ANNALES SCIENCES NATURELLES DIXIÉME SÉRIE LOOLOGIE TÉ. Ÿ IE CRE #4 IMPRIMER ANNALES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE COMPRENANT L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ‘ET L'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. EDMOND PERRIER DIXIÈME SÉRIE TOME III PARIS MASSON ET Cie, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain 1920 duction repro ANALYSE DE L'ACTIVATION PAR LA TECHNIQUE DES ŒUFS NUS ET LA POLYSPERMIE EXPÉRIMENTALE CHEZ LES BATRACIENS Par E. BATAILLON [I APERÇU SUR ÉA PARTHÉNOGENÈSE TRAUMATIQUE ET EN PARTICULIER SUR LES EFFETS DE L'INOCULATION. LA THÈSE DE HERLANT. Mes deux derniers mémoires ont été consacrés à l'Analyse de la fécondation par la parthénogenèse (6 et 8). Celui-ci apporte à la même analyse des précisions nouvelles puisées à une autre source. Les trois opuscules réunis forment un ensemble auquel, après cinq années de contrôle, je ne vois rien d’essentiel à modifier. | Les biologistes qui voudront se renseigner sur mes re- cherches analytiques pourront donc, à la rigueur, s’en tenir à ces trois brochures peu encombrantes. Ils y trouveront toutes les expériences et toutes les techniques issues de la parthénogenèse traumatique depuis 1910. Mon dernier travail, déposé en 1914 pour le Jubilé de METSCHNIKOFF ($), et paru seulement en 1916 aux Annales de l’Institut Pasteur, distinguait dans la fécondation trois temps séparables expérimentalement : l'activation, une régu- lation indépendante de l’amphimixie, et enfin l'amphimixie. Les deux premiers suffisent à provoquer l’embryogenèse ; lamphimixie est un processus surajouté, non indispen- sable ; il fait défaut dans la parthénogenèse traumatique. ANN. DES SC. NAT. ZOOL., 10e série. 19149; ‘nr: 1 nd 2 E. BATAILLON Ces phénomènes initiateurs nous sont, du reste, très inéga- lement accessibles. La régulation, qui caractérise le deuxième temps, est sur- tout difficile à définir. Elle n’est pas en cause dans les expé- riences qui vont suivre. Mais, ma description de 1912 (6) peut sembler atteinte après la publication du mémoire de HEr- LANT (25) en 1913. Les conclusions du savant de Bruxelles étant affirmées à nouveau dans un opuscule sur la parthéno- genèse (16), je dois lui répondre sans plus tarder et procéder dans cette introduction à une mise au point provisoire. CRITIQUE SOMMAIRE DE LA THÈSE DE HERLANT De divers côtés, on a regretté le défaut d'illustrations de mes derniers travaux. Engagé dans la voie expérimentale, je n’ai eu ni le temps nil’aidenécessaires pour utiliser un maté- riel cytologique considérable, et duquel j'ai extrait seulement les indications fondamentales. Ces indications sont claires pour quiconque à vu une cinèse, une figure polaire, un pro- nucleus, un aster. Au reste, il m'était permis d’espérer que cette lacune serait comblée par le travail descriptif de HER- LANT (15). Je possédais déjà, avant cette publication (1913), de magni- fiques séries de coupes, complètes, portant sur un millier d'œufs à tous les stades initiaux. Ce matériel, fixé aux l- queurs chromo-acétiques et coloré Selon la méthode de BENDA, m'avait permis de débrouiller les faits cytologiques essen- tiels. Mais il restait des lacunes, dont la principale était la sui- vante : si les œufs inoculés révélaient des cinèses d’une grande beauté, avec leurs chromosomes assez nets pour être comptés, je n'arrivais pas à saisir la première division bi- polaire sur les œufs simplement piqués. De cette division, je conserve bien des métaphases 1rré- prochables, remontant à plus de dix ans:mais elles proviennent d'œufs de Calamite, activés par le simple contact des sperma- tozoïdes de Triton. Quiconque verra l’ensemble de mes préparations com- prendra ma déception en présence des dessins de HERLANT. Ce L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 3 Il s’agit d’un travail très complexe ; je le considère comme particulièrement ingrat, avec la fixation au Zenker, et la nécessité de collodionner chaque coupe pour éviter son effri- tement sur le rasoir. Cette technique fut mise récemment à l'épreuve dans mon laboratoire et trouvée fort inférieure à celle dont j’use depuis des années, sans me heurter à des diffi- _ cultés pareilles. Voilà toute une étude à reprendre. Et, sans m’engager au- jourd’hui dans une critique détaillée, qu’un de mes élèves appuiera d’une sérieuse illustration, je me limiterai aux ré- serves les plus urgentes. HERLANT apporte un amendement à ma thèse de la caryo- catalyse. Le fuseau issu du monocaryon femelle doit être trop court (d’un cinquième environ). Selon le principe de TErcx- MANN (20), il est inapte au clivage, de par sa longueur réduite et sa situation profonde. Mais l’aster accessoire (aster d’ino- culation) peut lui fournir l’adjuvant nécessaire, en se divisant à côté de lui suivant un axe parallèle, en vertu de la forme et des réactions réciproques des territoires occupés. Les asters accessoires conjugués refoulent super ficiellement la cinèse du pronucleus, la rendent immédiatement efficace et coopèrent avec elle à la cytodiérèse. . Le mécanisme est séduisant, et semble préciser le rôle que j ai attribué aux noyaux inoculés. < Une réduction dans la longueur du fuseau concorde avec mes indications : quand J'ai comparé mes cinèses d’activa- tion de Calamite à des figures polaires, je visais un raccour- cissement bien plus marqué, puisqu'il dépasse certaine- ment un tiers (1). Ayant constaté sur ce fuseau l'absence des radiations polaires, je pouvais considérer cette circonstance comme plus décisive pour l'avortement du clivage que les abstractions de longueur, de distance à la surface, dont elle est solidaire. (Notons, en passant, que HERLANT n'a pas vu ce fuseau, et quil induit la réduction d’un cimquième, des monoca- (1) Il s’agit ici, bien entendu, de l’écartement des deux pôles. Si l’on tenait compte de l’étendue des asters sur une cinèse de fécondation, la différence serait d’autre importance, 4 E. BATAILLON ryons mâles observés en polyspermie : les deux cas ne sont pas forcément comparables.) Un rôle des asters accessoires me paraîtrait également très acceptable. J’ai indiqué aïlleurs (4 et 6) le mécanisme par lequel ces formations isolent, dans la division simultanée en trois, un territoire sans noyau. Le clivage, limité aux deux autres segments, aboutit à deux tiers de blastule. I n’y à qu'une difficulté. La division régulière d’un aster accessoire, dont les produits iraient respectivement à cha- eun des deux premiers blastomères, est au moins très excep- tionnelle. Beaucoup plus nombreux sont les cas où tout le matériel inoculé, avec ses asters, est localisé sur un seul seg- ment. Le mécanisme présenté comme normal est plutôt rare : c'est une première réserve. Mais HERLANT n'apporte pas à ma thèse une simple addi- tion. La caryocatalyse a été présentée par moi, non seulement comme une accentuation du gel hyaloplasmique, mais comme un processus accélérateur de la première cinèse. Or, pour le biologiste belge, la caryocatalyse tombe, du fait que l’accélé- ration n'existe pas. Suivons son exposé. A part l’action mécanique des asters accessoires, les mou- vements du pronucleus femelle sont synchrones sur l’œuf, piqué et sur l’œuf inoculé. Non seulement la division nu- cléaire se fait simultanément dans les deux cas (le clivage immédiat n'étant possible que dans le second, et c’est la seule différence), mais toutes les phases initiales de l’évo- lution du noyau femelle, dans les deux alternatives, sont su- perposables. Un fait nouveau domime et unifie toute cette histoire des premiers stades. Trois quarts d'heure environ après la piqûre ou l’inocula- lion, se développe, sur le pourtour du pronucleus, une 1rra- diation qui s’étendra à tout l'hémisphère supérieur de l'œuf. C'est l’énergide femelle, qui accapare l'élément et devient ainsi l'équivalent physiologique de l’énergide spermatique en fécondation. Les asters d’inoculation n’apparaitront qu'au bout d’une heure un quart ou une heure et demie. Ici, mes réserves vont devenir beaucoup plus graves. Je vais contester presque tous les détails de cette interprétation. L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS s) 19 HERLANT n’a pu déceler les noyaux étrangers et les admet, sur la foi de mes expériences, non sans hésitation. Avec d’autres méthodes de fixation et de coloration, il aurait constaté non seulement ces noyaux dont il accepte l’inocu- lation sans les avoir vus, mais des leucocytes entiers parfaite- ment reconnaissables. 20 Le synchronisme cinétique entre œufs piqués et œufs ino- culés n'existe pas. A 180, la cinèse nucléaire des inoculés débute vers la deuxième heure : elle est achevée vers deux heures et demie ; après trois heures et demie, je trouve les métaphases prépa- rant la division en 4. A la même température, le matériel simplement piqué se comporte comme suit: après deux heures et même deux heures quarante-cinq, le pronucleus est encore au repos, sans traces de radiations ni de tassement ; vers trois heures, c’est une profusion de monasters avec de chromosomes numé- rables comme jel ai indiqué (6); après trois heures et demie, le monaster a régressé et le noyau se reforme au milieu de la zone de régression. Jamais je n’ai vu (comme on nous le dit) deux noyaux tssus du pronucleus femelle, dans l'activation simple, entre deux heures quarante-cinq et trois heures. Le seul synchronisme dont on puisse parler s’observe, sur le même œuf, entre noyau femelle et matériel inoculé. Je l'ai signalé à propos de la division en 4 (6, p. 273). L'accélération, que j'ai appuyée sur des faits indiscutables, peut être énergiquement maintenue. 30 Si, dans les deux premières heures, je n'ai pas vu la soi-di- sant énergide femelle suivie par HERLANT, c’est pour la rai- son très simple qu'elle fait défaut. La question est de savoir si les figures en question sont interprétées correctement, si le savant belge, qui n’a pas reconnu les noyaux d’inoculation, ne les aurait pas aperçus plus souvent qu'il ne croit. On admettra bien qu’une technique qui fournit de splen- dides cinèses, qui révèle les asters d’inoculation au bout de quarante minutes (HERLANT ne les voit qu'après un temps 6 E. BATAILLON double), ne saurait abolir totalement le système radié du pro- nucleus. à, L’attention se porte inévitablement sur l’appareil hyalo- plasmique rayonnant que j'ai décrit, après quarante minutes, sur le noyau importé (6, p. 273), appareil que je retrouve également après soixante et soixante-cinq minutes. Je me demande si l’homologue physiologique de l’énergide spermatique n’est pas là, s’il n’y a pas eu simple confusion, si l’énergide femelle dont on nous parle ne répondrait pas à une inoculation plus ou moins centrale. Quand je considère qu'à la deuxième heure le pronucleus inerte peut être encore tout à fait périphérique ; qu'après soixante-cinq minutes il est véritablement marginal : il m'est impossible de le reconnaître dans les figures les plus démons- tratives de la première planche de HERLANT (156, fig. 7, 8, 9, 10), de quelque façon qu’on imagine l'orientation ou la super- position des coupes. Pour moi, ces figures représentent un pro- duit d’inoculation : il n'y manque qu'une chose essentielle, le pronucleus femelle. En effet, dans l’œuf de soixante-cinq minutes visé ci-des- sus, en plus de l’aster presque central développé sur un noyau leucocytaire, je trouve, tout au bord supérieur, vers l’en- coche de la première émission, dans la zone corticale, le noyau propre, qui doit être très difficile à déceler par la méthode de HERLANT. J’ajouterai qu'avec le même aster, après qua- rante minutes seulement, le pronucleus n'est pas toujours reconstitué au repos. L'origine d’une telle confusion (d'œufs effectivement ino- culés avec des œufs simplement piqués),on pourrait la trou- ver même dans le procédé de la ponte provoquée. HERLANT le considère comme écartant toute chance de souillure. Or j'ai remarqué expressément (4) qu’il n’en: est rien. La souillure peut être considérablement réduite : elle n’est pas sûrement exclue. HERLANT doit savoir si les formations qu'il déerit sont constantes. Mais je suis persuadé que la confusion ne se serait point produite avec l’expulsion par la voie naturelle, à moins d'observations très restreintes et d’un hasard extraordinaire. L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 7 Reprenant ce mémoire, je lis à la page 13 qu'en 1912 les œufs étaient recueillis dans l'oviducte «en ouvrant le ventre de la femelle » : de là les réserves faites prématurément «sur le rôle attribué par BaTAILLON aux éléments figurés du sang ». Dans ces conditions, «les œufs sont fatalement souillés de sang ou de lymphe lors de lincision des téguments, et... th devient alors impossible de séparer les effets de la piqûre simple de ceux de l’inoculation ». Je cite HERLANT. C’est en 1913 (var la ponte artificielle) « que j'ai pu, dit l’auteur, me convaincre définitivement de l’action évidente du sang ». Mais, si ce procédé, qui écarte couramment l'embryogenèse des opérations de piqûre, suffisait à prouver la nécessité de l’inoculation, il suffisait également pour une étude cytologique comparative, et il est regrettable que mon contradicteur ne l'ait pas employé au contrôle de sa thèse. Une note de la page 24 nous apprend que, sauf indication spéciale, tous les œufs étudiés proviennent des expériences de 1912. Or, je n'ai pas trouvé d'indication spéciale concer- nant les figures que je discute. Dans ces conditions, sur quoi baser, à l’origine, une dis- tinetion entre œuf activé et œuf inoculé, si l’on confond le noyau étranger avec le pronucleus femelle ? Il y a pourtant des techniques qui éliminent toute cause d'erreur. Si HerLanr recule devant celle du cyanure, il reste l'activation au chloroforme, contrôlée par lui, et qu'il consi- dère comme fournissant le tableau complet du phénomène. Je voudrais voir une figure comparable aux siennes, dans les deux premières heures, après activation adéquate au chlo- roforme. , On peut user aussi des chocs induits. Mais, sur le point en litige, l'activation par simple contact d’un sperme hétéro- gène m'avait renseigné depuis longtemps. Rien de plus facile que d’activer les œufs de Pelodyle ou de Calamite avec la laitance de Triton alpestris. L'opération ne réussit pas toujours avec le deuxième type (Calamite); elle aboutit régulièrement avec le premier (Pelodyte). J'ai suivi la destinée du pronucleus sur ces deux formes. 8 E. BATAILLON Pendant les trois premières heures, il garde son inertie appa- rente ; malgré l’absence de spermaster, 11 n’y a pas trace de radiation ni d’énergide femelle, même à la troisième heure. quand la cinèse des fécondés est en anaphase. Je ne puis donc qu’affirmer à nouveau, et dans ses moindres détails, la thèse développée dans mon mémoire de 1912, sur le deuxième facteur, sur la régulation et l'accélération du processus parthénogénésique. Mon seul regret est de ne pas avoir trouvé chez autrui d’éléments susceptibles de l’en- richir. Le travail régulateur corrige un déficit qui semble porter sur certains principes nucléaires, facteurs du gel hyaloplas- mique, de l’épuration et du clivage. Mais il faut bien rappeler qu’en dehors de la morphologie toutes les expériences faites pour caractériser le processus n’ont abouti qu’à des conclu- sions négatives. Rien ne nous permet de distinguer, de prime abord, l'œuf simplement activé de l’œuf rectifié ou fécondé : ni les oxydations, ni la conductivité électrique ou la perméa- bilité (8), ni la résistance aux agents destructeurs (6), ni même l’action osmotique des fixateurs faibles (1 et 6). Une perspective nous est ouverte cependant : le facteur de régula- tion importé expérimentalement du dehors n’est pas obliga- toirement spécifique; il peut être fourni à l’œuf d’Anoure par des types très éloignés, par le sang, la lymphe ou la pulpe de rate de Mammifère, par le sang de Poisson, par des éléments spermatiques de Ver ou de Mollusque (6). IT INTRODUCTION A L’ANALYSE DE L'ACTIVATION PAR L’'EXPÉRIMENTATION SUR LES OEUFS NUS L'analyse du déclenchement initial, de l’activation, est autrement fructueuse. Elle a ses techniques et ses réactifs ; elle aboutit à une définition complexe, à un ensemble disso- ciable de phénomènes spécifiques ou non spécifiques. L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 9 A. — LES TECHNIQUES ET LES RÉACTIFS DE L'ACTIVATION. La technique de la piqûre, principe de la parthénogenèse traumatique effective, est connue depuis 1910. Appliquée aux œufs utérins, elle donnait des résultats ambigus. J’ai montré que, le matériel étant souillé de sang ou de lymphe, la piqûre d’un œuf pouvait être compliquée de l’inoculation d’un élé- ment figuré : cette inoculation, livrée au hasard, expliquait l'irrégularité des résultats, évolution complète ou évolution abortive. Par cette hypothèse, jJ'encadrais logiquement en 1911 (5), puis en 1912 (6), toutes mes expériences sur le genre Rana et le genre Bufo; mais j'avais expressément spé- cifié que la ponte provoquée par l’orifice naturel ne garantit nullement d’une contamination superficielle par les cellules libres du milieu intérieur. La preuve péremptoire qui me manquait, la preuve appli- cable à tous les cas, exigeait une technique nouvelle, suppri- mant tout à la fois l’obstacle de la gangueet les éléments qui peuvent la souiller. Le cyanure de potassium ou de sodium, aux fortes concentrations comprises entre 5 et 10 p. 1 000, dissout la mucine en trois ou quatre heures. Les œufs nus, entourés de leur seule membrane interne, après un lavage prolongé, se prêtent à la démonstration définitive de mon hypothèse. _ Piquez tels quels ces œufs nus, ces œufs au cyanure, comme je les appelle : vous n’obtiendrez jamais ni clivage régulier, ni gastrulation, ni embryogenèse. Souillez-les au préalable de sang, de lymphe ou d’une pulpe de rate : ils seront inoculés dans la proportion de 30 p. 100, 90 p. 100 ou même davantage. L’abondance des éléments étrangers pourra bouleverser le clivage. Néanmoins, le nombre des gastrules et des embryons dépassera sensiblement ce que j'obtenais sur les œufs à gangue. Mais cette technique, qui prouvait la nécessité de l’inocu- lation, me permettait en plus de préciser la nature de l’élé- ment actif. Du sang de cheval, recueilli à l’abattoir et défibriné, est 10 E. BATAILLON abandonné dans une éprouvette, où il se dépose en trois couches. à En haut, c’est la couche ambrée et transparente de sérum ; en bas, c’est la masse des hématies ; à la limite moyenne, c'est la zone floconneuse, grisâtre, où sont accumulés les leu- cocytes. J’effectue un prélèvement à ces trois niveaux pour souiller trois lots d’œufs avant de les traumatiser. Le lot au sérum ne donne pas un clivage régulier. Le lot aux hématies en fournit 1 sur 100, Le lot aux leucocytes n’en a pas moins de 75 p. 100, et les gastrulas y seront abondantes. L'idée d’un déficit nucléaire s’affirmait, et la nature du contingent d’inoculation était mieux définie. J’ai cru devoir rappeler 1c1 cette expérience capitale : elle n’a eu que la publi- cité des Comptes Rendus del’ Académie des sciences, en 1913 (7). La technique des œufs au cyanure (1) mérite d’être retenue. Non seulement elle isolait à coup sûr l'activation trauma- tique, non seulement elle ouvrait la porte à l’analyse du deuxième facteur, mais bientôt elle me mettait en posses- sion d’un autre procédé, d’une troisième technique, véritable réactif de l'activation et de la fécondation sur les œufs nus. J'essayais, sur des œufs nus, l’inoculation de la lymphe d'Écrevisse. Cette lymphe, prise dans la région cardiaque, détruisait mes matériaux en quelques minutes, comme je l'ai décrit ailleurs (8), alors que le liquide obtenu par la section d’une pince les respectait. Soupçonnant une souillure par l’hépato-pancréas, j'ana- lysai le rôle de ce suc. Il fut. établi que, s’il attaque, gonfle et détruit presque instantanément les œufs vierges, les œufs (1} En 1913, Wozzman (21) s’est servi de l’antiformine pour détruire l’en- veloppe muqueuse et les microbes qui la souillent. Arrêtant la liquéfaction à la membrane, et lavant rapidement ses matériaux à l’eau stérile, il lui suffisait de déchirer l'enveloppe interne pour libérer, à La fin de l’embryo genèse, des têtards exempts d’infection. J’ai essayé de ce procédé au début du clivage sur les œufs fécondés de Pélodyte. Beaucoup plus brutal que le cyanure (au moins dans les conditions où je l’ai employé), ce réactif ne m’a pas permis de respecter sûrement la membrane de fécondation. Par là même, il rendra de grands ser- vices dans l’analyse expérimentale de l’ontogenèse. Mais je doute qu’on l’ap- plique facilement aux œufs vierges et qu’on en tire jamais les précisions ana- lytiques auxquelles le cyanure s’est prêté. L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 11 activés ou fécondés (œufs nus dans tous les cas), sont réfrac- taires, et peuvent évoluer dans ce milieu sans dommage. Voilà donc, pour l'activation simple comme pour la fécon- dation, un réactif idéal. J'ai indiqué comment, sur un matériel fécondé rrrégulièrement et dépouillé ensuite de sa mucine, on peut trier à coup sûr, avant tout clivage, les œufs imprégnés qui seuls résisteront et qui tous se diviseront. La technique des piqûres, technique d'activation, est avan- tageusement remplacée’ par d’autres qui isolent le premier déclenchement. Sans revenir sur le rôle de la pression osmo- tique, de la chaleur, du froid, indiqué il y a une quinzaine d’années, je rappelle les beaux résultats obtenus par les chocs induits, par le chloroforme, le benzol, etc. (6). La technique du cyanure et celle de l’hépato-pancréas n’ont pas trouvé jusqu'iei de succédané. Elles m'ont été livrées par le hasard des essais expérimentaux. Mon seul mérite est de les avoir saisies au passage, pour les exploiter largement dans l'étude de l'activation. Le réactif hépato-pancréas de Crustacés ajoutait un crité- rium de haute valeur à deux autres dont je m'étais servi anté- rleurement pour définir l'activation. La déformation étonnante de certains matériaux dans des fixateurs peu concentrés vient ici°en première ligne. Immergés dans une liqueur chromo-acétique faible (comme la liqueur de King), les œufs fécondés ou activés de Pélodyte ou de Calamite se déforment, développent des pustules qui peuvent simuler, dans la région subéquatoriale, une sorte d’anneau de saturne. Cette altération ne s’observe pas sur les œufs vierges. Mais elle n’est frappante que sur les petits œufs de Pélodyte et de Cala- mite ; et puis, les matériaux qui la révèlent ou la contrôlent sont perdus pour l’expérimentateur. L'infécondabilité des matériaux activés est un réactif physiologique très supérieur. Mais le triage des œufs est diffi- cile avant la division. Je montrerai d’ailleurs que la fécon- dation est impossible sur les œufs nus. Or, c’est sur eux seulement que l'analyse de l'activation peut se développer librement. 12 E. BATAILLON B. — ANALYSE DE L’ACTIVATION; RÉACTION DE L'ŒUF ET PROCESSUS MEMBRANOGÈNE. Commençons par mettre à part les processus internes. Ils se déroulent toujours suivant le mode connu : l’œuf s'oriente et porte en haut son hémisphère pigmenté, la deuxième divi- sion polaire s'achève, et le pronucleus femelle, revenu vers le centre, engagera tardivement des cinèses imparfaites. incompatibles avec le clivage normal. L’amorce de ces mou- vements, qui échappent à notre contrôle, elle est dans un changement d'état, suivi d’une réaction dont la forme est spé- cifique. Chez la Grenouille comme ailleurs, l'œuf se contracte et élimine certains fluides : c’est l'appel osmotique de l’eau extérieure par cet excretum qui crée l'atmosphère liquide. dans laquelle l’œuf s'oriente. J’ai montré comment, chez la Lamproie (1904), la contraction progresse suivant le grand axe d’une ovale, du pôle micropylaire au pôle opposé. Mais la forme de la réaction est indiquée nettement, chez nos œufs de Batraciens, par l'équilibre plasmatique auquel elle abou- tit, par l'apparition du croissant gris (BRACHET, 11 et 12), en un point de la zone subéquatoriale, qui fixe l'extrémité cé- phalique de l'embryon virtuel. Le rapport se vérifie toujours, quand la régulation du clivage est assurée et que l’embryo- genèse suit son cours. Avec l'activation simple, quel que soit le tactisme qui la provoque, le rapport reste virtuel, quoique marqué avec la même évidence. La réaction, avec sa forme définie, l'équilibre plasmatique nouveau avec son croissant, ne peuvent être réduits actuelle- ment par les seules propriétés de l’agent extérieur mis en cause. Cette réaction est spécifique; elle est dirigée par le com- plexus spécifique de l’œuf vierge. Voilà une barrière à laquelle se heurte notre effort analy- tique actuel. Nous ne connaissons les facteurs internes que par la morphologie et les hypothèses générales que les struc- tures nous suggèrent. La barrière, nous allons expérimen- talement la situer dans le temps et dans l’espace. Mais, du même coup, nous dégagerons des éléments accessoires, qui éclairent singulièrement la physiologie de la fécondation. En Fu L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 13 séparant, dans l'activation, ce qui est spécifique de ce qui ne l’est pas, nous nous proposons non seulement d’écarter des formules simplistes qui créent l'illusion, mais de caractériser expérimentalement, d’opposer les uns aux autres les processus réductibles et les processus aujourd’hui irréductibles. Il fallait bien rappeler les techniques et les réactifs par les- quels l'activation va être dissociée. 1° Critique des œufs au cyanure. — Une question préa- lable se pose. Les œufs mis à nu par le cyanure sont-ils qua- lifiés pour servir à des expériences physiologiques ? Activés électriquement ou par piqûre, ils réagissent comme les œufs à gangue ; inoculés de sang ou de lymphe, ils donnent des embryons. Mais, immergés dans le sperme, ils ne sont jamais fécondés. Voilà une grave objection qu'avant tout il s’agit d'éliminer. J'ai prouvé, 1l y à une dizaine d’années, qu'après la déhis- cence, les œufs de Batraciens se trouvent, à un moment quelconque, au même point de maturation morphologique. qu'on les prenne dans la cavité générale, dans les oviductes ou dans l’utérus ; en somme, que les stades de l'émission polaire ne sauraient être localisés dans l'organisme ma- ternel. Si donc, comme il arrive avec les couples en captivité. on rencontre une femelle dont l'utérus est plein, dont les oviductes sont flétris, quelques œufs restant en panne dans la cavité générale, ces retardataires fourniront peut-être un point de comparaison avec les œufs au cyanure. En fait je me suis assuré : 19 Que ces œufs sont incapables de fécondation spontanée, comme les dégangués ; 20 Que ces matériaux se détruisent, eux aussi, dans le suc hépato-pancréatique de Crustacés ; 39 Qu'ils résistent à ce suc après activation ; 40 Enfin, qu'on peut les imoculer de lymphe et obtenir des larves. La question préalable est tranchée. Les œufs mûrs sans sangue se comportent comme les œufs au cyanure, et mon matériel expérimental échappe aux objections. En passant, 1 4 E. BATAILLON J'ai prouvé que la gangue muqueuse est indispensable à l’en- trée du spermatozoïde dans l’œuf. J'imagine que le flagelle en mouvement trouve, dans ce milieu visqueux, un appui nécessaire à la progression normale de l’extrémité céphalique. 29 La membrane chez les œuis vierges et chez les œufs activés. Inhibition de la membrane d'activation par les sels neutres. — Employé comme réactif de l’activation et de la fécondation, le suc hépato-pancréatique de Crustacés n’est applicable qu'aux œufs nus. Mais l’extraction de da mucine est plutôt facilitée sur les œufs traités au préalable par les chocs mduits ou pénétrés par le sperme : car leur fra- gilité est beaucoup moindre. On se procurera donc sans peine les matériaux nécessaires à une étude comparative. D'où vient que notre réactif respecte indéfiniment les œufs activés ou imprégnés, alors qu’il détruit en deux ou trois mi- nutes les matériaux vierges ? Cette différence de résistance paraît conditionnée par l'état de la membrane. Le déclenchement de l'activité interne entraîne pour elle une modification capitale; elle mérite désormais le nom classique de membrane de fécondation (mieux vaudrait dire d'activation). Il s’agit de préciser la nature du changement. La transformation en question ne se produit pas dans une solution de NaCl à 7 p. 1 000. Les œufs activés électriquement ou par piqûre dans un tel milieu réagissent, puisqu'ils se seg- mentent. Mais la turgescence fait défaut ; les blastomères, fortement incisés par des sillons verticaux, tendent à se dis- poser sur un plan : la destruction est rapide si on applique l’hépato-pancréas. Les œufs vierges, dépouillés de leur gangue et conservés dans le sel à 7 p. 1 000. peuvent être activés après des temps variables. La consolidation de la membrane est alors retardée. Au bout de vingt-quatre heures, elle n’est parfaite que une heure et demie après l’ectivation (Rana fusca) ; or, sur les œufs frais, elle était acquise après trente minutes. Après cette immersion dans l’eau, dont la durée variera suivant celle du contact antérieur avec la solution, la modifi- cation subie par la membrane semble irréversible, au moins L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 15 pendant deux jours : même reportés au sel, les œufs con- servent leur résistance. Inversement, si on les laisse au contact du sel après l’acti- vation, la membrane ne s’affermit que quand le retour à l’eau pure ne souffre pas un délai trop long. Des œufs activés, laissés dans NaCÏ un quart d'heure, une demi-heure ou une heure et reportés à l’eau, sont, le lendemain, réfractaires à l’hépato-pancréas ; mais les lots qui ont séjourné une heure et demie ou deux heures dans la solution saline sont détruits par le réactif. Dans cette inhibition par le sel, la pression osmotique ne semble pas en cause. On la réalise bien à la même concentra- tion (7 p. 1 000, valeur en NaCT), avec les divers sels neutres de K, de Na, de Ca, de Mg; mais nous verrons que le titre des solutions efficaces peut varier dans de larges limites (au-dessus et au-dessous de 7 p. 4 000 NaC). Voici, du reste, un fait plus significatif. En parcourant la même échelle de titres pour le saceharose et le glucose, on s’assurera qu’au contact des sucres la consolidation se fait comme dans l'eau. En employant, ad libitum,. les sels de K, de Na. de Ca et de Mg, on écarte par ailleurs toute idée de spécificité et d’anta- gonisme. Dans d’autres cas, on a trouvé les ions Ca et Mg, par exemple, antagonistes des ions Na. Les expériences faites ici avec CaCP, KCEL SONa? ont abouti aux mêmes résultats que quand j'usais de NaCÏ aux mêmes concentrations. Nous verrons plus loin que les mélanges ne révèlent pas trace d'an- tagonisme. 30 Le processus membranogène chez les Batraciens. — Les faits qui précèdent suggèrent une hypothèse sur la nature de la membrane d'activation. Les globulines (et en particulier les vitellines) sont solubles dans les sels neutres alcalino-ter-- reux à faible concentration ; elles précipitent de ces solutions salines par dilution ou par dialyse. Si donc les fluides rejetés par l’œuf activé contiennent une globuline (ou une vitelline), celle-ci, au contact de l’eau, précipitera, et le dépôt se faisant sur la membrane ou dans son épaisseur changera ses pro- 16 E. BATAILLON priétés. Ce qui me porte à penser que la modification s’étend à l'épaisseur de la paroi, c’est que, indépendamment du gon- flement de l'œuf vierge et de la distension de sa membrane, le suc hépato-pancréatique attaque et délite cette dernière. La membrane de l'œuf activé montre toujours ses deux limites intactes dans le réactif. La globuline, que je suppose rejetée, étant soluble dans les sels que j'emploie, ces derniers s'opposent à la consoli- dation, bien que la réaction épuratrice se fasse, bien que l'œuf expulse son deuxième globule polaire et se segmente. Au point de vue mécanisme, mon hypothèse, appuyée sur les faits, rappelle l’idée développée récemment par Mc. CLEN- DON (13) pour la membrane des œufs d’Oursins. Les œufs vierges de Toxopneustes et d’Arbacia sont normalement revé- tus d’une couche de mucus. Le colloïde périvitellin, éliminé dans l'activation, précipite au contact de la couche mu- queuse : telle serait l’origine de la membrane. Et l’expéri- mentateur prouve la coopération des deux facteurs en sup- primant le mucus par lavage ou par centrifugation. Dans ces conditions, la membrare de fécondation est inhibée, ce qui n'empêche pas l'œuf de se diviser. Voilà la réaction de l'œuf dégagée d’une transformation de l'enveloppe que nous supprimons à volonté, et dont la suppression peut être contrôlée. La technique des sels neutres est applicable non seulement au matériel activé, mais, tout aussi bien, à la parthénogenèse effective et à la fécondation. Des œufs vierges nus de Rana fusca, conservés dans le sel à 7 p. 1 000, seront rapidement égouttés. Puis on les moculera de sang ou de lymphe. Immergés ensuite, non p2s dans l’eau pure, mais dans NaCI à 3,5 p. 1 000, ces œufs se segmente- ront norm2lement. La concentration est cependant très suffi- sante pour inhiber la membrane. Au contact du suc hépato- pancréatique, les plus belles morulas seront immédiatement détruites. Un artifice de technique conduit au même résultat pour la fécondation elle-même. L'imprégnation est faite avec le sperme salé (2 p. 1 000 de NaCI). Après vingt-cinq minutes de con- L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 17 tact, je dissous les gangues dans le cyanure à 8 p. 1 000 addi- tionné de NaCI (teneur en sel : 2 p. 1 000). Les œufs, libérés au bout de trois heures et demie, sont lavéset maintenus dans la même concentration de NeCI pur (2 p. 1 000). Le lendemain, les ébauches sont éprouvées à l'hépato- pancréas : 50 p. 100 résistent, les autres sont immédiatement détruites. Ici, on remarquera que l’inhibition est partielle : il n’est pas difficile de concevoir les améliorations qui la ren- draient uniforme. En tout cas, des œufs vierges nous avons tiré plusieurs catégories de matériaux dont l’évolution demanderait à être suivie comparativement : œufs activés avec ou sans mem- brane, œufs inoculés (parthénogénésiques) avec ou sans membrane, œufs fécondés avec ou sans membrane. Chez les œufs fécondés sans membrane, le problème de l'activation se complique des faits de polyspermie qui sont l’objet principal de ce mémoire. III LA POLYSPERMIE PAR LES SELS L'action inhibitrice qu’exercent les sels neutres sur la con- solidation de la membrane chez les œufs des Batraciens ramenait mon attention sur certaines expériences de poly- spermie. Déjà, en 1912 (6), j'exprimais des doutes sur la soi-disant polyspermie physiologique de HERLANT (7/4). Tablant sur mes résultats de 1909 (2), sur la polyspermie par rigidité thermique, j'attribuais un rôle accessoire à la concentration en spermatozoïdes et mettais au premier plan l'état de l'œuf. On va voir l'importance physiologique d’un détail de technique introduit par W. Roux (19). Dans ses expériences de fécondation localisée, il entaille, sur un bord, la gangue gonflée légèrement par l’eau, de façon à créer le côté prédestiné où la pénétration des spermatozoïdes sera plus rapide. Les œufs n'étant fécondés que dans la proportion de 10 p. 100, ANN. DES SC. NAT. ZOOL., {0e série. 1919, 111, 12 18 E. BATAILLON il s’agit d'améliorer le résultat. Et Roux l’améliore par addi- tion au sperme de sel de cuisine à environ 2,5 p. 1 000. L'idée directrice est qu'avec une simple goutte de semence la gangue peut arracher des sels aux éléments mâles, ce qui gênerait le transport. Simple suggestion. Pourquoi, d’ailleurs, 2,5 plutôt que 2 ou 4 p. 1 000 ? Nous,l'ignorons, et le titre indiqué n’a jusqu'ici que la valeur d’une recette. Or si, en histologie ou en cytologie, on n’a pas à justifier les nuances de composition d’un fixateur qui révélera plus ou moins parfaitément des nuances d'organisation, ïl en va tout autrement d’un pareil changement de milieu en matière de fécondation. «Lorsque les conditions expérimentales sont identiques, nous dirait CL. BERNARD, le résultat est uni- voque : si le résultat est différent, c’est que quelque condition a changé (9). » Nos expériences sur les œufsnus (œufs au cya- nure) ont établi que la condition de l’œuf activé ou fécondé n'est plus la même lorsqu’à l’eau ordinaire nous substituons le sel (NaCD) à 2,5 p. 1 000. Nous savons que ces œufs sont détruits brusquement par le suc hépato-pancréatique ; alors que, immergés dans l’eau, ils résistent. La fécondation n’est pas impossible avec le sperme salé, et nous verrons comment elle se fait. Mais 1l est très difficile d'isoler le rôle du sel, quand on opère sur des œufs dont la gangue a été préalablement hydratée (W. Roux), et quand, selon toute vraisemblance, on rétablit le contact de l’eau à brève échéance. Roux a bien varié ses concentrations, puis- qu'il nous dit qu’en dépassant 3/4 ou 1 p. 100 on obtient régulièrement la polyspermie. Malheureusement, dans ces essais comparatifs, la part du sel n’est pas faite davantage. Nous nous rendrons compte que, dans ces milieux plus salés, la fécondation, normale ou polyspermique, est impossible : elle se produit au retour de l’eau, dans des conditions nouvelles pour l'œuf, à moins que les segmentations baroques obser- vées en pareil cas ne soient qu’une parthénogenèse abortive, J'arrive à l’influence que peut exercer une recette de ce genre sur les travaux ultérieurs. HERLANT s'imagine, lui aussi, qu'avec le chlorure de sodium à 2,5 p. 1 000 (titre de Roux), il améliorera ses fécondations, en fournissant «aux < L' ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 19 spermatozoïdes un milieu dont la pression osmotique se rap- proche » de celle du milieu intérieur. Il en est assez loin : mais peu importe. Il se gardera bien (toujours sur la foi de Roux) des concentrations de 3/4 à 1 p. 100. La polyspermie qu'il entend étudier sera du même type que celle de Boverti sur les œufs d'Oursins : elle doit relever exclusivement de la con- centration du liquide fécondant en spermatozoïdes. On est surpris, au premier abord, qu’un expérimentateur obtienne de véritables fournées de polyspermies physiolo- giques (1) (par simple concentration du sperme), là où d’autres, opérant souvent avec des spermes très denses, considèrent le phénomène comme exceptionnel, explicable seulement par un état pathologique de l'œuf, quand certains même prétendent ne l’avoir jamais observé. La surprise augmente quand HERLANT nous parle de lots témoins ; mais elle cesse quand on considère de quelle façon il institue son contrôle. > Au contact du sperme dilué, de même concentration saline, les témoins sont laissés cinq minutes seulement, sous pré- texte que la fécondation est assurée. Dans le sperme salé type (non dilué), qui doit fournir les polyspermies, leretour à l’eau n’a lieu qu'après vingt ou trente minutes, «ce contact plus long amenant la formation de polyspermies plus nombreuses ». _ Trois expériences suffiront à nous édifier sur le rôle du sel. (4) Étudiant le mécanisme de l’envahissement polyspermique, j'appelle physiologique la polyspermie qui respecte ou prétend respecter la condition des œufs comme celle.des spermatozoïdes. Si un facteur externe défini com- plique l’imprégnation, on peut parler de polyspermie expérimentale. Je n’ignore pas que les descripteurs, se plaçant au point de vue des résultats, ont distingué un processus physiologique et un processus pathologique ; qu’ils opposent même dans le premier cas la polyspermie physiologique vraie (Séla- ciens, Reptiles, Oiseaux) à la polyspermie facultative (Urodèles, Insectes), sui- vant la destinée des noyaux mâles surnuméraires. - Mais je ne vois pas en quoi les fécondations artificielles de Boveri ou celles que prétend faire Herlant seraient moins physiologiques que la polyspermie inofjensive des œufs de Triton alpestris, que la polyspermie souvent désastreuse réalisée chez le Triton cristatus par les mêmes techniques. Encore une fois, il s’agit ici du mécanisme de lafflux. Après quoi, on se demandera logiquement quelles conditions modifient, suivant les cas, le sort de l'œuf et des noyaux spermatiques en excês ; pourquoi l’'ébauche de Grenouille avorte, alors que celle de Triton alpestris évolue parfaitement. Il sera plus intéressant de solidariser les divers types de polyspermie que de les cataloguer. J'espère y parvenir. 20 E. BATAILLON 19 PREMIÈRE EXPÉRIENCE. — Un essai préalable avec des spermes salés, aux concentrations 7, 6, 5, 4 p. 1 000 de NaCI, nous prouvera que, dans ces milieux (on garde le contact per- manent), jamais un seul œuf ne s'oriente ni ne se segmente : il n’y a pas fécondation. La pénétration des spermatozoïdes est enrayée. Mais elle peut se produire longtemps après, au re- tour de l’eau, comme le prouve l'expérience suivante. 20 DEUXIÈME EXPÉRIENCE. — Des œufs sont fécondés rapi- dement avec le sperme à l’eau. Après deux minutes de contact. on égoutte le liquide, auquel on substitue une grande quan- tité de sel à 7 p. 1 000. Une certaine proportion d'œufs se divise, suivant la règle, au bout de trois heures et demie. Supprimez alors la solution, et remplacez-la par l’eau pure. Après un nouveau délai d’environ trois heures et demie, beaucoup d’œufs restés imdivis entreront à leur tour, et simul- tanément, en segmentation. 30 TROISIÈME EXPÉRIENCE. — Voici maintenant l’opéra- tion cruciale. On prépare une forte concentration de sperme dans l’eau ordinaire. Ce sperme pur va servir de base à cinq dilutions : 46 nee CONCENTRATIONS SRERME SALR. | salines p. 1000. 4 partie de sperme + 1 partie NaCl ë 2 parties de sperme + 1 partie NaCI à 8 parties de sperme + 1 partie NaCI à 4 parties de sperme + 1 partie NaCI à 6 parties de sperme + 1 partie NaCI à Chaque mélange sert à féconder un lot de deux cents œufs utérins : tous les lots sont issus de la même femelle. Le premier mélange (3,5 p. 1 000 de NaCI) ne provoque pas trace d'orientation ni de segmentation: la fécondation est suspendue, ; Le deuxième (2,33 p. 1 000 de NaCI) fournit une abon- dance de segmentations baroquesattestant, dèsle premier cli- vage, une polyspermie qui intéresse au moins 50 p. 100 des œufs. L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 21 Dans les lots 3, 4 et 5, la polyspermie tombe de 3 à 1 p. 100. J'ajoute qu'un sixième lot, fécondé avec le sperme pur, non dilué, n'en montre pas une. Non seulement le sperme le plus concentré n'entraine pas de polyspermie, mais les mélanges salés, de plus en plus riches en éléments sexuels, n'en donnent presque plus, quand la teneur en sel tombe au-dessous de l’optimum. Vers la limite de fécondabilité, la réaction de l’œuf est troublée par le sel : il faudra voir s’il s’agit d’un simple re- tard, comme dans mes expériences antérieures de polyfécon- dation par rigidité thermique. En tout cas, quand, à 3,5 p. 1 000, je n’obtiens pas une segmentation (le contact de la solution est maintenu perma- nent), je suis loin des concentrations qui, selon Roux, en- cendrent la polyspermie. Si nous écartons l'hypothèse d’une parthénogenèse abortive, il s'agirait, dans les opérations de ce biologiste, d’une polyspermie consécutive, qui se réalise dans l’eau, et, comme je l’ai dit, par suite d’une condition acquise antérieurement dans le sel. Sur ces bases, la critique des témoins de HERLANT devient facile. A l’arrivée de l’eau, la réaction de l’œuf se précipite ; l membrane se consolide ; et, par là se trouve exclu chez les témoins un envahissement qui peut continuer sur les œufs de l'expérience. Il y a d'autant plus d'intérêt à préciser le rôle du sel par un contact permanent, au moins jusqu’au premier clivage, qu’à ces titres peu élevés l’évolution reste normale. Dépouillés de leur gangue, et mis à demeure dans NaCI à 3,5 p. 1 000, les œufs fécondés aboutissent à l’éclosion. Or nous savons que, si la fécondation n'était pas acquise au préalable, elle serait impossible dans un tel milieu. IL est visible que le sel introduit dans ces essais une grosse complication. Nous sentons que les opérations de HERLANT appartiennent à l'analyse de la fécondation, comme les miennes de 1909, comme la parthénogenèse et l'imprégnation hétérogène. Mas la complication elle-même mérite d'être analysée. 22 E. BATAILLON IV LE MÉCANISME DE LA POLYSPERMIE EXPÉRIMENTALE La polyspermie qui vient d’être étudiée n’est point phy- siologique. Ælle est expérimentale et provoquée par le chlorure de sodium ajouté au sperme. Mais nous savons que les œufs, simplement activés, sont infécondables ; par conséquent, l’afflux des spermatozoïdes en polyfécondation appartient à la période d'activation. lei, nous avons séparé deux phénomènes : la réaction qui déclenche l’activité mterne, la consolidation de la membrane, qui précisément peut être inhibée par une solution saline. La condition de polyspermie n’intéresse-t-elle que cette deuxième transformation, reconnue accessoire pour l’em- bryogenèse ? ù Notre attention se porte donc fatalerment sur la membrane consolidée. On peut penser, suivant l’idée de Læg (18), que cette barrière est l’obstacle nécessaire à la monospermie ; qu’en son absence, et quel que soit le facteur de l'inhibition, l’afflux des éléments mâles se poursuit inévitablement. J'ajoute que hypothèse pourrait être généralisée, étendue aux divers cas de polyfécondation. Suspendez la réaction de l’œuf, ou le processus membranogène, ce dernier GE toujours atteint, directement ou mdirectement. En 1909 (2), j'ai décrit la polyspermie par rigidité ther- mique. Des œufs de Rana fusca, chauffés à sec à 36° pendant quinze minutes, sont mis au contact du sperme normal. L'orientation est tardive, le clivage est irrégulier, l’étude des premiers stades montre des trainées spermatiques pigmen- tées, et des spermasters plus ou moims nombreux. C’est le coup de chaleur qui retarde la contraction et provoque une mertie momentanée. Les gros œufs de Sélaciens, de Reptiles ou d’Oiseaux, chez lesquels on a décrit une polyspermie nor- male, sont alourdis par leurs réserves. Ils peuvent ne pas réagir instantanément au contact d’un élément mâle ; qui sait même si plusieurs spermatozoïdes ne sont pas indispensables L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 23 pour vaincre cette rigidité physiologique, constitutionnelle ? La transformation plus ou moins rapide subie par la seule membrane est donc séduisante au premier abord. Elle ramène bien à la même condition la polyspermie physiologique, la polyspermie par la chaleur ou par lessels. L'arrêt momentané de la réaction par la température ou par la charge vitelline serait efficace de par le retard infligé au processus membra- nogène ; la réaction dans la solution saline serait ineffective, parce que le processus membranogène est sup primé. Malheureusement, nous ne sommes pas au bout des com- plications introduites par la recette de W. Roux. Je montrerai que la monospermie peut être assurée sans que la membrane se consolide. Et si, malgré l’inhibition de la consolidation par un sel, les œufs activés deviennent néanmoins infécondables, alors /q membrane nous apparaît comme une formation accessoire. C’est, nous l'avons vu, un précipité qui se produit ou ne se produit pas, suivant le milieu fluide utilisé. Mais la réaction éliminatrice, avec le changement d’état qui la conditionne, repasse au premier plan. Une enquête rapide sur les divers sels de sodium, de potas- sium, etc., nous prouvera que l'effet de NaCI n'est pas isolé. D’autres solutions seront non seulement efficaces, mais bien supérieures à celles de NaCI comme facteurs de polyfécon- dation. L'action des solutions faibles, qui provoquent la poly- spermie sur les œufs de Batraciens, peut être recherchée au moins dans quatre directions : 10 Effet sur la gangue ; 20 Effet sur le processus membranogène ; 39 Effet sur la réaction épuratrice ; 4° Effet sur les éléments spermatiques. Nous passerons en revue ces quatre possibilités. A. — EFFET DES SELS SUR LA GANGUE. A partir d’une certaine concentration, qui, pour NaCI, débute suivant les pontes entre 3,5 et 4 p. 1 000, la gangue devient plus ou moins opaque, insuffisamment gonflée. De ce 24 E. BATAILLON chef, le cheminement des spermatozoïdes est entravé. La fécondation suspendue peut reprendre au retour de l’eau, après trois heures, six heures et même, pour quelques œufs, après dix-huit heures. Cette inhibition exige donc une concentration supérieure à celle qui suffit pour abolir la membrane ou prop ts la polyspermie. Iei encore, les sucres ont une action spéciale. Ils gonflent la mucine et permettent quelques fécondations aux doses isotoniques à 7 p. 1 000 de NaCI (le double de la quantité qui ordinairement suspend l’imprégnation dans ce chlorure). On pourrait imaginer un certain rôle de la pression osmo- tique, quand les solutions de NaCI, KCI et CaCl équivalentes à 2 p. 1 000 de NeCI permettent la segmentation régulière, quand à 4 p. 1 000 toute fécondation est supprimée. Mais il y a l'objection des sucres, et puis les limites de fécondabilité sont beaucoup plus resserrées, beaucoup plus précises avec NaCI qu'avec les autres chlorures. B. — EFFET DES SELS SUR LE PROCESSUS MEMBRANOGÈNE. Ici, 1l m'est permis d’être bref. Ce qui se passe chez les œufs à gangue peut être contrôlé sur les œufs nus, et le con- trôle est acquis. Nous savons que la consolidation, sur les œufs activés, se fait dans les sucres comme dans l’eau : elle ne se fait pas dans nos divers sels, même aux concentrations voi- sines de 1 p. 1 000 (NaCD). J'ai montré qu'on ne saurait mvoquer la seule pression osmotique. Mais il était assez logique de voir, dans cette inhi- bition, une condition possible de polyspermie. L'expérience établit que cette condition ne suffit pas. ; On pouvait le soupçonner déjà, en considérant la chute brusque des polyspermies au-dessous de 2 p. 1000 de Nacl à des doses qui inhibent encore la consolidation. Voici la preuve directe. Des œufs activés électriquement sont immergés aussitôt dans le sperme salé à 2,5 p. 1000. Ts se montrent infécon- dables comme dans l’eau. _ Ke: dt x in L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 25 Et pourtant, le processus membranogène a été aboli. Dé- pouillés de leur mucine dans le cyanure salé (à 2,5 p. 1 000), ils sont vulnérables à l'hépato-pancréas. Que la polyspermie soit nécessairement antérieure à la con- solidation, c’est un fait qui va de soi. Il faut aller plus loin . et dire que sa condition est indépendante de cette transfor- mation. {l faut envisager une action du milieu anormal sur l'œuf. C. — EFFET DES SELS SUR LA RÉACTION ÉPURATRICE. Le rôle de la pression osmotique dans l’action sur la gangue était déjà restreint par l'exception des solutions sucrées. Il se limite davantage encore si nous considérons la réaction éliminatrice. La réaction peut aboutir à la consolidation de la membrane. Mais celle-ci est accessoire : même quand elle est inhibée par un sel alcalino-terreux, le développement se poursuit. L'essentiel, la réaction qui ferme la porte aux éléments spermatiques (2). Que l’œuf ne réponde pas instan- tanément au premier A du sperme, et la LRO fécondation devient possible. Si la polyspermie provoquée par les solutions s2lines n'a rien à voir avec la membrane (autant que ses propriétés peuvent être contrôlées par la cytolyse hépato-pancréatique), nous retombons sur une snertie de l'œuf, comparable à celle que Je provoquais en 1909 par la chaleur. Qu'il s'agisse de rigidité thermique ou de rigidité physico- chimique, les résultats sont comparables : Fafflux des élé- ments mâles marque le temps perdu de la réaction. L'effet du sel sur le matériel spécifique qui réagit diffère essentiellement du travailmembranogène duquel nous lisolons. Ce dernier est facile à écarter : il se passe en dehors de la cellule vivante, sur des déchets éliminés. L'’activation, qui lui est antérieure, nous révèle une susceptibilité beaucoup plus grande. En touchant du doigt ces différences, on se rend compte de ce qu'il y a de plus intime dans le décleichement, la spécificité de l’œuf répondant diversement aux propriétés des sels. Par comparaison avec le processus membranogène, la réaction peut être définie qualitativement. 26 | E. BATAILLON La polyspermie, combinée avec lexpérimentation sur les œufs nus, va fournir son contingent précieux à l'analyse de l'activation. 19 Efficacité variable des sels à cation monovalent. — Je rappelle d’abord un fait général qui se dégage des opéra- tions précédentes. Les concentrations salines qui entravent la consolidation ont une échelle beaucoup plus étendue que célles qui provoquent la polyspermie. La polyspermie n’abonde avec NaCI qu’au voisinage de 2,5 p. 1000; au-dessus de 3 p. 1 000, la fécondation est ordinairement suspendue. Activons des œufs vierges nus par leschocsinduits. Reportés à l’eau, ils deviennent en moins d’une heure réfractaires à l’hépato-pancréas. Il n’en est pas de même dans les solutions salines, où la destruction sera constante à 3, 4, 5, 6, 7 p. 1 000 ou même plus. À Mais Le retard dans la réaction de l'œuf, qui règle la poly- spermie, varie essentiellement avec la nature des solutions employées. Les concentrations de Nal, NaBr, Azo®Na, isotoniques à 2,5 p. 1 000 de VaCI, donnent un rendement merveilleux. L’iodure et le bromure, dans d'innombrables opérations, aboutissent exclusivement à des seementations baroques d’une richesse mouïe. A cette supériorité évidente, nous opposons au contraire l’infériorité des sels correspondants de K. Non seulement les polyspermies sont moins riches, mais l’iodure seul en fournit un nombre appréciable ; l’azotate en donne peu, et le chlo- rure presque pas. Les essais comparatifs doivent toujours être faits avec les œufs de la même femelle, car il y a des variantes individuelles. Dans une même série, avec NaBr, j'ai relevé un tiers de polyspermies à 2,33, deux tiers à 3,3, neuf dixièmes à 3,79. L'ensemble des résultats accuse une action spécifique des ions et, en particulier, de tel ou tel cation. Le cation Na est plus actif que le cation K. Quant aux anions, ils se disposeraient, pour chaque groupe de sels, dans l’ordre suivant d’efficacité : todure, bromure, azotate, chlorure. C’est une échelle qui rappelle singulièrement celle dressée par Linie (17) quand il recherchait l’action toxique ou acti- Land ae font di ntT lé dt lé dr 5 L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 27 vante des solutions sur l’œuf d’Oursin. L’azotate seul se trouve reporté plus bas, entre le bromure et le chlorure. Re- marquons que, selon mon protocole, l'efficacité décroit avec le poids atomique de l’anion (1, Br, Azo°, CI). Les limites mêmes des concentrations utilisables semblent se resserrer avec le fléchissement de l'activité. L'’iodure de sodium (Nal) donnera les segmentations baroques les plus compli- quées à tous les titres compris entre 1,15 et 3 p. 1 000 (valeur en NaCl); tandis que, pour le bromure, lazotate et le chlo- rure, il faudra se cantonner plus strictement au voismage de 2,5, si l’on désire un rendement sérieux. En étudiant l’'inhibition de la membrane par les sels, nous n'avons enregistré nulle part des différences de cet ordre. 90 Inefficacité des sels à cation bivalent et actions anta- gonistes. — Mais le rôle des sels à cation bivalent marque bien plus nettement l'opposition entre les deux phénomènes, dont l’un concerne la réaction du plasma spécifique, Fautre un changement physico-chimique extra-élémentaire. En ce qui touche la consolidation de la membrane, nous nous sommes assurés que les sels bivalents se comportent comme les monovalents. Il n’en va plus de même en polyspermue. Avec CaBr?, CaCP, MeCP, on arrive aux doses qui annulent la fécondation, sans constater à aucun titre l'épidémie de cli- vages baroques signalée ci-dessus. Et le contraste devient plus impressionnant quand les mélanges attestent les actions antagonistes que nous cher- chions vainement dans nos opérations sur la membrane. Les essais sont délicats et exigent des contrôles multiples si l’on veut parer à toute objection. Un exemple montrera comment ils ont été conduits. a. Le stock utérin d’une femelle est réparti par lots de 150 à 200 œufs dans une série de boîtes de Petri. Les solutions salines sont toutes préparées 1sotoniques à 5 p. 1 000 de NaCI, Une demi-douzaine de’mâles fournissent une forte concentra- tion de sperme à l’eau. Les mélanges et fécondations sont exécutés en quelques minutes. 28 E. BATAILLON Plan de l'expérience «) TITRE DU SEL TITRE NUMÉROS. SPERME SALÉ. contrôlé (valeur en| total (valeur | | NaCI). en NaCl). 1er lot. |1 partie NaBr + 1 partie sperme....| NaBr 2,5 2,50 2e lot. |3 parties NaBr + 1 partie sperme. ...| NaBr 3,75 3,75 3e lot. |1 partie MgCl® + 1 partie sperme....! MgCl 2,5 2,50 &elot. |3 parties MeCP + 1 partie sperme... .| MgCl?3,75 3,79 o€ lot. |2 parties NaBr + 1 p.MgCl + 1 p. sp. NaBr2,5 3,75 6e lot. |1 partie CaCl? + 1 partie sperme....| CaCl2,5 2,50 7elot. |3 parties CaC]I? + 1 partie sperme.....| CaCI? 3,75 3,75 8elot. |2 parties NaBr + 1 p. CaCl? +1p.sp.| NaBr2,5 3,75 | | Les résultats ne prêtent à aucune ambiguïté. Non seulement u n'y a pas de polyspermie dans les solutions pures de CaCP ou de MgCP, mais il n'y en a pas davantage dans les deux associations, alors que les deux dilutions de bromure pur en fournissent 90 p. 100 Or, nos mélanges sont contrôlés par l’essai des deux consti- tuants purs, à la concentration du bromure seul (2,5) et à la concentration totale (3,75). Par ailleurs, ces mélanges comportent là même proportion de sperme que le bromure à 3,75. L'inhibition de l'effet de bromure dans les mélanges est indiscutable. Aucune objection ne peut être élevée contre sa concentration propre : elle est la même que dans le témoin n° 1. La pression osmotique totale est identique à celle du témoi n° 2. La teneur en sperme est la même que dans ce témoin n° 2. L'expérience prouve qu'en ajoutant un sel bivalent à la so- lution active, au taux de la-moitié de sa teneur en bromure, on obtient la division régulière, au lieu d'une journée de poly- spermies. Avec les bromures et chlorures monovalents, l’antagonisme est généralement absolu dans ces conditions. Il devient moins strict avec Nal, comme le prouve l'essai suivant où j'usais de mélanges à parties égales. b. lei les solutions étaient toutes préparées, isotoniques à 9,8 p. 1 000 de NaCL. Pour le détail, la technique reste la même. L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS Plan de l’expérience b : résultats. Nos SPERME SALÉ. artie Nal + 4 parties sperme. arties Nal + 3 parties sperme, Nal + 1 p. MgCE + 3 p. sp. Nal + 1 p. CaBr°? + 3 p. sp.| P 1 RÉSULTATS À LA DIVISION. Polyspermies riches (exclusivement). Polyspermies riches (rares div. en 2) 1/3 de polyspermies: (2/3 de div. en 2) Division en 2 (exclusivement). . - Division en 2 (quelques div. en 3). Division régulière. Division en 2 (quelques œufs non fécondés). Division régulière. Division en 2 (la moitié non fécondés). Division régulière. Division en 2 (la moitié non fécondés). p. MgC + sperme. arties MgC}? . sperme. IODOQR ON = 1 2 1p 4 p. Nal + 1 p. CaCI? + 3 p. sp. 1 2p 1 partie CaBr? 2 parties CaBr? 4 partie CaCP 2 parties CaCl? . sperme, . sperme. . sperme. . sperme. ETES = © © © Les résultats méritent de nous arrêter, Nal étant l'agent le plus efficace de polyspermie dont je me sois servi. Je cons- - tate ici des degrés dans l’inhibition par les bivalents : elle n’est complète que dans le mélange à parties égales NaïT-+CaPr2 (n° 4); avec Nal + CaCP, il y a encore quelques divisions baroques ; avec Nal + MeCP, j'en trouve bien un tiers. Mais l’inhibition partielle reste indiscutable, car, dans les deux lots à l'iodure pur, 1l n’y a, pour ainsi dire, que des poly- spermies d’une grande beauté. L’antagonisme diminue donc avec les bivalents, suivant l'ordre : CaBr?, CaCP, MgCP. En associant leurs solutions avec celles de Nal, j'ai pu graduer ici les actions antagonistes suivant l'ordre décroissant des poids moléculaires. Le poids atomique des cations se trouvant varier dans le même sens que celui des anions, je ne saurais préciser davantage. Si l’on me demandait des expériences symétriques sur le processus membranogène, je me contenterais d'exposer celle-ci, la dernière que j'aie faite, le 15 mars 1917. Une ponte, dépouillée de sa mucine par le cyanure à 8 p. 1 000, est soigneusement lavée et conservée jusqu’au len- demain (pendant dix-huit heures) dans NaCI à 7 p. 1 000. Ces œufs sont alors décantés et soumis, dans ma cuve habi- tuelle, à l’activation par les chocs induits. Je lès recueille dans l’eau et les répartis immédiatement en neuf lots. 30 E. BATAILLON Premier lot. — Œufs témoins (ils restent à l’eau). Deuxième lot. — NaCI à 2,5 p. 1 000. Troisième lot. — NaCI à 5 p. 1 000. Quatrième lot. — 1 partie NaCI à 5 + 1 partie MgCP à 5 (valeur en NaCÏ). Cinquième lot — 1 partie NaCI à 5 +1 partie CaBr? à 5 (valeur en Na). Sixième lot. — MgCE à 2,5 p. 1 000 (valeur en NaCI). Septième lot. — MgCP à 5 p. 1 000 (valeur en NaCÏ). Huitième lot. — CaBr? à 2,5 p. 1 000 (valeur en NaCD. Neuvième lot. — CaBr? à 5 p. 1 000 (valeur en NaCÏ). L'opération étant faite à midi, Je procède, à de:x heures, au contrôle par l’hépato-pancréas de Crabe. Seuls les œufs à l’eau résistent uniformément. Les solutions pures comme les mélanges ont aboli la consolidation : c’est partout la destruc- tion presque instantanée. Les sels bivalents se comportent comme les autres et n’attestent, dans les mélanges, aucun antagonisme. La différenciation qualitative que j'annonçais me paraît ressortir nettement de tous mes essais. Avec la réaction de l'œuf, non seulement nous nous heurtons à une certaine spéci- ficité des facteurs, mais nous relevons le jeu des actions antago- nistes, lequel fait défaut quand nous passons à la destinée des produits d'élimination. La polyspermie nous amène donc à définir avec plus de pré: cision le processus d'activation, mais uniquement par le con- trôle qualitatif de ses facteurs externes. Elle n’ajoute rien à notre connaissance du processus intime, dont elle suppose l'inhibition provisoire, et dont nous connaissons les effets. En attendant, ces nuances de susceptibilité, aggravées de l’anta- gonisme des sels bivalents, nous préviennent contre toute homologation prématurée avec les processus physico-chi- miques de la nature morte. Si l’action des sels nous laisse entrevoir certaines lois, applicables à la réaction initiale sur divers œufs, à la contraction musculaire, aux mouvements du cœur, etc., ces lois ne valent, jusqu'à plus ample informé, qu’en présence d’un minimum de conditions non débrouillées, L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACÇIENS 31 communes à certains plasmas. C'est le biologiste, et non le chimiste, qui apporte le vrai réactif. 30 Polyspermie par rigidité chimique et par rigidité électrique. Précisions sur la durée du trajet spermatique dans la gangue. — Arrivés, par cette nouvelle méthode, à maîtriser l'activation (simon à en définir les ressorts internes), nous pourrons faire un pas de plus et localiser dans le temps l’envahissement par le sperme, avec une précision inaccessible par d’autres voies. | Dès 1912 (6), je signalais chez les œufs électrisés, après imbibition par le sperme à l’eau, « d'assez nombreuses divi- sions simultanées, indice d’une polyspermie qu’on pourrait attribuer à une courte période d'inertie ». Activés par les chocs induits au moment où affluent les spermatozoïdes, les œufs passeraient par une brève période de dépression qui prête à l’envahissement. C’est la polyspermie par rigidité électrique, comparable à celle qu'engendre la cha- leur. Et, si cette dernière peut être rapprochée, comme je l’ai fait, de la polyspermie par les sels, nous risquons fort de ne distinguer les divers cas que par des degrés d’inhibition. ‘Avec les chocs induits, c’est affaire d'intensité (la fré- quence restant imvariable). Un débit de 10 ampères, avec le dispositif que j'ai décrit (6), et une trentaine d’interruptions à la seconde, peut provoquer, sous l’afflux des spermatozoïdes, des polyspermies pauvres (divisions simultanées en trois ou en quatre) dans la proportion de plus d’un dixième. Un débit de 8 ampères seulement, sur les mêmes œufs, n’en donnait pas une. L'inhibition électrique avec 10 ampères paraît donc de courte durée, et l'activation brusque réalisée par cette méthode est de nature à couper court à l’inhibition chimique si l’impré- gnation à été faite avec un sperme salé. De là l’idée de suspendre l’action d’une solution très effi- cace, comme NaBr à 2,5 p. 1000 (valeur en NaCl), par l'application des chocs induits au cours de la fécondation. a et b. Les œufs d’une même femelle, répartis en divers lots, seront badigeonnés au sperme bromuré, puis détachés les uns après les autres et électrisés de deux en deux minutes. 32 E. BATAILLON La réaction de l'œuf arrêtera l’afflux spermatique, et il sera toujours possible de distinguer les polyspermies pauvres, dues à la seule activation électrique, de celles engendrées par le bromure. Tableau de l’expérience a, 10 A. ŒUFS BADIGEONNÉS AU SPERME REPORTÉS DANS LA MÊME SOLUTION SALINE : bromuré (valeur 9,5 p. 1 000 NaCI). Électrisés après : Résultats à la première division. DÉTAILS CE ME PU Pas de fécondation. LR ORTETUICES LS Re RS URSS 40 divisés sur 150 : 32 en 2, 8 en 3 ou 4. 6 minutes...... Pt IoRu à LEA 70 p.100 de polyspermiesriches; 30 p.100 en 2. Se 1 (ON PU NET PO ARE EE SEA EE Et 95 p. 100 de polyspermies très riches. 10 minutes Même résultat. A partir de six minutes de contact, l’envahissement poly- spermique est acquis, avec des caractères qui excluent la seule inhibition électrique. Sur le lot de quatre minutes, le doute est possible, comme en témoignent les essais parallèles dans lesquels d’autres œufs étaient badigeonnés au sperme à l’eau (expérience b). Tableau de l’expérience b. 10 A. ŒUFS BADIGEONNÉS AU SPERME REPORTÉS A L'EAU. — RÉSULTATS à l'eau. Électrisés après : à la première division. IDUL EE are. 0 Pas de fécondation. PA DPAU ESÉ AU ne... 2 15 p. 100 divisés, dont la moitié de poly- spermies faibles. Pratique menttou G:MmINU VESTE CUT AE +, ER 20 p.100 de polyspermies faibles. \ divisés. S'MIDU ES CES ANTONNNET, RAR 10 p.100 de polyspermies faibles./ Les non- LOMIAURES AUS LS Ne ER MO TT 10 p.100 de polyspermies faibles.) polysper- mes son en 2. Cet essai comparatif prouve : 19 qu’à parti de huit mi- nutes la polyspermie par rigidité électrique baisse notablement (la plupart des œufs sont fécondés et devenus réfractaires): 20 Que cette polyspermie s'observe déjà après quatre minutes de contact, mais garde sa fable intensité pendant tout le cours L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 33 de l'opération. Par polyspermie faible, nous marquons la division simultanée en trois ou quatre. Or 1l convient de noter que ce sperme à l’eau renfermait deux fois plus d'éléments que le sperme salé de l’expérience a ; ce dernier était obtenu par dédoublement au moyen du bromure à 35 p. 1 000. cebd. Beaucoup plussignificatives seront maintenant lesexpé- riences faites sur les mêmes œufs avec un débit de 8 ampères. Elles sont symétriques des deux précédentes. En €, le maté- riel est imprégné au préalable au sperme bromuré ; en d, j'use du sperme à l’eau. Tableau de l'expérience c. 8 A. ŒUFS BADIGEONNÉS AU SPERME RÉSULTATS À LA DIVISION. — PROPORTION bromuré (mème valeur qu'en @). à : Electrisés après : des polyspermies. TRUE RSR ET TT Pas de fécondation. , RAM O SN RAA dem à OU | 1/10 de polyspermies pauvres. CARTES NEA AR REP RE EI 1/2 de polyspermies riches. SU ALUGS TR Rat ir lets 80 p. 100 de polyspermies riches. ORTTNUITE SRE PPS RER De Eee on 80 p. 100 de polyspermies riches. Ici, je mesuis contenté de marquer la proportion des poly- spermies et puis me dispenser d’un nouveau tableau pour les témoins (sperme à l’eau). Les témoins de cette expérience (d) ne montrent pas un seul cas de polyfécondation. A la division, c’est le clivage uni- forme en 2. Il est évident que, dans ce nouveau groupe, quicorrespond à une intensité moindre, la polyspermie est engagée (c) après quatre minutes de contact. Elle relève du sel, puisque les témoins à l’eau ne la présentent pas. Et on comprend que le premier groupe (a et b) ait pu laisser place à l’ambiguité après ce court délai. Le début de l’enva- hissement per rigidité chimique (expérience c, quatre minutes) peut être confondu avec l’afflux restreint, provoqué par une brève rigidité électrique (expérience b, quatre minutes). L'action du sel, ainsi isolée et localisée dans le temps, nous permet done de préciser la durée minima du transport. C’est entre quatre et six minutes que la pénétralion des sperma- ANN. DES SC. NAT. ZOOL, 40e série. 1919, 11, 3 34 E. BATAILLON tozoïdes dans l'œuf atteint sa pleine intensité. au moins dans le milieu salé. Il est prouvé qu’en retirant ses témoins du sperme chloruré au bout de cing minutes (sous prétexte que «la fécondation est assurée »), Herlant s’interdit tout contrôle : il suspend la péné- tration. "A D. — UNE ACTION DE LA SOLUTION SALINE SUR LE SPERME NE SAURAIT EXPLIQUER LA POLYSPERMIE. Tels sont les éléments nouveaux, ou, si l’on veut, les pré- cisions fournies par la polyspermie à l'analyse de l'activation simple et de la fécondation. En expliquant la polyspermie par les sels avec l’imhibition momentanée de la réaction de l'œuf, j’émets une hypothèse unilatérale appuyée sur de nombreux faits. On pourrait m'ob- jecter une action que je néglige volontairement: celle qu'exercent indubitablement nos solutions sur les éléments sperma- tiques. Si je laisse de côté cette face du problème : 19 C’est qu’elle ne répond plus au point de vue général : dopté avec la rigidité thermique ; 20 C’est parce que, dans cette direction, le phénomène de polyfécondation devient, pour moi, inintelligible ; 30 C’est surtout parce que l'étude des variations indivt- duelles montre bien le rôle prépondérant de l'œuf et exclut la condition propre du spermatozoïde. a. Voiei une expérience du 20 février 1916. Les œuls de deux femelles sont étalés séparément côte à côte, dans le même grand cristallisoir. Je les féconde simultanément avec un sperme salé très dense (3,5 p. 1 000 NaCT). L'un des stocks, à la division, montre au moins 50 p. 100 de polyspermies. Sur l'autre, il n'y a pas trace de fécondation. Et pourtant, les spermatozoïdes sont engagés : ces œufs, reconnus inertes au bout de trois heures et demie, je les re- porte à l’eau et enregistre, après un nouveau délai de trois heures et demie, la division régulière en 2: c’est la mono- spermie normale. » L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 99 Mais ici, on objectera qu'il s’agit sans doute de la condition gangue, que l’état de l'œuf n’est point en cause. we Il n’en est plus de même dans l'opération suivante : b. C’est un essai du 10 mars 1916. Trois pontes sont encore étalées, côte à côte, dans le même récipient et fécondées ensemble au sperme salé (NaCI à 2,5 p. 1 000). Deux d’entre elles fournissent au moins 50 p. 100 de seg- mentations baroques de richesse variable. Sur la troisième, avec plus de 1 000 œufs divisés régulièrement en 2, j'arrive à découvrir, non sans peine, deux segmentations en 3. Prali- quement, la polyspermie est absente. Cette différence frappante ne peut relever que de l’œuf, puisque le même sperme touche simultanément les trois lots. Le sperme n'est pas en cause, et c’est le seul point qui nous intéresse actuellement. Les conditions respectives de la gangue, de là membrane et de l’œuf, au sens strict, ont été suffisam- ment analysées : quant à la réaclion épuratrice, nous l'avons localisée dans le temps, suspendue par la chaleur ou par les sels, précipitée à volonté par les chocs induits. V CONCLUSIONS Les expériences résumées dans ce travail m'ont toutes été suggérées par l'étude des œufs nus (œufs au cyanure). Ces œufs nus m'ont permis d'isoler définitivement les deux temps de la parthénogenèse traumatique. Le matériel vierge étant purifié par le cyanure des éléments figurés qui le souillent, la piqûre provoque les seuls phénomènes d’acti- vation. La régulation tombe ainsi à la merci de l’expérimen- toteur. L'analyse par le sang de Mammifère (Cheval) prouve l'intervention nécessaire d’un noyau ou fragment de noyau inoculé, Mais ce deuxième facteur actionne la combinaison spécifique. Nous ne pouvons que le dégager. Seule l'hypo- thèse appuyée sur la cylologie nous permet de soupçonner son Jeu. 36 | E. BATAILLON L'étude du premier temps est autrement fructueuse. Le suc hépalo-pancréatique de Crustacés, appliqué comme réactif aux œufs nus vierges, activés ou fécondés, détruit les pre- miers et respecte les autres. En combinant les deux techniques, nous dissocions le premier temps de la parthénogenèse : dans l'activation, nous distinguons la réaction de l'œuf, qui est primitive, et le processus membranogène: L'action des sels neutres inhibant la consolidation de la membrane, les deux phases de l'activation sont isolées expéri- mentalement. Les propriétés des sels alcalino-terreux suggèrent une Aypo- thèse logique et contrôlable sur la nature de la membrane de fécondation. La contraction de l'œuf libère une globuline (pro- bablement une vitelline), qui, précipitant par dilution, con- solide la membrane dans l’eau et les solutions sucrées. La pré- cipitation n'a pas lieu dans les sels neutres ; et l'œuf, même activé, reste vulnérable à l’hépato-pancréas. L'étude comparée des œufs nus (œufs au cyanure, œufs de la cavité générale) nous révèle le rôle capital de la gangue dans l’imprégnation, nous explique que notre matériel Qt rimental soit inaccessible aux spermatozoïdes. + La polyspermie par les sels précise notre analyse de l'actiwa- ion. Les solutions faibles de NaCE, préconisées pour la fécon- dation artificielle, la provoquent ; les bromures et 1odures sont encore plus efficaces. En tout cas, la polyspermie de HERLANT n’a rien de physiologique. Les solutions salines agissant sûrement sur le processus membranogène qu'elles suppriment, on pourrait penser que cette réaction secondaire est seule en cause. L'expérience prouve qu'il n'en est pas ainsi. L'œuf activé en présence d’un sel, qui annule la membrane, n’en est pas moins fermé aux éléments spermatiques. Les sels agissent donc sur les deux phases de l'activation : et, de ces deux actions, la première seule est valable en poly- spermie. La réaction membranogène, accessoire et sans portée au point de vue embryogenèse, ne saurait davantage expliquer la monospermie normale, La contraction épuratrice avec le chan- , L'HTU Lrded a RAR L'ACTIVATION CHEZ LES BATRACIENS 31 gement d'état qui la conditionne reparait au premier plan. C’est elle qui est momentanément mhibée dans tous les cas de polyspermie. Qu'il s'agisse de rigidité physiologique (abondance des réserves), de rigidité thermique, de rigidité électrique, de rigidité chimique, la même interprétation est valable. L'inégale valeur des deux processus de l'activation peut être prouvée d’une autre manière. Avec les sels, nous les difjé- rencions qualitativement. L’échelle des concentrations salines qui entravent la conso- lidation de la membrane est très étendue. Entre T et 10 p. 1 000 (NaCI), toutes les combinaisons dont je me suis servi, sels à cation monovalent, sels à cation bivalent, mélanges des -deux sortes, ont provoqué la même inhibition. Il en est tout autrement du trouble passager de la réaction spécifique en polyspermue. Re Les concentrations efficaces sont en général resserrées dans d’étroites limites : en deçà, c’est la monospermie ; au delà, c’est l’infécondabilité. Les sels de Na sont beaucoup plus actifs que ceux de K. Pour le même cation (Na par exemple), l’activité décroit avec le poids atomique de l'anion (4, Br, AzOP, CI). Les sels à cation bivalent sont inefficaces. Enfin et surtout, en mélangeant ces derniers aux monovalents, nous relevons le jeu des actions antagonistes, qui faisait totalement défaut dans nos essais sur la membrane. Ainsi, la polyspermie nous permet de qualifier les deux phases de l'activation. dont l’une se passe à la porte de l’œuf, sur un déchet éliminé, dont l’autre intéresse l'équilibre spécifique. La polyspermie appartient à l’analyse de la fécondation, au même titre que la parthénogenèse, que limprégnation hétérogène ou pathologique. Par les chocs induits, je puis couper court à l’imprégnation polyspermique dans une solution saline. La réaction immédiate, provoquée successivement sur les lots d’une même opération, permet de saisir le moment de l'afflux et de fixer à cinq minutes environ la durée du transport. Le délai, dont j'avais maintes fois souligné la brièveté, se trouve encore réduit, et l'indication prend de l'intérêt, si 35 | E. BATAILLON l’on considère toutes les erreurs provoquées par une tradi- tion remontant à HERTWIG, qui attribue à ce trajet une durée de cinquante minutes. Mais la polyspermie ne fournit dans ces expériences qu’un index : l'instant critique est fixé par l'activation électrique qui suspend l'invasion. La polyspermie par les sels est com- mandée par l'inertie passagère de l’œuf: elle ne s'explique ni par l’état de la gangue, ni par une action des solutions sur l’élément mâle. . On remarquera que cette analyse par les œufs nus et la polyspermie intéresse l'activation seule. Dans ce phénomène compliqué, nous distinguons déjà des éléments très inégalement accessibles; nous isolons ce qui est spécifique de ce qui ne l’est’ pas ; arrêtés partout à la même barrière, nous différencions les deux domaines qu'elle sépare. Ainsi, le processus initiateur lui-même ne saurait trouver sa complète expression dans un chimisme général (Læs, 18), dont les formules simplistes illusionnent le lecteur et ouvrent carrière à la fantaisie des informateurs quotidiens. Ici, comme ailleurs, l'intervention expérimentale ne crée rien, quoi qu’on ait pu dire ; elle reste en marge de la morphogénie, dont les ressorts propres sont internes. 4. 13. 14. “INDEX BIBLIOGRAPHIQUE E. BATAILLON. — Imprégnation et fécondation (C. R. Acad. des sc. 11 juin 1906). — Contribution à l'analyse expérimentale des processus de fécondation chez les Amphibiens (C. R. Acad. des se., 7 juin 1909). — Les deux facteurs de la parthénogenèse traumatique chez les Amphibiens (C. R. Acad. des se., 27 mars 1911). — ° L’embryogenèse provoquée chez l’œuf vierge d’Amphi- biens par inoculation de sang ou de sperme de Mam mifère. Parthénôgenèse traumatique et imprégnation sans amphimixie (C. R. Acad. des sc., 8 mai 1911). — La parthénogenèse expérimentale des Amphibiens (Rev. gén. des sciences, 30 oct. 1911). — La ‘parthénogenèse des Amphibiens et la «fécondation chimique » de Læb. Étude analytique (Ann. des sc. nat. 2001.71: N°F 1942): — Démonstration définitive de linoculation superposée à la piqüre en parthénogenèse traumatique (C. 2. Acad. des se., 10 mars 1913). _ Nouvelle contribution à l’analyse expérimentale de la fécondation par la parthénogenèse (Ann. de l’Institut Pasteur, t. XXX, n° 6, juin 1916). . Gz. BERNARD, — Phénomènes de la vie, Paris, 1878. .Boveri. — Zellenstudien, VI. Die Entwicklung dispermer Seeigeleier, Iéna, 1907. . BracerT. — Les localisations germinales dans l’œuf parthénogénétique de À. fusca (Bull. de la Société royale des sc. méd. et nat. de Bruxelles, avril 1911). — Étude sur les localisations germinales et leur potentialité réelle dans l'œuf parthénogénétique de R. fusca (Arch. de buol., t. XX VI, 1911). Mc. CLENDON. — On the nature and formation of the fertilization mem- brane of the ÆEchinoderm Egg (Internat. Zeitschr. f. physik. Chemie, Bd. I, 1914). HerLANT. — Rercherches sur les œufs di et trispermiques de Crenouille (Arch. de biol., t. XXVI, 1911). — Étude sur les bases cytologiques du mécanisme de la parthé- nogenèse. expérimentale chez les Amphibiens (Arch. de biol., t!: XXNVITII, 1913). — Le mécanisme de la parthénogenèse expérimentale (Bull. sc. de la France et de la Belgique, 7° série, t. 1, 1917). . Liezie (R.-S.). — The Physiology of Cell-division IT et III (Arms Journ. of phys., 1910-1911) ; IV (An. Journ. of morphol., 1911). . 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Le second est que, quand on passe d’un ordre d’Insectes à un autre, la signification des divers organes de la bouche est, même pour un œil exercé, souvent difficile à discerner. C’est le cas surtout dans les groupes où certaines pièces prennent une forme insolite, un développement extraordinaire, tandis que d’autres, réduites ou atrophiées, disparaissent d’une façon plus ou moins complète (2). Il y a plus. De nouveaux noms ont été proposés, d'anciens termes pris dans des acceptions nouvelles, sans que les an- (1) De Geer, 1752-78; Fabricius, 1778; Knoch, 1781-83; Olivier, 1789; Illiger, 1806; Savigny, 1816; Mac Leay, 1819; Kirby et Spence, 1826; Straus Durckheim, 1828 ; Latreille, 1831 ; Lacordaire, 1834. (2) Un fait regrettable, au point de vue de la terminologie des pièces buc- cales, est que, au lieu de s’adresser aux Orthoptères, plusieurs anato miste ont pris les Coléoptères comme seuls sujets de leurs études. ANN. DES SC. NAT. ZOOL., 10e série. Ii, À 42 E. BUGNION ciennes dénominations aient été, de ce fait, entièrement abolies ; des vocables (souvent impropres) ont été simple- ment superposés les uns aux autres. L'un des buts de cet article est de proposer une nomencla- ture pratique et rationnelle, en innovant toutefois le moins possible. J'ai choisi deux espèces de Blattes (Blatta americana et Australasiæ), parce que, de Favis unanime, c’est chez ces Insectes que les parties buccales offrent la disposition la plus typique. La PB. americana a été capturée à Colombo (Ceylan). De nombreux individus, enfermés dans un récipient de verre, nourris de biscuit et de farine, ont pu être gardés en captivité assez longtemps. La PB. Australasiæ (don de M. le Dr L. Sémichon) a été prise à Paris dans les serres du Muséum. Ces derniers sujets, conservés dans l'alcool, ont donné pour l'étude des muscles des résultats très favorables. Tandis que la mandibule est généralement formée d’une pièce unique, la maxille et la lèvre inférieure sont toujours composées de plusieurs parties offrant une concordance assez parfaite. Ces organes rappellent, au surplus, les dispo- sitions observées dans les mâchoires des Crustacés (1). Désireux de faire ressortir cette analogie, quelques anato- mistes donnent à la maxille de l’Insecte le nom de première mâchoire et à la lèvre inférieure celui de deuxième mâchoire. Savigny (1816) désigne déjà le labium sous le nom de maxillæ secundæ coalitæ. Bien que justifiés à certains égards, les termes « première et deuxième mâchoires»sont, dans la pratique, d’un usage incom- mode. On ne sait pas, en effet, quand on dit «première m â- choire », s’il s’agit de la mandibule ou de la maxille, et, quand on dit «deuxième mâchoire », si l’on parle de la maxille ou du labium. (1) L’analogie des maxilles des Insectes avec les premières mâchoires des Crustacés, celle de la lèvre inférieure avec les secondes mâchoires, a été éta- blie, entre autres, par Latreille (Familles du Règne animal, Paris, 1825, p. 329,, LES. PARTIES BUCCALES DE. LA BLATTE 43 Remarquons, au surplus, que, si les pièces de la lèvre infé- rieure correspondent à celles de la maxille, elles offrent cepen- dant une disposition très différente. Il importe, avant d'aborder la terminologie des parties buccales, de dire quelques mots de la gula (pièce basilaire de Straus Durckheim), désignée parfois sous le nom de sub- mentum. Fabricius désigne sous le nom de gula, gorge, la face infé- rieure de la tête. Latreille, prenant ce terme dans un sens plus restreint, appelle gula «la partie inférieure et basilaire de la bouche désignée depuis sous le nom de mentum ». Kirby nomme gula la partie inférieure du cou; la face ventrale de la tête est pour lui le ugulum. Straus Durckheim (1828, p. 53), le premier, a distingué dans la gula du Hanneton une pièce basilaire et une prébasilatre, soudées l’une à l’autre, soudées également à la paroi ventrale de la tête, destinées à supporter la lèvre inférieure. Lacordaire range le basilure et le prébasilaire parmi les pièces fixes (soudées à la tête), par opposition aux pièces mobiles ou parties du labium. Il semble ignorer que, chez les Orthoptères, la plaque basilaire est le plus souvent mobile. Le basilaire des Orthoptères, par le fait qu'il forme une pièce détachée, a été considéré par les anciens entomologistes comme une partie du labium. D’après Fischer, par exemple (Orthoptera europæa, 1853), le labium des Orthoptères comprend une pièce basale, le men- tum, placée au devant du trou occipital, séparée de ce dernier par une gula très étroite, et en avant de celle-ci une deuxième pièce qui, à l'exception de sa base, est divisée en deux lobes. Cette deuxième pièce est celle sur laquelle les palpes sont implantés. Burmeister (Handb. d. Entom., 11, p. 24, 1842) désigne la pièce basale sous le nom d’os hyoideum. Erichson (Entomographien, 1840) distingue un labium ante- rius dont la partie basale répond aux cardos et aux stipeset une pièce postérieure, le mentum, qui, d’après lui, serait la contre- 44 E. BUGNION partie du labre et contribuerait à former la lèvre inférieure. Newport, dans son étude de la Blatte (Todd’s Cyclopædia, 1839, f. 374, p. 30), désigne la pièce basale sous le nom de submentum; de même Gerstfeld (1853). Schoch, dans son ouvrage: Die schwerzerischen Orthoptern 1876, p. 9), dit que la base de la lèvre inférieure s'appelle Kinn (mentum), tandis que sa partie antérieure est nommée Zunge (lingua). Miall et Denny, dans leur monographie de la Blatte (1886), désignent le basilaire sous le nom de submentum. De même, parmi les auteurs modernes, Sharp (1899-1901, I, p. 95), Henneguy (1904, p. 30), Berlese (1909, I, p. 148), Comstock et Kellogg (1916, p. 14). Verhoeff (1904), revenant à la terminologie de Fischer, désigne le basilaire des Dermaptères sous le nom de mentum. Le même auteur décrit, sous le nom de submentum, une petite pièce transverse qui se voit en arrière du basilaire chez For- ficula et chez Embia. On peut dire, en somme, que, jusqu’à ces dernières années, la plupart des orthoptéristes ont appelé mentum une partie du crâne (le basilaire), tandis que, pour les coléoptéristes, le mot mentum désigne (à dater de Latreille) la première pièce du labium. Répondant vraisemblablement au sternite du sixième seg- ment de la tête (segment labual), le basilaire est une pièce chitineuse placée en dessous du crâne, en avant du trou ocel- pital, destinée à porter la lèvre inférieure. Mobile chez la Blatte, chez l’imago et l’ouvrier Termite, dilaté en forme d’écusson, recouvrant parfois le bord antérieur du trou occipital, le basilaire est au contraire soudé et de forme allongée chez les soldats Termites (les £utermes exceptés). Chez les Coléoptères, la partie de la paroi comprise entre le trou occipital et le labium, beaucoup plus grande que chez la Blatte, est généralement composée de deux parties : une postérieure en forme de quadrilatère allongé, soudée, limitée par deux sillons; une antérieure, plus large, proéminente entre les fossettes maxillaires, destinée à porter la lèvre (fig. 1). La partie postérieure est le basilaire de Straus Durck- Le * LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 49 heir, plus connu sous le nom de gula; l’antérieure est le préba- silaire du même auteur. Une des caractéristiques du prébasilaire des Coléoptères est qu’il s'articule avec le menton par une suture mem- braneuse allongée dans le sens transverse et à peu près Fig. 1. — Carabus auronitens. — Vue ventrale de la tête (sans le labium et les maxilles) X 1%. — 1, trou occipital ; 2, trabécules occipitales ; 3, basilaire (gula) ; 4, prébasi- laire ; 5, échancrure gnathale ; 6, face inférieure du labre ; 7, dent canine de la man- dibule. rectiligne. La crête saillante, qui répond à cette suture, se continue des deux côtés avec les articulations (proéminentes également) des cardos et des stipes. Passons à la terminologie des parties du labium. Fabricius, dans ses premiers ouvrages, suivant en cela l'exemple de De Geer, appelle labium l'appareil labial dans son ensemble. Changeant ensuite sa manière de voir, 1l dis- tingue deux parties, le Zabium et la ligula ou lingula. Le 46 E. BUGNION labium, placé en arrière, répond à la pièce plus ou moins quadrilatère qui, dans la terminologie actuelle, est généra- lement appelée mentum. Pour Letreille, la lèvre inférieure est formée de deux parties, le menton et la languette. I dit au sujet de celle-ci (1831, p. 204) : «Straus, dans sa description du Hanneton, a bien dis- tingué la languette d’uneautre pièce située en avant du menton et cachée per lui, la langue. La plupart des entomologistes l’ont confondue avec la précédente ; elle constitue, dans la famille des Coléoptères carnassiers, ces deux lobes que Bonellinomme paraglosses et qui correspondent aux deux latéraux dela lèvre des Staphylins. Afin d'éviter la confusion que peuvent produire ces deux expressions presque identiques de lan- guette et de langue, 1l conviendrait de ne faire usage que de celle-ci et de remplacer l’autre par celle de lèvre : le tout serait le glossaire (glossarium). Le menton où ganache n’est que le prolongement de cet espace inférieur et gulaire de la tête que Straus nomme pièce prébasilaire ». Lacordaire, adoptant la division du labium en mentum et ligula (languette), donne de celle-ci la définition suivante (1834, p. 302) : «La languette est placée intérieurement au devant du menton et lui adhère si intimement par une partie de sa face inférieure qu’elle parait n’en être que le prolongement ; par la face supérieure de sa bese, elle paraît souvent s'unir au palais, c’est-à-dire à la voûte de la bouche... La forme de cet organe important est assez variable: tantôt elle est entière, tantôt échancrée à son sommet, bifide et même trifide. Dans beaucoup d’espèces, surtout chez les Carabiques, elle porte à sa base deux appendices membraneux qu'Illi- ger le premier a nommés paraglosses. Ces appendices sont divergens et garnis de cils ou de poils ; on ne peut mieux les comparer qu'à des oreillettes ou à de petits pinceaux aplatis.. Dans les Orthoptères et les Libellules, la consistance de la ligula est assez molle et se rapproche davantage de la langue des animaux supérieurs, à laquelle on l’a souvent com- parée.. Dans les Orthoptères et quelques Névroptères, les para- glosses manquent, ou du moins sont méconnaissables et rem- | | LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 47 SE Fig. 2. — Carabus auronitens. — Vue ventrale du labium et des maxilles. X 414. — 1, cardo ; 2, stipes ; 3, galea ; 4, lacinia ; 5, basilaire ; 6, prébasilaire ; 7, mentum ; 8, palpigère avec les squamæ palpigeræ et, sur le bord antérieur, les lobes terminaux internes soudés en une pièce unique (/igula des anciens anatomistes) et les lobes externes de part et d’autre. Fig. 3. — Carabus auronitens. — Vue ventrale de la maxille. X 20. — 1, cardo ; 2, pièce postérieure du stipes ; 3, palpifère du stipes (isolé) ; 4, sous-galea où præstipes ; 5, laci- nia ; 6, galea. 48 E. BUGNION placés par une saillie en forme de bouton étranglé dans son milieu. Cette saillie est formée par l’épaississement de la por- tion membraneuse qui garnit la face interne de la languette. A la racine de cette dernière se trouve le pharynx, c’est-à-dire l'ouverture par laquelle pénètrent les aliments. » Cette description est, comme on voit, défectueuse. Son auteur confond la ligule des Coléoptères avec la langue des Orthoptères. Or, la ligule des Coléoptères, dans le sens de Fabricius, est la partie antérieure du labium (celle qui porte les palpes) avec les lobes terminaux quand ils existent, tandis que la langue, lorsqu'elle est bien développée, est un bouton charnu, cylindrique ou piriforme, qui, inséré sur la face dorsale du labium, proémine dans la bouche comme la langue des Vertébrés. Une langue bien carac- térisée (kypopharynx Savigny) existe chez les Ortho- ptères, par exemple chez les Mantes et chez les Blattes. Ces Insectes ont, en outre, un labium terminé par quatre pièces, les lobes internes et externes de Latreille, correspondant aux lacinias et galéas des maxilles. Chez les Coléoptères, la langue (hypopharynx) est le plus souvent entièrement absente. Quant aux lobes terminaux du labium, ils sont d'ordinaire atrophiés chez ces Insectes. Le Creophilus, par exemple, n’a, au devant du menton, qu'une pièce unique, le palpigère, portant les deux palpes sur son bord antérieur, et, en avant de celui-ci, aucune trace desdits lobes. La langue étant absente, les lobes terminaux internes (glossæ) faisant défaut eux aussi, c’est à tort que les lames velues des Staphylinides (insérées sur les bords du palpigère) ont été désignées sous le nom de para- glosses (1). I] ressort de ce qui précède que le nom de ligula a été apphi- qué tantôt à un organe en forme de langue proéminent dans la bouche, tantôt aux lobes terminaux du labium (soudés ou séparés), ou encore, en l'absence de ces lobes, à la partie anté- rieure du palpigère plus ou moins prolongée entre les inser- tions des palpes. L'emploi de ce terme ne pouvant prêter qu’à (1) Ce terme, introduit par Illiger (1806), a été adopté par Bonelli (1809) et plus récemment par Erichson (1845), Kraatz (1858) et Schaum (1861). / LES PARTIES BUCCALES DE LA BBATTE 49 l’équivoque, le mieux serait de l’abandonner une fois pour toutes. Dans les traités modernes, les pièces du Iabium sont appe- lées : la première, tantôt mentum et tantôt submentum; la deuxième, mentum. glossa, palpigère ou hypoglotte (J. Duval, 1857, p. Lxt) ; les terminales, lobes internes et externes. Acceptant dans ses traits essentiels la terminologie cou- rante, je désigne sous le nom de mentum la première pièce du labium répondant aux cardos; sous le nom de palpigère, la deuxième pièce répondant aux s{ipes, portant toujours les palpes. Quant aux pièces terminales, je propose, à lexemple de Sharp (1899-1901), d'appeler les lobes internes glossæ et les lobes externes paraglossæ. Les prétendues « paraglosses » des Coléoptères, insérées sur la face dorsale du palpigère, pourraient être désignées sous le nom de brosses ou, chez certaines espèces (Creophilus), sous le nom de peignes du labium.. Passons à la terminologie de la maxille. C’est Kirby (1826) qui, le premier, a nommé la pièce arti- culaire cardo (gond, pivot), et le corps de la maxille stipes, tige. Le lobe terminal, simple chez divers Insectes, est désigné par Fabricius sous le nom de galea (casque), terme traduit par Olivier par le mot galète. Le terme lacinia (languette), appliqué au lobe terminal interne, a été introduit par Mac Leay (1819). Straus Durckheim (1828) distingue les parties suivantes : La branche transverse correspondant au cardo ; La pièce dorsale correspondant à la partie postéro-externe du stipes ; Le palpifère, partie du stipes qui soutient le palpe (1) : Le lobe terminal, simple chez le Hanneton, est appelé galea ; (1) La première pièce du labium étant désignée d’ordinaire par les coléoptéristes sous le nom de mentum, il serait fâcheux d'employer un autre terme. Pour ce qui est de la deuxième pièce, le mot palpigère offre cet avantage qu’il se comprend de lui-même et ne prête pas à l’équivoque. 50 E. BUGNION La lacinia, quand elle existe, se nomme l’intermaxillaire. Brullé (1844), adoptant avec quelques modifications la ter- minologie de Straus, mentionne chez les Coléoptères : Le sous-maxillaire : correspondant au cardo ; Le maxillaire : correspondant à la partie dorsele du stipes ; La sous-galea : partie antérieure du stipes portant la galea et la lacinia ; Le palpigère : pièce qui porte le palpe ; L'intermaxillaire : correspondant à la lacinia ; La galea. Le même auteur distingue sous le nom de prémaxillaire (uncus) la dent (mobile chez les Cicindèles) qui termine la lacinia. Cette terminologie, mcommode dans la pratique, n’a, d’entre les modernes, été adoptée que par Beauregard (1890) et par Chatin (1897). Schoch (1876, p. 9) désigne la lacinia sous le nom de mando. Il paraît préférable de conserver les dénominations an- ciennes de Kirby, Mac Leay et Fabricius. Nous continuerons donc à désigner les cinq parties de la maxille sous les noms de : 1° Le cardo = la pièce articulaire ; 29 Le stipes — la tige ; 30 La lacinia — le lobe terminal interne ; 40 La galea = le lobe terminal externe ; 50 Le palpe maxillaire. Chez les Coléoptères, qui ont un stipes divisé en trois pièces séparées par des sutures membraneuses, je propose la termi- nologie suivante (fig. 2) : 19 Pour la pièce antéro-externe (celle qui porte le palpe), plus étendue sur la face dorsale : le palpifère ; 20 Pour la pièce postérieure, largement articulée avec le cardo, plus étendue sur la face ventrale : la pièce postérieure du stipes; 30 Pour la pièce antéro-interne (sous-galea de Straus), qui soutient en même temps la lacinia et la galea: le præstipes. Mandibule. — La mandibule étant généralement formée LES PARTIES BUCCALES. DE LA BLATTE )1 d’une pièce unique, sa terminologie est naturellement beau- coup plus simple. Cependant, chez certains Insectes, la man- dibule offre des traces plus ou moins manifestes d’une divi- sion primitive (1). Une mandibule composée de deux segments a été observée chez les Thysanoures (Machulis et Campodea). (Voy. Meinert, 1880 ; Packard, 1898 ; Berlese, 1909). Des traces de division ont été signalées chez Platta java- nica, chez les Éphémérides et chez les Coléoptères des genres Ateuchus, Phanæus, Copris, Cetonia, Trichius. Brullé (1844), qui a fait de ce sujet une étude approfondie, distingue chez la Cétoine : 19 Une pièce basale répondant au cardo, proémmente, en forme de dent. (Cette dent a été désignée par Kirby et Spence sous le nom de mnola, par opposition aux dents terminales et moyennes, appelées les zncisives et les canines) ; 20 Une pièce dorsale, placée le long du bord externe, ré- pondant au stipes, formant le corps de la mandibule ; 30 Une lame étroite et allongée, garnie de poils, occupant le milieu du bord interne, répondant à la lacinia (2) ; 40 Enfin, à leur extrémité libre, les mandibules de la Cé- toine se terminent par une houppe de poils qui représente- rait la galea. Les homologies proposées par Brullé ne s’appliquant pas à la Blatte, je les indique en passant, sans entrer dans les détails. II. —- LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE. { Blatta americana et Australasiæ.) À. — REMARQUES RELATIVES A L'ANATOMIE DE LA TÊTE. Fortement fléchie sur le thorax, la tête de la Blatte a sa face frontele dirigée en avant, souvent même en avant et en (1) Une mandibule composée de trois segments (cardo, stipes et mâchoire pro- prement dite) a été décrite par Silvestri chez les Myriapodes des genres Callipus et Craspedosoma (d’après BERLESE, 1909, p. 126-129). (2) Décrite par Kirby et Spence sousie nom de prostheca, cette lame, garnie d’une frange cilite, se retrouve chez Ocypus, Geotrupes, le Scarabée hercule. Je lai observée dans le genre Nacerda (1917, p. 529). 92 E. BUGNION bas, et sa face gulaire dirigée en arrière, souvent en arrière et en haut. La tête, de forme arrondie, se prolonge en avant par une partie conique constituée par l’épistome et par le labre. Interposé entre le labre et le front, l’épistome (chaperon, Geoffroy 1762; Olivier 1789; clypeus Iliger 1806; nasus Kirby et Spence 1826) est une partie légèrement bombée, rétrécie d’arrière en avant, enserrée à sa base entre les arti- culations mandibulaires dorsales. Ces articulations, renfor- cées par les piliers antérieurs du tentorium, font encore partie du front. L’épistome des Termites comprend deux pièces assez dis- tinctes: une postérieure, l’épistome proprement dit, plus for- tement bombé, et une antérieure, l’ante-épistome ou ante- clypeus (décrit par Packard, 1883), de forme aplatie, de structure plus molle. Cette division est moins marquée chez la Blatte. On remarque seulement une partie antérieure un peu plus claire. L’épistome de la Blatte est continu avec le front (sans aucune suture interposée). C’est à la face profonde de cette lame que s'insère, chez tous les Insectes, la partie principale du dila- tateur du pharynx. Observées sur des préparations au baume (fig. 5 et 6), les insertions clypéales du dilatateur donnent lieu, chez les Termites, à deux figures étoiléeset, chez la Blatte, à deux lignes légèrement incurvées, relativement assez larges. Le dilatateur du pharynx est, comme on sait, innervé par le ganglion frontal (Voy. fig. 18). Le labre (lèvre supérieure, labrum., lliger 1806), élargi en forme de pelle, avec le bord antérieur échancré, garni de petits poils, offre une face supérieure un peu convexe et une face inférieure légèrement excavée des deux côtés. À sa base se voient deux pièces chitineuses (arcus labri), empiétant quelque peu sur le bord de l’épistome, prolongées en avant (à la face profonde) per deux taches brunâtres comparables à deux croissants. Chacune de ces taches porte une double rangée d’épines (une dizaine au total), vraisemblablement destinées à retenir les aliments (fig. 5). Ces épines sont remplacées chez les Termites par deux lignes de rugosités plus nom- breuses et plus petites. Le LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE D3 Sur la ligne médiane, au niveau du bord de l’épistome, s'élève (à la face profonde), une légère saillie limitée par deux traits bruns. Observée au microscope, cettemême face montre un grand nombre de stries parallèles, formées de poils sériés, comprises entre les taches brunâtres et la saillie médiane, dirigées du côté de celle-ci. La saillie médiane étant placée Fig. 4. — Blatta americana. La tète vue d'en haut. x 42. 1, labre; 2, mandibule; 3, arc du labre; 4, épistome; 5, front; 6, cadre chitineux de l'antenne avec la tigelle articulaire; 7, œil; 8, fenestra (organe sensoriel); 9, vertex. vis-à-vis de l’entrée du pharynx, son rôle paraît être de presser la nourriture à l’intérieur. L'usage des poils sériés serait de diriger les aliments du côté de l’orifice. Constitué par une lame chitmeuse repliée sur elle-même, le labre offre une cavité très surbaissée, continue avec celle de l’épistome et de la tête en général. Articulé au moyen de ses deux ares chitineux sur le bord antérieur de l’épistome, il peut, au gréde l'animal, s'élever ou s’abaisser. Ses muscles, allongés en forme de rubans, passent sous l'épistome et la partie frontale de la capsule, pour aller 54 E. BUGNION s’insérer dans la région du vertex (fig. 5 et 6). On en distingue quatre, deux médians juxtaposés, insérés au bord postérieur, et deux latéraux insérés de part et d’autre à l’apophyse de l’arcus labri. Tous quatre comprennent probablement des faisceaux releveurs et des faisceaux abaïsseurs (1). Le labre est, d’après Janet, innervé par le protocerebron et non pas, comme l’avait admis Viallanes par le tritocerebron. La lèvre supérieure devrait, d’après le même anatomiste, être assimilée à une paire d’appendices fortement modifiés. Le fait que le labre se forme de deux moitiés soudées semble au premier abord parler en faveur d’une telle manière de voir. Il faut remarquer toutefois que, dans la phase em- bryonnaire, chacun des tergites résulte également de la réunion de deux moitiés. Il faudrait, pour résoudre la ques- tion, trouver un argument plus décisif. Les yeux, beaucoup plus grands que ceux des imagos Termites, rétrécis en avant, élargis en arrière (en forme de virgule), s’écartent l’un de l’autre dans la région frontale, tandis qu'ils se rapprochent dans la région de l’occiput. Il résulte de cette disposition que, comparé à l’occiput, le front de la Blatte est relativement très large. Les cadres articulaires des antennes, très grands, en rap- port avec l’importance de ces organes, sont placés très en arrière dans les concavités que forment les bords des yeux. La paroi cranienne étant, au niveau du vertex, fortement rétrécie entre ces cadres, l’épicrâne vu d’en haut rappelle quelque peu le contour d’un celepsydre (fig. 4). (1) Les muscles du labre, des antennes, des mandibules et des maxilles peuvent être mis en évidence par un moyen assez simple. Il suffit de couper la tète en deux, au moyen d’un rasoir, de manière à obtenir deux tranches,une dorsale et une ventrale. Ces tranches, éclaircies dans une essence, montées séparément dans le baume du Canada, sont généralement assez transparentes pour que les muscles apparaissent bien délimités et très distincts. Voici, pour obtenir les deux tranches, le procédé que je conseille. On prend une Blatte conservée dans l’alcool. La tête, détachée du thorax, placée sur la platine du porte-loupe, est maintenue par l’index gauche. Le grossissement doit être environ de 6 à 8. Mettant la face dorsale en haut, les pièces buccales en avant, on introduit la lame du rasoir entre le labre et les mandibules, ou bien entre les mandi- bules et les maxilles et, pénétrant peu à peu, coupe la tête en deux moitiés. On peut, si on le juge utile, augmenter la transparence en détachant à petits coups de scalpel la plaque basilaire et les muscles qui en dépendent. LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 5 Très longue et très mobile, graduellement atténuée de la base à l’apex, l’antenne s'articule sur son cadre au moyen d’une tigelle faisant l'office de pivot. L’accroissement de l’antenne (PB. americana) donne lieu à des observations intéressantes. J’ai compté 47 articles chez la petite Blatte blanche, longue de 4mm5, observée au sortir Fig. 5. — Blatta Australasiæ. Tête sectionnée entre le labre et les mandibules Tranche dorsale vue de dessous. Préparation au baume. X 33. 1, labre (côté ventral) avec les deux arcs chitineux qui le supportent; 2, saillie placée vis-à-vis de l'entrée du pharynx: 3, ligne d'insertion du releveur du pha- rynx; #, articulation dorsale de la mandibule; 5, bout postérieur de la lame sublin- guale ; muscles du labre. de l’œuf, appartenant au sexe G', 180 chez l’adulte du même sexe, et 172 chez deux adultes femelles (peut-être manquait-il quelques articles). On constate au surplus : Chez la jeune Blatte (observée au sortir de l'œuf) : 19 Que le troisième article est au moins deux fois plus long que le deuxième ; 20 que les articles voisins du troisième ont exactement la largeur de ce dernier et que, relativement très courts, ils ressemblent à des rondelles qui s’en seraient dé- tachées ; 96 E. BUGNION Chez la Blatte adulte : 19 Que le troisième article est généralement plus court que le deuxième; 2° que, à partir du quatrième, les articles, graduellement plus longs et plus étroits, ne montrent, jusqu’au bout de l’antenne, aucune trace de division. Il est donc probable que l'accroissement de l’antenne de la Blatte se fait, comme chez le Termite, par divisions suc- cessives du troisième article. Les nouveaux anneaux, très courts au début, s’allongeraient peu à peu au cours de la crois- sance (Voy. Bugnion, 1917 et 1918). Une tête sectionnée en deux moitiés m’a montré les muscles des antennes d’une manière très nette (fig. 7). Leurs fais- ceaux, de forme triangulaire, relativement volumineux, s’in- sèrent sur la face dorsale du tentorium des deux côtés de l’orifice et en avant de ce dernier. Prenant une direction convergente, ils s’attachent, d’autre part, à la base du premier article des deux côtés de la tigelle. Une disposition analogue a été observée chez le Termes Horni et chez divers Eutermes (Voy. Bugnion, 1914). J’ai remarqué, au surplus, deux faisceaux assez volumi- neux qui, pénétrant à l’intérieur, s’attachent à la base du deuxième article et doivent, d’après leur position, servir à fléchir l’antenne en dedans ou en dehors. La tête de la Blatte offre, en arrière et en dedans des cadres antennaires, deux taches blanchâtres connues sous le nom de fenestræ (white spots de Newton, 1879) (fig. 4). Des coupes exécutées par N. Popoff ont montré que les fenestræ répondent manifestement à deux organes sensoriels. L’épithélilum, épaissi à ce niveau, repose sur un plexus nerveux, qui est relié avec le cerveau par un nerf bien distinct. Reitzenstein (1904) et Haller (1907), qui ont étudié la fenestra chez la Periplaneta orientalis, assimilent cet organe à un ocelle. C’est là une opinion assez plausible. Remarquons, toutefois, que, chez la Blatta americana, là fenestra ne porte pas une cornée convexe, comparable à une lentille, mais une cuticule à peu près plane, d'épaisseur uniforme. L’épi- thélium, constitué ‘par de ‘grosses cellules rondes avec des noyaux plats appliqués à leur surface, diffère entièrement LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE Er} des cellules visuelles des Insectes en général. Mon idée est que la fenestra est peut-être dérivée d’un ocelle, mais offre, dans sa forme actuelle, un organe assez distinct. Sa fonction, encore problématique, est peut-être en rapport avec des sensations thermiques plutôt qu'avec des sensations (@] Fig. 6. — Blaita Australasiæ. Tête sectionnée entre les mandibules et les maxilles, Tranche dorsale vue d’en haut. Préparation au baume. X 16. 1, le labre avec ses quatre museles vus par transparence ; 2, épistome; 3, muscle dilatateur de l'orifice du pharynx; #4, court fléchisseur de la mandibule; 5, extenseur de la mandibule; 6, apodème du fléchisseur de la mandibule; 7, cadre chitineux de l’antenne; 8, suture en Y. lumineuses ou visuelles. [l faut remarquer encore que, dans les genres Corydia et Heterogamia (Blattides), la fenestra de la femelle est remplacée chez le mâle par un ocelle (d’après Sharp; vol T, 1901, p. 221). Entre les deux fenestræ, dans la région du vertex, se voit une suture en YŸ. Cette suture, homologue de la ligne en Y observée chez certains Termites, répond à la ligne de déhiscence. C’est à ce niveau que, à l’époque de la mue, la chitine de la tête se fend en long et en travers, pour ANN. DES SC. NAT. ZOOL., 10e série. I, D 98 E. BUGNION permettre à l'Insecte de se libérer. Nous verrons, à propos de la métamérie de la tête, que la ligne en Y marque vraisem- blablement la limite antérieure du segment mandibulaire (quatrième). C’est, en effet, sur la partie de l’occiput située en arrière de cette ligne que s’insèrent les principaux faisceaux des muscles fléchisseurs des mandibules. Passons à la face inférieure. Au devant du trou occipital, Fig. 7. — Blatta Australasiæ. Tôte sectionnée entre les mandibules et les maxilles, Moitié dorsale vue par le côté ventral. Préparation au baume, X 16. N. B. — Les dents de la mandibule droite ont été coupées par le rasoir. 4, muscle dilatateur de l’orifice du pharynx ; 2, court fléchisseur de la mandibule; 3, muscles des antennes prenant insertion sur la face dorsale du fentorium; 4, inser- sions postérieures des fléchisseurs des mandibules. se trouve une large plaque mobile taillée en forme d’écusson et, en avant de celle-ci, une pièce plus petite allongée dans le sens transverse, limitée en avant par un bord à peu près droit, nettement détaché. La grande plaque est le basilaire de Straus Durkheim (plus connu sous le nom de gula); la petite répond, à mon sens, au prébasilaire du même auteur. Le basilaire, que l’on considérait autrefois comme la pre- mière partie du Zabium, est plus probablement une lame détachée du crâne. C’est, selon toute apparence, le sternite du sixième segment de la tête (segment labial), devenu indé- LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 59 pendant dans le but d’augmenter la mobilité du labium. Il est clair, en effet, que si le palpigère répond aux stipes de le] WW Fig. 8. — Blatta australasiæ. Tète sectionnée entre les mandibules et les maxilles. Moitié ventrale vue par le côté ventral. Préparation au baume. X 16, 1, trou occipital; 2, contreforts occipitaux avec les trabécules appliquées le long des bords ; 3, pont inférieur du eràne ; #, cardo ; 5, basilaire; 6, pré-basilaire, lais- sant voir le mentum par transparance: 7, palpigère avec les supporls des palpes. (squamæ palpigeræ); 8, prépalpigère ; 9, glosse ; 10, paraglosse. la maxille, si le mentum représente les deux cardos, le basilaire n'appartient plus au labium. L’assimilation du basilaire à un sternite s'appuie, au sur- plus, d’une part sur la disposition des muscles, d’autre part. 60 : : E. BUGNION sur la position de cette pièce par rapport au ganglion qui lavoisine. Le basilaire se trouve directement en dessous du ganglion sous-cœsophagien (centre moteur et sensitif des pièces buccales), de même que les sternites pro-, méso- et méta- thoraciques se trouvent en dessous des ganglions du thorax. La plaque basilaire enlevée avec le labium et les maxilles, on découvre une vaste échancrure (incisura gnathalis), taillée dans la paroi ventrale de la tête, séparée du trou occipital par un pont chitimeux (fig. 9). Ce pont, très étroit chez la Blatte, estle pont inférieur du crâne, décrit par Verhœæff, 1904, c. Deux puissants contreforts (c. occipitaux) prolongent les bords du trou occipital et forment, au devant de cet orifice, une sorte de mortaise dans laquelle le pont inférieur est encastré. En avant, les contreforts occipitaux se terminent par deux saillies, qui, proéminant sur le bord de l’échancrure gnathale, portent les articulations des cardos des maxilles. On distingue encore deux baguettes plus étroites, de couleur noirâtre (trabeculæ occipitales), qui, itanees sur les contreforts, donnant lieu de part et d’autre à une crête inégalement découpée, soutiennent elles aussi les articu- lations des cardos. Les lames qui bordent l’échancrure gnathale et dont le bout antérieur supporte l'articulation ventrale de la man- dibule sont renforcées également par un épaississement linéaire de la chitine (fig. 9). Ces lames, qui se retrouvent, plus ou moins développées chez tous les Insectes pourvus de mandibules, pourraient être appelées les apophyses man- dibulaires de la tête. Les articulations des cardos sont, lorsque le basilaire est en place, cachées sous les bords de ce dernier (fig. 8). Les parties de l’échancrure laissées à découvert des deux côtés servent au passage des muscles, qui, de l’intérieur de la tête (principalement du tentorium et du pont inférieur), se portent aux cardos et aux stipes (fig. 15 et 17). Les dimen- sions de l’échancrure, très belles chez la Blatte, sont pré- cisément en rapport avec le développement de ces muscles et, d’une manière générale, avec la mobilité des maxilles. LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 61 L’échancrure gnathale étant ouverte en avant, la paroi ven- trale de la tête manque entièrement à ce niveau. La cavité céphalique serait donc ouverte en dessous (du côté ventral), Fig. 9. — Blatta americana. — Capsule céphalique éclaircie par la potasse caustique. Vue ventrale. X 16. — 1, articulation dorsale de la mandibule ; 2, articulation ven- trale ; 3, apophyse mandibulaire ; 4, articulation du cardo ; 5, pont inférieur ; 6, contre- fort occipital ; 7, trabécule occipitale ; 8, membrane jugulaire (tendue par-dessus le trou occipital) avec ses deux renforcements chitineux ; 9, pièces jugulaires latérales ; 10, limite (théorique) de l’épistome et du front ; 11, pilier antérieur du tentorium ; 12, pilier transverse ; 13, suture du tentorium ; 14, orifice du tentorium (partiel- lement obstrué par les prolongements membraneux) ; 15, cadre de l’articulation de antenne (vu par transparence). si la plaque basilaire avec le labium et les maxilles ne venaient justement s'appliquer sur l’échancrure. Une membrane élas- tique qui, passant par dessus les muscles, s’étend des bords 62 E. BUGNION du basilaire aux cardos, aux stipes et à la base des mandibules, complète l’occlusion de part et d’autre. Remarquons encore que, lorsque l’échancrure gnathale est profonde (Blattes, imagos et ouvriers Termites), sa partie postérieure est séparée du trou occipital par une lame étroite (le pont inférieur, fig. 9), tandis que, quand l’échancrure est peu profonde (Coléoptères, fig. 1), la partie gulaire du crâne est nécessairement plus grande et le basilaire plus allongé. Chez les soldats Termites qui ont un basilaire soudé, allongé dans le sens antéro-postérieur, l’échancrure gnathale, relativement petite, est reportée en avant, disposition en rapport avec la réduction des maxilles. L'’échancrure gnathale n’apparaissant à découvert que lorsque le basilaire a été enlevé avec le labium et les maxilles, on ne distingue sur la tête entière qu’une partie de ses bords postérieurs et latéraux. Chez les Coléoptères, qui ont une gula soudée et un mentum relativement peu mobile, il est assezrare de voir (au cours de la dissection), ladite échancrure entière- ment dégagée. On remarque, en revanche, chez les [Insectes de cet ordre, deux cavités plus petites, qui, taillées dans le bord postérieur de l’échencrure principale, sont spécialement destinées à loger les cardos. Ces cavités, dont le bord épaissi est creusé en demi-lune, sont mentionnées dans les traités descriptifs sous le nom de fossettes maxillaires (Maxillar- gruben des auteurs allemands). Ple cé à l’intérieur de la tête, le tentorium est une lame qua- drilatère prolorgée par six piliers (fig. 9). Les deux piliers postérieurs, très courts, se soudent au pont inférieur ; les deux antérieurs, étroits et allongés, divergents comme les branches d’un X, traversent obliquement la cavité céphalique pour se termirer aux articulations mandibulaires dorsales et contribuer à les appuyer. Le mêr e disposition seretrouve chez les Termites. Ondistingueen fin deux pilierstransverses qui, pro- longeant des deux côtés le bord antérieur épaissi du tentorium, gagnent la partie dorsale de la capsule céphalique, puis, s’incurvant brusquement, se dirigent en arrière vers les cadres des antennes. Deux expansions très minces comblent, LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 63 de part et d’autre, le triangle compris entre le pilier anté- rieur et le pilier transverse. Le cerveau est placé au-dessus du tentorium, tandis que le ganglion sous-œæsophagien est placé en dessous (entre le ten- torium et le basilaire). Une ouverture arrondie, ménagée dans le tentorium, laisse passer les connectifs cérébro-sousæso- phagiens. L’œsophage, qui, d’après une dissection pratiquée sur l’Insecte frais, m'avait paru s’engeger lui aussi dans l'ouverture (Bugnion, 1916, p. 385), passe en réalité au côté dorsal du pont inférieur pour entrer ensuite dans le trou occipital. Une pièce récemment préparée (éclaircie dans la potasse caustique) ne me leisse aucun doute à cet égard. J’ai constaté, d’ailleurs, que l’orifice du tentorium est partiellement comblé par deux expansions de forme allongée qui, partant de son bord postérieur, le traversent à peu près d’un bout à l’autre. Il y a, entre ces expansions et les bords latéraux de l’orifice, un espace suffisant pour le passage desconnectifs; on distingue encore, entre les deux expansions, un étroit interstice où s'engage peut-être le filet ventral du sympathique, mais il n’y a pas, entre ces prolongements membraneux, un espace assez large pour que l’œsophage puisse y passer (1). Le tentorium donne insertion à plusieurs muscles, entre autres, par sa face supérieure, à ceux de l’antenne et, par sa face inférieure, à ceux des cardos et des stipes. Le rôle du tentorium est, en résumé : 10 de renforcer cer- taines parties de la capsule céphalique ; 29 de soutenir les ganglions cérébroïdes et le pharynx ; 3° de donner insertion à certains muscles. Embryologiquement, le tentorium se forme de deux replis du tégument, qui, détachés de la capsule céphalique, vont se rencontrer à l’intérieur. Ces replis, primitivement de nature membraneuse, finissent par se chitiniser et se souder. La suture qui répond à la jonction des deux plis se voit distinctement au devant de l’orifice. (1) J’ai observé un tentorium perforé, chez les Orthoptères, dans les genres Mantis et Gongylus, parmi les Coléoptères, dans le genre Geotrupes. Une prée paration empruntée à Forficula auricularia m’a montré, en revanche, un ten- torium imperforé,. 64 E. BUGNION B. — LES MANDIBULES. Les mandibules (fig. 10) sont deux pièces chitineuses très fortes, armées sur leur bord interne de quatre à cinq dents triangulaires, tranchantes, de couleur presque noire, quelque peu asymétriques. Le bord externe est régulièrement arrondi. Le bord interne porte à droite, outre la dent apicale, une deuxième dent plus forte, une troisième un peu plus faible placée au milieu, et une ou deux petites protubérances en arrière du milieu ; à gauche, le bord interne porte, outre la dent apicale, une deuxième dent de même longueur que l’apicale, rapprochée de celle-ci, une troisième dent plus forte que celle de droite, placée un peu en avant du milieu, enfin, en arrière du milieu, deux saillies très petites. Comparable à une pyramide à trois faces (une supérieure une inférieure et une externe), la mandibule de la Blatte est, comme celle des Termites, portée par deux condyles, un ven- tral arrondi placé en dehors, répondant à une glène de même forme située sur le bout antérieur de l’apophyse mandibulaire, un dorsal de forme smueuse, placé plus en dedans, articulé sur le bord antérieur du front, et en même temps sur la partie contiguë de l’épistome. En arrière de la partie dentée, les mandibules offrent de part et d’eutre une échancrure arrondie et,auniveau decelle-ci, une expansion membraneuse garnie de poils fins. Ces échan- crures restant écartées l’une de l’autre, quand les mandibules se rapprochent, il se forme en ce point une sorte d’excavation destinée à loger la base de la langue et la partie du pharynx qui lui fait suite (fig. 7). On remarque, au surplus, au côté ventral des mandibules (observées dans la position fermée), une fossette oblongue destinée à loger la langue, prolongeant en avant l’excavation déjà décrite, limitée des deux côtés par une ligne brune garnie de poils. Les muscles qui meuvent la mandibule (fig. 11) comprennent des faisceaux fléchisseurs et des faisceaux extenseurs. Les fléchisseurs (masticateurs), très puissants, s’insèrent, d’une LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 65 © SJ OO [SA] [o2) Fig. 10, — Blatta americana. Tête macérée dans la potasse caustique. Préparation au baume (transparente). X 12. 1, labre: 2, saillie médiane; 3, piliers antérieurs du tentorium ; 4, suture; 5, orifice du tentorium ; 6, contrefort occipital ; 7, apodème d’insertion du fléchisseur de la man- dibule; 8, trou occipital, Fig. 11.— Blatta Australasiæ. Tète sectionnée entre le labre et les mandibules. Moitié ventrale vue du côté dorsal, Préparation au baume. X 16, 1, articulation ventrale de la mandibule; 2, court fléchisseur de la mandibule; 3, fléchisseur de la mandibule avec son insertion sur l’apodème; #4, interstice livrant passage à l'æœsophage et aux trachées. 66 E. BUGNION part, à la face profonde de la capsule céphalique dans toute la région postérieure située en arrière de la ligne en Ÿ, sur les parties sous-oculaires et latérales, sur la paroi ventrale des deux côtés du trou occipitai, d'autre part sur une lame transparente (apodème), qui, placée à l’intérieur de la tête, s'attache au moyen d’une baguette brune à l’angle postéro- interne de la mandibule. Les apodèmes, après avoir croisé les piliers antérieurs et transverses du tentorium (ils passent au côté ventral de ces piliers), se terminent au niveau du trou occipital par un bord arrondi (fig. 10 et 11). Les faisceaux musculaires qui s’attachent à ce bord laissent entre eux une ouverture triengulaire. C’est par cet interstice, ménagé entre les muscles, que l’œso- phage, les connectifs nerveux et les trechées sortent de la tête pour pénétrer dans le thorax. L’extenseur, beaucoup plus petit (fig. 6), s’atteche d’une part sur la f:ce profonde de la capsule au niveau de l'œil; d’autre part, au moyen d’un court tendon, à l’angle externe de la mandibule, sur une petite apophyse située en dehors du condyle ventral. On distingue enfin un court fléchisseur (fig. 6, 7, 11) qui, partant du pilier transverse du tentorium et des parties atte- nantes de la capsule, s’insère à la mandibule, près de son bord postérieur, au niveau d’une petite excavation. C. — LES MAXILLES. La maxille comprend (fig. 12, 13, 14, 15, 16) : 19 Une pièce articulaire, le cardo, formant une gouttière ouverte en avant ; 2° Une lame aplatie, le stipes, en forme de quadrilatère allongé ; 930 Le lobe terminal interne, ou lacinia, terminé en avant par deux dents acérées, portant sur son bord interne plusieurs rangées de cils rigides ; 49 Le lobe terminal externe, ou galea, creusé d’une gouttière qui engaine le bord externe de la Jacinia ; LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 67 50 Le palpe maxillaire, composé de cinq articles. Le cardo s'articule sur le bord postérieur de l’échancrure gnathale au niveau d’unepetitesailliespécialementaffectéeà cet Qt w Fig. 42. — Blatta americana. — La maxille gauche isolée. Vue ventrale. Préparation au baume. X 26.— N. B. La Jacinia a été détachée du stipes afin de mieux montrer les contours de la galea. —1, cardo; 2, stipes ; 3, palpe ; 4, præstipes avec son arc; 5, galea; 6, grande apophyse de la lacinia ; 7, appendice membraneux. usage (fig. 9). Replié sur lui-même, le cardo paraît au premier abord formé de deux lames superposées. L'illusion est d’autant plus forte qu’au lieu d’être porté par une articulation unique le stipes est attaché au cardo par une articulation double. 68 : E. BUGNION LE A C’est probablement parce qu’il a été trompé par cette appa- rence qu'en sus du cardo Kirby a décrit un subcardo. Verhoeff, dans son mémoire sur la tête des Dermaptères (1904, c) décrit le cardo des Forficula comme constitué par deux pièces. — Je suis, au début de mon étude, tombé dans la même erreur (Voir mon article Æexapoda, 1913-1914, p. 427). On peut toutefois se convaincre, en travaillant avec les aiguilles ou en pressant un peu sur la lamelle, que le cardo est formé d’une pièce unique (fig. 13). Proéminent en dehors du basilaire, le cardo assure à la Fig. 13. — Blatla Australasiæ Le stipes de la maxille isolé avec le cardo. Préparation au baume. X 27. 1, le cardo dans sa position naturelle; 2, le cardo déplié au moyen des aiguilles, maxille une mobilité très grande. Cette pièce, qui a ses muscles propres, peut non seulement se porter en avant et en arrière, mais encore, en tournant quelque peu sur son axe, écarter la maxille ou la maintenir appliquée contre la tête. C’est sans doute en vue de cesactions spéciales (abduction et adduction combinées avec de légères rotations), que le stipes s’articule sur le cardo au moyen de deux saillies. Bien que fixés au bord postérieur de l’échancrure gnathale de la manière indiquée, les cardos adhèrent également par des parties membraneuses aux bords de la plaque basilaire ; ainsi s'explique le fait qu'au moment où l’on soulève LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 69 ladite plaque les maxilles se détachent présque toujours en même temps. Le stipes semble, à première vue, s’arrêter en -avant, au niveau du bord postérieur de la lacinta. Ce n’ést là toute- fois qu’une apparence. L’interligne articulaire qui sépare le stipes d’avec la galea est reporté en avant à une distance assez notable. La petite saillie qui porte l'insertion du muscle fléchis- seur de la galea indique exactement la situation de l’interligne. J'aurais donc à décrire, en sus du stipes proprement dit, un prolongement qui, spécialement destiné à supporter la galea, pourrait être appelé la sous-galea ou plus exacte- ment le præstipes.] _ Un avantage de la manière de voir que je propose est qu’elle rend la comparaison des Orthoptères et des Coléoptères bien plus facile. La lacinia des Coléoptères est, comme on sait, placée en retrait par rapport à la galea (fig. 2 et 3). Mon idée est que la lacinia de la Blatte occupe une position presque identique. La sous-galea des Coléoptères (décrite par Straus Durckheim), pièce qui soutient en même temps la lacinia et la galea, répond à mon sens à la lame de la Blatte dési- gnée 101 sous le nom de præstipes.i A peu près quadrilatère, le stipes de la Blatte offre une face ventrale libre, lisse, légèrement convexe, et une face dorsale occupée par les muscles. Le palpe s’insère sur la face dorsale de cette lame dans une cavité arrondie placée un peu en arrière de l'angle antéro- externe. En arrière de l'articulation, se trouve un renforce- ment chitineux courbé en forme d’arc. Le bord postérieur, très court, s'articule sur le cardo au moyen de deux saillies, dont l’une répond à l’apex, tandis que l’autre, située plus en dedans, répond au bord ventral de la gouttière du cardo. Le bord externe est à peu près droit jusqu’au niveau de l'insertion du palpe ; il s’incurve ensuite pour former le bord correspondant du præstipes. Le bord interne, légèrement incurvé, disposé en forme de rainure, reçoit les insertions des muscles (adducteurs), 70 E. BUGNION qui du tentorium vont s'attacher à ce bord. Un faisceau long, passant au delà de la rainure, va s’insérer au bord externe, au voisinage du sommet du cardo (fig. 14). Parvenu à la hauteur de la lacinia, le bord interne forme Fig. 14 — Blatta Australasiæ. — La maxille.' Vue dorsale. Préparation au baume. X 27. — 1, cardo ; 2, stipes ; 3, premier article du palpe ; 4, arc articulaire du præ- L stipes ; 5, insertion du muscle abaisseur de la galea; 6, galea ; 7, lacinia; 8, insertion du fléchisseur de la lacinia. une saillie brunâtre (apophyse du stipes), terminée en pointe mousse, C’est contre cette saillie, que, lorsqu’elle s’abaisse, la lacinia vient s'appuyer. Empiétant quelque peu sur la partie postérieure de-la lacinia, le præstipes peut être divisé en trois parties : une externe plus épaisse qui, prolongeant le bord externe du stipes (sans au- LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 71 cune articulation interposée), sert à supporter la galea; une interne, très mince, de structure membraneuse, engainant semble-t-il, l’apophyse quadrilatère de la lacinia; enfin, une pièce de couleur foncée, transverse, incurvée en forme d’are (arc du præstipes), qui, partant du bord externe, se prolonge jusqu’au bord interne de la galea. Placée au côté ventral de la maxille, la lacinia comprend deux régions distinctes, une externe glabre, d’un brun uniforme, prolongée par deux dents acérées de couleur noire (dents apicales), une interne pâle, hérissée de fortes soies (peigne). Entre deux, se trouve, au côté dorsal, dans la moitié posté- rieure, une crête très accusée (crête notre),contre laquelle vient buter la lèvre dorsale de la gouttière de la galea. À l'angle postéro-externe, se voit une apophyse quadrilatère plane, d’un brun uniforme, dirigée en arrière et en dehors, encas- trée, semble-t-il, dans un dédoublement du præstipes. A l’angle postéro-interne, se trouve une deuxième apophyse, (ap. interne), dont le bord, recourbé, est terminé en pointe. Dans l'intervalle compris entre l’apophyse quadrilatère et la crête noire se voit une partie transparente, répondant à une dépression creusée aux dépens de la table dorsale de la lacinia. C'est au niveau de cette dépression, à son côté dorsal, que passe l’arc articulaire du præstipes. Le bord interne, légèrement incurvé, porte les soies rigides régulièrement sériées, qui constituent le peigne de la lacinia. Outre les soies principales (une vingtaine environ) implantées le long du bord, se voient sur les deux faces deux ou trois rangs de soies plus courtes insérées plus en dehors. Dans l'intervalle qui sépare les dents apicales d’avec le peigne, se trouve un appendice membraneux terminé par deux ou trois petits crochets. Cet organe, observé chez PB. americana et Australasiæ, sert peut-être à retenir l’antenne dans l’acte du nettoyage, peut-être à maintenir l’adhérence de la lacinia avec le bord de la galea. Le bord externe, légèrement incurvé, directement pro- longé par les dents apicales, est, dans s1 position habituelle, reçu dans la gouttière de la galea. Le bord postérieur, concave, forme, avec le bord interne, 72 E. BUGNION une sorte de rainure qui, lorsque la lacinia s’abaisse, bute contre l’apophyse du stipes et prend appui sur celle-ci. Bien qu’unie au præstipes par des connexions assez étroites, la lacinia peut, en basculant sur son axe, exécuter de légers mouvements de flexion et d’extension (indépendamment des déplacements plus étendus résultant des mouvements du stipes et du cardo). | Épaissie vers l’apex, prolongée en forme de casque, la galea offre une sorte de gouttière qui engaine le bout antérieur et le bord externe de la lacinia. Les lèvres de la gouttière sont iné- gales. Tandis que la lèvre dorsale forme une lame élargie recou- vrant une partie de la lacinia, la lèvre ventrale est réduite à un rebord (rainure) qui s’applique contre le bord externe de la lacinia, laissant la face ventrale de cette lame entièrement à découvert. On voit encore que la lame dorsale se termine, un peu au devant de l’arc articulaire du præstipes, par un bord libre, légèrement concave. L’angle postéro-interne se termine à ce niveau par une pointe assez aiguë. Sur la face dorsale, se trouve un renforcement chitineux oblique, qui, longeant le bord de la rainure, terminé par une petite apophyse, s'articule sur le bord antérieur du præ- stipes. C’est à cette apophyse que s’insère l’abaisseur de la galea. De structure plus molle que la lacinia, la galea offre un sommet bosselé et rembruni, hérissé de poils très courts et très serrés. Ces poils, visibles au microscope, forment de petites stries à directions parallèles. Sur la partie lisse, au côté dorsal, se voient des poils plus longs, clairsemés, placés les uns à proximité du bord interne, les autres (deux ou trois rangs obliques) à peu près au milieu de la largeur. Le palpe maxillaire est, comme celui des Termites, com- posé de cinq articles. Les deux premiers sont courts, les trois autres longs, les quatrième et cinquième légèrement dilatés. La maxille est pourvue de nombreux muscles, dont les uns, servantaux mouvements d'ensemble, vont de l’intérieur de la tête au cardo et au stipes, tandis que les autres, destinés aux pièces terminales, se portent du stipes à la lacinia, à la galea et au palpe. LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 13 Observés sur des préparations au baume (fig. 14 et 15), les muscles peuvent être désignés comme suit : 19 Les fléchisseurs obliques du cardo, tendus obliquement du pont inférieur du crâne aux angles supéro-internes du cardo. L’orifice du tentorium est exactement compris entre les insertions de ces muscles (1). 20 Les fléchisseurs transverses du cardo, divisés en deux fais- ceaux, tendus transversalement de la face ventrale du tentorium au cardo (insérés dans l’intérieur de la gouttière du cardo). Des faisceaux antagonistes (extenseurs des cardos) n’ont pas été observés. 3° Les fléchisseurs transverses du stipes. Ces muscles, très larges, formés de cinq à six gros faisceaux juxtaposés, s’in- sèrent, d’une part, sur la face ventrale du tentorium des deux côtés et en avant de l’orifice; d’autre part, au stipes tout le long de sa rainure. Le faisceau le plus postérieur dépasse la rainure pour aller s’insérer à l’angle postéro-externe. L'action de ces muscles est de rapprocher l’une de l’autre les deux maxilles. 4° Le fléchisseur oblique du stipes, formé de quelques fibres qui prolongent jusqu’au stipes le fléchisseur oblique du cardo. Son action est de rapprocher le stipes du cardo. Composés de faisceaux aplatis, transverses et obliques, les (1) Bauer (1910) décrit chez les Dytiscus : 1. L’extenseur de la maxille, tendu du bord du trou occipital à l’apophyse externe du cardo destiné à porter la maxille en dehors; 2. Le fléchisseur postérieur, tendu d’une petite cavité située à l’intérieur de la tête à l’apophyse interne du cardo ; 3. Le fléchisseur antérieur de la maxille, tendu de la partie antérieure de la même cavité à la face ventrale (?) du stipes ; 4. Le fléchisseur supérieur de la maxille, tendu de la partie postérieure de la capsule céphalique (en dehors du trou occipital) à la face supérieure du stipes, Ces trois fléchisseurs rapprochent l’une de l’autre les deux maxilles ; 9. L’extenseur de la galea, tendu du stipes à la galea ; 6. Le fléchisseur de la galea, tendu du stipes à la galea ; 7. L’extenseur du palpe, tendu du palpiger au quatrième article du palpe (n’a pas d’antagoniste) ; 8. Deux fléchisseurs du palpe qui, situés dans les deuxième et troisième articles, agissent sur l’article suivant. La membrane articulaire joue le rôle d’antagoniste ; Tandis que, chezla Blatte, les principaux fléchisseurs du cardo et du stipes ont leur insertion fixe sur le tentorium, il n’y a, chez le Dytique, d’après Baucr, aucun muscle maxillaire inséré sur cette pièce. ANN. DES SC, NAT. ZOOI., 10e série. ut, O 74 E. BUGNION fléchisseurs du cardo et du stipes forment l’épaisse masse musculeire qui, sortant, par l’échancrure gnathale, passe sous le bord du basilaire. La face dorsale du tentorium est, comme Fig. 15. — Blatta Australasiæ. Tète sectionnée entre les mandibules etles maxilles. Moitié ventrale vue par le côté dorsal. Préparation au baume. X 16. 1, paraglosse ; 2, galea: 3, lacinia; 4, langue ; 5, entrée du pharynx avec les baguettes coudées; 6, stipes; 7, cardo: 8, muscles qui, de la face ventrale du {ento- rium, se portent au stipes et au cardo; 9, faisceaux du pont inférieur; 10, insertions du fléchisseur de la mandibule. chez les Termites, réservée aux insertions des muscles moteurs des antennes. ; Des faisceaux antagonistes (extenseurs du stipes) n’ont LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 79 pas été observés. Le stipes pivotant au moyen d’une double articulation sur le cardo, il suffit que le tubercule interne se relève quelque peu pour que le stipes soit porté en extension. 50 Le fléchisseur de la lacinia. Ce muscle triangulaire, formé de quatre à cinq faisceaux, s'étend du bout postérieur et du bord externe du stipes à l’apophyse interne de la /acinia. Un antagoniste (extenseur de la Zacinia) n’a pas été observé. 60 L’abaisseur de la galea. Ce muscle, en forme de triangle allongé, s’insère, d’une part, au bord postérieur et à la face dorsale du stipes; d’autre part, au bord inférieur de la galea. Son tendon, très grêle, traverse (semble-t-11) un petit anneau placé un peu en arrière du point d'insertion. Il est, dans la partie supérieure de son trajet, appliqué sur l’apophyse quadrilatère de la lacinia, au côté dorsal de celle-c1. Ce muscle abaisse la galea et la rapproche de la lacinia. Le bord externe de lalacinia est,ensuite de ce mouvement, enfoncé dans la rainure de la galea. Des faisceaux antagonistes (extenseurs de la galea) n’ont pas été observés. 70 L’adducteur du palpe, petit faisceau tendu obliquement du stipes à l’angle postéro-interne du premier article du palpe. 80 L’abducteur du palpe, très petit également, tendu du stipes à l’angle postéro-externe du même article. 90 Musclesintrinsèques du palpe. I ya,danslepremier article, des muscles destinés à mouvoir le deuxième article sur le pre- mier; dans le deuxième article, des muscles destinés à mouvoir le troisième article sur le second, et ainsi de suite jusqu’à la base du cinquième. Très mobiles, les maxilles servent (avec la lèvre inférieure) à palper la nourriture, à la pousser sous les mandibules et, quand la mastication est terminée, à amener les parcelles ali- mentaires vers l'entrée du pharynx. Garnies de nombreux poils tactiles, elles représentent au surplus : 1° des organes sensoriels ; 20 un appareil de nettoyage pour les antennes et pour les pattes. La Blatte, observée en captivité, se montre presque constamment occupée à lisser ses antennes au moyen des lacinias. Les antennes, très longues et très flexibles, sont 10 76 E. BUGNION à cet effet repliées sur elles-mêmes, puis redressées lentement pendant qu’elles passent entre les peignes. D. — LE LABIUM. La lèvre inférieure comprend (fig. 8, 16 et 17) : 19 Une pièce basale, le mentum, relativement petite, ré- Fig. 16. — Blatta australasiæ. La maxille gauche et le /abiumisolés, ce dernier repré- senté dans ses connexions naturelles avec le basilaire. Face dorsale. Préparation au baume. X 18. — Les muscles ont été dessinés d’après une microphotographie exécutée par Mue Bugnion-Lagouarde. 1, cardo: 2, stipes ; 3, arc du præstipes; 4, lacinia; 5, galea; 6, basilaire; 7, pré- basilaire, avec le mentum appliqué à sa surface: 8, palpigère; 9, prépalpigère; 40, paraglosse. pondant vraisemblablement aux deux cardos (soudés) de la maxille (1) ; 20 Une deuxième pièce, le palpigère, beaucoup plus im- (1) Le menton est, chez la plupart des Coléoptères, plus développé que chez la Blatte. . LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE péril portante, portant les palpes labiaux, répondant aux deux stipes, avec sa partie antérieure nettement divisée par une fente ; 30 Deux pièces terminales médianes (lobes internes, glosses), insérées sur le bord antérieur du palpigère, répondant aux lacinias ; 40 Deux pièces terminales externes (lobes externes, para- © _ Fig. 17. — Blatta americana. Le labium avec le basilaire et la langue. Vue dorsale. Préparation au baume. X 18. Figure destinée à montrer l'atrophie du mentfum. Les supports des palpes, Squamæ palpigeræ, qui d'ordinaire s'appuient sur le bord antérieur du mentum (Cf. avec fig. 16), s'articulent iei sur le bord du basilaire. La langue a été rejetée en arrière afin de laisser voir les partie sous-jacentes. 4, paraglosse ; 2, glosse; 3, prépalpigère; 4, palpigère; 5, bord antérieur du men- tum atrophié; 6, basilaire ; 7, bord antérieur du prébasilaire; 8, face ventrale de la langue ; 9, lames sublinguales. glosses), placées des deux côtés des glosses, implantées elles aussi sur le bord antérieur du palpigère, répondant aux galeas ; 5° Deux palpes composés de trois articles, insérés oblique- ment sur les côtés du palpigère. Placé au côté dorsal du prébasilaire, le mentum est au premier abord difficile à distinguer. On peut toutefois le reconnaître à ceci que son bord antérieur est trilobé. A peu 18 E. BUGNION près rectiligne, le bord du prébasilaire est généralement situé plus en arrière. On remarque au surplus que les tigelles ar- ticulaires des palpes s'appuient sur le bord antérieur du mentum au niveau de deux petites dépressions (entre le lobe médian et le lobe latéral correspondant). C’est au niveau du bord antérieur du mentum, sur la ligne médiane, entre deux renforcements chitineux, qu’est inséré le pédicule de la langue. On voit encore que le mentum com- prend une partie postérieure d’un jaune opaque qui remplit presque entièrement l’échancrure du basilaire et une partie antérieure plus transparente. N. B. — La description qui précède ne se vérifie pas toujours. On constate, en effet, chez certaines Blattes, que le mentum, bien qu’encore reconnaissable, est plus ou moins atrophié (fig. 17). Au lieu de se montrer en avant du pré- basilaire, le bord antérieur (trilobé) du menton se trouve, chez les sujets de cette sorte, en arrière de celui du préba- silare. Les écailles palpigères, qui s'appuient d'ordinaire sur le bord antérieur du menton, reculent leur insertion jusqu'au bord du basilaire. Le labium, dans son ensemble, est notablement raccourci. Chez les Mantis, le mentum très petit, soudé avec le palpigère, est presque impossible à distinguer. De même chez les Forficula et les Orthoptères en général. La réduction relative du mentum s'explique par la mobilité du basilaire et le développement prépondérant de ce der- nier. C’est vraisemblablement parce que les anciens ento- mologistes n’ont pas réussi à distinguer le mentum de ces Insectes qu'ils ont fait du basilaire la première pièce du labium. Très développé chez la Blatte, le palpigère est composé dè deux parties, une postérieure plus large, à peu près quadri- latère avec les angles antéro-externes tronqués obliquement, portant les squamæ palpigeræ, et une antérieure plus étroite, enserrée entre les palpes, divisée en deux lames par une fente. La partie antérieure pourrait être désignée sous le nom de prépalpigère. Il ne s’agit pas, toutefois, d’un segment dis- tinct séparé par une articulation, mais d’un simple prolon- LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 19 gement du palpigère, destiné à porter les glosses et les para- glosses (1). A peu près plat du côté ventral, le palpigère offre, du côté dorsal, deux bords épaissis repliés sur eux-mêmes, prolongés en avant par les palpes, et une partie médiane plus déprimée, formant une fossette oblongue continuée par les glosses. Les bords épaissis sont essentiellement constitués par des muscles, tandis que la partie médiane est occupée par la langue. Nous verrons, en décrivant la langue, que cet organe, dirigé d’ar- rière en avant, placé dans le prolongement du pharynx, atteint à peu près le bout des glosses. Dans la partie du bord latéral située en arrière de l’insertion du palpe se trouve une plaque rembrunie (squama palpigera), hérissée de quelques poils et, en dedans de celle-ci, le long de la partie repliée, une tigelle noire légèrement courbée, pro- longée jusqu'à l'articulation du palpe. Une pièce chitineuse, à direction transverse, appendue en arrière de la squama, sert à l'articulation du palpigère sur le bord antérieur du mentum ou, exceptionnellement, sur le bord du basilaire. De forme presque carrée, le prépalpigère est composé de deux lames juxtaposées unies par leur base, mais entièrement séparées dans leurs deux tiers antérieurs. Considérée isolé- ment, chacune de ces lames se termine en arrière par une partie rembrunie à contour arrondi, nettement circonscrite par rapport à la base du palpigère, de couleur plus pâle. Sur le bord antérieur se voient deux facettes linéaires, dont l’une interne, à direction oblique, porte l’articulation de li glosse, tandis que l’autre externe, exactement trans- verse, sert à porter la paraglosse. Un épaississement chiti- neux, placé le long du bord interne, prolongé jusqu’à la glosse, renforce l’articulation de celle-ci. Les glosses, bien qu'homologues des lacinias des maxilles, sont beaucoup plus petites et ont une structure beaucoup plus simple. Semblables à deix lames triangulaires juxtaposées, (1) La division du prépalpigère en deux lames juxtaposées est, au point de vue des homoloôgies des pièces buccales, un fait important à relever. Le La- bium de plusieurs Insectes primitifs (Aptérygotes) offre, comme on sait, une division analogue. 80 E. BUGNION elles offrent une partie interne rembrunie et une partie externe pâle, cachée d'ordinaire sous le bord de la paraglosse. Leur boutantérieur, terminé en pointe mousse, est hérissé d’innom- brables petits poils régulièrement sériés (visibles au micro- scope). En arrière de la partie rembrunie se voit une ligne à direction oblique servant d’insertion à l’adducteur. Les paraglosses, notablement plus grandes et plus épaisses que les glosses, offrent sur leur bord interne une surface lisse de couleur brune, destinée à glisser sur le bord de la glosse et, à la base de la partie rembrunie, un are chitimeux (arcus paraglossæ) portant l'insertion de l’adducteur. Sur la face ventrale se trouve une saillie oblique de couleur brune hérissée de petits poils. Cette saillie, qui suit la direction du bord interne, forme avec ce dernier une rainure qui sert à main- tenir la glosse et à limiter ses mouvements. La face externe; convexe, régulièrement arrondie, est garnie de poils elairsemés et assez forts. Les paraglosses, bien que beaucoup plus petites que les galeas des maxilles, rappellent quelque peu la forme de ces dernières. Les mêmes pièces existent également chez les Ter- mites, mais, plus étroites que chez la Blatte, elles n’offrent qu’une dépression peu profonde et peu marquée. Le palpe labial est composé de trois articles. Le premier est court, le deuxième un peu plus long que le premier, le troisième plus long que le deuxième, de couleur foncée, et notablement plus étroit. Tous trois sont garnis de poils qui, vers l’apex, deviennent plus fins et plus serrés. L’extrémité du palpe a, chez le vivant, une couleur jaune pâle. Lisse sur sa face ventrale, le labium est du côté dorsal recouvert par les muscles. Par dessus la couche musculaire s’étend une membrane transparente, qui, s’enfonçant sous la langue, tapisse le sinus sublingual. Les muscles qui meuvent les pièces du labium comprennent des faisceaux longitudinaux, obliques et transverses, tendus les uns du basilaire au mentum et au palpigère, les autres du mentum au palpigère, d’autres enfin de ces dernières pièces aux palpes, glosses et paraglosses. LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE S1 Certaines préparations au baume, dans lesquelles les fibres musculaires sont restées un peu opaques, permettent de dis- tinguer ces faisceaux sans qu'il soit nécessaire de disséquer. On peut nommer entre autres (fig. 16) : 19 Deux muscles droits (courts fléchisseurs du labium), qui, partant du milieu du basilaire, placés comme leurs con- vénères au côté dorsal de cette lame, se portent d’autre part au bord antérieur du mentum ; 20 Deux longs muscles obliques (fléchisseurs obliques du labium), superposés aux précédents, qui, insérés sur la partie postérieure du basilaire, se portent d’autre part au bord anté- rieur du mentum. N.B.— Les insertions (superposées) des courts fléchisseurs et des fléchisseurs obliques se font au bordantérieur du mentum, à droite et à gauche de la ligne médiane, sur deux épaississe- ments chitineux, à direction transverse. L’attache de la langue se trouvant justement sur ce point-là, quelques faisceaux des muscles obliques se prolongent jusqu'à la base de cet organe et, agissant sur les lames sublinguales, jouent le rôle de rétracteurs. 30 Deux muscles droits (abducteurs du labium), placés en dehors des précédents, aussi longs que ces derniers, tendus de la partie postérieure du basilaire aux angles postérieurs du palpigère, servant vraisemblablement à incliner le labium de part et d’autre ; 40 Deux faisceaux à direction oblique, placés dans le pro- longement des museles 1 et 2, tendus du bord antérieur du mentum à un point situé à mi-longueur du palpigère, en de- dans de l’insertion du palpe; 59 Deux adducteurs des palpes, à direction transverse, tendus du bord du sillon médian du palpigère à l’angle posté- ro-interne du premier article du palpe correspondant ; 69 Deux abducteurs des palpes, tendus de l’apophyse du palpigère à l’angle postéro-externe du premier article ; 70 Des faisceaux abaisseurs et releveurs des palpes ; 8° Des faisceaux contenus dans les palpes, destinés à mou- voir le deuxième article sur le premier et le troisième sur le second ; 82 E. BUGNION 90 Deux faisceaux droits (adducteurs des glosses), tendus du prépalpigère au bord postérieur de chaque glosse, offrant un épaississement linéaire au niveau de l'insertion) ; 109 Deux muscles abducteurs des paraglosses, tendus un peu obliquement du prépalpigère à l’angle postéro-externe de chacune des paraglosses : 119 Deux muscles adducteurs des paraglosses, placés en dedans des précédents, tendus du prépalpigère aux ares chiti- neux des paraglosses. Placés latéralement, les muscles abducteurs et adducteurs des paraglosses se trouvent dans l'épaisseur du rebord charnu, qui se voit, à droite et à gauche, sur les côtés du palpigère. Des muscles extenseurs du labium paraissant peu déve- loppés, ou même absents, —on ne voit pas de muscles au côté ventral, —on doit (jusqu’à plus ample informé) admettre que des membranes élastiques, jouant le rôle d’antagonistes, ramênent d’elles-mêmes les diverses pièces en extension. Il faut toutefois, lorsqu'il s’agit d’Insectes, tenir compte de ce fait que les articulations offrent des dispositions très compliquées. [1 suffit que telle fibre s’insère un peu en deçà de l’axe de flexion, telle autre un peu au delà, pour queleurs actions varient. Il est donc fort possible qu’un muscle con- sidéré comme fléchisseur (d’après sa position) renferme également des faisceaux extenseurs. La même remarque peut s'appliquer aussi aux muscles rubanés du labre représentés figures 5 et 6. E. — LA LANGUE ET LE PHARYNX. La langue (lingua, Knoch, 1781) (fig. 18, 19, 20, 21) est ur organe charnu de forme cylindrique, contenu dans la cavité buccale, compris, lorsque les mandibules sont écartées, entre le labre en dessus, le labium en dessous, les maxilles des deux côtés. Quand les mandibules sont rapprochées, la langue est recou- verte par celles-ci à l’exception de sa base, qui, répondant à l’échancrure mandibulaire, reste à peu près à découvert. Je dis à peu près, parce que les expansions membraneuses des LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 83 mandibules viennent à ce moment s’interposer entre le labre et la langue. Ces expansions, qui balayent la surface de la langue, poussent les aliments vers l’entrée du pharynx. Improprement désignée sous le nom d’hypopharynx (Savi- gny, 1816), la langue n’est pas placée en dessous du pharynx, w Fig. 18. — Blat:a americana. Le cerveau, à découvert du côté dorsal, représenté - avec la langue, le pharynx et l’œsophage. Préparation à l'eau salée, x 12. — Le labre et l’épistome ont été enlevés. 1, langue ; 2, baguette coudée avec les pores gustatifs; 3, entrée du pharynx; 4, pharynx ; 5, ganglion frontal ; 6, nerf récurrent; 7, cerveau antennaire; 8, cerveau optique; 9, ganglion sus-intestinal; 10, œsophage. : mais se trouve exactement dansle prolongement de ce conduit. Ce fait est facile à vérifier. Il suffit, après avoir enlevé la paroi dorsale de ia tête et du thorax, d'isoler sur le porte-objet l’œsophage et le pharynx ; la langue reste appendue au bout antérieur de ce dernier. Il y a donc dans la langue deux régions à distinguer : 19 la base, qui, continue avec le pharynx, s’attache au moyen 84 E. BUGNION d’un pédicule (fig. 17) au bord antérieur du mentum; 2° la partie libre qui, couchée dans la fossette du labium, atteint à peu près le bout des glosses. La langue de la Blatte peut être au surplus divisée en deux étages : un dorsal proéminent et rembruni, entièrement garni de poils très courts; un ventral, presque glabre, de couleur pâle, dépassant la partie dorsale des deux côtés. La partie dorsale est, à son bout antérieur, distinctement dilatée. La langue ayant avec le pharynx des connexions très étroites, il convient d’étudier simultanément ces deux or- ganes. Le pharynx est un tube cylindrique, de couleur blanchâtre, interposé entre la langue et l’œsophage, en avant du pas- sage de ce dernier à travers l’anneau nerveux. Observé du côté dorsal (fig. 19), le pharynx présente une région antérieure nettement enfoncée ou déprimée, située immédiatement derrière la langue, et une région postérieure plus relevée. C’est dans la partie antérieure (atrium) que se trouve l’orifice qui donne accès dans ce conduit. L’armure chitineuse est constituée par deux baguettes qui, longeant les deux bords, se portent d’arrière en avant à peu près en ligne droite. Parvenue au voisinage de la base de la langue, chacune de ces baguettes se continue avec une autre pièce (lame coudée), qui, brusquement incurvée, pre- nant une direction transverse, se porte à la rencontre de celle du côté opposé. L’entrée du pharynx (en forme de fente, garnie de petits poils) se trouvant au niveau des lames coudées, on peut admettre que ces lames sont spécia- lement destinées à soutenir ses bords. Un muscle grêle à direction transverse, tendu de la face ventrale de la mandi- bule à la lame coudée, peut, au gré de l’animal, tenir cet orifice ouvert (fig. 6 et 7). Ce muscle a été observé également chez un Termite (Bugnion, Le « Termes Horni», 1915, fig. 13). Le pharynx a ses dilatateurs propres. Le dilatateur supé- rieur est, comme le montre la figure 22, inséré au côté dorsal de ce conduit, dans l’espace compris entre les baguettes. Ce muscle, innervé par le ganglion frontal, comprend deux LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 85 ‘ordres de faisceaux, les droits et les gauches, attachés à la face SSSR NES SS A À Lou VAE LR Ex D [SA] EC vos Fig. 19. — Blatta americana. — Vue dorsale de la langue et du pharynx. X 20. — 1, face dorsale de la langue garnie de poils sériés ; 2, étage inférieur de la langue avec la lame sublinguale ; 3, entrée du pharynx (située dans l’atrium); 4, baguette coudée du pharynx prolongée en arrière par la tigelle ; 5, pharynx ; 6, orifice du tentorium vu par transparence ; 7, œsophage ; 8, mentum ; 9, palpigère ; 10, premier article du palpe labial ; 11, prépalpigère ; 12, paraglosse, inférieure de l’épistome, Un espace, relativement essez large, sépare les deux lignes d’insertion (fig. 5). 86 E. BUGNION Le dilatateur inférieur ou hypopharyngien (innervé, d’après Janet, par le tritocerebron) est tendu du tentorium ou pha- rynx. On distingue, en outre, dans l’épaisseur de la paroi, des faisceaux annulaires ou constricteurs. En sus des lames coudées qui supportent sa partie basale, la langue (partie libre) renferme deux pièces chitineuses de forme oblongue (p. sublinguales), situées, par rapport aux lames coudées, dans un plan plus ventral. Dirigées d’arrière en avant, ces pièces longent les bords latéraux sur les trois quarts de leur longueur. Deux pièces accessoires semblables à deux petits arcs embrassent dans leur concavité l’ori- fice du conduit de la salive. Ce dernier débouche à la face inférieure de la langue, dans le fond du sinus sub- lingual. Observée au microscope, la langue offre plusieurs particu- larités intéressantes. Ce sont tout d’abord, au niveu de l’en- trée du pharynx, plusieurs groupes de pores gustitifs mé- nagés dans l’épaisseur de la cuticule, formant un total de quarante environ de part et d’autre. Sur les faces latérales se voit, à droite et à gauche, une rangée de poils rigides. Notons enfin sur la face dorsale la présence de petits poils bruns extrêmement serrés, dont les uns situés vers le bout, disposés en tourbillons, sont sans doute utiles dans l’acte de lécher, tandis que d’autres, régulièrement sériés, formant des lignes convergentes du côté de l’orifice du pharynx, paraissent destinés à diriger les parcelles ali- mentaires vers ce conduit (1). La langue des Termites ressemble à celle dela Blatte, avec cette différence que, au lieu de présenter un contour cylin- drique, elle est d'ordinaire renflée en forme de poire avec le gros bout dirigé en avant. Une coupe montrant la structure interne de la langue du Termes Horni (entre autres les lacunes sanguines) a été publiée dans la Revue Suisse de zoologte, 191 BIENS (1) Une disposition analogue a été notée ci-dessus sur la partie du labre qui se trouve vis-à-vis de l’entrée du pharynx. LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 87 F. — LA CAVITÉ BUCCALE. On désigne sous le nom de bouche l'ouverture comprise entre le bord du labre et le bord du labium, tandis que la cavité buccale est l’espace compris entre la face inférieure du labre et la face supérieure du labium. Ea langue, qui 15 Fig. 20. — Blatta americana. Coupe sagittale de la tête (dissection). X 10. — Les mandibules et les maxilles ont été enlevées. 1, langue; 2, labre; 3, entrée du pharynx; #, fond du sinus labio-pharyngé ; >, ganglion frontal: 6, nerf antennaire; 7, section du nerf optique; 8, ganglion sous-æsophagien; 9, ganglion sus-intestinal antérieur : 10, ganglion sus-intestinal pos- térieur; 11, nerf récurrent; 12, conduit des glandes salivaires; 13, conduit des ampoules salivaires; 14, œsophage; 15, ganglion prothoracique. s’avance à peu près jusqu'au bout des glosses, divise cette cavité en deux parties. La cavité buccele de la Blatte (fig. 20) n’est pas, comme le gosier des Vertébrés, une sorte d’entonnoir ouvert en arrière, simplement continué par l’œsophage. L'espace situé en dessous du labre est fermé par une membrane (membrane labro-pha- ryngée), qui, prolongeant le revêtement du labre, se porte 88 E. BUGNION en arrière, puis, revenant en avant, recouvre le pharynx et se continue jusqu’à la langue. Il y a donc, entre le labre en haut, la langue et le pharynx en bas, un espace surbaissé (sinus labro-pharyngé) dans lequel se rencontrent les man- dibules. L’orifice du pharynx, allongé en forme de fente, © Fig. 21. — Blatta americana. Le labium avec la langue et le bout antérieur du pharynx, vus du côté dorsal. X 10. — Le labre rejeté en arrière présente sa face ventrale. — 1, palpe labial; 2, langue; 3, entrée du pharynx; #, membrane tendue de la face ventrale ‘du labre à la base de la langue (fond du sinus labro-pharyngé); 5, labre: 6, arc du labre; 7, basilaire; 8, palpigère ; 9, prépalpigère. placé derrière la base de la langue, se trouve en avant du fond de ce sinus. Un deuxième espace, situé en dessous de la langue, pourrait être appelé le sinus labio-lingual, ou simplement sublingual. La figure 20, bien qu’un peu schématique, montre ces dis- positions d’une manière assez claire. On voit au-dessus de la langue le sinus labro-pharyngé fermé en arrière par la mem- brane qui se porte du labre au pharynx et à la langue ; l’ori- fice du pharynx est indiqué par une flèche. En dessous de la langue, se montre le sinus sublingual avec le canal salivaire qui vient s'ouvrir à l’intérieur. LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 89 La figure 21, dessinée d’après une préparation dans laquelle le labre a été rejeté en arrière, prouve plus nettement encore la continuité de la membrane qui, prolongeant le revête- ment du labre, revient en avant vers le pharynx et la langue. Le point qui répond au fond du sinus (indiqué par le chiffre 4) montre en effet une membrane non inter- rompue. La cavité buccale des Termites offre des dispositions presque identiques (Bugnion, le « Termes Hornt », 1913, ho 13): Chez les Coléoptères, la structure est au contraire bien différente. Ces Insectes, n'ayant pas de langue, ou tout au plus (chez Geotrupes) une langue rudimentaire, la cavité buccale n’est pas, comme celle de la Blatte, divisée en deux parties. Un sinus labro-pharyngé, comparable à celui de la Blatte, fermé en arrière par une membrane, a été cependant observé chez Creophilus (Bugnion, 1911, a). G. — L'APPAREIL SALIVAIRE. L'appareil salivaire (fig. 22) comprend, comme celui des Termites, deux glandes et deux ampoules ou réservoirs. Les glandes, du type des glandes en grappe, assez volumineuses, de couleur blanchâtre, sont situées dans le thorax. Les am- poules sont en forme de sacs allongés, avec le bout postérieur dilaté et arrondi. [1 y à quatre canaux excréteurs, ceux des ampoules et ceux des glandes. Les canaux des ampoules, plus gros, striés en travers, s’unissent à mi-longueur en un canal unique (canal collecteur), qui, continuant son trajet à l’inté- rieur de la tête (au côté dorsal de la plaque basilaire), va s'ouvrir sous la langue au fond du sinus sublingual. Les canaux des glandes, plus fins et plus grêles, se réunissent eux aussi en un canal unique, qui, parvenu à mi-longueur du conduit collec- teur, s’abouche au côté dorsal de ce dernier. Le conduit collec- teur ne passe pas à travers l’orifice du tentorium; mais, placé plus près de la surface, longe la face dorsale de la plaque basilaire et du labium. ANN. DES SC. NAT. ZOOL., 10e série. IT 90 E. BUGNION L'appareil salivaire des Termites diffère de celui des Blattes en ce qu'il comprend deux canaux distincts (naissant des Ni Fig. 22, — Blatta americana. L'appareil salivaire avec la langue et le pharynx. — Préparation à l’eau salée. 1, entrée du pharynx:i 2, dilatateur supérieur; 3, œsophage; 4, langue; 5, canal excréteur commun ; 6, glande salivaire; 7, ampoule salivaire. deux ampoules), s’ouvrant par deux orifices juxtaposés au fond du sinus sublingual. H. — EXAMEN D’UNE COUPE MICROSCOPIQUE. Observée sur une coupe transverse pratiquée au niveau du cerveau (fig. 24), la tête de la Blatte montre dans sa partie médiane, en allant de la face dorsale à la ventrale : 10 deux LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 91 troncs trachéens entourés de tissu graisseux ; 29 les ganglions cérébroïdes ; 3° l’aorte ; 4° deux ganglions sus-imtestinaux accolés l’un à l’autre ; 5° l’œsophage avec six replis (dont un dorsal beaucoup plus large), proéminents à l’intérieur [ces plis sont garnis de fibres radiaires, tandis que le constricteur forme à la périphérie un anneau continu]; 6° deux troncs trachéens très larges; 70 les connectifs cérébro-sous-æsophagiens ; 80 le canal commun des glandes slivaires : 9 le canal des am- poules salivaires, reconnaissable à son calibre un peu plus gros; 100 Les faisceaux musculaires tendus du basilaure au labium. Des deux côtés, la coupe est presque entièrement remplie par les fléchisseurs des mandibules. Ces muscles occupent, en eflet, toute la partie de la cavité céphalique limitée en haut par le pédicule optique, en dedans par les organes déjà nommés. Leur masse, tentée en rose par l’éosine, comprend une vingtaine de faisceaux principiux divisés en faisceaux secondeires, visibles sur la section comme des champs polvgonaux, séparés par des interstices. L’apodème se dis- tingue à l’intérieur du muscle comme une lame incolore dirigée obliquement de dedans en dehors et dans une direction ventro-dorsale. On remarque, chez les Insectes masticateurs en général, que les dimensions de la tête sont exactement en rapport avec la puissance des mandibules et le volume des museles destinés à les mouvoir. III. — DÉDUCTIONS RELATIVES A LA THÉORIE MÉTAMÉRIQUE DE LA TÊTE (1. On admet d'ordinaire que la tête de l’Insecte est dérivée de six segments, zoonites ou selérites : 1° Le segment oculaire (appelé parfois frontal), comprenant les régions du labre et des yeux, innervé par le protocerebron: 2° Le segment antennaire, comprenant les régions des an- tennes et de l’ocelle antérieur, innervé par le deutero-cerebron: (1) Plusieurs figures ayant trait à la théorie métamérique de la tête ont été publiées par BERLESE dans son bel ouvrage Gli Insetti. 92 E. BUGNION 39 Le segment postantennaire, innervé per le tritocerebron, portant chez les Crustacés la deuxième paire d'antennes, com- prenant chez les Insectes les régiors de l’infrapharynx et des ocelles postérieurs (1). 49, 5° et 60 Les segments mandibulaire, maxilleire et labial, innervés par le ganglion sous-æsophegien (gnathal de Janet). La division indiquée ci-dessus s’applique à l’Insecte actuel, ou plus exactement à l’embryon actuel, et non à une forme ancestrale (sorte d’Annélide?) dont, selon toute apparence, serait dérivé l’Insecte. La tête de ee type primitif était, comme l’a montré Janet, probablement composée de neuf somites (2). N'ayant rien de spéciel à dire au sujet des selérites 1, 2 et 3, je me bornerai à présenter quelques remarques relatives à la démarcation des segments 4, 5 et 6. Les conclusions exposées dans ce chapitre s'appuient sur deux ordres d'observations : 1° Sur l’étude des articulations des mandibules, des maxilles et du labium, ainsi que des perties qui les supportent; 2° sur l'étude des Insertions musculaires et des régions de la tête qui les fournissent. Il faut remarquer, toutefois, à propos des observations du deuxième ordre, que les déductions tirées des insertions mus- culaires ne doivent être acceptées qu'avec réserve. Il se peut que des insertions limitées primitivement à un segment unique aient, au cours du développement phylogénétique, empiété peu à peu sur le segment le plus voisin. Si, par exemple, les insertions des muscles fléchisseurs des mandibules cou- vrent, chez l’Insecte actuel, une surface si étendue de la cap- sule céphalique, c’est vraisemblablement qu'elles ont dépassé les limites qui leur avaient été assignées à l’origine. On peut prévoir que la démarcation du quatrième zoonite sera, con- séquemment, difficile à établir. Essayons, en nous aidant de la figure 23, de poser néan- moins quelques jalons. (1) Fortement atrophié, le segment postantennaire est, chez les Insectes, à peu près méconnaissable (difficile à démontrer). (2) Voir le résumé des travaux de Janer dans Bull. Soc. entom. Suisse, XII. 1916, p. 354. LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 93 Les lames qui limitent l’échancrure gnathale, de part et d’autre, appartiennent bien certainement au segment mandi- bulaire ; ce sont elles, en effet, qui portent les articulations des mandibules. Je pense à ce propos non seulement aux articulations principales placées au côté ventral de la tête, mais encore aux jointures accessoires situées au côté dorsal. Rien n'empêche de se représenter les apophyses mandibulaires suffisamment larges pour que, empiétant sur la face dorsale, elles remontent jusqu'aux angles postérieurs de l’épistome / | \\ WA \\ NX Ve Fe se Ke ANSE = 17 A Ne PET. D NE 77 Fis. 23. — Tête de la Blatte, sans le basilaire, les maxilles et le /abium. Schéma 2. destiné à montrer les limites des segments mandibulaire et maxillaire. 1, segment mandibulaire : partie laissée en blanc. 2, segment maxillaire : partie teintée en gris. Le segment labial représenté par le basilaire (sternite) n'a pas été dessiné. et portent les articulations qui se trouvent à ce niveau (1). Pour ce qui est des muscles, 1l ressort, de l’examen des figures 7 et 11, que les insertions des fléchisseurs couvrent toute la face interne de la capsule cranienne dans la région du vertex et de l’occiput. Ces insertions occupant la région située en arrière du trou occipital, ainsi que les parties situées de deux côtés, il faut admettre que le zoonite mandibulaire comprend la zone laissée en (1) Les articulations mandibulaires dorsales se trouvent à la jonction des angles antérieurs du front et des angles postérieurs de l’épistome. 94 E. BUGNION blanc dans la figure, à l'exclusion de la zone teintée en gris. Les muscles extenseurs (représentés fig. 6), très petits en comparaison des fléchisseurs, se trouvent à la face profonde des apophyses mandibulaires. Les insertions des fléchis- seurs, qui se voient à la face profonde des capsules oculaires et sur les parties voisines, paraissent en revanche avoir empiété secondairement sur les zoonites 1 et 2. Peut-être, dans la région occipitale, pourrait-on tracer la limite du segment mandibulaire au niveau de la ligne CHE 0). Le segment maxillsire n’est représenté qu’au côté ven- tral de la tête. Il comprend le pont inférieur du crâne et les contreforts occipitaux, en un mot les parties de la paroi ventrale qui, situées entre le trou occipital et l’échancrure gnathale, forment le bord postérieur de celle-ci et portent de part et d’autre l'articulation de la maxille. Il faut y ajouter les deux trabécules chitmeuses qui, lon- geant les bords latéraux du trou occipital, renforcent le pourtour de l’échancrure sur les points où les cardos sont attachés. Un problème plus difficile à résoudre est la question de savoir si le 5 zoonite comprend encore la lame étroite qui se trouve au pourtour du trou occipital, le long du bord postérieur. Les insertions des longs fléchisseurs des mandibules oceu- pant toute la surface située en arrière du foramen, on est porté à conclure que le segment maxillaire est interrompu à ce niveau. Il se peut toutefois qu’une bande appartenant au o® zoonite ait passé derrière le trou occipital chez l'ancêtre de la Blatte et que les insertions des muscles man- dibulaires aient secondairement empiété sur cet anneau. Une déduction plus précise, tirée des insertions musculaires, est que le pont inférieur fait partie du segment V. C’est sur ce pont, en effet, que deux muscles assez forts, les fléchisseurs des cardos, prennent exclusivement leurs points d’attache. Le pont inférieur, qui forme une petite pièce nettement déli- mitée (fig. 9), représenterait le sternite du segment maxillaire. Le tentorium, par le fait qu’il donne attache par sa face ventrale aux muscles des s{ipes, par sa face dorsale aux € “UNI, NE OISE np sNpuay Sappsnur euro ‘#7 { sonbrouiou}-0peqd#9 sJrJoauu09 ‘ep { agua ‘Gr : o8eydos® ‘ -ode ‘£ { apmqipueu e] 9p IMESSIU9YIT FORATTEONGR LT ‘ oxreriseg ‘or { sotearpes sopnodure sop [eue ‘CT : SOITBAITES S3puE|S s9p pr‘ Xneurpsoqui-sns suorpaues ‘Op { 97108 ‘6 ‘ XNosste 18 nss1} ‘8 ‘ IN9SSIUI9I} NP AUWOP anbrdo ammotpod ‘# ‘oploiqou9o uorjsues ‘€ : JIOU UOS 9946 pusouol ‘z { aguoea] ‘1 — ‘Ce X ‘yodoq °N ed ogqnooxe uoreredoid oun sordep SSOPIOI{9I90 SUOIBUES S0p J9 P4S2U2/ EI 9p NE9OAIU NE 9797 ET 9P OSIOASUEI} 94N07 — "DUDOUAUD DPI — ‘YT ‘SU O1 CI 2 gl ELU puit Am w " 1 S {} 125 sr HE Gr * Css ss = “ess a 96 E. BUGNION muscles des antennes, répondrait à un pli (invagination) du tégument dérivé des somites antennaire et maxillaire. Le segment labial enfin serait représenté par le basilaire, pièce destinée à porter le labium. Cette lame, dont la situa- tion rappelle celle des sternites, répondrait à un sternite détaché du crâne (celui du sixième segment), mobile chez la Blatte et les Orthoptères en général, soudé chez les Coléo- ptères, aux parties qui l’avoisinent. Un fait qui parle en faveur de cette manière de voir est que les muscles insérés sur le basilaire sont exclusivement destinés au labium et à la langue. Il importe également de rappeler que le ganglion sous-æsophagien (centre qui fournit aux mandibules, aux maxilles et au labium) est placé, par rapport au basilaire, comme les ganglions thoraciques par rapport aux sternites correspondants ; 1] se trouve, en effet, à la face profonde du basilaire, entre le basilaire et la face ventrale du ten- lorium. Il ressort, en somme, des indications qui précèdent que le quetrième segment est représenté par une partie dorso- postérieure (région de l’occiput), par une partie de la face ventrale et par deux prolongements latéraux, les apophyses mandibulaires, destinées, comme leur nom l’indique, à porter les mandibules; le cinquième, par un sternite augmenté de quelques pièces donnant attache aux maxilles ; le sixième, per un sternite seul (mobile chez la Blatte), adapté par sa forme à porter le mentum. Chez les Coléoptères, la paroi ventrale de la tête offre une disposition particulière. L’échancrure gnathale étant moins profonde que chez la Blatte, le trou occipital reporté plus en arrière, 1l y a entre ces deux ouvertures une distance relati- vement beaucoup plus grande. La région basilaire du crâne s’est naturellement adaptée à cette forme. J’ai décrit ci-dessus chez Carabus (fig. 1) un basilaire composé de deux parties, une postérieure, étroite, en forme de quadrilatère allongé, soudée par ses bords latéraux, limitée par deux sillons, et une antérieure, plus large, soudée à la partie précédente, fortement dilatée, proéminente dans l’échancrure gnathale, unie au Mentum par une suture linéaire à direction trans- LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 97 verse. La partie postérieure répond au basilaire de StTaUSs, Durckheim (gula de la terminologie usuelle), l’antérieure au prébasilaire. VERHOEFF à publié en 1904 (c) une étude relative à la constitution de la tête. Je donné en terminant une courte analyse de son mémoire. La principale conclusion de ce savant est que la tête de l’'Insecte, primitivement ouverte du côté ventral (privée de paroi), tend à se fermer de plus en plus et à se transformer en une boîte cylindrique, à mesure que des types inférieurs on remonte aux supérieurs. Fondé:sur ce principe, il divise les Insectes en deux séries, suivant qu'ils ont : Un postcranium apertum, c’est-à-dire une échancrure gnathale prolongée en arrière jusqu'au trou occipital ; Où un postcranium clausum, c'est-à-dire une échancrure gnathale séparée du trou occipital par un pont chitineux. Le premier type se rencontre, d’après lui, chez les Aptéry- ootes (Machilis, ete.) et chez les Orthoptères, tels queles Blatta, Forficula, Mantis, en un mot chez les Insectes les plus primi- tifs: le deuxième, vraisemblablement dérivé du précédent, serait propre aux Métaboles (Coléopières, Lépidoptères, Hymé- noptères, Diptères) et, parmi les Hémimétaboles, aux Hémiptères. Abstraction faite des Aptérygotes, j'ai constaté la présence d’un posicranium apertum conforme à la description de Verhoeff dans le genre Æschna (Libellule). La tête, vue de dessous, montre un profond cratère occupant à peu près les deux tiers postérieurs de sa surface. Placé dans la partie antérieure de cette dépression, le trou occipital con- fine à une échancrure gnathale bien développée. Au point de rencontre des deux ouvertures se trouve, dans un plan plus profond, le bord postérieur du tentorium ; il n’y à, au côté ventral de ce dernier, aucun pont inférieur appréciable. Le tentorium est perforé; cette lame, mince et peu résis- tante, s'obtient difficilement intacte. Pour ce qui est des Orthoptères, les assertions de Verhoeff sont déjà plus discutables. 98 E. BUGNION Des préparations, empruntées à différents genres, m'ont montré que, chez la plupart de ces Insectes, l’échancrure gnathale n’est pas directement en contact avec le trou ocei- pital, mais qu'il y a un pont chitineux interposé. Chez les Blatta, par exemple, le pont inférieur est constitué par une pièce médiane transverse, coupée carrément de part et d'autre, et, sur les côtés, par deux lames plus dilatées, pro- longées vers le trou occipital, désignées ci-dessus sous le nom de contreforts (fig. 9). Le genre Forficula diffère de celui qui précède en ce que le pont inférieur, plus intimement soudé au bord postérieur du basilaire, reste, au cours de la dissection, attaché à ce dernier. C'est, sans doute, par suite de cette particularité que Verhoeff a été amené à décrire cette pièce sous un nom spécial, le submentum (le basilaire étant pour lui le mentum). Mais 1l suffit de remettre ce prétendu submentum en place pour avoir, comme chez la Blatte, un petit «pont inférieur » au- devant du foramen. La même observation s'applique aux Dermaptères en général, et aussi au genre Embia. Un cas intéressant, au point de vue qui nous occupe, est la différenciation des pièces buccales observée chez les Termites. La structure de la tête est, chez l’imago et l’ouvrier, très sem- blable à celle de la Blatte ; il y a une échancrure gnathale pro- fonde, un pont inférieur étroit et, en arrière du menton, un basilaire mobile élargi en forme d’écusson. Le soldat, en revanche, offre une organisation tout autre. La tête s’est allongée ; l’échancrure gn:thale, besucoup moins profonde, est reportée en avant ; les maxilles et le labium offrent des dimensions réduites; enfin, fait exceptionnel chez un Insecte primitif, il y a en dessous de la tête une lame fixe. soudée par ses bords, constituée par un basilaire de forme oblongue. Cette conformation si particulière de la tête du soldat s’explique par les fonctions spéciales dévolues à cette caste. Le soldat a, chez plusieurs genres de Ter- mites, la faculté d'émettre un bruissement. Frappant de petits coups secs avec la face ventrale de la tête sur la surface qui le porte (bois, feuilles mortes, etc.), il émet, lorsqu'il est inquiété, une sorte de trépidation qui, perçue par l’ensemble LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 99 de la colonie, est un véritable signal d'alarme. — Mais comment la tête pourrait-elle frapper des coups perceptibles pour notre oreille, si la boîte cranienne était ouverte en des- sous, si un basilaire mobile devait supporter les chocs ? La réduction de l’échancrure gnathale, l'allongement du basilaire, la soudure de cette dernière pièce avec les parties voisines s’expliquent done par la fonction. Le basilaire s’est allongé; il s’est soudé par ses bords; la face ventrale de la tête a pris une forme convexe, pour que le soldat Termite puisse frapper des coups plus forts. La capsule cranienne s’est fer- mée en dessous et offre de la sorte, dans la défense et dans l’attaque, une surface plus résistante. On voit par cet exemple que, en raison d’une fonction nouvelle, la face ventrale de la tête peut, même chez un Insecte inférieur, se fermer entièrement. Chez le Gongyle de Ceylan (Gongylus gongylodes), le pont inférieur se voit, comme chez la Blatte, entrele trou oceipital et la base du tentorium; une petite échencrure le limite de part et d’autre. Le tentorium, qui s'appuie à son bord antérieur, est largement perforé. La Mante présente. elle aussi, un pont inférieur assez distinct. Chez le Grillon (Gryllus campestris), le trou occipital, rétréet d’arrière en avant, arrive presque au contact d’une échancrure gnathale assez profonde. Le pont inférieur est très étroit. Chez une Locuste (Decticus verrucivorus), le pont imférieur, plus épais que celui de la Mante, est plus distinctement cons- titué par la capsule cranienne. Le tentorium ne fait que s'appuyer à sa surface. Une différence d’avec la Blatte est que sa pièce médiane (sternite du cinquième segment) n’est pas nettement limitée, mais soudée de part et d’autre aux parties qui l’evoisinent. Le Criquet (Pachytylus cinerascens) diffère des genres pré- cédents en ce que l’échancrure gnathale est moins profonde. Le trou occipital, de forme arrondie, se distingue par ses orandes dimensions. Le pont inférieur est très épais; le tentorium, largement perforé, envoie vers les articulations des mandibules deux piliers brunâtres très écartés. Chez la Phyllie de Ceylan (Phyllium oculatum), l’échancrure 100 E. BUGNION gnathale est encore peu marquée. Le trou occipital, rétréci d’arrière en avant, de forme très allongée, arrive à peu près à son contact. Il y a cependant, entre les deux ouvertures, un pont chitineux sur lequel le tentorium vient s'appuyer. Le basilaire, presque membraneux, mal délimité (soudé par ses bords?) recouvre les deux tiers antérieurs du foramen. L’effacement de l’échancrure gnathale répond, sans aucun doute, à une réduction de la musculature des stipes et des cardos. Comparée à celle de la Blatte, la tête, bien que plus allongée, appartient à un type plus inférieur. La même observation s'applique au Cyphocrania gigas et aux Phasmes en général. Passons aux Métaboles. C’est chez les Coléoptères que le principe de Verhoeff se réalise de la manière la plus complète. Que l’on prenne un Carabe (fig. 1), un Lucane, un Longicorne, on voit que le trou accipital est sittuéen arrière chez ces Insectes, tandis que l’échancrure gnathale s’est portée en avant. La tête elle-même ayant pris une forme plus allongée, 1l y a entre les deux ouvertures une paroi chitimeuse très étendue (dans le sens antéro-postérieur) et soudée par ses bords aux part'es qui l’avoisinent (1). Les pièces qui portent le labium (basilaire, prébasilaire) et celles qui portent les maxilles (pont inférieur et con- treforts occipitaux) sont intimement soudées et consé- quemment difficiles à distinguer. Si le principe invoqué, — occlusion de la paroi ventrale allant de pair avec le perfectionnement graduel, — se vérifie assez exactement chez les Coléoptères, 1l n’en va plus de même pour les Hyménoptères et les Diptères. Des prépara- tions empruntées à la Guêpe, à la Xylocope, à la Mouche bleue, m'ont, contrairement à la théorie, montré un pont inférieur très court. Prenons pour exemple le genre Vespa. La tête, de forme discoïde, convexe au côté dorsal, est creusée en dessous d’une (1) Poussée au degré maximum, cette transformation de la capsule cépha- lique conduit à la forme paradoxale observée chez les Curculions à longue trompe. L’échancrure gnathale, extrèmement réduite, est, en même temps que les pièces buccales, reportée au bout du bec. LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 101 concavité arrondie. au centre de laquelle s'ouvre letrou occi- pital. L’échancrure gnathale, étroite, de forme oblongue, est limitée de part et d’autre par des apophyses mandibu- laires assez épaisses. Le fond de l’échancrure est rapproché du trou occipital, le pont inférieur en conséquence très raccourci. Si la capsule céphalique semble, au premier abord, plus fermée que chez la Blatte, ce n’est pas que l’échancrure onathale se soit éloignée du trou occipital, mais perce qu'elle s’est rétrécie dans le sens bilatéral. L’appareil- maxillo-labiel ayant pris une forme oblongue, l’échancrure onathale s’est adaptée à son contour, afin de l’encadrer exactement. Des faits analogues s’observent également chez les Apides. Chez la Mouche bleue, la tête a une face frontale convexe et une face postéro-inférieure à peu près plane. Le trou occipital s'ouvre sur cette dernière un peu en avant de son milieu. L'’échancrure gnathale, de forme oblongue, a, par rapport à la face postéro-inférieure, une direction presque perpendiculaire. Le pont chitineux qui la sépare du trou occipital est relativement plus épais que chez la Guêpe. La trompe (essentiellement constituée par la lèvre inférieure), peut, au gré de l’animal, se projeter en avant ou se retirer dans l’échancrure. Elle est, comme l'appareil maxillo-labial de la Guêpe, exactement encastrée à l’intérieur de celle-ci. On voit, d’après ces exemples, que la règle indiquée re se réalise ps exactement chez ces deux types. La face ventrele de la tête parait, il est vrai, plus fermée que chez la Blatte ; mais cette apparence provient de ce que l’échancrure gna- thale est devenue plus étroite et que l’appareil maxillo-labial, plus étroit lui aussi, est enserré à l’intérieur. Les maxilles n'étant pas déjetées en dehors, il n’y a pas, des deux côtés de l’échancrure, un espace libre destiné à laisser passer les muscles. Quant au pont inférieur, il est, chez la Guêpe et la Mouche, à peine plus épais que chez la Blatte. Je ne trouve pas non plus, en examinant les Hyménoptères et les Diptères, que le crâne de ces Insectes soit allongé. L'étude des Lépidoptères donne lieu à des considérations 102 E. BUGNION assez semblables. Chez Vanessa, par exemple, je ne vois entre le trou occipital et le point d’insertion de la trompe qu’un espace relativement très court. Bien loin d’être allongée dans le sens antéro-postérieur, la tête est au contraire très raccourcie. Le trou occipital étant prolongé en avant par une fente, il n’y a pas, entre cette ouverture et le point d’inser- tion de la trompe, de pont inférieur interposé. C’est en résumé, pour ce qui concerne les Métaboles, chez les Coléoptères seuls que la loi de Verhoeff se vérifie. Chez l'Hémiptère (Raphigaster), 11 y a en dessous de la tête une petite ouverture ovale, qui, vraisemblablement, répond à l’échancrure gnathale des Insectes masticateurs. C'est, en effet, sur les bords de cette ouverture que le rostre (labium) est inséré. Un orifice beaucoup pluspetit, placé en dessous del’épis- tome, livre passage aux stylets, à l'endroit où ceux-ci sortent de la tête(BuGnion, 1911, p.646). Le trou occipital étant placé en arrière, 1l y a, entre cet orifice et l’ouverture qui porte l’in- sertion du rostre, une lame chitineuse assez éteadue. L’échan- crure gnathale se prolonge en arrière, au niveau de cette lame, par une fossette destinée à recevoir l’article basilaire du rostre, quand celui-ci est rétracté. La face ventrale de la tête est si profondément échanerée qu’une comparaison avec le type ancestral n’est guère possible. Chez les Homoptères (Fulgora maculata), la face ventrale de la tête est entièrement membraneuse. Le rostre, au lieu d’être porté par un cadre chitineux, est simplement inséré sur la membrane. Une comparaison avec l’Insecte primitif est, dans ce dernier cas, complètement impossible. Les conclusions de Verhoeff me suggèrent encore quelques renarques. L'auteur dit que le postcranium apertum est le propre des Insectes inférieurs, tandis que le postcranium clausum se rencontre chez les Métaboles et les types supé- rieurs en général. [1 conclut de ce fait que l’occlusion de la paroi ventrale de la tête marque un acheminement de l Héxa- pode vers un degré supérieur. Une telle déduction prête, elle aussi, à la critique. Il se peut que la formation d’une tête fermée e1 dessous ait été avantageuse pour certains types. LES PARTIES BUCCALES DE LA BLATTE 103 Chez le Coléoptère, par exemple, un crâne conformé de cette manière donne aux mandibules des points d'appui plus solides. Cela ne veut pas dire, toutefois, qu’une telle trans- formation soit un perfectionnement au sens propre. Comparé à celui d’un Coléoptère (Carabus, Melolontha, etce.), l'appareil buccal de la Blatte représente, à mon sens, un degré de développement bien supérieur. Une échancrure gnathale profonde et largement excavée, allant toujours de pair avec des maxilles et un labrum très développés et très mobiles, on est en droit de conclure qu’au lieu d’un perfectionnement l’ocelusion de la paroi ventrale constitue plutôt une régression. Ainsi, chez les Coléoptères, tandis que la boïte cranienne est devenue plus résistante, on constate, en revanche, une diminution de la mobilité des maxilles et, en même temps, une réduction du labium. Cette dernière réduction est si marquée que les lobes terminaux internes et externes disparaissent parfois (Creophilus), sans laisser aucune trace. Que faut-il entendre, au surplus, par cette expression «[n- secte supérieur », qui, lorsqu'on parle de phylogénie, revient si souvent sous la plume des auteurs ? Il y a des Coléoptères remarquables par leur prestesse (Cicindela), d’autres par leur éclat métallique (Buprestis), d’autres par la complication de leur système digestif (Oryctes) ; mais peut-on dire, à considérer ces Insectes dans leur ensemble, qu’ils représentent un degré supérieur par rapport à la Libellule ou à la Blette? Une telle assertion me paraît inadmisible. [ne suffit pas que l’Insecte appartienne aux Métaboles; il ne suffit pas qu'il possède une tête close, pour qu'on puisse le taxer de supérieur. Pour ce qui est des Hyméroptères, Diptères, Lépidoptères, Hémiptères, on pourrait, en partant de F'Hexapode primitif, parler avec plus de raison d’un perfectionnement gradvel. Ilest clair, par exemple, que, comparé à ceux du Ma- chilis, où même à ceux de la Blatte, les organes buccaux de l’Abeille constituent un appareil plus délicat et plus parfait. Toutefois, si l’on considère l’ensemble des Insectes, 104 E. BUGNION ce n’est pas tant le perfectionnement du bas en haut de l'échelle, le progrès dans une direction unique, qui frappent surtout l’observateur. Le fait qui saisit, le fait qui surprend et qui captive, c’est l’étonnante diversité, c’est la différenciation merveilleuse qui, au cours des âges, s’est réalisée dans les groupes les plus divers. Il y a, dès les anciennes périodes géologiques, des rameaux divergents, des ordres nettement séparés, et, dans chacun de ces rameaux ou de ces ordres, des types qui atteignent une organisation des plus parfaites. Quelle loi a produit le Papillon, quelle règle a engendré l’Abeille? Nous sommes, en dépit de la doctrine transformiste, forcés d’avouer notre ignorance. La phylogénie des Hexapodes est une question trop vaste, un problème trop complexe, pour que l’évolution des pièces buccales puisse être expliquée par une théorie, pour que nous soyons en droit de la faire tenir dans une formule. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1752-78. 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CHAINE PROFESSEUR-ADJOINT A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE BORDEAUX EE Je n'entreprends pas ici une étude complète du système musculaire des Vertébrés ; mon but, plus modeste, est seu- lement de grouper des considérations d'ordre général que j'ai notées au cours de mes observations durant une longue période d’une vingtaine d'années. De celles-ci, quelques-unes sont éparses dans diverses notes que j'ai déjà publiées, plus ou moins cachées par conséquent; d’autres, de beaucoup les plus nombreuses, sont inédites ; enfin, certaines, mais rares, ne me sont pas personnelles ; je ne les consigne que pour les discuter ou, le cas échéant, pour mieux fortifier mon argumentation. En somme, ce travail n'est pas un mémoire suivi; Gest plutôt une succession de pensées ayant parfois entre elles quelques liens, souvent aussi en étant complètement dépour- vues : quelque chose d’analogue à ce qu’en littérature on ap- pelle un essai. Je ne compte pas, en éffet, approfondir Île sujet, ni dire tout ce qu'il comporte, encore moins l’épuiser. Les choses les plus simples sont quelquefois celles qui laissent le plus à désirer ; cela peut être parce que l’atten- tion n’est pas suffisamment attirée_vers elles, leur simpli- cité semblant être comme une sorte de garantie du peu d'in- térêt qu’elles fourniraient à l'étude. Nul ne s’en occupe : 110 J. CHAINE on les laisse ainsi dans l’ombre se perpétuer de génération en génération avec tous leurs défauts. De ce nombre est la définition à donner à l'expression système musculaire. Rien, en effet, d'aussi défectueux et d'aussi imprécis, au point de vue de l’anatomie comparative, que celles qui ont été proposées jusqu'ici, et pourtant elles sont aussi nombreuses que variées. Pour se convaincre de leurs défectuosités, il suffit de feuilleter la plupart des traités d'anatomie. Voici quelques-unes de ces définitions, prises parmi celles que j’ei recueillies : 19 Le système musculaire est l’ensemble des éléments anatomiques spécialement adaptés à la contractilité ; 20 Le système musculaire est l’ensemble des organes actifs du mouvement ; 30 Le système musculaire est l’ensemble des muscles et de leurs annexes ; k 49 Le système musculaire est l’ensemble des muscles striés placés sous la dépendance de la volonté ; 5° Le système musculaire est l’ensemble des muscles de la vie de relation et des muscles du squelette viscéral: ete., ete. D'une facon générale, on peut reprocher à toutes ces définitions ou de n'être pas assez formelles pour obliger d’en disjoindre certaines formations, ou bien de n'être pas assez complètes pour grouper toutes celles qu'elles devraient réunir. On doit cependant reconnaître que, tant qu'il ne s’agit que de cas particuliers, chacune d'elles est juste et par conséquent acceptable, mais qu’elle cèsse de l’être dès qu'on l'introduit dans le domaine des généralisations. Ce n'est pas la première fois que j'ai à faire une constatation de cet ordre, ayant été à même d’en signaler d’identiques pour bien d’autres termes ou expressions anatomiques, et toujours dans les mêmes conditions ; aussi me bornerai-je ici simplement à souligner le fait une nouvelle fois, sans autre commentaire, ayant déjà beaucoup écrit sur cette question. Certains essaieront, peut-être, de défendre l’une ou l’autre de ces définitions en disant qu’elle s’abrite sous la significa- tion générale donnée au terme système, un système, depuis | SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 11 Hæckel surtout, étant caractérisé par lunité de forme et d’origine de ses principaux éléments constituants. Il est évident que, si lon respectait serupuleusement cette défi- nition, il ne serait guère possible de réunir dans un système des formations disparates, par exemple dans le système musculaire des muscles lisses et des muscles striés. Mais, dans la pratique des choses, il est bien rare qu'il en soit ainsi : il faut compter avec l'usage et l'habitude qui prévalent tou- jours ; de sorte que la détermination du système est bien loin d'avoir la netteté et la précision qu'on à voulu lui donner. Un seul exemple suffira à le montrer : «Le système sque- lettique comprend, d’une part, des os qui dérivent d'ossi- fications internes apparues dans des parties qui appartien- nent naturellement à l'appareil de soutien ou squelette fondamental, et, d'autre part, des os derevêtement nés dans le tégument et qui, pendant longtemps, n'ont rien eu à faire avec le squelette proprement dit » (Vialleton). Il est également à remarquer que, si cette définition du terme système ne permet que difficilement la séparation complète des éléments disparates, lorsqu'elle n'est pas im- puissante à le faire, elle est dans l'incapacité absolue de faire entrer dans un système déterminé toutes les forma- tions qu’il doit normalement embrasser, toujours une raison se présentant pour en enlever telle ou telle partie. Il me serait bien facile de donner des exemples. Enfin il faut aussi constater que tout le monde ne donne pas au système la définition qui précède, puisque certains s’en tiennent à celle-ci : «L'ensemble des organes ou des tissus de même nature et destinés à des fonctions ana- logues. » Ici donc la question d’origine n'intervient plus, mais on y trouve celle de fonction, que l’autre ne présentait pas. Dans ces conditions, l'accord n'étant même pas fait sur le sens exact du mot système, il paraît impossible de s’ap- puyer sur sa signification pour légitimer les diverses défi- nitions que les auteurs ont données au système musculaire. Une discussion engagée de semblable manière ne peut nullement conduire à un résultat utile ; si l’on veut faire œuvre profi- table, mieux vaut donc chercher autre chose, par exemple 142 J. CHAINE une nouvelle définition de l'expression système musculaire, définition qui puisse être à la fois applicable aux cas par- ticuliers et acceptable dans les généralisations. Avant de proposer une telle définition, il me semble indispensable d'examiner la question d’un peu plus près. La difficulté de donner une définition bien exacte provient, sans conteste, de la diversité et de la multiplicité des or- ganes contractiles que possèdent les Vertébrés. Chez ces êtres, existent en effet une foule de formations musculaires disséminées par tout leur corps : outre les masses, souvent volumineuses, qui forment ce qu'on appelle vulgairement la chair, on en trouve dans les parois de la vessie, dans celles du tube digestif, au niveau des organes génitaux, dans l'œil, dans la paroi des vaisseaux sanguins; le cœur lui-même est un muscle, ete., ete. Ces diverses formations se présentent avec des caractères éminemment variables, tant au point de vue de leur struc- ture que de leur fonction et de leurs rapports généraux. C’est ainsi que les unes sont à fibres lisses, d’autres à fibres striées et certaines à éléments particuliers, comme le cœur. Il en est qui n’agissent que par la volonté de l'être, tandis que d’autres sont complètement en dehors de celle-ci. Il y en a d'indépendantes comme le biceps, le trapèze, et d’autres qui contribuent à la constitution intime de quelques organes, dont elles font dès lors partie intégrante, comme les fibres lisses de l’estomac, le muscle ciliaire, le muscle de Gunthrie, etc. Toutes ces formations ne sont pas normalement comprises dans ce que, en anatomie, aussi bien descriptive que compa- rative, on est convenu d'appeler le système musculaire. C’est ainsi qu'on en distrait le cœur et tous les museles à fibres lisses qui entrent dans la constitution même de divers organes et certains muscles striés, comme les iriens et les accommodateurs des Oiseaux et de certains Reptiles. La pre- mière et la troisième définition n'indiquent nullement une telle manière de faire, puisque, dans leur libellé, rien ne dé- signe l’exelusion de ces parties ; il n’y est, en effet, question que d’éléments adaptés à la contractilité ou simplement SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 113 de muscles, ce qui semblerait plutôt les y comprendre. La deuxième définition, en ne considérant que les organes du mouvement, enlève au système musculaire un certain nombre de formations qui contribuent à former des organes et, par conséquent, ne sont pas des organes du mouvement à proprement parler, mais qui cependant doivent y être rattachés par suite de leur origine ; il est à remarquer qu'il s’agit là de muscles striés. C’est le cas, par exemple, du muscle de Gunthrie, du sphincter de l’urètre, ete., qui proviennent du sphincter cloacal. La quatrième définition élimine tous les muscles striés qui ne sont pas soumis à l’action de la volonté, bien que cer- tains d’entre eux doivent être compris dans le système mus- culaire par suite de leur origine; par exemple, le muscle de Gunthrie, qui joue un rôle important dans l’éjaculation, tous les muscles branchiaux et operculaires des Vertébrés inférieurs, etc. Quant à la cinquième, elle est celle qui se rapproche le plus de l'exactitude ; cependant elle aussi peut être prise en défaut, puisque, par exemple, elle comprend tous les muscles de la vie de relation. Or il est des muscles lisses, annexés aux organes de la vie de relation (œil, peau, etc.), tels le muscle ciliaire des Mammifères, les muscles horripilateurs, ete., qui ne sont classés par aucun anatomiste dans le système musculaire général. Il m'a semblé suffisant de me borner à ces cinq exemples, les autres définitions étant également plus ou moins défec- tueuses. Les citer et les discuter auraient allongé mon ex- posé sans aucun autre intérêt. Je conclurai en proposant la définition suivante : on entend par système musculaire des Vertébrés l’ensemble des muscles striés dérivant direc- tement ou indirectement d’ébauches embryonnaires méta- mériques (myotomes ou cavités céphaliques). D'une façon générale, on n'a pas suffisamment insisté en anatomie comparative sur les divers caractères du système musculaire des Vertébrés. On en a bien indiqué un certain nombre, mais quelques-uns, de tout premier ordre cependant, 114 J. CHAINE ont été plus ou moins passés sous silence. Ce qui d’ailleurs s’explique fort bien par la raison que la myologie compara- tive a été délaissée jusque dans ces derniers temps par la presque totalité des anatomistes ; comme l’a écrit Gegen- baur, nous ne sommes encore qu’à la naissance de l'anatomie comparative de ce système d'organes. D'autre part, pour se faire une juste idée, à un point de vue tout à fait général, de ce qu'est le système musculaire des Vertébrés, il ne suffit pas de l’étudier en lui-même, ilest absolument indispensable de le comparer à l’appareil muscula re des Invertébrés, bien entendu en ne comprenant également sous le terme d’appa- reil musculaire de ces derniers êtres que les muscles qui n’en- trent pas dans la constitution même des organes. C’est ce qui, Jusqu'ici, n’a été qu'assez rarement tenté, et chaque fois encore qu'en partie seulement ; c’est au contraire ce que j essaierai de faire ici d’une façon assez complète. Dans l’organisation d’un Vertébré, il est un fait qui frappe vivement le travailleur à l'esprit observateur et comparatif : c'est l'énorme développement que prend le système museu- laire proportionnellement au volume du corps. Les muscles ÿ forment, en effet, de beaucoup la masse la plus considérable (45 p. 100 environ du volume total chez l'Homme), dispo- sition qui ne se présente chez aucun représentant de tout autre embranchement zoologique. Cette particularité a été signalée depuis longtemps déjà par les observateurs ; pour les opposer aux Invertébrés, Oken définissait les Vertébrés par le qualificatif de Fleichthiere (animaux à chair). La présence d’un système contractile aussi développé a pour conséquence immédiate une extrême motihté. Si quel- ques Vertébrés sont lents, ou à peu près immobiles, cela est dû à une adaptation secondaire ; il en résulte qu'ils pré- sentent encore la caractéristique fondamentale du groupe, c’est-à-dire un énorme appareil musculaire. Par suite de son volume considérable, le système muscu- laire est un gros accumulateur d'énergie ; aussi est-il capable de fournir un effort très prolongé. C’est pourquoi les mou- vements de ces êtres sont non seulement très étendus et très rapides, mais encore peuvent être soutenus fort long- SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 115 temps sans épuisement de l'individu, d’où la capacité de certains d’entre eux de se déplacer tout d’une traite sur d'immenses espaces. Chez les Invertébrés, ce caractère ne se trouve bien marqué que chez les Insectes, et encore y a-t-1l lieu de noter une différence fondamentale à cet égard. Chez les Vertébrés, en effet, c’est la totalité du système musculaire qui est susceptible de fournir un long travail, avec toutelois prédominance plus grande pour tel ou tel eroupe, suivant le mode de vie de l’animal considéré, tandis que, chez beaucoup d’Insectes, ce sont uniquement les muscles alaires qui jouissent de cette propriété. Chez les Vertébrés, en général, la puissance musculaire est donc assez également répartie sur tout le corps, sauf la queue (Reptiles et- Mammifères) et la tête où elle est plus faible. Au contraire, chez la plupart des Invertébrés bien doués au point de vue du mouvement, 1l existe comme une sorte de localisation de la puissance musculaire en une certaine région du corps, par suite de la concentration en celle-ci de la plus grande partie des muscles : chez les Insectes, masse alaire ; chez les Décapodes macroures et les Stomatopodes, masse abdominale, etc., etc. Cette constatation n’a rien de général (par exemple certaines chenilles processionnaires susceptibles de fournir de grandes courses), mais elle se rapporte à une disposition assez fréquente. Le système musculaire des Vertébrés ne forme pas une masse indivise : il est morcelé en un plus ou moins grand nombre de parties ayant chacune son autonomie; dans cer- tains groupes, cette division peut être même poussée très loin. Les parties étant plus ou moins autonomes, chacune d'elles préside à un mouvement, d’où il résulte que les Verté- brés sont des êtres doués de mouvements nombreux et variés, indépendants les uns des autres, que ces mouvements peu- vent, à la fois, porter sur le corps et les appendices. Parmi les Invertébrés, une disposition analogue ne se présente guère que chez les Arthropodes. Chez ces êtres, en effet, existe aussi une assez grande division de l'appareil muscu- laire, d’où résulte une multiplicité de mouvements. Chez les Vertébrés comme chez les Arthropodes, c’est à une même 116 J. CHAINE cause qu'est due cette égale propriété; il y a donc là un remarquable phénomène de convergence qui méritait d’être signalé. Chez tous les autres Invertébrés, d’une façon générale, rien de semblable ne se rencontre. Chez eux,1l n’y a plus qu'un fourreau musculaire plus ou moins net ou des fais- ceaux disséminés, mais toujours peu nombreux, donc pas de division musculaire poussée aussi loin que chez les Verté- brés et les Arthropodes et, par conséquent, pas de mouve- ments aussi nombreux et distincts. Un autre caractère des muscles des Vertébrés est d’être entourés par une atmosphère de tissu conjonctif qui leur forme comme une enveloppe résistante ; ils sont ainsi nette- ment séparés les uns des autres et des parties voisines, de sorte qu'ils conservent facilement toute leur indépendance. Sans se confondre, ils constituent, par suite, des groupes musculaires concourant à un but commun; certains de ces groupes peuvent renfermer un assez grand nombre d’u- nités, par exemple le groupe des muscles fessiers, le groupe des muscles sus-hyoïdiens, ete. Dans ces groupes, les muscles sont placés côte à côte ou disposés en couches superposées ; chacune de ces couches possède généralement des caractères anatomiques, physiologiques et phylogéniques différents de ceux des couches sus ou sous-jacentes. Chez les Inver- tébrés, en général, il n’y a rien d’analogue dans l’agence- ment du système musculaire, même chez les formes où, comme les Articulés par exemple, existe une division très accentuée de la masse en éléments autonomes. La différence est encore plus marquée avec les êtres à fourreau muscu- laire comme les Vers, bien que chez ceux-c1 se trouve une succession de couches à fibres longitudinales, annulaires et obliques, car il n’y a aucune similitude possible entre cette succession et la superposition des couches présentée par les Vertébrés, ni dans l’origine, la constitution et la manière d'être générale. La division du système musculaire des Vertébrés en unités indépendantes n’a été rendue possible que par la constitution d’un système squelettique interne bien développé et multi- SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 147 articulé ; c’est par lui que le système musculaire des Verté- brés est sorti des conditions simples que présente, en géné- ral, celui des Invertébrés. On ne peut, en effet, concevoir l'existence de nombreux muscles chez un être que si celui-ci possède des surfaces solides en quantité suffisante pour fournir à ces multiples for- mations tous les points de résistance qui leur sont indis- pensables pour leurs insertions. Tant qu'il n'existe que des parties squelettiques externes, le système musculaire ne pouvant s'attacher qu'à celles-ci est, par cela même, en gé- néral, relégué à la périphérie du sujet, où 1l ne peut, par suite, que former une sorte de gaine au corps. La présence d'un squelette interne a pour conséquence immédiate non seulement d'augmenter la superficie des surfaces d’inser- tion, mais encore de placer celles-ci au sein même de la masse contractile. Il donne ainsi à cette masse des points de résistance profonds, de sorte que les muscles, n'étant plus dans l'obligation de se fixer à la surface de l’être, ne constituent plus un système engainant. Ce qui montre bien qu'il en est ainsi, c’est que, chez les Invertébrés où existe une division de la musculature en éléments indépendants, cette division concorde avec l’apparition de parties squelet- tiques internes : chez les Arthropodes, ce sont les apodèmes, les prolongements internes des articles, etc. ; chez les An- nélides, les acicules au sein des rames parapodiales, ete., ete. La pluriarticulation du squelette est tout aussi néces- saire à la multiplicité des muscles que son augmentation de surface et sa pénétration au sein de la masse musculaire. La raison d’être des muscles est, en effet, de mouvoir les diverses parties du corps. Lorsque celui-ci est mou, c’est-à- dire dépourvu de squelette, rien ne gêne les mouvements à accomplir ; les parties peuvent alors s’étirer, se contracter, s'incliner tout à l’aise. Au contraire, s’il existe un squelette, qu'il soit interne ou externe, celui-ci, par le fait même de sa présence, détermine la rigidité de la partie qui le possède, et ce n'est que si ce squelette présente une ou plusieurs solu- tions de continuité que cette partie aura une ou plusieurs aires de mouvements. Supposons une seule solution de 118 J. CHAINE continuité ; le squelette est divisé en deux parties, À et B. Pour que ces deux parties jouent l’une sur l’autre, 1l faut que des muscles particuliers se rendent de A à B, d’où augmentation du nombre de ces organes par rapport à une partie dont le squelette n’est pas fragmenté. Si, au lieu d’une seule solution de continuité, il y en a deux, le nombre des segments est de trois, À, B et C, mais le nombre des muscles peut être plus que doublé par rapport au cas précédent, par le fait qu'il y a des muscles qui vont du segment À au segment B, d’autres de B à C et, enfin, quelques-uns qui se rendent directement de À à C. Ce raisonnement montre que le nombre des muscles croit rapidement en même temps qu'’augmente celui des articulations, et, pour se rendre compte qu'il en est bien ainsi, en réalité, il suffit d'examiner n’im- porte quel animal articulé. Inversement, il est facile de constater que la disparition de certaines pièces du squelette a une grande influence sur le nombre et la disposition des éléments du système mus- culaire ; sans parler des états tératologiques, c’est le cas, par exemple, des régressions phylogéniques de la queue, des doigts, des membres, etc. D'un autre côté, l'aspect extérieur des os dépend beau- coup du développement des muscles en rapport avec eux C’est ainsi que, lorsqu'un muscle est très puissant, l’os sur lequel il s’insère présente des crêtes ou des tubercules plus développés que lorsque ce même muscle est faible. Ce fait est particulièrement bien connu chez l'Homme; nul n'ignore, en effet, que le squelette d’un athlète a des saillies que n’a pas le squelette d’un ennemi des sports menant une vie sédentaire. C’est ce qui explique encore l'existence des crêtes pariétales si développées de certains Carnivores (puissance des muscles masticateurs), etc., etc. Il y a donc une union très intime entre le système sque- lettique et le système musculaire des Vertébrés, le dévelop- pement de l’un étant intimement lié au développement des pièces de l’autre. Mais, de ce fait, le système musculaire des Vertébrés possède-t-il une caractéristique si particulière qu'il ne soit pas du tout comparable à ce qui existe chez | E . SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 119 aucun Invertébré, des Prochordés exceptés ? C’est ce que nous verrons plus loin. L'aspect présenté par la surface extérieure du corps des Vertébrés est en grande partie déterminé par la forme de leur masse musculaire, les téguments se moulant exactement sur celle-ci. Bien des saillies, des méplats, des creux ne sont dus qu’au plus ou moins grand développement local d’un muscle ou d’un groupe de muscles. Ce n’est que chez quel- ques espèces à carapace (Tortues, Tatous, etc.) que cette _ dépendance peut ne pas se présenter; mais encore est-il à remarquer que les régions situées en dehors de la carapace (tête, membres, queue, etc.) se comportent comme chez les êtres du groupe dépourvus de cette cuirasse. Chez les Pois- sons, en général, les êtres serpentiformes et quelques types de Mammifères aquatiques, on ne voit pas à la surface du corps ces divers accidents qui donnent aux Vertébrés su- périeurs une forme extérieure si particulière; la masse musculaire en détermine cependant l'aspect général, du moins en partie, comme je vais le montrer. Chez les uns (Cétacés, etc.), la régularisation de la surface du corps est obtenue, d’une part, par l’absence ou la régres- sion de certains membres, ce qui, déjà, entraîne la dispa- rition de divers groupes de muscles, et par le fait aussi que le système musculaire est recouvert par une plus ou moins épaisse couche de lard qui supprime les saillies, comble les creux, nivelant en quelque sorte la masse des muscles comme la couche de plâtre nivelle les parties sur lesquelles on l’applique. Il est évident que, dans ce cas, l'aspect gé- néral de la surface du corps dépend surtout de cet épais enduit graisseux qui revêt l’ensemble ; mais celui-ci est lui- même forcément fonction de la masse musculaire sur la- quelle il repose, tout comme l’aspect général donné par la couche de plâtre dépend de la forme même des parties qu’elle recouvre. Chez les Poissons et les êtres serpentiformes, la régula- risation de la surface du corps est obtenue par un autre processus, puisque la couche de lard, si développée chez les Cétacés, n'existe pas. Ici encore, les muscles des membres 120 J. CHAINE sont très réduits ou même absents, et ce qui reste du système musculaire n’est ordinairement pas divisé en groupes dis- tincts ; il ne peut donc pas exister des saillies ou des dépres- sions, comme chez la plupart des Vertébrés aériens, puisque les causes qui les déterminent font défaut. Mais, si la surface du corps est dépourvue de ces divers accidents, il n’en est pas moins exact que sa forme dépend directement de celle de la masse musculaire elle-même, par la raison que la pseuda- cuirasse écailleuse qui revêt ces êtres s'applique très exactement sur elle en en suivant parfaitement toutes les inflexions. Cela est si vrai que, dans beaucoup de cas, si l’on examine très attentivement un Poisson, on perçoit fort bien la forme générale de la masse musculaire, malgré la dissimulation ap- portée par l'épaisseur des téguments : le sillon médio-latéral peut être plus ou moins accusé, les rotondités dorsale et ventrale bien marquées, etc. Chez les Invertébrés, au contraire, le système musculaire ne détermine nullement l’aspect général de Ia surface du corps, que celui-ci soit ou non entouré par une enveloppe résistante lui servant de squelette externe (enveloppe cuti- culaire, coquille, carapace chitineuse ou calcaire, etc.). Lorsqu'il y a un squelette externe résistant, le fait est no- toire ; lorsque les parois sont minces, ou bien les faisceaux musculaires ont des directions sans rapport avec la surface du corps, dont ils ne sauraient alors déterminer la forme, ou bien ils constituent une gaine qui double les téguments et enveloppe la cavité générale ; mais cette gaine n’a ja- mais une rigidité suffisante pour imposer sa forme; elle subit plutôt celle que lui donne les téguments. Le système musculaire des Vertébrés a une origine nette- ment métamérique, les muscles dérivant de parties embryon- naires régulièrement disposées d'avant en arrière. Ce sont toujours ces parties qui, sans exception, donnent naissance aux différents éléments du système, soit directement (muscles spinaux dorsaux, par exemple), soit par bourgeonnement (muscles des membres), soit aux dépens de cellules émi- grées d’eux (muscles peauciers). Cette métamérie originelle est rare FF AR RTE * 4 Le ANT PR . À < SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉES 121 généralement conservée chez les adultes, comme je le mon- trerai par la suite. Les ébauches métamériques d’où dérive le système mus- culaire apparaissent de fort bonne heure au cours du déve- loppement ontogénique; par leur présence hâtive, elles ont une influence considérable sur la configuration générale de l'être, puisque ce sont elles qui entraînent, en grande par- tie, la segmentation de la plupart des autres appareils squelettique, nerveux, circulatoire. Sans parler, en effet, de la métamérisation de l’axe squelettique qui dérive des sclérotomes provenant eux-mêmes des ébauches qui four- nissent également les éléments musculaires, il est à noter que les côtes se forment dans les myoseptes séparant les myotomes et que les nerfs et les vaisseaux sanguins em- pruntent les mêmes cloisons conjonctives pour y cheminer. Les myoseptes étant métamériques, les côtes, les nerfs et les vaisseaux le sont aussi forcément. Chez les Invertébrés segmentés (Vers, Arthropodes), les choses se passent d’une tout autre façon. Le système musculaire ne tire plus son origine d’ébauches métamé- riques apparaissant avant toutes autres parties segmentées, puisqu'il se constitue aux dépens des plaques musculaires, prenant naissance au sein même de segments déjà formés. Le système musculaire ne détermine donc plus ici la seg- mentation de l'organisme ; il subit, au contraire, les con- séquences d’une division préexistante. Indiquer que les muscles des Vertébrés dérivent d’ébauches métamériques ne suffit pas pour déterminer complète- ment leur genèse, par la raison que ces ébauches sont des formations éminemment plastiques, qui se modifient et se transforment beaucoup par la suite. Pour avoir donc une juste idée de l’évolution du système musculaire, il est mdispensable de pousser la question bien plus avant. Il est d’abord à constater que, suivant la région envi- sagée, les muscles peuvent provenir de deux sources diffé- rentes : les myotomes et les cavités céphaliques. Chez l'embryon, les myotomes sont régulièrement situés ANN. DES SC. NAT. ZOOL., 10e série. 1, 9 122 J. CHAINE les uns derrière les autres et s'étendent tout le long du tronc. Quant à la segmentation de la région cervico-céphalique, elle a donné lieu à bien des controverses. Tandis qu’en effet des auteurs, comme Balfour, van Wighe, Rabl, voient dans les. cavités céphaliques des dérivés des métamères embryon- naires subdivisés par la formation des poches branchiales en sesments distincts, d’autres, avec Froriep, les consi- dèrent comme n’ayant aucun rapport avec les somites pri- mitifs. Je n’entrerai pas dans cette discussion par la raison que la question d’origine de ces éléments n’a aucune impor- tance pour la thèse que je soutiens. Je me bornerai donc à signaler, et c’est là le seul point important pour le présent travail, que les cavités céphaliques, une fois formées, pro- longent régulièrement en avant, sur la face ventrale de l'être, les métamères du corps et ne troublent par consé- quent en rien la segmentation primitive. Donc, quelle que soit la partie du corps envisagée, les muscles ne peuvent tirer leur origine que d'éléments méta- mériquement disposés. Deux alternatives sont à envisager : 10 Le muscle tire directement son origine d’un où de plu-. sieurs éléments métamériques (myotomes ou cavités cépha- liques). Dans le premier cas, il s’agit d’un muscle monogastrique et mono-innervé: ses fibres ont exactement la longueur comprise entre deux myoseptes consécutifs. Dans le deuxième cas, le muscle est à deux ou plusieurs ventres, suivant le nombre d’ébauches métamériques dont il dépend ; il est bi ou pluri-innervé. Outre la pluri-inner- vation, l’origine multi-métamérique peut encore être mar- quée par la présence d’intersections tendineuses. Lorsque les intersections tendineuses sont rigoureusement conser- vées, la longueur des fibres du muscle correspond évi- demment à celle d’un segment ; lorsqu'il y a eu résorption d’intersections, la longueur des fibres est celle de deux ou plusieurs segments suivant le nombre des intersections disparues. Lorsqu'il se constitue plusieurs organes dans le même i bte : SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 123 segment du corps ou que celui-ci devient le siège de nou- veaux mouvements, c’est le myotome de ce segment qui, par division, donne les muscles nécessaires à tous ces organes et mouvements ; plus ceux-ci sont nombreux, plus les divi- sions le sont. Quand un organe acquiert une forte puissance ou simple- ment s'étend sur plusieurs métamères, le ou les muscles qui en dépendent peuvent être formés par la soudure de plusieurs myotomes ; dans ce cas, les fibres d’un métamère s’unissent par leurs extrémités à celles des métamères voi- sins. Mais il ne s’agit là que de soudures précoces portant sur des parties non encore évoluées, par conséquent plastiques, et non sur des formations ayant déjà acquis une certaine individualité. Un phénomène analogue se produit quand les fibres musculaires naissent de myoblastes diffus issus de l’angle ventral d’un myotome. Souvent aussi il arrive qu'un muscie, dérivant d’un ou plusieurs myotomes, s’ébende sur des segments autres que ceux auxquels appartiennent les myotomes formatifs ; cela se produit par bourgeonnement des myotomes soit en avant, soit en arrière. 20 Lorsqu'une fonction nouvelle s’installe tardivement, il arrive fréquemment que les muscles destinés aux mou- vements qui en découlent naissent par division de museles déjà constitués, ceux-ci pouvent s'étendre sur un ou plusieurs segments suivant les remarques précédentes. La tendance des muscles à la division est bien trop connue pour que je puisse me permettre d’insister sur ce processus. Cela est commun, par exemple, au niveau des membres. En résumé donc, quel que soit le nombre de métamères sur lesquels un muscle puisse s'étendre, que ces métamères soient Cu non pour lui des segments d’origine, ce muscle ne peut se constituer que par l’un des trois processus suivants : 19 division de myotome ; 20 soudure de myotome ou de par- ties de myotomes différents, préalablement divisés, mais non encore individualisés ; 3° division d’un muscle déjà caractérisé. Cette conclusion est nettement opposée à certaine ma- 124 J. CHAINE nière de voir contre laquelle, dans mes travaux sur le digas- trique, j'eus à m'élever bien souvent pour montrer tout ce qu'elle a d’irrationnel. | On lit, en effet, d'une facon presque courante, que cer- tains muscles des Vertébrés supérieurs se seraient consti- tués par la soudure bout à boui de muscles normalement dis- tincts chez des êtres à organisation moins élevce. Pour se rendre compte, d'une façon certaine, que le processus de soudure bout à bout de formations primitivement distinctes et net- tement caractérisées n’existe pas dans la constitution des muscles, il suffit de jeter un coup d'œil impartial sur l’onto- génie et la phylogénie du système musculaire. Un examen fait avec conscience montre, en toute évidence, qu’une telle conception ne peut être que le résultat de fausses appa- rences et, par suite, de mauvaises interprétations de faits non suffisamment approfondis. C’est très probablement dans la dissimulation de la seg- - mentation et dans une nouvelle disposition des muscles, telles que je viens de les exposer, qu'il faut rechercher les causes de ces fausses interprétations. Il est, en effet, à peu près certain que l'extension de certains muscles au delà de leurs segments d’origine, ou le fait que des muscles par suite de soudure de myotomes ou de parties de myotomes s'étendent sur plusieurs métamères, dispositions pouvant concorder avec la disparition de formations musculaires existant autre part, ait pu faire croire à la coalescence de muscles nettement caractérisés. Cependant, comme je lai signalé ailleurs, une étude comparative soignée portant sur un grand nombre d'espèces arrive à montrer la dégéné- rescence progressive des muscles absents ; 1l y a alors dispa- rition par régression et non par fusion. Je n'insisterai pas davantage sur cette remarque, vou- lant simplement me borner à signaler ici une erreur cei- tainement due à nos insuflisantes notions en myologie comparative, mais qui, malheureusement, s’est peu à peu installée dans la science, au point qu'aujourd'hui elle y à véritablement pris droit de cité. Certains groupes de muscles, au point de vue de leur s CR es: ae LA = rierlh des r FR 0 DR 4 ‘ pes à ; É SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 195 origine, nécessitent une mention particulière. Ce sont les muscles peauciers et les muscles des membres. Les muscles peauciers ne proviennent pas directement des ébauches mycgènes métamériques. Celles-ci produisent des éléments mésenchymateux qui émigrent vers l’ectoderme, où ils se différencient en myoblastes, "lesquels se constituent en masses syncytiales, qui, par la suite, donnent lieu à la couche cutanée ou peaucière. Cette couche se scinde plus tard en un plus ou moins grand nombre de parties suivant les régions considérées et les espèces examinées. L'étude comparative de ce système et, par conséquent, sa phylo- génie établissent indiscutablement ce processus de forma- tion ; il ne saurait être question de soudure de parties pré- existantes. lei donc encore, ces muscles ne se constituent que par division. Les ébauches musculaires des membres pairs ou impairs des Vertébrés naissent des myotomes correspondant à ces _appendices, le nombre des myotomes participant à la for- mation d’un membre étant variable avec le groupe zool0- oique considéré. Tantôt ce sont de véritables bourgeons que fournissent les myotomes; d’autres fois, ce sont seulement des cellules qui s’en détachent, se répandent diffusément vers Ja racine du membre en évolution, où elles s'unissent en amas. Mais, quel que soit le mode d’histogenèse existant, la partie qui se constitue ne tarde pas à s’isoler des myotomes générateurs, à progresser et à s’avancer peu à peu au sein même du mésenchyme de l’appendice en formation. Ce processus, d’abord observé chez les Sélaciens, a été vérifié chez les Mammifères, en particulier chez l'Homme. Il se constitue ainsi pour chaque membre une ou plusieurs masses originelles, d’où, par division, dérivent tous Îles muscles. Il est aisé de constater, en remontant l'échelle animale, qu’à mesure que les mouvements se multiplient et se perfectionnent ce processus s’accentue de plus en plus par la raison que le nombre des muscles augmente. Donc, encore ici, production des muscles par division et non par soudure bout à bout. Il est à remarquer que la division d’une masse primitive s 126 J. CHAINE quelconque est poussée plus ou moins loin suivant les es- pèces, ce qui explique que, dans tel groupe zoologique, un muscle n’a qu’un chef, tandis qu'il en possède - plu- sieurs dans un autre. Cette tendance à la division des masses originelles est si puissante qu’elle persiste dans le muscle complètement développé au point de vue phylo- génique. Combien, en effet, a-t-on signalé d'anomalies musculaires portant sur la multiplicité des chefs d'insertion de certains muscles : on a cité des biceps à trois, quatre et cinq chefs, un deltoide à vingt chefs (Jenty), ete. Ces malformations, à mon avis, ne peuvent guère être expliquées rationnelle- ment d'autre manière. De ce qui précède il ne faudrait certes pas conclure que les cas de soudure n'existent pas en myologie ; ils sont, au contraire, fréquents. Mais c’est par une fausse interprétation, comme je l’ai dit précédemment, que quelques-uns d’entre eux ont pu être considérés comme union de deux formations ayant eu, au préalable, une personnalité propre. Les cas de soudure réelle qu’on observe sont des dispositions anor- males (connexions accidentelles par échange de faisceaux ou de toute autre manière entre muscles de même groupe ou de groupes voisins ou souvenir atavique), ou bien le fait d’une évolution moins avancée que dans d’autres types (union des radiaux externes en une seule masse chez les Ruminants, par exemple). Du reste, une différence fonda- mentale existe entre les soudures de cet ordre et celles qu’on considère comme conséquence d’une évolution phylogé- nique, car dans cette dernière les éléments se placeraient bout à bout. Or, une telle soudure ne peut avoir lieu qu’à la pé- riode initiale, puisque ce sont des myotomes ou des parties de myotomes n'ayant jamais eu préalablement d'autonomie propre qui entrent ainsi en coalescence. L’anatomie comparative nous apprend que, chez quel- ques Vertébrés, la métamérie originelle du système muscu- laire présentée par l'embryon persiste de façon très appa- rente chez l'adulte, tandis que, chez d’autres, elle s’estompe oicontetetil d out io tie su ie au lt cn hi cb) ai AVES PT PE PS | M UP 2 Tab 2. > ET = < RD : " t SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 427 plus ou moins tôt,mais toujours d’une façon progressive. à mesure que les muscles s’individualisent. Cette disparition de l’arrangement initial du système musculaire est due à l’établissement plus ou moins rapide, au cours du développement ontogénique, d’un certain nombre de dispositions nouvelles. Parmi celles-ci, je puis citer l’aug- mentation du nombre des muscles, l’importance de plus en plus considérable de la musculature des membres, l’exten- sion de cette dernière sur les muscles du tronc, le chevau- chement de certains territoires musculaires sur d’autres, l'apparition d’un système peaucier recouvrant tout le reste du système, une tendance marquée à un changement de direction de certains groupes musculaires, ete., ete. C’est chez les Poissons que la disposition embryonnaire est le moins affectée. Chez ces êtres, en ellet, le système musculaire est constitué par une série de masses métaméri- quement distribuées d’avant en arrière tout le long du corps et séparées les unes des autres par des cloisons con- jonctives, de sorte que généralement elles sont tout à fait indépendantes. Ce n’est qu’au niveau des régions cervicale et céphalique que cette régularité peut être plus ou moins troublée ; mais si, dans la tête, la métamérie est assez mas- quée, elle peut encore être assez bien discernée au niveau du cou. Il n’y a guère soudure d’éléments de myotomes diffé- rents,et chaque partie musculaire ne s’étend pas, en général, au delà du segment qui lui a donné naissance. Mais déjà, chez quelques espèces, il est à noter une tendance au chan- gement de direction des fibres de certains muscles, princi- palement dans la partie antérieure du corps ; tout en con- servant leurs caractères généraux, ces muscles s’orientent très obliquement dans le sens dorso-ventral. D'autre part, les muscles des nageoires, paires et impaires, sont encore peu développés et, par suite, incapables de modifier l'aspect général de la musculature dominé par la disposition régu- lière des myomères ; ils ne jouent donc aucun rôle dans la configuration générale du système musculaire. Quant aux muscles peauciers, ils n’existent pas encore. Chez les Batraciens Urodèles qui ont conservé des carac- 128 J. CHAINE tères pisciformes assez marqués, la disposition générale du système musculaire du tronc ne s’écarte guère du type des Poissons ; tout au plus est-il à signaler que les muscles de la racine des membres commencent à s’étaler sur les muscles du tronc, mais jamais très loin, et que quelques muscles dorsaux peuvent s'étendre sur plusieurs métamères. Chez les Anoures, les modifications sont plus profondes que chez les Urodèles par le fait qu’elles sont liées à l’adap- tation de ces êtres à la vie terrestre. C’est ainsi que l’obli- quité de certains muscles est beaucoup plus accentuée et que les muscles de la racine des membres s’étalent davan- tage sur le tronc; mais, si l’on enlève ces derniers avec soin, on découvre une disposition qui rappelle celle des Poissons. Cette disposition est cependant plus marquée ventralement que dorsalement par suite de l’organisation des grands museles_longitudinaux dorsaux qui peuvent s'étendre sur plusieurs métamères. Il n’y a pas de peaucier. Chez les Reptiles, les muscles peauciers ne s'étendent pas encore sur la surface du tronc, mais ceux de la racine des membres, lorsque ces derniers existent, prennent une exten- sion assez marquée ; d'autre part, les modifications provenant du changement de direction des fibres de quelques muscles sont plus accentuées que chez les Batraciens et le seront encore davantage chez les Mammifères et les Oiseaux ; enfin certains muscles s'étendent de plus en plus au delà du seg-. ment qui leur a donné naissance. Mais, si l’on se place dans les mêmes conditions que pour les Batraciens, c’est-à-dire si l’on enlève les muscles de la racine des membres, on cons- tate encore une métamérisation générale du système mus- - culaire, mais plus ou moins nette cependant suivant les ordres envisagés. Chez les Ophidiens, par exemple, elle est fort apparente, tandis que, chez les Chéloniens, elle l'est beaucoup moins par suite de la constitution si particulière de ces êtres. Les causes déterminant les changements dans l’arrange- ment initial du système musculaire, que je viens d’énumérer chez les Reptiles, sont de beaucoup plus accentuées chez les Mammiières ; le système peaucier, par exemple, qui jus- SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 129 qu'ici était absent ou localisé autour de certains orifices, prend une extension parfois très considérable, en s'étendant au- dessus des autres muscles. Mais, si nous enlevons délica- tement les peauciers et les muscles de la racine des membres étalés sur le tronc, nous sommes encore frappés par l'aspect métamérique que présente le reste de l'appareil musculaire, et cela aussi bien au niveau du thorax (muscles costaux régulièrement séparés par les côtes) qu'à celui de l'abdomen (grand droit coupé par ses intersections tendineuses, etc.). Dans la région dorsale, encore ici, la métamérie est moins marquée par suite de la présence des grandes formations longitudinales qui s’y rencontrent. Chez les Oiseaux, mêmes remarques et même disposition, bien que moins nette, que chez les Mammifères. Donc, en résumé, si l'on enlève du corps des Vertébrés les muscles peauciers et les muscles de la racine des membres, qui s’étalent sur le tronc, lorsqu'ils existent, et lui forment une sorte de double revêtement superficiel plus ou moins complet, on découvre toujours el partout une disposition métamérique de la musculature, plus ou moins affectée suivant les cas, mais toujours présente. Si cette segmenta- tion musculaire n’est pas apparente au premier abord, c'est qu'elle est masquée par des parties surajoutées ou qu’elle est dissimulée par la régression de cloisons conjonetives. Tout ceci s'explique d’ailleurs fort bien par les remarques suivantes. Les muscles des membres, après s'être formés aux dépens des myotomes dés segments dont le membre dépend, s’éten- dent bien au delà de leur point d’origine par suite de lim- portance que prend l’appendice en voie d'évolution ; lana- tomie comparative nous apprend, en eflet, que ces muscles sont d'autant plus vastes que le membre est plus puissant. Ces muscles sont donc comme surajoutés à la musculature du tronc et, par conséquent, ne peuvent pas appartenir à la métamérie générale de celui-ci. Une observation analogue peut être faite pour les muscles peauciers. Quant aux longs muscles du tronc, chez lesquels la mé- 130 J. CHAINE tamérie n’est pas apparente, ou bien ils ont pris naissance dans un seul myotome qui, alors, a bourgeonné en avant ou en arrière, ou bien ils se sont constitués aux dépens de plusieurs myotomes consécutifs avec régression des cloisons conjonctives séparant ces derniers, comme cela se présente si souvent, et comme j'ai eu l’occasion de le montrer avec détails pour le digastrique de plusieurs espèces. Bien d’autres muscles que ceux-ci ne paraissent pas seg- mentés, bien que possédant cependant une métamérie réelle; mais celle-ci est plus ou moins cachée. Pour se rendre compte du fait, il suffit d'examiner la musculature abdominale des Mammifères ; comme exemple, je ne citerai que le grand oblique, des remarques analogues pouvant être données pour les autres muscles de la paroi : petit oblique et trans- verse. Le grand oblique ne présente pas, chez la plupart des Mammifères, d’intersections tendineuses; il forme alors une couche musculaire continue. Dans ce cas, la métamérie n’est pas évidente chez lui; cependant elle existe, mais il faut la chercher. Il est d’abord à remarquer que, chez quelques espèces, les coupures conjonctives sont normalement pré- sentes; je pourrais citer des Prosimiens, le Lapin, bien des Mammifères inférieurs. Le Double a observé une intersec- tion tendineuse anormale dans l'épaisseur du muscle chez un Homme; Chudzinski, de son côté, a fait une observation identique. D'un autre côté, le muscle naït des dernières côtes (nombre variable suivant l'espèce considérée) par autant de digitations distinctes. Ces digitations cheminent les unes à côté des autres, séparées de leurs voisines sur un assez long parcours par des incisures plus ou moins profondes suivant le niveau observé, car ce n’est qu'à une certaine distance de leur point d'origine qu’elles fusionnent pour former une nappe continue. Cette constitution est indis- cutablement d'ordre métamérique, les faisceaux d’origine prenant naissance sur des parties qui sont régulièrement segmentaires. Enfin, ce qui vient encore ajouter à la si- gnification segmentaire des faits précédents, c’est que le muscle est toujours et partout normalement innervé par SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 131 plusieurs nerfs spinaux généralement en même nombre que les digitations. Diverses causes agissent donc sur la musculature des Vertébrés pour en modifier la disposition initiale. J’ai analysé ci-dessus le rôle de certaines d’entre elles, mais il en est une dont je n’ai encore rien dit, bien que cependant elle ait une grande action, je veux parler de la division du corps en ses grandes régions naturelles : tête, cou, tronc, queue. IL est, en effet, de constatation courante que chacune de ces ré- gions, à un point de vue général, présente de très notables différences par suite des caractères spéciaux qu’elle possède ; cependant, en ce qui concerne plus particulièrement le système musculaire, une étude comparative faite avec soin montre que cette division du corps en régions n'a pas sur les muscles formant l'enveloppe générale du corps une influence aussi considérable qu’on serait tenté de le penser au pre- mier abord. Pour s’en convaincre, il suflit d'examiner suc- cessivement chacune de ces régions ; cette étude montre que, dans chacune d’elles, les muscles se comportent d'une facon analogue et passent même de l’une à l’autre comme si aucune frontière ne les séparait. C’est ainsi que, au niveau du cou, si certains muscles ont des caractères spéciaux par suite de fonctions particulières résultant de la présence des ares branchiaux, ceux qui constituent l'enveloppe musculaire générale présentent des traits communs avec ceux des autres parties du corps, et _cela dans toutes les classes de l’'embranchement. Ces muscles s'étendent sur toute la région et la recouvrent depuis l'arc mandibulaire ou le crâne jusqu'à la ceinture scapulaire (mus- eles épi et hypobranchiaux des Vertébrés inférieurs, gén10- hyoïdiens, sterno-hyoïdiens, sterno-cléido-mastoïdiens, ete.). Les uns sont continus, d’autres coupés métamérique- ment par des intersections tendineuses; 1l y en à de courts et de longs, et même quelques-uns d'entre eux s'étencent loin caudalement de facon à entrer en relation avec des muscles thoraciques qu'ils semblent dès lors prolonger vers l'avant, disposition d’ailleurs normale chez les êtres dépour- 132 J. CHAINE vus de ceinture scapulaire : faisceaux des muscles hypo- branchiaux des Poissons continuant les droits, scalènes allant des côtes au cou, chondro-hyoïdiens de quelques Car- nivores se rendant des côtes à l’hyoïde, etc. Il est, en outre, à remarquer que ces formations peuvent être innervées à la fois par des nerfs cervicaux et des nerfs thoraciques; c’est le cas des scalènes, par exemple. Au niveau du thorax, les côtes divisent la couche muscu- laire pariétale en segments successifs ; cette division est un souvenir de la métamérie embryonnaire, les côtes étant dues à l’ossification partielle des myoseptes et n’ayant par conséquent pas d'autre signification morphologique que ceux-C1. L'ensemble des muscles costaux coupés par les côtes est donc comparable aux muscles cervicaux divisés par leurs intersections tendineuses; seulement les coupures thoraciques sont plus générales, plus régulières et plus pro- fondes. Mais ici encore, comme au cou, il est des muscles qui s'étendent sans coupure sur tout le thorax et queiques- uns même qui se continuent au delà des limites de la région soit avec les muscles cervicaux, soit avec les muscles abdo- minaux : chez les Vertébrés, où les côtes n’atteignent pas la ligne médio-ventrale, les muscles se poursuivent sans interruption sur toute la longueur du thorax; chez les autres, on note parfois des sous-costaux s'étendant de la troisième à la douzième côte; le même fait, mais moins net en général, se présente pour les surcostaux ; des intercostaux peuvent anormalement recouvrir plusieurs espaces sans être coupés par les côtes, etc. Quant aux faisceaux se poursuivant sur la région cervicale, j'en ai cité précédemment plusieurs exemples (scalènes, etc.); plus loin, j'indiquerai ceux qui se rendent sur l’abdomen. Chez la plupart des Vertébrés, certains muscles de la pa- roi abdominale prennent nettement une direction oblique, même parfois transverse, par suite du grand développe- ment de la région dû au volume des organes internes (1) ; (1) Ce même changement d’orientation se manifeste déjà pour certains muscles du thorax et quelques-uns même du cou, mais généralement moins accentué. SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 133 mais, si ces organes ne sont plus longitudinaux, ils pos- sèdent cependant, comme ceux du cou et du thorax, une métamérie nettement marquée par divers caractères, comme je l'ai précédemment indiqué en prenant comme exemple le grand oblique de l'abdomen des Mammifères. Ici encore des muscles de la région passent normalement ou accidentelle- ment, suivant les cas, sur la région voisine, le thorax, et parfois même atteignent le cou : il n’est pas rare, en effet, de voir chez l'Homme le grand droit de l'abdomen se pro- longer jusqu'aux premières côtes et même jusqu'à la cein- ture scapulaire; ce prolongement, décrit sous des noms divers, n’est que le représentant d'une disposition norma- lement observée chez beaucoup de Vertébrés (des Singes, Carnivores, Rongeurs et la plupart des Vertébrés inférieurs). Le transverse du thorax ou triangulaire du sternum n’est qu'un reliquat du transverse de l'abdomen primitivement étendu jusqu'au cou; ces deux muscles sont même si sou- vent unis que Theile considère cette union comme normale et que Rosenmäüller a décrit ces deux muscles comme une formation unique à laquelle il à donné le nom de muscle sterno-abdominal. Les intercostaux externes échangent des fibres avec le grand oblique de l'abdomen, qu'ils continuent au thorax, etc. Vers la queue, par suite de l’absence de cavité viscérale, les muscles ventraux font défaut. Quent aux muscles dor- saux, toujours d'aspect métamérisé, d’une façon générale ils se continuent longitudinalement les uns dans les autres et poursuivent même ceux du tronc. Donc, comme conclusion, quelle que soit la région d’un Vertébré qu'on examine, et quels que soient les accidents d'organisation qu'on puisse y rencontrer (côtes, ceintures des membres, etc.), toujours et partout existe une couche musculaire pariétale, continue, nettement métamérisée et s'étendant, avec les mêmes caractères généraux, de l'arc mandibulaire à l'extrémité caudale de l'être; les muscles qui la constituent peuvent régulièrement se poursuivre les uns dans les autres et même passer, normalement ou acci- dentellement suivant les cas, d’une région à la voisine. Cette 134 J. CHAINE couche musculaire, pariétale et uniforme, constitue ainsi une sorte de fourreau général contenant les viscères. Pour ordonner leur exposé, les auteurs qui se sont occupés de myologie ont recouru à une classification des muscles. Une classification de ces organes peut être envisagée de façons différentes suivant le but qu’on se propose. Si l’on a en vue leur étude descriptive, comme dans les traités d'anatomie humaine ou vétérinaire, par exemple, on peut les grouper par fonctions, par régions ou par origine ; si, au contraire, on fait une étude de morphologie comparative, à un point de vue général, c’est sur leur forme ou leur aspect qu’on doit de préférence s'appuyer. De là donc différentes manières de comprendre la question, que je vais successivement analyser. | La classification par fonctions ou physiologique, inau- gurée par Vésale, groupe les muscles d’après leurs usages, vrais ou supposés, c’est-à-dire d’après le genre de mouve- ments qu'ils impriment aux parties sur lesquelles 1ls s’in- sèrent. Exemple : muscles moteurs du bras sur l'épaule, de l’avant-bras sur le bras, etc. Cette méthode est avantageuse quand il s’agit, par exemple, de suivre et d'interpréter, en passant d’un groupe zoolo- gique à un autre, les modifications, souvent si profondes, que présente une formation musculaire. Mais elle a le grand inconvénient de souvent disperser les muscles d’une même région, de telle façon qu'il peut alors être difficile, surtout pour les élèves, de bien saisir les rapports anato- miques exacts qu'ont entre eux les différents éléments de cette région ; d’où une grosse défectuosité pour les traités qui adoptent une telle classification. En outre, comme le fait très judicieusement remarquer Lesbre, un même muscle étant capable d’intervertir ses attaches, fixe et mobile, 1l est arbitraire de le considérer comme moteur de tel os plu- tôt que de tel autre. Enfin cette classification ne tient aucun compte du développement et de l’origine des muscles. Aussi, depuis un siècle environ, cette méthode a-t-elle été abandonnée pour revenir à la classification topographique, SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 139 créée par Galien, classification, d’ailleurs, qui l'avait pré- cédée. La classification par régions ou topographique consiste, comme son nom l'indique, à ranger les muscles d’après la position qu'ils occupent dans le corps, en ne tenant aucun compte de leur forme, de leurs insertions, de leurs fonetions, et, dans chaque région, à les classer ensuite par ordre de superposition : ainsi tous les muscles qui s’étalent entre la tête et le thorax sont catalogués comme muscles du cou. Cette méthode a l'avantage de permettre de facilement apprécier, et d’une façon aussi précise que rapide, les rap- ports de chacun des muscles qui composent une région, non seulement avec les muscles voisins, mais aussi avec les autres organes, tels que vaisseaux, nerfs, etc. ; mais elle a l'inconvénient de ne pas mettre suffisamment en relief les insertions et les usages et de classer parfois en des régions différentes des muscles que leurs fonctions rattachent à un même système. Enfin elle ne tient aucun compte de l’origine de ces formations. Ces deux classifications sont évidemment commodes pour l’enseignement, surtout la topographique, pour les différentes raisons que je viens d'exposer ; aussi, cette der- nière est-elle aujourd’hui suivie par le plus grand nombre des anatomistes qui ont écrit des traités classiques. Mais il est juste aussi de reconnaitre que l’une comme l’autre sont plutôt superficielles, factices, que. vraiment scienti- fiques; elles sont, par rapport aux muscles, ce que serait une classification des livres d’une bibliothèque uniquement basée sur le format ou sur la couleur de la reliure. Une classification d’ordre plus scientifique est évidem- ment celle qui tient compte des affinités morphologiques des parties qu’elle étudie, autrement dit quiest basée sur l'embryogénie. Actuellement, il- faut bien l'avouer, une telle méthode choque un peu par la raison qu'elle heurte les habitudes familières : mais je crois que, si elle tombait dans le domaine courant de l’enseignement, elle ne tarderait certainement pas à prévaloir par suite des énormes avan- tages qu’elle recèle, d'autant plus que les grandes divisions 136 J. CHAINE peuvent être subdivisées à leur tour en prenant pour base les considérations topographiques. En somme, il se produit pour cette classification le même fait que pour la réfection de la nomenclature des termes anatomiques. D’une façon générale, il semble qu'on hésite à accepter les nouvelles manières de faire par suite d’accoutumance aux ançiennes méthodes, par une sorte de penchant inné à la conserva- tion, et, ainsi, bien souvent, sans le vouloir même, on, pié- tine sur place ; toute marche en avant, tout progrès est en quelque sorte arrêté, et la science, en partie, reste plus ou moins stagnante. Dans cette classification, on établit deux divisions pria- cipales : 10 les muscles spinaux ou myotomériques, qui provien- nent des myotomes ; 29 les muscles viscéraux ou branchio- mériques, qui dérivent des ébauches musculaires des arcs viscéraux ou cavités céphaliques. Chacune de ces divisions est elle-même partagée en sous-sections, d’après Îles rapports topographiques ou lescaractères fournis par l’innervation. Cette manière de classer les muscles est, sans contredit, scientifique, logique, rationnelle. Elle unit ces formations par leurs affinités, au lieu de les grouper arbitrairement en se basant sur des données peut-être commodes pour lensei- gnement, mais plus ou moins criticables au point de vue strictement scientifique. Cette classificâtion fait surtout apprécier ses qualités lorsqu'on envisage un groupe d'êtres plus ou moins restreint : les Mammifères, les Amniotes, etc. ; mais, si l’on considère l’ensemble des Vertébrés, c’est-à-dire si on l’applique à l’étude comparative des muscles de cet em- branchement, tout en étant de beaucoup supérieure aux deux autres, elle présente encore certaines défectuosités. Celles-ci ont leur source dans la présence ou l’absence des muscles peauciers et des muscles de la racinedes membres, ainsi que dans la plus ou moins grande extension de ces der- mers. Cela ressort de l'exposé que j'ai fait ci-dessus : des espèces, en effet, n’ont pas de peaucier ni de muscles de la racine des membres largement étendus sur le tronc; chez d’autres, au contraire, ces mêmes formations sont très dé- veloppées constituant comme deux enveloppes superposées PPT Ne , PTT TT D ae y md ct, CUT ORRCE Le AE à PEL SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 197 aux muscles du tronc proprement dits. Entre ces dispo- sitions extrêmes sont tous les états de passage. Ce sont évidemment là des manières d’être qui s'opposent et qui, par suite de leur importance, ne peuvent pas être passées sous silence dans une classification des muscles, même basée sur les affinités originelles de ceux-ci. Il est, en outre, à considérer que les muscles peauciers et les muscles des membres prennent naissance d’une façon un peu aberrante par rapport aux autres muscles du corps. Ils dérivent bien aussi des ébauches myogènes primitives, mais non par des processus absolument identiques. En tenant compte de toutes ces observations, il me sem- ble qu'on pourrait adopter la classification suivante, qui me paraît répondre à la réalité, qui facilite la description et la compréhension du système musculaire, qui convient à ‘la méthode comparative et qui a pour base les affinités même des muscles : 49 Muscles viscéraux ou branchiomériques. I. Muscles du corps proprement | HAN A PRE PEUT à dit (tête, cou, tronc, queue). | 20 Muscles spinaux ou myotomériques. IT. Muscles des appendices (y compris les muscles de la racin® étendus sur le corps). III. Muscles peauciers. Comme je le disais précédemment, les muscles peuvent être étudiés à d’autres points de vue que ceux de leur origine, de leurs fonctions et de leurs rapports ; on peut, en effet, les considérer strictement en eux-mêmes, tels qu'ils se présen- tent chez l’adulte, en n’envisageant que leur forme, autre- ment dit en s’en tenant exclusivement à leur morphologie descriptive ou comparative. En ce cas, les classifications qui précèdent ne sont d'aucun avantage, puisqu'elles ne sont établies sur aucun des caractères de cette catégorie de re- cherches ; il est dès lors nécessaire d’en prévoir une autre ayant la forme pour base. En considérant les rapports respectifs des trois dimen- - sions des muscles, les auteurs sont d'accord pour répartir ces organes en trois classes principales, comme les os : Muscles longs; Muscles courts; Muscles larges, ANN. DES SC. NAT. ZOOL., A0e série, EN, 158 J. CHAINE auxquelles ils adjoignent deux classes aberrantes : Muscles s:mi-orbiculaires ; Sphineters ; chacune de ces classes peut être subdivisée à son tour ; c'est ainsi qu'on peut distinguer, au moins dans les trois prinei- pales, des muscles simples et des muscles composés. Les muscles simples ne comprennent qu’une seule partie charnue mono-innervée, appelée corps ou ventre, et continuée ou non par des tendons ou des aponévroses d'insertion. J'ai souvent désigné ces muscles sous le nom de monogastrique. Je citerai comme exemple le génio-hyoïdien de l'Homme. Les muscles composés sont constitués par l’union de plu- sieurs parties charnues, toujours désignées sous le nom de corps ou ventre, chacune d'elles pouvant encore ou non être poursuivies par des tendons ou des aponévroses d'insertion. Dans cette composition, deux manières d’être bien diffé- rentes se présentent. Dans la première, les parties composantes sont ioujours situées les unes à côté des autres, parallèles en quelque sorte, les divisions qui les séparent étant dans tous les cas dans la direction même des fibres du muscle; de plus, celui-ci ne reçoit pas son innervation de plusieurs névromères. C’est le cas, par exemple, du biceps. Lorsqu'il y a deux ventres, le muscle est dit bifide; j'appellerai multifide celui qui en possède plusieurs. Dans la deuxième, les parties composantes peuvent ne plus être parallèles ; elles sont alors disposées en série plus ou moins régulière ; les divisions, dans cette dernière dispo- sition, sont obliques ou perpendiculaires à la direction même des fibres. Chaque partie constituante a une innervation particulière, recevant ses nerfs d’un névromère difiérent de ceux qui fournissent aux voisines. Le grand droit de l’ab- domen peut être donné comme type de ce genre. Lorsque le muscle n’a que deux parties charnues, on lui donne le nom de digastrique; lorsqu'il en possède plusieurs, on l’appelle polygastrique. Detous ces muscles, ceux qui ont le plus intrigué les ana- SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 139 tomisies et le plus donné lieu à de nombreuses discussions sont, sans conteste, les muscles polygastriques. Les nom- breux travaux dontils ont été l’objet, les multiples opinions et l’ensemble des théories qui s’y rattachent montrent bien tout l'intérêt qui peut découler de leur étude, en même temps qu'ils témoignent de leur importance au point de vue de la morphologie générale des Vertébrés. Cela d'autant mieux que la myologie comparative nous apprend que ces muscles sont de beaucoup plus nombreux que pouvait le faire supposer l’étude des Mammifères supérieurs seuls et que, par suite, l’état de polygastricité ne constitue pas une sorte d'exception. Ces muscles sont déterminés par des caractères spéciaux, que l'anatomie humaine et l'anatomie vétérinaire seules étaient incapables de nous faire tous connaître ; certains, en effet, ne nous ont été révélés que par la comparaison des différents aspects qu'ils revêtent dans tout l’embranchement des Vertébrés. Cette remarque explique comment de ces caractères les uns sont connus depuis fort longtemps, au point que je pourrais me dispenser de les rapporter, tandis que les autres sont plus ou moins ignorés jusqu'ici. Lorsqu'on parle de muscles polygastriques, la plupart du temps, pour ne pas dire toujours, on songe à des forma- tions comprenant plusieurs ventres régulièrement placés l’un à la suite de l’autre et nettement séparés par des inter- sections tendineuses. Il n’en est pas constamment ainsi. Les ventres peuvent n'avoir pas cette distribution et n'être pas répartis avec cette régularité en quelque sorte mathé- matique (certains muscles abdominaux, par exemple). Il peut arriver aussi que les intersections tendineuses n’exis- tent pas : les ventres sont alors accolés l’un à l’autre, sans aucune séparation, de sorte que le muscle semble constituer une nappe continue; ce n'est qu'à un examen attentif, et en envisageant d’autres caractères, qu'on reconnaît avoir affaire à un muscle polygastrique. Cela se produit dans les cas de métamérie dissimulée, dont j'ai parlé ci-dessus. Ce sont donc là des erreurs que j’efface : les ventres des muscles polygastriques ne sont pas toujours en séries parfaitement 140 J. CHAINE régulières, et ils ne sont nécessairement pas séparés par des bandes conjonctives apparentes. Les intersections tendineuses peuvent changer de carac- tères et ne plus se présenter sous l’aspect de cloisons trans- versales étendues sur toute la largeur du muscle: elles peuvent, en effet, se transformer en un tendon intermé- diaire, généralement arrondi et plus ou moins allongé. Cela se produit surtout lorsque le muscle n’a que deux ventres (digastrique de l'Homme). Le nombre des intersections d’un musele polygastrique peut varier avec les espèces considérées, ce qui s'explique fort bien par le fait que les intersections sont susceptibles de disparaître dans bien des cas. Elles sont, en général, d’au- tant plus nombreuses qu'on considère un Vertébré moins élevé en organisation ; c’est ainsi, par exemple, que le génio- hyoïdien de certains Reptiles supérieurs ne possède qu’une seule intersection tendineuse, tandis que, chezles Ophidiens, le même muscle en compte plusieurs. De même, certains muscles qui, chez les Vertébrés supérieurs, ne possèdent pas de coupures tendineuses, en sont normalement pour- vus chez des formes inférieures (génio-hyoïdien, etc.). - - Par contre, il peut arriver qu’on trouve parfois des in- tersections sur des muscles qui en sont généralement dé- pourvus. C’est ainsi que, chez des Vertébrés supérieurs, des muscles ordinairement simples peuvent être accidentelle- ment polygastriques, grand complexus, etc. ; le nombre des intersections qu'ils présentent alors peut être fort variable. Dans le même ordre d'idée entrent les intersections surnu- méraires : certains muscles polygastriques, en effet, offrent accidentellement un nombre d'’intersections supérieur à celui qu'il possède normalement ; c’est le cas des digas- triques de l'Homme, dont le ventre postérieur est coupé par une intersection. Chaque ventre d’un muscle polygastrique à une inner- vation propre. Dans quelques cas, les rameaux nerveux des diverses régions musculaires ont une origine commune (omo-hyoïdien de l'Homme); d’autres fois, au contraire, les nerfs des différents ventres appartiennent à des terri- RE NII EE LTÉE Le FT V L As SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRES 141 toires distincts (digastrique, etc.). La multi-innervation est le caractère principal qui détermine la polygastricité. Les ‘intersections tendineuses peuvent faire défaut, comme je viens de le montrer; la multi-innervation ne manque jamais (j'ai particulièrement insisté sur ce fait dans mes recher- _ches sur le digastrique). Aussi pourrait-on définir le muscle polygastrique : un muscle formé par plusieurs corps muscu: laires, séparés ou non par des intersections tendineuses, mais ayant chacune une innervation particulière. Chez beaucoup de muscles polygastriques, la direction des fibres musculaires de chaque ventre est parallèle à l’axe du corps ; mais cela est lom d’être une règle générale. Dans la région cervicale des Mammifères supérieurs, l’omo-hyoï- dien et le digastrique, par exemple, forment une courbe plus ou moins prononcée, et leurs ventres, par suite, Ont une direction plus ou moins oblique ; il en est de même pour les muscles obliques de l’abdomen, qui sont inclinés sur l’axe longitudinal du corps, etc., etc. Pour les expliquer, examinons ces faits de plus près en prenant le digastrique pour exemple. Si l’on étudie ce muscle dans la série des Vertébrés, on cons- tate que sa courbure est d'autant plus accentuée qu'on en- visage un être plus haut placé dans l'échelle animale. C’est ainsi que, chez l'Homme, les deux ventres sont situés dans des plans différents, tandis que chez les Rongeurs, les Car- nivores, etc., ils sont dans le prolongement l’un de l’autre. Il est vrai que, dans ces derniers cas, le muscle n’est tou- jours pas parallèle à l’axe général du tronc, mais seule- ment à celui de la tête, qui en est différent. Mais, chez les Reptiles, où la tête est dans le prolongement même du tronc, le faisceau originel du digastrique est nettement parallèle à l'axe du corps (1). Ce changement de direction par rapport aux axes tieni aux causes suivantes, qui semblent trouver leur point de départ dans le fait que les axes de la tête et du tronc sont (1) J’ai précédemment démontré, dans divers travaux, que chez les Reptiles on devait considérer le faisceau musculaire situé sur le bord latéral du génio- hyoïdien comme lorigine phylogénique du digastrique. 149 J. CHAINE toujours parallèles aux axes des centres nerveux de ces” deux parties du corps. Chez les Reptiles, la tête est directement placée dans le prolongement du corps ; les axes de ces deux régions sont donc en ligne droite. Cela concorde avec la disposition rec- tiligne, ou peut s’en faut chez certains types, du système nerveux central de ces êtres, l’encéphale et la moelle épinière étant, chez la plupart, exactement situés dans le même plan, sans aucune courbure. Chez les Vertébrés supérieurs, la tête s'incline vers la face ventrale, de façon que son axe dessine un angle plus ou moins aigu, suivant les espèces, avec l’axe général du corps. L'inclinaison de l’axe céphalique est mar- quée, dans le système nerveux central, par l’angle que forment l’axe de l’encéphale et celui de la moelle épinière, le sommet de l’angle étant situé au niveau de la courbure nucale. Cet angle s’accroit peu à peu en considérant des formes de plus en plus élevées en organisation et atteint ses plus grandes dimensions chez lies Mammifères supé- rieurs, l'Homme, par exemple, où il est presque droit. Cette remarque, qui découle d'observations d'anatomie compa- rative, concorde en tous points avec les faits révélés par l’'embryogénie. Cet angle, en effet, nul chez l'embryon très jeune, augmente progressivement avec l’âge de façon à at- teindre les dimensions qu’il possède chez l'adulte. Les différents organes céphaliques parallèles à l’axe général du corps ont forcément suivi l’inclinaison de la tête; 1ls sont bien restés parallèles à l'axe de cette dernière, mais sont devenus obliques par rapport à celui du corps, comme d’ailleurs l’axe céphalique lui-même. Il résulte de cet exposé que le digastrique, primitivement parallèle à l’axe général du corps chez les formes inférieures, devient de plus en plus oblique par rapport à ce dernier, à mesure que la tête s'in- cline : il suit l’axe céphalique dans son inclinaison. Ce n’est donc que progressivement, chez les formes supérieures, que cette direction se modifie. Pour tous les autres muscles polygastriques à direction oblique par rapport à l’axe du corps, il.est possible de dé- SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 143 montrer qu'il y a eu changement de direction déterminée par une cause efficiente quelconque. La direction des intersections tendineuses, envisagées chacune dans son ensemble, est originellement perpendiculaire à l’axe du corps ; je dis dans son ensemble, parce queles in- tersections peuvent présenter des inflexions plus ou moins nombreuses. La direction de ces intersections est donc parallèle aux plans métamériques du corps et, par suite, aux différentes sections encore persistantes chez l’adulte (méta- mérie de la colonne vertébrale, etc.). Les muscles polygastriques ont une répartition bien dé- terminée. C’est ainsi que, sauf de très rares exceptions, il n'en existe pas au niveau des membres ; les muscles des racines des membres étendus sur le tronc ne sont pas non plus polygastriques. Il est même à noter que, lorsque certain de ces muscles sont divisés en deux ou plusieurs ventres, cette polygastricité est généralement accidentelle, Les seuls muscles susceptibles de normalement présenter une forme polygastrique sont donc ceux du corps proprement dit. C’est là un fait que Je mis en évidence en 1904. Jusque-là on avait beaucoup écrit sur la structure des muscles polygastriques, sur leur innervation, leur signification morphologique, mais on n'avait pas signalé qu'ils ne se rencontrent normalement que dans une seule partie du système musculaire et exceptionnellement dans d’autres. Cette constatation, si simple au premier abord, n'avait pas frappé les anatomistes ; cependant cette remarque est d’une bien grande importance pour la compréhension de la consti- tution des Vertébrés en général. L'existence des intersections tendineuses ou des ten- dons intermédiaires des muscles polygastriques a été expli- quée de différentes façons suivant les cas ou même suivant les auteurs. Je diviserai ces diverses interprétations en deux catégories : celles d'ordre physiologique et celles de nature anatomique. Il est à indiquer tout d’abord que bien des auteurs qui ont voulu expliquer l’existence de certaines mtersections tendineuses ne se sont uniquement occupés que du musele 14% J. CHAINE qui les intéressait, sans chercher à étendre leurs raisonne- ments aux autres formations similaires. Bien souvent, il est résulté de cette manière de faire que leurs explications, valables pour un cas particulier, ne convenaient nullement à l’ensemble ; une autre conséquence de cette méthode de travail est la multiplicité des opinions données. Toutes les fois qu'on cherchera à expliquer une disposition anato- miqu£ quelconque en restant confiné dans le domaine de la description, autrement dit qu’on tentera de généraliser en n’envisageant qu'un nombre ridiculement restreint de faits, on aboutira à des résultats de ce genre. Certains anatomistes, envisageant seulement le cn droit de l'abdomen, ont pensé que les intersections tendi- neuses servaient à diminuer la compression des viscères ; d’autres ont cru qu’elles augmentaient l'énergie du muscle, tandis que quelques-uns ont émis l’avis que, si ces forma- tions influaient sur la force de contraction, c'était, au con- traire, en neutralisant plus ou moins son effet. On a également prétendu qu’elles avaient pour but d’em- pêcher le déplacement latéral des fibres et de maintenir la forme aplatie pendant les contractions. «Elles rempliraient le rôle de ces tiges transversales qui, dans les constructions des grilles, retiennent toute la série des tiges verticales et les maintiennent dans leur situation respective » (Sappey). Bertin et Chaudenon ont vu dans les intersections ten- dineuses un moyen d'association entre les mouvements des muscles grand droit et obliques de l’abdomen. Enfin de Closmadeuc croit qu’en «ce qui concerne les grands droits de l’abdomen les intersections fibreuses ont pour but de permettre à ces muscles de se contracter efficacement en moulant leur courbure sur celle du levier brisé thoraco- vertébro-iliaque ». Je ne discuterai pas séparément ces diverses opinions, qui ont d’ailleurs été déjà critiquées par une foule d'auteurs ; je me bornerai à faire remarquer qu’elles émanent toutes d’un même principe faux consistant à expliquer l’existence d'un organe par un rôle physiologique qu’on s’ingénie à lui trouver. Pourles auteurs qui émettent de telles opinions, LUS TEE RE TE F HE SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 145 toute disposition anatomique doit forcément jouer un rôle quelconque dans l’organisme ; ils méconnaissent ainsi que bien des formations plus ou moins rudimentaires, qui sem- blent avoir une fonction énigmatique ou qui, même bien souvent, n’en ont aucune, ne sont que des reliquats d’or- ganes parfaitement développés chez d’autres êtres, où 1ls ont un rôle bien déterminé à remplir : tels sont, par exemple, les muscles de l'oreille de l'Homme, le ligament rond du fémur, etc., etc. En outre, un autre grand reproche qu'on peut adresser à toutes ces opinions, c’est qu'elles ne sont, en général, applicables qu’à un seul musele, le grand droit. [lest vrai que les auteurs n'avaient que cette formation en vue et que, par suite, ils ont complètement laissé de côté tous les autres museles polygastriques ; cependant, comme je l'ai déjà dit, l'état de polygastricité est bien loin de former une sorte d’ex- ception dans la constitution des muscles. Mais il faudrait dès lors presque autant d'explications physiologiques dis- tinctes qu'il y a de ces museles et peut-être même qu’alors ce qui conviendrait à une forme animale ne serait plus appli- cable à une autre. Cette seule remarque montre amplement que l'explication de l'existence de ces intersections par la détermination de l’usage auquel elles seraient dévolues par une nature prévoyante ne peut être admise et qu'il faut chercher ailleurs leur raison d'être. Examinons done les opinions d'ordre anatomique. Il en est sur lesquelles je n’insisterai pas; l’une, parce que j'ai déjà montré ci-dessus qu’elle ne pouvait pas être acceptée; l’autre, parce qu’elle semble ne pouvoir s'appliquer qu'à des dispositions aecidentelles. D’après la première hypo- thèse, l'intersection tendineuse représenterait la ligne de sou- dure de deux muscles primitivement distincts qui se seraient unis pour constituer le muscle définitif (digastrique) ; dans la deuxième, on ne fait intervenir que des actions méca- » niques : compression, etc. . Considérant surtout les muscles abdominaux, des ana- tomistes ont émis l’avis que certaines intersections tendi- neuses de muscles polygastriques correspondent à des pièces 146 J. CHAINE disparues du squelette. Celles du grand droit de l'abdomen, par exemple, représenteraient des vestiges de côtes abdo- minales de quelque ancêtre n’existant plus aujourd’hui et continueraient par suite la série des côtes thoraciques. D’autres auteurs rattachent uniquement les intersec- tions à l’origine métamérique des Vertébrés : elles repré- senteraient les coupures générales du corps, qui sont sim- plement plus nettes, plus régulières et plus constantes dans d’autres organes, ou dans d’autres régions (colonne verté- brale, région thoracique, etc.). Ces deux opinions sont assez rapprochées l’une de Pautre pour que certains auteurs aient cru pouvoir les confondre en une seule hypothèse ; à mon avis, ce sont au contraire là deux manières bien distinctes de comprendre les faits. Les anatomistes qui admettent que les -intersections sont des côtes avortées étayent leur théorie sur certaines dispositions anormales, parmi lesquelles je citerai la pré- sence de noyaux cartilagineux ou osseux, plus ou moins développés, au sein même de ces formations. Mais est-il bien exact que ce sont là des rudiments de côtes? N’est-1l pas plus juste de penser que ces noyaux osseux se sont dé- veloppés en ces points parce qu’une intersection tendmeuse y existait déjà? Autrement dit, l'intersection ne serait-elle pas la cause efficiente qui a fait développer cet élément squelettique? Ces naturalistes auraient alors pris le ré- sultat du processus pour le processus lui-même. Que nous apprennent, en eflet, à ce point de vue, l’embryogénie et l'anatomie comparatives? Elles nous montrent, tout d’abord, que les intersections tendineuses sont phylogéniquement antérieures aux côtes. Puis, et cela n’est nullement contesté, elles sont le lieu de formation des arêtes et des côtes, auxquelles elles servent de direction ; les formations sque- lettiques, prenant naissance dans les coupures thoraciques, ont seules de l’avenir; les autres, sauf exceptions, sont des- tinées à un avortement certain. Aussi, de ces deux opinions, je n’accepte que la deuxième : les intersections tendineuses sont les représentants des coupures métamériques du corps ; c’est ce que j'ai toujours +- L SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 147 soutenu dans mes travaux. Cette explication a pour elle d’exactement concorder avec tous les faits connus, de con- venir sans exception à tous les muscles polygastriques, d'admettre pour tous les Vertébrés un même plan d'orga- nisation basé sur une division régulière du corps en seg- ments identiques. Si, dans ce qui précède, je n'ai pas admis la compression comme facteur déterminant des coupures tendineuses des museles polygastriques, accordant uniquement à celles-ci une signification morphologique, je n'ai point voulu nier pour cela l’action que cette compression exerce sur les muscles. Laissant ici de côté la question de la genèse des tendons d'insertion, qui n’entrent guère dans le cadre de cette étude, je ne retiendrai que les observations d’Anthony tendant à montrer que, dans certaines conditions, un muscle comprimé peut se transformer en un feuillet aponévrotique. A ce sujet, cet auteur s'exprime ainsi : «Si les deux mus- cles ont une direction perpendiculaire ou voisine de la per- pendiculaire, la surface comprimée du muscle interposé se transforme en tendon. S'il s’agit d’un muscle situé entre deux autres à direction perpendiculaire, la conséquence est la même. Il y a, toutefois, à tenir grand compte de l’épais- seur, c’est-à-dire de l'importance fonctionnelle du muscle interposé. Si ce dernier est un muscle très énergique possé- dant une section sensiblement arrondie, il pourra se faire que ce soit lui qui amène la transformation en tendons de ceux qui l’entourent, si ces derniers ont une importance fonc- tionnelle moindre. De telle sorte que, d'une façon générale, l’on peut dire que jamais l’on ne rencontre deux muscles se comprimant et se croisant suivant un angle voism de 90 degrés ; l’un d'eux est toujours transformé en tendon, et c’est celui dont l'importance fonctionnelle est la momdre. Si la compression est considérable, il peut arriver que la partie devenue tendineuse disparaisse complètement. » A titre d'exemple : Dans la région abdominale de l'Homme, le grand oblique, le petit oblique et le transverse «sont peu épais, réduits à de simples lames ; le grand droit, au contraire, relative- 148 J. CHAINE ment peu large, a une épaisseur assez considérable. IL est compris entre les précédents, et c’est lui qui, en raison de son importance fonctionnelle prépondérante, amène la trans- formation fibreuse des obliques et du transverse, qu’en se contractant 1l comprime sur la masse abdominale. Aussi voit-on chez tous les animaux la limite des fibres musculaires des obliques et du transverse ne pas dépasser le bord latéral externe du droit antérieur (1) ». L’embryogénie nous apprend que, de très bonne heure, chaque myomère reçoit son innervation de la paire nerveuse correspondante ; cette relation persiste par la suite entre le nerf et la formation musculaire qui dérive de ce myomère. Aussi est-ce grâce à l’innervation qu'on peut, chez l'adulte, déterminer l’origine des muscles. Si, par exemple, un muscle se forme par la coalescence de plusieurs parties de myo- tomes, 1l reçoit normalement autant de branches nerveuses qu'il y a de myotomes formateurs ; c’est pour cela que les muscles polygastriques reçoivent leur innervation de plu- sieurs paires. De ce qui précède, il semble résulter que, dans le corps d’un Vertébré, les muscles devraient se succéder dans l’ordre de leur innervation ; 1l n'en est rien par suite du déplace- ment et du chevauchement de diverses formations muscu- laires au cours du développement. Il n’est pas rare, en effet, de rencontrer des muscles placés en avant d’autres, bien que recevant leur innervation de paires postérieures à celles de ces derniers. Une des régions les plus troublées à ce point de vue est, sans conteste, celle comprise entre l’arc man- dibulaire et la ceinture scapulaire. Cette question du che- vauchement des muscles en rapport avec l’innervation est tellement importante que je crois devoir y insister en prenant Justement pour exemple cette dernière région. La plupart des muscles de la région sterno-hyoïdo-man- dibulaire sont innervés par trois nerfs : le trijumeau, le fa- (1) R. AnxrHony, Du rôle de la compression et de son principal mode dans la genèse des tendons (Comptes Rendus de la Société de Biologie, t. LIV, p. 180, 1902). sut: te huis RER dé. SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 149 cial et l’hypoglosse. Par suite de la parenté indéniable qui existe entre les deux premiers nerfs, les muscles qui sont sous leur dépendance peuvent être considérés comme cons- tituant un groupe spécial ; les muscles de ce premier groupe sont le mylo-hyoïdien, le transverse jugulaire, le stylo- hyoïdien et le digastrique. Les muscles du deuxième groupe, innervés par le grand hypoglosse, sont le génio-hyoïdien, le génioglosse, lhyoglosse et tous les sous-hyoïdiens. Régulièrement, ces muscles devraient être placés dans leur ordre d’innervation, ceux du premier groupe en avant de ceux du second. Il est loin d’en être ainsi, les génio-hyoï- diens et les génioglosses étant situés tout à fait vers la partie antérieure. Cela est dû aux causes que je vais étudier. A l’origine, les différents territoires musculaires de la région sterno-hyoïdo-mandibulaire sont rigoureusement dis- tribués suivant l’ordre anatomique des nerfs dont ils dé- pendent. Mais cette région a subi, aussi bien au cours du développement phylogénique que dans le cours du dévelop- pement ontogénique, des bouleversements qui ont eu une répereussion profonde sur cette distribution. La conséquence de ces bouleversements a été que cer- tains territoires musculaires ont pris une prépondérance plus ou moins considérable sur les autres, acquérant ainsi des dimensions supérieures à celles de ces derniers. Obligés de se loger dans un espace qui n’augmentait pas de dimen- sions dans les mêmes proportions qu'eux-mêmes, ils ont dû forcément chevaucher sur leurs voisins, recouvrant sim- plement ceux-ci où même les dépassant soit en avant, soit en arrière. Cest ce qui se produit, par exemple, chez les Mammifères où le territoire de l’hypoglosse dépasse en avant les territoires du facial et même du trijumeau, cela par suite de la très grande importance que prend chez ces êtres la musculature linguale. Il se produit ainsi pour ces organes quelque chose d’analogue à ce qui se passe lors du déve- loppement de l’encéphale: certains lobes de celui-ci, aug- mentant de volume plus rapidement que la boîte cranienne ne grandit, recouvrent les parties qui n’acquièrent pas d'aussi grandes dimensions. 150 ; J. CHAINE Le grand développement présenté par certains territoires musculaires a pu avoir d’autres conséquences que le che- vauchement de ceux-ci sur leurs voisins. Ces derniers, en effet, par suite de la gêne produite par la présence des pre- miers au-dessus d'eux, peuvent s’atrophier au niveau de leur région médiale; leurs parties latérales seules per- sistent alors. [Il est vrai que cette atrophie de la partie moyenne d’un territoire musculaire peut dépendre d’autres causes, des modifications subies par les ‘parties squelet- tiques de la région, par exemple. En même temps, par un phénomène inverse, bien que parallèle, et dû aux mêmes causes, le territoire qui chevauche se développe unique- ment au milieu et s’atrophie sur les côtés. Par suite de cette double atrophie, aucun obstacle n'empêche le territoire chevauchant de se développer sur la ligne médiane; aussi s’étend-il et s’allonge-t-il dans cette direction. Il m'est bien facile de donner des exemples de la nouvelle disposition acquise par ce processus, ce qui vient démon- trer l'exactitude de ce que j'avance. Normalement, et du moins à l’origine, les territoires musculaires de la région sterno-hyoïdo-mandibulaire se succèdent dans l’ordre sui- vant (je leur donne le nom du nerf qui les innerve) : Trijumeau ; Facial ; Hypoglosse. Or il arrive que chez quelques êtres (Marsupiaux, etc.) l’ordre est tout différent ; on y voit, en effet, la disposition suivante : Trijumeau ; Facial ; Hypoglosse ; Facial. C'est-à-dire que les faisceaux innervés par le facial bor- dent latéralement une masse centrale innervée par l’hypo- glosse. De même, chez les Reptiles, le cervico-mandibulaire innervé par le facial borde extérieurement le génio-hyoïdien, qui reçoit ses faisceaux de l’hypoglosse, etc., etc. Mais il ne s'ensuit pas forcément que, par suite de ces LI SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRES 151 atrophies et de ces chevauchements, les territoires muscu- laires primitivement en contact aient perdu toute connexion ; ils en ont au contraire toujours conservé entre eux. C’est ainsi que,. dans l’exemple des Marsupiaux rapporté ci- dessus, les faisceaux innervés par le facial sont toujours en relation avec le territoire du trijumeau. Au début de ce travail, j'ai analysé les différences pré- sentées par les appareils musculaires des Vertébrés et des Invertébrés, et je terminerai cet exposé par. la question sui- vante : les caractéristiques du système musculaire des Vertébrés sont-elles donc si particulières que rien, en lui, ne rappelle ce qui existe chez quelque Invertébré? Si l’on veut chercher à découvrir quelques traits com- muns dans les appareils musculaires des Vertébrés et des Invertébrés, on ne peut pas s'adresser indistinctement à n'importe quel groupe de ces derniers. IL est, en effet, absolument indispensable de faire, au préalable, un choix judicieux. Des êtres aussi spécialisés et aussi évolués dans une direction déterminée que le sont les Arthropodes ne peuvent pas servir de base à une discussion de ce genre ; il en est de même des Mollusques, qui ont aussi des carac- tères par trop spéciaux, et de tous les Invertébrés à symétrie radiaire, qui, pour cette seule raison, s’éloignent considé- rablement des Vertébrés, êtres à symétrie bilatérale. Le seul embranchement à envisager est done celui des Vers et, parmi ceux-ci, les Annélides. Ce choix, du reste, n’a rien qui puisse paraître arbitraire ; il est conforme à la théorie annélidienne du Vertébré, à la- quelle Edmond Perrier a si brillamment donné toute son ampleur. Je n’ai pas à rappeler ici tout ce qui a été dit à ce sujet, ni en quoi consiste cette théorie; ce sont là choses connues et qu’au besoin on trouvera fort bien résumées dans un article d'Edmond Perrier, l'Origine des Vertébrés, . inséré dans la Revue générale des sciences, année 1898. Pour établir cette théorie, on s’est basé sur un certain nombre de dispositions présentées par les Annélides, qui expliquent fort bien tous les traits essentiels de l’organi- [2 152 J. CHA'NE sation des Vertébrés. Mais, parmi les dispositions entrevues, nul auteur, jusqu'ici, n’a envisagé le système musculaire. Il m'a paru intéressant de voir ce que celui-ci serait suscep- tible de donner. . Une telle étude ne saurait être faite sur l’ensemble du système musculaire des Vertébrés. Nous avons vu, en effet, que celui-ci se compose de trois parties bien distinctes : la musculature du corps proprement dit, la musculature des membres et la musculature peaucière. Phylogéniquement, Ja première précède de beaucoup les deux autres. Chez les Prochordés, en effet, les membres et le système peaucier n'existent pas encore, tandis que la musculature du corps est bien développée. On ne voit apparaître les muscles des membres et les peauciers que chez les Vertébrés : la mus- culature des membres dès les Poissons, où elle n’est pas encore étendue sur le tronc, le peaucier un peu plus haut, mais ce dernier ne prenant vraiment une extension appré- ciable que chez les Oiseaux et les Mammifères. En remontant l’échelle animale, on voit donc ces deux derniers groupes de muscles s'installer progressivement de façon à n’acquérir leur complet développement que chez les formes supérieures. Cette simple remarque suffit amplement à montrer que ce sont là des dispositions spéciales aux Vertébrés ; en consé- quence, je ne puis pas les comparer au système musculaire des Annélides qui ne les possède pas. En résumé donc, des Vertébrés je ne puis comparer à la musculature des Annélides que les muscles dü corps for- mant à celui-ci une sorte de gaine entourant les viscères, c'est-à-dire ce qui reste du système musculaire lorsqu'on en à enlevé les peauciers et les muscles de la racine des membres. Cette gaine, s'étendant sur toute la longueur de l'être et entourant les viscères, circonscrit fatalement la cavité gé- nérale ; mais celle-ci n’existant qu'au niveau des régions thoracique et abdominale, il en résulte qu’une notable partie de la gaine est située en avant de la cavité (régions céphalique et cervicale) et une autre en arrière (région caudale). PART ART eg + SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 159 Chez les Annélides, le système musculaire constitue bien encore une gaine circonscrivant la cavité générale, mais celle-ci s'étend sur toute la longueur de l’animal, de sorte qu'aucune de ses parties n’est indépendante du cœlome, comme le sont les régions caudale, cervicale et céphalique des Vertébrés. Ces deux états ne sauraient être rapprochés par la raison qu'iln'ya entre eux que concordance partielle ; la dissem- blance même semble plutôt l'emporter sur la ressemblance. Ce n’est pas parce qu’une partie de la gaine des Vertébrés adultes présente, par rapport à la cavité générale, des rap- ports semblables à ceux de la gaine entière des Annélides qu’on peut conclure à une similitude de ces deux systèmes ; il n’est pas permis, en effet, de conclure pour un ensemble de ce que présente seulement une parite. Mais l’embryologie comparative nous apprend quil en est tout autrement. Chez l'embryon d’'Amphioxus, la cavité cœlomique, con- tinue au début, segmentée par la suite, s'étend, entourée par le système musculaire, sur toute la longueur du corps ; c’est déjà là un enseignement qui n’est pas à négliger, puis- qu’il nous montre, chez un être considéré par beaucoup comme la souche des Vertébrés, une disposition analogue à celle des Annélides. L'examen des embryons des Vertébrés n’est pas moins instructif. Chez le très jeune embryon de Sélacien, l'extrémité cra- niale du cœlome atteint le premier arc branchial ; elle s’é- tend donc très loin en avant, jusqu’au niveau de la cavité buccale: en dehors de lui s’étale la couche musculaire en formation. De même, chez les Téléostéens, la cavité cœlo- mique s’étend, dans les mêmes conditions, très loin crania- lement, atteignant presque encore le premier arc. Chez les Batraciens, elle s’avance toujours très en avant sous le plan- cher pharyngien, arrivant au voisinage de la bouche. Chez les Amniotes, la disposition est toujours identique, le coæ- lome atteignant encore le voisinage du premier arc branchial. Donc, chez tous les Vertébrés, la cavité cœlomique s’avance ANN. DES SC. NAT. ZOOL., 40e série. Hit, 11 154 J. CHAINE chez l'embryon jusque dans le voisinage de la cavité buc- cale ; ce n’est que plus tard qu’elle recule caudalement par oblitération graduelle de sa partie antérieure, de sorte que chez l'adulte elle ne dépasse plus la base du cou. Exté- rieurement, elle est recouverte par la couche des muscles. Ce premier état rappelle donc ce qui existe chez les Annéhides. La même constatation peut être faite pour la région caudale des Vertébrés. | Le renflement cloacal, en effet, qui marque la limite an- térieure de la queue, se continue vers l'arrière par l'intestin post-anal, qui, très réduit en diamètre, ne s’en poursuit pas moins jusqu'au bout de celle-ci. Quant au cœlome, très large avant la région cloacale, il s’amincit en une fente étroite qui entoure limtestim post-anal de toute part; il s'étend donc lui aussi sur toute la longueur de la queue séparant lFintestin de la masse musculaire. C’est surtout chez les Ichtyopsidés que cette disposition est bien marquée; chez les Amniotes, l’mtestin post-anal peut être plein (mais les embryologistes ne discutent nullement sur la signification morphologique de ce cordon) et la cavité générale plus ou moins oblitérée. Par la suite, l'intestin post-anal s’atrophie et disparait; le mince cœlome qui l’entourait s’oblitère peu à peu et disparaît également. Cependant, chez quel- ques Sélaciens, la cavité générale peut encore persister chez l’adulte sous forme d'interstices étroits, discontinus, placés autour des artère et veine caudales. Si donc la eavité générale fait défaut dans la région caudale des Vertébrés adultes, c’est qu'elle y a disparu. Cet examen rapide portant sur les parties antérieure et postérieure des Vertébrés montre donc qu'à un moment donné, chez l'embryon de ces êtres, existe une cavité gé- nérale s'étendant d’une extrémité à l’autre du sujet et par- tout entourée par une gaine musculaire. Cette disposition embryonnaire est donc comparable à celle qui existe chez les Annélides adultes. Un autre rapprochement à faire entre les Vertébrés et les Annélides porte sur les rapports du système musculaire et de l’appareil digestif. cantines dde ulead né den Dot dt ddl à NS iQ, à, LS à de, SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 155 Chez les Annélides, le tube digestif traverse de part en part le corps de l'être, la bouche et l’anus étant terminaux. Dans tout ce trajet, il est constamment entouré par la gaine musculaire dont le sépare la cavité générale. Chezles Vertébrés adultes, une disposition analogue n'existe que dans la région moyenne du corps, de la base du cou à lorigme de la queue. En avant, la couche musculaire forme bien encore un manchon général autour de l'appareil digestif ; mais il n’y a plus de cœlome. En arrière, sauf ex- ception, l'anus n’est plus terminal, de sorte que toute une partie de l'être, la queue, est dépourvue d'appareil digestif. Mais l’embryogénie nous montre que ces dispositions sont acquises au cours du développement. Nous venons de voir, en effet, que si, en avant, le cœlome n'existe plus chez l'adulte, il s’avançait fort loin cranialement chez l’em- bryon en entourant l'appareil digestif de la région et en étant limité extérieurement par l'enveloppe musculaire, et que ce n’était que par la suite qu'il reculait peu à peu vers larrière par oblitération graduelle. Quant à la région eau- dale, nous avons également vu qu'il existe un intestin post- anal s'étendant jusqu’à l’extrémité de la queue, et que cet intestin, sur toute sa longueur, est entouré par un di- verticule de la cavité générale, creusé lui-même au sem de la masse musculaire; ce n’est que dans la suite du déve- loppement que ces rapports se modifient par régression progressive. Donc, en définitive, chez les Vertébrés, à une certaine période du développement, l’appareil digestif s'étend sur toute la longueur de l'être, et dans tout ce trajet il est en- touré par la musculature générale du corps dont le sépare la cavité cœlomique. Cette disposition est semblable à celle présentée par les Annélides adultes. Mais, tandis que chez les Annélides la gaine musculaire est toujours en contact immédiat avec les téguments, chez -les Vertébrés, elle peut en être séparée par la couche des muscles de la racine des membres et par le système des peau- ciers. Ce n’est pas là un obstacle au rapprochement des systèmes musculaires des deux groupes par la raison que, 156 J. CHAINE comme Je l’ai montré, les muscles de la racine des membres et la couche peaucière sont des dispositions surajoutées au cours du développement phylogénique, et qui manquent même encore dans certaines classes de l’embranchement. L’innervation et la vascularisation du système musculaire sont régulièrement métamériques dans les deux groupes, du moins à l’origine chez les Vertébrés ; elles sont donc sem- blables. Le fait est par trop manifeste pour que je puisse me permettre d’insister; je me borne done à le mentionner. On a pensé pouvoir opposer le système musculaire des Annélides à celui des Vertébrés par suite de rapports diffé- rents que présenterait le système nerveux avec la couche des muscles. On a dit que, chez les Vertébrés, «l’enveloppe mus- culaire renferme au-dessous d'elle le système nerveux cen- tral, qui, chez les Annélides, est placé en dehors du tube musculaire péricœlomique ». Cette remarque n’est pas rigoureusement exacte par le fait que, chez les Annélides, la chaîne nerveuse peut occuper toutes les positions par rapport à la musculature ; pour donner plus de force à cette assertion, Je ne puis mieux faire que de donner copie du passage suivant, extrait du Traité de Zoologie d’'Edmond Perrier: « On peut suivre chez les Polychètes tous les stades de l’évolution de la chaîne nerveuse ventrale, à partir du moment où elle est presque confondue avec l’épiderme jusqu’à celui où, presque libre dans la cavité générale, elle n’est plus reliée à l’épiderme que par un raphé longitudinal. La chaîne se superpose immédiatement à l’épiderme, chez les Autolinæ, etc. ; elle se loge dans l'épaisseur de la couche des muscles transverses chez le Terebella Meckeli:; elle passe à la surface interne de cette couche, entre les muscles longitudinaux, sans que les ganglions, dans leur région moyenne, cessent d’être en contact avec l’épiderme (Æyali- nœcia, etc.) ; enfin elle arrive au-dessus des muscles lon- gitudinaux et devient libre dons la cavité générale, sauf à l’extrémité postérieure du corps (Dasybranchus, etc.) ou même en totalité (Syllis, etc.). Les Capitella présentent dans les régions successives de leur corps tous ces degrés de différenciation : la chaîne nerveuse enfouie dans les DST ET CO PS CT OT ET RE SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS Fo1 téguments à l'extrémité postérieure se place entre la mus- culature et l'épiderme au commencement de l'abdomen et devient libre dans le thorax. Dans cette marche graduelle vers l’intérieur du corps, elle conserve toujours des rapports directs avec l’épiderme, auquel elle demeure unie par une lame longitudinale qui apparaît sur les coupes comme une sorte de pédicule. » | Examinons, maintenant, l’origine du système muscu- laire dans les deux groupes. Chez les Vertébrés, comme je l’ai indiqué au début de ce travail, le système musculaire prend naissance aux dé- pens des myotomes constitués dans la région dorsale de l'embryon de chaque côté du tube nerveux et métamérique- ment disposés sur toute la longueur de l'être. Les éléments musculaires ainsi formés s'étendent progressivement, sui- vant des processus plus ou moins différents avec les cas considérés, vers la région ventrale, en entourant la cavité cœlomique. Chez les embryons d’Annélides, le mésoderme, après avoir rempli l’espace compris entre l’ectoderme et l’entoderme, se divise en segments correspondant aux segments du corps. A ses dépens, au voisinage des ébauches de la chaine nerveuse et dans chaque segment se différencient les plaques mus- culaires, desquelles naïîtra la musculature du corps. Donc, chez les uns comme chez les autres,le système mus- culaire tire son origine d'ébauches segmentaires placées dans le voisinage du système nerveux et de là gagne le reste du corps pour former la gaine dont j'ai si souvent parlé. Les différents caractères du système musculaire que Je viens de successivement analyser chez les Vertébrés et les Annélides montrent done une similitude absolument indé- niable dans ces deux groupes d'êtres. Par contre, en opposi- tion à ceux-ci, bien des dissemblances peuvent être relevées : ce sont en somme toutes celles que j'ai déjà signalées au début de ce travail, lorsque je comparais les systèmes musculaires des Vertébrés et des Invertébrés, mais plus particulièrement celles qui portent sur le mode d'insertion des fibres, la nature du squelette, la division de la masse 158 | J. CHAINE en muscles autonomes chez les Vertébrés, en couches super- posées chez les Annélides. Il est incontestable que ce sont là des différences notables qu'il serait folie de nier. Mais toutefois il est permis de faire remarquer que le squelette interne est, dans l’ensemble du règne animal, une dispo- sition acquise au cours du développement phylogénique ; la phylogénie, comme d’ailleurs l’ontogénie, nous montre, en effet, qu'il est de formation secondaire par rapport au squelette externe, de cela nul doute à avoir. D'autre part, le squelette interne étant installé, la plupart des autres dispositions particulières aux Vertébrés furent possibles : insertion des fibres, division de la masse en unités auto- nomes (Voir ci-dessus), etc. Que le squelette interne se soit constitué dans la souche originelle des Vertébrés, après sa séparation du tronc ennélidien, cela suffit à expliquer Îes nouvelles dispositions présentées par le système musculaire. S'il en est réellement ainsi, les dissemblances perdent de leur valeur, et les ressemblances, par contre, y gognent de l'importance. ‘* Que conclure de tout cela? Les ressemblances indéniables que je viens de mettre en relief entre les systèmes muscu- laires des Vertébrés et des Annélides sont-elles dues à de simples phénomènes de convergence, ou sont-elles bien réelles? II est peut-être encore malaisé de le dire d’une façon définitive, parce que nous ne sommes qu'à l’aurore de la myologie comparative et que, par suite, bien des points de repère nous manquent encore. N'oublions cependant pas les remarquables travaux qui ont été écrits sur l’origine annélidienne des Vertébrés et, en particulier, les magistrales démonstrations données par Edmond Perrier. Les dispositions qui semblaient le plus s'opposer au fondement de cette théorie ont été solution- nées en sa faveur. Ne citerai-je, par exemple, que la situa- tion ventrale du système nerveux, qui a été présentée comme une objection capitale et dont rc a été ep par le développement de l’Amphioxus. Mais jusqu'ici le système musculaire n'avait pas été envi- sagé. Il est évident que ce système présente dans les deux 4 | . | SYSTÈME MUSCULAIRE DES VERTÉBRÉS 159 groupes d'assez grandes dissemblances ; il est vrai aussi qu'il y a des points communs fort importants. Les dis- semblances ne sont d’ailleurs pas supérieures à celles pré- sentées par les autres appareils et que le raisonnement ou des observations bien conduites ont réussi à faire dis- paraitre. Û Il ne fout pas oublier non plus que nous avons affaire à des êtres actuellement fort distants les uns des autres au point de vue zoologique; s'ils étaient voisins et par suite assez semblables, il n’y aurait évidemment pas lieu de dis- cuter. Si l’origine annélidienne des Vertébrés est vraie, la séparation des deux troncs a dû se faire à une époque bien reculée ; depuis ce moment, chacun a évolué dans sa propre direction, les Vertébrés beaucoup, les autres évidemment moins, mais toujours un peu, car la stabilité organique n'existe pas. Chaque jour les deux troncs se sont ainsi éloi- gnés l’un de l’autre. Il en résulte que les êtres qui vivent aujourd’hui diffèrent plus ou moins de la souche ancienne, dont nous ne connaissons pas et ne connaîtrons jamais les -caractères exacts. C’est là un fait qu’on oublie beaucoup trop en anatomie comparative et qui peut être la source de bien grosses erreurs (1). Par conséquent, quand on com- pare les Vertébrés actuels aux Annélides d’aujourd’hui, on rapproche des organismes qui les uns et les autres ont été modifiés dans le temps et qui, par suite, sont très diffé- rents de ce qu’étaient les formes primitives. On doit done s'attendre à trouver dans ces rapprochements des états qui semblent absolument dissemblables au premier abord, mais que l’étude prolongée, les observations sérieuses et réfléchies, le raisonnement profond déterminent ensuite comme analogues. (1)J. CHAINE, Sur une erreur d’interprétation assez fréquente en anatomie comparative (Comptes rendus de l’'Acad. des sciences, t. CLVIII, p. 2011, séance du 29 juin 1914). ose hp RACE Po ANSE Let #3, safe É me a ê, ie GTA = ci FAT tué sat Ar E TER ER De LA | à se : 3 D STE Re) à HEAR Re PO NIENTET. QE 3 ARR Gs LS # fa ee ne TA PRE MR ie FSC LS TLCEA RTE PART FA OGNAGL | MOVE SARSE 58 Eve s Ps f É “ : À & é ; LA 1 ÿ - ÿ AD d'A De AE Cas POULE LA PÈUS 1x8 né eu ee pe 92" US k RAA FREE x F LS ENTPMATE DA ER SAR TE DEC F- r. : K > t FEAT 4 CR Ur" 73} Sr 3 FX 4 és , | AE fs: 3 VUE LB: LONGER HSE *: € < qu AIS 1 Hat : Vie ES he, ( BE tete ; AA ’ 10 ç RUE yo CARE U Te DE PME SET PRIS DR LARMES CAES QUES MAYER." ; _ æ ’ Re dc = cp? { d + 4 : | 7 : 4 ns 8 ue æ « h ' É à FANS HR?! . F L À : 4 EL) ë é “ À ”- = # b ; ‘ % Ü ñ : # 2 è x. a" < NOUVELLE ÉTUDE SUR LE‘MADRELLA AURANTIACA"” Par A. VAYSSIÈRE PROFESSEUR À LA FACULTÉ DES SCIENCES DE MARSEILLE CORRESPONDANT DE L'INSTITUT Ce petit Mollusque, que j'ai découvert en août 1903 parmi des débris de Bryozoaires ramenés de fonds de 60 à 80 mètres, au large de Carry (golfe de Marseille), avait été l’objet d’une petite étude que j'avais intercalée dans le premier supplé- ment de mes « Recherches zoologiques et anatomiques sur les Opistobranches du golfe de Marseille », publié dans les Annales du Musée d'histoire naturelle de‘cette ville (t. VIII, 1903). Malheureusement je n'avais pu, comme je le dis dans ce mémoire, faire connaître à ce moment tous les caractères spécifiques et génériques de cet animal, l'effet du liquide . conservateur (formol à 4 p. 100) ayant été néfaste aux tissus de l’unique individu que j'avais obtenu ; je dus me contenter de décrire, avec son facies, les mâchoires et la radula, seules parties ayant résisté à l’action déliquescente du formol. - En août 1916, j'ai pu mettre la main, après beaucoup de recherches infructueuses poursuivies de 1904 à 1915, sur un second spécimen, un peu plus petit que le précédent et pas très bien conservé au point de vue des caractères extérieurs, la peau d>larégion abd minale ayant été détruite ainsi qu’une partie des organes internes. Malgré le mauvais état de cet exemplaire, je suis arrivé à compléter sa description par l'examen de l’ensemble de son organisation interne. Cela me permet aujourd'hui de bien me rendre compte des affinités du genre Madrella avec le genre Æliotia, que j'ai créé 162 A. VAYSSIÈRE en 1909 pour un autre très petit Mollusque pris dans les mêmes parages et constater que la famille que J'ai créée pour ces deux genres, sous la dénomination de Madrellidés, doit bien constituer un groupe à part que l’on peut opposer aux Æolididés vrais. Le premier individu de Madrella aurantiaca étant en assez bon état, quand je l’ai découvert au milieu des débris de Bryozoaires (Æschara cervicornis et fascialis) en août 1903, j'avais pu faire immédiatement un dessin de facies de l’ani- mal vu de dos, grossi quatre fois, ainsi que quelques dessins de détail (rhinophores et cirres), ce qui m'avait permis de le décrire d’après ces documents iconographiques. Je n’ai rien à ajouter à ce que Jai publié à cette époque, sur sa struc- ture externe, puisque, chez mon nouvel individu, les tégu- ments sont très abîmés, déchirés et dépourvus de ses nom- breux cirres dorsaux, les rhinophores seuls ayant résisté. Je renverrai donc le lecteur à ce que j'en ai dit dans le tome VIII des Annales du Musée de Marseille (p. 88-91) et aux figures qui accompagnent cette description. Une partie de ces mêmes figures ont été reproduites en 1909 dans mon « Étude sur le genre Eliotia et sur la famille des Madrellidés » (Annales des sciences naturelles, Zoologie, 9% série, t. X, PI. VIT, fig. 1-2); je me contenterai de donner :ci les dimensions de ce nouveau spécimen : longueur totale, 11 millimètres; largeur maximum, 5 millimètres ; hauteur en avant au niveau des rhinophores, * millimètres ; longueur des rhinophores, 3 millimètres. Les digitations des rhinophores étaient peu nombreuses, arborescentes (fig. 6), localisées tout à fait dans le tiers supé- rieur de ces organes ; la coloration des téguments était jaune orangé, plus intense dans certaines parties (milieu du dos et bord du voile céphalique); la masse viscérale offrait une teinte brun jaune verdâtre. Je vais donc aborder de suite la description des organes internes : Appareil digestif. — Le tube digestif ayant pu être retiré du corps intact, sauf l'extrémité de la région rectale, j'en ai fait un dessin den vu par sa face ventrale, à un gros- sissement de douze fois en diamètre (fig. 1). LB mt lon tint à tan +: ÉTUDE SUR LE € ‘MADRELLA AURANTIACA » 163 Entre le voile buccal et le bord antérieur du pied, se trouve la bouche, assez grande, en forme de croissant, dont la partie concave serait tournée en dessous ; les parois très muscu- leuses de cet orifice avaient une belle teinte orangée, mais, au bout de quarante-huit heures de séjour dans l’alcool, elles étaient devenues d’un blanc-porcelaine. Ces parois, très épaisses, se prolongeaient intérieurement en s’amincissant pour constituer les parois du bulbe buccal. Celui-ci est proportionnellement très volumineux chez Madrella aurantiaca, puisqu'il avait environ 5 millimètres de longueur, c’est-à-dire presque la moitié de la longueur du corps de cet animal. Ces proportions gigantesques de l’en- semble du bulbe et des mâchoires cornées qui y sont contenues montrent l'importance capitale de cette partie du tube diges- tif; l’animal, pour se nourrir, doit arracher et briser des frag- ments d'ÆEschara cervicornis et fascialis, afin d'en extraire les animalcules qui forment la base de sa nourriture. Les deux mâchoires ou mandibules sont retenues et reliées l’une à l’autre, dans la partie antérieure du bulbe, par de fortes bandelettes musculaires qui vont se perdre dans la puissante musculature péribuccale ; la face externe de ces pièces cornées adhère aux parois internes, grâce à la présence de nombreuses brides musculaires et aussi à celle d’une sorte de lame aponévrotique qui, partant des bords anguleux pos- térieurs de ces organes, va se continuer avec les parois du fond de la cavité buccale. Les mâchoires, comme je l’ai indiqué dans mon étude de 1903, ont une structure spéciale s’éloignant beaucoup de celle des mâchoires des autres Æolididés. Ce sont deux corps pleins, très épais, en forme de pyramides triangulaires compri- mées; leur plus grande face un peu convexe s'applique contre les parois latérales du bulbe; les deux autres sont tournées vers l’intérieur de la cavité. Ces pièces ont comme structure beaucoup d’analogie avec les plaques cornées stomacales des Aplysies et de quelques Bullidés ; des striations transversales très marquées, un peu onduleuses, se remarquent sur toute leur étendue, représen- tant les stries d'accroissement de ces mâchoires. Le sommet 16% A. VAYSSIÈRE de ces pyramides est terminé par une excroissance en forme de champignon ; c’est sur ces excroissances que se trouve insérée la forte bande musculo-tendineuse qui ratios ces pièces l’une à l’autre. Dans le dessin de l’ensemble du tube digestif (fig. 1), on peut voir en place ces mâchoires par transparence; mais il faut consulter mes deux précédentes études pour y voir des dessins spéciaux plus grossis, les représentant dans diffé- rentes positions. Dans le fond de la cavité buccale, à sa partie postéro-infé- rieure, on trouve une éminence triangulaire, charnue, très musculeuse, représentant le mamelon lingual ou rotella ; c’est sur sa surface supéro-antérieure que s'étale une portion de la radula, le reste de celle-ci étant contenu dans le mamelon, On voit cette rotella en place dans la figure 1; je l’ai aussi représentée séparément, plus grossie (fig. 7), mais vue dorsa- lement. | Cette masse musculeuse, d’un blanc opalin, a la forme d’une pyramide triangulaire dont le sommet est dirigé en avant et dont la base un peu évidée va s'appuyer contre la paroi postérieure du bulbe, au-dessous du point de départ de l’œsophage. Une de ses faces, la plus grande, fait corps avec le plancher de la cavité; l’arête, séparant les deux autres faces- qui sont arrondies, est remplacée par un sillon dans lequel repose le ruban radulaire. Si l’on examine au microscope un fragment grossi environ 300 fois de cette masse opaline, on constate qu’elle est formée de couches concentriques superposées de fibres musculaires demi- gélatineuses, avec nombreux petits amas granuleux inclus entre ces couches ; l’aspect général de ce fragment (fig. 8) rappelle quelque peu celui d’une coupe transversale de tissu OSSeUX. La radula, chez ce Madrella aurantiaca,avait un peu plus de 2 millimètres de longueur sur 1/6 de millimètre de largeur maximum; elle était constituée par 41 rangées de dents et elle avait pour formule 1, 1, 1. La largeur du ruban alain n’est pas la même sur LE sa longueur; elle est moitié moins considérable en avant PONT NT CNE OUR PO EE | 4 F ù aid ne y x ÉTUDE SUR LE «‘MADRELLA AURANTIACA » 165 qu’en arrière, ce qui s'explique par les dimensions moindres des premières dents. La grosseur de ces pièces va donc pro- gressivement en augmentant de la première rangée à la der- nière, et, par suite, 1l en est de même de leur support rubané. Étalées sur le mamelon lingual,on ne trouve qu’une quinzaine de rangées de dents, toutes les autres étant contenues dans le fourreau radulaire ; l'extrémité cæcale de celui-ci ne fait pas hernie à la partie postéro-infér.eure externe du bulbe. La structure des dents des premières rangées ne peut servir pour établir avec précision les caractères spécifiques de ce Mollusque, car ces dents ont leurs pointes plus ou moins usées, comme on peut le constater sur le dessin de la médiane de la troisième rangée que je donne (fig. 3); donc, pour bien connaître leur structure, il faut prendre pour modèles les dents contenues vers le milieu du fourreau. Je suis persuadé que la figure donnée par Eliot d’une rangée de dents du Madrella ferruginosa a été faite d’après des pièces dentaires _ prises sur le devant de la radula, car toutes les trois ont leurs denticules émoussés et très raccourcis. Les dessins que j'ai donnés de ces dents dans ma précé- dente étude ne sont pas assez grossis pour mettre suffisam- ment en relief tous les détails de leur structure; aussi j'ai extrait, dans la dissection de mon second individu, la radula dans toute sa longueur ; j'en ai fait ensuite une préparation microscopique, dans laquelle plusieurs de ces pièces sont écar- tées les unes des autres pour mieux les étudier. Les dessins que je donne (fig. 2) dans le présent mémoire ont été faits d’après quelques dents de cette préparation, grossies 400 fois, prises vers la trentième rangée. La dent médiane, vue de sa face postérieure, est constituée par une portion basilaire épaisse, convexe en arrière, concave en avant, de forme trapézoïde, la base supérieure étant la plus large ; une forte et profonde échancrure en arceau occupe le milieu de la base inférieure. Du dessus de l’arceau part une très forte et longue pointe ou cuspide, un peu excavée à sa base ; de chaque côté de celle-ci on a 10 à 12 pointes, assez effilées, légèrement incurvées en avant et vers la ligne mé- diane ; ces pointes sont de dimensions différentes, la plus 166 A. VAYSSIÈRE petite se trouvant contre la base de la cuspide; les autres augmentent jusqu'à la sixième, qui est la plus longue ; les suivantes vont légèrement en diminuant sans que la dernière arrive jamais à une taille inférieure à celle de la troisième. La forme réelle de ces denticules ne peut se voir exactement que si on les observe dans une position de profil; on constate alors qu'ils sont un peu convexes dans leur partie postéro- externe et très nettement concaves du côté antéro-imterne, avec prolongement basilaire pour attendre le rebord du corps de la dent (fig. 4). A la base de la cuspide, surtout dans la portion qui entoure le sommet de l’arceau, on observe de chaque côté, de bas em haut, d’abord cinq à six dentelures assez marquées, disposées obliquement, suivies de quelques autres dentelures à peine visibles comme on peut le constater sur le dessin que j'en donne (fig. 5), à un grossissement de 850 fois. Les dents latérales se composent d’une portion basilare presque carrée, lamelleuse, à face postérieure convexe et à face antérieure concave ; du bord supéro-externe part une forte et très longue cuspide, cylindro-conique, un peu incurvée en dedans; cette cuspide se continue latéralement et en dessous par un fort prolongement, un peu plus long, cylindro- conique, avec légère ondulation. Sur le bord du corps de ces dents latérales, du côté interne de la base de la cuspide, se trouvent dix à douze pointes coniques, acérées, un peu incurvées en avant et de longueurs différentes ; la première est ici assez longue, la seconde davantage et la troisième arrive au maximum, puis les sui- vantes vont peu à peu en diminuant jusqu’à la dernière (la plus interne), qui offre à peine la moitié de la longueur de la première. | Ces diverses dents sont toutes d’un beau jaune ambré, coloration plus foncée chez les premières, plus claires chez celles qui sont contenues au fond du fourreau. Les pièces dentaires d’une rangée sont disposées de telle sorte, par rapport à celles de la rangée antérieure, qu’elles s’emboîitent avec elles ; la pointe ou moitié supérieure de la cuspide va se loger dans la rainure basilaire de la médiane à trains. ir ot 4 + Dr < ÉTUDE SUR LE «€ MADRELLA AURANTIACA » 167 placée devant ; le sommet de la cuspide de la dent latérale s’appuie dans la légère rainure qui s’observe entre le corps de la dent précédente et le prolongement basilaire de sa cuspide. L’œsophage, d’un fort diamètre, prend naissance sur la partie postéro-supérieure du bulbe, même au-dessus de la rotella ; il est fort court et, après avoir traversé le collier œsophagien, il se renfle aussitôt pour former une vaste poche fusiforme, allongée, d’une teinte Jaune un peu translucide, terminée postérieurement en cæcum ; cette poche, qui repré- sente la cavité stomacale, était bien imparfaitement conservée, ce qui explique qu’il ne m'a pas été possible de voir les pro- longements hépato-pancréatiques qui en partent pour se rendre dans les cirres dorsaux. J’ai toutefois observé dans _ les parties dorso-latérales du corps de Fanimal deux grosses bandes jaune verdâtre, de structure granuleuse, qui doivent représenter probablement les portions basilaires de Fhépato- pancréas ; c'est de ces deux amas que doivent partir les traînées glandulaires qui se prolongent dans les cirres dorsaux. La connaissance exacte de cette partie de la structure de l'appareil digestif nécessitera une nouvelle étude quand j'aurai l’occasion de me procurer un troisième individu. Les parois de cette grande poche stomacale, qui sont résis- tantes, possèdent une dizaine de plis longitudinaux assez mar- qués reposant sur un même nombre de bandelettes muscu- laires contenues dans l’épaisseur de ces parois. Latéralement, mais assez en arrière, prend naissance l’in- testin, tube d'un faible calibre, plissé intérieurement ; après avoir passé au-dessus de l'estomac, il va s’ouvrir sur la partie latérale droite du corps, vers le milieu de la lon- gueur de celui-ci, près de la base des cirres dorsaux ; il offre une teinte jaune-paille, un peu translucide, analogue à celle de l'estomac. Dans la partie cæcale de la poche stomacale, aimsi qu’à l’in- térieur de l’intestin, j'ai trouvé quelques débris ahmentaires consistant en fragments de Bryozoaires (Eschara) ; les ani- malcules de ces colonies doivent constituer la base de l’ali- mentation des Madrella,et 1l en est de même pour les Æliotia. Organes génitaux. — Des trois grands systèmes organiques 168 A. VAYSSIÈRE qu’il m'a été possible d'étudier, celui-ci était dans un tel état d’écrasement que je n’ai pu en voir que des fragments isolés. A la partie postérieure du corps se trouvait un gros amas glandulaire multilobé, de teinte jaunâtre, représentant la elande hermaphrodite. En avant, du côté droit, presque contre le bulbe, on remarquait des fragments de canaux sinueux, une vésicule et enfin le pénis engagé dans l’ouver- ture génitale placée au-dessous du rhinophore ; on ne pouvait dans ces conditions reconstituer l’ensemble des annexes de l’appareil génital. J’ai dû me contenter d'examiner l’organe copulateur ; celui-ce1 est cylindro-conique, blanc hyalin, assez long et dépourvu de toute armature chitineuse. Système nerveux. — Le collier œsophagien de Madrella aurantiaca offre dans sa structure générale beaucoup de res- semblance avec celui de mon genre Æliotia, décrit ici même en 1909 ; les différences que l’on peut constater dans la forme des quatre gros centres nerveux ainsi que dans la longueur de leurs commissures sous-œsophagiennes sont peu impor- tantes, ce qui montre bien l’étroite parenté qui existe entre ces deux genres. J’ai pu étudier plus complètement le collier œsophagien de Madrella que je n’avais pu le faire pour celui d’Eliotia. Le desin que je donne (fig. 9) a été fait à un grossissement de 60 fois en diamètre, l'organe étant vu par sa face posté- rieure. Ces divers centres sont tous d’un jaune orangé et les troncs nerveux principaux d’un blanc opalin jaunâtre. Les deux ganglions cérébroïdes, accolés l’un à l’autre, sont à peu près sphériques ; de leur bord antérieur, en partant de la ligne médiane, sortent les nerfs suivants : 1, 1, les nerfs tentaculaires, troncs très volumineux qui, après un certain parcours, donnent chacun en dehors une branche latérale allant se ramifier dans les téguments céphaliques, tandis que le tronc principal pénètre dans le rhinophore de son côté ; 2, 2, les nerfs optiques, très grêles, longeant les troncs ten- taculaires puis leur ramification pour aboutir à l’œil placé à fleur de peau près de la base externe du rhinophore; 3, 3, 4,4, 9, 9, trois paires de nerfs de grosseurs différentes qui m'ont tous paru se diriger vers les téguments latéraux, à l’intérieur ÉTUDE SUR LE « MADRELLA AURANTIACA » 169 desquels ils pénétraient ; ce sont eux qui doivent innerver les cirres dorsaux. Les deux ganglions pédieux, également sphériques, mais un peu moinsgros que les cérébroïdes, sont accolés, d’une part, à ces derniers et, d'autre part, réunis l’un à l’autre par une forte commissure sous-œsophagienne, presque aussi longue que le diamètre transversal du collier. Ces centres nous donnent les troncs suivants : 6, 6, nerfs longeant les troncs 5, à, et devant se rendre à des organes annexes (sexuels et autres); 7, 7, 8, 8, troncs des téguments latéro-dorsaux moyens et surtout postérieurs; 9, 9, nerfs pédieux de la région antérieure du pied; 10, 10, grands nerfs pédieux, se ramifiant dans les parties moyennes et postérieures du pied. Deux petitsnerfs sortaient côte à côte des ganglions pédieux, presque à la naissance de la grande commissure sous-æsopha- gienne ; Je crois pouvoir affirmer, bien que ces nerfs fussent sectionnés, qu'ils représentent tous les deux de délicates commissures sous-œsophagiennes : l’un, qui m’a paru remon- ter le long de la surface des ganglions pédieux pour aller aboutir aux cérébroïdes, contribuerait à former la commissure cérébroïdale sous-œsophagienne ; l’autre, une seconde com- missure interpédieuse. Enfin des bords inférieurs des centres cérébroïdes partent les connectifs cérébro-buccaux ; ces nerfs relient le stomato- gastrique au collier œsophagien formant au devant de lui un second collier. Les ganglions buccaux qui sont les centres nerveux de ce stomato-gastrique sont placés à la partie pos- térieure du bulbe buccal, à la naissance de l’œsophage (fig. 1). Beaucoup moins volumineux que les autres ganglions (fig. 9, b, b), ils sont ovoïdes, réunis l’un à l’autre par leur partie en pointe, au moyen d’une petite commissure ayant à peine en longueur les deux tiers du grand diamètre de l’un d'eux. Du milieu de cette commissure part le nerf radulaire, r; le bord antérieur de chaque gangl.on produit deux nerfs d qui vont se ramifier dans les parois du bulbe, actionnant la musculature de celui-ci et, par suite, les volumineuses mâchoires de ce Mollusque ; des bords postéro-externes de ces mêmes gan- glions partent les grands nerfs œsophagiens æ, æ, chargés ANN. DES SC. NAT. ZOOL, 10e série. IN, 12 170 A. VAYSSIÈRE de l’innervation de l’œsophage, de l’estomac et de ses annexes ainsi que du reste du tube intestinal. Les yeux étaient proportionnellement peu développés, bien qu'arrivant à la surface de la peau ; quant aux otocystes, 1ls formaient deux grosses vésicules (0, 0, fig. 9), insérées sur les sillons séparant les ganglions cérébroïdes des pédieux; dans chacune d'elles se trouvaient une trentaine d’otolithes de forme ovoïde, dont la taille variait du simple au double, quelques-uns même au triple. En terminant cette petite étude, je rappelerai que le genre Madrella a été créé en 1866 par Alder et Hancock, d’après un petit Mollusque trouvé sur les côtes de l’Hindoustan ; ces naturalistes, dans leur travail, s’étaient contentés de décrire trop brièvement son organisation et de donner deux ou trois figures médiocres du facies de cette espèce qu'ils dénom- méèrent M. ferruginosa. Eliot ayant retrouvé ce type le long des côtes de Zanzibar a publié, en 1902, de nouvelles figures de facies plus soignées, auxquelles il a joint le dessin d’une rangée de dents radulaires. En fait, lorsque, en 1903, j'ai découvert le Madrella auran- haca, l'organisation de ces Mollusques n’était presque pas connue ; un accident, comme je l’ai déjà dit, ne m’ayant per- mis à cette époque d'examiner que les mâchoires et la radula de cet animal, je suis heureux d’avoir pu, cette fois, décrire une bonne partie de son organisation. Les caractères génériques des Madrella se trouvent donc à peu près établis et peuvent se résumer ainsi : « Corps æolidiforme, avec cirres dorsaux fusiformes sur tout le pourtour de la face dorsale ; pied très large, surtout en avant, où son bord antérieur se prolonge assez en pointe de chaque côté; rhinophores cylindro-coniques, non rétractiles, avec nombreuses digitations simples autour de leur moitié supérieure; mendibules courtes, très massives, de consistance cartilagineuse en forme de pyramide triangulaire un peu comprimée latéralement ; radula rubanée, trisériée, à dents médianes pectinées avec cuspide centrale longue et incurvée : dents latérales pectinées, sortes de demi-dents médianes avec la cuspide se prolongeant fortement en arrière. — Bulbe ÉTUDE SUR LE « MADRELLA AURANTIACA D 1 buccal très volumineux, ovoïde, suivi d’un œsophage court et d’une vaste poche stomacale terminée en cæcum; sur la pertie postéro-latérale de celle-ci naît un tube intestinal de longueur moyenne, s’ouvrant sur le milieu du flanc droit. — Collier œsophagien formé de deux gros ganglions cérébroïdes et de deux pédieux, accolés entre eux, tous les quatre sphériques et réunis en dessous par une forte commissure sous-œæsopha- gienne interpédieuse. Pénis cylindro-conique inerme. » Il ne reste plus à étudier que l’appareil reproducteur et le système vasculaire ; en poursuivant mes recherches sur la faune des fonds de Bryozoaires, situés au large de Carry (Bouches-du-Rhône), 1l faut espérer qu’il me sera possible de trouver de nouveau quelques individus bien vivants de Ma- drella aurantiaca et d’Eliotia Souleyett, ce qui me permettrait de compléter l’étude anatomique de ces deux types de Mol- lusques ; leur recherche est bien difficile, car, comme je l’ai déjà dit, ces Zolidiens sont de très petite taille, et leur colo- ration jaune orangé les fait se confondre avec les débris de Bryozoaires au milieu desquels 1l faut les chercher ; cette similitude de coloration constitue un des cas de mimétisme les plus curieux qu'il m’ait été possible de constater chez les animaux marins de notre région. En terminant cette étude, je ferai remarquer que deux espèces d'Æolididés, appartenant à la faune californienne, étudiées par F.-M. Mac Farland en 1912 : The Nudibranch family Dironidæ et portant les noms de Dirona albolineata et picta, présentent des mandibules cornées, massives, à surface masticatoire lisse offrant beaucoup de similitude par leur forme et par leur structure avec celles des Madrella ; mais leur radula, qui a pour formule 2, 1, 2 au lieu de 1, 1, 1, s'éloigne non seulement par le nombre des dents latérales, mais aussi par la structure de ces pièces. Il en est de même pour ce qui concerne les rhinophores, le tube digestif et le système nerveux. EXPLICATION DE LA PLANCHE Fig. 4. — Madrella aurantiaca, À. Vayss. — Ensemble du tube digestif vu par sa face ventrale : B, la bouche ; E, l’estomac et I l'intestin. A l’intérieur du bulbe on aperçoit par transparence les deux mâchoires et le mamelon lingual ou rotella en place. (Gross. : 12 fois en diamètre.) Fig. 2. — Madrella aurantiaca. — Une dent médiane et deux dents latérales contiguës, prises vers la trentième rangée de la radula et vues par leur face postéro-externe. (Gross. : 350/1.) Fig. 3. — Madrella aurantiaca. — Une dent médiane de la troisième rangée de la radula pour montrer l’usure de ses denticules. (Gross. : 350/1.) Fig. 4. — Madrella aurantiaca. — Quelques denticules d’une dent médiane, vus par la face antéro-interne de cette pièce. (Gross. : 600/1.) Fig. 5. — Madrella aurantiaca. — Base de la cuspide d’une dent médiane pour mettre en évidence les dentelures qui s’y trouvent. (Gross. : 850/1.) Fig. 6. — Madrella aurantiaca. — Rhinophore de gauche. (Gross. : 13/1). Fig. 7. — Madrella aurantiaca. — Mamelon lingual ou rotella, vu par sa face supérieure pour montrer le sillon médian occupé par la radula. (Gross. : 15/1). Fig. 8. — Madrella aurantiaca. — Fragment très grossi et comprimé du mame- lon lingual. (Gross. : 200/1.) Fig. 9. — Madrella aurantiaca. — Ensemble du collier œsophagien vu par sa face postérieure : 0, 0, les deux otocytes; 1,1, nerfs tentaculaires ; 2, 2, nerfs optiques ; 3, 3, 4, 4, 5, 5, nerfs des téguments latéraux ; 6, 6, nerfs des annexes de l’appareil reproducteur ; 7, 7, 8, 8, nerfs des téguments dorso- latéraux ; 9, 9, petits nerfs pédieux ou nerfs antérieurs du pied ; 10, 10, grands nerfs pédieux innervant les régions moyenne et postérieure du pied. Les ganglions buccaux b, b, avec le nerf radulaire r, les deux grands nerfs œso- phagiens æ, æ et les quatre nerfs d qui vont aux parois du bulbe. L'A £ nr Du nr > A. Vayssière, del, 4 in À r ÉTUDE ANATOMIQUE ET HISTOLOGIQUE DE L'APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES ADULTES” Par le D' L. BORDAS PROFESSEUR DE ZOOLOGIE À LA FACULTÉ DES SCIENCES DE RENNES Comme il serait long et surtout fastidieux de faire iei l’his- torique complet de la question, nous nous contenterons de signaler ce que nous avons écrit, sur ce sujet, dans nos mé- moires antérieurs sur les Papillons, ainsi que l’{ndex biblio- graphique placé à la fin du présent travail. Nos recherches sur l’Appareil digestif des Papillons adultes ont porté sur une cinquantaine (quarante-sept) d'espèces appartenant aux familles suivantes : PAPILIONIDÆ : Papilio podalirius L., Papilio Alexanor Esp., Parnassius Delius Esp., Parnassius Mnemosyne L. — Pieripæ : Colias hyale L., Pieris brassicæ L., Pieris rapæ L., Anthocharis cardamines L., Anthocharis Belia Esp., A porta cralægi Fr. — NympHALinÆ : Vanessa 10 L., Vanessa urticæ 1... Vanessa Antiope L., Argynnis Aglaia L., Argynnis La- thonia L., Melitæa Athalia Rott., Meliütæa Cinxia L. — SATYRIDÆ : Satyrus hermione L., Pararge Ægeria L., E£rebia ligea L. — SPHiNGIDÆ : Acherontia atropos L., Sphinx con- volouli L., Sphinx ligustri L., Deilephila nerii L.— Arcrunz : Arctia caja L., Nemeophila plantaginis L., Spilosoma fuli- gnosa L., Pleretes matronula L., Euprepia pudica Esp. — Liparipæ : Dasychira selenitica Esp., Dasychira abietis Schiff. Dasychira pudibunda L., Orgyia antiqua L., Cnelocampa pro- cessionea L. — SATURNIDÆ : Saturnia pyri Schiff., Saturnia (1) Le mémoire a été déposé en mars 1917. 176 L. BORDAS pavonia L., Aglia tau L. — NoroponTinÆ : Harpyia verbasci Fabr., Harpyia vinula L., Stauropus fagi L., Pygæra curtula L. — Nocruinæ : Brotolomia meticulosa Fr., Agrostis fim- bria L., Episema glaucina Esp., Mania maura L., Hadena monoglypha Hufn., Mamestra oleracea L. GÉNÉRALITÉS Avant d'entreprendre l'étude comparative de lApparetl digestif des Lépidoptères adultes, nous allons donner un aperçu oénéral de cet organe, en ayant surtout en vue Îles trois espèces suivantes : Pieris napi L., Leuconea cratægi L. et Saturnia pyrt Fr. Le tube digestif est simple, quant à sa forme ; sa première partie est rectiligne, et sa région postérieure seule présente quelques circonvolutions plus ou moins nombreuses suivant les espèces. Comme caractères principaux, nous avons surtout à signa- ler : 1° la présence d’un volumineux appendice latéral ou jabot ; 20 un intestin moyen court et cylindrique, et 3° une ampoule rectale, généralement large (Saturnia), ovoïde et très extensible. Le pharynx est court chez toutes les espèces, large en avant, étroit en arrière et d'apparence infundibuliforme. Il se continue par un æsophage long, très étroit, cylindrique et s'étendant tout le long du thorax, et dans la partie antérieure abdominale, au-dessus du système nerveux. À son extrémité postérieure, se trouve appendu un volumineux jabot, placé laté- ralement et à parois minces et transparentes (PI. I, fig. 5). Cet organe présente deux orifices : l’un antérieur, en rap- port avec l’œsophage, et l’autre postérieur, communiquant avec l'intestin moyen. Le premier est ovoïde, et c’est de son pourtour que partent les nombreux replis qui parcourent la poche transversalement. Le second est circulaire et porte un APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 177 bourrelet annulaire, sorte de valvule, marquant l'origine de la région médio-intestinale. Il existe, chez tous les Papillons, des glandes salivaires tubuliformes. Elles cheminent parallèlement à l’œsophage et vont s'ouvrir soit dans un conduit impair très court, soit séparément, en deux points très rapprochés, dans la cavité buccale, à la base de la trompe. L'intestin moyen est cylindrique (PI. I, fig. 5), à peu près rectiligne et à diamètre beaucoup plus large que celui de l’œsophage. Ses parois sont épaisses, légèrement plissées et parcourues transversalement par de petits sillons parallèles et circulaires. Il est entouré par les tubes de Malpighi, qui sont très sinueux et forment autour de l'organe une sorte de manchon treillissé (Saturnia). Son extrémité antérieure présente un petit renflement ovoïde, situé en arrière du Jjabot (Pieris, Leuconea, etc.). À sa limite postérieure, existe un bourrelet annulaire, peu saillant, marquant l’origine de l'in- testin terminal, et sur lequel viennent déboucher les tubes de Malpighi. Les tubes de Malpighi sont, chez tous les Papillons, au nombre de six (sauf de très rares exceptions) provenant, en réalité, de deux troncs primitifs. Les deux orifices malpi- ghiens ne sont pas toujours situés en regard, aux deux extré- mités d’un même diamètre, mais sont fréquemment plus ou moins rapprochés l’un de l’autre. Les tubes urinaires sont généralement cylindriques, parfois aussi variqueux et moni- liformes. Dans quelques cas, ils présentent même de courtes éminences latérales (Saturnia), sortes de digitations ou bour- relets correspondant à des invaginations internes. L'’intestin terminal est généralement long et fort sinueux (Pieris, Leuconea) ; son diamètre est beaucoup plus étroit que celui de l'intestin moyen, et ses parois présentent intérieu- rement des replis longitudinaux. Enfin, son extrémité posté- rieure se dilate en une poche rectale, prolongée en un cæcum latéral antérieur, plus ou moins accentué. Les parois de cette poche portent de nombreuses glandes rectales. ANN. DES SC. NAT. ZOOL., 40e série. ur, 13 PREMIÈRE PARTIE ÉTUDE ANATOMIQUE DE L'APPAREIL DIGESTIF DES LEPIDOPTÈRES ADULTES . PAPILIONIDÆ Pour cette famille, nous allons prendre, comme type, le Parnassius Mnemosyne L. Le tube digestif de ce Papillon rappelle, dans son ensemble, la forme que nous venons de Fig. 1. — Extrémité antérieure du tube digestif du Parnassius Mnemosyne. — Œ, œsophage ; Im,'intestin moyen, avec léger renflement an- térieur re et replis intestinaux rp ; ja, jabot et son pédicule p. décrire dans les généra- lités (PI. I, fig. 4). L'intestin antérieur com- prend trois parties nette- ment séparées au point de vue morphologique : lœ- sophage, le jabot et une région ovoide (fig. 1, re), reliant ce dernier à l’in- testin moyen. L'æœsophage est cylin- drique, très étroit et par- court l'axe médian du thorax (fig. 1, Œ). Son extrémité postérieure porte latéralement un vo- lumineux /abot, à parois minces, transparentes et généralement très plissées (fig. 1, ja). En arrière du jabot, se trouve un pé- doncule ovoïde qui se continue avec l'intestin moyen. L’intestin moyen ne présente aucun caractère morpholo- gique particulier. C’est un tube cylindrique, plus ou moins D TS ET CP PO SP EE DU PO PT PE CP à APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 179 élargi, situé dans la partie médiane de la cavité abdominale. Ses parois sont parcourues par des stries circulaires et sont recouvertes de petits tubercules coniques, très courts, dus à des invaginations de la cavité intestinale (fig. 1, Im). L’extrémité postérieure de l'intestin moyen s’amincit peu à peu, devient conique et se continue avec l'intestin posté- rieur. Une valvule annulaire interne, en forme de diaphragme, à bords libres plissés, marque la limite des deux organes. C’est un peu en arrière de ce point que viennent s'ouvrir, par deux orifices diamétralement opposés, les deux conduits exeréteurs des tubes de Malpighi (PI. [, fig. 4). L'intestin terminal est long, étroit et sinueux. Ses parois sont cylindriques, mais portent une série de bandelettes lon- oitudinales, constituées par des faisceaux musculaires. L’or- gane est plus ou moins recouvert par les replis des vaisseaux urinaires (PI. I, fig. 4). L’ampoule rectale, qui termine lin- testin, est une large poche, prolongée en avant par un cæcum recourbéet sacciforme et continuéeen arrière parun appendice tubuleux et court, s’ouvrant au dehors par l’orifice anal. Les parois du rectum portent de nombreux épaississements épi- théliaux, disposés assez régulièrement à sa surface interne et constituant les glandes reciales (PI. I, fig. 4, R et Gr). Les glandes salivaires n’ont aucun rapport avec le tube digestif proprement dit, puisqu'elles vont s'ouvrir à la base de la trompe, dans la cavité buccale (fig. 2, Gb). Ce sont deux tubes blanchâtres, décrivant de nombreuses sinuosités dans la région médiane thoracique. Elles s'étendent jusque vers le milieu de la cavité abdominale et atteignent, complètement étalées, une longueur à peu près égale à celle du corps du Papillon. Dans le thorax, elles cheminent paral- lèlement à l’œsophage ; puis, arrivées en arrière de la région céphalique, elles se rapprochent et se fusionnent en un conduit efférent impair, court, qui s'ouvre, par une extrémité amineie, à la base de la trompe (fig. 2, G{ et c). Les tubes de Malpighi du Parnassius Mnemosyne sont au nombre de six, disposés, de chaque côté, en deux faisceaux de trois tubes (PI. I, fig. 4 et 6). Les deux embouchures sont 180 L. BORDAS diamétralement opposées et situées à l’origine de l'intestin terminal, un peu en arrière d’une valvule circulaire interne. Le trone commun #r est très court. Il ne tarde pas à se diviser S et à donnerun premier rameau passant ir sous l'intestin moyen, puis un second qui se bifurque, à son tour, en donnant les deux derniers vaisseaux urinaires (PL I, fig. 6, Tm). Comme on cons- tate une semblable disposition du côté opposé, on a, en définitive, Six tubes malpighiens. Ces organes ram- pent tout d’abord à la surface de l'intestin moyen, puis se recourbent en arrière, enlacent étroitement l'in- testin terminal et s’avancent même jusqu’à l’ampoule rectale. GL PIERIDÆ La figure 1 (PI I) représente l'en- Fig. 2.— Partie terminale des Semble de l’appareil digestif de l’A porta M Ras cn cratægi, appareil dont l'examen peut Gt, glandes salivaires et ca nous dispenser de toute description. nal excréteur impair ct; o ; : nee dandoliite MR Par contre, chez l’Anthocharis car- damines L., le tube digestif est re- marquable par le grand développement de l'intestin terminal et par la présence d’un volumineux cæcum rectal disposé latéralement (PI. I, fig. 3). Le pharynx est large mais très court ; il se continue, en arrière, par un œsophage très long et très étroit, placé au- dessus de la chaîne ganglionnaire thoracique et de chaque côté des glandes salivaires. Ces dernières sont tubuleuses. Elles passent sous le pharynx et se fusionnent finalement en un tronc impair qui va déboucher à la base de la trompe. A l'extrémité postérieure de l’œsophage, se trouve, ap- pendue latéralement, une poche volumineuse, le 7abot, à parois minces, transparentes et élastiques (PI. I, fig. 3, Ja). Un peu en arrière, commence l'intestin moyen. APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 181 Ce dernier est court, cylindrique, à parois épaisses et pour- vues de stries circulaires peu profondes. Enfin, en arrière, se trouve un bourrelet annulaire, suivi d’une portion rétrécie. C’est dans cette région que viennent déboucher les tubes de Malpighi, au nombre de six, groupés en deux faisceaux formés chacun de trois vaisseaux. L’intestin postérieur (PL. TI, fig. 3, Ip) est remarquable par sa longueur et ses replis. Sa partie terminale forme une dila- tation, l’'ampoule rectale, qui porte latéralement un long cæ- cum à extrémité distale légèrement arrondie. Chez le Colias hyale L., l'œsophage est étroit, tubuleux et localisé en entier dans le thorax. Sa partie postérieure porte une poche volumineuse, le jabot. Ce dernier, dans son état de complète distension, occupe la presque totalité de la cavité abdominale antérieure. Ses parois sont minces, élastiques et transparentes (PI. [, fig. 2, Ja). L’intestin antérieur se continue ensuite par une partie cylindrique qui se dilate progressivement et forme un c'ésier rudimentaire ovoide, TÉ. L'intestin moyen est cylindrique et à direction rectiligne. Ses parois sont par- courues par de lé- gèresstriationstrans- versales. L'intestin termi- nal, qui lui fait suite, reçoit, dès son ori- cine, les deux con- duits excréteurs ter- Fig. 3. — Intestin terminal et ampoule rectale: A, de . | Colias hyale L. ; B,de Pieris brassicæ L. — ri, intes- minaux des vais- tin postérieur ; o, orifice del’intestin postérieur dans nn nmbreues dde ge à à extrémité posté- rieure (rt, fig. 3, A), se dirige perpendiculairement à la sur- face latérale de l’ampoule rectale et s'ouvre dans le tiers su- périeur de la cavité de cette dernière, PLANCHE I L'APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES ADULTES (Papilionidæ, Pieridæ): Fig. 1. — Ensemble de l'appareil digestif de Leuconea (Aporia) cratægi L. — ph, pharynx ; æ, œsophage ; gls, glandes salivaires ; Ja, jabôt ; Im, intestin moyen ; Ip, intestin terminal ; Tm, trois tubes de Malpighi, s’ouvrant, de chaque côté, dans un canal impair très court ; R, rectum et glandes rectales: ce, cæcum latéral et a, anus. Fig. 2. — Appareil digestif de Colias hyale L. — Tr, trompe ; Gs, glandes sali- vaires, avec canal excréteur ce et orifice, o ; æ, œsophage ; ja, jabot ; Im, intestin moyen et intestin postérieur, Ip ; R, rectum, avec cæcurm, co ; Tm, tubes de Malpighi s’ouvrant de chaque côté dans un réservoir, n. Fig. 3. — Ensemble de l’appareil digestif d’Anthocharis cardamines. — Tr, trompe ; gls, glandes salivaires, avec le conduit impair cet l’orifice 6 à la base de 14 trompe ; æ, œsophage ; Im, intestin moyen ; Ip, intestin postérieur ; Tm;,tubes de Malpighi allant déboucher dans un conduit impair, très court; R, rectum avec cæcum antérieur, c ; Ja, jabot. Fig. 4. — Tube digestif de Parnassius Mnemosyne. —«, œsophage; ja, jabot; Im, intestin moyen ; T», tubes de Malpighi ; Ip, intestin postérieur ; R, rec- tum,avec de nombreuses glandes rectales, Gr; e,cæcum volumineux; a,anus. Fig. 5. — Figure demi-schématique montrant la disposition générale de la partie antérieure du tube digestif chez les Papillons. — T, tête ; pt, mt et mta, pro, méso et métathorax; abd, abdomen; Gls, glandes saliyaires qui, avant de s'ouvrir à la base de la trompe; se fusionnent en un tronc impair plus ou Moins court suivant les espèces ; æ, œsophage ; 7a, jabot localisé dans la parti? antérieure abdominale ; Im, ititestin moyen, avec son léger renflement anté- rieur, r. Fig. 6. — Embouchure des tubes de Malpighi chez le Parnassius Mnémosyre ; Im, intestin moyen (région postérieure) ; Ip, intestin terminal, avec léger renflement initial, r ; Tm, faisceau de trois tubes de Malpighi se réunissant, de chaque côté, en un tronc impair, tr, très court. | É L } É | 1 è } À L 2 | Ann. des Sciences nat., 10e Série : Zool, Tome LIT, PI: 1 Dr L. Bordas, del. ad nat. L'appareil digestif des Lépidoptères adultes (Papilihidæ, Pieridæ), 184 L. BORDAS L'’ampoule rectale dela Colas hyale (fig. 3, A) affecte la forme d'un bissac. Elle se prolonge, en avant, par une dilatation conique, terminée en cæcum (c). Ses parois portent un grand nombre d’épaississements glandulaires ponctiformes, dis- posés sans ordre et de même structure que les volumineuses glandes rectales des Hyménoptères et des Orthoptères. Ces petits tubercules glandulaires (G1, fig. 3, A) existent même sur l’appendice cæcal antérieur. Les glandes salivaires sont des organes tubuleux, bien développés chez tous les Lépidoptères. Leur longueur totale atteint, lors de la complète extension de la glande, les trois quarts environ de la taille du Papillon. Chaque glande com- prend deux parties : la région sécrétrice et le canal efférent, qui ne diffèrent entre elles que par le diamètre des conduits. Arrivés en arrière de la région céphalique, les deux organes se fusionnent en un tronc impair, très court, qui va déboucher à la base de la trompe (PI. T, fig. 2, Gs, ce et 0). Im En ce qui concerne les tubes de Malpighi des Colias, je ne parlerai que des réservoirs urinaire (fig. 4, r). Ce sont Tin deux vésicules ovoides, à pa- rois épaisses, tronquées en avant et se continuant en ar- rière par un très court pédi- cule, s’ouvrant à l’origine de l'intestin terminal. Chez l’es- pêce qui nous occupe (Colias hyale), les deux orifices uri- naires sont placés un peu en arrière d’une petite valvule, Pa Ba de de Nbr presque à l'opposé l'un de moyen; Lp,intestin terminal ; r, réservoirs l’autre. Du bord supérieur Méta dns lequel viennent do et externe du réceptale se détache un vaisseau malpi- ghien et, d’un point situé un peu au-dessous, part un tube très court, qui se hifurque et donne les deux autres tubes urinaires (fig. 4). PR r224442+# Th | ms. | Hedleis ti dé Mi déesse des ous té dé à dé dr à DRE APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 185 L'appareil digestif des divers Pieris (Pieris brassicæ, P. napi) ne présente aucune particularité remarquable : seule la partie terminale va retenir un instant notre atten- tion (fig. 3, B). Elle est grêle, cylindrique, sinueuse et entourée par les replis des tubes de Malpighi. Son contenu est constitué par une substance blanche, granuleuse, mélange de matières exerémentitielles et de cristaux d’urates divers. La poche rectale (fig. 3, B,r et c) est large, à peu près cylindrique et se prolonge, en avant, par un appendice volumineux et sacci- forme, terminé par une extrémité arrondie. L'ouverture de l'intestin terminal est située aux deux tiers de la hauteur de l’ampoule, à partir de son sommet, et la terminaison intesti- nale s'effectue perpendiculairement aux parois de la vésicule ampullaire. NYMPHALIDÆ Nous allons décrire sommairement l’appareil digestif des Argynnis (celui de l'Argynnis Aglaia), et cette description nous servira de type pour la tribu tout entière des NYMPHA- Pneo(PleL, fig. 1) Le pharynx est court et infundibuliforme. L'œsophage, qui lui fait directement suite, est cylindrique, étroit et placé dans l'axe du thorax, où il est entouré et parfois même complète- ment recouvert par les circonvolutions des glandes salivaires. Arrivé dans la partie antérieure abdominale, il communique avec une vaste poche, le jabot, dont les parois, minces et trans- parentes, sont généralement affaissées. Au contraire, quand l'organe est complètement distendu, il occupe la plus grande partie de la cavité abdominale antérieure, au-dessus de l'in- testin moyen (PI. IT, fig. 1, 7a). Le jabot est rattaché à l'intestin moyen par un pédicule mince, cylindrique à ses deux extrémités et renflé en son milieu (R’). Ilse continue, dans l’axe de la cavité médio-intes- tinale, par une valvule cylindrique, en forme de manchon et présentant un large orifice terminal (fig. 5, v ). Le bord libre 186 L. BORDAS de cet orifice est limité par un bourrelet circulaire, légèrement sinueux (fig. 5). L’intestin moyen est relativement court. Son extrémité antérieure porte deux cæcums latéraux (b, fig. !, PL IT); à bord interne concave et recouvrant en partie le pédicule pré- cédent. Le diamètre de l’organe diminue progressivement d'avant en arrière. Sa surface est irrégulière, bosselée et recou- verte de petits tubercules coniques ou hémisphériques: On y observe également des sil- lons transversaux, plus ou moins réguliers, entre les- quels surgissent les invagi- nations internes constituant les tubercules. Les régions médio-dorsale et médio-ven- trale sont parcourues par deux dépressions longitudi- nales, au fond desquelles se trouvent des faisceaux Fig. 5.— Section antéro-postérieure de là musculaires. Latéralement, partie initiale de l’intestin moyen d’Ar- Æ . one — gynnis AglaiaL (figure demi-schématique;. existe une disposition sem — Œ, œsophage ; ja, jabot ; Im, intestin blable, mais plus faiblement moyen ; p, paroi intestinale ; e, cavité de x l'intestin ; », valvule comprise entre les ACCUSEE. intestins antérieur et moyen. L'’intestin terminal débute par une partie arrondie, sé- parée intérieurement de l’intestin moyen par une valvule en forme de bourrelet: La partie élargie antérieure reçoit latéra- lement les conduits efférents des vaisseaux urinaires (PI. IT, fig. 1): Be reste de l'organe est un tube cylindrique, étroit, sinueux et entouré par les hombreux replis des tubes de Malpighi. Il débouche latéralement dans l’amtpoule rectale. Cette dernière est sacciforme, allongée et se prolonge, en avant du point d’embouchure de l'intestin moyen, par un court tubercule cylindrique, à extrémité cæcale arrondie. Les parois de l’ampoule portént de nombreuses glandes rectales (PI IT, fig. 1; R). Nous en avons compté 150 chez l'Argynnis aglaia, 120 à 130 chez Argynnis Adippe, ete, à iX LS led lite omis lt spé nt se F4 RE APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 187 Un appendice tubuleux, très court, continue le rectum et va s’ouvrir au dehors par la fente anale. Les tubes de Malpighi des Argynnis À glaia, bien développés, sont lisses, régulièrement cylindriques ; ils entourent de leurs replis l'intestin terminal et s'étendent même jusqu’au rectum. Ils vont s'ouvrir directement au sommet d’une ampoule ovoïde, continuée par un court appendice tubuleux débou- chant däns l'intestin terminal, en arrière d’une valvule circulaire interne (PI. II, fig. 1, Tm). Les glandes salivairés des Argynnis sont constituées par deux tubes, longs, sinueux, décrivant, dans le métathorax et le mésothorax, de nombreux replis autour de l’œsophage. Elles s'étendent jusque vers le milieu de l'intestin moyen. En avant du ganglion sous-œsophagien, les deux canaux excréteurs se soudent en un tube impair, très court, qui débouche à la base de la trompe. Les cellules de lépithélium glandulaire possèdent un noyau irrégulier eb parfois même ramifié. Dans le genre Meliütæa (Melitæa Cinxia); les organes sali- vaires présentent à peu près la même disposition morpho- logique que dans l'espèce précédente : seuleitient, le conduit impair est beaucoup plus long ; de plus, son diamètre est à peu près le double de celui des canaüx efférents glandulaires. Nous avons également étudié le tube digestif de la Vénessa Antiope L. au début de la période nymphale (PI. IT, fig. 2). L’organe présente des caractères mixtes, intermédiaires entre ceux de la larve et ceux de l’adulte. L’œsophage est étroit et ne présente, en arrière, aucun indice de dilatätion correspondant au jabot, et la valvule placée à l’origine de l'intestin moyen est réduite à l’état de simple bourrelet annu- läire. L’intestin moyen a la forme d’un large tube strié transver- salement et présentant quatre dépressions longitudinales : deux lätérales, peu accentuées, et deux dans le plan médian, celles-ci beaucoup plus accusées que les précédentes. Le sillon dürsal est, de beaucoup, le plus profond. Des muscles longi- tudinaux externes se trouvent logés dans ces dépressions. L'intestin terminal est court et présente deux renflements, 188 L. BORDAS dont le postérieur correspond à l’ampoule rectale du Papillon. Les tubes de Malpighi sont lisses et non variqueux comme chez la larve, et les réservoirs urinaires sont larges et ovoïdes (PET; fie 2) SATYRIDÆ L'appareil digestif du Pararge Ægeria est caractérisé par la forme du jabot, par le renflement terminal de l'intestin antérieur et par la présence d’un volumineux cæcum placé en avant de l’ampoule rectale. L’œsophage se termine par un petit renflement ovoïde,. à parois épaisses, qui se continue par une partie tubuleuse, très courte, débouchant di- rectement dans l'intestin moyen (fig. 6, ri). Celui-c1 débute. par une extrémité élargie (a, fig. 6), échancrée en avant, cordi- forme et portant deux pro- longements latéraux qui en- tourent la portion terminale œsophagienne. Les parois de l’organe sont épaisses et por- Fig. 6.— Extrémité antérieure de l’intestin tent de nombreuses striations moyen Im de Pararge Ægeria L.—æ,- transversales, séparées par sophage ; ja, portion du jabot ; ri, renfle- € ment terminal de l'intestin antérieur ; des bourrelets parallèles. A ovoide très caractéristique. Il porte, en avant, un appendice cæcal à bords émoussés. . L'intestin terminal ne se continue pas en ligne droite avec l’ampoule rectale (PI II, fig. 4), mais vient s’ou- vrir sur le côté de cette dernière, dans une petite dé- pression située à la base du cæcum dont nous veñons de parler. Les parois du rectum sont minces, transparentes et pour- vues de nombreux épaississements épithéliaux internes, de forme sphérique, constituant les glandes rectales. + LA APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 127 109 L'appareil digestif du Satyrus hermione atteint à peine une fois et demie la longueur totale du corps du Papillon (PI. TE: fig. 3). Le pharynx est court et peu distinct de l’œsophage. Ce dernier est très étroit et dirigé rectilignement d'avant en arrière, en parcourant tout le thorax, au-dessus du système nerveux. Ses parois sont minces et plissées longitudinalement. En arrière, se trouve le jabot, à parois transparentes et exten- sibles. Intérieurement, il est tapissé, par une mince mem- brane chitineuse portant de fines denticulations cornées. L'intestin moyen est large et droit. Il débute par une extré- mité étroite, qui se dilate progressivement pour constituer une sorte de vésicule ovoïde ; puis l’organe devient umifor- mément tubuleux. Ses parois sont parcourues superficielle- ment par de petits replis annulaires. À son extrémité posté- rieure, viennent déboucher les deux troncs (co, PI IT, fig. 3) des tubes de Malpighi, dont les ouvertures sont situées aux deux extrémités d’un même diamètre. Ces deux conduits pro- duisent, à partir d’un même point, trois vaisseaux urinaires qui se dirigent tout d’abord en avant et entourent l'intestin moyen. Puis, arrivés un peu en arrière du jabot, ils prennent une direction postérieure, se replient autour de l'intestin terminal et s’avancent même jusqu'à l’ampoule rectale CRE fig 3). L’intestin terminal (Ip) est court, comparativement à celui de certaines espèces précédentes. Il est cylindrique, sans striations longitudinales et peu sinueux. L’ampoule rec- tale (R) est large et porte latéralement un volumineux diver- ticule hémisphérique. Elle est plissée superficiellement et se continue, jusqu’à l’anus, par un court appendice tubuleux, compris entre deux plaquettes cornées, recourbées en arc. La surface de ces dernières est recouverte de nombreuses soies noirâtres et chitineuses. Les glandes salivaires de Satyrus Hermione vont déboucher, comme c’est le cas général, à la base de la trompe (PL. Il fig. 3, Gis et O). Elles sont paires, tubuleuses et très développées. Leur extrémité distale, conique, est située en arrière du jabot. Chaque canal glandulaire se dirige en avant, passe au-dessus du système nerveux et arrive dans le thorax, tout en chemi- 190 : __ L BORDAS nant parallèlement àl’œsophage. Vers le milieu du mésothorax, chaque glande décrit de nombreux tours de spire très serrés, constituant aïnsi une sorte de tortillon. Puis, les deux con- duits efférents, toujours très rapprochés et parfois collés aux parois œsophagiennes, contournent les ganglions sous-œs0o- phagiens, passent sous le pharynx, se fusionnent en un canal efférent unique, très court dans l'espèce actuelle, qui va s’ou- vrir dans la cavité buccale, à la base de la trompe (PL I, ho O7 SPHINGIDÆ Nous avons, dans la famille des Sphingides, étudié lappa- reil digestif des genres suivants : Acherontia, Sphinx et Deilephila. Chez une jeune nymphe d’Acherontia Atropos, linteshin antérieur égale environ le tiers de la longueur totale de lor- gane. C’est un tube à peu près uniformément cylindrique, où on ne distingue aucune trace de jabot. L'extrémité distale seule présente une légère dilatation correspondant au pha- rynx (ph, fig. 7). Les parois de l'intestin antérieur sont minces et entourées d’une double couche de muscles longitudinaux et circulaires. Viennent ensuite une membrane basale très ténue et une assise épithéliale à cellules aplaties. Ces dernières sont recouvertes d’une intima chitineuse interne. L'intestin moyen, au début de la nymphose, diffère essen- tiellement de la partie précédente par ses dimensions trans- versales et l'épaisseur de ses parois. Son extrémité antérieure se dilate brusquement et prend un diamètre sextuple de celui de l'œsophage (fig. 7). Il conserve ces mêmes dimensions, ainsi que sa forme cylindrique, jusque vers son extrémité posté- rieure. Sa face dorsale présente une dépression très nette, sorte de sillon longitudinal (S) qui parcourt l'organe dans toute sa longueur. Le tube est maintenu en place par de nom- breux vaisseaux trachéens, à direction perpendiculaire à l'axe de l’animal, vaisseaux qui se ramifient à la surface du canal et y forment un véritable réseau dont les ramuscules, de APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 191 plus en plus ténus, pénètrent dans l’intérieur des parois. L’organe se rétrécit progressivement à son extrémité pos- térieure et prend une forme tron- conique, à large base tournée en avant (fig. 7, Im). Au point de vue histologique, l'intestin moyen comprend, en al- lant de dehors en dedans : 1° des faisceaux musculaires longitudi- naux ; 2° une assise musculaire circulaire, beaucoup plus épaisse que la précédente ; 3° une mem- brane basilaire très ténue; 4° une couche épithéliale interne. Cette dernière forme une large bande- lette à contours légèrement si- nueux. Elle est constituée par de très hautes cellules cylindriques mesurant 80 # de longueur sur 8 à 10 x de large. Le -protoplasme cellulaire est clair, hyalin du eôté externe et granuleux vers le tiers interne. Les noyaux, de forme ovale, sont tous localisés dans la région interne, à peu de distance du bord libre des cellules. En outre, on distingue, non loin de la mem- brane basilaire, des groupes de noyaux de remplacement beaucoup plus petits que les précédents. En- fin, l’assise cellulaire est recou- verte, à sa partie libre, d’une bor- dure ciliée. Chez la jeune nymphe, l'intestin terminal fait directement suite à Fig. 7. — Tube digestif de la nymphe d’Acherontia atropos. ph, pharynx; æ, œsophage; Im, intestin moyen, avec replis trans- versaux r et sillon médian dor- sals ; Ip, intestin terminal et début de l’ampoule rectale ri; Tm, tubes de Malpighi, avec am- poule ou réservoir urinaire r. l'intestin moyen (fig. 7, Ip). C'est un tube à peu près cylindrique dans sa partie antérieure, mais qui s’élargit pro- gressivement dans sa région médiane pour constituer le rec- PLANCHE II L'APPAREIL DIGESTIF DES Vymphalidæ, des Satyridæ, des Sphingidæ et des Arctiidæ. Fig. 1. — Ensemble de l'appareil digestif d’Argynnis A glaia L. — P, prothorax ; Ms, mésothorax et Mt, métathorax ; æ, œsopnage, avec son léger renflement postérieur ; ja, jabot ; Im, intestin moyen, avec bourrelets antérieurs, b ; Tm, tubes de Malpighi ; Ip, intestin terminal ; R, rectum, glandes rectales et cæcum antérieur, c. Fig. 2. — Tube digestif de Vanessa Antiope, au moment de la nymphose. — æ, œsophage ; Im, intestin moyen, avec sillon dorsal, Si ; Ip, intestin posté- rieur ; Tm, tubes de Malpighi, avec réservoir R ; Ip, intestin terminal et renflement postérieur ar, premier indice d’ampoule rectale. Fig. 3. — Ensemble de l'appareil digestif de Satyrus Hermione L.— Tr, trompe; æ, œsophage ; G{s,glandes salivaires; ja, jabot; Im, intestin moyen et son renflement ovoiïde antérieur, r1; Tm, tubes de Malpighi, avec canal commun, co ; Ip, intestin postérieur et rectum, R. Fig. 4. — Rectum et glandes rectales de Pararge Ægeria L. — Ip, intestin pos- térieur ; R, rectum avec cæcum antérieur, er ; Gr, glandes rectales très nom- breuses, ponctiformes, tapissant la face interne du rectum; a, anus. Fig. 5. — Embouchure des glandes salivaires Gs d’Acherontia Atropos. — ei. canal excréteur impair et orifice glandulaire terminal o ; Tr, trompe. Fig. 6. — Appareil digestif d’Aretia caja Li. — ja, jabot sectionné; Im, intestin moyen et son renflement antérieur, r; Ip, intestin postérieur ; Tm, tubes de Malpighi,avec réservoir urinaire, ur; R, rectum, glandes rectales Gr et cæcum c. | Ann. des Sciences nat., 10e Série. Zool. Tome IIT, P?:2: Tr , Dr L. Bordas, del, ad nat. L'appareil digestif des Lépidoptères adultes (Nymphalidæ, Satyridæ, Sphingide, Arctidæ). ANN. DES SC. NAT. ZOOL., 10e série, tit, 7124 194 L. BORDAS tum. À son extrémité initiale, viennent déboucher les deux troncs collecteurs terminaux des six tubes de Malpighi (Tm). Le conduit impair de chaque groupe d'organes urinaires « s'ouvre un peu en arrière de l’origine de l'intestin postérieur (fig. 7,7’ et Ip). La longueur.de chaque conduit atteint à peine quelques millimètres et présente, dans sa partie médiane, une petite dilatation ovoïde (r’), au delà de laquelle le canal se continue encore, puis se divise en deux branches, dont l’une se dirige vers la partie inférieure de l'intestin moyen. La se- conde, après un court trajet, se bifurque à son tour et donne naissance à deux rameaux s'appliquant sur la face supérieure médio-intestinale qu’ils parcourent, en décrivant de nombreu- ses sinuosités, Jusqu'au tiers antérieur de l'organe, pour se recourber et revenir ensuite en arrière. Leur coloration est tout d’abord blanchâtre. Arrivés vers l’origine de l'intestin terminal, les six tubes de Malpighi changent de forme et de coloration. Ils deviennent variqueux, comme ceux que nous avons décrits chez un grand nombre de larves, et prennent une tete Jaune foncé. L'appareil digestif de l’Acherontia atropos adulte présente un certain nombre de caractères qui le différencient nettement de celui des Papillons diurnes (Rhopalocères). Ces caractères sont les suivants : existence d’un jabot très volumineux ; d’un intestin moyen court, ovoïde, large et à parois plissées, et d’un intestin terminal long, étroit, suivi d’un rectum sphé- rique portant un gros appendice cæcal antérieur (PI. IT, fie QE Le pharynx est large et infundibulhiforme ; l'œsophage est droit, cylindrique et de couleur blanchâtre. [Il est directement placé au-dessus du système nerveux et parcourt en ligne droite l’axe du thorax, pour s’avancer jusqu’à la partie anté- rieure de la cavité abdominale. C’est dans cette région que l'organe se dilate légèrement, se recourbe et s'ouvre dans une vaste poche, le jabot (PI. IIT, fig. 1, ya). Ce 7abot forme, chez l’Acherontia, une sorte de bourse ovoïde très volumineuse, quimesure, dans son maximum d'extension, de 12 à 15 millimètres de longueur sur 10 millimètres de large. Ses parois sont minces, transparentes et portent, à l’intérieur, 2 è APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 195 denombreuxreplis parallèles, dus à des froncements de la mem- brane chitineuse. Quand l'organe est complètement distendu par les aliments, il a la forme d’une énorme vésicule à surface lisse (PL II, fig. 1). Nous n’avons que très rarement rencontré, dans le jabot, des matières alimentaires. Sa cavité est ordinairement gonflée d'air. Peut-être l'organe joue-t-il un rôle plus ou moins impor - tant dans le mécanisme du vol du Papillon, rôle de ballon ou de vésieule aérostatique, comparable à la vessie natatoire des poissons. De l'extrémité proximale du ja- b bot part un court appendice cylin- drique (p, PL II, fig. 1), qui se di- late brusquement avec l'intestin Tn moyen. Ce dernier organe est court, ovoide et mesure à peine de 10 à 12 millimètres de longueur (PI. [TT, fig. 1, Im). Ses parois sont épais- ses, blanchâtres et plissées trans- Fig. 8. Embouchure des tubes de : Malpighi d’'Acherontia atropos à- versalement. Ces stries sont CONS- quite. Im, intestin moyen et tituées par des sillons cireulaires, Re de RE LE NUE séparés par des bourrelets parallè- Malpighi, avec conduit efférent e, les (b). La face dorsale présente une . ct RE nn dépression longitudinale qui va se perdre à l’origine de l'intestin terminal. La région posté- rieure de l'organe va progressivement en $e rétrécissant et porte des striations circulaires beaucoup plus accentuées qu’en avant (fig. 8, Im). L'intestin terminal est remarquable par sa longueur, $a forme cylindrique et les nombreuses circonvolutions qu'il décrit (fig. 8,et PL II, fig. 1, [p). Il débute par une partie conique, assez courte, qui reçoit latéralement les deux conduits excréteurs des tubes de Malpighi (Tm, fig. 8). Chaque tronc (c), très court, se ramifie à son sommet et donne nais- sance à trois vaisseaux urinaires longs, très simueux, entourant l'intestin terminal et l'extrémité postérieure de l'intestin moyen. 196 L. BORDAS Le reste de l'organe ne présente aucun caractère spécial. Il s'ouvre dans une vaste poche, l’ampoule rectale, de forme ovoide, prolongée en avant par un cæcum cylindrique et portant, à sa surface interne, de nombreuses petites cryptes glandulaires circulaires, les glandes rectales (fig. 9), homologues à celles, bien plus volumineuses, des Hyménoptères et des Orthoptères. Les parois du cæcum antérieur (c) sont épaisses, opaques, plissées intérieurement (fig. 9, B), tandis que celles de l’ampoule rectale sont minces et cou- vertes de cryptes glandulaires. Une val- vule annulaire et à bords frangés sépare la ‘cavité du cæcum de celle de l’ampoule. Vient ensuite un tube court (ai), qui s’ou- vre au dehors par l’orifice anal. Fig. 9. — Ampoule et glandes rectales d’Acherontia Les glandes salivai- atropos L.— Ip, intestin postérieur ; R, rectum et ; Ê glandes rectales GZ; ai, appendice intestinal pos- res de l'Acherontia térieur; c, cæcum rectal. — B, section d’une alropos . adulte sont partie de l’ampoule rectale, pour montrer la cavité 3 intestinale et celle du cæcum 6, ainsi que les glandes remarquables par leur Eee grand développement (PÉTE i-S Elles sont tubuleuses et s'étendent depuis la base de la trompe jusqu’à l'intestin moyen. Les deux tubes décrivent de nom- breuses sinuosités. Dans le mésothorax, les circonvolutions deviennent plus nombreuses et se groupent même en peloton. Dans le prothorax, les tubes glandulaires passent sous l’œso- phage, au-dessous des ganglions sous-œsophagiens, se rap- prochent et se fusionnent en un canal plus large, à parois minces, jouant le rôle soit de conduit efférent, soit de récep- tacle glandulaire. Ce conduit impair (ci, PL. IT, fig. 5) a environ S millimètres de longueur et va s’ouvrir à la base de la trompe. | 4 { : $ kde APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 197: ARCTIIDÆ Nous prendrons comme type, pour l'appareil digestif des Arctiidæ, celui de l'Arctia caja L. (PL TE, fig. 6).Cet organe est surtout caractérisé par le grand développement que prennent les glandes salivaires et les tubes de Malpighi. Le pharynx est large, court et aplati. L’æsophage est un tube étroit, parcouru par de petits sillons longitudinaux. Il occupe la partie médio-mférieure de la cavité thoracique, au- dessus du système nerveux. Latéralement, il est limité par les glandes salivaires. Après avoir pénétré dans la partie anté- rieure de l'abdomen, il s’ouvre dans une vaste poche, disposée dorsalement, à parois minces et transparentes, constituant le jabot (PI. Il, fig. 6, Ja). A la suite de ce dernier, vient un pédicule ovoïde, court, rétréci à ses deux extrémités et rattachant le jabot à l'intestin moyen. L'intestin moyen diffère extérieurement de l'intestin anté- rieur par sa plus grande largeur. Une valvule interne, sorte de diaphragme membraneux, sépare nettement les deux parties. L’organe est cylindrique, droit et à parois externes à peu près lisses. Il est entouré latéralement par les glandes salivaires et, à sa face dorsale, par les sinuosités des tubes de Malpighi. Signalons, pour l'instant, au point de vue histologique, le orand développement de l’assise épithéliale de l'intestin moyen. Cette couche est sinueuse et ne laisse subsister qu'une cavité interne assez étroite, tantôt ovale et tantôt en forme de fente allongée et irrégulière. Les cellules sont hautes, cylin- driques et pourvues d'un gros noyau ovale. Leur surface libre est recouverte d’un revêtement cilié ou bordure en brosse. D'autre part, on remarque, de distance en distance et à la base des bourrelets épithéliaux, des cryptes ou foyers (nidi) générateurs des cellules disparues. L'intestin terminal (Xp) est long, étroit, très sinueux et va s’ouvrir latéralement dans l’ampoule rectale. Cette dernière est presque sphérique et se continue, en avant, par un cæcum 198 L. BORDAS conique. Sa surface interne porte de nombreuses glandes arrondies et ponctiformes, analogues aux glandes rectales des Hyménoptères et des Orthoptères (PI IT, fig. 6, Gr). A l’origine de l'intestin postérieur, viennent déboucher les tubes de Malrighi. Leurs deux réservoirs collecteurs (ur) sont fixés, en deux points opposés du tube intestinal, par un court pédicule dirigé en avant. Cette partie cylindrique se dilate et forme le réceptacle urinaire, qui donne tout d’abord naissance à un tube passant sous l'intestin moyen et à un trone antérieur d'où naissent les deux tubes supérieurs (Tm). La structure histologique des tubes de Malpighi est toute » différente de celle décrite par Schindler chez quelques Lépi- doptères. Chez l’Arctia, ils présentent, sur une section perpen- diculaire à l’axe, une forme à peu près circulaire et sont recou- verts extérieurement d’une très mince membrane périto- néale, au-dessous de laquelle on aperçoit quelques fibres musculaires à direction oblique. | L’assise sécrétante est constituée par des cellules aplaties qui, vues extérieurement, ont une forme polygonale. Dans la … région médiane de l'organe, elles présentent un contour interne à peu près régulier et ne proéminent que très rarement dans le lumen du tube. Les noyaux sont irréguliers : ovales, allongés ou parfois même légèrement ramifiés et placés vers le bord interne de la cellule. L’épithélium est recouvert d’une bordure ciliée. Les cils sont droits, immobiles et disposés per- pendiculairement à la surface de l’assise. Leur hauteur égale presque l'épaisseur de cette dernière. Dans certains cas, l’en- semble des cils affecte une régularité parfaite. Maïs, parfois aussi, quand la cellule proémine, en forme de tubercule ou de massue dans le lumen central, le revêtement ciliaire du sommet affecte la forme d’un pinceau ou d'une épaulette. Les glandes salivaires forment deux longs tubes, très si- nueux, s'étendant jusque vers le milieu de l’intestin moyen. En avant, les deux tubes se fusionnent en un canal très court, qui débouche à la base de la trompe (PL. IL, fig. 6). APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 199 LIPARID Æ Comme l'appareil digestif des Liparides est à peu près uni- forme dans toutes les espèces et ne présente aucune particu- Jarité caractéristique, nous n’allons décrire sommairement l'organe que chez Dasychira abietis (PI. III, fig. 3). Les deux premières parties du canal alimentaire sont à peu _ près rectilignes, et seul Pintestin terminal présente quelques replis. L'’æœsophage est long, étroit et cylindrique ; il parcourt l'axe du thorax ; puis, arrivé dans la partie antérieure abdo- minale, il s'ouvre dans une vaste poche, le Jabot, à parois minces et plissées. Chez Dasychira, nous avons presque toujours trouvé cet organe vide de matières alimentaires. Les parois du jabot sont très extensibles, et sa capacité peut atteindre un volume pouvant occuper la presque totalité de la cavité abdominale antérieure. Cet organe doit très pro- bablement remplir, chez l’espèce qui nous occupe, un rôle aérostatique. L’orifice du jabot présente, chez la Dasychira, un bourrelet transversal le divisant en deux rampes, dont l'une correspond à l’œsophage et l’autre à l'intestin moyen. L'’intestin moyen (PI. LI, fig. 3, Îm) débute par une partie qui s’élargit progressivement, devient ovoïde et prend fina- lement une forme cylindrique. Sa surface externe présente une série de striations transversales, séparées par des bour- relets parallèles. L’intestin terminal (Ip), qui est cylindrique et sinueux, présente à son origine une partie renflée qui reçoit latéralement les deux troncs terminaux des vaisseaux urinaires (ur). Ces derniers vont s'ouvrir dans un réceptacle ovoide qui se pro- longe extérieurement par un canal éourt, duquel se détachent les trois branches constituant les tubes de Malpighi. Ces tubes sont cylindriques, très sinueux et recouvrent de leurs circonvolutions la moitié postérieure de l'intestin moyen et tout l'intestin terminal. Le rectum (R, PI. III, fig. 3) est une poche ovoide, dans 200 L. BORDAS laquelle débouche latéralement l'intestin terminal et qui se prolonge, en avant, par un appendice cæcal cylindrique (c). Sa surface porte de nombreuses glandes rectales (150 environ), ponctiformes et irrégulièrement distribuées. SATURNIDÆ L'appareil digestif des Saturnides est très simple quant à sa forme. Sa première partie est rectiligne, et sa région mé- diane présente seule quelques circonvolutions. Comme carac- tères saillants, nous avons à signaler : la présence d’un volu- mineux jabot latéral, un intestin moyen court, cylindrique, et une ampoule rectale large, ovoïde, très extensible et sans | appendice cæcal. É Le pharynz du Saturnia pyri est large et infundibuliforme. | L’æsophage au contraire, est long, rectiligne et très étroit. à A son extrémité posté- $ rieure,se trouve appendu un volumineux Jabot, à parois minces, transpa- rentes, et dont la dispo- sition rappelle assez bien celle du diverticule laté- ral des Gryllotalpa. | Ce Jabot présente deux Fig. 10. — Embouchure des tubes de Malpighi de ME UE de Saturnia pyri. — Im, intestin moyen et Ip, in rées par une cloison Pa mare, 8 transversale incomplète : l’une est en rapport avec l’œsophage et l’autre avec l'intestin moyen. Ce dernier est relativement court (10 à 12 millimètres environ), cylindrique et à diamètre beaucoup plus large que celui de l’œsophage. Ses parois sont épaisses et entourées extérieurement par les tubes de Malpighi. Ces derniers for- ment, en eflet, autour de l'organe une sorte d’enveloppe treil- lissée. A l'extrémité postérieure existe un bourrelet annulaire marquant l’origine de l'intestin terminal (fig. 10). Les tubes de Malpighi viennent déboucher sur ce bourrelet, APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 201 large, cylindrique, parfois même légèrement ovoide, mais sans présenter aucun caractère vésiculeux. Les deux orifices mal- pighiens ne sont généralement pas situés aux deux extrémités d’un même diamètre, mais bien rapprochés plus ou moins l’un de l’autre. Chaque conduit donne d’abord un premier rameau ; puis le second tronçon se bifurque à son tour (fig. 10). Grâce à ce système de ramifications, on a,de chaque côté, un faisceau de trois tubes urinaires. Ces tubes sont tout d’abord cylindriques ; mais ils ne tardent pas à perdre la régularité de leurs contours et à devenir boursouflés et moniliformes ; parfois même, ils présentent des éminences larérales, des sortes de digitations ou bourrelets correspondant à des invaginations internes, rappelant les formes que nous avons décrites chez la larve du Cossus ligniperda et chez un grand nombre d’autres larves de Lépidoptères. Ces tubes (Tm) sont très flexueux : ils entourent l'intestin moyen, le jabot, l’œsophage, se recourbent en arrière et s’avancent jusqu'à l'extrémité postérieure du corps. Tous ces replis sont reliés entre eux par des ramuscules trachéens qui vont également se fixer sur les parois intestinales. L'intestin terminal est sinueux et cylindrique ; ses parois sont plissées longitudinalement. Enfin sa partie terminale se dilate et forme l’ampoule rectale, recouverte par de nom- breuses petites cryptes glandulaires. ONTODONTIDÆ L'appareil digestif des Motodontidæ n'affecte aucune particularité morphologique digne d’être signalée. L’organe, dans son ensemble, présente les mêmes caractères que celui des espèces précédentes. NOCTUIDÆ Les glandes salivaires de Brotolomia meticulosa L. sont très volumineuses et forment de nombreux replis constituant, dans le thorax et de chaque côté de l’œsophage, une sorte de tortillon d’un blanc mat (PI. IIT, fig. 2). PLANCHE TITI L'APPAREIL DIGESTIF DES Sphingidæ, des Liparidæ, des Noctuides, etc. Fig. 1. — Ensemble de l’appareil digestif de lAcherontia atropos adulte. — ph, pharynx; æ, œsophage; Ja, jabot; p, origine de l'intestin, moyen [mn ; b, bourrelets circulaires intestinaux ; Tm,embouchure des tubes de Malpighi; Ip, intestin terminal ; ar et c, ampoule rectale et son cæcum ; Gr, glandes rectales. Fig. 2. — Ensemble de l’appareil digestif de Brotolomia meticulosa. — Tr, trompe ; Gs, glandes salivaires et canal excréteur impair, ci; æ, œsophage ; ja, jabot ; Im, intestin moyen, portant de nombreux replis et un sillon dor- sal, si; Tm, tubes de Malpighi, avec réservoir collecteur, ru ; Ip, intestin postérieur ; R, rectum ; Gr, glandes rectales et volumineux cæcum anté- rieur, c. Fig. 3. — Appareil digestif de Dasychira abietis Schiff. — ja, jabot ; Im, intes- tin moyen, avec son pédicule antérieur renflé, r; Ip, intestin terminal; R, rec- tum, avec glandes rectales Gr et cæcum antérieur, c ; Tm, tubes de Malpighi et vésicule urinaire, ur. Fig. #4. —Embouchure des glandes salivaires Gl et canal excréteur impair, «, de Satyrus hermione. Le canal commun cc à 4 millimètres de longueur; o, ori- fice glandulaire, situé à la base de la trompe ; m, faisceaux musculaires. Fig. 5. — Coupe oblique d’une glande salivaire de Pararge Ægeria (Satyride), pour montrer la forme ramifiée des noyaux, n ; p, paroi de la glande ; ce, cavité glandulaire ; ie, intima chitineuse interne. Fig. 6.— Portion de coupe transversale de la région œsophagienne située un peu en avant de l'insertion du jabot (Argynnis Aglaia). — mc, muscles circulaires ; ml, faisceaux musculaires longitudinaux; mb, membrane basi- laire ; r, replis œsophagiens internes ; ep, épithélium chitinogène formant de nombreuses sinuosités ; ie, intima chitineuse, hyaline, transparente et pourvue de nombreuses et fines denticulations. TRE RIRE SEE É Êe Ann. des Sciences nat., 108 Série. Zool. Tome III, PI. 5. Dr L. Bordas, del. ad nat. L'appareil digestif des Sphingides, des Liparides, des Noctuides, des Piérides, des Nymphalides. 204 L. BORDAS L’æsophage est un tube étroit qui parcourt la partie axiale du thorax et va s'ouvrir dans le jabot, situé dans la cavité abdominale antérieure. C’est une vaste poche, à parois minces et plissées, placée dorsalement. Après le jabot, vient un court pédicule qui s’élargit en une petite ampoule sphé- rique, s’ouvrant dans l'intestin moyen. Les parois internes de cette ampoule (r) portent des replis recouverts par des épaississements chitineux. L'intestin moyen (1m) est large et relativement court. Il porte, à son origine, deux boursouflures latérales entourant le pédicule qui fait suite au jabot. Ses parois sont épaisses et présentent des striations transversales très accusées (PEL Ge 72) L'intestin terminal débute par une partie élargie qui re- çoit les conduits excréteurs Fig. 11.— Valvule œsophagienne v d’Epise- des réceptaclesurimaires. C'est maislaucina. —Œs, Gfophée, avec és, Con tubeslone, étrorb, ce replis internes ; Im section de l’intestin moyen ; p, sa paroi et e, sa cavité. portant un certain nombre de replis longitudinaux très apparents. Sa région postérieure s'ouvre latéralement dans l’ampoule rectacle (R) par un orifice ovale, entouré d’un bour- relet jouant le rôle de valvule. Le rectum (ou ampoule rectale) (PLIIT, fig. 2, R, Gr et c) a une forme tout à fait caractéristique. Il est long, cylindrique, légèrement renflé en arrière de l’intestin et se prolonge, en avant, par un long appendice cæcal tubuleux (c). Les parois des deux parties sont lisses extérieurement,mais présentent, à l’intérieur, de petits replis longitudinaux. De plus, on y constate la présence d’une multitude de petits groupes glan- dulaires, arrondis, ponctiformes, disposés en séries longitudi- nales et constituant les glandes rectales (Gr). Ces organes sont très nombreux dans le genre Brotolomia, où nous en avons compté jusqu'à 500 (pour l’ampoule et le cæcum antérieur compris). [ls cessent à l’origine de l’appendice tubuleux posté- rieur terminant l'intestin. Les glandes rectales sont de petits massifs circulaires, APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 205 concaves ou légèrement déprimés, logés dans l’épaisseur des parois du rectum. Les diverses unités sont contiguës et ne sont séparées les unes des autres que par de minces cloisons constituées par des faisceaux de muscles annulaires. Chez l’Episema glaucina, l'œsophage a la forme d’un tube cylindrique, long, étroit, et à peu près rectiligne. Arrivé dans la partie antérieure de l'abdomen, il s'ouvre dans le 7abot. Ce dernier est volumineux et à parois transparentes. Il ne contient presque jamais de matières solides ou liquides ; 1l Fig. 12. — Embouchure des tubes de Fig.13.— Intestin terminal Ip et ampoule Malpighi d’Episema glaucina. — Im, in- rectale R d’Episema glaucina ; Gl, très testin moyen et intestin postérieur Ip ; nombreuses glandes rectales, ponctifor- Tm, tubes de Malpighi avec réservoir mes, recouvrant la face interne de la commun c£. paroi ; e, cæcum antérieur rectal. est généralement rempli d'air et doit fonctionner comme appareil aérostatique. Vient ensuite un organe tubuleux, assez court, présentant en son milieu un renflement ovoiïde et portant intérieurement des plissements longitudinaux allant aboutir à une valvule en forme de bourrelet annulaire (fig. 11). L’intestin moyen est court et cylindrique. Le milieu de sa face dorsale est parcouru par un sillon longitudinal logeant un gros faisceau musculaire. De ce sillon, partent des stries obliques, séparées par des bourrelets parallèles. A l'extrémité postérieure de l'intestin moyen viennent déboucher les canaux excréteurs des tubes de Malpighi. La partie terminale de chaque faisceau urinaire comprend une SOU RE L. BORDAS vésicule ovale, de laquelle se détache, tout d’abord, un premier tube Malpighien (fig. 12). Le tronc qui lui fait suite est très court et donne, par bifurcation, les deux autres tubes. L'intestin terminal est long, sinueux et entouré par les fais- ceaux des vaisseaux urinaires. L’organe (1p) s'ouvre perpen- diculairement aux parois du rectum (fig. 13). L’ampoule rectale (R) a la forme d’une poche plus ou moins volumineuse suivant son état de réplétion ou de vacuité. Elle se prolonge, en avant, par un cæcum cylindrique et à extré- mité arrondie. Sur ses parois se trouvent de nombreuses glandes rectales (180 à 200), en forme de bourrelets sphé- riques (Gl). DEUXIÈME PARTIE STRUCTURE HISTOLOGIQUE DE L'APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES ADULTES Dans cette seconde partie de notre travail, nous étudierons, au point de vue histologique, l'appareil digestif des Papillons. Nous passerons successivement en revue les parties suivantes : glandes salivaires, œsophage, intestin antérieur, valvule æœso- phagienne, intestins moyen et terminal, glandes rectales et tubes de Malpighi. GLANDES SALIVAIRES Nous avons tout spécialement étudié la structure histo- logique des glandes salivaires chez les espèces suivantes : Fig. 14. — Coupe transversale de glande salivaire d'Acherontia atropos. La structure de ces glandes présente de nombreux rapports avec celle des glandes mandibulaires larvaires. Les noyaux n» sont irréguliers et légèrement ramifiés ; p, paroi glandulaire ; b, membrane basilaire supportant l’épithélium Ep, dont le protoplasme est fibrillaire et strié; cl, cloisons cellulaires ; c, cavité glandulaire ; ée, intima chitineuse : z0, zone interne cytoplasmique. Satyrus hermione, Pararge Ægeria, Pieris napi, Agrotis tri- lier et Acherontia atropos (PI. III, fig. 4 et 5,et fig. 14, 15, 16 et 17). Tous les Papillons sont pourvus de glandes salivaires. Ces 208 L. BORDAS organes présentent à peu près la même forme chez toutes les espèces. Ce sont partout des tubes plus ou moins longs et sinueux, s'étendant de la région médio-abdominale à la base de la trompe. Les deux tubes glandulaires se terminent parune extrémité libre, arrondie ou conique. Arrivés dans la partie médiane du thorax, ils décrivent de nombreux tours de spire ou des sinuosités plus ou moins accusées, passentsousl’œsophage, s'appliquent sur les ganglions nerveux et s’amincissent finale- ment pour constituer les canaux excréteurs, dont la ligne de démarcation avec la partie glandulaire est à peu près indis- tincte. Les deux conduits se rapprochent et se fusionnent en un conduit impair, dont la longueur est variable suivant les espèces. Enfin, ce dernier va toujours s’ouvrir à la base de la trompe (PI. III, fig. 4). lons présentent, au point de vue histologique, de nombreux rapports de structure avec les glandes man- dibulaires des Chenilles. De plus, les noyaux affectent dans certains cas une forme irrégulière et légère- ment ramifiée comparable à celle Fig. 45. — Coupe des glandes sali- RTE vaires de Satyridæ (Satyrus her- que nous DURE décrite dans les A glandes séricigènes (fig. 14, 15 et de, formée par une mince couche à à de fibrilles musculaires annu- 16 ; voir surtout la fig. 9, PI IT). laires 5 mb,membrane basilaire, Le protoplasme a en outre une très ténue ; Ep, épithélium glan- re D / dulaire, constitué par de volumi- Structure fibrillaire et striéeet pre- neuses cellules à cloisonslatérales, ; Aarrée ) . cl, à peine distinctes. Le proto- sente du côté interne une mince plasme est finement strié et les zone radiée appliquée contre l’inti- noyaux », allongés et ramifiés RU latéralement, sont comparables Ma chitineuse. Une coupe trans- à ceux des glandes séricigènes et » 0 des glandes mandibulaires des versale de l'organe nous présente Chenilles ; e, cavité de la glan- à considérer successivement en par- de ; ze, mince intima chitineuse interne. tant de l’extérieur : une paroi ou enveloppe externe, une très mince eu basilaire, l’épithélium glandulaire et enfin lintima chitineuse interne, limitant le lumen central de l'organe généralement ovale. Les glandes salivaires des Papil- | sde. Dale. dois APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 209 La membrane enveloppante externe ({unica propria) est très mince. Elle est composée d’un très petit nombre de fibrilles annulaires, difficilement visibles sur des coupes perpendicu- laires à l’axe de l'organe, mais bien apparentes quand la section est faite obliquement (fig. 14 et 16, p). Au-dessous, sont disposés, çà et là, de petits noyaux aplatis et entourés d'une mince zone eytoplasmique, le tout formant une lamelle hyaline, très ténue, la membrane basale, qui supporte l’épithé- Hum glandulaire. | Ce dernier (Ep, fig. 14, 15 et 16) est constitué par de volu- mineuses cellules rectangulaires, à cloisons séparatrices laté- rales peu apparentes et parfois même indistinctes. La struc- ture du cytoplasme est surtout caractérisée par la présence de nombreuses fibrilles, plus ou moins régulières, traversant en général la cellule de part en part et s'étendant de la paroi externe Jusqu'à peu de distance del’intima chitineuse. On peut cependant, dans chaque cellule, distinguer trois régions assez nettement différenciées : une zone externe, une zone périnu- cléaire et une zone interne. Dans la première, le protoplasme renferme de nombreuses granulations ; la seconde est plus nettement vacuolaire, et enfin la troisième, par sa situation et la disposition régulière de ses fines striations, peut être comparée à la zone radiée sous-cuticulaire des glandes sériei- gènes des Chenilles. Les fibrilles cytoplasmiques ont, en gé- néral, une direction assez régulière : elles vont, en s'irradiant. de la membrane péritonéale à la cuticule interne. Elles s’en- chevêtrent parfois en tous sens et constituent alors un tractus irrégulier ; parfois aussi, elles sont régulières et à peu près parallèles, masquant alors plus ou moins complètement les parois des cellules. L'examen des figures 14, 15 et 16 peut donner une idée suffisamment exacte de la disposition et de l'orientation de ces trabécules. Les noyaux affectent les formes les plus irrégulières. Cer- tains sont ovales, allongés ; d’autres ont la forme de baguettes sinueuses, recourbées et portant latéralement de courtes ramifications (PI. LIT, fig. 5). On en rencontre d’incurvés en forme.de fer à cheval ou disposés en Z. En somme, ce qui ANN. DES SC. NAT. ZOOI., 10e série. DURS 210 L. BORDAS domine, c’est l’irrégularité de leurs formes et leurs bourre- lets latéraux, permettant de les comparer aux noyaux des glandes séricigènes et à ceux de certains tubes de Malpighi (fig. 14 et 15,n). Autour de chaque noyau existe, en géné- zone périnucléaire contient d'innombrables petites va- cuoles.. | La cuticule ou intima chiti- neuse interne est mince, hya- line, transparente, à faces pa- rallèles et sans aucune appa- rence de striations parallèles et concentriques. Elle limite le lumen central, de forme Fig. 16.— Coupe passant parla région axiale circulaire we ovale chez l'ani- de l'extrémité antérieure d’une glande sa- Mal vivant, mais présentant livaire d’A grotistriticii. — p,paroiglandu- J> =, , 7 . laire ; b, membrane basale ; Ep, épithé- l apparence d'une fente étroite lium à protoplasme finement strié; cl, ((e fig. 45 et 16) quand on. cloisons cellulaires latérales, peu appa- ob rentes et confondues parfois avec les observe sur des prepara- striations cytoplasmiques ; », noyaux ir- {j0ns histologiques. En rap-_ réguliers ; ce, cavité glandulaire, très NE étroite ; re, intima chitineuse interne. port avec | intima, se trouve une mince zone interne de protoplasme finement strié, formant une bordure qui est loin d’être constante et qu’on peut cependant comparer à la zone radiée sous-cuticulaire des glandes séricigènes. Cette zone, apparente chez l’A cherontia atropos (fig. 14), est remplacée chez - d’autres espèces par une bordure de cytoplasme granuleux. CANAL EXCRÉTEUR (fig. 17). — Le canal excréteur des glandes salivaires, dont nous connaissons la forme, peut parfois présenter, sur son trajet, un petit renflement- vési- culeux qu'il est bien difficile d’homologuer à un réservoir glandulaire. La structure de l’organe est assez semblable à celle de la région sécrétante. Il est entouré extérieurement d’une très mince membrane péritonéale (p). A la face interne de celle-ci existent de petits noyaux aplatis qu’entoure une mince couche de protoplasme. ral, une aréole claire, et la 1 À ré tn ces » dodtnthiié di A un tolé. sind dès. d ic ut “dès Ti APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 211 L’épithéliunm du canal ne comprend qu'une seule assise cellulaire (fig. 17), dont les limites latérales sont à peine visibles et peuvent facilement être confondues avec les stria- tions radiales du protoplasme. Le contenu cellulaire est finement granuleux du côté externe. AT PA 4 Autour du noyau au F Te et dans la région Een) Li interne, se voient Tr des vacuoles irré- en ji gulières et de taille 2 RE variable. La cavité des cellules est tra- Fig. 17. — Coupe longitudinale et axiale du canal ex- ; créteur des glandes salivaires de Pieris napi;les noyaux versee par de nom- sont nettement ramifiés en nr ; p, paroi du canal ; pr, L protoplasme strié; el, minces cloisons cellulaires, à peine breuses trabécules différenciées des striations cytoplasmiques ; e, cavité protoplasmiqu es, du canal ; ze, mince intima chitineuse interne. partant de la paroi se externe et allant, en s’irradiant, jusque vers l’intima. Parfois les dimensions de ces fibrilles sont telles qu'elles peuvent être confondues avec les cloisons latérales cellulaires (cl). Quant à la zone cytoplasmique interne, elle présente des striations, peu apparentes, mais assez régulièrement dispo- sées, constituant ainsi une sorte de bandelette ou de ruban entourant l’intima chitineuse. Chaque cellule contient un noyau allongé, irrégulier, parfois recourbé en arc ou portant latéralement de courts ramuscules arrondis (fig. 17, nr). La cavité du conduit est étroite et irrégulièrement ovoïde. Pourtant, en certains points, elle est sinueuse et affecte une forme allongée et aplatie. Elle est entourée par une cuticule ou zntima chitimeuse (ic), transparente, hyaline, parfois plissée, mais sans la moindre trace de striations annulaires concentriques. Au fur et à mesure qu’on se rapproche de la partie terminale du conduit, les cellules deviennent de plus enplus aplaties; leurs noyaux s’étalent et la lamelle cellulaire se continue insensiblement avec l’épithélium chitinogène externe. Il en est de même de l’intima, qui n’est que le prolon- gement de la membrane chitineuse recouvrant le corps du Papillon. its a re Ji et Re tite 242 L. BORDAS INTESTIN ANTÉRIEUR Pour l'intestin antérieur, nous aurons à examiner succes- sivement : le pharynx, l’œsophage, le jabot et la valvule œsophagienne. , Le pharynx, placé en avant de l’œsophage, est un tube infundibuliforme, très court. Chez tous les Papillons, 1l est caractérisé par 0 l'épaisseur de sa musculature et par les plisse- ments de son in- {ima, qui n'est, nl ainsi que nous l’avons dit, que le prolongement du revêtement cuticulaire ex- 26 terne. nm Ur " lion » mn. ‘ me y + & < > ; ù mm CRETE TERRES re | Une section de l'organe, faite Fig. 18.— Coupe transversale du pharynx de Parnassius Mnemosyne. La section est faite un peu en avant de l’œ- perpendiculaire- PSE ml, URUE, OURS TS internes, formés par ment à son axe, plusieurs groupes de faisceaux espacés de distance en dis- ï tance ; me, muscles circulaires externes ; mb, membrane nous prese nte basale, supportant l’épithélium chitinogène Ep à cellules : aplaties ; n, noyaux ; ie, intima chitineuse interne, plissée successiv em ent. et pourvue de fins denticules a ; e, cavité pharyngienne. ]es couches sui- vantes (fig. 18) : 19 Une épaisse musculature circulaire externe, formée de plusieurs assises successives et recouverte, au dehors, par une très mince #7embrane péritonéale ; 20 Au-dessous, se trouvent des faisceaux de muscles lon- gitudaux (nl), groupés, espacés çà et là et localisés prin- cipalement dans la concavité des replis que forme l’épithé- hum externe: 30 Vient ensuite une très mince membrane conjonctive (membrane basale ou propria (mb, fig. 18), qui sert de sup- port à l’assise épithéliale chitinogène ; W > APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 213 49 L’assise cellulaire (Ep), comparable à l'hypoderme tégu- mentaire, est constituée par une rangée unique de cellules. Elle est irrégulière et donne au lumen central une forme si- nueuse. Les cel- lules sont aplaties, à parois latérales indistinctes et à contenu cytoplas- mique granuleux. Les granulations sont surtout ap- parentes du côté externe, tandis que la région opposée est hyaline, trans- parente et se con- fond progressive- ment avec l’inti- ma. Chaque élé- ment cellulaire contient un gros noyau (n) ; 59 Enfin, tout à fait à l’intérieur, ontrouve l’intima chitineuse (1c),plis- sée et portant, au sommet des replis, de fines denticula- tions. C'est en ces points, du reste, qu'elle atteint son épaisseurmaxima. Elle présente deux zones assez nettement différenciées : Fig. 19. — Coupe de la région médiane œsophagienne d’Acherontia atropos aduite. — C, cavité œæsophagienne ; r, nombreux replis formés par l’épithélium et la membrane chitineuse interne ; m°, muscles annulaires externes, formant une gaine compacte et continue autour de l’œ- sophage ; ml, muscles longitudinaux internes, disposés çà et, là en faisceaux ; mb et b, membrane basale sup- portant l’épithélium chitinogène ep ; n, noyaux ; te, in- tima chitineuse, hyaline, transparente et finement den- ticulée. une zone interne hyaline, transparente et compacte, et une région externe paraissant formée par une série de lamelles super- posées. Dans certains cas cependant, on peut observer une disposition un peu différente : contre le cytoplasme sous-ja- 214 L. BORDAS cent, l’intima paraît se continuer, sans ligne de démarca- tion, avec ce dernier. Elle se colore avec intensité par divers réactifs et se montre alors finement striée, tandis que la région interne de l’intima conserve sa teinte blanchâtre. ŒsoPnace (fig. 19, 20, et PL III, fig. 6). La structure de l’œsophage des Papillons présente de grandes . analogies avec celle du pharynx. On y trouve, en effet, les mêmes éléments et les mêmes assises, avec une disposition à peu près semblable. L’intima chitineuse et l’assise chiti- nogène forment cependant ici des replis plus nombreux et beaucoup plus accusés que dans le phyarynx (fig. 19, r, et 20). Une section transversale passant par la région médiane de l'œsophage d’Acherontia atropos nous présente à considérer successivement en partant de l’extérieur : une membrane péritonéale ; une étroite gaine formée par des muscles annu- laires mc; des faisceaux longitudinaux, placés en regard des replis; une assise chitinogène, sans caractères Spéciaux, composée par de nombreuses cellules aplaties, sans cloisons latérales apparentes et à noyaux arrondis (fig. 19, ep et n). Cette dernière assise repose sur une très mince membrane basilaire (mb). L’intima interne (ic) est très plissée, et les plis sont représentés par des bandelettes longitudinales qui, en coupe perpendiculaire, ont une apparence de bcurrelets rec- tangulaires, composés d'une extrémité aplatie, parfois ac- rondie, et d’un pédicule généralement court. Le sommet porte, dans la majorité des cas, de fines denticulations. Parfois même ces denticulations se prolongent sur les parois du pédicule, mais sans atteindre les dimensions qu'elles ont au sommet des divers bourrelets. C’est également sur les replis que l’intima atteint son maximum d'épaisseur. Quant à la cavité œsophagienne, elle a la forme d’une fente plus ou moins aplatie, très irrégulière, par suite de la présence des nombreux replis longitudinaux que nous venons de signaler (fig. 19, c et r). Si on fait des sections en diverses régions de l’œsophage, on peut constater des modifications de structure parfois st APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 245 assez considérables. Ainsi, chez certains Papillons tels que les Argynnis (Arg. aglaia), la cuticule présente un accrois- sement d'épaisseur un peu en avant du point d'insertion du jabot (PI. IIT, fig. 6). La musculature annulaire ex- terne est mince; les muscles longitudinaux ne sont repré- sentés que par des faisceaux (ml), régulièrement espacés et localisés dans les dépressions si- tuées au fond des replis. L’as- sise chitinogène à la forme d’un ruban étroitement uni à la bor- dure chitineuse interne. Les noyaux sont plongés dans une masse cytoplasmique granuleuse, sans cloisons latérales apparentes. Quant à l’intima interne (rc), elle est sinueuse et présente son maxi- mum d'épaisseur au sommet des rephis (r), où existent également ue a Fe de fins crochets chitineux. Du l'insertion du jabot chez Pararge mi. ein E E 3 TE) Û $ = re À ægeria adulte. — C, cavité æ30- côté interne, la lamelle présente phagienne ; »m>, muscles circulaires ; de fines striations parallèles, qui ml, faisceaux musculaires longitu- x Ur. £ dinaux ; mb, membrane basale : s’effacent peu a peu vers le mi- Ep, épithélium chitinogène, avec À DE . noyaux n ; tr, trachées; ie, intima lieu de | EpalIsseur. De plus, le chitineuse, finement denticulée. protoplasme cellulaire pousse, de distance en distance, de fins et courts prolongements vers la base de l’intima (PI. ITT, fig. 6). En arrière du pédicule du jabot, les replis œsophagiens sont moins nombreux et la lamelle chitineuse plus mince. La figure 20, qui représente une section d’œsophage de Pararge ægeria, nous donne une idée de la structure générale, de l'organe. La cavité (c) est étroite et très irrégulière ; les re- plis que forme l’intima sont peu nombreux; mais, par contre, plus larges que chez l'Acherontia. De fines denticulations existent sur toute la surface de la membrane chitineuse in- terne ; elles sont plus longues, plus nombreuses et ont la forme de points coniques au sommet des replis. La surface de la membrane péritonéale est sillonnée par de nombreux filaments trachéens (tr, fig. 20). 216 L. BORDAS La structure du jabot est à peu près semblable à celle de l’æsophage, et on y rencontre les mêmes membranes, avec des caractères à peu près identiques (fig. 21). La pa- roi de l'organe est mince, transparente et élastique. Sa membrane péritonéale n’est que la continuation de celle de l'œsophage. La musculature comprend des faisceaux obliques ou annulaires, recouvrant des fibrilles longitudinales (mc Fig. 21.— Coupe de l’extrémité cæcale du jabot et ml). Une membrane ba-- de Pieris brassicæ. — a, cavité du jabot;r, re- silaire, très ténue, sup- plis Ce l’intima chitineuse interne ce ; b et mb, ER membrane basale supportant l’épithélium chi- porte l’épithélium chitino- eue longitudimaux et muscles obliques Pèné) Qui est assez irré- et circulaires me. culier ; son protoplasme est granuleux et ses noyaux sont localisés dans les parties renflées (Ep). L’in- hima chitineuse est irrégulière, très sinueuse et porte de nombreuses et fines denticulations qui parfois affectent, au sommet des replis, la forme de pointes coniques. Elle pré- sente des striations parallèles à sa surface, particulièrement apparentes du côté interne (ic). Nous avons vu que l’œsophage. se continue, dans l’axe de l’intestin moyen, par un petit appendice tubuleux, sorte de manchon, formant valvule, ayant surtout pour fonction de s'opposer à la marche rétrograde des aliments. La structure histologique de cet organe est très simple, ainsi que l’indique la figure 22. En partant de l’intérieur de la cavité (c), on trouve successivement : une éntima chiti- neuse (1c), plissée et pourvue de puissantes denticules co- niques. Cette membrane, qui n’est que le prolongement de celle de l’œsophage, se replie sur le bord de la valvule et re- couvre sa paroi externe jusqu’à l’origine de l’épithélium de l'intestin moyen. Au-dessous, vient lassise chitinogène, reposant sur une membrane basilaire très ténue (Ep et b). PP PEN ET RE TT de APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES PA ET: A l'extérieur, enfin, se trouvent placés les muscles longi- tudinaux et les muscles annulaires (ml et mc). (La face ex- terne de la paroi val- r vulaire n’a pas été re- est ST SES présentée.) SEC > VALVULE ŒSOPHAGIENNE. Chez les Papillons adultes, l'intestin anté- rieur se prolonge, dans l'axe de l'intestin moyen, par une formation val- Fig-22—0C oupe transversale perpendiculaire à l’axe ; É de la valvule œsophagienne de Lépidoptère vulaire plus ou moins adulte (Pieris brassicæ).On n’a représenté qu’une ie de I i 1, fai : Jai À A partie de Ia paroi. — mx, aisceaux musculaires développée et no Die longitudinaux et muscles circulaires me; r, replis avons décrite au cours internes ; ce, cavité valvulaire ; Ep, épithélium chi- de l’étud holosi tinogène, continuation de celui de lœsophage ; de l'étu emorpnologique b, membrane basilaire ; ce, intima chitineuse den- de l'organe de la diges- ticulée. La face externe de la valvule n’est pas : , représentée. tion : c’est la valvule æœsophagienne, qui existe aussi chez toutes les larves des Lépidoptères. Nous avons également rencontré une pareille disposition anatomique chez les Hyménoptères (Voir À ppareil glandulaire des Hyménoptères, in Ann. des sciences naturelles, Zoologie, : 1894). On trouve, en effet, chez les Apidæ, Vespidæ, Bom- binæ, etc., un appendice vermiforme, plus ou moins allongé suivant les groupes, faisant directement suite au gésier, occupant l’axe de la partie antérieure de l'intestin et qu’on doit considérer comme une valvule œsophagienne déme- surément développée. | Chez les Lépidoptères, cette valvule est généralement très courte. Weismann l’a décrite chez les larves de Musca vomitaria et de Sarcophaga carnaria (1864), et Kowalevsky chez les Muscides (1887). Beauregard l’a désignée, chez les Vésicants, sous le nom de valvule cardiaque (1886). Schindler (1587) donne à la valvule œsophagienne le nom de trompe (Rüssel) 218 L. BORDAS et signale son existence chez les Chironomus, Corethra, For- mica, etc. Mingazzini (1889) la représente également chez ; les larves des Lamellicornes phytophages. | Van Gehuchten (1890) en a fait une description anato- mique et histologique complète chez la larve d'un Diptère (Ptychop- + 77 4 lera contaminata). En | 1894, nous avons aussi (2 KD NN a signalé et décrit cet of- ke h gane chez les larves et | 7 D les Hyménoptères adult D #3 tes sous le nom d’ap- pendice vermiculaire. Sa- dones, chez les larves d’Éphémères (1896), Miall et Hammond(1900) chez les larves du Simu- : lium et du Chironomus, Vignon (1902), etc., ont, également décrit et fi- œuré ce prolongement de la paroi postérieure œsophagienne. 6 JABOT. Fig. 23. — Coupe transversale du jabot de Pueris brassicæ. L’organe est entouré d’une très mince > ; membrane péritonéale ; de plus, les parois sont Nous savons qu au minces et très extensibles. — me et ml, muscles circulaires et muscles longitudinaux ; tr, fila- point de vue morpholo- ments trachéens externes ; mb, membrane gique le jabot a la for- basilaire sur laquelle repose l’épithélium chiti- > = nogène, Ep, à éléments aplatis ; », noyaux cellu- me d un Sac volumineux laires ; e, cavité de jabot; r, replis internes de et extensible (comme du la paroi du jabot. : à k reste, celui de la plu- part des Orthoptères, des Phyllies entre autres). Il est recouvert extérieurement par la membrane périto- néale et, au-dessous, par une assise de muscles circulaires (fig. 23, mc). Viennent ensuite des faisceaux musculaires longitudinaux (ml), disposés par groupes ou faisceaux, à APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 219 direction oblique sur les faces latérales, se prolongeant le long de l’œsophage et allant se terminer à la partie posté- rieure du pharynx. -Ducôté interne, se trouve l’assise épithéliale chitinogène (Ep); qui repose sur une très mince membrane basilaire (mb). Cette assise est constituée par des cellules aplaties, à parois latérales indistinctes, comprenant des noyaux (2), dont le diamètre égale presque la hauteur de chaque cellule. Enfin, tout à fait à l’intérieur, se trouve la membrane chitineuse ou intima (ic), plissée, smueuse (fig. 23, r) et _ portant, à sa surface, de fines denticulations. Les deux faces de l’intima chitineuse sont parallèles, et on peut, à un fort grossissement microscopique, y recon- naître deux régions assez différentes, tant par leur struc- ture que par leur teinte : une zone externe élastique, com- pacte et de couleur sombre et une région interne blanche, hyaline et transparente. L'ensemble de la paroi est très extensible et permet à l’organe, sous l’afflux des matières alimentaires, d'acquérir un volume très considérable. INTESTIN MOYEN Dans l'étude histologique de l'intestin moyen, nous nous attacherons surtout aux questions concernant le revêtement culiatre, l’épithélium glandulaire et son mode de régénération. A son origine, l'intestin moyen des Lépidoptères adultes, comme du reste celui des Chenilles, contient un certain nombre de bourrelets à peine saillants extérieurement et correspondant à des diverticules de la cavité intestinale. Ils sont tapissés par des cellules différant peu de celles du reste de l'organe, mais dont. le rôle, comme chez les larves, me parait manifestement sécréteur. La structure de ces bourrelets intestinaux est la suivante : 19 Une musculature externe composée de fibres longitu- dinales et de fibres circulaires ; 29 Une membrane basilaire, très mince, de nature con- jonctive, prolongement de celle de l'intestin, sur laquelle repose l’épithélium de la crypte ; 220 L. BORDAS 30 Une assise de hautes cellules à bordure interne ciliée. Chaque cellule est à peu près cylindrique ; certaines ont ce- pendant leur base élargie et leur sommet plus étroit. Le contenu cytoplasmique est granuleux extérieurement, va- cuolaire autour du noyauet strié vers le bord interne. Le bord libre des cellules est recouvert d’une production cili- forme très caractéristique. En outre, entre les cils, on voit fréquemment de petites vésicules saillantes, arrondies ou pourvues de pédicules plus ou moins allongés. Ces derniers s’étirent, s’amincissent, se rompent et laissent tomber le globule sécrété dans la cavité intestinale. Ce même phéno- mène se renouvelle un grand nombre de fois. BORDURE EN BROSSE OU ÉPITHÉLIUM CILIÉ DE L'INTESTIN MOYEN. Les cellules qui forment les parois internes de l'intestin moyen des Papillons sont hautes, cylindriques et se conti- nuent directement avec celles de la valvule œsophagienne et de l’œsophage lui-même. Elles ne diffèrent de celles du jabot et de l’œsophage que par leur plus grande taille et par l'absence d’un revêtement chitineux (intima), qui est 1c1 remplacé par une bordure de cils. La bordure en brosse, dont la notion, aujourd'hui clas- sique, est universellement admise chez la plupart des Ar- thropodes, est très caractéristique et bien développée à la surface épithéliale de l'intestin moyen des Lépidoptères adultes. C’est Henle (1837) qui, le premier, décrivit un plateau recouvrant les villosités intestinales. En 1843, Gruby et Delafond considérèrent ce plateau comme un bourrelet transparent, et, en 1856, Külliker pensa que ces stries étaient dues à de nombreux canalicules traversant le plateau. Pour Bretauer et Steinach, les striations sont formées par des bâtonnets juxtaposés. Wiegandt (1860) et Dünitz (1864) émettent, quelques années plus tard, l'opinion que le pla- teau est un produit de sécrétion cellulaire. D’après Heidenhain (1888), le plateau strié comprend deux APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 291 parties : des bâtonnets ou prolongements directs du proto- plasme et une substance homogène perforée, à travers la- quelle passent les bâtonnets. Leydig (1857) avait également signalé l'existence d’un plateau à la surface des cellules des tubes de Malpighi de certains Insectes. Plus tard (1886), Frenzel parle de ce pla- teau dans les cellules hépatiques des Mollusques et décrit, à la surface de l’épithélium de l'intestin moyen, des Insectes, une bordure composée de filaments très fins, très déliés, indépendants les uns des autres et à extrémités libres. De plus, il considère ce plateau ou bordure ciliée comme un simple organe destiné à protéger les cellules contre les lé- sions dues aux aliments ou à toute autre cause externe. Van Gehuchten (1890) admet cette même théorie quant à la fonction. Mais, d’après cet auteur, les filaments ciliaires s'insèrent, d’une part, sur une première membrane qui limite le protoplasme et, de l’autre, sur une très fine membrane externe. Il arrive même parfois, dit-il, que le plateau est double et que les longs et grêles filaments qui le constituent présentent, en leur milieu, un- léger épaississement. Les épaississements des stries voisines se correspondent et sont reliés les uns aux autres par une trabécule transversale. Par leur ensemble, celles-c1 forment alors une ligne continue parallèle à la membrane basale et à la membrane externe du plateau. Parfois même, 1l paraît exister trois plateaux superposés. _ Une pareille structure est erronée, et nous n'avons ren- contré aucune disposition semblable, n1 chez les Chenilles, ni même chez les Lépidoptères adultes. Nous-même avons également, en 1894 et 1897, décrit en détail le revêtement ciliaire intestinal des Hyméno- ptères et des Orthoptères (1). STRUCTURE HISTOLOGIQUE DE L’INTESTIN MOYEN. L'intestin moyen présente une structure histologique à peu près uniforme dans toutes ses parties, et ce n’est que (1) V.-L. Borpas, L'appareil glandulaire des Hyménoptères et l’Appareil digestif des Orthoptères (Ann. des sciences nat. z0ol., 1894et 1897). 222 L. BORDAS dans ses régions antérieure et postérieure que l’on rencontre quelques variations de détail. La partie la plus importante de la paroi est constituée par l’epithelium. Ce dernier est formé par des cellules cylin- driques, assez allongées et reposant sur une membrane basale ou tunica propria, qui le sépare de la couche muscu- laire circulaire (fig. 24). Les éléments cellulaires, après avoir fonctionné un certain temps, se détruisent, disparaissent, et leurs noyaux, comme nous le verrons plus loin, sont expulsés avec les produits sécrétés. Ils sont alors remplacés par des cellules nouvelles, provenant de l’évolution d’éléments plus jeunes (cellules ou noyaux générateurs), situés dans des crytpes (nidi) de régénération, abondantes surtout au fond des dépressions situées entre deux bourrelets. Les cellules de l'intestin moyen sont allongées, cylindriques et ont une hauteur variant de 20 à 40 y. Leurs noyaux sont arrondis et contiennent de nombreuses granu- lations chromatiques. Du côté interne, leur bordure ciliée est très nette (fig. 24). Le cytoplasme varie suivant l’activité sé- crétoire : il est tantôt réticulé, tantôt au con- P KE traire vacuolaire, À | On peut même voir, Fig. 24. — Coupe transversale d’une portion de paroi très fréquemment, au Sr ane Cours de la sécrétion, testin ; Ep, épithélium avec bordure ciliée ci ; de petites cellules de c, cavité intestinale. à remplacement qui sont situées dans la région basilaire (fig. 24). Ce mode de sécrétion, très compliqué et très variable suivant le moment de l’observation, sera étudié plus loin. "4 APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 293 Tantôt les cellules glandulaires laissent exsuder, à travers le ruban cilié, leur contenu sous forme de gouttelettes. Dans d’autres cas, on voit apparaître des vacuoles dans les cellules. Ces vacuoles grossissent peu à peu, se fusionnent et dé- versent finalement leur contenu dans la lumière du canal intestinal. Dans quelques cas, on voit aussi des cellules à A TT out h L LU ba) Lire pe DD ve VI Le \ ACTE QUE" Fig. 25. — Coupe transversale de la paroi intestinale d’Acherontia atropos à la fin de la période nymphale. — #p, membrane péritonéale externe, très mince ; ml et me, fais- ceaux musculaires longitudinaux et circulaires ; mb, membrane basilaire très ténue, sur-laquelle reposent de nombreux noyaux eg de régénération ; Ep, épithélium intes- tinal, constitué par hautes cellules cylindriques (40 à 60 y), étroites, à gros noyaux internes (nr) ovales et à noyaux basilaires de remplacement eg : ei, bordure ciliée. protoplasme très vacuolaire, à noyau clair, se détacher de la paroi et tomber dans l'intestin. On peut observer que, durant les premières phases du phénomène, le plateau strié demeure toujours très net. Le reste de la paroi intestinale présente, en partant de l'extérieur, les assises successives suivantes : 19 Une mince membrane externe (membrane péritonéale), recouvrant l'organe tout entier ; 2° Une assise musculaire longitudinale, formée par plu- 224 L. BORDAS sieurs couches superposées, groupées d’abord irrégulière- ment, puis d'une façon plus uniforme au fur et à mesure qu'on s’avance vers la partie postérieure de l'organe : 3° Des muscles circulaires internes, disposés en plusieurs faisceaux plus ou moins superposés et déterminant parfois la production de bourrelets plus ou moins apparents ; 40 Enfin, au-dessous, se trouve la membrane basilaire, très mince, de nature conjonctive, supportant les cellules. Vers la fin de la nymphose, la structure de l'intestin moyen est surtout remarquable par les particularités que présente l’épithélium intestinal. Ainsi, chez l’Acherontia Atropos,au moment de sa trans- formation en insecte parfait (à la fin de la nymphose), les parois de l'intestin comprennent : Une assise cellulaire interne Ep (fig. 25), formant une large bandelette à contours légèrement simueux. Elle est composée par de longues cellules cylindriques, mesurant de 40 à 60% de hauteur sur 7 à 10 w d'épaisseur. Leur pro- toplasme est clair, hyalin, du côté externe, vacuolaire au centre et granuleux vers le tiers interne. Les noyaux, -qui sont ovales, sont tous localisés du côté de la cavité de l'organe. Toutefois, on distingue, à peu de distance de la membrane basale mb, des groupes de noyaux de remplacement cg, beaucoup plus petits que les précé- dents. Enfin, l’assise cellulaire est limitée, à sa partie libre, par une bordure ciliée très caractéristique, cz. En dehors de la membrane basale, se trouve une épaisse couche de fibres musculaires circulaires, mc, renforcée exté- rieurement par des faisceaux musculaires longitudinaux, ml. Enfin, l'organe tout entier est recouvert par la membrane péritonéale. On peut parfois, dans bon nombre de cas, observer le phénomène de sécrétion et constater sur le bord de la bor- dure épithéliale et jusque même dans l’intérieur du canal alimentaire, un grand nombre de globules d’excrétion (fig. 26). Ces derniers sont en quantité plus ou moins consi- dérable suivant l’activité physiologique plus ou moins grande de l'organe. APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 295 Ces globules de sécrétion sont sphériques et de taille va- riable. Les uns sont encore rattachés aux cellules par des pédicules longs et grêles, ou courts et larges, se frayant un passage à travers la bordure ciliaire. Chaque globule, ainsi que son pédicule, a une structure granuleuse et vacuolaire (fig. 26, g, p). La bordure ciliée est très nette (br). C’est une bordure en brosse, constituée par des cils longs, minces, rigides et  mb ED ze S N RENE Ur a ] SI ÉS TEST Eee Los A D W RS asie re = j a à Los 2 te S À ï Fr Pr * PRE PEA CO SOS ES à A Er L'on %. : uT . SEAT À = / PS Î ” . Ë - ] Vs y 5 et Dei (CE > . quo nl FER ee shit SES a : LT PET) Si Fig. 26. — Coupe d’une portion de paroi intestinale de Dasychira abietis Schiff. La coupe passe par le tiers antérieur de l’organe. — Tr, filaments trachéens ; ml, muscles longitudinaux ; me, faisceaux circulaires ; f, fibrilles longitudinales ; Ep, épithélium intestinal reposant sur la membrane basale, mb ; cr, groupe de cellules génératrices situées à la base des cellules glandulaires ; br, bordure ciliée ; du côté interne, se voient de nombreuses gouttelettes de sécrétion, p et g, libres ou appendues encore aux cellules. immobiles. [ls sont implantés sur de petits corpuscules ba- silaires (bouton basal) situés sur la face libre de chaque cellule. De chaque bouton basal part un mince prolongement filamenteux ou race ciliaire, qui, après un court trajet, va se perdre dans la zone ectoplasmique interne, finement granuleuse, du cytoplasme cellulaire. Dans chaque cellule, on peut considérer plusieurs régions (fig. 26) : 1° Une zone externe, en rapport avec la membrane ba- ANN. DES SC. NAT. ZOOL, 10e série. it, 16 296 L. BORDAS sale, comprenant un protoplasme finement strié et vacuo- laire ; 20 Une région médiane, entourant le noyau et constituée par un contenu clair et pourvu de vacuoles plus larges ; 39 Enfin, du côté interne, se trouve une zone finement granuleuse, avec de petites vacuoles très nombreuses et sroupées. Sur la membrane basale, entre les cellules épithéhales, on voit parfois de nombreuses cellules génératrices, isolées ou réunies en massifs (fig. 26, cr). Ainsi que nous l’avons signalé à maintes reprises, on peut observer, en plusieurs régions, les diverses phases de l’activité sécrétrice et les modifications éprouvées par les éléments épithéliaux glandulaires. Ces derniers prennent des formes différentes de celles qu'ils ont à l’état de repos. Ils se rétrécissent, deviennent irréguliers et portent appendus à leur bord interne un grand nombre de globules d’excrétion, de formes très di- verses : sphériques, coniques, piriformes, globuleux, en massue (fig. 26). Certaines de ces vésicules d’excrétion sont souvent munies d’un pédicule plus ou moins long les rattachant aux cellules qui les ont expulsés. Dans ce cas, la bordure ciliée en brosse est fort nette, et les prolongements des cils disposés en forme de fines baguettes. Ces dernières sont libres et fixées à la cellule par les boutons ou corpus- eules basilaires. De chacun de ces corpuscules part, ainsi que nous l'avons déjà dit, un mince filament radiculaire qui pénètre plus ou moins profondément dans le cytoplasme sous-jacent. Les vacuoles d’excrétion sont souvent expulsées par suite de la rupture de la paroi cellulaire interne. Puis, après chaque phase sécrétoire, la cellule reprend pendant quelque temps sa forme initiale : l’acte physiologique recommence, et les mêmes phénomènes se suecèdent ainsi dans le même ordre pendant un temps plus ou moins long. Dans d’autres cas, cependant, le pédicule s’étire (fig. 26), s’allonge, devient Are se rompt finalement et lasse tomber dans la cavité mtestinale le globule sécrété. On PRE TT “SE 5 APPAREIL DIGESTIF DES'LÉPIDOPTÈRES 227 trouve, en effet, dans le voisinage de la bordure épithéliale, un grand nombre de globules de toutes formes et de toutes dimensions. La bordure ciliée constitue, pour les cellules, un revête- ment protecteur : elle les garantit contre les lésions externes que pourraient provoquer les aliments. Les éléments épithéliaux, après avoir fonctionné un cer- tain temps, se détruisent, disparaissent, et leurs noyaux, complètement modifiés, sont expulsés avec les produits ex- crétés (fig. 26 et 27). Ils sont alors remplacés par des cellules nou- velles, provenant de l'évolution d'éléments plus jeunes (cellules ou noyaux générateurs), situés dans des eryp- tes (ou midi) de régé- nération, abondantes surtout au fond des dé- pressions comprises en- tredeux bourrelets (fig. Dan ar ioianene ces Lib 0e Li es Lo TERRE es nt ; ; Fig. 27.— Coupe d’une portion de paroi de l'intestin noyaux sont disposés moyen (région postérieure) d’Anthocharis cardami- D nérementan ces note munir aire du mio dessousde l’épithélium brane basale ; er, groupe de cellules génératrices ; - : Ep, épithélium intestinal, avec noyaux n» et bor- intestinal et reposent dure eïliée, ci; g, gouttelettes de sécrétion; gl, dé- sur la membrane ba- bris cellulaires, plus ou moins déformés, à noyau clair et hyalin et à protoplasme très vacuolaire. sale (fig. 26). Quant à la question concernant la genèse de ces éléments formateurs, elle n’est pas encore complètement élucidée, De nombreux zoologistes ont étudié les phénomènes de régénération de l’épithélium intestinal des Insectes, tant chez la larve que chéz l’adulte. Pour P. Deegener (1), au moment où la larve se métamorphose en pupe, lépithélium de son intestin moyen est rejeté et remplacé provisoirement (1) P. Deecwer, Die Entwick. des Darmcanals d:r Ins>cten während der Metamorphos® [Zool. Jahrb. (Anat.), Bd. XX, 190%]. 298 L. BORDAS par l’épithélium du col des cryptes. Mais, après une courte existence, cet épithélium transitoire est, à son tour, rejeté dans la cavité intestinale. Là, il forme, avec les restes de l’épithélium larvaire, le corps jaune de la larve. Pendant les derniers jours de la phase larvaire, se déve- loppe un épithélium propre à la nymphe, qui se distingue de celui de la larve et de celui de l’imago et qui a pour fonc- tion physiologique de digérer le corps jaune larvaire. Cet épithélium nymphal est constitué par les cellules imaginales des cryptes. 11 se désagrège à son tour, au moment de la production de la mue qui transforme la pupe en insecte parfait, et il est rejeté, avec la membrane basale, dans la lumière intestinale. Quant à l’épithélium définitif, il est constitué par une active prolifération des cellules imagi- nales. Il y a donc, chez le Cybister, deux mues intestinales corres- pondant respectivement à la métamorphose de la larve en nymphe, puis de la nymphe en insecte parfait ou imago. Deegener décrit, de même, deux transformations succes- sives pour l’épithélium et la musculature des intestins an- térieur et postérieur. Un certain nombre d'auteurs, Môbusz, Verson, etc., ont signalé, pour les mues larvaires, des processus à peu près semblables. Tandis que, au contraire, pour un très grand nombre d’autres Insectes, beaucoup d’entomologistes n’ont jamais décrit qu'une seule rénovation intestinale pendant la nymphose. Et, plus récemment, L. Deegener (1908), dans ses études sur le Malacosoma castrensis L., a recherché s'il y avait, en rapport avec les mues nymphale et imaginale, des modifications épithéliales de l’intestin, c’est-à-dire s’il exis- tait des épithéliums spéciaux larvaire, nymphal et imaginal. Le résultat a été négatif. PoyARKOFF (1910), dans ses recherches sur la Galerucella luteola Müller (Galéruque de l’Orme), est arrivé à des ré- sultats extrêmement curieux, en ce qui concerne la régé- nération épithéliale de l’intestin moyen. L’épithélium lar- vaire présente des cryptes normales de rénovation dont ies cellules embryonnaires grandissent peu à peu en englo- * ENTER PTE APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 229 bant d’abord les cellules larvaires, puis se digèrent succes- sivement les unes les autres. Ce processus a été interprété par l’auteur comme une phagocytose successive des cellules les unes par les autres, aboutissant en définitive à la des- truction complète de l’épithélium. Puis, à partir du bord postérieur de la valvule œsophagienne, on voit se déve- lopper, d'avant en arrière, balayant par leur prolifération les derniers restes des cellules larvaires, puis s’installant à sa place en assise régulière à la face interne du manchon musculaire persistant. Cet épithélium présente ensuite à son tour des phénomènes de rénovation du type ordinaire, avant de constituer la couche cellulaire imaginale définitive. Ces résultats conduisent Poyarkoff à des remarques ou conceptions tout à fait curieuses et contraires à l’état actuel de nos connaissances sur l’état nymphal. Pour lui, l'état nymphal n'existe pas (chez la Galéruque). La nymphe n'a ni hypoderme spécial, ni tube digestif spécifique. Il n'y a ni muscles, ni trachées propres à la nymphe. Les glandes salivaires ou les tubes de Malpighi n'existent pas chez cette dernière. L'existence de l'intestin nymphal est très dou- teuse, et celle de glandes et de poils nymphaux ne peut être prise comme critérium de l'existence et de l’indivi- dualité nymphale. Les tissus de la Galéruque évoluent directement, dit-il, du stade larvaire au stade imaginal. La nymphe apparaît comme le passage direct de la larve à l’imago, et aucune observation ne permet de croire que la nymphe ait mené autrefois une existence libre. IL est plus naturel, dit Poyarkoff, de regarder la nymphe comme un stade de passage provoqué par la divergence des structures de la larve et de l’imago. La mue nymphale lui paraît pré- senter des caractères plus normaux que la mue imaginale et correspondrait, en principe, au passage direct de la forme larvaire à la forme de l’insecte parfait. Dans ce cas, la nymphe ne serait qu'une imago imparfaite, à l’état latent. Ce sont là des considératoins tout à fait hypothétiques et du do- maine de l'imagination, bien éloignées de l'observation directe et de la réalité. Au cours de la sécrétion, le noyau parait conserver à peu 230 L. BORDAS près sa même forme et ne subir que de légères modifications quant à sa structure. Il doit cependant jouer, ainsi que les mitochondries, un rôle plus ou moins actif dans l’acte phy- siologique sécrétoire, ainsi que nous l’avons constaté pour les glandes séricigènes et que certains auteurs l’ont observé pour les cellules à venin, cellules à enzyme (Launoy). Nous avons vu que, chez les Chenilles, les produits de sécrétion intestinale ne sont pas directement mis en con- tact avec les aliments et en sont tout d’abord séparés par la membrane péritrophique et que cette dernière a, en outre, pour effet d'empêcher les aliments de léser l'intestin moyen. Les mitochondries sont des éléments figurés, observés par plusieurs auteurs et notamment par Altmann (1894) dans le protoplasma de plusieurs espèces de cellules. C’est Benda (1898) qui, le premier, les a colorés et leur a donné le nom qu'ils portent. Ses descriptions concernent princi- palement les mitochondries des cellules séminales. Les mi- tochondries sont caractérisées principalement au point de vue morphologique, par la propriété qu'ont les corpuscules granuleux dont elles sont formées de se disposer en chai- nettes (chondriomites) où même de former des bâtonnets ou filaments continus (chondriochontes). Au point de vue histo-chimique, certains réactifs colo- rants permettent de les distinguer des autres productions intraprotoplasmiques. Regaud, dans une série de recherches cytologiques, a fait une étude magistrale des mitochondries dans les cellules séminales des Mammifères (Voir Archives d'anatomie microscopique, t. IV, 1901, et t. XT, 1909-1910). Plus récemment, Fauré-Frémiet a étudié les mitochondries des Protozoaires et des cellules sexuelles (Arch. d'anatomie microsc., t. XI, 1910). INTESTIN TERMINAL Structure histologique. — Nos coupes, pour l'étude his- tologique de cet organe, ont été faites un peu en avant de l’ampoule rectale, chez les deux espèces suivantes : Pieris brassicæ et Argynnis Aglaia (fig. 28 et 29). APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 231 Dans la région considérée, l’épithélum chitinogène présente une structure remarquable, tant par la forme des noyaux que par la disposition des éléments figurés du cytoplasme. porn ÿl a g EZ Es ml CÆ : nb Fig. 28. — Coupe transversale d’intestin postérieur de Pieris brassicæ adulte. Cette section a été faite dans la région terminale, près de l’ampoule rectale. — ec, cavité intestinale ; ze, intima chitineuse ; zr, zone radiée et zg, zone granuleuse de l’épithé- lium intestinale, epe ; cl, cloisons latérales, qui sont très apparentes dans certaines cellules ; », noyaux cellulaires ; mb, membrane basilaire servant de support à l’épithé- lium intestinal, epe ; me, muscles circulaires et m7, muscles longitudinaux, espacés çà et là. En partant de l'extérieur, on trouve successivement les assises suivantes : 19 Une membrane péritonéale très ténue ; 20 Des faisceaux musculaires longitudinaux, espacés les uns des autres et localisés surtout au fond des replis formés par l’épithélium intestinal (fig. 28 et 29); 39 Une gaine musculaire, formée par plusieurs faisceaux de muscles annulaires (mc): 40 Une membrane basilaire très mince, supportant l’épi- thélium chitinogène (mb) ; 90 Ce dernier forme un certain nombre de replis et com- prend une seule assise de cellules rectangulaires, à cloisons 232 L. BORDAS latérales très nettes, contrairement à ce qui existe dans la région antérieure de l’intestin terminal (Ep). La structure du protoplasme est des plus caractéristiques. Il est partout divisé en deux zones très nettes (fig. 28 et 29) : une zone interne et une région externe renfermant le noyau. Dans la première partie, le protoplasme est clair, transparent et finement strié. Les striations sont dirigées perpendiculairement à la face interne de chaque cellule; elles sont généralement parallèles, mais elles s’entre-croisent IC 22 2 ; & LA M \S R ll ; Ine Fr 4. at, Le _. a ÎF & — qu >) 57 NE HA ml de Fig. 29. — Coupe transversale de la partie moyenne de l'intestin postérieur d’Argynnis Aglaia L. — mp, membrane péritonéale; me, muscles circulaires, ml, faisceaux mus- culaires longitudinaux ; Ep, épithélium intestinal, à cellules irrégulières, cupuliformes, séparées latéralement les unes des autres ; leur protoplasme comprend une région radiaire zr et une zone granuleuse externe, zg ; te, intima chitineuse, mince et hyaline; n, noyaux ; e, cavité intestinale. Ù parfois et laissent souvent entre elles de larges lacunes ou vacuoles. La zone externe (zg) est plus sombre et renferme le noyau. Le cytoplasme y est finement granuleux et tra- versé, en même temps, par des striations perpendiculaires à la membrane basilaire: 60 Quant à la membrane chitineuse, qui sert de limite interne à l’épithélium chitinogène, elle est mince, hyaline et finement denticulée du côté du lumen ou canal (rc). Nous avons déjà vu que l'intestin terminal est généra- lement long et sinueux et qu'il comprend deux régions une partie antérieure tubuleuse et une partie postérieure ampulaire, formant la poche rectale qui se prolonge en un cæcum latéral antérieur, plus ou moins accentué. Les pa- # ER APPAREIL DIGESTIF DÉS LÉPIDOPTÈRES 233 rois de cette poche portent de très nombreuses glandes rec- tales. Les parois de la région antérieure sont plissées longi- tudinalement. Voyons maintenant les principales particularités histo- logiques que présente l’organe. Nous examinerons succes- sivement : une région moyenne et une zone postérieure, située en arrière, au voisinage de l’ampoule rectale. Une section transversale faite dans la partie médiane nous montre une cavité irrégulière, aplatie et limitée par un épithélium rectangulaire reposant généralement sur la membrane basilaire, mais présentant souvent des éléments cupuliformes séparés de cette dernière par d’étroites la- cunes. Les replis y sont, en général, peu accusés,et la cu- ticule ou zintima chitineuse, beaucoup moins épaisse que celle de l’œsophage, est hyaline, élastique et finement den- ticulée (fig. 29, cc). Près de l’ampoule rectale, c’est-à-dire vers la partie ter- minale de l'intestin, l’épithélium présente de grands replis, limitant un lumen en forme de croix (fig. 28). La cuticule s’épaissit peu à peu, et les denticulations deviennent plus aiguës et plus nombreuses. Les faisceaux musculaires lon- gitudinaux (ml) sont généralement localisés au sommet des replis. GLANDES RECTALES DES PAPILLONS La partie terminale de l'intestin d’un grand nombre d’Insectes présente des dilatations fusiformes, plus ou moins volumineuses suivant l’état de plénitude ou de vacuité de l'organe. Nous avons étudié ces renflements glandulaires chez les Hyménoptères (1894), chez les Orthoptères (1898 et 1907) et chez les Lépidoptères (1911). Les deux premiers ordres d’Insectes possèdent six longs bourrelets blan- châtres, équidistants et parcourant tout le rectum: ce sont les glandes rectales. Elles proviennent d'un développement local exagéré de lassise épithéliale de l'intestin. On peut suivre, en effet, le passage des cellules qui occupent le fond 354 L. BORDAS des replis à celles constituant les massifs glandulaires pro- prement dits. Historique. — Les glandes rectales, dont la signification morphologique et surtout les fonctions physiologiques sont encore énigmatiques, ont été décrites, pour la première fois, chez lAbeille, par Swammerpam. Suckow les à désignées, chez la Vespa crabro sous le nom de gonflements calleux. BRANDT et RATZERURG, BURMEISTER, etc., n’en parlent que d’une façon dentelle. L. Durour signale ces or- ganes chez les Hyménoptères, les Orthoptères, ete., et les désigne sous les noms de boutons charnus et de bandes mus- culatres. TREvIRANUS chez les Papillons et NewporT les appellent protubérances glandulaires. [Il faut arriver à LEuckART pour avoir une idée d’en- semble des bourrelets du rectum. Cet auteur constate la présence des replis rectaux chez la plupart des Insectes. Il les considère comme de nature glandulaire «et les désigne sous le nom de glandes rectales. LEypiG est le premier entomologiste qui se soit occupé de l'étude histologique des papilles rectales des Insectes, en prenant comme type la Musca vomitaria. Cet auteur leur attribue une fonction respiratoire; puis, frappé de certains rapports de structure intime, il les compare aux replis épithéliaux (branchies trachéennes) des larves de Libellules. WEISMANN, dans son étude sur le développement de la Musca vomitaria et de la Sarcophaga carnaria, se prononce contre la nature glandulaire des replis du rectum de la plu- part des Insectes, sans cependant faire la moindre hypo- thèse au sujet de leurs fonctions. GEGENBAUR considère les glandes rectales comme des rudiments, des vestiges de branchies trachéennes. Il pense que les bourrelets rectaux respiratoires des larves de Li- bellules et les bourrelets non fonctionnels des Insectes terrestres sont les derniers vestiges, les formes atrophiques. des branchies trachéennes, qui étaient les seuls organes pri- mitifs de la respiration des Insectes. Cependant, si la théorie: de Gegenbaur était exacte, si les glandes rectales n'étaient. APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 235 que des rudiments de trachées branchiales,on devrait trouver, ce qui n’a pas lieu, ces organes beaucoup plus répandus chez les larves que chez les Insectes parfaits. C. Caux, dans une intéressante étude sur les glandes rec- tales des Insectes, constate que les nombreuses ramifications trachéennes qu'on trouve autour des bourrelets rectaux ne sont pas une preuve suffisante pour démontrer leur na- ture d'organes respiratrices. Au contraire, dit-il, la présence de trachées et de filets nerveux semble indiquer une plus grande activité sécrétorre. Pour cet auteur, les bourrelets du rectum sont des glandes unicellulaires groupées, inter- médiaires, par leurs formes, entre les vraies glandes et les surfaces glandulaires planes. Nous avons également étudié à plusieurs reprises les glandes rectales chez les Hyménoptères (1894) et les Ortho- ptères (1898 et 1907) (1). SADONES (1895) émet un doute sur l’homologie des glandes rectales des Insectes et des bourrelets du tronçon anal des Odonates ou des lamelles respiratoires larvaires de ces mêmes Însectes. Pour cet auteur (Voir la Cellule,t. XT,1895, p. 317), l’intes- tin postérieur des larves de Zabellula et d’Aeschna contient deux productions différentes : les six doubles séries de la- : melles rectales et les six bourrelets du tronçon anal. FAUSSEK considère les uns et les autres comme des organes homo- logues, et les lamelles respiratoires ne sont que des bourre- lets modifiés et adaptés à des fonctions spéciales. Cependant, d’après Sadones, les bourrelets n’'occupent pas la même position que les lamelles. Les six doubles ran- gées respiratoires sont disposées en deux groupes latéraux de trois : trois à droite et trois à gauche du plan médian. Les lignes médio-dorsale et médio-ventrale sont occupées par une bande musculaire longitudinale séparant les doubles séries droites des séries gauthes. (1) L. Borpas, Appareil glandulaire des Hyménoptères (Annales des sciences naturelles, Zoologie, 4894). Appareil digestif des Orthoptères (1bid., 1897). — Anatomie interne des Phyllies (Ann.de l Institut colonial de Marseille, 1907). c 236 L. BORDAS Au contraire, le tronçon anal n’a que quatre bourrelets latéraux et deux situés dorsalement et ventralement. Il en résulte six bourrelets alternant avec les doubles séries de lamelles respiratoires. Les glandes rectales des Hyménoptères et des Lépidoptères sont caractérisées par l'énorme développement de l’assise épithéliale formée par de hautes cellules cylindriques, pour- vues d’un protoplasme fibrillaire vers la base et granuleux au centre. Chacune d’elles possède un volumineux noyau ovale, occupant à peu près le centre de l’élément et entouré parfois de petites vacuoles claires. Les cellules reposent sur une membrane basilaire et sont séparées les unes des autres par des cloisons latérales. Ces dernières sont appa- rentes vers la moitié externe, mais disparaissent peu à peu et se confondent avec les tractus cytoplasmiques du côté interne, près la lame chitineuse. Chaque glande rectale, chez les Hyménoptères et les Or- thoptères, affecte, en coupe, une forme triangulaire. Les cellules constitutives sont, sur les côtés, hautes et cylindri- ques, tandis que, vers le sommet, la plupart sont cunéiformes et reposent, par leur base amincie, sur la propria. De part et d'autre, on peut facilement suivre le passage de ces cel- lules à celles de l’épithélium interne du rectum. L'axe de chaque glande est constitué par du tissu con- jonctif, des fibrilles musculaires, quelques filets nerveux et surtout par de nombreuses ramifications trachéennes. Les glandes rectales des Orthoptères, comme celles des HYMÉNOPTÈRES, sont recouvertes par une intima chiti- neuse, qui est blanche, hyaline et porte de nombreuses et fines denticulations. LÉPIDOPTÈRES L'intestin postérieur des Papillons porte, sur les parois de l’ampoule rectale, un grand nombre de petits tubercules internes, hémisphériques, aplatis, fongiformes, sessiles ou faiblement pédiculés, qui sont les glandes rectales. Nous avons ss APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 237 étudié le nombre, la forme, la disposition et la structure de ces organes chez la plupart des familles des Lépidoptères. Or, dans aucun ordre de la classe des Insectes, on ne trouve une aussi prodigieuse abondance de ces massifs glandu- TT “ns TI EST Pa FRS 27 RS Rx à ; Nes 22 Fig. 30. — Ensemble des glandes rectales fd’Anthocharis cardamines. La coupe passe par la région médiane de l’ampoule rectale, — c, cavité du rectum ; G/r,glandes rectales, très nombreuses et en forme de petits tubercules fongiformes ; ce, les deux cellules formant chaque massif glandulaire ; ve, intima chitineuse ; a, épithélium intestinal (de l’ampoule) ; mo, muscles circulaires ; me, ml, faisceaux musculaires longitudinaux ; Tr, filament trachéen pénétrant dans les glandes rectales. laires que chez les Papillons (PL. I, fig. 1 et 2e Pl, BAPE fie. L'et:2). Dans la plupart des familles, le nombre de ces glandes dépasse 200. Ces organes sont beaucoup moins abondants chez les autres Insectes. C’est ainsi que certains Diptères n’en possèdent que quatre, que les Hyménoptères, les Or- thoptères, les Névroptères, etc., n’en ont que six, ebc. Les Larves, sauf de très rares exceptions, les Coléoptères et la plupart des Diptères en sont dépourvus. 238 L. BORDAS Au cours de nos recherches sur le tube digestif des Pa- pillons, nous avons pu constater que le nombre des boutons glandulaires de l’ampoule rectale varie, d’une famille à l’autre, dans des limites assez étendues. Voici: quelques ré- sultats concernant divers groupes de Lépidoptères : les Pieridæ ont de 80 à 440 glandes rectales ; les Nymphalidæ, de 100 à 120; les Satyridæ, de 180 à 200 ; les Sphingidæ, environ 150; les Li- 180 à 200; les Voc- tuidæ, plus de 300. Chez une espèce de cette famille, la Bro- tolomia meticulosa, nous en avons COMP- té jusqu'à 500 (fig. 30). Les glandes recta- les des Lépidoptères (Pieris, Anthocharis, Brotolomia, etc.), vues en coupe trans- Fig. 31. — Coupe de glande rectale de Pieris napi. Lasec- il r At tion nw’intéresse qu’un seul tubercule glandulaire. — versale, presenten C, grosses cellules de chaque groupe, avec gros noyaux une apparence rec- ovales ou étranglés en leur milieu ; ze, intima chitineuse ; 2 k r, replis latéraux, avec dépression, s ; ec, épithélium tangulaire, fongifor- OR (ou épithélium del Ho sr, RE me cupuliforme ou rachéens dont les derniers ramuscules pénètrent dans RS à ù les cellules, c; mb, membrane basale ; el, celhiles parfois meme légè- limitantes externes, continuation de ee ; me, muscles r SU sde circulaires ; ml, ma, muscles longitudinaux. rement hémisphéri- que. Elles compren- nent les mêmes assises que l’mtestin terminal, avec cette différence que les cellules sont très volumineuses et pré- sentent une structure toute différente de celle du reste de l'organe. Chaque tubercule glandulaire (fig. 31 et 32) comprend deux ou trois grosses cellules cubiques, cunéiformes ou paridæ, jusqu’à 250; les Votodontidæ, de A re APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 239 aplaties transversalement (c). Leurs noyaux sont ovales ou allongés et situés dans la région médiane, ou parfois même dans la partie externe de chaque élément (fig. 31 et 32). Ils sont généralement entourés d’une aréole protoplas- mique claire. Le cytoplasme cellulaire présente une structure striée vers la base, finement granuleuse dans la partie médiame et hyaline dans la zone 1in- terne, au-dessous de l'in- tima chitmeuse (fig. 51 et 32). | Les cellules (c) de cha- que bourrelet saillant (glande) se continuent la- téralement par des élé- ments aplatis et étroits, qui font suite à l’épithé- lium sinueux (ec) compris dans l'intervalle de deux glandules. Du côté in- terne, chaque petit mas- sif glandulaire est recou- vert par une lamelle ou Fig. 32. — Coupe d’un bourreiet de glande rec- intima chitineuse (ic), re- tale de Protolomia m2ticulosa (Noctuide). — : : ml, faisceaux musculaires longitudinaux ; me, lativement mince et par- muscles circulaires ;: mb, membrane basilaire, fois denticulée. Les cel- supportant l’épithélium chitmogène ec; cl, : cellules formant lassise épithéliale limitante Jules reposent SU Une externe, continuation de ec:, Tr, filaments tra- chéens, dont les derniers ramuscules pénètrent membrane basale (mb) dans les grosses cellules C du tubercule de très caractéristique (fig. la glande rectale ; n, noyaux cellulaires ; ie, in- tima chitineuse. 31 et 32). Au-dessous ou en dehors de cette dernière, se trouve un espace comblé par du tissu conjonctif et parcouru par de nombreux filaments trachéens (Tr), dont les derniers ramuscules traversent la membrane basilaire, se mettent en contact avec les cellules et pénètrent même jusqu'aux stries protoplasmiques et dans les cloisons intercellulaires (fig. 31 et 32). Enfin, l’ensemble des glandes rectales est enveloppé par une couche de fibres musculaires circulaires (mc) et, tout 240 L. BORDAS à fait à l'extérieur, par des faisceaux de muscles longitudi- naux, localisés surtout en face des dépressions interglandu- laires (ml). En résumé, chaque glande rectale présente à considérer, en partant de l’intérieur : 1° une membrane ou intima chitineuse ; une assise cellulaire d'apparence cupuliforme ; 30 une membrane basale ou propria ; 4° du tissu conjonctif, des fibrilles nerveuses et de nombreux ramuscules trachéens ; 50 une couche de cellules (limitante externe), se continuant latéralement avec les cellules chitinogènes des replis ; 6° des faisceaux de muscles circulaires; 70 des muscles lon- citudinaux et une très mince membrane ou tunique périto- néale externe (fig. 30, 31 et 32). TUBES DE MALPIGHI (Fig. 33 et 34.) Nous avons décrit la structure histologique des tubes de Malpighi des larves des Papillons et fait, en même temps, l'historique de la question (Annales des sciences naturelles, Zoologie, 9 série, t. XIII, 1911); aussi n’allons- nous signaler actuellement que les particularités que pré- sentent ces organes chez les Lépidoptères adultes. Nous avons déjà dit que les vaisseaux urinaires sont (sauf de très rares exceptions) toujours au nombre de six chez les Papillons. Ils proviennent, en réalité, de deux troncs primitifs dont les orifices sont généralement en regard, aux deux extrémités d’un même diamètre. Ce sont des or- ganes à peu près cylindriques, parfois aussi variqueux et moniliformes. Dans quelques cas, ils présentent même de courtes éminences latérales (Saturnia), sortes de digitations ou bourrelets correspondant à des invaginations internes. Au point de vue histologique, on peut considérer, dans les tubes de Malpighi, les parties suivantes : les parois, l'épithélium excréteur et la bordure cilée interne (fig. 33 et 34). La membrane enveloppante externe comprend une la- _ laires. APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 241 melle péritonéale très mince, sous laquelle existent quel- ques fibrilles élastiques, comparables à celles que nous avons signalées déjà chez les larves des Papillons. Il existe également de minces fibrilles musculaires, les unes obliques et les autres à direction longitudinale. Dans le conduit im- pair, la couche musculaire devient beaucoup plusépaisse. La présence de fibrilles mus- culaires nous explique la pos- sibilité qu'ont les tubes de pouvoir accomplir de petits mouvements de latéralité. Au-dessous de l'enveloppe précédente, existe une très mince lamelle anhiste sup- portant l’épithélium : c’est la tunica propria (fig. 33 et 34), difficilement visible et provenant d’une différencia- : : _ ig. 33. — Coupe d’une portion de paroi tion superficielle du proto de tube de Malpighi de Spilosoma fuligi- plasme des cellules olandu- nosa. — mp, membrane péritonéale ; em, très mince couche de fibrilles musculaires obliques ; pr, protoplasme contenant des L’épithélium sécréteur est formé d'éléments très volu- mineux et très variables quant à leur forme. Ils sont généra- lement rectangulaires, à grand axe transversal (fig. 33). enclaves, des produits d’excrétion (cris- taux divers) ; n, noyaux ; certaines cel- lules a sont binucléées ; e, cavité du vais- seau ; ci, bordure ciliée; à chaque cil cor- respond un corpuscule basal, cb; les cils sont longs, réguliers, et la bordure a une épaisseur à peu près égale à la motitié de celle de l’épithélium glandulaire. Leurs cloisons latérales sont parfois distinctes et parfois aussi confondues avec les trabécules cytoplasmiques. Leur face interne est à peu près rectiligne ; mais, dans un grand nombre de cas, elle est irrégulière, bombée et proémine dans l'intérieur de la cavité. Entre ces longues cellules proémi- nentes se trouvent d’autres éléments étroits et à noyaux aplatis transversalement. Par suite de cette disposition, la lumière des vaisseaux urinaires est très irrégulière et a, dans quelques cas, la forme d’une simple fente. Mais, en général, comme l'indique la figure 33, la face interne des ANN. DES SC. NAT. ZOOL., 40e série. int, 17 242 L. BORDAS cellules n’est que légèrement sinueuse et la cavité des tubes à peu près cylindrique. La structure apparente du protoplasme est des plus va- riables. Les aspects changent suivant la région de l’organe et surtout suivant que la sécrétion est plus ou moins active. Le côté externe des cellules renferme un protoplasme finiment granuleux, parcouru par des striations fibrillaires à direction radiale. Le cytoplasme de la région médiane est généralement hyalin, transparent et forme une aréole claire autour des noyaux. La portion cellulaire externe est par- fois vacuolaire et contient de nombreux globules réfrmgents et des cristaux. Cette structure n’est nullement constante « et varie aux différents stades de l’activité physiologique « des vaisseaux. La fonction excrétrice des tubes de Malpighi des Papil- lons est généralement peu active. Pourtant, le protoplasme ainsi que les noyaux renferment parfois de petits cristaux et des granulations solides, de nature et de formes très variables. Les noyaux sont, dans presque tous les cas, allongés ou ovales. Leur grand axe est parallèle à la face interne cellu- laire (fig. 33 et 34). Ils sont localisés dans la zone superficielle, du côté du lumen, et renferment des corpuscules solides, cristallins, preuve de leur participation à la fonction dépuratrice. Chez quelques espèces, ces éléments affectent une forme irrégu- lière, sinueuse et ranufiée. Leur structure n’est pas sans analogie avec celle des noyaux des glandes séricigènes. Par- fois, cas extrêmement rare, nous avons rencontré deux noyaux dans un même élément cellulaire. De Sinéty (Thèse) a, de même, constaté que les cellules sécrétrices des tubes de Malpighi des Phasmes sont binucléées et qu'il y a division directe, puisqu'on trouve parfois des noyaux étranglés en forme de biscuit. Souvent même ces noyaux sont bourrés d'inclusions ayant l’apparence de cristalloïdes. Il existe - aussi une musculature formée de longues fibres enroulées en spirale lâche, du même type que celle qui a été décrite, par Léger et Duboscq chez Les Grillons (1899). Grâce à cette mt. : APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 9243 musculature, très ténue, on peut voir parfois, sur le vivant, les fibres se contracter, et cette modification s'accompagner d’une déformation des tubes. Du côté interne, l’épithélium est limité par une bordure de longs cils, immobiles et formant un large ruban, dont épaisseur égale parfois la moitié de celle de la membrane épithéliale (fig. 33 et 34). Au point d'implantation de Fig. 34. — Coupe de tube de Malpighi d’Acherontia atropos. — b, enveloppe externe du tube, constituée par une très mince membrane péritonéale sous laquelle se trouvent quelques rares fibrilles musculaires obliques et transverses ; Ep, épithélium composé de grosses cellules irrégulières, à bordure ciliée interne, ci. Le protoplasme cellulaire contient un grand nombre de concrétions cristallines irrégulières. chaque cil se trouve placé un corpuscule basilaire, visible chez Spilosoma et Acherontia. Les bâtonnets ciliformes sont parfois de taille différente. Ceux qui sont implantés sur les parties de l’épithélium, com- prenant des cellules aplaties, sont généralement courts, tan- dis que les cils qui sont situés au sommet des cellules bombées et proéminentes sont longs et groupés en touffes ou en faisceaux. É Tous les vaisseaux malpighiens sont entourés d’un plus ou moins grand nombre de ramifications trachéennes. Les derniers ramuscules des canaux aériens traversent même la tunique externe des vaisseaux urinaires et s’avancent jusqu’au contact de la partie basilaire des cellules. 244 L. BORDAS Chez l’Arciia caja L. et Spilosoma fuliginosa, les tubes de Malpighi se présentent, en section perpendiculaire à l’axe, sous une forme à peu près circulaire. Ils sont recouverts extérieurement d’une membrane péritonéale, doublée, du côté interne, par une très mince couche de fibres muscu- laires obliques. Ces fibres sont nettement visibles sur les coupes, et ce sont elles qui, dans les tubes de certaines larves et même de quelques Lépidoptères adultes, impriment à ces tubes des mouvements vermiformes et péristaltiques très lents. L’assise sécrétante est constituée par des cellules aplaties qui, vues extérieurement, présentent un contour polygonal. Chez Spilosoma et Acherontia, leur bordure interne est à peu près régulière et ne proémine que très rarement dans le lumen du tube. Les noyaux sont irréguliers (Voir fig. 33 et 34) : ovales, allongés ou parfois même ramifiés. La paroi interne des cellules est recouverte d’une bordure ciliée. Les cils sont droits, raides et disposés perpendiculairement à la surface cellulaire (fig. 34). La structure histologique du RÉSERVOIR URINAIRE et celle du prolongement tubuleux qui lui fait suite et le rattache à l’origine de l'intestin terminal diffèrent sensiblement de celle des tubes de Malpighi. On peut facilement suivre le passage et la transition épithéliale entre l’extrémité posté- rieure de l'intestin moyen et le canal terminal impair des tubes urinaires. A l’autre face du même tube, on peut, pareillement, passer, par transition insensible, des cellules ciliées aux cellules recouvertes d’une intima chitineuse, appartenant à l'intestin terminal. Le réservoir, comme chez les Chenilles, contient, quoique en bien moindre abondance, des granulations cristallines, de formes très diverses, isolées ou groupées en masses plus ou moins compactes. L’épithélium du réservoir repose sur une enveloppe com- posée de plusieurs assises, qui sont, en partant de l’extérieur : Une membrane péritonéale, continuation de celle qui re- couvre l'intestin, et une mince assise musculaire, constituée par des fibrilles disposées les unes longitudinalement et les autres obliquement. APPAREIL DIGESTIF DES LÉPIDOPTÈRES 245 Quant aux cellules qui limitent la cavité du réservoir, elles sont aplaties, à parois latérales peu visibles et à noyaux ovales, dont le grand axe est parallèle à la face interne. Le protoplasme est granuleux vers la base, clair, hyalin du côtéinterne, et rempli de nombreux granules réfringents. 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Nous avons publié également, dans Znsecta et dans le Bulletin de la Société scientifique et médicale de l'Ouest, diverses notes concernant les Lépido- ptères (1912 à 1916). Voir aussi CH. PÉREZ, Signification phylétique de la nymphe chez les Insectes métaboles (Bull. scientifique de la France, t. XLIV, 1910). + … sions ame tt site ff à à PRE CT: NOUVELLES ÉTUDES LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER Par le D' C. VIGUIER PROFESSEUR DE ZOOLOGIE GÉNÉRALE A LA FACULTÉ DES SCIENCES CORRESPONDANT DE L'INSTITUT U (Station zoologique d'Alger) V. — UN NOUVEAU TYPE DE PROTOZOAIRES : LA « PERRIERA STELLATA » C. VIG. (PL I, fig. 1. 2 et 3). Ce Protozoaire, recueilli au filet de gaze, fut observé, dessiné à la chambre claire, et photographié par moi, au commen- cement de l’été de 1900. Les cloisons transversales des bras, invisibles à 170", et que je commençais à apercevoir comme de simples traits, à 400°, me décidèrent à photographier, à 840°, l’origine de l’un de ces bras. C'était le plus fort grossissement qu’il me fût possible d’ob- tenir avec le matériel que nous avions alors. Avec l’outillage actuel pour l’optique et la lumière électrique, nous aurions. obtenu, avec moins de peine, de bien meilleurs résultats et peut-être évité la rupture du test et l'évacuation du contenu. Cette rupture, très nette (Voir fig. 2), montre qu’il s’agit d’un test solide, et non membraneux. Et, si j'avais prévu la perte de la préparation, je n'aurais pas manqué de vérifier s’il était siliceux ou calcaire. Mais, à ce moment, la parthénogenèse des Oursins, sur laquelle j'ai publié, par lasuite, huit notes à l’Académie des Sciences, deux mémoires dans le présent recueil, et des articles de polémique dans les C. À. de la Société de Biologie, la Revue générale des Sciences, et les notes et revues des Archives de Zoologie expérimentale, retenait toute mon attention : et 252 C. VIGUIER je fus pris, au commencement de juin, d’une attaque de rhumatisme, qui me rendit pendant plusieurs mois tout travail impossible. J’avais bien recommandé de monter chez moi tous mes dessins et toutes mes préparations; mais celle du Proto- zoaire fut égarée ou détruite, et je le regrette d'autant plus que, dans les très nombreuses pêches pélagiques, faites tous les jours où le temps le permet, sauf pendant la saison chaude, c’est l’unique spécimen qui ait été recueilli, en trente-sept ans. J’ai cru pendant longtemps qu’il en était de même des dessins, et de l’unique positif que j'avais tiré du cliché, perdu lui aussi, comme tant d’autres demeurés à la Station pendant ma maladie; et je m’occupais d’autres sujets, lorsque l’arrêt complet du fonctionnement de la station, — arrêt dû à la mobilisation du mécanicien et du matelot, — me fit des loisirs forcés, en face d’un bateau neuf, que, dans l’impossibilité de nous servir de l’ancien, dont la répa- ration avait été jugée peu avantageuse, nous avions attendu près de trois ans, — et qu'il fallut désarmer au lendemain de ses essais de recette. Espérant une terminaison plus prompte de la guerre, j'avais mis au net les dessins et les notes sur les Annélides pélagiques, que je me décide à publier ci-après, n’y pouvant actuellement rien ajouter, — lorsqu’en les reprenant Je retrouvai dans une autre enveloppe, depuis longtemps oubliée, les documents relatifs au Protozoaire. L’unique positif, provenant d’un cliché trop peu contrasté et, de plus, fort jauni par le temps, ne put être reproduit en même grandeur, comme je l’avais d’abord espéré ; mais j'en obtins un négatif, réduit à un peu plus des deux tiers. Ce négatif donne des positifs trop sombres pour qu'il vaille la peine de les reproduire en phototypie, mais où se voient nettement les détails essentiels ; et J'en adressai un au savant Directeur des Annales, à qui je dédie cette forme curieuse, en témoignage d’une amitié qui date de notre retour de l’autre guerre. LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 15 Ayant reconnu l'impossibilité de faire venir ensemble, en phototypie, le dessin à 170° et la photographie réduite, j'ai relevé l’ancien positif à 840° par le procédé des bro- deuses : c’est-à-dire en mettant une feuille de papier copie de notre machine à écrire entre un papier blanc et le posi- tif, et passant une pointe mousse sur tout ce que je voyais nettement. Mais, bien entendu, je n’ai pu reproduire ainsi ce qui n’était pas exactement au point (et qui se voit, plus ou moins brouillé, sur le positif) du réseau qui fait saillie à l’inté- rieur, et finit par former les cloisons des bras. Aussi ne faudrait-il pas conclure que le test est sans réseau intérieur, là où rien n’est porté sur la figure 2. On voyait, au contraire, sur le sujet, ce réseau dans toute l'étendue repré- sentée, en faisant varier le point, — tandis que, la photo ne montrant nettement que ce qui était dans le plan choisi, le reste demeurait tellement flou qu'il fut impossible de le reproduire en dessin. A 400", on n’apercevait encore les cloisons des bras que comme de simples traits. A ce grossissement, en mettant au point le contour d'un des espaces interbrachiaux, on a l’apparence représentée planche I (fig. 3); mais la convexité de la partie centrale est assez forte pour qu’il soit impossible de voir autre chose qu’une simple coupe optique, mal au point. Sur le vivant, l’ectoplasme est clair, et sa réfringence est à peu près la même que celle du test, qui ne se voit bien que lorsqu'il est vidé, comme sur les figures 2 et 5. L’endoplasme est, au contraire, fort sombre à la lumière transmise, et semble limité par une membrane, tellement sa forme paraît régulière à 170°. Toutefois, en l’éclairant obliquement en dessus, à 400", on distingue, sur le bord éclairé, quelques lignes ondulées qui semblent indiquer une surface mamelonnée. Le noyau se détache très nettement en clair et n’occupe pas le centre de figure. Du bord de l’endoplasme, partent des faisceaux fibrillaires, exactement représentés sur la figure 1, et qui, s’engageant 254 C. VIGUIER dans les bras, doivent former au moins l’axe des pseudopodes, dont quelques-uns n'étaient pas complètement rétractés quand j'ai relevé la figure 1. _Ilest possible qu'à l’état d'expansion complète il y en ait tout au moins de chaque côté, et peut-être tout le tour de chaque bras, sur toute sa longueur. Il est vrai que je n'avais pas vu d’abord ces perforations, qui n'apparaissent pas plus sur la photo à 840° que les perforations latérales qui donnent passage aux pseudopodes. Mais on voit, sur cette figure, deux petits cercles qui semble- raient de minuscules bulles d'air, s'ils n'étaient fortement réfringents, et qui doivent être l’expression optique d’un peu de cytoplasme resté engagé dans la paroi ; car il n’y avait pas de bulles d’air. dans la préparation, et, pour des bulles d’air, elles seraient d’une excessive petitesse. On ne voit du reste rien de pareil ailleurs, mais la position de ces deux petits cercles est un peu trop symétrique. Tout au plus y a-t-il un léger déplacement, qui les fait paraître sur la cloison, ou au bord du bras. J'ai, à dessin, un peu exagéré la dimension de ces goutte- lettes réfringentes, qui se trouvent dans l'épaisseur de la paroi du bras, retenues prisonnières dans les microscopiques passages par où sortent les filaments pseudopodiques, obser- vés sur le vivant, et pour la plupart rétractés quand j'ai relevé la figure 1. Ces deux parcelles de cytoplasme restées prisonnières dans l'épaisseur de la paroi ont pris l’apparence de minuscules souttelettes presque aussi réfringentes que des gouttelettes d'huile, La fracture de la boîte centrale donnant brusquement accès à l’eau a modifié la consistance du cytoplasme, qui a difflué immédiatement partout où il a pu se mêler à elle. Mais elle n’a pas pu pénétrer dans les pores extrêmement étroits, par où sortent les pseudopodes, et s'étant trouvée dans l’eau ambiante aussi bien en dehors qu’au dedans, elle s’est maintenue comme l'eût fait une gouttelette d'huile. Sur la figure 2 de la planche I, on voit les gouttelettes, un peu exagérées, et qui ne devraient avoir pour calibre que LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 235 l’épaisseur du tube où elles se trouvent. J’ai dû exagérer un peu leur diamètre et les montrer toutes les deux au même plan, bien que celle de gauche fût vue en avant et celle de droite en arrière d’un plan coupant le bras en long exacte- ment par le milieu, et paralèlle au plan du papier. On voit, sur la coupe du bras vertical, les cloisons trans- versales, et une ligne grise, traversant ces cloisons suivant l’axe du bras, montre le passage du cytoplasme. Au-dessus de la deuxième cloison, en direction du centre de la boîte, on voit que le test est soutenu par un réseau qui consolide la chambre centrale ; mais les mailles de ce réseau sont trop irrégulières pour qu'on puisse en donner une description. C’est ce réseau qui maintient la forme lenticulaire de la boîte centrale, et l’on voit la ligne suivant laquelle celle-ci s’est effondrée, tout le contenu de cette boîte ayant immédia- tement difflué. Le bord de la lentille ne s’est maintenu que là où 1l était maintenu par le réseau intérieur. Quant aux gouttelettes, beaucoup plus grosses, que l’on voit au bout de 5 des bras, et qui ont une apparence spu- meuse, il m'est impossible de dire si elles proviennent de la rupture de ces bras, ou si ceux-ci sont normalement ouverts à leur extrémité. Elles manquent sur deux des bras courts et se trouvent à l'extrémité des plus longs. Ce n’est point, du reste, la seule irrégularité que montrent ces bras, qui sont au nombre curieux de 7 : aucun d’entre eux n'étant exactement dans le même plan qu'un de ses voisins. . En outre, la plupart d’entre eux sont courbes, non seule- ment dans le plan du dessin, mais aussi dans un autre, Et par exemple le grand bras dirigé vers le bas de la planche l’est assez pour soulever un peu la partie centrale, de laquelle il semble partir au-dessus du niveau des autres, comme onle voit sur la figure 1. Cependant la différence est peu importante. En tout cas, le sujet ne montre aucune trace d’autres bras que les sept figurés. Les angles qu'ils font entre eux, à leur origine, sont (pro- jetés sur le plan du dessin, et à partir du bras court sans gouttelette terminale ni pseudopodes, et en allant dans le 256 C. VIGUIER sens des aiguilles d’une montre) 430, 490, 489, 670, 550, 510, OS 600 A 840!, on voit que le bras dirigé vers le bas de la planche, et sur lequel a été faite la mise au point, n’est pas, à son origine, dans le même plan que ses voisins. On voit aussi que ces trois bras semblent se détacher beaucoup plus nettement de la partie centrale que sur le dessin à 170° (fig. 1). On pourait se demander si l'apparence de palmure inter- digitale n’est pas due à une mise au point, imparfaite, mais nécessaire pour pouvoir relever tous les bras. Et cette appa- rence subsiste encore quand on met au point à 400° (fig. 3). Comme jen’ai jamais revu cette forme curieuse, je medécide, après plus de vingt ans, à dire ce que je sais d'elle, quelque imparfait que ce soit, car elle ne me parait se rapporter à aucun type connu. VI — ANNÉLIDES PÉLAGIQUES. A.— NOTES SUR LA « PONTODORA PELAGICA » (GREEF). Ce phyllodocien, d’abord observé, sans grande attention, par Greef, aux Canaries, et décrit par lui, en 1879, fut d’abord revu par moi (1886, p. 388-392), puis par Reïbisch (1895), qui, bien qu'ayant un grand nombre de sujets, pro- venant de la Plankton-Expedition, dans l'Atlantique, re- nonça à en donner une nouvelle description ; car il trouvait fort exactes celles qui avaient été faites par Greeff et par mor. Cependant la mienne contredisait, en divers points, celle de Greeff, qui l'avait observé d’une manière si peu attentive qu’il crut avoir affaire à un Syllidien. Reïbisch a compris, comme moi, qu'il s'agissait d’un Phyllodocien, mais ne s’en est pas autrement occupé. La Pontodore a été signalée depuis par Salvatore lo Bianco, 1903-1904, dans les pêches abyssales exécutées par le yacht Puritan. I constate qu’elle n’était, jusqu'alors, connue en Méditerranée que par mon travail de 1886, et indique aussi sa rareté, Mais il se borne à la mettre aussi parmi les Phyllo- dociens et n’en donne aucune description. Il y avait cependant encore à étudier de plus près les sin- LE PLANKTON DE LA BAIE D ALGER 257 guliers organes vibratiles, déjà signalés par Greeff, et repré- sentés par moi (1886, PL XXII, fig. 17), mais dont je n’ai jamais pu, sur les très rares sujets que j'ai récoltés, obtenir des coupes satisfaisantes, et surtout la trompe, dont la partie musculeuse est visible, mais insuffisamment, sur la figure 12 de cette même planche. Il faut en effet changer sensiblement la description que je donnais de cet organe, fort difficile à voir quand il est rétracté, et qu'on ne surprend pour ainsi dire jamais à l’état d’expan- sion complète, Je disais en 1886 (p. 392): «La trompe est courte, fortement musculeuse, et revêtue à l’intérieur d’une épaisse couche glan- dulaire. Sa partie antérieure forme un bourrelet, qui s’épaneuit pendant l’extroversion, et porte une couronne de 16 à 18 pa- - pilles renflées à la base et fort amincies au sommet (fig. 15, plète. PI XXII de ce travail), dont la longueur atteint presque celle de la partie musculeuse de la trompe. Chacune de ces papilles se termine pas un cil délié. Pendant la rétraction, cette masse de papilles, logée dans sa partie mince, lui donne un aspect fort curieux et arrive à peu près au niveau de la bouche » (Voy. fig. 12 pour la trompe rétractée, et fig. 15 pour ce que j'avais pu apercevoir des papilles). Mais je n'avais alors vu qu'une extroversion incom- J’en ai vu depuis presque toutes les phases, sur un sujet imparfaitement narcotisé, que j'ai pu ensuite fixer et débiter en coupes sagittales. | La partie musculeuse de la trompe, ainsi qu'on le voit sur la coupe (PL. I, fig. 5),est bien, ainsi que je le disaïs, très courte, et presque sphérique : et c’est cette apparence qui a dû tromper Greeff et lui faire prendre l'animal pour un Sylli- dien. Les fibres musculaires sont disposées radiairement entre la membrane basilaire de l’épithélium et un feuillet plus mince qui l’entoure. C’est probablement l’élasticité de la membrane basilaire qui agit comme antagoniste de ces cellules musculaires. Du moins n’ai-je pas constaté, sur mes coupes, des fibres annulaires, qui seraient, en tout cas, peu développées. ANN. DES SC. NAT. ZOOL., 10e série. ur, 18 258 C. VIGUIER L’épithélium glandulaire est formé de grosses cellules presque sphériques, irrégulièrement stratifiées. C’est, bien entendu, l'augmentation de lapressionintérieure, chez un animal où les cloisons intersegmentaires sont très peu marquées, qui détermine l’évagination de la trompe, et, en même temps, l'érection des papilles, dont la cavité doit être en communication avec le cœlome. Aussi, pendant l’évagination complète, les voit-on, toutes, turgescentes, et ce n’est que lorsque la pression br qu’elles se renversent plus ou moins. Il suit de là qu’au moment où commence l’évagination on voit d’abord apparaître le verticille inférieur de six grandes papilles, puis le deuxième et le troisième, qui en ont égale- ment six, à peu près de la même taille, — enfin le qua- trième, 1e 12, sensiblement plus petites. Il va sans de qu'avec les mouvements plus ou moins irréguliers de l’animal tout cela paraît souvent fort confus. Et, les papilles de la dernière rangée étant plus courtes que celles des autres, on s’explique le chiffre 18, que ] RE en 1886. Il semble alors que l’extoversion soit complète, mais 1l n’en est rien. Du milieu de ce fouillis, on voit surgir un cône, qui finit par s’arrondir en dôme (fig. 4 et 5), dont Poe est bordée de papilles courtes et arrondies, sans cil terminal. Cette apparence ne semble pas produite par le froncement du bord de l’orifice. J’ignore cependant si celui-ci n’est pas susceptible de se dilater davantage ; mais je ne crois pas que la dilatation puisse aller jusqu’à l'effacement de ces papilles, qui paraissent très nettement limitées. Je n’ai pu en compter que 15 ; mais leur nombre est probablement supérieur. Et, du reste, tant que l’animal, bien que narcotisé, est vivant, il est en mouvement incessant. Et, quels que fussent les moyens employés, j'ai toujours vu la trompe se rétracter plus ou moins avant la mort : — sauf dans le cas unique qui m'a permis de faire la coupe sagittale (fig. 5). Sur cette coupe, on voit bien que ce sont les papilles courtes qui forment le bord de l’orifice. On voit également une papille LR RS * + F - È LA ) : o : L A 1 LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER 259 du 4° et une du 3 verticille, rencontrées presqueexactement suivant leur axe, quoique pas sur toute leur longueur, d’autres n’ayant été qu’effleurées. — La coupe du cerveau est sommairement indiquée à gauche. La figure 6 montre une des grandes papilles, dessinée sur le vivant, sans compression. On voit le grand cil dont je parlais en 1886, et les cellules nerveuses correspondantes. Sur la figure 4, on voit qu’elles forment, à la base des pa- pilles, des sortes de plaques irrégulièrement quadrangulaires. L’épaississement qu’elles produisent fait que, dès que la turgescence de la trompe diminue, on voit se former des rides annulaires, passant par le bord supérieur des papilles de la même rangée. Mais il m’eût fallu employer l'acide osmique pour essayer de mettre en évidence les connexions nerveuses qui doivent exister entre toutes les papilles de ce système compliqué. Et je connaissais tropl’extrême sensibilité de ces animaux pour ne pas être sûr quils se rétracteraient immédiatement, quelque endormis qu'ils parussent. B. — « PARIOSPILUS AFFINIS ».(C. VIGUIER), nov. gen. et sp. Je me suis borné, dans le premier mémoire publié sous le même titre général que celui-ci, en 1911, dans les Annales des Sciences naturelles (Zoologie, % série, vol. XIII), à donner (p. 250-252) une diagnose de cette petite Annélide. Ainsi que je le disais alors, ce Phyllodocien est le type le moins modifié que nous connaissions actuellement de la série aboutissant au Phalacrophorus. Le Pariospilus, — ainsi nommé à cause de son extrême ressemblance avec l’Zospilus phalacroides, représenté planche XXIII et décrit pages 392-395 de mon mémoire paru, en 1886, sous le titre: Études sur les animaux inférieurs de la bare d Alger : LL. Annélides pélagiques, dans les Archives de Zoologie expérimentale et générale (2° série, vol. IV, 1886), — en diffère par quelques caractères, dont le plus net est la pré- sence de cirres dorsaux et ventraux, il est vrai fort petits, dès le 3° segment post-céphalique. 260 C. VIGUIER Chez l’Zospilus, les segments 3 et 4 portent de courts mamelons sétigères, avec des rudiments de cirres ventraux, mais pas de cirres dorsaux. Ceux-ci n’apparaissent qu’au cinquième, et déjà grands, — tandis que l’accroissement de taille des parapodes et des cirres est graduel chez le Pariospilus (Voir fig. 2, PI. IT), pour une vue un peu oblique, à 75 diamètres, de l’extrémité antérieure. Sur cette même figure, on voit que les premier et deuxième segments post-céphaliques sont soudés, sans aucune ligne de démarcation, comme chez l’Zospilus et le Phalacrophorus: mais les premiers cirres dorsaux (cirres tentaculaires), insérés plus dorsalement que les deuxièmes, comme chez ces deux types, sont proportionnellement plus grands que chez les Tospilus, à plus forte raison que chez le Phalacrophorus. Par contre, le mamelon sétigère du deuxième segment est encore plus réduit que chez eux ; mais la rame avortée est représentée par deux soies insérées au-dessous du cirre. L’accroissement de taille des rames et des cirres se continue jusqu'au douzième ou treizième segment : ces dimensions se maintenant presque jusqu'à l'extrémité postérieure, et dimi- nuant ensuite brusquement, comme chez l’Zospulus. Le nombre total des segments, non compris la tête, la zone d'accroissement et le pygidium, variait, chez mes sujets, de 20 à 23. Comme ils étaient alors très déformés par les produits sexuels, j'ai choisi, pour la figure générale, un sujet n’ayant, comme l’/ospilus que j'ai représenté (1886, fig. 1, PI XXIII) que 18 segments. La tête, sans aucun appendice, est séparée du premier seg- ment du corps par un sillon fort net, comme chez l’Zospilus phalacroides, et non confondue avec lui, sans ligne de demar- cation, comme chez le Phalacrophorus, et comme le sont les segments { et 2, dans les trois espèces. Les figures 2, 3 et 4 la montrent à divers états de contraction. I n'y a rien de particulier à signaler, sauf l'orientation des yeux, dont le cristallin semble toujours dirigé oblique- ment en arrière, comme s’il regardait dans la fossette ciliée (fig. 3). Ce n’est qu'en comprimant davantage, et par consé- TS ER ERNEST EE PORTE FREE EN RRREERREE PRET LE PLANKTON DE LA BAIE D'ALGER « 261 quent en déformant la tête, qu’on arrive à voir nettement la partie du cristallin que le pigment laisse à découvert, les croquis relevés sur le vivant ne permettant qu'une mise _au point tout à fait superficielle. Sur cette figure 3, le premier cirre droit n’est pas repré- senté, et le sillon post-céphalique étant tout à fait super- ficiel, ne se trouve pas au point. En comparant les figures d'ensemble de l’Zospilus et du Pariospilus, on peut voir que la dimension relative de la hampe des soies et de leur serpe est tout à fait concordante. Je n’ai donc pas donné de figure isolée d’une rame entière. Quant au nombre des soies, il augmente progressivement de 2 (à la rame des deuxièmes cirres dorsaux), 3 ou 4 à la sui- vante, 6 à 8 à celle d’après, puis, rapidement, jusqu’à 23 ou 24. Le dernier anneau formé en porte naturellement un nombre variable suivant son état de développement. La figure 7 montre l'extrémité d’un parapode, vue du côté ventral. On y voit la saillie de l’acicule, comparable à ce qui existe chez l’Jospilus (et répétée à 500 diamètres, fig. 8), et l'indication des cinqrangées, fort régulière, de cils vibratiles, qui entourent la pointe du parapode, tandis que, chez l’Zospilus, il n’y en a qu’une seule, encore plus ‘terminale. Tout le parapode est, du reste, couvert de cils plus fins et plus courts, sauf à la base, où ils sont plus longs au-dessous de l’insertion du cirre ventral. La coloration diffuse des sujets, ainsi que les produits sexuels, rendent presque impossible l’examen de la trompe, tant qu’elle est rétractée ; mais j'ai pu l’observer une fois à l’état d'expansion complète, sur le vivant. Elle est exacte- ment représentée sur la figure 6, où je n’ai pas voulu indiquer le contour de l’extrémité antérieure de la tête, car elle est alors par trop déformée. Il semble probable que la trompe de l’Zospilus, que je n’ai pu voir extroversée, doive lui ressembler, et que la description que j'en ai donnée soit à rectifier; — car les deux espèces se ressemblent telle- ment que leur trompe ne saurait différer beaucoup. La pigmentation de mes sujets est plutôt rouge ; mais J'avais déjà signalé cela pour un des /ospilus de 1886 ; tandis 262 C. VIGUIER que le premier observé présentait la belle coloration violette qui lui a valu son nom. Je n’ai pas voulu charger la figure générale des cellules pigmentaires, qui auraient compliqué le travail du lithographe, sans être probablement représentées de facon satisfaisante. Toutes les planches de mon mémoire de 1886 ont été des- sinées par moi sur des glaces dépolies et reproduites direc- . tement en photogravure. On ne peut exiger de la lithogra- phie une telle fidélité dans les petits détails, et le dessin sur glace est trop pénible pour que j'aie été tenté d’y recourir à nouveau : d'autant que les épreuves ne sont point toutes parfaites, et qu’il est fort délicat de retoucher les cuivres. Aussi, pour notre Pariospilus, j'ai, toujours en négligeant la coloration diffuse, figuré les cellules pigmentaires seule- ment sur la moitié de la face inférieure d’un anneau, et sur toute la face supérieure d’un autre, pour permettre les compa- raisons avec ce qu'on voit chez l’Zospilus (Voir fig. 11 et 12). Comme chez l’/ospilus et le Phalacrophorus, la disposition de ces cellules pigmentaires est moins régulière, et leur taille est moindre à l'extrémité antérieure ; mais elles se continuent jusqu'au dernier segment différencié. d Le pygidium montre ordinairementune ceinture pigmentée, au niveau du paratroque, comme chez l’Zospilus. Mais elle peut être remplacée, plus ou moins complètement, par deux points placés comme chez le Phalacrophorus (1886, PI. XXIIT, fig. 9). C’est ce que montre la figure 13. L’Zospilus phalacroides, de mon mémoire de 1886, a été retrouvé également par Lo Bianco, dans huit des pêches exécu- tées à bord du Puritan, à des profondeurs variables de 300 à 1900 mètres. Je n’attache, pour ma part, pas grande im- portance à ces indications de profondeur, quand il s’agit de pélagiques. Lo Bianco n'ayant pas signalé de différences avec ma des- eription de 1886, il est probable qu'il n’a pas vu le Pariospilus. C. — «FRENNIA PROPINQUA » (C. VIGUIER), nov. sp. Le nom de genre date de mon travail de 1912 (Nouvelles études, etc., II, Ann. des sc. nat., Zoologie, %® série, vol. XV). LE PLANKTON DE LA BAIE D’ALGER 263 Il a été donné à une photographie dont le sujet était perdu, et que j'avais (en 1911) rapporté au genre Quelreria. A la fin de ce court travail, j'ai, sur les exemplaires envoyés à mes correspondants, ajouté, au composteur, la note sui- vante: «Un nouvel exemplaire de Frennia (capturé le 22 avril 1912), photographié vivant, permettra, sauf pour les élytres, d'achever cette description. » Le peu de mots que pouvait recevoir mon composteur m'a empêché d'ajouter «et l’antenne médiane » après le mot « élyties ». J'ai aussi mis, à l'explication des planches, un point d'interrogation après le grossissement indiqué pour la Frennia dubia. | La différence de taille est, en effet, considérable entre l’ancien cliché et le sujet nouveau, et je n’avais pas le temps d'examiner celui-ci avec l’attention nécessaire. Par la forme de ses parapodes, la saillie de l’acicule, la position et la taille des cirres ventraux, 1l se range bien dans le genie Frennia, mais il en diffère : 1° Par sa taille, qui, autant qu'on en puisse juger par le cliché de celle-ci, est plus de deux fois moindre, pour le même nombre de segments ; 20 Par la brièveté du premier grand cirre (cirre dorsal à), tandis que celui-c1 est à peu près de même dimension que cirre dorsal 6 et cirre dorsal 8 chez la F. dubia. J’en fais donc, en attendant qu’on ait revu la F. dubia, une espèce nouvelle, évidemment fort voisine. La figure 1 représente le sujet nageant en liberté. _ L’antenne médiane manque, mais devait probablement, comme on le voit sur la F. dubia, être bien plus longue que celle de la Quetieria. Son tubercule d'insertion, invisible sur le cliché de la F, dubia, est à peine plus long que ceux des antennes latérales. Celles-ci ressemblent par leur forme à celles de la Quetieria, mais sont plus longues, relativement à la tête, que chez celle-c1. : Les palpes sont remarquables par leur extrême longueur. Mais, après fixation, ces organes si contractiles n’ont guère plus de la moitié de la longueur des grands cirres tentacu- laires (cirre dorsal 1). 264 - C. VIGUIER Les élytres occupaient, comme chez les autres formes, la place des cirres dorsaux 2, 4, 5, 7,9, 11, ete. Les élytrophores sont très apparents sur le cliché de la Frennia dubia, surtout du côté droit. Chez la F. propinqua, ils sont, pour la plupart, couchés sur le parapode, la surface d'insertion de l’élytre étant presque verticale, comme on le voit sur la figure 2 (PI. IT) ; mais, pour la figure générale (1), je les ai tous figurés comme à l’ordinaire, pour rendre le dessin plus compréhensible. Sur le cliché de la Frennia dubia, on ne voit pas nettement l'insertion des cirres dorsaux. Chez la propinqua, ils s’amin- cissent graduellement, et la limite entre leur base conique et le reste du cirre est à peine indiquée, et quelquefois invisible, — au lieu d’être fort nette comme chez la Quetieria. Pour la série des cirres ventraux, les numéros 1 sont les tentaculaires inférieurs; les deuxièmes sont, comme chez la Quetieria, insérés tout près de la base du parapode et dirigés en avant, de chaque côté de la tête, qu’ils dépassent longue- ment (fig. 3). Les autres s’insèrent vers T extrémité des para- podes, au-dessous de la rame. La figure 4 représente une rame ni la figure 5 (extré- mité du cinquième parapode) est grossie de 100 diamètres, pour montrer la saillie de l’acicule et la forme de cirres ; mais, naturellement, la base du cirre dorsal est seule représentée. Les soies sont peu nombreuses, en général 10, au plus 12-15. Elles sont très fines et portent, d’un seul côté, des épines latérales d’abord disposées sur deux rangs, et, à l’extrémité, sur un seul (fig. 7). Sur une seule soie, J'ai aperçu une disposition spiralée; mais cette soie était engagée sous d’autres qui gênaient beaucoup la vue, au grossissement de 2000, au- quel j'établissais mes croquis. Tandis que la disposition spiralée des épines est fort nette sur la soie (fig. 6) de la planche IIT de mon travail de 1911, qui est une soie de Quetieria. EXPLICATION DES PLANCHES Toutes les dimensions des dessins doivent être considérées comme réduites de 1/6. PLANCHE I Perriera stellata (G. Vig.), à 14704, 2. — Copie de la photographie à 8404, obtenue après rupture nes 1 Frc TE D — Pre re Pre. Ki — Es Ie or re, D — 1e D — Pie & — IE. vs — IE LE: — PTE, 7% — Ines re Go — Pre A0, re 1 re AD — re, 18, —= ANN. DES SC du test. ; Croquis relevé, à 4004, montrant l’origine de deux bras, et l’espace interbrachial. (Le bord et les cloisons sont seuls au point.) Pontodora pelagica (Greeff). La trompe complètement développée, observée et dessinée sur le vivant, à 1004. Pontodora pelagica (Greeff). Coupe sagittale de la trompe, après fixation, à 1504, Une des grandes papilles, dessinée sur le vivant, à 4004. PLANCHE II Pariospilus affinus (C. Vig.), sujet nageant librement, à 254, (Il a été choisi à cause de sa régularité, car il est de fort petite taille. Maïs tous les autres sont déformés par leurs produits sexuels.) Extrémité d’un sujet, un peu contracté, et recourbé, de grande taille (vue obliquement, pour montrer les premières rames, à 754). Vue tout à fait superficielle de la tête d’un autre sujet, vivant, pour montrer les yeux, qui ne sont pas tout à fait à la surface, et semblent regarder dans la fossette olfactive, à 1004, Tête, vue en dessous, d’un petit sujet, non comprimé, à 1004. (On voit la fente buccale, les palpes, et le bord inférieur des fossettes olfactives.) Un œil comprimé, pour montrer le cristallin, à 2004. Trompe, entièrement évaginée, d’un autre sujet, à 754, Mamelon pédieux, vu en dessous, à 2504, Pointe du mamelon, pour montrer la saillie de l’acicule, à 9004, Extrémité de la hampe d’une soie, avec l'articulation de la serpe, à 2 0004, Bout de la hampe et serpe, à 5004, Pigmentation de la face ventrale, figure partielle, à 1004, Pigmentation de la face dorsale, à 1004, Pygidium, à 1004, . NAT. ZOOL., 10e série. MTS E Fire. FIG. Frc. Fic. Fic. Fic. Fr. => Qt & © ND C. VIGUIER PLANCHE III — Frennia propinqua (C. Vig.). Sujet où manquent les élytres et l'antenne médiane, nageant en liberté, à 354. — Tête vue en dessus, à 504. — Tôte vue en dessous, à 504. — Une rame entière, à 504 (10 à 12 soies). — Cinquième parapode, sans soies, et avec le cirre dorsal coupé, à 41004. — Portion d’une hampe. — Portion de là pointe d’une soie, à 5004. LE PLANKTON DE LA BAIE D’ALGER 267 PLANCHE I LE PLANKTON DE LA BAIE D’ALGER 269 N [ \| l \ \ \ ) \ll \ | \I Ÿ î «| ; [| | | Î \ | | | l 6 / — TR a PLANCHE II 214 LE PLANKTON DE LA BAIE D’ALGER LEP Sd cc v 7 << S ÿ VE 11 LL JJ SI ASS dd a RS) RL Pl Re CE 2 AE + o AS « e 13 PLANCHE lIIl : LA ‘GRANDE ” ET LA ‘ PETITE ” ROUSSETTE Par J. DELPHY Toutes nos côtes sont fréquentées par deux Sélaciens, que l’on confond souvent sous le nom de Roussettes (1). Ils se ressemblent considérablement, et un examen rapide pourrait ne pas faire apercevoir certains caractères différentiels (la forme des nageoires ventrales, par exemple) ou prétendus tels (position relative des nageoires, par exemple). Il règne parmi les Ichthyologistes une grande confusion sur la ques- tion de leur dénomination, et leur synonymie s’en trouve très embrouillée. La présente étude, qui ne doit être regardée, en quelque sorte, que comme une introduction à un travail, plus important, de biométrique, en cours d’exécution, a pour but d’essayer d’élucider, autant que possible, cette _ question. Remarquons d’abord que ces deux Sélaciens présentent un caractère différentiel parfaitement net, qui va nous per- mettre de les définir l’un par rapport à l’autre sans ambi- guité et avec certitude : (1) C’est l’espèce désignée depuis RoNDELET, sous le nom de Rochier, Chat rochier, Squale rochier, le Canicula saxatilis de RoNDELET (Voir infra, p.280, la synonymie). Nous l’appelons Roussette saxatile, afin de rappeler la justesse de vues du vieil ichthyologiste français (le terme de «rochier » ne peut se mettre au féminin et ne se trouve pas dans le dictionnaire de l’Académie, tandis que celui de saxatile, qui y correspond exactement, se trouve dans ce dictionnaire). C’est Broussoner (1780) qui, le premier, est revenu à la manière de voir de RONDELET. ; ANN. DES SC. NAT. ZOOL., 10e série. nt, 19 9274 J. DELPHY Roussette proprement dite. | Roussette saxatile (1). Valoules nasales. Continues et recouvrant la lèvre supé-[Très nettement séparées et distantes rieure. de la lèvre supérieure. (AIS 68 0) : (PE, fig#2) Dans l’uneet l’autre espèce, chacune des valvules présente un bord externe, un bord buccal et un bord interne (1), très court; mais, dans la première, les deux valvules arrivent au contact par leurs bords internes, etleurs bords buccaux recouvrent complètement la lèvre supérieure, tandis que, dans l’autre, leurs bords internes sont éloignés l’un de l’autre, et leurs bords buccaux n’atteignent pas du tout la lèvre supé- rieure. Ce caractère, bien figuré par En. LE Danois (1913, fig. 3 et 4, p. 14) lui a même paru d’une importance suffisante pour placer ces deux Sélaciens dans deux genres différents : la Roussette proprement dite dans le genre Scylliorhinus [Blainv.] Gill et la Roussette saxatile dans le genre Scyllium [Cuv.] Smith. Cette manière de faire semble provenir très vraisemblablement du souci de sauvegarder simultanément les droits de priorité de BLAINVILLE et ceux de CUVIER, quoiqu'ils soient inconciliables. En tout cas, est-il légitime de séparer aussi considérablement deux espèces qui se ressem- blent tellement que Cuvier et nombre d’Ichthyologistes éminents ont dû constater qu’elles ont été«souventconfondues ou mal distinguées » et que LE Daxoïs rappelle que CuviEr lui-même, DumÉériLz, Moreau les ont confondues ? La compré- hension des genres et des espèces reste encore bien arbitraire; mais il n’est pas douteux qu’il y ait plus d'avantage à ne les pas multiplier sans nécessité. C’est précisément dans ce but que les zoologistes ont été si souvent amenés à remamier, à amender des genres antérieurement créés, à en modifier plus ou moins la définition primitive, sans atteindre celle-ci dans ce qu’elle a d’essentiel. Les genres Scylliorhinus Blaimwv. (1816) et Scyllium Cuv. (1817) proviennent l’un et l’autre de la subdivision du grand genre Squalus de LiNNÉ ; ils n’ont —< (1) Pour employer les expressions de Moreau (7881). É : s LA GRANDE ET LA PETITE ROUSSETTE 9270 pas absolument la même signification. Tous deux ont été considérablement remaniés par les nombreux auteurs qui se sont occupés des Squales en général et des Roussettes en particulier, et ni l’un ni l’autre ne subsiste avec sa signifi- cation primitive. En aucune façon on ne peut considérer le genre Scyllium comme provenant de la subdivision du genre Scylliorhinus, ce qui, d’après les règles admises de taxi- nomie, amênerait à l’admettre tout en conservant ce dernier. Il faut faire un choix, et l'application stricte de la loi de prio- rité, loi fondamentale de la nomenclature, nous oblige à adop- ter le terme Scylliorhinus, de préférence à Scyllium, postérieur. D’après le caractère tout d’abord indiqué de la disposi- tion des valvules, il est facile de distinguer deux espèces de Roussettes. Mais pourrait-on (et devrait-on) en distinguer davantage vivant sur nos côtes? LINNÉ et ses successeurs en comptaient trois correspondant à ces deux-là ; en s’ap- puyant sur ses diagnoses, si concises, et sur ses références (ses synonymies, pour ainsi dire), on peut, comme nous le verrons, établir que son Squalus caniculus est la femelle et son Squalus catulus le mâle de la Roussette proprement dite. Cuvier ne l’a pas compris ainsi, puisqu'il fait du Squalus catulus L. un synonyme de sa «petite Roussette ou Rochier », qui est la Roussette saxatile, et fait du seul Squalus canicula L. sa «grande Roussette», qui est la Roussette proprement dite. Il ajoute, après avoir indiqué ces deux espèces : «Nous en possédons encore une troisième à taches noires et blanches»; nous manquons, à ma connaissance, de données précises pour savoir si cette troisième espèce est vraiment bien distincte des deux autres (serait-ce la même variété de coloration que le Scylljum albo-maculatum Bp.?). BLAIN VILLE (1822) compte quatre espèces de Roussettes sur nos côtes, mais 1l est évi- dent que son Squale Panthère et son Squale élégant ne sont tout au plus que des variétés de son Squale Roussette (Roussette proprement dite). — Tous les auteurs modernes ne reconnaissent que deux espèces de Roussettes sur nos côtes, celles que nous avons distinguées, et en effet il ne semble pas qu’on en puisse séparer d’autres en se basant sur des caractères de valeur suffisante. 276 J. DELPHY Trouve-t-on entre ces deux espèces d’autres différences, plus ou moins nettes, venant s’ajouter à celle de la dispo- sition des valvules nasales, différence d’une particulière netteté ? On ne peut en effet séparer arbitrairement un ca- ractère de l’ensemble, si ce n’est pour en montrer la valeur pratique pour la détermination. Nos deux Roussettes ont été maintes fois décrites jusque dans les détails ; 1l ne saurait être question de recommencer ici ces descriptions. Nous allons nous borner à examiner rapidement les caractères principaux qui ont servi de base aux auteurs pour leurs diagnoses et leurs descriptions. Forme générale du corps. — Rien qu'à considérer leur forme générale, on aperçoit déjà une différence entre les deux espèces, différence que divers auteurs indiquent assez exactement en disant que : la Roussette saxatile est plus «trapue » que la Roussette proprement dite. C’est là une observation juste, mais qui manque de précision ; MOREAU (1881) donne pour la Roussette saxatile l'indication numé- rique suivante: « La hauteur, qui est égale à la largeur, est comprise neuf fois dans la longueur totale. » Soit À la hauteur (ou épaisseur, dorso-ventrale), { la largeur, L la longueur totale ; des premières séries de mensurations (à multiplier) nous donnent, en moyenne : Roussette proprement dite. Roussette saxatile. 3 10,03 8,25 L F4 10,36 9,25 ete l = 0 0,89 ñ ,96 Ainsi donc le corps de la Roussette saxatile est, en général, plus large et plus épais (plus haut), relativement à sa longueur, que celui de la Roussette proprement dite ; mais cette règle souffre des exceptions, et l’on ne peut, par conséquent, s’ap- puyer sur elle pour différencier les deux espèces et la faire servir pratiquement pour la détermination. (Remarquons, en passant, qu'il serait plus juste de dire de la Roussette LA GRANDE ET LA PETITE ROUSSETTE DT proprement dite ce que MoREAu dit de la Roussette saxatile, que la hauteur est égale à la largeur.) Tête, museau, bouche. — Il n’est pas très aisé de décider très exactement ce que les auteurs entendent par « museau ». Il est certain que le « museau » de la Roussette saxatile est en général obtus, tandis que celui de la Roussette proprement dite est plus effilé ; mais c’est là un caractère quelque peu variable et en tout cas difficile à définir avec précision. Si l’on considère, assez logiquement, le museau comme limité en arrière par la droite qui joint les deux commissures labiales, le rapport de la longueur à la largeur de cette région est, chez l’une et l’autre espèce, voisin de 1,5. Par contre, la tête est très généralement nettement plus longue chez la Rous- sette saxatile que chez la Roussette proprement dite ; le rapport de sa longueur (1) à la longueur totale de l’animal est en moyenne voisin de 5 chez la première (maximum : 5,4) et de 6 chez la seconde (minimum : 5,6). La bouche est le plus souvent plus arquée chez la Roussette proprement dite que chez la Roussette saxatile : le rapport de sa hauteur (distance du milieu de la fente buccale au milieu de la droite qui joint les deux commissures labiales) à sa plus grande largeur (prise entre les deux commissures labiales) est géné- ralement un peu inférieur à 2 chez la première espèce et généralement un peu supérieur à 2 chez l’autre. Mais il n’y a là rien d’absolu, et les mensurations montrent qu’il ne faut pas attacher une trop grande importance à ce caractère en somme quelque peu variable. Valvules nasales. — Nous avons commencé par porter notre attention sur leur disposition si différente chez les deux espèces et si caractéristique. Il est superflu d'y insister ; il suffit de signaler que les valvules nasales de la Roussette proprement dite ne portent pas de cirrhe, tandis que celles . de la Roussette saxatile en portent un, très court. Disposition des nageoires ventrales. — Le caractère de (1) Comptée de l’extrémité antérieure au bord postérieur de la dernière fente brachiale ; Moreau ne la compte que jusqu’à la première fente bran- chiale ; cependant, si l’on donne le nom de tête à la région cervico-branchiale des Cténobranches, il serait illogique de ne pas faire de même pour les Élasmo- branches, 278 J. DELPHY beaucoup le plus net après celui de la disposition des valvules nasales est indubitablement celui de la forme des nageoires | ventrales ; mais il faut déjà une certaine attention pour en tenir un compte exact. C’est, avec le système de coloration, le seul caractère invoqué par Cuvier (Règne animal). A. Du-. MÉRIL (1853) lui donne une importance particulière et s’en sert pour établir sa première grande coupure parmi les Roussettes connues et distinguer ainsi sa Roussette canicule (Roussette proprement dite) de toutes les autres (tableau synoptique 111), quoiqu'il donne (p. 27-28) à la Roussette du Cap des catopes (nageoires ventrales) « quadrangulaires, un peu allongées en arrière » et ressemblant à celles de la Roussette proprement dite. Pour YARRELL (1841),«ce Squale [la Roussette saxatile] se distingue tout d’abord de la der- nière espèce décrite [la Roussette proprement dite] par ses taches plus grandes, mais moins nombreuses, et par ses na-- geoires ventrales qui sont tronquées ou presque à angle droit à leur extrémité (1) ». La figure de YARRELL, faite à l’appui de cette description, représente si bien l’angle externe des ventrales comme un angle droit géométrique qu’elle en est presque trop schématique, correspondant à un cas typique, mais exceptionnel. On pourrait aisément multiplier les exemples de l'importance attribuée à ce caractère. La valeur de l’angle formé par le bord antérieur et le bord postérieur des nageoires ventrales, ou angle externe de ces nageoires, est en effet quelque chose d’à peu près constant; cet angle est toujours nettement plus grand chez la Roussette propre- ment dite que chez la Roussette saxatile. Il n’en est pas de même, contrairement à ce que dit MOREAU, pour lerapport des longueurs des bords ci-dessus désignés, côtés de cet angle ; s’il est exact que le bord antérieur soit le plus souvent plus court que le postérieur chez la première espèce (surtout chez les mâles), 1l ne l’est pas que ce soit le contraire qui se pré- sente généralement chez l’autre espèce. Une disposition, particulière aux mâles, est à noter : les (1) « This Shark is at once dinstinguished from the species last described by its larger but less numerous spots, and by the ventral fins, wich are truncated or nearly square at the end » (IT, p. 493). LA GRANDE ET LA PETITE ROUSSETTE 279 nageoires ventrales sont réunies par leurs bords internes, notablement plus minces, chez la Roussette proprement dite, tandis que, chez la Roussette saxatile, leurs angles postérieurs restent libres de toute adhérence. C’est notamment cette particularité qui nous permet d'affirmer catégoriquement que le Squalus catulus L. [pinnis ventralibus concretis, dit LINNÉ (1758), et Gmezin (1789) y ajoute, de même qu’à la diagnose du Squalus canicula : naribus lobulo et appendice vermiformi cinctis] n’est autre chose que le mâle du Squalus canicula L. (Roussette proprement dite). Position relative des nageotres. — Celle-ci n’est vraiment pas assez constante (à part le caractère générique de l’« anale commençant en avant de la deuxième dorsale ») pour qu'on y puisse voir, à l'exemple de nombre d'auteurs, un bon ca- ractère déterminatif. Il est certain que, chez l’une et l’autre espèce, la nageoire anale peut se trouver plus ou moins sous la deuxième dorsale ; s’il arrive souvent que l’anale soit chez la Roussette saxatile plus en arrière par rapport à la deuxième dorsale, il n’est pas exact qu’elle soit toujours (ni même généralement) en avant de celle-e1 chez la Rous- sette proprement dite, ni reculée jusqu'à sa mortié chez la Roussette saxatile (ces indications sont de Moreau); les choses ne se présentent pas avec une telle rigueur, et les va- riations individuelles sont assez considérables. On en pourrait dire autant de la position réciproque de l’anale et de la caudale (Voir notamment Moreau, CaRUS) : le rapport de la lon- gueur de la base de l’anale à la distance de l’anale à la caudale est en moyenne pour la Roussette proprement dite 1,17 (mais il peut atteindre 1,4) et pour la Roussette saxatile 1,65 (mais il peut descendre à 1,5); done, si l’on peut dire que la longueur de la base de l’anale est toujours plus grande que la distance de l’anale à la caudale chez la deuxième espèce, on ne peut dire que ces deux grandeurs soient généralement égales pour l’autre. De même on ne peut dire que la caudale de la Roussette saxatile est plus longue, relativement à la longueur totale, que celle de la Roussette proprement dite; le rapport moyen de la longueur totale à la longueur de la queue est 4,6 pour la première et 4,4 pour la seconde; il n’y a pas 280 J. DELPHY là une différence suffisante et, comme ce rapport varie entre 4,3 et 4,8 pour la première et entre 4 et 4,5 pour la deuxième, on voit qu'il y a une importante partie de ses valeurs com- mune aux deux espèces. On ne peut dire non plus que la caudale est plus haute chez l’une que chez l’autre: la moyenne du rapport de sa hauteur à sa longueur est 3,12 pour la Roussette saxatile et 3,25 pour la Roussette proprement. dite, et les variations individuelles sont assez grandes. Dans ces questions de proportions, il faut bien se garder de gé- néraliser les observations faites sur quelques individus et donner pour générale une disposition même fréquente. Système de coloration. — On trouve fréquemment nos deux espèces désignées sous les nom de « Roussette à petites taches » et « Roussette à grandes taches » ; mais ces deux termes correspondent respectivement tantôt à la Roussette proprement dite et à la Roussette saxatile, tantôt à celle-ci et à celle-là. Outre que, d’une manière très générale, 1l est toujours très imprudent de faire appel à des caractères de coloration pour définir les Poissons, il serait décevant de vouloir distinguer ceux qui nous occupent en considérant les taches qu'ils portent : rien d’aussi variable que la taille de celles-ci et leur disposition. Les contradictions entre les auteurs en sont une première preuve. Î[l arrive souvent que les Roussettes saxatiles présentent des taches plus espacées et plus larges que celles des Roussettes proprement dites; mais on en trouve aussi chez qui c’est le contraire qui se produit. Quant à la couleur de ces taches, elle est tout aussi variable dans chacune des deux espèces. Si l’on se contente de considérer les taches de la peau de Roussettes assez nom- breuses prises au hasard, on nesait vraiment plus dire quelle on peut appeler «à grandes taches » et quelle «à petites taches » ; vouloir décider sur cette seule apparence serait s’exposer à des méprises. Ce qui est bien plus exact, c’est que, chez la Roussette proprement dite, les taches sont, en général, plus serrées qu’elles ne le sont dans l’autre espèce; mais il n’y a là rien de constant, et l’on ne peut établir une détermination fondée n1 sur la taille, ni sur la couleur, ni sur la distribution de ces taches, ni même sur l’ensemble de ces caractères. 1e, (ed Ÿ ss ( : i u | ” LA GRANDE ET LA PETITE ROUSSETTE 281 Taille. — Quelle est la « grande » et quelle est la « petite » Roussette? Nous donnons ci-dessous les dimensions et les proportions principales d'individus choisis parmi un très grand nombre (1) comme étant très sensiblement de taille moyenne (tableau A). | Tableau A. (Toutes les mesures en millimètres.) R. PROPREMENT DITE. ROUSSETTE SAXATILE. TS (e) 2 ®) Espace internasal (distance mi- nima entre les valvules na- ES) PR be ne ee ce 0 0 14 Fonpueur totales... 22.2100 607 610 1060 Distance du museau à la 1e D. 325 305 970 Distance du museau à la 2€ D.. 442% | 430 740 Distance du museau à l’A...... 385104000307 692 Longueur de la base de l'A..... 58 63 110 Distance de l’A. à la C......... 62 | 48 83 ongueurdé la, C 222... der, le 434 220 bord antérieur des V.. AU bord postérieur des V. de AE me 2e , : | Happort bord antérieur de l’A. 095 | 1,05 1,45 bord postérieur de l’A. Longueur. de la tête. ........... 90 | 101 220 Angle externe des V : environ..| 1209 | 1250 989 Nous espérons arriver dans un travail ultérieur à des résultats plus probants encore par des séries de mensurations. N’est-1l pas très remarquable de voir parexempleE. MOREAU appeler respectivement «grande Roussette» et « petite Roussette » celles pour lesquelles il indique les tailles moyennes de 0,75 (0m,70 à Om,80) et de 0,85 (0m,70 à 1 mètre)? — En. LE Daxotrs, dans son très intéressant mémoire sur la faune ichthyologique de la Manche occidentale (1913), écrit : «CUvIER, DuMÉRIL, Moreau ont confondu les deux (1) Contrairement à ce qu’en pense MOREAU, JoUAN ne s'était certaine- ment pas trompé; la Roussette saxatile est très commune sur les côtes du Cotentin, quoiqu’elle le soit peut-être un peu moins que la Roussette pro- prement dite. Elle semble au contraire, d’après les auteurs, être beaucoup moins abondante sur les côtes de Grande-Bretagne. 282 J. DELPHY espèces de Scyllium en nommant grande Roussette celle à petites taches [la Roussette proprement dite] et petite Rous- sette celle à grandes taches [la Roussette saxatile] ; MuLLer et récemment BoRCEA, dans son travail sur le système uro- génital des Élasmobranches, ont relevé cette erreur. » LE Danois semble donc attribuer la paternité de cette erreur à Guvier. Pourtant celui-ci n’a fait que suivre des errements très anciens. Comme le rappelle LE Danois lui-même, par sasynonymie, BELON, dès 1553 ,n’appelait-ilpas Galeus stellaris major la Roussette proprement dite, que Le Daxnorïs appelle petite Roussette, et Galeus stellaris minor la Roussette saxa- tile, que LE Danoïrs nomme grande Roussette ? L'erreur de BELON fut commise par bien d’autres, et CUuviEr, DUMÉRIL, Moreau, Carus(1893), Hæck (1904), etc., n’ont fait quesuivre de nombreux exemples. Comme le fait très justement remar- quer BorcEA (1905), c’est dès 1554 que la vérité était reconnue par RONDELET et par SALVIANT, qui distinguent très nette- ment les deux espèces : MuLLER et ses successeurs ne firent, bien plus tard, que revenir aux justes vues de ces anciens observateurs. D'où peut provenir une telle erreur, si évidente, et com- ment se fait-1l qu’elle se soit propagée si bien grâce à l’autorité des grands naturalistes qui l’ont accueillie? C’est une ques- tion assez difficile à résoudre complètement. Nous en trou- vons une explication partielle dans la belle Histoire de LAcÉ- PÈDE, qui s'exprime en ces termes (édit. de 1855, p. 563) : «Ce Squale [le Squale Rochier, Roussette saxatile] a été souvent confondu avec le mâle ou la femelle de la Roussette [Roussette proprement dite], que l’on a pris souvent aussi pour le mâle ou la femelle du Rochier. Cette double erreur est venue de ce que ces animaux ont plusieurs rapports les uns avec les autres, et particulièrement de ce que leurs couleurs assez peu constantes, et variant non seulement dans la nuance mais encore dans la grandeur et dans la distribution des taches, ont été plusieurs fois les mêmes sur le Rochier, et sur le mâle ou sur la femelle de la Roussette. Ces méprises ont donné lieu à d’autres fausses applications. Pour éviter toutes ces suppositions contraires à la vérité, 1 ne faut pas \ LA GRANDE ET LA PETITE ROUSSETTE 283 perdre de vue la variabilité des couleurs des Roussettes et du Rochier, et il ne faut distinguer ces espèces que par les formes et non pas par les nuances qu'elles montrent. Il [le Rochier] parvient d’ailleurs à une grandeur plus consi- dérable que le mâle, et même quelquefois que la femelle de la Roussette ; et voilà pourquoi WizLuGxBy et d’autres auteurs, en nommant la Roussette mâle le petit Chat de mer, en appelant la Roussette femelle, qu'ils ont prise pour une espèce particulière, grand Chat de mer, ont réservé pour le Rochier la dénomination de très grand Chat marin.» — A. Du- mÉRiL (1853, p. 23), en substituant aux noms de grande Roussette et de petite Roussette de Cuvier ceux de Roussette canicule [Roussette proprement dite] et Roussette catule [Roussette saxatile], remarque que : «Le Rochier est plus trapu; sa taille est, en général, supérieure; aussi est-elle nommée à tort, par CUvIER, petite Roussette... » Il semble donc bien que ce soit surtout par respect pour l'autorité si considérable de Cuvier et de ses prédécesseurs, par une sorte d'application mécanique de la loi de priorité, étendue aux noms en langue vulgaire, et aussi par suite d'une syno- nymie mal comprise, que les auteurs ont reproduit cette erreur, en n’ignorant souvent pas que c'en fût une. Les Roussettes fournissent un excellent exemple du danger qu'il y a à désigner les espèces par des caractères aussi peu constants que la coloration (1) ou la taille, tandis qu’en fai- sant appel aux caractères morphologiques on peut les dis- tinguer d’une manière très nette, sans contradiction pos- sible. Nous résumons plus loin (tableau B, p. 284) les principaux caractères distinctifs externes de nos deux espèces. Nous nous proposons de faire connaître ultérieurement s’il existe des différences anatomiques de quelque impor- tance et qui puissent être considérées comme différences spécifiques. Nous allons essayer, nos deux espèces étant maintenant bien définies, d'établir, d’après les quelques ouvrages que {1} Les Raies en fourniraient un exemple bien meilleur encore, J. DELPHY Tableau B. Corps généralement... ROUSSETTE SAXATILE. ROUSSETTE PROPREMENT DITE. Plus allongé. Plus épais, trapu. Museau, généralement. . Assez allongé: Obtus. Tête, généralement. .... Plus courte, Plus longue. Valoules nasales.... .. Contiguës, donnant l’ap- Très nettement parence d’un seulgrand séparées lobe à peine échancré sur la ligne médiane et recouvrant la lèvre supérieure (P1., fig. 1). et n’atteignant pas la lèvre supérieure (P1., fig. 2). Nageoires ventrales ayant leur angle externe| Voisin d’un droit. Nettement obtus. et, chez les mâles, leurs bords internes. Unis. Séparés (PI, fig. 4 et 6).. Anale généralement Plus avancée Plus reculée,. par rapport à la 2e D.| (PI, fig. 3 et 5.) LOI Ce Teen ee Coloration : taches sou- ME SARA RE D Plus petites et plus rap-|Plus grandes et plus dispersées. prochées. Plus grande. Taille, en moyenne..... Plus petite. nous avons pu consulter (1), une synonymie aussi complète que possible. Nous y comprendrons les noms français et les noms anglais adoptés par les auteurs ; ces termes n’ont d’ailleurs le plus souvent rien de commun avec les noms véri- tablement vulgaires, qui changent parfois considérablement d’un lieu à un autre et qu’il n’est pas sans intérêt de connaître. Famille : SCYLLIORHINIDÉS [$CYLLIORHINIDÆ]. Ep. PERR., Traité de z0ol., p. 2650, 19083. Scyllidæ (M. H.) Gthr. Catal 1870 (part.); Gthr. 1880 (part.). GENRE: Roussette [SCYLLIORHINUS (Blainv.)|. Galeus Belon 1553, 1555 ; Raîf. 1810 (pt.). {1} La Bibliothèque du Laboratoire maritime du Muséum est très riche, notamment en ce qui concerne les ouvrages destinés à faciliter la détermination et l’étude des animaux marins ; mais, étant une Bibliothèque de Laboratoire, elle ne peut évidemment posséder tous les ouvrages nécessaires à des recherches bibliographiques approfondies. LA GRANDE ET LA PETITE ROUSSETTE 285 Canicula Rond. 1554, 1558. Catulus Salv. 1554; A. Smith 1837 (p. p.). _Squalus L. 1758 (part.) ; Gm. 1788 (pt.) ; Lacép. 1803 (pt.). Seylliorhinus Blainv., 1816 (pt.); Gil 1861 (p. p.); Ed. Perr. 1903 (s. s.); W. Wardlaw Thompson 1914 ; PDC: Seyllium Cuv. 1817 (pt.) ; 1829 (pt.) ; A. Smith 1837 (p. p.) ; Yarr. 1841 ; Couch 1868; Gthr. 1870 (Catal.) 1880; Mor. 1881; Day 1884; Carus 1893 ; le Danois 1913 (P. p.). Poroderma A. Smith 1837 (p. p.). _Halælurus Gill 1861 (p. p.). Cephaloscyllium Gill 1861 (p. p.). 19° La Roussette proprement dite [SCYLLIORHINUS CANICULA (L.)]. Galeus stellaris major Bel, 1553, 1555 (p. 68). Canicula Aristotelis Rond, 1554, 1558. Catulus minor Sav., 1554 ; Willugh. 1686 (5) ; Ray 1713 (œ). Catulus major vulgaris Willugh. 1686 (Q); Ray iVa ls ao Squalus canicula L. (Syst. nat., édit. Xo Ab Sp#6) 1758 (9) ; Gm. 1789 (p. 1490, sp. 8) (9). Squalus catulus L. (sp. 9) 1758 (S°) ; Gm. 1789 (sp. 10}-(œ);: _ (non Edw. 1764). Galeus caniculus et G. catulus Raf. 1810 [fide Day). Squalus (Scylliorhinus) canicula, Blainv. 15102 (p 24m) [£. autt.]. Squalus (Scyllium) canicula Cuv. 1817, 1829 ; Yarr. 1841 ; A. Dum. 1853 : Gthr. 1870, 1880 ; Mor. 1881. Squalus (Scylliorhinus) canicula, Squ. (Sc.) catulus et Squ. (Se.) elegans Blainv. 1822. Seyllium catulus Flem 1828 [f. Yarr. 1841]. Scylliorhinus canicula Gill 1861; G. de Kerville tete be Dan 1915-0D 1916; Scyllium stellare Vayssière et Quintaret, 7916. 286 J. DELPHY N. fr. — Le Vray Chien de Mer, dict Canicule, Bel. 1555. La Roussette, Rond. 1558. Brousson 1780. | La Grande Roussette, Duhamel, 1782 ; Cuvier 1817, 1829 ; Lemarié 1866 ; Moreau 1881 ; H.-E. Sauvage 1893 : Hœck 1904. Le Squale Roussette Lacép. 1803 ; 1d., le Squ. panthère et _ le Squ. élégant, Blainv. 1822. Roussette ordinaire, Desvaux 1851. R. canicule, À. Dum 1853. R. à petites taches, E. Moreau 1881. G. de Kerville 1897. Petite Roussette, Borcea 1905 ; E. le Dan. 1915. Vulg. — Charohet (Dvx), Chavou (id.), Chat de mer (autt.), Chat marin (1d.), Chavou (Dvx.), Chien de mer (autt.), | Touille. (Borcea). — Sur les côtes françaises de la | Manche: Le Havre, Rousse (Moreau, Malard); la « Hougue, Houlbiche (Malard), Roussette (3. D.) (1); « Cherbourg, Vache de mer (Malard) ; Granville, Chien- bro, Holbiche (Le Danois) ; Bretagne, Touilh (id.). © N. angl. —— Greater dog-fish (9) et Lesser dog-fish, Penn. (édit. 1); — Spotted dog-fish (S) et Lesser spotted dog-fish, Penn 1776; — Spotted shark (5) et Lesser spotted shark (_ ) Penn. 1812. Morgay, Flem. 1828. Small spotted dog-fish. Yarr. 1841. Rough hound Couch. 1868 (syn. exel.). Larger spotted dog-fish, Gthr. 1880. 20 La Roussette saxatile [SCYLLIORHINUS STELLARIS (L.) Blainv. |. Galeus stellaris minor Bel. 1553 ; 1555. Canicula saxatilis Rond. 1554 ; 1558. Catulus major Salv. 1554. Catulus maximus Willugh. 1680. Squalus cinereus Art. 1738. (1) Contrairement à l'indication de MarARD (1890), c’est cette espèce que j'ai toujours entendu appeler Roussette à Saint-Vaast-la-Hougue, alors que les pêcheurs y réservent le nom de Hôulbiche ou Holbiche à l’autre espèce, LA GRANDE ET LA PETITE ROUSSETTE 287 Squalus stellaris L. 1758. Squalus canicula Brünn. 1768 [f. autt.] (non L.). Galeus stellaris Raî. 1810. Saualus (Scyllium) catulus Cuv. 1817; id. 1829; Yarr. 1836 ; M. et H. 1841; Yarr. 1841; Desvaux 1851 : A. Dum. 1853 ; Gthr. 1880 : Mor. 1881; Day 1884; Malard 1890 ; Hœck 7904. Squalus (Scylliorhinus) stellaris Blainv. (1816 ?) 1822. Scyllium stellaris Risso 1826 [f. Moreau]. Scyllium stellare Flem. 1828 ; C. Bp. 1842; Gthr. 1870. Carus 1893; Le Danois 1913 (non Vayss. et Quint. 1916). Scylliorhinus stellaris G. de Kerville 1897 ; J. D. 1916 ; incl. Seyllium albo-maculatum C. Bp. (var.) et Sc. acanthonotum Fil. (juv.). | N. fr. — La Roussette commune, Bel. 1553, 1555 ; Chat rochier, Rond. 1554, 1558 ; Brousson. 1780 ; Duham. 1782. Petite Roussette, Duham. 1782 ; Cuv. 1817, 1829 ; Moreau 1881 ; Hœck 1904. Squale rochier, Lacép. 1803 ; Risso 1810 [f. Mor.]. Rochier, Cuv. 1817, 1829 ; A. Dum. 1853 ; Lemarié 1866. Squale Chat rochier, Blainv. 1822. Roussette rouchier, Risso. 1826 [f. Mor.]. Roussette rochier, Desvaux. 1851. Roussette catule, À. Dum. 1853. Roussette à grandes taches, Mor. 1881 ; G. de Kerville 1897. Grande Roussette, Borcea 1905 ; le Dan. 1913. Vulg. — Chien de mer (1), Grand Chien de mer, Vache de mer, Touille (Borcea). — Sur les côtes françaises de la Manche : Le Havre, Vache (Mor., Malard) ; La Hongue : Houlbiche ou Holbiche (J. D.) (2) ; Cherbourg : Chat rochier, Roussette (Md.) ; Granville : Æolbiche (le Dan., J. D.) ; Bretagne : Touilh rouss (Le Dan.). N. angl. — Spotted dog-fish, Penn (p. p.). Rock shark, Shaw 1803. (1) Le nom vulgaire de Chien de mer désigne d’assez nombreuses espèces, indistinctement, quoiqu'il puisse parfois être réservé à l’une ou à l’autre. (2) Voy. la note, p. 279. 288 J. DELPHY Rock dog-fish, Jenyns 1835. Bounce, Flem. 1828. Large spotted dog-fish, Yarr. 1841. . Nurse-hound, Couch 1868 (excl. syn.). Lesser spotted dog-fish Gthr. 1880. Cette synonymie donne une idée de la confusion qui règne chez les auteurs ; notamment, il serait impossible de dire, en s'appuyant sur leur seule autorité, quelle est la « grande » et quelle est la « petite» Roussette. Cependant des deux espèces l’une présente, quand on s'adresse à des adultes comparables, une taille moyenne nettement supérieure à celle de l’autre. Nous éviterons néanmoins, afin d'éviter toute confusion possible si l’on considère la généralité des individus de chaque espèce, de les désigner sous les noms de « grande Roussette » et de «petite Roussette», ou de Roussettes à «grandes » et à « petites » taches, et nous pourrons dire que la Roussette saxatile [Scylliorhinus stellaris (L.) Blainv.] est, en tant qu'espèce, plus grande que la Roussette propre- ment dite [Scylliorhinus canicula (L.) Gill]. Qu'il nous soit permis, en terminant cette étude, de renou- veler ici l'expression de notre vive et respectueuse recon- naissance à MM. le professeur Enmonp PERRIER et le D: R. ANTHONY, directeurs du laboratoire maritime de Tatihou, qui ont bien voulu nous appeler à la direction des travaux scientifiques de ce Laboratoire, où cette étude a été faite, — ainsi qu’à M. le professeur L. RouLE, de qui nous ne saurions oublier le si bienveillant accueil pendant les trop rares Jours où nous avons pu travailler dans son Laboratoire. Laboratoire maritime, île Tatihou (Manche). N.B. — Fig. 1 et 2, de la page 289, d’après deux individus à peu près de même taille, à la même échelle. Sur les figures 3 et 4, les ptérygopodes et les nageoires ont été écartés, afin de montrer la disposition de celles-ci. — Fig. 1. — Face ventrale de la tête Fig. 2.— Id. de la Roussette saxatile. dela Roussette proprement dite. Fig. 3. — Nageoires ventrales Fig. 4. — Id, de ia et cloaque de Ia Roussette toussette saxatile. ©. proprement dite. ©. Fig. 5. — Nageoires ventra- Fig. 6.— /d. de la Roussette les et cloaque de la Rous- saxatile. sette proprement dite, ?. ANN, DES SC. NAT. ZOOL., 108 sériee It, 20 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE BELcon (P.). — La nature et diversité des Poissons. AV ec leurs portraits repré- sentés au plus près du naturel, Paris, 1555. BLAIN VILLE (H. D. DE). — nee Poissons de la Faune Française, Paris, 1822. BorceA (Joan). — Système urogénital des Elasmobranches (Arch. z0ol. exp. et gén.) (4), IV, 1905. 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CHAINE - ele re eue) ennelel etes sole le fe hate tetes tel in ete ete el Ce Nouvelle étude sur le Madrella aurentiaca, par A, VAYsSSIRE CO Te PR VON € à Etude anatomique et histologique de l’appareil digestif des Lépidop- tères adultes, par le Dr L. Borpas sjae.je Car seit (ot els eee le ol + ce detecte see Nouvelles études sur le Plankton de la Baie d’Alger, par le Dr C. Vicuier. La grande et la petite Roussette, par J. Deczray 6046.19 — Corgrte. Imprimerie Créré. ANNALES SCIENCES NATURELLES DIXIÈME SÉRIE LOOLOGIE nes ve LA Li à PR PO DEEE EEE TE re LT PAR RE ER TR RATE ET EEE TRES Tirre re TRES PR ME RS D se remettre SRE Re re Le PER REES