du bay monkey présentait les mêmes caractères de coloration que le C. fuliginosus tel que nous (4) «... though the colours are the same in both, their distribution is reversed, the bay or red of the one occupying the same situation as the black of the other. » Ogilby, P.Z. S., p. 100, 1835. (2) Temminck, Esquisses zoologiques (Côtes de Guinée), p. 24, 1853. 260 E. DE POUSARGUES. le connaissons d’après les diagnoses très précises et concor- dantes de Kuhl, Ogilby et Temminck ; dans ce cas, l'emploi du terme spécifique jerrugineus ne peut êlre qu’une cause d'erreur, et, suivant la loi élablie par Is. Geoffroy Saint- Hilaire (1), celte dénomination, quoique plus ancienne, doit êlre rejetée, comme impropre et 2/{/ogique, puisqu'elle cor- respond à une description con/radictowe avec les faits. Ou bien il faut admettre que la diagnose donnée par Pennant élail rigoureusement exacte, et conforme aux faits; il ne: resle plus dès lors qu'à suivre le conseil autrefois donné par Walerhouse, et à laisser Le bay monkey, C. ferrugineus tel, jusqu'à ce que l’on ait retrouvé un Colobe qui réponde exactement à cette descriplion (2). Ce qui découle nécessai- rement de ce dilemme, c’est que les deux termes /erru- gineus et fuliginosus ne peuvent, en aucun cas, êlre appli- qués à la même espèce et considérés comme synonymes. La plupart des auteurs ont également identifié les deux variélés du C. fuliginosus avec le C. Pennant (Wat.); celte assimilation n’est pas mieux fondée que la précédente. Le C. Pennant, jusqu'ici méconnu, conslitue une espèce parfaitement distincie, des mieux caractérisées, et ne dif- fère pas, à mon avis, du Piliocolobus Bouvieri récemment décrit par M. de Rochebrune (3). La description assez obs- cure el pleine de correctifs donnée par Waterhouse (4), peut laisser quelques doutes à cet égard ; il n’en est pas de même de celle, peu connue du reste, qu'Ogilby fit paraître presque en même temps (5) dans ses MWénageries ; et je ne puis trouver de meilleur argument à l’appui de ce que j'avance que d’en donner ici une traduction in extenso : (4) Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Catalog. d. Mammifères. Primates. Intro- duction, p. XI, 1851. (2) « I think we had better let the Bay Monkey stand, until we can find an animal agreeing with Pennant’s description.» Waterhouse. P.Z.S., p.58, 1838. On pourrait en dire autant du second Colobe signalé par Pennant sous le nom de full-bottom Monkey (G. polycomus) (Zim.). | (3) De Rochebrune, loc. cit., p. 108, pl. AV. (4) Waterhouse, Proc. Zool. Soc. London, p. 57, 1838. (5) Ogilby, Ménageries, vol. I, p. 268, 1838. GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 261 « Le Colobus Pennanti présente des affinités étroites avec le C. ferruginosus, mais ne concorde pas avec la description originale que Pennant a donnée de cetle dernière espèce. Des nombreuses peaux qui ont élé envoyées dernièrement de Fernando-Po, deux ont été présentées à la Sociélé z00- logique et décrites par M. Waterhouse, sous le nom de C. Pennant. La longueur de ces peaux, du nez à l’origine de la queue, était de 2 pieds, 1 pouce (0,68), la longueur de la queue de 2 pieds, 3 pouces {0*,73), celle de la tête d’en- viron 4 pouces ; cette dernière mesure est douteuse, vu les plissements et le manque de souplesse des peaux desséchées. « Toutes les parties supérieures et externes du corps sont d’une teinte rouge pourprée intense ou marron, passant au brun sombre sur la tête, le dos et la queue, mais d’une ma- nière si insensible, qu’on ne peut distinguer aucune ligne de démarcation tranchée entre les deux couleurs, qui semblent se fondre l’une dans l’autre. Le brun, toutefois, n'occupe qu'une bande étroite le long de la ligne médiane du dos, tandis que la teinte marron intense s'étend sur tout le reste des épaules, des flancs et de la face externe des membres. Sous ce rapport, l'animal diffère beaucoup des deux types suivants, C. rufo-niger, C. rufo-fuliginus, qui non seule- ment ont les teintes supérieures et inférieures nettement séparées l’une de l’autre, mais chez lesquels aussi la couleur du dos descend sur la face externe des bras et des cuisses, el couvre entièrement les épaules et les flancs. « Le devant des épaules, la poitrine, le ventre et la face interne des membres sont d’un blanc jaunâtre sale comme chez le C. rufo-fuliginus, mais cette couleur n’esl pas sépa- rée du marron par la bande d’un roux clair qui court le long des flancs, et caractérise si nettement celle dernière espèce. Les favoris qui garnissent les joues sont longs, ser- rés, de couleur blanche et dirigés en arrière. La face externe des cuisses, des bras et des avant-bras est d’un rouge pour- pré comme les flancs et le corps, mais les membres posté- rieurs, présentent en bas, à partir du genou, cette même 262 E. DE POUSARGUES. teinte brune que j'ai signalée sur la tête, Le dos et la queue. Les poils de la queue sont très vaguement annelés, et la teinte brune de cet organe ainsi que celle du dos sont plus claires que celle de la tête qui est presque noire. » (Ogilby, Menageries, pp. 268, 269, 270. Vol. Pour compléter cette description, ajoutons (ce qu'avait d’ailleurs soupconné Waterhouse (1), que les mains comme les pieds présentent cette teinte brune dont Ogilby n'avait pu voir que l’amorce sur les exemplaires lypes, mutilés des quatre membres. Celle description, on ne peut le méconnaîilre, s'adapte bien mieux au Piliocolobus Bouveri qu’à l’une quelconque des deux formes du C. f'uliginosus. Deux objections se pré- sentent, les seules que l’on puisse opposer à. cette manière de voir. La première, c’est que ni Walerhouse, ni Ogilby ne parlent du bandeau frontal noir signalé par M. de Roche- brune chez le P. Bouvieri : « pilis superciliorum et 1æmæ frontalis nigris ». Mais rappelons ici que les exemplaires types de Waterhouse et d'Ogilby avaient le dessus de la tête presque noir : « {he head, indeed, almost approaches to black», que, dès lors, le bandeau frontal, confondu avec la calotte céphalique, a pu leur échapper. J’ai pu, du reste, constater cette même particularité chez un exemplaire adulte de l’es- pèce qui nous occupe, présentant exactement les mêmes dimensions que les types de Waterhouse; la téinte brun marron du dessus de la tête, va s’assombrissant graduelle- ment en avant et passe insensiblement au noir sur les sour- cils et les lempes. Un aulre spécimen, exposé comme le précédent dans les galeries du Muséum, mais plus jeune, ne mesurant que 58 centimèires pour la tête et le corps, et 63 pour la queue, répond par sa livrée au P. Bouvieri. La teinte géné- rale est moins sombre, et la calotte céphalique d’un roux (1) Waterhouse, loc. cit. « The lower parts of the limbs are removed, but, as they are black at the knee and also assume a deep hue below the elbow, it 1s probab'e the remaining portions are black externally. » GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 263 clair laisse le bandeau noir fronto-temporal bien apparent. Des variations analogues ne s’observent-elles pas d’ail- leurs chez les deux formes du C. fuliginosus ? Tantôt la cou- leur noire ou fuligineuse du dessus du corps s'étend sans interruplion jusqu'aux sourcils, tantôt le roux reparail sur la nuque et le vertex, ménageant en avant une bandelette frontale noire. La seconde objection est relative à l’habitat ; le Procolo- bus Bouvieri provenant du Gabon et du bassin de l'Ogôoué (1), le type du C. Pennanti élant originaire de Fernando-Po. Mais l’authenticité de celte dernière provenance ne doit- elle pas être considérée comme suspecte et douteuse ainsi qu'on l’a reconnu pour bien d’autres espèces, primilivement décrites comme originaires de cette île, retrouvées et cap- iurées par la suite sur le continent africain? Sont dans ce cas, pour ne citer que quelques exemples, Colobus satanas, Genetta poensis, Lutra poensis, Cephalophus Ogilbyi, aont le véritable habitat et le principal foyer de dispersion se trouvent au Cameron, au Gabon, et dans le bassin de l’Ogèoué. Tout porte à supposer qu'il en est du C. Pennanti comme des divers Mammifères que je viens de nommer; ceux-ci, en effet, 1l importe de le noter, faisaient partie du même envoi que le C. Pennant, et ont été décrits simul- tanément par Waterhouse. Étant donnée d'autre part la concordance pour ainsi dire parfaite des descriptions du C. Pennanti et du P. Bouvieri, il me paraît dès lors impos- sible de reconnailre et de maintenir une distinction quel- conque entre ces deux espèces. Mais revenons au C. fuliginosus, var. rufoniger qui fait le sujet de cet article. La longue digression qui précède, nous permet d'ajouter un argument de plus en faveur de sa distinction d’avec le C. Pennanti. L'habitat en effet diffère pour les deux espèces. Le C. Pennanti se renconire au (4) Les deux spécimens de cette espèce que possède le Muséum sont dus à M. de Brazza, qui les avait capturés au cours de sa fameuse expédition de l'Ouest africain. 264 É. DE POUSARGUES. Gabon, et dans le bassin de l’Ogôoué, ainsi que nous venons. de le démontrer ; peut-être habite-t-il aussi Fernando-Po ? Mais aucun explorateur (1) ne l’a signalé le long des côtes de la Guinée supérieure, à l'Ouest du Niger. Le C. fuligi- nosus, au contraire, fréquente l'extrême Ouest africain de- puis la Côte d'Or jusqu'à la Gambie ; sa variété ru/oniger paraît plus spécialement cantonnée dans les forêts de la Côte d'Or el de Libéria, et se propage peut-être vers l'Ouest jusqu'à Sierra-Leone ; sa variété claire, ru/ofulhginus, est plus occidentale et propre au Fouta-Djalon et aux bassins des Rivières du Sud, de la Casamance et de la Gambie. 3° Cercopithecus petaurista (Schreb.). Nom indigène, Adéré. Un spécimen mâle adulte, qui par tous ses caractères répond exactement à la forme que M. Malschie a distinguée tout récemment du C. petaurista sous le nom de C. fantien- sis (2). Doit-on attribuer au degré d'intensité de coloration des poils du dos, et au plus ou moins de largeur de la raie blanche sous-auriculaire et des bandeaux noirs du vertex et des joues, l'importance que leur accorde le savant mam- malogiste allemand, ces variations permettent-elles même de considérer le C. fantiensis comme une variété du type primordial? Je serais plutôt tenté de les interpréter de la manière suivante: Le degré d'intensité de coloration du pelage, l'extension plus ou moins marquée des teintes noires el blanches des joues, ne seraient que des variations individuelles dues pro- bablement à l’âge; d'autre part, la réduction du bandeau noir interauriculaire du vertex assez vague chez le C. fan- tiensis, semblerait indiquer la faible stabilité de ce caractère (1) M. de Rochebrune fait remonter le Piliocolobus Bouvieri jusque dans les forêts de la Gambie et de la Casamance. Cette indication de provenance demanderait confirmation, et ne peut être acceplée que sous cette réserve, tant que ce Colobe n'aura pas été signalé dans quelque stalion intermé- diaire, le long des côtes de la Guinée supérieure, depuis le Bénin jusqu'aux Rivières du Sud. (2) Matschie, Sifz. Bericht Gesellsch. naturforch. Freunde, p. 98, 1893. GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 265 admis comme spécifique par M. Jentink, et permettrait de supposer que l’on peut trouver tous les intermédiaires entre la forme primordiale C. petaurista où cette particularité du pelage est fortement accusée, et le C. Bütnhoferi (Jent.) (4), chez lequel on n'en trouve plus aucune trace. Cette der- nière forme ne devrait dès lors être considérée que comme une variété purement locale, occupant le long des Côtes de Guinée un territoire nettement délimité, Sierra-Leone el Libéria. D'autre part, l'espèce C. fantiensis se confondrait avec la forme typique C. petaurista, et s’étendrait du Cap des Palmes à l'embouchure de la Volta. Peut-être même, lorsque l'on sera en possession de nombreux exemplaires de provenance authentique, devra-t-on ne considérer éga- lement que comme simple variété le C. erythrogaster (Gr.), type encore peu connu, d'habitat hypothétique, mais étroi- tement apparenté, par tous ses caraclères au C. fanhensis. 4° Cercopithecus Campbelli (Wat.). Nom indigène, Xomo. Cette espèce, si proche alliée de la Mone (Sect. D). Mela- nochiri (Scl.), présente également des affinités très étroites _avec le C. pogonias (Benn.), particulièrement avec [a variété de cette dernière espèce désignée par Du Chaillu sous le nom de »igripes, chez laquelle la bande postérieure dorsale noire devient diffuse et sans contours bien nets (Sect. E. Au- ricutati (Sel.). Du reste les autres traits communs sont nom- breux entre les différents représentants de ces deux sections élablies par M. Sclater. Par la teinte sombre de la face externe de leurs membres el des extrémités, le C. pogonias et ses variétés C. Erxlebeni (Puch. et Dahlb.) et C. nigripes, vien- nent se ranger naturellement parmi les Melanochiri ; récipro- quement, l’épithète À wriculati s'applique parfaitement à la Mone et à la Guenon de Campbell, dont les conques audi- tives ne se distinguent de celles du C. pogonias que par la disposition moins pénicillée des poils longs et nombreux qui (1) Jentink, Not. fr. Leyden Museum, vol. III, p. 56, 1886. 266 | E, DE POUSARGUES. les garnissent intérieurement. De plus, toutes ces espèces ont mêmes colorations pour la peau nue de la face et des lèvres; leurs allures, en captivité, sont identiques, et 1l n’est pas jusqu’à la parfaite consonance des cris qu’elles émet- tent qui ne trahisse leur indiscutable parenté. Comme l'a démontré M. Matschie, c'est par erreur que le C. Campbelli avait élé signalé par M. Noack (1) à Banana près de l'embouchure du Congo. La Guenon de Campbell ne dépasse pas le Niger vers l'Est, et se trouve communé- ment depuis la Côte d'Or jusqu'à Sierra-Leone. M. Bütlikofer a rencontré cette espèce par troupes de 50 individus et plus, le long des rives boisées des cours d’eau du Libéria. 5° Cercopithecus diana (L.). Nom indigène, Xakoua. Lacollection de M. Moskovitz comprenait cinq individus de cette espèce, dont deux adultes et trois jeunes. Chez ces derniers, parvenus seulement à la moitié de leur développe- ment, la livrée est à très peu près identique à celle des adul- tes. La barbiche est déjà longue et bien fournie, la tache dorsale marron très netlement dessinée; la raie blanche fémorale est plus indécise et ne s'étend pas aussi loin en avant et en bas ; par contre la teinte blanche du poitrail et de la face antérieure des bras, se prolonge tout le long des avant-bras jusqu'à une petite distance des poignets. Chez tous ces spécimens, la teinte blanche de la région anale et de la face interne des cuisses, est fortement lavée de jaune rougeûtre, montrant comme un acheminement vers la colo- ration rouge marron de ces mêmes parties chez la variété distinguée récemment par M. Sclater souslenom de C. diana var. ignitus (2). Cetle sous-espèce, dont on ne connaît encore quetrois exemplaires, deux à Londres el un à Berlin (3), serait, paraît-il, originaire du Congo (Capt. Moore-Harper). La pré- sence de la Diane dans cette région de la Côte occidentale (1) Noack, Zoolog. Jahrbuch (Systemat.), vol. IV, p. 250, 1889. (2) Sclater, Proc. Zoolog. Soc. London, p. 255, 1893. (3) Sclater, Proc. Zoo!. Soc. London, p. 484, 1894. GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 267 d'Afrique, constituerait un fait aussi intéressant qu'inat- tendu. Jamais, en effet, aucun des nombreux explorateurs fran- çais qui ont visité noire colonie du Congo, n'a signalé l’exis- tence de cette variété, et on ne l’a pas rencontrée davantage au Cameron. On sait d'autre part que la forme typique de la Diane ne se trouve qu’à l'Ouest du Niger. Elle a été citée à Bassa sur la rive droite de ce fleuve, par environ 10° de latitude Nord, et à Accra par Fraser (1); l'explorateur Pel la dit rare près du liltoral, mais très abondamment repré- sentée dans les forêts de l’intérieur du pays des Achantis et de la Côte d'Or (2). Enfin, cette belle Guenon se propage- rait vers l'Ouest jusqu'à Grand-Cape-Mount, près de la frontière occidentale de Libéria comme le prouvent de nom- breuses dépouilles rapportées de celte Jocalité par M. Bütti- kofer (3). Devant ces témoignages nombreux et précis, on est en droit de se demander si la provenance du type du C. diana igritus est absolument authentique. N'y aurait-il pas eu là quelque importalion, ignorée de l'explorateur anglais, dont la bonne foi ne saurail être suspectée ? Aussi, avant de considérer ce fait comme définitivement acquis, me paraît-il prudent d'attendre que de nouvelles re- cherches viennent préciser et confirmer cette indication assez vague et complètement isolée. 2° SUR LA DUALITÉ SPÉCIFIQUE ET LES PRINCIPAUX CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS DES COLOBUS ANGOLENSIS (4) (Sclat.) ET Co- LOBUS PALLIATUS (5) (Pet.). Ces deux Colobes présentent entre eux de telles ressem- blances, que la plupart des auteurs les ont considérés comme (1) Schlegel, Mus. des Pays-Bas (Les Singes), p. 93, 1876. (2) Temminck, Esquiss. Zoolog. (Côtes de Guinée), p. 30, 1853. (3) Jentink, Not. fr. Leyden Museum, p.M2, vol. IX, 1888. (*) 6) 268 E. DE POUSARGUES. conslituant une espèce unique dont l’aire d'habitat s’éten- drait depuis la côle de Zanzibar et la vallée du Pangani, C. palliatus (Pet.) jusque dans l’Angola, C. angolensis (Sel.), Telle est l'opinion émise en 1880 par M. Sclater (1), qui ne trouve comme différence entre ces deux types, qu'une plus grande extension de la teinte blanche sous la gorge du C. palliatus. Cetle manière de voir est partagée par M. Bar- boza du Bocage (2) : « Sauf de bien légères différences, écrit « le savant portugais, les caractères du C. palliatus s'accor- « dent parfaitement avec ceux du C. angolensis, et l’exis- «tence de cette espèce dans les anciens Élats du Sultan de « Zanzibar nous semble un fait définitivement acquis à la « science. » Enfin dans le Catalogue publié récemment par M. Jentink (3), deux spécimens provenant de la côte de Zan- zibar sont inscrits sous le nom de C. angolensis, et indiqués comme synonymes du C. palhatus. Comme auleur admettant la distinction spécifique de ces deux Colobes, on ne peut citer que Schlegel (4) qui ne fait que reproduire textuellement les arguments, mal fondés du reste, invoqués primilivement par Peters; à savoir, que le C. angolensis se distingue du €. palliatus, en ce qu'il n’offre de blanc qu'aux épaules et à l'extrémité de la queue, le reste du pelage élant noir. Après avoir examiné attentivement plusieurs spécimens de C. palliatus de la Côte de Zanzibar, de provenance au- thentique (5), et les avoir comparés à un magnifique exem- plaire de C. angolensis capturé, il y a quelques années, par M. Thollon sur la rive gauche du Congo, en face de Brazza- (1) Sclater, Proc. Zool. Soc. London, p. 68, 1880. (2) Barboza du Bocage, Jorn. Sciene. natur. Lisboa, 2° sér., n° 1. Extrait, p. 9, 4889: (3) Jentink, Catal. Muséum des Pays-Bas, t. XT, p. 7, 1892. (4) Schlegel, Muséum des Pays-Bas (Singes), p. 24, 1876. (5) Des quatre spécimens mis à ma disposition, l’un avait été envoyé de Bagamoyo au Muséum par les R. P. de la Mission du Saint-Esprit; deux autres viennent d'arriver récemment de l’'Usambara, envoyés par M. Gierra ; enfin le quatrième avait été fourni il y a quelques années au Muséum par M. Gerrard, de Londres, et venait de la côte de Zanzibar. GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 269 ville, j'ai élé amené à conclure à la réelle indépendance spécifique de ces deux formes. Toutefois, leurs véritables ca- ractères différentiels sont {out autres que ceux sur lesquels s'était basé Peters ; ils résident dans le mode de direction et de coloration des poils du front, et étaient ignorés du sa- vant zoologiste allemand, qui n’avait pour guide que la des- cription incomplèle du C. angolensis type, donnée par M. Sclater d'après une peau plate mutilée de la face. De son côté, Peters n’a donné aucune dimension pour les spécimens types dé son C. pialliatus ; il existe, cependant, comme nous le verrons plus loin, entre celte espèce et le C. angolensis, de notables différences dans les proportions du corps et de la queue. Ces lacunes importantes, que l’on constate dans chacune des deux descriplions premières, n'ont jamais élé comblées ; comme, d'autre part, les spécimens de C. angolensis sont d'une extrême rareté dans les collections des Musées euro- péens, il s'ensuit que les zoologistes n'ont pas pu juger en pleine connaissance de cause, et c’est à tort que, sans plus ample informé, la plupart ont admis l'identité des deux espèces. 1° Colobus palliatus (Pet.) (fig. 5). La description de Peters, complétée par une figure publiée postérieurement, est bien explicite; je ne ferai que la re- produire ici, mais en soulignant quelques expressions, de manière à altirer l’altention sur certains délails qui, jus- qu'ici, ont pu paraître négligeables et passer inaperçus, mais qui n'en constituent pas moins autant de caractères distinctifs de première importance : « Alter ; FASCIA FRONTALI, temporibus, malis, gulâ, jubâ humerali caudæque apice albis ; regionc genitali flavidä. « Les poils de la tête, plus courts que ceux du dos, sonr DIRIGÉS EN ARRIÈRE. « Les poils des tempes, des joues el des épaules sont très allongés ; la queue n’a pas de touffe terminale. 270 | E. DE POUSARGUES. « Cetle espèce est manifestement très proche alliée du C. angolensis (Scl.), mais celui-ci est complètement noir, à l’excepiion de la crinière des épaules et de l'extrémité de la queue. » (Peters, Monatsber. Akad. Berlin, p. 637. 1868.) 4 Pour compléter cette description, il importe d'ajouter 1e1 les mesures que j'ai prises sur les spécimens adultes de la collection du Muséum : DIMENSIONS EN MILLIMÈTRES Longueur de la tête et du corps........ Longueuride I QUE SRE ECE ER RESE 800 (incomplète) Différence entre ces deux dimensions... GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 271 Ces mesures nous permettent donc d'établir que chez l'espèce C. palliatus, la queue est toujours plus longue que la tête et le corps, qu'elle dépasse d’environ vingt centi- mètres. 2° Colobus angolensis (Sclater) (fig. 6). La peau plate, mutilée, de la face et des membres, qui a servi de iype, élait donc très imparfaite, mais, comme l'avait reconnu très Justement M. Sclater, elle fournissait assez de caractères pour la création d’une nouvelle espèce que le sa- vant zoologiste anglais avait décrite dans les termes suivants : « Alter; hkumerorum utrinque pilis elongatis, et caudæ apice. alhis. » Cette diagnose, fatalement incomplète, étant donnée la mutilation du sujet, demande d'autant plus à être reprise: d'A: E. DE POUSARGUES. qu’elle a été interprétée trop au pied de la lettre par Peters, el après lui par Schlegel, qui écrivait : « Le C. angolensis n'offre du blanc qu'aux épaules et à l'extrémité de la queue, toutes les autres parties élant noires. » Comme Je l’ai indiqué plus haut, cette interprélalion est complèlement erronée et prouve qu'aucun de ces deux zoologistes n'avait eu l’occasion d'examiner une dépouille complète et bien intacte de C.an- golensis. Chez cetle espèce, en effet, tout comme chez le C. palliatus, les longs poils des joues, des tempes et des cô- tés du cou sont blancs, et forment de chaque côté de grands panaches qui, dirigés en arrière, viennent se confondre avec la crinière scapulo-humérale correspondante ; le men- ton el la gorge sont garnis de poils également blancs, et sous les callosités fessières, on retrouve encore une tache blanche assez peu étendue, mais pourlant bien visible. Sous tous ces rapports, 1l n'existe donc pas de différence bien appréciable entre les deux espèces; mais là s'arrêtent les ressemblances. Chez le C. angolensis, en effet, 1l n'existe aucune trace de la bandeletle transversale de poils blancs qui encadre le front chez le C. palliatus et se fusionne latéralement avec les pa- naches temporaux, comme le montre la figure publiée par Peters. D'autre part, les poils noirs du dessus de la tête offrent une disposition toute particulière ; ils ne sont pas tous dirigés en arrière comme c’est le cas pour le C. palha- tus, mais s'échappent en rayonnant d’un tourbillon ou centre de dispersion placé au milieu du vertex, à égale distance des deux oreilles et des arcades sourcilières; ceux qui se di- rigent en avant, se prolongent au delà de la ligne orbitaire, et leurs extrémités simulent des sourcils rigides et horizon- taux ; quant à ceux qui se dirigent latéralement, leur orien- talion est perpendiculaire à celle des panaches temporaux, qu'ils surplombent visiblement. Il y a là comme une calotte, qui, sauf la coloration, rappelle celle des Macaques dits bonnets-chinois, el plus particulièrement celle du Macacus puleatus (Shaw.). Cette particularité donne au C. angolensis une physionomie toute spéciale, bien différente de celle des GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. 978 quatre spécimens de C. palliatus que j'ai eu l’occasion d'étudier. On sait que le mode d'orientation des poils du verlex n’est pas sans importance en zoologie systémali- que, et il peut êlre invoqué comme caractère différentiel pour les Colobes, au même titre que pour les Semnopi- thèques (1). Enfin une dernière différence bien accentuée se remarque entre les deux espèces qui nous occupent, dans les dimen- sions relatives du corps et de la queue. M. Sclater donne comme mesures du C. angolensis type, 2% pouces, soit 61 centimètres pour la longueur de la tête et du corps, et autant pour la queue. Le spécimen du Mu- séum de Paris compte 63 centimètres pour la tête et le corps, et 59 pour la queue. Ces mesures concordent avec celles du spécimen type et nous montrent que chez l'espèce C. angolensis, la longueur de la queue égale à peine celle de la tête et du corps. Si nous nous reporlons aux mesures que j'ai données plus haut pour le C. palliatus, nous verrons quil existe un écart considérable dans les propor- tions respectives chez les deux espèces, et on pourra s’en convaincre plus aisément en examinant le tableau suivant où sont mis en parallèle un C. palliatus et un C. angolensis ayant mêmes mesures pour la tête et le corps. MESURES EN MILLIMÈTRES C. ANGOLENSIS | C. PALLIATUS Longueur de la queue - de la tête et du corps Différence entre ces dimensions Différence de longueur pour les queues.... (1) Voir à ce sujet, Schlegel, Catalogue des Singes du Muséum des Pays- Bas, 1876. ANN. SC. NAT. ZOOL. L 18 274 E. DE POUSARGUES. C'est donc pour deux animaux de même laille un écart de 27 centimètres, entre les longueurs respectives de la queue, ce qui doit inévitablement entraîner une différence notable soit dans les dimensions de chacune des vertèbres caudales, soit plutôt dans leur nombre. Je n’ai malheureusement pu examiner qu'un seul spéci- men de C. angolensis, mais cetle pénurie de sujets d'étude se trouve largement compensée par le nombre plus que suf- fisant des représentants du type homologue C. palliatus que j'ai eus à ma disposilion, lesquels m'ont présenté des carac- tères différentiels bien accusés, d’une investigation facile, d’une fixité remarquable, et tels, que je ne crois pas exagé- rer leur importance en les considérant comme réellement spécifiques. Je proposerai done de modifier la diagnose de ces deux Colobes de la façon suivante qui résume en peu de mots les observations précédentes : Colobus angolensis (Sclater). Ater ; gulà, genis, temporo-humerali jubâ, regione geni- tali, caudæque apice albis; vittà frontali albàâ nullâ ; pilis in verlice nigris radiatim a vorlice medio missis, planumque pileum simulantibus; caudâ longitudinem corporis capi- tisque vix adæquante. Colobus palliatus (Peters). C. angolensi simillimus, sed, vittà frontali albä admodum conspicuâ ; pilis capilis omnibus retrorsum ductis ; caudà longitudinem corporis capitisque multum superante. Je joins à cette étude quelques dimensions prises sur les têtes osseuses de chacune des deux espèces, GENRES COLOBUS ET CERCOPITHECUS. [RS | QT C. PALLIATCS MESURES DU CRANE EN MILLIMÈTRES Fe Sorel : * | G adulte Q adulte. a me. maximum du crâue (en ligne | droite, de la crête occipitale à l'extrémité | ÉArCmaRITIaires |» . & 24 - Sms 110 , 100 103 Longueur curviligne du bord postérieur du | trou occipital à l’extrémité des prémaxil- RARE RÉGE e- HNE ° . Eu DCR SOINS 0 © nat LS Lee 2 ail WU n°00 à ADO LR NUL 7220 UD ER AS ra WEAR Sel 87 SM 0° LISE CNE 0 220 ed» : LR SK CRT EEE EL, = ? are 7 AS STE MD re nee Fa SS t V 7.6 « « 9 pen 0 : NES j SÈ nou LES 2 n°? a n 7 [A ue s ARE | "M [ - 1n ” : “€ N'SÈL - (SLR 2710, IPS De DID OS Ki dE NCESÉS QUE 29 LED 2 2 SCO'ÉSE M0”: : LES Le = | € w enr. 2) . Ë Q = 0 N ZE Sec 2 OU SÈ EX 4 nu Qu Cl 0 cc'Q EU. UV - VC CECI EE ES CE NA ISLE (74 SP JE SRE SL ao * 55, SR NW T7 ce 27604 c°e23? . AR Eu, SV : D Ode ce AR er À PR ENTE OIS ES) CN TU RS = | = EIRE Fer 54 Re COR re € nr: Se NS TS £ - ne Tonga PET = DRE; Sa PRES - PPT CSSS Mar Le CPAS Ce TX - 9 Ce TR ol CE ns 9 “5 322 : °0 ZEL (SE) 2 SR CS EPPREIE ) PS SL . € \ e € n > NF; n à SUD LME Le eos 222. su ë QUITP G £ E En , FE ferrer CT PTIT OLUTRNRRES BU aeeeertenerrensres ts QUE] HITS ! pass LP! PPT TE RO PET PER CELA TT EE Anatomie des Locuskiens Znp.Lemercrier et C 2e Paris. Le HV du # A4 À 1e ni ï Mt Di FN Zool.T1PI.7 ERESérte. Ann .des Se.na DSP: D'ou lule KES STE 0 Wicojetlith. S.Pereyaslawzev del. AC N Ann.des Scnat.#°Série FQ: S.Pereyaslawzewa del. Zoet. T1.PLE. Âicolethtà. Fe é Ann.des Se.nat.8°Série _ nu W + . VE Micaretliéhe SPer slanzewa er Ann.des Sc.nat. 8 Serie + dt ln FO cf S a - > RÉ RNENE er “hi un S.Pereyarlawyewa del. Zoo. TI.PL.3. Nicolet Lith. Ann.des Se.nat. Série Nicotetlith. S Pereyarlavrewa dei. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE ET PALÉONTOLOGIE COMPRENANT L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE LA CLASSIFICATION ‘ET L'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. ALPH. MILNE EDWARDS | PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRIE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE . 120, Boulevard Saint-Germain ds et hprimnnenmnemémendasicsttnge tennss RARE TC : in