CR EEE Er ETES CET rer er AT TETE PTS Les = inbetn ie detente T AH terst MHP LP [HA MMPE î [HAHHMI ri Toisletshst fuit mise ÉRÉLERETE AOL Ie LEE EE TES h] PETETETETETENN nr HET Gains stst î ILE HAE API HER sis “nt 3 ; . ? MEN TEPT ; Hi pis slt HA CHAR AM LEA F soit LINPELA Ur ANNALES SCIENCES NATURELLES. © © SACONDE SÉRIE _ TOME IY. IMPRIMÉ CHEZ PAUL RENOUARD, RUE GARANCIÈRE ; Ne 9, ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOCLOGIE, LA BOTANIQUE, L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES ; ET L’HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES ; RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIE PAR MM. AUDOUIN ET MILNE-EDWARDS ; ET POUR LA BOTANIQUE PAR MM. AD. BRONGNIART ET GUILLEMIN. Seconde Série, TOME QUATRIEME. — ZOOLOGIE. PARTIS. CROCHARD, LIBRAIRE-ÉDITEUR, PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE , N. 13. 1835. % be "MÉDAAOR. LA ME | x û à seat à D 1 { J ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. PARTIE ZOOLOGIQUE. COS ate COCHE 0e0C0S00021a000000000900006001000006000S0200000909009000® Découverte d’une circulation de fluide nutritif dans les pattes de plusieurs insectes hémiptères , circulation qui est indépen- dante des mouvemens du vaisseau dorsal, et se trouve sous la dépendance d’un organe moteur particulier, Par W. F. G. BEuw, Docteur en médecine de Kiel en Allemagne. Le grand Cuvier, dans son mémoire sur la nutrition des in- sectes, avait posé en fait qu’il n’y avait pas dans ces animaux de circulation sanguine ; il s'appuyait sur ce que les anatomistes les plus habiles, tels que Swammerdam et Liyonnet et les savans les plus exercés aux observations microscopiques, n’ont pu dé- couvrir ni distribution de vaisseaux, ni-aucun mouvement cir- culatoire, Mais dans ce mémoire, Cuvier ne rendait pas compte d’une manière satisfaisante, ce me semble, de la distribution des li- quides dans les insectes, Car, si d’un côté on ne peut nier le rapport mutuel qui existe entre la ramification de l'organe de la respiration et la ramification du système vasculaire, d'un autre côté, dans cette hypothèse, le vaisseau dorsal, qui incontesta- blement contient un liquide, devient tout-à-fait superflu, ses 6 W. BEHN. = Cireulation dans les Insectes. fonctions restent inexplicables, et l'on est forcé de nier son analogie avec le cœur. Plus tard cependant, plusieurs observateurs prétendirent avoir vu des vaisseaux qui, sortant de cet organe , entraient dans la tête, et J. Müller (1) décrivit un grand nombre de filamens creux qui, dans Îles Phasmes et plusieurs autres insectes, lient les ovaires au vaisseau dorsal. L'opinion de Müller, qui prit ces filamens pour de véritables vaisseaux , ne s’est pas encore con- firmée. Carus (2), Treviranus (3) et Wagner (4) reconnurent l'existence de ces filamens , mais ne les regardèrent pas comme des vaisseaux. La structure d'organes si fins et si délicats sera toujours diffi- cile à bien démontrer par la simple dissection, et ce n’était que par le moyen du microscope qu’on pouvait parvenir à découvrir et à montrer une véritable circulation du sang dans les insectes. Niltch (5), Gruithuisen (6) , Ehrenberg et Hemprich (7), ob- servèrent par ce moyen le mouvement des liquides dans plu- sieurs parties de ces animaux. Mais Carus (8), le premier , dé- montra dans les larves des Névroptères une circulation véritable qui, partant du vaisseau dorsal et y rentrant , dépend du mou- vement de cet organe. Les obsérvations que Carus lui-même ré- péta sous les yeux d’un grand nombre de naturalistes, ont, été depuis ce temps confirmées et complétées par Wagner. (9) Dans son mémoire sur ce sujet, Wagner donne un aperçu bien imparfait, il est vrai, sur la circulation dans les différentes classes des insectes; et, malgré l'imperfection de nos connaissances à cet égard, on doit regarder comme fort probable que la circula- (1) Nova acta Acad. Cæs. Leop. Car. Naturæ curiosorum. T. xtr. P. 2. p. 553. (2) Nova acta Acad. Cæs, Leop. Car. Naturæ curiosorum t. xv, pars. 2. p. 5. (3) Erscheinungen und gesetze des organischen Lebens. Bremen 1831. Bd, 1, p. 220. (4) Isis, 1832, p. 320-33r. (5) Commentatio de respiratione animalium, Wittembergæ, 1808, p. 27. (6) Salzburger mediz. chirurg. Zeituug, 1818. n. 92 et Isis, 1820 p.259. (7) Al. v. Humboldt Bericht ueber die natur historische Reise der Herren Hemprich und Ebrenberg; Berlin, 1826, 4. p. 22. (8) Entdeckung eines einfachen vom Hersen aus beschleunigten Blutkreislaufes in ‘der Lar- ven netzfluesliger Insecten; Leipzig, 1827. (9) Loc. cit. W. BERN. — Cireulation dans les Insectes, 7 tion du sang existe chez tous ces animaux, au moins pendantune certaine période de leur vie. — Mais on considérait toujours le vaisseau dorsal comme l'agent unique du mouvement.— On es- saya même de ramener cette circulation à celle des animaux ver- tébrés, et de distinguer des courans veineux et des courans ar- tériels. Cependant je ne crois pas qu’on puisse appliquer ces noms aux courans ténus et à peine ramifiés qu'on observe dans les in- sectes. La notion de veine et d’artère dépend essentiellement des rapports du système sanguin avec le système respiratoire; on ne peut donc pas appliquer ces noms à une circulation qui est en- tièrement indépendante de la respiration. Si l’on veut absolu- ment établir une comparaison entre la circulation dans les in- sectes et celle dans les animaux supérieurs, ce sont plutôt, je pense, les vaisseaux capillaires auxquels les vaisseaux des insectes peuvent être comparés; car, abstraction faite de la désoxida- tion du sang qui se fait dans les premiers, ils se ressemblent par la nutrition opérée pendant tout leur trajet, par l'absence de ramifications , par leur ténuité qui ne permet pas de les démon- trer par le scalpel et par l’existence problématique de leurs parois. Quoi qu'il en soit, d’après tous ces travaux, la circulation du sang dans beaucoup de classes d'insectes restait encore à éclair- cir. Le passage suivant de M. Wagner (1) sur la circulation des hémiptères, vient à l’appui de ce que j’avance : « Aucun observateur, dit-il, n’a découvert jusqu'ici la circula- « tion de sang dans les Hémiptères, et mes propres observations « ne m'ont donné à cet égard que peu de résultats, lesquels suffi- « sent cependant pour démontrer que ces insectes n’en sont pas « dépourvus. Les jeunes individus de Nepa cinerea sont verts et « transparens, au moins dans les parties latérales ; c’est là que « j'ai observé trés distinctement des courans de globules se mou- « vant toujours du devant en arrière. Dans les pattes, je ne pus « remarquer aucun courant. Je vis distinctement les pulsations « du vaisseau dorsal ; je vis également les contractions de ses « parois, sans pouvoir, à cause de l’opacité de ces parties, ob- (x) Loc. cit, p, 325. 3 w. BEN. — Circulation dans les Insectes. « server sa structure et son contenu. — De plus, j’examinai de « vieux et de jeunes individus de Corixa et de Notonecta. Là, « je ne pus rien distinguer, quoique plusieurs fois je crus décou- « vrir dans les derniers un mouvement de globules dans les pre- a miers articles de la patte. Mais ce mouvement était si peu dis- « tinct que je n'insiste pas sur cette observation. — J'ai examiné « aussi au microscope quelques'jeunes individus transparens de « Punaises terrestres, appartenant à une espèce qu’on trouve « très fréquemment sur les peupliers, mais je n’y ai découvert « aucun courant. » Peu versé dans les détails de l’histoire de ces découvertes, je n’en connaissais que les résultats, lorsque le hasard me mit à même d'observer un phénomène jusqu’à présent ignoré. Dans un verre où je conservais quelques animaux aquatiques destinés à des recherches microscopiques, j'avais remarqué un petit œuf elliptique, brunâtre, ayant l’une des deux extrémités plus foncée que l’autre, collé à un fragment de feuille. Bientôt j'aperçus dans mon verre un petit animal nageant sur le dos à la surface du liquide: je reconnus un jeune Notonecte ; en méme temps je trouvai que l’œuf était vide. En plaçant le petit animal sous un microscope simple deM.Char- les Chevalier, j'apercus sur le dos, qui est blanc et assez transpa- rent , les mouvemens vermiculaires du vaisseau dorsal. Les con- tractions de cet organe sont régulières et*peu rapides; j'en comptai par minute 33 à 38, mais le plus souvent 35 ; elles étaient peut-être un peu plus accélérées lorsque l'animal s'était livré à des mouvemens violens, mais néanmoins toujours régu- lières. Ayant porté mon attention sur les pattes de l'animal, je fus extrêmement surpris en voyant des pulsations et une circu- lation non-seulernent beaucoup plus rapides que les mouvemens du vaisseau dorsal, mais encore irrégulières et même de temps en temps interrompues tout-à-fait pendant quelques momens. Ces pulsations , car je ne puis les nommer autrement, ont leur siège principal à l'extrémité supérieure de la jambe, c’est-à-dire près de l'articulation qui réunit les jambes à la cuisse, mais elles s'étendaient plus ou moins distinctement dans toute la longueur ww. 2er. — Circulation dans les Insectes. 9 de cet article (1}. — Ces mouvemens paraissent être produits par une membrane qui semble courbée ou arrondie au niveau de larticulation. — Au moment de la pulsation, cet organe se rapproche du bord antérieur de la jambe et s'éloigne en même temps de l'articulation femoro-tibiale. — Ces mouvens sont si apparens, qu'ils doivent sauter aux yeux lorsque l’animal est en repos. — Mais en observant de plus près la npiinlé on voit sur ses bords deux courans faciles à reconnaitre, à raison de la pré- sence de quelques corpuscules qui nagent dans le liquide. L'un de ces deux courans apparaît au bord postérieur de la jambe, et se dirige du corps vers le tarse, tandis que l’autre , situé vers le bord antérieur, retourne vers le corps (2). Ni l’un ni l’autre ne me semblent limités par des parois propres. Le tarse lui-même est trop peu transparent pour laisser apercevoir le point où le courant revient sur lui-même (3). — On voit les globules se mouvoir par saccades isochrones au mouvement de l’organe dont nous venons de parler; ils passent de la cuisse dans la jambe et de la jambe dans le tarse, et reviennent en parcourant les mêmes parties en sens inverse. Il n’est pas possible de les observer dans les par- ties de la patte plus voisines du corps et dans le corps lui-même, parce que ce dernier n’est pas transparent et qu’il cache tou- jours la partie supérieure du membre. Je ne saurais donc dé- montrer d’une manière positive que le liquide qui circule dans les membres sort du vaissean dorsal et y retourne. — Lorsque les globules, en revenant, arrivent en haut de la jambe, où les mouvemens de lorgane sont les plus forts et les plus distincts, ils paraissent arrêtés en quelque sorte, avancent plus lente- ment, et semblent même, au moment de la pulsation, reculer un peu vers le tarse. Au premier moment, je me demandai si ces mouvemens étaient spontanés, c’est-à-dire inhérens à l'organe , ou s’ils étaient e ® (x) Dans les observationsultérieures. je les ai vus même s'étendre chez les Corixa par dessous le tarse des deux paires de pattes postérieures. (2) Dans quelques autres genres d’hémiptères les courans ne paraissent pas se tenir toujours aux bords des pattes, ce qui dépend en partie de la manière dont la patte se présente sous le inicr oscope, (3). On voit très bien ce point dans les Maucoris cimicoides. 10 W. BEHN. — Crrculation dans les Fnsectes. l'effet d’une cause éloignée; je penchai même vers la dernière opinion, en considérant la nature du mouvement que j'avais sous les yeux. Mais certainement, ce ne sont pas les contractions du vais- seau dorsal qui peuvent être la cause de ces pulsations, car leurs vitesses sont bien différentes : dans les pattes, je comptai de 100 à 150 pulsations au moins par minute.— Je ne puis don- ner que des approximations, parce que, comme je l'ai déjà re- marqué, ces mouvemens ne sont pas réguliers : ils sont tantôt plus rapides, tantôt pluslents, et s’arrètent même quelquefois complètement, — De plus, ces irrégularités ne se font pas re- marquer également dans toutes les pattes à-la-fois; mais pendant que, dans l’une, les pulsations se succèdent avec une rapidité extrême , elles sont plus lentes dans une autre et cessent entie- rement dans une troisième. Dans le vaisseau dorsal, au contraire, les mouvemens sont toujours réguliers et non interrompus; il en résulte que les mouvemens observés dans les membres n’ont aucun rapport avec ceux du vaisseau dorsal. (1) | Mais pour dissiper tous les doutes sur la spontanéité de ces pulsations, il suffit de faire l'expérience suivante. J’arrachai à un Notonecte la patte dans laquelle je venais d'observer les pul- sations, et je la plaçai sous Le microscope. Au premier moment, je n’aperçus rien, mais bientôt se montrerent des mouvemens tout-à-fait semblables à ceux que je venais d'observer dans l’a- nimal non mutilé , seulement ils étaient un peu plus faibles et plus lents, mais ils continuèrent au moins pendant un quart d'heure (2), en s’affaiblissant de plus en plus. Cette expérience , répétée fréquemment , a toujours donné le même résultat, excepté dans les cas où la jambe même avait été endommagée. — Il ne pouvait donc me rester aucun doute sur la spontanéité de ces mouvemens. (x) Je dois encore faire remarquer que d'après les observations de MM. Caruset Wagner les vaisseaux dans les larves de Névroptères, sortant de la partie antérieure du vaisseau dorsal , et y rentrant à la partie postérieure, parcourent les pattes dans le même sens, c’est-à-dire, en- tent le long du bord antérieur,:et reviennent par le bord postérieur. Dans le Notonecte, au contraire, le courant est tout-à-fait l'inverse, comme je viens de le décrire. (2) Plus tard je les ai vus se prolonger même jusqu'à deux heures après que la patte était arrachée, ww. BEUN. = Circulation dans les Insectes. LI J'ai retrouvé ces pulsations que j'avais observées d’abord dans un ÂVotonecta glauca tout jeune, dans des individus adultes de la même espèce; seulement le mouvement y paraït plus limité et plus restreint à la partie supérieure de la jambe. En outre, j'ai trouvé le même phénomène dans les genres Corixa, Plea, Naucoris, Nepa et Ranatra, et il est donc hors de doute qu'il est commun à toute la section des Hydrocorisses. Cependant je dois remarquer que je n’ai vu que dans les Notonectes tres jeunes et dans les Ranatra linearis le mouvement saccadé des globules corréspondant à ces pulsations (1). Je n'ose pas encore affirmer que le même‘fhénomène se retrouve dans tous les Hémiptères; cependant j'ai observé un mouvement analogue dans les Re- duves et dans les Hydromètres, quoique l’opacité des jambes, dans ces derniers, rende la chose douteuse. Dans les Pucerons, au contraire, je n’ai pu jusqu’à présent rien découvrir de sembla- ble, et quant aux Punaises terrestres je n’ai pas encore pu me procurer des individus dont les jambes aient été assez transpa- rentes pour décider la question (2). Wagner, qui en a observé F prétend n’y avoir vu aucune circulation. Il me restait encore à acquérir sur cet organe remarquable des notions plus précises que ne les donne la simple inspection, mais malheureusement je n’ai pu jusqu'ici arriver à un résultat complètement satisfaisant. Je m’y suis pris dela manière suivante: j'ai coupé la jambe d’un Notonecte, et surtout la partie la plus voisine du corps, en tranches transversales aussi minces que possible, de sorte qu’en les plaçant sous le microscope, je pusse voir les parties internes de la jambe. Dans les uns où le segment de la jambe était complètement dépouillé de la masse musculaire (ce qui cependant sur un grand nombre d'expériences ne me réussit que trois ou quatre fois ), je vis une mince saillie partant de la paroi et s’avançant d'autant plus dans la cavité que le segment était pris plus près de l'arti- culation qui joint la jambe à la cuisse, mais ne se dirigeant pas (x) Le mouvement des globules se voit aussi très bien dans les Naucoris cèmicoïdes jeunes et adultes, (2) Je me suis à présent convaincu que le même organe existe aussi chez les Punaises de’ lits ; ainsi je ne doute plus qu'il ne soit pas commun à tous les Hétéroptères. 12 W. BENN.— Cireulation dans les Insectes. WT toujours dans le même sens. J'aurais desiré constater encore de cette manière des mouvemens dans l'organe; mais ils cessent dès que la jambe est coupée sans jamais se renouveler. Cet organe remarquable et ses fonctions me semblent d’au- tant plus dignes de l'attention des naturalistes, qu'ils diffèrent complètement de tous les phénomènes de la circulation connus jusqu’à présent. Quelque variés que soient les agens de la circulation du sang dans les animaux, c’est cependant dans tous les cas le tube con- tenant le sang, qui agit en tout ou en partie sur le liquide par la force musculaire ou par son élasticité. Ici, au contraire, la cir- culation est produite par un organe qui apparemment ne con- tient pas de liquide, et qui semble agir à-peu-près comme le dia- phragme agit dans la respiration, ou plutôt comme la soupape membraneuse chasse l’eau de la cavité respiratoire des écrevisses. Cet état de choses indiqueraitl, comme on l'a supposé , mais non prouvé, qu'ici le fluide nutritif n’est effectivement plus li- mité par des parois qui lui soient propres? CH. MORREN. — Influence de la lumière , etc. 13 Essais pour déterminer l'influence qu'exerce la lumière sur la manifestation et les développemens des étres végélaux et animaux dont lorigine avait été attribuée à la génération directe, spontanée ou équivoque ; € Par M. CH. MorREn, Professeur de botanique à l’université de Gand. Troisième Mémoire. (1) Dans toutes les expériences qu’il soit possible de faire pour constater l'influence qu’exercent individuellement les agens ex- térieurs , sur la manifestation des êtres organisés, dont l’origine est généralement attribuée à la génération spontanée, il est tou- jours nécessaire d’agir sur des masses liquides dont l'existence est la condition indispensable, pour que cette manifestation nous soit rendue sensible. Ces masses liquides doivent en outre être de nature à pouvoir sinon favoriser, du moins soutenir la vie dans les êtres qui en sont doués, et qui viennent naître ou s’établir dans l’intérieur de ces masses. Cette condition, qu'il n’est pas donné à l’homme d'éliminer, est donc un obstacle insurmontable à ce que jamais il puisse connaître l’effet de la lumière, agissant par elle-même , et sans que ses rayons soient ou réfractés ou réfléchis. La réfrac- tion des rayons modifiant leurs propriétés et leur réflexion sur les parois des vases, dans lesquels nous devons expérimenter . malgré nous, donnant lieu à des croisemens et à des intersec- tions nombreuses qui établissent des lignes ou des surfaces, où la quantité de lumière est plus grande que dans le rgste des (x) Les deux premiers mémoires insérés dans l’Observateur médical belge, et reproduits dans le volume précédent de ce recueil, présentent quelques fautes typographiqnes que l’auteur nous prie de corriger, Ainsi, page 197: en nommant a la moitié de la longueur de la fenêtre ; lisez : largeur de la fenêtre, étc., et à Ja formule qui suit substituez celle-ci : a b j ACEP TT ONCE TE) Cos C, = = 14 CH. MORREN. — {nfluence de la lumière masses, on conçoit de quelle importance il est pour l’observa- teur, de tenir compte de tant de causes modifiantes. En effet, nous avons vu dans le mémoire précédent, que l'intensité et la clarté de la lumière avaient des effets extrêmement marqués sur la nature des végétaux développés dans des milieux soumis à l’in- fluence d’intensités et de clartés lumineuses différentes. Or, dans la masse même de ces milieux, chaque point ne recevant pas une clarté et une intensité lumineuse équivalente à celles de tous les autres points, il est évident que chacun d’eux ne peut pas agir comme tous les autres indifféremment , et qu'il doit s’é- tablir ainsi dans ces masses mêmes des lieux plus ou moins fa- vorisés, pour influencer d’une manière propre la manifestation des êtres qui s’y montreront de préférence. Ainsi qu’on songe un moment à l'importance de ce qu’on a nommé en histoire naturelle des sites d'élection, qu’on songe que souvent on a at- tribué à des êtres la vie animale, et je dirai même une espèce de prévision, une fraction de cette raison, de cet entendement, de cette intelligence propre seulement aux animaux les plus élevés dans l'échelle de leur règne, et cela par une considération tirée de ces mêmes sites d'élection, et alors, on sera pleinement con- vaincu que, puisque les sites où les êtres se fixent et se déve- loppent de préférence ne sont pas toujours; comme on le voit, des sites d'élection, dans ce sens que les êtres se les sont choi- sis, distingués, qu'ils s’en sont emparés avec but final et discer- nement, rien ne devient plus important que de déterminer pré- cisément les effets extérieurs qui peuvent par leur conflit provoquer l'existence de sites favorables, où les êtres se déve- loppent, parce qu'ailleurs, où les circonstances convenables à leur bien-être n'existent pas, ils périssent. Les sites favorables au milieu de ces masses aqueuses, capa- bles de soutenir la vie chez les êtres qu’elles renferment, peu- vent dépendre d’une foule de circonstances; il ne nous importe ici que d'étudier celles qui se doivent à la lumière. Nous ne parlerons donc que de ces dernières. Il résulte de la nature même de nos recherches que nous ne pouvons expérimenter que sur des masses liquides, leur pré- sence formant une de ces conditions matérielles, essentielles sur le développement des Infusoires. 15 pour que la vie s’entretienne, et, selon quelques auteurs, s’éta- blisse dans ces mêmes masses. Aussi ne pouvons-nous pas con- naître d’une manière absolue l'effet de la lumière non réfractée, puisqu'elle l’est toujours, dès qu’elle passe à travers la couche de liquide, quelque mince qu’elle soit. Mais si nous sommes de ce côté dans une impuissance complète, nous ne le sommes pas quant à cette autre considération : l'effet de la lumière réfractée est-il différent, quand la couche de matière liquide que ces rayons doivent traverser en s’absorbant est plus ou moins épaisse; et si des différences ont lieu, quelles: sont-elles ? L’ob- servation même la plus superficielle de ce qui se manifeste au- tour de nous dans le spectacle de la nature doit suffire pour soulever cette question. Nos étangs sont couverts de Conferves et d'Arthrodiées sans nombre ; des Lentilles d’eau de plusieurs espèces s'y propagent avec une profusion effrayante ; beaucoup d’autres végétaux plus composés encore, plus élevés dans l’é- chelle de la complication organique, se plaisent dans ces mêmes lieux ou les occupent exclusivement ; or, une végétation si forte, si favorisée se fait principalement à la surface des eaux; même les feuilles poussent le plus souvent au-dessus de cette surface, pour s'étendre dans Pair, soit par toutes leurs parties, soit seu- lement par lune des faces de leur limbe; les tiges s'élèvent aussi hors du sein des eaux, comme pour recevoir l’action plus im- médiate de la lumière, toujours plus ou moins absorbée dans le milieu inférieur. Y a-t-il impossibilité pour quelques-unes de ces productions de franchir les limites du milieu où elles sont plongées ? On les voit occuper, le plus long-temps possible, la surface de ce milieu, et, ce qui est plus étrange encore, on ob- serve que quelques-unes montent à la surface , quand le soleil éclaire l'horizon, et descendent au fond des eaux, quand sa lu- mière bienfaisante cesse de se répandre dans l'atmosphère, éprou- ant ainsi des variations diurnes analogues au mouvement que subissent aux mêmes heures la colonne barométrique et l'aiguille aimantée (1); il y a donc en définitive une obligation constante, (x) J'ai observé cet effet sur toutes les Arthrodiées quand on les renferme dans de longs tubes. 11 dépend de ce.que la lumière fait dégager du gaz oxygène qui retenu sous forme de bulles entre Les filets articulés de ces plantes en rend les amas spécifiquement plus légers, 16 CH. MORREN. — fnfluence de la Lumière c'est que beaucoup de végétaux occupent la surface des eaux, mais pourtant qnand on pénètre dans leur intérieur, on ne cesse pas d'en rencontrer , et alors. de singulières modifications or- ganiques s’établissent chez ces espèces. Appartiennent-elles aux phanérogames? de deux choses l’une : ou il y a des moyens d'un mécanisme admirable pour ramener à la surface des eaux les parties les plus nécessaires à la propagation de l'espèce, comme on le voit dans le J’allisneria spiralis etc., plante qui établit la transition des espèces tou.-à-fait submergées aux su- perficielles, ou bien la nature emploiedes dispositions nonmoins ingénieuses et singulières pour que la propagation soit favorisée au-dedans même du fluide ambiant, comme on l’observe dans les Zostera, Hippuris, Ranunculus, Alisma, Illecebrum, ete. Enfin nous ferons remarquer que la majeure partie des végétaux sub- mergés appartient à la grande série des végétaux moins com- posés, et que l’on confond dans les systèmes sous le nom de cryptogames. Chacune de ces espèces, vivant ainsi sous la surface liquide, occupe une région déterminée, et ces régions constituent, comme on le sait, autant de cercles supraposés. Or, ces bandes ou sé- ries circulaires formant comme autant de latitudes sous-aqueu- ses, sont placées sous la dépendance des rayons lumineux qui s'absorbent de plus en plus quand on pénètre davantage vers le fond de l'eau; et comme chacune de ces bandes se compose d'un certain nombre d’espèces végétales déterminées, on s’aper- coit bientôt que l’organisation de chacune d’elles, ou ce qui re- vient au même, le degré de complication organique de chaque bande devient d'autant plus simple, qu’on s'approche plys des limites inférieures ; de sorte que la cause occasionelle de cette décroissance organique est véritablement l'absorption de pius en plus forte des rayons lumineux. Si donc, on nomme sites d'élection les emplacemens plus ou moins élevés où ces vé- gétaux se sont développés, leur disposition sera due à l'effet de la lumière, et pour nous ces sites ne seront que de simples sites favorables. Ce qui résulte donc évidemment de la contemplation de la nature, c'est que la surface des eaux placée sous l'influence de sur le développement des Infusoires. 17 la lumière peu absorbée, sera par cela même habitée par un plus grand nombre de plantes et par des ‘plantes plus élevées dans l'échelle organique que les végétaux sous-aqueux. Ce phé- nomène, qui se manifeste ainsi dans les grandes et gigantesques expériences de l'univers, se trouve néanmoins fortement infirmé dans nos recherches de laboratoire et de cabinet. Soumettez des vases remplis d’eau à l’action de la lumière, et au bout de quel- ques jours, variant d'aprés les circonstances plus ou moins fa- vorables, vous obtiendrez des végétaux; mais si vous croyez que ces productions vivantes, qui ne sont autres que celles que vous trouvez dans les eaux stagnantes de votre pays, vont se montrer à la surface de vos petites masses aqueuses, comme dans ces vases immenses que la nature elle-même a placés sur ce monde en forme de mers, de lacs, d’étangs, etc., votre at- tente sera complètement trompée. Les matières organisées se montrent attachées aux parois latérales des vases, dans des en- droits déterminés, limités, qu’on peut indiquer à priori, quand on conpaît préalablement toutes les conditions modifiantes ; ja- mais elles ne sont situées à la surface proprement dite de ces pe- tites masses aqueuses. 1i est bien vrai que. selon la nature de ces matières, ou, pour m'exprimer plus justement, de ces êtres variés qui naissent et se développent ainsi sous l’influence des conditions que nous avons nous-même créées, les sites où ils se montrent sont plus ou moins rapprochés du niveau des liquides, et que, même pour quelques-uns d’entre eux, il serait peut-être permis de dire qu’ils occupent effectivement la surface de ces milieux; mais ces cas, infiniment rares, ne peuvent entrer en ligne de compte pour les phénomènes généraux que nous avons à constater. Je ne crois pas devoir entrer ici dans le détail des expériences connues de tous les naturalistes, et qui ont pour résultat irréfragable que les Globulines, les Palmelles, les Navi- cules , les Bacillaires, les Oscillatoires , etc., naissent et se déve- loppent contre les parois des vases et non à la surface même des eaux. Ce résultat est général, comme on le voit, pour tout ce qui appartient au règne végétal. Nous donnerons dans un mo- ment toutes les spécialités nécessaires pour bien déterminer le comment et le pourquoi de ces choses, quand nous parlerons IV, Zoonr, — Juillet, 2 18 CH. MORREN. — Influence de la lumière plus particulièrement des sites favorables dus à la lumière. Jus- qu'ici, nous n'avons dit mot des animaux. La spontanéité de leurs mouvemens, la faculté de leur locomotion, la nécessité même de leur déplacement occasioné par la recherche de leur proie, la fuite de leurs ennemis, la tendance à leur bien-être, tant de circonstances devaient sans doute apporter d’étranges modifications, des différences sans nombre d'avec ce que nous avons vu exister chez les végétaux. Ce n’est plus exclusivement la surface ou le milieu des masses aqueuses qui deviennent les sites des animaux, c’est l’un et l’autre, c’est tout le liquide; ces sites varieront , il est vrai, mais les limites de variation sont par- fois immenses, et il devient fort difficile de les déterminer, bien qu'on ne puisse douter qu’elles ne naissent réellement comme phénomène général. L'indépendance individuelle des animaux est sans contredit une des plus grandes causes qui leur permet de s'abstenir des sites circonscrits et étroitement limités comme le sont ceux des végétaux; mais cette indépendance, en raison, d’une part, de leur degré de complication organique, et de l’autre, de leur instinct, circonstances qui, réunies ensemble et favorisées par le don d’une intelligence supérieure, ont fait de l’homme lani- mal cosmopolite par excellence, peut se perdre dès qu'on arrive aux limites inférieures de l'échelle : on doit remarquer en outre qu’en supposant que cette faculté locomotrice se maintienne chez quelques animaux inférieurs, la petitesse de leur corps fait que l'amplitude du lieu où ils se meuvent est bien moindre que celle du séjour habituel d'animaux plus parfaits. On conçoit donc que leurs sites d'habitation se circonscrivant davantage, tombent aussi avec plus de facilité sous l'empire des agens exté- rieurs. Les influences de ces agens se feront donc vivement sen- tir sur ces mêmes êtres, et c’est aussi ce que l’observation prouve ; or, ilarrive maintenant que ces êtres sont précisément ceux que lon a cru provenir par voie de géneration directe, c’est-à-dire ceux qui se sont manifestés dans nos expériences précédentes. Il devient donc urgent de poursuivre sur eux la suite de nos re- cherches. Les plus simples des animaux, ceux à qui l’on conteste même sur le développement des Enfusoires. 19 lanimalité , ceux que lon croit intermédiaires entre les végé- taux et les animaux, que ceux-ci regardent comme termes de transition entre la matière active, mais inorganique, de Robert Brown, et les êtres organisés, que ceux-là considèrent comme de vrais animaux déjà très composés, mais qui paraissent simples par l'insuffisance de nos moyens investigateurs, les Monades en. fin, quand elles naissent et se développent dans des milieux ca- pables de les nourrir, donnent bientôt lieu, par leur multipli- cation infinie, à des espèces de fausses membranes ou de tissus étendus, lintiformes, plus ou moins épais, plus ou moins denses, formés en partie de ces mêmes monades, de leurs cadavres ou de leurs simulacres, et d’une foule de substances cristallisables qui se sont séparées par l'effet dissolvant du liquide, des ma- tières, dont le séjour dans l’eau a favorisé le développement de ces mêmes monades. C’est principalement dans les fissures de ces matières inertes que les monades se plaisent à pulluler; ces monades ne sont pas seulement celles qui pourraient encore laisser des doutes sur leur nature , comme le Honas Termo ou la Monade Principe , mais celles qui ont des espèces de pointes ou de crochets toujours antérieurs dans la natation , celles qui s’ac- couplent et se joignent très visiblement deux à deux pour se sé- parer et recommencer ensuite le même manège, en un mot, ce sont des monades sur l’animalité desquelies aucun esprit consciencieux et sévère n’oserait élever le moindre doute (r). Or, ces monades , ces membranes, sont toujours à la surface du liquide , et cette position constante offre des relations avec l'effet de la lumière qu’il nous importe d’autant plus de connaître, que les végétaux nous font voir un phénomène précisément inverse. La surface d'un liquide reçoit non-seulement l'influence d’une lumière plus intense que la masse liquide elle-même, où les rayons lumineux sont réfractés et absorbés, mais encore les eflets de l'air atmosphérique qui pèse immédiatement sur elle. I y a donc ici deux conditions dont il faut éliminer l’une pour connaître l’autre. (1) Les belles recherches que vient de publier M. Ehrenberg confirment singulièrement ces prévisions. Je ferai remarquer ici que mes essais étaient connus environ un an avant les com« municalions de M, Ebreuberg , à l'Institut de Frauce, 20 CH. MORREN. — Jnfluence de la lumière fn outre, les monades peuvent se rendre à la surface de l’eau pour trois causes différentes : 1° ou elles sont spécifiquement plus légères que l'eau; 2° ou elles en préfèrent la surface parce qu’elles y reçoivent l'influence de l'air; 3° ou elles y sont atti- rées par l'effet de la lumière qui s’y trouve moins absorbée. D’après la nature de ces Mémoires , c'est cette dernière condi- tion qu’il faut examiner de préférence. Je pris en conséquence un vase de verre blanc, cylindrique; je le remplis d’eau jusqu'à deux pouces du limbe, et je mis au fond un morceau de viande de veau. A trois millimètres en des- sous du niveau de l’eau et sur la paroi extérieure du vase, je collai une bande de papier noir très épais, et qui ne laissait pas- ser aucun rayon lumineux ; je couvris le limbe supérieur d’une plaque métallique épaisse, mais qui reposait simplement sur le bord du verre et qui ne génait en rien le libre afflux de l'air ex- térieur. Un autre vase , exactement le même, fut placé à côté de lui ; il renfermait la même quantité d’eau et de viande, mais il n’avait ni bande de papier ni couvercle métallique, seulement une plaque de verre transparente. Les conditions étaient donc de part et d'autre les mêmes, hormis celle de la lumiere. Je n’indiquerai pas ici la durée de l'expérience, ni les degrés de chaleur à son époque, ces circonstances étant inutiles pour le moment. Je dirai seulement qu’au bout de quelques jours les deux vases montrérent une croûte ou pellicule à la surface du liquide composé de Monas Termo (Muller); Monas encheloides (zd.), Colpoda cosmopolita (Zory de Saint-F'incent), et de plus, de matieres inertes, Cette expérience montre donc, d’une manière évidente, que ce n’est point par l'effet d’une lumière moins absorbée que se forment, à la surface des liquides, où séjournent des matières animalisées, des pellicules particulières composées de certains animaux et de quelques matières inertes. Il est en effet évident que, dans le vase à bande de papier noir, les rayons qui parve- sur le développement des Infusoires. 21 naient en petite quantité à la surface du liquide, avaient été réfractés par la masse et absorbés en grande partie. Je fis la même expérience en faisant macérer des matières, végétales et j'obtins les mêmes effets, sauf la différence entre les animalcules développés. Ainsi il conste par ces expériences comparatives que, lorsque des masses tissulaires organisées se trouvent soumises à l'agent madéfacteur, les pellicules ou fausses membranes qui se forment à la surface et se composent des divers animaux, ne sont point provoquées à s'établir à la sur- face du liquide par l'effet d’une lumière moins absorbée, mais par l'influence de l'air, et par la liberté des animalcules eux- mêmes, comme on peut s’en assurer en opérant sur des vases privés d’air, et en comparant ce qui arrive aux animalcules quand ils ont cessé de vivre. (1) Ce résultat ne nous paraît nullement extraordipaire, car nous avons déjà constaté que l'absence totale de la lumière n’entraine pas nécessairement l'absence d'êtres organisés : ce que nous avons fait voir par des expériences directes. Il restera donc constaté que la lumière plus ou moins absorbée par les couches d’un milieu liquide où la manifestation d’ani- imaux très simples en organisation se trouve provoquée par la macération préalable de tissus organiques, r’agit en rien sur la détermination des lieux, ou des sites favorables ‘où ces étres se rendent et se tiennent de préférence. Les animaux gymnogènes sont donc à l'abri de cette influence lumineuse. En est-il de même pour les végétaux cellulaires ou les cahodinées qui sont les termes correspondans dans l'échelle végétale ? Nous avons reconnu que ces végétaux étaient singulièrement influencés par des rayons plus ou moins intenses, plus ou moins clairs; voyons maintenant s'ils sont aussi sensibles aux effets d’une lumière plus ou moins absorbée. Quand un vase de verre, que je suppose cylindrique et rempli (x) D'après quelques observations, je suis plus porté à attribuer la présence des animalcules à la surface du liquide , à l'effet de leur pesanteur spécifique moindre que celle de l’eau , qu'à l'effet de l'air atmosphérique, 22 CH. MORREN. — Jnfluence de la lumière jusqu’au limbe d’eau ordinaire et bien limpide, se trouve ex- posé à l’action de la lumière sur la tablette d’une fenêtre, il reçoit d’abord une quantité de rayons qui tombent à la surface de l'eau, s’y réfléchissent en partie et en partie s’y réfractent pour passer dans la masse liquide, tandis qu’une autre quantité de rayons introduits par les parois se réfracte de même dans toute la masse liquide. Des réflexions contre les parois internes, des réfractions à travers le milieu font que les rayons se coupent et donnent lieu à des surfaces lumineuses (catacaustiques), qui sont les lieux des points d’intersection de tous les rayons. Ces surfaces offrent, par conséqnent, une intensité et une clarté de lumière plus fortes que celles de la lumière diffuse qui les entoure. La considération de ces catacaustiques doit donc fixer d’autant plus notre attention, que c’est à leur influence qu’on doit principalement les sites favorables où les productions végétales vont se fixer. Afin de connaître séparément l’effet que pourrait avoir la lu- mière venue directement de l'air et non réfractée par les parois du verre, je couvris de papier noir, fort épais, un vase cylin- drique, dans toute sa partie supérieure; je le remplis d’eau jusqu’à une hauteur telle, que le bord inférieur du papier in- terceptait toute ia lumière qui pouvait frapper la surface de l'eau, et je couvris le vase d’un couvercle plat de cuivre. De cette maniere, la lumière ne frappait plus la surface du liquide, qui n’était éclairée que par celle qui traversait les parois du verre. C'était au mois de juin 1328, du 10 au 18, la tempéra- ture avait varié de 16° à 25°, le soleil avait beaucoup lui dans cet intervalle. Des matières vertes s'étaient développées, et oc- cupaient la paroi interne opposée à la lumière. Un autre vase avait été placé dans es mêmes circonstances; il n'avait pas été recouvert de papier noir, et il lui fallut le même nombre de jours pour se couvrir, à l'endroit correspondant à celui où les matières vertes s'étaient fixées dans l’autre vase, des mêmes êtres. C'étaient les Globulina exilis; Navicula biconifera; Oscillatoria.….…..….. sur le développement des Tnfusoires. 23 I] résulte donc de ces recherches comparatives que «4 lumière moins absorbée , qui vient directement frapper la surface de l’eau dans nos vases d’expérience , n’a point sur les Hydrophytes ver- tes (1) qui s’y développent une influence spéciale bien marquée, et dont l'effet aurait été de fixer les sites de ces étres plutôt vers la surface de ces milieux que dans tout autre point de leur étendue. Ces expériences nous démontrent, au contraire, que si les végétaux simples recherchent, pour se développer, les endroits où le liquide recoit une plus grande quantité de lumière et des rayons plus'intenses ( plus chauds, car ici la chaleur entre comme cause concomitante des plus puissantes), comme cela nous est prouvé par ce que nous avons vu dans nos recherches sur lin- tensité et la clarté, c’est principalement et même uniquement dans les circonstances ordinaires aux influences de la lumière réfractée et absorbée, dont les rayons ont formé des catacaus- tiques, que se déterminent les sites d’habitation de ces végé- taux. En effet, onsait que, dans ces cas, la catacaustique s’étend principalement entre l’axe du cylindre et ses génératrices op- posées à la lumière immergente, et c’est aussi contre les parois opposées à cette direction que les matières organisées végétales se fixent dans ces vases. T’action de la lumière est même telle que si l’on retourne le vase après que les G/obulines, les Navi- ‘cules, les Oscillatoires, les Cystorielles se sont fixées contre les parois dans une étendue donnée, de manière que cette étendue verdie se trouve recevoir alors l'influence des rayons immédia- tement après leur réfraction à travers le verre, et sans qu'ils aient traversé l’eau, on voit, au bout d’un certain temps, tous ces corps se détacher de leurs points d’adhérence et venir se ranger le long des paroïs opposées, c’est-à-dire sur celles qui se trouvaient placées dans les mêmes circonstances que celles qui présidèrent à leur premier développement. C'est au célèbre Treviranus que l’on doit cette belle observation. Cependant cette invariabilité dans la position des sites d’ha- (1) On verra, après avoir lu tout ce mémoire, pourquoi je fais ici la distinction des H ÿdro- phytes vertes d'avec celles qui ont d’autres couleurs, 24 CH. MORREN, —< {nfluence de la lumière bitation qu’affectent ainsi les Hydrophytes inférieures, est-elle si constante qu'on ne puisse jamais les y voir déroger? Il est évident que les végétaux cellulaires ne vont se fixer ainsi sur la paroi opposée à la direction des rayons immergens, que parce qu’elle est le lieu solide le plus proche de la catacaustique for- mée, et c'est ce que nous prouverons bientôt. Or, il est juste d'observer à cet égard que si le diamètre du cylindre où l’on fait ces expériences augmentait tellement que sa quantité d’eau suf- firait pour affaiblir considérablement l'intensité des rayons en absorbant la lumière, et pour diminuer par la suite l'intensité lumineuse des catacaustiques, il est probable qu'’alors les végé- taux n'iraient plus se loger de préférence le long des parois op- posées à la direction des rayons immergens , mais bien sur celles qui recoivent directement l'influence du fluide lumineux. En effet, les productions végétales vertes ne se fixent sur ces parois que parce qu'elles offrent la base solide de sustentation la plus proche du lieu le plus éclairé et le plus échauffé, ces produc- tions étant par leur structure dans l'impossibilité de séjourner dans le milieu même de la masse aqueuse, comme peuvent le faire quelques Arthrodiées flottantes. C’est donc à l’influence de la catacaustique qu’on doit ce site d'habitation. Si maintenant, par une cause quelconque, cette même catacaustique ne com- portait plus que des rayons plus faibles en intensité lumineuse que ceux dont se trouve frappée l’eau immédiatement derrière les parois qui reçoivent directement la lumière, son influence cesserait, et ce serait sur les parois opposées qu'iraient se fixer alors les végétaux développés. L’affaiblissement de la lumière qui forme la catacaustique peut se provoquer de deux manières, soit en éclairant le vase d’une lumière très peu intense, soit en augmentant le volume de l’eau pour que les rayons puissent s’absorber suffisamment. Or, nous allons voir que ces deux con- ditions comportent des effets différens. Des vases cylindriques de verre, de quelques lignes de dia- mètre jusqu’à ceux de quatre pouces, m'ont constamment mon- tré des matières vertes, développées sur la paroi opposée à la direction des rayons immergens. Au-delà de cette diniension, c'est-à-dire dans les vases de cinq à six pouces de diamètre, les sur le développement des nfusoires. 23 matières vertes se fixaient en partie contre celle qui en était di- rectement frappée, les parois latérales en manquant tout-à-fait. Dès que les vases avaient plus de six pouces, et quand la lumière elle-même était assez forte, je ne vis plus de matières vertes revêtir la paroi opposée aux rayons lumineux, bien que celle qui les recevait immédiatement en montrât. C'est donc vers ce terme que l'influence des catacaustiques devient nulle. Il est évident que ces recherches nous donnent la nature de l'influence de l'absorption de la lumière dans les milieux liquides, et nous voyons que cette observation est la cause prochaine du déplacement des Hydrophytes ; il paraît même que l'absorption de la lumière, comme son intensité et sa clarté, excitait dans ces êtres vivans une espèce d'attraction qui les entraine peu-à- peu dans certains lienx où ces trois qualités de lumière s’accor- dent avec l’organisation et les fonctions de ces végétaux. Remar- quons encore que l'absorption de la lumière agit précisément à l'inverse de l'intensité et de la clarté, car où elle augmente, la complication dans les organismes diminue, tandis que cette complication augmente où l'intensité et la clarté angmentent de même. On peut le prouver directement par expérience. Je pris en effet un vase de verre de six pouces de diamètre, et l'ayant rempli d’eau, je l’exposai à la lumière du soleil sur la tablette de ma fenètre, pendant les mois de mars, avril et juin 1828. Le thermomètre marqua de 9° à 26°. Après cette époque , le vase montra deux lignes de matières vertes, l'une en avant, l’autre en arrière. Cette dernière était pâle, peu fournie; l'autre, au contraire, très intense, très épaisse. Je crus d'abord que l’une ne différait de l’autre que par la quantité des êtres composant les taches ou lignes vertes; je prévoyais seulement une différence dans le développement numérique des flores de ces jardins microscopiques , et non dans le nombre de leurs es- pèces ; mais quel fut mon étonnement de voir que la couche postérieure se composait exclusivement de Globulina Termo, Globulina exilis , tandis que l’antérieure montrait les Globulina Termo ; Globulina exilis ; 26 CH. MORREN. — fnfluence de la lumière Bacillaria glauca ; Navicula tripunctata (Bory de Saint-Vincent ); Navicula biconifera; Cystodiella elegans; Anabaïina.......; Oscillatoria. ..…. ; de plus, certains animalcules infusoires. Cette grande différence de composition ne peut être attribuée qu’à la seule modification provenant de l'absorption des rayons lumineux par l’eau. D'ane part, c’est-à-dire en avant, la lumière n’était presque pas absor- bée; de l’autre, c’est-à-dire en arrière, elle l'était beaucoup. On conçoit d’ailleurs facilement que l'effet de l’absorption étant de rendre les rayons moins intenses, c’est à la perte de lintensité que l’on doit la diminution dans la complication organique des êtres qui se manifestent, ou mieux dans le nombre de ces êtres mêmes. Nous concluons donc de ces observations, que la lumière, dans son influence sur la détermination des sites d'habitation favorables au développement des Hydrophytes inférieures ; agit d’une manière d'autant plus propice, qu’elle est moins ab- sorbée par les couches aqueuses ; ce qui parait dépendre du de- gré d’intensilé que ses rayons peuvent conserver ; Que plus la lumière est absorbée, ou ce qui revient au méme, plus les couches d’eau que ce fluide doit traverser sont puissan- tes, plus les végétaux dont elle favorise le développement sont simples en structure, et vice versà ; ce qui explique les varia- tions du développement numérique des individus et des es- pèces, et le degré de complication organique de chacune d'elles, la composition des flores de nos vases d’expérimentation, comme de celles des lacs coniques ou des étangs qui se trouvent sur le globe. + Revenons maintenant au second point que nous avons à prouver, c’est-à-dire que l’affaiblissement de l'intensité lumi- neuse de la catacaustique, provoqué par l’affaiblissement de la lumière elle-mêrae et non par l'absorption de ses rayons dans l’eau, amènera des variations singulières dans le placement des sites favorables où les êtres organisés se développent. ‘sur le développement des Infusoires. 27 Pour cela, rappelons-nous que dans l’expérience précédente, les Hydrophytes occupaient deux stries opposées sur les parois de nos vases. La condition d’éclairement où je mis un autre vase fut la sui- vante : C'était dans un coin de la chambre, du côté d'une fenêtre couverte de rideaux et dans un lieu suffisamment obscur. Les parois des pans de mur, qui formaient un angle dièdre, réflé- chissaient peu de lumière , et si le vase était encore suffisam- ment éclairé pour permettre le développement de quelques vé- gétaux , les catacaustiques y étaient à peine appréciables. Je fis six fois cette expérience dans le courant de plusieurs années, et j'eus toujours le même résultat. C'était une membrane verte qui tapissait toute l'étendue antérieure des vases, sans montrer plus d'épaisseur d’un côté que de l’autre, quand elle était bien dé- veloppée et suffisamment âgée. Dans toutes les circonstances, nous avons remarqué que cet effet s’obtenait plus tôt et d’une manière plus décidée, quand parmi les végétaux s’était dévelop- pée une Oscillatoire d’un beau vert de mer, que je crois être l'Oscillatoria fontinalis dAgardh. En secouant légerement le vase, on pouvait détacher la membrane et l'enlever cornme un beau réseau cylindrique , ondoyant avec beaucoup d'élégance dans la masse aqueuse. La manière dont ce tissu ou ce treillage se forme est même fort curieuse en ce qu’elle prouve un singulier mode d’allongement sérial dans les filets articulés de lOscillatoire. On voit des fils verts se prolonger d’abord dans un sens, puis dans un autre; d’autres fils entrecoupent les premiers en suivant le pourtour du vase, à-peu-près comme les araignées disposent la trame de leur toile. Peu-à-peu les intervalles se comblent, et les globulines et autres productions végétales qui se développent, s'arrêtent, se fixent entre les mailles, et constituent ainsi un tissu fort serré, capable quelquefois d'être transvasé sans se briser. Il résulte évidemment de cette observation que, lorsque la lumière réfractée dans un liquide est sensiblement de la même intensité partout, les productions végétales se développent aussi partout où il y a une base solide de sustentation. Cette expé- rience nous convainct encore de ce fait, que c’est seulement à 28 CH. MORREN, = Influence de la lumière l'influence de la catacaustique qui existe dans les vases éclairés, qu'on doit la présence dans certains lieux des êtres organisés qui se concentrent le plus près possible de ces surfaces lumineuses; tandis que là où ces surfaces n’existent pas ou n'existent que faiblement, les matières vivantes preunent leur séjour indépen- damment de l'influence des rayons lumineux. Pour m'assurer encore davantage de la vérité de cette asser- tion, je tentai une expérience qui se trouve tout indiquée dans les recherches précédentes, mais qui valait pourtant la peine d’être essayée. Nous avons vu que dans les vases de moins de cinq pouces de diamètre, les végétaux se développent sur la paroi opposée aux rayons immergens, et cela par un effet direct de la catacaustique formée. Cependant ceite surface lu- mineuse s'étend principalement entre cette paroi et l’axe du cy- lindre; il est donc naturel de se demander pourquoi les Hydro- phytes ne se tiennent pas sur cette surface, et pourquoi elles se collent aux parois. Le motif de ce déplacement se présume de suite de la nécessité où sont les productions organisées d’avoir une base solide de sustentation. Qu’arriverait-il donc si l’on fai- sait passer une telle base par la catacaustique, ou au moins par celles de ses parties qui sont le plus fortement lumineuses ? D’a- près ce principe, je préparai un vase cylindrique dans lequel deséendait une tige de verre entre l'axe et la génératrice du cy- lindre, opposée à la direction de la lumière, précisément dans l'endroit où la catacaustique offre un point multiple ou un point de rebroussement (d’après la forme de la catacaustique); ce point est celui de plus forte lumière. Je fis l'expérience au mois de juin 1828, et je la répétai, l’hiver de 1829 à 1830, dans les serres chaudes du Jardin Botanique de Bruxelles. (1) Dans la première, il fallait onze jours pour obtenir un effet positif; le thermomètre avait varié de 1 5o à 25°, Dans la seconde, il faliait un mois entier, les variations de température ayant os- cillé autour de 220 (différences de résultat qui suffisent déjà (x) Je dois à la complaisance de M. Drapiez d’avoir pu faire à cette époque quelqnes-unes de mes expériences sur la génération directe dans les serres de ce jardin, extrémement favo- rables à ces sortes de recherches par leur bonne disposition, sur le développement des Infusotres. 29 pour constater l'influence des saisons). À ces deux époques, il y avait de la matière verte, mais uniquement sur les tigelles de verre, les paroïs des vases en étant totalement privées. IL faut remarquer pourtant que si l’on employait un tube troué (fistu- leux) au lieu d'une tigelle solide, on trouverait sur le fond du vase, vis-à-vis de l'ouverture inférieure du iube, une certaine quan- tité de matière verte, ce qui provient d’une cause toute parti- culière que nous avons énoncée dans notre essai de Biozoogénie générale, page 28. Nous avons remarqué en outre que nos ti- gelles de verre n'étaient couvertes de matières vertes que vers le bas et seulement d’un côté : deux circonstances dont il importe de connaître les causes. Dans la suite de nos recherches, il nous est souvent arrivé de reconnaître que les matières vertes ne se développent que pour autant qu'elles sont recouvertes de couches liquides d'une épaisseur assez grande. Ainsi dans les fioles ordinaires qui ont un cône intérieur, la masse aqueuse, étant fort petite autour de la base de ce cône, ne présente d’autres matières vertes que celles qui sont tombées au fond de l’eau, et jamais ces matières n’y sont adhérentes. Du reste, on remarquera que nous n’entendons pas parler ici de toutes les espèces de matiè- res vertes, le vert des murailles humides présentant, par exem- ple, une tout autre condition d’existence; mais ce que nous disons ici est vrai pour la plupart des Hydrophytes. On conçoit d’après cela pourquoi ces corps organisés ne se sont développés que vers le bas de nos tigelles : c’est que là seulement elles étaient plongées à la profondeur qui leur convenait. Les matières vertes n'étaient en outre disposées que d’un côté des tigelles. 4 priori, on jugerait que ce côté devrait être celui qui regarde la lumière, et c’est précisément l’inverse; c’est le côté opposé à la direction des rayons lumineux, et cela se conçoit, si l’on songe que la catacaustique est formée par les intersections des rayons réfléchis par la paroi interne du vase opposée au côté d’où vient la lumière. C'est donc sur la face de la tige où arrivent et se concentrent ces rayons pour former la ligne lumineuse que la tigelle reçoit, que se trouve la lumière 30 CH. MORREN.— {nfluence de la lumière la plus intense, et par suite le site le plus favorable aux Hydro- phytes qui se développent. J'ai fait plusieurs fois des essais avec des plaques de verre que je posais ver ticalement dans les vases, en les faisant passer par les lieux de plus forte lumière; mais, soit que des réflexions particulières vinssent déranger l'effet des rayons qui formaient les catacaustiques, soit que la lumière füt trop* absorbée par l'épaisseur de ces lames, je n’ohtins que des effets incertains, douteux, quelquefois contraires à ceux que nous ont offerts les tigelles, et quelquefois tout-à-fait conformes. Dans tous les cas, ce sont toujours des Globulines et des Na- vicules qui se sont développées ainsi, et sur qui portent en dé- finitive les résultats que nous avons énoncés. | Il résulte de ces expériences plusieurs conséquences immé- diates qui nous paraissent dignes d’être notées : en effet, nous voyons par elles que les sites favorables au développement des Hydrophytes inférieures (sites d’élections) sont ceux où arrive et se concentre la plus grande quantité de lumière, chaque fois que dans ces lieux de concentration se trouvent des bases so- lides de sustentation capables de recevoir et de fixer les produc- tions développées ; Si ces bases solides de sustentation manquent dans ces en- droits et ne se trouvent que plus loin dans les masses liquides , les productions végétales iront toujours se loger sur les bases solides les plus proches des lieux de plus grande lumière. D'où il suit qu’à toutes conditions égales et dans les cir- constances les moins contraires, les sites favorables au bien- étre des végétaux cellulaires développés dans les milieux aqueux, sont précisément les surfaces brillantes ou les cata- caustiques formées dans ces milieux par le lieu des points d’in- tersection des rayons solaires réfractés par le liquide et réfléchis par les parois des vases. Or, nous avons vu plus haut que, pour les animaux proto- genes, rien de semblable n’existe; aussi la loi pour la détermi- nation de leurs sites d’habitation est tout-à-fait différente. Avant de terminer ainsi l'énoncé des lois qui président à la formation des sites favorables au développement des êtres or- sur le développement des Infusoires. 3x ganisés inférieurs, de l’une et de l’autre échelle, il nous paraît nécessaire de faire connaître un cas particulier, d’autant plus remarquable que, portant sur une production végétale fort sin- gulière, il ne fait cependant que répéter ce que nous avons vu arriver pour lés animaux protogènes. Ceux-ci, avons-nous dit, quand ils se développent, et que leur propagation se trouve fa- vorablement influencée par la macération de quelque matière organisée, occupent constamment la surface du liquide, et y donnent naissance à une fausse membrane. Cette position à la superficie n'est point, comme nous l'avons prouvé, en relation avec la lumière, qui n’a point d'influence sur elle. Au contraire, quand des Globulines et d’autres végétaux cellulaires se déve- ioppent dans les milieux aqueux, ils ne séjournent pas à leur surface, mais dans les lieux de plus grande lumière, ou dans ceux qui en sont le plus proches. Ainsi l'influence de la lumière se montre ici avec une grande énergie, tandis qu'elle est nulle sur les animaux. Or, il est des êtres qui sont soumis à ces deux conditions, car ils se développent d’abord à la surface du li- quide, et cela par un pur effet de la lumière, et puis s’en vont, à une certaine époque de leur vie, dans l’intérieur du liquide, chercher le lieu le plus favorisé par l’action de la lumière, pour s’y fixer s’il est possible, c'est-à-dire s’il se trouve là quelque base solide de sustentation. Ces êtres compatissent donc à la condi- tion animale d’une part, à la condition végétale de l’autre, et ces effets sont d'autant plus curieux à connaître, qu'it entre dans les opinions de quelques naturalistes d'admettre un règne mixte ou des êtres qui, d'animaux qu’ils sont, deviennent des plantes, pour donner ensuite naissance à des propagules ani- mées, ou, comme ils les appellent, des Zoocarpes. Ces recher- ches portent sur une Palmella d’un très beau rouge, que j'ai cru devoir rapporter dans un mémoire précédent, mais avec doute, à la Palmella alpicola de Lyngbye(1), mais qui pourrait bien être, à ce que j'ai vu depuis, une variété du Protococcus (1) Hydrophytologia danica. — Le mémoire où j'ai examiné la propagation de cette espèce est intitulé ; Ferhandeling over de blaasjes van het plantaardig Celwys ex de ontlasting van deelen uit de zelve, A est inséré danse Bijdragen tot de natuurkundige wetenschappen Deel V, N° x, le seul journal d'histoire naturelle qui se publiait dans l’ancien royaume des Pays-Bas, 32 CH. MORREN. — {nfluence de la lumière nivalis d'Agardh , sur laquelle on possède une bonne monogra- phie de M. Greville (1). Comme je crois que le caractère donné comme différenciel entre les Palnella et les Protococcus n’est que le résultat mécanique de leur milieu d'habitation , je ne dé- ciderai pas ici Ja question des identités, et je crois devoir en agir de la sorte avec d’eutant plus de raison, que la question des espèces ne fait rien aux effets physiologiqués que nous avons à constater ici. Parmi les vases sur lesquels j’expérimentais dans ces der- nières années, il y en eut plusieurs qui, exposés pendant des étés entiers à l’action de la lumière et au libre renouvellement de l'air, montrèrent constamment, dans l’arrière-saison, des cercles concentriques rouges vers le niveau de l’eau. La concen- tricité des cercles dépendait de ce que j'étais obligé d'ajouter de nouvelles portions de liquide à mesure qu’elles s’'évaporaient, car je vis bientôt que les producticns rouges se détachaient im- parfaitement pour se transporter au niveau même de l’eau, sé- jour qu’elles préféraient visiblement. Je conclus de ces remar- ques que ces êtres organisés ne pouvaient vivre qu’à la super- ficie des eaux. Examinée au microscope, cette matière rouge était uniquement composée de gros grains d’une belle couleur de pourpre, et ces grains n'étaient eux-mêmes que des agglomé- rations sphériques d’autres granules plus petits; chacune de ces agglomérations se trouvait entourée d’une couche striée de mu- cus dont j'ai expliqué ailleurs la nature et l’origine (2). Chaque (x) Some account of thered snow of the artie regions (Protococeus nivalis) by Robert Kaye Greville. Extracted from the scotish cryptogamic flora , for may 1826. C'est cette production végétale qui est du plus beau cramoisi, qui colore en rouge la neige de certains pays. Elle naît spontanément chez moi, dans ma chambre à coucher, depuis 1826 ; au mois d'octobre, j'ai tou- jours quelques verres d’eau qui en sont fortement colorés. On se rappelle qu’à Bruges, il y a quelques années , on vit tomber une assez grande quantité de neïge rouge. (2) Voyez pour les détails sur cette plante le mémoire du Ziydrager cité plus haut, et le mémoire sur un végétal microscopique d’un nouveau genre, proposé sous le nom de Crucigénie, et sur un instrument que l’auteur nomme Microsoter ou conservateur de petites choses. (A. des scienc. nat. août 1830.) Enfin j'ai publiéles figures de cette Palmelle dans mon Mémoire sur les vibrions lamellinaires {Gand. Messager des se. 1830), et dans le résumé de ces essais lu à l'Institut. M. De Candolle, dans le 2° vol. de sa Physiologie végétale, a parlé des cercles concentriques de ce mueus dont je fais mention ici. sur le développement des Infusoires. 33 granule devient lui-même un des gros grains ou une vésicule- mère, comme le dit M. Turpin dans ses travaux micrographi- ques ; seulement la membrane enveloppante, si visible dans la jeunesse des grains, disparaît à leur âge adulte, parce qu’elle se résout en mucus et s’imbibe de plus en plus d’eau; ce qui fait qu'on ne voit pas autour de ces grains des cupules, et dans le mucus, d’autres cupules abandonnées, comme en a figuré M. Greville pour le Protococcus nivalis. Il arrive un temps de l’année, variable d’après l’état de la plante, de la température et de l'intensité de la lumière, où les granules de ces Protococcus ou Palmelles se meuvent avec une étrange vélocité. Il paraît, en effet, que, par suite de leur déve- loppement et des circonstances, il s'établit, entre la matière vitrée (siliceuse ) de leur enveloppe et la matière résinoïde de leur parenchyme intérieur, une réaction électrique tellement forte, que l’eau se charge de ce fluide et en donne des signes visibles, absolument comme dans les expériences de M. Pouillet sur l'électricité qui se dégage des plantes, quand elles sont en pleine végétation. La suite de ce dégagement d'électricité est de décolorer les granules de la couche de mucus, et de les pousser au-dehors par la répulsion qu’ils exercent mutuellement sur eux, comme le feraient des piles chargées d’une électricité de même nature. À peine libres, ils se meuvent bientôt dans le milieu liquide, en tournoyant sur eux-mêmes comme les petits morceaux de camphre qu’on pose sur l’eau, et ces mouvemens ne cessent que lorsque le dégagement du fluide électrique di- minue. En effet, la force électromotrice s'exerce quand deux substances hétérogènes sont en présence, en contact; et dans les plantes, comme on le sait, le grand acte de la respiration, qni se fait au détriment de l’acide carbonique qu’elles décom- posent, amène encore un grand dégagement de fluide électrique. Or, ces végétaux aquatiques exercent leur respiration avec le plus d'énergie sous l'influence des rayons solaires directs, et alors aussi dégagent le plus d'électricité. Aussi, comme leur mouvement n’a pas d'autres causes que la perte de ce fluide et son renouvellement instantané, c’est sous l’action directe des rayons solaires qu’on le voit se mouvoir avec le plus de force, IV, Zoo, — Juillet, 3 54 CH. MORREN. — Influence de la lumière - La nuit, leur mouvement cesse. Il est inutile de dire, après ces explications, que, pour moi du moins, .les Palmelles ne sont et ne sauraient être ni des Zoocarpes ni des Psychodiaires. Or, ce qu'il faut remarquer maintenant de très singulier dans ces phénomènes, c'est qu'à mesure que ces grains se dégagent du mucus, et acquièrent le pouvoir locomoteur, leur coloration change peu-à-peu. D'abord quelques granules deviennent verts, puis le grain lui-même fait voir un segment de cette;couleur. Enfin, il est bientôt envahi lui-même tout entier, et d’une Pal- melle rouge que nous avions en octobre, nous avons en juin et juillet une Palmelle verte. C’est ce que j'ai obtenu plusieurs fois de suite, en expérimentant avec le 7ricrosoter que j'ai fait con- naïtre. Ces détails devaient être exposés pour l'intelligence de ce. qui va suivre. Je viens en effet à mon sujet. . Rappelens-nous deux faits : les Palmelles à l’état rouge habitent la surface de l’eau; à l’état vert, ,eiles occupent l’intérieur des masses aqueuses et les parois profondes des vases. Remarquons, en outre, qu’à l’état, rouge elles sont fixes, immobiles, telles que personne ne leur refuse le nom de végétal; qu'à l'état, vert,.elles sont mobiles, et telles que quelques auteurs Îles prennent pour des animaux, Enfin, faisons observer que si nous avons constaté que les animaux gymnogènes habitent de préférence la surface de l'eau, sans être influencés par la lumière, et que les hydro- phytes inférieures séjournent, au contraire, dans l'intérieur des milieux -aqueux, parce que l'intensité, lumineuse de certains catacaustiques les y attire, c'est précisément pour nos Palmelles un ordre inverse. Quand elles réalisent le mieux les conditions qu’on attribue le plus communément au végétal (l'immobilité), elles sont à la surface de l’eau; tandis que, lorsqu'on leur re- connaît la condition essentiellement dévolue à l'animal (la mo- bilité }, elles habitent aiors l'intérieur des masses aqueuses. Or, il est probable qu'ici c’est la coloration qui joue le plus grand rôle, et par cela même, la lumiere; c'est cette influence qu'il faut déterminer. A cet effet, je fis pour les Palmelles ce que j'avais fait pour les animalcules; je couvris d’un papier noir toute la surface en + sur Le développement des Infusoires. 35 externe du vase, quise trouvait au-dessous du niveau du liquide, et même jusqu’à 5 millimètres au-dessous de ce niveau. L’expé- rience se faisait aux mois de décembre, janvier et février, dans une chambre chauffée. À cette saison, pas le moindre mouve- ment ne se manifeste chez nos Palmelles, et l’immobilité, alors complete, Coincide avec l'état de la plus belle coloration em rouge; chaque grain est alors d'un pourpre magnifique. Au bout de trois mois, j'examinai mes vases, les cercles existaient encore. J'avais eu soin de maintenir le niveau de l’eau toujours à la même hauteur, je ne vis aucun nouveau cercle, mais ceux qui existaient encore, au lieu d’être d’un beau rouge, étaient d’un blanc grisätre. Au microscope, je ne vis plus que des momies de grains, les unes difformes, les autres encore sphériques. Je reconnus clairement que les Palmelles étaient étiolées, mortes. Cette expérience est donc décisive, car dans les vases tout- à-fait éclairés, placés à côté, les cercles rouges continuaient à se montrer. Il est évident, d’après cela, 1° que les Palmelles rouges et habitant la superficie, des eaux, où elles reçoivent l’in- fluence d’une lumière peu ou point absorbée, meurent quand on les prive de l'influence de cette lumière; 2° que la lumiere absorbée et faible, qu’elles recoivent par là masse inférieure du liquide, leur ôte la couleur rouge, et les prive de la faculté de devenir vertes, comme lorsqu'elles subissent le cours ordinaire de la nature, en même temps qu’elle ne peut les exciter à des= cendre plus bas dans la masse liquide, leur site d'habitation, etc. On voit clairement par ceci que, puisque l'absorption de la lumière joue ici le plus grand rôle, les Palmelles rentrent vrai- ment sous la condition végétale, qui est de subir vivement lin- fluence de cette absorption. J'étais curieux de savoir ce qui arriverait à mes Palmelles si je répétais la même expérience sur celles qui se mouvaient déjà, etsurtout sous l'influence d’un soleil plus chaud. Fattendis donc les mois de mai, juin, juillet, époques où les cercles rouges commencent à disparaître, tandis que leurs élémens, les gra- nules, se mettent à voyager dans toute la masse liquide, en même temps qu'ils quittent leur robe hibernale de pourpre. Je couvris donc d’un papier noir la partie supérieure d'un vase, 3. 36 | cH. MORREN. —— Influence de la lumière où je commençais à voir ces singuliers changemens, de maniérë à ne laisser arriver à la surface de l’eau que le peu de lumière réfractée par les couches du liquide. Au bout de huit jours, le thermomètre avait varié de 20° à 26°. Je ne vis plus de cercles bien formés, mais quelques traces faibles de matières muqueuses, pénétrées de quelques granules mal développés ou morts. Mais dans le liquide inférieur nageait un grand nombre de granules libres, les uns d’un rouge orangé, les autres moitié rouges, moi- tié verts, ceux-ci un peu jaunes, ceux-là tout-à-fait verts. Tous le devinrent après quelques semaines, et alors on apercevait des amas, précisément au-dessous des limites du papier noir ow sur la paroi opposée à la direction des rayons immergens. Ils remplissent donc toutes les conditions que nous avons reconnu propres aux Hydrophytes ordinaires. Il nous parait donc très avéré que, malgré leur faculté loco- motrice momentanée, dont nous avons d’ailleurs expliqué la cause, les Palmelles n’abjurent jamais leur nature végétale et ne cessent d'obéir aux conditions de lumière, qui ont une toute- puissance sur les végétaux. Ces expériences peuvent donner lieu à quelques réflexions générales. On peut, en effet, regarder les cercles des Palmelles rouges comme des commencemens ou des rudimens des mem- branes végétales superficielles, analogues à celles que nous avons vu se composer exclusivement d'animaux. Nous avons reconnu que ces dernières viennent se former à la surface des eaux d’in- fusion , indépendamment du fluide lumineux. Nous voyons, au contraire, que les membranes végétales sont sous la dépendance immédiate du fluide lumineux, et de nos recherches nous con- Sluons, en thèse générale : Que la lumière plus ou moins absorbée par les couches d’un milieu aqueux, à la surface duquel vivent des végétaux de la plus grande simplicité, agit puissamment sur ces corps orga- nisés , et détermine méme leurs sites d'habitation, au point que, si la lumière ne frappe plus ou ne frappe que faiblement cette surface , elle devient impropre à nourrir ces êtres. Nous ferons encore une autre observation : * Quand un végétal cellulaire fort simple se trouve coloré au- sur le développement des Infusoires. 37 trernent qu'en vert, et qu’il habite, par la raison que nous venons d’assigner, la superficie des eaux, si la production ve gétale peut vivre un certain temps en dehors des limites de cette superficie, en méme temps qu’elle se colore en vert, le retour de la coloration primitive devient impossible, si la lumière & cessé d’éclairer, et d’influencer, par conséquent ,le n iveau de l’eau, phénomène de coloration qui paraït en rapport avec le peu d’intensité que perdent les rayons lumineux ; à la surface du liquide qui ne les absorbe presque pas. Enfin le retour à Lœ coloration première étant rendu impossible par les circonstances, il faut que l’étre meure à la suite de ces mutations dans l’état des agens extérieurs nécessaires à la vie. Quelques vérités générales découlent naturellement des con ditions que nous venons d'admettre. Les sites d'habitation propres: aux êtres organisés varient d’après les règnes auxquels ils appar-- tiennent, et, bien que l'agent principal qui détermine la position. de ces sites soit la lumière, nous voyons pourtant les animaux. se soustraire en quelque sorte à son influence, tandis que les. végétaux la subissent tout entière. Sur ces derniers, les rayons: lumineux ont une action si puissante, parce qu’elle se lie au plus: important des actes nhysiologiques de la végétation, la respira -- tion des gaz. Nous avons fait voir, en outre, que si jusqu'ici om énumérait le fluide lumineux parmi les agens extérieurs qui exercent si fortement leur action sur la vie, on ne savait pas- néanmoins quelles étaient celles des qualités de ce fluide dont: les effets se fissent le plus énergiquement sentir. Pour nous, nous reconnaissons maintenant que le fluide [lumineux agit prin-- cipalement par son intensité, sa clarté et son absorption. Ces: trois qualités, quand elles varient, font varier aussi les orga-- nismes qui se développent sous leur influence. Le nombre et le- degré de complication organique des espèces vivantes, ainsi: que la quantité des individus de chacune d’elles, sont en rap-- port avec l'intensité et la clarté de la lumière, et varient en raison directe de ces influences. Au contraire, le développement: dans le nombre des individus, dans celui des espèces et de leur degré de complication, est en rapport inverse de l'absorption. des rayons lumineux, et l’on reconnaît en outre qu'il existe entre 38 CH. MORREN. — Influence de la lumière absorption de la lumiere réfractée et la coloration des végé- taux une relation intime. D'une autre part, comme la colôration est en elle-même un effet concomitant d’autres phénomènes physiologiques, parmi lesquels nous avons reconnu le pouvoir locomoteur, que des espèces peuvent momentanément acquérir, nous devons faire re- marquer encore que les propriétés de la lumière deviennent les causes provocatrices de ces phénomènes, et par suite d’un chan- gement d'état dans les êtres organisés. Ce changement est dans la biologie d’une telle importance, qu’il a fait transporter dans les ouvrages classiques des êtres vivans d’un règne dans l’autre, ou qu'il a fait créer un règne mixte. Or, dans tous les cas, on conçoit que, si ces êtres sont définitivement des animaux ou des végétaux, le règne intermédiaire devient inutile, et, s’ils sont effectivement des organismes qui participent des fonctions de l'un et de l’autre règne, il devient au moins fort important de déterminer entre deux limites la puissance qu'ont sur eux les influences des agens extérieurs. C’est à quoi tendent nos re- cherches, et nous ferons remarquer ici que toutes les conditions assignées par les auteurs aux agens physiques pour que leur conflit puisse déterminer l'existence de la vie, sont précisément celles qui, lorsqu'on les examine séparément, et dans toutes les variations dont chacune d’elles est susceptible, deviennent de simples conditions de conservation, de sorte ‘que ce que les auteurs voulaient établir reste précisément à prouver; il est clair, en effet, que si un ensemble d’agens extérieurs et actifs sont les conditions essentiellement nécessaires au maintien de la wie, il faudra bien qu’une autre condition s'ajoute aux premières pour provoquer l'existence de la vie. Sans cette clause, lopinion de la génération spontanée est un rêve. Or, nous avons analysé maintenant tous les effets spéciaux de la lumière composée : sa présence et son absence, sa clarté et son intensité, la réflexion et la réfraction de ses rayons, l'absorption qu’ils éprouvent dans les milieux, et chacune de ces propriétés nous a fait découvrir une condition spéciale pour le maintien de la vie; de sorte qu'il nous est impossible de voir dans les effets de la lumière compo- -sée, quels qu'ils soient, un seul provocateur de la vie. D'où nous sur le développement des Infusoires. 39 concluons que, si de tels agens existent, il faut les chercher ail- leurs, et non dans la lumière composée. Celle-ci n’est pour nous rien moins qu'une condition de maintien. Il en est de même pour les êtres vivans, qui visiblèment ne sont pas les produits d'une génération équivoque, puisqu'ils se propagent par l’action simultanée des sexes. L'influence de la lumière est pour eux aussi une condition qui maintient leur existence ; mais faudrait-il en conclure que l’action lumineuse est ce qui les a créés? Ici le ri- dicule saute aux yeux, et c’est cependant ce qu’on a fait pour les êtres organisés inférieurs, et qu'on a cru provenir, par une action directe et quotidienne-de la nature, parce qu'on a con- fondu les influences provocatrices avec les influences de conser- vation. « L'organisation, le sentiment, le mouvement spontané, la « vie, n'existent qu’à la surface de la terre et dans les lieux ex-/ « posés à la lumière. On dirait que la fable du flambeau de Pro- « méthée était l'expression d’une vérité philosophique qui n'avait « point échappé aux anciens. Sans la lumière, la nature était « sans vie, elle était morte et inanimée : un dieu bienfaisant, en « apportant la lumière, a répandu sur la face de la terre l’orga- « misation , le sentiment et la pensée ». La pensée de l’immortel Lavoisier en écrivant ces paroles, n’était pas sans doute de sup- poser que la lumière est le principe de l’organisation. La concep- tion des animaux supérieurs, la fructification des plantes, prou- vent tous les jours que la matière s'organise à l'abri de la lu- mière. Pour naître, il faut autre chose que d’être éclairé : pour vivre, il faut recevoir de la lumière. 4o FLOURENS. — Structure du cordon ombilical. Recnercues sur la structure du cordon ombilical, et sur sa continuité avec le fœtus ; Par M. Frourens, Lues à l'Académie des Sciences, séance du 10 août 1835. Second Mémoire. SI. 1. On a vu, par un premier mémoire , quel est le mode selon lequel les divers é/émens membraneux du cordon ombilical se continuent avec les issus propres du fœtus, dans les pachy- dermes , dans les ruminans , dans les rongeurs. . 2. Ce mode de continuité est encore le même, du moins pour l'essentiel, dans les carnassiers. 3. Ainsi, et comme dans tous les animaux que je viens d’in- diquer, le chorion y seste tout-à-fait extérieur, et par là en- tièérement étranger au cordon ombilical proprement dit; ensuite, et comme dans tous ces animaux encore, ce cordon se compose, outre ses élémens vasculaires, de cinq élémens membraneux, de cinq membranes enveloppantes, savoir: deux feuillets de lamnios, et trois feuillets celluleux sous-amniotiques ; enfin, et toujours comme dans tous ces animaux, chaque feuillet parti- culier du cordon se continue avec un tissu distinct du fœtus: le feuillet extérieur de l'amnios avec l’épiderme du fœtus; le feuillet intérieur avec le dernce ; le premier feuillet celluleux sous- amniotique avec le tissu cellulaire sous-cutané abdominal; le second avec l’aponévrose des muscles abdominaux ; et le troi- sième avec le péritoine. 4. C'est là ce que montre, avec une évidence complète, la pièce n° 1 que j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de l'Aca- démie. Cette pièce présente, sur un fœtus de chien, et les cinq élémens membraneux du cordon ombilical, et les cinq tissus superposés de l'abdomen du fœtus, et les rapports de chacun FLOURENS. — Sérucéure du cordon ombilical. 4x de ces élémens avec chacun de ces tissus : de l’épiderme avec le feuillet extérieur de l’amnios; du derme avec le feuillet inté- rieur ; du tissu cellulaire sous-cutané abdominal avec le premier feuillet celluleux sous-amniotique; de Vaponévrose des muscles abdominaux avec le second ; et du péritoine avec le troisième. $ II. 1. La structure du cordon ombilical offre ceci de particulier dans le fœtus humain, que le chorion qui, dans tous les ani- maux qui précèdent, était resté étranger au cordon ombilical, s’unit, au contraire, à ce cordon, l'accompagne, et lui fournit même une double gaine , comme on va le voir. 2. Le chorion de l'œuf humain se compose , en effet, de deux lames , comme le montre la pièce n° u. L’amnios sÿ compose également de deux lames, comme le montre la pièce n° ur. Enfin, et comme le montre la pièce n° 1v, il y a, sous les deux lames choriales , une cinquième lame ou membrane, de nature celluleuse, et pareille aux lames celluleuses sous-amniotiques des animaux qui précèdent. 3. Le cordon ombilical Aumain se compose donc, outre ses élémens vasculaires, de cinq lames, ou membranes envelop- pantes, comme celui des pachydermes, des ruminans, des rongeurs et des carnassiers. Mais, et c’est là peut-être ce qui constitue son caractère le plus particulier, deux des lames cel- luleuses sous-amniotiques de ces animaux y sont représentées et suppléées par deux lames qui proviennent du chorion. 4. Car, du reste, et cette sorte de substitution des deux feuillets du chorion humain aux deux premiers feuillets sous- amniotiques des quadrupèdes une fois reconnue , tous les rap- ports déjà indiqués se reproduisent et se montrent les mêmes. b. C'est sur quoi la pièce n° v ne peut laisser aucun doute. On y voit l’épiderme du fœtus se continuer avec le feuillet ex- térieur de l’amnios ; le derme avec le feuillet intérieur ; le tissu cellulaire sous-cutané abdominal avec le premier feuillet du chorion ; l'aponévrose des muscles abdominaux avec le second ; et le péritoine avec un troisième et dernier feuillet de rature L2 FLOURENS. — Séructure du cordon ombilical. “celluleuse ; feuillet unique et sous-chorial dans l'omme, tandis qu'il est triple et sous- amniotique dans les guadrupèdes. 6. M. Mondini qui, tout récemment «encore, a apporté, dans l'examen de la question qui m'occupe, ces procédés anatomiques fins et délicats que permet, ou, plutôt, qu'exige l'état actuel de la science, a très bien vu la continuité de l'amnios avec le derme, et du chorion avec les muscles ab- dominaux. (1) 7. Les points principaux par où je diffère de M. Mondini, c’est que , selon moi, l'emnios ne se continue pas seulement avec le derme, et le chorion avec les muscles abdominaux. 8. D’après mes recherches; lamnios se compose de deux feuillets, et se continue tout-à-la-fois avec le derme et avec lé- piderme; le chorion se compose pareillement de deux feuillets, et se continue tout-à-la-fois encore avec le tissu cellulaire sous- cutané abdorninal etavec Yaponévrose des muscles abdominaux ; et, de plus, il existe, sous la seconde‘lame du chorion , une lame de rature celluleuse , lame qui jusqu'ici n’avait point été aperçue, et qui se continue avec le péritoine. $ III. 1. On voit maintenant, et quels sont les caractères com- muns au cordon ombilical, considéré dans l’Lomme et Îles quadrupèdes ; et quel est le caractère particulier qui distingue le cordon ombilical Aumain de celui des quadrupèdes. 2. Un premier trait commun, c’est que, outre les mêmes élémens vasculaires, le cordon ombilical se compose de cinq membranes enveloppantes dans l’omme , comme dans les guadrupèdes. 3. Un second trait, commun encore, c'est que chine de ces membranes enveloppantes dans trébris comme dans les quadrupèdes , se continue avec un tissu distinct et déterminé du fœtus. 4. Enfin, le trait différentiel et caractéristique est que le (x) Voyez M, Mondini : Archives de médecine, 1. vr. 1834. der lee rl FLOURENS, — Séructure du cordon ombilical. 43 chorion forme partie intégrante du cordon dans l’omme, tandis qu'il y est étranger dans les guadrupèdes; et que, par les deux lames qui le composent, il y supplée, et, si lon peut ainsi dire, il s'y substitue à deux des trois lames sous-amnio- tiques des quadrupèdes. $ IY. 1. Mais, une conclusion plus générale, et d’un ordre plus étendu, qui résulte de ces recherches, c’est que l'œuf et le Jœtus tiennent essentiellement l’un à l’autre; c'est que l'œufet le fœtus forment deux corps, et, s’il est permis de s’exprimer ainsi, deux étres ou deux parties d’un rnéme étre, essentielle- ment continues; mais deux corps, deux parties, deux é/res dont la durée vitale n’est point la même, et qui par conséquent doivent, à une époque préfixe et déterminée, se séparer l’un de l'autre. 2. Je dis deux étres essentiellement continus; et, en effet, il n'est pas un seul élément de l’un d’eux qui ne se continue avec un élément de l’autre. 3. Ainsi, les vaisseaux omphalo-mésentériques de l'œuf se continuent avec les vaisseaux mésentériques du fæœlus; les vaisseaux placentaires avec les vaisseaux ombilicaux ; la mem- drane ombilicale avec l'intestin; la membrane allantoide avec louraque , et, par l'ouraque , avec la vessie; et, pour en venir enfin aux élémens membraneux du cordon ombilical, objet spécial de ce mémoire, on a vu que l'épiderme, le derme, le tissu cellulaire sous-cutané abdominal(r), Yaponévrose des muscles abdominaux, le péritoine , en un mot, tous les tissus distincts des paroïs abdominales du fœtus, se continuent avec toutes les membranes enveloppantes du cordon : les deux feuillets de l’amnios, les deux feuillets du chorion, et la lame cel- luleuse qui, dans le fœtus Awmain, succède au chorion, et en- (2) Une circonstance remarquable, c'est que le tissu cellulaire sous-cutané abdominal, ou le Fascia superficialis, forme, dans le fœtus, une couche marquée, et que le tissu sus péritonéal, où le fascia transversalis, n'en forme pas encore C’est un point sur lequel je reviendrai plus tard. 44 CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. veloppe immédiatement les élémens vasculaires de ce cordon. 4. Mais, et cette conclusion générale de la continuité essen- tielle, intime, absolue, de V'œuf avec le fœtus, et plusieurs autres conclusions du même ordre que j’indiquerai plus tard, pourraient paraître prématurées, si je les exposais aujourd’hui même. Je crois donc devoir attendre, pour leur développement, que l’Académie m'ait permis de lui soumettre la suite des mé- moires , que Je me propose d’avoir successivement l'honneur de lui présenter. Recreroues sur les caractères des grandes espèces de Rhinocéros fossiles’, Par M. pe Curistot. L'histoire des Rhinocéros fossiles est l’un des points de l’his- toire générale des espèces perdues sur lesquels Cuvier s’est le plus étendu; son travail, fruit de plusieurs années d’étude et de recherches en divers genres, restera toujours comme un mo- nument de savoir et un modèle d'exposition , quels que puissent être les progrès à venir de la science sur ce sujet particulier. Pour donner à ses recherches sur les espèces perdues de ce genre remarquable de quadrupèdes, ce caractère de démonstra- tion que l’on retrouve dans tous ses écrits, ce grand homme eut à se livrer à des recherches plus étendues encore sur les espèces vivantes de Rhinocéros; entreprise d'autant plus diffi- cile qu’on n’avait presque rien écrit avant lui sur les caractères ostéologiques de ce genre, et que l'on ne possédait point dans les collections publiques des squelettes de toutes les espèces; ce ne fut qu’à force de soins et de persévérance qu'il parvint à se procurer tous ces derniers, et son travail avait déjà paru lors- qu'il put consulter les squelettes des variétés de l'espèce qui res- semble le plus à l’une des espèces fossiles. cHrisroL. — Rhinocéros fossiles. 45 Abrés avoir recherché dansles anciens auteurs, dans Aristote, Pline, Strabon, Pausanias, etc. , les indications qu'ils ont pu nous transmettre touchant l’histoire naturelle du Rhinocéros, Cu- vier poursuit ses recherches sous un point de vue historique , et montre que la plus ancienne mention qui soit faite de ce genre dans l’histoire est celle du Rhinocéros qui parut en Égypte, sous Ptolomée Philadelphe; que l'Europe le vit pour la première fois sous Pompée, dans les jeux du cirque à Rome, et que, de- puis le règne des premiers empereurs romains, elle ne le revit que fort tard. Il expose, avec une grande érudition, ce qu'ont dit de plus éssentiel sur les caractères extérieurs de ce genre les naturalistes français et étrangers du dix-huitième siècle, relève les erreurs de plusieurs, confirme les observations de quelques autres, et se montre jaloux de rendre à chacun d'eux la justice qui leur est due pour les découvertes qu’ils ont pu faire. Abordant enfin la question des caractères ostéologiques de toutes les espèces vivantes de Rhinocéros, il compare lune à l’autre chacune de celles-ci, décrit en détail et représente une prodigieuse quantité de pièces entièrement inconnues avant lui, signale les rapports du genre entier avec les genres voisins, et pose ainsi les fondemens sur lesquels reposent les résultats qu'il a annoncés sur les espèces perdues de Rhinocéros. Quoique en cette circonstance, comme en plusieurs autres, on puisse acquérir la preuve, en lisant son ouvrage, que, de toutes les parties de l’Europe, les savans, les princes, les parti- culiers, lés magistrats, les universités, payant leur tribut d'ad- miration au génie le plus élevé de ce siècle, se soient fait un honneur de lui envoyer des matériaux pour l'édifice qu'il éle- vait, on reconnait encore qu'il lui en a manqué beaucoup, et qu'il exprime même ses regrets à cet égard. Ce sont quelques-uns de ces matériaux inconnus à Cuvier que je me propose de faire connaître; j'aurai peu à faire pour les mettre à leur place, car celle-ci a déjà été indiquée par ce grand naturaliste. Que si j'arrive à quelques résultats particuliers opposés à ceux qu'il a annoncés, je n’oublierai point que c’est lui qui a tracé 46 cBRISTOL. — Rhinocéros fossiles. la route que j'avais à suivre, et qu'il l’a livrée aux observateurs libre des obstacles qu'il y avait rencontrés. Dès la publication du tome x des Recherches sur les osse- mens fossiles, Cuvier avait décrit deux grandes espèces de Rhi- nocéros fossiles, entièrement différentes des espèces vivantes par les formes particulières de leurs têtes, et en avait annoncé une troisième qui ne lui avait été indiquée que par quelques in- cisives trouvées isolément. La plus grande et la plus anciennement connue de ces es- pèces est très répandue en Sibérie; elle se retrouve aussi en plusieurs lieux de l'Europe, notamment en France, à Montpel- lier. Pallas, Merk, Collini, Camper, Faujas, en avaient décrit depuis long-temps la tête. Cette espèce, pl. 1, fig. 1, la seule, à mon avis, assez bien connue, présente un caractère qui la distingue non-seulement des autres Rhinocéros, mais encore de tous:les autres mammifères terres- tres; ce caractère consiste dans la forme des os du nez, N, qui se joignent auxincisifs, I, et dans la cloison des narines, C, qui, au lieu d’être cartilagineuse, comme dans les autres animaux, est osseuse à tout âge : de là le nom de Rhinocéros zichorinus , qui lui a été donné par Cuvier, de +5%yes (paries ) et de ê (nasus). Sa mâchoire inférieure, pl. 1,fg. 2, 3,4,et pl. 2, fig. 1, 2, pré- sente une symphise très prolongée au-delà du point de jonction des deux branches; c’est là un caractère qu'il est important de constater pour la solution des questions que j'aurai à discuter. Cuvier pense que cette espèce est dépourvue d’incisives, ou, du moins, qu’elle n'en aurait eu qu'à la mâchoire inférieure, particularité qui lui parait encore fort douteuse, La vérité est que cette espèce a des incisives; j'en possède une mächoire in- férieure complète, pl. 2, fig. 1,2,munie de toutes ses molaires, et présentant, à l'extrémité de sa symphise allongée, quatre al- véoles d’incisives, dans l’une desquelles se trouve encore logé un tronçon d'incisive, La seconde espèce ( voy. Cuvier, Ossement foss. Rhinocéros, CHRISTOI.. — Rhinocéros fossiles. 47 pl. 9. fig. 7), un peu moins grande que la précédente, aurait été indiquée par un grand nombre des os des membres, qu’on lui attribue probablement à tort, mais jusqu’à présent on n’en aurait vu qu'une seule tête déconverte par M. Cortesi, aux environs de Plaisance, et conservée au Musée des mines à Mi- lan. C'est l'espèce d'Italie, décrite par Cuvier sous le nom de Rhinocéros & narines non cloisonnées; ses os du nez présente- raient, les mêmes formes génériques que les Rhinocéros vivans, mais seraient moins forts que ceux du Bicorne du Cap; de là le nom de Rhinocéros Jeptorhinus de Xexroe tenuis), etc. Sa mâchoire inférieure, pl. 1, fig. 5, n’a pas la symphise pro- longée qui caractérise le RES Pre Cette espèce n'aurait d’incisives .ni à la mâchoire supérieure, ni à la mächoire, inférieure, ressemblant entièrement en cela au Bicorne du Cap..Cuvier n'a pas eu occasion de la voir, il n’a pu en décrire la tête que d’après un dessin qui, tout en retraçant assez exactement les contours généraux de cette tête, est très incomplet dans le point le plus essentiel, et me parait avoir induit Cuvier en erreur en le portant à créer une espèce qui na point existé. Je possède deux dessins de la méme tête et plusieurs pièces rapportées par Cuvier à la même espèce, ce qui me met en position de rectifier com- plètément le dessin et. la description de Cuvier, et d’éclaircir en même temps plusieurs autres questions de l’histoire des Rhinocéros fossiles, et, entre autres, celles qui sont relatives aux caractères des molaires des diverses espèces fossiles de ce genre, caractères qui jusqu’ à présent n'ont point été établis. (1) A ces deux grandes espèces de Rhinocéros, Cuvier en ajoute une troisième ( Xh. éncisivus), à-peu-près dé la même taille, (x) Cuvier ayant annoncé que c'était au fils de son ami et confrère à l’Institut, M. Alexandre Brongniart, qu’il était redevable de ce dessin du crâne de M. Cortesi, on pourrait croire qu’en omettant de rappeler cette particularité, j'ai voulu éviter à M. Adolphe Brongniart une appa— rence de blâme qui ne saurait l'atteindre en aucune façon. M. Adolphe Brongniart a rendu de trop grands services à la science et s’est trop justement acquis une brillante réputation, pour que les naturalistes, et surtout ceux d’entre eux qui ont fait une étude spéciale des débris de corps organisés fossiles, fussent assez injustes pour ne pas reconnaître qu’un anatomiste seul pouvait être à l'abri de l'erreur faps laquelle il n'est point étonnaut qu'un botaniste ait été entrainé, 48 carisrou — Rhinocéros fossiles. mais qui aurait été muni d’incisives, comme l’Unicorne de l'Inde; toutes les parties de son squelette sont inconnues, en sorte qu'elle n’a pu être établie que d’après deux incisives isolées, que l’on assure avoir été trouvées sous terre prés de Mayence, et qui étaient dans la collection du célebre anatomiste Sœmme- ring. Cuvier observe, au sujet de ces dents, que, comme il est bien évident que ni le Rhinocéros de Sibérie, à narines cloison- nées, ni le Rhinocéros d'Italie à narines non cloisonnées ne pouvaient porter de semblables incisives; comme leurs mà- choires n’offrent pas même de place pour les loger, il est bien évident aussi qu'elles devaient provenir d'une troisième espèce, et que, bien qu'il ne puisse y rapporter avec certitude aucun autre des os des membres qu'il a observés, il n'hésite cependant pas à inscrire cette troisième espèce dans la liste des animaux fossiles, ne doutant pas que, si on continue à les rechercher avec l'attention nécessaire, on ne parvienne à découvrir d’au- tres parties qui confirmeront son existence. J'essaiérai de montrer que ces incisives de Sœmmering peu- vent provenir du tichorhinus, et qu’elles ne peuvent par con- séquent servir à établir une nouvelle espèce. Parvenu au tome m1 de ses Recherches, Cuvier annonce }x découverte d’une nouvelle incisive de Rhinocéros, qui le con- firme dans l'opinion qu'il existe un troisième grand Rhinocéros fossile. Cette dent avait été trouvée dans le dépôt d’Avaray, avec des molaires supérieures portant à la base de leur face interne un large bourrelet saïllant, que lon ne voit dans aucunRhino- céros vivant, à dents incisives, et dont on ne voit de trace que dans les 2°, 3° et 4° molaires supérieures du Bicorne d'Afrique. Comme ces molaires à bourrelet ne se trouvent pas non plus dans le Rhinocéros à narines cloisonnées, Cuvier croit pouvoir les rapporter à son Rhinocéros incisivus. Je ferai connaître à quel Rhinocéros appartiennent ces mo- laires : les 2°, 5° et 4° molaires supérieures d’un crâne de Rhino- céros fossile que je possède, présentent ce bourrelet parfaite- ment caractérisé, pl. 2, fig. 3; mais j'ignore encore si ce Rhino- céros dont les molaires ressemblent tant à celles du Bicorne du Cap, est ou non privé d’incisives comme l’est ce dernier. CHRISTOL.— Rhinocéeros fossiles. 49 Avec cés molaires supérieures .d’Avaray se trouvait une mo<> laire inférieure portant, au côté interne du 2° croissant, un crochet , que l’on ne connaissait pas dans les molaires inférieu. res des autres espèces, et qu’à cause de cela Cuvier a encore rapportée au Rhinocéros incisivus. Je montrerai également que cette molaire inférieure, attribuée à l'éncisivus, appartient au #chorhinus; du moins, les molaires de ma mâchoire inférieure du #ichorhinus, pl. 3,fig. 1, présentent- elles un caractère analogue. Parvenu à la publication du tome v des Recherches, Cuvier annonce qu’il a recu de M. Schleyermacher un très beau dessin d’une tête entière, et le modèle peint d’une mâchoire inférieure de ce Rhinocéros éncisivus, trouvé avec d’autres os de Rhinocé- ros dans une sablonnière à Eppelsheim, dans la partie des états du grand-duc de Hesse, qui est à la gauche du Rhin ;il pense avec raison que cette tête, vue alors pour la première fois, se rappro- che de celle du Bicorne de Sumatra plus que d'aucune autre, mais qu’elle en est spécifiquement différente (1). Il n’en donne d'ailleurs ni le dessin ni les dimensions, et sa description, très exacte, quoique très courte, n’est faite que dans le sens d’une comparaison très habilement suivie à la vérité avec la tête du Bicorne de Sumatra, mais dans laquelle il n’est nullement ques- tion des rapports ou des différences qui pourraient exister entre cette tête et celles du tichorhinus et du Zeptorhinus, dont les caractères sont décrits et discutés ailleurs, avec tout le talent . propre au plus grand ohservateur de notre époque (2); bien plus, le point essentiel de la question, celui qui seul eût pu montrer que cette tête appartient à un Rhinocéros éncisivus, est (x) Nous verrons plus tard que, lorsque Cuvier annonçait cette découverte, il avait déja publié, sans s'en douter, la figure d’un crâne tout pareil à celui de M. Schleyermacher, et qu'ici encore il a été induit en erreur par ux dessin exact dans les formes générales, mais in- complet dans les détails. Mieux placé que lui pour cet objet, j'ai pu consulter l'original de ce dessin, fig. 30, et je me suis convaincu que ce cräne, rapporté, dans les additions du tom, 1v, au tichorhinus, provient de l’espèce de M. Schleyermacher, (2) Tout en reconnaissant que le Zeptorhinus n'existe pas, il faut reconnaître que Cuvier en a parfaitement décrit et comparé les caractères tels qu'ils se trouvent dans le dessin qui lui a été transmis. : IV. Zoor. Juillet. ’ 4 5o CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. entièrement passé sous silence : on ne sait point, en effet, si cette tête a des éncisives, ou des alvéoles d’incisives, où mème si ses inter-maxillaires sont conformées de manière à pouvoir loger des incisives. En sorte qu'alors même que cette tête serait spécifiquement différente de celle des autres Rhinocéros, ce qui, du reste, ne me paraît pas doutenx, resterait encore la ques- tion de savoir si elle appartient à un Rhinocéros muni d’inci- sives, et si par conséquent on était fondé à la rapporter au Rhi- nocéros ZnCISiPUS. La description, le dessin et les dimensions de la mâchoire in- férieure, qu'il eut été si important de connaître, afin de savoir en quoi elle pouvait différer de celles du tichorhinus et du lep- torhinus, sont aussi entièrement inconnus; la seule chose qu'on en sache, c’est qu’elle était munie d’incisives, et encore ignore- t-on leur nombre et la différence qui pourrait exister entre les latérales et les intermédiaires, dans le cas où il y aurait des unes et des autres (1). En la rapportant au crâne d'Eppelsheim, Cu- vier parait s'être uniquement fondé sur ce qu'elle portait des incisives; l’on conçoit, en effet, que dans l'hypothèse où le &- chorhinus et le leptorhinus auraient été dépourvus d’incisives, cette conclusion eùt été très fondée, surtout en- admettant comme démontrée l'existence des incisives supérieures dans le crâne de M. Schleyermacher. Cependant, comme il n’était pas bien certain que le tächorhinus n’eût point d’inçisives infé- rieures, il eùt fallu que cette mâchoire n’eûüt pas la symphise prolongée comme dans le #ichorhinus, sans quoi la présence des incisives n'eùt pu montrer qu’elle n’appartenait pas à ce. dernier. à i Maintenant qu’on à pu s'assurer que le Rhinocéros à narines cloisonnées a incontestablement des incisives à la mâchoire in- (x) La découverte de la tête et de la mâchoire. inférieure de Rhinocéros d'Eppelsheim, ayant été connue deCuvier que long-temps après la terminaison de son travail sur les Rhino- céros fossiles, n’a pu être annoncée que dans une simple note placée à la fin du tome v des Re- cherches sur les ossemens fossiles. C’est à celte circonstance qu’il faut attribuer l’omission des dessins de cette tête et de cette mâchoire, et je peu d'extension qui a été donnée à la descrip= dion et à la comparaison de leurs caractères, CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. Er férieure, on doit croire que la mâchoire d'Eppelsheim peut tout autant provenir de cette espèce que de celle à laquelle la rap- porte Cuvier, supposition d'autant plus plausible que, parmi les dessins envoyés par M. Schleyermacher, se trouve celni d'un crâne de Rhinocéros à narines cloisonnées, trouvé dans le même gisement que la màächoire inférieure. Je montrerai bientôt que cette présomption acquiert un grand degré de probabilité, et, en même temps, que les caractères du crâne de M.Schleyermacher sont loin de suffire pour confirmer l'établissement d’un Rhinocéros incisivus, ne doutant pas, d’ail- leurs , que, si Cuvier eût pu consulter les pièces qu’un hasard heureux a mises à ma disposition , il ne se füt arrêté à des ré- sultats différens de ceux qu'il annonce. Je ferai également connaitre les caractères des molaires de cette espèce, que j'ai pu étudier sur deux crènes semblables à celui de M. Schleyermacher. La série de ces molaires se com- pose partie de celles que Cuvier attribue au /eptorhinus, partie de celles qu’il rapporte à l’incisivus. Prenant la question au point où l’a laissée Cuvier, j’essaierai d'établir, au moyen des nouvelles pièces que j'ai pu recueillir ou de celles qui m'ont été communiquées par divers natura- listes: 1° que le Rhinocéros à narines cloisonnés ( Rh. tichorhi- nus) était incontestablement muni d'incisives à la mâchoire in- férieure, ce qui, joint à l'observation des cràänes fournis par Pallas et par le professeur Buckland, doit faire présumer qu’il en avait également à la mâchoire supérieure ; en sorte que l’ab- sence des alvéoles ou leur petitesse, dans divers crânes du &- chorhinus, üendrait uniquement à leur oblitération ; qui habi- tuellement se serait effectuée de très bonne heure, et non point à une disposition primitive et essentielle dans l'espèce; 2° qu’en conséquence, on n'a aucune preuve que ce ne soit pas de cette espèce que proviennent les incisives isolées de Soœmmering, qui seules ont servi à établir le Rhinocéros incisivus, espèce dont jusqu’à présent rien ne démontrel’existence; 3° que la molaire in- férieureà crochet situé sur la faceinterne du deuxième croissant, et la mâchoire inférieure d'Eppelsheim, pièces que Cuvier a at- tribuées au Rhinocéros éncisivus, appartiennent au fichorhinus ; 4 52 CURISTOL.— Rhinoceros fossiles. 4° que le Rhinocéros d'Italie à narines non cloisonnés (AA. lep- torhinus) n’a point existé; que le crâne de M. Cortesi, qui a servi à établir cetteespèce, estun crâne de tichorhinus, dont les caractères n'ont pas été fidèlement reproduits dans le dessin qu’a consulté Cuvier; que les molaires isolées, attribuées à ce leptorhinus, prov ennent de l'espèce de M. Schleyermacher; 5° que le crâne de M. Scheyermacher, attribué au Rhinocéros éncisivus, ne présente aucun caractère qui puisse le faire considérer comme prove- nant d'un Rhinocéros muni d’incisives; 6° enfin, que l’un des crânes de Rhinocéros, représenté dans le Tome 1v des Recher- ches , et rapporté à l'espèce à narines cloisonnées , ne provient point de cette espèce , mais bien de la même que le crâne de M. Schleyermacher. Ainsi, des trois grandes espèces de Rhinocéros fossiles, établies par Cuvier ( Ah. tichorhinus, Rh. leptorhinus, Rh. incisivus) la première seule serait maintenue, mais avec des modifications assez importantes dans ceux de ses caractères qui avaient été diversement envisagés par Pallas, par Camper et par Cuvier; la seconde ne serait plus maintenue sur le tableau des espèces fos- siles; la troisième serait beaucoup mieux connue qu’elle ne Pa été Jusqu'ici, mais, comme elle n’offrirait point encore le carac- tère particulier qui a servi de fondement au nom qu'elle porte . et que d’ailleurs ce nom, rappelant un caractère qui, alors même qu'il serait moins problématique qu'il ne l’est, ne saurait être considéré comme distinctif, puisqu'il peut être commun à di- verses espèces, elle devrait être désignée par une nouvelle dé- nomination spécifique. ‘ Enfin, pour n’omettre aucune des circonstances qui peuvent nous éclairer sur le nombre auquel pouvaient s'élever les di- verses espèces de Rhinocéros de l’ancien monde, j’observerai qu'en combinant les chances que peut présenter la détermina- tion de certains os de ce genre mentionnés par Cuvier, on est amené à penser que le nombre des grandes espèces de Rhimo- céros fossiles peut avoir été de cinq et même de six, si l’on fait entrer dans ce calcul quelques pièces que je ferai connaitre ; mais que , dans l’état actuel de nos connaissances sur cette ma- ere, on ne peut en admettre que deux, car il est possible que CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. 53 toutes les pièces douteuses rentrent dans chacune de ces deux grandes espèces. C’est ainsi, par exemple , que la mâchoire inférieure à courte symphise, rapportée par Cuvier au /eptorhinus, ne pouvant plus être attribuéeà cette espèce, qui n’est pas maintenue, peut ap- partenir ou à une espèce nouvelle, ou à l'espèce de M. Schleyer- macher. Dans le premier cas, elle porterait à trois le nombre des grandes espèces de Rhinocéros fossiles. La mâchoire inférieure d'Eppelsheim , trouvée avec plusieurs crânes de Rhinocéros dans le même gisement que le crâne de M. Schleyermacher, pourrait, à la rigueur, provenir d’une es- pèce inconnue tout autant que de ce crâne ou du #chorhinus : nous avons vu que Cuvier n'en ayant pas indiqué les carac- tères, on ignore encore en quoi elle pourrait différer de celle du tichorhinus. Les incisives isolées de Sœmmering, quoique pouvant pro- venir du tichorhinus, peuvent néanmoins aussi provenir de l'espèce de M. Shleyermacher ou de quelque espèce inconnue. On doit d'autant plus user de circonspection, dans cette es- timation du nombre des espèces détruites de Rhinocéros , que nous voyons aujourd'hui ce genre assez riche en espèces, et qu'à part le Bicorne d'Afrique et l'Unicorne de l’Inde ancienne- ment connus , il existe encore un Unicorne à Java et deux Bi- cornes à Sumatra. , k. Quoiqu’en général les crânes et les mâchoires inférieures du Rhinocéros de Sibérie à narines cloisonnés soient dépourvus d'incisives, il est pourtant de ces pièces où l’on a vu des al- xéoles et des restes d’alvéoles d’incisives. M. le professeur Buck- land a donné au cabinet du Roi un de ces crânes, auquel Cu- vier a reconnu deux fossettes à la place qu’auraient dû occuper les incisives, et qui, suivant Cuvier lui-même, auraient pu ap- Partenir à des alvéoles. Pallas décrit des alvéoles et des restes d'alvéoles qu’il a observés sur un crâne et sur une mâchoire in- férieure, fig. 3; ses expressions sont trop précises pour qu'on b4 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. puisse se dispenser d’en tenir compte; on peut en juger par le passage suivant de son travail, cité aussi par Cuvier : Zn apice « maxillæ inferioris, seu ipso margine, ut ità dicam, inciso- « rio, dentes quidem nulli adsunt ; verùm tamen apparent « vestigia obliterata quatuor alveolorum minusculorum æquidis- « tantium, è quibus exteriores duo, obsoletissimi, sed interme- « dii, satis insignibus fossis denotati sunt. In superiore quoque « maxill& hujus cranii, ad antiquum palati terminum, utrin- « que tuber osseum astat, obsoletissimé fossé notalum quæ « alpeoli quondam præsentis vestigium refert. » Nov.Com.xvir. pag. 600. Camper, tout en assurant avoir fait changer Pallas d'opinion en ce qui concerne les alvéoles de la mâchoire supérieure, rap- porte que ce dernier insista néanmoins toujours sur l'apparence incontestable des alvéoles d’incisives à la mâchoire inférieure. Ou je me trompe fort, ou cette répugnance de Camper à ad- mettre l'existence des alvéoles d'incisives dans ce crâne, qu'il avait examiné avec Pallas, aurait tenu à ce que, ne connaissant à cette époque que le système dentaire du Bicorne du Cap, qui n'a pas d'incisives , il pensait qu'aucune espèce de Rhinocéros ne pouvait en avoir, et se croyait même si sûr du fait, qu'il va jusqu’à accuser d'erreur Parsons, Linné et Buffon, pour en avoir attribué à l'Unicorne des Indes. (1) Cuvier , en assurant pouvoir presque affirmer que les crânes du tichorhinus n’ont pas d’incisives, accorde cependant que le crâne de Pallas a pu avoir des alvéoles d’incisives, mais que s'il en a eu, elles ne pouvaient qu'être très petites, et qu'on ne pouvait pas attribuer cette petitesse à un commencement d’obli- tération produite par l'âge, car, observe-til, ce crâne était d’un jeune individu. Indépendamment de ce que cette manière de voir n’est pas confirmée par les faits, comme je le montrerai tout-à-l'heure, elle est encore en opposition avec une observa= tion rapportée par Pallas et en partie admise par Cuvier lui- même. En effet, l'état jeune de ce crâne est si peu capable d'ex- E (x) Camper admit plus tard les incisives de l'Unicorne de l'Inde. CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. 55 clure la supposition de l'oblitération des alvéoles, que cette obli- tération est indiquée par Pallas comme manifeste dans la mâ- choire inférieure de cette même tête, et qu’elle n’est point en- tièrement rejetée par Cuvier dans cette dernière circonstance. Quoique je ne puisse pas assurer positivement que cette mà- choire inférieure appartient au même individu que le crâne sous lequel Pallas et Cuvier l'ont placée dans leurs figures, il est assez vraisemblable qu'elle lui appartenait , car Pallas et Cuvier s’ex- priment de manière à le faire supposer ; de plus, l’un et l'autre avaient été trouvés ensemble au-delà du lac Baïkal , sur les bords du Tschikoï; toujours est-il que cette mâchoire provenait, ainsi que le crâne, d'un jeune individu, car elle ne portait aussi que cinq dents et présentait les trous d’où devaient sortir les arrière- molaires. Or, si l'oblitération a déjà fait disparaître une partie des alvéoles de cette mâchoire inférieure de jeune individu, quel motif aurait-on de croire que la même chose n’ait pu arri- ver à la mâchoire supérieure qui est du même âge ? A l’observation de Pallas, de l'exactitude de laquelle Cuvier paraît douter au point qu'en mentionnant la mâchoire qui en est l’objet, il dit que c’est celle à l'extrémité de laquelle Pallas a cru voir des alvéoles d’incisives, je puis en ajouter une autre qui la corifirme : celle d’une mâchoire inférieure de la même espèce et de jeune individu , que j'ai trouvée dans les sables marins supérieurs de Montpellier; j'en donne le dessin, pl. 2, fig. 1 et 2. Elle estentière et d'une conservation parfaite; elle porte six molaires de chaque côté. On voit à l'extrémité libre de sa symphise quatre alvéoles d’incisives, comme dans celle de Pal- las, deux latérales très profondes et deux intermédiaires si près d'être entièrement oblitérées, malgré l’état jeune de la màâ- choire , qu’elles ne paraissent plus que comme deux petites fos- settes circulaires de trois lignes de profondeur sur quatre lignes de diamètre. Les alvéoles latérales sont à-peu-près cylindriques, ont deux pouces de profondeur sur près d’un pouce de diamètre à leur ouverture; dans celle du côté gauche se trouve logé un tronçon d’incisive cassée. L’oblitération des alvéoles in- termédiaires n’ayant pu s’effectuer sans que les alvéoles laté- rales se ressentissent un peu du travail intérieur de l'os, on doit 56 CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. croire que celles-ci n’ont pas actuellement des dimensions tout- à-fait aussi considérables que celles qu’elles ont dù avoir primi- tivement. La chose est même prouvée, car l’alvéole qui con- tient un tronçon d'incisive est plus large, et a un demi-pouce de profondeur de plus que l’autre, qui, étant vide du vivant de l'animal, a opposé moins de résistance au travail d'oblitération. Ces incisives inférieures de #ichorhinus auraient donc été assez grandes pour n'être pas disproportionnées aux incisives supé- rieures de Sæmmering, puisque leurs racines auraient eu deux pouces et demi de longueur sur près d'un pouce trois quarts de diamètre, ce qui donnerait pour la dent une longueur de trois pouces, et un pouce trois quarts de diamètre pour le fust. D'après cette pièce, que j'ai montrée à plusieurs naturalistes de premier ordre , qui s'intéressent à tout ce qui concerne l’his- toire des races perdues , et qui y ont reconnu les quatre alvéoles d'incisives, il n'est plus permis de douter que l'absence ou la petitesse des alvéoles, dans la mâchoire inférieure du &#chorhi- nus, ne soit due à l’oblitération qui, dans cette espèce , devait s'effectuer de très bonne heure, car cette mâchoire est loin d’a- voir appartenu à un vieil individu : ses molaires sont à peine entamées, le croissant postérieur de shague dernière molaire ne l’est même pas du tout, et l'on voit qu’encore la base de la” face interne de celles-ci n'est pas entièrement dégagée des al- véoles. Parmi les naturalistes qui ont pu constater, dans ma collec- tion , ce fait qui a été un sujet de controverse entre Pallas, Cam- per et Cuvier, je citerai MM. Marcel de Serres, Cordier, Lyell, Murchisson, Élie de Bezumont, Dufrénoy , Frédéric Cuvier et De la Marmora. Quoique cette mâchoire soit de jeune individu , la première molaire de chaque côté est déjà tombée, et l’oblitération de son alvéole est tellement complète qu'il n’en reste plus. vestige. Il paraît que dans la mâchoire inférieure de Pallas, la premiere molaire était aussi déjà tombée ; à la vérité, l’alvéole subsistait encore, comme on le voit par le dessin qu'il en donne, mais l'on ignore si elle présentait un commencement d’oblitération. Toutes ces circonstances portent à penser que la chute des a —— ——— CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. di) dents antérieures, incisives ou molaires, avait lieu de très bonne heure, dans l’espèce à narines cloisonnées, et que l'absence des alvéoles, dans divers crânes ou mâchoires inférieures de cette espèce, ne prouve rien contre l'existence primitive des incisives. Il ne sera pas inutile d'observer que le même phénomène se reproduit dans l’Unicorne de l'Inde, où la première molaire tombe d’assez bonne heure, ainsi que les deux incisives externes de la mâchoire supérieure, et cela d'une manière si habituelle que, quoique Vicq-d'Azyr eût eu connaissance de ce fait, comme on l’a su par une note écrite de sa main, tous les naturalistes ont cru, jusqu’à Cuvier, que l’Unicorne de l'Inde n'avait que deux incisives, au lieu de quatre qu'il a réellement à la mà- choire supérieure. Les Eamantins offrent encore la même par- ticularité, leurs incisives inférieures tombent dés le jeune âge, et les alvéoles s'oblitèrent complètement; Cuvier est porté à penser qu’il en est ainsi dans le Dugong. 3 Ce sont les deux alvéoles externes qui sont oblitérées et les deux internes qui sont conservées dans la mâchoire inférieure de Pallas; dans la mienne c’est précisément l'inverse; d’un autre côté, la mâchoire de Pallas, quoique évidemment plus jeune que la mienne, puisque les arrière-molaires n'étaient pas encore sorties, a néanmoins ses alvéoles d’incisives plus oblitérées, ce qui doit faire présumer qu'il n’y avait pas de règle fixe pour l'époque de la chute desincisives inférieures, et que dans divers individus, c’étaient tantôt les incisives externes, tantôt les inci- sives internes qui tombaient les premières, et que cette chute pouvait être retardée ou avancée suivant les individus. Si, comme on peut raisonnablement le supposer, la même variation avait lieu pour l'époque à laquelle arrivait la chute des incisives supérieures, On concevrait très bien comment, dans les divers cränes du tichorhinus, les alvéoles d’incisives sont oblitérées ou presque oblitérées, quelque jeunes d’ailleurs que fussent les individus dont ils proviennent; tandis que, dans quelque ‘autre individu, les incisives auraient pu persister assez long-temps pour s’user jusqu'au point où le sont les incisives de Soœmme- ring, dont l'usure ne me parait pas d’ailleurs fort avancée. 58 CHRISTOL, — Rhinocéros fossiles. Ma mâchoireinférieure, pl. 2, fig. r et 2, a, du reste, la même forme, la même proéminence antérieure rétrécie que toutes celles de l'espèce à narines cloisonnées décrites et figurées par Pal- las ; elle offre tous les caractères spécifiques indiqués par Cuvier, caractères en lesquels il avait tant de confiance qu’il lui a suffi du dessin informe d’une portion mutilée de cette mâchoire, publiée par Monti sous le nom de tête de Morse fossile, pour en déterminer l'espèce avec une entière certitude, se fondant sur ce qu'elle présentait la proéminence antérieure. Je reproduis ce dessin, pl. 1, fig. 4. La mâchoire, pl. a, fig. 1, a certainement tous les caractères de celle-là. Vue de profil, ma mâchoire n'offre aucune différence appré- ciable avec celle de l'Unicorne de Java; toutefois sa symphise est beaucoup moins prolongée que dans cette dernière. Sa lon- gueur est de o®,55 ; la hauteur de l’'apophyse coronoïde est de Om,27 ; la longueur de la symphise est de om,12, eten partant de la première molaire en place, qui empiète sur la symphise 4 on trouve 0",005. Maintenant qu'il est bien prouvé que le täichorhinus portait des incisives à la mâchoire inférieure, on sent combien devient vraisemblable l'assertion de Pallas, qui assurait avoir vu des alvéoles et des restes d’alvéoles à la mâchoire supérieure de sa tête de Rhinocéros, et combien il est probable que les fossettes remarquées par Cuvier, à l'extrémité des os incisifs du crâne donné par le professeur Buckland, sont réellement des alvéoles oblitérées. C’est, du reste, une lo: générale d'organisation, établie d’après l'observation des espèces vivantes ou fossiles, que tous les Pa- chydermes munis d’incisives à la mâchoire inférieure en ont aussi à la mâchoire supérieure. Non seulement Cuvier est porté à assurer qu'il n’y avait pas d’incisives à la mâchoire supérieure du tichorhinus, mais encore il croit pouvoir affirmer qu'il ne pouvait pas y en avoir : il conclut des dimensions des os incisifs qu'ils n'ont pu loger des incisives, et ce à raison de leur étroitesse, Il s'appuie même sur un passage de Collini, qui rapporte que, dans l’extré- mité antérieure d'un crâne de cette espèce, qu'il a examiné, CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. 59 il ne parait pas qu'il y ait pu avoir des incisives; car, observe Collini, rien n'y parait pouvoir servir dalvéoles. Je crois pou- voir donner à ces paroles un sens tout autre que celui que leur accorde Cuvier ; au lieu de supposer avec lui que Collini à voulu dire qu'il n'y avait pas de place pour des alvéoles sur ces os incisifs, je suppose que Collini, en les examinant, n’y a vu aucun enfoncement, aucune fossette, aucun trou, en un mot, rien qui ait pu servir d’alvéole, mais nullement qu'il n’ait pu y voir un espace suffisant pour contenir des alvéoles, Il serait à desirer que quelque auteur eût donné la mesure exacte des os incisifs des divers crânes de tichorhinus ; en la comparant à celle des incisives fossiles, on eût pu facilement juger la question. Ni Pallas, ni Camper n’ont avancé que des incisives ne pus- sent trouver place dans ces os incisifs ; sil en eût été ainsi, Camper n'eüt pas manqué de faire valoir ce moyen dans sa con- testation avec Pallas, qui, lui-même, n'aurait pu voir des traces d'alvéoles dans un espace qui n’eüt pas été assez grand pour en contenir, Cuvier lui-même, en indiquant les fossettes du crâne de M. Buckland, ne dit pas qu’elles fussent trop étroites pour avoir pu servir d'alvéoles ; il se borne à dire que cette tête ne fournit pas de résultats positifs, qu'on y aperçoit quelques restes d'enfoncemens qui pourraient avoir appartenu à des al- véoles, mais qui pourraient aussi n'être que des accidens. Si, d’après Cuvier, ces enfoncemens ont pu appartenir à des alvéoles, il est bien évident que les os incisifs, où ils sont mar- qués, sont assez larges pour contenir des alvéoles. Il me paraît donc que ce n’est point d'une manière générale et absolue, qu'en s'appuyant sur l'observation de Collini, Cuvier émet l’o- pinion qu'il n’y a pas de place suffisante dans la mâchoire su- périeure du tichorhinus pour y loger des incisives. Nous avons vu, qu'en parlant du crâne de Pallas, il n’assure point absolu- ment qu'il n'ait pu avoir des alvéoles d’incisives, il se borne à dire que, s’il en a eu, elles n’ont pu qu'être très petites. En signalant les diverses remarques de Cuvier sur ces particu- larités assez importantes, puisque, selon la manière dont on les considère, on peut maintenir ou infirmer l'établissement du 60 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. Rhinocéros incisivus, j'ai pour but de montrer que l’impossibi- lité d'admettre, dans les inter-maxillaires du tichorhinus, une largeur suffisante pour contenir des alvéoles, n’a pas tellement paru démontrée à Cuvier, qu'il n’ait été disposé, en plus d’une occasion, à admettre la possibilité de l'existence de ces alvéoles. Les os incisifs du tichorhinus, mesurés sur la figure donnée par Collini, me paraissent avoir six millimètres de large, ce qui donne deux centimètres quatre millimètres pour leur largeur réelle, puisque le dessin est au quart de la grandeur naturelle. Or, une telle largeur est bien suffisante pour contenir des in- cisives, car la plus grande des incisives fossiles n’est pas aussi large; le crâne de Collini n’est pas d’ailleurs des plus grands de l'espèce. Nous verrons plus tard que les os incisifs du Rhinocéros incisivus, auquel les incisives fossiles ont été attribuées, sont moins larges que ceux du crâne de Collini. Ils n’ont, d’après M. Marcel de Serres, que deux centimètres un millimètre de lar- geur moyenne. En sorte que les incisives fossiles auraient moins facilement pu être logées dans les inter-maxillaires de l'incisivus que dans ceux du zichorhinus. ET Puisque les inter-maxillaires du &chorhinus sont assez larges pour contenir des incisives, puisque tout s'accorde à montrer que les alvéoles de ces dents n’ont été qu'oblitérées en partie dans le cräne de Pallas, dans celui du professeur Buckland, dans la mâchoire inférieure de Pallas et dans la mienne, quel motif aurait-on, aujourd’hui, de supposer que les incisives de Mayence et d’Avaray n’ont pu provenir du &chorhinus, et sur quoi pourrait-on s'appuyer pour faire, au moyen de ces incisi- ves, une espèce distincte, sous le nom de Rhinocéros incisivus ? Pourrait-on se fonder sur les dimensions de ces incisives? Mais la plus forte d’entre elles n’atteint pas la largeur des os incisifs du crâne de Collini; la dépasserait-elle d’ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que ce crâne est loin d’être des plus € ni mesh: CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. 6: grands de l'espèce, et que, d’un autre côté, rien ne prouve que ces incisives ne soient elles-mêmes des plus grandes. L'incisive d'Avaray, la plus forte des incisives fossiles qu’on connaisse, est large de 0,02, en sorte qu’elle eût pu très facile- ment être logée dans ceux des autres crânes de tichorhinus qui sont plus grands que celui de Collini. De plus, cette incisive d’Avaray est, par rapport aux dimensions qu'ont dû avoir les incisives de ma mâchoire inférieure, dans la même proportion de grandeur que celle qui existe entre les incisives supérieures et les incisives inférieures de tous les Rhinocéros vivans, chez lesquels les incisives supérieures sont toujours beaucoup plus fortes que les inférieures. Les incisives de Sæmmering, décou- vertes à Mayence, étant moins grandes que celle d’Avaray, pour- raient, encore plus facilement que celles-ci, trouver place dans les os incisifs de la plupart des crânes de #ichorhinus. Si à ces considérations on ajoute que toutes les autres pièces qui ont été attribuées au Rhinocéros incisivus rentrent, comme je vais le montrer, dans denx autres grandes espèces de Rhino- céros, dont l’une est le tichorhinus et Vautre un Rhinocéros dont on ignore encore s’il a des incisives, on sera bien près de reconnaître que l'existence du Rhinocéros éncisipus est au moins fort problématique, et qu'alors même qu’on viendrait à la découvrir par la suite, il n’y aurait pas de raison de lui attri- buer les incisives de Mayence et d’Avaray plutôt qu’au ticho- rhinus, car, le tichorhinus ayant des incisives, celles de Mayence pourraient toujours provenir de cette dernière espèce. FLE Nous avons vu précédemment qu'avec l'incisive d’Avaray s'était trouvée une molaire inférieure , d’une forme toute parti- culière, et qu’à raison de cela Cuvier rapporte à son Rhinocéros inoisivus. Cette molaire est effectivement pourvue d’un carac- tère distinctif, faible en apparence, et qui, à coup-sûr , eût échappé à un observateur moins pénétrant que Cuvier. Ce ca- ractère consiste en un crochet situé au côté interne du deuxié- me croissant, J'avoue que, si je n'avais vu ce crochet que sur G2 __ . GHRISTOL.— Ahinocéros fossiles. une seule dent, je l'aurais plutôt considéré comme accidentel que comme caractère spécifique, d'autant qu'il me parait êtr très petit et n'être même autre chose qu'un tubercule pointu, ayant à peine une ou deux lignes de hauteur. Quoi qu'il en soit, ce n'en est pas moins un véritable caractère spécifique, propre à faire distinguer les diverses espèces fossiles de Rhino- céros au moyen d'une seule molaire inférieure; mais au lieu de caractériser le Rhinocéros éncisipus, comme le suppose Cuvier, il caractériserait le tichorhinus et une petite espèce de Rhinocé- ros ; toutefois, dans ce dernier cas, une certaine modification se présenterait dans les élémens du crochet. Les molaires de ma mâchoire de tchorhinus, pl. », fig. r et2, présentent ce caractère; c’est au côté interne du deuxième croissant et au tiers supérieur de ladent, en A, pl. 3, fig. x, que se trouve ce petit tubercule pointu, en sorte qu’on ne devrait pas s'étonner de ne pas le voir dans des molaires dont la cou- ronne serait trop entamée. Pénétré d'admiration pour la pro- fonde habileté avec laquelle immortel Cuvier a su distinguer, comparer et surtout décrire, d'une manière claire et rigoureuse, les caractères les plus minutieux et les plus compliqués des dents des divers genres, je ne puis m'empêcher, en cette cir- constance, de rendre hommage à la sagacité dont il a fait preu- ve, en considérant comme caractère spécifique une légère modification, qu'il a jugé devoir être constante, quoiqu'il n'ait pu la voir que sur une seule molaire. J'ai montré ma mâchoire de tichorhinus, dont les molaires présentent ce caractère, à des naturalistes qui, depuis de longues années, sont habitués à déméler ce qu'un cas peut présenter de normal ou d’acciden- tel, et pas un d'eux n’a osé regarder comme spécifique ce caractère en apparence si faible; je n'aurais pas non plus osé le donner pour tel, si je n'avais découvert ce qu’en dit Cuvier dans une note, et si M. Frédéric Cuvier, qui a examiné ces molaires dans ma Collection, n’eût admis la valeur spécifique du caractère qu'elles présentent, sans que je puisse cependant assurer qu'il ait admis l'identité de ces dents avec celle d’Avaray indiquée par Cuvier. Il est même possible qu'à cette époque je n’eusse pas encore moi-même entrevu ce rapprochement, rem CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. 63 D'un autre côté, étant convaincu que c’est la vérité qu'avant tout on doit rechercher dans la science et qu’on ne doit point altérer les faits, en forçant les analogies et les pliant aux opinions qui nous plaisent, Je ne dissimulerai pas que, n'ayant pu examiner les caracteres de la molaire inférieure indiquée ar Cuvier, attendu qu'il n’en donne pas le dessin et qu'il n'en fait mention que dans une simple note, il me reste encore quelques doutes sur l'identité complète de cette dent avec celle de ma mâchoire. Je me fonde sur cette considération, que Cuvier avait soin d'introduire dans ses descriptions un choix d'expressions si justes et si heureuses, qu’il est impossible de leur en substituer d’autres capables de mieux rendre les objets. Eüt-il donné le nom de crochet à ce petit tubercule pointu de mes molaires, auquel le nom de cône ou de mame- Jon, si usité dans les descriptions des dents de plusieurs gen- res, eut mieux convenu que tout autre? J’en doute, car Cuvier n'employait jamais que le mot propre. Il est possible, néanmoins, que ce petit cône ait eu son sommet recourbé, dans la molaire de Cuvier, et alors le nom de crochet lui aurait complétement convenu; il est possible encore que cette molaire fût une dent de lait, et que, suivant la loi générale établie par Cuvier, elle présentât une plus grande complication de formes que les dents de remplacement. Enfin, pour engager les naturalistes à rechercher tout ce qui peut éclaircir un fait, qui pourrait permettre de distinguer toutes les espèces perdues de Rhinocéros, au moyen d’une seule mo- Jaire inférieure, j'observerai qu'il existe, dans les cavernes à ossemens, une petite espèce de Rhinocéros dont les molaires inférieures présentent une forte crête recourbée, dans le point même où est situé le petit cône de mes molaires; dans le cas où la molaire d’Avaray ne présenterait pas de gran- des, dimensions, elle pourrait provenir de cette espèce des cavernes, | En faisant connaître le système dentaire du Rhinocéros incisiwus de Cuvier, je montrerai que les molaires inférieures de la même espèce n’ont, au côté interne du deuxième croissant, micône, ni crochet, ni crête, ce qui me confirme dans l'opinion 64 CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. que la molaire inférieure à crochet d’Avaray ne provenait pas de l'incisivous. Quant à la mâchoireinférieure d'Eppelsheim, nôus ne voyons pas quel motif on aurait aujourd’hui de l’attribuer à l’incisius plutôt qu’au tichorhinus. Œlle porte des incisives; mais le tichorhinus en porte aussi; ma mâchoire rend ce fait très pro- bable, Pallas l'avait déjà formellement annoncé, et cette seule circonstance aurait pu faire pressentir à Cuvier qu’on pourrait toujours lui objecter que sa mâchoire d'Eppelsh eimétait de la même espèce que celle de Pallas, dont le sentiment se trouvait ainsi confirmé par cette nouvelle pièce. (1) Nous avons vu, d’une part, que Cuvier ne parle pas de sa forme, et que, par conséquent, rien n'indique que sa symphise ne soit pas allongée et rétrécie comme celle du #chorhinus, et que, d’un autre côté, dans le même lieu où on l'a découverte, se trouvait un crâne de tichorhinus; rien ne montre donc que cette mâchoire n’ait pu provenir de cette espèce, tout aussi bien que du cräne de M. Schleyermacher, en connexion duquel on voit, par la relation de Cuvier, qu'elle n’a pas été trouvée. Tout porte donc à croire que Cuvier ne l’a attribuée à l'in- cisivus, que parce que, refusant des incisives au tichorhinus, l'existence des incisives sur cette pièce ne lui a pas permis de lattribuer au #chorhinus. Maintenant que nous avons rétabli une partie des caractères de la première grande espèce de Rhinocéros fossile, établie par Cuvier, soit en montrant qu'elle était pourvue d’incisives, soit en faisant connaître ses molaires inférieures, caractérisées par un petit cône situé sur le côté interne du deuxième croissant (2), nous passerons à l'examen de la seconde espèce établie par (x) Je sens parfaitement qu’on pourra toujours m'objecter que ma mâchoire n'appartient point auitichorhinus ; il est possible que cela soit, mais j'ai dû la rapporter au tichorhinus, puisqu'elle présente tous les caractères spécifiques que Cuvier et Pallas ont indiqués dans la mâ- choire inférieure de celui-ci. La comparaison effective ou l’examen d’une bonne figure auraient peut-être pu me faire reconnaître quelque différence entre les mâchoires de Pallas et la mienne; une description de Ja mâchoire d’Eppelsheim m’eût aussi été très utile. (2) Ce caractère est incontestablement acquis à l'espèce; il résulte de l’observation de ma mächoire, et est indépendant des rapprochemens que j'ai cru pouvoir signaler à ce sujet. CHRISTOL. — Rhunocéros fossiles. 65 Cuvier, en traitant de la troisième, je complèterai ce que j'ai pu dire de l’/ncisivus, dont une partie de l’histoire entrait, comme élément de solution, dans les questions relatives à la première espèce. IV. L'espèce de Rhinocéros d'Italie, à narines non cloisonnées (Rh. Lepthorinus), n'ayant été établie par Cuvier que sur un dessin de la tête de M. Cortesi, il sera bien évident que cette espèce ne peut être maintenue, si on parvient à reconnaître que le dessin consulté par Cuvier dénature complètement les caractères spécifiques du crâne de M. Cortesi, et que celui-ci provient de l’espèce à narines cloisonnées (Rh. Tichorhinus). 11 suffit de jeter un coup-d’œil sur ce dessin (fig. 7, pl. xt, t. xt des Recherches sur les ossemens fossiles), pour reconnaître, dès le premier abord, que la mâchoire inférieure est si mal rendue qu'on y reconnaît à peine la forme d’une mâchoire de Rhinocé- ros. Les apophyses coronoïdes, qui dans tous les Rhinocéros sont si hautes, sont ici tellement écrasées que le crotaphite et le masséter auraient à peine pu s’y implanter, et dans aucun cas n'auraient pu s'y fixer assez solidement pour pouvoir sou- lever la mâchoire avec force; bien plus, avec une telle brièveté de l'apophyse coronoïde, il eût été impossible que le condyle eut pu atteindre la cavité glénoïde du temporal, lorsque les molaires inférieures auraient été appliquées contre les molaires supérieures, en sorte que l'articulation de cette mâchoire avec le crâne eût été physiquement impossible. (1) Le sommet de l’occiput, qui est tronqué carrément dans les autres Rhinocéros, est tellement pointu dans cette tête, que le ligament cervical postérieur, ainsi que les muscles superficiels dela région pbstérieure du cou, auraient à peine pu y trouver des points d'attache; il en fallait cependant de très solides pour (1) En donnant cette figure, Cuvier n’a eu d'autre but que de représenter le caractère essen— tel des mâchoires inférieures de Leptorkinus, c'est-à-dire la brièveté de la symphyse; or, ce dessin remplissant parfaitement cette condition, on n’avait pas à y chercher autre chose, et ce que j'ai pu en dire eût été complètement inutile si le Leptorhinus eût existé, IV. Zoo1. — Août, 5 66 carisror. — Rhinocéros fossiles. soulever une tête bicorne et aussi allongée que l’est le crâne de M. Cortesi. L'omission de cette troncature entrainait presque nécessairement une plus grande élévation de la partie posté- rieure du crâne, une pente plus rapide de la face antérieure de la pyramide de celui-ci, et permettait de soupçonner, dans le reste du dessin, d’autres imperfections que celles qui sont xanifestes, surtout lorsqu'on tenait compte des déformations de Ja mâchoire inférieure. | L'inexactitude du dessin de la tête de /eptorhinus est facile- ment expliquée par la simple comparaison de ce dessin, avec un dessin plus exact de ia même tête, pl. 2, fig. 4. Ayant exprimé à M. le colonel de la Marmora les doutes que j'avais conçus sur l'exactitude du dessin de Leptorkhinus publié par Cuvier, ce savant recommandable a bien voulu me procu- rer d'autres dessins du crâne de M. Cortesi, conservé au Musée des mines à Milan. M. Gené, professeur de zoologie à Turin, m'annonce, en m'envoyant ces dessins, qu'il les a fait faire lui- même sous ses yeux, ce qui ne me permet pas de douter que les détails anatomiques n’en soient très exacts. Avant de montrer en quoi consistent les rapports et les diffé- rences qui peuvent exister entre le dessin de Cuvier et celui de M. le professeur Gené, il ne sera pas inutile de rappeler les ca- ractères spécifiques du Zeptorhinus, tels qu'ils ont dù paraitre à Cuvier ; on verra par là que ces caractères rentrent en réalité dans ceux du #ichorhinus, comme cela doit être dans l'hypo- thèse où le crâne qui a servi à établir le /eptorhinus provient réellement du tchorhinus. « En comparant le crâne du Zeptorhinus avec les autres « crànes de Rhinocéros à narines cloisonnées, observe Cuvier, « on s'aperçoit aussitôt: 1° que le crâne du Zeptorhinus a la « partie cérébrale moins prolongée, moins rejetée en arrière ; « 2° que l'orbite est au-dessus de la cinquième molaire ; 5° que « les os du nez se terminent en pointe libre et ne s'attachent « pas aux inter-maxillaires par une cloison verticale. « Comparé au Bicorne du Cap, continue Cuvier, ce crâne lui « ressemble plus qu’à tout autre; il en diffère néanmoins sous « beaucoup de rapports, Les os du nez n'ont pas la même con- = CHRISTOL, — Rhinocéros fossiles. 67 « formation; ils sont minces, droîts et pointus, tandis que ceux « du Bicorne du Cap sont excessivement épais et bombés; il y &’àa un enfoncement plus marqué entre la partie qui porte la & deuxième corne et la partie qui se relève pour former la crête « oCcipitale. » On voit, par l'exposé de ces caractères, que latête du. Æpto- fhinus ne différerait de celle du tichorhinus que par trois ‘caractères principaux, dont un seul aurait réellementune valeur spécifique. Et, en effet, les divers degrés de prolongement en arrière de la partie cérébrale du crâne résultent principalement du plus ou moins de développement de la crête occipitale et des cellules qui communiquent avec tes sinus frontaux, parties qui, dans tous les animaux où elles prennent un grand accrois- sement, et dans les pachydermes en particulier, présentent d’excessives variations dans leur étendue, suivant l’âge de lani- mal dans lequel on les observe. Pour qu'un caractère basé sur le moindre prolongement de la partie cérébrale püt être con- sidéré comme spécifique dans le Zeptorhinus, il aurait donc fallu pouvoir le constater sur divers individus d’âge différent, ou au moins sur un individu vieux. Or, le dessin de Cuvier ne permet pas de juger l’âge de ce crâne de leptorhinus. - Nous voyons du reste, comme on devait s’y attendre, que le prolongement en arrière de la partie cérébrale du crâne de tichorhinus , est moins considérable dans quelques individus que dans d’autres, et que précisément celui du crane que je reproduis, pl. r fig. 1,ne diffère pas beaucouy de celui du crâne du leptorhinus ; 1 n’est cependant pas celui de tous ceux des crà- nes figurés par Cuvier qui soit le moins marqué. En présentant ces observations, je suis loin de prétendre que le prolongement en arrière de la partie cérébrale du crâne ne soit réellement un caractère propre au tichorhinus ; mon intention est uniquement de montrer que le défaut de ce pro- longement n'aurait pu caractériser le Zeptorhinus qu'autant qu'on aurait pu l’observer sur un vieil individu. Quant à la position de l'orbite au-dessus de la cinquième molaire, ce ne peut être un caractère distinctif du leptorhinus, ? e. . - . . car l'orbite est aussi placée sur la cinquième molaire dans le 5. 68 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. tichorhinus. Reste donc le caractère de l’absence de cloison et du défaut de jonction des os du nez aux incisifs. Si ce caractère eüt été réel, comme a dù le penser Cuvier, d’après le dessin qu'il avait sous les yeux, nul doute qu'à lui seul il n’eüt suffi pour distinguer une espèce quelconque de gelle à narines cloisonnées ; mais ce caractère n’est qu’un simple accident produit, en grande partie, par l’inadvertance du des- sinateur, qui n’a rendu ni la portion considérable de cloison, A, ni la cassure des os du nez, B, qu’on voit, de la manière la plus évidente, dans le dessin du professeur Gené pl. 2, fig. 4. En sorte que les os du nez, tels qu'ils sont représentés dans la pl. 0, fig. 7 (du 2° vol. des oss. foss.) ont dû paraitre à Cuvier dépourvus de cloisons et terminés naturellement en pointe libre, tandis que la cassure de leur partie antérieure montre qu'ils ne s’arrè- taient pas à ce point, mais qu'ils devaient, ainsi que la cloi- son, se continuer jusqu'à la rencontre de l'extrémité des os in- cisifs. En continuant à comparer le dessin de Cuvier avec celui du professeur Gené, on voit que la forme générale du crâne est à-peu-près la même dans tous deux; l’arcade zygomatique , la fosse temporale, la position de l'orbite, la proportion de la longueur du crâne à sa hauteur, diffèrent à peine dans cha- cun ; néanmoins on s'aperçoit que, dans le dessin de Cuvier, la pente antérieure de la pyramide du crâne est plus rapide, ce qui fait paraitre le prolongement en arrière de la partie cérébrale moins considérable qu'il ne l’est dans la figure 4, pl. 2, où l'on voit encore, par les cassures qui y sont mar- quées, qu'une portion de la crête occipitale a dù être rom pue. Dans les deux dessins, on voit, à peu de chose près, la même échancrure des narines, la même courbure, la même longueur, la même épaisseur, en un mot, la même forme des os du nez. La seule différence bien importante qu'il y ait entre ces deux dessins, c’est que dans l’un la cloison des narines est rendue, tandis qu’elle est omise dans l’autre. Il n’est pas enfin jusqW à la direction de la portion antérieure du maxillaire supé- rieur, qui, dans les deux figures, ne soit semblable à celle du tichorhinus ; on voit que cette partie a dü se relever un peu pour aller joindre l’extrémité des os du nez, CHRISTOL, — Rhinoceros fossiles. 69 Quant aux différences que Cuvier signale entre le Zeptorhi- nus et le Bicorne du Cap, on'les retrouvera aussi dans tout crâne de tichorhinus dont les os incisifs, la cloison et l'extrémité des os du nez auront été brisés. - Les dessins que je dois à l’obligeance de MM. de la Marmora etGené, sont à moitié de la grandeur naturelle, circonstance qui m'a permis d’en constater plus sûrement tous les caractères, Ils représentent le crâne de M. Cortesi, l'un vu du côté droit, l'autre vu du côté gauche. Afin de ne point multiplier inutile- ment les figures ;, je me borne à en donner un seul réduit au tiers et par conséquent au sixième de la grandeur naturelle. Le dessin du côté gauche, qui correspond à la figure 7 de Cuvier, ayant son arcade zygomatique presque entièrement mutilée, je n'ai pu le donner, craignant que cette circonstance n'al- térât sa ressemblance avec celui de Cuvier; je lui ai donc substitué le dessin du côté droit, en ayant le soin de le retourner. L’arcade zygomatique de celui-ci étant conservée, permet d'en comparer la forme ainsi que celle de la fosse tem- porale à celles de la figure de Cuvier. On voit qu’il manque dans ce dessin une portion du bord supérieur du maxillaire, du bord antérieur du jugal, et même un peu du bord antérieur et latéral du frontal. La moitié antérieure de la cloison est cassée juste au-dessus de la première molaire ; l’autre moitié est plus profon- dément échancrée dans son centre que dans tout autre point, et il devait presque nécessairement en être ainsi, à cause de la plus grande résistance qu'offraient sa partie inférieure et sa partie supérieure fixées solidement, l’une aux intermaxillaires ;, Vautre à la voûte des os du nez; je suis, en outre, porté à pen- ser que la partie centrale de cette cloison est la plus mince, et par conséquent la plus exposée à ètre rompue. La cloison est aussi échancrée de la même manière dansle crâne detichorhinus, pl. 1, fig. 1 , mais avec cette différence que c’est la partie posté- rieure de la cloison qui manque. Si les as incisifs eussent été rompus dans ce cràne de tichorhinus, et que le dessinateur eût omis d'en rendre la cloison, o# aurait eu inévitablement un crâne de leptorhinus. L'échancrure nasale , dans mon dessin, n’est pas sensiblement 70 CHRISTOL. — AÆhinocéros fossiles. exagérée, du moins quant à la longueur, par la rupture du maxillaire ; on peut s’en convaincre en considérant qu’elle s’ar- rête en ayant du trou sous-orbitaire et au-dessus de la seconde molaire, comme dans le dessin de Cuvier et dans les crânes de uchorhinus. L'extrémité des os du nezmanque, mais on distin- gue parfaitement, dansles grands dessins du professeur Gené, que cet os est rompuet se termine carrément par suite de la cassure: En continuant à comparer mon dessin avec celui de Cuvier,. on voit que dans le premier la cassure C, qui se trouve à la partie qui porte la deuxième corne, correspond au point S, où se réunissent les deux lignes courbes qui forment le front dans le second. En faisant disparaître cette sinuosité accidentelle, on a une courbure uniforme du front, comme dans le #ichorhinus. Les os du nez sont un peu trop relevés dans le dessin de Cu- vier; ils le sont moins dans les dessins du professeur Gené, et nediffèrenten rien de ceux du éichorhinus, comme on peut s'en convaincre par la comparaison des fig. 4, pl.2 et 1,pl. 1. L’arcade dentaire est placée horizontalement sur la même ligne que la base postérieuxe du crâne dans le dessin de Cuvier, en d’autres termes elle es: parallèle à l’axe longitudinal du crâne; dans mon dessin, l’'arcade dentaire est placée obliquement par rapport à l'axe du crâne; il en est toujours ainsi dans le tichorhinus. Dans les deux dessins, les molaires occupent la même position relative; la troisième est en arrière du trou sous-orbitaire, la cinquième est au-dessous de l'orbite, absolument comme dans le tichorhinus. L'angle du front, lapophyse orbitaire à laquelle vient s'implanter le ligament qui cerne l'orbite en arrière, est évidemment beaucoup trop reculée dans le dessin de Cuvier. On n'a qu'à se représenter Les désordres qu'une telle conforma- tion aurait dù entraîner dans les fonctions de plusieurs organes importans, pour étre bien convaincu qu’elle n’a jamais pu exis- ter. Ainsi les muscles logés dans la fosse temporale auraient été refoulés en arrière et gènés dans leur développement et dans leurs fonctions ; le globe de l'œil et tous les organes qui s’y rat- tachent n’étant point retenus en avant, auraient pu rentrer en arrière sous la paupière, à moins que celle-ci ne fut démesuré- ment fendue, mais auraient toujours été exposés à être compri- nn CHRISTOL. — Ahinocéros fossiles. 7t més ou chassés en avant par l'apophyse coronoïde, lors de l’élé. vation de la mâchoire inférieure. Dans le dessin du professeur Gené, cette apophyse sus-orbitaire est placée plus en avant, au point où elle se trouve dans tous les crânes de tichorhinus. L'apophyse qui termine en arrière Farcade zygomatique , et qu, dans tous les Rhinocéros, contribue à la solidité de l’arti- culation de la mâchoire inférieure , en empêchant de se mou- voir beaucoup de droite à gauche et surtout d'avant en arrière, manque dans mon dessin, fig. 4, pl. 2 et dans celui de Cuvier, mas on la voit dans le second dessin du professeur Gené. Dans ce dernier, on peut très bien juger des détails de la partie posté- reure du crâne mutilé dans le dessin que je donne ; mais comme il n'y a là rien de bien essentiel pour la question, on a peu à les regretter. En comparant attentivement le cräne du Zeptorhinus de Cuvier, avec tous les crânes de tichorhinus représentés dans le second volume des Recherches, on ne tarde pas à s’a- percevoir qu'en tenant compte de l’omission accidentelle de la cloison, il a les principaux caractères de cette dernière espèce, si bien qu’en appliquant le doigt sur la partie de ces dessins qui correspond à la cloison et aux os incisifs, on transforme tous ces crânes de tichorhinus en cranes de lepiorhinus. C’est un essai qu'on peut facilement tenter sur le crâne de #chorhinus, pl 5, fig. 1. Nous avons vu précédemment que Cuvier attribue au /epto- rhinus une mächoirc inférieure à courte symphyse et sans inci- sives ; c'est ainsi en effet que semble être la mâchoire inférieure de la fig. 7, pl. x1 du tome 11 des Recherches (1). Mais dans ce dernier cas encore , la chose me parait étre purement acciden- telle; l'extrémité antérieure de la symphyse de cette mâchoire esten partie mutilée dans le dessin que m'en a transmis le pro- fesseur Gené, et cette circonstance est même indiquée dans la fig. 7 de Cuvier, IL m'a paru, d’après les dessins du côté droit et du côté gauche de cette mâchoire, qu’elle devait se terminer en (x) N'ayant pas reproduit le dessin de celte mâchoire, je crois devoir rappeler que c’est celle qui appartient au crâne de M. Cortesiz 72 CHRISTOL. — Rhinocéeros fossiles. pointe et présenter la symphyse allongée qui caractérise le tichorhinus. Cependant il peut se faire qu'il n’en soit rien; c’est là une question qu'on ne doit pas décider sur un simple dessin. Comparés au profil de ma mâchoire de tichorhinus, fig. 2 pl.a, ces dessins ne présentent d'autre différence essentielle que celle qui résulte des cassures; je ne puis cependant assurer qu’il y ait des incisives sur la mâchoire de M. Cortesi, car mes dessins ne conduisent à aucun résultat positif; il est possible cependant que le dessinateur ait voulu y représenter des alvéoles ou des restes d’alvéoles d’incisives. : Il ne faudrait pas conclure de ce qui vient d’être dit quil n'exisiàt pas d’autres mächoires présentant les caractères que Cuvier attribuait à la mâchoire inférieure du &chorhinus, c’est- à-dire qu'il ne püt y avoir des mâchoires à courte symphyse et sans incisives; celle de notre fig. 5 pl. 1,empruntée aux planches de Cuvier, n’est pas la seule de cette sorte qu'il ait représentée, et comme on ne peut pas douter pour celles-ci que les dessins et les descriptions n’en soient exacts, et que d’ailleurs Cuvier a vu l’une d'elles, elles doivent réellement appartenir à une espèce différente du tichorhinus. Peut-être appartiendraient-elles à l'espèce de M. Schleyermacher ; je n’ai du reste aucun motif qui puisse me porter directement à adopter ou à rejeter cette opi- nion, je me borne à signaler une chance possible; toujours est- il que ces mâchoires à courtes symphyses ne peuvent provenir du /eptorhinus puisque cette espèce n’a point existé, et qu'elles ne peuvent pas non plus provenir du tichorhinus puisqu'elles n'ont pas la longue symphyse qui caractérise cette dernière espèce. Pour compléter ce que mes recherches ont pu me faire con- naître touchant la seconde grande espèce de Rhinocéros fossile établie par Cuvier, ce serait ici le lieu de montrer que les mo- laires supérieures, que Cuvier est porté à attribuer au Zepto- rhinus ; proviennent de l’espèce de M. Schleyermacher, c'est-à- dire de l'espèce à laquelle Cuvier avait donné le nom de Rhino- céros Jncisivus. Mais comme les caractères de ces molaires ne peuvent Ctre convenablement -xposés si on ne les compare à CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. 73 ceux des molaires des autres espèces, je ne pourrai en perler que lorsque j'aurai traité des molaires de l'espèce de M. Schleyer- macher, c’est-à-dire du Rhinocéros éncisivus, qui forme la troi- sième grande espèce de ce genre établie par Cuvier. C'est à l'exa- men de celle-ci qu'est consacré le paragraphe suivant : c’est là seulement que je pourrai montrer que les os des membres attri- bués par Cuvier au leptorhinus proviennent de l'/ncisivus. l'E Si Cuvier n’eût pas connu les incisives isolées de Rhinocéros, iln'eût certainement pas établi le Rhinocéros incisivus, car les autres pièces qu'il a rapportées conjecturalement à ce dernier ne pouvaient, quelque différentes qu’elles pussent être de celles des deux autres grandes espèces, lui paraître suffisantes pour prouver à elles seules l'existence d’un Rhinocéros muni d'inci- sives ; elles pouvaient bien montrer qu’il existait un troisième grand Rhinocéros fossile, mais ne pouvaient point montrer que ce füt un Zncisivus. * * Ainsi les molaires supérieures à bourrelet et la molaire infé- rieure à crochet d’Avaray, le crâne sans incisives de M. Schleyer- macher, ne pouvaient servir à établir le Rhinocéros incisivuss; lamächoire d’Eppelsheim elle-même, pouvant être semblable à celle de Pallas, n'aurait point conduit à un résultat différent. On se rappelle que Cuvier lui-même assure n’avair attribué les incisives isolées à une nouvelle espèce, que par l'impossibi- lité où il se trouve de les rapporter au tichorhinus ou au lep- torhinus. Or, nous avons vu combien il était possible que ces incisives pussent provenir du tichorhinus : on ne pourrait donc plus arguer aujourd’hui des avtres pièces rapportées par Cuvier à WAncisivus , pour maintenir l'établissement de cette espèce. Celle-ci une fois établie par les seules incisives isolées, Cuvier dutêtre porté à lui attribuer toutes les pièces qu’il trouvait dif- férentes de celles des deux autres grandes espèces. * C'est donc uniquement par suite d’une première erreur, que Guvier a rapporté au Rhinocéros éncisipus le crâne de M. Schle- 74 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. yermacher. Ce crâne était en effet fort différent de celui des deux autres grandes espèces, il était assez naturel de le rappor- ter à la troisième espèce inconnue, à celle qu’on avait cru signa- lée par les incisives isolées. à Cependant il y avait encore une autre chance dont il eût fallu tenir compte; alors même qu'elle-eüt paru moins probable que toute autre: c'est que ce crâne, tout différent qu'il füt de ceux du &chorhinus et du leptorhinus, ne provenait pas né- cessairement pour cela de la troisième grande espèce à incisives, il pouvait provenir d’une quatrième espèce inconnue, car, indépendamment de ce qu'on ne lui connaissait ni incisives ni alvéoles d’incisives, on ne savait même pas si ses inter-maxillai- res étaient conformés de manière à pouvoir loger des incisives. Il me paraît qu’en se décidant à rapporter à l’/ncisivus le crâne de M. Schleyermacher, Cuvier à eu pour but d'éviter de trop multiplier le nombre des espèces de Rhinocéros fossiles, bien plus qu'il n’a voulu voir dans ce crâne la preuve que les incisives fossiles provenaient dela même espèce que ce dernier. Il est, en effet, bien difficile de penser qu'il nait pas senti tout ce qui manquait à sa détermination pour qu'elle füt définitive et à l'abri de toute objection, c'est-à-dire qu'il n’ait été frappé du défaut d'indication des incisives sur le dessin du crâne de M. Schleyermacher. S'il eùt été certain de l'existence des inci- sives ou des alvéoles d’incisives sur ce crâne, il n’eût certaine- ment point omis de le dire dans la description qu'il donne de celui-ci, c'était là le point capital de la question. Cuvier avait trop bien approfondi cette manière pour qu'il soit permis de supposer qu'il ait pu ne pas s’en apercevoir ; on a d’ailleurs la preuve du contraire, lorsqu'on voit que précisément la seule chose qu'il ait cru devoir dire de la mâchoire inférieure trou- vée dans le même gisement que le crâne, c'est qu'elle portait des incisives. L’attention qu'il a eue, en discutant les caractères du tichorhinus, de traiter fort au long et avec beaucoup de soin le même sujet et de rapporter l'opinion de Pallas, de Cam- per, de Collini sur une question entièrement semblable. et liée à celle-ci de la manière la plus intime, montre bien que s'il a gardé le silence sur les incisives du crane de M. Schleyerma- CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. 75° cher, c'est que le dessin qu'il avait sous les yeux ne lui donnait pas les. moyens d’en dire davantage. Je crois donc être assez formés à conclure qu'on ignore jus- qu'à présent si le crâne du Rhinocéros éncisivus est ou non muni dancisives; tout ce qu'on en sait, c’est qu'il est bicorne | etse rapproche de celui du bicorne de Sumatra plus que d'au- cune autre espèce ; là s'arrête l'observation. Que si l’on veutentrer dans le champ des conjectures, rien ne s'oppose absolument à ce que l’on puisse croire que ce Rhi- nocéros bicorne ait pu manquer d'incisives comme le bicorne du Cap. On serait d'autant plus autorisé à considérer cette sup- position comme possible, que Cuvier lui-même n’a point rejeté la/possibilité d’une telle conformation, lorsqu'il a admis qu'un Rhinocéros bicorne, à os de nez allongés et sans cloison, en un | mot, le /eptorhinus, était dépourvu d'incisives. | D'un autre côté, on peut arriver à un résultat probable tout opposé, en considérant que lecràäne de M.S chleyerm acher, res- semblant beaucoup à celui du bicorne de Sumatra, a pu avoir des incisives comme en a ce dernier. Sid’on doutait encore que Cuvier n'ait entendu rapporter que conjecturalement à l’/Zncisivus le crâne de M. Schleyermacher, on en trouverait la preuve dans le passage suivant. « Selon M. de Schlotheim, observe Cuvier, on a aussi extrait un crâne de Rhinocéros bien conservé, du grand dépôt d’os fossiles de Thiède près Wolsembüttel; mais je n’en vois au- cune trace dans la gravure de ce dépôt que j'ai sous les yeux. Cet auteur dit que c'était un Rhinocéros Unicorne; en ce cas. il est bien à regretter qu'on n’en ait pas encore publié de figure, car ce fait confirmerait l'existence d’une espèce parti- culière annoncée par les incisives fossiles dont nous par lerons bientôt. » Si, comme cela pourrait fort bien arriver, la découverte du crâne de M. de Schlotheim se füt confirmée, ce crâne Unicorne serait aujourd'hui l’/ncisivus, et le crane Bicorne de M. Schleyer- macher ne serait point présenté comme étant celui de l'espèce d'où proviennent les incisives de Sœmmering. La découverte que j'ai faite, dans les sables du terrain marin a ARARARAR 76 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. supérieur de Montpellier, d’un crâne entièrement semblable à celui de M. Schleyermacher, me permet de confirmer pleine- ment les caractères que Cuvier a reconnus dans ce dernier, et de montrer, ainsi que l'avait annoncé Cuvier, qu’il se rapproche de l’espèce de Sumatra plus que d'aucune autre, mais qu’il en est spécifiquement différent. En décrivant ses molaires, je montrerai que Cuvier avait en réalité rencontré juste, lorsqu'il lui avait attribué les molaires à bourrelet saillant au bord interne de la couronne, mais qu'il s'était trompé lorsqu'il avait rapporté au /eptorhinus les molai- res à colline dertelée, découvertes par M. Pentland. Celles-ci appartiennent encore à l'espèce de M. Schleyermacher. Les os incisifs manquant dans mon crâne, ne nous appren- nent pas plus que le dessin de M. Schleyermacher si cette es- pèce était ou non pourvue d’incisives. Comme, d’un autre côté, rien n'indique que les incisives de Mayence et d’Avaray appartiennent à cette espèce, il serait peu conforme aux règles d'une bonne nomenclature de conserver à l’espèce de M. Schleyer- macher un nom basé sur un caractère qui n’aurait pu être con- staté, et qui par conséquent peut ne point exister. Nous verrons plus tard que M. Marcel de Serres, ayant cherché à s'assurer de l'existence des alvéoles dans les os incisifs d’un crâne qui, d'après mon opinion particulière, est de la même espèce que celui de M. Schleyermacher, assure que rien n°y en indique la noindre trace, et qu'il paraît que ce crâne n'avait point de véri- tables incisives. Ne pouvant donc conserver à cette espèce le nom hypothéti- que d'éncésivus , et ayant cependant besoin d’un nom univoque que je puisse employer dans la description de mon crâne et dans la comparaison de ses caractères avec ceux des autres espèces, je lui donnerai le nom de Rhinocéros Mégarhinus de ptyx (ma- gnus) et de fw (nasus). Indépendamment de ce que ce nom, rappelant la grandeur assez caractéristique des os du nez de cette espèce, sera tiré des parties qui ont porté Cuvier à former les noms de tivhorhinus et de leptorhinus, il sera encore con- forme à l'usage établi par Cuvier qui a introduit le mot #éy#dansla nomenclature Paléonthologique, comme on le voit par les noms cARISTOL. — Rhinocéros fossiles. 77 des genres Mégathérium, Mégalonix, Mégalodon, Mégalosaurus. Afin de faire connaître dans tous ses détails mon crâne de Mégarhinus, je vais entreprendre d’en donner une description aussi exacte qu’il me sera possible de le faire; j’essaierai d’abord de le peindre en quelques traits, ce sera comme une ébauche de formes principales qui lui donnent sa physionomie propre ; puis j'entrerai dans les détails de chaque caractère particulier comparé à ceux des autres espèces, en décrivant le crâne vu pre- mièrement de profil, pl. 2, fig. 5; secondement vu en dessus, fig, G. Le crâne du HMégarhinus est bicorne: il a une forme étroite et très allongée. Les arcades zygomatiques sont peu convexes et peu écartées en dehors, basses et horizontales en avant, rele- vées subitement et très convexes en haut et en arrière. Le front est étroit, prolongé en pointe en arrière, et n’est guère plus large que les os du nez. Les fosses temporales, très rap- prochées l’une de l’autre, ne laissent en dessus et en arrière du front qu'une forte crête sagittale, et non un plan élargi, comme dans la plupart des autres espèces, ce qui donne au cräneune forme étranglée en arrière du front. Les os du nez sont larges, allongés , droits, horizontaux , non massifs, mais forts et élancés, sans cloison en dessous, brusquement coudés vers leur extrémité libre qui se termine en pointe recourbée en bas et un peu en avant. L’occiput est carrément tronqué au som- met, peu prolongé en arrière; sa face postérieure est à peine inclinée en arrière ; la pente antérieure de la pyramide du crâne “est relativement peu rapide, et se trouve presque sur la ligne de la pente générale du front. Ses os incisifs sont incomplétement connus. Ses molaires supérieures, pl. 2, fig. 3, n’ont jamais que deux fos- settes sur la couronne; les antérieures ou de remplacement ont un large bourrelet à la base du côté interne, et le crochet de leur colline postérieure est bifurqué. C'est au crâne du bicorne de la grande race de Sumatra que le crâne du Hégarhinus ressemble le plus il en diffère néan- moins à certains égards, principalement par un plus grand dé- veloppement des os du nez et par un plus grand étranglement de la région située entre le front et le sinciput; 1l est d’ailleurs 78 CHRISTOL. «— Rhinocéros fossiles. beaucoup plus grand, plus grand même que celui d'aucune es- pèce vivante. C'est dans la comparaison du profil que sa ressem- blance avec celui du bicorne de Sumatra est plus complète; la comparaison du chanfrein-offre d'assez grandes différences. 1° Ce cràne, pl. 2 fig. 5;est moins fort, mais aussi long que la plupart de ceux du tichorhinus ; il n'est nullement ramassé comme celui du Bicérne du Cap pl. 2, fig. 7, mais a une forme al- longée comme celui du Bicorne de Sumatra, pl. #, fig. 6. 2° Sa partie cérébrale est moins prolongée, moins rejetée en arrière que dans le tichorhinus, elle s'élève néanmoins aussi haut ; toute cette région diffère à peine de celle du Bicorne de Sumatra. 3° La pente antérieure de cette partie cérébrale est presque sur la ligne de la pente générale du front, circonstance qui donne au profil de ce crâne une physionomie tout-à-fait differente de celle du bicorne du Cap et le rapproche de celui du bicorne de Sumatra: dans l'espèce d'Afrique, pl. 2, fig. 7, la pente antérieure de la pyramide forme avec celle du front un angle moins ouvert que dans mon crâne; cet angle est à-peu-pres le même dans mon crâne et dans l'espèce de Sumatra. 4° La face postérieure de locciput n'est ni inclinée en avant, comme dans les uni- cornes de l'Inde et de Java , ni verticale, comme dans le Bicorne du Cap, mais un peu plus inclinée en arrière que dans le Bi- corne de Sumatra; cette inclinaison est bien moindre que dans la plupart des crânes de tichorhinus. J'insiste sur cette parti- cularité, parce que Cuvier a montré que les diverses inclinai- sons de la face postérieure de l’occiput étaient caractéristiques dans les diverses espèces de Rhinocéros vivans ou fossiles. Ce- pendant, comme la fig. 6, pl. 1 représente un jeune individu de espèce de Sumatra, la différence qu'elle présente avec mon crâne pourrait bien ne dépendre que de l'âge ; il estpossible que, dans les vieux bicornes de Sumatra, le sommet de l’ocei- put étant plus développé soit un peu plus incliné.en arrière. 5° Les os du nez sont beaucoup plus allongés, et, par suite, paraissent moins massifs que ceux du bicorne du Cap; ils ne présentent pas cette courbure uniforme et longitudinale que l'on voit dans ceux du Zichorhinus ; ils ne sont pas non plus relevés en haut comme dans celui-ci, mais ont à-peu-près la CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. 79 même forme, la mème longueur et la même direction que dans le Bicorne de Sumatra. Dans leurs deux tiers postérieurs, ils sont droits et horizontaux, et se maintiennent dans la direction d'une ligne qui serait l'axe longitudinal du crâne ; leur extré- mité, mince et pointue, se recourbe brusquement en bas et un peu en avant, formant ainsi au tiers antérieur de leur longueur un coude très marqué. Sur les faces supérieures et latérales de ce coude se trouvent des granulations ou rugosités très fortes, qui forment la protubérance où se fixait la première corne ; cette protubérance*est plus rugueuse et plus saillante que la se- conde. Le dessous où la voûte des os du nez est creusée en forme de bateau , et présente dans son milieu une forte arête mousse et arrondie, sorte de raphé longitudinal qui aboutit, en diminuant de largeur et d'épaisseur, à l'extrémité l'bre des os du nez, concourant ainsi puissamment à augmenter leur so- lidité. On ne voit, du reste, contre cette voûte aucune appa- rence de cloison osseuse, ce qui prouve de la manière la plus évidente que dans le tichorhinus la cloison osseuse n’est point un simple produit de l’âge, ainsi que le supposait Faujas, mais qu'elle est un caractère d’espèce, comme l'a avancé Cuvier; car dans mon crâne, qui est très vieux, puisque toutes les sutures des os ont disparu et que les molaires sont très usées, il n’y a pas vestige de cette cloison. 6° L’arcade zygomatique a sa moitié antérieure dirigée horizontalement ; sa moitié postérieure se re- lève brusquement et devient fortement convexe vers le haut, où elle dépasse sensiblement le niveau du conduit auditif ex- terne, ressemblant entièrement, par sa forme et ses relations avec les diverses parties du crâne, à celle du Bicorne de Suma- tra. On ne voit pas, au milieu de la longueur de son bord supé- rieur, cette forte apophyse pyramidale où s'implante le liga- ment destiné à cerner l'orbite en arrière, si marqué dans l'Uni- corne de l'Inde et encore sensible dans le Bicorne de Sumatra, surtout dans le dessin qu'en donne Sparrman; ce bord est uni comme dans le Bicorne de Sumatra. 7° La fosse temporale est peu profonde , étroite, longue et comme étirée obliquement de bas en haut et d'avant en arrière; elle est beaucoup moins large que dansles Unicornes de l'Inde et de Java, que dans le Bicorne 80 CHRISTOL. — ARhinocéros fossiles. du Cap, etressemble parfaitement à celle du Bicorne de Sumatra; son axe est presque droit comme dans ce dernier, au lieu d’être fortement coudé comme dans le Bicorne du Cap. 8° Lors de l'extraction de ce crâne de la couche sableuse où il était enseveli, les intermaxillaires furent brisés en fragmens si menus, qu'il me fut impossible de les restaurer, en sorte que je n’ai pu re- connaître s'ils avaient ou non des alvéoles d'incisives. Ayant examiné avec beaucoup d'attention les plus gros de ces frag- mens, je n'ai pu y découvrir aucune trace d’alvéole; ce n’est ce- pendant pas une raison suffisante pour pouvoir assurer qu’il n’y en ait pas eu; elles peuvent d’ailleurs avoir été oblitérées, comme cela est arrivé habituellement dans le #chorhinus. Quant aux incisives, il est bien certain qu’il n’y en avait pas, car en supposant qu'elles eussent été brisées , j'en aurais facilement distingué les fragmens à leur tissu, à leur couleur et aux por- tions de leur émail. 9° L’orbite est placé au-dessus de la sixième molaire, comme dans le Bicorne de Sumaira; il est placé beau- coup plus avant dans les Unicornes de l’inde et de Java. Ilme paraît que cette position reculée de l'orbite est commune à tous les Bicornes vivans et fossiles, et qu’elle doit tenir à l’allonge- ment plus considérable du crâne; le bord antérieur en étant cassé dans mon crâne, l'orbite paraît dans le dessin plus avancé qu'il ne l'est réellement. 10° Le trou sous-orbitaire offre la même forme et se trouve dans la même position que danse, Bicorne de Sumatra; il est ovalaire, assez étroit et situé sur le bord de l’échancrure nasale, au-dessus de la-troisième molaire : ce trou se trouveau-dessus de la première molaire dans tous les Unicornes, et au-dessus de la deuxième dans le Bicorne du Cap. 11° Le trou auditif est très grand ; il se continue sous la forme d’une large et profonde gouttière qui remonte un peu en arriére de la crête occipitale, et est située un peu au-dessous du niveau de la convexité du bord supérieur de l’arcade zygomatique, ab- solument comme dans l’Unicorne de Java. 1° Vu en dessus, ce crâne, pl. 2, fig. 6, offre beaucoup de res- semblance avec celui du tächorhinus, fig. 8, quant aux con- tours; il est néanmoins beaucoup moins large, et a ses os du nez plus allongés; il s'éloigne entièrement de la forme large et ra- CHRISTOL. = Rhinocéros fossiles. 8r massée de l’'Unicorne de l'Inde et du Bicorne du Cap, et est au contraire étroit et allongé; sa partie cérébrale est néanmoins presque aussi étranglée que dans le premier, mais beaucoup plus prolongée. Comparé au dessus du crâne du Bicorne de Su- matra, fg.2, pl.3, il s'en rapproche plus que d'aucun autre Rhinocéros vivant, mais en diffère encore sous beaucoup de rap- ports: ses os du nez sont plus larges à proportion, leur convexité transversale est plus saillante; le front est plus étroit, et, par suite, l'intervalle des orbites est moindre; les fosses temporales, plus rapprochées, ne laissent entre elles en arrière du front qu'une crête sagittale étroite, et non, comme dans l'espèce de Sumatra, un plan rectangulaire élargi. Cuvier avait déjà parfai- tement signalé tous ces caractères dans le dessin de M. Schleyer- macher. 2° Le front est en forme de losange étiré en arrière; sa largeur est proportionneilement moindre que dans aucune autre espèce, et ne dépasse celle des os du nez que par suite de la saillie anguleuse des apophyses orbitaires ; les granulations qui forment la protubérance de la seconde corne, le couvrent en- tièrement et se prolongent beaucoup en arrière; elles forment des stries convergentes vers le centre du front, où se trouve une empreinte irrégulièrement circulaire et peu profonde. 3° Les os du nez sont larges et très longs; leur extrémité libre est fortement arrondie horizontalement, et ne dévient pointue que parce qu’elle est dépassée en dessous par l'extrémité de larète-mousse qui règne longitudinalement contre la voûte na- sale ; je n’ai pu distinguer cette espèce d’appendice terminal que dans le Picorne de Sumatra. La protubérance de la première corne est beaucoup plus rugueuse et plus saillante que celle de la seconde ; elle se trouve placée à l'extrémité des os du nez qu'elle déborde de chaque côté. Au sommet et au centre de cette protubérance , on voit une fossette assez profonde, d’un pouce dediamètre, d’où part une rainure longitudinale, qui aboutit à l'extrémité libre des os du nez et fend complètement l'espèce d’appendice que j'ai signalé; des bords de la protubérance par- tent, de chaque côté, deux rainures semblables qui convergent vers la fossette, Cette dernière particularité se présente dans le dichorhinus et dans l’'Unicorne des Iudes; quant à la rainure IV. Zoou, = Août, AL 82 CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. longitudinale, qui part de la fossette et va à la pointe des os du nez, elle est fort différente dans le Bicorne du Cap, où elle di- vise le bord antérieur de la protubérance en deux lobes large- ment séparés, et est remplacée par une forte crête, A, dans le tichorhinus , fig. 8, pl. 2. Cette dernière circonstance est signalée par Cuvier; elle est clairement indiquée dans le dessin qu'il donne du dessus du crâne du tichorhinus, et nous verrons qu’elle ne sera pas sans utilité dans la solution d'une question que j'examinerai incessamment. J'ignore comment toutes ces parties sont conformées dans les vieux individus de l'espèce de Sumatra; dans aucun cas, on ne devrait s'étonner de ne pas les trouver dans les jeunes sujets. 4° Les arcades zygomatiques sont relativement peu écartées et non fortement convexes en dehors, comme dans presque tous les Rhinocéros vivans; elles sont, pour ainsi dire, comprimées de dehors en dedans, à-peu-prés comme dans le fichorhinus ; on remarquera que ce caractere est en rapport avec l’étroitesse et l'allongement du crâne, et que, dans les espèces vivantes, les Jvckites zygomatiques sont d'autant plus convexes, d'autant plus écartées en dehors, que le crâne a une forme plus ramassée. Dans sa comparaison du crâne de M. Schleyermacher avec le Bicorne de Sumatra , Cuvier remarque que le premier est moins long à proportion. De mon côté, je trouve aussi que mon crâne, malgré sa forme allongée, est un peu plus haut à proportion que celui de Sumatra, la distance de l’arcade dentaire au plan supé- rieur du front paraît relativement plus considérable que dans l'espèce de Sumatra, en sorte que, vu de profil, le crâne du mésarhinus peut paraître moins allongé que celui-ci; mais, vu en dessus, il n’en est plus de même, il parait au contraire plus long à proportion. D après Cuvier, les arcades zygomatiques du crâne de M. Schleyermacher sont plus écartées, moins allongées, moins hautes que dans le Bicorne de Sumatra ; les arcadeszygomatiques de mon crâne me paraissent, au contraire, plus comprimées de dehors en dedans, plus allongées et aussi hautes que dans l'es- pèce de Sumatra. Une 1Epèe inexactitude dans le dessin de M. Schleyermacher peut très bien rendre raison de cette diffé- CHRISTOL.— Rhinoceros fossiles. 83 rence, qui d’ailleurs ne dépasse pas les limites des différences individuelles, car c’est précisément sur le plus ou le moins d’é- cartement des arcades zygomatiques que portent les différences individuelles les plus sensibles que l’on peut observer sur les crânes des animaux d'une même espèce. D'après Cuvier, l’occiput est moins élevé dans l'incisivus que dans le Bicorne de Sumatra; dans mon crâne, il me paraît qu'il l'est davantage. Du reste, le sommet de l’occiput est encore l’un des points où les différences individuelles sont très sensibles ; elles sont même toujours très fortes lorsqu'on compare cette partie dans des individus d'âge différent; dans les vieux, le sommet de l'occiput sera beaucoup plus élevé, à cause du grand développement de la crête occipitale à peine marquée dans les jeunes individus ; le développement des sinus frontaux, qui dans mon crâne se prolongent jusqu’au sommet de l’occiput, a aussi puissamment concouru à son élévation. J'ai pu observer dans la collection de mon ami, le docteur Pittore , un sommet d’occiput provenant d’un jeune crâne entièrement brisé, mais dont j'ai vu les dents et plusieurs fragmens qui m'ont permis d’en re- connaitre l'espèce , et j'ai vu que la crète occipitale et les sinus frontaux de cet occiput étaient à peine développés. Le crane dont il provient , quoique étant de la même espèce que le mien, devait avoir son occiput moins élevé et de la même hauteur que le crane de M. Schleyermacher. Dimension du cräne de Mécarhinus 8 Distance en ligne droite de la pointe des os du nez au som- D OC GIQUEs. 2.00 0. sets cobiétt 07700. L Id... en suivant les courbures du chanfrein . . . 0,830. Distance de la pointe des os du nez au bord pos- térieur des condyles occipitaux (1) ..«...;.+« 0,760. Id... à la partie inférieure de la crête occipitale. 0,650. Longueur de l’arcade zygoïatique . . : 3, , . « 0,300: (x) Quoique ces derniers manquent dans Je dessin, j'ai pu les mettre en place pour prendre la mesure ci-dessus, diese 6; 84 CURISTOL.— Rhinoceros fossiles. Distance de l’apophyse sur-orbitaire à la crête DRE Lee er R 4, ENCRES Distance de la pointe des os du nez au fond de péchancrore nasale "et LR OR Id... à l'apophyse sur-orbitaire . . . . . ... .. ‘0,390. Hauteur de l’occiput au-dessus du bord inférieur és 'condyles Hécipihaus its 72 2 4... NRA OO: Épaisseur des os du nez prise au milieu de leur Jonrueur ARE CE CSA AL MES ne CS Largeufdés'os du nez,:14.,% AM: 2 NN Plus’#rande largeur du‘front: "CRM. 7. Rome: Distance horizontale du point de la plus grande convexité d’une arcade zygomatique à l’autre. . . . 0,313. Distance entre les extrémités internes des facettes Sénoides des temporanx. 2 2.120080 0 TE on On se rappelle qu'un grand nombre des os des membres trouvés en plusieurs lieux de l'Europe, mais principalement en Italie, étaient rapportés par Cuvier au Æhinocéros lepthorinus. Ces os présentant des dimensions moindres que celles des os du tichorhinus , on était fondé, jusqu’à un certain point, à les rapporter au lepthorinus, qui passait pour moins fort que le tichorhinus. Mais on voit dans l'une des additions placées à la fin du tome 11 des Recherches, que Cuvier annonce qu'après avoir reçu cinq squelettes complets de l'espèce de Sumatra, il s’est convaincu que « les os des membres de cette espèce de Su- « matra sont ceux de tous qui aoprochent le plus de l'espèce « fossile d'Italie (2. leptorhinus) ». On est donc amené à penser que ces os d'Italie, si semblables à ceux du Bicorne de Sumatra, doivent provenir de la même espèce que mon crâne et celui de M. Schleyermacher, si semblables eux-mêmes au crane du Bi- corne de Sumatra. Maintenant que nous savons que le /epto- rhinus n'a point existé, il est bien certain pour nous que ces os d'Italie lui ont été attribués à tort, ainsi que je l'ai annoncé au commencement de ce Mémoire; on peut donc regarder comme infiniment probable -qu'ils proviennent du Rhinocéros Méga- rhinus : nous verrons bientôt que la chose est certaine pour les . mlaires . + = ———————— CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. 85 Les molaires du Bicorne de Sumatra n'ayant été décrites par aucun auteur, je ne pourrai reconnaitre si la même ressem- blance qui existe entre le crâne et les os des membres du RA:- nocéros mégarhinus et les mêmes parties du Bicorne de Suma- tra, se continue jusque dans les molaires de ces deux espèces. C’est une question que pourront facilement éclaircir les natura- listes de la capitale; je ferai en sorte qu'ils puissent trouver dans cet écrit une partie des élémens nécessaires à sa solution. Afin de ne point ajouter à la complication déjà assez grande du sujet que je traite, j'avais évité jusqu’à ce moment d’entrer dans la discussion des caractères spécifiques des molaires de chacune des espèces que nous avons passées en revue. Il eût été, en effet, d'autant plus difficile de discuter plus tôt ces ca- ractères, que les espèces qui étaient censées les représenter n'é- taient pas ellesmêmes suffisamment distinguées, que l’une d'elles devait ne pas être conservée, et que les molaires attri- buées à plusieurs espèces devaient être rapportées à une seule eten partie distraites de l’espèce qui devait être rejetée. Néanmoins, quoique le nombre des grandes espèces connues de Rhinocéros fossiles soit maintenant réduit à deux, les carac- tères de toutes leurs dents seront incomplètement connus, parce que la question se complique non-seulement du nombre de ces espèces connues, mais encore de celles qui peuvent n'être que douteuses , et surtout des six sortes de molaires qui doivent se trouver nécessairement dans chaque espèce. Ainsi, en tenant compte des deux espèces connues, le Rhinocéros tichorhinus et le Xhinocéros mégarhinus, il faut encore songer qu'il y a des dents isolées qui peuvent ne point leur appartenir, et que, parmi celles qui leur appartiennent réellement, il y a, à la mà- choire supérieure, des dents de lait, des dents de remplacement et des arrière-molaires dont les caractères particuliers peuvent être fort différens, et qu’enfin une suite de circonstances pa- reilles se reproduit dans les molaires inférieures, si différentes des premières que les analogies les plus éloignées ne peuvent faire servir la connaissance des caractères spécifiques des unes à la connaissance des caractères spécifiques des autres. Si à ces considérations on ajoute que les molaires d'au moins 86 CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. une petite espèce de Rhinocéros peuvent facilement être prises pour des molaires de lait de l'une ou de l’autre de nos grandes espèces, et réciproquement que des molaires de lait de celles-ci peuvent être prises pour des molaires de remplacement de la petite espèce, on verra qu'il reste encore bien des particularités à connaitre avant de parvenir à distinguer une espèce de Rhi- nocéros au moyen d'une molaire quelconque considérée isolé- ment. Cependant, j'ai lieu d'espérer qu’au moyen de quelques observations que Jj'essaierai d'ajouter à celles bien plus éten- dues qui ont été faites par Cuvier, on pourra, dans le plus grand nombre de cas et avec des dents isolées, arriver à une détermination précise de l'espèce, et qu'on y arrivera toujours lorsqu'on pourra consulter une arriëre-molaire et une molaire antérieure fixées au maxillaire supérieur. Avant d'en venir à l'examen des molaires fossiles, il ne sera peut-être pas inutile de rappeler les caractères des molaires des Rhinocéros vivans, tels qu’ils ont été indiqués par Cuvier. La couronne des molaires supérieures de tous les Rhinocéros, pl. 3, fig. 5, et suivantes, est à-peu-près rectangulaire et à- peu-près aussi large que longue; sa hauteur varie, comme dans tous les herbivores, suivant que la dent est plus ou moins usée. La face triturante offre une réunion de fossettes et de lobes plus ou moins tronqués à leur sommet, selon qu’on les consi- dère à des degrés plus ou moins avancés d’usure. Ces lobes et ces fossettes paraissent au premier abord fort irréguliers et assez confusément distribués sur la couronne; il ne fallait, en effet, rien moins que le génie observateur de Cuvier et ses profondes connaissances dans tous les caractères des autres genres, pour opérer la division, non arbitraire mais philosophique, de toutes ces parties en élémens distincts que l’on püt suivre, au milieu de toutes leurs transformations , jusque dans ceux des autres genres dont Cuvier a signalé les rapports avec celui des Rhi- nocéros. Quelque attrayant que soit ce sujet, je n’ai point à le dévelop- per ici; en faisant connaître plus tard un genre remarquable de mammifère terrestre que j'ai découvert depuis assez long-temps, j'aurai occasion de confirmer et d'étendre ce que Cuvier nous CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. 87 a appris sur ce sujet important; pour le moment , il me suffira de rappeler que la division des diverses parties des molaires de Rhinocéros établie par Cuvier n'est point arbitraire ou simple- ment graphique, mais quelle est éminemment philosophique, et fondée de la manière la plus satisfaisante sur la nature intime des choses; elle est l’un des points Les plus remarquables de la science des rapports dans les êtres organisés. On peut se borner à considérer dans les molaires de Rhino céros, fig. 3, pl. 3, etc., les élémens suivans : | 1° Une colline externe, A. B., dirigée dans le sens de la lon- gueur de la dent; 2° deux collines internes, A.C, et B.D., pla- cées parallèlement, en travers de la dent : la première colline s'appelle aussi longitudinale, les deux autres transversales ; l'une de celles-ci est antérieure, l’autre postérieure; 3° un cro- chet, T, qui, partant du milieu de la colline transversale pos- térieure , se dirige vers la colline antérieure, traversant ainsi le vallon, V, qui sépare les deux collines transversales. Dans cer- taines espèces, pl. 3, fig. à et 15,ce crochet, T.,se joint à la colline transversale antérieure, A.C.; dans d'autres espèces, fig. 3,16 et 8, il ne s’y joint pas et s'arrête au milieu du vallon; 4° enfin, au bord postérieur de la dent est une forte échancrure, L., pratiquée sur le flanc de la colline transversale postérieure. Lorsque la dent est suffisamment entamée par la détrition, l'échancrure postérieure, E., se change en une fossette, ainsi que le vallon, V., ce qui forme alors deux fossettes sur la cou- ronne, comme on peut le voir dans les fig. 5, pl. 2 et fig. 6 et 7, pl. 3, dans lesquelles le nombre et la place des fossettes sont indiqués par des chiffres. Mais dans les espèces vivantes ou fossiles, fig. 15 et 5, pl.3, dans lesquelles le crochet, T., de la colline postérieure se joint à la colline antérieure , le vallon, V., se trouve partagé et forme deux fossettes séparées , lesquelles, ajoutées à celle de l'échan- crure postérieure, portent le nombre des fossettes à trois. Ainsi, il y a des molaires à trois ou à deux fossettes , selon que le crochet de la colline transversale postérieure se joint ou ne se joint pas à la colline antérieure. La série complète des molaires est de sept dans tous les Rhi= 88 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. nocéros , Mais la première tombe dès le jeune âge ; celle-ci et Ia dernière offrent des formes assez différentes des autres. Comme leur examen ne nous conduirait à aucun caractère spécifique, nous n’en ferons pas mention. En comparant entre elles les molaires des espèces vivantes , on reconnait que, dans l'Unicorne de Java, fig. 7, pl. 3, ikn'y a jamais que deux fossettes sur la couronne, tandis qu'il yenatrois dans l’Unicorne des Indes, fig. 15, pl. 3. Ce que j'ai exposé pré- cédemment explique comment s'effectue cette différence. Dans le Bicorne du Cap, fig. 8, pl. 3,il n’y a non plus que deux fossettes sur la couronne; mais dans ses molaires de lait, fig. 9, le cro- chet de la colline postérieure se joignant à la colline antérieure, il se forme trois fossettes sur la couronne, quand la dent est suffisamment usée. D'autres différences, dont on sentira incessamment l'impor- tance, se font remarquer encore dans les molaires adultes de cette dernière espèce, fig. 8: 1° Dans les molaires de rempla- cement, A., le crochet de la colline postérieure est bifurqué ; cette bifurcation se montre aussi, mais moins constamment et à un moindre degré, dans les arrière-molaires, B. 2° Une crête verticale, placée dans le vallon, part de l'angle antérieur ex- terne de la couronue et se dirige vers la pointe libre du crochet; cctte crête existe encore, mais beaucoup moins forte, dans les arriére-molaires. 3° Un bourrelet saillant règne à la base des deuxième, troisième et quatrième molaires; ce bourrelet n’existe pas dans les arrière-molaires : Cuvier, comme nous l'avons déjà vu, en signalant les molaires fossiles d'Avaray, a insisté sur ce dernier caractère. J'ignore entièrement quels sont les caractères spécifiques des molaires de la grande race du Rhinocéros de Sumatra; tout ce que j'en sais, c’est qu'elles n’ont point de bourrelet à la base de leur bord interne. En examinant les molaires de Rhinocéros fossile qu'il avait à sa disposition, ainsi que les figures qui en avaient été publiées par divers auteurs, Cuvier reconnut qu'il s’en trouvait de deux sortes, les unes à trois fossettes, comme les molaires de l'Uni- CHRISTOL. — Rhinoceros fossiles. 89 , corne de l'Inde, les autres à deux fossettes, comme les molaires de l’Unicorne de:Java. On peut voir, fig. 5,pl 3, une molaire à érois fossettes : C’est celle de la fig. 4, pl. xux du tome 11 des Recherches, et, fig. 3, pl.2 et fig. 6, pl. 3, plusieurs molaires à deux fossettes. Les sixième et septième de la fig. 3, pl. 2, sont entièrement semblables à celle de la fig. 5, pl. xux du tome n1 des Recherches. Mais ces différences légères indiquent-elles des espèces diffé- rentes ? C’est là une question que Cuvier n’entreprend pas de résoudre d’une manière complète; quelques circonstances le font pencher pour l'affirmative; d’autres le portent vers la négative. « Ce qui est bien certain, observe-t-il, c’est que l'espèce à na- « rines cloisonnées a des molaires à fossettes (1). On les voit « très bien aux figures de Pallas ( Vov. Com. xvir, pl. xvr, « fig. 1), et l’on aperçoit que les antérieures vont se cerner au « crâne dont l’Académie de Pétersbourg m’a envoyé le dessin, « et que j'ai fait graver pl. 2, fig. 1, ainsi qu’au crâne dessiné « par Mie Morland, ibid., pl. 1, fig. 4. « Mais j'ai le regret de n'avoir point examiné de près les mo- « laires du Zeptorhinus, en sorte que j'ignore si elles présentent « des caractères analogues à ceux qui distinguent les molaires « des espèces vivantes. C’est une recherche que les naturalistes « italiens ne manqueront pas sans doute de faire, et qui don- « nera peut-être les moyens de se diriger dans le discernement des dents que l’on trouve isolées. » Maintenant que l’on sait que le Zeptorhinus n'existe pas, il & (x) Il n’est pas douteux qu’en observant que le tichorkinus a des molaires à fosseltes, Cu- ier n’ait voulu dire des molaires à trois fossetles; on peut s’en convaincre en consultant dans son ouvrage les diverses remarques qui précèdent le passage cité. Cependant, je dois dire qu’on Ytrouvera une manière de compter les fossettes différente, quant aux termes, de celle que j'ai cru devoir adopter, mais la même quant au fond. Ainsi, Cuvier désigne, comme moi, pour pre= mière fossette, celle qui résulte de l’échancrure du bord postérieur de la couronne; pour se— conde, celle qui résulte de la portion du vallon cerné par le crochet de la colline supérieure, mais ne donne pas le nom de fossette au reste du vallon; cependant, comme cette por- tion du vallon est susceptible de se transformer en fossette, quoique plus tard à la vérité que l'autre portion, je n'ai pas vu d’inconvénient à lui donner le nom de troisième fossette : il m'a paru plus simple de dire molaire à trois Jossettes, que molaire à deux fosseltes etune portion de vallon. 90 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. ne peut plus être question de rechercher les caractères de ses molaires ; mais on n’en a pas moins à rechercher de quelle es- pèce peuvent provenir les molaires à deux fossettes signalées par Cuvier, et même par Merk et par Faujas, car ces deux ob- servateurs ont, en effet, distingué ces deux sortes de dents, mais en attribuant à tort les unes au Bicorne du Cap, les autres à l’'Unicorne de l'Inde, espèces que Faujas assimilait complète- ment à leurs congénères perdus. Un assez grand nombre de molaires de Rhinocéros fossiles, que j'ai pu observer les unes isolées, d’autres encore en place sur le crâne, me permettent d'indiquer l'origine de celles qui n'ont que deux fossettes. La figure 3, pl. 2, offre les six molaires du côté gauche de mon crane de mégarhinus ; les arrière-molaires, cinquième, sixième et septième, ont évidemment le crochet, T, de leur colline posté- rieure séparé de leur colline antérieure, ressemblant entière- ment en cela aux molaires de l’unicorne de Java et à celles du bicorne du Cap. Elles sont très usées et ne présentent que: deux fossettes , la première provenant de l’échancrure postérieure, la seconde provenant du vallon qui n'est pas encore cerné. Les molaires de remplacement, deuxième, troisième et quatrième de la série, offrent leur vallon fortement cerné, et n’ont non plus que deux fossettes ; on y reconnaît, à une légère inflexion du bord postérieur de la fossette antérieure, le vestige du cro- chet, T, qui a été usé jusqu’à sa base. Mais ce qu'il est important d'observer, c’est que le bord in- terne de ces deuxième, troisième et quatrième molaires offre un large bourrelet saillant, A, que lon ne voit que dans les deuxième, troisième et quatrième molaires du Bicorne du Cap. Cuvier avait déjà remarqué, dans le dépôt d’Avaray, ces mo- laires > bourrelet sur le bord interne de la couronne, et les rap- portait à l'éncisivus. On voit qu’elles proviennent effectivement de la même espèce que le crâne de M. Schleyermacher ; mais on ne peut trouver en cela une preuve que cette espèce a été telle que la supposait Cuvier, c’est-à-dire munie d'incisives; car, in- dépendamment de ce que j'ai pu dire sur Zncisivus , il ne faut point oublier que Cuvier avait observé que ces molaires à bour- | CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. 91 relet ne se voient dans aucun Rhinocéros vivant muni d’inci- sives, mais uniquement dans le Bicorne du Cap, qui n’a point d'incisives. Les six molaires du côté droit de mon cräne de mnégarhinus sont identiquement semblables à celles de la fig. 3, pl.2, ce qui ne me permet pas de douter que les formes de toutes ces dents ne soient constantes, et qu’on ne puisse, dès à présent, les consi- dérer comme l'expression des caractères propres à toute l'espèce. Que si l'on en doutait, j'aurais encore à produire d’autres molaires entièrement semblables à celles que je viens de faire connaître, et qui proviennent d’un second crâne de mégarhinus sur lequel je les ai vu fixées. La fig. 6, pl. 3, représente l’une des molaires de ce second crâne _ de mégarhinus : c’est la cinquième du côté gauche ; la sixième, dont je ne donne pas de dessin , est entièrement pareille à celle- là ; les autres molaires de ce crâne sont brisées. Dans ces deux molaires, le crochet, T, de la colline postérieure ne joignant pas la colline antérieure, il n’y a, comme dans mes molaires de la fig. 3, pl. 2, que deux fossettes sur la couronne, l'une résultant de l'échancrure postérieure , l'autre résultant du vallon. Enfin je donne, fig.11,pl.3,une deuxième molaire du côté droit de ce second crâne de r7égarhinus ; elle est absolument semblable aux molaires de remplacement de la fig. 3, pl. 2. On y voit les deux fossettes, et sur le bord interne, au point A, le bourrelet qui n’a pas été rendu paf le dessinateur. Ge dessin n’est point entièrement exact; cependant, comme on y reconnaît le nombre des fossettes , et que d’ailleurs je l'ai emprunté à un mémoire publié par M. de Serres, j'ai dû n’y rien changer. Ce dont on peut être assuré, c’est qu'ayant vu la dent fixée au crâne, je me suis complètement assuré de Pidentité de ses caractères avec ceux de mes molaires antérieures, fig. 3, pl. 2, et surtout de Vexistence du bourrelet; c’est même la première chose qui m'a frappé lorsque j'ai jeté les yeux sur cette dent. Ces molaires, comme on le voit, ne diffèrenten rien de celles de mon crâne, et se rapprochent par conséquent, comme ces dernières, des molaires du Bicorne du Cap; elles sont, au con- traire, fort différentes de celles du tichorhinus et de celles de l'U- 92 CITRISTOL.— Rhinoceros fossiles. nicorne de l'Inde; elles diffèrent encore de celles de l’Unicorne de Java, par l'existence du bourrelet dans les antérieures. J'ai donné la description du crâne qui porte la série des mo- laires à deux fossettes de la fig. 3, pl. 2, en sorte qu’on est fixé sur l'espèce dont l’une et l'autre proviennent; en donnant comme preuve de la constance des caractères des molaires du m#égarhi- nus, ceux des autres molaires que je viens de décrire, je dois montrer encore que celles-ci proviennent réellement d’un crâne de mnégarhinus; c’est ce que je ferai, lorsque j'aurai entièrement exposé ce que mes observations ont pu me faire connaitre touchant les divers états que présentent les molaires du mé- garhinus. Ces divers états offrent des différences qu'il est assez difficile de ramener à un type primitif, car, ainsi que l’observe Cuvier, pour bien connaître les dents des herbivores, il ne suffit pas de les voir, comme celles des carnassiers, à une seule époque de la vie; comme ces dents s’usent continuellement, la figure de leur couronne change aussi continuellement, et le naturaliste doit les suivre depuis l'instant où elles perdent la gencive jusqu’à celui où elles tombent de la bouche. N'ayant pusuivre sur des crânes de mégarhinus tous les chan- gemens que la détrition a pu produire dans la figure de la cou- ronne de leurs molaires, je ne pourrai indiquer ces chaänge- mens qu'au moyen de molaires isolées ; aussi les résultats aux- quels je pourrai parvenir n’auront-ils pas le même degré de cer- titude que ceux que j'ai déjà annoncés. Nous avons vu que dans les trois arrière-molaires du 72éga- rhinus, fig. 3, pl. 2, le crochet dela colline postérieure ne joignait pas la colline antérieure; que la même particularité avait lieu dans les molaires de remplacement, mais que, dans celles-ci, il y avait, de plus qu'aux autres, un large bourrelet appliqué contre le bord interne de la couronne. Or, nous retrouvons tout cela dans les molaires du Bicorne du Cap, mais de plus on observe, dans ces dernières, que le crochet des molaires de remplacement est bifurqué à son extré- mité libre, etqu’en outre, une crête verticale, partant de l'angle antérieur externe de la couronne,sedirige vers l'issue du vallon. EE / CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. 93 La molaire, À, du bicorne du Cap, fig. 8, pl. 3, présente tous ces caractères. Si cette dent était usée jusqu'au degré où le sont celles de la fig. 3, pl. 2,on n'y retrouverait certainement ni la bifurcation du crochet, ni la crête verticale qui part de l'angle antérieur externe de la couronne; ce qui me porte à penser que, si les dents de la fig 3 étaient moins usées qu'elles ne le sont, on pourrait y retrouver et le crochet bifurqué et la crête ver- ticale des molaires du bicorne du Cap, de même qu’on y a déjà trouvé et la non-jonction du crochet et le bourrelet du bord interne de la couronne. Or, la fig. 10, pl.3, présente une molaire, la quatrième du côté droit, qui remplit toutes ces conditions : elle a r° comme dans le Bicorne du Cap et le mégarhinus , un bourrelet, A, sur le bord interne de la couronne; 2° comme dans le Bicorne du Cap et le mégarhinus, un crochet, T, qui ne joint pas la colline anté- rieure, et enfin la bifurcation du crochet et la crête verticale du Bicorne du Cap. N’est-il pas très probable que cette dent provient du méga- rhinus et qu’elle ne diffère de celles de la fig. 3, pl. 2, que par un moindre degré d'usure ? Je ne balance pas à me prononcer pour laffirmative, car puisque le r2égarhinus a les deux caractères spécifiques du Bi- corne du Cap, c’est-à-dire la non-jonction du crochet et le bourrelet du bord interne de la couronne, les analogies les plus simples doivent porter à croire qu'il a aussi les deux au- tres caractères du Bicorne du Cap, c’est-à-dire la bifurcation du crochet et la crête verticale de l'angle antérieur externe. Cette conjecture prend un caractère de démonstration, lors- qu'on trouve des molaires qui, comme celle de la figure 10, pl. 5, avec la non-jonction du crochet et le bourrelet du bord in- terne, présentent encore la bifurcation, T, du crochet et la crête verticale, R, de l’angle antérieur externe de la couronne. On peut opposer cette molaire, bord contre bord, à la mo- laire, À, de la fig. 8, pl. 3, et on retrouvera dans toutes deux les mêmes parties. J'ai vu plusieurs molaires pareilles à celle de la fig. 10, qui se 94 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. trouve dans ma collection, et j'en ai même vu dont les collines ne sont point entamées; en sorte que je ne doute pas que la forme n’en soit constante. Ce sont là les molaires que Cuvier attribuait au /eptorhi- nus, et bien qu'il n’en ait pas donné de figure, il est impos- sible de ne pas les reconnaître à la description très exacte qu'il en donne. En effet, dans une addition relative à de nouvelles découver- tes d'os de Leptorhinus et placée à la fin du Tom. 11, il annonce que M. Pentland à rapporté de Toscane, « des dents dont la « colline postérieure, au lieu d'un seul crochet, en donne plu- « sieurs petits en avant; ce qui fait paraître cette colline dente- « lée vers sa base quand ellc commence à s’user. » Tout cela se retrouve exactement dans toutes nos molaires pareilles à celle de la fig. 10, pl. 5. Ces dentelures de la colline postérieure ne sont autre chose que la bifurcation du crochet, ainsi que le remarque Cuvier, et elles varient de figure suivant qu’on les observe dans des dents usées à des degrés diflérens; si, pour les représenter, j'ai choisi une dent moins usée que plusieurs de celles que j'ai observées, c'est afin de montrer que ces dentelures résultent de la bifur- cation du crochet, et qu'ainsi toutes ces molaires à colline pos- térieure dentelée sont des molaires à crochet bifide, semblables à celles du Bicorne du Cap. Je dois, néanmoins, observer qu'in- dépendamment des deux branches principales du crochet, on trouve souvent une petite crête placée sur les côtés du crochet, de manière que celui-ci paraît alors trifurqué ; dans ce cas, les dentelures de la colline usée sont plus nombreuses. Les arrière-molaires ne présentent point de bifurcation à leur crochet, en sorte que leur colline usée ne peut paraître dente- lée; mais on y reconnaît la crête qui part de l'angle antérieur externe, Cette crête est représentée dans la fig. 6, pl. 3, que j'ai aussi tirée du mémoire de M. de Serres. Nous pouvons donc dès à présent établir, d’après des molai- res trouvées sur deux crânes et d’après plusieurs molaires iso- les, les caractères particuliers des molaires de mégarhinus ; nous pourrons même reconnaître tous les changemens que la CHRISTOL,— Rhinocéros fossiles. 95 détrition peut opérer sur la figure de la couronne; car nous avons vu celle-ci très usée sur un premier crâne, moins usée sur un second, et enfin à un degré d'usure si peu avancé, dans des molaires isolées, qu'on peut facilement conclure de celui-ci tous les autres degrés qui l’ont précédé. 3° Ces molaires n’ont habituellement que deux fossettes sur la couronne. 2° Le crochet de leur colline postérieure ne se joint jamais à l’antérieure. 3° Ce crochet est bifurqué ou trifur- qué dans les molaires de remplacement, et simple dans les ar- rière-molaires, 4° Une crête verticale part de l'angle antérieur externe de la couronne et se dirige vers l’issue du vallon. 5° Un large bourrelet est appliqué contre le bord interne des molaires de remplacement. De l'indication de ces caractères découlent nécessairement toutes les modifications qui peuvent résulter des divers degrés d'usure de {a couronne, aussi n’ai-je pas dù signaler comme Caractère les dentelures qui, à une certaine époque, apparaissent sur le bord antérieur de la colline postérieure ; pour le même motif, je n’ai pas du mettre au nombre de leurs caractères la ressemblance de ces dents avec celles du Bicorne du Cap, celle- ci se déduit de leur description. Si réellement, comme l’annonce Cuvier, et cemmeon doit être porté à le croire, les molaires du Tichorkinus ont pour carac- tère la jonction de leur crochet à la colline antérieure, il sera maintenant assez facile, dans la plupart des cas, de reconnaître de quelle espèce de Rhinocéros proviennent les molaires isolées qu'on pourra découvrir; mais je ne puis m'empêcher de parta- ger encore les doutes exprimés par Cuvier à cet égard. En effet, de toutes les molaires que j'ai vues ou dont j'ai pu consulter les dessins, soit dans Cuvier, soit dans divers auteurs, ilnen est qu'une seule dans laquelle j'aie pu m’assurer de la jonction du crochet à la colline antérieure, c’est celle de la fig. 5, pl 5, tirée du Tom. n des Recherches. J'ai vu sans doute un assez grand nombre de dents et de des- sins de dents dans lesquels on reconnait évidemment trois fos- setles, mais ces trois fosseltes n’y sont point le résultat de la Téunion du crochet à la colline antérieure, et c’est là une diffé« 96 CHRISTOL..— Rhinocéros fossiles. rence sur laquelle j'insiste d'autant plus volontiers qu’elle a déjà été admise par Cuvier, sans toutefois qu'il lui ait accordé la géné- ralité que je suis porté à lui supposer. Il observe, en effet, que dans une molaire, fig. 9, pl. xur du tom. II des Recherches, et que je reproduis, fig. 13, pl. 3, on re- marque « cela de très particulier, que le crochet de la colline pos- « térieure s'y contourne et va joindre le bord externe, en sorte « que le trou antérieur a dû y être distinct du vallon dès la pre- « mière détrition de la dent. « En outre, la colline antérieure est elle-même creusée d’une « fossette peu profonde ; l'échancrure postérieure est très grande « et ne doit se changer que tard en fossette à cause du peu d'é- « lévation du bord. » Il pense que ce peut être là une quatrième dent de lait. En examinant attentivement toutes les figures à trois fosset- tes publiées par Cuvier, on voit que toutes, une seule excepté, présentent la même ue de la réunion du crochet au bord externe, en sorte qu'on en est à se demander comment il se fait que, si dans le #chorhinus le crochet de la colline postérieure se joint à l'antérieure, il ne se soit trouvé qu'une seule molaire de cette espèce parmi les autres figures de l’ou- vrage de Cuvier. Afin de présenter d'une manière plus claire les termes de la question, je donne, fig. 14, pl. 3, le dessin d’une molaire qui m'a été communiquée par le professeur Buckland, et qui, étant entamée, permettra d’en discerner les parties et de les comparer aux par- ties correspondantes des autres molaires, plus facilement qu'on n'aurait pu le faire dans celle de Cuvier, fig. 13. Quelque différente que puisse paraître au premier abord la physionomie de ces deux dents, il n’en est pas moins vrai qu'el- les sont identiques; le nombre et la disposition des élémens anatomiques sont les mêmes dans chacune d'elles. L'une est du côté gauche et n’est point entamée; l'autre est du côté droit, et. est entamée : c’est en cela seulement qu'elles diffèrent. Dans celle de la fig. 14, on reconnait parfaitement que le cro-: chet, T, de la colline postérieure, B. D, se contourne ét joint la CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. 97 colline externe, À. B, et non la colline antérieure, A. C, comme cela a lieu dans la fig. 5, pl. 3. Il y a, dans l’une et l’autre de ces deux dernières dents, trois fossettes; mais la réunion du crochet s’y fait d’une manière es- sentiellement différente. Lorsque l’on considère l'importance que des modifications très légères en apparence peuvent avoir dans la distinction des caractères des molaires propres à une espèce, et qu’on se rap- pelle que les molaires de plusieurs genres, celles des divers genres de Ruminans, par exemple, ne sont même distinguées que par des modifications de cette nature, on ne pourra s’em- pêcher d'accorder quelque valeur à la modification que je si- gnale, et qui n’en a pas moins été signalée par Cuvier, bien qu'elle lui ait échappé, à ce qu’il me paraît, en plusieurs autres circonstances. Lorsque le crochet de la colline postérieure se joint à la col- line antérieure, cette jonction se fait directement .et sans l’in- termédiaire d'aucun élément anatomique; lors, au contraire, qu’il se joint à la colline externe, c’est par l'intermédiaire de la crête verticale de l’angle antérieur externe de la couronne. Cette crête verticale de l'angle antérieur de la couronne existe- t-elle dans les molaires du Æchorhinus, et dans le cas où elle s'y trouve, est-elle invariablement fixée à la même place ? Ce sont 1 des questions que l’on est étonné d’avoir encore à se faire, quand on songe à la quantité de dents de Rhinocéros qui se découvrent journellement dans toutes les parties de l'Europe ; leur solution jetterait cependant beaucoup de jour sur toute cette matière. Les distinctions que je viens d'établir, entre les deux modes de jonction du crochet de la colline postérieure aux autres col- lines, m'ont été suggérées par des modifications accidentelles que j'ai reconnues dans des molaires de mégarhinus ; et qui, mal interprétées, ne conduiraient à rien moins qu’à faire rapporter au tichorhinus des molaires de mégarhinus. En examinant des molaires de mégarhinus évidemment pour- vues des caractères propres à cette espèce, je me suis apercu que l'extrémité du crochet de la colline postérieure se rapprochait IV. Zoor. — 1-2: - 98 CHRISTOL — Rhinoceros fossiles. quelquefois beaucoup de la crête verticale de l’angle antérieur externe de la couronne; que d’autres fois ce crochet touchait la crête, sans néanmoins s’y souder, et que, dans d’autres circon- stances, la crête et le crochet ctaient entièrement réunis sans trace de séparation, en sorte qu'alors le crochet se trouvait joint à la colline externe, cernait une portion du vallon, et formait ainsi une troisième fossette. Les fig. 10 etr2,pl.3,rendent sensihles ces dispositions. La mo- laire de la fig. 12, dans laquelle le crochet et la crête sontintime- ment réunis, est une 2° gauche de remplacement; comparée à la 2° molaire denégarhinus de la fig. 3, pl. 2, elle en reproduittousles détails et a les mêmes dimensions. En appliquant l'une sur l’au- tre, je me suis assuré de la coïncidence de toutes les sinuosités de leurs bords. On voit encore au point F, sur la s° molaire de la fig. 3, le reste de l'échancrure qui correspond àcelle du bord antérieur de la fig. 12, indiquée aussi par la même lettre. Cette dernière représente donc à-la-fois et la circonstance accidentelle de la réunion du crochet à-la-crête de l'angle anté- rieur externe de la couronne; et le degré le moins avancé d’u- sure des molaires de remplacement; c'est à M. Marcel de Serres que je la dois : elle a été trouvée avec une autre toute pareille, aussi peu entamée et qui provient probablement du même in- dividu. Dans cette dernière le crochet ne touche point la crête, mais en est si rapproché qne je n’ai pu faire passer entre eux la pointe trés aiguë d’un compas. On voit, d’après ce qui précède, que le mégarhinus peut avoir accidentellement des molaires à trois fossettes, sans que pour cela il y ait jonction du crochet à la colline antérieure; aussi ai-je eusoin de tenir compte de cette circonstance dans l'énoncé des caractères de ses molaires. Il ne faudrait pas conclure de ces observations que la molaire de Cuvier ne soit point une dent de lait; je suis, au contraire, porté à croire que c’est une molaire de lait de mégarhinus, et voici pourquoi : Nous avons vu que tous les caractères de nos molaires adultes de mégarhinus coincidaient complètement, un à un, avec les caractères des molaires adultes du Bicorne du Cap; cette cir- CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. 99 constance doit nous permettre de penser qu'il peut en être en- core ainsi pour les molaires de lait de ces deux espèces. Or, les molaires du lait du bicorne du Cap, fig. c, pl. 8, sont plus longues que larges, n’ont plus de bourrelet à la base, et la jonction du crochet s’y fait à la colline externe. N’est-il pas très probable dès-lors que la molaire de Cuvier, qui ressemble si fort aux molaires de lait du Bicorne du Cap, est réellement une molaire de lait du Mégarhinus ? A l'inverse, il ne faudrait pas non plus conclure que la molaire; fig. 12, pl. 3, est une molaire de lait parce qu’elle a son erochet joint à la colline externe; lorsqu'on la retourne, on voit que sa base est plus large que longue; que ce qui reste de ses racines ne présente pas ces apparences de carie que M. Frédéric Cu- vier signale dans les molaires de lait, et que j'ai eu occasion de vérifier sur des centaines de dents d'animaux de divers genres. Ce que j'ai dit des divers degrés du rapprochement de l'extrémité du crochet et de la crête dans deux dents, qui proviennent pro- bablement du même individu, est une raison non moins fondée de la considérer comme une molaire de remplacement, car on trouve en cela la preuve que la jonction du crochet à la colline externe est accidentelle etnon point normale, comme tout porte à croire qu'elle l'est dans les molaires de lait. Enfin la présence du bourrelet du bord interne montre encore que c’est une mo- laire de remplacement. Dire de quelle espèce proviennent les molaires à trois fosset- tes, par suite de la réunion du crochet à la colline externe, dont divers auteurs donnent des dessins, c’est là une tâche qu'on ne pourrait remplir convenablement qu'après avoir consulté les objets eux-mêmes ; Mais, en général il m'a paru que ces dents pouvaient être des deute de lait; je n’ai vu de bourrelet bien ap- parent sur aucune. On trouve encore à Montpellier, dans les couches sableuses qui renferment les restes du Xhinocéros mégarhinus, d'autres molaires qui ne différent de celles que j'ai précédemment fait connaître que par l'absence du bourrelet. M. Marcel de Serres possède une série presque complète de ges dents, et quoiqu’on ne les voie adhérentes à aucune portion Ta 100 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. de maxillaire, je ne doute pas qu’elles ne proviennent toutes da même individu. Elles ne sont point usées au même degré, mais leur usure va en diminuant graduellement du commencement à la fin de la série, comme cela doit être dans les molaires pro- venant d’un même individu. Chaque dent porte sur l'émail de ses bords antérieur et postérieur l'empreinte correspondante aux saillies des bords de la dent qui la précède et de celle qui la suit, en sorte qu’en rapprochant ces dents on voit qu’elles s’ar- ticulent, en quelque sorte, les unes avec les autres. Elles ont été trouvées toutes à-la-fois dans le même endroit, et tout me porte à croire que les ouvriers qui les ont trouvées ont brisé le maxil- lire auquel elles étaient fixées. M. Marcel de Serres ayant bien voulu les mettre à ma dispo- sition, j'y ai reconnu les troisième, quatrième, cinquième et sixième du côté droit, les quatrième et septième du côté gauche. J'aireprésenté, fig. 3 et 4, pl. 3, les sixième et quatrième du côté droit; ces deux-là suffisent pour donner une idée complète de la série, puisque l’une est une arrière-molaire et l’autre une molaire de remplacement. L’arrière-molaire, fig. 3, pl. 3, ne diffère en rien des arrière-mo- laires de rnégarhinus qne nons connaissons déjà; son crochet est simple et séparé de la colline antérieure comme dans la molaire, fig. 6, pl.3. Ainsi que dans cette dernière, on y distingue la crête verticale, R, qui part de l'angle antérieur externe de la couronne. © Les molaires de remplacement, dont la figure 4, pl. 3, repré- sente la quatrième, se distinguent de nos autres molaires de rem- placement par l'absence du bourrelet du bord interne, mais on y voit toujours la bifurcation du crochet, T, et la crête verticale, R, de l’angle antérieur externe de la couronne. On reconnaît dans le crochet de cette molaireune disposition à se trifurquer et les trois branches en sont distinctes dans les deux autres molaires de remplacement, eu sorte que leur colline postérieure a son bord antérieur dentelé. Sur ces deux autres molaires de remplacement on ne voit pas plus que dans celle-là de vestige du bourrelet, et cependant ‘cette différence avec nos autres molaires ne tient évidemment CHRISTOL.— Rhinocéros fossiles. IOI pas à ce que le bord anguleux du bourrelet aurait été usé dans les unes et non dans les autres; car, d’un côté, l'absence du bour- relet se montre indifféremment sur des molaires à peine enta- mées, tandis que, de l’autre, on voit parfaitement le bourrelet sur des molaires tellement usées que la couronne ne montre plus ni collines ni fossettes. Ces différences annoncent-elles deux espèces ? Si le bourrelet des molaires de remplacement du bicorne du Cap se montrait sans exception et à un même degré de dévelop- pement dans tous les individus de lespèce, nul doute que nos molaires sans bourrelet ne dussent être attribuées à une espèce différente de celle d’où proviennent les molaires à bourrelet. C'est là une question que pourront sans doute éclaircir les na- turalistes placés auprès des grandes collections. Quant à moi, je dois me borner à signaler quelques circon- stances qui me paraissent être en faveur de l'hypothèse dans laquelle l'absence du bourrelet ne tiendrait qu’à une différence individuelle : il m'a paru que ce bourrelet variait d’abord dans le degré de son développement et même dans sa position dans le Bicorne du Cap, et qu'il variait encore, quant à sa position, dans l'espèce fossile, au point que dans quelque cas ilse mon- tre même dans les arrière-molaires ; ainsi je vois ce bourre- let dans une septième molaire figurée par Cuvier et dans une cinquième ou sixième figurée par le professeur Buckland, dans son grand ouvrage (Reliquiæ Diluwianæ) qu'il a bien voulu m'adresser. Sans admettre deux espèces, on peut encore croire que, de même qu'il y a deux races distinctes dans l'espèce du Bicorne de Sumatra, de même il y a deux races dans l'espèce de mé- garhinus. La supposition que ces molaires sans bourrelet pourraient être des molaires de lait ne saurait être admise, puisqu'elles ne sont pas sensiblement plus usées que leurs arrière-molaires et qu'elles sont beaucoup plus larges que longues ; j'avais cepen- dant émis cette opinion dans un précédent écrit (1), c'est là (1) Mémoire sur Ja comparaison de l’ancienne population de mammifères des bassins de Pézenas et de Montpellier, 1832. ( Ce mémoire paraitra dans un de nos prochains numéros. R.) 102 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. une erreur que j'ai dù relever dès que l’occasion de le faires’est présentée. | J'aurais encore bien des observations à présenter sur ce su- jet, mais le défaut de moyens de comparaison effective doit m'engager à attendre que des circonstances plus favorables aient entièrement dissipé les doutes que j'ai pu concevoir sur leur exactitude. ME J'ai précédemment annoncé que le second crâne dont j'avais examiné les molaires provenait du rnégarhinus; je suis d'autant plus dans l'obligation d'en offrir les preuves, qu'indépendam- ment de ce qu'on doit y trouver une confirmation de la con- stance des caractères des molaires du r2égarhinus, ce second crâne a été déjà décrit par M. Marcel de Serres qui en a fait une espèce particulière rejetée par Cuvier, et que Cuvier, de son côté, l’a rapporté à l'espèce à narines cloisonnées , au Rhinocéros ächorhinus. Ce crâne de Rhinocéros appartient à M. l'Évêque de Mont- pellier. M. Marcel de Serres en a donné la description et le pro- fil dans un Mémoire publié, au mois de juin 1810, dans le Jour- nal de physique, et Cuvier en a donné le profil et une courte description, dans le tome 1v des Recherches. M. Marcel de Serres ayant admis la rectification faite par Cu- vier et ayant en conséquence indiqué depuis lors espèce de Rhinocéros à narines cloisonnées parmi les animaux fossiles des terrains marins supérieurs de Montpellier, j'espérais que le crane en question pourrait me donner les moyens de m’assurer par moimême des caractères des molaires du #ichorhinus, mais en voyant ce crâne, jai reconnu aussitôt qu'il provenait de la même espèce que le mien, c’est-à-dire du mégarhinus. Malgré cela, j’ai dû y chercher encore les deux caractères principaux du tichorhinus, c’est-à-dire, dansles molaires, la jonc- tion du crochet de la colline postérieure à la colline antérieure; dans le crâne, la réunion des os du nez aux os incisifs, Ni l'un ni l'autre de ces caractères ne sy trouvent, CHRISTOL, — Rhinocéros fossiles. 103 M. Marcel de Serres les y a bien indiqués, mais je ne doute pas qu’un nouvel examen de ce crâne ne lui fit adopter ma manière dewoir, car il ne s’agit point d’une interprétation des faits, mais bien de faits évidens et faciles à constater. Les os du rez sont séparés des os incisifs de toute la largeur de l'échancrure nasale; dans les molaires, le crochet de la col- line postérieure est séparé de la colline antérieure. Ge crâne étant sous un châssis vitré qu’il ne na pas été pos- sible d'enlever, et se trouvant placé sur une table adossée au mur, dansun local où le jour ne pénètre qu’à travers le feuillage des-arbres qui masquent la fenêtre, je n’ai pu en voir distincte- ment toutes les parties. En outre, le crâne étant posé sens des- sus.dessous, je n'ai pu y bien reconnaitre la forme de toute la région du front; mais j'ai pu y distinguer parfaitement tous les détails des molaires et les parties latérales et antérieures des os du nez. J'ai donc pu examiner sans difficulté les parties les plus im- portantes à connaître, celles qui peuvent montrer si ce crâne appartient ou non à l’espèce à narines cloisonnées (Ah. Ti- chorhinus). Je reproduis, fig. 7, pl. 1, le profil de ce crâne tiré du tome 1v des Recherches. Ce crâne étant beaucoup moins vieux que le mien, ressemble davantage à celui du jeune Bicorne du Suma- tra, fig. 6, pl. r. 1° Ce crâne est bicorne; sa forme m’a paru relativement étroite et allongée, absolument comme celle de mon crâne de mégarhinus ; il est moins vieux que ce dernier, aussi a-t-il es molaires moins usées et les protubérances de ses cornes Moins rugueuses. mn» Ses os du nez sont aussi longs et ont la même forme que eux du rrnégarhinus ; ils sont élancés et sensiblement hori- zontaux , c’est-à-dire parallèles à l'axe du crâne. Ils sont droits dans leurs deux tiers postérieurs, de D en E, et ne présentent point la courbure longitudinale, D. E, que l'on voit dans le ti- chorhinus, fig. 1, pl.-x et fig. 4, pl. 2. Ils se terminent en pointe libre recourbée en bas et en avant, Mais moins brusquement que dans mon crâne où la protubé- 104 CHRISTOL. — thinocéros fossiles. rance est beaucoup plus rugueuse et plus saillante. C’est là le résultat d’une différence d'âge. Leur extrémité n’est point cassée en avant, mais sur le côté il y manque une faible portion du bord gauche; cette cassure est indiquée au point C. On voit sur la protubérance de la première corne la fossette et la rainure longitudinale que j'ai signalées dans le rrégarhi- nus ; d'après Cuvier, cette rainure est remplacée dans le ticho- rhinus par une crête saillante, À, fig.8, pl. 2. C'est là un caractère assez important, puisqu'il présente des modifications fort dif- férentes dans les diverses espèces de Rhinocéros vivans et fossiles. 3 Les os incisifs sont très longs, et leur extrémité m'a paru surmontée d'une forte tubérosité ;-ils s'étendent jusqu’au point A de la fig. 7, pl. 1.Je n'ai pu voir à leur extrémité non plus qu’à celle des os du nez aucune apparence de fracture, l'os m'y a paru entièrement intact. Malgré toute mon attention et quoique j'y sois revenu à plu- sieurs reprises, je n'ai pu parvenir à voir aucune trace de cloi- son des narines; à la vérité, l’'échancrure nasale est remplie de sable et de graviers agglutinés ; mais par la manière dont les os du nez etles os incisifs embrassent la gangue, il est permis de croire qu'il n’y a jamais eu de cloison osseuse. Ces osincisifs sontséparés des os du nez de toutela largeur de léchancrure nasale. Les points A. B. de la fig. 7,pl. r, se rappor- tent, le premier, à l'extrémité antérieure des os incisifs, le second, à l'extrémité antérieure des os du nez. La face inférieure des os incisifs est sur le même plan que la voûte palatine. Sa largeur va en diminuant de la base à l’extré- mité libre. Celle-ci est très étroite, mais non pas assez pour n'avoir pu donner place à des incisives. ÿ Je n'ai pu trouver aucune trace d’incisives ni d’alvéoles d’in- cisives, et cependant, sur ce point, l'os est plutôt sali que recou- vert par le sable, 4° L’échancrure nasale est certainement aussi longue et a la même {orme que dans mon crâne; elle est beaucoup plus lon- gue que dans le &ichorhinus. CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. 10h 5° La pyramide du crâne, P, est bien moins prolongée, bien moins inclinée en arrière que dans le tichorhinus, fig. x, pl. r, Le degré d’inclinaison et de prolongement en arrière de cette partie cérébrale du crâne, est comme dans mon crâne de 7né- garhinus et dans celui du Bicorde de Sumatra. 6 Je n’ai pu assez bien voir la région du front pour la décri- re ; néanmoins elle m’a paru étranglée en arrière, comme dans le mégarhinus. Les rugosités des crêtes temporales, des apophy- ses orbitaires, en un mot, toutes les attaches des muscles que j'ai pu voir, m'ont paru moins marquées que dans mon crâne. La différence est surtout très sensible dans les protubérances des cornes. Dans mon crâne, la protubérance de la seconde corne forme une bosse qui n’existe pas dans celui-ci. Cependant ce que je crois avoir assez bien vu pour pouvoir lassurer, c’est que les os du nez sont beaucoup moins larges que dans le tichorhinus ; je crois même qu'ils n’atteignent pas tout-à-fait la largeur de ceux de mon vieux crâne et qu'ils sont un peu moins forts; la physionomie de leur face supérieure, de leur extrémité libre, est la même que dans le mnégarhinus, et ils ne diffèrent de mon crâne que parce que les rugosités de la pro- tubérance sont beaucoup moins saillantes. Le profil publié pas Cuvier m'a paru d’une extrême exacti- tude; j'y ai ajouté approximativement l'indication de l’échan- crure nasale, et j'ai marqué par deslignes ponctuées l'étendue de la gangue qui remplit l'échancrure nasale et se prolonge au-delà de l'extrémité des os du nez. c J'ai apporté beaucoup d'attention dans l’examen des molai- res; elles sont parfaitement dégagées de la gangue, et leur cou- ronne étant tournée vers le côté d’où vient le jour, j'ai pu voir très distinctement toutes leurs parties et en constater sans hési- tation tous les caractères. En tenant compte des alvéoles, il m'a paru que le nombre des molaires était de six de chaque côté. Cependant, n'ayant pu voir d'assez près les tronçons de celles des dents dont la cou- ronne est brisée, il est possible que je n’aie pas bien vu la sépa- ration qui existe entre chacun d’eux. Du reste, la chose est peu importante , on sait qu'il existe sept molaires dans le genre entier 106 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. des Rhinocéros, et que la première tombe d’assez bonne heure. Ces molaires sont complètement semblables à celles du 77é- garhinus par les dimensions, et par tous les détails de leurs ca- ractères elles sont dans un état moyen d'usure. Les 1°°,2°, 5° et 4° du côté gauche manquent ou sont brisées, Les 5° et 6e du même côté sont conservées; ces deux arrière- molaires étant absolument pareilles, je n'en représente qu’une, la 5°,/g.6, pl. 3; mais ce que j'en dis s’applique à toutes deux. Le crochet T, de la colline postérieure B.D., ne joignant pas la colline antérieure A. C., il n’y a que deux fossettes sur la couronne, l'une, r , résultant de l’échancrure postérieure, l’autre, 2, ré- sultant du vallon entier. Ces deux arrière-molaires sont, comme nous l'avons vu pré- cédemment, entièrement semblables à leurs correspondantes de mon crâne de 72égarhinus. La dernière où septième du côté gauche manque, mais la forme triangulaire de son alvéole pleine de sable se distingue parfaitement. | La deuxième molaire du côté droit, ffg. 11, pl.3, actuellement la première en place, est très usée et ne présenteévidemmentque, deux fossettes. On y reconnait, à une légère inflexion de l'émail du bord postérieure de la seconde fossette, le vestige du cro- chet T, qui a été usé jusqu'a sa base. On voit parfaitement, en À, le large bourrelet qui règne sur le bord interne de la cou- ronne. Cette molaire de remplacement est entièrement sembla- ble à sa correspondante, /g.3, pl. 2,demon crâne dernégarhinus, mais est du côté opposé. Dans la description qu’il avait donnée de ce crâne, M. Marcel de Serres avait annoncé qu'il différait de celui de l’espèce à na- rines cloisonnées, mais qu'il lui ressemblait plus qu'à ceux des espèces vivantes. Il y avait signalé des caractères qui me parais- sent ne point s’y trouver et qui sont en partie propres au ichor- lunus. cri Ainsi, il avait admis la réunion des os du nez aux os incisifs, et dans les molaires, Zu jonction du crochet dela colline posté- rieure à la colline antérieure, caractères qui distinguent le &- chorinus. CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. 107 11 avait encore été amené à penser que les os du nez de ce crâne se relevaient si haut, que leur niveau atteignait celui de la crête occipitale, et c’est en cela qu’il trouvait la différence la plus essentielle entre sa nouvelle espèce et celle à narines cloi- sonnées. Nous avons vu que les os incisifs, À, et les os du nez, B, sont séparés de toute la largeur de l'échancrure nasale, et que l’ex- irémité de chacun d’eux est terminée en pointe libre, comme dans le mégarhinus et dans le Bicorne de Sumatra; que, dans les molaires, /£8. 6, pl. 3, le crochet T, dela colline postérieure, B. D., est évidemment séparé de la colline antérieure, À. C., comme dans le 7ésarhinus, et que par conséquent il ne peut y avoir sur la couronne les trois fossettes qui caractérisent Le ichor- hinus. On peut d'autant moins douter de l'exactitude de ces ca- ractères, que la figure 27 , qui les représente, est elle-même tirée du Mémoire de M. Marcel de Serres, et que j'ai pu m'assurer complètement de l'exactitude de cette figure. Quant à l'énorme saillie que M. de Serres supposait dans les os du nez, il est à présumer qu’elle ne lui a paru telle que par suite de la position du crâne. Celui-ci, étant renversé, touche, paz le sommet de l’occiput et par la protubérance du nez, le plan horizontal sur lequel il repose; en sorte qu’alors le front parait très déprimé, tandis que les os du nez semblent faire saillie. En renversant la figure 5, pl. 1, qui représente ce cräne, et plaçant horizontalement la ligne N. O., on voit qu’en effet les os du nez paraissent atteindre le niveau du sommet de l’occiput et faire saillie au-delà du niveau du front; mais en replaçant ce crâne dans sa position naturelle, on voit que la saillie des os du nezrest singuliérement diminuée et qu’elle est loin de s'élever jusqu'à la hauteur de la crête occipitale. M. Marcel de Serres avait néanmoins montré que la longueur de l'échancrure nasale était caractéristique dans cette espèce, qu'elle égalait le tiers de la longueur totale du crâne et qu'elle était par conséquent bien plus PRTNTT que dans le ächor- inus ; il avait aussi insisté sur le grand développement des os du nez, et avait annoncé que si son espèce formait réellement ce 108 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. une espèce distincte du tichorhinus , « leurs différences devaient tenir principalement à la forme de leurs os du nez. » Ce qu'il dit des os incisifs est trop important pour que je puisse me dispenser de rapporter le passage de son Mémoire où il en est fait mention, d’autant que c’est la seule description qu'on ait eue jusqu'à présent des os incisifs du Rhinocéros Zn- cisivus de Cuvier : « leur épaisseur moyenne (1), observe-t-il, « est d'environ 21 millimètres , et leur longueur prise depuis la dernière molaire jusqu’à leur extrémité, de 122 millimètres. Ces os n'étant pas très dégradés, j'ai cherché à m’assurer s'ils présen- taient quelques traces d'alvéoles puisque visiblement on n’y voyait point de vestiges de dents. Rien ry en indique la moindre trace. ils se délitent cependant en feuillets longitudinaux, et nécessairement s'il y avait eu des avéoles, pour st petites qu'on les suppose, il y aurait eu interruption entre ces feuillets, et lon n’en voit pas Ze moindre indice. Il parait donc que notre fossile n'avait point de, véritables incisives. » Cette observation de M. Marcel de Serres est donc très pré- cieuse pour la science; elle montre que si le Rhinocéros Znci- sivus avait des incisives, celles-ci devaient tomber d’assez bonne heure et leurs alvéoles s’oblitérer, ainsi que cela a lieu dans le tichorhinus. | On appréciera, je pense, toutes les conséquences qui décou- lent de ce fait, si on se rappelle tout ce que j'ai avancé au sujet des incisives fossiles de Mayence et d’Avaray, des alvéoles d’in- cisives des crânes de Pallas et du docteur Buckland, et du défaut d'incisives dans le crâne de M. Schleyermacher. On reconnai- tra également que, pour arriver à ce résultat, il était indispensa- ble de montrer que le crâne de Montpellier n’appartenait ni à l'espèce établie par M. Marcel de Serres, ni à celle à laquelle le rapportait Cuvier, mais qu'il provenait de la même espèce que le mien et celui de M. Schleyermacher, c’est-à-dire du 72égarhi- (Gr) Quoique M. Marcel de Serres se soit servi du mot épaisseur, c’est bien réellement de la largeur des os incisifs qu'il entend parler; c’est ce dont on peut se convaincre par le passage suivant de son Mémoire : Nous avons déjà dit que la largeur moyenne des os incisifs était de « 21 millimètres, etc, » cHrisroL. — Rhinocéros fossiles. 109 nus. Enfin, on trouvera dans ce fait la preuve que la mâchoire inférieure à incisives d'Eppelsheim ne provenait pas nécessaires ment de l’Zncisivus , puisqu'il est très possible que ce dernier fût dépourvu d’incisives, comme le Bicorne du Cap. On ne saurait donc attribuer maintenant les incisives fossiles de Sæmmering au Rhinocéros Zncisivus plutôt qu’au tichorhinus en se fondant sur l’étroitesse des os incisifs de ce dernier. Ce qu'il y a de bien certain, c'est que si les os incisifs du tichorhi- nus ne sont pas assez larges pour avoir pu loger les plus gran- des incisives fossiles, ceux de l'Zncisivus n'étant pas plus larges n’ont pas dü pouvoir davantage les loger. La largeur de l’extrémite des os incisifs du tichorhinus, prise D craué de Collin est des "27 004,90 OPUS Nono La largeur moyenne des os incisifs de l’/ncisivus, prise sur le crâne décrit par M. Marcel de Serres, est de. . . . o"o2r. Lorsque Cuvier put consulter un profil exact de ce crâne, et que, loin d'y reconnaitre l'énorme saillie des 6s du nez qui avait principalement porté M. Marcel de Serres à établir sa nouvelle espèce, il lui eut trouvé la ressemblance avec celui du tichorhi- nus , il dut penser qu'il provenait réellement de cette dernière espèce, puisque, dans sa description, M. Marcel de Serres avait indiqué la réunion des os du nez aux os incisifs, et, dans les molaires, la jonction du crochet de la colline postérieure à la colline antérieure; aussi ne peut-on plus invoquer, dans cette question, l'opinion imposante de l’'illustre auteur des Recher- ches, qui serait péremptoire sans doute, s'il s'agissait d'un fait qu'il eût pu constater par lui-même et non d’un fait sur lequel il n’a pu obtenir que des renseignemens imparfaits. Quoi qu'il en soit, il faut reconnaitre aujourd'hui que M. Mar- cel de Serres est le premier naturaliste qui ait vu, distingué et dénommé le crâne de l'espèce de Rhinocéros à laquelle j'ai donné le nom de mégarhinus ; mais que c’est à Cuvier que l’on doit de connaître cette espèce, car c’est lui qui, en décrivant le crâne de M. Schleyermacher, en a exposé les véritables caractères, en montrant que ces os du nez étaient séparés des os incisifs, ef qu’elle se rapprochait de celle de Sumatra plus que d'aucune autre espèce de Rhinocéros vivant, “ 110 CHRISTOL. — Rhinocéros fossiles. Quant à moi, je ne puis avoir d'autre mérite que celui d’avoir su profiter des observations de mes devanciers. Ne pouvant conserver à cette espèce le nom de Rhinocéros Incisivus, que lui avait donné Cuvier, plutôt que le nom de Rhinocéros de Montpellier que lui avait antérieurement donné M. Marcel de Serres, c'estun nouveau motif que je puis ajouter à ceux que j'ai déjà fait connaître, pour désigner cette ‘espèce sous le nom de Rhinocéros Hégarhinus. Je terminerai par cette remarque, que sile Rhinocéros Lepto- rhinus et le Rhimocéros Incisivus ont été cités par plusieurs au- teurs et entre autres par M. Brongniart et par M. de la Bèche, ça été le plus souvent d’après l'autorité de Cuvier, et non point d’après la découverte de nouvelles pièces qui eussent pu en con- firmer l'existence. Je dois cependant établir une exception en faveur de MM. Bertrand de Douai, Robert et le docteur Hibbert qui annoncent avoir découvert des débris de Leptorhinus; je dois aussi étendre la même exception à M. Meyer qui aurait dé- couvert l’Incisivus à Eppelshein et à Friedrichszemünd. Comme j'ignore sur quelles pièces ils basent leur détermination, je ne puis combattre directement leur sentiment. Avant d’avoir recu les dessins de M. de la Marmora et de M. le professeur Gené, j'avais moi-même annoncé le Leptorhinus, en me fondant sur les caractères de celles de mes melaires qui sont semblables à celles de M. Pentland; comme, d’un autre côté, j'avais toujours douté de l'exactitude du dessin de Leptorhinus, et que je savais que Cuvier n’avait point vu l'original de ce dessin, J'étais porté à penser que le crâne à narines non cloisonnées de M. Cortesi pourrait bien être semblable à celui de M. Schleyer- macher et au mien, etje me proposais, malgré les différences qui auraient existé entre mon nouveau Leptorhinus et l'ancien, de maintenir ce nom consacré par Cuvier et reçu de tous les naturalistes; je me serais alors borné à rectifier les caractères de cette espèce; mais, d’après les dessins de MM. de la Marmora et Gené, il n’est plus possible de rapporter le crâne de M. Gor- tesi à une espèce à narines non cloisonnées. Du reste, on a dû remarquer que les résultats auxquels je crois être parvenu ne différent de ceux qui ont été annoncés par CHRISTOL. — ARAinocéros fossiles. ITE Cuvier, qu'autant qu'ils se rapportent à des objets que Cuvier n’a pu connaître que d'après des figures ou d'après des rensei- gnemens plus ou moins exacts, et qui n'offrent plus dès-lors les garanties que l’on retrouve dans les objets que Cuvier a pu lui- même examiner ; malgré cela, c’est encore à lui que l'on doit de connaître le mégarhinus, puisque c'est lui qui le premier en -a décrit la tête, les molaires et les os des membres, et que je n’ai eu qu'à réunir ces parties éparses d’un même animal. Néan- moins il reste encore des doutes sur ses incisives et sur sa mâ- choire inférieure. La symphyse de celle-ci est-elle prolongée, et dans le.cas où elle le serait, de quelle espèce proviennent les mâchoïres à courte symphyse d'Italie? L’Unicorne de M. de Schlotheim existerait-il ? Ayant fait très rapidement ce travail, puisque à raison de cer- taines circonstance particulières, j'ai dû n’y consacrer que quel- ques jours, je regrette de n'avoir pu lui donner toute la maturité que l’on desirerait trouver dans un sujet qui a été développé par Cuvier et traité par plusieurs autres célèbres naturalistes. EXPLICATION DES FIGURES. (1) PLANCHE I: Fig. 1. Crâne de Rhinocéros à narines cloisonnées ( AA. tichorkinus.) Fig. 2. Mächoire inférieure, à longue symphyse, du Rk4. tichorkinus , ürée de l'ouvrage de Cuvier. Fig. 3. Id. Fig. 4. Id. Fig. 5. Mâchoire inférieure à courte symphyse, du Zeptorhynus de Cuvier. Fig. 6. Crâne du Bicorne de Sumatra, tiré de l'ouvrage de Cuvier. Fig. 7. Dessin tiré du tome 4 des Recherches, représentant, selon Cuvier, un crâne de Ah. tichorhinus, et selon nous un Æh. mégarhinus. 4 PLANCHE II. F Fig. x. Mächoire inférieure de Rk. tichorhinus, trouvée à Montpellier, vue en dessus, (Elle porte des alvéoles d’incisives comme celle de Pallas, Fig. 2, La même, vue de profil. Fig. 3. Molaires du Rhinocéros Mégarhinus (nobis) trouvées à Montpellier. (x) Ces figures n'ayant pas été retournées, toutes les pièces que je donne comme étant du côté droit paraissent être du côté gauche, et réciproquement, 112 | sMRISTOL. — Rhinocéros fossiles. Fig. 4. Nouveau dessin du crâne de M. Cortesi, fig. 7, représentant, selon nous, le Rhino céros à narines cloisonnées ( A4. tichorkinus). A. reste de la cloison osseuse. Fig. 5. Crâne de Rhinocéros mégarhinus (nobis), trouvé à Montpellier. Fig. 6. Le mème vu en dessus, Fig. 7. Crâne de Bicorne du Cap, tiré de l'ouvrage de SrarkMan. Fig. 8. Crâne de tichorkinus vu en dessus. PLANCHE IT. Fig. 1. Molaire inférieure de la mâchoire, fig. 1, pl. 2. Fig. 2. Crâne d’un jeune Bicorne de Sumatra vu en dessus, Fig. 3. Sixième Molaire supérieure droite du Rhinocéros mégarhinus ? trouvée à Mont- pellier. Fig. 4. Quatrième Molaire supérieure droite du même individu que la précédente Fig. 5. Cinquième ou sixième Molaire supérieure gauche à trois fosseltes, trouvée dans le département du Gard, et tirée de l’ouvrage de Cuvier (AA. tichorhinus). Fig. 6. Cinquième Molaire supérieure gauche de Rhinocéros mégarhinus , touvée à Mont- pellier, et tirée du Mémoire de M. M°! de Serres. Fig. 7. Molaire supérieure gauche de l’Unicorne de Java, \, Fig. 8. À, quatrième, et B, cinquième Molaires supérieures gauches du Bicorne du Cap: , Fig. 9. Molaire de lait du côté gauche de la mächoire supérieure du Bicorne du Cap. Fig. 10. Quatrième Molaire supérieure droite du Rhinocéros mégarhinus, trouvée à Mont- pellier. Fig. 11. Deuxième Molaire supérieure droite du Rhinocéros mégarkinus, trouvée à Mont- pellier, et tirée du Mémoire de M. Me! de Serres. Fig. 12. Deuxième Molaire supérieure gauche du Rhinocéros mégarkinus , trouvée à’ Mont- pellier. Fig. 13. Quatrième Molaire de lait du côté gauche de la mâchoire supérieure de Rhinocé- : ros, tirée de l'ouvrage de Cuvier. Fig. 14. Molaire supérieure gauche de Rhinocéros, tirée d'un dessin du professeur Buckland. Fig, 15, Molaire supérieure gauche de l'Unicorne de l'Inde. FÉRUSSAC. = Oeiche & six pailes. 113 Note sur la Seiche à six pattes, Sepia hexapodia de Molina, et sur deux autres espèces de Seiches signalées par cet auteur, Par M. DE FÉRUSsAC. Toutes les classes d'animaux ont leurs espèces apocryphes, * auxquelles on a prêté des formes extraordinaires et souvent des vertus merveilleuses ; on a même poussé la confiance jusqu’à donner le portrait de ces êtres fantastiques, comme si on les * avait vus réellement, et il s’est trouvé des savans estimables qui les ont adoptés, qui les ont rOprodtrits, malgré ce que leur orga- -nisation offrait de contraire à toutes les PR D à toutes 1e lois reconnues. Les Céphalopodes sont aussi dans ce cas, et, sans parler du Kraken et des autres espèces gigantesques dont nous traiterons d’une manière spéciale, l'espèce qui nous occupe offre un exemple de ces créations imaginaires, qui cependant, tirent, presque toujours, leur source d'un fait mal observé ou dé: naturé. L'existence d’un Céphalopode acétabulifère hexapode étant une anomalie extraordinaire dans cette classe de Mollus “ques, où l'on ne connaît que des Octopodes et des Décapodes, «nous avons pensé qu'il était intéressant d'examiner avec soin les autorités sur lesquelles cette espèce a été appuyée, et qui Pont fait adopter par plusieurs naturalistes. Nous avons été d’autant “plus excité dans ce projet, que, dans ces derniers temps, deux Savans bien connus nous ont communiqué la description, et l’an d'eux, la figure d’un hexapode pour lequel ils ont, sans doute, été abusés et qu'ils ont admis trop légèrement. Il nous a donc paru utile d'éclaircir l’histoire de la Sepia hexapodia de Molina, afin de prémunir les naturalistes et de les tenir en garde contre des observations inexactes ou bien d’exciter leur zèle, afin de constater l'existence des Céphalopodes hexapodes si, ce que nous ne présumons pas, il y en a réellement. En effet, rien ne s'oppose à ce qu’on puissse penser qu'il peut exister des Géphalopodes, < où le sommet de la tête, au lieu de IV. Zooz, — Août, 8 114 FÉRUSSAC. == Seiche à six pattes. se diviser en huit appendices conico-subulés, sans solution de continuité de son enveloppe extérieure, se partagerait seulement en six de ces appendices, car les deux bras supplémentaires des Décapodes, même dans le Zo/igo Todarus,ont une origine un peu différente. Ainsi ce n’est donc uniquement que parce que le fait n’a jamais été observé qu’on répugne à l’'admettre, et parce que, le grand nombre de Céphalopodes que l’on à examinés n'ayant jamais offert que huit à dix appendices brachiaux, l'es- prit s’est habitué à y voir une règle fixe dans l'organisation de ces animaux. Nous devons au savant Schneider de nous avoir mis sur la voie pour expliquer cette prétendue Seiche à six bras et pour mon trer comment on est arrivé à la produire. Dans une dissertation sur le genre Seiche de Linne et sur quelques nouvelles espèces de ce genre (1), dissertation marquée, comme tous les ouvrages de cet habile naturaliste, du sceau d’une érudition critique et judicieuse, il montre la source où Molina a puisé ce qu'il dit de cette espèce. Cette dissertation, qui n’a éfé citée par aucun na turaliste, est insérée dans les Mémoires de la Société des Amis de la Nature, de Berlin, pour l’année 1703. Triste condition de Fhu- manité, à laquelle la célébrité elle-même n'échappe pas, de voir ses travaux oubliés ou rester inconnus, presque de son vivant, tandis que tant d’œuvresinsignifiantes occupent, grâce au savoir- faire de leurs auteurs, les cent bouches de la renommée. Cette dissertation a eu le même sort que l'ouvrage, plus considérable et plus important, du même écrivain, dont nous avons révélé, il y a peu de temps, l'existence aux naturalistes. (2) Nous donnerons d’abord la synonymie connue de l'espèce qui nous occupe. SEICHE A Six PATTES. Sepia hexapodia, corpore caudato seg- mentaio. Morina, Sagsio sulla Storia nai. dell Chili, p. 200; Trad, franç., p. 174. (1) Bemerk. uber die Gattung der Dintenfisch, etc., av. fig. Dans les Beobackht, und En- deck. aus der Naturk, von den Cesselsch, Naturf. 1593. (2) Scmmlung vermichter Abhandlungen sur Aufkleerung der Zoologie und der Hendlune geschichte, av, fig. 8°, Berlin, 1754. d FÉRUSSAC. — Seiche à six pattes. 115 Sepia hexapus , Gmerin , Syst. nat. p. 3150, n°7; 8. Corpore caudato quadri vel quinque articulato, brachiis sex. Mouwa, Loc. cit. 2° édit. tal. p. 175. Bosc, Buffon de Déterville, Vers, t. 1, p. 47. Turrow, Sysé. of nat. 1VŸ p. 110. OcKew, Lehrb. der Zooë. t. ui, p. 345, n° 4. LeCalmar tronçorné, Mowrrorr, Buffon de Sonnini, Mollus- ques, t. 11, p. 90, pl. xx. (Figures imaginées d’après la description de Molina.) Nous commencerons par reproduire littéralement, d’après l'édition originale de son ouvrage (1), la description que Molina donne de cette espèce, la troisième de celles qu'il fait connaître. Nous mettrons en note les variantes que présente la seconde édition de cet ouvrage. « La terza é il Pulpo, Sepia hexapodia, il quale sebbene non « abia più de sei gambe o brachia *, non lascia percio di essere « una vera Seppia, ma di una figura si bizzarra, che vendendola « fermo, sembra piuttosto un ramo d’albero infranto, que un « animale : la sua grossezza non eccede quella del dito-indice, « ed & lungo un mezzo piede in circa : il suo corpo è diviso in « quatro à cinque articolazzioni, che vanno diminuendo verso « la coda. Quando egli dispiega le sue braccia, che tiene unite « verso Ja testa*, si prendercbbero esse per altretante radici. « Queste braccia sono armate di suchiatoi, comme quelle delle « altre specie*, ma quasi invisibili : la testa é informe, assai « corta, e va corredata di due antenne o trombe. Questo ani- « male maneggiato colla mano nuda la intorpidisce per un mo- « mento senza fare altre male. Il liquor nero, che esso contiene & in una vescichetta, al pari delle altre specie di questo genere « & eccellente per iscrivere (2). » Ayant de tirer de cette description les inductions qu’elle nous (x) Saggio sulla Storia natural del Chili, 8°, Bologne, 1982.— Traduction francaise, far Grusel, D. M., 8°. Paris, 1789.— 2° édit. ital. in 4°, Belogne, +810, 14 hexapus, s— 2 otentacoli, = 3 verso la bocca, — % altre Seppie, (2) La ar édition ajoute : « anzi si pretende, che i Chinesi formino il loro inchicstro col lis # quor che cavano da uu Pulpo molto simile a questo, » 8, 110 FÉRUSSAC. — Seiche à six pattes. paraît fournir contre les assertions mêmes de Molina, nous rapporterons le passage suivant de l'Histoire Naturelle du Chili, par Vidaure, p. 63 (r), où l'on reconnaîtra, presque tex- tuellement, celle de Molina. « Le poulpe présente une forme si « singulière , qu’on le prend, lorsqu'il reste immobile, pour une « petite branche de marronnier. Il n’est pas plus gros que le « petit doigt; sa longueur est un quart de pied. Son corps est « partagé en quatre ou cinq articles qui diminuent de volume « vers la queue. La tête et la queue paraissent comme les extré- « mités tronquées de la branche à laquelle nous avons comparé « l'animal. Lorsqu'il étend ses six pieds, on croit voir des racines « et on prend la tête pour l'extrémité du tronc. Lorsqu'on le « touche avec la main nue elle est engourdie pour quelques mo- « mens sans avoir aucun autre mal. On trouve dans la vessie de « cet animal une liqueur noire qui peut servir d'encre.» L'ouvrage de Vidaure est, à ce qu'il paraît, sorti de la plume de Molina, qui a pris un nom supposé pour publier la première ébauche de son livre. Il n’a donc fait ici que se copier lui-même, mais avec quelques notables changemens et augmentations, comme on peut le voir en rapprochant les deux descriptions. Cette même description de Vidaure, nous la retrouvons dans son ensemble et ses détails dans le Voyage de Frézier au Chili (2). Voici ce que dit ce voyageur, p. 111 de la première édition de son ouvrage. « Je ne dois pas oùblier ici un animal si singulier, qu'à le voir « sans mouvement, on le prend pour un morceau de branche « d'arbre couvert d’une écorce semblable à celle du chätaïgnier; « il est de la grosseur du petit doigt, long de six à sept. pouces, « et divisé en quatre ou cinq nœuds ou athéutatidhe qui vont « en diminuant du côté de la queue,qui ne paraît, non Ma que la « tête, autrement que comme un bout de branche cassée. Lors- « qu'il déploie ses six jambes, et qu'il les tient rassemblées vers (1) Histoire naturelle du Chili, 8°. Hambourg, 1782. (2) Relation du Voyage de la mer du Sud aux côtes du Chili et du Pérou, fait pendant les années 1712-1714, in—4°, av. fig, Paris, 1516,—— Amster dam, 2 vol. in-12, 17179. = Hjain- bourg, 1718, — 2€ édit, franc. Paris, in-4°, 1532. FÉRUSSAC. —« Seiche à six pattes. 117 « la tête, on les prendrait pour autant de racines et la tête pour « un pivot rompu. Les Chiliens l'appelle Pz/po, et disent qu’en «le maniant avec la main nue, il s’'engourdit pour un moment « sans faire d'autre mal, ce qui me fait croire que c’est une Sau- « terelle de la même espèce que celle que le père Du Tertre a « dessinée et décrite sous le nom de Cogsigrue dans son Histoire « des Antilles (t. 17, p.348, pl. 2), avec cette différence que je « ne lui ai pas remarqué une queue à deux branches ni les pe- «tites excroissances en pointe d’épingle qu’ilmet à sa Cogsigrue. « D'ailleurs il ne parle point d’une petite vessie qu’on trouve dans « le Pulpo, pleine d’une liqueur noire qui fait une très belle « encre à écrire. Quoi qu'il en soit, c’est sans doute l_Ærzmatia « Brasilia de Marcgrave ( Hist. nat. du Brésil) livre 7, p.251.» On voit, d’après cette description, qu’il existe, selon Frézier, un animal appelé Pulpo par les Chiliens, et que ce voyageur pense que c’est une Sauterelle analogue à celle que le père Du Tertre a décrit et figuré sous le nom de Cogsigrue et, sans doute , lArumatia de Marcgrave. Or, la Coqsigrue de Du Tertre et lArumatia de Marcgrave sont, l’un et l’autre, des insectes Orthoptères du genre Spectre de Stoll, et la description de Fré- zier leur convient en tous points, à l'exception de ce qu'il dit de la petite vessie qui contient la liqueur noire et qui provient, sans aucun doute, de ce qu’on aura attribué , à tort, au Pulpo insecte, un fait vulgairement connu chez le Poulpe mcllusque. Il doit paraître évident, en lisant la description de Frézier, que c’est là la source du premier récit de Molina sous le nom de Vabbé Vidaure. Dans la première édition de son ouvrage, Molina a ajouté que cet animal, malgré qu’il n'ait que six jambes ou bras, n’en est pas moins une véritable Seiche ; que ses bras sont armés de suçoirs presque invisibles, et que sa téle informe ebcourle est surmontée de deux antennes ou trombes. Si Yon pou- vait. admettre que ces additions sont le fruit de l'observation directe de Molina, on devrait s'étonner que lui méme et les au- teurs qui ont adopté son espèce aient voulu en faire un Hexa- pode, puisqu'il dit qu’elle a six jambes ou bras et deux antennes Ou tentacules, ce qui en fait un Octopode. Cette conséquence parait avoir décidé Schneider à considérer cette espèce comme 118 RÉRUSSAC. — Seiche à six pattes. un Céphalopode à six pieds et deux bras. Mais cette organisation est également inconnue dans les animaux de cette classe où tous sont octopodes avec l’adjonction de deux bras supplémentaires pour une partie d’entre eux. Cette conclusion de Schneider, qu’il tire cependant avec la restriction qu’il soit vrai que cet animal a des sucoirs et deux longs bras, comme l'indique Molina, ne ré- soudrait donc pas la difficulté, et nous pensons que Schneider, qui nous a mis sur la voie, s’est arrêté en chemin et n’a pas tiré des rapprochemens qu’il a faits la seule conclusion juste et vraie qu'ils fournissent, c'est que cette espèce est complètement apo- cryphe, et que ia prétendueSeiche à six pattes n’est qu'uninse * voisin des Mantes et des Phasmes. } Il nous semble, en effet, naturel d'induire de tout ce ue nous avons rapporté : 1° qu’un animal appelé Pulpo par les Chiliens, selon Frézier, et dont il donne la description, est un insecte du genre Spectre auquel Frézier a attribué, par suite d’une confusion de nom, la bourse du noir du mollusque appelé Poulpe; »° que cette description de Frézier a été copiée, en grande partie textuellement, par Molina dans la première ébau- che de son livre, publiée sous le nom de l’abbé Vidaure, et qu’elle a été successivement augmentée ou arrangée par cet écris vain dans les deux éditions de son Histoire Naturelle du Chili, de manière à lui donner quelques caractères des Céphalopodes afin de légitimer sa Sepia hexapodia. N'a-t-on pas lieu d’être surpris qu’une transformation aussi singulière et qui devait d'autant plus exciter-une änvestigation approfondie qu'elle plaçait dans le système un animal extraor- dinaire et qui a attiré l'attention de beaucoup de naturalistes n’ait pas été dévoilée depuis long-temps? On a mieux aimé ad- mettre ou rejeter cet animal sans examen; Schneïder seul n’a point suivi cette marche. Gmelin, Bosc, Turton , Ocken, Mont- fort, ont adopté sans observations la Sepia octopodia. Montfort est allé plus loin, il suppose avoir trouvé parmi des dessins achetés chez un marchand d’estampes et qu’il est, dit-il, très porté à attribuer à Dombey, le portrait de l'espèce de Molina qu’il a publiée sous le nom de Calmar tronçonné. Ce dessin est, comme on le pense bien, tout imaginaire, mais conçu de manière à ré- FÉAUSSAC. — Soiche à six pattes. 119 pondre autant que possible à la description de Molina ; aussi lui a-til donné huit bras, et en cela il a été plus conséquent que Molina lui-même; mais il ne met pas de ventouses à ces bras, parce qu’elles sont presque imperceptibles dans cette espèce, d’après le dire de Molina. M. de Blainville en examinant à la fin de sa Monographie des Calmars (Journ. de Phys. t. xovr, mars 1823, p. 154, et Diction. des Scienc. Nat. au mot Loligo), les espèces de Molina, s'exprime ainsi au sujet de la Sepia hexapodia. « Ce qui prouve cependant « gue cet animal si bizarre, et probablement décrit de souvenirs « incomplets , appartient à cette famille (celle des Calmars), c'est « qu’il rend une liqueur noire comme les Seiches. » Nul doute que si M. dé Blainville eüt remonté aux sources où Molina a pris son espèce, il ne fût arrivé aux mêmes résultats que nous venons dé signaler et qu’il n’eût point hésité à rejeter cette espèce de la classe des Céphalopodes. Nous avons dit en débutant que deux savans bien connus nous avaient adressé la description, et l’un d’eux la figure d’un Céphalopode hexapode. Nous avons reçu, en effet, de M. Tilesins, célèbre comme naturaliste de l'expédition russe commandée par le capitaine Krusenstern, le dessin et la description d’un Calmar hexapode (Loligo linearis hexapodia) de la grosseur d’une plume de corbeau et long de dix-huit lignes, trouvé par ce savant sur des fucus dans la er de Corée: Nous disons un Calmar “parce que le sac de cette espèce est terminé par deux nageoires triangulaires et qu'il paraît évident à l'inspection de cette figure que c'était un très petit Calmar qui avait perdu une partie de ses appendices céphaliques. Il en est de même d’un petit Calmar oc- topode recueilli également sur des fucus , dans la mêmé mer, et dont M. Tilesius nous a aussi envoyé le dessin et la description. C'était un Calmar privé de ses bras supplémentaires. La description de l’autre espèce nous a été communiquée par notre malheureux ami, le docteur Leach, sous le nom de o- lenia quinque zonata ; il en faisait un nouveau genre et regar- dait cette éspèce comme étant la véritable Sepia hexapus de Mo- lina. Cette description et un croquis colorié lui avaient été en- voyés par un ami qu’il ne nous a point nommé, Cependant; en 120 rénussac. — Seiche à six pattes. décrivant les six bras, le docteur Leach ajoutait: « par secundum dorsale forsitan ir capite sepultum (ut genere Leachia, Lesueur). Nul doute que cette espèce ne soit aussi le résultat de quelque erreur; c'est encore une description, un dessin, mais jamais animal lui-même que l’on mentionne, Il faut donc attendre qu'on ait trouvé, produit et examiné un Céphalopode hexapode en nature pour y croire. Schneider a soupçonné qne Molina avait également pris les deux autres espèces de Seiches qu’il signale sous les noms de Sepia unguiculala et de Sepia tunicata, dans quelques ouvrages qu'il n'a pu découvrir malgré ses recherches. Sa prévision était fondée , et c'est Molina lui-même qui a jugé à propos de nous faire enfin connaître, dans la seconde édition de son ouvrage, les sources où il a puisé ces deux espèces. La Sepia tunicata (1) est, dit-il, l'espèce décrite par Per- netty dans son Voyage aux îles Malouines. Celui-ci n’en donne aucun renseignement précis; la figure qui accompagne son récit est tout-à-fait insignifiante et incomplète, il n'indique réellement que la grande taille, le poids considérable et la trans- parence de cet animal. Voici le passage de ce voyageur (t. 11, p. 76, pl.ur, fig. 6), passage curieux par l’exagération de gran- deur et de force qu’il accorde à ce mollusque : « Un jour nous péchâmes une Bonite dans le ventre de la- « quelle on trouva un poisson nommé Cornet, qu’elle venait « sans doute d’avaler, car il était encore tout entier, avec ses « couleurs naturelles ; je l'ai peint sur-le-champ. On ne doit pas « juger de la grandeur de ce poisson par celle de cette figure. « Au sentiment des marins de la mer du Sud, le Cornet est le « plus gros poisson de la mer. Il saisit sa proie au moyen des (x) Sepia tunicata, Moviwa, Saggio sulle Storia Nat. dell Chili, p. 509, Trad, franc., p. 173. Sepia corpore prorsus vaginante, caudé alatä ; 2° édit. ital.. p. 175. Gwerin Syst, nat, p. 3151, n° 8, S, corpore toto tunicæ nigræ pellucidæ incluso, po sterius als duabus semi circularibus. Turtox, Syst. of nat, 1v, p. 120, Sepia nigra, Bosc, Buffon de Déterville, Vers, T, x, p. 47 ; 2 édit. p. 53, Le Calmar réticulé, Moxrrorx, Buffon de Sonnini, Mollusques , t.2, p.96, pl. xxr (figu- res imaginées à plaisir d’après la description de Molina). Œ Suaw, Natural, Hiscell, Vol, xxv, pl. 546 (copie de la figure de Montfort). FÉRUSSAC. — Seiche à six pattes. 121 « barbes mobiles qu’il a au bout du museau. Ces marins disent « aussi qu'il s'attache et s'accroche aux navires par ces mêmes « barbes, et grimpe le long des manœuvres : que s’il le fait la « nuit sans qu'on s’en aperçoive, il fait pencher le navire sur le « côté, par son poids énorme, jusqu’à le renverser, ce qu'ils ap- « pellent soussoubrer. Aussi a-t-on grand soin de faire bonne « garde, avec des haches et autres instrumens tranchans, pour « couper les barbes de ce poisson dès que l’on aperçoit qu’il les « pose sur le navire. Notre capitaine et son frère, qui ont fait « plusieurs campagnes dans la mer du Sud, m'ont assuré ce fait; « mais ils ont ajouté qu'ils n’en avaient pas vu de cette gran- « deur démesurée; qu'ils en avaient mangé de cent cinquante « pesant ou environ, et que c'était un excellent poisson. À en « juger par le petit dont j'ai donné la figure, il doit être très « délicat. Le cornet qui lui sert d’enveloppe, et le poisson lui- « même, étaient presque diaphanes.» (1) Ces renseignemens ont suffñ à Molina pour leur rattacher, de mémoire, quelques particularités qu’il avait observées sur un très grand Calmar commun sur les côtes du Chïili et dans tout Océan austral. Voici ce qu'il dit de son espèce : « Seiche à tu: a tnique ( Sepia tunicata). Je lui ai donné ce nom, parce que « l'animal, outre sa peau, est couvert, depuis les pieds jusqu’à « la queue, d’une seconde peau transparente en forme de tu- « nique. Son corps finit en deux ailes semi-circulaires, qui par- « tent des deux côtés de la queue comme dans la petite Seiche « Sepia Sepiola. Les navigateurs exagérent sur le volume de « cet animal, et sur sa are mais 1l est sûr que celles que lon & prend dans la mer du Chili ne pêsent pas moins de cent cin- « quante livres; leur chair est excellente, et on l'estime beau- « Coup. » Cette tunique étrange a paru, avec raison, fort suspecte à tous les naturalistes, quoiqu'elle n’ait pas empêché Gmelin, Lurton, Bosc, Montfort et Shaw d'admettre cette espèce dans le système. Gmelin, en la reproduisant, y a ajouté un caractère qui (1) Histoire d'un voyage aux fles Malouines fait en 1763 et 1764, etc. par dom Pernetty, 2 vol, 80 av. fig. Paris 1770. 122 FÉRUSSAC. — Véiche à six pattes, j n’est point dans le récit de Molina : c’est la couleur noire de la tunique. Schneider nous apprend qu'il a pris ce caractère dans la traduction allemande, fautive en cet endroit, de ouvrage de Molina, d'où Bosc, sans y regarder de plus près, a nommé cette espèce Sepia nigra. Montfort n’a pas perdu l’occasion d'ampli- fier ce qu’on avait pu dire d’une espèce si singulière; il a inventé l'histoire d’une expédition de flibustiers, dont il faisait partie, dans le golfe Triste de la mer des Antilles , et pendant laquelle il vit un de ces mollusques que ses compagnons, étonnés, nom: mèrent Diable de mer. Cette découverte a autorisé Montfort à donner une figure coloriée de cet animal, qui püt, cependant; répondre à la description de Molina, etil l’a généreusement gra- tifié d’une tunique à réseau, brillante de toutes les couleurs de larc-en-ciel, en changeant le nom de Seiche à tunique en celui de Calmar réticule. Ge quiest plus singulier que linvention de Montfort, c’est que Shaw ait eu la bonhomie de reproduire cette figure, frappé de lintérêt que devait inspirer un animal si cu- rieux, d'au moins cent cinquante livres pesant, et entouré d’une enveloppe si élégante dans laquelle il est renfermé comme dans une espèce de lanterne, dit Montfort. Nous devons heureusement à M. d'Orbigny l'explication de cette merveille : il a observé dans les mers du Chili et dans tout l'Océan austral, c’est-à-dire dans les mers où Molina et Pérnetty citent leur espèce, un grand Calmar qu'il a nommé Loligo Gi- gas, à causé de sa grande taille, et qui est souvent rejeté, en nombre considérable, sur lés côtes du Chili. Lorsque ce Calmar ést mort, il s’enfle, sa pean extérieure se gonfle, se détache, et ressemble alors à une sorte d’enveloppe ou de tunique mince et diaphane qui éntourerait tout l'animal. On en voit souvent ainsi, nous a dit M. d'Orbigny, surnager à la surface de la mer, et'il 4 re= connu dans ces corps flottans la Sépia tunicata de Molina, fon- déé, comme on le voit, sur un fait mal observé, et qui étaitm restée, jusqu’à présent, un sujet d'incertitude pour les nätura- listes. Nous ferons observer que la Sepia tunicata de Georgi (Geogr. phys. und naturhist., etc. den Russischen Reichs, t.1v, p.2198) n'a aucun rapport avec l'espèce qui nous occupe; cest à tort FÉRUSSAC, == Seiché à six pañles. 195 que Gcorpgi à cru pouvoir identifier son espece à celle de Molina dans Gmelin. Malgré le peu de confiance que mérite Molina, il était impos- sible de ne pas admettre l'espèce qu’il a signalée sous le nom de Sepia unguiculata (x ), car étant le premier qui ait indiqué, d’une manière aussi positive , un Calmar à griffes, on ne pouvait supposer qu'il ait inventé cet animal. Il s'exprime d’ailleurs avec tant de précision , et ce qu’il dit a été reconnu si exact depuis que l'on connait divers Onychoteuthes, que l’on ne pourrait expli- quer une prévision si extraordinaire si on supposait que C’est une création de son imagination, Mais ce qu'on peut diffcile- ment concevoir, c’est que depuis le temps que Molina a signalé cette espèce, depuis qu'elle a été adoptée et reproduite par Gmelin dans un ouvrage qui est entre les mains de tous les natu- ralistes, depuis enfin que cet animal excite l'attention de tous ceux d’entre eux quise sont GÉEUPES des Céphalopodes, personne, excepté Schneider , n’ait songé à rechercher la source où Molina avait pris cette espèce, dans Tepôlt d'y trouver d’autres rensei- gnemens à son sujet, qu'il aurait négligé de nous transmettre. On savait assez, par de nombreux exemples , que c'était hors de l'ouvrage de Molina qu’il fallait chercher les espèces dont il à parlé. Schneider seul à fait des efforts à cet égard, mais il n’à pu, comme nous l'avons dit, pour cette espèce ni pour la Sepia tunicata, découvrir où Molina en avait trouvé l'indication. C'est cependant das un des ouvrages les plus connus, les plus généralement lus, traduits dans toutes les langues de L'ÉDIRPE qu'elle se trouve, et aucun naturaliste n’a remarqué, n’a relevé le passage qui la concerne, et qui, indépendamment de son in- (x) Sepia unguiculata , Morrxa, Saggio sulla Storia nat, dell Chili, p. 199. Trad. france P173. Sepia corpore ecaudato, brachiis unguiculatis. — 2° édit. ital., p. 175. Guerix, Sysl. nat., p. 3130, Buuron , Sys52, of nat. 1V, p. 119. Bosc, Buffon de Déterville; Pers, tt, p. 47. Le Poulpe onguiculé, Mowrront, Buffon de Sonnini, Mollusques ; t. x11, pe 99. Onychoteuthis Molinæ , Licurensreix, sis, t. 1818, p. 1592, n, 2. Loligo unguiculata, de Brave, Diction, des 86, nat., au mot Zoligo, t. XXY{Ir, P, 140. Journ. de Phys., 1. xcvt, mars 1833, p. 128, Onychoteuthis unguiculata, Féuvssac, Prodr,, p, 61, Sp. x1. 124 FÉRUSSAC, = Seiche à six pattes. térêt pour expliquer l'espèce de Molina, devait en inspirer beau- coup par la seule annonce d'un animal extraordinaire et resté pendant si long-temps inconnu aux naturalistes. C’est dans le premier voyage de Cook, enfin, c'est dans un récit de Banks lui-même, que Molina a pris ce qu'il dit de sa Sepia unguicu- lata , ainsi que nous allons le montrer en rapportant le passage où il en est fait mention . ® Nous transcrirons d’abord la description que fait Molina de cette espèce dans la première édition de son ouvrage, en em- pruntant la‘traduction de Gruvel après en avoir vérifié l’exacti- tude : « Son ccrps est sans queue ; au lieu de sucoirs, elle a les « pattes armées d’un double rang d'ongles pointus comme ceux « du chat, que l'animal peut retirer à volonté dans une espèce « de fourreau. Cette Seiche est d’un goût délicat ; mais on ne la « trouve que rarement dans ces mers ». Dans la seconde édition de son livre, il a amplifié et dénaturé les renseignemens qu'il avait d’abord donnés ; voici sa nouvelle version : « La prima e la « Seppia unguiculata, la quale à di gran mole, ed ha in luogo « di succhiatoi le braccia, o siano 1 due lunghi tentacoli armati « di un doppio ordine di artigli o unghie acute simili a quelle « del gatto, che si retirano, come esse, in una sorta di fodero. « Questa specie è di un gusto delicato, ma non e multo comune «in quel mare, dove fu. osservata dal cel. Bank nel primo « viagsgio del Cap. Cook. » Voici actuellement ie passage du premier Voyage de Cook: chap. vir, traduit sur l'édition originale{1), passage que Molina copié et arrangé en dissimulant d’abord son emprunt. C'est après avoir doublé le cap Horn, en se rendant aux nouvelles îles de la mer du Sud, etenviron par les 30° 44! de latitude S. et 110° 55" de longitude O., que l’on rencontra l'espèce dont il s’agit, « M. Banks trouva aussi une grande Seiche, qui venait d’être tuée « par les oiseaux; son corps mutilé flottait sur l'eau; elle était très « différente des Seiches qu'on trouve dans les mers d'Europe, « car ses bras, au lieu de suçoirs, étaient armés d’une double (1) Hawkesworth’s, Account of the Voyages undertaken for makin discoveries ir the southerr Hemisphere, London 1573, 3 vol. in-4°, av. fig.—Trad, frang. par Suard. Paris, 1774, 4 vol, in-4°. FÉRUSSAC. — Sezche à six pales. 125 « rangée de griffes très aiguës, ressemblant à celles du chat, et « qui se retiraient, comme celles-ci, dans une gaine charnue, _ « d’où elles pouvaient être retirées à volonté. Nous fimes avec « cette Seiche une des meilleures soupes que nous eussions jamais « mangées. » N’est-il pas étonnant que le docteur Leach, en signalant, pour Ja première fois, des Calmars armés de griffes; que Lesueur, en proposant, pour un autre de ces Calmars , un nouveau genre sous le nom d'Onychia ; que M. Lichtenstein enfin, en formant, pour ces mêmes Calmars, le genre Onychoteuthe, n’aient pas rappelé ce passage si intéressant d’un ouvrage et d’un observa- teur si célébres? Le dernier de ces savans avait cependant été mis sur la voie par la seconde édition de Molina, qu’il cite, en disant, il est vrai, g4’on y voit que Molina a pris sa description de sir Joseph Banks. Dans sa première description, Molina dit que cette espèce a les pattes armées d’un double rang d'ongles pointus, c’est-à-dire toutes les pattes , puisqu'il ne fait aucune distinction, ce qui est conforme au sens de la phrase correspondante dans le récit de Banks ; dans la seconde, au contraire, il change considérable- ment les caractères de cette Seiche, en ajoutant qu’elle a les bras, ou les deux longs tentacules armés , etc. Ici, il semblerait que ce sont seulement ces deux longs tentacules qui sont armés de griffes, ce qui n’est pas d’après le texte original. % Il est évident que Molina, en donnant pour habitat à cette es- èce les mers du Chili, a accordé à celles-ci une trop grande xtension, car, d'aprés le récit de Cook, l'individu dont il parle rait été pris à plus de 36° degrés à l'ouest des côtes du Chili, sans doute plus prés des îles de la Société que du Chili, Ainsi te espèce doit étre considérée comme appartenant à la mer du Sud. “Nous voilà donc éclairé sur l’origine de la Sepia ungriculala de Molina; nous voyons que c'est Banks qui, le prenrier, a si- gnalé avec précision un Calmar à griffes, et l’on peut inférer de son récit que c’est une espèce dont tous les bras sont pour- vus d’une double série de crochets aigus; s’il en était autrement, si la massue des longs bras, seulement, portait des crochets, il 126 FÉRUSSAC, — Seiche à six pattes. est impossible que Banks n’eut point fait cette distinction. D’ail. leurs, rien ne s'oppose à ce qu'on puisse admettre cette consé quence, puisque nous connaissons aujourd’hui d’autres espèces qui ont également des griffes à tous les bras; seulement nous n’en connaissons que de petites espèces, tandis que celle de Banks était grande. Il serait intéressant de rechercher dans les papiers de cet illustre savant si l’on ne découvrirait pas une des: cription plus complète, et peut-être un dessin de ce Céphas lopode. Gmelin, Turton, Bose, Monfort, M.de Blainville, ontadmis cette espèce ; nous l'avons comprise également dans notre Prodrome, nous réservant d'examiner son histoire lorsque nous publierons notre ouvrage. Lamarck l’a passée sous silence dans ses travaux sur les Céphaïopodes. Montfort en a fait un Poulpe, et on ne saurait précisément l’en blämer, car rien dans la description de Molina n'indique si c’est un Octopode ou un Décapode. On n’a pu la rapporter à ces derniers et au genre Onychoteuthe, avec toute vraisemblance, que depuis que l'on a connu avec certi- tude des Calmars à griffes, et c’est M. Lichtenstein qui a le pre- mier fait ce rapprochement et proposé de l’ériger en espèce dis- tincte sous le nom d’O. Molinæ. Monfort, selon sa coutume, a fait, au sujet de cette espèce, une amplification de collège, mais il n'a pas osé en donner la figure; il la décrit avec détail, bien que Molina n'ait dit que le peu de mots qu’il a empruntés à Banks, et il fait un tableau effrayant de la férocité de cette race de mollusques. M. de Blainville, après la description des trois Calmars à griffes donnée ‘par le docteur Leach dans le Journal de phy- sique (t. zxxxvr, p. 396), ajoute : « ZZ faudra probablement joindre à ce genre la Seiche onguiculée ; Sepia unguiculata, de Molina, Chili, qui pèse, dit=il, quelquefois cent cinquante livres ». C'est une erreur, Molina attribue ce poids à la Sepia tunicata , et non à l’unguiculata. M. de Blainville ajoute: « eé dont il paraît que le collège royal des chirurgiens de Londres possède un bras dont tous les suçoirs sont armés de crochets ex- trémernent forts et libres ». Nous croyons que cette conjecture est trop hasardée pour pouvoir être admise. Comme ce bras cEnvAis. — Crevettes des environs de Paris. 127 | paraît être fort grand, M. de Blainville a été porté à l’attri- _Duer à la Sepia unguiculata, à laquelle il venait d'accorder, par erreur, un poids de cent cinquante livres. 1l n’est cepen- dant pas impossible que ce bras appartienne réellement à cette espèce; mais comme on ne la connait pas, à vrai dire, et qu'il iniexiste aucune description de ce bras, toute supposition au “sujet de leur identité est nécessairement prématurée. Cette notice sur trois espèces introduites dans le système, malgré tout ce qu’elles présentaient d’extraordinaire et de con- traire à ce qui était connu, peut suggérer d'assez tristes ré- “flexions sur les amplifications, les réticences, les inventions fan- tastiques de quelques savans, et sur la légèreté qu’on apporte trop souvent dans les travaux scientifiques. Elle doit servir à prouver de plus en plus la nécessité d’un examen sévère avant “d'admettre ou de rejeter des espèces qui peuvent paraître sus- pectes. Sans doute, il est plus commode de prendre les faits tels qu'on les trouve, sans se donner la peine de les vérifier et de faire les recherches convenables. Nous savons fort bien que la plupart des naturalistes eux-mêmes, à l'exception d’un très petit nombre d'hommes spéciaux et érudits, ne s’apercevront pas des négli- gences, des doubles emplois, des erreurs sans nombre aux- quelles on s'expose en travaillant ainsi; nous savons donc aussi que quelques hommes seulement, dans cette immense répu- blique des sciences, dont on ambitionne les suffrages, rendront justice aux recherches laborieuses et consciencieuses du véri- le savant ; mais ces considérations ne sauraient détourner de a bonne route l’homme qui aime la science pour elle-même, et li tient à mériter l'estime de ce petit nombre de juges qu'il re- nait et quil respecte. L RE y Nos sur deux espèces de Crevettes qui visent aux envirens de Paris ; b Par M. Gervas. On confond généralement sous les noms de Cammarus pulix, aquaticus où fabialilis, comme ne formant qu'une seule espèce, les Créreties d’eau douce. Cependant uous pensons qu'il est facile de distinguer parmi ces animaux deux 128 GERVAIS. — Crevettes des environs de Paris. espèces au moins, qui toutes deux sont communes dans les eaux douces de nos environs, Elles différent entre elles non-seulement par leurs caractères zoologi- ques, mais par une particularité assez remarquable de leurs habitudes : jamais elles ne s’accouplent ensemble, et l’une à sur le dessus des anneaux de l’abdomen des épines que l'autre ne présente pas. Quoique ces deux espèces n'aient pas été distinguées par les auteurs, il existait cependant dans Ja science assez de données pour qu'il fût possible de les soupçonner. Roësel et Geoffroy n’ont parlé que de la première, et ils l'ont seule représentée, tandis que la seconde a été le sujet des figures données par MM. Desmarest et Zenker. Nous laisserons à celle qu'ont décrite ces derniers naturalistes le nom de Gammarus pulex, qu'ilslui ont donné d’après Fabricius; quant: à l’autre, nous lui appliquerons la dénomination de Gammarus Roëselii, qui rappellera qu'on ne doit la première connaissance à l’auteur dont elle porte le nom; l’une et l'autre peuvent être caractérisées ainsi qu'il suit : Gammarus PuLEx Fabr. Oculis reniformibus, antennis subæqualibus ; lin- gulo quoque abdomis lævi, id est non spinigero. C’est cette espèce qu'ont figurée MM. Desmarest (consid. gén. pl. 45 fig. 6) et Zerkerfig. B et C, dans une brochure publiée à Jena en 1831 sous ce titre « de Gamwnari pulicis hisé. nat. et sanguinis circuiti commen- latio. » Gaminarus roëselis Nobis. Oculis ac antennis gammari pulicis, sed abdo- minis cingulo quoque aculeato, id est supernè et posticè unispinigero. Asiacus fluviatilis Roësel. Znsecten Lelistegungen 11, pl. 52. Creveite des ruisseaux Geoffroy. ist. des Insectes pl. 21, fig. 6. Nous aurions voulu trouver pour cette espèce, comme nous avons pu le faire pour la précédente, un nom déjà existant dans la science. Mais nous n’avons rencontré que ceux de Gammarus fluviatilis ct G. aquaticus qui, ne nous ont pas paru devoir subsister ; le premier devenant insigmifiant dès qu’il est con- staté qu'il y a plusieurs Crevettes fluviatiles, et le second ne distinguant pas même les animaux auxquels nous l'aurions donné , de tous les autres Crusta- cés du même genre; puisque tous sont aquatiques. Le caractère sur lequel nous nous sommes surtout appuyé pour distinguer ces deux espèces, a déjà été employé plusieurs fois avec succès, surtout par M. Milne Edwards, pour la distinction des espèces marines. Quant à la diffc- rence que nous avons indiquée dans les habitudes, nous l'avons nous-mêmes observée très souvent. Toutes les fois que nous nous sommes procuré des Cre- veltes accouplées, et cela n’est pas dificile au printemps, nous avons toujours vu qu'un individu épineux était uni à un individu semblable; et de même pour ceux qui ont l'abdomen lisse, (1) On trouve aussi dans les environs de Paris, mais seulement dans l’eau de puits, une troisième sorte de Crevette, remarqua- ble par la petitesse de sa taille, qui ne dépasse pas en effet trois ou quatre milli- mètres. Cette Crevette, que nous considons comme une simple variété de sé- jour -est constamment étiolée, et ses yeux, au lieu d’être noirs, comme chez les précédentes, sont tout-à-fait sans pigmentum et non apparens. Nous Ja nomme- rons Gammarus pulex minutus, parce que c’est en effet à l'espèce sans épines. qu’elle appartient. (x) 1l pourra se faire cependant qu’on rencontre quelquefois le Gammarus pulex uni au Roceselii, rela est même probable; mais il n’en restera pas moins constaté que dans le plus grand nombre des cas, le phénomène a lieu, ainsi que nous l’avons indiqué. Quoique d'autres animaux s’accouplent parfois, on n’en admet pas moins comme certain que ces animaux sont d'espèce différente, er RTE 7 CO EE BEper mr ecteteren —— rm ————_—_—…——— FLOURENS, == Séruicéure du cordon ombilical. 129 RecnerCneEs sur la structure du cordon ombilical, et sur sa continuité favec le fœtus; (Lues à l’Académie des [Sciences le 6 octobre; 1835) Par M. Frouress, Troisième :Mémoire. SL 1. On a vu, par deux précédens mémoires , quelle est la struc- ture du cordon ombilical, et quels sont ses rappports avec le fœtus dans les Mammifères. 2. Cette structure et ces rapports subissent quelques modifi- cations notables dans les Oiseaux. 3. La première et la principale est que lamnios , au lieu d’ac- compagner le cordon dans toute son étendue, comme dans les Mammifères, se replie brusquement des bords de l'ouverture ombilicale, et revient immédiatement sur lui-même pour enve- lopper le fœtus. 4. Les élémens vasculaires du cordon ombilical ne sont donc plus revêtus, du moins dans toute leur étendue, par l’amnios ; et de ce premier point il suit que ces é/émens sont pluslibres, plus “séparés les uns des autres, et que l'ouverture ombilicale elle- même, plus libre (1),se prête d’autant plus facilement à la pé- nétration du sac vitellin ou ombilical dans l'abdomen; pénétra- tion qui doit s'effectuer vers l’époque de l’éclosion du jeune oiseau , comme chacun sait, et qui n’a jamais lieu dans les Mam- miféres. (x) Cette ouverture est, en effet, d'abord petite, et alors l'intestin est en partie hors de | Wabdomen ; plus tard, elle s'agrandit, et alors l'intestin rentre, et le jaune le suit. IV. Zoo, — Septembre. 9 130 FLOURENS. = S/ructure du cordon ombilical. 5. Telle est la première modification qu'offre la structure du cordon ombilical dans l’Oiseau. 6. Les modifications qu’offrent ses rapports avec le fœtus, ne sont pas moins importantes. $ IL 1. D'abord, et comme dans les Mammifères , amnios naît du pourtour de l’ouverture ombilicale; mais, chosé remarquable et particulière aux Oiseaux, C’est que l’amnios y répond, à lui seul, à toutes les couches de l'abdomen, c’est qu'il se continue, à lui seul, avec toutes ces couches. 2. Ainsi donc, et à la différence des Mammiféres, où l'amnios | ne répond qu'au derme et à l’épiderme, Yamnios des Oiseaux répond aux cinq couches de l'abdomen : l’'épiderme, le derme , le tissu cellulaire sous-cutané abdominal, les muscles abdomi- natix et le péritoine. (1) 3. Et, ce qui n’est pas moins remarquable, c’est que cet am- nios des Oiseaux , parvenu au point où il se continue avec les parois abdominales, se divise en cinq feuillets, dont chacun cor- respond à chacune des cinq couches de l'abdomen. 4. Un premier rapport du cordon ombilical des Oiseaux avec Je fœtus se fait donc par l'amnios, lequel se continue avec les cinq couches de l'abdomen. 5. Un second naït d’une seconde lame du péritoine , lame sous-jacente au périfoine abdominal, et qui se continue avec la membrane externe du jaune. 6. Quant à tous les autres rapports, ils sont déjà connus, savoir ceux de la membrane propre du jaure ou ombilicale, avec l’intestin ; de l'allantoide avec le cloaque ; et des vaisseaux de l'œuf, ou orphalo-mésentériques et ombilicaux , avec les vais- seaux propres du fœtus. (x) La division qui se montre d'abord, dans les couches abdominales du jeune oiseau, n'est que de trois couches : une pour le derme et l'épiderme ; une pour le tissu cellulaire sous- cutané et les muscles abdominaux ; et une pour le péritoine. Mais, en s’y prenant avec soin, on parvient à la division des cinq couches, comme on le voit par une des pièces que j'ai l'honneur de pré= senter à l'Académie. | ] L FLOURENS. — Structure du cordon ombilical. 131 7. Ce sont là tout autant de points que montrent, dans tout leur détail, les pièces que j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de l’Académie. $ Il. 1. Le premier résultat qui en dérive, c’est que le cordon om- bilical de l'Oiseau , comparé à celui du Mammifère, se simplifie _etse réduit presque aux seuls é/émens vasculaires; car, d’un côté, l'amnios Yabandonne presque dès son origine; et, de l’autre, il n’est plus enveloppé, du moins dans toute son étendue, que . par une seule membrane , savoir /a membrane externe du jaune. 2. Un second résultat, et plus important encore, c’est que dans l Orseaz , comme dans le Mamrmijère , toutes les parties de œuf se continuent avec des parties données du fœtus (1), en sorte que l'œuf et le fœtus ne sont, ainsi que je l'ai déjà dit, que deux parties, ou plutôt que deux systèmes de parties d'un méme étre , maïs, et ainsi que je lai déjà dit encore, deux sys- tèmes de parties dont la durée vitale n’est pas la même. 3. Considérées de ce point de vue, toutes les parties de l'œuf ne constituent donc, au fond, que des organes temporaires du fœtus , organes qui servent à sa digestion, comme le vife/lus, a sa respiration , comme l’a//antoïde , etc., jusqu’à ce que ses or- ganes propres, son canal dis gestif, ses poumons, €tC., puissent remplir eux-mêmes ces fonctions ; comme on voit d’ailleurs, et par un exemple plus évident encore, car il se passe sous les yeux de l'observateur, la queue et les branchies du tétard subsister tant que ses pournons et ses paltes ne sont pas suffisamment dé- meloppés , et disparaitre dès qu’ils le sont. LA 4. Mais je me hâte d’en venir à la détermination des rapports à l'œuf et du fœtus dans la classe des vertébrés qui, par la struc- ture de leur œuf, s'éloignent le plus des deux classes que nous Yénons de voir, je veux dire dans les poissons. (x) Le chorion , il est vrai , ne se continue point avec le fætus, dans l'oiseau et le quadrupède; mais il se continue avec lui dans l’.omme et le quadrumane ; : pr ise en général, c 'est-à-dire dans | l'ensemble de la série anim ale , cette proposition reste donc vraie dans toute son étendue : que | l'œufse continue avec le fo tus par toutes ses parties. 132 FLOURENS: = S/rUCture du cordon ombilical. $ IV. 1. On sait déjà depuis quelque temps, et surtout depuis les grands travaux de M. Cuvier sur la structure comparée de l'œuf dans les diverses classes, on sait que l'œuf des poissons est beau- coup plus simple que celui des vertébrés aériens. 2. À ne considérer, en effet, ici que ses élémens membra- neux, trois membranes seules le constituent : une première qui enveloppe tout l'œuf, c'est-à-dire le fœtus et le jaune ; une seconde qui, née du pourtour de l’ouverture ombilicale, enve- loppe le jaune seul et non le fœtus ; et une troisième qui, placée sous celle-ci, enveloppe immédiatement le jaune, et forme ainsi la membrane propre du jaune, la membrane vitelline ou ombi- licale. 2. Or, de ces trois membranes, la première seule n’a point de rapport direct avec le fœtus ; la seconde, composée de deux lames, se continue par sa lame externe avec la peau , et par l'in- terne avec le péritoine ; et la troisième se continue avec les tu- niques de l'intestin. 3. Tels sont les rapports de l'œuf et du fœtus dans les pois- sons. S V. 1. On voit qu'un fait général, celui de la continuité de l'œuf et du fœtus, se montre et domine partout, dans les Mammife- res comme dans les Oiseaux , dans les Oiseaux comme dans les Poissons. 2. Mais il est aisé de voir aussi que chacune de ces classes n’en a pas moins ses rapports, ou, si l’on aime mieux, ses Carac- tères particuliers et déterminés. 3. Ainsi,.d'abord, le chorion qui, dans l’homme, et (autant que j'ai pu en juger par la dissection du seul fœtus que j'aie eu à ma disposition ) dans les gzadrumanes , accompagne le cordon et se continue avec le fœtus , demeure, au contraire, étranger à ce cordon et à ce fœtus, dans les Quadrudupèdes et dans les Oiseaux. FLOURENS. — Séructure du cordon ombilical. 133 4. En second lieu, lamnios qui accompagne le cordon dans tous les Mammifères , ne l'accompagne plus, ou du moins la- bandonne dès son origine, dans les Oiseaux. Mais dans tous ces animaux, mais dans les Mammifères comme dans les Oiseaux, lamrios se continue avec le fœtus ; et c’est là son trait essentiel et caractéristique, dans l’une comme dans l’autre de ces deux classes. 5. Quant aux Poissons , on sait qu’ils n’ont point de véritable amnios ; car, d’une part, la membrane extérieure de Vœuf y em- brasse tout à-la-fois le fœtus et le jaune ou le vitellus , et ne s’y unit point au fætus ; et, de l’autre, la seule membrane qui y naisse du pourtour de l'ouverture ombilicale, et qui par là du moins y réponde à l’amnios des deux autres classes, est celle que nous avons vu former la membrane la plus extérieure du jaune. 6. Si donc l’on réfléchit que le tétard des batraciens n’a point d’amnios, ou du moins, d’après la remarque aussi juste qu’ingé- nieuse de M. Carus, n’en a d'autre que cette première peau qui tombe à l’époque de sa métamorphose; si l’on ajoute que le fœtus des Mollusques céphalopodes, de la seiche, par exemple, n’a pas non plus de véritable amnnios, du moins de membrane qui se continue avec le fœtus et qui n’enveloppe que lui ; si l’on con- sidère enfin que, d’après la grande loi établie par M. Cuvier, Vallantoide,ou l'organe temporaire de la respiration, manque dans tous les animaux qui ont des branchies, peut-être sera-t-on con- duit à cette conclusion qui, si ellefétait suffisamment vérifiée, serait si importante, savoir, qu'un véritable gmnios ne se trouve que là où se trouve une allantoïde. $ VI. 1. Je renvoie à un quatrième mémoire ce qui concerne lœuf des reptiles, considéré dans les différens ordres de cette classe. 2. Un cinquième aura pour objet l’œuf des invertébrés. 134 FLOURENS.— Structure du cordon ombilical. Je profite des momens que veut bien m’accorder l’Académie, pour lui présenter deux œufs de poule qui offrent quelques cir- constances singulières et remarquables. Le premier est un œuf qui contient deux petits parfaitement séparés, parfaitement distincts l’un de l'autre; chacun de ces petits est bien développé; chacun est complet, et néanmoins ils sont contenus tous les deux dans un seul amnios. | Cet amnios unique va, d’abord , de l’ombilic de l’un de ces petits à l’ombilic de l'autre; et, de ces deux points il se replie et se porte sur les deux petits pour les envelopper. On sait que les cas semblables, de deux fœtus contenus dans un seul amnios, sont fort rares dans la science. Dans l’œuf dont il s’agit, il n’y a certainement qu’un seul amnios, je n’y puis voir aussi qu'une seule a//antoide, il n’y a d’ailleurs qu’un seul jaune, il n’y a qu'un seul blanc. Mais il y a deux cordons, c’est-à-dire deux pédicules du jaune, deux pédicules de l’a//antoide, et deux systèmes de vaisseaux omphalo-mésenteriques et ombilicaux. Le second œuf singulier que je présente à l'Académie a moins d'importance. C’est un œuf qui contenait en lui-même un autre œuf entier. L’œuf extérieur, énorme, n’a que du blanc. L’œuf intérieur, entièrement contenu dans l’autre, et qui n’a pu être aperçu que par la rupture de celui-ci, est lui-mème assez grand ; et, de plus, il est complet, c’est-à-dire qu'i a, tout à-la- fois, un blanc et un jaune. DE HUMLOLDT. — Sur des empreintes de pieds, 135 Nore sur des empreintes de pieds d'un Quadrupède dans la formation de grès bigarré de Hildburghausenen Allemagne, Par M. ne Huweozpr. Lue à l'Académie des Sciences, séance du 17 août 1835. Jose, après une longue absence, fixer pour quelques instans Vattention de l'Académie sur un phénomène géologique d’au- tant plus important qu'il se lie à la grande question de pre- mière apparition des Mammifères à la surface de notre planète. Il y a déjà plus d'un an que, dans un terrain de grès bigarré (bunte sand stein) entre le village de Hesberg et la ville de Hildburghausen, sur le revers du Thuringer-Wald, on à re- connu des empreintes de pieds de grands animaux plantigrades qui ont traversé la surface encore molle de la roche en diffé- réntes directions. Un savant distingué; M. Sieoler, a éu lé mé- rite de faire le premier connaître ces traces dans une lettre adressée à M. Blumenbach, Cette lettre, sans doute, n’est pas restée ignorée en France; elle offrait le dessin des émpreintes de pieds du quadrupède antédiluvien. Ce dessin a été gravé une seconde fois dans les Archives zoologiques de’M. Wiegmaänn auteur de la belle description des sauriens du Mexique. Les petites dimensions et l’imperfection de la gravure de M. Siegler faisaient d’abord naître des doutes. Plusieurs géologues “pensaient que des formes de concrétions accidentelles comme Je muschelkalk et le bunte sand stein en offrent souvent, pou- Naïent avoir été prises pour des traces en relief moulées, pour ainsi dire, dans le creux de l'empreinte. Ces doutes ont disparu dans l'esprit des géologues qui ont vu la grande pierre de dix à douze pieds de long sur trois à quatre de large, que vient d’ac- _ Quérir le cabinet de minéralogie de Berlin, ét dont je vous offre un dessin exécuté avec beaucoup de soin, sous la direction de M. Weiss, directeur du cabinet. Pour présenter le phénomène avec plus de clarté, je n’ai fait dessiner que la tracé qu'a laissée 136 DE HUMEOLDT. — Sur des empreintes de pieds. un seul individu du grand nombre de ceux qui ont traversé le fragment de roche. Les animaux qui ont laissé ces dernières traces sont tous de plus petite taille, et M. Weiss y a pu distin- guer trois ou quatre espèces différentes. La route qu’ils ont sui- vie croise presque à angle droit celle du grand mammifère. Celui- ci est très remarquable par la grande inégalité de dimensions qu'offrent les extrémités antérieures et postérieures. Toutes ont cinq doigts. L'animal appartient probablement à l’ordre des marsupiaux ou animaux à bourse. M. Wiegman l'a comparé aux didelphes ; mais la conformation des doigts de l'extrémité postérieure dif- fère considérablement du genre didelphe, kangourou à pouce presque rudimentaire. Nous possédons à Berlin la roche du toit ; les empreintes se présentent par conséquent en relief. Celles des pieds de derrière offrent un pied extrêmement char- nu. L'animal semble avoir appuyé de tout son poids; sa marche ressemble à celle de l’ours : elle est à l’amble, la petite extré- mité antérieure droite étant placée trés régulièrement tout près du pied droit postérieur. Même au pied de devant, le pouce est séparé des autres doigts, presque comme dans un quadrumane ; à certains égards , l'empreinte rappellerait assez celle des pha- langers, animaux dont le musée de Leyde possède des espèces de très grande dimension; à certains égards aussi, l'animal sem- blerait se rapprocher des Loris. Au reste , j'émets ici ces idées sans y attacher une grande importance, et je laisse aux zoolo- gistes à décider la place que doivent occuper, dans la série des êtres organisés, ceux dont il est question ici. M. Siegler a trouvé des empreintes de pied postérieur qui ont jusqu’à douze et treize pieds de long. Dans un autre roc que possède le cabinet de Berlin, les doigts paraissent plus grèles; j'ai fait dessiner cette empreinte séparément, et je la mets, comme les précédentes, sous les yeux de l’Académie. Il sera peut-être intéressant de conserver les deux dessins au Muséum d'histoire naturelle; j'y joindrai les deux belles empreintes de poissons antédiluviens (Palæoniscum Wratislaviense Agassiz) de Rup- persdorf en Bohème, empreinte que je dois aux bontés de l’ex- cellent géologue M. de Dechen. r DE HUMBOLDT, — Sur des empreintes de pieds. 137 Dans le grand dessin des empreintes de pied de Hildburghau- sen, on trouve indiquées çà et là des concrétions sinueuses, ser- pulaires. Toute la roche de grès bigarré en est couverte comme d’un réseau. On a cru que ce sont des vestiges de plantes sur lesquelles animal a marché. La répétition des formes laisse des doutes. Peut-être ces bandes aplaties et sinueuses re sont-elles que des concrétions accidentelles, effet du desséchement, de la contraction des parties molles de la roche. Quant aux empreintes même qu'a laissées l'animal dans sa marche, l'aspect seul du dessin, le pouce détaché, dirigé trois fois alternativement vers la droite et vers la gauche, la juxta-position des grandes et des petites extrémités, et l'alignement, je veux dire la direction des empreintes , éloignent toute espèce de doute. Jusqu'ici, ce phénomène d’empreinte de pieds d'un animal dans la roche encore molle ne s'était présenté qu’une seule fois aux géologues. Je ne parle pas des empreintes de pied d'Adam ou de Bouddha à l'ile de Ceylan, et de quelques apôtres voya- geurs qu'on a cru me faire voir dans les coraillières du Nouveau- Monde; je rappelle ce qui n'appartient pas aux mythes de la géologie, mais à des faits bien observés, les empreintes de pieds de tortue, dont la connaissance est due à la sagacité de M. Buck- land. (Edimb. Tr. vol. 11. p. 194.) Ce qui donne une grande importance au phénomène que j'ose soumettre au jugement des géologues, c’est la place qu’oc- cupe la formation du grès bigarré dans la série chronométrique des roches. On se souvient encore de l’étonnement que causait au plus grand et plus illustre des scrutateurs modernes de la na- ture, l’existence d’un didelphe dans les schistes de Stonefield de la formation jurassique ou oolithique. Les formations de keuper, du muschelkalk, du grès bigarré, sont placées sous les oolithes, et le mammifere de Hesberg, qui est l’objet de cette note, appartient au grès bigarré. Je sais que quelques géologues ont été tentés d'attribuer ces empreintes à des sauriens de l’Ancien-Monde. Mais la forme charnue de la plante des pieds, la nature de la marche des crocodiles que j'ai observée si souvent sur les plages de l'Orénoque; ne me per- mettent pas de me ranger à cette opinion. 138 DE HUMBOLDT. — Sur des empreintes de pieds. Déjà, à l’époque’ des monocotylédonées du terrain houillier, de grandes îles ont été à sec et peuvent avoir été propres à nourrir des mammiferes. EXPLICATION DE LA PLANCHE D. Empreintes des deux pieds du côté droit, de grandeur naturelle; le petit pied est repré- senté dans la position qu’il occupe toujours relativement au pied de derrière. Dans le grand dessin dont on a reproduit ici une portion, on voyait plusieurs de ces groupes d'empreintes placées à des distances égales et dirigées dans le même sens ; les empreintes des pattes du côté opposé sont situées au-dessous de celles figurées ici en sorte que les deux pouces se trouvent dirigés en dehors. Apprrion. -— M. Roulin, en rendant compte de ce Mémoire dans le temps, a fait sur ces empreintes les remarques suivantes que nous croÿons importantes à noter : Ayant eu l’occasion d'examiner les deux beaux déssins pré- sentés par M. de Hamboldt, nous ajouterons à la description qu'il donne de ces traces un trait assez remarquable, c'est que dans ces sortes de mains, le doigt détaché, ou pouce,est dirigé extérieurement par rapport à la voie, ce qui exige une des trois suppositions suivantes : ou que la position du doigt libre chez cet animal était l’inverse de ce qu’elle est chez les autres, ou qu'il marchait de manière à ce que les doigts fussent dirigés en arrière, où enfin, ce qui est plus probable, qu'il marchait en fauchant, de manière à ce que le membre droit se portât à gauche avant de toucher le sol, et le membre gauche à droite. (1) (x) Cette manière singulière de marcher en croisant les pattes ne peut guère se rencontrer chez les reptiles dont les membres sont dirigés en dehors presque à l'angle droit avec le corps ; mais certains mammifères ont quelquefois une allure semblable; nous en avons été frappé en observant un ours à longues lèvres; il est vrai de dire que l'animal était en cage et u’avait que très peu d'espace à parcourir; mais le chevauchement latéral des pattes était si marqué que ce mouvement nous a paru lui être habituel, et que les empreintes de ses pas auraient probablement indiqué l'espèce de renversement dans la position du pouce signalée par notre confrère M, Roulin, Du reste, on ne connait aucun mammifère ayant les pattes semblables à celles de l'animal antédiluvien dont il est ici question, et beaucoup de natura- listes pensent qu'il appartenait plutôt à la classe des reptiles. Cette dernière opinion a été Soutenue par MM, Carus et Link , ainsi qu’on le verra dans la note suivante. Red. . s ——— rt | | | LINK. — Traces d'animaux inconnus. 139 Nore sur des traces de pattes d'animaux inconnus contre-épreu- vées dans le grès, près de Hildburghausen, Par M. Li, correspondant de l'Académie des Sciences, Lue à l'Académie le #6 octobre 1835. Le plateau du Hildburghausen, situé au pied du Thuringer- wald, est formé par le grès higarré qui s’élève quelquefois en petites collines. On a ouvert plusieurs carrières dans ce grès, qui est employé à bâtir, et c’est dans une d’elles qu'un maître maçon nommé Wintzer remarqua le premier, il y a environ un an, ces traccs qui lui parurent extraordinaires. Il en donna connaissance à M. Sickler, qui les décrivit dans une lettre à M. Blumenbach. Cette lettre, accompagnée de figures, parut en janvier 1835. Depuis ce temps, on a trouvé des traces semblables dans quatre autres carrières distantes d’une lieue l’une de l’autre, et dont la dernière est près de la ville d'Hildburghausen. L'auteur de la note a visité trois de ces carrières au mois d’août dernier, en compagnie de M. Weiss de Berlin. Voici la disposition de ter- rain qu'ils y ont observée. Immédiatement au-dessous de la surface du sol, on voit des couches alternatives de grès et d'argile, ayant ensemble ro pieds “d'épaisseur. On enlève ces couches, qui ne fournissent point de pierres propres à bâtir, et l’on parvient à une couche de grès plus dure, dont l'épaisseur ne dépasse pas un demi-pied, et qui repose sur une couche d'argile d'épaisseur variable. La couche de grès n’est presque pas crevassée, et on dirait une plaque unie d’une énorme étendue, Supérieurement, elle n'offre rien de remarquable,et ce n’est que lorsqu'on en a renversé les frag- mens qu'on aperçoit, sur la face inférieure, les traces en ques- tion, traces très abondantes et en général très distinctes. Ce ng sont pas les empreintes même des pieds, mais leur contre- 1/0 LINK. — Traces d'animaux inconnus. épreuve qui est nécessairement en relief, la foulée originale étant creuse; leur saillie est très variable, d’un demi-pouce à trois pouces environ. Il faut souvent nettoyer le grès de l'argile qui y reste adhérente pour bien voir ces traces qui sont tou- jours celles de la face inférieure du pied. On ne peut douter que ce ne soit l'argile sous-jacente qui ait recu l'empreinte originale du pied de animal ; puis , sur cette argile qui formait peut-être le fond d’un marais, sera venu se déposer une couche de sable charriée par l'eau , couche qui une fois solidifiée et transformée en grès, aura conservé en contre- épreuve les foulées que présentait au moment de l'invasion la surface de l'argile. Ce n’est que dans cette couche qu’on a trouvé les traces de pieds; jamais on n’en a observé ni dans le grès su- périeur, ni dans le grès inférieur qu’on a exploité. Il est facile de distinguer les pattes de quatre espèces d'ani- maux différens ; mais je ne parlerai ici que de celles qui sont les plus communes. & On trouve toujours les traces des deux trains antérieurs et postérieurs de l'animal; celles des pattes de devant ont environ six pouces de longueur, celles de derrière sont moitié plus pe- ütes. Aux unes et aux autres on remarque cinq doigts ; le pouce s'écarte presque à angle droit des autres doigts. « Les deux « pouces d'une paire de pattes, dit M. Link, sont dirigés tou- « jours du même côté, mais les pouces de la paire suivante de « pattes sont dirigés du côté opposé : l'animal a donc marché « lamble. Un fait extraordinaire, c’est que les paires de pattes « se suivent dans une ligne droite; il faut donc que l'animal ait « marché en fauchant. » M. Wiesman, qui a vu la pierre couverte de traces que M. Weiss avait fait apporter en mai à Berlin, et qui en a parlé dans son journal {d'histoire naturelle, veut voir dans les ani- maux qui ont laissé ces traces des mammifères; M. le comte de Munster, au contraire, suppose que ce sont des amphibies. Cette dernière opinion est aussi celle de M. Link. En effet, dit- il, tous les mammifères à pouce ao sont plantigrades ; or, Mi les traces en question, il y a pas la moindre indication de tars e même dans les endroits où l'animal paraît avoir glissé. uinrk.=— Traces d'animaux inconnus. x4r Les Batraciens, d’un autre côté, ont très souvent le pouce éloigné des autres doigts, sans tarse proéminent; chez eux, les pattes de devant sont quelquefois plus petites que les pattes de derrière. Les traces indiquent un animal qui marche Pamble, mais cette allure est celle des salamandres. Les pieds de droite et de gauche viennent se placer sur une même ligne droite, et cela ne se passe pas ainsi chez les salamandres ; mais les camé- léons marchent ainsi, non-seulement sur les arbres, mais à terre. Ces diverses considérations portent M. Link a penser que « les animaux qui ont laissé leurs traces sur le grès de Hildbur- ghausen , étaient des batraciens ou des sauriens gigantesques. Outre ces traces, on en voit encore d’autres sur la surface de la pierre : celles-ci forment un réseau quadrangulaire à filets saillans de quatre à huit lignes. Quelques naturalistes y voient la contre-épreuve d’un fendillement opéré'à la surface de l'argile. Cependant, en raison de la régularité que présentent ces mailles, tant dans leur écartement que dans la grosseur des filets, M. Link ne peut y voir l'effet de simples crevasses, il pense que ce sont des empreintes de racines ou plutôt de Rhi- zomes , tels que ceux de l’Acorus calamus, qui, rampant à la surface des marais, y auront creusé des sillons, puis, venant à se pourrir, auront laissé vides ces sillons que le sable aura en- suite remplis. Les rhizomes, à la vérité , ne présentent pas d’a- nastomoses comme celles que nous montre le réseau dont nous parlons , mais l’auteur pense qu'il n’y aurait point d’invraisem- blance à en supposer chez quelques végétaux du monde primitif. 142 CH, MORREN. — {nfluence de la lumière Essais pour déterminer l'influence qu’exerce la lumière sur l& manifestation et les développemens des êtres végétaux et animaux, dont Porigine avait été attribuée à ‘la génération directe, spontanée ou équivoque ; Par M. Cn. MorrEn, Professeur de botanique à l’université de Gand. Quatrième Mémoire. (1) Influence de la lumière décomposée. C'était autrefois une opinion généralement admise, que de considérer les êtres vivans comme aussi anciens que la nature; mais peu-à-peu , ébranlée par une étude‘mieux dirigée du règne animal, elle fut abandonnée dans ces derniers temps, lorsque la géologie eut fait voir que les animaux, comme les plantes, avaient suivi, dans leur apparition sur ce monde , un certain ordre chronologique qui se trouve d'accord avec la série mail- tiple des complications successives de l’organisation. Inscrits les uns après les autres, sur le grand registre des naissances pre- mières, les êtres organisés, à chaque fois qu’ils variaient de type, établissaient ainsi autant d'époques distinctes dans les annales cosmogoniques du globe, et, comme leurs dates relatives d’in- scriptions s'accordent avec l'échelle ascendante que nous obser- vons aujourd'hui dans l’organisation de tous les êtres vivans, nous sommes naturellement conduits à regarder les productions les plus simples, comme les représentans des productions les plus anciennes , avec lesquelles elles ont de commun une struc- ture très peu compliquée et des facultés extrêmement bornées. Considérés ainsi, les animaux et les végétaux ne sont que les produits matériels de la puissance de la nature et les résultats de lois auxquelles elle est elle-même soumise. Cette puissance et l’action de ces lois, ou, si on le veut, des forces que certains (1) Voyez p. 13. sur le développement des Infusoires. 143 _ agens connus exercent dans l’univers, sont considérées par les uns comme un ensemble de circonstances qui permet à la vie de se maintenir et de se propager sur la terre, tandis que par les autres, cette puissance et ses forces incessamment agissantes et productives, sont regardées comme les conditions qui susci- tent et créent de nouveaux organismes , à chaque fois qu’elles ‘viennent à se réunir favorablement : ces deux opinions consti- tuent aujourd'hui deux grandes écoles; les Français appartien= nent évidemment plus à la première; les Allemands plus à la se- conde. Ceux-ci admettent la force active de la nature, continuel- lement en travail pour produire de nouveaux êtres; ceux-là, cette même force, incessamment occupée à propager les espèces qui vivent déjà. Ce qu'il y a d’essentiel dans l’école allemande, c’est d'admettre que des élémens matériels doivent se disposer d’une certaine façon pour s'organiser et prendre vie. Cette disposition se fait en vertu de deux conditions : le conflit dans l’action simultanée des agens extérieurs et la force active de la nature. Cette dispo- sition se fait dans la gangue des organismes, c'est-à-dire dans là matière solide, capable de revêtir une structure propre, et qui * va bientôt déterminer un état dynamique dans ses élémens au- quel on donnera le nom de vie. La partie de cette gangue, ainsi modifiée, sera l'ébauche de l'animalité, car on nous permettra de nous en tenir aux animaux seulement dans cette exposition pour y apporter plus de simplicité. Aussi long-temps donc que lébauche existe, l’état des agens extérieurs exerce encore la “plus grande influence sur la formalité (r) de l'être à créer ; et sa forme ou sa place dans l'échelle des organisations n'est pas en- “core déterminée; il y a bien, en vertu de l’action primitive des agens extérieurs et de la force de la nature, une prédisposition wers telle ou telle forme , telle ou telle structure définitive , mais ni cette structure, ni cette forme ne sont irrévocablement fixées ; il y a encore variabilité. (2) (x) Pouvoir de prendre forme, (2) Pouvoir de varier, 344 CH. MORREN. — {nfluence de la lumière C'est ici le nœud gordien de toutle système. La variabilité cesse, dès qu'une circonstance quelconque, mais provenant toujours d'une condition extérieure , a imprimé à l’ébauche un caractère de fixité qui l'empêche de prendre une autre forme que celle dé- terminée par la condition modifiante, et les êtres qui naissent par cette voie de génération seraient capables de constituer autant d'espèces qu'il y a de conditions modifiantes. Or, celles-ci provien- nent des agens extérieurs; ces agens extérieurs sont connus; c’est- à-dire dansleur nombre etleur mode d'action. Le nombredes com- binaisonsqu'ilfpeuventeffectueren s’unissant entre eux, est donc également déterminable, et par suite nous saurons si les produits des générations équivoques sont en nombre indéfini, et nous sau- rons même prévoir de quel être nous allons enrichir le règne animal, quand nous aurons déterminé les actions uniques ou multiples qu’exécutent les agens extérieurs. Les limites de la va- riabilité seront connues, les termes de la formalité définis; et, dans ce cas, l’ébauche deviendra un véritable germe, absolu- ment comparable aux germes des animaux qui se procréent les uns les autres, dans ce sens qu'il ne peut produire un embryon, un fœtus, un nouveau-né, un animal parfait, autre que celui assigné à son espèce. L'état de germe est donc irrévocablement lié à la condition de l'espèce. Il est donc évident, d'après ces considérations, que dans le système des générations directes, les êtres organisés arrivent une fois à une certaine époque d'existence , à un certain terme de leur organisation en travail, où la coudition de fixité est bien établie. Au-delà de ce terme, ils ne sauraient être autrement qu'ils ne sont. Mais il est notoire qu’en decà de ce terme, c’est- à-dire aussi long-temps qu'ils étaient des ébauches, ils savaient devenir autre chose que ce qu’ils eussent été, si les conditions extérieures avaient apporté quelque modification dans leur ma- mère d'être. Or, il est donc naturel de penser que, si nous pou- vons provoquer dans la gangue de l’animalité une ébauche quel- conque, modifiable par les actions des agens extérieurs, les expériences seront possibles sur ces ébauches , et tout le système de la génération directe ne sera plus qu'un chapitre de la phy- sique positive et de la physiologie matérielle. La voie de l’expé- | sur le développement des Infusoires. 145 rience est en définitive ce qui doit nous conduire à assigner les véritables phénomènes de cette génération , si elle existe réelle- ment, ou à le rejeter du cercle de nos connaissances positives, si c’est une fausse interprétation des lois naturelles. Pour nous, qui avons tenté de mesurer les effets de la lumière dans la manifestation de ces mêmes êtres qu’on dit provenir par la génération directe, nous continuerons à raisonner dans le sens de ce système, pour déduire ensuite de nos expériences les conséquences qui nous le feront admettre ou rejeter. Jusqu'ici nous avons observé les effets de ia lumière tel que ce fluide existe dans le cours ordinaire des choses, et dans l'ordre général de la nature, si nous avons suscité dans les mi- lieux, propres à nous les montrer, les gangues de l’organisation, les ébauches qui sy sont développées, et, par suite, les êtres parfaits que nous y avons observés, ils n’ont été influencés que par la lumière composée, variant seulement en intensité, en clarté, et modifiée quant aux réflexions et aux réfractions de ses rayons. Mais de même qu’on pourrait prendre, par exemple, Vair atmosphérique, comme un élément de variation dans les conditions modifiantes, et en examiner tous les effets, de même nous nous sommes attachés à considérer la lumière composée, sous le rapport de chacune de ses propriétés. Mais l'air atmo- sphérique pourrait être ensuite décomposé, et chacun de ces élé- mens pourrait devenir à son tour le sujet de recherches nou- _velles , et l'observateur statuerait ainsi quel est, dans l'air, l'élé- » ment le plus actif. Or, ilen est de même pour la lumiere, et il nous importe beaucoup de connaitre ses effets, quand elle est décomposée, c’est-à-dire quand ses rayons rouge, jaune, vert, . bleu, indigo et violet agissent séparément. C’est ce que nousallons tâcher de déterminer dans ce quatrième mémoire. J'ai donné le nom d'essais à ces recherches, et c’est le seul . qui leur convienne ; c'est ainsi que dans ce mémoire, on verra .. . ) TA r 1. 7. que j'ai expérimenté avec peu de moyens matériels, et que j au- rais dû travailler avec plus d’instrumens, avec des insirumens . plus précieux et dans des conditions plus strictes, plus rappro- : : É vs » "At . chées de celles indiquées par les physiciens; mais, comme l'u- .sage des instrumens de physique qui se trouvent daps les cabi- IV, Zoor, — Septembre. 10 146 CH. MORREN. =— {nfluence de la lumière nets de l'Etat, n’est pas accordé à tout le monde, j'ai été obligé de travailler avec infiniment moins de moyens; mon travail se ressent de tous les défauts de l'isolement. On voudra bien le prendre comme de simples tentatives, et avec d’antant plus d’indulgence, que les personnes qui sont à même de faire des expériences plus complètes, négligent ce sujet d'étude. Pour apprécier quel serait l'effet propre aux différens rayons de la lumière décomposée, quand ils viennent éclairer des mas- ses aqueuses où tout se trouve disposé pour favoriser la manifes- tation des êtres organisés les plus simples des deux échelles, il faudrait faire agir ces rayons tels qu’ils nous sont donnés par le spectre solaire qu’un prisme réfracterait dans une cham- bre obscure ; chaque rayon serait séparé de ses voisins par des diaphragmes, et ces expériences donneraient infailliblement des résultats fort curieux. En effet, comme l’ouverture des dia- phragmes devrait être fort petite, pour faire agir les rayons de la plus grande pureté, les surfaces éclairantes pour les vases remplis d’eau seraient elles-mêmes d'assez petite dimension ; or, nous avons vu que cette dimension peut diminuer Re. ment, quand la lumière blanche agit, et comme chaque rayon de spectre aun pouvoir éclairant différent, on aurait de suite les rapports entre ces différens pouvoirs, comparés à celui de la lumière blanche, et mesurés par leurs effets sur les organisa- tions qui se seraient développés. Herschell a trouvé, comme on le sait, que les rayons jaunes possèdent le maximum de clarté, et qu'immédiatement après eux, viennent les rayons verts, et qu'enfin ce pouvoir éclairant diminue très vite, quand on s'approche des limites du spectre, où sont les rayons rouges, d’une part, et les violets, de l’autre. Nous n’avons pas pu constater par ces sortes d'expériences les effets de ces rayons, mais nous croyons pouvoir présenter quel- ques considérations sur ce sujet par d’autres expériences que nous avons répétés avec beaucoup de persévérance, depuis six ans que nous nous occupons de ces recherches. Au milieu des rayons du spectre solaire, c'était des verres colorés dont nous nous servions dans nos expériences. Les tein- tes de ces verres s’approchaient le plus possible de l'intensité et sur le développement des Infusorres. 1479 du brillant des couleurs données par le prisme. Ce mode d'in- vestigation avait d'ailleurs un avantage réel; c'est que nous pou- vions agir avec une plus grande quantité de rayons colorés que si nous eussions travaillé dans la chambre-obscure. Nos verres étaient de petites carafes ou des fioles diversement colorées au moyen de vernis transparens. Cette année (1931), j'ai répété toutes les expériences qu’on va lire, avec des verres dont la ma- … fière colorante avait pénétré toute la masse, et avait été fondue avec elle. Le rouge cramoisi (semblable à 12 couleur des pétales “de l'amarillis formosissima vues au soleil) seul était attaché à … la surface du verre. Ces verres provenaient des vitrages de nos - églises du moyen àge. Les résultats de ces nouvelles SOCHAF Che - ont été sensiblement les mêmes que pour les verres colorés par du vernis transparent. Chaque carafe avait les 213 de sa capa- cité remplis d'eau commune, puisée la veille, et ayant séjourné un jour dans une carafe ouverte. (1) D’autres recherches sur l'influence des atmosphères sazeuses qui pèsent sur les masses d’eau, nous avaient conduit à cette conclusion singulière : de toutes les circonstances possibles, la plus favorable à la prompte manifestation des êtres organisés, quand des masses tissulaires ne sont pas introduites dans les milieux liquides où ces êtres se développent, est celle, où l’eau “est influencée, d’une part, par l'air atmosphérique libre, et non “renfermé, et, de l’autre, par une atmosphère tranquille et in- cluse de gaz hydrogène. Ce résultat, soit dit en passant, est re- arquable en ce qu'il fait voir, comme je l'ai dit ailleurs, que i l'influence favorable des gaz semble être en rapport avec leur on-dissolubilité dans l’eau, et qu’ainsi ils n’auraient pas d’ac- ion immédiate, néanmoins de la part de l'hydrogène, il y au- ait un effet propre positif, un effet qui semble provoquer, seconder et favoriser d’une manière spéciale la manifestation des êtres organisés les plus simples. J'ai fait usage de cette pro- r (x) Ces précautions ne sont pas inutiles, sans elles vous auriez beau expérimenter pour ob- fenir des êtres organisés, vous n'obtiendriez j jamais de résultats positifs. Je ferai remarquer que cette enu oh PRTR se forme dans des lieux obscurs; et ne avoir red par les couches du | | 10, | | | 148 CH. MORREN. — fnfluence de la lumière priétédanslesexpérien cessur lalumière décom posée, comme pro- pre à donner des résultats positifs dans lemoins de temps possible. Je fis donc deux séries d’expériences, l’une commença le 6 mai 1829, l’autre, le 8. Dans la première, les carafes rouge, orangée, jaune, verte, indigo et violette, renfermaient de l’eau ! commune , #nfluencée préalablement par l'air libre pendant tout un jour. Les carafes étaient renversées sur de petits ba- quets remplis de mercure, et ce métal empêchait toute commu- nication entre l’air extérieur et l’eau, contenue dans les vases dont les 213 en étaient remplis. Les carafes étaient ensuite fixées par quatre ficelles aux baquets, et exposées sur la tablette de ma croisée qui recevait les rayons du soleil depuis sept heu- res du matin jusqu’à cinq heures du soir en été. Un vase blanc absolument disposé comme les carafes colorées était placé à côté de ceux-ci pour Fecevoir le point de comparaison. Dans la seconde série, les carafes colorées comme ci-dessus et renfermant une quantité égale d’eau, avaient leur tiers supé- rieur rempli de gaz hydrogène, leur col plongeait dans de petits baquets remplis d'eau. Or, notez cette différence, l'eau des va- ses communiquait directement avec celle des baquets, et cette dernière se trouvait sous l'influence de Flair extérieur. Si elle venait donc à recevoir dés êtres organisés, elle pouvait les com. muniquer à l'eau influencée de l’autre part par l'hydrogène; ces êtres pouvaient donc s’y placer où leurs fonctions s'exécu- taient le mieux. Du reste, les caraïes étaient placées, comme précédemment, sur la même tablette de croisée et aban- données au repos le plus absolu. Une carafe blanche était pla- cée à côté d'elles et sous les mêmes conditions. Le 19 mai suivant, c'est-à-dire le onzième jour d'expérience, japercus un effet positif dans deux des vases appartenant à la seconde série, et le 18, vers le soir, j'avais distingué quelque chose de particulier dans les baquets inférieurs, mais je n’osais rien déclarer de positif, lorsque le lendemain le phénomène de- vint trop évident pour laisser le moindre doute. Contre les parois des baquets de porcelaine blanche, dans lesquels plon- geaient le vase blanc et le vase rouge à atmosphère d’hydro- gene, se manifestèrent des taches orbiculaires, bistrées, qui plus sur le développement des Infusoires. 149 tard grandirent et se divisèrent en zones concentriques dont les plus internes étaient les plus foncées en couleur. Examinées au microscope, ces taches offraient des amas innombrables de navicula tripunctata des auteurs. Dès le 27 suivant, les taches avaient déjà cinq à huit millimé- “ires en diamètre. Du 8 au 19, le thermomètre avait varié de 15 à 21°. Les six derniers jours, il était régulièrement monté, vers midi, à 21°, et le soir, à dix heures, de 17 à 18°. Ce fut, je crois, la continuation de cette haute température durant les six jours, où le soleil luisait beaucoup, qui provoqua si vite dans nos vases - les effets que nous y avons notés. > Avant d'aller plus loin, il convient d’éclaircir un point qui pourrait paraître assez singulier. D’après ce que nous avons dit, le baquet du vase rouge montrait des Navicules avant les autres, cependant le baquet ne paraît pas être influencé autrement que ceux des autres vases : c’est la lumière blanche et l’air extérieur qui agissent sur chacun d’entre eux. Ainsi il n’y aurait pas plus de raison pour voir les Navicules se développer dans les autres baquets que dans celui-là. Mais il faut noter, 1° que le col des vases, plongeant dans les baquets, réfracte leur couleur, et la porte sur la surface blanche et polie des baquets, qui renvoie ces rayons ainsi colorés, et parait l'être elle-même; 2° que les 5 propriétés colorifiques de chaque couleur étant différentes, les » baquets où les vases les plus chauds seront plongés, recevront une partie de cette chaleur qui influencera la manifestation des êtres organisés. Or, le rayon rouge est le plus calorifique; il n’est donc pas étonnant que c’est dans son baquet, que les Na- vicules se sont développées en premier lieu. Le 20 mai, des taches semblables à celles que nous avons dé- crites plus haut, se manifestèrent dans le col des vases rouge et blanc, elles étaient peu nombreuses; à la loupe, on distinguait les naviculu tripunctata dont elles étaient formées. Le thermo- mètre s'était soutenu de 21° à 22°. Enfin, le 21, le corps même des carafes rouge et blanche “montrait une grande quantité du macules (taches régulières) orbiculaires, zonées, bistrées ou vertes : je comptai vingt-sept taches de navicules dans le vase rouge, et trente dans le blanc, 150 CH. MORREN. == fnfluence de la lumière disposées dans ce dernier sur la paroi opposée à la lumière, dans le premier, au contraire, sur la face antérieure, c'est-à-dire sur celle qui recevait directement la lumière (1). C'étaient tou- jours des Navicules à irois points, mais déjà, au milieu des cer- cles du centre, dans chaque grande macule bien chargée, je vis, au moyen d’une bonne loupe, des points verts. C’étaient des globulina exilis. Ce jour-ci le thermomètre avait marqué de 21° à 22°. Le 22 mai, au soir, C'est-à-dire au quatorzième jour d’expé- rience, le vase jaune me montrait tout-à-coup, et après une seule nuit, autant de macules de Navicules que ie vase rouge; toutes étaient adhérentes à la paroi qui recevait directement la lumière, et le bas du ventre de la bouteille en contenait plus que le haut. Cette apparition subite s’est due à un effet de chaleur, le ther- momètre avait marqué ce jour de 25 à 22°. L'augmentation d’un seul degré de chaleur, dans les hautes températures, a, comme on voit, une influence très manifeste, Mais, chose étonnante, le 23 mai, le thermomètre monta jusqu’à 25°, par conséquent, à deux degrés de plus qu'il n’en avait fallu pour faire développer, comme à vue d'œil, sous la couleur jau- ne, les mêmes êtres que sous la couleur rouge, et partout, mal- gré cette élévation de température et l’ardeur du soleil dans ces (x) Ces observations sur les sites favorables où les êtres organisés se sont développés dans ces circonstances , viennent à l'appui de ce que nous avons déjà fait voir, c’est-à-dire que, lors- que l’inteusité ou la clarté de la lumière diminue, la position que prennent les matières vi= vantes pour se fixer , varie, et qu'ainsi à un certain terme de clarté ou d'intensité les productions organisées se transportent en avant du vase pour y recevoir directement l'influence de la lumière, tandis que, dans d’autres cas , elles restent en arrière pour ÿ subir l'effet des couches lumineuses ou de plus “grande clarté. Or, le pouvoir éclairaut des rayons colorés, au maximum dans le rayon jaune, ne suffit déjà plus pour y faire venir les végétaux sur la paroi postérieure, à plus forte raison, un phénomène semblable se passera dans la bouteille. Il est clair aussi que l'effet du rayon jaune est ici comparable à celui que nous a donné un trou de 4 centimètres carrés qui éolairait une quantité équivalente d’eau. On pourrait donc encore chercher par cette voie les rapports entre les clartés des rayons colorés et celles de la lumière blanche, quand le nombre de ses rayons ou la grandeur de la surface éclairante diminue. Un autre fait que je no- terai de même, c’est que, si les espèces végétales qui se développent sous l'influence d’une suite de clartés différentes, ne varient pas, ces espèces restent tellement constantes qu’elles se trouvent cbligées de naître sous les rayons blancs, rouges, jaunes, oranges, Cette stabilité est digne de remarque , puisque, avec elle, tant d’autres conditions varient, et je prie les partisans du sysième des générations équivoques de noter ce fait. he. sur de développement des Ænfusoires. 155 jours d'expérience, aucun autre vase coloré ne montra le moin- dre être organisé. Il a fallu attendre jusqu’au dixième jour sui- vant, c'est-à-dire trente-irois jours d'exposition constante à la lumière et à la température de 13 à 25° pour voir un pointillé vert, très faible, ne formant point de taches en amas ou en zo- nes, mais couvrant uniformément toute la face interne anté- rieure du vase orangé. C'était simplement et uniquement la gl0- bulina exilis. | Cette énorme différence de temps et de circonstances ne per- met pas d'associer Jes rayons oranges aux rouges et aux jaunes, sous lesquels la manifestation des êtres organisés est vivement provoquée. Ce fait singulier des rayons oranges s'est vérifié aussi pendant l'hiver de 1829 à 1830, dans les serres chaudes du Jar- din-Botanique de Bruxelles. À chaque fois que j'ai fait ces ex- périences, j'ai trouvé constamment ces trois faits remarquables : 1° qu'après les rayons rouges et jaunes qui montrent, on peut dire en même temps, des êtres organisés, ce sont les oranges qui les suivent immédiatement pour cette propriété; 2° que la différence entre les époques où les êtres se montrent sous les rayons rouges et jaunes, d’une part, et de l’autre, sous les rayons oranges, est toujours très grande; 3° que toujours les êtres or- ganisés qui se développent sous les rayons rouges et jaunes, offrent une certaine complication dans leur structure (les Navi- cules) tandis que ceux qui se manifestent sous les rayons oran- ges sont infiniment simples (Globulines). Quand des vases colorés par des vernis conservent l'intensité de leurs teintes, aucune autre couleur ne permet le développe- ment des êtres organisés, mais quand, par une cause quelcon- que, ces teintes s’affaiblissent, ou, lorsqu'on emploie des verres dont la coloration est très peu intense, on trouve qu'après le - rouge, le jaune, l'orange, se rangent le bleu d’indigo et le violet. Jamais dans nos essais, le vert n’a montré le moindre effet po- siif. Dans toutes ces expériences, il est infiniment probable que des rayons de lumière blanche passent entre ceux qui sont colorés; et C'est ainsi qu'il faut attribuer à la lumière blanche les effets que nous venons de noter. I se pourrait encore que ce fût à l'action simultanée des 192 CH. MORREN, — {nfluence de la lumière rayons solaires et des rayons blancs, que l'on düt le développe- ment des êtres, mais je suis moins tenté d'admettre cette der- nière explication : ce qu'il y a de particulier, c’est que le rayon vert jouit du plus grand pouvoir éclairant, après le jaune, et que cependant il ne se développe rien sous son influence. Cet effet serait-il lié à la coloration en vert des végétaux ? Notons pourtant que toutes les productions apparues sous les rayons rouges, jaunes et oranges, sont vertes. Le résultat immédiat qui me paraisse le plus certain dans ces expériences, c’est d'admettre que le rayon vert est inhabile à faire développer des végétaux sous son influence, par une propriété sug generis qui lui est in- hérente, Dans toutes ces expériences, les masses aqueuses se trouvaient influencées, d’une part, par une atmosphère d’hy- drogène et, de l'autre, par l'air ambiant extérieur : et le temps qu'il a fallu pour obtenir des résultats, était, par ce moyen, for- tement abrégé. Voyons maintenant ce qui s’est passé dans les vases de la première série, c’est-à-dire dans ceux où l’eau se trouvait influencée seulement par une masse incluse d’air at- mosphérique, et où d’ailleurs toute communication avec l’inté- rieur était coupée par le mercure qui remplissait les baquets. Ce fut le 3r mai que j'apercus, pour la première fois, une apparence d'êtres organisés dans un des vases de la première série. A la fin de ce même jour, le pointillé qui s'était formé était déjà si évident, qu’à la loupe je distinguai très bien les Glo- bulines qui les constituaient. C’étaient de petits points verdâtres, päles, non réunis en macules ou taches régulières, mais épais. égaux entre eux, collés contre la paroi interne du vase et du côté d’où venait la lumière, depuis la base du col, jusqu’à quatre centimètres au-dessous de la surface de l'eau. Entre ces points, on distinguait une granulation fine, égale, verte et composée de grains épais de la même espèce. Quand je détachai plus tard lap- pareil, je vis que c'était la globulina exilis. Ce vase était le jaune. I lui fallut donc 25 jours de mise en expérience pour donner lieu à cette manifestation , c'est-x-dire 12 jours de plus que lorsque le vase jaune contient de l'hydrogène. Le thermomètre avait varié de 15 à 25°, mais le degré le plus constant était 2 1°. À la même époque, le vase blanc, qui se trouvait exposé sur la sur le développement des Infusoires. - 69 même ligne, à côté des vases colorés, ne présentait encore au- cune matière organisée. Ce résultat négatif paraîtrait devoir in- firmer quelques conséquences que nous allons émettre plus loin , mais il ne mérite pas en lui-même une confiance absolue, d’après ce que nous avons dit sur les bouffées qui projettent dans l'air les germes des êtres organisés. D'ailleurs des vases blancs, et dont le col plongeait aussi dans du mercure ,montraient des êtres organisés aux 12%, 13% ou 14° jour. Ici, cet effet n'eut lieu qu'après le 43% , mais, comme je viens de le dire, nous faisons peu d'attention à ce retard, parce que le terme moyen de beaucoup d'expériences semblables , et faites dans les circon- stances analogues, donne 14 jours, comme époque communé- ment nécessaire. Ainsi, le rayon jaune influence l’eau ordinaire, de manière à lui permettre de devenir le siège du développement des végé- taux les plus simples. Nous avons déjà vu que les mêmes rayons avaient permis l'établissement des navicula tripunctata dans l’eau, soumise à l'action simultanée de l'air atmosphérique et du gaz hydrogène. Il fallait alors 13 jours, maintenant il en faut 15. Cette différence tient certainement à celle des conditions : d’une part, il y avait libre communication entre l’eau captive dans le vase et l'air extérieur, il y avait influence directe de l'hydrogène; de l’autre, toute relation avec l’air extérieur était interrompue, et l’eau n’était influencée que par un volume d’air captif. Cette variation dans le temps ne saurait donc être attribuée au rayon jaune , et, puisque à circonstances égales, Le temps qu'il a fallu … au rayon jaune pour permettre le développement des êtres or- ganisés dans les milieux qu'il éclaire, est précisément le double de celui qu'il faut à la lumière blanche pour donner lieu au même effet, je conclus de là, que le rayon jaune possède une propriété retardatrice, égale à l’action favorable du rayon blanc. Le rayon rouge, comme nous allons le voir, jouit de la même propriété. Le lendemain, 1 # juin , il y avait dans le vase rouge un poin- tillé vert semblable à celui du vase jaune. Ce jour-là, rien encore que des globulina exilis. Toutes les autres couleurs n'avaient pas provoqué , au 7 juillet suivant, le moindre développement. 154 CH. MORREN, — Înfluence de la lumière Je laissai pourtant les vases encore une année dans la même po- sition, mais, après cette époque, n'obtenant aucun résultat, j'en conclus qu’il y avait là impossibilité pour que la vie s'établit. Ces deux séries d'expériences s'accordent parfaitement sous le rapport de l'effet lumineux. D'une part, 1lest vrai, le rayon rouge était le premier à montrer des végétaux, de l'autre, c'était le rayon jaune; mais aussi, dans la première série, le jaune sui- vait immédiatement le rouge, et, dans la seconde, le rouge sui- vait le jaune. Les intervalles entre les apparitions sont même si légères, qu’on peut, en quelque sorte, les négliger et établir qu'il y a presque parité entre ces deux rayons. Si l'on vient maintenant à rechercher quelles sont les pro- priétés physiques particulières à ces rayons, on voit, d’après les travaux d’Herschell, de Frauenhofer, d'Englefield et de Rochon, que le rouge est le plus calorifique, et le jaune, le plus lu- minatif. ‘ Il nous paraît donc que, dans nos expériences, il y avait né- cessité de fait pour que les êtres organisés apparussent de préfé- rence sous ces rayons, et il nous paraît encore, d'après la parité d'action entre les rayons rouges et jaunes, que l'effet de la cha- leur compense celui du pouvoir éclairant, et vice-versé. Le maxi- mum des pouvoirs dans le rayon jaune supplée à ce qui lui manque de chaleur, comme la grande chaleur qui se développe. sous le rayon rouge, supplée à ce qui lui manque de pouvoir éclairant. Les végétaux les plus simples, comme les plus com- posés, sont également soumis à la grande influence de ces deux . agens , le calorique et la lumière. Dans une troisième série d'expériences, j’exposai à la lumiere, pendant l'hiver de 1829 à 1830, des vases colorés par du vernis transparent, et fixés sur des baquets de mercure, dans lequel leur col plongeait; les 273 de leur capacité étaient remplis d'eau ordinaire , et le 173 supérieur d’air atmosphérique captif. J’opé- rai dans les serres chaudes du Jardin botanique de Bruxelles, depuis Le 30 novembre 1829 jusqu’au 3 mars de l’année suivante. Dès le 23 décembre, des grains verts, que je reconnus plus tard comme appartenant à une espèce toute particulière de Globu- lines, s'étant manifestés dans le vase jaune d'abord , puis dans le | | sur le développement des Infusoires. 15 rouge, mais seulement à un jour d'intervalle, il fallut donc pour que ces résultats s’obtinssent en hiver, autant de temps qu'il en faut en été pour avoir les mêmes effets : Je dois cependant ob-. server que la chaleur des serres nouvellement construites avait varié plus que je ne l’eusse desiré. La différence de deux jours que nous remarquons dans les époques d'apparition, doit être considérée ou comme nulle, ou comme l'effet des saisons. Je dois faire remarquer un fait digne d'attention dans la seconde série de nos expériences et dans la troisième , nous n'avons vu - se développer dans l’eau que des Globulines : il y a de commun entre elles que les vases ne communiquaient pas avec l'air exté- rieur, et que l'air qu'ils contenaient, était retenu captif et en repos. Au contraire, dans la première série, nous avons remar- qué des globulines et des navicules. Dans ces expériences, l'air ambiant pouvait exercer son in- fluence sur les masses aqueuses. Dans tous les autres vases ou- verts, sur lesquels nous faisions des observations au Jardin bo- tanique , nous reconnümes des g/obulines, des anabaines, des navicules etmème des animalcules. Ces résultats étaientles mêmes en hiver et en été. Dans les serres, nous obtinmes une espèce de navicules très singulière et très grande; elle se propageait si abondamment, que les plaques de verre sur lesquelles elle s’était fixée, semblaient recouvertes d'une grosse croûte de rouille. De même , dans nos expériences sur le gaz hydrogène, il y avait “toujours des navicules qui se développaient de préférence. La “végétation y était, à la vérité, moins forte qu’à l'air libre , mais il n’en est pas moins constant que l'organisation estinfiniment plus favorisée sous l'influence du gaz hydrogène et de Fair at- mosphérique réunis, que sous celle de l'air agissant isolément. Je résolus donc de laisser les vases colorés de la premiere série, “soumis à l'influence du soleil de juillet, pour tàcher de voir les progrès relatifs de l'organisation de cette époque. Une chaleur Mrextérieure de 25° à 28°, soutenue assez constamment depuis le 14 jusqu’au 27 juillet 1829, favorisait singulièrement mon projet. Du 18 mai jusqu'au 12 ou 13 juillet, il n’y avait dans le vase rouge que des 156 CH. MORREN. =« fluenee de la lumière Navicula tripunctata , Clobulina exilis, Monas lens, Kolpoda cosmopolita. Le vase jaune montrait les mêmes êtres à la même époque. Après les fortes chaleurs dont nous parlons , il y avait une bien plus grande quantité d'êtres organisés dans les mêmes vases, non-seulement sous le rapport des individus, mais sous celui des espèces. J'y distinguai principalement : 1° Des membranes crystallines ou gélaniteuses, très minces, sans tissu appréciable, régulières, légères, étendues, planes, tantôt solitaires, tantôt agelomérées par amas informes, et enfin enclavant dans leur épaisseur des monas termo et des globulina exilis vertes, jaunâtres, brunes ou blanches, réunies en nombre indéterminé, formant ainsi des masses arrondies, solitaires ou épaisses. 2° Des Globulina termo, 3° Des Globulina exilis, 4° Des Baccilaria , une espèce très simple, verte; 5 Des Navicula tripunctata, en foule ; 6° Des Cystodiella elegans, sorte de végétal vésiculeux très singulier, et faisant partie d’un genre particulier dont nous avons découvert quatre espèces ; l’organisation en est assez compliquée. 7° des Monas termo; 8° Des Monas lens; 9° Des Kolpoda cosmopolita; 10° Enfin, une énorme quantité de trinella, animalcule très composé, ayant à sa partie postérieure des poils raides, organes particuliers qui, si nous n’en connaissons pas l'usage, n'en in- diquent pas moins une structure infiniment plus compliquée que celle des Gymnodés. Cette espèce de trinella n’est pas dé- crite, et nous l'avons retrouvée chaque fois que du gaz hydro- gène agissait sur de l'eau, quoiqu’elle se manifeste aussi sous l'influence de l'air libre; nous l'avons nommée Trinella hydro- geniphila. nt Ft uit sur le développement des Infusoires. 157 Je dois faire remarquer aussi que les Cystodiella elegans ne se retrouvaient pas dans le vase jaune, apparemment parce que leur développement se trouve lié à une très grande chaleur, condition qui se trouvait réunie aux autres dans le vase rouge. Le vase orange ne montrait, à la même époque, que son pointillé ordinaire, c’est-à-dire des globulines enclavées parfois dans une espèce de membrane à-peu-près composée comme celle du vase rouge. Il y avait quelques Trinelles hydrogéniphiles, Nous connaissons clairement, par ces expériences, que, quoique la vie s’établisse ou se soutienne sous le rayon orange, l’organisation y est en quelque sorte stationnaire , et que, d’ail- leurs, elle ne dépasse pas un certain terme dans les degrés de complication; que, sous l’influence des rayons rouges et jaunes, l'organisation prend un accroissement successif avec le temps, et que le rapport entre la succession des différens êtres qui se manifestent est le même pour ces deux sortes de rayons, de facon qu'il nous permet de croire que l'effet de la caloricité, chez l’un , compense celui du pouvoir éclairant chez l’autre. Enfin, ce qu'il faut que je note particulièrement, c’est certe étonnante similitude entre les étres qui se sont développés de la sorte. Toutes ces espèces naissent aussi sous l'influence d’autres conditions, de celles même qui sont les plus ordinaires dans. l’ordre des choses naturelles. Toutes ces espèces sont constam- ment les mêmes, malgré la différence des conditions extérieures, et, si les circonstances opèrent quelques variations, elles ne portent ni sur l’essence ni sur les caractères des espèces déve- loppées, mais sur le temps auquel elles apparaissent, sur le nombre de leurs individus et sur les réunions qu’elles affectent entre elles. Ce sujet est trop fécond en grands résultats pour que nous n'y revenions pas bientôt. La similitude constante qui se manifeste parmi les êtres dé- veloppés dans ces différens vases, en entraine une autre dans l'aspect des eaux qui y ont séjourné, et dans celui des pro- duits solides qui se précipitent de ces eaux. Les liquides étaient jaunes, les précipités organiques grumeleux, flocon- neux, jaunes ou verts étant mouillés, d’un blanc sale étant sé- 158 CH. MORREN.— fnfluence de la lumière chés. Enfin, les pellicules légères étaient toutes également jau- nâtres et irisées. Les expériences que nous venons de faire connaître sont destinées à nous offrir encore des considérations particulières pour connaitre les influences de la chaleur, des atmosphères spéciales, des gaz, des communications interdites ou non avec l'air ambiant, des gaz agissant concomitamment avec l'air at- mosphérique des saisons, etc. Nous ne pouvons nous attacher ici qu'à l’exposé de celles qui sont relatives à la lumière; nous allons les exposer. Il nous paraît constaté que les couleurs principales qui com- posent la lumière blanche n’ont point sur la manifestation des êtres organisés dans les milieux liquides capables d’en soutenir la vie, les mêmes influences les unes que les autres, mais que ces influences varient comme les couleurs. Le rayon violet que les recherches de Sennebier nous avaient montré comme le plus favorable de tous (et même comme le seul qui le fût) à la germination des plantes et à leur colora- tion en vert, n’exerce aucune influence spéciale, quand il s’agit de provoquer dans de l’eau qui lui est soumise Le développement des végétaux les plus simples. Il est à remarquer que les phy- siciens ont attribué à ce rayon plusieurs propriétés que des nou- velles recherches lui ont fait ôter par la suite. Aussi sommes- nous disposés fortement à répéter et à varier les expériences de Sennebier. . En second lieu, nos expériences nous prouvent que, de toutes les couleurs élémentaires , celles qui favorisent le plus la mani- festation et le développement des êtres organisés des deux règnes, quand les milieux aqueux qui doivent en soutenir l'existence ne contiennent pas des masses tissulaires, sont le rouge et le jaune, et cette propriété est, à peu de chose près,au même degré chez l’une comme chez l’autre. Cette propriété est en rapport direct avec la grande calori- cité du rayon rouge, et le pouvoir éclairant maximum du rayon jaune. Cependant, si l’on fait la juste part de ce qui revient, dans cette double influence, à la lumière et à la chaleur, on doit ob- sur le développement des Infusoires. 159 server que ces deux rayons ont un effet favorable plutôt par ane influence de chaleur que par un effet de lumière. On sait que pour le degré de caloricité, le jaune vient immé- diatement après le rouge, tandis que, pour le pouvoir éclairant, si le rayon jaune atteint le maximum, le rayon rouge ne se trouve posséder ce pouvoir qu’à un faible degré. Le rayon orange “ va mème avant lui pour cette propriété. Il est donc à présumer, … d’après cette observation, que, si les êtres organisés se déve- - loppent de préférence sous l'influence des rayons rouges et jau- nes, cela dépend plus de la propriété ca orifique éminente de ces rayons que de leur pouvoir éclaïrant respectif. Ainsi l'influence probable de ces rayons n’est point en raison com- posée de leur chaleur et de leur pouvoir éclairant, comme on aurait pu le croire, mais sensiblement en raison de leur propriété calorifique seule. Si l’on vient à comparer entre eux les résultats que nons avons obtenus, lorsque, d’une part, les masses aqueuses étaient influencées par les circonstances les plus favorables à la manifestation des êtres organisés, et d’une autre part, ces circonstances secondaient bien moins leur dé- veloppement , on se trouvera convaincu que le temps qu'il faut aux rayons rouges et jaunes pour montrer des êtres organisés, développés sous leur influence, n’est pas toujours le même, puisqu'il est coordonné à l’ensemble des circonstances agis- — santes qui ne proviennent pas du fluide lumineux, tandis que, sous des conditions rigoureusement identiques, le temps qu'il - faut respectivement aux rayons rouges et jaunes pour que les buns et les autres donnent un résultat positif, varie si pen, que la différence peut être considérée comme nulle, et que, par suite, l’action des rayons rouges peut être assimilée, sans erreur sensible, à celle des rayons jaunes, et réciproquement. En se rappelant ce que nous avons dit du nombre des jours qu'il a fallu aux rayons jaunes pour donner lieu à la manifesta- tion des Globulines dans le vase qu'ils éclairaient, nous trou- “vons également qu’il est infiniment probable, quoique à cet égard nous n’avons pas de gertitude bien reconnue, que, sous une atmosphère d’air commun renfermée, le rayon jaune re- tarde le développement des végétaux les plus simples, d’un 160 CH. MORREN. — {n/fluence de la lumiere temps égal à celui qu'il faudrait rigoureusement pour que ces mêmes espèces se manifestassent sous la lumière blanche. Dans les circonstances identiques, le rayon rouge jouit de la même propriété , et ce temps est la mesure des influences. Si l’on compare également entre elles les expériences où nous avons fait entrer comme élément de variation le temps d'action ou la durée des influences dans une série d'expériences essen- tiellement comparables entre elles, nous avons trouvé qu'à mesure que les influences lumineuses des rayons rouges et jaunes se prolongent sur les masses aqueuses, les êtres organisés qui s’y développent, augmentent sous le rapport numérique des individus et des espèces, en raison directe de cette prolongation | (jusqu’à un certain'terme); mais avec une légère différence pour le rayon rouge, sous lequel la vie prend plus d'énergie, en ce sens que, sous son influence, les êtres sont spécifiquement plus nombreux et plus compliqués en structure que sous celle du rayon jaune. Cet effet tient apparemment à la plus grande cha- leur du rayon rouge. Une autre conséquence qui résulte de la même observation, et qui n’est, au fait, qu'un corollaire de la loi précédente, c’est que les animaux Gymnogènes soit simples, comme les Gymnodés, soit composés, comme les Mystacinées (1) ne naissent dans les milieux aqueux sous l'influence des rayons rouges et jaunes, qu'après que les plantes s’y sont déjà développées, de sorte qu'on ne sait pas précisément, si c'est à la longue durée de cette influence ou à la présence des végétaux , que se doivent ces mêmes animaux, bien que nous croyions que ce soit à la dernière cause plutôt qu’à la première, qu'il faille attribuer cet effet. De même, d’après la succession, d’une part, des globulina termo et globulina exilis aux baccillaria, navicula et cystodiella et, de l’autre, des monas termo, au monas lens, kolpoda cosmo- polita et aux trinella hydrogeniphilia succession que lobserva- tion a trouvée en rapport avec le temps de expérience, on voit (1) Voyez la classification de M. Bory de St.-Vincent, insérée dans l'Encyclopédie méthodique, le Dictionnaire d'histoire naturelle et quelques opuscules séparés du même auteur, | sur le développement des Infusoires. 16r évidemment que l’organisation va en se compliquant davantage; à mesure que les influences des couleurs élémentaires de la lu- mière se prolongent; de manière que les écheiles animale et vé- gétale sont d’autant ‘plus graduées que les temps d'action du- rent plus long-temps. IL importe beaucoup dans ces recherches, comme dans l'é- tude de ce que la nature nous offre dans le grand spectacle de l'univers, de préciser les sites que les êtres habitent de préfé- rence, surtout quand ces sites sont simplement favorables , et non d'élection, dans le sens propre du mot, puisqu’alors ils nous font découvrir une relation intime entre la nature de l'être, et les circonstances extérieures sous lesquelles il s’est dé- veloppé. Aussi avons-nous remarqué dans ce mémoire que sous les rayons colorés comme ceux du spectre solaire, les végétaux développés sous l'influence de ceux de ces rayons qu'on pourrait appeler vivifians (le rouge et le jaune) occupent constamment le devant des vases, de sorte que la clarté de ces rayons est, sous un certain rapport, comparable à celle que donne par ré- fraction une couche d’eau de 5 à 6 pouces d'épaisseur. Cette conséquence résulte évidemment de ce que nous avons établi dans notre troisième mémoire. IL n’est peut-être pas de phénomène plus singulier dans l’ordre des choses qui nous occupe ici, que la constance dans la siruc- ture des espèces, qu’elles se manifestent sous l'influence de la lu- mière composée, ou sous celle des rayons colorés. Il nous paraît donc avéré qu'il existe pour les êtres organisés , de quelque na- ture qu'ils soient, animaux ou végétaux, une si grande fixité dans leur organisation, que la moindre différence , je ne dirai pas spécifique, mais de varieté même la plus légère, ne s’observe jamais, que ces êtres naissent et se développent soit sous l’in- fluence de la lumière composée, soit sous l'influence de la lu- mière décomposée en ses couleurs élémentaires. Dans cette der- nière circonstance, les rayons rouges, jaunes et orangés, peu- vent agir indifféremment, jamais on n’observera la moindre dérivation de structure, le moindre changement d'organisation, la moindre différence individuelle dans les êtres développés sous l'influence de ces rayons. IV. Zoor, — Septembre. d 162 CH. MORREN. — {nfluence de la lumière Et, comme un corollaire de cette loi générale, nous avons ob- servé que, lorsque l'intensité des couleurs s’affaiblit, en même temps que cette perte permet à la lumière blanche d'agir concomi- tamment avec ce qui reste de rayons colorés, les êtres organisés ne varient pas davantage et appartiennent toujours aux espèces déjà connues. Ces êtres sont les mêmes que ceux développés sous la lumière composée et sous les rayons de couleurs élémentaires. Je conclus de là, qu'il est indifférent pour l’organisation et le nombre des espèces animales où végétales qui se manifestent dans les milieux nécessaires au maintien de leur existence, que la lumière agissante soit blanche ou colorée quand l'intensité de la teinte est fortement affaiblie. Chacune de ces lois s'applique aux êtres des deux règnes, parce que, dans nos expériences, nous avons vu se développer les uns et les autres. Certes , la plus importante de ces considérations est celle qui nous ramène à l'exposition philosophique des deux grandes écoles qui partagent aujourd'hui la science de la biogénie. Nous voulons parler de la fixité de l'organisation et de l'invariabilité des espèces qui naissent sous tant de conditions différentes ap- pelées modifiantes et considérées comme telles, tandis que leur influence ne modifie réellement quoi que ce soit.Ajoutonsici, pour terminer ce travail, quelques idées que suscite naturellement l'exposé des expériences mentionnées dans ces quatre mémoires. Dans le système des générations spontanées, on admet que la gangue de l’organisation ou sa matière première est un corps gélatineux ou mucilagineux dans lequel les agens extérieurs, la lumière, la chaleur , le fluide électrique, l'air atmosphérique et le liquide ambiant vont détérminer une disposition moléculaire particulière qui s’'appellera tissu, dès qu’elle sera appréciable à nos sens. La gangue devient alors l’ébauche de l'animalité ; et son état dynamique , amené par les agens extérieurs, l'élève au rang d’être vivant qui en tout cas doir appartenir à une certaine es- pèce.Or, dans ce système, les conditions extérieures déterminent cette espèce, et la font ce qu’elle est, et la variation dans ces conditions est aussi ce qui doit modifier l’état du tissu, la forme de l’ébauche, l'impression qui l'élève à l'état de germe et enfin sur le développement des Infusoires. 163 ce qui fait l'espèce. Nous avons vu comment le nombre des es- pèces serait lié de cette façon à celui des combinaisons possibles entre les agens, et nous avons vu également que si ce système est fondé, c’est à l'expérience seule à le prouver. Or, nous nous attachons à faire varier d’une infinité de manières un des agens principaux, celui auquel personne n’a refusé la suprématie dans les influences , et dont tout le monde a exalté singulièrement les propriétés modifiantes. Ces tentatives ne se bornent pas à le considérer sous le rapport de son absence et de sa présence, de son intensité; de son énergie d'action, des propriétés qu'il ac- quiert en passant par d’autres agens, elles vont même jusqu'à le décomposer en ses, parties élémentaires, et malgré toutes ces variations, nous ne parvenons pas à créer autre chose que ce qui fut toujours, à faire développer un seul être, quelque petit et quelque simple qu'il soit, qui n’existât depuis des siècles, et si nous ne disons pas depuis l’origine du monde, c’est que nous nous tenons dans cette rigueur de logique qui n’admet l’existence d’un être que depuis que les auteurs en ont décrit les caractères. Nous voyons donc s'évanouir notre espoir de créer des espèces, d'enrichir l'inventaire de choses naturelles et d'ajouter à l’uni- vers des organismes vivans, quelques êtres vivans qui eussent pu faire foi de notre puissance. L'homme serait donc réellement incapable d'imprimer à la matière quelque forme d'organisation que ce soit, et toujours cette matière obéirait à des agens qu'il nous est aussi impossible de saisir que de spécifier. Dans la na. ture , les forces actives seraient donc invariablément les mêmes, et leur constance d’action se maintiendrait avec d'autant plus de fixité qu'aucun être vivant ne saurait les modifier par la raison qu'elles lui échappent toujours. Il faut avouer que dans le sys- téme des générations directes, on aurait dû prévoir ces objections. | Si l’on avait demandé à quelque partisan de cette théorie : Croyez-vous que tout ce qui existe de vivant sur la terre con- serverait l'existence et l'intégralité des caractères spécifiques, si tout-à-coup là lumière du soleil se décomposait, et si les rayons rouges éclairaient seuls la surface du globe? Il est probable qu'il nous aurait répondu qu'au moins, si l'existence de quelques êtres ne serait pas gravement compromise par un tel change- IL, 164 CH. MORREN. — Înfluenee de la lumière ment dans l'univers, bien certainement l'influence de’ cette mo- dification dans les agens extérieurs devrait apporter un boule- versement général dans les espèces, et une variation immense dans l’organisation. Or, l'expérience prouve que pas même les plus simples des animaux et des végétaux n'offrent sous cette influence le moindre changement, et elle prouve, de plus, que ces mêmes êtres ne sont pas modifiés en quoi que ce soit, malgré qu'ils aient subi cette influence avant leur état de germe, avant l'impression vers un type déterminé d'organisation, avant donc qu'il y avait énvariabilité dans leur essence. Il est donc avéré qu'il y a ici quelque chose de plus que des raisonnemens contre le système des générations spontanées ; ces expériences passeront, je pense, pour des preuves de faits chez quelques personnes. La seule manière de les réfuter vic- torieusement, serait de créer des espèces nouvelles en définis- sant les conditions qu'il faudrait pour les produire. Cependant nous n'’ignorons pas que beaucoup de personnes croient à la possibilité des générations directes, parce qu’elles ne peuvent s'expliquer par les générations continues la présence de quelques êtres dans certains lieux où l’on ne les voit pas ar- river pour se reproduire. Ne pouvant démontrer, comme Redi l'a fait pour les insectes, que des êtres y déposent leur progéni- ture,elles admettent que cette progéniture s’est créée d'elle-même, mais il faut avouer qu’adopter ainsi le système des générations spontanées, c'est le recevoir au pis-aller, c’est poser en fait ce qui doit être prouvé : car je ne puis croire à la génération spontanée, que pour autant que vous m'aurez créé un certain être direc- tement. Or, c'est ce que personne n’a fait encore jusqu'ici. D'une part, si je considère que dans nos expériences où les conditions variaient si singulièrement, les êtres manifestés étaient toujours les mêmes, quelles que fussent lesconditions, et si, d’une autre, je fais attention que le nombre seul des espèces de ces êtres variait comme les conditions, je dois reconnaître que toute l'influence des agens extérieurs, en se modifiant plus ou moins, se borne à agir sur la disposition numérique des espèces, mais nullement à en créer de nouvelles. C’est absolument comme si les conditions permettaient ou ne permettaient pas le dévelop- sur le développement des Infusoires. 165 pement pour quelques espèces, et voilà tout. La constante fixité dans l’organisation des espèces développées, a tant de rapport avec ce qui se passe dans les générations continues, que je suis tenté de croire que, puisque dans celle-ci, l'être produit ressem- ble toujours à l'être producteur, les êtres que je vois se dévelop- per sans que j'apercoive leurs parens en proviendront cepen- dant, parce qu'ils se ressemblent tous entre eux, autant que se ressemblent également entre eux les produits des générations continues. Je serai encore plus porté à cette croyance, si je fais attention à ce fait: ce qu'on me désignait comme condition mo- difiante, ne modifie rien, donc si les êtres développés ne chan- gent pas, c'est que la cause qui détermine la fixité dans lorga- nisation, est plus puissante que la condition modifiable, et, comme partout je vois l’inertie de cette dernière et nulle part son influence directe et positive sur l’organisation, j'en conclus que cette condition n’exerce aucun effet sur l’organisation. On voit d’après cela que, pour nous, l'effet des conditions extérieures est, non de changer, de modifier l’organisation dans un être vivant, mais de permettre aux fonctions de ces êtres de s'exercer ou de cesser, par conséquent de vivre ou de mourir. C'est de là que provient ce double résultat de fixité dans les organisations développées, et de variété dans le nombre des êtres qui se manifestent. Il y a, en outre, une circonstance d’un intérêt tout aussi ma- jeur. Les circonstances, comme nous l'avons vu partout, qui permettent la manifestation des êtres organisés, sont toujours celles qui permettent également leur développement, c’est-à- dire, l'exercice de Révit fonctions. Or, comme le développe- M d’un être est la condition sine qu& non pour qu’il me de- “vienne appréciable, sa manifestation suivra toujours son déve- Joppement. Cependant, dans le système des générations, cette même manifestation est prise pour sa naissance ou sa création, et on conclut qu'un être se crée parce qu'il se développe, actes fort différens dans leur origine et leur nature. Si les germes de quel- | ques êtres devenaient tellement petits que, comme germes, ils | échappassent à nos sens, devrions-nous en conclure que ces | | 166 CH. MORREN. — Înfluence de la lumière , etc. êtres sont sans germes?Si maintenant ces germes s’introduisent, à notre insu, dans des milieux où ils se développent et font voir des êtres que leur grandeur nous permet d'observer, devrons- nous dire que ces êtres sont venus là tout formés ét sans déve- loppement préalable? Je ne pense pas; et c’est là pourtant le raisonnement qu'on a employé pour attribuer à la génération équivoque l'origine des Hydrophytes inférieurs et des Gymno- gènes dans les masses aqueuses. La stabilité dans l’organisation des espèces me fait croire qu’elles proviennent par voie de parenté ; le‘fait, que toutes les conditions d’origine pour Les au- teurs ne sont que des conditions de développement, me fait soupçonner une évolution de germes; et si enfin je ne prouve | pas directement que les germes arrivent dans les milieux sans y être créés, Je puis dire du moins avec certitude que tout se passe, dans lanature, comme si ces germes se déposaient réelle- ment, c'est-à-dire, comme sil n’y avait pas de génération spontanée. Voilà les conséquences immédiates de ce travail; j'ajouterai que, dans mon Essai de biozoogénie générale et dans les mé- moires que j'ai préparés sur l'influence des autres agens, je crois avoir démontré qu'évidemment il y a des germes qui viennent du dehors et qui donnent lieu à des manifestations d'animaux et de plantes qui propagent ensuite d’autres germes, c’està-dire que tout, dans la nature, est soumis à la génération continue, et que l'univers se peuple par la voie continuelle de parenté. ? OWEN. — Cœur des Bairaciens. 167 Recuercues sur la structure du cœur chez les Batraciens Perenni- branches , Par M. R.Owex. (1) Comme les reptiles forment la transition entre les classes de vertébrés chez lesquelles la respiration a acquis son plus haut degré de perfection et celles chez lesquelles elle s'exécute le plus imparfaitement, ils different considérablement entre eux soit par l’étendue, soit par le mode de cette fonction, et le cœur présente , tant dans sa forme extérieure que dans sa structure in- terne, des variations correspondantes. Cette partie de leur anatomie offre un intérêt tout particulier, non-seulement à cause de ses rapports physiologiques, mais parce que, comme l’a le premier observé Hunter (2), les différentes varia- tions de structu.e présentent, comme état permanent, quelques- uns des degrés transitionnels par lesquels passe successivement le cœur des vertébrés à sang chaud avant que d'atteindre son état de perfection. La connaissance de ces divers modes de structure n’a ce- pendant été acquise que lentement et en grande partie dans ces derniers temps. Linné attribuait à toute sa classe des 4m- phibia uu cœur simple à deux cavités, comme celai des poissons « Cor uniloculare , uniauritum » ; mais avant Ja publication de la douzième édition du Systema naturæ, la structure compliquée du cœur de la tortue avait été décrite par Duverney et Mery dans les Mémoires de l’Académie des sciences(3), ainsi que par Bussières dans le 27° volume des Transactions Philosophiques (4). Hasselquist a aussi démontré l’organisation plus élevée du cœur (x) Onthe structure of the heart, etc. , Trans, of the zool. soc. of London, vol. 1,p. 213, pl. 3r. trad. de l'anglais par M. Doyère jeune. (2) On blood, etc. , p. 135. (3) Années 166 et 1703. (4) Année 1712, page 177. Des figures données par cet auteur me paraissent plus exactes et, d'après le mode de dissection employé, plus intelligibles que celles de Méry. 168 de OWEN. — Cœur des Batraciens. du crocodile {r).En conséquence, Daudin, dans son ouvrage sur les reptiles, admet un cœur à double oreillette dans les Chélo- niens et les Sauriens, mais il regarde comme un caractère des Ba- traciens et des Ophidiens d’avoir un cœur simple et biloculaire (2). Cette opinion est sanctionnée par Blumembach, du moins dans ce qui concerne les serpens d'Allemagne. Cuvier et Mekel cepen- dant attribuent avec plus de vérité aux Ophidiens un cœur muni de deux oreillettes séparées ; mais dans leurs derniers écrits (3), ils établissent qu’une oreillette simple est commune à tout l'or: dre des Batraciens qu’elle caractérise. Après avoir avancé que les Batraciens ont la forme du cœur le plus simple, forme « qui consiste seulement en un ventricule « etune oreillette qui reçoit à-la-fois le sang du corps et des pou- « mons(4)», Mekel observe que dans les Salamandres, les Tritons, la Siren pisciformis et la Siren lacertina l'oreillette est divisée ex- térieurement par un fort étranglement en une partie antérieure et une partie postérieure deux fois plus petite, et il établit que dans le genre Pipa, on trouve une organisation intermédiaire très remarquable, savoir : un voile membraneux qui s’étend de- puis le fond du ventricule jusqu’à la paroi postérieure et supé- rieure de l’oreillette, où il laisse une ouverture très visible. (5) Mes propres dissections n'ont convaincu de l’exactitude de l'opinion du docteur Davy, sur l'existence d’une oreillette destinée au sang pulmonaire dans la Grenouille commune et le Cra- paud (6), et les recherches plus récentes de M. Martin Saint- Ange (7) ont fait voir que non-seulement les Anoures Caduci- branches s’éloignent du caractère assigné par Cuvier à l’ordre des Batraciens, mais encore que les Salamandres possèdent une oreillette pulmonaire bien distincte quoique petite. Pour rendre justice à M. Hunter, on doit observer qu'il avait (1). Itin. Ægypt. et Palest., p. 293. (2) Hist. nat. des Reptiles, €. 1, p. 335. ‘ (3) Cuvier, Règne animal. t. 11, p. ror.— Meckel. Vergl. anat. B, V. p, 215. (4) Loc. cit. p. 215. (5) Loc. cit. p. 216 et 217. (6) Zoolog. journ. vol. n, p. 556. (7) Tableau du syssème circulatoire. | owen. — Cœur des Batraciens. 169 soigneusement constaté la véritable structure du cœur dans les Batraciens les plus élevés, et placé les Grenouilles, les Crapauds et les Salamandres avec les Serpens et les reptiles les plus par- faits dans la classe à laquelle il donnait le nom de Tricoilia ca- ractérisée par un cœur composé de trois cavités. (x) Les Sirènes, les Amphiumes, les Kattewagoë ou Menopomes de Harlan, en un mot tous les reptiles douteux de Cuvier connus de Hunter étaient considérés par lui comme formant une classe distincte , désignée sous le nom de Pneumobranches , ainsi que cela se voit dans le manuscrit cité par Rusconi dans louvrage intitulé : Amours des Salamandres aquatiques, et publié der- nièrement dans le Physiological catalogue of the Hunterian _ collection. Rusconi, Cuvier, Mekel, Hunter, qui ont tous fait d’un ou de p'usieurs des reptiles douteux le sujet de recherches particulières n'ont aucun soupçonné que ces singuliers animaux ressem- blent aux reptiles les plus parfaits par le nombre des cavités du cœur, mais il semble que tous ces savans les ont regardés comme se rapprochant des poissons tant par la simplicité de leur organe circulatoire que par la permanence de la totalité ou d’une partie du système branchial. En procédant à l'arrangement et à la description des prépara- tions des organes ditsdlateients conservées dans la galerie du Muséum du Collège des Chirurgiens, j'ai eu occasion de dissé- quer un Æmplüiuma means, un Proteus anguinus et une Siren lacertina dans le but de faire accorder les apparences présentées - par les préparations de Hunter avec les descriptions publiées et * plus spécialement avec celle de la siren lacertina donnée par Hunter lui-même dans le 56° volume des Transactions Philoso- phiques. Dans tous ces animaux, j'ai trouvé la veine pulmonaire évidemment terminée dans une petite oreillette communiquant avec le ventricule par un orifice oblong situé tout près de l’ou- verture de la grande oreillette correspondant aux veines du corps, sans cependant se confondre avec elle. Dans ce mémoire nous avons choisi le cœur de la Siren lacer- (1) On Blood , ete, p. 135, 170 OWEN. — Cœur des Batraciens. tina par la considération que cette espèce, par la combinaison d’une seule paire de membres avec la persistance des branchies, s'éloigne le plus du type des Batraciens, et doit par conséquent être plus voisine des poissons par la structure de l'organe cen- tral de la circulation. Le cœur de cette Sirène est oblong ;il est situé immédiatement derrière les branchies sur la ligne médiane entre les deux membres antérieurs et entouré par un péricarde fort et fibreux, dont la surface intérieure est lisse et luisante comme chez les poissons, et dont la surface extérieure est entièrement adhérente aux parties environnantes. Il est protégé du côté du ventre par une expan- sion cartilagineuse des os coracoïdes. La longueur du péricarde, dans un sujet long de deux pieds, était de deux pouces et sa lar- geur de trois quarts de pouce. Vu extérieurement , le cœur présente un sinus membraneux, une grande oreillette musculaire et frangée, un ventricule et un buibe artériel alongé. Le sinus veineux est situé à la partie postérieure du péricarde la veine cave inférieure se termine dans ce sinus par deux ori- fices séparés par une cloison membraneuse qui s'étend un peu dans l’intérieur du sinus et s’y termine antérieurement par un bord concave. De chaque côté de la cloison se trouve un orifice, l'un à droite , l'autre à gauche (veine-cave supérieure), entre lesquels on aperçoit le tronc commun de la veine pulmonaire, adhérent par une petite portion de sa surface postérieure aux parois du sinus, où cependant il ne se termine pas: En ouvrant transversalement, avec précaution, la partie infe- rieure de l'oreille, on découvre au-dessus du sinus une petite cavité distincte du reste, danslaquelle aboutit le tronc de la veine pulmonaire : ce compartiment distinct, analogue à l'oreillette gauche et situé à gauche du ventricule, communique avec cette cavité par une ouverture oblongue, située près de celle par la- quelle l’oreillette droite s’ouvre dans le ventricule, ces deux ou- vertures étant séparées par une bande transversale qui sert de point d’attache à la valvule auriculo-ventriculaire. Cette division de l'oreillette en deux cavités, l’une destinée au sang de tout le système , l’autre pour le sang pulmonaire, serait l owEn. — Cœur des Batraciens. 171 difficile à prévoir à l'inspection de l'extérieur du cœur, à cause de | la structure frangée si remarquable des oreillettes, structure dépendante de nombreuses entailles de diverses grandeurs, dont la plus profonde est celle qui sépare l'appendice de l'oreillette droite de celui de l'oreillette gauche ; la surface intérieure de ces deux cavites présente de petites saillies musculaires très nombreuses se croisant dans diverses directions. La longue poche cylindrique divisée, qui se continue des bords de l’oreil- lette, présente de lanalogie, dans sa structure, avec les divi- sions branchiales ds la veine-cave dans les Céphalopodes, divi- sions qui sont contenues dans un large péricarde , et qui, outre leurs autres usages, servent de réservoir au sang destiné aux ca- vités branchiales. Les oreillettes sont situées sur la face dorsale du ventricule : plutôt du côté gauche que du côté droit, sans être cependant autant à gauche que lindiquent les descriptions de Mekel ; mais quand elles sont pleinement distendues, elles s’'avancent, ainsi que dans le Pipa, sur les deux côtés du ventricule et du bulbe artériel, au point d’embrasser et de cacher presque entièrement ces parties. Le volume des orellettes réunies est donc très con- sidérable, comparé à celui du ventricule. Dans l'Amphiume et le Menopome, les oreillettes sont proportionnellement moindres et situées plus complètement àgauche du ventricule. Le bord des oreillettes dans lAmphiume n’est que très peu découpé en com- paraison de celui de la Sirène; dans le Menopome, il est entier. Le ventricule, dansla Sirène, est d’une forme ovale-oblongue, légèrement aplatie, semblable à celui des ophidiens; on aper- çoit au sommet une légère échancrure ou commencement de division, qui loge une branche de la veine coronaire, qui, de cette extrémité, se rend à la veine-cave inférieure. L’extrémité opposée du ventricule s’avance un peu au-delà de Porigine de Vartère. Son enveloppe séreuse, outre qu’elle se continue le long du bulbe artériel jusqu’à l'extrémité antérieure du péri- carde, se réfléchit vers le tiers inférieur du bord dorsal du ven- tricule sur le sinus veineux, et entre les deux feuillets de ce repli; la veine coronaire se réunit à la veine cave inférieure, comme dans les Crocodiles et quelques Chéloniens. 172 OWEN. — Cœur des Batraciens. Les parois des ventricules (qui ont huit dixièmes de pouce de long sur cinq dixièmes de large } ont un dixième de pouce d'épaisseur et présentent une structure fasciculée. Ce qu’on trouve de plus remarquable dans cette cavité, c’est une cloison rudimentaire qui part du milieu du sommet, se dirigeant vers la base, et se termine par un bord concave dirigé vers l’orifice de l'artère. Le croisement des colonnes charnues donne à toute la surface interne une apparence réticulée. La structure des valves des orifices des oreillettes n’était pas trés distincte dans le sujet que j'ai examiné. Une légère produc- tion membraneuse s’étendait d’un côté à l’autre de la cloison qui sépare les orifices , et cette cloison s’attachait aux parois du ventricule par une colonne charnue. L'artère :sort du cœur à une hgne environ des orifices auriculo-ventriculaires. Après avoir décrit une demi-spirale, elle se dilate de manière à former un bulbe musculaire allon- gé, qui s'étend directement au-devant de l'extrémité antérieure du péricarde; et au point où l'artère sort de ce bulbe, elle se divise en six artères branchiales, trois de chaque côté. A l’ori- gine de l'artère se voient deux valvules, une grande et l’autre petite; la plus grande n’est qu'un simple bourrelet. On en aper- çoit deux autres semblables, mais plus petites, au commence- ment du bulbe. Le bulbe lui-même est presque entièrement oc- cupé par un corps charnu, cylindrique, remplissant l'office de valve, lequel est fixe par sa partie postérieure et sillonné anté- rieurement par des rainures qui se dirigent vers chacune des artères auxquelles le bulbe donne naissance. Le canal présente dans ce point la forme d’un croissant, comme il est facile de s’en assurer en le coupant transversalement. Dans l’'Amphiume et le Menopome, l’étranglement membra- neux de l'aorte entre le ventricule et le bulbe est proportion- nellement plus long que dans la Sirène, mais il se dirige égale- ment en spirale. D'un autre côté, le bulbe est beaucoup plus court et plus large. Le ventricule, dans ces deux genres, est aussi beaucoup plus court relativement à sa largeur, et dans le Me- nopome, il se rapproche de la forme triangulaire caractéris- tique des poissons osseux. Ce même genre présente en outre un owen. — Cœur des Batraciens. 173 rapport avec les poissons cartilagineux dans deux rangs de val- vules semilunaires situées dans le bulbe artériel, chaque rang étant composé de trois valvules. Mais, ni dans le Menopome, ni dans l'Amphiume, le bulbe artériel ne contient un corps charnu cylindrique, cette valvule additionnelle n'étant pas né- cessaire pour le libre passage du sang. Dans l'Amphiume, les artères pulmonaires prennent naissance de l'extrémité du bulbe. Dans le Menopome, cette artère est formée par la réunion de deux petites branches naissant de la première et de la seconde artère branchiale près de leur origine. Dans la Sirène, ces ar- tères pulmonaires sont des rameaux de la veine branchiale in- férieure. C’est un fait digne de remarque que dans l'Amphiume et le Menopome, l'artère pulmonaire fournit du sang non-seu- lement aux poumons, mais encore à d’autres parties; elle en- voie en effet des ramifications à l’œsophage; mais il m'a été im- possible d'en suivre aucune jusqu’à la peau, comme M. Davy l’a fait pour le Crapaud. La présence de deux oreillettes dans les reptiles douteux rend applicable à toute la classe des reptiles la phrase : « Cor « uniloculare biauritum », et forme un nouvel argument pour retenir comme ordre de cette classe les Amphibies de Latreille. Les faits précédens , outre leur application anatomique, sont encore intéressans sous le point de vue physiologique. Par suite des obstacles nombreux que rencontre la circula- tion dans les animaux à sang froid et à respiration lente, le côté veineux du cœur éprouve une grande distension. De là le dé- veloppement de l'oreillette et du sinus destiné à recevoir les veines du système général, et le développement complet de la “paire de valvules qu'on y rencontre, et dont la valvule d’Eus- tache présente un rudiment dans les Mammifères. Si la veine pulmonaire se fût terminée avec celle de la circulation générale dans une même cavité, leurs orifices auraient été comprimés par le contenu de cette cavité; de là serait résulté un trop grand ebstacle au passage du sang aéré dans le ventricule. Ce résultat a été empêché en munissant la veine pulmonaire d’un récep- tacle particulier, disposé comme l'oreillette, de manière à verser son contenu dans le ventricule lors de la diastole de cette cavité. 174 OWEN.-— Cœur des Batraciens. En considérant le cœur dans ses rapports avec l'organe de la respiration dans les autres classes, nous voyons que c’est un organe musculaire dont l'énergie s'exerce spécialement pour la circulation générale, dans laquelle l'appareil respiratoire occupe une des extrémités du circuit. Le sang veineux, avant de rentrer dans le cœur, ou bien se répand dans des sinus irréguliers extensibles dans les parois desquels l'air se distribue par des trachées extrêmement rami- fiées, comme cela a lieu dans les insectes, ou bien il passe des trous veineux dans des ramifications extrémement fines ; pla- cées au dessous d’un organe respiratoire plus concentré, comme cela se voit dans les Crustacés et les Mollusques. Mais on ne trouve point de cœur interposé au point où les deux arbres veineux s'unissent. La circulation respiratoire des invertébrés est, sous ce rapport, analogue à celle de la veine-porte dans les vertébrés. Dans les Céphalopodes à doubles branchies eux- mêmes, chez lesquels l'appareil respiratoire est perfectionné par le développement d'un ventricule musculaire approprié à la petite circulation , il importe d'observer que cet organe n’est pas placé au point de divergence des vaisseaux branchiaux et de la grande veine centrale; mais il est en quelque sorte, divisé et placé à la base de chacune des branchies. Dans une autre :occa- sion, j'ai montré la dépendance de cette organisation et de la force locomotive, et j'ai fait voir le degré de perfectionnement correspondant présenté par le système nerveux des Céphalo- podes Dibranches. Le système musculaire encore plus développé des poissons exige que la circulation au travers de l'organe respiratoire soit en quelque sorte aidée par la force impulsive du ventricule. Si on met à découvert les cavités branchiales et péricardiennes d’un Heptatrème Durmn., et si on les compare avec les parties corres- pondantes des Seiches , il semble que les deux cœurs branchiaux du Céphalopode se sont réunis dans le plan médiane du poisson, tandis que les artères, demeurant séparées et divergentes, four- nissent aux branchies de chaque côté. Dans la Lamproie, la moitié postérieure ou inférieure des artères hranchialés se con- tinue ou se réunit Dans les autres poissons, lo réunion médiane OWEN. — Cœur des Batraciens. 175 s'étend à tout le tronc de l'artère branchiale. Cependant le cœur, | qui, dans les Mollusques, est destiné à recevoir immédiatement et à distribuer le sang aéré, a disparu chez les poissons. Les | branchies sont tellement subdivisées qu’elles éprouvent, de la part des parties environnantes, une pression réelle et fréquem- ment répétée. Le sang se trouve ainsi plus puissamment chassé que chez les Céphalopodes où ces organes flottent librement dans une grande cavité. De plus, les proportions des parties musculaires relativement aux cavités viscérales, sont supérieures à ce qui se voit chez les Mollusques. En conséquence, la cir- culation générale tire un grand secours des contractions géné- rales du corps; et c’est cette circonstance qui, sans doute, ai- dée par la structure et la disposition des branchies, rend le ventricule inutile à la grande circulation. On sait que le cœur plus compliqué des vertébrés de l’ordre le plus élevé, se déxelPpRe en partant du cœur simple des pois- sons , OU de moins à une époque peu avancée de son développe- ment, il présente une structure analogue. Sa force est d’abord de la même manière immédiatement appliquée à pousser le sang dans des vaisseaux branchiaux, mais il se concentre gra- duellement sur l'aorte par une série d’oblitérations de ces vais- seaux. Dans la Sirène, le Protée, le Menobranche et lAxolote, le jet de sang qui sort du ventricule est ensuite considérable- ment subdivisé dans les branchies externes, et en conséquence de la résistance que son passage rencontre, des moyens nou- veaux ont été ajoutés pour l'empêcher de refluer dans le ventri- cule. Dans le Menopome le jet de sang se divise dans l’intérieur de huit canaux simples avant d'entrer dans l’aorte. Dans l’Am- - phiume, il est porté du cœur à l'aorte ascendante par quatre “canaux également simples. Dans les reptiles d'ordres plus élevés, les canaux retardateurs sont réduits à deux, tandis que dans les animaux à sang chaud le sang est distribué à toute l’économie par les branches d’un vaisseau simple et continu. On peut établir une gradation semblable pour le point d'origine de l'artère pul- monaire et l'impulsion que le sang y reçoit des contractions du cœur. Dans la Sirène , les artères pulmonaire apparaissent là où finit la circulation branchiale. Dans le Menopome, elles pren- 176 WAGNER. — Génération des Cirripèdes. nent leur origine dans une position semblable ;-mais elles reçoi- vent dsihntage impulsion da cœur, celle-ci n'étant pas préa- lablement a affaiblie par les subdivisions des vaisseaux bran- chiaux. Dans lAmphiume, l'artère pulmonaire et l'artère bran- chiale naissent ensemble de l’extrémité du bulbe aortique. Dans les ordres de reptiles plus élevés ; les artères pulmonaires partent du ventricule même par un tronc commun; et enfin dans les animaux à sang chaud , il y a un ventricule spécialement destiné à accélérer la circulation dans l’intérieur de ces artères. Dans les vertébrés et dans les Mollusques, la force des muscles et la sensibilité sont en proportion de la perfection des systèmes respiratoire et circulatoire. Note sur les organes de la génération des Cirripèdes , et sur la place que ces animaux doivent occuper dans la série naturelle, par le professeur Wacxer. Extrait. (1) Les travaux récens dont les Cirripèdes ont été l’objet, sont venus confirmer la plupart des faits relatifs à l'anatomie de ces animaux constatés par Cuvier; il est cependant un point impor- tant sur lequel cet habile observateur paraît s'être mépris, car les dissections de M. Martin Saint-Ange ont montré que la dis- position de l'appareil de la génération n’est pas telle que l'avait décrite le savant auteur des Mémoires pour servir à l’histoire des Mollusques (2); et la note du professeur Wagner, publiée à Berlin, peu de temps avant le Mémoire de M. Martin, est égale- ment en contradiction avec l'opinion généralement admise sur ce suiet. Voici les résultats du travail de M. Wagner. « Le testicule, regardé par Cuvier comme l'ovaire, se compose d’un tissu noirâtre, lâche, qui enveloppe l'intestin au-dessous de la couche musculaire, et qui se continue jusqu’à la base des (x) Archiv für Anatomie, Physiologie, ete. Von D. J. Muller, 1834, n. 5. (2) Voyez tom. 3 p. 316. WAGNER. — Organisation des Cirripèdes. 177 cirres. Les conduits spermatiques s’y ramifient à la maniere des artères et viennent s’aboutir, de chaque côté, dans un gros canal recourbé en zigzag. Burmiester, ainsi que Cuvier, considère ce dernier comme le testicule, mais ce n’est qu’un élargissement du conduit spermatique ( comparable par conséquent à la vésicule spermatique ). Ces deux canaux passent autour l'ouverture anale et pénètrent dans l’appendice caudale , qu'on peut regarder comme le pénis. Puis ils se réunissent et forment un canal éjacu- lateur commun qui est un peu courbé, passe le long de l'ap- pendice caudale et parait se terminer à son extrémité. Le testi- cule, vu sous le microscope, parait composé d’un grand nombre de petits tubes clos à leur extrémité, et du diamètre à-peu-près 1725 (ligne). Ces tubes sont suspendus aux ramifications des vais- seaux spermatiques, et sont remplis d’une masse grenue uni- forme.On voit donc que la structure trouvée par M.T. Müller, dans un si grand nombre d'organes sécréteurs, existe également ici. « La masse grenue contenue dans le pédoncule est l'ovaire. Examinée sous le microscope, cette masse parait composée de petites lamelles transparentes et arrondies, qui sont creuses et closes. Un grand nombre d'individus, notamment ceux qui pos- sèdent des paquets d’œufs dans la coquille, présentent, dans lo- vaire, des points opaques qui ne sont autre chose que les œufs. Ces points ou petits corps sont arrondis ou ovales, composés d’un chorion transparent , d’un vitellus grenu et de gouttelettes huïi- leuses, isolées, grasses et claires. Leur diamètre est à-peu-près 1725 de ligne. Dans le fond postérieur de la coquille et à la base de la pièce dorsale de cette dernière, on remarque une petite fente qui mène dans le canal qui traverse le pédoncule. Je pré- sume que ce canal sert d’oviducte, et que cette petite fente est l'analogue de l'ouverture du canal branchial des bivalves. (3) (x) Gette fente, décrite d’abord par Oken, et vue ensuite par Bojanus, Pfeiffer et Baer, je l'ai retrouvée aussi chez les autres bivalves. Ch£z lés Mactres, on la voit encore long-temps après que l'animal a été plongé dans l'esprit de vin. On la trouvé chez ces mollusques au-devant des ouvertures des organes considérés comme les reins. L'ovaire présente une structure lamelleuse composée de tubes clos ; son organisation est donc très analogue à celle des Acéphales à coquille, suivant la description de Poli, Bojanus et Carus. Cette organisation se voit déjà chez lus Ano- dontes , elle est plus visible chez les Mactres, les Donax , les Ares, etc, Chez les Gasteropodes , IV. Zoo. — Septembre. 12 178 WaGNiR. — Organisation des Cirripèdes. « Lorsque les-œufs sont arrivés de l'ovaire sous le manteau. ils forment les paquets dont nous avons parlé, et qui "sont ordinairement au nombre de deux ou trois (exemple les Cineras). Ces paquets ne sont pas libres, comme le dit Burmiester, mais attachés à un prolongement du manteau , situé près du muscle qui réunit l’animal à sa coquille. Ils paraissent être les analogues des ovaires chez les Lernées, les Cyclops, etc. À une époque plus avancée , ils sortent par la fente de la coquille et pendent au-dessous les cirres attachés au marteau par une sorte de pé- doncule, ainsi que je l'ai vu à Marseille, il y a six ans, sur des individus frais. Il est probable que les œufs s’en détachent un à un. L’appendice caudale est en mouvement continuel; ce qui, joint à sa longueur, le rend très propre à servir comme une verge et à porter la liqueur fécondante sur les œufs,au fond de la coquille. D'après ce mode d'organisation , il paraîtrait que ces animaux sont hermaphrodites, comme le présame Burmiester; cependant il faudrait encore qu’on ait trouvé des animalcules spermatiques dans l'organe envisagé comme testicule, pour être sûr de sa nature. En effet, je me suis convaincu que ce carac- tère seul peut garantir contre toute erreur. « Il me reste maintenant à dire un mot sur la place qu’occu- pent ces animaux dans le système de classification naturelle. Il y a des raisons pour et contre la classification de M. Burmiester, qui les place parmi les Crustacés. Je ne doute nullement que ce ne soient des animaux articulés, quoique Cuvier (1), Wiegmann, Goldfuss, etc., les placent parmi les Mollusques. Leur système nerveux est conformé comme chez les animaux articulés ; leurs organes de mastication sont analogues à ceux des Crustacés; ils ont des pieds articulés et sont pourvus de véritables muscles avec des rides transversales. la structure de l'ovaire est tout autre. Le testicule de ces derniers s'enfonce dans le foie; il est composé de tubes clos, ses conduits séminaux se ramifient à la manière des artères, comme chez les Cirripèdes. Cuvier a pris l'ovaire chez les Gastéropodes pour le testicule, comme Tre- viranus, Prevost, Brand, J. Muller et Jacquemin l’ont constaté; j’y ai trouvé les vitellus enve- loppés du chorion. (1) Cuvier dit dans son mémoire sur les Anatifes, 1802 «Tout annonce que la nature va , nous conduire à l'embranchement des animaux articulés... et nous ne blâmerons point ceux qui croiront devoir les y ranger, » —— Société d'Histoire naturelle de Strasbourg. 179 « De l’autre côté, ils sont recouverts d’une coquille calcaire, et possèdent un véritable manteau, malgré tout ce qu'on a dit contre l'existence de ce caractère (1). Ils sont hermaphrodites, leur corps n'est pas, à proprement parler, articulé, ils possèdent des glandes salivaires, un foie semblable à celui des mollusques ; pas de tête proprement dite, point d'organes des sens, etc. Je continue par conséquent de les regarder comme des animaux intermédiaires entre les Mollusques et les animaux articulés, mais plus rapprochés de ces derniers que des Mollusques. » Mémoires de la Société d'Histoire Naturelle de Strasbourg , tom. 11, 1° livr., avec planches. Paris et Strasbourg, chez F. G. Levrault. 1835. in-/°. Cette livraison se compose d’un Mémoire sur la constitution géologique de l’Aïbe du Wurtemberg, par M. le comte F. de Mandelsloh ; de plusieurs Mémoires de Botanique, dont il sera rendu compte dans la partie de nos Annales qui concerne cette science, et de trois Mémoires de Zoologie, dont nous allons donner une analyse. Ils sont tous les trois de M. Duvernoy. Le premier est une Notice critique sur les espèces de grands chats, nommés par Hermann, Felis Chalybeala et Guttata. Le Musée d'Histoire Naturelle de Strasbourg renferme un certain nombre d’exemplaires d'animaux empaillés ou conservés dans l'alcool, qui sont devenus intéressans pour lhistoire criti- que de la science, par suite des publications du célèbre Hermann, fondateur de ce Musée, et par celles de Schreber, d’Esper et d’autres naturalistes auxquels ces objets ont été comniuniqués. M. Duvernoy a cru qu'un des devoirs de sa position, comme direc- (x) Je regarde, chez les Cirripèdes, la membrane au-dessous de la coquille, comme un véritable manteau sécréteur de la coquille, Il est composé d’une membrane qui ne présente point une structure détérminable qui enveloppe lâchement l'animal ; au-dessous d’elle se voit un sac mus- culaire qui présente de l'analogie avec celui des Ascidées; dans le point où l'animal se trouve altaché à sa coquille, le manteau se recourbe et monte dans le pédoncule, où il forme un repli qui reçoit l'ovaire précédemment décrit. 180 Societe d’ Histoire naturelle de Strasbourg. teur de ce beau Musée, était d’éclaircir les points restés obscurs dans ces publications , en soumettant les mêmes objets à de nou- velles observations. Tel a été l’occasion de ce travail d'Histoire Naturelle critique et du second Mémoire dont nous rendrons compte sur les Musaraignes. Après une nouvelle description très détaillée du Felis Chaly- beata , HERMANN, l'auteur, prouve, comme l'avait au reste déjà déterminé M. F. Cuvier, dès 1809, que cette prétendue nouvelle espèce avait été établie sur un jeune individu de la Panthère. Mais la brièveté de la queue ne lui permit pas de la regarder comme appartenant à l'espèce des Indes de M. Temminck, ainsi que l’a fait M. Cuvier dans la dernière édition de son Régne ani- mal, trompé par la figure peu exacte que Schreber en a publiée. Ainsi le Felis Chalybeati Hermann devrait être effacé des cata- logues méthodiques. Quant au Felis Guttata HerwaANN , représenté dans la pl. cv à, de Schreber , nul doute que ce ne soit une espèce de Guèpard. Herman avait eu l’occasion d’en observer un individu vivant en mars 1792, et de îe faire peindre pour l’insérer dans l’ouvrage de Schreber. Il avait sans doute reconnu qu’une autre figure de Guèpard, publiée dans le même ouvrage, dès 1778, pl. cv, ne pouvait se rapporter à l'animal vivant qu’il avait sous les yeux. Ses recherches et les observations de M. Duvernoy ont eu, en effet, pour résultats que le Felis Guttata Hermanx et le Felis Jabata Scuersrr sont deux espèces distinctes qu’on pourrait grouper dans le sous-genre Guèpard , proposé par M. F. Cuvier. Les fragmens d'Histoire Naturelle systématiques et physiolo- giques sur les Musaraignes se divisent en deux parties, ainsi que l'indique le titre de ce Mémoire. La première partie traite des caractères du genre Musaraigne (Sorex Cuvier) et comprend un examen des espèces nommées par Hermann, Leucodon, Tétragonurus et Constrictus, ainsi que l'établissement d’une nouvelle espèce sous le nom de Sorez Hermann. Le $ I comprend une traduction historique où l’on verra avec Societé d'Histoire naturelle de Strasbourg. 181 intérêt que les individus qui avaient fourni occasion à Hermann d'établir les trois premières espèces, avaient été pris dans les en- virons de Strasbourg, par le célèbre Gall, alors (en 1778) jeune étudiant en médecine. Le $ II comprend nne revue des caractères servant à distin- guer le genre et les espèces de Musaraignes. Dans le $ IX l’auteur traite particulièrement des caractères génériques ou spécifiques que l’on peut tirer de la considération des dents. Suivant lui, le système dentaire des Musaraignes pré. sente trois types différens, dont le premier se voit dans les Sorex araneus et indicus ; le second , dans les Sorex fodiens et tetrago- nurus, et le troisième dans son Sorex Hermani. Dans le $ IV, l’auteur expose les caractères de ces trois grou- pes, et il décrit en détail les espèces d’'Hermann qui s’y rappor- tent. Voici les caractères de ces groupes. GrouPre A. (Sorex Nob.)' Les deux incisives intermédiaires inférieures, à tranchant simple, et les deux supérieures en hame- con, c'est-à-dire ayant un talon en pointe; les trois ou quatre petites dents qui suivent, à la mächote supérieure, diminuant rapidement de volume de la première à la dernière ; aucune dent n’est colorée. Espèces types. — 1. La Musaraigne commune ou Musette (Sorex araneus L.), et 2,la Musaraigne leucod ( Sorex leuco- don Herm.). GrouPe B. Hydro-Sorex. Dents incisives inférieures à tran- chant dentelé. Les supérieures fourchues, ayant leur talon pro- longé en crochet. Les petites dents qui précèdent les molaires su- périeures, au nombre de cinq, diminuant insensiblement de la première à la dernière. Toutes sont colorées à leur pointe. L Æspèce type. — Sorex fodiens. Pallas et L.-Gm. La Musa- raigne aquatique Daubenton. C’est à ce groupe que se rapporte le Sorex tetragonurus se Herman. M. Duvernoy examine, à cette occasion, si les jeunes individus d’après iesquels Hermann avait 182 Société d’Histoire naturelle de Strasbourg. établi son Sorex Constrictus , n'auraient pas les caractères d’une espèce déjà connue de ce groupe; il croit pouvoir conclure de cet examen qu'ils doivent en effet être rapportés au Sorex fodiens. Groupe C. (/mphi-Sorex Duv.) Denis incisives inférieures simples et supérieures en hamecon ; les deux premières petites dents intermédiaires égales, la troisième un peu plus petite, la quatrième rudimentaire. La pointe des incisives et celle des mo- laires un peu colorée. EsPèce TYPE. — Sorex Hermanni Du. La seconde partie de ce Mémoire , entièrement anatomique ou physiologique, comprend, dans cinq paragraphes , des observa- tions 1° sur la dentition des Musaraignes ; 2° sur les viscères de la digestion; 3° les particularités que présentent le squelette; 4° celles de l'oreille externe, et 5° quelques singularités que pré- sentent les organes de la reproduction. Ce Mémoire est accom- pagné de trois planches. Le troisième Mémoire a pour titre Quelques observations sur le canal alimentaire des Semnopithèques , et Description d'un Sphincter æsophagien du diaphragme dans ces animaux et dans plusieurs autres genres de Singes. M. Otto avait publié, dès 1825 (dans les Nova acta physica médica N.curiosorum, t.xu , p. 503), la description d’un singu- lier estomac propre à une espèce de Singe qu'il désignait avec doute sous les noms de Cercopithecus ? Leucoprynnus. {1 propo- sait même de la réunir au genre Semnophitèque. Dans des re- cherches faites en septembre et octobre 1829, M. Duvernoy a découvert la même organisation sur trois espèces de ce dernier genre, l’'Entelle, le Douc et le Semnopithèque à capuchon. Ces observations intéressantes confirmaient l’établissement du genre Semnopithèque fait par M. F. Cuvier. Aussi M. Isidore Geoffroy n'a-t-il pas hésité de l’adopter dans la monographie qu'il en a publiée pour la partie zoologique du voyage de M. Ch. Bélanger. _…_. RUSCONI. — Sur la fécondation artificielle. 183 Depuis lors, M. Owen a découvert ce singulier estomac dans une cinquième espèce du même genre le Croo. (1) Outre une description assez détaillée des organes d’alimenta- ton appartenant aux trois espèces observées par l’auteur, ce mémoire contient celle d’un sphincter œsophagien du dia- phragme qui existe dans plusieurs genres de Singes et dans les Chauve-Souris. L'auteur présume qu’il pourrait bien se rencon- trer dans tous les animaux dont les habitudes de mouvement les met souvent dans une position renversée, c’est-à-dire la tête en bas. Il suppose que ce muscle,en resserrant l'œsophage, empêche le retour des alimens de l’estomac dans ce canal, lorsque l’animal est dans cette dernière position. Ce Mémoire est. accompagné d'une planche. Sur La fécondution artificielle opérée chez les Poissons, et sur les métamor- P phoses qui arrivent dans l’œuf de ces animaux avant qu’ils aient pris la forme d’embryon. Lettre adressee à M. le professeur Gaspar Brugnatelli. — 25 juillet 1835, par M. Ruscoxt. J'ai le plaisir de vous annoncer qu’après divers essais que j'avais inutilement tentés dans le but de voir les premiers mouvemens de la vie organique dans les œufs des poissons, j'aienfin réussi à surmonter la difficulté qui provient de la par- faite transparence de ces œufs, et que par suite j'ai pu observer plusieurs faits en- tièrement nouveaux, lesquels viennent complètement à l'appui de la doctrine de l’épigenèse et donneront lieu certainement à d’autres découvertes. J'ai obtenu la fécondation artificielle sur les œufs de Tanche ( Cyprinus tincas) et sur ceux de l’Ablette ( Cyprinus alburnus ), et j'ai découvert que dans l’œuf de ces poissons il se passe avant qu'ils aient montré la forme d’embryon, certaines métamorphoses qui ont beaucoup de ressemblance avec celles qu’on observe dans les œufs des Grenouilles et des Salamandres aquatiques. De plus, j'ai reconnu que la petite vessie que j'ai nommée ombilicale et que j'ai trouvée dans l’œuf de la Perche Perca fluviatilis), n'existe pas dans celui de ces cyprins. Lorsque bientôt je publierai dans leur entier mes observations, je dirai au préalable quelies précau - tions on doit prendre pour que la fécondation artificielle réussisse, et je ferai con- (r) Voy. Ann, t. 1, p. 875, * 184 Académie des Sciences. naître à l’aide de figures, que j'ai toutes dessinées moi-même avec tout le soin dont je suis capable, les métamorphoses particulières de l'œuf de ces cyprins et leur développement successif jusqu’à l’époque à laquelle le poisson étant parfaite- ment organisé va au-devant de l'aliment; enfin je ferai voir la formation graduelle de leur cerveau, ce qui constituera la partie la plus importante de mes observa- tions, Vous savez que M. Serres, dans son ouvrage sur le cerveau considéré dans les quatre classes d'animaux vertébrés, a donné l’histoire du développement de cet organe observé par lui dans les embryons des mammifères, des oiseaux et des reptiles, et qu’il n’a pas traité des embryons des poissons, parce que pour donner l’histoire de la formation successive de cet organe dans cette classe d’êtres il eût fallu avant tout opérer la fécondation artificielle et savoir ensuite surmonter toutes les difficultés qui résultent de l'extrême petitesse et de la transparence de cet œuf. Mes observations fourniront donc à M. Serres le moyen de remplir la lacune qu’il a laissée dans son ouvrage, d’ailleurs très recommandable, et elles donneront en même temps aux naturalistes la facilité de pouvoir jouir du spectacle nouveau et intéressant que présente la formation successive du poisson. Vous n’ignorez pas qu’en ce qui concerne les métamorphoses de l'œuf des gre- nouilles, j'ai été devancé par MM. Prevost et Dumas. La publication de cette lettre m’évitera d’avoir le nouyeau désagrément d’être prévenu dans mes obser- vations nouvelles par quelque autre naturaliste. ANALYSE des travaux anatomiques, physiologiques et zoolo- giques présentes à l’Académie des Sciences (1) Séance du 7 septembre 1835. 6 1. Tère p'ours rossire. — M. Larrey offre à l Académie, pour être déposée dans son musée particuber , une tête d’ours fossile , dit le grand ours des cavernes. Elle a été trouvée dans les grottes de Miolet ( Gard } par le docteur Alexis Juliet. M. Larrey, qui en a fait l'acquisition à son passage à Nîmes , lors de son in- spection relative äu choléra indien, a pensé qu’elle pourrait intéresser l'Académie autant par la rareté de l’espèce que par sa belle conservation. M. Geoffroy Saint- Hilaire sera invité à examiner cette tête. $ 2. EmerxocéniEe. — Réclamation de M. Velpeau au sujet des observa- lions lues par M. Coste dans la dernière séance, sur l'œuf humain. — Après quelques réflexions sur la difficulté d’éviter l'erreur dans des recherches aussi (x) Nous empruntons ces extraits aux comptes rendus par MM. les secrétaires perpétuels de l'Académie et à l’analyse qui en est donnée par M. Roulia daos le journal quotidien le Temps, | Académie dss Sciences. 185 difficiles que celles du premier développement de l'embryon, M. Velpeau croit pouvoir affirmer que son jeune confrère ne Va pas évitée. « Le peu, dit-il, que j'ai pu savoir jusqu'ici de ses opinions en ce qui con- cerne les objets dont je me suis moi-même occupé, m’autorise déjà , par exemple, à soutenir qu'il se trompe manifestement en annonçant que les œufs qu'il a mon- trés lundi étaient parfaitement sains, car à cet âge l'embryon d’un œuf sain ne peut avoir l'ombilic ouvert; qu’il se trompe encore en disant que ces œufs sont “moins avancés qu'aucun de ceux que j'ai étudiés, car j'en ai présenté à l’Acade- “mie de plus jeunes et de plus complets, qui sont d’ailleurs figurés et décrits dans mon Ovologie, ainsi que dans mon Traité d’accouchemens ; qu’il se trompe de nouveau quand il croit que le cordon et le placenta sont une dépendance de l’al- lantoïde; qu'il se trompe aussi dans tout ce qu’il dit de cette dernière membrane, au point de décrire à la place une vésicule qui en est tout-à-fait distincte; qu'il est enfin tombé dans la même faute en ce qui concerne la membrane caduque, la poche ovo-urinaire , etc. » Conservation des animaux morts. — M. Ganual adresse quelques observations ‘au sujet de la lettre de M. Lereboullet, relative à la conservation des objets d'anatomie et de zoologie, lue dans la dernière séance. Il pense que le pro- cédé employé au musée d'histoire naturelle de Strasbourg n’est qu’une imi- tation de celui qu'il a lui-même découvert et dont il n’a jamais fait mystère; il explique comment on a pu en avoir connaissance à Strasbourg, en disant que M: Strauss, à la sollicitation duquel il l'avait appliqué aux travaux anatomiques, avait passé l’antomne de 1832 dans cette ville, [l annonce en outre que le pro- cédé dont il s’est servi jusqu’à ce jour présente quelques inconvéniens qu'il a fait disparaître en employant une autre substance : « Avec l’acétate d’alumine, dit-il, les sujets injectés se conservent bien mieux que par aucun des autres procédés que j'ai expérimeniés.» $ 3. {nauguration de la statue de Cuvier à Montbéliard. — L'Académie ‘avait chargé MM. Duméril, de Mirbel et Flourens, d'aller en son nom assister à inauguration dela statue que la ville de Montbéliard, après avoir ouvert une souscription , a fait ériger sur l’une de ses places publiques en l’honneur du savant “naturaliste dont elle fut le berceau. La cérémonie a eu lieu le 23 août, jour an- miversaire de la naissance de Cuvier. Elle nous.est représentée par M. Dumeril, “rapporteur de la commission, comme ayant été convenable, touchante et majes- tueuse, comme une véritable fête civique des plus imposantes. La statue de Cuvier est en bronze, un peu plus grande que nature; elle a été modelée par un membre de l'Académie des beaux-arts, M. David, qui, dans cette cifconstancé, a donné une nouvelle preuve de son patriotisme, de son zèle et de ms générosité. Cuvier est représenté debout, tenant un crayon à la main et mé- ditant sur les débris de divers animaux fossiles au moment où, par le rapproche- ment des fragmens , il a trouvé moyen de reconstituer un animal dont la race n'existe plus, La place publique que décore la statue ést devant l'Hôtel-de-Ville : 186 Académie des Sciences. de là on aperçoit d’un côté le grand temple et le collège où Cuvier reçut sa pre- mière éducation, de l’autre, la maison modeste où il est né en 1769, et sur la façade de laquelle cette époque est inscrite. Toute la population de Montbéliard , ainsi qu’une grande partie de celle des pays environnans, était venue en habits de fête se presser autour de l’enceinte réservée au pied de la statue pour les autorités civiles et militaires, les députa- tions des villes voisines, celles des diverses académies, etc. Le voile dont la sta- tue était d’abord couverte ayant été enleve pendant une symphonie à grand or- chestre, des acclamations unanimes, des applaudissemens prolongés ont salue lauguste image dont on a pu apprécier la parfaite ressemblance. Des discours ont été prononcés par différens orateurs, entre autres, par MM. Ch. Nodier, Duméil, Valenciennes, Duvernoy, Tourangin. Pour clore la séance , des chœurs de jeunes gens des deux sexes ont exécuté, à grand orchestre, une cantate com- posée par M. Kuhn, né à Montbéliard, et professeur au conservatoire de mu- sique à Paris. Le rapport et le discours de M. Duméri] seront imprimés et publiés à part. $ 4. Sur une sorte de Teigne observée par M. Vallot.—M. Dumeril, au nom d’une commission composée de lui, de M. Isidore Geoffroy et de M. de Blaimville, fait un rapport sur une observation de M. Vallot, de Dijon, relative à une sorte de Teigne. Les commissaires ont reconnu que l’insecte dont il est question est véritable- ment une Teigne de la section degcelles que Réaumur a si bien fait connaître, comme € construisant un fourreau recouvert d’un manteau à deux pans; mais il appartient à une espèce déjà décrite par Huber sous le nom spécifique de: vibicella, par Treitsche sous celui de vibici penella , et par conséquent ne sau- rait recevoir celui de craccella qu’a proposé M. Vallot, dans l’idée que l'espèce était inédite. Toutefois , il est juste d'ajouter que les deux auteurs cités ne font connaître cette teigne que dans l’état parfait, et comme M. Vallot a observe la: chenille, les détails que renferme sa lettre ne sont pas sans intérêt pour la science. Le petit papillon qu'il a obtenu est actuellement range daus le geure ornix, démembrement de l’ancien genre teigne de Linné , genre auquel correspond main- tenant la famille des tineides. A propos de la communication de M. Vallot, le rapporteur rappelle à Aca- démie que la France possédera bientôt une histoire complète des papillons d’Eu- rope par M. Duponchel. (1) Séance du 14 septembre. $«1. Nouvel exemple d'homme prétendu fossile. — Dans une lettre écrite à M. Arago, et communiquée par ce dernier à l'Académie, M. Bernard annonce (r) Histoire naturelle des Lépidoptères ou Papillons de France, par M. Duponchel, parais- sant par livraisons, à Paris, chez M. Méquignop , éditeur, Academie des Sciences. 187 iqu'on a trouvé à la grotte de Gigny, entre Bourg et Lons-le-Saunier, des osse- De qu’on décore du titre d’Aomme fossile, et que ces pièces ont été envoyées à Paris pour y être examinées. Il est en effet arrivé une tête d'homme qui a été vue par MM. Cordier, Flourens et Duméril; mais ces naturalistes n’y ont rien laperçu qui puisse la faire considérer comme fossile ; tout à côté on a trouvé du charbon et des cendres, et il n’y avait pas d’ossemens d’animaux antédiluviens dans son voisinage; elle était dans les mêmes conditions où lon a déjà trouvé d'autres ossemens humains qu’on a pris pour des fossiles. Ils les regardent donc tomme une incrustation d'une tête humaine qui aura été enfouie dans la grotte de Gigny comme si elle eût été dans une catacombe. $ 2. Développemens de l'œuf humain. — Dans sa dernière séance , l'Aca- démie avait entendu la lecture d’une lettre reufermant plusieurs assertiors par lesquelles M. Velpeau repoussait les faits dont M. Coste se sert pour établir une analogie entre le développement de l'œuf humain et celui des mammifères. La réponse de M. Coste ne s’est pas fait attendre. M. Coste fait d’abord remarquer qu’il aurait été plus convenable et peut-être plus prudent d'examiner ses préparations avant de les frapper de réprobation. IL rappelle ensuite qu’en mettant sous les yeux de l'Académie les œufs humains contre lesquels a été dirigée la lettre de M. Velpeau , il a voulu démontrer, cen- trairement aux assertions de cet anatomiste , que la vésicule erythroïde observée piusieurs fois par M. Pockels, n’est autre chose que l’allantoïde humaine, et que c’est cetie allantoïde qui se convertit en cordon ombilical et peut être aussi en placenta, comme chez les mammifères. Après ces préliminaires, il s'exprime aiusi : «Tous les anatomistes entendent aujourd’hui par a//antoide un prolongement duffætus qui porte les vaisseaux ombilicaux; or, le magma reticulé de M. Vel- peau ne porte jamais les vaisseaux ombilicaux, et, d’après les observations de M. Velpeau lui-même, n’a aucune relation de continuité avec l'embryon; donc, ce magma reticule n’est pas uae allantoïde, à moins qu’on ne veuille consacrer un abus de langage inouï. «M. Velpeau affirme que le plus jeune des embryons mis sous les yeux de YAcadémie n’est pas dans l’état normal, parce qu'ila son ombilic ouvert. Je pro- ci à M. Velpeau, afin d'éviter toute discussion sur ce point, d'examiner avec lui, en présence des commissaires , un des fœtus qu'il possède, et pourvu que ce fœtus n’ait, comme celui dont il s’agit, qu’une ligne et demie de long, je m'engage à lui montrer un évasement ombilical très sensible, là où il suppose qu’il n’en existe pas.» En attendant, M. Coste reproduit deux passages du livre de son antagoniste, dans l’un desquels ce dernier avoue que l'artiste n’a peut-être pas rendu toutes les particularités de la surface externe du plus jeune embryon, et dont l’autre est ainsi conçu : « Toutes mes figures ont été prises à l'œil nu, tandis que le docteur Pockels a fait usage du microscope. » On ne peut reprocher, suivant M. Coste, à un observateur de faire usage du microscope quand il s’agit 188 Academie des Sciences de représenter tous les détails d’un corps dont le plus grand diamètre n'a qu’une ligne et demie. «D'un autre côté, dit-il, je comprends parfaitement pourquoi, lorsqu'on a négligé l'usage du microscope, on n’est pas bien sûr de l'exactitude d’un dessin, et pourquoi surtout l’évasement ombilical se trouve au nombre des détails oubliés. » «M. Velpeau prétend que le cordon ombilical existe à toutes les époques de la gestation. Il me suffira, pour faire apprécier la valeur d’une assertion que des faits bien constatés ne permettent pas d'accueillir, de dire qu’elle ne tend à rien moins qu’à ressusciter la vieille théorie de l’emboîtement des germes, et j’es- père qu'après de plus sérieuses réflexions, M. Velpeau reconnaîtra son erreur avec autant de bonne foi qu'ilen a mis à placer la vésicule ombilicale hors de la cavité de l’amnios, alors qu’il avait positivement affirmé, contre toute analogie, qu'elle se trouvait dans la cavité même de cette membrane. J'espère aussi que, re- venu à une philosophie plus rationnelle, il comprendra que là où l’expérimen- tation n’est pas possible, l’analogie est le seul moyen de salut. » L'Académie a renvoyé la lettre de M. Coste à la commission qui avait déjà examiné les faits observés par lui. Cependant M. Serres, qui faisait partie de cette commission, a fait remarquer que c’était lui imposer un tout autre travail, qu’il ne s'agissait plus maintenant de vérifier un simple fait de l’ovologie humaine, puisque la polémique s’était engagée non-seulement sur l’ovologie de l’'hémme, mais encore sur celle des mammifères et des oiseaux, et même sur les méthodes à suivre dans ces recherches. Sur l’observation de M. Serres, on a adjoint M. de Blainville à la commission. EmsrvoLocre. — Réflexions sur la lettre adressée par M. Velpeau à l’A- cadémie à l’occasion des recherches de M. Coste sur l’œuf humain , par M. Alex. Thompson. — M. V elpeau, en attaquant les faits allégués par M. Coste, mculpait par cela même le vérificateur de ces faits; or, c’est à ce titre que M. Thompson a jugé convenable de se mêler à Ja discussion survenue entre ces deux anatomistes. « Aussitôt, dit-1l,-que M. Coste a eu examiné l’œuf en ques- tion ( celui qui a été présenté à l'Académie), et reconnu la justesse de ses idées, craignant qu’on ne lui reprochât d’avoir disséqué avec prévention , il m'a prié, moi qui avais contesté l'exactitude de ses idées sur l’allantoïde chez l’homme, de lui disséquer, le plus soigneusement possible, l'œuf, et de le disposer dela meil- leure façon pour l'artiste. Convaincu d’avance de la vérité scientifique de mon ami M. Velpeau , je me suis rendu à l'invitation de M. Coste sans prévention aucune. J’ai examiné soigneuse- ment, pas à pas, toutes les parties de l'œuf et de l'embryon; j'ai mesuré toutes ces parties avec le plus grand soin , et je les ai comparées avec les dessins, les des- criptions , les détérminations de M. Velpeau ;, avant que l'artiste commençât son travail; et ce n’est qu'après avoir pris toutes les précautions possibles, que j'ai autorise M. Coste à me citer comme ayant vérifié les faits.» Ainsi conduit à faire un examen attentif de ouvrage de M. Velpeau, et à discuter les faits qui y sont contenus , M. Thompson a cru devoir soumettre à l'Académie les résultats de cet . Académie des Sciences. 189 examen critique. Son mémoire est par conséquent consacré tout entier à des dé- tails qu'il est impossible de reproduire. Qu'il nous suffise de dire, d’après lui, que l’ouvrage de M. Velpeau sur l'embryologie présente beaucoup de contradic- tions, et manque de l'exactitude rigoureuse de la science. Séance du 21 septembre. Zoorocrr. — Nouvelle division du Règne animal.— M. de Humboldt pré- sente un tableau d’une nonvelle division du Règne animal, par M. Ehrenberg, membre de l’Academie de Berlin. Ge tableau paraîtra dans un de nos prochains _ cahiers. EmgryoLocie, anatomie de l'œuf humain. M. Velpeau repoud aux objec- tions qui ont été dirigées contre lui dans la séance précédente , par MM. Coste et Thomson. Il maintient que le produit de la conception présenté par M. Coste, est un produit tout à-la-fois altéré et plus avancé que quelques-uns de ceux que lui, M. Velpeau , a déjà décrits. Il soutient, au reste , que les deux adversaires se sont entièrement mépris sur le vrai sens de la plupart de ses opinions, au point qu'ils vont jusqu’à lui eu attribuer de totalement opposées à celles qu'il a, comme, par exemple, que la vésicule ombilicale se trouverait dans lamnios, chose qu'il n’a jamais dite , etc.— Sa lettre est renvoyée à la Commission déjà nommée. Séance du 28 septembre. ZooLoGre. — Ptéropodes.— M. d'Orbigny lit un mémoire sur l'organisation et les mœurs de ces animaux. On les trouve dans toutes les mers, sous l'équateur comme dans le voisinage du cercle polaire. Ils sont éminemment pélagiens , nes ‘approchant j jamais du lit- toral; tous ont aussi des habitudes nocturnes ou au moins crépusculaires. Les naturalistes voyageurs, dit M. d'Orbigny, ont dû remarquer comme moi que Von ne prend jamais un seul Ptéropode pendant un beau jour, quand le soleil darde avec force ses rayons. Jamais du moias nous n’avons été assez heureux “pour en prendre alors un seul dans les filets de traîne ; mais, vers cinq heures du soir, lorsque le temps est couvert, deux ou trois espèces commencent à paraître À la surface des eaux, dans les parages qui leur sont propres. Ce sont principale- ment la petite Hyale, 7. quadridentata, YH. subula et\ A. striata. Bientôt le crépuscule arrivant, on commence à prendre en grande quantité de petites espèces de Cléodores, avec des Hyales et des Atlantes, mais les grosses es- pèces n'apparaissent que lorsque la nuit est tout-à-fait venue. C’est alors que se montrent les Pneumodermes, les Clios et les grandes espèces de Cltodores. Sou- yent même certaines espèces ne viennent que par une nuit très obscure ; telle est, par exemple, l’Ayalæa balantium. Bientôt après les petites espèces disparaissent graduellement; les grosses en font autant, et un peu plus tard, vers le milieu x 190 Acadèmie des Sciences. de la nuit, on ne prend plus que quelques individus de diverses espèces. IL eu reste ainsi quelquefois jusqu'au jour ; mais le soleil levé, on u’aperçoit plus un seul Ptéropode, à la surface de l’eau n1 dans sa profondeur aussi loin que l'œil y peut pénétrer. Chaque espèce a pour se montrer et pour disparaître ses heures déterminées, ou plutôt ses degrés d’obscurité. M. d'Orbigny pense pouvoir conclure de ces habitudes que chaque espèce ha- bite dans les eaux à une profondeur qui lui est propre, et où par conséquent la lumière est plus ou moins atténuce , selon qu’elle a eu à traverser une couche plus ou moins épaisse. Chaque espèce ainsi n’arriverait à la surface qu’au moment de la journée où l’obscurité est à-peu-près celle qui règne pendant que le soleil est sur l'horizon dans la zone qu’elle occupe, s'élevant ainsi gra- duellement à mesure que la clarté diminue. Si les l'tcropodes restaient toute la nuit à la surface, on pourrait, dit M. d'Or bigny, croire, ainsi que l’a avancé M. Rang, qu’ils viennent au coucher du soleil dans le but de chercher leur nourriture dans les couches superficielles ou d'y respirer l'air libre. Mais on ne voit pas pourquoi ils trouveraient leur nourriture à une heure de la nuit plutôt qu'à une autre, où pourquoi, respirant la plus grande partie du temps l'air dissous dans l’eau , ils auraient besoin de venir tous les soirs respirer l'air libre. Il est au contraire bien plus naturel de penser que les Ptéropodes, ainsi que tous les animaux pélagiens qui ont des habitudes sem- blables, s'élèvent progressivement du fond vers la surface, de manière à jouir aussi long-temps que possible d’une lumière égale à celle qui éclaire pendant le jour la zone dans laquelle ils se tiennent. Peut-être fera-t-on remarquer que jusqu’à présent on n’a pas reconnu d’yeux aux Ptéropodes ; et voudra-t-on en conclure que ces animaux doivent être à-peu- près insensibles au plus ou moins d'intensité de la lumière; mais il ne serait pas difficile de montrer par une foule d'exemples pris parmi des animaux de structure plus simple etmême parmi les végétaux, que cette objection est sans valeur. Les différences qui se remarquent entre les Ptéropodes relativement au plus ou moins d'intensité de lumière qu’ils peuvent supporter , s’observe non-seulement chez d’autres mollusques, mais encore chez les diverses classes de vertébrés, certaines espèces étant diurnes, quelques-unes plus ou moins crépusculaires, d’autres complètement nocturnes. Nous avons dit, poursuit l’auteur, que les Ptéropodes ne s’approchent jamais des rivages; c’estdu moins ce qui a lieu pour toutes les espèces que nous avons eu occasion d'observer. Toutes les fois que nous nous sommes trouvés à moins de quarante à cinquante lieues des côtes du Chili et du Pérou, nous ne prenions jamais de Ptéropodes ; du côté de l’Atlantique, ils se tiennent encore plus éloignés des terres, Lien différens en cela des espèces du Nord qui, tels que le clio bo- realis , viennent jusque dans les ports. Il y a lieu de croire que chaque espèce reste toute l’année dans des parages qui lui sont propres. Ces parages sont plus ou moins étendus, et les courans servent encore à les agrandir ; c’est peut-être à l’action de cette dernière cause qu’est due : Académie des Sciences. 191 la grande diffusion de certaines espèces qui se trouvent dans toutes les mers. Cer- taines grandes espèces, d’ailleurs, ne se trouvent que dans la zone torride ; d’au- tres également grandes n’habitent que les régions froides , et l'on peut remar- quer en passant que la taille chez ces animaux de même que chez les Céphalopo- des, ne semble pas avoir de rapports constans avec le climat. Un tableau annexé au mémoire donne pour les espèces observées par lau- teur, les limites entre lesquelles chacune se trouve, et ses habitudes noc- turnes ou crépusculaires. Il résulte de ce tableau que sur vingt-neuf espèces de Ptéropodes, quatorze se trouvent également dans l'océan Atlantique et dans le grand Océan , tandis que onze sont propres à l’océan Atlantique, et quatre au grand Océan. Quant à la largeur des zones qu’elles occupent dans ces mers, cette largeur varie depuis 110° (55 de chaque côté de l’équateur ), jusqu’à 46°. Enfin relativement aux mœurs, on voit que dix-sept espèces sont tout-à-fait nocturnes et onze seulement crépusculaires. Les Ptéropodes ont un mode particulier de natation en rapport avec leur forme; les nageoires céphaliques ne peuvent faire avancer et soutenir l’animal auquel elles appartiennent que par des mouvemens continuels comparables à ceux des ailes des papillons. Ces nageoires remuent continuellement avec une aisance ct une promptitude remarquables, et suivant la direction qu’elles affectent, l'animal s’a- vance horizontalement, monte ou descend , le corps avec la coquille restant pen- dant tout ce temps vertical ou légèrement incliné. D’autres fois, il tournoie sans changer de place ou même se soutient à une hauteur constante sans mouvemens apparens; mais cette immobilité ne se remarque que chez un petit nombre d’es- pèces , et toutes au contraire présentent le plus habituellement Je mouvement pa- pillonnant. Si pendant qu’ils se meuvent aivsi, l'apparition d’un corps étranger ou même un brusque mouvement du vase dans lequel on les conserve, leur in- pire quelques inquiétudes, leurs ailes se replient sur elles-mêmes, ou chez quel- ques espèces , rentrent entièrement dans la coquille, et l'animal se laisse tomber au fond du vase. Il est probable qu’à l’état de liberté, lorsque l'animal a descendu assez profondément pour se croire en sûreté, il déploie de nouveau ses ailes et nage pour se soutenir au lieu d’aller gagner le fond. La natation est plus rapide chez les Hyales que chez les Cleodores; elle est des plus lentes chez les Pneumodermes et les Clos. On doit avoir trouvé des Hyales allongées attachées par les nageoires aux feuil- les du fucus natans. M. d'Orbigny n’a jamais vu rien qui pât le porter à croire que ces animaux eussent besoin d’un corps qui leur servit de point d'appui, et il remarque que cette espèce de Ptéropode devient déjà rare dans les parages où Von commence à rencontrer le fucus natans ; leurs ailes d’ailleurs ne sont point des organes de préhension, et leur mince coquille serait exposée sans cesse à se briser, portées par le choc des vagues contre les fucus. Nous ne connaissons aux Ptéropodes , dit l’auteur du Mémoire , aucuns moyens de défense; leurs seules armes, encore n’y a-t-il que les Hyales qui en soient 192 Académie des Sciences. pourvues, sont les pointes dont est hérissée la coquille dans laquelle l'anima peut au besoin se reurer. Afin de s'assurer du genre de nourriture des Ptéropodes, M. d'Orbigny a exa- miné avec soin l'estomac des grandes espèces, des Cléodores , par exemple, et il y a presque toujours trouvé quelques restes de jeunes Atlantes, principalement de V4. keraudren. XL croit aussi y avoir vu quelques fragmens de petits crustacés entomostracés qui, dans certaines mers, existent en innombrables essaims. On conçoit comment avec leurs nombreuses ventouses tentaculiformes, les Paeumodermes peuvent saisir leur nourriture; mais quant aux Cléodores et aux Hyales, leur bouche étant tout-à-fait aux bords externes des nageoires, et non pas au milieu , comme on l'a toujours dit, il est difhcile de s'expliquer comment elles retiennent les animaux dont elles font leur proie. Les Hyales servent de nourriture aux poissons et aux Céphalopodes pélagiens. Presque toutes les espèces de Ptéropodes sont très faiblement colorées ; beau coup même sont presque blanches et ne doivent les nuances qu'on y remarque qu'aux viscères et surtout au foie et aux ovaires qui se montrent au travers de leur coquille transparente. Les Clios et les Pneumodermes seuls ont quelquefois des teintes plus foncées. Les Ptéropodes sont bien plus nombreux en individus et en espèces sous la zone torride que dans les zones tempérées. Si lon compare entre eux les différens genres des Ptéropodes, on voit que le genre Hyale comprend à lui seul un plus grand nombre d’espèces que tous les autres ensemble. Dans le grand genre Hyale, les espèces en cornet sont les plus nombreuses, puis viennent les Hyales proprement dits, puis les espèces plus ou moins deprimées ou Cléodores. L'instinct de la sociabilité n’est pas moins marqué chez les Piéropodes que chez les Céphalopodes, aussi n’en voit-on pour ainsi dire jamais des individus isolés; ou l'on cn prend aucun, ou l’on en prend beaucoup à- la-fois. On les trouve par bancs dont la distribution n’a rien de régulier, ainsi, pendant plusieurs nuits consécutives, on prendra un grand nombre d'individus de la même espèce, puis on sera deux on trois nuits sans en rencontrer un seul, après quoi les nuits sui- vantes on les trouvera aussi nombreux qu'auparavant. On a dit que les Ptéropodes ne venaient à la surface que dans les temps calmes; M. d'Orbigny s’est assuré que cela n’a rien de fondé, et que souvent dans les nuits orageuses on en prend en quantité. Seulement peut-être ces nuits ne sont- elles pas celles que les naturalistes choisissent de préférence pour leurs recher- ches. M. d'Orbigny n’a jamais pu trouver ni les œufs des Ptéropodes ni même de jeunes individus. Tous ceux qu’on trouve ont à-peu-près la même taille s'ils appartiennent à la même espèce. C’est une singularité que l’auteur a constatée, mais dont il ne se hasarde pas à proposer Fexplication. RE Q QC —— — CuRISTOL.— Fossiles des bassins de Pézenas et de Montp. 193 | Comparaison de la population contemporaine des Mammifères | de deux bassins tertiaires du département de l'Hérault, Par M. Jures pe CHrisror. ( Présenté à l’Académie des Sciences le 24 février 1834.) Dans son magnifique ouvrage sur les ossemens fossiles, Cuvier nous a fait connaître à quels animaux appartiennent les débris osseux dont les couches superficielles du globe sont remplies; mais il ne s’est point borné à reconstruire les êtres antiques aux- quels ces débris appartiennent, il a entrepris encore de montrer par quels rapports l’histoire des os fossiles se lie à l’histoire de la terre , et quels motifs lui donnent à cet égard une importance particulière. Aussi tout lecteur attentif sera frappé de la pensée géologique qui domine les Recherches sur les ossemens fossiles, et reconnaitra que c’est, en grande partie, cette pensée qui, r'é- pandue tout-à-coup dans les esprits, a élevé la science au rang qu’elle occupe aujourd’hui. C’est principalement, en effet, à l'intérêt que les travaux de Cuvier ont répandu sur examen des diverses formations, que la géologie est redevable de l’ardeur avec laquelle tant d'hommes éclairés se sont livrés à son étude. Si on veut réporter ses regards vers le passé, on verra que ce fut à l'époque même où le monde savant reçut avec admiration les grands résultats qu'’annonçait le plus iliustre génie de notre époque, que dans toutes les parties de l'Europe parurent une foule d’observateurs qui, presque tous, furent portés à étudier les terrains par la curiosité que leur avait inspirée d’abord la con- naissance des animaux fossiles. L'importance des notions générales sur les animaux fossiles dans l’histoire des périodes distinctes que nous présente l'étude des formations, est trop bien établie par Cuvier luimême, et trop unanimement admise par les naturalistes pour qu'il soit nécessaire de l'étayer de nouvelles preuves. Il me suffira d'ob- IV. Zoor, — Octobre. 13 194 cHrisror.. — fossiles des bassins de Pézenas server que, sans les découvertes de Cuvier , la connaissance d’une grande partie des terrains secondaires et de tous les terrains ter- tiaires serait dépourvue de cet attrait merveilleux qui entraîne à l'étude, et que probablement même cette connaissance des ter- rains serait loin d’être aussi complète qu'elle l'est devenue en s'appuyant sur ces mêmes découvertes. Que serait en effet la géo- logie sans la connaissance des lois qui ont présidé au dévelop- pement de la vie sur le globe? Après avoir rétabli et classé, d’après les règles de la méthode zoologique, les restes de tant de générations éteintes, Cuvier considéra encore comme l’objet le plus essentiel de tout son tra- vail l'établissement des lois sur la distribution des espèces dans les couches: Les travaux des naturalistes qui ont marché sur ses traces, ont étendu le nombre des faits qui rentrent dans ces lois, mais ces lois elles-mêmes n’ont pas subi de modifications impor- tantes ; en général, les rapports des espèces avec les couches sont aujourd’hui conçus tels que les avait annoncés Cuvier. Des recherches d’un ordre différent restaient encore à faire, pour compléter le tableau de la distribution sur le globe des es- pèces propres à chaque période géologique ; il fallait montrer, pour chaque contrée distincte, quelle population correspondait à la même formation; c'était là un aperçu de géographie zoolo- gique de chaque époque; car si tout porte à croire qu'il y a uni- formité sur tout le globe pour la distribution des animaux carac- téristique des formations secondaires, un grand nombre d’ob- servations tendent à faire admettre que les espèces des terrains tertiaires varient sensiblement dans la même formation, consi- dérée dans les diverses contrées, non-seulement de tout le globe, mais encore d’un même continent. : L'ouvrage de Cuvier présentait déjà les élémens de ce travail, }\ on y trouve, en effet, non-seulement la description des animaux | fossiles, mais encore la description d’un nombre infini de gise- mens et l'indication précise des lieux où on les avait observés (1). (x) De tous les ouvrages qui traitent de la géologie, celui de Cuvier me parait contenir la plus grande variété de descriptious de gisemens; c’est là un fait passé presque inaperçu aux yeux de beaucoup de géologues qui, effrayés par les détails anatomiques, n'ont porté leur attention que sur la Description géologique des environs de Paris, œuvre qui restera toujours | et de Montpellier. 195 | Depuis lors, plusieurs observateurs ont fait connaître la popula- | ion antédiluvienne de quelques contrées; nous suivrons leur | exemple en exposant, dès à présent, le tableau des Mammifères | enfouis dans des formations parallèles à celles du terrain marin | supérieur de Paris, et situées dans deux bassins très rapprochés | l’un de l’autre, celui de Pézénas et celui de Montpellier. | La géognosie du premier de ces bassins a été traitée, ex pro- M fesso, par un de ces hommes qui joignent à une philosophie profonde des connaissancestrès variées et müries par une longue expérience (1). Nous nous bornerons donc à retracer quelques- uns des traits principaux de ce travail, en y joignant ce que nos propres observations nous ont fait connaitre. L'autre bassin, celui de Montpellier, ayant été décrit dans différens articles publiés par M. de Serres, mais sous un point de vue qui s’écarte assez de notre manière de voir, nous revien- drons plus tard sur ce sujet, en montrant en quoi nos opinions particulières peuvent différer de celles de cet habile naturaliste. Nous ne reproduirons icique quelques détails peu étendussurles sables qui renferment les animaux que nous aurons à signaler. D’après ce que nous avons annoncé, il nous suffira de rappeler que le terrain à ossemens de Pézénas est composé de bancs al- ternatifs de calcaire d’eau douce souvent compacte, de psammi- tes, de pépérine, de tufas et breccioles volcaniques, de sables . remplis de fragmens de laves, et de graviers calcaires et quar- zeux. Ces bancs sont d’une épaisseur très variables, quelquefois ils n’atteignent qu’un demi-pied d'épaisseur , d’autres fois ils ont plusieurs mètres de puissance. Les ossemens sont disséminés - dans toutes ces couches, les uns sont engagés dans les bancs » calcaires, et alors il est très difficile de ies dégager sans les briser; dans les graviers on peut les extraire avec facilité; ils sont pé- trifiés et habituellement fracturés; souvent les psammites for- ment autour d’eux une croûte solide qui s’enlève par lambeaux, en tête dés ouvrages classiques de géologie ; néanmoins le lecteur des Recherches voyage sur presque tous les points de l’Europe, car il est peu de contrées qui n'aient apporté leur tribut | à Cuvier. | | (1) Voyez les divers mémoires sur la géologie des bassins tertiaires, par M. Henri Rebouh | 13 190 CHRISTOL. — fossiles des bassins de Pézenas à-peu-près comme lécorce de quelques arbres. Les ossemens nous ont paru constamment couchés, l'axe des os longs étant dans le plan des couches, les os plats ayant aussi leur plan pa- rallèle à celui des couches. Quelques huîtres et des fragmens de côtes de Lamantin sont les seuls corps organisés marins que nous y ayons observés. Ce terrain a été évidemment bouleversé; les bancs, souvent horizontaux, sont quelquefois disloqués et très inclinés. Il re- pose sur la molasse coquillière du midi de la France, et nous le considérons comme parallèle aux grès et sables marins supérieurs des environs de Paris. Le terrain à ossemens de Montpellier , se compose de couches horizontales, très épaisses, de sables siliceux et calcaires, jau- nâtres et peu solides. Ces sables renferment des bancs ou amas irréguliers d’un grès souvent très dur et à grain fin. Des huîtres ( Ostrea nudata), dont les valves sont souvent en connexion , y sont disposées en bancs réguliers. D’autres genres, au nombre desquels nous signalerons les Lutraires, les Cythérées, les Tel- lines , les Vénus, y ont laissé leurs moules intérieurs (1); on les trouve plus particulièrement dans les lieux où le sable est argi- leux et dépourvu d’ossemens. Ces derniers sont souvent roulés et recouverts de glands de mer ( Balanus miser), rarement les trouve-t-on articulés entre eux. Ce terrain repose, sans intermédiaire, sur la molasse coquil- lière du Midi de la France, et nous paraît parallèle aux graviers à ossemens de Pézénas, et par conséquent aux grés et sables ma- rins supérieurs des environs de Paris, auxquels nous avons as- similé, pour l’âge, les graviers de Pézénas. Ce sont à nos yeux trois dépôts placés sur un même horizon géognostique. L'ordre que nous allons maintenant suivre dans la distribution des matériaux de notre travail, consiste d’abord dans la descrip- tion anatomique des ossemens fossiles recueillis auprès du ruis- seau de Riége, dans le bassin de Pézénas, puis dans le résumé (x) J'ai découvert depuis plusieurs années, dans ces sables, des tubes de Cloisonnaires , que l’on ne connaissait pas encore à l’état fossile, du moins n'er ai-je point trouvé l’indi- calion dans les auteurs, , et de Montpellier. 197 - des caractères zoologiques particuliers à chaque espèce rigou- reusement déterminée; nous comparerons ensuite chaque genre, chaque espèce du bassin de Pézénas, à leurs analogues du bas- sin de Montpellier, dont nous ne donnerons qu'une énuméra- tion méthodique, nous réservant de les décrire dans un travail particulier ; nous exposerons enfin quelques considérations gé- nérales sur les résultats de cette comparaison. DESCRIPTION DES OSSFEMENS FOSSILES DU BASSIN DE PÉZÉNAS. Pachydermes. Eléphant.— En voyant la quantité de débris d’Eléphant qu’on a trouvés épars dans les champs situés sur les bords du ruisseau de Riége, on ne peut qu'être étonné du nombre de ces animaux qui ont vécu dans nos contrées; leurs dimensions annoncent une espèce fort grande, dépassant même celles qu’indique Cuvier pour son Æléphant à longues alvéoles, etsi'elles peuvent servir de guide dans une détermination spécifique, elles doivent faire rapporter cette espèce à celle d'Italie, à l'Eléphant méridiona}, à celui dont on retrouve les restes en Auvergne. Les lames de molaires que nous avons recueillies sont entière- ment semblables à celles de l'espèce décrite par M. Cuvier, c’est- à-dire qu’elles ont les caractères de l'Eléphant d'Asie; les digi- tations ou crénelures de leur partie triturante ont entièrement disparu par suite de la détrition; elles paraissent avoir étéroulées, du moins est-il certain qu'elles étaient isolées et séparées du corps de la dent avant leur enfouissement, car la gangue qui les a saisies recouvre des cassures anciennes. L’émail est médiocre- ment festonné, sa surface est striée. Quoique la fargeur de ces lames ne soit pas entière , elle atteint, jusqu’à 0",082 , Ce quiin- dique pour la couronne de la dent une largeur de 0,09 au moins; cette largeur n’est dans l’'Eléphant de l'Inde que de 0,06 à om,07 et dans l'Eléphant des sables marins de Montpellier que de 0,055. Quoiqu'on n'ait recueilli aucune portion considérable de dé- 198 GHRISTOL. — Fossiles des bassins de Pézénas fenses, nous pouvons néanmoins assurer qu’elles devaient être très volumineuse, du moins à en juger par les alvéoles énormes d'un intermaxillaire offrant à son extrémité supérieure une par- tie du bord de l’ouverture extérieure des narines, et, dans son milieu, l'espace enfoncé longituäinalement qui sépare les deux alvéoles. Celles-ci sont comme: deux larges canaux divergens, séparés par une espèce de ‘crête où lame d’autant plus forte’et plus épaisse qu’on la considère dans les points où les alvéoles s'écartent davantage; cette lame est sans doute un reste de cloi- son des alvéoles, dont les grandes dimensions indiquent l'espèce désignée par Cuvier, sous le nom méthodique d'Eléphant à lon- gues alvéoles. Les autres parties du squelette sont : plusieurs fé- murs, des tibias, un astragale, plusieurs os du pied, un os des iles, un humerus , une omoplate, des vertebres et d’autres pièces très mutilées Le fémur est caractérisé, comme genre, par le rapprochement des condyles, dont la séparation n’est indiquée que par une ligne qui, dans le Mastodonte, se change en un large siilon destiné à fournir des points d’attache aux ligamens croisés de l'articulation du genou. La distance entre les bords externes de ces condyles, est de 0,285. Une tête supérieure de tibia a cette même dimen- sion transversale , et o",215 de diamètre antéro-postérieur. Les. dimensions de ces énormes ossemens dépassent celles des plus grands Eléphans fossiles connus jusqu’à ce jour , mais elles ne me paraissent pas suffisantes pour établir une espèce nouvelle. L’astragale est moins écrasé que dans le Mastodonte, la surface. de la poulie est aplatie, presque rectangulaire, s’éloignant ainsi de. la forme rhomboïdale qu’elle a dans l'Elépant vivant, dont elle. diffère encore par la forme des facettes articulaires, qui répon- dent au calcaneum, et par une plus grande obliquité du sillon qui les sépare. La plus grande de ces facettes, l’externe, est triangulaire ; dans le Mastodonte, elle est quadrilatéralé; Ja plus. petite, l’interne , n'offre pas l’échancrure qu’on voit vers le bord externé de la même facette dans le Mastodonte; le sillon qui sépare ces deux facettes’ est large à partir de la facette scaphoï- dienne, à sa terminaison il devient très étroit; à l’une de ces extrémités, il a trois pouces de large; à l'autre extrémité, un, : | | | et de Montpellier. 199 demi-pouce, seulement; nous ne voyons rien de pareil dans le Mastodonte. La cavité glénoïde de l’omoplate est longue et étroite, très concaye dans le sens de cette longueur seulement, son grand diamètre est de 0m,275, son petit diamètre de o,16. Elle sarti - cule très bien avec un humerus, dont l'extrémité supérieure, y compris la tête et la tubérosité, est large de 0,32. Hippopotame.— Les débris d’'Hippopotame sont moins nom- breux que ceux d'Eléphant; on en a un crâne auquel manquent les os de Ia face, une canine supérieure et une inférieure, une moitié de maxillaire inférieure avec plusieurs molaires,une extré- mité supérieure d’humerus, une omoplate, une vertèbre dorsale, quelques portions de côtes et d’autres pièces mal conservées. Le crâne est en forme de pyramide à trois faces, à sommet tronqué ; les pariétaux forment les deux faces antérieures, l'oc- cipital la face postérieure ; cette dernière face est inclinée uni- formément, et ne présente pas dans son milieu l’affaissement qu'on observe dans l’espèce vivante ; la pente antérieure est plus rapide et la hauteur de l’occiput plus considérable que dans l'espèce vivante; la portion temporale de l’arcade zygomatique est excessivement écartée et dirigée en dehors, ce qui, joint au resserrement, à l’étranglement du crâne dans la région posté- rieure aux orbites, produit une énorme fosse temporale. Le fron- tal est concave à la base antérieure de la pyramide. Les princi- "pales dimensions de ce crâne sont les suivantes : Hauteux.de l'occiputs, sieokoremiouoeu4its o9P22 Plus grand étranglement du crâne. . . . 0,12. Distance du bord supérieur du trou occipital au sommet de l’occiput. . . . nr ésnbi CE, Distance du bordinterne d’un condyle al autre. 0,09. La canine est cylindrique, arquée, taillée en biseau à sa pointe, comprimée sur deux de ses faces; ce qui lui donne un peu la forme d’un prisme triangulaire à angles très arrondis ; sa face postérieure est creusée d’un large sillon longitudinal, moins profond et moins anguleux dans son fond que dans l'espèce vi- vante,avec laquelle nous l'avons comparée; la face latérale canne- 200 CHRISTOL. — Æossiles des bassins de Pézénas lée est aussi plus plane; la face antérieure est recouverte d’une bande d’émail finement striée, et présente dans son milieu une cannelure longitudinale pareille à celle de la face latérale. Nous n’avons pas retrouvé cette cannelure dansles canines de l’espèce vivante, qui sont du reste de même dimension que la nôtre. Les fragmens de canine inférieure sont en si mauvais état que nous n'avons pu y reconnaître aucun caractère particulier; elle est très forte et en forme de prisme triangulaire très aplati. La plus large de ses faces est de o",r. La vertèbre est une 10° ou 11° dorsale; elle est d’un jeune individu; son corps est plus large que long, plan devant et der- rière, ce qui résulte de l'arrachement des épiphyses qui n'étaient pas encore soudées. Ce corps est cordiforme, à pointe très ar- rondie; les facertes costales sont très marquées et se trouvent partie sur le corps, partie sur la portion annulaire; les apophy- ses transverses sont courtes et grosses; leur extrémité présente aussi une facette costale. L’apophyse épineuse est très forte, très Jongue, très inclinée en arrière. La hauteur du corps est de o,o7, la largeur de 0,09 , l'épaisseur de om,05 ; la distance de l’extré- mité d’une apophyse transverse à l’autre de 0,18, de l'extrémité des apophyses articulaires au sommet de l'apophyse épineuse 0,2. Nous n'avons pas à notre disposition les autres ossemens que nous avons signalés, cependant nous devons dire que nous avons pu suffisamment les examiner dans le temps et que leur déter- mination ne nous parait pas douteuse; la forme du crâne etles. dimensions des autres pièces ne permettent pas de méconnaître la grande espèce d’Hippopotame fossile décrite par Cuvier. Selipède. —T.es ossemens de Cheval de Pézénas sont, comme tous ceux que l’on a trouvés jusqu à présent à l’état fossile, si semblables aux espèces vivantes, que la description que nous pourrions en donner ne conduirait à aucun résultat nouveau; aussi nous bornerons-nous à l’indication des pièces qui nous ont fait reconnaître ce genre. Ce sont plusieurs canons antérieurs et postérieurs, des omoplates, un fémur, un tibia, pièces d’ail- leurs si brisées qu’elles peuvent tout au plus faire connaître le genre. Je dois en excepter néanmoins une première phalange entière, qui, à cause de sa forme grele et allongée, pourrait | | et de Montpellier. 201 bien avoir appartenu à une espèce ou variété différente de ceile à laquelle appartiennent les autres os; cependant ce ne sera pas sur cette pièce unique, dont la forme peut à la rigueur être accidentelle, que nous entreprendrons d'établir une nouvelle espèce. Ruminans. Elan.— Les pièces qui signalent cette grande espèce de Cerf ne sont pas très nombreuses, du moins celles dans lesquelles se trouvent les caractères spécifiques, car pour les autres parties du squelette qui, n'ayant que des caractères génériques, sont entièrement semblables à celles des deux autres grandes espèces de Cerf, qui accompagnent l’Elan dans le terrain de Pézénas, il peut bien se faire qu'il y en ait lui appartenant réellement parmi beaucoup d'os, tels que des vertèbres, des omoplates, des humerus , des fémurs, des tibias , tellement dépourvus de carac- tères distinctifs, qu'on n’a aucun motif de les rapporter à telle espèce plutôt qu'a telle autre. Nos déterminations porteront donc uniquement sur un crâne et sur trois bases de bois dont les caractères sont parfaitement conservés. Comme ces quatre pièces sont les seules sur lesquelles repose jusqu’à présent l'exis- tence de l’Elan à l’état fossile, nous leur donnerons dans nos descriptions une attention toute particulière. Le crâne ne comprend que la boîte osseuse proprement dite, les os de la face manquent entièrement, la région du front est néanmoins complète. Nous en donnons les dessins fig. 1 et fig. 2. pl. 6. Ce qui frappe le plus dans la forme de ce crâne, fig. 1, c’est la concavité a de la base du front et la brusque élévation b de son sommet au-dessus de cette base, qui se termine à la ligne allant d’un orbite à l’autre. Cette élévation subite du front, qui existe dans l'Elan vivant {c fig. 3 pl. 6), esttelle dans notre fossile qu'on peut la comparer, en quelque sorte, à celle du grand Ours des cavernes ; mais, tandis que dans ce carnassier on voit sur le devant du front deux bosses saillantes séparées par une dépression longitudinale, on voit ici une disposition entièrement inverse. 202 CHRISTOL. — fossiles des bassins de Pézenas En efïet, deux enfoncemens, a b fig. 2, séparés par une saillie longitudinale, qui divise le front en deux moitiés latérales , se trouvent sur la pente rapide du front, à la base des meules et un peu en arrière au-dessus des orbites ; ces enfoncemens sont limités en avant par une arête transversale serpentante fortement relevée ce ; qui règne sur la largeur de la base du frontal et qui se termine par ses deux extrémités aux grands trous sourciliers dd, pénétrant dans les orbites. Au-dessus de ces trous, on en remarque, de chaque côté, deux autres beaucoup plus petits situés au fond d’une gouttière qui, descendant de la partie an- térieure de la racine de la meule, va aboutir au trou sourcilier. Il nous a paru que ces trous ne pénètrent point dans la, boîte du crâne, mais plutôt qu’ils se perdent dans le tissu diploïque, entre les deux tables compactes de los. Ce sont là apparemment les trous nourriciers des bois. Les meules sont assez rapprochées des orbites, au-dessus des- quelles leurs racines vont s'étendre, concourant ainsi à augmen- ter l’épaisseur de la voûte orbitaire. Quoique rompues assez bas, elles montrent une portion assez considérable pour qu’on puisse s'assurer qu'elles étaient dirigées horizontalement, comme dans l’Elan vivant. Elles sont à-peu-près cylindriques, et la forme el- liptique de leur surface rompue nous paraît dépendre , en grande partie, de ce qu'elles ont été coupées en biseau. La direction horizontale de ces meules fait que leurs racines se dirigent l’une vers l’autre, se joignent au moyen d’un renflement intermédiaire du frontal, et forment une traverse arrondie, assez marquée ee (fig. 2) qui divisela partie supérieure du crâne en deuxrégions bien. distinctes, l’une antérieure inclinée en avant, l’autre supérieure et postérieure dirigée, horizontalement. En arrière de cette tra- verse et au.sommet du pariétal se trouvent, de chaque côté, deux petites dépressions qui sé terminent à la suture pariéto- interpariétalé tout-à-fait à la région supérieure du crâne. Le crâne, dans cet endroit, est sensiblement concave transversale- ment d, fig. 1 , disposition qui résulte de la traverse unissant la racine des meules et de l'élévation de la crête occipitale. Celle-ci est tronquée à son sommet; là elle offre un petit espace plan et triangulaire, à pointe tournée en avant, et entièrement formé el de Montpellier. 203 par l'interpariétal, qui est très exhaussé au-dessus de tous Îes os avec lesquels il s’articule. Cette tête ayant appartenu à un jeune sujet, la plupart des sutures y sont encore très distinctes; celle qui joint le temporal au pariétal traverse obliquement, de bas en haut et d'avant en arrière, la fosse temporale; comme dans l’Elan vivant, elle prend cette direction oblique dès son extrémité supérieure, c’est-à-dire à sa terminaison à l'interpariétal, vers le sommet de la crête occipitale. La direction de cette crête nous a paru presque hori- zontale vers le haut, dans plusieurs espèces de Cerfs, notam- ment dans le Renne, où elle ne s'élève pas d’ailleurs aussi haut, dans l’Hippélaphe et plusieurs autres encore. Le pariétal est fortement échancré à la partie supérieure; il est unique, ainsi que l’interpariétal qu’il embrasse, ce qui indi- que que le sujet avait presque atteint tout son accroissement ; en bas il se termine en pointe au fond de la tempe. L’occipital forme, de chaque côté de la partie supérieure du crâne , deux ailes saillantes qui résultent du grand développement de la crête occipitale; au sommet de l’occiput, cette crête est mousse et peu marquée. La suture occipito-temporale est juste au bord antérieur de la crête occipitale, qu’elle longe dans une bonne partie de son étendue. Si l’état jeune de cette tête nous a fourni, au moyen des su- tures qu’elle conserve, quelques caractères utiles, il nous prive, d'un autre côté, d’un avantage que l’on trouve dans les pièces qui ont appartenu à des sujets adultes; je veux parler des im- pressions musculaires et des rugosités qui leur fournissent des points d'attache et qui dessinent les formes d’une maniere plus tranchée. Ici le crotaphite n’a laissé de traces de ses insertions que vers le bord antérieur de l’occipital, à la moitié de sa au teur; les points d'attache du ligament cervical postérieur et des muscles de la région postérieure du cou sont aussi très peu marqués. Le frontal étant rompu transversalement ,. peu en avant des, orbites , et la face manquant, nous n'avons pu constater la forme des os du nez, si remarquables dans l'Élan par leur extrême brieveté; néanmoins je pense qu'ils devaient présenter la méme 204 CHRISTOL. — Fossiles des bassins de Pézenas particularité, J’appuie cette conjecture, d’abord sur l’ensemble des caractères de cette tête qui, se retrouvant exactement dans celles de l'Élan, ne permet guère de supposer que notre espèce s'en éloignât dans ce qu’il y a de plus essentiel, c’est-à-dire par une organisation différente dans les narines, et ensuite sur l’exis- tence de cette crête transversale, c c, fig. r et 2 pl. 6, qui joint les deux trous surciliers. Il me paraît que cette crête a pu servir de point d'attache à certains des muscles qui mettent en jeu les narines dans lacte de l'inspiration ; tels seraient, par exemple, les analogues des muscles pyramidaux et triangulaires du nez, et peut-être encore l’élévateur commun de l'aile du nez et de la lèvre supérieure. Or, si cette crête est très développée, si elle présente des points d’attache très solides, c’est que les parties molles qui en partaient devaient aussi être très développées, et, si elles étaient telles, ce ne pouvait être qu'aux dépens des parties osseuses sous-jacentes, c’est-à-dire aux dépens des os du nez. Si l’on se rappelle que le mufle cartilaginenx et musculaire de l'Élan est énormément développé, que sa lèvre supérieure se prolonge beaucoup plus que l’inférieure, on se rendra facilement raison de la destination de la crête que j'ai indiquée, et l’on pourra en conclure le prolongement qui a dù exister dans les parties molles et, par suite, la brièveté des os du nez; il serait même possible que le mufle denotre Élan fut encore plus renflé que celui de l’espèce vivante, du moins on serait porté à le croire par l'inspection des insertions musculaires, plus pronon- cées que dans l’Élan vivant, (1) (x) Aux yeux de l’anatomiste qui ne serait point familiarisé avee la matière que je traite, nul doute que l’argumentatien ne parût incomplète, et elle l’est en réalité, car j'ai omis à dessein certaines propositions intermédiaires qui, pour les paléonthologistes, n'eussent été qu'une complication au moins inutile, si elle ne leur eût paru fastidieuse. Ce travail, comme on a déjà dû s’en apercevoir, suppose toujours la connaissance des faits qui entrent comme élément de solution dans les questions que j’agite; il ne pouvait entrer dans mon plan de les reproduire ici; chacun peut d’ailleurs les puiser dans le célèbre ouvrage de Cuvier. Néan- moins comme, dans ke cas qui nous occupe, la nécessité de cette connaissance doit se faire plus vivement sentir, je ne ferai. pas difficulté de fournir les renseignemens qu’il réclame, à cause de l'intérêt particulier qu'il me parait présenter. On conçoit difficilement, au premier abord, comment, dans un cas purement physiolo- gique, un graud développement de parties molles pourrait avoir eu pour résultat inévitable et de Montpellier. 205 L'état de mutilation de cette tête ne nous permet d’en donner que les dimensions suivantes : Plus grande largeur de l’occipital. . . . . . .. . . . o",150 Distance du bord supérieur du trou occipital au som- met de la crête du même nom. . , . . . . . . . . . 0,070 Distance entre les bords externes des condyles occipi- RC ne Distance en ligne droite du trou sourcilier à l’extré- Re ER IUIeS (00) Distance entre les deux grands trous sourciliers. . . 0,090 Diamètre vertical de la boîte du crâne. . . . . . . . . 0,120 Diamètre transversal de la boîte du crâne. . . . . . . o,r10 LE UE OCR DIODES ni du nie id. à) 0 QUE En résumé, cette tête se rapporte à l'Elan par des caractères qui appartiennent exclusivement à cette espèce, tels que les dépressions de la base du front, le relèvement subit de son un amoindrissement des parties osseuses en contact avec elles : rien n’est cependant mieux établi. Parmi les caractères particuliers à l’Élan, les naturalistes ont surtout signalé le prolonge- ment excessif de sa lèvre supérieure d, fig. 3 et 4, pl. 6 de son mufle charnu, en un mot le grand développement de tout l'appareil extérieur des narines qui correspond à un pareil développement du trou des narines osseuses, B fig. 3. Or ce trou n’est grand qu’aux dé- pens des os du nez, A fig. 3, qui sont réduits à presque rien dans l'Élan vivant. Pour achever de montrer l'identité de notre tête fossile avec celle de l’Élan, ileût été à desirer qu'on eût pu constater sur elle cette brièveté des os du nez; mais toute la face man- quant, on n’a pu arriver à cette connaissance @’une manière directe; il a donc fallu chercher une autre voie. Si l'on parvenait à démontrer que le mufle charnu de notre Élan fossile était très déve- loppé ; on serait obligé de convenir que le trou des narines osseuses l'était également, et par suite que les os du nez étaient très courts. Or ce développement du mufle est indiqué par Ja crète énorme cc, fig. 1 et 2, qui a fourni des points d'attache à ses muscles; rien n’est donc plus logique que la conclusion que le trou des narines osseuses a été fort grand, et, par suite, que les os du nez ont dû ètre fort courts. Pour rendre plus sensibles les caractères que j'ai'signalés, je donne, fig. 4, le dessin du mufle de l'Élan , et, fig. 3, la tête osseuse où les parties molles sont approximativement in- diquées par des lignes ponctuées. On voit, dans ce dernier dessin, la brieveté des os du nez A de l'Élan, la grandeur de l'ouverture de ses narines osseuses B, et le relèvement subit du front C. En comparant ce dessin au profil du crâne fossile fig. 1, on trouvera entre eux la plus grande ressemblance. Les lignes M, N , de la fig. 3, séparent du reste de la tête la por- tion du crâne qui correspond au crâne fossile fig. r. 206 cHRISTOL. — lossiles des bassins de Pezénas sommet au-dessus de la face; la direction horizontale des meules, l'obliquité de la suture pariéto-interpariétale; on pourrait y joindre la brièveté probable des os du nez, la parité des dimen- sions et la similitude des bois, dont nous allons entreprendre la description. De tous les bois de Cerf, le plus remarquable est celui de l'É- lan, pl. 7, fig. 1; ilse distingue de tous les autres par l'excessif élar- oissement de son merrain, qui présente la forme d’un éventail à bord palmé et convexe, et d'autant plus profondément échancré ou déjeté qu’il se rapproche plus de la base; les andouillers sont réunis les uns aux autres, la pointe seule en est libre; le maïître- andouiller lui-même est habituellement réuni au reste de la palme, et, ainsi que l’observe très bien Cuvier, cet andouiller ne part jamais de la racine du bois, comme dans le Renne et même le cerf commun, il prend toujours naissance à une certaine hau- teur au-dessus de la couronne, à la base même de la palme avec laquelle il se confond. Ce double caractère de la position du maître-andouiller bien au-dessus de la couronne et de sa réunion habituelle à la palme, est très important à noter; dans la nature vivante il appartient exclusivement à V'Élan, et on n’en a encore trouvé aucun exemple parmi les espèces Ldelée (1) Les bois que nous rapportons à notre Élan fossile présentent ce double caractère, ils viennent donc confirmer la détermina- tion de notre tête fossile, en même temps que leur propre dé- termination reçoit de celle-ci un nouveau degré de probabilité. Ainsi ces pièces, déjà suffisantes isolément pour établir l'existence de l'Élan à l’état fossile, se prêtent réciproquement un mutuel se- cours , et la coïncidence des caractères normaux de chacune acheverait de dissiper tous les doutes, s’il pouvait en rester après l'examen séparé de chacune d'elles. L'un de ces bois, dont nous donnonsle dessin fig. 5, pl.6, est une partie inférieure de perche droite, garnie du cercle de pierrures, et cassée à 6 pouces au-dessus de ce cercle, à la naissance même de là palme. Sa surface, dépourvue des sillons profonds que lon voit dans les grandes espèces de Cerfs, est lisse et unie. La (x) I n'est ici question que des caractères des bois d'élan à l'état adulte. et de Montpellier. 207 couronne, dont le diamètre est de 2 pouces 172, est parfaitement conservée, et l’on voit très bien qu'immédiatement au-dessus d’elle il: n’y a jamais eu d’andouiller. Sa base n’est pas entière- ment cylindrique, mais plutôt en forme de prisme triangulaire à arêtes mousses et arrondies. En s’éloignant de la couronne, le merrain s’aplatit de plus en plus du côté interne et du côté ex- terne, tandis qu’il s'étend antérieurement et postérieurement, gagnant ainsi en largeur ce qu'il perd en épaisseur; néanmoins la forme prismatique se reconnaît encore jusqu’à la naissance de la palme , le bord postérieur restant toujours plus épais que le bord antérieur ; le premier est presque droit ou peu convexe, l'autre est sensiblement concave, disposition qui résulte de la tendance du merrain à se courber un peu en avant. La meule est détachée de ce bois, qui est tombé naturellement, car la surface de la racinene présente aucune fracture. Au bord antérieur, à trois pouces au-dessus de la couronne, on voit la naissance A du maître-andouiller, le bois est cassé un peu au-dessus ; à cette hauteur le merrain est trés aplati, puisqu'il n’a au bord antérieur qu'un pouce d'épaisseur et au bord postérieur un pouce 172; il est en même temps fort élargi, et l’on peut considérer ce point comme la naissance de la palme. Le maïtre-andouiller n’a pu qu'être très aplati, on peut s'en convaincre par l'inspection de la surface d’où il a été arraché; il a dü rester confondu avec le merrain et concourir avec lui à produire la palme, qui est déjà clairement indiquée par l’aplatissement du bois. Ce qui reste de cette palme est trop considérable et l’amincissement de Ja nais- sance du maïitre-andouiller trop marqué, pour qu’on püt sup- poser qu’à partir de ce point, notre bois présentät une forme et une disposition différentes de celles qui se trouvent dans l’Élan, c'est-à-dire qu’il redevint plus ou moins cylindrique, au lieu de s'élargir en palme. Enfin , nous terminerons en disant que si on coupait un bois d’Élan à la même hauteur que le nôtre, la portion qui resterait en dessous de la palme serait absolument semblable à notre fragment (1). Ajoutons à cette observation que, (x) Nous avons figuré cette section, S O, dans le bois fig. 1, pl. 7 qui appartient à une perche gauche, vue du côté interne, tandis que notre bois fig. 5 pl. 6 appartient à une perche droite. 208 CHRISTOL. — lossiles des bassins de Pezénas parmi les espèces de Cerfs fossiles ou vivantes, il n’y a que l'Élan qui, avec un élargissement aussi marqué de son merrain, soit dépourvu d’andouiller, immédiatement au dessus de la couronne. Un autre fragment de bois , que nous donnons réduit au tiers, fig. 6, pl. 6, est encoreune Es de perche droite de la même force que la précédente, une portion de meule adhère à ce bois. Le merrain est cassé à trois pouces au- dessus de la couronne , et évidemment ne montre aucune trace d’andouiller immédiatement au-dessus d’elle. Le corps du merrain est un peu moins cylin- drique que le précédent, et est plutôt aplati, en sorte que la naissance de la palme aurait été un peu plus rapprochée du cercle de pierrures. Ce bois offre, d’ailleurs, toute la physionomie des bois d’Élan et les principaux caractères que nous avons signalés dans le morceau précédent ; c’est toujours l'absence de tout an- douiller immédiatement au-dessus de la couronne, l’aplatisse- ment et l'élargissement du merrain qui se transforme en palme à la naissance du maïître-andouiller &, aplatissement et élargis- sement trop considérables, du reste, pour que le merrain ait pu éviter d’être transformé en large palme au-dessus du point où il est cassé. Enfin nous donnons, fig. 2 pl. 7, une troisième base de perche droite qui présente les mêmés caractères que les deux autres. Nous remarquerons seulement qu’il reste, en B,une portion de palme plus considérable que dans les morceaux précédens; cir- constance qui justifie pleinement notre opinion de la transfor- mation en palme des deux autres merrains. En examinant at- tentivement ce bois, nous nous sommes parfaitement assuré que la portion B appartient bien réellement à la palme, dont elle formait le bord postérieur ; ce n’est certainement pas, comme on pourrait le croire d’après l'inspection seule du dessin, une portion d’andouiller , c’est la palme elle-même. En comparant ce dessin au bois d’Elan vivant, on voit que le bord externe de cette portion B correspond parfaitement à la direction du bord S de la palme fig. 1, pl. 7, et que cettedirection forme avec celle de la base du merrain un angle très ouvert. La courbure antérieure du merrain est aussi plus marquée que dans les morceaux pré- cédens, et rappelle complètement la courbure, O, du bois d'E- | | | | | et de Montpellier. 2009 + lan vivant, fig. 1 pl. 7. Le maïître-andouiller, À, dontilne reste que la base, est excessivement aplati et se confond avec la naissance de la palme, à une grande élévation au-dessus du cercle de pierrures. (1) Quoique cette base de bois n’ait point été trouvée dans le bassin même de Pézénas, nous ne devons pas nous abstenir de la produire, car c’est une preuve de plus à ajouter à celles qui établissent l'existence de l’Élan parmi les animaux fossiles. Cette pièce provient des graviers agglutinés du pied de la montagne Noire, aux environs de Castelnaudary, graviers qui nous parais- sent du même àge que les graviers de Pézénas; nous aurons, plus tard , à revenir sur cette circonstance. Renne. — L'existence du Renne à l’état fossile était démontrée depuis long-temps; Cuvier a émis des doutes sur son identité spécifique avec le Renne vivant, et il faut convenir que ces doutes sont surtout justifiés par les caractères particuliers de certains bois fossiles qu’il a décrits ; nous croyons même, main- tenant que, par l'examen d’un ‘grand nombre de bois de cerfs vivans ou fossiles, nous nous sommes assurés que la position du maître-andouiller est constante dans chaque espèce adulte, pou- voir avancer que ceux qu’il a indiqués comme ayant leur maître- andouiller très élevé au-dessus de la couronne, sont réellement d’une espèce inconnue, à moins toutefois que les sujets qui les ont produits ne fussent pas adultes. Ce que nous avons reconnu du Renne fossile, dans le terrain de Pézénas, n'ajoutera pas beaucoup, sous le rapport zoolo- gique , à ce que l’on sait déjà sur cette espèce; cependant nous pouvons dire dés à présent qu’il manquait de canines, tandis que les deux sexes en sont munis dans l'espèce vivante. Nous ne mentionnerons dans nos descriptions que les pièces présen- tant quelque caractère important ; de ce nombre sont plusieurs (1) Afin de ne pas muitiplier les planches, nous réduisons bien au-dessous de la grandeur naturelle les dessins de ces divers bois. L'un d'eux est réduit à moitié grandeur, les deux autres au tiers seulement; c’est là une circonstance dot il faut tenir compte dans l'appréciation des caractères que nous signalons, car tous ces bois fossiles nous ont paru plus forts qu'aucun de ceux de l'espèce vivante que nous avons pu examiner. IV.-Loor. — Octobre, 14 210 CHRISTOL, — Fossiles des bassins de Pézenas portions plus ou moins considérables de bois et une tête entière. Celle-ci est assez mal conservée : elle est écrasée et comprimée sur le côté gauche; le côté droit de la face est déjeté en dehors; les arcades dentaires, les arcades zygomatiques, la partie du crâne où s’attachent les bois, manquent entièrement ; nous avons pu cependant nous assurer, par l’examen des molaires restées dans la gangue d’où nous avons extrait cette tête, que leur usure n'était pas assez avancée pour qu'on puisse attribuer l’absence des canines à l’oblitération des alvéoles. Les dimensions de cette tête, fig. 3 pl. 7, indiquent au premier abord qu’il ne faut en chercher l’analogue que parmi les grandes espèces de Cerfs, et, en entrant dans les détails de ses carac- tères , on voit bientôt qu’elle n’a pu appartenir qu’au Renne. Sa forme est allongée , assez plane en dessus et peu exhaussée au- dessus des arcades dentaires, de a en b; dans la plupart des Cerfs, la tête est plus ramassée et plus haute au-dessus des ar- cades dentaires. Comme dans le Cheval, son profil montre une très faible convexité dans la ligne qui, partant de l’occiput, va aboutir à l'extrémité des os propres du nez; ce qui exclut déjà lÉlan , l'Hippélaphe, le Cervus équinus et plusieurs autres en- core qu'il serait trop long d’énumérer, et dans lesquels cette convexité est fort grande, surtout à la région du crâne occupée par les meules. Sous le rapport de cet aplatissement du chan- frein, le Cerf à bois gigantesque ne serait pas sans ressemblance avec notre espèce, surtout si on faisait abstraction de la portion du crane qui porte les meules; mais, outre que celles-ci sont plus rapprochées des orbites qu’elles n’ont dû l’être dans notre espèce, sa tête, vue en dessus, paraît plus large, son front est divisé par une crête longitudinale dontiln’y a pas de vestige dans la nôtre; les trous sourciliers placés sur la voûte de l'orbite sont plus grands, ils ont jusqu’à o®, 03 de diamètre, tandis qu'ici ils ont à peine om,o1 ; l’espace compris entre l'extrémité des inter- maxillaires et la première molaire est proportionnellement plus court, d’où résulte pour notre tête un museau plus allongé. : L’occiput est coupé verticalement, comme dans le Renne et le Cerf à bois gigantesque ; la région du front située entre les orbites est entièrement plane comme dans le Renne; l’espace ct de Montpellier. 211 vide au-devant de la fosse des larmiers est fort petit, il n’a que 0,025 de longueur et se trouve très rapproché de celui du côté _ opposé; la fosse des larmiers est assez profonde, elle est limitée, supérieurement, par un rebord saillant dirigé obliquement de haut en bas et d’avant en arrière ; en bas elle est évasée et s’é- tend sur la joue, caractères qui, comme on le voit, sont bien ceux du Renne. Nous n'avons pu nous assurer du mode de ter- minaison supérieure des intermaxillaires; nous sommes néan- moins très porté à croire qu'ils aboutissaient aux os propres du nez : s’il en était ainsi, ce serait un caractère propre au Renne fossile. Le maxillaire; vers son union à l’intermaxillaire, ne montre aucune trace de lalvéole des canines. Quelque incomplète que soit cette description, nous nous : voyons forcé de l'arrêter, de peur de donner pour spécifiques des caractères qui pourraient n'être qu’accidentels à raison du déformement de cette tête. On voit cependant qu’elle a les prin- cipaux caractères du Renne, tels que son peu d’élévation au- dessus des arcades dentaires, la direction presque droite de son profil, l’affaissement de son chanfrein, le peu d’étendue de l’es- pace vide au-devant de la fosse des larmiers et l’aplatissement du frontal. Nonobstant quelques rapports avec le Cerf à bois gi- gantesques, on peut facilement l’en distinguer par plusieurs caractères, indépendamment de la différence des dimensions qui sont beaucoup moindres; on peut s’en convaincre en com- parant les dimensions des deux espèces rapportées dans le ta- ‘bleau suivant : Cerf à bois Renne fossile g'gantesques. de Pézénas. Distance de la crête occipitale à l’extré- mité libre des intermaxillaires. . . . . 0,510 o,450 Distance entre les trous sous-orbitaires . 0,115 0,085 Longueur de l’espace occupé par les mo- 0 D .0.11) Distance entre les bords externes des | Lonaries occipitaux . . .. .. .» ...4 40,110 0,080 | Largeur de DRDBINUE (hs « un sui 0.000, CIS Les bois que nous rapportons à notre Renne se trouvent en 14: 212 CHR'STOL. — fossiles des bassins de Pézenas très grande quantité; ils ne sont remarquables que par leur grosseur, et, comme on n’en a point trouvé d’entiers , ôn n’a pu y reconnaître aucune différence appréciable avec ceux de l’es- pèce vivante. Nous n'avons à notre disposition aucune base de perche, nous ignorons donc quelle a pu être la position du maître-andouiller : était-il placé immédiatement au-dessus de la couronne, comme dans l'espèce vivante et dans certains bois fossiles décrits par Cuvier, ou bien était-il placé plus haut, comme. dans quelques bois fossiles également décrits par Cu- vier? C’est ce que nous ne saurions décider: néanmoins, la pre- mière supposition nous paraît plus vraisemblable, car nous avons vu, dans le temps, une base de ces bois pourvue de la meule et de la couronne, et offrant, immédiatement au-dessus de cette dernière , une rupture qui pourrait bien avoir été pro- duite par l’arrachement du maïtre-andouiller. D'après une note prise sur cette pièce, la surface du merrain était lisse, à peine marquée de faibles rainures; le bas du merrain n’était pas cy- lindrique comme dans notre Élan, mais de forme triangulaire ; = au-dessus de la couronne il était très comprimé ; le diamètre de la couronne était de 0",065. Les autres portions de bois que nous avons à notre dispo- sition offrent, en général, comme dans le Renne, des palmes allongées, relativement peu larges, mais très aplaties; elles partent d’un merrain irrégulièérement comprimé, dont la coupe transversale est ovalaire, elliptique ou prismatique, selon la partie de la perche où on la considère. La surface du merrain est quelquefois entièrement lisse; le plus ordinairement elle est légèrement sillonnée de rainures plus ou moins rapprochée, suivant les morceaux; sur les palmes les rainures sont rares. Le peu de largeur de ces palmes ne permet de les attribuer ni à l’'Élan ni au Cerf gigantesque, espèces dans lesquelles le mer- rain produit une palme unique et excessivement large. D'après l'examen que nous avons fait d’un grand nombre de fragmens isolés, il nous paraît que la perche entière a dû être irréguliè- rement comprimée à la base, où probablement se trouvait le maître-andouiller; qu'en s’élevant elle devenait prismatique, surtout aux points d'insertion des andouillers; que ceux-ci étaient | | | et dé Montpeilier. 213 palmés et recourbés comme dans le Renne vivant; que vers son sommet le merrain était très plat et se terminait en palmes étroites. è Nous ne devons pas oublier de dire qu'avec les portions de bois évidemment adultes, il s’en trouve plusieurs dont les «i- mensions sont moins considérables; les andouillers qui partent de ces portions de merrain sont simplement comprimés et non palmés; le point de réunion du merrain et de ceux-ci est tres aplati; mais en s’éloignant de ces points, les andouillers et le merrain tendent à redevenir cylindriques : ce sont là probable- ment de jeunes bois. Nous possédons une portion moyenne de merrain adulte très comprimée à l’une de ses extrémités, et changée en prisme triangulaire à arêtes arrondies à l’autre ex- trémité; ce merrain n’est cylindrique dans aucun point, tandis qu’au contraire le merrain est cylindrique dans le Cerf à bois gigantesque. Nous avons vu plusieurs morceaux absolument pareils à celui-là,.et ils nous paraissent donner la forme habi- tuelle de la partie moyenne de la perche. Le diametre de l’ex- trémité comprimée de la perche est de 0,095 dans l’un de ces morceaux; la base du triangle, qui résulte de la coupe de l’autre extrémité, est de 0,09, la longueur du morceau est de 0° ,23. Nous donnons, pl. 1 fig. 7, une partie supérieure de perche adulte; la palme, quoique cassée en partie, y est très bien for- mée, elle naît insensiblement d’un merrain très aplati, d’où part aussi un andouiller très comprimé, surtout à la base; la plus grande largeur de ce qui reste est de 0",18, son épaisseur est de 0",05, la longueur de ce morceau est de 0,35. Dans FElan cette palme serait plus large, dans le Cerf à bois gigantesque elle serait aussi plus large et ne serait point recourbée. Fig. 8 pl. r estune portion de jeune bois; danslebas il est pres- que cylindrique, il s’aplatit en remontant jusqu’à sa bifurea- tion, d'où part un andouiller très plat, et il tend à redevenir cylindrique au-dessus de cette bifurcation. Ce morceau se rap- porte assez bien à l’extrémité supérieure d’un bois de Renne de cinq ans environ. Le grand diamètre de son extrémité infé- rieure est de 0",05, le petit de 0",04, la longueur du morceau est de 0",4; il présente de faibles courbures sur les côtés et 214 CHKISTOL. — fossiles des bassins de Pézénas d'avant en arrière, en d’autres termes, il est légèrement flexueux et serpentant; les rainures y sont peu marquées. Les caractères de ces bois coïncident trop bien avec ceux de la tête, pour qu’on puisse ne pas voir dans ces diverses pièces la confirmation de nos déterminations. Cerf gigantesque. — L'existence du Cerf à bois gigantesque, dans le midi de la France, avec l’Eléphant et l’Hippopotame, confirme ce qu'a depuis long-temps exprimé Cuvier, que ce Cerf a laissé de ses dépouilles non-sealement dans les îles Bri- tanniques, mais encore en diverses contrées du continent de J Europe, et que les couches où on les déterre paraissent de même nature que celles qui enveloppent les os d’'Eléphant de l’ancien monde. On n’aura maintenant plus de doutes sur la contemporanéité de ces genres, doutes qu’on pouvait conserver tant qu'on n'avait pas vu, d’une manière aussi évidente, leur réunion dans la même couche, surtout depuis qu’on a cru trouver @es preuves de son existence pendant les temps histo- riques. Avec plusieurs portions de bois plus ou moins cylindriques, profondément sillonnés de rainures serrées et n’offrant aucune différence appréciable avec le merrain du Cerf gigantesque, tel que le décrit Cuvier, M. Reboul possède encore un crâne de cette espèce absolument semblable à eelui dont Cuvier donne le dessin, pl. vr, fig. 9, du tom. 1v de ses Recherches sur les ossemens fossiles. La courte portion du merrain qui y est fixée est tellement mutilée qu’on n’y distingue ni couronne ni trace du maître andouiller; on distingue néanmoins assez bien la direction de la meule et du merrain , elle est d’avant en arrière et non pas horizontalement sur les côtés comme dans l’Elan. La saillie entre les bases des meules est très prononcée, la lar- geur du front est très considérable; entre les bords externes des orbites elle est de 0”,3; les autres dimensions sont au moins égales à celles indiquées par Cuvier. Ayant déjà donné la des- cription et le dessin de ce crâne dans un mémoire publié par M. de Serres, nous nous dispenserons de les reproduire ici : nous ne l’avons pas d’ailleurs à notre disposition. Les portions de bois que nous rapportons à cette espèce sont \! et de Montpellier. 215 cylindriques et non prismatiques ou aplaties, comme ceux que nous avons rapportés au Renne; ils sont profondément sillonnés de rainures très rapprochées, qui existent tout autour du mer- rain ; nous rappellerons que les rainures sont rares, peu pro- fondes et largement séparées, dans nos bois d'Élan et de Renne. L'un de ces fragmens a 0" ,2 de long sur 0",08 de diamètre. Nous en donnons un autre moins fort, fig. 4 pl. 7; on y reconnaît parfai- tement la forme cylindrique du merrain, et les rainures profon- des et serrées qui en sillonnent la surface ; sur l’un des côtés de ce morceau nait un andouiller. Nous avons colligé d’autres pièces qui, par leurs dimensions presque égales à celles du cheval, conviendraient très bien au cerf gigantesque; ce sont des vertèbres, des humérus, des ti- bias, etc.; mais, comme on ne peut y reconnaître aucun caractere distinct de ceux qui appartiennent à tous les ruminans en géné- ral, il serait impossible de décider s'ils proviennent du cerf gi- gantesque, de l’Élan ou a : Renne, aussi n’en donnerons-nous aucune description. Afin de donner une idée de leurs dimensions, nous signalerons une tête inférieure d’humérus dont le diamètre transverse, pris à la poulie, est de 0",08, et une tête inférieure de tibia, dont le diamètre transverse est de 0",063. Nous signa- lerons également une branche droite de maxillaire inférieur dont les molaires , excepté la dernière, celle à trois piliers , sont toutes brisées. Nous n'avons pas retrouvé entre les piliers de cette mo- laire le petit cône caractéristique des cerfs; nous mentionnons ce fait parce que nous nous sommes convaincu, par l'examen de plusieurs têtes et mächoires inférieures de diverses espèces de cerfs des collections anatomiques de la Faculté des Sciences et de l’École de Médecine de Montpellier, que ce caractère n'est point constant, non-seulement dans les espèces fossiles, mais encore dans les espèces vivantes. Le cône manque généralement dans les molaires des Cerfs de la caverne de Bize. Nos trois grandes éspèces de Cerfs fossiles sont accompagnées d’une quatrième, de la taille du Cerf commun; nous l'avons re- | Connue par deux portions de bois sillonnés de rainures très mar- | | | | Le. ] é f» Mol . quées. L'un de ces morceaux, parfaitement caractérise , est une base de perche ; la couronne yesttres distincte et immédiatement 516 CHRISTOL. — Fossiles des bassins de Pézenas au-dessus d’elle part, commeé dans l’Élaphe, le maître-andouiller. L'autre morceau est cylindrique, flexueux, sillonné de rainures très prononcées ; la courbure et les sillons de ce morceau nous portent à croire qu’il nest point la dague de quelque individu jeune des trois grandes espèces que nous avons signalées; le morceau précédent, à maître-andouiller immédiatement placé sur la couronne, et que nous regrettons de n’avoir pas à notre disposition pour le figurer, fortifie cette opinion. Quant aux ca- ractères de cette espèce, tels que la forme de la tête, les divisions des andouillers, la forme et la partie supérieure du bois, elles nous restent totalement inconnues. Bœuf. — Le genre Bœuf ne nous est indiqué que par une der- nière molaire inférieure à cône ou arète tres élevée et entourée par l’émail; un noyau osseux de corne conique et arqué se rap- porte encore au même genre. Les dimensions de ces pièces ren- trent dans les dimensions du bœuf domestique. Mammifères marins. Larmantin. — Ce genre n’est indiqué que par deux ou trois morceaux de côtes cylindriques, arquées, comprimées sur leur face concave, solides et non fistuleuses ou spongieuses à l’inté- rieur. Ces morceaux sont roulés, ils étaient erratiques à la surface du sol, aucune gangue ne leur était adhérente; il n'est donc pas certain qu'ils fussent dans la même couche avec les os de Cerf et d'Éléphant; il peut se faire qu’ils provinssent du calcaire ma- rin tertiaire, qui est au-dessous du terrain à ossemens, et qui souventse montré à nu dans ces localités. Quoi qu’il en soit de ce fait particulier, il est néanmoins incontestable que le terrain à ossemens de Pézénas renferme des corps organisés marins; j'y ai reconnu des huîtres dans la couche même d’où j'avais extrait une vertebre d’Hippopotame et un fragment de bois de Cerf. On a cru reconnaître, parmi ies ossemens que nous avons si- gnalés, plusieurs animaux auxquels très certainement ils ne se rapportent pas; et d'abord les débris d'Éléphant ont été attribués les uns au mastodonte, les autres à de grands Cétacés. La pre- el de Montpellier. 217 mière supposition se réfute, abstraction faite des dimensions de ces ossemens, par les caractères des molaires, du fémur et de l'astragale. La seconde supposition est encore moins fondée, puisque c’est à une portion de bassin de cétacé que l’on rap- portait l’os énorme que nous avons montré être un intermaxil- laire, et que les cétacés n’ont de bassin qu’à l’état rudimentaire; les bois bifurqués du Renne ont été aussi rapportés à l’Élan , et une partie de ceux de l’Élan ont été rapportés à d’autres cerfs. Nous n’insisterons pas sur d’autres aéterminations fautives, qui ne changent rien à l'état de la question; mais, pour ces erreurs, elles n'étaient pas seulement graves par les résultats zoologiques auxquels elles devaient conduire, elles pouvaient encore avoir une influence directe sur les considérations géologiques qui s’y rattachent, aussi insisterons-nous sur cette particularité, qu'on n’a encore trouvé aucun cétacé dans les couches à ossemens de Pézénas. Une autre erreur matérielle, que nous ne pouvons passer sous silence parce qu’elle nous parait avoir des conséquences trop graves, est celle qui a été commise relativement à la détermina- tion géognostique du terrain où sont enfouis les ossemens que nous avons déterminés. M. Brongniart, dans son ouvrage intitulé Tableau des terrains qui composent l'écorce du Globe, a classé le terrain qui nous occupe parmi les brèches osseuses, avec lesquelles il n’a certai- nement aucun rapport, ni par les caractères minéralogiques, ni par les caractères zoologiques, ni par sa position géognostique; il l’a rangé à côté des Brèches osseuses de Gibraltar, de Cette, d'Antibes, de Nice , avec celles que nous avons découvertes nous- même à Baillargues et à Vendargues aux environs de Mont- pellier. Cette confusion , dans la réunion de faits naturels essentiel- lement distincts, nous parait tellement manifeste, que nous n'avons garde de l’attribuer à l’illustre auteur dont nous com- battons la classification ; elle a dû inévitablement prendre nais- sance dans les renseignemens inexacts qui lui seront parvenus, et qu'il n'aura pas été à portée de vérifier. Non-seulement Ja classification erronée du terrain de Pézénas ne peut être attri- 218 CHRISTOI. — Fossiles des bassins de Pézenas buée à M. Brongniart, mais elle est encore en contradiction for- melle avec la définition très juste qu’il donne lui-même des Bré- ches osseuses. En effet, dans l'opinion de ia plupart des Géolo- gues , et en particulier dans celle de M. Brongniart et de Cuvier, qui ont traité cette matière avec une exactitude et une clarté qui doivent servir de modèle dans toute description de gisement, les Brèches osseuses consistent en un ciment plus owamoins so- lide, habituellement -rougeâtre et toujours contenu dans les fissures ou cavités d’une roche préexistante; c’est constamment dans des fentes de rochers que ce ciment à pénétré, enveloppant à-la-fois des débris d’ossemens et des fragmens anguleux de di- verses roches. Cette circonstance essentielle de pénétration dans une roche plus ancienne se reproduit dans toutes les Brèches osseuses, et M. Brongniart insiste sur cette particularité, lors- qu'il dit (page 109 de son Tableau des terrains) que les Brèches osseuses remplissent toutes, en totalité ou en partie, des fentes, plus ou moins larges, plus ou moins étendues, ouvertes dans un calcaire appartenant ordinairement à la formation Jurassique. Ces Brèches ( observe-t-il encore à la même page) se ressemblent d’ailleurs par leur nature, leur structure, leur couleur, leur gi- sement. Or, les prétendues Brèches osseuses de Pézénas ne pré- sentent aucun de ces caractères. Elles ne sont situées dans aucune fente, fissure ou cavité d'aucune roche; elles sont disposées en couches régulières plus ou moins horizontales, distinctement stratifiées, et acquièrent une très grande puissance, puisque une allée tout entière a été creusée dans ce terrain de transport. Elles ne présentent aucune ressemblance avec les autres Brèches dans leur nature, leur structure, leur couleur, car les bancs qui les constituent sont composés de sables mélés de graviers, de psammites, de calcaire d’eau douce compacte, de pépérines, de tufs et de breccioles volcaniques. La couleur du calcaire est d’un blanc grisâtre ou cendré, les autres roches présentent des teintes diverses; si quelquefois elles deviennent rougeâtres comme les Brèches osseuses, c'est que cette couleur est due à loxide de fer ou au fer hydraté qui se trouve dans une multitude de roches de diverses formations. Enfin Cuvier observe, dans son grand ouvrage sur les Ossemens Fossiles, que les Brèches osseuses , ? et de Montpellier. 219 quoique souvent solides et compactes , ne sont jamais disposées en couches régulières , et que dès-lors elles n’ont rien de commun avec les derniers bancs qui annoncent un séjour long et tranquille de la mer sur nos continens. Un autre caractère distinctif des Brèches ossenses qui n’a point échappé à Cuvier, c'est que leurs ossemens, pas plus que ceux des cavernes, ne sont pétrifiés ; ceux de Pézénas le sont constam- ment. Ce caractère admis d’abord comme empyrique, nous parait maintenant susceptible d'explication : il tient sans doute à ce que les ossemens des Brèches et des cavernes n’ont été sub- mergés que peu de temps par des inondations passagères, tandis que les os pétrifiés des terrains de sédiment et de transport ont Jlong-temps séjourné sous des eaux qui ont pu en changer la nature. Si à ces considérations on ajoute celles tirées des caractères zoologiques, on verra que les terrains à ossemens de Pézénas peuvent encore moins être mis au rang des Brèches osseuses. Les véritables Brèches osseuses ne contiennent aucun corps organisé marin, c'est là du moins la doctrine de Cuvier et de M. Brongniart, et jusqu'ici nous ne voyons pas qu'aucune ob- servation bien authentique y ait porté atteinte; quelque ac- cident particulier du genre de celui que cite M. Brongniart (page 112 de son Tableau) ne pourrait d'ailleurs altérer la généralité de ces caractères, que nous avons été à portée de vérifier dans un grand nombre de localités très éloignées les unes des autres. Or, le terrain de Pézénas a été considéré par tous les géologues qui l’ont examiné, comme une formation en grande partie marine. Ce qui aura probablement occasioné l'erreur que nous signalons, c’est que les bancs calcaires qui renferment les ossemens renferment aussi des fragmens angu- leux et arrondis de roches diverses, ce qui leur donne alors un aspect bréchiforme; mais ces circonstances sont loin de suffire pour les appeler Brèches osseuses. Cette dénomination n’est pas seulement prise dans un sens minéralogique, elle est reçue dans la science dans une acception géognostique; elle est l'expres- sion qui désigne tout un système particulier de roches, elle est devenue nom méthodique de formation. Si l’on considérait la 220 CHRISTOL. — Æossiles des bassins de Pézénas chose autrement, il n’y a pas de couche renfermant des débris d'ossemens qui ne pût être appelée Brèche osseuse; on en trou- verait dans les terrains secondaires et dans toutes és formations tertiaires; en un mot, les terrains à ossemens de Pézénas n ’ap- partiennent pas plus aux Brèches osseuses que le calcaire gros- sier de Paris, les calcaires lacustres d'Auvergne, que tous les grès et autres roches solides dans lesquelles des os brisés sont réunis à des fragmens de roches préexistantes, Résumé des caractères zoologiques des mammifères du bassin de Pézénas. Il résulte de la détermination que nous avons faite des espèces particulières au bassin de Pézénas, que les pachydermes, si aombreux en genres distincts dans les couches inférieures des terrains tertiaires, sont ici réduits à trois genres vivans, l’Élé- phant, l’Hippopotame, ie Cheval; et parmi ces trois genres, que l’on retrouve habituellement dans les couches récentes des ter- rains tertiaires et rarement dans les couches anciennes, deux seulement, l’Éléphant et l’'Hippopotame, nous présentent des espèces essentiellement distinctes des espèces vivantes. l'Éléphant a pour caractère un développement excessif dans les intermaxillaires, et, malgré ses grandes dimensions, ne nous paraît pas fort différent de l'espèce décrite par Cuvier; c’est toujours l'Éléphant à longues alvéoles, mais ce peut être une variété. L’Hippopotame est celui que Cuvier a fait connaître sous le nom de grand Hippopotame fossile; nous avons montré ce qu'il présentait de particulier dans la forme de ses narines. Le cheval ne peut être distingué des espèces vivantes. Les ruminans nous présentent deux genres et encore deux genres vivans, car il est à remarquer qu’on n’a vu jusqu’à pré- sent, parmi les fossiles, aucun genre inconnu de ruminant; le plus grand nombre des genres détruits se rapporte aux pachy- dermes, famille presque toute confinée dans les pays chauds, tandis que celle des ruminans a plusieurs genres disséminés sur tous les points du globe. De nos deux genres, l’un, celui du bœuf, ne fournit qu'une seule espèce trop incomplètement con- 1 et de Montpellier. 221 nue pour qu’on puisse rien avancer de particulier à son égard ; l’autre, celui des Cerfs, comprend quatre esoèces, le Cerf à bois gigantesques, l’Élan, le Renne et un Cerf indéterminé de la taille de l’Élaphe. La première de ces espèces est détruite; nous avons montré qu'elle devait être considérée comme contemporaine des Éléphans de l’ancien monde, puisqu'elle était ensevelie dans les mêmes couches : proposition peu certaine jusqu'à ce mo- ment, car les relations des découvertes de cette espèce l’in- diquent souvent comme à peine enfouie, quelquefois même recouverte de tourbe ou de mousse, et récemment encore on Ya considérée comme ayant vécu dans les temps historiques (a): nous avons également montré qu’elle s’étendait plus au midi qu’on ne l'avait su jusqu'à présent. La seconde espèce n'avait point encore paru parmi les fossiles; car, bien que l’on eût sou- vent annoncé la découverte de l’Élan dans plusieurs gisemens, et qu'on lui eût rapporté, à tout hasard, ou des pièces qui ne lui appartiennent pas, comme les bois que M. Cuvier a montré appartenir au Cerf à bois gigantesques, ou des os qui bien cer- tainement ne peuvent conduire à aucune détermination rigou- reuse, même aprés une comparaison effective, il n’en est pas moins vrai qu'on n'avait, avant nos recherches, aucune partie suffisamment caractérisée pour-établir ceite espèce. La troi- sième était connue, son identité absolue avec l'espèce vivante était seule problématique; nous avons montré qu’elle en dif- férait par l’absence des canines et par la jonction de ses in- termaxillaires aux os du nez. Enfin notre quatrième Cerf est indéterminé, tout ce que nous en savons, c’est qu'il portait un andouiller à la base de son bois, et qu’il était moins fort que les trois grandes espèces qu’il accompagnait. Ces données, dégagées de tout calcul hypothétique et résul- (x) Le crâne de cerf à bois gigantesques indiqué par Cuvier comme ayant été retiré des fouilles du canal de l’Oureq, s’y trouvait, dans le même endroit à la vérité, mais peut-être dans des couches différentes, avec des os d’éléphant et de cheval, Parmi les os de ce dernier, les uns étaient pétrifiés, les autres ne l’étaient pas, ce qui pourrait faire présumer que tous ces os n’étaient pas de la même époque, et qu’on n’avait tenu compte ni de la hauteur où chaque espèce avait été trouvée , ni de la nature des couches qui les renfermaient ; quoi qu'il en soit, nos observations tendent à confirmer celles de Cuvier. 222 CHRISTOL. — Fossiles des bassins de Pézénas tant de l'observation directe des faits, ou plutôt n’étant que l'expression même des faits naturels, nous conduisent à quel- ques considérations que nous ne présentons qu'avec une ex- trême réserve, et pour appeler l'attention des naturalistes sur un ordre de phénomènes dont l'interprétation peut n'être pas sans influence sur quelques-uns des points de la doctrine géo- gnostique. Quoiqu’on ne puisse jamais se flatter d’avoir dressé un tableau absolument complet de toutes les espèces d'animaux qui peuvent être enfouies dans un même bassin, on peut cependant, après des recherches suffisamment étendues, espérer d’avoir acquis une idée assez juste de leur ensemble pour pouvoir établir, d’après ce dernier, des comparaisons entre les formations pa- railèles de différens bassins. Si ces comparaisons montrent des différences dans la nature ou la proportion numérique des es- pèces, de manière que celles d’un bassin soient différentes ou réparties dans une proportion inverse à celles d’un autre bassin, on pourra en déduire, non plus des lois relatives à la distri- bution des genres et des espèces suivant les formations, mais bien des lois relatives à la distribution des genres et des espèces d'une même formation, suivant les bassins; en d’autres termes, on pourra en déduire des lois relatives à la distribution géogra- phique des genres et des espèces d’une méme époque géolo- gique. Comme ces lois ne doivent être basées que sur l’ensemble de la population des bassins comparés, et que, moins sévères que celles qu'on a tenté d'établir pour les formations ( qui, étant relatives à l’existence ou à l'apparition des genres, sont néces- sairement détruites par le moindre fait exceptionnel), elles ne peuvent recevoir aucune atteinte de la présence rare et en quel- que sorte fortuite de quelques espèces, leur établissement pourra être tenté d’après la masse des faits, sans que l’on ait beaucoup à craindre de les voir détruites ou considérablement modifiées par des recherches ultérieures. Au nombre des lois relatives à la distribution des genres et des espèces suivant les formations, figurait celle qui avait exclu du calcaire grossier tous les genres de mammifères terrestres, et de Montpellier. 223 dont l'existence était généralement considérée comme postérieure à cette formation : un seul débris de mammifere terrestre dé- couvert dans cette formation ou dans toute autre plus ancienne devait suffire pour détruire cette loi, et faire remonter à une plus haute antiquité l’âge assigné à l'existence de cette classe ; que si, au contraire, on se borne à montrer que les genres ou les espèces d’un bassin sont différens, ou répartis dans une pro- portion opposée à celle d’un autre bassin , on aura établi une loi de distribution géographique, qui ne serait point changée par la découverte d’une espèce rare et commune aux deux bassins. La grande quantité de débris de Cerfs à bois palmés, découverte dans le bassin de Pézénas, opposée à celle es Cerfs d'Auvergne, par exemple, indique assez sûrement une station, une distribu- tion géographique différente dans les espèces de ces deux con- trées, et la découverte de quelque espèce commune à toutes deux ne changerait pas les lois fondées sur la nature et le nombre de leurs espèces habituelles; aussi, pouvons-nous dire dès à présent que la population des Cerfs d'Auvergne était très diffé- rente de celle dont nous voyons les restes à Pézénas; proposition à laquelle les recherches à venir ne porteront guère atteinte; car, tout en admettant que la liste des espèces enfouies dans les deux localités puisse ne pas être épuisée, il nous paraît peu probable qu'après tant de recherches, les espèces qui restent à découvrir ‘en Auvergne soient précisément celles que nous avons décou- vertes à Pézénas, et que, d’un autre côté, celles qui restent à découvrir à Pézénas soient précisément toutes celles qui ont été: découvertes en Auvergne ; et, alors même que ce cas viendrait à se réaliser, resterait encore Ja condition de la proportion numé- rique, condition qui doit être de quelque poids dans la Faunede toute contrée. Nous pouvons donc, maintenant que l’ensemble de la popula- tion du bassin de Pézénas nous est connu, la comparer à la po- pulation , au moins aussi bien connue, des sables marins du bassin de Montpellier, sables qui, par leur position géognostique, sont considérées comme parallèles aux graviers agglutinés de Pézénas. Le tableau suivant, dont nous essaierons de faire ressortir les traits principaux, facilitera cette comparaison, dans laquelle il 224 CHRISTOL. — Æossiles des bassins de Pézenas nous paraîtutile detenir compte dela rareté ou de l'abondance des débris qui signalent chaque genre, chaque espèce ; le nombre de ces débris donne la proportion numérique des espèces qu'ils représentent. La détermination des animaux du bassin de Pézénas, quoique en partie déjà connue, est entièrement due à nos soins; celle des animaux du bassin de Montpellier l’est également, à l'exception de quatre ou cinq genres indiqués par M. de Serres et par Cuvier, et dans lesquels nous avons distingué ou des espèces nouvelles, ou des espèces inconnues jusqu'alors dans nos contrées. Nous pensons qu’on distinguera ce travail, dans lequel nous avons au moins tenté de donner des déterminationsaussi exactes qu’il nous a été possible de le faire, au fieu de ces listes plus ou moins au- | thentiques, dans lesquelles on se borne à mentionner les noms des genres ou des espèces, sans description ou même sans indi- cation des pièces qui les ont fait reconnaître. Comment s'assurer en effet que ces noms ainsi isolés ont quelque valeur, lorsqu'on voit souvent qu'ils ne s'appuient que sur des pièces qui n’ont rien de spécifique? Ainsi, tantôt voyons-nous qu’on mentionne l’'Élan comme signalé par un humérus par exemple, une Antilope par un tibia, un Mouton par un canon. De simples indications de nom ne sauraient obtenir une grande confiance qu'autant que leurs auteurs se proposeraient de revenir sur le même sujet, ou qu’elles seraient le résumé des faits généralement admis dans la science ; telle est, par exemple, la série de tableaux publiée par M. Brongniart : dans ce cas, elles acquièrent la plus grande im- portance, parce qu’elles classent et ramènent à des chefs princi- paux les observations du même genre éparses dans divers ou- vrages. et de Montpellier. 225 TaBreau comparatif des genres et des espèces de Vertébrés des assises supérieures des terrains marins supérieurs du bassin de Pézénas et du bassin de Montpellier. BASSIN DE PÉZÉNAS. GENRES. 1. 2, Eléphant. Race très grande. Débris excessivement com- muns. Hippopotame. Grande espèce. Débris communs. Solipède. Peut-être deux es- * Là « peces ou deux races. Débris rares. BASSIN DE MONTPELLIER, GENRES, 1. nn VE Éléphant. Race plus petite que celle de Pézénas. Débris très rares. L'Hippopotame n’a pas encore été trouvé d’une manière bien positive dans les sables marins supérieurs de Montpellier ; ce- lui qu'indique Cuvier, au lieu de Conelle, peut avoir été trouvé dans les marnes bleues inférieures à la molasse coquil- liére. Mastodonte ( Angustidens k Débris communs. Rhinocéros (tichorhinus et lep- torhinus(® ), Débris très com muns. Tapir. Débris rares. Paléothérium.Débristrès rares. ÆAnitracothérium. Débris très rares. Lophiodon. Débris très rares. Hipparion ( nouveau genre. Nobis ). Débris très rares. Sanglier. Débris rares. (1) Cette dernière espèce n’a jamais existé; cependant j'en couserve provisoirement le nom Pour désigner une espèce nouvelle dont les molaires son noeéros leptorhinus; IV, Zoor, — Octobre, t celles que Cuvier attribue au rhi- je ferai connaître incessamment cette nouvelle espèce, 15 226 CHRISTOL. — Fossiles des bassins de Pézénas BASSIN DE PÉZÉNAS. BASSIN DE MONTPELLIER. RUMINANS. GENRES. GENRES 1. Bœuf. Espèce indéterminée. 1. Bœuf. Espèce indéterminée. Debris rares. Débris tres rares. Espèce indéterminée de Espèce indéterminée de la taille de l'Élaphe. la taille de l'Élaphe. Elan. Débris communs, Y r . » 2. Cerf. | Renne.Débrisirès com- muüne, Chevreuil ( Capraolus Cauvierii. Nobis ). Es- pèce de la taille du Che- vreuil d'Europe, dédiée 2. Cerf. au docteur Cauvière, de Marseille. Débris com- muns. Cerf à bois gigantesque. Débris communs. Chevreuil ( Capreolus Tolozani Nobis ). Es- pèce plus petite que la précédente, dédiée à ° M. Toulouzan, de Mar- seille. Débris communs. 3 Antilope (Antilope Cordierii Nobis). Grande espèce, de la taille de l’Élan, dédiée à M. Cor- dier, membre de l’Institut. Dé- bris communs. CARNASSIERS. Espèce indéterminée, d’une taille un peu su- périeure à celle du Cer- 1. ÆFalis.{ val. Débris rares. Espèce indéterminée de très petite taille. Débris \ - rares. ; et de Montpellier. 227 BASSIN DE PÉZÉNAS. BASSIN DE MONTPELLIER. GENRES. GENRES. 2. Âyéne. De la taille de l'Hyène rayée. Débris très rares. 3. Ours. Ce genre n’a Pas été tron- vé d’une manière bien positive dans les sables marins supe- rieurs. MAMMIFÈRES MARINS. 1+ Lamantin. Il est douteux que ce genre appartienne aux couches à ossemens de Pézénas. Ses dé- bris sont très rares, roulés et erratiques à la surface du sol. 1. ZLamantin. Débris excessivement communs. Les ossemens sont souvent articules dans les sables, circonstance qui ne s’est jamais présentée pour les os de mam- mifères terrestres. 2. Dugong (Halicore Cuvierii No- bis). Débris communs. C’est à ce genre qu'il faut rapporter les molaires qui ont servi à Cuvier à établir le moyen Hippopo- tame fossile. CÉTACÉS. 1. Dauphin (à longue symphise). Débris rares. 2. Baleine. Débris communs. 3. Cachalot. Débris très communs. 4. Rorqual. Débris très rares. REPTILES. 1. Crocodile, Débris très rares. 2. Trionix (Tr. Ægyptiacus Nobis). Débrisexcessiyement communs. 3. Chélonée. Débris très communs. 4. Emide. Débris communs. 5. Tortue. Débris communs. 15. 228 CHRISTOL. — Fossiles des bassins de Pézénas BASSIN DE PÉZÉNAS. BASSIN DE MONTPELLIER. a —— OISEAUX. GENRES. GENRES. 1. Palmipède, Grande espèce, et plusieurs autres oiseaux inde- termines. POISSONS. 1. Squule. Plusieurs espèces indé- terminées dont une de taille gi- gantesque. Deébris très com- muns. 2. ÆRaïie. Deux espèces inconnues dont une de très grande taille. Débris très communs. 3. Dorade. Debris très communs. COMPARAISON DES VERTÉBRÉS DU BASSIN DE PÉZENAS AVEC LEURS ANALOGUES DU BASSIN DE MONTPELLIER. On voit, d’après ce tableau, que des trois genres de Pachy- dermes de Pézénas et des neuf de Montpellier, un seul, celui de l'Éléphant , est commun aux deux localités, et encore est-il très possible qu’il y ait, sinon des différences spécifiques, au moins des différences de variété dans les débris particuliers à chaque localité; il ne faut pas oublier non plus que ces débris sont très nombreux à Pézénas et qu’ils sont très rares à Montpellier : une défense et une moitié de molaire , que nous devons à l'obligeance de M. le professeur Dubreuil, sont les seuls débris qui aient si- gnalé ce genre dans nos sables. Quoique le grand Hippopotame ait été indiqué dans les sables marins de Montpellier , sa présence se m'y paraît pas moins probiématique ; Cuvier en indique aussi la découverte à l'endroit nommé Conelle, mais sans parler de et de Montpellier. 229 la nature du gisement; dans cettelocalite il n’y a que les marnes bleues et le calcaire marin tertiaire qui leur est superposé, les sables marins supérieurs ne s'y trouvent pas; en outre, j'ai trouvé, dans cet endroit et toujours dans les marnes bleues, des fragmens de molaires de Rhinocéros ; il est donc vraisemblable que c’est avec ces molaires de Rhinocéros que se trouvaient les molaires d'Hippopotame désignées par Cuvier, à qui l’on n'avait fourni aucune indication précise sur la formation dans laquelle elles étaient enfouies. Nous n’insisterons pas beaucoup sur l'absence, dans le bassin de Pézénas, de tous les autres genres de Pachydermes du bassin de Montpellier, puisque les débris de la plupart étant assez ra- res, pourraient avoir échappé aux recherches faites dans le bassin de Pézénas; cependant il faut en excepter les débris de Masto- donte et ceux de Rhinocéros; les derniers, surtout, sont exces- sivement nombreux et se rapportent à deux grandes espèces , peut-être même à trois. L’une de ces espèces est celle à narines cloisonnées ( Rh. Tichorinus ); Cuvier en a décrit et figuré une tête trouvée aux environs de Montpellier ( voyez les additions du t. 1v des Recherches sur les Ossemens Fossiles ); nous en possé- dons nous-même un maxillaire inférieur entier et parfaitement conservé, ainsi que les molaires qui sont à peine entamées , on voit, à l'extrémité allongée de cette mächoire, les alvéoles des quatre incisives dont une est encore en place, ce qui montre, contre l’assertion de Camper et de Cuvier, que le Tichorinus était pourvu d’incisives,ainsiquel’avaitavancé Pallas. La secondeespèce est à narines non cloisonnées, mais n’est point le Rhinocéros Lephtorhinus, quoique nous lui ayions conservé ce nom dans no- tre tableau ; nous en possédons une tête entiere, la seconde qu’on ait trouvée en Europe et la seule qu’on ait en France (+1). Nous avons pu étudier le système complet de dentition de cette espèce dans tous les âges, et nous avons vu que les trois molaires an- (1) Pour le moment, je dois laisser celte question daus l'état où l’a placée Cuvier; plus tard je montrerai, dans un travail général sur les rhinocéros fossiles, qu'ayant soupçonné Vinexactitude du dessin de la tête du rhinocéros à narincs non cloisonnées, d'Italie, d'apres lequel Cuvier a établi le rhinoeéros Lptorhinus, j'ai obtenu de M. Géné, professeur de zoolagie à Turin, uu tres beau dessin de la même tête que j'ai cru appartenir au rhinacéros à na- 230 CHRISTOL. — Fossiles des bassins de Pézenas térieures adultes diffèrent des dents de lait par un large collet aplati qui entoure leur base du côté interne, et que les unes et les autres différent de celles de la première espèce, en ce que le crochet de leur colline postérieure , ne joignant pas la colline antérieure , il n’y a jamais que deux fossettes distinctes sur la couroune usée, tandis qu’il y en a trois dans les molaires de l'espèce à narines cloisonnées (1). Cuvier avait très bien entrevu cette différence entre les dents des deux espèces, mais il avait été arrêté par l'insuffisance des moyens qui étaient à sa disposi- tion. Nous voyons maintenant combien ses conjectures étaient fondées; on pourra donc, au moyen d’une molaire isolée, déter- miner les deux grandes espèces de Rhinocéros fossiles. Des deux genres de Ruminans de Pézénas et des trois de Montpellier, deux sont communs aux deux bassins, mais il y a de grandes différences dans la plupart de leurs espèces. L'un , celui du Bœuf, ne contient qu’une espèce indéterminée, ses dé- bris sont très rares dans les deux bassins ; l’autre, celui des Cerfs, comprend, à Pézénas, trois grandes espèces à bois palmés, et une quatrième indéterminée de la taille de l'Élaphe ; à Montpel- lier ce genre comprend trois espèces, la première est indétermi- née et est de la taille de l'Élaphe, comme celle de Pézénas, dont elle peut néanmoins différer ; les deux autres sont plus petites. et nous paraissent être des variétés du Chevreuil, elles ont la plus grande analogie avec l’une des espèces d'Auvergne, leurs bois sont trifurqués et le maître-andouiller est très élevé au-dessus du cercle de pierrures. La première, que nous avons nommée Ca- preolus Cauvierii, est de la taille du Chevreuil d'Europe; la se- conde, que nous avons nommée Capreolus Tolozani, est plus petite, mais a les mêmes caractères dans la forme des bais. Les rines cloisonnées ( Rl, tichorhirus). La eloison. des narines et l'extrémité des os du nez ont été cassées dans cette tête ; circonstances qui, n’ayant pas été indiquées daus le dessin trans mis à Cuvier, n’ont pu le prémunir contre l'erreur dans laquelle il est tombé. (Voyez à ce sujet , le mémoire de M. Christol, inséré page 44 de ce volume. R.) (1) Je dois à l’obligeance de M. de Serres la communication d’un certain nombre de dents de rhinocéros , parmi lesquelles j'ai reconnu une série complète de molaires du rhino- céros que j'appelle encore leptorhinus, C’est en les comparant aux molaires plus usées de ma tête, et à celles du tichorinhus, que j'ai obtenu les résultats ci-dessus indiqués. et de Montpellier. 231 ossemens de ces deux espèces ou variétés si semblables sont très nombreux et se maintiennent constamment dans deux dimen- sions invariables. Lorsqu'on trouve de ces os avec des dimensions intermédiaires , on s'aperçoit toujours qu'ils sont épiphisés, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas adultes, et alors ils ne peuvent être pris pour terme moyen des dimensions d’une espèce unique, dont nos deux Cerfs seraient considérés comme les extrêmes en dimension. Maintenant, si l’on considère que les fouilles pour- suivies sans relâche, depuis plusieurs années, dans nos sables marins, n’ont jamais donné aucun débris des grands Cerfs à bois palmés de Pézénas, qu'elles en ont beaucoup fourni et qu’elles en fournissent journellement des trois espèces que nous signa- lons; que ces trois espèces ont été reconnues dès l’origine de nos recherches, et qu’au lieu d’en montrer de nouvelles , tout ce qu’on en a trouvé depuis est exactement rentré dans chacune d'elles, on doit croire être suffisamment fixé sur l’enserable des espèces de Cerfs propres aux deux bassins que nous comparons. Le troisième genre de Ruminant des sables de Montpellier, est le genre Antilope, nous en possédons un crâne armé de noyaux osseux de cornes, solides à l'intérieur, prismatiques , peu arqués, dirigés presque verticalement et long de plus d’un pied; nous l'avons nommée Antilope Cordierii. C'est la première fois que l’Antilope a été reconnue d’une manière bien certaine parmi les animaux fossiles. Ses débris ne sont pas très rares dans nos sables. L Des trois genres de Carnassiers de Montpellier, aucun n'a été trouvé à Pézénas; à la vérité, leurs débris sont rares à Mont- pellier. ( Le Lamantin est le seul mammifère marin commun aux deux bassins, et encore n'est-il pas bien certain qu’il ait été trouvé à Pézénas dans les mêmes couches qui renferment les Cerfs et l'Éléphant ; il pourrait, du reste, y avoir été trouvé, mais hors de place et venant d'une formation inférieure, Sa présence n est indiquée que par trois ou quatre petits fragmens roulés de côte À Montpellier , nos sables fournissent des débris de ce genre; on y trouve des squelettes presque entiers, et l’on peut dire que c'est un des animaux les plus répandus dans notre formation des 232 CHRISTOL. — Fossiles des bassins de Pézenas sables marins supérieurs. Le Dugong, qui est aussi assez com- mun à Montpellier, manque à Pézénas. Les ossemens de Dauphin n'étant pas très communs à Mont- pellier, leur absence à Pézénas ne doit pas être comptée pour beaucoup dans la comparaison de la population des deux bassins; mais il n’en est pas de même pour les débris de Baleine et de Ca- chalot qui sont très répandus dans nos sables ; les dents coniques et arquées de ce dernier sont surtout assez communes. On ne peut qu'être étonné de l'absence, dans le bassin de Pézénas, des Trionix, des Chélonées, des Émides et des Tortues terrestres qui abondent dans nos sables; leurs carapaces y sont quelquefois entières; nous en possédons deux qui ne diffèrent en rien du Trionix d'Égypte; les digitations de leur plastron sont de même forme et en même nombre; les vermiculures de leurs caparaces sont disposées en trainées serpentantes et paral- lèles, dirigées dans le sens de la longueur de l'animal. Il serait assez inutile de poursuivre la comparaison des petites espèces de vertèbres qu’on trouve à Montpellier et qui n’ont pas été trouvées à Pézénas; la raison en est qu’à cause de leur petite dimension elles peuvent n'avoir pas été aperçues dans les gra- viers de Pézénas, tandis qu’à Montpellier elles n’échappent point aux ouvriers qui emploient continuellement les sables. €CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. On ne saurait disconvenir que ces différences dans les popu- lations contemporaines de divers bassins ne soient peu favorables. à l'opinion des géologues, qui ont attribué à des invasions de la mer sur nos continens, et la destruction des races antédilu- viennes, et la formation instantanée des couches qui les recèlent ; elles seraient encore moins favorables à l’opinon de ceux qui, n'ayant pas cru que des espèces fossiles analogues à celles de la zone Torride eussent pu vivre dans les contrées où on les trouve ensevelies , les y font charrier par de grands courans marins dont ils cherchent même à déterminer le cours. En effet si, comme on l’admet dans la première hypothèse, la mer eût sur- L et de Montpellier. 233 pris et enseveli les animaux dans les lieux où on les retrouve, on ne verrait pas, dans les dépôts parallèles de bassins aussi rapprochés que le sont ceux de Pézénas et de Montpellier, une différence si grande dans l’ensemble des espèces enfouies; car il est peu vraisemblable que, dans des cantons aussi voisins et qui ne sont séparés par aucune limite naturelle, telles qu’une chaine de montagnes ou une vallée profonde dans laquelle eût pu couler un fleuve, la population animale de la même époque eût présenté des contrastes aussi prononcés; et si, comme on l’admet dans la seconde hypothèse, la mer eût transporté, d’une des parties du monde dans l’autre, les animaux fossiles, il fau- drait aussi que, dans ce transport, elle eùt pu séparer les es- pèces et en faire en quelque sorte un choix peu en rapport avec l'action d’une cause dont les effets auraient dû être uniformes et généraux. On pourrait peut-être expliquer la différence de population des bassins de Pézénas et de Montpellier, en considérant les dépôts parallèles de ces deux localités comme deux deltas pro- duits, à la même époque, par des fleuves qui, étant partis de points différens, auraient charrié vers un même rivage et dans les golfes ou étangs où étaient situées leurs embouchures, Îles animaux habitant des contrées qu’ils auraient traversées dans leurs cours. La population des contrées traversées par chaque fleuve ayant pu être différente, ou, en d’autres termes, comme nous l'avons dit plus haut, les stations des espèces, leur distri- bution géographique ayant pu effectuer des groupemens d’ani- maux dont l’ensemble aurait été différent, suivant les points géographiques qu'ils auraient occupés (r), on concevrait la pos- (1) Cette limitation plus ou moins permanente de certaines espèces à certains cantons est d'autant plus probable qu'à cette époque de grands lacs communiquaient souvent entre eux, s’étendaient sur des lieux qui ne sont plus séparés aujourd’hui par aucune limite naturelle, et que d’ailleurs, suivant la remarque très judicieuse de Cuvier (Discours sur les Révolutions du globe), un animal sauvage ne s'écarte pas volontiers des lieux où il trouve, au degré conve- nable, tout ce qui est nécessaire au maintien de son espèce, et ne s'étend au loin qu’autant qu'il y trouve la réunion de ces conditions. Les herbivores , à l'état sauvage , paraissent surtout plus restreints que les carnassiers dans leur dispersion , parce que l'espèce de nourriture se joint à la température pour ies arrêter. 23/4 CHRISTOI. — Æossiles des bassins de Pézenas sibilité d’une séparation, d’une d'fférence d'ensemble dans les espèces de ces deux deltas contemporains. Une question assez intéressante à résoudre serait de déter- miner, pour chacun des dépôts qui nous occupent, le lieu précis de l’ancienne embouchure des fleuves qui les ont produits, et celui des pays traversés par chacun de ces fleuves. En remontant dans les anciens lits de ceux-ci, et en étudiant les espèces fos- siles qui pourraient y être contenues, ainsi que ceiles des dépôts fluviales qui s’y rattachent, on parviendrait peut-être à déter- miner l'habitation de chaque population. Les données que nous avons pu rassembler sont encore trop insuffisantes pour pou- voir avancer quelque chose de positif à cet égard; cependant nous croyons avoir entrevu la possibilité de rattacher les dépôts des sables marins de Montpellier aux alluvions de la vallée du Rhône. On changerait cette conjecture en certitude presque complète, si dans les alluvions de la vallée du Rhône et des val- lées adjacentes on retrouvait les quadrupèdes terrestres des sables marins de Montpellier. (1) (1) J'avais terminé ce mémoire depuis plusieurs années, lorsque au mois de mai 1831, je découvris à Cucuron , dans la vallée de la Durance, à quelques lieues du point où cette rivière se jette dans le Rhône, et dans un terrain dont le synchronisme géologique avec le terrain de Pézénas me parait assez probable, un nouveau genre de pachyderme voisin du Cheval, auquel j'ai donné le rom d’Aipparion , et dont les os se trouvent par milliers avec des os de Mouton, de Bœuf, de Cerf, de Khinocéros , de Sanglier et d'Hyène. En relisant mon mémoire j'en étais au passage auquel se rapporte cette note, lorsque l’idée de ma population des rives de la Du- rance s’est présentée à mon esprit. Je me suis d’abord aperçu que le Rhinocéros, le Cerf de la taille de 'Elaphe, l'Hyène et le Sanglier, coïncidaient assez bien avee mon système sur la popu- lation des sables marins de Montpellier, mais comme ces animaux se trouvent répandus dans beaucoup de terrains meubles, je ne pouvais en tirer un argument d’un grand poids ; je cher- chai alors dans ma collection ua os de nos sables marins supérieurs de Montpellier, qui m'avait singulièrement occupé dans le temps, et auquel , dans mon incertitude sur sa détermination, je avais mis aucun nom d’espèce. C’élait une moitié inférieure de canon que je rapportais à un solipède de très petite taille; cependant comme j'étais loin d’être satisfait des comparaisons ef- fectives que javais tentées avec des canons d’Ane et de Cheval, mon os restait sans détermina— tion précise. Aujourd’hui j'ai cette pièce sous les yeux, je la compare avec sévérité aux canons de mon Hipparion etj’éprouve la satisfaction de voir qu'il y a non pas seulement ressemblance, mais identité absolue sous tous les rapports, soit pour les dimensions, soit pour les formes qui sont, comme je le ferai voir plus tard, très caractéristiques. La chose est assez sérieuse pour que je Ja présente comme un argument en faveur de plusieurs opinions que j'ai émises dans ce Mémoire, D'abord, on y voit que la station géographique des animaux de la période tertiaire n’a pas plus été universelle qu'aujourd'hui , que par conséquent l'habitation de certaines espèces a été limi- et de Montpellier. 235 Le dépôt de Pézénas offre plus de difficulté dans la détermi- nation de son origine; on pourrait peut-être la trouver en sui- vant les graviers qui s'étendent au pied de la montagne Noire aux environs de Castelnaudary. Ces graviers nous paraissent avoir la plus grande analogie avec ceux de Pézénas, dont ils peu- vent être, je ne dirai pas la continuation, mais une dépendance, un membre de la même formation placé dans un bassin supé- rieur. Dans l'examen de cette question, que nous ne présentons que comme un simple aperçu. il ne faut point perdre de vue que divers soulèvemens et dislocations du sol ont pu faire dis- paraître la disposition primitive de la vallée et des affluens qui auraient autrefois mis en communication le bassin de Pézénas avec celui de Castelnaudary; quoi qu'il en soit, plusieurs osse- mens de cette localité, que nous avons comparés avec ceux de Pézénas, offrant le même aspect, le même degré de pétrification ; des graviers pareils à ceux de Pézénas leur sont adhérens; en un mot, ils ont les mêmes caractères physiques extérieurs. En outre, M. Marcel de Serres possède, dans sa collection, un bois de Cerf de Castelnaudary qui se rapporte évidemment à notre tée à certains cantons, puisque les Hipparions réunis en troupeaux nombreux sur les rives de la Durance, nese sont guère répandus dans les autres localités explorées par les géologues. J’y vois encore une probabilité de plus que nos sables marins supérieurs de Montpellier, se rattachent aux alluvions de la vallée du Rhône et des vallées adjacentes, puisque l'Hipparion qui s’y trouve peut très bien avoir été charrié de la Durance dans le Rhône, et du Rhône sur nos côtes, précisément suivant l’opinion que j'émettais avant d’avoir connaissance de ce fait particulier. Je dois observer que ce canon d'Hipparion est évidemment roulé, les arêtes de sa tête articulaire sont mousses et usées, Maintenant si l’on considère que l'Hipparion est loin d'être un animal très répandu , comme le Rhinocéros, le Sanglier, le Cerf, le Bœuf, l’Hyène, si on doit le faire xenir de quelque part, ne doit-ce pas être de la vallée de laDurance? Ge qu'il y a certain c’est que jusqu’à présent il n’a été aperçu que là, et cependant ses os, qui s’y trouvent en quantité innom- brable , montrent bien que ce n’était pas un animal rare. On n'objectera pas, je pense, la lon- gueur du trajet parcouru par cet os, car il faudrait être bien peu au fait des phénomènes de ce genre, dont M. Constant Prévost a tiré parti pour l’explication de certains phénomènes géolo- giques. Les courans marins et les vents portent au loin dans les mers les cadavres flottans des animaux que les fleuves charrient dans leurs débordemens, et dont les viscères distendus par les gaz résultant de la putréfaction facilitent le transport lointain : bien plus, la Méditerranée rejette journellement sur nos plages des variolites verdâtres, et d’autres roches des terrains. pri- mitifs et intermédiaires qui ne peuvent être entrainées que par le Rhône et la Durance. M. de Serres avait depuis long-temps fait cette curieuse observation. On peut, en jetant les yeux sur une carte des côtes méridionales de la France, se faire une idée des divers rappoyts de localité que j'ai signalés dans ce Mémoire. 236 CHRISTOL. — Aossiles des bassins de Pézenas Élan de Pézénas; ce morceau, qu'il a bien voulu nous confier pour le faire figurer, est une base de bois palmé et dépourvue d’andouiller immédiatement au-dessus du cercle de pierrures; nous en avons donné plus haut la description ainsi que le des- sin, pl. 7 fig. 2. Dans la différence que présente l’ensemble de la population des deux bassins que nous comparens, il est un point très im- portant à noter et qui consiste dans l'absence complète de tout Cétacé dans le bassin de Pézénas, classe qui fournit un grand nombre de débris de plusieurs genres dans le bassin de Mont- pellier. Il nous paraît que cette différence s'explique en consi- dérant les terrains de Pézénas comme ayant été déposés très prés du rivage, à l'embouchure même d’un fleuve, peut-être même dans un étang où se déchargeait ce fleuve, et dans lequel des eaux marines auraient fait des irruptions locales, telles que les a concues M. Constant Prévost, relativement à certains dé- pôts du bassin de Paris : cette opinion est, du reste, celle de M. Reboul, dont les observations sont si précieuses pour la science. Les sables marins de Montpellier paraissent, au contraire, avoir été déposés sous des eaux plus profondes et assez loin de l'embouchure du fleuve qui les a charriés; aussi diffèrent-ils des terrains de Pézénas par leur aspect, par leur composition mi- néralogique, par l’arrangement et la disposition de leurs mas- ses (1); ils en diffèrent encore par les animaux marin qu'ils renferment et qui ont vécu sur les lieux, comme les Baleines, Li (x) Ces sables, dont la puissance est quelquefois de près de 200 pieds, présentent, nonob- slant tous les caractères qui doivent les faire considérer comme déposés sous des eaux profondes, tous les accidens qui devaient résulter de l’action des petites rivières qui ont pu se jeter dans la mer de celte époque. C’est de cette manière qu’on peut concevoir les trainées de graviers qui se trouvent à la partie supérieure de nos sables , et dont la direction suit la pente générale du sol, à-peu-près comme celle des cours d’eau de l'époque actuelle. Ces graviers sont quelquefois agglu- tinés par un ciment de travertin et renferment quelques coquilles terrestres. Ils sont une dé- pendance du terrain d’eau douce supérieur qui, d'abord déposé hors du bassin marin sur des roches de diverses formations, s’est étendu plus tard dans le bassin marin même, sur les sables avec lesquels il se trouve en stratification concordante. Le bassin marin de cette époque était sé- paré, par une large digue , qui existe encore, de calcaire jurassique et de craie compacte, d'avec les grands bassins d’eau douce situés plus avant dans l’intérieur des terres. et de Montpellier. 237 les Cachalots, les Dugongs et les Lamantins, dont les squelettes sont quelquefois presque entiers dans les sables, les Squales, les Raies, les Dorades, les Huîtres, et un grand nombre d’autres mollusques dont les valves sont souvent en connexion. Si ces observations, que nous ne présentons que comme un but de recherches, étaient confirmées par des observations ul- térieures sur la nature des espèces animales disséminées dans les directions que nous avons indiquées, le bassin de Mont- pellier renfermerait la population qui a vécu au pied des Alpes, tandis que le bassin de Pézénas renfermerait la population qui, à la même époque géologique, a vécu au pied des Pyrénées. Du reste, quelque différente que fussent ces populatious, il ne faut point perdre de vue qu’elles ont un caractère commun, celui de présenter certaines espèces dont les analogues ne vivent plus que dans la zone torride, et dont la destruction est antérieure aux temps historiques les plus reculés. Ajoutons à ces observa- tions qu'il est infiniment probable que cette destruction eut pour cause l’abaissement de température du globe; car, bien qu’on n'ait pas la preuve directe que la plupart des espèces fos- siles, même celles qui n’ont d’analogue que dans les contrées équatoriales, n’aient pu s’accorder à nos climats actuels, il n’en est pas moins vrai que certaines d'entre elles présentent une organisation peu en rapport avec les conditions d'existence aux- quelles les auraient inévitablement soumises l'ordre actuel des choses. On conçoit difficilement, en effet, que les Crocodiles, le Trionix Ægyptiacus des sables marins de Montpellier et l'Hippopotame de Pézénas, eussent pu vivre dans nos rivières couvertes de glaces. En émettant cette opinion, nous n’enten- dons nullement décider si cet abaissement de température s'opéra d’une manière brusque et soudaine, ou lentement et par degrés successifs; nous observerons seulement que, dans cette hypothèse, on peut très bien concevoir comment des con- ditions d'existence, devenant de plus en plus défavorables à la reproduction des espèces que nous trouvons aujourd'hui à l'état fossile, celles-ci, devenues de plus en plus rares, ont dû finir par s’éteindre entièrement. D'après cette manière de voir, l'ex- 238 L. ourour.— Sur les Orthoptères, les Hyménoptères, etc. tinction des races perdues n'aurait point été soudaine, mais accomplie successivement par les mêmes causes de destruction long-temps prolongées. F © D mm CE Dr | EXPLICATION DES PLANCHES VI ET VIli. PLANCHE Vi. Profil du crâne d’Elan fossile. Le même vu en dessus. Tête d’Elan vivant. Mufle d’Elan. Bois d’Elan fossile. Bois d’Elan fossile. Bois de Renne fossile, adulte. Bois de Renne fossile, jeune. PLANCHE VII, Pois d’Elan vivant. Bois d'Elan fossile (de Castelnaudary). Tête de Renne fossile. Bois de Cerf gigantesque. RECHERCHES anatomiques et physiologiques sur les Orthopières, les Hyménoptères et les Névroptères, accompagnées de consi- dérations relatives à l’histoire naturelle et à la classification de ces insectes, Par M. Léon Durour; Présentées à l'Académie des sciences le 27 avril 1835. (Extrait. ) L'étude de l’entomologie, long-temps négligée, se poursuit au- jourd’hui avec une extrême ardeur, et de nouvelles espèces ar- rivent incessamment de toutes les parties du monde enrichir les collections, déjà si nombreuses, et prendre place dans les ouvra- ges des naturalistes qui travaillent avec un zèle infatigable à les décrire et à les classer. 1. DurOUR.— Sur les Orthoptères, les Hyménoptères, etc. 239 Les savans qui, imbus d’une saine méthode d’observation et doués d’un tact heureux, ont dùü par l'étude combinée des traits extérieurs et du genre de vie, distribuer dans des groupes bien limités, dans des familles naturelles, ces milliers de physiono- mies diverses, ces structures qui se jouent sous toutes les formes imaginables, ont, dit M. Dufour, rendu à la science un éminent, un indispensable service. Ceux qui ont consacré et leur temps et une patience , cent fois éprouvée, à devenir les historiens des mœurs, du genre de vie, des habitudes et de l'utilité des insec- tes, ont jeté sur eux un intérêt, un charme qui entraînent puis- samment vers leur étude et leur contemplation. Mais ce n’est pas tout que de payer un juste tribut d’admira- tion à ces formes séduisantes par leur élégance ou leur bizarrerie, à ces couleurs qui surpassent en éclat ou en combinaisons nuan- cées, tout ce que l’art a de plus parfait, à ces contextures par- tielles si bien adaptées aux besoins de l'individu, à ces prodiges de l'instinct, de l’industrie et de l'intelligence ‘de tous ces êtres innombrables dont la petitesse semble blesser notre orgueil. L'esprit humain, toujours avide d’impressions nouvelles, tou- jours stimulé par ce besoin inné de remonter aux causes, est irrésistiblement poussé à pénétrer les ressorts secrets des actes extérieurs, à rechercher les appareils d'organes qui en garantis- . sent l’existence, enfin à constater les corrélations admirables établies entre la vie animale et la vie organique -des insectes. C’est donc à l'anatomie et à la physiologie de ceux-ci qu’est ré- servée la solution du problème dont les élémens sont fournis par l’entomologie proprement dite. Ainsi, l'étude, qui envisagera simultanément ces deux bases essentielles de l’existence des in- sectes constituera la philosophie de la science, celle qui est ap- pliquée à toutes les autres branches de la zoologie. Comme les habitudes, les mœurs, le genre de vie et même la structure extérieure des animaux, sont sous la dépendance de l'organisation viscérale, l'étude de celle-ci doit fournir les don- nées les plus positives pour établir sur des bases solides une distribution naturelle des êtres, c’est-à-dire leur encadrement méthodique d’après les analogies des organes. L'anatomie devient donc la pierre de touche de la classifica- 240 L. purour. — Sur les Orthoptères, les Hy ménoptères, etc. tion en même temps que par la découverte de certaines spécia- lités d'organes, elle nous met à même de diriger les investiga- tions vers la particularité des mœurs ou du genre de vie qui doit leur correspondre. C’est ainsi, par exemple, dit M. Dufour, que le scalpel m’ayant dévoilé un appareil sécréteur spécial, une glande sébifique dans les femelles du.genre Taupin (elater), ce fait m'a mis à même d’en inférer, sans qu'aucune observation directe l’ait encore confirmé et sans qu'aucune analogie dans les genres voisins ait pu me mettre sur la voie, que ces Coléoptères doivent former à leurs œufs une espèce de coton. C’est ainsi que l'existence dansles Apiaires et les Andrenètes d’un organe propre à la sécrétion d’une matière soyeuse, m'autorise à prédire qu’un tres grand nombre d’Hyménoptères de ces deux familles enve- loppent leurs œufs d’une coque dont les élémens constitutifs sont puisés non dans les matières récoltées au dehors et mises en œuvre par leur bouche, ainsi qu’on l’a cru jusqu’à présent, mais dans les organes mêmes de ces insectes et fabriqués par un appareil situé au voisinage de l’anus; vérité très importante par ses applications et qui n'avait pas été soupçonnée. Enfin, je citerai un troisième exemple de l’incontestable utilité de l’anato- mie en entomologie, j'annoncerai par anticipation que l'étude de l'appareil générateur femelle du Chelonus oculator, Hyménop- tère que sa petitesse rend presque inaperçu, m'a fourni de for- tes présomptions pour croire que cet insecte bizarre, dont l’his- toire des mœurs est encore inconnue, doit être pupipare, c’est- à-dire enfanter ses petits vivans, comme l’'Hippobosque. Ces inductions, fournies par l’entomotomie, ne contribuent pas peu à rehausser l'importance de cette science. Les auteurs peu nombreux qui ont écrit sur l'anatomie des insectes se sont presque tous bornés à l'étude spéciale du canal digestif, ou à des généralités vagues sur les autres appareils or- ganiques. Non-seulement ils n’ont pas saisi toutes les attribu- tions physiologiques des diverses parties qui constituaient ces appareils ; mais dans la description même de ceux-ci, ils sont loin d’avoir satisfait aux exigences de la science. Dans l’ouvrage dont nous avons donné le titre, M. Dufour s’est attaché à réunir un grand nombre de faits, et à les présen- f | r. purour. — Sur les Orthoptércs, les Hymnoptères, etc. 241 ter avec toute la concision conciliable avec la clarté. Dans sa manière d'envisager la science, il ne devait pas se borner à la simple exposition des formes et de la texture anatomique ; il importait dans le but même des explications physiologiques, de faire précéder cette exposition d’un aperçu sur les habitudes des insectes, lorsque celles-c1 étaient connues, et de mettre ainsi en regard le but et les moyens de l'organisme. Il importait aussi à l’auteur, pour sa responsabilité, de formuler avec rigueur les si- gnalemens de toutes les espèces qu’il soumettait à l'examerrana- tomique, afin de fournir à d’autres observarerirs les moyens d'in- firmer ou de confirmer ses assertions. Ce soin était d'autant plus nécessaire, que plusieurs des espèces examinées par lui sont nou- velles ou mal connues. Pour chaque famille d'insectes, M. Dufour passe en revue les divers appareils vitaux des genres qu'il a disséqués, et afin d’é- viter des répétitions oiseuses il a placé en tête de l’ordre auquel appartiennent ces familles, la description anatomique et physio- logique de ces systèmes organiques généraux qui n’éprouvent dans les divisions secondaires que des modifications organiques peu importantes. Tels sont, l'appareil respiratoire, le prétendu vaisseau dorsal, le système nerveux, le tissu cellulaire splan- chnique. Dans ces mêmes généralités de Pordre l’auteur a es- quissé à grands traits l'appareil de la digestion, celui de la géné- tion, celui de la génération dans les deux sexes, tant sous le rapport matériel que sous celui des fonctions, afin de ne réser- ver pour les familles et les genres que les spécialités organiques qui les concernent. Enfin, à l'occasion du premier ordre, il est entré dans des développemens qui deviennent communs aux autres. Dans les sciences exactes et en particulier dans l’histoire na- turelle descriptive, le moyen le plus sûr d'éviter des longueurs et de sauver l'embarras des périphrases, est de donner aux déno- minations une valeur positive, une acception rigoureuse et uni- voque dont on ne dévie point. Une technologie sévèrement éta- blie est donc d’une importance incontestée, et peut seule rendre -wéritablement substantiel le texte d’un ouvrage. Malgré l'énorme distance de l’homme et de l’insecte, j'ai cherché, dit M. Léon IV. Zoo. — Octobre. 16 242 L. purouR. — Sur les Orthoptères, les Hymnopières, etc. Dufour, les analogies organiques entre ce type suprême de la zoologie et les insectes; mes résultats ont dépassé mes espé- rances, et ma nomenclature entomotomique n'offre que peu de différences avec celle de l'anatomie humaine ou des ver- tébrés. C'est en quelque sorte, poursuit M. Dufour, une loi établie par le fait que plus l’organisation est compliquée, plus elle ap- proche de la perfection ; et c’est parce que l’homme est consi- déré comme le, plus parfait des êtres organisés, qu'il est devenu le type des comparaisons, le principe, la cause, le but de cette échelle animale dont il forme la sommnité. Un second corollaire, la conséquence et la confirmation du précédent, est que plus les organes ou les instrumens de l'organisme sont multipliés, plus les actes de l'animal sont variés, plus aussi ce dernier éprouve de besoins, de jouissances où d'obligations à remplir. On a méconnu l'application de ces principes de philosophie or- ganique dans la classification des insectes, et notamment dans la distribution successive des ordres. Relativement à la série des genres, M. Dufour a adopté dans l'exposition de ses recherches le Genera de Latreille, mais avec cette différence très essentielle qu’il a suivi cette série en sens inverse, c'est-à-dire qu'il a pris par la fin les ordres de ce grand entomo‘ogiste. Cette méthode rétrograde était une conséquence obligée de ses principes, ainsi que le prouvent les considérations suivantes : D’après la composition et la structure de la bouche, les insec- tes hexapodes se divisent en deux grandes sections déjà indi- quées par M Duméril, mais dont aucun entomologiste n’a fait une application pratique. Les uns sont pourvus de mandibules et de mâchoires, ils se nourrissent d’alimens plus ou moins so- lides : ce sont les insectes broyeurs ; les autres, destinés à puiser une nourriture liquide ou tres subtile, se servent d’une trompe, d'un rostre, d’un suçoir : ce sont les insectes suceurs. A la première section correspondent, dans l’ordre de la préé- minence organique, les Orthoptères, les Labidoures, les Coléop- tères, les Hyiménoptères , les Névroptères. M. Dufour a déjà pu- blié l'anatomie des Labidoures et des Coléopières; c'est de celle BECQUEREL ET BRESCHET. — Sur la chaleur animale. 243 des trois autres ordres qu'il s'occupe dans son nouveau mémoire, en sorte que la vaste section des insectes broyeurs aura été sou- mise aux investigations du scalpel. Dans la seconde section sont compris les Hémiptères, les Diptères, les Lépidopières. V’Académie a déjà couronné les re- cherches de M. Dufour sur le premier de ces ordres, les deux autres seront plus tard l’objet d’un travail de l’auteur. La même hiérarchie organique doit s’observer dans le classe- ment des genres de chaque ordre. Or, comme les Orthoptères occupent, d’après le développement et la complication des ap- pareils vitaux, le poste le plus élevé de l’échelle entomolo- gique , c’est à cet ordre qu’a lieu le point de départ de la série descendante des insectes hexapodes et non à celui des Coléop- tères, ainsi que Latreille et la plupart des entomologistes l'ont établi. Le travail de M. Dufour est le résultat de la dissection de cent quatre-vingt-dix espèces et de plusieurs milliers d'individus. Second Mémorre sur la chaleur animale, Par MM. BECQUEREL ET BRESCHET. Lu à l'Académie des Sciences le 10 août 1835. Extrait. (1) La première partie de ce mémoire est consacrée à décrire l'ap- pareil à température constante, à laquelle les auteurs rapportent celle de la partie explorée. La construction de cet appareil, ima- giné par M. Sorel, et accommodé par M. Becquerel au besoin de ses nouvelles expériences , repose sur la dilatation de l'air ren- fermé sous une cloche entièrement plongée dans un liquide dont on élève la température au degré fixe qu’exige l'expérience. La (1) Le premier mémoire se trouve page 257, t. 1. Le premier extrait est emprunté aux comptes rendus des séances de l'Académie, publié par MM. Arago et Flourens, 16, 2/44 BECQUEREL FT BRESCHET. — Sur la chaleur animale. cloche communique avec un registre qui agit, au besoin, sur un courant d'air, pour diminuer ou augmenter la combustion nécessaire à l'entretien d’une lampe placée au-dessous de lap- pareil qu’elle échauffe, en même temps qu’il intercepte ou éta- blit la communication du foyer avec l’espace qui doit être main- tenu à une température constante, Cet appareil, une fois réglé, ne varie plus, de temps à autre, que d’un dixième de degré en plus ou en moins. Souvent même, dans l’espace de plusieurs heures, il ne varie plus d’une quantité appréciable. La seconde partie du mémoire de MM. Becquerel et Breschet a pour objet l'exposition des résultats qu'ils ont obtenus. Nous reproduisons ici les »#0oyennes de ces résultats dans les termes mêmes des auteurs. « 1° Un homme, âgé de 32 ans, atteint d’une fièvre typhoïde compliquée de bronchite : Le pouls donnait 116 pulsations à la minute. Température centigrade du muscle biceps brachial. . . . . 38°,80 Température de la bouche. . . . . . . . - . . . . . . 39,65 « 2° Un homme, âgé de 24 ans; affecté d'une entérite com- pliquée de bronchite : 116 pulsations à la minute. Température du biceps brachial droit. . . ! . . . . . . . 39,50 « 3° Jeune fille scrofuleuse dans un état fébrile bien marqué : Température dé la bouéke. . . . . +... . . ‘ . . . 37,60 Idem d’une tumeur scrofuleuse enflammée à la partie intérieure AU COUV > "ete jee se À ee MN Îdem d’une tumeur fongueuse dans le tissu cellulaire. 40,00 Idem du biceps brachial. ..1. . 4... . 414 87,25 « 4° Une demoiselle, de trente ans, portant une tumeur du même genre : Température de la bouche. . . . . . . . « . . . . . 36,75 Idem. d'une tumeur au col . . - . ... . . . ., 87,90 Idémaedunbiceps brachial"2"0 07000..." .137,0b Idem du ussu cellulaire adjacent. . . . . . . . . 35,00 BECQUEREL ET BRESCHET. — Sur la chaleur animale. 245 « 5° Femme atteinte d’un cancer au sein : Température de la bouche. . . . . . . . . . . . . . 36,60 Idem du cancer. . . 20 PRARLALS NE EU NAGS 60 Idem des fongosites Ubu, à Nes 0e 46 00 Idem du muscle biceps brachial. . . . . . . . . 36,60 « 6° Jeune homme dans un état fébrile très prononcé : Température du muscle biceps brachial. . . . . . . . . 38,go « 7° Jeune homme atteint d’une carie scrofuleuse des 05 du pied : Température de la bouche. . . . . . . . . . . . . . 36,50 Idem du biceps brachial. . . . . + . . : . . . 37,50 Idem de. la. plaie. 4) 144.1 HEAR 1.982, 00 L’aiguille traversait le tissu cellulaire er are plantaire. « 8° Un homme, âgé de 45 ans, atteint d'une hémiplégie du côté gauche, avec commencement de gangrène sénile aux meni- bres inférieurs : Température du muscte biceps brachial, côté sain. . . . Idem côte malade, . i ECM 056, 60 Idem de la bouche. . . . . OEIRIANS LU SS0% 40 Idem du muscle du mollet, côte Ne atre9 24080: 60 Idem côté sain. dock pe ane | 15 . 36,40 « 9° Une femme, âgée de 49 ans; engourdissemens et dou- leurs vives dans les membres inférieurs, à la suite d’une para- plégie : Son pouls donnait 84 pulsations à la minute. Température du muscle biceps brachial. . . . . . . . . 37,14 Idem des adducteurs de la cuisse. . . . . . . . . 37,55 « 10° Un homme, âgé de 60 ans, atteint d’un tremblement mercuriel : Température du biceps brachjal droit, côté qui tremble le plus fort. « . +... MS RS LL... : 0 Idem du biceps brachial DA côté qui tremble le D Shut): Do RS ae « 11° Hydropisie du ventre, avec affection du cœur 246 BECQUERFL ET BRESCHET. — Sur la chaleur animale. Température du muscle biceps brachial. . . , . . . . . 37,05 Idem du liquide se trouvant dans l'abdomen. . . . 37,65 « 12° Homme, âgé de 66 ans, atteint d’une hémiplégie : Température du muscle biceps brachial, côté paralysé. . . 36,85 Zen Punédlesn. GONE à ie ent ee da, DODRD « 13° Il était intéressant d'étudier la diminution de Ja tem- pérature dans un moribond, peu d’instans avant qu'il rendit le dernier soupir; nous avons en conséquence expérimenté sur un homme ayant une variole confluente , arrivée au dernier degré. Le pouls battait 144 pulsations très faibles à la minute : Température du muscle biceps brachial. . . . . . . . . 35,85 Idem de la main sur l’éminence thénar. . . . . . 32,00 L'individu est mort quelques minutes après. « En résumé, nous voyons, en nous rappelant que la tempé- rature des muscles est ordinairement d'environ 36”,87 : « 1° Que l’état fébrile donne un accroissement de température dans ces organes, qui peut aller jusqu’à 3° centigrades; « 2° Que les tumeurs scrofuleuses fortement enflammées n’ont pas donné un accroissement plus considérable de température. Nous ferons remarquer que les parties purulentes ne participent pas à cet accroissement ; « 3° Que le cancer n’a rien offert de particulier, si ce n’est un léger abaissement de température dans toutes les parties explorées ; « 4° Que la paralysie n’a présenté non plus aucune différence bien sensible entre la température du membre malade et celle du membre paralysé ; « 5° Qu’à l'instant de mourir, la température du biceps bra- chial était déjà abaissée d’un degré 172, et celle de la main, dans l'intérieur de l’éminence thénar, d'environ 5 degrés. » 2 à PR _Æcademie des Sciences. 247 AwaLyse des travaux anatomiques, physiologiques et zoolo- giques présentés à l’Académie des Sciences pendant le mois d'octobre 1835. Séance du 5 octobre. Emeryorocre. — Recherches sur la structure du cordon ombilical, par M. FLourexs. Ce mémoire a déjà été publié dans les Annales, page 124. ANATOMIE. — Etudes sur le foie. De la forme du foie des Mammifères, par M. Duvernoy. Ce mémoire paraîtra dans le prochain cahier des Annales. Séance du 12 octobre. OrcaxocÉnIe. — Formation du placenta. — M. Coste adresse quelques re- marques sur l’origine de cet organe. Dans l’état actuel de la science, on peut établir d’une manière générale que le placenta, malgre la diversité de ses apparences, est constitué dans toutes les es- pèces par l’entrelacement d’une multitude de villosités considérées communément comme des dépendances émanant exclusivement du chorion. On peut aussi ad- mettre comme un fait mcontestable, dit l'auteur, que les vaisseaux ombilicaux se prolongent jusqu'aux dernières extrémités de ces villosités pour s'y anastomoser. Mais quelle est la structure intime des villosités pacentaires? par quel mécanisme se développent-elles ? Ce sont là deux questions dont M. Coste croit trouver la solution dans le resultat de ses recherches. Je crois, dit-il, avoir démontré par l'observation directe comment, après avoir pris naissance à Pextrémité caudale de embryon, l'allantoïde des Mammiières vient s'appliquer sur la face interne du chorion pour se confondre avec lui par une adhérence intime, Or, si lon ouvre l’allantoïde au moment où les villosités placentaires commencent à naître, il est facile de constater que chacune de ces villosités n’est autre chose qu'en appendice cœvcal subdivisé en d’autres appen- dices et formé par l’allantoïde et le chorion confondus. Il suit de la que chaque willosité se trouve composée de deux gaînes, l'une extérieure non vasculaire provenant du chorion, l’autre intérieure vasculairey appartenant à l'allantoïde. Cela étant, on comprend comment les vaisseaux ombilicaux peuvent arriver jusqu'aux extrémités des villosités, puisque ces mêmes vaisseaux étaient anté- rieurement ramifés dans les parois de l'uue des membranes qui se sont creusces 243 Académie des Sciences. - en cœæcum tout-à-fiit semblibles à ceux dont se composent les appareils glan- dulaires. EnromorociE. — Larves de la mouche commune vivant dans la peau d’ur enfant. — M. Isidore Geoffroy communique verbalement une observation faite par M. le docteur Fourcault, relativement à des larves d'insectes logées dans l’é- paisseur de la peau d’un enfant. Une paysanne, qui allant travailler aux champs y avait porté un enfant qu'elle allaitait, s’aperçut au bout de quelques jours qu'il avait à la poitrine une petite tumeur qui }ui parut suspecte. M. Fourcault, con- sulté par, elle, aperçut au centre de cette tumeur deux larves d'insectes, qu'il parvint à extraire vivantes et à conserver jusqu'à ce que l’une d’elles se métamor- phosât; on reconnut alors que ces larves appartenaient à l’espèce de la mouche commune. M. Duméril demande s’il est bien constaté que l’insecte parfait soit réellement une mouche commune. Si cela était, comme cette espèce n’a point d’instrument propre à entamer la veau, il y aurait quelque raison de supposer que la petite tumeur ctait formée et ouverte avant que la mère-mouche y déposât ses œufs. Il u’en est pas de même des OEstres ; on sait que les femelles peuvent déposer leurs œufs dans une peau parfaitement saine; mais elles sont munies à cet effet d’un appareil qui, ainsi qu’il vient d’être dit, manque complètement chez la mouche commune. IcurayoLocre. — Anguilles sortant d’un puits artésien. — M. Arago pré- sente deux petites angailles qui ont été vomies vivantes avec l’eau par un des puits artésiens de 119 mètres de profondeur, creusés à Elbeuf. Ce fait, qui a ete constaté par M. Girardin, professeur distingué de chimie industrielle à Rouen, est d’un grand intérêt, en ce sens qu’il peut beaucoup modifier les idées qu’on avait généralement sur l’origine des cours d’eau souterrains. Beaucoup de gens pensent encore aujourd'hui que l’eau s’amasse dans ces conduits par l'effet dune filtration lente; cetle opinion ne s’accordait guère avec ce qu'on avait ubservé à Tours, où des graines et des feuilles avaient sorti en assez grande abondance d’un puits artésien; le nouveau fait viendra encore Fébranjer. M. Duméril déclare qne les animaux présentés sont bien incortestablement de véritables angnilles; elles sont toutes deux à-peu-près de la taille de celles qu'on voit à une certaine saison remonter par légions certaines rivieres, et que les pécheurs nomment la montée. Ces dernières cependant diffèrent de celles qu'a envoyées M. Girardin en ce qu’elles sont blanches avec un liséré noir, tandis que celles du puits d'Elbeuf ont déjà complètement la livrée de l'adulte. Séance du 19 octobre. OvoroGte.— Observations sur le développement des œufs de la Limace grise et de li Limace rouge, par M. TaunenT. Académie des Sciences. 249 « Anatomie de l’œuf.— Les œufs de la Limace grise, qui sont réunis en chapelet, et ceux de la Limace rouge, qui sont plus petits et isolés, sont com- posés ainsi qu'il suit : 1° d’une coque, calcaire et cpaque dans ceux de la Limace rouge, mucoso-cornce dans ceux de la Limace grise. Cette coque mucoso-cornée est évidemment formée de couches concentriques visibles à de faibles grossisse- mens; 20 d'une membrane interne; 30 de deux albumens, Fun plus liquide en- veloppant l'autre qui est plus épais; 4o d’un vitellus très petit, dont la couleur grise, un peu jaunâtre , varie suivant les incidences de la lumière réfléchie ou réfractéc. Ce vitellus, de forme arrondie, un peu aplatie, est souvent ellipsuïde. Il nous a paru comprendre, dans sa structure . une membrane vitelline et un nombre variable ( de 15 à 20) de grands globules, qui renferment des globules plus petits. Les intervalles entre Les grands et les petits globules sont remplis par une humeur jaunâtre transparente. « Dans les vitellus vus au microscope simple et éclairés par réflection, on voit une tache centrale, blanchâtre, et située plus ou moins près de la cireouférence qui nous a paru w’être qu’un effet de lumière. Le point où le nouvel individu doit se développer est encore plus près de la circonférence du vitellus, qui prend la forme ellipsoïde aussitôt que la vie embryounaire commence régulièrement. « Premiers résultats d'observations fuites sur le développement des œufs. — Les œufs de la Limace grise sont d’une transparence et d’une limpidité si grandes, qu’on peut très aisément observer toutes les manifestations ou appa- reuces pendant le développement des animaux. « Ceux de la Limace rouge étant opaques à cause de leur enveloppe calcaire, nous les avons rendus transparens , mais l'embryon a toujours péri par l'effet de l’action de l'acide employé. Nous avons utilise ce proccde chimique pour recueillir les embryons de la Limace roage , arrêtés dans les diverses phases de leur déve- loppemeut. Nous croyons devoir l'indiquer comme applicable aux observations embryogéniques à faire sur les œufs à enveloppe calcaire. « Le corps de l’embryon se montre de bonne heure composé d’une vésicule antérieure et d’une $orte de rame caudale; le corps, proprement dit, est situë entre ces deux parties. «1. Dans les premiers temps du développement, ou voit se former sur un point de la circonférence du vitellus, une languette qui croît, s’élargit progres- sivement et devient bientôt l'organe des mouvemens que l'embryon exécute de très bonne heure. Cet organe se contracte, se meut dans tous les sens, et le plus fréquemment dans le sens de la courbe qui s'adapte à la concavité des parois de l'œuf. On reconnaît, dans la série des développemens, que cette languette, de- venue une rame très large, est l'extrémité caudale de Fembryon, et qu’elle est recourbée vers le dos de l'animal. « Les premiers mouvemens de l'embryon, dont la queue est l'organe, et qui se continuent long-temps, sont de totalité. La vésicule qui forme alors l'extré- mité extérieure de l'animal avance toujours la première dans cette locomotion gi- ratoirc, 250 _Æcadémie des Sciences. « 2. La vésicule , qui grandit progressivement, nous a paru être composée de deux membranes dont l’une externe se continue avec la peau de l'animal, pen- dant que l’interve forme un sac à long pédicule qui se prolonge dans le corps de l'animal. Ce pédicule est très apparent sur le côté gauche de l'embryon. « La vésicule est transparente , réticulée, contractile, contient un liquide épais très limpide. On n’y voit aucun vaisseau sanguin. L'animal languit et meurt si le liquide contenu dans la vésicule se répand dans l'interieur de l'œuf par une cre- vasse, ce que nous avons eu l'occasion d'observer plusieurs fois. « Cette vésicule, sur la détermination de laquelle nous ne nous prononcerons point encore, offre de plus les particularités suivantes : on y voit une bande transversale parsemée de points noirs , en forme de fer à cheval, dont les deux branches se prolongent sur les côtés d’avant en arrière. La situation de la vési- cule, d’abord antérieure, change; elle devient peu-à-peu supérieure, et Fon voit alors évidemment qu’elle est placée sur ie cou de l'animal entre Ja tête et le bord antérieur du bouclier sous lequel elle s'enfonce en rentrant dans le corps. « La vésicule exécute des mouvemens très manifestes pendant lesquels le pé- dicule s'agrandit et la poche diminue. Au fur et à mesure qu’elle rentre daus le corps de l'animal, les viscères se forment, la rame caudale diminue progressive- ment. Celle-ci ne disparaît qu'après que la vésicule ne saille plus à l’extérieur.» ZooLocie.— Résultats d'un voyage fait sur le bord de la Méditerranée , par M. VANBENEDEN, conservateur du Cabinet d’Ilistoire Naturelle de Lou- vain. Voici les principaux résultats que nous reproduisons dans les termes même de l’auteur. « 10 Le Pneumoderme n’avaït encore été reconnu que dans l'Océan atlanti- que. Une espèce se trouve en grande abondance dans la mer de Nice. Je lai re- connu dans la collection de M. Verany, qui les avait pris au printemps avec de grands individus d’Æ/lante et des Diphyes. Ce naturaliste les a péchés en plein jour pendant que la mer était très calme. «20 J'ai cru reconnaître le système nerveux dans les Oursins. Il affecte à-peu- près les mêmes dispositions que dans les Æstéries, tel que M. Tiedemann l’a de- montre. F « 30 Après des recherches très minutieuses sur les organes de la circulation dans les Æplysies , je crois avoir reconnu une véritable fusion du système vei- ueux avec le système aquifère de M. Delle Chiaic. « 40 J'ai trouvé, avec mon ami, le docteur Robb, deux nouvelles espèces d’Aplysies , dont les dessins ont été faits sur le vivant. Ces deux espèces offrent chacure deux appendices buccaux, que nous n’avons pas vus mentionnés dans les espèces décrites jusqu’aujourd’hui. « Nous avons dédié l’une de ces espèces à M. le professeur Brugnatelli de Pavie, Æplysia Brugnatellii, et Yautre à M. Webb, Æplysia Webbii.» Academie des Sciences. 291 Nous croyons devoir ajouter ici les caractères de ces deux nouvelles espèces, tels qu'ils sont donnés par l’auteur. Aplysia Brugnatellii. «Taches orangées, parsemées sur tout le corps ; ailes du manteau courtes et ne recouvrant l’opercule qu’en partie. Siphon nul ; bouche garnie de deux appendices; coquille finement striée et transparente. Longueur, 15 millimètres. Apiysia Webbii. « Couleur verte, avec des points noirs et jaunes; ailes du manteau peu développées; siphon peu sensible, Bords du pied élargis antérieu- rement ; bouche garnie de deux appendices ; coquille strice, légèrement allongée. Longueur, 10 millimèt $ Paxsio1oc1e.— Observations nouvelles sur l’endosmose, par M. Durrocaer. Dans ce Mémoire, M. Dutrochet ajoute de nouvelles observations à celles qu'il à publiées précédemment sur le phénomène de l’endosmose. Il cherche d'abord à prouver que ce phénomène ne dépend point généralement de la visco- sité, ainsi qu’on la prétendu. Ainsi, en séparant par une membrane, et à l’aide de instrument nommé endosmomètre , une solution de deux parties de gomme arabique, dans trente-deux parties d’eau, d’une solution d’une partie de sucre dans la même quantité d'eau, le courant d'endosmose s'établit de l’eau gommée vers l’eau sucrée. Or, l’eau gommée est alors beaucoup plus visqueusé et plus dense que ne l’est l'eau sucrée, en sorte que c’est le liquide le plus visqueux qui traverse la membrane scparatrice avec le plus de facilite. L'auteur ayant soumis à ses expériences d’endosmose une solution d’acide oxalique séparée de Peau pure par une membrane animale, vit, avec surprise, que le courant d’endosmose était tirigé de l'acide vers Peau ; ce qui était contraire à tout ce qu'il avait observé jusque alors en employant des solutions d’autres sub- stances. Il vit, avec non moins d’étonnement, qu’en séparant l’acide oxalique de l'eau par une membrane végétale, ou par une lame d’argile cuite, le sens du cou- rant d’endoemose était interverti, en sorte qu’il était dirige de l’eau vers l'acide, et cela avec vus les degrés de densité de l'acide. Les mêmes phénomènes furent offerts par les acides tartrique et citrique; mais comme ces acides sont bien plus solubles que ne l’est l'acide oxalique , il fut possible à l’auteur de soumettre aux expériences d’endosmose des solutions de ces acides beaucoup plus denses que ne Vetaient les solutions d'acide oxalique qu'il avait employées; solutions dont la plus forte densité n’excédait guère 1,04. M. Dutrochet trouva qu’en employant les acides tartrique et citrique à une densité inférieure à 1,05, le courant d’endosmose était dirigé de l'acide vers l'eau au travers dela membrane animale séparatrice ; mais qu’en employant ces mêmes acides à une densité supérieure à 1,05, le sens du courant d'endosmose était loterverti, il était dirigé alors de l'eau vers l'acide, La température de l'atmosphère était alors à + 25 degrés centigrades. Ayant répété ces ex- périences lorsque la température fut abaissée À 4- 15 degrés, l’auteur trouva que 252 Académie des Sciences. l'acide tartrique, depuis la densité de 1,05 jusqu’à celle de 1,09 inclusivement présentait le phénomène qu’il nomme erdosmose inverse, celui dans lequel le courant d’endosmose est dirigé de l’acide vers l’eau. Il fallut employer une solu- tion d'acide tartrique d’un densité supérieure à 1,1 pour obtenir l'endosmose que l'auteur nomme directe, celle dans laquelle le courant d’endosmose est dirigé de l’eau vers l'acide. Ainsi, un abaissement de 10 degrés dans la tempéra- ture avait déplacé de 1,05 à 1,1 le terne moyen de densité de l'acide, terme moyen qui séparait les deux endosmoses inverse et directe , que cet acide est sus- ceptible de présenter lorsqu'il est séparé de Peau par une membrane animale. La température étant abaissée à 8 degrés 172, le erme moyen de densité de Va- cide tartrique fut porté à 1,15. Enfin , h température ayant été abaissée artificiel- lement à celle de la glace fondante, l'acide tartrique depuis la densité 1,15 jusqu’à celle de 1,2 inclusivement, produisit lezdosmose inverse, en sorte qu'il eût fllu employer une solution acide encore plus dense pour qu’elle produisit l’erdosmose directe. I] resulte de ces expériences, que la diminution graduelle de la tempé- rature augmente graduellement la facilité de perméation de lacide tartrique au travers de la membrane animale, et cela comparativement avec la facilité de per- méation de l’eau. M. Dutrochet croit apercevoir ici de l’analogie entre ses expé- riences et celles de M. Girard, qui a vu qu’une solution d’une partie de nitrate de potasse dans trois parties d’eau , s'écoule plus vite que l’eau pure par un canal capillaire de verre , lorsque la température est de 1 à 10 degrés, tandis que cette même solution s’écoule plus lentement que l'eau, lorsque la température est plus élevée. | M. Dutrochet a constaté pour les acides tartrique et citrique, comme il l’a fait pour l'acide oxalique, que les membranes végétales et les lames d’argile cuite ne sont point aptes à la production du phénomène de l’endosmose inverse ; cette propriété paraît ainsi appartenir exclusivement aux membranes animales. D’après la propriété qu'ont les acides oxalique, tartrique et citrique, à une certaine densité , de traverser les membranes animales plus facilement que l’eau , il deve- nait probable que ces acides employés en remplacement de l’eau pure dans les expériences ordinaires d’endosmose augmenteraient les effets de ce phénomène. C’est effectivement ce qui est arrivé. Ainsi un endosmomètre fermé par un mor- cean de vessie ayant reçu dans son intérieur de l’eau sucrée dont la densité était 1,08 , et la membrane de cet endosmomètre etant plongé dans l’eau, il y eut une endosmose dont la quantité dans un temps donné fut exprimée par neuf. Une so- lution d’acide oxalique, dont la densité était 1,014, ayant été substituce à l’eau pure, il y eut une endosmose dont la quantité, dans le même temps, fut expri- mée par vingt-sept; en sorte que la substitution de l'acide oxalique à l’eau pure, daos cette expérience, tipla la quantité du liquide introduit par endosmose dans l’eau sucrée que contenait l’endosmomètre. : Il paraîtrait, d’après ces expériences, que les solutions des acides oxaliques, tartrique et citrique, à une certaine densité, traverseraient les membranes ani- males plus facilement que ne le fait l’eau pure. Cela est incontestable, en effet, Académie des Sciences. 253 lorsque les deux faces d’une membrane animale sont en contact, l’une avec l'a- cide , et l’autre avec l’eau ; mais cela cesse d’être vrai lorsque les deux faces de la membrane sont en contact avec le même liquide. Ainsi, les deux faces de la memn- brane étant en contact avec la même solution d’acide oxalique, ou bien étant l’une et l’autre en contact avec l’eau pure, et les choses étant disposées de ma- nière à ce que la pesanteur fasse filtrer le liquide supérieur à la membrane vers le liquide qui est situe au-dessous, on observe que l’eau filtre bien plus rapide- ment que la solution acide. Plus la solution d'acide oxalique est dense, plus elle filtre lentement. Or , c’est précisement le contzaire qui a lieu dans les expériences d’endosmose inverse faite avec cet acide, dont les solutions dans l’eau ne sont ja- mais assez denses, à la température de l'atmosphère, pour produire l’endosmose di- recte. Plus les solutions de cet acide sont denses, plus elles traversent rapidement par endosmose inverse la membane animale qui les sépare de l’eau pure. M. Dutrochet n’a point vu les acides sulfurique et nitrique produire d’endos- mose inverse. L’acide hydrochlorique, qui produit si énergiquement l’endosmose directe , lui a présenté l’endosmose inverse, lorsque l'addition de l’eau distillée eut reduit sa densité à 1,003. L’acide phosphorique présenta de même, mais pen- dant quelques instans seulement, l’endosmose inverse, en réduisant sa densité à 1,085. Dans toutes ces expériences, l'acide était scparé de l’eau pure par la membraue animale de l’endosmomètre.» Paysioroctre. — Electricité de la Torpille. MM. Becquerel et Breschet, en rendant compte d’un voyage qu’ils viennent de faire dans les Alpes et sur les bords de l’Adriatique, annancent à l’Académie que pendant leur séjour à Venise, ils ont fait des expériences sur les Torpelles; «là, disent-ils, nous nous sommes convaincus, et nous l'étions déjà d'avance, que les moyens employés jusqu'ici pour constater la présence de l'électricité, à l'instant où l'animal donne la commotion étaient défectueux. Si les physiciens qui en ont fait usage les eussent appliqués à tout autre animal, et même à descada- » vres, ils auraient obtenus les mêmes résultats, Nous avons commencé par écarter “toutes les causes qui avaient induit en erreur nos devanciers, et nous sommes parvenu, non-seulement à prouver que la commotion de la Torpille était le ré- - sultat d'une commotion électrique, mais aussi à déterminer le sens du courant produit dans cette circonstance. » Peosorare naruneLzLe, — M. Geoffroy Saint-Hilaire présente à l'Académie un ouvrage intitulé : Notions synthétiques et historiques de Philosophie na- turelle, « Mon opuscule , dit-il, renferme trois chapitres : 1° Documens au sujet de Ja loi universelle. | 2° Notions de Philosophie zoologique, acquises depuis les troubles politiques | de la France. 3° Philosophie entomologique. 254 Acadèmie des Sciences Séance du 26 octobre 1835. Lettre de M. Pauz Gervais sur les éponges d’eau douce « J'ai l'honneur de soumettre à l’Académie le résumé sommaire de quelques observations que je viens de faire sur les Spongilles où éponges d’eau douce. Plusieurs d’entre elles n’étant que de simples confirmations de faits déja énon- cés, j'ai eu soin d'indiquer les auteurs auxquels on en doit la première connais- sance; Jes autres m'ont paru inédites ; de même que les premières , celles-ci font partie d’un travail plus étendu, que je soumettrai au jugement de l’Académie, dès que de nouvelles recherches l'auront rendu moins incomplet. & La nature des Spongilles ou éponges d’eau douce, est encore aujourd'hui un problème pour quelques naturalistes; plusieurs, parmi lesquels se placent MM. Grant et Raspail, veulent que ces productions appartiennent au règne anitual; d’autres, à la tête desquels se rangent MM. Gray, Dutrochet et Link, er font des végétaux : mes observations semblent apporter de n uveaux faits à appui de leur opinion. « Examinés à la loupe, les corps organisés qui nous occupent paraissent formés uniquement de globules et de spicuies. Les spicules , qui sont des cris- taux de silice, ont été bien etudiés par MM. Grant et Raspail; ils sont les seules parties dures que présentent les spongilles. Ce caractère différencie ces dernières de la plupart des éponges marines, qui oflrent de plus des fila- mens mucoso-cornés, enlacés et à contours arrondis. Les globules forment la partie vivante des Spongilles, et ces Spongilles ne manifestent aucun signe de sensibilité. De plus, elles varient pour la couleur du blanc-jaunûtre au vert, suivant qu’elles sont exposées à l'obscurité ou à la lumière. Leur forme est aussi très diverse : souvent disposées en larges plaques, les Spongilles sont d’autres fois rameuses à la manière des Madrepores ou allongées en filamens grèles, qui rappellent plus ou moins ceux des polypiers flexibles; mais ainsi qu’on l’a dit, ces différences ne paraissent pas devoir servir à caractériser des espèces, puis qu'une même masse de Sporgille peut les offrir toutes dans les différens points de son étendue ou dans les diverses phases de son existence. « On trouve à la surface des Spongilles, outre les pores qui y sont percés, d’autres trous plus grands et qui sont des orifices de canaux se ramifiant dans la masse totale : ces orifices sont comparables aux oscules des éponges marines, que tous les auteurs s'accordent à refuser aux éponges d’eau douce. Je les ai trouvés bien développés sur les Spongilles en plaques; ils y représentent autant de petites cheminées ou cratères en minature, dont l’orifice est un peu élevé au- dessus de la surface générale et possède une ligne ou une ligne et demie de dia- mètre. « Les corps arrondis qui se développent au milieu de la matière des span- Académie des Sciences. 255 gilles, n’ont rien de comparable aux œufs des Alcyonelles, il ne s’y fait aucun travail embryonnaire : ce sont, ainsi que l’admet M. Link, de véritables graines comparables à celle des végétaux inférieurs, et que l’on doit de même appeler des sporanges. f « Ces sporanges sont ainsi composés : « 1° De globules contenus; « 2° D’une enveloppe, résultant elle-même de deux couches : l'une interne, résistante et roussâtre; l’autre externe , tomenteuse et teinte d’un jaune doré, « On voit ordinairement sur les sporanges une tache indiquée par MM. Link et Raspail, et que lon pourrait prendre pour l'impression du hile. Je ne pense pas cependant qu'elle puisse être regardée comme telle : 1° parce que le spo- range n’» jamais de pédicule ou funiculum, et qu’il est libre au milieu des glo- bules; 2° parce que le prétendu hile est quelquefois multiple, double par exem- ple, ce qui est assez fréquent, ou même triple et quadruple. & La tache dont il s’agit a généralement la couleur rousse de l'enveloppe in- terne; elle est en effet formée par cette dernière , rendue visible par suite de l'absence dans un point variable, mais toujours fort restreint, de l'enveloppe externe. « Lors de la germination , c’est-à-dire lorsque les globules contenus dans le sporange passent à l’extéricur, c’est à l'endroit même de cette tache que se fait le trou qui doit leur livrer passage : la tache est donc alors remplacée par un trou. Ces globules viennent à l'extérieur contribuer à l'accroissement de la Spon- gille à laquelle ils appartiennent, ou bien, si leur sporange a depuis quelque temps abandonné la plante-mére, ils déterminent la formation d’un autre vé- gétal. F « Les Spongilles, desséchées pendant quelque temps, peuvent reprendre toute leur vitalité si on les replace dans des conditions favorables : c’est alors que le rôle des sporanges est très facile à étudier. « Les globules encore renfermés dans la graine, sont tantôt confusément répandus dans son intérieur, tantôt au contraire réunis en de petites masses ar- » rondies de globules, masses auxquelles je n’ai point reconnu d’enveloppe par- “ticulière. Dans quelques cas, il peut arriver que les globules determinent, même dans l'intérieur du sporange , la formation d'autres graines ou sporanges, comme ils l’auraieut pu opérer à l’extérieur. Ainsi j'ai trouvé à la couche infc- rieure de certaines plaques de spongilles, un grand nombre de ces sporanges mères, qui en conteuaient eux-mêmes deux, trois et jusqu'à quatre autres, ayant la même structure, la même composition et la même couleur jaune. » Publications nouvelles. 256 The Crclopedia of Anatomy and Physiotogy (Encyclopédie d’anatomietet de physiologie), publiée par le docteur Todd et une réunion de médecins et de naturalistes. In-8°. Londres, 1835. Participant nous-mêmes à la rédaction de cet ouvrage, nous ne pouvons nou prononcer sur son mérite, et nous nous bornerons à dire que c’est un recueil de dissertations sur les points les plus importans de l'anatomie et de la physiologie de l’homme et des animaux, plutôt qu'un simple dictionnaire, et que tous les principaux articles sont écrits par des hommes qui se sont occupés spécialement des sujets qu'ils traitent. Ainsi, dans les denx livraisons qui ont dejà paru, on uouve un article sur l'absorption, par le docteur Bastock, connu par ses re- cherches et ses profondes connaissances physiologiques; un article sur le règne animal, par le docteur Grant, dont les beaux travaux sur les éponges ont excité un si vif intérêt; et un article sur les Amphibies, par M. T. Bell, auteur du magnifique ouvrage sur les Tortues, dont la publication se poursuit avec acti- vité ; et dans les prochaines livraisons, on nous promet les articles Endosmose, par M. Dutrochet; Ostéogénie, par M. Serres; Monstruosités, par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire; Peau, par M. Breschet; Céphalopodes, par M. Owen ; Conchifères et Gastéropodes , par M. Deshayes ; Chaleur animale et Respiration, par M. Edwards aîné; Mammifères, par M. T. Bell, etc. L’uu de nous a déjà donné l’article Arachnide , et l’autre les articles Annélides ct Sang. De nombreuses gravures intercalées dans le texte en facilitent l'intelligence. Voyage dans l’ Amérique méridionale , par M. Alcide d'Orbigny. In-4°. La publication de ce grand ouvrage se poursuit avec activité; la huitième li- vraison vient de paraître, et parmi les planches zoologiques déja publiées, nons signalerons surtout , comme propres à intéresser les zoologistes, celles consacrées aux Afyales , dont l’auteur a figuré avec beaucoup de soin quatorze espèces. DUVERNOY. — Etudes sur le Foce. 257 Erupes sur le Foie, par M. G. L. Duvernoy, correspondant de l’Académie des Sciences. d Premier Mémoire. (Lu le 5 octobre 1835.) De la forme du Foie des Mammifères. Dans cette partie d’un travail plus étendu sur l’un des viscères les plus importans de l’économie animale, j'ai cherché à décou- vrir la loi à laquelle sa forme serait soumise dans la classe des mammifères. Rien de plus arbitraire que l’énumération des di- visions du foie, ou de ses lobes, dans les ouvrages des anatomis- tes. C’est à cette énumération cependant que se borne à-peu- près la description qu’on y trouve de la forme très variée de ce viscère. Cette forme n’y est ramenée à aucun principe fixe, et sa description y dépend trop de la manière de voir de celui qui l’a faite sur la profondeur plus ou moins grande des divisions du foie, pour mériter ou non le nom de lobes. De là ce désaccord si remarquable, au sujet du nombre de ces lobes, entre les auteurs des ouvrages généraux et des mono- graphies. Je n’en citerai que quelques exemples. Suivant Dau- benton, la Taupe aurait quatre ou neuf lobes au foie; elle en au- rait trois suivant les Lecons d’ Anatomie comparée, et six , d’après le système d’anatomie comparée de Meckel. Ce dernier indique huit lobes pour le foie du hérisson; les Leçons ne lui en donnent que cinq. Daubenton et les Lecons en indiquent quatre pour le Jaguar, et Meckel, six. Le Lynx en aurait cinq suivant Dauben- ton; les Leçons lui en donnent huit. Dans les recherches anatomiques que j'ai entreprises à ce su- jet dès l’année 1829, sur la plupart des genres, de mammifères IV. Zooz, — Novembre. 17 255 DUVERNOY. — Etudes sur le Foie. et sur beaucoup d'espèces, je suis parvenu à trouver, sinon une forme type, qui serait propre à ce viscère, du moins sa COmpPo- sition normale, dans laquelle cet organe présente constamment les mêmes parties, qui ne varient que dans leurs proportions relatives et dans leurs figures. Lorsque le foie s’écarte de cette composition, il perd succes- sivement une ou plusieurs de ces parties, de manière qu'il ne lui en reste qu'une seule de complètement développée, avec une ou tout au plus deux dé rudimentaires. Ainsi considéré, le foie des mammifères peut être très simple, ou présenter son plus haut degré de composition. Entre ces deux limites, il montre encore un certain nombre de modifica- ons de forme , faciles à saisir et à décrire. au moyen de la mé- thode que j'ai adoptée. Il a, dans tous, une partie que j'appelle lobe principal, à cause de sa consistance. Il peut se composer en outre d’un /obe droit et d'un lobe gauche, placés de chaque côté du lobe principal ou derrière lui. IL peut avoir de plus un lobule droit et un lobule gauche, qui sont attachés à la base des lobes correspondans ou du lobe principal. Le Zobule gauche est fréquemment divisé, dans plusieurs or- dres ou familles de mammifères (dans les Rongeurs et les Insec- tivores), en deux portions qui enfourchent la petite courbure de l'estomac et dont l'une se dirige vers le cardia et l’autre vers le pylore. Je les désigne, à cause de ces rapports de position, par les dénominations de portion cardiaque et pylorique. Le lobule droit est moins souvent divisé. Tel est le foie des mammifères dans son plus haut degré de composition , mais il n’est pas ainsi composé dans tous, et il peut varier beaucoup, à cet égard, d’un ordre et même d’une famille à l'autre. Les lobules manquent rarement tous les deux. Du moins en trouve-t-on toujours des vestiges dans les proémiriences qui se voient à la base du lobe principal, soit du côté droit, comme cela a lieu dans le foie de l’homme, pour le lobe de Spigélius, soit du côté gauche, ainsi que cela sé voit dans l'Orang-outang. < DUVERNOY. -— Études sur le Foie. 259 Le lobe droit et gauche peuvent manquer ensemble et dis- paraître avant les lobules. La forme du lobe principal et des parties dans lesquelles :il peut être divisé, celle deslobes et lobules peut être aussi très dif- férente, suivant les familles et les genres, et même un peu, dans quelques cas, suivant les espèces. On peut en dire autant de leur développement proportionnel. Il résulte de cette maniere d'envisager la composition et la forme du foie des mammifères, que ses lobes proprement dits, tels que je les détermine, ne sont pas des divisions de ce vis- cére, ainsi que tous les anatomistes les ont enyisagées jusqu'ici, mais des parties ajoutées au lobe principal. C’est ce lobe principal qui constitue essentiellement le foie. Aussi la vésicule du fiel lui est-elle toujours adhérente, et ja- mais à ses lobes ou à ses lobules. Les ligamens triangulaires, le coronaire et le suspenseur-om- bilical sont de même exclusivement en rapport avec cette par- tie principale, et pas du tout avec les lobes accessoires. Ces différentes ciréonstances servent à déterminer d’une ma- nière précise et sans hésitation, les parties du foie qui appar- tiennent à l’un ou l’autre de ses lobes, sans s'arrêter, comme on l'a fait jusqu'ici très arbitrairement, pour compter les lobes de ce viscère, au degré plus où moins grand de séparation de ces parties. Le lobe principal peut avoir une simple échancrure ou une scissure profonde dans laquelle pénetre le ligament ombilical, et où se place quelquefois la vésicule du fiel. Le plus souvent cette vésicule est incrustée dans une fosse du lobe principal, à droite de la scissure ou de l’échancrure du ligament, ou logée dans une scissure qui se voit à droite de la première. Il en résulte que le lobe principal peut être entier, ou à-peu-près, et sans division ; ou bien qu’il peut être partagé plus ou moins profondément en deux ou trois parties. Je les désigne, quand il y en trois, par les dénominations de principal moyen, gauche et droit. Il résulte de cette division du lobe principal ou des lobules, que les parties d’un foie de mammifére peuvent excéder en 260 DU\ERNOY. — Æludes sur Le Foie. nombre celles qui constituent son plus haut degré de compo- sition, formé par l'addition successive des lobes accessoires au lobe principal. Quand le foie est borné à cette dernière partie, avec un lobule, comme dans l’homme et les mammiferes à es- tomacs multiples, il n’occupe que l’hypocondre droit et l'épi- gastre, c'est le cas de l’homme ; ou l’hypocondre droit seulement, c’est ce qui se voit dans les Tardigrades, les Ruminans, les Cé- tacés proprement dits. Quand il a son plus haut degré de com- position, c’est-à-dire ses lobes droit et gauche, et ses lobules, il remplit toute la concavité du diaphragme et s'étend générale- ment autant à gauche qu’à droite. C’est ce qui a lieu dans les Carnassiers et dans les Rongeurs. On conçoit que, dans ce cas, il peut se classer, jusqu'à un certain point, parmi ies organes symétriques et que son irrégu- larité, dans d’autres cas, son asymétrie, est une suite d’une com- position plus simple, incomplète, et de la place qui lui est laissée pour son développement par les organes environnans. C'est donc ici un nouvel argument à ajouter à ceux énumérés par M. Flourens, contre la loi établie par Bichat sur le défaut de symétrie des organes que ce physiologiste célèbre classe parmi ceux de la vie désignée si improprement sous le nom de vie organique. J'ai déjà tiré parti de cette méthode descriptive du foie pour l'histoire naturelle systématique, dans les différens mémoires que j'ai publiés sur le Macrocelide de Rozet, sur les Sernnopithè- ques et sur les Musaraignes, en montrant qu'on pourrait doré- navant se servir de la précision que donne cette méthode pour caractériser les différences que présente le foie des mammifères, dans sa forme et dans sa composition, et faire entrer au besoin ces différences parmi les caractères distinctifs des ordres, des familles ou des genres, et même quelquefois des espèces. Je vais en citer quelques exemples. Le foie de l'homme a des caractères de forme qui le distinguent de celui de tous les aur- : tres mammifères; il diffère cependant très peu, sous ce rap- port, de celui de l’'Orang-outang, et se rapproche encore du foie des Semnopythèques; ce viscère est d’ailleurs simple dans sa com- position;il n’a qu'un lobe principal etune proémiuence adhérente DUVERNOY. — Études sur le Foie. 261 et peu détachée de sa face viscérale, que je compare au lobule droit de la forme type. Il manque donc du lobe droit , du lobe gauche, et du lobule gauche, que présente le foie des mammi- fères lorsqu'il a sa composition normale. Les prétendus lobes droit et gauche qu'admettent la plupart des anthropotomistes, que d’autres rejettent à la vérité, entre autres M. Cruvelhier, ne sont que deux portions de ce lobe principal, que sépare, seu- lement à la surface convexe du foie, le ligament falciforme ; que limite un peu la scissure du bord tranchant de ce viscère par où passe le ligament ombilical. Le lobule droit se voit très en avant à la face viscérale du foie, ainsi que le sillon transverse, qu’il borne en arrière. Le foie de l’'Orang n'est composé de même que du lobe prin- cipal et d’un tubercule qui représente un lobule; mais c’est ici le gauche, qui est d’ailleurs très reculé sur le bord vertébral du foie. Le foie de l'Entelle, dont l'estomac est très compliqué, comme celui des autres espèces des Semnopithèques, a de même une composition très simple; je ne parle pas ici de son très petit vo- lame, qui est également bien remarquable. Le lobe principal s'y trouve assez profondément sous-divisé, par la scissure du ligament; il a, de plus, un très petit lobe droit avec un rudi- ment de lobule. Le lobe et le lobule gauche manquent. Tous les autres genres de Quadrumanes de l’ancien où du nouveau continent ont les lobes droit et gauche très dévelop- pés, et l’un des lobules plus ou moins marqué. Le foie des Ouistitis se distingue par le développement extra- ordinaire du lobule droit et par l'absence du lobule gauche. Celui des Makis ou des Lémuriens, qui a, comme le foie des Ouistitis, la vésicule du fiel plusieurs fois repliée sur elle-même, ainsi que le canal cystique, en diffère par les deux scissures de son lobe principal et par la présence des deux lobules, dont le développement relatif est d’ailleurs médiocre. Les Chéiroptères ont généralement le lobe principal très dé- veloppé, remplissant autant à droite qu’à gauche la concavité du diaphragme, profondément divisé, dans les Chéiroptères in- sectivores, en deux ou trois parties, remarquables , surtout celles 262 DUVERNOY. — Etudes sur Le Foie. du côté droit, par leur forme en croissant. Je ne connais que trois exemples, dans cet ordre, de l'existence d’un lobe droit; (ils nous sont donnés par les Galéopithèques, les Roussettes et un Vyctinome de Timor). Tous les autres genres en man- quent (1), ainsi que du lobe gauche. Le lobule de ce côté existe à l'état rudimentaire dans les genres /’espertilio, Pleco- tus, Taphien ; il manque dans les autres genres. Le lobule droit manque toujours. On voit que le foie des Chéiroptères, surtout celui des chauve- souris proprement dites, qui volent plus que lesChéiroptères fru- givores et se nourrissent d'insectes, est très bien caractérisé, par sa composition plus simple, les divisions profondes de son lobe principal et la forme de ses parties.Quand le lobe principal n’a que deux portions qui sont presque entièrement séparées , et que les lobes accessoires manquent, comme dans le ARhinolophe grand fer à cheval, sa forme et sa composition rappellent abso- lument le type du foie des oiseaux. Le foie des Carnassiers insectivores ne manque d'aucune des parties qui peuvent entrer dans sa composition normale. Il y est très grand, comme dans les Carnivores ; mais le lobe prin- cipal a la moindre part à ce développement, qui à lieu surtout dans les lobes et lobules accessoires. Un autre caractère de ce foie, c’est d’avoir quelquefois les lobules fourchus, surtout le gauche, à la manière des Rongeurs : on le voit ainsi dans la Taupe, et plus encore dans le Hérisson. Il y a très générale- ment deux scissures au lobe principal. Les Carnivores présentent tous ce même type, ce plus haut degré de composition, ce développement proportionnel plus grand des lobes accessoires; mais pas toujours des lobules, et la division du lobe principal en trois parties, par deux scissures, dont celle de droite loge la vésicule et celle de gauche le liga- ment ombilical. Les Rongeurs ont, comme les Znsectivores et les Carnivores, (7) Nous avons examiné une ou plusieurs espèces des genres : Galéopithèque, Roussettes Mocosse, Dinops, Nyctinoure, Noctilio, Phyllostome, Vampire, Glossophoge, Migadarme, Khinolople, Taphien, Vespertilio, Plecotes. . DUVERNOY. — Etudes sur Le Foie. 263 toutes les parties du foie que nous avons dit constituer sa com- position normale. Mais le caractère de ce viscère , dans les ani- maux de cet ordre, c’est le grand développement de leur lobe gauche comparativement au lobe droit et même au lobe prin- cipai , dont il excède souvent le volume ; c’est encore que celui- ci n’a, le plus ordinairement, qu’une scissure; c’est enfin que le lobe gauche est divisé en deux branches qui enfourchent la petite courbure de l'estomac , et dont l’une se dirige en dessous vers le pylore et l’autre en dessus vers le cardia. Cette divi- sion du lobule gauche parait constante dans la famille des Rats. Les Pachydermes , que l’on ne peut pas considérer, dans lé- tat actuel de la science, comme un ordre naturel, ont leur foie de forme et de composition différentes, suivant les familles ou même les genres de cet ordre. Sa composition est complète dans le Daman, le Tapir, le Pé- carè tajassu; dans le Cochon domestique, le lobule gauche manque. C’est au contraire le lobule droit qui est supprimé dans le foie du Cheval. Ye Rhinocéros a ce viscère bien moins com- plet, puisqu'il n’y est composé que d’un lobe principal, divisé en deux par une scissure, avec un lobule gauche à la base de la portion du lobe principal de ce côté. Enfin, dans l’Éléphant, il n’y a qu'un lobe principal, sans lobes ni lobules. L'ordre des £dentés, dans lequel nous ne comprenons pas les Tardigrades , a le foie complet, ayant toutes les parties dé- veloppées. Le lobule gauche s'y trouve même composé de deux parties, comme dans beaucoup de Rongeurs ; c'est ce que j'ai vu dans plusieurs Tatous (Le Tatou à six bandes du genre Æn- couber , et le Tatou noir du genre Cachicame, dans l'Orycté- rope et dans les Pangolins.) Le Fourmilier didactyle , que M. F. Cuvier a séparé des autres Fourmiliers sous le nom générique de Didactyle, présente dans son foie des différences de forme et de composition, qui justi- fient cette séparation, outre les caractères extérieurs sur les- quels elle est fondée. Il manque de lobules, et les lobes laté- raux se prolongent de chaque côté de la colonne épinière beau- coup plus que le lobe principal, qui laisse un vide entre ces lobes, 264 DUVERNOY. — Études sur le Foie. que semble peut-être avoir nécessité les flexions de la colonne épinière dans les häbitudes de grimper de cet animal. Ce foie incomplet a quelque rapport avec celui des Chauve-Souris in- sectivores, chez lesquelles, à la vérité, il sert bien davantage. Dans les autres Fourmiliers on trouve les lobules, mais ils sont petits et peu séparés. Leur lobe principal a trois divisions, tandis qu’il n’en a que deux dans le Didactyle. Les Tardigrades ont le foie incomplet et relativement très petit, n'occupant que l'hypocondre droit. Il n’a proprement dans l'ai qu’un lobe principal avec deux scissures, quoique la droite ne renferme pas de vésicule. Mais un ligament analogue, et triangulaire droit, qui l’attache à la portion droite de cette partie, me détermine à la considérer comme le principal droit, plutôt que comme le lobe droit , auquel ce ligament ne s'attache pas. Le principal gauche a, dans sa face viscérale, une trace de lobule. Nous allons voir qu’il y a beaucoup de rapports entre le foie de ces animaux et celui des Ruminans; de même il y en a de très remarquables entre leurs estomacs. : L'ordre si naturel des Ruminans est aussi très bien caractérisé par la forme et la composition de son foie. Ce viscère y est beaucoup moins large que dans la plupart des autres Mammifères, comme si son développement, dans ce sens, avait été empêché par la place qu’occupent les quatre estomacs. Son volume pro- portionel est aussi très faible. Enfin il est réduit, dans sa com- position , au lobe principal avec un ou deux tubercules, tout au plus, adhérens à sa face postérieure près de sa base, qui tien- nent lieu des lobes ou lobules accessoires. Ses rapports de composition avec le foie de l’homme sont frap- pans. La Gazelle et le Cerf Wapiti nous ont présenté de plus des ressemblances remarquables dans la forme du lobe de Spi- gelius, et dans sa disposition relativement à la scissure transverse. Les Cétacés herbivores (1) n’ont de même qu’un lobe principal, avec un lobule droit tout au plus. (Le Dugong de la mer Rouge, par M. Rüppel.) (1) Les amphibics trirémes de notre méthode de classification. DUVERNOY. — Ltudes sur le Foie. 265 Enfin les Cétacés ordinaires ont le foie très incomplet. Celui du Dauphin vulgaire et du Marsouin ressemble beaucoup au foie des Ruminans, en ce qu'il est ramassé, peu étendu et ré- duit au lobe principal, lequel est un peu divisé à l’endroit du ligament ombilical, en deux portions dont la droite est la plus grande. La série des Mammifères Marsupiaux, dont le bassin porte constamment ces singuliers os dits marsupiaux, caractère indicateur d’un système de génération particulier, présente des différences dans les proportions du foie, qui sont en rapport avec leur régime, et d’autres qui semblent dépendre de l'espèce de mouvement qu'ils exercent. Les lobules y sont généralement peu développés ou peuvent manquer. Le gauche est supprimé dans le foie du Sarigue à oreilles bicolores, qui vit sur les ar- bres; son absence laisse un vide qui répond à la colonne verté- brale; tandis que le lobe de ce côté est très développé. Le foie du Kanguroo géant fait exception. Il se distingue par le grand développement proportionnel de ses lobules. Je ne m’arrêterai pas davantage à détailler les autres diffé- rences que présente le foie des Mammifères de cette série ; mais je ne puis m'empêcher de faire remarquer que celui des Mono- trèmes , ou de l’Ornithorhynque et de 'Echidné, qui appartien- nent à cette mêmesérie, ainsi que l’indiquent leurs os marsupiaux, ne s’écarte, dans aucun détail, de la composition normale du foie des autres animaux de cette classe, et qu’il diffère essentiel- lement, sous le rapport de la forme et de la composition de ses parties, du foie des autres animaux vertébrés. S'il est donc indubitable que la méthode descriptive du foie des Mammifères que je propose dans ce travail, peut fournir de bons caractères distinctifs, qui peuvent être employés, au besoin, dans la classification de ces animaux, nous espérons aussi que cette méthode pourra être utilisée , quoique moins évidemment, pour avancer la physiologie de ce viscere. À la vérité, le foie étant un organe chimique, qu'on me per- mette cette expression, dont l'importance sera facilement saisie par les Physiologistes, sa forme lui est moins essentielle que sa structure intime, Peu de mots suffiront pour expliquer ma 266 DUVERNOY. — Etudes sur le Foie. pensée. La plupart des organes de l’'éconamie animale sont ou physiques ou chimiques; c'est-à-dire que les fonctions qu'ils exercent peuvent être plus ou moins expliquées par les lois de la physique, ou comprises dans celles qui régissent l’action mo- léculaire. La forme est essentielle aux premiers. Les moindres modifi- cations de cette circonstance d'organisation changent le jeu de ces instrumens de la vie : c'est la forme des muscles comme puis- sance, et celle des os ou autres parties organiques auxquelles ils s'attachent et qui leur servent de leviers, qui en fait autant d’in- strumens de physique mécanique dont la disposition variée ex- plique tous les mouvemens qu’exercent les animaux; c’est la forme de l'œil qui le constitue , en grande partie, un admirable instrument d'optique ; changez-la, vous changerez entièrement les fonctions de cet organe. Ceux, au contraire, destinés à modifier la composition du sang qui leur est apportée par la circulation , et à prendre dans ce fluide nourricier les matériaux du liquide qu'ils doivent sé- créter, et dont la composition diffère plus ou moins du premier, sont des organes chimiques dont la forme peut varier sans que leur fonction , sans que le produit de leur sécrétion en soieut changés. Il n'y a, pour cette catégorie d'organes, que leur struc- ture intime qui leur soit essentielle. Nous devons , sans doute, ranger le foie parmi ces organes chimiques ; ce qui limite beau- coup les espérances qu'on pourrait avoir d'expliquer quelques points de ces fonctions, par la considération de leur forme, sui- vant les groupes de la classification naturelle. Nul doute que le foie ne se moule sur les organes qui l’envi- ronnent, et que sa forme ne varie suivant l’espace qu’il trouve au milieu d'eux. Son organisation intime, dont les parties élé- mentaires ou les plus petits lobules ont leur membrane propre pour les contenir et les protéger contre les froissemens exté- rieurs, lui permet même de se prêter peu-à-peu-à-toutes les va- riations de forme, malgré son défaut d'élasticité. On en trouve des preuves nombreuses lorsque l'on considère le foie non-seulement dans la classe des mammifères, mais en- core dans les autres classes où il existe, Cependant ces varia- DUVERNOY. — Etudes sur le Foie. 267 tions de forme ont des limites qui tiennent, dans les mammi- fères, auxquels je borne pour le moment ces considérations, à la composition normale que ce viscère montre dans cette classe. Cette composition normale n’est sans doute pas étrangère aux fonctions du foie; du moins je crois avoir saisi, après l'avoir reconnue, ainsi que les modifications qu'elle présente selon les ordres et les familles, c’est-à-dire selon les habitudes natu- relles de mouvement, de séjour ou d’origine, quelques aperçus physiologiques dont voici le résumé : 1° Le foié à-la-fois le moins complet dans sa composition et le moins volumineux, se trouve dans les animaux à estomacs multiples, quel que soit leur régime. Tel est celui des Auminans qui vivent des parties les plus tendres des végétaux, et celui des Cétacés ordinaires, qui se nourrissent exclusivement d'animaux marins, parmi lesquels ils choisissent aussi les plus mous, du moins pour la généralité. 2° Les Tardigrades, qui ont de même plusieurs estomacs, ont aussi le foie plus petit, ramassé et moins composé que celui de la généralité des mammifères; 3° Il semble donc que l'élaboration sans doute plus complète des substances alimentaires par l’action successive de plusieurs estomacs, rende celle de la bile moins nécessaire dans la diges- tion intestinale. 4° Cette dernière proposition est encore confirmée par le pe- tit volume relatif du foie des Semnopithèques , dont l'estomac est, sinon multiple, du moins très compliqué ; 5° Les Chétroptères, surtout les chauve-souris insectivores, ont le foie très simple dans sa composition , mais profondément di- visé dans les parties qui lui restent et proportionnellement vo- lumineux. Ces particularités de forme et de composition sem- blent tenir ici à l'espèce de mouvement bien plus qu’au régime; elles rapprochent le foie des Chéiroptères insectivores de celui des oiseaux. 6° On doit se demander pourquoi le foie de l'homme et celui de l'Orang-outang ressemblent davantage, par leur composition simple et incomplète , au foie des animaux à estomacs multiples, 268 DUV+ERNOY. — Etudes sur le Foie. à celui des Ruminans en particulier, qu’au foie de tout autre mammifere ? Serait-ce que chez l’homme, qui est destiné à la station ver- ticale , le foie , dans cette position, aurait pu gêner les fonctions de l’estomac, s’il n'avait été ramené, du moins en très grande partie, à la droite de ce viscère. La même forme dans l’Orang-outang, si différente d’ailleurs de celle que présente le foie des autres singes, serait-elle un indice que cet animal a plus de disposition que ceux-ci à la pro- gression verticale ? ‘ 7° Le régime est la circonstance qui paraît influer le plus sur le volume relatif du foie, après celle de l'existence d’un ou de plu- sieurs estomacs. En général le foie est plus complet et relative- ment plus volumineux dans les mammifères carnassiers que dans ceux qui se nourrissent de substances végétales. Ces conclusions, qui découlent tout naturellement d’aperçus plus exacts, plus précis et plus positifs sur la forme du foie des mammifères, prouveront, j'espère, que dans la comparaison que la science de l'anatomie comparée se propose de donner des formes organiques, il faut d’abord, pour que cette comparaison soit juste et qu'elle ait un but scientifique, avoir saisi ce que ces formes présentent d’essentiel, et le distinguer de ce qui n'est que très accessoire. Ainsi que je l'ai annoncé, en cominençant cette lecture, ce travail est le résultat d'observations directes faites, en bonne partie, dès 1829, sur les viscères de la collection du jardin des plantes que M. Cuvier m'avait invité à examiner pour la nou- velle édition des leçons d'anatomie comparée, dont j'espère offrir trés incessamment trois volumes à l’Académie. Les dessins que j'ai l'honneur de lui présenter, à l'appui de mes descriptions, serviront à les faire mieux comprendre et à démontrer les soins de détails que j'ai mis dans mes observations. Dans un second mémoire, je compte présenter à l’Académie le résultat de mes observations sur la forme du foie dans les DUVERNOY. — Ltudes sur le Foie. 269 autres classes des vertébrés ; sur son volume relatif, sa couleur et sa consistance, et sur son tissu intime dans ce type du règne animal. (1) EXPLICATION DE LA PLANCHE IV. (1) Nous ajoutons au texte de ce Mémoire les planches gravées de quelques-uns des nom- breux dessins que nous avons fait faire sur le foie des mammifères. Elles suffiront pour faire comprendre notre méthode descriptive, et pour donner une idée des principales différences de forme et de composition que présente le foie des animaux de cette classe. Dans toutes les figures, le lobe principal est désigné par : P. d., qui signifie Principal droit. e Principal gauche. P. m. Principal moyen. L. d. Le lobe droit, par L. g: Le lobe gauche. L’. d. Le lobule droit. L’. g. Le lobule gauche. V. La vésicule du fiel. Rigi g: Ligament suspenseur du foie. Lo p Portion pylorique du lobule gauche. Epic Portion cardiaque du lobule gauche. E. Estomac. D. Duodénum. | Fig. r. Foie du Magot commun. Fig. 2. Foie et estomac de l’Orang-outang. Fig. 3. Foie du Chien. Fig. 4. Foie, estomac et rate du Rhinolophe grand-fer-à-cheval. Fig. 5. Foie, estomac et rate du Vespertillon murin. Fig. 6. Foie de la Taupe commune, Fig. 7. Foie et estomac du Rat noir. 270 DOYÈRF. — Sur le genre Euplère. Norice sur un Mamimifère de Madagascar, formant le type d'un nouveau genre de la famille des Carnassiers insectivores de M. Cuvier ; Par M. Dorxire. Chaque fois qu’un voyageur rapporte de ses explorations quelque être nouveau, l'esprit s’y intéresse d’abord de tout ce qu'il peut y avoir d’attachant dans Pétude d’une nouvelle forme d'existence, ou d’une modification de quelque valeur dans une forme déjà cornue ; mais tous n’offrent pas cet intérêt, et, grâces à la distance où se trouve porté maintenant l'horizon scientifique, il est même permis de penser que la passion des découvertes n’élargira plus guère le cercle déjà tracé. Or, dans cette enceinte, que les travaux de conquête de ceux qui nous ont précédés nous ont tant agrandie, il nous reste un immense travail à faire, un travail de culture et de coordination; et, de là, une deuxième et riche source d'intérêt et de féconde activité, l’étude des rap- ports. Un être nouveau se lie à d'autres êtres, et prend position dans des cadres tracés ; quelquefois il s’y case humblement, d’au- tres fois il se pose sur !a limite qui les sépare, et, établissant entre eux des points de contact inconnus, il hâte d’un pas le grand travail de fusion vers lequel nous voyons la science pro- gresser à chaque nouvei effort. Or, c’est surtout aux esprits desireux de ce dernier genre de recherches, que se recommande le Mamuifère dont nous avons # à signaler la découverte; et ce travail nous a même paru d'une importance telle, que nous eussions laissé à de plus habiles le soin de l’entreprendre, s'ils n’eussent voulu venir d'eux-mêmes nous aider de leurs encouragemens et de leurs conseils. C’est à MM. Geoffroy Saint-Hilaire, père et fils, que nous devons ce secours fiatteur, qui ne nous a pas été d’une moindre utilité que les notes orales et manuscrites qu'a bien voulu nous communi- quer M. Goudot lui-même, voyageur du Muséum, auquel la science doit la découverte de l'individu dont la description fera le sujet de cette notice. DOYÈRE. — Sur le genre Euplère. 271 Le groupe des Carnassiers insectivores, tel qu’il est établi dans les méthodes naturelles, bien que l’un des moins nombreux, est pourtant un de ceux qui réunissent les formes d’organisation les plus disparates. En effet, dans l’état actuel de la science, il se compose de onze genres seulement , que nous croyons pou- voir ranger comme il suit : Cladobates. Desmans. Macroscelides. Chrysoclores. Tenrecs. Taupes. Hérissons. Condylures. Gymnures. Scalopes. Musaraignes. Or, si nous mettons de côté pour un instant les caractères que fournit la dentition, pour ne nous occuper que des rapports de mœurs et d'organisation qui rapprochent ce petit nombre de genres, ce qui nous restera n’aura plus qu'une importance secondaire et se réduira presque entièrement à la petitesse de la taille et à quelques défauts de proportion dans les instrumens de l'attaque et de la défense, tels que la gracilité extrême et l’al: longement des mâchoires , la faiblesse des arcades zygomatiques _et des muscles moteurs de la mâchoire inférieure, circonstances dont la réunion paralyse presque complètement l'influence diététique d’une disposition dentaire des plus favorables pour un régime purement carnivore; aussi ne s’attaquent-ils qu’à des proies faibles et sans résistance, à des insectes, à des vermis- seaux, et aux plus petites espèces seulement dé Mammifères et d'oiseaux; aussi, cherchent-ils dans des retraites, que presque tous savent se creuser, un moyen de salut, qui compense la brièveté et les dispositions désavantageuses de leurs jambes, in- strumens de fuite, et l'impossibilité presque absolue d’une ré- sistance à force ouverte. On voit la facilité avec laquelle ils se meuvent dans le sein de la terre, augmenter en raison directe de la lenteur et des efforts qu'ils ont à faire pour se trainer à sa surface ; et le développement de leur organe visuel diminuer dans une proportion qui est exactement celle de la distance où leurs mœurs et leur timidité d'animaux ayant la conscience de leur 272 poyÈre. — Sur le genre Euplère. faiblesse , les tiennent éloignés de la lumière. Cependant, il en est quelques-uns qui, tout au contraire, établissent sur les arbres leur demeure habituelle ; et ceux-là sont pourvus abondamment de toutes les modifications d'organisation , que l’on regarde comme l'apanage d'animaux créés pour de telles habitudes. Enfin une dernière conséquence de leur faiblesse et du régime auquel elle les condamne, c’est que l’hiver,comme chez toutes les espèces faibles et souterraines , la plupart de ceux des climats froids, s’enterrent et subissent au fond de leurs trous tous les ac- cidens de l’hibernation. A cette époque , en effet, toute proie faible émigre à travers les airs, ou meurt, ou se tient cachée dans d’inaccessibles retraites, laissant, sans provisions faites à l'a- vance, une foule d'êtres qu’une seule saison rigoureuse efface- rait de la surface du globe s’il ne leur avait été donné, dans un sommeil de plusieurs mois, un moyen simple d'attendre des jours meilleurs. Quant au mode de progression, auquel sont encore subor- données, en grande partie, les habitudes, il est des plus variés; les uns, à jambes moyennes, marchent avec assez de facilité, à la surface de la terre, et se retirent moins dans leurs retraites(Hé- rissons, Tenrecs, Musaraignes \; d’autres ( Desmans) habitent le bord des eaux , et nagent avec une facilité qu’aident les modifica- tions de leur queue et de leursmembres; d’autres sont de plus en plus souterrains (Taupes, Chrysochlores, Condylures, Scalopes), et leurs membres raccourcis, la puissance de leurs muscles, leurs pieds convertis en pelles tranchantes, leur donnent une merveilleuse facilité pour nager, en quelque sorte, dans le sein d'un élément aussi résistant. Enfin, les Macroscelides, montés sur des membres postérieurs allongés, s’avancent par bonds comme les Kanguroos et les Gerboïses, tandis que les Tupaias dé- ploient sur les arbres la même agilité que les Écureuils. Du reste, ce défaut d'homogénéité, dont nous nous convain- crons davantage encore par l'examen du système dentaire, nous étonne peu. Nous ne croyons pas qu'un type ait été primitive- ment créé sans autre fin que de se nourrir d'insectes; et, en étu- diant dans les groupes environnans les modifications caractéris- tiques sur lesquelles chacun d’eux s'appuie, nous avons pu facile- DOvèRE. — Sur le genre Euplére. 273 ment nous convaincre que celui dont nous nous occupons, n’est en effet que le reste de nombreuses soustractions faites en faveur des premiers, établis & priori, et que dés-lorsil ne se forme plus que d’espèces qui n’ont pu trouver place dans des divisions déjà systématiquement tracées, et ont été laissées ensemble pour en former une dernière, mais purement négative. Ainsi, ce sont d’abord les Tarsiers que l'état de leurs mains et de leurs ongles a fait joindre aux quadrumanes: puis la tribu tout entière des Chéiroptères insectivores, a pris rang à part, toute autre considération ayant été sacrifiée à celle qui se déduit du mode remarquable de progression aérienne, par laquelle elle se distingue. Le type Marsupial n'offrait pas de moindres exigences. Il se constitue séparément, et entraine plusieurs genres nombreux, chez lesquels on trouve la dentition dite insectivore, portée à son point de développement le plus complet, les Sarigues, les Dasyures, les Péramèles, et même les Phalangers et les Phas- cogales. | Enfin, le groupe des Carnivores proprement dits. Ici, la sous- traction pourrait sembler moins évidente. Accoutumé que l’on est à une sorte de respect religieux pour les caractères tirés du système dentaire, on s’en est, dans ce cas plus que dans aucun autre peut-être, exagéré l'importance et l’homogénéité; mais, quiconque aura comparé les molaires des Cladohates, des Taupes, des Dasyures, des Sarigues, avec celles des Coatis, des Civettes , des Mangouses et de nombre d’autres, aura pu facile- ment se convaincre combien est nulle la limite qui sépare tous ces genres, et surtout s’il a tenu compte des appétits sangui- maires que l’on a reconnus dans les premiers, et des habitudes de plusieurs d’entre eux, habitudes d'une férocité sans exemple, ap- pétits qui ne peuvent s’assouvir complètement que dans un sang tout fumant , et souvent aux dépens de l'espèce elle-même. Restent les onze genres que nous avons nommés : leurs mo- laires ont, avec cellesde certains carnivores, toute l’analogie dont nous avons déjà parlé ; seulement , elles sont hérissées de pointes triédrales ou coniques, plus minces, et en général un peu plus aigués. Quant aux deux autres sortes de dents, elles présentent , IV. Zoo, — Novembre. 18 274 DOYÈRE. — Sur le genre Euplére. dans leur nombre , leurs formes et leur disposition relative, deux variétés bien caractérisées ; chez les uns, en effet, on trouve en avant de grandes incisives simulant des canines, et que suivent d’autres dents de grandeur et de position variables, et en géné:- ral diminuant de hauteur, jusqu’à se confondre avec les fausses molaires; tandis que d'autres ont de grandes canines normales , séparées en avant par des incisives petites et bien rangées. Au premier type, qui rappelle de loin au moins celui des Rongeurs, appartiennent surtout les Desmans, puis les Musaraïgnes, les Macroscelides, les Chrysochlores, les Condylures, les Scalopes, les Phascogales , les Phalangers, et enfin les Hérissons; c'est ce- lui des deux qui paraît en même temps se rattacher le plus inti- mement aux Chéiroptères. Le second, qui comprendrait de plus les trois premiers genres Marsupiaux que nous avons cités, s’il était possible de les déta- cher de la série à laquelle ils sont liés, ne se compose donc, dans l’état actuel, que des seuls genres Tenrec et Taupe, et c'est peut-être un fait digne d'observation, que cette séparation si nette de genres qui, à tant d’égards, sont si étroitement encla- vés dans les précédens, et peut-être y pourrait-on trouver une objection contre la prédominance généralement accordée au sys- teme dentaire dans les classifications. Quant aux deux genres Cladobates et Gymnure, le premier nous parait intermédiaire entre ces deux séries, aussi bien que le se- cond que nous ne connaissons que par des descriptions incom- plètes; mais, il en est autrement du genre Zuplère ; il prend place à la tête de cette nouvelle série, la confirme, et la rattache par de nouveaux rapports aux Carnivores proprement dits. L'animal sur lequel nous l’établissons est jeune, et cette par- ticularité, dont au reste nous aurons soin de tenir compte, nous eüt inspiré moins de confiance dans les caracteres qu’il présente, s’ilseussent été moins tranchés. Frappé tout d’abord de la forme gréle,onduleuse et souple de son corps,bas sur jambes, de la pro- portion des membres, naturellement fléchis et ramenés au-des- sous, et produisant une allure flexible etrampante, qui n'exclut pourtant en rien l’agilité ni l'énergie des mouvemens, nous le crûmes destiné à compléter le groupe des Carnassiers dits Vermi- DOYÈRE. — Sur le genre Euplère. 275 formes. Tout l’ensemble que nous venons de décrire, joint à ses tarses garnis de poil, le plaçait parmi ces Digitigrades ; mais par la forme allongée de son museau, il nous semblait destiné à éta- blir quelques liaisons de plus avec certains genres Plantigrades à mächotres grèles et faibles, parmi lesquels nous ne citerons que les Mélogales. Ainsi se serait trouvé confirmée l’affinité qui existe entre ces deux séries, affinité d’ailleurs déjà démontrée par la réu- nion aux Digitigrades de plusieurs genres à plantes nues, tels que les Mouffettes et les Paradoxures. Et le système dentaire seul devait nous prouver qu'il n’en est pas ainsi. En effet, les tarses sont longs, garnis en dessous d’un poil court mais bien fourni, etla paume de la main seulement est nue et charnue; si donc l’animal s'appuie parfois sur la plante des pieds, ce n’en est pas moins certainement un Digitigrade d’habitude. Il a, à chaque membre, cinq doigts bien armés d’ongles assez longs, d’une finesse et d'une acuité remarquables, et qui, sans être com- plètement rétractiles, ne posent pourtant point à terre dans la marche. Comme chez le Macroscelide et un grand nombre de ces petites espèces, le pouce, à chaque pied, est beaucoup plus court que les autres doigts, et surtout aux pieds de derrière, où à peine il touche le sol. La queue est longue et bien fournie, ainsi que le res’e du corps. Mais , l'examen de la tête nous fit bientôt concevoir d’autres idées. Nous avons déjà parlé de l'extrême acuité du museau , elle est telle qu’on ne peut la comparer qu'aux Mélogales, aux Coatis parmi les Plantigrades, ou bien aux Musaraignes, aux Lenrecs, aux Tnpaias, aux Taupes même dans une autre série. Or, Vinspection du système dentaire nous prouva que cette dernière opinion seule était fondée; car il présente avec celui de la Taupe une analogie qui, à quelques détails près, va jusqu'à l'i- dentité, telle qu’on la peut concevoir, d’une espèce à une autre du même genre , et il n'est pas sans intérêt de voir ce dernier ani- mal qui, pour son système dentaire , aînsi que nous l'avons déj à fait voir, pourrait sembler si éloigné des troisgenres, Condylure, Chrysoclore et Scalope, ses identiques , à tant d’autres égards, réuni, et comme accolé par le même endroit à un genre qui 18. 456 voyire. — Sur le genre Euplère. n'ofire avec lui sur tout le reste, nous osons le dire, pas un seul point de contact. Description du système dentaire. - A la mâchoire supérieure. — Chaque os incisif porte trois dents tranchantes et aiguës. Celle du milieu est contiguë, bord à bord avec son analogue de l'autre côté; mais elle est séparée de la seconde par un intervalle sensible, et celle-ci l’est de la troisième par un autre encore plus grand. La quatrième est, de même à quelque distance de la troisième. Sa plus grande hauteur , sa forme crochue , terminée en pointe régulièrement conique, sa position tangentielle à la suture des os incisif et maxillaire l’indiquent assez comme la canine su- périeure. Elle est suivie presque immédiatement d’une dent de moitié plus petite, mais présentant avec elle une ressemblance frap- pante. Cette double circonstance, jointe à l'absence de tout rap- port avec celles qui la suiventet dont elle est séparée par un large espace vide, jointe encore à la manière dont se superposent ces deux dents avec celle que nous serons conduit à désigner comme la canine d’en bas, nous l’eussent fait désigner comme une seconde canine, si ce n’eût été aller trop ouvertement contre l'usage reçu, juge à-peu-près unique en cette matiere, car nulle dé- finition , que nous sachions , ne pourrait nous faire sortir de cette difficulté. Cette dent sera donc pour nous une première fausse molaire ; elle ne parait avoir du reste qu’une seule racine. La deuxième est séparée de la première ainsi que de la trei- sième par un large espace vide, et ne lui ressemble en rien. Elle est simple dans son épaisseur , mince et remarquablement tran- chante, avec une pointe très aiguë, précédée en avant d’un tu- bercule peu marqué, et suivie en arrière d’un autre trés sail- jant. Elle est portée sur deux racines. La troisième ressemble en tout à la seconde; seulement elle est du double plus grande, et ses racines sont au nombre de trois. La suivante est une molaire vraie. Sa forme est celle d’un prisme triangulaire, sensiblement incliné vers l'intérieur de la boyÈRr. — Sur le genre Euplere. 279 bouche, et présentant à sa surface supérieure cinq pointes, réu- nies entre elles par des arêtes tranchantes, l’une intérieure for- mant le sommet du triangle; deux moyennes très saillantes et aiguës; deux extérieures formant la base, mais très obtuses et réduites à l’état de simples tubercules. Enfin, la dernière dent, qui est la neuvième, n’est pas encore sortie entièrement; elle reproduit la précédente, à cela près qu'elle est plus grosse , et que le talon intérieur surtout est beau- coup plus développé et séparé des autres par une entaille plus profonde. Cette seconde molaire s'étend presque jusqu’à l’extré- mité postérieure du maxillaire ; mais l’examen d’un sujet adulte pourra seul nous instruire des changemens qui ne peuvent man- quer de survenir dans cette portion du système dentaire, la plus susceptible de se modifier par l’âge. Les trois dernières dents que nous venons de décrire sont contiguës bord à bord, mais, par une conséquence de leur forme de prisme triangulaire , elles laissent entre elles, en dedans de la bouche, deux espaces angulaires de la grandeur des dents elles- mêmes, et destinés à loger en grande partie celles qui leur cor- respondent en bas. Mächoire inférieure. — On observe d’abord en avant quatre incisives de chaque côté, fort tranchantes, et dont les trois pre- mières sont contiguës bord à bord, et un peu séparées de la quatrième ; celle-ci se distingue en outre par la pointe aiguë qui s’en détache et la surmonte, en lui donnant une forme qui se rapproche quelque peu de celle d’une canine; mais, c’est à la cinquième que ce nom nous paraît devoir être donné, d’après sa forme et sa grandeur relative. Cependant dans l’action récipro- que des mächoires, au lieu d’opposer sa face postérieure à l’an- térieure de la canine d’en haut, comme cela à lieu d'ordinaire, elle se place au contraire, en arrière et dans l’intervalle vide que nous avons signalé entre cette canine et la première fausse mo- laire. C’est un rapport de plus que l'Euplère possède avec le genre Taupe, et cette particularité leur est commune avec les Makis , les Indris, les Loris et les Galagos, d’après la détermina- tion de M. Frédéric Cuvier, lui-même, bien qu'il refuse à la cinquième dent inférieure de la Taupe le nom de canine, moins 278 bOYÈRE. - Sur le genre Euplére. peut-être, il est vrai, pour sa position que pour la duplicité de ses racines. Mais il est bon d’observer que la canine d’en haut présente aussi deux racines. Quant au genre qui nous occupe , la canine supérieure nous paraît devoir être simple , mais il n’en est point de même de celle d'en bas, qui, autant que l’ou en peut juger sans la dépouiller de la lame mince du maxillaire qui la re. couvre, est aussi portée sur deux racines. La première fausse molaire, isolée par deux espaces vides, est fort aiguë, et sapointese dirige un peu en arrière, La seconde est du double plus grande , simple dans son épaisseur, et à trois pointes, dont celle du milieu haute et tranchante, et les deux autres rudimentaires ; les deux molaires vraies qui suivent n’en different que par des proportions qui augmentent jusqu’à la der- nière, par des pointes plus hautes et mieux séparées, êt l’exis- tence à la face interne et à la base de la pointe moyenne, d’une quatrième pointe plus petite et fort aiguë, Ces deux molaires se logent, presque en totalité, dans les es- paces angulaires qué nous avons signalés à la mâchoire supé- rieure, à la manière des dents des Carnivores les plus complets, et de telle façon que le talon postérieur de chaque molaire d'en bas, s'app'ique seul sur le tubercule interne de celle qui lui cor- respond en haut. Du reste, les mâchoires s’emboitent avec une remarquable précision; et, à partir de la canine d’en bas et de la première fausse molaire d'en haut, chaque dent inférieure glisse bord à bord, et un peu en avant de celle qui lui correspond, comme le feraient deux lames de ciseaux. Tel est le système dentaire dans le jeune âge, mais ce n’est point une dentition terminée, nous n’en voudrions d'autre preuve que la situation de la dernière molaire d’en haut; comme elle se trouve en arrière de la deuxième molaire inférieure, elle demeu- rerait en grande partie sans emploi, s’il ne devait s’en déve- lopper de nouvelles au fond du maxillaire qui la supporte, où d’ailleurs s’observe un grand espace vide comme dans tous les jeunes sujets. DOYÈRE. — Sur le genre Euplére. 279 De la tête osseuse. Tous ceux qui ont pu suivre le développement progressif des Mammifères dans les diverses périodes de leur vie, ont pu se con- vaincre que de toutes les régions du corps, la tête est celle qui subit les modifications les plus considérables, lesquelles consis- tent surtout dans la diminution de la capacité cérébrale, et dans agrandissement correspondant de la région faciale. Aussi appuie- rions-nous peu, dans le cas actuel, sur l'extrême développement du cerveau et de la fosse cérébelleuse, sur l’état du trou occipi- tal, tellement grand et rejeté en dessous, qu’on ne peut le com- parer qu’au même passage dans la tête d'un quadrumane, si nos observations , et les mesures exactes que nous allons donner, ne pouvaient servir quelque jour à constater les changemens qu'y amène l’âge, et à compléter ce que l'on sait déjà sur cette matière. Le museau est grèle et acuminé; les mächoires et l’arcade zy- gomatique sont d’une faiblesse remarquable, même après qu’on a fait la part de l’âge, et cette dernière, infléchie du dehors en dedans sur le milieu «le son trajet , ne laisse qu'un passage étroit pour le muscle temporal. La fosse temporale existe à peïne et west nullement séparée de la fosse orbitaire; il n'existe même aucuue trace d’apophyses post-orbitaires, ni sur le jugal, ni sur le coronal. Les deux pariétaux sont réunis par une simple suture sans trace d’une crete sagittale; mais la crête occipito-pariétale parait devoir prendre un certain aceroissement. Le plan du trou occipital se confoud presque avec celui qui forme la base du crâne en continuant le plancher supérieur de 1a bouche. Tous les vrganes des sens sont bien développés; les caisses auditives rappellent ce qu’on observe chez les Carnivores dont l'audition est la plus délicate. Les yeux sont grands, presque jusqu’à rappeler un animal nocturne; le palais et les narines of- frent beaucoup d’étendue, les cavités buccale et nasale regagnant en longueur ce qu’elles perdent par l’étroitesse du museau. En résumé, ce qui nous paraît le plus digne d'attention dans # 280 DOYÈRE. — Sur le genre Eupière. l'animal que nous venons de décrire, c’est la réunion qu’il offre de caractères empruntés à des types fort éloignés en apparence, et qu'il nous semble devoir rapprocher; aussi l'avons-nous dési- gné sous le nom d’Euplère ( Eu-plérés, bien complet). Ses or- ganes des sens et de locomotion, les seuls dont nous ayons pu juger , offrent en effet ces modifications, que l'observation nous apprend à regarder comme concourant à la perfection d’un ani- mal. Conduit à le réunir au groupe des Insectivores, nous croyons qu’il doit y occuper la première place et la plus voisine de celui des Carnivores, auxquels il ne le cède en rien pour le fini de l’organi- sation. Aussi, bien que dans la méthode telle que nous l’a donnée Cuvier, ce soit tout simplement le genre Euplère, il nous semble que dans l'étude philosophique des Mammifères, ce mot est peu en rapport avec sa valeur comme type d'organisation , et nous ne pouvors qu’'applaudir à l'opinion de M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire qui, dans son cours des Mammifères au Muséum, en a fait la famille des Æuplériens, type elle-même de la tribu des Znsec- tivores digitigrades. Genre Eurière (Eupleres ). Caractères. — Six incisives à la mâchoire supérieure, petites et parfaitement rangées. — Deux canines. — Six fausses molaires séparées par de larges intervalles. — Quatre, peut-être six mo- laires vraies à cinq pointes. À la mâchoire inférieure, huit incisives. — Deux canines à double racine, se logeant en arrière des canines d’en haut comme dans la Taupe. — Quatre fausses molaires. — Au moins six molaires vraies hérissées de pointes aiguës. : Museau effilé, terminé par un petit muffle. Yeux grands. Oreilles grandes et triangulaires. Corps vermiforme. — Jambes de grandeur moyenne. — Tarses allongés et garnis de poils en dessous. Cinq doigts à tous les membres, bien séparés et garnis en dessus d’un poil ras. — Le pouce , beaucoup plus court, surtout aux membres postérieurs, où il touche à peine la terre. DOyYERr. — Our le genre Euplère. 281 Ongles déprimés, aigus et semi-rétractiles, de moitié plus longs aux membres antérieurs. Corps revêtu d’une fourrure épaisse et composée de poils soyeux, garnis à leur base d’un duvet court et serré. Espèce. — L’EuPLÈRE DE GOUDoT. (Eupleres Goudotii. ) Dans le jeune âge. Le poil soyeux ou jar est d’un brun très foncé, etle duvet qui en garnit la base est fauve , d'où résulte un pelage d’un fauve nuancé de brun, plus foncé aux parties supérieures. Le dessous du corps, où il n’y a pas de jar, est d’une couleur beaucoup plus claire , et notamment la gorge qui est d’un blanc cendré. Une ligne noire transversale passe au-dessus des épaules. PRINCIPALES DIMENSIONS. Longueur |En prenant la tête absolue, [osseuse pour unité. Da bout du museau au bout de la queue. . . .| 410 mil. 57 Da queue seule. =," ne EST 2,1 Tète osseuse { du sommet de l'émifience occipitale au'bout'du/museau)::.2 + 40 1. 1, 01e 72 1 La plus grande largeur (ligne des os temporaux). 30 0,42 Ligne des arcades zygomäqiques . . . +. . . 27 0,98 Cavité crânienne (de l’éminence occipitele à Vo- Me der nan), cites oiole nb 51 0,71 Sa plus grande hauteur. . . . . . . . . . 24 33 Distance des orbites. . . . HÉ a T à 13 0,18 Largeur du museau jusqu’à la deuxième fausse OA En... aie nette 7 112 0,10 Ligne des deuxièmes molaires (du un bord extérieur gi Lai UP RSR UP TE TES"E TES 19 0,26 Le pied (tarse comptis) sonore à mamans 65 0,90 282 DOYÈRE. — Sur le genre Euplere. Origine. — Mæœurs. Le seul individu connu appartient au Muséum. Les naturels de Tamatave, qui l'offrirent à M. Goudot , le lui désignérent sous le nom de Falanouc, et le lui peignirent comme un animal ha- bitant des sables, où il se creuserait des terriers. Ce dernier trait nous parut d'abord trop en opposition avec la minceur et la délicatesse des ongles, avec le développement des organes visuel et auditif; et nous eussions été plus disposé à le regarder comme l’analogue, en cette contrée, des Putois et des autres carnässiers vermiformes, qui se retirent plus volontiers dans des terriers tout faits ou des creux d'arbres, qu'ils ne s’en creusent à eux-mêmes, ou bien encore des Tnpaya,aveclesquelsiloffre plus d'un trait de ressemblance, et qui passent sur lesarbres unepartie de leur vie. Cependant, l'inspection des ongles du Macroscelide, lequel, assure-t-on, se creuse aussi des terriers, nous a fait re- venir sur cette opinion. Tamatave est d’ailleurs située près de la mer, et séparée par des plaines d’un sable sans consistance, d’une forêt qui même à une époque peu éloignée l’enceignait de beaucoup plus près; on pourrait donc, d’après ce peu de ren- seignemens, concilier les deux opinions. — Quant à ses mœurs, nous n’en pourrions dire que ce que les inductions zoologiques pourraient nous apprendre, et nous l'avons assez fait pour n'avoir pas à y revenir. Avant de nous livrer à ce travail, nous avons étendu nos re- cherches à tous les ouvrages de zoologie et à tous les journaux étrangers que nous avons pu trouver dans les bibliothèques; nous n'avons rencontré nulle part aucung trace de l'existence ‘du genre que nous proposons, si ce n’est dans le passage suivant de Flacourt : FALANOUC. — C'est la vraye cyuette : il y en a vne grande quantité. Les habitans de Manatingha, Sandrauinangha et Ma- cobondo les mangent. t C'est sur la foi de ces lignes que beaucoup de zoologistes ont avancé que la Civette se trouvait à Madagascar, et sv nommait DE QUATREFAGES. -— _#nodontes. 283 Falanouc. Ainsi, la découverte de M. Goudot, outre son mé- rite intrinsèque, aura celui de faire disparaître une erreur de quelque importance pour la géographie zoologique. On remar- quera de plus, dans la version de ce voyageur, une variante sans importance au nom tel que l'avait proposé Flacourt; quant à Sonnerat, il n’en parle pas. EXPLICATION DE LA PLANCHE VIII. Fig. 1. L'Euplère de Goudot , tiers de grandeur naturelle. Fig. 2. Tête osseuse de grandeur naturelle. Fig. 3. Dents grossies et vues de profil. Fig. 4. Dents molaires, vues par la couronue. — ms. celles de la mächoire supérieure ; mi celles de la mâchoire inférieure. Rapport de M. de BLaiNvizze sur un mémoire le M. de QUATREFAGES , éntilulé: Sur la vie intrabranchiale des pe- tites Anodontes. Fait à l’'Academie des Sciences le 2 novembre 1835. Les membres de l’Académie qui prennent quelque intérêt à ces sortes de questions, se rappelleront peut-être que, à l’occa- sion d’un mémoire de M. Jacobson, sur les petits animaux con- chifères que l’on trouve, à eertaines époques de l'année, contenus en immense quantité dans la lame externe des branchies des Anodontes et des Unios, et qu’il prétendait, avéc son compatriote Ratke, être des parasites, dont celui-ci avait formé un genre sous le nom de Glochidime, le rapporteur de la commission, après une discussion assez étendue, concluait à ce que les faits et l’analogie ne permettaient pas d'admettre cette manière de voir, et que ces prétendus parasites étaient bien certainement les fœtules de ces deux genres d'animaux. La plupart des zoologis - tes parurent admettre cette opinion; mais il n'en fut pas de 284 DE QUATREFAGES. — .#nodonles. même de ceux que les faits immédiats peuvent seuls convaincre. I était donc important, comme le vœu en avait été émis dans le rapport cité, que des observateurs bien au courant de la ques- tion, doués d’une grande et patiente sagacité, et placés conve- nablement, voulussent bien suivre et constater la série de dé- veloppemens par lesquels passent les œufs des anodontes et des unios, avant de ressembler complètement à leur mère. M. le professeur Carus nous paraît être le premier qui ait entrepris d'éclaircir complètement ce sujet. En effet, en 183», il a publié en allemand, dans les Nouveaux mémoires des cu- rieux de la nature, un beau travail, accompagné de planches soigneusement dessinées et gravées, sous le titre de Nouvelles Recherches sur l'Histoire du développement des moules d’étang. Il y traite successivement : 1° De la marche des œufs dans l’intérieur des oviductes ; 2° Du passage de ces œufs de l'oviducte dans la lame bran- chiale externe, et de leurs développemens ultérieurs dans ce dernier organe ; 3° De la disposition manifeste du jaune non encore fermé à sa circonférence, et de la forme du jeune animal ; 4" Du jeune animal lui-même, avec les valves de sa coquille ouvertes dans l'intérieur de l’œuf ; 5° De la manière dont les fœtules libres dans l'enveloppe coquillaire de l'œuf, se lient ou s’attachent par des filamens byssoïdes ; 6° Enfin, M. Carus recherche si les mouvemens propres du feuillet branchial ne seraient pas une condition concomitante de l'admission et de l'expulsion des œufs. Voici les conclusions auxquelles M. Carus est arrivé : 1° Les œufs des Unios et des Anodontes ne se produisent avec leur blanc et le chorion entourant le jaune, que dans l’o- vaire de la mère. 2° Quand ils sont parvenus à leur maturité, ils sont rejetés par les oviductes, placés de chaque côté de la masse abdomi- nale, etils vont se placer dans la duplicature de la lame externe des branchies. DE QUATREFAGES. — _Ænodontes. 285 3 Les premiers jours de leur séjour dans cet organe , ils offrent les mêmes conditions et nommément la même forme que dans l'ovaire. 4° Le jaune prend alors peu-à-peu sa forme et sa consis- tance : on aperçoit ensuite les indices des deux valves de la co- quille, ainsi que les commencemens de la respiration, dans le tourbillonnement oblique des parties fluides de l'œuf en rota- tion, absolument comme chez l'embryon des univalves. 5° Pendant cette rotation, l'embryon se forme de plus en plus dans sa coquille, et rompt le chorion dans l’espace d’un mois, pendant lequel il a commencé à se filer un byssus, au moyen de quoi il change peu-à-peu sa forme de triangle équi- latéral arrondi, parce que le sommet de celui-ci, par l’accrois- sement du côté qui correspond à la bouche, s’est à-peu-près di- rigé vers la région postérieure. 6e C'est donc le fœtus vivant libre à l’intérieur de la lame branchiale, et tout différent dans sa forme de l'animal adulte, que MM. Ratke et Jacobson ont regardé à tort comme formant un genre d'animaux parasites, et que celui-ci a décrit et figuré sous le nom de Glochidime; d’où il résulte que ce genre doit être considéré comme fantastique, et son nom être définitive- ment rayé des systèmes de zoologie. M. Armand de Quatrefages, jeune médecin de Toulouse, au- quel la science doit déjà des observations fort intéressantes sur le développement des œufs des Lymnées et des Planorbes, ne connaissant tres probablement pas le travail de M. Carus, se trouva tout naturellement conduit à examiner la question sou- levée par M. Jacobson, et c'est de son mémoire sur la vie intra- branchiale des Anodontes que nous avons été chargés, MM. Geof- froy-Saint-Hilaire, Duméril et moi, de vous faire un rapport. Dans ce travail, tout entier d'observation, M. de Quatre- fages suit et rapporte minutieusement les changemens qu'il a observés jour par jour sur les œufs d’une espèce d’Anodonte qu'il ue nomme pas, peut-être à tort; et mieux encore il les fait con- naitre par des dessins qui nous ont paru devoir inspirer toute confiance. Aprés avoir expliqué comment par un simple courant, 286 DE QUATREFAGES. — Ænodontes. les œufs, rejetés par l’orifice excréteur ou anal du manteau sont ensuite repris par l’orifice respiratoire, et finissent par se loger dans les locules de la duplicature de la branchie externe, M. de Quatrefages expose les changemens journaliers que ces œufs éprouvent depuis le moment où ils sont entrés jusqu'à celui où ils sont rejetés. En voici l'analyse : Examinés aussitôt après leur arrivée dans les branchies, les œufs sphériques, d’un quart de millimètre de diamètre, présen- tent dans leur intérieur une espèce de petit gâteau circulaire formé de globules transparens renfermant des globules plus pe- tits, et que M. de Quatrefages, par analogie avec ce qu'il a ob- servé chez les Limnées et les Planorbes, regarde comme les ru- dimens du système nerveux et non comme un vitellus. Les deuxième et troisième jours, le nombre des globules augmenté par le développement successif des globulins qui vont se porter la circonférence. Le quatrième jour, les globules ne sont plus distincts, et le nucleus n’est composé que de glo- bulins disséminés dans une masse pulpeuse. Une simple ligne plus obscure indique le bord cardinal de la coquille. Le cinquième jour, le nucleus a considérablement augmenté, il a pris une forme triangulaire, et le bord car ‘inal de la co- quille s’est de plus en plus prononcé. Les jours suivans, la coquille d’abord membraneuse, de forme triangulaire équilatérale ; un côté à la ligne cardinale et le sommet au milieu du bord ventral, présente d’abord une sorte de bord rentré, qui, commençant au bord cardinal, s’ac- croît peu-à-peu, jusqu’à ce qu'il ait atteint le bord inférieur ou ventral , où il arrive à sa plus grande largeur. C'est de ce point et sur chaque valve, que naït peu-à-peu l'espèce de crochet mé- dio-ventral, denticulé sur ses bords, pourvu par la suite de mus- cles particuliers dérivés du muscle adducteur, et signalés pour la première fois par MM. Ratke et Jacobson. Bientôt après, on voit paraître dans la matière muqueuse ou les œufs sont plongés, des vaisseaux , les uns droits les autres ondulés , ou en spirale serrée formant un lacis inextri- cable, dont M. de Quatrefages n’a pu suivre d'abord la marche à l'intérieur, mais dont les extrémités libres, apres s'être divi- UE QUATREFAGES. — Ænodontes, 287 sées en deux ou trois branches aussi grosses que le tronc, s’'ap- pliquent par un petit renflement pyriforme, sur les cloisons qui constituent les locules branchiales de la mère. Pendant les cinq ou six jours suivans , la coquille se solidi- fie peu-à-peu , par le dépôt de matière calcaire, en elle-même et dans ses crochets; les muscles de ceux-ci se prononcent de plus en plus à mesure qu ils exécutent plus de mouvemens, ce qui a également lieu pour le muscle adducteur dont les fibres sont dés-lors parfaitement distinctes. C'est à ce moment et au milieu de la masse qui constitue le ventre ou le corps du jeune animal, masse qui n’était d’abord composée que de globules dans lesquels semblent naître les vais- seaux dont il vient d’être parlé, que l’on commence à aperce- voir une cavité placée à la partie inférieure du muscle, et que M. de Quatrefages regarde comme les rudimens du tube intes- tinal. Du 20* au 25° jour, on voit commencer la formation d’une nouvelle cavité oblongue, qui plus tard constituera l’aorte, en méme temps qu'à la terminaison des vaisseaux ombilicaux, se développe un petit renflement auquel ils paraissent aboutir. Mais à dater de cette époque, qui a lieu dans la saison hyber- nale, le développement du fœtus de l'Anodonte marche plus lentement. Aussi du 45e au 5oe jour, la coquille change-t-elle peu de forme; le côté postérieur s’allonge cependant un peu pen- dant que l'intérieur est stationnaire. À l’intérieur, outre l'aorte et l'intestin, on remarque une rangée de globules un peu plus opaques que le reste du corps, et indiquant le commencement du développement du foie. La masse générale augmente de telle sorte qu’elle semble à l’étroit dans la coquille. Les petits mamelons auxquels aboutissent les cordons ombilicaux prennent de l'accroissement et paraissent formés de cinq à six lobes. Bientôt le foie augmente, à son in- térienr surtout, par l’écartement des globules, et il s’y produit une cavité régulière ovalaire; c'est l'estomac, placé derrière l'aorte, qui, vers le 56e jour, se contourne en avant et se dilate à sa partie antérieure, pour former le cœur sous forme d’am- poule allongée et recourbée en dessous, de manière à en être 288 DE QUATREFAGES. — Æ{nodontes. embrassé. Pendant ce temps, cet estomac s’allonge; arrivé jus- qu’au foie, il se coude un peu en zigzag inférieurement en re- moutant, après avoir contourné le muscle adducteur jusque vers le milieu du bord cardinal. Au 120° jour les vaisseaux de la masse viscéralesont nettement organisés; l’intestin esten continuation avec l'estomac, et le cœur se contourne derrière. On commence à distinguer, le lorg du bord cardinal, un vaisseau longitudinal qui est sans doute le gros intestin, ou rectum. C'est à ce degré de développement des fœtules que la mère s'en débarrasse brusqnement, et de tous à-la-fois. Com- ment? cest ce que ne nous dit pas M. de Quatrefages. Une fois sortis, ces fœtus n’offrent de différences un peu marquées avec ce qu'ils étaient dans la lame branchiale, qu’en ce que l'estomac communique avec le liquide ambiant par une ouverture ovalaire garnie de cirrhes sur ses bords, qui ne peut être que la bouche, et dans laquelle, en effet, M. de Quatrefa- ges a vu pénétrer des animalcules. Le muscle adducteur pré- sente un indice de sa division en deux parties. Le foie est en- core incolore; l’estomac est irrégulièrement quadrilatère, et le cœur, chose assez singulière! n’offre encore aucun mouvement, pas plus au reste que les artères aorte et mésentérique, alors sans aucune ramification. Le système nerveux, à cette époque, a échappé aux inves- tigations de M. de Quatrefages, soit qu’il n'existe pas, ce qui est peu probable, puisqu'il y a action musculaire, soit parce qu'il est encore entièrement transparent. Là se bornent les observations de M. de Quatrefages ; n'ayant pu réussir à faire vivre les jeunes Anodontes au delà de l'épo- que où elles venaient de sortir de la mère, il lui a été impossi- ble de suivre le développement des branchies, du pied , et sur- tout la disparition des crochets marginaux. Espérons qu’il sera plus heureux, sans quoi il pourrait encore se trouver des z00- logistes qui conserveraient quelque doute sur la manière de voir de MM. Ratke et Jacobson. Toutefois ,_ il résulte du travail que M. de Quatrefages a soumis au jugement de l’Académie, que le développement des DE QUATREFAGES. — Æ{nodontes. 289 malacozaires acéphaliens a les plus g grands rapports avec ce qui a lieu chez les espèces qui sont pourvues d’une tête plus ou moins évidente; en effet, chez les uns comme chez les autres, c’est la peau et la coquille entrant dans sa composition qui pré- sentent les premiers indices de développement dans l’œuf, puis le muscle adducteur, le placenta ou système vasculaire absorbant, puis la partie médiane de l'intestin, ensuite l’estomac, le foie, la partie centrale de l’appareil circulatoire, et enfin le gros intestin. M. Quatrefages ajoute à ces résultats positifs les réflexions Suivantes, qu'il en a soigneusement séparées : Le développement embryonnaire des Anodontes ressemble en tout dans les premiers temps à celui des Limnées et des Pla- norbes ; un germe primitif composé de globules se développe du centre à la circonférence par l’accroissement de globules plus petits renfermés dans les premiers. La forme précède la structure. * Certains canaux, comme les veines, et peut-être même l’es- tomac et le canal intestinal, se forment par des lacunes ou écar- temens de globules composant la masse du corps; mais il n’en est pas de même du cœur et de l'aorte. Le canal intestinal se constitue de plusieurs parties d'abord isolées. Dans un appareil composé d’une partie principale et de parties dépendantes, comme dans les appareils circulatoires et digestifs, ce n’est pas celle-là qui se développe la première, c’est- à-dire le cœur ou l'estomac, mais bien celle-ci, c’est-à-dire l'aorte et l’intestin. Enfin, il lui a semblé qu’à cette époque de la vie, l'animal a deux cœurs, deux estomacs et deux bouches, mais dont le dé- veloppement n’est pas exactement symétrique; le dévelappe- : ment des moitiés du côté gauche étant plus avancé que celui des moitiés du côté droit. N'ayant pu vérifier les observations de M. de Quatrefages, à cause de la saison trop peu avancée encore pour se procurer des Anodontes convenables pour cet objet, il nous est impossi” le d'assurer qu’elles sont rigoureusement exactes, quoique nous ayons de fortes présomptions pour le,croire. Encore moins pour- IV. Zoor, — Novembre. we 200 EHRENBERG. — Sur les Acaléphes et les Echinodermes. rions-nous dire qu’elles sont entièrement nouvelles, puisque nous avons montré plus haut que M. Carus avait traité ex-pro- fesso d'une partie du même sujet. Toutefois, nous ne craignons pas de dire qu’elles sont d’un haut intérêt en elles-mêmes, et à cause de la manière à-la-fois sim- ple et lucide avec laquelle elles nous ont paru exposées. Nous concluons donc à ce que l’Académie adresse à M. de Quatrefa- ges des remercimens pour sa communication, en l'invitant for- mellement à prendre connaissance du travail de M. Carus, avant de continuer ses recherches, et à se bien persuader que dans beaucoup de cas des sciences naturelles, la confirmation de faits aussi difficiles d'observation que celui dont s’est occupé M. de Quatrefages, apporte souvent autant de gloire que leur décou- verte, et certainement n’est pas moins utile aux progrès de la science. L'académie adopte les conclusions de ce rapport. RErARQUES sur l'organisation des Acalèphesetdes Echinodermes, Par M. Ehrenberg. (1) Bien que dans la plupart des ouvrages généraux d'histoire na- turelle, et notamment dans le règne animal de Cuvier, on parle toujours de la grande simplicité d’organisation des Mé- duses, on a fait depuis assez long-temps des découvertes qui démontrent chez ces animaux une structure plus compliquée. Nous citerons en première ligne, à l'appui de cette assertion, l'excellent travail de Gaëde et les observations plus récentes de MM. Eyserhardt, Rosenthal, Baer et Escholtz. Je ne reviendrai pas ici sur les faits qu’ils ont constatés, les supposant connus du lecteur, et je passerai de suite à l'exposition du résultat de mes propres recherches. Elles se rapportent à l'existence d’ouver- (1) Archives de physiologie de Muller; traduit de l'allemand par M, Jaquemin, EHRENBERG. Sur les A calèphes et les Echinodermes. 201 tures anales, de branchies, d’yeux, de nerfs, de muscles et de cristaux trouvés dans le bulbe de l'œil. J’ai cherché dans ce tra- vail à jeter quelques lumières sur l’ensemble de l’organisation de ces animaux, et à voir si on ne peut pas la rapprocher de ce qui existe chez les animaux supérieurs. J'espère qu’on ne jugera pas trop vite ces recherches pénibles, et qu’on ne me fera pas un reproche de ce qu’elles laissent encore à desirer. Les des- sins nombreux que j'ai faits sur la nature, et que je me propose de publier plus tard, viendront à l'appui de ce que j'avance ici. $ 7. Sur LA srRuCTURE pe LA MepusA AURITA. (1) Le disque cartilagineux et planconvexe de la Medusa aurita se compose d'une matière gélatineuse très organisée, enveloppée de trois membranes parcourues par un grand nombre de vais- seaux présentant des corps glanduleux et des suçoirs concaves; elle n’est donc nullement simple. La première enveloppe membra- neuse présente dans sa partie convexe (le dos)un tissu fort serré composé de mailles hexagonales, et renferme dans ses cellules une substance blanche, trouble, avec des grains très petits. Les filets qui par leur entrelacement forment ce tissu, ne sont pas les parois des cellules, mais des vaisseaux fort déliés dont le dia- mètre est de 171000 à 172000 de ligne. Les mailles ont quel- quefois 17100 à 1796 jusqu’à 1748 de ligne de largeur; quelque- fois, elles sont beaucoup plus petites. La a du la plus externe est inégale à cause des petits suçoirs ou amas de grains placés sur de petites élévations. Les plus grands de ces suçoirs pré sentent un diamètre de 17200 de ligne; ils sont réunis au nom- bre de 5 à 10 däns un groupe, entourés souvent de 10 à 20 plus petits, placés irrégulièrement. Le diamètre d’un de ces petits amas est de 1720 à 1724 de ligne; et on peut toujours les voir à l'œil nu. Le côté concave ou plane ( ventral) du disque cartilagineux, présente une tunique double, dont une lame est externe et l’autre {r) Zoologia danica, Tab. 1xxvr, taxvgts 19: 292 EHRENBERG. — Sur les Æcalèphes et les Echinodermes. interne; elle porte la bouche et les grands bras. La membrane ex- terne renferme un tissu formé par des vaisseaux déliés sem- blables à celui qu'offre la face convexe ou dorsale ; elle consti- tue l’épiderme, à moins qu'on ne considère comme représen- tant celle-ci la couche muqueuse mince qui Ja recouvre. Les sucoirs que présente cette partie de la membrane externe, ne sont pas placés par amas comme sur le dos; ils sont évasés et d'un volame plus petit que les précédens. Au-dessous de cette membrane , s’en voit une seconde, parailèle à la première, qui renferme également un tissu des mailles hexagonales, mais qui ne possède point de suçoirs; on y remarque seulement des grains isolés, clairs comme de l’eau et peu distincts de ceux que forme la masse gélatineuse. L’intervalle entre la membrane médiane et celle du dos est plus grand que l'intervalle entre la premiere et la membraneabdominale.Ces deux intervalles sont remplis d’une masse gélatineuse claire comme de l’eau, qui renferme un grand nombre de grains isolés, semblables à des glandes’ Ces grains sont arrondis, d'une grandeur inégale, mais un peu moindres que les suçoirs de la surface supérieure; souvent cependant, la différence degrandeur est plus quede la moitié. Tous ces grains sont réunis par des fibres ou vaisseaux fort déliés, et non par des membranes. Le reste de la masse gélatineuse est trop trans- parent pour qu'on puisse en reconnaitre l’organisation; mais ce reste n’est pas trés considérable, et est parcouru par les gros canaux de l'appareil de la nutrition. On voit donc que le disque gélatineux des Méduses est une partie essentielle de leur orga- nisation ; mais le bord de ce disque présente encore une struc- ture plus compliquée. Sur le système des organes de la nutrition. L'ouverture buccale se trouve, comme on le sait, entre les quatre bras (là où il y en a quatre) sur la face ventrale de lani- mal ; elle est d’une forme carrée avec les angles dirigés dans la direction de l'insertion des bras. Cette bouche est composée d'un tube quadrangulaire et court, et les bras sont le prolonge- ment de ses angles; ils présentent chez la Medusa aurita une lon- gueur égale à celle du rayon du disque. Chaque bras se compose À EHRENBERC. — Sur les Æcalèphes ef les Echinodermes. 203 d’un cartilage central et épais, auquel se trouvent attachées deux lamelles membraneuses froncées dans toute leur longueur. Ces lamelles, ordinairement appliquées l’une contre l’autre, parais- sent simples, et rendent le bord onduleux; leurs parties latérales ont la faculté de s’élargir et de former des poches dont nous di- rons un mot à l’occasion des organes génitaux. La bouche se transforme supérieurement en quatre tuyaux courts correspondant à ces quatre angles, et retenus, dans une position divergente, par un prolongement cartilagineux et carré (et mon pas avec 8 côtés) formé par le disque cartiiagineux. Ce prolongement cylindrique et pyramidal présente 8 faces, dans le cas seulement qu’on compte les impressions que les quatre tuyaux font les uns sur les autres. Il est évident que ces quatre tuyaux sont autant d’œsophages; car ils conduisent de la bouche dans quatre estomacs amples et arrondis, d’une forme semi-glo- buleuse. Au-dessus d'eux, se trouvent les quatre cavités ovifères dans lesquelles on aperçoit facilement les ovaires, souvent d’une couleur violette et d’une forme semi-circulaire. Les quatre esto- macs ne sont pas en communication avec les ovaires; ils ne sont pas nettement séparés les uns des autres : leur communication se fait par les quatre œsophages, dont chacun aboutit dans deux estomacs. On pourrait par conséquent trouver 8 estomacs à ces Méduses, si on considérait comme tels l’évasement que pré- sente chaque œsophage avant que des’ouvrir dans les estomacs. Dans ce cas, il y aurait quatre premiers estomacs petits, et qua- tre estomacs proprement dits plus grands. Ou bien, enfin, on pourrait considérer l’ensemble comme un seul estomac qui au- rait quatre ou huit parties ou loges. Tous ces estomacs sont ta- pissés d’une membrane particulière, qui présente des petits grains (druses), mais point de vaisseaux, et qui s’insère sur le car- tilage gélatineux. La partie des grands estomacs qui regarde Îles ovaires, présente seule une paroi membraneuse libre, composée de deux membranes appliquées intimement l’une contre l'autre, et dont lnne appartient à l'ovaire et l’antre à l'estomac. Un grand nombre de gros canaux communiquent avec ces estomacs, en se dirigeant dans le sens du bord du disque. Ils appartiennent également au système desorganes de la digestion. 20/4 ERRENBERG.— Sur les Æcalèphes et les Echinodermes. Un vaisseau naît immédiatement dans la partie évasée de cha- que œsophage; il est ordinairement ramifié dichotomique- ment et se dirige vers le bord du disque. Dans chacan des. quatre grands estomacs naissent trois gros canaux qui se diri- gent également vers le bord du disque. Les deux canaux placés Jatéralement sont simples ; celui du milieu seul est ramifié et di- chotomisé. Ces seize gros troncs vasculaires et leurs ramifica- tions nombreuses, quelquefois anastomosées, se rendent tous dans le grand canal circulaire déjà connu, qui est placé sur le bord du disque. On presque généralement admis, de nos jours, que la bouche des Méduses servait en même temps d’anus, et on regardait les huit corps bruns placés sur le bord du disque comme étant ana- logues au foie. O. F. Muller a cru que c’étaient les points excré- teurs de l’intestin. Pour éclairer cette question, je me suis servi, comme dans beaucoup d’autres cas, du moyen si simple de l’eau colorée par des substances nutritives, et j'ai obtenu ainsi un ré- sultat tout autre. Lorsqu'on colore avec de l'indigo l’eau de mer dans laquelle on a mis des Méduses vivantes, on voit très facile- ment , au bout de vingt-quatre heures, tous les canaux qui ap- partiennent au système de la nutrition, tels que nous venons de les décrire. La bouche, les œsophages, les estomacs , les canaux abdominaux et les vaisseaux au bord du disque, se remplissent successivement d'un liquide de couleur bleue, tandis que les autres parties restent incolores, et que l'animal continue ses mou- vemens, Lorsqu'en coupe une portion du bord et qu’on l'exa- mine sous le microscope, on voit distinctement que les corps bruns sont restés invariables, tandis que les deux petits canaux placés à leur basese sont coloriés en bleu. En faisant cette expé- rience, je remarquai sur le bord du disque les points ex- créteurs que j'avais déjà anciennement observés. Ces points sont placés au milieu de l’espace qui sépare chaque paire de corps bruns sur ie bord du disque. Le vaisseau circulaire forme en ce point un petit sac, dans lequel j'avais déjà trouvé an- térieurement des fragmens de corps organisés, et qui main- tenant, par suite de la présence de la matière colorante, se montrait avec une très grande évidence. Chacun de ces points EmRENSERG. — Sur les À calèphes et les Echinodermes. 295 est l'extrémité de deux canaux simples, qui naissent isolément de chaque estomac. On voit très facilement les matières sortir de ces points pour peu qu’on tourmente les Méduses. J'ai sou- vent vu des enveloppes de Rotifères, des Mollusques microsco- piques et des Bacillaires renfermés dans ces petits sacs, compa- rables aux cloaques d’autres animaux. Comme les Méduses re- jettent ces matières, aussitôt qu’on les tourmente, on fait très bien deles observer dans des vases étroits, pendant qu’ellesnagent, ou bien dans des assiettes ou des verres de montre, sans les tou- cher beaucoup. à Je peux par conséquent affirmer comme fait que le Medusa aurila possède huit ouvertures excréteurs placées sur le bord du disque, et que par conséquent l'animal n'est pas privé d’anus. Il est probable queO.F.Muller a bien vu ces parties,mais qu’il a confondu les points de leur situation avec les corps bruns, car ces points présentent également cette couleur lorsque les ani- maux ont beaucoup mangé, et le nombre de points bruns sur le bord est alors de seize, dont huit sont des anus. Les canaux qui se voient sur la face ventrale des Méduses, sont par conséquent les ramificatious de l'intestin. Ils sont situés au- dessous de la membrane interne; cette dernière se recourbe au- dessous de chaque canal et se dirige vers la membrane ventrale pour se réunir intimement avec elle. Ces canaux sont placés par conséquent dans un sillon de la membrane moyenne ou interne sur la face de cette dernière qui regarde le dos. Tous présentent une membrane vasculaire très distincte et ils sont un peu plus épais sur leur côté ventral. On voit facilement le . mouvement des matières nutritives dans l’intérieur de ces ca- naux. Ce mouvement ressemble quelquefois à une circulation sanguine ; c’est ainsi qu’on l’a pris pour telle chez plusieurs Mée duses , Beroës, Alcyonelles et Sertulaires. Ce mouvement n’est cependant autre chose que la conséquence du mouvement péristaltique qu’exécute l4 membrane interne de l'intestin. Il y a de petits prolongemens intestinaux qui partent du canal dans le bord et se rendent dans la substance des fibres du bord; du reste ces prolongemens ne sont pas creux jusqu'à l'ex- trémité, mais bien solides. 296 EHRENBERG.— Sur les ÆAcalèphes et les Echinodermes. Sur le système musculaire. Jusqu'ici on n’a pas encore pu se bien expliquer le mouvement de la Medusa aurila, puisqu'on croyait qu’elle n’avait pas d’ap- pareils de mouvement, tandis que dans la réalité ces instrumens ne sunrt pas difficile à découvrir. Les canaux formés par les ra- mifications de l'intestin sur la face ventrale sont tous bordés par deux lignes déliées ordinairement d’un rouge pâle; et vus sous le microscope, on y a remarqué distinctement des strieslon- gitudinaies déliées. Lorsqu'on fait des coupes transversales, on reconnait que les canaux présentent sur le côté inférieur deux points épais qui correspondent aux lignes latérales rouges. On voit par conséquent que ces stries sont des muscles qui se diri- gent sur les deux côtés des ramifcations intestinales en les ac- compagnant partout. Il existe encore d’autres muscles. Chaque fibre du bord du disque est un tentacule, garni de sucoirs très contractiles et très irritables, Chacun de ces tentacules présente à sa base deux organes en forme de massue qui ont également une teinte rou- geâtre et qui ressemblent tout-à-fait aux muscles du pied des Rotifères. Ces muscles, en forme de massue, paraissent se con- tinuer dans toute la tr de ces appendices. Les tentacules de la cavité des œufs AA un appareil semblable? Il est bien probable qu’il existe dans les tentacules des bras, mais il y est si faible que je n’ai pu le découvrir. Peut-être cependant y manque-t-il entièrement; car le mouvement de ces filamens est beaucoup plus faible que dans les parties dont nous venons de parler. Sur le système de la génération. L'appareil des parties génitales femelles est très distinct chez le Medusa curita. On remarque quatre ovaires placés au tour de l'ouverture buccale, sur la face ventrale, immédiate- ment au-dessous des quatre grands estomacs. Leur forme est ordinairement demi-circulaire. Leur couleur est violette ou jaune très foncé; ils sont situés dans autant de cavités distinctes et leur — Sur les Æcalèphes et les Echinodermes. 297 position est telle qu’elles correspondent aux intervalles des quatre gros bras, et qu’elles alternent avec la base de ces derniers. Au milieu de chaque cavité se trouve une ouverture ronde ou ovale garnie intérieurement de tentacules pourvus de ventouses à leur extrémité. C’est par ces ouvertures que les cavités communi- quent librement avec l’eau extérieure. Chacun des ovaires demi circulaires se compose d’un tuyau simple et replié; il est d’un beau violet lorsqu'il est rempli de jeunes œufs; lorsqu'il est en partie vide ou qu’il renferme moins d'œufs ,etque ceux-ci sont plus développés, sa couleur est d’un jaune-brun. Les œufs ne restent pas dans l'ovaire ni dans l’oviducte jusqu’à leur entier développement; ils ne séjournent pas non plus dans la cavité ovifère, mais s’échappent par l'ouverture de cette dernière dans l’eau; ils sont repris alors par les tentacules et les deux lames des grands bras, et reçus dans de petits sacs qui se forment sur ces lames et qui sont dirigés de l’intérieur vers l’ex- térieur. C’est dans ces sacs que les œufs se métamorphosent et se développent. Les sacs ovifères existent dans une péricde et manquent dans une autre; ils disparaissent avec les œufs qu'ils renfermaient. Les œufs sont arrondis et présentent une enveloppe membra- neuse, mince et lisse, tant qu’ils sont dans l'ovaire; il paraît qu’ils sont remplis alors d’une masse violette, trouble, à grains fins. Les œufs renfermés dans les sacs des bras n’ont plus de coque et présentent trois formes singulières très distinctes. Les unes ressemblent à des baies de ronce, et leur couleur est d’un violet pâle; les autres ont la forme d’un petit disque épais, d’un violet pâle, et ils ressemblent à une petite Méduse, qui serait sans bras et F . 1: . . . et sans conduits nutritifs. Enfin, il en existe, et ceux-ci sont en plus grand nombre, qui présentent une forme cylindrique, tron- quée aux deux extrémités, et d’une couleur jaune-brun. Ces deux dernières espèces sont couvertes de cils très serrés et na- gent librement. Les plus grands parmi eux atteignent un dia- mètre de 178 de ligne.Les œufs conservent leurs coques jusqu’à la grandeur de 1724 de ligne. Quoiqu'il soit très probable qu’il existe aussi chez les Méduses des organes génitaux mâle, je n'ai pas pu jusqu'ici me con- a" 293 EHRENLERC. =— Sur es À calèphes et les Echinodermes. vaincre de l'existence d’organes distincts qui pourrait les repré- senter. La grande différence de forme que présentent les petits est fort frappante. Doit-on supposer que les mâles restent micros- copiques, tandis que les femelles seules prennent du volume? est certain que ce ne sont pas des parasites, car on les rencon- tre déjà dans l'ovaire; leur apparition est aussi trop régulière, trop périodique et trop générale pour admettre qu’il en soit ain$i, et ieur structure présente beaucoup d’analosie avec celle des autres germes ou petits. Sur la circulation et sur la respiration. Il est très probable que les anciens observateurs qui parlent d'un mouvement de sang chez les Méduses, ont pris pour cela le mouvement qui existe dans les matières nutritives renfermées dans les ramifications de l'intestin. Il est vrai que ces mouve- mens peuvent facilement induire en erreur, comme cela m’est arrivé à moi-même. Par suite de mes observations, je me suis convaincu qu'il existe chez les Méduses des globules distincts, ar- rondis, uniformes , sans couleurs, renfermés dans des canaux où ils accomplissent un mouvement de circulation. Près des petits corps bruns, sur le bord du disque, existe seul un mouvement véritablement circulatoire, exécuté par des globules semblables à des globules du sang. Mais ce mouvement a plus d’analogie avec ce quon voit dans le Chara qu'avec une véritable circulation sanguine. Le mouvement de ces globules est surtout distinct et ne manque jamais dans le pédoncule court qui porte les corps bruns dans le petit sac clair situé à sa base. Les globules du sang sont sans couleur, sphériques, simples et présentent un diamètre de 17288’, d’autres seulement 17300° deligne.Je ne pus apercevoir de communication entre les divers courans. Au reste, ces glo- bules sanguins ressemblent entièrement, par la couleur et la forme, même par la grandeur et le mouvement, aux globules qui, chez les Daphnies, appartiennent évidemment à la circu- lation sanguine. Il existe deux circulations sanguines chez les Daphnies, comme je l'ai déjà dit (Organes un Kleinsten RaumeI, EHRENBERG. — Sur les Acalèplhes et les Li hinndiohsns 299 p- 45.). Doit-on admettre qu'il ÿ en a huit distinctes chez les Méduses? Je n’ai pas pu m'en convaincre jusqu'ici. Les corps bruns, sur le bord de l’animal, étant des prolonge- mens libres, et comme dans leur pédoncule ou base, le mouve- ment en question ne manque jamais, ce qui n’a lieu ni dans les tentacules, ni dans les bras, je suis porté à admettre que ces pédoncules sont des organes branchiaux qui servent à la respiration. Nous verrons toutà-lheure que ces organes ont encore uue autre fonction, Sur les yeux et sur les nerfs. Il y a déjà bien long-temps qu’on attribue de la sensibilité aux Méduses; mais les recherches faites dans l'espérance de trouver des nerfs sont restées jusqu'ici sans résultats; et on admettait que chez les animaux petits et gélatineux la substance nerveuse est mélangée avec les autres tissus et non séparée. Quoique pendant mon séjour sur les bords de la mer Rouge, j'eusse déjà examiné bien des fois les corps bruns placés sur le bord du disque des Méduses , je ne suis parvenu cependant que dans le mois passé à reconnaître leur véritable nature et leurs fonctions. Ces huit petits corps, qui correspondent à la terminaison des troncs moyens des huit ramifications du canal intestinal, et qui présentent dans leur pédoncule court un mouvement de circula- tion, font voir encore d’autres faits d'organisation fort remar- quables. Chacun de ces corps se compose d’un petit bouton jaune, ovale ou cylindrique, fixé à un pédoncule mince. Sa forme générale approche beaucoup de celle de la verge. Le pé- donculeest attaché à un vésicule dans lequel on remarque, sous le microscope, un corps glanduleux, jaunâtre lorsque la lumiere le traverse, et blanchâtre lorsque cette dernière est réfléchie. De ce corps il part deux branches qui se dirigent vers le pédon- cule du corps brun jusqu’à son petit bouton ou tête. J'étais porté à admettre pendant quelque temps qu'il s'accom- plissait dans cet appareil des fonctions génératrices, c'est-à-dire qu'il y avait une véritable sécrétion de sperme au moyen du corps glanduleux bifurqué, et que, par des mouvemens du ! 300 EHRENBERG. — Sur les Acalèphes et les Echinodermes. disque, ce sperme arrivait à la cavité des œufs ouverte en bas. Cependant les observations subséquentes m'ont démontré qu'il n'en est pas ainsi. ' ù J'ai trouvé que chacun de ces petits corps bruns présentait un point rouge très distinct placé sur la face dorsale de sa petite tête jaune. Si maintenant je me rappelle mes autres observa- tions sur des pareils points rouges, faites chez d’autres ani- maux, je trouve que ceux des Méduses présentent beaucoup de ressemblance avecles yeux des Rotifères et des Entomostracés. Le corps bifurqué placé à la base du corps brun parait être un ganglion nerveux et ses deux branches peuvent être regardées comme des nerfs optiques. Les cristaux que nous décrirons bien- tôt, viennent à l'appui de cette opinion. En admettant ainsi des traces d’un système nerveux, je re- pris encore l'examen des parties du corps les plus irritables, et je crois y avoir trouvé encore d’autres nerfs. Mes recherches sur la partie située immédiatement autour de la bouche, ne m'ont pas montré l'existence des nerfs; mais j'ai vu tout le long du bord du disque, dans chaque intervalle que laissent les tentacules, un nœud à deux branches d’une couleur jaunâtre ou blanchâtre, dont la forme ressemblait beaucoup à celui décrit plus haut. Ces branches se rendent dans deux tentacules; j'ai pu les suivre pendant quelque temps dans la base de ces ap- pendices et m’assurer qu'ils sont situés sur le côté interne de deux muscles en forme de massue. Entre ces deux branches est placé le petit prolongement clos du canal nutritif marginal, lequel se remplit de matière colorante. Je ne dois pas passer sous silence une difficulté que je n'ai pas pu lever malgré tous les efforts que j'ai faits. Si en effet, les organes en question situés à la base des tentacules sont des nerfs, ils sont placés immédiatement dans le canal marginal du disque qui appartient au système des organes de la nutrition, et ils forment la paroi externe de ce canal. Mais il est pro- bable qu’ils sont enveloppés d’une membrane très déliée, qu'on n’a pas pu découvrir jusqu'ici et qui les sépare du canal, avec lequel ils sont au reste si intimement unis. J'ai trouvé encore un très grand nombre de nœuds placés EHRENBERG. — Sur les Æcalèphes et les Echinodermes. 3o1t à la base du cercle des tentacules et dans les cavités ovifères tout près de l’œsophage. Il m'a paru qu'il y a toujours deux nœuds pour un tentacule. En admettant que ces nœuds sont des nerfs, comme on peut le croire par la comparaison avec les nerfs optiques et ceux qui se rendent dans les tentacules du bord du disque, la distribution de la substance nerveuse serait à-peu-prés la suivante : Quatre groupes de nœuds nerveux placés autour de l’œæso- phage, dans les cavités ovifères à côté des ovaires, sonten com- munication intime avec autant de groupes de tentacules. Sur ie bord externe du disque tout près de la base des tentacules du bord , se voit une autre série de nœuds nerveux, interrompus de distance en distance par les huit corps bruns. Enfin il existe des nœuds nerveux isolés au nombre de huit placés à la base de chacun des huit corps bruns, et ils donnent naissance chacun à deux prolongemens filiformes (nerfs optiques) qui paraissent s’'anastomoser au milieu de leur trajet, à l’aide d’un prolonge- ment latéral. Les nerfs optiques et le cerveau des Daphnies sont baignés d’une manière très visible par la circulation sanguine. On voit des courans semblables autour des parties considérées comme des nerfs optiques chez les Méduses; il parait même qu'un mouve ment semblable accompagne ,tout le long du bord, les filets pris pour des ganglions et pour des nerfs. Les points rouges que je suis porté à considérer comme les yeux, se composent d’un pigment rouge à grains très fins: on voit très nettement la substance à laquelle la couleur est inhé- rente. C’est ainsi que se présente le pigment des animaux rayonnés et des Cyclopes. On le voit déja à l’œil nu, et tres faci- lement avec la loupe. Sur les cristaux découverts dans les yeux des Méduses. Déjà Gaede, ce monographe classique pour les Méduses, avait vu des petits corps hexagonaux dans l'intérieur des corps bruns, dont nous indiquons ci-dessns la position. Æosenthal a cru que c'était de la silice ou du sable, puisqu'ils ne faisaient pas effervescence avec l'acide sulfurique. 302 EHRENBERG. — Sur les A calèphes et les Echinodermes. La forme des corps bruns que je nommerai maintenant des yeux pédonculés, varie. J'ai trouvé souvent sur un même individu, des yeux avec une tête fort allongée et cylindrique; d’autres l'avaient très courte à peine bien développée. Le résultat de mes recherches à cet égard est le suivaxt: chaque œil pédon- culé regarde vers le dos et présente sur sa face inférieure un petit sac jaunâtre dont la forme varie et dans l’intérieur du- quel on trouve un plus où moins grand nombre de petits corps solides. Ces corps sont ordinairement cristallisés, clairs comme de l’eau; leur forme de cristallisation est celle du quarz, c'est-à-dire à six faces; dans d’autres cas, ce sont des prismes terminés avec trois ou avec six faces. Dans d’autres cas encore, ce sont des tables régulières à faces égales ou allongées, telles qu'on les voit dans le carbonate de chaux. Lorsque je versais de l'acide sulfurique sur les petits sacs, il y avait peu d'action. J'ai cru alors que c'était la membrane muqueuse qui empéchait l'acide d'agir; j'isolai donc ces organes, et je Îles écrasai avec un couteau. Aussitôt que je versais un peu d’acide sur les cris- taux ainsi mis à nu, ils se dissolvaient, la plupart en formant des bulles, et ils finissaient par disparaître. Les petites bulles se distinguaient souvent même à l'œil nu. On voit donc qu'il s’a- git ici de véritabies cristaux, qui présentent une grande ressem- blance avec les cristaux de carbonate de chaux, que j'ai décou- verts chez les amphibies et les mammifères. La forme des corps bruns ou plutôt des sacs jaunes, qui s’avancent sur les yeux varie selon la quantité des cristaux qu’ils renferment. La cou- leur jaune de ce sac vient de la membrane qui le forme et du mucus qui le recouvre. Sijecompare maintenant mesanciennes observations faites sur d'autres animaux avec celles-ci je vois qu'il importe de noter, que de semblables cristaux n’ont été trouvés jusqu'ici que dans le voisinage de la moelle épinière, du cerveau ou des organes des sens nobles. Il paraît donc que cette cristallisation peut ser- vir à nous démontrer le voisinage d’une matière nerveuse, EHRENDERG. — Sur les Acalèphes et les Echinodermes. 303 Coup-d'œil général sur l’organisation des Acalèphes. Le corps de la Medusa aurita présente une forme discoïde, et les systèmes organiques y sont arrangés d'une manière rayon- nante. La bouche est quadrangulaire, placée en dessous, et se prolonge par ses quatre angles dans autant de lèvres ou bras longs et froncés, qui à certaines époques portent les œufs. Il y a quatre œsophages et autant d'estomacs qui se continuent avec un intestin très subdivisé, formant les canaux si visibles sur la face inférieure de l'animal, et se réunissent enfin pour constituer le canal circulaire situé dans le bord du disque; voilà l’ensemble des organes de la nutrition. Il y a huit ouvertures excrétoires pla- cées sur le bord du disque entre les huit corps bruns, etil y existe huit points oculaires rouges placés sur autant de branchies (?) en forme de pédoncules, et dirigés vers le dos. On voit par con- séquent que lors du mouvement des Méduses, la direction du dos (qui est tourné en avant) n'est pas l'effet du hasard, mais bien une conséquence de l’organisation. Les yeux peuvent rentrer dans des gaines particulières, dont nous n'avons pas parlé parce qu’ils étaient connus. Le bord du disque est garni d’un très grand . nombre de tentacules placées chacune entre deux petits feuil- lets. Dans le point occupé par chacun des anus, on remarque un feuillet plus développé; toutes ces petites feuilles et tous les tentacules sont couverts sur le côté inférieur (abdominal) par une membrane libre, étroite et continue. La substance nerveuse est distribuée en plusieurs groupes, dont quatre sont placés au- tour de l’œsophage, et les autres sur le bord du disque. On re- | marque une circulation du sang qui a lieu dans plusieurs systèmes | séparés ; il n’y existe point d’organe central exécutant des mou- | vemens de pulsation. Un tissu de vaisseaux (?) très déliés, sans | circulation visible, trop fin pour ile passage des globules du sang, recouvre toute la surface du corps et pénètre dans son in- térieur. Quatre cavités sexuelles spéciales, garnies de tentacules, communiquent avec quatre ovaires repliés et en forme de tube. | Les œufs sont arrondis; leur enveloppe est d'abord lisse, mais 504 FHRENBERG. — Sur les Æcalèphes et les Echinodermes. disparaît plus tard, et se trouve remplacée paf des cils. Les bras et les autres organes externes des Méduses se forment plus tard. Les œufs rejetés par l'ovaire se développent dans les bras, mais ils n’y parviennent point à la forme des êtres adultes. Les petits ressemblent déjà tout-à-fait à la mère avant de parvenir à une grandeur de six lignes. $ 2. SUR LA STRUCTURE DE L'ASTERIAS VIOLACEA. Lorsque je me suis occupé à Wismar, sur le bord de la mer Baltique, de l’organisation des Acalèphes, j'ai trouvé en même temps l’occasion d'observer, vivans, de petits individus de l4#s- teria violacea. Je veux donner ici le résultat de ces observa- tions. Depuis les recherches classiques de M. Tiedemann sur les As- ries, on a admis généralement avec lni que ces animaux et les Oursins, comme les Holothuries, respirent dans la cavité interne de leur corps, et qu’ils absorbent à ce but de l'eau par des ou- vertures particulières. Déjà M. Carus a remarqué, il y a plusieurs années (1829) qu'il paraît exister chez l’Astérie de petites circu- lations de sang, distinctes les unes des autres et placées au des- sous des ambulacres. J'ai vu l’année passée, chez lÆchinus saxalilis de Ia côte de Norwège, que toutes les épines sont couvertes d'une mem- brane garnie de cils en mouvemens (1), et je me suis convaincu que chez lAsteria violacea tous les filamens qui garnissent le dos présentent une circulation interne; on y voit des globules tout semblables aux globules sanguins d’autres animaux. On re- marque cette circulation déjà avec la loupe. Vu sous le micro- (x) Comme les mouvemens vibratoires ont été dernièrement l’objet d'un travail particulier, je prierai mes lecteurs de ne pas oublier que j'ai pris, il y a déjà quelque temps, ces mêmes mouvemens comme caractère de tout une classe d'animaux, des Turbellaires, et que je l'ai vu dans l'intestin des Rotifères et des Naïades, abstraction faite des autres infusoires. Il est certain qu’on ne pourra tirer un résultat qu'après avoir examiné ce phénomène dans tout le règne ani- mal, Ce même mouvement vibratoire est un caractère de tous les Bryozoaires, par rapport aux Antozoaires. EHRENBERG.— Sur les Æcalèphes et les Echinodermes. 305 scope composé, on s'aperçoit que toute la surface de ces fila- mens ou tubes est garnie de cils en mouvement, exactement comme on les voit ordinairement sur les branchies. M.Tiedemann a déjà démontré l'existence d'un système vascu- laire pour ces branchies, et il est probable que ce qu’a vu M. Ca- rus existe aussi ici. Ayant découvert chez les Méduses des points rouges formant les yeux, je me suis mis à rechercher si les animaux qui nous occu- pent actuellement ne présentaient pas des organes analogues. En effet, j'ai trouvé plus que je ne présumais. J'ai rencontré bientôt un point d’un beau rouge, nettement limité, et situé sur la face infé- rieure du corps, vers l’extrémité de tous les cinq bras des Asté- ries vivantes. La manière suivant laquelle ces animaux portent cette partie, en la recourbant, m'a fait présumer bientôt que ces points étaient de véritables yeux. Ils sont composés d’un beau pig- ment. En les recourbant, ces animaux voient en avant d'eux, suivant la direction du bord de leur corps; c’est-à-dire, jus- tement dans le point le plus convenabie pour guider leurs mouvemens, Comme il est assez facile de découvrir les nerfs trouvés par Tiedemann, j'airéussi à les poursuivre avec le scalpel jusque dans la pointe des rayons, où j'ai trouvé un petit renfle- ment nerveux, placé tout près du point oculaire; ce dernier -étant même placé dessus, comme cela a lieu souvent chez les Rotiféères. (1) : On distinguait très nettement les fibres de la substance ner- veuse de celle des tendons qui les entouraient. Cependant leur diamètre n’était pas assez grand pour reconnaître si c'étaient des tubes. Il m’a paru que près des yeux, en avant du nœud, vers la bouche, il y avait des fibres nerveuses articulées ; tandis que je ne trouvais pas ces articulations dans les nerfs situés prés de la bouche. On pourrait donc croire que la partie la plus noble de la substance nerveuse se trouvait chez ces animaux, vers la pointe des rayons. Je n’ai vu des points semblables que dans les rayons de l'Asteria militaris, où M. Vahl les a déjà figurés dans (1) J'ai vérifié cette observation encore sur des individus rapportés de mon voyage et con= | servés dans l’esprit-de-vin, IV, Zoo, — Novembre, 20 306 DE FÉRUSSAC. —= Sur les Bélemnites. le Zoologia danica. Les grands individus conservés dans l’esprit- de-vin n'ont pas présenté des yeux colorés, ou bien le pig- ment s'était décoloré. Il est probable que toutes les espèces ne possèdent pas des pareils yeux; on sait que dans toutes les divisions du regne animal il y a des espèces sans yeux et d’autres pourvues de ces organes. Enfin, je ferai remarquer que le sac calcaire, décrit par M. Tiedemann chez les Astéries, ne renferme poiné de la chaux telle qu'il l'a entendu, mais bien un tissu serré de fibres cal- caires qui forment des mailles hexagones ou pentagones, dont les cavités ne renferment pas de chaux. L'organisation de cette partie rappelle celle du corps caverneux de la verge de l’homme. Il est probable que, par des nouvelles recherches sur sa struc- ture, on arrivera à quelques résultats intéressans. LETTRE sur LES BÉLEMNITES, adressée à M. le president de l’Aca-- clémiz royale des Sciences (séance de 16 novembre 1835), Par M. pe FÉrussac. J'ai pensé que l’Académie apprendrait avec quelque intérêt une nouvelle scientifique qui semble donner enfin la solution d’une question controversée depuis le moyen äge jusqu’à nos jours, dont se sont occupés les hommes les plus célèbres parmi les philosophes, les naturalistes et les géologues etqui dans l’ordre de faits auquel elle appartient, est certainement une des plus intéressantes dont la science se soit occupée. Je veux parler de l'origine et de la nature des Bélemnites, ces corps problématiques si nombreux dans les couches fossilifères, qui ont donné lieu à tant de contes populaires, que l’on,a rapportés, tour-à-tour, aux trois règnes et que, dans ces derniers temps même, M. Raspail a à revendiqués pour la classe des Radiaires. Je c rois devoir, avant tout autre détail, rappeler d'abord Ia | | | DE FÉRUSSAC. — Sur les Belemnites. 307 première annonce de cette nouvelle. Quelques membres de l'A- cadémie se rappelleront peut-être un article qui parut dans V'Echo du monde savant, du 22 mai dernier , lequel excita vive- meñtla curiosité des amis de la science, mais qui était tout-à-fait inintelligible pour eux. Je m'empressai de remonter à la source où cet article avait été puisé, et que l’'Echo avait eu le tort de ne pas indiquer, je découvris l’article original dans le Veues Jahrbuch zur Minéralogie und Geognosie de M. Léonhard , 2e cahier de 3835, p. 168. Cet article est l'extrait d’une lettre de M. Agassiz ainsi concu: « Jai découvert que les fossiles appelés par les paléontolo. « gues, à tort ou à raison, Onychoteuthis prisca, avec leur sac « d'encre, comme Zieten les a figurés sous le nom de Loligo, ne « sont que le prolongement antérieur d’une Bélemnite de l’es- « pèce appelée ovalis. Un échantillon de la collection de Miss «E. Philpot à Lyme Regis m'en a donné la preuve patente. Les « Bélemnites ont donc pour prolongement alvéolaire la plaque « appelée à tort ou à raison Onrychoteuthis, et ont dans leur in- « térieur le sac d'encre d’une Sepia. Donc les Bélemnites ne se « distinguent des Seiches que par un développement plus grand « de la pointe du bord supérieur de l'os des Seiches. » Malgré que la rédaction de cet article fût moins obscure que celle de l’article de l’'Echo, la confusion résultant de la réunion de lOnychoteuthis avec la Bélemnite,sans explication préalable, impossibilité quela plaque cornée de l'Onychoteuthis fût un pro- longement alvéolaire, laissaient un vague qui n’a pas permis aux naturalistes de s'arrêter à cet article, et de juger sainement la portée de cette découverte. Je me hâtai d'écrire à M. Agassiz à Neufchatel,pour réclamer de son obligeance les explications que mécessitaient l’article dont il s’agit; malheureusement il était en Angleterre, et ce n’est qu’hier, à son arrivée à Paris, qu'il a pu satisfaire ma juste curiosité. Avant d'arriver au fait observé par M. Agassiz, il est indispen- sable d'exposer les observations suivantes. M. Zieten et d’autres naturalistes allemands ont donné le nom de Lo/igo à des os de Sciches fossiles, au lieu de les appeler Sepia, ce qui a induit en erreur les personnes qui n'avaient pas vu ces fossiles ou leur A0 308 DE FÉRUSSAC. = 94/7 les Belemnites. figure, et leur a fait croire qu’il s'agissait de cette lame cartilagi. neuse que l’on nomme Æpée dans les Calmars, ou Zoligo.M.Rup- pel a cependant décrit et figuré sous le nom de Zoligo prisca,un fossile qui paraît être l'Épée d’un ZLoligo; mais, de son côté, M. le comte Munster a donné, à ce qu’il paraît, le nom d’Ony- choteuthis prisca à un fossile non décrit ni figuré : est-ce le Zo- ligo prisca de M. Ruppel, est-ce une autre espèce, on n’en sait rien. L’imbroglio résultant de cette fausse détermination du £enre deces fossiles, et du même nom spécifique appliqué à deux espèces de deux genres distincts, a été encore une cause de con- fusion dans Particle cité. Le fossile observé par M. Agassiz n’est point l'Épée d’un Loligo ni d’un Onychoteuthe, mais un corps très analogue à los interne de la Seiche; un véritable Sépios- taire qu'on aurait pu, par conséquent, désigner, pour être com- pris, sous le nom de Sepia. Ceci expliqué, voici ce que M. Agassiz a vu sur un très bel échantillon de la collection de Miss E. Philpot : un os ou Sépios- taire très analogue à celui de la Seiche, avec le sac à encre bien conservé; cet os se terminant, en arrière, sans solution de continuité, par un bel individu du Belemnites ovalis. Pour bien comprendre le rapport de ces deux corps, dont la contexture n’est sans doute pas semblable, il faut avoir sous les yeux le Sé- piostaire d’une des espèces de Seiches qui ont cet os terminé par ‘une pointe conique, assez longue, et qui fait saillie sur l’animal vivant,entre les extrémités des nageoires latérales.Cette pointe est ecouverte par la continuation de la peau du sac; elle est comme dans une gaine. Que l’on se RCRFÉS ARE, au lieu de cette petite pointe, une Bélemnite placée de la même manière, et l'or aura une idée exacte des rapports de ce fossile, dans l'animal vivant, avec son Sépiostaire. Seulement celui-ci, dans sa partie posté: rieure, doit être autrement organisé, puisqu'il parait former, vers cette partie, l’alvéole de la Bélemnite. Les minces parois de l'ouverture la Bélemuite, se raccordent sans doute avec lui en s’épanouissant. La figure et la description de cet intéressant échantillon peuvent seules nous éclairer sur les détails de cette organisation. C’est M. le docteur Buckland, à qui M. Agassiz a remis le dessin qu'il en a fait, qui s’est chargé de nous la faire DE FÉRUSSAC. — Sur les Belemnites. 309 connaître , et cette tache ne pouvait être adoptée par des mains plus habiles; son travail doit paraître sous peu, à ce qu'on assure. Ainsi donc, les Bélemnites sont certainement des corps inté- rieurs et, selon toutes les apparences, l'animal auquel ont ap- partenu ces fossiles était semblable à la Seiche, ou du moins très voisin. On peut croire en un mot, que c'était un Céphalopode de l’ordre des Acétabulifères, comme la Spirule, et formant en- tre elle et la Seiche un genre intermédiaire. Voici à ce sujet, ce que nous disions, page 84 de notre Hono- graphie des Céphalopodes de cet ordre. « Les Bélemnites etc. « semblentnedevoir laisser aucun doute, que c’étaient réellement « des coquilles intérieures, dont l’animal était infiniment plus « long que le test qu’il renfermait. Rien alors n'empêche de con- « sidérer ce fossile comme ayant eu un animal analogue à celui « de la Spirule, un Acétabulifère enfin; cependant dans l’incer. « titude où l’on est à ce sujet, et pour ne point déroger, sans « des motifs formels, aux idées admises, nous continuerons à « classer les Bélemnites dans l’ordre des Siphoniphères. » Qu'on se figure la taille des animaux de ce genre, auquel il nous paraît qu’on doit conserver le nom si vulgaire de Bélem- nites, dont le Sépiostaire était terminé par une pointeayant quel- quefois plus de deux pieds de long, puisque nous avons des Bélemnites non entières, qui ont cette dimension! Si l’on se re- présente un vaste sac surmonté par une tête couronnée par des appendices brachiaux qui soient dans la même proportion que chez nos Seiches actuelles, les longs bras devraient avoir six à huit pieds de longueur et peut-être plus; et que dire de leur innombrable quantité dans nos mers à l’époque géologique où ils vécurent à en juger par ces couches, ces roches toutes pétries de Bélemnites! 3r0 Æcademie des Sciences] ANALYSE des travaux anatomiques, physiologiques et z0olo- giques présentés à l'Académie des Sciences pendant le mois «e novernbre 1835. Séance du 2 novembre 1835. 1. Voyage de la Bonite. — Le ministre de la marine annonce que la corvette la Bonite doit partir le 1°* décembre de Toulon pour se rendre successivement au Brésil, aux îles Sandwich , dans les mers de l’Inde et de la Chine. Quoique ce bâtiment ne soit pas destiné à remplir une mission scientifique, si l’Académie jugeait utile de faire faire quelques recherches sur ces différens points, le com- mandant et l'état-major de /« Bonite s’en occuperaient avec soin. M. Arago ajoute qu'il s’est déjà mis en rapport avec quelques officiers de Z& Bonite, auxquels il voulait recommander certaines observations à faire, mais il craint que le peu de temps qui s’écoulera avant leur départ, ne leur permette pas de s’y préparer comme il conviendrait. L'Académie cependant nomme une commission chargée de rédiger la note des desiderata : elle se compose de M. de Mirbel pour la botanique; M. de Blainville pour la zoologie ; M. Cordier pour la minéralogie; M. Arago pour la physique générale; et M. Freycinet pour la navigation. 2. Développement des œufs chez les Anodontes et les Unios,. — M. de Blainville fait en son nom, et en celui de MM. Duménl et Geoffroy Saint- Hilaire, un rapport sur un travail de M. de Quatrefages. (Voir le rapport, p.283.) Séance du 9 novembre. 3. Mémoire sur Le vol et la natation des Oiseaux , par M.'Emile Jacque- min. — (Commissaires : MM. Duloug, Magendie et de Blainville). On attendra le rapport sur ce Mémoire pour en rendre compte, 4. Notice sur un genre peu connu de Lézards vivipares (Zootoca Waczer), et sur une nouvelle espèce de ce genre, par M. Cocteau. — Dans une lettre qui accompagne ce Mémoire, l’auteur s'exprime ainsi : « Cette notice a moins pour but de signaler la découverte d’une espèce nouvelle de Lézard vivipare indigène, que d'appeler l'attention de l’Académie sur une question assez importante de physiologie que cette observation soulève, savoir , l'influence des circonstances extérieures sur la durée de la gestation et sur le mode de parturition de certains reptiles, » Académie des Sciences. 31# Voici un extrait de-cette notice, qui la fera connaître suffisamment : « L'on s’accordait généralement à dire que tous les Lézards proprement dits étaientovipares ; lorsque J.-F. de Jacquin , fils du célèbre botaniste M.-J. de Jacquin, publia, en 1787, l'observation d’un Lézard qui, selon toute apparence, donna des petits vivans. Jusqu'en 1823, aucun erpétologue ne semble avoir fait attention à cette observation curieuse. Depuis même un trés petit nombre d'auteurs en a fait mention. G. Cuvier n’en parla nulle part. Milne Edwards, dans sa Monographie des Lézards , ne la cite point. Pourtant l'observation de Jacquin est rapportée de la manière la plus propre à porter avec elle une en- tière confiance. Quant à son importance, elle ne paraît pas douteuse. En effet , il ne peut être indifférent pour le physiologiste de voir dans un cas l'enveloppe de l’ovule douée de la faculté de sécréter une substance calcaire plus ou moins abondante, destinée à protéger le petit imparfait que la mère abandonne à une incubation solaire plus ou moins prolongce, et dans un autre cas la membrane extérieure de l'œuf, privée de cette faculté de sécrétion, rester molle et dia phane jusqu’à l’éclosion du petit, et l'embryon acquérant, dans l'intérieur même de l’oviducté, le degré de perfection qui le rend libre et indépendant, et des soins maternels et de l’incubation solaire à Vinstant où il quitte sa mère. « Cette différence dépend-elle des circonstances extérieures, et n’est-elle dès— lors qu'accidentelle et variable, ou bien dépend-elle de l’organisation particu= lière des individus, et est-elle constante et invariable ? « M. Cuvier a dit, en parlant de reptiles ovipares : « Il en est même des es- «-pèces que l’on peut rendre à volonté vivipares en retardant leur ponte, par «exemple, les Couleuvres que l’on prive d’eau, aiusi que l'a expérimenté «M. Geoffroy Saint-Hilaire. » Si ccia est, ilne pourrait être surprenant que le même fait se répétàt dans la famille des Leézards ; mais ce fait est contestable, car je tiers de M. Geoffroy lui-même, qu’il n’a pas suivi rigoureusement toutes les circonstances du fait. De plus, j'ai répété l’expérience sans obtenir le même résultat. J’ai conservé des Couleuvres à collier pleines, en les privant d’eau, et je n’ai paseu de parturition vivipare. « Quelques personnes assurent avoir observé la parturition vivipare des Cou— leuvres dans des circonstances différentes, et expliquent le phénomène d’une autre manière. En effet, on dit que c’est à époque des chaleurs que la partu- rition vivipare de la Couleuvre a lieu, et l’on ajoute qu’alors la circulation de ces aninaux étant plus active, le petit parvient à sa maturité avant que la mem- brane de l’ovule ait eu le temps de sécréter la substance calcaire. Mais dans cette supposition , il semble que la parturition vivipare devrait avoir lieu bier plus tôt dans l’arrière-saison, alors que le froid peut être préjudiciable à l'in- cubation solaire. Or, l'observation n’est pas d'accord avec cette explication , car c’est au mois de juillet en particulier que de Jacquin a observé son Lézard vivipare. « Aucun fait bien authentique ne pouvant donc autoriser à penser que læ parturition vivipare ou ovipare dépend de circonstances extérieures , il faut em 31a Académie des Sciences. chercher les causes dans des circonstances individuelles, et il est permis alors d'admettre que cette cause est constante et invariable chez les individus où elle s’observe, car il n’est pas vraisemblable, malgré la mobilité des lois de l'erpé— tologie à d’autres égards , que l'organisme produise indifféremment deux modes normaux de parturition si divers dans la même espèce. Il s’agit donc de savoir chez quelle espèce la parturition vivipare se rencontre, pour tâcher d'arriver ensuite à saisir la cause organique probable de cette particularité physiologique. Or, la discussion de ce qu'ont écrit à ce sujet les auteurs est loin de rendre claire cette question, qu'il est à craindre de voir rester long-temps encore sans être résolue. L'observation suivante, due au hasard , si elle ne l’éclaircit pas, pourra du moins appeler l'attention des naturalistes sur ce fait, et mettre sur la voie d’un travail plus complet. « Le 10 juillet 1835, dans le cours d’une excursion entomologique à la forêt d'Eu, M. E. Guerin aperçut, au milieu des clairières d’un plateau bas et argi- Jeux, une douzaine de lézards qui, à son approche, s’enfnirent avec promptitude sous les touffes d’herbages qu’une mare à demi desséchée avait laissées à sec; M. Guérin parvint à en prendre un, et le lendemain, lorsqu'il voulut l’examiner, il s'aperçut que l'animal rendait un petit qui se dégageait rapidement des débris d’enveloppes fœtales qu’il avait entraînés avec lui, et se mit à courir aussitôt avec la plus grande vitesse. En moins d’une heure, à quelques minutes d'in tervalle, ce lézard donna six à sept petits vivans; le ventre de la mère, dis- tendu fortement auparavant, revint au fur et à mesure sur lui-même, et la parturition parut terminée. Ce lézard fut conservé et vécut pendant une quin- zaine de jours, refusant de manger les mouches, fourmis et autres insectes qu'on Jui donnait, lappant seulement à sa manière un peu de lait qu’on lui offrait dans une petite cuillère ; mais il s’amaigrit bientôt à vue d'œil et fuit par mourir dans un marasme assez prononcé, les premiers jours d’août. Les petits vécurent quelques jours, se refusant à toute espèce de nourriture, rejetant même le lait que leur mère lapait avec plaisir, et moururent d’iuanition. « Le Lézard trouvé par M. Guérin est d'une taille un peu au-dessous de la moyenne de la famille; sa forme générale est svelte, élancée, sa tête petite, courte, déprimée; le museau médiocrement pointu ; la lame susorbitaire légère- ment saillante le canthus rostralis peu tranchant; l’asserculum peu profond, marqué jusqu’à la narine. Il a 10 dents à la mâchoire supérieure, 17 à l'in- férieure de chaque côté, point de dents palatines ; son cou est légèrement mar qué ; le tronc, qui a dû être renflé à sa partie postérieure , est plisse par le ma- rasme ct la rétraction des muscles de l'abdomen, mais n'offre pas précisément 1e sillon latéral enfoncé que l’on observe chez quelques Lézards ; la queue est assez grèle, les membres peu allongés et les doigts assez courts , proportion gar- dée, et peu inégaux…. « M. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire a rapporté du Mont-d’Or deux Lézards qu'il a trouvés près de la montagne du Capucin, et qui paraissent se rapporler au Lézard vivipare {dont il est question ici. On manque de renseignemens sur leur Académie des Sciences. 313 mode de parturition , il est vrai, mais les signes tirés de la disposition des pla- ques et des écailles s’y rapportent assez bien. De plus, ils ont avec lui une identité d'habitat, ayant été trouvés comme lui dans un endroit bas, herbagé et humide; cette circonstance est remarquable et caractéristique, les espèces connues des Lézards habitant presque toutes dans des lieux secs, arides et sa- blonne ux ; elle fait même pressentir l'harmonie de la nature qui semble avoir rendu ces animaux vivipares, afin que leur progéniture fût par là à l'abri de la submersion , suite d’une crue brusque et imprévue des eaux voisines de leur séjour, submersion à laquelle les œufs auraient pu être exposés pendant la durée de l'incubation spontanée. « En résumé, dit en terminant M. Cocteau, je crois qu'il faut considérer le Lézard vivipare de M. Guérin comme une espèce différente de celles qui ont été décrites jusqu'ici, et voisine du Lacerta stirpium de Daudin pour les ca- ractères généraux, mais distincte d’elle par le système de coloration et le mode de parturition, voisine aussi du Lacerta vivipara de de Jacquin, dont elle se rapproche par le mode de parturition, mais dont elle s’éloigne par la disposition des couleurs; que , par conséquent, ce Lézard doit constituer une deuxième espèce dans le genre Zootoca établi, avec raison, par Wagler, dansla famille des Lézards privés de dents palatines et à écailles dorsales subgranulées. » Séance du 16 novembre. 5. PaysioLocre ANIMALE. — Lettre sur le mouvement observé par M. Behn dans les pattes des insectes Hydrocorises, par M. Léon Dufour, correspondant de l’Académie. M. le docteur Behn de Kiel vient de faire insérer dans le dernier numéro des Annales des Sciences naturelles, t. 4, p. 5, un mémoire imttulé : Découverte d’une circulation du fluide nutritif dans les pattes de plusieurs insectes hé- miptères , circulation qui est indépendante des mouvemens du vaisseau dor- sal et se trouve sous la dépendance d’un organe moteur particulier. La lecture de ce titre complexe était de nature à stimuler vivement la curiosité d’un homme qui , depuis plus de vingt ans, s’adonne avec passion aux investigations anatomi- ques sur les insectes. « Malgré la saison avancée (novembre ), je m’empressai d'aller à la pêche des hydrocorises, ou punaises aquatiques, et je parvins, à ma grande satisfaction , à rencontrer des Corises, insectes qui précisément sont du nombre de ceux qui ont servi aux expérimentations du savant Allemand. Avant d'aborder l'article spécial relatif à ce que celui-ci appelle circulation du fluide nutritif dans les pattes, souffrez que je suive dans l’exposition de mes considérations la marche tracée par cet auteur. Dans un aperçu d’une érudition toute compatriotique, M. le docteur Behn cherche, en s'appuyant sur l'autorité de noms d’ailleurs fort re- commandables, à ramener à l'idée si controversée d’une circulation humorale, 314 Académie des Sciences. d’une véritable circulation dans les insectes. Question grave, question vitale dang la science zoologique ! ! « Signalons en peu de mots un des principaux buts physiologiques de la cir= con dans les animaux qui en sout incontestablement pourvus. Le sang où l'humeur analogue, mis en mouvement par l'impulsion des organes circulatoires vient se présenter successivement et par un double circuit à l’influence de l'air contenu dans les poumons ou les branchies, afin de subir par cette influence une ppération de chimie organique qui lui donne les qualités propres À servir, soit à l'acte important de la nutrition, soit à la stimulation des organes. La ir. culation et la respiration se trouvent ue dans une dépendance, une solidarité réciproques, et le maintien de la vie en est la conséquence. « Que se passe-t-il dans les insectes envisagés sous le même point de vue? Remarquez bien que je n’entends parler ici que des insectes proprement dits, des insectes hexapodes parvenus à leur état parfait. La respiration chez eux ne s'exerce point dans un organe circonscrit et limité dans un point du corps. JI n’y a, et ce fait ne saurait être contesté, ni poumons ni branchies. Ce n’est point par la bouche qu'ils respirent, ainsi que les grands animaux qui, comme eux; ingérent l'air en nature. Des ostioles uniquement respiratoires, ou, suivant l’ex- pression consacrée, des stigmates placés symétriquement le long des côtés du corps, inhalent lair atmosphérique et le transmettent dans des canaux, à parois plus ou moins élastiques, successivement divisés et subdivisés à l'infini comme les vaisseaux sanguins des animaux d’un ordre supérieur. Ces canaux sont les trachées. Par cette disposition anatomique, l'air est conduit, poussé jusque dans les derniers recoins des tissus organiques pour être ensuite exhalé lorsqu'il a perdu ses qualités vitales. Il y a donc dans les insectes une véritable circulation d'air, j'oserais presque dire une double circulation, et comme l'opération de chimie organique dont je viens de parler, ne saurait avoir lieu dans un creuset pulmonaire, passez-moi l'expression, puisqu'ils en sont dépourvus, c’est dans les trachées nutritives, qui constituent un ordre particulier de ces canaux aérifères qu'elle se passe. De là, une importante loi formulée par le grand homme dont la science demeure toujours veuve, par notre immortel Guvier ; qui, après des expérimentations décisives qui l'ont amené à se prononcer sans ambiguïté sur l'absence du cœur et d’une circulation humorale dans les insectes, a dit : Le Jluide nourricier ne pouvant aller chercher l’air, c’est l'air qui le vient cher- cher pour se combiner avec lui. & Dans mes Recherches anatomiques et physiologiques sur les Insectes hémiptères , travail qui a obtenu la sanction de l’Académie, et dans un autre ouvrage encore plus ctendu, qui a eu l’honneur d’être admis au concours actuel des prix Montyon, je me suis clairement expliqué sur la nature et les fonctions de ce que la plupart des naturalistes ont appelé vaisseau dorsal. Je me suis assuré de l’incompatibilité d’une circulation générale d’air avec une circulation de li quide, et j'ai démoniré la source des erreurs sur ce point. Je demeure encore aujourd’hui convaincu que le prétendu vaisseau dorsal n’est qu’un organe déchu Académie des Sciences. 315 de toute attribution physiologique, de toute espèce de fonction, qu'il n’est qu’un rudiment, un vestige du cœur des arachnides, qui précèdent les insectes dans le cadre entomologique, et qu’il ne doit compter que pour mémoire dans la série des appareils organiques de ces animaux. Les bornes d’une simple lettre m’inter- disent d’autres dcveloppemens sur cette question fondamentale , et je rentre dans la spécialité du mémoire de M. Bchr. « Comme lui j'ai constaté, soit avec le miscroscope simple de M. Charles Chevalier, soit avec le microscope composé de M. Rochette, dont l'usage m'est familier, un mouvement subisochrone dans l’intérieur des pattes des Corises vi- vantes, tantôt plongées dans l'eau, leur élément habituel, tantôt observées à sec dans l'air (1). Ce mouvement se reconnaît principalement dans la jambe et le tarse des pattes postérieures ; il est à peine sensible dans les pattes intermédiaires ; il l'est davantage dans les antérieures, sans l’être autant que dans les postérieures. Il s'exécute suivant un trajet linéaire, une lisière qui, de l'articulation fémoro= tibiale , se porte directement ou sans inflexion notable jusqu’à l'extrémité du tarse, mais plus rapproché du bord interne, auquel ilest à-peu-près parallèle, que du bord externe. Il n’a jamais lieu d’avant en arrière, ni d’arrière en avant, mais toujours dans le sens du diamètre transversal, c’est-à-dire suivant une ligne perpendiculaire à la longueur de la patte. Les saccades par lesquelles se mani- feste ce mouvement paraissent au premier abord régulières, mais, par une atten tion soutenue, on peut se convaincre qu’elles ne sont pas séparées par des in- terwalles égaux , et que parfois elles se suspendent tout-à-fait momentanément. IL n’y a là rien qui ressemble à une pulsation : c’est plutôt un mode d’oscillation, ou mieux une sorte de frémissement subintermittent. Vers l’origine de la jambe, le mouvement est vague, presque tumultueux, et représente un état de spasme. Il ne semble pas franchir l'articulation femoro-tibiale, et à peine distingue-t-on, au bord interne du bout correspondant de la cuisse, un obscur frémissement. « Quel qu'ait été le degré de grossissement de ma lentille microscopique, je n'ai jamais reconnu la présence d'aucun liquide, d’aucun globule obéissant à une force impulsive. Je w’ai point surtout, malgré une patience dès long-temps Kprouvée, aperçu la moindre trace des deux courans contraires que M. Bebn dit avoir constatés, Ce savant s’en serait-il laissé imposer par quelques mouvemens Sbrillaires, ou par une sorte de disposition un ‘peu rétrograde âu tissu palpitant Qui avoisine l'articulation femoro-tibiale , ou bien cela tient-il à l’habileté ou au bonheur de l’expérimentateur ? Judicent periliores ! « Maintenant que nous sommes d'accord sur l'existence d’un mouvement Spontané dans l’intérienr des pattes de la Corise, il se présente deux questions capitales , l'une anatomique, l’autre physiologique : « 1° Quelle est la nature de l’organe qui produit le mouvement? (x) Les deux espèces de Corises soumises à mes recnerches sont: 1° Corira strigata (Latr., Hist., vol, 12 , p.289), 20 Corixa hieroglyphica (Nob., Recherch. anat., ete., sur les Hémip= dères, p.86, pl. 7, fig. 85). 316 Académie des Sciences. « 2° Ce mouvement se rattache-t-il à une fonction circulatoire ? « Ma réponse sera collective et explicite. L’organe est un tissu contractile j musculaire , et le mouvement qui en est l'expression fonctionnelle, est étranger à tout acte circulatoire. « Siles mouvemens contractiles sont plus prononcés dans les pattes postérieu- res, moins dans les antérieures, et moins encore dans les intermédiaires, vous en trouverez précisément les raisons dans le degré comparatif de force et de mobi- lité de ces pattes. Ainsi, dans la Corise, insecte essentiellement aquatique, et des- tiné à être presque toujours suspendu entre deux eaux, les pattes de derrière , exclusivement natatoires , font l'office de rames par leur forme aplatie, leur lon- gueur, leur faculté de se placer en balanciers. Elles servent de nageoires, par les innombrables soies qui garnissent la jambe ainsi que le tarse, et qui sont suscep- tibles de s’étaler diversement au gré de l'animal. Ces pattes, toujours en exercice, et qui sont la garantie de l'existence de la Corise, devaient donc être plus riches en organes de locomotion et d'équilibre. Et qui pourrait compter les milliers de muscles destinés aux milliers de mouvemens de cet infatigable nageur ? Les pattes antérieures, uniquement préhensives, armées de crochets, de scies, de rateaux , pour saisir, déchirer et retenir une proie vivante, devaient avoir une puissance musculaire proportionnée à ce but essentiel de pourvoir à la subsistance de l'individu ; mais par la nature même de leurs attributions, elles étaient souvent vouées à un repos plus ou moins prolongé. Quant aux pattes intermédiaires, où les frémissemens intérieurs sont si difficiles à saisir, si obscurs, elles ne sont qu’ambulatoires, et demeurent habituellement inactives dans un insecte nageur par excellence. Dans le repos absolu de l'animal immergé, elles servent à fixer le Corps au moyen des longues pinces droites qui les terminent. Ce sont les ancres de la Corise. « Agréez, etc, » 6. Zoo1ocre. — Observations sur les Rhizopodes et les infusoires, par M. Dujardin. Cette note paraîtra dans le prochain cahier. 7- PALEONTOLOGIE. — Observations de M. Agassiz sur l’origine des Bélem- niles , consignées dans une lettre de M. de Férussac (voyez p. 306.) 8. PuysIoLociE ANIMALE. — Note sur le Cristallin, par MM. Cocteau et Leroy d'Étiolle. Les auteurs se sont proposé, dans leurs expériences, de constater les phéno- mènes de la reproduction du Cristallin chez certains animaux domestiques (le chien, le chat, le lapin). Séance du 23 novembre. Voyage de circumnavigation de la Bonite. Le ministre de la marine, desirant utiliser dans l'intérêt des sciences le voyage / L Académie des Sciences. 317 que doit entreprendre incessamment le bâtiment du roi a Bonite, s’est adressé à l’Académie des Sciences pour lui demander des instructions propres à guider les officiers qui monteront ce navire. Une commission mixte a été nommée ; M. de Blainville a rédige Les instructions suivantes pour la zoologie : « Dans le cours d’une expédition pendant laquelle un bâtiment de l’état doit parcourir des mers et toucher en différens points du continent qui n’ont pas en- core été explorés dans aucune des circumnavigations scientifiques précédentes, il serait sans doute fâcheux pour la science et pour nos collections publiques, que MM. les officiers ne pussent pas faire des recherches zoologiques, et recueil- lir les animaux qu'ils rencontreront. Toutefois, comme la nature du voyage de la Bonite , d'après la lettre même de M. le ministre, ne permettra malheureuse- ment que des relàches assez peu nombreuses et de courte durée, l’Académie se bornera à attirer l'attention du commandant et de l’état-major, plus spécialement sur un certain nombre d’animaux , en les invitant, s'ils ne peuvent se les procu- . rer eux-mêmes, à vouloir bien au moins les signaler aux amis de la science _ qu'ils pourront rencontrer. « L'Académie recommande d’une manière particulière de tâcher de se procu- rer à l'etat de peau et de squelette, et surtout conservés dans l’esprit-de-vin ; lorsque cela sera possible : « 1° Parmi les MAMMIrÈRES : « L’Orang-outang adulte, ou Pongo, de Borneo et de la Cochinchine. « La Guenon nasique, du même pays. « Le Gibbon hoolack, de M. Harlan, espèce de la Chine et remarquable par l'absence de callosites ischiatiques. « Le Tarsier, des Moluques. « Le Calcopithèque, des mêmes iles. « Le Gymnure de Sumatra, qui manque à toutes nos collections. « Les espèces d’Ours du nord du Mexique et des frontières de la Californie. « Les espèces de Loups et de Renards de ces mêmes pays, et entre autres le Loup rouge, ainsi que les Gbiais, les Antilopes, le grand Fourmilier tamanoir et les Sarigues du Mexique. « Le CAlamyphorus truncatus, espèce de Tatou fort singulière et qui n’est encore connue en Europe que par la figure et la description qu’en a données M. le docteur Harlan. « Le prétendu cheval bisulque, ou à deux doigts, de Molina, qui paraît d’a- près uue note de M. Gay, n'être autre chose qu’une espèce de chevrotain de la taille d’un cerf ordinaire. « Le Viscache et en général tous les petits quadrupèdes des genres Taupe, Mu- saraigne, Campagnol, Rat, trop généralemeut négligés par les voyageurs, comme ne différant pas des espèces européennes. « Les espèces de Cerfs du Mexique, et surtout deux assez petits ruminans à |cornes , l'Antilocapre de Ord et l'Antilope mexicaine, l’un dont les cornes sont fourchues, et l’autre dont les poils sont fort longs. 318 Académie des Sciences. « Les différentes espèces de Phoques à orcälles ou sans oreilles, et entre autres celle trouvée dans l'île San Lorenzo, au Pérou, par M. de Humboldt, @ Les Dauphins et les cétacés des parties plus ou moins septentrionales du grand Océan ont aussi besoin d’être étudiés, et l'Académie recommande, outre Jes dessins que l'on en pourra faire, d’en rapporter au moius la tête osseuse , où garnie de sa peau , ainsi que les pattes coupées au-dessus de l'articulation. € 2° Parmi les Orsraux, nous pouvons dire d’une manière générale que les espèces du versant occidental du Mexique et de la Californie, manquent assez généralement à nos collections. « Nous citerons entre autres un superbe Trogon , remarquable par un luxe de plumes, un peu comme chez les oiseaux de paradis, que M. de Humboldt a vu aux environs d'Acapulco, mais sars pouvoir se le procurer. « L’ornithologie des îles Sandwich , des Marianes , de la Cochinchine et même des Philippines, est également fort pen avancée, et très incomplètement repré sentée dans nos collections. l L'académie demande plus particulièrement à MM. les officiers de l'expédition le squelette du Chionis ou Bec-en-fourreau , qui se trouve assez fréquemmen aux attérages des îles Malouines ct du cap Horn. | « Quoique Za Bonile ne doive sans doute pas séjourner long-tempsau Bréal, et surtout dans ses parties septentrionales, il serait important que Fon voalût bien demander avec quelque instance, le squelette des deux espèces de Kami- chy, ainsi que ceux du Cariama, du Coq-de-roche, du Guacharo, de l'Hoa- zin, etc., et fâcher de se procurer aussi celui du grand Manchot, du Grébifoul- que, aux Malouines; du Phytotoma, des Tinochore et Attagys au Chili; du Gymnocéphale, du Gymnodère et du Tyran royal au Pérou; d'une nouvelle espèce de Manchot, découverte par M. de Humboldt, dans l'île San-Lorenzo près de Lima, et par conséquent dans les tropiques; de l'Héorotaire et du Psit- tacin aux îles Sardwich, squelettes qui, pour la plupart, sont encore entièrement inconnus, et qu'il serait utile de se procurer pour le perfectionnement des mé- thodes ornithologiques. & IL serait également fort avantageux pour Yornithologic de pouvoir observer et rapporter dans nos collections les œufs et les nids des espèces d'oiseaux qu'il sera possible de recueillir. € Parmi les reptiles, un des animaux les plus intéressans à se procurer serait Ja grande Tortue à cuir, qui vient quelquefois jusque dans nos mers européennes, et dont cependant nos musées ne possèdent qu’un fort petit nombre d'individus desséchés et dont le squelette est presque entièrement inconnu, où du moins ne fait pas encore partie de nos collections. & Il serait également curieux de rechercher, s’il existe, comme on l’a assuré à M. Lesson, une espèce de Crocodile dans les rivières du Mexique occidental. « Les différentes espèces de reptiles du Mexique, décrites dans ces derniers temps par M. Wiegman, dans son Æerpetologia mexicana , et parmi lesquelles l; + UuICrS, manquent: CnCeraiement a NUS plusieurs constituent des genres assez sinculic re) re) Académie des Sciences. 319 collections, et nous ne saurions trop en recommander la recherche à MM. les of- ficiers de l'expédition. : « Dans la classe des amphibiens, on remplirait des lacunes assez nombreuses en nousrapportant surtout les espèces de Salamandres terrestres ou aquatiques, en faisant des recherches sur l’Axolotl de M. de Humboldt, sur les Cécilies ou Serpens à peau nue, et principalement sur les Tétards et les métamorphoses des espèces américaines de cette classe. & Les espèces d'amphibiens qui habitent la Cochinchine et les Philippines nous sont complètement inconnues. « Quant aux poissons, outre les espèces qu’il sera nécessaire de recueillir, surtout dans la traversée du Mexique à la Cochinchine et à Manille, en ayant soin de noter les couleurs et les particularités qu’elles peuvent offrir, il faudra surtout tâcher de se procurer les espèces d’eau douce du Mexique, des Philip- pines, cten géneral de tous les pays où l’expédition pourra séjourner. Quant aux squelettes, qu'on pourra bien se borner à dégrossir et à sécher, il sera utile de signaler les sexes. « Parmi les insectes hexapodes , les Hyménoptères et les Diptères ont ete ge- néralement trop négligés dans la plupart des expéditions scientifiques: il serait donc important que dans celle-ci les recherches entomologiques fussent dirigées plus spécialement de ce côte. F « On peut en dire autant des Arachnides, des Myriapodes, des vers Annelides ou Chétopodes, des Vers proprement dits, des Intestinaux , des Lernées etautres parasites sur les Mammifères , les Oiseaux, les Poissons, animaux qui jusqu'ici ont éte fort peu étudiés. « Dans le type des animaux Mollusques, il en est surtout trois sur lesquels Académie desire plus spécialement fixer l'attention des officiers de l'expédition, savoir, ja Spirule, que l’on-n’a jamais rencontrée encore qu’une seule fois avec son animal; le Nautile flambé , sur lequel M. Owen a donné, il y a encore peu d'années, des détails intéressans, mais qui n’a encore été trouvé qu’une où deux fois, et enfin l'Argonaute, dans la coquille duquel on n’a encore rencontré qu'une espèce de Poulpe parasite. « Ces trois animaux, essentiellement de la mer des Indes, ne pourront sans “doute être observés qu’en pleine mer, et probablement aussi Gans des temps de calme parfait, et peut-être le plus ordinairement à Ja chute du jour. « L'Académie verrait aussi avec intérêt qu’it fût possible aux raturalistes de /& “Bonite de se procurer, sur les côtes du Chili, les animaux décrits et signalés par Molina, et entre autres les espèces du genre Seiche de Linné, dont quelques-unes paraissent être fort singulières. « Elle leur recommande en outre de ne pas négliger d'observer et de recueillir es coquilles microscopiques dont les animaux ne viennent à la surface de la mer que dans les temps calmes et à la chute du jour; ce qu’on peut faire assez aisément à l'aide de filets de gaze ou de crêpe noir, traînés à l'arrière du bâtiment, etfréquemment retirés et visitis, 320 Académie des Sciences. « En général, les animaux mollusques, terrestres et fluviatiles des îles Chiloë, Sandwich, Philippines, manquent à nos collections. « Les Zoophytes à polypiers flexibles les Pennatules , sont à-peu=près dans le même cas, et comme ils ont été assez négligés depuis l'expédition du capitaine Baudin, il est probable qu’on trouvera beaucoup de choses nouvelles, en s’en oc- cupant dans toutes les circonstances favorables. « Nous terminerons enfin nos recommandations au commandant et aux offi- ciers de /a Bonite, en les invitant à faire des recherches toutes les fois que l’oc= casion s’en présentera, sur la température des mammifères, des oiseaux ,; des reptiles et des poissons, en prenant les précautions convenables pour que les ex= périences soient exactement comparables, c’est-à-dire qu’elles soient faites sur les mêmes tissus, les mêmes organes ou les mêmes parties, la température exté— rieure préalablement estimée. « Nous demanderons aussi que l’on cherche à faire des expériences sur la na= ture des gaz contenus dans la vessie natatoire des poissons, pris à des profondeurs et à des latitudes déterminées et variées, ainsi que sur la phosphorescence que présente un grand nombre d'animaux marins de différentes classes ; phénomène encore si mal connu, surtout dans son étiologie. « Nous n'avons pas besoin d'ajouter que les recherches d'histoire naturelle devront comprendre l'espèce humaine, et qu'il serait, par exemple, fort intéres- sant de ne plus se borner à rapporter, pour nos collections, les crânes d'âge et de sexes differens des principales races ou variétés d'homme qu’on pourra ren- contrer, mais de tàcher d’y joindre les squelettes complets, et seulement plus ou moins dégrossis. « Il ne serait pas moins utile d'étendre, si cela était possible, les expériences demandées plus haut sur la température des animaux à l'espèce humaine, en re- cherchant si la chaleur des mêmes individus de l’équipage, transportés dans des climats si yaris que ceux par iesquels passera la Bonite, n’offrirait pas des dif- férences appreciables; mais pour que ces expériences fussent un peu concluantes, il faudrait qu'elles fussent faites aux mêmes heures de la journée, à la même dis- tance des repas, sur un certain nombre d'individus, d’âge et de tempérament déterminés, toujours les mêmes, soumis au même régime de nourriture , de vête- mens et même d'exercice corporel. « D’après les desirata zcologiques exprimés dans cette instruction, il est évi- dent que le moyen le plus propre pour y satisfaire serait que l'expédition pût, autant que sa nature et les circonstances le permettront, relâcher et sejourner au Brésil, à Buenos-Ayres, à l’île de Chiloë, au Chili, au Mexique, et même en Californie, aux îles Sandwich, à la Cochinchine , aux îles Marianes, aux Philip pines, et en général dans tous les lieux de sa route qui ont été peu ou point ex= plorés pour l’histoire naturelle; mais c’est à ce simple vœu que l'Académie doit borner sa mission. M. le Ministre et le commandant de l'expédition jugeront dans quelles limites il sera possible de le remplir. » MILNE EDWARDS. — Sur les Polypes. 3ot RecHERCHES anatomiques, physiologiques et zoologiques sur les Polypes, Par M. H. Mrs Evwanrps. De tous les animaux dont la mer fourmille, les Polypes sont peut-être ceux qui excitent davantage la surprise du vulgaire et l'intérêt du zoologiste. Les formes élégantes et variées de ces zoophytes raprellent si exactement celles des fleurs qu’au pre- mier abord on peut facilement se méprendre sur leur nature, et que pendant long-temps, en effet, les naturalistes les plus ha- biles les ont rangés à tort dans le règne végétal; leur tissu est si délicat et offre si peu de consistance, qu'à moins d’être étayés en quelque sorte par l’eau qui les baigne , leurs organes s’affais- sent sous leur propre poids; leur corps est en même temps si petit que, pour les bien apercevoir, l’œil doit presque toujours s’armer d’une loupe : et cependant parmi ces êtres si frèles et si minimes, il en est qui secrètent des masses pierreuses si dures et si grandes que même de nos jours ils élèvent du fond “de la mer des rescifs nouveaux, et qu'à des époques plus recu- lées, ils ont joué, dans les formations géologiques , un rôle im- portant; mais ce qui étonne encore plus, c'est de voir toute une colonie de ces petits êtres unie d’une manière si intime que par leur agrégation ils paraissent constituer un animal multiple, [dont les diverses parties vivent, à certains égards, d’une vie “commune, bien que sous d’autres rapports ils conservent toute leur individualité et peuvent même périr en partie, sans | que leur mort paraisse affecter en rien l'existence de leurs as- sociés. Des étres si singuliers ne pouvaient manquer de fixer l’atten- tion des observateurs, surtout après que Peyssonel eut dé- IV, Zoor. — Décembre, 21 322 MILNE EDWARDS. — Sur les Polypes. montré que loin d’être des fleurs marines, comme on le croyait, ils étaient bien réellement des animaux. Et, en effet, un assez grand nombre de naturalistes, parmi lesquels on doit citer en première ligne Bernard de Jussieu, Ellis, Pallas, Cavolini, La- marck, Lamouroux, M. Savigny et M. de Blainville, se sont li- vrés à leur étude et nous ont donné, sur l’organisation et la classification des Polypes, des travaux pleins d'intérêt; mais des difficultés inhérentes à des investigations de ce genre, qu'il est impossible de faire Join de la mer, n'ont pas permis à ces Z00- logistes habiles d'épuiser une mine si féconde, et l’histoire de ces zoophytes offre encore aujourd’hui bien des lacunes. Dans l'espoir d’ajouter quelques faits nouveaux à nos connais- _Sances relatives à cette branche de zoologie, j'en ai fait aussi le sujet de mes études. Mes premières observations sur les Polypes marins datent de 1827, et furent faites à Naples; l’année sui- vante, pendant notre excursion aux îles Chausay, je les continuai en commun avec M. Audouin; et l'été dernier, dans la vue de poursuivre encore ces travaux, j'ai fait un voyage sur les côtes de notre nouvelle colonie d'Afrique, où la pêche du Corail, pratiquée avec activité, me promettait d’abondans matériaux. Enfin, j'ajouterai aussi que je n’ai pas négligé l’examen des col- lections nombreuses de Polypiers, rapportées de presque toutes les mers par les voyageurs, et conservées dans le muséum du Jardin du Roi. (1) | Ce sont les résultats de ces recherches que je vais avoir Jhonneur de soumettre successivement au jugement de l’Aca- démie. (1) Je saisirai avec empressement cette occasion pour remercier de nouveau M. Valencien- nes de l’obliseance avec laquelle il ma donné communication de tous les polypiers qui se trou= vent, soit dans la collection publique du Muséum, soit dans les magasins de cet établissement. M. Hardouin Michelin m’a ouvert avec la même libéralité, sa collection particulière et a eu la complaisance de me prêter les espèces nouvelles dont je desirais publier des figures. | | | MiLNE EpwaRps. — Sur les Ælcyonides. 523 MEMOIRE sur un nouvear genre de la famille des Alcyoniens (genre Alcyonide ) Présenté à l'Académie des Sciences le 23 février 1835. En faisant pécher avec des filets traînans près du cap Matifou, à l’est d'Alger, je me suis procuré une petite masse de Polypes très remarquables, qui me paraissent avoir échappé jusqu'ici aux recherches des naturalistes, et qui se prêtent très bien aux investigations anatomiques. Ces animaux, auxquels je donnerai le nom d’#{cyonide vivent réunis en grand nombre sur un polypier mou, cylindri- que et allongé, qui est tantôt simple, tantôt divisé en plusieurs grosses branches, comme dans l'échantillon figuré dans nos planches (1). Ce polypier se compose de deux portions bien dis- tinctes que j'appellerai, pour éviter les circonlocutions, le tronc et le pied. Cette dernière partie, fixée par sa base à des fucus où à d’autres corps sous-marins, est de couleur brune et d’une tex- ture très consistante; elle ne présente pas de Polypes. L'autre portion , qui est terminale et d’une délicatesse extrême, est mem- braneuse, blanche, striée longitudinalement et divisée en bran- ches et en rameaux, dont les sommets se terminent par des Polypes semblables à des fleurs élégantes et d’une petitesse presque mi- croscopique. Ces Polypes eux-mêmes sont cylindriques, et leur extrémité libre s'élargit en une espèce de disque étoilé , composé “de huit gros tentacules pinnés, au milieu desquels on distingue ouverture buccale (2). Ces tentacules , ce disque et ce cylindre, sont semi-transparens et paraissent avoir la même texture que le tronc du polypier qui les porte. A la base de chaque tentacule, on remarque extérieurement quelques lignes saillantes disposées en pyramide, et à trayers les parois membraneuses des cylindres dont il vient d’être question , on distingue une tache jaunâtre et opaque qui nait de la bouche et descend en suivant l’axe du corps jusqu’à moitié chemin du polypier où elle semble se continuer avec plusieurs filamens longitudinaux. (1) Voyez pl, 22, fig, r. (2) Voyez pl, 13, fig a, ar, 32/4 MILNE EDWARDS. — Sur les .4leyonides. Si on observe ces zoophites à l’état vivant , on voit que chaque Polype jouit de la faculté d'exécuter des mouvemens individuels; tantôt ils étendent leurs tentacules ou les recourbent vers la bouche, tantôt au contraire ils les font entrer dans l'extrémité de leur corps cylindrique et se contractent même au point de se retirer en entier dans le tronc du polypier, comme dans des cellules, sans que leurs voisins changent de position; sous ce rapport, chaque Polype est indépendant de ses congenères, mais sous d’autres il n’en est pas de même, car il se manifeste quel- quefois dans le tronc du polypier des mouvemens généraux qui influent sur tous ces petits êtres, et qui déterminent leur re- traite simultanée; ils sont alors entrainés en bas et se cachent ainsi que le tronc lui-même dans la portion coriace du polypier, qui en forme la base ou le pied (1). Si les animaux sont vigoureux, il suffit pour déterminer cette contraction générale d’irriter for- tement un point quelconque du tronc du polypier; mais lors- qu'ils sont affaiblis par un séjour de quelques heures dans un vase rempli d’eau de mer, elle leur devient impossible et les mouvemens individuels sont les seuls qui persistent. La tige commune des Pennatules présente quelque chose d’ana- logue; on la voit quelquefois exécuter des mouvemens générauxde flexion et de contraction; mais je ne connais encore aucun exem- ple de Polypes agrégés fixes chez lesquels il se manifeste dans la masse polypifère des mouvemens communs. C’est un degré de plus dans l'intimité de leur union. Ces notions sur la forme extérieure et sur la manière de vivre de notre zoophyte aurait pu suffire pour le faire distinguer de tous les Polypes déjà décrits par les auteurs, et pour que les zoologistes lui assignassert une place dans nos classifications méthodiques; son histoire aurait été au moins aussi complète que celle de bien des animaux du même ordre: mais des connais- sances si superficielles me paraissent charger la science sans l’en- richir beaucoup, et pour rendre la découverte de notre Polype réellement utile aux progrès Ce l'actinologie, j'ai cru devoir en pousser l'examen plus loin et chercher si malgré sa petitesse (r) La brancher; fig, 5, est représentée daps cet état de contraction, MILNE E£DWARDSs. — Sur les Alcyonides. 325 extrême il ne me serait pas possible d’en étudier, par la dissec- tion, le mode d'organisation intérieure. Dans cette vue, je détachai de la masse commune un de ces Polypes, et l'ayant placé sous le microscope simple de Chevalier, instrument dont je ne puis trop recommander l'usage dans les recherches analogues, j'ouvris la portion cylindrique du corps de l'animal par une incision longitudinale de la manière indiquée dans lafigure 3 (planche 12). Je vis alors que la tachejaunâtre dont j'avais déjà noté l'existence était due à un tube cylindrique qui occupe l'axe du corps et qui s'étend de la bouche jusque vers la moitié de la portion libre du Polype. Ce canal alimentaire est ouvert à ses extrémités et présente intérieurement huit stries lon- gitudinales et une multitude de petits plis transversaux ; infé- rieurement il est un peu contracté et présente l'aspect qu'il au- rait si un sphincter le ceignait un peu au-dessus de son ouver- ture, mais je n’ai pu constater l'existence d'aucun muscle semblable. Enfin, cette ouverture contractile communique avec une grande cavité qui occupe tout le diamètre du Polype, et qui se prolonge inférieurement dans le polypier commun. Le calibre du tube digestif est beaucoup moindre que celui du corps de lanimai au centre duquel il est suspendu; cependant il n’y est pas libre, car huit feuillets membraneux d’une ténuité extrême, qui naissent de sa face externe et en occupent toute la longueur, se joignent par leur bord opposé à la face interne des parois du corps, et constituent ainsi, tout autour de l'intestin, des cloisons verticales correspondantes aux lignes intertentaculaires (1); par | leur extrémité supérieure, ces cloisons se réunissent au disque peristomien et elles circonscrivent de la sorte huit canaux longi- Mtudinaux qui se continuent sans interruption avec l’intérieur des | tentacules correspondans ; ces derniers appendices sont, en effet, entièrement creux et présentent de chaque côté de leur cavité une série de dix à douze petits trous, s’ouvrant dans les pin- | nules, dont leurs bords sont garnis (2). Inférieurement ces huit canaux communiquent librement avec la grande cavité abdomi- | (r) Voyerfig.3 et4, pl, 12. (2) Fig. 3 g'. 326 MILNE EDWARDS. — Sur les Ælcyonides. nale, située au-dessous du tube alimentaire et les cloisons qui les séparent entre eux se continuent avec huit replis membra- neux et longitudinaux, dont les parois de cette cavité sont gar- nies. Ces replis ne paraissent guère différer des cloisons dont ils proviennent qu'en ce qu'ils sont un peu plus étroits et restent libres par leur bord interne, de façon à faire saillie dans la cavité qui les loge; de même qu’elles, ils m'ont semblé être composés de deux lames membraneuses, d’une ténuité extrême, adossées l'une à l’autre et se continuant avec la tunique interne qui ta- pisse les tégumens communs. Dans leur point de jonction avec cette membrane, ces feuillets paraissent s’écarter un peu de ma- nière à laisser entre eux une petite lacune, d’où résulterait une espèce de vaisseau longitudinal occupant le bord de chaque repli. Enfin, dans le point où chacune de ces cloisons cesse d’ad- hérer au tube digestif pour devenir libre par son bord interne, on remarque un organe filiforme et très flexueux qui semble naître des parois de ce tube, et qui, après avoir décrit plusieurs circonvolutions, s’atténuent inférieurement de façon à se perdre bientôt dans l’épaisseur du repli qui les loge (1); ces organes in- testiniformes ont la même couleur que le canal alimentaire et pa- raissent avoir une texture glanduleuse. Le polypier commun, d’où sortent ces Polypes, se compose, avons-nous dit , de deux portions distinctes, le tronc et le pied. Par la dissection, on voit que le tronc est formé par l’assemblage d’un certain nombre de tubes membraneux, longitudinaux, parallèles entre eux et unis si étroitement qu’on ne peut les sé- parer. Le pied du polypier n’est autre chose que la continuation de ces mêmes tubes légèrement modifiés dans leur structure, ceux situés vers le centre de la masse offrent seulement un peu plus d'épaisseur dans leurs parois, mais ceux qui en occupent la périphérie acquièrent beaucoup plus de consistance, et leurs parois s’incrustent d’une foule de spicules fusiformes et de cou- leur brune. (2) Ces spicules, qui paraissent composées d’une matière cartila- (x) Fig. 3 4. (2) Fig. 5, pl.12, et fig. 8etg, pl. 154 MILNE EDWARDS. — Swr les .Ælcyonides. 327 gineuse et de carbonate de chaux, sont placées longitudinale- ment et donnent au pied sa solidité et son aspect particulier. Près de la circonférence de cette portion de la masse commune, on aperçoit aussi des fibres longitudinales qui paraissent être des tubes flétris par la compression que les parties voisines, en se développant, exercent sur eux (x). Enfin, par leur extrémité in- férieure, ces tubes disparaissent en s’atrophiant de la sorte ou en s’anastomosant avec un de leurs congenères; et par leur ex- trémité supérieure , ils se continuent avec la cavité abdominale des Polypes et logent ceux-ci lors de leur contraction. Ces tubes réunis en faisceaux sont évidemment analogues aux cavités dans lesquelles se cachent les Polypes des Alcyons, du Corail, etc. On donne généralement à ces cavités le nom de cei- lules polypifères et quelques auteurs les considèrent commeétant de ces espèces de coques on d’enveloppes plus ou moins distinctes des animaux; mais dans notre zoophyte, il suffit d’un examen superficiel pour se convaincre que ces loges ne sont autre chose que la continuation du corps des Polypes eux-mêmes. Les tubes du tronc du polypier sont en tout semblables à la portion libre du Polype, située au-dessous du canal alimentaire, et aucune ligne de démarcation organique ne les en sépare. Ce n’est donc pas dans des cellules polypifères que ces petits êtres se retirent comme le feraient des Serpules ou des Dentales; c’est dans eux- mêmes qu'ils rentrent par une sorte d’invagination, et le poly- pier qui semble les loger n’est que la masse formée par l’assem- blage de la partie basilaire de tous ces zoophytes. On admet assez généralement que chez les Polypes agrégésles matières nutritives prises par l’un de ces animaux profitent aussi à ses voisins. Cette opinion paraît être fondée uniquement sur quelques observations faites sur les Sertulariées, et une pareille communauté de nutrition n’a pas, que je sache, été constatée chez aucun Polype d’une structure plus compliquée et analogue à celle de nos Alcyonides ; on ne sait non plusrien de précis sur les rapports que ces êtres agrégés ont entre eux; et même en admettant , par analogie, cette union intime, -on aurait encore à (1) PL 13, fig, 8 a, 328 MILNE EDWARDS. — Sur l2s {lcyonides. se demander si, chez les Alcyoniens, le transport des matières nütritives se fait d’un Polype à un autre par une simple imbibi- tion ou par toute autre voie. Pour résoudre ces questions à l'égard de nos Alcyonides, j'ai poussé, à l’aide d’un tube mince de verre tiré à la lampe, un li- quide coloré dans la cavité abdominale de l’un de ces petits Po- lypes. L’injection s’est répandue aussitôt dans toute la longueur du corps tubiforme de l'animal, et a passé en niême temps dans celui des Polypes voisins. Or, cette cavité abdominale commu- nique avec le canal alimentaire faisant suite à la bouche, et par conséquent les matières nutritives avalées par un de ces Polypes doivent bien réellement pouvoir se distribuer aux divers mem- bres de ces singulières colonies, et ce passage se fait si facilement qu’il doit suffire à l’un d’entre eux de manger pour que tons ses voisins se nourrissent avec lui. Les voies par lesquelles cette communication s'établit sont aisées à découvrir, pourvu que l’on fende, sous la loupe, le corps d’un Alcyonide dans toute sa longueur. On voit alors que quel- ques-uns de ces animaux, dont le corps tubiforme se prolonge très loin dans la masse commune, s’y terminent en cul-de-sac, mais d’autres ne se continuent pas au-delà du point oùils se joi- gnent à leurs congenères, et alors la cavité dont leur corps est creusé au lieu de se rétrécir peu-à-peu et de disparaitre, conserve son calibre primitif et se continue sans interruption avec celle d'un autre Polype plus gros, dont la portion basilaire descend plus bas(i). Les cavités abdominales de ces animaux réunis de la sorte constituent par conséquent une espèce de tube ramifié, et le petit groupe de Polypes ainsi en connexion ressemble à un animal qui aurait un seul corps et un seul estomac, mais plu- sieurs têtes et autant de bouches. Pour me rendre compte te la manière dont ces rapports sin- guliers et si intimes s’établissent entre les divers membres de ces communautés, j'ai étudié leur mode de développement. Sou- vent on voit sur la surface-du corps d’un Polype adulte un tu- bercule qui ne parait être d’abord qu’un petit appendice cœcal (1) Fig, 6, pl. z3, MIUNE EDWARDS. — Sur les Ælcyonides. 329 des tégumens; on ne distingue à son extrémité aucune ouver- ture, et la cavité dont il est creusé communique librement avec la cavité abdominale de l'individu sur lequel il se déve- A à Or, ce prolongement tégumentuaire n’est autre chose qu'un jeune Polype 26 se forme comme un bourgeon. Lorsqu'il arrive à un degré plus avancé de développement, les tentacules apparaissent et le tube alimentaire se montre; enfin, le jeune animal devient, par sa forme extérieure et par sa taille, semblable au Polype dontil provient. Cette espèce de végétation n’a pas lieu dans tous les points de la surface tégumentaire. Les bourgeons reproducteurs ne se forment que sur le trajet des lamelles membraneuses, dont nous avons déjà signalé l'existence, et l'ouverture basilaire du jeune Polype est toujours placée de manière à interrompre lun des replis longitudinaux de la cavité abdominale dont il naît. (r) La reproduction par bourgeons, dont nous venons de décrire les principales phases, n’est pas le seul mode à l'aide duquel les Alcyonides se multiplient. Ils produisent aussi des ovules ou gemmes propres à propager au loin leur race sédentaire; et, chose remarquable, ce sont précisément les parties susceptibles de donner naissance à cette espèce de végétation qui remplissent aussi les fonctions d’ovaires. C’est, en effet, dans l’épaisseur des replis membraneux, dont nous venons de parler, que se déve- loppentles gemmes(2); en grossissant, ils font saillie à leur surface, bientôt n’y tiennent plus que par un pédoncule et enfin s’en dé- tachent et tombent dans la cavité abdominale, d’où leur sortie est facile par la bouche de l’animal. Aucun ovule ne prend nais- sance sur la portion des parois abdominales, comprise entre ces replis longitudinaux, et dès-lors on doit considérer ces lamelles comme étant les ovaires des Alcyonidss. En voyant le même organe donner tantôt des bourgeons, tantôt des gemmes , on est naturellement conduit à se demander la cause déterminante de cette différence dans les résultats de son travail reproducteur. (x) Fig. 6, pl. 13. (2) Voyez fig. 2, 5 ets. 330 MILNE EDWARDS. — Sur les Ælcyonides. L'observation des points où se forment ces deux ordres de produits me semble jeter quelque lumière sur cette question. En effet, j'ai vu que dans les points où le corps du Polype n’est pas encore emprisonné dans la masse commune du polypier, il se ra- mifiait en quelque sorte par le dévelonpement du bourgeon à sa surface externe et ne produisait point d’ovules par sa surface in- terne, tandis que dans le pied du polypier où les animaux sont intimement unis entre eux par la surface externe de leur corps, et sont emprisonnés dans une sorte de gaine résultant de l’en- roulement de la périphérie du polypier, et où, par conséquent, des obstacles mécaniques s'opposent à cette espèce de végétation; là, dis-je, il ne se forme point de bourgeonsextérieurs,maisdesovules qui font saillie dans la cavité interne de ces petits êtres. D'après cela, ne serait-on pas porté à croire que ce sont ces obstacles mécaniques d’une part, et l'excitation plus ou moins vive occa- sionée par le contact des liquides dont l'animal est baigné, d’une autre part, qui déterminent ces différences, et que la membrane remplissant les fonctions d'ovaire produit indifféremment des ovules ou des bourgeons, suivant qu'elle trouve moins de résis- tance et qu'elle est plus stimulée du côté interne ou du côté ex- terne des parois de la cavité abdominale ? Les détails dans lesquels nous sommes entré relativement au développement des bourgeons expliquent comment un seul Polype, en se multipliant, peut former la masse poly- piaire compliquée dont l'étude vient de nous occuper , com- ment la continuité organique s'établit entre tous les membres de cette espèce de communauté, comment la cavité abdominale de l'individu primitif devient commune à tous ses rejetons, en un mot, comment les petits êtres ainsi réunis ressemblent à un seul animal multiple, plutôt qu’à un assemblage d'individus distincts. Mais, par les progrès de l’âge, cette fusion si intime diminue peu-à-peu. La communication entre la cavité abdominale des divers polypes dont la portion basilaire descend jusque dans le pied, est d’abord interrompue par les ovules dont le fond de ces cavités (1) seremplit, et plus tard la pression des parties voisines () PL r2, fig. 5. MILNE EDWARDS, — Sur les Ælyconides. 33t en affaisse les parois, et fait cesser tout passage entre le Polype dont le tube abdominal est ainsi oblitéré, et le Polype dont il a pris naissance. Le polypier , au lieu de ressembler à un arbre dont toutes les fleurs se tiennent et communiquent par des par- ties communes, pourrait alors être comparé à un bouquet que l’onaurait fait en coupant les branches plus ou moins rameuses de la plante et en les rassemblant en un faisceau. Les divers groupes de Polypes réunis dans un même Polypier deviennent aïors indépendans des groupes voisins, et on conçoit facilement que, par la suite, chaque polype pourrait ainsi s’'individualiser complètement. | L’état dans lequel nos Alcyonides communiquent librementen- tre eux et ont unenutrition commune, pourrait donc être consi- déré comme ur simple arrêt de développementet, d’un autre côté, le développement complet de l'animal ou son individualisation, si l’on peut s'exprimer ainsi, n’est qu’un phénomène, pour ainsi dire accidentel. | Sous le rapport du mode de reproduction et du mode de formation des Polypiers, notre zoophite nouveau ressemble assez aux Alcyonneiles, dont, du reste, il diffère beaucoup par sa structure, et, à cet égard, nos observations s'accordent très bien avec celles faites il y a quelques années par M. Raspail sur ces Polypes d’eau douce. Les organes intestiniformes que nous avons remarqués au- dessous du tube digestif, et que l’on avait déjà vus chez d’autres Polypes voisins de celui dont nous nous occupons ici, ne sont évidemment pas des ovaires , commeda plupart des auteurs sem- blent le croire : nous avons constaté en effet que les ovules se forment ailleurs. La grande simplicité du travail reproducteur chez tous ces animaux, ne permet guère deles regarder comme des organes mâles destinés à féconder les ovules, et il me semble plus rationnel de les considérer comme organes sécréteurs analogues aux canaux biliaires des insectes. Lorsque ces polypes s'étendent, on voit souvent leur bouche se dilater et l’eau ambiante y entrer. Ge liquide et les matières alimentaires qu'il tient en suspension pénètrent ainsi dans le tube digestif et passent ensuite dans la grande cavité abdominale, 332 MILNE EDWARDS. — Sur les Alcyonides. d’où ils remontent jusque dans les tentacules, par les huit ca- naux placés autour du tube alimentaire. Il en résulte que la membrane mince et diversement repliée dont le corps de ces animaux est formée, est baignée partout, en dedans comme en dehors, par l’eau nécessaire à leur respiration, et que toute sa surface interne reçoit le contact des matières alimentaires plus où moins élaborées par leur séjour dans les cavités digestives. Il ma semblé aussi que ce liquide circulait dans des canaux capillaires et ramifiés creusés dans les parois du corps, mais ie n'oserais l’affrmer. Les polypes dont je viens d'entretenir, peut-être trop lon- guement, l’Académie, ont la plus grande analogie avec les z00- phytes figurés par M. Savigny sous le nom de Veptées ,et serap- prochent beaucoup de quelques espèces découvertes par MM. Quoy et Gaymard dans l'Océan indien, et rapportées, mais à tort, par ces naturalistes, au genre Cornularre. De même que tous ces animaux, ils appartiennent à la famille des Alcyoniens, mais ils nous paraissent mériter d’y former un genre nouveau, que nous désignerons sous le nom d’Æ{cyonide. Les caractères suivans suffiront pour le distinguer des autres polypes Sarcinoïdes. Polypes de la famille des Alcyoniens, pourvus de huit tenta- cules pinnés sur un seul rang ; complètement rétractiles, et for- nant par leur réunion une masse commune, (ou polypier), cylin- drique, composée de deux parties distinctes ; lune basilaire, char- nue, garnie de spicules calcaires, non retractile, et adhérente par son extrémité inférieure ; l’autre terminale, membraneuse et ré- tractile. | L'espèce que nous venons de décrire pourra porter le nom d’Alcyonide élégante. : EXPLICATION DES PLANCHES XII ET XII, Fig. x (pl. 12). Un groupe d’Aleyonides fixé sur une plante marine, de grandeur naturelle. Sur deux des grandes divisions de ce polypier , les animaux sont entièrement développés, tandis que dans Ja troisième (e), toute la portion molle du polypier est contractée et rentrée dans la portion basilaire.—a, tige sur laquelle le Polypier est fixé ; 4. piea ou portion basilaire du Po- lypier; c. tronc ou portion membraneuse du Polypier ; d. rameaux polypifères ; f. taches jau- xätres occasionées par la présence d’osules dans la portion inférieure du tronc du Polypier. . | ü — | | : MILNE EDWARDS. — Sur les {lcyonides. 333 Fig. 2 (pl. 13). Une portion de l’un des rameaux très grossie; a. l’un des polypes épa- noui; . un polype dans l'acte de se contracter ; c. le canal digestif vu par transparence à travers les parois du Corps ; d. portion du corps qui correspond à la partie supérieure de la ca- vité abdominale du polype; e. stries longitudinales correspondantes aux cloisons verticales ; f. appendices filiformes du tube alimentaire vus par transparence; g. lignes saïllantes situées à la base des tentacules et formées par des spicules cartilagineuses brunâtres ; k. ovules vus par transparence. v Fig. 3 (pl.r2). Portion terminale de l’un de ces Polypes considérablement grossie, et ouverte longitudinalement pour montrer son organisation intérieure. a. tentacules ; &. bouche; c. ca- nal alimentaire ; d. guxgiure inférieure du canal ; e. partie supérieure de la cavité abdominale ; f. cloisons membraneuses qui se portent du tube digestif aux parois de la cavité dans laquelle il est suspendu (les unes sont en place, les autres fendues longitudinalement); f°. replis longitu- dinaux des parois de la cavité abdominale formés par la continuation de ces cloisons; g. canaux qui entourent le tube digestif et vont aboutir dans les tentacules; g”. l'un de ces tentacules ou- vert pour montrer les trous par lesquels leur cavité communique avec l’intérieur des pinnules ; h. quelques-uns des groupes de spicules situées à la base des tentacules ; £. appendices filifor- mes du tube alimentaire. Fig. 4 (pl. 12). Coupe transversale du corps de l’un de ces arimaux, pour montrer la ma- nière dont les huit replis longitudinaux (f) se fixent autour du canal alimentaire (c), et con- stituent autant de tubes longitudinaux (d) qui s'étendent de la cavité abdominale (e) jusque dans l'extréinité des tentacules, Fig. 5 (pl. 12). Section transversale de la portion basilaire du polypier. On voit la manière dont la cavité abdominale des Polypes s’y continue, aves ses replis longitudinaux, et les gemmes qui la remplissent. Fig. 6 (pl. 13). Un des rameaux ouvert pour montrer la communication entre la cavité abdominale du polype principal et l’intérieur des jeunes qui en naissent; les trous ainsi formés se trouvent sur le trajet des replis longitudinaux qui remplissent les fonctions d’ovaire. Fig. 7 (pl. 15). Portion inférieure de l’un de ces replis détachée des parois de la cavité abdo- minale, pour montrer la manière dont les ovules ou gemmes s’y développent. Fig. 8 (pl. 13). Une portion de l'enveloppe externe du pied du polypier; a. tubes membra- neux formés par la partie inférieure de la cavité abdominale de quelques polypes, flétrie ; b. spicules qui encroûtent cette partie du polypier. Fig. 9 ‘pl. 13). L'un de ces spicules grossi davantage. OpsrnvaTions sur les Alcyons proprement dits. Présentées à l'Académie des Sciences, le 23 février 1835. ” Le nom d’Alcyon, tiré de la mythologie, a été employé par les anciens pour désigner diverses productions marines de forme arrondie qui, arrachées des flanes des rochers par l'ac- tion des vagues, viennent flotter à la surface des eaux ou sont rejetées sur la plage. Les naturalistes modernes l'ont également consacré à un groupe de zoophytes qui, ainsi que lobserve 334 MILNE EDWARDS. — Sur les Ælcÿors. le judicieux Pallas , semblent tenir à-la-fois des Éponges et des Gorgones; mais pendant long-temps on a réuni dans cette divi- sion une foule d’élémens hétérogènes, et aujourd'hui les divers auteurs donnent ce nom à des genres qui different extrême- ment entre eux. Ainsi, pour Lamarck et Lamouroux, les Alcyons sont des Spongiaires, tandis que pour Cuvier, ce sont les Po- lypes à huit bras dentelés dont les intestins se prolongent dans la masse commune des ovaires, laquelle s’élèveren troncs ou en branches garnis d’une croûte dure et coriace, zoophytes dont M. Savigny avait formé le genre Lobulaire; enfin ce même nom d'Alcyon a aussi été appliqué à une nouvelle division générique dans laquelle aucune des espèces décrites jusqu'alors comme des Alcyons ne prennent place. Il en est résulté une confusion extrême dans l'histoire de tous ces êtres, et pour y couper court, il aurait été peut-être bon d'abandonner complètement un nom dont l’acception varie tant; mais d'un autre côté ce mot, étant devenu d’un emploi presque vulgaire, on ne peut que difficilement le rejeter de la science eton doit se borner à en régler convenablement l'emploi. Pallas, dont les écrits font époque dans l'étude des polypes, définit les Alcyons, des zoophytes dont le polypier poreux à l'intérieur et garni d’une croûte externe, présente des oscules subradiés, et des polypes à tentacules ciliés; effectivement toutes les espèces les mieux connues alors offraient ce mode d’orga- nisation. Il nous parait donc évident que c’est aux animaux qui présentent ces caractères, qu'il faut conserver le nom d’Al- cyon, et exclure de ce genre les êtres qui manquent de po- lypes proprement dits, ou qui sont conformés suivant un autre type d'organisation. C’est la marche qui a été suivie par Cuvier, et c’est celle que nous adopterons ici, car nons ne voyons au- cune nécessité de remplacer ce nom par celui moins générale- ment connu de Lobulaires. Les Alcyons proprement dits, ou Lobulaires, sont peut-être de tous les polypes ceux qu’on a le mieux étudiés. Observés avec soin par Bernard de Jussieu (1), et mieux encore par Ellis (2), : (r) Mém. de l’Acad. des sciences, 1742. (2) Transact, philos. de la Soc. royale de Londres, t, 53,'etc. MILNE EDWARDS. — Sur les Alcyons. 335 ils ont été soumis aussi à l'investigation de Spix (1), de Lamou- roux(2), de M. Savigny (3), de M. Grant (4), de M. Delle: Chiaje (5) et de MM. Quoy et Gaymard (6). Enfin, pendant notre visite aux îles Chausay, nous nous en sommes occupés conjoin- tement avec M. Audouin, et nous avons eu l'honneur d’en en- trétenir l’Académie, il y a environ 8 ans. (7) Ces diverses recherches ont fait connaître le mode général d'organisation des Alcyons, et ont dévoilé des faits d’un grand intérêt pour la physiologie de ces Polypes. Mais les auteurs ne s’accordent pas parfaitement entre eux relativement à plusieurs points anatomiques, et il existe encore dans l’histoire de ces zoophytes trop de lacunes pour qu’on puisse négliger l’occasion de les soumettre à de nouvelles investigations. L’Alcyon palmé figure depuis long-temps par Aldrovande sous le nom de Main de mer (8), est très commune aux envi- rons d'Alger, et il n’a été facile de l'y étudier à l'état vivant. Les Polypes qui portent ce nom se montrent en grand nombre à la surface d’une masse commune de consistance charnue et paraissent comme s'ils étaient logés dans des cellules tubiformes creusées dans ce supportimmobile(a).Tantôt on les voit s’avancer au dehors, s'épanouir, et étendre leur huit tentacules pinnés, tantôt au contraire se contracter avec force etrentrer si com- plètement dans cette espèce de polypier que le point d’où ils faisaient saillie ne ressemble plus qu'à un pore étoilé. La portion (1) Annales du Muséum , t. 13. (2) Histoire des Polypiers coralligènes flexibles, page 328. (3) Les recherches de M. Savigny sur les Alcyons proprement dits, dont il forme le genre Lobulaire, sont restées inédites; mais Lamerck en a donné un court extrait dans le 2° volume de son Histoire des animaux sans vertèbres. (4) Edinburgh new Philosophical Journal, vol. 3. (5) Men. sul auim, senza vertebre di Napoli, t. 3, p. 13. (6) Voyagé de l’Astrolabe. (7) Ann. des sciences naturelles, 1828, t. 15. (8) Manus marina, Aldrovandi, De zoophytis, Lib. 1v, p. 593. Alcyonium palmatum, Vallas, Eleuchus zoophytorum, p. 249. Alcyonium exos, Lin., Gmelin, p. 3810. Alcy palmatum La- mourèux, Polyp. flex., p. 335. — Lobularia palmata Lamarck, An. sans vert.; t. 2, p. 414. — Aleyionium exos Cuvier, Règne Anim., 2€ éd.,t, 3, p. 321, — Lobularia exos Blainville, Ma- nuel, d'Actinologie, p. 522 ,et Zcbulaire violette ejusdem, atlas du dict, des Se. nat, Zooph. , pl. 62, fig. 1. — L. palmata Delle chiaje op. cit, vol, 3, pl, 32, fig. 1. (9) PI, 14, fig, x et 2, 336 MILNE EDWARDS. — Sur les Alcyons. protractile de ces animaux est, comme on le sait, membraneuse et d’une délicatesse extrème, tandis que le polypier où ils se retirent est trés consistant et solidifié par un dépôt calcaire assez abondant. Lorsqu'on observe les Alcyons dans leur état natu- rel, la ligne de démarcation entre ces deux parties parait bien tranchée, et on pourrait au premier abord, croire ces petits ani- maux logés dans des. cellules au pourtour de l'ouverture des- quelles iis adhéreraient ; mais quand on enlève à l’aide d’un acide étendu d’eau, le dépôt calcaire dont la base du polype est envi- ronnée, on voitqu'il y a entre ces parties continuité organique, et que la cellule polypifère n’est autre chose que la portion in- férieure du corps du polype qui, en se contractant, rentre en lui- même, comme nous l’avons déjà vu pour les Alcyonides. Le polypier commun n’est en effet autre chose que le résultat de l'agrégation intime de la portion basilaire des polypes. Chaque Polype a la forme d’un long tube rétréci à sa base qui, dans la majeure partie de son étendue, est soudée à ses voi- sins et plonge plus ou moins profondément dans la masse com- mune résultant de cette agglutination, tandis qu'à son extré- mité supérieure il reste libre et isolé. La grande cavité que nous avons appelée abdominale règne dars toute sa longueur et pré- sente sur ses parois, comme M. Savigny l'avait déjà constaté, huit lignes longitudinales et saillantes, semblables aux replis membraneux que nous avons reconnus être destinés à remplir chez les Alcyonides les fonctions d'ovaires(r1). De même que chez ces derniers zoophytes, on voit ces replis se continuer jnsqu’à la base des tentacules, et dans leur partie supérieure se fixer par leur bord interne à un grand tube membraneux qui part de la bouche et qui est suspendu au milieu de la cavité abdominale. Ici encore les huit canaux verticaux ainsi formés conduisent les liquides de cette dernière cavité dans l’intérieur des tentacules, et au bas es cloisons qui les séparent, on remarque huit fila- mens contournés qui naissent du canal digestif(2) et qui paraissent avoir été pris tantôt pour des espèces d’intestins, tantôt pour (x) PI, 15, fig. 6 et 7. (2) PI, 35, f3.6et8,etpl,r3, fis, 4 MILNE LDWARDs. — Sur les #lcyons. 337 des ovaires, mais auxquels ni l’une, ni l’autre, de ces détermi- nations ne sont réeliement applicables. Enfin au-dessus de ces corps , et principalement dans les points correspondans aux huit lignes longitudinales, on voit souvent naître des parois de la ca- vité abdominale des ovules (1) qui finissent par se détacher et par être expulsés par la bouche. (2) Jusqu'ici la structure des Alcyons; comparée à ce que nous avions déjà vu chez nos Alcyonides, ne représente aucune diffé- rence notable ; il en existe cependant, et elles sont même d’une grande importance dans l'économie de ces animaux. La dissection microscopique de nos Alcyonides nous a conduit à reconnaitre dans les paroïs délicates du corps de ces animaux, deux tuniquées intimement unies, mais ces membranes sont peu distinctes, et il ne paraît y avoir dans leur structure aucune dif- férence bien apparente. Chez les Alcyons, il en est de même dans la portion protractile du corps du Polype, mais dans la masse commune il en est tout autrement, ainsi qu'on peut le voir dans lAlcyon palmé, mais surtout dans une nouveile es- pèce du même genre qui habite les îles Chaussey, et que j'ap- pellerai Æcyon étoilé (3). Pendant notre séjour sur ces ro- chers, le temps nous a manqué pour faire conjointement avec M. Audouin, l'anatomie de ce dernier zoophyte, mais nous en avons conservé dans l'alcool, et l’action de ce liquide loin de nuire comme d'ordinaire à l'étude de ces animaux a rendu le point dont je m'occupe ici plus facile à reconnaitre. En dissé- quant sous la loupe ce nouvel Alcyon, j'ai vu bien nettement la tunique interne se continuer dans l’intérieur de la masse com- “mune et y tapisser les parois de la cavité abdominale des Polypes, sans changer notablement d'aspect; mais la tunique externe, au lieu de se confondre avec celle-ci, comme dans la portion protractil@de l'animal, en devient parfaitement distincte du mo- ment où elle entre dans la composition du polypier. Son épaisseur (1) PL 15, fig. 7. (2) On doit à M. Grant des observations fort intéressantes sur le développement de ces gemmes, et sur les mouvemens qu'ils exécutent dans les premiers temps de leur existence. (3) PI. 16, fig, r, Cette espèce, de couleur rose, se distingue par la disposition des spicules qui entourent la portion molle des Polypes, ainsi que par plusieurs autres caractères, IV, Zoor,, -- Dérembre, 22 338 MILNE EDWARDS. — Sur les Alcyons. augmente considérablement, sa texture devient spongieuse et il se dépose dans sa substance une foule de cristaux irréguliers, composés de carbonate de chaux mêlé à une matière colorante particulière. (1) J'ai déjà dit qu'en disséquant les Alcyonides, j'avais cru re- connaître dans la substance des paroïs du corps de ces Po- lypes agrégés des vaisseaux très fins et ramifiés. Dans l’Al- cyon palmé, ces canaux sont plus distincts et me paraissent avoir été aperçus par M. Delle Chiaje, bien que cet anato- miste ne les décrive pas clairementet les confonde peut-être avec la cavité abdominale des Polypes. Mais c’est dans notre Alcyon étoilé surtout que ce système vasculaire prend un grand dé- veloppement et devient facile à étudier. Là, j'ai pu, sans diffi- culté, m'assurer qu'il existe sur les parois de la cavité abdominale des Polypes, un nombre variable de petits trous placés irrégu- lièrement, et en communication avec des canaux capillaires qui traversent dans tous les sens la portion spongieuse du polypier, formée par la tunique externe de ces animaux. Ces petits canaux s’y ramifient , s'y anastomosent fréquemment entre eux et y con- stituent un lacis vasculaire plus ou moins serré; enfin ils sont for- més par une membrane ténue, d’un blanc jaunâtre, qui se conti- nue avec la tunique interne des Polypes, et se distingue parfaite- ment du tissu épais dont elle est environnée. Afin de mieux re- connaître le mode de distribution de ces vaisseaux, il est bon de couper une lame mince de la substance de l’Alcyon et de la dépouiller des cristaux nombreux dont elle est jonchée, en la faisant tremper dans un acide étendu d’eau (2). On voit alors que ces canaux sont les plus nombreux et les plus grands vers l’ex- trémité des branches du polypier, et qu’ils établissent entre la cavité abdominale des divers Polypes des communications fré- quentes ; vers la base du polypier, ils m'ont paru@en partie oblitérés. Ce mode d'organisation établit, comme on le voit, des liens bien intimes entre les divers Polypes d’un mème pied d’Al- (1) Pl 16, fig. 44 (2) PI, 15, fig. 9. MILNE EDWARDS. — Sur les Æleyons. 339 cyons. Les liquides, dont leur corps est rempli, doivent circuler dans toute la masse du polypier, et si ces petits animaux ont d'une part une sensibilité individuelle et une cavité digestive distincte, ils ont d’une autre part un système vasculaire commun à tous. La manière dont les Alcyons se reproduisent me paraît mé- riter aussi de fixer lattention. Nous avons vu plus haut que ces animaux , ainsi que divers observateurs l'avaient déjà constaté, produisent des ovules, et nous avons indiqué le lieu de leur for: mation.Mais , de même que nos Alcyonides, les Alcyons se multi- plient aussi par des espèces de bourgeons qui naissent autour des Polypes déjà développés, et augmentent indéfiniment le nombre des individus réunis dans une même masse. Ici cepen- dant nous rencontrons une différence importante entre ces zoophytes, du reste si voisins, Dans les Alcyons, la cavité ab- dominale des jeunes Polypes ne se continue pas directement avec la cavité abdominale de leur mère, et c’est seulement par l'intermédiaire du système vasculaire général qu’ils communi- quent ensemble. (1) Cette modification tient à une autre différence dans le mode de formation des bourgeons reproducteurs. Lorsqu'un pied d’Alcyons commence à pousser un nouveau rameau, on voit d'abord ia partie spongieuse du polypier, celle qui est formée par la tunique externe des Polypes, et traversée par le lacis vasculaire; on voit, dis-je, cette portion de la masse commune augmenter de volume dans un point déterminé de sa surface externe, et donner bientôt naissance à un tubercule plus ou moins gros, dans lequel les vaisseaux dont nous venons de parler se continuent et s’'anastomosent de manière à former un lacis serré(2). Dans cette première période du développement, onne voibencore dans la nouvelle branche aucune trace de Po- lypes; le tissu vasculaire qui la forme est cependant déjà hérissé de cristaux calcaires et ressemble exactement à celui situé dans les autres parties de la masse commune entre les cavités abdomi- (x) PL 15, fig. 9 et pl. 16, fig. 4. (2) PI, 16, fig, à & et fig, G. 22: 340 MILNE EDWARDS, — Sur les Alcyons. nales des Polypes adultes; il doit nécessairement être traversé par les courans qui circulent dans les autres parties du système vasculaire général, dont il possède une portion; et, chose re- marquable, cette production nouvelle ne paraît différer alors en rien de plusieurs de ces masses inanimées, mais vivantes, qui sont également dépourvues de Polypes, et qui appartiennent à la famille des £ponges. Mais cet état, qui semble être permanent chez les Spongiaires, n’est que transitoire pour nos Alcyons. Si l’on poursuit la dissection dans une branche où cette es- pèce de végétation à fait plus de progrès, on aperçoit de petits points opaques qui paraissent se former dans les parois mem- braneuses des vaisseaux qui, eux-mêmes, présentent cà et là des dilatations remarquables. Ailleurs, dans la même masse, on com- mence à distinguer des vestiges de Polypes, (1)et si l’on examine des bourgeons encore plus avancés, on reconnait facilement les jeunes animaux qui s’y sont formés en nombre plus ou moins considérable, et qui ont déjà à-peu-près la forme qu'ils doivent conserver, mais ne se sont pas encore frayé une communication avec ie dehors. Enfin cette communication s'établit et le jeune Polype ne diffère plus de ceux déjà existans que par sa petitesse; mais peu-à-peu il grandit et sa croissance détermine l'allonge- ment du polypier qu'il concourt à former. On voit donc qu'ici la partie qui donne naissance aux bour- geons reproducteurs est précisément la partie qui n'appartient en propre à aucun des Polynes réunis en masse, mais qui leur est commune à tous. Le tissu générateur entoure ces petits êtres comme une sorte de gangue vivante et produit dans la profon- deur de sa substance de nouveaux Polypes sans qu'aucun de ceux déjà existans paraissent intervenir d’une maniere directe dans l'acte de la reproduction. Ces polypiers peuvent, par consé- quent, être comparés à une sorte d’ovaire commun, dont les produits nes'individualiseraient jamais complètement, mais reste- raient logés dans sa substance et contribueraient, chacun pour sa Ur) PL 26, fig. 6 4, | NL Le MILNE EDWARDS. =— Sur les Alcyons. 34r part, à l'entretien de son existence et à l'accroissement de son tissu. Ce méde de génération si singulier semble au premier abord différer beaucoup de celui dont nous avons déjà parlé en faisant l’histoire des Alcyonides, mais en y réfléchissant mieux on y dé- couvre une analogie très grande. En effet, nous avons vu que chez les Alcyonides la tunique interne de la cavité abdominale remplit les fonctions d’un ovaire et produit dans des points dé- terminés des bourgeons et des ovules; chez les Al:yons, au contraire, cette méme tunique membraneuse donne encore nais- sance aux ovules, tandis que les bourgeons se développent ail- leurs plus ou moins loin de la cavité qu’elle tapisse et dans des canaux disséminés dans la masse commune. Mais la membrane qui forme ces canaux et qui est le siège de cette génération en quelque sorte végétative, n’est autre chose que la continuation de cette tunique interne, et dès-lors on comprend facilement comment elle peut remplir des fonctions analogues. Toutes les diflérences que nous avons signalées à cet égard entre les Al. cyons et les Alcyoides nous paraïssent tenir à l'existence des appendices tubiformes de cette tunique interne chez les pre- miers, et à leur absence ou à leur état rudimentaire chez ces der- niers, jointe toutefois à un degré de plus dans la localisation de la faculté reproductive chez ceux-ci. Les fonctions des animaux se perfectionnent dans la série zoologique par la division du travail. Les actes divers qui sont d’abord exécutés par un même organe deviennent peu-à-peu le résultat du jeu d’instrumens particuliers et chacun des phéno- mènes par lesquels la vie se manifeste, se localise de plus en plus. Tout ce que l’on sait de physiologie comparée parait prouver la vérité et la généralité de cette loi. On doit donc s'attendre à voir la faculté reproductive devenir l’apanage de plus en plus spécial de certaines parties de l’économie; il en est effective- ment ainsi dans la série animale et les Zoophytes dont l'étude nous occupe ici, nous en fournissent de nouveaux exemples. Chez les Hydres ou Polypes d’eau douce, devenus célèbres par les belles expériences de Tremblay, toutes les parties du corps sont susceptibles de donner naissance à des bourgeons re- | producteurs, Dans les Alcyons, cette faculté s’est concentrée 342 MILNE EDWARDS. — Sur les Alcyons. dans la tunique interne de la cavité abdominale et dans les dé- pendances de cette membrane; enfin dans les Alcyonides cette localisation est portée encore plus loin, car ce ne sont plus tou- tes les parties de cette tunique qui remplissent indifféremment cette fonction importante, mais seulement des portions déter- minées de sa surface dont la structure est modifiée à cet effet. EXPLICATION DES PLANCHES, PLANCHE XIV. Fig. 1. L'Arcyon razmé de grandeur naturelle, Fig. 2. Une portion de l’une de ses branches grossie pour montrer la disposition des Poly- pes dans leurs divers degrés de contraction et d'expansion. Fig. 3, 4 et 5. Coupes verticales de l’un des polypes dans l'état de contraction pour montrer comment la portion protractile des tégumens de l’animal se reploie sur elle-même lorsqu'il rentre ainsi dans la portion charnue du polypier. PLANCHE XV. Fig. 6. La portion terminale de lun des polypes grossie et ouverte pour montrer l’ouver- ture buccale, le tube alimentaire qui descend de cette ouverture pour se terminer dans la cavité abdominale (a), les cloisons verticales qui entourent ce tube, les organes glandulaires situés au-dessous de son extrémité (c) et les spicules placés à la base des tentacules. Fig. 7. L'un des rameaux du même zoophyte grossi et fendu longitudinalement pour mon- trer la disposition de la cavité abdominale des Polypes des replis longitudinaux formés par sa tunique interne, la position des ovules, les stries transversales formées par les canaux qui par- courent la portior charnue du polypier et les rapports des Polypes entre eux. Fig. 8. Portion de l'une des civisons verticales contenant les organes glandulaires fixés à la partie inférieure du tube alimentaire. Fig. 9. Une lame mince de la portion charnue du polypier dépouillée de son carbonate de chaux pour montrer la disposition du lacis vasculaire, par l'intermédiaire duquel la communi- cation s'établit entre la cavité abdominale des divers Polypes d’une même branche. Fig. 10. Les spicules qui se trouvent dans les tégumens des Polypes près de la base des tentacules. { Fig. 11. Cristaux de carbonate de chavx contenus dans la portion charnue du polypier vus au microscope. PLANCHE XVI. Fig. z. Accyon ÉToxÉ de grandeur naturelle. Fig. 2, Portion du même grossie. Fig. 3. Lun des Polypes contracté et ouvert pour montrer la disposition des cloisons verti- cales et des organes glanduleux. Fig. 4. Portion du même polypier fendue longitudinalement. On distingue dans espace qui sépare la cavité abdominale des Polypes, les grandes ramifications du système vasculaire dont la portion charnue du polypier est creusée, et on voit sur les paro' € cavités plusier"s des ouverture: de ces mèmes vaisseaux, F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 343 Fig. 5. Portion supérieure de la cavité abdominale de l’un de ces polypes pour montrer la disposition des organes glandulaires suspendus au-dessous du tube digestif. Fig. 6. Portion d'une jeune branche du polypier fendue longitudinalement et beaucoup grossie, pour montrer sa structure à l’époque qui précède la formation des nouveaux Polypes ; dané cet état son tissu est parcouru par un lacis vasculaire très développé et ressemble exacte- mént à celui de certaines éponges compactes. Dans le point a on voit un bourgeon qui commence à se dévolopper et qui constituera bientôt un nouveau polype. RECHERCHES SUR LES ORGANISMES INFÉRIEURS. Par F, Durarpin. } , 11300 I. Sur la Gromia oviformis et sur les Rmizorones en général. | Quand un fait en opposition avec des systèmes vient à se pro- duire, il doit rencontrer une foule de résistances à vaincre; mais enfin quand il se montre avec évidence il est admis, au moins comme un fait exceptionnel, par tous les observateurs conscien- cieux; cependant quand d'exception en exception on arrive à un ensemble d'observations qui toutes admettent le même mode d'explication, alors il est permis de douter que ces faits soient des exceptions réelles. Tel est le point où je crois être arrivé, et lors- que j'aurai publié successivemert les observations sur lesquelles je fonde mon opinion, on jugera si je me suis écarté de la vérité. À Il devait paraître bien étrange d'annoncer des animaux sans forme par eux-mêmes, sans epithelium , n'ayant pour la digestion et la reproduction rien de comparable aux appareils des autres animaux , et n'ayant à plus forte raison rien ponr représenter les systèmes circulatoire, nerveux et respiratoire, dont l'on a voulu poursuivre la présence jusqu'aux dernières limites du règne animal. Ce fait, révélé par l’organisation des Rhizopodes, l'avait été déjà dans les Difflugies et les Protées, mais sans qu’on y apportät une grande attention ou sans qu'on l’'appréciàt exac- 344 V. DUJARDIN. — Sur les Oryaänisines inférieurs. tement; Car, au contraire, M. de Blainville supposait que le Pro- teus difj'uens n’était qu’un jeune Planaire; et M. Ebrenberg avait prétendu qu'il n’y avait dans les changemens de forme de cet animal autre chose qu’un relâchement local des tégumens d'où résultait une sorte de hernie momentanée. On devait le voir dans les Rhizopodes avec d'autant plus de surprise qu’on avait accirdé à ces animaux un degré d'organisation plus élevé , et l'on était si bien accoutumé à les entendre nommer des Cé- phalopodes, qu'on ne pouvait, à moins d’une évidence complète, se décider à les rejeter tout-à-fait au bas de l'échelle des êtres pour former une classe particulière, soit seuls, soit avec les Difflugies, les Protées ou Amibes, les Arcelles, etc. Pour ce motif, et aussi parce que ce fait me donnait la clef d’un grand nombre d'observations antérieures, et me guidait dans la recherche de nouveaux faits, je ne dus rien épargner pour être à même de montrer les Rhizopodes vivans dans l’eau de mer à tous les savans que cela pouvait intéresser. J’en ai donc conservé pendant plus d’un mois à Paris, et j’en conserve encore aujourd’hui (10 décembre); on les a vus (1) et désormais, quant au fait en lui-même, je ne crains pas tel critique auquel je pour- rai prouver que, refusant de voir ces animaux, ila préféré en parler sans les avoir vus. Une fois le fait admis, il sera fort difficile peut-être d’en faire admettre les conséquences ; des savans d’un grand mérite trou- veront incompatible l'existence d’une substance animale molle, (1) Des Milioles, des Vorticiales et des Cristellaires,, recueillies le 2 juillet 1835 à Toulon étaient conservées dans un bocal contenant quatre onces d’eau de mer ; le 2 août, quoique des végétations eussent commencé à se montrer sur les parois, dans l’eau non renouvelée, il y avait encore quelques-uns de ces animaleules vivans avec des jeunes Buccins; alors je changeai l’eau, je nettoyai les parois et je continuai à observer les Rhizopodes qui avaient survécu, jusqu'à l’époque de mon départ, le 20 août. Depuis, j'ai recueilli sur la côte de la Manche, le 6 novembre, des Rhizopodes qui vivent encore à Paris, à la fin de février, dans l’eau de mer renouvelée, je ne sais quel sera le terme de Jeuï conservation possible, mais je crois que déjà l’on peut regarder comme une preuve de la simplicité de leur organisation, cette existence prolongée, dans un milieu d’où les plus légères modifications ont fail successivement disparaitre les crustacés isopodes, les annélides, les crus tacés branchiopodes, etc.; à la vérité leur habitation dans les touffes de corallines les met na- turellement déjà dans une eau moins pure et presque dans les conditions d’une véritable infusion. F. DUIARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 345 sans forme déterminée , au moins dans quelques parties, avec la formation d’un test souvent sirégulier ; mais d’une part, on trou- vera l’analogie surprenante des Rhizopodes avec les Infusoires appelés Protées ou Amibes, avec les parties vivantes des Spon- giaires, et avec certaines parties d’autres animaux, où la vie locale prend plus d'importance par rapport à la vie générale, c’est- à-dire à l'existence de l'individu ; et d’autre part les Navicules et les Surirelles, que M. Ehrenberg b Made dans sa classification tout près des Protées (Amœæba), ont un test aussi remarquable par son élégante symétrie. Pour donner une idée exacte et suffisante, quant à présent, des Rhizopodes, sans m’arrêter à tracer l'historique des travaux relatifs à cet objet, je rappellerai seulement que ce sont les Cépha- lopodes microscopiques ou foraminifères de plusieurs auteurs, et je passerai d’abord à la description du singulier être que j'ai nommé Gromia oviformis (PI. 9 fig. 1 ). C’est une vésicule sphérique, membraneuse, résistante, munie d'un col ou goulot très court, par où sortent des filamens qui servent de pieds, et remplie d’une substance glutineuse fauve, dont la couleur parait dépendre d’une foule de granules dissé- minées, car les expansions ou les filamens qu’elle forme sont tout-à- re incolores. On la trouve en quantité prodigieuse dans les touffes serrées de Corallina rubens de la Méditerranée, et si l’on ne faisait atten- tion à la différence de grosseur de ces globules fauves qui va- rient de = à 2 millimètres, on pourrait les prendre d’abord “pour des œufs. En mettant les Gromia dans un flacon plein “d’eau de mer, on les voit après 8 ou 10 heures fixées aux parois, par le moyen de longs * nifiés, semblables à du verre fondu, et s'élevant avi si peu considérable que, dans les circonstances les} avo 5, il leur faut 33 minutes pour Ï ; parcourir un millimétre. Je les ai retrouvées de la même manière dans l'Océan, sur les côtes de la Manche, mais en bien moindre quantité, car il m'a fallu | déchirer et laver dans l’eau de mer plus d’un pied cube de Co- | rallines pour en trouver douze; je recueillais en même temps beaucoup de Milioles et de Vorticiales : pour cela, après avoir 346 F. DUJARDIN. — Sur les Orsanismes inférieurs: lavé le dépôt jusqu’à ce qu’il n’y restât plus de limon, je l’agitais avec de l’eau de mer, dans une assiette, de manière à séparer la majeure partie du sable qui est plus lourd, et des débris organi- ques qui sont au contraire plus légers que les Rhizopodes. J'ai pu remarquer alors que le froid de l’hiver les rend station: naires , et qu'ils se bornent à émettre quelques filamens pour se fixer à l'endroit où on les a posés. La chaleur d’un appartement leur rend un peu de vigueur, et ils s'élèvent aux parois du flacon avec beaucoup plus de lenteur que pendant l'été. Leurs filamens sont visibles à l'œil nu, leur longueur égale ou même surpasse cinq fois le diamètre de la coque, qui paraît un peu vide au contour quand ils sont étendus, et laisse voir dans la substance fauve quelques lacunes ramifiées autour de l'ouverture. La base des filamens paraît quelquefois irrégulièrement striée en longueur, ce qui dépend de la disposition des granules ou des nodosités, qui sont poussés par un mouvement d’afflux avec la matière glutineuse, diaphane, dont ils semblent n’être que des parties plus condensées. Quand les filamens sortent, quand ils sont fixes, ou quand ils se contractent, il est impossible d’a- percevoir dans l’ouverture, même à la lumiere directe au soleil et avec les divers grossissemens du microscope; autre chose que cette matière transparente comme du verre fondu, et l'apparence indiquée (fig. 2 ) n’est qu’un effet de réfraction. On ne voit d’ail: leurs aucun mouvement dans ce liquide, limpide ou coloré, pouvant indiquer l'existence de cils vibratoires ou d’organes in- térieurs, absolument comme dans les Amibes. Les Milioles (fig. 3) sont formées d’une substance glutineuse, -rougeâtre, contenue dans un test blanc, qui en recoit, par transparence , une teinte rosée : elles grimpent de même aux pa- rois du flacon, mais avec une vitesse bien plus grande (6 à 8 millimètres par heure), en émettant des filamens rameux dis- posés en houppe rayonnante, qui ne diffèrent de ceux de la | Gromia que par leur ténuité, de sorte qu’à l'œil nu on distingue } à peine une légère auréole autour de la bouche quand on éclaire convenablement. (1) (1Y*M. d'Orbigoy, tant par ‘nduction que d'après des observations direr':>, attibuait à ces F, DUSARDIN. — Sur les Organismes inférietirs. 347 Ici encoré, on n’apercoit rien d’autre que la matière gluti- neuse, diaphane, dans l'ouverture appliquée à la paroi du flacon et la petite languette en forme deT , ne s'explique pas autrement que le reste du test. (1) Les Cristellaires, que je n’ai trouvées que dans la Méditerranée, ont un test poreux et font sortir, uniquement par les pores de la dernière loge, des filamens encore tout-à-fait semblables. Les Vorticiales, dont le test semblable à de petites Ammo- nites, mais entièrement clos, est criblé de pores de 17300° de millimètre, fontsortir leurs filamens indifféremment sur différens points de la surface et du contour, où se forment des pointes éga- lement poreuses qui rappellent très bien la forme des Sidérolites. Voilà donc des types bien distincts et en apparence tout-à-fait étrangers les uns aux autres qui appartiennent à un seul mode d'organisation : on peut y ajouter les Mélonies, les Rotalies, beaucoup d’autres genres que j'ai observés vivans dans la Médi- terranée , et, je crois même aussi, le Po/ytrema où Millepora rubra qui ne m'a présenté à l'intérieur que la substance gluti- neuse contractile des vrais Rhizopodes. Cela ne suffira-t-il pas pour montrer que la forme n’a qu'une importance secondaire par rapport à ce mode d'organisation si simple , et cette opinion n'est-elle pas encore confirmée par le rapprochement que l’on peut établir avec les Æmibes ou Protées, acimaux, qu’il appelait Céphalopodes foraminifères, « un corps bursiforme dans la partie pos- « térieure duquel se trouve renfermé la coquille »; il ajoutait : « ce corps prend quelquefois « un grand volume comparé à celui de la tête à laquelle il sert d’abri, la renfermant presque en « entier dans les replis antérieurs de la peau. Cette tête est très petite, peu ou point distincte « du corps, terminée par des tentacules nombreux formant plusieurs rangées autour de la bouche, « qui est centrale, » Quand je lui montrai ceux que j'avais apportés vivans à Paris, il me dit reconnaitre les prolongemens filiformes, pour ce qu’il avait appelé des tentacules nombreux, et ajouta que l'imperfection du microscope dont ilse servait alors (en 1826) ne lui avait pas per- mis de compléter son observation. (x) Dans les Milioles mourantes, la matière glutineuse de l’intérieur fait saillie au dehors et prend une forme quelquefois bien propre à induire en erreur sur les caractères de l'animal ; elle montre ev effet des lobes arrondis plus on moins symétriques; et si l'animal était sur le point de former un nouvel article, cette matière glutineuse est plus abondante et pent même, après lo conservation dans l'alcool, former une large expansion assez régulière; c’est une ap- parence de ce genre qui a conduit M. de Ble‘nville à rapprocher des Plauaires, ces ètres qui en différent cons dérablement au contraire, _ 348 F. DUJARDIN, —- Sur les Organismes inférieurs. qui sont des Rhizopodes sans test, avec les Difflugies et avec les Arcella de M. Ehrenberg? Il convient donc d'étudier avec soin les filamens servant de pieds aux Rhizopodes; car, absolument semblables dans les dif- férens types de ces animaux, ils sont presque la seule partie qui se prête bien à l’observation. Le filament qui commence à paraître est très fin, simple et égal, il s’allonge et s'étend en différentes directions pour chercher un point d'appui; tantôt il oscille, tantôt il s’agite d’un mouve- mentondulatoire assez prompt, ou bien ilse roule en spirale sur lui-même; et dans ce cas, les différens tours venant à se souder, il résulte une masse susceptible de s’allonger de nouveau. On trouve ainsi une remarquable analogie avec les cils ou papilles des ani- maux inférieurs, cils qui se contractent et disparaissent après la mort, tandis que des cils réels résistent même à l’action des ré- actifs chimiques (1). À mesure que le filament s’allonge, il grossit (1) Le Bulletin scientifique du Réformateur a voulu rendre comple de ma lettre lue à l'Académie des sciences le 22 juin (Voyez volume 17 de ce recueil page 312). L'auteur con- fond le Sparganium et le Sporngodium, prend l’Acétabule pour un animalcule, et me fait dire que les Rhizopodes sont des globules muqueux, jouissant de mouvemens spontanés, mais n’of- frant aucune fibre, aucur globule. Enfin, il termine ainsi son article : « l’auteur n’a rien vu, « sans doute parce qu’il ne s’est pas mis dans le cas de voir quelque chose, et les filamens qu'il : « dit avoir remarqué autour de l'animal ne sont peut-être que les ciis vibratiles de ces infusoires, « car quel autre jugement peut-on porter sur les observations d'un micrographe qui fait l'ana- « tomie d'un animal en commencant par le broyer entre deux verres ? » Ce genre de critique me surprendrait moins si j'étais membre de l’Institut ou sinécuriste, mais je ne suis qu'un humble travailleur, et j'ai le droit de dire comme M. Raspail dans son nouveau système de chimie, page 87 : « Nous, pauvres moucherons indignes du regard des aigles, nous avous peu « de foi en l’infaillibilité du génie; nous ne croyons bien qu’en la puissance de la raison ; et, « comme chacun de nous en a sa dose, nous sommes convaincus que chacun de nous est apte à « découvrir. » Néarmoins, quelle qu’en fut Ja forme, une discussion scientifique ne serait pas sans utilité si elle portait sur des faits; peut-ètre même me trouverais-je d'accord avec l'auteur de l’article cité, si modifiant les termes de sa phrase, il indiquait une simple analogie entre les filamens des Rhizopodes et les cils vibratiles des Infusoires, et s'il ne tenait pas trop à l'hypothèse développee par M. Raspail dans son système de chimie au sujet de ces cils vibratiles, qui ne seraient à son avis qu’un effet de réfraction, produit par la différence de température du li- quide aspiré et du liquide expiré sur les différens points de la surface ? hypothèse jugée depuis long temps par les observateurs nombreux qui ont vu les appendices ciliiformes faiblement agilés ou immobiles, et se sont convaincus de leur réalité non-seulement sur les Infusoires, mais sur {es branchies mème des Mollusques ou sur les tentacules de l’Acyonelle. F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 349 par lafflux de nouvelle substance, ce que l’on distingue bien par le mouvement des granules diaphanes irréguliers qui s’avan- cent en même temps et rendent le filament inégal et noueux (fig. 4). Il émet aussi çà et là, sous un angle plus ou moins aigu, de nouveaux filamens qui se ramifient à leur tour. Les embran- chemens présentent souvent des palmures que lon observe mieux encore dans les anastomoses et à l'extrémité des rameaux, où la matière s'étend quelquefois en membrane irrégulièrement étirée et lacuneuse. Les filamens se retirent par un mouvement inverse : on voit alors les granules revenir en arrière, et forcer à rétrograder d’autres granules animés du mouvement d’afflux. Quand deux ou plusieurs filamens se sont soudés latéralement, il arrive mêmé que les granules se meuvent erf sens contraire dans chacun d’eux quoique la fusion de ces filamens paraisse complète. Il arrive souvent que le filament, en se retirant plus brusque- ment au sommet, ne peut rentrer aussi promptement par sa base et se trouve terminé par une sorte de tête ou de bouton, résultant de la fusion de toute la partie extrème. De ce bouton sortent des filamens tout différens des filamens précédens, et de même aussi quand un filament tout entier s’est fondu dans la masse totale, ceux qui sont émis plus tard n’ont avec lui d'autre rapport que l'identité d’origine. © Mais ce sont les anastomoses qui montrent bien mieux encore comment les filamens peuvent se souder et se confondre; en effet, deux filamens qui se rencontrent dans le même plan se réunissen! intimement pour n’en former qu'un seul au-dessus du point de jonction. La palmure qu’on observe au-dessous et le mouvement des granulés ou nodules qu'on suit dans le fila- ment simple, puis indifféremment dans l’un ou l’autre des bras anastomosés, ne permettent pas de supposer là une simple jux- ta-position. Si les deux filamens ainsi réunis partent d’un même point, il en résulte une maille ou lacune, que l'on voit diminuer, puis disparaître entièrement par suite du mouvement progressif des palmures qui se sont formées aux deux extrémités. De là, résul- tent quelquefois des expansions membraneuses, percées de 350 F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. mailles ovales, qui rappellent assez bien l'aspect de la membrane mésentérique des Oursins. D'ailleurs les mailles ou lacunes entourées de filamens noduleux ressemblent beaucoup aux vacuoles des 4mibes, des Trachelius et de plusieurs autres Infu- soires. Quand un Rhizopode, dont tous les filamens sont tendus, s’avance dans une certaine direction, les filamens dirigés dans le sens du mouvement, s’allongent assezrapidement en avant, et se retirenten arrière; et, ceux qui croisent cette direction se trou- vent plus ou moins infléchis, jusqu’à ce qu'ils se retirent pour s'étendre de nouveau un peu plus loin. On peut juger alors de la résistance que présentent ces petits filamens ; car s’ils sont heurtés par un Infusoire ou un Entomos- tracé , ils s’infléchissent beaucoup avant de se rompre, ce qui n'arrive que rarement; dans ce cas, les deux parties du filament se contractent en sens inverse. On voit aussi, quand on heurte le flacon où sont les Rhizopodes, beaucoup de ces petits animaux rester suspendus par un simple filament adhérent au verre. Îl est superflu, je pense, de faire remarquer comment d’autres substances glutineuses peuvent bien de même , sans se dissoudre dans l’eau, conserver dans ce liquide la faculté de se coller soit entre eux, soit à d’autres corps. (1) Comment donc s’exécutera, chez ces animaux, le phénomène de la nutrition ? Où seront les appareils analogues au moins aux estomacs multiples et à l'intestin des Infusoires? car on ne met rien au-dessous des Monades pour le degré d'organisation. Gette objection qui n’en est pas une, puisque ce n’est pas expliquer une fonction que de lui assigner un appareil, cette objection perdra beaucoup de sa force si l’on veut prendre la peine de vérifier la réalité de cet appareil dans les Infusoires polygastri- ques, et en particulier dans les /mibes. Dans ces derniers ani- maux, en effet, il n’y a ni cils vibratoires, ni rien autre chose qu'une matière glutineuse, comme dans les Rhizopodes. (x) Une observation attentive montre des Infusoires, tels que le Xo/soda cucullulus de Mül- ler, susceptibles de se coller momentanément les uns aux autres par un point quelconque de leur surface; j'en ai vu quelquefois trois, ainsi groupés d’une manière tout-à-fait irrégulière ; et c’est cetle circonstance qu'on à prise pour un acte relatif à la génération. l &v F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 351 Quant aux moyens de reproduction, je rappellerai ce que j'ai vu dans un test du Rhizopode fixé sur un Sporgodium et bien certainement vivant. La matière animale se montrait à travers le test réunie en masses globuleuses régulières que l’on peut supposer formées de gemmules; et d’un autre côté, je dirai comment , en écrasant avec précaution le test d’un Miliole, on voit des lam- beaux encore vivans de la matière animale se contracter isolé- ment, puis émettre de nouveau des filamens comme s'ils étaient devenus des centres partiels d'organisation. Il est donc possible d’admettre dans les Rhizopodes un double mode de reproduction, l'un au moyen de gemmules, l’autre au moyen de lobes de substance qui seraient abandonnés par l’ani- mal sur les corps auxquels il se fixe. Il est bien naturel de pen- ser aussi que les lobes successifs des Rhizopodes à coquille se forment de même par une accumulation de la substance animée, à l'endroit que doit occuper la nouvelle cellule. Mais la formation du test présente à l'esprit des difficultés d'autant plus grandes que l’on veut la comparer à ce qui a lieu dans des animaux plus complexes. Le test des Milioles est tout-à-fait homogène, sans pores, sans texture fibreuse ou lamellaire, sans traces d’épaississement ; il ressemble tellement à la couche calcaire des Acétabules, vertes et confervoides avant d'être revêtus de cette couche, qu’on serait tenté d'établir un rapprochement. On voit d'ailleurs au- dessous de ce test, quand on le dissout avec précaution, une membrane excessivement ténue. Cette membrane, très forte et tres résistante, dans les Rotalies, où le test manque également de pores, dans les Rosalines, où elle porte des tubes qui traver- sent le test, dans les Mélonies, où elle parait avoir entièrement disparu, du moins je n’ai pu en voir de traces, dans les Vor- ticiales, où le test poreux est demi-transparent et d’un aspect tout différent de celui des Milioles. Le sac membraneux de la Gromia se distend à mesure que l'animal s’accroit, et il ne s’encroûte pas d’un test ; il est bien cer- tainement produit par l'animal comme la membrane qui tapisse les cellules des autres Rhizopodes; mais voudrait-on regarder dans ceux-ci cette mince membrane comme l'appareil sécréteur 352 F, DUJARDIN. — Sur les Oroanismes inférieurs. du test, plutôt que comme un simple produit de sécrétion? Je ne le pense pas : n'est-il pas plus difficile en effet d'admettre la présence et les fonctions d’un appareil sécréteur, que de con- cevoir la formation immédiate du test par une substance qui, se montrant ici sous la forme la plus simple, existerait aussi dans les appareils plus compliqués des animaux supérieurs; car alors la co-existence d’un grand nombre d'appareils dans un même in- dividu, peut rendre nécessaire la présence d’un grand nombre d'accessoires, servant uniquement soit à les circonscrire, soit à permettre leur action simultanée ? D'ailleurs, décrire un organe, ce n’est pas expliquer le mode d'action de ses élémens de structure, et s’il était possible d’ar- river à la solution d’un tel problème, ce serait incontestablement en partant des organismes les plus simples pour arriver aux plus complexes , par une série non interrompue d’analogies. En effet, dans les proto-organismes, où l’on voit apparaître les élémens de structure, soit isolés, soit combinés de la manière la plus sim- ple, on pourra, sinon expliquer leur formation primitive où con- sécutive, juger au moins du rôle et de l'importance de ces élé- mens. Enfin, quant à la difficulté qu’on trouverait à concevoir la régularité du test formé, par une matière, en quelque sorte protéiforme, qui aurait dû prendre une forme régulière à cer- tain instant, cette difficulié n’est pas différente de celle que nous présente un embryon quelconque, dans lequel une matière, amorphe d’abord, revêt un peu plus tard une forme déterminée. IL. Sur les Infusoires appelés Protées, et sur d’autres organismes très simples. L'impessibilité de présenter à-la-fois tous les faits qui servent de base à une série d'idées, lorsque surtout ces faits ne peuvent être compris qu’à l’aide de figures nombreuses, me détermine Al à publier successivement les résultats principaux de mes re- F. DUJARDIN.— Sur les Organismes inférieurs. 353 cherches; mais au lieu de présenter chaque fait isolément, je crois convenable d’y rattacher quelques-unes des idées générales qui se trouveront liées et coordonnées, quand plus tard l'ensemble. des faits qui leur servent de démonstration sera connu. Ainsi dans cette note, en parlant des Protées ou Amibes, qui sont un des premiers termes de la nature vivante, et qui méritent à peine le nom d’animal, je présente en regard des observations sur les autres organismes les plus simples, et je ne crains pas de laisser voir le fond de ma pensée sur ce sujet, assuré que je suis de pouvoir confirmer, par la publication de mes travaux, ce qui paraîtrait d’abord trop hasardé à des esprits justes. Le genre Protée, caractérisé par l’instabilité de sa forme et par la simplicité de son organisation, fut établi par Othon Fré- déric Müller, dans son admirable travail sur les Infusoires : il était alors formé de deux espèces tellement différentes, que M. Bory de Saint-Vincent et M. Ehrenberg durent, avec raison, les placer dans deux genres éloignés. La première, Proteus dif- Jfluens, devint, pour M. Bory, le type du genre Æmiba, et la seconde, Proteus tenax, fut placée, par ce micrographe, dans le genre Raphanella, et par M. Ehrenberg, dans son genre Distigma; néanmoins, elle n'appartient ni à l’un ni à l’autre, et mériterait de rester, avec le nom que lui donna Müller; comme type d'un genre à part; en effet, ce Protée n’a point les Jongs cils mobiles et ondulatoires servant d'organes locomoteurs aux Raphanella, qui sont des £uglena pour M. Ehrenberg; et au lieu de la pulpe verte et Die de ces mêmes Infusoires, il ne contient que des granules distincts et nombreux de + de millimètre, avec une substance glutineuse diaphane susceptible de sortir en masses globuleuses par expression; et, d’un autre côté, il n’a pas les deux points noirs qui caractérisent les Dis- tigma. Les observateurs, qui ont cherché le Proteus tenax dans les eaux, ne l'ont rencontré que très rarement et tout-à-fait acci- dentellement, car c’est entre l'intestin et la couche musculaire externe du Lombric terrestre qu'il habite ordinairement, et je Py ai trouvé plusieurs fois en assez grand nombre. Il continue à vivre dans l’eau, hors du corps des Lombrics, pendant quelque IV, Zoor, — Décemtre, 23, 354 F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. temps, et cela explique comment on peut l'avoir vu dans l’eau des marais, car je ne doute pas que celui que j'ai observé ne soit le même que celui de Müller, dont la description est parfaite- ment d'accord, et que celui de M. Ehrenberg, dont la grandeur (+ millim.) est fort peu différente, et dont les caractères sont véritablement aussi identiques; puisque cet auteur avoue n'avoir pas parfaitement vu les deux points noirs qu’il regarde comme des yeux. Le Proteus tenax des Lombrics est sans couleur ou à peine jaunûtre, long de + à ; de millimètre; il ne présente absolument aucune espèce de cils, et ne produit pas de courans dans le liquide, soit qu'il se meuve, soit qu’il reste à la même place. C'est comme un sac membraneux, allongé, contractile d'arrière en avant, et d'avant en arrière, de manière à présenter des ren- flemens et des étranglemens mobiles. La partie antérieure est munie d'un bouton arrondi qui ne devient sensible que dans l'extrême allongement du cou, et porte un petit tubercule mamillaire qu'on aperçoit toujours. Il est rempli de globules ovoides de — mill. environ, qui refluent d’une extrémité à l'autre par suite de la contraction, unique moyen de progres- sion de cet animalcule. Pour se mouvoir, le Protée commence par avancer une sorte de coi aminci en refoulant tous les granules er arrière (pl. 10, fig. B 1); puis, se contractant à la partie postérieure, il prend suc- cessivement, en deux et quatre minutes, les formes indiquées par les fig. B2 et B3; deux minutes plus tard, il a avancé de nou- veau son col avant que le refoulement total des molécules ne fût opéré, il présente la figure B 4; après huit minutes, c’est la figure B 5, après dix, la fig. BG, et enfin, au bout d’une demi- heure, lorsqu'il va bientôt mourir, il se montre entouré de cette matière diaphane glutineuse que j'appellerai sarcode (fig. B AU) et qui exsude à travers le sac membraneux. Un autre individu, encore bien vif, m'offrait d’abord la fig. À 1, avec deux exsudations globuleuses de sarcode ; en con- tinuant à se mouvoir, il fit passer ces globules à la partie pos- térieure (A 2), puis, après quinze minutes, s’allongeant et s'amincissant considérablement, il commença à s’agiter avec F. DUJARDIN. — Sur les Organismes. inférieurs. 4% vivacité comme une anguillula, tout en continuant à se contracter d'avant en arrière, et Je sarcode s'étant détaché forma des globules distincts qui restèrent encore liés entre eux (fig. A3). : Un troisième individu m'a présenté les formes Cr et Ca, pl. 10. Après la mort, le sac membraneux se relâche, paraît également large dans toute sa longueur, et persiste comme une membrane solide. J'ai souvent remarqué au milieu des granules intérieurs des masses ovalaires plus volumineuses (fig, B.7#.), mais tout-à-fait libres, ainsi que les granules eux-mêmes, et paraissant de même nature : ceux-ci se répandent au dehors quand on écrase l’ani- mal ; et ainsi mis en liberté, ils conservent indéfiniment un mouvement de titubation analogue à celui que M. R. Brown # signalé dans les particules des corps très divisés(1). Mais ce mou- (1) Ce mouvement bien réel, observé d’abord par M. Adolphe Brongniart dans les particules du pollen a été contesté vivement par M. Raspail qui, voyant ses derniers argumens (Awn. des Sc, d'observation tome 111) sans réponse de la part de M. Brown et des autres observateurs, en a conclu (Nouv. syst. de chimie org. p. 173) que Les savans partagent tous son opinion et cite même, comme adoplant presque tous ses résultats, le Traité de physiologie de Tiedemann où je lis seulement (page 359 et non $ 589 deuxième part. de la irad, française) « …. Les mou- « vemens des particules contenues dans les grains polliniques paraissent ne point être des phéno- « mènes organiques ou vitaux. Il faudra donc de nouvelles recherches sur le manière dont .« divers excitans se comportent à l'égard des particules du pollen pour décider si les mouve- « mens de ces derniers doivent être ou non regardés comme des manifestations de la vie. » Il y a loin de ces doutes philosophiques aux assertions de M, Raspail qui s'exprime ainsi : « Je combattis ce roman en démontrant que ces mouvemens ne différaient en aucune manière « des mouvemens imprimés à tout corps nageant sur la surface de l’eau par l'impulsion de « l'explosion, par la pente du porte-objet, par l'agitation de l'air, par l’'ébranlement du sol, par « les mains et par le souffle de l'observateur, et par l’évaporation de la substance quand elle « est volatile, » Plus loin il répète, que M. R. Brown attribue à tous Les corps suspendus sur la surface de l'eau un mouvement sinon spontané, au moins inhérent à leur nature. Or, les particules en question sont tenues en suspension dans le liquide en non suspendues » sur la surface coïnme le croit M. Raspail, et si on peut adresser quelque reproche à M. R4 Brown, c’est sur la dénomination de molécules actives, et non sur l'observation en elle-même qui est parfaitement exacte. Si l’on voulait se former une opinion sur ce sujet, je recommanderais d'observer la gomme-guite qui forme dans l'eau une émulsion permanente, Une goutte de cette émulsion, préparée depuis long-temps et soumise au microscope. soit à l'air libre, soit sous une lame mince de verre ou sous une goutte d'huile qui la laisse adhérer au verre, montre dans ses par= Micules de —— mill., un mouvement de titubation, rendu plus vif par une élévation de tenrpéra- ture, et tellement uniforme, dans toute l'étendue de la goutte libre ou emprisonnée, qu’il n'est 23: 356 F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. vement pourrait bien induire en erreur, si l'on cherchait à établir des similitudes de composition entre les divers organismes infé- rieurs , et si l’on y voulait apercevoir une vitalité locale: en effet, j'ai vu des particules agitées de même dans des Oursins, des Holothuries et d’autres Radiaires, dans des Lombries, etc. ; d’ail- leurs le caractère de ces mouvemens conduirait également à les considérer comme indépendans de la vie, car loin de se mouvoir dans une certaine direction avec une apparence de volonté, chaque particule, comme retenue dans le même lieu, oscille irrégulièrement en différens sens en décrivant une ligne brisée et repliée en zigzag autour d'un point, de manière que l’ampli- tude de ses excursions soit d’une fois, deux fois ou quatre fois, au plus, son propre diamètre. Müller, dont la description s'accorde avec ce qui précède, dit que les granules sont noirâtres; mais, avec des instrumens meil- leurs que ceux dont il a pu faire usage, on reconnaît aisément qu'ils sont diaphanes et que c’est par un effet de réfraction qu'ils paraissent entourés d'une ligne noire. Enfin, la manière dont ils se comportent avec les réactifs chimiques, porterait à croire qu'ils sont uniquement produits par la condensation plus grande de la substance glutineuse diaphane occupant avec eux l'intérieur de l’animalcule. Les autres Protées diffèrent singulièrement du Proteus tenax, et, à moins d’avoir déjà vu leur masse gélatineuse à demi fluide prenant incessamment quoique avec lenteur des formes tou- jours nouvellés, on ne peut guere s’en former une idée. Quoique très communs, ils échappent aisément aux recherches en raison de leur petitesse, de leur transparence, et de la lenteur de leurs pas permis d'y voir l'effet de l’une quelconque des causes signalées par M. Raspail. L’acide aitrique, l’alcool, l'infusion de noix de galle, et le chloride mercurique, mélés à l’émulsion paraissent ne modifier nullement le phénomène; la potasse dissout les particules, mais si elle n’est pas en quantité suffisante, les particules restantes continuent à se mouvoir. En reparlant de ce phénomène, à la page 363, j’essaierai de l'expliquer ; j'ajoute ici.qu'on y doit voir dans ce phénomène la cause géuérale qui maintient différentes substances en émulsion, et qui rend trouble dès le début une infusiou animale ou végétale en facilitant la désagrégation des particules organiques prises souvent pour des monades en raison de leur mouvement de tilubation. F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 357 permutations au milieu des débris organiques dont ils sont en- tourés; mais quand on a appris à les reconnaitre, on en trouve fréquemment dans les eaux stagnantes et dans les infusions. M. Bory les avaitappelés _Zribes du mot grec ouxfn, Permu- tation, pour exprimer l'instabilité continuelle de leur forme ; il avait d’ailleurs si bien senti la simplicité de leur organisation, et leur caractère d’expansibilité plutôt que de contractilité, qu’a- prés avoir vu les Rhizopodes que je mis sous ses yeux au mois de novembre dernier, il reconnut lui-même et me fit remarquer la singulière analogie de ces êtres avec les Amibes, et surtout avec celle dont les prolongemens sont plus effilés, et qu'il consi- dère comme une seconde espèce. M. Ehrenberg change leur nom en celui d’'Amnæba pour se rapprocher de l’étymologie grecque, et en décrit trois espèces, _ dont la première, 4moœba princeps, en raison de sa grandeur o%,375, doit être en effet bien distincte; il fait remar- quer combien est peu digne d'attention le travail de Losana de Turin qui prenant plaisir à représenter, comme espèces, des variations accidentelles de forme dans les Ænibes, en porte le nombre à 60, et les accompagne de figures aussi mauvaises que possible; c’est qu'en effet, pour peu qu’on accorde d'importance à la forme de ces organismes inférieurs, on est facilement con- duit à multiplier outre mesure les genres et les espèces. Quant à moi, j'ai journellement sous les yeux des Amibes de l’origine la plus différente, m'offrant toutes les formes, depuis celle d’une gouttelette d’huile qui coule lentement, jusqu’à celle d’une expansion muqueuse laciniée, ou d’un globule muni de prolongemens filiformes qui se raidissent dans tous les sens, et, malgré cette diversité de formes, quoique leur grandeur varie seulement de 0"",023 à 0",080, tandis que les dimensions des Amæba Proteus et Radiosa (Ehr.) sont comprises entre 0",045 et On,1 12, je n'oserais penser que ce soient vraiment plusieurs espèces. J'en ai trouvé abondamment dans les eaux stagnantes, notam- ment à l'étang du Plessis-Piquet, jusqu’à l'époque des fortes gelées, dans la couche de filamens confervoides et de débris or- | ganiques qui revêt les feuilles mortes de 7ypha. Parmi une 358 Fr. DusARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. innombrable quantite de formes, je représente seulement sous les lettres! D, E, pl. 10 et G,H, pl. 1r, les changemens successifs, à cinq minutes d'intervalle, de plasieurs exemplaires. (1) Dans l’exemplaire H, il n'y avait qu’une matière glutincuse offrant des lacunes et des nodosités, comme les expansions des Rhizopodes ; dans ceux marqués D et E, il y avait en outre des granules analogues à ceux qu’on voit dans le Proteus tenax ou bien dans les Kérones et certains Trichodes, et ces granules en raison du mouvement de l’Amibe, refluaient d'un côté ou de l'autre. Dans l'exemplaire E , les vacuoles étaient misux marquées, tout-à-fait semblables à celles du sarcode de la Leucophra no: dulata pag. 569, et rendaient plus facile à comprendre l'iné- galité de structure et d'épaisseur dans les autres. Ces vacuoles, que M. Ehrenberg a prises pour une bouche non entourée de cils (Joy. son premier mém. expl. des planches, pag. 95), on Îes voit se former et disparaître, de sorte qu’il y en a tantôt une seule, tantôt plusieurs, ou même il n'y en a aucune; et quand le li- quide est chargé de carmin ou d’indigo, les particules de cou- leur demeurent engagées et rapprochés dans la vacuole qui se resserre. On pourrait donc, si l’on n’était témoin du phénomene dans tous ses détails, admettre avec M. Ehrenberg que la ma- tière colorante dévorée par cet Infusoire se trouve logée dans les nombreux estomacs attribués par le savant Prussien à tous les Enfusoires les plus simples, sans en excepter le Honas termo. Cependant, quand on a vu les vacuoles se former et disparaître indifféremment sur les Infusoires en divers endroits, et quand on a reconnu que ce sont précisément les vacuoles contractées qui contiennent la couleur, tandis que d’autres Vacuoles dis- tendues en même temps ne contiennent que de l’eau peu ou point colorée, il est permis de révoquer en doute la faculté qu’au- raient ces animalcules de choisir et de dévorer un tel aliment, D'autres corps étrangers peuvent être de même accidentelle» ment engagés dans la substance d’une Æmibe, et des Navicules (x) L’individualité de ces êtres pouvant devenir un sujet de contestation, j’emploie ici, au lieu du mot ézdividu, le mot exemplaire dont Müller a souvent fait usage dans son Histoire des Xafusoires, | | | F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 359 s'y trouveront peut-être ainsi, ou bien y auront pénétré par suite de leur propre mouvement de translation. Pour donner une idée précise de la vitesse du mouvement dans les /mibes, il suffit de dire que la forme a quelquefois en- tièrement changé en deux ou quatre minutes, et qu’un espace d’un millimètre ne peut être parcouru en moins de trente à quarante minutes par un animalcule large de 0"",07. Tantôt, (fig. E. pl. 10), la masse entière paraît s'étendre et couler à plusieurs reprises dans une certaine direction, avec un contour arrondi en avant, et déchiré en arrière; tantôt des prolonge- mens obtus (fig. D.) ou effilés (fig. G. H.) s’avancent dans un sens plus ou moins variable, et adhèrent pour quelque temps au verre qui sert de support, afin d'attirer à eux la masse d’où ils sont sortis. On voit donc là un mode tout particulier de lo- comotion, bien différent de celui du Proteus tenax, et plus dif- férent encore de celui des Vibrions, qui se meuvent par des contractions brusques; et de celui que produisent soit un seul filament flagelliforme, soit un faisceau de filamens ciliiformes, ou une infinité de cils courts comme ceux des Paramécies et des Planaires. C’est en observant long-temps les mêmes /mibes fixées aux parois d’une caisse de verre , où elles continuent à vivre, que jai pu m'assurer de l'identité d’origine des formes diverses qui se produisent sous l'influence de circonstances inaperçues ; je n'ai pu mème trouver de différence réelle entre celles des “étangs et celles d’une infusion de chair crue couverte, après 2" jours, d’une couche filamenteuse épaisse et comme feutrée, remplie de 7zbrio bacillus, de Monades et de ces Amibes. Les -Æmnibes ne présentent aucune apparence de cils pouvant servir à la locomotion, à la respiration ou à l’adduction des ali« mens comme dans les autres Infusoires ou dans les Planariées, et l'on peut penser que toutes les facultés sont réduites ici à l'absorption et à une force d'extension, bien plus que de con- traction ; car ce n’est point la contraction de la masse qui dé- termine l'émission d’un prolongement, mais ce prolongement se forme et s’avance en vertu d’une force inhérente, puis en- traine le reste de la masse, quand 1l à pris un point d’appi. 360 F. DUJARDIN. —* Sur les Organismes inferieurs. C'est donc tout l'opposé de ce que M. Ehrenberg paraît croire en comparant ces prolongemens à des hernies produites par le relàchement local d’une partie du tégument, et par la contraction de tout le reste. Or, cela ne pourrait avoir lieu en effet qu’au moyen d'une membrane enveloppante, très contractile, tandis qu'une observation attentive démontre avec évidence l’absence d'un épithélium quelconque dans les expansions des Æribes, comme dans celles des Xhizopodes. Si poursuivant la compa- raison de ces êtres, on vient à cousidérer la nature de leur sub- stance glutineuse, çà et là condensée de manière à présenter des nodosités ou des granules, se creusant de vacuoles ou de lacunes, et enfin émettant des expansions susceptibles de se ra- mifer , de se souder et de se confondre de nouveau dans la masse; ne pourra-t-on pas se demander si des êtres sans organes et sans circonscription définie doivent réellement former des genres et des espèces? Et la question paraïtra peut-être encore plus voisine de sa solution si lon étend cette observation aux Monas, aux Bodo, etc. qui, les premiers se montrent dans les infusions. Ces animalcules en effet semblent ne consister qu’en un petit amas discoide ou fusiforme, irrégulier, noduleux, de substance analogue à celle des Æ/ribes avec des lacunes ou va- cuoles où peuvent se trouver engagées les particules de cou- leur de manière à représenter encore, si l’on veut, des estomacs multiples. Si lon cherchait à se rendre compte de l'apparition de ces Infusoires, toujours très simples d’abord, dans les diverses infusions, on ne pourrait le faire que de deux manières : ° en admettant une infinité de germes imperceptibles, répandus par- tout, même dans l'atmosphère, conservant une sorte de vie la- cente, et susceptibles de résister indéfiniment à la sécheresse et à la chaleur pour se développer quand les circonstances le per- mettent; 2° où bien en concevant que ces proto-organismes se forment de toutes pièces, là où les élémens nécessaires à leur production se trouvent en présence. Cette dernière opinion qui, en réalité, différe bien peu de la première, on sera tenté de la repousser comme absurde pour peu que les organismes dont il s’agit soient complexes, mais elle acquerra au con- L F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 361 traire une probabilité d'autant plus grande que ces organismes seront plus simples. Or, cette simplicité d'organisation, pourrait- on la faire comprendre à ceux qui prétendent chercher, jusque dans les infiniment petits de la nature vivante, une répétition d'un type plus élevé, une sorte de Microcosme , et qui, n'ayant pas vu suffisamment par eux-mêmes, ne supposent pas que l’ha- bitude du microscope et le perfectionnement de cet instrument puissent conduire à reconnaître, quant à la forme, la limite de l’organisation? Serait-il donc d’une sage philosophie de générali- ser un type qui doit être naturellement limité, en grandeur comme en pelitesse, par la condition même des élémens de l'or- ganisme auquel il appartient? et, devrait-on conclure par pure analogie à l'existence des nerfs, des muscles, des tendons, là où il y a mouvement, ou bien à l’existence d’une circulation et d’un système de vaisseaux, là où il y a nutrition, pour se donner occasion , comme les premiers micrographes, d'admirer la gran- deur de l'architecte de si petites choses, sans songer que le pro- blème de la vie est par lui-même infiniment plus admirable encore que celui de la structure? La vérité pourtant est qu'avec une grande habitude du mi- croscope simple et composé et avec des grossissemens fréquem- ment variés on arrive à constater qu’il ne peut y avoir dans des Infusoires rien au-delà d’un certain ordre de parties. Le phénomène de la diffluence progressive des molécules dans les Infusoires mourans, déjà si bien observé par Müller, vient con- firmer l'opinion qu’on se sera formée de la simplicité de l’orga- nisation de ces animalcules , et l'observation des vaçuoles du sar- code tend à faire envisager la question sous le même point de vue, car elle donne la clef d’une foule de difficultés en fournis- sant l'explication des apparences les plus trompeuses, non-seu- lement dans les Infusoires, mais encore dans des animaux beau- coup moins simples. On n’aura pas de peine à reconnaitre aussi que les cils des In- fusoires sont analogues aux filamens qu’on voit se dresser et s’agiter à leur extrémité dans les Æhizopodes , que, par consé- quent, ils différent totalement des poils ou des piquans des animaux supérieurs, et n’ont besoin ni de muscles moteurs ni 362 F. DUJARDIN. — Sur les Orgarismes inferieurs. de bulbe sécréteur, puisqu'ils sont une expansion de la sub- stance propre comme dans les Æmibes. On les voit, à la mort de l'animal, se crisper, revenir sur eux-mêmes, puis se fondre entièrement, à moins qu'on n'ait coagulé leur substance par l'acide nitrique, l'alcool ou le tannin, et c’est ce qui explique pourquoi des observateurs habiles ont nié l'existence de cils semblables, dont on n’aperçoit plus de traces après la mort, tandis que de véritables cils eussent, au contraire, persisté. Enfin, dans les Infusoires dont le mouvement lent ou os- cillatoire n’est plus dû à des cils nombreux agités vivement, tels que certains EZuglena, Monas, Bodo, Cyclidium , ete., une attention persévérante montre un ou plusieurs filamens flagel- liformes, au moins aussi longs que l’animalcule, et animés, à l'extrémité, d'un mouvement Lee comme la queue des Zoospermes. Il en résulte le mouvement en arrière ou en avant, quand le filament est unique, suivant qu'il est droit ou recourbé à l'extrémité; et le corps de l’animalcule ainsi remorqué par le filament vivant, oscille et tourne même sur son axe, s’il est déprimé etdiversement infléchi ou tordu en hélice, comme il ar- rive pour l’Euglena longicauda. Ces observations tendent à montrer, comme plus simple, le mécanisme du mouvement des animalcules; mais le fait même de la production d’un mouvement quelconque, ne füt-ce qu’une simple contraction dans une matière organique plus ou moins résistante, n’en est pas moins inexplicable. Il est pourtant des cas où le mouvement de très petits êtres sera, sinon produit, toujours influencé par des forces physiques sans cesse agis- santes , par le calorique, par exemple.En effet, si l’on répète les expériences de M. R. Brown, au sujet du mouvement que pré- sentent dans un liquide les particules des corps solides très divisés, on reconnait aisément que ce mouvement est d’autant plus prononcé que les particules sont plus petites et que leur densité est moindre. Ainsi une poudre métallique ne laisse voir qu'avec difficulté le phénomène US clairement par l'encre de Chine avec des age de =— mill., et surtout par la gomme-gutte ou par d’autres substances d origine ve gétale,ave C des particules de —- mill. Ces parücules , animées d’un mouve- 5oce 0 F. DUYARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 363 ment de titubation, s’agitent dans tous les sens en oscillant quatre à six fois par seconde, sans s’écarter de plus d’un ou deux diamètres ; et l’on peut s'assurer que les forces électriques, l'attraction moléculaire, l’évaporation ou l’action des corps ex- térieurs ne sont pour rien dans la production du phénomène, en renfermant le liquide sous une goutte d'huile, comme l'avait fait M.R. Brown, ou simplement entre des lames de verre poli, et en vérifiant la durée indéfinie et l'identité constante de ce mou- vement. Quant à la cause qui n’a pas encore été indiquée, une expérience fort simple permet de l'attribuer aux vibrations pro- duites par la chaleur dans l’éther, et par suite dans le liquide lui-même, qui à son tour agite les particules tenues en suspen- sion ; car si l'on élève la température de 4o° ou 5o°, on voit aus- sitôt les particules se mouvoir avec plus de vivacité. On conçoit dés-lors que si ces particules, au lieu d’être globuleuses, étaient fili‘ormes, ce mouvement serait plus prononcé dans le sens des filamens, et de là résulterait une apparence tout-à-fait compa- rable à celle des ’Tbrio lineola, qui n’ont que mill. de lon- gueur et une épaisseur de —= environ. Si donc on voulait reconnaître une certaine analogie entre ce mouvement et celui des vrais Infusoires de la plus petite di- mension, on ne trouverait plus une nécessité aussi absolue à leur accorder un système d'organes locomoteurs, dérobés par. leur extrême petitesse, à tous les moyens d'observation; et le mot de génération spoutanée cesserait peut-être de présenter une idée absurde, si on l’appliquait à des êtres dans lesquels ‘existence des organes locomoteurs et digestifs serait désormais si problématique, à des êtres que l’on voit se produire indiffé- remment dans toutes sortes d’infusions, même dans celles d’o- pium, de noix vomique, etc. (r), à des êtres enfin qu'on ne 300 (x) Müller, qüi avait consacré la plus grande partie de sa vie à des observations dont per- sonne ne contéste la sincérité, formule ainsi son opinion à ce sujet, dans la préface de son his- toire des Infusoires, p. xxr. “ Les substances animales et végétales se résolvent par décomposition en molécules vesiculeæ à seu globuli) qui, devenus libres reprennent la vie (laxati reviviscunt), et forment (agunt) les # animalcules infusoires et spermatiques. Ces anirmalcules très simples, faits de molécules en “ apparence amorphes ét inorganiques (brutis et quoad sensum nostrum inorganicis), difiérant 364 F. DUJARDIN, — Sur les Organismes inférieurs. peut classer parmi les animaux qu’en donnant à la définition de l’animal proprement dit une extension forcée. III. Sur les prétendus estomacs des animalcules Infusoires et sur une substance appelée Sarcode. Dès l'instant où l’on commença à observer les Infusoires, on leur attribua une organisation comparable à celle des animaux supérieurs, parce qu’on se plaisait à faire intervenir le merveil- leux dans ce monde nouveau que le microscope avait fait con- naitre. Ii est curieux de voir Leuwenhoek parler des tendons, des muscles, etc., contenus dans la queue d’un zoosperme ou dans les plus petits Vibrions en les comparant à la queue d’un rat. 0. F. Müller parait croire à la grande simplicité des pre- miers Infusoires et à leur génération spontanée; néanmoins dans son ouvrage, que la mort l'empécha de mettre en ordre, il déclare à la page 47, penser comme Leuwenhoek relativement à l’organisation des vibrions. Cette opinion qui admet l'existence d'organes très complexes dans les plus petits êtres a toujours eu de nombreux partisans, et aujourd'hui encore on voit citer, dans les traités de physique, comme preuve de l'extrême divisibilité de la matière, les muscles, les nerfs, les vaisseaux que leur petitesse doit dérober éternel- lement à l'observation. « des autres microscopiques par leur substance et leur organisation, occupent tout le liquide « et paraissent produire les différentes formes d animaux et de végétaux, suivant les modifica- « tions du germe primordial (primordi fœtus) destiné d'avance par le créateur à un but déter- « terminé, et devant se développer par l’afflux de ces animaleules (4orum animalculorum affluen- « ti& evolvendi).... Il les font croître par leur afflux continuel, entretiennent leur vie, et « redevenus libres après la destruction de l'édifice (morte opificit), ils revivent eux-mêmes, « entrent dans la composition d’un nouvel être, et suivant un cercle éternel, deviennent alter- « nativement matière brute et matière organisée. » On voit donc que, tout en admettant la préexistence du germe, il le suppose inerte tant qu'il n'a pas reçu la vie par l’afflux des animalcules, lesquels se forment spontanément de molécules douées constamment d'un certain degré de vie susceptible de se manifester dans ces êtres, et passant incessamment et successivement d’un être qui se détruit dans un être qui se développe, ——————————— F. DUJARDIN.— Sur les Organismes inférieurs. 365 Lamarck, qui botaniste d’abord avait appris à ne pas établir un intervalle trop grand entre la vie végétale et la vie animale, et qui commencait l'étude du règne animal par les êtres les plus simples, se montra guidé par une idée plus philosophique, quard il avança que beaucoup d’Infusoires ne sont que des amas de matière vivante, des corpuscules gélatineux, sans organes, sans forme absolument déterminée. M. Bory, marchant dans la même voie, ne vit dans les mi- croscopiques et surtout dans les Gymnodés que des êtres d’une extrême simplicité pour lesquels il ne repousse pas l'idée de génération spontanée ; il a même parlé de leur mode de compo- sition, dans quelques articles de l'Encyclopédie et du Diction- naire classique d'histoire naturelle, de manière à faire desirer de sa part un travail plus étendu. Cependant plusieurs naturalistes voulaient ne voir dans ces petits êtres que des répétitions d'organismes plus élevés ou des germes susceptibles d’un développement ultérieur. M. de Blain- ville, dans l’article Zoophytes du Dictionnaire des sciences na- turelles, a admis, comme presque certain, que beaucoup de vrais Infusoires ne sont que des Planaires on de jeunes Ento- mostracés. x Les travaux de M. Ehrenberg durent donc être accueillis avec une grande faveur quand, séduit par des apparences, ce natu- raliste prit pour la vérité une hypothèse ingénieuse sur la mul- tiplicite des estomacs des Infusoires, qu’il appelle en conséquence Polygastriques, s’'efforçcant de les faire remonter dans l'échelle des ètres presque à la hauteur des Vertébrés. Ces prétendus estomacs, Müller les avait bien vus et les avait pris pour des ovules ou des ovaires, ainsi que des masses solides ovoïides qu’on voit dans quelques animalcules, et pourtant les expressions qu’il emploie pour les décrire sont déjà propres à en donner uneidée juste et prouvent combien il est facile de les distinguer. (1) (x) Les expressions employées par Müller sont : globulus pellucidus , bulla pellucida, wesi- eula pellucida ; i dit en parlant d’une de ces vésicules, dans le Trichoda aurantia : « Vesicula orbicularis foramen menticus… » I parait avoir eu l'idée d’en faire aussi des estomacs, car, en parlant du Kolpoda meleagris (p. 100), il s'exprime ainsi : « Sphærulæ majores.… fortè vices Sromachi aut intestini agunt, hæœe enim viscera dum vaeur sint…. minus conspioua sunt, » 366 F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. Gleichen apporta dans ses recherches sus les Infusoires une précision vraiment remarquable, et, pour reconnaitre chez ces animalcules «une déglutition effective de la nourriture», colora artificiellement leurs globules intérieurs avec du carmin; il re- garde ces globules comme des œufs, « car, dit-il, quand ces globules sont séparés par des interstices, on les voit entourés d’un anneau clair comme les œufs de grenouille ». Néanmoins, il ne se dissimule pas les difficultés que présente ce mode d’expli- cation , en raison même de la coloration, et, quoiqu'il ait vu ces globules hors de l’animalcule, il dit un peu plus loin : « Il faut que je l'avoue, si ce ne sont pas les excrémens de lanimal- cule, ce qui souffre aussi bien des difficultés, je ne sais plus qu'en dire. (1) M. Bory, qui seul jusqu’à présent a fait des objections aux hypothèses de M. Ehrenberg, dans le 17° volume du Diction- naire classique d'histoire naturelle, admet aussi que ces corps ou globules hyalins sont des propagules, « tellement mobiles « qu'ils se déplacent en tout sens, passent de devant en arrière « selon les moindres mouvemens que se donne l'être dans le- « quel on les distingue. » % Ce mouvement des globules, on ne le voit bien prononcé que dans les Infusoires à corps rond ou cylindrique tels que le Kolpoda cucullus, les Porticella citrina où convallaria (détachées de leur pédicule), et, aussitôt que ces animalcules sont fixés, on reconnait que ce n'était qu'une apparence produite par les mouvemens de l’animalcule tournantsur son axe, etqueles vési- cules au contraire, toutes situées près de la surface, sont seule- ment susceptibles de se gonfler et de se contracter jusqu'à dis- paraître, ce qui concourt à faire admettre un déplacement réel. J'ajouterai, pour achever de caractériser ces vésicules, qu’elles peuvent se dilater à l'excès, et qu'on en voit quelquefois une seule occupant plus de la moitié du corps de certains Infusoires : tantôt plus claires, tantôt plus obscures, suivant la manière dont on éclaire le porte-objet, elles sont absolument plus diaphanes (x) Dissatation sur la ‘génération, les animalcules, etc,, par le baron de Gleichen, trad. 1799; Past 1974 4 F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 367 que la substance environnante, qui, réfractant plus fortement la lumière, les fait toujours paraitre entourées d’une sorte d’au- réole , et leur donne souvent ainsi l'apparence d’un trou. Les difficultés que présente l’explication de ces estomacs ou globules, me semblaient depuis long-temps inextricables, et quoique je me servisse d’instrumens aussi parfaits que possible, quoique j'eusse une longue habitude de ce genre d'observations je m'en prenais à moi seul de ne pouvoir distinguer l'intestin auquel doivent s'aboucher tous les estomaés, non plus que les orifices anal ou buccal (1) de cet intestin. La haute estime que mé- ritent les travaux de M. Ehrenberg ne me permettait pas de ré- voquer en doute un fait de cette importance pris par lui pour base de sa classification. A la vérité, je savais que d’autres ob- servateurs, habiles à manier le microscope, n'avaient pas été plus heureux que moi; néanmoins j'eusse peüt-être perdu courage, et abandonné cette recherche comme tout-à-fait disproportion- née avec la force de ma vue, si je n’eusse heurensement trouvé la solution du problème dans la découverte des propriétés du Sarcode. Je propose de nommer ainsi ce que d’autres observateurs ont appelé une gelée vivante, cette substance glutineuse dia- phane, insoluble dans l’eau, se contractant en masses globuleu- ses, s'attachant aux aiguilles de dissection et se laissant étirer comme du mucus, enfin se trouvant dans tous les animaux in- férieurs interposée aux autres élémens de structure. D'Le Sarcode se décompose peu-à-peu dans l'eau en diminuant de volume et finit par ne laisser qu’un faible résidu irréguliè- rement granuleux. La potasse ne le dissout pas subitement comme le mucus ou l’albumine, et parait seulement hâter sa dé- composition par l’eau : l'acide nitrique et l'alcool le coagulent (1) Je ne puis regarder comme un orifice buccal la fente ordinairement ciliée que présen« tent certains Infusoires; elle paraît servir à l'émission de prolongemens ciliiformes particuliers et non à l'introduction de la couleur qui aura pénétré dans les vacuoles ou vésicules intérieures. Ce dernier usage qu'on ne lui attribuerait que par induction et d’après la direction du tourbil- Jon produit daus le liquide, ne serait-il pas contredit en effet par la non-coloration des vacuo- tes dans les Infusoires tels que l’'Zuglena pleuronectes, pour laquelle M. Ebreuberg est obligé de dive « qu'elle n'aime peut-être,pas la couleur ? » (Voyez son premier mém. p. 103.) 368 F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. subitement et le rendent blanc, opaque. Ses propriétés sont donc bien distinctes de celles des substances avec lesquelles on eût pu le confondre, car son insolubilité dans l’eau le dis- tingue de l’albumine dont il se rapproche par le mode de coa- gulation que lui fait éprouver l'acide nitrique, et cette coagula- tion en même temps que son insolubilité dans la Ce le distinguent du mucus, de la gélatine, etc. Mais la propriété la plus étrange du Sarcode c’est la produc- tion spontanée, dans sa masse, de vacuoles ou petites cavités sphériques, occupées par le liquide environnant, s’agrandissant peu-à-peu et hâtant la décomposition des globules de cette substance dont il ne reste bientôt plus qu’une sorte de cage à jour et finalement un faible résidu. Les fig. s. 1, s.4, pl. 1, représentent les états successifs d’un globule de sarcode sorti par exsudation du tissu d’un #asciola hepatica , et épais de + millimètre. Une foule de globules sem- blables, et de grosseur variable entre + mill. et — mill., sortent de même par exsudation sur tout ss contour d’une Douve, d’un Ténia, ou à la partie antérieure & d'un Cysticerque placés encore vivans entre des plaques de verre avec de l’eau. C'est ordinai- rement cinq heures après qu'une Douve tirée d’un foie de mouton a été ainsi disposée, que les globules de sarcode com- mencent à se montrer, et le phénomène achève de se produire dans les sept heures suivantes. La production de ces vacuoles, qui est un effet de la séparation de l’eau combinée dans le sar- code durant la vie, et, pour ainsi dire, une sorte de départ, a lieu sous l'influence de circonstances inaperçues jusqu'ici; ces vacuoles se montrent plus ou moins nombreuses et quelquefois manquent tout-à-fait. Cette substance, facile à distinguer des gouttelettes huileuses, parce qu'elle réfracte si peu la lumière qu’on l’aperçoit souvent à peine, est donc aisément observable quand elle exsude à travers les tégumens lâches des Entozoaires; elle sort aussi par les déchi- rures, et les extrémités rompues des Naïs, des Lombrics et de plusieurs autres annélides, où elle est en globules plus petits creusés de même, quoique plus rarement, de vacuoles; elle constitue une gra Mes tie de la masse charnue intérieure des F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 369 jeunes larves d’'Hexapodes, où elle précède l’apparition de divers organes qui se développent dans son épaisseur, et où ses va- cuoles produisent des apparences très singulières à travers les tégumens. Sans parler d’une foule d'animaux qui en présentent également, je passe aux Infusoires, dans la composition des- quels le sarcode joue un rôle si important. Et d’abord on peut distinguer, parmi les Infusoires, ceux qu'entoure un tégument lâche très perméable et percé de mailles comme un canevas; tels sont le Paramæcium aurelia, le Kolpoda cucullus, la V’orticella convallaria , etc., et ceux où manque ce tégument, tels sont un grand nombre de Kérones et de Trichodes. Les premiers montrent toujours les vacuoles où prétendus estomacs plus distincts et plus nombreux, et laissent voir leur surface rayée en diverses directions par suite de la disposition des interstices. Si on les expose à l’action momentanée de la vapeur d’un flacon d’'ammoniaque ou à la pression d’une lame mince de verre poli, ils perdent peu-à-peu la vie et laissent exsuder le sarcode en globules qui se détachent souvent et se creusent parfois dé vacuoles. Les autres Infusoires, dans les mêmes circonstances, s’arrondissent et s’entourent de sarcode, qui, n'étant contenu par une membrane, se répand en une large masse plus ou moins irrégulière. Ce phénomène s’est offert à moi de la maniere la plus sur- prenante dans la Leucophra nodulata (Müller), qui se trouve abondamment dans l’intérieur d’uue espèce de Lombric, com- mune au bord des eaux, et que M. Dugès appelle Zumbricus amphisbæna. Cette Leucophre, longue de + millim. à = millim. (pl. 11, fig. L. 1), ovale, allongée, déprimée, est toute couverte de cils qui, se mouvant successivement d'avant en arrière par ran- gées, produisent, par leurs intersections successives, l'apparence de lignes noires , onduleuses; elle paraît entourée d’une double bordure noire, ce qui est un effet de réfraction provenant de ce que le sarcode, en couche transparente, enveloppe l’animal- cule entier et supporte des cils de même nature. L’axe de la Leucophre est occupé par une masse allongée, ridée , d’appa- rence spongieuse, prise par Müller pour un intestin dans plu- sieurs espèces du même genre, et de chaqne côté, au milieu de IV. Zooz, — Décembre. 24 370 F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. l'intervalle entre le bord et cet axe, se trouvent quatre ou six vacuoles presque symétriques. L'animalcule, mis en liberté par la rupture du Lombric, se meut dans l’eau avec rapidité pendant huit ou dix minutes, puis commence à s’affaiblir, à se déformer, et se montre entouré de sarcode libre. Le sarcode forme bientôt des globules ou lobes, fig. r. 2.,ou bicnil s'étend de plus en plus, fig. 1.3, r. 4, jusqu'à for- mer une large lentille, fig.r. 5, L. 6, ou même il se détache par l'acitation en globules isolés. On observe qu’il emporte d’abord le] avec lui les cils de la surface plus ou moins crispés et finissant par disparaître. En même temps l'axe se contracte et s’infléchit (fig. .3,r.5), de manière à faire croire, en effet, à l'existence d’un intestin, s’il ne conservait une apparence spongieuse, et s’il n’entraîinait avec lui le reste de la substance contractile et de ième nature qui , imprégnée de sarcode, formait la partie solide de la Leucophre vivante. Bientôt le sarcode, sorti de cet Infusoire, se creuse çà et là des vacuoles bien distinctes, qui se dilatent jusqu’à la décom- position totale de la masse, par suite de la séparation de l’eau (fig. 2. 5,1.6). Sur un grand nombre d'individus de cette espèce, j'en ai vu peu qui ne présentassent pas le phénomène de la for- mation des vacuoles; dans les autres infusoires, au contraire, où j'ai déterminé facilement lexsudation ou l'évacuation du sar- code, il m'a fallu chercher fort fong-temps pour voir des vacuoles se produire, néanmoins je les ai vues dans presque toutes les espèces soumises à l'expérience. (1) (1) Müller a vu, sans les comprendre, ces exsudations de sarcode , notamment dans le Xo/- poda cucullus , où, en raison de leur transparence, il les croit identiques avec les vacuoles de l'intérieur, qui sont nour lui des ovules, comme l’indiquent ses expressions : « Vesiculæ pel- lucide... ego sobolem arguo et morte imminente sobolem vi protrudit. » — Dans le Trichoda Rattus, il figure et décrit une exsudation de sarcode , vesica pellucida, qu’il prend encore pour un ovaire, Dansle Xerona histrio, c'est probablement le sarcode qu'il désigne par les mots moleculæ mucidæ, en parlant des exsudations produites dans une déchirure. En pariant du Xo/poda rücleus, il signale des vésicules transparentes éparses dans le liquide avec une vésicule plus petile au centre, qui doivent être des globules de sarcode creusés d’une vacuole. Ô Gleichen a vu aussi des globules de sarcode exsudés dn Xo/poda cucullus, et, trompé par leur apparence, il les a pris pour les prétendus globules de l’intérieur devenus libres, Je présume que c’est une exsudation du sarcode que M. Ehrenberg a représenté (Premier Mém., pl. V, fig. À, 45) sur une vorticelle tuée par Ja chaleur sur le porte-ohjet. F. DUJABDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 371 Si l’on compare alors l'apparence de ces vacuoles adventives du sarcode libre avec celles de l’intérieur, qui sont les estomacs pour M. Ebrenberg, on trouve une parfaite identité entre les unes et les autres: en effet, la réfraction de la lumière a lieu, surtout au contour extérieur, de manière à montrer que la substance environnante est un milieu plus réfringent et se trouve souvent condensée où au moins refoulée autour de la vacuole produite. Sans doute des vésicules membraneuses pleines d’eau, au mi- lieu d’une substance plus dense, devraient produire le même effet que les vacuoles; mais dans ce cas, la membrane qui la forme, si contractile qu’on la supposàt, ne pourrait éprouver de si énormes changemens dans ses contractions presque su- bites, sans qu’on distinguàt (et cela n'arrive jamais) son épais- seur propre, les plissemens de son tissu , et surtout le canal assez dilaté par lequel le liquide se serait écoulé. Quand même le mode d'explication que je présente ne serait pas fondé sur le fait évident de la formation des vacuoles, il aurait encore l'avantage sur l'hypothèse des estomacs multipies par une plus grande simplicité; en effet, les vacuoles se formant à la surface ou sous la membrane perméable qui la revêt, dans les Paramécies, les Kolpodes, les Vorticelles, etc., comme le démontre le mouvement de rotation de ces Infusoires, on com- prend que les vacuoles peuvent se remplir d’eau arrivant di- rectement de l’extérieur (ce que prouve Pintroduction des matières colorantes) et se tronver entourées d’un rebord pro- duit par le refonlement de la substance environnante; tandis que des vésicules membraneuses dilatobles, recevant le liquide par un canal ramifié, n’eussent pu le faire alternativement, et d'une manière si variabie, qu’au moyen d’une organisation très compliquée dont on eût aperçu quelques traces, ne fûüt-ce que pendant le passage du liquide coloré par les canaux dé commu- nication. Ces prétendues vésicules cœcales ou stomacales, qu’il ne faut pas confondre avec les productions solides ovoides non suscep- tibles de coloration artificielle et de contraction de quelques Ké- rones, Trichodes, etc.; ces vésicules, d’ailleurs, on peut démon- 24, 372 F. DUIARDIN, — Sur les Organismes inféræurs. trer que leur existence est en opposition avec les faits; en effet, si la membrane qui les forme est adhérente à la substance géla- tineuse environnante, au sarcode, on ne devra pas voir si pro- noncé le rebord qui entoure les vacuoles dans beaucoup de petits Infusoires où elles prennent un développement démesuré, et surtout dans les espèces à corps aplati, comme les 7rachelius ; car les vacuoles deviennent alors une véritable lacune entourée d’un renflement très prononcé d’où partent d’autres renflemens onduleux en lignes rayonnantes, que M. Ehrenberg a pris pour un appareil génital; et si l’on admet, pour expliquer ces appa- rences, que la vésicule n’adhère pas au sarcode, il faudra que la membrane de la vacuole puisse, dans certains cas, laisser voir son propre contour, et c’est ce qui n’arrive pas dans le cas même où le rebord des lacunes est le plus prononcé. Enfin, et ce dernier fait est le plus concluant, on n’expliquera jamais comment des vésicules membraneuses se dilatant à-la-fois, peu- vent se souder et se confondre, de maxière à ne former qu’une cavité avec un contour lobé et des angles rentrans arrondis, laquelle se contracte jusqu’à devenir une seule vésicule sphé- rique; et ce fait qu’on observe fréquemment et plusieurs fois de suite avec des particularités différentes, dans les Infusoires à tégument, rendus immobiles par la pression et commençant à mourir, ce fait s’explique tout naturellement dans la théorie des vacuoles, et devrait à priori conduire à ce mode d’expli- cation. Je ne pense pas devoir m’arrêter à répondre à ceux qui ver- raient, dans les exsudations de sarcode, des hernies renfermant quelques estomacs, car la diaphanéité de ces expansions sarco- diques aurait indubitablement permis d’y apercevoir l'intestin et les vaisseaux, surtout à l’instant de la décomposition; d’ail- leurs ne suffrait-il pas de rappeler le fait des globules sarcodiques sortant des Entozoaires ? Mais pour admettre une similitude parfaite entre les vacuoles d’un sarcode quelconque et celles d’un Infusoire vivant, objec- terait-on que les vacuoles de sarcode libre n'ont qu'un déve- loppement très lent, qu’elles ne se contractent pas, qu'elles ne sont enfin qu’un indice de décomposition ; tandis que, dans les F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. 373 animalcules, elles sont un signe de vie bien prononcé, et que leurs contractions et dilatations successives sont assez promptes? Je ne le crois pas, car la différence des deux conditions expliqne suffisamment la différence des phénomènes; et je dois ajouter que, dans le sarcode libre, la vie s'éteint assez rapidement; dans un Infusoire comprimé entre des lames de verre et qui conserve un reste de vie pendant plus d’une heure, on voit les vacuoles se contracter et se dilater avec une lenteur de plus en plus grande et se confondre les unes avec les autres, jusqu’à l'entière décomposition, qui laisse un résidu tout semblable à celui du sarcode. On doit remarquer combien les mailles et les palmures ob- servées dans les expansions des Rhizopodes ont d’analogie avec le contour des vacuoles qui tendent à se confondre; d’un autre côté le sarcode, loin d’être absolument homogène, présente des nodosités comme la substance animée des Rhizopodes, et parait doué de propriétés chimiques semblables. Il est donc permis aussi de chercher, dans les filamens mous, glutineux et pourtant susceptibles d’une sorte d’érection et d’un mouvement quelque- fois assez vif d’oscillation et d’ondulation de ces êtres, une nou- velle analogie'avec les cils des Infusoires , cils susceptibles de se crisper et de disparaître comme le sarcode, après la mort de l’animalcule (1), au lieu d’être d’une nature cornée comme les véritables poils. Il en est tout autrement des faisceaux de soies raides, appelées mächoires par M. Ehrenberg, dans ses genres Chilodon, Pro- rodon et Nassula, en effet ces appendices, qui n’ont rien de commun avec un appareil buccal quelconque, mais qui ont, au contraire, de l’analogie avec les productions cornées microsco- piques internes que je me propose de décrire dans les Hydres, les Méduses, les Actinies, etc., résistent de même à l’action des réactifs chimiques, et restent après que l’animalcule, en mourant, s'est décomposé par diffluence. Le phénomène de la coloration des prétendus estomacs des (1) Müller avait observé cette disparition des cils après la mort des Infusoires, et dit en passant du Zrichoda Charon, qui montre clairement cet effet : « cilia in mortuo evanescunt, » 374 F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. Infusoires, paraissant avoir fourni à M. Ehrenberg le principal argument à l'appui de son hypothèse, je l'ai examiné avec la plus grande attention; et d’abord je dois faire observer, pour Y'intelligence de ceci, qu'on ne réussit pas avec des liquides colorés, comme une simple infusion de cochenille ou de bois de Campèche, mais bien avec des substances comme l’indigo ou le carmin , dont les particules, épaisses de + à -= millimètre, sont tenues en suspension dans le liquide. J'ai reconnu, comme Müller et comme M. Bory, que dans les Infusoires inférieurs il n’y a pas de véritable introduction de sub- stance parune ouverture qu’on appellerait la bouche. J'ai reconnu aussi que l'existence d’un anus ne peut être admise que d’après une illusion, résultant de ce que les courans produits dans le liquide par les cils sur les deux côtés d’un animalcule, venant à se rencontrer en arrière, il peut se trouver là des particules soustraites à leur action et réunies par un peu de mucosité, représentant assez bien un amas d’excrémens qui s’augmente ou diminue, suivant le mouvement de l’animalcule. Quant au fait de coloration intérieure, je n’ai jamais vu dans les vacuoles distendues que de l’eau peu chargée de couleur, et là, où les particules de couleur étaient plus rapprochées et for- maient de petits amas irréguliers, c'est que la vacuole s'était contractée en expulsant l’eau et retenant ces particules seules, engagées dans la masse transparente du sarcode. Leur intro- duction avait évidemment eu lieu à travers les mailles oulacunes du tégument, qui est, comme je l'ai dit plus haut, marqué de stries parallèles croisées, dont les intersections répondent à des ouvertures par lesquelles sortent les prolongemens ciliformes de la substance organique intérieure : or, les vacuoles se formant au-dessous du tégument, il en résulte un vide où pénètrent à- la-fois le liquide et les parcelles de couleur qni, soustraites aux courans extérieurs, se déposeront et seront retenues seules, au moins en partie, après le resserrement de la vacuole; et comme la même vacuole peut se dilater et se resserrer plusieurs fois de suite, le petit amas de couleur s’augmentera de plus en plus. Si l’on se reporte maintenant à l'hypothèse de M. Ehrenberg, déjà discutée sous d’autres rapports; admettra-t-on que l'ani- | Re F. DUJARDIN, — Our les Organismes inférieurs. 375 malcule ait recherché pour alimens une substance colorante telle que l'indigo, dont les qualités nutritives sont au moins tres contestables , ou telle que le carmin qui se montre encore, au bout de vingt-quatre heures, interposé sans altération dans la substance d’un Xolpoda cucullus ; lorsqu'on voit, dans l'ani- malcule encore plongé dans le liquide coloré et contenant déjà des amas de couleur interposée , lorsque l’on voit, dis-je, à-la- fois des vacuoles plus ou moins colorées et d’autres vacuoles tout-à-fait incolores? Et comment concevra-t-on ce choix d’ali- mens différent pour chaque estomac? Tandis que l'explication devient toute simple, en admettant des vacuoles qui se forment vis-à-vis tel point où le liquide contient ou plus ou moins de particules colorées en suspension, ou même n’en contient pas. Pour expliquer maintenant la présence des Navicules et des Bacillaires logées dans l'épaisseur de certains Infusoires, et qu'on pourrait supposer avoir été avalés par ces animalcules, je rap- pellerai que ces êtres, de nature ambiguë, Algues ou Infusoires eux-mêmes, sont animés d’un mouvement de translation dans le sens de leur longueur, assez vif pour pénétrer dans le mucus enveloppant les œufs de Mollusques, de Friganes, etc., où l'on en trouve toujours beaucoup, et qu'on les rend susceptibles de se mouvoir de nouveau en les dégageant; par conséquent les Navicules pénétreront davantage encore dans les Infusoires qu’ils rencontreront animés d’un mouvement opposé, lorsque ces In- fusoires ne seront pas protégés par un tégument; et l'on ob- serve, en effet, qu’elles ne se trouvent ainsi contenues que dans des animalcules susceptibles de se décomposer avec diffluence. Tels sont les résultats que j'annonce avec une entière con- viction, et que les observateurs vérifieront facilement sur les In- fusoires les plas communs. Les faits contenus dans les notes que je publierai successivement sur les organismes inférieurs tendront encore à les confirmer. Maisavant de quitter ce sujet, je veux ajou- ter quelques mots au sujet du prétendu intestin droit, sinueux ou circulaire, que M. Ehrenberg attribue à ses Polygastriques en- térodelés ; et auquel doivent aboutir toutes les vésicules cœcales. Il est certain que le savant micrographe, sil eût vu cet intestin avec une entière évidence, n'eût pas manqué de le représenter 376 F. DUJARDIN. — Sur les Organismes inférieurs. dans-un plus grand nombre de ses vastes figures, dont le gros- sissement exagéré n’est aucunement justifié par les détails qu’on y cherche en vain. Quant à moi je n’ai pu voir, dans les ani- malcules, rien de semblable à un intestin droit ou courbe, et pourtant je me crois fondé à croire que mon microscope et ma vue ne sont pas moins bons que ceux du célèbre Allemand, puisque j'ai vu dans beaucoup d’Infusoires des détails essentiels qui ont échappé à son habileté, notamment le long filament ‘lagelliforme qui sert d’organe locomoteur à l'Euglena longi- eauda, à des Cyclides , à des Monades, etc. Prétendrait-on que cet intestin se contracte jusqu’à dispa- raître, hors le temps du passage des alimens, de sorte qu’on n'en verrait à-la-fois qu’une partie accidentellement gonflée, et par conséquent facile à confondre avec un estomac? mais au moins devrait-il y rester quelquefois des particules colorées qui permettraient d’en suivre le trajet; et encore dans ce cas on pourrait, parmi les quatre cent cinquante figures et plus, que M. Ehrenberg'a données de ses Polygastriques ; contester l’exac- ütude des six seulement où il a représenté l'intestin en place , car il l’a représenté uniformément gonflé. Dans cette hypo- thèse, ne faudrait-il pas accorder à un intestin si prodigieu- sement contractile, des fibres qui persisteraient au moins un instant et deviendraient visibles, quand l’Infusoire mourant se décompose par une véritable diffluence, à commencer par une extrémité, tandis qu'il continue à se mouvoir à l'autre ex- trémité. Cependant, dans cette espèce de dissolution, on ne peut saisir aucune trace d’intestin; et de toute manière ce phéno- mène de diffluence , signalé si souvent par Müller, tend à prou- ver de plus en plus la simplicité de l’organisation des Infusoires. Dans tout ce qui précède, je n’ai pas voulu parler des Bra- chions et des Rotifères, qui ont un véritable appareil digestif et des organes assez complexes, quoique bien plus simples encore que ne le veut M. Ehrenberg. Le sarcode se retrouve chez ces animaux, et la connaissance de ses propriétés jette un grand jour sur leur organisation, comme j'espère le faire voir dans une note qui sera publiée prochainement, Académie des Sciences. 377 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE IX. Fig. 1. Gromia oviformis vue au grossissement de vingt diamètres ; elle est fixée par ses filamens rameux à la paroi intérieure d’un flacon plein d’eau de mer. Fig. 2. Orifice de la coque membraneuse d’une Gromia vue de profil au grossissement de soixante diamètres, à l'instant où elle n’est plus adhérente par tous ses filamens. Fig. 3. Miliola vulgaris également adhérente à la paroi intérieure d’un flacon, et grossie vingt fois. Fig. 4. Filamens d’une Miliole vivante soumise entre deux lames de verre à un grossisse- ment de 600 diamètres. PLANCHE X. Fig. A. B. C. Proteus tenax tiré de l’intérieur du corps du Zumbricus terrestris et représenté dans les formes différentes qu’il peut prendre à deux minutes d'intervalle. La fig, A. représente un individu près de mourir et laissant exsuder la gelée vivante ou le sarcode, grossi 250 fois- Fig. D. E, Amiba diffluens grossie 500 fois; elle provient de la couche de détritus envelop- pant des feuilles mortes de Typha. PLANCHE XI. Leucophra nodulata tirée de l’intérieur du Zumbricus amphisbæna et grossie 340 fois; en L1, elle est encore vivante, et dans les suivantes on voit les différentes formes qu’elle présente en se décomposant et en laissant exsuder le sarcode. Fig. G.H. Amiba diffluers grossie 500 fois et provenant de diverses infusions, Fig. S. Globules de sarcode exsudés d'une Douve (Distoma hepatica) placée encore vivante entre deux lames de verre avec de l’eau, et vus au grossissement de 160 diamètres, ANALYSE des travaux anatomiques, physiologiques et zoolo- giques présentés à l’Académie des Sciences pendant le mois de décembre 1835. Séance du 7 décembre 1835. Paysrorocre. — Lettre concernant des calculs trouvés dans les canaux bi- liaires d’un Cerf-volant femelle (Lucanus Carrrozus ), par M. V. Aupouix. {Cette lettre paraîtra dans notre prochain cahier.) Pazéonrooore. — Note sur des os de Crocodile et de Tortue trouvés aux environs de Sablé ( Sarrue), par M. DE LA PyYLAIE. Ces os fossiles ont été trouvés à 4o pieds au-dessous du sol dans la carrière de YHommeau, près de Solesmes. Cette localité offre ceci de particulier, qu'ils 378 AÆcademie des Sciences. sont entourés par un terrain de transition et recouverts de blocs de marbre compacte, appartenant à cette formation; ils sont enveloppés directement dans un dépôt de marne siliceuse blanchâtre. Outre un fémur gauche de Crosodile et une vertébre appartenant au même animal, M. de la Pylaie a vu des fémurs de Tortue d’assez grande dimension et divers morceaux plus ou moins grands de plaques ventrales de ces animaux. En comparant ces plaques à celles de la Tortue du Gange ( T'rionyx gangeticus), elles ont paru eu différer par des tubercules tous isolés et non liés entre eux, comme un réseau , par de petites saillies os- seuses. Les os du Crocodile se rapprochaient plutôt du Crocodile ordinaire que de celui du Gange, ou le Gavial. Mais dans le fémur qui a été trouvé, la forme des condyles et surtout la grande saillie un peu crochue de l’apophyse trochant- tienne distinguent l'espèce fossile des deux vivantes qui viennent d’être citées qui semblerait devoir constituer une espèce distincte. CoNcxYL10LOGiE. — Observations générales sur le genre Bélemnite, par M. Desnayes. (Commissaires, MM. Duméril, de Blainville, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. ) M. Deshayes se propose de déterminer ce que pouvait être, à-peu-pres , Yanimal des Bélemnites, genre aujourd hui anéanti à la surface de la terre. Il adopte , avec M. de Blainville, opinion que les Bélemnites étaient des coquilles intérieures. 11 croit, de plus, que l'animal avait le dos élargi, le corps terminé en pointe et garni de nageoires sur toute la circonférence, comme dans les seiches. La coquille aurait offert la combinaison de la coquille des seiches et de celle des nautiies. Le principal argument de l’auteur est contenu dans le passage suivant. € Dans plusieurs ouvrages qui traitent de pétrifications, et principalement dans « celui de M. Zieten, ont été décrits et figurés des restes singuliers de corps « organisés, comparables à l'os des calmars , et que l’auteur dont nous venons « de parler ; attribue à ce genre. M. Agassiz, auquel de grands et précieux tra- «vaux sur les Poissons fossiles ont mérité la reconnaissance des naturalistes de « l’Europe, trouva dans une collection d'Angleterre une plaque provenant des « lias de Zime-regis, sur laquelle une Bélemnite , dont l'espèce n’est pas déter- « minée, est en contiauation non interrompue avec un corps semblable à ceux « figurés par Zieten. Il est donc actuellement certain que les Bélemnites , si ce « n’est toutes les espèces, du moins un grand nombre, se continuent par une « expansion dorsale très mince et très fragile, ayant à-peu-près la forme de los « de la seiche. Cette observation est très importante en ce qu’elle rend plus pro- « bables nos conjectures sur la continuation de Bélemnites par des appendices € cornes. » Séance du 14 décembre, PALÉONTOLOGIE, — Lettre sur les ossemens fossiles trouvés dans le Wur- temberg. Académie des Sciences. 379 M. Jœger, qui publie un ouvrage important sur les ossemens fossiles annonce que depuis qu'il a donné un résumé de ses découvertes à la réunion des savans allemands, à Heidelberg, en 1829 , le nombre des débris fossiles dont il s’agit s’est tellement accru que les couches de fer pisiforme seules ont dorné plus de 50 espèces de Mammifères, et que le total des espèces trouvées dans le Wur- temberg dépassera le nombre de 60 , dont plusieurs sont nouvelles et dont quel- ques-unes même formeront des genres encore inconnus. Enromozocis. — Monographie du genre Clytus, par MM. DE LA PorTE comte de CasTELNAU , ei Gory. Cette monographie a été renvoyée à l'examen de MM. Duméril et Isidore Gceoffroy-Saint-Hilaire. Nous en ferons connaître plus tard le rapport. Séance publique annuelle du 28 décembre. Prix DÉCERNÉS POUR L'ANNÉE 1039. Grand prix des sciences physiques. L'Académie avait proposé , en 1833, pour le grand prix des sciences physi- ques à distribuer en 1835, le sujet suivant : Examiner si le mode de développement des tissus organiques, chez les animaux , peut être comparé à la manière dont se développent les tissus des végétaux. Rappeler à cette occasion les divers systèmes des physiologistes, répéter leurs expériences, et voir jusqu’à quel point elles s'accordent avec les règles du rai- sonnement et les lois générales de Porganisation. S'assurer surtout si les animaux d’un ordre inférieur se développent d’une autre manière que ceux d’un orûâre supérieur; s’il existe aussi dans laccroisse- ment des Acotylédones, Monocotylédones et Dicotylédones, autant de différence que l'ont cru quelques auteurs; enfin, si chez les Dicotylédones il y a à-la-fois plusieurs modes d’accroissement. { L'Académie, sur le Rapport d’une Commission composée de MM. de Mirbel, de Blainville, Magendie, Serres, Adolphe Brongniart, a décerné le prix au Mémoire n° 1, dont l’auteur est M. VazenxmiN, de Breslau, déjà connu par plusieurs tra- vaux importans d'anatomie et de physiologie. Voici les considérations sur lesquelles se fonde le jugement de la Commission : La Commission pour le grand prix de physique croit qu’il est de son devoir de donner à l'Académie quelques explications sur les motifs de la détermination qu'elle à prise. La question proposée, si vaste et si féconde qu'il semble bien difficile d’en assigner les limites avec précision, ne laissait pas l'espoir que, dans le court es- 380 Academie des Sciences. pace de quinze à seize mois, les concurrens en embrasseraient l’ensemble et les détails. Nul en effet n’a rempli cette tâche. Mais l'auteur du Mémoire n° 1 a su mettre à profit l’occasion qui lui était offerte de traiter de diverses questions se- condaires qui, bien qu’elles n’eussent la plupart que des rapports plus ou moins indirects avec la question principale, étaient pourtant très dignes d’un sérieux examen. Si les doctrines de l’auteur ne sont pas toujours exposées avec la conci- sion, et par conséquent avec la clarté qu’on a droit d'attendre d’un esprit aussi positif, c’est sans doute que le temps a manqué à l’œuvre. Il ne lui a pas été loisible non plus de donner autant de développement à la partie relative aux végétaux qu’à la partie relative aux animaux, parce qu’il n’a disposé que d’une seule saison de végétation, et que deux à peine auraient suffi à l'examen des faits qui se ratta- chent naturellement à son sujet, tel qu'il l'a conçu. Ces considérations ont été discutées et appréciées par les Commissaires de l’Aca- démie. Ils sont d’avis que nonobstant l'absence d'observations de nature à résou- dre complètement la question, ils ne s’écartent point de la pensée constante de l'Académie, en lui désignant pour le prix un immense travail recommandable par une profonde intelligence des choses, de consciencieuses recherches , de sa- vantes descriptions, d'excellentes figures, et dont la publication ne sera pas moins utile aux progrès ultérieurs de la science de l’organisation que glorieuse pour l'auteur. Prix de Physiologie expérimentale , fondé par M. 0e Monrxon. Feu M. le baron pe Moxrxox ayant offert une somme à l’Académie des sciences: avec l'intention que le revenu fût affecté à un prix de physiologie ex- périmentale à décerner chaque année, et le roi ayant autorisé cette fondation par une ordonnance en date du 22 juillet 1818, l’Académie avait nommé une Com- mission composée de MM. de Mirbel, Duméril, Magendie, de Blainville et Serres pour examiner les pièces susceptibles de concourir. La Commission a cru devoir partager ce prix entre : M. Gaupremaup, pour ses Recherches sur le développement et accroissement des tiges, feuilles et autres organes des végétaux ; Et M. Porseuixe, pour ses Expériences sur les causes du mouvement du sang dans les vaisseaux capillaires. (1) IL est accordé , en outre, une médaille d’or de la valeur de 400 fr. à M. Mar- rIN-SainT-Axcr, pour ses Recherches sur les villosités du chorion des Mammi- fères. Enfin, sur la demande de la Commission, l’Académie vote l'impression des Recherches anatomiques et physiologiques de M. Léon Durovr , sur les Orthop- tères, les Hyménoptères et les N évroptères, accompagnées de Considérations re- laives à l'histoire naturelle et à ja classification de ces insectes; recherches dont la premitre partie a obtenu le prix en 1830. (x) L’extrait de ce mémoire et du suivant paraîtra dans le prochain cahier. Il a déjà éte rendu compte du travail de M. L, Dufour. (Voyez page 238.) Academie des Sciences. 381 PROGRAMME DEs PRIX PROPOSÉS POUR LES ANNÉES 16306 ET 1837. Grand prix des sciences physiques pour l’année 1837. L'Académie propose pour sujet du grand prix des sciences physiques qu’elle distribuera, s'il y a lier, dans sa séance publique de 1837, la question sui- vante : Déterminer, par des recherches anatomiques et physiques, quel est le mécanisme de la production des sons chez l’homme et chez les animaux verté- brés et invertébrés qui jouissent de cette faculté. L'Académie demande que les concurrens entreprennent de traiter cette question sous ces différens rapports : la production du son, son intensité , son degre d’a- cuite ou de gravité, et même sa nature, et cela chez l’homme et chez un certain nombre d'animaux convenablement choisis , comme l’Alouatte ou Sapajou hurleur, le Chat ou le Chien, le Cochon, le Cheval ou l’Ane, parmi les Mammifères; le Perroquet , la Corneille, le Merle, le Rossiguol, le Coq et le Canard, parmi les Oiseaux; la Grenouille parmi les Amphibiens ; les Cottes , les Trigles et même le Pogonias tambour , si cela est possible, parmi les Poissons; et enfin chez les Ci- gales , les Sauterelles, les Grillons quelques Sphynx, et même chez les Bourdons et les Cousins , parmi les Insectes. L'Académie recommande essentiellement que les ouvrages envoyés au concours soient accompagnés de dessins représentant les appareils naturels de la phona- tion, et que la théorie soit appuyée sur des expériences assez bien exposées pour qu’elles puissent être répétées par ses Commissaires , si elle le jugeait conve- nable. Elle croit aussi devoir avertir les concurrens, dans le but de limiter leurs re- cherches à ce qu'il y a de plus positif dans la question , qu’elle ne demande, en anatomie , rien qui ait trait à la signification ou concordance des pièces solides ou molles qui entrent dans la composition des appareils , et encore moins, en pby- siologie, à ce qui regarde l'influence rerveuse et la contractilité musculaire. L’académie se borne à demander le description anatomique des appareils, dans le but d'expliquer leur action et les résultats physiques de cette action, sans même qu’il soit exigé de rapporter historiquement , dans une longue énumération, tout ce qui a été fait sur ce sujet, autrement que pour combattre ou appuyer une théorie. Le prix consistera en une médaille d’or de la valeur de 3,000 fr. Les mémoires devront être remis au secrétariat de l'Académie avant le 1° avril 1837. Ce terme est de rigueur. Les auteurs devront inscrire leur nom dans un billet cacheté, qui ne sera ouvert que si la pièce est couronnée. Prix de Physiologie expérimentale , fondé par M. ne Moxrxo. Feu M. le baron pe Monrxox ayant offert une somme à l’Académie des Sciences avec l'intention que le revenu fût affecté à un prix de physiologie expérimen- tale à décerner chaque année: et le roi ayant autorisé cette fondation par une ordonnance en date du 22 juillet1818, L'Académie annonce qu’elle adjugera une médaille d’or de la valeur de Auit cent quatre-vingt-quinze francs à l'ouvrage , imprimé ou manuscrit, qui lui pa- raîtra avoir le plus contribué aux progrès de la physiologie expérimentale. Le prix sera décerné dans la séance publique de 1836. Les ouvrages ou mémoires présentés par les auteurs devront être envoyés franc de port au secrétariat de l'Institut avant le 1er avril 1836. D TABLE DES MATIERES CONTENUES DANS CE VOLUME. Découverte d’une circulation de fluide nutritif dans les pattes de plusieurs insectes hémiptères, circulation qui est indépendante des mouvemens du vaisseau dorsal, et se trouve sous la dépendance d’un organe moteur particulier, par W. F.G. Behn. . . . . , . : .., . 0 0u.m Essais pour déterminer l'influence qu’exerce la lumière sur la manifesta- tion et les développemens des êtres végétaux et animaux dont l’origine avait été attribuée à la génération directe, spontance ou équivoque ; par M. Ch. Morren (3e memoire). . . . . . . Recherches sur la structure du cordon ombilical, et sur sa continuité avec le fœtus, par M. Flourens. . . . . . . . « . . : : Recherches sur les caractères des grandes espèces de Rhinoceros fossiles, par M.de Christol. . .... .,. . + . , , + 0" 27.NRINMIÇONeNQN, Note sur la Seiche à six paîtes, Sepia hexopodia de Molina, et sur deux autres espèces de Seiches signalées par cet auteur ; par M. de Férussac. Note sur deux espèces de Crevettes qui vivent aux environs de Paris, par M. Gervais à à à Us ne oe ns + +. be SNS COTE Recherches sur la structure du cordon ombilical, et sur sa continuité avec le fœtus, par M. Flourens. (9° mémoire). . . . . . . . . . . . . Note sur des empreintes de pieds d’un quadrupède dans la formation de grès bigarré de Hildburghausen en Allemague, par M. de Humboldt. . Note sur des traces de pattes d'animaux inconnus contre-épreuvées dans le grès, près de Hildburghausen, par M. Link. . . . . 4 . . . . . Essais pour déterminer l'influence qu’exerce la lumière sur la manifestation et les développemens des êtres végétaux et animaux dont l’origine avait été attribuée à la génération directe, spontance ou équivoque, par M. C. Morren: ‘(4° mémoire). ".{ . 4 0." OMONNR (49107830 10 EEE 4 Recherches sur la structure du cœur chez les Batraciens Pérennibranches, par Ml. RON. ie cp miens ep 2 Rois dre le) CN SEONURRN Note sur les organes de la génération des Cirrhipèdes, et sur la place que ces animaux doivent occuper dans la série naturelle, par le professeur Wa- CROP Te le tu tier el ete ie Pat Où Ter nat een RU ile Je . 9 ES .? La . « e e Mémoires de la société d'Histoire Naturelle de Strasbourg, tom. x, liv. 1%, avec planches. (Analyse). .. . . . . . ., . . . . Lettre sur la fecondation artificielle opérée chez les Poissons, et sur les mé- tamorphoses qui arrivent dans l’œuf de ces animaux avant qu'ils aient pris la forme d’embryon, par M. Ruscont.. . . . . . , . . . . . Avalyse des travaux anatomiques, physiologiques et zoologiques présentés à l'Académie des sciences pendant le moïs de septembre 1835. . . . Séance du 7 septembre. Tête d'ours fossile des grottes de Miolet (184). — Réclamation de M. Velpeau au sujet des observations lues par M. Coste dans la séance précédente sur l'œuf humain (184). — Conservation des animaux morts (185). — Inauguration de la statue de Cuvier à Montbéliard (185). — Observations de M. Vallot sur une sorte de teigne (186). 142 Table des matières. Séance du 14 septembre. Nouvel exemple d'homme prétendu fossile (186). — Réponse de M. Coste aux réclamations de M. Velpeau re- latives à quelques points d’embriogénie humaine (187). — Ré- flexions de M. Thompson sur le même sujet (188). Séance du 21 septembre. Seconde lettre &e M. Velpeau sur le même sujet (189). — Nouvelle division du règne animal par M. Ekren- berg (189). Séance du 28 septembre. Mémoire de M. d’Orbigny sur l’organisation et les mœurs des Ptéropodes (189). Comparaison de la population contemporaine des Mammifères de deux bas- sins tertiaires du departement de l'Hérault, par M. Jules de Christol. Recherches anatomiques et physiologiques sur les Orthoptères, les Hymé- noptères et les Névroptères, accompagnées de considérations relatives à l'histoire naturelle et à la classification de ces insectes par M. Léon Du- Re (Ex à: : . - CCUT RONA A9 AIUIINE, LOD OI Mémoire sur la chaleur auimale (Deuxième article), par M. Becquerel et Me) 26 ofosel -nib atailid via rl gag Analyse des travaux anatomiques, physiologiques et zoologiques présentés à l’Académie des Sciences pendant le mois d’octobre 1835. Séance du 5 octobre. Structure du cordon ombilical, par M. Flourens. Etudes sur le foie par M. Duvernoy (247). Séance du 12 octobre. Lettre de M. Coste sur la formation du placen- ta (247). — Observations de M. Foucault sur des larves de la mou- che commune vivant sous la peau d’un enfant (248). Communica- tion de M. Arago relative à des anguilles sortant d’un puits artésien (248). Séance du 19 octobre. Observations sur le développement de l'œuf des limaces, par M. Laurent (248).—Résultats d’un voyage sur les bords de la Méditerranée, par M. Vanbeneden (250).— Nouvelies obser- vations de M. Dutrochet sur l'Endosmose (251). — Expériences de MM. Becquerel et Breschet sur la Torpille (252). — Philosophie naturelle, par M. Geoffroy Saint-Hilaire (253). — Lettre de M. Gervais sur les Spongilles (254). Pbhetionsindtrelles. 02 dre 91 ans note 2 h.-muiiqul Des oplaempar M.Duvernoy. . . . ie 2,4. 4 20, . Notice sur un Mammifère de Madagascar, formant le type d'un nouveau genre de la famille des carnassicrs insectivores de Cuvier, par M. Doyère. Rapport fait à l'Académie des Sciences par M. de Blainville sur un mémoire de M. Quatrefages intitulé : Mémoire sur la vie inter-branchiaie des DS AO... 1. 2 . . on. rafdosel oO Remarques sur l'organisation des Acalèphes et des Echinodermes, par M. 0 SO ee Me EME |. Lettre sur les Bélemnites par M. de Férussac . . . . . . . . . . . . Analyse des travaux anatomiques, physiologiques et zoologiques présentés à l’Académie des Sciences pendant le mois de novembre. Séance du 2 novembre (310). Séance du 9 novembre. Mémoire sur le vol et la natation des oiseaux par M. Jacquemin (310). — Notice sur un genre peu connu de lé- zards vivipares (Zootoca Wag.) et sur une nouvelle espèce de ce genre, par M. Cocteau (310). Séance du 16 novembre. Lettre sur le mouvement observé par M. 583 245 256 257 270 283 290 306 334 Table des matières. Behn dans les pattes des insectes Hydrocorises, par M. Léon Du- four (313). — Observations sur les Rhizopodes, par M. Dujardin (316). — Lettre de M. de Férussac sur les Bélemnites (316). — Note sur la reproduction du Cristallin par MM. Cocteau et Leroy (316). Séance du 23 novembre. Instructions rédigées par M. de Blainville, pour MM. les officiers de la Bonite. Recherches anatomiques, physiologiques et zoologiques sur les Polypes, par M. Mine Edwards .: 5 + dt. ge) mboueailadeumtihone Sa Mémoire sur un nouveau genre de la famille des Alcyoniens (genre Alcyo- nid nn ere ie 08 (rte CP sa Te le intel CERN A2 Observations sur les Alcyons proprement dits. . . . . . . . . . . . 333 Recherches sur les organismes inférieurs, par M. Dujardin. . . . . . . 343 Avalyse des travaux anatomiques, physiologiques et zoologiques présentés | à l’Académie des Sciences en décembre 1835. . . . . . . be: 1877 R Séance du 7 décembre. Lettre de M. Audouin sur des caleuls trouvés dans les vaisseaux biliaires des. Insectes (377). — Note de M. La Pylaie sur des os fossiles de Crocodile et de Tortue (377). —Ob- servations sur les Belemnites, par M. Deshayes (378). Séance du 14 décembre. Jæger sur les fossiles du Wurtemberg (378). —Monographe du genre Clytus par MM. De la Porte et Gory (379). Séance du 28 décembre. Prix décernés pour l’année 1835 (379). — Programme des Prix proposés pour 1836 et 1837 (380). © — TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Planches à, 2, 3. Rhinoceros fossiles. 4. — Foie des Mammifères. 3. — Empreintes de pattes dans le gré bigaré. “ Ossemens fossiles. 8. — Euplère de Goudot. g. — Gromia et Miliola. 10. — Amiba et Proteus. 11. — Leucophra, Amiba, etc. D Alcyonide élégante. | É é Alcyon palmé. 16. — Alcyon étoilé. FIN DE LA TABLE DU QUATRIÈME VOLUME. Hlunocéros. fossules ji WA LL k Rita au Zool. Tom. 4: PL à. 4 , Bob pi Le Gi Ann. der Jriene. nul. 2€ drrie : Linoceres, fosses . Zool. Tom. 4 PL 3. * + ê 1 & Lanoceros , Jossde . Zool. Tom. 4. PL 4. Ne! } À } ST re 4 d KE z ; ’ * Mari dge \ NT 4 , : | À) Va / typ love. de divers WNammiferes. LL à, LT ré Zool, To 4. PL, 6. x CU nn Ossemens fossile. v 50 FSQ LONPSS Of D S'UIUOSS () J0pnos 4) OP 4247 LR Lu 4 La RTE “ des Jetenc. hat. 2° Série lhéxopodes. {Gromta et Mirole / gronrur ” four Zool. Tom. à: Plars Leucophra nodulata, Amiba dffluens, et globules de J'arcode . DT Re On — Ann.des Sexenc. nat. 2° Jerte. Zool. Tom. 4. PL 12 Ë | LE. dt : Meyondte élégante .£Æ Forpet té: ‘ Li Zoot. Tom. 4. PI. 13. arte. £. cg La AMoyonide el Zoo. Tom 4. PL 14. F 4 O JL ? ‘  leyon palme =", NS EE re u \ È Ann. des Setenc. nat 2° Serte. 22774 , ; Aleyon palré. #0 pue. des Scienc. nat. 2° Jérie. | Zoo. Tim. 4. PL. 16. Meyon etoile. Arget se ù M | - MR … er À mn De 0 y F = ? s is ; L nt 5 . «+ à, Lr LL mn \ D de t . + 2 Het a Efirqeie le i RENE titteisie st