255 Ta sEt ie mA AM ANNALES SCIENCES NATURELLES QUATRIÈME SÉRIE ZOOLOGIE “ GA AU CAS DA #2 = : Æ LU PARIS, — Imprimerie de L, MARTINET, rue Mon 2: D: ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉE DES DEUX RÉGNES ET, L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES REDIGEÉES POUR LA ZOOLOGIE PAR M. MILNE EDWARDS POUR LA BOTANIQUE PAR MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE QUATRIÈME SÉRIE ZLOOLOGIE. TOME 1 LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MEDECINE 1859 PéaManAM De 1 Aginator (A 2 LUI rai 14 + gi Lo me D AMOÈE 1 nt 4 % f REULOUTE MAI M A1 4 | | (à x Matatie qi me | Ps ad LAUTEET CTANTE _n : Tu CE fn ” — : CV EE site PA > ANNALES DES SCIENCES NATURELLES PARTIE ZOOLOGIQUE MÉMOIRE SUR LA POURPRE, PAR H. LACAZE-DUTHIERS. Ce qui a conduit à s'occuper de la question, Dès longtemps la question de savoir comment les anciens se procuraient la belle couleur qui fut dans l’antiquité l'apanage des grands et des rois a préoccupé les naturalistes; ce n’est done pas une question nouvelle dont il s’agit ici. Bien souvent la solution des problèmes dont l'intérêt, au point de vue de l'application, a complétement disparu, est due à une simple curiosité. J'avoue que c’est poussé par la seule curiosité de savoir avec quoi on produi- sait cette belle couleur que j'ai fait quelques recherches; d’ailleurs, au point de vue anatomique, il faut reconnaitre que ce que l’on trouve dans les ouvrages est bien vague, si méme on trouve des renseignements exacts. Tantôt, en effet, on rencontre dans les traités de malacologie les 6 H, LACAZE-NUTHIERS. expressions poche à pourpre, la veine à matière pourprée, le réser- voir, ele.; on va même jusqu'à dire que c’est la bile de l'animal (1) ou suc pris de l'estomac; la coquille elle-même a été considérée comme fournissant la couleur. Quand on s'occupe sérieusement de l’anatomie d’un groupe, on se contente moins facilement de renseignements aussi vagues ; et, il faut le dire, ce ne serait pas être difficile que d’être satisfait par cette série d'indications aussi peu précises que variées. J'avais toujours le désir de m'occuper de la détermination exacte de l’organe producteur, mais je laissais cela, entraîné par d’autres occupations ; d’ailleurs, après avoir fait quelques recherches bi- bliographiques, j'avais compris tout d’abord que l’on était loin de s'entendre sur l'espèce produisant la couleur. Et je ferai remar- quer à cette occasion, que, tandis qu'il y avait doute pour moi lorsque je cherchais quelles espèces avaient employées les anciens, aujourd'hui ce doute a disparu; cela tient à cette circonstance (on ne devrait jamais l'oublier, quand on veut interpréter les au- teurs anciens) qu’il faut toujours mettre en regard des textes les résultats de l’observation directe de la nature. D'abord je n'avais pas fait de recherches précises sur les animaux eux-mêmes; main- tenant les espèces produisant la pourpre me sont familières ; quel- ques-unes n’ont pas changé depuis les anciens, les noms seuls ont été intervertis. Une occasion s’offrit, et me conduisit à faire les recherches que je présente ici. Dans l'été que je passai en 1858 à Mahon, j'avais, ainsi que je l'ai dit à propos de la Bonellie, un pêcheur que le consul français M. Walz, dans son obligeante protection pour les Français, m'’a- vait procuré. Pendant que je fouillais les anfractuosités du port, Alonzo le plus souvent m'attendait dans sa barque; parfois il em- ployait les loisirs que lui laissaient mes recherches au bord du port à marquer son linge et ses vêtements ; ses culottes de toile (4) Voy. Mémoire de M. Sacc, Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, n° 130, 4856, p. 306. « Il est positif qu'à Tyr on préparait la laine en l'im- prégnant d'abord du suc verdâtre d'un coquillage, et qui semble en avoir été la bile. » MÉMOIRE SUR LA POURPRE. F7 blanche lui servaient de fond sur lequel il dessinait tant bien que mal quelque croix ou quelque petit ange gardien. Quand je le questionnais, il me répondait : « C’est pour ne pas égarer où changer mes bardes avec celles des autres pê- cheurs que je les marque ainsi. » Les traits formés par sa petite baguette de bois étaient jaunâtres. « Il n'y paraîtra guère? lui disais-je. — Ce deviendra colorado (rouge), me répondait-il, quand le soleil l'aura frappé, » I trempait son morceau de bois dans la mucosité du manteau déchiré d’une coquille, qu'il était facile de reconnaitre pour Ja Pourpre à bouche de sang (Purpura hœma- soma), etqu'il nommait Corn de fel. Intrigué, je le priai de faire surle tissu de mes vêtements, el sous mes yeux, quelques-unes des lignes et dessins qu'il savait exécu- ler ; puis je continuai mes recherches; mais bientôt je fus pour- suivi par une odeur horriblement fétide des plus pénétrantes, et, en observant les parties marquées, je vis une fort belle couleur violette d’une vivacité remarquable. Alonzo avait raison. La pratique, en m'instruisant, me fournissait l'occasion de faire quelques études, et j'appris bientôt que, dans le port de Mahon, on trouvait le Corn de fel, la Pourpre bouche de sang, en assez grande quantité. [l arrive rarement, lorsqu'on se trouve en rap- port avec les pêcheurs, et si l’on peut parvenir à les faire conver- ser, de ne pas apprendre quelque chose au milieu des erreurs, dont il faut savoir faire la part. On apprend toujours des choses justes, exactes, qu'il faut, il est vrai, interpréter et rapporter à leur véritable cause, ou bien dégager de ces exagérations que per- péluent, soit l'ignorance, soit la tradition de cette pratique qui sait tant et qui ignore bien davantage; de cette pratique qui ne veut pas de la théorie, sans doute parce qu'elle redoute de savoir moins qu'elle, et qui cependant, si elle la consultait plus fré- quemment, éviterait bien des erreurs, et ferait souvent de bien plus rapides progrès: car l’une et l'autre se fournissent réci- proquement des renseignements précieux, renseignements qui, certainement, les conduiraient toutes les deux plus vite à la vérité. Mais malheureusement il y a entre elles une répulsion bien difficile à vaincre, et cela non-seulement quand il s’agit de Ja na- 8 H. LACAZE-DUTIIERS. ture, mais encore pour toutes les autres branches de la science. Les premières observations sujets de ce mémoire ont donc été faites à Mahon; je les ai continuées à Lille avec des animaux que je devais à l’obligeance de M. Alfred Lejourdand, sous-directeur du jardin de zoologie de Marseille : ses soins aussi habiles qu’em- pressés m'ont permis de recevoir une bourriche d'animaux venant de la Méditerranée en très bon état, je lui en dois mille remerci- ments; et j'ai terminé mon travail à Pornic, dans la haute Bre- tagne, à la Rochelle et à Saint-Marlin-en-Ré, après avoir encore étudié dans mon laboratoire de la Faculté des animaux que j'avais recueillis à Boulogne-sur-mer. IT Historique de la question. La Pourpre a disparu comme matière tinctoriale depuis long- temps; ce n’est que dans quelques localités, fort arriérées sans doute, que, d’après quelques auteurs (1), elle serait encore em- ployée. Son histoire doit donc être et se trouve en effet dans les ou- vrages anciens. On sait que sa valeur était grande, et que son nom était employé pour désigner tantôt la royauté, tantôt la puis- sance : en latin, les purpurati, expression tirée de la possibilité de porter un habit de pourpre, servait à désigner les grands, C’est l'adjectif purpuratus (qui porte un habit, des ornements couleur de pourpre), pris au pluriel substantivement. La valeur en était si grande, que, s’il faut s’en rapporter à Théopompe, dont Athénée cite un passage dans son douzième livre, la Pourpre se vendait en Asie au poids de l'argent (2). (1) Gonfreville, cité par M. Sacc, Société industrielle de Mulhouse, n° 130, 1856, p. 407. (2) Voyez Athénée : isocräcuos yap 7 Mn Topoipa npos Gpyosar tEerabouem. (Athen. Deipnos., XI, c. 31, edit. Bipont., vol. IV, p. 455). — Voyez aussi plus loin la note accompagnant un passage de Pline, où les prix sont indiqués en valeur de notre monnaie, MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 9 Mais, de nos jours, les progrès de l’industrie ont fait perdre presque entièrement la valeur à cette matière tinetoriale. Aujour- d'hui, dans de rares pays, tout au plus est-elle restée le secret de quelques personnes qui s’en servent pour marquer le linge, car elle est à peu près indélébile. Les choses sont donc bien changées depuis les temps anciens ; aussi ne trouvons-nous relativement à elle que des recherches de pure curiosité dans les temps mo- dernes. Dans les temps anciens, Aristote et Pline s'en occupent, comme on le pense bien ; l’un et l’autre font connaître comment on pré- parait la couleur. Il y aura lieu de revenir sur les faits que rapporte Pline, car on sait que cet auteur semble faire recueil des parti- cularités les plus étranges: on croirait parfois qu’il s'impose de rapporter toutesles traditions, quelle qu’en soit la valeur; il semble les accumuler à plaisir. Il paraît préférable de juger les opinions diverses au fur et à mesure que les faits se présenteront. Pline et Aristote nous ser- viront beaucoup pour résoudre certaines quéstions; on peut donc laisser de côté, pour le moment, leur texte et leurs opinions, dont l'interprétation se trouvera singulièrement simplifiée par l'exposé des faits que fournit l'expérience. Les mémoires relatifs à la Pourpre sont extrêmement nom- breux, et l’on en trouve à peu près dans toutes les langues. C'est surlout la recherche de l'espèce de coquillage employé par les anciens, et des procédés mis en usage par eux, qui sert de thème. Sans examiner tous ces travaux comme dans une revue critique, j'indiquerai cependant les principaux, et je choisirai sur- tout les points douteux qu'ils ne résolvent pas. Bernard de Jussieu et Réaumur s’occupèrent de la Pourpre, et firent quelques expériences curieuses. Il est assez intéressant d'étudier le mémoire de Réaumur ; on y trouve un enseignement qu'il est sans aucun doute utile de mettre en lumière. Réaumur avait été sur les côtes du Poitou pour se livrer à dif- férentes recherches, ainsi qu'il le raconte. On trouve son travail 10 H., LACAZE-DUTHIERS, dans les Mémoires de l’Académie royale des sciences (1). I avait, dans ses excursions au bord de la mer, exprimé sur ses manchettes le liquide de la Pourpre (qu'il désigne sous le nom de Buccin). Comme cela lui est habituel, il nous fait participer à l’élonnement que lui fait éprouver la découverte du développement de la cou leur pourpre; il porta surtout son altention sur les capsules que produisent les Pourpres, et où elles enferment leurs œufs : il reconnait très bien que ces grains, ainsi qu'il les appelle, n'étaient autre chose que les œufs de son Buccinum. Le liquide contenu dans ces capsules jouissait de la propriété de devenir pourpre comme une partie du tissu de l'animal. Mais voici le fait qu'il semble utile de faire ressortir : il montrera combien, dans les sciences, quand le point de départ n'est pas juste, on dévie facilement ; combien surtout on arrive à des con- clusions exactes en apparence, mais d'autant plus erronées, que les prémisses ont été plus fausses et le raisonnement conduit par un homme plus habile. Répétant chez lui les expériences qu'il avait faites sur ses manchettes en parcourant les grèves, Réaumur fut frappé de ne point voir se développer la couleur pourpre. I s'approche de la fenêtre, et bientôt il voit le violet qui s'était produit à la mer se représenter. D'où vient que dans le fond de la chambre la couleur n'apparaît pas? D'où vient qu'elle se montre près de la croisée? « Je savais bien qu'il n’y a pas de moyen plus propre pour faire » prendre promptement la couleur pourpre à la liqueur des Bucci- » num, que d'exposer cette liqueur à un grand feu ou à un soleil » ardent; mais je savais aussi que le soleil n'avait point paru pen- » dant tout le temps que j'avais été au bord de la mer. La chaleur » n'avait done point eu depart au succès de l’expérience que j'avais » faite alors. » Voilà certainement le point de départ de ses interprétations, qui sont complétement opposées à la vérité. Réaurur cependant était habile observateur, scrutateur consciencieux, prudent par-dessus (1) Année 4711, p. 468. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 1 tout. Qui n'a admiré ses belles observations sur les Insectes! observations où tant de faits se trouvent réunis; malheureusement trop souvent presque inutiles, si ce n’est même ‘perdues pour la science, par cette imperfection si regrettable de la nomenclature zoologique à l’époque où il écrivait et observait. I cherche partout la cause du développement de la couleur vio- lette. Tantôt il croit que ce peut être la chaux, et cela parce qu'il remarque que la couleur arrive quand il place la liqueur sur la muraille près de la croisée de son appartement; mais il est obligé de renoncer à cetle explication. Tantôt il considère le soleil agis- sant seulement comme agent de calorique, et il ajoute même (1) qu’en concentrant la lumière à l’aide d’une loupe, la teinte pourpre se développe très vite dans le point ainsi soumis aux rayons con- centrés, et cependant, quand il était sur la grève, le soleil était caché. La conclusion qui lui parait forcée d’après cela est celle qu'il indique dans les termes suivants : « La cause d’un changement si prompt était alors aisée à aper- » cevoir, et tout le monde tire sans doute la même conséquence » que je tirai, savoir, que, puisque mes linges avaient toujours con- » servé la couleur blanchâtre de la liqueur dont ils étaient imbi- » bés, lorsque je les avais laissés au milieu de ma chambre, et » qu'au coptraire, au lieu de cette couleur, ils en avaient pris une » pourpre lorsque je les avais mis sur ma fenêtre, on ne pou- » vait attribuer ce dernier effet qu'à la différente manière dont l'air » agissait sur eux dans l’une et l’autre circonstance; qu'il était » dans un plus grand mouvement dans celle où ils rongissaient » que dans l’autre où ils gardaient la première couleur de la li- » queur. Qui eût jamais pu deviner qu'un peu plus où un peu » moins de cireulation d'air eût pu produire si vite un pareil effet ? » car les fenêtres mêmes de ma chambre, au milieu de laquelle je » laissais les linges, étaient ouvertes, » Ainsi, parce que le jour où il fit les taches sur ses manchettes en étant à la plage, il vit la couleur, bien que le soleil fût caché, il (4) Loc. cit., p, 166, 19 I. LACAZE-DUTHIERS. arrive à admettre que c’est le mouvement de l'air, et il est si con- vaincu de cette influence, qu’il ajoute : « Il arrivait même, lorsque j'exposais les linges au grand air » dans le milieu de la cour, et que, pour empêcher le vent de les » emporter, je posais quelques petites pierres sur les coins, que » tous les coins sur lesquels ces pierres portaient ne changeaient » point du tout de couleur, quoique le reste prit une fort belle cou- » leur pourpre (1). » Et plus loin : « C’est done à l'air seul qu'il faut attribuer ce changement de » couleur (2). » Dans ce fait qui le frappe, à savoir, que les parties de seslinges qui étaient couvertes par les pierres ne se coloraient point, il y a toutes les propriétés photogéniques nettement indiquées, mais inaperçues ; tant il est vrai qu'un esprit souvent le plus supérieur peut faire erreur, par cela seul qu'il n’interprète pas, ainsi que cela doit être, une condition même des plus insignifiantes en appa- rence. Réaumur, en faisant erreur et en attribuant au courant d’air ce qui devait simplement être rapporté à la lumière, a manqué, lui aussi grand physicien que naturaliste, la découverte (chose facile à reconnaître aujourd'hui) de la photographie. Cette manifestation si belle de la science moderne se traduisait à ses yeux par le fait de la couleur venue seulement dans les poinis non couverts par les pe- tites pierres qui fixaient les pièces d’étoffes sur le sol de la cour; mais il ne voit que le courant d'air, et l’action de la lumière ne lui apparait pas. En remontant plus haut, bien avant lui indubi- tablement, on avait connaissance du fait; car la couleur pourpre ne se développant que sous les rayons lumineux, il est impos- sible de pouvoir nier que les anciens avaient connu celte pro- priété. Seulement il fallait l'initiative; il fallait cette idée qui s'applique à atteindre un but spécial; il fallait cette simple pensée qui ouvre une nouvelle voie; il fallait, en un mot, ce quelque (1) Loc. cit., p.476. (2) Loc. cit., p.177. MÉMOIRE SUR LA POURFRE, 135 chose qui, souvent bien longtemps attendu par les siècles, révèle toute une voie inexplorée, lorsqu'il est trouvé, crée une branche nouvelle que l’on dit ou croit être l'ouvrage d'un seul, alors que les générations ont accumulé les faits, et fourni les matériaux à celui qui a eu le bonheur de couronner l'édifice par un trait de génie qui paraîtra bientôt aussi simple que naturel. Avant Réaumur, William Cole avait fait des essais tout à fait semblables. On ne trouvera, du reste, dans les traités qui en font mention, rien qui puisse apporter une clarté quelconque relativement au sujet qui doit nous occuper. De Jussieu avait opéré en 1709, Réaumur en 1711. Duhamel fit ses expériences en 1736. À bien des égards, il est le contra- dicteur de Réaumur. Lui aussi il s’occupe du changement de cou- leur; il en décrit très exactement les phases, il en indique la cause ; mais il finit par une explication peu conforme, sans doute, aux connaissances modernes. Ayant montré comment Réaumur avait été conduit à une con- clusion fausse, il est utile de rappeler les résultats du travail de Duhamel (1). Si l’on voulait passer en revue tous les mémoires et écrits qui ont été publiés sur la Pourpre, on n’en finirait pas. Aussi, en appelant l'attention encore sur celui de Duhamel, le but est de montrer qu'il a fait des expériences qui auraient dû encore plus directement que celles de Réaumur le conduire à la photographie. Duhamel fait remarquer que les changements de couleur sonttrès connus; il ne pouvait en être en effet autrement. Pline lui-même, dit-il avec raison, en fait mention. Le point qui fixe l'attention du savant est que l’action du soleil seule détermine la couleur, On a vu que Réaumur l’attribuait au renouvellement de l'air. « Ayant done » bien vérifié, par plusieurs expériences, que toutes les fois que » je meltais le suc colorant de mes Pourpres sur du linge exposé (1) Voyez volume de 1736 des Mémoires de l'Académie des sciences, p. 49. 14 H, LACAZE-DUTHIERS. » au soleil, il devenait rouge en quelques minutes, après avoir » passé par les couleurs dont j'ai parlé, je voulus m'assurer s’il ne » prendrait pas cette couleur à l'ombre: pour cela, je frottai un » morceau de linge, que je laissai passér la nuit sur ma cheminée : » mais il devint seulement vert, et ne rougit pas. J'essayai encore » si le grand air ne réussirait pas mieux : pour cela, je mis de ce » sue colorant sur un morceau de linge, que je posai sur ma fe- » pêtre au nord, et sur laquelle la lune ne donnait pas, afin d'éviter » toute lumière, et je le retirai le lendemain avant le soleil; il » n'avait pas changé de couleur le jour suivant. Cette expérience » prouve que le soleil agit d’une façon très singulière et très effi- » cace sur le sue colorant dont il s’agit (4). » Puis il recherche si le soleil a une action par la chaleur ou la lumière, en déterminant dans le premier cas une évaporation de quelque chose : « Je posai sur un appui de fenêtre bien échauffé » par les rayons du soleil un morceau de linge mouillé du sue » colorant, et que j'avais couvert en partie d’un écu ; dans ce mo- » ment, la partie du linge qui élait exposée au soleil se colora, mais » celle qui était sous l’écu resta seulement de couleur verte (2). » Puis essayant la chaleur du feu, les résultats furent négatifs. Voulant s'assurer que les corps couvrant les tissus imbibés n’agissaient qu’en interceptant les rayons lumineux, et non en em- pêchant une évaporation, il fit l'observation que, sous un verre épais de plusieurs pouces, la couleur venait aussi belle et très foncée. Des papiers transparents de différentes couleurs, employés suc- cessivement, lui donnèrent des résultats curieux. On remarquera que sous un papier bleu, la teinte pourpre se développa bien. On sait que la couleur bleue est très photogénique. « Mais ce qui me » surprit le plus, dit-il, c'estque, quoique le papier bleu parut assez » opaque, les échantillons qui élaient dessous étaient assez bien » colorés (3). » Ainsi se trouve démontrée l’action de la lumière aussi claire- (1) Loc. cit., p. 53. (2) Loc. cit., p. 54. (3) Loc. cit, p. 53. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 45 ment que possible, et par cela même la fausseté de l'explication donnée par Réaumur. Mais Duhamel, lui aussi, avait fait des expériences démontrant les propriétés photogéniques ; il avait sous la main les phénomènes, base de cette science toute nou- velle, mais il n'avait pas trouvé l'explication. Celle qu’il donne n’est certainement pas à l'abri de tout reproche : « Il me paraît que cette action du soleil sur cette liqueur est » assez singulière, et mérite d’être examinée avec plus d'attention » et de loisir que je ne l'ai pu faire, quoiqu'il paraisse qu’elle tienne » assez à l'effet que cet astre produit sur les pêches, les pommes » api, et quantité d’autres fruits qui ne prennent une belle cou- » leur rouge que dans les endroits qui y sont exposés (1). » On trouve ici comparées deux choses qui ne sont guère compa- rables : dans un cas, c’est l’action des rayons solaires sur la ma- tière soumise à la vie; dans l’autre, c’est cette même action sur des produits qui ont cessé d’être sous l'influence de la force vitale. Jamais le manteau des Pourpres ne se colore pendant la vie de l'animal ; les mucosités seules prennent la teinte rouge violacé, Par ordre de date, le mémoire que je citerai ensuite est de 1779; il est d'un Espagnol, et ne manque pas d’avoir assez d'intérêt. On y remarque aussi relatées les observations, comme les opinions des auteurs français et des autres naturalistes. L'au- teur, Don Juan Pablo Canals y Marti, inspecteur général pour S. M. del Ramo de la Rubia o Granza, directeur général des teintures du royaume, est plein d’érudition, et y traite à peu près de la plupart des questions relatives au changement de couleur de la matière, ete. Il y établit que beaucoup d’espèces peuvent servir à teindre; que dans les Indes, comme dans l'Amérique, beaucoup de Caracols (coquillages, Limacons) sont mis à profit par les tein- turiers, et que les changements de couleur ÿ sont connus. Enfin il cherche à préciser d’une manière exacte la position de la partie de l'animal qui donne le produit propre à la teinture. Mais il n’est point anatomisle, et bien que, de tous les auteurs, ce (1) Voy. loc. cil., p. 59. 16 H. LACAZE-DUTRIERS. soit celui qui donne une description des plus exactes, il ne traite nullement de la question qui doit surtout nous occuper ici. Il ne m'est possible de citer quelques mémoires venus un peu plus tard que par des extraits que je trouve heureusement dans un auteur fort sérieux ; on verra plus loin les citations empruntées à l'auteur allemand, auquel je laisse toute la responsabilité des faits qu'il avance (1). Quelle que soit la valeur de ces travaux, on peut prévoir cependant qu’ils n’ont pas dû traiter les questions de pho- tographie et de structure, ainsi que la détermination de la partie productrice, en raison même de l'état de la science à leur époque, comme cela a pu l'être dans le présent travail. Du reste, il suffira de se reporter aux passages qui seront cités plus loin, pour recon- naître que Pline a servi largement, quand il s'est agi, soit de dési- gner les espèces, soit de faire connaitre le prétendu réservoir de la Pourpre. Aussi, Amati dans son {ravail De restitulione purpurarum (2), Capelli dans celui qu'il mtitule De antiqua et nupera purpura (3), et Don Michaele Rosa dans sa Dissertazione delle porpore e delle materie vestiarie presso gli antichi (h), ne doivent-ils pas s'être occupés de la question au même point de vue que nous. Tout en indiquant leurs travaux, je le répète, j'ai le regret de ne pouvoir en parler que d’après Heeren. On lira avec le plus grand intérêt, et surtout avec beaucoup d'utilité, l’article Pourpre du Dictionnaire d'histoire naturelle (1826) de M. Defrance ; on y trouvera, en effet, destraductions et des analyses des extraits, pour les anciens, d’Aristote, de Pline, de Vitruve, d'Opien, d'Élien, de Pollux ; pour les modernes, de Belon, de Rondelet, de Gesner et d’Aldrovande, de Fabius Co- (1) Voy. plus loin Ann. des sciences nul., Zool., 4° série, L. XII, citations Heeren. (2) Amati, De restitutione purpurarum, 3° édit, Cesena, 1784. (3) Capelli, De antiqua et nupera purpura. | (4) Don Michael Rosa, Dissertasione delle porpore e delle malerie vestiarie presso gli antichi, A786. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 17 lumna, de Guill. Cole, de Lister, de Réaumur, de Duhamel du Monceau, ete., etc. Nous aurons à revenir sur quelques-unes des conclusions de cet article. En se rapprochant beaucoup plus de ces derniers temps, on ne voit que deux travaux sur la Pourpre, l’un de M. Barto- lomeo Bizio, l’autre de M. Sacc. On trouve bien aussi des disser- tations critiques sur les interprétations des textes des anciens, des traductions d’Aristote et de Pline, et je puis en particulier citer celle que M. de Sauley a fournie à M. Sacc, et qui a été publiée dans le même recueil que le mémoire du savant chimiste de Mulhouse. Le travail de Bartolomeo Bizio a pour objet Znvestigazione chi- miche sopra il Murex brandaris Linn., et a été publié dans les Annali delle scienze del regno Lombardo- Veneto (Padova, 1835). I y est question aussi du Murex trunculus. Le travail est étendu, et la substance colorante semble avoir été traitée de toutes manières ; il y a des analyses fort nombreuses, ou plutôt des essais par les différents agents, eau, alcool, ete., des parties antérieures et postérieures du corps ou du corps tout entier; il y à de nombreuses expériences sur la solubilité de la matiere, sur l’action de l'ammoniaque, des alcalis, ete. Les analyses organiques aissent beaucoup à désirer, bien qu'il y soit parlé d’oxydation. Je ne puis reconnaitre s’il y a eu un principe immédiat isolé, et si cette question, fort intéressante, est résolue : La matière, avant l’action de la lumière, est jaune et non odorante ; après, elle est vio- lette et d’une odeur des plus prononcées. Y a t-il eu une transfor- mation ? Quelle est done au juste la nature de l’action du soleil ? Quel changement a-t-il produit? Quelle modification at-il impri- mée à l’état moléculaire on à la composition chimique de cette substance organique ? Il était impossible que l'on travaillät, comme l’a fait Bizio, sur une pareille matière, sans reconnaitre les changements de cou- leur sous l'influence des rayons solaires. Aussi ces changements ir série. Zooc. T. XI. (Cahier n° 1.) * 2 15 H. LACAZE-DUTHIERS. sont-ils indiqués, de même qu'ils l'avaient été bien avant par Réaumur, Duhamel; de même qu'ils l'ont été et qu’ils devaient l'être dès la plus haute antiquité, c’est-à-dire du moment que l’on a employé la pourpre. La matière, comme on le verra, n'étant colorée, n'étant pourpre qu'après cette action solaire. M. Sace a publié dans le Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse, n° 130, année 4854, une esquisse de l’histoire de la Pourpre. Dans ce résumé assez succinct des travaux qui ont pré- cédé son mémoire, M. Sacc s'occupe peu de la question anato- mique ; il semblerait même qu'il n’a fait qu'une revue purement bibliographique, avec quelques rapprochements inspirés par les découvertes modernes relatives à l’alloxane el à la murexide. Il ne parait pas, d’après ce travail, que M. Sace ait fait d'expériences par lui-même. Son mémoire, du reste, qui fut lu à la Société in- dustrielle, n'est pas long, el, comme tout ce qui est destiné à la lecture, il est agréablement écrit, et les faits y sont présentés d'une manière aussi claire que concise, et avec ce cachet apprécié par tous ceux qui connaissent l’éminent chimiste. 1] y a cependant quelques-unes des conclusions qu’il n’est pas possible d'admettre, l'anatomie démontrant, par exemple, clairement que la partie pro- ductrice de la pourpre n’est pas le rein, bien que cela soit affirmé, sinon d’après des expériences, du moins indiqué comme probable d’après l’analogie des couleurs que fournissent la matière à pourpre et l’acide urique ou ses dérivés. Dans leurs recherches historiques sur Rome et l’antiquité, il est rare que les auteurs ne parlent pas de la pourpre ; elle tenait un rang trop distingué parmi les couleurs des vêtements et les dignités, pour qu’un article ne lui soit pas toujours consacré. Or, le plus souvent, dans les citations bibliographiques, les auteurs se copient les uns les autres, en modifiant les expressions de leurs prédécesseurs suivant leur goût pour le style; de là souvent des erreurs nouvelles faisant suite où venant s'ajouter aux erreurs des textes que l’on prend pour guide. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 19 On peut trouver, en histoire naturelle, bien des exemples de ces citations faites sans remonter à l’auteur original, et de ces cita- tions tout à fait fautives qui se perpétuent de la sorte. Au milieu de tant d’autres ouvrages où il est question de la couleur qui nous occupe, voici M. Desobry, dans ses Lettres, du resle fort instructives et très intéressantes, sur Rome au siècle d'Auguste, ou Voyage d’un Gaulois à Rome à l'époque du règne d'Auguste et pendant une partie du règne de T'ibère, qui donne aussi un extrait des auteurs, pour la faire connaître. On trouve à chaque instant, dans les auteurs latins, {incta mu- rice lana (À); les mots mureæ, conchylium, concha (2), revien- nent bien fréquemment. C’est done d’un coquillage qu'il est question dans Pline comme dans les autres auteurs, et, pour per- sonne, un Limacon de mer n’a été un Poisson. Et qu’on le remar- que, ce n’est pas ici une distinction sévère, exacte et subtile d'histoire naturelle que je veux établir : non. I n’est possible à per- sonne de reconnaitre un coquillage sous cette expression : « Un poisson de mer appelé Pourpre fournit cette riche teinture. » Or cette expression, pour des personnes qui lisent simplement les ouvrages sans remonter aux sources, désignera bien ce qu'elle indique. Il est vrai de dire que si l’on ouvre un Gradus ad Parnassum (3), on y trouvera, après le mot Murex : « Poisson dont on tire la pourpre » ; après le mot Pourrre : « Couleur fournie par un coquillage que trouvèrent les bergers. » Quel embarras pour celui qui n’est pas na- luraliste, qui connait seulement, comme tout le monde, que le Poisson n’est pas un coquillage, et réciproquement. Comment fixer son idée sur l'animal qui produisait cette belle couleur ? C'est avec de telles traductions que, dans le tome I”, lettre x1v, M. Desobry reproduit tout ce que dit Pline, avec des renvois en (4) Horace. (2) Voyez les dictionnaires classiques latins donnant des synonymies au mot Pounpne, L'idée de coquillage y est bien établie : « Quæ de Tyrio murice lana rubet. — ©, » « Purpura Thessalico concharum tincta eolore. — Lr. » (3) Gradus ad Parnassum, Quicherat, ouvrage classique. 20 H. LACAZE-DUTHIERS. note indiquant le livre et le paragraphe. Mais pourquoi changer les expressions d’une manière aussi malheureuse : « Un poisson de mer appelé Pourpre fournit celte riche teinture (A). » Jamais Pline, au paragraphe xxxvr, n’a parlé d’un poisson; il a déjà fait assez d'erreurs pour ne point lui en faire commettre d’autres. Après avoir traité, dans le livre IX, des Crustacés, qu'il désigne par le nom de Cancer (2), et des Oursins (3), il arrive aux coquillages, et il dit en toutes lettres : « Viennent à présent les Mureæ, dont les » tests sont plus durs, et les divers genres de coquillages (4). » D'ailleurs le mot couleur conchylienne revient à chaque instant dans son ouvrage. Les erreurs se transmettent et se perpétuent par des citations incomplètes ou des changements de mots : c’est le cas ici. M. Desobry rapporte toutes les erreurs avancées par Pline, et ajoute celle qui vient d'être indiquée plus haut. Le Buc- cin lui-même y est désigné comme un «autre poisson de mer». Déjà le texte est difficile à interpréter, quand on veut se rendre compte de l'espèce désignée par le naturaliste latin; que devient-il pour celui qui prend l’expression poisson de mer au sérieux ? Dans tous les travaux, la propriété particulière à cette matière ne pouvait ne pas se trouver relatée. Il eût été curieux de faire des analyses organiques, et de voir, ainsi qu'il a été dit pré- cédemment, ce qu'est cette matière. J'espère que mon excellent ami et collaborateur pour d’autres recherches de chimie physio- logique, M. Alfred Riche, pourra m'aider à combler cette lacune, et que plus tard des notions exactes sur la substance trouve- ron! leur place dans la science. Ce qui est surtout l'objet du travail actuel, c’est la détermination exacte de la partie qui produit la matière colorante. Nulle part on pe trouve des données claires et nettes relatives à la question, et, après bien des recherches bibliographiques, il me parait encore (1) Desobry, loc. cit., p. 353, lett. xiv du tome I. (2) Voy. Pline, édition Panckoucke, t. VII, p. 78, 80, liv. IX, $$ £, ur. 13) Tbid., p. 80, liv. IX, $ ur. ‘&) Ibid., p. 82, traduction de la collection Panckoucke, liv. IX, $ mr. « Fir- mioris jam testæ Murices. et concharum genera. » 4 MÉMOIRE SUR LA POURPR. DA | possible de répéter l'une des conclusions que l’on trouve à l'ar- ticle Pourpre (1) du grand Dictionnaire d'histoire naturelle. M. Defrance s'exprime ainsi : « 5° Nous ne savons pas davantage au juste dans quelle partie » de l'animal se trouve cette matière : est-ce dans l'organe dépu- » rateur? est-ce dans l'appareil générateur lui-même? Ce qui pour- » rait porter àle croire, c’est que les œufs du P. lapillus contien- » nent la même liqueur en abondance, comme l’a observé Réaumur. » El alors on pourrait penser qu’il ne s’en trouve.que dans les » femelles, ce qui expliquerait l’observation de Duhamel, qui dit » avoir vu des individus de la même espèce en avoir, et d’autres » n'en avoir pas. » Ces conclusions démontraient la nécessité de nouvelles observa- tions ; aussi est-il possible de présenter les faits qui suivent comme nouveaux et positifs. Ayant eu à faire des recherches sur la matière pourprée, j'ai dû observer naturellement ses propriétés particulières : bien des au- teurs en ont déjà parlé; j'arrive un peu plus tard, alors qu'une nouvelle branche des arts tirée de la science est née, je veux dire la photographie, et j'ai pu mettre à profit cette découverte. Dans ces deux voies on ne rencontre rien, et c’est sur elles que j'appelle l'attention d’une manière plus spéciale. En tout cas, on trouvera ici des notions précises qui permet- tront de voir nettement où est le lieu qui fournit la matière , et qui pourront conduire peut-être d’autres plus favorisés à pousser plus loin l'étude de cette partie de l’histoire des sécrétions dans les Mollusques. Ainsi se fait la science ; chacun apporte, suivant ses forces, ce qu’il peut, et le faisceau se constitue lentement et peu à peu, mais aussi sûrement ; mieux vaut dire moins, mais dire sûre- ment sans hypothèse. La bibliographie y gagne des notions pré- cises, au lieu de ces opinions vagues, souvent contradictoires, qu'il faut contrôler, et qui nuisent sans aucun doute au progrès ; car le travail pénible rebute, et rien n’est aujourd’hui rebutant comme cette série de noms à citer, auxquels se rapportent trop fréquemment des opinions qu’on doit combattre. (4) Voy. Dict. d'hist. nat., t. XLIII, p. 235, art. Pourrre. 29 NH. LACAZE-DUTRIERS. [IT Des propriétés de la matière. Quand on enlève la matière qui doit devenir pourpre du lieu où elle se trouve, et dont la place sera plus tard assignée exactement, elle est blanche ou légèrement jaune. Dansle Purpura lapillus, elle varie entre le blane mat et le jaune. Dans la Pourpre hémastome, de même dans les Mureæ, la teinte est parfois un peu grisâtre. Soumise à l’action des rayons solaires, ainsi que les anciens le savaient déjà très bien, ainsi que Réaumur l’a dit, et après lui Bozio, etc., ainsi que les pêcheurs des côtes de la Méditerranée le savent par tradition, elle devient d’une teinte d’abord jaune-citron, puis jaune verdâtre ; elle passe au vert; enfin elle vire au violet, qui se fonce de plus en plus, à mesure que l’action se prolonge davantage. On trouvera plus loin, lorsqu'il s'agira de déterminer exactement de quelle couleur devait être la pourpre des anciens, plus de détails et d'explications relativement à ce changement de couleur. En étendant sur un tissu cette substance en couches de diverses épaisseurs, on peut avoir un violet foncé qui offre les tonsles plus vifs, les plus riches, et parfois arriver au sombre le plus intense, ou bien enfin à la nuance la plus délicate. En variant la quantité de matière et la durée de l'exposition au soleil, on peut arriver à faire des dessins qui ne manquent pas, avee une grande vigueur de ton, des teintes dégradées les plus douces. Une matière qui se comporte de la sorte mérite aujourd’hui, à coup sûr, le nom de matière photogénique, et il était donc tout naturel de faire des essais dans cette nouvelle voie. Quand se trouveront exposées, ainsi que cela aura lieu bientôt, les propriétés des tissus, les connexions de la glande ou de la par- tie productrice, il sera plus facile de juger du parti que peut-être on pourrait tirer, au point de vue de la science et même de la MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 23 pratique, des propriétés de la pourpre. Mais voyons d’abord quels résultats on peut obtenir. En recueillant la matière purpurigène à l’aide d’un pinceau un peu rude, que les peintres nomment brosse plate, dont on coupe et raccoureit les crins, on arrive très bien à se procurer toute la quantité produite par un animal. Il suffit pour cela de brosser tout doucement plusieurs fois, sans se lasser, la partie qui sécrète. Bientôt la brosse se trouve chargée d’une substance visqueuse et filante qui reste adhérente. Alors on n'a qu'à barbouiller les tissus que l’on veut imprégner, en répétant fréquemment sur eux un mouvement de moulinet ou de va-et-vient. On arrive ainsi à étendre en couche uniforme la mucosité recueillie, qui fait d'abord un peu de bave ou de mousse, mais qui bientôt ne forme plus qu'un liquide, quoique épais, où toutes les bulles d’air dispa- raissent progressivement. Pour que le tissu se trouve imprégné à peu près uniformément, on charge le pinceau une seconde, une troisième, une quatrième fois, en ayant soin de bien fondre les limites des différents points sur lesquels on apporte successive- ment de la nouvelle matière. Pour réussir à avoir une couche de matière uniforme sur l'étoffe, on doit employer d’abord la brosse; puis, passant le doigt en différents sens, on doit chercher à faire cheminer, des points plus imbibés vers les creux qui le sont le moins, l'excès de matière. Tantôt j'ai opéré presque au grand jour, tantôt dans l'obscurité ; je dois dire que dans ce dernier cas j'avais peut-être plus de détails. Cependant j'ajoute que la matière n’élant point encore modifiée donnait, quand je la préparais au jour, des résultats encore très satisfaisants. Je laisse de côté toutes les minutieuses précautions qui sont bien connues de tous les photographes, et qui n’ont rien de spécial, quelle que soit la matière photogénique employée. Bien faire adhé- rer le tissu chargé de la couche photogénique au eliché qui doit être reproduit ; éviter les bulles d’air, etc., ete., tout cela étant connu, et n'ayant rien de particulier, peut être laissé de côté. Il faut un certain temps au soleil, même avec un cliché négatif, 24 I. LACAZE-DUTHIERS, pour obtenir une épreuve posilive ; par conséquent, il serait infi- niment plus long d’avoir une épreuve dans la chambre obseure par l’action simplement de la lumière réfléchie, Je n’ai pris qu’une image d’un objet, sur lequel, à l’aide d’une glace, tombait la lu mière directe du soleil. Le tissu exposé dans la chambre obscure a présenté l’image, ainsi qu'il était facile de le prévoir. Le temps nécessaire au développement de l’image positive varie avec Ja vivacité des rayons lumineux du soleil. On observe surtout très bien le passage des tons divers, quand on soumet la matière à la lumière solaire, masquée de temps en temps par des nuages, la durée de l'expérience étant alors beaucoup plus longue. Une image était reproduite à Pornic (Vendée), à la Rochelle (Charente-Infé- rieure), à Agen (Lot-et-Garonne), en quatre ou cinq minutes, par un beau soleil, et cela vers la mi-août, fin du même mois et le commencement de septembre. Dans cette dernière localité, un portrait n’était fini qu'après trois quarts d'heure par un ciel nua- seux, mais laissant encore entrevoir de temps en temps de très piles rayons de soleil. Je n’ai point calculé le temps nécessaire au développement de la couleur à Mahon , mais il me paraissait infiniment plus court : deux minutes, une minute même, a quelquefois paru suffire, autant que je puis comparer par souvenir un temps non caleulé à un temps dont la durée a été bien appréciée. Mais le ciel dans les ilesBaléares est si lumineux , la lumière y est si vive et le soleil si pénétrant, que cela doit être et ne peut étonner. Avec des clichés négatifs, on obtient des portraits pleins de vi- gueur et de netteté, qui présentent les caractères dus aux chan- gements successifs de couleur de la matière. Pour que la matière passe successivement aux teintes indi- quées, il fant qu'elle soit constamment mêlée à une certaine quan- tité d’eau. Après avoir étendu la pièce de tissu sur la plaque por- tant le négatif, il est bon de l’humecler avec quelques gouttes d'eau de mer, puis d'appliquer une étoffe, également humide, ployée en plusieurs doubles ; on recouvre le {out avec une seconde plaque, et l’on expose au soleil, I faut aussi, quand la chaleur est grande, avoir soin (d'ajouter de temps en (emps quelques gouttes MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 95 d'eau, afin quele contact de la pièce chargée de matière reste con- stantet parfait; sans cela, le tissu s’isole un peu de la plaque néga- tive, des bulles d’air se forment, et nuisent à la pureté de l’image. En ajoutant ainsi de l’eau, on observe le derrière du tissu, et l'on juge de l’état de développement des couleurs et des tons. Pour arriver à avoir des ombres bien accusées, ordinairement on doit suspendre l’insolation quand les parties qui doivent être blanches dans les images obtenues par les matières photogéniques ordinaires présentent ici une belle teinte jaune verdâtre. Si le vert est trop accusé, les violets envahissent tout, et les jaunes ne font plus assez de contrastes avec les violets représentant les noirs qui ne se sont pas foncés en proporlion. Dans les images ainsi obtenues, on trouve donc lés noirs rem- placés par une teinte violette d'autant plas foncée, que la lumière solaire a pu mieux traverser la photographie négative. Cetle teinte violette se dégrade successivement, et passe au jaune d'autant moins intense et moins verdâtre surtout, que les noirs sont plus accusés dans le négatif. C’est aussi ce qui m'a fait choisir, pour faire des épreuves positives, des clichés fort accentués et pré- sentant des contrastes de noir et de blanc très tranchés. La teinte et les reflets que présentent ces photographies sont fort agréables , et sur une reproduction de la tête d’une vieille femme, la nuance du jaune pâle formant les blancs de la figure imitait assez la teinte de la carnation de la vieillesse. D'ailleurs il y à, comme on peut le remarquer, harmonie de couleur, le jaune et le violet étant complémentaires l’un de l’autre. Sans aucun doule, avec des espèces donnant une grande quan- tité de matière purpurigène, on obtiendrait plus facilement une couche égale et uniforme; car les temps d'arrêt, qui sont la conséquence de la recherche de la matière sur plusieurs petits individus, comme le sont ceux du Purpura lapillus, se font souvent plus où moins remarquer par quelque inégalité de la couche impressionnable. Il est, en effet, assez difficile de re- prendre juste dans le point où l’on a cessé d'étendre, et alors les traits ou les décroissances de teinte se trouvent plus où moins aceusées, suivant qu'il y a plus ou moins de matière. 26 H. LACAZE-DUTHIERS. Sur papier, on aurait des épreuves ayant infiniment plus de détails et de vigueur; mais la difficulté se trouve dans l’impossibi- lité où l’on est de pouvoir agir avec une brosse où un pinceau dur pour étendre la matière impressionnable. Quelques essais n’ont pu être faits qu’à la condition d'étendre la substance avec le doigt sans trop frotter, afin de ne point enlever le poli de la feuille de papier. Je ne doute pas que l’on n’obtienne de très bons résultats sur papier; maisn’ayant, dans mon dernier voyage au bord dela mer, que peu de clichés, et l'adhérence qui s’établissait entre le papier et le collodium me faisant redouter d'enlever ce dernier, j'ai re- noncé à continuer les essais, dans la crainte d’être obligé de cesser mes expériences. Mais, évidemment, le tour de main consisterait à imprégner le papier sans l’érailler : or, je crois volontiers qu’on arriverait facilement à le trouver. A quel usage pourrail-on employer la pourpre ? Aujourd’hui que les manufactures de produits chimiques versent à torrent dans l’industrie les matières qui, avec la plus grande fa- cilité et la plus grande perfection, peuvent servir aux teintures les plus délicates et les plus riches, comment pourrait-on espérer de voir ce peu de matière animale donnant du violet, quoique fort beau et fort lenace, être employé par l’industrie? Il n’est guère probable que la pourpre revienne en honneur. Toutefois il me parait utile d'appeler l'attention sur un point : la photographie n’a pas encore tourné ses efforts vers l'application sur les étoffes délicates des dessins et des peintures d’un fini comme elle en fait. On a bien, il est vrai, sur certaines toiles cirées, appli- qué la couche de collodium déposée sur une glace et portant une image ; mais On n'a pas, par exemple pour des éventails et tout autre objet de luxe très délicat, donné sur soie des reproduc- lions des dessins, des tableaux, ete., que la photographie procure avee la plus grande facilité. On peut done se demander si, en étudiant avec soin la matière purpurigène, si en arrivant à dissoudre la matière restée jaune quand on a fait la photographie, on ne pourrait utiliser ces repro- ductions sur soie ayant cette belle teinte violette dont il a été MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 97 question. Il serait facile alors de pouvoir utiliser sous forme de médaillons, sur les pages et les cartons de tel ou tel de ces petits objets de luxe, un portrait ou une scène prise aux grands maîtres, etreproduite avec cette facilité et cette fidélité que chacun connaît au daguerréotype. C’est là sans doute une application fort restreinte; mais cepen- dant, quand on voit la douceur des tons et les nombreux délails, ainsi que leur finesse, des photographies obtenues avec la matière des espèces indiquées plus haut, on se demande si, dans ces indus- tries de luxe et d'objets si délicats à la mode, on ne pourrait utiliser cette propriété photogénique, qui permettrait de trouver un usage à celle matière si recherchée des anciens et si délaissée aujourd'hui. La soie, d’ailleurs, conserve ce brillant et ces reflets qu'on lui connaît, et si l’on venait à employer ce moyen photographique, on obliendrait de l'industrie des soies certainement avec un grain plus fin que celles qu’on trouve dans le commerce, et qui cependant donnent déjà de très beaux résultats. Les étoffes sont d’ailleurs fortement imprégnées de la matière colorante, et le dessin apparaît toujours également net et vif, quelle que soit la face du tissu que l'on examine. On a vu que la pourpre ne devait pas se faner; on sait aussi que si elle perd d’abord un peu de son teint vif par le lavage, ensuite elle persiste ;*on aurait done des conditions de conservation très bonnes, et qui donne- raient peut-être plus d'importance qu’on ne le pense à cette branche de la photographie. IV Que se passe-t-il pendant l’action du soleil, et dans le changement de couleur ? C’est là une question qu’il est assez difficile de résoudre sans des recherches de la plus grande délicatesse et des analy-es orga- niques probablement fort difficiles, sinon fort minutieuses. La première chose qui frappe est celle-ci : développement, con- jointement et parallèlement à la production de la teinte violette, 28 H. LACAZE-DUTHIERS. d’une odeur vive et très pénétrante, que bien des personnes, à qui je demandais inopinément, sans qu’elles fussent prévenues, — quelle est cette odeur? — comparaient soit à l’odeur de la pierre à fusil, soit à l'odeur de la poudre brülée, soit enfin à l'odeur de l'ail, de l’asa fœtida. Les chimistes à qui j'ai fait la même question donnaient tous et toujours cette odeur comme étant celle de l'essence d'ail. L'odeur est extrêmement pénétrante au moment où la couleur vient de se produire; elle persiste encore pendant fort long- temps ; elle ne se reproduit toutefois que lorsque l’on humecte le tissu coloré. Cependant, après un certain temps, elle semble disparaitre ; mais quand on la connait bien, on la retrouve sur les tissus que l’on imbibe. Une petite pièce de batiste teinte en violet à Mahon, en 4858, au mois d'août, exhalait l’odeur d’une manière très forte en la lavant un an après. Il se forme donc un produit, une matière nouvelle; cela semble être une conclusion forcée, puisque les caractères physiques ont si complétement changé. La matière non influencée par la lumière est certainement so- luble dans l’eau et dans l'alcool. Les preuves de ce fait sont nom- breuses. D'abord quand on laisse mourir un animal, non-seulement | la partie renfermant la matière devient pourpre, mais les tissus environnan(s se colorent eux-mêmes : cela tient à ce qu’ils se sont imprégnés du liquide évidemment par imbibition, et ils devien- nent également pourpres. Les bords du manteau sont sans aucun doute complétement dépourvus de matière influençable, et cepen- dant, sur les animaux morts, on les trouve souvent d’un beau violet. De plus, les animaux qu’on plonge dans les liquides conser- vateurs colorent la liqueur. J'ai placé dans des tubes avec de l'alcool des portions du manteau de la Pourpre hémastome, à Mahon; l'alcool était devenu d’un beau violet. Au Jardin des plantes, des Pourpres conservées dans les liquides ont une partie du manteau d’un beau violet. Cet effet s’est présenté constamment dans les flacons que j'ai. Enfin, quand on ajoute des gouttes d’eau sur les linges impré- MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 29 gnés de la matière, l’eau qui s'écoule va teindre les parties envi- ronnantes d'une teinte légère. Évidemment il y a eu dans ce cas solution de la matière. Plus tard, quand la matière est devenue violette, elle est par- faitement insoluble , et sa stabilité sur les tissus en est la preuve. Avant d'aborder de nouvelles questions, il est important de dire quelques mots sur la persistance de la teinte. J'ai fait des marques et des dessins sur du linge ; en particulier, j'avais fait mes initiales sur le coin de l’un des mouchoirs qui me servaient dans mon voyage; et encore, bien que ce mouchoir ait servi avec intention très fréquemment, et que le tissu en soit rompu , les lettres de la marque sont encore d’un très joli violet un peu päle, mais cependant d’une teinte extrêmement agréable. Du reste, l'habitude qu'ontles matelots de marquer leur linge avec le Corn de fel, à Mahon; leur opinion, qui est la même pour tous, savoir, que les marques resteront inaltérables, prouvent que la matière, une fois colorée ou transformée, reste toujours inattaquable. L Dans quelques essais que je faisais pour enlever la matière non attaquée, le chlorure de fer l’a détruite, mais le chlorure de chaux à agi beaucoup moins efficacement. La potasse, l’acide acétique, lammoniaque, l'acide chlorhy- drique, ne m'ont pas paru altérer ou même modifier la teinte. La matière doit évidemment imprégner les tissus, et se modifier dans leur intérieur pour y rester ensuite indéfiniment. C’est ainsi qu’en enlevant la matière à pourpre avec une brosse, pour fournir un point d'appui au manteau, je le renversais sur mon pouce pour que les tissus pussent être brossés et dépouillés de leur matière. L'ongle était recouvert naturellement de matière ; il s’imprégnait tout à fait comme un tissu ordinaire, et conservait cette belle couleur pourpre plus de cinq semaines. L'ongle con- tinuant à croître, la partie de nouvelle formation tranchait, après un certain temps, par sa couleur blanche sur la partie rouge anté- rieure. Évidemment, surtout quand on se livre à des recherches, quand on va à la mer presque tous les jours, voilà des conditionsde 30 H. LACAZE-DUTHIERS. lavage qui devraient faire disparaitre vite cette leinte, si elle n’était fort tenace et fixée d’une manière presque indélébile ; mais incor- porée aux lissus à l’état moléculaire, elle y reste dans cet état. Ainsi voilà des propriétés remarquables : insolubilité, inaltéra- bilité, à la suite de l’action de la lumière. La valeur qu'avait auprès des anciens la pourpre peut certai- nement trouver une raison dans ce fait: que, sous les climats brülants et le ciel toujours si lumineux de l'Italie, de la Grèce et de l'Orient, la pourpre ne devait pas se faner comme les autres cou- leurs rouges, surtout comme celles tirées du règne végétal ou animal. La Cochenille, dont parle Pline (1), et qui fournis- sait l’écarlate, ne devait point. résister à l’action solaire. La pourpre, au contraire, qui a eu pour cause directe cette lumière même, ne peut s’altérer comme les autres couleurs. Évidemment tout ce qu'aurait pu faire le soleil, et les anciens étaient souvent exposés dans leurs cérémonies publiques à ses rayons, c’eût été de renforcer le ton des étoffes ; et l’on doit voir là certainement une des raisons de cette estime de la pourpre entre toutes les autres couleurs. Quand on connaît ces faits, on ne peut se refuser d'admettre qu'il a dû se former un composé nouveau. M. Sacc a dit dans son rapport : « Il est évident que la matière » à pourpre est accompagnée par une autre matière qui joue le » rôle de mordant, et c’est à ce mordant qu'est due la fixation de » la couleur. » Est-il absolument nécessaire, pour qu'une matière se fixe, qu’elle soit accompagnée d’un mordant? J1 y a bien des cas en teinture où l’on n’a pas besoin de mordancer les étoffes ; et ici je crois, sans imêtre livré pour cela à des recherches particulières , qu'il n’y a pas de mordant. La substance est soluble, elle imprègne les tissus ; (1) Voy. Pline, t. VII, édit. Panckoucke, p.145 et 114, liv. IX, $ zxv, tra- duction, etc. : « Quin et terrena miscere, coccoque tinctum tyrio tingere, ut » fieret hysginum. Coccum Galatiæ rubens granum, ut dicemus in terrestri- » bus, aut circa emeritam Lusitaniæ, in maxima laude est. » ‘ MÉMOIRE SUR LA POURPRE, il elle devient insoluble, se précipite, et reste par cela même fixée. Il faut dire cependant que les parties environnantes du manteau sécrètent une mucosité assez épaisse qui se mêle toujours, et quoi qu'on fasse, avec la matière à pourpre. Ce mucus aide beaucoup à rendre la couche de matière parfaitement égale dans le cas où l’on veut faire des photographies. Mais il faut aussi savoir que, si l’on a une trop grande quantité de mucus, celui-ci forme une sorte de vernis, de couche superficielle, qui se colore d’abord, et qui forme écran à la surface de la matière imprégnée dans le tissu. Si donc on a fait une photographie en laissant une trop grande quantité de mueus, on a l’image à la surface, en dehors des tissus, ce qui fait que, pour peu qu'on humecte l’étoffe et qu'on la fasse adhérer dun autre tissu, on perd une grande partie de l’image. Maintenant quelle est l’action de la lumière sur cette matière ? Et d'abord c’est une action de la lumière, et non autre chose. On a vu quelle interprétation avait donnée Réaumur. Pour lui, c'était une action de l’air ; un renouvellement de ce fluide étail absolument nécessaire pour produire la modification de la ma- tière. Or non-seulement les expériences de Réaumur prouvent que c’est bien la lumière qui agit; mais il suffit d'avoir fait une épreuve photographique quélconque pour se convaincre de la par- faite inutilité de ce renouvellement. Placée entre deux plaques de verre, il est difficile de trouver là pour la matière les conditions que disait nécessaires le grand observateur. Il n’est donc pas pos- sible d'admettre l’action de l’air, au moins ainsi que l’entendait Réaumur. C’est bien une action de la lumière, car les Pourpres placées dans des liquides conservaleurs ne manquent pas de se colorer dans les points voisins de la place qui produit la pourpre : dans ce cas, ilest difficile de voir une action de l'air; sous l’eau, dans un flacon bouché , il n’y a pas de courant et de renouvellement. Ce qui ne prouverait encore rien relativement à un autre mode d'interprétation, car leau tient en dissolution une assez grande quantité d'air. Mais on a vu que déjà Duhamel avait combattu pardes expériences décisives cette opinion. 32 H. LACAZE-DUTUHIERS. Afin que les liquides imprègnent les animaux que l’on veut con server, il est bon d’en briser la coquille. Dans un voyage, mon but étant d'obtenir simplement des animaux conservés pour servir au besoin, je jetais dans un flacon indistinctement les individus après en avoir concassé le test. Or, toujours les animaux dont la coquille était intacte restaient incolores, et les animaux dont la coquille était en partie brisée restaient blancs sous les fragments et s’em- pourpraient dans les parties qui voyaient la lumière. Si donc l'action de l'air dissous dans l’eau alcoolisée était invoquée pour expliquer ce changement, il faut bien le dire, cette action ne pourrait être, sans aucun doute, accomplie que sous et par l'influence de la lumière. Et ilne faut pas croire que ce soitseulement des rayons lumineux directs du soleil qui causent ce changement : la lumière diffuse le produit également; mais l’action est beaucoup plus lente que lors- que les rayons du soleil agissent directement. Les flacons qui reu- fermaient les Pourpres concassées n’élaient certes pas exposés à la lumière directe, et cependant la couleur s'était développée. Mais en quoi consiste cette action, et comment l'expliquer ? Des circonstances ayant porté obstacle aux recherches que nous devions faire avec M. Riche, j'avouerai que je ne poserai ici, pour ainsi dire, que des questions. La première idée qui se présente est celle-ci. La matière subit sous l'influence du soleil une oxydation. Cette opinion n’est pas nou- velle; il en est déjà question dans quelques-uns des travaux cités. Ce qu'il y a de positif, c’est qu'il serait nécessaire de bien savoir ce qu'est la matière avant l’action de la lumière, et ce qu'elle est après. Sans aucun doute, il y a un produit nouveau de formé ; mais ce produit est-il le résultat d’une simple modifica- tion dans l’arrangement moléculaire, sous l'influence de cet agent profondément modificateur ? Sans analyse, il n'est guère possible d’en décider. Réaumur croyait déjà que la modification était toute moléculaire. S'il y a oxydation, ce qui pourrait bien être, le produit nou- veau est-il plus complexe ? Quel est-il, comparé à ee qu'il était MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 39 avant. Voilà certainement des recherches intéressantes, et qui, je l'espère, conduiront à des données exactes. Quoi qu'il en soit, l'odeur qui se développe est parfaitement caractéristique, et, chose curieuse, elle se développe dans toutes les espèces qui fournissent la couleur, que ce soit les Purpura hœæmastoma on lapillus, les Mureæ trunculus, brandaris ou eri- _maceus, loujours l'identité d'odeur est absolue. Les personnes qui n’ont pas senti l’essence d’ail la comparent peut-être avec quelque raison à l'odeur du reste de la poudre qui a brülé; d’autres à celle un peu sulfhydrique que dégage du silex frappé ; on pourrait lui trouver de l’analogie avec celle que lon sent quand une voiture marche avec un sabot à l'une d «ses roues. Il y a aussi une très. grande analogie avec l'odeur de l'ail et de l'oignon brülés. C’est dans la constance de cette odeur qu'il faut surtout chercher une preuve de la formation d’un corps nouveau, soit qu'il y ait un changement de l’état moléculaire, soit qu'il y ait absorption de l'oxygène, et par conséquent produe- tion d’une combinaison nouvelle avec un plus grand nombre d'éléments. Cetle question sera, je l'espère, résolue plus tard, quand les analyses et les recherches que je ne puis entreprendre seul pourront être conduites par mon très habile ami et collabo- rateur. Il serait à propos, après avoir parlé des propriétés de la ma- tière et de sa ténacité, de dire un mot de sa teinte ; mieux vaut, pour éviter des répétitions, s'occuper de cette question quand il s’agira des espèces fournissant la couleur. V Position de la glande ou partie produisant la matière à pourpre. Ainsi qu'il a été dit en commençant, le but principal de ce travail est la détermination anatomique exacte de la partie du corps des Gastéropodes fournissant la matière colorante. #° série. Zooc. T. XII. (Cahier n° 4.) 8 3 al H. LACAZE-DUTHIERS. — Qu'est-ce done que cette partie ? où est-elle placée ? — Est-elle particulièrement spéciale aux espèces donnant la matière colorante ? — La retrouve-l-on dans tous les Mollusques gastéropodes? Voilà tout autant de questions qu'il faut résoudre, et dont la solution permettra seule d'arriver à une détermination anato-, mique générale satisfaisante. Où est située la partie fournissant la matière pourprée ? Il me parait à peu près inutile de citer les auteurs dont les indications sont les plus vagues et les plus entachées d'erreur. Les mots veine, poche, sac à pourpre, doivent également et tout d'abord être rayés, leur emploi étant fautif. Un des auteurs qui ont cherché à donner le mieux l’idée du lieu où il faut puiser la matière tinctoriale est Juan Pablo Canals y Marti, dont le mémoire a été déjà indiqué (4). 1 compare la coquille de la Pourpre à celle d’un Limaçon de jardin, puis il fixe le point où se trouverait dans celui-ci les vases, les vais- seaux qui préparent la matière. La comparaison entre un Limaçon et une Pourpre n’est peut-être pas très heureusement choisie, cependant elle sert à indiquer la position, ce qui est très impor- tant. Mais l’auteur fait erreur en indiquant un réceptacle de la liqueur ; il n’y a pas de réceptacle. Je citerai textuellement cé qui a trait à ce point; on verra que la question anatomique proprement dite y est complétement laissée de côté (2). Cherchons à donner une description en rapport avec les con- naissances actuelles de l'anatomie des Mollusques. (1) Voyez, a la fin de notre mémoire, la note relative au travail de MM. Gri- maud et Gruby. (2) Loc. cit, : page 75, description de l'animal ; page 76, portion de la partie qui colore. Paragraphe 6 de l’appendice, — « Rompiendo la concha a poca distancia de » sua abertura, o de la cabeza, y arrojando los pedazos rotos, se descubre el re- » ceptaculo Ileno del licor proprio para dar la üntura de purpura. » « $ 7. Se puede facilmente comprehender la posicion de este receptaculo, que » no es siempre de la misma capacidad, si le concidera como un Caracol de MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 39 Il faut de toute nécessité concasser la coquille et débarrasser l'animal de tous les débris. Quand on est arrivé à séparer le muscle rétracteur attaché à la columelle, sans rien déchirer, on a l'animal intact et l’on peut faire la préparation suivante. D'abord qu’on examine l'animal dénudé (1), et l'on verra le bord de son manteau entourant la base de la tête et du pied; son prolongement tubuleux paraîtra à gauche, puis, à droite sur le côté, le muscle de la columelle en avantdes tours de spire du corps. Par transparence, dans l'épaisseur du manteau, on distinguera la branchie (2), dont on reconnaitra même les feuillets à des stries correspondantes ; à droite de celle-ci paraîtront successivement une bandelette jaunâtre (3), puis, tout contre cette dernière, une arborisation longitudinale brun-chocolat (4) : sur la Pourpre lapil- lienne rien n’est facile à distinguer comme ces parties, sans autre préparalion que l'enlèvement de la coquille. Si maintenant on fend d'avant en arrière le manteau, un peu à droite du canal, en longeant le bord gauche de la branchie (5); si l’on rabat les lambeaux du manteau, on a la préparation sui- vante (6) : Le corps de l’animal parait faisant suite à la tête : c’est sans aucun doute ce que les auteurs ont appelé le col de la Pourpre (7). A droite de cette partie, on voit le lambeau droit du manteau rejeté en dehors et montrant maintenant sa face interne, celle qui aupa- » jardin. Ÿ asi supongale denudo de una parte de su concha, y descubierto » le collar, o la masa de carne que circuye su cuello. Se vera colocado en el » paraje que corresponde al pescuezo el precioso receptaculo referido. Su ori- » genesta a la distancia de algunas lineas del bordo de su collar, y se extiende » en direccion conforme al cuerpo del animal, esto es desde la cabeza hasta la » cola, es o en linea recta, sin o culebreando, » (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 1, fig. 1, animal de la Pourpre lapillienne vu par le dos. (2) Zbid., (b). (3) Ibid. (a). (4) 1bid., (x). (5) /bid., (b). (6) /bid., Gig. 2. (7) Ibid,, (x). 36 H. LACAZE-DUTHIERS. ravant était la voûte de la cavité. En partant du bord de la fente, on rencontre, en allant vers le corps de l’animal, les parties sui- vantes : un petit corps allongé feuilleté et ayant l'apparence d’une branchie (4) ; la branchie (2) ; la bandelette jaunâtre (3) cachant en partie les arborisations brunâtres (4) ; l'anus (5), et le rectum qui Jui fait suite ; enfin l’orifice de la reproduction (6). Dans la Pourpre hémastome, la même chose se rencontre. La préparation se fait de même. La figure qui accompagne ce tra- vail n'est que peu différente. La section du manteau à été faite dans un autre point, en sorte que les deux lambeaux (7) portent, l'un, à gauche, la branchie (8) et le corps d'apparence bran- chiale (9) ; l'autre, à droite, l’orifice génital presque caché et au contact du corps (10), et puis l'anus et l'intestin (11), enfin la bandelette jaune blanchâtre (12). Les Mureæ présentent une analogie des plus grandes, dans la disposition, avec ce qu’on vient de voir dans les Pourpres; la glande anale, c'est ainsi désormais que seront désignées ces ar- borisations brunâtres, est surtout extrêmement marquée, et sa cou- leur tranche vivement sur celle de la partie voisine. La figure du Mureæ brandaris (13),comparée aux précédentes, montrera tout de suite, et mieux que ne pourrait faire une deserip- tion détaillée, l’analogie. Ainsi, il résulte déjà de cet examen que l’on trouve au côté (1) (2) Ibid, (b). ‘3) Ibid. fig. 3. ) 9) bid., (b'). ) (12) Jbid., (a). (13) Jbid., Gg. &. — Les lettres indiquent les mêmes choses que dans les figures précédentes. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 37 gauche de l’apus et de l'intestin , parallèle à ce dernier, entre lui exactement et la véritable branchie, une glande brunâtre et une bandelette blanc jaunâtre. La glande est dans l'épaisseur des tissus accolée à l'intestin; la bandelette est à la surface interne du manteau, elle tapisse une partie de la voûte qu'il forme. Quand on à fait l’une des préparations indiquées (1), et elles sont abso- lument nécessaires pour obtenir la matière pourprée, on n'a qu'à brosser la surface rabattue du manteau, et le pinceau se charge de la matière de la bandelette jaunâtre : celle-ci disparaît entière- ment, et la glande anale se montre alors à découvert. C’est la bandelette jaunâtre qui fournit à elle toute seule la matière qui doit donner la couleur. Aïnsi donc on peut fixer la position de la partie purpurigène de la manière suivante : C’est une bandelette de teinte blanchâtre, souvent d’un jaune très léger, et placée à la face inférieure du manteau, entre l'intestin et la branchie, plus près de celui-là que de celle-ci, et ne dépassant guère en avant l’anus, atteignant tout au plus en arrière le point où le manteau arrive au contact du corps de Bojanus (2). C'est en cherchant à délimiter nettement cetle partie, que j'ai trouvé la glande anale dont, à ce que je crois du moins, il n’est pas question dans les ouvrages. 1 VI Quelle est la structure intime de la partie purpurigène ? Quand on examine sous l'eau l’une des préparations précédem- ment indiquées, malgré les contractions de l'animal, on distingue très vite que ce n’est pas à une glande proprement dite que l’on a affaire ; mais pour bien reconnaître toutes les dispositions, il (4) Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XHI, pl. 1, fig. 2, 3, 4. (2) 1bid., 6g. 2, 4, (r) corps de Bojanus. 38 H. LACAZE-DUTHIERS. faut, à l’aide d’un jet d’eau, laver et entrainer les mucosités que sécrète la surface tout entière du manteau à la suite de l’irrita- tion qu'a produite l'incision. On voit très bien aussi la matière purpurigène, comme blanc jaunâtre, mêlée ou comme suspendue dans la mucosité transparente du reste de la surface. L'apparence est un peu différente dans le Mure brandaris et le Purpura lapillus : dans l’un et l’autre cas, sous une loupe ordi- naire, la bandelette paraît comme piquetée de points plus blancs et plus jaunâtres, quelquefois un peu grisâtres. Dans la Pourpre, la surface de la bandelette est onduleuse (4). Cela tient-il aux contractions transversales du manteau, ou bien à une plus grande épaisseur de la matière ? Dans le Mureæ bran- daris, la bandelette est comme veloutée; il m'aurait même semblé que chaque point était le résultat d’une élévation comme une vil- losité. J'avoue cependant que les Murex arrivant de Marseille étaient depuis trop longtemps hors de la mer pour oser affirmer, et que cette apparence ne s’est pas présentée dans le Mureæ erina- ceus tout frais observé sur les côtes du Poitou et de la Bretagne, à Pornic, à l’île de Ré, à la Rochelle (pointe des Minimes). La résistance de cette bandelette est très faible ; sous la plus légère pression, sous l’attouchement le plus léger, la matière blanchâtre semble exsuder à sa surface, comme une mucosité ; les contractions seules de l'animal, quand on lPirrite, produisent, pour ainsi dire, une sueur qu'il est toujours facile de istinguer, par suite de la couleur blanchâtre opaque. C’est en observant sous un jet d’eau qui lave la surface ou détermine un courant, que l’on voit bien cette particularité. Ces caractères prouvent assez que la partie blanche qui fournit la matière n’a pas par elle-même la disposition générale que l’on trouve dans les glandes proprementdites. Nous reviendrons encore sur celte distinetion, quand la texture intime qui va nous occuper sera connue. La texture est assez simple. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, 1. XIE, pl, 4, fig. 2. MÉNOIRE SUR LA POURPRE. 39 Quand on soumet à un grossissement un peu fort la matière exsudée à la surface par suite des contractions de l'animal, on la trouve composée de petits grains opaques, liés entre eux par la mucosité (1), et le plus souvent on voit au milieu de ces gra- nulations des vésicules plus où moins volumineuses, plus ou moins sphériques ou allongées, et remplies elles-mêmes de granulations analogues à celles qui sont libres. Si l'on enlève avec des ciseaux bien tranchants une petite por- lion de ce tissu, sa composition se présente avec les mêmes ca ractères. On trouve qu'il se compose de cellules longues placées parallèlement les unes aux autres, et perpendiculaires par leur plus long axe à la. surface du manteau (2). Les plus superficielles forment par l’une de leurs extrémités un plan, une surface qui est celle-là même que l'on aperçoit dans les préparations indiquées précédemment en renversant le manteau (3), et qui, ainsi qu'on peut le prévoir, est couverte d’un épithélium vibratile, comme tout le reste de la surface du corps. Ces cellules renferment la malière granuleuse qui doit se dis- soudre et produire la matière colorante. Elles sont, du reste, très grandes ; le plus souvent elles crèvent dans l’eau, Leur contenu empêche de reconnaître le noyau, si elles en ont un. Leur grandeur varie cependant sur un même individu, ainsi qu'on peut le voir dans l’une des planches où deux figures prises au même grossissement, et représentant le tissu de la glande d’un même Purpura lapillus, sont très différentes (4). La différence entre les grandeurs est très considérable. Dans le cas où les cel- lules sont plus grandes, il semble que leur extrémité libre se dé- gage un peu, et par cela même se renfle davantage, tandis que l’autre semble pressée et comme effilée (5). Évidemment ces apparences diverses dépendentde la différence du développement. (4) Ann. des sc, nat., Zool., &° série, t. XII, pl, 4, Gg. 6 et 7, B, B, Pourpres hémastome et lupillienne. (2) Ibid, fig. 2, 3, 4. (3) Ibid., fig. Tet 8. (4) Ibid., fig. 8. (5) Ibid, h0 H. LACAZE-DUTHIERS. La grosseur est sans doute en rapport avec le plus où moins d'avancement ou de maturité de la sécrétion. Lorsque l'animal se contracte, ou lorsqu'on exerce une pres- sion sur la bandelette, ce sont ces cellules qui s’échappent et de- viennent libres; presque toujours baignées par un liquide, elles s’endosmosent et erèvent, alors leur contenu granuleux se mé- lange au mucus et aux autres cellules non déchirées. Ce sont done ces cellules que l’on détache, isole et déchire, quand, à l’aide d’une brosse de peintre, on passe successivement à différentes reprises sur la partie qui les produit. Enfin c’est leur contenu qu'il faut étendre uniformément sur les tissus pour obtenir la couleur. Le contenu paraît, par la lumière transmise sous le microscope, avee sa teinte jaunâtre, mais il est facile de voir aussi mêlées avec les cellules jaunes d’autres cellules qui présentent une certaine transparence ; celles-ci sont sans doute de formation plus récente, et leur contenu n’est pas aussi près de la maturité ou d’une éla- boration parfaite que dans les autres. Ces cellules forment une couche d’une certaine épaisseur et dont on voit mieux la constitution quand elles sont moins volumi- neuses. C’est ce qui paraît dans l’une des figures (1). Quand on pénètre plus bas, au-dessous de la couche qui vient d'être décrite, on trouve des cellules transparentes plus où moins irréguliérement ovales, d’une autre nature, plus petites, formant une couche qui paraît être le tissu même du manteau sur lequel repose la bandelette dont il vient d’être question. Remarque. — El maintenant que cette structure est connue, posons celle question : Est-ce une glande qui fournit la matière à pourpre ? Évidemment ici point de canal exeréteur, point de cul-de-sac sécréteur ; si donc il y a glande, la partie sécrétante est à nu et étendue sur la face inférieure du manteau. À ce point de vue, “ (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zooi., £° série, &. XII, pl 4, fig. 7, A. MÉMOIRE SUR LA POURPRE, A l'opinion peut être soutenue; mais habituellement on réserve ce nom à une cavité plus ou moins profonde, plus ou moins ra- mifiée, plus ou moins simple ou composée, et tapissée par le paren- chyme cellulaire producteur de la matière à secréter. Il suffirait ici de reployer cette couche et de l’enfoncer, pour ainsi dire, en un cul-de-sac, pour avoir dans ces nouvelles conditions une glande dans la véritable acception du terme. On comprend maintenant que les expressions qui, en commençant, étaient condamnées, ne peuvent plus être employées. Il n’y a pas plus de réservoir que de sac ei que de veine, que de poche à pourpre. L'expression glande à pourpre serait convenable, si le mot glande n’indiquait presque toujours les dispositions qui viennent d’être caractérisées. | VII Cireulation dans la partie du manteau correspondant à la couche productrice de la matière à pourpre. La partie purpurigène se trouve ainsi limitée, et sa texture, comme sa position, ne permet plus de doute relativement à quel- ques opinions nées de considérations & priori et par induction. Nous reviendrons sur ces opinions, quand le tissu riche en vais- seaux qui la supporte aura fixé un instant notre attention. On sait que généralement, dans les Mollusques, il y a une sorte de veine porte, relative non pas au foie, mais au sac que Bojanus décrivit dans les Acéphales comme un poumon, et dont l'existence est générale dans les Gastéropodes. Aujourd’hui toutes les ana- lyses tendent à montrer que cet organe est bien un rein; on y a trouvé l'acide urique en nature cristallisé (4), ou bien l'analyse chimique y a fait reconnaitre de l’urée (2). (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. IV, pl. 4, fig. 44, mes obser- valions personnelles et les dessins des cristaux d'acide urique. (2) /bid. Les analyses de M. Riche, professeur agrégé à l'École de phar- macie de Paris. — Voy. aussi le travail sur le Pleurobranche (Ann. des sc. nat, Zool., 4° série, L. XI, art. Corps de Bojanus). 12 H. LACAZE-DUTHIERS. La structure, la position, relativement au cours du sang, tout fait trouver une analogie extrême et certaine entre les corps de Bojanus dans les Acéphales et le sac rénal des Gastéropodes. Dans le cas actuel, le sang qui revient du corps rénal par un ou plusieurs trones (1) se dirige vers la branchie. Une veine assez volumineuse (2) monte dans l'épaisseur du manteau parallèlement à la branchie et à l'intestin, et porte le sang dans le réseau qui le distribue à l'organe de la respiration ; elle reçoit aussi le sang des parties voisines du rectum et de la partie ou marge antérieure du manteau. C’est dans cet espace qui est limité à gauche par la bran- chie, à droite par le rectum, et qui présente ce réseau sanguin fort riche, que se développe la matière purpurigène. “Un regard jeté sur la figure montrera, mieux que ne pourrait le faire une description détaillée, la disposition des vaisseaux. En arrière, on voit l’origine du tronc venant du corps de Bojanus (3) se dirigeant parallèlement à la branchie (4) et au rectum (5), et donnant, à la droite de la figure, des rameaux afférents à la bran- chie ; on remarquera sans doute de la différence entre les capil- laires à droite et à gauche de ce tronc principal. Les injections poussées par une simple piqüre du bord libre du manteau remplissent ce réseau, en sorte que le sang qui sert à la sécrétion purpurigène est à la fois simplement veineux, et veineux après avoir été épuré dans le corps rénal ou dépurateur, La couche purpurigène semble en certains points un peu plus épaisse, en raison des dépressions qui paraissent exister sur celte surface vasculaire, et qui n’ont pas pu être rendues d'une manière bien satisfaisante, pour ne pas charger trop la figure, Tels sont les rapports de la partie purpurigène avec l'organe de la respiration, l'appareil de la circulation etle tube digestif, (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool,, 4° série, t. XII, pl. 4, fig. 9, 8. (2) Zbid. (3) lbid., fig. 7 (g). k) Ibid., (b). (4) (5) Zbid., (i). MÉMOIRE SUR LA POURPRE. Là VIII La matière colorante pourprée n’est pas fournie par le rein, et elle n'est et ne peut être l'urine de l'animal. Telle est la conclusion qui va faire l’objet de ce paragraphe, et ” la conséquence à laquelle conduisent forcément les détails anato- miques. Cette conclusion est, comme on peut en juger, complétement opposée à la manière de voir mise en avant, d’après des consi- dérations purement chimiques, par M. Sacc. «… C'est, dit cet auteur, évidemment un liquide éventé, etnon » pas une sécrétion utile à l’animal, puisque la poche dans la- » quelle il se développe s'ouvre au dehors : or que peut être ce » liquide, sinon l'urine du Mollusque, urine toujours chargée, dans » ces animaux, d'acide urique ou de ses dérivés oxydés (1). » De quelle poche entend parler M. Sace ? Évidemment si c’est du corps de Bojanus, il y a erreur. Ce n’est pas l’organe de Bojanus qui fournit la matière colorante, ce doit être la partie qui vient d'être décrite, puisque le savant chimiste ajoute : « La matière » colorante est un fluide épais et si visqueux, qu'il ressemble » à une espèce de gelée, qu’on peut enlever avec un pinceau à poils » un peu roides (2). » Cette description se rapporte certainement ce qui vient d’être dit. Or il n'y a aucune analogie entre la glande dont on vient de lire la description et le sac de Bojanus ; sans aucun doute, ce sont des considérations chimiques qui ont conduit à cette conclusion : car la murexide, qui prend naissance quand on met l'acide urique en rapport avec l'acide azotique, est fournie par l'urine, et rappelle par sa couleur pourpre celle que fournissent les coquillages. Il reste donc complétement à vérifier les conclusions du travail fort intéressant de M. Sace, mais qui ne paraît pas basé sur des obser- CA (4) Voy. Sacc, loc. cit, p. 305. (2) Jbid., p. 305. Lil H. LACAZE-DUTHIERS. vations directes, puisqu'on y trouve ceci : « Qu'il serait bien utile » de chercher le mordant (qui sert à fixer la couleur) organique, » et qu'on le trouverait à coup sûr, si l’on pouvait avoir quelques- » uns des Buccinum lapillus (A), si communs sur les côtes du » Poitou (2). » Dans ce mémoire si intéressant d’ailleurs, et qui paraît lout à fait bibliographique, sans données expérimentales positives, on trouve les conclusions suivantes : « 1° Que la pourpre des anciens doit être un produit analogue » ou identique avec celui qu’on obtient avec l’alloxane (2). » Et” en nole : « Cette idée vient de passer à l’état de conviction bien arrêtée, » après que M. de Sauley, président de l’Académie de Metz, nous » eut fait la communication suivante : » Étant à la Martinique en 1836, en rade de Saint-Pierre, je » prenais, sur les rochers couverts par la lame, la Pourpre bi- » costale ; dès que les Mollusques étaient dans ma main, ils suin- » taient un liquide épais, onctueux et opalin, ce qui me les fit » mettre dans les poches de mon caleçon de bain, qui peu à peu se » Colora en pourpre magnifique, identique avec celle de la mu- » rexide. Cette belle couleur s’effacait bientôt sous l’influence si- » multanée de l’eau salée et d'une température élevée, en passant » au brun, que rien ne put enlever. » On ne voit là rien autre chose que le rapprochement fait entre la couleur de l’alloxane et celle de la pourpre. Il n'y a point, ana- tomiquement parlant, analogie aucune entre le rein et la partie qui fournit la matière. « 2° Que si elle était aussi solide sur le lin que sur la laine, cela » lient à ce que l’alloxane est combinée (dans l'urine des Mollus- » ques employés) à une liqueur animale jouant vis-à-vis d’elle le » rôle de mordant. » On a vu plus haut la troisième conclusion, à laquelle je m'as- (1) Sans doute M. Sacc a voulu dire la Pourpre. Dans un mémoire de si fraîche date, voilà encore un nom qui jette du doute sur l'espèce. (2) Page 308. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 5 socie : car je crois, en effet, que, pour ne point présenter d’hypo- thèse et faire connaître exactement, non à priori, mais après des expériences, la composition des substances de la matière colorante, il serait imprudent de dire qu'il n’y a pas d’alloxane dans la ma- tière purpurigène, puisque les analyses ne sont point faites en- core; mais ce qui devait être établi ici, c’est que ce n’est point le rein qui fournit la matière pourpre, puisqu'on trouve les deux organes parfaitement distincts. Rien n'empêche d’ailleurs d’ad- mettre que l’acide urique qui se trouve dans l’urine, dans le sac de Bojanus, donne naissance à la couleur bien connue ; mais en- core une fois si l’on est arrivé par des considérations purement chimiques, et à priori, à admettre que c’est l'urine du Mollusque qui fournit la pourpre, et par suite que la couleur est due à l’al- loxane, comme anatomiquement il est impossible de voir le rein dans la bandelette jaunâtre, les conclusions précédentes se trou- vent singulièrement compromises. On peut donc revenir à ces questions, qu'il est bon de poser encore avant de se prononcer. Il faut savoir ce qu'est la matière avant l'action de la lumière , ce qu’elle est après ; alors seulement il sera possible d'émettre une opinion, et de dire : C’est à tel pro- duit qu'est due la couleur pourpre des anciens. IX D'une nouvelle glande que l’on peut*nommer glande anale. Les recherches d'anatomie ayant pour but la connaissance exacle de la partie productrice de la matière purpurigène ont con- duit à reconnaître une autre glande qui, vivement colorée en brun violâtre, pourrait, au premier abord, être prise pour de la substance pourprée introduite dans les tissus. En y regardant de près, on voit que la matière est différente, et que la partie qui la contient a surtout une organisation toute spéciale, Cette glande est logée sur le côté du rectum, qu’elle accom- pagne jusqu’à l'anus, où elle s'ouvre par un pore très petit, Le nom de glande anale semble par cela même lui convenir. lG H. LACAZE-DUTHIERS. I ne paraît pas que son existence ait été connue; on n’en trouve pas l'indication dans les ouvrages de malacologie. Sans avoir fait un grand nombre de recherches comparatives, il est aussi permis de supposer par quelques faits que son existence n’est pas générale dans les Gastéropodes. Les Gastéropodes nus ne paraissent pas la posséder, de même que beaucoup des Pecti- nibranches de Cuvier. Dans beaucoup de ces derniers, l’absenee n’est pas douteuse, à moins toutefois qu'un examen irop super- ficiel, basé en grande partie sur la coloration de la glande, n'ait fait porter un jugement trop précipité. Quoi qu'il en soit, les genres Pourpre et Rocher l’ont montrée fort caractérisée. Dans les Purpura lapillus, Murex trunculus, M. brandaris, M. erinaceus, on la voit au travers du manteau, dès que l’on a enlevé la coquille. La couleur brunâtre de ses arbo- risations l’a fait toujours reconnaître au travers des tissus et des mucosités (4). On sera sûr de son isolement quand, après avoir brossé avec un pinceau la partie purpurigène, on aura enlevé toute la matière jaunâtre ; alors les arborisations de la glande paraîtront très bien entre les lames du manteau. Avec l’aide d’une loupe, on reconnaifra aisément la disposition suivante, caractéristique d’une glande. Un long canal (2) central, parallèle à la direction du rectum, paraît au milieu des arborisations latérales : c’est évidemment le canal excréteur qui conduit au pore ou ouverture extérieure (3). A droite et à gauche de ce canal sont, mais dans un même plan, les ramifications brunâtres de la partie. qui sécrète, Quand on dit un même plan, ce n’est pas horizontale- ment qu'il faut entendre; les ramifications secondaires ne se diri- gent pas dans toutes les directions, mais seulement à la surface de l'intestin. On ne saurait mieux comparer l'aspect général de cette glande (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 1, fig. 9 et fig. 4, 2. (2) Ibid., dessin de la glande dans le Purpura lapillus un peu grossi. (3) Ibid. Gg. 4 (f). MÉMOIRE SUR LA POURPRE. h7 qu'à ces arborescences noirâtres que l’on rencontre parfois entre des lames de pierre. On distingue très nettement cette disposi- tion, surtout à l'extérieur du manteau, après avoir enlevé la co- quille dans le Purpura lapillus, le Murexæ erinaceus et le Mureæ brandaris (1). On éprouve assez de difficulté à bien voir l’orifice du canal excréteur, et ce n’est qu'avec beaucoup de soin que l’on arrive à le découvrir. Il faut étendre les lambeaux du manteau, ainsi qu'il a étédit; alors on voit la face interne de la voute palléale, et l’on peut enlever sous l’eau, pour agir plus facilement, toute la matière purpurigène. Le meilleur moyen pour reconnaitre l’orifice exeré— teur est, après avoir fendu un peu l'anus et l'intestin du côté inférieur, de presser doucement sur la glande et son canal, et de se servir de la matière brune qu'elle sécrèle comme matière à injection : en agissant ainsi, on voit la matière sécrétée s’échap- per par l'anus; et si l’on a fendu ainsi qu’il à été dit (2), on dis- tingue très bien que l’anus n’est pas régulièrement circulaire, mais que, en avant el contre le manteau, il semble se prolonger en une petite pointe ou papille (3). C’est vers le sommet de cette papille que lou trouve un petit pore par où s'échappent les pro- duits de la sécrétion. C'est avec la plus grande attention que j'ai répété cette explora- lion, et toujours avec les mêmes résuliats. Du reste, où aurait pu s'ouvrir celte glande? Plus profondément dans l'intestin ? Si cela était, la matière sécrétée, en passant d’avant en arrière, se serait échappée postérieurement : or cela n’a jamais eu lieu. Plus tard, après m'être bien assuré de cette position de l’orifice, un jet d’eau chargée de matière colorante, poussé directement sur la papille, sur des individus frais, faisait découvrir, par l'introduc- tion de la matière, l'existence du pore excréteur avec la dernière évidence. Il ne saurait done y avoir de doute relativement à la position de (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 4, fig. 4 (f). (2) Ibid, 8, fig. 9 (f). (3) Ibid, fig. 9 (c). L8 H, LACAZE-DUTHIERS. cette glande, qui peut, à bon droit, porter lenom de glande anale, comme on le voit maintenant. Reste à voir quelle est la structure; ce sera chose plus facile que d’assigner le rôle. les usages et les fonctions. Si l’on prend sur les côtés du canal médian longitudinal quel- ques ramifications ou arborisations, et qu'on les examine à un faible grossissement (1), on aperçoit la matière brunâtre formant autant de ramifications et de troncs que la glande elle-même, et occupant le centre des canaux principaux et des culs-de-sac secon- daires. Considérée à un autre point de vue, la glande paraît formée de canaux ramifiés et terminés en fin de compte par des culs-de- sac. Les bords des canaux paraissent transparents, tandis que le centre est brun et opaque. La figure qui accompagne ce travail rend très exactement l’apparence (2). Mais en soumettant à un fort grossissement l'extrémité de l’un de ces culs-de-sac, la structure intime devient facile à ob- server. On voit ici bien nettement cette structure si simple que pré- sentent toutes les glandes, et qui a permis de généraliser si heu- reusement la théorie des sécrétions (3). Les cæcums, ou culs-de-sac borgnes, sont formés d’une membrane mince, dans laquelle il est difficile de déméler une texture (4). Puis enfermé par cette membrane, se trouve le parenchyme cel- lulaire véritablement glandulaire. Cette partie est facile à étudier : elle est composée de cellules dont les dimensions sont beaucoup plus considérables en largeur qu’en hauteur, ce qui donne au tissu de la glande une apparence toute différente, suivant que l’on exa- ‘ ment de 20 à 25. (2) Ibid, id. (3) lbid., (y). (4) Ibid., (x). MÉMOIRE SUR LA POURPRE. A9 mine ses parois de champ sur le côté, ou bien de face sur le milieu. Les cellules sont ou paraissent dans un sens assez grand; elles sont remplies de granulations fines auxquelles est due la couleur. Ces granulations se trouvent souvent en grand nombre, libres dans la cavité du eul-de-sac (2), et constituent la sécrétion de la glande. Les cellules renferment aussi un corpuscule plus ou moins gros, plus ou moins noyé au milieu des granulations, et qu'on peut regarder comme un noyau ; on le voit surtout très bien quand on regarde la surface de la glande (2); on le distingue aussi nette ment quand c’est le côté qu’on observe. Ce noyau est irrégulier, el souvent anguleux à sa surface; il est relativement très gros. Mais, chose qui m'a paru constante dans la plupart des cellules vues de face (3), en plaçant le foyer à un certain point, on aperçoit dans leur intérieur, à côté du noyau, comme un espace clar, qu'il n'est pas facile d'expliquer. C’est un point d’une certaine étendue, qui semble sinon dépourvu de granulations, du moins en présenter beaucoup moins. Chaque cul-de-sac renferme dans son intérieur une assez grande quantité de malière sécrétée, et il est facile, quand on vient de l’en- lever sur des animaux vivants, de voir, si l’on ne comprime que très légèrement, que cette matière est entraînée par des courants que déterminent les nombreux et puissants cils vibratiles qui tapis- sent la paroi interne : granulations fines, noyaux, quelques petites goultelettes à apparence huileuse, tout est entrainé par le courant qui pousse vers le canal excréteur (4). Le parenchyme ou tissu sécréteur parait former une couche fort peu épaisse ; une ou deux rangées de cellules semblent mesurer cette épaisseur dans le plus grand nombre de cas. Quelles sont les fonctions de cette glande? Il me parait impos- (4) Voy. Ann. des sc. nal., Zool., 4° série, t. XII, pl. 1, Gg, 41 (z). (2) Jbid., (x). (3) Zbid., (x). (4) Ibid. Le mouvement est indiqué par la fleche. it série. Zooz, T. XII. (Cahier n°4) # 4 51) M. LACAZE-DUTHIERS. sible de les préciser; c’est évidemment une glande, dans toute la force du terme , mais son rôle est difficile à dévoiler d'une manière positive. Il est un rapprochement qu'il est nécessaire d'établir. Dans les embryons des Gastéropodes, on voit, la plupart du temps (Bulle, Bullée, Aplysie, Doris, Cérite, ete., etc.), un point rougeâtre qui est placé au côté droit, dans le point où commence la cavité du manteau. Ce point, coloré d’une teinte un peu variable avec les espèces, fixe facilement le côté droit de l'embryon, et sert, sous le microscope qui renverse, à déterminer exactement les rapports naturels des parties. Or il semblerait assez naturel de regarder, comme origine de la glande dont on vient de suivre la description, le point coloré auquel il est maintenant fait allusion; ce point est, en effet, tout près de l'anus chez les embryons. Il serait intéressant de suivre attentivement son développement dans les Gastéropodes, et de voir ce qu'il devient : s'il donne, chez les uns, naissance à une glande véritable; si, chez les autres, il disparait sans être suivi de la formation d’un organe particulier ; S'il s’atrophie, en un mot, dans les espèces qui ne paraissent pas avoir de glande anale. X La glande purpurigène est-elle particulière aux espèces qui fournissent de la couleur ? La structure du manteau dans le point fournissant la matière pourprée semblerait au premier abord particulière aux animaux donnant de la couleur, et cependant l’analogie devait conduire à généraliser et à faire admettre que chez la plupart, si ce n’est tous les Gastéropodes, une même chose existait. Quand on prend un Limaçon des plus communs dans nos cam pagnes, et qu'on l’irrite, on le voit rentrer dans sa coquille, et les MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 51 bords de son manteau dans lequel il s’enferme se couvrent d’une matière jaunâtre visqueuse qui, étendue sur un linge blane, le teint d’une très belle couleur jaune légèrement verdûtre. Quand on tracasse une Aplysie, on a les mains tachées d’une très belle couleur violette qui se communique aussi à l’eau. La matière colorante coule entre les replis du pied ; elle est tout à fait liquide et soluble, ou mieux miscible à l’eau. Si l’on écarte les bords si larges du pied, et qui remontent sur le dos, dans l’Aplysie dépilante (Aplysia depilans), l'Aplysie fasciée (4. fasciatu), ou bien l’Aplysie ponctuée (A. punctata), on voit sur le rebord charnu du repli qu; renferme la coquille, ou sur les parois latérales du corps, à côté et en arrière de l’orifice génital, exsuder une substance plas- tique blanche qui s'échappe de différents points isolément, et qui, dans l’Aplysie fasciée, est versée par unorifice particulier placé en arrière des organes génitaux. C’est même, dans ce dernier cas, un caractère particulier à l’Aplysia fasciata, que d'avoir l’orifice dont il est ici question ; il y aura lieu d’insister ailleurs sur ce point. Cette matière (à part l'Aplysie fasciée, qui, même pour le bord de son manteau vers la coquille, ne fait pas exception) semble done s'échapper ici, comme chez les Pourpres, des points qui la con tiennent, et cela directement. On ne peut davantage appeler ici glande ces parlies logées si isolément dans l’épaisseur du manteau ; car on croirait voir se rompre de petites poches qui rejettent au dehors leur contenu sous l'influence des contractions des muscles ; il y a, sans contredit, une analogie des plus grandes avec ce que l’on observe dans le manteau des Pourpres et des Murex. Porte-t-on cette matière sous le microscope, l’analogie devient encore plus grande, pour les Limaçons en particulier; l’aspect des masses allongées de granulations rappelle les cellules des Pourpres ; seulement, quand on prend une parcelle de tissus tout entier, on observe que les cellules chromatogènes sont plus isolées que dans les Pourpres, et surtout plus profondément placées au milieu des fibres des tissus. C’est du côté droit vers l'anus que, dans le Limaçon, transsude celte matière jaune verdâtre ; 52 H. LACAZE-DUTHIERS. cependant le reste du manteau en fournit aussi, et parfois on en voit sortir du pied. Dans l’une de ces petites espèces que l’on recueille sur les ri- vages de l'Océan et que l'on nomme Vigneaux, dans le Turbo littoralis par exemple, on trouve la matière tout à fait semblable de structure et d'apparence, et surtout on trouve les cellules accu- mulées dans un point, dans le même point que chez les Pourpres. Le manteau, vu en dessous(1), présente exactemententre la bran- chie et le rectum l'apparence qui a été décrite chez les Pourpres, et l’on reconnait la glande purpurigène, seulement tran Spa- rente, et n'ayant pas, soit cette légère teinte jaunâtre, soit cette opacité blanchâtre. Examinée au microscope, au même grossissement que pour les Pourpres (2), l’analogie est frappante, et la différence se trouve simplement dans un peu plus de transparence; rien antre chose ne pourait la différencier. Dans les Aplysies, enfin, on trouve une certaine ressemblance entre les granulations de cette substance blanche qui vient d’être indiquée; cependant elles sont plus volumineuses et semblent sor- lir de cavités plus grandes que dans les espèces précédentes. Le manteau, sur son bord antérieur droit, parait aussi, dans le Bulla lignaria, tout pointillé. Un fort bel individu que j'ai con- servé dans la glycérine permet de reconnaître dans cette appa- rence quelque chose d’analogue à ce qui a été indiqué plus haut. De tout ceci, il paraît devoir résulter que la production d'une matière semblable à celle produisant la couleur pourpre n’est pas particulière uniquement au manteau des Pourpres. On peut ad- mettre qu'avec des modifications sans doute bien nombreuses, la plupart des Gastéropodes à coquille sécrètent dans leur manteau ces matières visqueuses à texture particulière qui ont été décrites ; mais que lantôt ces matières sont colorées et ne changent plus de couleur, comme dans le Colimaçon et l’Aplysie ; que tantôt, tout en (1) Voy. Ann. des sc. nal., Zool., 4° série, t, XII, pl. 4, fig. 5 (2) Dbid., fig. 10. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 53 présentant la plus grande analogie avec les mêmes matières des Pourpres, comme dans les Turbo littoralis, Trochus cinereus, et autres espèces de notre littoral, les Cassidaires (Cassidaria echino- phora) et les Buccins (Buccinum undatum), la lumière ne lui fait éprouver aucune espèce de changement. La propriété de virer au violet sous l'influence des rayons lu- mineux semble rester l’apanage de quelques genres, dont la plu part, si ce n’est toutes les espèces observées, présentent la même particularité. Ainsi ce ne serait peut-être pas trop se hâter de généraliser que de dire : Chez tous les Mollusques, cette matière est produite dans des points plus ou moins semblables, et tout en ayant une même origine, elle jouit de propriétés diverses chez différentes espèces. Dans cette différence de propriétés on ne doit trouver, du reste, rien d’étrange. Qui n’a reçu, en chassant les Insectes, quelque coup d’aiguillon d'un Hyménoptère, et qui n’a été frappé de la diffé - rence dans la douleur que produisait le venin introduit dans la plaie ? Au fond, anatomiquement parlant, c’est même chose; mais le résultat semble très différent à celui qui reçoit le venin. Voici un serpent venimeux qui fera à peine souffrir ou qui ne mettra pas en danger la vie de l’homme, et tel autre le foudroiera en quelques instants. Dans les Insectes, on trouve encore des choses plus étranges en apparence, et qui se rapportent à des variétés de propriétés d’un produit identiquement le même au fond. Les effets que produisent les Cynips, les Mouches à scie, les Ilechneunfons, ete., sont bien variés. Les uns piquent un arbre, et une galle, grosse tumeur, se développe avec une forme spéciale ; les autres piquent de même, et la tumeur, véritable maladie du vé- gétal et conséquence de l’inoculation du virus, est toute différente. Faites l'anatomie, et vous trouverez toujours que le liquide qui produit tant d'effets divers est sécrété par la même glande et versé par la même poche. De même les Ichneumons qui déposent leurs œufs dans le corps d’autres animaux, et dont le virus ne fait souvent qu'engourdir la victime sans la tuer complétement. La propriété qu'a la matière fournie par le manteau de chan- 5! H. LACAZE-DUTRIERS. ger de couleur, n’a donc rien qui puisse élonner, et qui per- mette de la considérer comme différente anatomiquement de celle qui prend naissance dans des parties analogues sur d’autres indi- vidus, mais qui reste toujours la même, bien que le rayon lumi- neux la frappe dans les mêmes conditions que la première. La spécificité du produit, la qualité peuvent donc être très dif- férentes, mais l'origine, organiquement, anatomiquement parlant, est semblable. XI Quelle est la couleur réelle de la pourpre, et quelle était cette couleur chez les anciens? Il semble, si ce n’est inutile, du moins bien facile de répondre à cette question, car chacun a l’idée de la couleur qu'il veut dési- gner, lorsqu'il dit : telle chose est pourpre. Or, il est certain que la plupart du temps on a, de la couleur qui nous oceupe, une idée qui n'est pas celle que fait naître la vue de la nuance dont il vient d’être question. Lorsque j'ai montré les dessins et les photographies, il m'a été dit immédiatement par beaucoup de personnes : « Mais cela est violet, et la pourpre des anciens était rouge. » On ajou— tait même : « et la plus belle pourpre, celle de Tyr, était rouge de sang. » - Quand on désigne la pourpre romaine de nos jours, c’est d’un rouge vif dont on entend parler : un rouge qui serait représenté, par exemple, par un fond de rouge vermillon sur lequel on passerait un glacis de carmin. Piqué de curiosité, j'ai prié plusieurs peintres de faire devant moi une leinte semblable à celle qu'ils placeraient sur une toile où ils représenteraient un vêtement de pourpre au temps des Romains, et toujours j'ai vu des teintes complétement différentes. Cependant aujourd’hui, dans les expériences, la couleur obtenue = MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 59 avec les coquillages a constamment été violette, seulement avec des nuances un peu différentes, suivant les conditions que l’on a étudiées plus hant, et dont il sera encore question plus loin. Pour le moment, la question qu'il faut résoudre est celle-ci : Quelle est et quelle devait étre la couleur primitive et naturelle de la pourpre ? En rapprochant les faits fournis par l'expérience de l'interpré- tation des auteurs ancieps, on peut arriver à avoir des notions positives sur le sens des mots; élablissons donc tout d'abord ce qu'il s’agit de prouver, afin que la discussion un peu scolastique qui va suivre soit lue avec plus de facilité. D'après les expériences faites avec les espèces désignées dans ce travail (et ce sont très probablement quelques-unes de celles qu'employaient les anciens), il ne peut être douteux, en ce qui concerne la matière colorante qu’elles fournissent, que la couleur primitive et naturelle de la pourpre ne fût un violet plus ou moins foncé. Or, l’idée que l’on s’est faite, ou que beaucoup de personnes se font encore de la pourpre, se rapporte bien plus souvent au rouge ; il s’agit donc de trouver, dans les textes anciens, si les expressions qui désignaient la couleur doivent faire comprendre plutôt le rouge que le violet, ou réciproquement. Voilà toute la question, Elle semble simple au premier abord, mais elle se complique; car de synonyme en synonyme le sens des mots s'étant étendu et modifié, il est devenu très difficile de le fixer exactement, Naturellement il faut consulter les auteurs les plus anciens, et principalement ceux qui vivaient aux époques où la ponrpre (s’en- tend la couleur tirée des coquillages) était un objet de luxe et de grand prix. Si l’on ne s’en tenait qu'aux auteurs modernes sans remonter aux originaux, on s'exposerail à avoir les sens dérivés donnés par les compilateurs, qui trop sonvent se sont copiés les uns les autres. Aristote ayant fait un livre tout entier sur les couleurs, on devait espérer trouver dans ses écrits une définition exacte et précise de 56 NH, LACAZE-DUTHIERS. la couleur pourpre. On va voir quels renseignements il est possible de tirer de l’interprétation de son texte. Il désigne la couleur pourpre par le mot alourgès (dhouoyës) (1) ; on est done conduit à rechercher la significaïon de ce mot, et ce n'est pas sans beaucoup étudier et comnarer les textes que l'on peut arriver à quelque chose de positif. Quand on consulte les dictionnaires, on voit qu'ils assignent le sens de pourpre à l'adjectif alourgès, qu bien qu'ils lui donnent des synonymes fout aussi difficiles à traduire ; car relativement à la question qui nous occupe, ils sont tout aussi vagues, et il est im- possible d'avoir d’après eux une idée précise et certaine à la fois. On en est donc réduit à chercher le sens dans le texte même, et si l’on éprouve un peu d'embarras, c’est qu'alourgès avait plu- sieurs nuances, Aristote le dit de la manière la plus positive (2); et, d’un autre côté, cela est certain aussi, deux mots servaient à désigner les couleurs plus ou moins pourprées, c'étaient alourgès el phoinicoun (gowxoùv). Ces deux adjectifs avaient un sens spécial et distinct, ainsi qu'on peut s’en assurer en lisant le traité même Des couleurs d’Aristote. Mais, bien que ces deux mots se rapportassent évidemment à des nuances d’une même couleur générale, on acquiert la convie- tion, après un examen attentif des textes, que alourgès était plus particulièrement employé pour désigner la couleur pourpre pro- prement dite (3). En ce qui regarde la valeur de chacun de ces deux mots, on peut observer que Platon se sert de phoinicoun lorsque le rouge domine, tandis qu'il emploie alourgès lorsqu'il s’agit de quelque chose de plus sombre. Cela est clairement la conséquence de la (1) Voy. DEuvres d'Aristote, &. LIT (édit. Firmin Didot, Paris. 4854) : Des couLEuRS, [ep ypwper@y, Cap. 1v, p. 647, lib, XXVITI : rù dù xx rots ro Cowy xodoïs, roParep voi ro dhoupyès Th moppüpe : « Quin etiam animalium succis, » quemadmodum violaceus color purpura » (traduction latine du même ouvrage). (2) Voy. Jbid., cap. ur, p. 645, lib. XLT: oc Vas xat To Ghoupyts êyst diapopas : « multas enim el violaceus color habet differentias » {traduction latine du même ouvrage). {3) Voy. aussi lesfdifférents Dictionnaires et le Thesaurus de H. Étienne. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 57 composition assignée par lui à la couleur alourgès qui était un mélange de noir, de rouge et de blanc (1). Evidemment une couleur où entre le noir devient plus sombre, et c’est le cas de l’alourgès. Ainsi donc phoinicoun devait se rapporter à quelque chose de plus rouge, de plus clair, de plus éclatant, et par cela même alourgès devait être considéré comme une chose plus obscure. Dans un passage du livre d’Aristote, on trouve le rapport des deux couleurs assez clairement exprimé par l’image de la succes- sion des tons et des nuances que suit le raisin lorsqu'il mürit. « Dans les raisins, dit-il, la couleur vineuse se développe quand » ils mürissent, et lorsqu'ils noircissent, la teinte phoinicoun se » change en alourgès. » Or, quand on a suivi jusqu’à leur maturité les raisins que, dans les pays vinicoles, on appelle noirs ou rouges, on voit très bien qu'ils sont plus rouges au commencement, et d’un rouge plus foncé, ou mieux d’un violet sombre à la fin (2). Ainsi se caractérise le sens respectif de ces deux mots. Il res- sort évidemment de ce passage, comme de l'interprétation précé- dente des textes, que alourgès correspondait à une nuance de violet , et c'est ainsi que l’a entendu aussi le traducteur des ou- vrages d’Aristote ; il rend toujours le mot alourgès par violet (vio- laceus), tandis qu'il emploie toujours le mot rouge (puniceus) pour traduire phoinicoun. Si donc on voulait s'appuyer sur lopinion d'autrui, indépendamment de l'interprétation directe des textes, ou trouverait là une preuve à l'appui du sens qu'il convient d’attri- buer au mot alourgès (3). Gæthe, comme chacun le sait, a lui aussi traité des couleurs. En sa qualité de philosophe, et surtout de naturaliste ou d'homme (4) Platon, édit. Bipont., t. IX, p. 383 : tovbpûy dé Dh péhout Meur te »xpañev, Ghoveyoüs : « esse rubrum cum albo nigroque permixtum. » (2) Voy. loc. cit., cap. 1, p. 645, lib. VIL : xt Jap ToÛTEI oÙvwToy palyerou ro Leu bi r@ meratyeohai peharoutior yap To pornos st: to aoupyès uerafahhee : « Horum enim apparet color vinosus, dum maturantur, quippe quum nigrescenti- » bus puniceum mutatur in violaceum. » (3) On peut remarquer que, dans les citations précédentes, la traduction la- tine emploie toujours puniceus el violaceus pour rendre worrxoûy et Goupyts. Ha] H, LACAZE-DUTHIERS. de science, à laquelle il tenait tant, il ne pouvait laisser de côté les ouvrages d'Aristote. Il a traduit en allemand le Tegr yowuzruy (De coloribus), qu'il semble rapporter, d’après le titre, indifférem- ment à Théophraste (4); mais il n’emploie pas le mot allemand violet pour traduire alourgès , il se sert du mot blaurothe (rouge- bleu). Or quiconque à manié une couleur voit la couleur violette dans le mélange du bleu et du rouge (2). Voyons enfin comment ont entendu alourgès les compilateurs et commentateurs, Parmi eux, H, Étienne nous conduit exactement, dans son Thesaurus, aux mêmes conclusions. D'abord le sens d'alourgès signifia pourpre (purpureus) ; peu à peu sa significa- lion s’élant étendue, il servit pour quelques-uns à désigner le vio- let (wiolaceus), mais qu'on le remarque toutefois, après avoir in- diqué une teinte spéciale, la couleur pourpre (3). On trouve aussi dans H. Étienne une distinction relative au sens des deux mols alourgès et phoinicoun, qui est en tout semblable à celle qui vient d’être établie ; on en voit la preuve dans la citation suivante : « Le premier arc-en-ciel est phoinicoun, le second est » alourgès el pourpre (4). » Si, comme c'est incontestable, d’après ce qui vient d’être dit, phoinicoun répond plutôt au rouge qu'au violet, en ayant présent à l'esprit le spectre solaire développé dans l’arc-en-ciel, il ne peut (1) Voy. OEuvres de Gæthe, édit. Tetot (Paris, 4837), t. V, p. 494 : Theo- phrast oder Aristoteles von den Farben. (2) Voy. OEuvres de Gœthe, loc. cit., p. 496, chap, 1v, relatif aux diffé- rentes couleurs. Il traduit ainsi le passage qu'on a déjà vu, mais qu'il est utile de mettre ici en regard du texte allemand : « Auch mit thierischen Saften, wie » das Blaurothe durch die Purpurschnecke. » Voy. Aristote, loc, cit., p. 647 : za de ot toîs Tov Cow yuloïs, xaQamep xat to Ghovpyès tn ropgupa. Traduction latine : « Quin etiam alia animalium succis, » quemadmodum violaceus color purpura. » (3) Voy. H. Étienne, Thesaurus græcæ linguæ , ab H. Stephano, editio nova, vol. Il (Londres, 4819, 4825, col. 4885). « A houpyo. Purpureus vel, ut » quidam loquuntur, purpurisseus ; à nonnullis et violaceus. Sed non dubium est » quin &)ovpyos a purpuræ colore ductum, longius significationem suamextenderit.» (&) Zbid. « Arcns cœælestis primus color est worrxcüs, secundus autem ghoupyñs » @l xopoupoüy, 9 MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 59 être question pour les deux autres couleurs que du violet, et cela que l’on entende les deux ares-en-ciel qui se présentent souvent, ou bien les différentes zones d’un même arc. Ainsi, par tous ces détails, peut-être un peu longs, mais néces- saires cependant, on arrive à conclure qu’Aristote et les Grecs, ainsi que leurs commentateurs, en désignant la couleur pourpre par le mot alourgès, entendaient parler d’une couleur plutôt vio- lette que rouge, et qu'ils réservaient le mot phoinicoun pour les cas où la nuance, plus voisine du rouge, était aussi plus claire et plus éclatante. Voilà done un premier pas de fait dans la détermination exacte de la couleur de la pourpre; mais évidemment il existait, comme il a été dit, plusieurs nuances, les unes plus foncées que les autres. Or, c’est précisément au dernier des tons obtenu à la fin de la préparation de la matière tinctoriale que se rapportait l'alourgès, comme on peut en juger par le passage d'Aristoté, où, après avoir parlé du changement des couleurs dans les plantes, il passe à celui qu'éprouve la matière de la pourpre pendant ses pré- parations. «Dès le commencement, lorsque les teinturiers en » pourpre ont abandonné les veines chargées de sang dans la » chaudière, elles deviennent sombres et noires; mais lorsque la » fleur (1) à été cuite convenablement, elle devient d'un alourgès » beau et brillant (2). » Ce qui a contribué à jeter sur la couleur qui nous occupe le vague que nous cherchons à écarter, c'est qu'elle présentait une foule de tons et de nuances; et ce devait être absolument comme cela se voit aujourd’hui, surtout pour les couleurs com- posées. (4) On entendait par fleur (Aristote et Pline), la matière animale fournissant la couleur même, (2) Loc, cit, cap, v, p, 654, lib. VIT; rà pèy y2o &E apyñss Grav Burroures ir moppôcas vaÜiat tas aiuaridas, opoycar yévoyrai xal pélauvat xai Geportdets. reù à GyQous ouvebrérras taie, Ghoupyte yiverar ebayÎc xa aurpés. Traduction latine : « Initio enim, quum purpurarii yenas sanguinarias (in cortinam) demi- » serint, caliginosæ fiunt et nigræ et aereæ; pigmento autem salis concoolo, co- » lorem violaceum floridum et splendidum assumunt, » 60 H. LACAZE-DUTHIERS. « C’est une idée complétement fausse que de se représenter » sous le nom de pourpre une seule couleur, » dit Heeren (1). « Cette expression, ajoute-t-il, désigne bien plutôt, dans l’anti- » quité, tout un genre de teinture pour lequel on se servait de eou- » leurs animales tirées surtout des coquillages de mer (2). » IL est certain que le mot pourpre, désignant à la fois une étoffe, une couleur, une matière colorante et un animal, a dû donner par- fois lieu à des confusions résultant de cette multiplicité de sens appliqués à un seul mot; de plus, les épithètes différentes em- ployées pour désigner des tons ou des nuances diverses d’une même couleur sont venues ajouter à la confusion, et augmenter la difficulté qu'il y a à reconnaître la valeur réelle du mot. Quant à la multiplicité des nuances, doit-on en juger par un passage de Heeren, qui n'avance lui-même que des faits empruntés à Amati et à Rosa ? Voici ce qu'il dit dans une note : «Amati compte neuf couleurs de pourpre simple, depuis le » blanc jusqu’au noir. Les neuf premières sont le noir, le gris, le » violet, le rouge, le bleu foncé, le bleu clair, le jaune, lerougeâtre, » le blanc (3). » Pour peu que les couleurs composées soient diffé- rentes des précédentes, toute l'échelle chromatique se trouvera représentée par ce seul mot de pourpre. Il y a là sans doute de l’exagération, à moins que quelques-unes des teintes indiquées ne soient des passages produits par la lumière solaire; mais cela ne parait guère probable, Quand on remonte aux ouvrages originaux, on est frappé des répétitions que l’on rencontre; le plus souvent, les auteurs se (4) Voy. Ideen über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehms- ten Vülker der alten Welt, von H. Heeren, 1824, Bd, IT, vierte Auflage, 88 : « Es ist eine gänzlich falsche Vorstellung, wen man sich unter Purpur eine » einzelne Farbe denkt. » (2) Zbid. : « Vielmehr bezeichnet dieser Ausdruck im Alterthum eine ganze » Hauptgattung der Färberei, zu der man sich animalischer Farben, nämlich des » Saftes der Seemuscheln, bediente. » (3) Voy. Heeren, paragraphe4°, p. 89, vol. IT: « Amati, 4, c, Zählt 9 einfache » Purpurfarben, von weiss bis zu schwarz, und 5 gemischte auf. Jene erste sind, » Schwarz, graun (lividus), violet, roth, dunkelblau, hellblau, gelb, rôthlich. » WeISS, » MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 61 copient les uns les autres, et bien souvent sans le dire. Pline lui- même ne parait pas être exempt du reproche : c’est ainsi qu'il pourrait bien se faire qu’il eùt emprunté à Aristote les histoires relatives à la formation des alvéoles par les Pourpres avec une matière analogue à la cire, et cela sans dire à quelle source il a puisé. Puis c’est lui qui à son tour, pendant bien longtemps, sert à ses successeurs, qui oublient aussi de dire qu'ils lui empruntent, ou qui le citent en interprétant simplement le sens des mots, sans rapprocher de ces interprétations les faits positifs fournis par l'observation directe de la nature. Heeren indique les différentes espèces de coquillages fournissant la pourpre, et l’on reconnaît facilement (c’est, du reste, d’après Amati) les distinctions du Buccin et de la Pourpre, telles qu’elles ont été données par Pline. La veine blanche placée près du cou et fournissant la fleur, rien ne manque pour reconnaître le natura- liste latin (1). Il n'oublie pas d'établir la différence entre les éloffes teintes une ou plusieurs fois : « La teinture était répétée ordinairement, » et par ce moyen on obtenait, ou le rouge vif, ou le violet, selon » que l’on se servait de différentes espèces de Pourpres, ou que » l’on disposait les procédés (2). » On voit que ces différences tenaient, ou bien à l'espèce, ou bien aux procédés, et cela est important à remarquer , car on n’a pas (4) Voy. doc. cit., Heeren, Bd. II, p. 89 (*). (2) Voy. Heeren, vol. II, p. 94. « Die Färbung geschah bei ihnen durchgehends »in der Wolle; und ward gewübnlich wiederholt (Purpuræ dibapbæ) ; wodurch » man theils das hohe Roth, theils aber auch das Violet erhielt, je nachdem man » verschiedener Arten des Purpurs sich bediente, und die Verfahrungsarten ein- » richtete (**). » {*) Man sehe Amati, p. XXVI, Die Hauptstelle bei Pline, IX, 36, cf. Amali, p. XXX. (°*) Man sicht leicht, dass sowobhl die grüssere Schonheit als auch die Mannigfaltigkeit der Farben nicht bloss durch die natürliche Verschiedenheit, sondern noch mehr durch die künstliche Bereitung und Mischong hervorgebracht ward. So erhielt man Z. B. den dunkelrothen Purpur, indem die Wolle zuerst in den Saf der Purpura, und dann, wenn die gekämmt war, in den von den Buccinis gelegt wurde ; den violetien sber durch die umgekebrte Procedur. Es gab dabei aber eine menge Handgriffe, besonders um den Grad zu bestimmen, bis zu welchen die Farbe gekoclit werden musste. (Man sehe Amati,p, XXXV, etc.) 62 H. LACAZE-DUTHIERS, perdu de vue la question qu'il s’agit d'éclairer : Quelle était la teinte naturelle et primitive de la pourpre ? Mais à côté de ces variétés de nuances, il faut encore ranger ces reflets que savaient donner les teinturiers aux étoffes, qui, par cela même, devenaient brillantes avec les jeux de la lumière, Les anciens trouvaient à ces qualités des charmes tout particu= liers : Sénèque en parle dans plus d’un endroit, et Pline les in- dique d’une manière toute spéciale. Revenons maintenant un peu en arrière, et cherchons dans Pline d’autres preuves en faveur de l'opinion qui a servi de point de départ à la discussion. Pline a dit, et après lui chacun a répété, que « la plus belle » pourpre tyrienne est celle qui a la couleur du sang figé, et » qui paraît noirâtre quand on la voit de face, et brillante dans » ses reflets : aussi Homère donne-t-il au sang l’épithète de » pourpré (1). » Cette couleur du sang fait naître naturellement l'idée du rouge ; et d’ailleurs on trouve encore dans Pline : «Le rouge vif vaut mieux que le rouge foncé (2). » Ainsi c’est du rouge que l’on croit généralement qu'il est ques- tion, quand il s’agit de la pourpre. A ces interprétations des textes opposons des faits positifs tirés de l'observation directe. Dans tous les essais faits avec cinq espèces différentes et prises dans des localités très diverses et fort éloignées, c’est toujours le violet qui s’est présenté (ou le bleu pour une espèce de Murex trunculus, mais qui a donné aussi le violet. [l'est donc indubitable que la couleur primitive non modifiée, la couleur réelle de la Pourpre, qui dut se présenter la première (1) Voy. Histoire naturelle de Pline, Bibliothèque latine, édit. Panckoucke, traduct, de M. Ajasson de Grandsagne, t. VIL, liv. IX, p. 409: « Laus ei sum- » ma, in colore sanguinis concreli nigricans aspeclu, idemque suspectu reful- » gens. Unde et Homero purpureus dicitur sanguis. » (2) Voy. loc. cit., liv. IX, $ zx. « Rubens color nigrante deterior. » MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 65 fois à celui qui en fit la découverte, absolument comme cela est arrivé à tous ceux qui, sans artifice, ont essayé la matière sur les erèves des bords de la mer, que cette couleur, dis-je, a dû être pour les anciens, comme elle est pour nous, violette, à moins que l’on ne veuille admettre un changement dans l’organisation des animaux, supposition qu'il est inutile de réfuter, tant elle serait gratuite. Au surplus, voici sur quelles raisons repose cette opinion, indé- pendamment des considérations précédentes et de celles qui sui- vront encore relativement aux textes. Toutes les fois que les rayons du soleil ou la lumière diffuse ont frappé la matière purpurigène dans Pair, avec l'humidité, comme sous l’eau, dans une liqueur à la fois saline, alumineuse, et renfermant du sublimé, dans une solution de cyanure de mer- cure, dans l'alcool, l’eau douce, la couleur violette s’est déve- loppée. Les animaux que j'ai rapportés des bords de l'Océan, et que j'ai conservés morts plus de huit jours, ont fourni avec les débris de leur manteau déjà en putréfaction des épreuves photographiques, et toujours le violet se développait, mais un peu plus sombre, et par conséquent un peu moins rouge. La couleur présentait souvent des différences de tons et de nuances dont la cause m'échappait, mais toujours constamment, sans exception, elle était violette au fond. On n’a pas oublié aussi que l’action du soleil se faisait remarquer encore par le développement de l'odeur infecte particulière dont il a été question. Il y a dans le développement de cette odeur quel- que chose de caractéristique indiquant certainement une réaction chimique très nette, très précise. Or, il est important de remarquer que ce changement de couleur, comme la fétidité de la matière, était connu des anciens ; on en jugera par le passage suivant : « Mais où est le mérite des couleurs conchyliennes ? L'odeur en » est infecte à la teinture, et la nuance en est d'un vert attristant et » semblable à celui de la mer en courroux (1). » (4) Pline, loc, cit., IX, S Lx, p. 380. € Sed unde conchylis prætia ; queis 64 H. LACAZE-DUTMIERS. On voit certainement là les changements de couleur et l'odeur qui les accompagne, quand va se produire la couleur violette. Il est impossible, d’après cela, que la couleur naturelle ne fût pas connue des anciens. D'ailleurs on vatrouver encore un autre ordre de preuves. Si tant est qu’on veuille admettre un changement de condition physique dans la formation du violet, cela parait tout à fait inadmissible, car les animaux d’autrefois ne peuvent pas avoir changé de manière d’être: d’ailleurs, on vient de le voir, les con- ditions capitales, odeur et changement de couleur, démontrant la similitude, étaient connues. En recherchant dans les auteurs anciens, on y trouve la preuve de la première nuance de la pourpre, celle que l’on peut appeler naturelle. Bien que Pline ait rapporté souvent des histoires qui ressemblent à des comptes faits à plaisir, on peut cependant démêler au milieu de tout cela les choses qui sont exactes. Pour ce qui est de la pourpre, par exemple, il est facile de eroire qu'il n’a pu écrire que ce qu'il devait voir chaque jour dans les rues de Rome. Or, en s’occupant de la manière dont on teignait les tissus, il nous fait connaitre que l’on mêlait les Pourpres et les Buceins : « De ce mélange, dit-il, on oblient une temture que l’on » recherche, et qui est le résultat du sombre de la pourpre et du » brillant de l’écarlate. Les deux couleurs ainsi combinées se » prêtent réciproquement du sombre ou de l'éclat. Pour avoir une » excellente teinture, il faut, pour cinquante livres de laine, mêler » deux cents livres de Buccin à cent onze livres de Pourpre : » c’est ainsi que s'obtient cette superbe couleur d'améthyste (4). Ainsi les couleurs rouge de sang figé, rouge vif, la pourpre » virus grave in fuco, color austereus in glauco, et irascenti similis mari ? » On peut remarquer que Pline fait connaître la première couleur verte, et par consé- quent, ainsi qu'on a pu l’observer dans les citations d'Aristole, que la teinte violette arrivait plus tard. (4) Pline, loc. cit., t. VIT, p. 409, liv. IX, $ zxn, « Pelagio admodum alli- » gatur, nimiæque ejus nigriiæ dat austeritatem illam nitoremque qui quæritur ; » coccita permixtis viribus alterum altero excitatur, aut adstringitæ summa + medicaminum in £ libras vellerum, buccini ducenæ , pelagii ext. Ita fit ame- MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 65 sombre et la couleur améthyste, voilà des teintes diverses qui toutes se rapportaient à ce que l’on nommait d’une manière générale la pourpre. On vient de voir la remarque de Heeren, qui dit : «Ce serait une erreur que de croire que le mot pourpredésigne une seule couleur. » Il n’est donc pas douteux qu'au temps des Romains comme au- jourd’hui, le goût du publie n’eût une influence sur la nuance, et que les teinturiers ne cherchassent à obtenir celle qui avait le plus de faveur. Or, sans rapporter ici lout ce que dit Pline sur les pré- parations de la matière tinctoriale, il est certain que les manipula- tions, comme le mélange d’autres produits ou des espèces, de- vaient avoir une influence sur la nuance (4), et qu’en définitive la couleur des étoffes pouvait être différente du violet qu’on obtient dans les expériences naturelles faites par tous ceux qui ont observé les coquillages purpurifères. Mais certainement la teinte primitive, la couleur naturelle de la pourpre, celle produite par l'exposition de la matière à l’influence de la lumière du soleil, était et ne pou- vait être autre que le violet, au moins pour quelques espèces, pro- bablement pour la plupart de celles qui fournissaient jadis aux anciens la couleur des vêtements des grands de Rome. Il paraît done probable que les modifications du violet qui le rapprochaient plus ou moins du rouge étaient’ toutes artificielles et dues à des manipulations, à des changements ayant pour but d’ajuster au goût de l’époque la couleur primitive, qui se présente loujours la même quand les choses marchent naturellement. Sans contredit, aussi les manipulations que les teinturiers fai- saient éprouver aux matières pour obtenir les reflets si estimés dont » thysti color eximius ille. » — En s'en rapportant à la valeur de la livre telle qu'elle a été indiquée par Savot de la Nauze, Romé de Lisle, et enfin, et sur- tout, par Letronne (voyez le mémoire intitulé Considérations générales sur des monnaies grecques el romaines, 187, p. 4-7): 50 livres romaines équivalaient à 46*,359 de nos poids. 300 livres id. id. 65*,436 id. 114 livres id, id, 36,316 id, A) On l'a déjà vu dans les citations de Heeren et Amati, loc. cit, (voyez la note dans les Ann, des sc, nat., Zool., 4° série, t. XII). 4° série, Zooc. T. XII. (Cahier n° 2.) ! 5 66 H. LACAZE-DUTBIERS. parlent Sénèque el tous les anciens durent conduire à des modi- fications de couleur, et en cherchant les étoffes changeantes, on dut modifier la nuance. Mais on ne perd pas de vue qu'il ne s’agit pas de nier ici que la pourpre püt se rapprocher plus ou moins du rouge; non, il s’agit de prouver que la couleur primitive a été le violet, et que, sans aucun doute, tant que l’on se servit de la ma- tière tinctoriale des Mollusques, elle fut au fond un violet plus ou moins voisin du rouge. Sans contredit encore, le mot pourpre s'appliquant aux vêtements des grands (1), lorsque les découvertes firent trouver des couleurs minérales plus éclatantes, plus rouges et plus faciles à avoir, lors- que la teinture avec des coquillages fat abandonnée, il dut arriver que le mot pourpre continuant à désigner des étoffes dont la cou- leur changeait peu à peu, on l’appliqua à des étoffes qui n'étaient plus violettes et qui déjà arrivaient peut-être à l’écarlate. De là, sans aucun doute, une cause d'incertitude sur le sens à attacher de nos jours à ce mot pourpre ; de là aussi la nécessité de revenir, ainsi que cela vient d’être fait, aux textes anciens, en les mettant en regard des expériences faites avec les espèces d'animaux qui, suivant toute apparence, ont servi, quelques-unes du moins, à la teinture primitive de la pourpre. Du reste, quelques citations montreront encore que la pourpre ne fut pas toujours rouge, comme on le pense trop souvent. Pline emprunte à Cornelius Nepos un passage plein d'intérêt pour la solu- tion de la question : «Pendant ma jeunesse, dit Cornelius, la pourpre » violette était en vogue et se vendait cent deniers la livre (2); (4) Puisqu'on les nommait purpurali, les grands. (2) Pour comparer avec les valeurs modernes, voyez l'estimation de la livre et du denier par Letronne, et avant lui Romé de Lisle. La valeur varia souvent pour les monnaies, et le tableau des variations nous permet d'estimer ainsi la valeur des pourpres indiquées par Cornelius Nepos : Sous Auguste : Une livre correspondait à 327#',48 de nos poids modernes, les 100 deniers valaient 79 francs. Ce qui fait à peu près 237 francs le kilogramme. La livre payée 4000 deniers valait 790 fr., et le kilogr. 2370 fr, à peu près. Aujourd'hui cette somme nous paraît énorme. Si l'on calcule que probable- MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 67 » bientôt après on préféra la pourpre rouge de Tarente, et ensuite » la double pourpre de Tyr, dont la livre coûtait plus de mille de- » niers (1). » Ce passage me parait montrer d’une manière non douteuse ce qui vient d’être avancé plus haut, à savoir, que la véri- table teinte pourpre, la couleur naturelle, était le violet. En effet, on voit tout d'abord la pourpre violet(e estimée, c’est la première obtenue ; puis par un raffinement, par une exigence du goût, elle fut demandée plus rouge, plus éclatante, ce qui s'obtint par des mani- pulations, par des perfectionnements de l’art du teinturier : de là probablement une modification de la couleur. Enfin on arriva à la purpura dibapha, ou aux étoffes qui avaient été teintes deux fois, afin d’avoir une couleur plus belle, plus vive à la fois, plus riche, plus chère et plus rare. « On appelait dibapha la » pourpre qui, par une dépense magnifique alors, avail été teinte » deux fois,comme le sont aujourd’hui presque toutes les pourpres » les plus recherchées (2). » Pline indique une différence entre la couleur conchylienne et la pourpre; on retrouve à chaque instant ces deux mols, ce qui évidemment leur donne une signification un peu différente ; du resle, il s'applique lui-même à définir ces couleurs : « Deux sortes » de coquillages nous donnent la pourpre et la couleur eonchy- » lienne ; car, pour l’une et pour l’autre, la matière est la même : » toute la différence est dans la combinaison (3). » ment, chez les Romains, l'argent avait encore plus de valeur que chez nous, on comprendra bien vite que la pourpre fut d'abord l'insigne des chefs, des rois, des empereurs, et put être si recherchée. Longtemps elle ne fut abordable que pour les grands et les palriciens romains. (1) Loc. cit., liv. IX, zur, p. 111, Pline, trad. édit. Panckoucke, t. VIT : « Me, inquit, juvene, violacea purpura vigebat, cujus libra denariis centum » venibat: nec multo post rubra Tarentina. Huic successit dibapha Tyria, » quæ in libras denariis mille non polerat emi, » (2} Loc. cit., p. 110. « Dibapha tune dicebatur, quæ bis Lincla esse veluti » magnifico impendio, qualiter nunc omnes pene commodiores purpuræ tn- » guntur. » (3) Loc. cit., Pline, t. VIT, édit, Panckoucke, p. 105, iv. IX, zxr, et p. 404, texte latin id, « Concharum ad purpuras et conchylia (eadem enim est » materia, sed distat temperamento), duo sunt genera. » 68 NH. LACAZE-DUTHIERS. Plus loin, il s'attache à faire connaître cette différence : « On » suit le même procédé pour la couleur conchylienne, si ce n’est » qu'on n'emploie pas de buccin ; en outre, on verse dans le suc » de pourpre de l’eau et de l'urine à parties égales, et l’on y ajoute » une moitié de plus en pourpre. C'est ainsi qu'au moyen d’une sa- » turation incomplète, on obtient cette couleur tendre si vantée, » et d'autant plus claire, que la laine à pris moins de teinture (A). » Ainsi la couleur conchylienne ne paraissait être autre chose que la pourpre (probablement violette) très légère, et elle se rapporte- rait sans doute à ces dessins et à ces effets si légers, si doux, que j'ai obtenus sur batiste et sur soie, en employant fort peu de matière purpurigène du Purpura hœæmastoma à Mahon, où du Murex brandaris de Marseille à Lille. Enfin, pour en finir avec ce que devait être la couleur pourpre, un dernier mot sur la teinte dont Pline s'occupe spécialement, et qu'on nommait améthyste. C'est la couleur de la pierre de ce nom, et autrefois, comme aujourd'hui, l’améthyste était une pierre violette ; il ne peut done y avoir de doute à cet égard. Je crois que c’en est assez pour prouver que, primitivement, la couleur pourpre était non pas rouge, mais violette; qu'elle avait dû être celle-là même que la lumièresolaire fait naître en agissant sur le suc purpurigène ; enfin, que peu à peu la teinte a été modifiée par les caprices de la mode et les exigences du luxe : « La couleur » conchylienne n’est plus ainsi qu’une bonne préparation pour la » teinte tyrienne (2). » C'était le premier état de cette pourpre dite dibapha, qui plus tard fut si estimée (3). On voit là évidemment (1) Loc. cit., t. VIT, p. 440, liv. IX, zxiv : « In conchyliata veste cetera » eadem, sine buccino : præterque, jus temperatur aqua, et pro indiviso, hu- » mani potus excremento : dimidia et medicamenta adduntur, Sic gignitur » Jaudatus ille pallor saturitate fraudata, tantoque dilutior, quant magis vel- » lera esuriunt. » (2) Loc. cit., t. VIL de Pline, édit. Panckoncke, p. 413, texte p. 412, liv. IX, cxv : « Et quum confecere conchylia, transire melius in Tyrium putant.» (3) Elle valut 2447 fr. 40 c. au moins le kilogramme, L2 MÉMOIRE SUR LA POURPRE, 6) les progrès et les modifications apportés à la préparation de la pourpre par suile des exigences du luxe. Pour toutes les recherches bibliographiques qui précèdent, je dois mille remerciments à mon cousin le premier avocat général H. Drème. Sa riche bibliothèque et les précieuses éditions qu’elle renferme, mises à ina disposition, ont été pour moi d’une grande ressource. Que sa modestie me pardonne si je le nomme ici, mais sa complaisance sans bornes, sa connaissance si parfaite des textes anciens et son érudition si vaste, m'ont rendu de tels services pour l'étude de la question, que la reconnaissance et l'amitié m'imposent de lui adresser les remerciments les plus sincères. En résumé, quel enseignement pratique est-il possible de tirer de cette longue discussion? Curieux de bien déterminer le sens du mot pourpre en tant que couleur, je me suis adressé à la pein- ture; j'ai vu les tableaux des maîtres; j'ai prié des peintres, aussi babiles qu'érudits, de me montrer le ton, la teinte, qu'ils emploie- raient pour représenter des draperies pourprées. A cette question, comme à l'observation des tableaux, j'ai toujours trouvé beaucoup d’embarras. Mais toujours j'ai vu le rouge dominer. Je consulte les ouvrages de peinture, et j'y trouve, relativement à la pourpre, toujours le même vague. Si donc on se rapporte aux expériences et aux explications don- nées plus haut, il est évident que les peintres devront faire varier leur nuance avec l’époque : car plus on remonte haut, plus la teinte dominante est le violet ; plus, au contraire, on se rapproche du temps où écrivait Pline, plus le rouge domine; et jusqu’au moment où la pourpre tirée des coquilles fut abandonnée, ce qui dut être assez tard, toujours certainement le fond de la couleur dut être plus ou moins violet. $ Si l’on ne perd pas de vue que, dans quelques dessins obtenus avec la matière des différentes espèces, j'ai obtenu des tons et des reflets bleuâtres et rougeâtres ; si l’on n'oublie pas non plus que les anciens estimaient beaucoup les vêtements de pourpre à reflet, on devra toujours, dans les draperies, sur le fond du violet plus ou 70 MH. LACAZE-DUTHIERS,. moins varié comme il vient d’être indiqué, placer habilement des elacis de rouge et de bleu, qui répondront bien certainement à ces tons si vifs et si changeants dont parlent Pline et Sénèque. Il est bien difficile de décrire une couleur; cependant je dirai que, dans tous les essais obtenus, la teinte était non pas un violet bleuâtre, mais bien un violet plus rosé que bleu. En faisant des essais pour imiter la couleur obtenue naturellement, le carmin, le bleu de cobalt et un peu d’encre de Chine me donnaient les tons sombres très beaux. Pourles nuances claires, j'obtenais des teintes avec de la garance cerise et un peu de bleu d’outre mer ; mais toujours les violets doivent être plus voisins du rose que du bleu. Il faut enfin ajouter que la couleur pourpre de Cassius, et les couleurs ou précipités que les chimistes appellent pourpres, se rap- portent à ces teintes foncées, sombres, mais violettes, dont il vient d’être parlé, et qu'on obtient surtout avec les Pourpres bouche de sang, en employant beaucoup de matière. XII De l'espèce du coquillage fournissant la couleur pourpre. C’est après bien des auteurs que cette question va être fraitée ici; elle est facile à résoudre, quand on a fait, non pas des recher- ches purement bibliographiques ou donné autre chose qu'une interprétation des textes des anciens, mais bien quand on a exé- ceuté des expériences directes. Il est, d’après les observations qui ont servi de base à ce travail, d’après les renseignements obtenus, il est incontestable que deux des genres des conchyliologistes modernes, observés dans les mers qui baignent les côtes de France, fournissent de la matière à pourpre. Les genres Rocher (Mureæ) et Pourpre (Purpura) don- nent incontestablement la matière purpurigène. Les Murex brandaris, M. trunculus, M. erinaceus, ont servi aux expériences : les deux premiers à Mahon et à Marseille; le troisième à Pornic (Vendée), la Rochelle et l'ile de Ré. MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 71 Dans ces trois espèces prises sur des points bien différents, l'organisation des parties productrices est tout à fait identique. La glande anale surtout se fait remarquer par sa teinte très foncée, d’une manière très nette, sur les côtés de la bandelette purpurigène. Il faut remarquer toutefois que le Mureæ brandaris donne un violet parfois plus rose et extrêmement délicat, et beaucoup plus clair; du moins c’est ce qui s’est présenté dans les expériences faites à Lille, avec les animaux que M. Alfred Lejourdand avait bien voulu m'adresser de Marseille. Le ciel des Flandres est loin d’avoir cette éblouissante lumière du Midi, et l’on peut se deman- der si l’action de la lumière un peu différente n'aurait pas une part dans la variation de la teinte ? Quant au Mureæ trunculus, Voici ce qui m'a frappé : à Mahon, il est connu des pêcheurs pour donner une teinte bleuâtre, et sur- tout pour ne pas fournir des marques fixes résistant au lavage. Or j'ai fait à Mahon des dessins que j'ai et que je puis montrer ; ils sont d’un violet bleuâtre avec des parties tout à fait bleues. Plus tard, la même espèce m'est arrivée de Marseille à Lille, et j'ai fait des dessins d’un violet très foncé, qui rappellent le sombre de la pourpre dont parle Pline. Voilà done avec une même espèce, non-seulement des nuances bien différentes, mais des couleurs tout à fait distinctes ; du reste, le violet n’est au fond qu’un mélange de rouge et de bleu, et sui- vant que telle ou telle de ces deux couleurs prédomine, la pour- pre peut être plus sombre ou plus rouge. En suivant le développement de la couleur, soit du Mureæ trun- culus, soil des autres espèces, surtout par un ciel nuageux, on voit, chose curieuse, le développement successif des couleurs sim- ples qui, par leur mélange, forment les couleurs composées. Ainsi de blanche, la matière devient jaune : voilà une première couleur simple; puis c’est le bleu qui se développe, et alors, avec le jaune qui existe déjà, il apparaît évidemment du vert. Le bleu va toujours augmentant, tandis que le jaune semble disparaître, aussi se fence-t-1l; et ceci est très marqué pour la matière du Mure trunculus, À ce moment donc, la matière, après avoir été 72 HI. LACAZE-DUTHIERS, + jaune clair, jaune verdàtre, puis verte, vert ‘bleuûtre, devient bleuàlre sombre. Le rouge se produit en dernier lieu, et forme avec la couleur bleue le violet, qui, on le comprend, sera d’autant plus voisin du bleu ou du rouge, que celui-ci se sera moins ou plus développé. Ainsi quand on suit à l’œil le développement suecessif des couleurs, et que l’on s'arrête au moment où commence à pa- raîlre le violet, les étoffes semblent avoir été tachées par ce vin bleuâtre de mauvaise qualité, qui laisse sur les tissus blancs une teinte que l’on trouve tout aussi bleu que violette. Dans quelques cas, les reflets bleus, qui paraissent mêlés au violet ou au rose déjà développé, sont extrêmement beaux ; et certainement c’est à ces reflets que doit faire allusion Pline, quand il dit : « Les deux cou- » leurs combinées ainsi se prêtent réciproquement du sombre ou » de l'éclat (4). » Seulement les deux couleurs dont il est question sont la pourpre et l’écarlate ; ce qui correspond sans doute au rouge et au violet foncé, et ce dernier probablement très chargé de bleu. Pour le Murex erinaceus, que l’on trouve sur les côtes de Pornic et de la Rochelle, la teinte constante qu'il donne est le vio- let; toutefois, sans savoir encore pourquoi , il s’est présenté des teintes plus vineuses, plus bleuâtres ou plus rosées, en opérant dans des conditions qui paraissaient exactement les mêmes. Quant aux Pourpres qu'il m'a été possible desoumettre à l'expé- rience, elles appartiennent aux espèces P. hæmastoma et lapillus. Les dessins obtenus avec la matière de la première espèce ont élé faits à Mahon, sous le soleil et le ciel éblouissant des îles Ba- léares. La teinte varie évidemment avec la quantité de matière déposée à la surface des tissus ; elle est du violet le plus délicat sur le fil, la batiste, mais elle est aussi du pourpre le plus foncé, le plus obseur, quand la quantité de matière est considérable. C’est la Pourpre bouche de sang que les Mahonais appellent (4) Loc. cit., p. 4108: « Lta permixtis viribus alterum allero excitatur, aut » adstringilur, » MÉMOIRE SUR LA POURPRE. : 73 Corn de fel, et qui a la réputation bien méritée de fournir une couleur inaltérable. Nous reviendrons sur ce caractère, et il ne sera pas sans intérêt de le rapprocher de quelques passages du texte de Pline. Enfin, de nombreux essais ont été tentés à l’aide du Purpura lapillus de Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais), ou bien de Pornic (Vendée). Il faut remarquer que, dans la première localité, les individus sont de bien plus grande taille que dans la seconde, ce qui facilite les recherches. Quelques individus ont donné un violet des plus beaux ; d’autres des reflets bleuâtres des plus remarquables, et qui impriment quelque chose de très doux et de très agréable à la teinte et au coloris des dessins. Ainsi voilà cinq espèces, appartenant à deux genres, qui four- nissent une couleur identique ; seulement la teinte parait plus tenace pour quelques-unes d'elles. Faut-il généraliser, et dire : Tous les Rochers (Murex), toutes les Pourpres (Purpura), fournissent de la matière purpurigène. Ces généralisations sont souvent imprudentes ; cependant ici elles seraient légitimées. Les Pourpres dans l’alcool sont souvent colo- rées ; voici, d’une autre part, d’autres espèces de Pourpres (la Pour- pre bicostale)qui ont coloré les caleçons de bain de M. de Sauley (2); enfin un Rocher (Murex) qui n'avait pas été observé au point de vue qui nous occupe, bien entendu, m'a fourni de la matière tout comme ‘les autres espèces étudiées du même genre. IL est donc probable que dans ces deux genres, tels qu'ils sont caractérisés aujourd’hui (2), la matière purpurigène est sécrétée par les espèces diverses. J'ajoute encore que j'ai observé de nombreuses espèces de Pourpres dans l'alcool, au Jardin des plantes : elles présentaient une partie du manteau d’un violet foncé ; elles s'étaient évidemment empourprées après la mort. (4) Voy. Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, n° 130, 4854, note 2 du travail de M. Sacc, p. 308. (2) Voyez les principaux ouvrages : Georges Cuvier, Lamarck, Kienner, Deshayes, Wodwards, etc., etc, 7h H. LACAZE-DUTHIERS. Et maintenant cherchons, après tant d’autres, à savoir quelles espèces Pline a voulu désigner, et par conséquent quelles espèces servaient à la production de la pourpre des anciens. Il suffit de lire attentivement Pline, et de rapprocher ce qu'il dit des faits positifs qui viennent d’être présentés il n’y a qu’un instant, pour voir que les deux genres Pourpre et Rocher sont par lui désignés, mais avec des noms différents : « Ainsi, dit-il, deux » sortes de coquillages nous donnent la pourpre... Le plus petit » est le Buccin; il doit son nom à la ressemblance avec cet autre » coquillage, duquel on tire un son de trompette (buccinum), et à » son ouverture arrondie en bouche (bucca) (4). » Il est évident qu'il est question du genre Pourpre. Ainsi que le fait remarquer : M. de Sauley, le « rotunditate oris in margine incisa » a une très grande valeur, et l’on peut voir que, dans la traduction de la eol- lection Panckoucke, incisa est négligé : or c’est un caractère du genre Pourpre que cette échancrure de l'ouverture de la coquille, et par cela même la traduction du mot éncisa a une très grande importance quand il s’agit de l'interprétation du texte. Toutes les difficultés viennent de ce que l’on s’en est tenu le plus souvent à des commentaires, à des recherches bibliogra- phiques , à des interprétations de textes. Le plus souvent les traductions ont été faites par des littérateurs à qui les détails d'histoire naturelle n'étaient point familiers, ou bien les interpré- tations venaient de naturalistes qui s'en tenaient aux traductions ; et c'est pour montrer quel inconvénient il y a à ne consulter qu'une traduction souvent faite par un linguiste, sans doute ha- bile, mais non familier avec les sujets, que j'ai tenu à mettre ici en regard la traduction d’une collection célèbre et son texte ori- ginal. Plus d’une fois on a pu remarquer qu’au point de vue de l’histoire naturelle, l'expression française ne répondait pas au texte latin. Mais M. Littré, dont le travail porte le double cachet du linguiste savant el du naturaliste habile, a fait une excellente tra (1) Loc. cit., Pline, t. VIE, liv. IX, zxr, p. 104, de l'édition citée : « Con- » charum ad purpuras et conchylia........ duo sunt genera. Buccinum minor » concha, ad similitudinem ejus qua buccini sonus editur : unde et causa >» nomini, rotunditate oris in margine incisa. » MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 75 duction de Pline; aussi a-t-il rendu le caractère «son ouverture est ronde à pourtour incisé » (1). Ce que l’on appelait d’un nom autrefois est appelé d’un autre aujourd’hui, et sans remonter jusqu'aux Romains, le même coquil- lage est désigné sur les côtes de France par des noms tout à fait différents. Réaumur appelle Buccin le Purpura lapillus ; cela n’est pas douteux, car il en donne un dessin. Quelle serait, d’ailleurs, sur les côtes du Poitou, la coquille qui donnerait la couleur pourpre et à laquelle se rapporteraient les descriptions de Réaumur ? C’est, sans doute, d’après Réaumur et Pline que M. Sacc, un peu en retard à ce point de vueen conchyliologie, appelle aussi le Purpura lapillus un Buccin. Ainsi donc le Ruccin de Pline, comme celui de Réaumur, est une Pourpre des catalogues modernes. Quant à l'autre espèce, il est impossible de n’y pas voir désignée sous le nom de Pourpre ce que nous appelons aujourd’hui les Rochers. « L'autre se nomme Pourpre; son bec se prolonge contourné en » volute et creusé en canal pour donner passage à la langue. De » plus, la coquille est couverte de pointes jusqu'au sommet : ces » pointes, disposées en rond, sont ordinairement au nombre de * » sept; le Buccin n’en a point (2). » Nou-seulement la description du canal pour le passage de ce qu'il appelle à tort la langue est un caractère des Murex en gé- néral, mais encore les pointes qu'il décrit prouvent que Pline avait certainement en vue le Mureæ brandaris. La découverte que l’on a faite, à Pompéi (3), de las de coquilles du Murexæ brandaris près des boutiques des teinturiers, prouve assez que c’est de celte espèce qu'il s'agit. Ainsi transportons au genre Rocher le nom de Pourpre donné (1) Pline, trad. Littré, liv. IX, Lx, p. 380. (2) Loc. cit., p. 40%, liv. IX, zxr, coll. Panckoucke. « Altérum Purpura » vocatur, cuniculatim procurrente rostro, et cuniculi latere introrsus tubulato, 5 qua proferatur lingua. Præterea clavatum est ad turbinem usque, aculeis in » orbem septenis fere, qui non sint Buccino....…....... » (3) Je cite ce fait sous toute réserve : j'ai souvenance de l'avoir vu indiqué ; mais quand j'ai voulu remettre la main dessus pour fixer exactement la source de la citation, je n'ai pu y réussir, 76 NH, LACAZE-DUTHIERS. par Pline à l’une de ses espèces, celui de Buccin aux Pourpres donné aux autres, et nous aurons une idée exacte relativementaux genres employés par les anciens pour avoir la couleur pourpre. Quant à l'espèce même, il est très probable que le Purpura hæmastoma, qui a la réputation de donner une couleur indélébile, devait jouer un grand rôle dans la teinture. On peut encore remar- quer, et cela avec plus de connaissance de cause maintenant, ce passage où Pline dit: « Le Buccin ne s'emploie pas seul, la couleur » ne tiendrait pas ; on le mêle à la Pourpre... (4)» Ne serait-il pas permis de croire (et ici ce n’est qu'une remarque relative à lin- terprétation des textes, et qui montre combien, avant d’avoir bien étudié les espèces dont il doit être question, on peut faire erreur) que le Mureæ truneulus, dont le bec n'est que peu prolongé et dont la surface n’est point couverte d’épines, a été aussi compris par Pline dans son premier genre qu'il nomme Buccin. Le Mureæ trunculus donne une couleur plus bleuàtre et qui n’est pas solide; de là peut-être cette opinion de la nécessité de mélanger ces deux genres, ainsi qu'il vient d’être dit. Il faut ajouter, c’est de toute justice, que M. de Sauley a indiqué très nettement, dans une note adressée à M. Sacc, que l'expression de Pline oris in margine incisa, devait faire rapporter évidemment au genre Purpura des auteurs modernes (2) ce que le naturaliste ancien appelait Buccinum, et que le Mureæ brandaris devait être reconnu sous le nom de Purpura employé par Pline. Du reste, dans les notes qui accompagnent la traduction de Pline, dans la collection Panckoucke, notes qui, pour la plupart, sont dues à Cuvier (3), la distinction des genres Purpura et Mu- reæ, et l'indication du Mureæ brandaris, se trouvent parfaile- ment établies, et cela à la date de 1830. (4) Loc. cit., p. 109, liv. IX, cxn : « Buccinum per se damnatur, quoniam » fucum remittit. Pelagio admodum alligatur. .……...... » (2) Voy. Bulletins de la Société industrielle de Mulhouse, n° 130, année 4854, p. 309, trad. du passage de Pline par M. de Saulcy. (3) Les notes du livre IX ne sont pas signées ; mais dans une note, p. 490, 1x, lig. 22, il y est dit: « Voyez notre Mémoire sur l’analomie du Buccin. Ce doit être évidemment G. Cuvier qui a écrit cela. MÉMOIRE SUR LA POURPRE, 97 Cependant il y est dit encore : «On ne connait pas aujourd’hui » très bien les espèces. » Il s’agit de celles qui étaient employées pour la teinture (4). Dans cette note on trouve encore l’indication du rotunditate oris in margine incisa. « Les Buccins proprement dits » ont au bas de l’orilice de la coquille une échancrure qui fait le » caractère de leur genre. » Aujourd'hui, dans la famille des Buc- cins, on place à la fois le genre Buccin et le genre Pourpre avec beaucoup d’autres ; or,les Buccins proprement dits ne fournissent pas de matière colorante : c’est ce dont j'ai pu m'’assurer, du moins sur le Buccinum undatum, à la Rochelle. Enfin il n’est guère probable qu'à l'époque où écrivait Pline, les distinctions entre les genres eussent la précision qu'elles ont aujourd’hui, et dès lors il n’est pas élonnant que sous un même caractère fussent réunis des genres très distincts dans les ouvrages modernes, Pour ce qui est d'admettre les distinctions d’espèces établies par le naturaliste latin, il faut une certaine réserve. Ainsi, quand il reconnait cinq variétés de Pourpres (entendre Murezæ dans le lan- gage scientifique moderne) dont il apprécie les valeurs relatives, il est impossible de les rapporter à des espèces bien déterminées. Je n’essayerai donc pas de fixer à quelles espèces des catalogues modernes se rapportent celles qu'il nomme limoneuse, algensis, calculensis, dialutensis, etc. (2). Il est très probable que les espèces employées étaient plus nombreuses que celles dont il a été question dans ce mémoire; mais ce ne serait que par des re- cherches sur la faune des côtes de Tyr que l’on pourrait peut- être arriver à quelques données plus précises. L'occasion se présente encore de produire ici un fait qui montre bien que les Purpura de Pline correspondent aux Mureæ des modernes ; on le trouve dans l'exposé qu'il fait de la pêche de ces coquillages. Sa narration , empreinte d'exagération , offre cependant quelque chose de vrai. On peut remarquer une certaine analogie entre ses récits et (4) Voy. édit, Panckoucke, Pline, t. VIT, note, p. 490, (2) Voy. loc. cit., p. 406 et 107, 78 I. LACAZE-DUTIIERS. ceux que les pêcheurs, gens observateurs s’il en fut, que les pra- liciens purs, en un mot, font lorsqu'on les interroge. Pline raconte ainsi la pêche des Pourpres (entendez Mureæ) : « On prend les Pourpres en jetant dans la mer de petiles nasses » à larges mailles, dans lesquelles on met pour appât des coquil- » Jages qui s'ouvrent et se ferment comme les moules. Ces coquil- » lages à demi morts se raniment el s'ouvrent lorsqu'ils ont été » rendus à la mer. Les Pourpres les attaquent et avancent la langue » pour les percer; ceux-ci, excilés par la douleur, se referment : les » Pourpres se trouvent prises, et, victimes de leur avidité, on les » enlève suspendues par la langue (1). » Cette façon de prendre les Pourpres a quelque chose de singu- lier et qui étonne tout d’abord. Je n’ai jamais pêché à Mahon un individu de l'espèce Mureæ trunculus, sans que le pêcheur qui m’accompagnait, et qui était mariscador (pêcheur de coquillages), me répétât : « Ces corn détruisent mes coquillages ; ils viennent autour des mariscos (co- quillages) [surtout des Prères (Scupinas gravadas en mahonais, Corbula striata Deshayes), qui sont estimées, et par cela même par- quées dans certains points du port où on les trouve au besoin], ils les sucent etles font mourir, puis ils les dévorent. » Je taxais mon pêcheur d’exagération ; et je crois encore que si les Mureæ sont très carnassiers, ils doivent cependant y regarder à deux fois avant d'introduire leur trompe (ce qu’on appelle à tort langue) entre les valves si puissantes d'un J’enus verrucosa où d’un Corbula striala, car elle serait sans aucun doute plus que blessée par la pression. Ce qui est plus probable, c'est que les Mureæ font pé- nétrer en effet leur trompe dans les coquilles bivalves, mourantes ou mortes, pour s’en repaître, et il ne serait d’ailleurs nulle- ment nécessaire de les voir pincés par leur langue pour qu'ils (4) Loc. cit., t. VIE, p. 406 et 407, zxi : « Capiuntur autem Purpuræ par- » vulis rarisque textu veluti nassis in alto jactis. Inest üis esca, clusiles mordaces- » que conchæ, ceu mitulos videmus : has semineces, sed eddilas mari, avido » hiatu reviviscentes, appetunt Purpuræ, porrectisque linguis infestant : at » illæ aculo exstimulatæ claudunt se, comprimuntque mordentia : ita pen- » dentes aviditate sua Purpuræ tolluntur. » MÉMOIRE SUR LA POURPRE. 79 pussent être pris. Ces animaux, au lieu de fair quand ils sentent des mouvements auprès d'eux, s’enferment ou restent fixés et assez fortement adhérents aux corps sur lesquels ils sont : aussi pourrait-on voir relever les nasses et monter les Rochers avec elles, sans qu'il füt nécessaire de croire que ceux-ci sont suspendus par la langue. Dans le récit de Pline il y a de l’exagération ; mais à coup sûr, il peut et il doit y avoir du vrai dans le mode de pêche qu'il indique. En descendant ainsi au fond de la mer des coquil- lages à moitié morts, c'était un appât qui devait sans aucun doute attirer les animaux carnassiers, et en retirant les nasses, on devait remonter tous les Murexæ venus sur l'appât. C'est, du reste, une croyance généralement répandue, que les Mure font périr les bivalves. Sur les plages de la Rochelle, où j'airecueilli tant de Mureæ erinaceus, les personnes qui aux grandes marées sont très nombreuses sur les plages, et qui, me voyant ra- masser ce qu'elles ne cherchaient pas, me demandaient ce que j'en voulais faire, ajoutaient toujours que ces animaux faisaient mourir les Huitres en les suçant, ; Celte opinion me semble être le résultat d’une observation incomplète, mais aussi d’un fait incontestable, fait que j'ai pu observer sur les individus que je détachais des rochers, derrière la pointe des Minimes, près de la Rochelle; le plus souvent les Murex étaient fixés aux roches, non-seulement par le pied, mais encore par leur trompe introduite à quelques centimètres (2-3) dans un trou, et quand j'avais arraché les animaux, je pouvais très facilement voir la trompe et observer sa rentrée assez lente. Or, dans ces trous souvent il y a de petites Pholades. On comprend parfailement que les Murex puissent impunément diriger leurs attaques sur ces bivalves, car il n’en est pas de leur coquille comme de celles des Vénus. Chez les Pholades, le corps est tou- jours à découvert dans quelques points, au contraire dans les Vénus il est parfaitement à l'abri. Ainsi dans les récits de Pline comme dans ceux des pêcheurs, souvent de l'exagéralion, souvent une mauvaise interprétation d’un fait, mais au fond il y a de la vérité ; il faut la chercher, il faut la dépouiller de ses fausses interprétations, et l’on pourra utiliser et 10) M. LACAZE-DUTIHIERS. mettre à profit très avantageusement les renseignements que les uns et les autres fournissent toujours. On voit enfin ici que les habitudes de faire saillir au loin la langue (entendre la trompe) pour attaquer leur proie peut se rap- porter aux Rochers, ce qui permet de reconnaître dans les Pour- pres de Pline les Rochers des modernes, puisque les pêcheurs, les gens de mer, racontent encore aujourd’hui, et cela dans des points bien éloignés, Mahon et la Rochelle, des traits relatifs aux mœurs tout à faitsemblables à ceux quele naturaliste ancien rapporte à ses Pourpres. 11 faut ajouter cependant que les Pourpres proprement dites, des catalogues modernes ont, elles aussi, une trompe qui peut devenir saillante. Nora. — Une omission involontaire me fait placer ici ce qui suit; c’est dans la partie historique qu’on aurait dû citer ce mémoire. MM. Grimaud de Caux et Gruby ont fait une communication à l’Acadé- mie des sciences en 18/42 (1) sur l'organe et la liqueur purpurigène du Murex brandaris. Ce travail se rapporte aux recherches de M. le doc- teur Bizio, dont il a été question ; on y trouve la description suivante : « Cette poche {celle qui contient la liqueur purpurigène) a 2 centimètres » de long, 1 1/2 centimètre de large à sa base; elle forme un cul-de- » sac, et a par conséquent la forme d’un entonnoir; elle est située à la » partie supérieure du corps de l’animal, entre les organes de la tête et » le foie. C’est proprement la cavité pulmonaire. Elle s'ouvre par üne » grande solution de continuité entre le bord du manteau et le corps de » l'animal, et elle fournit un prolongement qui se loge dans un canal, au » moyen duquel la cavité pulmonaire communique à l'extérieur, quand » l’ouverture de la coquille est complétement fermée par l’opercule. » C’est évidemment de la cavité tout entière du manteau qu’il est ques- tion. On ne peut admettre une telle description ; sans aucun doute, dans la cavité palléale se trouve de la matière purpurigène mélée aux muco- sités, mais ce n’est pas pour cela une poche particulière à la pourpre. (4) Comptes rendus, A842,t, XV, p. 1007, Description anatomique de l'or- gane qui fournit la liqueur purpurigène dans le Murex brandaris, et une analyse microscopique de cette liqueur, par MM, Grimaud de Caux et Gruby. MÉMOIRE SUR LA POURPRE, ol [organe spécialement producteur de la matière est indiqué comme longitudinal, supérieur, placé au bord convexe de la branchie, floconneux, etrenfermant des cellules hexagones symétriques. L'analyse microscopique du liquide contenu dans la poche a donné les résultats suivants : « Le » liquide extrait de la poche durant la vie de l’animal se présente sous » l’aspect d’une substance amorphe, transparente, dans laquelle nagent » des cellules ovales, rondes, ayant une enveloppe transparente, el parse- » mée de petites molécules blanchätres. » Et plus loin encore : « La liqueur, contenue dans une grande poche » située à la partie supérieure de l'animal, s’extrait avec facilité. » Il ne peut manquer d’être évident que la cavité du manteau est consi- dérée comme la poche à pourpre; dès lors, dans l'observation microsco- pique fort incomplète du reste, sont confondues des choses les plus di- verses, tous les produits de sécrétion arrivant dans cette cavité. Quant à cette proposition : « Le Murex brandaris fournit la pourpre » tyrienne; la poupre améthyste est donnée par le Murex trunculus, » elle semble bien absolue; car, d’après les interprétations des textes, les diverses nuances s’obtiennent par les manipulations, les mélanges des espèces et le nombre des applications de la matière tinctoriale sur les étofles. EXPLICATION DES FIGURES (PL. I, T. XI). Organe producteur de la Pourpre. Fig. 1. Purpura lapillus (c'est le Buccin sur lequel a expérimenté Réaumur), débarrassé de la coquille, un peu grandi, pour montrer ce qui paraît par transparence au travers du manteau : (a) la partie sécrétant la matière pur- purigène ; (b) la branchie ; (f) les arborisations noirâtres de la glande anale. Fig. 2. Le même, le manteau fendu à gauche et rejeté à droite. On voit alors distinctement : (a) la partie fournissant la pourpre ; (b) la branchie ; (b') la partie qui ressemble à une seconde branchie ; (c) l'anus ; (d) l'orifice génital ; ([) la glande anale cachée sous la couche (a) ; (r) le corps de Bojanus; (x) le corps de l'animal, que très probablement les auteurs ont appelé, avec Pline, le cou. Fig. 3. Purpura hæmastoma. Manteau fendu entre la branchie (b) et la couche purpurigène (a): (c) anus ; (d) orifice génital ; (b”) corps branchioïde. 4° série. Zooc. T. XIL. (Cahier n° 2.) ? 6 82 H. LACAZE-DUTHIERS. Fig. 4. Murex brandaris, Mêmes lettres désignant mêmes choses. Manteau fendu entre la branchie et la couche purpurigène. Fig. 5. Turbo lilloralis. Même préparation, mêmes lettres. On remarquera que le corps branchioïde (b') a la forme d'une bandelette fort étroite. Fig. 6. Éléments de la couche purpurigène dans le Purpura hæmasloma, vus au n° 5 objectif (Nachet) et dessinés à 18 centim. de la chambre claire. En A, les éléments sont longs ; en B, l'un est rompu, la matière granuleuse s'échappe. Fig. ‘7. Éléments et portion de la couche purpurigène du Purpura lapillus. En A, montrant les rapports et la formation de la couche par les éléments cylin- driques ; en B, un des corpuscules isolés autour des granulations qui se colorent au soleil. Fig. 8. Ibid. Pour montrer qu'il yaune grande différence dans la même glande pour le volume des éléments. Fig. 9. Partie du manteau comprise entre la branchie (b) et l'intestin (i), pour montrer : 4° le réseau capillaire sur lequel repose la couche purpuri- gène, formé par les vaisseaux qui arrivent du corps de Bojanus (g), et aussi de la partie antérieure du manteau (4) et celle de la branchie ; 2° la glande anale (f) et son orifice (e) au sommet de la papille que l'on voit quand on a fendu l'anus (ec); (d) est l'orifice génital. Fig. 40. Éléments de la partie (a) dans le Zurbo littoralis, fig. 5. On voit la grande analogie de ces éléments avec ceux des autres espèces purpurigènes, bien qu'ici ils ne changent pas de couleur. Fig. 44. Quelques culs-de-sac de la glande anale à un faible grossissement. Fig. 42. Un cul-de-sac de la glande anale à un fort grossissement, pour mon- trer : en +, les cellules de face avec leur noyau et leur tache blanche, et leur granulation intracellulaire ; en y, les mêmes, mais vues de champ ; en z, on voit le courant qui entraîne les granules et cellules sécrétées, MÉMOIRE SUR LA POURPRE, 83 COULEUR ET NUANCES NATURELLES DE LA POURPRE. DE TR Beaucoup de matière, Longue iusolation ; soleil vif et chaud, Ne 2. Assez grande quantité de matière. Mêmes conditions d'in solation. N° 3. Avec moins de matière que dans les deux cas précédents. Matière dis- soute et bien étendue. Teinte surtout produite dans les épreuves photo- graphiques. N° 4, Avec peu de malière ou peu de durée de l'ac- tion solaire. Tons légers et dégradés des photo- graphies. Avec peu de malière sur les bords des dessins où la substance dissoute s'est étendue. Nuance la plus sombre, obtenue surtout avec le Purpura hæmastomu, et une fois le Murex brandaris. Purpura lapillus. P.hæmastoma. Murez brandaris. M. erinaceus. M. trunculus (1 fois). Purpura hæemastoma. P. lapillus. Murez erinaceus. M. brandaris. Purpura hæmastoma. P. lapillus. Murex brandaris. M. erinaceus. Murez trunculus. Nora. — Ces couleurs et nuances ont été obtenues naturellement, en soumet Si NH. LACAZE-DUTHIERS. tant à l'action de la lumière solaire la matière fournie par les espèces de Murex et de Purpura dont il a été question dans ce mémoire Ces teintes, à part la bleuâtre, doivent être considérées comme représentant la couleur primitive, naturelle et non modifiée, de la Pourpre. Ces nuances sent les principales ; mais suivant que l'action solaire a été plus ou moins prolongée, que la quantilé de matière est plus où moins grande, on peut obtenir une très grande variété de tons. Avec le Murex trunculus, on peut avoir du bleu plus bleu que celui qui est ici indiqué, et avec les autres espèces, des violets très légers et presque roses. Les peintres trouvaient dans ces nuances des lermes de comparaison qui les modifièrent ainsi qu'il a été dit. Les numéros 1 et 2 répondent certainement à ces riches nuances sombres, et les numéros 3 et 4 à la couleur conchylienne et améthyste dont parle Pline. EXPÉRIENCES RELATIVES AUX GÉNÉRATIONS DITES SPONTANÉES , Par M. L. PASTEUR. Les recherches dont j’ail’honneur de communiquer les résul- tats à l’Académie ne s'appliquent encore qu’à une seule liqueur, mais des plus altérables. Elles ont paru si démonstratives aux per- sonnes très compétentes qui ont bien voulu les examiner, que j'ai cru pouvoir prendre date en les soumettant dès à présent au juge- ment de l’Académie. Dans la première partie de mon travail, je m’altache à l'étude microscopique de l'air. Au moyen d'un aspirateur à eau continu, je fais passer de l’air extérieur dans un tube où se trouve une petite bourre de coton- poudre, de la modification de ce coton qui est soluble dans le mélange d'alcool et d’éther. Le coton arrête une parlie des corpuscules solides que l'air renferme. En le dis- solvant dans un petit tube avec le mélange alcoolique éthéré et laissant reposer vingt-quatre heures, toutes les poussières se ras- semblent au fond du tube, où il est facile de les laver par décanta- lion, sans aucune perte, si l’on a soin de séparer chaque lavage par un repos de douze à vingt heures. On fait*alors tomber les poussières dans un verre de montre, où le restant du liquide s’éva- pore promptement. Il est facile d'examiner au microscope les pous- sières ainsi recueillies et de les soumettre à divers réactifs. Cette méthode permet d'isoler les poussières de l'air tous les jours, à toutes les époques de l’année. Je me propose de l'appliquer à l'exa- men des poussières de l’air de plusieurs localités, et comparative- ment à des hauteurs diverses. On reconnait de cette manière qu'il y a constamment dans l'air commun, en quantités variables, des corpuscules dont la 86 L. PASTEUR. forme et la structure annoncent qu'ils sont organisés. Ce sont des corpuseules analogues à ceux que divers micrographes ont signa- lés dans la poussière déposée à la surface des obiets extérieurs. Il est très vrai, ainsi que M. Pouchet l’a reconnu pour la poussière ordinaire, que parmi ces corpuscules il y a des granules d’ami- don, mais il y en a comparativement un très petit nombre. Il est bien facile de le prouver, en délayant dans une goutte d'acide sul- furique concentré la poussière de l’air recueillie comme je lai indiqué tout à l'heure. Les granules d'amidon se dissolvent en quelques instants, et la plupart des autres corpuscules ne sont nullement altérés dans leurs formes et leurs volumes. Beaucoup même résistent plusieurs jours à l’action de l’acide sulfurique con- centré. Ceux-ci sont probablement les spores des Mucédinées, car j'ai constaté la même résistance sur des spores qui s'étaient déve- loppées dans les conditions ordinaires. Il y a donc dans l'air, à toutes les époques de l'année, des corpuscules organisés. Sont-ce des germes féconds de production végétale ou d’infusoires ? Voilà bien la question à résoudre. J'ai eu recours à trois méthodes distinctes. La première, qui nécessite l'emploi de la cuve à mercure, laisse des doutes dans l'esprit. Les expériences à blanc réussissent quelquefois. Cepen- dant elle est assez instructive et rend compte de beaucoup d’expé- riences mal interprétées jusqu’à ce jour. Je l'exposerai dans mon mémoire avec {ous les détails convenables ; je ne m'y arrêterai pas ici. La deuxième méthode parait inattaquable et tout à fait démons- trative. Dans un*ballon de 300 centimètres cubes environ, j'in- troduis 4100 à 150 centimètres cubes d’une eau sucrée albumineuse, formée dans les proportions suivantes : HA Lo 00 NORMES Fr . 4100 SUCER is Gp 5e AA 2 10 Matières albuminoïdes et minérales provenant de la levûre de bière. . . . . . . . 0,2 à 0,7 Le col eflilé du ballon communique avec un tube de platine chauffé au rouge. On fait bouillir le liquide pendant deux à trois GÉNÉRATIONS DITES SPONTANÉES. 87 minutes, puis on le laisse refroidir complétement. Il se remplit d’air brülé à la pression ordinaire ; puis on ferme à la lampe le col du ballon. | Le ballon, placé dans une étuve à une température constante de 28 à 32 degrés, peut y demeurer indéfiniment sans que son liquide éprouve la moindre altération. Après un séjour d’un mois à six semaines à l’étuve, je l’adapte au moyen d’un caoutchouc, sa pointe étant toujours fermée, à un appareil disposé comme il suit : 4° Un gros tube de verre dans lequel j'ai placé un bout de tube de petit diamètre, ouvert à ses extrémités, libre de glisser dans le gros tube et renfermant une portion d’une des petites bourres de coton chargées des poussières de l'air; 2° un tube en T muni de trois robinets : l’un des robinets communique avec la machine pneumatique, un autre avec un tube de platine chauffé au rouge, le troisième avec le gros tube dont je viens de parler. Alors, après avoir fermé le robinet qui communique au tube de platine, je fais le vide. Ce robinet est ensuite ouvert de façon à laisser entrer peu à peu dans l'appareil de l'air calciné. Le vide et la rentrée de l'air calciné sont répétés alternativement dix à douze fois. Le petit tube à coton se trouve ainsi rempli d'air brûlé jusque dans les moindres interstices du coton, mais il a gardé ses poussières. Cela fait, je brise la pointe du ballon, à travers le caoutchouc, sans dénouer les cordonnets, puis je fais couler le petit tube à coton dans le ballon. Enfin je referme à la lampe le col du ballon qui est de nouveau reporté à l’étuve. Or, il arrive constamment que des productions apparaissent dans le ballon. Voici les particularités de l’expérience qu’il importe le plus de remarquer : 1° Les productions organisées commencent foujours à se montrer au bout de vingt-quatre à trente-six heures. C’est préci- sément le temps nécessaire pour que ces mêmes productions apparaissent dans cette même liqueur, lorsqu'elle est exposée au contact de l’air commun. 2% Les moisissures naissent le plus ordinairement dans le petit tube à coton, dont elles remplissent bientôt les extrémités. 3° Il se forme les mêmes productions qu'à l'air ordinaire. 85 L. PASTEUR. Pour les Infusoires, c'est le Bacterium ; pour les Mucédinées, ce sont des Penicillium, des Ascophora, des Aspergillus, et bien d’autres genres encore. 4° De même qu'à l'air ordinaire, la liqueur fournit tantôt un seure de Mucédinée, tantôt un autre, de même dans l'expérience il y a développement de moisissures diverses. En résumé, nous voyons, d’une part, qu'il y a toujours, parmi les poussières en suspension dans l'air commun, des corpuscules organisés, et d'autre part, que les poussières de l’air mises en pré- sence d’une liqueur appropriée, dans une atmosphère par elle- même tout à fait inactive, donnent lieu à des productions diverses, le Bacterium termo et plusieurs Mucédinées, celles-là mêmes que fournirait la liqueur après le même temps, si elle était librement exposée à l'air ordinaire. Cependant le colon, en tant que coton et matière organique,, n'entre-t-il pourrien dans l'expérience? Et qu'arriverait-il d’ailleurs en répétant la manipulation sur un bahon préparé comme il vient d’être dit, en éloïgnant les poussières de l'air ? J'ai alors remplacé le coton par de l'amiante, substance mi- nérale. Les bourres d'amiante, après une exposition de quelques heures au courant d'air de l'aspirateur, ont été introduites dans les ballons comme je l'ai expliqué précédemment, et elles ont donné les mêmes résultats que les bourres de coton. Mais avec une bourre d'amiante préalablement caleinée et non chargée des pous- sières de l'air, il ne s’est produit ni trouble, ni Bacterium, ni Mu- cédinée quelconque. Le liquide a conservé une limpidité parfaite. La méthode suivante confirme et agrandit ces premiers ré- sultats. Je prends un certain nombre de ballons dans lesquels j'in- troduis le même liquide fermentescible, en même quantité. J'étire leurs cols à la lampe en les recourbant de diverses manières, mais je les laisse tous ouverts, avec une ouverture de 4 à 2 millimètres carrés de surface on davantage. Je fais bouillir le liquide pendant quelques minutes dans le plus grand nonbre de ces ballons. Je n'en laisse que trois où quatre que je ne porte pas à l’ébullition. Puis j'abandonne tous ces ballons dans un lieu où l’air est calme. GÉNÉRATIONS DITES SPONTANÉES. 89 Après vingt-quatre ou quarante-huit heures, suivant la tem- pérature, le liquide des ballons qui n’a subi aucune ébullition dans ces ballons (mais qui avait été porté à 100 degrés au moment de sa préparation) se trouble et se couvre peu à peu de mucors divers. Le liquide desautres ballons reste limpide, non pas seulement quel- ques jours, mais durant des mois entiers. Cependant tousles ballons sont ouverts. Sans nul doute ce sont les sinuosités et les inclinaisons de leurs cols qui garantissent leur liquide de la chute des germes. L'air commun, il est vrai, est entré brusquement à l’origine ; mais pendant toute la durée de sa rentrée brusque, le liquide, très- chaud et lent à se refroidir, faisait périr les germes apportés par l'air; puis quand le liquide est revenu à une température assez basse pour rendre possible le développement de ces germes, l'air, rentrant très lentement, laissait tomber ses poussières à l’ouverture du col, ou les déposait en route sur les parois intérieures. Aussi vient-on à détacher le col de l’un des ballons par un trait de lime, et place-t-on verticalement la portion restante, après un jour ou deux le liquide donne des moisissures ou se remplit de Bacterium. M. Chevreul a déjà fait autrefois dans ses cours des expé- riences analogues. Celte méthode, si facile à mettre en pratique, et qu’explique si bien la précédente, portera la conviction dans les esprits les plus prévenus. Elle offre en outre, à mon avis, un intérêt tout particu- lier, par la preuve qu’elle nous donne que dans l’air il n’y a rien, en dehors de ses poussières, qui soit une condition de l’organisa- tion. L'’oxygène n'intervient que pour entretenir la vie des êtres fournis par les germes. Gaz, fluides, électricité, magnétisme, ozone, choses connues ou choses occultes, il n’y a quoi que ce soit dans l’air, hormis les germes qu’il charrie, qui soit une con- dition de la vie. Je vais étudier d’autres liqueurs, la production d’autres plantes et d’autres Infusoires. J'espère arriver, en outre, à pou- voir suivre directement les rapports de la graine au végétal, de l'œuf à l'animal, dans plusieurs circonstances particulières. Je m'empresserai de communiquer à l'Académie tous les résultats qui me paraitront dignes de fixer son attention. DESCRIPTION D'UN FŒTUS HUMAIN MONSTRUEUX DEVANT FORMER UN GENRE A PART SOUS LE NOM DE PSEUDACÉPHALE, Par MM. DESORMEAUX et PAUL GERVAIS. Le fœtus monstrueux dont nous allons donner la description est né à Clichy (Seine), le 31 août 1859, à six mois et demi de gestation, d’une couche gémellaire dont l’autre fœtus était bien conformé et du sexe féminin. Il appartient à la série de ceux qu'Elben, Meckel et la plupart des auteurs réunissaient autrefois sous la dénomination commune d’Acéphales, et qui ont été partagés depuis lors en plusieurs groupes, dont on a fait des genres consi- dérés comme analogues à ceux qu'on établit en botanique et en zoologie. Ces genres sont même partagés par M. Is. Geoffroy en deux familles distinctes : les Paracéphaliens et les Acéphaliens proprement dits. Les caractères principaux du monstre acéphale de Clichy doivent le faire considérer comme établissant à certains égards une transition entre ces deux familles, et ils rappellent singulie- rement ceux du sujet décrit en 1767 par Lecat, de Rouen (4). M. Is. Geoffroy a déjà proposé, dans son Traité de tératologie, de considérer ce dernier et un petit nombre d’autres analogues comme devant former un genre particulier; mais il n’a pas donné de nom à ce genre. Nous l’appellerons Pseudacéphale, parce que, bien que les monstres qu’il renfermera paraissent complétement privés de tête, ils présentent cependant des restes évidents de (1) Lecat, Philos. Trans. London, t. LVII, part, I, p. 4 à 20, pk 4 et 2. * FOETUS HUMAIN MONSTRUEUX. 91 cette partie, et qu'on leur reconnait une boîte crânienne cachée dans le renflement œædémateux qui forme la partie supérieure de leur corps et réunit également sous une seule masse céphalothora- cique tous les organes placés au-dessus de l’ombilic. Notre pseudacéphale est né avant le fætus normal qui l’accom- pagnait. Le placenta, unique pour les deux sujets, s’est détaché spontanément après l’expulsion de ce dernier; il n’a rien montré de particulier, si ce n’est la présence en plusieurs endroits de places sans cotylédons, et dans lesquelles les membranes étaient à nu. L'avortement n'avait point été provoqué. Le sujet monstrueux avait son cordon ombilical grêle, long de 0,10 environ, de la grosseur d’une plume d’oie et inséré sur les membranes à quelques centimètres du bord placentaire. On ne lui distinguait que deux vaisseaux ombilicaux, par suite de la présence d’une seule artère ombilicale au lieu de deux. L’artère manquante était celle du côté droit, et nous verrons plus loin que le pied de ce côté était plus imparfait encore que celui du côté opposé. Nous ne pouvons rien dire de certain au sujet de l’amnios. On observait à la surface du placenta quelques débris de membrane qui nous ont semblé être les restes d’une cloison placée entre les deux fœ- tus; chacun de ces derniers avait done probablement son amnios propre. Quant au monstre lui-même, voici les caractères qu’il présente extérieurement : La forme générale est pyriforme ou irrégulièrement ovoïde. L'extrémité supérieure du corps est notablement plus renflée que l'inférieure, et le milieu présente au-dessus de l’ombilice un étran- glement très sensible, soit en avant, soit sur les côtés, simulant l'impression d’une ligature circulaire qui n'aurait laissé en arrière que peut ou point de traces. La peau est d'apparence ordinaire, mais le corps est en partie œdématié, principalement dans sa région céphalothoracique, et sa masse totale s’y affaisse sur elle-même. Lorsqu'elle est soutenue, elle est subarrondie, assez analogue à une masse céphalique qui serait ramollie, et l’on y voit supérieu- rement des poils courts, clair-semés et fins, ayant en moyenne un centimètre de long, qui rappellent les cheveux d’un fœtus nor- 92 DESORMEAUX ET P. GERVAIS. mal de même âge. Cette partie elobuleuse, qui forme à elle seule plus de la moitié de la masse totale du corps, n’a ni yeux, ni oreilles externes, ni aucune partie que l’on puisse comparer au nez; les organes extérieurs des sens y manquent donc absolument, et nous n'avons rien trouvé non plus dans son intérieur qui puisse être considéré comme représentant ces organes, si ce n'est tou- tefois un rudiment de labyrinthe osseux dont il sera question plus loin. Elle montre néanmoins, à une faible distance au-dessus de l'insertion du cordon ombilical, et de même sur la ligne médiane, une cavité irrégulière peu développée, se terminant presque immédiatement en eul-de-sac, qui doit être considérée comme répondant à la bouche. Cette cavité est entre deux éminences qui simulent grossièrement des joues. Il y a au-dessus d'elles quatre espèces d’ampoules ou phlyetènes remplies de sérosité pla- cées obliquement; les deux inférieures sont les plus volumineuses. Une pareille saillie se remarque à peu près à la même hauteur que la bouche, sur le côté gauche de la masse commune. La partie inférieure du corps, ou celle qui est séparée de la pré- cédente par le sillon transversal déjà décrit, porte antérieurement, et tout près du même sillon, l'insertion du cordon ombilical, placé à 10 centimètres environ du sommet du corps et à 6 de sa base. Au-dessous est un sillon longitudinal superficiel comparable à un raphé, qui aboutit lui-même à un mamelon charnu placé un peu à droite, par déviation latérale. Ce sillon répond à la dépres- sion médiane de la ligne blanche : la saillie à laquelle il aboutit semble indiquer la place des organes génitaux externes; mais on n’observe, ni en cet endroit ni ailleurs, aucun orifice ni aucune fente extérieure qui puissent autoriser à dire que ces organes existent réellement. La face postérieure du corps ne présente rien à noter, ni pour la partie supérieure dont nous avons déjà signalé la surface répon- dant au cuir chevelu, ni pour la partie inférieure. Cette dernière montre pourtant auprès de sa terminaison un pelit tubereule ver- ruciforme, médian, gros seulement comme un grain de chènevis, qui est situé dans une petite dépression de la peau et mobile avec elle. Il n’y a pas de perforation anale. Aucunetrace de spina-bifida, FOETUS HUMAIN MONSTRUEUX. 93 ni d'anencéphalie, ne se voit sur le trajet de la ligne médiane, et la masse œdémateuse qui surmonte la région dorsale ferait plu- tôt croire au premier abord à une hypertrophie de la tête, ou bien encore au manque total de cet organe, qu'à une disproportion aussi considérable que celle que nous allons signaler entre le crâne véritable et les téguments cellulo-cutanés dans la profondeur des- quels il est caché. La peau est généralement assez épaisse, sur tout aux régions supérieures, où le pannicule graisseux est consi- dérablement infiltré, et se dilate par endroits en poches séreuses qui contribuent au développement de ces régions. Un kyste anfrac- tueux, plein de sérosité, forme la plus grande partie de la masse supérieure droite ; la gauche en renferme plusieurs ; le tissu cel- lulaire y est à mailles plus serrées. Aucune de ces poches n’est en communication avec la bouche, qui reste d’ailleurs séparée du tube intestinal fort incomplet, dont il sera question plus loin. Quant aux membres, il n'existe que les inférieurs ; encore sont- ils mal conformés, étant courts et évidemment incomplets dans leur partie fémorale et tibiale. Le droit ne consiste, pour ainsi dire, que dans le pied, qui est retenu à la partie inférieure du trone par un cordon court et étroit, et a son lalon dirigé en avant ; le gauche est rejeté sur le côté, et a sa face plantaire tournée en haut. Les doigts ne sont pas tous séparés. Le gros orteil est distinct à l’un et à l’autre membre ; celui de la gauche a seul des phalanges dis- tinctes. Au pied droit il y a aussi des phalanges pour le petit or- teil, tandis qu’à gauche une masse commune représente les quatre autres orteils. L'autopsie du pseudacéphale né à Clichy nous a permis de con- stater l'absence du thymus, du larynx, de la trachée-artère, des poumons, du cœur, ainsi que celle de l'æsophage, du foie et des organes de la reproduction. Le tube digestif, relégué dans la par- tie abdominale proprement dite, est formé d’un intestin sensible- ment dilaté dans la partie moyenne, terminé en cul-de-sac, obtus à son extrémité antérieure, et prolongé en pointe vers son extré- mité postérieure, où il se termine en un cordon fibreux qui se perd dans le tissu cellulaire du côté du bassin. Il est peu étendu et ne forme dans son ensemble que deux ou trois circonvolutions in- 94 DESORMEAUX ET P, GERVAIS, complètes. La masse intestinale repose sur un organe volumineux étendu à droite et à gauche, mais dont les deux moiliés se con- fondent sur la ligne médiane. Cet organe, par sa structure plutôt que par sa forme, nous a paru répondre aux reins ; on y distingue une substance tubulaire et une substance corticale, Une sorte de capsule surrénale existait à droite, auprès de son bord supérieur. De cette masse rénale partaient deux conduits ou uretères, prenant naissance, l’un à droite et l’autre à gauche, dans deux poches qui représentaient imparfaitement les bassinets. Ces uretères se jetaient dans la partie postérieure de l'intestin, un de chaque côté, de sorte qu'il paraît y avoir eu fusion de la vessie avec les rudiments de canal intestinal décrits ci-dessus. Les muscles de plusieurs régions sont bien développés : tels sont, en particulier, ceux de la colonne vertébrale, ceux de la région fessière et ceux d’une partie des membres. Nous avons également vu quelques nerfs, et une dissection plus minutieuse nous en aurait certainement montré en plus grand nombre. Ceux dont nous avons constaté Ja présence sont les intercostaux, le plexus sciatique, le sciatique et le nerf tibial postérieur, observé sur le pied le plus imparfait, celui du côté droit, Nous n'avons pas vu le plexus brachial. L'impossibilité où nous avons été d’injecter ce fœtus ne nous permet pas de décrire les particularités du système vasculaire (4). Le squelette, dont il nous reste à parler, n’est pas moins curieux par les anomalies dont il est frappé. Ea longueur de la partie de cet appareil osseux qui appartient au tronc est de moitié moindre que celle de la masse correspondante du fœtus monstrueux ; ce qui tient à ce que le squelette ne soutenait qu'une faible portion de la moitié supérièure du corps, dont le volune, ainsi que nous l’avons dit, s’est considérablement accru par suite du développement des kystes séreux qui en ont déterminé l'hypertrophie. Le crâne est gros comme une pelite noix, et les pièces qui le constituent sont dans un état d’ossification plus avancé que ne le (4) Voyez pour le système respiratoire des monstres acéphales : Cazeaux, Mém. Soc. de biologie, A851,t. ILE, p. 210, pl. 2. FOETUS HUMAIN MONSTRUEUX. 95 A comporterait l’âge du sujet, et en grande partie comme aréolées à leur surface. Elles se font aussi remarquer par l'irrégularité de leur forme, et leur ensemble n’a pas entièrement la disposition symétriquement binaire qui caractérise le crâne de la plupart des animaux verlébrés. On n’y voit pas non plus de parties appendi- culaires ou faciales, et ce qui existe, quoique formant une cavité cérébrale à peu près clause, peut êlre rapporté aux os sui- vants : Occipital supérieur : Constituant los le plus considérable, et ayant l'apparence d’une grande écaille à peu près symétrique qui occupe la face postérieure du erâne ; il est épaissi, a sa surface rugueuse, et est surmonté de saillies bien marquées dans la région répondant à la ligne courbe et à la crête; ensuite il s’infléchit et s’abaisse vers son bord supérieur pour se mettre en contact avec les pariétaux. Occipitauæ latérauæ : Un peu moins grands que dans un fœtus de cinq mois, plus épais, de forme à peu près normale. Occipital inférieur ou basilaire : Incomplet et formant un os irrégulier, mince, appliqué par son bord droit contre le rocher de ce côté. Pariétauæ : Réunis en une seule pièce de forme irrégulière, épaissie,. à surface aréolée, comme celle des parties latérales de l'occipital supérieur. Frontaux : Soudés entre eux et au pariétal unique, sans qu'il reste de trace de leur suture; leur présence est indiquée par deux petits trous placés au bord antérieur de la plaque pariéto-frontale, lesquels répondent probablement aux trous sus-orbitaires. Temporaux : Le gauche très-irrégulier, plus grand que l'autre, à surface très aréolée ; il est à la fois en rapport avec l'occipital supérieure et avec le pariétal. Le droit, plus petit, est soudé au rocher du même côté. Rochers : Celui de droite est le plus volumineux ; son appa- rence est bulleuse; sa face postérieure montre le conduit auditif interne. Celui de gauche est plus petit et rejeté entre le temporal de ce côté, l'occipital inférieur et l’occipital supérieur. Sphénoïde postérieur ? : Représenté par un os en forme de che- 96 DESORMEAUX ET P. GERVAIS. valet, raccourei, ayant une échancrure sur le milieu de son bord antérieur, échancrure qui est placée entre deux expansions ali- formes ; il est rejeté en avant du rocher droit, le basilaire s'étant porté un peu à gauche. Ailes sphénoïdales antérieures ? : Plus douteuses encore; peut- être cependant peut-on regarder comme telles deux petites pièces de forme discoïde qui sont placées à droile et à gauche du bord antérieur de l’os précédent. Pour la grosseur, le crâne dont les différents os viennent d'être énumérés est comparable à une petite noix; sa forme, irrégulièrement polyédrique, rappelle, à quelques égards, celle d'un fruit de cyprès. Nous en avons fait l’examen anatomique à un moment où il n'était plus possible d'étudier la masse nerveuse représentant le cerveau, qui en avait occupé la cavité intérieure. Passons maintenant à la descriplion des autres parties du squelette. Les vertèbres cervicales ne sont pas en nombre normal. Le premier anneau qu'elles forment répond à l’atlas; son corps est volumineux, el ses arcs supérieurs ou neurapophysaires ont aussi un développement assez considérable, Le corps représente peut- être l'apophyse odontoïde plutôt que le corps même de l'atlas, qu'on sait être pelit et lardivement ossifié. Les pièces neurapophy- saires font suite aux occipitaux latéraux, dont elles conservent à peu près la forme. Vient ensuite un corps vertébral plus petit que celui que nous avons attribué à l’atlas, et dont les pièces neurapo- physaires sont faciles à reconnaitre, quoique se soudant, sur- tout celle de droite, à l'arc suivant; puis un corps trimamelornné, résultant sans doute de la fusion de plusieurs corps primitivement distincts et que surmonte une double lame neurapophysaire large : celle-ci est évidemment formée de chaque côté par la coalescence de plusieurs des éléments protecteurs du syslème nerveux, qui restent distincts chez les sujels normaux. Ici, au lieu de constituer, comme chez ceux-ci, des arcs successifs (arcs vertébraux ou pièces neurapophysaires) surmonfant le corps des vertèbres, ils sont soudés en une seule pièce à droite et à gauche. Leur réunion sur la ligne médiane est presque complète, et par conséquent beau- FOETUS HUMAIN MONSTRUEUX, 97 coup plus avancée que chez les fœtus bien conformés, ayant le même âge que notre fœtus pseudacéphale. Les vertèbres qui suivent sont de l'ordre des vertèbres dorsales. On ne voit également à cette seconde série qu'un petit nombre de corps, qu'il est même difficile de séparer nettement par leur forme, en avant aussi bien qu’en arrière, de ceux des régions cervicale et lombaire, et le dernier d’entre eux, c’est-à-dire le quatrième , porte même un are neurapophysaire avec côte, et en même temps un are eurapophysaire sans côte; ce qui indique qu'il répond à la fois au corps de la dernière dorsale et à celui de la première lombaire confondus entre eux, sans qu'il reste de trace de leur réunion. On n'en compte que cinq, ce dernier compris. Leur forme est irrégulière, et des indices d'une sorte de rachitisme se re- inarquent ici, de même que dans plusieurs autres parties du sque- lelte. Les côtes sont osseuses, irrégulières, inégales entre elles et en partie soudées les unes avec les autres pour un même côté du corps. Les trois premières de droite se réunissent immédiatement au-dessus de leur tête d'insertion. Leur masse commune est à peu près triangulaire ; un trou qu'on y remarque est un indice de la séparation primitive de la seconde d'avec la troisième. Les qua- trième et cinquième côtes du même côté sont distinctes par leur tête, réunies à la hauteur de leur tubérosité, et de nouveau dis- _ dineles dans le reste de leur étendue ; leur longueur dépasse celle des trois côtes soudées dont il vient d’être question. On voit après elles une côte sinple, la sixième de ce côté ; l'os neurapophysaire qui lui correspond est celui qui s'appuie sur le même corps ver- tébral que celui de la première lombaire. A gauche, on constate l'existence de einq appendices costaux : les deux premiers séparés seulement dans leur partie radiculaire et confondus dans leur corps; les troisième et quatrième dis- lincts dans l'extrémité de leur corps, qui est seulement fourchue ; le cinquième et le sixième simples, ce dernier étant un peu moins grand que l’autre. Des coalescences analogues se remarquent dans les ares neura- pophysaires qui répondent aux différents anneaux thoraciques dout nous venons d'énumérer les corps vertébraux et les appen- #° série. Zooc. T. XIL. {Cahier n° 2.) 5 7 98 DESORMEAUX ET P, GERVAIS. dices costaux. Les quatre premières paires en sont plus où moins réunies ensemble pour chaque côté, et leur soudure est déjà presque opérée sur la ligne médiane. Les quatrième et cinquième paires sont dans le même cas ; la sixième reste libre. On ue distingue que deux vertèbres lombaires, la première ayant même son corps réuni à celui de la dernière dorsale, la seconde l'ayant au contraire distinet; l’une et l’autre portent une paire d'os neurapophysaires. Ceux-ci sont plus écartés sur la ligne médio-supérieure que ne le sont les os précédents, auxquels ils font suite ; et quoique l’on n’observe point de tendance au spina- bifida, on voit que la réunion des pièces latérales y était moins prochaine que pour la partie dorsale ou pour le cou. Il y avait probablement un commencement d’hydropisie du ventricule lom- baire. La colonne vertébrale est terminée par trois où quatre noyaux osseux formant autant de corps vertébraux qui doivent être attri- bués à la région sacrée et au commencement du ecoccyx. On reconnait encore aux deux premiers des lames apophysaires, ou neurapophyses, comparables à celles des vertèbres précédentes. Antérieurement, à la hauteur de la région cervicale, sont, à droite comme à gauche, deux os de forme assez différente pour chaque côté, qu'on pourrait considérer comme des rudiments de membres réduits chacun à un humérus et à un radius ankylosés l’un avec l’autre. Ces os nous paraissent mériter plutôt la dénomi- nation d'épaule. Is étaient libres dans les chairs. Ceux du côté gauche sont plus courts et plus plats; ceux du côté droit sont plus inégaux. Celui d’entre eux qui représente la clavicule était plus que double en longueur de l’autre, que l’on peut considérer comme l’omoplate. L'os innominé a davantage la forme normale, et son os des iles est régulièrement développé à droite et à gauche. On ne voit pas de trace osseuse de l’ischion, et il n’y a de pubis osseux que du côté gauche; il affecte la forme d’un noyau ovalaire. Le reste de la ceinture pelvienne est cartilagineux. Le membre gauche a seul ses différentes parties bien distinctes; encore le fémur y est-il resté carlilagineux, et la jambe n’a-t-elle FOETUS HUMAIN MONSTRUEUX. 99 qu'un tibia sans indice de péroné. Quant au pied, il ne montre de traces d’ossificalion que pour le calcanéum, le métatarsien et les phalanges du gros orteil; ses autres pièces sont restées cartilagi- neuses. Au côté droit, où le membre est plus imparfait encore. nous n'avons trouvé de traces osseuses, ni du fémur, ni des os de la jambe. Le pouce avait cependant ses articles osseux aussi évidents que ceux du côté opposé, et nous avons déjà dit qu'il en était de même du petit orteil. Le genre auquel appartient ce cas tératologique n'ayant pas encore reçu de dénomination propre, on pourrait, ainsi que nous l'avons proposé en commençant notre mémoire, lui donner celle de Pseunacéræase, etil comprendrait, indépendamment du pseudo- céphale dont on vient de lire la description, ceux qu'ont antérieu- rement signalés Lecat, Buthner, Switer et Lawrence, et qui ont été déjà réunis en un même groupe par M. Is. Geoffroy (L). Ce genre lerminerait la série des Paracéphaliens, et aurait pour prin- cipaux caractères extérieurs, d’avoir un crâne imparfait caché dans une tumeur céphalothoracique énorme par rapport au reste du corps, et de manquer de membres supérieurs. (1) Hist. des anomalies, t. IL (1836), p. 456. RECHERCHES SUR L’ANATOMIE COMPARÉE DES ORGANES DE LA GÉNÉRATION CHEZ LES ANIMAUX VERTÉBRES, Par MM. C. VOGT et PAPPENHEIM. Suite (1). Organes sexuels des Plagiostomes. Nous avons choisi comme représentant de cet ordre si curieux la Raie bouclée (Raja clavata). ‘ Des testicules. — Les organes mâles sont formés d’abord par deux testicules aplatis situés dans la cavité ventrale, et appliqués immédiatement sur la face intérieure de la colonne vertébrale et la paroi dorsale de l'abdomen. Dans l'animal couché sur le dos, il faut, pour voir les testicules, soulever tous les intestins, ainsi que le foie, et c’est alors seulement qu'on les aperçoit dans la position indiquée. L’aplatissement si considérable de ces organes est une disposi- tion caractéristique. Nous ne connaissons aucun Verlébré qui pos- sède des testicules tellement aplalis. Leur forme est celle d’un haricot très large et très mince, dont le bord convexe est tourné en dehors, tandis que le bord concave regarde la colonne vertébrale, et se continue avec un pli péritonéal, qui va se fixer sur la ligne médiane de la colonne vertébrale, sur la face postérieure du cloaque, et sur l'appareil glandiforme qui est annexé à ce dernier. L'aspect des teslicules est fort différent suivant l’âge des in- dividus, el suivant l'époque de l’année à laquelle le Poisson a été pris. (1) Ann, des sc, nal., 4° série, L. XT, p. 331. ORGANES DÉ LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 101 Dans les jeunes individus comme dans les adultes qui ne sont pas à l’époque du rut, les testicules offrent une apparence veloutée d’un blanc sale, et que nous ne savons mieux comparer qu'à l’aspeet de cette pâte pectorale que l’on est convenu d’appeler pâte d'althée. Le testieule des Raies, en effet, offre alors une certaine élasti- cité ; la masse blanche, et en apparence informe, dont il est com- posé, se laisse tirailler dans tous les sens, sans qu'on puisse y apercevoir autre chose que des traces de fibres conslituantes. On peut faire avec un rasoir bien tranchant des coupes fines de cette substance, qui, examinées sous le microscope, offrent des granula- tions opaques, grossières, sans forme définie, dans lesquelles on cherche vainement un arrangement régulier. On aperçoit seule- ment cà el là quelques espaces plus transparents au milieu de celte substance d'apparence crayeuse, et ces trous au milieu de la pâte homogène paraissent être le résultat de la coupe transversale de quelques vaisseaux sanguins. Ce sont les trames fournies par ces vaisseaux sanguins qui re- tiennent toute la substance dans la position qu'elle occupe. On remarque, en outre, des fibres celluleuses qui parcourent cette substance, et qui, évidemment, dérivent des feuillets péritonéaux qui enveloppent le testicule. La substance d'apparence crayeuse suit même les vaisseaux sanguins, lors de leur entrée et de leur sortie du testicule; et en préparant soigneusement l'extrémité antérieure de cet organe qui vient s'engager entre les lobes du foie et l'œso- phage, on voit toujours que celle substance forme des ramifica- tions qui dépassent en quelque sorte la limite du testicule, et qui suivent les troncs artériels et veineux en les entourant de toutes parts. L'aspect des testicules, dans les animaux adultes qui sont à l'époque du frai, est entièrement différent de celui que nous ve- nons de décrire. Le testicule est considérablement gonflé, épais, et l’on voit dispersés dans l’intérieur de sa substance d'apparence erayeuse une quantité de corpuscules ronds, semi-transparents, incolores, qui ont à peu près la grandeur d’un pois, et qui sont accumulés surlout dans la région antérieure et moyenne de l’or- gane, tandis que l’extrémité postérieure de celui-ci en est presque 102 C. VOGT ET PAPPENHEIM. entièrement dépourvue. Ces corpuscules arrondis sont téllement serrés dans la première de ces parties, que la substance d’appa- rence crayeuse les entoure seulement en formant des mailles arrondies, à peu près comme le plomb qui entoure les petites vitres arrondies qu’on voit dans les fenêtres des anciennes églises gothiques. De ce que cet aspect du testicule et le développement de ces corpuscules arrondis en forme de pois se rencontraient avec l’âge adulte et l'aptitude à la fécondation, on pouvait déjà soup- çonner que ces mêmes corpuscules étaient réellement les éléments prolifères développés dans ces organes. En examinant de plus près les rapports de ces corpuscules avec la gangue crayeuse environ- nante, on trouve qu'ils sont absolument indépendants de cette dérnière, et qu'on peut facilement, après avoir enlevé l’enve-: loppe péritonéale du testicule, les en séparer, surtout latérale- ment. On éprouve pourtant quelque résistance, lorsque l’on veut retirer un de ces corpuseules immédiatement de la substance testiculaire, et l’on trouve alors que des fibres cellulaires des vais- seaux sanguins, et {out un paquet de cordons qui ressemblent plus ou moins à des canaux ou des tubes, viennent de l’intérieur du testicule pour former une espèce de tige sur laquelle le corpus- cule est fixé. L'observation la plus superficielle montre déjà que ces corpus- cules, tels que nous venons de les décrire, ne sont pas des corps simples sans composition ultérieure. A l'œil nu, on aperçoit déjà quelque chose de granuleux sur ces corpuscules, et, en les déchirant avec des aiguilles, celle granulation devient encore plus manifeste. On remarque aussi, en observant attentivement ces corpuscules, qu'ils portent en haut, sur la face qui est immédiatement appli- quée à l'enveloppe péritonéale antérieure du testicule, une espèce d’auréole blanchâtre formant un cercle presque complet. Cette auréole occupe toujours le centre du corpuscule; elle est entourée d'un cercle plus clair, mais une couleur blanchâtre et terne analogue se trouve aussi sur les faces latérales du cor- puseule, là où celles-ei sont en contact avec la masse crayeuse. En coupant un corpuseule verticalement, on voit que la partie blanchâtre de ses parois latérales forme une espèce de couche ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS,. 103 corlicale, assez mince, qui parait formée, comme l’auréole, par des granules opaques et laiteux, landis que les granules situés à l'intérieur du testicule, et qui en forment la masse centrale, sont bien plus transparents, et ne montrent point de contenu laiteux. En continuant l'analyse des corpuscules testiculaires au moyen du microscope, on constate d’abord que chacun de ces corpuscules n'est autre chose qu'une accumulation d’un nombre énorme de petites vésicules entièrement transparentes, et formées par une membrane en apparence sans structure, dont le contenu varie beaucoup. Ces vésicules sont agglomérées irrégulièrement, se tou- chent toutes les unes les autres, et paraissent retenues dans leur position par quelques fibres cellulaires et quelques vaisseaux san- guins rares, auxquels s'ajoutent les canaux mentionnés, qui mon- tent par la tige du corpuscule, et dont nous analyserons bientôt la composilion. En déchirant la masse d’un corpuscule pareil avec des aiguilles, de manière à séparer les diverses vésicules qui la composent, on s'aperçoit facilement que ces vésicules ne sontpoint closes, mais que d’un côté elles sont portées sur une lige creuse qui en forme la continuation ; nous ne pouvons mieux comparer l'aspect que présente une lige pareille avec sa vésicule terminale qu’en rappe- lant celui d’une cerise avec son pédoncule ; cette comparaison est même si frappante, qu’elle s’appliquerait jusqu’au rapport mutuel du corps globulaire terminal et de la tige. On voit done, au premier coup d'œil, que les vésicules ne sont autre chose que des ampoules terminales des canaux particuliers qui, dans ce eas-là, sont les tubes séminifères. On constate facile- ment, après avoir acquis une fois la certitude de l’existence réelle de ces ampoules terminales et des canaux qui y aboutissent; on conslate facilement, disons-nous, que les rapports mutuels de l’ampoule et de la tige ne sont pas toujours les mêmes dans les différentes parties du corpuseule testiculaire. Les vésicules qui composent la croûte laiteuse latérale dont nous avons parlé ne sont pas lout à fait circulaires, mais au contraire oblongues ou en forme de poire, etse continuent plus directement avec la tige que les autres 104 C. VOGT ET PAPPENHEIM. ampoules, qui sont plus tansparentes et qui sont situées au milieu du corpuseule testiculaire. Ces ampoules latérales ou corticales sont, en outre, beaucoup plus petites que celles qui sont an centre. Toutes les tiges de ces différentes vésiceules viennent se réunir en un faisceau dans la partie inférieure du corpuseule, là où ee dernier adhère à la substance même du testieule. Nous devons pourtant faire remarquer que nous avons plusieurs fois trouvé des tiges qui portaient plusieurs ampoules, et il nous parait même que cette disposition est la plus générale. Mais les tiges étant très minces par rapport aux ampoules, elles se rompent facilement lorsqu'on sépare la masse à l'aide d’aiguilles; il n’en reste qu’une très petite portion adhérente à l’ampoule, et ce n’est que par un hasard heureux qu’on trouve des ampoules encore en connexion avec des tiges ramifées portant plusieurs de ces corps. Si nous cherchons maintenant à nous faire une idée de la consti- tution du testicule, nous verrons done qu’il y a une masse amorphe composée de petites granulations opaques, au milieu de laquelle viennent se former des accumulations d’ampoules vésiculaires qui terminent les tubes séminifères. Ces ampoules paraissent se déve- lopper à mesure que l’époque du frat approche, et bientôt le con- tenu que nous examinons prend en même temps de plus en plus les caractères d’une matière apte à opérer la fécondation. La struclure de ces ampoules et des canaux qui s’y {erminent est fort simple. Une membrane sans organisation reconnaissable, tout à fait transparente et homogène, forme la vésicule et le tube séminifère. La face interne de cette membrane est couverte par un épithélium en pavé, composé de cellules assez grandes qui mon- trent des noyaux fort distinets, et dans l'intérieur desquels on aperçoit quelquefois plusieurs nucléoles. Cette couche a été déjà remarquée et décrite avee soin par M. Hallmann ; aussi n’avons- nous pas besoin d’insister plus longuement sur sa description. Ce qui nous intéresse davantage ici, c’est le contenu des ampoules qui, par des états fort intéressants, arrive au développement des zoospermes. Nous avouons même que, malgré les recher- ches intéressantes de MM. Hallmann et Lallemand, que nous pouvions combiner avec les nôtres, il nous reste encore quel- ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 105 ques difficultés dans l’explication des phénomènes que nous allons décrire. Dirigeons d’abord notre attention sur les petites ampoules pyri- formes, qui, comme nous avons dit, forment la croûte externe et laiteuse du corpuseule testiculaire. Nous apercevons dans l’inté- rieur de ces vésicules des masses granulées, opaques, pelotonnées souvent au milieu, de manière à être entourées par un espace cireulaire transparent, et séparées par cet espace de la paroi même de la vésicule. En observant soigneusement ces granulations, on peut se con- vaincre qu’elles ne différent en rien de celles qui forment la masse crayeuse, dont le corpuscule testiculaire est enveloppé. Nous avons mis le plus grand soin à constater ce fait qui nous parait d’une certaine it et nous croyons le pouvoir don- ner comme positif. Si, en partant de cette base, on examine les vésicules situées au centre du corpuscule, et qui évidemment sont plus avancées en âge, on les voit remplies de cellules transparentes arrondies, dans l’intérieur desquelles on distingue facilementdes noyaux assez considérables, et dont l'aspect rappelle en quelque sorte celui des cellules en pavé qui forment la couche épithélienne de l’ampoule. Dans les vésicules, enfin, qui approchent l’auréole circulaire que nous avons décrite sur le sommet du corpuscule, ces cellules trans- parentes paraissent être remplies de zoospermes en voie de for- mation; elles deviennent alors plus opaques; les noyaux des cel- lules disparaissent, et l’on aperçoit au centre des cellules, enroulé sur lui-même, un écheveau de zoospermes allongés qui paraissent réunis tous par l'extrémité antérieure de leur corps, et dont les queues se perdent dans une masse granuleuse extrêmement fine et à peine perceptible. Enfin, examine-t-on en dernier lieu les vési- eules qui composent l’auréole même, on ne sera pas peu étonné de voir qu’elles sont entièrement remplies de zoospermes réunis en faisceaux, qui, dans leur position, affectent une certaine régularité. En observant une telle vésicule sous le microscope, on distiuguera au centre de celle-ci des groupes arrondis for- més par les têtes des zoospermes vues d'en haut, tandis que, sur 106 C. VOGT ET PAPPENHEIM. les côtés, les zoospermes forment des écheveaux placés radiaire- ment. C’est cet aspect qui a fait dire à MM. Hallmann et Lallemand que les zoospermes du centre de la vésieule étaient autrement arrangés que ceux du milieu. Mais le même aspect se répète lors qu’on roule la vésicule sur elle-mème, et l'on pourra se con- vaincre, par ce procédé, qu’en réalité les zoospermes sont rangés dans la vésicule partout de la même manière, ayant les têtes tour- nées contre la périphérie et les queues vers le centre. Il est naturel qu'une vésicule remplie par des écheveaux qui sont arrangés de cette manière ne laisse.apercevoir les queues que vers les bords du champ, tandis que ceux qui sont au foyer du microscope ne montrent que la tête à vue d'oiseau. Les observations que nous venons de rapporter seront peut-être de nature à jeter quelque jour sur la formation des ampoules et de leur contenu. Il résulte d’abord de l'accroissement rapide des am- poules et de leurs rapports variables avec la tige, que ces am- poules ne préexistent pas telles qu'on les voit remplies de z00- spermes, mais qu’elles s’agrandissent et s’arrondissent à mesure que le contenu se développe. La même ampoule qui d'abord ne formait avec son canal qu'une espèce de massue renflée à son extrémité, devient plus tard si globuleuse, qu’elle parait presque séparée de sa tige : si bien que des observateurs distingués ont pu se laisser tromper par cet aspect. Nos prédécesseurs ont déjà complétement résolu cette question ; mais il en est une autre qui n’a pas été abordée par eux, c’est l’origine de la masse granuleuse qui précède l'apparition des grandes cellules et qui remplit les ampoules les plus jeunes. Cette masse granuleuse se forme-t-elle dans l’intérieur des ampoules, ou bien les ampoules se forment-elles autour de la masse gra- nuleuse ? En d’autres mots, est-ce la substance crayeuse du testicule qui fournit la masse granuleuse? Nous croyons pouvoir répondre que nos observations parlent en faveur de la dernière manière de voir. Nous avons trouvé que la substance crayeuse et la masse granu- leuse des jeunes ampoules étaient identiques. C’est à un premier point, sur lequel nous pouvons nous appuyer. Nous croyons avoir ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 107 remarqué, en outre, que la masse crayeuse, dans les environs des corpuscules testiculaires, commençait à former des pelotes globu- leuses, qui, probablement, étaient destinées à s’entourer de mem- branes el à se constituer ainsi en ampoules. On reconnaît déjà cette disposition de la masse crayeuse autour des corpuseules testi- culaires par une désagrégation qui fait que l’on peut plus facile- ment déchirer la masse en ces endroits; et en examinant ensuite celte masse sous le microscope , on lui trouve l'aspect globuleux et pelotonné que nous venons de décrire. Il nous paraît donc juste d'admettre que la formation des am- poules à lieu par cireumposition autour des masses pelotonnées de la substance crayeuse ; que cette substance s’agglomère autour d’un centre, de manière à former une sphère, et que cette sphère com- pacte s’entoure alors d’une membrane formant un sac qui se met en communication avec les tubes séminifères. Nous ne voulons pas cacher que l’on pourrait trouver une objec- tion sérieuse contre notre opinion, dans la manière dont se com- porte le corpuscule testiculaire vis-à-vis de la substance crayeuse. La séparation entre ces deux éléments du testicule est toujours très nettement tranchée, il est facile d'isoler le corpuseule testi- culaire. Mais cette objection ne nous paraît pas fondée lorsque l’on compare d’autres tissus. L’os n'est-il pas toujours séparé nettement du cartilage? Voudrait-on nier, à cause de cette séparation tran- chée, que le cartilage se change en os? On nous demandera maintenant que deviennent les zoospermes ainsi accumulés dans les ampoules terminales des tubes séminifères? Ces tubes séminifères sont faciles à distinguer dans le voisinage de ampoule même, mais nous avouons qu'il nous a été impossible de suivre leur trajet à travers la masse testiculaire même jusqu’au point de leur insertion dans le canal déférent. Nous avons échoué dans cette tentative tout aussi bien que nos prédécesseurs. Ces canaux sont, en effet tellement déhiés, qu'il faudrait pouvoir les suivre, non pas sous la loupe, mais sous un grossissement de cent diamètres. Cette recherche restera impossible aussi longtemps que l’on ne connaitra pas un moyen d'enlever la substance crayeuse da testicule sans nuire aux Capaux qui la parcourent. 108 C. VOGT ET PAPPENHEIM. Or ce moyen, nous n'avons pas encore pu le trouver jusqu'à présent. De l'épididyme.— Du reste, s’il nous a été impossible de suivre le trajet des tubes séminifères à travers la masse tesliculaire, nous avons pu démontrer au moins le canal par lequel le produit de toutes les ampoules du testicule est déversé dans l’épididyme; mais avant d'aborder cette question, il faudra décrire la situation des organes, el surtout du canal déférent et de l’épididyme. Les deux épididymes forment deux bandes allongées étroites, situées des deux côtés de la colonne vertébrale, et qui, dans la partie anté- rieure de la cavité abdominale, sont enveloppées entre les mêmes feuillets péritonéaux qui entourent aussi les testicules. Ces deux bandes commencent à l'extrémité antérieure même de ces derniers organes, à côté de l’œsophage, et descendent en ligne droite jusque vers la paroi postérieure du eloaque. Les épididymes sont étroite- ment appliqués, pendant tout leur trajet, contre la colonne verté- brale. Arrivés vers l'extrémité antérieure du rein, ils se collent à la face intérieure de ce dernier, en longeant toujours son bord interne. Le canal déférent arrive de cette manière près de l'endroit où il s'ouvre dans le cloaque. Envisagé dans son ensemble, l’épididyme forme done avec le canal déférent un long boyau qui se continue en ligne droite tout le long de la cavité abdominale. Nous avons choisi, pour examiner les détails de structure de cet organe, de jeunes Raies, dans lesquelles l’épididyme n'est pas encore tellement compliqué, qu'on aurait de la peine à démêler les circonvolutions des canaux qui le composent. En plaçant un épididyme d’untel animal sous le microscope, nous avons vu qu'il se composait d'abord d’un canal déférent médian, ayant un trajet fort sinueux, et sur lequel étaient appliquées de temps en temps des houppes de canaux latéraux qui étaient évidemment des boyaux terminés en cæcum, et entorlillés ensemble de manière à former toute une masse plus ou moins régulière, adhérente par une tige au canal déférent sinueux. Nous avons remarqué que, dans la partie antérieure de l'organe, des grappes étaient siluées symétri— quement les unes vis-à-vis des autres, de manière qu'on pou- ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 109 vait distinguer une portion du canal déférent vide, qui alternait avec une autre ayant des expansions latérales. Le canal déférent descendait de cette manière toujours en suivant la colonne verté-- brale, malgré les nombreuses sinuosités qu'il décrivait dans sa course, jusque vers l'extrémité antérieure du rein , et là les expan- sions latérales étaient attachées seulement d’un eôté de ce conduit. En suivant ainsi tout le trajet du canal déférent sous le micros- cope, il nous était facile à constater qu'aucun canal transversal n’y débouchait pendant tout son trajet, de sorte que, nécessaire- ment, les seules communications qui pouvaient exister entre les testicules et ce conduit devaient se trouver sur l'extrémité anté- rieure de celui-ci. Nous avons mis le plus grand soin à constater ce fait, sachant que MM. Müller et J. Davy avaient cru trouver de nombreuses communications latérales entre les testicules et l'épi- didyme, et nous pouvons assurer, avec la plus intime confiance, qu'il n’en existe point dans l'espèce des Raies que nous avons exa- minées. Nous avons échoué d’abord dans nos tentatives pour trou- ver le véritable canal efférent dais des individus parvenus au terme de leur développement. Nous avons été plus heureux dans des jeunes Raies, chez lesquelles nous pouvions placer le testicule avec son épididyme en entier sous le microscope. En étalant alors les feuillets péritonéaux entre lesquels ces organes sont renfermés, nous avons aperçu un canal étroit légèrement flexueux, qui sortait près du bord antérieur du testicule, où il se composait de deux branches, lesquelles se perdaient évidemment dans la substance crayeuse, Ce canal sortait de la face dorsale du testicule, près du bord interne de l'extrémité antérieure de celui-ci, et, après avoir décrit un léger coude, il s’enfonçait dans la tête même de l'épididyme. Cette observation confirme pleinement et entièrement celle de M. Lallemand sur le même point, et nous pourrions donner en même temps l'explication de l'erreur dans laquelle MM. Müller et Davy nous semblent être tombés, lorsqu'ils affirment qu'il existe des canaux multiples de communication chez les Raies. En effet, si l'on observe seulement à la loupe les feuillets péritonéaux qui s'étendent entre les testicules et l’épididyme, on est tenté de A10 C. VOGT ET PAPPENHEIM. prendre pour des canaux communicateurs des vaisseaux sanguins et des trames cellulaires en grand nombre qui forment une espèce de réseau entre les feuillets, mais dont les branches principales se portent transversalement du testicule vers l’épididyme. C’est le microscope seulement qui peut faire connaître la véritable nature des différentes parties qu’on a sons les yeux. Nous croyons done pouvoir présenter, comme résultat définitif de nos recherches sur ce point important de l’anatomie des Raies, l'opinion suivante : Qu'il n'existe qu'un seul canal destiné à con- duire le sperme depuis le testicule jusque vers le cloaque ; que ce canal est unique déjà à sa sortie du testicule, et qu'il forme, en descendant sur le cloaque, une espèce d’épididyme, à l’aide des cæcums latéraux qui en naissent de distance en distance, appen- dices dont les circonvolutions, en se multipliant et en se couvrant les unes les autres, finissent par constituer un organe allongé, ayant l'aspect extérieur d’un épididyme. En s’approchant du eloaque, le canal déférent augmente petit à petit de volume, et son extrémité postérieure est renflée, de ma- nière à constituer un véritable réceptacle spermalique, destiné probablement à retenir une quantité assez considérable de sperme qui peut être lancé à la fois dans l'acte de la fécondation. Les deux réceplacles, dont la forme ne simule pas mal celle d’un gros in- testin, sont réunis ensemble par du tissu cellulaire. On remarque dans l’intérieur de ces réceptacles séminaux des plis longitudinaux très fins de la muqueuse qui en revêt la face interne. Les récep- tacles convergent vers la ligne médiane, et finissent en pointe dans une papille située sur la paroi postérieure du cloaque, très près de l’ouverture anale. Les canaux déférents ne communiquent donc jamais ensemble, car leurs ouvertures mêmes sont séparées et isolées l’une de l’autre. Le eloaque de la Raie mâle est fort simple. La séparation du rectum est à peine indiquée par un léger enfoncement cireulaire qui s'aperçoit au-dessus de l'extrémité antérieure de la fente anale. Vis-à-vis de cette fente se trouve une impression profonde, circulaire, entourée de petits plis longitudinaux de la muqueuse, et du fond de laquelle s'élève une petite verrue conique, sur le ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. AA sommet de laquelle se trouvent les deux ouvertures des canaux déférents. Une rainure peu profonde se continue depuis le petit creux jusque vers le coin postérieur de la fente anale. Le petit cône, sur lequel se trouvent les ouvertures génitales, est composé uniquement de tissu cellulaire revêtu par la même membrane muqueuse qui forme la couche interne du cloaque. Sa structure démontre jusqu'à l'évidence qu'il n’est pas du tout capable d’érec- tion. Nous venons de décrire les organes génitaux du mâle, tels qu’on les trouve cachés dans la cavité abdominale; maïs la nature a doté aussi les Raies mâles d’un appareil fort compliqué, qui évidem- ment est en connexion avec la fonction génératrice, puisque les femelles en sont entièrement dépourvues. Cet organe se trouve des deux côtés de la queue, et il est composé d’une pièce cylindrique fournie par la réunion de plusieurs cartilages, et à laquelle s’ajou- tent plusieurs glandes particulières, dont la principale est située sur la face abdominale de la nageoire ventrale, et dont le produit se verse dans la gouttière qui longe la pièce cartilagineuse dont nous venons de parler. De la glande copulatrice. — La glande copulatrice (car c’est ainsi que nous désignons cette glande principale) constitue un des types les plus curieux des glandes sécrétoires qu'on puisse ren- contrer, et elle mérite déjà, à ce titre, une attention spéciale. Voici ce que nous pouvons rapporter sur les détails anatomiques de cette glande. En enlevant la peau du côté inférieur de la nageoïire ven- trale, on trouve un sac musculaire, oblong, plus large en avant qu’en arrière, et considérablement aplati, qui occupe près de la moitié de la largeur de la nageoïire ventrale. Les parois de ce sac sont formées par de fortes fibres musculaires qui, en naissant sur tout son bord interne, passent obliquement sur la face abdominale pour contourner son bord externe, et pour se fixer sur une ligne ovale, blanche, que l’on peut apercevoir sur la face dorsale de cet organe, et qui suit, à une distance de quelques millimètres, le bord externe de celui-ci, Après avoir fendu cette enveloppe musculaire, qui a au moins un millimètre d'épaisseur, on trouve une cavité spa- cieuse, oblongue et déprimée, qui s'étend tout le long du sac, et 112 C. VOGT ET PAPPLNHEIM. dont la surface est formée par une membrane blanchätre très fine, sur laquelle on aperçoit des réticulations très élégantes. Cette membrane est surtout bien visible du côté ventral du sac où ce dernier est formé uniquement par l'enveloppe musculaire. Le coin postérieur du sac n’est pas occupé par la cavité commune ; celle- ci, au contraire, est bien plus courte, et l’espace considérable qui se trouve ici d’un côté entre l'enveloppe musculaire, et de l’autre entre la membrane interne, est rempli par un tissu cellulaire très lâche formant des réticulations nombreuses et des mailles com- muniquant ensemble, qu’on trouve le plus souvent remplies de sang, Nous reviendrops plus tard sur cette partie du sac, qui est en communication directe avec les vaisseaux lymphaliques et san guins. La paroi dorsale du sac est formée par un organe allongé, séparé au milieu par un sillon longitudinal profond, du fond du- quel on voit surgir une quantité de petites languettes qui s'élèvent à peine au-dessus du niveau général de l'organe. Cet organe occupe toute la longueur du sac; c’est à lui et à la face dorsale de sa cir- conférence que s’attachent les fibres musculaires qui en forment l'enveloppe. Il est d'une couleur jaunâtre, d'une consistance ferme, approchant presque de celle du cartilage, ou mieux encore de celle du ligament jaune des vertèbres. L'organe dans son ensemble présente les proportions et la forme d’une miche de pain très allon- gée, sur la face antérieure de laquelle on a pratiqué un sillon. Examiné avec le soin convenable, cet organe offre une struc- ture glandulaire ; en le coupant ou en le brisant en long ou en travers, il se montrera toujours, à l'œil nu, composé d’une quan- tité de fibres étroites, qui toutes paraissent converger vers le sillon médian. Ces fibres, vues au microscope, apparaissent sous la forme de tubes allongés cylindriques très étroits, et toutes conver- gent vers le sillon médian pour s'ouvrir dans les languettes quien occupent le trajet. Ces tubes ne sont pas isolés dans toute leur longueur ; ils se réunissent au contraire, en s’'approchant de plus en plus du sillon, de sorte que le nombre des canaux qui débouchent directement dans le sillon, ou bien dans les languettes, est beau- coup moins considérable que le nombre de ceux qui se trouvent ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 113 vers la circonférence. Il s'ensuit donc que l'organe est composé de tubes droits, ramifiés, et que la ramification est telle qu’on la trouve dans les Lycopodiacés, où le tronc se divise en deux branches parallèles, et ainsi de suite. Une réunion de tubes ainsi ramifiés doit nécessairement produire un organe d’une circonfé- rence circulaire. Une sécrétion glaireuse remplit tous ces tubes, et se trouve aussi répandue dans la cavité interne du sac; celle-ci débouche au dehors par une fente allongée, étroite, qui est située du côté dorsal de la pièce cylindrique, sur le point de réunion de celte dernière avec la nageoire ventrale. Celte ouverture est plus compliquée qu’on ne le croirait d’abord ; elle ne conduit pas seulement au dehors, mais elle est aussi en communication avec un canal latéral débouchant dans la gouttière de la pièce cylindrique ; elle parait donc destinée à conduire une partie de la sécrétion muqueuse de la glande dans la gouttière même. Avant de quitter la description du sac pour passer à celle de la pièce cylindrique, nous dirons encore qu’une coupe transversale dirigée en travers peut donner la meilleure idée des rapports muluels qui existent dans ces différentes parties. On voit alors que la glande allongée qui en occupe le centre est entourée sur toute sa périphérie par une couche musculaire très distincte et bien marquée, mais assez mince, dont les fibres s’attachent dans le sil- lon même sur une expansion tendineuse à lravers laquelle passent les tubes excréteurs. Les fibres circulaires de cette enveloppe doi- vent pouvoir exercer une pression considérable sur la glande. Une pareille coupe montre aussi que le tissu réticulé que nous avons mentionné dans la partie postérieure du sac entoure tout l’espace interne, de sorte que l'enveloppe musculaire est séparée partout de la cavité interne par cette substance particulière. L'enveloppe mus- culaire elle-même montre une cloison tendineuse, qui la sépare en deux moitiés inégales dont l’externe est la plus considérable. Cette cloison médiane, à laquelle s’attachent des deux côtés les fibres musculaires, est seulement destinée à fournir un point d'appui pour la contraction de ces dernières, car la direction des fibres ne change pas pour cetie interruption. Nous voyons donc deux enve- %° série, Zooc, T. XI. (Cahier n° 2) # 8 (ET C. VOGT ET PAPPENHEIM. loppes musculaires, l’une, la plus interne, destinée à comprimer la glande, l’autre, la plus externe, pouvant comprimer le sac lors- qu'il est rempli, mais exerçant avant {out son action sur les es- paces veineux qui se lrouvent à sa surface interne. Est-ce là l'organe contractile dont M. John Davy a parlé? L’appendice copulateur des Plagiostomes mâles a frappé de tout temps l'attention des zoologistes, sans que l’on eût songé à exa- miner la structure si curieuse de cet appareil. Nous avons cru devoir en faire une étude détaillée, et voici quels ont été les ré- sultats de nos recherches entreprises à ce sujet. L'appendice est formé par plusieurs pièces cartilagineuses qui, en partie, sont fixées solidement, tandis que la grande majorité de ces pièces est articulée sur les autres de manière à pouvoir glisser dessus. La pièce principale de tout l’appareil est formée par un cartilage quis’étend depuis l'ouverture de la glande copulatrice jusqu’à l’ex- trémité postérieure de l'appareil dont il forme la lèvre externe. Examinée en son détail, cette pièce se montre composée d'une lame cartilagineuse, à la surface dorsale de laquelle règne un sillon très profond qui, dans sa partie postérieure, est même fermé de manière à constituer un véritable canal. Les deux lèvres cartila- gineuses qui forment ce sillon sont fort inégales. La lèvre externe s'élève de plus en plus au-dessus de la lèvre interne, de manière qu’elle s’enroule même dessus dans la partie moyenne. Arrivée au point où elle s’enroule au-dessus de la lèvre interne, la lèvre externe se sépare en deux parties. La partie externe se continue tout droit jusqu'à l’extrémité postérieure de l’appendice, tandis que la partie interne qui borde le sillon constitue une feuille mince en forme de spatule qui finit à peu près vers le dernier tiers de l'appendice. La lèvre externe de la pièce principale n’est pas aussi longue que la lèvre interne, et peu au-dessous de la séparation de la lèvre externe en deux parties que nous avons indiquées, elle se términe par une surface coupée obliquement, sur laquelle s’artieulent les pièces externes de la partie postérieure de l'appendice. Outre cette pièce principale que nous venons d'indiquer brièvement, et qui forme le soutien et le noyau de lout l'appendice, se trouvent encore ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS,. A15 d’autres pièces cartilagineuses qui sont appliquées sur les deux faces externes ou internes de la première. Les pièces externes sont au nombre de deux. La plus superficielle de ces pièces est trapézoïde, ayant une en- taille en forme de croissant à son extrémité antérieure, sur laquelle s'attache le muscle releveur de l’appendice. La surface interne et creuse de cette pièce est appliquée sur la surface externe de la pièce principale, là où cette dernière commence à se séparer en deux feuillets. Une seconde pièce bien plus petite est attachée à la surface in- terne de la pièce trapézoïde, de manière à ne dépasser que fort peu le bord interne de cette dernière. Cette pièce est réunie par de puissants ligaments à la face externe de la pièce principale. Les pièces qui forment la lèvre interne du sillon, vers son extré- milé postérieure, sont beaucoup plus nombreuses ; car elles sont au nombre de cinq en tout. La pièce la plus interne qui touche immédiatement la queue de l'animal, est une pièce allongée, un peu courbée en S, qui, à son extrémité postérieure, est soudée à une pelile pièce cartilagineuse formant une gouttière, et qui em- brasse l'extrémité de la lèvre fournie par la pièce principale de l'appareil. De cette manière les deux pièces réunies peuvent glisser autour d’un axe de la pièce principale comme autour d’un pivot, et jouer ainsi le rôle d’un battant mobile qui peut ouvrir et former le sillon à volonté. La moitié antérieure de la pièce en $ forme un tranchant, tan- dis que la partie postérieure est tapissée par un coussin élastique tissé de fibres cellulaires, dans les interstices duquel est répandue une grande quantité d’un liquide gélatineux. En dedans de la pièceenS, etarticulées avec elle sur lamême face de la pièce principale, se trouvent deux petites pièces cartilagi- neuses dont la plus interne est presque carrée et couverte de même sur son tranchant antérieur par un coussin gélatineux, qui fait saillie lorsque l’on écarte les lèvres du sillon. L'autre pièce est plus allongée; sa forme est semblable à celle d’une équerre très large, et son tranchant fait suite à celui de la feuille interne de la pièce 116 C. VOGT ET PAPPENHEIM. principale, Enfin une dernière pièce cylindrique occupe le fond de l'appareil. Des muscles puissants s’attachent aux différentes pièces de cet appareil. Les unes, destinées à le mouvoir dans son entier, sont fixées sur la pièce principale d’un côté, et de l’autre sur les os du bassin, qui leur fournit un point d'appui. Les autres, au con- traire, destinées à mouvoir les différentes pièces de l'appareil et surtout à ouvrir et à fermer le sillon, trouvent leur point d'appui sur la pièce principale et leur levier d'action dans les différentes pièces mobiles, qui sont placées à l'extrémité postérieure de l’ap- pendice. Le premier de ces muscles est l’abaisseur de l'appareil copulateur. Il naît sur la face ventrale de la ceinture du bassin, à côté de l'ouverture de l’anus, et, en descendant tout droit, il se fixe en face du sac de la glande copulatrice sur une ligne oblique. Son antagonisle, le releveur de l'appareil copulateur, nait sur la face dorsale du bassin sur les côtés de la queue, et se fixe vis-à- vis de l’abaisseur sur la pièce principale de l'appareil. Un troisième musele, le muscle écarteur dorsal, fait la continuation du releveur que nous venons de décrire. Ses fibres naissent sur la même ligne où celles du releveur viennent s'attacher sur toute l’entaille en forme de croissant de la pièce trapézoïde. Le musele écarteur ven- tral, au contraire, commence au-dessous du muscle abaisseur de l'appareil, et, en se portant droit en arrière, il va se fixer sur la face externe de la pièce en S à l’aide de tendons assez allongés. IL est évident que l’action de ces muscles doit pouvoir dilater le sillon, et faire couler ainsi le liquide sécrété par la glande copula- trice, le long de l’appendice copulateur. Il est évident aussi, d'un autre côté, que les muscles qui appartiennent à la pièce principale doivent pouvoir relever ou abaisser l'appareil dans son entier. Mais quelle est l’action particulière de tout cet appareil avec sa glande d’un type si curieux, avec ses différentes pièces cartilagi- neuses mobiles, dont la description plus détaillée servirait seule- ment à encombrer la mémoire, sans pouvoir nous enseigner quel- que chose de plus sur leurs fonctions? Nous l'ignorons. Nous manquons encore entièrement d'observations détaillées sur la ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 117 copulation des Plagiostomes, et, avant de posséder de pareilles observations, nous ne pourrons rien dire de précis sur les fonc- tions des différentes parties dont l'étude vient de nous occuper. Des organes femelles. Les organes femelles sont disposés d’une manière tout à fait semblable aux organes mâles, et il serait même assez difficile de déterminer, par l'inspection superficielle des ovaires seulement, quel est le sexe d’un animal qui n’est pas arrivé au terme de son développement sexuel, ou qui ne se trouve pas dans la saison du rut. Les ovaires ont absolument la même forme et la même position, les mêmes ligaments et les mêmes enveloppes que les testicules; on y trouve la même substance crayeuse, au milieu de laquelle sont dispersés des espaces circulaires plus transparents qui, au premier coup d’æil, ressemblent beaucoup aux corpus- cules testiculaires. Nous ne nous appesantirons donc pas à décrire tous les détails anatomiques de l’ovaire, croyant pouvoir renvoyer pour cela à la description des testicules. L'examen microscopique apprend bientôt que les espaces plus transparents qui ressemblent si fort aux corpuscules testiculaires sont formés par des œufs disséminés dans la masse des ovaires. Ces œufs sont parfaitement circulaires et formés par une mem- brane vilellaire assez épaisse et un vitellus presque transparent, au milieu duquel on aperçoit facilement la vésicule germinative. Les trames cellulaires qui parcourent la substance crayeuse forment autour de ces œufs de véritables ovisacs, qui sont tapissés à l’in- térieur par une couche épithélienne très semblable à celle que nous avons déjà décrite dans d’autres animaux. Les cellules de cette couche épithélienne sont assez serrées les unes contre les autres, el assez fortement adhérentes à la surface interne de l’ovi- sac, de manière qu'en fendant ce dernier pour faire sortir l'œuf, on ne réussit guère à les faire échapper avec le liquide qui remplit cel organe. Les oviductes ont ceci de remarquable, qu'ils se réunissent au- 118 C. VOGT ET PAPPENHEIM. dessus de l'ovaire, entre le foie et l’œsophage, en une seule ouver- ture médiane qui est cachée par la face dorsale du foie, et de la- quelle partent les deux oviductes. Cette ouverture est assez petite et ovalaire, ayant son grand axe en travers de l’axe du corps; elle est soutenue par un pli péritonéal, qui part de son milieu pour aller finir sur la face externe du péricarde et du feuillet périto- néal qui enveloppe le foie. On a, au premier abord, droit de s’éton- ner de la petitesse de cette ouverture commune aux deux oviductes ; mais en réfléchissant sur les rapports des parties environnantes, on reconnait qu'elle ne forme en définitive que le fond d’un large entonnoir qui, d’un côté, est constitué par le foie et l'intestin avec son mésentère, de l’autre par l'ovaire. C’est dans ce large enton- noir péritonéal, formé par le voisinage d'organes étrangers aux fonctions génésiques, que les œufs sont conduits vers la fine ou- verture qui doit les recevoir. Après avoir formé cette ouverture médiane etunique qui, dans les Plagiostomes, remplace les calices, les oviductes se jettent de côté en embrassant la face ventrale de l'æsophage, passent tout à fait à la face dorsale des viscères abdo- minaux, et en décrivant une ligne courbe dont la convexité est tournée d’abord en dehors, puis en dedans , ils se rapprochent tous les deux de la ligne médiane, qu'ils atteignent presque au niveau de l’extrémité intérieure des reins. Arrivés là, ils se gonflent tout d’un coup en formant un corps ovale, un peu aplati, dont l'aspect diffère beaucoup du reste de l’oviducte, puis continuent leur route en droite ligne vers le cloaque. Dans cette dernière moitié de leur trajet, ils sont couverts par les reins. Les oviductes sont membraneux pendant fout leur trajet, sauf le point indiqué vis-à-vis de l'extrémité antérieure du rein. Cette partie de l’oviducte est grisâtre, fusiforme , d’une consistance assez ferme ; on la connaît sous la dénomination de la glande de l’oviducte. ’ Ce corps glandulaire a une structure toute particulière. Le canal de l’oviducte se continue par son milieu en droite ligne sans dévier, mais en devenant un peu plus étroit qu'il n’était auparavant, et en s’élargissant de nouveau au moment de sortir du milieu de la sub- stance glanduleuse. La glande entoure, dans l'espèce que nous ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES: VERTÉBRÉS. 119 avons examinée, l’oviducte comme un anneau; on‘ait que, dans d'autres espèces, elle affecte des formes assez variées et même caractéristiques pour certaines familles. En la fendant longitudi- nalement, on observe des détails suivants, On remarque plusieurs bandes en zones, d'apparence diverse, mais partout d’une même teinte, et formées apparemment par la même substance. En avant se trouve d’abord une zone marquée par des fines stries, qui ont une direction longitudinale ; à cette zone en succède une autre ayant des stries obliques, puis une {roisième montrant des stries trans- versales : ces trois zones occupent à peu près la moilié de la glande. Une zone, beaucoup plus large que la précédente, ne laisse voir qu'une surface unie, un peu veloutée comme une muqueuse ordi- naire, et enfin, dans le coin qui touche l’oviducte, se trouve un tissu criblé, spongieux, montrant de nombreux petits trous irré- gulièrement disposés. L'aspect si différent des zones que nous venons de décrire dans l'intérieur de la glande de l’oviducte tient uniquement à l’arran- gement des tubes dont cette glande est composée. Ces tubes sont, en général, parallèles les uns aux autres et rectilignes, ayant des diamètres assez considérables par rapport à leur longueur, comme d'ordinaire dans toutes les glandes simples et cylindriques. La glande oviducale des Plagiostomes n’est au fond qu’une réunion d’une quantité de ces boyaux cylindriques, tels qu’on les voit disséminés dans les parois de l’oviducte, chez les animaux supé- rieurs, Les boyaux ne viennent pas se réunir, comme c’est le cas dans d’autres glandes agglomérées, dans un seul tube excré= teur, mais ils restent indépendants, s’ouvrant, chacun pour son comple, à la face interne de l’oviducte. Ils sont pendant leur trajet géniculés en plusieurs endroits, de sorte qu'ils se dirigent simple= ment en dehors, où bien montent obliquement ou parallèlement à l'axe de l’oviducte, ce qui produit alors les zones dont nous venons de parler. En sortant de cette glande, l’oviducte se porte droit en arrière en glissant sous la face ventrale du rein, et en gardant son ancien volume jusqu'à une certaine distance du cloaque. Arrivé là, il se dilate considérablement dans des individus qui ont déjà porté, 120 C. VOGT ET PAPPENHEIM, mais assez péu dans de jeunes femelles. En formant ces récep- tacles fusiformes, les deux oviduetes s'appliquent étroitement l’un contre l’autre, et finissent réellement par se réunir en un seul canal fort court, qui s'ouvre par un orifice arrondi au même en- droit où est situé, dans le mâle, la papille qui porte les orifices séminaux. L'oviducte de la Raie bouclée se distingue dans toute sa lon- gueur par le peu d'épaisseur de ses parois, et cette minceur frappe surtout, quand on la compare aux parois épaisses des oviductes des Amphibiens, avec lesquels pourtant les organes génitaux des Plagiostomes ont la plus grande analogie. Nous avons pu constater que ce mode de structure dépend, avant tout, de l'absence de glandes qui n’existent pas dans la totalité de la lon- gueur du trajet de l’oviducte, et qui sont toutes ramassées dans la seule glande oviducale. Ces conduits sont composés des couches suivantes : 1° d’une enveloppe péritonéale fort mince, tissée de fibres cellulaires; 2° d'une couche de fibres contractiles à peine sensible, qui ont surtout une direction longitudinale, mais qui sont très faiblement développées; 3° d’une muqueuse plissée longitudinalement, qui ne montre d’autres éléments que des fibres cellulaires et un épithéliam vibratile continu. Les plis que forme cette muqueuse sont très faibles; ils se développent un peu dans le réceptacle. Le cloaque de la femelle ne nous a pas paru différer de celui du mâle, avec cette exception pourtant que la papille de celui-ci est remplacée par un trou circulaire conduisant dans la cavité courte, où les réceptacles se réunissent. Les organes externes que nous avons décrits dans le mâle manquent totalement chez la femelle. Enfin, la seule différence qu’on pourrait peut-être signaler dans la structure du eloaque se rapporte à l'ouverture anale. Les lèvres qui entourent cette fente nous ont paru moins saillantes, plus arrondies dans la femelle, tandis qu’elles sont assez hautes, larges et plus membraneuses dans les mâles. Peut-être que ces lèvres du mâle s'appliquent dans l'acte d’accouplement comme une espèce de ventouse sur la fente anale de la femelle. ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 191 Résumé général sur les Poissons. Nous avons décrit dans les pages qui précèdent la structure des organes génitaux chez la Carpe, structure qui, en effet, peut être prise comme type, et comme exemple de celle que l’on observe le plus généralement dans les Poissons osseux. Nous avons trouvé que cette structure en général étail assez simple, que les organes mâles en particulier sont composés de deux testicules symétriques, formés par la réunion des tubes séminifères s’anastomosant entre eux, et débouchant dans une cavité centrale, laquelle cavité com- munique directement avec le canal déférent, qui, à son tour, s'ouvre directement au dehors sur une petite papille située der- rière l'anus. Ce que nous devons remarquer, comme principale- ment caractéristique de l'appareil génital mâle dans la majorité des Poissons osseux, c’est avant tout l'indépendance complète dans laquelle se trouve l'appareil génital vis-à-vis du canal intestinal. L'ouverture génitale est complétement séparée de l'intestin; nous ne voyons pas que celte ouverture soit placée dans un comparti- ment commun dans lequel déboucherait aussi le canal intestinal, et que nous appelons le cloaque ; elle est placée à part, derrière l'anus. Un cloaque n'existe donc pas dans les Poissons osseux. Mais quoi- que cette indépendance de l'ouverture génitale soit générale dans tous les Poissons osseux, nous avons pourtant vu que l’on ne peut pas l’admettre comme caractère général de la classe des Poissons, puisque les Plagiostomes ont un véritable cloaque semblable à celui des Reptiles, dans lesquels viennent s'ouvrir les organes génitaux. Un autre caractère très général des organes mâles dans les Pois- sons osseux ordinaires, maïs que ceux-ci partagent avec les Batra- ciens, réside dans la structure même du testicule : c’est celui de l'existence d’une cavité centrale du testicule, avec laquelle viennent communiquer les canaux séminifères. Cette cavité centrale existe partout dons les Acanthoptérygiens et les Malacoptérygiens que nous avons examinés sous ce rapport, et nous croyons pouvoir la proclamer comme générale pour tous les Poissons osseux. [serait 122 C. VOGT ET PAPPENHEIM. précieux de pouvoir considérer ce type de structure comme géné- ral pour tous les Poissons; mais ici aussi les Plagiostomes s’oppo- sent à une pareille généralisation, la structure de leur testicule étant entièrement différente de celle que nous venons de rappeler. Un troisième point qu’il est fort important à signaler, c’est qu'il n'existe point d’épididyme dans tous les Poissons osseux, et que le canal déférent, une fois constitué, se continue directement vers la papille anale, sans former un appareil tel que ceux que nous sommes habitués à désigner sous le nom d’épididyme. On ne trouve pas non plus de relations intimes entre le système urinaire et les organes de génération. Il n'existe surtout point de connexion entre les reins et le canal déférent, telle que nous la verrons dans les Batraciens. Le canal excréteur de la vessie urinaire ne se réunit au canal déférent que dans la papille anale même, de sorte qu’il n’y a de commun entre eux que l'ouverture de l’orifice même. Ce caractère, quelque minime qu’il soit, aurait pourtant une certaine valeur, s’il s'agissait de déterminer la place qu’il conviendrait d’as- signer à un animal dont l'emplacement pourrait paraître douteux. Les limites de ce travail ne nous permettent pas d’insister sur toutes les conclusions que l’on peut tirer de cette jonction des organes urinaires el génitaux : ainsi, dans les Poissons osseux ordinaires, indépendance presque complète jusqu’à la dernière limite, emplacement de la vessie urinaire derrière le rectum, et jonction de son extrême ouverture seulement avec celle des or- ganes génitaux, Dans les Batraciens, au contraire, jonction des uretères sur une étendue plus ou moins grande, et ouverture commune des deux systèmes dans la paroi postérieure du eloaque; mais, à côté de cela, déplacement de la vessie urinaire, qui déjà s’est portée sur la face antérieure du canal intestinal, et qui s'ouvre entièrement indépendante dans la paroi antérieure du cloaque, vis-à-vis des ouvertures uro-génitales. On dirait done déjà, après ces données comparatives, qu'il y a une migration insensible des organes génitaux et urinaires depuis la face dorsale de l'intestin vers la face ventrale; que c’est d’abord la vessie urinaire qui obéit à ce mouvement, puis les urelères, et enfin les canaux excréteurs des organes génitaux, ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 193 Nous reviendrons plus loin sur ce point. Les organes femelles de la Carpe fournissent aussi, comme les organes males, le type le plus commun:dans les Poissons. Ce ne son! en réalité que deux sacs plus ou moins allongés, dont l’extré- mité renflée en forme de massue produit des replis membraneux sur lesquels se développent les œufs, tandis que l'extrémité oppo- sée est allongée en pointe etsert d’oviducte pour conduire ces corps au dehors. Les mêmes observations que nous venons de faire à propos de l'indépendance des organes mâles, vis-à-vis du canal intestinal, peuvent se répéter ici quand il s’agit des organes fe- melles. L'ouverture génitale est tout aussi distincte, tout aussi sé- parée de l'ouverture intestinale chez les femelles qu’elle l’est dans l'autre sexe. Rappelons pourtant, avant d'aller plus loin, que nous possédons dans les Poissons plusieurs types de structure assez différents de celui que nous venons d'indiquer ; le type qui s’en écarte le moins nous est présenté par les Salmones, qui, dans la classification actuelle, ne sont pas très distants des Cyprins. Les organes mâles sont conformés ici exactement d’après le même type qui a servi de base à la conformation des autres Pois- sons osseux. Les organes femelles seulement se sont écartés de ce lype par l’atrophie du sac de l’oviducte, et de l’oviducte lui-même dans toute son étendue. Nous avons prouvé, par la considération du pli péritonéal sur lequel est porté l'ovaire, que l'oviducte existe réellement dans le jeune âge chez ces Poissons , mais qu'il a disparu plus tard par suite d’un de ces développements rétrogrades dont les exemples ne manquent pas dans la science. C’estalors que la cavité abdominale a dû suppléer au manque d’ou- verture externe pour le produit des ovaires, et que se sont formées ces ouvertures qui conduisent directement dans la cavité abdomi- nale, et qui débouchent au dehors par une papille tout à fait sem- blable à celle qui se trouve dans les autres Poissons osseux où elle forme l'ouverture de deux oviductes réunis. Au point de vue phi- losophique, nous pouvons donc regarder cette structure des or- ganes femelles des Salmones comme une simple dérivation du type général, qui consiste dans l’oblitération de la partie moyenne 124 C. VOGT ET PAPPENHEIM. et supérieure de l’oviducte , la partie inférieure étant restée telle que nous la trouvons dans les autres Poissons. La même structure, quant aux organes femelles, se présente dans tout l’ordre des Cyclostomes, sur lequel nous avons rendu compte de quelques études concernant le Lamproyon, et aussi dans quelques Poissons osseux de la famille des Murénides. Ici aussi les ovaires ne consistent qu'en une bande membraneuse étendue le long de la colonne vertébrale, et plissée transversalement comme le jabot d’une chemise; les oviductes manquent, et les œufs sont conduits au dehors par le moyen de deux ouvertures abouchant dans la cavité abdominale, et qui se réunissent dans une papille derrière l’anus. Mais si l’analogie avec la structure des Salmones est frappante pour les organes femelles, elle n'existe pas pour les organes mâles, qui montrent une structure tellement sem- blable à celle des ovaires, qu’on a de la peine à distinguer ces deux sortes d'organes. | Les canaux efférents manquent complétement; le produit des testicules, au lieu d’être conduit au dehors par un canal déférent, comme l’est le sperme des Salmones, est versé ici directement dans la cavité abdominale, d’où il sort par deux ouvertures con- formées exactement de la même manière que chez les femelles. La structure du testicule présente aussi un type fort différent; au lieu de tubes réunis en un canal excréteur commun, nous voyons dans les Cyclostomes etles Anguilles des vésicules isolées qui ser- vent au développement des zoospermes, et qui se vident, dans la cavité abdominale, après avoir été déchirées. Il est donc évident qu'on aurait tort d’assimiler à une déformation semblable le résul- tat analogue que nous voyons produit dans les organes sexuels fe- melles des Salmones et dans ceux des Anguilles et des Cyclostomes. Dans les premiers, c’est la dégradation d’un type que nous pou- vons voir dans son développement entier chez d’autres Poissons, dégradation qui n’est que partielle, puisqu'elle ne frappe que les organes femelles, et qui est si bien le résultat d’une oblitération successive qu'elle laisse encore reconnaitre le type normal auquel elle se rattache. Dans les Cyclostomes et les Anguilles, au con- traire, c’est un type d’une conformation tout à fait différente qui EE ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 125 se produit également dans Ja structure des testicules et des ovaires, et qui, dans les deux sexes, produit des vésicules closes, dans lesquelles se développent des zoospermes chez le mâle, des œufs chez la femelle. Nous sommes persuadés que, jamais à aucun âge chez le Cyclostome, l’ovaire ne possède un oviducte, pas plus que le testicule n’est pourvu d’un canal déférent, tandis que chez les Salmones le canal déférent existe pendant toute la vie, et l'ovi- ducte ne se perd que dans l’âge adulte. Un type fort intéressant nous est fourni encore par quelques Poissons appartenant à ce groupe si curieux que M. Agassiz a dé- signé sous le nom de Ganoïdes, et parmi lequel il compte d’un côté le Polyptère et le Lépidostée , de l’autre l’Esturgeon. Nous avons donné un extrait du mémoire de M. Müller sur les Ganoïdes, dans lequel cet anatomiste distingué a décrit d’une manière succincte les organes sexuels de l'Esturgeon et du Poly- ptère. Il résulte de cette description que l'indépendance réciproque des organes sexuels et de l'intestin s’est maintenue dans les Ganoï- des, puisque les organes de la génération s'ouvrent ici, comme dans tous les autres Poissons osseux, derrière l'anus dans une papille urogénitale ; mais ce qui est fort important à noter, c’est qu'il y a des oviductes indépendants ayant un orifice abdominal comme celui de l'Homme, et un orifice postérieur qui, dans le Polyptère, se comporte de la manière ordinaire, tandis que chez l’Esturgeon l’oviducte va s'ouvrir, sous forme d’entonnoir, dans l'uretère. Ce qui distingue donc les Ganoïdes de tous les autres Poissons osseux, et ce qui les rapproche sur un certain point des Plagiostomes, c’est l'existence d’un orifice abdominal séparé et s’ouvrant librement dans la cavité abdominale, tandis que, dans tous les autres Poissons qui possèdent un oviducte, ce dernier se continue directement dans le sac membraneux qui entoure l'ovaire. Cet orifice abdominal de l’oviducte existe dans le Polyptère aussi bien que dans l'Esturgeon, et c’est donc là un caractère qui paraît êlre commun à tous les Ganoïdes, si on limite toutefois cet ordre de la manière proposée par M. Müller. Les Plagiostomes se placent tout à fait hors ligne, et constituent un type tellement particulier, qu'il est impossible de le confondre 126 C. VOGT ET PAPPENHEIM. avec les autres Poissons. Tout y est différent : les testicules, for- més par des grappes réunies de tubes séminifères qui se terminent en ampoules colossales, ne trouvent point leur analogue dans (out le règne animal; un épididyme largement développé n'existe pas dans les autres Poissons osseux, il se trouve dans les Pla- giostomes ; le canal déférent enfin va s'ouvrir, non pas dans une papille indépendante derrière l'anus, mais bien dans un organe analogue à un rudiment de pénis qui se trouve attaché à la paroi postérieure du cloaque. Les organes femelles ne sont pas moins différents ; les ovaires présentent une structure vésiculeuse ana logue à celle des testicules. Ce qui distingue surtout les oviductes des Plagiostomes de ceux des autres Poissons, c’est qu'on y trouve de véritables trompes ou oviductes, qui ont des ouvertures abdominales séparées , circon- stance que nous venons de (rouver aussi dans les Ganoïdes, mais qui, dans les Plagiostomes, se combine avec une structure ana logue à celle des animaux supérieurs. Les oviductes s'ouvrent dans la paroi postérieure du cloaque en une espèce de cavité que l’on pourrait comparer à un vagin. Nous voyons donc, dans une classe assez bien limitée des ani- maux vertébrés, plusieurs types qui sont fort différents quant à la structure des organes sexuels, et qui ne se laissent point ramener les unsaux autres. Ces types correspondent, il est vrai, tant soit peu, aux trois grandes divisions que l’on peut établir dans la classe des Poissons, savoir aux Cyclostomes, aux Poissons osseux ordinaires, et aux Plagiostomes. Faudra-t-il en conclure que l’anatomie des organes sexuels doit prendre une place importante, lorsqu'il s'agit de la classification de cette classe? Nous ne le pensons pas. Il nous paraît, au contraire, que ces différences si marquées ne doivent être mises que sur un rang fort reculé, lorsqu'on traite de la classification. Essayons donc de définir le type des Poissons osseux , d'après ceux que nous avons journellement sous les yeux. Faudra-t-il compter, parmi les véritables osseux seulement, les Poissons qui montrent le type dominant, celui de la Carpe? Mais : alors que faire des Salmones ? Personne ne songera à éloigner ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS, 197 celte famille, que quelques auteurs ont prise même pour type des Poissons osseux en général. On pourra d’ailleurs nous répondre que nous avons démontré nous-mêmes que la structure anatomique des Salmones rentre dans le type général. Mais alors se présen- tent deux autres difficultés. Nous avons fait remarquer que le type d’après lequel sont formés les organes génitaux des Anguilles l'est fondamentalement différent de celui des autres Poissons osseux, et qu'il est identique avec celui des Cyelostomes. Faudra-t-il pour cela rayer les Anguilles du cadre des Poissons osseux, et les trans- porter auprès des Cyclostomes? Il suflit de poser cette question pour en démontrer l’absurdité. Il en est de même des Ganoïdes. Ici aussi le type est fondamentalement différent, et quoiqu'on puisse hésiter lorsqu'il s’agit seulement de l'Esturgeon, le doute n'est pas permis lorsque l’on considère le Lépidostée et le Poly- ptère; la question devient encore plus embarrassante lorsque l'on comprend le groupe des Ganoïdes en suivant les vues de M. Agassiz. En effet, ce zoologiste compte parmi les Ganoïdes une foule de Poissonsdans lesquelslesorganes sexuels sontsans doute conformés absolumentde la même manière que dansles autres Poissons osseux. M. Müller lui-même, qui a retranché des familles entières de l’ordre des Ganoïdes, tel qu'il avait été proposé par M. Agassiz, a pour- tant reconnu que les organes sexuels ne pouvaient être regardés comme un motif suffisant de classification. Les Ganoïdes, tout aussi bien que les Anguilies, ne peuvent donc être séparés du type des Poissons osseux. Mais que résulte-il de cet examen ? Que le grand groupe des Poissons osseux comprend les types les plus différents des organes sexuels, car il possède le type des Cyclo- stomes dans les Anguilles, et un autre type approchant de celui des Plagiostomes dans quelques Ganoïdes. Nous avons déjà fait pressentir que nous ne reconnaissons, dans la classe des Poissons, que trois groupes principaux, savoir : les Poissons osseux, les Cyclostomes et les Plagiosiomes, et que toutes les autres coupes qu'on pourrait faire dans la classe des Poissons ne pourront jamais être élevées, quant à leur valeur sys- tématique, à la hauteur des trois groupes qué nous venons d’in- 128 C, VOGT ET PAPPENHEIM. diquer. Ces groupes coïncident avec des modifications profondes dans la structure des organes génitaux, en ce sens que les Pla- giostomes présentent un type parfaitement à part, et que les Cy- clostomes ont aussi le leur, qui est général dans leur ordre, mais qui ne leur appartient pas exclusivement. On n’a pas encore trouvé de Cyclostomes à oviductes, et il est fort probable que l'on n’en trouvera point; c’est done un type qui leur est propre, mais pas exclusivement, puisque les Anguilles le partagent. Nous venons d'exprimer notre pensée au sujet de la valeur qu'il faut accorder aux organes génitaux dans la classification des Poissons. Cetle structure ne peut servir en aucun cas comme guide pour la délimitation des grandes divisions qu'il faut établir sur d’autres bases, et qui résultent plutôt de l’ensemble de l’orga- nisation que de tel ou tel caractère isolé. Mais les organes génitaux donnent ici une précieuse indication des rapports entre les diffé- rents grands ordres de la classe des Poissons. Il faut convenir, en effet, que les Ganoïdes, qui montrent un type si voisin des Pla- giostomes, s’en rapprochent aussi sous bien d’autres points de vue, etil ne faut pas oublier, d’un autre côté, que la forme allongée des Murénoïdes, et l'existence d’une nageoire embryonnaire con- tinue tout autour du corps, sont des signes non équivoques d’infé- riorité dans leur organisation qui les rapprochent des Cyelostomes, lesquels, sans aucun doute, sont les Poissons les plus imparfaits. S'il est de fait que la structure des organes génitaux ne peut servir pour la délimitation des grands ordres dans la classe des Poissons, il est, d’un autre côté, facile de voir qu'on a trop négligé jusqu'ici la valeur systématique de ces organes, lorsqu'il s’agit d'établir des familles nettement limitées. Les bornes de la question que nous nous sommes proposé de résoudre ne permettent pas de descendre jusque dans les détails que les classificateurs devraient rechercher lorsqu'il s’agit de la formation des familles. Et même les différences résident beaucoup plus dans la fonction physiolo- gique modifiée que dans l'existence de tel ou tel organe sexuel plus ou moins développé. MM. Müller et Henle, par exemple, établissent des familles parmi les Requins et les Raies, d’après le fait que les uns sont ovipares, les autres ovovivipares ; il est évident ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 129 que cette classification, quoique basée sur la fonction régénéra- trice, ne repose pourtant pas sur des faits anatomiques, puisqu'il serait impossible de déterminer, d’après la seule inspection des organes sexuels, si une espèce quelconque appartient à tel groupe ou à tel autre. Ce fait physiologique même paraît être d’une moindre valeur, lorsque l’on sait que deux espèces très voisines de Requins, appartenant évidemment au même genre et se distin- guant à peine par quelques caractères fort légers. montrent une différence profonde, quant au développement des petits dans l’in- lérieur des organes sexuels. Une de ces espèces, en effet, le Mustulus lævis, laisse apercevoir un véritable placenta, par lequel l'embryon est fixé à la paroi même de l’oviducte qui sert de ma- trice, et qui fait jouir l'embryon d’un mode de nutrition sem- blable à celui que l’on croyait restreint jusqu'ici aux seuls animaux mammifères, tandis que l’autre espèce ne montre aucune trace d’une pareille formation. Il résulte de tout ceci que ni la structure anatomique, ni la fonction physiologique, pourraient servir de base pour la classifi- cation de la classe des Poissons; mais que les faits fournis par l'anatomie comparée relativement aux organes sexuels peuvent être employés comme auxiliaires, lorsqu'il s’agit de la délimi- tation des familles et des autres petites coupes de classification. Nous mentionnerons comme utile dans cette direction l’exis- tence d’une papille génitale avancée, telle qu’on la voit chez certains Gobies et Blennies; le mode de génération dans la fa- mille des Lophobranches , l’asymétrie des organes sexuels , ete. C’est sur cette dernière surtout que l’on peut appuyer, et il est curieux à remarquer que celte asymétrie va quelquefois jusqu’à la perte complète des organes sexuels d’un côté. C’est ainsi qu’il n'existe chez la Perche qu'un seul ovaire ou testicule situé du côté gauche, tandis que dans le Lançon (Æmmodyles) cel organe est situé à droite, etc. (La suile à un prochain cahier.) 4° série. Zoo. T. XIE. (Cahier n° 3.) ! 9 130 C. VOGT ET PAPPENHEIM. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 2. Fig. 4. Un Syngnathe mâle qui porte des embryons. On a écarté les lèvres de la poche (w) pour faire voir l'étendue de la fente et l'arrangement des em- _bryons dans l'intérieur de la cavité. Fig. 2, Le même poisson vu de côté après avoir enlevé la paroi abdominale et après avoir vidé la poche (w) dont on a étalé les parois. On voit l'arrange- ment longitudinal des cellules. Le testicule droit (i) se fait apercevoir à côté de la vessie urinaire qui, dans cet exemplaire, était entièrement vide et pour cette raison beaucoup moins grande que dans d’autres cas; g, l'intestin; A, le foie. Fig. 3. Situation des viscères dans un Hippocampe femelle auquel on a enlevé la paroi abdominale gauche. On y voit l'ovaire gauche (m) et la moitié gauche de la vessie urinaire (q). Fig. 4. Hippocampe mâle auquel on a enlevé la paroi abdominale du côté gauche. On voit les viscères dans leur position normale, et surtout le testicule gauche (a) étendu le long de la vessie nataloire (i). On a ouvert le sac w rem- pli d’embryons de manière à laisser son ouverture intacte et lon a passé une sonde à travers de cette dernière; k, le foie: g, l'intestin, d, la vessie uri- naire; 4, les reins. Fig. 5. La même préparation plus étalée ; on a fendu le sac jusque dans son ouverture et tiré en avant le canal intestinal (g) pour montrer tous les viscères isolés les uns des autres. Fig. 6. Organes mâles de la Raie. Bord interne du testicule (a) avec le canal efférent (b) qui en sort pour se porter dans l'épididyme(d). Dessin pris sur un très jeune individu et grossi trente fois, Fig. 7. Épididyme d'un jeune individu dans lequel on distingue facilement les houppes latérales de tubes séminifères adventifs qui forment l'épididyme. Dessin grossi seize fois. Fig. 8. Le Cloaque da mâle fendu dans toute sa longueur pour montrer sa sur- face interne et la verrue saillante sur laquelle sont portées les ouvertures des tubes déférents ce. PLANCHE à. Fig. 1. Une Raie mâle couchée sur le dos, et ouverte du côté ventral. On a tiré les intestins (g) de côté en écartant le foie (4) vers la droite et le rectum à gauche. On voit le testicule droit (a) dans toute son étendue, et l'on peut facilement suivre les feuillets péritonéaux qui l'unissent d’un côté au rectum et de l’autre à la glande du cloaque (y). Le testicule gauche est couvert en ORGANES DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉBRÉS. 131 partie par le ventricule et par les feuillets péritonéaux du testicule droit. On a écarté un peu les lèvres de l'ouverture cloacale (e) et l'on a passé une sonde par le canal péritonéal droit pour montrer la direction qu'affecte ce canal. Fig. 2. Préparation semblable faite sur une Raie femelle, On a enlevé les in- testins, de manière qu'il n’en est resté que l'extrémité supérieure de l'œsophage (g) et la partie inférieure du rectum (g'), qu'on a tiré à droite pour montrer les organes génitaux dans toute leur étendue. On voit les deux ovaires (m,m) aplatis par leur face ventrale et le ligament péritonéal qui les unit à la glande du cloaque. On aperçoit également l'ouverture médiane (p) dans laquelle se réunissent les deux oviductes sur la face intérieure du rein, et l'on aperçoit encore leur réunion derrière le cloaque. L'ouverture de ce dernier (e) a été laissée tout à fait intacte. Plus en arrière se trouvent les orifices périlo- néaux (f). Fig. 3. Vue des organes femelles pris du côté du dos, après avoir enlevé la colonne vertébrale, On voit le trajet des oviductes (p) qui sont appliqués im- médiatement à la paroi dorsale de la cavité abdominale, et qui descendent vers la pointe antérieure des reins (1) en simulant une forme de lyre. Les deux glandes des oviductes (4) sont à découvert, et l'on a tiré le rein gauche de côté pour montrer le trajet de l'oviducte dans toute sa longueur. Les ovaires (m) sont couverts en partie par les lobes du foie. Fig. 4. Vue de l'intérieur de la glande, montrant la cavité médiane du sac et le tissu caverneux qui l'entoure. On distingue aussi la tunique musculaire externe du sac, ainsi que la cloison fibrine qui se trouve à la partie supé- rieure. Fig. 5. Portion d'une coupe longitudinale de la même glande dirigée tout du long du sillon médian. Les languettes sont conservées. On voit comment les tubes s'ouvrent en partie dans les languettes et en partie dans les espaces intermédiaires. On distingue aussi la cloison fibreuse qui sert d'attache à l'enveloppe musculaire. Fig. 6. L’appendice copulateur vu du côté dorsal. On distingue facilement l'ou- verlure externe bordée par le faisceau musculaire qui peut la comprimer. Le puissant muscle releveur se montre dans toute son étendue. On voit égale- ment le sac de la glande copulatrice sur sa face dorsale, et l'on distingue la ligne en croissant sur laquelle s’'attachent les fibres musculaires de l'enve- loppe du sac. Fig. 7. Vue de la méme face de l'appendice copulateur, après avoir enlevé les muscles qui s’attachent aux différents cartilages que l’on a laissés tous en place, dans leur position naturelle. Fig. 8. Vue du sillon longitudinal, après avoir écarté violemment les battants qui bordent le sillon des deux côtés. Fig. 9. Vue de l'intérieur de la glande. NOTE SUR LES CROCODILES DE L'OUED TAKMALET (sAH'ARA TUNISIEN) Par M. Henri AUCAPITAINE, Au sud-est du Sah’'ara algérien, à environ vingt-quatre journées de marche (est-sud) d'Ouargla et à huit de Rât (1), se trouve une vallée remarquable par une végétation si vigoureuse, que les Touaregs Imou- char, qui la traversent, sont obligés de s’y frayer un passage la hache à la main. Ces broussailles sont l’asile d’une foule d’Antilopes (Beg'r el Ouach), de mouflons (Aroui el Feichtal) (2) et de grands änes sau- vages (Hamar el Ouach). Cette vallée est formée par l’Oued Takmalet, la première rivière que l’on rencontre, vers le sud, dout le lit ait de l’eau en toute saison; elle a environ quatorze journées de parcours. Le courant, très faible, forme par places de grandes mares où vivent de nombreux Crocodiles (Temes- sak) semblables à ceux du Nil des Nègres (le Niger). Ges animaux sont tellement redoutés pour leur férocité, que les gens des caravanes prennent les plus grandes précautions, afin d'empêcher les jeunes chameaux ou les esclaves d’être dévorés par ces reptiles, Les marais de l’Oued Takmalet recèlent encore un gigantesque amphi- bie (le Rouchef des Touarêgs), serpent qui mesure, dit-on, deux longueurs d'homme et chasse l’âne sauvage pour en faire sa pâture. Ce renseignement est intéressant, je crois, non-seulement quant à la répartition des Crocodiles dans la faune africaine (3), mais surtout en ce qu'il touche à un des points les plus curieux de la géographie comparée. La Zoologie vient ici fournir un précieux éclaircissement à l’histoire de (1) R'at, ville considérable et centre commercial, une des portes du Soudan oriental. (2) Le Beg'r El Ouach est l'Antilope bubalis des zoologistes, le Pos africanus de Belon ; l'Aroui est l'Ovis iragelaphus de Cuvier. (3) Voy. nos Notes sur lu Faune du Soudan (Bulletin Soc, imp. Zool. d'Accli- mal., L. V, 1859 p. 240 et suiv.). NOTE SUR LES CROCODILES DE L'OUED TAKMALET. 133 la géographie dans l'antiquité. Hérodote avait recueilli et nous a laissé des notions généralement très justes sur l'Afrique septentrionale; il donne, entre autres choses curieuses, le récit du voyage entrepris par cinq jeunes Nasamons vers l’intérieur du continent, par le pays des Gara- mantes?(1). Or, le terme de leur route, souvent discuté par les savants modernes, est limité par une rivière peuplée de Grocodiles, rivière dans laquelle on à voulu voirle Niger (2). Malte-Brun, ave: la sagacité d’un éminent critique, plaçait la fin de ce voyage tout au plus dans le Gir de Garama (3). La nouvelle indication que je viens de donner ne pourrait-elle pas (ce me semble) fournir une occasion aux érudits de lever les doutes qui planent sur le point extrême d’un voyage auquel la science moderne attache, à juste raison, un certain intérêt ? (1) Herodote, lib. IF, p. 32 et suiv., édit. Larcher. (2) Rennel, Geog. of. Herod. p. 432, et notamment A. Desmoulins, dans son Mémoire sur la patrie du Chameau àbosse, lu à l'Académiedes inscrip. ,p. 5(1853). (3) Malte-Brun, Précis de Géog., édit, Huot, t. 1, p. 40. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, Par M. S. JOURDAIN. INTRODUCTION. La découverte de l'appareil porte rénal est une acquisition de la science moderne ; l'honneur en revient à un anatomiste danois, Ludovicus Jacobson, professeur à Copenhague, qui le signala au monde savant dans les premières années de ce siècle. Jusqu’alors on avait supposé que les vaisseaux du rein étaient établis sur an même plan dans toute la série des Vertébrés, que les artères apportaient à cet organe le sang qui devait fournir les matériaux de la sécrétion urinaire, et que les veines faisaient rentrer ce sang dans la circulation générale. Jacobson le premier aperçut dans les Oiseaux, les Reptiles et les Poissons, une vaste exception à cette règle qu'on croyait générale; chez eux certaines veines, se distribuant dans le rein à la manière des artères, y apportaient du sang veineux, et constituaient ainsi pour cette glande (4) une véritable veine porte, tout à fait comparable à la veine porte hépatique. Les veines efférentes du rein étaient donc chargées de ramener à la veine cave inférieure le sang fourni non-seulement par les artères, mais encore par les veines afférentes (venæ adve- hentes), désignées plus tard, par quelques anatomistes, sous le nom de veines de Jacobson. Dans le premier mémoire de Jacobson sur les veines rénales (1) Au point de vue des fonctions, il est bon de distinguer les glandes sécré- toires des glandes excrétoires. À cette dernière catégorie appartient le rein, dont le rôle principal consiste à séparer du sang des produits qui existent tout formés dans ce liquide, AD, RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 135 des Reptiles, communiqué à la Société philomatique de Paris, au mois de janvier 1813 (1), les veines afférentes paraissent être en- core considérées comme des veines de retour ordinaires, el sont simplement distinguées sous le nom de veines rénales inférieures. En 1817, le même anatomiste publia un mémoire (2) sur les veines rénales des Oiseaux et des Reptiles, et c'est dans ce travail seulement que le rôle afférent des veines inférieures est claire- ment indiqué. Quelque temps après, Jacobson annonça (3) qu'il avait étendu ses recherches aux Poissons, et que, chez ces Ovi- pares, les reins participaient aussi à la distribution da sang veineux. Enfin, en 1821 (4), il fit paraitre le résumé de ses travaux sur celle matière. La découverte de Jacobson eut le sort commun : elle rencontra des contradicieurs. Un anatomisie allemand, Nicolaï, qui reprit l'étude des veines portes du rein (5), leur reconnut ce rôle dans les Reptiles et dans les Poissons; mais il chercha à démontrer que, dans les Oiseaux, cet appareil veineux ne se retrouvait plus. Celle conclusion à été adoptée presque sans exception par les anato- mistes, et maintenant les idées de Jacobson sur la circulation ré- nale des Oiseaux sont généralement repoussées comme fausses. L'existence des veines portes rénales chez les Reptiles et les Batraciens fut à peine contestée ; nous ne croyons pas même que l'Allemagne l'ait jamais révoquée en doute. En France, cette ma- nière d'envisager le cours du sang fut accueillie avec plus de ré- (4) Recherches anatomiques et physiologiques sur le syslème veineux particu— lier aux reptiles, par L. Jacobson, pensionnaire de S. M. le roi de Danemark à l'Académie de chirurgie de Copenhague, chirurgien-major de l'armée. (Bull. de la Soc. philom., avril 4813.) (2) Ueber eine wichtige Function der Venen, als Beitrag sur Geschichte dieser Gejüsse (Auszug aus einer der Künigl. Soc. der Wissenschaften daselbst im Mürz 4816 vorgeleten Abhandlung.) Meckel's Archiv, t, IT, p. 147, A8A7. (3) Meckel's Archiv., t, LIL, p. 154, A817. (4) De systemate venoso peculiari in permultis animalibus observato, in-4°, Hafniæ, 4821. (5) Untersuchungen über den Verlauf und die Vertheilung der Venen bei eini- gen Vügeln, Amphibien und Fischen, besonders die Venen der Nieren belreffend (Isis, Bd XVIIT, 1826). 136 S. JOURDAIN. serve. Duvernoy, attaché aux anciennes doctrines, fut cependant ébranlé par quelques expériences qu'il avait tentées sur les Gre- nouilles (4) ; mais, n’osant se prononcer d’une manière définitive, il réclame de nouvelles recherches dans la voie expérimentale. En 1841, M. de Martino (2), répondant à ce désir, entreprend une série d'expériences sur cette question, et arrive à démontrer de visu que, dans les Reptiles et les Batraciens, le sang des veines de Jacobson entre réellement dans le rein. Pour la classe des Poissons, les idées de Jacobson ne tardèrent pas à être confirmées par Nicolaï (3) et Reinhard (4). En France, elles rencontrèrent un contradicteur dans Cuvier (5), et, devant l'autorité de ce grand nom, l'hésitation reparut dans quelques esprits; mais les travaux de M. R. Owen (6), de M. Bonsdorff (7) et de M. Hyril (8), ont établi, d’une manière irrécusable, l’exis- tence d’un appareil porte rénal chez ces Vertébrés. Malgré les nombreux et importants mémoires publiés sur les veines de Jacobson depuis plusieurs années, ce sujet, d’un si haut intérêt au point de vue physiologique, nous a paru réclamer de nouvelles études. Certaines questions, moins élucidées que les autres, devaient surtout fixer notre attention. Il fallait rechercher si les Oiseaux, auxquels on refuse généralement une veine porte rénale, en sont réellement dépourvus. I était bon de décrire plus (1) Leçons d'anatomie comparée de Georges Cuvier, rédigées et publiées par -L. Duvernoy, 2° édit., t. VI, Paris, 1839. (2) Voy. Ann. des sc. nat., 2° série, Zool., 4841,t. XVI, p. 305, le détail des vivisections de M. Martino, vivisections que nous avons reproduites, et dont les résultats confirment pleinement la découverte de Jacobson. (3) Ouv. cité. (4) De nova systematis venosi functione, qu® primum apud Aves el Amphibia a D. Jacobson detecta est, anatome venis Pleuronectis Soleæ insigniter affirmata. (5) Hist. nat. des Poiss., t. I, p. 516. (6) Lectures on the comparative Anatomy and Physiol. on the verlebrat. Anim., t. 1, p. 284. (7) Bidrag till Blodkärlsystemets jemforande Analomie Portven systemet hos Gadus lota (Acta Soc. scient. Fennicæ, 1. HI, p. 574, 1852). (8) Das uropoëtische System der Knochenfische (Denkschrift der Kaiserl. Akad. der Wissenschaft. zu Wien, 1854, t. IT, p. 27). G. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 137 exactement qu'on ne l'avait fait le petit appareil porte des corps surrénaux, annoncé par Ecker (1) chez les Ophidiens, soupçonné par M. Neugebauer (2) et affirmé par M. Gratiolet (3) chez les Oiseaux, et de s’enquérir des groupes où cet appareil pouvait se rencontrer. Les Reptiles et les Batraciens, quoique assez bien étu- diés dans leurs représentants européens, demandaient cependant des éclaircissements sur certains points de détails et sur quelques types négligés par les anatomistes. Nos renseignements sur les veines portes rénales des Poissons étaient très incomplets : des descriptions et des figures détaillées manquaient presque entière- ment dans la science. En même temps que nous nous efforcions de répondre à quel- ques-uns de ces desiderala, nous avons essayé, dans un travail d'ensemble, de réunir les documents épars dans un grand nombre d'ouvrages et de recueils scientifiques, et de retracer aussi exacte- ment que possible l'état de nos connaissances sur l'appareil porte rénal. Si, par cet essai, tout imparfait que nous le savons, nous rendons quelques services à la science, en provoquant les re- cherches et en facilitant les investigations des anatomistes, nous aurons atteint le but que nous nous étions proposé. PREMIÈRE PARTIE. CLASSE DES OISEAUX. APPAREIL PORTE RÉNAL DES OISEAUX. Avant de décrire l'appareil veineux rénal des Oiseaux et d’en— trer dans la discussion des faits anatomiques, nous allons analyser rapidement les principaux travaux publiés sur cette matière. (4) Der feinere Bau der Nebennieren beim Menschen und der vier Wirbelthier- klassen, in-4, Braunsweig, 4846. (2) Systema venosum avium cum eo mammalium et imprimis hominis collatum (Nova Acta Acad. naturæ curios., t. XXI, 1845). (3) L'Institut, 1853, p. 386. 138 S. JOURDAIN. Voici comment Jacobson, dans son mémoire de 4817 (1), com- prenait la veine porte rénale des Oiseaux : « La veine fémorale à son entrée dans le bassin, dit cet anatomiste, se partage en trois branches : 1° la branche supérieure se ramifie dans le lobe supé- rieur du rein; 2° la branche moyenne va déboucher dans la veine cave inférieure ou plus exactement se joindre à la veine émulgente, origine de cette veine; 3° la branche postérieure se dirige en arrière, se réunit à la veine ischiatique, et constitue ainsi une veine rénale postérieure plongée dans la substance du rein, et lui fournissant de nombreux rameaux. » Après avoir décrit d’une manière succincte comment la veine rénale postérieure, après avoir reçu certaines branches des parties profondes du bassin, va former l’origine de la veine porte hépa- tique, Jacobson ajoute : « Toutle sang veineux de la moitié posté- rieure du corps, et principalement celui des membres postérieurs, des coceyx, etc., se rend donc partie au rein, partie au foie. » En 1823, Nicolaï (2) entreprend de combattre Jacobson, et contesie l'existence d’une veine porte rénale chez les Oiseaux. Nous rappellerons plus bas les motifs sur lesquels s’estappuyé cet anatomiste, et nous les discuterons au point de vue anatomique et physiologique. A partir de cette époque, on a généralement refusé aux Oiseaux un appareil porte rénal, et les savants, qui ont nié cet appareil à l'exemple de Nicolaï, se sont presque toujours bornés à reproduire ses argumen(s. Dans son mémoire sur le système artériel des Oiseaux, Bar kow (3) donne une courte description des veines rénales du Coq; mais, guidé par les vues de Nicolaï, il considère toutes les veines comme efférentes. J.-F. Meckel (4) adopte la même opinion; il prétend de plus (1) Ueber eine wichtige Function, etc., ouv. cit. (2) Disquisitiones circa quorundam animalium venas abdominales præcipue renales, Berolini, in-8. — Untersuchungen, etc., ouv. cit. (3) Anatom.-physiol. Unters., vorsügl. über d. Schlagader-System d. Vôgel., Meckel's Archiv., 1830, p. 442, 443. (4) Syst. der vergl. Anat,, t. V. — Trad. franç., t. IX, p. 374. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 139 que, dans les Oiseaux de grande taille (Autruche, Outarde, ete.), on rencontre, à l'embouchure des prétendues veines afférentes, des replis membraneux tellement disposés, qu'ils rendent impos- sible l’afflux du sang au rein. Macariney (4) et Richard Owen (2) n'admettent point de veines rénales afférentes, Cuvier et Duvernoy (3) rejettent également l'interprétation de Jacobson. Dans son beau travail sur le système veineux des Oiseaux, M. Neugebauer (4) se rallie à la théorie généralement admise. Cependant on trouve dans son mémoire plusieurs faits peu favo- rables aux réfutations de Nicolaï. Stannius et tous les anatomistes de l’école allemande (5) n’ad- mettent point de veine porte du rein. En 1853, M. Gratiolet (6) publie sur cette question importante une note très intéressante. Il s'attache à démontrer l'exactitude des vues de Jacobson, en s'appuyant sur des arguments d’une va- leur incontestable. Ce travail passe presque inaperçu, et l'opinion de Nicolaï n'en continue pas moins de régner dans la science. M. CI. Bernard (7) aborde en passant ce sujet dans ses Lecons de physiologie : « I est difficile d'admettre, dit cet éminent phy- siologiste, que ce soit à un système jouant le rôle de veine porte rénale, c’est-à-dire fournissant du sang au rein pour la formation de lurine. Cela parail être au contraire un système de veines émergentes du rein, analogue aux veines hépatiques. » (1) Rees’s Cyclop. (2) The Cyclop. of Anat. and Physiol., edited by R, Tood, vol. I, 1836, p. 268 et 348. (3) Leçons d'anat. comp., 2° édit, t. VI, p. 224. (4) Ouv. cité. (5) Handbuch der Zoot., trad. franç., t. IT, p. 343. — R. Wagner, Lehr- buch d. vergleich. Anat., 1834, p. 483. — Burdach, Traité de physiol., trad. franç., t. VI, p. 193. (6) L'Institut, 1853, p. 386. (7) Leçons de physiol. expér. appliquée à la médecine, faites au collége de France, 4855, t. VI, p. 347. 110 S. JOURDAIN. Enfin, dans un livre destiné à faire époque dans la science (4), M. Milne-Edwards ne reconnait point de veine porte rénale dans les Oiseaux. Pour nous éclairer sur la valeur des arguments employés par les partisans et les adversaires de Jacobson, nous avons entrepris une série de recherches sur ce point controversé. Après des dis- sections attentives et multipliées, nous pouvons le déclarer à l'avance, nous sommes demeuré convaincu de l'existence d’une veine porte rénale chez les Oiseaux. Cette étude comprendra six chapitres : Cnap. I. — Description anatomique de l'appareil veineux rénal des Oiseaux. - CuaP. IT. — Description anatomique de certaines formes exceplion- nelles de l'appareil veineux rénal des Oiseaux. Cap. III. — Examen des objections. Cuap. IV. — Discussion des faits anatomiques. Cap. V. — Veine porte des corps surrénaux. Cuap. VI. — Déductions physiologiques. CHAPITRE PREMIER. Description anatomique de l’appareil veineux rénal des Oiseaux. Il n'entre point dans notre plan de faire une description minu- tieuse de toutes les branches qui sont en relation plus où moins directe avec l'appareil veineux du rein; on en trouvera dans la monographie de M. Neugebauer, à laquelle nous renvoyons, une énumération détaillée et complète (2). (1) Leçons sur l'anat. et la physiol. comparées de l'homme et des animaux, t. III, 2° part., p. 468. (2) La disposition si curieuse des veines pelviennes des Oiseaux paraît avoir été signalée pour la première fois par Perrault (Mémoire pour servir à l'histoire naturelle des animaux, in Mém de l'Acad. des Sc., depuis 1666 jusqu'à 1669, t. IL, 2° part., p.36). Voici comme il la décrit dans la Demoiselle de Numidie : « Le tronc de la veine cave étant parvenu un peu au-dessous du commence- RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 141 Il nous a paru indispensable cependant de revenir sur la dispo - sition générale des veines du rein, et d'insister sur un certain nombre de faits omis où dénaturés par la plupart des auteurs. Ces faits, bien que secondaires au premier abord, nous semblent néanmoins {rès propres à éclairer la physiologie des veines rénales. Il existe dans le rein des Oiseaux deux groupes de veines, dont l'origine, la distribution et le rôle, sont parfaitement distinets : un groupe externe et un groupe interne. $ L. Groupe veineux externe. (PI. 4, fig. 4 et 2.) C’est dans la veine fémorale (f) qu’il faut rechercher le point de départ de ce premier groupe. Cette veine constilue un tronc vo lumineux qui, après avoir franchi l'anneau de passage, entre dans la cavité abdominale , et reçoit communément la veine épigas- trique. La portion extra-rénale de la fémorale est généralement hori- zontale; mais d’autres fois elle affecte une direction plus où moins oblique de dehors en dedans et d'avant en arrière. Dans un Din- don, nous avons vu cette obliquité très prononcée. Parvenue à la scissure qui sépare le lobe antérieur des lobes postérieurs du rein, la veine fémorale se partage, sur-le-champ ou après un court trajet, en deux branches principales d’un ca- libre quelquefois inégal, mais dont la somme représente le calibre de la fémorale. De ces deux branches, la première, ou branche directe(fd), re- » ment des reins, se fendait en deux gros rameaux, dont chacun se divisait » encore en deux branches. L'une de ces branches se coulait le long du rein et » s'y attachait par plusieurs rameaux très courts qui étaient les émulgents, » L'autre branche se divisait aussi en deux rameaux, dont l'un faisait aussi la » veine rénale; l'autre passait sous le rein, venait se joindre au rameau oppo- » sile, el toutes deux ne faisaient qu'un rameau couché sur l'artère. » 112 S. JOURDAIN. monte plus ou moins obliquéement de dehors en dedans et d'arrière en avant, se Joint bientôt à une veine du groupe interne, l’émul- gente principale (r), et constitue ainsi l’iliaque primitive (à). Cette branche directe est mal représentée dans presque toutes les figures que nous avons pu examiner. Par un effet de certaines préoccupations théoriques, on lui attribue un volume supérieur à celui de la veine fémorale, ce qui est faux. M. Gratiolet est le seul qui ait indiqué nettement cette infériorité de calibre. Synonyme. — Jacobson appelle cette branche directe rameau anastomolique de la veine crurale avec la veine cave ou encore branche moyenne de la fémorale. C'est la veine iliaque (partim) de Nicolaï et de la plupart des auteurs. M. Gratiolet la désigne sous le nom de branche supérieure de la veine fémorale. La branche directe fournit à son origine la veine afférente (ra) du lobe antérieur du rein, dont le calibre est proportionné au dé- veloppement de ce lobe. Cette veine afférente se dirige oblique- ment de dehors en dedans et d’arrière en avant. Nicolaï nie cette inclinaison qui, en effet, contrariait sa théorie; mais elle nous a paru constante. M. CI. Bernard l'a représentée dans la figure qu'il donne des veines rénales du Coq russe (1). M. Neugebauer l’a re- produite exactement dans le même Gallinacé. La veine afférente antérieure entre ordinairement dans le lobe antérieur par le bord postérieur de celui-ci, puis s'enfonce de plus en plus dans l'épaisseur de celte portion avancée du rein, vers la face supérieure duquel elle distribue ses principaux rameaux. La veine afférente antérieure reçoit fréquemment quelques veines intervertébrales sacrées; mais ces dernières y débouchent latéralement, et nous n'avons jamais rencontré de veine interver- tébrale formant la continuation de l’afférente d’une manière aussi directe que l’a représenté M. Neugebauer. (Ou. cit., pl. XLVI, fig . li, 32.) Au lieu d’une seule veine afférente antérieure, on en trouve (1) Ouv. cit, t. Il, fig. 33, 5, 5. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 145 quelquefois deux ou trois, comme nous l'avons remarqué dans le Dindon, etc. On voit aussi l’afférente (r4) naître du tronc de la fémorale elle- même, de telle sorte que cette dernière veine parait alors se par- tager en trois branches ; c’est la disposition que Jacobson à regar- dée comme la plus générale. Carus et Otto, dans la figure des veines rénales du Cygne (1), ont omis la veine afférente antérieure. Synonymie. — Jacobson l'appelle branche supérieure de la veine crurale. Nicolaï la nomme veine rénale postérieure du lobule antérieur. Barkow confond tontes les veines du: lobe antérieur sous la dé- nomination de veines rénales antérieures. : M. Neugebauer la décrit sous le nom d’intervertébrale lom- baire. La seconde branche de la fémorale, que nous appellerons branche afférente postérieure anastomotique (fr), s'infléchit à son origine pour descendre vers la partie postérieure du rein. Cette courbure de la branche postérieure au moment où elle se détache de la fémorale, courbure que nous ne croyons pas dénuée de signi- fication, a été négligée par la plupart des anatomistes descripteurs, el ne se retrouve que par hasard dans leurs figures. Elle est in- sensible dans beaucoup de Passereaux, où la branche postérieure se porte fortement en dehors à sa naissance. Dans les cas où le tronc de la fémorale présente une direction très oblique d'avant en arrière et de dehors en dedans (Dindon), la branche postérieure est presque placée sur le prolongement de ce tronc veineux, et en parait être la continuation. Communément la branche postérieure anastomotique est en- tourée par la substance du rein, mais quelquefois (Vautour, Ca- riama) elle passe à la face supérieure des deux lobes postérieurs. Dans le Héron, cette même branche se partage en deux rameaux : lun passe sur la face inférieure du rein ; l’autre, d’un moindre vo- lume, en contourne la face opposée, recoit la veine ischiatique et les intervertébrales, et rejoint le premier à sa sortie de la glande. (4) Erlaüterungstafein, h. VI, pl. VI, Gg. 1. 1h S. JOURDAIN. La branche postérieure (fr)émerge du rein par la face supérieure ou la face inférieure de celui-ci, décrit une courbe à convexité postérieure, et, sur la ligne médiane, se réunit à son homologue du côté opposé. De ce confluent naît une grosse veine, origine pos- térieure de l'appareil porte hépatique : nous l’appelons veine iliaco-mésentérique (m). Ce vaisseau important, que Jacobson et, J.-F. Meckel nomment rameau anastomotique de la veine caudale avec la veine porte, est appelé rameau hépatique de la veine cau- dale par Nicolaï, veine mésentérique postérieure par Barkow et Duvernoy, veine hypogastrico-mésentérique où coccygo-mésenté- rique par M. Neugebauer. La branche fémorale postérieure (fr) a, pour affluents du côté interne, les intervertébrales sacrées, souvent reliées antérieure- ment à celles qui se jeltent dans la veine afférente antérieure. Par son côté externe, elle reçoit : 1° la veine eschiatique ct la veine obluralrice ; 2° un certain nombre de veines, nées des parties pro- fondes et postérieures du bassin, les veines honleuses, la veine culanée pubienne et les veines cutanée el musculaire inférieures de la queue (Neugcbauer, ouv. cit, S 154). Ce dernier groupe, qui représente une véritable hypogastrique caudale, forme un ou plusieurs troncs qui, en arrière du rein, se jettent dans la branche fémorale postérieure, dont ils augmentent notablement le vo- lume. Nous n’insisterons pas davantage sur ces différents vais- seaux, très exactement décrits par M. Neugebauer, dontnous avons adopté les dénominations. La branche fémorale postérieure fournit constamment au rein un grand nombre de rameaux; aussi Otto est-il certainement dans l'erreur, quand il prétend que, dans le Cygne, cette glande n’en reçoit aucune branche. Les divisions principales de la branche postérieure, qui s’en détachent généralement à angle droit, se rencontrent surtout vers la face supérieure du rein. On ne con- state point d'anastomose visible à l'œil nu entre la branche affé- rente postérieure et la veine qui longe le bord interne du rein; ces deux vaisseaux entre-croisent leurs ramifications sans jamais les confondre. L'existence d’une communication, telle qu’elle est représentée par Otto dans le Cygne (ouv. cité, nn), nous parait un fait controuvé ; il y a là certainement une inexactitude d'observa- RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. Lun) tion. N'oublions pas d'ajouter que M. Neugebauer à cherché vai- nement de semblables anastomoses. (Ouv. cit., $ 169.) Quant à ce qui concerne le calibre relatif des deux branches de la fémorale, on trouve des différences : tantôt la branche directe l'emporte sur Ja branche postérieure; tantôt, au contraire, la pre- inière ne parait guère qu'un rameau volumineux cle la seconde. Mais nous le répétons encore, parce que le fait tire à conséquence, la branche directe a, sans exception, un diamètre inférieur à eelui de la fémorale. Synonymie. — La branche afférente postérieure a reçu des ana- tomistes des noms variés, qu'il est bon de rappeler iei. C’est le rameau inférieur de la veine crurale de Jacobson. Le même anatomisle distingue aussi la portion située en avant de la veine ischiatique sous le nom de rameau anastomotique de la veine crurale avec la veine ischiatique. Nicolai appelle cette même portion veine hypogastrique, el applique au reste du vaisseau la dénomination de rameau latéral de la veine caudale. Barkow désigne la partie intra-rénale sous le nom de veine ré- nale postérieure, et la portion extra-rénale sous celui de veine hypogastrique. Le tronçon rénal est nommé veine rénale externe par Olto, et l'autre partie, veine caudale. J.-F. Meckel n'établit point de distinction et reconnait le vais- seau tout entier pour une veine caudale. M. Neugebauer décrit une hypogastrique rénale et une hypo- gastrique caudale qui est la même que la nôtre; de plus il appelle arc veineux hypogastrique la portion des branches affé- rentes postérieures droite et gauche, comprise entre l'embouchure des deux hypogastriques caudales. A ce point de vue, la veine iliaco-mésentérique nait donc de l'arc veineux hypogastrique. Duvernoy, M. R. Owen et M. Milne Edwards ont enfin assi- inilé la branche afférente postérieure à une véritable hypogastrique allant se joindre à la fémorale, i* série, Zoo. T. XIL, (Cahier n° 3.) ? 10 146 S. JOURDAIN, $ I. Groupe veineux interne, A la face inférieure des deux lobes postérieurs du rein, on ren- contre constamment un vaisseau d’un calibre considérable : c’est la veine rénale efférente postérieure ou émulgente principale (r). Cette veine, dont les divisions sont satellites des branches des artères rénales postérieures (5 et 6), étend ses principales ramifications sur un plan plus inférieur que la branche afférente postérieure. Née dans l'épaisseur du lobe postérieur (R’), elle remonte parallèle- ment au bord interne du rein, grossit rapidement, recoit dans les femelles plusieurs veines des oviductes, et va se réunir à la branche directe de la fémorale (fd) pour constituer l'iliaque primitive (à). Synonymie. — La veine émulgente principale, tronc commun de toutes les veines efférentes des deux lobes postérieurs du rein, est désignée par Nicolaï sous le nom de veine rénale interne des lobules médian et postérieur. Barkow la nomme veine rénale moyenne. C'est la veine rénale interne d'Olto. Neugebauer l'appelle grande veine rénale. La veine efférente du lobe antérieur du rein va déboucher per- pendiculairement dans l'iliaque primitive, qui longe le bord in- terne de ce lobe. Toujours plus volumineuse que la veine exferne ou afférente antérieure, ses branches, qu'accompagnent les divi- sions de l'artère rénale antérieure, se comportent comme celles de l’émulgente principale. Souvent, au lieu d’une seule veine efférente antérieure, on en trouve deux, trois et même davantage ; mais, dans tous les cas, ces veines vont se rendre dans l’iliaque primitive. Synonyme. — Nicolai désigne la veine efférente antérieure sous le nom de veine rénale interne du lobule antérieur. Ce sont les veines rénales antérieures (partim) de Barkow. Otto ne l’a point représentée dans sa figure des veines du Cygne, RECHERCHES SUR BA VEINE PORTE RÉNALE, 147 CHAPITRE II. Description anatomique de cer@ines formes exceptionnelles de l'appareil veineux rénal des Oiseaux. SL Émeu. Dans l'Émeu (Dromaius ater) on rencontre des dispositions anatomiques différentes de celles que présentent les Oiseaux ordi- paires, et, comme ces formes exceptionnelles sont de nature à jeter quelque lumière sur la constitution de l'appareil porte rénal dans cette classe, nous y insisterons quelques instants. Chacun des reins de l’Émeu est formé d’un lobe antérieur et d’un lobe postérieur plus ou moins subdivisé. Au bord interne du lobe postérieur, nous retrouvons un vais- seau volumineux ayant ses racines dans le rein et tout à fait com- parable à la veine émulgente principale des Oiseaux ordinaires. Comme celte dernière , il se réunit à un trone veineux placé dans la seissure transverse du rein et entre dans la constitution de l'iliaque primitive. Au segment postérieur de la veine fémorale, qui pénètre dans l'abdomen au niveau de la scissure rénale, aboutissent deux veines que nous désignerons provisoirement par les lettres A et B, pour faciliter la description ef pour ne rien préjuger sur leur nature. La veine A naît des parties profondes et postérieures du bassin et forme, de chaque côté des vertèbres coccygiennes, un tronc analogue à l’hypogastrique caudale, On ne tarde pas à voir ces deux hypogastriques s’anastomoser sur la ligne médiane et donner naissance à une grosse veine, recevant les hémorrhoïdales infé- rieures, et qui n'est autre chose que l'iliaco-mésentérique. Ce dérnier vaisseau recoit encore à sa naissance le tronc commun des veines coceygiennes internes et externes. Après s'être anastomosées, comme nous venons de le dire, 148 S. JOURDAINX. les deux veines À se séparent de nouveau. Chacune des veines ainsi reconsliluées remonte le long du sacrum, en reçoit des branches et, après s'être réunie à la veine ischiatique, débouche dans le tronc fémoral. . La veine B présente un intérêt tout spécial. Elle se détache du tronçon vasculaire compris entre le point d’abouchement de la veine émulgente principale en dedans, et celui de la veine A en dehors. Elle éprouve à son origine une courbure tout à fait sem- blable à celle du rameau fémoral postérieur des Oiseaux ordinaires, puis se place en arrière dans un sillon que lui présente la face inférieure de la glande urinairk, au côté externe de la veine émul- gente principale. Vers la partie postérieure du rein, la veine B se recourbe en dehors. contourne le bord externe de cet organe, à la face supérieure duquel elle se bifurque, pour déboucher dans la veine A. Dans un Émeu que nous avons disséqué, la veine B présentait du côté droit une particularité intéressante à noter. Au moment où elle se recourbait pour atteindre le bord externe du rein, elle émettait une branche assez volumineuse, se divisant bientôt en deux rameaux secondaires. L'un allait se réunir à la veine À, tandis que l’autre s’anastomosait avec la veine iliaco-mésenté- rique. La veine B offre un calibre un peu plus fort dans le voisi- nage du tronc veineux dont elle naît. Quant à ses rameaux intra- rénaux, ils ont une distribution tout à fait semblable à ceux de la branche postérieure afférente des Oiseaux ordinaires. Du segment antérieur du tronc fémoral nait une forte branche veineuse qui longe le bord externe du lobe antérieur du rein, au- quel elle abandonne de nombreux rameaux. Par son inelinaison sur le tronc qui lui donne naissance, de même que par sa lermi- uaison, elle rappelle complétement la veine afférente rénale an- térieure. A la face inférieure et au bord interne du lobe antérieur, on retrouve un groupe de veines très développées, qui vont se rendre dans l'iliaque primitive et qui représentent les veines efféreutes d2 ce lobe. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, Aa Maintevant quelles dénominations convient-il d'imposer à la veine A et à la veine B ? Nous n’hésitons pas à reconnaitre la première pour l'iiaque interne : son mode d'origine, les veines qu'elle reçoit, sa réunion au tronc fémoral, nous paraissent juslifier suffisamment cette assimilation. Le tronc unique résullant de la confluence de la veine fémorale et de la veine iliaque interne devient évidemment l’analogue de l'iliaque primitive. Quant à la veine B, nous ne croyons pas qu’elle ait d’homo- logue dans les Mammifères.C’est à notre sens une voie circulatoire nouvelle, en rapport avec les conditions spéciales de la sécrétion rénale chez les Oiseaux; autrement dit, c’est une veine porte du rein qu'on voit apparaitre. Celle veine, dérivation de l’iliaque primitive, présente dans l’'Émeu, un indice de cette communica- lion constante qu’on rencontre dans les Ciseaux ordinaires, entre la branche afférente postérieure et l'appareil porte hépatique. Pour se rendre eomple alors du mode de formation de la veine affé- rente postérieure des Oiseaux normaux, on peut imaginer que la veine B reliée déjà, dans l'Émeu, à l'hypogastrique, qui devien - dra de plus en plus sa tributaire, finisse par recevoir les affluents ordinaires de cette dernière veine, et en définitive, l'absorbe en quelque sorte à son profit, pour fournir plus abondamment au rein et conslituer à elle seule l'origine de l'iliaco-mésentérique. S IL. Apleryx, On doit à M. Richard Owen (1) une descriplion anatomique de cet Oiseau singulier. D'après cet illustre anatomiste, on ne trouve- rait dans la disposition des veines du rein rien qui püt faire soup- conner l'existence d’une veine porte chez ce vertébré. Le rein de l'Apteryx forme une masse unique, sans distinction de lobes ; le tronc fémoral passe transversalement à son extrémité antérieure, (1) On the Anatomy of the Southern Apteryæ (Transact. of the Zool. Societ . t. 11, p. 275, 276, pl. 50). 150 S. JOURDAIN. et se réunit à une large veine accolée au bord interne de l'organe urinaire. Cette veine interne, destinée à recueillir le sang veineux du rein, s’anastomose en arrière avec son homologue, pour donner naissance au tronc iliaco-méseztérique. La conclusion tirée par M. R. Owen nous paraît parfaitement légitime : avee une telle disposition anatomique, il ne peut exister de veine porte rénale. Mais comme cette veine unique pour cha- cun des reins, formant par une anastomose postérieure avec sa congénère la veine iliaco-mésentérique, constitue un fait totale- ment exceptionnel, il sera intéressant d’en faire l’objet d’un exa- men spécial sur des individus appartenant à la même espèce. CHAPITRE I. Examen des objections. Avant de discuter les fails anatomiques, nous allons passer en revue les principales objections dirigées par Nicolaï et par Mee- kel contre la théorie de Jacobson. Les objections de Nicolaï peuvent se diviser en deux groupes, par suite de leur double objet : le premier groupe concerne les vaisseaux des deux lobes postérieurs du rein, le second se rapporte exclusivement à ceux du lobe antérieur, 1° Partie postérieure du rein. — Son premier argument, Nico- laï le fonde sur la manière directe dont la veine hypogastrique va déboucher dans la veine fémorale. — A ce premier chef nous répondrons que la prétendue veine hypogastrique de Nicolaï n’est qu'une branche de la fémorale, que cette dernière alors ne la recoit pas, mais lui donne naissance. L’objeclion d’un abouche- ment direct doit done être transportée à la partie postérieure de la veine'anastomotique, à l’endroit où elle se réunit à sa congénère pour former l’iliaco-mésentérique. Nous ne voyons pas là de diffi- culté sérieuse ; on ne peut rien inférer de ce mode d’abouchement sur le rôle des veines qui se perdent dans le rein; il ne prouve qu'une chose, c’est qu'une portion du sang de la branche fémorale RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 151 postérieure passe outre, sans entrer dans le rein, et va former l'origine de la colonne porte hépatique. Nicolaï rappelle ensuite que dans certains Oiseaux la veine hy- pogastrique est située en dehors du rein. — Que la veine anaslo- motique soit entourée ou non par la substance rénale, cette situa- tion n'implique rien sur la nature des branches qui pénètrent toujours dans le rein. Cette position superficielle est même un trait de ressemblance de plus avec les Reptiles, chez lesquels le tronc de la veine afférente se trouve constamment en dehors du rein. La veine hypogastrique, suivant Nicolaï, augmente de volume (grôsser und stârker wird) à mesure qu'elle reçoit les veines ré- näles. — Si, comme nous le prétendons, cette veine hypogas- trique est une branche postérieure de la fémorale, destinée, en partie au moins, à fournir des rameaux afférents aux deux lobes postérieurs du rein, elle doit perdre de son calibre à mesure qu'elle perd du sang. Nicolai d’ailleurs semble s’exagérer cette augmentation de diamètre, assez peu prononcée cependant. On a peine alors à concevoir qu'un vaisseau qui reçoit une grosse veine ischiatique, des veines vertébrales et enfin des veines ré- nales nombreuses, devienne seulement un peu plus gros, paullulo tantum crassior fit, comme le dit très exactement M. Neugebauer (ouv. cit., S 166). Il y avait là une invraisemblance fâcheuse, que Nicolaï aura sans doute entrevue, et à laquelle il s'est efforcé d'échapper. Cet anatomiste assure enfin, que les branches rénales de l’hy- pogastrique vont se réunir à cette veine en formant un angle aigu, à ouverture postérieure, disposition qui indique leur rôle efférent. — Une pareille inclinaison, en supposant qu'elle fût constante, ne serait certes plus une objection, si nous renversons le cours du sang dans la veine hypogastrique. Bien qu'il y ait des variétés sous le rapport de l'incidence de ces veines, généralement elles naissent perpendiculairement de la branche fémorale posté rieure. Cette disposition avait déjà frappé M. Neugebauer, qui la signale d’une manière toute particulière dans son mémoire el la compare à celle des veines du foie (ouv. cit., $ 169). 152 S. JOURDAIN. 2 Partie antérieure du rein. — Les objections qui concer- nent le lobe antérieur du rein se réduisent à trois. La veine afférente antérieure de Jacobson ne formerait pas, avee Je tronc dont elle naît, un angle aigu disposé de façon à fa- voriser l’afflux du sang dans le lobe antérieur. — Il y a là une erreur d'observation manifeste. Ainsi que nous l'avons fait re- marquer, en décrivant celte veine antérieure, elle nait de la branche direete de la fémorale ou de la fémorale elle-même sous un angle tel, qu'une portion du sang de ce vaisseau doit y entrer facilement et se répandre dans le lobe où elle se ramifie. La veine crurale deviendrait plus grosse, après avoir recu la veine du lobe antérieur. — A cette objection nous répondons par un fait que tout le monde peut vérifier sans peine; c’est que la veine crurale, après avoir recu cette veine antérieure et surtout la veine hypogastrique de Nicolaï, diminue de volume d’une ma- nière notable. En dernier lieu, Nicolaï invoque l’origine de la veine rénale antérieure aux trones de conjugaison de la colonne vertébrale ; par conséquent si celte veine est afférente, comme le veut Jacob- son, une partie du sang qu'elle transporte doit entrer dans le canal vertébral, ou bien ce liquide doit se mouvoir dans une direc- lion contraire aux deux extrémités de ce vaisseau.—[La veine rénale externe du lobe antérieur, telle que l'entend Nicolaï, comprend en réalité deux veines qu'il est utile de distinguer au point de vue de la cireulation rénale. Elle est formée de la veine rénale affé- rente antérieure proprement dite, dont les rameaux ne sortent pas du lobe antérieur, puis d’ane ou plusieurs veines intervertébrales qui viennent se jeter dans celte veine antérieure , et qui jouent, par rapport à elle, le même rôle que l’iléo-lombaire de Gruby joue, dans les Grenouilles, relativement au tronc de la veine de Jacobson : ce sont des affluents latéraux de celte veine. On voit, par ce qui précède, que les critiques de Nicolaï sont loin d’avoir la valeur qu'on leur attribue trop genéralement, et qu'elles reposent soit sur des observations anatomiques inexactes, soit sur des déductions erronées. Les objections de J.-F. Meckel (Traité général d'anat. comp. , RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 153 trad. frane., & IX, p. 374.) ne nous paraissent pas avoir un fon— dement plus solide. Nous avons recherché avec une grande atten- tion ces prétendus replis en forme de valvules, qu’il signale, dans dans les gros Oiseaux, à l'embouchure des rameaux intra-rénaux de la branche fémorale postérieure (veine caudale de Meckel) et nous n'avons découvert rien de semblable. Nous sommes donc porté à croire que le célèbre anatomiste allemand a été vicüme d’une illusion. CHAPITRE IV. Discussion des faits anatomiques. Après avoir répondu aux principales objections dirigées contre la théorie de Jacobson, cherchons à interpréter les faits que l’ana- tomie nous a fournis et à légitimer cette dénomination d’afférentes que nous avons imposée à une partie des veines du rein. Quand, sur un Oiseau dont l'appareil veineux et l’appareil arté- riel du rein ont été remplis par une injection, on vient à comparer le volume relatif des veines efférentes et des artères qui les accom- pagnent, on estfrappédela disproporlion exceplionnelle, qui existe constamment entre ces deux ordres de vaisseaux. Chaque lobe rénal reçoit en effet une artère unique et très grêle, tandis que les veines efférentes ont un calibre incomparablement plus considé- rable. Il devient évident dès lors que ces veines ne se bornent point à rapporter le sang fourni au rein par les artères, mais encore qu'elles doivent ramener à la veine cave postérieure une certaine quantité de fluide nourricier provenant d’une autre source. Si maintenant, à l'exemple de Nicolaï, on range parmi les effé- rents l’ensemble des veines externes, la disproportion entre les artères et les veines dépasse toutes les limites imaginables. Qu'on admetle, au contraire, que les veines du groupe externe contribuent concurremment avec les artères rénales à fournir du sang au rein, les veines efférentes présenteront le développement qu'elles doivent avoir, et nous retrouverons un rapport de calibre 4154 S. JOURDAIN. bien équilibré entre les vaisseaux qui entrent dans l'organe uri- naire ef ceux qui en sortent. Si d’ailleurs les artères étaient les seuls afférents du rein, leur. gracilité et leur petit nombre contrasteraient avee le développe- ment de cette glande, et seraient peu proportionnés à l’activité et à l'abondance de la sécrétion urinaire (4). La comparaison des artères et des veines qui se rattachent à l'appareil vasculaire du rein, conduit également à attribuer un rôle spécial à quelques-uns des vaisseaux à sang noir. Nous avons déjà montré que les veines efférentes sont constamment accompa- gnées par les artères rénales, et par suite se comportent absolu- ment comme les veines rénales efférentes des Reptiles. Remar- quons de plus que la veine fémorale et sa branche directe sont satellites de l'artère crurale (2), et que la veine ischiatique (s), l'hy- pogastrique caudale (2) et les veines co ceygiennes (cy) suivenfVe même trajet que les artères correspondantes (3, 7, 8). En dehors de ces veines, qui conservent avec les artères les rapports habituels, nousdécouvrons un autre groupe veineux, le groupe externe, celui- là même que nous avons déterminé comme afférent, qui est complé- tement indépendant du système artériel. Il est digne de remarque, par exemple, que la veine efférente externe du lobe antérieur (ra) (Nicolaï) n'ait point, comme la veine interne, une artère collaté- rale, que la fémorale (2) pouvait si aisément fournir, La même remarque est applicable à la branche fémorale postérieure (fr) : si elle représentait réellement une hypogastrique, pourquoi n’aurait- elle pas son artère correspondante, comme l’hypogastrique cau- dale? Les veines externes se trouvent absolument dans le même cas que les veines rénales afférentes des Reptiles : elles sont indé- pendantes des artères. Il est une autre considération, à laquelle nous attachons me grande importance, c’est l'existence d’un double appareil veineux non-seulement pour chaque lobe, mais encore pour chaque lobule (1) On sait que dans tout organe sécréteur, dont les produits sont empruntés au sang artériel, le calibre des artères est en rapport avec l’activité de la sécré: tion. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 155 du rein. Nous avons déjà signalé ce fait, et indiqué l'allure parti- culière aux veines externes. Quand on remplit séparément et avec une injection différemment colorée les veines externes et les veines internes, après avoir préalablement placé une ligature sur la branche fémorale directe, il est facile de reconnaitre que chaque lobule du rein reçoit des ramifications veineuses des deux sources que nous venons d'indiquer. Si ces deux ordres de vais- seaux ne sont point réunis par des anastomoses visibles à l'œil nu, ilne faut point s'imaginer néanmoins qu’ils soient totalement indé- pendants et distinets. Ils communiquent par l'intermédiaire d’un réseau compliqué de capillaires (4), qu’on peut encore démontrer par le mode, d'injection dont nous parlions à l'instant. . Les deux appareils veineux n’ont done point chacun une sphère d'action localisée et ne sont point affectés à un département sé- paré de la glande urinaire, comme on l’observerait si ces deux appareils étaient efférents, chacun pour sa part. Comme les ra- . meaux de la veine porte, les veines afférentes se distribuent à chacun des lobules du rein et se comportent par rapport à ceux-ci d’une manière spéciale et caractéristique. Nous avons établi comme un fait sans exception, l'infériorité de volume de la branche fémorale directe par rapport au tronc fémo- ral ; il est donc impossible d'admettre que tout le sang de ce der- nier vaisseau passe dans la veine cave postérieure par celte branche directe. I faut alors qu'une portion du fluide nourricier entre dans la veine rénale afférente antérieure d’une part, et dans la branche postérieure anastomotique de l’autre. | (4) Dans un prochain travail, nous décrirons avec détail le réseau capillaire rénal des Oiseaux et ses rapports avec les tubes urinifères, sujet que nous croyions avoir abordé le premier, mais sur lequel M. Hyrtl a déjà publié des documents intéressants (Beiträge zur Physiol. der Harnsecretion, Zeitschrift d. K: K. Gesellschaft der Aerzste zu Wien, red. v. K, Haller. März 4846). Qu'il suffise de dire, pour le moment, que chaque lobule du rein est pourvu une veinule centrale, racine de la veine efférente, et de ramuscules circumlo- buläires, terminaison de la veine afférente. Un réseau capillaire, enlaçant les ubes urinifères, fait communiquer ces deux ordres de vaisseaux, qui rappellent msi la disposition bien connue des ramifications ultimes de la veine porte et “des veines hépatiques dans l'intérieur du foie. 156 S. JOURYAIN. On se rappelle que l'angle sous lequel la veine afférente anté- rieure se détache de la veine fémorale est très favorablement disposé pour qu’une portion de la colonne sanguine s'engage dans cette veine antérieure et soit ainsi distraite au profit du lobe antérieur. Quant au sang des veines intervertébrales, il vient se mêler à celui de la veine afférente, et ne contrarie pas plus le courant, que les autres intervertébrales ne le troublent dans la branche fémorale postérieure. La dernière portion de la colonne fémorale descend par la branche afférente postérieure anastomotique, qui n’est, de toute évidence, qu'une dépendance de la fémorale. Aux raisons que nous avons déjà exposées et qui militent en faveur du rôle afférent que nous reconnaissons à ses rameaux, vient se joindre celle-ci : si on les suppose efférents, comment expliquer qu'une veine recevant des affluents si nombreux, non-seulement n'augmente pas de volume, mais aille au contraire en diminuant légèrement de diamètre ? On pourrait peul-être, il est vrai, relourner contre nous un pareil argument, et nous représenter qu'une diminution de volume si légère est peu conciliable avec cette perte de sang que doit éprouver la branche fémorale postérieure, dans son trajet intra-rénal. L'’objection n'est que spécieuse et la réponse est facile. Si celte branche perd du sang par ses rameaux rénaux, elle en reçoit par ses affluents (veine ischiatique, ete.), alors, pour que son diamètre ne diminue que d’une petite quantité, il suffit que la perte excède le gain dans la même proportion (1). L'existence d’un appareil porte rénal acquiertencore un nouveau degré d’évidence quand on lient compte de l’analogie étroite et frappante qu'on observe entre l'appareil veineux rénal d’un Oiseau et celui d’un Batracien, par exemple. Dans une Grenouille, nous (1) On nous reprochera peut-être d'accorder une importance exagérée à l'évaluation comparativedudiamètredes veines rénales. Nous remarquerons cepen- dant que ces différences de calibre ont : 4° une valeur directe, en ce sens qu'elles ne constituent pas un fait isolé, mais qu'elles se sont retrouvées, avec la même signification, dans tous les Oiseaux que nous avons pu examiner ; 2° une va- leur indirecte, parce qu'elles se montrent en concordance parfaite avec les dé- ductions fournies par les autres dispositions anatomiques. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 157 trouvons en effet deux groupes de veines rénales. La veine effe- rente occupe le côté interne du rein, et ses branches se répandent à la face inférieure de cet organe; de plus, cette veine suit le même trajet que les vaisseaux artériels, et constitue la racine principale de la veine cave postérieure. Nous pouvons done cher- cher son analogue dans cette veine des Oiseaux, qui se place aussi au côté interne du rein, à sa face inférieure, dont les divisions sont subordonnées aux artères rénales, et qui constitue la racine principale de la veine cave postérieure. Dans les Grenouilles, la veine porte rénale a pour point de départ essentiel la veine fémo- rale, qui envoie en même temps une forte branche à la veine porte hépatique ; dans les Oiseaux ces deux conditions se trouvent complétement réalisées. Nous voyons encore la veine afférente, satellite de l’uretère, se placer, dans les Grenouilles, comme les branches homologues de la fémorale dans les Oiseaux, au côté externe du rein, se ramifier à sa face supérieure, et recevoir dans les deux cas les mêmes rameaux veineux. L'appareil veineux rénal des Oiseaux est donc établi fondamentalement sur le même plan que celui des Grenouilles, où lâ présence d’une veine porte du rein n’est révoquée en doute par personne. La seule différence consiste dans l'existence d’un rameau anas- tomolique, entre les veines afférentes et les efférentes, sorte de canal veineux rénal permanent (1). A priori, il y avait des raisons de s’attendre à trouver dans les Oiseaux, comme dans les Reptiles, une veine afférente du rein. L'acide urique parait se rencontrer surtout dans le sang veineux, et se convertir en urée dans Je sang hématosé, en vertu d’une oxygénation dont il est facile de se rendre compte (2). Aussi, (4) Cette forme de l'appareil veineux hépatique, que M. Bernard a fait con naître chez le cheval, et qui se retrouve chez plusieurs autres mammifères, rap- pelle la constitution de l'appareil porte rénal des Oiseaux. Les veines anasto- motiques, qui font communiquer la veine porte avec la veine cave inférieure, peuvent étre comparées à la branche fémorale directe : comme celle-ci, elles permettent à une portion du sang des veines afférentes de se mêler directement au courant efférent. {2} Celle conclusion que nous laissons sous forme dubitative, et à laquelle nous 158 S. JOURDAIN. quand le rein élimine de grandes quantités de’cet acide, comme dans les Reptiles, on voit cet organe recevoir du sang veineux par des veines afférentes. Il était done présumable que, dans les Oiseaux aussi, une veine porte apportait au rein les urates dont l'urine de ces vertébrés est presque entièrement composée. CHAPITRE V. Veine porte des corps surrénaux. Dans les Oiseaux, les corps surrénaux (PI. I, fig. 3.)possèdent, comme le rein, deux sortes de veines bien distinctes. Au côlé interne existe une veine relativement volumineuse (es), collatérale de l'artère surrénale et qui va déboucher dans la veine cave postérieure (c). La veine externe (ps) suitun trajet plus compliqué. Dans certains Oiseaux, elle est constituée par une portion variable de la veine vertébro-costale où vertébrale postérieure de Rathke, puis par une veine eulanée dorsale, qui pénètre dans Ja cavité tho- racique, au niveau du bord postérieur de l’avant-dernière côte. Cette veine cutanée reçoit une ou deux veines intercostales in- ternes, et se réunit au trone de la vertébro-costale au moment où celte dernière va se ramifier dans le corps surrénal. Dans d’autres cas, le tronc de la veine surrénale externe est formé par une veine cutanée perforante :(p), recevant une ou deux intercostales et autant d’intervertébrales (st). L'Oie est un exemple de cette disposition. Cette veine externe envoie, chez plusieurs Oiseaux, un rameau anastomotique aux intervertébrales sacrées qui entrent dans la veine porte rénale. Dans l’Emeu, la veine surrénale externe est reliée à la veine afférente du lobe antérieur du rein par une branche volumineuse. étions arrivé, indépendamment des expériences de Frerichs et de Wehler, est en désaccord avec les idées de M. Bernard (Leçons sur les prop. physiol. et les altér. pathol. des liquides de l'organisme, L. IK). Sans vouloir discuter ici la valeur de cetteopinion, nous ne pensons point que celte oxydation de l'acide urique soil inconciliable avec les faits physiologiques et pathologiques. D I RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 159 Nous n’hésitons pas à regarder la veine externe comme faisant fonction de veine porte du corps surrénal. Déjà, en 1844, M. Neugebauer, dans sa Monographie du sys- tème veineux des Oiseauæ, avait entrevu le véritable rôle de la veine exterñe. Se fondant sur le volume plus considérable de cette veine au moment où elle pénètre dans le corps surrénal, et sur l'absence de communication directe entre ce même vaisseau et la veine interne, il avait pensé qu’elle pourrait bien apporter du sang veineux à cet organe (1). Quelques années plus tard, dans sa note sur l'appareil porte rénal des Oiseaux, M. Gratiolet admet l'existence d’une veine affé- rente, au côté externe des corps surrénaux, chez le Coq domes- tique, le Canard, le Cariama et le Rhynchote. La présence d’une semblable veine nous parait constante : nous l'avons rencontrée pour notre part sur plus de trente espèces appartenant à des types variés. - Si l’on pousse une injection par la veine interne, on la voit * passer facilement dans la veine externe, et vice versd. Cependant, ainsi que M. Neugebauer l’avait constaté, ces deux vaisseanx ne communiquent pas d’une manière directe; ils sont reliés l’un à l'autre par un réseau capillaire, dont les mailles entourent les vé- sicules closes du corps surrénal. Ce double système rappelle done tout à fait par sa manière d’être les veines afférentes et effé- rentes du rein des Reptiles. Par hypothèse, supposons la veine externe efférente; il faudrait admettre qu’elle diminue de diamètre, à mesure qu’elle reçoit de nouvelles branches veineuses, puisque la veine surrénale externe surpasse toutes les branches qui s'y rattachent. Et d’ailleurs, où irait-elle aboutir ? frait-elle se réunir aux veines du canal verté- bral? L'infériorité relative de calibre de la veine intervertébrale, unique dans certains cas, que reçoit la veine surrénale afférente, ne permet pas d'accueillir cette supposilion. On ne peut non plus la regarder comme l’origine postérieure de la veine vertébro- costale, En effet, quand la veine externe est constituée par une (1) $ 484, Hanc (venam) forsitan glandule isti sanguinem advehere pulo. 160 S. JOURDAIN. veine cutanée dorsale recevant des intervertébrales et des inter- costales en petit nombre, elle ne communique que par des rameaux très déliés avec la portion antérieure de l’azygos thoracique. Il faut reconnaitre, dans l’azygos thoracique des Oiseaux, deux portions distinctes, dont l'extension relative varie suivant les espèces : 1° une portion ascendante débouchant antérieurement dans la veine vertébrale commune; 2° une portion descendante, afférente au corps surrénal, et communiquant, dans certains cas, avec les afférents du rein lui-même. Cette scission dans le courant de l’azygos thoracique s'établit de deux façons principales : dans le canal vertébro-costal, ou en de dans du canal vertébral. Le premier procédé est facile à saisir dans l'Émeu (Dromaius alter). Quand on examine avec soin lPazygos thoracique dans sa longueur, voici ce qu'on remarque : à une hauteur variable, on voit sortir, par un des trous de conjugaison, une veine interverté- brale volumineuse qui se divise en deux branches : une branche descendante qui en paraît être la continuation, et qui forme l’origine : de la portion descendante de l’azygos thoracique; une branche ascendante, beaucoup plus grêle, point de départ de la portion antérieure de celte même veine. Remarquons la simplicité du moyen employé par la nature : pour étendre ou pour restreindre la portion descendante, il suffit que la veine soit pincée en quel- que sorte, à une distance plus où moins grande du corps surrénal. Quand la scission a lieu dans l’intérieur du canal vertébral, le sang des veines intercostales moyennes, comme l'a bien saisi M. Neugebauer, entre dans le canal vertébral, et se réunit à celui des veines intra-rachidiennes. L'ensemble de ces veines se dispose de manière à déterminer deux courants : un courant afférent aux corps surrénaux, sortant par les derniers trous de conjugaison des vertèbres dorsales, et un courant ascendant qui se jette dans la vertébrale commune. La plus grande obscurité règne malheureusement sur les usages des corps surrénaux. De quelle manière modifient-ils le fluide nourricier qui les traverse? Pourquoi dans les Mammifères les voyons=nous recevoir uniquement du sang artériel? Pourquoi dans es Ted RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 161 les Oiseaux recoivent-ils en outre du sang veineux par un vaisseau spécial ? Telles sont les difficultés dont la solution ne nous parait “pas possible dans l'état acluel de la science. Iest cependant intéressant de noter cette espèce de solidarité qui semble exister entre le rein et ces corps énigmatiques. Nous les voyons tous deux participer en même temps à la distribution soit du sang artériel seulement, soit du sang artériel et du sang veineux. D'ailleurs la branche anastomotique, que nous avons si- gnalée entre la veine surrénale afférente et la veine porté du rein, établit entre ces deux organes une relation curieuse, qui tron- vera peut-être un jour son explication. CHAPITRE VI. Déductions physiologiques. Dans les Mammifères, la veine cave inférieure et l'appareil porte hépatique ont une origine distincte, el malgré les communi- cations restreintes qui existent soit au niveau de l’orifice cardiaque de l’æsophage, soit par l'entremise des veines hémorrhoïdales, on peut les considérer comme deux voies circulatoires indépendantes. Chez |’ Homme, la réunion de la veine caveinférieure avec l'appareil veineux entéro-mésentérique n'a lieu qu'au-dessus du foie, tandis que chez certains Mammifères (Cheval, Lapin, Chat) elle a lieu au-dessus et au-dessous de celte glande. Jusque dans ces derniers temps, les influences “réciproques de la veine cave el de la veine porte hépatique avaient échappé aux physiologistes. Les expé- riences de M. CI. Bernard sont venues démontrer que, même chez les Mammifères, le sang veineux n’est pas étranger à la sé- crétion urinaire, et que, sous l'empire de cette sorte de congestion veineuse accompagnant la période active du travail digestif, le sang de la veine porte pouvait refluer directement ou indirecte - ment vers le rein par la partie supérieure de la veine cave infé- rieure. Le sang noir n'entre donc dans le rein que d'une manière intermittente ; habituellement les matériaux de la sécrétion uri- paire sont apportés par l'artère rénale, dont le volume est en #° série. Zouz T, XIL. (Cahier n° 3.) 3 A1 162 S. JOURDAIN. rapport avec l'abondance et l’activité de cette sécrétion. Les corps surrénaux sont dans le même cas que le rein, et normalement ils ne reçoivent que du sang rouge. Chez les Oiseaux, où la combustion vitale s'effectue avec une activité et une énergie si puissantes, il semble, qu'au poumon de- venu impuissant à dépurer suffisamment le sang veineux, viennent en aide, comme agents dépurateurs accessoires, le foie, le rein et les corps surrénaux. On dirait que l’économie, pressée de purger le sang noir des produits de désasshnilation qui y abondent, se hâte de le faire filtrer à travers les organes que nous venons de nommer, et le prépare de la sorte à recevoir, d’une manière plus efficace et plus complète, l’influence de l'oxygène. Par suite, on voit apparaitre dans cette classe des modifications du système veineux sous-diaphragmatique, en rapport avec ces besoins nouveaux de l'organisme. Une veine porte se crée pour apporter au rein la plus grande partie des matériaux de la sécrétion urinaire. Le petit nombre et là gracilité des artères rénales, la simplification des glomérules de Malpighi (1), attestent assez combien le système artériel est déchu de son importance, et combien son rôle est secondaire au point de vue de la sécrétion rénale, En outre, la veine porte s’est largement ouverte à son origine : elle n’est plus, comme dans les Mammifères, limitée au système digestif sous-diaphragmatique et à ses annexes glandulaires : elle devient pour ainsi dire une branche de la veine cave qui, chemin faisant, reçoit les afluents ordinaires de la veine porte hépatique et en remplit alors l'office. Enfin les corps surrénaux sont traversés par du sang noir, et nous voyons se constiluer une division particulière de l’azygos thoracique en rapport avec l'apparition de cette petite veine porte. La circulation sous-diaphragmatique se trouve alors profondé- ment modifiée. Le sang de la veine fémorale se partage en deux (1) Cette simplification des glomérules dans les Oiseaux avait été déjà aper- çue par M. Hyrtl(Zeitschr, Wiener, elc.). Le glomérule ne se compose plus d’une touffe de vaisseaux, comme dans les Mammifères, mais d’une artériole unique, diversement contournée et pelotonnée sur elle-même. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 165 colonnes principales : une première colonne qui va constituer la veine cave postérieure, et une seconde remplissant une vaste arcade veineuse, que nous appellerons l'arc rénal hépatique. Une portion relativement minime du sang veineux des parties sous-diaphrag- maliques va done directement au cœur, tout le reste traverse préalablement deux glandes importantes : le rein et le foie. Nous pouvons de la sorte considérer le système eave postérieur comme composé fondamentalement d’une double arcade, dont les deux branches internes se confondraient en une seule, la veine iliaco-mésentérique, faisant fonction de veine porte hépatique, et dont les branches externes traverseraient chacune le rein qui leur correspond. La fusion de ces trois branches en un trone unique formerait la partie sus-hépatique de la veine cave postérieure. La branche moyenne se résoudrait complétement en capillaires dans son trajet intra-hépatique; pour les deux branches externes, la résolution serait incomplète au niveau du rein, par suite de la présence de la branche fémorale directe. L’are veineux rénal hépatique possède donc une portion intes- tinale recevant des veines des organes digestifs, et une portion rénale recevant des veines des organes de relation. Chacune de cés portions est soumise à des influences physiologiques spéciales, dont nous devons dire quelques mots. L'arc rénal hépatique est complétement dépourvu de valvules dans sa portion intra-rénale et dans sa portion intestinale ; entre ces limites, €’est une sorte de tube vasculaire, dans lequel le cou- rant sanguin n'aura pas une marche toujours régulière et une direction constante el uniforme. Si nous supposons un Oiseau en dehors de la période digestive, l'appareil porte hépatique, médiocrement rempli de sang, permet à la portion rénale de l’are veineux une déplétion assez facile ; Ja tension du sang dans cette partie doit donc être assez faible. Que l'Oiseau vienne à mettre en mouvement ses membres postérieurs, la tension du sang augmentera dans la veine fémorale, et par suite dans toute l'étendue de l’are veineux, ce fluide devra done être sollicité à traverser le rein en plus grande abondance. Si nous envisageons le cas d'un Oiseau de proie, qui, après s'être repu, 164 S. JOURDAIN. reste, pendant la période digestive, dans une espèce de lorpeur, la cireulation veineuse subira des modifications intéressantes. A ce moment, le système digestif sera le siége d’une pléthore vei- neuse : la portion intestinale de l’are veineux gorgée de sang fera obstacle au courant fémoral. Ce conflit entre les deux colonnes sanguines déterminant une tension considérable dans la branche fémorale postérieure, le rein sera congestionné. Il pourra même arriver qu'un véritable reflux du sang intestinal se produise vers le rein; en effet, l'immobilité dans laquelle reste l’'Oiseau affai- blissant l'énergie du courant fémoral, la tendance au mouvement rétrograde en sera moins contre-balancée, et d’une autre part l’anastomose à plein canal unissant la veine porte rénale à la veine porte hépatique facilitera beaucoup ce mouvement. Nous retrouvons donc chez les Oiseaux un ordre de phéno- mèênes comparables à celui que nous rappelions il y a quelques instants, et que M. CI. Bernard a mis en lumière dans les Mam- mifères. Pendant la pléthore digestive, le sang de la veine porte reflue vers le rein ; seulement la différence des dispositions ana- tomiques chez les Mammifères et chez les Oiseaux amène dans le mécanisme de ce phénomène des modifications curieuses. Ce n’est plus vers la portion hépatique de la veine porte et par la veine cave inférieure que le reflux a lieu; c'est à la partie postérieure de la veine porte hépatique, par cette large anastomose qui la relie à la veine porte du rein, qu’en vertu d'un mouvement rétrograde le sang intestinal passe dans la veine cave postérieure ou entre dans le rein. Dans les Mammifères, il y a intermittence dans l’afflux du sang noir vers l'organe urinaire ; dans les Oiseaux, il existe dans ce phénomène une permanence sujette seulement à des maæima et à des minima d'intensité. M. CI, Bernard suppose que, chez les Oiseaux, la portion rénale de l'arc veineux rénal bépatique remplace les chylifères dans l'absorption des matières grasses. Les corps gras, en effet, ne sont point absorbés par les chylifères, dont le contenu n'est jamais blanchâtre, et d'autre part ils ne doivent point traverser le foie, où ils seraient détruits. Notre théorie n'attaque en rien le rôle attribué à Pare veineux rénal, par l'illustre physiologiste que RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RENALE. 165 nous venons de citer. C'est pendant la période digestive, c'est-à- dire au moment où les graisses doivent être absorbées, que le reflux rénal à lieu; mais il faut admettre néanmoins qu’une petite portion seulement de ces matières grasses peut passer directement dans la veine cave inférieure, et que la plus grande partie tra- verse nécessairement le réseau capillaire portal du rein. Les disposilions anatomiques, d'accord avec les déduclions physiologiques, nous fournissent donc une confirmation remar- quable des idées de Jacobson sur la circulation rénale des Oiseaux. Qu'on se reporte à l'énoncé que nous en avons fait dans la partie historique de cette étude, et l’on verra que la manière si simple dont cet habile physiologiste comprenait l'appareil porte rénal est encore l'expression la plus nette et la plus précise du fait si impor- tant qu'il a découvert. CLASSE DES REPTILES. CHÉLONIENS. (PI. IT, fig. 3.) La découverte d'un appareil porte rénal n’était sans doute point connue de Bojanus au moment où il publia sa belle monographie de la Tortue d'Europe (1). Tous les détails du système veineux sont indiqués et figurés avec une rare exactitude ; mais le célèbre anatomiste a méconnu complétement le rôle de certaines veines du rein : toutes, en effet, sont désignées comme efférentes. Le travail de Nicolaï (2) contient une description détaillée des veines rénales de la T'estudo orbicularis. Ses recherches viennent confirmer la découverte de Jacobson. M. Delle Chiaje (3) a fourni des renseignements sur les veines portes rénales de la Tortue grecque ; mais il a publié de ces vais- seaux une figure d'ensemble beaucoup trop théorique. (1) Anatome testudinis Europæ, in-fol. Vilna, 1849. (2) Ouv. cit. (3) Dissertazioni sull analomia umana, comparata e patologica, t, 1, Nap. 166 S. JOURDAIN. M. Milne Edwards (1) a décrit brièvement les vaisseaux qui apportent le sang veineux au rein chez les Chéloniens, et il a bien fait sentir les relations qui existent entre l'appareil porte rénal et l'appareil porte hépatique. Nous avons examiné deux types parmi les Chéloniens : la Cistudo europæa et la Testudo græca. La disposition des veines est assez semblable dans ces deux Reptiles ; néanmoins ils présentent des différences qu'il est intéressant de mentionner. Nous adoptons presque exclusivement la nomenclature de Boja- nus, et nous ne ferons que compléter et modifier au point de vue du rôle physiologique la description qu'il a donnée des veines rénales. Des parties profondes et postérieures du bassin de la Cistudo europæa nail, de chaque côté, une veine qui augmente prompte- ment de volume par l’adjonction des veines obluratrice et fessière, et qui, après s'être recourbée de manière à décrire un are à con- cavité antérieure, passe près du cloaque dont elle recoit des veines, se réunit à la veine des corps caverneux et à quelques rameaux de la vessie, et parvient ainsi au bord postérieur du rein. Ce tronc veineux, que nous appellerons veine hypogastrique, passe à la face inférieure de l'organe urinaire, et va s’aboucher à plein canal avee une grosse veine qui entre par le bord antérieur du rein. Cette dernière est la veine azygos, que Bojanus nomme encore inter- coslale commune. L'azygos occupe le canal vertébro-costal; elle reçoit en dedans les veines spinales sortant par les trous de con- jugaison, et en dehors les intercostales, anastomosées plus ou moins largement à leur extrémité avec les ombilicales. En avant, la veine azygos communique par une pelile branche anastomo- tique avec la jugulaire antérieure ; en arrière, elle se relie de la mème manière aux dernières veines intercostales et aux caudales. La continuité à plein canal de la veine hypogastrique avec l’azy- sos conslitue, à la face inférieure du rein, un are veineux, dont naissent toutes les branches afférentes. Notons en même temps (1) Ouwv. cit. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 167 que la pression qu'exerce la colonne de sang antérieure ou azy- cos, sur la colonne postérieure ou bypogastrique animée d’un mouvement en sens contraire, doit favoriser l'entrée de ce liquide dans le rein. De la partie moyenne et du côté externe de l’are veineux rénal se détache un vaisseau volumineux, destiné sans doute à recevoir la portion du sang de l'hypogastrique et de l’azygos qui n’a pu en- trer dans les afférents du rein. Ce vaisseau est désigné par Bojanus sous le nom de veine iliaque, bien qu'il diffère notablement sous le rapport de la constitution et du trajet de la veine ainsi dénom- mée chez les Mammifères. La veine iliaque recoit la dernière veine inlercostale, franchit l'interstice du muscle transverse, et se réunit à ce niveau au tronc commun de plusieurs veines spinales communiquant en avant avec l’azygos el en arrière avec les caudales. La veine iliaque, après avoir été renforcée par une branche des museles adducteurs du bassin, par la circonflexe iliaque et par la crurale, prend le nom d’ombilicale. Ainsi constituée, elle passe sur le bord antérieur de l'arcade pubienne, et remonte le long de la paroi antérieure de l'abdomen entre le muscle oblique et le transverse. Les deux veines ombilicales, réunies au-devant de l'arcade du pubis par une bran- che anastomotique transversale, vont s'ouvrir séparément dans la veine porte hépatique. Les corps surrénaux de la Cistudo sont placés à la face infé- rieure du rein, et avaient déjà été figurés par Bojanus. Leurs afférents ne paraissent point avoir été connus des anatomistes, et cependant ils existent manifestement comme chez les autres Reptiles. Ils naissent de l’arc veineux rénal dans la Cistudo, et se résolvent en capillaires qui entourent les vésicules du corps surrénal. Bojanus, avons-nous dit, ne connaissait point les veines affé- rentes du rein, etn’avait point aperçu le réseau capillaire qui relie la veine porte rénale aux rénales efférentes ; il croyait à l'existence de veines anastomoliques directes entre la veine cave postérieure, qu'il appelle veine spermatique, el la veine supra-rénale. Il repré- sente cette prétendue anastomose pl. XXV, fig. 12% 0’. Slan- 168 S. JOURD3IN. nius (1) a reproduit une opinion analogue : tout en reconnaissant les veines afférentes, il prétend qu'elles cessent. de se décomposer en capillaires, et traversent simplement les reins. Nicolaï et M. Delle Chiaje ne partagent point cette erreur, et M. Milne Edwards surtout a indiqué celte décomposition en capillaires d’une manière très précise. La veine cave postérieure naît de trois sources principales : 4° de la réunion des rameaux elférents du rein; 2° des veines du testicule et de l'ovaire, que Nicolaï regarde à Lort comme tribu- laires de l’obluralrice; 3° des veines efférentes des corps surrénaux qui vont quelquefois se jeter en partie dans les veines génitales. Ces différentes veines forment au bord interne de chacun des reins un trone volumineux, offrant des dilatations qui le font ressembler à un sinus; ces deux troncs se réunissent bientôt en une veine cave postérieure unique. La description que donne Nicolai des veines de la Testudo orbicularis ne diffère pas essentiellement de celle que nous venons de faire de la Cistudo europæa. Cependant l'individu disséqué par cet anatomiste présentait du côté gauche une anomalie intéressante, et qui est un nouvel argument en faveur de cette solidarité d’ac- lion si intéressante que l’on constate entre le rein et le foie. Tan- dis que du eôté gauche l’azygos faisait comme d'habitude fonction de veine afférente antérieure, du côté droit le même vaisseau se attachait en grande partie à l’ombilicale, et par conséquent à un affluent de la glande hépatique. Dans deux exemplaires de Testudo græca que nous avons exa- minés, l'azygos ne formait point de veine afférente antérieure, La veine hypogastrique décrivait au bord postérieur du rein un are veineux dont naissaient les branches rénales afférentes ; puis, après avoir reçu la dernière veine intercosto-spinale anastomosée largement avec l’ombilicale, elle se continuait comme veine ombi- licale. La disposition de ces dernières veines au niveau de l’arcade pubienne présentait aussi quelques particularités qui sont du do- maine de l’analomie descriptive pure. Dans la Testudo græca, (1) Manuel d'anatomie comparée, &. 11, p. 24%. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 169 l'origine des veines afférentes du rein doit être rapportée à la veine hypogastrique; la majeure partie du sang de l'azygos entre dans les ombilicales. Quelle extension doit-on donner aux veines afférentes du rein ? Faut-il admettre, et c’est dans cet esprit que notre description a été faite, que le surplus du sang de la veine hypogastrique et de l'azygos, qui n'entre pas dans le rein, passe par la veine iliaque? ou bien est-il plus rationnel, à l'exemple de Nicolaï, de reconnaitre celte troisième veine comme une nouvelle afférente ? Avec une fusion aussi complète que celle qui existe entre l'appareil porte rénal et l'appareil porte hépatique, il ne faut point chercher à assigner au courant veineux une direction constante et invariable. Si généralement, dans les Chéloniens, une portion du sang de la veine hypogastrique et de l’azygos entre dans la veine iliaque, il peut arriver, quand l'appareil hépatique est fortement congestionné pendant la période digestive, qu'un reflux ait lieu par les ombilicales jusqu’à la glande urinaire. CROCODILIENS. Jacobson (1) à indiqué d’une manière générale et très succinete la disposition des veines rénales des Sauriens, mais il ne parle point des Crocodiliens en particulier. Nicolaï (2) a donné une description des veines abdominales d'un Crocodile, mais celte partie de son travail, bien qu’assez com- plète, présente cependant quelque obscurité. M. le docteur Jacquart (3) a décrit d’une manière exacte et dé- taillée l'appareil porte rénal du Caïman à museau de Brochet. Sa description diffère assez notablement de celle de Nicolaï, ce qui s'explique sans doute par la différence des genres examinés par ces deux anatomistes. Nos recherches ont également porté sur le Caïman à musean de (1) De syst. venoso, etc. (2) Ouv. cit. (3) Mémoire sur plusieurs points du système veineux abdominal du Caïman à museau de Brochet (Ann. des sc. nat, 4° série, Zool.,t. IX). hw 170 S. JOURDAIN. Brochet ; malheureusement, nous n'avons pu disséquer qu'un seul individu, et encore était-il de petite taille et en assez mauvais état de conservation. Le résultat de nos investigations concorde par- faitement avec les dispositions mentionnées par M. Jacquart, aussi n’ajouterons-nous que certains points de détail. Toutes les veines de la queue se réunissent en un tronc impair, la veine caudale située dans le canal vertébral mférieur. Celte veine, dont le calibre est proportionné au développement considérable de cette partie du corps chez le Caïman, pénètre dans la eavité abdo- minale, longe quelque temps la face supérieure du cloaque, et se divise bientôt en deux branches (hypogastriques de M. Jac— quart) qui ne tardent pas à être réunies par un rameau anasto- motique transverse, dans lequel viennent déboucher des veines rectales et les obturatrices, d’après M. Jacquart. Ce rameau anastomolique volumineux, que Panizza avait déjà figuré (1), est-il bien réellement le ramus anastomotieus de Nicolaï, ainsi que le prétend M. Jacquart ? Un examen altentif de la description de Nicolaï nous a laissé les plus grands doutes à cet égard. Chacune des branches de bifurcation de la veine caudale, dit l’anatomiste allemand, s’unit par un rameau anastomotique à la veine crurale ct ischiatique, et conslitue un vaisseau unique qui s’avance vers le rein. On voit donc que, dans le texte, il n’est nullement question d’un arc veineux transversal, réunissant les deux branches de la veine caudale, mais bien de l’anastomose de chacune de ces branches avec les veines crurale et ischiatique du même côté. Au delà de l’anastomose transversale, les branches de la veine caudale redeviennent distinctes, et se divisent presque sur-le- champ, en deux rameaux importants : un interne, la veine rénale afférente où veine de Jacobson, et un externe plus gros, origine de l’ombilicale. V'eine rénale afférente. — La veine rénale afférente accom- (1) Sopra il sistema linfatico dei rettili recerche zootomiche, Pavia, 1835, pl. IV, fig. 3. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. AA pagne l'uretère, au côté externe duquel elle est située. Par- venue au rein, elle nous a paru se diviser en deux branches : 4° une branche inférieure satellite de l’uretère, et qui répand ses rameaux à la face inférieure et vers le bord externe du rein; 2° une branche supérieure, la seule mentionnée par M. Jacquart, qui se subdivise en plusieurs rameaux dans les sillons interlobu- laires. Ces deux ordres de rameaux se divisent de plus en plus dans la profondeur du rein et finissent par devenir capillaires; c’est done par l'intermédiaire d'un réseau capillaire que les afférents et les efférents communiquent ensemble. Sur ce point, nos recher- ches concordent parfaitement avec celles de M. Jacquart : pas plus que lui, nous n'avons rencontré ce prétendu ramus commu- nicans venæ renalis advehentis de Nicolaï, par lequel une partie du sang de la veine caudale passerait directement dans la veine cave postérieure. L'adhérence des veines rénales afférentes à la substance du rein est assez faible, aussi leur isolement à l’aide du scalpel est-il moins laborieux que celui des veines efférentes. Cette particularité paraît se rattacher à la présence d’une gaine, analogue à la capsule de Glisson, qui accompagne les divisions de la veine de Jacobson (Jacquart). Veines ombilicales. — La veine ombilicale à son origine est beaucoup plus volumineuse que la veine de Jacobson ; elle se di- rige obliquement de dedans en dehors et d’arrière en avant, puis se recourbe de liaut én bas, pour aller gagner la face interne de la paroi abdominale inférieure. Dans l’intérieur du bassin, la veine ombilicale reçoit, par son côté externe, la veine ischiatique et la veine fémorale ; par son côté interne, elle se joint à plusieurs veines vertébrales. Dans le Caïman que nous avons disséqué, chacune des veines ombilicales se divisait, à sa sortie du bassin, en deux branches qui, après un court trajet, se réunissaient de nouveau. Elles rece- vaient chacune, dans ce point, des veines d’une masse graisseuse bien délimitée, à laquelle Jacobson accorde une importance qu’elle ne paraît pas mériter. M. Jacquart a décrit avec beaucoup de soin 1972 S. JOURDAIN. et d’exactitude, le trajet et les anastomoses des veines ombilicales, qu'il appelle veines épigastriques où musculo-cutanées. Nous nous contenterons de rappeler ici que chacune des veines ombilicales se termine dans le foie par deux branches: une branche interne, s’abouchant à plein canal avec la veine porte intestinale; ane branche externe, se ramifiant dans le lobe du foie qui lui corres- pond. Nicolai avait déjà signalé cette double terminaison des veines ombilicales ; M. Jacquart a eu le mérite de la faire con- naître d’une manière plus complète, et d'en donner une bonne figure (pl. IV, fig. 2). Le sang qui a traversé le rein pour servir à la sécrétion uri- naire, est repris par des veines eflérentes, au nombre de deux ou trois pour chaque rein, et dont la réunion successive donne nais- sance à la veine cave poslérieure, unique dès l’origine. Cette veine remonte à la partie antérieure de la colonne vertébrale, en avant de l’aorte, et reçoit dans les mâles de nombreuses veinules des conduits déférents, ainsi que les veines des testicules. — Les veines intercostales et les veines spinales méritent une attention particulière. De chacun des trous de conjugaison de la colonne vertébrale, nait une veine spinale, qui va se réunir à la veine in- tercostale correspondante. Chaque veine intercosto-spinale est en outre reliée par un rameau anastomotique, parallèle à la colonne vertébrale, à la veine homologue qui la précède et à celle qui la suit. Cet ensemble de veines est le représentant des azygos. Au niveau des capsules surrénales, qui occupent la face supé- rieure de la portion des canaux déférents rgpliésten forme d’épi- didyme, il nous a semblé voir une ou deux "véines intercosto-spi- nales gagner le bord externe du corps surrénal et y fournir des rameaux afférents. Les veines efférentes de ce corps allaient se jeter dans la veine cave postérieure, qui ne présente rien de par- liculier à noter dans le reste de son parcours. On voit done que dans le Caïman à museau de Brochet, le sang de la queue, du cloaque et des organes copulateurs, chez les mâles, traverse, avant de retourner au cœur, deux organes glandulaires, le rein et le foie. La voie hépatique est notablement plus large que la voie rénale, et c’est à elle que viennent aboutir les veines LD] RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 173 des membres pelviens etde la plus grande partie du bassin. Le sans des testicules et des conduits déférents entre directement dans la veine cave postérieure. Quelques veines intercoslo-spinales four- nissent au corps surrénal du sang veineux, qui ne passe dans la veine cave qu'après avoir traversé les capillaires de ce corps. SAURIENS. Les renseignements que nous possédons sur les veines rénales des Sauriens sont peu nombreux et peu précis. Jacobson (1) en a parlé d’une manière très brève; M. Delle Chiaje (2) en a donné une description chez le Caméléon et chezles Lézards, avec des figures assez imparfailes ; enfin M. Corti, dans sa Monographie du Psammosaurus griseus (3), a décrit avec soin l'appareil porte ré- pal de ce Saurien. LÉZARD VERT. (Pl. 2, fig. 4.) La veine caudale (4) (coccygienne médiane, D. Chiaje), à son entrée dans la cavité abdominale, recoit, chez les mâles, les veines des organes copulateurs, et un peu plus en avant celles du cloaque et les dernières branches hémorrhoïdales. Parvenueà l'angle pos- térieur des reins, elle se place à leur face inférieure et se divise presque aussitôt en deux branches (2). Chacune de ces branches remonte le long du bord externe de l’uretère qui lui correspond el qui la sépare de la veine efférente, fournit au rein, surtout par son côté externe, plusieurs rameaux afférents, puis au niveau de l'échancrure rénale, se recourbe en dehors pour se continuer comme veine ombilicale. De la convexité de cette courbe naît une veine afférente, destinée à loute la partie du rein située en avant de l’échancrure dont nous venons de parler. Cette veine antérieure s'épuise complétement dans le rein, et occupe la même position relative que la première portion de la veine rénale afférente. (4) De syst., etc. (2) Dissertaz., etc. (3 22 ) De syst. vasorum Psammosauri grisei, gr. in-4, Vindob , 1847. 174 | S. SOURDAIN. Nous avons laissé la branche rénale de la veine caudale ou - veine de Jacobson, au moment où elle sortait du rein, formant alors la veine coccygo-rénale de M. Delle Chiaje, etallait se con- tinuer sous lenomde veine ombilicale primitive (5). Cette veine est renforcée en dehors par le tronc des membres pelviens(ä), et reçoit en dedans, la veine coccygienne latérale (4), ainsi que les premières intercosto-spinales. Alors la veine ombilicale descend vers la partie antérieure du bassin, se réunit à l'ischialique, contourne le bord antérieur de l’arcade pubienne, recoit les rameaux du corps grais- seux (Ad), et, confondue avec sa congénère (5°), alteint en défi- nitive le sillon du foie (#). De chacun des reins sort un nombre variable de branches effé-, rentes, se réunissant d'abord en un trone médian unique, mais qui à la hauteur de la scissure rénale éprouve une bifurcation. Les deux branches de cette bifurcation (a), situées chacune au bord interne du rein qui leur correspond, continuent à recevoir des veines rénales efférentes, ainsi que des rameaux très déliés des conduits déférents qui leur sont contigus, Elles remontent ainsi assez haut dans la cavité abdominale, accolées au bord interne deces mêmes conduits ; puis la branche gauche s’infléchit brusquement, après avoir reçu les veines testiculaires du même côté, et va, un peu en arrière du foie, se joindre à sa congénère. Ainsi se trouve for- mé le tronc unique de la veine cave postérieure (aa), dans lequel viennent déboucher les veines du testicule droit, placé beaucoup plus en avant que le gauche. Les corps surrénaux (pl. I, fig. 2, CS) du Lacerta agilis ont été exactement décrits par Ecker (4). Is ressemblent parfaitement à ceux du Lézard vert, Is ont la forme d’une bande étroite, pla- cée à la hauteur du testicule (@), à la face supérieure de l’épidi- dyme(D) et accolés, le droit à la veine cave (aa), et le gauche à la branche gauche de cette même veine (a). Nous les avons trouvés pourvus d’une veine porte de la manière la plus évidente. Elle est formée par deux où trois veines intercosto-spinales (4, 1,1), qui gagnent le bord externe du corps surrénal, et s'y anastomo- (1) Der feinere Bau der Nebennieren, p. 25. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 175 sent entre elles, de manière à constituer un vaisseau longitudi- nal_ Ce vaisseau, qui recoit quelques ramuscules très fins de l’épi- didyme, donne naissance à tous les rameaux afférents du corps surrénal. Les veines efférentes de ce corps entrent toutes dans la veine cave postérieure. Dans les Lézards, l’azygos mérite une attention spéciale. Éten- due depuis la jugulaire antérieure jusqu'à la queue, elle possède plusieurs centres de convergence qui fractionnent son courant d’une manière curieuse. Ainsi au niveau du foie, elle envoie plusieurs veines intercosto-spinales, faisant fonction de veines portes accessoires ; près du corps surrénal, elle fournit le petit appareil porte que nous venons de décrire. Les dernières inter- costo-spinales ont été interprétées autrement que nous ne l'avons fait. « Une partie du sang de la queue et des pattes postérieures, dit M. Milne Edwards (1) d'accord avec M. Delle Chiaje (2), parait pouvoir retourner au cœur sans traverser ni les reins, ni le foie par une double série de branches anastomotiques (ce sont les re- présentants des veines cardinales ou azygos dans cette portion du corps) qui lient entre elles les veines intercostales et qui débouchent dans les veines caves près du cœur. » Nous regardons les der- nières veines intercosto-spinales (3), non comme des branches de la fémorale, mais comme des affluents de la veine ombilicale, au même titre que la veine coccygienne latérale placée plus en arrière. Ce n’est que plus antérieurement, quand la veine cave s’est con- stituée, que le sang des parois du tronc se fraye deux routes opposées et se rend médiatement dans la veine cave postérieure, en dessus, et directement dans l’ombilicale, en dessous. (4) Ouv. cit. (2) Ouv. cit. (3) M. Delle Chiaje admet que la veine des pattes postérieures se divise en trois branches : une branche rénale afférente, une branche origine de l’ombili- cale et une dernière très grêle qui va s'anastomoser avec les veines vertébrales. Cette dernière fait partie de ce que nous appelons les dernières intercostales , et il n'y a aucune raison de l'en séparer. 176 S, JOURDAIN. PSAMMOSAURUS GRISEUS, D'après M. Corli (4), le Varan offre dans ses veines afférentes une disposition un peu différente de celle que nous venons de dé- crire. La veine eaudale se divise en deux branches, que cet anato- miste appelle veines sacrées droite et gauche, et après avoir recu quelques veines du bassin, s'unit, près de la pointe postérieure des reins, à la veine iliaque commune. C'est au niveau de cette anas- tomose que la veine rénale afférente prendrait naissance, comme dans le Caïman. Que lon supprime par la pensée toute la portion de la veine afférente qui, dans le Lézard, se trouve en arrière de la seissure transverse, et l'on aura une idée très nette de la ma: uière dont se forme la veine de Jacobson chez le Psammosaurus. M. Corti a décrit l'appareil porte des corps surrénaux et le trajet de la veine cave postérieure, avec les mêmes particularités que dans le Lézard. CAMÉLÉON, D'après la figure que M. Delle Chiaje a donnée du Caméléon, la constitution de l'appareil porte rénal serait assez différente de celle des Sauriens ordinaires, Chacune des branches de bifureation de la veine caudale entrerait par la pointe postérieure du rein, parcourrait toute la longueur de sa face inférieure, et irait s’abou- cher directement avec une azygos arrivant à l'extrémité anté- rieure de la glande urinaire. Il s'établirait ainsi une sorte d'arc veineux rénal comparable à celui des Cistudo, et fournissant au rein tous ses rameaux afférents. Cet are recevrait la veine coccygienne latérale, les branches des oviductes, et donnerait une branche qui, en s’unissant aux veines des membres pelviens, formerait l'origine de l'ombilicale. ANGUIS FRAGILIS, La veine caudale, qui recoit les mêmes afférents que dans les Lézards, se bilurque à son entrée dans la cavité abdominale pour (1) Ouv. cit. RECHERCIIES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 177 donner naissance aux veines de Jacobson. Chacune de ces veines reçoit un rameau grêle du bassin rudimentaire, émet une branche volumineuse à la racine de la veine ombilicale primitive, et re monte à la face inférieure du rein en dehors de l’uretère. Dans sa portion rénale, la veine de Jacobson se réunit à plusieurs veines intercostospinales qui contournent le rein, en passant par les échancrures que présente le bord externe de cet organe. Les veines caves ne diffèrent pas notablement de celles des Lézards. OPHIDIENS. Jacobson (1) n’a indiqué que d’une manière très générale la constitution de l'appareil porte rénal dans les Ophidiens. Schlemm, en 1826 (2), a fait connaitre d’une manière précise l'origine et le trajet des veines portes ; il s’est attaché, en outre, à démontrer la continuité des afférents et des efférents du rein par l'intermédiaire d’un réseau capillaire. Les docteurs Hopkinson et Pankoast ont publié une monographie du Python (3); la veine porte du rein y est complétement mécon- nue, et les figures qui accompagnent leur mémoire sont très im- parfaites. Duvernoy (4), dans l’ Anatomie comparée de G. Cuvier, donne une description de cette partie du système veineux; mais il est indécis sur le rôle véritable des veines rénales afférentes. M. le docteur Jacquart est entré dans beaucoup de détails sur le système veineux du Python; nous regrettons seulement que certains points aient été négligés par cet anatomiste, dont le tra- vail porte, du reste, le cachet d’une grande exactitude (5). (1) Ouv. cit. (2) Zeitschrift für Physiologie, Zweiter Band, h. 1, 1826. — Bulletin des sciences naturelles de Férussac, t. IX, p. 355. (3) On the Visceral Anatomy of the Python described by Daudin as the Boa reti- culata, read before the American Philosophical Society, nov. 2, 1832 (Transact. of the Amer. Phil, Soc., vol. V, new series, p. 421 et suiv., pl. XX). (4; Leçons d'anat, comp. de G. Cuvier, 2° édit., t. IV, p. 248. (5) Mém. sur les organes de la circulation chez le serpent Python (Ann. des sc. nat., 4° série, L. IV, 1855). #° série. Zooc, T, XIT, (Cahier n° 3.) 4 12 178 S, JOURDAIN. Nous avons pris pour type de cette description la Couleuvre à collier (Coluber natriæ). Chez cet Ophidien, la veine caudale est le point de départ de l'appareil porte rénal hépatique. Ce vaisseau commence à se bi- furquer avant son entrée dans la cavité abdominale, pour former les veines de Jacobson ou rénales afférentes. Ces dernières, après avoir reçu à leur origine les veines des corps caverneux chez les mâles, et les caudales latérales, pénètrent dans la cavité abdomi- nale, et se placent à la face supérieure du cloaque et du rectum, dont les veines doivent être comptées parmi leurs affluents. Les veines de Jacobson ne tardent pas ensuite à donner naissance chacune à une ou deux branches qui se soudent souvent en un trone unique, lequel va s’accoler au tube intestinal, et constitue l'origine de la veine mésentérique postérieure. Après avoir fourni ces branches importantes, les rénales affé- rentes, accompagnées chacune par luretère, et, en outre, chez les mâles, par le canal déférent correspondant, remontent jusqu'aux reins, en suivant un trajet flexueux. Dans ce parcours, elles" reçoi- vent : 1° des veinules de l’uretère; 2° des veines des canaux dé- férents ou des oviductes; 3° une veine pariétale antérieure ; 4° un nombre variable de troncs inlercosto-spinaux ou azygos partielles ; dans un des individus que nous avons disséqués, on comptait quatre de ces azygos pour la veine de Jacobson du côté droit, et trois seulement pour celle du eûté gauche. Parvenue à la glande urinaire, chacune des veines afférentes longe le bord externe du rein, toujours accompagnée par lure- tère, en dehors duquel elle est située. Les branches qu'elle fournit sont nombreuses ; elles s’enfoncent pour la plupart dans les inei- sures qui découpent en lobes la surface supérieure du rein, et elles vont se ramifier dendriliquement au milieu des canaux urinifères. La veine de Jacobson appauvrie par ses branches rénales, diminue de plus en plus de volume, et ses derniers rameaux vont se perdre à l'extrémité antérieure de la glande urinaire. Dans son trajet ré nal, la veine afférente continue à recevoir des rameaux veineux des conduits vecteurs du sperme ou des œufs, et les veinules de l'uretère. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 179 La veine porle rénale du Python, constituée fondamentalement comme dans la Couleuvre, parait présenter des communications plus multiphées avec la veine porte hépatique. Formé originaire- ment par les veines rectales, le tronc de la mésentérique posté- rieure est renforcé par plusieurs branches anastomotiques déta- chées des veines de Jacobson, et diversement subdivisées, ainsi que M. Jacquart l’a figuré. (PI. IX, fig. 2, n° 16, 27, 28, 29, 30 [A, 32, 54, 35].) De la réunion successive des veines rénales efférentes nait, au bord interne de chaque rein, un vaisseau qui se réunit à son congé- nère un peu en avant de cette glande, pour constituer le tronc de ‘la veine cave postérieure. Celle-ci reçoit d’abord les veines géni- tales gauches, puis les génitales droites, et arrive enfin au sillon du foie qui lui est destiné. Les corps surrénaux sont pourvus d’un petit appareil porte, que Ecker a démontré le premier, et qu'il a exactement décrit et figuré (Feinere Bau d. Nebennieren, p. 26-28, pl. I, fig. 9, 4,B). Ces corps sont {rès allongés, et occupent la même place que dans le Lézard. Leurs veines afférentes sont formées par deux ou trois troncs intercosto-spinaux, qui gagnent le bord externe du corps surrénal et s'y anastomosent en arcades. Ces arcades donnent naissance aux rameaux qui se distribuent au corps surrénal et s’y résolvent en capillaires. Ceux-ci en se réunissant successivement reconstituent plusieurs veines efférentes, qui se jettent dans la veine cave postérieure. Le tronc de la veine porte reçoit dans le voisinage de sa portion spiralée, une veine assez volumineuse qui descend jusque vers la naissance de la queue et à laquelle est suspendue une chaine de lobules graisseux plus ou moins développés. Cette veine, qui est apparemment lanalogue de lombilicale, en diffère cependant par son mode de formation, dans la Couleuvre. Elle ne constitue point une branche de la veine caudale, comme dans les Lézards par exemple : elle semble naitre en arrière, au milieu des appendices graisseux, et ne s’anastomose que d'une manière très restreinte avec les veines qui se rallachent à la rénale afférente. Dans cette ombilicale vient s'ouvrir une grande quantité de petits troncs vei- 180 S. JOURDAIN. neux, qui naissent de la paroi abdominale inférieure où ils forment une série d’anastomoses longitudinales. Dans le Python, la veine que M. Jacquart a nommée racine de la veine porte dans le yrand épiploon (n° 45, 46, 47, 48, 49, 50, a b'd', pl. IX, fig. 2.), nous paraît être aussi une ombilicale plus normale dans son origine que celle de la Couleuvre. Cette veine, simple antérieurement, est double en arrière : l’une de ses branches communique largement avec la veine de Jacobson droite (pl. IX, fig. 2, n° 31.), l’autre est en relation avec d’autres veines des lobes graisseux, allant se jeter dans la veine afférente droite. Dans la Couleuvre, le sang de la queue, des organes copulateurs mâles, du cloaque, des parois du corps dans toute la partie qui est située en arrière des reins, la plus grande portion de celui des conduits vecteurs du sperme ou de l'œuf, traverse le rein ou le foie. Dans la Couleuvre, la fusion entre l'appareil porte rénal et l'appareil porte hépatique est réalisée par des anastomoses directes entre ces deux ordres de vaisseaux, tandis que dans le Python, outre ces anastomoses, une fraction du sang de la veine de Jacob- son pourrait encore, d'après M. Jacquart, être transportée à Ja veine porte par la veine ombilicale. 2LASSE DES BATRACIENS. BATRACIENS ANOURES. GRENOUILLE, Déjà dans Swammerdamm (1) on trouve une description et une figure assez exactes des veines rénales de la Grenouille ; mais cet anatomisle n'avait point reconnu le rôle des veines afférentes. (1) Biblia naturæ, L. I, p. 834 et 796, pl. 49, fig. 4 m, n, o, ILeyde, 1738. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. ASL Nicolaï (1) a décrit les veines de ce Batracien, conformément aux idées de Jacobson. Meckel (2), Duvernoy (3), M. Delle Chiaje (k), etc., ont parlé assez amplement du système veineux des Gre- nouilles. Mais le travail le plas complet est dû à M. Gruby (5), qui a publié des recherches étendues sur ce sujet. Nous n’ajoulerons que peu de chose aux notions qu'on possède déjà sur les veines rénales des Grenouilles, si souvent étudiées par les anatomistes. Comme dans les Oiseaux, la veine fémorale est le point de dé- part de la veine porte rénale, el d'une portion notable de la veine porte hépatique. A son entrée dans la cavité abdominale, la veine fémorale se partage en deux branches, une branche antérieure ou rénale afférente et une branche descendante, racine de l’ombilicale. La branche antérieure ou veine de Jacobson, au moment où elle se détache du tronc fémoral, se porte obliquement d’arrière en avant et de dehors en dedans, puis monte directement en avant le long de l'os des iles et atteint le rein, au bord externe duquel elle s'accolle et dans lequel elle se termine. Sans parler d’une petite branche circonflexe qui se réunit à la veine de Jacobson, peu après que celle-ci s'est séparée du tronc fémoral, la veine afférente recoit par son coté interne, la veine ischiatique, vaisseau volumineux qui se ramifie à la partie postérieure de la cuisse. Un peu plus en avant, la veine afférente se joint encore de la même façon à une petile veine qui contourne la vertèbre coccygienne, et s’anasto- mose à la face supérieure et vers l'extrémité postérieure de cet os avec son homologue du côlé opposé. De la convexité de cette arcade veineuse sus-coccygienne nait de chaque côté une petite veine, qui va se jeter dans la fémorale, avant que ce dernier vaisseau ne pénètre dans le bassin. La veine que nous venons de décrire et qui n'est parfois qu'une branche de l'ischiatique, a été nommée (4) Ouv. cit. ) Ouv. cit. 3) Ouv. cit. ) Ouv. cit. 5) Ann. des sc. nat., 2° série, Zoo!., "1842, t. XVIL, p. 209, 230, pl. 9 et i0. Mémoire présenté à l'Académie des sciences le 4 novembre 1841. 182 S. JOURDAIN. veine tliaque transverse par Rusconi(L), qui l'a exactement repré- sentée : elle recoit des rameaux cutanés ascendants et descendants ainsi que la lymphe des cœurs lymphatiques postérieurs, de telle sorte qu'une grande partie de ce liquide traverse le rein, avant d’entrer dans la veine de Jacobson. Pendant que la veine de Jacobson longe le bord externe du rein, elle reçoit les veines des oviductes etla veine dorso-lombaire de M. Gruby. Les ramuscules capillaires qui couvrent la surface des oviductes, se réunissent en une grande quantité de petites veines qui, en s’anastomosant au bord interne de cet organe, forment des arcades dont naissent sept où huit troncs afférents à la veine de Jacobson. I faut pourtant en excepter le trone posté- rieur, qui, selon la remarque de M. Gruby, va se réunir aux veines ovariennes, affluents de la veine cave postérieure. La veine iléo-lombaire se compose de branches ascendantes et de branches descendantes. Les branches descendantes sont formées : 4° des coccygiennes latérales; 2° d’un certain nombre de veines naissant des museles abdominaux : ces dernièresse rassemblent en un trone qui cotoie le bord externe de l'os des iles. Les branches ascendantes peuvent être distinguées en interne et en externe. La branche interne remonte à une hauteur variable, le long des trous de conjugaison de la colonne vertébrale dont elle reçoit les veines spinales. La branche externe, à peu près parallèle à la pré- cédente, longe les extrémités des apophyses transverses ; elle re- coit, en dehors, des rameaux des muscles abdominaux et fournit, en dedans, dans l'intervalle de chacune des apophyses trans- verses, un rameau transversal qui la relie à la branche interne. Les branches ascendantes de l’iléo-lombaire représentent une azygos abdominale, modifiée dans sa distribution graphique par l'absence de côtes. La veine de Jacobson fournit au rein un certain nombre de branches, qui diminuent graduellement le calibre de ce vaisseau. Ces branches parcourent un peu obliquement d’arrière en ayant et de dehors en dedans la face supérieure des reins qu'elles (1) Riflessioni sopra il sist. lymph. dei Rettili, Pavie, 1845, L. IV, fig. 7. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 183 couvrent de leurs ramifications. Il n°y a pas lieu de distinguer, comme le fait M. Gruby, une courte et une longue branche de la veine de Jacobson : cette disposition est apparemment une varia- tion accidentelle. La seconde branche de la fémorale ou branche hépatique, se dirige de haut en bas et de dehors en dedans au-devant du pubis, reçoit la veine vésico-hémorrhoïdale et se joint à sa congénère pour former l’ombilicale. Les rameaux efférents du rein en se réunissant à la face infé- rieure de cet organe, donnent naissance à un certain nombre de branches dont la fusion sur la ligne médiane, constitue la veine cave postérieure. Mais auparavant, les rameaux efférents forment, en s’anastomosant largement entre eux, une série longitudinale d’ares veineux remarquables (Gruby, pl. 10, fig. 8). Ces ares sont bordés par des amas de granulations blanchâtres, appelés par Swammerdamm corpora heterogenea (ouv. cit., pl. 4, fig. 4, nn),et déterminés, la première fois par Rathke, comme les repré- enfants des corps surrépaux. Quelques-unes des branches qui rampent à la face inférieure des reins, au lieu d’aller se jeter di- reelement dans la convexité des ares veineux, nous ont paru se ramifier au milieu des granulations surrénales. Nous verrons que Ecker a observé de son côté une disposition fort analogue dans la Salamandre terrestre. Doit-on voir là un appareil porte, com- parable à celui qu'on retrouve constamment, dans les Reptiles, annexé aux corps surrénaux ? Nous n'osons l’affirmer; quoi qu'il en soit, nous recommandons ce point à l'attention des anatomistes, Les veines efférentes du rein reçoivent, avant d'entrer dans la veine cave, les veines des glandes génitales. Quant aux branches des corps adipeux, elles se rendent partie dans la veine cave, partie dans les veines efférentes. Nous devons à M. Gruby des renseignements intéressants sur le réseau capillaire intermédiaire aux veines afférentes et effé- rentes. Ce réseau est placé autour des canalicules urinifères; les parois des capillaires qui le composent sont très minces et trans- parentes, mais néanmoins bien visibles. Le diamètre de ces vais- seaux n’est pas le même chez toutes les Grenouilles ; il varie 184 S. JOURDAIN. de à 1 ètre. Les iles qui sont formées par ces vais- seaux sont ordinairement oblongues; leur longueur, très variable suivant la taille de l'individu, vari RE diamètre transversal éprouve aussi des variations : il ee che entre # et 4 de millimètre. Il y a ordinairement trois iles entre les capillaires afférents et efférents (Gruby, pl. 10, fig. 6). En résumé, le rein des Grenouilles reçoit une partie du sang du tronc fémoral, celui de la veine ischiatique, de la veine iliaque transverse dans laquelle s'ouvrent les cœurs lymphatiques, de la veine dorso-lombaire et la pre 4e totalité de celui des veines des oviductes. La veine cave postérieure est constituée par la fusion des veines rénales efférentes, réunies aux veines génitales et à celles des appendices graisseux. Nous avons cherché à établir que dans le cas où le rein rece- vait du sang veineux par une veine porte spéciale, l’urine deve- nait riche en acide urique. Chez les Grenouilles cependant, ce liquide contient de l’urée et par conséquent elles semblent contre- dire la règle que nous avons posée. Cette objection a été réfutée d’une manière satisfaisante par M. Gratiolet. Il faut remarquer, en effet, que le sang apporté aux reins par les veines de Jacobson, n’est pas du sang noir pur : il revient en grande partie de la peau nue des membres postérieurs et d’une portion du dos, et lil a éprouvé une oxygénation suffisante sans doute, pour transformer l'acide urique en urée. PIPA. Dans le Pipa, à en juger par la description donnée par C. Mayer (1), la disposition et les relations des veines rénales sont les mêmes que dans la Grenouille. Seulement nous ferons remar- quer que cet analomisle considère à tort l’ombilicale comme af- férente au rein, et qu'il commet une seconde erreur en admettant l'existence d’une veine porte du testicule et de l'ovaire. (1) Beiträge zu einer anatomischen Monographie der Rana pipa ( Nova «cta Acad. naturæ curios., vol, XII, 2° part., 1825,p. 544 et seq.). RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 189 BATRACIENS URODÈLES. SALAMANDRE. Les veines rénales de la Salamandre (pl. IL, fig. 3) ont été dé- crites par M. Delle Chiaje, malheureusement cet anatomiste a joint à son {ravail une figure peu exacte. M. Gratiolet, dans sa note sur le système veineux des Reptiles et des Batraciens, a indiqué quelques particularités curieuses des veines de la Salamandre terrestre. Nous avons choisi pour type de notre description la Salamandre aquatique ; les mêmes dispositions anatomiques se retrouvent dans la Salamandre terrestre, sauf quelques différences peu im- portantes, que nous indiquerons à leur place. La veine caudale (1), parvenue à l'extrémité postérieure des reins, se divise en deux branches (veines de Jacobson) (2). Chacune de ces dernières suit le bord externe du rein qui lui correspond, fournit de nombreux rameaux afférents, reçoit la veine coccy- gienue latérale, la veine ischiatique (4) et ne tarde pas à se joindre à la veine iliaque externe (3), qui entre transversalement dans le bassin. Le vaisseau (5), qui résulte de la confluence de ces différentes veines, déeritune courbure à convexité antérieure, descend ensuite vers la paroi inférieure de l’abdomen en contournant le bord an- -térieur du bassin, et s’unit enfin à son congénère sur la ligne médiane, pour former le tronc de l’ombilicale. La portion de la veine caudale comprise entre l’iliaque externe et l’ombilicale (ilia- que primitive de certainsanatomistes), reçoitles veines pubiennes, et une veine vésicale anastomosée avec les hémorrhoïdales et avec la coccygienne latérale, suivant M. Delle Chiaje. Du côté interne de l’arcade formée par la veine Jacobson et la fémorale réunies, naissent plusieurs veines qui constituent, au bord externe de la portion postérieure de chaque rein, un tronc longitu- dinal d'où partentles branches afférentes à cet organe. Cette veine, qui se prolonge plus ou moins, reçoit quelques veines intercosto- 186 S. JOURDAIN. spinales, ainsi que des branches de la portion des oviductes (7) ou des canaux déférents qui lui correspond. La veine afférente cepen- dant, ne tarderait pas à s’épuiser si elle n’était renforcée et prolon- gée par les intercosto-spinales, réunies aux veines des oviductes ou des canaux déférents. Ces veines forment ensemble une série d’arcades à la face supérieure du rein, et lui fournissent des ra- meaux afférents. Les veines intercostales (6) sont dignes de re- marque : elles s’anastomosent entre elles à l'extrémité des côtes rudimentaires, et reçoivent en ce point un grand nombre de branches des muscles abdominaux; mais de plus, ce qui n’a pas lieu dans les Grenouilles, leurs dernières ramifications peuvent être suivies jusqu'à la peau, où elles entourent d’un réseau capil- laire les glandes vénénifères si nombreuses annexées aux tégu- ments des Salamandres. Nous venons d'indiquer, comme entrant dans les afférents du rein, les veines des oviductes et des canaux déférents. Il existe, à l'égard de l’oviducte, une particularité dont nous devons la con- naissance à M. Gratiolet, et qui est un nouvel argument en faveur de la corrélation intime qu'on remarque entre le rein et le foie. On sait que les œufs de la Salamandre terrestre éclosent dans la partie postérieure de l’oviduele, qui se dilate d'une manière considérable pendant le développement des embryons. Cette por- tion de l'oviducte, distincte par ses fonctions, l’est encore par le mode de terminaison de ses veines. Ces dernières, qui semblent hors de proportion avec les afférents du rein, ne fournissent à cet organe que des ramuseules très déliés : elles se réunissent en un trone assez gros, qui contourne la poche incubatrice et va se rendre en serpentant dans la veine ombilicale. Le sang qui a traversé le réseau capillaire rénal coule dans un grand nombre de petites veines flexueuses, qu’on aperçoit à la face inférieure des reins. D’après Ecker (Feinere Bau, ete., p. 30) une portion du sang des veines rénales efférentes filtre au travers des corps surrénaux, avant de rentrer dans la veine cave postérieure. Cet anatomiste a remarqué que les branches, formées par la réunion des rameaux efférents de la face inférieure des reins, se subdivisent au voisi- RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 187 nage des corps surrénaux. Parmi ces rameaux de nouvelle for- mation, les uns passent entre les corps surrénaux et se rendent normalement dans la veine cave, les autres se distribuent à ces mêmes corps. Dans une grosse Salamandre terrestre, incompléte- ment asphyxiée par l'immersion dans l’eau tiède, Ecker a pu se convaincre, à l’aide de la loupe, qu'une grande quantité de sang veineux traverse de la sorte les corps surrénaux. La veine cave postérieure (a a) résulte de la confluence succes- sive des nombreuses veines eflérentes qui émergent des reins. Elle reçoit les veines génitales, réunies elles-mêmes aux branches des appendices graisseux (gg). Un peu plus en avant on y voit encore déboucher une veine azygos (az) quelquefois double anté- rieurement. Cette veine, indiquée à tort par M. Gratiolet comme entrant dans le rein, s'étend le long de la colonne vertébrale depuis le cou jusqu’au sommet du rein. Elle reçoit les veines in- tercostales (9aa) comprises dans la limite que nons venons d’in- diquer ; puis les rameaux (8aa) de toute la portion antérieure des oviductes. En avant elles communiquent avec les axillaires et en arrière, avant de s'ouvrir dans la veine cave postérieure, elles longent le bord interne de la portion la plus antérieure des reins, confondus et fort amincis en cet endroit, et en reçoivent quelques rameaux efférents. L Dans la Salamandre aquatique, le rein reçoit donc en définitive une portion du sang de la queue, du bassin et des membres pos- térieurs; l’autre portion se rend au foie par l’ombilicale. Aux afférents de l'organe urinaire il faut joindre les veines de la partie postérieure du corps et de l’oviduete, jusqu'au niveau de l’abou- chement de l’azygos thoracique dans la veine cave postérieure. Dans ce dernier vaisseau vient se déverser le sang du rein, des glandes génitales, des corps adipeux et de l’azygos thoracique. MENOPOMA. J.-C. Mayer (4) a décrit très succinctement la constitution de l'appareil porte rénal hépatique dans ce Batracien, et sa descrip- (1) Analek, für vergleich. Anat., 4° part., p. 75, 76, in-#, Bonn., 1825. 138 S. JOURDAIN, tion indique une grande similitude entre les formes de cet appa- reil chez les Salamandres et le Menopoma. BATRACIENS PÉRENNIBRANCHES. PROTEUS SERPENTINUS, La courte description que nous donnons des veines rénales du Protée est empruntée au mémoire de M. Delle Chiaje (4) sur ce curieux Pérennibranche. La veine caudale, parvenue dans la cavité abdorninale, se divise, un peu en arrière des reins, en trois branches : deux branches ré- nales ou veines de Jacobson, et une branche médiane, origine de l’ombilicale. Les veines de Jacobson longent le bord externe des reins, se joignent aux veines des membres postérieurs et fournissent chacune à la glande urinaire plus d’une douzaine de branches afférentes. Dans l'intervalle que laissent entre elles ces branches afférentes, vient aussise ramifier dans les reins un certain nombre de veines des parois du corps. La veine cave nait de la réunion des veines rénales efférentes ; elle recoit le tronc commun droit et gauche des veines des ovi- ductes, dans lesquelles viennent déboucher les veines ovariennes ; elle se grossit ensuite des veines surrénales, des azygos, des veines hépatiques supérieure et inférieure, des deux veines cystiques, ainsi que du tronc commun des veines pulmonaires droite et gauche. Enfin, avant de s'ouvrir dans le cœur, la veine cave pos- térieure se réunit aux jugulaires. (1) Ricerche anatomico-biologiche sul Proteo serpentino, in-4, Neapoli, 1840. (La suite à un prochain cahier.) ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU ET DE LA MOELLE ÉPINIÈRE Par le docteur N. JACUBOWITSCH. Avant de publier l’ensemble de mes travaux dans toute leur étendue, je me vois obligé de donner un exposé détaillé de mes recherches sur le système nerveux central en général et sur le cerveau ainsi que sur la moelle épinière en particulier. Quant aux premières de ces recherches, jeles ai faites en partie avec le savant distingué M. le docteur Owsyanikof, et elles ont été communiquées aux savants par des articles publiés en 1855 et 1856 dans le Bulletin de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg. Voici les principaux motifs qui m'ont engagé à publier maintenant ce mémoire. < 4). MM. Bidder et Kupfer ont publié un ouvrage (1) très re- marquable sous tous les rapports ; mais les résultats de leurs re- cherches sont si peu conformes à tout ce que j'ai observé là-dessus, que je me crois en devoir d’éclaircir les controverses, en sou- mettant un exposé de mes propres observations au jugement du monde savant. 2). Dans le cours de mes recherches, tant à Saint-Pétersbourg qu'à l’Institut physiologique de Breslau, j'ai observé une série de faits, dont les uns déjà connus ne servent qu'à confirmer ce que j'avais énoncé précédemment, et dont les autres, tout à fait nou- veaux, doivent être considérés comme un complément essentiel de mes premiers travaux. (1) Ueber die Teætur des Rückenmarks, Leipzig, 1857. 190 N. JACUBOWITSCH. Je dois dire d’abord que, relativement aux éléments qui consti- tuent le système nerveux central, je soutiens avee plus de force que jamais mes premières opinions, et que par conséquent j'ad- mets la présence des trois groupes essentiels d'éléments nerveux, à savoir : A. Les grosses cellules multipolaires avec plusieurs (1-8) gros prolongements qui se divisent ; elles communiquent entre elles, et se trouvent dans toute l'étendue de la moelle épinière, dans le cervelet et dans les tubercules quadrijumeaux. Quant à la moelle allongée, elles y manquent au contraire complétement, ce qui, certes, est un fait très intéressant et d’une haute importance. Ces grosses cellules multipolaires forment la commissure antérieure ; leurs groupes disposés symétriquement se réunissent d’une ma- nière tout à fait particulière, car cette commissure apparaît tou- jours comme un réseau de gros prolongements cellulaires, qui s’entre-croisent les uns avec les autres dans tous les sens pos- sibles. Dans toute l’éténdue de la moelle épinière jusqu’à la moelle allongée, on trouve une commissure de ce genre plus ou moins prononcée, selon la situation et le nombre des cellules qui varient dans différentes parties de la moelle, comme nous le verrons plus loin, Au commencement du calamus scriplorius où au sommet du quatrième ventricule, la commissure antérieure propremeut dite disparait, Elle est remplacée par l'entre-croisement des pyramides ou par leur décussation qui, elle-même, n’est que la continuation inmmédiale et la transformation de la commissure antérieure, car le réseau de cette commissure est insensiblement remplacé par un réseau de faisceaux nerveux, qui de là se continue jusqu’au cervelet, aux tubercules quadrijumeaux et au cerveau (pedunculi medullæ oblongatæ ad cerebellum, ad corpora quadrigemina, crura cerebri), et présente une structure particulière, c’est-à-dire celle qui est propre à la moelle allongée. Si, sans avoir égard à la moelle allongée, nous poursuivons nos recherches, nous retrou- vons la commissure avec les cellules en question dans le cervelet, dans la protubérance annulaire, etenfin dans les tubercules quadri- jumeaux. J'ai nommé ces grosses cellules multipolaires cellules de mouvement, parce qu'elles sont situées dans les cornes antérieures ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 191 de la moelle épinière; mais par là je ne veux nullement prétendre qu'il ne soit possible qu'elles aient encore une autre fonction ou même plusieurs autres fonctions à remplir, ce que l’on ne pourra démontrer d’une manière évidente que par des expériences di- rectes, si toutefois on parvient jamais à les faire. La même re- marque doit s'appliquer aux cellules que je nomme cellules de sensibilité, et dont je vais m'occuper. B. Les cellules, dites cellules de sensibilité, sont tout à fait fusi- formes, et possèdent ordinairement trois, jamais plus de quatre prolongements fins ; on en voit quatre seulement dans le cas où les cellules se présentent transversalement, c’est-à-dire dans le sens de leur plus grand développement. Les cellules de sensibilité sont quatre fois plus petites que les cellules du mouvement, et ne se trouvent pas exclusivement en dehors et du côté extérieur des cornes postérieures (comme je l'avais d'abord prétendu page 345 des Recherches microscopiques sur les origines des nerfs, etc., dans le Bulletin de l Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, Mélanges biologiques, 1. 1). Cette assertion n’est exacte que pour ce qui concerne l’origine du nerf accessoire de Willis. Du reste, les cellules de sensibilité se trouvent dans toute l'étendue de la moelle épinière à partir du cône médullaire et même dans les cornes postérieures ; elles sont diversement situées suivant les différentes régions de la moelle, mais toujours et de préférence au-dessus d’une ligne fictive qui passerait lransversalement par le milieu du canal central; elles dépassent même cette limite en quelques endroits, sans cependant se confondre avec les cellules de mouvement. On remarque des extensions de ce genre aussi bien dans les cellules de mouvement que dans les cellules de sensibilité; par exemple, à l’origine du nerf accessoire de Willis où on trouve les grosses cellules isolées à une assez grande distance dans les cornes postérieures, tandis que les petites y pénètrent très profondément. Ces extensions se montrent encore dans la région de la moelle située entre le renfle- ment sacré el le renflement brachial, et en partie aussi dans ces renflements eux-mêmes. De même que les grosses cellules, les cellules de sensibilité se réunissent entre elles sur un seul et même 192 N. JACUBOWITSCH. côté, et forment, en outre, comme les cellules de mouvement, des commissures bien manifestes : d'abord la connnissure postérieure dans toute l'étendue de la moelle épinière, ensuite une commis- sure dans le cervelet, une autre très développée dans la moelle allongée et le pont de Varole, et enfin une dans les tubereules quadrijumeaux. Les commissures des cellules de sensibilité pré- sentent cela de particulier qu’elles sont formées exclusivement par des prolongements cellulaires très fins qui se divisent, mais moins fréquemment que ceux des grosses cellules; car, jusqu'à présent, je n’ai encore rencontré qu'une bifurcation (et encore très rare- ment). Ces prolongements ne s’entre-croisent jamais, mais ils sont situés parallèlement à côté etau-dessus les uns des autres. Ils sont caractérisés par leur finesse et leurs contours excessivement fins; ils réfléchissent fortement la lumière, ce qui nous donne un moyen de ne pas les confondre avec d’autres filaments nerveux. C. Le troisième genre de cellules qu’on trouve dans le système nerveux central sont les cellules ganglionnaires que j'ai trouvées partout dans la moelle épinière, mais surtout dans la moelle allon- gée, le cervelet et les tubercules quadrijumeaux. Dans mon premier mémoire (page 377), j'ai dit à tort, mais non sans une apparence de vérité, qu'elles étaient pourvues d'un seul prolongement ; ce que je déclare être une erreur, car je les considère maintenant comme pourvues de deuæ prolongements très fins. Aux caractères clairs et bien connus de ces cellules, et sur les- quels on ne peut plus avoir de doute, il faut encore en ajouter d’autres que des recherches récentes plus exactes m'ont fait dé- couvrir, et qui m'ont porté à admettre deux espèces distinctes de cellules ganglionnaires : a. Des cellules ganglionnaires qu’on trouve dans les ganglions spinaux de la moelle épinière, dans tout le ganglion de Gasser du trijumeau et dans la commissure en fer-à-cheval des tubercules quadrijumeaux. b. Les cellules ganglionnaires qu'on trouve dans la moelle épi- nière, à partir du cône médullaire, dans la moelle allongée, dans le cervelet, dans les tubercules quadrijumeaux, à l’origine du mo- ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 193 teur oculaire commun et du pathétique, dans le ganglion du pueu- mogastrique , dans un ganglion microscopique spécial situé en dehors entre les feuillets du cervelet et l’origine du trijumeau et du nerf auditif, de chaque côté des pédoncules cérébelleux antérieurs, et qui envoie des fibres aux deux derniers nerfs, ensuite dans les ganglions splanchnique, cæliaque, et en général dans le cordon dit de communication du nerf sympathique. Ce sont ces dernières cellules ganglionnaires qui apparaissent à l'œil de l'observateur tout d'abord, même avant les cellules de mouvement et de sensibilité. Elles sont caractérisées par leur vo- ‘lume, en moyenne de moitié plus petit que celui des cellules gan- glionnaires de l'espèce, ensuite par leur plus grande transparence et l'aspect faiblement granulé que présente leur contenu, et enfin par des contours plus délicats, plus fins, plus réguliers. Elles forment aussi des commissures, et participent surtout à la forma- tion de la commissure postérieure dans la moelle épinière, ce que l'on peut voir aussi bien sur des coupes transversales que sur des coupes longitudinales ou horizontales de la moelle épinière et de la moelle allongée. Je ferai remarquer ici qu’en général les rapports entre le volume des cellules nerveuses différent beaucoup suivant les différents rameaux. Parmi les Mammifères, elles ont le plus petit volume chez l'Homme et le Singe. Mais le volume relatif de ces trois espèces de cellules nerveuses entre elles, c’est-à-dire le rapport entre le volume des cellules d’une espèce et le volume des cellules de l’autre espèce, est le même chez tous les animaux. Il y a une autre particularité non moins remarquable relativement au volume des cellules de la même espèce, c’est qu'il est très variable. On peut s’en convaincre facilement en pratiquant une section longi- tudinale on transversale sur un ganglion quelconque des nerfs spinaux, où ces différences de volume sont les plus frappantes. On voit constamment dans un seul et même ganglion des cellules pourvues du noyau et des nucléoles, dont le volume total ne dépasse pas celui du noyau d’une cellule avoisinante. De cette particularité, j'ai cru pouvoir déduire les conclusions suivantes : 1° que ces cellules nerveuses sont toujours en voie de 4" série. Zoor, T, XIL, (Cahier n° 4.) 1 13 194 N. JACUBOWITSCH. développement, et 2° qu'on ne doit pas s'étonner si, parmi les cel- lules de sensibilité, il s’en trouve quelques-unes qui sont quatre fois plus petites que celles de la première espèce, c'est-à-dire que les cellules multipolaires (cellules de mouvement). Dans une échelle comparative que je compte annexer à mon atlas, je donnerai un exposé exact des cellules de toute une série d'animaux, et notamment des cellules du Poisson, de la Grenouille, des Serpents, des Oiseaux, du Cochon d’Inde, du Lapin, du Mou- ton, du Chat, du Chien, du Singe, et enfin de l'Homme; on y trouvera indiqué à côté d’autres qualités de ces cellules, surtout le rapport de leur volume respectif. É Ce sont surtout les cellules de sensibilité qui se distinguent par la masse constante de leur volume, bien entendu dans un seul et même animal ; viennent ensuite les cellules ganglionnaires de la deuxième espèce. Malgré mille et mille recherches, je ne suis pas encore parvenu jusqu’à présent à démontrer d’une manière évi- dente qu'il y ait des cellules multipolaires dans les ganglions. Certes, jai assez souvent remarqué que les cellules ne sont pas toujours ovales ou rondes dans les ganglions; mais jé ne saurais admettre que cette forme soit autre que purement accidentelle, et produite ou par une compression mécanique, ou par l'effet astrin- gent de l’acide chromique, La couleur jaune ou brun jaunâtre que prennent les cellules sous l'influence de l'acide chromique n'est pas non plus constante, et ne peut ainsi servir comme caractère distinctif, unique et exelusif, pour reconnaître la différence qui existe entre les cellules nerveuses proprement dites, et les cellules ainsi que les autres éléments histologiques en général. En employant l'acide chro- mique dans ce but, on remarque les changements qu’il opère dans le tissu nerveux de la manière suivante : Toute la coupe, qu’elle soit longitudinale ou transversale, peut être uniformément colorée dans toutes ses parties; alors tout ce qui n'est pas transparent apparait comme une lache foncée avec des contours foncés, tandis que les parties transparentes de la coupe, c’est-à-dire le peu de tissu cellulaire qui unit les éléments entre eux, les vaisseaux et toules les cellules nerveuses, présentent une ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 195 couleur d’un brun jaunâtre ou d’un jaune clair. Il arrive encore que les petites cellules de sensibilité sont très fortement colorées, tandis que les grosses cellules multipolaires le sont peu ou pas du tout ; où bien le contraire a lieu, c’est-à-dire que les grosses cel- lules multipolaires apparaissent fortement colorées, et les petites cellules peu ou point du tout. C’est ce que nous voyons d’une part dans la moelle épinière, de l’autre dans les tubercules quadri- jumeaux dans le cerveau, le cervelet, et principalement dans la moelle allongée. Mais il y à dans le système nerveux central un élément qui, d’après mon expérience, ne se colore pas, à de très rares exceptions près, pour ne pas dire jamais, au moyen de l'acide chromique : c’est le cylindre-axe quand il est mis à nu. Lors même qu'il est recouvert de la substance médullaire, il se soustrait à l'influence colorante de l’acide, et se présente toujours encore sous l’aspect d’une strie diaphane, d’un blanc plus ou moins mat. A cette règle, il n’y à qu'une seule exception : ce sont les cylindres-axes de la masse grise qui se trouve dans la moelle épinière et dans les autres parties du système nerveux central. Ces cylindres apparaissent colorés, quoique moins fortement que les autres éléments. D’après mes observations, c’est le tissu cellulaire qui subit la coloration la plus forte et la plus intense sous l'influence de l'acide chromique ; de sorte que plus il y a de tissu cellulaire entre les différentes par- ties, plus celles-ci se montrent colorées dans leur ensemble. Ainsi, en examinant les parties du dehors en dedans, nous voyons en- semble d'abord la dure-mère et la pie-mère imprégnées de cou- léur, puis viennent les cordons nerveux pourvus d’un fort névri- lème et entourant la substance grise, puis les vaisseaux sanguins, ét ainsi de suite. Plus la surface provenant d’une coupe transver- sale où oblique abonde en substance médullaire pure ou en nerfs avec ou sans leur contenu moelleux, plus la coloration est insigni- fiante. C’est justement là-dessus que se base la différence, recon- naissable déjà à l'œil nu, entre la substance blanche et la substance grise dans les préparations durcies par l'acide chromique. Malgré tout cela, il me semble que l'acide chromique ne saurait s'em- ployer comme moyen diagnostique pour déterminer les éléments 196 N. JACUBOWITSCH. nerveux. J'ai déjà indiqué plus haut comment, à cause de la pres- sion mécanique produite par l'effet astringent de l'acide chro- mique, des changements notables s’opèrent dans la forme des éléments soumis à l’action de cet acide. Cette pression n’agit pas de tous les côtés également et simultanément ; mais en provenant de l'extérieur, elle s'étend dans toutes les directions possibles. A cela il faut ajouter que ce n’est ni dans le degré de la concentration de l’acide chromique , mi dans la durée de son action, que nous puissions trouver un moyen certain pour déterminer sa puissance réactive sur la masse nerveuse. Rien ne nous indique que telle préparation ait subi la même influence de l'acide chromique qu’une autre conservée pendant le même laps de temps dans un acide au même degré de concentration. Au contraire, l’action de cet acide est d’une intensité si variable, qu'elle ne peut servir d’une manière absolue comme moyen exact pour caractériser les éléments nerveux et les discerner entre eux. Voilà pourquoi, en maintenant le procédé de conservation dans de l'acide chromique, j'ai essayé toutes les autres méthodes pour ariver au même but. Ces essais m'ont conduit à reconnaître pleinement la vérité de l’assertion de M. le professeur Reichert, qui, par suite de ses nombreuses et inappréciables expériences dans le domaine de l'histologie, regarde le desséchement des préparations, concernant les éléments nerveux, comme le moyen le plus efficace pour con- server ces éléments dans leur intégrité sans altérer, en quoi que ce soit leur volume véritable. Quant à l'acide chromique, le profes- seur Reichert rend toute justice à sa puissance comme réactif, et reconnait sa grande utilité pour les observations des éléments ner- VEUX. Je dois cependant remarquer qu’en général il ne suffit pas, pour caractériser les éléments nerveux, de prendre en considération une seule de leurs qualités, telle que le volume, la forme ou la cou- leur, mais qu'il est absolument indispensable de tenir compte de toutes les qualités propres à une cellule animale. D'un autre côté, il ne faut pas se borner à observer un seul animal, mais il est in- dispensable de prendre des embranchements entiers du règne animal pour objet d’études anatomiques comparatives. Un point essentiel qu'on ne devrait pas perdre de vue dans ces études, ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU, 197 c’est que telle forme des éléments nerveux qui nous apparait chez les animaux infé rieurs, par exemple chez les Poissons et les Gre- nouilles, ne nous autorise nullement à admettre la présence d’une forme pareille et identique chez les animaux supérieurs, dont l’or- ganisation est plus parfaite; car il est naturel qu’à mesure qu’une espèce du règne animal occupe un degré plus élevé par rapport au développement général, les éléments de son système nerveux cen- tral présentent un degré de développement également élevé. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, la moelle allongée du Poisson et de la Grenouille se trouve, par rapport à la forme et la disposition de ses éléments, à peu près au même degré de développement que le cône médullaire d’un Mammifère, abstraction faite, bien en- tendu, de quelques différences spéciales qui résultent de la nature de la moelle allongée, organe doué d’une fonction toute particu- lière. Si, comme nous venons de le prouver, l’acide chromique ne peut servir à déterminer les volumes respectifs des éléments ner- veux, il n’en est pas moins vrai qu'il n’y a pas de moyen plus propre et plus efficace pour bien mettre en évidence la véritable structure de la moelle épinière et de tout le système nerveux cen- tral, ainsi que les disposilions diverses des éléments nerveux. On peut même dire que c’est jusqu’à présent le seul moyen qui puisse nous faciliter l'étude de l’anatomie microscopique et topographique du système nerveux central. Pour ce qui concerne la disposition des éléments nerveux dans différentes parties de la moelle épinière, de la moelle allongée, du pont de Varole, des tubercules quadrijumeaux, du cervelet et du cerveau, je ne peux que la mentionner brièvement pour ne pas dépasser les limites restreintes de ce mémoire, bien que la dispo- sition de ces éléments soit justement le point principal pour com- prendre la structure de l’ensemble du système nerveux. Ce qui m'y oblige encore plus, c’est que, pour bien expliquer tout ce qu’il y a d’intéressant et de varié dans cette disposition, des des- sins exacts sont absolument nécessaires. Dans ce but, je prépare un ouvrage spécial, plus étendu, qui va être prochainement publié, accompagné d’un atlas complet, auquel je tâche de donner la plus 198 N. JACUBOWITSCH, grande exactitude possible, afin de démontrer elairement que cette admirable simplicité que nous remarquons généralement dans la composition des organes, bien qu'ils nous paraissent parfois: si compliqués, se retrouve aussi dans les éléments du système ner- VEUX. Je ne veux done ici qu’exposer les points principaux de mes recherches, et notamment ceux qui, à cause des difficultés qu'ils suscitent à l’observateur, ont le plus besoin d’être éclaireis. I. Le fil terminal. — Je l'ai étudié chez les Chats, les Chiens, et principalement chez les Singes, où il est très, long et se laisse examiner facilement. Sur des coupes fines, il se présente, chez les Chiens, composé de deux anneaux enchâssés l’un dans l’autre : l'anneau externe appartient à la dure-mère, l’interne à la pie-mère. Vers la périphérie de la section, on trouve non-seulement des groupes de cordons nerveux coupés transversalement et oblique- ment, mais aussi des ganglions spinaux également coupés. Il-en est de même chez les Chats, tandis que chez le Singe la disposition est différente : ici on ne voit d’abord qu'un seul anneau apparte- nant à la dure-mère, et entouré non-seulement vers la périphérie par des cordons coupés transversalement, mais ayant aussi son espace interne complétement rempli de ces cordons. On peut voir cette disposition sur une étendue assez grande, jusqu’à ce que l’on rencontre, à l'intérieur des fibres nerveuses coupées transversale ment, une lacune presque circulaire. En faisant d’autres sections plus haut, on aperçoit au milieu de cette lacune, un second anneau plus petit. Il appartient à la pie-mère, et est toujours. entouré de fibres nerveuses coupées transversalement, Ainsi, en examinant de la périphérie vers le centre une coupe, transversale, de eette région, on trouve d’abord des groupes de cordons nerveux cou- pés obliquement el transversalement, et s'étendant ‘sur les côtés; eusuite le premier anneau de la dure-mère, épais et large, avec des fibres nerveuses coupées transversalement, et qui descendent de haut en bas parallèlement à la ligne médiane. Au milieu de ces fibres, mais plus en arrière, apparaît enfin le second anneau de la pie-mère excessivement fin, petit, et ayant un intérieur vide, non rempli. Dans cette région, que je suis tenté de considérer comme ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 199 le véritable fil terminal, il suffit bientôt de quelques coupes pour trouver aussi le petit anneau interne rempli de substance médul- laire. C'est ce point qui représente le commencement et la pointe extrême du cône médullaire proprement dit, qui est disposé de la manière suivante : II. Cône médullaire. — Cette partie est circonscrite en arrière ou en haut par deux segments minces, semi-lunaires, et composés de fibres nerveuses postérieures très fines coupées transversale- ment ; ces segments sont séparés au milieu par une fissure très étroite. En avant et en bas, cette partie est également limitée par deux segments semi-lunaires, composés de fibres nerveuses plus grosses coupées transversalement. Ces fragments se rencontrent vers le milieu, et présentent une face non pointue, mais tronquée, large, arrondie, et ils ne sont séparés l’un de l’autre que par une échancrure large et assez remarquable nommée fissura, ou plutôt, d'après M. Reichert, suleus medianus medullæ spinalis anterior. Ces deux segments des cordons nerveux postérieurs et antérieurs de la moelle épinière se réunissent de chaque côté de la section transversale, mais pas par des cordons latéraux coupés transver- salement ; c’est pour cela aussi que les bords de la substance grise sont entièrement dégagés, et seulement entourés d’un léger repli appartenant à la pie-mère. La substance grise elle-même, située au centre, a tout à fait la forme d’un biscuit, dont le milieu est percé d’un trou provenant de la section transversale du canal cen- tral. En dehors et autour de la pie-mère, comme autour des seg- ments antérieurs, se trouvent des groupes considérables de fais- ceaux nerveux qui vont de bas en haut, les uns parallèlement à l'axe longitudinal, les autres dans une direction oblique. C’est par ces faisceaux enchâssés dans la dure-mère que le cône médullaire est étroitement limité en avant et des deux côtés, mais pas en arrière, de sorte qu'il s'attache directement à la dure-mère au moyen des segments postérieurs et de la pie-mère qui les entoure ; de là il résulte que le cône médullaire n’est pas situé au milieu de la queue-de-cheval, mais plus en arrière, et que sa partie posté- rieure est seulement circonscrite par la pie-mère et la dure-mère, tandis qu'il est encore entouré de tous les autres côtés par les fais - 209 N. JACUBOWITSCN, ceaux nerveux qui se sont glissés entre la pie-mère et la dure- mère (la queue-de-cheval proprement dite). La substance grise est ici composée en très grande partie de très petits anneaux simples, ou contenant dans Jeur milieu encore un autre anneau plus petit. Les anneaux simples, comme les anneaux doubles, ne se colorent ordinairement que faiblement ou pas du tout par l’acide chromique. Leur substance réfléchit très fortement la lumière, ce qui fait que leurs contours sont très tran- chés et d’une grande finesse. Vers la périphérie du biscuit, les anneaux sont tellement serrés les uns contre les autres, qu’on y peut à peine distinguer une substance intermédiaire, Au contraire, vers le canal central, où des vaisseaux sanguins innombrables se ramifent et s'étendent parmi eux, ils sont bien moins serrés; et l'on remarque dans les intervalles qu'ils laissent, surtout immédia- tement autour du canal central, des stries excessivement fines el brillantes, ou même de pelites mailles d’un tissu dont l’apparence finement granulée se dessine dans cerlains endroits, comme un réseau qui ressemble par sa configuration à celui du tissu élastique. Ici, comme partout ailleurs, je considère ce tissu comme du tissu cellulaire, qui unit les différentes parties à la manière d’un ci- ment ; mais jamais je n'ai pu trouver, du moins dans les prépa- rations faites au moyen de l'acide chromique, les véritables cor- puscules du tissu cellulaire, malgré tous les soins que j'ai mis à les chercher chez les Grenouilles, les Poissons, et même chez les Vertébrés supérieurs. Comme partout ailleurs, le canal central est ici tapissé d’un épithélium cylindrique vibratile, et présente une forme oblongue, qui correspond à la forme de biscuit de la sub- stance grise. Il n’occupe pas la partie médiane, mais sa circonfé- rence antérieure touche immédiatement aux cordons nerveux extérieurs, tandis que la circonférence postérieure est très éloi- gnée des cordons nerveux fins postérieurs. Le canal central est ainsi séparé des cordons nerveux postérieurs, qui limitent la sub- stance grise par une masse grise d’une largeur considérable. Si, dans la même région, on fait une section longitudinale diri- gée horizontalement, de manière à atteindre le milieu du large espace compris entre le canal central et les cordons nerveux qui ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 201 limitent en arrière la substance grise, c’est-à-dire là où la sub- stance grise se trouve le plus abondamment, on obtient la figure microscopique suivante : A l'extérieur, la section représente un cône, dont la base se trouve en haut et le sommet en bas. Des deux côtés, à gauche et à droite, on voit les fibres nerveuses, à contours simples ou doubles, s'étendant d’en haut obliquement ou verticalement. C’est ainsi que se forme l’ensemble d’un réseau de faisceaux nerveux qui s’entrelacent, et se dirigent tantôt vers le bas, tantôt vers les bords de la coupe. Vers le centre, on voit la masse grise coupée dans le sens de la longueur, et composée de fibres nerveuses lon- gitudinales d’une couleur gris-mat, un peu plus transparente au milieu. Ces fibres, quitantôt contiennent de la moelle, et tantôtn’en contiennent pas du tout, sont tellement serrées les unes contre les autres, qu'il est impossible de trouver entre elles une substance intermédiaire. Dans les endroits où ces nerfs ne sont pas coupés horizontalement, mais obliquement ou transversalement, elles appa- raissent comme de petites ouvertures ou plutôt comme de petits anneaux. Ces anneaux sont tantôt simples, tantôt doubles, c’est-i- dire contenant dans leur intérieur un autre anneau excessivement mince; leur forme est oblongue, elliptique, ovale ou ronde, et leurs contours très fins, bien tranchés, réfléchissent fortement la lu- mière. Des fibres pareilles coupées obliquement et transversalement apparaissent aussi sur des coupes longitudinales, parce que les cylindres-axes prennent, en sortant de l’intérieur de la masse grise, toutes les directions possibles pour arriver à la périphérie. On les voit descendant en bas, allant en haut, de droite à gauche, de gauche à droite, etc. Si, en faisant la section horizontale encore plus pro- fondément, on arrive à la circonférence postérieure du canal cen- tral ou que l’on coupe même ce canal, alors on voit, en commen- Gant par le milieu, d'abord le canal central tapissé d’épithélium cylindrique et vibratile, puis immédiatement, à côté de l’épithé- lium, une large bande de tissu cellulaire, dont les mailles minces, étroites et finement granulées, s’entrelacent de manière à former un réseau. Dans cette couche, on trouve de chaque côté du canal central de grands troncs d’artères et de veines avec un nombre immense 202 N. JACUBOWITSCH. de fines ranifications, qui, formant d’abord autour du canal lui- même un réseau capillaire serré et très fin, pénètrent dans la masse grise, la dépassent même pour s'étendre au loin, et communiquent finalement avec les vaisseaux sanguins qui viennent du dehors. A une certaine distance du canal central, le tissu cellulaire perd peu à peu la forme de réseau ; il se montre plus homogène, plus hya- lin, et ce qui le caractérise maintenant, c’est qu'il est traversé en partie par les anneaux ci-dessus décrits, en partie et principale- ment aux deux côtés extérieurs par des groupes entiers de fais- ceaux nerveux à double contour, qui, correspondant à la coupe, s'étendent dans la direction transversale et oblique. Bien que ces groupes de faisceaux aient l'apparence de taches noires aux formes et aux dimensions différentes, il est toujours possible de reconnaitre leur structure. Enfin on aperçoit distinetement, tout près de la périphérie de la substance grise, des faisceaux nerveux, avec ou sans moelle, s'étendant dans le sens longitudinal, et telle- ment serrés les uns contre les autres, que la substance intermé- diaire (tissu cellulaire), qui était visible près du canal central, ne se laisse plus distinguer ici. En dehors de la substance grise, on voit, comme je l'ai déjà dit précédemment, les cordons nerveux qui en forment la limite, et les dépassent même. Lorsqu'on fait une coupe transversale encore plus haut, à tra- vers le cône médullaire, on trouve que les rapports entre la sub- slance grise et les segments des cordons nerveux postérieurs et antérieurs qui l'entourent, sont toujours les mêmes, avec la seule différence qu’à mesure que la coupe est faite plus haut, le volume de la substance grise augmente, Quant à la forme de la substance grise que nous avons nommée forme de biscuit, elle a changé ici, en s’allongeant pour prendre une forme de lyre, ce qui nous permet dès à présent de distinguer les cornes postérieures et an- térieures de cette substance. Ni la commissure postérieure, ni la commissure antérieure, ne sont encore développées; de même, les cellules de mouvement et celles de sensibilité manquent com- plétement. Mais ce qui est très remarquable, c'est qu'on trouve déjà ici d’une manière évidente, tant dans les cornes postérieures que dans les cornes antérieures ; ces cellules que, d'après ma ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 203 classification, j'ai nommées cellules ganglionnaires de la deuxième espèce ; elles apparaissent par conséquent en première ligne, avant toutes les autres, comme de véritables éléments nerveux. (Il va sans dire que le volume des cordons nerveux qui entourent la masse grise est devenu également plus considérable. ) Mais si l’on fait une section dirigée transversalement dans lé cône médullaire, à l'endroit où il passe sans interruption au ren- flement sacré, ou bien si l’on coupe de Ja sorte le renflement lui- même, c’est-à-dire la partie où les deux commissures nous appa- raissent, on obtient la figure suivante, qui démontre d’une manière claire et évidente les rapports entre la structure et la texture de la moelle épinière. IL. Le renflement sacré (intumescentia sacralis medullo-spina- lis). — La forme extérieure de la coupe transversale de la moelle épinière a pris de l’extension dans tous les sens. Les cordons ner- veux antérieurs et postérieurs coupés transversalement consti- tuent la substance blanche, qui entoure et enferme complétement la masse grise. a. Cordons antérieurs de la moelle épinière avec les fibres ner- veuses plus grosses réunies en faisceaux. — Les cordons anté- rieurs sont situés symétriquement et immédiatement à côté l’un de l’autre ; leur volume a considérablement augmenté, et ils se réunissent par une commnissure fortement prononcée. Les parties latérales de ces cordons passent sans interruption, et sans pré- senter ni une ligne nette de démarcation, ni un caractère distinctif quelconque dans les cordons nommés par les anatomistes cordons latéraux. Quant à moi,je ne saurais envisager ces derniers comme étant différents des cordons antérieurs. Ils s'étendent jusqu’à l’en- droit d'où proviennent les racines nerveuses postérieures, et s’alta- chent étroitement à tout le bord externe des cornes postérieures, ainsi qu'au centre et aux parties latérales des cornes antérieures. Sur celte grande surface que présente la coupe transversale des cordons nerveux antérieurs, dont le volume est plus ou moins égal partout, il est à remarquer que, des deux côtés, vers le sommet des cordons antérieurs, et en s'approchant de l'origine des racines nerveuses postérieures, la dimension des fibres nerveuses coupées 20h N. JACUROWITSCH. transversalement diminue d’une manière très sensible, en compa- raison de celles qui sont situées tout à fait en avant et sur les côtés. Si donc il devait y avoir une propriété caractéristique pour les cordons latéraux, ce ne pourrait être que celle-là ; mais ce ca- ractère même, étant une preuve éclatante que les fibres nerveuses de toutes sortes qui passent par ici se confondent entre eux, exclut toute tentative de vouloir considérer les cordons latéraux comme différemment constitués des autres cordons nerveux, et ayant un cachet particulier. Je vais même jusqu'à dire qu’à mon avis, les cordons latéraux de la moelle épinière n'existent pas en réalité, et que ce n’est qu’une certaine portion des cordons antérieurs que les anatomistes ont bien voulu nommer ainsi. Dans toute l’étendue de la masse des cordons antérieurs, on remarque en outre, non loin de la périphérie, une bordure plus transparente, entourant le reste de la masse en guise de ceinture. On peut observer cette disposition sur les coupes de toutes les ré- gions de la moelle épinière, même sur les plus différentes, et voici pour quelle raison : près de la périphérie , les fibres nerveuses coupées ont une direction exclusivement verticale, ne présentant ainsi que des sections transversales nettes, et par conséquent aussi très fines ; de plus, les fibres nerveuses ne sont pas si serrées les unes contre les autres, et elles sont unies par du tissu cellulaire plus abondant, dans lequel pénètrent du dehors des vaisseaux san- guins innombrables. Ces vaisseaux sanguins ne sont pas plongés dans une masse aussi compacte de tissu cellulaire, comme on le remarque ailleurs, et ils contribuent par conséquent à rendre plus transparente la partie dans laquelle ils se trouvent. b. Les cordons postérieurs avec des fibres nerveuses plus fines, et réunis en faisceaux d’une manière moins distincte, ont perdu peu à peu leur forme semi-lunaire dans la section transversale, et pré- sentent maintenant plutôt une forme triangulaire pareïlle à la sec- tion transversale d’un cône, dont la base serait tournée vers la périphérie et le sommet vers le centre. Ils sont séparés par la scis- sure fine postérieure, et limitent du dedans, étroitement et par- faitement, les cornes postérieures. Ce qui est caractéristique et très significatif, c’est que ces cordons nerveux postérieurs sont ordi- ÉTUDES SUR LA SIRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 205 nairement composés de fibres nerveuses très fines, que l’on ne voit que d'une manière peu distincte groupées en faisceaux bien limités, séparés par le tissu cellulaire, et qu’en général, dans cette partie, le tissu cellulaire qui sert de ciment, aussi bien que celui qui entoure les fibres nerveuses, est beaucoup moins épais que celui qui se trouve interposé entre les cordons antérieurs et les cordons latéraux. On voit également ici le rebord plus transparent, et sa transparence provient des mêmes causes que nous avons mentionnées plus haut. Il est encore à remarquer ici que les racines nerveuses postérieures sortent d’une manière différente que les racines antérieures. Les fibres nerveuses appartenant aux racines postérieures se rassemblent, avant de sortir, dans le voisinage de la corne postérieure de la masse grise; elles apparaissent ici en divergeant de la sorte, que la partie interne s’étend vers les cor- dons postérieurs (cunéiformes), la partie externe vers les fibres nerveuses qui passent latéralement sur la moelle épinière ; et quela partie moyenne, celle qui se trouve immédiatement au sommet de la corne postérieure, s'étend directement vers la périphérie, puis toutes ces fibres convergent ensemble vers le point d'où partent les racines nerveuses postérieures. C’est ainsi que les racines ner- veuses postérieures sont composées de trois parties de fibres ner- veuses, dont les premières viennent des cordons latéraux, les deuxièmes des cordons postérieurs, tandis que la troisième partie peut être considérée comme la continuation médiate des cylindres d’axe qui s'étendent immédiatement du sommet des cornes posté- rieures. Ces trois racines se réunissent à la périphérie en un fais- ceau, et vont jusqu'au ganglion spinal, où elles se concentrent avec les racines antérieures. Celles-ci sont composées de fibres ner- veuses qui, conservant leur caractère, c’est-à-dire leur épaisseur et leur double contour, partent en rayonnant et réunies en fais- ceaux de différente épaisseur des régions diverses des cornes anté- rieures, et même de toute leur circonférence. La substance grise, de même que la substance blanche (cordons de la moelle épinière) qui l'entoure de tous les côtés, a également changé sa configuralion, ete. Voici ce que nous avons à y consi- dérer : 206 N. JACUBOWITSCH. c. Le canal céntral. — Sa forme ovale, dont le diamètre longi- tudinal s’étendait en avant presque jusqu'aux cordons antérieurs, et se trouvait en arrière très éloigné des cordons postérieurs, a non- seulement subi une réduction importante dans son étendue, mais en même temps elle est devenue plus ronde et plus aplatie d'avant en arrière. Le canal est par conséquent plus petit, et son plus grand diamètre s'étend maintenant de droite à gauche. A l’inté- rieur, il est tapissé ici, comme partout ailleurs, d’un épithélium cylindrique vibratile, et à l’intérieur il est entouré d’une substance conjonctive striée, aréolaire, finement granulée, contenant une infinité de vaisseaux, mais ne présentant aucune trace de corpus- cules de tissu cellulaire. Gette substance conjonctive devient homo- gène, sans qu’on y voie une ligne de démarcation, et sépare, en les entourant, les éléments nerveux qui sont innombrables ici. Avant de donner plus de détails sur la situation respective de ces élé- ments nerveux, je dois faire remarquer qu'il s’agit ici seulement d’une section transversale dans le renflement sacré, qui ne doit nullement être considéré comme type pour toutes les autres ré- gions de la moelle épinière. Au contraire, chacune de ces régions, comme je le ferai voir plus loin, présente une disposilion d'élé- ments particuliers, et qui lui est propre exclusivement, c’est-à- dire que chacune a son anatomie topographico-microscopique à part, qui la distingue essentiellement et d’une manière positive de toutes les autres. Je soutiens même que la forme extérieure d’une seclion transversale de la moelle épinière, quelque différente qu’elle soit dans les différentes régions, présente, par la disposi- tion des éléments, l'expression exacte de la valeur fonctionnelle de la région en question, ce qui veut dire qu'on peut regarder la forme comme l’empression de la nature intime d’une région. d. Les cornes postérieures, comme je l’ai déjà dit, sont séparées les unes des autres par les deux cordons postérieurs cunéiformes de la moelle épinière, qui ont sur la section une forme triangulaire à angles arrondis. Ils se prolongent avec leurs pointes arrondies presque jusqu'à la périphérie, et leurs bords externes sont ici transparents aussi bien en haut que sur les côtés. Cette transpa- rence de la substance est interrompue par ces pelites ouvertures où ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 207 cès petits anneaux simples et doubles dont nous avons déjà parlé (fibres nerveuses fines longitudinales, coupées transversalement où obliquement : voir plus loin), dont les uns, ronds, se voient en quantité innombrable à la périphérie , et les autres, ovales et elliptiques, apparaissent au milieu et à la base des cornes. Entre ces anneaux, on voit un nombre immense de fibres d’un gris mat, qui, quoique devenant quelquefois jaunâtres sous l'influence de l’acide chromique, ne perdent pas leur coloration claire; elles s’éten- dent en éventail, et leur diamètre est égal à celui des anneaux. Ces fibres se réunissent au sommet des cornes, et passent en se continuant dans les cylindres d’axe des racines nerveuses posté- rieures qui sortent d'ici. Mais sur les côtés, ils se prolongent, les uns dans les cordons postérieurs cunéiformes de la moelle épi- nière qui séparent les deux cornes , d’autres dans les cordons la- téraux, d’autres enfin vont directement dans les cornes anté- rieures. Outre ces fibres fines, on trouve aussi des fibres nerveuses beaucoup plus grosses et à double contour, qui vont constamment des cornes antérieures aux cornes postérieures ef aux racines des nerfs postérieurs. Les filets de fibres dans les cornes postérieures se laissent le mieux comparer à la barbe d’une plume. Vers la base et le bord externe des cornes postérieures, ces filets sont in- terrompus par des îlots diversement formés, et provenant des fibres nerveuses coupées transversalement. Entre elles, ainsi qu’au sommet et sur le bord de la corne, sont groupées les cellules fusiformes pourvues ordinairement de trois prolongements , que j'ai nommées cellules de la sensibilité. Un de ces prolongements se laisse facilement poursuivre dans son trajet en dedans, vers le canal central, et au-dessus de ce canal, dans son passage vers le côté opposé où il forme la commissure postérieure. Les deux autres passent directement à la partie la plus externe de la corne dans les nerfs qui en émergent, ou bien ils sortent des deux côtés de la corne pour se porter, soit en dedans dans les cordons ner- veux postérieurs, soit en dehors dans les cordons latéraux. Une substance conjonctive homogène cimente les anneaux, les cellules nerveuses et les filets de fibres qui en proviennent; mais on ne peut la voir d’une manière distincte que là où les éléments 208 N. JACUBOWITSCH. nerveux sont moins agglomérés, comme par exemple à la base des cornes postérieures el antérieures, autour du canal central où cette substance conjonctive contient en même temps une masse de vais- seaux sanguins. Quant aux corpuscules de tissu cellulaire, on n’en voit ici aucune trace, à moins de vouloir considérer comme tels les cellules que j'ai nommées cellules de sensibilité, ou les anneaux simples ou doubles que j'ai décrits plus haut, ce qui, comme nous allons le voir tout de suite, ne se laisse nullement admettre. Les cellules nerveuses de sensibilité se distinguent des cellules du tissu cellulaire : premièrement, par leur grandeur ; deuxième- ment, en ce que le noyau, pourvu d’un nucléole, est distincte- ment séparé de la membrane cellulaire. La membrane cellulaire ne touchant pas au noyau, il en résulte un intervalle considérable entre eux, intervalle rempli par une masse finement granulée qui entoure le noyau de tous les côtés. A l’intérieur du noyau même (du moins dans les préparations faites avec l’acide chromique), le nucléole, qui est bien distinct, est entouré de la même masse fine- ment granulée. Troisièmement, si la coloration par l'acide chro- mique est, comme quelques auteurs le prétendent, non-seulement un moyen plus où moins sûr, mais infaillible pour distinguer les cellules du tissu cellulaire des cellules nerveuses (ce qui du reste ne peut être admis comme nous l'avons déjà prouvé), alors la véritable nature nerveuse de nos cellules dites de sensibilité ne saurait être mise en doute. Traitées par l'acide chromique, non- seulement elles deviennent jaunes, mais on en trouve parfois de couleur jaune brunâtre etmême brun rougeâtre, ce qui est carac- téristique pour tous les éléments nerveux. Enfin, quatrième- ment, nos cellules ne présentent jamais de forme étoilée, et quand même, dans des cas excessivement rares, on remarquerait une pareille forme, il n°y aurait pas de raison suffisante pour contester leur nature nerveuse. Nous savons bien que toutes les grosses cel- lules ont la forme étoilée; néanmoins on ne manque pas de les considérer comme des cellules nerveuses. Pour bien juger la na ture nerveuse de ces cellules, il est indispensable de suivre le procédé que j'ai indiqué au commencement de ce mémoire, rela- tivement à toutes les cellules nerveuses, c’est-à-dire qu’on ne doit | ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 209 pas se borner à baser le diagnostic sur un caractère quelconque ou même sur plusieurs caractères isolés, mais qu’il faut tenir comple de toutes les propriétés d’une cellule prises dans leur en- semble. Voici les points essentiels qui doivent guider tout obser- valeur qui veut faire ses recherches sur les cellules nerveuses. a. On voit distinctement une expansion et une réunion des pro- longements ou des cylindres d’axe des cellules en question. b. Ces prolongements passent immédiatement et d’une manière continue comme cylindres d’axe dans les tubes nerveux, ou plutôt dans les fibres primitives des nerfs. c. Les cellules en question se retrouvent constamment chez tous les animaux, sans exception, savoir : dans les cornes postérieures de la moelle épinière, en quantité immense dans la moelle allon- gée, où les cornes postérieures de la moelle épinière passent si immédiatement et sans interruption dans la masse grise des cor- dons grêles et cunéiformes (fasciculi graciles et cuneati), ainsi que dans les olives et les olives latérales; que ceux-ci, de même que les cordons grêles et cunéiformes, et par conséquent la masse principale de toute la moelle allongée, nedoivent être considérés que comme un développement particulier et considérable des cornes pos- térieures de la moelle épinière. Ensuite ces cellules se trouvent dans lecervelet, les corps quadrijumeaux, dans toute la masse des grands hémisphères, dans la corne d'Ammon, les corps striés, la couche optique, en un mot dans toute cette grande masse qui se trouve à la base du cerveau et à l’origine de tous les nerfs cervicaux. C’est l'existence des cellules de sensibilité, à l’origine de ces nerfs-ci, qui m’a porté à faire des études spéciales sur la moelle épinière, convaincu que j'étais que les cellules de sensibilité doivent aussi se trouver nécessairement dans la moelle épinière. Toutes ces rai- sons que je viens d'énoncer sont autant de preuves évidentes de la nature nerveuse de ces cellules. Si cependant on voulait contester la valeur de nos arguments, et considérer ces cellules comme des cellules du tissu cellulaire, il faudrait alors communément admettre que tout le système nerveux, et surtout le cerveau avec ses dépen- . dances, ainsi que la moelle allongée qui réunit la moelle épinière au cervelet et au cerveau, ne sont qu'une masse de hissu cellulaire; 4° gérie, Zooc. T, XIL, (Cahier n° &.) 2 14 210 N. JACUBOWITSCH. car la dernière région où l’on trouve encore les grossés céllules nerveuses multipolaires, est celle des tubereules quadrijuméaux à l’origine du nerf moteur oculaire. Dans la moelle allongée, ces cel- lules multipolaires commencent à disparaîtré à l’origine du calamus scriptorius, et elles manquent enfin complétement dans tout l’es- pace considérable qui s'étend de R jusqu’au point d'émergence du trijumeau et du nerf auditif. Dans les olives latérales et les olives propres, elles sont remplacées par les cellules nervétses dé señsi- bilité, par les cellules ganglionnaires de la deuxième espèce et par l'entrecroisement des pyramides, Faudra+{-il pour cela considérer la moelle allongée tout simplement comme une masse de tissu éel- lulairé, une éspèce dé pont sérvant dé jonction éntré la moelle épinière, le cervelet et le cerveau. Je suis persuadé que pérsonné “e voudrait soutenir une pareille opinion, qui cependant sérait la . conséquence inévitable de l'hypothèse ci-dessus mentionnée. Les petits anneaux circulaires, ovales où elliptiques, simples ou doubles, dont nous avons parlé si souvent, et qui Se trouvent dans touté l'étendue dé la masse grise, dans les intervalles des véri- tables éléments nerveux (abstraction faite du tissu cellulaire et des vaisseaux sanguins), ainsi que dans lés coïnes antérièures entre les cellules dé mouvement, et dans les cornes postérieures entre les cellules de sensibilité ; ces petits anneaux, je dois le diré, ont été l’objet principal et le plus difficile de toutes mes recherches. Ils constituent toujours la masse principale de toute la substance grise, et surtout lé bord interne et externe, ainsi que lé sommet des cornes postérieures. Ces parties de la moelle épinière ont toujours été désignées en anatomie sous le nom de substance gélatineuse de Rolando. Elle sé continue sans interruplion dans le tissu cellulaire qui entouré lés cornes, et réunit les cordons nerveux. Je la considère, ainsi que je l'ai déjà indiqué, comme un agrégat de cylindres d'axe où de prolongements de différentes cellules nerveuses (de mouvement, de sensibilité et ganglionnaires) coupés transversalement, oblique ment, en un mot, dans tous les sens, et qui, dans leur parcours, sont tantôt dénnés de toute.enveloppe, tantôt entourés de la masse médullaire. ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 911 La coupe des cylindres-axes nus donne des anneaux à contours simples, et celle des cylindres-axes entourés de substance médul- laire donne des anneaux à contours doubles. 4insi ces anneaux sont des coupes de fibres nerveuses, et les stries que l’on y remar- que sont des filets de fibres nerveuses, et non pas des filets de tissu cellulaire. Pour démontrer cela d'une manière évidente, j'ai eu recours à différents procédés, dont je vais indiquer ici les principaux. J. J'ai fait cuire pendant trois jours sans interruplion différents animaux tout entiers dans une eau acidulée avec de l'acide chlor- hydrique, jusqu'à ce que les os se fussent détachés des parties molles, et presque transformés en gélatine. Ensuite, après avoir extrait la moelle épinière et le cerveau, j'en ai mis une partie dans l'acide chromique ; une autre partie, après lavoir fait cuire encore uné heure dans de l'éther, dans une faible dissolution d’acide sul- furique, d’où je l'ai retirée, après quelques semaines, pour la mettre dans de l'acide chromique. Tout cela a été fait dans le but d'anéantir autant que possible le tissu cellulaire et la substance médullaire, et pour étudier ainsi d’une manière plus nette et plus précise la nature et les rapports de la masse grise et les éléments essentiels dont elle est formée. Le premier procédé a eu pour effet de racornir beaucoup la moelle épinière et la masse du cerveau en général. Toutes les par- ties sans exception s'étaient désagrégées, mais la figure que j'ai donnée des cornes postérieures n’en était devenue que plus nette. Les cellules de la sensibilité étaient parfaitement colorées, et leur mature «nerveuse élait restée intacte; leurs prolongements, ainsi que lesfilets des fibres nerveuses, apparaissaient d’une manière plus claire et plus distincte. Les anneaux à simple et double con- tour, et même l'épithélium avec ses cils vibratiles, n'avaient pas été attaqués. Alors si les filets de fibres nerveuses que j'ai décrits étaient des éléments de tissu cellulaire, ils auraient dû nécessaire- mentdisparaitre, Mais il n’en était rien, bien au contraire. Quant aux anneaux à simple et à double contour, la section longitudinale nous montre qu'il faut les considérer non comme des contours de corps cellulaires, mais comme des cylindres-axes coupés. 919 N. JACUBOWITSCH, Ces coupes, traitées, en outre, par de l'alcool acétique, par de l’acide sulfurique délayé, par des dissolutions de potasse et de soude, se sont comportées différemment ; quand on ne les laissait pas trop longtemps exposées à l’action des réactifs, elles conser- vaient tous leurs caractères distinctifs, et, dans le cas contraire, tous les contours disparaissaient, surtout en y ajoutant de la potasse et de la soude, et il ne restait plus qu'une masse demi-transpa- rente, homogène, trouble. Le résultat du second procédé, où la préparation avait été mise dans de l’éther, a encore été plus décisif. Un morceau de la moelle épinière de l'épaisseur d’un doigt s'était réduit au volume de la moelle d’un Poisson; cela se comprend aisément. La figure pro- venant des coupes transversales et longitudinales était en réalité extrèmement belle et claire. Tous les éléments s’étaient parfaite- ment conservés, et par des raisons que je n'ai pas encore bien pu comprendre moi-même, les cellules de sensibilité, de mouve- ment, et les cellules ganglionnaires dont nous allons parler, tantôt s'étaient seules colorées avec leurs prolongements, de sorte qu’on pouvait très bien s’instruire sur la structure des deux commis- sures et sur tous les autres rapports des éléments. Les anneaux ne disparaissaient pas, mais conservaient, comme auparavant, leurs contours nettement marqués ; au contraire, leur substance inter- médiaire, c’est-à-dire le tissu cellulaire, avait perdu son aspect finement granulé, et présentait une surface tout à fait vitreuse. Mais tout cela n’avait servi qu’à résoudre la question de savoir si les éléments, dont les sections donnent les petits anneaux dont nous avons parlé si souvent, sont des éléments nerveux ou des éléments du tissu cellulaire. J'ai dû conclure, sans hésiter, en faveur de leur nature nerveuse. Mais la preuve évidente et posi- live que ces anneaux sont en effet des cylindres d’axe coupés lransversalement, pourvus ou non pourvus de moelle, et que les filets de fibres sont des filets de fibres nerveuses, ne m’a été four- nie que par une section heureuse dans la corne d'Ammon. Les cornes d’Ammon consistent, comme l’on sait, en un plan con- tourné en spirale, qui présente une couche épaisse de cellules de sensibilité avec leurs prolongements. La coupe faite horizontale ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 913 ment atteint les cellules et leurs prolongements non-seulement en différents sens, le plan étant spiral, mais aussi à des profondeurs différentes. De cette manière, on obtient une section qui donne la figure suivante : En dehors sont situées les cellules nerveuses, serrées les unes contre les autres, dont les prolongements se ra- mifient diversement vers la périphérie pour former ainsi un réseau compacte. En dedans de longs filets de ces prolongements vont parallèlement et sont tellement serrés les uns contre les autres, qu’on ne peut distinguer entre eux ni intervalle, ni substance in- termédiaire ; ils suivent un court trajet rectiligne, et présentent une rangée de cylindres-axes situés parallèlement les uns à côté des autres. Près de cette rangée s’en trouve une seconde, composée des mêmes cylindres-axes coupés très obliquement, de sorte que les sections de leurs extrémités apparaissent comme des anneaux elliptiques, allongés, à un seul contour. La troisième rangée qui suit immédiatement est composée d’anneaux ovales de la même nature, et enfin vient une quatrième rangée d'anneaux tout à fait ronds, à un seul contour, et très serrés les uns contre les autres. En résumant toute la figure, on a d’abord les cellules, ensuite une rangée de fibres qui passent graduellement dans les couches ca- ractéristiques des cylindres-axes coupés transversalement et obli- quement. Si l’on compare cette figure avec celle de la substance de Rolando, on peut se convaincre facilement de leur identité, à cette différence près (différence qui n’est pas essentielle) que, dans les cornes postérieures, les tractus de fibres(cylindres-axes)s’étendent en éventail dans tous les sens. On obtient une figure semblable dans les sections des grands hémisphères du cerveau, du cervelet et des tubercules quadrijumeaux, ainsi partout où, partant des vaisseaux, il y a des cylindres d’axe en grande quantité, serrés les uns contre les autres, et de façon qu'ils soient coupés de diverses manières à cause de leur direction différente. J'ajoute- rai encore que des sections fines et très obliques par les nerfs fins des cordons postérieurs, ou, ce qui réussit le mieux, par un gan- glion spinal, et les nerfs qui y entrent et en sortent, donnent une figure semblable, mais plus grossière, parce que, dans ce cas, non-seulement les cylindres d’axe nus ont éié coupés, mais aussi 2 N. JACUBOWITSCH, ceux qui sont pourvus de substance médullaire, ainsi que les fibres nerveuses à double contour. La différence de grandeur de ces anneaux ne doit étonner personne. Cette grandeur dépend de l'épaisseur différente des eylindres d’axe ou des cellules dont ils proviennent, et elle présente de très grandes variations, selon les différentes classes d'animaux : ainsi, chez les Poissons, les cylindres d’axe se distinguent par leur grande épaisseur d’abord, ensuite dans la moelle épinière ils sont beaucoup moins serrés les uns contre les autres que chez les Mammifères. C'est pour cela aussi que, chez les Poissons, le tissu cellulaire qui entoure les cylindres d’axe est plus apparent ; mais il n’a certes pas de corpuseules de üissu cellulaire, et sa nature est la même que celle dont il a été question plus haut. Une section horizontale dans le’ cervelet du Poisson donne une figure tout à fait semblable à celle que pré- sente une seclion dans la corne d’Ammon, etc., chez des animaux plus élevés. Ces sections dans les régions indiquées, faites chez différents animaux, répétées mille et mille fois, examinées con- sciencieusement et de toutes les manières, m'ont conduit à com- prendre ce point, le plus difficile de toutes mes recherches, et à résoudre les questions si importantes qui s’y rattachent. Si nous continuons à passer en revue les autres procédés dé préparation que nous avons employés pour étudier la nature des Canaux, nous trouvons : IL. Les résultats suivants pour les coupes faites avec de la moelle épinière desséchée : a. Trailées par l'acide sulfurique (20 pour 100), les coupes s'élaient dilatées très peu ; les contours des cylindres d’axe et des cellules qui leur correspondent étaient assez apparentes, de ma- niére qu'on pouvait très bien distinguer les deux commissures et surtout la postérieure. Au sommet el sur les côtés des cornes postérieures, on observait sans changement les rapports ci-des- sus mentionnés, mais d'une manière moins distincte ; on pouvait cependant bien reconnaitre les anneaux et l'expansion en éventail des filets des cylindres d’axe. b. Traitées par l'acide acétique concentré, les coupes s'étaient dilatées un peu plus, mais elles devenaient moins transparentes ; ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU, PA eependant on pouvait très bien voir les filets des eylindres-axes, mais moins bien les cellules elles-mêmes. e. Traïtées par la potasse (5 pour 400), les coupes présentaient la figure la plus nette ; elles se gonflaient de manière à atteindre leurs dimensions et leurs contours naturels. Les commissures postérieures et antérieures se montraient très distinctement avec leurs cellules correspondantes ; dans la substance de Rolando et dans l'étendue de la masse grise, on pouvait voir les anneaux à simple et double contour, ainsi que les filets des fibres. Même après avoir élé pendant vingt-quatre heures dans cette dissolution de potasse, ces préparations n'avaient éprouvé aucun changement, et présentaient toujours la même netteté de contours. Toutes les coupes faites sur la moelle desséchée, et traitées par ces différents réactifs, ont été mises pendant vingt-quatre heures dans de l’eau distillée, et examinées de nouveau, elles présentaient toutes plus ou moins le même aspect. Une parlie a été mise pendant quinze jours dans : d. De l’éther sulfurique, et examinée de nouveau au micros cope, Même après cetle manipulation, les coupes présentaient les dispositions indiquées en c et b, avec ce seul changement que, par l'action de l’éther sulfurique, une partie de la substance médullaire avait disparu, ce qui avait rendu la coupe plus claire et plus trans- parente. Les cornes antérieures ne sont séparées des cornes postérieures par aucune ligne de démarcation; au contraire, elles forment en- semble un tout complet et continu : car la masse centrale grise de la moelle épinière, qui représente, comme l’on sait, avec la sub- stance conjonctive qui lui sert de stroma, un tout continu dans toute l'étendue de la moelle épinière, apparaît en général avec des dispositions essentiellement semblables, et l'on ne remarque pas non plus de changements notables dans la texture où dans la struc- ture de la substance conjonctive. Les cornes antérieures se distin- guent cependant spécialement des cornes postérieures par leur démarcation externe qui est bien connue, et qui, dans les diffé- rentes régions de la moelle épinière, présente diverses varia- tions; mais elles se distinguent surtout par la présence des cellules 216 N. JACUBOWITSCH, que j'ai nommées cellules de mouvement ; ces cellules nerveuses qui, par leurs qualités caractéristiques, diffèrent sous tous les rapports des cellules de sensibilité et des cellules ganglionnaires. Ces grosses cellules multipolaires étoilées se trouvent sinon exclu- sivement, du moins principalement, dans les cornes antérieures. Leurs prolongements sont au moins deux fois plus gros que ceux des cellules de sensibilité; ils se divisent très souvent et distincte- ment, et alors ils réunissent mutuellement entre elles les cellules de mouvement d’un seul et même côté. Ces prolongements ser- vent, en outre, à former la commissure entrecroisée antérieure, et à réunir ainsi mutuellement les deux groupes de cellules situés symétriquement dans les deux cornes. Non-seulement il est hors de tout doute que la commissure antérieure est abondamment pourvue de filets de tissu cellulaire, et que celles-ci, avec les vais- seaux sanguins qu’elles renferment, contribuent essentiellement à la composition de la commissure antérieure , cela est même tout à fait caractéristique pour cette commissure, comme pour toutes les régions du système nerveux central, où nous trouvons les grosses cellules multipolaires et leurs commissures. Les prolongements qui partent de ces cellules et qui vont en dehors traversent en di- vergeant les cordons antérieurs de la moelle épinière qui les entou- rent, pour former les racines antérieures ou motrices, le plus sou- vent réunis au nombre de deux, de trois et même de six. Les cylindres d’axe, conservant leur épaisseur, se distinguent par là surtout de ceux de sensibilité. Ces prolongements, par toutes leurs émergences, par leur réunion, leur division, et par les différentes directions qu'ils prennent en haut et en bas (à leur passage direct dans les cordons antérieurs ou dans les cornes postérieures) et sur les côtés, en un mot dans tous les sens possibles, forment une trame inextricable, un réseau, dans les mailles duquel se trouve, outre le tissu cellulaire et les vaisseaux sanguins ramifiés qui abon- dent surtout dans les cornes antérieures, une masse de remplis- sage de faisceaux nerveux avec et sans moelle coupés dans diffé- rents sens. Les premiers surtout prédominent ici; c’est ce qui rend la coloration plus grise, et produit la non-transparence des cornes antérieures, en comparaison des cornes postérieures ; ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 217 celles-ci comme celles-là sont entourées d’un repli plus transpa- rent composé de substance conjonctive. De ce repli partent, comme cela a lieu aussi dans les cornes postérieures, des prolongements qui se rendent sans interruption dans les intervalles des fibres nerveuses des cordons antérieurs formant des groupes isolés, et entourant les cornes de tous les côlés. La forme des cellules est excessivement variée; ordinairement elles sont irrégulièrement étoilées, mais souvent elles affectent aussi des formes qui rap- pellent celles d’un matras ou d’un fuseau renflé, et cette variété de formes est, d’après moi, caractéristique pour distinguer ces cel- lules de toutes les autres. Quant au contenu des cellules, il ne dif- fère, de même que le contenu du noyau et du nucléole, enrien (du moins microscopiquement) du contenu des cellules de sensibilité. Outre ces deux genres de cellules, on trouve encore ici, c’est- à-dire dans le renflement sacré comme dans toute l'étendue de la moelle épinière, des cellules ganglionnaires de la deuxième espèce en abondance. Elles sont groupées dans des espaces arrondis, circonscrits par du tissu cellulaire, et abondamment pourvus de vaisseaux sanguins ; on les rencontre sur tout le côtéexterne de la corne antérieure, près de son angle externe. Leurs caractères sont connus , je les ai indiqués au commencement de ce mémoire ; j'ajouterai seulement qu'on peut déjà constater à l'œil nu leur pré- sence ou leur absence par une tache transparente que l’on re- marque dans l'endroit où elles sont entassées. Cette tache a sa raison d’être dans la transparence du contenu de ces cellules, particularité qui, outre les autres qualités, distingue ces cellules de toutes les autres, même de celles qui ont le plus d’analogie avec elles, comme les cellules ganglionnaires qui se trouvent dans les ganglions spinaux. Leurs rapports de situation sont les mêmes que ceux des autres cellules ; ils diffèrent selon les différentes régions de la moelle épinière. Ces cellules contribuent beaucoup à faire ressortir les dispositions topographiques des différentes régions de la moelle épinière. Abstraction faite de leur réunion entre elles sur un seul et même côté, elles prennent aussi une part essentielle à la formation des commissures, en envoyant leurs prolongements, selon leur position, dans la commissure postérieure 218 N. JACUBOWITSCI. ou dans l’antérieure, ou dans les deux à la fois. Je rectifie donc le passage, page 586, de mon dernier mémoire, où je dis : « Mais les cellules ganglionnaires n’ont pas de commissure, » et je déclare maintenant que les cellules ganglionnaires de la deuxième espèce forment, partout où elles se trouvent, des commissures à ‘elles seules, comme dans la moelle allongée, ou bien elles contribuent à la formation soit de la commissure antérieure, soit de la commis- sure postérieure, comme par exemple dans la moelle épinière, le cervelet et les tubereules quadrijumeaux. Une seule coupe longitudinale de la même région (renflement sacré) ne suffit pas pour la connaissance des éléments nerveux et de leurs rapports de situation; pour bien comprendre ces rapports, ainsi que la connexion des éléments nerveux, surtout pour ce qui concerne les cellules de sensibilité et leur commissure postérieure, il faut absolument avoir toute une série de coupes longitudinales, faites à partir de la périphérie la plas externe, où les nerfs postérieurs émergent jusqu'au point le plus externe en avant, là où la commissure postérieure disparait complétement, Cela nous mènerait trop loin de décrire toutes ces coupes; je les recommande à ceux que cela peut intéresser, et je me borne iei à étudier le point principal de la question, c’est-à-dire la commissure posté- rieure et les cellules de sensibilité qui la forment. La figure qu’elle donne est la suivante : Au milieu se trouve le canal central coupé dans certains endroits, et tapissé par un épi- thélium vibratile, ce que l’on voit surtout bien sur des coupes horizontales faites dans le sens de la longueur. Des deux. côtés, on remarque un repli plus transparent de substance conjonelive, avec des vaisseaux sanguins qui, sur ces coupes, sont très distincts. Ce repli passe sans interruption dans une couche considérable de substance grise qui lui est contiguë, et qui, dans le renflement sacré, est seulement et exclusivement composée de cellules de sensibilité ; cette couche est nettement limitée à gauche et à droite vers la périphérie par les cordons de la moelle épinière qui appar- tiennent aux cordons latéraux, et qui ont été en partie coupés lon- giludinalement et en partie conservés. Les cellules de sensibilité se trouventicien quantité innombrable; leur plus grand diamètre ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 219 est dirigé transversalement. L'un des prolongements de ces cellules franchit ordinairement la ligne médiane, passe sur l’autre moitié, et contribue à la formation de la commissure postérieure ; on peut donc le considérer comme un cylindre-axe de la commissure. Les deux autres se dirigent vers la périphérie, et se confondent alors avec les cordons de la moelle épinière, à côté desquels ils se trouvent, et dont ils suivent le trajet, ou bien ils traversent obliquement toute la masse des cordons externes ou latéraux situés à côté d'eux, et émergent comme racines des nerfs pos- térieurs. Les cylindres d'axe de la commissure ne se croisent pas, mais ils sont juxtaposés parallèlement l’un à côté de l’autre et très étroitement , où tout au plus superposés dans quelques en- droits. Ils se distinguent par leur finesse, par leurs contours fins et très tranchés. On peut observer ici souvent et diversement leur origine immédiate des cellules et leur passage d'un côté à l’autre. On ne voit pas de substance qui leur soit intermédiaire; ce n’est que sur des coupes très bien réussies qu’on découvre les fibres très fines de tissu cellulaire qui les séparent. Les vaisseaux san- guins les plus fins, plus fins même que les cylindres d’axe les plus fins, traversent la commissure dans tous les sens; ils sont ici très distincts. Mais comme le canal central est cylindrique, comme la commissure postérieure le touche de très près, et que les cellules qui se trouvent ici doivent envoyer leurs prolongements en haut et former ainsi un are, on trouve les cylindres d’axe coupés obli- quement et transversalement sur ces coupes longitudinales. On obtient par conséquent la même figure que sur la substance de Rolando, avec la différence que l’on a ici seulement des anneaux à un seul contour, ovales où ronds (sections transversales et obliques des cylindres-axes fins des cellules de sensibilité), qui apparaissent nettement par rangées et par couches des deux côtés du canal central. Juste au milieu de la commissure, on remarque encore une ombré plus foncée, une ‘trie, devenant un peu plus transparente à mesuré qu'elle se porte sur les côtés, qui traverse la commissure postérieure dans le sens dela longueur. Cette strie doit être considérée comme le résultat du resserrement extraordi- naire des cylindres-axes à la voûte de l'arc que forme la commis- 290 N. JACUBOWITSCH, sure dans ce point. Cette figure et les rapports que je viens de dé- crire se présentent sur les coupes bien réussies d’une manière si netle et si distincte, que quiconque les aura vus une fois sera à tout jamais convaineu de l'exactitude de notre manière de voir. Mais si l’on veut embrasser d’un seul coup d’æil la figure com- plète des commissures antérieure et postérieure, ainsi que celle des cellules de sensibilité et de mouvement, et comprendre en même temps les particularités propres à ces commissures et à ces cellules, ainsi que leurs caractères distinctifs, il faut faire une section lon- gitudinale oblique, et couper très obliquement le canal central, les deux commissures, et nécessairement aussi les cornes posté- rieures et antérieures ; alors la figure est complète, et la conviction qui en résulle doit l'être de même. Avec un peu d'attention, on peut en même temps remarquer ici quelques particularités topo- graphiques ; dans le renflement sacré, les cellules de la sensibilité descendant encore très profondément des cornes postérieures dans les cornes antérieures, et conservant leur position des deux côlés du sillon antérieur, en dedans des cellules de mouvement. Pour s'orienter dans les coupes horizontales et longitudinales, la coupe transversale de la même région de la moelle épinière peut servir de modèle. Mais pour les régions postérieures et su- périeures (dorsale et caudale), il faut surtout faire attention aux deux moitiés cunéiformes des cordons postérieurs de la moelle épinière. Plus celles-ci deviennent étroites, plus profondément la section est faite par les cornes postérieures, c’est-à-dire plus près du canal central. Dans les coupes de la partie moyenne, c’est le canal central qui doit nous guider, et dans les cornes antérieures une coupe est déterminée assez exactement par l'augmentation de l'épaisseur des cordons antérieurs et la diminution du volume de la commissure antérieure, qui indiquent la région et la profondeur de la coupe. Je mentionnerai encore une coupe horizontale bien intéressante, qui ne touche qu'aux sommets et aux parties latérales adjacentes des cornes postérieures ; il n’y a donc de coupée que la partie dite substance de Rolando. Au lieu du canal central, on trouve ici au milieu les cordons postérieurs de la moelle épinière coupés dans ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 221 le sens de la longueur, et séparés par la scissure ; en dehors et sur les côtés de ceux-ci, on voit les cylindres-axes fins qui vont longi- tudinalement, et qui sont traversés çà et là par les anneaux ronds, ovales et elliptiques, à double ou simple contour, que j'ai décrits plus haut (les cylindres-axes coupés transversalement ou oblique- ment). En comprimant une coupe de ce genre (ce qui arrive quel- quelois par la pression du scalpel), les cylindres-axes qui vont longitudinalement se séparent les uns des autres, c’est-à-dire les cylindres-axes pourvus de substance médullaire se séparent de ceux qui n’en ont pas, et de cette manière on obtient une nouvelle preuve de leur véritable nature nerveuse, ainsi que de la quantité minime de tissu cellulaire qui les cimente ; celui-ci traverse en lambeaux très petits, excessivement fins et irréguliers, les petites lacunes qui se sont formées par la séparation des cylindres-axes. Ils sont, en outre, traversés par des parties diverses, grandes, foncées, ressemblant à des îles de différentes formes, et indiquant les points d'émergence des faisceaux nerveux. Tout à fait en de- hors, cette substance est limitée par des filets de fibres nerveuses appartenant aux cordons latéraux. Si, dans ce qui précède, j'ai parlé si souvent et avec quelque “certitude de vaisseaux sanguins, de leur situation, de leurs ramifi- cations , c’élait parce que le hasard m'avait offert une occasion très belle et vraiment rare d'étudier les vaisseaux sur la moelle épinière, savoir, sur la moelle épinière d’un Singe mort de myélite. Dans cette moelle épinière non-seulement les gros vaisseaux san- guins, mais aussi les plus fins, étaient remplis de globules san- guins. Ils sont, en effet, plus fins que les cylindres-axes les plus fins; couchés dans leur stroma de substance conjonctive, ils en- tourent le canal central par un réseau compacte; chaque cellule nerveuse est entourée de ramifications excessivement fines. Du reste, la moelle épinière desséchée se prête admirablement à l'étude des vaisseaux. J'ai dit plus haut que la forme d’une section transversale de la moelle épinière doit être considérée comme l'expression de la na- ture intime et de la valeur fonctionnelle de la région où la section transversale ou longitudinale a été pratiquée, Cette opinion se con- 222 N. SACUEOWITSCH. firme complétement pour chaque région de la moelle épinière, non-seulement par la disposition spéciale et constante, le nombre et la situalion de groupes entiers des éléments que j'ai mentionnés, mais aussi par le trajet constant et fixe que présentent ces éléments, surtout les prolongements et les fibres nerveuses dans certaines régions de la moelle épinière. {4 est sûr el incontestable que cette direction constante des prolongements est dans un rapport très in- time avec les fonctions des parties correspondantes. Mais pour bien comprendre ces fonctions, il faut étudier et déterminer très exacte- ment chaque région de la moelle épinière, sous le point de vue topographique, microscopique et anatomique: Cette étude seule peut nous faire comprendreles rapports fonctionnels si intéressants, si importants, el encore si peu éludiés, des différentes parties de la moelle épinière avec les divers organes qui en reçoivent leurs nerfs ; ce n’est que de cette manière que l'on peut appliquer directement les recherches scientifiques à la pathologie et à la thérapeutique, et que l’on aura une base plus certaine pour le diagnostic des mala- dies en général et des maladies des nerfs en particulier : Dans mon ouvrage, j'exposerai d’une manière précise les différences topo- graphiques des régions de la moelle épinière de l'Homme. lei je me bornerai à examiner brièvement et d’une manière générale les différentes régions de Ja moelle épinière, et je commencerai par la partie adjacente au renflement sacré que j'ai déerit ci-dessus d’une manière plus détaillée, e. Région lombaire, — L'étendue de la moelle épinière a dimi- nué de près d’un quart de ce qu’elle était dans le renflement sacré; la forme extérieure, qui était plus ou moins ronde, s’est aplatie en arrière et en avant. La cingonférence du canal central apparaît plus petite; la forme du canal correspond presque exactement à sa forme extérieure ; la masse grise qui l'entoure est moins volu- mineuse et tout à fait changée dans ses dimensions. Les cornes postérieures sont petites et allongées; elles se terminent parune extrémilé arrondie, tandis que, dans le renflement sacré, «elles claient larges et tronquées à leurextrémité. La commissureposté- rieure et l’espace qui sépare le eamal central et les'cordons posté- rieurs sont rés larges. Les cornes antérieures sont limitées à un ÉTUDES SUR LA STROCTURE INTIME DU CERVEAU. 293 pêtit espace triangulaire et pointu en avant, tandis que dans le renflement sacré elles occupent un espace large, polygonil, irré- gulier. Et c’est avec raison qu’on altribue ces changements à une diminution dansle nombre des éléments nervéux ; mais des chan- gements dans la situation de ces éléments que j'indiquerai bientôt ont également la plus grande influence sur ces modifications dans la forme extérieure. La diminution de quelques éléments nerveux coïncide presque toujoursavec l'augmentation des autres ;ici, dans la région lombaire, le groupe de nombreuses cellules ganglion- naires, situées dans le renflement sacré du côté extérieur et anté- rieur des cornes antérieures, va se placer dans l’espace considé- rable qui s’est formé entre le canal central et les cordons nerveux postérieurs, des deux côtés du canal central, tmais plus vers les cornes postérieures, c’est-à-dire presque tout à fait en arrière. Les deux groupes situés symétriquement se Sont tellement rap- prochés l'un de l’autre, qu'ils se touchent presque; énsuité leurs prolongements ne se dirigent pas Seulement transversalement à droite et à gauche, mais surtout dans le sens de la longueur, ce que l’on peut très bien voir sur les coupes longitudinales. Les cel- lules de la sensibilité sont devenues plus nombreuses ici relative- ment au petit volume des cornes postérieures; mais elles sont entassées plus à la base et sur les bords externes de ces cornes. Par là, la commissure postérieure devient non-seulement très large, mais aussi très voutée et smueuse. En même temps qu'il y a diminution dans la masse des cornes antérieures, le nombre des cellules multipolaires diminue aussi d'une manière évidente et considérablement, tandis que de l’aatre côté il n’y a pas de dimi- nution ni dans les cellules de la sensibilité, ni dans les cellules ganglionnaires. Ainsi lorsque, avec la diminution des cellules de mouvement, nous voyons aussi la commissure antérieure perdre en étendue, le contraire a lieu avec la commissure postérieure ; car, comme je viens de le dire, les cellules de la sensibilité et les cellules ganghionnaires, loin de diminuer, ont plutôt augmenté. Decelte manière est pour ainsi dire résolue une des controverses les plus importantes de da physiologie de la moelle épinière et du système nerveux en général, en ce qu'il résulte de çe qui vient 294 N. JACUBOWITSCH. d'être établi que de la grandeur ou de l'épaisseur d’une partie de la moelle épinière ne dépend pas le nombre des cellules nerveuses, des cylindres d’axes, et par conséquent des nerfs en général con- tenus dans cette partie de la moelle ou du cerveau. Cela dépend, au contraire, des qualités de ces éléments nerveux; car, selon leur grandeur, il peut y avoir un très petit nombre de grands ou un très grand nombre de petits éléments dans un espace d’un même volume donné, Cette région de la moelle épinière se prête du reste très bien à l'étude de la commissure postérieure, à cause de la largeur de l’espace intermédiaire qui existe entre le canal central et les cor- dons postérieurs de la moelle épinière. f. Région dorsale. — La forme extérieure de la moelle épinière est ici presque tont à fait cylindrique. Le volume a diminué de près d’un huitième ; le canal central se montre également circulaire et d'un plus petit calibre sur une section transversale de cette ré- gion; les cornes postérieures ont perdu en largeur, surtout en arrière et en dedans ; elles apparaissent pointues et plus étroites, et sont par conséquent réunies par une commissure plus étroite, présentant la forme d’un arc peu convexe. Les cornes postérieures occupent un espace encore plus petit que dans la région lombaire, et elles sont tronquées en avant. Des deux côtés et juste à la base des cornes postérieures, ou sur une ligne fictive qui passerait par le canal central transversalement de droite à gauche, on voit deux renflements de la masse grise latérale dirigés avec leurs pointes en arrière ou en avant (chez les Mammifères), que je se- rais disposé de nommer cornes latérales accessoires. La commis- sure postérieure et l'espace intermédiaire qui sépare le canal cen- tral des cordons postérieurs sont devenus plus étroits; les groupes des cellules ganglionnaires se sont éloignés les uns des autres, et se trouvent des deux côtés du canal central sur une ligne fictive qui toucherait en arrière à sa circonférence. Les cellules de la sensibilité sont entassées à la base des cornes postérieures, et sur- tout dans les cornes latérales accessoires que je viens de signaler, de sorte que leur nombre paraît avoir augmenté en comparaison de l’espace qu’elles occupent. Il y a encore une diminution dans les | | | ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 295 cellules du mouvement, et les cornes antérieures se composent ici en grande partie de cellules de sensibilité, qui s’enfoncent, des deux côtés, du sillon antérieur dans les cornes antérieures. Elles forment ici une couche considérable, tandis que les cellules du mouvement occupent en petit nombre seulement la partie la plus externe de la périphérie à droite, à gauche et en avant. Il va sans dire que les cordons postérieurs de la moelle épinière sont deve- nus relativement plus forts. g. Renflement brachial. — On remarque ici une augmentation successive dans le volume, jusqu'à ce qu'il soit devenu égal à ce- lui du renflement sacré. Sa forme, ainsi que celle du canal cen- tral, est quadrangulaire et à angles arrondis. Les cornes posté- rieures ont subi les changements profonds suivants. Le volume des cornes accessoires est devenu plus fort; leur sommet se con- fond avec le bord externe des cornes postérieures, ce qui aug- mente considérablement la largeur de leur base. Sur les bords externes des cornes postérieures qui sont tournés vers la scissure postérieure, on remarque de nouveaux renflements en forme de bourrelets ; les extrémités des cornes postérieures sont larges, arrondies, vers la périphérie. Les cellules de la sensibilité occu- pent, serrées les unes contre les autres, les nouveaux bourrelets internes, loue la large base des cornes postérieures et les cornes accessoires qui se sont confondues avec les bords externes de uelles-ci ; elles sont en même temps traversées dans ces endroits par des groupes assez considérables de faisceaux nerveux qui passent en différents sens en forme d’iles. La commissure posté- rieure est très prononcée ; les cellules de la sensibilité se rappro- chent assez près les unes des autres sur le bord de la commissure, et vont jusqu'à la moitié de la hauteur des cornes postérieures. Les cellules ganglionnaires conservent leur première position, et l'on voit, en outre, dans les cornes antérieures, comme dans le renflement sacré , un second groupe de cellules bien circonscrit. Ces dernières ont également augmenté d’une manière très consi- dérable dans tous les sens, de même que la masse et le nombre des cellules du mouvement , et la commissure antérieure est par conséquent devenue très considérable. 4° série. Zoo. T. XIL. (Cahier n° 4.) 5 15 296 N. JACUBOWITSCH. h. Région cervicale jusqu'au passage dans la moelle allongée. — Le volume de la moelle épinière diminue d’une manière insi- gnifiante ; la coupe transversale se montre plus circulaire. La forme des cornes postérieures reste la même, mais elles sont encore plus développées. Au niveau de la septième vertèbre cervicale, on voit apparaitre sur les deux bords externes, à partir de leur base, deux nouveaux groupes bien distincts de cellules de sensibilité, et, ce qui est plus remarquable, ils ne se trouvent pas dans la substance grise, mais ils sont couchés en dehors, des deux côtés, et ên haut entre les faisceaux nerveux des cordons latéraux. Ces groupes de cellules de sensibilité envoient leurs prolongements en partie dans les cornes postérieures, c’est-à-dire dans la substance grise com- mune, où ils paraissent se réunir avec les cellules de sensibilité qui s’y trouvent, en partie en dehors vers la périphérie, où ils émergent comme faisceaux nerveux, non loin du point d'émer- gence des racines nerveuses postérieures. À la même hauteur des cornes postérieures, et par conséquent à une grande distance de leur base, dans la substance de Rolando, entre les îles des fais- ceaux nerveux coupés transversalement et situés dans le domaine de la masse grise de ces cornes postérieures, on voit apparaître simultanément , mais en petit nombre, les grosses cellules du mouvement qui envoient leurs prolongements dans les nouveaux groupes, bien distincts, des cellules de sensibilité que je viens de signaler. Ce sont là les points d’origine du nerf accessoire de Wil- lis; et voilà pourquoi, après avoir examiné le cervean et en par+ tie le cervelet au point de vue de l’origine des nerfs, et après avoir, de concert avec M. le docteur Owsyanikoff, acquis la con: viclion de la nature mixte de l’origine des nerfs crâniens (Bulletin de l’Académie des sciences, 1855, 12-94 octobre), j'ai passé à l'étude de la moelle épinière et de la moelle allongée, croyant que l'origine y était la même. Cet espoir n’a pas été déçu; les bourre= lets internes des cornes postérieures que j'ai déjà signalés dans le renflement brachial augmentent de volume sur loutes les sections, à mesure qu'on s'élève dans la moelle épinière, et sont remplis dé cellules de sensibilité très serrées les unes contre les autres. Les cellules ganglionnaires conservent leur première position des deux ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 297 côlés du canal central ; elles se rapprochent cependant plus au- dessus du canal central; en même temps leur nombre et le volume deux groupes augmentent considérablement et d'une manière évidente. Les cornes postérieures conservent plus ou moins la même disposition, si ce n’est que les groupes de cellules ganglion- naires qui s’y trouvaient ont disparu ici dans le renflement bra- chial. Une disposition d'autant plus intéressante et plus importante qu’elle ne se présente chez les Mammifères que sur très peu de coupes, mérite une attention spéciale. Il s’agit de ce que dans les coupes de cette région on parvienne à atteindre aussi les racines nerveuses postérieures. Entre les fibres primitives des nerfs, à une assez grande distance de leur origine, sont situées des cellules ganglionnaires, et cela de manière que l’un de leurs prolongements soit dirigé vers la racine, et l’autre vers le frajet périphérique. Ce eas est bien rare, et il me semble que cela tient à la difficulté de rencontrer sur la coupe les nerfs qui émergent ici réunis à la moelle épinière. Cet obstacle est surtout très grand chez les Mam- mifères, tandis qu'il est moindre chez les Poissons, où des sec- tions de la moelle allongée, à l’origine du pneumogastrique, etc., présentent assez souvent cette disposition. Ce fait peut servir de preuve en faveur dé mon opinion sur la connexion du système nerveux sympathique avec les nerfs cérébro-spinaux, opinion que j'ai formulée de la manière suivante dans mes mémoires (p. 386) : « Les ganglions sympathiques (dans les ganglions spinauæ), les ganglions internes, comme les eælernes, avec leurs cellules, ne doi- vent pas étre regardés comme quelque chose de particulier, se trou- vant séparément en dehors du domaine de tout le système nerveux ; mais il faut les considérer histologiquement comme une partie in- tégrante et essentielle de tout le système nerveux. » i. L'endroit du passage de la moelle épinière dans la moelle allongée, c'est-à-dire jusqu'au sommet du calamus scriptorius. = Le cordon extérieur de la moelle épinière augmente continuel- lement en étendue, et s’aplatit d'arrière en avant. Le calibre du canal éylindrique devient plus grand et en même temps elliptique ; son plus grand diamètre est dirigé d'avant en arrière. Les renfle- 228 N. JACUBOWITSCH. ments internes des cornes postérieures augmentent considérable- ment de volume; mais on remarque en même temps sur des sections faites plus haut ou plus en avant (Mammifères), encore deux masses de cellules de sensibilité situées sur les mêmes bords externes des cornes postérieures que les renflements internes, mais plus haut et plus vers le sommet. Elles augmentent toujours de plus en plus de volume, ainsi que ces renflements, sur les sec- tious, à mesure qu'on avance vers le calamus scriptorius. La forme des cornes postérieures, de pointue qu’elle était, est devenue plus arrondie, et l’are de cette courbure se rapproche de plus en plus de la périphérie externe. Par ces changements, ainsi que par l'accroissement considérable qu'ont pris les quatre masses de cel- lules de sensibilité, les cordons postérieurs de la moelle épinière, qui étaient cunéiformes jusqu'ici, s'écartent les uns des autres, et sont tellement refoulés sur les côtés et en dehors, qu'ils ne pré- sentent plus qu'une strie étroite, entourant en arrière et en haut, dans la périphérie de la moelle épinière, les groupes ci-dessus men- tionnés des cellules de sensibilité considérablement augmentés. Les cordons latéraux sont refoulés par les mêmes raisons en avant et de côté, de sorte que leur limite postérieure est fixée par une ligne passant transversalement par le canal central. Ensuite on trouve en dehors, en arrière et en haut, les cordons grêles et cunéiformes (funiculi graciles et cuneati) dont j'ai déjà parlé, qui ne doivent pas être regardés comme une continuation des cordons postérieurs et postéro-latéraux de la moelle épinière ; mais qui sont le résultat de la présence et de l’accroissement considérable de ces quatre masses ou bourrelets des cellules de sensibilité, sur les bords externes des cornes postérieures, et par conséquent il faut les regarder tout simplement comme l’expression des changements survenus dans l’intérieur de la masse grise, surtout dans les cornes postérieures. Ils vont d’abord parallèlement, et limitent d’une manière immédiate le commencement du calamus scriplorius, par lequel ils sont ensuite séparés les uns des autres. Les groupes des cellules, situées à la base des cornes postérieures, augmentent considérablement, quant au volume et au nombre des cellules ; ils se réunissent au-dessus du canal central, et l'entourent d’une ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 9299 couche épaisse en haut et des deux côtés. Le volume des cornes antérieures diminue ainsi que le nombre des cellules de mouve- ment, et celte diminution a lieu simultanément avec l’accrois- sement des cornes postérieures et de leurs éléments nerveux essentiels, c’est-à-dire des cellules de sensibilité. La commissure antérieure présente ici une transformation qui est connue sous le nom d’entrecroisement des pyramides ; sur des coupes transver- sales, on la reconnait de la manière suivante : les cordons ner- veux antérieurs ayant quitté leur direction rectiligne dans leur tra- jet de bas en haut, ne sont plus coupés transversalement, mais si obliquement, qu’on ne voit plus apparaître les sections transver- sales des fibres et des faisceaux nerveux, mais des fragments plus ou moins longs des cordons antérieurs de la moelle épinière qui s'entrecroisent (1). Plus près du calamus scriptorius, ces cordons antérieurs des pyramides écartent les cornes antérieures de plus en plus, jusqu'à ce qu’elles disparaissent enfin tout à fait. A leur place, on ne trouve alors que les faisceaux circonserits par du tissu cellulaire, et partagés ainsi en groupes considérables assez régulièrement disposés, se présentant sur la coupe comme des faisceaux des cor- dons antérieurs de la moelle épinière coupés transversalement. Si la section a atteint le calamus scriptortus, le canal central et la scissure médiane postérieure s’élargissent pour former le qua- trième ventricule avec la fosse rhomboïdale ; les masses de cel- lules de sensibilité qui correspondaient aux cordons grêles et cunéiformes, et qui contribuaient essentiellement à leur formation, se confondent presque l’une avec l’autre, et limitent compléte- ment les parties latérales de la fosse du quatrième ventricule. Les parties latérales de la fosse sont tapissées par de l’épithélium cylin- drique, et immédiatement au-dessous on voit les prolongements fins des cellules de sensibilité qui se rendent dans une couche peu épaisse, mais serrée. Les cellules de la sensibilité des cordons gréles et cunéiformes se sont confondues avec les extrémités (4) Je ferai remarquer ici que, par les motifs ci-dessus, indiqués on ne peut séparer les cordons latéraux des cordons antérieurs, 230 N. JACUBOWITSCH. arrondies des cornes postérieures, Celles-ci occupent maintenant toute la partie externe et latérale de la moelle épinière, et l’on voit d’une manière claire et parfaitement leur passage immédiat et continu dans les corps olivaires. Le fond de la fosse du quatrième ventricule est également tapissé d’épithélium cylindrique, sous le- quel se trouve immédiatement la couche de plus en plus forte des cellules ganglionnaires qui forment déjà ici les points d’origine ou les noyaux du nerf hypoglosse, du glosso-pharyngien, etc. Des deux côtés, en avant et en bas, entre les faisceaux des cordons antérieurs de la moelle épinière, coupés transversalement et obli- quement, situés symétriquement, séparés et en même temps réunis par un raphé, près de leur périphérie, apparaissent de nouveau ici deux nouvelles masses symétriques de cellules de sensibilité, con- nues sous le nom de corps olivaires, qui contribuent essentielle- ment à la formation du pont de Varole, et à la réunion du cervelet comme stratum zonale , avec d’autres dispositions que j’exposerai bientôt. Ainsi la transformation de la moelle épinière en moelle allongée consiste essentiellement : a). En un développement considérable des cornes postérieures de la moelle épinière, joint à un développement en masse de leurs cellules de sensibilité, qui constituent la base des cordons tendres, des cordons cunéiformes , des olives et des olives latérales. b). Dans l’entrecroisement des cordons antérieurs (et des cor- dons dits latéraux), désigné par les anatomistes du nom de decus- satio corporum pyramidalium, c). Dans la disparition des cornes antérieures de la moelle épi- nière et de leurs cellules de mouvement, ce qui a lieu aussitôt que la décussation apparait. d). Dans le développement en masse des cellules ganglionnaires de la deuxième espèce. k). Moelle allongée, depuis le calamus scriptorius jusqu'au point d'émergence du nerf auditif, du trijumeau, du facial, du moteur oculaire externe et des pédoncules inférieurs du cervelet. Elle est, quant à sa structure et sa disposition, une continuation de la partie déjà décrite, avec quelques petites différences produites par les ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 231 nerfs qui en émergent, et par les faisceaux nerveux qui la tra- versent en différents sens. Je ferai remarquer ici que c’est surtout sur les sections horizon- tales, faites dans le sens de la longueur de cette région, que la structure, en apparence si compliquée de la moelle allongée, se présente d'une manière simple et nette. Sur ces sections, on peut se convaincre d’abord de la disparition graduelle, et enfin dans certains endroits de cette région de la moelle allongée, de l'ab- sence totale des cellules multipolaires; on y voit apparaître, des deux côtés de la moelle allongée, les pédoneules cérébelleux infé- rieurs coupés transversalement. Ce sont ceux--ci qui renferment les cellules du mouvement qui ont disparu ; en effet, ces cellules passent en très grande partie, avec les pédoncules en question, dans le cervelet, où elles sont situées dans les nuclei dentati, dans la paroi antérieure ou supérieure du fastigium composé d’une partie médiane (valv. cereb. ant.) et de parties latérales symé- triques ; ce dernier est formé, dans sa partie dirigée vers la fosse du quatrième ventricule, en très grande partie des filets de fibres des cylindres d’axe de ces cellules. Les deux groupes de ces cellules situés symétriquement émettent mutuellement ces cylindres d’axe pour se réunir; ilen est de même des cellules de sensibilité situées à côté de celles-ci ; de cette ma- nière il se forme par ces cylindres d’axe une commissure com- plète et double au-dessus du fastigium. Les groupes doubles des cellules de mouvement, de sensibilité et des cellules ganglion- naires, constituent des points d’origine pour beaucoup de nerfs qui émergent ici, et finalement ils s’enfoncent jusqu’à la place occupée par le pont. Le célèbre M, Flourens, qui à rendu tant de services à la science, avait raison de désigner la moelle allongée comme le point vital de l'économie, ce qu'il a prouvé par ses nombreuses expériences physiologiques, que M. Claude Bernard a répétées et multipliées. Mais ce n'est que par les recherches histologiques que j'ai faites dans celte région, que l'énigme de ces expériences physiologiques me parait s’éclaircir et se résoudre d’une manière plus où moins salisfuisante; car la sensibilité, dans le sens le plus large du mot, 9232 N. JACUBOWITSCH. est le deuxième agent de la vie organique qui vient après le pre- mier, la nutrition. Ces deux produisent le troisième, qui est le plus élevé, le mouvement, (Et qui sait si le premier échelon de la vie animale, l’activité intellectuelle, n’est pas due à l’action commune de ces trois genres d'éléments nerveux?) Je ferai remarquer ici par anticipation que les cellules ganglion- naires, c'est-à-dire celles de la deuxième espèce, sont plus déve- loppées, partout où on les trouve, chez les Herbivores que chez les Carnivores. G 1. Protubérance annulaire (Pons) et cervelet. — La protubé- rance annulaire (Pons) doit être regardée comme un corps simple ; on y retrouve sous le microscope les rapports morphologiques de la partie ci-dessus décrite de la moelle allongée, avec l’arrange- ment particulier de ses fibres nerveuses et le groupement de ses cellules nerveuses. On y voit notamment se continuer les diffé- rentes cellules nerveuses des olives et les olives latérales, tandis que, comme je l’ai déjà indiqué, les cellules nerveuses des pyra- mides et des cordons antérieurs de la moelle épinière remontent en même temps par les pédoncules cérébelleux dans le cervelet. Le stratum zonale est formé par les fibres nerveuses de ces groupes de cellules nerveuses (olives, olives latérales), et l’on peut suivre leurs fibres circulaires, situées immédiatement à la surface exté— rieure, à travers les pédoncules cérébelleux jusqu’à la couche cor- ticale grise du cervelet, et jusqu'aux cellules pyriformes qui s’y trouvent. De sorte que les groupes des cellules nerveuses situées dans l’intérieur de la protubérance, mais plus rapprochées de sa surface inférieure ou antérieure, forment, comme d’habitude, leurs commissures, et envoient, en outre, sur les côtés en haut, des fibres nerveuses aux cellules nerveuses pyriformes de la couche corticale du cervelet , donnant ainsi ce que les anatomistes dési- gnent sous le nom de fibres transversales de la protubérance annu- laire. Les fibres de ce stratum zonale sont traversées dans leur milieu par les filets des fibres qui vont des pyramides, des olives, etc., aux tubercules quadrijumeaux et au cerveau, ainsi que par les nerfs qui émergent ici du cervelet. C’est pourquoi je laïs- serai de côté la description topographique de la configuration de ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 233 la protubérance, qui est du reste représentée d’une manière par- faite dans les planches de Stilling, dont la manière de voir est cependant tout à fait différente de la mienne, quant à ce sujet. Une description sans planches serait difficile à comprendre. Le cervelet, qui mérite une attention spéciale pour la structure de sa partie périphérique et pour sa disposition à l’intérieur, est formé par : a). Les cordons qui, de la moelle allongée, rayonnent dans le cervelet. Ces cordons renferment, comme on l’a déjà vu, la masse fondamentale pour la formation du cervelet, c’est-à-dire les cel- lules du mouvement, de la sensibilité, et les cellules ganglion- naires. Aussitôt après leur entrée dans le cervelet, les filets de fibres nerveuses se séparent en éventail les uns des autres. Cha- cun de ces innombrables éventails, ayant l’aspect de rameaux avec des ramuscules, est recouvert à la périphérie par la masse grise, dont les circonvolutions si nombreuses et si variées portent avec raison le nom d’arbre de vie sur la section transversale. Tous ces pédoncules (lamelles de la substance médullaire dans le cer- velet) sont limités par la masse grise qui les recouvre. Celle-ci est composée de cellules multipolaires, pyriformes, situées en rangées régulières l’une à côté de l’autre, se réunissant entre elles, et envoyant alors des branches innombrables vers la périphérie. Les ramifications des cylindres d’axe vers la périphérie forment un véritable réseau de rameaux et de ramuscules qui communi- quent entre eux. Enfin, sur le bord le plus externe de la périphé- rie, ces ramifications, représentant des baguettes plus ou moins longues des cylindres-axes, sont situées parallèlement et étroite- ment les unes à côlé des autres, et elles paraissent se confondre par leurs extrémités sous un angle aigu ; du moins, il y a plus de raisons pour que contre la réunion des deux cylindres d’axe situés parallèlement, et serrés les uns contre les autres, comme je viens de le dire. Mais quelques-uns de ces cylindres-axes périphériques se contournent à la périphérie, traversent en ligne droite toute la couche périphérique, et se perdent enfin en formant le pédoncule (lamelle de la substance médullaire). b). Cette lamelle est formée, outre ces cylindres d’axe contour- 234 N. JACUBOWITSCH, nés à la périphérie, encore, et pour la plus grande partie, par les prolongements de ces mêmes cellules pyriformes, partant de celles-ci en sens inverse, isolément ou deux à deux le plus sou vent, pour se rendre au centre, et pour former ainsi le corps mé- dullaire du cervelet ou sa masse médullaire centrale blanche; de sorte que la masse centrale du cervelet se compose de deux élé- ments : des cylindres d’axe des cellules pyriformes propres au cervelet, qui ont une direction longitudinale, et qui se contournent dans les différentes cinconvolutions; et des eylindres-axes des cel- lules de mouvement, de sensibilité, et des cellules ganglionnaires. Les groupes de ces dernières cellules, situés symétriquement des deux côtés dans le corps médullaire, et représentant les centres pour les nerfs qui émergent du cervelet, contribuent à la forma- tion de la substance médullaire, située immédiatement au-dessus du fastigium, comme je l’ai déjà dit, qui doit être considérée comme une commissure entre ces groupes de cellules. Ces groupes donnent, en outre, des prolongements qui pénètrent dans les lamelles de la masse blanche, et d’autres qui se confondent avec les fibres nerveuses des pédoncules cérébelleux inférieurs et supérieurs. De cette manière il se forme un cerele complet, dont la partie inférieure est siluée dans la protubérance annulaire. Entre la couche périphérique ou grise et la substance blanche, on rencontre, sur chaque section qu’on pratique dans le cervelet, encore une couche composée de petits anneaux semblables à con- tours tranchés, dont la nature nous était restee longtempsinconnue, jusqu’à ce que nous eussions reconnu les éléments de cette couche comme des cylindres d’axe coupés en différents sens. Outre ces éléments nerveux purs, qui sont tous réunis entre eux par du tissu cellulaire, on voitpartir de la périphérie, pour se rendre dans l’in- térieur du cervelet, une masse vraiment innombrable de vaisseaux sanguins, surtout de veines, débouchant ici distinetement, dans le voisinage des cellules nerveuses pyriformes, par leurs troncs efférents, pour ainsi dire comme des sinus microscopiques. La nature du tissu cellulaire est la même que partout ailleurs. Les fubercules quadrijumeaux forment cette région à la base du cerveau, où les trois éléments nerveux en question se trouvent ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 9235 pour la dernière fois l’un à côté de l'autre, et d’une manière si nette, que l’on peut distinguer très clairement leurs caractères morphologiques et les rapports qu'ils ont entre eux avee les nerfs qui en émergent en général, et spécialement avec les nerfs crà- niens. Leur structure est néanmoins très instructive; elle se prête très bien à l'examen de Ja disposition générale, surtout pour ce qui concerne le mode d’origine des nerfs en général et des nerfs crâniens en particulier ; car l’origine du moteur oculaire commun qu'on voit ici peut et doit être considéré comme type pour tous les autres nerfs cräniens, à l'exception toutefois des nerfs des sens. Les origines de ces derniers nerfs, comme les nerfs qui tirent leur origine de la moelle allongée, ne se distinguent de celles des autres nerfs que par l’absence des cellules motrices. Autour de l'aquedue de Sylvius, on trouve sur la section transversale la masse grise très étendue, et présentant la forme d’un cœur, dont la pointe est dirigée en bas. Cette pointe est remplie par une masse épaisse de cellules de sensibilité, dont les prolongements se diri- gent en divergeant en bas et des deux côtés, et suivent ensuite les trajets du nerf moteur oculaire commun. Quelques prolongements de ces cellules sont coupés transversalement , ce sont ceux qui vont longitudinalement dans le cerveau, et d’abord dans la couche optique; d’autres s'étendent dans la masse grise en rayonnant vers la périphérie, et sont coupés en partie obliquement, en par- tie dans d’autres sens. Il en résulte ici également la configuration de la substance de Rolando et de la masse grise en général, avec des vaisseaux sanguins nombreux présentant des ramifications considérables. Des deux côtés de la pointe, dans la masse grise, se trouvent deux ganglions considérables formés par des cellules ganglionnaires de la deuxième espèce, dont les uns envoient distinctement leurs prolongements dans les trajets communs du moteur oculaire commun, destinés aux fibres nerveuses, tandis que les autres s'étendent en rayonnant vers la périphérie. Au- dessous de la pointe, et symétriquement des deux côtés, se trouvent deux forts groupes de cellules de mouvement, qui, par leurs pro- longements, forment, premièrement, une forte commissure au milieu. Ils envoient, deuxièmement, leurs prolongements dans les 236 N. JACUBOWITSCH, trajels du moteur oculaire commun, et enfin, troisièmement, une autre partie à droite et à gauche dans la grande commissure en fer à cheval dont je parlerai à l'instant. La grande commissure en fer à cheval se forme de la manière suivante : Tout à fait contre la limite de toute la périphérie de la iasse grise en forme de cœur se trouvent des cellules ganglion- naires isolées ou réunies par deux, par trois, jusqu’à quatre, et qui sont, chose très intéressante, de la première espèce. Elles sont par conséquent très grosses, et varient dans leur vulume et dans la régularité de leurs contours. L'acide chromique les colore fortement ; leur contenu n’est pas aussi transparent que celui des cellules ganglionnaires de la deuxième espèce quiles avoisinent. Elles envoient leurs prolonge- ments en partie dans la masse périphérique des tubercules quadri- jumeaux qui les entourent, en partie dans la courbure même de la commissure en fer à cheval ; celle-ci est, en outre, formée par des prolongements de cellules de mouvement qui sont dispersées tout autour; de sorte que cette commissure se compose, d’une part, de fibres très épaisses, à double contour, et décrivant des ondula- tions de haut en bas; elles se dispersent par portions, s’enfonçant isolément ou par faisceaux dans les deux groupes considérables de cellules de mouvement situés au-dessous. C’est ainsi que se forme de nouveau ici, comme dans le cervelet, un cercle complet de filets nerveux, et la réunion réciproque des cellules nerveuses entre elles et de leurs groupes se fait dans une plus grande éten- due. Plus en bas et latéralemeut, à droite et à gauche de ces deux groupes de cellules de mouvement, se trouvent deux groupes également symétriques, composés de cellules de sensibilité, qui, comme celles-là, envoient leurs prolongements en partie pour former la commissure qui réunit les deux groupes, en partie aussi des deux côtés, dans le voisinage et dans la grande commissure en fer à cheval. Ces différents éléments nerveux, ainsi que leurs cylindres d’axe, sont réunis entre eux par du tissu cellulaire, qui se montre avec le plus d’abondance autour de l’aquedue de Sylvius. Les hémisphères cérébraux, avec toutes les parties qui leur appar- ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 9237 tiennent anatomiquement, considérés dans leur ensemblé, consti- tuent un tout qui entoure la base du cerveau en avant, en haut, en bas et latéralement, et qui est formé essentiellement par un seul genre d'éléments nerveux, les cellules de la sensibilité. C’est pour celte raison que je n’entrerai pas dans beaucoup de détails à cet égard ; je me bornerai à décrire la périphérie des hémisphères, en touchant sommairement à la structure de leurs parties. La péri- phérie du cerveau avec ses circonvolutions innombrables et va- riées ressemble, quant à sa disposition, à la périphérie du cerve- let, et se compose de couches épaisses très serrées de petites cellules de sensibilité qui envoient leurs prolongements, de même que les cellules pyriformes du cervelet, vers la périphérie avec des ramifications très variées. Ces prolongements apparaissent enfin, ainsi que cela a lieu dans le cervelet, à la couche superficielle de ‘chaque circonvolution, comme des baguettes fines de différentes longueurs, allant parallèlement en ligne droite ou plutôt en rayon- nant. Sur le bord le plus externe de la section, elles paraissent aussi se réunir et se confondre en formant un angle très aigu, On ne voit pas d'espace intermédiaire entre deux cylindres d’axe situés l’un à côté de l’autre; mais leurs contours sont bien tran- chés, et on les reconnait distinctement. Les vaisseaux sanguins, qui pénètrent en grande quantité de la périphérie dans l’intérieur, les séparent par groupes, comme dans le cervelet. Il y a de même des prolongements de ces cellules qui se dirigent vers le centre, se mêlent à d’autres, allant de l’intérieur des hémisphères vers la périphérie, et formant une couche considérable de cylindres d’axe qui prennent différentes directions ; tout cela, considéré ensemble, représente une masse nerveuse compacte, réunie par une quantité excessivement petite de tissu cellulaire, et traversée par des vais- seaux sanguins nombreux. La couche en apparence finement gra- nulée, qui, dans le cervelet, est située tout à fait contre les cellules périphériques en dedans, et qui sépare la couche des cellules pé- riphériques de la masse centrale, ne manque pas non plus ici, et joue absolument le même rôle que dans le cervelet. Corps calleuæ. — 1 n’est sans doute pas nécessaire de rappeler que cette partie représente une forte commissure des cellules qui 238 N. JACUBOWITSCH. forment les hémisphères, et quiconque a étudié là configuration du cerveau ét sa structuré microscopico-morphologique, recon- naîtra de même que les couches des cellules de la corne d’Ammon pénètrent également dans cette commissure avec leurs prolonge- ments. Les corps striés, la voûte à trois piliers, les couches optiques, sont formés essentiellement, comme je l'ai déjà dit, par les mêmes éléments que les hémisphères cérébraux ; on en trou- vera une description détaillée, avec leurs propriétés et leurs parti- cularités, dans l’ouvrage que je publierai bientôt. J'ajouterai seule- ment ici qu'il n’y a dans le cerveau en général, outre les cellules de la sensibilité, ni cellules de mouvement, ni cellules ganglion- naires; mais il est hors de doute que les cylindres d’axe de ces dernières cellules nerveuses pénètrent avec leurs prolongements dans les hémisphères cérébraux, et que leurs parties les traversent ; chaque coupe de n'importe quelle région nous le montre d’une manière très distincte. Mais le dernier mot n’est pas encore dit sur ces cylindres d’axe, et, pour arriver à connaître leurs termi- naisons et leurs derniers rapports, il faut une étude spéciale ; ce- pendant, comme je l’ai déjà dit, beaucoup de raisons font croire que ces cylindres d’axe se séparent à la périphérie en ramifica- tions multiples, et s’y términent, comme dans le cervelet, en une couche de baguettes qui, sur le bord des circonvolutions, passent l’une dans l’autre sans interruption, et forment pour ainsi dire de cette manière des anses étroitement entrelacées. L'un des pédon- cules de ces anses, qui forment la couche en baguettes, devrait donc être considérée comme des prolongements de cellulés ner- veuses éloignées, et l’autre, ainsi que cela a lieu dans le cervelet, comme des prolongements des petites cellules de sensibilité situées sur la limite de la substance grise et de la substance blanche du cerveau. Les cylindres d'axe tirent par conséquent leur origine d’une cellule quelconque, se ramifient et se confondent ensuite à la périphérie, et retournent de la périphérie au centre, dont ils forment la masse principale. Qu'ilme soit permis, en terminant, de résumer en quelques mots les résultats de mes recherches; en les soumettant à l’apprécia- tion du monde scientifique, je prie ceux qui voudront les juger dé ÉTUDES SUR LA STRÜCTURE INTIME DU CERVEAU. 239 prendre en considération la diffieulté de ce travail et l'insuffisance de mes forces pour une tâche si difficile. I. Tout le système nerveux cérébro-spinal (la moelle épinière, la moelle allongée, les tuberculés quadrijumeaux, le cerveau et le cervelet) et tout le système nerveux ganglionnaire consistent, d’une façon générale, en trois genres d'éléments nerveux : les cellules du mouvement, les cellules de la sensibilité, les cellules ganglionnaires (celles-ci comprennent deux espèces) ; et il faut y joindre les cylindres d’axe de toutes ces cellules. Il. Un élément histologique non moins important entre pour beaucoup dans l’édifice et dans la construction du système ner- veux, c’est le système du lissu cellulaire : non-seulement il unit, à la facon d'un ciment, les éléments nerveux isolés en forme de groupes, et les réunit aux différentes subdivisions du système ner- veux, mais il a encore une autré importance essentiellement fonc- tionnelle, attendu qu'il contient les vaisseaux sanguins, et sert par conséquent à la condition de vie la plus importante, c’est-à-dire à la nutrition. Peut-être contribue-t-il par l'enveloppe plus ou moins forte qu’il fournit aux cylindres-axes (fibres nerveuses à double contour, fibres nerveuses à simple contour avec et sans moelle) aux fonctions de cés mêmes cylindres. IL. La moelle épinière doit être regardée comme un tout à part, présentant une structure qui varie dans ses diverses parties, quant au nombre et à la disposition des éléments nerveux essentiels. Ces différences de structure sont en rapport avec les différences fonc- tionnelles des nerfs, qui tirent leur origine de certaines régions déterminées de la moelle. (Comparez la région cervicale et dor- sale, les renflements cervicaux et lombaires, etc.) IV. La détermination exacte des régions de la moelle épinière doit nécessairement trouvér une application pratique en pathologie et en thérapeutique, et elle est appelée à acquérir de l'influence sur le diagnostic des maladies nerveuses en général et de celles 240 N. JACUBOWITSCH. de la moelle épinière en particulier, ainsi que sur le traitement de ces maladies. V. La moelle allongée doit être considérée comme une conti- puation de la moelle épinière provenant d’un développement con- sidérable des cornes postérieures et des cellules de sensibilité que contient la moelle épinière (les olives, les olives latérales, la masse grise dans les faisceaux grêles et cunéiformes), ainsi que des cel- lules ganglionnaires de la moelle épinière (généralement situées dans le voisinage du canal central et de la fin du quatrième ven- tricule). La moelle allongée se distingue de la moelle épinière par une absence presque totale de cellules de mouvement. VI. Les corps ou tubercules quadrijumeaux forment une conti- nuation immédiate de la moelle épinière, avec laquelle ils sont unis par la moelle allongée ; et c’est la dernière région où tous les élé- ments nerveux se présentent ensemble dans leurs rapports spé- ciaux soit entre eux, soit avec les origines des nerfs. Les corps quadrijumeaux se distinguent par la grande commissure en forme de fer à cheval, dans laquelle se trouve par exception la première espèce de cellules ganglionnaires. VII. La commissure en fer à cheval envoie ses filets de fibres nerveuses dans les couches optiques jusqu'aux corps striés. On les poursuit facilement en pratiquant des sections horizontales. Pour cette raison , la commissure doit être regardée comme un moyen essentiel d'union entre la moelle épinière et la moelle allongée d’une part, et, d'autre part, le cerveau et le cervelet. VIII. Le cervelet doit être regardé comme une subdivision du système nerveux formé : a). Par une partie du faisceau antérieur et des cornes antérieures de la moelle épinière, qui pénètrent pour la plupart dans le pé- doncule de la moelle allongée vers le cervelet, avec leurs cellules de mouvement et leurs filets de fibres nerveuses. b). Par une partie des faisceaux nerveux postérieurs et de leurs ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 244 éléments (cellules de sensibilité), qui se trouvent aussi dans les corps restiformes. c). Par des cellules ganglionnaires qui, groupées en grandes masses, forment, avec les éléments nommés précédemment, la masse de la substance médullaire (substance blanche) du cervelet : celui-ci est mis en rapport avec le pont de Varole et les corps qua- drijumeaux par les pédoncules de la moelle allongée vers le cer- velet, et par les pédoncules des corps quadrijumeaux. d). Par une substance grise qui constitue la couche d’enveloppe du cervelet, et qui se distingue par ses cellules en forme de poire. IX. Les hémisphères cérébraux, de même que les portions qui en font partie, consistent essentiellement en cellules de sensibilité avec une couche périphérique qui est formée, comme dans le cer- velet, par des ramifications de cylindres-axes {rès nombreux ter- minés en baguettes. (Je nomme cette couche : couche en baguettes.) X. La substance de Rolando doit être considérée comme une masse nerveuse pure, réelle, consistant en cylindres-axes, avec ou sans substance médullaire, qui existent non-seulement dans les cornes postérieures de la moelle épinière, mais aussi dans le cer- veau, le cervelet, et les corps quadrijumeaux avec leurs réseaux fibreux et leurs couches en apparence nucléolées (anneaux à con- tours simples et doubles, coupes de fibres nerveuses). XI. On ne peut déterminer d'une manière absolue les corpus- cules du tissu conjonctif ou cellulaire que l’on rencontre dans le système nerveux central, Le réseau cellulaire apparaît plutôt par- tout sous forme de grains très fins, et se dessinant dans certains endroits comme un réseau. Le réseau cellulaire surtout présente dans le voisinage du canal central un dessin en forme de filet ; il en est de même au niveau de l’aquedue de Sylvius, et partout où les vaisseaux sont fortement entassés. Souvent, et surtout dans les endroits où les cylindres d'axe se trouvent cimentés, il se trans- forme en une membrane homogène transparente, vitreuse, à grains fius, de dimensions si petites, qu’il est presque impossible de les mesurer, etse trouve extrêmement réduit dans le système nerveux central, eu égard à sa quantité, #° série. Zooc. T. XIE (Cahier n° #1 4 16 942 N. JACUBOWITSCH. XIE. Tous les éléments nerveux s'unissent de trois manières différentes : 1). Pardescommissures qui mettent en rapport parles cylindres- axes deux groupes situés symétriquement. Iei viennent se placer les commissures antérieure et postérieure de Ja moelle épinière, la commissure du cervelet et la commissure en forme de fer à cheval dans les tubercules quadrijumeaux ; enfin aussi les commissures des cellules sensibles et ganglionnaires dans la moelle allongée ; 2). Par des unions qui ont lieu entre les cellules nerveuses de groupes cellulaires situés très loin ou très près du même côté, et de la même espèce : la première union a lieu dans les groupes de cellules du mouvement, de la sensibilité et des cellules ganglion - paires, partout oùilsne se présentent que par groupes; la seconde ünion a lieu dans le cervelet et dans les corps quadrijameaux ; 3). Par la couche que j'ai nommée couche en baguelles, qui se trouve à la périphérie du cerveau et du cervelet, el où viennent se réunir plusieurs éléments nerveux (cellules nerveuses de mouve- ment, de sensibilité, et cellules ganglionnaires avec leurs prolon- gements), comme je crois l'avoir trouvé. XII. Je crois avoir prouvé suffisamment par les observations ci-dessus mentionnées que l'épaisseur différente de la moelle épi- nière et ses deux renflements, ainsi que l’augmentalion de volume de la moelle allongée, dépendent du nombre différent et de la disposition particulière et locale des éléments nerveux. XIV. Les rapports visibles et mesurables, relatifs et absolus de grandeur et d’étendue, ainsi que le poids de la masse nerveuse en général et des parties isolées du système nerveux en particulier, n'indiquent pas l'importance de la lotalité ou des parties de ce système, ni chez certains animaux, ni dans l'espèce humaine. La grandeur absolue et relative des trois éléments nerveux essentiels constitue le critérium de cette importance. De tous les genres et de toutes les espèces d'animaux, c'est chez l'Homme qu'ils sont relativement et absolument les plus petits: c’est pour cela qu'en raison de l'espace qu'ils occupent, ils sont le plus nombreux chez lui. Comme, selon toutes les apparences, les cellules nerveuses sont susceptibles de multiplication, de même que tous les éléments ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 243 histologiques, il me semble probable qu'une augmentation numé- rique des éléments nerveux a lieu en même temps qu'une diminu- lion d’une partie du tissu cellulaire durant le développement intel- lectucl, et cela sans que la masse du cerveau devienne en méme temps plus grande. La pathologie a suffisamment prouvé que, dans le cas contraire , dans la démence et dans les différentes formes de crétinisme, le développement des éléments nerveux reste sta- lonnaire, ou même qu'il y a subsütulion de tissu cellulaire aux cellules nerveuses. XV. Les différentes couleurs ou plutôt les nuances que l'on rencontre dans le domaine du système nerveux, et que l'on a admises comme caractéristiques en analomie pour certaines ré- gions, les nuances grises, gris-rouge, brunes, jaunâtres, violettes et bleues, n'ont aucune relation avec les conditions correspon- dantes soit des cellules nerveuses, soit de leurs cylindres-axes ; mais elles dépendent uniquement des vaisseaux sanguins, des ar- tères, des veines, de leur nombre, de leur épaisseur ou de leur finesse, et d’autres particularités de même ordre. XVI. Quant à ce qui a rapport à l’origine des nerfs issus du cerveau et du cervelet, ainsi que de la moelle allongée et de la moelle épinière, je maintiens l'opinion que j'ai émise à ce sujet dans ma dernière publication, que tous les nerfs sont, d’après leur origine, de nature mixte. Des recherches nombreuses et inces- Santes m'ont conduit à cette conviction; je me borne ici à la communication des résultats suivants de mes investigations : 1). Les racines antérieures el motrices consistent en fibres qui proviennent des cellules de mouvement, des cellules ganglion- naires ét des cellules de sensibilité. Le nombre des fibres prove- nant des cellules ganglionnaires et de sensibilité est différent dans les différentes régions de la moelle épinière (par exemple, dans les régions lombaire, cervicale et dorsale). 2). Les racines postérieures consistent principalement en fibres qui proviennent des cellules de sensibilité et ganglionnaires, et en moins grande partie en fibres des cellules de mouvement. 3). Les nerfs de la moelle allongée consistent surtout en fibres naissant des cellules ganglionnaires, el en fibres provenant des cel- 9%4 N. JACUBOWITSCH, lules de la sensibilité. Quelques-uns , très peu nombreux (ceux qui prennent leur origine au passage de la moelle allongée dans la moelle épinière), contiennent aussi des fibres de cellules de mouvement. h). Tous les nerfs du cerveau, excepté les nerfs des trois prin- cipaux sens, qui consistent seulement en fibres provenant des cel- lules ganglionnaires et de sensibilité , sont formés de fibres qui proviennent de cellules motrices, sensibles et ganglionnaires de la deuxième espèce. XVII. Enfin, je dois encore ajouter une observation qui s’est produite dans le cours de mes recherches. J'ai souvent essayé de tuer subitement par les narcoliques (acide prussique, nicotine, conine, etc.) les animaux destinés à mes préparations. Dans tous ces cas, les préparations du cerveau et de la moelle épinière de- venaient lout à fait inutiles pour mes recherches histologiques, parce que les éléments nerveux et cellulaires se trouvaient entière- ment détruits, les membranes en étaient déchirées, les cylindres d’axe séparés des cellules et mis en pièces, et le contenu des cel- lules était racorni et diminué. Je ne puis m'empêcher d'attribuer ces changements remar- quables, dans lous ces cas, à une interrüplion soudaine de la nu - trition qui est produite par l’action du poison. Ces observations donnent l'unique explication saisissable de l’action mortelle et sou- daine des narcoliques en général el des alcaloïdes en particulier. Tous ces faits, (ous ces résultats d'expériences, sont fondés sur près de 25,000 coupes microscopiques que j'ai faites systémati- quement, depuis le fil terminal jusqu'à la périphérie externe des hémisphères dans différentes directions et chez différents animaux. Is se fondent surtout sur autant, sinon plus, de coupes analogues qui sont bien conservées, susceptibles d’être transportées, et qui ne laissent rien à désirer sous le rapport de la précision et de la elarté. Je suis prêt et j'offre de tout mon cœur à montrer cette collec- tion de coupes à tous ceux qui s'occupent spécialement de cette étude ; qu’elles servent à résoudre les questions en litige soit comme corpora delicti, soit comme preuve de l'exactitude de mes observations. Telles sont mes idées sur la structure et la texture du système nerveux en général, du cerveau et de la moelle épinière ÉTUDES SUR LA STRUCTURE INTIME DU CERVEAU. 245 en particulier, exposées d’une manière nelle et concise. Elles sont le résultat d'un travail poursuivi avec une assiduité infatigable, auquel j'ai consacré quatre années de ma vie. En soumettant au monde scienüifique ces observations, résultat d’études longues ct pénibles, j'espère qu'on ne refusera pas à mon travail l'attention due à l'importance et à l'intérêt du sujet. NOTE SUR LA COLORATION DES OS DU FŒTUS PAlt L'ACTION DE LA GARANCE, MÊLÉE A LA NOURRITURE DE LA MÈRE, Par NM. FLOURENS. I y à vingt ans aujourd'hui que je présentai à l'Académie (Séance du à février 1840) deux ou trois squelettes de pigeons, rougis par l’action de la garance, qui avait été mêlée, pendant un certain temps, à la nourriture de ces animaux. Les dernières ex- périences de ce genre, faites en France, l'avaient été par Duha- mel en 1739, c'est-à-dire un siècle avant les miennes. Les expé- riences de Duhamel étaient à peu près oubliées ; les miennes furent accueillies avec curiosité par les physiologistes. Dans la séance du 24 février 1840, passant de mes expériences sur les Oiseaux à celles sur les Mammifères, je présentai à l’Aca- démie deux ou trois squelettes de jeunes pores dont les os et les dents étaient complétement rougis aussi par l'action d’un régime mêlé de garance. Aujourd'hui je présente à l’Académie un fait beaucoup plus curieux, et, à ce que je crois, tout nouveau. Il ne s’agit plus des os de l'animal même nourri avec de la garance ; il s’agit des os d’un fœtus, dont tous les os sont devenus rouges, et du plus beau rouge, par cette seule circonstance que la mère a élé soumise à un régime mêlé de garance pendant les quarante-cinq derniers jours de la gestation. Et non-seulement tous les os sont devenus rouges (1), mais les dents le sont devenues aussi. Du resle, il n'y a que les os et les dents (c’est-à-dire que ce (4) Et, chose remarquable, d'une manière beaucoup plus complète et plus uniforme, que lorsque le fœtus, étant né, est soumis lui-même, des qu'il peut manger, au régime de la garance, tant la perméabilité du tissu de l'embryon s'est plus facilement prêtée à la pénétration du sang de la mère. 246 FLOURENS, qui est de nature osseuse) qui le soient devenus. Ni le périoste, ni les carlilages, ni les tendons, niles muscles, ni l'estomac, ni les in - teslins, ele., rien autre, en un mot, que ce qui est os n'a été coloré. Tout ceci est absolument ce qui se passe dans les animaux nour- ris eux-mêmes avec un régime mêlé de garance. Je fais passer sous les yeux de l'Académie trois pièces qui sont trois parties du même squelette. La première est le tibia droit, joint à son péroné. Tout l’os est rouge; mais ni le périosle, niles cartilages ne le sont. La seconde pièce est le tibia gauche ; un lambeau du périoste a été détaché sur un point, et l’on voit qu'il a conservé sa couleur blanche ordinaire. La troisième pièce est le reste du squelette. On y remarquera surtout les dents, qui sont parfaitement colorées. La coche qui m'a donné ce fœtus en a produit cinq à Ja fois. Deux sont morts et tous deux se sont trouvés également colorés. Les trois autres vivent, et l’on peut juger, par la coloration de leurs dents, de la coloration du reste de leur squelette (1). Je me borne à présenter aujourd’hui le fait à l'Académie. I est capital. La mère ne communique directement, immédiatement, avec l'intérieur du fœtus que par son sang. Or, la communication du sang de la mère avec celui du fœtus, de quelque mode qu’elle se fasse (2), mode que j'examinerai dans une autre Note, ést un fait plein de conséquences. Comment le fœtus respire-t-il ? Comment se nourrit-il ? Évidem- ment par le sang de la mère. Tous les physiologistes sérieux l'ont toujours pensé et toujours dit. Mais le sang de la mère communique-t-il avec celui du fœtus? C'était à toute la question ; et, par les pièces que je mets sous les yeux de l'Académie, on voit qu’elle est résolue. Le sang de la mère communique si pleinement avec celui du fœtus, que le principe colorant de la garance, ce même principe qui colore les os de la mère, colore aussi les os du fœtus. (4) Comme je juge, par la coloralion des dents, de celle du squelette, sur la mère encore vivante. (2) Et ce ne peut être que par une sorte d’endosmose. MÉMOIRE SUR LE SYSTÈME NERVEUX DE L’HALIOTIDE (HALIOTIS TUBERCULATA et H, LAMELLOSA Lamk.) Par H. LACAZE DUTHIERS. La rapidité avec laquelle quelques auteurs se hâtent de généra- liser d’après un petit nombre de faits, conduit à se demander s’il est véritablement bien nécessaire de pousser les investigations anatomiques aussi loin qu'on le fait quelquefois, et si le but que l'on cherche à atteindre, c’est-à-dire la connaissance des rapports naturels desêtres, se trouve réalisé par les recherches minulieuses. On serait tenté de répondre négativement, si l’on ne voyait, quand l'on pousse les observations fort loin, combien ces géné- ralisations, basées sur un pelit nombre de données, se trouvent souvent faulives. Il faut avoir consacré bien des soins et du temps à faire ces anatomies fines et longues, aussi difficiles que pénibles parfois, pour sentir la justesse de cette remarque; alors on reprend cou- rage, et l'on cherche avec une nouvelle ardeur l’enchainement des rapports naturels, bien que l’on se trouve souvent sinon arrêté, du moins découragé, par cette question : A quoi cela sert-il ? C'est qu'en toutes choses aujourd'hui il y a une tendance à re- chercher le côté utile. Sans doute, c’est une louable tendance ; mais de ce qu’on n'apercoit point l'utilité immédiate, ce n’est point une raison pour sembler dédaigner les recherches de science pure. Il va sans dire que l'utilité dont il s’agit ici n’est et ne peut être 218 H. LACAZE-DUTHIERS. de celles qui conduisent à une application matérielle. La science ne lient pas heureusement toujours à honneur, entre les mains de certains hommes du moins, à répondre que le résultat des re- cherches sera telle ou telle application matérielle. Mais il est une autre espèce d’ulilité, c’est celle qui s'applique à la science même. Un travail, qui semble d’une importance secon- daire au point de vue utilitaire proprement dit, peut cependant avoir une grande portée. C’est à celte utilité, en vue de la théorie -etnon de la pratique, que l'on peut rapporter ces travaux entre- pris dans un but puremeni scientifique, indépendamment de toute application. La zoologie, plus que toute autre science, doit redouter l'in- flexible question utilitaire, car rares sont les applications qu’elle peut fournir. Si, à un autre point de vue, l’on ne considérait que les brillants résultats annoncés et proclamés par de hardis généralisateurs, on pourrait peut-être encore se demander à quoi sert de connaîlre, avec autant de détails, les parties de l'organisme d'animaux peu importants en apparence. Heureusement cette question tombe d'elle-même devant les faits, et si l'utilité d'une étude consciencieu- sement conduite ne paraît pas immédiate, elle se fait plus tard sentir, quand les données sérieuses en se réunissant conduisent à des généralisations plus certaines, et par cela même vraiment utiles. Aujourd’hui, l'on ne peut le nier, il faut chercher à dégager les généralités des détails qui doivent être fort nombreux ; mais cer- tainement cela n’est guère possible à l’aide de quelques coups de scalpel plus où moins beureux ; et l’on ne doit pas espérer arriver maintenant, comme au début des réformes zoologiques, à des ré- sultats certains par des investigations simples; ce n’est qu’en fouillant les organismes les plus simples en apparence que l’on peut acquérir d’abord leur connaissance propre et ensuite leur connaissance relalive, ou notion des rapports naturels. Quand on fait de la science pour la science elle-même, le dé- couragement n'arrive jamais. Le zoologiste, qui le plus souvent n'a pour toute récompense de ses veilles que les jouissances éprouvées par la contemplation de là nature, s’avoue à lui-même SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 219 que son but est plus élevé que celui auquel conduisent ces recher- ches terre à terre arrivant aux applications matérielles. I travaille et apporte sa part dans le faisceau qui constituera peu à pen la science, la vraie science. Là se trouve sa consolation, à l'impos- sibilité où il est si souvent de répondre quand on lui demande : A quoi cela sert-il? Ia pâli à la recherche de quelques filets nerveux, dans des êtres que nul ne voit et ne connait; il sait bien qu'on lui fera la question inflexible, qui se résout encore dans ces vers du poëte : A quoi bon toutes ces peines , Pourquoi lous ces soins jaloux. (V. Huco.) Mais s’il aime la science avec celte vivacité qui fait que rien n'arrête, qui fait que toutentraine avec plus d’ardeur, les entraves comme les mécomptes, les difficultés comme les peines, il sera satisfait, car ilaura conscience d’avoir travaillé exactement, d’avoir apporté la prudence dans ses recherches, et de s'être tenu sur la réserve plutôt que d’avoir compliqué inutilement la théorie. 1 sait aussi que si ses travaux sont sérieusement faits, tôt ou tard ils auront leur part d'utilité qui, pour n'avoir pas été immédiate, n’en sera pas moins grande. Sans doute, le rôle qu'ilse donne à lui-même est moins brillant pour le moment , mais en retour il peut être assuré de la durée plus grande de ses travaux. Les faits restent, les théories passent, disait Cuvier. Oui ; mais on peut et l’on doit ajouter : Les théories qui n’ont eu pour base que des notions peu détaillées, que des données trop rapidement recueillies sur lesquelles on a généralisé pour se hâter d'établir des lois. Comme si, lorsqu'on a, sous une forme plus ou moins sèche et aphoristique, formulé une phrase, que l'on décore d’un nom qui implique la généralisation, on pensait que ce mot seul conduira à faire admettre par tous sans vérifica- lion, ce qui n’a été souvent qu'une appellation pompeuse et em- phatique. Les exemples fameux ne manqueraient pas, et il serait facile de 250 W. LACAZE-DUTHIERS,. montrer tel ou tel qui n'a marché durant toute sa carricre, qu'en présentant ainsi les lois qu'il découvrait, et qu'il offrait avee la confiance, sans aucun doute, d’en imposer. Ainsi done l'analyse avant la synthèse, les généralités après les détails. C’est pour être conséquent avec ce principe, que le mémoire que l'on va lire n’a d'autre but que de faire connaître la disposition du système nerveux de l'Haliotide. Il sera purement deseriplif comme celui qui l’a précédé, et qui a fait connaitre l’organisation du Pleurobranche. Il sera suivi de près par d’autres tout sem- blables sur les Vermets, ete., quand le nombre des types sera suf- lisant; alors les rapprochements, les critiques, les noms spéciaux, se trouveront mieux reliés ; alors aussi il sera plus facile de pré- senter le typeidéal, résumant d’une manière abstraite et théorique ie plan d'organisation des Mollusques. L'Haliotide est un Moliusque fort commun sur nos côtes, sur louten Bretagne et dans la Méditerranée. Cependant on ne trouve d'autre travail sur elle que dans les mémoires de Cuvier. Le comple rendu annuel, si utile, des travaux faits sur les Mollusques par M. Troschel, dans ses Archives d'histoire natu- relle, ne mentionne rien, du moins au point de vue qui doit occuper ici. Mais, on le sait, il arrive souvent que, par cela même que l’on a plus facilement sous la main un animal, on en fait moins l'étude. Le naturaliste, comme tous les hommes, aime la rarelé, et à ce litre il court chercher souvent bien loin des sujets de travaux. Ces études ont été commencées à Mahon, alors que d’autres recherches générales étaient dirigées sur la morphologie des Gastéropodes ; elles ont été continuées avec les individus venant des côtes de Bretagne. Les espèces qui ont servi à ce travail sont donc l'Haliotide com- SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE, 251 mune (Æaliotis tuberculata Eamk) pour l'Océan et F'Haliotide la- melleuse (Æaliotis lamellosa Lamk) pour la Méditerranée °F, Cuvier (2) a décrit le système nerveux de l'Haliotide dans le mémoire où il a traité des Patelles, des Sigarets et des Oscabrions. Les détails qu'on trouve dans les figures qui accompagnent son travail sont peut-être plus étendus que ceux qui sont dans le texte. Les descriptions ne sont pas étendues ; Cuvier, on le sait, ne cherchait que les premières démarcations de ses grandes divi- sions. Il ne pouvait, il ne devait peut-être pas faire ses invesliga- lions dans la même direction que les zoologisles qui l'ont suivi; de là, on le pense, des différences, même assez considérables, entre les résultats du grand zoologiste et ceux que modestement nous nous permeltrons de leur opposer. On pourrait, changeant un mot à une maxime bien connue, dire : Autre temps, autres recherches ; c’est qu'avec le temps, en effet, les besoins de la science se modifient ; elle fait des progrès; elle de- mande, elle exige d’autres études ; partant elle entraine forcément à des recherches nouvelles, et presque toujours à des travaux plus étendus dans l'espèce, moins vaste dans l’ensemble peut-être, mais plus spéciaux ; de là, desdifférences dans les résultats, différences qui sont la conséquence plutôt des progrès généraux que de lim- perfection, ou mieux de l'insuffisance des travaux des premiers zoologistes. Les travaux ont leur temps comme loute chose, HT. Les centres nerveux de l'Haliotide présentent des caractères que l'on ne rencontre que dansquelques Gastéropodes, tels que les Pa- telles, les Oscabrions, ete. ,ete. La forme globuleuse, arrondie, gan- glionnaire, pour employer l'expression technique, ne se présente pas à proprement parler. Il y a certainement des renflements qu'il (4) Lamarck, Animaux sans vertèbres, L. IX, p. 20, n° 3 el n° 10. 12) Mémoire pour servir à l'histoire des Mollusques. 252 H, LACAZE-DUTIIIERS, faut considérer comme des ganglions, comme des analogues des ganglions des autres Mollusques; mais ces renflements, au lieu d’être elobuleux, sont au contraire allongés, et par cela même peu distincts entre eux, et peu distincts des commissures et conneclifs qui les unissent. Ce trait, cette particularité frappent lout de suite quand on ouvre le corps de l’Haliotide, comme ils frappent aussi, on le verra plus tard, pour la Patelle et l'Oscabrion. Cependant, plus on s'éloigne des ganglions ou des masses fusi- formes ganglionnaires cérébrales, plus la forme arrondie se repré- sente. On peut reconnaitre trois groupes nerveux distinets et princi- paux, reliés entre eux par des cordons gros, volumineux, souvent aplatis, unis par des commissures et des connectifs. On sait qu'il importe de désigner par le premier de ces noms les unions trans- versales de deux parties semblables, et par le second les parties différentes ; on verra ici dans l'espèce combien sont utiles celte différence et l'emploi de ces mots. Nous étudierons successivement el séparément le système de la vie animale et le système grand sympathique , ce dernier corres- pondant plus exactement à ce que l’on a nommé le slomato-gas- trique dans les Artropodaires. I Système nerveux de la vie animale. Désigner d'une manière collective l’ensemble du système ner- veux qui n'est pas le grand sympathique ou le système stomato- gastrique , n’est guère possible. C'est faute de mieux que l’on trouve la désignation placée en tête de cet article; en effet, ici une portion du système nerveux semble correspondre en partie à ce qui, dans les animaux supérieurs, est soumis à l'influence de la volonté, en partie à ce qui est soustrait à cette faculté. Les organes profonds de la reproduction, les organes respiratoires et le cœur, recoivent l'influence nerveuse d’un groupe ganglionnaire particu- | SYSTÈME NERVEUX DE L HALIOTIDE. 255 lier, qui, à en juger par les animaux supérieurs, est indépendant de la volonté; el cependant le manteau, c'est-à-dire l'organe tégu- menlaire extérieur, la peau, l'organe du tact, se trouve rapproché, par l’origine de ses nerfs, des parties glandulaires, évidemment en rapport avec la partie végétative de l'être. 49 Centre céphalique ou sus-æsophagien. Désignons ainsi tout ce qui correspond à Rà partie céphalique du système nerveux : centres ou nerfs. A. Des centres en eux-mémes. — C'est lorsque l’on à fendu l'enveloppe externe sur la ligne médiane, assez en avant des ten- tacules ou cornes de la tête, que l’on peut voir la partie centrale. Elle ressemble à une large bandelette transversale , reposant sur le dos de la masse linguale. Elle descend sur ses côtes, comme pour l’entourer, et s’élargit manifestement. Ce sont ces élargissements latéraux qui représentent véritable- nent les ganglions, et la bandelette transversale est la commis- sure ; toutefois, si l’on voulait voir dans l’origine des nombreux nerfs que fournit celte dernière une raison pour la considérer plutôt comme le prolongement des ganglions, il n’y aurait pas d’objection à faire, si du moins on admellait que les nerfs naissent seulement des parties centrales et non des cordons qui les unissent. On sait que dans l'Haliotide, cette sorte de collerette élégante qui borde le pied, et entoure la base de a coquille de ses nom- breuses découpures délicates, remonte vers le dos à la tête, ct semble se continuer avec la base du tubercule oculaire, en passant ainsi au-dessus de la corne ou tentacule, pour se rattacher à une lamelle sus: céphalique transversale ; c'est à peu près au-dessous de ce repli sus-céphalique étendu d'un tentacule à l'autre, que l'on trouve le système nerveux central. Nous reviendrons sur ces rapports quand les origines des nerfs qu'il fournit nous occuperont. B. Des commissures el connectifs. — On vient de voir que la ban- delette transversale sus-buccale, qui unit les deux parties plus larges 251 H. LACAZE-DUTUIERS. placées sur les côtés de la masse linguale, peut être considérée comme une commissure c'est celle que lon trouve partout et loujours dans les Mollusques, seulement tantôt longue, tantôt tellement courte, que les deux ganglions semblent confondus sur la ligne médiane ; il faut peut-être attacher moins d'importance à ce rapprochement ou à cet écartement que ne l'ont fait quelques auteurs. Ici ce qui semble être caractéristique du groupe, c’est la ten- dance à l’aplatissement de toutes les parties du système nerveux central. La commissure dorsale présente à un haut degré cette forme. Si l’on donne le nom de commissure à toute union transversale des centres symétriques, on en trouve une autre ici, une infé-, rieure placée sous la masse linguale (4). Cependant on verra, en étudiant les nerfs fournis par le centre céphalique, que c’est plutôt comme anastomose qu'il faut considérer l'union des deux troncs des nerfs proboscidiens inférieurs que comme une com- missure. Ce n’est pas le moment d'étudier en détail les connectifs, car ils sont assez difficiles à bien caractériser ; en effet, pour déterminer nettement les cordons qui unissent deux centres, il convient d'abord et de toute nécessité de bien fixer Ja position et la nature de ces centres eux-mêmes, et l’on va voir qu'il y a une assez grande difficulté à retrouver quelques-uns d’entre eux. Quoi qu'il en soit, on voit partir de la partie postérieure des épaississements latéraux (2) deux cordons d’un volume à peu près égal, qui se placent lune à côté de Pautre, bien qu'à leur origine, comme à leur point d'arrivée, ils soient tous les deux dans un rapport in= time à la fois constant et forcé, rapport qui fait que Fun doit être inférieur et l’autre supérieur, Il est bien difficile de faire l'anatomie du système nerveux cen- tal, sans que le reste des dispositions organiques ne soit connu: t (4 Voy. 4m. des sc. nat., Zoo! , 4° série, L. XIF, pl. 10, fig. 1 (y) (2) Voy. ibid, pl. 9, fig. 4 (b,c), pl. 10, fig. 1 et 3(b, cv). SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE, 299 or Ilest, en effet, impossible d’assigner des rapports, sans que les organes qui les délerminent ne soient exactement définis ; il sera done nécessaire de parler en plus d’une occasion de quelques par- licularités anatomiques indépendantes du système nerveux. Les deux paires de connectifs marchent assez régulièrement d'avant en arrière, en se rapprochant de plus en plus du plancher de la cavité viscérale, et en tendant à se rapprocher aussi l'une de l'autre , elles arrivent dans un point où elles semblent se con- fondre; ce point est placé dans une dépression de la cavité viscé- rale, sur la face dorsale du pied, dans l'endroit même où l’on rencontre l’origine des vaisseaux pédieux (L). Le nowbre des cordons est bien de deux pour chaque côté, et il importe beaucoup de l’établir, car la détermination des centres primitifs est tout entière basée sur leur présence. Cuvier a donné des figures qui représentent, sans aucun doute, ces deux connectifs (2), et il les a décrits. On peut attacher, à bon droit, de l'importance à ce travail de notre grand zoologiste, d’au- {ant plus que ses dessins précisent le sens des mots, et souvent montrent sinon mieux, du moins plus exactement, la nature. Paurai plus loin occasion d’insister sur l’une des figures de son mémoire. Des nerfs fournis par ces conneclifs méritent aussi une alten- tion toute spéciale, mais on ne peut évidemment pas les décrire avec fruit en ce moment, leur histoire viendra lorsque leurs analogues seront étudiés. Ilexisle encore d’autres connectifs, ee sont ceux qui mettent en rapport le centre nerveux céphalique avec le système végétatif proprement dit ou stomato-gastrique (3). Mieux est de ne s’en occuper que lorsque l'étude de celui-ci sera faite. C. Des nerfs. — Îls sont nombreux, et leur étude, au point de vue morphologique, offre aussi beaucoup d'intérêt. (4) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, L XI, p, 9, fig. 4. (2) Vow. loc. it, pl. 1, fig. 40; Memoire sur l'Haliotide. 3) Voy. Ann des sc. nat., &° série, L. XL, pl, 411, les différentes figures. 256 H. LACAZE-DUTIHIERS, Cuvier dit : « Ce cordon transverse donne quatre filets nerveux »(86, fig. 14) aux parties antérieures de la tête, et surtout de la » trompe » (1). Celle expression est en partie vraie; elle n’est peul-être pas assez exclusive. Les rameaux qui se dirigent en avant sont tous exclusivement destinés à la trompe, et par trompe il faut entendre cette partie antérieure, qui se voit en avant des cornes et du repli transversal cutané sus-céphalique qui relie celles-ci entre elles (2). Daus l’Haliotide comme dans les autres Mollusques gastéro- podes, le centre nerveux céphalique fournit des nerfs de trois ordres bien distincts : a. Aux organes des sens, à l'œil el au tentaeule ; b. Aux léguments céphaliques; c. Aux lèvres et à la trompe. Caractériser par un numéro d'ordre les différentes paires de nerfs que nous venons d'indiquer , n’est ni possible ni exact, ainsi que cela a été observé dans l'étude du Pleurobranche (3), et cela parce que d’abord les formes des centres varient beaucoup avec les espèces, et qu'en second lieu les nerfs peuvent souvent se pré- senter à la même distance relalivement au plan médian, et être antérieurs el postérieurs ou supérieurs et inférieurs. 11 n’est alors guère possible de leur assigner un numéro d'ordre en partant du centre, ce qui ne veut cependant pas dire que l’on ne puisse dési- gner dans les exemples que l’on a sous les yeux les rapports des différents nerfs par des numéros. a. Nerfs des sens. Les sens des Mollusques sont, sans aucun doute, plus délicats qu'on n’est porté généralement à le croire. Deux paires de tenta- cules paraissent en avant et sur les côtés de la tête : les uns aigus et (4) Voy. loc. cit., (2) Voy. Ann. des sc. nal., Zool., 4° série, &. XI. pl. 40, fig. 2, et les fizures diverses, partie marquée A. (3) Voy. Ann. des sc, nal., Zool , 4° série, t. XI, p. 279 SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE, 257 pointus comme de véritables antennes ; les autres globuleux, ter- minés par un point noir (1). Aux premiers on semble devoir rapporter le sens de l'olfaction, d'après les travaux de MM. Han cock, Moquin-Tandon, Lepez; et quant aux seconds, sans aucun doute ils portent l'œil et servent à la vision. Les nerfs tentaculaires où olfactifs naissent symétriquement de chaque côté sur le bord antérieur de la bandelette transversale sus-buccale, vers le commencement de ces élargissements latéraux, que l’on peut considérer comme les analogues des ganglions cé- rébraux. Si l’on compte sur quelques individus les nerfs qui nais- sent de la courbure antérieure de la bandelette transversale, on trouve de dedans en dehors quatre paires précédant la paire ten- taculaire, qui est par conséquent la cinquième. On a vu que l’im- portance attachée aux numéros d'ordre ne doit pas être absolue ; cependant dans l'exemple on trouve un moyen de fixer jusqu’à un certain point la position de l’origine (2). Ces nerfs sont assez gros, cylindriques, et se portent directe ment à la base de la corne, dans laquelle ils pénètrent en se diri- geant vers le sommet. Sur leur trajet, on trouve, dans bien des cas, des renflements ganglionnaires, comme cela existe dans le Pleurobranche par exemple (3), et beaucoup d’autres espèces : les Doris, les Aply- sies, etc. Cependant généraliser, et dire qu’il y a toujours un gan- glion, que l’on n’a pas manqué d'appeler ganglion olfactif, c'est peut-être exagérer , car ici le nerf a paru ordinairement simple. Quant à dire que les fonctions sont en rapport avec la perception des odeurs, c’est chose difficile à affirmer; les expériences sont nulles, et ce n’est que par une certaine analogie dans les disposi- ions anatomiques qu'il est permis d'arriver à présumer leurs rôles. (4) Voy."Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 410, fig, 3, parties marquées Q. U. (2) Ibid., fig. 1, nerfs prosboscidiens (2), nerf tentaculaire (Q). (3) Voyez le travail sur le Pleurobranche (loc. cit.), et l'ouvrage si remar- quable de MM, Alder et Hancock sur les Mollusquesnus d'Angleterre (Ray Society). #" série. Zooc. T. XII, (Cahier n° 5.) 1 17 258 H. LACAZE-DUTHIERS. Je n'ai pu reconnaitre ici dans le tégument du tentacule cette disposition spéciale que M. Moquin-Tandon (1) à trouvée, et qui l'a conduit à décrire une membrane piluitaire. I paraît bien diffi- cile d'établir entre les animaux inférieurs et les Vertébrés une analogie assez grande, pour emprunter à l'anatomie des uns des termes qui puissent représenter des choses semblables dans l’or- ganisation des autres. Le nerf optique (2) nait tout près du nerf tentaculaire ou olfac- tif en dehors de lui; en sorte qu’en allant de dedans en dehors, il est le sixième, quand au moins il y a quatre troncs de nerfs pro- boscidiens, ce qui arrive le plus souvent ; dans ce cas, les nerfs optiques, dans l'exemple du moins, forment la sixième paire. Reculé par son origine; plus en arrière et en dehors, il se rap- proche des élargissements ganglionnaires, et souvent, le plus souvent même, il paraît naître sur leur côté (3). Le nerf optique est plus grêle que le précédent, très rappro- ché de lui; il marche à ses côtés jusqu'à la base du tubercule - oculaire, qui est tout voisin en dehors et en haut du tentacule olfactif ; il pénètre la base du tubercule, et se distribue dans son intérieur d’une manière fort curieuse (4). Le trone principal, en décrivant quelques flexuosités, se porte au pôle interne du globe oculaire, c'est-à-dire à l'opposé du point où l’on voit la pupille, si lon peut désigner par ce nom l'apparence d’un orifice qui s’observe à l'extrémité libre. Dans l'étendue de son parcours, il fournit deux ordres de rameaux : les uns que l'on pourrait nommer {égumentaires, el les autres oculaires propre- ment dits. Les premiers se distribuent aux téguments et aux tissus con- tractiles de nature musculaire qui forment les parois du tuber- (1) Voy. Moquin-Tandon, Histoire des Mollusques fluviatiles et terrestres de France. (2) Voy. Ann. des sc. nat, Zool., 4° série, t. XII, pl. 40, fig. 4, Ü:. (3) Jbid. (4) Ibid., fig. 2, tubercule fendu du haut en bas, montrant le globe ocu- laire et le nerf optique avec les divisions, SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 259 cule ; évidemment ils apportent et la sensibilité et la motilité à ce support de l'organe de la vision. C'est une particularité digne de remarque, que du tronc même d’un nerf de sensibilité spéciale, se détachent des nerfs soit mo- teurs, soit de la sensibilité générale; cela ne se rencontre pas dans les animaux supérieurs, où la division du travail est poussée plus loin. Les nerfs qui président à la locomotion et à la sensibilité gé- nérale, destinés à favoriser l’accomplissement de la vision, ou bien à la protection des organes, naissent isolément, et se rendent séparément aux parties motrices où protectrices. Ici il semble que la séparation des nerfs n’est pas poussée aussi loin. Cependant il faut remarquer que les fibres motrices et sensitives peuvent être distinctes à l’origine et accolées dans leur trajet ; mais la sépara- tion en est bien difficile, si même possible. Dans le voisinage du globe oculaire, les rameaux qui se déta- chent du nerf optique sont nombreux ; ils s’'anaslomosent entre eux de manière à former un plexus, d’où partent encore des nerfs du tégument; on voit aussi de très nombreux filaments fort grêles qui se portent sur la surface du globe oculaire et l'entourent d’un réseau à mailles irrégulières, dont les angles, formés par la réunion des filets, semblent s'épaissir en petits ganglions (1). Cette disposition s’est très manifestement montrée en ouvrant le tubercule oculaire et respectant le globe de l'œil. La choroïde, d’un noir foncé, forme un fond sur lequel se détache nettement par sa blancheur le réseau. L'œil semble enfermé dans une poche bien distincte, et faire saillie en dehors de l'extrémité du tubercule ouvert pour per- mettre à la lumière de pénétrer. L'ouverture, ressemblant à une pupille extérieure, s’aperçoil en avant du globe, qu'entoure du reste de loutes parts une couche de piginent très noir. Il ren- ferme un cristallin fort traisparent et presque sphérique; quant à la terminaison du nerf optique ou la rétine, elle n’a pas été étudiée, Voy. Ann. des sc. nal., 4° sèrie, t. XII, pl. 10, fig. 2. 260 H. LACAZE-DUTHIERS. b. Nerfs ‘cervicaux ou céphaliques tégumentaires. C’est peut-être s’exagérer l'importance de certaines observa- tions; mais, au point de vue de la morphologie, les nerfs qui sont désignés ici par ce nom méritent à tous égards la plus grande attention. On doit entendre par cette désignation les nerfs qui, nés des ganglions sus-æsophagiens, se rendent et se distribuent aux téguments postérieurs de la tête, et à la partie que l’on peut appeler le cou (4). Ici ils sont peu volumineux, peu étendus, et aussi peu nombreux ; c’est que les parties auxquelles ils se distribuent sont elles-mêmes peu développées. Quand il s’agira de déterminer exactement ce qui est le manteau, nous aurons à revenir sur la distribution et l’origine des nerfs palléaux propre- ment dits; on verra quel parti il est possible de tirer de ces faits en les interprétant d’une certaine manière. A part quelques filaments fort ténus, et qu'on peut négliger dans la description, on trouve de chaque côté un nerf qui nait en arrière des nerfs optiques et olfactifs, à peu près à égale distance de l’un et de l’autre, sur le dos du commencement des épaississements ganglionnaires latéraux, et qui, se portant en haut et en arrière, va se distribuer aux téguments en se ramifiant dans leur intérieur. Ils se dirigent principalement en arrière, et s’épuisent, du moins d'après les dissections qui en ont été faites, dans les parois du corps, jusque vers la hauteur de la masse des ganglions pédieux. c. Nerfs proboscidiens ou labiaux (2). Pris dans leur ensemble, ceux-ci ont encore une grande im- portance. On à pu voir dans le Pleurobranche (3), par exemple, que de leur étude dépendaient la connaissance exacte et la détermination (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIL, pl. 9 et 10, fig. 4 (a, a). (2) Zbid., pl. 10 et 14, fig. 4 et 3 (5). (3) Zbid., t. XI, du système nerveux, Histoire du Pleurobranche. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 261 positive de la trompe, bien que cette partie füt rétractile et non saillante à l'extérieur dans les circonstances ordinaires. Dans les Haliotides, la trompe est toujours saillante ; elle forme comme un tube ou mufle charnu épais, véritable mamelon re- courbé en dessous, un peu aplati transversalement, épanoui en un bord festonné peu saillant, discoïde, au centre duquel on trouve la bouche longitudinalement dirigée d'avant en arrière. Ce bord festonné, toujours placé en dessous, et à peu près sur un même plan que le pied (1) , est caché et comme recouvert par les replis sus- céphaliques qui se rapprochent entre les tentacules et les yeux (2). Sa flexion ou sa courbure en bas est forte, et cela donne quelque peine dans la dissection. Ses parois sont épaisses el charnues, fortement contractiles et contractées ; mais les distinctions ce- pendant sont neltes et précises, quand on dissèque les animaux convenablement morts. Les nerfs de la trompe naissent tous de la partie centrale cépha- lique. Pas un filet ne vient des ganglions qui fournissent à la masse buccale où linguale. Cette distinction ici paraît toute natu- relle et toute simple; mais lorsque la trompe est rétractile, comme dans les Pleurobranches, les Doris, etc., etc., son importance devient très grande. Le nombre des filets est assez considérable ; on peut les divi- ser en deux groupes, suivant qu'ils sont nés en dedans et au-des- sus, en dehors et au-dessous des nerfs optiques et olfactifs (3). Nerfs proboscidiens supérieurs.— Dans presque tous les exem- ples, les nerfs supérieurs sont au nombre de huit, c’est-à-dire de quatre paires, toutes grosses, volumineuses, dirigées en avant, peu ramifiées, et ne commençant à se partager en rameaux secon- daires qu'assez près de la bordure labiale de la trompe. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 9 et 10, dans les planches la partie marquée À. (2) Jbid., pl. 9, fig. 2. L'animal est vu tel qu'il est lorsqu'on l'a débarrassé de la coquille. On n'aperçoit que peu ou point la trompe. (3) Ibid. , pl. 40, fig. 4, figure un peu théorique pour bien établir les rapports : tête et cou ouverts, vus de face par le dos. La bouche est représentée par un oval. — PI. 44, fig. 3, les mêmes, vus de profil. 262 H, LACAZE-DUTHIERS, Le nombre de ces nerfs labiaux ou proboscidiens est évidem- ment différent chez les divers Mollusques, et il paraît difficile de l’assigner sans tomber dans quelques erreurs. II est évidemment préférable de les grouper d’après leur position en supérieurs et inférieurs. Cuvier en a indiqué un certain nombre dans la figure 14 de sa planche sur le Sigaret et l'Haliotide. Ils n'offrent, du reste, rien de particulier, et les dernières ra- mifications de leurs branches principales viennent se perdre dans les plis du bord de la bouche, qui, d'après cela, doit être évi- demment, éminemment sensible, Les flexuosités qu'ils présentent dans l'étendue de leur marche ne sont pas très marquées, et cela devait être, puisque l’extensibi- lité de la trompe semble être ici très limitée. Nerfs proboscidiens inférieurs. — Ces nerfs naissent par un tronc commun, qui ressemble, dès son origine même, à un déve- loppement ganglionnaire (1) ; on croirait à un prolongement du ganglion en dessous et en dehors des deux connectifs qui relient aux autres centres les ganglions céphaliques,. Un filament assez développé continue la direction de chacun de ces renflements, et les unit par anastomose transversale; il semble done que la bouche (2) soit enfermée dans un cercle nerveux. C’est évidemment là une simple anastomose, et rien de plus. Dans l’Aplysie, on trouve des anses anastomotiques semblables, qui n'ont pas plus de valeur et d'importance qu'ici. Les nerfs qui se détachent de ce renflement ou trone principal se dirigent tous en avant, et vont se distribuer au bord inféro- postérieur de la trompe, absolument comme les nerfs supérieurs. I n’y a done de particulier quele mode d’origine et l’anastomose transversale. Mais une chose importante à signaler à plusieurs égards, c’est (1) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t, XIE, pl. 40, fig. 4, y; pl. 41, fig. 3, y. (2) Ibid, pl. 10, fig. 1. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 263 la connexion du nerf proboscidien inférieur et du nerf stomato- gastrique (4). De chaque côté un filet se détache du premier pour se porter en arrière en décrivant de nombreuses flexuosités : c’est l'origine du grand sympathique. Les deux nerfs proboscidiens inférieurs nais- sent done par un tronc commun avec le stomato-gastrique. N'y a-t-il pas là une relation facile à saisir entre les nerfs de la bouche et ceux du reste du tube digestif d'une part, et les nerfs labiaux ou de l’orifice buccal proprement dit de l’autre ? Dans le Pleurobranche (2), une connexion toute semblable s’est montrée tout aussi caractérisée, mais avec quelques légères différences. Dans la Paludine vivipare, dans le Cyclostome élé- gant, dans les Vermets, ete., etc., la connexion existe de telle sorte, que l’origine du grand sympathique sur des parties centrales du système nerveux doit se chercher, soit sur les nerfs probosci- diens, soit dans leur voisinage. Telles sont les parties centrales et périphériques appartenant au groupe des ganglions céphaliques ou sus-æsophagiens. L'ana- logie avec ce qui s'observe dans les autres Gastéropodes ne saurait faire de doute. En rapprochant les faits et les résumant, ces res- semblances seront encore peut-être mieux senties, ou fout au moins plus faciles à mettre en lumière. 2° Centres pédieux. +: ; Les centres qui fournissent les nerfs aux muscles du pied sont non pas difficiles à distinguer, car on les trouve tout de suite, mais assez confondus avec d’autres ganglions, pour qu’il soit né- cessaire d'apporter beaucoup de soin dans leur délimitation exacte. Leur position est facile à fixer ; quand on ouvre la paroi de la cavité viscérale en arrière de la tête, et qu’on enlève avec soin le tube digestif, tout en respectant autant que possible les connectifs (4) Voy. Ann. des se. nal., Zool., 4° série, t. XII, pl. 40, fig. 4 (y, x), pl. 44, fig. 3 (y, x). (2) Vov. les planches relatives au Pleurobranche, loc. cit 26/ NH. LACAZE-DUTHIERS, partis du ganglions sns-æsophagien, on voit que le plancher de celte cavité, formé par le muscle du pied, est comme creusé un peu en goutlière ; que cette gouttière, dirigée d'avant en arrière, suivant l’axe du corps (1), se trouve rejetée à gauche par le gros muscle qui s'attache à la coquille ; celui qui, dans le mémoire de Cuvier, se trouve souvent désigné par ces mots, «le muscle A ». Vers l'extrémité antérieure du musele, là où la cavité viscérale passe à gauche, est une dépression, dans le fond de laquelle on trouve l’orifice des vaisseaux pédieux , ainsi que la masse gan- glionnaire qui est un peu enfoncée dans la face antérieure du muscle principal ; il serait cependant plus exact de dire que la dépression où vient se loger le ganglion est sur la face supérieure ou dorsale du muscle pédieux, tout contre la face ou bord anté- rieur du muscle de la coquille. Les quatre connectifs se rapprochent et se confondent dans ce point, sans trop laisser de distinction entre eux. La masse qui résulte de cet accolement est à peu près quadrila - tère, el ne laisse point voir les renflements ganglionnaires habi- tuels; il y a peut-être encore moins ici que pour les masses cépha- liques de séparation entre les cordons nerveux et les centres, circonstance qui augmente la difficulté; aussi n'est-il possible d'arriver à la solution que d’une manière détournée. Les ganglions, qu'ils soient céphaliques ou autres quand ils se rapprochent beaucoup de leurs homologues, finissent par former des masses paraissant indivises, mais primitivement sans aucun doute formées de parties distinctes, et par conséquent unies à l’aide de commissures. Si la commissure est pour le cas qui nous occupe bien évidente entre les centres céphaliques, elle est au contraire lellement courte entre les ganglions pédieux, que son existence, en apparence du moins, peut paraître douteuse. Quant aux connectifs, ils sont de deux ordres, suivant qu'ils unissent les ganglions pédieux aux centres céphaliques, ou qu'ils les font entrer en communication avec le troisième groupe de (4) Voy. Ann. des sc. nat, Zool., 4° série, t. XIT, pl. 9, fig. 4. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 965 ganglions. [citout cela est difficile à bien séparer ; aussi n'est-il pas possible d'apporter l’ordre habituel dans la description. Prenons donc une voie détournée. D'abord on voit arriver à cette masse ganglilorme, placée dans la dépression indiquée, deux paires de connectifs (L) qui l’unissent doublement aux ganglions sus-æsophagiens. Or, en général, une seule paire de ganglions n’est pas unie à une autre paire par deux connectifs, cela ne se voit pas. La première idée qui se présente donc est celle-ci : dans ce centre nerveux , que l’on pourrait au premier abord regarder comme simple, il peut, il doit y avoir plus que les ganglions pédieux ; c’est là une première supposition à la- quelle conduit nécessairement la présence des doubles connectifs cérébro-pédieux. De cette masse quadrilatère partent en dessus, et se dirigeant, comme il sera dit plus loin, à droite et à gauche, deux cordons plais et larges; si on les suit, on est conduit dans le manteau (2). Ne voit-on pas là une nouvelle räison qui, s’ajoutant à la précé- dente, conduit à la même opinion ? Continuons. De cette masse partent en arrière des cordons ner- veux (3) fort gros, parfaitement symétriques, et qui se distribuent aux parties du corps avec la plus grande régularité. Voici ce qu’en dit Cuvier : « De ce ganglion naissent en avant les nerfs & qui vont » aux viscères et aux parties latérales de l'enveloppe, et en arrière » quatre cordons, deux de chaque côté, 35, qui traversent le » muscle A, el règnent jusque vers l'extrémité postérieure du » pied, en donnant des filets de chaque côté » (4). Cuvier a dessiné les choses qui se rapportent à sa description, et sa description, comme ses dessins, à la plus grande importance pour ce qu'il s’agit de démontrer ici. Il cherchait, en effet, les principales dispositions ; il constatait l'existence des principaux groupes de ganglions ou centres, mais il n’en faisait point une comparaison (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 10, fig. 2; pl. 9, fig. 4 (b, c). (2) Jbid., pl. 40, fig. 3 et 6; pl. 9, fig. 4, 2 (u, v). (3) Jbid., pl. 40, fig. 3, les parties marquées T et Gp. (4) Loc. cit. 266 H, LACAZE-DUTHIERS. détaillée, 11 n'avait point en vue le but, le fait qui nous occupe ici; on ne peut donc trouver dans sa descriplion ou son dessin une idée quelconque aidant à conduire au résultat désiré. Voilà en quoi est précieuse la partie de son mémoire qu'on vient de lire. On ne voit jamais le centre pédieux donner aux viscères, et quant aux quatre cordons qui règnent symétriquement en arrière jusqu’au bout du pied, leur existence constatée par Cuvier est d’au- tant plus importante, que leur distinction est assez difficile, et que les filets qu'ils donnent n'ont pas été suivis dans leur distribution. Les rameaux qui se détachent de ces grands cordons vont les uns aux pieds, les autres à la collerette, si élégamment découpée, du pourtour du pied (4). Aiusi, on le voit, il est difficile de trouver, en raison même de la variété qui existe dans la distribution des filets nerveux, un centre unique dans cette partie qui nous occupe, il faut y voir confondus : 1° les ganglions pédieux, 2° les ganglions nommés par M. Huxley pariéto-splanchniques, par M. Blanchard cervicauæ, par beaucoup d’autres respiraloires, ceux que peut-être on pourrait appeler moyens ou asymétriques, en raison de leur position et de leur ten- dance à se porter à droite, ou mieux sur l’un des côtés du corps. Linné s’est élevé avec raison contre les noms trop longs, et il a imposé comme règle, pour opposer sans doute une digue à cette tendance que l'on a de faire des noms plus ou moins étendus destinés à rendre la pensée, de n'introduire dans le nom fait que deux mots. Si la loi n'était à, on pourrait bien désigner ces gan- glions par trois mots, et peut-être quatre : palléo-, génito-respi- rateurs, et mème le cœur, où la circulation se trouverait laissée de côté. En apparence il y a une disposition symétrique bien marquée, si l’on ne considère que la portion supérieure de la masse gan- glionnaire. Cependant, quand on y regarde de près dans lous les (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 40, fig. 3. Les con- tours de l'animal sont seuls indiqués , le centre céphalique V est dans la per- tion relative habituelle. Le pied est vu à gauche et le repli festonné à droite; une ligne indique où serait le reste du manteau. À droite on voit les deux cordons nerveux Tet Gp; à gauche, le nerf T du pied seul a été conservé. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 267 Gastéropodes, les ganglions et nerfs destinés à la respiration, à la cireulation , à la reproduction et au manteau, sont plus ou moins asymétriques dans leur ensemble. Ils doivent être consi- dérés comme un tout ou un groupe de parties dont les plus voi- sines des centres céphaliques et pédieux peuvent être à peu près symétriques, mais dont le reste se déjette sur un côté, d’où ré- sulle un caractère d’asymétrie bien évident, J'espère démontrer ces vues touchant l'asymétrie dans les mémoires qui suivront celui-ci, et l’on verra une grande utilité dans l'introduction de cet élément en malacologie, beaucoup trop négligé jusqu'ici. La disposition latérale et asymétrique des viscères, recevant de ce centre leurs rameaux nerveux, suffisait d’ailleurs pour déter- miner cette particularité. Il faut, dans la distinction qu'il s’agit d'établir, tenir grand compte du rapport spécial avec le tube digestif; il en sera ulté- rieurement question. Ne voit-on pas déjà, d'après les considérations précédentes, qu'il est possible de distinguer dans les Mollusques gastéropodes trois groupes de ganglions où de centres nerveux, que l'on pour- rait appeler : 1° centres symétriques , l'un supérieur, l'autre infé- rieur; ® centre asymétrique. Relativement au rapport qu'ils affectent avec le tube digestif, les deux premiers sont évidemment supérieurs et inférieurs; le troisième mérite le nom de moyen : car si le centre symétrique inférieur ou pédieux est, relativement au tube digestif, toujours par sa commissure inférieur, toujours aussi le groupe moyen ou asymétrique est également inférieur anx organes de la digestion, mais cependant supérieur au centre pé- ” dieux. Ces considérations générales, qu'il n’est pas utile d'étendre et de développer davantage, en raison du but tout spécial de ce mé- moire, nous mettent cependant à l'aise pour les distinctions qu'il es ici nécessaire de faire. On voit donc : 1° que les deux connectifs supérieurs quipartent du centre céphalique et arrivent à la partie dorsale de la masse 268 H. LACAZE-DUTHIERS. ganglionnaire pédieuse (1), 2° que la partie supérieure de cette masse (2), et 3° que les deux cordons croisés qui vont aux branchies et au manteau (3) avec les deux cordons supérieurs (4) (de ces quatre cordons indiqués par Cuvier allant jusqu’au bout du pied), peuvent être séparés de toute la partie inférieure, qui, doublant en dessous ce qui vient d’être énuméré, doit seule être considérée comme le centre ou le groupe pédieux. Ainsi maintenant, isolant et distinguant par la pensée ces nerfs et leurs centres, il est possible de les décrire plus simplement, ainsi que tout ce qui se rapporte d’une manière directe aux or- ganes du mouvement. Les connectifs pédieux (5) proprement dits naissent un peu en dehors et en dessous dés renflements ganglionnaires latéraux du centre céphalique; ils sont habituellement en dehors des cor- dons qui unissent le même centre aux ganglions asymétriques ou moyens, et souvent, vers le milieu de leur étendue, ils sont tout aussi élevés, sinon plus, que ceux-ci; vers la masse centrale, ils redeviennent tout à fait inférieurs, et sont à la même hauteur que les cordons postérieurs (6) qui vont dans le pied. Les nerfs fournis par ces centres sont très faciles à suivre et à étudier ; toutefois on a à lutter dans les dissections contre les fibres musculaires très résistantes du pied, habituellement fort contraclées et très roides. Leur apparence générale est constante. En avant de la masse ganglionnaire on voit un tronc qui existe toujours de chaque côlé, et que l’on peut appeler le nerf pédieuxæ antérieur ; il va se divisant de plus en plus, à mesure qu’il approche davantage du bord du disque locomoteur (7) ; il anime évidem- Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 40, fig. 1, XÆZ. Ibid. ) Ibid., fig. 3 (Gp). Ibid., fig. 4 (] SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 269 ment à peu près toute la portion du pied qui est antérieure au centre ganglionnaire. Il fournit des branches divergentes sur son côlé externe. En arrière du ganglion, on voit un gros cordon, logé évidem- ment dans un sinus sanguin, et qui, par cela même, est facile à suivre : séparé par les fibres charnues du-pied de celui qui lui est parallèle et symétrique , il est placé déjà assez profondément dans les tissus sous les premières couches qui forment le plancher de la cavité viscérale. A droite, il affecte un rapport important; il passe évidemment entre les paquets musculaires qui forment le grand muscle de la coquille, et que Cuvier désignait par la lettre A. Il me semble que, dans quelques exemples, le muscle vertical, ou de la co- quille, s’étendait assez à gauche pour être aussi divisé par le cor- don de gauche. Les deux grands nerfs pédieux postérieurs (1) vont très directe- ment vers l'extrémité postérieure du pied, et cela sans décrire de courbures ; ils sont l’un à l’autre parallèles, en même temps qu'ils suivent aussi la direction de la ligne médiane ou de l’axe antéro- postérieur du corps. Is ont l’un avec l’autre des connexions nombreuses, qui sont établies par des filets transversaux jouant le rôle de véritables commissures. Il est facile de suivre ces filets lorsqu'ils sont dans des canaux sanguins eux-mêmes transverses qui établissent des anastomoses entre les deux vaisseaux longitudinaux. Sur les animaux conservés dans des liquides salins, les contrac- tions des tissus agrandissent relativement les diamètres de ces conduits, et, comme les nerfs sont condensés par les sels, il est très facile de les distinguer. Ces anastomoses ne paraissent exister qu'entre les grands nerfs pédieux postérieurs. Sur le côté externe de ces cordons gros, plats et droits, se dé tachent des branches collatérales semblables à droite et à gauche, (1) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, 1. XII, pl, 40, fig. 3, T'. 270 H. LACAZE-DUTHIERS, et peu divisées en ramuseules secondaires; elles sont grosses, relativement du moins, et se portent toutes en dehors vers le bord du pied, en fournissant, chemin faisant, quelques pe- tits ramuscules aux paquets de fibres musculaires qu’elles tra- versent (1). Il faut remarquer que les ramuseules terminaux s’anastomosent avec ceux des branches voisines, d’où il résulte un système de mailles formant un réseau, dont les angles n’ont pas paru renflés en petits ganglions, comme on le verra ailleurs. La terminaison des nerfs dans les organes du mouvement est à peu près semblable à celle que l’on va voir dans le manteau, avec toutefois cette diffé- rence tenant à l’absence de ce petit épanouissement ganglion- naire. Otolithes. — On sait que, dans le plus grand nombre des Gasté- ropodes et dans les Acéphales, les ganglions pédieux offrent un rapport curieux; plus particulièrement destinés aux organes du mouvement, ils n’en présentent pas moins une liaison intime avec ce qu'on est convenu de désigner par le nom d’otolithes, ou bien d'organes rudimentaires de l'audition. lei ce rapport ne fait point défaut : on trouve dans l'angle de réunion de la paire de connectifs venant du centre céphalique, en avant par conséquent de la masse centrale pédieuse , deux petits corps ovoïdes, un peu en forme de poire, eflilés en avant, et offrant dans ce point un petit nerf ramifié dans les tissus, A la loupe , on reconnait très bien dans ces deux corps symétriques et blancs les otolithes ordinaires (2). L'examen microscopique confirme ce que l'examen superficiel fait reconnaître quand on a l'habitude de ces recherches : une poche ronde, à parois épaisses, de teinte un peu jaunâtre, large- ment unie par son côté postérieur au ganglion pédieux, forme l'enveloppe probablement sensible de la capsule. Cette capsule (4) Voy. Ann. des st, nat., Zool., 4° série, £. XIT, pl. 10, Gg: 1, 04. (2) Ibid. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 971 se prolonge en avant en un nerf coart, mais ramifié, dont les fonctions sont difficiles à bien préciser (4). Au centre s’agitent de ce mouvement de lrépidation bien connu des globules fort nombreux, sphériques, de nature calcaire, faisant effervescence dans les acides, et réfractant vivement la lumière. ne m'a pas été possible de voir, ce qui, dans d’autres exem- ples, se présente si netlement à l'observation, si les mouvements sont dus à des cils vibratiles tapissant la face interne de la capsule et lui formant un épithélium. Les globules otolithes sont sphériques; leur grandeur varie beaucoup; jamais elle n’est, relativement du moins, considé- rable (2). Ainsi donc les ganglions pédieux présentent, comme dans les autres Mollusques, les principaux rapports, et l’on trouve, quant à leur nerf et leur position, des faits en tout semblables à ceux que l’on rencontre ailleurs. 3° Centres moyens, On a vu dans le paragraphe précédent quelle était la distinction à établir; il est par conséquent inutile d'y revenir. Les détails qui vont suivre serviront de démonstration aux idées générales pré- cédentes. Nerfs palléaux inférieurs. — On peut donner ce nom aux nerfs qui se rendent à cette riche collerette si découpée qui entoure l'animal, et paraît entre la coquille et le pied. Le nom seul montre que la partie dont il s’agit doit être consi- dérée comme une dépendance du manteau. C'est là ce qu'il faut démontrer, et la conclusion a une grandë imporlance; car on trouvera là évidémment la preuve de l’utilité des études minu- tieuses et détaillées pour arriver à la connaissance des faits plus généraux, et pour remonter à ces distinctions des parties qui constituent réellement la morphologie des êtres. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XIT, pl. 40, fig. 4. (4) Zbid., 6g. 8. 272 H. LACAZE-DUTHIERS. On a vuque Cuvier (1) adécrit et représenté quatre gros troncs partant des ganglions pédieux, et se rendant à l'extrémité du pied. Ces quatre grands nerfs sont-ils aussi distinets dans la nature que dans les dessins? Il s’en faut de beaucoup. Lorsqu'on ouvre les canaux sanguins où ils sont logés, on remarque que, de chaque côté, le cordon nerveux est aplati et large comme un ruban, dont les bords seraient inférieurs et supérieurs, et les surfaces latérales. En renversant sur le côté (2) le cordon, on reconnait que, sur le milieu de la surface, il existe d’un bout à l’autre une trace transparente, qui semble être l'indice d’une séparation mé- diane. Les deux nerfs d’un même côté sont l’un au-dessus de l’autre, et semblent enfermés dans le même névrilème; l’inférieur est le nerf pédieux , le supérieur est le nerf palléal qui nous occupe. Cuvier a dessiné très séparés les deux nerfs ; mais dans la na- ture les rapports sont tellement intimes, que j’avouerai être revenu à leur dissection à plusieurs reprises pour rester bien convaincu de leur distinction. Ce sont surtout leurs ramifications, non décrites par le célèbre zoologiste, qui méritent une étude spéciale : elles conduisent nettement à la distinction. Mais à côté de cette distinc lion, qui permet de séparer les nerfs pédieux des nerfs palléaux, il était utile de montrer comment Cuvier, qui n’a point soupçonné celte diversité d’origine et de distribution, n’en a pas moins indi- qué la séparation des nerfs, séparation qui, il faut le dire, ne s'expliquerait pas, s'il ne s'agissait exclusivement que du pied. C'est la partie inférieure de ce double cordon (3) qui a été décrite un peu plus haut comme nerf pédieux postérieur ; c’est la partie supérieure qui est le nerf palléal inférieur. On verra plus loin pourquoi ce qualificatif inférieur. Le premier se reconnait d'abord à la position, ensuite aux anastomoses transverses qui l’unissent à son homologue, enfin à la distribution exclusive de ses ramifications au pied. Le second {1} Voy. loc. cit. (2) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., &° série, t. XII, pl, 40, fig. 3 (Gp). (3) lbid., T. SYSTÈME NERVEUX DE L’HALIOTIDE. 273 est caractérisé par des dispositions tout opposées : les filets de ses ramifications vont au manteau; il n’est pas uni à son homologue ; enfin il est supérieur. Mais la différence qui distingue surtout ces deux nerfs, c'est leur relation avec les connectifs. Si l’on suit avec soin les deux connectifs partant de chaque côté du centre céphalique, on voit que le plus inférieur, qui va au ganglion, et que nous avons con- sidéré comme pédieux, ne donne aucun rameau; que celui, au contraire, qui va à la partie dorsale de la masse ganglionnaire, fournit un nerf vers le tiers antérieur, souvent vers la moitié de sa longueur : or, en suivant ce nerf (1), on est conduit dans la partie antérieure de la collerette festonnée qui dépasse en avant la trompe, remonte au-dessus d’elle pour arriver à la base du tuber- cule oculaire. Le rapport de ce connectif avec la bandelette ner veuse, que nous appelons nerf palléal inférieur, n’est donc pas douteux, et la distribution des branches secondaires que l’un et l’autre fournissent dans des parties analogues confirme ce rapport, et le rend encore plus évident. On verra plus loin de nouvelles preuves, quand les autres parties du groupe ganglionnaire moyen ou asymétrique seront décrites. La distribution des nerfs palléaux inférieurs offre une grande analogie dans toute son étendue. En arrière de la masse ganglion- naire, on trouve jusque vers l'extrémité neuf, dix, ou un peu plus, un peu moins de branches, suivant la taille de individu (2). Toutes ces branches se détachent à angle droit du tronc principal, abso- lument comme les nerfs pédieux, et se rendent au travers des fibres musculaires jusqu’à la base d'insertion de la collerette fes- tonnée ; là elles se bifurquent, et envoient en avant et en arrière des rameaux qui se subdivisent deux ou trois fois avant d’arriver au bord libre. Les subdivisions des deux branches voisines se courbent les unes vers les autres et s’anastomosent ; de là résulte un réseau à mailles nombreuses, irrégulières, dont les angles semblent pour la plupart renflées en un petit développement ganglionnaire. (1) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t, XII, pl. 10, fig, 3 (np!/). (2) Voy. ibid. (np). 4° série. Zoo. T. XII. (Cahier n° 5.) ? 18 27 H. LACAZE-DUTHIERS. De l'extrémité postérieure du bord feslonné qui va en se termi- nant en pointe, et en se confondant avee le disque du pied jus- qu’au tentacule oculaire, là distribution est la même ; le réseau est continu et partout semblable (4). Le bord festonné ne présente pas toutes ses découpures dans un même plan; il a une certaine épaisseur, et, comme le réseau fournit des filets à chacun de ses éléments, il en résulte que le réseau lui-même n’est pas dans un même plan, et que les mailles, sur- tout les secondaires les plus voisines du bord sont au-dessus les unes des autres (ce qui est difficile à rendre dans un dessin). Les festons se composent de deux ordres d'éléments : les uns arrondis, à bords découpés de petites sinuosités ; les autresfiliformes rappelant complétement les tentacules céphaliques. Fréquemment on rencontre ces feslons par groupe de trois, dont un moyen plus grand, séparés par les éléments filiformes. Les nerfs qui se dé- tachent en dernier lieu du bord du réseau se distribuent à la base des festons, el toujours on en voit un pénétrer dans chaque élément filiforme. Il n’en faut pas douter, on trouve là une disposition qui, bien certainement, indique un organe éminemment sensible. Il y a un véritable luxe de parties tactiles. De la masse ganglionnaire partent deux nerfs tout à fait sem- blables et analogues aux ramifications secondaires des deux bran- ches postérieures (2). Ils se bifurquent, et s'anastomosent entre eux et avec leurs voisins, de telle sorte que le réseau est non in terrompu d’un bout à l’autre du disque festonné. L'anastomose entre le nerf palléal antérieur né du connectif, et le premier nerf palléal né du ganglion, est très manifeste ; elle s'établit comme entre les autres nerfs. Les parties qui viennent d’être indiquées comme appartenant au troisième groupe ganglionnaire sont encore régulières et symé- triques, par opposition à celles qui restent à décrire. (1) Voy. Ann. des sc. nat. Zool., 4° série, t. XII, pl. 40, fig. 3, portion droite. (2) Voy. ibid. (np’). | SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 9275 Celles-ci les plus étendues forment un anneau complet, fermé, latéral, déjeté d’abord à droite, puis à gauche par une sorte de torsion, d'où naissent des nerfs respirateurs, des nerfs cardiaques, des nerfs génitaux, et enfin des nerfs palléaux supérieurs. On voit qu'il est fort difficile de donner un nom unique et géné- ral, par cette raison que les petits centres, onu ganglions secon- daires, fournissent à des parties (très diverses. Partie centrale. — Si l'on dissèque avec grand soin la masse centrale, d’où l'on a vu partir les nerfs grands pédieux et grands palléaux inférieurs, on voit sur la face supérieure naître plusieurs trones nerveux, dont deux très volumineux, plats et rubanés, qui se portent en haut, mais dans une direction opposée, ce qui fait qu'ils se croisent comme les branches d’une X (1). L'un, né à gauche, se porte à droite, en passant en dessous de l'intestin ; l’autre, né à droite, se porte à gauche, en passant au- dessus du tube digestif et croisant en sautoir la première portion à peu près de l'æsophage, vers la réunion de la bouche et des aba- joues buccales , on le voit se dégaget des circonvolutions intesli- nales qu'il laisse à droite (2). Le cordon gauche, après être sorti de la cavité viscérale, re- monte un peu vers l'extrémité antérieure du gros muscle de la co- quille, et parait par transparence quand on tire en dehors le repli du manteau, et qu'on rejette en dedans la branchie. Dans ce point, en effet (3), il se renfle en un ganglion parfaitement distinct, vé- rilable petit centre secondaire, que l'on peut appeler ganglion branchio-palléal droit, bien qu'on doive le rapporter cependant au côlé gauche du centre nerveux qui nous occupe. Le cordon de droite qui se porte, comme il a été dit, à gauche arrive un peu plus en arrière que le précédent à la base du repli falsiforme qui attache la branchie gauche au corps et au manteau ; (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool, 4°série, t. XIT, pl.9, 6g. À (wet v), pl. 40, fig. 4 (wetv), pl. 14, fig. # (u et v). (2) Voy.ibid., pl. 11, fig. 4, Figure schématique représentant l'ensemble du système nerveux. (3) Voy. ibid., pl, 9, fig. 4 Z!, 276 H. LACAZE-DUTHIERS. là, comme de l’autre côté, il se gonfle en un ganglion (1), qu’on peut appeler ganglion branchio-palléal gauche. Deces deux centres ou du moins des cordons croisés tout près des ganglions qu'ils forment, partent deux autres longs cordons (2) qui se dirigent en arrière en longeant les parois de la cavité viscérale, dépassent les veines branchiales transverses, et se réunissent au- dessous du rectum, des veines et artères branchiales, du corps de Bojanus, et des orifices ou conduits de la reproduction ; de cette union résulte un cordon continu qui, parti de la masse centrale sus-pédieuse d’un côté, y revient de l’autre, tout en laissant en dehors de lui le tube digestif. Au-dessous du rectum, verslesorifices des organes génitaux et du corps de Bojanus, ce cordon se renfle, s’épaissit, devient véritable- ment ganglionnaire (3), et fournit de nombreux filaments nerveux. On remarquera, sans aucun doute, que cet ensemble de cor- dons nerveux présente une particularité fort intéressante : d’abord tout l’ensemble est porté à droite, puis renversé à gauche, d’où résulte un entrecroisement en forme de 8 de chiffre. Les parties semblent avoi”éprouvé une torsion qui les rejette à gauche. Dans quelques animaux, nous verrons qu’il n’en est pas ainsi, et que ce transport latéral à droite de l’ensemble des cor- dons et ganglions secondaires du troisième groupe, n'existe pas; aussi l’asymétrie à droite, qui semble être le caractère du Gastéro- pode, peut non pas disparaître, mais se compliquer, el être masquée par une distorsion latérale, inverse, c’est-à-dire gauche, après avoir été droite. C’est le cas ici. On doit voir que, si l’on prend les rapports du tube digestif et du système nerveux, du moins pour la partie qui nous occupe, l'on trouve des caractères précieux ; le premier est toujours à gauche du second, et toujours en dehors du cercle que forment les ganglions secondaires. Qu'on imagine le ganglion (4) branchio-palléal de gauche dé- } Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XII, pl. 40. fig. 1, Z/. (2) Voy. ibid. (i etp), pl. 40, fig. 6 (i-p); pl. 14, fig. 4 {i-p). (3) Voy. ibid., pl. 9, 40 et 41, le point marqué Z!". (4) Voy. ibid., la partie marquée dans les planches Z/. = = SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 277 laché avec la branchie, ainsi que les cordons qui l’unissent au reste du système nerveux, et rejetés à droite, le tube digestif passera par le collier ordinaire, et des ganglions moyens partiront les nerfs indiqués, qui se trouveront tous en dehors et à droite du tube digestif pris dans son ensemble. Des circonvolutions intesti- nales pourront bien, à la vérité, par l’extrémité d’une anse, remon- ter entre les deux cordons croisés en X ; mais si l’on déploie tout le tube, en laissant les deux extrémité fixes, on verra bien nettement que le circuit indiqué n’affecte aucun rapport immédiat avec l'in lestin. Ceci conduit à cette conséquence , dont il sera tiré parti plus tard dans un travail général; que si, dans beaucoup de Pectinibranches de Cuvier, la branchie est à gauche, il faut cepen- dant normalement la considérer comme étant toujours droite ; elle s’est déplacée par déformation du corps, et le système ner- veux peut servir à la remettre en position ; donc ici la branchie, que l’on appelle naturellement gauche, est, si l’on remet les par- ties dans leur place en prenant le système nerveux pour guide, la branchie droite ; et les noms qui ont été imposés aux ganglions doivent indiquer simplement la position apparente (1). Ganglions branchio-palléaux nés sur les cordons croisés. — Ces ganglions, bien nettement sphériques, très distincts sur tous les individus, se trouvent, avec la plus grande facilité, quand on ouvre les téguments à la base des replis falsiformes qui unissent les branchies au corps; rien de particulier de leur description (2). MNerfs palléaux supérieurs. — L'’embarras qui vient d’être si- gnalé relativement à la dénomination droite ou gauche se retrouve ici ; l’entrecroisement a renversé, en fin de compte, la position pri- mitive ; aussi, dans la description qui suit, est-il nécessaire d’avoir sous les veux les deux figures qui représentent les choses (3). (4) La position telle que la présente la nature sans interprétation. (2) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 9, et autres parties marquées Z', Z"'. (3) Voy. ibid., pl. 9 et 40. Le 278 NH. LACAZE-DUTHIERS. On voit en effet queles nerfs dont il s’agit sont nés sur la partie centrale gauche , et qu'ils viennent se distribuer cependant à la lèvre de la fente dorsale que présente le manteau en face de la série des trous de la coquille (4). On remarque aussi en avant, en dehors du muscle de la coquille, des nerfs venant d’une autre origine. Mais ceci conduit forcément à dire un mot du manteau de l'Haliotide. Du manteau. Dans le résumé général, on trouvera réunies les preuves et les raisons qui ont conduit à considérer chaque partie de telle ou telle manière ; il ne s’agit en ce moment que de la disposition générale. On à vu déjà une collerette festonnée qui entoure le corps entre la base du pied et la coquille (2). Il y a encore autre chose : si, prenant le pied solide, contracté, résistant et très dur, on cher- che, sur un animal mort et débarrassé de sa coquille, à trouver la base d'union de ces parties avec le reste du corps, on trouve une seconde lamelle qui borde la coquille, et qui limite tout le tour la masse viscérale (3). En avant, cette lame mince, fort simple, ondulée, et qui rappelle bien ce que l’on nomme en général le manteau, s'arrête carrément en arrière de la tête ; mais suivant l'axe du corps, elle est divisé par une fente correspondant au milieu de la cavité où sont logées les branchies. Si on la soulève, on voit qu’en avant elle est unie de chaque côté au cou par un repli, qui s'arrête à peu près à la hauteur du muscle de la coquille, mais qu'en arrière de celui-ci, elle se pro longe en dessous du corps ou de la masse viscérale, si bien que le muscle de la coquille semble être entouré par une sorte d’enton- noir, dans l'intérieur duquel il plonge de bas en haut; ainsi en tenant une Haliotide par le corps proprement dit, et, tirant sur le pied, on est tout étonné de voir le long pédoncule que forme le (4) Voy. Ann. des sc. nat., 4° sér., Zool., t. XII, pl. 9, fig. 2. (2) Voy. ibid., fig. 1, Haliotide débarrassée de sa coquille. (3) Voy. ibid , dans les diver®s figures, les parties indiquées (Ms). SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 279 muscle, dont on ne voit que l’extrémilé supérieure quand on regarde l’animal par le dos. En agissant de la sorte, l’on voit que la collerette festonnée dont il a été déjà question est ou du moins semble être compléte- ment indépendante de la lamelle plus simple qui entoure et recouvre le corps , et qui pourtant est le véritable manteau. Les tours (1) de spire de la-coquille de l'Haliotide sont réduits à leur plus simple expression; aussi la masse viscérale est-elle à peine enfermée dans le teste; elle est plutôt recouverte par lui. Cette lamelle, dont nous cherchons à donner une idée, passe en dessous de la masse viscérale (foie, organe de la reproduc- tion, etc.) que l’on voit en enlevant la coquille. Si donc on considérait d’une manière très générale le corps de l'Haliotide, relativement aux autres Gastéropodes, on trouverait le pied et la tête entourés, comme à l'ordinaire, à leur base par le manteau, qui présente en avant la fente longitudinale indiquée, et qui, en arrière, par suite de l’aplatissement de l’animal, est sous les viscères, au lieu d’être en avant. Revenons aux nerfs palléauxæ en particulier. On peut mieux voir maintenant quels sont les nerfs désignés par ces mots nerfs pal- léaux supérieurs ; ce sont ceux qui viennent se distribuer à cette ‘Jame doublant la coquille, unie à la masse viscérale et à la paroi du corps, véritable manteau, analogue à celui des autres Gastéro- podes pectinibranches. Ils sont au nombre de quatre, bien distincts : deux internes (2), deux externes (3). Les deux premiers se distribuent au bord de la fente médiane, et aussi un peu à la moitié environ de la partie correspondante de l'extrémité sus-céphalique. Leur origine est parfaitement distincle; ils naissent des gan- (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XII. La figure 2, planche 9, montre un animal dans son état naturel; on voit que la portion du corps qui représente les viscères est à peine contournée (2) Voy. ibid., pl. 9, fig. 2 (d.q). (3) Voy. ibid. (gr). 280 H., LACAZE-DUTRIERS. _glions qui sont développés sur les cordons croisés à la base d'insertion des branchies. Quand on suit, aussi loin que possible, les dernières ramifica- tions, on trouve que la distribution terminale ressemble beaucoup à ce que l’on a vu dans le repli charnu festonné inférieur. Les branches secondaires s’anastomosent, et forment un réseau à mailles fort petites, dont les angles sont toujours tantôt plus, tantôt moins renflés en ganglions, et dont les derniers filets, fort petits, vont jusqu’au bord du repli palléal (2). Le nerf palléal supérieur du bord droit de la fente se divise brusquement en deux troncs principaux (2), dont la direetion est tout à fait opposée, car l’un va en avant, l’autre va en arrière. Les ramuseules qui se détachent du tronc principal se portent tous où presque tous vers le bord libre de la fente, et s’y ter- minent comme il vient d'être dit. Il faut remarquer que le bord de cette fente du manteau porte trois petits tentacules. Cuvier dans son travail en a indiqué un plus grand nombre : « Trois ou quatre filaments qui garnissent les » bords de cette fente passent par ces trous (de la coquille) (3). » Qu'on le remarque, Cuvier peut avoir indiqué le nombre quatre en ayant observé d’autres espèces; je dois dire que, sur celles de la Manche et de la Méditerranée, le nombre trois s’est toujours pré- senté; de plus, il a, dans la figure qui a pour but de montrer” l'animal {el qu'il est vivant (4), représenté un filament dans chacun des trous. Cette dernière disposition ne parait pas exacte, si du moins on la rapproche des faits observés sur les animaux sujets du présent travail. L'un des trois filaments est constamment à l’angle, ou sommet postérieur de la fente; les deux autres sont l’un à droite, l’autre à gauche, le premier est plus en avant que le second, qui se trouve tout près du muscle de la coquille. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 9, fig. 3, dernières ramifications amplifiées au moins cinq ou six fois. (2) Voy. ibid. (q). (3) Voy. loc. cit., p. 8. (4) Voy. ibid., pl. 4, fig. 9. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 281 Les rameaux de chaque côté de la fente fournissent bien dis- tinctement un filet grêle aux filaments tentaculaires. C’est toujours sans peine que l’on peut voir le filament de l'angle postérieur de la fente recevoir son nerf de la branche née du gan- glion voisin du muscle (1). Le nerf palléal supérieur interne du côté gauche de la fente naît aussi du ganglion palléo-branchial du même côté; il se porte en dehors de la branchie, ou mieux du repli qui sert à l’attache de cet organe, pour se dégager du côté externe de la poche palléale, en dehors du bord externe et de l’extrémité antérieure de l'organe de la mucosilé (2); on le voit alors changer de direction, revenir en dedans pour gagner le bord de la fente, et s’y distribuer : ses filets vont en avant et en arrière. Enfin les deux nerfs palleaux internes supérieurs s’anastomosent entre eux sur le côté gauche de la fente. Nerfs palléaux supérieurs externes (3). — L'étude de ces nerfs sera mieux placé à côté de celle des nerfs fournis par les gan- glions que l’on a vus confondus avec les ganglions pédieux , car ils ne naissent pas sur les ganglions des nerfs entrecroisés, mais bien sur ceux que nous avons cherché à distinguer, malgré leur rapprochement des ganglions pédieux. Leur origine sera indiquée exactement un peu plus loin. Nés l’un à droite, l’autre à gauche, et restant bien l’un pour la droite, l’autre pour la gauche, sans se croiser, ils gagnent le bord externe du manteau. Celui de droite (4) s'engage sous les fibres musculaires du pre- mier plan de la cavité abdominale, puis se porte entre les fibres les plus antérieures du muscle de la coquille, et se dégage de ce dernier tout près de son extrémité antérieure. Des ramuscules secondaires nombreux se distribuent à tout le bord du manteau; (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 9, fig. 2. (2) Voy. ibid. (3) Voy. ibid. (r.g). (4) Voy. ibid., pl. 9, fig. 2 (r), pl. 40, fig. 6 (r). 282 H. LACAZE-DUTHIERS, les uns, plus nombreux, vont en avant, et s’anastomosent avec les dernières branches du palléal supérieur interne. Les autres, moins nombreux, deviennent de plus en plus grêles, à mesure qu'on recule davantage vers la partie postérieure, et sont aussi plus difficiles à suivre. Celui de gauche se dégage un peu en dessus du palléal interne, et se divise aussi en deux rameaux qui se portent à l'opposé l’un de l’autre, c'est-à-dire en avant et en arrière (1). Probablement il y a une anastomose entre les deux nerfs pal- léaux supérieurs eæternes en arrière, mais la ténuité des dernières ramifications n’a pas permis de la constater. De cette distribution, il semble résulter que la partie antérieure du manteau est évidemment plus sensible que la postérieure ; chose qui, du reste, était facile à prévoir. Nerfs branchiaux ou respirateurs proprement dits (2).— Ces nerfs naissent à droite et à gauche des ganglions développés sur les cordons croisés en X; ils sont logés comme le ganglion, dont ils émanent dans les replis falsiformes qui supportent et unissent les branchies au manteau. De chaque côté, on en trouve deux, l’un, plus interne (3) quand la branchie est rejetée un peu en dedans, se dirige directement vers la base des feuillets, c’est-à-dire vers le vaisseau efférent ; l’autre , plus externe, suit la base d'insertion du repli. Les deux marchent à la rencontre l’un de l'autre en se dirigeant vers la pointe libre de la branchie. Pour préparer les ramuscules secondaires, on doit, sur des in- dividus morts, et dont la putréfaction commence un peu, arracher les branchies, en prenant entre les pinces le vaisseau supérieur celui qui apporte le sang veineux, si on enlève tous les feuillets, le canal qui rapporte le sang au cœur se trouve ouvert. Si l’on saisit alors les parois de ce vaisseau, et si l'on tire à (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 9, fig. 2 (g). (2) Voy. ibid. (s.t), (3) Voy. ibid., fig. 4 (t) et fig. & (1). RE SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 283 droite et à gauche, on en déchire le fond parallèlement à ses bords suivant sa longueur, el l’on voit paraître les filets secondaires qui viennent à la branchie. Ces filets très grêles et déliés se détachent du nerf interne et sont très longs : les uns vont en arrière et arrivent jusqu'à l’ex- trémité postérieure de la branchie, les autres se dirigent en avant et se distribuent dans toute la partie antérieure (1). Ces petits filets branchiaux, nombreux et parallèles, paraissent quelquefois s’anastomoser ; mais il est très difficile de les dissé- quer et de bien les suivre en raison de leur ténuité. Is se rendent probablement aux lamelles branchiales, mais pour les suivre jusque dans ces éléments, c’est extrêmement difficile. Le nerf le plus externe, et qui mérite aussi bien le nom de nerf respirateur, suit le bord libre du repli (2) falsiforme, se dirige du ganglion directement vers la base du pli, se redresse avec lui, quand il se détache du corps pour devenir libre. Il est cerlain que, arrivé au sommet de la pointe de la branchie, il rencontre le nerf interne et s'anastomose, se confond, avec lui ; on peut, du reste, suivre ces deux nerfs jusque vers le point indi- qué, cela est facile. On doit évidemment appeler ces deux nerfs les nerfs branchiauxæ ou respiraleurs antérieurs. La description convient également à l’un et à l’autre côté, il n’y a pas de différence. Cordons unissant les deux ganglions palléo-respirateurs (3). — La désignation de ce cordon est assez difficile à trouver exacte- ment. Le nom de commissure devant être réservé aux unions transversales des parties homologues semblerait devoir lui être donné ; telles sont, par exemple, les bandelettes unissant les ganglions pédieux ou les ganglions sus-æsophagiens. L'asymétrie qui a été indiquée précédemment, pourrait peut- (4) Voir surtout la fig. 4, pl. 9, Lt. XII, 4° série, Ann. des sc. nat, Zool., qui est la représentation dela déchirure indiquée de la branchie. (2) Voy. ibid., le filet désigné par la lettre (s). (3) Vov. ibid., les différentes planches et figures (p.i). 28! H, LACAZE-DUTHIERS. être s'opposer à l'emploi du mot commissure, on trouve d’ailleurs un développement ganglionnaire en arrière de l'anus. Mieux semble donc ne pas désigner ici ce cordon par un nom spécial et caracté- ristique ayant un sens propre. Ce n’est que dans un travail général que le nom pourra être indiqué et discuté. Portion de droite (1) née du cordon croisé gauche. — 11 faut décrire séparément la portion droite et la gauche en raison des rameaux bien distincts qu’elles donnent. La première naît du cordon croisé en X tout près du ganglion respirateur, et se place entre le muscle du pied et la cavité viscérale pour sediriger vers la partie postérieure du corps. Elle se prolonge jusqu’à peu près au niveau du fond du cul-de-sae de la voûte pal- léale. Là, elle se porte à gauche ou en dedans, passe sous les vais- seaux branchiaux afférents, se courbe en arc et se continue avec le développement ganglionnaire, que l’on voit très bien au travers des téguments, quand on renverse en dehors le manteau et que par des tiraillements on fait paraitre les orifices des organes génitaux et du corps de Bojanus (2). Ce cordon fournit dans son étendue quelques petits filets grêles de peu d'importance qui vont aux parties tégumentaires voisines et s’anastomosent même avec des ramuscules fort fénus venant d’autre part. Mais un nerf presque aussi gros que lui prend naissance à une hauteur souvent variable, le plus habituellement cependant, vers l'union du tiers postérieur et des deux tiers antérieurs du muscle de la coquille. Déjà dans ce point d'origine, le cordon a com- mencé à s'éloigner un peu de la masse du muscle et à se porter en dedans, pour rejoindre le ganglion génito-cardiaque ou postérieur. (4) Je ne saurais trop rappeler que la désignation de droite et de gauche, n'est que relative, qu'il est bon de revoir les figures, afin de comprendre com- ment le cordon de droite est uni au cordon croisé gauche, il est désigné dans les figures par la lettre (p). (2) Voy. Ann. des sc. nat., &° série, Zool., t. XII, pl, 9 et 40, Z!!", déve- loppement ganglionnaire ; O, orifice génital; J, orifice du corps de Bajanus. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 285 Ce nerf doit se nommer nerf génital. Il se dirige (1) à droite, et rencontre bientôt le muscle auquel il paraît fournir quelques ramuscules ; mais il se divise habituelle- ment en branches peu nombreuses, grosses, qui se font remar- quer très nettement à la surface de la masse ganglionnaire ova- rienne ou testiculaire, logée surtout dans la partie spirale du corps. Quelques rameaux passent en arrière de la spire, d’autres au dessus, d’autres enfin remontent vers cette sorte de queue fournie par la portion des glandes qui ne peut se loger sous la coquille et qui s’abrite sous un repli latéral, en forme de eul-de-sal, apparte- nant au manteau. On voit très fréquemment les premières divisions assez volumi- neuses s’anastomoser obliquement entre elles. Portion gauche (2) née du cordon croisé droit. — Le grand nerf aplati, qui part à droite de la masse ganglionnaire et se porte, à la base de la branchie à gauche, en croisant en sautoir le tube digestif, est plus long et volumineux que celui du côté opposé. Dans son trajet 1l donne quelques ramuscules qui vont aux parties voisines; c’est ainsi que l'intestin, surtout les poches ou abajoues, semblent recevoir quelques-uns de ces ramuscules très petits et fort déliés. Avant d'arriver à la base de la branchie et par conséquent au renflement ganglionnaire, il donne le cordon qui nous occupe et qui semble cependant, par sa direction, venir plutôt du ganglion branchial que de la partie centrale; ce cordon (3) suit le bord gauche de la cavité viscérale sous la voûte du manteau et vient se joindre à celui du côté opposé en s’unissant au ganglion génito- cardiaque ou postérieur dans le point déjà indiqué. On a vu se détacher du cordon de gauche en dehors de lui un (4) Voy. Ann. des sc, nat, Zool., 4° série, t, XII, pl. 9 et 40, nerf marqué(o). (2) Voy. ibid. Ces petits filets ont été dessinés dans la figure un peu schema- tique de la planche 9. Comme le tube digestif y manque, ils semblent ne se rapporter à rien. (3) Voy. ibid. 1] est désigné par la lettre (i) dans les différentes figures. 286 H. LACAZE-DUTMIERS, gros nerf (nerf génital); ici de même on trouve un rameau qui se sépare en dehors et qui descend au-dessous de la branchie, à peu près dans lattache du manteau au corps (4); en cheminant ainsi en arrière, il rencontre bientôt la partie inférieure du péri carde et lui fournit des rameaux. Cependant ce sac n’est pas le seul à recevoir les divisions de ce nerf, qui le plus habituellement se bifurque et donne nne branche dorsale, véritablement péricardique, que l’on voit très facilement dans l'épaisseur de la paroï, et une branche inférieure difficile à suivre, qui se perd sur la face inférieure de l’envoloppe tégumentaire des viscères, mais qu'on aperçoit encore assez loin à côté du vaisseau qu'on trouve, en dessus au bord postérieur de la masse viscérale (2), Il y a aussi un nerf péricardique droit qui se détache du eor- don droit, un peu plus loin que le nerf génital, plus près par conséquent du renflement ganglionnaire. Cet autre nerf péricar- dique proprement dit se divise en deux branches également déliées, l’une péricardique et l'autre viscérale (3). On voit les ra- meaux de ces deux nerfs péricardiques, empiéler réciproquement sur l’espace qu'ils sembleraient devoir recouvrir de leurs divi- sions, sans s’anastomoser (du moins, c’est ce qui a paru, mais il pourrait fort bien en être autrement). Enfin, il y a aussi un nerf péricardique moyen, qui naît à gauche du ganglion médian (4) et qui se porte, en laissant le rectum à droite, vers le péricarde en passantau-dessus du corps de Bojanus, auquel il doit sans doute donner quelques filets. L'un de ses ra- meaux va à la partie moyenne du péricarde, l’autre s'anastomose avec le grand nerf péricardique gauche ; il y a même un balan- cement entre le développement des deux. Plus le nerf moyen est volumineux, plus l’autre est grêle et réciproquement ; sur quel- (1) Voy. Ann. des se, nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 9, fig. 4 (j). (2) Voyez surtout pour ce filet, la Hig. 6, pl. 410, qui est un peu théorique et qui montre l'haliotide vue en dessous. (3) Voy. ibid.; ce nerf est désigné par la lettre (n). (4) Voy ibid., surtout la fig. 6, pl. 40. Il est désigné par la lettre 4. | SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 287 ques individus ce nerf moyen n'était pas appréciable, le nerf gauche était fort développé. Le nom imposé à ces trois nerfs semble indiquer un mode de distribution tout à fait spécial, c’est parce que l’on voit sur- tout ces nerfs sur la poche qui renferme le cœur, qu'il leur a été donné ; mais tous semblent dépasser le péricarde et aller à la paroi du corps et probablement aux viscères postérieurs au cœur. Fournissent-ils des rameaux au cœur? Cela est probable, car à droite comme à gauche, ils passent sur le péricarde, vers le point d'attache des oreillettes. Cependant il faut reconnaitre une telle difficulté à la préparation, que la prudence impose de la réserve. Quand on dissèque ces nerfs en pénétrant par la face inférieure dans le corps (4), on voit de petits filets qui partent surtout du péricardique gauche, el qui, s’anastomosant entre eux, forment comme un petit réseau d’où émanent des filets fort déliés allant aux viscères voisins. Mais dans toutes ces dispositions , il ne parait y avoir rien de régulier et de constant. Ganglion postérieur (2). Par ce nom qui n'indique rien relativement aux fonctions, on doit entendre cet épaississement qui se trouve à peu près dans la courbe qui unit les deux cordons postérieurs partant des ganglions respiratoires ; on le voit un peu en arrière des orifices de la reproduction et du sac rénal au-dessous du rectum et des vaisseaux branchiaux. Quelques nerfs importants se détachent soit de lui, soit de son voisinage. Si l'on suppose le corps de l’animal renversé, vidé et vu par des- sous, on trouve la courbe des nerfset le ganglion sur un plan anté- rieur au manteau et aux autres parties sous lesquelles il est placé. Si l'on enlève la paroi dorsale de la cavité générale du corps, {t) Voy. Ann. des sc. nal., Zool., 4° série, L. XII, pl. 40, fig. 6 et autres. (2) Il est désigné par la lettre Z'”. 288 H. LACAZE-DUTBHIERS. on voit alors plus en dessous encore la cavité palléale, les deux branchies et entre elles la fente longitudinale du manteau, vers l’angle de laquelle s’ouvre l’anus (4). Dans cette position paraît sur un plan antérieur et supérieur, ce qui, en réalité, est sur l'animal dans la position véritable sur un plan inférieur ; on trouve d’abord le vaisseau principal qui apporte le sang aux branchies; il est accolé au rectum qui paraît en dessous, couvert en partie par l’organe de la mucosité, dont les lames tapissent la voûte de la cavité palléale. De chaque côté de ce vaisseau et par conséquent du rectum, on voit une fente en boutonnière courbe, très près et en arrière des deux divisions du vaisseau principal qui apportent le sang à l’une et à l’autre des branchies; en arrière de lout cela parait la cavité du péricarde, dans laquelle pénètre le rectum pour traverser le ventricule (2). Ces détails descriptifs facilitent évidemment beaucoup pour l'indication des filets nerveux secondaires. Sur le côté droit de la courbe (3), un peu avant le gonflement ganglionnaire, on trouve un ou deux très petits filets, relativement assez longs, qui se distribuent à la partie dorsale de l'enveloppe du corps, et qui s’anastomosent entre eux en se dirigeant en arrière : ils fournissent sans doute des filets aux viscères voisins. Mais la difficulté qu'on éprouve à les suivre au milieu des débris des tissus enlevés doit imposer beaucoup de réserve dans la description; d’ailleurs il est très probable qu'ils n’ont qu’une im- portance secondaire. $ Du ganglion lui-même nait un nerf volumineux qui se porte de bas en haut, et remonte sur la face inférieure du vaisseau sanguin principal afférent à la branchie. Ce nerf, qu’on pourrait appeler, en raison de sa distribution principale, soit rectal, ou bien palléal (1) Cette disposition a été reproduite dans la fig. 6, pl. 40, t. XII, Ann. des sc. nat., Zool., 4° série. (2) Voy. ibid. Du reste, il sera bien d'opposer la fig. 1, pl. 9, à celle de la pl.10, fig. 6, pour voir la différence que la position (les deux orifices servant de point de repaire, sont indiqués par les lettres O et J) apporte dans les rapports des parties. (3) Voy. ibid. SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 289 supérieur moyen, dépasse le vaisseau branchial, et se ramifie sur les tissus voisins de l’anus en remontaut très haut, assez près de cet orifice ; les principales ramifications sont très évidentes, mais leurs terminaisons se perdent au milieu des plis des glandes mu- cipares, et sont dès lors fort difficiles à suivre (1). A gauche, avant d'arriver à la bifurcation du vaisseau branchial, deux ou trois ramuscules à peu près constants se détachent et se dirigent en arrière de l’orifice du sac de Bojanus, vers le péri- carde et la paroi inférieure du sac rénal. Du même côlé, on voit un filet qui suit le tronc gauche du vaisseau branchial, et qui arrive assez près de la branchie ; mais sa ténuité le fait bientôt échapper à l’observation. Un seul ramuseule paraît le plus souvent se détacher à droite ; il se bifurque avant d'arriver à l’orifice génital, qui se trouve ainsi compris dans la fourche de cette division, dont les extrémités arrivent jusqu’à la branchie. Nerfs palléaux supérieurs externes. Revenons maintenant aux nerfs qui naissent de la partie centrale du troisième groupe, c'est-à-dire de la masse gan- glionnaire pédieuse, que l’on sait devoir être dédoublée comme il a été dit. A gauche, l’on voit naître tout près de l’arrivée du connectif céphalique quatre cordons. L'un antérieur est assez volumineux (2), et va se distribuer à la partie de la collerette festonnée, qui est à peu près en face de la portion postérieure de la tête. On a vu déjà un nerf aller à l'extrémité antérieure de cette collerette, il était né sur le con- nectif. Des trois autres, deux plus grêles naissent en avant de l’ori- (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 9, 40 et 44, le nerf est désigné dans les figures par la lettre L. (2) Voy. ibid., pl. 40, fig. 4 (np'). %° série, Zooz, T, XII, (Cahier n° 5), 5 19 290 H. LACAZE-DUTHIERS. gine du cordon croisé gauche (4) et un peu plus gros se délache en arrière (2). Tous les trois se dirigent en dehors en s’accolant à la face interne de la cavité viscérale (3). Le plus grêle est le plus antérieur, il s'épuise bientôt en don- nant de petits rameaux dans les parois du corps, et une branche anastomotique qui, se dirigeant en arrière, s’unit au voisin ou nerf palléal supérieur externe gauche(h). Cette branche anastomo- tique donne, vers le milieu de sa longueur (5), des filets destinés à l’estomae, et là très probablement s’anastomosent avec le grand sympathique ou stomalo-gastriqué. Une semblable anastomose a paru constante dans les Bullées et autres Gastéropodes ; dans ces animaux , elle est très déve- loppée, et plus facile à constater. Ces quatre branches nées du même côté, lout près du gros cordon qui se croisera avec celui du côté opposé, forment comme ui plexus, dont la branche la plus volumineuse (6) est le nerf palléal supérieur externe gauche. Elle se porte au manteau et s’y distribue. Sa description a déjà été faite quand il s’est agi des nerfs du manteau, indépendamment de leur origine. A droile, on trouve moins de rameaux; on n’en voit qu'un d’important ; il prend son origine un peu en avant du cordon droit qui doit s’entrecroiser et se porter vers le ganglion respirateur gauche (7) : c’est le nerf palléal supérieur externe droit. Il s’accole, comme à gauche, à la face interne de la cavité viseé- rale au-dessous de tous les organes, et s'échappe en pénétrant entre les paquets fibreux du muscle de la coquille sur le côté droit du manteau (8), où l’on sait déjà comment il se distribue. ) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 10 (e.f.g). ) Voy. ibid. (h). (3) Voy. ibid, fig. À (e.f.h. (4) Voy. ibid. (g). (5) Voy. ibid. (f), ici l'estomac n'est pas dessiné, (6) Voy. ibid. (g). (7) Voy. ibid. (r). (8) Voy. ibid. (r). SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE, 291 Tel est ce troisième groupe ganglionnaire; on voit que les par- ties auxquelles il fournit des nerfs sont fort nombreuses, et que sa description ne manque pas d'être assez compliquée. Peut-être semblera-t-il qu’on eût pu le diviser en centres secon- daires ; ce serait ici évidemment, au lieu de simplifier les choses, les compliquer encore davantage ; mieux vaut évidemment ne voir là qu'un ensemble de parties secondaires qui se multiplient, suivant que les organes auxquels elles doivent fournir des nerfs prennent plus d'importance, bien cependant qu’elles se rappor- tent toujours à un même groupe, lequel serait, dans le cas d’avortement de ces parties, le dernier à disparailre. Ainsi dans le Pleurobranche, pour ne citer qu'un exemple et ne faire qu'un rapprochement, des parties très développées dans lHaliotides n'existent pour ainsi dire pas ; aussi le ganglion est-il rudimentaire, et les parties secondaires si développées ici ne se présentent pas. V Du système nerveux grand sympathique ou stomato-gastrique. L'on donne habituellement dans les Mollusques le premier de ces noms à la partie du système nerveux, qui semble seule desti- née à fournir l’activité vitale au tube digestif, sans y comprendre toutefois l’orifice buceal et les lèvres. Mais la cavité de la bouche, l’appareil complexe qui la com- pose et le tube digestif, tirent seuls tous leurs nerfs d’un centre particulier ; aussi le nom de grand sympathique donné par ana- logie est trop étendu, il peut faire croire que les choses sont comme dans les animaux supérieurs, et il y à réellement de l’in- convénient à le conserver ; le second emprunté à l'anatomie des Articulés est donc préférable. Centres. Les centres ganglionnaires du stomalo-gastrique sont situés dans l'Haliotide tout à fait comme dans les autres Gastéropodes, sous la première partie du tube digestif qui fait suite à Ja masse, au bulbe ou à l'appareil lingual. 292 H. LACAZE-DUTHIERS. Le tube digestif est dorsal, relativement au reste de l'appareil ; il laisse entre lui et le bulbe lingual un espace, où les ganglions stomato-gastriques viennent se loger; en un mot, c’est entre l'appareil lingual et l’œæsophage, dans l'angle qu'ils forment, qu'on les rencontre (4). Du reste, cette position est conslante, el c’est toujours dans ce point qu'il faut chercher ces ganglions. La forme de ces centres estla même que celle des autres parties du système nerveux. L'aplatissement, l'allongement caractéris- tique des ganglions, se retrouve aussi sur eux, et l’analogie avec les centres sus-céphaliques frappe tout de suite (2). Ils sont parfaitement symétriques, et couchés sur la base de la langue. Une commissure transversale les unit en passant en sauloir sur l'appareil lingual. Assez éloignés l’un de l’aitre, ils descendent un peu sur les côtés, et se laissent facilement remarquer quand on écarte les deux grandes pocheslæsophagiennes. Connectifs (3). : Les connectifs qui unissent le centre stomato-gastrique au centre céphalique sont fort gros et faciles à trouver, bien que ce- pendant il soit nécessaire pour les mettre à découvert de faire quelques préparations délicates et un peu longues. Ils naissent sur ce tronc, assez volumineux, interne et infé- rieur, d’où l’on à vu partir les nerfs labiauæ ou proboscidiens infé- rieurs; c’est un rapport qui me paraît plus général qu'on ne le suppose. Ils remontent sur les côtés de la masse linguale en dé- crivant quelques flexuosités, et passant sous les muscles latéraux, qu'il faut enlever par conséquent pour arriver à les voir. Cette préparation, sans être difficile, mérite cependant une assez (1) Voy. Ann. des sc. nat, Zool., £° série, t. XIE, pl. 14, fig. 2 et 3 (Y'). (2) Voy. ibid. (3) Voy. ibid. fig. 2 (x). SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 9293 grande attention : car des connectifs que l’on cherche à voir partent de nombreux filets (4), qu'il est important de conserver et de déterminer. On comprend du reste la disposition flexueuse ; il fallait, en rai- son des mouvements très variés et très nombreux qu’accomplit l'appareil lingual, que les connectifs fussent très longs, afin de suivre les organes dans leurs mouvements sans être tiraillés. Description générale des premières parties du tube digestif. Il est nécessaire, pour bien entendre la distribution des filets nerveux, d'établir en quelques mots la disposition topographique des premières parties de l'organe de la digestion (2). Le tube digestif proprement dit commence à l’orifice de la trompe ; aussi, dans le prolongement antérieur de la tête, on trouve deux tubes enfermés l’un dans l’autre : en dehors, les parois ex- ternes de la trompe ; en dedans, le commencement du tube digestif. Si l’on suit en partant de l’orifice buccal les différentes in- flexions, courbures et renflements, on trouve bientôt, à la hauteur des tentacules céphaliques, un étranglement, sur les côtés duquel on voit l'insertion des glandes salivaires. En arrière de cet étranglement on observe : en dessus les bour- souflements de la paroi assez peu épaisse du tube et sur le côté inférieur la masse musculaire bilobée, ou puissance qui fait agir la langue. Celle-ci, enfermée dans son fourreau, se dégage en arrière et au milieu, pour aller se loger dans un vaisseau san- guin, et s’avancer assez en arrrière. Après ces parties, on observe un second étranglement ; celui-ci les sépare des deux grandes poches latérales, entre lesquelles on remarque en dessus un canal médian, qui est bien à proprement parler le tube digestif; deux larges fentes le font à droite et à gau- che communiquer avec ces grandes poches, que l’on peut consi- dérer comme des abajoues. 1) Voy. Ann, des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 44. 2) Voy. ibid., les différentes figures. 294 Hi, LACAZE-DUTHIERS, Ces poches, en remontant en dessus et en descendant en dessous, entourent le tube digestif de leurs parois qui sont fort minces, et qui par cela sont très difficiles à disséquer ; on les déchire bien souvent, et quand leur cavité est ouverte, on est un peu embarrassé pour se reconnaitre. I faut done beaucoup d’at- tention pour ne point s'égarer dans les recherches. Puis viennent l’œsophage et les dilalations stomacales. On voit en fin de compte que, entre la partie proboscidienne, celle tout à fait antérieure et les deux poches, il y a une portion moyenne ; que c’est à la face inférieure de la cavité de celle-ci que se trouve épanouie, étalée la plus grande largeur de la langue ou pièce cornée qui en forme le plancher, et correspond aux masses charnues, motrices inférieures. Entre la partie moyenne et le lube correspondant à l’œsophage, on trouve encore deux replis, l’un supérieur, l’autre inférieur, en forme de valvule triangulaire dont le sommet libre et flottant est dirigé en arrière, et dont la base est confondue avec le pourtour de l’étranglement. Leur but est, sans contredit, de s'opposer au retour dans la bouche des matières entrées dans les grandes cavi- tés, lorsque pour les en faire sortir, l’animal 5e contracte. Ces détails suffiront maintenant pour fixer les idées et per- meltre de faire comprendre la distribution des nerfs. Nerfs fournis par les connectifs. De nombreuses branches se délachent de ces cordons mêmes dès leur origine. Habituellement les connectifs se portent des ganglions cépha- liques aux ganglions stomalo-gastriques sans fournir de nerfs; iei il n'en est pas de même, et les nerfs qui sembleraient devoir ürer leur origine des ganglions prennent naissance sur les con- neclifs. En partant des nerfs proboscidiens ou labiaux inférieurs, les connectifs se rendent obliquement, en se dirigeant en arrière, vers l'étranglement qui sépare la partie moyenne et la partie anté- rieure; arrivés à la hauteur de la ligne de démarcation que pré- SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 295 sente la partie moyenne entre la portion dorsale où membraneuse et la partie inférieure ou musculaire, ils se portent directement en arrière en suivant cette ligne et arrivent sous l’œsophage entre celui-ci et la langue. Ce changement de direction fait que le connectif semble coudé presque à angle droit vers le milieu de sa longueur (1),les branches qu'il fournit sont nombreuses et importantes : 1° Les unes, voisines de son origine, se dirigent en arrière (branches musculaires linguales). On en trouve habituellement une de chaque côté ; grosse, lortueuse, qui gagne la partie inférieure de la masse charnue de la langue et qui anime évidemment la partie active où le bulle linguale (2). 2% Les autres antérieures naissent sur toute la partie du connec- tif comprise entre l’origine de la branche musculaire linguale prin- cipale et l'angle de flexion. Variables en nombre (3, 4,5), petites, grèles , elles vont se distribuer aux parties latérales et inférieures de la portion proboscidienne, ou antérieure du tube digestif. Les parois de celte portion du tube sont charnues, musculaires et contractiles. f 3° Enfin les supérieures prennent leur origine à l’angle même de flexion du conneclif (3). On trouve qu'après s'être infléchi pour se porter en arrière, le connectif devient beaucoup plus volumineux ; si bien qu’en pré- sence de ce caractère constant dans l'Haliotide, applatissement et allongement des ganglions, on se demande si le ganglion stomato- gastrique ne commence pas déjà à cet angle. Quoi qu'il en soit, on voit naître de cette inflexion un très gros tronc qui semble continuer la direction du ganglion sous-æsopha- gien, et qui bientôt se divise en deux branches distinctes (4) : La branche antéro-supérieure se ramifie sur la face dorsale de la portion proboscidienne du tube digestif, et fournit un ramus- eule qui, remontant presque dans le sillon de séparation de la (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, 1, XII, pl. 44, fig. 2 (b). (2) Voy. ibid. (a). ; (3) Voy. ibid. (c). (4) Voy. ibid, (c. e ). 296 H. LACAZE-DUTHIERS, partie moyenne, arrive à la base de la glande salivaire et lui donne un nerf fort grêle (1). Une autre (2) donne la plus grande partie de ses subdivisions à la boursouflure dorsale moyenne, et se continue en un cordon très délié, qui gagne (3) les côtés de l’œsophage proprement dit, s’accole à lui en laissant en dehors les poches latérales, et fournit de chaque côté des ramuscules aux parties voisines, ou en par- ticulier à la valvule œsophagienne supérieure (4), puis continue son trajet et va, ainsi qu'il sera dit, se distribuer au reste du tube digestif. On doit la nommer branche æsophagienne ou stomacale Le reste du connectif ne fournit point de rameaux. Nerfs fournis par les ganglions stomato-gastriques. Les nerfs nés de ces centres sont moins importants que les précédents, probablement par cette raison que la portion voisine du coude du connectif a fourni les branches principales. Pour bien voir ces petites branches, il faut fendre le vaisseau sanguin, dans lequel s’est logé l’étui de la langue , et renverser celle-ci en avant et en haut. On doit remarquer que c’est surtout en reuversant l'animal sur le dos que l’on peut faire cette prépa- ration ; il est bon aussi de laisser adhérer encore le vaisseau san- guin aux poches œæsophagiennes ; alors on peut, avec beaucoup de précaution et de soin, arriver à préparer les filets qui vont être successivement indiqués. Dans une préparation ainsi disposée, on a sous les yeux, en avant la bouche (5), l'extrémité de la trompe, puis la masse musculaire (6), sur le milieu de laquelle paraît la partie allongée correspondant à la pièce cornée et à la cavité buccale, au milieu A) Voy. Ann. des sc. nat, Zool., XII, t. pl. 14 (à). 2) Voy. ibid. (f). 3) Voy. ibid. (g). &) Voy. ibid. (I). 5) Voy. ibid. A. 6) Voy. ibid. (B). ( ( { { ( ( SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 297 l'œsophage (4) et de chaque côté les poches œsophagiennes (2). Les ganglions et leurs commissures paraissent sur l’œsophage entre lui et la langue. De chacun des ganglions, en arrière, naît un nerf principal flexueux (3) qui se porte sur les côtés de la première portion élar- sie de l’œsophage entre lui et les poches, et qui fournit en dehors et en dedans de petits ramuscules variables. Ces petits ramuscules vont à la valvule œsophagienne post-linguale inférieure, qui cor- respond à cette partie élargie de l’œsophage, placée exactement en arrière de la base de la langue. Ces deux cordons nerveux, qui peuvent être nommés avec juste raison æsophagiens inférieurs, se bifurquent bientôt. Leurs bran- ches internes se glissent entre les poches latérales et la paroi infé- rieure de l’æsophage, en se dirigeant en arrière ; elles fournissent chemin faisant des ramuscules transverses qui les anastomosent entre elles, et aussi avec les autres nerfs (4). Le filet œæsophagien inférieur droit paraît donner assez constamment un rameau très délicat à la paroi du vaisseau sanguin qui renferme la langue (5). Les rameaux internes de ce nerf(6) s’anastomosent directe- ment en formant comme une arcade en arrière de la base de la valvule œsophagienne inférieure, d’où partent deux filets fort grêles, dont un (7) semble s’épuiser bien vite, tandis que l’autre descend sur la ligne médiane, s’anastomose avec les pré- cédents rameaux, et devient aussi gros qu'eux ; en sorte que sur la face inférieure de l’æsophage, entre les deux poches, on trouve déjà un réseau à mailles très larges et peu serrées (8) : c’est le commencement de ce qui va se faire si nettement remarquer dans le reste du tube digestif. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 44 (v). (2) Voy. ibid. (t). (3) Voy. ibid. (q). {4) Voy. ibid. (r). (5) Voy. ibid., fig. 2 et 3 (i.i.). (6) Voy. ibid. (r). (7) Voy. ibid. (s). (8) Voy. ibid. (v). 298 H. LACAZE-DUTHIERS. C'est avec la plus serupuleuse attention que j'ai cherché les filets des ganglions que M. Blanchard a appelés angéiens, et qu'il a dé- crits comme centres antérieurs, particuliers et distincts de la cir- culation. On voit bien ici un filet nerveux allant au vaisseau , mais il ne m'a pas été possible de le suivre plus loin, et de trouver en ce point un centre nerveux particulier. Ce centre m'a-t-il échappé ? C’est possible. Les parties sont cependant grosses et bien déve- loppées, et les recherches ont été failes sur des individus où les moindres petits détails paraissaient avec la dernière évidence. Filets nés sur les commissures entre les deux ganglions. Six ramuscules habituellement constants ont leur origine près des ganglions ; ils sont fournis à peu près tous et toujours par la commissure. Deux sont postérieurs et plus rapprochés des ganglions; courts et peu volumineux, ils se rendent (1) à la partie moyenne de la première portion de l’œsophage, et par conséquent à la base de la valvule æsophagienne inférieure à laquelle ils fournissent des ra- meaux. Quatre sont antérieurs, et forment deux paires distinctes. La paire médiane (2) est composée de filets très grêles, qui, marchant parallèlement assez rapprochés, vont à la gaine de Ia langue, sur la face supérieure de laquelle on les voit (ne pas ou- blier qu'ici la langue, renversée en avant, montre sa face dorsale). A une certaine distance de leur origine, ces filets donnent une petile branche à un tout petit muscle de son fourreau (3). La paire latérale est plus grosse et plus rameuse ; elle se porte en dehors, et donne des filets à la partie large, étalée, dela base de la langue (4). Les extrémités de quelques rameaux paraissent arriver jus- qu'aux parties musculaires que l'on aperçoit sur les côtés, et qui apparliennent à l'appareil moteur. (4) Vov. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XII, pl. 44 (p). (2) Voy. ibid. (k). (3) Voy. ibid. (n). (4) Voy. ibid. (o). SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 299 Nerfs stomacaux. On sait qu'il n’est pas très facile, toujours du moins, de bien établir dans les Mollusques les limites de l'estomac proprement dit. Le nom qui sert à désigner ici ces nerfs pourrait donc prêter à la critique, mais qu’on le remarque, il sert surtout à désigner les nerfs des parties du tube digestif autres que ceux de la langue. En arrière des poches œæsophagiennes , on observe comme un étranglement {4), qui parait un peu plus musculaire que le reste du tube, et qu’on pourrait considérer comme un cardia. Après lui vient une dilatation pyramidale qui va en s’élargissant de plus en plus, à mesure que l’on se dirige davantage en arrière, qui se termine en un cul-de-sac placé à gauche, et présente à droite la naissance de l'intestin. Nous appellerons cette grande poche l’esto- mac, par opposition au reste du tube qui est plus étroit et que chacun nomme l'intestin. Les deux nerfs æsophagiens supérieurs nés, comme on l’a vu, du connectif (2), se glissent entre les abajoues et la paroi supé- rieure de l’œsophage, en laissant au-dessous d’eux les orifices latéraux qui conduisent dans les poches; ils marchent en ligne à peu près droite, sans trop fournir (3) de rameaux, et arrivent à l’étranglement musculaire cardiaque en restant parallèles (4). Au delà de cet étranglement, ils reçoivent les anastomoses laté— rales des divisions des nerfs œsophagiens inférieurs , puis ils se divisent en rameaux qui restent aussi volumineux qu'eux, et s’anastomosent un grand nombre de fois et très irrégulièrement. Il en résulle un véritable réseau couvrant toute la surface de l'estomac, et rappellant ce que l'on trouve à peu près dans tous les Mollusques, dans l’Aplysie, ete., ele. Sur les premières portions fort développées des canaux biliaires (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 14. fig. 4 (v). {2} Voy. ibid, pl. 41, fig. 4, l'une des poches a été ouverte, la gauche. (3) Voy. ibid. (g). (&) Voy. ibid, (v). 300 H. LACAZE-DUTHIERS. et de l'intestin, on aperçoit bien quelques branches, mais il est fort difficile de les suivre. Je n’ai point observé le développement ganglionnaire , qu’on remarque souvent aux angles des mailles du réseau ; peut-être cela tient-il ici à cette disposition caractéristique de tous les gan- glions , à cet allongement qui, portant sur des choses fort petites, empêche que le renflement ne puisse se faire remarquer. On croirait voir (1), surtout à la partie postérieure, que le com- mencement des anastomoses et de l’accroissement des filets n’a lieu qu'après le rétrécissement cardiaque. Il serait peul-être im- prudent de vouloir lirer de là quelques inductions, et de vouloir, sans faire de comparaison, déterminer la nature des parties. Cette réflexion, quoique difficile à comprendre maintenant, paraîtra moins obscure et très utile quand les faits seront généralisés. Telle est la disposition du système nerveux stomato-gastrique dans l'Haliotide. On doit remarquer qu'une partie est fort régulière, et rappelle tout à fait, par la distribution de ses rameaux, les nerfs de la vie animale ; c’est celle qui fournit à la langue , que l’autre, au contraire, présente plus d’irrégularité, et que les réseaux n'offrent en apparence rien de spécial et de censtant. C'est une chose importante, et ce rapprochement ne saurait mieux trouver sa place qu'ici. Le stomato-gastrique est à coup sûr dans une de ses parties un nerf de la vie végétative ; et dans sa distribution, il offre une cer- taine irrégularité, que l’on peut traduire par ces mots : nombreuses arastomoses et production d'un réseau général. Mais dans le système nerveux de la vie animale, on trouve que ceux de ses rameaux, qui vont se distribuer au cœur et à la branchie, affectent aussi la forme irrégulière en réseau, par suile des nombreuses anastomoses établies entre les différentes branches. Les nerfs respirateurs de l'Aplysie, du Pleurobranche, en fournissent des exemples très remarquables. Il semble donc que, lorsque la partie du corps de l’animal est consacrée exclusivement à la vie végétative, la disposition géné- SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 301 rale du système nerveux prend un caractère tout particulier. D'un autre côté, une partie du stomato-gastrique se distribue à la masse linguale, c’est-à-dire en un organe volontaire ; or, dans ce point, les filets nerveux reprennent la forme, la disposition ha- bituelle, que l’on trouve dans les nerfs consacrés à la vie animale. Nous reviendrons plus tard en les développant sur ces idées trop générales pour un travail tout particulier. VI RÉSUMÉ GÉNÉRAL. La description minutieuse qui précède doit être suivie d’un ré- sumé où il puisse être permis de comprendre l’ensemble des faits, en les reliant, et en les rapportant à un petit nombre d’idées prin- cipales (4). Les ganglions de l’Haliotide, quels qu'ils soient, sont plus allongés et aplatis que dans la plupart des espèces; c’est une particularité commune avec les Patelles et les Oscabrions, ete. Les cordons nerveux servant à l’union des parties centrales sont en général très développés, et participent à ce caractère. Le centre cérébral ou sus-æsophagien occupe la position habi- tuelle en dessus de la bouche; il fournit des nerfs à la trompe, aux deux organes des sens de la tête, et aux téguments de ce qu'on pourrait appeler le cou. Deux connectifs unissent de chaque côté ce premier groupe gan- glionnaire à une masse placée sous l'æsophage, qu'une analyse attentive permet de dédoubler en deux centres confondus ou plutôt tellement rapprochés, qu'ils paraissent confondus. Cette distinction de deux centres est basée sur les connexions des nerfs et des organes. Deux gros nerfs partant en arrière de ces centres envoient des rameaux au pied , d’où l'on peut conclure d’abord que la partie inférieure est l’analogue des ganglions pédieuæ ; d’ailleurs il ya (4) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 14, Gg. 4. C'est une figure tout à fait théorique montrant bien les groupes ganglionnaires et leurs rapports comme l'asymétrie du centre moyen, 302 H. LACAZE-DUTHIERS. deux ordres de connectif, si le ganglion pédieux se trouvait seul dans cefte masse, il n’y aurait qu'un seul connectif le mettant en communication avec le centre sus-æsophagien ; de plus, en avant se trouvent les otolithes, qui ordinairement sont en rapport avec lui. Mais de ce centre partent aussi : 1° deux autres gros cordons parallèles aux grands nerfs pédieux el très voisins, presque unis avec eux, dont les ramifications se rendent à cette partie si riche en découpure qui entoure les bords de la coquille ; et 2° deux gros nerfs qui, s'entrecroisant en X, donnent naissance à une anse complétement fermée, et fournissent les nerfs péricardiques, génitaux, les ganglions respirateurs, enfin les nerfs palléaux destinés à ce que chacun est habitué à appeler le manteau. De cette masse centrale partent encore à droite et à gauche d’autres nerfs palléaux qui vont directement à cette partie, qui pour tous est aussi le manteau. Il suffit d’opposer cette distribution des filets nerveux à celle qui vient d’être indiquée relativement au pied, pour ne pouvoir mettre en doute la vérité de l’assertion précédente. Jamais les ganglions pédieux ne fournissent de nerfs au manteau et aux branchies ; jamais, réciproquement, les ganglions qui vien- nent d’être indiqués ne fournissent au pied. Confondus en apparence par le rapprochement, ces ganglions ne sauraient donc en réalité être considérés comme formant une seule et même masse. Les noms de quelques-uns de ces centres sont assez difficiles à choisir. Deux des centres pédieux et céphaliques ont des noms exacts, on peut aussi les appeler supérieurs el inférieurs, ou encore symétriques. Le troisième groupe qui vient se placer au-dessus des ganglions pédieux et au-dessous des ganglions céphaliques, est relativement moyen. Ce nom pourrait done lui être appliqué. D’nn autre côté, comme habituellement, les ganglions secondaires qui se développent aprèslui, oului-même dans quelques cas se portent sur le côté droit, on pourrait le désigner encore par les noms de groupe ganglion- naire asymétrique, mais celui de moyen semblerait préférable. il serait fort important de s'entendre sur celte dénomination | SYSTÈME NERVEUX DE L'HALIOTIDE. 305 qui varie avec chaque auteur et surtout avec l'idée générale que chacun se fait de l’ensemble du système nerveux. Il parait certain que les ganglions et les nerfs secondaires respiraleurs, cardiaques où génitauæ, appartenant au centre moyen, forment un groupe qui peut se réduire ou se développer sui- vant les espèces; de là les noms différents qu’on lui applique, d’après les développements particuliers que l'on observe. C’est ainsi que dans les Pleurobranches le ganglion est si petit et si ré- duit, si rejeté à droite, que le nom de ganglion latéral droit semble trouver une juste application. On comprendra, du reste, que ce ne peut être qu'après des études détaillées et multipliées d’un bon nombre de types, qu'il sera possible de généraliser et d'établir une nomenclature natu- relle permettant de coordonner les faits épars qui aujourd'hui semblent purement des détails. Quant au quatrième centre nerveux, celui qui mérite le nom de stomato-gastrique, il n'offre rien de particulier, les nerfs qu'il donne se subdivisent en deux séries principales, suivant qu'ils se distribuent à l'appareil lingual et au tube digestif proprement dit, c'est-à-dire à des parties agissant évidemment sous l'influence de la volonté, ou à des organes indépendants de cette faculté. On remarque aussi dans les connexions que tous les ganglions setrouvent unis aux centres céphaliques, et que toujours tous ceux, autres que celui-ci, sont au-dessous du tube digestif. De l’ensemble de ces faits, il résulte que l’on peut considérer le manteau de l'Haliotide comme dédoublé en deux parties: l'une supérieure, en rapport avec la coquille et occupant la position habituelle, formant la voûte où viennent s'ouvrir les orifices géni- taux rénaux et digestifs postérieurs où se trouvent aussi les organes de la respiration ; l'autre inférieure, qui s'applique sur le disque musculaire pédieux et qui forme en l’entourant cette riche colle- rette qui a fait dire à Cuvier, avec raison, que ces Mollusques étaient les plus ornés, et les plus richement partagés au point de vue de l'élégance de leur livrée, 304 H. LACAZE-DUTHIERS. EXPLICATION DES PLANCHES. Lettres indiquant dans les trois planches des choses semblables. A. Trompe. — B. Appareil lingual. — C. Estomac. — Æ. Glandes salivaires, — Gp. Grand nerf palléal inférieur. — 1. Branchie. — J. Corps de Bojanus. — 0. Ovaire. — Ms. Manteau supérieur. -— Mi. Manteau inférieur. — Q. Tentacule olfactif, — T. Pied. — T'. Grand nerf pédieux postérieur. — U. Tubercule oculaire, — V. Ganglions céphaliques. — X. Ganglions pédieux. — YŸ. Ganglions stomato-gastriques. — Z. Ganglions moyens. — Z'. Ganglionbranchial, paraissant à droite. — Z/', Ganglion branchial, parais- sant à gauche. — Z/!!, Ganglion sous-anal ou génito-cardiaque. a. Nerf cervical du cou —b. Connectif céphalo-moyen. — c. Connectif céphalo= pédieux. — d. Nerf palléal supérieur, gauche interne. — e, f, g. Trois nerfs naissant du ganglion Z, formant un plexus et fournissant plusieurs nerfs, entr'autres le palléal supérieur gauche externe. —h. L'un des nerfs nés du plexus précédent allant aux parois ‘gauches du corps. — i. Cordon d'union entre le gros nerf (v) et le ganglion Z!!”. — j. Nerf péricardique gauche. — k. Deuxième nerf péricardiquegauche ou moyen.—{. Nerf péricardique moyen. — n. Nerf péricardique droit — p. Cordon unissant le gros nerf (u) au gan- glion Z//, — q. Nerf palléal interne supérieur droit. — r. Nerf palléal ex- terne, supérieur droit. — s. Nerf respirateur interne. —t. Nerf respirateur externe. — uw. Cordon qui du ganglion Z se rend au ganglion Z/,—v. Cor- don qui du ganglion Z se rend au ganglion Z!'. — y. Nerfs prosbosci- diens inférieurs. — z. Nerfs proboscidiens supérieurs. a. Nerf lingual inférieur. — b. Coude du connectif, d'union des ganglions V et Y. — c. Nerf buccal supérieur et antérieur. — e. Tronc commun à plusieurs nerfs. — d. Nerf salivaire. —f. Nerf buccal supérieur et moyen. — g. Nerf stomacal supérieur. — h. Nerf stomacal inférieur. — i. Nerf du vaisseau sanguin. — j. Vaisseau sanguin.— k. Nerf lingual. — 1. Valvule supérieure œsophagienne. — m. Valvule inférieure. — n. Nerf d’un petit muscle de la langue. — 0. Nerf lingual médian supérieur et antérieur. — p. Nerf lingual médian supérieur postérieur. — q. Nerfs œsophagiens inférieurs. — r. Anas- tomoses de ces derniers, — s. Nerf médian œsophagien inférieur, résultant » de cette anastomose. — t. Poches latérales de l'œsophage. — u. Orifices de ces poches dans l'œsophage. — v. OEsophage. — x. Origine du connectif stomato-gastrique. — y. Langue. … , “ SYSTÈME NERVEUX DE L HALIOTIDE. 309 PLANCHE 9. Fig. 1. Haliotide ouverte, de grandeur naturelle, pour donner l'idée de l'en- semble du système nerveux. Fig. 2. Animal de grandeur naturelle, en position pour montrer les nerfs extérieurs, en supposant qu'aucune préparation n'ait été faite. Fig. 3. Portion grossie du bord du manteau supérieur en avant : ramifications d’un tronc formant un réseau. Fig. 4. Nerfs branchiaux, s’unissant à angle aigu vers le sommet de la bran- chie en (t’) et fournissant des filets grêles qui descendent et se distribuent à l'organe. PLANCHE A0. Fig. 4. La tête grossie pour indiquer les origines des nerfs. Fig. 2. Tentacule oculaire ouvert ; réseau remarquable à la surface de la sclérotique. Fig. 3. Grands nerfs pédieux 7” et palléaux inférieurs Gp; np, ramuscules du grand nerf pédieux ; np', nerf pédieux inférieur né du ganglion Z'/; np!’, nerf pédieux inférieur né du connectif. Fig. 4. Otolithe. Fig 5. Globules de l'otolithe. Fig. 6. Figure un peu théorique. L'animal est placé sur le dos, les organes enlevés pour montrer surtout les nerfs qui partent du cordon unissant en courbe les ganglions Z/ Z/. PLANCHE 41. Distribution du nerf stomato-gastrique. Fig. 1. La tête, la langue, l’œæsophage et l'estomac, vus par le dos, grossis. Fig. 2. La tête, la langue, l'œsophage et l'estomac, vus en dessous, afin de mettre en évidence les plexus œsophagiens inférieurs, la langue a été rele- vée à gauche. Fig. 3. Profûl un peu théorique des parties vues dans les précédentes figures. Fig. 4. Disposition générale schématique du système nerveux, la figure est tout à fait idéale, les ganglions Z et X ont été séparés. 4° série. Zooz, T, XIII, {Cahier n° 5.) # 20 OBSERVATIONS SUR LA DÉCOMPOSITION SPONTANÉE DES POLYPES D'EAU DOUCE, PRÉSENTÉES A L'ACADÉMIE DES, SCIENCES DE VIENNE , LE G JANVIER 1860, Par M. G. JAGER. (EXTRAIT.) De trois de ces Polypes, placés isolément dans de petits vases remplis d’eau, et fermés, l’un, dépourvu de bouture génitale, vint à périr. Les deux autres, munis de ces boutures, vinrent à se dis- soudre en cellules isolées, qui, depuis un mois, vivent de leur vie propre, se meuvent à la façon des Amibes, se sont subdivisées, et dont quelques-unes semblent s'être passagèrement enfermées dans une capsule analogue à celle des Infusoires. — Ces faits permet- tent de présumer que, à l’état de liberté, les Polypes d’eau douce, après avoir évacué les produits de leur vie sexuelle, se dissolvent régulièrement en automne, et que les cellules, après avoir passé l'hiver isolément, deviennent chacune au printemps un nouvel in- dividu complet. — Ce serait là, si ces faits se confirment, une modification nouvelle et distincte de loutes les autres, dela géné- ration alternante, pour laquelle M. Jäger propose le nom de dia- sporogénèse, et la nature indépendante des Amibes, dans lesquelles plusieurs naturalistes n’ont voulu voir que des embryons d'autres animalcules, en déviendrait plus douteuse encore. Le savant ob- servateur cherche à préciser l'idée attachée au terme de génération alternante, et propose de donner à celle des Méduses la désigna- tion d’anthogénèse, les Méduses étant, par leur développement, leurs fonctions et leur constitution morphologique, de véritables fleurs de Zoophytes. (L'Institut, L. XXVIL, p. 68.) ÉTUDES ET CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA PARTHÉNOGÉNESE, Par M. A. BARTHÉLEMY, Professeur de physique au Lycée de Toulouse. 1. — Observations et expériences. Lorsqu'un fait nouveau apparaît dans la science, c’est le plus souvent sous forme d’une exception, d’une anomalie, dont on cherche la cause tout d'abord dans quelque erreur d’observalion, dans quelque particularité de l'expérience. Cependant l'éveil est donné aux savants ; bientôt le fait se généralise, l'horizon s’agran- dit, et ce qui n'était à l'origine qu'une observation isolée, devien- dra plus tard un grand principe prenant droit de cité dans les annales de la science. C’est ainsi que s’est peu à peu naturalisée la belle théorie de la génération par allernance, une des plus curieuses découvertes, sans contredit, de la science moderne. C’est aussi de cette manière que le fait de la parthénogénèse s’est révélé aux naturalistes. Les vieilles croyances sur la multiplication et la génération des êtres sont bien ébranlées depuis quelque temps, et beaucoup d’esprits répugneront certainement, en s’en tenant à un examen superficiel, à admettre la production d’œufs fertiles par des fe- melles non fécondées ; et cependant en compulsant les archives de la science, on est étonné de trouver un si grand nombre d’ob- servations de ce genre, dont plusieurs même remontent à plus d’un siècle. Le règne végétal est le premier qui ait fourni des exemples de ces singulières anomalies. Les naturalistes, dont les laborieuses recherches ont établi la sexualité des plantes, se sont tous heurtés 308 A. BARTHÉLEMY. contre ces exceptions, bien capables, tant qu’elles ne se sont pro- duites que dans le règne végétal, de faire naître des doutes dans les esprits. C’est ainsi que Camerarius, dès 1694, constatait la parthéno- génèse dans le Cannabis saliva; Gærtner la constalait ainsi dans le genre Cucurbita; Spallanzani en citait un assez grand nombre de cas, qui tous paraissent avoir été bien observés. De nos jours, MM. Gasparini, Lecoq, Naudin, ete., ont vérifié la plupart des faits de parthénogénèse déjà découverts, et en ont ajouté plusieurs autres. M. A. Braun (1) a confirmé la production de graines fer- üles dans une Euphorbiacée, dont on ne connait encore aujour- d’hui que le genre femelle, le Celebogyne ilicifolia. Ce cas est précieux, puisque l’absence du mäle, au moins dans nos contrées, exelut l'hypothèse d’une fécondation à distance. Le même observateur attribue la faculté parthénogénésique au Chora crinita, qui le plus souvent est dépourvu d’anthéridies, et se re- produit cependant par spores fécondes comme les autres Chara- cées. Il est probable que la même remarque peut s'appliquer à d’autres Cryptogames, pour lesquels le sexe mâle n’est pas parfai- tement déterminé, le genre Lycopodium par exemple. Il est à remarquer que c’est surtout dans les plantes dioïques que le phénomène se présente ; cela peut tenir peut-être à la difficulté de pareilles observations dans les plantes monoïques. Quoi qu'il en soit, il est parfaitement démontré aujourd’hui que les végétaux peuvent produire sans fécondation des graines fer- tiles. Dans le règne animal, la parthénogénèse parait avoir été con- statée, dès 1779, par Bernouilli; ce savant en attribuait la cause à la chaleur, qu'il supposait capable de rendre l'œuf fertile. Trevi- ranus a observé un Sphinx ligustri vierge, dont les œufs produi- sirent des individus normalement constitués. M. de Siebold le premier a appliqué le nom de parthénogénèse aux phénomènes qui nous occupent. M, R. Owen, auquel est due la création de ce terme, désignait par là la génération des Puce- . (1) Annales des sciences naturelles, 1857. ÉTUDES SUR LA PARTHÉNOGÉNÈSE. 309 rons qui n'a rien de commun, comme nous le verrons plus loin, avec la reproduction par les vierges. Le mot de parthénogénèse aujourd'hui ne doit s'appliquer qu'à la production par certaines femelles non fécondées d'œufs aussi fertiles que ceux qui ont reçu le baptéme séminal. Bien que ce fait soit bien constaté pour certaines espèces, il est évident qu'il faut s'être mis en garde contre toutes les circon- stances trompeuses. C’est ainsi que chez les Arachnides, d’après M. Blanchard, le sperme peut conserver pendant plusieurs mois son pouvoir fécondant dans la poche copulatrice, de sorte qu’une seule copulation peut servir à plusieurs générations (1), et donner lieu à ce que l’on pourrait appeler une pseudo-parthénoyénèse. M. de Siebold (2) a le premier réuni la plupart des faits connus sur l'enfantement parthénogénésique , et encore épars dans la science, pour faire voir de quelle importance ils peuvent être au point de vue théorique. Dans son remarquable travail, il pose, comme bien démontrée, la parthénogénèse dans le genre Psy- ché des Lépidoptères : les Psyche graminella, Talæoporia niti- della, Lichenella triquetrella, Psyche heliæ. I est à remarquer, et nous insistons à dessein sur ce fait, que les œufs de la plupart de ces espèces se développent dans le cours de la même année que la mère ; enfin ces Psychés sont normalement conformés pour la copulation, et leurs œufs présentent un micropyle. A l’Apus cancriformis, le Lymnadia gygas, le Polyphemus oculus cités parmi les Crustacés par M. de Siebold, nous devons ajouter l’Artemia salina, dont le savant professeur de Toulouse, M. Joly, n’a jamais pu observer que la femelle, Les Mollusques présentent quelques faits de parthénogénèse : ainsi Vogt prétend l'avoir constatée sur la Tirole femelle. D'après Spalanzani, la Paludine vivipare, isolée dès sa naissance, peut produire des petits vivants. Ce fait peut aussi se rapporter à la généagénèse. Dans un grand nombre d'espèces à génération par des vierges, (4) Comptes rendus, 1855. (2) Annales des sciences naturelles, 1856. 310 A, BARTHÉLEMY. le mâle n’est pas encore connu, quelques soins qu’aient apportés les naturalistes à sa découverte. Dans ce cas se trouve le Psyche heliæ, le Diplolepsis gallæ tinctoriæ, et vingt-huit espèces du genre Cynips d'après M. Hartig, Cela peut tenir sans doute à la diffé- rence de mœurs du mâle et de la femelle, à une livrée différente, qui ne laissera pour les reconnaître d’autre ressource que de prendre la nature sur le fait; mais aussi il est permis de penser que, pour quelques-uns au moins, l'espèce n’est constituée, soit temporairement, soit même constamment, que par des individus femelles. La plus grande partie du mémoire de M. von Siebold est em- ployée à développer et à commenter les belles recherches de M. Dzierzon, recherches qu'il a à peu près confirmées avec l’aide de M. Leuckart. Ici la parthénogénèse se révèle sous un jour nouveau. Il ré- sulte, en effet, des observations de ces habiles et consciencieux naturalistes, que les Abeilles femelles jouissent de la singulière faculté de produire sans fécondation des mâles, et qu'à l’aide de la fécondation, elles engendrent des individus de l’autre sexe. De là cetle conclusion singulière, que des œufs qui produiraient des mâles deviennent par l’action spermatique propres à produire des femelles, Il aurait été intéressant de prouver ce fait par des expé- riences directes, à l’aide d’une fécondation artificielle, Malheureu- sement l’enduit de vernis dont l'œuf est entouré après la ponte a rendu infructueux tous les efforts du savant professeur de Giessen. M. von Siebold a, du moins, constaté que les œufs, d'où pro- venaient les mâles, ne présentaient point de spermatozoïdes dans les points qui environnent le micropyle; ce sont là des observa- tions difficiles, et que l’habileté seule de leur auteur peut rendre concluantes. Le célèbre naturaliste allemand a cherché à constater la parthé- nogénèse dans le Ver à soie. I n'est arrivé à ce sujet qu'à des résultats négatifs, et les faits qu’il cite lui ont été seulement com- muniqués par M. Schmid. Les observations isolées de parthénogénèse, dans Je Bombyæ Mori sorit loin d’être nouvelles, et, dans ces dernières années, on ÉTUDES SUR LA PARTHÉNOGÉNÈSE. 31i en a cité un grand nombre , mais en les exagérant beaucoup. C'est ainsi que l’on prétend que certains séricieulteurs ne font féconder les œufs que tous les deux ou trois ans (4); nous verrons plus loin quelle créance il faut donner à cette assertion. En m'occupant d’études sur le Ver à soie et les Lépidoptères en général, j'ai élé amené à constater les faits parthénogénésiques, et c’est le résultat d’études poursuivies pendant trois années que je vaisexposer ici. Bien que la constitution anatomique de la Chenille m’ait com- plétement démontré l'impossibilité de la fécondation par les larves, ainsi que l’admet M. Constant de Castelet, j'ai eu à cœur, pour enlever tous les doutes, de poursuivre des éducations isolées. Les Chenilles ont été élevées dans des compartiments distincts, et on a veillé avec soin à ce qu'il n’y ait pas de communication entre les prisonniers. Les précautions doivent surtout être multi- pliées à la dernière mue, époque à laquelle les œufs et les masses spermatiques peuvent déjà avoir pris un certain développement, ainsi que je l’ai souvent observé. Une fois les cocons formés, il suffisait deles distribuer dans des boîtes munies d'ouvertures et distinctes; pour se mettre à labri de toute surprise. Enfin il m'est arrivé souvent, lorsque le poids du cocon me faisait présumer que j'avaisaffaire à une femelle, de m'opposer à la sortie du Papillon qui pondait alors à l’intérieur des œufs provenant, à n’en pas douter, d’une mère vierge. J'ai pu ainsi me convaincre que la parthénogénèse existe pour le Bombyæo Mori, Les œufs fertiles provenant d’une vierge restent plus longtemps jaunes que ceux qui ont été fécondés par les approches du mâle. l'est ainsi qu'ils ne revêtent souvent, que cinq ou six jours après la ponte, la couleur grise qui caractérise un œuf fertile de Ver à soie. Ils conservent toujours aussi une couleur plus claire. Quant aux individus qui en résullent, ils peuvent être indiffé- remment de l’un ou de l’autre sexe, contrairement à ce qui se (4) Voir le rapport de M. Dumas sur le mémoire de M. André Jean, Comptes rendus, 4857. 312 A. BARTHÉLEMY. passe chez les Abeilles, où les vierges ne produisent que des mâles. Je n'ai même jamais constaté une supériorité notable d’un des sexes sur l’autre. Le nombre relatif des œufs parthénogénésiques est excessive- ment variable ; ainsi dans mes noles de 1857 se trouve un exemple de vierge ayant pondu à l’intérieur même de son cocon des œufs qui étaient à peu près tous fertiles ; mais ce fait est excessivement rare, et il m'est arrivé, au contraire, très fréquemment delestrou- ver tous stériles ; le plus souvent, c’est à peine s’il existe dans la ponte complète d’une vierge trois ou quatre œufs féconds. On voit qu'il y a loin de là au fait cité plus haut de pontes complètes fer- tiles obtenues pendant plusieurs années. La parthénogénèse se présente donc chez le Bombyx Mori à l'état de simple accident, et parait liée à la vigueur de l’insecte. Ainsi, dans les éducations que j’ai poursuivies chez moi, en ayant soin d’écarter toutes les causes qui me paraissaient devoir occa- sionner les maladies, j'ai vu ces dernières diminuer rapidement d'intensité , mais aussi les cas de parthénogénèse devenir beau coup plus rares. Les individus qui proviennent d'œufs féconds pondus par des vierges sont d’ailleurs aussi vigoureux, aussi bien conformés, que ceux qui reconnaissent un père. Ils se reproduisent par la génération normale, et montrent une ardeur aussi grande que les individus ordinaires. _ J'ai conservé avec soin des œufs fertiles de vierges qui avaient été pondus en été, et je ne les ai jamais vus produire des Chenilles au printemps suivant. Cette espèce d'œuf se différencie donc des œufs normaux par une plus courte vitalité. M. von Siebold annonce dans son mémoire qu'il garde des œufs de vierge, qui lui ont été envoyés par M. Schmid, pour les faire éclore au printemps sui- vant. Il est probable, d’après mes propres observations, qu’il n’a pas réussi, ce qui ne doit pas infirmer la vérité de la parthéno- génèse. Le fait que nous venons de citer s'accorde du reste très bien avec celle observation que, dans les Psychés, les œufs se déve- loppent toujours la même année que la mère; de sorte que les ÉTUDES SUR LA PARTHÉNOGÉNÈSE. 313 Chenilles de la seconde génération passent le plus souvent l’hiver à l’état de chrysalide. Enfin la génération d'automne du Bombyx Mori, sur laquelle je me suis efforcé dans ces dernières années d'attirer l’attention, ne donne jamais d'œufs parthénogénésiques. Cette remarque me paraît importante ; elle se lie en effet à celle-ci, que les mâles de cette génération sont plus vigoureux et plus nombreux que ceux de la première. Cette différence est si tranchée, que les mâles d'automne sont presque aussi gros que leurs femelles, et qu'il de- vient très difficile de reconnaître le sexe au poids et à la grosseur du cocon. Jen’ai pas besoin de faire remarquer l’analogie qui existe entre ce fait et celui qui existe chez les Pucerons, dont les mâles n'apparaissent qu’en automne; dans l’un et dans l’autre cas, la nature, toujours vigilante quand il s’agit des intérêts de l’espèce, se hâte de sauvegarder ses droits. Il résulte naturellement de ce qui précède que, dans cette espèce, les individus provenant de la parthénogénèse ne peuvent pas pro- duire eux-mêmes des œufs fertiles sans fécondation, puisque ces œufs parthénogénésiques de l’été ne peuvent pas passer l'hiver, et que les individus d'automne n’en produisent jamais. J’ai tenté en vain jusqu'ici de faire passer aux individus sans père tout l'hiver à l'état de chrysalide ; cependant, d’après ce qui se passe chez les autres espèces de Lépidoptères et d’après le résultat de mes essais, je ne regarde pas la chose comme impossible. J'ai pu en effet re- tarder l’éclosion de ces chrysalides jusqu’au mois de janvier, et quelques-unes sont restées vivantes jusqu’à la fin du même mois. Il ne serait pas impossible, par conséquent, que les individus, nés de la parthénogénèse, ne fussent eux-mêmes aptes à reproduire le même phénomène. J'ai constaté encore la parthénogénèse dans le Chelonia Caja. Une chrysalide de ce Lépidoptère, qui a éclos chez moi dans une boîte, m'a donné des œufs dont trois étaient fertiles, et ont donné, mis immédiatement à une exposition convenable, des Chenilles dont je n'ai pas pu poursuivre l'éducation, ce qui me met dans l'impossibilité de dire à quel sexe elles appartenaient. Le Sphinx euphorbiæ, que j'ai trouvé en abondance au château 314 A, BARTHÉLEMT. de Caumont près de Lézignan (Aude), ne m'a présenté aucun cas de parthénogénèse pour les individus d'août et de septembre. Des chrysalides que j'avais emportées, et qui ont passé l'hiver chez moi, m'en ont donné quelques cas au printemps. Ces cas, il est vrai, sont très minimes, puisque sur vingt-huit femelles vierges dont les œufs ont été observés, mes notes indiquent à peine deux cas bien constatés et un douteux. Ce fait semble confirmer ce que nous avancions tout à l'heure pour le Bombyæ Mori, qui ne présente pas lui aussi de parthéno- génèse pour la génération d'automne; mais il pourrait aussi pro- venir de la caplivité qui aurait déjà exercé son influence sur cette espèce. Il aurait fallu ponr s'en convaincre poursuivre l'éducation de ce Lépidoptère, et voir si les cas de parthénogénèse allaient en croissant. C'est ce que le temps et le genre de nourriture trop exclusif de cet insecte ne m'ont pas permis de faire, J'ai cherché inutilement à constater la parthénogénèse chez plu- sieurs autres Lépidoptères. Ces résultats négatifs proviennent peut-être de ce qu'il y a eu un trop petit nombre de sujets observés, Ils prouvent d’ailleurs que ce fait n’existe qu'à l’état d'accident chez la plupart des Lépidoptières, pour lesquels il existe un mâle chargé de propager l'espèce, C’est très probablement et le plus souvent le résultat d’un état morbide de l'individu déterminé par les conditions de captivité dans lesquelles il s’est trouvé placé. IT. — Des causes auxquelles on peut rapporter la parthénogénèse. Si la parthénogénèse est désormais un fait bien constaté, la cause qui la produit n’en est pas moins restée jusqu'ici à peu près in- connue. Bérnouilli, avons-nous dit, la rapportait à l’action de la chaleur, opinion qui, aujourd'hui, ne peut pas supporter l’examen: Carus la rapporte à la génération pur alternance, et assimile cé mode de génération à celui des Pucerons ; nous ferons voir tout à l'heure quelle différence tranchée, profonde, distingue ces deux phénomènes. M. Dziezon l’attribue au peu d'importance des mâles dans le sous-règne des Invertébrés : cette observation est juste ÉTUDES SUR LA PARTHÉNOGÉNÈSE. 315 sans doute, mais elle n’est que la traduction d’un fait, et contribue peu à éclaircir la question qui nous occupe. M. de Siebold ne donne aucune explication, ne, hasarde aucune hypothèse ; il se contente de constater des faits, et d'attirer l’attention sur ce nou veau mode de reproduction, M. de Quatrefages dans ses remar- quables articles sur les métamorphoses, insérés dans la Revue des Deux-Mondes, parle très brièvement de la parthénogénèse, encore peu étudiée à cette époque, etémet l'opinion qu'on pourrait bien avoir affaire à des bourgeons d’une espèce particulière. Les tra- vaux publiés depuis font bien voir que les œufs parthénogénésiques .sont en apparence exaelement conformés comme les autres. Quoi qu'il en soit de ces diverses opinions, il n’en reste pas moins constaté aujourd'hui qu'un germe pour reproduire l'espèce n'a pas besoin d’avoir subi l’action fécondante de l’organe mâle sur l'organe femelle, action qui paraissait, il y a quelques années, d’une absolue nécessité. Est-ce à dire cependant que le principe mâle ait perdu de son importance? Nous ne le croyons pas, mais pour se former à cet égard une opinion arrêtée, il faudrait con- naître au juste quel est le rôle du fluide fécondant du mâle dans la génération. L'ensemble des faits de parthénogénèse nous paraît devoir s'expliquer facilement en admettant l'existence d’œufs plus com- plets que les œufs ordinaires, réunissant en eux-mêmes le prin- cipe mâle et le principe femelle, le germe fécondé et l'élément fécondant, en un mot, et quelque hardie que puisse paraître l'ex- pression, des œufs hermaphrodites. Nous ferons remarquer à l'appui de celte explication que l’ana- logie entre les produits des deux sexes devient de plus en plus grande, à mesure que les faits sont mieux étudiés. Ainsi M. de Quatrefages parait considérer la segmentation, le framboisement du vitellus, comme parfaitement analogue, au moins chez les ani- maux inférieurs à celui des-masses spermatiques. M. Robin a créé pour le produit masculin le mot d'œuf mâle, expression heureuse qui confirme encore la ressemblance que nous voulons faire ressortir. Ces analogies, si curieuses dans les animaux supérieurs, devien- 316 A. BARTHÉLEMY. nent bien plus profondes lorsqu'on descend aux organismes infé- rieurs qui nous occupent ; là on peut suivre pas à pas et d’une manière presque continue la transformation, la fusion des deux organes et de leurs produits les uns dans les autres. Dans les Lé- pidoptères, par exemple, l'organe mâle et l'organe femelle com- mencent d’une manière identique ; ce sont deux capsules isolées retenues par un ligament suspenseur qui les relie par en haut au tube circulatoire, et venant se rattacher en bas par un mince fila- ment, à un petit mamelon situé près de l'anus de la Chenille. Hérold a voulu voir une distinction entre les capsules génitales des deux sexes dans la Piéride du chou, mais je me suis convaincu que les différences qu’il signale sont plus apparentes que réelles; dans ces capsules se dessinent quatre filaments, dans l’intérieur desquels on voit fréquemment, dès la troisième mue, se former des cellules spermatiques ou des œufs. Ces produits sont souvent très avancés à l’époque de la transformation en chrysalide , et ce- pendant les deux organes sont encere exactement semblables ; ce n’est que plus tard que les gaines ovigères sortent de la coque extérieure, et que les capsules mâles dans certaines espèces se soudent et changent de couleur. Nous ferons remarquer aussi que très souvent la vésicule ger- minative a disparu ; la segmentation du vitellus a commencé, avant même que l’œuf ait été en entier recouvert de sa coque. On ne peut expliquer cette anomalie qu’en considérant ces œufs comme des produits de la parthénogénèse, dans lesquels le principe mâle et le principe femelle sont confondus. Ilexiste, comme on le sait, des animaux hermaphrodites à fé- condation solitaire , d’autres sont à fécondation réciproque. Dans certains Mollusques (Phylliroë bucephalum, Limaæ, Arion, ete.), on trouve des glandes hermaphrodites contenant à la fois des cel- lules spermatiques et des œufs. D’après M. Gratiolet, les sperma- tozoïdes de cette glande seraient moins complets que ceux du vé- ritable testicule. M. de Quatrefages a constaté dans la Synapte de Duvernoy un mélange bien plus intime encore des œufs et des masses spermatiques dans une poche sécrétante unique. De la fusion des organes de sécrétion à celle des produits sé- — ——— ÉTUDES SUR LA PARTHÉNOGÉNÈSE. 917 crétés, il n'y à qu'un pas, et c’est ce pas qui est franchi dans la parthénogénèse. Voici d’ailleurs une observation qui vient bien à l'appui de ce qui précède : j'ai trouvé dans les canaux déférents d’un Macro- glosse du caille-lait mâle, près des testicules, un œuf, un véritable œuf, normalement constitué, et qu’il m'a été facile de reconnaitre à la constitution et aux dessins de sa coque, ainsi qu’au liquide qui y était contenu. Un mâle qui pond un œuf est un fait bien curieux, et qui parais- sait jusqu'ici exclusivement réservé à la fable. Ce n’est cependant qu’un accident, bizarre sans doute, monstrueux même, mais qui trouve son explication dans les analogies que nous venons de si- gnaler. En cherchant à dégager cet œuf des canaux déférents qu'il avait distendus, et avec lequel il avait peu à peu contracté des adhérences, j'ai eu le malheur de le briser un peu, ce qui ne m'a pas permis de voir s’il était apte à reproduire un nouvel indi- vidu. La tératologie vient encorenous donner de puissants arguments. Rien n’est plus fréquent, en effet, que des hermaphrodismes monstrueux chezles insectes : Burmeiïster, Klug, Lefebvre, en ont cité de nombreux exemples; il arrive fréquemment que le même individu possède à la fois la livrée des deux sexes. Rudolphi a disséqué un Papillon nocturne dont les organes gé- nitaux internes étaient hermaphrodites : d’un côté un testicule, de l'autre un ovaire. Cette monstruosité qui s'explique aisément, d’après la communauté d’origine de l'organe mâle et de l'organe femelle, vient apporter un argument précieux en faveur de l’ex- plication que nous donnons de la parthénogénèse. 11 est évident que si ce Papillon eût pondu des œufs, ils auraient pu être fertiles, et le résultat aurait été le même que si les produits de chaque glande s'étaient confondus en un seul. La parthénogénèse, comme nous l’envisageons, explique facile- ment l'absence de mäles pour certaines espèces. Cette absence même, peut-être indéfinie, normale, puisque l’œuf n’est plus dans ce cas une production isolée, incomplète, mais doit contenir en lui-même les deux principes que la fécondation seule réunit dans 18 A. BARTHÉLEMY. les autres espèces. Le résultat définitif n'est-il pas le même que celui de l’hermaphrodisme à fécondation solitaire? Ce dernier mode de génération paraît même un luxe inutile d'appareils, que la parthénogénèse supplée avec avantage. Dans ces œufs hermaphrodites y at-il production de zoospermes ? C'est ce qu'il est difficile de décider. M. de Siebold, il est vrai, dit avoir constaté l'absence de ces zoïdes aux environs du micropyle, dans les œufs non fécondés des Abeilles qui produisent des mâles. Mis, outre les difficultés que présentent de pareilles observations, on ne peut pas en conclure à l'absence complète de ces animal- cules dans l'intérieur de l'œuf. Et d’ailleurs ces corps sont-ils réellement l'agent principal de la fécondation ; ou bien ne servent- ils en réalité que de véhicule à la liquor seminis qui, sans eux, ne pourrait parvenir jusque dans l'intérieur des masses vitellines ? Si, comme l’admet M. de Quatrefages pour les Hermelles et les Tarets, ees corps, doués de mouvements, ne font que régulariser la segmentation du vitellus, la production des œufs hermaphro- dites sera on ne peut plus facile à concevoir en l'absence de toute production spermatique. Il est certain d’ailleurs qu'ils devraient se produire dans l’intérieur de l'œuf avec moins d’ibondance que chez le mâle; car, dans la fécondation normale, il en est bien peu qui pénètrent en définitive par le micropyle pour porter la vitalité aux masses centrales. On voit aussi combien la parthénogénèse diffère de la généagé- nèse. Dans cette dernière, il y a simple multiplication d’an indi- vidu le plus souvent encore incomplet par segmentation (transfor- mation du Strobila en Proglottis), soit par bourgeonnement extérieur ou par bourgeonnement intérieur (Pucerons, Salpas) ; de là l'apparition nécessaire de mâles, qui doivent faire pour l'espèce ce que la larve en se multipliant à fait pour l'individu. Dans la parthénogénèse, ainsi que nous l’entendons, l'espèce est ‘ seule reproduite, et pourra l'être indéfiniment par des individus qui n’appartiennent en apparence qu'à un seul sexe. La présence d'un micropyle , et d'organes de copulation nor- malement constitués dans certaines espèces à mâles inconnus, ne prouve qu'une chose, c’est que la nature reste toujours fidèle à ÉTUDES SUR LA PARPHÉNOGÉNÈSE. 519 son plan, tendance dont elle donne dans cet ordre même des Lé- pidoptères d’assez nombreux exemples. La ponte de l'œuf exige d’ailleurs la présence de glandes accessoires, telles que celles du vernis et d’autres organes à fonction plus énigmatique, mais qui paraissent simplement liés à l’expulsion de l'œuf, de sorte qu'il n'y a en réalité de superflu que la poche copulatrice et son duver- ture extérieure. Les considérations qui précèdent peuvent parfaitement s'appli- quer au règne végétal. lei, en effet, la communauté d'origine des deux sortes d'organes génitaux estun fait depuis longtemps admis. L'origine cellulaire du pollen et de l'embryon est bien démontrée par les magnifiques travaux des botanisies les plus célèbres de nos jours ; dé sorte que Pon n'aura, je l'espère, pas plus de difficulté à admettre la fusion des deux produits des organes de génération dans le règne végétal, qu'on n’en éprouvera pour le règne animal. Ajoutons encore que M. Hugo de Mohl, si mes souvenirs bota- niques me servent bien, à observé la transformation des étamines en pistils dans le genre Sempervivum. La parthénogénèse doit aussi dans les végétaux être d'autant plus fréquente que l'organisme est plus simple, et que li féconda- tion normale a plus de peine à s'effectuer : c’est pourquoi elle est plus fréquente dans les plantes dioïques et dans les Cryptogames. H serait fort possible que les spores à mouvements des Algues, les zoospores, ne soient que le résultat d’une paurthénogénèse, confondant en un seul produit les sssiiiets mobiles et les spores des autres œthéogarmes. Notre interprétation de la parthénogénèse n'est que l'applica- tion d'un principe, dont on fait bien souvent usage dans toutes les sciences d'observations : ’est que, lorsque la nature s'est enga- gée dans une voie, on peut l'y suivre jusqu'aux dérnières limites, jusqu'aux extrêmes conséquences, et l'on peut affirmer qu’elle réalisera toutes les conceptions qui ne sortent pas du large cadre qu’elle s’est tracé. Les exceptions ne sont, le plus souvent, que les points extrêmes de la marche naturelle prise à rebours , et nous avons assez de (oi dans la sagesse éternelle pour croire à la faus- 320 A. BARTHÉLEMY. seté de ce proverbe : « Il n’y a pas de règles naturelles sans exceptions. » IT. — Conclusions générales. Des faits et des considérations énoncés dans ce travail, nous croyons pouvoir conclure : 4° Que la parthénogénèse existe chez les Insectes, les Crustacés, les Mollusques, peut-être aussi dans les Zoophytes. Elle existe aussi dans les végétaux soit Phanérogames, soit Cryptogames. 2° Elle peut être complèle lorsqu'elle donne lieu à des individus des deux sexes, comme cela se produit dans les espèces où le mâle n'apparaît qu'à des intervalles éloignés ; incomplète , lors- qu'elle ne peut donner lieu qu'à un seul sexe, le sexe mâle, comme on le voit chez les Abeilles; auquel cas elle n’est pas suffisante pour propager l'espèce, soit le sexe femelle qui peut alors exister seul et cela indéfiniment. Enfin la parthénogénèse peut encore être accidentelle dans plusieurs Lépidoptères, et principalement le Ver à soie. 3° Dans le Bombyæ Mori, le Sphinx euphorbiæ, la parthénogé - nèse paraît ne pas exister pour la génération d'automne ; elle semble être le résultat d’une espèce de monstruosité provoquée soit par un état morbide, soit par la captivité. &° Les œufs parthénogénésiques de ces Lépidoptères se distin- guent des œufs normaux par divers caractères; ils restent plus longtemps jaunes, et conservent toujours une couleur plus claire; ils possèdent aussi une plus courte vitalité. 5° La parthénogénèse peut s’expliquer par l'existence d'œufs hermapbrodites provenant d’une fusion plus profonde des deux organes sexuels, fusion qui s'étend jusqu'aux produits de la sécré- tion, et donne lieu à des œufs hermaphrodites. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, Par M. S. JOURDAIN. (Suite.) (1) DEUXIÈME PARTIE. CLASSE DES POISSONS HISTORIQUE. existe dans les Poissons une veine porte rénale, que Jacob- son découvrit peu de temps après celle des Oiseaux et des Rep- tiles (4). Une étude plus approfondie de cet appareil permit à eet analtomiste d'en reconnaitre trois formes principales (2) : Première forme. — Tout le sang veineux des parties moyennes du corps, depuis la tête jusqu’à la naissance de la queue, est reçu dans un certain nombre de veines qui se ramifient dans le rein. Ex.: Cyprins, Clupes. Deuxième forme. — Tout le sang de la queue et la plus grande partie de celui de la région moyenne du corps se rendent au rein. Ex.: Raïes, Squales, Brochets, Pleuronectes. Troisième forme. — Elle ressemble beaucoup à la précédente et ne s’en distingue que par l'existence d'une branche de la veine caudale allant se joindre à la veine porte hépatique. Ex.: Mu- rènes, Baudroie. Nicolaï soumet à de nouvelles investigations la veine porte ré- nale des Poissons (3) et confirme la découverte de Jacobson. II (1) Voy. p. 434. (2) ur, Archiv, t. If, p. 454. L De syst. venoso, elc. (4) Untersuchungen über, elc. 4° série, Zoo. T. XIL. (Cahier n° 6.) ! 21 329 S. JOURDAIN. donne une descriplion des veines du rein chez le Gadus lota, Esox lucius, Cyprinus carpio, Silurus glanis et Tinca fluviatilis. J.-F. Meckel (4) se range de l’avis de Jacobson; il déclare cepen- dant qu’il n'est nullement persuadé de l'existence des trois formes admises par cetanatomisie. Pour en fournir la preuve, il rappelle que Haenlein (Descriptio anatomica syst. venæ portarum, p. 6, 1808) cite la troisième nuance comme existant chez le Cyprinus alburnus, en se fondant 8ur cette circonstance, qu’en injectant la veine porte hépatique, il vit s’emplir de mercure le système de la veine cave. Meckel pense que ce fait prouve simplement l'existence d’une communication entre la veine porte et la veine cave, plus directe et plus libre que dans les Mammifères. Cuvier (2) combat les idées de Jacobson. Voici comment il s’ex- prime à cet égard : « Le sang d'une bonne partie des muscles du » tronc se rend dans une grande veine qui règne dans le canal » vertébral, au-dessus de la moelle épinière, et, comme cette » veine n’aboutit point antérieurement au grand sinus, mais » qu’elle a beaucoup de branches latérales qui pénètrent dans le » rein (c'est la veine rénale afférente de M. Jacobson), on pourrait » croire qu'elle ne porte pas au cœur le sang qu’elle reçoit, mais » qu'elle le distribue au rein, comme la veine porte distribue le » sien dans le foie; cependant comme la portion de cette veine » située en arrière de l’abdomen communique par des branches » latérales avec la veine cave, qui marche au-dessous de l’épine , » on peut bien croire aussi qu'elle rentre dans la classe des veines » ordinaires. » L'objection de Cuvier perd toute sa valeur, si l’on se rappelle que, dans beaucoup de Poissons, la veine caudale se ramifie dans le rein, et que le prétendu vaisseau veineux qui règne au-dessus de la moelle épinière a été reconnu pour un tronc lymphatique par M. Hyrtl. : Duvernoy, qui reproduit d’abord les arguments de Cuvier dans le sixième volume des Leçons d'anatomie comparée (p. 262-263), (1) Anat. comp., t. IX, p. 266-267. (2) Hist. des Poissons, t. I. { u RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 325 admet plus loin (Zbid.,t. VII, p. 598) une veine porte rénale chez les Poissons. Sleenstra-Toussaint, dans son travail sur le rein des Poissons (1), constate l'existence d'une veine porte rénale; mais il ajoute peu par ses recherches personnelles à ce qu'on savait déjà sur cetappareil. M. R. Owen (2) partage la manière de voir de Jacobson ; il sup- pose cependant que ce vaisseau qui règne dans le canal vertébral, au-dessus de la moelle épinière et qu'il appelle vena neural, reçoit du sang du rein par les petites veines qui le rattachent à cet organe. Stannius (3), d'abord indécis sur la question des veines portes rénales, finit pâr les reconnaitre d'une manière positive chez les Cyclopterus et les Diodon. M. Hyril (4) a publié en 4854 un grand travail sur le système urinaire des Poissons osseux. Cet habile anatomiste a étudié les veines rénales dans un grand nombre d'espèces, et son mémoire contient des documents intéressants sur les principales disposi- lions des vaisseaux afférents et efférents. Nous regrettons seule ment que là nature et le but principal du travail de M. Hyrtl aient détourné ce savant de publier un plus grand nombre de figures de l'appareil vasculaire rénal. Enfin, M. Bonsdorff (5) a décrit la veine porte rénale du Gadus lola avec une figure satisfaisante de l’ensemble des veines du rein. Lerinosinen PArADOxA, On doit à M. Hyrtl une excellente Monographie anatomique du Lepidosiren (6). Nous empruntons à ce travail la description que (1) Comment. de syst. uropoel. Piscium (Ann. Acad. Lugd. Balav., 4834-35.) (2) Lectures on the Comp. Anat., 1'° part., p. 284, 287. (3) Manuel d'anat. comp., trad. franç., 2° part., liv. I, p. 417. (4) Das uropoetis. Syst., elc., 1854, t. II, p. 27 et suiv. (5) Bidrag till Blodkärlsystemels jemforande Analomie Portven systemet hos Gadus lota (Act. Soc. scient. Fennicæ, L. HA,p. 571, pl. 9, 1852). (6) Abhandlungen der Küôniglichen Bühmischen Gesellschaft der Wissenschafz ten, 5° série, 3° vol., depuis 4844-1845, Prag,, 4845. 324 S. JOURDAIN. nous allons donner des veines rénales de ce vertébré étrange, considéré aujourd'hui comme un Poisson, par la majorité des zoologistes. La veine caudale est double ; particularité qu’on ne retrouve ni dans les Batraciens ni dans les Poissons. Elle rapporte le sang de la queue, et reçoit deux grosses veines du bassin, ainsi que plu- sieurs petites branches de la vessie. Un peu plus en avant, les veines caudales s’écartent pour suivre chacune le bord externe du rein qui leur correspond. Il n’est plus ici question de la branche que la veine caudale envoie à la veine porte : la veine ombilicale fait défaut. Les veines de Jacobson reçoivent les principales branches des ovaires et des oviductes ; parvenues à l'extrémité antérieure des reins, elles ne s'y terminent pas, comme dans les Batraciens, mais se continuent avec des veines des parois du corps, qui les mettent en relation directe avec les veines caves. La veine cave postérieure est double ; celle de droite et celle de gauche, se comportant différemment, méritent une description séparée. La veine cave postérieure droite lire son origine de la veine rénale efférente du même côté; elle reçoit dans son parcours : 1° toutes les veines efférentes du rein droit; 2° quatre grosses veines du rein gauche, qui croisent la face supérieure des sacs pulmonaires, et s’anastomosent en arcade au côté interne de ce même rein; à° médiatement, par les veines rénales, plusieurs petites branchesdes ovaires et des oviductes, puis, des deux côtés, des veines des parois du corps; six vont s'ouvrir dans les veines rénales droites, et neuf, dans les veines rénales gauches ; 4° toutes les veines hépatiques ; 5° quatre grosses veines des muscles du côté droit du corps. La veine cave postérieure gauche commence à la première veine rénale gauche qui entre dans la veine cave droite; elle longe le côté gauche des sacs pulmonaires, reçoit cinq veines du côté correspondant des parois abdominales et une branche de la cein- ture pectorale, puis se réunit à la veine cave antérieure gauche avant d'entrer dans le cœur. Sur les côtés de l’aorte existe une paire de veines azygos. En RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 329 avant, la veine azygos droite communique avec la seconde veine des parois abdominales, la gauche s'ouvre dans la veine cave ascendante du même côté. En arrière, les azygos s'anastomosent avec les veines de Jacobson, et de la sorte se trouve établie une communicalion facile entre les afférents et les efférents du rein. SÉLACIENS. Les veines portes rénales des Sélaciens n'ont point été l’objet d’études spéciales de la part des anatomistes. Après Jacobson qui l’a signalé le premier , Duvernoy (1) et M. R. Owen (2) ont confirmé l'existence de cet appareil, sans en- trer dans le détail des vaisseaux qui concourent à le former. M. Ch. Robin (3), dans ses intéressants mémoires sur le sys- tème veineux des Cartilagineux, n’a donné qu'une description abrégée de ces veines chez les Raies. Steenstra-Toussaint (4 )a publié une figure des veines rénales de le Raja rubus L.; mais comme il ne représente que la face infé- rieure du rein, son dessin n’apprend rien sur la disposition gra phique des veines afférentes. Le même auteur (5) a indiqué d’une manière générale la disposition de la veine porté rénale du Squalus glaucus. Nous allons décrire l'appareil porte rénal dans trois types de Sélaciens : les Raja, les Squatina et les Squalus. Ras (PI, 3, fig. 1 et 2). Les reins sont étendus sur les côtés des vertèbres abdominales ; séparés antérieurement par toute la largeur des corps vertébraux, (4) Note sur le sinus veineux génilal des Lamproies et le réservoir analogue qui fait partie du système veineux abdominal des Sélaciens en général, et plus particulièrement des Raies (Comptes rendus de l'Acad. des sc., t. XXII, p. 664). (2) Lect., etc., 1"° part., p. 284-285. (3) Note sur quelques portions du syst. veineux des Raïes (Ruja batis L. et clavata L.) (Revue z00l., janvier 4846, p. 6). (4) Ouvr. cit, pl. I, fig. 4. (5) De syst. uropoet. Squali qlauci (Tijdschrift voor Natuurlijke Geschied. en Physiol., t, VI, 4839, p. 200). 326 S. JOURDAIN, ils se rapprochent l’un de l’autre vers la partie postérieure, sans jamais cependant se souder sur la ligne médiane, comme dans les Squales. On peut distinguer dans chaque rein deux portions : 4° une portion antérieure formée d’une série de lobes aplatis, de figure irrégulièrement quadrilatérale ; 2° une portion postérieure renflée, composée de lobes enroulés et repliés diversement, re- présentant dans leur ensemble une sorte de pyramide, dont la base obliquement tronquée regarde en avant. La veine caudale (4 )résulte de la confluence detoutes les branches veineuses de la queue. À son entrée dans la cavité abdominale, le tronc caudal se divise en deux branches ou veines de Jacobson (2), l’une destinée au rein droit, l’autre au rein gauche, Chaque veine de Jacobson se place à la face supérieure du rein, en dehors de la veine efférente (veine cave des auteurs) correspondante, et sépa- rée d’elle par un intervalle qu'occupent en partie les lobes des corps surrénaux. De la veine de Jacobson se détachent successive- ment plusieurs branches qui, presque toutes, se dirigent oblique- ment de dedans en dehors et d’arrière en avant, puis s'enfoncent dans épaisseur du rein, où elles se subdivisent, Ce vaisseau recoit encore, dans son trajet à la face supérieure des reins, une grosse veine des appendices postérieurs (3), et plusieurs branches des parois du corps ou musculo-pariétales (k).Ces dernières sont for- mées pour la plupart de deux rameaux : un rameau pariétal qui rampe sur Ja paroi interne de la eavité abdominale, et un rameau per forant qu’on peut suivre au travers de la couche musculaire dor- sale jusqu'à la peau. Malgré leurs affluents, les veines de Jacobson s’epuisent dans la portion postérieure des reins, et ne constituent ainsi qu'une fraction de l'appareil porte rénal, A droite et à gauche de la colonne vertébrale, en avant des reins, existe une veine longitudinale flexueuse (3), résultant de la réunion de plusieurs branches musculo-pariétales. Cette veine descend jus- qu’à l'extrémité antérieure du rein, à la face supérieure de laquelle elle se place. Comme la veine de Jacobson elle-même, cette affé- rente antérieure longe le côté externe de li veine rénale effé- rente, reçoit quelques veines musculo-pariétales, et abandonne aux lobes antérieurs du rein des branches qui diminuent graduelle- ment son calibre. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 327 Cette veine afférente antérieure ne se prolongerait pas assez Join en arrière pour rejoindre les branches extrèmes de la veine de Jacobson, si des veines musculo-pariétales (4, 4, 4) n’interve- naient point pour compléter l'appareil afférent du rein. A cet effet, un certain nombre de ces veines s’avancent transversalement à la face dorsale desreins, jusque près du bord interne de ces organes; là chacune d'elles se divise en deux branches principales : une branche ascendante et une branche descendante. De l’anastomose par inosculation de ces deux ordres de branches résulte une série longitudinale d’arcades veineuses, qui relie la veine afférente an- térieure à la veine de Jacobson, et comble ainsi l'intervalle qui, sans cela, séparerait ces deux groupes d’afférents. Il n'existe donc point dans l’appareil porte des Raies un mou- vement de transport du sang veineux, dans une direclion unique, comme on le remarque chez les Ophidiens par exemple, mais bien des courants multiples et convergents, espèces de veines portes partielles, dont la solidarité n’est établie que par des anastomoses intermédiaires. A la face inférieure des lobes du rein rampent les rameaux efférents qui déversent leur sang dans deux grosses veines car- dinales (a) (veines caves de la plupart des auteurs, veines abdomi- nales de M. Milne Edwards). Ces deux veines s’anastomosent par inosculation (a’), vers la partie postérieure des reins; elles figurent ainsi une anse veineuse à convexité dirigée en arrière, au bord externe de laquelle seraient appendus lesdifférents lobes des reins. Les veines cardinales ont ordinairement un calibre inégal : la droite l'emporte assez notablement sur la gauche. Après avoir communiqué avec le sinus génital, elles vont aboutir au sinus pré- cardiaque. Les corps surrénaux (cs) sont situés à la face dorsale des reins ; ils se composent d’une suite souvent interrompue de corps blan- châtres, ovalaires, allongés, appliqués sur le côté externe des veines cardinales. Ils nous ont paru recevoir, des veines afférentes qui longent leur bord externe, un certain nombre de rameaux grêles qui jouent probablement le rôle d’afférents. De ces mêmes corps naissent des veines nombreuses (es), qui toutes vont débou Cher dans les cardinales. 328 S. JOURDAIN. I est done probable que les corps surrénaux des Raies pos- sèdent un pelit appareil porte analogue à celui que nous avons décrit dans les Reptiles. SQUATINA. Les reins du Squatina lœvis Cuv. restent séparés sur la ligne médiane dans toute leur longueur, et constituent chacun un corps unique, aplati, plus large et plus épais à la partie postérieure. Leur face inférieure présente un grand nombre d’incisures ou sillons transversaux, qui deviennent moins distineis à mesure qu'on se rapproche de l'extrémité antérieure des reins, près de la- quelle ils s’effacent entièrement. Leur bord externe porte une série d’échancrures qui correspondent à des sillons transversaux, el qui donnent à ce bord un aspect festonné. A la face supérieure de chaque rein se distribue une veine de Jacobson, bifureation du tronc caudal. La veine de Jacobson ne se rapproche point de la veine cardinale comme dans les Raies ; elle tend au contraire à s’en éloigner de plus en plus, de façon à devenir très voisine du bord externe du rein. Après avoir fourni de nombreuses branches afférentes et avoir reçu plusieurs veines museulo-pariétales, la veine de Jacobson est continuée par plusieurs grosses veines des parois du corps formées encore de branches pariétales et de branches perforantes. Ces veines se dilatent en forme de sinus avant d'atteindre le bord externe du rein où elles se partagent en deux branches, comme nous l'avons décrit dans les Raies. L'anastomose par inoseulation des branches ascendantes et descendantes de ces veines forme, au bord externe de chaque rein, une veine longitudinale, qui prolonge la veine de Jacobson jusque vers l'extrémité antérieure de l'organe urinaire. Les branches efférentes occupent les sillons transversaux que nous avons indiqués à la face inférieure du rein. Chaque branche recoit un grand nombre de rameaux secondaires qui lui donnent un aspect pinnatifide , apparent surtout vers la partie postérieure des reins. Vers les parties antérieures, les rameaux efférents re- prennent graduellement leur disposition arboriforme accoutumée. Les branches efférentes transversales versent leur sang dans une RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 329 veine cardinale qui longe le bord interne de chaque rein, et qui présente un diamètre plus considérable à droite qu'à gauche. A Punion du üers postérieur avec les deux antérieurs du rein, les veines cardinales s’infléchissent l’une vers l’autre, et s’anastomo- sent sur la ligne médiane. Les branches efférentes transversales du tiers postérieur du rein se rendent de chaque côté dans un tronc appliqué au bord interne de cette portion de l'organe urinaire, et se jelant dans l’arcade résultant de l’anastomose des deux car- dinales, SQUALES. Dans le Squalus catulus et le Spinax acanthias, les reins, qui sonttrès allongés, ne sont séparés que dans leur moitié antérieure; postérieurement ils se renflent et se soudent sur la ligne médiane. Leur bord externe est irrégulièrement crénelé, et leur face infé- rieure, en arrière surtout, est découpée en lobes par des incisures plus ou moins superficielles. Les veines de Jacobson remontent sur les bords du sillon qui sépare incomplétement les reins à leur face dorsale ; elles émettent de nombreuses branches afférentes qui plongent presque immé- diatement dans l’épaisseur du rein et s’y ramifient, tandis qu'elles sontrenforcées elles-mêmes dansleur tronc etdans leurs rameaux par plusieurs veines museulo-pariétales. Épuisées par le sang qu'elles abandonnent aux reins, les veines de Jacobson ne pour- raient point atteindre l'extrémité antérieure de cet organe, si elles n'étaient prolongées par des veines musculo-pariétales, anasto- mosées à la face supérieure des reins, comme nous l’avons déjà expliqué. Toutes les veines des parois dorsales ne viennent point se joindre aux veines de Jacobson, ainsi que nous venons de le dé- ecrire; un grand nombre de ces vaisseaux gagnent transversale- ment le bord externe des reins, et se comportent un peu diffé- remment, suivant le point du rein que l’on considère. Ceux de la partie postérieure restent indivis jusqu'au bord externe des reins, et là seulement ils commencent à se ramifier ; les autres émettent 330 $. JOURDAIN. des rameaux assez ténus, avant d’avoir touché ce bord externe ; ces rameaux s’anastomosent en arcades avec les divisions du même ordre des trones voisins, et donnent naissance à un réseau qui s'étend en se développant à la face inférieure des reins. Les capil- laires de ce réseau mesurent jusqu'à + et : de millimètre, et com - muniquent manifestement avec les radicules superficielles des veines efférentes. Cette particularité, que nous croyions avoir aperçue le premier, avait été déjà parfaitement saisie, ainsi que nous l’a prouvé un dessin inédit que M. Ch. Robin a bien voulu nous communiquer. Ces veinules, qui permettent à une fraction du sang des veines afférentes de passer dans la veine efférente du rein, rappellent ces petits vaisseaux, dérivés de la veine porte, qui se déversent dans la veine cave, comme M. CI. Bernard l’a parfaite ment décrit chez le Cheval, A la face inférieure de la portion commune des reins existe, sur laligne médiane, une veine volumineuse résultant de la confluence successive des branches rénales efférentes ; nous la nommons veine cardinale commune. Dans la partie la plus reculée de ce vais- seau viennent s'ouvrir une ou plusieurs veines postérieures de la portion incubatrice de l’oviduete, et dans toute sa longueur un grand nombre de petites veines du mesoarium. La veine cardinale commune remonte ensuite au bord interne du rein droit devenu dislinet, et en reçoit toutes les branches efférentes ; dans cette dernière partie de son parcours, elle prend le nom de cardinale droite. La surface du mésentère est recouverte par un lacis de veines {rès déliées ; les plus voisines de la veine cardinale droite forment une grande quantité de petits troncs qui se jettent dans ce vaisseau ; les autres se réunissent en une ou deux veines assez développées qui s'ouvrent dans la cardinale droite, à son origine. Ces veines, qu'on peut appeler péritonéo-mésentériques, s’anastomosent, par des branches grêles, avee la veine porte hépatique, principalement à la surface de l’estomac. Au bord interne du rein gauche devenu distinct se constitue une cardinale gauche, qui reste moins volumineuse que la droite. Cette cardinale est formée originairement par une ou deux branches RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 351 transversales émanant de la cardinale opposée ; elle se grossit en- suite de toutes les branches efférentes de là moitié antérieure du rein qui lui correspond. Nous l’avons vue, dans le Spinax acan- thias, reliée de distance en distance à son homologue par de petites veines anastomosées en réseau. En résumé, le rein des Squales recoit par sa face supérieure le sang de la veine caudale renforcée et prolongée par plusieurs veines musculo-pariélales, puis par son bord externe celui d’un grand nombre de ces mêmes veines. Dans les cardinales se rendent une portion du sang des veines afférentes latérales, toutes les branches rénales efférentes , les veines de l’oviducte, du mesoarium et du repli mésentérique, STURIONIENS. Acipenser sturio. — La veine caudale de l’Esturgeon est grosse : parvenuei l'extrémité postérieure des reins, elle se place à leur face supérieure et se partage bientôt en deux branches d'un diamètre inégal. La branche gauche, très réduite, s'enfonce dans le rein et s’y ramifie; la branche droite continue son chemin à droite de la veine cardinale commune et se subdivise en deux branches secon- daires : chacune de ces dernières parcourt d'avant en arrière Ja face dorsale du rein qui lui correspond. Placées d’abord à droite et à gauche de la veine cardinale commune, ces branches s’accolent plus antérieurement au côté interne des reins en dehors des car- dinales. Elles sont renforcées par de nombreuses veines des pa- rois du corps, et par leur côté externe envoient à l'organe urinaire des rameaux très mullipliés. A une certaine hauteur, les veines afférentes, épuisées par les‘rameaux qui s’en détachent incessam- ment, sont prolongées par des veines des parois du corps, qui s’anastomosent longitudinalement entre elles à la face dorsale du rein, et dont naissent les afférents de toute la portion antérieure de cet organe. La veine cardinale commune qui occupe une goutlière médiane creusée à la face supérieure de la partie commune des reins se con- linue ensuile comme cardinale gauche au côté interne du rein 332 S. JOURDAIN. correspondant. La cardinale droite, dont le volume est un peu moindre, est aussi une dérivation de la cardinale commune ; elle va déboucher, comme sa congénère, dans la loge postérieure du sinus précardiaque, sans se réunir aux jugulaires qui s'ouvrent dans la loge antérieure du même sinus, POISSONS OSSEUX. PERCOÏDES, Première section. Veine caudale traversant la partie postérieure des reins et se continuant direc- tement avec la veine cardinale commune. — Veines jugulaires anastomosées avec les cardinales et recevant le sang de l'extrémité céphalique des reins. Perca fluviatilis. — Nicolai (Untersuchungen, ete.)etM. Hyrtl (Das Uropoel., ele., p. 47) s'accordent à ranger la Perche dans cette première section. Une veine cardinale commune, située sur la ligne médiane, reçoit le sang du tiers postérieur des reins, etse continue comme veine cardinale droite au bord interne du rein correspondant. Les efférents des deux tiers antérieurs du rein gauche constituent une cardinale gauche qui demeure plus petite que sa congénère. Les seuls afférents du rein sont les veines pariétales (intercostales des auteurs) et les musculo-épineuses. Les premières, qui reçoivent quelques veinules de la vessie natatoire, atteignent le bord externe des reins el s’y ramifient; les secondes entrent dans la cavité abdominale, par la paroi supérieure, et se distribuent à la face dorsale de la glande urinaire. Lucioperea sandra. — Le veine cardinale gauche, moins volu- mineuse que la droite, reçoit le sang de la moitié antérieure du rein correspondant (Hyrtl, ouvr. cit., p. 18). Aspro zingel. — Au niveau des sept dernières vertèbres abdo- minales, la cardinale droite communique par des branches trans- versales avec la cardinale gauche (Hyrtl, ouvr. cit., p. 48). Serranus cabrilla (Hyrtl, p. 48); Sphyræna spet (Hyrtl, p. 50). RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RENALE. 299 Deuxième section. Veine caudale se ramifant dans la partie postérieure des reins. Labrax lupus. — La portion caudale des reins de ce Poisson (pl. IV, fig. 4) forme une masse unique divisée en lobes successifs par des sillons transversaux. La veine caudale (1), à sa sortie du canal vertébral inférieur, s'enfonce dans l’avant-dernier de ces lobes et s’y partage aussitôt en deux branches principales : une branche récurrente, destinée surtout au lobe terminal, et une branche antérieure, plus grosse que la précédente et se subdivisant dans toute la portion commune des reins. Les veines museulo-épi- neuses viennent aussi se ramifier à la face dorsale des reins. Le sang veineux est encore apporté à ces organes par les veines pa- riétales. Le bord externe des reins du Labrax est découpé en dents de scie, qui reçoivent chacune par leur sommet une veine parié- tale : ces veines, en passant sur les parties latérales et supérieures de la vessie natatoire (pl. IV, fig. 3), recoivent un grand nombré de branches de cet organe, dont les parois sont couvertes d’arbo- risations veineuses très élégantes. Ajoutons cependant que quel- ques-unes de ces branches vont s'ouvrir dans les veines cardi- nales. Trachinus draco. — La veine caudale atteint la face supérieure de la portion commune des reins, et, à peu de distance de l’extré- milé terminale de cet organe, se partage en plusieurs rameaux, dont les deux antérieurs sont ordinairement plus volumineux et plus longs. Toutes les branches de la veine caudale se divisent dichotomiquement dans l'épaisseur des reins, et finissent par s’y résoudre en capillaires. Les veines musculo-épineuses et les pa- riétales sont afférentes au rein. Deux de ces dernières plus déve- loppées que les autres amènent, à la partie postérieure de la glande urinaire, le sang des arrière-cavités de l’abdomen et celui des nageoires anales. Les veines efférentes se réunissent en une grosse veine, la cardinale commune (4), située sur la ligne médiane, à la face infé- (4) La portion des cardinales que nous nommons cardinale commune est dési- 291 S. JOURDAIN. rieure de la portion commune des reins, et recevant à sa nais- sance le tronc des veines génilales. Au point où les reins se séparent, la veine cardinale commune se comporte comme dans le Labrax lupus. L'anastomose des cardinales avec les jugulaires est exactement figurée par M. Hyrtl (ouvr. cit, pl. X, fig. 2). Dans certains poissons de celte famille (Ænthias sucer, Sillago acula, Uranoscopus scaber, Sphyræna picuda), M. Hyrtl (ouvr. cil., p. 35) à cru remarquer que la veine caudale se divisait en rameaux de deux sortes : les uns s’épuisant dans le rein, les autres allant déboucher directement dans la cardinale droite. JOUES-CUIRASSÉES. Veine caudale se ramifiant dans la portion postérieure des reins. Trigla hirundo. — M. Hyrtl (ouvr. cit., p. 35) soupconne que la division en capillaires ne porte pas sur le tronc caudal tout entier, mais qu'un rameau se détache de ce tronc pour aller se réunir à la veine cardinale commune. Nous n'avons point retrouvé ce rameau anastomotique, et, à notre sens, c’est par l’intermé- diaire d’un réseau capillaire que la veine caudale communique avec les racines de la cardinale commune. Une fois entrée dans la cavité abdominale, la veine caudale atteint obliquement la face dorsale des reins, au niveau des corps surrénaux (CS, pl. V, fig. 5). Elle fournit d’abord des branches à l'extrémité terminale de l’organe urinaire, puis, se prolongeant en avant dans l'épaisseur de la masse rénale postérieure, elle est ren- forcée, chemin faisant, par deux grosses veines musculo-épineuses (6,6), ets’épuise dans le rein après avoir émis à droite et à gauche de nombreux rameaux afférents. L'appareil afférent est complété par les veines musculo-épineuses, à la face dorsale des reins, et par des veines pariétales, constituant fréquemment, au bord ex terne de ces glandes, des tronçons longitudinaux, du côté interne desquels naissent les ramuscules afférents. Les veines pariétales reçoivent des branches très grêles de la vessie natatoire et de la gnée habituellement par M. Hyrtl sous le nom de cardinale droité, ét peut en effet être considérée comme la portion postérieure de ce dernier vaisseau. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 339 vessie urinaire. Enfin, les veines des nageoires pectorales, réunies en un seul tronc de chaque côté, vont se ramilier dans la partie antérieure des reins. La veine cardinale commune (sinus renalis de Steenstra- Toussaint, Commentatio, ete., pl. I, fig. 4) résulte de la réunion des veines eflérentes de toute la portion postérieure des reins. Siluée comme d'habitude à la face abdominale de l'organe uri- naire, elle se dilate en forme de sinus et recoitune veine supérieure de la vessie natatoire. La veine cardinale droite et la cardinale gauche, qui se constituent comme nous l'avons décrit dans la Five, s'unissent également aux jugulaires et débouchent dans le sinus précardiaque, non loin des veines génitales. Cottus quadricornis. — La veine cardinale droite présente une dilatation en forme de sinus à sa sortie de la portion cervicale des reins (Hyrtl., ouvr. cit., p. 52). Pterois volitans. — La veine caudale se bifurque peu de temps après son entrée dans la cavité abdominale, et se distribue au rein. Section indécise. Prionotus volitans. — La veine cardinale droite dilatée reçoit une veine ovarienne (Hyrtl, ouvr. cit., p. 51). Ménines. Smaris vulgaris. — Dans le Picarel commiun la veine caudale se continue sans interruption avecla veine cardinale droite. (Hyrtl, ouv. cil., p. 57). "SCOMBÉROÏDES. Première section. Veine caudale ne $e ramilant pas dans le rein. Scomber scombrus. — Dans le Maquereau, le tronc caudal tra- verse obliquement de haut en bas et d’arrière en avant la partie postérieure des reins, et va former la veine eardinale commune. 296 S. JOURDAIN. Dans son trajet intra-rénal, Ja veine caudale émet une branche re- currente assez volumineuse, dont les ramifications se répandent dans la partie postérieure des reins. Quel rôle devons-nous attri- buer à cette branche récurrente qu’on retrouve chez plusieurs Poissons ? Faut-il la considérer comme afférente, et voir dans ee cas, réalisée d’une manière partielle, celte décomposition de la veine caudale en capillaires, dont nous voyons tant d'exemples? Si nous remarquons que cette branche est la seule veine de la partie postérieure des reins; qu'à l'instar des efférents, elle se rapproche de la face inférieure de cet organe ; qu’en la supposant afférente, on ne trouve point dans le même plan de rameaux efférents qui lui correspondent, nous pencherons à la regarder comme elfé- rente. Dans cette hypothèse, les seules veines afférentes des reins seraient les pariétales et les musculo-épineuses. La veine cardinale commune reçoit à son origine des veines vésicales et rectales. Les veines génitales qui s’anastomosent avec une partie des veines de l’estomac forment trois ou quatre troncs qui viennent s'ouvrir séparément dans la cardinale commune. Nous n'avons point observé ceite triple anastomose, que M. Hvril (ouvr. cit., p. 35) indique entre la cardinale commune et la veine caudale, afférente au rein par une portion de ses branches. Dans une autre espèce, le Scomber colias, les veines génitales (Hyril, ouvr. cit; p. 36) reçoivent les veines de la paroi supé- rieure de l’estomae, et forment un tronc unique s’ouvrant dans la cardinale droile. Xiphias gladius. — La veine caudale de lEspadon offre la même disposition que celle du Maquereau. La veine cardinale droite s’anastomose à deux reprises avec la gauclie, qui reste assez courte (Hyrtl, ouvr. cit., p. 59). Auaæis vulgaris (Hyril, p. 58). Deuxième section. Veine caudale se ramifiant dans les reins. Caranæ æanthurus. — La veine caudale s'enfonce dans l’épais- seur de la face dorsale des reins, reste quelque temps indivise, RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 3317 reçoit quelques veines museulo-épineuses, et fournit latéralement des afférents à l'organe urinaire. Dans sa portion terminale, où elle est presque accolée à la veine cardinale droite, elle éprouve une bifurcation, et disparaît bientôt dans la substance rénale. M. Hyrtl (ouvr. cit., p. 35) a cru remarquer que la veine caudale ne se distribuait pas entièrement aux reins, mais qu’il s’en déta- chait des rameaux débouchant directement dans la cardinale droite. La veine cardinale droite, plus ou moins dilatée dans son par- cours, est chargée de rapporter au sinus précardiaque le sang de la presque totalité des reins; il existe néanmoins une cardinale gauche très courte et très petite. Les veines supérieures de la vessie natatoire, après s'être ramifiées dans la couche fibreuse de cet organe, constituent de petits troncs qui plongent dans la sub- stance des reins et vont se jeter dans la cardinale droite. Les veines pariétales et musculo-épineuses entrent comme à l'ordinaire dans les reins. Zeus faber. — La Dorée possède un appareil porte rénal très développé (pl. V, fig. 4). La veine caudale pénètre dans le rein, un peu en avant des corps surrénaux. Après un court trajet, elle se partage en deux branches principales, qui s’avancent vers la partie antérieure des reins, tantôt recouvertes par la sub- stance de cette glande, tantôt visibles à la surface dorsale de celle- ci. Malgré les veines musculo-épineuses que reçoivent les branches de la veine caudale, elles ne tarderaient pas à s’épuiser, et ne four- niraient ainsi au rein qu'une quantité de sang insuffisante, si elles ne se reliaient à d’autres vaisseaux afférents qui s’anastomosent largement et fréquemment avec elles. Ces-vaisseaux sont : 4° les veines afférentes latérales ; 2 {rois ou quatre branches musculo- épineuses antérieures. 1° Weines afférentes latérales. — Les muscles latéraux de la queue donnent naissance, de chaque côté, à un tronc veineux qui grossit rapidement par l’adjonction de branches collatérales, et va former la veine afférente latérale droite et gauche (5',5'). Dans la cavité abdominale, chacune de ces veines recoit des veines parié- lales postérieures, dans lesquelles viennent s'ouvrir les veinules 4° série, Zooz. T. XII, (Cahier n° 6.) 2 22 338 S, JOURDAIN. de la vessie urinaire. Plus en avant, les veines afférentes longent le côté externe de la vessie natatoire, et vont s’accoler au bord externe des reins jusqu’au niveau du point où ces organes, d'abord réunis, se séparent. Dans leur trajet rénal, les veines latérales affé- rentes reçoivent : À. des veines par leurcôté externe, eten émettent B. par leur côté interne. — 4. Les veines pariétales (5,5....), correspondant aux deux tiers postérieurs des reins, viennent se jeter dans l’afférente latérale ; ces veines, qui sont en petitnombre, mais assez développées, reçoivent des rameaux de la couche fibreuse de la vessie natatoire. Nous trouvons, en effet, dans cet organe deux groupes de veines qu'il est bon de distinguer : les veines des corps rouges, spécialement attribuées à la couche muqueuse, ef qui vont se rendre dans la veine porte hépatique; puis unsecond groupe, dépendant plus particulièrement de la cou- che fibreuseet celluleuse externe, dont le sang entre dans le rein et dans les veines cardinales. La veine afférente latérale reçoit done le sang de quatre sources principales : la vessie urinaire, la vessie natatoire, les museles et les téguments de la partie caudale, enfin la paroi abdominale interne. — B. Les veines afférentes latérales, dont certains rameaux s’enfoncent immédiatement dans le rein et s’y subdivisent, fournissent, en outre, plusieurs arcs anastomo- tiques transversaux, qui les réunissent aux branches de bifurca- tion de la veine caudale, Ces ares sont plongés dans la substance des reins, et y abandonnent des rameaux afférents. 2° Branches musculo-épineuses antérieures. — En arriere de leur point de séparation, les reins reçoivent, par leur face supé- rieure, trois où quatre grosses veines musculo-épineuses qui con- slituent les vaisseaux afférents principaux de la portion antérieure des reins. Ces veines s'anastomosent en arrière avec la terminai- son des afférentes latérales et avec les derniers rameaux de la veine caudale ; elles forment ainsi pour la portion antérieure de chacun des reins une veine afférente externe, renforcée latérale- ment par des veines pariétales, et à son extrémité antérieure par une grosse veine des nageoires pectorales. Les reins reçoivent done, en résumé, du sang veineux de la vessie urinaire, de la vessie natatoire, et la presque totalité de RÉCHERCHES SUR LA NBINE PORTE RÉNALE. 389 celui de la portion postcéphalique du corps. Ce sang arrive à l'organe urinaire par trois voies principales : les veines caudales, les veines afférentes latérales et les veines musculo-épineuses. L'appareil porte rénal ne présente point d’anastomose notable avec celui de la veine porte hépatique, qui demeure borné aux veines du canal digestif et de ses annexes, et à celles des organes géni- taux et des corps rouges de la vessie nataloire. A la face inférieure de la portion commune des reins nail, comme à l'ordinaire, la veine cardinale commune (&a). Cetle veine reçoit plusieurs rameaux de la vessie nataloire, et se dilate ordinairement au moment où elle va s'accoler comme cardinale droite au bord interne du rein droit devenu distinct. La veine cardinale gauche, très réduite, rapporte au sinus précardiaque le sang de la portion antérieure du rein correspondant. Troisième section. Pelamis surda. — La veine caudale se divise en plusieurs branches : les unes se ramifient dans le rein comme afférentes ; les autres, moins nombreuses, mais assez grosses, vont se réunir à la veine cardinale (Hyrtl, ouvr. cit., p. 58), TæÆNIOÏDES. Première section. Veine caudale ne se ramifiant pas dans le rein. Trachypterus Jris (Hyril, ouvr. cit., p. 61); Trichiurus Iau- mela (Hyril, ouvr. cit., p. 62). Deuxième section. Veine caudale se ramifant comme afférente dans la partie postérieure des reins. Cepola rubescens. — La veine cardinale gauche fait défaut dans celle espèce de Ruban (Hyrtl, ouvr. eit., p. 31. et 33). 310 S. JOURDAIN. PHARYNGIENS LABYRINTHIFORMES. Ophicephalus striatus. — La veine caudale ne fait que traverser la partie postérieure des reins. La cardinale gauche reçoit une pe- tite veine ovarienne (Hyrtl, ouvr. cit., p. 63). MuGiLoïpes. Mugil cephalus. — La veine caudale se distribue à la partie postérieure des reins d’une façon analogue à celle que nous avons décrite dans le Labraæ lupus. La plus grande partie des veines de la tunique fibreuse de la vessie natatoire se jette dans les parié- tales, et fait partie par conséquent des afférents du rein. Une de ces pariétales, assez développée, accompagne l’uretère, reçoit des veinules de la vessie urinaire, et nous a paru, dans un des indivi- dus que nous avons disséqués, s’anastomoser avec les racines de la mésentérique postérieure et avec les veines génitales. La veine cardinale commune, qui devient antérieurement la cardinale droite, offre fréquemment des dilatations sur son trajet, et donne naissance à une cardinale gauche qui reste grêle. La cardinale droite, d’après M. Hyril (p. 36), reçoit une veine ova- rienne droite et une forte branche de la paroi inférieure de la vessie nataloire. Mullus surmuletus. — La veine caudale, après avoir fourni des rameaux postérieurs à l'extrémité des reins située en arrière du point où elle pénètre dans cet organe, se divise en deux bran- ches flexueuses qui se distribuent à chacun des reins. Le tronc commun des veines génitales s'enfonce dans la partie postérieure de la face abdominale de la glande urinaire, et se joint probablement à la veine cardinale commune. GoBioipes. Première section. Veine caudale ne se ramifant pas dans les reins. Blennius guttorugine (Hyrt, ouvr. cit, p. 6h). RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. sl Centronotus qunnellus. — Ta veine cardinale commune reçoit tout le sang des reins; elle occupe la ligne médiane, à la face in- férieure de cet organe, et se détourne un peu vers la droite pour entrer dans le sinus précardiaque (Hyrtl, ouvr. cit., p. 65). Deuvième section. Dans le Callionymus Morrisoni et le Clinus superciliosus, M. Hyril (ouvr. cit. , p. 35) a cru observer que, parmi les branches de la veine caudale afférente, quelques-unes allaient se rendre directement à la cardinale commune. PECTORAUX BRACHIFORMES. Veine caudale se ramifiant dans les reins. Lophius piscatorius. — Jacobson rattache la Baudroïe à sa troi- sième forme de veine porte rénale, celle dans laquelle la veine caudale se ramifie non-seulement dans les reins, mais encore envoie une branche à la veine porte hépatique. M. Hyrtl (ouvr. cit., p. 67) ne mentionne point cetle branche, soit qu’il la passe sous silence, soit qu'il ne l'ait point aperçue. Comme nous n'avons point eu l'occasion de disséquer ce Poisson, nous ne pouvons émettre d'opinion personnelle sur ce point. Malthea vespertilio (Hyrtl, ouvr. cit., p. 68). Batrachus lau. — Les veines cardinales reçoivent de petites veines ovariennes (Hyrtl, ouvr. ct., p. 61). LABROÏDES. Première section. Veine caudale ne se ramifiant pas dans le rein, Coricus Lamarckii ; Julis Geoffredi ; Anampses Cuvieri (Hyrtl, ouvr. cit., p. 69). Deuxième section, Veine caudale se ramiliant dans les reins. Labrus maculatus. — La portion postérieure des reins de ce 3h12 S. JOURDAIN, Poisson est renflée et se relève presque à angle droit sur la por- tion moyenne. C’est à l'union de ces deux portions que la veine caudale atteint la face supérieure des reins ; elle fournit à l’extré- mité redressée une branche médiane volumineuse, puis des ra- meaux latéraux d’un moindre volume, et, en dernier lieu, envoie une où deux branches à la partie moyenne ou horizontale de lor- gane urinaire. Ces dernières finissent par s’accoler de telle sorte à la veine cardinale commune, qu’au premier abord ces deux vaisseaux paraissent communiquer ensemble. La veine cardinale commune naît de la partie redressée des reins ; elle se place, comme cardinale droite, au bord interne du rein correspondant, el produit une cardinale gauche qui, à la naissance de la portion cervicale, rentre dans le tronc dont elle dérive. CYPRINOÏDES. Première section. Veine caudale ne se ramifiant pas dans les reins, Leuciscus dobula. — La veine caudale, après avoir traversé la partie postérieure des reins, se continue d’abord comme cardinale commune, et enfin comme cardinale droite. Celle-ci reçoit la car- dinale gauche avant d'entrer dans le sinus précardiaque. Une par- tie des veines efférentes du renflement cervical du rein gauche va déboucher dans la jugulaire du même côté. Les seuls afférents des reins sont les veines musculo-épineuses et les pariétales. Cobitis fossilis. — La veine cardinale droite forme, au niveau de la quatrième vertèbre ventrale, un large sinus, puis va se placer au bordinterne du rein gauche. Après s’êtreresserrée, elle éprouve de nouveau, entre la onzième et la vingtième vertèbre, une dilatation fusiforme (1) (Hyrtl, ouvr. cité, p. 72). Les veines génitales, selon (1) IL est intéressant de retrouver chez la Loche d’étang , dont on connaît les singulières habitudes, des dilatations des troncs veineux, rappelant celles que les anatomistes ont signalées chez plusieurs vertébrés plongeurs, tels que les Loutres, les Rats d'eau, les Castors, les Ornithorhynques et les Plongeons. à 4 | RECHERCHES SUR LA VEINE PURTE RÉNALE. 3h18 Steenstra-l'oussaint (ouvr, cité, p. 14), forment plusieurs troncs distincts qui vont déboucher dans les veines efférentes du rein. Deuvième section. Veine caudale accessoire se ramifiant dans les reins. Tinca fluviatilis (pl. IV, fig. 1 et 2). — La veine caudale (a4), après avoir franchi la partie postérieure des reins (RR), apparaît à leur face inférieure, traverse le renflement prismatique moyen (R), où elle reçoit plusieurs rameaux efférents volumineux, et va con- stituer la cardinale droite (a). Cette dernière veine se joint à la cardinale gauche, au niveau da renflement cervical des reins, et pré- sente dans toute sa longueur une série de dilatations, d’où résulte un aspect moniliforme, déjà signalé par M. Hyrtl(ouvr. cité, p. 3h). Outre les veines musculo-épineuses, le rein reçoit encore uné véine particulière qui mérite de fixer notre attention. Dans le canal vertébral inférieur, au niveau de la nagediré anale, existe une veine courte, accolée à la face inférieure du tronc caudal, et dont le diamètre augmente rapidement par l’ad- jonction des veines musculaires voisines. Cette veine exception- nelle, qu'on peut appeler veine caudale accessoire (1”), pénètre dans la cavité abdominale, reçoit quelques veines pariétales posté- rieures, longe la face supérieure du rectum (R R), et se divise en trois branches principales : deux branches antérieures ou rénales ‘afférentes (2' 2) et une branche descendante où hépatique (m'). Les branches rénales, souvent flexueuses à leur origine, sui- vent le bord externe des reins en dehors des uretères. Elles re- coivent par leur côlé externe de nombreuses veines pariétales (5,5), fournissent en dedans des rameaux afférents aux reins, et vont se terminer dans le renflement prismatique moyen (R). La branche hépatique (m') reçoit les veines hémorrhoïdales, s’accole à la dernière portion de l'intestin (2), dont elle reçoit les rameaux, et constitue une portion de la veine porte hépatique. La partie des reins, antérieure au renflement moyen, a pour afférents les veines pariétales et musculo-épineuses. 3h S. JOURDAIN. Troisième seclion. Veine caudale se ramifiant dans les reins. Cyprinus barbus. — La veine caudale se prolonge dans la par- tie postérieure des reins, et, après un trajet variable, se divise en deux branches. Ces dernières se subdivisent de plus en plus, et s’épuisent ordinairement dans l’épaisseur du renflement prisma- tique moyen de l’organe urinaire. Les veines génitales forment de chaque côté un tronc qui pé- nètre dans le renflement moyen, reçoit quelques branches rénales efférentes et va déboucher dans la cardinale principale. Les cardinales se comportent à peu près comme nous l’avons indiqué dans le Leuciscus dobula. Les veines musculo-épineuses et pariétales apportent leur sang aux reins. Cyprinus carpio. — Jacobson et Nicolaï se sont mépris sur la disposition des veines rénales de la Carpe : le premier de ces ana- tomistes (De systemale, ele.) indique les Cyprins comme présen- tant la première forme de son appareil porte rénal; le second (Untersuchungen, ele.) reconnait également que la veine caudale traverse le rein sans y fournir de rameaux afférents, et ajoute que, devenue veine cardinale, elle reçoit les veines génitales. ‘Cette manière d'envisager le cours du sang nous paraît inexacte et, bien que l’intrication des veines rénales rende leur étude topo- graphique assez difficile, nous avons reconnu que la Carpe offre un exemple dela troisième forme d'appareil porte rénal établie par Jacobson. La veine caudale ne présente rien de spécial dans son origine ; elle sort du canal vertébral inférieur pour s’enfoncer dans le rein, à une assez grande distance en avant de l’extrémité postérieure de cet organe. Au moment où elle apparaît dans la cavité abdomi- nale, elle se partage en deux branches : un branche antérieure ou rénale afférente et une branche récurrente où hépatique afférente. Branche rénale afférente. — La branche rénale afférente se di- rige en avant et, dans la plupart des cas, ne tarde pas à appa- RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 345 raître à la face inférieure des reins. Elle reste quelque temps indi- vise et, après avoir reçu dans celle première partie de son trajel quelques veines musculo-épineuses, se divise en deux branches secondaires. Ces deux branches se placent chacune en dedans de l'uretère qui leur correspond, et présentent parfois un aspect vari- queux et des inflexions remarquables. Elles s’enfoncent ensuite dans l'épaisseur du renflement prismatique moyen, y abandonnent des rameaux afférents multipliés, puis vont se placer, en sortant de ce renflement, au bord externe des reins devenus distincts. Elles se prolongent plus ou moins loin en avant, selon qu’elles sont renforcées par des veines pariétales et musculo-épineuses, ou que ces mêmes veines se ramifient séparément dans les reins. Dans tous les cas, un grand nombre de veines pariétales, qui s’anastomosent avec d’autres veines du même nom afférentes au foie, arrivent au bord externe des reins, et s’y décomposent en capillaires. Branche hépatique afférente. — Cette branche se dirige d’abord très obliquement de haut en bas et d'avant en arrière, et se montre bientôt à la face ventrale des reins, qu'elle parcourt jusque vers leur extrémité postérieure. Dans son trajet rénal, cette branche reçoit des veines pariétales latérales et postérieures. Elle aban- donne ensuite le rein, descend au-dessous de la vessie urinaire, passe entre les deux glandes génitales, et va s'accoler au rectum. Dans son parcours du rein à la partie terminale du tube digestif, la branche porte hépatique décrit un are à concavité antérieure, et recoit des rameaux de la vessie urinaire et des glandes géni- tales, les hémorrhoïdales postérieures et quelques veines parié- tales, anastomosées avec ces dernières. Le foie de la Carpe est formé d'un grand nombre de lobules qui remplissent les intervalles des circonvolutions intestinales; c’est dans les lobules postérieurs de cette glande que se termine surtout la branche hépatique afférente. À cet effet, cette branche se subdi- vise en un nombre variable de rameaux, qui, réunis aux veines des portions de l'intestin qui leur sont contiguës, vont s’épuiser dans les masses hépatiques postérieures. La veine cardinale commune a ses radicules dans la partie posté- 36 S. JOURDAIN. rieure des reins; elle remonte sur la ligne médiane, à leur face inférieure, jusqu'au renflement moyen, dans l'épaisseur duquel ellé donne naissance à deux branches latérales voluraineuses. Ces dernières reçoivent plusieurs veines efférentes, et se diri- gent chacune vers le bord externe correspondant du renflement prismatique. Elles sortent alors de cette portion des reins, con- tournent les faces latérales de la vessie natatoire, en se plaçant dans l'étranglement qui sépare les deux chambres de cet organe, re- coivent les veines génitales antérieures et postérieures, et vont enfin s'ouvrir dans les veines hépatiques. En d’autres lermes, deux arcs veineux d’un fort diamètre, embrassant par leur concavité la vessie natatoire, font communiquer la veine cardinale avec les deux veines hépatiques. Ces arcs, dans l’épaisseur du rein, reçoi- vent des rameaux efférents de cet organe, et, au niveau des glan- des génitales, se joignent aux veines génitales antérieures et posté- rieures. Cette anastomose importante de la veine cardinale commune avec les veines hépatiques ne paraît point avoir été remarquée par les anatomistes. H. Rathke (Ueber den Darmkanal, ete., p. 471) prétend que les veines génitales forment plusieurs troncs qui vont déboucher dans des dépendances de la veine porte. La veine cardinale commune sortie du renflement moyen joue le rôle de cardinale droite, et, comme dans les autres Cyprins, se réunit à la cardinale gauche, avant d'entrer dans le sinus pré- cardiaque. Ésoces. Première section. Veine caudale ne se ramifant pas dans les reins, Belone vulgaris. — La veine cardinale droite, prolongement de la cardinale commune, reçoit le sang du rein droit et du rein gauche. Ce dernier, moins développé que son congénère, donne naissance à un certain nombre de branches eflérentes transver- sales qui vont se jeter séparément dans la cardinale droite, et qui éprouvent un renflement en forme d’ampoule au-devant de la RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 317 colonne vertébrale, Les veines ovariennes forment ordinairement deux troncs principaux : un trone postérieur, quelquefois multiple, qui débouche dans la cardinale au moment où elle émerge de la face abdominale des reins, et un tronc antérieur, qui se joint à cette même veine en arrière du sinus précardiaque. Les veines musculo-épineuses et les pariétales se ramifient toutes dans les reins. Exocætus exiliens. — (Hyril, ouvr. ct., p. 75.) Deuxième section. Veine caudale se ramifiant dans les reins. Esoæ lucius. — La veine caudale du Brochet, suivant Nicolaï (ouvr. cit.)et M. Hyrtl (ouvr. cit., p.35), se ramifie dans la partie postérieure des reins; mais une de ses branches, plus volumi- neuse que les autres, irait former l’origine de la veine cardinale commune. Nous n'avons point, pour notre part, observé d’ana- stomose notable entre les afférents et les efférents du rein, et tous les rameaux de la veine caudale nous ont paru se perdre dans cet organe. Cetle veine, d'abord placée sur la tranche supérieure de la portion postérieure cunéiforme des reins (pl. V, fig. 1), ne tarde pas à se partager en deux branches (2,2) qui côtoient le sillon longitudinal indiquant, à la face dorsale, la séparation médiane des glandes urinaires. Ces branches reçoivent plusieurs veines musculo-épineuses (6), et par leur côlé externe émettent de nom- breux rameaux afférents qui descendent sur les faces latérales de la partie caudale et s’y enfoncent. L'appareil rénal afférent est complété par les veines musculo- épineuses et par les veines pariétales (pl. IV, fig. 5-5......); celles-ci reçoivent en arrière quelques rameaux de la vessie uri- naire et des parois du rectum. A la face abdominale des reins (pl. IV, fig. 5), on aperçoit une veine cardinale commune (aa) qui se continue comme cardinale droite (a) et traverse le renflement rénal antérieur, avant de se jeter dans le sinus précardiaque. La veine cardinale gauche (a'), moins volumineuse que sa congénère, a aussi un traiet plus flexueux. 348 S. JOURDAIN. Les veines génitales (g) forment des deux côtés plusieurs troncs distinets qui contournent la face externe de la vessie nata- toire dont ils reçoivent des branches, passent transversalement sur la face inférieure du rein qui leur correspond et vont s'ouvrir dans les cardinales. Ce fait avait été déjà noté par Nicolaï (ouvr. cit.) et Steenstra-Toussaint (ouvr. cit, p. 14). SILURES. Veine caudale se ramifant dans les reins. Silurus glanis. — Voici d'après Nicolaï (ouvr. cit.) la disposition des veines rénales chez ce Poisson. La veine caudale, parvenue dans la cavité abdominale, se divise en plusieurs branches. La plus grosse passe par une échancrure du rein, reçoit les veines génitales, les veines rectales, et va con- stituer la branche gauche de la veine porte hépatique. Les autres branches de la veine caudale réunies à quelques veines reclales et musculo-épineuses se distribuent aux reins. Les veines pariétales se rendent au bord externe de ces mêmes organes. La veine caudale droite n'offre rien de spécial; la cardinale gauche est peu développée : elles se joignent l’une et l’autre aux jugulaires, avant d'entrer dans le sinus précardiaque. Pimelodus bayard. — (Hyrtl, ouvr. cit., p. 75.) SALMONES. Veine caudale ne se ramifant pas dans les reins. Salmo fario. — Les seuls afférents du rein sont les veines museulo-épineuses et de nombreuses pariélales, unies à quelques veines très orêles de la vessie natatoire. D'après M. Hyril (ouvr. cit., p. 77), une forte veine de la ceinture humérale entre, comme afférente, dans la portion cervicale du rein droit. La veine cardinale gauche est très réduile dans ses dimensions. Salmo trutta; Saurus lacerta. — (Hÿrtl, p. 77.) Alestes denteæ. — La partie céphalique des reins n’est réunie RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 949 à la portion abdoininale que par une grosse veine cardinale droite, une cardinale gauche très petite et l’uretère (Hyrtl, ouvr. cit, p. 77). CLuPEs. Veine caudale ne se ramifiant pas dans les reins. Clupea alosa et Clupea harengus.-— Les veines génitales droite et gauche se réunissent en un tronc commun, qui traverse le rein gauche et s'ouvre dans la veine cardinale droite (Rathke, Ueber den Darmkanal, ete., p. 200 ; Steenstra-Toussaint, ouvr. cit., p. 44). Clupea nilotica (Hyrtl, ouvr. cit., p. 78) ; Chirocentrus dorab (Hyril, ibid., p. 70). GADEs. Première section. Veine caudale ne se ramifiant pas dans les reins. Gadus morrhua ct G. merlangus. — La disposition des veines rénales est fort semblable dans ces deux Poissons, aussi peut-on les comprendre dans une même description. La veine caudale va constituer la cardinale droite, qui reçoit les veines de la partie commune des reins et toutes celles du rein droit devenu distinct. Les rameaux efférents du rein gauche forment d’abord de petits troncs, de longueur variable, qui débouchent dans la cardinale droite; les autres efférents composent une cardinale gauche qui ne nail que lrès tard et reste peu développée. Le sang de la por- tion cervicale des reins entre dans les jugulaires qui s’anasto- mosent avec les cardinales avant d'entrer dans le sinus précar- diaque. Les veines de la tunique fibreuse de la vessie natatoire se jettent dans la cardinale droite. Les veines afférentes sont les mêmes que d'habitude ; une dés pariétales accompagne l’uretère et reçoit les veines vésicales. Gadus barbatus (Hyril, ouvr. cit, p. 79). 200 S. JOURDAIN, Deuxième section. Veine caudale se ramifant dans les reins. Gadus carbonarius. — Ce Gade, si voisin du G. merlangus, est une preuve que des espèces, dont les affinités zoologiques sont très étroites, présentent quelquefois, sous le rapport des veines rénales, des différences notables quitrouvent probablement leur raison d’être dans des conditions biologiques encore indéter- minées. La veine caudale, par exception, se place d’abord à la face ven- trale des reins ; renforcée par des veines pariélales et museulo— épineuses, elle ne tarde pas à s’enfoncer dans la substance rénale ‘et à se rapprocher de la face supérieure de l’organe urinaire. Elle se partage alors en deux branches principales, qui se prolongent chacune dans un des reins. Ces veines afférentes remontent jus- qu'à la portion cervicale, où elles s’épuisent. Les veines parié- tales postérieures se ramifient isolément dans le bord externe des reins, les autres forment ordinairement de chaque côté un tronc longitudinal recevant quelques veinules de la face externe de la vessie natatoire et allant se réunir antérieurement à la veine affé- rente, en deçà du renflement rénal céphalique. Les efférents du rein se réunissent en une veine cardinale com- mune plus ou moins renflée. Cette veine donne naissance à la car- dinale droite, qui en est à vrai dire le prolongement, et à une cardinale gauche moins développée. Les veines de la couche fibreuse de la vessie natatoire entrent dans les cardinales. : Lota vulgaris. — La veine caudale (pl. V, fig. 6) s'appuie sur la tranche supérieure de la portion cunéiforme des reins, bien décrite parM. Hyrti(ouvr. eit., p. 8h). Elle reçoit dans cette partie de nombreuses veines pariétales et musculo-épineuses (6,6...), et émetlatéralement plusieurs branches afférentes, qui descendent sur les faces latérales de la portion cunéiforme et y distribuent leurs rameaux. Une des branches de la veine caudale s’anastomose à plein calibre avec le tronc commun des veines testiculaires posté- RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 351 rieures (7). Les veines testiculaires antérieures doivent être distin- guées en droite et en gauche. Chacune d'elles remonte dans la cavité abdominale, passe transversalement sur la face externe de la vessie nalatoire et va se placer au bord externe du rein, à l’union du quart antérieur avec les lrois quarts postérieurs de cet organe. Nicolaï et M. Hyril ne reconnaissent pas aux veines génitales le trajet que nous leur attribuons. Le premier de ces anatomistes les fait déboucher dans les cardinales un peu en arrière du sinus; le second les regarde comme des afférents de la veine porte hépa- tique. Chacune des veines génitales antérieures joue done d’après nous le rôle de veine afférente latérale; elle reçoit les veines parié- tales, fournit des rameaux afférents au rein, et parait s'épuiser dans le renflement antérieur de cet organe. Les veines pariétales, unies à quelques veines grêles de la face externe de la vessie natatoire, et les musculo-épineuses (venæ bumbales de Bornsdorff) complètent l'appareil afférent. La veine efférente naît de la face antérieure ou concave de la portion cunéiforme des reins et donne naissance, de bonne heure, aux deux cardinales, dont le diamètre relatif ne présente rien d’exceptionnel. Merlucius vulgaris. — M. Hyrti signale dans ce Poisson une double veine caudale (ouvr. cil., p. 82). Motella mustela. —M. Hyrtl (ouvr, cit., p. 81) indique chez ce Gade une veine caudale traversant simplement les reins, tandis qu'elle nous a paru s’y ramifier, comme dans la Lotte. Les reins possèdent les afférents ordinaires auxquels il faut probablement ajouter le trone commun ‘des veines génitales qui s'y enfonce vers l'extrémité postérieure de leur face ventrale. La veine cardinale gauche ne commence à se constituer que vers le milieu de ls longueur de l'organe urinaire, Gadus molva. — La disposition des veines est fut analogue à celle du Gade précédent. PLEURONECTES. Veine caudale se ramifant dans les reins. Platessa passer.— Jacobson (De systemate, ele...) range la Plie 392 S. JOURDAIN. parmi les Poissons dans lesquels on observe la deuxième forme de l'appareil porte rénal. Sfeenstra-Toussaint (ouvr. cit., p. 44) a observé aussi très neltement la division en branches affé- rentes de la veine caudale, dans la partie postérieure des reins. M. Hyril au contraire admet (ouvr. cit., p. 84) que le tronc cau- dal ne fait que traverser le rein pour aller former la cardinale commune. La veine caudale pénètre dans le rein par la face supérieure de la portion prismatique de cet organe. Elle se partage en six ou sept branches principales qui se séparent en rayonnant et se per- dent dans l'épaisseur des reins. Lesdeux branches antérieures sont habituellement plus volumineuses et se prolongent plus loin que les autres. Le réseau veineux de la vessie urinaire donne naissance de chaque côté à une veine, qui accompagne l’uretère et va se rami- fier dans l'extrémité postérieure des reins. Les veines génitales naissent à la face interne du testicule ou de l'ovaire ; chacune d'elles marche parallèlement à la veine vésicale qui lui correspond, et, souvent réunie à une veine pariétale, pénètre dans la partie prismalique des reins, qui reçoit encore une ou deux longues veines musculo-pariétales situées sur les faces laté- rales de l’os en ceinture. Rathke (Ueber den Darmkanal und die Zeugungsorgane der Fische, p. 20) avait déjà signalé les deux veines génilales comme pénétrant dans les reins, mais il croyait qu’elles allaient déboucher dans la veine cardinale. M. Hyrtl (ouvr. cit., p.8h) a bien saisi le rôle afférent de ces vaisseaux ainsi que celui des veines musculo-pariétales postérieures. Le sang veineux est encore apporté aux reins par les pariétales et les musculo-épineuses. Les reins de la Phe étant soudés dans la plus grande partie de leur longueur, la veine cardinale commune ‘(sinus renalis de Steenstra) reçoit presque tous les rameaux efférents. La portion qui mérite le nom de cardinale droite est conséquemment très courte. Rhombus nudus. — (Hyril, ouvr. cit., p. 85.) Passer rhombus. — La distribution des veines rénales de la RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 393 Barbue est semblable à celle que nous venons de décrire dans la Plie. Solea vulgaris. — Le rôle afférent de la veine caudale de la Sole avait été déjà parfaitement démontré par Reinhard (De nova systematis venosi functione, quæ primum apud Aves et Amphibia a doct. Jacobson delecta est, anatome renis Pleuronectis Soleæ insigniter affirmala). Voici, d’après nos observations, comment les vaisseaux du rein se comportent (pl. V, fig. 3): La portion caudale (R R) des reins dela Sole est très développée et se trouve dans une situation exceptionnelle, très bien décrite par M. Hyril (ouvr, cit. ,p. 83). Elle est logée dans un diverticu- lum qui fait suite à la cavité abdominale et qui occupe le côté gauche des apophyses épineuses inférieures des vertèbres caudales. Ce diverticulum, limité en dedans par les apophyses épineuses et en dehors par les muscies latéraux, contient encore une portion de la vessie urinaire et l'organe génital gauche. La veine caudale (4), placée d’abord dans le canal vertébral inférieur, se recourbe soudain à angle droit, descend dans la cavité abdominale et s'enfonce dans le rein, dans un point de la face supérieure de cet organe correspondant à peu près à l’origine du renflement caudal. Dans l'épaisseur du rein, elle se divise en plu- sieurs branches qui s’épuisent presque toutes dans ce renflement postérieur. Nous devons encore mentionner comme afférents : 4° un gros tronc flexueux et variqueux (8) résultant de la confluence des veines épineuses inférieures, et pénétrant par le bord inférieur du renflement caudal; 2° les veines génitales (7,7) qui de chaque côté s’enfoncent dans le rein par la partie latérale et antérieure de la masse postérieure (RR). Des veines musculo-épineuses (6,6...) au nombre de huit ou neuf approximativement viennent de plus se ramifier séparément dans la face dorsale des reins ou se jettent dans une branche de la caudale. Les parois internes de la cavité abdominale sont couvertes d’un lacis de veines pariétales dont les unes (5,5...) vont seramilier au bord externe de l’organe urinaire, et dont les autres aboutissent au sinus précardiaque. De la réunion des veines efférentes résulte une cardinale com- 4° série. Zooc. T. XII, (Cahier n° 6.) # 23 3ok S. JOURDAIN. mune (aa) qui s'anastomose avec la jugulaire droite (j), avant de se jeter dans le sinus. DiscoBoLEs. Veine caudale ne se ramifiant pas dans les reins. Cyclopterus lumpus. — La veine caudale se partage en deux branches d’égale grosseur, qui se cantinuent comme veines cardi- nales. Celles-ci reçoivent les veines génitales (Hyrtl, ouvr. cit., p. 85) d’une façon analogue à celle qu'on observe chez l'£soæ lucius (Steenstra-Toussaint, ouvr. cit., p.14). Echeneis remora. — La veine cardinale gauche naît, au niveau de la septième vertèbre abdominale, d’un fort rameau que la car- dinale droite envoie au rein opposé (Hyrtl, ouvr. cil., p. 86-87). ANGUILLIFORMES. Première section. Veine caudale ne se ramifiant pas dans les reins. Gymnotus electricus. — La veine cardinale droite manque (Hyrtl, ouvr. cit., p. 86). Ammodytes tobianus. — Au niveau du tiers postérieur de la cavité abdominale, la veine cardinale droite reçoit une grosse veine ovarienne (Hyril, ouvr. eit., p. 87). Deuxième section. Veine caudale se ramifiant dans les reins. Anguilla fluviatilis et Muræna conger. — Le genre Muræna, suivant Jacobson (De syst., etc.), offre un exemple d’un appareil porte rénal construit sur le troisième type, celui où la veine eau dale envoie une branche à la veine porte hépatique. M. Hyril (ouvr. cit., p. 86) ne parle point de cette anastomose importante ; il se contente de dire que la veine caudale se ramifie dans le rein. Le système veineux de l’Anguille et du Congre (pl. V, fig. 2) nous a présenté des particularités intéressantes qui ne paraissent À RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 399 point avoir fixé l'attention des anatomistes; nous les exposcrons avec quelque détail, confondant dans une même description les deux espèces que nous venons de citer. La veine caudale est logée, comme à l’ordinaire, dans le cana que lui forment les arcs vertébraux inférieurs. À son entrée dans la cavité abdominale, elle rencontre la partie postérieure commune et renflée des reins, et se place dans un sillon qui lui est préparé à la face supérieure de cette portion de l'organe urinaire. Dans cette première partie de son trajet, elle reçoit plusieurs veines des parois du corps (6...) et fournit un {rès grand nombre de branches afférentes qui se perdent dans l'épaisseur du rein. L'inclinaison de ces rameaux sur le tronc (2) qui leur donne naissance indique clairement leur rôle afférent : ils se dirigent tous obliquement d’arrière en avant, de la ligne médiane vers les deux bords de la masse postérieure (À R). Ces vaisseaux, en outre, sont peu adhé- rents à la substance du rein et se distinguent par ce caractère des veines efférentes, dont l'isolement à l’aide du scalpel est plus Habo- rieux. Un peu en arrière du point où les deux reins redeviennent sé- parés, la veine caudale se divise en deux branches (3,3), qui se portent obliquement en dehors et vont se placer chacune au bord externe du rein qui leur correspond. Ces deux veines afférentes latérales sont assez flexueuses dans leurs parcours, et remontent jusque vers l'extrémité antérieure des reins. Les afférentes latérales (3,3) reçoivent le sang de loutes les veines pariétales comprises entre le sinus précardiaque et leur point d’origine. Elles fournissent deux ordres de branches : les unes s’en- foncent dans les reins, où elles se subdivisent en rameaux de plus en plus ténus; les autres (4,4,4...) descendent dans la cavité ‘abdominale, contournent de haut en bas la face externe de la vessie nataloire, traversent le mesoarium, où elles s'unissent aux veines génitales (g), et vont déboucher dans le tronc de la veine mésenté- rique postérieure (#), après avoir reçu quelques rameaux grêles de la vessie aérienne. Ces arcs anastomotiques (4, /4...), plus nombreux du côté droit 356 s. JOURDAIN. que du côté gauche, établissent une étroite solidarité entre l’appa- reil porte rénal et l'appareil porte Eépalique (m) ; on peut même dire qu'ils contribuent, concurremment avec les veines vési- cales (v) et les veines rectales, à constituer l’origine de la mésen- térique postérieure. Les branches hépatiques des veines afférentes latérales ne vont point déboucher invariablement dans la veirie mésentérique elle- même; dans le Congre, nous avons vu trois de ces branches se jeter dans le tronc commundes veines des corps rougesdela vessie natatoire, avant la jonction de ee tronc à la mésentérique. A la face inférieure de la portion commune des reins, existe une veine cardinale commune (a) d’un diamètre considérable. Cette veine se continue comme cardinale droite au bord interne du rein droit, dont elle reçoit tous les efférents. Les efférents pos- térieurs du rein gauche forment un certain nombre de branches transversales qui, après s'être dilatées en forme d’ampoules, se jettent dans la cardinale droite. Plus tard naît une cardinale gauche (a'), au bord interne du rein correspondant. Cette dernière va s'ouvrir dans le sinus et est quelquefois reliée elle-même à sa congénère par plusieurs branches transversales, qui présentent aussi des dilatations au-devant des corps vertébraux. D'après cette description, il est facile de se rendre compte du trajet que suit le sang veineux dans toute la région postcéphalique du corps. Une fraction du sang du tronc caudal entre dans la partie commune des reins ; le surplus, joint à celui des veines pa- riélales, se partage en deux colonnes : une colonne rénale double, destinée à alimenter toute la portion de l'organe urinaire antérieure au renflement postérieur, et une colonne hépatique qui, par des vaisseaux multiples recevant les veines génitales, passe dans la veine porte hépatique. Mentionnons en terminant l’analogie curieuse qu’on remarque ‘ entre la cireulation veineuse de ces deux poissons serpentiformes et celle des Serpents proprement dits. Muræna ophis. —(Hyrll, ouvr. cit., p. 86.) RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 3957 LOPHOBRANCHES. Première section. Veine caudale se ramifiant dans les reins. Hippocampus antiquus. — (Hyrtl., ouvr. cit., p. 89.) Section indécise. Syngnathus acus. — La veine caudale nous a paru traverser simplement la portion postérieure des reins qui reçoivent du sang des veines pariélales et musculo-épineuses. Les veines génitales forment plusieurs troncs distincts, longs et déliés, qui en arrière de la vessie natatoire vont se rendre séparé- ment dans la veine cardinale droite, et qui, au niveau de cet organe, se réunissent préalablement aux veines de sa tunique fibreuse. GYMNODONTES. Veine caudale se ramifiant dans les reins. Diodon novemmaculatus. — La veine caudale, grossie par les nombreuses veines des muscles latéraux de la queue, dont le déve- loppement est considérable, s'avance jusqu’à la huitième vertèbre abdominale, où elle se partage en deux branches afférentes. A la face dorsale des reins, depuis l'extrémité postérieure de cet organe jusque vers le milieu de sa longueur, existe une incisure assez profonde, destinée à recevoir l’uretère et la branche principale de la veine caudale afférente, puis d’autres scissures plus superficielles pour les rameaux afférents d’un moindre volume, les pariétaux et les musculo-épineux. Au côté interne de chaque rein est creusée une gouttière large et profonde dans laquelle est logée la veine cardinale. Les deux cardinales ont un égal développement. Les rameaux qui concourent à les former rampent tous à la face inférieure un peu concave du rein. Les efférents de la portion la plus antérieure de cette méme face se rendent non-seulement dans les cardinales, mais encore dans les jugulaires (Hyrtl, ouvr. cit. , p. 89). 358 S, JOURDAIN, T'etrodon maculatus. — Le tronc caudal, à sa sortie du canal vertébral inférieur, reçoit une forte veine, résultant de la con- fluence des trois vaisseaux suivants : 1° la veine hémorrhoïdale unie aux deux veines testiculaires ; 2° la veine épigastrique droite et gauche ; 3les deux veines surrénales (Hyrtl, ouvr. cit., p. 36). Les veines rénales d’ailleurs se comportent absolument comme dans le Diodon (Ib., p. 90). SCLÉRODERMES. Veine caudale se ramiliant dans les reins. Triacanthus biaculeatus. — (Hyrtl, ouvr. cit., p. 90.) RÉSUMÉ. [. — ANATOMIE. Chez les Mammifères il n'existe point anatomiquement de veine porte rénale. Normalement, ainsi que nous l'avons déjà dit, le rein reçoit du sang rouge par des artères spéciales, et c'est à ce sang que sont empruntés les matériaux de la sécrétion. Nous nous sommes demandé si cette absence anatomique de veine porte rénale chez les Mammifères était un fait constant et indépendant de toutes les variations de types et d'âge. Ne serait- il point possible qu'un examen plus attentif en fit reconnaitre des rudiments chez les Monotrèmes, et d’autre part les corps de Woolf, qui paraissent jouer dans le principe le rôle de glande uri- naire, ne seraient-ils point pourvus de veines afférentes ? A l'égard des corps de Woolf, nous avons déjà tenté quelques recherches, et, bien que leur insuffisance ne nous permette point de conclure dès à présent, nous penchons cependant vers l'affirmative. A priori, on serait porté à soupçonner dans ces corps l'existence d’un semblable appareil, puisque, dans les Poissons osseux où ils persistent et fonctionnent comme reins définilifs, on rencontre constamment des veines portes plus où moins développées. Les corps surrénaux des Mammifères sont dans le même cas que les reins : ils ne recoivent que du sang hématosé, _— RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 399 Les Oiseaux possèdent une veine porte rénale. Nous avons mon- tré que la veine fémorale en était le point de départ; que dans ce but le sang de cette veine se partageait en deux colonnes: une colonne pulmonaire directe, et une colonne rénale-hépatique. Tandis que l'appareil porte hépatique et l'appareil cave inférieur des Mammifères possèdent une sphère d'action à peu près distincte, il ya chez les Oiseaux communication large et facile, ou plutôt fusion entre ces deux voies circulatoires. Les corps surrénaux sont aussi munis d’une petite veine porte formée aux dépens des azygos. On voit done qu’une portion seulement du sang veineux des parties postérieures se rend directement au cœur, et que tout le reste doit traverser le rein, le foie ou les corps surrénaux, avant d'être porté aux poumons. Le rapport entre la colonne pulmonaire et la colonne rénale- hépatique varie suivant les espèces. Chez l’Émeu en particulier, la colonne hépatique reste considérable, mais la portion rénale de l'appareil est peu développée ; de telle façon qu’une grande partie du sang veineux des parties postérieures retourne directement au cœur par des vaisseaux qui rappellent à beaucoup d’égards leurs homologues chez les Mammifères. L'Aptéryx, d’après M. R. Owen, n’aurait point de veine porte rénale; mais ce qu'on retrouve dans cet Oiseau, comme dans tous les autres, sans exception connue, c’est la fusion de la veine cave postérieure et de la veine porte hépatique. f Tous les Reptiles paraissent posséder une veine porte du rein et des corps surrénaux; seulement ils sont dénués de ce rameau anastomotique qui permet à une parlie du sang de l’are rénal-hépatique de se rendre directement au cœur par la veine cave postérieure. Par conséquent, tout le sang veineux des parties postérieures du corps doit filtrer au travers du rein, du foie ou des corps surrénaux avant d'entrer dans l'oreillette droite, Dans les Chéloniens, c'est une veine des parties profondes du bassin, comparable à l’hypogastrique, qui forme l'origine de l’ap- pareil rénal-hé patique. 360 S. JOURDAIN. Dans les Reptiles à queue bien développée, c’est la veine cau- dale qui est le point de départ du même appareil. Cette veine se bifurque en arrière des reins; chaque branche de bifurcation, après avoir fourni les veines rénales afférentes, se réunit aux veines du bassin et des membres pelviens, et forme un trone qui prend le nom de veine ombilicale. Ce vaisseau, qui tantôt reste distinct, tantôt se joint à son congénère, remonte le long de la face ventrale du corps et se jette dans le sinus de la veine porte hépatique. La fusion de la veine porte hépatique et de la veine cave postérieure a done encore lieu fondamentalement dans les Reptiles comme dans les Oiseaux, mais pour ces premiers elle a été réali- sée par un procédé différent. Chez les Sauriens et les Chéloniens, en effet, l’ensemble des veines du tube intestinal et de ses an- nexes glanduleuses est encore distinct dusystème veineux général, comme chez les Mammifères, seulement l’anastomose de la veine porte hépatique avec la terminaison des ombilicales, dépendance de ce système général, permet la réaction d'un de ces appareils sur l’autre. Les Ophidiens offrent des dispositions anatomiques qui s'éloi- gnent un peu de celles que nous venons d'indiquer, bien que le résultat physiologique reste le même. La veine ombilicale existe chez eux, mais n’a plus que des communications restreintes avec la veine caudale; en revanche cette dernière est reliée directe- ment à la veine mésentérique par un certain nombre de branches anastomotiques. Ajoutons que, dans les Reptiles, la lymphe des cœurs lympha- tiques postérieurs est versée dans l'arc rénal-hépatique (1), et par suite se trouve mélangée au sang qui doit traverser le rein ou le foie. Le rein des Batraciens est pourvu d’une veine porte. Chez les Anoures, c’est la veine fémorale qui est le point de départ de l’are (1) E. Weber, Muller's Archiv, 1835, p. 535. — Panizza, Sopra il sis- tema linfatico dei Rettili. Pavie, 1833. — Müller, Ueber die Lymphherzen der Schildkrôten (Mém. de l'Acad, de Berlin, A839, p. 31). RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 361 rénal-hépatique; chez les Urodèles et les Pérennibranches, c’est la veine caudale qui est l’origine de ce même arc. La veine ombi- licale existe comme chez les Reptiles (1), et, comme chez ces der- niers aussi, elle se réunit à la veine porte hépatique dans le sillon du foie. Les corps surrénaux paraissent aussi être traversés par le sang veineux, mais la question réclame encore de nouveaux éclaireis- sements. La lymphe des cœurs lymphatiques postérieurs est encore déversée dans l'arc veineux rénal-hépatique (2). Le rein du Lepidosiren paradoæa, ce vertébré bizarre que la plupart des zoologistes rangent aujourd’hui parmi les Poissons, reçoit du sang veineux, comme le rein des Batraciens; mais ici la veine ombilicale a disparü, et par suite la fusion entre la veine porte hépatique et la veine cave postérieure; de plus, une partie du sang de la veine de Jacobson peut se rendre à la veine cave, sans traverser les reins. Parmi les Cartilagineuxæ, les Cyclostomes sont dépourvus de veine porte rénale, et forment ainsi une exception inattendue dans le type ichthyologique. Les Plagiostomes possèdent cet appareil, mais sans communication directe avec la veine porte hépatique. Les Sturioniens sont dans le même cas. La veine porte rénale se rencontre probablement chez tous les Poissons osseux. La veine porte hépatique, qui reçoit souvent les veines génitales et une portion des veines de la vessie natatoire, est indépendante ou non du système cardinal postérieur. Cette circon- stance permet d'établir une première grande division dans les Pois- sons osseux, au point de vue de la circulation rénale-hépatique : 1° Poissons osseux où la veine de Jacobson n’envoie point de rameaux à la veine porte hépatique. 2° Poissons osseux où il existe une ou plusieurs anastomoses entre ces deux ordres de vaisseaux. (4) Chez le Cæcilia annulata, d'après H. Ratbke, la veine ombilicale ne se rattacherait pas à la veine de Jacobson, qui s'anastomoserait directement avec la veine mésentérique postérieure. (2) Müller, Müller's Archiv, — Rusconi, Riflessioni, pl. IV, fig, 7. 362 8, JOURDAIN. Cette première division présente deux formes déjà distinguées par Jacobson : A. La veine caudale se ramifie dans le rein : Trigles, Pleuro- nectes, ele, B. La veine caudale traverse le rein sans s'y ramifier; il ne reste alors pour afférents de cet organe que les veines de là partie moyenne du corps : Perche, Saumon, ete. Les Poissons qui rentrent dans la deuxième division possèdent un arc rénal-hépatique. Ces Poissons sont en pelit nombre, et l’on ne peut guère citer comme présentant celte forme que l’Anguille (Anguilla fluviatilis), le Congre (Muræna conger), la Baudroie (Lophius piscatorius : Jacobson), le Saluth (Silurus glanis : Ni- colaï) et la Carpe (Cyprinus carpio). Les corps surrénaux des Plagiostomes et des Poissons osseux nous ont paru être traversés par du sang veineux. IT. — PaysioLOGrE. On peut reconnaitre dans le type vertébré (4) deux groupes principaux d'appareils éliminateurs : 4° un groupe postérieur, l'ap- pareil rénal-hépatique, destiné àjagir sur le sang veineux des par- ties postcardiaques du corps et à séparer du fluide nourricier des matériaux sous forme liquide et solide ; 2° un groupe antérieur, comprenant l'appareil pulmonaire, qui a pour mission de modifier le sang veineux de la tête et des membres antérieurs, et celui qui a déjà subi l’action du groupe postérieur, c’est-à-dire du rein et du foie ; ses produits ont plus spécialement la forme gazeuse. Quel rôle l'appareil éliminateur rénal-hépatique est-il appelé à remplir dans l’économie générale des animaux ? Ne pouvons-nous pas, à défaut d'expériences directes, hasarder quelques conjec- tures sur les motifs de son apparition dans les Vertébrés ovipares ? En nous oceupant des Oiseaux, nous avous montré comment l’activité si énorme de la combustion vitale devait encombrer leur sang veineux d’une quantité considérable de produits de désassi- (1) Nous laissons de côté les Mammifères. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 363 milalion. Le poumon est chez eux relativement peu développé, car il ne faut point comprendre comme instrument d'hématose les sacs pulmonaires, qui jouent surtout un rôle mécanique dans l'acte respiratoire, Ne peut-on point supposer alors que l’exiguïté de cet organe le rend insuffisant pour une dépuration complète du fluide nourricier chez des êtres où ce fluide doit éprouver le maximum d’artérialisation ? Quel serait alors le rôle du rein et du foie (1) ? Ils viendraient en aide au poumon dans une mesure variable pour chacun d'eux, et feraient subir à une portion du sang des modifi- cations qui le rendent aple à recevoir dans les limites nécessaires l'influence de l'oxygène. Dans les Repliles et les Batraciens, le poumon a perdu de son importance ; aussi une portion du fluide nourricier évite-t-elle la voie pulmonaire, et, à chaque ondée sanguine, une fraction seule- ment de celle-ci est-elle mise en rapport avec l'oxygène. C’est à cette dégradation de l’appareil pulmonaire que Jacobson rattachait l'existence de la veine porte rénale, qu'il considérait comme concourant à l'acte respiratoire. Une grande partie de la masse totale du sang veineux filtre à travers le rein et le foie, avant de retourner au cœur (2) ; alors le sang noir, mélangé en proportion variable avec le sang hématosé que les artères distribuent dans toutes les régions du corps, est-il moins chargé de produits de désassimilation que le sang veineux proprement dit et propre à entretenir la vie. C'est aussi peut-être aux modifications éprouvées par le sang noir dans son trajet rénal-hépatique que les Reptiles sont redevables, en partie au moins, de cette résistance à l’as- phyxie qu'ils possèdent à un degré si remarquable. Le rôle secondaire du poumon est surtout frappant chez eertains Batraciens, tels que les Grenouilles, où la peau respire très active- (4) Chez les Grenouilles, M. Hyrtl a constaté la réunion du système de la veine porte avec des veines des cavités orbitaire et crânienne, ainsi que la pré- sence sur le pharynx d'un réseau admirable qui appartient au même système. (Stannius, Manuel d'anatomie comparée, L AN, p. 244.) (2) Ce rapprochement que nous faisons entre le rein et le foie, au point de vue de la dépuration organique, n'implique nullement que la bile soit un liquide purement excrémentiliel, comme le prélendent certains physiologistes. 36! $. JOURDAIN. ment, comme l'ont prouvé les belles expériences de W. Edwards. Ces amphibjes vivent encore longtemps après qu'on leur a enlevé ou comprimé les poumons, et leur quantité de respiration est même peu diminuée par cette opération. Ne peut-on pas admettre que dans ce cas le sang déjà oxygéné dans les réseaux capillaires de la peau, mélangé avec celui qui a traversé le rein et le foie en s’y épurant, suffit, dans certaines limites, à l'entretien de la vie ? Dans les Poissons qui habitent un milieu pauvre en oxygène, et dont l’appareil branchial paraît conformé en vue d’une respiration peu active, la veine porte rénale ne serait-elle point encore néces- sitée par une insuffisance de la dépuration branchiale ? Il serait intéressant de remonter aux causes de l’extension si variable de l'appareil porte rénal dans cette classe, et de rechercher pourquoi des espèces très voisines diffèrent cependant sous le rapport du développement de cette partie du système vasculaire. Peut-être la résistance à l’asphyxie est-elle liée jusqu’à un certain degré à l'extension des veines portes, comme elle est en corrélation évidente avec la conformation de l'appareil branchial. APPENDICE. BATRACIENS PÉROMÈLES. C@œCiLIA ANNULATA. Dans un mémoire (1) sur les principaux points de l'anatomie du Cœcilia annulata, M. H. Rathke a donné une description des veines rénales de ce Ba- tracien ; c'est à ce travail intéressant que nous avons emprunté les matériaux dont nous nous sommes servi pour la rédaction de ce chapitre. : La veine rénale afférente est représentée par un tronc court qui prend nais- sance dans la partie terminale du corps, et s’avance vers les reins, à l'extrémité postérieure desquels il se partage en deux branches d'un volume assez faible. Ces branches rampent à la face supérieure de la glande urinaire et ne tardent pas à s'y épuiser. (1) Bemerkungen über mehrere Koerpertheile der Cœcilia annulata. (Müller's Archiv, 1852, p. 357-359.) RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 365 Les reins reçoivent en outre une quantité relativement considérable de sang veineux par un grand nombre de branches qui se détachent des parois dorsales du corps, dans le voisinage de la colonne vertébrale, et qui sont les analogues des veines que nous désignons sous le nom d'intercosto-spinales. Ces vaisseaux constituent une série antéro-postérieure de petits troncs veineux qui gagnent . tantôt le rein droit, tantôt le rein gauche. Parvenus à la face supérieure de l'organe urinaire, ils se divisent chacun en deux branches : une branche anté- rieure et une branche postérieure qui se ramifient l'une et l'autre dans l'épais- seur du rein. M. Rathke s'est assuré, à l’aide d'une injection, que les dernières ramifications de ces intercosto-spinales étaient en communication directe avec les radicules des veines efférentes, que nous allons maintenant décrire. Les veines rénales efférentes sont au nombre de deux: 4° la veine cave pos- térieure ; 2° la veine rénale antérieure (A). La veine cave ne présente rien de spécial dans son origine: elle résulte, comme de coutume, de la confluence successive des branches efférentes du rein et des veines des glandes génitales ; cependant elle ne reçoit le sang que de la moitié postérieure de l'organe urinaire. Elle prend naissance vers l'extrémité postérieure des reins, puis remonte, au-dessous de l'aorte descendante, grossie chemin faisant par les émulgentes droïtes et gauches. Ces dernières forment des troncs très courts, bifurqués, d’un volume variable, qui reçoivent chacun, avant leur terminaison dans la veine cave, une branche des glandes génitales et des corps adipeux. C'est donc par l'intermédiaire des veines efférentes que les veines génitales et adipeuses se rendent dans ce vaisseau. Les émulgentes de la partie antérieure des reins, qui sont très grêles et réu- nies, comme nous venons de le dire, aux veines génitales et adipeuses, se jettent dans un vaisseau moins volumineux et plus court que la veine cave postérieure, en ayant de laquelle il est situé. Ce vaisseau, que Rathke appelle veine rénale antérieure, s'étend au-dessous de l'aorte descendante, entre les deux moitiés anté- rieures des reins : en arrière, il s'anastomose avec la veine cave postérieure, dans le point où cette dernière abandonne le rein pour atteindre le foie ; en avant, où son diamètre est plus fort, il débouche dans le sinus veineux qui précède l'oreillette droite. Le sang dela paroi abdominale antérieure se rend dans une longue veine ombi- licale (veine épigastrique de M. Rathke). Ce vaisseau naîtrait au niveau de la ves- sie urinaire, de la réunion des rameaux de ce réservoir et de ceux du muscle rétracteur du cloaque, Cette origine sur laquelle nous concevons quelques doutes, malgré l'autorité imposante de M. Rathke, constitue toutau moins un fait excep- tionnel chez les Batraciens ; aussi n'est-ce pas sans surprise que nous voyons ce savant considérer une pareille disposition comme normale et habituelle dans cette (4) Cette veine est désignée à tort dans le texte sous le nom de Sfirnvene (veine frontale), proba- blement par suite d'une erreur typographique. 366 S. JOURDAIN. classe. Il nous est impossible de partager un tel sentiment : dans tous les Batra- ciens qu'on a pu examiner (Bufo, Rana, Hyla, Salamandra, Triton, Menopoma, Proteus) la veine ombilicale, sans exception, se rattache directement à la veine rénale afférenie et en peut être considérée comme une vérilable branche. M. Ratbke a cru remarquer une anastomose entre la veine porte rénale et la veine mésentérique postérieure, au niveau de la dernière moitié du gros intestin. La fusion entre le système rénal et le système hépatique aurait donc lieu dans la Cécilie, comme nous l'avons décrit dans le Coluber natrix, par une anastomose directe entre la veine de Jacobson et les veines du tube digestif. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 1. Fig. 1. Rein droit du Pigeon, vu par la face abdominale, Fig. 2. Figure schématique des veines rénales du Pigeon: 4, artère sacrée moyenne; 2, artère fémorale ; 3, artère ischiatique ; 4, artère rénale anté- rieure ; 5, artère rénale postérieure; 6, artère rénale moyenne; 7,' artère hypogastrique caudale; 8, artère coceygienne moyenne; c, tronc de la veine cave postérieure ; cy, veine coccygienne médiane; es, veine efférente du corps surrénal; f, tronc de la veine fémorale; /d, branche directe de la fémo- rale ; fr, branche postérieure anastomotique de la même veine; fr!, portion extra-rénale de la veine précédente ; h, veine hypogastrique caudale; à, veine iliaque primitive; m, veine iliaco-mésentérique; ps, veine porte du corps surrénal ; r, veine émulgente principale ; ra, veine rénale afférente du lobe antérieur du rein ; re, veine rénale efférente du même lobe; s, veine ischiatique ; 3, azygos sacrée; zs, anastomose entre la veine porte surrénale et l'azygos sacrée; CS, corps surrénal ; R, lobe moyen des reins; R!, lobe postérieur des reins; R'', lobe antérieur des reins ; RR, rectum, Fig. 3. Veine porte surrénale gauche de l'Oie domestique : c, es, à, ps, CS, R”, comme dans les deux figures qui précèdent; p, veine dorsale perforante, en- trant dans la constitution de la veine porte surrénale; st, veines intercosto- vertébrales: C, côtes ; V, colonne vertébrale ; 4, aorte. PLANCHE 2. Fig. 4. Système veineux abdominal du Lacerta sepium : À, tronc de la veine caudale : 2, branches de bifurcation de la veine caudale ou veines de Jacobson ; 3, veines des membres pelviens ; 4, veine coccygienne latérale; 5, veine ombi- RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE, 367 licale ou abdominale antérieure primitive ; 5”, veine ombilicale ; a et a’, veines rénales efférentes droite et gauche (veines caves des auteurs); aa, tronc de la veine cave postérieure ; Ad, corps adipeux du côté gauche ; D, épididyme; F, foie; G, testicules; O, œæsophage coupé transversalement au-dessous du foie ; Vb, vésicule biliaire. Fig. 2. Corps surrénal droit du Lacerta sepium appliqué à la face supérieure de l'épididyme : 1, trois veines intercosto-spinales ou azygos partielles s'ana- stomosant en arcades au bord externe du corps surrénal, el donnant naissance aux branches afférentes de cet organe: aa, veine cave postérieure ; CS, corps surrénal; D, épididyme: G, testicule droit ; V, colonne vertébrale. Fig. 3. Ensemble des veines rénales d'un Triton cristatus grossi 4 fois ( face inférieure) : 4 tronc de la veine caudale; 2, branche de bifurcation de cette veine ou veine de Jacobson droite, envoyant au rein des branches afférentes ; 3, veiue fémorale ; 4, veine ischiatique; 5, veine ombilicale primitive coupée; 6, veines intercostales afférentes au rein, dont les radicules peuvent être suivies jusque dans les téguments : 7, veines de la partie postérieure des ovi- ductes afférentes au rein ; 8 aa, veines de la partie antérieure des oviductes, se jetant dans l'azygos thoracique; 9 aa, veines iutercosto-spinales entrant dans l’azygos thoracique ; au, tronc de la veine cave postérieure; az, azy- gos thoracique se rendant partie à la veine cave postérieure «a, partie à la ju- gulaire antérieure; g, veines ovariennes recevant les rameaux veineux des corps adipeux Ad; Ad, corps adipeux ; G, ovaires; Ov, oviductes; R, reins. Fig. 4. Reins du Zestudo europæa, vus par la face inférieure : 4 et 4/, are a veineux rénal formé par l'anastomose à plein canal de la veine azygos tho- racique 4 avec l'hypogastrique 4! ; 2’, veine iliaque (de Bojanus) ; a a, tronc de la veine cave postérieure; CS, corps surrénal avec ses afférents et ses efférents ; G , testicule ; R, rein (portion de la face abdominale). PLANCHE 3. Fig. 1. Rein gauche de la Raie bouclée ( Ruja clavata L.), vu par la face infé- rieure ou abdominale : 1, tronc de la veine caudale ; 2, veine de Jacobson gauche ; 3, veine des membres postérieurs allant déboucher dans la veine de Jacobson 2; 4, veines musculo-parïétales ; 5, tronc commun des veines musculo-pariétales antérieures, constituant antérieurement l'origine de l'ap- pareil afférent du rein; a, veine cardinale gauche dans laquelle viennent se jeter toutes les veines efférentes du rein correspondant; 4’, portion postérieure de la cardinale gauche s'anastomosant par inosculation avec la cardinale opposée. Fig. 2: Rein gauche de la Raie bouelée, vu par la face supérieure ou dorsale (dessin emprunté avec quelques modifications à l'album de M. Ch. Robin): 368 S. JOURDAIN, 1,2, 3, 4, 5, aeta’,'comme dans la figure 1 ; es, veines efférentes des corps surrénaux ; CS corps surrénaux ; À, aorte abdominale ; B, artères rénales. PLANCHE 4. Fig. 4. Moitié postérieure des reins de la Tanche (Cypr. tinca L.), vue par la face inférieure ou abdominale ; 2’,2/, veines de Jacobson provenant de la veine caudale accessoire ; 5, veines pariétales afférentes au rein; a veine cardinale droite ; m', branche porte hépatique de la veine caudale accessoire ; I, intes- tin grêle; F, lobules postérieurs du foie; R, renflement prismatique moyen des reins ; RR, partie postérieure des reins ; RR', rectum; S, colonne ver- tébrale ; U, uretères. ; Fig. 2. Origine de la veine caudale accessoire de la Tanche : 1, veine caudale proprement dite ; 1’, veine caudale accessoire; 2’, branches rénales afférentes de la veine caudale accessoire; a!, veine caudale proprement dite au moment où elle traverse l'extrémité postérieure des reins et devient veine cardinale droite ; a, veine cardinale droite; m', branche porte hépatique de la veine caudale accessoire ; R R, partie postérieure du rein; S, vertèbres caudales. Fig. 3. Partie supérieure de la vessie natatoire du Bars (Labraæ lupus), vue par la face interne :5, veines pariétales recevant les veines de la vessie natatoire : a, veine cardinale droite vue par transparence; a/, veine cardinale gauche vue par transparence ; RR, face inférieure des reins vue de la même façon; Vn, parois de la vessie natatoire. Fig. 4. Partie postérieure disséquée des reins du Labrax lupus, montrant le mode de terminaison de la veine caudale : 4, veine caudale: 2, veine de Jacobson; 6, branches musculo-spinales; R R, partie postérieure des reins. Fig. 5. Portion moyenne des reins du Brochet (Esoæ lucius), vue par la face inférieure ou abdominale ; 5, veines pariétales afférentes au rein: a, veine cardinale droite; a', veine cardinale gauche ; a a, veine cardinale commune; c, anastomoses transversales unissant les cardinales ; g, veines génitales pas- sant sur la face inférieure des reins et allant déboucher dans les cardinales ; R, rein gauche; RR, partie commune des reins. PLANCHE D. Fig. 4. Partie postérieure commune des reins du Brochet (Esox lucius), vue par la face supérieure ou dorsale : 4, veine caudale ; 2, portion rénale de cette veine ou veine de Jacobson; 3, branches de bifurcation de la veine de Jacobson fournissant par leur côté externe des branches qui s'enfoncent dans l'épais- seur des reins et s’y ramifient; 6, branches musculo-épineuses se jetant dans la veine de Jacobson ; «a, veine cardinale commune. RECHERCHES SUR LA VEINE PORTE RÉNALE. 209 Fig. 2. Ensemble de l'appareil porte rénal-hépatique de l'Anguille commune {Anguilla fluviatilis) (figure schématique) : 4, veine caudale ; 2, veine de Jacobson (les rameaux afférents qu'elle fournit à la partie postérieure commune des reins n'ont élé représentés que du côté gauche) ; 3, branches de bifurcation de la veine de Jacobson, longeant plus en avant le bord externe des reins dont elles fournissent tous les afférents (ces derniers ne sont point figurés) ; 4, arcs veineux anastomotiques établissant une véritable fusion entre la veine porte rénale et la veine porte hépatique ; 6, veines musculo-épineuses allant se réunir a la veine de Jacobson ; a, veine cardi- nale droite tronquée en arriere: a’, veine cardinale gauche; g, veines génitales : m, veine mésenlérigue postérieure ; v, veine vésicale: À, anus ; 1, canal intestinal; R, rein droit; R', rein gauche : R R, renflement posté- rieur des reins; Vu, vessie urinaire. Fig. 3. Reins de la Sole (Soleu vulgaris) vus latéralement : 4, 5 et 6, comme précédemment; 7, veines génitales afférentes aux reins; 8, grosse veine épi- meuse allant se ramilier dans le renflement postérieur des reins ; aa, veine cardinale commune : j, veine jugulaire antérieure droite recevant les efférents de la portion des reins qui lui est contiguë: RR, renflement postérieur des reins logé dans l’arrière-cavité de l'abdomen. Fig. 4. Moitié postérieure des reins de la Dorée {Zeus fuber) vue par la face inférieure ou abdominale : à, veines pariétales ; 5, veines rénales afférentes latérales ; aa, veine cardinale commune recevant à droite et à gauche les branches efférentes des reins. Fig. 5. Partie postérieure disséquée des reins du Trigla hirundo: 2 et 6, comme précédemment; CS, corps surrénaux Fig. 6. Renflement postérieur des reins de la Lotte (Lota vulgaris) disséqué de manière à montrer les ramificalions de la veine de Jacobson : 1, 2,6 et RR, ont la même signification que dans les figures précédentes ; 7, veine génitale, commune se réunissant à la veine de Jacobson. 4" série. Zcou. T. XIT. (Cakier n° 6). 4 Wu 24 RECHERCHES SUR LA MESURE VOLUME DES POUMONS DE L'HOMME, Par M. Nestor GRÉHANT, Préparateur de physique au Lycée impérial Napoléon, i Les physiologistes ont étudié dans ces dernières années les va- riations que le volume des poumons peut éprouver, mais ils n'ont point déterminé d'une manière rigoureuse ce volume lui-même, la capacité absolue des bronches et des vésieules qui les terminent. La mesure sur le cadavre du volume d'air qui reste dans les poumons après une expiration profonde comme la dernière, ne peut donner que des résultats approximalifs; les expériences qui con- sistent à lier la trachée sur un tube, ouvrir le thorax, comprimer les poumons et recueillir l'air déplacé, ont été faites rarement el n'ont point donné de conclusions importantes. Je me suis proposé de mesurer le volume des bronches chez l'homme sain et chez l’homme malade par la respiration de l'hy- drogène, Ce gaz, comme Lavoisier et Séguin l'ont reconnu dans leurs immortels travaux, n’exerce sur les poumons aucune action délé— ière, el-si on le mélange à l'air, les phénomènes respiratoires continuent comme si l’on avait ajouté de l'azote. Les recherches plus récentes de MM. Regnaull et Reiset (Ann. de chimie, 1. NXNI, 5° série) élablissent que l'hydrogène est peu absorbé par les poumons, et qu'un animal doit respirer pen- dant quelques heures un mélange d'oxygène et d'hydrogène pour que celui-ci diminue d'une manière sensible. Ainsi, l'hydrogène se conduit dans la respiration, comme l'azote, il ne se trouve point dans les poumons ; j'ai utilisé ces deux pro- priétés qui n’appartiennent qu'à lai, MESURE DU VOLUME DES POUMONS DE L'HOMME. 371 Je fais passer un litre d'hydrogène purifié avec soin dans une cloche de 3 où 4 litres, munie à sa partie supérieure d’un robinet et d’un tube de verre réunis par un caoutchouc, La per- sonne soumise à l'expérience ferme les fosses nasales et inspire l'hydrogène, puis expire dans la eloche, et fait ainsi quatre ou cinq inspirations el expirations successives. En même temps je soulève et j'abaisse la cloche dans la cave à eau, de manière que la pression du gaz ne change point, que le volume expiré soit loujours à peu près un litre, et je ferme le ro- binet après la dernière expiration. Jobliens ainsi un mélange homogène des gaz hydrogène, oxy- gène, azote et acide carbonique ; je l'analyse après qu'il s’est refroidi ; j'introduis dans l'eudiomètre à eau 100 volumes de gaz, 100 volumes d'air; je fais passer ue étincelle électrique ; les deux liers du volume disparu représentent le volume d'hydrogène. Quant à la petite quantité d'acide carbonique qui se dissout dans l'eau, elle est la même dans chaque expérience, et lout à fait négligeable. J'ai choisi pour appliquer ce procédé, et comme {ype, un home de vingt-sept ans, robuste, qui vient de terminer le congé mi- litaire. Le mélange provenant de la cinquième expiration chez cette personne renferme 23,5 d'hydrogène pour 100. Je dis alors : si 23-<,5 d'hydrogène sont contenus dans 400 cent. cubes du mé- lange, dans quel volume inconou le litre inspiré sera-t-il contenu ? 23,5 al. —.—— y — 41,935 100 x Je trouve ainsi que l'air qui remplit les poumons après une in- spiration d’un litre occupe un volume de 41,925, si l'expiration est aussi égale à un litre, le reste est 31,955. Homogénéité du mélange, L'exactitude de ce procédé de mensuration dépend de l'homo- généité du mélange; je me suis attaché à la vérifier. Pour cela, j'ai fait une série d'expériences dans lesquelles le même volume d'hydrogène fut inspiré, mais dans une première, le gaz de Ja 972 N. GRÉHANT, deuxième expiration fut recueilli et analysé, dans une seconde, le gaz de la troisième expiralion et ainsi de suite; J'ajoute que j'ai laissé un certain temps entre chaque expérience. Voici le tableau des résultats obtenus : Volume d'hydrogène inspiré chaque fois : À litre. Hydrog. p. 100 (Moyenn, de trois analyses) Deux eMElEXDITANON ee RE EN CAE TTOISICNIC SNS PRESENT, 1.2, 0 20 4 OratrièrestiM MIE). Ge RUEIL MERS Quatrième . etes + Mon er GRO Che Lait iso ae ere J'ai répété ces expériences sur plusieurs autres personnes auxquelles j'ai fait inspirer un demi-itre d'hydrogène chaque fois. J'ai trouvé dans deux cas: Hydrog. p. 100 Deuxième expiration. . . . . . . . . . . . . . . 147,4 Troisième . s AMOR MEN RELE ANEETATHR "TE OUAIS AR er PRE SEE ON ITIEME NU PRIRENT à LE SET EUR S HW eMeERReAe Sr: une. In tante le Sur une autre personne : Hydros, p 100 Deuxième expiralion, ent Dies eue ten Troisième tte £ ACURE ENSS Que EL TOME QHALTIEME RER ee Le ie BC fe ee CEE Cinquième. matif nude Von “A UlTEE De ces nombres je conclus qu'à partie de la quatrième expira- lion le mélange est homogène et peut donner par l'analyse le volume des poumons. L'hydrogène qui se mélange à l'air des poumons diminue la proportion centésimale d'oxygène et peut la réduire à 10 pour 100. Si les personnes qui répéleront celte expérience pensent que c'est un inconvénient de diminuer l'oxygène pendant un quart de mi- nute, elles pourront respirer un litre ou un demi-litre d'oxygène pur avant la première inspiration d'hydrogène. Si cette précaution n’est point indispensable, il en est une qu'on MESURE DU VOLUME DES POUMONS DE L'HOMME. 973 doit toujours prendre: il faut se garder, après l'expérience, d'approcher la bouche d'un corps allumé, par exemple de souffler une bougie, le mélange détonant d'oxygène et d'hydrogène pren- drait feu, etproduirait dans les poumons des accidents formidables ; l'histoire de la chimie nous rapporte nn exemple célèbre. Volume absolu des poumons. La méthode que j'ai déerite ne donne pas encore le volume absolu de l'air qui reste dans les poumons après l'expiration, car ce gaz est chaud, toujours plus chaud que l'eau de la cuve sur la quelle se fait l'analyse, et, dans les deux cas, le gaz est saturé de vapeur d'eau; de là une correction qui ne présente point de diffi- cultés. Soient : V, le volume des poumons trouvé par une analyse faite à la température £, la tension maximum de la vapeur d'eau étant f; T, la température de Pair dans les poumons après l'expiration ; F, la tension maximum correspondante; H, la hauteur baromé- trique, le volume corrigé sera : V(1HKT)(H—/) Lie _ (1 + KL) (H—F): V a été trouvé égal à 3',259, J'ai reconnu directement que l'air de la fin d’une expiration est, chez la personne soumise à l'expérience, saturé de vapeur d’eau à la température de 36°,4, et l'on sait que l'air expiré est saturé de vapeur d'eau à la tempé- ralure qu'il possède. La température de l'eau de la euve était de 47 degrés, la pres- sion atmosphérique de 760 millimètres. Si l'on fait le calcul, on trouve que le coefficient qui multiplie V, el quiest à peu près le même pour toutes les personnes, quand la température de la cuve reste à 45 ou 17 degrés, est égal à 1,143. La capacité absolue est 31,255 ><1,113 == 31,623. Cette correction est assez importante, puisqu'on fait une erreur d’un dixième quand on la néglige. Mais s’il fallait l’appliquer ri- goureusement à chaque expérience, quelques heures seraient né- 371 N. GRÉUANT, cessaires pour (déterminer le volume des poumons d’une per- sonne. Mais ce qu'il importe surtout de connaitre n'est point tant le volume absolu qu'une série de nombres proportionnels au volume des poumons de personnes d'âge, de constitution différents, saines où malades, et pour cela la correction est inutile si l'on opère loujours à 45 degrés environ. Invariabililé de la capacité pulmonaire normale. On a vu par ce qui précède que j'ai faitinspirer tantôt un litre, tantôt un demi-litre d'hydrogène ; ce ne sont point là les volumes de l'inspiration normale, qui est plutôt, comnie Pa dit M. Dumas, égale à un tiers de litre en moyenne. ei se présentait une difficulté, si je m'étais altaché à déterminer le volume des poumons après Pinspiration ; je la fis disparaitre en cherchant le volume de Pair qui reste dans les poumons après l'expiration, que je prends pour capacité pulmonaire. L'expiralion est presque toujours égale à l'inspiration dans la respiralion normale comme dans la respira- tion forcée ; il résulte de là que la capacité des poumons ainsi dé- linie est tout à fait invariable , que l'on inspire un fiers de litre, un demi-litre où un litre d'hydrogène, le nombre que l'on trouvera pour le volume des poumons sera le même. Pour vérifier celte invariabilité évidente el soumettre à l'épreuve la méthode d’expérimentation, j'ai fait inspirer un demilitre d’hy- drogène par la même personne, dont la capacité pulmonaire est 31,255. Le gaz de la cinquième expiration contenait 15,3 d'hydrogène pour 100 : 189 600 z — 31,759 100 a La capacité pulmonaire ainsi trouvée est 31,259. L'erreur commise est moindre que 2 millièmes. Ces expériences ont été répétées sur une personne, à Jaquelle ou fit respirer successivement 335. 900 +1 1000 centimètres cubes d'hydrogène. MESURE DU VOLUME DES POUMONS DE L'HOMME, 319 On trouva la capacité pulmonaire égale à : li. 2,387 inspirations de. . 335ct- 2,34 HAE 1 500 2,33 EE PMR EU Ces nombres sont très voisins. Ainsi on peut faire respirer un volume d'hydrogène quelconque, et c’est un avantage, car si l'on se trompe d'une unité dans l'ana- Ivse, l'erreur sur la capacité des poumons est plus pelite après l'inspiration d'un litre d'hydrogène qu'après celle d’un demillitre. Variations de la capacité des poumons. La capacilé pulmonaire augmente régulièrement du volume de l'inspiration, e’esl-à dire d'environ un liers de litre, puis revient à sa grandeur primitive après une expiration égale. Mais il est possible par des efforts passagers de produire des varialions beaucoup plus grandes qui présentent un maximum et un minimum, Pour déterminer la eapacité maximum des poumons, j'ai rempli la cloche à robinet de 3 litres d'air, et j'ai fait exécuter, après une expiration ordinaire, l'inspiration la plus énergique; elle fut égale à 21.41. La capacité pulmonaire que j'ai déterminée, et trouvée égale eu ce moment à 31,95, devint 61,36 ; telle est sa valeur maximum. Je fis passer dans la eloche un litre d'air, et après l'inspiration de ce gaz, je fis produire l'expiration la plus énergique ; elle fut trouvée égale à 41,03 ; ainsi la capacité pulmonaire diminua de 31,03 et devint 01,92, qui est sa valeur minimum ou le résidu respiratoire. La différence entre ces deux nombres 0,92 et 61,36 est 5,44; elle représente la capacité inspiratoire extrême de M. Hutchinson. Les mêmes expériences on été répétées chez d'autres per- sonnes : un jeune homme, dont la capacité pulmonaire est 2,34, offre une valeur maximum égale à 41,967, une valeur minimum égale à 11,09: la différence est 3!,887, 376 N. GRÉHANT Les nombres qui représentent la capacité pulmonaire normale varient avec les individus; ils sont influencés par l’âge, la consti- tution, l'état de santé et de maladie; je me propose d'étudier les changements qu'ils éprouvent par de longues recherches que j'ai commencées. Cette fois, je me bornerai à donner un tableau de quelques me- sures faites sur des hommes bien portants : NUMEROS NUMÉROS tes AGES CAPACITÉS PULM. =, AGES CAPACITÉS PULM. observ. drs personnes. en litres. | observ. des personnes, en litres, 1 A6%ans 4/2: 0. 2/44 9 DÉANS, 0. DA 2 AT — .ns001,825 | 10 DOS. QUE 115865 3 17 — 1/2. . . 2,104 11 38 — 2009 LAN MIS ONE DE HSES EM CCR NE 5 POI d2 13 E3 — . .., 1,987 sa 00 UT Mn 19156 Lo 44 detente NOÉ PAST LUS Guise PA TEE ES ER 15 8 25 — ..,. . 3,586 Les observations 8 et 40 frapperont surtout Pattention; elles offrent le maximum 31,586, le minimum 11,155, el cependant les deux personnes qui ont fourni ces nombres sont de même âge, de même taille, de même consütution apparente, loutes deux d’une excellente santé ; je ne puis encore expliquer des résultats aussi différents. NOTE SUR LES MODIFICATIONS QUE LES COQUILLES EPROUVENT ET QUI NE DÉPENDENT D'AUCUNE AFFECTION MORBIDE, Par M. Marecl DE SERRES, Professeur à la Faculté des sciences de Montpellier. Une tribu entière de Mollusques gastéropodes, les Pleuro- lomariées, présenta une particularité comparable en quelque sorte à celle qu'offrent la plupart des Émarginules et des Halio tides. Elle consiste en une fente plus ou moins étendue, où en trous plus ou moins nombreux, qui ne dépendent pas, ainsi qu'on pourrait le supposer d'une affection morbide, Ces circonstances siegulières tiennent à la structure de ces espèces et à leur orga- nisalion. La fente ou l'échancrure qui caractérise les Émarginules et les Pleurotomaires est tellement une des particularités de leur orga- pisme, qu'au delà du point où elle divise la lèvre en deux parties distinctes, elle est représentée par une membrane mince et trans- parente qui suit avec régularité le dernier tour de la spire; aussi celle fente s'agrandit-elle, à mesure que les Mollusques qui habi- tent ces coquilles prennent un plus grand développement. Il suffit de comparer la différence de structure de la lame mince qui est susceptible d’être échancrée plus en arrière qu'elle ne l’est ordinairement avec cette même structure de la partie la plus solide des tours, pour être convaineu que l'échancrure du Pleurotomaire tient à une particularité de l'organisation de ces Mollusques. Ce n’est donc pas à une affection morbide qu'il faut attribuer celte fente ; la planche qu'ont publiée MM. Fischer et Bernardi, en faisant connaitre l'organisation de ce genre si rare jusqu'à pré- sent, confirme pleinement cette manière de voir ; les détails dans lesquels nous allons entrer lèveront, nous l’espérons, les doutes qui pourraient s'élever à ce sujet. Parmi les genres de la tribu des Pleurotomariées , sorte de dé- 378 M. DE SERRES. meunbrement de la famille des Trochoïdes, il en est un chez lequel la fissure est beaucoup plus étendue que chez les autres genres de la même tribu, Cet exemple nous est fourni par le Pleurotomaria Quoyana de MM. Fischer et Bernardi (1). Les genres de la tribu des Pleurotomariées sont an nowbre de trois : le premier, ou Pleurotoma, est composé d'un assez grand nombre d'espèces vivantes et fossiles, parmi lesquelles les co- quilles de notre monde offrent les plus grandes dimensions ; le second n'a encore qu'une seule espèce vivante, tandis que le genre Ditremaria de d'Orbigny n'est encore connu qu'à l’état fossile ; il comprend plusieurs espèces. Le nom Ditremaria lui a été donné en raison de deux ouvertures arrondies, où trous placés sur Ja même ligne et de chaque côté des deux derniers trous. Ce genre très particulier se compose de coquilles trochoïdes, dont le premier tour, ou le buccal, est percé par deux ouvertures plus étendues dans le sens longitudinal que dans le sens vertical, c'est-à-dire dans celui de la hauteur. Ces trous irréguliers, et bor- nés dans leur grandeur, rappellent en quelque sorte les fissures qui caractérisent les Pleurotomaria. Toutefois ceux des Ditrema- ria, au lieu de commencer comme les fentes des derniers genres à l’ouverture de la bouche, en sont au contraire assez éloignés. Ils se trouvent ainsi à une distance plus où moins considérable de la lèvre, disposition qni leur est tout à fait particulière, quoi- qu'elle ait quelques rapports avec celle qui caractérise les Halio- tides (2). ; Quoique Recve ait décrit dans sa Conchyologia iconea soixante- quatorze espèces de ce genre, il n'a rien dit de ces faits, dont la magnifique collection de M. Oscar Rolland nous a offert plusieurs exemples. Il est cependant facile de comprendre que l'on aurait pu très bien les prévoir à priori. (1) Journal de conchyologie, année 4856, n° 2, p. 160, pl. V. — M. Chenu a également sisnalé cette espèce dans son Manuel de conchyologie, t. F, 4° parL., p. 236, fig. 1350. On ne connait qu'un seul individu de cette coquille qui appartient à M. Roland du Roquand, de Carcassonne. Cel individu a été trouvé dans l'île Marie-Galante, près de la Guadeloupe. (2) Le genre Ditremuria esl uniquement composé d'espèces fossiles qui appartiennent aux Llerrains jurassiques, MODIFICATIONS DES COQUILLES. 279 Enlin le dernier genre de la famille des Pleurolomaires, établi par d'Orbigny pour une espèce fossile des terrains carbonifères de la Belgique, a encore plus de rapports avec les Haliotides que n’en ont les Ditremaria : c'est le genre Dolystremaria. Ce dernier n’est en effet caractérisé que par une série de trous qui suivent ces circonvolulions au milieu des tours de la spire. Ce genre, comme ceux des Plewrotomaria et des Ditremaria, appartient à ces coquilles tout à fait de forme trochoïdale, Enfin la preuve la plus manifeste qne les fentes, les ouvertures ou les trous qui signalent ces différents genres, ont le même but que les perforations si nombreuses el si caractéristiques des Haliotides , c'est que parfois elles sont remplacées chez les derniers par une large fente siluée également à la même place. Les excroissances qui garnissent la bouche des espèces des Tornigères, el en particulier du Tornigerus Clausus de Spix ou T'ornigerus Clausus de Pleffer, et qui semblent empêcher le Mol- lusque qui les habitent de sortir de sa coquille, ne sont pas dues non-plus à des affections morbides, mais Hiennent à leur organisa - liou. On peut en dire autant des Anoslomes, dont les Tornigères rappellent si bien les formes. Il en est de même encore du Dolium vingem de Swinson (1). Les callosités de la bouche de cette espèce sont parfois si considérables, qu'elles mesurent 0",030 et même 0",035. Les mèmes excroissances, quoique beaucoup moins grosses dans le Dolium pomum que dans l'espèce précédente, opposent également un obstacle puissant à la sortie des Mollusques qui habitent cette coquille. Leur régularité et le poli émaillé de leur surface empêchent de considérer ces tubérosilés comme le ré- sultat d’une maladie, quelque funestes qu'elles puissent être pour les Mollusques qui en définitive les produisent. Le grand nombre d'espèces fluviatiles, réunies dans les collee- lions de M. Oscard Rolland du Roquan, nous a permis d'observer de nombreux exemples d'allérations que nous n'avons pas pu si- gnaler, faute de les avoir eus à notre portée. Ainsi le genre Glau- conome des fleuves de la Chine, et qui appartient aux Mollusques lamellibranches, nous a offert les excoriations les plus profondes (1) Voyez l'ouvrage de Reeve que nous avons déjà cité, pl. LV, fig. 4 el 2. 260 M. DE SERRES. etles plus complètes parmi celles que nous avons vues jusqu'à pré- sent. Il en est de même du Wycelopus soleniformia de d'Orbigny qui vit dans le fleuve de Rio-Piray dans la Bolivie, genre voisin des Unio et des Anodonta. L'Unio spinosus de l'Ohio, espèce remarquable par la longueur et le nombre des épines dont elle est armée, offre cette particu- larilé d’être profondément excorite, ainsi que les épines qui cou - vrent une grande partie du test, particularité qui n'avait pas échappé à la sagacité de M. Say, auquel nous en devons la des- cription. Le Gouldia antiqua du Groenland, coquille bivalve, décrite par Gray, offre également ses deux valves rongées et dépourvues de presque tout vestige d'épiderme. Enfin de pareilles traces d'affec- tion morbide se sont montrées à nous chez une infinité de Gasté- ropodes des eaux douces, qui appartiennent aux régions les plus différentes. Nous n'en citerons que deux exemples, tant ils sont frappants. Une Mélanie de la Guyane a été tellement altérée, que non- seulement les premiers tours ont disparu, mais la presque totalité des faces de la spire dont il ne reste plus que le centre, Les mêmes faits se sont représentés chez deux autres espèces du même genre : l’une, désignée sous le nom de Mélanie petite par Philippe, vient de l'ile de Taïti; l’autre, de l'Amérique centrale, a été nommée Melania venicula par M. Morelet. Celte note et celles que nous avons publiées sur les altérations que les coquilles éprouvent pendant la vie des animaux qui les habitent sont si concluantes, qu'il semble que nous n'avons plus rien à ajouter. Îl reste cependant à savoir si les coquilles qui, au lieu d'être composées par le carbonate de chaux, le sont par le phosphate calcaire, offrent également des traces d'affections mor- bides. Ces espèces, parmi lesquelles nous citerons les Lingula anatina, sont formées non-seulement par une grande quantité de ce der- nier sel et fort peu du premier, et contiennent en outre à peu près la moitié de leur poids d’une matière organique azotée analogue à la substance cornée des écailles des Poissons. En définitive, il résulte des faits précédents que, si un grand SUR LES YEUX COMPOSÉS DES ARTHROPODES. 281 nombre d'habitations des Mollusques éprouvent, pendant la vie des animaux qui les ont construites, des modifications plus ou moins profondes par suite d’affections morbides, plusieurs de ces modifications dépendent uniquement des particularités de leur organisation. SUR LA MORPHOLOGIE DES YEUX COMPOSÉS CHEZ LES ARTHROPODES, Par le Dr Ed. CLAPARÈDE. (EXTRAIT) Pour compléter les travaux importants faits jusqu'ici sur l’histologie des yeux composés des insectes, l’auteur a entrepris d'étudier l’évolution de ces yeux. On sait que chez les insectes à métamorphoses complètes qui sont munis d’yeux composés, les larves sont ou aveugles ou pourvues seulement d’yeux simples. C’est donc aux nymphes qu’il faut s'adresser pour étudier la génèse des veux composés. L'auteur n’a pas tardé à reconnaitre que l’étude des yeux, durant leur formation, jette un jour inattendu sur leur composition histologique. En effet, dans l’origine, une foule d'éléments sont distincts et faciles à étu- dier, qui, plus tard, se soudent les uns aux autres et deviennent indis- tinets et impropres à l'étude. Chacune des divisions de l’œil qui corres- pond à une facette de la cornée est formée par un certain nombre de ceilules parfaitement définies, dont le plus grand nombre sont disposées quatre par quatre. Ainsi, chez le Paon de jour (Vanessa Jo), par exemple, on comple dix-sept cellules, dont seize groupées par quatre. Ces cellules sont disposées de la manière suivante; quatre forment une masse globu- leuse, aplatie dans sa partie supérieure, qui est adhérente à la cornée. Ce sont ses quatre cellules qui sécrètent la facette correspondante de la cornée, facelte qui se trouve être, comme toutes les membranes de chi- line, une production extra cellulaire. Les quatre nucléus de ces cellules sont encore faciles à reconnaître chez l'adulte, où ils sont adhérents à la cornée. Chacune de ces cellules sécrète dans son intérieur un globule très réfringent, qui n’est que le rudiment d’un quart du corps cristallin. En effet, ce corps unique chez l'adulte est toujours (chez tous les insectes et crustacés) composé dans l’origine de quatre parties distinctes qui se soudent plus lard. Après ces quatre premières cellules en viennent quatre autres, formant une masse pyriforme. Cest le rudiment du bâton ner- 382 ED, CLAPARÈDE, — SUR LES YEUX COMPOSÉS. veux, qui atteindra plus tard des dimensions bien plus considérables, à une époque où il ne sera plus possible de reconnaître les quatre cellules qui le constituent, bien que sa génèse aux dépens de ces quatre cellules reste indiquée par la forme prismatique à quatre pans qu'il offre chez l'adulte. La pointe de la masse pyriforme repose sur une grosse cellule impaire, que l’auteur appelle la cellule fondamentale (Grundzelle), parce qu'elle forme le fond de l’œil proprement dit. Cette cellule elle-même se trouve placée à l'extrémité d’un filet nerveux provenant du ganglion op- tique. Ces neuf cellules forment l'axe de l'élément optique répondant à une seule facette. Les huit autres sont destinées à devenir plus tard sa tunique d’enveloppe. Quatre d’entre elles sont logées dans l’étranglement qui sépare la masse dans laquelle se forment les quatre parties du cristallin du corps pyriforme placé au-dessous, et les quatre autres sont placées dans l’étranglement qui sépare ce corps pyriforme de la cellule fonda- mentale. Les premières se remplissent toujours durant l’évolution d'un pigment, dont la couleur est, dans bien des espèces, différente de celle du pigment qui se dépose simultanément dans le haut du bâton nerveux. Quelquefois, le nombre des cellulesqui constituent l'élément optique est beaucoup plus considérable, mais alors cette multiplication porte exclusi- vement sur les cellules d’enveloppe. C’est ce qui arrive par exemple chez l'Aeschna grandis, où les cellules d'enveloppes proprement dites sont portées de quatre à trente-deux, et où les cellules de pigment sont aussi très mullipliées. Au point de vue physiologique, l’auteur montre que la théorie de la vision chez les arthropodes, telle que Müller l’a établie, n’est pas sou- tenable, quelque ingénieuse du reste ju’elle soit. En effet, si cette théo- rie élait fondée, les insectes qui n'ont qu'un pelit nombre de facettes à la cornée, comme les fourmis qui n’en ont que cinquante, seraient tola- lement incapables de percevoir des images. Mème ceux qui en ont le plus seraient extrêmement myopes, et M. Claparède calcule qu’une abeille se- rait incapable de discerner l'ouverture de sa ruche à distance de peu de pieds. Or, chacun sait que la vue de l'abeille est bien plus longue que cela. En somme, l’auteur conelut que chaque élément répondant à une facette doit être considéré comme un œil complet. Mais il est clair qu'alors le principe des points identiques ne subsiste plus pour ces yeux-là, et qu'il faut supposer chez l'animal le pouvoir d’objectiver les impressions dans la direction des rayons qui viennent frapper chaque facette. (Biblioth. univ. de Genève, série 2, &. VIII.) FIN DU DOUZIÈME VOLUME, TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. ANIMAUX VERTÉBRÉS. ‘su sur la structure intime du cerveau et de la moelle épinière, par . le docteur Jacunowirscm. . . ON lt demie 15 v07 89 rt sur la veine porte rénale, par st. S. Jourpain. . . 4134, 321 Recberches sur l'anatomie comparée des organes de lu génération chez les animaux vertébrés, par MM. C. Vocr et ParPengeIn (suite). 100 Note sur la coloration des os du fœtus par l'action de la garance, mélée à la nourriture de la mère, par M. FLourexs. + AT) MATRES Recherches sur la mesure du volume des poumons de l'difine, par M. Gréuanr. 370 ANIMAUX INVERTÉBRÉS. Description d'un fœtus monstrueux devant former un genre à part sous le nom de Pseudocéphale, par MM. Desonmeaux et Pau Gervais. 90 Mémoire sur la Pourpre, par M. H. Lacaze-Durmiers, , . . . , 5 Mémoire sur le système nerveux de l'Haliotide, par M. H. Lacaze-Du- THIERS ET al = ne), . 97 Note sur les modifications que les coquilles net et qui ne dépendent d’aucune affection morbide, par M. Marcel pe Serres LS Études et considérations générales sur la Parthénogénèse, par M. Barraé- NU corne 7 2 307 Sur les yeux composés chez les Arthropodes, par M. Ed. CLararëne. 381 Observation sur la décomposition spontanée des Polypes d’eau douce, par ER NL 306 Table des articles contenus dans ce volume. 383 Table des matières par noms d'auteurs 5 . 384 "| TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Planche 1. Organes sécréteurs de la Pourpre. — 2et 3. Organes génilaux des Poissons. — 4, 5.6, 7, 8. Système de la veine porte rénale, _— 9, 10, 11. Système nerveux de l'Haliotide, TABLE DES MATIÈRES PAR Banruécemy.— Études et considé- rations sur la Parlhénogenèse Cuaranène (Ed.) — Sur les yeux composés chez les Arthropo- des ; 5 Désonmeaux et Genvars. — Des- criplion d'un fœtus monstrueux devant former un genre à part sous le nom de Pseudocéphale. FLounexs. — Note sur la colora- tion des os du fœtus par l'ac- tion de la garance, mêlée à la nourriture de la mère. Gervais (voy. Désormeaux). Gréuaxr. — Recherches sur la mesure des poumons de l'hom- 1 CS ARE ES Jacusowrrseu. — Études sur la structure intime du cerveau el de la moelle épinière . NOMS D'AUTEURS. 307 381 90 245 370 189 nat JAGER. Observations sur la décomposition spontanée des Polypes d'eau douce. . 306 Jourpan, — Recherches sur la veine porte rénale. 134,321 M. Lacaze-Durmiers. — Mémoire sur la Pourpre. 5 — Mémoire sur le système 1 ner- veux de l'Haliotide, 127 PaprenHei (voy. Vocr). Serres (Marcel pe). — Note sur les modifications que les co- quilles éprouvent et qui ne dépendent d'aucune affection morbide . 377 Vocr et PAPPENHEIM. — Recher- ches sur l'anatomie comparée des organes de la génération chez les animaux vertébrés. 4100 FIN DE LA TABLE. - x FA 2 » £ ns . _ . : : s … < x SI # m} NA ‘s L cr Æool, Tome1sz. #1 #4 (1 LA ‘a LD eut nat. dd Annedouche sc Organe sércteur de la lourpre. Ne fléemanl. tone ee Miutle-Hstropaste, 16. Harës Ann des Seine. rat. Série Organes génitaux des lorssons - Lhément ims.r. Malla-L'stranude. 15 Lars nn Zool. Tome 12 J'ébin se des Ll’oëssons gertlaut Organes . h À ? F t 4 4 Le (1 , L : " # D... a — Zovt. Tome re. PL 4. Ann.der Seienc. nat. 4" Jerte- RE JS Jourdain sd nat. del Annedeuche re Systeme de la vetne porte renale . NRémond imp. r Viilla-Atrapasde 15. fer | L . L D Tome 12. PL. 5 Zoot. Ann.des Science. nat. 4° Série . Ada ouaæ se EF) ee ST on Sn : Annedtouche re curdaun sf nat dal. Système de la ovine porte rénale. # fémand dpi r Melle-Æstrapute. 14. luris Zool. Tome 12, PL C Ann das Sono. nat. 4° Serie. TEE Ca À Ni = es | PLAN 1 L) ol nat. do. Jyslème de la veine porte renale. Ne émandt cup. r Vieille Linge. 15 Lente Ann. des Suene. nat. "rie. Zool. Tome us. LU Annatouch Jyréeme de la peine porte renale. Ne émet impr Violle-Artrsprade 15) l'arr. - M | . Re EE. + Ann des Seiene. nat, 4 Série. Zoot. Tome 12, LE 8. Annetoushe se. d'Jourdain ad nat. del . Jyvteme de la veine porte rénale . # Léman tmp. r. Ville - Etrpaie 15 Lüris. « Le L TU e PRET f De a Le 2 QUE : LE (| \ : ” ' = - ; + h ' : ; . x L Le LE C , * Zoot Fome te Pl y Ann. des Sens. nat. 4° Jérée nerveux de l'Haliotide J'ysteme N Aémani de l'Haliotide LCI D CEE Système PA | NE CE 1] v F | } à ) . Anne Jerenc.neé. géré Zovl. Torrèis ZE. | LL. D. ad nat. del. Annédouche se J'yvlène e nerveux de l'Hultotide. Fée np er. Ficélhe-Ærlmguute. 13 Lirir A | | [l Y | v ; VAT 7 fl RARE HR